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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le jeudi 14 septembre 2000 - Vol. 36 N° 78

Consultation générale sur le projet de loi n° 136 - Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Auditions

Autres intervenants

 
Mme Denise Carrier-Perreault, présidente
M. Guy Lelièvre, président suppléant
M. Jacques Côté, président suppléant
M. Jacques Brassard
Mme Nathalie Normandeau
M. Benoît Laprise
M. Robert Benoit
M. Stéphane Bédard
M. Rémy Désilets
* M. Denis Asselin, Syndicat des produits forestiers Donohue, secteur Saint-Prime
* M. Yves Gervais, idem
* M. Alain Girard, idem
* M. Réginald Tremblay, FOGC
* M. Alain Marcoux, idem
* M. Gilles Maisonneuve, idem
* M. Vincent Caron, idem
* Mme Isabelle Reny, Regroupement des associations forestières régionales du Québec
* Mme Diane Bouchard, idem
* M. René Charest, idem
* M. Daniel Archambault, idem
* M. Réjean Gagnon, Laboratoire d'écologie et de physiologie végétale de l'Université du Québec
à Chicoutimi et consortium de recherche en forêt boréale
* M. Sylvain Cloutier, Laboratoire d'écologie et de physiologie végétale de l'Université du Québec
à Chicoutimi
* M. Hubert Morin, idem
* M. Daniel Lord, idem
* M. Michel Ritchie, Foresterie Saint-Donat inc.
* M. Serge Lalande, idem
* Mme Caroline Gosselin, idem
* M. Rénald Desharnais, SPGQ
* Mme Claire Picard, idem
* Mme Carole Roberge, idem
* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

heures trente-neuf minutes)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): La commission de l'économie et du travail va donc reprendre ses travaux. Je vous rappelle que nous sommes réunis pour poursuivre la consultation générale sur le projet de loi n° 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives.

Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Benoit (Orford) remplace M. Gobé (LaFontaine) et M. Côté (Dubuc) remplace Mme Blanchet (Crémazie).

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Alors, ce matin, nous avons donc, pour l'avant-midi, trois groupes à rencontrer. Cet après-midi, nous en aurons quatre. Donc, sept groupes, en tout, qui viendront échanger avec nous aujourd'hui.

Auditions

Je demanderais donc au premier groupe, qui est le Syndicat des produits forestiers Donohue, secteur Saint-Prime, de bien vouloir s'approcher, s'il vous plaît. Alors, M. Asselin, je crois?

Une voix: Pardon?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Asselin.

Une voix: Ici, à ma droite.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Alors, M. Asselin, si vous voulez bien nous présenter les personnes qui vous accompagnent avant de nous exposer votre mémoire. Je veux juste vous rappeler que vous avez 20 minutes pour faire votre exposé. Par la suite, il y aura période de questions et échanges avec les membres de la commission.

Syndicat des produits forestiers
Donohue, secteur Saint-Prime

M. Asselin (Denis): Mon nom est Denis Asselin, président du Syndicat des travailleurs de Donohue, Saint-Prime. M. Alain Girard, vice-président. M. Yves Gervais va faire notre exposé.

M. Gervais (Yves): Je vous remercie, Mme la Présidente. Après entente...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'est M. Gervais?

n(9 h 40)n

M. Gervais (Yves): Yves Gervais, oui. Je suis avocat pour la CSD. Je suis à titre de personne-ressource pour le Syndicat afin de présenter l'exposé écrit. Je voudrais préciser, M. le ministre, ainsi que les députés du gouvernement et de l'opposition, ainsi que tous les autres, messieurs et madame, qui assistez à cette consultation générale, qu'ici il s'agit d'un exposé écrit, ce n'est pas un mémoire technique ou scientifique. En fait, ce qu'on a pris, c'est que c'est un résumé des travailleurs et travailleuses, de leurs craintes, de leur vision.

Dans l'ensemble, les objectifs, là, on va vous les lire, madame, c'est qu'on est favorables, je pense, à une révision de la loi. Et en ce qui a trait, aussi, au document qui a été déposé par le ministère, qu'on a consulté, dans l'ensemble, je pense qu'une telle révision a sa place. On va vous lire le mémoire puis on va vous expliquer le plus succinctement possible, je pense, les données que nous avons mises et les paramètres de notre mémoire, ainsi que la proposition finale que nous allons proposer, à ce moment-là, à cette honorable commission.

Est-ce qu'on peut...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, vous pouvez procéder.

M. Gervais (Yves): Oui. Merci, madame. Bon, nous avons envoyé l'exposé écrit, premièrement, à Mme Ford, puis on la remercie. Nous remercions la commission de l'économie et du travail de permettre au Syndicat des produits forestiers Donohue, secteur Saint-Prime, affilié à la CSD, de lui permettre d'expédier ce mémoire de réflexion et de se faire entendre dans le cadre de cette consultation publique.

Le régime actuel, découlant de l'adoption en 1986 de la Loi sur les forêts, a apporté une stabilité et une sécurité d'approvisionnement à long terme et une meilleure utilisation du bois récolté et une gestion plus efficace via le contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier aux titulaires de permis d'usine de transformation du bois. Ce rendement soutenu ? comme le ministère mentionne ? depuis 1986, comme on dit, c'est qu'il y a eu des nouvelles règles. Ces règles-là ont apporté quand même une stabilité aux entreprises.

Grâce au régime forestier actuel, les plans généraux et quinquennaux d'aménagement forestier des détenteurs de contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier, soit les usines de transformation qui font des CAAF, prennent mieux en compte les besoins des municipalités régionales de comté et de la population. Les compagnies forestières doivent tenir compte et tenter, avec l'ensemble des communautés et agents socioéconomiques, avant d'intervenir en forêt, de s'entendre sur les travaux d'aménagement et de sauvegarder les écosystèmes de notre patrimoine collectif. En fait, l'objectif, le but du régime actuel était de tendre vers cela. Il y a eu des lacunes dans le passé, puis je pense que la mise à jour du régime forestier intervient et essaie, dans la mesure du possible, d'apporter des solutions ou du moins des objectifs à atteindre. Le bilan d'application du régime forestier ? à la page 2 ? est sans contredit très positif pour l'aménagement des forêts publiques.

Le régime forestier n'a pas qu'entraîné des améliorations. Les dispositions qu'il contient, à savoir le régime actuel, la façon de gérer du ministère et les pratiques des industriels ? on vous parle plus particulièrement des compagnies forestières ? laissent également entrevoir des lacunes. Il s'avère en effet que les volumes de bois qui ne sont pas attribués sur les territoires faisant l'objet de CAAF, de contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier, ne peuvent être cédés qu'à ceux qui possèdent une usine de transformation. En vertu des règles en vigueur, ces volumes ne peuvent pas être utilisés pour combler d'autres besoins qui, de surcroît, sont de plus en plus nombreux et diversifiés.

Ce qu'on dit actuellement, c'est qu'il y a eu un régime de fait, il y a une évolution. Comme le ministre mentionne dans ses notes, dans son allocution, on mentionne qu'il y a eu une évolution, puis, dans cette évolution-là, on s'aperçoit que seules les usines de transformation ont des volumes de bois attribués. Donc, le projet de loi n° 136 permet, au deuxième paragraphe, à ce moment-là, de peut-être élargir l'attribution de volumes de bois. Il est proposé dans le projet de loi n° 136 de modifier cela en ajoutant un nouveau mode d'attribution des volumes de bois dans les forêts du domaine de l'État.

Le contrat d'aménagement forestier. Ce contrat permettra à des entreprises, qui ne détiennent pas de permis d'exploitation d'une usine de transformation du bois, de récolter des volumes de bois qui seront attribués par le ministre par période en tenant compte du volume résiduel de bois dans les forêts de l'État québécois.

C'est important. Ça n'existait pas à l'époque ou dans le régime actuel. Ça peut être des communautés locales dans la limite nord qui est mentionnée, ça peut être d'autres industriels, d'autres entrepreneurs des régions forestières ou qui viennent de l'extérieur de la région, à ce moment-là, demander un volume de bois.

Ce qu'on dit, nous autres, ici, en résumé ? il faut préciser qu'on essaie de résumer le plus possible ? c'est que, je pense, le ministre doit, en tenant compte de l'état de la forêt actuelle, à savoir le volume résiduel de bois, permettre cette façon de faire. Ce qui va un peu, comme on dit... On va y arriver plus tard. C'est que là ce n'est pas seulement les usines de transformation qui vont avoir des contrats d'aménagement, ça peut être d'autres entrepreneurs qui à ce moment-là... ça va élargir un peu la façon de faire du ministère et permettre, je pense, l'exploitation de la forêt par l'ensemble des citoyens corporatifs ou associés avec les citoyens.

De plus, lors de la révision du volume alloué dans un contrat, la mise à jour du régime forestier propose des critères sur l'approvisionnement et des règles d'exploitation, de protection, de planification des activités d'exploitation et d'aménagement forestier.

En fait, ce qu'on a fait ici, monsieur, madame, c'est qu'on a résumé un peu les points saillants de la réforme. En fait, il ressort des points saillants du document d'information sur la mise à jour du régime forestier contenu dans le projet de loi modifiant la Loi sur les forêts, le projet de loi n° 136, ce qui suit, à savoir:

De réviser les volumes attribués au moment de leur prolongation par le ministre en tenant compte des critères prévus à la loi. C'est que je pense que le régime prévoit des balises, des critères, des objectifs en fonction de l'analyse globale que le ministère est en train de faire. Je pense que le ministre, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, va évaluer le tout en fonction des balises qui sont claires. De la manière qu'on le lit, elles sont claires. Il y a des décisions à prendre dans l'avenir. Je pense qu'on doit regarder ce qu'on a fait dans le passé pour voir si... S'il y a des choses de bonnes, on les garde; s'il y a des choses à améliorer, on les améliore; ou des choses à changer, on les change. Je pense qu'on doit se regarder, comme toute personne, toute corporation ou tout syndicat, puis dire: On doit s'améliorer dans le temps. En fait, on la voit comme ça, nous autres, la réforme. Bon, de réviser les volumes attribués.

De tenir compte de l'utilisation optimale du bois de chaque bénéficiaire de contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier. Donc, on doit dire que l'utilisation optimale de bois, il y a une ressource qui appartient à tous les citoyens puis cette ressource-là doit être à ce moment-là optimalisée, maximisée. Si c'est une usine de transformation, elle doit à ce moment-là maximiser les volumes qu'elle va chercher dans la forêt.

De la performance commune des bénéficiaires de contrats dans une unité d'aménagement donnée, à savoir si c'est des bons citoyens corporatifs qui suivent les règles.

De l'impact sur l'activité économique. C'est important, qu'est-ce qui va arriver dans l'avenir dans les économies régionales où l'exploitation forestière est la base de l'économie, comme au Saguenay?Lac-Saint-Jean, surtout au Lac-Saint-Jean où l'économie est moins diversifiée qu'au Saguenay.

D'une baisse des attributions par la révision de la possibilité forestière.

De ne prévoir aucune augmentation des volumes attribués aux bénéficiaires de contrats dont les performances environnementales ou forestières laissent à désirer, et ce, en raison de la gravité de tels manquements. Je pense que c'est un point très important. Le ministère va être rigoureux, et on s'en félicite. À ce moment-là, c'est important que le ministère s'ingère dans la gestion des usines de transformation. Quand il coupe en forêt, s'il y a manquement, je pense que ce n'est pas un bon citoyen corporatif, qu'il ne suit pas les règles, puis il doit être sanctionné. C'est ça qu'on dit.

De prévoir que le ministre pourra surseoir à cette réduction en fonction d'un programme correcteur. Comme on dit, le ministre laisse une chance, on laisse une chance à tout le monde, sauf s'il y a une contre-performance sur le plan industriel, environnemental ou forestier. Mais il va y avoir des plans correcteurs puis il va y avoir un suivi. On voit ça comme ça, nous autres.

D'abolir le processus d'arbitrage. Ça, ça ne nous concerne pas en tant que tel, ça concerne ceux qui reçoivent des volumes attribués. Anciennement, il y avait une procédure d'arbitrage. Maintenant, il y a recours civil au tribunal de droit commun, ils ont ça. Je pense que, d'après notre analyse, c'est sûr que, le processus d'arbitrage, on favorise ça dans tous les secteurs, en ce qui a trait aux lois sociales surtout, parce que c'est plus rapide, un tribunal administratif spécialisé est plus rapide qu'un tribunal de droit commun. Ça ne veut pas dire que les juges de droit commun ne sont pas valables, même ils sont excellents, mais ça peut être plus long. C'est tout. On n'a pas d'autre opinion là-dessus.

n(9 h 50)n

De permettre à un bénéficiaire de s'acquitter de ses obligations. Bien, premièrement, on va permettre à quelqu'un qui a bénéficié des volumes... je pense qu'on va lui donner des facteurs, on va lui donner des chances, mais il faut qu'il s'acquitte de ses obligations, de ses devoirs.

En plus de ces balises, le ministère des Ressources naturelles propose, entre autres, d'uniformiser les règles de gestion, de tenir compte des populations autochtones et de leurs activités ou rites ancestraux, de classer certains territoires comme des écosystèmes à protéger, de fixer une limite territoriale du Nord ? milieux nordiques ? s'appliquant à la portion nord du Québec, entre le 51e et le 52e parallèle de latitude nord, qui a comme conséquence que nul contrat d'aménagement sera attribué sauf si le ministre décide d'accorder des conventions d'aménagement dans le seul but de répondre aux besoins des communautés locales. Encore là, c'est un pouvoir discrétionnaire qui est alloué au ministre, qui va avoir, je pense, dans le cadre d'un examen global, à évaluer la situation.

D'après nous, personne ne peut être contre une telle mise à jour du régime forestier actuel. Comme je vous le disais, ne pas faire une telle révision du régime pourrait être interprété par les générations à venir comme un laxisme, une gestion inconséquente du ministère d'une de nos plus grandes ressources naturelles. En fait, quand on lit ça d'une façon détendue, sans préjugés, nous autres, on s'est dit, le mot d'ordre de cette réforme, c'est agir. Parce qu'on a regardé depuis 15 ans ce qu'on a fait puis on doit intervenir.

Par contre, pour atteindre ces objectifs, le ministère des Ressources naturelles devra prendre des décisions en fonction des balises et des règles proposées qui sont incluses. Elles sont proposées ici dans le document d'information et dans le projet de loi bien sûr. Pour sauvegarder la ressource et l'activité économique actuelle et future, le gouvernement du Québec, après étude et appréciation des possibilités forestières, devra établir un processus décisionnel.

Afin d'être conséquent, le gouvernement aura à décider, via le ministre responsable, d'attribuer ou pas de nouveaux volumes de bois, de diminuer les volumes aux bénéficiaires pour respecter les balises et règles émises dans la présente réforme. Si on est conséquent, si on met des objectifs à atteindre et des prémisses de départ, on doit les respecter quand on prend une décision.

Nous sommes d'avis que cette réponse aura un impact sur les emplois actuels et futurs dans les régions du Québec où la ressource forestière est exploitée, par exemple le Lac-Saint-Jean. Ça peut être aussi d'autres régions comme l'Abitibi, la Haute-Mauricie, la Côte-Nord, le Bas-du-Fleuve.

Nous sommes d'avis qu'en ce qui concerne l'attribution de nouveaux volumes de bois, à savoir un nouveau CAAF ou contrat, il y aurait lieu de favoriser d'abord la consolidation des usines existantes compte tenu que la majorité des usines actuelles de transformation du bois n'opèrent pas à pleine capacité. De cette façon, une stabilité opérationnelle et une augmentation de volumes de bois fera en sorte de créer des emplois de qualité.

Ici, ce qu'on dit, c'est qu'il y a des scieries qui manquent d'approvisionnement. On vous précise que, quand on attribue un volume de bois, c'est par 1 000 m³. Si on attribue 100 000 m³ à une usine de transformation, ça crée environ, bon an mal an, 90 à 100 emplois directs et indirects. N'oublions pas que la scierie, c'est, comme on dit, l'usine dernière où est-ce que la ressource naturelle arrive. Il y a la coupe de bois, il y a le transport, il y a l'expédition, il y a les travailleurs dans l'usine. Puis quand on parle d'emplois de qualité, ici, on réfère aux conditions de travail, aux salaires et conditions de travail qui ont été négociés depuis longue date par les syndicats.

Par contre, l'idée ou la proposition de céder une partie de ces volumes pour combler d'autres besoins permettrait d'apporter une valeur ajoutée à la matière première récoltée. Je pense que c'est une avenue. On parle de la deuxième transformation. M. le préfet de la MRC du Domaine-du-Roy en a discuté hier ? c'est le maire de Saint-Prime, en passant. À ce moment-là, c'est une avenue possible qu'on doit analyser. Cependant, et pour ce faire, les intervenants ? MRC, organismes locaux et régionaux ? devront avoir les ressources humaines et financières pour gérer et consulter adéquatement le public, les entreprises et les institutions d'enseignement, pour atteindre les objectifs souhaités par la réforme ? c'est-à-dire dans la préparation des plans d'aménagement ou pour informer et vulgariser aux citoyens les nouvelles normes de protection du milieu et d'activité d'aménagement forestier.

Ce qu'on dit, nous autres, c'est que les MRC doivent être mises à contribution. Dans la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean, on a l'Université du Québec à Chicoutimi, et je pense que cette université peut être mise à contribution avec les cégeps pour former peut-être des emplois, de la main-d'oeuvre qualifiée, comme en sylviculture par exemple. En fait, c'est de mettre à contribution les MRC afin de superviser le processus d'élaboration des plans d'aménagement forestier. Peut-être bien les associer à ça. C'est une façon de faire pour, à ce moment-là, se rapprocher, en fait, des citoyens. Et le gouvernement du Québec... Oh, cinq minutes, madame! À ce moment-là, ce qu'on dit, c'est que les organismes locaux, régionaux et les MRC doivent s'associer à cette réforme pour en arriver à appliquer cette politique.

Nous croyons que cela est valable en autant que les bénéficiaires d'un contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier conservent leurs acquis, ce qui leur permettrait d'optimaliser la ressource, la production, tout en créant de nouveaux emplois. Ici, on précise, à la page 5, que, bon an mal an, selon les informations obtenues par l'Association des manufacturiers du bois de sciage du Québec, 70 % des fonds qu'ils ont faits ont servi, depuis environ une dizaine d'années, à des investissements ou à de la modernisation afin d'être plus compétitif sur le marché. Ce qu'on vous dit, c'est qu'une modification à la baisse des volumes de bois attribués, une augmentation des droits de coupe ? c'est sûr que les droits de coupe sont associés surtout, je pense, à des programmes de recherche et tout ça ? affecteront à coup sûr cette sécurité et, par conséquent, auront un impact sur le niveau de l'emploi actuel.

Quant à revoir l'étalement du CAAF non utilisé au cours d'une année, il est bienvenu que la réglementation puisse être revue en termes d'objectifs à atteindre, de mesures administratives assouplies de façon à permettre l'application de solutions adaptées aux différentes conditions de terrain ou du contexte où l'industrie n'a aucun contrôle.

Par conséquent, la réforme du régime forestier est l'occasion de revoir son cadre réglementaire et ses processus administratifs. Une réforme, après plus de 15 ans d'existence, a sa place, mais il ne faut pas oublier les impacts à long terme sur les économies des régions. Pour ce faire, nous proposons que la réforme prévoie que les volumes de bois attribués soient rattachés aux emplois et aux usines de transformation.

Est-ce que je suis dans le temps?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il vous reste à peu près quatre minutes.

M. Gervais (Yves): Parfait. Afin de peut-être vous expliquer, avant la période de questions, Mme la Présidente, on voudrait vous dire, ici, que, quand on discute que les normes soient assouplies et de permettre l'application de solutions adaptées aux différentes conditions de terrain, on mentionne ici que c'est quand il y a une coupe de bois sur les terrains, en tant que telle, on parle des sortes de coupes. Ça dépend aussi si le terrain est escarpé, il y a des montagnes ou tout ça, là. Ça veut dire qu'il peut y avoir des coupes à blanc, des coupes sélectives, des coupes mosaïques, comme le professeur Bélanger de l'Université Laval prône depuis plusieurs années. C'est ça qu'on veut dire. Les mesures administratives devraient peut-être permettre, tout dépendant du secteur de la forêt, des coupes différentes afin de maximiser, à ce moment-là, et de protéger les ressources.

En ce qui a trait à notre proposition que les volumes de bois attribués soient rattachés aux emplois et aux usines de transformation, je pense que, la réforme, on vous demande... Quand vous allez attribuer ou maintenir un volume d'attribution, un volume de bois qui est attribué à une usine de transformation, il va falloir que, les usines de transformation, ce soit conditionnel au maintien des emplois ou, un tant soit peu, à la création d'emplois. Merci, madame.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Gervais. Nous allons pouvoir poursuivre les échanges avec vous, M. le ministre.

M. Brassard: Merci, M. Gervais. Mes salutations également à M. Asselin et M. Girard du Syndicat des produits forestiers Donohue, de Saint-Prime, dans la circonscription de mon collègue de Roberval.

n(10 heures)n

Évidemment, ces inquiétudes que vous exprimez, j'ai déjà eu l'occasion d'en prendre connaissance, et ça découle d'un souci bien légitime de préserver, de consolider, de renforcer des emplois dans une communauté. C'est pour ça que vous nous demandez de privilégier, lorsqu'il y a des volumes disponibles, la consolidation des entreprises ou des industries existantes avant de penser à les attribuer pour des projets nouveaux. Je pense que c'est ça, votre orientation. C'est une orientation, je pense, qui se justifie en un certain sens, mais je comprends bien aussi, cependant, que votre recommandation suppose que l'entreprise dont on consoliderait les activités respecte par ailleurs les objectifs et fait preuve d'une performance acceptable, conformément aux normes et surtout relativement aux objectifs que nous voulons introduire dans la loi, entre autres la performance environnementale, la performance forestière et aussi la performance industrielle. Il faut que tout ça soit d'abord respecté pour qu'on puisse envisager une consolidation s'il y a des volumes disponibles.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gervais.

M. Gervais (Yves): Excusez.

M. Brassard: Oui.

M. Gervais (Yves): Oui, est-ce que je peux répondre?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Je vous donnais justement la parole.

M. Gervais (Yves): Merci, Mme la Présidente. Excusez-moi, nous ne sommes pas habitués.

M. Brassard: ...du Journal des débats...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est ça.

M. Brassard: ...pour être bien sûr que c'est vous qui parlez.

M. Gervais (Yves): Bon, bien, je vous remercie, M. le ministre, de votre... En fait, vous avez très bien résumé ce qu'on veut. En fait, on parle de consultation. Ce qu'on dit, nous autres, dans notre proposition, en fait, là, c'est que dans le passé les usines de transformation ont obtenu des volumes de bois additionnels. Ils faisaient des demandes. S'ils respectaient le contrat d'approvisionnement et qu'ils avaient été des bons citoyens corporatifs, comme on dit, en tenant compte du régime actuel, des objectifs qui étaient à atteindre puis, comme on dit, ils vendaient leur salade, ils obtenaient un volume supplémentaire. Sauf qu'on s'est aperçu, nous autres, puis selon les travailleurs, que, même s'ils obtiennent des fois des CAAF de plus, un volume de 100 000 m³, un exemple, ça ne crée pas de nouveaux emplois, même ça crée une perte d'emplois. Nous autres, ce qu'on dit, c'est que d'habitude, quand ils ont... afin de maximiser le profit, à ce moment-là, ils modernisent. À ce moment-là, avec une machine plus performante, avec un volume additionnel, ils ont besoin de moins de monde.

Sauf ce qu'on dit, nous autres, afin que tout le monde puisse en profiter ici... Je pense que c'est les citoyens qui gagnent leur vie à partir des ressources naturelles comme la forêt... Premièrement, on a dans la tête que, comme citoyens, on doit agir en bons pères de famille, on doit garder notre forêt, on doit la sauvegarder, on doit en prendre soin afin que la pérennité de la forêt, là, se retrouve dans les générations à venir, afin que cette forêt-là soit là encore dans 30 ans, 40 ans. Ce qu'on dit, par exemple, c'est que, à ce moment-là, après étude et appréciation que votre ministère va faire, si vous donnez des volumes supplémentaires, il faudrait peut-être qu'il y ait une consultation. S'il est un bon citoyen corporatif, qu'il a suivi les règles, on devrait peut-être le consulter avant de donner un volume supplémentaire. Ce qu'on dit, ça doit... Les volumes supplémentaires que vous allez donner, ça va être des volumes importants, parce qu'on sait qu'environ 30 000 000 m³, M. Girard...

Une voix: ...

M. Gervais (Yves): ...sont disponibles, il y a environ 26 millions qui sont partagés. Donc, les millions de mètres cubes actuels qui sont encore disponibles, comme on dit, doivent être vraiment attribués d'une façon très restrictive. Et, on peut faire des parcs, on doit protéger les forêts qui sont plus fragiles, limite nord, tout ça. Ça, on n'est pas en désaccord avec ça, on est même favorables. On doit tenir compte de l'ensemble des citoyens, autant les autochtones que les citoyens du Lac-Saint-Jean. Ce qu'on dit, c'est que je pense qu'on doit au moins... que ce soit conditionnel au maintien de l'emploi.

On parle de stabilité opérationnelle, oui, mais avec maintien de l'emploi et non pas stabilité opérationnelle en fonction d'un emploi moindre. C'est ça qu'on veut dire. Ce qu'on veut, nous autres, c'est qu'on doit maximiser ce qu'on a puis faire plus avec moins, dans le fond. Si on maximise ce qu'on a au Lac-Saint-Jean ou dans les autres régions où l'économie est basée sur les ressources naturelles, à savoir la forêt, à ce moment-là les usines existantes, on doit les faire fonctionner à plein régime, si on est capables, selon les volumes de bois résiduel, M. le ministre, bien sûr, sauf que, si on peut faire plus, peut-être avec une recherche exhaustive sur la deuxième transformation, troisième transformation pour la création d'emplois, bien, ça serait... on ne dit pas mieux, nous autres, dans la région. On ne dit pas mieux, parce que l'économie va aller en progressant. Si l'économie va bien, les jeunes restent dans les régions. Ou, sinon, quand l'économie va mal, il y a un exode des régions. C'est ça qu'on dit, qu'il peut y avoir un impact sur les économies s'il y a des mises à pied à moyen terme. Je vous remercie, M. le ministre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, oui, M. le ministre.

M. Brassard: Hier, vous étiez là quand M. Généreux...

M. Gervais (Yves): Je n'étais pas présent, mais MM. Asselin et Girard étaient présents.

M. Brassard: Oui. Mais vous connaissez un peu leur position.

M. Gervais (Yves): Oui.

M. Brassard: On parle de volumes disponibles, mais vous savez bien aussi qu'ils ne sont pas d'une quantité illimitée, les volumes disponibles. Par conséquent, on peut dire, en gros, que les volumes de bois sont, à toutes fins pratiques, pleinement attribués. Dans une région comme la nôtre, il peut peut-être se dégager des disponibilités, mais ça va être relativement modeste. Donc, il faut... C'était le propos et le discours de la MRC Domaine-du-Roy, qui est votre MRC aussi ? Saint-Prime se retrouve dans cette MRC ? c'était de dire: Il faut privilégier désormais la deuxième et troisième transformation. C'est là qu'on peut créer des emplois puis produire de la richesse et de la valeur.

Pour ce faire, évidemment, on ne peut pas accorder des CAAF, comme on dit familièrement, à ces projets-là parce que le bois n'est pas disponible. Il faut donc qu'il y ait une concertation, une participation, une coopération des entreprises qui font de la première transformation et qui, elles, détiennent des CAAF. C'est le cas de Donohue, c'est le cas d'ACI, c'est le cas de... Puis, chez nous, ils faisaient remarquer évidemment que, quand on regarde le territoire forestier, depuis la fusion Donohue-ACI, ça fait une bonne partie du territoire qui est couverte. Alors donc, comme vous êtes dans une entreprise, comme travailleurs... dans une industrie qui appartient à ce groupe majeur, qu'on peut même dire dominant dans plusieurs régions du Québec, est-ce que vous êtes favorables avec cette approche de la MRC qui, en plus, disait qu'il faudrait prendre des décisions d'attribution ou de diminution, même, d'attribution de bois en fonction de la performance économique des entreprises?

Ce qu'on introduit, là, nous, c'est la performance industrielle, mais là le préfet, il allait pas mal plus loin, il parlait de performance économique, donc d'analyser qu'est-ce que ça veut dire en termes d'impact sur les emplois, et, si on juge que cette performance n'est pas convenable ou acceptable, ça pourrait se traduire, disait-il, par des baisses d'attribution. Est-ce que vous êtes d'accord avec une formule passablement coercitive comme celle-là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Girard.

M. Girard (Alain): Ce qu'il faut bien clarifier, c'est que, en ce qui concerne la deuxième et la troisième transformation, le projet semble très intéressant, mais ce qu'il faut comprendre, c'est que... Prenez un exemple. Les échantillons que M. Généreux vous a apportés hier, ils ne proviennent que d'une seule usine de transformation qui, elle, a été alimentée par des produits qui provenaient de Donohue. On l'alimentait déjà avec ça. Alors, à ce moment-là, lorsque M. Généreux dit qu'il va créer, exemple, 41 projets de demande pour la deuxième transformation, où est-ce qu'il va prendre tous ses résidus? À un moment donné, les usines, elles n'en auront pas assez. Puis ce qu'il faut comprendre aussi, c'est que ces usines-là, les grosses usines, elles, elles ont des papetières, elles ont des usines de pâtes. Elles ont besoin, comme vous dites, de leurs résidus pour faire des copeaux. Alors, qu'est-ce qu'on fait? On déménage le problème? On ralentit l'usine de pâtes et papiers pour créer de la deuxième et troisième transformation ou on fait un compromis entre les deux? C'est ça qu'il faut trouver.

Puis aussi, ce qui se produit, c'est que des usines de la grosseur de la nôtre... Je ne parle pas de Donohue au complet, là, je parle seulement de notre identité à nous autres. Nous autres, on a un petit volume de bois. Ce qui peut arriver dans le futur, c'est que, avec le nouveau régime, tout probable que la plupart des entités, le volume de bois va diminuer. Alors, ce qui peut se produire, c'est qu'une compagnie comme Donohue ou Abitibi-Consol peut se servir de notre volume pour combler des manques à combler dans leurs autres usines par soit un transfert de CAAF ou... Ça s'est déjà produit. On ne sait pas de quelle façon, mais, veux veux pas, ça va être inévitable qu'il va y avoir des pertes d'emplois. Ces pertes d'emplois là... à ce moment-là, ils vont se ramasser dans des usines de deuxième ou de troisième transformation avec des emplois plus précaires ou des revenus beaucoup moindres que ce qui existe actuellement dans les usines de première transformation.

n(10 h 10)n

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Brassard: Alors, ce que vous dites, au fond, là, c'est qu'il faut faire une analyse très fine et, en même temps, faire preuve de prudence pour bien prendre en compte tous les impacts. C'est complexe comme situation. Et, dans votre cas, vous alimentez une usine de deuxième transformation, donc il y a une coopération possible entre les usines de première transformation qui ont des CAAF et des projets de deuxième et troisième transformation. Vous en êtes la preuve si je comprends bien. Et, en même temps, il faut bien évaluer tous les impacts avant de prendre des décisions de cet ordre-là. Autrement dit, il y a peut-être 42 projets, là, dans la MRC Domaine-du-Roy, de deuxième et troisième transformation, mais ça ne signifie pas que ces 42 projets-là sont faisables et réalisables demain matin, là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Gervais.

M. Gervais (Yves): Peut-être pour ajouter, M. le ministre, en ce qui a trait à la performance économique discutée par le préfet de la MRC, nous ne sommes pas contre, parce qu'il faut être quand même, là, dans le cadre d'un régime. Quand une usine de première transformation a un volume supplémentaire de notre richesse naturelle, je pense qu'elle a des devoirs. Ils ont des droits, bien sûr, mais ils ont des devoirs. On doit à ce moment-là mettre des conditions, puis ces conditions-là doivent être quand même sévères. S'il respecte la loi, les objectifs du ministère puis, en plus, il crée de l'emploi, bien sûr, c'est un bon citoyen. S'il ne respecte pas une partie, comme on dit, du contrat, le ministère devra sévir. Puis, à ce moment-là, une consultation pourrait être faite pour associer peut-être les travailleurs, les travailleuses, les citoyens, les préfets, les maires, les députés.

M. Laprise ? je vous regarde ? le député Bédard, le député du Saguenay, à ce moment-là, pourraient être associés, à savoir à leur région, pour vérifier un tant soit peu ce que les compagnies de première transformation ont. Parce que, comme mon confrère Alain dit, c'est que dans l'avenir il va y avoir une dichotomie, il va y avoir un problème. On doit axer vers la deuxième transformation, mais l'usine de transformation va allouer des rebuts. Les rebuts, c'est comme des parties de deux-par-quatre qui manquent. Ils coupent, ça va au rejet. Ces rejets-là sont pris en deuxième transformation où est-ce qu'ils peuvent faire du bois jointé, des poutrelles, toutes sortes de choses. Sauf que ces rebuts-là, d'habitude ils vont aux copeaux, qui vont aux papeteries. Ce qui va arriver, c'est que s'ils n'ont pas de volume additionnel, est-ce qu'ils vont être capables de fournir l'ensemble des usines de deuxième transformation et, en même temps, leurs papeteries, puisque c'est des compagnies intégrées?

C'est un problème dont on vous fait mention. Ce n'est pas facile, c'est quand même très complexe. La problématique est là, nous autres, on vous dit... Parce que, au bout de la ligne, il faut que tout le monde gagne par rapport à cette réforme-là, puis on aimerait que les citoyens et les travailleurs, travailleuses qui gagnent leur vie, à ce moment-là, puissent regagner quelque chose au moins, au moins une certaine sécurité, à savoir que le gouvernement met des normes, met des conditions, puis, si la compagnie ne les respecte pas, à ce moment-là elle va être punie. En fait, c'est ça qu'on essaie de vous expliquer.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Gervais. Je céderais maintenant la parole à Mme la députée Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, MM. Asselin, Gervais et Girard. Merci beaucoup pour votre présentation. Vous avez raison de vous inquiéter, là, des impacts sur l'économie de nos régions, en particulier dans une municipalité comme Saint-Prime, compte tenu que l'économie locale semble être tournée beaucoup vers la forêt. La crainte que vous exprimez au niveau de l'attribution des nouveaux volumes et le fait que vous souhaiteriez que, avant d'attribuer des nouveaux volumes, on puisse consolider les usines de première transformation qui sont déjà existantes, ça, je vais vous dire qu'on l'a beaucoup entendu dans notre tournée, là. On a fait une tournée provinciale au cours du mois d'août, et c'est revenu constamment.

Et peut-être que ma question s'adresserait au président, M. Asselin, et à M. Girard, je souhaiterais peut-être que vous puissiez nous dresser très brièvement à quoi ressemble votre usine. C'est une usine de première transformation, combien d'employés? L'usine a été fondée à quel moment? Que vous puissiez nous parler un petit peu de votre usine peut-être comme telle, ça a l'air de quoi chez vous.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Asselin.

M. Asselin (Denis): Notre usine, présentement, vire à 39 employés. On est partis de 59?

Une voix: ...on était à 100.

M. Asselin (Denis): On était à 100 employés puis on est descendus à 59. Dernièrement, il y a eu des coupures de CAAF, ça a aboli 15 postes. Ça fait que, en quelque part, là, on est concernés par la réforme, parce que tôt ou tard, d'après Abitibi-Consol, puisqu'on a été acquis par Abitibi Consol, une usine en bas de 300 000 m³, ce n'est pas rentable d'après eux autres, là, ou plus ou moins rentable. Ça fait que, si en quelque part il n'y a pas une assurance du ministère que ces emplois-là vont être protégés, dans l'année, ce qu'ils nous réservent, on ne le sait pas. Ça fait que c'est bien embêtant. S'il n'y a pas, mettons, une intervention du ministère, est-ce qu'on va finir un jour par être déménagés ou bien tout simplement fermés? On ne le sait pas. Ça fait que les craintes qu'on a présentement, c'est que, avec la nouvelle réforme, on serve de monnaie d'échange pour pouvoir faire une seconde transformation. C'est ça, en gros, nos grandes craintes.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Bien. Les employés qui sont chez vous sont là depuis combien d'années en moyenne, 15 ans, 20 ans, 25 ans, 10 ans?

M. Girard (Alain): Présentement, les employés les plus jeunes sont à 18 ans d'ancienneté, et ça va jusqu'à 25 ans. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'une usine comme la nôtre, on détient quoi, 221 000 m³. Ajoutez-y, je ne sais pas, moi, 75 000 m³ de CAAF, puis automatiquement vous créez 15 emplois.

Mais, par contre, une usine qui va être avec un plus gros volume, exemple 400 000 m³, ajoutez-y 200 000 m³, l'usine est tellement moderne que, elle, elle n'aura pas plus d'emplois. Parce que celles qui sont vraiment sur le bord, qui sont en danger, c'est les petites usines qui restent de la grosseur de la nôtre, qui appartiennent à des grosses entreprises. C'est parce que, eux autres, ils vont concentrer leurs efforts sur les mégascieries.

Mme Normandeau: Dites-moi, pourquoi tout à l'heure vous faisiez référence à une diminution de volume que vous avez connue? Pourquoi on a diminué les volumes chez vous?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gervais.

M. Gervais (Yves): O.K. Ce que j'aimerais préciser, Mme la députée, c'est que c'est un contrat privé qui venait... c'est un achat de volumes suite à un contrat privé qui venait d'une forêt privée d'environ 90 000 m³.

Une voix: Soixante-quinze.

M. Gervais (Yves): 75 000 mètres? À ce moment-là, le contrat n'a pas été renouvelé, la compagnie est arrivée, a coupé les emplois. Ce qu'on sait, nous autres, c'est que la compagnie Abitibi-Consol Industries maintenant, qui était Donohue à l'époque, n'a pas fait de demande directe au ministre pour combler ce 75 000 m³, mais a fait des demandes pour l'autre usine, la mégascierie qui n'est pas loin, à La Doré.

C'est pour ça que les travailleurs de l'usine qui appartenait à une famille Lamontagne à l'époque, avait été achetée par Donohue... Maintenant, Donohue est achetée par la grosse industrie, Abitibi-Consol Industries. On s'est dit que, depuis l'achat, 1996, 1997...

Une voix: 1997.

M. Gervais (Yves): 1997. On part d'environ presque 100 individus, 100 travailleurs et travailleuses, on est rendus à 39. Puis la réserve de CAAF que cette usine-là a, c'est le manque à gagner dans deux ans que la mégascierie va manquer ou dans trois ou d'ici cinq ans. Là, ils l'ont, la réserve.

Nous autres, ce qu'on se dit, c'est que même si on attribue l'ensemble du CAAF de Saint-Prime à la mégascierie, comme M. Girard explique, on ne créera pas tellement plus d'emplois. Nous autres, si un minimum de CAAF attribué crée directement des emplois... C'est dans ce sens-là qu'on essaie de vous expliquer qu'on n'est pas seuls dans ce cas-là. Il y a des mégascieries, il y en a qui sont plus petites que nous autres, puis il y en a qui sont équivalentes à nous autres.

Les impacts dans les régions, c'est ça. Ce n'est pas toutes des mégascieries qu'il y a, tu as des petites, des moyennes et des grosses. À ce moment-là, l'impact du volume attribué sur l'emploi... je pense que, plus on est petit, plus que l'impact est grand. Plus qu'on est grand, plus que la scierie est grosse, à cause de la modernisation, de la machinerie, ça prend moins de personnes pour la faire fonctionner. C'est ça qu'on vous dit.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Je comprends parfaitement les appréhensions, les craintes des employés puis j'imagine, comme représentant syndical, évidemment, vous avez beaucoup de pression sur les épaules. De toute évidence, l'avenir est plutôt incertain selon le portrait que vous nous dressez ce matin. J'ai visité une mégascierie à Chute-aux-Outardes, là, qui appartenait à Donohue, qui est maintenant Abitibi-Consolidated, puis là effectivement on est à même de voir la différence entre ces mégascieries là et une entreprise comme la vôtre.

n(10 h 20)n

Ce matin, vous profitez de la commission parlementaire pour venir livrer aux membres de la commission un peu votre vision, mais en même temps c'est un peu un cri d'alarme que vous lancez. De quelle façon le ministre, le ministère des Ressources naturelles pourraient intervenir pour justement sécuriser vos emplois? Parce qu'il semble y avoir un peu un dilemme dans la situation actuelle. Vous avez Abitibi-Consolidated qui, pour des raisons x, là, de rentabilité ou quoi que ce soit, aura à un moment donné des choix d'affaires à faire, et là vous semblez appréhender le fait que vous allez être un peu des victimes dans tout ça, dans les choix qui seront faits dans le futur. Mais de quelle façon le ministre pourrait, par exemple... Est-ce que vous pensez que le ministre pourrait, par une intervention... Ou je ne sais pas, là, j'essaie de voir comment on pourrait vous aider pour protéger les emplois qui sont là actuellement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gervais.

M. Gervais (Yves): Merci, madame. Bon, Mme la députée, comme j'expliquais tantôt au ministre puis aux autres députés et aux autres personnes dans l'assistance, ce qu'on dit, c'est que c'est sûr que le ministre doit faire une étude d'appréciation, en ce moment, des volumes résiduels, de ce qui se passe en forêt, avant de prendre les décisions. Ça, je pense que c'est la moindre des choses, on doit regarder où on s'en va avant de prendre des décisions.

Deuxièmement, c'est sûr qu'on a affaire à des corporations. Les corporations, elles sont là pour faire de l'argent, pour faire des profits, puis c'est normal dans notre système. Ce qu'on dit, nous autres, c'est que c'est dans l'attribution des volumes de bois qu'ils ont en ce moment ou supplémentaires que là nous proposons que des conditions supplémentaires devraient être émises, à savoir sur le maintien, une certaine stabilité d'emploi, puis, s'il y a des changements, que le ministre, dans son pouvoir discrétionnaire, pourrait intervenir, à savoir à ce moment-là qu'il y ait une consultation avant que les choses arrivent.

Ce que nous voulons, c'est que, dans l'avenir, les répercussions passées ou bien les lacunes du passé ne se répercutent pas, à savoir: On n'est pas assez compétitif, on investit 50 millions. Au bout de la ligne, on demande 100 000 m³ de plus, bien ça crée 20 pertes d'emploi. Ou bien on replace ces gens-là ailleurs, dans les mégascieries, comme des gens de 18 ans de service, 25 ans de service, où ils travaillent 40 heures, qui gagnent des salaires entre 18 $ et 22 $ de l'heure. À ce moment-là, ils travaillent 10 heures par semaine. Il n'y a pas eu de perte d'emplois, mais, dans le fond, quelqu'un qui passe de 40 heures à 10 heures par semaine, il n'a même pas le droit à l'assurance emploi plus tard. À ce moment-là, il se dissocie, puis ça crée de la pauvreté.

Ce qu'on dit, nous autres: Il devrait y avoir des conditions. Si vous voulez avoir des volumes supplémentaires, oui, vous devez respecter les balises, les objectifs de la réforme, mais, en plus, il faut que ça soit créateur d'emplois. Ou bien on maintient les emplois actuels, on maximise ce qu'on a puis on essaie de faire plus, si c'est possible, après une analyse, avec la deuxième transformation.

Mme Normandeau: Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Roberval, vous m'avez demandé la parole. Je pense qu'il y a consentement des membres de la commission pour que le député de Roberval puisse...

M. Laprise: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je voudrais remercier le Syndicat des employés de Donohue, qui étaient autrefois les employés des scieries Lamontagne. Et vous venez de faire la preuve, Mme la Présidente et M. le ministre, que la mondialisation, il y a deux côtés à une médaille. On réalise aujourd'hui qu'on vit un peu le deuxième côté à la médaille de la mondialisation et de la superspécialisation des entreprises.

Je connais très bien le dossier de Saint-Prime pour y avoir travaillé, même dans le temps où j'étais à la mairie de Saint-Félicien, parce qu'il y a une entreprise de Saint-Félicien qui a été fermée, et le CAAF était environ de 135 000 m³. Et elle s'est en venue à Saint-Prime, et ils ont eu encore un 75 000 m³ qui a été rajouté à ça. Ils étaient à 89 emplois, ils sont rendus à 39.

C'est un point... ça interpelle, un dossier comme celui-là. Ça interpelle grandement pour que, dans l'avenir, toute décision importante face à un milieu comme celui-là, on devrait s'asseoir avec les gens du milieu, avec les décideurs de la région puis regarder dans son ensemble l'importance du geste qu'on va poser et de la décision qu'on va prendre.

Et je demanderais quand même au syndicat... Vous en venez à dire: Bien, on devrait donner à la grande entreprise, qui en a déjà quand même beaucoup et que je respecte énormément. Maintenant, est-ce que ça ne serait pas bon de se garder un secteur témoin d'une petite entreprise qui est en mesure de fonctionner avec 100 000 m³, mais qui fait une utilisation maximum du bois, maximum de l'arbre?

Je regarde en agriculture, par exemple, vous avez à Saint-Prime la fromagerie Perron qui a un volume de lait très restreint, mais qui, par contre, exporte à travers le monde, qui a un produit d'excellente qualité et fait vivre quand même une trentaine de familles à Saint-Prime. Et vous avez Lactel à Chambord qui, actuellement, connaît des difficultés importantes après avoir investi des dizaines de millions de dollars dans une usine qui, actuellement, n'est pas en mesure de donner son plein rendement parce qu'elle n'a pas le volume de lait pour le transformer.

Alors, est-ce que... Moi, je dis que les grandes entreprises, quand elles ont fait de la rationalisation, elles ont construit des usines toujours 25 % de plus qu'elles avaient dans leurs poches, 25 % de capacité de plus. Alors, quand l'usine est bâtie, ils se revirent puis ils disent: Bien, nous autres, ça nous prend du CAAF, il faut l'utiliser, cette usine-là, il faut qu'elle produise trois shifts par jour, 24 heures par jour, puis elle produit ça au maximum. Puis, c'est normal, quand une usine est bâtie pour produire 100 millions de pieds de bois, il faut qu'il rentre 100 millions de pieds de bois dedans. Alors, on achète des petites, on les ferme, on coupe les emplois en place également, et puis c'est ce qui se produit actuellement.

J'en ai une autre à Saint-Félicien, l'entreprise Roland Castonguay qui avait 30 000 m³. Ils ont vécu 40 ans avec 30 000 m³, ils faisaient vivre une vingtaine de familles, 25 à 30 familles, la famille Castonguay entre autres. Et, lorsqu'ils ont été achetés, l'usine a fermé, et les employés de Roland Castonguay, ils n'existent plus. J'ai moi-même écrit au président de la compagnie pour lui demander une rencontre pour regarder avec lui qu'est-ce qu'on pourrait faire pour recréer, dans de la deuxième et troisième transformation, des emplois pour au moins garder les emplois de Roland Castonguay effectifs, et on m'a informé qu'ils étaient bien insultés de ma lettre. Pourtant, j'avais été très poli. Ils étaient frustrés que j'aie écrit ça. Parce que les employés étaient venus me dire... ses cadres étaient venus me dire de quelle façon ils allaient organiser la nouvelle restructuration de l'entreprise, et, moi, je leur avais dit immédiatement: Ça veut dire que dans trois ans il n'y aura plus un employé de Roland Castonguay dans votre usine. Et ils étaient bien frustrés de ça.

Alors, ça veut dire que le cri d'alarme, ce mémoire-là... Puis je pense que l'ensemble des mémoires nous interpellent, et on voit aussi à travers ces mémoires-là qu'il y a possibilité de développer une façon de faire qui est peut-être différente de ce qu'on a vécu à date ? c'est une autre époque qu'on va vivre sans doute ? mais qui permettrait justement de récupérer des emplois importants. On l'a vu hier par les mémoires que nous avons reçus, et je crois que le syndicat des employés de Donohue à Saint-Prime actuellement, encore là, vient vraiment nous interpeller sur nos responsabilités qu'on a.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député, c'était un commentaire. Est-ce que...

M. Gervais (Yves): Peut-être...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Très rapidement...

M. Gervais (Yves): Très rapidement, madame.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...il reste une minute au temps réservé au parti ministériel.

M. Gervais (Yves): Une minute? Vous êtes dure. Je vous remercie, M. le député Laprise. Je pense qu'il a résumé en tant que telles... je pense que c'est les craintes des travailleurs et travailleuses, à savoir que les grosses entreprises, quand elles décident de faire des fusions d'entreprises via le Code du travail... en appliquant 39,45, le fait. Puis, ils ne proposent pas, ils le font. Puis les travailleurs et travailleuses le subissent. Parce qu'ils ne font pas ça du jour au lendemain, c'est planifié. Comme M. Laprise l'a bien précisé, ils construisent l'usine avec 20 % ou 25 % de plus gros, avec une machinerie supplémentaire, puis là ils s'en vont rencontrer les députés, les préfets ainsi que M. le ministre Brassard à Roberval puis ils vont aller brailler pour obtenir plus de CAAF. Mais, au bout de la ligne, est-ce que la création d'emplois est là? S'il y a des fusions, il n'y a pas de problème, il n'y a de perte d'emplois, sauf que deux trois ans plus tard on s'aperçoit que les emplois qu'ils ont dit qui ont été préservés existent encore un tant soit peu, mais, dans l'ensemble, ils ont disparu dans le cadre d'un plan d'entreprise. Je vous remercie beaucoup de nous avoir entendus.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Gervais. Est-ce qu'il y avait d'autres commentaire du côté de l'opposition officielle? Alors, M. Gervais, M. Girard, M. Asselin, merci de votre participation à cette commission. Je vais suspendre quelques instants pour permettre à l'autre groupe de pouvoir prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 29)

 

(Reprise à 10 h 31)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): La commission va donc reprendre ses travaux. Nous accueillons la Fédération des organismes de gestion en commun du Bas-Saint-Laurent. Alors, j'aimerais que la personne responsable puisse se présenter et nous présenter les personnes qui l'accompagnent. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour nous exposer votre mémoire.

Fédération des organismes de gestion
en commun du Bas-Saint-Laurent inc. (FOGC)

M. Tremblay (Réginald): Mon nom est Réginald Tremblay, je suis président de la FOGC, Fédération des organismes de gestion en commun du Bas-Saint-Laurent.

Les personnes qui m'accompagnent sont le vice-président de notre organisme, M. Raymond Boucher; M. Vincent Caron, qui est directeur d'une des sociétés membres de notre organisme; M. Gilles Maisonneuve, à gauche, qui est directeur d'un autre organisme membre de notre Fédération et M. Alain Marcoux, qui est directeur de la FOGC.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Vous pouvez procéder, monsieur.

M. Tremblay (Réginald): Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, Mme Normandeau et MM. les députés, nous remercions beaucoup la commission qui nous permet de venir étayer verbalement les propos contenus dans le mémoire que nous avons soumis.

Alors, notre Fédération ? si vous me le permettez, je vais vous la situer géographiquement ? couvre le territoire qui s'étend de La Pocatière à Matane. C'est un territoire qui est borné, au nord, par le Saint-Laurent; au sud, par le Maine et le Nouveau-Brunswick; ça inclut aussi la vallée de la Matapédia. Il y a neuf organismes de gestion en commun qui font partie de notre Fédération.

Le 25 septembre prochain, ce sera un anniversaire important. Et je veux rappeler aux gens qui n'ont pas encore de cheveux gris qu'est-ce que c'était que les opérations Dignité.

Alors, les opérations Dignité auront 30 ans, le 25 septembre prochain. Les opérations Dignité, c'est un mouvement qui voulait contrer la fermeture des paroisses du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie. C'est un mouvement qui a débouché sur la création d'organismes comme les sociétés d'aménagement, les OGC, qui avaient trouvé comme solution, pour le maintien des populations, l'aménagement forestier. Alors, c'est ce qui nous permet de croire qu'on doit se présenter, même si on s'occupe de forêts privées, à cette commission parlementaire.

Alors, 4 230 propriétaires font partie de nos organismes de gestion. Vous avez d'autres statistiques, là, dans le mémoire que nous avons soumis quant aux niveaux d'emploi que nous essayons de maintenir chaque année. Parce qu'il faut dire que, même si tous nos organismes ont plus de 25 ans, le mandat que nos organismes se sont donné est sans cesse à revoir, à essayer d'être réalisé chaque année. Alors, le maintien d'emploi, donc, ce n'est pas acquis encore, même après 25 ans.

C'est ainsi que, d'intervenants d'abord en forêts privés, les OGC de nos territoires sont de plus en plus activement impliqués en aménagement de la forêt publique par des contrats qu'ils obtiennent, année après année, qu'ils doivent négocier au meilleur taux possible avec les détenteurs de CAAF, pour pouvoir faire de l'aménagement, et ainsi, maintenir un certain niveau d'emploi.

Alors, M. Alain Marcoux va vous présenter l'essentiel de notre vision sur ce que devrait être le nouveau régime forestier ou les changements qu'on y verrait, et je vous reviendrai pour une conclusion, par après.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Marcoux.

M. Marcoux (Alain): Merci. La forêt sera fortement sollicitée dans les prochaines années non seulement pour son importance économique liée à l'industrie de la transformation, mais également par la population, laquelle voudra intégrer de nouvelles valeurs sociales et écologiques, notamment le développement durable des ressources. Le défi sera d'autant plus grand qu'il faudra modifier, de façon majeure, l'approche traditionnelle de gestion qui prévalait jusqu'à présent.

Ce point de vue est compatible avec les objectifs mis à jour du régime forestier, car nous percevons une ouverture pour intégrer au régime les concepts qui sous-tendent ses valeurs, soit la responsabilisation accrue des organisations et le développement du partenariat dans la gestion et la planification de la ressource; l'intensification de l'aménagement forestier dans une perspective de développement durable; l'accès à toutes les ressources pour la population; le maintien et la création d'emplois de qualité; la maximisation des retombées économiques pour l'ensemble des collectivités locales, etc.

Notre position repose donc sur la mise en place de conditions favorisant la production et le développement des ressources forestières dans la zone dite de Forêt habitée, c'est-à-dire la forêt privée et la forêt publique limitrophe où il faut instaurer une véritable culture de la forêt, autant dans les façons de penser la foresterie, ses modalités d'organisation et ses méthodes que dans les pratiques sur le terrain.

Pour y arriver, nous identifions les cinq conditions essentielles suivantes, soit: intensifier l'aménagement des forêts situées à proximité des collectivités rurales; confier l'aménagement forestier à des entreprises vouées à la production des ressources; introduire graduellement une gestion participative et intégrée des ressources en région; assurer les investissements requis sur un horizon à plus long terme et dans une perspective multiressources, et finalement, valoriser l'ensemble des ressources forestières.

Comme lors des consultations publiques de 1998, nous sommes pleinement en accord avec les objectifs énoncés pour faire face au défi du développement durable. Cependant, les enjeux doivent déborder largement ce qui semble être au coeur de la mise à jour du régime. À cet égard, il est, selon nous, loin d'être évident de concilier les objectifs de l'aménagement durable des forêts et les modifications proposées qui portent principalement sur les modalités d'attribution des bois du domaine public. En effet, la forêt québécoise doit être vue non seulement comme une source d'approvisionnement de matière ligneuse pour l'industrie, mais également comme un outil de développement pour la société en général, et plus particulièrement, pour les communautés rurales dépendant de celles-ci.

Qu'elle soit publique ou privée, la forêt québécoise transcende également les modes de tenure. Ainsi, la portée du régime forestier doit être beaucoup plus englobante pour tenir compte de cette dimension. Les nouveaux enjeux auxquels nous convie le développement durable touchent maintenant à des aspects qui s'apparentent beaucoup plus à des problématiques socioéconomiques ayant trait au développement et aux mieux-être des communautés qui vivent de la forêt. Le défi est de taille. Il doit être relevé sans plus tarder. Ceci est d'autant plus vrai dans le contexte particulier bas-laurentien où la forêt est au coeur du développement économique.

Notre intervention pour les travaux de la commission se limitera uniquement aux aspects qui nous touchent de plus près en tant qu'aménagistes. Ces orientations proposées par le MRN sont les suivantes ? nous en avons quatre ? soit: la gestion participative des forêts du domaine public; l'octroi des droits sur les ressources forestières ? on parle ici de contrats d'aménagement forestier; troisièmement, l'aménagement forestier, et quatrièmement, les régimes particuliers.

Le premier point, la gestion participative des forêts du domaine public. Lors des consultations de 1998, le ministère proposait, et je cite: «De définir avec les milieux des orientations nationales et régionales pour la mise en valeur du milieu forestier et des résultats à atteindre en matière d'aménagement.» On retrouvait également que tous les organismes consultés étaient favorables à cette définition. Dans le document d'information, cette participation semble se restreindre malheureusement à la consultation.

Nous considérons que la gestion participative devrait aller beaucoup plus loin. Les parties intéressées, particulièrement aux échelons régional et local, devraient être engagées dans le processus décisionnel avec les droits qui leur reviennent et les responsabilités qui leur incombent. Pour y arriver, il faudrait instaurer de véritables mécanismes de concertation qui pourraient s'inspirer, par exemple, des agences régionales de mise en valeur de la forêt privée. Il devrait y avoir une latitude suffisante pour faire appel à d'autres méthodes que celle mur à mur du ministère.

n(10 h 40)n

Le deuxième point, c'est l'octroi des droits sur les ressources forestières. Lorsque l'on analyse les conditions de ce nouveau mode d'attribution des droits de coupe ? on parle des contrats d'aménagement forestier à des personnes ou organismes non titulaires de permis d'usine ? il faut se rendre à l'évidence. D'une part, très peu de ces contrats ont de chances de voir le jour et de devenir opérants et viables. La notion de contrat d'aménagement forestier, telle que proposée, aurait donc peu de portée dans une région comme la nôtre, dans la mesure où les volumes de bois disponibles ont été pratiquement tous alloués aux bénéficiaires. Qui plus est, le ministère des Ressources naturelles a rendu publics récemment les résultats de l'analyse des 15 PGAF du Bas-Saint-Laurent. Ces derniers indiquent une baisse globale de la possibilité forestière de 15 % par rapport aux PGAF précédents.

Une ouverture pour diversifier les modes de tenures en forêt publique, inciter la production des ressources forestières et l'aménagement intégré, dissocier les fonctions de production des ressources de celles d'approvisionnement en bois et confier les responsabilités d'aménagement aux aménagistes nous apparaît fondamentale. C'est ce à quoi nous pensons dans l'idée du contrat d'aménagement forestier. D'ailleurs, nous nous étions prononcés en ce sens lors des consultations publiques de 1998.

Dans les mesures d'ajustement au régime, les propositions du MRN pour la mise en place de CAF pourraient être intéressantes en considérant les améliorations suivantes: la coresponsabilité des détenteurs de droits sur l'unité d'aménagement est un principe fondamental pour réaliser l'aménagement forestier; l'emphase mise sur cet aspect aux propositions de révision doit être maintenue et promue vigoureusement, notamment dans le suivi des procédures de décision et de règlement de conflits. Ce principe devrait d'ailleurs faciliter l'émergence d'un aménagiste unique qui serait accrédité à l'échelle de l'unité d'aménagement.

La durée du CAF devrait être de 25 ans comme les CAAF plutôt que de cinq ans. Les entreprises spécialisées en aménagement forestier doivent pouvoir opérer sur des assises solides, sur des liens contractuels qui leur permettent d'investir à long terme dans leur champ de compétence et dans leur main-d'oeuvre.

Il faudrait pouvoir offrir le contrat d'aménagement forestier à des organismes d'aménagement structurés dont les compétences sont reconnues et qui visent à maximiser les retombées en termes d'emplois pour les collectivités rurales dépendantes de la forêt.

Pour que le CAF prenne de l'importance à plus ou moins long terme, il faudrait établir un maillage entre l'industrie de l'aménagement forestier et celui de la transformation des produits forestiers. À ce titre, il serait envisageable de transférer le CAAF à un CAF pour l'industriel qui préfère se concentrer dans la fonction de transformation. Des ententes devraient pouvoir être établies entre les industriels de la transformation et les aménagistes pour garantir l'accès au bois et assurer un ajustement des prix à l'évolution du marché. Le transfert pourrait être d'autant plus pertinent que les exigences de la coresponsabilité sont susceptibles de favoriser un mouvement dans ce sens.

Sans les bénéfices de la transformation, comment assumer les coûts de la planification? Il faudrait changer les règles sur les crédits de droits de coupe pour que ceux-ci puissent inclure le volet technique. On parle ici des prescriptions.

Le troisième point: l'aménagement forestier. Dans le document d'information, il est souligné l'importance de la stabilité de l'approvisionnement des entreprises de transformation. On devrait parler également de la stabilité et de la valorisation des travailleurs forestiers, des communautés rurales dépendantes des forêts ainsi que des organismes d'aménagistes.

Dans ce chapitre de l'aménagement forestier, nous avons deux items, soit: le premier, la stabilité des unités d'aménagement, et le deuxième, le rendement accru. On commence par la stabilité des unités d'aménagement. La dimension territoriale est fondamentale pour l'aménagement forestier. Nous considérons que l'exercice menant au découpage de la forêt publique en unités d'aménagement stables doit déboucher vers une diversification dans les modes de tenures, et sur des bases novatrices, vers l'intensification de l'aménagement forestier par une sylviculture plus fine.

On pourrait également actualiser certaines notions véhiculées, notamment la forêt dite de banlieue, les zones d'aménagement intensif et extensif ou, comme le MRN avait commencé à l'entrevoir il y a quelques années, à zoner le territoire forestier habité qui pourrait faire l'objet de mesures particulières. Pourquoi pas également arrimer des secteurs de forêt privée et de forêt publique? Si l'intention est de réaliser un découpage territorial pour le long terme, il est essentiel de maintenir les options ouvertes pour mettre en oeuvre les meilleures options. À ce titre, on fait référence à l'article 35.1 du projet de loi, pour lequel, nous, nous avons une recommandation. C'est que l'article 35.1 du projet de loi devrait indiquer que l'unité d'aménagement constitue une unité territoriale de base pour l'aménagement forestier en vue de la production des ressources forestières et non pas seulement pour approvisionner les usines de transformation du bois.

Que ce soit pour le CAF, tel que nous l'entrevoyons, ou pour l'intensification de l'aménagement, il sera important de définir et reconnaître un territoire ayant des modalités de gestion et de planification particulières pour réaliser une sylviculture plus fine et plus intégrée avec des modalités établies sur une base régionale. La forêt privée devrait être aussi considérée dans ces unités.

Au chapitre du rendement accru, comme pour le découpage des unités d'aménagement, l'intensification de l'aménagement forestier représente, selon nous, une autre opportunité majeure pour faire évoluer le régime forestier et l'inscrire résolument dans l'aménagement durable des forêts. Le défi que nous devons relever ici est du ressort des façons de penser la foresterie; c'est une question de culture.

Tout d'abord, il faudrait que le rendement accru soit défini comme étant une augmentation des biens et services produits par la forêt. C'est, bien sûr, une augmentation de la possibilité forestière, c'est-à-dire plus de mètres cubes par hectare mais aussi de la valeur du bois. Et pourquoi pas plus de faune par hectare, par exemple? En fait, ce qu'il faut accroître, c'est le retour sur l'investissement réalisé en aménagement forestier. Les objectifs du rendement accru devraient tenir compte non seulement de considérations biophysiques, mais également être réalisés dans les zones où le retour sur l'investissement est le plus grand.

Nous voulons ouvrir ici une parenthèse pour rappeler aux membres de la commission qu'un comité formé des principaux intervenants en forêt privée du Bas-Saint-Laurent a entrepris des démarches en 1999 pour demander une enveloppe supplémentaire de 6,3 millions de dollars annuellement pour réaliser des travaux sylvicoles en forêt privée. Nous avons d'ailleurs eu l'occasion de rencontrer M. le ministre Brassard à ce chapitre.

Sur la base des intentions gouvernementales d'investir en rendement accru, nous pouvons affirmer que le MRN pourrait doubler l'enveloppe actuelle qui se situe à environ 10 millions de dollars par année, et ainsi, aménager davantage la forêt privée bas-laurentienne. D'ailleurs, comme l'a très bien démontré la Commission forestière régionale du Bas-Saint-Laurent, dans son rapport publié en avril 1998, celle-ci voyait le secteur forestier jouer un rôle prépondérant dans les stratégies de développement économique de la région.

Encore aujourd'hui et plus que jamais, la forêt doit être au coeur de cette préoccupation, et c'est en investissant davantage dans la forêt publique et privée que l'on pourra garantir la pérennité de la ressource et répondre, de manière satisfaisante, aux aspirations des communautés rurales qui veulent en vivre de manière décente. De plus, l'intensification de l'aménagement forestier implique nécessairement le maintien et la consolidation des emplois existants dans le secteur.

La rentabilité monétaire ne devrait pas être le principal facteur de négoce à reconnaître pour les travaux sylvicoles. La logique du plus bas soumissionnaire fragilise les entreprises d'aménagement et maintient le travailleur sylvicole dans une situation précaire. Comment peut-on parler de valorisation et de développement de la main-d'oeuvre forestière dans ces conditions? Il faudrait exiger une gestion et une «assurance qualité» par des aménagistes certifiés et des travailleurs dont les compétences sont accréditées.

En voyant les difficultés de soutenir le rendement actuel par des baisses d'attribution, il faut s'interroger sur la pertinence des mécanismes en vigueur pour faire face aux défis du rendement accru. Il faudrait penser à d'autres stratégies, notamment reconnaître formellement et responsabiliser les aménagistes de la forêt en tant qu'acteurs de premier plan.

En fait, nous estimons que la politique de rendement accru devrait faire une place explicite et prépondérante aux aménagistes des forêts privées et publiques. Le ministre devrait pouvoir également établir des ententes d'aménagement forestier pour le rendement accru directement avec les aménagistes. Nous pensons évidemment aux groupements forestiers qui, en plus de détenir l'expérience et l'expertise recherchées, sont des organismes de gestion collective issus du milieu.

Ces considérations sont également pertinentes pour les travaux réalisés dans le cadre des CAAF. Le fait qu'un seul joueur, le détenteur de CAAF, se voit confier l'exclusivité de l'aménagement forestier en forêt publique laisse peu de place aux sociétés d'aménagement. C'est ici que le confinement au rôle d'exécutant n'est pas propice pour valoriser ni les entreprises ni les travailleurs. Ajoutons qu'il ne faudrait pas oublier que l'aménagement durable et le rendement accru des forêts doit être soutenu par une ressource humaine qui est également durable. Il faut donc accorder la priorité à la valorisation du travail et des travailleurs forestiers, les grands oubliés de ce régime. Il ne faut pas passer outre que la première valeur humaine est la dignité et que celle-ci s'exprime par le travail.

Le dernier point, les régimes particuliers. Dans le document d'information, il est indiqué qu'il importe de trouver de nouvelles façons de gérer les forêts qui assureront des avantages accrus et durables aux communautés établies à proximité. Cette ouverture nous apparaît comme une excellente opportunité de décentraliser la gestion territoriale de la forêt publique du Bas-Saint-Laurent et de développer une politique adaptée à notre particularité régionale. À cet égard, une agence forestière multiressources s'apparentant au modèle des agences des forêts privées pourrait être l'organisme désigné pour gérer le territoire où chacun des partenaires serait imputable de ses gestes. S'ajouteraient également à cette agence multiressources les autres utilisateurs de la forêt du point de vue faunique et récréotouristique. C'est ainsi que l'un des objectifs de la révision du régime forestier, qui est une meilleure prise en compte des besoins exprimés par la population, serait atteint et les conditions réunies pour une véritable gestion intégrée des ressources.

n(10 h 50)n

C'est pourquoi nous proposons aux autorités gouvernementales de désigner la région du Bas-Saint-Laurent comme laboratoire pour expérimenter un nouveau mode de gestion de la forêt publique. Je repasse la parole à M. Tremblay pour la conclusion.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, en conclusion, il reste pratiquement une minute et demie. C'est à peu près tout ce qui reste.

M. Tremblay (Réginald): Bon, je vous remercie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Tremblay.

M. Tremblay (Réginald): Alors, nous avons identifié, à partir de notre point de vue d'aménagistes, les orientations qui sont susceptibles de contribuer à accentuer le virage de l'aménagement durable des forêts. Il s'agit de la gestion participative du contrat d'aménagement forestier, du découpage des unités d'aménagement, de l'intensification de l'aménagement forestier, rendement accru, et de l'application du principe de coresponsabilité.

Également, de notre point de vue, il faut, comme nous l'avons souligné, reconnaître formellement et responsabiliser les aménagistes de la forêt en tant qu'acteurs de premier plan pour relever le défi du rendement accru; associer les parties intéressées, particulièrement aux échelons régional et local, dans le processus décisionnel avec les droits qui leur reviennent et les responsabilités qui leur incombent; s'engager résolument dans la voie d'un aménagement forestier axé sur une sylviculture fine et non seulement celle du rendement soutenu; prendre en compte le capital humain, et comme cité précédemment, la région du Bas-Saint-Laurent devrait être désignée comme laboratoire pour expérimenter un nouveau mode de gestion de la forêt publique. Cette expérience, si elle s'avérait concluante, pourrait servir de modèle pour les autres régions du Québec. D'ailleurs, historiquement, plus d'un projet-pilote initié dans la région s'est étendu, à la suite, à l'échelle provinciale.

Alors, pour notre part, nous tenons à réaffirmer notre engagement à contribuer de manière constructive à l'aménagement durable de la forêt laurentienne. Nous continuerons à y mettre les efforts requis et nous réitérons notre entière collaboration à cet égard au ministère des Ressources naturelles et aux autres intervenants du secteur.

D'autre part, nous nous attendons à ce que M. le ministre reconnaisse la contribution des organismes de gestion en commun à la valorisation du patrimoine forestier québécois.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Tremblay. Alors, nous allons passer à la période d'échanges. M. le ministre.

M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. Alors, je voudrais remercier la Fédération des organismes de gestion en commun du Bas-Saint-Laurent, M. Tremblay, M. Boucher, M. Marcoux, M. Maisonneuve et M. Caron, de participer à cette commission qui examine toute la révision du régime forestier.

Votre présence est d'autant plus requise, je dirais, que vous êtes, je pense, des pionniers, au Québec, en matière d'aménagement forestier, particulièrement sur boisés privés. Vous avez évoqué les opérations Dignité, M. Tremblay; ça commence à être loin dans le temps, ça. Ça, c'est fin des années soixante. Ça veut donc dire que votre orientation ? votre apparition aussi ? s'est produite il y a déjà bien longtemps. Donc, quand on regarde, à travers le Québec, vous êtes, je pense, des précurseurs en matière d'aménagement et de travaux sylvicoles. Alors donc, votre expertise et vos avis sont importants et vont être examinés avec soin.

Vous reconnaissez que le principe de la coresponsabilité, qu'on introduit dans la loi sur une unité d'aménagement entre les détenteurs de CAAF, était vraiment un concept nouveau. Vous exprimez votre accord sans réserve, je pense ? je le comprends ainsi ? à l'introduction de ce nouveau concept dans la Loi sur les forêts ? j'ai hâte de voir l'Association des manufacturiers de bois de sciage et échanger avec elle sur cette question ? et vous reconnaissez aussi que l'application de ce principe de la coresponsabilité entre détenteurs de CAAF sur un même territoire, sur une même unité d'aménagement, va favoriser l'apparition d'un seul aménagiste ou d'un seul responsable de l'aménagement sur le territoire. Ça va le favoriser. Je le pense aussi, que ça va le favoriser.

Mais je comprends que vous souhaitez aller plus loin, vous souhaitez même que l'on introduise un nouveau véhicule qui est un CAF avec un seul A, mais ce n'est pas le contrat comme on l'a introduit dans la loi; c'est le contrat d'aménagement forestier. C'est donc un nouveau véhicule. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Donc, vous ne considérez pas comme suffisante la mise en application du principe de la coresponsabilité sur une même unité d'aménagement des détenteurs de CAAF, avec deux A, pour favoriser, au fond, la désignation d'un seul responsable de l'aménagement sur un même territoire, et vous voulez aller plus loin.

Autrement dit, vous voulez dissocier l'aménagement de la récolte pour fins de transformation dans une usine. Donc, vous ne trouvez pas suffisant qu'on mette en oeuvre ou qu'on mette en application le principe de la coresponsabilité; vous voulez aller plus loin.

Qu'est-ce que ça donnerait, votre convention ou contrat d'aménagement forestier? Ça voudrait dire que, sur une même unité d'aménagement, il y aurait obligation, de la part des détenteurs de CAAF, de désigner un seul responsable et de conclure, ou c'est le ministère qui conclurait ce contrat? Comment ça s'articulerait sur le terrain, là, concrètement?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Tremblay.

M. Tremblay (Réginald): Bon, c'est sûr que c'est à bâtir, ce modèle de fonctionnement. Ce qui importe pour nous, c'est que tous les utilisateurs possibles d'un territoire donné aient leur mot à dire quant à la façon d'utiliser ce territoire-là. Alors, que les gens qui veulent utiliser la faune aient un mot aussi important à dire que les gens qui veulent utiliser la fibre. Alors, c'est pour ça qu'on parle, un peu dans le modèle des agences de forêt privée, d'un organisme qui planifierait toutes les interventions puis les activités à faire dans un territoire.

Quant au niveau de responsabilité, je pense que chacun des intervenants devra être responsable pour sa part d'intervention. L'industriel devra être responsable des prélèvements, de la façon de prélever puis des niveaux de prélèvements pour respecter les rendements soutenus, pour respecter les autres intervenants. De toute façon, l'organisme qui regrouperait tous les gens concernés planifierait en tenant compte des intérêts de chacun.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Brassard: En d'autres termes, sur une même unité d'aménagement, vous proposez qu'il y ait un organisme regroupant tous les intervenants de tous ordres, y compris les intervenants en matière faunique autant qu'en matière d'aménagement qu'en matière de prélèvement, au sein d'un organisme. Vous appelez ça une agence multiressources.

Au fond, votre objectif, c'est d'en arriver à ce qu'on appelle une gestion intégrée des ressources. Mais, une fois que c'est fait, ça, là, vous, votre intérêt, ou votre spécialité, je dirais, c'est l'aménagement forestier. Alors, vous souhaiteriez que, sur ce territoire-là, on dissocie les activités de récolte ou de prélèvement et les activités d'aménagement et que les activités d'aménagement, via un contrat d'aménagement forestier, soient accordées à un organisme de gestion en commun, par exemple.

n(11 heures)n

Mais ce contrat, il serait conclu entre les détenteurs de CAAF et l'organisme d'aménagement ou entre le ministère des Ressources naturelles et l'organisme d'aménagement? Je ne sais pas si vous comprenez. J'aimerais savoir comment vous voyez les choses, là. Parce que, actuellement, un détenteur de CAAF, il a une double responsabilité. C'est-à-dire, il a le droit de prélever, mais en même temps, il a l'obligation et la responsabilité d'aménager dans la perspective du rendement soutenu, pour assurer la pérennité de la ressource. Donc, il faut qu'il fasse un plan d'aménagement forestier et un plan d'approvisionnement aussi. C'est un tout. Est-ce que je comprends que votre proposition, c'est de dissocier ces deux fonctions?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Maisonneuve.

M. Maisonneuve (Gilles): Nous, ce qu'on vise avec la proposition qu'il y a ici sur la table, ce qui touche la partie de la responsabilité, je pense qu'on est prêt à la partager. On vise également à étendre le partenariat qui existe à l'heure actuelle entre l'industrie et le ministère, aux aménagistes travailleurs, aux gens du milieu, aux gens du monde municipal, aux gens de la faune, du loisir, et tout ça, qu'on fasse vraiment une table de partenaires, partenaires égaux ou comme elle existe à l'heure actuelle au niveau de la forêt privée puis qui fonctionne quand même assez bien, où on a des partenaires qui sont égaux, qui ont des responsabilités, qui ont des engagements vis-à-vis la population comme telle.

Alors, nous, ce dont on parle, c'est vraiment de partenariat puis des gens qui parlent au même niveau puis, quand ils parlent, ils ont le même niveau de responsabilité.

M. Brassard: Les agences de mise en valeur de la forêt privée dont vous faites partie, puisque vous oeuvrez beaucoup du côté de la forêt privée, ont un certain nombre de pouvoirs ou de responsabilités. Alors, vous souhaiteriez que, en forêt publique, il y ait un organisme équivalent avec non seulement une responsabilité de concerter les partenaires, mais une responsabilité aussi en termes de décision.

M. Maisonneuve (Gilles): C'est ça. Ce qu'on trouve qui ne marche pas, c'est qu'à l'heure actuelle, quand on regarde l'industrie de l'aménagement, c'est une industrie de sous-traitance. O.K.

M. Brassard: Oui.

M. Maisonneuve (Gilles): Puis je pense que l'industrie de l'aménagement, elle doit avoir sa place au même niveau que l'industrie de la transformation. Puis ce qui ne marche pas à l'heure actuelle dans le régime forestier, je pense que c'est ça. C'est pour ça qu'on parle de séparer la partie aménagement forestier de la partie transformation de façon à ce qu'on donne à l'aménagement la place qui lui revient dans un nouveau régime forestier.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre.

M. Brassard: Oui. Je comprends aussi que vous êtes très favorables à une politique de rendement accru. Ce n'est pas la première fois que vous vous exprimez à cet égard. Je pense que, en 1998, lors des consultations en région, vous l'avez fait également. Mais je constate que, dans la future politique de rendement accru, vous souhaitez évidemment qu'on respecte, qu'on applique un certain nombre de principes et entre autres que ça se passe, les activités visant le rendement accru, particulièrement près des zones habitées et donc, sur le plan territorial, dans des zones qui sont plus proches des territoires habités, à condition bien sûr que les autres conditions biophysiques, par exemple, soient présentes. J'imagine que c'est pour faire en sorte que ce soit bénéfique pour les communautés en région forestière.

Vous avez évoqué la situation difficile que vous vivez dans le Bas-Saint-Laurent et, quand j'y suis allé... d'ailleurs je l'ai indiqué également qu'une des pistes ? ça ne réglera pas complètement le problème ? de solution, c'est certainement l'intensification de l'aménagement forestier. Je pense que c'est dans cette voie-là qu'on peut essayer de s'engager. Et, comme la politique de rendement accru est prévue pour 2002, il y a une période entre les deux ? c'est d'ailleurs ce que je vous ai indiqué ? où on pourra sans doute envisager des actions qui pourraient se situer dans la perspective de l'intensification de l'aménagement. Je ne sais pas si vous avez des commentaires à faire sur ce point de vue.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça va? M. Maisonneuve.

M. Maisonneuve (Gilles): Oui, moi, je rajouterais peut-être... Effectivement, quand on parle de rendement accru, on parle de forêt habitée. Quand on regarde la particularité du Bas-Saint-Laurent, c'est 50 % de la forêt qui est en forêt privée. Puis, quand on regarde la forêt publique, c'est une forêt de banlieue. Et, pour nous, une forêt de banlieue, c'est quand le travailleur part le matin puis il revient le soir. Puis, effectivement, la particularité du Bas-Saint-Laurent, c'est... Quand on parle de forêt habitée, je pense qu'on est l'exemple typique. Puis, en plus, on est une région forestière où il y a des travailleurs forestiers, il y a des gens qui aiment travailler en forêt, qui en vivent puis qui sont bien en forêt. Alors, à l'heure actuelle, le principal problème qu'on a, année après année, c'est toujours la question de financement, de financer l'aménagement forestier afin de répondre aux besoins comme tels de la population et de l'industrie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. Je céderais maintenant la parole à Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs, bienvenue et merci d'avoir pris du temps pour rédiger votre mémoire et de nous avoir livré votre vision ce matin. J'ai eu l'occasion d'ailleurs de rencontrer quelques-uns d'entre vous. Ça a été bien agréable. Ça m'a permis de comprendre un peu plus la vision des aménagistes, et en particulier ceux du Bas-Saint-Laurent, à l'endroit du projet de loi qui a été déposé.

Je dois vous dire qu'il y a plusieurs éléments qui sont contenus dans votre mémoire qu'on a entendus. Mais je pense que l'élément qui ressort avec le plus de force et de vigueur, c'est le fait de confier l'aménagement aux aménagistes. Et vous avez assisté, pour plusieurs d'entre vous, au dernier congrès de RESAM. Effectivement, c'était le mot d'ordre et le message qui a été lancé par le président, M. Rioux. Et ce qu'on constate, c'est que vous avez, en tout cas, vous sentez énormément le besoin de vous faire reconnaître une fois pour toutes. Et ça, je pense, à moins que je ne me trompe, c'est que le projet de loi qui a été déposé ne permet pas de vous reconnaître à votre juste valeur sur la base de l'expertise que vous avez acquise au cours des dernières années.

Moi, je souhaiterais qu'on puisse aborder la question... À la page 10, vous en faites référence dans votre mémoire et vous faites un lien entre... En fait, vous nous conviez à une espèce de révolution un peu, si je peux dire ça comme ça, au niveau de notre approche en forêt, au niveau de l'aménagement qui doit être fait, en faisant un lien entre la nécessité d'avoir une sylviculture qui soit plus fine et une politique qui soit adaptée aux réalités régionales. Et ça, je dois vous dire, depuis le début des travaux ici, à la commission, il y a plusieurs groupes qui sont venus nous livrer leur vision des choses en insistant sur le fait qu'on devait régionaliser davantage les pratiques qui sont faites et laisser plus de latitude aux gens sur le terrain. Donc, à la page 10, vous nous dites qu'il devrait y avoir une latitude suffisante pour faire appel à d'autres méthodes que celle du mur-à-mur qui est proposée par le ministère des Ressources naturelles.

J'aimerais ça, compte tenu que vous êtes des gens, là, vous avez une bonne expertise, sur le terrain, comment ça se vit quand on se bute, au niveau de l'aménagement, à une politique qui soit mur à mur? Quels sont les problèmes que vous vivez quotidiennement lorsqu'on parle du mur-à-mur? Il y a un de vos collègues qui sourit, probablement qu'il a bien des choses à nous dire. Mais j'aimerais que vous puissiez nous illustrer ça. Alors, on parle beaucoup de donner la latitude sur le terrain, mais comment on pourrait changer la politique actuellement pour vous donner plus de latitude? Mais, avant de changer la politique, encore faudrait-il savoir sur le terrain comment ça se vit.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Caron.

M. Caron (Vincent): Comment ça se vit? Ça se vit difficilement. Je crois que l'industrie l'a souvent dénoncé. La bible sur le terrain, c'est le cahier d'aménagement. Le cahier d'aménagement, il peut être modifié par un comité de Québec. Mais d'aucuns en région, à peu près, ne connaissent pas les gens qui siègent sur ce comité du programme. Et, lorsque arrive le cahier réédité, tout le monde est surpris de savoir, même dans la dernière année, qu'il existait un comité programme puis qu'il y avait des gens qui devaient se pencher là-dessus. Donc, le processus normal, c'est qu'on revendique auprès de l'unité de gestion, qui transmet à l'unité régionale la demande des forestiers terrains pour modifier telle et telle règle du cahier d'aménagement. Le régional envoie ses délégués au comité provincial, le comité programme, qui en dispose à sa bonne venue. S'il la juge pertinente, il la retient. Et, s'il ne la juge pas pertinente, il ne la retient pas. Et le résultat est soumis lors de l'exposé du comité du cahier d'aménagement à chaque année.

n(11 h 10)n

Bien, l'histoire dit un peu un certain nombre de frustrations, parce qu'il y a des choses qui paraissent parfois bien appuyées au personnel terrain, et on a l'impression de prêcher dans le désert. Ça fait que les demandes n'ont pas de suite ou les demandes ont des suites parfois 10 ans plus tard. Puis là c'est peut-être un petit peu un point de vue industriel, parce que j'ai aussi à l'occasion une autre chaise. C'est très, très difficile de faire changer les choses. Il y a comme une inertie qui se fait au niveau du cheminement de la région jusqu'à Québec pour obtenir une modification, qu'on a l'impression que, à un moment donné, l'entonnoir, il rétrécit et des modifications qui devraient être faites ne le sont pas ou le sont après maintes et maintes et maintes représentations.

Lorsqu'on parle de révision du régime, il y aurait aussi une révision du fonctionnement en termes de donner plus de latitude aux forestiers des régions pour tenir compte... Parce que nos gens du ministère... Nos ministères en région, autant au niveau des unités d'aménagement que des directions régionales, ont une compétence énorme, sauf que, lorsqu'on leur fait notre représentation, ils nous disent: Bien, je l'ai acheminée, votre demande, mais pfft...! on va voir ce que ça va donner. Donc, ils sont bien conscients que le pouvoir il est en haut puis qu'eux ils ont un droit de soumettre, et ça, ça amène des lacunes importantes. Ça amène peut-être la plus grande faiblesse du régime forestier, en ce sens que ça l'empêche de pouvoir prétendre à une amélioration continue. Et ça, si le régime forestier, la Loi sur les forêts, comme le ministre le disait, était bonne, si tout le monde a agi de bonne foi, faut-il constater, par le nombre de critiques qu'en entend, qu'il y a des grosses lacunes qui auraient pu être corrigées dans le temps parce qu'elles ont été dénoncées? Elles ne l'ont pas été.

Il ne faudrait pas que le régime pour l'avenir soit un régime que l'on révise aux 10 ans. À l'intérieur de 10 ans, il y a tout un monde qui évolue et ce serait important qu'il se fasse une structure que le ministère saura bien penser comme il le veut pour qu'il y ait vraiment un système d'amélioration continue puis pour que, lorsqu'il se passe des aberrations sur le terrain, les modifications n'attendent pas le prochain cahier si on a le temps de le considérer ou le prochain cinq ans ou le prochain plan général. C'est là, à un moment donné, où on a l'impression, comme forestiers, que la foresterie passe au second plan, que le système appesantit la foresterie. Parce que les compétences sont là, les compétences sont là au ministère, elles sont là au niveau des organismes d'aménagement, elles sont là au niveau de l'industrie. Et on dit: Pourquoi ce problème si évident a pris 15 ans à se régler?

Je ne vais pas plus loin parce que là je me retrouverais un petit peu à devoir me dissocier de mes collègues pour parler comme industriel, ce que je ne veux pas faire.

Mme Normandeau: Mais c'est intéressant, ce que vous dites, parce qu'évidemment avec l'exercice auquel on se prête depuis plusieurs jours, on cherche bien sûr à corriger le projet de loi pour avoir à le bonifier pour avoir un régime forestier qui soit moderne et plus adapté à nos réalités, à nos besoins. Je pense que c'est un des objectifs qu'on poursuit.

Moi, ce que j'aimerais savoir puis du côté de l'aménagement: Quel est l'impact concret sur la gestion de la forêt du Bas-Saint-Laurent lorsqu'on se butte comme ça à des normes? Est-ce qu'il y a des interventions au niveau de l'aménagement qu'on ne peut pas faire ou qu'on fait mal parce que justement les normes étant ce qu'elles sont, elles sont trop rigides? Concrètement, quel est l'impact sur notre forêt, sur la forêt chez vous?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Maisonneuve.

M. Maisonneuve (Gilles): Regardez, disons qu'on a eu la chance de vivre au niveau de la forêt privée, si vous voulez, la régionalisation du programme d'aménagement de la forêt privée, puis c'est sûr qu'on est en mesure de constater qu'il y a quand même des avantages, quand on parle d'un programme d'aménagement, qu'on puisse en discuter en région, qu'on puisse le développer, qu'on puisse l'adapter à la région. Puis je pense que les résultats sont là au niveau de la forêt privée.

C'est sûr que ce qu'on doit viser, c'est que, au niveau de la forêt publique aussi, l'aménagement forestier, la forêt, il se rend d'une région à l'autre puis il se doit d'avoir des adaptions au programme d'aménagement. Puis le principe de créer une agence régionale, c'est un principe de régionalisation aussi. Puis en arrière du principe de l'agence, il y a le principe de partenariat. Si vous avez des gens qui sont des partenaires égaux ? ministères, industrie, aménagistes ? je pense que c'est beaucoup de tensions qui peuvent exister à l'heure actuelle entre les professionnels de ces trois catégories de partenaires là. Je pense que c'est une façon de régler tout ça. Puis pour nous ça passe effectivement par la régionalisation puis donner des outils en région pour qu'on soit capables de travailler en ce sens-là.

Mme Normandeau: Bien.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci. Donc, vous en faites une proposition, carrément, qu'on crée des agences au niveau régional. Dans le Bas-Saint-Laurent, vous l'avez dit tout à l'heure, c'est particulier, 50 % du territoire est en forêt publique, 50 % en forêt privée. Vous êtes des gens qui êtes sur le terrain à chaque jour, si vous aviez à faire une comparaison entre l'aménagement qui se fait en forêt publique et forêt privée, quel est le constat que vous pourriez tirer ce matin? Et j'irais plus loin que ça en vous demandant, compte tenu que vous êtes sur le terrain, vous avez une bonne expertise, est-ce que vous pensez que l'état de nos forêts... que nos forêts dans le Bas-Saint-Laurent sont saines, est-ce que vous pensez qu'on a une forêt qui est en santé dans le Bas-Saint-Laurent? C'est une question pour trois morceaux de robot, ça. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Marcoux. Ah, c'est M. Caron.

M. Caron (Vincent): Peut-être je résumerais la réponse en disant qu'en forêt privée on fait de la microforesterie adaptée et en forêt publique on fait de la macroforesterie. On fait une foresterie qui est beaucoup établie par des impératifs opérationnels et politiques, plus que forestiers, en forêt publique, une foresterie qui est limitée par des contraintes de coûts, entre autres, de subsides. C'est deux mondes. L'un devrait s'inspirer de l'autre, sans prétendre que la foresterie de forêt privée pourrait s'appliquer en forêt publique. Les superficies, les dynamiques sont différentes, les ravages, il y a toutes les contraintes qu'il y a en forêt publique, mais il y a un monde à définir pour redéfinir la méthode d'aménagement en forêt publique.

Et on faisait mention un petit peu plus tôt du rendement accru. C'est un terme aussi que l'on véhicule depuis un certain temps sans le définir. Du rendement accru, est-ce que c'est accélérer les fonds pour faire plus vite ce qu'on fait déjà? Je ne crois pas. Je crois qu'il y aurait intérêt à redéfinir des modes d'intervention, des méthodes d'intervention. Il y a une oeuvre de pionniers à faire pour la développer, cette foresterie de rendement accru. Ce n'est pas nécessairement un budget supplémentaire. Il y a une oeuvre à faire, là. Et c'est là qu'on croit d'autant plus pertinent qu'une tierce partie, qu'une agence régionale serait à même de décider des objectifs à atteindre par une politique de rendement accru, plus que l'industrie ou plus qu'un seul partenaire qui a des impératifs puis des intérêts qui lui sont légitimes, mais qui lui sont particuliers. Les intérêts régionaux pourraient être pris en compte par une instance régionale, plus objectivement, sans renier le principe de la coresponsabilité qui est faite, les industriels doivent demeurer coresponsables, mais le niveau qui est attendu n'est pas suffisant.

On ne peut pas s'attendre à ce que l'industrie prenne en compte la mise en valeur du patrimoine de nos enfants et de nos petits-enfants. Ça m'apparaît illusoire que l'industrie, tout aussi légitime qu'elle puisse être pour créer de l'emploi et pour faire du profit, comme sa mission de base l'est, soit le gérant de l'héritage de nos petits-enfants, seule, même en supposant un principe de coresponsabilité. Je crois que cette coresponsabilité-là existe et doit demeurer, mais on doit aussi, je pense, ne pas se faire d'illusions et voir à ce que la collectivité voit à faire ses choix de société en aménagement forestier, parce que le patrimoine de la forêt publique, c'est le patrimoine de nos enfants et de nos petits-enfants aussi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...par alternance. Je passerais maintenant la parole au député de Gaspé, vous rappelant qu'il reste six minutes à votre formation politique.

n(11 h 20)n

M. Lelièvre: Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, messieurs. Étant originaire de la Gaspésie et connaissant aussi les données et la situation actuelle en Gaspésie et celle du Bas-Saint-Laurent pour y avoir été en compagnie de M. Brassard récemment, le milieu forestier est un milieu qui, dans le fond, voit plusieurs intervenants. On voit d'abord des titulaires de contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier, qui avaient des responsabilités et des obligations, qui le confient comme en sous-traitance. Je sais aussi que cette demande de devenir mandataire exclusif de l'aménagement a été présentée puis ça chemine également un peu partout dans les régions au niveau des organismes de gestion en commun.

Tout à l'heure, vous faisiez référence à toute la question des normes qui vous freinent, vous faisiez une comparaison entre forêt publique, forêt privée. Vous faites de la microforesterie en forêt privée. Ça semblait être meilleur qu'en forêt publique parce que vous disiez, je pense, tout à l'heure qu'il y avait des impératifs opérationnels qui primaient sur tout. Un, j'aimerais bien vous entendre pour voir les normes auxquelles vous faites référence, et ma collègue de Bonaventure l'a repris à plusieurs occasions. Les normes vous freinent, les normes vous freinent, mais ces normes, quelles sont-elles, ces normes qui vous freinent comparativement à celles qui ne vous freinent pas en forêt privée? Parce que, si en forêt publique il y a un cadre législatif ou réglementaire qui vous impose telle prescription, est-ce qu'en forêt privée vous écartez ces normes-là?

Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus pour qu'on puisse bien comprendre quelles sont ces embûches. Et, d'autre part, quel serait le rôle de l'agence éventuellement que vous proposez, qui pourrait, une fois que vous aurez répondu à la première question, solutionner tous ces problèmes-là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Caron.

M. Caron (Vincent): ...décision, c'est que je ne crois pas que les organismes réclament l'exclusivité, le mandat de faire l'aménagement; on n'a pas cette prétention. Je pense qu'on y perdrait beaucoup de crédibilité de s'acheminer dans cette voie-là.

Ce que l'on voit, c'est une instance régionale qui pourrait considérer quels sont les gens qui seraient à même de faire le meilleur plan d'aménagement forestier et là, en tenant compte nécessairement... puis avec la nécessité d'avoir le ministère sur cette table, de pouvoir engager éventuellement des consultants, qu'il y ait vraiment une instance régionale qui puisse décider qui fait quoi et quels sont les objectifs, et en considérant aussi la contribution de l'industrie, qui est aussi essentielle par leurs ingénieurs, par leurs données terrains, qu'ils fassent valoir leur point de vue, mais que et le ministère et peut-être des forestiers regroupés, aménagistes puissent prendre en compte cet ensemble de données et faire ce qui est le mieux dans l'intérêt commun non pas d'un seul bénéficiaire, mais de l'ensemble des bénéficiaires, de l'ensemble de la ressource et des besoins exprimés par tout le monde. Donc...

M. Lelièvre: Ça me va, cet aspect-là. Mais, par rapport aux embûches que vous rencontrez... Parce que, si vous demandez une modification, c'est parce que vous considérez que le régime actuel doit être amélioré? Mais tout à l'heure vous faisiez référence à une série de normes que... si vous aviez la possibilité d'intervenir là-dessus, vous modifieriez les choses.

J'aimerais bien voir quelles sont-elles, quelles sont ces normes puis quelles sont ces exigences qu'on vous impose, qui vous freinent dans votre développement sur l'opération sur le terrain. Et Mme la députée de Bonaventure également le reprenait, vous sembliez d'accord dans votre échange pour dire: Oui, ça nous freine. Alors, l'agence, oui, si elle existait, réglerait des choses, mais, avant de régler des choses, il faudrait qu'on puisse les connaître.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Caron.

M. Caron (Vincent): C'est très technique, n'est-ce pas?

M. Lelièvre: Mais c'est le RNI.

M. Caron (Vincent): Ce sont des discussions qui tiennent sur des journées entre les officiers du ministère et les gens de l'industrie. C'est très, très technique. Les exemples qui étaient pris en compte, là, à savoir que tel peuplement devrait être traité de telle façon plutôt que de telle façon, qu'on a constaté des résultats qui étaient négatifs dans la façon qu'il est normé... c'est ce genre de choses.

Et c'est un terrain sur lequel je n'oserai pas embarquer parce que, encore là, je pourrais vous parler de normes concernant le cèdre, la politique d'aménagement du cèdre; c'est un dossier qui est en traitement au ministère. Il y a eu l'absence d'une stratégie d'aménagement du cèdre. Le ministère a travaillé ardemment dans les derniers mois à créer une nouvelle politique d'aménagement du cèdre et c'en était un des secteurs sur lesquels on réclamait depuis belle lurette des modifications, mais on prêchait dans le désert. Mais ça, c'est un dossier qui est en traitement. Là, je me retrouve assis sur une chaise d'industriel quand je parle comme ça, donc je vais m'abstenir puis laisser à mes confrères le soin d'étayer cette affirmation, qui dit: Les modifications forestières sont difficiles à faire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Maisonneuve, M. Marcoux? Alors, M. Maisonneuve d'abord.

M. Maisonneuve (Gilles): Disons que, en partant, la foresterie, ce n'est pas une science exacte. Donc, si vous mettez deux, trois ou quatre forestiers ensemble, il y a des chances qu'ils discutent puis qu'ils puissent discuter longtemps sur la façon de faire faire ou faire telle chose. L'avantage qu'on a au niveau de la forêt privée, c'est qu'on travaille avec des partenaires à l'intérieur d'un programme qui est régionalisé. Donc, à chaque année, les gens s'assoient ensemble, on regarde le programme et on regarde, suite aux demandes de l'un et de l'autre, les améliorations qui pourraient être apportées. Alors, ça, c'est un exercice qu'on fait annuellement, on le fait en région et on le fait avec nos partenaires.

Quand on regarde au niveau de la forêt publique, le programme de la forêt publique, il n'y a pas de consultations. On peut être consulté, mais on n'est pas consulté en tant que partenaire, si vous voulez, puis, une fois qu'on a écrit ou envoyé nos choses, on fait ce qu'on veut avec. Ça, c'est la grosse différence qui existe à l'heure actuelle entre le fonctionnement forêt privée et le fonctionnement forêt publique.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je sens qu'on va dépasser un peu. Est-ce qu'il y a consentement pour que M. Marcoux puisse donner le complément de réponse? M. Marcoux.

M. Marcoux (Alain): D'accord. Merci. Moi, ce que je voudrais dire là-dessus, c'est que finalement ce qu'on veut là-dedans... Bon, on parle d'une agence de forêt publique, ça peut prendre un autre vocable, mais, ce qui est important, c'est briser le cadre actuel pour pouvoir faire des choses différemment. Regardez dans le Bas-Saint-Laurent, depuis plusieurs années, tous les investissements, les efforts qui ont été faits au niveau de l'aménagement, puis on se retrouve avec une baisse de possibilités d'environ 15 %. Il peut y avoir plusieurs raisons, la tordeuse... il y a toutes sortes de raisons, mais on peut se poser la question à ce niveau-là: Tous les efforts ont été mis, puis regardez où est-ce qu'on en est aujourd'hui.

Donc, il faut qu'on fasse une nouvelle foresterie, prendre de nouvelles approches. Il y a des essais qui sont faits, on parle d'alliance des Monts, on parle de forêt... l'expérience de la MRC de la Matapédia, etc., mais il faut qu'on fasse une foresterie plus fine, mieux adaptée à nos particularités.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Alors, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Vous avez soulevé un point extrêmement important tout à l'heure sur le sort de nos travailleurs forestiers. Vous avez insisté sur le fait qu'on devait valoriser davantage le travailleur forestier, et tout ça bien sûr s'imbrique dans une logique, qui est la vôtre, à l'effet d'avoir une foresterie plus fine, plus adaptée à la réalité. Vous avez surtout dit que les travailleurs forestiers étaient les grands oubliés du projet de loi, et ça, je dois vous dire que vous avez parfaitement raison là-dessus.

Comment on peut chercher à améliorer leurs conditions de travail et de salaire? Peut-être en bonifiant le projet de loi. Tout à l'heure, vous avez fait référence à la logique du plus bas soumissionnaire, effectivement, qui semble causer un préjudice important à nos travailleurs forestiers, dans le fond, qui récoltent seulement des miettes, là, sur le terrain. Alors, qu'est-ce que vous proposeriez, plus concrètement, pour qu'on puisse effectivement valoriser nos travailleurs forestiers, qui souvent travaillent dans des conditions difficiles? Puis, si on veut avoir une main-d'oeuvre ? et puis ça je pense que vous l'avez souligné ? qui soit évidemment compétente, qui soit intéressée, qui soit bien formée, il faut trouver des mécanismes pour valoriser et pour rendre la profession plus attrayante dans le milieu. Alors, concrètement, comment vous voyez ça de votre côté?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Tremblay.

M. Tremblay (Réginald): Bien, dans un premier temps, je pense que la meilleure façon d'améliorer les conditions, c'est leur assurer du travail à chaque année, que, d'une année à l'autre, on puisse leur dire: C'est sûr que vous allez avoir de l'emploi l'an prochain; ne cherchez pas ailleurs, on a de la place pour vous autres, on vous garantit un emploi. Et puis, pour pouvoir faire ça, bien, nous autres mêmes, il faut être assuré d'avoir, à chaque année, des contrats puis des budgets d'aménagement, qu'on le sache assez longtemps d'avance et qu'on ne le sache pas au mois de juin quand la saison commence au mois d'avril. Alors, c'est la première condition à assurer pour nos travailleurs forestiers.

La deuxième, bien, c'est peut-être que, au niveau des conditions de travail, il faut leur assurer un revenu décent. La participation aux agences de la forêt privée nous permet de revendiquer, avec preuve à l'appui, des améliorations dans les conditions puis dans les niveaux de budget pour telle ou telle activité. C'est des décisions régionales, contrairement à ce qu'on disait tantôt au niveau de la forêt publique, où on n'a pas de latitude à cet égard.

n(11 h 30)n

Et puis, troisièmement, vous avez parlé de formation. Nos travailleurs ont droit et ont besoin d'avoir de la formation pour les maintenir à jour, avec des nouvelles techniques qui facilitent le travail, des nouveaux outils qui facilitent le travail aussi, et puis possiblement avoir un moyen pour permettre à nos travailleurs plus âgés ? parce que la moyenne d'âge s'élève à chaque année, dans nos travailleurs ? de vivre décemment ? parce que c'est du travail à forfait, dans nos entreprises ? sans être obligés de se ruiner la santé. Alors, il y aura, à un moment donné, une nécessité de trouver des façons de rémunérer ces travailleurs en tenant compte de leur vieillissement puis de leur capacité moindre de produire.

Alors, je pense que c'est des éléments dont on devra tenir compte et dont on peut tenir compte quand on a un mot à dire, régionalement, sur les budgets sur les activités, et c'est pour ça que les agences sont à une table où on peut s'asseoir puis en parler.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci pour ces précisions. Une dernière question. C'est concernant votre demande de faire de la région du Bas-Saint-Laurent un laboratoire où on pourrait privilégier une nouvelle approche en matière de gestion.

Alors, parlez-nous donc un petit peu, en terminant, là, de ce projet-là. Concrètement, quelle forme ça pourrait prendre, de faire du Bas-Saint-Laurent une espèce de laboratoire d'expérimentation au niveau foresterie?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Maisonneuve.

M. Maisonneuve (Gilles): Bien, on en a parlé un petit peu tantôt, hein? Le Bas-Saint-Laurent, c'est vraiment la région idéale pour ça. Le Bas-Saint-Laurent, c'est de la forêt habitée. Ceux qui connaissent le Bas-Saint-Laurent, vous avez un village, vous avez de la forêt autour. C'est soit de la forêt privée ou de la forêt publique. Des camps forestiers, dans le Bas-Saint-Laurent, il n'y en à peu près pas. Les travailleurs forestiers voyagent soir et matin. On est vraiment dans un contexte, une région où le fameux concept de forêt habitée, dont on a entendu parler, dont on entend moins parler, mais il reste que c'est l'image du Bas-Saint-Laurent puis c'est une pratique qui pourrait se faire dans le Bas-Saint-Laurent. D'où, pour nous, on pense que, s'il y a un projet qui devrait être mis en place au niveau provincial, il devrait l'être au niveau du Bas-Saint-Laurent à cause de cette particularité-là.

Puis l'autre particularité qu'on a, dans le Bas-Saint-Laurent, on a une main-d'oeuvre forestière en abondance et compétente. On a des gens qui aiment la forêt puis qui aiment travailler en forêt, contrairement à bien d'autres régions, parce que la plupart des régions sont en pénurie de main-d'oeuvre. Au Bas-Saint-Laurent, les gens aiment la forêt et aiment y vivre et y travailler. Alors, déjà là, c'est une deuxième raison valable.

Et le Bas-Saint-Laurent a toujours été une région où on a initié énormément de projets. L'aménagement forestier de la forêt privée, ça part du Bas-Saint-Laurent, ça part des opérations Dignité. Il y a eu toutes sortes de projets expérimentaux au Bas-Saint-Laurent; il y en a encore à l'heure actuelle, et on pense, pour toutes ces raisons effectivement, qu'on est la place où il devrait y avoir un projet-pilote dans ce sens-là.

Mme Normandeau: Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça va? Messieurs, merci pour votre participation à cette commission.

Je vais donc suspendre les travaux quelques instants, le temps de donner à l'autre groupe la possibilité de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 34)

 

(Reprise à 11 h 38)

Le Président (M. Lelièvre): Alors, si vous voulez, la commission va reprendre ses travaux. J'inviterais donc les parlementaires ainsi que les gens du Regroupement des associations forestières régionales du Québec à prendre place.

Mesdames, messieurs, bienvenue. Pour les fins d'enregistrement de nos débats, j'apprécierais que vous vous présentiez et, par la suite, que vous procédiez à la présentation de votre mémoire, tout en vous rappelant que vous disposez d'une période de 20 minutes et que, par la suite, il y aura une période d'échanges avec chacun des groupes parlementaires. Alors, bienvenue.

Regroupement des associations
forestières régionales du Québec

Mme Reny (Isabelle): Merci beaucoup, bonjour. Isabelle Reny, directrice générale de l'Association forestière. Ma figure devrait vous rappeler quelque chose...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Reny (Isabelle): ...mais je ne viens pas pour la même chose. Alors, rapidement, avant de vous présenter l'équipe, j'aimerais, si ça vous convient... On vous propose le déroulement suivant.

D'abord, un bref historique pour rappeler l'évolution de nos organismes. Nous sommes ici pour les associations forestières régionales, le Regroupement. Ensuite, on vous présenterait les grandes lignes de notre mission, membership, activités qu'on fait, notre raison d'être, finalement, et enchaîner et terminer par nos explications, l'explication, en fait, de nos demandes, nos recommandations qu'on vous fait.

Alors, si ça vous convient, je vais vous présenter les gens avec moi. À ma droite, Diane Bouchard, Saguenay?Lac-Saint-Jean; à côté, René Charest, Vallée du Saint-Maurice; à ma gauche, Daniel Archambault, Cantons de l'Est; à l'arrière ? mais je ne présenterai pas toute la salle ? on a avec nous Karine Dubois de Québec-Métro. On a Donat Langlois, de Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, et Laurent Tardif, de Rive-Sud. Alors, ça donne un peu une idée de la représentativité.

Sans plus tarder, je passerais la parole à Mme Bouchard pour l'historique, un bref historique de notre évolution.

Mme Bouchard (Diane): Bonjour. Pourquoi vous parler d'histoire? Je vais me retourner en secondaire IV. Mon professeur d'histoire qui, maintenant, est maire de ville de La Baie ? ça, je parle pour les gens du coin ? Réjean Simard, nous avait dit, en histoire, une phrase très importante, que: Pour comprendre qui on est, il faut comprendre d'où l'on vient. On va l'inverser. Pour que vous compreniez qui nous sommes, on vous dresse un petit bilan de notre histoire.

n(11 h 40)n

On ne remonte pas aux années 1600 mais en 1939, à l'Université Laval. C'était la naissance de l'Association forestière québécoise, un organisme sans but lucratif qui s'était donné comme mission ? et je ressors la mission dite à l'époque ? de faire l'éducation du peuple pour l'entretien et la conservation de ses massifs forestiers. C'étaient des visionnaires, à l'époque.

De 1940 à 1949, cette association forestière là a fait des petits: les associations forestières régionales. Je vais vous donner quelques dates, là, mais il n'y a pas d'examen après, vous n'avez pas d'affaire à les savoir par coeur. En 1940, c'était le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie; en 1942, le Saguenay?Lac-Saint-Jean; 1943, l'Abitibi; 1945, les Cantons de l'Est, et ainsi de suite, dans chaque région du Québec.

Il y a eu aussi un autre bébé. Pour ceux qui ont les cheveux blancs ou qui sont camouflés, comme moi, vous allez sûrement vous rappeler des clubs 4-H du Québec qui, dans les années soixante, étaient un mouvement jeunesse très, très fort. M. Bédard rit, là, il est trop jeune; il n'a sûrement pas fait partie des clubs 4-H. Ça, c'est de 1939 à 1960. Ça a été une époque forte avec les associations qui naissaient et les clubs 4-H aussi.

De 1960 à 1980, ce fut les années d'or. On appelle ça les années d'or du mouvement des associations forestières, des régionales et des clubs 4-H. Le ministère des Terres et Forêts ? si je me trompe, là, il me semble que, à l'époque, il était appelé Terres et Forêts ? allouait des sous à l'Association forestière québécoise et à ses régionales. Il y avait des camps dans chacune des régions du Québec ? pour ma région, moi, c'était le camp du Lac Brochet ? où il y avait des camps 4-H, où les écoles venaient et où on faisait de l'éducation forestière auprès des jeunes. Dans ces années-là, ça roulait beaucoup et il y avait même des congrès provinciaux au niveau des associations forestières.

Il y a un tournant qui s'est passé dans les années soixante-dix. L'éducation forestière a pris un grand virage au Québec. Le ministère a créé un service d'éducation en conservation. À ces services-là, qui étaient à Québec, se sont greffé des centres éducatifs forestiers dans presque toutes les régions du Québec. Le premier qui est né, des centres éducatifs forestiers, ce fut Duchesnay. Ensuite, il y en a eu un peu partout dans toutes les régions.

Pendant ce temps-là, l'Association forestière québécoise, entre 1980 et 1990 ? il y avait encore les centres éducatifs forestiers ? et les régionales se cherchaient des sources de financement, avaient de la difficulté à fonctionner, quoique ça fonctionnait toujours dans certaines régions. Il y avait des hauts et des bas entre les années 1980 et 1990.

Depuis 1991, qu'est-ce qui s'est passé avec l'éducation forestière? On a vu que, dans les années... il y a eu l'Association forestière avec ses régionales, il y a eu les centres éducatifs du ministère. En 1991, il y a eu une décision au niveau du gouvernement du Québec. On se rappelle, c'était dans la période où on commençait à rationaliser au niveau du gouvernement. Il y a eu le démantèlement des centres éducatifs forestiers. Et après ça ? et ça, ce n'est pas à cause du démantèlement des centres éducatifs forestiers ? il y a eu la mort de l'Association forestière québécoise et de son magazine Forêt conservation. Qu'est-ce qui est resté? Les associations forestières régionales qui continuent encore à être actives dans les régions.

Pour savoir qui on est, en 2000, je vais vous présenter un plus jeune que moi, M. René Charest, de l'Association forestière de la Vallée de la Saint-Maurice.

M. Charest (René): Alors, vous voyez que l'information, l'éducation et la sensibilisation ont toujours été au coeur de la mission des associations forestières. Et aujourd'hui, c'est encore vrai.

Le porte-folio qui vous a été remis illustre de façon, je pense, un peu éloquente les diverses activités plus ou moins originales qui sont mises de l'avant pour atteindre notre mission. Les moyens qu'on utilise sont variés, vous le voyez. Ce sont des programmes éducatifs, ce sont des visites en forêt. On organise des colloques, des sessions d'information, on fait des sorties éducatives non seulement pour les élèves, mais aussi pour les enseignants. En forêt, on a des bulletins de liaison avec nos membres. On organise, annuellement chacun, un congrès, des journées de formation avec des clientèles spécifiques, des gestionnaires de zec, des gens de tous les milieux. On organise des salons forestiers, même, on fait des démonstrations techniques en matière de transfert de technologie; on fait visiter des usines. Vous avez un peu tout ça dans votre porte-folio. Ce qu'il faut retenir, c'est que, tout ça, c'est pour faire comprendre l'existence et l'interdépendance au plan économique, social, politique et écologique de la forêt. Et ça, on intervient autant dans les zones urbaines qu'en milieu rural.

Alors, je pense que, dans ce matériel-là, vous avez la démonstration qu'on est non seulement géographiquement partout présents, mais qu'on représente aussi une variété de clientèles. Qui sont les gens qui sont au sein de nos conseils d'administration, qui participent à nos activités et qu'on rejoint? Ce sont, par ordre d'importance, le grand public, les associations et les regroupements d'utilisateurs de la forêt. Ce sont des gens du secteur municipal, de l'industrie, du secteur gouvernemental, du secteur scolaire, et dans certaines régions où il y a des visites forestières, des visites à caractère touristique, le secteur touristique également.

Alors, vous voyez que c'est un lieu de rencontre, un lieu où on se transfert des connaissances, des préoccupations diverses qui s'avèrent même quelquefois en opposition, vous aurez compris. C'est la place où certains préjugés peuvent évoluer au contact d'autres réalités. Je tiens à vous préciser que, l'an prochain... la Mauricie a obtenu le titre de Capitale forestière canadienne. C'est une autre initiative pour répondre à la mission des associations forestières. Je vous invite à porter fièrement l'épinglette officielle qui est dans le porte-folio.

Notre membership joue un rôle important dans notre financement. Il est diversifié, au niveau de ses préoccupations, au niveau de ses allégeances. Tous ces gens-là se rencontrent de façon naturelle pour une seule raison, c'est qu'ils partagent une conviction dans l'impact que peut avoir l'éducation et l'information du grand public et de certaines clientèles particulières. Ce qui résume notre réalité, nous sommes tous des organismes sans but lucratif avec ce que ça comporte comme réalité, mais on dirait que c'est la neutralité dans la diversité.

Alors, je repasse la parole à notre animatrice Isabelle pour nous parler de nos préoccupations maintenant et des recommandations qu'on veut vous livrer.

M. Reny (Isabelle): Alors, comme vous voyez, on a un beau rôle, une mission, en fait, qu'on pourrait quasiment qualifier de noble. Notre neutralité, comme dit René, nous amène une crédibilité intéressante. Elle est même renforcée par la bonne représentativité de notre membership.

En fait, j'ai quasiment envie de nous péter les bretelles ? c'est peut-être l'endroit où... Je ne crois pas qu'il n'y ait aucun organisme qui est aussi représentatif du milieu forestier que les nôtres. Alors, s'il y en a, faites-nous-en part. Mais on pense qu'on est pas mal fier de ce qu'on fait. Je pense qu'on a raison de l'être.

Nos membres, c'est notre force. Ils proviennent de tous les milieux, je vous le rappelle, tous les secteurs d'activités qui sont reliés au milieu forestier. Tout ça, c'est très bien. À cette heure, on a des belles lettres de noblesse, mais ça ne garantit pas notre pérennité. Et notre pérennité, on essaie de venir la chercher ici, aujourd'hui.

Deux recommandations prioritaires que vous avez entre les mains; je vous les explique. Vous les comprenez très bien, j'en suis sûre, mais je vous explique un peu le pourquoi. Le gouvernement reconnaît l'importance des aspects de l'éducation et de l'information du public. Nous, on vous demande de nous reconnaître officiellement ? je parle, les associations forestières régionales ? comme organismes privilégiés en charge de ces volets-là, des volets d'éducation et d'information du public et des forestiers dans les régions du Québec.

Vous savez ? j'espère que vous le savez ? cette reconnaissance-là, on l'a chez nous; chacun, chez nous, on l'a. On a un appui incroyable, en tout cas, un très bon appui de la part du secteur privé, du secteur coopératif, du secteur municipal, scolaire aussi, bien entendu, et également, de nos bureaux régionaux du ministère. Je pense qu'on a une très bonne collaboration avec eux. On peut compter un sur l'autre, sans problème.

n(11 h 50)n

À cette heure, ce qu'il nous faut ? ce qu'on pense qu'il nous faut et on en est sûr ? c'est d'être reconnus à l'échelle du Québec. On veut être reconnu, à l'échelle du Québec, officiellement. On comprend tout le monde que, quand on dit qu'il faut avoir absolument un organisme, idéalement privé, sans but lucratif, ciblé par région pour s'occuper des mandats éducatif et informatif, on parle d'un organisme qui est déjà présent, pas d'en créer d'autres. Les structures sont déjà là, c'est nous. Alors, présent, actif et représentatif, je pense qu'on parle de nous. Le chapeau, il nous fait. On le porte d'ailleurs, depuis près de 50 ans pour la plupart, et plus de 50 ans pour d'autres.

Ce qu'on demande, en fait, c'est: rendez officiellement, s'il vous plaît, ce que le milieu forestier attend. Pourquoi ça va faciliter notre consolidation? Vous le comprenez, ça va faciliter notre financement aussi. Ah, ah! c'est le prochain point: le financement, des sous, des sous.

On ne vient pas ici pour quêter, personne, jamais de la vie, on est bien trop fier pour ça. Ce qu'on vient vous dire aujourd'hui, c'est que ça relève du gros bon sens de recevoir un financement gouvernemental de base. Ah! qu'essé ça? Pourquoi? Ça s'en vient.

Pour s'assurer de conserver ? je répète parce que, des fois, on ne capte pas tout la première fois ? l'appui du privé, c'est très important. Pour être capable de vivre adéquatement et pour conserver la grande crédibilité qu'on se réjouit d'avoir. Alors, on vous l'a dit, on a principalement trois voies de financement: membership, donc secteur privé, activités de financement, et notre rêve de stabilité minimum: le gouvernement, des sous du gouvernement.

Les deux premiers, ils sont là; on les a. Ça va bien, c'est super. Ils ne nous lâcheront pas si le troisième, il reste là puis il est là ? s'il est là puis il reste là. J'ai bien aimé une phrase de Diane qui est avec moi. Elle disait en résumé: La contribution du milieu, elle mérite au minimum une contribution équivalente ? pas plus, pas moins ? de la part du gouvernement. Alors, vous comprenez, on ne parle pas ici de millions. Bien, si vous voulez qu'on parle de millions, on peut en parler, mais on ne parle pas du tout, du tout, de millions ici.

Ça va dans la logique des choses; je radote un peu. Quand on voit d'ailleurs tous les documents depuis la révision du régime qui parlent d'information, d'éducation, le besoin criant qu'il y a là, tu sais, ah bien, là, on était content de voir ça parce que c'est exactement ce qu'on fait, c'est notre créneau. Alors, voilà, c'est ça.

Pour terminer, je vais passer la parole à Daniel qui va conclure là-dessus.

M. Archambault (Daniel): Merci. Donc, mes collègues ont bien présenté nos organismes. Je veux juste ajouter quelques lignes, si vous me permettez, en soulignant que l'arbre et la forêt, ce sont des ressources capitales de notre qualité de vie. Nous, les AFR, comme Isabelle l'a souligné, on est des organismes existants ? on n'est pas des structures qu'on veut ajouter ? et on a des assises sérieuses qui sont solides mais qui ont toujours besoin d'une consolidation.

Les AFR, ce n'est pas un privilège pour la population mais ils répondent à un besoin. Les AFR entendent continuer dans ce sens-là, dans le même sens pour les années à venir, et pour ce faire, elles devront pouvoir compter sur l'appui de tous nos partenaires, y compris le ministère des Ressources naturelles.

Je termine sur ça, et on est prêt à répondre à vos questions.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, ça termine votre présentation?

M. Archambault (Daniel): Oui.

Le Président (M. Lelièvre): Je vous remercie beaucoup, et je vais maintenant céder la parole à M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Brassard: Merci, Mme Reny, Mme Bouchard, M. Archambault, M. Charest. Je pense que l'historique que vous avez tracé est très instructif, dans le sens où vous avez une histoire assez longue. Et je sais aussi que, dans chacune des régions, particulièrement des régions forestières, vous êtes des organismes très dynamiques et qui pratiquent, de façon très concrète, et on pourrait dire, exemplaire, la concertation d'à peu près tout ce qu'on peut trouver d'intervenants reliés de près ou de loin à la forêt et aux activités qui s'y déroulent. Alors, je pense que vous occupez une place importante qu'on se doit de reconnaître.

Un mot sur le financement. Ha, ha, ha! Quand on regarde votre financement, je pense qu'on peut dire qu'il y en a à peu près un tiers qui provient de programmes gouvernementaux; l'autre tiers des activités que vous tenez et puis les contributions de vos membres, je pense que c'est à peu près ça.

Pour ce qui est des programmes gouvernementaux, je sais que le volet II du programme de mise en valeur est utilisé, à bon escient d'ailleurs. Mais je comprends que vous n'êtes pas pleinement satisfaits de cette façon de vous financer, parce que, évidemment c'est sur projet. Donc, quand on regarde la liste, on se rend compte que les associations forestières régionales qui ont des projets, qui ont des bons projets, des beaux projets, bien, généralement, ça se rend jusqu'au bout puis ça obtient l'aval de la région, du milieu. Mais ça ne vous donne pas pleinement satisfaction. Qu'est-ce que vous souhaiteriez, comme forme de financement de la part de l'État, de la part du gouvernement?

Le Président (M. Lelièvre): Alors, c'est...

Mme Bouchard (Diane): Oui, pour vous répondre...

Le Président (M. Lelièvre): ...Mme Bouchard.

Mme Bouchard (Diane): Oui. M. Brassard, moi, je suis la plus vieille directrice générale des associations forestières. Ça fait 20 ans que je suis là.

Dans 20 ans d'histoire dans ma région, mon conseil d'administration et moi-même, ce qu'on a toujours fait, au départ, c'est de courir après les sous. Et, quand on court après les sous, on n'éduque pas.

Il y a trois ans, on a eu une concertation ? trois ou quatre ans ? avec le milieu forestier régional où les industriels forestiers nous ont dit: On est prêts à financer les activités de votre organisme à un demi-sous du m² ? pour notre région, c'est gros, c'est assez gros, on est la plus grande région forestière ? en autant que le gouvernement verse sa partie. Puis c'est un peu la réalité dans les autres régions, hein; ce que je vous explique, c'est ma réalité, mais on pourrait la transposer ailleurs.

Je fais ma campagne de financement en janvier, et même déjà, on commence à me dire, du côté des industriels: Ah! ça va mal au sciage, on ne sait pas. Ça fait que, là, on commence déjà à être incertain, on est au mois de septembre, puis là, je me dis: Bon, est-ce qu'ils vont tous rentrer cette année?

Et ensuite, arrivent les programmes de mise en valeur. Je fais une demande au Conseil régional de concertation et de développement de la région 02, et comme j'ai le secteur nord, j'en fais une à la Radissonie aussi. Et ça devient lourd et ça devient incertain, d'une année à l'autre, qu'on va avoir cette source de financement là. C'est un volet II, ce n'est pas sûr. À chaque année, il n'y a pas de récurrence, autant de la campagne de financement et autant du côté ministériel, du côté gouvernemental.

Ce qu'on vous demande, dans le principe ? parce que je l'ai vécu, j'ai déjà passé une année à -20 000 $ à la banque, là, et là on est rendu beaucoup plus à l'aise ? que l'argent amène l'argent. Et ça, c'est pour... parce que je suis sûre que ça va vous venir en tête, il y a des régions où est-ce qu'il n'y en a pas, d'associations forestières, c'est parce que, à un moment donné, l'élastique a cassé au niveau du financement. Dans ce principe-là, si on est assuré d'un financement stable à quelque part ? puis on ne demande pas des millions pour chaque région ? le reste va suivre. C'est un élan, au moins, pour assurer une permanence et une durabilité à nos organisations.

Mme Reny (Isabelle): Je pourrais ajouter...

Le Président (M. Lelièvre): Oui, Mme Reny.

Mme Reny (Isabelle): ...oui, pour compléter. Le volet II, on est bien content de l'avoir. C'est certain, on est très, très content de l'avoir. Par contre, comme vous savez, tout le monde est tout le temps en attente. Bon, là, on sait qu'il est garanti pour deux ans. Qu'est-ce qui va arriver après? Ça, c'est dans la part des choses.

Il y a aussi le point que, dans notre région, il est géré par des MRC qui reconnaissent ce qu'on fait avec ces sous-là. Mais, eux, en tout cas, dans une mesure, ils se disent: Bien, on est prêts à vous financer ça mais trouvez aussi d'autres voies de financement.

Alors, on revient un petit peu à la case de départ. On en a, d'autres voies de financement, mais on les met déjà sur d'autres aspects éducatifs. Ça fait que, finalement, les sous du gouvernement devraient venir du gouvernement, même si c'est remis au milieu puis qu'après ça il s'organise avec. À un moment donné, c'est que les projets ont beau être exceptionnels, très bons, ils se disent: Bien, on ne peut pas financer toujours les mêmes choses, on va aller financer d'autre chose. Mais, nous, aïe, on est pris avec ça.

n(12 heures)n

On a, disons, souvent dans l'année le gros nerf du cou sorti, là. Régulièrement, en fait.

M. Brassard: Alors, écoutez, sur la question du financement, je pense qu'on poursuivra peut-être nos échanges ailleurs.

Mme Reny (Isabelle): Parfait. Ha, ha, ha!

M. Brassard: Ha, ha, ha! Puis je pense aussi, le fait que vous soyez regroupés, là, puis que votre regroupement, il se trouve en quelque sorte à remplacer l'ancienne association québécoise nationale qui est disparue dans les année quatre-vingt-dix, alors donc ça nous fait au moins un interlocuteur avec qui on pourra poursuivre ces échanges sur cette question fondamentale qu'est le financement.

Moi, l'autre question que je voudrais vous poser, évidemment, vous avez un mandat d'éducation, d'information, de vulgarisation dans le bon sens du terme et vous l'assumez bien ? il suffit de regarder votre pochette, puis c'est plein de documents et de projets, c'est assez remarquable ? mais vous faites allusion aussi dans votre mémoire évidemment à la politique de consultation à venir. Il y aura un certain nombre d'amendements dans la Loi sur les forêts qui vont porter sur l'implication de certains intervenants en amont lors de la préparation des plans d'aménagement forestier ? les MRC, les gestionnaires de territoires fauniques, les communautés autochtones quand il y a lieu, quand elles sont présentes sur le territoire ? mais ça ne veut pas dire que d'autres intervenants ne sont pas appelés à participer puis à exprimer leur point de vue. Ça va se faire, ça, dans le cadre d'une politique de consultation qu'on va élaborer et mettre en oeuvre, et vous revendiquez d'une certaine façon, compte tenu de vos mandats d'information, d'éducation, une place et un rôle à jouer dans le cadre de cette politique de consultation. Bon, bien sûr, elle n'est pas encore élaborée, définie, mais il y en aura une, puis on va y travailler très fort une fois que le projet de loi sera devenu une loi.

Mais je pense que ce serait intéressant de savoir de votre part comment vous vous voyez comme association régionale, quel rôle vous aimeriez jouer dans ce processus d'élaboration des plans d'aménagement dans le cadre, évidemment, d'une politique de consultation à venir, qu'on a annoncée et qui va se faire.

Le Président (M. Lelièvre): M. Charest.

M. Charest (René): Voilà, moi, je suis heureux, M. le ministre, que vous entrevoyiez cette politique de consultation, c'est effectivement ce que l'on souhaite parce que ça permettrait de préciser certaines orientations en matière d'octroi des droits ainsi qu'en matière de protection et de mise en valeur des forêts. Ce qu'on dit, nous, c'est qu'on se sent compétents pour, avec nos partenaires dans le milieu, établir certaines bases communes de discussion. Ce qu'on signifie dans le cadre de notre mémoire, c'est que dans le cadre de la préparation des différents plans aussi on se sent compétents pour soutenir la participation des divers intervenants parce qu'ils sont déjà là, ils sont... Pour eux, on est connus et reconnus, et, dans ce sens-là, la diffusion d'information qui vient à partir de chez nous, elle est réputée pour sa neutralité, oui, également, et on est donc capables de soutenir la participation et du grand public à la fois et des partenaires du milieu forestier. On est en mesure de les regrouper et de soutenir leur participation comme des spécialistes davantage de contenant que de contenu.

On est capables d'encadrer le volet information, le volet consultation, le volet aussi d'accessibilité au public des plans et des rapports annuels d'intervention, par exemple. On se verrait un certain rôle à ce niveau-là. Pourquoi pas? Parce que, à l'intérieur de nos équipes, il y a de la compétence. Personnellement... À la vallée du Saint-Maurice, on a un service de transfert de technologie, c'est une ingénieure forestier qui occupe le poste. On a une biologiste également. Vous savez, on a déjà dans nos équipes des compétences pour permettre la vulgarisation et permettre l'accès au public à ces documents-là.

Également, on prétend être en mesure de soutenir certaines démarches consensuelles qui nécessitent... Je pense, par exemple, à des projets de forêt habitée, à des projets plus pointus que le ministère, par sa gestion adaptée dans chacune des régions, voudrait voir mettre de l'avant, par exemple des projets-pilotes. On est, je pense, même en mesure de soutenir des démarches types qui mèneraient, par exemple, à des consensus pour des prises de décision sur les projets-pilotes.

Le Président (M. Lelièvre): M. le ministre.

Mme Reny (Isabelle): Un petit peu pour...

Le Président (M. Lelièvre): Mme Reny.

Mme Reny (Isabelle): ...compléter. Oui. Si on est aussi importants dans nos régions, c'est que c'est le milieu qui l'a décidé comme ça. Nous tout seuls, c'est comme toute chose, hein? Alors, c'est le milieu qui a décidé qu'on devait être importants. Nous, on est prêts, je pense, à aider. Notre rôle, c'est de promouvoir l'ensemble des utilisations, tout ce qui se fait, rapprocher les gens, la concertation. On est là pour aider, on va être bien contents de collaborer, en fait. On a vu qu'on faisait quasiment des miracles avec pas grand-chose, alors, si on a des mandats clairs, on va battre des ailes, ça va être de toute beauté, là, on va être là.

M. Brassard: Bien, simplement pour dire, M. le Président, que je prends acte de votre offre de service, et je pense qu'on va s'en rappeler lorsqu'on se mettra au travail pour élaborer la politique de consultation qu'on s'est engagée à mettre sur pied. Oui, M. Charest.

Le Président (M. Lelièvre): Merci, M. le ministre.

M. Charest (René): Je voudrais vous mettre en garde, toutefois, contre le rôle qui est déjà dévolu à des structures régionales pour ce mandat de consultation. On sait que, dans chacune des régions, existent des conseils régionaux de développement, et je pense qu'ils ont un rôle majeur à jouer sur cet échiquier de la concertation régionale. Et, nous, on peut soutenir cette démarche, mais souvent, quand on favorise la concertation, on est un peu coincés avec certains points de vue, et c'est pour ça, tantôt, que je vous disais qu'on se voit déjà plus comme des spécialistes de contenant que des spécialistes de contenu.

Le Président (M. Lelièvre): Merci beaucoup. Alors, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, messieurs. Hier, je soulignais à Mme Reny que j'ai eu l'occasion, durant ma tournée, de visiter l'Association forestière de l'Abitibi-Témiscamingue, et j'ai été à même de constater tous les efforts et le travail qui sont faits sur le terrain et j'ai été grandement impressionnée. Et, je suis moi-même membre de l'Association forestière Gaspésie?Bas-Saint-Laurent, vous me permettrez de saluer d'une façon particulière M. Langlois, qui est avec vous ce matin.

Le ministre nous parle d'une politique de consultation, j'ai l'impression que vous allez plus loin et j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus. Est-ce que vous seriez prêts à parler d'une politique d'information et de sensibilisation au public? Parce que, dans le fond, vous avez une série de propositions dans votre mémoire, mais évidemment, compte tenu de la mission de vos organismes, tout tourne autour de ça. Mme Reny, vous avez souligné tout à l'heure: On fait des miracles avec pas grand-chose. Je dois vous dire, malheureusement, c'est ce qu'on constate souvent auprès des organismes sans but lucratif. Et je vous dirais que, depuis la diffusion du film L'Erreur boréale, on constate sur le terrain, je pense, qu'on doit faire beaucoup de travail d'information et de sensibilisation pour expliquer à la population effectivement nos forêts, et tout ça: le fonctionnement, la gestion, nos pratiques en forêt.

Et l'autre chose, c'est que ? et je l'ai constaté dans les régions forestières; moi, je viens de la Gaspésie ? malgré le fait que les gens, par exemple, dans une région forestière, travaillent de la forêt, et tout ça, on constate sur le terrain que les gens ont comme encore une méconnaissance de l'importance de nos forêts ici, au Québec et dans les différentes régions, alors d'où l'importance d'avoir des groupes comme les vôtres qui, à chaque jour, informez et sensibilisez le public.

Alors, au niveau de la politique d'information et de sensibilisation, si on allait plus loin, plutôt que de parler de consultation, vraiment on parlait d'une politique d'information et de sensibilisation, comment vous recevriez une idée comme celle-là?

Le Président (M. Lelièvre): Mme Bouchard.

n(12 h 10)n

Mme Bouchard (Diane): J'ajouterais, avant information puis sensibilisation, le terme qui me tient le plus à coeur, éducation. Vous savez, on travaille avec les jeunes beaucoup en milieu scolaire. Avec le grand public, c'est information et sensibilisation, mais ce qu'il faut, c'est que nos jeunes qui sont dans les écoles aujourd'hui... Parce que les autres sont importants aussi, mais que les jeunes connaissent la forêt qui les entoure. Dans nos régions forestières, les jeunes savent que la forêt, c'est important, et tout ça, mais qu'ils comprennent l'écosystème forestiers, qu'ils comprennent les interventions, ça fait deux choses dans les régions forestières. Ça fait que les jeunes savent ce qui se passe dans leur collectivité et ils sont à même de comprendre quand on dit que... Moi, je m'en rappelle, quand j'ai commencé en éducation, on arrivait dans le milieu scolaire: Couper un arbre, c'est criminel. On faisait mal à l'arbre. Le petit gars, il arrive chez lui, son père est travailleur forestier, ça fait que ça faisait des choses... Ça fait qu'il faut sécuriser aussi ces enfants-là, changer les mentalités, travailler avec les enseignants, leur faire comprendre le milieu qui les entoure.

Et j'ai déjà passé à un moment donné à la Commission de stratégie de protection sur les forêts, et on m'avait demandé: Pourquoi éduquer est plus important qu'informer? J'avais répondu naïvement que, moi, j'ai beau recevoir à la maison une pile d'information sur du matériel informatique, je ne comprends rien à l'informatique ? ce n'est pas vrai, là. Mais je ne comprends rien à l'informatique, donc ce que je vais recevoir, ce n'est pas de l'information, je vais le prendre et je vais le mettre là. Si, dans mon jeune âge, on m'a expliqué qu'est-ce que c'était, on m'a enseigné, on m'a éduqué, quand on va donner des messages d'information, je vais être à même, moi, de faire mon propre jugement par rapport à l'information qui va m'être livrée parce que j'aurai compris la base de l'écosystème forestier.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Oui, simplement pour souligner que le premier groupe qui est venu ici, en commission, le Conseil de la recherche forestière du Québec, M. Frisque soulignait effectivement l'importance, peut-être dès le primaire, là, d'avoir un programme d'éducation auprès des enfants pour qu'on leur explique effectivement l'importance de nos forêts ici, au Québec.

Écoutez, j'aimerais savoir, du côté de vos organismes, sans entrer dans un secret d'État, là, mais une association forestière, ça fonctionne avec un budget de combien? Si on avait un ordre de grandeur, on parle de 100 000 $, 200 000 $, 300 000 $? Non, même pas? Alors, 50 000 $? De toute façon, en moyenne, là, sans entrer dans les détails évidemment.

Le Président (M. Lelièvre): Mme Reny.

Mme Reny (Isabelle): On n'a pas le même budget, personne, en fait, et vous comprendrez qu'il varie d'année en année, et ce, depuis 57 ans, ou 58 ans, ou... Alors, c'est bien certain que c'est dur de vous donner un ordre de grandeur parce qu'il n'y en a pas un qui a le même budget. Puis, si on prend l'année d'avant, ce n'est pas pareil à l'année d'après. Mais ce qu'on vous dit, c'est qu'on n'a pas des structures qui coûtent cher. Personne n'a 1 million de budget, ça, c'est certain, là. En tout cas, je ne crois pas.

Une voix: ...

Mme Reny (Isabelle): Non? O.K. Mais ce n'est pas des structures qui coûtent cher, parce que le coût direct pour nous, il est facile à avoir avec le public. Alors, comme je vous ai dit tantôt, avec peu d'argent, on fait beaucoup, beaucoup de choses.

Vous avez, pour certains peut-être, nos rapports annuels, bien, à ce moment-là, c'est de consulter. Si je vous donne un ordre de grandeur, là, je ne reflète pas les autres ou en tout cas... Alors, allez-y avec un peu ce que vous... C'est sûr que ça prend quand même, là, des sous.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Mais, par exemple, là... Bon, je prends l'exemple de l'Abitibi-Témiscamingue, vous avez fait un projet, Plus qu'une route à suivre, une route à vivre, tous ces documents-là, vous financez ça de quelle façon, sur des... parce que j'imagine que c'est assez dispendieux. Vous avez des commanditaires? Je pense au Progrès forestier, du côté du Saguenay?Lac-Saint-Jean, vous avez une revue qui est très, très bien faite. Alors, comment vous financez tout ça, ces projets-là?

Mme Reny (Isabelle): Privé et public.

Mme Normandeau: O.K. D'accord. Puis public, par des programmes très spécifiques, là, c'est ça?

Mme Reny (Isabelle): Volet II. La plupart du temps, Volet II ou création d'emplois, là, exemple... Je cherche les noms, là...

Une voix: Fonds de lutte.

Mme Reny (Isabelle): Fonds de lutte, voilà, et des choses comme ça. En fait, on essaie de mettre la main sur à peu près tout ce qui existe. C'est résumé...

Mme Normandeau: O.K. C'est clair.

Mme Reny (Isabelle): Aussi clair que ça?

Mme Normandeau: Parfait. Merci.

Mme Reny (Isabelle): Merci.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de Dubuc.

Une voix: ...

Le Président (M. Lelièvre): Oui, oui, par alternance. Je reviendrai à vous, M. le député d'Orford.

M. Côté (Dubuc): Merci, M. le Président. Alors, Mme Bouchard, bienvenue, Mme Reny, M. Langlois, M. Charest. Je vous avoue, tout à l'heure Mme Bouchard a répondu un petit peu à la question de Mme la députée de Bonaventure, mais, moi, je voudrais revenir, là, vous m'avez interpellé un petit peu au début lorsque vous avez parlé des clubs 4-H, dont j'ai fait partie. Je ne suis pas comme mon collègue de Chicoutimi. Et, je me souviens encore de ce merveilleux organisme dans lequel nous étions, il avait un rôle éducatif énorme. Je me souviens encore d'avoir confectionné moi-même un herbier où on faisait la distinction entre les différentes feuilles d'arbres. On faisait la distinction entre une feuille d'érable et une feuille de plaine, et on nous montrait des choses.

Et je voudrais revenir sur ce volet pédagogique. Aujourd'hui, naturellement, vous jouez un petit peu ce rôle de formation, d'éducation, vous l'avez dit tout à l'heure, comment vous fonctionnez présentement? Lorsque vous faites des interventions en matière pédagogique, est-ce que c'est fait bona fide ou si vous avez des ententes avec les commissions scolaires ou avec le ministère de l'Éducation? J'aimerais que vous précisiez un petit peu plus sur ça.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, Mme Bouchard.

Mme Bouchard (Diane): O.K. On a avec les commissions scolaires... Vous savez que maintenant, pour rentrer dans les écoles, il faut être assez bien reconnu par le milieu scolaire parce qu'il y a beaucoup d'intervenants qui veulent y entrer. Avec le milieu scolaire, ce qu'on fait, ce sont des programmes éducatifs avec des objectifs pédagogiques en éducation relative à l'environnement. C'est le fameux transversal dont ils parlent, là, dans le nouveau... au ministère de l'Éducation, l'éducation transversale qui touche tous les programmes scolaires et avec des objectifs au niveau de l'éducation forestière. C'est qu'on a différents programmes qui sont adaptés au niveau d'âge de l'élève et à nos objectifs en tant qu'associations forestières. Et on peut parler autant des mammifères que des capteurs de carbone et des forêts et on s'adapte pour arriver à des objectifs. Et on fait des demandes auprès des milieux scolaires, on leur envoie des offres de service et c'est sur réservation.

M. Côté (Dubuc): Mais...

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de Dubuc.

M. Côté (Dubuc): Merci, M. le Président. Ces programmes-là sont nationaux, c'est-à-dire que ce sont tous les mêmes programmes pour chaque région ou chaque association, ou ça diffère d'une région à l'autre?

Le Président (M. Lelièvre): Mme Bouchard.

Mme Bouchard (Diane): On a tous notre couleur locale. Par exemple, en Abitibi, ils ont le centre éducatif forestier. Au Saguenay, on n'en a pas, on fait de l'itinérance d'une école à l'autre. Les programmes, ce sont nos naturalistes, nos animateurs, qui sont des techniciens forestiers ou techniciens de la faune, qui montent les programmes éducatifs. Et on va aussi avec les besoins de notre milieu scolaire et de notre territoire. Vous savez, chez nous, moi, mon territoire est vaste, pour le couvrir tout, on va en demi-journées ou en programmes d'une heure. Il y en a qui font des journées complètes. C'est vraiment selon les besoins de notre clientèle scolaire. Nous, on a demandé dans notre région... on a fait un vaste sondage auprès des écoles de la région et des maîtres, et ils nous ont dit qu'ils préféraient les demi-journées et les thèmes suivants. Donc, on a tout adapté nos programmes éducatifs.

M. Côté (Dubuc): Merci.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de...

Mme Reny (Isabelle): J'ai envie juste de...

Le Président (M. Lelièvre): Oui, Mme Reny.

Mme Reny (Isabelle): Excusez, j'ai juste envie... Je vais vous conter une petite anecdote, une activité qu'on fait, nous autres, en classe pour le fun, parce qu'elle vaut la peine. On prend une grande feuille de papier, on a dessiné un camp de chasse, un lac, une route, tout ça, puis on demande aux étudiants dans la classe: Vous êtes une compagnie forestière, vous avez à couper, exemple, quatre carrés là-dedans, à choisir quatre carrés que vous devez geler, si vous voulez, là, pour la coupe, mais sans brimer les autres utilisateurs forestiers.

Alors, ils prennent la classe, ils séparent la classe en groupes. Un groupe représente les intérêts, mettons, fauniques, l'autre groupe représente les intérêts privés, la compagnie forestière, d'autres groupes doivent s'occuper de dire où est-ce qu'ils vont passer la route, etc., pourvoiries. En tout cas, on a un petit peu tous les secteurs, et puis là ils doivent s'entendre où ils vont couper les quatre carrés. Alors, ça fait des discussions, il paraît, là... Pas il paraît, mais ça fait des discussions très, très animées, puis les jeunes, ils se rendent compte, ils disent: Ce n'est pas facile. D'un bord comme de l'autre, tout le monde veut... tout le monde a ses intérêts particuliers pour la forêt, mais tout le monde veut arriver à ses fins. Donc, comment s'entendre sur le terrain?

C'est une activité qui est, vous direz, peut-être simple, mais à l'autre bout, là, les professeurs, ils comprennent toutes les problématiques. Avec une activité comme ça, on réussit à sensibiliser les gens terriblement, parce qu'ils se disent: Ah, mon Dieu! Oui, j'ai à partager la forêt. À cette heure, en se parlant, bien on arrive à... Puis ils finissent tous par nous envoyer leur dessin en ayant décidé où étaient les quatre carrés et pourquoi ils avaient choisi ceux-là, et que tout le monde est le plus content possible. Donc, il y a conciliation, il faut concéder des choses. Alors, c'est des activités comme ça qu'on fait en classe. On est dans le genre, là. Par région, c'est spécifique.

Le Président (M. Lelièvre): Par alternance, je dois maintenant céder la parole au député d'Orford. Vous aurez l'occasion peut-être de revenir, M. Charest, en complément de réponse.

M. Benoit: Messieurs dames, bonjour. Vous parlez d'une politique de consultation. Moi, je suis porte-parole en matière d'environnement pour l'opposition officielle, et quelle est la place, dans ces consultations-là, qu'on doit ou qu'on devra donner aux groupes environnementaux? Est-ce que, par exemple, les CRE dans chacune de ces régions-là, d'une façon officielle, devraient être reconnus comme partie prenante à la consultation, écrite dans le règlement? Est-ce qu'on doit stipuler des groupes en particulier? Moi, j'aime bien ça quand les forestiers se rencontrent ensemble et puis qu'ils parlent de forêt, mais j'aime bien ça quand il y a quelqu'un d'autre qu'un forestier qui est avec vous autres quand vous vous réunissez. Quel est le statut que vous seriez prêts à concéder ou à donner aux groupes d'environnement lors de ces consultations-là dans les régions?

Le Président (M. Lelièvre): M. Charest.

M. Charest (René): Oui, si vous voulez. Sachez que ces groupes-là, souvent, sont déjà partie prenante dans nos conseils d'administration s'ils ne sont pas dans nos activités régulières. Et ou nous sommes à leurs conseils d'administration ou ils sont aux nôtres, d'une part. Et je pense qu'il y a une certaine latitude, au plan des régions, à accorder à la participation dépendamment de la façon dont ces groupes-là sont structurés en région. Je pense qu'il y a une certaine souplesse qui doit être laissée, là, aux régions à cet égard-là. C'est ce que je pourrais dire.

M. Benoit: Est-ce qu'on voit encore cette guerre de tranchées entre les forestiers et les environnementalistes ou si ces tranchées-là sont de moins en moins profondes?

n(12 h 20)n

Mme Bouchard (Diane): De moins en moins profondes, oui. Oui, pour parler de CRE, nous, dans notre région, on a un programme conjoint avec le Conseil régional de l'environnement. Quand vous dites «forestiers», je me sens interpellée drôlement parce que je suis biologiste de formation. L'Association forestière, ce n'est pas une association de forestiers, et là ce terme-là, parce que c'est 1939... Il faut se rappeler, notre histoire, c'est une association qui regroupe différents intervenants du milieu forestier. On a d'ailleurs... Nous, on travaille justement avec le CRE dans notre région sur un programme qui s'appelle Les gardiens des trois R, M. Côté le connaît. On a eu un programme structurant en développement régional. Les deux organismes se concertent. Dans nos régions, les organismes ne sont pas en opposition, mais en concertation.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. Dans les principes, vous dites au point 8: «Au niveau de la transparence des activités des bénéficiaires de contrats et de conventions, il faut permettre au public d'avoir accès à des renseignements sur les opérations d'aménagement forestier.» Un, est-ce que je dois comprendre qu'on n'a pas accès à ces informations-là à ce point, ici?

M. Reny (Isabelle): Le public... Ah, excusez, je veux prendre la parole.

Le Président (M. Lelièvre): Mme Reny.

M. Reny (Isabelle): Le public en général, malheureusement, ne se garroche pas sur ces informations-là. Elles sont toutes disponibles. En tout cas, tu sais, on pense qu'il y en a beaucoup qui sont disponibles. Nous, on a mis sur pied ? on a vu Vallée?Saint-Maurice, la même chose ? un circuit touristique forestier. Vous avez d'ailleurs les brochures entre les mains. Ça, c'était tout accessible déjà au public, c'était déjà tout là, mais il ne se sentait pas interpellé. Ce qu'on leur a dit, en fin de compte, en faisant une brochure touristique avec ça, c'est: Utilisez-le, c'est là pour vous. Allez-y, posez vos questions. Nous, on n'est pas là pour dire ce qui est bien ou ce qui est mal. Ce n'est pas notre rôle, on n'est pas là pour défendre les entreprises forestières, elles ont déjà leurs associations pour ça qui font ça. Nous, on est là, par exemple, pour, disons ? il faut faire attention, on est filmés ? pousser les entreprises à montrer ce qu'elles font, à expliquer ce qu'elles font, mais pour pousser aussi le public à dire: Bien, allez-y. Allez-y visiter, tout est là, tout est ouvert. Puis, on voit ça d'une façon différente, je vous invite à venir voir le circuit touristique en Abitibi-Témiscamingue, c'est quelque chose. C'est quelque chose aussi en Vallée?Saint-Maurice, puis là les autres régions aussi, ça va apparaître, j'en suis sûre. Tout est là, les informations sont là, puis ça va être appelé à prendre de plus en plus de place, ça. Alors, il n'y a pas de cachette, les informations sont là, elles sont accessibles, mais malheureusement le public n'a pas encore le réflexe.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Quand vous dites qu'elles sont accessibles, effectivement, je dis souvent à mes électeurs qu'on a des études sur tout à Québec, il s'agit juste de les trouver finalement. Mais, une fois ça dit, je n'ai pas dit grand-chose. Tout est accessible, mais c'est combien compliqué pour le citoyen du village Mansonville, dans l'Estrie, qui voit Domtar qui est après topper le sommet de la montagne pour avoir finalement le plan. Par le moment qu'il a eu les informations, le citoyen de Mansonville, le toppe de la montagne était coupé, je veux dire. Et je peux vous en compter pas mal de ces cas-là, là, moi.

Alors, quand on dit que c'est accessible, là, c'est accessible pour le vrai ou c'est accessible via l'accès à l'information, puis tout est «stallé» pendant des mois? Est-ce que c'est vraiment accessible?

M. Reny (Isabelle): Bien, je suis contente de vous entendre dire ça, parce que c'est souvent ça, le public, M., Mme Tout-le-monde sont gênés, carrément gênés, s'ils ne sont pas contents de quelque chose, de contacter une compagnie forestière ou d'autres ? mais c'est souvent au niveau des compagnies forestières ? pour dire qu'ils ne sont pas d'accord, ou qu'ils n'aiment pas ça, ou juste s'informer. Ils se disent: Bien, voyons, ils n'ont rien à faire de moi ou... Ce n'est pas vrai. En tout cas, pour notre région, nous autres, on s'est assurés de ça, parce que la plupart des téléphones, c'est ça qu'on a, c'est des gens qui se posent des questions. Alors, nous, notre rôle, ce n'est pas de répondre à ces questions-là quand c'est les entreprises forestières qui ont les réponses, mais c'est de diriger les gens, de dire: Bien, ne vous gênez pas, allez-y, posez des questions. Ils sont là, ils vont vous répondre. Puis, s'ils ne vous répondent pas, bien c'est eux qui ont l'air fous, tu sais. D'où l'idée aussi...

M. Benoit: Je repose ma question. Vous me dites: L'information, elle est accessible dans la mesure où l'entreprise veut bien vous donner l'information. C'est ce que vous me dites.

Mme Reny (Isabelle): Bien non, c'est parce que j'allais terminer comme ça. Je reviens encore sur l'idée du circuit touristique forestier, c'est un outil qui est touristique pour dire: Regardez, vous ne pouvez plus dire, public: On ne sait pas où aller, on ne sait pas à qui s'adresser ou on n'a pas nos réponses. Vous avez tout ça, c'est ouvert à tout le monde. N'importe qui peut aller là, c'est accessible puis c'est... Quoi dire de plus? C'est déjà un début, c'est déjà un très bon début, puis les compagnies forestières sont très contentes de participer à ça. Même, ils investissent des sous là-dedans, au niveau des autobus, ces choses-là, puis ils rendent du personnel disponible pour ça, parce que, eux autres aussi, c'est des humains comme nous, hein, c'est des gens qui ont un coeur, c'est des forestiers, ils adorent la forêt aussi. Ils sont prêts à expliquer ce qu'ils font, ils sont même fiers de ce qu'ils font. Les travailleurs, quand on va en forêt avec eux, c'est le fun de voir ça.

Alors, nous, tout ce qu'on a fait, c'est un peu le lien, puis c'est ça, notre rôle, les associations forestières, entre autres, c'est de faire le lien entre le public qui a des questions puis qui a des... Des fois, ils ne sont pas contents puis, bon, tu sais, ils veulent le dire. Alors, ce n'est pas de leur répondre, parce qu'on n'est pas là pour défendre personne, mais c'est de dire: Bien, écoute, oui, tu en as. Alors, voilà, c'est ouvert. On crée des outils, on est là pour promouvoir l'ensemble des utilisations de la forêt. Alors, on crée des outils puis on essaie, tu sais, de mettre les gens en lien. C'est carrément ça, puis ça fait des... Vous devriez voir la différence que ça fait. Souvent, ça fait toute la différence.

Le Président (M. Lelièvre): Mme Bouchard, vous vouliez rajouter quelque chose?

Mme Bouchard (Diane): C'est pour renchérir sur ce que disait Mme Reny. Chez nous, on n'a pas de circuit touristique forestier, on a, par exemple, un salon de l'arbre et des forêts dans Expo-Nature, et là, vous savez, le grand public, quand il arrive puis qu'il voit la compagnie forestière, le ministère... Nous, on était à l'accueil du Salon de l'arbre et des forêts, ça fait qu'on a... Les gens ont une attitude de peur pour aller se renseigner: Ah, les compagnies forestières, elles ne nous répondront pas. Je ne comprendrai pas. C'est très difficile dans n'importe quelle situation, puis c'est humain, quand on ne connaît pas comme il faut la situation, on va y aller moins.

On crée des activités, le circuit, c'est là. Quand on fait un salon de l'arbre et des forêts, le grand public est là, et ça y va. Nous, on les pousse à aller poser des questions au ministère. Ils nous arrivent en chialant... Regardez, le ministère est là, l'industrie est là, il y a des entreprises d'aménagement, allez-y. Et ils y vont. Là, moi, je n'ai pas le rôle de répondre à la place de l'industrie ni à la place du ministère, mais on les envoie. C'est de créer des occasions pour que cette fusion-là, ces échanges-là se fassent. C'est notre rôle.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député d'Orford, est-ce que vous avez d'autres questions?

M. Benoit: Je pense qu'on me comprend mal. Que vous fassiez un grand salon, je vous en félicite, je suis moi-même membre de vos associations, mon épouse enseigne dans les écoles depuis 20 ans comment planter des arbres, bon, ça, c'est tout bien beau. Quand il arrive un conflit entre un producteur, ou un coupeur d'arbres, et un groupe environnemental, on n'est pas capables, les environnementalistes, d'avoir les informations en ce qui a trait à la foresterie.

On a un beau cas à Ayer's Cliff où une municipalité, de connivence avec un supposé gars qui veut faire un parc industriel, a jeté toute une forêt à terre. On ne sait toujours pas quel était le permis... Et, c'est rendu en cour, là, la municipalité ne va même pas se défendre, elle ne va même pas prendre d'avocat tellement elle a magouillé sur toute la ligne dans ce dossier-là. Mais on n'a jamais été capables d'avoir les maudites informations, et pas plus du ministère de l'Environnement que du ministère des Forêts, que de la MRC, que de la municipalité. On a regardé la forêt se faire écraser, et là on s'aperçoit qu'ils n'avaient pas le droit de le faire, et puis là il y a un moratoire sur toute l'«outfit». En tout cas, on va voir, il y a un juge qui va se prononcer, ce n'est pas moi qui vais me prononcer là-dessus.

Alors, quand arrivent ces conflits-là entre les environnementalistes et une compagnie, jusqu'où vous voulez qu'on puisse obtenir l'information? Vous me dites: L'information est accessible, je vous donne deux cas bien précis dans mon patelin où elle ne l'a pas été accessible. Dites-moi pas qu'elle l'est, elle ne l'est pas accessible.

Le Président (M. Lelièvre): Avant que vous répondiez, excusez-moi, à ce stade-ci j'ai besoin d'un consentement pour que nous puissions déborder au-delà de 12 h 30.

M. Benoit: Oui, bien, on veut avoir la réponse, là.

Le Président (M. Lelièvre): Il nous reste environ cinq minutes en tout et partout, à peine cinq minutes: 30 secondes à la partie gouvernementale puis quatre minutes... Alors, Mme Reny... M. Archambault.

M. Archambault (Daniel): Oui. J'ai été silencieux jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Lelièvre): Bon, alors vous avez la parole.

n(12 h 30)n

M. Archambault (Daniel): Donc, 95 % de la forêt en Estrie est privée, dans les Cantons-de-l'Est aussi. Ça peut répondre à une partie de la question, M. Benoit? C'est sûr que l'approche vis-à-vis... Je regarde sur mon territoire rapidement, il y a 30 000 propriétaires de boisés, ça fait 30 000 conceptions de l'aménagement forestier ou à peu près. Et il est certain qu'il faut créer... En tout cas, dans notre cas, l'Association forestière des Cantons-de-l'Est, on essaie de créer chez les gens une réaction proactive, c'est-à-dire informer avant plutôt qu'après, une fois acculé au mur. Peut-être que dans le cas que vous mentionnez on parle vraiment de forêt privée, et c'est plus difficile à contrôler. Là, c'est vraiment comme disait Diane tantôt, l'éducation est importante. Je vous jure que, quand on peut, un par un, convaincre quelqu'un de résister à l'offre alléchante d'un aménagiste qui promet des dollars importants sur une coupe de bois, on vient d'éviter une coupe à blanc. Il y a des règlements, il y a des lois, c'est sûr et certain, mais vous conviendrez, c'est sûr, comme vous le mentionnez, que, quand le mal est fait, il est déjà trop tard, et les recours sont souvent difficiles à utiliser. En forêt publique, peut-être qu'il y a des mécanismes autres...

Mme Reny (Isabelle): Des horreurs, malheureusement il y en a partout, puis c'est tout le temps ces motadites horreurs là qu'on retient. Mais c'est bon, tu sais. Ce n'est pas bon d'en avoir, mais c'est bon de les retenir puis de les mentionner. Nous, on ne peut pas forcer personne à obéir aux lois qui sont en place, ou ces choses-là, ce n'est pas notre rôle, on n'est pas la police. On peut faire connaître les horreurs, par exemple, on l'a déjà fait, parce que personne n'aime avoir une mauvaise presse. Mais ça, ça a des côtés... Un côté comme de l'autre, des horreurs, on en entend, oui, en forêt publique, au niveau des compagnies forestières, mais on en entend aussi au niveau des forêts privées puis à tous les niveaux, hein, au niveau faunique, au niveau environnemental, tu sais. En tout cas, il y en a partout. À savoir où est-ce qu'on s'arrête, tout ça, comme je vous dis, on n'est pas là pour défendre personne, mais on peut... Évidemment, on n'appuie pas ça, là.

Le Président (M. Lelièvre): M. Charest, en complément?

M. Charest (René): Oui, en complément. Je voudrais simplement dire que chez nous, par exemple, à l'Association forestière, l'an passé, on a mis sur pied un programme de formation sur la réglementation en matière d'abattage d'arbres sur forêt privée où on a invité tous les inspecteurs municipaux à harmoniser leur façon de voir leur réglementation chez eux. Ceci étant dit, c'est sur forêt privée, et ce qui nous concerne davantage, c'est les aspects plus d'information et d'éducation.

Je voulais, en complément à l'intervention de M. Côté tantôt, le député de Dubuc, simplement signifier que tous ces programmes dont Isabelle vous a parlé en ce qui concerne les jeux de rôles, les trois R, ou la formation d'abattage d'arbres dont je viens de parler, les circuits touristiques en milieu forestier... Imaginez toute l'énergie et les sommes qui sont dévolues à la conception, à la consultation des partenaires, à l'expérimentation. Tout ça, ce sont des éléments qui sont à la charge de chacune de nos associations. Et souvent, M. le ministre, les projets du Volet II vont venir appuyer la livraison des services, mais ils n'appuient pas la conception et tout ce qui est en amont, finalement, des produits et des services qu'on peut rendre disponibles, et c'est là-dessus qu'on veut vous sensibiliser aujourd'hui. Ça fait partie, ça, du fonctionnement de nos organisations, et on souhaiterait avoir un fonctionnement minimal.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, là-dessus, notre commission, Mme Bouchard, Mme Reny, vous remercie ? M. Archambault, M. Charest ? d'avoir présenté ce mémoire et de votre présence ici. Ça a enrichi notre réflexion, hein, notre bagage de connaissances, et ces échanges ont été quand même très intéressants. Alors, merci beaucoup, au nom de la commission, d'être venus nous présenter ces observations...

Des voix: Merci.

Le Président (M. Lelièvre): Et nous suspendons jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 34)

 

(Reprise à 14 h 2)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): La commission va donc reprendre ses travaux, poursuivre les audiences sur le projet de loi n° 136.

Cet après-midi, nous rencontrons, en premier lieu, le Laboratoire d'écologie et de physiologie végétale de l'UQAC. Alors, que le responsable puisse se présenter et présenter les gens qui l'accompagnent. Par la suite, bien vous avez 20 minutes pour nous exposer votre mémoire.

Laboratoire d'écologie et de physiologie
végétale de l'Université du Québec à Chicoutimi

M. Gagnon (Réjean): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Les gens qui m'accompagnent aujourd'hui sont tous, bien entendu, du Laboratoire d'écologie végétale, de l'Université du Québec à Chicoutimi.

À ma gauche complètement, M. Germain Savard, qui est ingénieur forestier et aussi responsable des mesures à notre laboratoire; M. Hubert Morin, qui est professeur à l'Université du Québec à Chicoutimi. Hubert est spécialiste au niveau de la croissance des arbres et principalement de l'épinette noire et de l'impact de la tordeuse sur cet insecte-là. C'est l'inverse, c'est-à-dire ? ha, ha, ha! ? l'impact de la tordeuse sur l'arbre comme tel; et ensuite, M. Sylvain Cloutier, qui est responsable de l'organisation de la recherche comme telle à l'Université, chez nous, qui nous accompagne. Il va nous parler principalement de l'organisation comme telle de la recherche, du type de recherche qui se fait en région; ensuite de ça, à ma droite, M. Daniel Lord, qui est professeur la l'Université du Québec à Chicoutimi, spécialisé en physiologie végétale, tout ce qui concerne, si vous voulez, la remise en production des territoires après coupe.

On n'avait pas inscrit de titre...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Et vous-même.

M. Gagnon (Réjean): Moi-même, je m'excuse. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, c'est pour les besoins de la transcription, monsieur.

M. Gagnon (Réjean): Réjean Gagnon, professeur aussi à l'Université du Québec à Chicoutimi, spécialiste en écologie végétale, principalement des forêts boréales et de l'épinette noire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Gagnon. Vous pouvez procéder.

M. Gagnon (Réjean): En commençant, j'aimerais remercier aussi la commission de nous recevoir. Pour nous, c'est un honneur et on vous remercie infiniment, et aussi saluer Mme la députée et MM. les députés, et bien entendu, M. Brassard, ministre des Ressources naturelles.

On n'avait pas inscrit de titre comme tel sur le mémoire. On pourrait lui donner le titre d'écologie des forêts dominées par l'épinette noire. On va vous parler aujourd'hui principalement de la forêt boréale qui est dominée par une essence particulière, l'épinette noire.

Je voudrais vous dire aussi qu'à l'Université du Québec à Chicoutimi l'organisation de la recherche, l'Université fait partie d'un consortium de recherche qu'on appelle Le Consortium de recherche sur la forêt boréale commerciale qui regroupe différents partenaires. L'Université, bien entendu, les gouvernements, le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, et l'industrie. Ça fait qu'on travaille, à l'Université du Québec à Chicoutimi, en partenariat avec tout ce monde-là pour, si vous voulez, là... La mission comme telle du consortium, c'est d'assurer la pérennité des forêts. C'est notre mission, qu'on s'est donnée, à tous: assurer la pérennité des forêts.

Notre mémoire est divisé en deux parties. La première partie concerne principalement la recherche, le développement des connaissances comme telles; et la seconde, on va vous parler de nos résultats de recherche, qu'on a obtenus au niveau de la forêt boréale.

Bien entendu, on est bien d'accord avec ce qui est écrit dans vos documents. On souscrit, tout le monde, à l'aménagement forestier durable, et bien entendu, pour nous, la connaissance est l'assise de ça.

Si on veut réaliser, tous ensemble, l'aménagement durable des forêts ou des ressources, il faut absolument qu'on développe les connaissances et que la connaissance aussi suive ce développement-là. Et bien entendu, quand on développe les connaissances ou la recherche en milieu forestier, c'est un peu particulier. On se doit, si vous voulez, d'être proche de cette ressource-là. On se doit d'être proche, dans le fond, des arbres. Ça fait que c'est une contrainte mais aussi, en même temps, là, c'est une nécessité. On se doit de faire ça. Si on veut développer des connaissances qui sont pertinentes au niveau de la forêt ou dans le cadre de la recherche forestière, on se doit de travailler, bien entendu, sur le terrain.

Une fois que ces connaissances-là sont acquises, il faut s'organiser pour les transmettre. Et, nous, dans notre organisation, on est bien conscient que ça prend de la recherche à différents niveaux, une recherche qui va avoir une approche un peu plus provinciale, de niveau provincial. Mais, aussi, comme la forêt, c'est de nature locale, à ce moment-là, on s'est dit que ceux qui sont sur le terrain, les gestionnaires de terrain, tant au niveau des compagnies que du ministère, ces gens-là ont besoin d'information. Il faut absolument qu'on s'organise pour amener les connaissances qu'on développe à ce niveau-là, parce que ce sont des gens qui prennent des décisions.

Ce qu'il faut faire, on s'est dit: Ce n'est pas une idée qui nous est particulière. Mais, dans le fond, ce qu'on veut faire et ce qu'on fait actuellement, c'est un peu une démocratisation de la recherche. Auparavant, mettons, il y a une trentaine d'années, les universités du Québec n'existaient pas; maintenant, ces universités-là sont présentes. Elles sont présentes dans différentes régions, et dans certaines régions, même s'il n'y a pas d'université du Québec, il y a aussi des cégeps. On pense qu'à partir de ces noyaux-là il y a possibilité de faire une recherche forestière ou d'autre nature, mais, bien entendu, forestière de haut niveau, de nature universitaire et de niveau international. Mais il faut qu'elle parte des besoins de nos gens. Il faut que cette recherche-là parte de notre réalité. Puis, comme nous, on est en région, bien entendu, notre réalité première, ce sont les gens de notre région, leurs besoins et, ensuite de ça, les espèces aussi qui croissent dans notre région. C'est bien important parce que, au Québec, on a différentes régions forestières.

Quand on est dans la vallée du Saint-Laurent, c'est évident que ce n'est pas les mêmes espèces qu'on a dans le nord. Et encore, dans le nord, si vous allez en Gaspésie, par rapport à l'Abitibi, c'est souvent les mêmes espèces mais elles ne sont pas dans les mêmes milieux; les climats et tout ça sont différents.

Pour ce faire, c'est pour ça qu'on parle d'une démocratisation de la recherche. On se doit d'avoir une recherche qui va être accessible à ces gens-là pour qu'ils puissent prendre les meilleures décisions possibles. Puis, à ce sujet-là, je laisserais la parole à M. Cloutier pour qu'il renchérisse un peu.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Cloutier.

M. Cloutier (Sylvain): Merci. Simplement pour rajouter un petit peu quelques considérations générales au niveau de la recherche. Chez nous, à Chicoutimi, on est en recherche forestière depuis le début des années quatre-vingt, et je pense, ce qui est remarquable chez nous, c'est que, depuis toujours, au niveau du développement de cette recherche-là, ça s'est fait avec l'appui de la région. Alors, à l'occasion des sommets économiques, la région a toujours été derrière l'Université pour la recherche forestière. Alors, de ce côté-là, on trouve que c'est quelque chose qui était un contexte extrêmement intéressant au développement. Et, en fait, ce développement-là a connu son apogée, si on peut dire, ou un développement important dès 1991, lorsqu'on a formé le Consortium de recherche sur la forêt boréale.

M. Gagnon vous l'a mentionné, c'est un regroupement de partenaires de l'industrie, du gouvernement et de l'Université. Et on veut, à ce moment-là, aussi, développer la recherche forestière et les connaissances pertinentes avec la pérennité de la ressource. En fait, le travail et la qualité des activités du Consortium ont été reconnus dès 1999 par le Conseil de la recherche forestière qui a attribué à notre Consortium le méritas annuel de la recherche forestière. C'était simplement pour vous montrer comment on a quand même évolué là-dedans et qu'on a quand même du travail de qualité qui se fait chez nous.

n(14 h 10)n

L'essentiel de notre message dans la première partie du mémoire, c'est que la recherche, le transfert des connaissances, la formation, c'est essentiel à l'aménagement durable de nos forêts. On pense que, dans ce domaine-là aussi, on peut utiliser l'expression à la mode d'«amélioration continue». Et pourquoi on a voulu parler de ça, ici à la commission? C'est parce qu'on a aussi, évidemment, consulté le document, là, du ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie dans lequel, d'ailleurs, on dit que, effectivement, la recherche, le transfert des connaissances et la formation sont des éléments essentiels au développement du Québec. Alors, ça s'applique tout à fait au domaine forestier, on en est conscient et on est tout à fait d'accord avec ça.

Cependant, il y avait un côté qui nous inquiétait dans ce document-là, du ministère de la Recherche, c'était le côté où on ciblait, si on veut, des domaines de recherche d'avenir ou future pour le Québec. Puis dans ces domaines-là, malheureusement, on oublie les domaines qui ont rapport avec les ressources naturelles, notamment la recherche forestière. Alors ça, ce petit côté-là, ça nous inquiète, puis c'est pour ça qu'on voulait amener, là, un peu ce petit point-là général au niveau de la recherche forestière et vous en parler.

M. Gagnon vous l'a dit aussi, chez nous, le type de recherche qu'on fait, c'est une recherche qui met en présence les industriels, c'est-à-dire les gens qui travaillent sur le terrain soit au niveau de l'industrie, soit au niveau du gouvernement, soit au niveau des chercheurs. Entre autres, on a montré que ce rapprochement-là est extrêmement pour l'orientation vers des problématiques qui sont d'intérêt et susceptibles de faire avancer les activités sur le terrain de la foresterie.

Et ça nous permet aussi de faire de meilleurs prévisions parce que, finalement, notre foresterie est basée sur des prévisions. En utilisant la recherche, en mode contextuel, qui rapproche les utilisateurs de la connaissance et ceux qui la développent, on pense qu'on a un très bon potentiel pour un transfert efficace et pour la diffusion des connaissances rapides et pour l'amélioration rapide de nos façons de faire en forêt.

On tenait aussi à dire que le Québec doit garder le leadership de la recherche forestière sur ses forêts parce que ça lui donne des arguments aussi pour éviter que les gens viennent lui imposer des modèles dits universels. En foresterie, en fait, beaucoup de modèles existent qui ont tendance à couvrir beaucoup de territoire, si on veut. Je pense que le Québec doit garder un leadership là-dedans pour éviter de se faire imposer des modèles qui peuvent lui venir d'un peu partout et qui ne s'appliquent pas à ses forêts. Vous lirez un petit peu les recommandations tantôt, mais c'est un peu pour ça qu'on voulait parler de ces considérations-là dans le mémoire.

M. Gagnon vous a parlé de rapprocher les chercheurs puis ça nous permet de résoudre les problématiques de terrain. Parce que, n'oublions pas que la foresterie, ça se pratique sur le terrain et c'est là que se rencontrent les problèmes. Alors, si on parle de productivité globale des forêts québécoises, il ne faut pas oublier les problématiques de terrain, problématiques de terrain, vous allez voir tantôt, qui, quand même, permettent à des chercheurs universitaires d'atteindre leur objectif de développement des connaissances reconnues au niveau international.

Et aussi, notre dernier point là-dedans, c'est l'atteinte de ces deux objectifs-là, c'est-à-dire une recherche qui est pertinente et une recherche qui se fait en partenariat avec les utilisateurs de la connaissance. En fait, depuis les années quatre-vingt, on trouve que les universités en région nous apparaissent un outil de choix pour ce genre de recherche là, d'abord, parce qu'elles sont prêtes de la ressource, donc, les forestiers sont plus près des utilisateurs des forêts, et aussi, parce que les gens ont une meilleure facilité à assimiler les problématiques et sont plus facilement intégrés dans les réseaux de forestiers qui existent. Alors, chez nous, les forestiers et nos chercheurs sont dans les mêmes réseaux. Alors, l'échange de connaissances, la diffusion de connaissances se fait rapidement et l'orientation de la recherche en est bonifiée, je pense; vous allez le voir tantôt.

Ça nous a amenés, en fait, ces quelques réflexions-là, à vous présenter trois recommandations, les 1, 2 et 3. Finalement, la première recommandation porte sur le développement de projets équivalant au volet I du plan de mise en valeur des ressources du milieu forestier actuel.

Par ce volet-là, actuellement, nous autres, on est capable de faire de la recherche qui correspond à des besoins terrain, et, nous autres, on trouve que c'est une belle opportunité de rapprocher les gens et de résoudre des problématiques terrain mais qui sont tout de même d'intérêt pour un chercheur universitaire, puis ça, c'est important que chacun y retrouve ses objectifs là-dedans.

Au chapitre de l'orientation de la recherche, on sait qu'actuellement des tables régionales sur le développement ne sont pas... en fait, la mise en place n'est pas terminée dans le cadre de la structuration du fonds forestier.

Mais ce qu'on voudrait rappeler, c'est que, justement pour favoriser l'accessibilité de la recherche ? M. Gagnon a parlé de la démocratisation ? il faut que ces tables régionales là aient un pouvoir décisionnel réel, c'est-à-dire ne soient pas que consultatives, qu'elles soient capables de sélectionner des projets de recherche qui correspondent à leurs besoins prioritaires et les suivre et les financer. Je pense que c'est important.

Et, au chapitre du transfert des connaissances, bien, on suggère aussi que le Conseil de la recherche forestière, en raison de la qualité... On trouve que la qualité de sa composition ? le Conseil de la recherche forestière... Et aussi qui sont liés avec le ministre... On trouve que ce serait, si on veut, une tribune intéressante pour notamment interpeller les chercheurs sur les problématiques particulières.

Par exemple, on parle de l'établissement des tables de rendement. C'est une occasion où on pense que l'ensemble des chercheurs devraient être interpellés pour faire valoir les nouvelles connaissances, pour qu'on intègre plus facilement les nouvelles connaissances.

On pense que le Conseil de recherche forestière devrait se voir donner quelques pouvoirs pour pouvoir interpeller justement les chercheurs sur les grandes questions qui se pointent pour la foresterie québécoise. Ce serait une façon, je pense, pour les chercheurs, d'en venir à des consensus qui des fois manquent un peu sur certaines questions.

Ça nous amène, je pense, Réjean, à l'autre partie, la partie numéro 2, qui fait état des nouveaux résultats.

M. Gagnon (Réjean): Merci, Sylvain.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gagnon.

M. Gagnon (Réjean): Exactement, on est rendu... on passe à la partie 2 du mémoire. On va vous parler des connaissances qu'on a développées, justement à l'Université du Québec à Chicoutimi, et ces connaissances-là, notre objectif est toujours le même, c'est d'assurer la pérennité des forêts. Et, nous, ce qui nous intéresse beaucoup, c'est l'épinette noire.

Puis la raison est fort simple, c'est que l'épinette noire, même si, au Québec, on en rencontre beaucoup, c'est une espèce qui, au niveau de la planète, si vous voulez, est relativement rare. L'épinette noire, c'est une essence qui est strictement nord-américaine et puis les plus grandes forêts d'épinettes noires sont au Québec. On ne retrouve pas, si vous voulez, d'épinettes noires en Suède, en Finlande ou en Sibérie. Il y a de l'épinette noire dans le monde, en Amérique du Nord, puis les grandes forêts comme telles, les endroits où l'épinette noire forme de grandes forêts où elle domine, c'est dans l'Est du Canada et, entre autres, au Québec, bien entendu, c'est ici qu'on la retrouve.

Puis, cette essence-là, elle abrite une faune, une flore importantes, mais aussi, c'est une essence qui permet d'avoir ou de manufacturer des produits spéciaux, entre autres comme le papier journal. On sait que le Québec est un grand producteur de papier journal de très haute qualité. Ensuite de ça aussi, au niveau du bois d'oeuvre, les deux-par-quatre d'épinette noire, c'est très résistant. Un deux-par-quatre d'épinette noire, parmi les essences résineuses, c'est une des plus résistantes, ça fait que ça donne des produits de haute qualité. Et ensuite, quand on fait aussi du papier avec cette essence-là, on n'a pas besoin de beaucoup d'énergie pour briser les fibres puis on n'a pas besoin aussi de beaucoup de produits chimiques pour blanchir cette pâte-là. Sur le plan strictement écologique aussi, c'est une espèce qui est très bien appropriée pour la production de papier.

Cette épinette noire là, bien entendu, nous, on veut assurer sa pérennité, son maintien. Et puis, vous savez comme moi que, à l'intérieur de la forêt boréale, il y a plusieurs perturbations, entre autres, il y a des feux de forêt. On retrouve, malheureusement, beaucoup de feux de forêt sur le territoire québécois et ailleurs dans le monde, mais au Québec on a aussi beaucoup de feux et... Il nous reste quatre minutes?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Gagnon.

M. Gagnon (Réjean): Oh boy! Ha, ha, ha! Le temps file.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est très rapide, ça passe vite, 20 minutes.

M. Gagnon (Réjean): Non, mais c'est bien, c'est bien.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mais on va pouvoir poursuivre, de toute façon, avec vous les échanges, là.

M. Gagnon (Réjean): O.K.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Vous pouvez poursuivre.

M. Gagnon (Réjean): Il y a plusieurs perturbations. Entre autres, il y a les feux, et bien entendu, ces feux-là, lorsqu'ils sont trop fréquents, vont causer une régression naturelle des forêts d'épinette noire, et ça, c'est bien important.

Actuellement, c'est un phénomène qui est en cours, c'est un phénomène qui est enclenché aussi depuis plusieurs années. On a une perte, si vous voulez, d'épinette noire qui se fait tout à fait naturellement. Nous, on veut intervenir pour maintenir cette essence-là. Nos objectifs de recherche sont dans cette direction-là.

Et il y a une autre perturbation aussi qui est importante, c'est la tordeuse des bourgeons d'épinette. Auparavant, on pensait que ça attaquait principalement ou seulement le sapin, mais en réalité, ça attaque aussi l'épinette noire. Puis ça, ça a un rôle important à jouer au niveau des tables de rendement, entre autres.

Je demanderais à M. Morin de nous donner une brève explication. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Morin.

M. Morin (Hubert): Très brièvement, en fait. On sait que la tordeuse des bourgeons d'épinette est très importante dans la zone de la sapinière, mais on s'est aperçu, en étudiant l'épinette noire, un peu par hasard, qu'elle pouvait affecter aussi de façon importante la croissance de l'épinette noire, pas nécessairement la mortalité des individus, mais la croissance. Et puis, de plus en plus, on s'aperçoit aussi qu'elle aurait un rôle à jouer dans la structure des peuplements. Puis ça, c'est très peu connu, et je pense qu'il n'y a que nous qui pouvons... pas nécessairement notre équipe, mais au Québec et en Ontario où les chercheurs peuvent aller plus loin dans cette recherche-là. Alors, je pense que c'est peu connu, il faut absolument continuer la recherche à ce niveau-là.

n(14 h 20)n

M. Gagnon (Réjean): En tout cas, je terminerais avec une recommandation qui est la première de notre... à la page 12, au niveau de la recherche. Dans le fond, c'est qu'on veut que, considérant l'importance, si vous voulez, de l'épinette noire pour le développement durable du Québec et de son statut d'élément unique de la biodiversité mondiale, nous recommandons que le nouveau régime forestier prévoie des mesures pour le maintien et la restauration de l'épinette noire à l'intérieur de tout le domaine de la pessière à mousse. J'arrêterais là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Vous arrêtez là. Alors, merci, M. Gagnon. On va maintenant passer à la période d'échanges. M. le ministre.

M. Brassard: Alors, je voudrais remercier l'équipe de M. Gagnon, du Laboratoire d'écologie et de physiologie végétale de l'Université du Québec à Chicoutimi, de participer à cette commission parlementaire sur la révision du régime forestier.

Je dois vous dire, d'entrée de jeu, que, n'étant pas un spécialiste, j'ai acquis beaucoup de connaissances, en particulier sur la forêt boréale et sur le cycle naturel de l'épinette noire, grâce à des échanges et des conversations fort utiles avec l'équipe de M. Gagnon. J'ai même eu la chance de faire une bonne visite assez au Nord, ensemble, où on a pu, à l'occasion d'arrêts... on faisait descendre, atterrir l'hélicoptère et on pouvait à ce moment-là faire les constats importants que vos recherches vous ont amenés à découvrir, entre autres le rôle majeur des feux de forêt dans la forêt boréale.

Quand ça arrive ? et c'est, ça, l'important, c'est pour ça que les connaissances scientifiques sont tellement importantes pour influencer nos façons de faire en forêt ? quand la forêt qui brûle est assez âgée, ça ne pose pas trop de problèmes; c'est ce que j'ai compris de nos échanges. À partir du moment où il y a des cônes dans l'arbre, donc, il y aura des graines pour qu'une nouvelle forêt apparaisse.

Mais ça arrive aussi parfois que les épinettes qui brûlent sont trop jeunes, et là, on se retrouve avec ce que vous appelez dans vos travaux des «forêts ouvertes» ou des «pessières à cladonie»; on voit apparaître la cladonie. C'est à partir de ces connaissances-là, au fond, que vous formulez une recommandation centrale majeure, c'est-à-dire qu'il faut intervenir à ce moment-là, il faut qu'il y ait une intervention humaine de reboisement, parce que la régénération naturelle est défaillante. Et c'est dans cette perspective-là que, au fond, ça vient... le message que vous nous envoyez, c'est de dire: Oui, le rendement accru, rendre la forêt plus productive, c'est tout à fait envisageable et c'est même souhaitable, et en particulier en forêt boréale, dans les endroits ou sur les territoires où la régénération naturelle a comporté des lacunes, des défaillances.

Donc, ma question, toute simple, c'est que vos connaissances scientifiques vous amènent à conclure qu'il n'y a pas d'appréhension particulière ou de crainte à avoir à l'égard d'une volonté de rendre la forêt plus productive et donc d'envisager le rendement accru dans la forêt boréale aussi bien qu'ailleurs.

Ce n'est pas incompatible avec le respect des écosystèmes, le respect des cycles naturels de certaines espèces, en particulier l'épinette noire, que vous connaissez bien, et c'est donc une voie dans laquelle nous devons, comme société, nous engager. L'état de vos connaissances, l'état des connaissances nous permet d'envisager de s'engager dans cette voie-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Gagnon.

M. Gagnon (Réjean): Je pense que vous avez bien saisi notre message; c'est exactement ça. On s'aperçoit que, naturellement, il y a une régression des forêts d'épinettes noires qui est due à des feux consécutifs et des choses comme ça, et suite à ça, bien entendu, on va avoir un milieu où il va y avoir des forêts ouvertes, mais il y a possibilité de les remettre en reproduction. Je pense qu'on a un bel exemple, là, du développement des connaissances et puis qu'on doit utiliser ce développement des connaissances là.

Parce que, à l'origine, ce n'est pas ce qu'on croyait, au niveau des forêts ouvertes ou des pessières à cladonie. on avait plutôt l'impression que c'étaient des milieux qui étaient fragiles ou encore que c'étaient des milieux, ces forêts ouvertes là, peu productifs. Effectivement, il n'y avait pas d'arbres dessus. On en concluait que c'étaient des milieux qui n'étaient pas productifs.

Mais, quand on étudie pourquoi ces milieux sont devenus improductifs, c'est là qu'on s'aperçoit, dans le fond, que c'est une cause accidentelle; c'est un accident, tout simplement, qui est survenu. Puis nos travaux le montrent ? mais il y a des travaux d'autres chercheurs qui démontrent exactement la même chose ? que ces milieux-là, auparavant, étaient productifs. On avait des forêts dessus, mais on a eu des accidents de régénération, le milieu s'est ouvert, et, aujourd'hui, on n'a plus d'arbres, ou presque plus, sur ces milieux-là. Et, bien entendu, c'est des milieux qu'on se doit de remettre en production.

Et, nous, on invoque aussi le fait que les forêts, comme telles, d'épinettes noires, c'est des milieux qui sont relativement rares. Et, quand une forêt d'épinettes noires est remplacée par un milieu ouvert, entre autres quand c'est recouvert de cladonie... La cladonie, ce n'est pas une espèce rare, ça, dans le monde. La cladonie, c'est une espèce qu'on retrouve tout le tour, si vous voulez, du cercle polaire. La cladonie, il y en a en Finlande, en Suède, en Sibérie, il y en a partout, en tout cas, au niveau circumpolaire, si vous voulez.

Au niveau de la planète, on ne gagne pas un nouvel écosystème ou encore plus de biodiversité. C'est plutôt l'inverse.

Quand on perd des forêts d'épinette noire, on perd, dans le fond, au niveau de la biodiversité, puis c'est une des raisons majeures, là, qui nous incite à faire cette proposition-là, de maintenir et de restaurer ces milieux ouverts là, ou l'épaisseur de la cladonie, puis ce qu'on veut aussi, on le mentionne bien, là, c'est à l'intérieur de toute la pessière à mousse. Ça, c'est bien important, parce que, dans votre document, on mentionne aussi la fameuse limite nordique.

Et, si vous me permettez, j'aimerais peut-être m'approcher de l'écran pour vous expliquer un peu, là, ce qu'on veut dire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous en prie, monsieur.

M. Gagnon (Réjean): Bien entendu, vous reconnaissez cette carte. On a les grandes régions forestières du Québec mais les régions nordiques. On n'a pas, sur cette carte-là, mis les régions au sud. Ça fait que, quand on parle de la forêt commerciale boréale, c'est la zone de la pessière à mousse. C'est ce qui est en plus foncé.

Au-dessus de cette zone-là, on a ce qu'on appelle les pessières à lichen ou les pessières à cladine ou les pessières à cladonie, c'est toute la même chose, un peu plus foncé. Et, bien entendu, encore plus au nord, on a ce qu'on appelle la toundra forestière, et dans cette zone-là, on a encore des forêts, mais la proportion de cladonie ou de milieu ouvert est beaucoup plus grande. Et la limite nord des arbres, elle est là.

Ça fait que la limite de l'épinette noire, c'est là. Il y a environ, là, 700 à 800 km entre ici et la partie nord. Ça fait qu'on peut voir que cette essence-là, c'est une essence qui est principalement nordique. C'est une espèce qui est bien adaptée au Nord.

Puis, les études nous montrent... en tout cas, il y a des hypothèses qui sont avancées. Vous avez ici la limite commerciale, comme je vous disais. Puis, auparavant, on pense que cette limite commerciale là était plutôt ici. Puis, suite aux feux puis avec le temps, bien entendu, avec quelques milliers d'années, on aurait eu une régression de la forêt commerciale qui, maintenant, est rendue ici. Ce n'est pas un phénomène qui est particulier au Québec.

n(14 h 30)n

Ce phénomène-là, de régression des forêts boréales, c'est circumpolaire aussi. On a ce même phénomène-là en Suède, en Finlande et en Sibérie. Et, nous, on pense que ce qu'on doit protéger, bien entendu, c'est toute la bande foncée. Et puis, si on place cette limite nordique, on l'a retracée à partir des documents qu'on a. Ce n'est pas fidèle, là, ce n'est pas un document officiel comme tel, là, mais on a fait de notre mieux pour pouvoir la retranscrire sur cette carte-là.

Ça fait qu'on voit que, si on trace cette limite-là, ça voudrait dire que ce qu'il y a au nord de la limite, en tout cas, dans la bande foncée, ça voudrait dire que cette zone-là, on ne s'en occupera plus. Entre autres, ça va toujours continuer. On va toujours avoir des feux, on va combattre moins les feux. Ça fait que, nous, on pense que, si on ne s'en occupe plus, bien, elle va régresser encore, elle va continuer sa régression. Ça fait qu'on va perdre de la forêt productive puis on va perdre... Pour nous, en tout cas, quand on parle de forêt productive, on perd des forêts d'épinette noire, puis, au niveau de la planète, on va perdre la biodiversité. Parce que, ce qui est original, c'est ça ici. C'est les forêts d'épinette noire continues. Ça, c'est original.

Si on trace cette limite-là au sud de la limite actuelle, bien, là, on pense que cette zone, là, qui est entre les deux, on va la perdre éventuellement ou on ne mettra pas d'effort, si vous voulez, là, pour combattre les feux ou encore pour faire sa mise en valeur. Ça fait que, nous, c'est pour ça qu'on recommande qu'on

protège tout le secteur de la pessière à mousse.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Gagnon. Alors, à ce moment-ci...

M. Brassard: ...c'est terminé.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, mais... C'est sur le même sujet, là?

M. Brassard: Oui, c'est sur le même sujet.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Quelques instants, parce qu'on essaie de procéder par alternance.

M. Brassard: J'ai toujours mon temps? Oui? O.K.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le ministre, mais on essaie de procéder par alternance.

M. Brassard: D'accord. Je ne prends pas le temps de l'opposition?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Non.

M. Brassard: Non, bon. Très bien.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Non. Ça, c'est sûr. Je suis la gardienne aussi du temps de l'opposition, M. le ministre.

M. Brassard: Donc, ça veut dire qu'on a fixé une limite nordique temporaire et, d'ici deux ans, on s'est engagé à en fixer une permanente. Alors, ce que vous nous dites, c'est que déjà la limite nord temporaire est trop au sud. Parce qu'il y a une partie de la pessière à mousse qui, n'étant pas aménagée, n'ayant pas de récolte dans cette partie du territoire là, le combat contre les incendies n'existant pas dans cette partie-là, donc il y a risque, comme vous dites, qu'il y ait régression, que la forêt ouverte se répande, soit encore plus importante et qu'au fond ce n'est pas une bonne idée, ce n'est pas une bonne stratégie que de faire en sorte qu'une partie de la pessière à mousse soit en dehors, au-delà de la limite nordique. Il faudrait fixer...

Êtes-vous d'accord pour qu'on fixe une limite, d'abord?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gagnon.

M. Gagnon (Réjean): Ça, je pense que, bien entendu, ça revient, là... C'est une décision, pour moi, qui est politique, là. Ça revient encore...

M. Brassard: Non, mais comme scientifique, est-ce que vous trouvez que c'est une bonne idée?

M. Gagnon (Réjean): Bien, ça dépend qu'est-ce qu'on veut... Mais je pense que, dans l'état actuel des connaissances, si jamais, en tout cas, on avait à fixer une limite, au minimum, on devrait la fixer...

M. Brassard: Pour englober au complet la pessière à mousse.

M. Gagnon (Réjean): Ah, mais ça, c'est sûr. Ça, c'est au minimum, là, englober toute la pessière à mousse. Mais, si on regarde un peu ce qui se passe actuellement en Suède ou dans les autres pays, on voit qu'il y a un reboisement. Ces gens-là sont en train, là, si vous voulez, de reboiser leur territoire nordique. Ils l'ont fait puis ils ont eu du succès. Mais c'est sûr que le Québec, en tout cas, c'est un grand pays, on a beaucoup d'espace, si on réussissait à maintenir la pessière à mousse, ça serait absolument extraordinaire, je pense. On aurait fait un bon effort. Je pourrais peut-être passer à la parole à M. Lord, s'il a autre chose à rajouter.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Lord.

M. Lord (Daniel): Bon. En fait, moi, je voulais peut-être un peu compléter l'intervention de M. Gagnon. Il me semble que, lorsqu'on met une limite ? on a une raison pour mettre une limite ? on doit justifier les raisons qui nous amènent à émettre cette limite-là. Bon, je ne vous donnerai pas de justifications socioéconomiques pour ce qui est de mettre une limite où on ne peut plus aller faire une récolte forestière, par exemple. Je pense qu'au plan économique ça peut avoir des impacts importants. Donc, on peut se rabattre sur une justification écologique et, à ce niveau-là, la justification écologique, de par les nouvelles connaissances qui proviennent de notre laboratoire, mais d'autres laboratoires également, ça devient plus difficile à justifier au plan écologique si on accepte l'idée que ce que l'on veut maintenir, ce que l'on veut garder, ce sont nos grandes forêts continues d'épinettes noires. Tel que tracé, ça devient plus difficile à justifier.

Et, à l'intérieur même de la pessière noire à mousse de cette grande forêt continue, il faut quand même voir qu'il y a des territoires qui sont ouverts; des forêts ouvertes, vous en avez vu. Et il n'y en a pas rien qu'un petit peu, là, il y en a déjà beaucoup. On me disait que, au Saguenay?Lac-Saint-Jean, dans notre seule région administrative, il y en aurait quelque chose comme 1 million d'hectares identifiés, cartographiés. Un million d'hectares, ça commence à faire bien des kilomètres carrés, ça fait bien des lacs Saint-Jean, ça, là. Bon, je ne pense pas qu'on doit mettre des nuances à l'intérieur de tout ça. On ne doit pas nécessairement aller remettre en production l'ensemble de ces territoires-là. Il faut nuancer les territoires ouverts, qui sont humides, versus les territoires ouverts, qui sont plutôt secs. Mais, à l'intérieur de ce groupement de forêts ouvertes, il y a moyen d'aller remettre en production plusieurs de ces territoires, particulièrement les dénudés secs, ce qu'on appelle les grandes landes forestières. Et on a la chance également d'avoir en notre possession plusieurs méthodologies qui nous laissent croire qu'on pourrait remettre en production ces territoires-là. Et le reboisement est un de ces beaux exemples là, puis c'est une technique que l'on maîtrise de plus en plus au Québec depuis plusieurs années, et on a des taux de succès qui sont quand même fort intéressants tant au plan de la survie qu'au plan de la croissance par après.

Ça fait que d'aller rechercher des territoires qui étaient auparavant productifs, et on commence à avoir des preuves là-dessus, pour les remettre productifs avec une espèce, vous allez dire qui nous est chère, mais, dans le fond, qui tranquillement pas vite est en régression et qui a des bénéfices socioéconomiques fort importants, fort intéressants, moi, à mon point de vue, ça se justifie assez facilement.

M. Brassard: Ça va.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Bonaventure.

M. Brassard: Ou on peut faire l'alternance, là, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est fait, M. le ministre.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Merci pour votre présentation. Moi, j'ai eu l'honneur et le bonheur de vous rencontrer quand je suis allée dans le Saguenay?Lac-Saint-Jean, MM. Gagnon et Morin.

Écoutez, je retiens essentiellement deux éléments dans votre présentation. Le premier élément, c'est que le point de départ des recherches qui sont faites en foresterie doit bien sûr répondre à des besoins, là, sur le terrain, et la preuve, c'est que le consortium a bien répondu à ces besoins-là. Puis je dois vous dire que j'ai été impressionnée, quand je vous ai rencontrés, sur le type de partenariat que vous aviez réussi à créer dans votre milieu.

Le deuxième élément, c'est évidemment d'augmenter les efforts qui sont dévolus, qui sont faits au niveau de notre recherche et développement. Le premier groupe qui est venu ici nous présenter sa vision des choses à l'endroit du projet de loi, c'est le Conseil de la recherche forestière, soulignait, effectivement, que la recherche et le développement étaient un peu... étaient très absents, là, du projet de loi qui était déposé. Là-dessus, j'aimerais vous entendre... votre vision de ce côté-là.

L'autre élément, et je reviendrai sur la limite nordique tout à l'heure, c'est des recommandations qui sont contenues, là, dans votre mémoire, la recommandation 13 notamment, qui concerne l'impact de la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Vous dites: «Que l'effet de cette perturbation naturelle soit davantage analysé lors du calcul de la possibilité». Vous n'êtes pas sans savoir... et je prends un cas concret, le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie connaissent des baisses d'approvisionnement extrêmement importantes. Une des raisons qui sont invoquées par le ministre pour justifier les baisses, c'est l'effet de la tordeuse. Alors, évidemment tout le monde cherche à comprendre comment se il se fait qu'aujourd'hui on invoque cette raison-là, alors que les plans sont mis à jour à tous les cinq ans. J'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce qu'on doit comprendre que les méthodes liées au calcul de la possibilité sont déficientes à ce point que l'effet de la tordeuse n'est pas tenu en compte... n'est pas suffisamment... on n'en tient pas suffisamment compte? Et je vais m'arrêter ici parce que je pourrais continuer encore, mais ça fait deux questions, là.

Donc, l'importance de la recherche dans le projet de loi et, la deuxième question, c'est au niveau de votre recommandation n° 13.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gagnon.

M. Gagnon (Réjean): Je laisserais la parole à M. Morin pour répondre au niveau de la tordeuse, là. Veux-tu commencer pour la première question ou...

M. Morin (Hubert): Non.

M. Gagnon (Réjean): Non? O.K.

n(14 h 40)n

M. Morin (Hubert): Au niveau de... Oui, effectivement... C'est parce que les remesurages qui sont faits à tous les cinq ans, pour répondre directement à la question... cette question-là, là, ça inclut l'effet de la tordeuse, oui et non. Oui dans le sens où, oui, les arbres qu'on mesure et qu'on remesure à tous les cinq ans ont subi l'effet de la dernière épidémie et des épidémies précédentes. Non dans le sens où, même s'ils ont subi les effets de la tordeuse dans les années précédentes, on peut difficilement prévoir quels seront les effets dans les années futures. Puis, comme les épidémies sont très différentes les unes des autres, on a peu d'information pour prédire quel va être l'impact de la prochaine épidémie de tordeuse des bourgeons de l'épinette.

Alors, le seul moyen de le savoir, c'est d'essayer d'étudier ces impacts-là dans le passé. C'est ce qu'on a tenté de faire, on a commencé à faire ça, et de cette façon-là on peut mieux prédire, en regardant l'histoire des épidémies au cours des siècles précédents, quel va être l'impact de la prochaine épidémie. Je vais vous donner un exemple. Vous savez qu'il y a eu trois épidémies importantes au XXe siècle: l'épidémie du début du siècle a été très sévère; celle du milieu du siècle, beaucoup moins sévère et s'est étendue de façon beaucoup plus lente dans les territoires; et celle de la fin du siècle, qui a été beaucoup plus sévère et qui s'est étendue de façon très importante et très rapide dans l'ensemble du territoire et à l'intérieur même des populations. Quel va être l'impact de la prochaine? Si on regarde l'histoire, une épidémie sévère généralement est suivie d'une épidémie moins sévère. La dernière a été très sévère. On peut supposer que la prochaine va être un petit peu moins sévère. Alors, si on n'a pas de moyens de prédire ça, ça va être très difficile de savoir quel impact va avoir la prochaine épidémie. Je ne sais pas si je réponds complètement à votre question, là.

Mme Normandeau: J'aurais peut-être une sous-question à ce moment-là: Est-ce que vous considérez que les efforts qui sont faits effectivement pour permettre au secteur de la recherche de se pencher sur cette question-là, plus spécifique, sont assez importants, sont suffisants?

M. Morin (Hubert): Ils ne sont pas suffisants dans le sens où on connaît assez bien ce qui se passe dans le domaine de la sapinière, mais on connaît très peu ce qui se passe dans le domaine de la pessière. Puis, comme je le mentionnais tout à l'heure, même s'il n'y a pas de mortalité très importante dans la pessière noire, il y a, au niveau de la croissance, un impact qui est non négligeable, qu'on estime, à la grandeur du Québec, entre 3 % et 33 % du volume qu'auraient dû avoir les épinettes noires, là, et qui a été perdu juste au niveau de la dernière épidémie, et ça, ce n'est pas pris en compte dans les calculs de possibilités. Ça veut dire qu'il y a un manque de connaissances au niveau de la pessière noire, là, important à ce niveau-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Peut-être permettre à M. Gagnon...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ah, oui, M. Gagnon, vous vouliez ajouter...

M. Gagnon (Réjean): Au niveau de la recherche, M. Cloutier.

M. Cloutier (Sylvain): Oui. Simplement pour vous dire que, nous, on tenait justement à parler de recherche, amener des considérations générales au niveau de la recherche forestière, d'abord parce que, pour nous, la recherche forestière, ce n'est pas comme toutes les autres recherches, parce que ça touche un domaine qui est, je pense, à la base du développement durable de notre pays, c'est-à-dire le Québec, et ceci étant dit sans aucune allusion à quoi que ce soit. Mais ce qu'il ne faut pas oublier au niveau de la recherche, c'est que les fonds de recherche sont souvent et très, très variables dans le temps. Il y a des modes là-dedans comme dans d'autres domaines. Nous autres, on veut s'assurer que les fonds de recherche alloués à la foresterie, à la forêt puis à la connaissance sur la forêt du Québec demeurent stables, jouissent d'une certaine continuité. C'est un peu l'idée qu'on a. C'est pour ça qu'on voudrait que ça soit inséré sous une forme ou sous une autre dans la loi ou dans le régime forestier. Parce que les fonds de recherche vont et viennent, les fonds de recherche sont souvent sujets à des compressions.

Et, nous autres, on pense que, étant donné que la forêt est tellement importante pour nous, on devrait se protéger contre ces fluctuations-là au niveau de la recherche forestière au Québec. Autant la rareté des fonds souvent fait aussi que certaines équipes de chercheurs se découragent. Alors là vous avez une chute, une perte d'expertise, puis, quand vous avez une perte d'expertise dans les universités, bien, vous n'êtes plus capable de former de chercheurs. Alors, ça nous ramène, si on veut, à notre volonté que le Québec garde son leadership de la recherche au niveau de ses forêts. C'est extrêmement important pour nous. C'est pour ça qu'on pense que ça devrait être inséré sous une forme ou sous une autre au niveau du régime forestier. Qu'on assure une continuité au niveau de la recherche forestière sur les forêts du Québec, ça nous apparaît important.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: J'aurais deux autres questions. Justement, vous venez de parler de l'importance pour le Québec de conserver son leadership de la recherche sur les forêts. J'aimerais peut-être que vous puissiez élaborer un peu plus là-dessus. Est-ce que vous sentez une pression à l'international ou quelles seraient les conséquences si on perdait ce leadership, là, au niveau de notre recherche sur les forêts? Tout à l'heure, vous avez souligné le fait qu'on se fait imposer des modèles universels. J'aimerais peut-être ça que vous puissiez nous en dire davantage là-dessus.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cloutier.

M. Cloutier (Sylvain): Je pense que je vais laisser le soin à mes collègues, qui, eux, vont régulièrement dans les autres pays, de préciser un peu plus.

Mme Normandeau: D'accord.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gagnon.

M. Gagnon (Réjean): Bien entendu, c'est très important de garder notre leadership au niveau de la recherche pour ne pas se faire imposer des modèles. Bien entendu, il y a de la forêt boréale tout le tour du cercle polaire. En Sibérie, en Suède, en Finlande, il y en a. Mais ici on a une essence qui est particulière, qui est l'épinette noire, puis on a aussi des facteurs comme les feux, les récurrences, et la nature de ces feux-là fait en sorte qu'on a des forêts qui sont particulières, des arbres qui ont des mécanismes de régénération aussi, qui sont particuliers. Ils faut absolument qu'on maintienne ces connaissances-là, sans ça, on va arriver... Comme actuellement, bien entendu, il y a tout le domaine de la biodiversité, qui est très, très, très importante. À travers le monde, on s'interroge beaucoup là-dessus puis on se doit de la maintenir.

Mais, quand vous allez dans les pays en Europe, que ce soit en Finlande ou en Suède, bon, ces gens-là s'interrogent beaucoup au niveau du maintien de leur biodiversité. Malheureusement, en tout cas dans les années passées, ils ont eu à utiliser une grande partie de leurs forêts pour différentes raisons. Il s'est passé beaucoup de choses dans ces pays-là. Et puis on a, si vous voulez... là, il y a eu des feux, il y a eu toutes sortes de problèmes, de telle sorte qu'il ne reste plus de forêt naturelle aussi sur leur territoire. Puis maintenant il faut qu'ils travaillent au niveau du maintien de la biodiversité. Et puis là ils n'ont pas de référence, ils n'ont pas de milieu de référence, si vous voulez. La biodiversité, en Suède ou en Finlande, c'est difficile, là, à décrire qu'est-ce que c'était, la biodiversité d'origine. Ça fait que souvent ils sont obligés d'aller dans d'autres pays, mettons, comme en Russie ou d'autres endroits comme ça et, bien entendu, ça ne sera pas qu'est-ce qui se passe sur... ils ne seront pas capables. Ils vont avoir beaucoup de difficultés à la reconstituer. Puis actuellement, ce qui arrive, quand on va dans ces pays-là, là, on s'aperçoit que... on dirait que pour eux maintenant, la biodiversité, sur un territoire, c'est plus il y a de choses qu'on retrouve, plus il y a d'espèces, plus il y a d'arbres qui sont morts debout ou d'arbres qui sont au sol, des troncs qui pourrissent, là, plus la biodiversité est grande. Mais, en réalité, tout ça ne peut pas se produire en même temps, là. Tandis que, nous, on a la chance de pouvoir étudier notre forêt boréale, on a encore énormément de forêt naturelle au Québec, puis c'est ce qu'on a fait d'ailleurs. Ça a été notre première étape. Ça a été d'étudier cette forêt-là, de voir ses mécanismes, ses grands processus. Et puis maintenant, là, on est capables de... on a un modèle, si vous voulez, puis on peut aller vérifier sur le terrain si c'est vrai ou pas, puis ça, ça nous donne un grand avantage par rapport aux Suédois et aux Finlandais, entre autres, puis on se doit de le faire. Si on ne l'avait pas fait, on serait à la remorque, bien entendu, quand on parle de biodiversité, de ces gens-là.

Je vous donnerais peut-être un petit exemple aussi. Ça concerne moins les arbres, mais à toutes les fois qu'il se passe quelque chose au niveau d'une espèce en particulier, exemple, les petits oiseaux, là, les oiseaux, les néotropicaux, on sait que c'est des groupes qui peuvent être assez sensibles. À un moment donné, ces oiseaux-là, ces groupes d'oiseaux là, les populations en Amérique ont diminué, puis ça a été constaté, si vous voulez, aux États-Unis où, là, c'est à cet endroit-là que ces oiseaux-là passent l'hiver. Puis durant l'été, ils vont remonter dans le nord pour nicher. Puis on s'est aperçu que les populations avaient diminué. Ça fait qu'automatiquement on a accusé les coupes au nord, on a accusé le Canada que, si les populations d'oiseaux avaient diminué, c'est tout simplement parce que, au Canada, on coupait plus de forêts puis que c'était à cause des Canadiens. Mais la réalité était tout autre. On l'a étudié, le phénomène, et ce n'est pas ça du tout. Ce n'était pas la coupe forestière qui était en jeu. Au contraire, la coupe forestière favorise plutôt les endroits de nidification pour ces oiseaux-là. Ça fait que, si on n'avait pas pris les devants un peu, bien, on n'aurait pas pu répondre directement, là, à cette interrogation-là. Mais on l'a fait et puis vous n'en avez pas entendu parler.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Chicoutimi. Il reste quatre minutes à votre formation politique.

M. Bédard: Quatre minutes.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Question, réponse.

M. Bédard: Merci, Mme la Présidente. Je vais tenter d'être bref parce que mes collègues... je pense que ça intéresse tout le monde puis on voit l'importance de vos travaux. La députée disait qu'elle a eu l'honneur de vous rencontrer. Moi, j'ai l'honneur de vous fréquenter un petit peu plus souvent, puis ça me fait toujours plaisir d'échanger avec vous.

J'aurais plusieurs questions. Je vais me limiter simplement à une question pour mon bénéfice personnel. Au niveau des cycles, quand vous dites que l'épinette noire est en train de perdre au profit des faux-trembles, ça, est-ce que c'est un cycle qui s'est fait dans l'histoire? Est-ce que vous avez des moyens de vérifier si c'est déjà arrivé, effectivement, en bout de ligne, suite aux feux, suite à... que, effectivement... et que c'est un cycle et ça revient, ça repart, ça revient? Ça, c'est ma première question très simple.

n(14 h 50)n

La deuxième, je veux bien comprendre, la limite nordique qui a été décrite temporaire, elle est... vous dites: Bon, bien, nous, on peut exploiter la pessière à cladonie ou la pessière à... Mais la limite, actuellement, elle se retrouve plus au sud que les limites que vous avez décrites aussi ou plus au nord que les limites que vous avez décrites ici, là, dans le tableau?

Et la troisième question, très, très simple. Vous dites dans notre recommandation 5: «En raison de l'insuffisance des méthodes habituelles de conservation des écosystèmes dans le cas de la pissière noire, nous recommandons: Que des nouvelles méthodes de conservation soient étudiées afin d'assurer le maintien et l'intégrité de cet écosystème.» Et là je me demandais de quelle façon vous êtes arrivés à cette conclusion-là, mais aussi est-ce que vous avez des pistes sur lesquelles vous avez...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Gagnon.

M. Gagnon (Réjean): Je vais commencer par la fin. Au sujet des méthodes de conservation des forêts d'épinettes noires, on s'aperçoit que, de façon générale, quand on veut conserver un territoire ou protéger une espèce en particulier ou quelque chose comme ça, on peut créer, entre autres, comme une réserve écologique ou un parc, et puis ça va être suffisant pour protéger l'espèce ou l'organisme qu'on veut protéger ou l'écosystème qu'on veut protéger. Mais, dans le cas des forêts d'épinettes noires, ça ne sera pas suffisant parce que, lorsqu'on va créer ces réserves-là ou ces parcs-là, il va survenir des feux, et on va certainement avoir à un moment donné des feux qui vont arriver un peu trop rapprochés ou des feux qui vont avoir lieu pendant que les forêts d'épinettes n'ont pas trop de graines et, malheureusement, la forêt va s'ouvrir.

Puis, une fois que, ça, ça s'est produit... En tout cas, actuellement, on n'a pas d'évidences qui nous permettent de croire que la forêt va pouvoir revenir, et d'autres chercheurs aussi, on n'a pas ces évidences-là encore. Ça fait que, nous, on se dit que, si notre objectif est de préserver une forêt d'épinettes noires, ça ne sera pas suffisant de créer tout simplement un parc. On va pouvoir créer le parc, mais il va falloir aussi qu'on garde en tête qu'il va falloir intervenir, il va falloir qu'on fasse des interventions. Si on a une forêt d'épinettes noires qui brûle et que, pour une raison ou pour une autre, on s'aperçoit qu'elle ne se régénère pas, il va falloir qu'on reboise, c'est ça qu'on veut dire. Il va falloir faire un effort. C'est rare que ça arrive, parce que d'habitude, c'est fréquemment à cause des activités humaines que des espèces peuvent être en danger ou des choses comme ça. Mais, dans ce cas-là, on a une occasion d'intervenir et de donner, dans le fond, un petit coup de pouce à la nature. C'est plutôt rare, mais, dans ce cas-là, on peut le faire.

Au sujet de la limite...

M. Bédard: ...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est terminé, M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Ah oui! Jacques voulait aussi...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est très rapide, vous savez. Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Je souhaiterais peut-être que vous puissiez nous parler ? parce que vous avez beaucoup insisté là-dessus ? sur le transfert des connaissances, l'importance d'assurer le transfert des connaissances. C'est d'ailleurs dans la première partie de votre mémoire.

Quels sont les mécanismes qu'on pourrait mettre justement en branle qui nous permettraient d'assurer un transfert de ces connaissances-là pour assurer... bien sûr permettre une application pratique, concrète des recherches que vous effectuez? On parle de réseautage peut-être entre les chercheurs, et tout ça, mais, plus concrètement, les mécanismes qui pourraient être mis en place, à quoi ça pourrait ressembler?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lord.

M. Lord (Daniel): En fait, lorsqu'on a commencé au consortium, on a essayé de prendre une philosophie qu'on a appelée, un peu pompeusement mais quand même qui se rapproche assez bien de la réalité, le transfert technologique en temps réel. C'est que, chez nous, les chercheurs acceptent et se font même un plaisir d'aller sur le terrain avec les intervenants forestiers, que ce soit les gens du ministère, que ce soit les gens de l'industrie, que ce soit d'autres chercheurs, que ce soit des journalistes ou même avec un ministre, selon ce que j'ai compris, ils se font un plaisir de faire ça. Évidemment, est-ce que les autres chercheurs auraient le même plaisir? Ça, il faudrait leur demander. Mais, ça, ça permet d'avoir une interaction directe avec les gens qui oeuvrent en forêt, et l'avantage dans tout ça, c'est que les gens interviennent sur notre propre expertise, nous remettent en question continuellement et nous font réfléchir. Cette interaction rapide que l'on peut avoir, c'est un des éléments fondamentaux dans le type de transfert technologique que l'on fait.

Évidemment, il existe des méthodes peut-être un peu plus traditionnelles et on va le faire. Je vous invite le 30 novembre, à Saint-Félicien, à participer à l'interaction, au colloque annuel du consortium, qui va parler des relations sol-plantes, entre autres. Mais ce genre d'interaction-là aussi, où on invite les gens des ministères, les gens de l'industrie, les ingénieurs forestiers en général, les biologistes, tous ceux qui veulent bien venir, ça aussi, c'est une autre forme d'interaction, de transfert technologique qui permet de donner les nouvelles connaissances et surtout de s'assurer que les gens qui nous entendent parler comprennent ce que l'on veut dire et qu'ils comprennent de la bonne façon. Parce que souvent ? je ne suis pas un spécialiste en communications ? je réalise qu'un individu peut dire quelque chose, un chercheur peut dire quelque chose, mais l'individu qui le comprend ne comprend pas la même chose que ce que le chercheur voulait dire, et, à partir de là il peut se créer un effet qui va entraîner des conséquences, au niveau de la compréhension des choses, qui peuvent être assez importantes.

Donc, cette notion de transfert technologique en temps réel, pompeusement, la réalité, c'est: échanges continuels avec les gens terrains c'est, pour nous, la vraie façon de faire le transfert technologique.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci. Puis j'imagine que ça a donné des résultats sur le terrain. Est-ce que c'est possible de nous donner un exemple concret d'un travail de recherche qui a été fait puis qui a pu être appliqué sur le terrain, concrètement, qui a servi un industriel ou...

M. Lord (Daniel): Rien qu'un?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Normandeau: Bien, ou plusieurs, c'est comme vous voulez, ou plusieurs.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lord.

M. Lord (Daniel): Là, il va falloir se consulter pour savoir lequel on va choisir. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gagnon.

M. Gagnon (Réjean): On peut y aller. Bien entendu, un exemple concret, c'est au niveau des feux. Nos industriels, les gens du ministère dans notre région, ça fait longtemps qu'ils constatent effectivement qu'il y avait beaucoup de feux sur le territoire. Puis auparavant, on pensait que nos forêts d'épinettes noires, elles se régénéraient après un feu, ça prenait entre cinq ans et 50 ans, ça fait que c'est ce qu'on pensait qui se produisait. Puis ces gens-là nous ont amenés sur le terrain puis ils nous ont posé des questions à ce sujet-là. On a développé des connaissances, mais en réalité c'est faux, l'épinette noire, elle se régénère en très, très grande majorité les cinq premières années après le feu. Après ça, ça ne donne rien, il ne se passe pratiquement plus rien. Ça veut dire qu'au lieu d'attendre 50 ans avant de poser un diagnostic pour savoir si un feu ou non n'est pas régénéré, bien, nous, on est capables, avec les méthodes qu'on a développées, en l'espace de trois, quatre ans après le feu, de dire si, oui ou non, ce territoire-là va se régénérer. Ça fait qu'au lieu de laisser aller ce territoire-là et puis de laisser faire la nature, bien, on sait qu'il faut intervenir tout de suite, ça fait qu'on a des gains importants au niveau de la productivité. Ça, c'en est un, exemple.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député d'Orford, assez rapidement, le temps file aussi de ce côté-ci.

M. Benoit: Quand on parle de rendement accru ou quand le ministre parle de rendement accru, est-ce qu'on va en opposition avec la biodiversité, ou est-ce que ce sont deux théories qui se tiennent l'une dans l'autre, ou est-ce que l'une va contre l'autre, ou est-ce que les deux vont en parallèle? Pourriez-vous m'éclairer un peu entre ces deux grands mots? Je suis loin d'être un expert en foresterie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gagnon.

M. Gagnon (Réjean): Merci. Dans le cas des forêts d'épinettes noires, avec les connaissances qu'on a développées, sachant que les forêts d'épinettes noires régressent naturellement suite à des feux et puis sachant que l'épinette noire c'est une essence qui est relativement rare dans le monde ? c'est au Québec qu'on a les plus grandes forêts d'épinettes noires au monde ? bien entendu, cette forêt d'épinettes noires là, si vous voulez, recèle une biodiversité importante. C'est la forêt comme telle qui... la biodiversité, si vous voulez, elle est maintenue ou c'est cet écosystème-là qu'il faut protéger. Ça fait que, si on ajoute, si on veut faire du rendement accru et si on reboise, ou si on remet en production, ou si on réinstalle les arbres aux endroits où auparavant il y en avait mais maintenant il n'y en a plus, bien, on va gagner de la biodiversité. Parce que, là, les essences, si vous voulez... qu'il y ait moins, un peu, de cladonie sur la planète, c'est une essence qui est abondante, tout le tour, puis c'est une essence actuellement qui est en expansion. Puis on a d'autres espèces aussi, que ça soit comme les pins gris ou encore les trembles aussi, on a ce phénomène-là. Ça fait que, dans le fond, ce qui est original, c'est les forêts d'épinettes noires. Ça fait que tout ce qu'on va faire pour pouvoir les maintenir ou les réinstaller, on va avoir un gain au niveau de la biodiversité.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Ce que je dois comprendre, c'est que, quand on voudra aller dans la direction du rendement accru, on devra y aller d'une façon très scientifique, on ne devra pas y aller tous azimuts, et il y a des études très approfondies qui devront être faites avant qu'on se lance dans le rendement accru. Ce que d'autres d'ailleurs ont dit, particulièrement le premier intervenant qu'on a eu, le Conseil de la recherche en foresterie, qui nous a dit... il questionnait énormément le rendement accru et la biodiversité. Alors, ce que vous dites: il n'y a pas de problème à sa face même, mais on doit y aller d'une façon très scientifique.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gagnon.

M. Gagnon (Réjean): C'est particulier, là, il faut voir qu'on parle des forêts du nord, des forêts d'épinettes noires. Puis dans ce cas-là on a une occasion d'y aller, tout en augmentant... on va avoir des forêts, on peut augmenter notre stock forestier, si vous voulez, pour les années à venir. Puis en faisant ça, en plus, on va augmenter ou on va maintenir la biodiversité.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, messieurs, pour votre participation à cette commission.

Je vais donc suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 heures)

 

(Reprise à 15 h 3)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): La commission va donc reprendre ses travaux. Nous accueillons maintenant Foresterie Saint-Donat inc. Alors, M. Ritchie, je crois, qui êtes le président, si vous voulez nous présenter les personnes qui vous accompagnent, et je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour nous exposer votre mémoire.

Foresterie Saint-Donat inc.

M. Ritchie (Michel): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, MM. et Mmes les députés, nous sommes très honorés de pouvoir participer à cette commission pour présenter notre mémoire. Je vais me présenter, je m'appelle Michel Ritchie, président du conseil d'administration de Foresterie Saint-Donat; Mme Caroline Gosselin, ingénieur forestier et directrice générale de Foresterie Saint-Donat; et M. Serge Lalande, administrateur de Foresterie Saint-Donat. M. Lalande est la personne qui a rédigé le mémoire de Foresterie Saint-Donat et qui va vous présenter le mémoire. Ça fait que je laisse la parole à M. Serge Lalande.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Alors, M. Lalande.

M. Lalande (Serge): Merci. Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, Saint-Donat, comme vous le savez sans doute, est située au nord de Montréal, environ une heure trente au nord de Montréal. On est dans la région de Lanaudière. Nous sommes dans le comté de M. Claude Cousineau, Bertrand, et on est à l'entrée du parc du Mont-Tremblant, dans le secteur de la Pembina. Et, du sommet des montagnes de Saint-Donat, on voit la station de ski de Mont-Tremblant, on voit les pistes de ski.

L'objectif de notre mémoire est assez simple, c'est d'obtenir un amendement à l'article 116 de la Loi sur les forêts en vue d'exempter les organismes à but non lucratif détenteurs d'une convention d'aménagement forestier du paiement des droits de coupe au même titre que le sont les municipalités actuellement. Notre mémoire se résume en une page et demie. Je vais vous le lire rapidement.

Foresterie Saint-Donat est un organisme à but non lucratif créé en janvier 1999 à l'initiative d'un groupe de citoyens bénévoles de Saint-Donat. Tout en créant plusieurs emplois et en favorisant le développement économique, la mission de Foresterie Saint-Donat est de préserver, aménager, mettre en valeur de façon durable la forêt de Saint-Donat et de la faire découvrir à sa population, à ses villégiateurs, à ses visiteurs au travers d'activités éducatives, récréatives et touristiques que nous voulons concrétiser dans un projet de forêt habitée.

Toutes les actions entreprises par Foresterie Saint-Donat le sont au seul bénéfice de la population de Saint-Donat, en partenariat avec le milieu, et tous les profits générés par son activité sont réinvesties dans la forêt. Foresterie Saint-Donat est signataire d'une convention d'aménagement forestier lui confiant l'aménagement forestier d'un territoire de 1 800 hectares situé dans la municipalité de Saint-Donat, à proximité des zones de villégiature.

Au cours de la première année d'opération, Foresterie Saint-Donat a payé 60 380 $ en droits de coupe au ministère des Ressources naturelles du Québec. Foresterie Saint-Donat soumet respectueusement que l'article 87 du projet de loi devrait être amendé pour exempter les OBNL, les organismes à but non lucratif, oeuvrant sur les territoires des municipalités du paiement des droits de coupe, comme le sont les municipalités elles-mêmes en vertu de l'article 106 de la Loi sur les forêts, et le principal argument à l'appui de sa position est le suivant. Du fait que seulement les municipalités sont exemptées du paiement des droits de coupe et non les OBNL comme Foresterie Saint-Donat, la population de Saint-Donat se trouve pénalisée parce qu'elle a eu l'initiative de prendre en charge l'aménagement de ses forêts.

Si Foresterie Saint-Donat veut laisser la municipalité de Saint-Donat devenir elle-même signataire de la convention d'aménagement forestier, elle ne paierait aucun droit de coupe sur les bois prélevés sur son territoire, et la population bénéficierait de ces sommes pour l'aménagement d'une des plus grandes richesses collectives qui lui appartiennent, sa forêt. Les dispositions actuelles découragent les initiatives des citoyens et encouragent un accroissement inutile du fardeau des municipalités. Un organisme comme Foresterie Saint-Donat poursuit les mêmes objectifs que la municipalité. Son objectif n'est pas l'exploitation commerciale de nos forêts, comme le font les industriels forestiers qui, naturellement, paient des droits de coupe, mais l'aménagement d'une forêt durable qui profitera aux générations actuelles et futures de Saint-Donat.

Nous avons mis en annexe le territoire de la convention d'aménagement forestier de Foresterie Saint-Donat, et on voit que ça borde deux lacs qui sont à proximité du centre du village, à moins de 3 km du centre du village, en zone de villégiature sur les bords des lacs.

Nous avons mis ensuite une page qui résume en quelques capsules Foresterie Saint-Donat. Peut-être deux éléments à souligner. Un premier, c'est que le personnel de Foresterie Saint-Donat est composé d'un ingénieur forestier, qui est Mme Gosselin, d'un technicien forestier, d'un biologiste, d'un technicien en écologie appliquée, qui sont tous à plein temps, et d'un technicien au service comptable et d'un assistant-technicien forestier à temps partiel. Le chiffre d'affaires de Foresterie Saint-Donat a été de 383 000 $ l'année dernière, avec un léger surplus de l'ordre de 28 000 $.

L'annexe suivante présente le projet de forêt habitée de Foresterie Saint-Donat afin de vous donner une idée du genre d'activités de notre entreprise. Nous n'en ferons pas la lecture, car ce serait trop long, mais nous voulons peut-être vous en dégager les grandes lignes.

n(15 h 10)n

D'abord, le contexte de Foresterie Saint-Donat. Soulignons d'abord que Saint-Donat est née et s'est développée autour de la forêt. Même si la villégiature a progressé de façon importante au cours des dernières années, l'industrie forestière continue d'occuper une place considérable alors que la presque totalité des forêts entourant Saint-Donat sont sous contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier ? le CAAF à deux A ? avec des industriels forestiers de la région.

La région de Saint-Donat est d'une beauté extraordinaire, avec des montagnes et des lacs magnifiques, et c'est donc tout naturellement que Saint-Donat s'est donné une vocation écotouristique, et notre projet de forêt habitée s'inscrit parfaitement avec les orientations stratégiques de notre communauté. On sait que souvent les intérêts de développement économique des résidents permanents s'opposent aux aspirations de quiétude des villégiateurs et de préservation de leur environnement. Foresterie Saint-Donat entend relever le défi de rallier tout le monde autour de son projet de forêt habitée et qui vise autant l'aménagement des fins récréatives de nos forêts que de contribuer au développement économique de Saint-Donat.

Saint-Donat, de plus, a un urgent besoin de relance économique. Saint-Donat est en récession, à toutes fins pratiques, depuis le début des années quatre-vingt-dix alors qu'il y a eu une récession en ce temps-là. On a eu la fermeture de la station de ski La Réserve en 1992, la chute du marché de l'immobilier, de nombreuses fermetures d'établissements hôteliers, d'auberges, de commerces de la région. L'hiver dernier, vous le savez peut-être, nous avons eu un incendie qui a détruit la moitié du centre du village, et il n'est pas facile de trouver des entrepreneurs qui sont prêts à reconstruire. Heureusement, la route reliant Mont-Tremblant à Saint-Donat, récemment annoncée par le ministre Guy Chevrette, devrait contribuer à relancer l'activité économique de Saint-Donat.

C'est donc dans ce contexte que des citoyens de Saint-Donat se sont mobilisés pour mettre sur pied Foresterie Saint-Donat et réaliser son projet de forêt habitée. Je laisserai le soin à Caroline Gosselin de vous présenter notre projet.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Gosselin.

Mme Gosselin (Caroline): Bonjour. Le concept de forêt habitée de Foresterie Saint-Donat n'est pas arrêté dans sa forme définitive. Il évoluera au fur et à mesure de nos discussions avec les partenaires que l'on veut associer à notre projet. Le principal objectif du projet de forêt habitée est de favoriser les meilleures utilisations possible de l'ensemble des ressources du milieu forestier d'une manière intégrée, de façon harmonieuse parmi les utilisateurs et dans le respect des principes du développement durable.

Foresterie Saint-Donat a adopté une approche multiressource, c'est-à-dire que nous allons tenter de développer de façon intégrée les multiples possibilités d'utilisation de la forêt, que ce soit à des fins économiques, éducatives, récréatives, touristiques ou écologiques. Nous aurons, bien sûr, des activités forestières. En faisant l'aménagement forestier de son territoire, Foresterie Saint-Donat espère améliorer graduellement la qualité et la constitution de nos forêts tout en stimulant le développement économique de la région et en assurant un revenu nécessaire à la survie de l'entreprise. Nous chercherons à intégrer les volets forestiers et fauniques ainsi qu'à améliorer les habitats fauniques pour le chevreuil, l'orignal, l'ours, le lièvre, la gélinotte et toute autre espèce faunique de nos forêts.

Les activités éducatives sont au coeur de nos orientations et elles devraient imprégner l'ensemble de nos activités. Nous désirons offrir à tous nos visiteurs l'occasion de découvrir la forêt sous toutes ses formes grâce à des parcours éducatifs sur la foresterie, la faune, la flore et la géologie, par des jeux en forêt pour les jeunes, pour les camps de vacances, les clubs d'ornithologie ou d'astronomie, etc. Des cours, des ateliers ou des collaborations avec les écoles professionnelles ou les universités pourraient éventuellement transformer la forêt en école ou en laboratoire permanent sur la nature.

Nous offrirons également des aménagements récréatifs pour la randonnée pédestre, l'observation d'oiseaux, la chasse, la récolte de champignons, le ski de fond et autres activités de loisir en forêt.

Foresterie Saint-Donat entend réaliser aussi des projets susceptibles d'attirer des visiteurs à Saint-Donat. Parmi ces projets, mentionnons la construction d'un belvédère avec une vue panoramique spectaculaire, une érablière exploitée à l'ancienne de même qu'un camp forestier d'antan qui donneront l'occasion aux visiteurs d'expérimenter certains aspects de la vie d'autrefois.

L'ensemble de nos activités se font dans une perspective de développement durable pour garantir la préservation de nos forêts pour les générations futures. Nous nous assurerons de conserver en tout temps la diversité biologique et de maintenir les écosystèmes forestiers et d'assurer la conservation des sols et de l'eau.

Foresterie Saint-Donat souhaite travailler en concertation et en partenariat avec tous ceux qui sont intéressés à participer à la définition et à la réalisation de son projet: la municipalité, la MRC, les associations de lacs, les organismes de plein air, les institutions d'éducation, la chambre de commerce, les camps de vacances, les clubs sur la nature, les hôteliers, les commerçants, les industriels et, bien sûr, les Donatiens et tous les villégiateurs intéressés.

Jusqu'à présent, nous avons construit un chemin de cinq kilomètres qui donne à la population un premier accès à la forêt. Nous avons complété un inventaire forestier et nous sommes à faire l'inventaire faunique et floristique du territoire et à identifier les sites qui représentent un potentiel récréatif ou touristique intéressant. Avec ces informations, nous serons en mesure d'élaborer un plan d'aménagement multiressource, notre vision de la forêt habitée que nous soumettrons à tous nos partenaires afin de travailler ensemble à le réaliser au cours des prochaines années.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. M. Lalande.

M. Lalande (Serge): Je peux continuer? Merci. On le voit donc que c'est toute la communauté de Saint-Donat qui tirera profit des travaux de Foresterie Saint-Donat, qu'ils soient hôteliers, qu'ils soient commerçants, travailleurs de la forêt, étudiants, entrepreneurs, villégiateurs, simples citoyens ou utilisateurs du milieu forestier.

Tout en améliorant la qualité de vie de la population par un nouvel accès à la nature et l'amélioration de sa forêt, le projet répond également à des priorités économiques de la région grâce à ses activités forestières et touristiques et la création d'emplois qu'il pourra engendrer. Le projet offrira des perspectives nouvelles pour la jeunesse de Saint-Donat avec la découverte des multiples métiers liés à la forêt et une vision nouvelle des possibilités qui y sont rattachées.

Avec son approche informative et formatrice intégrée à l'ensemble de ses activités, il contribuera à mieux faire comprendre la forêt à tous ses visiteurs et la vie qui s'y déroule. Il pourra aussi constituer une pièce maîtresse dans le développement de la vocation éducative de Saint-Donat. Avec la mobilisation qu'il suscite déjà et le partenariat qu'il développera, le projet dynamisera la collectivité et aura certainement un effet d'entraînement sur la prise en charge de notre destinée. Il aura également, nous l'espérons, fait la démonstration de la possible harmonie entre les utilisateurs de la forêt, entre résidents et villégiateurs, et cela grâce à une entreprise qui assurera elle-même sa survie financière et qui investira tous ses profits dans le projet, et cela, au meilleur bénéfice de la collectivité.

Vous comprenez sans doute pourquoi Foresterie Saint-Donat estime que la Loi sur les forêts devait être amendée pour exempter les OBNL du paiement des droits de coupe, comme le sont les municipalités actuellement. La loi actuelle, selon nous, pénalise l'initiative locale, donc la population de Saint-Donat, et elle encourage un fardeau inutile pour les municipalités. C'est tout. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Nous allons donc passer...

M. Ritchie (Michel): Merci, Caroline puis Serge.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Ritchie, vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Ritchie (Michel): C'est simplement pour vous dire...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): La conclusion, d'accord.

M. Ritchie (Michel): ...qu'on est à votre disposition pour répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord.

M. Ritchie (Michel): Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre.

M. Brassard: M. Ritchie, M. Lalande, Mme Gosselin, merci de votre participation à cette commission. C'est une participation intéressante parce que vous faites état d'une expérience de forêt habitée. On en parle beaucoup, mais il est intéressant que, à travers le territoire du Québec, il se vive des expériences de forêt habitée à partir de projets de forêt habitée. Il y en a un certain nombre à travers le Québec, mais votre projet est fort intéressant parce que, en même temps, il se situe au coeur d'une région très touristique où il y a beaucoup de villégiature en particulier.

Et, avant de parler de ce que vous proposez comme amendement à la loi ? j'y reviendrai ? j'aimerais quand même vous entendre concernant l'expérience que vous vivez, parce que, à partir du moment où je lisais ça, où il y a 11 000 villégiateurs sur le territoire de la municipalité de Saint-Donat, ça commence à faire pas mal de monde. C'est évident que, si vous voulez faire de l'aménagement forestier, mais aussi faire de la récolte ? parce que, si vous avez payé des droits de coupe, ça veut dire que vous avez fait de la récolte ? ça veut dire qu'il faut beaucoup de concertation pour que n'apparaissent pas des litiges, des situations conflictuelles, du mécontentement de la part des autres utilisateurs.

n(15 h 20)n

Alors, il y a plusieurs usagers sur le même territoire, comment en êtes-vous arrivés ou de quelle façon en êtes-vous arrivés à conclure des ententes et à éviter de vous retrouver dans des situations de confrontation avec les autres usagers, particulièrement les villégiateurs autour des deux lacs où se retrouve votre forêt? J'imagine qu'il doit y avoir pas mal de monde. Je ne me trompe pas? Alors, comment vous vous y êtes pris pour faire en sorte que votre projet ne provoque pas d'opposition, de résistance et ne se retrouve pas au coeur de situations de confrontation?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lalande.

M. Lalande (Serge): Merci. Je laisserai peut-être Caroline expliquer comment on envisage les opérations forestières à Foresterie Saint-Donat et comment ça peut se marier avec les villégiateurs et les discussions qu'on peut avoir avec la municipalité, qui est évidemment aussi très sensible aux villégiateurs.

On a procédé... on a évidemment déposé un plan d'aménagement forestier de cinq ans, et ce plan-là a été soumis à la consultation, mais on a, de notre propre initiative, organisé une consultation publique où on a invité, entre autres, les associations de lacs à venir assister à la présentation de Foresterie Saint-Donat et on a présenté le projet de forêt habitée et qui implique, parmi ses activités, l'aménagement forestier, et l'aménagement forestier de nos forêts de telle sorte qu'on va assurer une forêt qui ait une meilleure qualité, une forêt qui soit plus équilibrée et qui soit une forêt permanente, agréable pour les générations actuelles et préservée pour les générations futures.

Et, donc, toutes les activités de Foresterie Saint-Donat qu'on dit aussi à des fins éducatives, récréatives, avec des sentiers de randonnée pédestre, avec des parcours éducatifs, avoir des activités qui peuvent permettre aux touristes de venir en forêt et de découvrir comment on vivait dans les camps de bûcherons d'autrefois ou comment on exploitait une érablière à l'ancienne, la préoccupation de Foresterie Saint-Donat d'être au devant de toute la préoccupation de préserver la diversité biologique, d'assurer le développement durable de nos forêts ont convaincu suffisamment, en tout cas, les associations de lacs pour nous laisser la chance de faire la démonstration de ce qu'on dit. C'est le maximum et c'est déjà beaucoup de réussir à couper un arbre à Saint-Donat, en zone de villégiature, sans avoir une opposition formelle des associations de lacs. Et la rencontre du mois de mai dernier a réussi à traverser cette étape-là, mais ça veut dire aussi que, dans les opérations forestières, on doit se conformer à certaines règles d'opération qui sont en harmonie avec la vie de villégiature. Et, là-dessus, je laisserais peut-être la parole à Mme Gosselin pour vous expliquer ce que ça implique.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Gosselin.

Mme Gosselin (Caroline): D'abord, pour revenir sur ce que Serge disait, pour aller de l'avant avec un projet comme ça, ça prend l'appui de la population, l'appui du milieu. Ensuite de ça, pour avoir une bonne réussite avec un projet comme ça, c'est évidemment l'information et surtout d'être à l'écoute des attentes et des inquiétudes de la collectivité et de la communauté. Donc, c'est avec cette approche-là qu'on a abordé le projet de Foresterie Saint-Donat. C'est sûr qu'au niveau des opérations forestières la priorité, nous, à Saint-Donat, c'est l'impact visuel, donc tous les efforts sont mis de ce côté-là. Il y a des mesures d'atténuation pour les impacts visuels qui sont faites en surplus des travaux ordinaires, si on peut dire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Brassard: Autrement dit, vous aviez un souci bien présent pour, entre autres, tenir compte de l'aspect visuel, donc de la préservation de paysages. Et, compte tenu du grand nombre de villégiateurs sur le territoire, j'imagine aussi que vous avez été beaucoup plus loin que les normes prescrites en ce qui a trait aux bandes riveraines, par exemple.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Gosselin.

Mme Gosselin (Caroline): En ce qui a trait aussi aux sentiers non homologués, il y a des protections supplémentaires. C'est surtout au niveau visuel, mais aussi, un autre exemple, au niveau des horaires, il a fallu adapter les opérations en fonction des... Il y a des gens qui habitent près des opérations. Souvent, il y a une maison ou il y a un chalet à 1 km des travaux, donc pas question de commencer à 5 h 30 du matin, il a fallu adapter les horaires avec nos contracteurs pour que les gens soient satisfaits, pour ne pas qu'il y ait de dérangement au niveau des opérations.

M. Brassard: Juste une petite question bien concrète, là, l'essentiel de vos revenus provient de la mise en marché des bois récoltés?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lalande.

M. Lalande (Serge): Également, on bénéficie d'un volet II...

M. Brassard: Volet II aussi.

M. Lalande (Serge): ...qui nous permet de réaliser certains travaux.

M. Brassard: Volet II, surtout pour les sentiers, des choses comme ça?

M. Lalande (Serge): Sentiers et impacts visuels sont là-dedans.

M. Brassard: Bon. Alors, revenons à votre proposition. Donc, la loi actuelle, évidemment, fait en sorte que vous avez des redevances forestières à payer, ce qui ne serait pas le cas si c'était Saint-Donat. Si c'était la municipalité de Saint-Donat, elle serait exemptée de paiement de redevances, donc ça veut dire qu'il y aurait près de 70 000 $ de plus que vous pourriez consacrer à des fins d'aménagement, par exemple, ou de travaux sylvicoles. Bon. Alors, je prends bonne note de cette demande dont la justification est on ne peut plus limpide. Qu'est-ce que vous diriez, juste comme ça en passant... Ça me vient à l'esprit, qu'est-ce que vous diriez si on passait par la municipalité puis que la municipalité vous déléguerait la gestion de la forêt Saint-Donat?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lalande.

M. Lalande (Serge): Je pense, d'abord un premier volet de notre réponse serait qu'à Saint-Donat on a historiquement toujours... l'initiative est laissée à la population de se prendre en charge et d'organiser des activités. Par exemple, actuellement, on va avoir au cours des prochaines semaines les week-ends des couleurs à Saint-Donat. Et, on vous invite tous à venir faire un tour pour les quatre prochains week-ends, et c'est organisé par des gens de la Chambre de commerce et des bénévoles qui organisent les week-ends des couleurs. Les fêtes de la Saint-Jean-Baptiste sont organisées par la population. On a des activités autour de la motoneige qui sont organisées par les commerçants intéressés ou les hôteliers. Traditionnellement, on avait la Fête de l'eau pure qui était organisée par les gens. L'année dernière, on a eu le 125e anniversaire de Saint-Donat, ça a été la Société historique qui a pris en charge l'activité. Et c'est toujours supporté par la municipalité qui aide de différents moyens, mais la municipalité est toujours en support aux initiatives des gens. Donc, ce serait un peu contre culture de dire: Laissons à la municipalité le soin de prendre la responsabilité de cette activité-là.

Si on imagine de transférer à la municipalité la convention d'aménagement et qu'elle nous sous-délègue l'activité, à mon avis, si j'étais une municipalité, je serais obligée, donc, d'assumer ma responsabilité et de voir à ce que l'activité se passe correctement, de superviser, de regarder si les travaux sont bien faits, s'il y a des citoyens qui se plaignent de nos travaux, de m'immiscer un peu dans la gestion pour voir si tout est fait correctement, si les dépenses sont bien faites, etc., et donc, ça, c'est vraiment comme si la municipalité assume la responsabilité. Et c'est le cas, je pense, dans plusieurs régions du Québec, ce sont les municipalités ou les MRC qu ont des conventions d'aménagement forestier, qui les exploitent, et évidemment elles ne le font pas elles-mêmes, elles délèguent à d'autres personnes le soin de le faire.

Donc, ça, c'est l'hypothèse de la loi actuelle et c'est toujours une possibilité, mais ce que ça veut dire pour nous qui avons... On était dans une situation où Saint-Donat avait besoin de relance économique. Il y avait une opportunité pour nous d'assurer un développement autour d'un projet intéressant. Avant la naissance de Foresterie Saint-Donat, en janvier 1999, il y a eu, comme dans tout projet, beaucoup de discussions pendant plus de deux ans où il y a eu des groupes de citoyens... Les premières réunions, je pense, il y avait 25 personnes intéressées à la forêt qui se sont réunies à quelques reprises pour démarrer le projet, et, de ça, est née Foresterie Saint-Donat.

n(15 h 30)n

Et, lorsqu'on est démarré et qu'on réalise ensuite ? ça fait à peine une année d'opération ? que maintenant, si ça avait été la municipalité, bien on aurait 60 000 $ de plus à investir dans notre forêt... Et ce qu'on soumet, c'est que, si la loi était amendée ? et il y a une opportunité à l'occasion de la révision du régime forestier ? pour exclure, exempter les organismes à but non lucratif qui ont une convention d'aménagement forestier sur des territoires de municipalités ? qui sont des organismes à but non lucratif, donc, c'est dirigé par des bénévoles, il n'y a personne qui met un sou dans sa poche, on travaille au bénéfice de la population de Saint-Donat ? donc, à mon avis... Et c'est le point.

M. Brassard: Il me reste juste une petite, toute courte question.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Sur le même sujet?

M. Brassard: Vous avez été surpris? Lorsque vous avez signé la convention, il y a à peine un an... enfin, un petit peu plus d'un an, vous ne saviez pas que vous auriez des redevances à payer? Oui, vous le saviez.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lalande.

M. Lalande (Serge): On savait qu'on avait des redevances à payer, certainement. Bien, c'est-à-dire qu'on a embauché l'ingénieur forestier il y a une année exactement, au mois d'août l'année dernière, et elle nous a mis au fait de tout le milieu, de tout ce qu'on doit préparer.

Évidemment, quand on travaille un projet et qu'on met sur pied une entreprise, ce n'est qu'un petit facteur et c'est lorsqu'on rentre dans l'opération. Mais, si on regarde maintenant, aujourd'hui, on se dit: Les municipalités ne paient pas et, nous, on en paie, et ce serait mieux, pour nos forêts, que l'argent revienne chez nous.

M. Brassard: On va regarder ça attentivement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. M. Ritchie, M. Lalande, Mme Gosselin, merci. Merci d'avoir pris du temps évidemment pour rédiger votre mémoire et nous faire connaître un peu plus Foresterie Saint-Donat.

Tout à l'heure, on parlait qu'il existe au Québec d'autres projets de forêt habitée. Dans mon comté, Bonaventure, on a un projet qui s'appelle Habitafor, dans la municipalité de Saint-Elzéar.

Ce qu'il faut dire, je pense, d'entrée de jeu, c'est que les intervenants qui se sont mobilisés, les communautés qui se sont mobilisées pour concrétiser un projet de forêt habitée sont toujours en attente d'une politique de forêt habitée au Québec. Le gouvernement a tenu un sommet en 1995, et les intervenants sont tous là à se demander s'il y a une volonté politique d'aller de l'avant, une fois pour toutes, avec ce concept-là.

Je tiens, d'entrée de jeu, à saluer l'initiative et la mobilisation de la communauté de Saint-Donat qui a contribué à concrétiser un projet comme celui-là. J'imagine que ça a commandé des heures et des heures de rencontres et de concertation avant de pondre ce à quoi vous aspirez comme collectivité.

Moi, j'aurais trois questions. La première porte sur la durée du CAF à un A, la fameuse convention d'aménagement forestier. Il y a plusieurs intervenants qui sont venus ici, en commission, et qui ont souligné le fait que, cinq ans, c'est trop court comme période. On souhaitait avoir une convention, peut-être sur 25 ans, comme le CAAF, à deux A. J'aimerais vous entendre là-dessus si vous avez une opinion.

Deuxièmement, quel a été l'événement ou l'élément déclencheur? Et on essaie de comprendre un petit peu qu'est-ce qui peut pousser des communautés à s'investir dans un projet de forêt habitée. Est-ce qu'il y a eu un conflit sur le territoire ou un événement malheureux qui a fait en sorte que la communauté de Saint-Donat a dit: Bien, il faut absolument se mobiliser pour préserver notre ressource?

Ma troisième question qui concerne évidemment votre demande aujourd'hui: Est-ce que vous avez évalué le montant des droits de coupe que Foresterie Saint-Donat aurait à payer si vous n'étiez pas soumis à une exemption ou si le ministre ne répondait pas à votre demande d'exemption? Est-ce que vous avez été en mesure de quantifier ce montant-là? Si, oui, quel est ce montant et quel serait l'impact pour Foresterie Saint-Donat? Est-ce que ça remettrait en question la poursuite ou la concrétisation de ce projet-là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Lalande.

M. Lalande (Serge): Pour répondre... Bien, sur la durée de la convention, peut-être que je demanderais à Caroline ensuite de commenter un peu.

L'événement déclencheur. Moi, je me suis joint au projet alors qu'il était déjà démarré; peut-être que M. Ritchie pourra compléter. Mais l'événement déclencheur est, bien sûr, l'économie de Saint-Donat qui était en très grande difficulté, et donc, il fallait se prendre en main, et, jumelée à ça, l'expérience de gens qui ont travaillé dans la forêt, dont le président du conseil, M. Ritchie qui, lui-même, travaillait pour le ministère des Ressources naturelles du Québec, Forêt Québec, et qui connaissait donc le milieu et pouvait contribuer à orienter, dès le départ, le projet. C'est un peu la conjonction aussi des autres personnes qui disaient qu'il fallait faire quelque chose à Saint-Donat.

Il y a un potentiel quand on voit les forêts qui n'étaient pas exploitées, n'étaient pas attribuées en CAAF. Donc, elles étaient autour de Saint-Donat, n'étaient pas entretenues, n'étaient pas aménagées. Donc, c'était une opportunité à saisir de demander une convention d'aménagement forestier pour l'exploiter. Donc, c'est un peu, je pense... Je ne sais pas s'il y aurait autre chose à ajouter.

Concernant les droits de coupe, là-dessus aussi, Caroline pourrait commenter. Mais les prévisions actuelles, dans le plan d'aménagement forestier qu'on a déposé, l'année dernière, c'était 63 000 $, je pense, qu'on disait, ou 60 300 $, et ça devrait être du même ordre de grandeur pour les cinq prochaines années, en moyenne, et les volumes annuels sont très près du volume prélevé l'année dernière. Donc, on parle d'environ 60 000 $ par année.

C'est dans l'hypothèse aussi que le territoire actuel reste tel qu'il est, parce qu'on a déposé une demande d'extension des territoires pour aller chercher d'autres territoires qui sont libres actuellement, parce que le territoire actuel est trop petit pour assurer la survie financière de l'entreprise. Et c'est la première préoccupation qu'on a, c'est de rendre permanente Foresterie Saint-Donat, autonome financièrement, qui fasse qu'elle vive d'elle-même et qu'elle puisse, à ce moment-là, aménager, et que, dans 10 ans, dans 20 ans, dans 30 ans, Foresterie Saint-Donat existe toujours et que la forêt continue de s'aménager pour la population.

Sur la durée de la convention, Caroline, est-ce que...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Gosselin.

Mme Gosselin (Caroline): Donc, la convention d'aménagement forestier que Foresterie a signée, c'est renouvelable à tous les ans, pour une durée maximale de cinq ans. C'est sûr que, plus longtemps, ça nous aiderait beaucoup, surtout que, lorsqu'on démarre une entreprise, on met beaucoup d'investissements, de temps. C'est sûr que, 25 ans, c'est très intéressant.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: J'essaie de comprendre un peu les motifs qui ont conduit votre organisme à déposer, à demander une exemption, le 63 000 $ que représentent les droits de coupe, les redevances. J'imagine que, dans votre plan de match, cet argent-là pourrait être dévolu ou dédié à d'autres activités.

Est-ce que ça va remettre en question la survie de Foresterie Saint-Donat si vous êtes contraints de payer ces redevances-là? Oui? Non? Oui?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lalande.

M. Lalande (Serge): C'est oui.

Mme Normandeau: Ah oui!

M. Lalande (Serge): Actuellement, Foresterie Saint-Donat ? si vous permettez, excusez ? n'a pas suffisamment de revenus autonomes pour survivre. On a eu, l'année dernière, un volet II, et encore une fois, on a eu 105 000 $ de volet II cette année. On espère que le programme va être renouvelé, dans une forme ou une autre, pour continuer le développement. Mais on ne veut pas compter sur des subventions annuelles pour survivre, on veut avoir une base financière stable, et, le 60 000 $, pour nous, c'est certainement un salaire et quelque, sinon deux. Donc, c'est très substantiel, en ce qui nous concerne, pour atteindre un seuil de rentabilité et assurer la survie financière de l'entreprise. Donc, la réponse, c'est: Oui, pour nous, c'est essentiel.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Moi, je n'ai pas d'autre question.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Pas d'autre question.

Mme Normandeau: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: D'abord, bienvenue, les voisins. On est dans du comté voisin, ou à peu près. Saint-Donat puis Saint-Alexis, vous êtes proches, puis c'est deux belles régions. J'ai eu la chance d'aller chez vous une couple de fois mais sans vous serrer la pince. C'est arrivé juste une fois, je pense, qu'on s'est vu.

La question qui m'interpelle, c'est: dans le projet de loi n° 136, que le ministre a déposé ? parce que le projet de loi veut améliorer et bonifier la planification forestière ? vous pensez quoi, de la concertation qu'il devrait y avoir avec les plans de gestion des aménagements forestiers par rapport au projet de loi comme tel? C'est une bonification? Ou comment vous pensez vivre avec ça, si vous devez toucher à ça?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Lalande.

M. Lalande (Serge): Oui, je ferais peut-être un premier commentaire, mais sans doute que Caroline aurait peut-être aussi quelque chose à ajouter à ce sujet-là.

Pour nous, c'est certainement une bonification. En ce qui nous concerne, que la loi le prévoie ou non, on va devoir agir de cette façon là, parce que je ne pense pas qu'on puisse intervenir en forêt sans que les personnes concernées aient leur mot à dire et qu'elles puissent réagir. On ne peut pas, je pense, couper à l'encontre de la population en général. Bien sûr qu'il y a toujours des gens qui peuvent avoir plus de difficulté avec les coupes forestières, ou d'intervention, ou de bruit, ou de nuisance que ça peut impliquer ? en tout cas, en ce qui nous concerne, c'est très près des gens. Donc, toutes les modifications visant à assurer une plus grande concertation ou à, au moins, se parler et à trouver des solutions... et c'est ce qui s'est passé pour nous, par exemple, cette année.

Lorsqu'on a fait les consultations, au mois de mai, on a eu des interventions faites par les associations de lacs qui nous ont fait certains commentaires dont on a tenu compte dans notre plan d'aménagement forestier et dans le plan annuel d'intervention, notamment lorsqu'on a discuté avec la municipalité de Saint-Donat. n(15 h 40)n

Donc, oui, pour nous, certainement que, plus on va avoir une concertation entre les utilisateurs de la forêt pour que les chasseurs aient un droit de cité, que les gens qui font de la randonnée pédestre, que l'apport économique de la forêt, qu'on ait des aménagements fauniques qui améliorent l'habitat faunique pour nos habitants de la forêt, le plus on va être capable d'intégrer toutes ces informations-là, le mieux c'est, définitivement.

M. Désilets: O.K. Dans votre mémoire, vous avez produit une carte de la situation, de l'endroit où votre contrat d'aménagement forestier est situé, et ça se trouve... J'ai de la misère à voir. Il n'est pas tout à fait à Saint-Donat, je pense. C'est sur le...

M. Lalande (Serge): Lac Ouareau.

M. Désilets: C'est ça, le lac Ouareau, oui. Mais il n'est pas tout à fait à Saint-Donat comme tel.

M. Lalande (Serge): Oui, oui. Vous voyez... Vous connaissez Saint-Donat?

M. Désilets: Oui.

M. Lalande (Serge): Il y a le lac Archambault, le village et le lac Ouareau. Le village est à cheval un peu sur les deux lacs. Ça, c'est le lac Ouareau et la rivière qu'on voit à gauche monte vers le lac Archambault. Et là, juste à gauche, il y a un pont qui mène au village.

Notre entrée de Foresterie Saint-Donat est à moins de 3 km du centre du village, du seul feu de circulation de Saint-Donat. Ha, ha, ha!

M. Désilets: O.K.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Vous avez combien d'employés?

M. Lalande (Serge): Quatre employés à temps plein et deux employés à temps partiel.

M. Désilets: O.K. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Ritchie, M. Lalande, Mme Gosselin... Ah! vous vouliez ajouter quelque chose, M. Ritchie? Oui.

M. Ritchie (Michel): Je voudrais ajouter un petit peu... Je voudrais vous expliquer que, quand vous parlez de qu'est-ce qui nous a fait essayer de justement bâtir Foresterie Saint-Donat, c'est que, moi, je suis une personne qui est de famille qui étaient des contracteurs forestiers à Saint-Donat. Je vous parle de mon père, mon grand-père. Et, moi, je suis un forestier qui a travaillé pendant 29 ans au ministère des Ressources naturelles, et j'ai eu le goût et j'ai le goût de donner ma petite expérience, que j'ai vécue en forêt, aux jeunes Donatiens, aux jeunes de Saint-Donat. Mon voeu, c'est que Foresterie Saint-Donat prenne de l'expansion et que ça fonctionne pour tout le monde de Saint-Donat.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est une belle conclusion, M. Ritchie. Alors, merci encore de votre participation à cette commission. Je vais suspendre les travaux pour environ cinq minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 43)

 

(Reprise à 15 h 47)

Le Président (M. Côté, Dubuc): La commission va poursuivre sa consultation générale sur le projet de loi n° 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives.

Nous allons entendre maintenant M. Sylvain Fortin. Alors, M. Fortin, je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, et il y aura par la suite un échange de 20 minutes, tant du côté du gouvernement que de l'opposition.

M. Sylvain Fortin

M. Fortin (Sylvain): Merci de me recevoir. Je suis Sylvain Fortin, ingénieur forestier, professeur en technologies forestières au cégep de Gaspé depuis plus d'une vingtaine d'année et je suis aussi étudiant au doctorat en sciences de l'environnement à l'Université du Québec à Chicoutimi; c'est de là que viennent mes travaux sur le tremble.

Ces travaux-là sont faits en collaboration avec l'Université du Québec à Chicoutimi. À mes côtés, Réjean Gagnon est là, c'est en même temps mon directeur au niveau du doctorat. Les travaux que je fais sur le tremble découlent aussi directement des travaux dont il vous a parlé un petit peu, sur l'épinette noire, un peu, au début, c'est-à-dire que, quand l'épinette noire est en régression parce qu'il n'y a pas de graines viables et que c'est de la pessière à cladine ou une pessière ouverte qui s'installe, dans le cas où il y a une autre espèce, en l'occurrence, le tremble qui est dans le voisinage, ça peut être cette espèce-là qui remplace l'épinette noire, et c'est du territoire qui est aussi perdu pour l'épinette noire.

Donc, c'est un peu dans ce sens-là que nos travaux sont faits, et c'est ainsi que le titre du mémoire Et si le tremble était en expansion en Gaspésie, en Gaspésie parce que je suis au cégep de Gaspé, je travaille en Gaspésie. Réjean, M. Gagnon vous expliquera un petit peu plus tard c'est quoi, le lien qu'il peut y avoir entre une personne qui est à Gaspé et l'Université du Québec à Chicoutimi. Donc, mes travaux sont faits en Gaspésie mais on pense aussi qu'on peut transposer les résultats ailleurs.

Présentement, les travaux qu'on fait sur le tremble, en disant qu'il est en expansion, c'est des choses qui sont un petit peu, pour le moins, controversées par rapport à ce qu'on reconnaît actuellement sur le tremble. Ce qu'on pense présentement sur le tremble, ce qu'on retrouve dans le discours en plusieurs endroits, c'est que le tremble est une espèce de transition, c'est-à-dire une espèce qui s'installe après perturbation et qui, par la suite, laisse la place aux conifères qui s'installent en dessous, laisse la place aux conifères. Ce que, nous, on a constaté sur le terrain, c'est quelque chose d'un peu différent de ça: le tremble s'installe après perturbation, oui, mais il ne lui redonne pas réellement sa place par après, d'après ce qu'on peut observer.

Alors, si vous permettez, je vais, sans faire une présentation très exhaustive sur le tremble, vous présenter quelques informations sur le tremble à partir duquel on travaille et qui nous permettent d'aller vérifier ces données-là sur l'expansion, qu'on est allé chercher. Ça a des incidences un peu importantes sur l'aménagement forestier quand le tremble est présent.

D'abord, le tremble est une espèce qui a une aire; où on peut le retrouver, c'est l'aire la plus étendue en Amérique du Nord pour des espèces d'arbres, le tremble. On le retrouve à la grandeur du Canada et aussi en bonne partie aux États-Unis. Donc, il a une aire très étendue. C'est une espèce qui pousse à peu près partout sur différents types de sol, de dépôts de surface faits avec différents types de plantes, donc dans différentes associations végétales. C'est une espèce, même si je dis qu'elle pousse partout, on peut la retrouver en terrain humide aussi bien qu'en terrain sec. Ça ne veut pas nécessairement dire qu'elle pousse bien partout, mais, l'important, c'est qu'elle peut s'installer sur différents milieux et à la grandeur de l'Amérique du Nord.

n(15 h 50)n

Aussi, une autre caractéristique très importante du tremble, c'est ses mécanismes de reproduction: c'est une espèce très agressive qui est capable de se régénérer très facilement par graines. Ses graines sont petites ? le tremble en produit beaucoup ? et elles sont facilement transportables par le vent sur plusieurs kilomètres. C'est ce qui rend son efficacité... après un feu, par exemple, elle peut s'installer très facilement par graines sur des longues distances.

C'est aussi une espèce qui est capable de se régénérer par son système racinaire, c'est-à-dire par drageon. Quand on a un tremble, son système racinaire peut s'étendre jusqu'à 15, 20, 25 m autour de chaque arbre, et s'il se produit quelque chose, les racines vont sortir et produire d'autres tiges; donc, le tremble peut se reproduire de cette manière-là. Et, si on le coupe, il peut se reproduire par rejet de souche et il peut aussi se reproduire par bouture. Donc, tous les modes de reproduction chez les arbres, le tremble les possède, ce qui lui donne un avantage quand il y a des perturbations, quand on libère des secteurs, ce qui lui donne un gros avantage sur les autres espèces pour pouvoir accaparer ce secteur-là. Et, par la suite, c'est un peu difficile de s'en départir.

C'est aussi une espèce qui a une croissance très rapide. J'ai vu, par exemple, la semaine dernière, sur le terrain où on dégageait une plantation d'épinettes blanches où le tremble se retrouvait, on a coupé le tremble au mois de juin, et quand je suis allé la semaine dernière, les rejets de souche avaient déjà un mètre de hauteur. Donc, ça pousse extrêmement rapidement et ça peut envahir un site de manière assez importante.

Un autre élément du tremble sur lequel... et c'est peut-être celui-là où nos données sur l'expansion sont un peu plus controversées, c'est au niveau de la dynamique des tremblaies. Comme je vous disais tout à l'heure, généralement, on considère que le tremble est une espèce pionnière qui s'installe après perturbation ? ce avec quoi on est parfaitement d'accord ? mais, dans le mécanisme conventionnel de succession, on suppose que les conifères qui sont en dessous vont finir par remplacer les trembles, le tremble qui est censé, selon la littérature, être une espèce peu longivive, c'est-à-dire qui ne vivra pas extrêmement longtemps.

Dans la littérature, on va retrouver des choses autour de 60, 80 ans pour des peuplements. Après ça, il va y avoir période de bris, supposément, et les conifères vont prendre la place. Par contre, sur le terrain, les tremblaies que j'ai visitées, il y en a de 80, 120 ans, J'ai trouvé une tremblaie en Gaspésie, pas une tremblaie isolée mais une tremblaie de 200 ans, donc c'est une espèce qui peut rester plus longtemps que ce qu'on pense généralement dans le paysage.

Aussi, par rapport aux conifères qui pourraient théoriquement remplacer le tremble, si on pense au sapin qui, en Gaspésie, est presque toujours présent dans toutes les tremblaies en sous-étage, et dans la plupart des tremblaies où je suis allé, il y a du sapin, par contre, il y a aussi de la tordeuse. Et, comme Hubert Morin en parlait dans la présentation à 14 heures, les épidémies de tordeuses des bourgeons d'épinette reviennent périodiquement attaquer le sapin, trois fois par siècle, deux fois par siècle. Et, dans le cas de la dernière épidémie de tordeuses des bourgeons d'épinette, pour beaucoup de tremblaies que j'ai visitées, le sapin qui aurait pu théoriquement remplacer le tremble, aujourd'hui, il est au sol. Et ce que le tremble a fait à ce moment-là, a produit un autre étage de trembles ? par drageonnement, par les racines ? sous son propre couvert, ce qui fait que c'est le tremble qui continue à garder ce site-là.

Quand on parle d'épinette noire, nos données confirment un peu le modèle qui est développé à l'Université du Québec à Chicoutimi, à l'effet que, quand on a de l'épinette noire, s'il y a une perturbation, que ce soit le feu ou la coupe, s'il y a de le régénération des graines viables disponibles et des lits de germination appropriée, on va ravoir une pessière. Mais, si ces conditions-là ne sont pas respectées, alors, on perd la pessière. Et dans notre cas, si le tremble est dans le voisinage, le tremble s'installe et on ne retrouve pas d'épinettes noires qui se réinstallent sur ce couvert-là, par semis. Il y a quelques épinettes qui restent généralement, et on va retrouver quelques marcottes. Mais dans les tremblaies que j'ai visitées et à plusieurs autres endroits, on ne retrouve pas de semis d'épinette noire là-dessus. Donc, l'épinette noire est éliminée de ces sites-là.

Si on regarde la distribution du tremble en Gaspésie ? c'est la première que j'ai faite quand j'ai commencé à travailler sur le tremble ? le tremble se retrouve sur l'ensemble de la Gaspésie. Par contre, les peuplements de trembles comme tels suivent un certain modèle de distribution qui semble suivre... La première chose qu'on remarque sur la carte de distribution du tremble, c'est que ça suit le contour de la Gaspésie. Le contour de la Gaspésie, ça veut dire la partie habitée. Un petit peu plus étroit, le ruban du côté nord, parce que le relief est plus accidenté; plus large du côté sud, ça suit les activités humaines.

Les grandes concentrations de tremble en Gaspésie, c'est vers le coeur de la Gaspésie, bassin des rivières Dartmouth, Pabos, Bonaventure, et tout ça. Là aussi, c'est relié à des activités humaines, la coupe, et aussi à des perturbations naturelles, principalement le feu. Par contre, ça, c'est les distributions des tremblaies.

Sur le terrain, il y a du tremble qui est réparti un peu partout. Par exemple, je passais dans le chemin qui relie Murdochville à New Richmond, le petit chemin pas loin du parc de la Gaspésie où il n'y a pas de trembles présentement dans ce secteur-là, c'est-à-dire dans les peuplements, mais partout sur le bord du chemin et sur le bord des chemins forestiers où on a dégagé le sol minéral, le tremble s'est installé. Il y a des bandes de trembles comme ça qui s'installent. Le tremble avance sur ce territoire-là. On retrouve donc du tremble dans les grandes concentrations mais aussi par des individus isolés qui s'étendent graduellement.

J'ai fouillé aussi au niveau de l'historique pour voir qu'est-ce qu'on avait comme information sur la distribution du tremble en Gaspésie, voir si je pouvais trouver des documents. Par hasard, l'hiver passé, je suis tombé sur des rapports d'exploration de forestiers qui décrivaient la végétation d'un territoire où je travaille, c'est le bassin de la rivière York. Il semblerait que ? son rapport date de 1882 ? le tremble existait mais distribué de manière plus sporadique qu'il est aujourd'hui et dans un territoire un petit peu plus vers les hauteurs, il n'en avait pas rencontré. Donc, ce sont tous des éléments qui nous permettent de dire que le tremble avance.

La façon dont on a procédé. L'an passé, j'ai été sur le terrain visiter un paquet de tremblaies pour essayer de vérifier comment ces tremblaies-là s'étaient installées, qu'est-ce qu'elles avaient remplacé. On fouillait dans le sol pour les souches ou des restes de charbon. Toutes les tremblaies qu'on a visitées, ce qu'il y avait auparavant, c'était des conifères. Ça, tout le monde est d'accord avec ça. Ça ne fait aucun problème, parce que c'est un peu normal: s'il y a une perturbation, le tremble s'installe. Par contre, il n'y a aucun indice, dans aucune des tremblaies que j'ai visitées, que le conifère est en train de revenir.

Il y a donc, selon moi, expansion évidente du tremble. La façon dont ça se fait, pour coloniser des nouveaux territoires, et ça, on a un bon exemple dans le feu de la Bonaventure de 1995 où il y avait un territoire dominé par l'épinette noire et le sapin, pratiquement aucun tremble. Et, quand on va sur ce territoire-là aujourd'hui, il y a une bonne partie qui a été replantée en épinette, mais on retrouve du tremble sur toute la superficie, sur les 30 000 ha. Il n'y en avait pas auparavant, il est arrivé par graines; ce sont des semis. Donc, un des mécanismes d'expansion, c'est par graines.

J'ai regardé sur les cartes. Le tremble le plus proche est à au moins cinq kilomètres. Donc, les graines peuvent faire de grandes distances et peuvent s'installer sur des grandes surfaces. C'est probablement le moyen le plus rapide pour que le tremble puisse coloniser les grandes superficies.

L'autre moyen, c'est, une fois qu'un individu est installé, l'expansion latérale. Ça, en étant sur le terrain, cet automne, c'est un peu ça que j'ai essayé de vérifier, essayer de mesurer c'est quoi, cette expansion-là. Un individu tout seul dans un peuplement, par exemple, après épidémie de tordeuse, va étaler son territoire d'à peu près 15 m autour de lui. Chaque peuplement va faire la même chose. Ce qui fait qu'à un moment donné on a des trembles qui vont être isolés dans un peuplement, et, s'il y a une perturbation: un feu, la coupe ou une épidémie de tordeuse des bourgeons de l'épinette, ces trembles-là vont drageonner et vont finir par se rejoindre.

J'ai vu un exemple de ça, hier, sur le bord de la rivière Madeleine où les personnes qui ont coupé ce secteur-là n'avaient pas le permis de tremble dans le temps, ce qui fait que ? ils ont coupé il y a quatre ans ? ils ont laissé des trembles sur le terrain. Tout ce qu'ils ont ramassé, c'est du conifère, donc il reste un tremble par ci par là. Ce qu'on voit sur le terrain aujourd'hui, ce n'est pas des conifères, c'est le tremble. Tous les trembles se sont rejoints par drageonnement; le territoire est entièrement couvert de trembles. Des exemples comme ça, j'en ai à la tonne. Il y en a énormément, d'endroits, où le tremble avance.

n(16 heures)n

Maintenant, qu'est-ce que ça peut avoir comme... Évidemment, je cherche les endroits pour voir où le tremble avance, mais je pose aussi la question à tous les gens sur le terrain où je vais: Est-ce que vous avez des exemples à me montrer? Est-ce que vous avez vu des endroits où le tremble est âgé, est assez gros qu'il a atteint une période où il commence à mourir puis il se fait remplacer par les conifères en dessous? J'attends encore qu'on me montre une place où, ça, ça se produit. Il y a quelqu'un, ce matin, qui me disait que, peut-être sur la Côte-Nord, je pourrais avoir un exemple, mais je vais peut-être aller voir l'été prochain. Mais, pour l'instant, les exemples que j'ai, c'est uniquement avancée du tremble, je ne vois pas qu'il recule. Donc, c'est pour ça qu'on parle d'expansion.

Qu'est-ce que ça a comme conséquence, l'idée qu'on amène? C'est évidemment très différent de quand on fait des calculs de possibilités ou des plans généraux. C'est très différent de dire: Si j'ai des peuplements mélangés avec du tremble et des conifères, un jour, ça va devenir des conifères. C'est très différent que de dire: J'ai du tremble aujourd'hui; même si je n'en ai pas beaucoup, attention, parce que, aussitôt qu'on intervient là-dedans, ça devient une tremblaie où le tremble va dominer. Donc, au niveau des calculs de possibilités, il pourrait y avoir certaines incidences à ce niveau-là.

Ce qui veut dire aussi que, quand on aménage, on fait de l'aménagement forestier, là où il y a du tremble, c'est très difficile de l'éliminer pour le faire remplacer par des conifères. On peut planter, j'ai vu des plantations qui ont été faites il y a une quinzaine d'années, on a fait deux dégagements pour enlever le tremble, et le tremble aujourd'hui est encore là. Une fois que le tremble est installé, c'est très difficile. On réussissait un peu, il y a quelques années, en utilisant les phytocides, mais maintenant on n'utilise plus de phytocides. Alors, ce n'est pas évident de le faire reculer.

Alors, moi, ce que je suggère surtout, ce n'est pas d'essayer de s'attaquer au tremble. Là où il y a du tremble, c'est d'aménager en fonction du tremble. Mais c'est surtout de se préoccuper de là où il n'est pas présentement. Par exemple, dans le secteur du chemin qui contourne, qui entoure le parc de la Gaspésie, il n'y a pas de tremble dans les peuplements présentement, mais il est sur le bord du chemin, il arrive par les chemins forestiers, il arrive par les jetées qu'on fait. Prochaine perturbation, il s'étend encore sur différents points. Ce qui fait que ce à quoi on doit penser, c'est au niveau, par exemple, de l'épinette noire. Si elle se fait remplacer par le tremble, bien, c'est perdu. Donc, comment est-ce qu'on peut prévoir, intervenir pour empêcher que le tremble envahisse ces nouveaux territoires là? C'est surtout à ce niveau-là qu'on doit essayer d'intervenir.

Il y a aussi des changements au niveau de la biodiversité. C'est bien évident que, si je passe d'une pessière à mousse à une tremblaie où la litière est complètement différente, les plantes herbacées sont différentes, la faune d'insectes et tout ça qui vont fréquenter ces endroits-là est complètement différente. J'ai un changement drastique de biodiversité. Si je passe d'une pessière à épinette noire à une tremblaie, même s'il y a un sous-étage de conifères, il y a probablement certains processus au niveau de ces changements-là qui sont aussi irréversibles. Et, au niveau de la biodiversité, encore une fois, si c'est la pessière noire qui est impliquée, que le tremble envahit, c'est un recul d'épinettes noires, là aussi.

On a essayé aussi de vérifier... On travaille en Gaspésie, ça se démontre assez bien. Cet automne, je suis sur le terrain pour vérifier l'expansion et j'ai plus d'exemples que j'en voudrais. C'est à peu près partout. Mais on s'est posé la question aussi: Est-ce que ça peut se retrouver ailleurs? Parce que le lien qu'on fait avec l'expansion du tremble, ça se fait toujours à cause de perturbations soit humaines, soit naturelles, ou les deux. Mais ce que je remarque, dans l'expansion récente, il y a toujours un lien avec les activités humaines.

Et j'ai vérifié, grossièrement, par exemple, autour du Lac-Saint-Jean ou de l'Abitibi, la distribution des tremblaies, en regardant toutes les... Un de mes amis, au ministère des Ressources naturelles, a regardé toutes les cartes forestières en fonction des concentrations des tremblaies, et le tremble, au Lac-Saint-Jean, par exemple, est aussi distribué en fonction principalement de là où il y a du monde, là où il y a des habitations, ou là où il y a eu des routes principales. J'ai fait la même vérification pour l'Abitibi, et on a le même genre de distribution, aussi, des tremblaies. C'est-à-dire qu'il y a un lien entre la quantité de trembles et les activités humaines. Et quand on rentre dans les chemins forestiers, même s'il n'y a pas de tremble dans les peuplements, on s'aperçoit clairement qu'il nous suit. Quand on fait un chemin, il arrive par graines, il nous suit sur les jetées. Une fois qu'il est installé, même si c'est trois, quatre points, la prochaine perturbation, chacun des arbres qui sont là va s'étaler, va s'étirer, et on perd du territoire comme ça graduellement.

En guise de conclusion, avant de vous relire les recommandations qui sont inscrites dans le texte, je ne voudrais pas déclencher une panique au niveau du tremble, ni vous faire trembler par rapport à cette espèce-là, mais, par contre, je pense qu'il est important de considérer, dans les processus d'aménagement ou de gestion des forêts, que c'est peut-être trop simple de penser que le tremble est juste en transition. On a des indices très sérieux qui nous permettent de dire: Ce n'est pas en transition. C'est une espèce qui s'étend, qui prend la place et qui peut persister longtemps dans le paysage.

Alors, dans les recommandations qui sont faites, comme c'est relativement nouveau, relativement controversé comme sujet, c'est évidemment d'aller un petit peu plus loin dans les recherches et, bon, d'aller voir ailleurs au Québec si on peut voir des comportements semblables de la part du tremble. Moi, je pense sérieusement que oui. J'ai marché, j'ai vérifié quelques tremblaies au Lac-Saint-Jean, quelques-unes en Abitibi, mais je n'ai pas fait des... Dans les exercices, je pense qu'il faudrait aller un petit peu plus loin à ce niveau-là pour voir à l'échelle du Québec qu'est-ce que ça peut signifier. Et il faudrait peut-être aussi vérifier, au niveau du calcul de possibilités forestières, si on change de statut le tremble; au lieu de le considérer en transition, si on le considère en expansion, qu'est-ce que ça peut vouloir dire au niveau des calculs. Et aussi aller voir quelle stratégie d'aménagement on peut développer pour soit faire reculer le tremble ou au moins l'empêcher d'avancer, dans les prochains travaux qu'on aura à faire.

Je laisserais peut-être la place à M. Gagnon pour parler du lien Gaspésie...

Le Président (M. Côté, Dubuc): Très brièvement, M. Gagnon. D'abord, vous présenter, parce qu'il ne reste qu'une minute. Alors, vous pourrez peut-être tout à l'heure, lors de la période d'échanges...

M. Gagnon (Réjean): Ah oui, je ne suis pas inquiet. C'est tout simplement pour souligner le lien qui existe entre le cégep de la Gaspésie et des Îles et l'Université du Québec à Chicoutimi. L'objectif, bien entendu, c'est le développement des connaissances, mais aussi que ces connaissances-là se développent un peu partout au Québec, puis là où, l'expertise, on en a besoin. Et puis c'est un bel exemple dans ce cas-ci. La plupart du temps, quand on fait des recherches, nous, on va aller sur le terrain à un endroit... Mettons, je pourrais aller en Gaspésie et revenir à Chicoutimi et l'expertise, dans le fond, va demeurer à Chicoutimi. Mais là, c'est l'inverse, si vous voulez, qu'on a fait. On travaille en collaboration avec le cégep et puis, bien entendu, Sylvain Fortin. Ce dernier a fait une maîtrise chez nous, mais sur des problématiques de sa région puis tout en demeurant aussi dans sa région, et là, maintenant, il poursuit au niveau du doctorat, et c'est la même chose.

Ça fait qu'à partir d'individus comme M. Fortin et puis d'une institution qui est en place, comme le cégep ? ça peut se faire aussi avec d'autres universités ? on peut développer un noyau pour que la recherche puisse se bâtir tranquillement dans cette région-là puis dans d'autres régions, et puis comme ça, bien, devenir un peu plus autonomes et puis faire les choses de façon pertinente.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Alors, merci, M. Gagnon. Merci également à M. Fortin.

Nous allons procéder à la période d'échanges. Alors, M. le ministre.

M. Brassard: Merci, M. Fortin, merci, M. Gagnon. M. Gagnon, vous êtes là à titre de directeur de thèse ou...

M. Gagnon (Réjean): Exact.

M. Brassard: Alors, l'exposé va contribuer à son évaluation.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gagnon (Réjean): Quand on a des bons étudiants, ce n'est pas trop difficile.

M. Brassard: M. Fortin, c'est très intéressant, ce que vous nous dites là. Au fond, ce que vous nous dites, c'est que, pas uniquement au Québec, j'ai bien compris que c'était un peu partout, le tremble est une espèce extrêmement prolifique qui gagne du terrain sur les autres. Ça, c'est maintenant, chez vous, sur le plan scientifique, une certitude.

M. Fortin (Sylvain): Pour les tournées que j'ai faites, j'ai été, entre autres, en Alberta où il y a énormément de trembles, et c'est le même genre de chose qui se produit, le tremble a avancé sur la prairie, a avancé par rapport à l'épinette blanche. C'est pour moi une évidence. Il s'agit maintenant de la démontrer, de la décrire, mais c'est une évidence.

M. Brassard: Alors, ça veut dire... Quand on accorde un CAAF de tremble pour une usine de panneaux, par exemple, c'est ce qu'on a fait récemment à Grandes-Bergeronnes, c'est surtout cette espèce-là qui est en cause, évidemment, le principe du rendement soutenu s'applique. Mais là je comprends que, sans même le vouloir ou sans même poser des gestes pertinents, c'est le rendement accru qui s'applique.

M. Fortin (Sylvain): Si on exploite le tremble, c'est sûr qu'on est très heureux d'une nouvelle comme celle-là. Hier, j'étais sur le terrain avec des gens justement qui exploitent le tremble, et eux, ça ne leur fait pas beaucoup de peine que d'autres espèces reculent par rapport au tremble parce qu'ils recherchent du tremble. Vous êtes dans un endroit où le tremble est de bonne qualité et d'avoir 40 000 tiges à l'hectare, eux autres, après qu'ils ont ramassé quelques conifères, c'est sûr que ça leur fait plaisir. Par contre, si c'est quelqu'un qui exploite du résineux, c'est un petit peu moins intéressant pour lui. Et si on va un petit peu plus loin puis on pense à la biodiversité, au maintien des écosystèmes, là on a un autre point de vue aussi.

n(16 h 10)n

M. Brassard: Oui, ça nous pose toutes sortes de questions à cet égard, parce que... Au fond, il y a une question qui se pose à la fois pour les scientifiques que vous êtes, mais aussi pour les gestionnaires et les forestiers, c'est: Est-ce que le tremble ? vous me permettrez l'expression ? est un ennemi à abattre? Est-ce qu'on doit déjà penser à des stratégies qui viseraient, qui auraient pour objet de limiter l'expansion du tremble? Non pas de l'éliminer, parce que je pense que vos propos sont très clairs à cet égard, c'est une espèce tellement prolifique qu'on ne pourra jamais l'éliminer, et je ne pense pas qu'il faut avoir ça comme objectif, aussi, parce qu'il y a quand même maintenant de plus en plus d'industries au Québec dont la matière première, c'est du tremble. Mais, selon vous, il faut limiter l'expansion du tremble, il faudrait s'efforcer d'en limiter l'expansion au détriment d'autres espèces, que ce soit dans la sapinière ou dans la pessière.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui, M. Fortin.

M. Fortin (Sylvain): Je pense que oui. Par contre, le tremble, d'abord, il n'est pas absolument partout, mais là où il est présent, il gagne toujours du terrain. Et où il est, moi, je pense qu'il faut qu'on aménage en fonction de sa présence. Par contre ? là je pense un petit peu comme vous l'avez dit ? s'il n'est pas présent dans certains endroits ou s'il est juste installé de manière ponctuelle comme, par exemple, dans le chemin qui est aux alentours du parc de la Gaspésie, la route principale, dans ce coin-là, moi, j'aurais peur pour les conifères, les peuplements voisins qu'on aménage pour le conifère ? c'est ça qu'on a récupéré ? j'aurais peur que, dans ces secteurs-là, on se retrouve... Dans la prochaine perturbation, le tremble va aller un petit peu plus loin. Et ça, j'ai vu ce genre de... Le feu de la Bonaventure de 1995, pour moi, c'est un exemple que j'appellerais de première expansion, parce que le tremble n'était pas là. Là, maintenant, quand on va retourner dans 10, 15, 20 ans, on n'aura pas des tremblaies partout, mais le tremble est installé de manière pointue par ci, par là.

Prochaine perturbation, chacun de ces points-là s'étale. Et là on se retrouve, comme sur l'autre exemple que j'ai vu, où j'appellerais ça «deuxième expansion», celui de la Rivière-Madeleine où j'étais hier, où le tremble s'est installé, dans ce cas-là, sur un feu. J'avais carotté des trembles là-bas l'an passé, je pense que c'est un feu des années 1880, ou en tout cas un peuplement qui avait une centaine d'années, où il y avait des trembles répartis, comme ça s'est installé présentement, nouvellement, dans le feu de la Bonaventure, ça s'est fait il y a 100 ans. Et, aujourd'hui, quand on récolte les conifères, le tremble prend toute la place. Donc, ce qu'il faut penser, ce n'est pas nécessairement d'essayer de réduire le tremble où il est. Ça, je pense qu'on perd notre temps. On peut aménager en forêt mixte si on veut, mais pas vouloir l'éliminer. Mais c'est de penser tout de suite, là où il n'est pas vraiment installé, attention. Au moins de se dire: Ça se peut qu'on ait des problèmes à un moment donné, peut-être qu'on devrait les régler tout de suite. C'est plus facile d'arracher les semis, d'inventer un traitement sylvicole qui s'appellerait «arrachage de semis», où on les arrache tout de suite après qu'ils sont installés sur les jetées, que de retourner 50 ans plus tard et de dire: Oups, trop tard!

Le Président (M. Côté, Dubuc): M. le ministre.

M. Brassard: Quand vous dites «prochaine perturbation», il y a eu une perturbation, il n'était pas là avant la perturbation, le feu de 1995, c'est ça que vous dites. Et là, maintenant, il est là, mais présent très sporadiquement.

M. Fortin (Sylvain): C'est-à-dire partout, entre 200 et 12 000 tiges à l'hectare.

M. Brassard: Oui. Mais quand vous dites «prochaine perturbation», attention, là, on va avoir des tremblaies vraiment. Alors là, prochaine perturbation ou récolte.

M. Fortin (Sylvain): Ou récolte. Perturbation naturelle ou anthropique.

M. Brassard: Voilà, ou perturbation humaine, si vous me permettez l'expression, c'est-à-dire récolte. Le résineux est prêt à récolter, on fait le prélèvement, et là il faudra penser à des stratégies d'aménagement pour éviter l'expansion du tremble.

M. Fortin (Sylvain): Je dirais même qu'il faudrait y penser tout de suite parce que, quand on va y aller et que les trembles vont être grands, là, les drageons, ça s'en va de partout. Un arbre peut en produire 1 000, 2 000...

M. Brassard: Autrement dit, les interventions vont devoir se faire presque immédiatement après la récolte.

M. Fortin (Sylvain): C'était presque hier qu'il aurait fallu les faire, même, sur ce feu-là, d'aller voir où il y a des trembles. Mais c'est quelque chose à quoi il faut penser, je pense, immédiatement, parce que c'est quelque chose qui peut se produire, l'expansion se fait vite.

M. Brassard: Merci.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Ça va, M. le ministre? Je vais maintenant donner la parole à Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. M. Fortin, bonjour. Bonjour, M. Gagnon. Je tiens à vous féliciter pour vos travaux, M. Fortin. Si j'étais un industriel qui s'approvisionne en sapin, en épinette, effectivement, votre mémoire me ferait un peu peur. Parce que ce que vous dites, dans le fond, ça va à l'encontre, je vous dirais, de toutes les idées préconçues. Le tremble est un peu mal aimé dans le domaine de la forêt. Dans le fond, ce que vous nous dites, c'est qu'il pourrait y avoir des impacts, à plus ou moins long terme, auprès d'une industrie qui s'alimente auprès du résineux, à long terme ? je parle à long terme, évidemment.

Moi, j'aimerais savoir... De votre côté, dans vos recherches que vous avez faites, est-ce que vous avez évalué le potentiel que représente le tremble pour une région comme la Gaspésie? Parce que, en ce moment, on cherche... il y a des marchés qui originent de plus en plus.

Tout à l'heure, le ministre faisait référence à une usine de Bergeronnes. Dans notre secteur, en Gaspésie, il y a un entrepreneur, un industriel avec un projet de panneaux: S.B. Alors, est-ce que vous avez été en mesure, dans vos travaux, de quantifier le potentiel de tremble chez nous?

Le Président (M. Côté, Dubuc): M. Fortin.

M. Fortin (Sylvain): Je n'ai pas travaillé à cette échelle-là, vraiment. J'ai discuté, par contre, avec les gens qui parlent de faire l'usine aussi. Quand je vais sur le terrain, en même temps, moi, je regarde pour eux au niveau de la qualité des trembles, quels endroits sont les plus beaux secteurs, puis on s'échange les renseignements comme ça. Mais je n'ai pas mesuré, moi-même, au niveau de mes travaux, la possibilité ou la capacité par rapport au tremble. Mais, par contre, je pense que, déjà, avec ce qu'il y a comme trembles, les concentrations de trembles qui existent seraient déjà suffisantes pour ce genre d'usine là.

Mme Normandeau: Ah, oui.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui, Mme la députée.

Mme Normandeau: Quand vous nous dites qu'on aurait intérêt, dans le calcul de la possibilité forestière, à considérer le tremble comme une espèce en expansion plutôt qu'en transition et vous nous dites que, dès aujourd'hui, on devrait changer nos stratégies d'aménagement... Et puis, moi, j'ai rencontré des industriels qui s'arrachent les cheveux de sur la tête dans l'optique où les phytocides vont être interdits prochainement. Ils s'approvisionnent en résineux puis ils arrivent sur des terrains où le tremble pousse. Je vais vous dire qu'ils ne trouvent pas ça facile, à l'heure actuelle, puis ils cherchent à trouver des alternatives.

Mais, de votre côté, quand vous nous dites qu'on devrait tenir compte de cet aspect-là dans le calcul de la possibilité et tout de suite réorienter nos stratégies d'aménagement, est-ce que c'est possible d'aller un peu plus loin là-dessus? Parce que c'est quand même assez gros, comme changement, en termes d'approche. Alors, est-ce que c'est possible de commenter davantage là-dessus?

Le Président (M. Côté, Dubuc): M. Fortin.

M. Fortin (Sylvain): Je discute régulièrement avec les gens au ministère, entre autres au bureau de Gaspé qui est proche de chez nous, et aussi avec Caplan, et, dans la dernière révision des plans généraux, entre autres à Gaspé, ils ont tenu compte ? ça fait quand même plusieurs années que je discute avec eux ? passablement, des idées que j'apportais par rapport au tremble.

Par contre, c'est certain que certains peuplements de tremble, quand il y a une certaine proportion de conifères à l'intérieur, en tout cas, un certain niveau de mixité dans le peuplement, on les fait évoluer ? dans le système Sylva II ? vers des peuplements de conifères.

C'est à ce niveau-là, moi, que... je ne dis pas que ça pourrait amener des changements considérables, mais je pense qu'il faudrait qu'on vérifie qu'est-ce que ça pourrait avoir comme implication, qu'on refasse les calculs en disant: Aussitôt qu'il y a un peu de tremble dans des peuplements, dans des strates, de voir comment est-ce qu'on peut faire évoluer ces peuplements-là, qu'est-ce que ça nous donnerait, à la fin, sur la possibilité, si, au lieu de dire que c'est les conifères qui vont prendre le dessus, que c'est les trembles qui continuent, qu'est-ce que ça pourrait impliquer.

Je pense qu'il y aurait une certaine implication, pas nécessairement sur une baisse de la possibilité ni sur un transfert direct de la possibilité de conifères à feuillus, mais il y a sûrement quelques changements, au niveau des valeurs, qu'il serait important d'aller vérifier.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui, Mme la députée.

Mme Normandeau: Est-ce que vous avez été en mesure, avec vos échanges avec la direction régionale de Gaspé, puisque ça fait plusieurs années que vous leur parlez, de quantifier ces changements-là dans le calcul de la possibilité, à l'heure où on se parle, ou c'est trop tôt?

M. Fortin (Sylvain): Je pense que c'est trop tôt.

Mme Normandeau: C'est trop tôt.

M. Fortin (Sylvain): J'en ai discuté. J'avais comme projet d'aller essayer, sur un territoire, de faire ces calculs-là, mais, manque de temps, je n'ai pas pu compléter.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Allez-y, Mme la députée.

Mme Normandeau: Quand vous nous dites qu'il faudrait peut-être changer nos stratégies au niveau de l'aménagement pour tenir compte du fait que le tremble prend de plus en plus de place, est-ce que vous avez des idées en tête en termes de stratégies d'aménagement ou tout est en suspens ou tout est à faire de ce côté-là?

n(16 h 20)n

Parce que, évidemment, je parlais tout à l'heure des phytocides. Comme c'est une espèce qui est extrêmement agressive, moi, je me pose la question: Comment on va faire, effectivement... Premièrement, dans l'optique où, sur le plan économique, on n'a pas nécessairement de débouché tout de suite. Et, deuxièmement, vous l'avez dit dans votre mémoire, on devra peut-être faire un choix, là. Est-ce que c'est une espèce qu'on va laisser aller en expansion ou plutôt on va faire le choix de dire: Bien là on trouve des moyens pour la combattre de façon agressive? Alors, est-ce que vous êtes en mesure de répondre à ces questions-là?

Le Président (M. Côté, Dubuc): M. Fortin.

M. Fortin (Sylvain): Dans les moyens comme tels, ce n'est certainement pas évident d'essayer de faire reculer le tremble. On a vu, en Finlande, il n'y a pas longtemps... Eux, ça fait 150 ans qu'ils essaient de se débarrasser... Ils ont une espèce qui est semblable à la nôtre, Populus tremula, qui est le tremble d'Europe, qui a le même comportement, qui drageonne aussi, et eux, ça fait à peu près 150 ans qu'ils essaient de s'en débarrasser parce que c'est considéré comme une mauvaise herbe pour eux aussi. En Finlande, ils ont assez bien réussi. Par contre, ils ont un troupeau de rennes assez imposant qui vient manger les drageons aussitôt qu'ils sortent. Ils ont annelé les arbres de manière... aussitôt qu'il y en avait un, il était annelé; ils ont utilisé des phytocides. Ils ont utilisé un paquet de moyens depuis 100 ans et ils réussissent. Présentement, pour eux, les trembles sont dans leur vieille forêt et c'est des éléments maintenant qu'ils veulent ramener en production. Par contre, aussitôt qu'ils le laissent aller, s'ils tassent les rennes ou s'ils arrêtent de l'anneler, ça drageonne un petit peu comme les nôtres.

Et c'est pour ça que, moi, je dis: La façon la plus efficace, ce n'est pas d'aller travailler là où il est déjà installé, mais c'est quand on récolte du conifère puis qu'on s'aperçoit que quelques trembles apparaissent sur les jetées, sur les chemins, je pense que c'est à ce moment-là qu'il faut aller l'enlever. C'est un petit peu comme la mauvaise herbe, si on cultive des patates, si on la laisse croître trop longtemps, à la fin de l'été, il est trop tard pour l'enlever. Ça fait qu'il faut y aller de bonne heure et l'enlever. Ce serait un petit peu le même genre de chose qui serait le plus efficace.

Par après, il paraît que l'annelage ralentit le drageonnement, sauf que j'ai vu des trembles annelés qui, après cinq ans, faisaient encore des feuilles. Donc, le système racinaire est toujours vivant. Parce que quand on parle de tremble... Quand on rentre dans une sapinière, chaque sapin est individu. Quand on parle de tremble, le tremble, souvent, c'est un groupe, c'est un clone. Ça veut dire que tout ce qui vient du système racinaire, c'est le même individu, même si c'est plusieurs tiges. Ce qui fait que, si j'affecte cette tige-là, c'est les autres à côté qui continuent sur le même système racinaire. Donc, la façon d'éliminer le problème, c'est d'arracher même jusqu'au système racinaire qui va des fois jusqu'à 30 m, 35 m de l'arbre même, ce qui est pratiquement impossible. Donc, c'est soit d'y aller tôt ou peut-être de travailler un peu plus sur l'annelage, mais je ne pense pas qu'il y ait de recette qui existe présentement. C'est d'expérimenter, d'essayer.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Est-ce que ça va, Mme la députée?

Mme Normandeau: Juste un commentaire. Dans le fond, ce que vous dites, c'est qu'il faudrait peut-être apprendre à apprivoiser le tremble, et ce que ça va prendre, c'est des argents, bien sûr, pour permettre à la recherche d'investiguer davantage sur le comportement et tout ça puis de trouver des solutions pour aménager les territoires.

M. Fortin (Sylvain): Mais ce qui est important aussi, c'est de prendre conscience du problème. Parce que quand je parle d'expansion du tremble, je peux vous dire que, des fois, il y a des gens qui n'y croient carrément pas. Mais quand on est sur le terrain et qu'on suit cette espèce-là, c'est épouvantable comment ça peut avancer rapidement.

Mme Normandeau: Les sceptiques seront confondus, c'est ça. Merci.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Ça va?

Mme Normandeau: Oui.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Alors, je vais donner la parole maintenant au député d'Orford.

M. Benoit: Oui, juste une courte question. C'était très intéressant, votre présentation. Dans le film de M. Desjardins, il y a un vieil ingénieur forestier qui revient régulièrement dans le film, et, à une occasion, il dit, de mémoire, que le Québec est après revirer en sapinière, et il cite la Gaspésie d'une façon particulière, je crois. Il dit: La Gaspésie, ça va finir par n'être qu'une sapinière.

J'écoute ce que vous dites, puis je ne le connais pas, cet ingénieur forestier là, mais je l'ai écouté dans le film. «Who's right»? Est-ce que c'est lui qui a raison ou si c'est vous?

Le Président (M. Côté, Dubuc): M. Fortin.

M. Fortin (Sylvain): Bien, je pense que, si on prenait chacune des séquences du film de Richard Desjardins puis on les décortiquait, on pourrait peut-être trouver d'autres faussetés comme celle-là. Mais la Gaspésie, moi, c'est... Quand on parle de la Gaspésie, souvent, on dit ? je pense que, même au ministère, ils ont changé l'appellation dernièrement ? que c'est une sapinière à bouleau blanc. Moi, dans le territoire où je travaille, le bassin de la York, le bassin de la Dartmouth, le bassin de la Bonaventure, le bassin de la Pabos, le bassin de la rivière Madeleine, je travaille dans de la forêt boréale. C'est de l'épinette noire, du sapin baumier, du tremble, du bouleau à papier. Toutes ces espèces-là ensemble, c'est vraiment de la forêt boréale, ce n'est pas de la sapinière. Ça se compare... Il y a probablement un peu plus de feuillus, ce n'est pas la pessière à épinette noire, à mousse, qu'on va retrouver dans le Nord, mais c'est de la forêt boréale, et le sapin dans certains secteurs, entre autres dans Gaspé-Nord, possiblement à cause d'une histoire de feu qui est moins importante, il y a un peu plus de sapin, mais il y a aussi beaucoup de bouleau à papier, beaucoup de forêt mixte, beaucoup de tremble, et l'ensapinisation de la Gaspésie, je ne pense pas que ça soit vraiment... ça ne se voit pas sur le terrain en tout cas. Il y a du sapin partout. Depuis la dernière épidémie de tordeuse des bourgeons de l'épinette, il y a du sapin partout, mais il y a beaucoup moins de sapinières.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Ça va, M. le député?

M. Benoit: Très bien. Merci.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Alors, je cède maintenant la parole au député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Alors, M. Fortin et M. Gagnon, bonjour. Tout d'abord, permettez-moi de saluer le partenariat qui existe à notre Université du Québec à Chicoutimi et au cégep de la Gaspésie, qui s'est développé par l'engagement de M. Fortin. Et, M. Fortin, je vous félicite et je vous encourage à poursuivre et même à encourager vos étudiants à suivre vos traces sur ce modèle de partenariat.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que le tremble n'est peut-être pas une obsession, mais est un sujet qui vous captive, et c'est une essence qui a la vie dure, quoi. Même morts, les arbres se régénèrent. Alors, ça, c'est très particulier, à ce qu'on peut voir dans votre texte.

Vous parlez, à certains endroits, qu'on aura à faire un choix à un moment donné entre le type de biodiversité qu'on aura à privilégier. Et j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Par exemple, ça peut être quoi? Actuellement, on connaît nos peuplements. Si on est dans le résineux, avec un peu de feuillu, avec le tremble, à ce moment-là, on a un type de biodiversité, donc, la faune, la flore, etc. Mais qu'est-ce qui arrive dans le cas où est-ce que c'est une forêt majoritairement de tremble? C'est quoi les perturbations qu'on peut observer au niveau de la faune, par exemple?

Le Président (M. Côté, Dubuc): M. Fortin.

M. Fortin (Sylvain): Si on regarde, entre autres, les coupes qui se font actuellement dans des restes de vieilles pessières à épinette noire, dans des secteurs où on avait beaucoup de pessières à épinette noire, le changement qui se fait quand le tremble entre dans ces endroits-là, d'abord, ce n'est pas la même végétation qui s'installe. Si on a une pessière à mousse ou une pessière à éricacée, ce n'est pas la même végétation de sous-bois qu'on va avoir en-dessous, on n'aura pas les mousses, la litière est différente parce que les feuilles du tremble se décomposent de manière différente, le sol va être moins acide, il y a des changements qui vont se faire au niveau des plantes herbacées qui vont être là, c'est plus les plantes comme le quatre-temps, la maïanthème, la trientale et ces espèces-là qui vont s'installer, et on ne retrouvera pas assez de couvert fermé pour se retrouver avec une pessière à mousse.

Et, de plus, l'épinette noire qui a perdu sa place à cause du tremble, on ne retrouve pas d'endroit où elle germe; quelques-uns, mais jamais assez pour reconstituer un peuplement d'épinette noire. Même si on attendait peut-être un millénaire, ça serait difficile de voir ce qui se passe, mais à court ou moyen terme, c'est impossible que la biodiversité qu'on avait avant, donc les peuplements d'épinette noire, puisse se maintenir. C'est surtout à ce niveau-là que je dis qu'il peut y avoir un changement au niveau... qu'on a un choix à faire.

Si le tremble n'est pas là, qu'on a de l'épinette noire et que l'épinette noire peut revenir, on maintient la biodiversité. Si on laisse le tremble entrer dans cette pessière-là, on vient de perdre cet élément-là qui est la pessière à épinette noire typique. Même si on intervient par la suite, il est trop tard pour un retour à la pessière à épinette noire qui était là précédemment, qui est là présentement. Et ça, il y a des exemples de ça. Par exemple, dans le secteur du lac Sirois où on coupe dans les grands massifs d'épinette noire, il y a plusieurs endroits où le tremble s'est installé sur les jetées, s'est installé sur les chemins, s'est installé même, à certains endroits, dans des traces de machinerie sur les aires de coupe, et là, tout de suite, on a un changement qui s'opère.

Le Président (M. Côté, Dubuc): M. le député, allez-y.

M. Lelièvre: Vous parliez du parc de la Gaspésie tout à l'heure, qu'on retrouvait la présence du tremble. Il se transporte par le vent, il s'installe. Est-ce qu'on peut penser qu'un jour ça pourra se trouver, par exemple, par remplacer le lichen puis mettre en danger le troupeau de caribous ou encore s'installer sur le bord des rivières, dans les montagnes, un flanc de montagne, et, à ce moment-là, on n'a plus le même type de végétation et ça peut influencer sur les rivières à saumon? On en a, en Gaspésie, un nombre quand même assez important. Est-ce qu'il y a des effets qui peuvent se produire à ce sujet-là?

Le Président (M. Côté, Dubuc): M. Fortin.

M. Fortin (Sylvain): Que ça puisse aller remplacer les territoires du caribou sur les sommets du parc de la Gaspésie, à court terme, sûrement pas.

Pour ce qui est des effets sur les rivières, je ne pourrais pas voir qu'est-ce que le changement de couvert pourrait apporter; peut-être qu'il y en a, mais c'est hors de mes compétences.

M. Lelièvre: Un autre sujet de recherche, là. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Côté, Dubuc): Alors, ça va, M. le député de Gaspé?

M. Lelièvre: Merci beaucoup.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Merci. Alors, je vais donner maintenant la parole au député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci. Bien, sur le même thème, évidemment. C'est très intéressant. Vous allez me permettre...

Le Président (M. Côté, Dubuc): M. le député de Chicoutimi, je m'excuse, il vous reste quatre minutes...

M. Bédard: J'ai toujours quatre minutes, moi, toujours.

Le Président (M. Côté, Dubuc): ...et demie.

n(16 h 30)n

M. Bédard: Je commence, j'ai quatre minutes, puis il ne reste plus rien à la fin. Alors, poursuivons.

Mon collègue le soulignait. Effectivement, moi aussi, je suis bien heureux de voir la collaboration qui s'est installée avec l'Université et ça permet au collège de votre endroit et aux gens de la place d'avoir des retombées, et vous avez aussi, les deux ensemble, je crois, démontré la nécessité de la recherche.

Parfois, on entend parler de forêt vierge avec une vision un peu bucolique des choses, alors que, quand on lit vos mémoires, on comprend mieux, sans tout connaître évidemment, parce que je crois qu'il y a encore beaucoup de choses à faire, et ça rend encore plus important votre volonté de voir inscrire dans le projet de loi l'importance de la recherche, qu'elle soit reconnue et encouragée. Je pense que, au début, je me demandais la pertinence d'une telle demande. Mais, à vous entendre et avec les explications, je crois qu'effectivement c'est nécessaire.

Simplement un petit point. Vous parliez, entre autres au niveau de la Gaspésie, qu'il y avait de plus en plus de trembles, mais j'aimerais avoir seulement une indication au niveau du pourcentage. Vous dites: De plus en plus, on les voit. Mais si on parle, auparavant, il n'y en avait pas en Gaspésie, et vous me dites: Bon, bien, il y a eu un feu, et là, de plus en plus, il y en a. Mais j'aimerais, si c'est possible, avoir un pourcentage, et aussi savoir: Est-ce que le réchauffement de la planète, par exemple, pourrait avoir un impact là-dessus? Est-ce que le fait que la planète se réchauffe pourrait avoir un impact justement sur l'installation d'essences en particulier?

Finalement, en bout de linge, je l'avais posé à M. Gagnon, mais le temps nous a manqué: Est-ce que c'est un cycle? Est-ce que vous avez un moyen de vérifier si, par exemple, il y a 300 ans, il y a eu un même cycle? Parce que, quand vous dites: Ils se déplacent avec les événements, on sait qu'il y a beaucoup de feux dans la forêt boréale et j'imagine qu'il y en avait même auparavant aussi. Donc, normalement, les trembles auraient dû avancer et finalement ont dû reculer. Est-ce qu'il y a moyen de vérifier où on en est par rapport aux études, vous me disiez à partir de 1800, et il n'y a pas moyen de vérifier antérieurement s'il y avait eu des modifications à ce niveau-là?

Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui, M. Fortin.

M. Fortin (Sylvain): D'après ce que j'en vois, d'après ce que j'en ai vu, c'est quelque chose de récent. La seule façon de reculer dans le passé là-dessus, c'est pas les analyses polliniques. Et des analyses récentes de pollen, faites par Pierre Richard, de l'Université de Montréal, les études les plus récentes, c'est un lac en Abitibi ? le lac Francis, je pense ? et un autre dans le coin de Duchesnay et il s'aperçoit que, depuis à peu près 150 ans ? je vais le voir, la semaine prochaine, pour aller chercher ces informations-là ? il y a une augmentation dans la courbe du pollen du tremble. Et ça, c'est ce que j'avais un peu dans l'idée pour la Gaspésie aussi.

L'augmentation du tremble, d'après moi, remonte au début des activités forestières où on utilisait, par exemple, où partout où on retrouve le tremble ? j'ai une carte ici, mais je ne peux pas vous la montrer ? en Gaspésie, ça suit la place où il y a des gens, et à l'intérieur, le long, par exemple, de la rivière York qui a été utilisée depuis longtemps pour transporter le bois, il y a eu beaucoup de coupes de bois depuis la fin du XIXe siècle.

La coupe suivie de feu, c'est le moyen idéal pour faire avancer le tremble, et dans plusieurs endroits où je suis allé, j'avais même des souches qui dataient du début du siècle qui m'indiquaient... je pouvais identifier cette souche-là; qu'est-ce que c'était comme bois, c'était de l'épinette; ça a été coupé au début du siècle, ça a brûlé pas longtemps après et la coupe a éliminé les arbres matures d'épinette noire qui auraient pu apporter des graines; le feu est repassé par après, il a enlevé tout le restant. Alors, les quelques trembles qu'il y avait autour ont pris la place. C'est relativement récent, d'après moi.

M. Bédard: En pourcentage, à peu près, actuellement.

M. Fortin (Sylvain): En pourcentage, je travaille un peu là-dessus, je ne vise pas à avoir un pourcentage pour la Gaspésie.

M. Bédard: Non, non.

M. Fortin (Sylvain): Moi, je visais surtout les tremblaies, comment est-ce que ça peut prendre de l'expansion, chaque tremblaie individuelle, là-dessus. Si on parle des environs du parc de la Gaspésie, il n'y en avait pas; ça fait que c'est relativement facile. C'est partir de zéro à ce qu'on a sur le bord des chemins un peu partout. Si on parle du feu de la Bonaventure, de 1995, il n'y en avait pas. Ça part de zéro à 100 % pour ce territoire-là. Mais qu'est-ce que ça veut dire pour la Gaspésie, je ne pourrais pas, là...

Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui, M. le député.

M. Bédard: Seulement, un ordre de grandeur, si je parlais de 5 %, est-ce que je suis aux alentours? Est-ce que je suis plus près de 50 % ou de 5 %?

M. Fortin (Sylvain): Je mettrais quelque chose entre les deux, plus proche de 5 %, je pense.

M. Bédard: O.K.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Alors, merci, M. Fortin.

M. Bédard: Merci, M. Fortin.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Merci, M. le député. Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Peut-être une autre question. À la page 5 de votre mémoire, sur la dynamique des tremblaies, vous nous dites que vous avez constaté que, dans les endroits où le sapin ou dans les sapinières qui ont été touchées par les épidémies de tordeuses, en principe, le sapin ne revient pas là, c'est vraiment le tremble qui prend toute la place.

Dans le secteur de la Gaspésie, il y a un feu important qui a ravagé des centaines d'hectares. C'est le feu de la Bonaventure, vous y avez fait référence tout à l'heure. Est-ce que la même dynamique a été constatée sur les sites où on a eu un incendie?

Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui, M. Fortin.

M. Fortin (Sylvain): Vous voulez dire: Est-ce que le sapin a été diminué?

Mme Normandeau: Oui, effectivement. Est-ce que le tremble a pris la place du sapin? Bien, là, vous parlez de tordeuse; moi, je vous parle évidemment de secteurs touchés par les incendies.

M. Fortin (Sylvain): Là où il y a du feu, par rapport au mécanisme de régénération du sapin, le sapin, s'il est détruit par le feu, la seule façon pour lui de revenir dans le secteur, c'est par les côtés ou bien par des îlots qui sont perdus dans le feu. Dans le cas du feu de la Bonaventure, la majorité du territoire a été replantée, on a chuté des arbres à terre. Il y a certains endroits où il y avait assez de régénération d'épinettes noires. Mais, malgré ça, la plupart du territoire a été replantée et je pense que ça a été replanté en épinettes.

J'ai vu quelques endroits où il y avait des semis de sapins mais pas assez pour dire qu'il va y avoir des sapinières. Mais probablement que le sapin va revenir par les côtés aussi. Même dans les endroits où je sais qu'il y a de la tordeuse, le sapin est toujours là, il revient. Sauf que, quand il y a une épidémie de tordeuse, j'ai un étage de trembles qui est haut, le sapin, qui est juste en dessous, qui rattrape le tremble, est rabattu par la tordeuse. Il y a toujours de la régénération, qu'on appelle préétablie, de sapins, mais, quand il y a perturbation, quand la tordeuse passe, comme les sapins qui étaient plus haut sont tués, le tremble produit un autre étage de trembles sous son propre couvert, et c'est cette étage de trembles là qui dépasse les sapins en peu de temps.

Par exemple, la dernière épidémie est survenue vers 1986, chez nous, et déjà, les trembles qui se sont installés sous le couvert du tremble après que les sapins soient morts ont dépassé facilement la régénération préétablie de sapins; ils se sont installés un deuxième étage sous le couvert. Mais le sapin est toujours là...

Le Président (M. Côté, Dubuc): Mme la députée.

M. Fortin (Sylvain): ...puis il se fait rabattre à tous les 30 ans par la tordeuse.

Mme Normandeau: Mais, tout à l'heure, vous avez souligné qu'il y avait... vous avez constaté, sur le site de la Bonaventure, qu'on avait du tremble qui émergeait un peu partout.

M. Fortin (Sylvain): Oui, le tremble est partout.

Mme Normandeau: Est-ce que ça compromet la dynamique naturelle qu'on a constatée jusqu'à aujourd'hui, il y avait la présence à majorité de résineux?

M. Fortin (Sylvain): Bien, probablement que, sur les sites où j'ai calculé qu'il y avait 12 000 tiges à l'hectare de trembles, dans ces secteurs-là, ça va être probablement des tremblaies avec un sous-étage de résineux. Ailleurs, où il y en a moins, ça va probablement être dominé par les résineux. D'ailleurs, on a planté; j'espère bien que la plantation va être entretenue puis qu'elle va prendre la place. Mais on va sûrement avoir quelques trembles à travers ça, même si c'est dominé par les conifères. Souvent, il y a des endroits où ? c'est indiqué, par exemple, sur les cartes forestières ? c'est indiqué que c'est une pessière, mais ça n'empêche pas qu'il y a du tremble assez, à l'intérieur, pour pouvoir faire du trouble si on intervient mais pas assez pour appeler le peuplement «un peuplement mélangé».

C'est là que le hic arrive, quand on intervient la fois suivante, ceux qui sont là, pas en assez grand nombre pour être identifiés sur les cartes forestières, c'est eux autres qui vont prendre la place. Présentement, on ne les voit pas, ils n'existent pas dans le système, nulle part...

Mme Normandeau: O.K.

M. Fortin (Sylvain): ...mais, quand on arrive, ils sont là. Et là, eux, prennent la place. C'est ceux-là qui agissent de manière plus insidieuse sur le système.

Mme Normandeau: Donc, il faut en tenir compte, c'est ce que vous dites, là. C'est ça?

M. Fortin (Sylvain): Moi, je dis qu'il faut se sensibiliser au problème puis voir comment est-ce qu'on peut l'introduire dans nos façons de faire.

Mme Normandeau: Bien.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Ça va, Mme la députée?

Mme Normandeau: Oui, ça va. Merci beaucoup.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Alors, merci, M. Fortin, M. Gagnon. Merci également de la contribution que vous avez apportée à cette commission.

Alors, je vais suspendre pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 39)

 

(Reprise à 16 h 43)

Le Président (M. Côté, Dubuc): S'il vous plaît! S'il vous plaît! La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux.

J'inviterais maintenant le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec à prendre place s'il vous plaît.

Syndicat de professionnelles et professionnels
du gouvernement du Québec (SPGQ)

M. Desharnais (Rénald): On avait rendez-vous à 17 heures et il y a une de mes personnes-ressources qui n'est pas là. C'est certain, elle va être ici pour 17 heures.

Le Président (M. Côté, Dubuc): On peut suspendre quelques minutes, et dès qu'elle arrive, vous voudrez bien m'informer...

M. Desharnais (Rénald): Oui, oui.

Le Président (M. Côté, Dubuc): ...pour que la commission reprenne immédiatement. Merci.

M. Desharnais (Rénald): Assurément. Je vous remercie.

(Suspension de la séance à 16 h 44)

 

(Reprise à 16 h 47)

Le Président (M. Côté, Dubuc): S'il vous plaît! La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux sur l'étude... poursuivre la consultation générale sur la Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives.

Alors, je demande au porte-parole du Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec de bien vouloir s'identifier ainsi que les gens qui l'accompagnent.

Je vous cite également, avant de commencer, que vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, et ensuite, une période d'échanges avec les membres de la commission d'une durée de 40 minutes.

M. Desharnais (Rénald): O.K. Je vous remercie, M. le Président. Donc, je vais intervenir au nom du SPGQ. Je suis le président du SPGQ, Rénald Desharnais. Notre délégation est complétée avec Carole Roberge, qui est première vice-présidente et qui est responsable de tout le volet emploi au Syndicat. M'accompagne aussi Mme Claire Picard, qui est conseillère syndicale et qui a été un peu, comment dire? la cheville ouvrière au niveau de l'élaboration du mémoire qu'on vous a soumis il y a quelques semaines.

Au départ, je voudrais vous remercier, M. le Président, saluer M. le ministre et saluer Mmes et MM. les parlementaires de nous donner l'occasion de vous soumettre nos suggestions, nos commentaires, nos critiques aussi, dans le cadre de la consultation qui est en cours.

Notre présence témoigne de la valeur qu'on attache à la forêt québécoise, à l'ensemble des ressources, à la préservation de la diversité biologique, et aussi ? et c'est beaucoup de ça qu'on va discuter aujourd'hui ? de l'importance du rôle de l'État au niveau de la gestion de ce patrimoine collectif.

Nous allons insister plus sur ce volet-là parce que le SPGQ, on regroupe 13 000 professionnels oeuvrant dans l'ensemble des ministères et organismes répartis dans l'ensemble des régions du Québec. Mais, sur la question qui nous intéresse plus particulièrement aujourd'hui, donc sur la question de la gestion de la forêt, nous comptons 268 ingénieurs forestiers dans nos rangs ainsi que près de 200 biologistes.

Ça constitue donc quasiment... pas quasiment, mais, si on en faisait une entité distincte, ça constituerait le plus grand groupe-conseil au Québec dans ce domaine-là. Donc, avec la collaboration de ces 400 personnes là, le gouvernement peut disposer vraiment des avis les plus étoffés.

Donc, l'enjeu est important, parce qu'il s'agit de 92 % de la forêt et du domaine public, et l'État, avec le ministère des Ressources naturelles... c'est ce ministère qui se voit confier le rôle de gérer, au compte des intérêts historiques de la société québécoise, cet important patrimoine.

n(16 h 50)n

La première chose qu'on voudrait affirmer aujourd'hui, c'est de réitérer ce que nous avons déjà dit en 1998, à l'occasion d'une autre commission parlementaire, c'est-à-dire qu'on veut réitérer le fait que l'État québécois doit exercer, de façon claire et sans équivoque, sa fonction de gestionnaire de ce patrimoine collectif.

Nous comprenons, nous admettons aussi que l'État doit favoriser la compétitivité de l'industrie forestière mais cela ne doit pas se faire au détriment des autres ressources du milieu forestier, notamment l'eau, la faune, l'environnement, les paysages et les autres utilisateurs du milieu forestier.

Les premières recommandations qu'on veut soumettre à votre attention concernent toute la question du fonctionnement du Fonds forestier. On sait que ce Fonds-là, qui est financé à hauteur de 70 millions ? 50 % par l'industrie, 50 % par le gouvernement du Québec ? il ne faudrait pas que la portion de financement qui est apportée par les industries leur donne, comment dire, une prérogative sur la possibilité d'orienter la gestion de la fonction publique.

On croit qu'aux termes de cette commission parlementaire là il doit y avoir un rééquilibrage, au niveau des rapports de force en jeu, au niveau de la gestion de la forêt publique. Et notre première recommandation est à l'effet que le gouvernement devrait clarifier le mode de fonctionnement du Fonds forestier pour que les règles du jeu soient connues de tous et de toutes.

Notre deuxième recommandation, c'est qu'on demande à l'État d'identifier clairement, dans le projet de loi, les activités qui sont financées par le Fonds forestier. À l'heure actuelle, il y a trois types d'activités qui sont financées: production de plants pour le reboisement, les inventaires ainsi que la recherche forestière.

Avec le projet de loi, on a un énoncé qui est beaucoup plus général où on parle de financer des projets d'aménagement et de gestion. On se questionne: Qu'est-ce qui arrive avec le volet recherche? On sait que le Québec n'est pas en avance du côté volet recherche. D'autres participants vous ont exposé que, par rapport aux chiffres d'affaires de l'industrie, les sommes affectées à la recherche, ça représentait seulement 0,7 % alors qu'on constate 2,5 % aux États-Unis et 3 % en Suède. Donc, on demande que le ministère clarifie les activités qui seront financées par le Fonds forestier.

Maintenant, concernant l'enjeu fondamental. L'enjeu fondamental, c'est la pérennité des ressources du milieu forestier. Bon. Pour s'assurer de la pérennité, le premier volet défensif, c'est la protection du milieu forestier. L'intention ministérielle qui est avancée, c'est d'augmenter les amendes. L'attention qu'on veut apporter sur ce point, c'est qu'une augmentation des amendes n'apporte pas une garantie absolue. Nous considérons plutôt que ce qu'il faut, c'est que le ministère des Ressources naturelles dispose du personnel nécessaire pour contrôler les activités, donner les amendes et préparer les dossiers à défendre en justice.

Le SPGQ est inquiet de la faiblesse de l'application des mesures de contrôle en vigueur et propose d'en renforcer l'application. Et, à cet effet, on est tout de même heureux de constater que le ministère des Ressources naturelles a annoncé, dans son document d'information, qu'il affecterait, pour les trois prochaines années, un montant de 15,5 millions de dollars pour le renforcement des contrôles et des suivis dans la forêt.

La première question, un, on est heureux de constater cet apport supplémentaire mais on se demande: Est-ce suffisant? La démonstration n'a pas été faite que ce 15,5 millions qui a été annoncé suffira à assumer pleinement ses responsabilités en matière de contrôle et de suivi.

Par ailleurs, on présente ça dans une prévision triennale, alors que, au niveau de cette activité-là, de contrôle et de suivi, bien, c'est une activité récurrente. Il nous apparaît donc qu'on devrait introduire des ressources, des sommes permanentes.

De façon plus large, nous voulons vous dire aussi que nous souhaitons que le ministère des Ressources naturelles vérifie l'efficacité réelle des normes de protection du milieu forestier et qu'il prenne les mesures nécessaires pour en renforcer l'application.

Finalement, au niveau du contrôle, il faut avoir aussi une bonne connaissance, et on voudrait que le ministère assume pleinement ses responsabilités en dotant les services pour qu'il y ait une acquisition de connaissances concernant notamment les impacts des pratiques forestières sur l'état et la productivité des écosystèmes forestiers afin d'assurer l'aménagement durable des forêts. Voilà pour ce qui est du volet de la protection du milieu forestier.

Maintenant concernant le respect de la possibilité forestière à rendement soutenu. Les annonces que le ministre a faites récemment, dans le Bas-Saint-Laurent?Gaspésie, disant qu'on assisterait à une réduction de 20 % pour ne pas remettre en cause la pérennité, nous questionnent sur est-ce qu'on est vraiment rendu à une étape où on peut passer du rendement soutenu au rendement accru?

Donc, on questionne ça, d'autant plus que le ministère des Ressources naturelles, dans un document qui a été produit en 1998, intitulé Bilan, enjeux, orientations, constatait que les mesures requises pour assurer le suivi et l'évaluation d'un objectif aussi important que le respect de la possibilité forestière à rendement soutenu n'ont pas été mises en place. De plus, on a constaté aussi que le système de contrôle du prélèvement de la matière ligneuse, communément appelé le mesurage du bois et du paiement des droits afférents, est perméable. Là, c'est évident, que si on ne mesure pas ce qui sort, bien, à un moment donné, ça peut avoir un impact assez formidable sur la pérennité de la ressource.

Donc, nos recommandations à cet effet-là, c'est que le ministère devra disposer de toutes les données afférentes et validées afin de garantir les différentes hypothèses de calcul de la possibilité forestière relative au rendement soutenu, donc, commencer par nous assurer de ce côté-là, avant de considérer de s'engager dans l'option du rendement accru.

Finalement, sur la question du mesurage de bois, on croit qu'il faut mettre fin aux conflits d'intérêts, et nous recommandons que le gouvernement prenne sous sa responsabilité le mesurage des bois pour un juste calcul du volume de bois coupé et le paiement intégral des droits de coupe.

Maintenant, concernant la protection des ressources non ligneuses du milieu forestier. Là-dessus, on voudrait vous dire qu'on constate comme un hiatus entre le document d'information qui se rapporte au projet de loi où on annonce l'intention de se donner les pouvoirs de favoriser la gestion intégrée des ressources et d'implanter une approche globale de maintien de la biodiversité sur certains territoires. Donc, au niveau de l'énoncé politique, c'est très attrayant, encourageant, réconfortant, mais lorsqu'on tombe dans le texte du projet de loi, là où la société se doterait des moyens pour atteindre ces objectifs, on voit une distance. On ne retrouve plus les notions telles que biodiversité et gestion intégrée des ressources. On arrive plutôt avec des formulations plus générales telles que protection, mise en valeur et conservation.

Il y a une exception, on veut le noter; notre commentaire est positif là-dessus, c'est concernant les dispositions particulières aux écosystèmes forestiers exceptionnels, où par ailleurs, toute l'opérationnalisation, l'application de ce volet est laissée à la volonté discrétionnaire du ministre.

Là-dessus, les recommandations qu'on soumet à votre attention sont les suivantes: c'est qu'on souhaiterait que le ministère intègre dans son projet de loi les principes du développement durable et se dote des moyens pour les appliquer. Et une recommandation aussi qui est originale de la part du SPGQ, c'est qu'on suggère, on recommande au gouvernement de créer un poste d'ombudsman aux questions environnementales afin de recevoir et de traiter les plaintes des citoyennes et citoyens qui estimeraient que leur droit pour un environnement forestier sain est lésé.

n(17 heures)n

Et, finalement, le ministère annonce sa volonté de mettre en oeuvre une politique de consultation. Là aussi, nous vous soumettons qu'on voudrait que le ministère accélère l'élaboration de cette politique de consultation pour justement favoriser un rééquilibrage des forces au niveau des choix à faire dans la gestion de la forêt publique.

Le dernier volet que je veux aborder concerne l'utilisation de la main-d'oeuvre, l'utilisation optimale de l'expertise professionnelle pour la mise en valeur et la protection du milieu forestier. Pour la réalisation de sa mission, le ministère, à titre de gestionnaire de ce précieux patrimoine, a besoin de mains, d'yeux et de cerveaux. À cet égard, le ministère, il nous apparaît qu'il manque de moyens pour rencontrer toutes ces obligations qui sont de définir les politiques, assurer le suivi, effectuer le contrôle des activités forestières et la protection des ressources et de l'environnement, percevoir toutes les redevances et faire une reddition de comptes. D'ailleurs, il y a un rapport interne au ministère qui le constatait ? interne, qui a été rendu public ? qui disait que les interventions ministérielles confinées à l'analyse et à l'approbation des plans d'aménagement forestier, particulièrement du plan général d'aménagement forestier, ne permettent pas au ministère d'exercer pleinement sa responsabilité de gestionnaire des forêts du domaine public. Bon. À cet égard, le SPGQ estime aussi que les mesures de suivi et de contrôle des activités d'aménagement font partie de l'aspect des connaissances à acquérir pour assurer une gestion durable des forêts.

Là-dessus, les recommandations que nous vous soumettons sont à l'effet que le gouvernement devrait affecter les ressources nécessaires au ministère des Ressources naturelles, à la Société faune et parcs et au ministère de l'Environnement pour que ces organismes assument leurs fonctions en vue d'assurer la pérennité des forêts et qu'ils se dotent d'un programme de relève afin d'assurer le transfert et le maintien de l'expertise publique pour ne pas qu'on assiste à une perte d'expertise tout simplement due au fait que le remplaçant de celui qui part à la retraite rentre six mois plus tard. Il faut planifier ce volet-là au niveau de la gestion des ressources humaines.

J'enchaîne aussi en vous soumettant qu'on aimerait que le gouvernement maintienne et développe l'expertise terrain de son personnel pour assumer adéquatement ses responsabilités de connaissance, de suivi et de contrôle des interventions forestières. On voudrait aussi que les professionnels que nous représentons disposent des ressources adéquates et suffisantes ainsi que des marges de manoeuvre nécessaires pour effectuer leur tâches tout en respectant les codes de déontologie de leurs ordres et corporations professionnels.

Et, finalement, nous terminons en vous disant que les employés de l'État souhaitent devenir des partenaires à part entière pour participer avec la direction du ministère à toutes les étapes de la mise en place d'une structure de gestion durable des forêts québécoises. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Alors, merci, M. Desharnais. Nous allons maintenant procéder à la période d'échanges. La parole est au ministre.

M. Brassard: Merci beaucoup, M. Desharnais, Mme Roberge, Mme Picard, de votre participation à nos travaux. Je pense que c'est tout à fait normal qu'une organisation syndicale qui compte dans ses rangs autant de professionnels qui consacrent leurs efforts à travailler à la gestion de la forêt se présente devant nous. Je vous remercie pour votre mémoire et les recommandations que vous nous faites.

Je voudrais peut-être, d'entrée de jeu, clarifier une problématique, celle du Fonds forestier. C'est une unité autonome de service, comme vous le savez, donc c'est une entité administrative à part entière du ministère. Je pense qu'il faut être très clair là-dessus, parce que les fonctions qui sont les siennes sont des fonctions qui font partie de la mission de l'État comme gestionnaire de la forêt publique, et donc il n'est pas question de faire en sorte que ces fonctions soient confiées en partie ou totalement à d'autres. Alors, le Fonds forestier, ça fait partie intégrante du ministère des Ressources naturelles.

Évidemment, c'est une unité autonome de service, mais c'est une entité administrative à part entière et, donc, gérée en conséquence. Il est vrai, cependant, que nous voulons faire en sorte qu'on puisse financer d'autres activités que les trois traditionnelles, qui sont la production de plans, les inventaires et la recherche. Vous avez manifesté quelques inquiétudes à cet égard, je pense qu'il faudra sans doute revoir le libellé de la disposition dans le projet de loi parce que ce n'est évidemment pas notre intention de faire en sorte que des ressources consacrées à la recherche, aux inventaires ou à la production de plans soient réduites, hein, ou qu'on abandonne, même, certaines activités. Bien au contraire, on en a parlé au cours d'autres séances de l'importance de la recherche, il faut continuer puis il faut poursuivre. Alors, je pense qu'il... Mais, par contre, on peut aussi envisager que le Fonds forestier puisse financer d'autres activités, et c'est pour ça qu'on avait prévu cet amendement. Mais je pense que vous et d'autres aussi ont exprimé la même inquiétude, alors, moi, je vous dis qu'elle n'est pas fondée, et on va clarifier, faire en sorte que le libellé soit sans équivoque à cet égard.

Maintenant, moi, je reviens sur, évidemment, les contrôles et les suivis. Je voudrais d'abord indiquer que les employés du ministère, dont, en particulier, les professionnels membres de votre organisation, constituent une expertise qu'on peut certes qualifier de remarquable et que, moi, j'ai l'occasion évidemment, très fréquemment, d'échanger avec ces employés du ministère, et je constate à chaque fois leur compétence et leur expertise essentielles pour que l'État puisse assumer ses fonctions et sa mission, particulièrement en matière de contrôle et de suivi, et dont on va augmenter les ressources.

Mais je pense, quand vous dites dans votre mémoire que le gouvernement, parce qu'on augmente les amendes, a choisi la voie des sanctions, que ce n'est pas tout à fait exact. Oui, il faut augmenter les amendes, je pense que c'était important d'augmenter les amendes, mais ce n'est pas l'essentiel. Je pense que, en matière d'objectifs de protection et de mise en valeur du milieu forestier qui devront être atteints par les bénéficiaires de contrats, ça va être déterminé en collaboration avec les ministères de l'Environnement et Faune et Parcs, et les bénéficiaires de contrats devront intégrer ces objectifs dans leurs plans d'aménagement. Et les amendes, oui, mais même je pense que ça va être plus important, quand il y aura défaillance, ou faute, ou manquement, à mon avis, de procéder à des programmes correcteurs que de payer des amendes. C'est bien beau de payer des amendes, mais ça ne corrige pas la situation, et je pense qu'il faudra bien davantage privilégier des correctifs que celui qui a commis la faute ou qui a fait le manquement devra faire plutôt que de collecter des amendes. Alors, je ne sais pas si vous avez bien cerné cette dimension du projet de loi. Les amendes, oui, mais il ne faudrait que ce soit perçu comme étant la voie privilégiée, la voie des sanctions.

Le Président (M. Côté, Dubuc): M. Desharnais, est-ce que vous avez des commentaires suite aux propos de M. le ministre?

n(17 h 10)n

M. Desharnais (Rénald): Oui, M. le Président. Bon, dans un premier temps, je suis content d'entendre les propos de M. le ministre concernant Forêt Québec, quand il réitère que Forêt Québec est une unité autonome de service, que par conséquent c'est une unité administrative qui fait partie du ministère des Ressources naturelles, et il le réaffirme. Moi, mon propos, ce que je voulais vous signifier, c'était qu'il y a certaines inquiétudes dans le milieu, au ministère des Ressources naturelles, par nos membres qui travaillent là-bas. Il y a toujours une inquiétude qui circule à l'effet que le caractère UAS, unité autonome de service, qu'est Forêt Québec pourrait être de nature temporaire, pourrait être un peu, tout simplement, comme une période où on pourrait préparer le terrain à une cession. Mais ce que j'ai compris des propos de M. Brassard, c'est que ce n'était pas l'intention du gouvernement, et je suis content d'entendre ça.

Je suis aussi content de voir que le libellé va être révisé concernant l'utilisation du Fonds forestier.

M. Brassard: ...pour qu'il n'y ait pas d'équivoque.

M. Desharnais (Rénald): Voilà. Et je suis content d'entendre aussi que vous dites: Bien, on va le réviser de manière à ce que le volet recherche, il va être couvert. Donc, le gouvernement, le ministère affirme vraiment son intention de consolider le volet recherche.

Concernant le contrôle et les suivis, là je préférerais passer la parole à Claire qui a plus potassé ça avec les personnes. Je ne sais pas, Claire, si tu...

Le Président (M. Côté, Dubuc): Alors, Mme Picard, vous avez la parole.

Mme Picard (Claire): Merci. Bonjour. Nos commentaires au sujet des sanctions ou des amendes sont à l'effet que, historiquement, on voit que le volume de sanctions est très peu élevé et on ne constate pas que, par la voie des sanctions, on réussit à protéger nos forêts. Et on pense que d'assurer un suivi et de donner les ressources nécessaires pour assurer ce suivi-là ? donner des amendes bien sûr, mais aussi monter les dossiers pour s'assurer de défendre notre point de vue ? serait beaucoup plus profitable que de choisir d'augmenter les amendes qui, jusqu'à présent en tout cas, n'ont pas, de notre point de vue, donné de véritable réponse à la protection des forêts.

Le suivi que vous proposez, donner des programmes correcteurs qui seraient aux frais des entreprises qui ont contrevenu au règlement, bien je pense que ce serait une voie, là, qui pourrait être très efficace et qui mériterait peut-être d'être expliquée davantage. Elle mériterait peut-être d'être davantage exprimée clairement dans le projet de loi, qu'il ne s'agit pas que d'augmenter les amendes. Parce que, si on augmente les amendes, puis qu'on n'en donne pas, puis qu'il n'y a pas de suivi, en tout cas, de notre point de vue, ça ne veut pas dire grand-chose.

Le Président (M. Côté, Dubuc): M. le ministre.

M. Brassard: Oui, je suis tout à fait d'accord avec vous, mais, en plus en plus de l'introduction de l'idée de programme correcteur peut-être explicitée davantage ? peut-être que ça mérite d'être explicité davantage ? il y a aussi les critères de performance, performance à la fois environnementale, forestière, et on y ajoute aussi une performance industrielle. À partir de ce moment-là, je pense que c'est une approche aussi qui devrait nous permettre de faire en sorte que la gestion durable des forêts, assurer la pérennité de la ressource, ces grands objectifs, ces grandes orientations là devraient être davantage suivis et respectés.

Mme Picard (Claire): Notre point de vue, tout simplement, c'est: Donnons-nous les moyens de faire respecter la loi et les règlements. Ça ne sert à rien d'avoir des lois et des règlements ou une loi et des règlements si personne n'est là pour essayer de contrôler s'ils sont vraiment respectés en forêt. C'est tout.

M. Brassard: Je suis d'accord. Alors, on va ajouter 15 millions, et le 15 millions... Je voudrais aussi clarifier à cet égard, 15 millions sur trois ans, mais, au bout de trois ans, le 15 millions devient récurrent, là. Ce n'est pas un programme de trois ans, puis ça prend fin au bout de trois ans. On va atteindre 15 millions en trois ans, mais après ça devient récurrent.

Mme Picard (Claire): Quinze millions par année? Au bout de trois ans?

M. Brassard: Oui, au bout de trois ans...

Mme Picard (Claire): On n'avait pas compris.

M. Brassard: ...et il y a récurrence après ça. Et, on va l'atteindre en trois ans, c'est ça. Alors, ce n'est pas: après trois ans ça finit, puis on retombe à la situation d'avant trois ans. Est-ce que c'est suffisant? Vous me posez la question, je ne suis pas vraiment en mesure de répondre avec une assurance absolue, là, mais, en tout cas, je pense qu'il y a là un effort qu'on peut qualifier de substantiel pour augmenter les contrôles et les suivis.

Et il y a maintenant aussi depuis deux ans... on fait ce qu'on appelle des suivis parallèles et on a embauché du personnel pour ce faire et on a appliqué ce genre d'approche là dans le mesurage dans la région du Bas-Saint-Laurent, parce que j'entendais bien des commentaires dans la région du Bas-Saint-Laurent, entre autres un certain maire, celui d'Amqui, qui revenait souvent pour dire: Le mesurage, c'est complètement défaillant dans la région, on perd des redevances, bon, c'est le désordre. Or, comme par hasard, drôle de coïncidence, on a fait un suivi parallèle dans la région du Bas-Saint-Laurent spécifiquement sur le mesurage. On a ciblé le mesurage, on a fait un suivi parallèle très rigoureux du mesurage dans le Bas-Saint-Laurent. Résultat: il y a un écart entre ce que les industries et les entreprises font et le résultat du suivi parallèle d'à peu près 1,5 %, alors qu'on considère que 3 %, c'est un écart acceptable.

Alors là, souvent, il faut se le dire, des fois, on fait des affirmations ? dans le cas du mesurage dans le Bas-Saint-Laurent, ça m'apparaît l'évidence ? plus ou moins gratuites, plus ou moins fondées, et là, comme heureuse coïncidence, un suivi parallèle qu'on a fait précisément sur le mesurage dans le Bas-Saint-Laurent qui démontre que les propos des divers intervenants du milieu, du monde municipal dans cette région-là n'ont pas de fondement.

Mme Picard (Claire): De vous l'entendre dire, c'est, comme vous dites, peut-être une heureuse coïncidence, parce que vous savez que le ministère a commandé une étude il y a déjà... je pense que c'est Caron, Bélanger, Ernst & Young sur le mesurage de bois, qui disait qu'il y avait effectivement des problèmes.

M. Brassard: Et nous avons corrigé.

Mme Picard (Claire): Oui. Et, selon nos sources, il y a eu une correction qui a été apportée, mais il resterait encore pas mal de chemin à parcourir pour que ce soit vraiment efficace.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Ça va, M. le ministre? Alors, je vais passer la parole à Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Desharnais, Mme Roberge et Mme Picard. Merci de venir nous livrer votre vision de la forêt, et ce que je retiens bien sûr, c'est qu'il y a 268 ingénieurs forestiers qui font partie de votre association, donc, des biologistes également. C'est des gens qui ont une connaissance très pointue, des experts dans le domaine de la forêt, et ce qui ajoute bien sûr à la crédibilité des informations et des recommandations qui sont contenues dans votre mémoire.

Et je retiens plusieurs éléments et qui sont inquiétants. Premièrement, vous affirmez qu'on manque de connaissances, un manque de connaissances important lié au calcul de la possibilité forestière, une déficience dans le mesurage. Le ministre a tenté de nous convaincre, mais enfin on pourra revenir là-dessus tout à l'heure. Évidemment, vous insistez beaucoup sur la faiblesse au niveau des mesures de contrôle et de suivi, et, à la page 10 de votre mémoire, vous dites une chose extrêmement importante et inquiétante, puis je reviens là-dessus, parce que, moi, je trouve ça extrêmement important, c'est qu'il y a des gens qui travaillent au ministère des Ressources naturelles qui sont dans votre association, alors l'information vient de l'interne. Quand vous affirmez que l'atteinte du déficit zéro, la nouvelle gestion par résultats ont entraîné de nombreux changements au MRN qui ont remis en question la capacité du ministère à réaliser sa mission pour garantir la pérennité de ce secteur névralgique de la société québécoise, alors, ça, je dois vous dire, quand on lit ça, on se dit... bien, la conclusion à laquelle on arrive, c'est que le ministère n'a pas tous les outils en main, effectivement, pour effectuer son travail, il y a des déficiences importantes.

n(17 h 20)n

Alors, j'aimerais que vous puissiez peut-être nous dire de votre côté, parce que tout n'est pas rose, là... que vous puissiez nous livrer un petit peu votre vision des choses par rapport à la gestion qu'on fait de nos forêts. Le ministre a déposé un projet de loi qui a des failles et des lacunes importantes, et vos recommandations viennent effectivement... tentent de bonifier le projet de loi qui a été déposé. Alors, est-ce que vous considérez effectivement que nos forêts sont... que la pérennité est mise en péril avec les outils dont on dispose actuellement?

Le Président (M. Côté, Dubuc): M. Desharnais.

M. Desharnais (Rénald): Oui. Est-ce que la pérennité est remise en question? C'est que je crois qu'on ne dispose pas de toute l'information. Ce qu'on dit, c'est qu'avant de s'engager dans un autre scénario comme l'exploitation accrue... Excusez-moi, ce n'est pas mon domaine, je n'ai peut-être pas la notion technique précise, mais accrue versus soutenue, on dit: Il faut être très prudent parce qu'il y a des déficiences. Les informations qu'on présente dans notre mémoire, je voudrais juste ? comment dire? ? rassurer tout le monde, hein, ce sont des informations qu'on tire de documents officiels, là, ce ne sont pas des trucs qui sortent... ce ne sont pas des informations ? comment dire? ? qui n'ont pas à être communiquées sur la place publique, parce que, ici, on est sur la place publique. Nous, nos membres qui travaillent au ministère des Ressources naturelles nous disent: Il faut être très prudent, on n'y voit pas suffisamment clair. Et là-dedans l'enjeu est énorme, hein? L'exploitation de la forêt, c'est 12 % du produit intérieur brut. Ça fait beaucoup de centaines de millions, de milliards, et donc il y a un tiraillement ? c'est normal dans une démocratie ? il y a un tiraillement qui se fait, et on croit que c'est important que le gouvernement consolide sa position parce que c'est le gouvernement qui peut avoir une vision à long terme.

Le gouvernement n'a pas à rendre des comptes à chaque trimestre à des actionnaires, c'est le gouvernement qui est mandaté par la population du Québec pour avoir une vision à long terme et faire en sorte qu'on puisse bénéficier de la forêt non seulement les générations actuelles, mais aussi les générations futures avec les différentes missions qui sont exploitées. Plus techniquement, peut-être que Claire voudrait compléter certains angles après avoir discuté avec les gens du milieu?

Le Président (M. Côté, Dubuc): Mme Picard.

Mme Picard (Claire): Je pense qu'on a soulevé plusieurs problèmes, là. Le principal problème, c'est toujours la question des moyens, des ressources. On n'assure pas suffisamment le suivi puis on ne fait pas, selon nos membres, suffisamment de recherche pour s'assurer, là, de l'efficacité du RNI, par exemple, le Règlement des normes d'intervention. Il faudrait valider davantage les hypothèses puis il faudrait avoir davantage de données pour pouvoir vérifier si ce règlement-là est vraiment respecté, par exemple. Sur la possibilité forestière, bien, on le dit, on ne connaît pas encore les rendements des traitements sylvicoles, on ne suit pas ça assez pour savoir... puis c'est une des hypothèses sur lesquelles sont fondées la possibilité forestière. Le mesurage du bois aussi, nous, on continue à penser, malgré ce que le ministre en dit, que ce n'est pas suffisamment précis. Donc, si on se base sur des hypothèses qui ne sont pas validées, c'est difficile de bien évaluer le rendement futur d'une forêt.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Alors, Mme la députée.

Mme Picard (Claire): C'est vraiment sur le suivi, le contrôle et la recherche. Il faut se donner les moyens de s'assurer d'un développement durable.

Mme Normandeau: Mais là on a tout un problème parce qu'on a des gens à l'intérieur du ministère des Ressources naturelles qui nous disent qu'on a des lacunes importantes, par exemple, au niveau du suivi, des contrôles, des hypothèses, la validation des hypothèses, et tout ça, et là le ministre, lui, nous dit que tout va bien, il n'y a pas de problème. Alors, en quelque part, on se demande où est la vérité dans tout ça. Et ce que je constate aussi, c'est ce que vous semblez dire, que le projet de loi qui a été déposé manque totalement de vision et que les choix qui seront faits pour le futur, là, on risque de se ramasser dans le champ plutôt que d'aller dans la bonne direction.

Je souhaiterais peut-être qu'on puisse parler de votre suggestion, la recommandation n° 9 au niveau du poste d'ombudsman des forêts, un peu le grand manitou des forêts. Nous, de notre côté, on a proposé la création d'un poste d'inspecteur général des forêts. Donc, l'essentiel ou les motifs qui vous conduisent à formuler cette recommandation-là rejoignent évidemment notre préoccupation, avoir une partie, là... une tierce partie qui n'est pas reliée au ministère, donc indépendante, pour s'assurer que les principes, par exemple, contenus dans la loi soient respectés. J'aimerais ça que vous puissiez nous en dire davantage sur votre vision. Qu'est-ce qui a conduit votre Syndicat, votre association, à présenter une recommandation comme celle-là? Nos problèmes sont-ils si importants qu'on doive avoir une ressource... une tierce partie, là?

Le Président (M. Côté, Dubuc): M. Desharnais.

M. Desharnais (Rénald): Oui. Bien, peut-être juste, je voudrais dire, sur le manque de vision. Après ça, je vais enchaîner sur l'ombudsman.

C'est dans le cadre d'un forum comme aujourd'hui, je crois, que l'intervention des différentes associations, qui ont chacune leur vécu, permet de compléter la problématique puis va éclairer les parlementaires pour faire les meilleurs choix. C'est évident que, nous autres, on considère que ce qu'il y a de bon dans la démarche à l'heure actuelle, c'est que la discussion est ouverte, on fait valoir notre point de vue. On a plus de 400 membres qui travaillent dans ce domaine-là, et ils nous ont dit: Bon, bien, c'est ça qu'on devrait dire aux parlementaires qui vont se réunir pour étudier le projet qui est présenté par le ministère

Concernant l'ombudsman en matière d'environnement, Claire va enchaîner, mais, moi, ce que j'ai retenu des discussions que j'ai eues avec les gens qui oeuvrent dans ce domaine-là, c'est que le ministère de l'Environnement est trop placé à l'écart de tout le suivi au niveau de l'impact de l'exploitation des activités forestières. Quand M. le ministre disait tout à l'heure que, dans les plans réparateurs, il voudrait mettre en commun la FAPAQ, le ministère des Ressources naturelles et le ministère de l'Environnement, c'est une très bonne nouvelle parce qu'on ne travaillera pas chacun de notre côté. Et, pour renforcer ? comment dire? ? le côté contrôle au niveau de l'impact environnemental, bien la suggestion qu'on soumet, c'est de créer un poste d'ombudsman, qui serait mandaté pour entendre, examiner les plaintes des citoyens, corporatifs ou individuels, et soumettre les recommandations aux autorités compétentes.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Alors, ça va, Mme la députée? M. le député d'Orford avait demandé la parole. À vous.

M. Benoit: Oui. Je vais mettre mes lunettes, excusez-moi. D'abord, je veux dire au Syndicat que c'est un des très bons mémoires, dans mon évaluation à moi, qu'on a reçus. Il couvre tous les aspects du projet, et, ils sont allés en profondeur, les recommandations sont précises. Alors, un très bon mémoire. C'est malheureux qu'on l'ait entendu en fin de journée, un jeudi, alors que vous ne serez pas couverts probablement par les médias. Mais je pense que c'est un des très bons mémoires qu'on a reçus. Ceci dit, je veux aussi vous féliciter, dans le débat de l'eau, vous avez été précurseurs. Bien avant que ça arrive en Ontario, bien avant que la shire poigne au Québec, bien avant que le ministre essaie de se recouvrir dans tout ce débat-là, le syndicat des employés de l'État du Québec s'était prononcé, disait qu'il y avait un problème, et c'est tout à votre honneur d'avoir pris position de bonne heure dans ce débat-là.

Et ça m'amène à une question. À la page 8 de votre mémoire, vous dites ? et je dois avouer que c'est un peu une surprise pour moi, là, même si j'ai lu le projet de loi: «Les mots "biodiversité" et "gestion intégrée des ressources" n'y figurent même plus, ayant été remplacés par de vagues expressions telles que "protection", "mise en valeur" et "conservation"...» Vous qui avez de l'expérience avec les politiciens, ça veut dire quoi, ça, là? Ça veut dire qu'on est après escamoter l'environnement dans ce projet de loi là? C'est-u ça qu'il faut que je comprenne?

Le Président (M. Côté, Dubuc): M. Desharnais ou Mme Picard.

M. Desharnais (Rénald): Je vais vous le dire de façon assez lapidaire, les termes qui ont été utilisés par les membres avec lesquels on a discuté, sont les suivants. Il faudrait ? comment dire? ? synchroniser les bottines avec les babines, c'est-à-dire que le document d'information qui présente le projet de loi, il annonce l'intention du gouvernement de se gouverner en fonction de concepts tels que la préservation de la biodiversité. Ça, c'est bien, on applaudit à ça, mais, lorsque arrive le moment de passer à l'élaboration d'un texte juridique qui traduirait cet engagement politique, oui, c'est le vide.

n(17 h 30)n

Ça fait que je n'affirme pas que le ministre ou le gouvernement veut complètement escamoter, nous, on dit: Ce qui manque, c'est qu'il y a un hiatus, un engagement, une affirmation qui est affirmée dans le document d'information qui ne trouve pas son corollaire dans le texte du projet de loi. Ça fait qu'on voudrait qu'il y ait une cohérence entre le texte qui, je dirais, est plus vendeur, plus marketing et le produit collectif avec lequel on va travailler, qui va être les amendements à la Loi sur les forêts qui vont être introduits à la Loi sur les forêts.

M. Benoit: Vous allez un peu plus loin, vous dites aussi que, dans la disposition particulière aux écosystèmes forestiers exceptionnels, là aussi c'est le vide. On ne décrit pas ce que c'est, un écosystème forestier exceptionnel, on ne dit pas quelle grandeur de territoire, comment on devra classer ça, etc. Est-ce que c'est ça qu'il faut comprendre?

M. Desharnais (Rénald): Oui, tout à fait. Là, la notion, elle est présentée. Là aussi, on applaudit, mais elle n'est pas encadrée. Et là c'est évident que le ministre, lui, se fait donner par le projet de loi des pouvoirs où, à sa discrétion, il va opérationnaliser ça. Nous, on croit qu'on pourrait être... Ce qu'on demande, c'est que le ministre soit plus transparent là-dedans, qu'il dise: Moi, je vais me gouverner de la manière suivante, avec les paramètres, les balises suivantes, bref qu'on ait des engagements clairs dans le texte juridique du projet de loi qui va amender la Loi sur les forêts.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Ça va, M. le député?

M. Benoit: Très bien, merci.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Alors, je vais donner la parole à monsieur...

M. Brassard: ...vous faites allusion à quoi quand vous parlez de manque de cohérence ou de corrélation entre le document explicatif puis le projet de loi?

Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui, M. Desharnais, allez-y.

M. Desharnais (Rénald): Excusez-moi. Dans le document d'information, le ministère parle de biodiversité, de... Je vais retrouver mon texte...

M. Brassard: Mais, dans le projet de loi, on parle d'objectifs de conservation, ce qui, à mon sens, revient au même.

(Consultation)

M. Desharnais (Rénald): Oui, mais ce que mon groupe de travail m'a dit... Ils vont dire: Quand on regarde dans le document Des forêts en héritage, les engagements sont très positifs, mais on ne trouve pas leur traduction juridique au niveau des amendements qu'on veut introduire à la Loi sur les forêts. Et, c'est ça, on retrouve des notions de biodiversité, d'aménagement durable, exploitation pour une durée indéfinie, etc., mais, quand on arrive dans le texte juridique, on est comme en deçà des engagements qu'on avait pris au niveau du texte d'information.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Autre question, M. le ministre?

M. Brassard: Oui. Oui, je reviens d'abord sur le mesurage pour indiquer de façon très claire qu'au 31 août 2000, suite à l'étude ou au mandat qu'on avait confié à une firme de consultants, sur 26 mandats, il y en a 21 qui sont terminés, il y en a quatre qui sont en cours de réalisation, et un: décision à venir. Alors, on est très avancés en matière d'implantation d'un nouveau système de mesurage suite à une étude de la firme Caron, Bélanger et qui a fait évidemment un certain nombre de recommandations.

Je reviens sur les propos de la députée de Bonaventure, les calculs de possibilité, ce n'est pas le ministre qui les fait, c'est les professionnels appartenant au ministère des Ressources naturelles qui se retrouvent un peu partout en région, essentiellement des ingénieurs forestiers membres de votre Syndicat. Moi, je leur fais pleinement confiance. Ce sont des professionnels qui ont l'expertise et la compétence pour faire ce genre d'opération, et je considère qu'ils le font très bien et je leur fais confiance pleinement.

Dans le cas du Bas-Saint-Laurent, ils ont révisé la baisse de possibilité, et c'est parfaitement justifié. Et ce que j'ai annoncé dans le Bas-Saint-Laurent, une baisse de possibilité substantielle, j'en conviens, c'est sur la base des analyses, des calculs faits par les professionnels du ministère, qui sont essentiellement des ingénieurs forestiers membres de votre Syndicat. Et, moi, je leur fais confiance, je considère qu'ils sont compétents et qu'ils ont en main toutes les données pour ce faire, y compris sur toutes sortes de sujets, parce que, en matière de rendement, il y a toute une série de projets de recherche. La recherche se poursuit, se continue puis elle va se poursuivre. Il y a toute une série de recherches qui permettent justement à ces professionnels de faire des analyses encore plus fines, plus raffinées, plus justes, qui tiennent encore davantage compte de la réalité.

Je vais vous en citer quelques-unes: Modélisation de la dynamique et du rendement des pessières noires au Québec. Mesure des effets réels, coupe de jardinage par trouées. Mesure des effets réels, coupe par parquets. Ajustement des tables de production en fonction des épidémies de tordeuse des bourgeons de l'épinette. Effets réels des traitements sylvicoles éclaircie précommerciale pour la production prioritaire de résineux. Effets réels des traitements sylvicoles CPRS de peuplements résineux, volet qualité de la régénération. Effets réels des traitements sylvicoles éclaircie commerciale pour la production prioritaire de résineux, etc. J'en ai toute une liste, là, et c'est sur la base de ces recherches et de ces études que les professionnels du ministère, qui sont essentiellement des ingénieurs forestiers, analysent les plans, font le calcul de possibilité et apportent parfois des correctifs et des changements que certains trouvent difficiles à encaisser, mais qu'il m'apparaît nécessaire de faire.

Alors, moi, je tiens à le dire, ce qui se fait au sein du ministère des Ressources naturelles par les membres du Syndicat des professionnels, c'est un travail remarquable, un travail basé sur la compétence et sur une expertise.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Merci, M. le ministre. Est-ce que les membres de l'opposition ont d'autres questions?

Mme Normandeau: Je ne sais pas si les gens du Syndicat ont le goût de réagir aux commentaires du ministre. Sûrement.

M. Desharnais (Rénald): Oui. C'est certain que les conseils, les travaux que font les professionnels au ministère des Ressources naturelles, ils font ça de manière très professionnelle, en suivant les règles de leur corporation, notamment la corporation des ingénieurs forestiers. Ceci étant, le message qu'on m'a mandaté de vous communiquer, c'est que, oui, ils travaillent de manière professionnelle, mais ils voudraient disposer de plus d'outils et pouvoir aller plus contrôler sur le terrain. Là, je pense que l'exemple dont M. Brassard se sert, ce qui s'est passé dans le Bas-Saint-Laurent, c'est évident que ce sont les ingénieurs forestiers du ministère qui ont fait ces travaux-là.

La question que, moi, le groupe de travail me soumettait, il disait: Oui, mais est-ce qu'on va faire la même chose dans l'ensemble des régions du Québec? Sur quel échéancier et avec quels outils? Parce que là on parle de la gestion de la forêt québécoise, pas seulement d'une région. C'est évident que, moi, je considère que c'est sérieux, ce qui s'est passé il y a quelques semaines dans le Bas-Saint-Laurent?Gaspésie. Je ne connais rien à la forêt, sinon que je suis un campeur, mais c'est évident qu'on ne joue pas avec ces choses-là. Si on ne veut pas aboutir dans une situation dans le genre rupture de stock comme on voit dans le secteur des pêches, il faut être sérieux puis scientifique dans ce domaine-là.

Ça fait que là-dessus, nous, on va continuer à travailler...

M. Brassard: Vous me posez la question: Est-ce qu'on fait ça partout? On fait ça partout. On fait ça partout de la même façon, sauf que c'est moins dramatique évidemment ailleurs que dans la région du Bas-Saint-Laurent. Chez nous, c'est moins dramatique, parce qu'on va probablement avoir une augmentation. Pas très forte, mais une augmentation de la possibilité. Dans d'autres régions aussi. Alors, évidemment, quand il y a une augmentation de la possibilité, ce n'est pas tragique, ce n'est pas dramatique, puis ça n'a pas d'impact sur les emplois. Mais c'est un travail identique qui va se faire partout.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Merci, M. Desharnais. Ça va? Mme la députée de Bonaventure.

n(17 h 40)n

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Pour moi, le message semble clair de votre côté, effectivement, il n'est pas question, ici, de remettre les compétences des professionnels en question, mais, c'est clair, c'est qu'ils manquent de moyens. Vous souhaiteriez avoir plus d'outils, de moyens. Alors, le message vient de l'interne. Effectivement, il y a des connaissances, il y a des recherches qui sont faites, mais on dit: Il faudrait aller plus loin effectivement.

À la page... attendez un petit instant, dans le sommaire 3, dans vos recommandations, vous faites référence au développement durable, et je lis la recommandation 8 avec la quinzième, votre dernière, et on parle beaucoup de protection des écosystèmes, de biodiversité, bon, d'assurer la pérennité de la ressource, et ce que vous semblez dire, c'est que dans le projet de loi qui a été déposé, de toute évidence, pour ce qui est des principes de l'aménagement durable de nos forêts, là, il y a des lacunes, il y a des absences importantes, et vous souhaiteriez qu'on puisse intégrer dans le projet de loi ces fameux principes du développement durable.

À la quinzième recommandation ? et ça, j'aimerais peut-être que vous puissiez élaborer là-dessus ? vous nous dites la chose suivante: Que les employés de l'État soient des partenaires à part entière et qu'ils participent à toutes les étapes de la mise en place d'une structure de gestion durable des forêts québécoises. Alors, ce qu'on comprend, c'est que les professionnels de nos forêts sont un peu exclus à l'heure actuelle... les gens qui travaillent, bien sûr, dans l'appareil gouvernemental sont un peu exclus de tout ce processus-là. Qu'est-ce que les gens vous ont dit par rapport à ça? Quelles sont les préoccupations qu'on vous a livrées, là, entourant la détermination de ce fameux principe au niveau de l'aménagement durable?

Le Président (M. Côté, Dubuc): M. Desharnais.

M. Desharnais (Rénald): Oui. Bien, la recommandation n° 15, c'est vraiment la main tendue, c'est que, oui, ça, on va être clairs là-dessus, si les gens tenaient à formuler cette recommandation-là, c'est parce qu'ils ont vécu ça, hein ? les perceptions, ce n'est pas négociable ? ils l'ont perçu comme tel qu'ils auraient pu être mieux mis à contribution dans l'élaboration de cet énoncé de politique qui aboutit à un projet de loi en vue de modifier la Loi sur les forêts. Donc, là-dessus, la recommandation n° 15, je suis très clair, elle exprime une frustration qui est présente à l'intérieur du ministère. Mais, on ne ronchonne pas, ce qu'on dit tout simplement, c'est qu'on voudrait être associés plus étroitement dans le futur.

Sur la question de l'intégration dans le projet de loi des principes du développement durable, là aussi ça fait partie du hiatus, de l'espèce de distance qu'on constate entre le document d'information qui présente le projet de loi et ce qu'on retrouve dans le projet de loi comme tel. Ça fait que là-dessus, dans le mémoire, la manière dont on s'exprime, on dit qu'«il n'est pas suffisant d'exprimer des souhaits pour que les choses changent, il faut choisir les moyens appropriés à l'émergence des situations souhaitées, soutenus par une volonté politique claire, ce qui n'est pas le cas ici». Donc, on souhaiterait que, oui, effectivement, le ministre intègre dans son projet de loi les principes du développement durable.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui, Mme la députée.

Mme Normandeau: Une dernière question, et c'est une affirmation qui est contenue au sommaire 4, et je vous cite, là: «Les personnes qui travaillent dans l'appareil gouvernemental doivent être à l'abri des ingérences politiques.» On dit qu' «elles doivent être en mesure d'exercer leurs professions conformément aux codes de déontologie de leurs ordres et corporations».

Alors, qu'est-ce que vous voulez nous dire? Est-ce que vous êtes, comme ça, j'oserais dire, soumis à des pressions politiques importantes? Et, si oui, quelles sont-elles? Et, en lien, bien sûr, avec le projet de loi qui a été déposé, alors affirmer une chose comme celle-là, il serait intéressant de vous entendre là-dessus.

M. Brassard: C'est surtout grave.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui, M. Desharnais.

M. Desharnais (Rénald): Oui. Bien, je ne vous dirai pas des pressions politiques, mais, comme je le disais, c'est que l'enjeu est de taille, hein, c'est 12 % du produit intérieur brut. C'est évident, je crois... Ce n'est pas moi qui fais ce boulot-là, moi, j'étais dans un tout autre domaine, dans le domaine de la main-d'oeuvre, mais, quand on est dans une direction régionale, quelle qu'elle soit, nos interlocuteurs... Moi, je suis originaire de la Mauricie, l'industrie forestière est puissante en Mauricie, et, à un moment donné, je le disais dans ma présentation, il y a un rapport de force qui est établi à l'heure actuelle entre les acteurs qui tournent autour de la gestion de la forêt, et l'industrie forestière a joui d'un important rapport de force, et, nous, on croit qu'il doit y avoir un rééquilibrage.

Donc, là-dessus, je voudrais rassurer Mme la députée, nous avons tout de même des recours à l'intérieur de notre convention collective qui garantissent aux employés qu'ils ne sont jamais tenus de signer ? c'est très clair, c'est un texte juridique ? quelque chose, un document avec lequel ils seraient en désaccord si ça contrevient aux normes d'éthique qui sont prévues dans leur ordre professionnel. Donc, là-dessus, c'est évident qu'il y a des pressions, mais il y a des recours. C'est des leviers qui existent à l'intérieur du monde du travail, et c'est bien comme ça.

Je ne sais pas, peut-être que Mme Roberge voudrait...

Le Président (M. Côté, Dubuc): Mme Roberge, très peu parce qu'il reste quelques secondes.

Mme Roberge (Carole): En quelques secondes, c'est certain que la gestion des forêts québécoises n'est pas idéale et parfaite, les coupes à blanc en ont fait la preuve, et puis ça a démontré que l'État n'était pas suffisamment présent. Nous, on considère que c'est une richesse collective qui est enviée à travers le monde, et, à ce titre-là, le gouvernement se doit d'arbitrer les intérêts privés dans ce secteur-là au profit de l'intérêt collectif de la population, de la société québécoise, et, à ce sujet-là, bien ça nous inquiète. Voilà.

Le Président (M. Côté, Dubuc): Alors, je vous remercie. Mme Picard, le temps est écoulé pour la séance. Merci, Mme Roberge et M. Desharnais pour votre présentation de votre mémoire.

Alors, la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 46)



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