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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le jeudi 5 octobre 2000 - Vol. 36 N° 81

Consultation générale sur le projet de loi n° 136 - Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Auditions

Intervenants

 
M. Guy Lelièvre, président suppléant
Mme Denise Carrier-Perreault, présidente
M. Jacques Brassard
Mme Nathalie Normandeau
M. Jacques Côté
M. Stéphane Bédard
M. Rémy Désilets
M. Robert Benoit
M. Réal Gauvin
M. Claude Béchard
* M. Jean Roy, AMBSQ
* M. Jacques Robitaille, idem
* M. Gérard Laforest, idem
* M. Jacques Gauvin, idem
* M. Pierre Rose, Coopérative forestière de Laterrière
* M. Louis Pelletier, idem
* M. Michel Huard, Groupe Félix Huard
* M. Yves G. Ouellette, idem
* M. Marc Beaudoin, Corporation de gestion de la Forêt de l'Aigle
* M. Gaston Fortin, municipalité régionale de comté du Haut-Saint-Maurice
* M. Elzéar Lepage, idem
* M. Daniel Prince, idem
* M. Jocelyn Bonneville, Regroupement des organismes fauniques
* M. Yvon Côté, FQSA
* M. Gilles Shooner, idem
* M. Aurèle Blais, FQF
* M. Alain Cossette, idem
* M. Gilles Quintin, FPQ
* M. Dany Hogue, idem
* M. Serge Tanguay, idem
* M. René Roy, FTQ
* M. Clément L'Heureux, idem
* Mme Sophie DeCorwin, Fédération québécoise du canot et du kayak, et Conseil québécois du loisir
* M. Jean-Marie Gilbert, Groupement acéricole de l'Est inc.
* M. Donald Ouellet, idem
* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

heures trente et une minutes)

Le Président (M. Lelièvre): Alors, mesdames et messieurs, la commission va commencer ses travaux. Je déclare la présente séance ouverte. Je désire rappeler le mandat de la commission de l'économie et du travail, qui est de poursuivre les consultations générales sur le projet de loi n° 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives.

Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Côté (Dubuc) remplace Mme Blanchet (Crémazie); M. Benoit (Orford) remplace M. Gobé (LaFontaine); M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata) remplace M. Marsan (Robert- Baldwin); et M. Gauvin (Montmagny-L'Islet) remplace M. Sirros (Laurier-Dorion).

Auditions

Le Président (M. Lelièvre): Bon, ce matin, nous allons procéder à l'audition de différents groupes. Chaque parlementaire aurait reçu l'ordre du jour. Est-ce que ça vous convient? C'est adopté? Adopté.

Alors, j'inviterais les représentants de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec à prendre place, s'il vous plaît.

Alors, bonjour. Pour les fins d'enregistrement des débats, je vous demanderais de vous identifier, s'il vous plaît.

Association des manufacturiers de bois
de sciage du Québec (AMBSQ)

M. Roy (Jean): Merci, M. le Président. Alors, mon nom est Jean Roy, président du conseil d'administration de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec. À votre droite, il y a M. Jacques Robitaille, président-directeur général de l'Association; à l'extrême droite, M. Jacques Gauvin, vice-président à la foresterie de l'AMBSQ; et, à ma droite ? à votre gauche ? M. Gérard Laforest, président du Forum forêt de notre Association.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, vous disposez d'un temps de 20 minutes pour nous faire votre présentation, et je vous inviterais à procéder immédiatement.

M. Roy (Jean): Merci, M. le Président. D'abord, merci à vous tous de nous recevoir aujourd'hui. L'Association des manufacturiers de bois de sciage regroupe 126 entreprises qui possèdent 175 usines. Les membres de l'AMBSQ sont de loin les principaux intervenants industriels en forêt, puisqu'ils sont responsables de la récolte de 80 % de tous les volumes de matière ligneuse attribués sur les forêts du domaine public au Québec, toutes essences confondues.

La mission de l'AMBSQ consiste à représenter, à promouvoir et à protéger les intérêts de ses membres dans le respect de l'ensemble des utilisateurs des diverses ressources de la forêt et des publics qui s'y intéressent. C'est donc avec un grand intérêt que l'AMBSQ participe aujourd'hui aux travaux de cette commission portant sur le projet de loi n° 136 modifiant la Loi sur les forêts.

Nous considérons que ce projet de loi soulève des enjeux d'une grande importance pour le Québec. En effet, le patrimoine forestier québécois représente une ressource inestimable pour notre société. Les retombées qu'il génère, à tous points de vue, le placent au premier plan du développement social et économique du Québec.

Il est également utile et de notre devoir de rappeler que l'industrie forestière prise dans son ensemble constitue un secteur économique crucial pour le Québec. Le Mouvement Desjardins estime à 40 500 le nombre d'emplois lié au seul secteur des produits solides du bois. Il n'est donc pas exagéré d'affirmer qu'un affaiblissement de cette industrie signifie un affaiblissement du Québec en entier.

C'est en ayant ces réalités à l'esprit que nous avons analysé attentivement le projet de loi et les documents d'information déposés par le ministre des Ressources naturelles. D'emblée, nous disons que nous y avons vu les signes évidents, et d'ailleurs attendus, de l'évolution de notre régime forestier, et ce, dans la bonne direction. Notre industrie a longtemps débattu des mérites du projet de loi et elle souhaite vous présenter certaines recommandations. De façon générale, nous avons tenté d'élaborer des propositions constructives permettant d'atteindre les objectifs du projet de loi tout en atténuant les contraintes liées aux moyens qu'il préconise.

Trois grands objectifs ont guidé notre réflexion: il s'agit d'abord de la transparence du régime forestier québécois et de son application, de la cohabitation harmonieuse de tous ceux qui sont présents en forêt et, finalement, du maintien de la compétitivité de l'industrie forestière.

La transparence donc est notre premier grand objectif. Or, ce n'est un secret pour personne ? pour vous encore plus, je pense ? que la foresterie québécoise a été passablement malmenée au cours des derniers mois. Nous avons notamment constaté qu'une portion significative de la population croit que nous cachons des choses en ce qui a trait à la gestion et à l'aménagement des forêts publiques. De plus, on met en doute la qualité des interventions réalisées en forêt de même que leurs résultats.

Ni l'industrie forestière, ni le ministère des Ressources naturelles, ni même les ingénieurs forestiers n'ont la confiance du public. Pourtant, l'industrie forestière n'a rien à cacher à la population. Nous savons que cette population a le droit d'être informée des activités qui ont cours dans les forêts publiques. Puisque notre crédibilité est mise en cause par ce même public, nous demandons l'opportunité de lui redonner confiance en soumettant nos activités en forêt à des audits externes tenus à intervalles réguliers. Nous proposons cette mesure, M. le Président, parce que nous sommes fiers de nos travaux d'aménagements forestiers. Nous avons confiance dans les compétences des professionnels de la forêt qui planifient, qui approuvent et qui réalisent ces travaux. Nous acceptons le fait que la foresterie est une science en évolution et nous nous adaptons constamment à l'évolution des connaissances. Nous sommes convaincus que la foresterie québécoise en est une de qualité et qu'elle se compare avantageusement avec ce qui se fait présentement partout ailleurs dans le monde.

Notre deuxième grand objectif est la cohabitation harmonieuse des utilisateurs de la forêt. Alors, nous appuyons à toute force le concept de «gestion intégrée» des ressources du milieu forestier. Aussi encourageons-nous le gouvernement à se doter d'une approche qui définira de façons claire et réaliste les objectifs à atteindre, et ce, sur la base d'une connaissance scientifique, rigoureuse des diverses ressources à mettre en valeur. Une approche qui, surtout, convie tous les intervenants à assumer les responsabilités qui leur reviennent. Une véritable gestion intégrée des ressources ne peut, en effet, être possible sans un tel partage. Il n'y a plus d'État providence, il ne devrait pas y avoir d'industrie providence non plus.

Ceci dit, l'industrie forestière accepte le fait qu'elle n'est pas seule en forêt. À preuve, les nombreux exemples d'une cohabitation harmonieuse entre l'industriel forestier et ses voisins sur le territoire, une collaboration où on a réussi à faire les compromis permettant que les activités des uns et des autres se poursuivent le plus harmonieusement possible.

Notre dernier grand objectif, mais non le moindre, est le maintien de la compétitivité de notre industrie. L'industrie forestière, je l'ai dit tantôt, est un pilier de l'économie du Québec notamment dans des régions qui ont besoin de la mise en valeur des ressources forestières pour assurer leur vitalité économique mais aussi sociale. Pour notre part, nous voulons que la contribution de l'industrie forestière à l'essor économique et à l'essor social du Québec se maintienne, voire augmente au cours des années qui viennent. Pour y parvenir, l'industrie devra rester compétitive sur les marchés où elle vend ses produits.

Or, M. le Président, cette compétitivité s'avère fragile. Nous oeuvrons dans des conditions de marché où nos compétiteurs sont de plus en plus nombreux et de plus en plus agressifs. Dans bien des cas, ces concurrents peuvent compter sur des avantages qui sont tout simplement imparables comme le taux de croissance et la dimension de leurs arbres. La situation sur les marchés est telle qu'on constate une montée du protectionnisme prenant toutes sortes de formes, notamment des formes de barrières commerciales, tarifaires ou autres.

De plus, il faut ajouter la concurrence de plus en plus vive de la part des producteurs d'acier, de béton et de plastique qui utilisent sans même rougir des arguments environnementaux pour discréditer les produits du bois. Enfin, l'amélioration des pratiques et la présence accrue d'autres utilisateurs des ressources forestières, toutes deux bénéfiques pour la société nous en convenons, entraînent cependant des coûts supplémentaires pour notre industrie.

n(9 h 40)n

Alors, ce portrait rapide démontre clairement que l'industrie forestière québécoise se doit d'être très compétitive sur les marchés, ce qu'elle ne peut réussir qu'en contrôlant ses coûts d'approvisionnement et ses coûts de production. À titre d'exemple, nos scieurs ont été frappés par d'importantes hausses de redevances depuis la mise à jour du régime en 1986. Les redevances ont augmenté de 652 % durant cette période, alors que le prix du bois d'oeuvre, notre principal produit, n'a augmenté que de 94 %.

Au-delà de ces réalités quotidiennes planent d'autres menaces pour l'industrie et les emplois qui en découlent. L'augmentation prévisible des aires protégées, les revendications autochtones, les attentes encore inexprimées d'autres utilisateurs des ressources du milieu forestier sont autant d'inconnues qui laissent planer un doute sur la place qu'occupera l'industrie d'ici quelques années dans le paysage économique de nos régions. Ce contexte explique bien pourquoi nous nous inquiétons de l'absence, dans le projet de loi, de la prise en compte des coûts supplémentaires pour l'industrie découlant de certains des changements proposés. Encore une fois, les propositions et recommandations que nous soumettons au gouvernement découlent des grands objectifs que je viens d'énoncer. Ce faisant, nous voulons apporter de façon constructive et lucide notre appui à l'évolution du régime forestier québécois.

Alors, je cède maintenant la parole au président-directeur général de notre Association, M. Jacques Robitaille, qui va vous présenter nos principales recommandations.

Le Président (M. Lelièvre): M. Robitaille.

M. Robitaille (Jacques): Merci. M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, dans la formulation de ces recommandations, l'AMBSQ a tenté de concilier d'une manière équilibrée l'amélioration du régime forestier, le partage des bénéfices et des exigences en lien avec et la gestion et les retombées provenant des ressources du milieu forestier ainsi que le maintien de la compétitivité de l'industrie, comme l'a indiqué notre président. Pour ce faire, évidemment, je ne pourrai pas passer en détail chacune des recommandations qui apparaissent dans notre mémoire, je vais tenter de me limiter à l'essentiel, et, ainsi, nous avons regroupé sous quatre thèmes principaux les recommandations les plus pertinentes, si on veut.

D'abord, le thème de la gestion participative. Dans son projet, le gouvernement indique qu'il a l'intention de définir certaines orientations en matière de participation du public à la gestion forestière. Nous croyons que le gouvernement devrait définir le plus rapidement possible ses orientations. Il s'agit d'un point qui, pour nous, est très sensible et nous comprenons très bien les revendications des gens du milieu ? des gens qui sont impliqués dans le milieu forestier ? de vouloir connaître les orientations en matière d'utilisation de la ressource et de pouvoir avoir leur mot à dire à cet effet.

Dans ses propositions, l'industrie propose que l'implication des milieux, l'implication des différents intérêts puissent se faire à trois niveaux. D'abord, au niveau provincial, nous pensons qu'il doit y avoir place pour que, de façon périodique, peut-être une fois par année ou plus, les gens qui sont impliqués dans le milieu forestier puissent venir faire état de leur vision, de leur perception de l'application des politiques et programmes gouvernementaux. Dans ce sens-là, le Forum forêt nous apparaîtrait un endroit privilégié à cet effet.

Il y a aussi toute la dimension régionale. Nous pensons que certaines grandes orientations devraient être au préalable définies au niveau régional, orientations, objectifs de mise en valeur, établissement de balises régionales qui pourraient faciliter par la suite les consultations un peu plus pointues au niveau local. Dans ce sens-là, on pense que les CRD pourraient être un forum intéressant.

Au niveau local, évidemment, nous pensons que c'est la dimension opérationnelle qui devrait se traiter là. Évidemment, nous faisons un lien vis-à-vis cet aspect avec une autre proposition que nous avons plus loin dans notre mémoire. Et, évidemment, pour nous, le local, on parle vraiment de la dimension annuelle, c'est-à-dire les opérations qui vont se dérouler sur le territoire pour une année donnée.

Nous croyons aussi que le gouvernement a un rôle à jouer pour s'assurer qu'à l'échelle de la province il y ait une certaine équité entre les entreprises. Nous comprenons très bien qu'il peut y avoir des disparités régionales, mais, à quelque part, nous croyons que les règles du jeu pour l'ensemble de l'industrie devraient être équitables et sensiblement les mêmes pour tous.

Le deuxième grand bloc est le bloc qui touche à l'octroi des droits sur les ressources. Vous comprenez bien que, pour nous, c'est un élément très sensible. L'industrie a pu, je pense, se développer et devenir ce qu'elle est aujourd'hui sur la base d'une certaine stabilité des approvisionnements, sécurité des approvisionnements. C'est essentiel pour assurer les investissements futurs, c'est essentiel pour obtenir les garanties financières. Dans ce sens-là, le projet fait état d'une nouvelle balise qui permettrait au ministre de prend en compte, dans la façon de gérer les baisses d'attributions, toute la question des impacts sur l'activité économique. Nous croyons que ces nouveaux paramètres devraient être balisés un peu plus.

Il y a aussi l'article 78 qui donnait à l'industrie le pouvoir ou la capacité d'avoir recours à l'arbitrage s'il avait l'impression que ses droits étaient lésés dans la révision des attributions. Nous croyons que cet article devrait être maintenu.

De même, l'industrie s'oppose à une des dispositions du projet qui prévoit que le gouvernement pourrait évaluer la performance industrielle. Nous croyons là qu'il s'agit d'un précédent dangereux et, dans ce sens, nous ne croyons pas que les usines devraient être comparées l'une par rapport à l'autre ou selon des standards qui, selon nous, seraient très difficiles à établir, à gérer. Les ressources sont très variables d'un endroit à l'autre, les philosophies de gestion, les réalités avec lesquelles doit composer chacun des propriétaires d'usine fait que, pour nous, il apparaîtrait que ça serait excessivement difficile pour le ministère de gérer ça.

On comprend, par contre, l'objectif qui peut être derrière ça de vouloir s'assurer d'une bonne utilisation de la ressource dans le sens qu'il n'y ait pas de gaspillage. Et, si on pouvait le circonscrire comme ça, c'est-à-dire d'évaluer une entreprise par rapport à son niveau d'opération normal et dans une perspective de non-gaspillage des ressources, ça nous apparaîtrait beaucoup plus acceptable. De même, nous croyons que tout volume ponctuel en provenance des forêts publiques ne devrait pas être pris en compte dans la résidualité.

J'en viens maintenant à un nouveau mode d'attribution qui occupe une place importante dans le projet qui est le contrat d'aménagement forestier. Dans le projet lui-même, on fait état du fait qu'actuellement il n'y a pas de ressources disponibles pour attribuer ces nouveaux contrats. Donc, ça nous fait dire que, si on voulait aller de l'avant avec ça, immédiatement, on ne ferait que déplacer des emplois d'un groupe vers un autre groupe et, à notre sens, ça n'apporte rien en termes de nouvelles retombées économiques, ça n'apporte pas d'activités supplémentaires.

Nous nous interrogeons aussi sérieusement sur toute la question du respect des obligations, des exigences. On voit que, dans le projet de loi, en termes d'exigences des détenteurs de CAAF, c'est beaucoup plus restreint, beaucoup plus serré. Alors, nous nous posons des questions sur qui assumera ces responsabilités.

Un autre aspect aussi en lien avec l'attribution des bois, il y a toute la question des permis d'érablière. Nous croyons que toute nouvelle attribution de permis d'érablière devrait se faire suite à une analyse selon les mêmes paramètres qui prévalent en termes d'activité économique régionale pour l'attribution de CAAF. Nous croyons que ça devrait être aussi assorti d'une entente obligatoire de cohabitation, et l'entente devrait prévoir que les détenteurs de CAAF devraient être responsables de la planification et de l'exécution des activités forestières.

Maintenant, concernant les plans d'aménagement, nous préconisons le maintien du plan général, évidemment, comme le ministère. Par contre, nous préconisons plutôt la fusion du plan annuel et du plan quinquennal pour devenir un quinquennal dynamique qui devrait être assorti de mécanismes de conciliation et clairement identifier les objectifs et les besoins des différents participants ainsi qu'un mécanisme de partage des coûts et mesures d'harmonisation.

Concernant le contrôle des activités d'aménagement forestier, évidemment, nous croyons que la transparence est très importante, notre président en a fait état et je passerai rapidement là-dessus, mais nous préconisons, évidemment, l'utilisation d'audits pour assurer cette transparence-là et s'assurer que la crédibilité de tous les intervenants est prise en compte.

n(9 h 50)n

Au niveau de la taille et de la dispersion des aires de coupes, on propose la coupe mosaïque. Et, évidemment, nous croyons que ce n'est pas la seule formule, d'ailleurs certaines études que nous avons réalisées tendent à démontrer qu'à certains endroits cette approche-là n'est pas possible. Par contre, nous partageons l'objectif de mieux répartir sur le territoire les opérations de récolte.

Au niveau de l'intégration des activités d'aménagement forestier, nous préconisons qu'il y ait obligation dans la loi de conclure des ententes de fonctionnement, ententes qui devraient couvrir, entre autres, certains principes directeurs, des règles de fonctionnement, des procédures de règlement de litige, l'identification d'un responsable pour chaque activité, l'identification d'un coordonnateur de la foresterie et des formules de partage de coûts au niveau de la foresterie et des opérations.

Finalement, en guise de conclusion, l'industrie du sciage du Québec a la prétention qu'elle est une industrie performante. Elle a réussi à atteindre ce niveau suite à des investissements massifs. On parle de plusieurs milliards de dollars au cours des 10 dernières années. Nous croyons que la richesse en lien avec la ressource forestière passe par la transformation. L'industrie du sciage ne peut contrôler les prix. Il devient très important qu'elle puisse contrôler ses coûts pour continuer à pouvoir investir et maintenir sa place.

Malheureusement, dans le projet de loi, on ne sent pas cette préoccupation suffisamment. Nous comprenons très bien que les choix appartiennent et à la population et au gouvernement. Notre objectif aujourd'hui est de vous sensibiliser à cette réalité pour l'industrie de pouvoir continuer à investir pour garder sa place, c'est essentiel. Nous avons fait état des différentes conditions adverses dans lesquelles nous devons opérer.

Donc, nous croyons que la foresterie au Québec doit continuer à évoluer en gardant autour de la table tous les partenaires et non pas en excluant un joueur ou un autre. C'est juste de cette façon-là que nous croyons que la foresterie au Québec pourra atteindre les objectifs que chacun est en droit de prétendre vis-à-vis l'utilisation de la ressource forestière et l'utilisation de l'ensemble des ressources du milieu forestier. Je vous remercie.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. Robitaille, je vous remercie. J'inviterais donc M. le ministre des Ressources naturelles à échanger avec vous.

M. Brassard: Alors, merci, M. Roy, M. Robitaille, M. Gauvin, vice-président, et M. Laforest. L'AMBSQ évidemment est l'ensemble des entreprises qui opèrent sur le territoire et dans la forêt québécoise, qui sont les usines de sciage. Je n'ai pas besoin de vous dire que vous constituez... Vous êtes un acteur majeur sur le territoire en matière de gestion forestière et d'utilisation également de la matière ligneuse. Alors, je vous remercie évidemment de participer aux travaux de cette commission et de votre mémoire aussi, très étoffé, très substantiel. On pourrait échanger bien longtemps. Je pense que vous avez un grand nombre de recommandations. Je vais me limiter à quelques sujets, à quelques questions.

D'abord, en ce qui concerne la gestion participative, je pense que c'est une facette majeure du projet de loi. Vous le savez très bien, maintenant, en forêt, il y a de plus en plus d'utilisateurs: il y a vous, il y a les entreprises de sciage, mais il y a maintenant aussi beaucoup de villégiateurs, de gestionnaires de territoires fauniques, de pourvoiries, de zecs. Il y a beaucoup de monde en forêt. Contrairement à ce qu'on pense, la forêt n'est pas inhabitée, il y a beaucoup de monde. Donc, il faut concilier les usages, harmoniser les intérêts de divers utilisateurs. Alors, on a une grande préoccupation à cet égard, et c'est pour cette raison, entre autres, que nous avons prévu dans la loi qu'un certain nombre d'intervenants, plutôt que de s'impliquer au moment où le plan général est déjà fait et déposé, soient appelés à intervenir et à s'impliquer activement dès le début du processus, en amont. C'est le cas ? et on les désigne nommément dans le projet de loi ? des MRC, c'est le cas des gestionnaires de territoires fauniques, que ce soient les zecs ou les pourvoiries et aussi également, dans certains cas, des communautés autochtones.

Évidemment, vous êtes déjà, je pense, habitués à une cohabitation concrète sur le territoire, mais est-ce que vous êtes convaincus, est-ce que vous pensez que cette façon de faire, cette implication prévue dans la loi en amont d'un certain nombre d'organismes aura des effets bénéfiques en matière de conciliation des usages, des intérêts et d'harmonisation des divers utilisateurs sur le territoire forestier? Et est-ce que vous êtes d'emblée et sans réserve disposés à donner votre appui ou votre adhésion à cette façon de faire qu'on retrouve dans le projet de loi?

Le Président (M. Lelièvre): M. le président.

M. Roy (Jean): Merci, M. le Président. En préambule, je dirai qu'effectivement il y a beaucoup plus de gens en forêt qu'il y en avait en 1986 lors de l'arrivée du régime forestier québécois. Et, au fil des années, l'industrie, comme le reste de la société, a fait de son mieux, souvent avec maladresse, il faut en convenir, pour essayer d'intégrer les préoccupations de chacun, les préoccupations changeantes, parce qu'elles ont évolué au fil des années dans la planification forestière.

Quand je disais au début que nous attendions certaines modifications au niveau du projet de loi, des précisions émises pour l'ensemble de la société étaient parmi les changements que nous souhaitions. En effet, nous pensons qu'il est plus efficace d'intégrer les préoccupations de l'ensemble des autres intervenants dès le début du processus de planification. Cependant, pour revenir à votre question, le moyen que nous préconisons diffère sensiblement du vôtre, mais a le même esprit, c'est-à-dire intégrer les gens, intégrer les régions et les populations locales tôt dans le processus de planification. Et, avec votre permission, M. le Président, je laisserais M. Gérard Laforest continuer les explications sur la proposition que nous faisons ici.

Le Président (M. Lelièvre): M. Laforest.

M. Laforest (Gérard): Oui, effectivement, tout ce processus-là a pour signification pour nous autres, bénéficiaires, de produire des plans d'aménagement. Alors, évidemment l'information des gens en amont est fondamentale. Ce qu'on a besoin de clarifier, puis c'est ça que notre proposition touche, c'est que, lorsqu'on fait un plan, on a besoin de balises pour bâtir un plan. Donc, il nous faut l'input de ces gens-là, mais la proposition de l'AMBSQ a fait en sorte qu'elle va davantage clarifier les rôles de chacun: les rôles du gestionnaires, les rôles des intervenants à l'échelle de la région. Puis, une fois que ces éléments-là vont être clarifiés, discutés à une échelle régionale, bien, on va être en beaucoup meilleure position pour finalement traduire ça sur ce qu'on appelle «le plan opérationnel», le plan local, bâtir le plan comme tel. Évidemment, toutes ces balises-là qui auront été identifiées à l'échelle régionale, bien, elles vont servir de base pour produire le plan puis finalement les adapter sur une base beaucoup plus locale.

M. Brassard: Justement, parlant du plan, j'aimerais vous entendre, j'aimerais que vous puissiez clarifier votre concept de «plan quinquennal dynamique». Vous parlez d'un plan quinquennal dynamique, est-ce que vous pourriez préciser davantage ou mieux définir ce concept?

M. Roy (Jean): Oui, l'idée derrière... Pardon?

Le Président (M. Lelièvre): Allez-y.

M. Roy (Jean): Merci. L'idée derrière notre proposition est de permettre au public justement de savoir à l'avance les grands axes d'orientation de l'industrie au niveau de l'aménagement forestier. C'est pourquoi nous pensons que le plan quinquennal est un outil important. On parle d'un horizon de cinq ans et ce que nous proposons, c'est que la première année de ce plan-là soit définie, équivaille à peu près au plan annuel que nous avons maintenant, donc avec un niveau de détails très élevé. Ça permettrait au gens, selon nous, de voir venir ce que nous voulons faire en forêt et de pouvoir, au niveau local et à une échelle un peu plus petite, comprendre très bien ce qui arrive au niveau opérationnel pour les 12 mois qui viennent.

n(10 heures)n

Je laisserais là-dessus, avec votre permission encore une fois, M. Gauvin élaborer sur la façon dont nous percevons les bénéfices qui découlent de notre proposition.

Le Président (M. Lelièvre): M. Gauvin.

M. Gauvin (Jacques): Merci. Alors, en fait, ce qu'on fait, cette proposition-là se rattache ni plus ni moins à l'addition, si je peux me permettre l'expression, qu'on fait au chapitre de la consultation ou de la concertation du milieu, qui a été présentée tout à l'heure en ce qui a trait à la consultation des CRD sur la mise en valeur au niveau régional, ce qui n'empêche pas l'implication des groupes plus précis à l'échelle de la planification, de préparation du plan. Et l'idée du plan quinquennal, c'est que, sur une base continue, c'est-à-dire à chaque année soustraire de ce plan-là quinquennal et en additionner une autre, on permette, en consultation quasi continue avec les gens du milieu sur des aspects plus opérationnels, comme il vient d'être mentionné, que les gens voient venir, si on peut dire, et soient en contact plus étroit et plus constant avec les gens de l'industrie. Alors, dans le fond, je pense que c'est un petit peu ça qu'est le principe de base derrière ça.

M. Brassard: Si je comprends bien, votre plan quinquennal est dynamique, mais votre consultation aussi est dynamique. C'est-à-dire, il y aurait une consultation des intervenants qui serait quasi permanente ou continue à chaque année?

M. Gauvin (Jacques): Je devrais-tu parler ou attendre que vous me cédiez la parole?

Le Président (M. Lelièvre): Oui, allez-y, M. Gauvin.

M. Gauvin (Jacques): Merci. Bien, ils m'ont averti, à ce moment-là je me suis dit... je ne savais pas quoi faire. Bon.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gauvin (Jacques): Alors, oui, M. le ministre, vous avez très bien compris, c'est le concept qui est derrière ça.

M. Brassard: Je voudrais aborder la question des contrôles et des suivis. Dans votre mémoire, vous parlez de gestion ou de contrôle des résultats, ce qui est intéressant comme approche, mais en même temps vous parlez aussi d'un partenariat avec l'État en matière de contrôle, les activités de contrôle seraient déterminées à l'avance.

Ça m'apparaît un peu contradictoire avec la notion de contrôle et de suivi, parce que, en matière de contrôle et de suivi, évidemment il faut que ça prenne la forme, que ça ait un caractère aléatoire et non annoncé, parce que ça n'a pas grande valeur, un contrôle qui comporte un préavis aux bénéficiaires qu'on entend contrôler, on l'annonce d'avance, alors donc, il faut que ça se fasse au hasard, les contrôles, et de façon aléatoire.

Alors, j'ai un peu de misère à comprendre ce que vous proposez. Comment peut-on concevoir ou conceptualiser un partenariat avec l'État en matière de contrôle et de suivi? Ça m'apparaît qu'il s'agit là d'un élément... Et c'est sans ambiguïté de la mission de l'État, ça fait partie de la mission d'un État, puisqu'il s'agit d'un patrimoine collectif, la forêt est un patrimoine collectif, donc propriété collective, il appartient à l'État, je dirais exclusivement, de planifier, de gérer les contrôles et les suivis appropriés. Comment peut-on parler de partenariat avec l'État, puis comment peut-on parler de contrôle déterminé à l'avance?

Le Président (M. Lelièvre): M. Roy.

M. Roy (Jean): Merci. Avant de laisser M. Robitaille répondre de façon plus substantielle à la question, je voudrais seulement préciser que, malgré le respect que j'ai pour l'État, force est de reconnaître que dans la société, en matière forestière, le public ne partage pas ce respect-là, pas plus qu'il ne respecte l'industrie, d'ailleurs. C'est pourquoi nous avons introduit très tôt dans nos réflexions le principe d'une vérification externe, et nous voyons dans cette vérification externe une mesure qui permette justement d'amener un aspect aléatoire et indépendant aux yeux du public de la dimension de contrôle. Ceci ne veut pas dire que, dans le quotidien, on ne puisse pas travailler en partenariat avec le ministère. Et là-dessus, je vais laisser M. Robitaille, avec votre permission, élaborer.

Le Président (M. Lelièvre): M. Robitaille.

M. Robitaille (Jacques): Merci. M. le ministre, comme il a été souligné, pour nous il est très important, et on ne remet pas ça en question, le gestionnaire des forêts, c'est le ministère des Ressources naturelles, c'est l'État, c'est le gouvernement. Et là-dessus on pense qu'effectivement le gouvernement doit assumer pleinement son rôle. Notre objectif en est un d'efficacité et d'essayer de faire les choses pour que ça puisse se faire peut-être à meilleur coût possible.

Ce qu'on dit, c'est que, pour faire un certain suivi, un certain contrôle, il y a d'abord une question de prise de données terrain, et c'est là-dessus qu'on dit qu'il pourrait y avoir des ententes entre le gouvernement et l'État. Il y a des données qui pourraient être prises par l'industrie, mais évidemment ça n'enlève pas la responsabilité du gouvernement de faire un suivi, de faire un contrôle, de faire des vérifications qui pourraient à ce moment-là être plus légères mais aléatoires. Et il est évident que, si le gouvernement veut pleinement exercer son rôle de contrôle, on ne demande pas au gouvernement de nous dire d'avance: Je vais aller faire le contrôle là. Bien au contraire.

Comme il a été mentionné par notre président, à ça on ajoute aussi un autre niveau qui est un niveau d'audits. Il y a eu une proposition que ça pourrait relever du Vérificateur général ou de n'importe quelle autre instance, mais d'avoir une tierce partie qui vient encadrer tout ça et peut-être pour répondre cette fois-là à la notion, je dirais, plutôt de transparence et de crédibilité. Ça fait un tout. Juste un des morceaux tout seul, à notre sens ça ne fait pas un portrait complet. Donc, à nulle part dans notre proposition il faut voir une demande de partager le rôle avec l'État même si, entre autres, vis-à-vis Forêt Québec, il y en a qui ont laissé planer ce doute-là, on n'a jamais demandé ça et, au contraire, on n'est pas d'accord avec une approche comme ça.

Donc, on veut que le gouvernement joue son rôle. Simplement, c'est de s'entendre sur la manière qu'il devrait le jouer efficacement et de s'assurer que, dans la prise de données, parce qu'il faut comprendre aussi que l'industrie doit en prendre des données pour sa propre gestion, on optimise l'ensemble des données et qu'on le fasse de la manière la plus économique possible.

Le Président (M. Lelièvre): M. le ministre.

M. Brassard: Bien, je voudrais bien comprendre. Bon. Vous faites des opérations, vous faites des travaux d'aménagement, vous faites des travaux sylvicoles, des travaux de récoltes et vous vous devez à ce moment-là de respecter les normes et les règles prévues dans le Règlement sur les normes d'intervention, puis la loi évidemment, puis respecter aussi ce qui se retrouve dans votre plan général d'aménagement, puis votre plan annuel. Bon. Alors, ça, c'est votre responsabilité, vous le faites.

Le ministère, lui, évidemment, après coup, exerce des contrôles, doit s'assurer que ces travaux-là ont été faits et faits correctement. Il y a des équipes comme ça. Évidemment, on ne contrôle pas tout. Ça se fait de façon aléatoire, au hasard, et on fait... Donc, on procède à un certain nombre de contrôles, et c'est à partir de là qu'on peut juger si les travaux d'aménagement ont été bien faits et selon les règles de l'art comme on dit.

Et là ce que vous proposez, c'est qu'il y ait un tiers qui contrôle les contrôles faits par l'État. J'avoue que j'ai un peu de difficulté à comprendre ça. L'État a la responsabilité de faire en sorte que ce patrimoine collectif que constitue la forêt soit bien géré puis qu'on s'assure de la pérennité de cette ressource. C'est ça sa mission, et il assume cette mission-là en surveillant ou en exerçant un certain nombre de contrôles et de suivis relativement aux actions, aux interventions et aux travaux que les bénéficiaires font sur le terrain. Pourquoi ce besoin d'un tiers pour contrôler ce que l'État fait?

Le Président (M. Lelièvre): M. Roy.

n(10 h 10)n

M. Roy (Jean): Mais encore une fois je le dis très respectueusement, ce n'est qu'une question de crédibilité aux yeux du public. Nous ne voulons en aucun cas que le ministère, que le gouvernement abdique la fonction de contrôle qu'il a et la fonction de gestionnaire qu'il a des forêts du domaine public. Mais on l'a tous entendu. Les gens disent ouvertement, bon, je reprends l'image célèbre: On écrit au bon Dieu, c'est le diable qui répond. Les gens nous accusent pratiquement de collusion, d'être acoquinés. C'est la perception que la majorité du public a, et dans l'application quotidienne de notre planification forestière, c'est un problème auquel on se heurte constamment. Ce que nous disons, M. le ministre, M. le Président, c'est: Oui, l'État doit continuer sa fonction de contrôle, mais il doit rassurer le public sur l'efficacité et la rigidité de ces contrôles-là. Et c'est pour ça que notre proposition ? et je la lis intégralement ? est «de soumettre à un audit externe indépendant les résultats des contrôles et des suivis ainsi que la performance individuelle des détenteurs de CAAF face à leurs obligations». On ne veut pas que le gouvernement abdique ses responsabilités. Nous disons: Pour s'assurer que le public soit à l'aise avec la gestion de la foresterie, autant pour le bénéfice du gouvernement du Québec que pour celui de l'industrie, nous devrions avoir un oeil externe qui vienne rassurer tout le monde sur la façon dont les forêts sont gérées ici. Ce n'est que le but de notre proposition.

M. Brassard: Je reviendrai.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Bonjour M. Roy, M. Robitaille, M. Gauvin et M. Laforest. Tout d'abord, je tiens à vous féliciter pour votre mémoire bien présenté, effectivement très substantiel. Vous avez raison de vous inquiéter des enjeux qui sont liés au projet de loi, parce que, effectivement, il y a des enjeux majeurs qui se décident, notamment sur le plan économique. Et les membres qui composent votre Association sont des acteurs de premier plan, là, pour ce qui est de l'activité et du domaine forestier au Québec.

Écoutez, il y a plusieurs éléments qui sont contenus dans votre mémoire qui retiennent notre attention, mais je veux vous dire que les trois éléments sur lesquels vous vous appuyez, soit la transparence, la cohabitation harmonieuse des utilisateurs, également le maintien de la compétitivité, sont des éléments que, nous, on a retrouvés dans la tournée qu'on a effectuée, là, au mois d'août dernier à travers tout le Québec. C'est vraiment des éléments qui ont fait consensus, peu importe de quel côté on se situait. Alors, dans ce sens-là je pense que ce que vous demandez ce matin, ou ce que vous souhaiteriez en termes d'amélioration du projet de loi, ce n'est pas des éléments qui sont nouveaux. Je pense qu'ils sont en mesure de rallier, là, l'ensemble des acteurs dans le domaine forestier.

Ceci étant dit, j'aimerais vous entendre un peu plus sur une des recommandations qui est contenue dans votre rapport, dans votre mémoire, et qui est à la page 22. En fait, c'est une recommandation de deux lignes, mais qui en dit long, je pense, sur le travail du gouvernement, et vous me permettrez de vous citer. Vous soulignez que «les autorités gouvernementales assument ? et c'est la demande que vous formulez ? pleinement leurs responsabilités en regard de la gestion du territoire forestier et de ses ressources».

Alors, lorsqu'on lit ça, on se dit: Bien, en quelque part l'AMBSQ considère que le gouvernement ne fait pas bien son travail en matière de gestion du territoire et des ressources qui sont contenues sur le territoire. Alors, j'aimerais vous entendre un peu plus là-dessus. Et, plus concrètement, comment ça se traduit dans les faits, une recommandation comme celle-là, ou qu'est-ce que ça sous-entend dans les faits, une recommandation comme celle que vous proposez?

Le Président (M. Lelièvre): M. Roy.

M. Roy (Jean): Merci. Il ne faut pas... Nous sommes moins lapidaires que le commentaire que vous venez de faire. Ce que nous disons en réalité, ou ce qui sous-tend la recommandation, c'est qu'effectivement la foresterie a évolué, la société a évolué, et forcément le rôle du gouvernement, les responsabilités du gouvernement doivent s'exercer autrement. Et nous souhaitons que la réflexion que vous faites ici puisse aboutir à des résultats qui vont faire en sorte qu'on aura bien ciblé quelles sont ces responsabilités et bien établi les moyens pour les remplir. Et là-dessus je laisserais peut-être M. Laforest continuer à élaborer, là, à donner peut-être des exemples concrets de ce qui nous fait émettre une recommandation comme celle-ci.

Le Président (M. Lelièvre): M. Laforest.

M. Laforest (Gérard): Oui, alors, effectivement, je pense que la meilleure réponse, c'est de prendre peut-être un cours pratique, entre autres, là, qu'on vit. Souvent les bénéficiaires de CAAF, au niveau de la participation du public, on est souvent mis entre l'arbre et l'écorce. On ne fait pas la distinction pour M. Tout-le-monde entre le gestionnaire et un bénéficiaire de CAAF dans ses obligations. Je cite un exemple: Là-dedans, on est souvent confronté à des situations dans lesquelles on rencontre des gens très locaux... Quand je parle de locaux, là, je parle, à titre d'exemple, à une municipalité, à un groupe de pourvoyeurs. Alors, local, là, c'est très petit à cette échelle-là, mais la problématique quotidienne souvent, elle est là.

Alors, on est souvent confronté à des demandes qui mettent en cause, à titre d'exemple ? puis ça, c'est très fréquent ? la réglementation contenue dans le Règlement des normes d'intervention. À titre d'exemple plus précis encore, la lisière boisée le long des lacs. Alors, souvent, on est confronté à demander... on trouve les lisières boisées inadéquates pour une situation particulière. On est vu comme quelqu'un qui gère cette situation, alors que notre rôle, c'est tout simplement d'appliquer ce règlement-là et non pas l'interpréter ou le modifier en répondant à des demandes pointues d'un groupe quelconque qui aimerait voir une protection accrue.

Alors, ça, c'est le genre d'exemple dans lequel ce n'est pas la responsabilité à notre sens d'un bénéficiaire de CAAF, de changer le RNI ou de l'appliquer différemment à un endroit, c'est le rôle du gestionnaire de la ressource. Alors, c'est sûr que toute notre proposition va venir clarifier cet élément-là pour mieux structurer finalement qu'est-ce que la population veut, qu'est-ce que le gestionnaire de la ressource veut entre une protection accrue ou s'en tenir tout simplement au RNI.

Alors, je crois que le rôle du gestionnaire là-dedans doit sortir plus visible que l'expérience qu'on a vécue dans les cinq ou 10 dernières années à cet effet-là.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Donc, de toute évidence ce que vous dites, c'est que le gouvernement doit assumer ses responsabilités de façon plus adéquate en matière de gestion forestière au Québec. C'est ce que vous nous dites, finalement.

Un autre élément qu'on retient dans votre mémoire, c'est le fait que les objectifs qui sont contenus dans le projet de loi, de toute évidence ne permettront pas à l'industrie de maintenir sa compétitivité. Et pour preuve, dans le sommaire qui accompagne votre mémoire, en fait vous vous inquiétez des effets combinés qui sont proposés dans le projet de loi et des baisses des approvisionnements qui sont appréhendées. Je vous rappelle qu'il y a des baisses qui sont plus qu'appréhendées, qui se sont traduites par... effectivement dans les faits, je pense notamment à la Gaspésie, au Bas-Saint-Laurent où les industriels se sont vu imposer des diminutions importantes, de l'ordre 19 %, 20 %.

Et c'est quand même assez inquiétant le portrait que vous dressez. Vous nous dites: Si on adopte le projet de loi tel que proposé, le Québec pourrait perdre 6 800 emplois directs, on parle de 77 millions de dollars en pertes de revenus pour le gouvernement canadien, 114 millions de dollars pour le gouvernement québécois, 250 millions de dollars pour les travailleurs québécois. Alors, à mon sens, de ce côté-là, le message que vous envoyez au gouvernement et au ministre, c'est de retourner sur leur planche à dessin et de refaire leurs devoirs au niveau du projet de loi. Ça, de ce côté-là il me semble que c'est extrêmement inquiétant. On parle beaucoup de pérennité de ressources. Vous allez plus loin en parlant de pérennité des entreprises.

Alors, effectivement je pense que le ministre devrait avoir une oreille attentive de ce côté-là pour s'assurer que nos emplois ne soient pas perdus, et tout ça, dans un contexte ? et vous le soulignez très bien ? où la compétitivité est féroce et de plus en plus présente.

J'aimerais qu'on puisse revenir sur l'élément des audits externes, parce que c'est un élément à mon sens extrêmement important. Et, M. Roy, vous avez raison de dire que c'est toute l'industrie qui gagnerait en crédibilité si on pouvait soumettre les contrôles et les suivis à une tierce partie. De notre côté, on a proposé la création d'un inspecteur général des forêts, une tierce partie qui pourrait, d'une façon neutre et impartiale, s'assurer que les principes qui sont contenus dans la loi sont effectivement bien respectés, tout ça, bien sûr en s'assurant que le ministère, lui, continue de jouer son rôle de gestionnaire.

J'aimerais peut-être vous entendre un peu plus là-dessus. On parle d'audit externe, mais quelle place, par exemple, on pourrait laisser à une tierce partie? Quel serait son mandat, ses responsabilités? J'imagine que vous avez fait une réflexion, vous autres, de votre côté. Est-ce que, par exemple, un inspecteur pourrait aller sur le terrain faire des visites terrain? Quel serait son rôle vis-à-vis le ministère? Est-ce que vous avez approfondi un peu plus cette réflexion d'audit externe et d'avoir justement une tierce partie qui pourrait assurer une plus grande crédibilité? Je pense que nous aurions tout à gagner collectivement de la création d'un poste comme celui-là.

Le Président (M. Lelièvre): M. Roy.

M. Roy (Jean): Nous avons discuté de la question, mais nous n'avons pas voulu trop élaborer pour ne pas que le mandat de l'auditeur externe, quel qu'il soit, soit dicté par l'industrie, ce qui, je pense, irait à l'encontre de l'objectif qu'on a de montrer une indépendance et une transparence.

Quel que soit l'organisme ou l'individu qui fera ces audits-là ou ces vérifications-là, je pense que le critère premier doit être, aux yeux du public, l'indépendance d'esprit et d'action. Nous proposons un auditeur externe parce qu'il n'y a pas de lien réel ni apparent avec le gouvernement ou avec les entreprises et nous pensons que c'est une formule qui s'arrime très bien aux démarches de certification forestière que la plupart des entreprises ont mises en oeuvre depuis plusieurs mois, sinon quelques années. Ça s'arrime bien aussi avec une démarche d'amélioration continue.

n(10 h 20)n

Alors, c'est pourquoi nous avons choisi la formule de l'auditeur, mais, si une autre formule était retenue, je pense que le message qu'on vous lance, c'est de dire qu'il faut, dans le meilleur intérêt de l'industrie, dans le meilleur intérêt du gouvernement et probablement à moyen terme dans le meilleur intérêt du Québec, pour qu'on retrouve la fierté d'être forestier, il faut que l'organisme ou la structure qui fasse des vérifications ou les audits soient tout à fait indépendantes et du ministère et de l'industrie. C'est dans le fond le message qu'on lance ici.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: On a beaucoup parlé, et c'est le constat qu'ont fait plusieurs intervenants, du pouvoir discrétionnaire du ministre dans le projet de loi, cet élément-là est revenu à peu près auprès de tous les groupes, et vous faites référence bien sûr à la fameuse clause d'arbitrage que vous souhaiteriez voir réintégrée dans le projet de loi. Est-ce que vous pensez qu'effectivement le fait que le ministre se réserve de plus en plus de pouvoirs va faire en sorte que la population ne sera plus en mesure de faire la différence entre effectivement les décisions politiques qui vont être prises en regard de la gestion forestière et les décisions d'ordre administratif qui concernent le ministère? Est-ce que vous pensez effectivement que notre inspecteur général des forêts ou notre auditeur externe permettrait de faire contrepoids à ce fameux pouvoir discrétionnaire que veut se réserver le ministre dans le futur?

Le Président (M. Lelièvre): M. Roy.

M. Roy (Jean): Non. Il n'y a pas de lien aussi clair que ça entre les deux. D'une part, je l'ai dit tantôt, l'auditeur externe, et c'est notre recommandation, est là pour regarder le résultat des contrôles et la performance individuelle des détenteurs de CAAF. En ce qui touche les pouvoirs discrétionnaires du ministre, notre crainte n'est pas reliée à ce que le public en pense. Pour une fois, on ne s'occupe pas du public dans ce point-là. Notre crainte est beaucoup plus sur la perception qu'ont nos membres et les actionnaires de nos membres, les propriétaires d'usines, partout au Québec, de la stabilité des approvisionnements.

Plus le ministre a de pouvoirs discrétionnaires, plus, il me semble, on peut se questionner sur la permanence dans le temps et sur l'importance en volume des approvisionnements qu'on a. Ça introduit des notions de risque que nous n'avons pas maintenant et qui pourraient, à la limite, faire questionner un peu plus les propriétaires, les investisseurs avant de procéder à l'amélioration des usines ou à la construction de nouvelles unités. Alors, c'est surtout là que les pouvoirs discrétionnaires du ministre nous inquiètent, les pouvoirs accrus nous inquiètent.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Si concrètement le ministre ne vous entendait pas ce matin effectivement et décidait d'aller de l'avant avec l'abolition de la fameuse clause d'arbitrage, parce que, dans le fond, les industriels n'auraient plus de possibilité de contester les données du ministère ou les décisions du ministère en regard des approvisionnements qui vous sont consentis, qu'est-ce qui se passerait pour vous autres? Est-ce que votre audit externe ou une tierce partie pourrait effectivement, là, entrer en action pour vous donner un minimum de garantie à l'endroit du ministère? Comment vous voyez ça? Est-ce que vous avez envisagé un scénario éventuellement où effectivement l'abolition de cette clause-là serait maintenue?

Le Président (M. Lelièvre): M. Roy.

M. Roy (Jean): Je demanderais à M. Gauvin peut-être de répondre.

Le Président (M. Lelièvre): M. Gauvin.

M. Gauvin (Jacques): En fait, là, il faut faire attention de ne pas mélanger les choses, là. La question de l'audit, pour nous, et je pense que M. Roy, M. le président, vient de le mentionner, touche les activités spécifiquement qui sont réalisées en forêt, les contrôles, etc. Là où on a soulevé des questionnements quant aux pouvoirs discrétionnaires du ministre ou aux incertitudes, je pense que le mot préférable à retenir, ici, c'est l'incertitude que ça peut causer, le fait de voir à certains endroits que des décisions puissent être prises selon, je dirais, les point de vues, les orientations retenues par le ministre.

Bon, au chapitre de la clause d'arbitrage, bien c'est un peu inscrit dans le projet qu'on ne pourrait pas d'une certaine façon remettre en question les critères que le ministre a définis. Bon, on nous indique par ailleurs qu'il y aurait recours malgré tout, via les tribunaux, je ne suis pas avocat, je ne sais pas ce que ça signifierait, mais ça impliquerait, de ce qu'on a compris, une procédure beaucoup plus lourde, complexe, exigeante, longue, etc.

Alors, nous, on croit que c'est un élément qui rassurerait les gens de l'industrie, comme vient de le mentionner M. le président, qui n'aiment pas l'incertitude. Je pense que dans le domaine industriel lui-même en général on n'aime pas les incertitudes et les questionnements quant à un aspect fort important qui est les attributions, la stabilité des approvisionnements. On n'aime pas ça. Donc, la clause d'arbitrage est là pour un peu rassurer les gens, peut permettre une action qui serait plus rapide, moins complexe, moins coûteuse, moins exigeante que d'aller devant les tribunaux, tel que ça nous est proposé en alternative.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Je laisserais peut-être le ministre puis on pourra revenir par la suite. Il reste combien de temps?

Le Président (M. Lelièvre): Il vous reste, oui, six minutes. M. le ministre, vous avez 1 min 20 s ou près.

M. Brassard: Je vais prendre la minute d'abord pour faire un bref commentaire sur votre recommandation d'un audit externe. La question que je me posais en vous écoutant, c'est: Il va être payé par qui? S'il est payé par l'État et par le gouvernement, bien à ce moment-là le problème de crédibilité que vous avez évoqué n'est pas résolu, parce qu'il y a un lien avec l'État, il est payé par l'État. Alors, on va recourir à un autre tiers pour vérifier le tiers. Ça devient un cycle plus ou moins vicieux. Payé par qui? Par vous?

M. Roy (Jean): Payé par la forêt, payé par la forêt, M. le ministre. Dans l'augmentation de la contribution de l'industrie au Fonds forestier, il y a des sommes importantes qui, si nous avons bien compris, doivent être assignées à des contrôles supplémentaires. On pourrait imaginer que, plutôt que de prendre l'ensemble des sommes et de les consacrer à avoir plus appelons ça de contrôleurs du ministère ou des ministères en forêt, une partie de ces sommes-là pourrait être consacrée à des audits externes. C'est un peu comme ça qu'on le voit.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Alors, je souhaiterais revenir sur deux de vos recommandations contenues dans les pages 43 et 54, celles qui font référence notamment aux méthodes d'acquisition des connaissances, en fait deux recommandations, à mon sens, qui sont liées, qui sont intimement liées et qui sont importantes dans la mesure où effectivement lorsqu'on parle du calcul de la fameuse possibilité forestière, la façon dont les inventaires sont menés par le ministère, on se demande effectivement si on a tous les outils nécessaires pour avoir dans le fond des résultats qui soient calqués le plus sur la réalité.

Page 43, vous nous parlez de revoir les méthodes d'acquisition des connaissances qui soutiennent bien sûr la planification de l'aménagement forestier. À la page 54, vous nous parlez de revoir le concept global, l'acquisition des connaissances, de même que l'ensemble des activités financées par le Fonds forestier. Mais, si on s'en tient à tout le processus lié à l'acquisition des connaissances, donc deux recommandations comme celles-là pour vous autres, j'imagine, signifient qu'il y a des améliorations qui peuvent être apportées du côté de l'amélioration des connaissances, bien sûr, pour qu'on ait des données qui soient les plus fidèles, qu'on ait des données qui soient les plus réalistes sur l'état réel de nos forêts au Québec. J'aimerais peut-être vous entendre un peu plus là-dessus. Qu'est-ce que vous voulez nous dire très précisément de ce côté-là sur les moyens dont on dispose effectivement pour obtenir une connaissance plus fidèle, là, de nos forêts?

Le Président (M. Lelièvre): M. Roy.

M. Roy (Jean): Je vous parlerai d'abord de la nécessité de le faire et je laisserai M. Robitaille élaborer sur les moyens. Bon, je vieillis à tous les ans, moi aussi, mais il n'y a pas tellement longtemps il me semble, à l'école, on apprenait que la forêt était inépuisable. C'étaient les connaissances du temps, et les pratiques forestières étaient faites en fonction de ces connaissances-là. Aujourd'hui, les mêmes pratiques sont inacceptables, parce qu'on connaît mieux la forêt. Notre prétention est qu'on ne la connaît pas encore suffisamment, et c'est pourquoi nous insistons beaucoup sur l'amélioration de la connaissance de ce qui se passe au niveau du territoire forestier et pour l'ensemble des ressources, pas seulement au niveau de la matière ligneuse. Et, avec votre permission, M. Robitaille élaborera sur l'aspect plus forestier de la question.

Le Président (M. Lelièvre): M. Robitaille.

M. Robitaille (Jacques): Merci. M. le Président, la foresterie, c'est une histoire de données. On manipule, pour gérer les forêts, des quantités astronomiques de données. L'industrie a besoin de données pour faire sa planification, pour faire ses travaux. Le gouvernement a besoin de données tout autant pour évaluer différents aspects, que ce soit la possibilité forestière et autres, et vient rentrer dans tout ça maintenant les autres ressources, la gestion des autres ressources. Ça prend des données pour gérer la faune aussi, ça prend des données pour pouvoir évaluer les qualités d'habitats, et tout ça.

n(10 h 30)n

On pense qu'il y a de la place pour un meilleur arrimage vis-à-vis cette prise de données là, d'avoir de la meilleure donnée au meilleur coût possible, et je pense que ça fait longtemps que l'industrie revendique cet aspect-là. Il y a des méthodes modernes maintenant de prises de données. Donc, c'est de convenir ensemble comment peut-on travailler ensemble efficacement pour avoir de la meilleure donnée au moindre coût possible et qui puisse rencontrer les objectifs de faire une meilleure gestion. Déjà, on a une certaine réponse de la part du ministère qui semble vouloir mettre sur pied un groupe pour regarder cet aspect-là. On l'encourage à poursuivre dans cette voie et on peut l'assurer de la collaboration de l'industrie à cet effet.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: M. le Président, merci. Plus concrètement, quand vous nous dites qu'on pourrait moderniser nos méthodes effectivement sur la cueillette de données pour affiner, dans le fond, nos façons de faire, quelle forme ça pourrait prendre? Quel virage effectivement, on pourrait... Vers quoi, on pourrait se tourner? Est-ce que vous êtes en train de nous dire que le ministère, dans le fond, dans son coffre à outils, n'a pas tous les outils nécessaires pour avoir une cueillette de données qui soit la plus raffinée possible, la plus près de la réalité possible? Est-ce que c'est... J'aimerais peut-être plus concrètement que vous y alliez un petit plus à fond, parce que, à mon sens, ça me semble extrêmement important. Vous l'avez dit, c'est la base de tout finalement. Alors, si on a une lacune de ce côté-là évidemment, bien, je pense que ça hypothèque tout le reste, là.

Le Président (M. Lelièvre): M. Roy.

M. Roy (Jean): Je suis le seul à cette table qui a le défaut de ne pas être forestier. Alors, je laisserais M. Laforest, qui a l'expérience du terrain, peut-être répondre à cette question-là qui est relativement pointue.

Le Président (M. Lelièvre): M. Laforest.

M. Laforest (Gérard): Alors, pour donner peut-être un exemple concret de ce qu'on parle en termes d'importance de gérer la connaissance puis utiliser les outils les plus modernes, à titre d'exemple, aujourd'hui, on a la photographie par satellite qui nous donne des informations sur une parcelle de territoire à peu près à tous les trois, ou quatre, ou cinq, ou six jours d'intervalle. Alors, le fait que la forêt, c'est quelque chose qui est vivant, qui change constamment, que nos activités aussi se déroulent sur une base quotidienne, ça, ça serait un outil à regarder puis comment on peut l'utiliser pour les fins forestières. Évidemment, il reste des défis à relever là-dedans pour l'utiliser. Mais, en termes d'outils modernes, ça, c'en est un, élément dans lequel on ne peut pas... On n'a pas le droit de regarder cet élément-là et d'en tirer le maximum d'utilisation pour le bénéfice de la foresterie, ce qui, aujourd'hui, se regarde, mais n'est pas encore en application comme il se devrait. Alors, je ne sais pas si je réponds à votre question, mais c'est le plus bel exemple que je peux donner.

Le Président (M. Lelièvre): Il vous reste environ 30 secondes.

Mme Normandeau: Oh! 30 secondes. Simplement un dernier commentaire: Recommandation à la page 63 qui fait référence à la régionalisation. C'est ça, on l'a entendu très, très souvent: permettre aux intervenants sur le terrain, aux ingénieurs forestiers d'avoir plus de latitude. Alors, j'aimerais peut-être, en 30 secondes ou une minute, que vous puissiez nous livrer vos commentaires là-dessus, parce que c'est un élément qui est revenu constamment lorsqu'on a rencontré les intervenants cet été.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, rapidement, M. Roy.

M. Roy (Jean): Bon, rapidement. Nous l'avons indiqué tantôt, nous accordons beaucoup d'importance aux perceptions et aux besoins des autres utilisateurs de la forêt et nous pensons que, plutôt que d'adresser ce dossier-là sur une base locale, parce qu'on répète constamment les mêmes choses à des gens différents, c'est tout ce qu'on fait, il devrait y avoir une espèce de consensus régional, et notre proposition parle d'utiliser les CRD comme outil, comme levier, pour y parvenir. Nous pensons qu'un consensus régional devrait être atteint sur les priorités à donner en termes de développement économique que ce soit forestier, récréotouristique ou autres, et, de cette façon-là, on établirait des balises qui pourraient ensuite être présentées au niveau local sans qu'on ait nécessairement, nous, à les défendre et à les expliquer à chaque fois. Ce serait le fruit d'un consensus. Dans ce sens-là, nous pensons que c'est un processus, celui qu'on propose, qui est porteur de solutions importantes et surtout très efficaces en termes de consultation publique.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. Roy, M. Laforest, M. Robitaille, M. Gauvin, je vous remercie d'être venus devant cette commission. Et je vais suspendre quelques instants pour permettre à la Coopérative forestière de Laterrière de prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 34)

 

(Reprise à 10 h 37)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! La commission va reprendre ses travaux. Je vous demanderais, s'il vous plaît... Ceux qui veulent avoir des échanges peuvent le faire en dehors de la salle. Nous allons donc reprendre nos travaux.

Nous accueillons la Coopérative forestière de Laterrière, M. Pierre Rose, je crois, et M. Louis Pelletier. Alors, messieurs, je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et que, par la suite, il y aura une période d'échanges avec... Ah! C'est 10 minutes. Excusez-moi. Il y a eu un changement. Alors, vous avez donc 10 minutes pour présenter votre mémoire et, par la suite, il y aura période d'échanges. Si vous voulez d'ailleurs vous présenter avec vos titres, pour les besoins de la transcription.

Coopérative forestière de Laterrière

M. Rose (Pierre): Mme la Présidente, Pierre Rose, président du conseil d'administration de la Coopérative de Laterrière.

M. Pelletier (Louis): Louis Pelletier, chef forestier.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci.

M. Rose (Pierre): Je voudrais d'abord dire que...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, messieurs, vous pouvez procéder.

M. Rose (Pierre): Merci, madame. Je voudrais d'abord remercier la commission de nous avoir invités à présenter notre mémoire et aussi dire que la Coopérative de Laterrière fait partie de différentes associations, dont l'AMBSQ, la Conférence des coopératives forestières du Québec, l'Association des producteurs de copeaux qui ont déjà ou qui vont présenter des mémoires auxquels nous souscrivons en bonne partie. On a tenu à préciser certains points, c'est pour ça qu'on a présenté un mémoire.

Document déposé

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Monsieur, on m'a informée que vous aviez un dépôt à nous faire. Parce que vous n'aviez pas un supplément à votre mémoire?

M. Pelletier (Louis): Oui, on a un complément au mémoire. On ne sait pas si ça peut être accepté. Il est présenté ici, c'est simplement sur une page.

n(10 h 40)n

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Écoutez, c'est un complément à votre mémoire, alors oui, vous pouvez le déposer, j'accepte le dépôt. Et, pendant que vous allez poursuivre votre présentation, les membres de la commission vont donc recevoir la copie de votre complément de mémoire. Alors, je vous en prie, vous pouvez poursuivre.

M. Rose (Pierre): Je vais d'abord, pour ma part, faire une brève présentation de la Coopérative de Laterrière. Ensuite, M. Pelletier va s'occuper de présenter les principales recommandations qu'on a faites.

La Coopérative de Laterrière a été fondée en 1960 à Laterrière, au Saguenay. Aujourd'hui, elle emploie plus de 800 personnes en période de pointe, dont 500 sont membres de la Coopérative. Nous opérons quatre usines de sciage, une usine de rabotage, une usine de deuxième transformation, une pépinière. Nous faisons la plupart de nos opérations forestières.

On a connu un virage majeur en 1999 avec la mise en opération de l'usine de deuxième transformation de Larouche. On pense que c'est un pas important pour la Coopérative et pour l'industrie forestière au Québec, c'est la voie à suivre.

En même temps, on s'occupe de produire des plans qui sont reboisés, on s'occupe du reboisement des travaux sylvicoles, de la coupe aussi. Je veux dire qu'on s'occupe de l'arbre de sa naissance jusqu'à sa deuxième transformation. En gros, c'est le portrait de Coopérative de Laterrière. Je vais passer la parole à M. Pelletier parce qu'il ne reste pas beaucoup de temps pour pas mal de recommandations.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Pelletier.

M. Pelletier (Louis): Je vais essayer d'être bref. On a soumis dans notre mémoire, Mme la Présidente, M. le ministre, messieurs et madame de la commission, quelques recommandations. Les principales sont comme suit. La première, au niveau de l'assouplissement des normes d'éligibilité régissant les travaux d'aménagement forestier dans notre province, on sait qu'on une grille de travaux sylvicoles, de plusieurs travaux bien précis ? on parle de plantation, de regarni, d'éclaircie précommerciale, commerciale et de récolte partielle ? sauf que, souvent, dans les différentes régions où est-ce que nous avons des activités, on rencontre des problématiques forestières auxquelles aucun traitement précis n'est prescrit présentement dans le cadre légal actuel. Donc, on demande un assouplissement, bien sûr, en coopération avec les représentants du ministère, avec validation des membres des unités de gestion, pour pouvoir intervenir dans ces peuplements-là précisément; il y aurait un gain bénéfique pour la forêt aussi, autant sociale qu'économique.

La deuxième recommandation, c'est un peu reconnaître l'effort supplémentaire réalisé par certains bénéficiaires au Québec en matière de développement durable. On le sait ? même l'AMBSQ l'a mentionné tout à l'heure ? on n'a pas le choix, on est en intervention directe avec les gens du milieu. La gestion intégrée des ressources occupe une partie importante. Hier, elle l'était un petit peu moins, aujourd'hui, elle l'est de plus en plus, demain, ça va être sine qua non comme condition. Donc, un aménagement forestier durable en concertation avec les gens du milieu, pour nous, ça a l'air des plus important.

Une troisième recommandation, c'est de maintenir les garanties d'approvisionnement, Mme la Présidente, déjà consenties. On sait que, pour Coop Laterrière, ces garanties, ces contrats d'approvisionnement, ont permis à notre Coopérative de pouvoir investir, de moderniser ses installations, de faire le pas vers la valeur ajoutée. M. Rose... Un instant. M. Rose mentionnait tout à l'heure... Il n'y a pas d'eau. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pelletier (Louis): Ce n'est pas l'eau au moulin qui manque.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Pelletier, on va essayer de vous en procurer.

M. Pelletier (Louis): M. Rose mentionnait tout à l'heure la valeur ajoutée. Ça a permis de créer 125 emplois avec un investissement de 25 millions. C'est important, les garanties d'approvisionnement.

Au niveau des travaux, à la recommandation 4, revoir la grille... Veux-tu continuer, Pierre, parce que je pense que c'est ma cravate. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Rose.

M. Rose (Pierre): La recommandation 4, c'est: «Revoir la grille des crédits associés à la réalisation des travaux sylvicoles de façon à tenir compte des particularités régionales.» On sait, pour notre part, qu'on évolue dans des conditions qui sont différentes, mais, à l'intérieur même d'une région puis d'une région à l'autre, ça peut être très, très différent. On pense que la grille devrait tenir compte de ces particularités-là.

La recommandation 5, c'est: «Établir des mesures pour que les responsabilités de gestion intégrée incombent à tous les utilisateurs du territoire.» En matière de gestion intégrée des ressources, Coopérative Laterrière peut se considérer comme un leader. On sait ce que c'est de consulter et de tenir compte de l'opinion des autres, ce qu'on leur demande, nous. C'est plus difficile quand ça arrive au moment de dire: Vous avez aussi des responsabilités, il faudrait que vous puissiez les assumer. C'est dans ce sens-là qu'on a fait cette recommandation-là. C'est-u beau?

Une voix: ...

M. Rose (Pierre): Oui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Pelletier.

M. Rose (Pierre): Je m'excuse, Mme la présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Pas de problème.

M. Pelletier (Louis): La recommandation 6, de «mettre en place une politique visant l'augmentation du rendement des forêts et associer les représentants de l'industrie à son élaboration», si possible.

On sait que l'industrie forestière et le ministère s'entendent sur le fait qu'il est impératif de maximiser le rendement des forêts pour assurer une disponibilité future de la ressource et augmenter ses retombées économiques. On parle de rendement forestier. Je ne parle pas de rendement soutenu ou de rendement accru, pour ma part. Je parle de rendement forestier. Il y a beaucoup de choses à faire avec la forêt actuellement, beaucoup d'interventions ponctuelles à faire qui vont faire qu'un rendement forestier va augmenter peut-être, va avoir un impact pas nécessairement à court terme, mais à moyen terme et à long terme. Donc, c'est dans cet esprit-là qu'on demande une politique à cet effet. Puis je pense qu'elle vient rencontrer les préoccupations du moment.

Si possible aussi de «mettre en place un programme d'aide au développement des réseaux routiers principaux dans les forêts ayant un fort pourcentage de peuplements matures».

On a des vastes territoires, surtout sur la Côte-Nord. Les réseaux routiers principaux donnant accès à cette ressource en ouvrant le territoire sont primordiaux pour assurer un meilleur aménagement. On parle autant de récupération lorsqu'il y a épidémie d'insectes, d'incendies, mais aussi de récoltes de peuplement qui sont en perdition avec une forte mortalité. Et aussi, avec un réseau ouvert du territoire, ça nous permettrait d'effectuer le bon traitement au bon endroit et au bon moment, donc, encore une fois, un impact sur le rendement forestier: un double effet positif. D'ailleurs, c'est une particularité qu'on vit présentement au niveau des territoires vastes sans accès et dans la région de la Moyenne Côte-Nord près de Natashquan.

Je passerais au complément du mémoire, Mme la présidente, je sais qu'il ne me reste plus grand temps. Ce complément vise surtout trois points: le marché, un petit peu au niveau des redevances et au niveau de la valeur ajoutée.

On a une problématique au Québec, c'est qu'en forte majorité on transforme nos bois en produits de bois scié, en sciage qui génère des copeaux. Peu de projets sont en cours afin de diversifier cette transformation pour générer des produits autres que du sciage et des copeaux. Il faut donc une volonté gouvernementale privilégiant l'utilisation du bois vers des projets de deuxième et troisième transformations.

De plus, le ministre des Ressources naturelles devra avoir l'opportunité, dans le prochain régime, de faciliter la création d'emplois, la création de projets à valeur ajoutée par une optimisation des approvisionnements en place, c'est-à-dire que le bon bois aille au bon endroit. Cette notion de qualité est des plus importantes pour assurer des investissements en seconde transformation.

n(10 h 50)n

Pour les copeaux de résineux, le marché peut être qualifié de captif ou fictif, car on retrouve au Québec un phénomène de concentration très important, c'est-à-dire qu'il y a très peu de clients. Par exemple, Coop Laterrière avait il y a quelque temps deux clients. Maintenant, elle n'en a qu'un seul. Pour pallier à ce déséquilibre, nous proposons qu'une clause de réciprocité soit incluse dans les contrats de vente de copeaux. Par exemple, advenant une diminution des besoins de copeaux de la papetière possédant ses propres scieries, cette dernière se verrait contrainte d'effectuer des coupures d'approvisionnement en copeaux, tant au niveau des installations que des scieries avec lesquelles elle a conclu des contrats.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, en conclusion, monsieur, il reste à peine quelques secondes.

M. Pelletier (Louis): En conclusion, au sujet des redevances...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): On pourra poursuivre avec les échanges, par exemple.

M. Pelletier (Louis): D'accord. Au niveau des redevances forestières, nous proposons au ministre que des droits soient payés uniquement sur la portion économiquement rentable de l'arbre pour une scierie, c'est-à-dire jusqu'à un diamètre au fin bout de 10 cm au lieu de 9 cm, ce qui a un impact au niveau des rendements de production et de la génération d'autres produits.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. Nous allons entreprendre la période d'échanges. Il y a plusieurs députés qui veulent évidemment vous poser des questions. Alors, M. le ministre.

M. Brassard: Oui. Alors, merci, Mme la Présidente. M. Rose, M. Pelletier, merci d'abord d'avoir accepté de participer à nos travaux. La Coopérative Laterrière, c'est une entreprise que je connais bien, mes collègues aussi. Les députés de Chicoutimi, de Dubuc, on vous connaît bien. C'est une entreprise bien implantée dans son milieu, dans sa région et extraordinairement dynamique. Alors, je vous remercie de votre participation.

J'aurais juste une question, pour permettre à mes collègues de la région d'échanger avec vous également, la question porte sur les assouplissements des normes et des ajustements en fonction des spécificités régionales. Bon, c'est très bien, mais comme vous opérez sur le terrain, vous êtes des gens de terrain, pouvez-vous rendre ça plus concret en donnant des exemples? Vous voulez dire quoi, par des ajustements, des assouplissements en fonction des données ou de la réalité régionale?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Pelletier.

M. Pelletier (Louis): Avec plaisir, M. Brassard. On sait qu'entre l'éclaircie précommerciale, dont les strates ont environ 15 ans, 2 m de haut, et l'éclaircie commerciale, dont les strates résineuses ont environ 50 ans, il se passe quand même 35 ans. Dans le passé ? le régime a commencé en 1987 ? donc, de l'éclaircie précommerciale, il ne s'en faisait pas nécessairement à grande échelle. Beaucoup de peuplements naturels ont été laissés à eux-mêmes, surtout dans les coins de la tordeuse, dans le Parc des Laurentides ou ailleurs, lorsqu'on rencontre des peuplements dégradés aussi. Donc, ces strates-là qui sont là, présentes sur le terrain, vivent un phénomène d'oppression: beaucoup de tiges à l'hectare, moins grand rendement, et puis demandent juste à être traitées pour améliorer la qualité et avoir un effet de rendement forestier. Donc, entre le 35 ans, il faut attendre l'éclaircie commerciale pour pouvoir intervenir dedans. Dépendamment des aires communes, ça peut être non significatif. Chez nous, dans les territoires où est-ce que nous opérons, il y a une forte présence de ces peuplements-là qui demande à être traités. Ça peut être à d'autres niveaux, mais c'est le principal.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci.

M. Brassard: Bon exemple, là, je comprends très bien.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Dubuc.

M. Côté (Dubuc): Alors, merci, Mme la Présidente. Alors, M. Rose, M. Pelletier, bienvenue à cette commission. J'ai pris connaissance de votre présentation et je vous en félicite, il y a des recommandations qui sont excellentes. Et je suis surtout content de voir, lorsque vous parlez que l'objectif de la Coopérative de Laterrière est de devenir un leader dans la deuxième transformation, alors, je pense que c'est une excellente affirmation. Et d'autant plus que, dans le document que vous nous présentez ce matin, le document supplémentaire, vous dites qu'il faut donc une volonté gouvernementale privilégiant l'utilisation de bois vers la deuxième, troisième transformation. C'est quoi, pour vous, la volonté gouvernementale? Ça se traduit comment? J'aimerais peut-être que vous nous donniez un petit peu de précisions à ce sujet-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Rose.

M. Rose (Pierre): Dans l'éventualité où ils va se dégager des volumes, soit supplémentaires ou dans le cas d'usines qui ferment ou peu importe... Parce que, des fois, il y a des déplacements, on sait qu'à des endroits il y a des balises de possibilités, en d'autres endroits il y a des augmentations. Il y a aussi, de temps en temps, des usines qui ferment. Je pourrais vous dire aussi que, si la situation du bois de sciage continue comme ça, il va s'en fermer d'autres. Il pourrait se libérer encore des volumes. L'attribution de ces volumes-là devrait être rattachée à des projets de deuxième ou de troisième transformation plutôt que d'essayer de ramener ça dans un marché où il y a déjà un surplus important de bois de sciage.

Je pense que, au Québec, on s'est peut-être un petit peu tiré dans le pied en essayant d'aller toujours transformer le maximum. Si on prend l'exemple du nord du Lac-Saint-Jean ou de Chibougamau-Chapais où on transforme des arbres, probablement partout ailleurs sur la terre, on ne se casse même pas la tête de ramasser ça, puis, nous autres, on essaie de faire du bois de sciage. On a mis sur le marché des produits qui viennent en compétition avec d'autre chose qu'on produit; on se compétitionne nous autres mêmes. Tandis que, dans les produits, disons, d'ingénierie ou de produits de deuxième ou de troisième transformation, je pense que le marché est grand ouvert. C'est dans ce sens-là que...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, d'accord. Oui, M. le député de Dubuc, rapidement.

M. Côté (Dubuc): Oui, merci, madame. Autrement dit, dans le cas où il y a des CAAF qui se libèrent ou qui ne sont pas utilisés, c'est que ces CAAF là soient attribués à des projets d'usines pour une deuxième ou une troisième transformation.

M. Rose (Pierre): Des organisations qui ont des projets qui vont en destiner une partie vers ces produits-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci.

M. Côté (Dubuc): J'aurais une deuxième question très courte.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous rappelle qu'il reste à peine cinq minutes à votre formation politique.

M. Côté (Dubuc): Oui, ça ne sera pas long. Dans la recommandation n° 3, vous dites, à la fin, que «la délimitation des aires communes devrait également tenir compte des infrastructures ? chemins et camps forestiers ? déjà en place pour éviter des dépenses inutiles et les retards de production». J'aimerais vous entendre un petit peu plus sur ça.

M. Pelletier (Louis): À ce niveau-là...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Pelletier.

M. Pelletier (Louis): Excusez-moi, madame. Au niveau de ce point-là, M. Côté, c'est que, advenant des modifications d'aires communes, de limites, c'est bien sûr qu'il faut tenir compte des chemins et camps forestiers qui sont en place. On le sait, sur la Côte-Nord, investir un chemin principal nous coûte présentement près de 170 000 $ du kilomètre. Donc, tout ce qui manque, c'est l'asphalte. Donc, de refaire un découpage d'aires communes qui ne tient pas compte de ces infrastructures principales là ne serait pas conséquent. C'est simplement ça, dans le sens d'optimisation du territoire, selon nous.

M. Côté (Dubuc): Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Pelletier. Alors, par alternance, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. M. Rose, M. Pelletier, merci beaucoup d'avoir pris le temps de rédiger votre mémoire et de nous livrer ce matin votre vision du projet de loi n° 136 sur la révision du régime forestier.

Évidemment, vos recommandations sont très pertinentes et pour vous avoir visités, effectivement, j'ai constaté sur le terrain que la Coopérative Laterrière était extrêmement dynamique, et c'est tout à votre honneur. Et la preuve, c'est la recommandation n° 2 qui est contenue dans votre mémoire et qui témoigne des efforts supplémentaires que vous réalisez, donc, en matière d'aménagement forestier et de développement forestier durables.

Ce que vous nous dites, dans le fond ? et, là-dessus, j'aimerais peut-être que vous précisiez davantage la recommandation n° 2 ? c'est que vous souhaiteriez obtenir une garantie du gouvernement sur les volumes additionnels, dans le fond, que vous... ou la possibilité additionnelle que vous générez suite, justement, à un aménagement forestier dit durable. En ce moment, dans les faits, ce que je comprends, c'est que le gouvernement ne donne pas de garanties aux industriels que le dégagement de cette possibilité supplémentaire vous reviendrait effectivement. Est-ce que c'est ce que je dois comprendre de la recommandation n° 2 qui est formulée?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Pelletier.

M. Pelletier (Louis): Présentement, tout volume supplémentaire qui est généré sur un territoire revient au ministre et c'est le ministre qui a à décider de l'orientation de ces volumes-là en fonction des bénéficiaires demandeurs. Ce que nous demandons ou ce que nous proposons, c'est que ces volumes supplémentaires, qui seraient générés par des bonnes pratiques forestières par certains bénéficiaires et ceux qui en font plus, soient reconnus dans l'orientation, la réorientation de ces volumes générés, de ces nouveaux volumes là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Donc, plutôt que d'avoir des mesures coercitives de la part du ministre, c'est-à-dire en vous retirant ces volumes additionnels qui sont produits, vous souhaiteriez avoir une mécanique plus incitative, dans le fond, et qu'on vous récompense pour vos bonnes pratiques, justement en vous garantissant cette possibilité que vous réussissez à dégager par votre bonne conscience écologique et environnementale. C'est ce que vous dites?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Pelletier.

M. Pelletier (Louis): Oui, parce qu'on vit un problème d'appartenance au territoire aussi. Ce sont des terres publiques, ce sont des entreprises qui interviennent sur cette aire-là avec différents mandats et différentes obligations. Lorsque les bois générés vont dans les mains du ministre et que le ministre, en toute bonne foi, va optimiser chaque mètre cube en fonction de ces retombées économiques générées, il va prioriser certains travaux. Mais ça ne veut pas dire que les mètres cubes qui ont été générés ont été faits par l'industrie qui va les recevoir. Donc, ce qu'on veut, c'est via des méthodes incitatives comme ça, augmenter l'attachement au territoire, investir dans le territoire, investir dans ces pratiques, investir dans son milieu pour justement avoir un lien direct avec les retombées de ces efforts-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Est-ce que vous souhaiteriez que ce soit inscrit dans le projet de loi, qu'on ait une clause très clairement identifiée où on garantit aux bénéficiaires qui font des efforts pour améliorer leur rendement qu'effectivement on peut leur accorder les volumes qui vont se dégager? Est-ce que vous iriez jusque-là, proposer dans le fond que ça soit contenu dans le projet de loi?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Pelletier.

M. Pelletier (Louis): Inscrit ou du moins reconnu, qu'il y ait un processus de reconnaissance quelque part.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Bonaventure.

n(11 heures)n

Mme Normandeau: Bien. Une autre question parce que c'est très intéressant. Je vais revenir à votre document, sur la recommandation n° 5, qui est aussi une recommandation importante et qui fait référence au fameux processus de gestion intégrée des ressources qui est très à la mode et dont on parle beaucoup. Mais tous les intervenants ou à peu près reprochent au gouvernement ou au ministre dans le projet de loi d'avoir identifié le concept, mais de ne pas avoir identifié tous les mécanismes qui vont se mettre en branle effectivement pour atteindre cet objectif de gestion intégrée.

Vous êtes le premier intervenant qui nous dit que les attentes sont irréalistes de la part des autres utilisateurs. Et j'aimerais, plus concrètement, que vous puissiez nous dire ça se concrétise comment, ça. Est-ce que, dans le fond, tous les regards sont tournés vers vous sur le terrain puis toutes les obligations vous reviennent et puis finalement les autres utilisateurs vous disent: Bien, dans le fond, la responsabilité d'atteindre cet objectif-là, elle vous revient à vous comme industriels? Comment ça se traduit, dans les faits?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Rose.

M. Rose (Pierre): Je pense que le cadre n'est pas encore assez bien défini. Mais la publicité qu'on en fait ou l'annonce qu'on fait qu'on s'en va vers une gestion intégrée des ressources, ça crée des attentes de la part des autres utilisateurs, qui ne sont pas toujours en mesure de répondre. Par exemple, nous, on se doit de produire des plans généraux, des plans quinquennaux, des plans annuels. Si on demande à un autre utilisateur de la forêt, que ce soit un pourvoyeur ou une zec, de nous produire un plan général, un plan quinquennal puis un plan annuel, ce qu'il devrait faire, ça serait beaucoup plus facile, à ce moment-là, d'arrimer les besoins de tout le monde, puis d'en arriver à des consensus. Ces gens-là ne sont pas en mesure aujourd'hui d'assumer cette partie-là. Donc, nous, on est beaucoup mieux outillés qu'eux autres. Ils s'attendent à ce qu'on livre un résultat en fonction des outils qu'on a, mais on n'est pas outillés pour répondre à tous leurs besoins, on est outillés pour répondre aux nôtres.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Pelletier, vous vouliez ajouter?

M. Pelletier (Louis): Oui, en complément à mon collègue. On a déjà un groupe territorial, un groupe qu'on l'appelle le GEAIS, le Groupe d'entente et de l'aménagement intégré de la Shipshaw, qui regroupe l'ensemble des utilisateurs du territoire. Ce groupe-là existe depuis plusieurs années. Maintenant, il est rendu à une maturité très intéressante au niveau des échanges.

Mais, lorsqu'on commence à discuter avec d'autres intervenants, leurs attentes en raison des attentes des autres intervenants, que ce soit le trappeur, le pourvoyeur, la zec, la MRC, le bénéficiaire de CAAF, les nations innues, tous ces gens-là assis autour d'une table n'ont pas les mêmes intérêts, n'ont pas les mêmes attentes de cette table-là. Et souvent il y a une grande mise à niveau qui doit être faite au niveau, un, de l'aspect légal: C'est quoi, les responsabilités de tous et chacun? C'est quoi, la marge de manoeuvre de tous et chacun? Qui fait quoi? Qui est responsable de quoi? On parlait tout à l'heure des lisières de 20 mètres. Pourquoi 20 mètres? Il y en a qui voudrait 30 mètres. Bien, ces tables-là, c'est le ministère des Ressources naturelles qui dit: C'est moi qui l'exige, c'est dans la loi. Ce n'est pas le bénéficiaire qui a à parler pour dire des choses comme ça. Sauf que ce processus de concertation-là avec les différents utilisateurs du territoire, c'est sur une base volontaire. Plusieurs bénéficiaires ou mandataires de gestion peuvent y aller cas par cas, rencontrer chacun des individus alentour de la table et avoir le même discours ou un discours différent, s'adapter à l'interlocuteur.

Nous, on est allés plus vers une table ouverte, de transparence sur les grandes orientations forestières du territoire pour essayer de prendre en compte le meilleur de tous et chacun dans le contexte légal actuel. Présentement, il n'y a rien d'officiel dans le régime qui impose ça, cette communication-là. On croit qu'il serait souhaitable qu'il y ait quelque chose pour forcer cette communication-là. Elle se fait par défaut. Des fois, elle se fait de façon marginale ou elle se fait de façon plus particulière à l'historique du territoire ou de la région ou même du mandataire de gestion. Mais est-ce qu'elle est structurée de façon uniforme pour rencontrer l'ensemble des intervenants? Pas nécessairement. On peut en oublier.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Alors, par alternance, je donnerais la parole au député de Chicoutimi.

M. Bédard: Avec combien...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il reste 4 minutes, M. le député, à votre formation politique.

M. Bédard: Encore une fois, 4 minutes, bien oui, comme d'habitude. Ça va être très rapide mais simplement aussi pour témoigner ? le ministre l'a fait, Jacques aussi, le député de Dubuc aussi ? de la performance de la Coopérative forestière, qui est une entreprise primée d'ailleurs à plusieurs reprises au niveau de la région et dont on est tous très, très fiers, un de nos fleurons.

Très brièvement, simplement concernant la deuxième recommandation qui a été abordée par ma collègue un peu plus tôt, j'aimerais savoir. Parce que je trouvais évidemment que c'était à l'évidence. Si on dépasse les normes, ça prend une certaine forme de bonification pour faire en sorte que ça soit plus profitable pour l'entreprise. Ce qu'on me dit, c'est que ? je ne sais pas si vous étiez au courant ? il existait auparavant une disposition dans la loi qui prévoyait que les entreprises pouvaient se prévaloir de certains avantages si elles dépassaient les normes. Et il semblerait que cette disposition-là n'a pas été utilisée. J'aimerais peut-être vous entendre un peu là-dessus.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Pelletier.

M. Pelletier (Louis): Pour répondre à votre question, je vais prendre un exemple très concret. Je vous parlais tantôt des classes intermédiaires de peuplements très denses qui ont à peu près 30 ans et qui demandent à être éclaircis. L'effet, des fois... Dépendamment de ta structure forestière sur un territoire, le gain de ton investissement sur ces peuplements-là aujourd'hui va avoir un rendement forestier seulement dans 20 ans ou dans 30 ans. Donc, il faut investir des sommes considérables, des centaines de milliers de dollars pour avoir seulement un résultat dans 20 ans. Il y en a où c'est à plus court terme, mais il y en a d'autres où c'est à plus long terme. Donc, c'est ce qui a pu occasionner un frein, pour notre part, sur l'utilisation de cet article-là.

M. Bédard: O.K. Donc, autrement dit...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: ...d'anticiper effectivement le résultat à l'avance et de dire: Voici, maintenant on devrait avoir tels avantages. Autrement dit, c'est...

M. Pelletier (Louis): Mais on ne veut pas...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Pelletier.

M. Bédard: Oui, allez-y, allez-y.

M. Pelletier (Louis): ...non plus aller en surenchère et récolter plus que la forêt produit. On ne va couper plus que l'intérêt du capital.

M. Bédard: Très intéressant.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Chicoutimi, avez-vous d'autres questions?

M. Bédard: J'ai encore du temps?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il vous reste deux minutes, M. le député.

M. Bédard: Bon. Parfait. Très rapidement...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Question et réponse, hein.

M. Bédard: Parfait. Au niveau de votre première recommandation, j'aimerais avoir peut-être un petit peu plus d'explications. Quand vous souhaitez «une réglementation plus axée sur les résultats où les compétences d'un ingénieur forestier sont davantage mises à profit», peut-être donner un peu au niveau des particularités, j'imagine, au niveau régional, pour chaque région, et de quelle façon ça pourrait se faire. Est-ce que vous avez des exemples plus concrets de ça?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Rose.

M. Rose (Pierre): Dans ce sens-là, je pense que ce qu'on devrait avoir, c'est une certaine marge de manoeuvre pour essayer de faire des choses qu'on n'a jamais faites. Un des reproches qu'on pourrait adresser au système, c'est qu'avant même de faire une intervention en forêt on a 150 pages de normes. C'est bien difficile de rentrer dans la norme puis de commencer à faire des travaux sur le terrain quand on est pris comme ça, surtout quand on arrive dans des nouveaux traitements ou essayer d'arriver dans des traitements qui sont plus alternatifs ou des façons plus ? je vais utiliser le mot qu'on a mis là ? socialement acceptables, par exemple, au niveau des coupes. Si on veut arriver avec des alternatives, il faut faire des essais. Il y a des choses dont on discute ça fait des années puis on n'a jamais été capable d'en faire un peu sur le terrain. Si on en avait fait un minimum, on aurait au moins quelque chose sur quoi discuter. Je pense que ça, c'est une lacune du système. On est trop encadré, trop bien régi.

M. Bédard: ...compliqué aussi de faire certaines expérimentations et...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça met fin au temps qui était alloué au parti ministériel.

M. Bédard: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Bonaventure, il reste deux minutes à votre formation politique.

Mme Normandeau: Merci. Alors, j'aimerais peut-être qu'on puisse y revenir, parce que vous avez dit une chose importante: Trop de normes, dans le fond, sur les interventions, et ça fait partie... Bien, vous rejoignez l'AMBSQ là-dessus: laisser plus de latitude sur le terrain, donc permettre à l'ingénieur forestier de le mettre davantage à contribution. Ça, je pense que c'est un élément important parce que, dans le fond, plutôt que d'avoir une foresterie qui soit étouffée, qui soit réglementée, bien, qu'on déréglemente un peu plus mais avec des balises, j'imagine. Ça prend un minimum de balises. C'est ce que vous souhaitez de votre côté. Je sais que, M. Pelletier, vous souhaiteriez peut-être réagir là-dessus, je vous laisse tout de suite le soin de le faire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Pelletier.

M. Pelletier (Louis): Si je peux, bien sûr. Des normes, ça en prend. Ça en prenait en 1987. Ça en prenait, il y en a eues, puis ça a fait du bien à notre forêt. On a évolué, au cours des 10 dernières années. On s'est aperçu que ce cadre-là, en fonctionnant, des fois, il fallait peut-être plus sortir vers la gauche et plus vers la droite. C'est un outil qui était important pour la forêt québécoise. Maintenant, ce qu'on demande, c'est peut-être plus ? on a peut-être passé à travers plusieurs expériences ? de marge de manoeuvre justement en fonction d'atteindre des objectifs précis, qui sont peut-être en dehors de ces normes-là mais qui sont reconnus et où il y a eu entente avec les représentants du gouvernement, avec les professionnels des unités de gestion, des directions régionales. Ça prend des balises, comme vous dites, Mme Normandeau. On ne veut pas déréglementer la forêt demain matin et aller en forêt et faire tout ce qu'on veut. Ce n'est pas ça qu'on veut. Ce qu'on veut, c'est simplement une souplesse pour y aller avec une vision par objectif.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, désolée, mais ça met fin au temps qui nous était consacré. Alors, M. Pelletier, M. Rose, merci de votre présentation à cette commission.

Et je vais suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 10)

 

(Reprise à 11 h 12)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, la commission va donc reprendre ses travaux. Nous accueillons maintenant le Groupe Félix Huard. Donc, je demanderais aux représentants de ce groupe de bien vouloir s'approcher.

Alors, messieurs, bienvenue à cette commission. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire et que par la suite il y aura des échanges de 20 minutes, donc 10 minutes avec chacun des partis représentés ici. Si vous voulez bien, avant de faire votre présentation, vous présenter avec évidemment votre nom, votre titre. C'est pour, bien sûr, vous le comprendrez, les bénéfices de la transcription.

Groupe Félix Huard

M. Huard (Michel): Merci, Mme la Présidente. Mon nom est Michel Huard, je suis président-directeur général du Groupe Félix Huard. Et je suis accompagné de M. Yves G. Ouellette, qui est directeur de l'approvisionnement pour l'ensemble des entreprises de notre Groupe.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous remercie. Alors, vous pouvez procéder.

M. Huard (Michel): Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente, M. le ministre, messieurs et mesdames de la commission parlementaire, de nous avoir invités à présenter notre rapport à votre table.

Alors, le Groupe Félix Huard est impliqué dans la transformation des essences de bois dur, c'est-à-dire le merisier, le bouleau et l'érable, depuis le début des années soixante. Les entreprises de transformation que possède la compagnie sont en mesure de transformer la majeure partie des tiges qu'elle coupe ou qu'elle achète.

Les usines que possède le Groupe Félix Huard sont:

Une scierie située à Luceville, dans la MRC de La Mitis acquise en 1971, qui s'appelle Félix Huard inc. et qui produit 15 millions de pmp de bois d'oeuvre et emploie 80 personnes. L'objectif, d'ici 2003, est d'augmenter la production de 10 millions de pmp, avec un ajout important de main-d'oeuvre.

Aussi, une usine de fabrication de composantes de palette et de produits de deuxième transformation qui est située à Amqui, dans la MRC de La Matapédia. Cette usine a été acquise en 1994 et produit annuellement 12 millions de pmp de composantes de palette, de composantes de plancher, et employait plus de 22 personnes il y a quelque temps. Cette usine fonctionne maintenant depuis le mois d'août sur deux factions et devrait augmenter sa production à 15 millions de pmp annuellement et compter près de 50 personnes à son emploi.

Aussi, une troisième usine qui est une usine de fabrication de charbon de bois située à Saint-Mathieu dans la MRC des Basques. Cette usine produit annuellement 5 000 tonnes métriques de charbon de bois et emploie plus de 18 personnes.

Évidemment, à ce groupe s'additionne une entreprise de transport qui assume le transport forestier et les sous-produits. L'entreprise, évidemment nos marchés sont en Amérique et on est présents sur les marchés d'Europe et d'Asie aussi. Et l'ensemble des employés du Groupe comptent plus de 200 personnes.

Alors, en ce qui concerne nos besoins, nos besoins annuels de bois se situent présentement à environ 150 000 m³, et le plan de développement prévoit 215 000 m³ de besoins pour 2003. Le volume actuel ne permet pas l'utilisation de la pleine capacité de nos installations. Nous avons, au cours des 10 dernières années, signé des contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier avec le ministère des Ressources naturelles. Les quelque 64 500 m³ de bois de différentes qualités qui sont autorisés nous ont permis de subvenir partiellement à nos besoins en bois rond dans nos usines.

En contrepartie, nous nous sommes engagés à réaliser des activités d'aménagement forestier prévues au CAAF dans le respect de la loi et des règlements. Ces travaux ont permis l'amélioration de peuplements feuillus qui, nous l'espérons, ne seront pas destinés à d'autres usages et que nous serons en mesure de les exploiter lorsqu'ils seront rendus à maturité. Alors, je passerais la parole à mon collègue Yves pour continuer la présentation.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Ouellette.

M. Ouellette (Yves G.): Merci, Mme la Présidente. La mise en place du régime forestier a représenté pour notre compagnie des changements importants en termes de responsabilité face à l'aménagement des forêts publiques. Nous avons donc dû développer des relations nouvelles avec les autres industriels détenteurs de CAAF qui s'approvisionnent sur les mêmes aires communes ainsi qu'avec les autres utilisateurs du milieu forestier ? je vais sauter certaines étapes pour prendre moins de temps, si vous voulez. À cet égard, notre CAAF a constitué une sécurité d'approvisionnement et nous a permis de conserver un certain contrôle sur les coûts du bois. De là, nous avons pu réaliser des investissements de l'ordre de 7 millions afin d'améliorer la productivité de nos usines.

Nous déplorons cependant l'écart annuel entre les volumes prévus au CAAF et les volumes effectivement rendus disponibles à cause d'obstacles d'ordre administratif; l'érosion progressive de l'assise territoriale pour la production de matière ligneuse; l'augmentation considérable des redevances forestières; la lourdeur de la rigueur de l'approche normative et réglementaire; une certaine confusion dans le partage des rôles et des responsabilités; la gestion sectorielle de territoires publics et de leurs ressources; et plus particulièrement l'allocation par aire commune en ce qui regarde les feuillus durs.

Le régime forestier doit tendre à optimiser les retombées socioéconomiques de l'aménagement forestier pour la collectivité québécoise tout en visant un équilibre entre les considérations sociales, économiques et environnementales dans le développement durable des forêts. Un tel équilibre ne pourra être atteint que par le maintien d'un secteur industriel forestier compétitif. Ainsi, les droits consentis aux détenteurs de CAAF par le gouvernement du Québec lors de la signature de ces contrats en termes de volume de matière ligneuse et les règles d'exercice pour maintenir ces droits ne doivent d'aucune façon être remis en question dans le cadre de la mise à jour du régime forestier.

Lors de l'attribution de nouveaux volumes de bois, le gouvernement devra, de plus, favoriser la consolidation des usines existantes. En effet, compte tenu que la majorité des usines actuelles de transformation du bois n'opèrent pas à pleine capacité, la façon la plus efficace de créer de nouveaux emplois en usine est d'utiliser la structure industrielle en place à sa pleine capacité.

Participation des autres intervenants. Si l'on souhaite une participation plus active de la population, des collectivités et des institutions locales et régionales à la gestion des forêts, on devra clarifier les rôles et les responsabilités de chacun des intervenants. Une information adéquate devrait, selon nous, permettre aux intervenants de mieux diriger leur action et de travailler en harmonie pour le mieux-être de la collectivité.

L'industrie forestière est prête à travailler de concert avec les agents socioéconomiques du milieu pour optimiser les retombées économiques et sociales. Toutefois, ces agents doivent assumer leurs propres responsabilités économiques, sociales et environnementales. Le principe d'utilisateur-payeur devrait être appliqué lors de la prise de décision. Il ne saurait toutefois être question de remplacer l'État providence par l'industrie providence.

Suivi et contrôle. Le MRN envisage de responsabiliser davantage les intervenants en milieu forestier et d'améliorer les suivis et les contrôles sur le territoire. Selon nous, la mise à jour du régime forestier doit être l'occasion de revoir son cadre réglementaire et les processus administratifs. En fait, il faudrait passer d'une gestion normative à une gestion par objectifs, où l'ensemble de la réglementation devrait être revue en termes d'objectifs à atteindre et de mesures administratives de façon à permettre l'application de solutions adaptées aux différentes conditions de terrain ou de contexte.

Comme nous l'avons vu précédemment, le Groupe Félix Huard a axé son développement sur l'utilisation optimale des essences feuillues dures, telles l'érable, le merisier et le bouleau. Plus souvent qu'autrement ces bois sont considérés comme des essences compagnes. La structure actuelle du couvert forestier de plusieurs aires communes et la rigidité du cadre administratif ne permettent pas aux détenteurs de CAAF d'accélérer la normalisation de la forêt et d'ainsi viser des rendements accrus de matière ligneuse. De plus, la qualité de la planification et la difficulté à intégrer des activités d'aménagement sont souvent mis en cause par le MRN.

Bien que nous favorisions la fusion des aires communes, nous sommes d'avis que ce système s'applique beaucoup mieux à l'exploitant de l'essence principale qu'à l'utilisateur des essences compagnes. Il nous est en effet difficile, voire même impossible d'amener une majorité des bénéficiaires d'essences principales à fusionner des aires communes. De là, s'il y avait au départ une distinction entre les utilisateurs de l'essence principale et les utilisateurs d'essences compagnes et que ceux-ci pourraient opérer sur une aire d'intervention correspondant à l'unité d'aménagement, plusieurs contraintes seraient aplanies.

n(11 h 20)n

Nous insistons, de plus, pour que la responsabilité des détenteurs de CAAF soit maintenue dans la confection des plans d'aménagement et la détermination de la possibilité forestière. L'application du principe de la résidualité dans l'attribution des volumes de CAAF s'est surtout réalisée non pas en regard du besoin véritable des usines, mais en respectant un équilibre entre l'historique des volumes alloués et l'équité entre les détenteurs de CAAF. L'application du principe a parfois mis l'industrie à la merci de ses fournisseurs de fibres. À ce sujet, même si nous utilisons des bois de faible dimension, nous devons obtenir de sources extérieures à la province plus de 60 % des bois utilisés par nos usines.

Attribution des volumes sous forme de CAAF. Nous nous opposons à l'attribution de volumes sous forme de CAAF, tel qu'envisagé par le MRN.

Importance économique. L'industrie souhaite continuer ? je saute parce que je pense que les gens ont pris connaissance du document ? de produire des richesses et de créer des emplois en mettant en valeur l'ensemble des ressources du milieu forestier et en les utilisant de façon optimale. Cette quête doit toutefois prendre en compte différents objectifs, dont la consolidation des usines existantes ou le remplacement des volumes.

Valeur de contrats d'approvisionnement. Les entreprises du Groupe Félix Huard sont fortement affectées par la position du gouvernement en ce qui regarde les territoires retenus pour l'acériculture. La compagnie ne s'objecte pas à la conservation de strates d'érables, dans un but acéricole, situées dans les territoires municipalisés. Cependant, elle questionne fortement le gel de certaines strates situées dans les territoires non organisés et éloignées des régions habitées. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. Nous passons maintenant à la période d'échanges. Alors, M. le ministre.

M. Brassard: Alors, merci, M. Huard, M. Ouellette, d'avoir accepté de venir nous rencontrer. C'est toujours intéressant d'échanger avec des entreprises qui se retrouvent concrètement sur le terrain. Et vos expériences et votre vécu nous sont extrêmement utiles pour la suite des choses. Ça ne veut pas dire que, les grandes organisations, leur contribution n'est pas utile également; c'est sûrement le cas. Mais c'est intéressant qu'il y ait des entreprises qui viennent nous voir parce qu'elles vivent concrètement des expériences, et elles ont un vécu qui nous éclaire.

Par exemple, la question de la participation des autres intervenants, des autres usagers. J'aimerais évidemment d'abord vous entendre sur ce qu'on propose, le fait que, dès le départ du processus d'élaboration des plans, un certain nombre d'intervenants soient impliqués, comme les MRC, les gestionnaires de zecs, de pourvoiries. Vous parlez du principe de l'utilisateur-payeur, d'un partage plus précis des rôles et des responsabilités quant aux autres usagers. D'abord, j'aimerais vous entendre sur ce qu'on propose. Est-ce que vous êtes d'accord, vous adhérez à cette approche, à cette proposition de mieux formaliser le processus de consultation et d'implication de divers usagers dans l'élaboration de plans?

Mais également j'aimerais aussi connaître votre expérience à cet égard, parce que, même s'il n'y a pas ce genre d'obligation dans la loi, il reste que je suis convaincu que vous avez des relations avec d'autres usagers dans votre région, dans votre secteur, sur vos territoires de récolte. Comment ça se passe concrètement? Est-ce que vous réussissez à vous entendre avec les autres intervenants? Quelle forme ça prend et comment échangez-vous avez les autres? Et est-ce que vous pensez que ce qu'on retrouve dans la loi va avoir pour effet d'améliorer le processus d'implication d'autres usagers que le détenteur d'un contrat d'aménagement?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Ouellette.

M. Ouellette (Yves G.): Oui. Je pense que le Groupe Félix Huard, depuis plusieurs années, n'a aucune difficulté à établir des bons contacts avec les autres intervenants. D'ailleurs, constamment, on discute avec les MRC. De ce côté-là, l'orientation du gouvernement, on n'a aucune difficulté à embarquer là-dedans parce que ça se fait déjà depuis longtemps. Bien souvent, avant même la préparation des plans, on a des discussions avec les intervenants. Je pense que d'ailleurs c'est encore mieux parce qu'on n'a pas à réviser constamment nos demandes. Puis on peut facilement vivre avec ça.

Évidemment, des fois, il y a des zones grises. On sent parfois que peut-être que les intervenants gouvernementaux nous envoient souvent tester un petit peu, voir ce que les gens pensent. On nous demande d'aller un petit peu plus loin que la norme. Ça, c'est peut-être une chose qu'on déplore un peu. Sauf qu'on n'a aucune difficulté à embarquer. Puis on est présents sur à peu près toutes les tables qui existent dans notre milieu. Puis c'est vraiment l'orientation de la compagnie d'être présente là-dessus puis d'écouter ce que les gens ont à demander puis d'essayer dans la mesure du possible d'appliquer ces demandes-là.

M. Brassard: Ça veut dire qu'il arrive donc, concrètement, fréquemment que vous apportiez des modifications ou des changements à vos plans, soit quinquennaux ou annuels, pour tenir compte d'attentes ou de demandes d'autres usagers? Ça arrive fréquemment?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Ouellette.

M. Ouellette (Yves G.): Oui, Mme la Présidente. Effectivement, on s'adapte souvent. On dépose un plan. La plupart du temps, puisqu'on est un détenteur d'essences compagnes, c'est le détenteur de CAAF de résineux qui dépose le plan. Puis on a à modifier, en collaboration avec le détenteur de CAAF de résineux, des plans pour tenir compte des autres intervenants. Oui, ça arrive fréquemment, ça se fait de façon régulière.

M. Brassard: Et qu'est-ce que le principe de l'utilisateur-payeur viendrait changer, concrètement? Qu'est-ce que ça signifierait dans ce processus-là? Parce que vous voulez qu'on ait recours au principe de l'utilisateur-payeur. Ça veut dire quoi, concrètement?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Ouellette ou M. Huard?

M. Huard (Michel): Je peux intervenir. À ce niveau-là, au niveau de l'utilisateur-payeur, je crois que l'accès à la ressource, l'accès au territoire forestier est une portion importante des coûts que l'industrie doit rencontrer. De plus en plus, l'ensemble de la population, différents groupes...

M. Brassard: C'est la voirie forestière, là.

M. Huard (Michel): C'est la voirie forestière qui m'apparaît le principal élément. Si on regarde les orientations qu'on veut amener dans la nouvelle loi, d'étendre plus l'activité de récolte et d'aménagement dans des courtes périodes et sur des plus grands territoires, cet élément-là va occuper une proportion de plus en plus grande dans les coûts d'accès à la ressource.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. M. Huard, M. Ouellette, merci d'avoir pris le temps de rédiger votre mémoire et d'être ici ce matin. Il y a des choses intéressantes que vous déplorez, notamment à la deuxième page de votre mémoire. Et, de toute évidence, il y a place à l'amélioration, c'est le message que vous nous livrez ce matin. Je souhaiterais pouvoir avoir un peu plus de précisions sur l'écart que vous constatez, là. Vous faites référence à l'écart annuel qui existe entre les volumes qui sont consentis au CAAF et les volumes qui sont effectivement rendus disponibles à cause d'obstacles d'ordre administratif. J'aimerais peut-être vous entendre un peu plus là-dessus. Et vous parlez aussi de la lourdeur de la rigueur de l'approche normative et réglementaire. Et, dans ce sens-là, vous rejoignez l'intervenant précédent, M. Rose, de la Coopérative Laterrière, qui y faisait référence. Concrètement, comment ça se traduit chez vous et qu'est-ce que ça vous pose, vous, comme problèmes en termes d'activités au niveau de vos entreprises?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Ouellette.

n(11 h 30)n

M. Ouellette (Yves G.): Bon, quand on parle de l'écart entre les volumes prévus au CAAF et les volumes effectivement rendus disponibles à cause d'obstacles d'ordre administratif, c'est que souvent... Nous autres, on est détenteurs de CAAF sur plusieurs aires communes dans une même unité d'aménagement. Puis, à ce moment-là, on n'est pas en mesure de toujours retirer les volumes prévus à notre CAAF dans ces aires communes là, étant donné les planifications de coupes faites par les détenteurs de CAAF principaux, qu'on appelle les résineux, qui, eux autres, constamment, orientent les coupes pour aller effectivement sortir leurs résineux prioritairement. Donc, à ce moment-là, nous autres, on est souvent pris entre l'arbre et l'écorce. Ce n'est pas nous autres qui faisons l'opération forestière à ce moment-là, c'est le détenteur du CAAF principal qui fait le...

Et, lorsque les volumes sortent puis on n'a pas nos volumes, on n'a pas la possibilité soit de demander d'aller récupérer notre volume, on ne peut pas le faire. À ce moment-là, on est pris dans un genre de carcan où on ne peut pas aller chercher les volumes qui sont prévus à notre CAAF. Donc, souvent, on a des écarts énormes.

Par contre, dans d'autres régions, dans d'autres aires communes, on peut se ramasser qu'il y a des volumes supplémentaires qui sont générés par les coupes dans les peuplements mélangés ou dans les peuplements en majorité de résineux puis on ne peut pas, à ce moment-là, aller chercher les volumes supplémentaires qui sont sur le terrain parce qu'on est bloqué à notre CAAF.

C'est pour ça qu'on dit qu'on voudrait bien être en mesure de pouvoir compenser d'une aire commune à l'autre, étant donné qu'on est des essences compagnes, pour compléter nos volumes globaux, dans l'ensemble de l'aire commune, mais on ne peut pas le faire. Ça, le règlement est clair; c'est ce qui est prévu. Puis, souvent, le bois est sur le terrain puis on ne peut même pas y toucher. C'est ça qui nous rend un petit peu difficile de même récupérer...

Parce que, dans les dernières années, on n'a jamais été en mesure de récupérer 100 % de nos CAAF. Il y a des endroits où ça a été 30 %; d'autres endroits, ça a été 80 %. On n'est pas en mesure de le faire, parce que c'est une essence compagne qui est très dépendante de l'exploitation de l'essence principale qui est le résineux.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Bien, c'est important, ce que vous dites. Parce que souvent on se promène en forêt, on voit qu'il y a des arbres de bonne qualité qui sont coupés, mais, parce qu'il n'y a pas de marché ou quoi que ce soit ? souvent, c'est dans le feuillu ? ces bois-là sont gaspillés, sont laissés sur le parterre de coupe.

Dans le fond, la solution que vous proposez, vous parlez de fusion. Mais, allez donc un peu plus concrètement. Parce que, dans le fond, il faut que vous soyez consultés en amont du processus, en quelque part, pour qu'on puisse tenir compte de vos besoins pour éviter éventuellement le gaspillage de bois qui n'est pas récolté ou qu'on coupe puis qui est laissé sur le parterre de coupe.

Plus concrètement, qu'est-ce que vous demandez, dans le fond, au ministre, d'apporter comme amélioration au projet de loi pour que vous puissiez effectivement récupérer tout le volume dont vous avez besoin pour bien faire fonctionner vos usines?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Ouellette. M. Huard?

M. Huard (Michel): Je peux y aller. Depuis plusieurs années, Mme la députée de Bonaventure, nous demandons au ministère la possibilité de ne pas limiter nos volumes par aire commune mais sur l'unité d'aménagement. Évidemment, on nous a toujours dit que la gestion, telle qu'elle est faite présentement au niveau du ministère, ne permettait pas cette action-là. On continue à déplorer que ce ne soit pas permis parce que l'étendue du territoire et le type d'inventaire pris au niveau des états de possibilité des inventaires nationaux, ces inventaires ne sont pas assez détaillés pour tenir compte de la réalité des essences compagnes telles que les feuillus durs dans le Bas-Saint-Laurent ou dans la Gaspésie, ce qui fait que, lorsqu'on fait les regroupements d'essences et qu'on vient établir des calculs de possibilité par aire commune, on trouve des distorsions.

C'est ce niveau de distorsions là qui nous cause des difficultés et qui rend très difficile l'application des programmes d'aménagement pour l'ensemble des essences sur une même aire commune, parce qu'on va souvent trouver des écarts importants au niveau des essences compagnes. Là est une partie de notre problème, quand on parle d'ordre administratif. C'est à ça souvent qu'on fait allusion.

Ce qu'on aimerait, dans le fond, c'est qu'on puisse, au ministère, trouver une façon de gérer ce problème-là, tel qu'on le décrit, pour les utilisateurs d'essences compagnes dans nos forêts.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Est-ce que vous avez évalué combien ça pourrait représenter d'emplois additionnels dans vos usines, si effectivement on était en mesure de réduire cet écart? Est-ce que vous êtes en mesure de quantifier combien de volumes additionnels vous pourriez récolter? Est-ce que l'exercice a été fait chez vous et combien d'emplois on pourrait créer?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Huard.

M. Huard (Michel): Moi, je ne l'ai pas fait.

Mme Normandeau: Non? Vous n'avez pas fait cet exercice-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Ouellette.

M. Ouellette (Yves G.): Ce n'est pas nécessairement un volume additionnel, c'est qu'on va chercher le volume qui nous est donné dans nos CAAF, tout simplement.

Mme Normandeau: Consenti.

M. Ouellette (Yves G.): Ce qu'on veut, nous autres, c'est d'aller chercher 100 % de ce qui nous est alloué. Actuellement, ce n'est pas du tout ce qu'on va chercher sur l'ensemble de notre volume. On a parlé de 64 500 m³. En faisant les tableaux, dans les dernières années, on n'a jamais été en mesure d'aller chercher 64 500 m³.

Mme Normandeau: En pourcentage, c'est combien? C'est 60 %...

M. Ouellette (Yves G.): Ça peut représenter environ 80 % qu'on va chercher sur l'ensemble des CAAF.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Huard.

M. Huard (Michel): Et la ressource est là, c'est l'organisation...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui.

Mme Normandeau: Est-ce qu'on continue?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, par alternance, je céderais donc la parole à ce moment-ci au député de Gaspé. M. le député.

M. Lelièvre: Merci, Mme la Présidente. Je comprends que votre difficulté à récolter la totalité de vos volumes consentis est due à des raisons physiques sur le terrain. Vous dites que vous êtes bloqués. Parce que, si vous avez une CAAF qui vous a été attribuée sur une aire commune ou sur plusieurs aires communes, à ce moment-là, il y a d'autres utilisateurs. Donc, qu'est-ce qui vous empêche concrètement, sur le terrain, de récolter cette matière ligneuse?

Et, d'autre part, je voudrais, dans un second volet, aborder la question de l'aménagement forestier. On sait que le ministère redistribue en région ? en tout cas, dans le Bas-Saint-Laurent, depuis plusieurs années, et en Gaspésie également ? la totalité des droits de coupe pour l'aménagement forestier, et vous demandez une plus grande part des droits de coupe pour qu'elle puisse être réinvestie en forêt. Est-ce que vous envisagez de l'aménagement forestier? Le réinvestissement, il se ferait dans quel secteur, si ce n'est pas dans l'aménagement forestier? Parce que, déjà, la totalité des redevances irait à l'aménagement forestier. J'ai vu également que vous souteniez le rendement accru, vous dites qu'il est temps qu'on y pense, qu'on intervienne de ce côté-là. J'aimerais vous entendre sur ces deux aspects-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je comprends que, M. le député de Gaspé, vous avez posé vos deux questions, et il reste très peu de temps. M. Huard.

M. Huard (Michel): J'aimerais répondre à la première qui concerne la difficulté de recueillir nos volumes. Alors, c'est relativement simple, c'est que notre volume CAAF est le résultat de l'addition des volumes qu'on dit pouvant être récoltés dans une multitude d'aires communes. Donc, si nous sommes présents sur 12 aires communes, on fait l'addition des états de possibilité par aire commune et ça devient notre volume pour l'ensemble. Mais les écarts s'installent entre une aire commune et une autre. Sur certaines aires communes, la présence de feuillus est beaucoup plus importante, sur d'autres, beaucoup moins.

Et ces réalités-là ne sont pas visibles par les outils de données puis de prise d'inventaires et d'établissement d'états de possibilité parce que ces essences-là sont relativement en faible densité sur le territoire. Et, quand on passe au travers de toutes les activités de regroupement de strates et tout ça, la lecture qu'on en fait ne peut pas être ajustée; il faudrait un travail énorme au niveau de l'inventaire. Ce n'est presque pas, économiquement, pensable de le faire.

C'est pour ça que, pour nous, la solution reviendrait à agrandir le territoire sur lequel s'applique le volume, et non le séparer par aires communes. C'est là qui est la... Mais sans que ce soit une fusion. On sait qu'on ne peut pas provoquer une fusion des aires communes. C'est impossible de provoquer ça parce que les intérêts principaux, qui sont ceux des détenteurs de résineux, n'ont pas intérêt à le faire. Nous, quand ils décident de le faire, c'est tout à notre avantage puis on est bien content, on applaudit puis on veut qu'elle soit faite, mais on ne peut pas la provoquer, cette fusion-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. Mme la députée de Bonaventure, il reste quatre minutes à votre formation.

Mme Normandeau: Un peu plus loin dans votre mémoire, vous affirmez la chose suivante: «De plus, la qualité de la planification et la difficulté à intégrer les activités d'aménagement sont souvent mises en cause par le ministère des Ressources naturelles.» Qu'est-ce que ça veut dire?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Ouellette.

M. Ouellette (Yves G.): Ça, ce que ça veut dire, c'est que, souvent, on a à faire des inventaires une année pour prévoir les travaux l'année suivante. Puis, il arrive souvent, constamment, que l'année suivante on a changé les règles du jeu puis cet inventaire-là n'a plus du tout... on ne s'en sert même plus. Puis souvent, à ce moment-là, le ministère nous accuse de dire qu'on planifie mal. Mais, c'est que les règles du jeu sont constamment changées en cours de route.

Comme actuellement, on est pris avec le fait qu'on a fait des inventaires dans certains peuplements où on prévoyait du jardinage. Puis là, maintenant, on dit: Non, il n'y en aura plus de jardinage. Donc, ça, c'est de l'argent qu'on a dépensé puis, là, on est obligé de recommencer, chercher d'autres territoires. Ça fait que c'est le changement... il n'y a pas de constance dans les règlements qu'on nous donne. On joue souvent avec les règles du jeu, puis ça, c'est très difficile d'essayer de planifier. C'est dans ce sens-là qu'on le dit, quand on parle qu'on a des difficultés de planification.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée.

Mme Normandeau: Mais qu'est-ce qu'on vous donne comme arguments au ministère pour effectivement changer comme ça, de façon... Ça me semble un peu arbitraire là, la façon dont vous l'exposez. Qu'est-ce qu'on vous donne comme arguments? J'imagine qu'on s'appuie sur des faits.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Ouellette.

M. Ouellette (Yves G.): Souvent, il y a des changements en région. Des gens décident que ces secteurs-là ne sont plus priorisés pour ce qu'on voulait faire. Donc, à ce moment-là, on doit fouiller ailleurs. C'est le seul argument qu'on nous donne, on ne nous en donne pas d'autres. C'est que les choses ont changé durant la période où on a fait notre inventaire et aujourd'hui. Puis les orientations, des fois, font en sorte que, régionalement, on se fait... Ça prend du temps, il faut travailler, il faut consulter d'autres intervenants si on veut obtenir une réponse favorable. Ça retarde souvent notre délai d'intervention. Puis c'est les seuls arguments qu'on nous donne, on ne nous en donne pas d'autres.

n(11 h 40)n

Mme Normandeau: Concrètement, tout à l'heure, vous faisiez référence au jardinage. Est-ce qu'il y a d'autres exemples concrets sur lesquels vous vous butez quand vous faites des interventions? Puis j'imagine que ça représente des coûts pour vous autres, là, par la suite, quand on vous dit: Bien, non, ce n'est pas les interventions qu'on souhaiterait. Vous devez vous réorientez et ça complique les choses chez vous. Concrètement, bon, à quoi vous vous êtes butés dans le passé?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Ouellette.

M. Ouellette (Yves G.): C'est-à-dire que, quand on parle de jardinage, il y a aussi la façon d'opérer... Dans les érablières, on l'a dit tantôt, qu'on n'avait rien contre le fait d'aménager des érablières, sauf qu'il y a certains traitements dans les érablières, que ce soient des traitements acéricoles ou de jardinage... Nous autres, dans notre cas, on s'oriente vers des traitements de jardinage où, à ce moment-là, on peut récolter une certaine fibre qui est utilisable pour Félix Huard, tandis que, quand on nous oblige à aller du côté traitement acéricole, c'est que ça ne génère pas des volumes qu'on peut utiliser dans nos usines de sciage. Ça fait qu'on change des fois les règles du jeu.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, il reste à peine une minute, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Une dernière question qui fait référence à vos approvisionnements. Vous soulignez que vous vous approvisionnez à plus de 60 % à l'extérieur et vous faites référence, dans le fond, au fait que vous êtes un peu à la merci des fournisseurs de fibre. J'aimerais savoir qu'est-ce qui explique le fait que Félix Huard soit obligé de s'approvisionner à 60 % à l'extérieur. Est-ce que c'est le prix de la fibre, ici, qui est trop élevé? Pourquoi vous êtes obligés d'aller à l'extérieur de façon aussi importante, là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Très rapidement, M. Huard.

M. Huard (Michel): On est obligés d'aller à l'extérieur parce que la quantité de fibre qui nous est disponibilisée sur le territoire du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie est relativement limitée. Aussi, même dans deux grandes régions comme les nôtres, on retrouve des barrières politiques. Souvent, avec les officiers, on ne veut pas parce que les intervenants municipaux, les MRC ou CRCD décident de vouloir transformer chez eux leur fibre. Alors, on a des blocs forestiers dans lesquels il n'y a pas d'exploitation parce qu'on ne veut pas que le bois sorte d'une région à une autre. On n'a pas encore établi le libre-échange entre nos régions. Alors, ça, ça nous oblige à aller ailleurs. On a plus de facilité à l'avoir d'autres provinces que des régions voisines des nôtres.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. C'est malheureusement tout le temps dont on disposait. M. Huard, M. Ouellette, merci de votre participation.

Je vais suspendre pour laisser le temps à l'autre groupe de pouvoir s'installer.

(Suspension de la séance à 11 h 42)

 

(Reprise à 11 h 45)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons donc reprendre nos travaux. Nous accueillons M. Marc Beaudoin, de la Corporation de gestion de la Forêt de l'Aigle. M. Beaudoin, vous êtes directeur général. Je vous rappelle donc que vous avez 10 minutes pour nous présenter votre mémoire, et que par la suite il y aura période d'échange. Vous pouvez donc procéder, M. Beaudoin.

Corporation de gestion de la Forêt de l'Aigle

M. Beaudoin (Marc): Alors, merci beaucoup. Je tiens tout d'abord, pour commencer, à vous remercier de permettre à la Corporation de gestion de la Forêt de l'Aigle de donner son avis lors de la révision du régime forestier.

Je pense, pour bien comprendre mon propos, ça serait de mise de situer un peu qu'est-ce que c'est que la Corporation de gestion de la Forêt de l'Aigle. C'est un des 15 projets témoins de forêt habitée. On est situé en Outaouais, dans la vallée de la Gatineau, à peu près à 20 à 25 minutes de la ville de Maniwaki.

La Corporation de gestion de la Forêt de l'Aigle est un organisme sans but lucratif qui est mandaté pour gérer un des projets de forêt habitée. Son conseil d'administration s'est formé de sept groupes locaux: la première nation algonquine; la Société sylvicole; l'Institut québécois d'aménagement de la forêt feuillue; la zec Pontiac; la zec Bras-Coupé; un club de motoneige, Les Ours blancs; la municipalité de Cayamant. Donc, des groupes très locaux, très près des aspirations et des besoins notre communauté.

On gère un territoire, le territoire de la Forêt de l'Aigle. C'est un territoire de 140 km², grosso modo. On gère ça depuis quatre ans et demi. En fait, les résultats, qu'est-ce que ça donne? La Corporation a passé d'un chiffre d'affaires de 300 000 $, en 1996, et on tourne maintenant autour de 3 millions.

Pour ce qui est des emplois, on parle maintenant, annuellement, de neuf employés permanents, 75 employés saisonniers. Donc, dans une région comme celle de Maniwaki, c'est un apport significatif. Puis, ici, on ne parle même pas des bois qui sont transformés. On ne parle pas des emplois reliés à la transformation mais juste à la mise en valeur du milieu. Mais, ce qui est encore plus important, ce qu'il faut se rappeler de la Corporation, probablement notre plus grand acquis à ce jour, c'est d'avoir permis aux gens d'avoir un projet commun puis d'en retirer une fierté d'avoir développé le territoire comme on l'a développé.

D'entrée de jeu, je dois vous féliciter pour la révision du régime. On est en plein, je dirais, bouleversement idéologique du milieu forestier. En fait, il y a beaucoup de nouveaux joueurs qui apparaissent en forêt, puis l'industrie doit aussi se repositionner sur les marchés mondiaux pour assurer sa compétitivité. Mais mes félicitations vont beaucoup plus au niveau de l'innovation dans le vocabulaire forestier. Ça ne fait pas très longtemps que je suis sorti des bancs d'école mais, à l'époque, on ne parlait jamais de gestion forestière participative. Maintenant, dans la révision, on a inclus ces éléments-là de participation du public, de gestion intégrée des ressources, d'accessibilité à la ressource; des éléments maintenant qui ne pourront plus jamais sortir du vocabulaire forestier. Et ça, c'est très important.

Il va falloir faire face à ces nouvelles réalités là, et puis, c'est l'objet de notre mémoire. On n'avait pas l'intention de parler de l'ensemble des propositions qui sont placées mais beaucoup plus de ces nouvelles avenues qu'on amène: gestion intégrée, accessibilité à la ressource, gestion participative. Parce que, il faut bien le voir, au Québec, on n'a pas une grande expérience là-dedans. La seule expérience qu'on a, c'est notre réseau de projets témoins avec quelques autres projets satellites. Donc, on se sent tout à fait à même de donner notre opinion et puis de participer pour justement atteindre ces nouveaux objectifs là, en gardant évidemment à l'esprit que la réussite de notre projet, jusqu'à présent, c'est aussi basé sur une industrie forestière, une industrie de transformation qui était forte et dynamique.

Donc, grosso modo, il y a deux grands enjeux qu'on doit traiter si on veut faire de la gestion intégrée à saveur sociale. Évidemment, penser à notre réseau de projets témoins et aussi aux conditions favorables pour l'émergence de vraies initiatives de gestion intégrée. On parle de la reconnaissance du réseau de projets témoins. Comme je disais, on n'a pas beaucoup d'expérience, au Québec, et puis, c'est à peu près la seule qu'on a. Justement, en lisant les documents de consultation, on se rend compte qu'on a complètement évacué le vocable «forêt habitée».

n(11 h 50)n

On n'a aussi absolument aucun mécanisme de suivi de ces projets-là. Puis on nous a fait participer dernièrement, au printemps, à une espèce d'enquête. On n'a pas encore eu de résultat. On ne sait pas ce qui vient avec ça. C'est troublant dans le sens où il y a beaucoup d'argent qui a été mis, beaucoup d'efforts qui ont été mis dans la mise en place de projets témoins de forêt habitée, et puis, bon, on laisse ça de côté.

Mais le point le plus important, c'est qu'on a créé beaucoup d'espoir dans la population en leur disant qu'elle allait pouvoir prendre en main le développement de son milieu de vie. C'est très dangereux de passer ça sous silence parce qu'on démotive justement les forces vives du milieu.

Parce que, il ne faut pas se le cacher, si on fait de la gestion intégrée un peu plus tard, c'est ces mêmes groupes qui vont être appelés à le faire. Puis, en laissant ça de côté, on ne sait pas trop ce qui arrive. Les gens, ils se disent: On a-tu travaillé quatre, cinq ans pour rien? Est-ce qu'il se passe quelque chose ou non avec ça? Donc, nous, on estime qu'il est essentiel d'avoir une position ferme sur qu'est-ce qu'on va faire de ce concept-là, qu'est-ce qu'on va faire de ces expériences-là.

Évidemment, les sous-entendus émis dans la politique, en fait, dans les propositions, ce n'est pas suffisant, il va falloir conclure avec cette expérience-là, conclure avec le concept, changer le nom s'il le faut, changer la nature, mais vraiment faire quelque chose avec ça. Il va aussi falloir penser à se donner un mécanisme de suivi qui va être très performant, parce que, comme je disais, on n'a pas de connaissances. Puis on en a, puis il y en a beaucoup qui se perdent présentement, puis on est train de les perdre, là, il ne faut pas se le cacher.

Évidemment, pour réussir un projet de gestion intégrée des ressources, il faut aussi des conditions. On se rend compte que présentement il y a beaucoup d'initiatives même à l'extérieur des projets de forêt habitée, des initiatives de gestion intégrée qui sont ralenties par les autorités compétentes ou les fonctionnaires des ministères en région. Puis c'est très compréhensible parce que les gens, en fait, les fonctionnaires n'ont pas de cadre sur lequel se référer. C'est difficile d'aller un peu plus. Parce qu'il faut comprendre aussi que la gestion intégrée, c'est nouveau, puis on doit donner la latitude d'expérimenter; puis cette latitude-là présentement n'est pas là.

On se rend compte aussi que les statuts disponibles ne sont pas nécessairement adaptés. Il faut se rendre compte aussi que l'aménagement intégré, c'est une approche territoriale et non pas une approche par ressources. Par exemple, ce n'est pas parce qu'on suit le Règlement sur les normes d'intervention en milieu forestier qu'on va faire de l'aménagement intégré, on fait de la protection de ressources. Lorsqu'on parle d'aménagement intégré, on parle beaucoup de gérer l'ensemble des ressources d'un territoire pour sortir l'optimum de production du territoire et non pas des ressources. Donc, évidemment, on va peut-être baisser la production d'une ressource pour en faire monter une beaucoup plus.

Il y a aussi les idées reliées au financement. Le principe de base, c'est que, pour que ça fonctionne, il faut qu'un promoteur, un gestionnaire ait un incitatif à produire de la qualité, il faut qu'il y ait une espérance de gains. La foresterie sociale, les gains, c'est quoi? C'est évidemment des retours économiques mais c'est aussi des emplois, des opportunités de loisirs. Pour arriver à ça, bon, il faut permettre aux entreprises de pouvoir gérer leurs propres fonds. Il va peut-être falloir redéfinir certains niveaux de redevance parce qu'on vise des objectifs différents. Il va falloir aussi nous donner de la latitude pour la mise en marché parce que, si on veut être efficaces, il faut être capable de mettre en marché dans les canaux les plus productifs.

Il faut aussi pouvoir disposer des revenus selon les aspirations de la communauté. Pour réussir aussi, ça prend des droits; il y a des droits essentiels. On est gestionnaires d'un territoire. Être gestionnaires, c'est quoi? C'est de planifier mais c'est aussi de contrôler les facteurs de production. C'est quoi, des facteurs de production en gestion intégrée? C'est la forêt, c'est les animaux, c'est les paysages. C'est ça qui va nous permettre de produire des ressources, de produire des biens pour la population. Donc, il va falloir trouver une façon d'orienter ça.

Évidemment, il va falloir aussi probablement régler certains problèmes entre les différents ministères. Il va falloir trouver une façon, je dirais, de faciliter les démarches. En fait, faire de la gestion intégrée à saveur sociale, c'est quelque chose d'excessivement complexe.

Évidemment, la présentation, c'est très succinct, mais j'ai essayé de vous expliquer qu'est-ce que ça prenait pour vraiment prendre le virage gestion intégrée des ressources à saveur sociale. J'ai aussi essayé de montrer qu'il n'y a pas beaucoup de connaissances disponibles. Quand on a commencé, il n'y avait pas de modèle à suivre, là il y en a quelques-uns. On s'apprête peut-être à perdre ça, si on ne porte pas attention. On trouve aussi qu'il est essentiel d'offrir un encadrement un peu plus défini que ce qui est proposé pour favoriser la gestion intégrée. Parce que la gestion intégrée, ce n'est pas la somme de plusieurs petites actions, mais c'est une façon différente d'approcher le développement territorial.

Il semble évident, à la lecture des documents, qu'on veut prendre le tournant gestion intégrée, puis c'est tout à notre honneur. Les deux points que je vous demande de vous rappeler surtout avec ce mémoire-là, c'est qu'on a un réseau de projets témoins et il faudrait s'assurer de tirer le maximum de connaissances de ce réseau-là en ayant un processus de suivi, je dirais, beaucoup plus intensif. Ainsi, on garderait beaucoup l'intérêt des régions ou des gens qui travaillent sur des initiatives de gestion intégrée.

Il faudrait aussi peut-être probablement penser à développer...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): En terminant, M. Beaudoin, parce que le temps est terminé, il y a à peine quelques secondes.

M. Beaudoin (Marc): Deux petites lignes: ...un prototype de convention multiressources. Puis ça, on est justement à travailler avec le Conseil régional de développement de l'Outaouais pour trouver une solution, puis on est prêt à s'asseoir avec le gouvernement pour regarder comment ça peut se faire, étudier des avenues et peut-être expérimenter ce qui se passe, les possibilités.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. On va pouvoir poursuivre lors des périodes d'échanges. Alors, M. le ministre.

M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, M. Beaudoin, parce que je pense que vous êtes un gestionnaire d'un projet de forêt habitée qui, on peut le dire, fonctionne bien. Parmi le réseau, il y en a une douzaine, de ce genre de projet, et c'est un projet qui, on le sait, fonctionne très bien. Donc, votre expérience est sans doute extrêmement utile, particulièrement en matière de gestion intégrée des ressources.

Quand on lit votre mémoire, évidemment, on décèle qu'un certain nombre de conditions seraient absentes pour que votre projet fonctionne mieux. Est-ce que vous pourriez nous indiquer ? vous en avez parlé ? de façon plus précise quelles sont ces conditions absentes qui devraient apparaître? Et est-ce qu'il est absolument nécessaire de les traduire sur le plan législatif? Parce qu'il y a des dispositions dans le projet de loi qui, par exemple, permettraient au ministère d'adopter ce qu'on appelle des programmes particuliers. Vous demandez de la souplesse, de la flexibilité, ça laisse beaucoup de souplesse, cette disposition-là. Donc, concrètement, quelles sont les conditions qui sont absentes pour que votre projet fonctionne mieux et qu'il s'inscrive mieux dans la perspective du développement durable?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Beaudoin.

M. Beaudoin (Marc): Oui. Évidemment, la première chose qui me vient en tête, c'est: présentement, on a une convention d'aménagement forestier sur le territoire qui nous permet de gérer les arbres mais on n'a pas de convention territoriale qui nous permet de gérer l'utilisation du territoire. La première chose qui est problématique, c'est justement: On fait des aménagements sur le territoire à des fins récréatives, fauniques, à des fins forestières, mais on n'est pas capable de contrôler l'utilisation. On n'est pas capable, je dirais, de s'assurer que les équipements et les aménagements qui sont en place sont utilisés adéquatement. Par exemple, s'il y a quelqu'un qui vient puis qu'il vide toutes les poubelles sur le territoire, on ne peut même pas l'en empêcher, on n'a aucun droit territorial.

D'un autre côté aussi, évidemment, notre convention est quand même très limitée dans le temps, on parle de cinq ans. Lorsqu'on parle d'aménagement récréatif ? parce qu'on fait aussi de l'aménagement récréatif ? c'est des équipements qu'il faut amortir sur beaucoup plus longtemps. Puis, lorsqu'on regarde le concept de forêt habitée ou, en fait, la façon dont on l'utilise présentement, il n'y a pas de vision à long terme à ce sujet-là. Donc, c'est très difficile d'aller aux institutions financières puis de faire des emprunts, je dirais, à un peu plus long terme.

Aussi, l'application même des conventions puis des éléments de la convention font... Je dirais qu'il faut se baser beaucoup sur la bonne volonté des fonctionnaires en place, leur interprétation. Si on regarde, dans notre cas, ça va très bien, les fonctionnaires sont très pro-Forêt de l'Aigle, puis on a beaucoup d'ouverture, de marge de manoeuvre. Lorsqu'on regarde dans d'autres projets de forêt habitée, on se rend compte que les fonctionnaires sont beaucoup plus, je dirais, à cheval sur les règlements, ce qui limite beaucoup le développement dans certains cas.

n(12 heures)n

Donc, cet élément-là est très important parce qu'un changement de garde signifie peut-être un changement complet sur la façon d'appliquer la convention d'aménagement forestier. Donc, c'est ces trois éléments-là, je dirais, qui sont... évidemment avec tous les droits que j'expliquais, les droits territoriaux fauniques, dont on ne peut pas vraiment parler aujourd'hui, mais c'est ces éléments qu'il faut probablement régler pour que ça fonctionne bien.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Brassard: Si je vous comprends bien, l'outil que vous proposez, que vous appelez une convention multiressource, ce serait ce genre d'outil là qui vous serait nécessaire pour que vous puissiez mieux gérer un projet comme le vôtre. Actuellement, c'est par le biais d'une convention d'aménagement forestier en vertu de la Loi sur les forêts, et, comme vous le dites très bien, ça ne concerne évidemment que la ressource forestière. Alors, donc votre proposition centrale, pour qu'un projet comme celui-là, de Forêt habitée, puisse mieux fonctionner, être mieux géré, ça prendrait un outil du genre de celui que vous proposez, c'est-à-dire une convention multiressource qui ne porterait pas uniquement sur la ressource forestière, mais sur les autres ressources qu'on retrouve en forêt. Je vous ai bien compris là-dessus?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Beaudoin.

M. Beaudoin (Marc): Oui, effectivement, c'est exactement ça. C'est de faire en sorte de donner un cadre dans lequel une entreprise peut oeuvrer puis qui est facilement, je dirais, identifiable ou compréhensible avec les gens qui sont en place. C'est l'outil qu'on pense qui est le plus susceptible de favoriser des initiatives de gestion intégrée à l'échelle de la province, pas simplement sur la Forêt de l'Aigle.

M. Brassard: Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. M. Beaudoin, bonjour. J'ai eu la chance d'aller visiter la Forêt de l'Aigle, qui est une très, très belle forêt. Je tiens à féliciter votre corporation pour son excellent travail. Il y a plusieurs éléments qui sont contenus dans votre mémoire. Je pense qu'il renvoie à un élément fondamental et je pourrais parler de lacune, c'est le fait qu'au Québec il n'existe pas de politique de Forêt habitée. Le gouvernement qui est en place actuellement a fait une très vaste consultation en 1995. Il n'a toujours pas donné suite évidemment à cette consultation, et vous êtes le deuxième intervenant qui, en matière de projet de Forêt habitée, vient nous démontrer effectivement que ce sont des projets qui sont socialement, économiquement, viables.

Vous parlez dans votre mémoire d'une reconnaissance effectivement de projet de Forêt habitée. Vous parlez également d'une politique d'implantation du concept de Forêt habitée, alors j'aimerais peut-être... Vous parlez même d'imbroglio ministériel, c'est donc dire qu'on a un problème actuellement au Québec pour ce qui est d'assurer une bonne gestion des projets de Forêt habitée, et vous faites référence puis vous donnez un exemple à la page 3 qui est intéressant. Vous nous dites qu'il n'y a personne qui savait chez vous à qui transmettre le fameux plan de développement multiressource que vous deviez absolument produire. Aujourd'hui, j'espère que vous avez réussi à trouver à qui l'envoyer ce fameux plan multiressource. Ce serait peut-être intéressant que vous puissiez peut-être nous donner plus de précisions là-dessus pour qu'on puisse bien comprendre dans le fond les obstacles auxquels vous vous confrontez.

Et j'aimerais aussi que vous puissiez nous préciser... Vous demandez la création d'un fonds de Forêt habitée. Alors, qui pourrait financer un fonds comme celui-là? Quels seraient les partenaires? Est-ce que le fonds serait financé à même le fonds consolidé, le fonds forestier? Alors donc, voilà mes questions, M. Beaudoin.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Beaudoin.

M. Beaudoin (Marc): O.K. La première chose, évidemment, on est des projets-pilotes. En grande partie, on s'attendait à avoir ces problèmes-là. Maintenant on les a identifiés: les problèmes interministériels, les problèmes de conventions qui ne sont pas complètes, etc. On les a identifiés. Je pense que c'était pour cela que les projets ont été mis au monde. Maintenant, je pense qu'il est rendu le temps de régler ces problèmes-là, en fait d'arriver avec un outil genre convention de gestion multiressource. Je suis sûr que je vais oublier des questions, mais évidemment les problèmes qu'on peut revoir avec l'imbroglio ministériel, évidemment, lorsqu'on ne sait pas à quoi ça sert, lorsqu'on ne sait pas où ça mène la Forêt habitée, c'est bien difficile pour un gestionnaire de ministère de dire: Oui, on y va; oui, on n'y va pas. La réponse qu'on nous donnait toujours, c'était: Bien, on va attendre la politique. Ça fait que c'était... c'est toujours la réponse: on va attendre la politique sur la Forêt habitée.

Politique d'implantation. Bien, ça vient de là. On a des projets-pilotes, on a appris de ça. Maintenant, qu'est-ce qu'on veut faire? Comment on va les implanter? À quel rythme? Vous me parliez aussi du fonds de Forêt habitée. Lorsqu'on nous a approchés les premiers temps pour nous parler du projet de Forêt habitée, on nous a grandement parlé des volets 2 qui devaient en priorité servir pour démarrer des initiatives de Forêt habitée. Je pense que c'est toujours de mise, et puis il faut toujours garder à l'esprit qu'un fonds de Forêt habitée, ça doit être ponctuel. Lorsqu'un projet n'est pas capable de vivre de ses revenus, je dirais, à moyen terme, sur un espace de cinq à six ans, c'est mauvais signe. Donc, je garde toujours... Puis, lorsque j'ai vérifié avant de partir, lorsqu'on parle des volets 2, on parle toujours de priorisation des projets témoins de Forêt habitée ou des projets de Forêt habitée. Je pense que ça peut toujours continuer, mais il faut toujours aussi penser que l'entité qui gère un projet de Forêt habitée doit aussi se faire un fonds puis on doit pouvoir lui permettre de se créer un fonds, ce qu'on a réussi à faire puis qui nous aide à garantir des emprunts, à financer nos activités, etc.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Donc, votre fonds, si je comprends bien, les revenus de ce fonds-là proviendraient à même des revenus qui sont gérés, qui sont générés par votre concept de Forêt habitée, c'est ça? Vous ne parlez pas d'avoir d'autres partenaires qui seraient associés. Mais, puisqu'on parle de gestion intégrée, il me semble pertinent qu'il pourrait y avoir d'autres partenaires impliqués dans le financement, non, pour la création d'un fonds comme celui-là?

M. Beaudoin (Marc): Effectivement, il pourrait y en avoir. En fait, si on regarde notre expérience qu'on a tentée, effectivement les partenaires mêmes du projet ont investi de leur propre argent dans le fonds pour mettre en valeur le territoire et créer de l'activité économique. Parce que c'est ça fondamentalement, l'objectif, c'était de créer de l'activité économique. Évidement, lorsqu'on parle de fonds, on met de l'argent, mais il faut peut-être aussi revoir toute l'idée de redevances forestières, dans ce cas-là, ou de redevances de quelque autre ordre que ce soit. Je vous donne un exemple. On nous fait payer pour le gravier qu'on met sur le chemin, alors que dans le fond fondamentalement l'argent qu'on a, on le remet sur le territoire. Le gravier, on fait juste améliorer les chemins, alors que plusieurs compagnies forestières ne le paient même pas. Il y a peut-être là un élément en fait qui à chaque année, lorsqu'on fait le rapport, on a toujours de la misère à comprendre. Donc, c'est de cette façon-là. Mais il faut permettre aux entreprises de se créer un fonds propre. Mais il faut aussi que ces entreprises-là, parce que les premières années, créer un plan de développement, mettre en place les infrastructures primaires, ça coûte beaucoup de sous, il faut aussi leur permettre avec un fonds type volet 2 de pouvoir débuter leurs interventions sur un bon pied.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci M. Beaudoin. M. le ministre, vous aviez une précision, et j'ai le député de Maskinongé qui a demandé la parole.

M. Brassard: Oui. Avant que le député de Maskinongé intervienne, juste une précision: Est-ce que sur le territoire que vous couvrez, il y a des droits fauniques qui ont été accordés, est-ce qu'il y a des intervenants qui détiennent, qui se sont vu octroyer des droits sur la faune? Même chose pour la villégiature.

M. Beaudoin (Marc): Sur le territoire de la Forêt de l'Aigle, il y a une toute petite partie du territoire, à peu près 10 % du territoire, qui est aussi sur le territoire des deux zecs, donc sur cette partie-là il y a des droits fauniques qui ont été accordés évidemment, et puis il y a une douzaine de baux de villégiature sur le territoire aussi. Outre ça, il y a deux lignes de trappe. Puis c'est à peu près les seuls droits consentis sur le territoire.

M. Brassard: Mais ces droits existaient avant que le projet de Forêt de l'Aigle voie le jour.

M. Beaudoin (Marc): Exactement, oui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci M. Beaudoin. M. le député de Maskinongé, il vous reste trois minutes.

M. Désilets: Trois minutes? Ça va être court. La première, c'est surtout de connaître... Tantôt, vous avez parlé de la gestion à long terme, avoir une vision un peu plus longue. C'est sur quels termes? Dix ans, 15 ans, 25 ans? Ça, c'est la première question. La deuxième, vous dites, au niveau du plan des contrôles, ne pas croire à la pertinence d'implanter un système de surveillance des promoteurs, et de un...

M. Beaudoin (Marc): ...

M. Désilets: Au niveau du plan des contrôles, vous dites ne pas croire à la pertinence d'implanter un système de surveillance des promoteurs des projets de Forêt habitée, mais, en tenant compte que le gouvernement doit avoir une gestion, parce que c'est de la forêt publique, vous proposez quoi à la place?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Beaudoin.

n(12 h 10)n

M. Beaudoin (Marc): Je vais répondre tout de suite a la deuxième question. Au contraire, il faut absolument contrôler les promoteurs. Mais il faut contrôler, comment je pourrais dire, il faut leur laisser la latitude d'expérimenter des nouvelles choses. Si je prends le Manuel d'aménagement forestier présentement, évidemment je dirais que 80 % de nos travaux forestiers sont innovateurs, dans le sens où on n'utilise pas le manuel tel qu'il est prescrit. On fait les choses différemment. Il faut leur laisser de la latitude, mais il faut surtout contrôler ou en fait apprendre de ces expériences-là, avoir un système de suivi qui va nous dire: Voici ce qu'ils ont fait, voici les résultats, trouver des corrélations. Donc, c'est absolument important, c'est indispensable d'avoir un système de suivi, mais pas juste de contrôle à savoir: As-tu dépensé l'argent au bon endroit? Je pense que juste le contrôle des promoteurs, c'est insuffisant.

M. Désilets: Ça prend des objectifs, là.

M. Beaudoin (Marc): Ça prend des objectifs absolument. Pour ce qui est du long terme, on parle des contrats d'aménagement forestier d'une durée de 25 ans. En fait, si je regarde la durée de nos emplois et la période sur laquelle on planifie, quelque chose de l'ordre de 10 à 15 ans rend l'action très sécure ou en fait très facile à travailler. Puis, si tu n'as pas réussi à faire des choses intéressantes après 10 ou 15 ans, il y a un problème. Mais une dizaine d'années... disons que le chiffre 10 sonne beaucoup mieux que trois ou quatre ans comme on a eu.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le député de Maskinongé. Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Écoutez, il me reste très peu de temps, de mon côté, mais je voudrais quand même souligner l'importance d'un concept comme celui-là, celui de la Forêt habitée, pour les régions du Québec. Alors, il serait peut-être intéressant évidemment que le ministère des Régions puisse avoir une oreille attentive face à des initiatives comme la vôtre.

À la page 2 de votre mémoire, vous soulignez l'importance d'avoir un interlocuteur unique et vous faites référence à l'harmonisation des différents ministères évidemment pour atteindre ce fameux objectif de gestion intégrée des ressources. Alors, de quelle façon vous voyez ce fameux interlocuteur unique? Vous parlez de nomination d'une seule personne. Puis, le concept que vous avez en tête, d'harmonisation des ministères, quel ministère, par exemple, pourrait être responsable de la gestion... ressource, le ministère des Ressources naturelles ou un autre ministère?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Beaudoin.

M. Beaudoin (Marc): À mon sens, le ministère des Ressources naturelles est le mieux placé, parce que l'aménagement forestier, c'est probablement l'outil le plus efficace d'aménagement intégré. Lorsqu'on planifie comme il faut les aménagements forestiers, on va être capable d'améliorer le potentiel faunique et le potentiel récréatif du territoire, d'une part. L'exercice qu'on a essayé de faire, parce que ça fait quand même longtemps qu'on trimbale ces idées-là, l'exercice qu'on a fait dans notre région, c'est qu'il y a une table interministérielle effectivement où siège un représentant du ministère des Ressources naturelles, du département des terres, et puis du ministère de l'Environnement et de la Faune, la FAPAQ. Et puis on remet, par exemple, un plan annuel à ce groupe-là; il l'analyse, et le ministère des Ressources naturelles nous répond sur sa validité.

Donc, c'est l'option qu'on a prise dans le sens où, lorsqu'on présente une activité, on ne peut pas présenter une activité forestière uniquement au ministère des Ressources naturelles parce que cette activité forestière là, elle a été planifiée aussi en considérant des notions fauniques et récréatives. Donc, il faut que la personne qui évalue, par exemple, le plan annuel d'intervention soit au courant de l'ensemble des activités. Donc, c'est pour ça qu'on a formé régionalement une table interministérielle pour justement évaluer ce genre de travail là. Parce qu'une activité prise toute seule ne veut rien dire; c'est l'ensemble des activités qui veut dire quelque chose.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée de Bonaventure, ça va? M. Beaudoin, merci pour votre participation à cette commission.

Je vais suspendre quelques instants, le temps de donner au prochain groupe la possibilité de venir s'installer.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...reprendre les travaux. Nous accueillons maintenant la municipalité régionale de comté du Haut-Saint-Maurice. Alors, si la personne responsable veut bien se présenter, présenter les gens qui l'accompagnent, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire et qu'il y aura période d'échanges par la suite. Alors, c'est M. Fortin, je crois?

Municipalité régionale de comté
du Haut-Saint-Maurice

M. Fortin (Gaston): Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Bienvenue à cette commission.

M. Fortin (Gaston): M. le ministre, aux membres de la commission de l'économie et du travail, mesdames, messieurs. Nous vous remercions de nous laisser l'opportunité de vous présenter notre mémoire dans le cadre du projet de loi n° 136 modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives.

Nous allons tenter de vous démontrer que pour une communauté dépendante de la forêt comme celle du Haut-Saint-Maurice, il faut diversifier l'activité économique régionale par la mise en valeur de tout le potentiel naturel du territoire et que, pour y arriver, il faut développer de façon structurée l'accessibilité à ce territoire. D'ailleurs, l'un des objectifs de la révision du régime forestier est de rendre la forêt encore plus accessible.

Pour développer de façon structurée l'accessibilité au territoire de la ressource, il faut tenir compte des intérêts parfois divergents de l'ensemble des utilisateurs de la forêt. C'est donc dire qu'il faut prévoir des coûts supplémentaires pour la construction et l'amélioration des infrastructures routières en plus de voir à maintenir en bon état le réseau existant de chemins forestiers du Haut-Saint-Maurice. Ainsi, nous irons droit au but.

Modifications demandées par la MRC du Haut-Saint-Maurice. Essentiellement, la MRC du Haut-Saint-Maurice demande que le dit projet de loi soit modifié de la manière suivante: premièrement, que le projet de loi n° 136 concernant la révision du régime forestier soit modifié afin d'y inclure la création d'un fonds pour la construction et l'amélioration des infrastructures routières situées en milieux forestiers public ou municipal; deuxièmement, que ce fonds soit financé par le gouvernement du Québec à même les redevances forestières imposées aux bénéficiaires de contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier et de conventions d'aménagement forestier au taux annuel de 0,25 $ le m³ de bois récolté, autant sur les grandes forêts privées que publiques; troisièmement, que le comité de gestion des ressources de la MRC du Haut-Saint-Maurice s'occupe de la gestion de ce fonds; quatrièmement, que le projet de loi protège les ententes financières existantes à l'échelle d'une aire commune entre la MRC et les bénéficiaires de CAAF, advenant un redécoupage des aires communes.

Au motif de notre demande, nous exposons ce qui suit. Premièrement, thème l'utilisation d'une ressource collective aux multiples vocations. Sur le territoire de la MRC du Haut-Saint-Maurice, on retrouve neuf zecs, 20 pourvoiries à droits exclusifs, 46 pourvoiries sans droits exclusifs et une quarantaine de terrains de piégeage. Il s'agit de 85 % des espaces fauniques de la région 04 et représente 25 % des terres publiques situées dans la MRC du Haut-Saint-Maurice.

La multiplication des chemins forestiers pose de sérieux problèmes de contrôle des accès à ces territoires. On dénombre également, dans la MRC du Haut-Saint-Maurice, 4 235 chalets, soit 84 % des baux de villégiature de la région 04. La villégiature sert de support à plusieurs activités récréatives en milieu naturel, telles que la chasse, la pêche, la motoneige, le VTT, le canot-camping et les excursions d'aventure qui, à leur tour, contribuent à générer de retombées économiques non négligeables. En raison d'un accès limité ou inexistant, de nombreux plans d'eau possédant un bon potentiel de développement de la villégiature restent inexploités.

n(12 h 20)n

Sur 38 bénéficiaires de CAAF s'approvisionnant dans le Haut-Saint-Maurice, 21 possèdent des usines réparties dans neuf régions administratives sur les 17 autres bénéficiaires s'approvisionnant dans la Haute-Mauricie possédant des usines de transformation dans la région 04. Seulement sept se retrouvent dans le Haut-Saint-Maurice. La possibilité forestière annuelle de la MRC du Haut-Saint-Maurice est évaluée à 4,3 millions m³. Le volume de bois attribué est de 3,2 millions m³, et les volumes de bois récoltés représentent 2,8 millions m³. Les redevances forestières en provenance de la région 04 pour la période 1997-1998 étaient de l'ordre de 43 millions de dollars. De ce montant, 65 % provenaient du Haut-Saint-Maurice, soit 28 millions. À cela s'ajoutent 567 600 $ provenant de l'aire commune 2620, gérée par l'unité de gestion de Chibougamau. Les redevances annuelles totales provenant de la forêt du Haut-Saint-Maurice sont donc de 28,5 millions. Le MRN, dans le cadre du Programme de mise en valeur des ressources du milieu forestier, volet 2, nous attribue une enveloppe budgétaire annuelle de 650 000 $.

Deuxième thème, le réseau routier. Le réseau routier forestier opérationnel correspond aux infrastructures routières situées sur les terres publiques et utilisées en permanence pour le transport du bois destiné à l'approvisionnement des usines. On y retrouve généralement des chemins de classe 1, 2 et 3, sous la juridiction du ministère des Ressources naturelles. Le réseau routier forestier opérationnel est illustré à l'annexe D du document original. Selon les volumes de bois récoltés pour les aires communes comprises dans les limites de la MRC du Haut-Saint-Maurice, on estime à près de 50 000 le nombre de voyages de bois en transit sur le territoire de la MRC annuellement. En multipliant par deux pour un aller-retour, il s'agit de 100 000 voyages de bois annuellement destinés à l'approvisionnement des usines réparties à l'ensemble du Québec. Le réseau routier forestier existant pose déjà des problèmes de gestion et de planification. Tout ajout devient extrêmement problématique. De plus, lorsque les opérations forestières sont interrompues sur de longues périodes de temps, l'état du réseau se détériore rapidement.

Le réseau routier local et municipal. Le réseau routier local correspond aux chemin municipaux entretenus par les municipalités et communément appelés «chemins de colonisation». Aujourd'hui, on les appelle «chemins à double vocation», puisque, en plus de leur vocation première, ils servent aussi au transport lourd des ressources naturelles. Ils sont situés pour la plupart en milieu habité. Le réseau routier local est illustré à l'annexe D de votre document.

Autrefois, l'infrastructure type avait une emprise variant de 12 à 15 m et avait une géométrie acceptable pour l'utilisation qui en était faite à cette époque. Actuellement, la conception des routes et l'emprise minimale recommandée est de 30 m, dont 9 m pavés avec une géométrie parfaite correspondant à la limite de vitesse permise.

Aujourd'hui, les méthodes d'opération permettent de transporter des volumes plus importants à une fréquence plus régulière. Toutefois, les infrastructures locales sont demeurées les mêmes. Avant le 1er avril 1993, ces chemins étaient sous la responsabilité du ministère des Transports du Québec. Depuis le transfert de responsabilités aux municipalités, d'importantes sommes d'argent ont été injectées sur ces routes sans arriver à maintenir un niveau de fonctionnement acceptable.

Le Haut-Saint-Maurice, région ressource. La MRC du Haut-Saint-Maurice fait partie d'un groupe de 39 MRC et municipalités appelées «régions ressources». Tel que nous l'avons amplement décrit précédemment, les bénéfices hors région provenant du Haut-Saint-Maurice sont immenses. Des milliers d'emplois répartis dans neuf régions administratives différentes sont assurés par le prélèvement des ressources naturelles du Haut-Saint-Maurice. Outre le prélèvement de la matière ligneuse par les industries forestières, la Société Hydro-Québec bénéficie du potentiel énergétique de la rivière Saint-Maurice situé dans le Haut-Saint-Maurice. Elle est l'une des premières rivières au Québec à avoir été aménagée en vue de la production de l'énergie électrique.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, en conclusion, s'il vous plaît, M. Fortin.

M. Fortin (Gaston): Merci, madame. L'installation d'une station de pompage incendie par la MRC du Haut-Saint-Maurice au site Vallières, qui a permis la mise en place d'un parc industriel forestier, ou encore la construction d'un pont sur la Rivière-aux-Rats, à la Rivière-aux-Rats, qui a permis la construction d'une scierie dans ce secteur... Cette nouvelle scierie, inaugurée à l'automne 1995, a permis de créer 125 emplois et d'en consolider plusieurs autres existants.

J'aurais aimé compléter, mais on me dit que le temps est très, serré. On ne vient pas souvent, pourtant.

D'autres projets sont à venir, impliquant la MRC, soit: des études d'un nouveau tracé ou la construction d'un pont sur la route à double vocation située en partie dans la ville de La Tuque et le village de La Bostonnais; les ajustements des contrats d'entretien entre municipalités et forestiers; ajout d'abat-poussière sur une base régulière; la gestion éventuelle des contrats d'entretien des routes forestières 10 et 25 nous amèneront de grandes dépenses; la réhabilitation majeure d'une section de 80 km de la route 10 entre le barrage Gouin et la municipalité de Parent. Mentionnons finalement que ville de La Tuque a procédé à la construction d'une voie de raccordement à l'usine Smurfit Stone afin d'éliminer le trafic lourd dans certains quartiers résidentiels de la ville.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Fortin, je suis désolée. Maintenant, ce qui arrive, c'est que ça ne met pas fin quand même. Il y a une période d'échanges. J'imagine que les gens avaient pu prendre connaissance de votre mémoire aussi. Il y a une chose, par ailleurs...

M. Fortin (Gaston): ...permission de vous donner ma conclusion, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, est-ce qu'il y a consentement pour que M. Fortin puisse conclure?

Des voix: ...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, oui, il y a consentement, monsieur.

M. Fortin (Gaston): La conclusion, deux petites pages. En guise de conclusion, nous vous rappelons que le gouvernement du Québec perçoit dans le Haut-Saint-Maurice près de 28 millions en redevances forestières, 1 million en location de baux de villégiature. C'est sans compter tous les impôts prélevés des travailleurs forestiers, les taxes sur les produits et services, l'essence, l'achat d'équipements spéciaux, les fournitures de camps forestiers, les permis de chasse, de pêche, on parle de quelques centaines de millions de dollars. Des retombées économiques et sociales importantes pour tout le Québec. Sauf que les intervenants du milieu ont la nette impression que la très grande majorité de ces redevances sert très bien les plus grands centres, alors que ce sont les intervenants locaux qui sont confrontés aux difficultés de gestion du réseau routier en milieu forestier et municipal.

Comme nous l'avons démontré à l'intérieur de notre mémoire, la MRC du Haut-Saint-Maurice fait sa juste part pour l'utilisation d'une ressource collective. Compte tenu que la MRC éprouve énormément de difficulté à gérer et à maintenir un minimum de sécurité sur le réseau routier actuel, tout ajout deviendra extrêmement problématique et préoccupant.

Avec un peu de recul, des études d'impact auraient dû être réalisées afin de mesurer les effets de l'arrêt du flottage du bois sur le transport routier et d'entreprendre un vaste programme de modernisation des infrastructures locales mieux adaptées aux années 2000. Malgré la situation qui prévaut, il n'existe aucun programme d'aide financière du gouvernement qui puisse pallier aux difficultés de gestion du réseau routier forestier et d'assurer ainsi le développement structuré du territoire. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Fortin, j'aimerais que vous vous présentiez et que vous nous présentiez les gens qui vous accompagnent. C'est important parce que nous avons un service de transcription, donc j'ai besoin de ça.

M. Fortin (Gaston): Ça me fait plaisir, madame. J'ai M. Elzéar Lepage, maire de canton Langelier et préfet suppléant de la MRC du Haut-Saint-Maurice; M. Daniel Prince, à ma droite, directeur général de la MRC du Haut-Saint-Maurice; et Mme Sylvie Lepage, qui travaille aussi à la MRC du Haut-Saint-Maurice, elle s'occupe du territoire des TNO, et ainsi de suite. Ces gens-là ont travaillé sur le document en question, avec les fonctionnaires de la MRC. Je les félicite, j'en profite.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je vous remercie. Maintenant, pour la période d'échanges, M. le ministre.

M. Brassard: Bien, merci, M. le préfet. Je voudrais saluer également ceux et celles qui vous accompagnent de votre participation. Il y a une chose intéressante dans votre mémoire, c'est qu'il n'y a pas beaucoup d'ambiguïté, c'est très limpide: vous voulez plus de ressources financières pour intervenir sur le réseau routier en forêt.

Bon. Je pense que vous avez bien distingué les choses. Il y a d'abord votre réseau routier municipal et, à cet égard, il y a effectivement des routes qu'on qualifie «à double vocation». Ça, ça relève du ministère des Transports. C'est une problématique qui mérite sans doute qu'on s'y attaque parce que beaucoup de MRC affirment, sans doute avec raison, que les subventions qui sont rattachées aux routes à double vocation sont nettement insuffisantes, compte tenu du trafic, la plupart du temps lourd, que l'on retrouve sur ces routes.

n(12 h 30)n

Deuxièmement, il y a le réseau routier en forêt qui est financé par les entreprises forestières. Et c'est évident que, compte tenu des règles en matière d'échanges commerciaux, il faut éviter ? et on ne le fait plus depuis longtemps ? de subventionner les entreprises forestières en matière de voirie forestière.

Il reste la troisième catégorie, des routes forestières mais qui ne sont plus utilisées par des entreprises forestières, donc qui ne sont plus entretenues par des entreprises forestières. Alors, ces routes-là on les retrouve soit en territoire libre ou dans les zecs ou dans les pourvoiries. Et ce que vous demandez, au fond, c'est que, comme MRC, vous vous sentez une responsabilité en matière d'entretien ou de construction de ce troisième type de route, là. Ce n'est pas sous la responsabilité de l'entreprise, l'entreprise forestière n'est plus là ou elle a cessé ses opérations, mais il y a de la villégiature, il y a des activités sportives, récréatives, et vous considérez que vous avez la responsabilité, comme MRC, de veiller à l'entretien et au bon état de ce réseau routier, si je comprends bien. Et, pour ce faire, ce que vous proposez, évidemment c'est un fonds qui serait géré par la MRC et qui serait alimenté par une partie des redevances forestières payées par les entreprises forestières qui oeuvrent sur votre territoire.

Mais est-ce que vous ne considérez pas également qu'il y a d'autres usagers, utilisateurs, qui ont aussi des responsabilités, qui ont des droits sur le territoire, des droits fauniques, par exemple, puis qui ont, par le fait même, des responsabilités concernant l'accès à ces territoires? Alors, est-ce que vous ne pensez pas qu'également ces intervenants-là devraient aussi être en mesure d'assumer une part des coûts d'entretien ou de remise en état ou de maintien en état de ce réseau routier? Je ne parle pas des deux autres, là. Il y en a un qui relève des Transports. Ça, je pense qu'il y a une problématique qui mériterait sans doute d'être examinée. Quand j'étais aux Transports ? je la connais très bien ? le niveau de subvention était considéré comme pas suffisant. Puis ce qui relève des entreprises forestières, bien là je pense que c'est à elles de le faire puis d'en assumer les coûts. Pour le troisième type de réseau routier, est-ce que vous ne pensez pas qu'également les intervenants, d'autres intervenants, d'autres usagers, devraient être impliqués dans le financement de l'entretien de ces routes?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, un instant. Monsieur, vous comprendrez qu'on a un règlement, il faut le faire respecter. Alors, à ce moment-ci, j'ai besoin d'un consentement pour que nous puissions poursuivre les travaux, compte tenu de l'heure bien sûr.

M. Brassard: Comme je veux une réponse à ma question, alors je vais consentir.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je pense qu'il y a consentement. Merci. Alors, M. Fortin.

M. Fortin (Gaston): Oui. Dans le moment, M. Brassard, M. le ministre, je prétends que, la MRC, on retourne beaucoup de ce qu'on collecte de taxes aux utilisateurs, parce que la MRC déjà on retourne à même notre budget une partie pour aider justement à la réparation puis à la maintenance des chemins qui étaient non utilisés et qui sont maintenant non utilisés par les compagnies forestières. On donne 150 000 $ par année, minimum, à part d'autres projets qu'on fait avec les forestières. On participe, admettons, à 20 % ou 25 % avec les forestières.

On a un problème qui est plus grave que ça, M. Brassard, à La Tuque, dans le moment, puis à La Bostonnais. Les compagnies forestières vont aller pour environ 35 ans à l'intérieur de nos limites rurales. Lorsqu'on a fusionné la Haute-Mauricie, en 1994, le gouvernement était très content qu'on fusionne, qu'on donne l'exemple de la possibilité des fusions, comme vous le savez. À ce moment-là, on s'est ramassé avec du rural. Puis, dans le rural en question, il va passer, au cours des prochaines semaines, 50 voyages dans la section du lac à Beauce, minimum, par jour, puis 50 voyages minimum dans La Bostonnais, puis ça, pour 35 ans à venir parce que les réserves forestières sont immenses. Donc, ça nous oblige à répondre absolument à ces populations-là. Il y a des autobus scolaires qui passent à tous les matins, puis tout ça, puis à 15 heures, l'après-midi, pour le retour, puis ils voyagent au travers de... Puis c'est la sécurité. Puis c'est ça qui remplit l'hôtel de ville de La Tuque, dans le moment, à chaque assemblée publique, c'est les gens de ces secteurs-là qu'on a fusionnés. Mais on ne savait pas qu'on se ramasserait avec un si gros problème de sécurité que ça.

C'est pour ça qu'on vous demande le fameux 0,25 $, parce qu'on prétend qu'on serait capable, avec le fameux 0,25 $, d'emprunter des sommes assez considérables pour rencontrer des règlements d'emprunt assez considérables pour mettre un point final à ça. Parce que, pendant les 35 prochaines années, ces gens-là vont venir à l'hôtel de ville. Puis ce n'est pas le gros potentiel de payeurs de taxes, mais c'est toute cette ressource-là qui dessert qui crée des emplois, comme le mémoire le dit, partout en Mauricie, dans 04. Puis, dans 04, bien, l'enveloppe, elle ne vient pas complète, dans le Haut-Saint-Maurice, mais c'est quasiment nous autres qui fournissons la grosse facture, avec Mékinac, puis c'est distribué à tous les groupes dans le volet 2. Donc, c'est pour cette raison-là. On a besoin d'argent pour la sécurité des gens parce que, sans ça...

M. Jolivet, admettons qu'il vient une fois ou deux ou trois fois par mois à La Tuque, il en a des pressions, lui aussi. Mais, moi, je les ai à toutes les semaines puis à tous les jours. Puis je vais les avoir à tous les jours... En tout cas, je vais dire comme le gars, à l'âge que j'ai, quand même, ma carrière politique va être moins longue que celui qui va venir après moi. Mais celui qui viendra après moi, s'il ne résout pas le problème de sécurité, il va avoir ces gens-là continuellement. Continuellement!

M. Brassard: Mais, M. Fortin, là, on parle bien de routes publiques qui sont sous votre responsabilité...

M. Fortin (Gaston): Oui.

M. Brassard: ...qui appartiennent au réseau de routes dites rurales.

M. Fortin (Gaston): Municipales.

M. Brassard: Puis, effectivement, c'est une problématique que vous vivez, mais que d'autres MRC vivent également dans d'autres régions-ressources.

M. Fortin (Gaston): Oui, mais pas des gros volumes comme on a dans le moment.

M. Brassard: Bien, peut-être pas, on peut bien nuancer les choses. Mais, effectivement, dans les régions-ressources forestières, il y a ce problème-là. Mais il y a des routes qui ont été transférées aux municipalités puis aux MRC et qui sont vraiment des routes où il y a un très gros trafic lourd qui est relié à la ressource forestière essentiellement, et ça entraîne des coûts importants pour les MRC.

Moi, je suis très conscient de cette problématique-là, je la vis aussi chez nous, au Saguenay?Lac-Saint-Jean. Et je ne sais pas si ce que vous proposez est la bonne solution, mais il est évident qu'il y a là une problématique qu'on va devoir examiner, pas juste le ministère des Ressources naturelles, je pense que ça interpelle aussi le ministère des Transports.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, s'il y a une réponse à ça, c'est rapide parce que le temps est terminé pour ce qui est du parti ministériel.

M. Fortin (Gaston): Le préfet suppléant aimerait ça parler à M. Brassard, avoir la chance, lui aussi...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Lepage.

M. Lepage (Elzéar): Simplement ajouter, M. le ministre, parce que vous avez identifié: Est-ce qu'il n'y avait pas possibilité que d'autres intervenants puissent payer pour l'amélioration ou l'entretien des routes? Je tiens à vous rappeler que j'ai déjà fait une demande très particulière au ministère pour avoir la possibilité, justement, d'installer une guérite sur la route forestière 10 qui aurait permis à tout le monde de payer et d'avoir une route de qualité. Cette intervention-là, bien, on a eu comme réponse que ce n'était pas possible parce que c'étaient des routes publiques et avec un accès pour tout le monde, sans obliger personne à payer supplémentaire.

Déjà, les pourvoyeurs, déjà, les villégiateurs propriétaires de chalets paient une taxe à la MRC. Et, comme M. Fortin vous l'a identifié, la MRC retourne... c'est-à-dire les TNO retournent de l'argent pour l'entretien des routes non utilisées par les compagnies forestières. Le préambule que M. le préfet a identifié en vous disant qu'on se doit de développer notre économie, on est convaincus qu'en développant la villégiature dans le Haut-Saint-Maurice de façon intensive ça nous donnerait la possibilité de recevoir chez nous l'économie que la grande ou d'autres industries ne peuvent nous donner à cause de notre secteur.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Lepage. Alors, Mme la députée de Bonaventure, parce que, je regrette, c'est terminé complètement, le temps pour la partie ministérielle.

n(12 h 40)n

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. M. Fortin, M. Lepage, M. Prince, Mme Lepage, écoutez, merci de votre présentation. De toute évidence, il y a un problème chez vous. Et, moi, je vous félicite d'avoir pris le temps de réfléchir, de vous être concertés pour, ce matin, proposer une solution à votre problème. Effectivement, il y a deux éléments, je pense, qui ressortent avec vigueur, c'est les problèmes de sécurité et d'accessibilité également à la ressource. Ça, ça me semble être primordial chez vous.

Là, vous proposez une mécanique, effectivement, qui permettrait de financer les routes, le réseau routier chez vous. Et vous avez dit quelque chose d'important, M. le préfet: Le 28 millions que la région paie en redevances, le milieu a l'impression, dans le fond, de ne pas bénéficier de ces argents-là. Ça, c'est important parce que, effectivement, je pense que le milieu, compte tenu des ponctions qui sont faites sur le territoire, devrait minimalement avoir un retour sur les ponctions qu'on fait en matière de ressources naturelles sur son territoire.

Moi, j'ai envie de vous faire une autre suggestion à partir de votre proposition. Plutôt que de parler d'un fonds qui serait financé à partir de 0,25 $ du mètre cube du fonds forestier, si on parlait de redevance sur les ressources naturelles, une redevance qui serait versée sur le plan régional, qui vous permettrait et qui permettrait aux MRC de gérer ce fonds-là. Vous pourriez en disposer comme vous le voudriez, dans le fond. Alors, plutôt que d'avoir un fonds qui serait financé exclusivement pour les chemins routiers, on pourrait avoir une redevance qui serait versée aux régions du Québec, aux régions-ressources du Québec. Et, à partir de ces redevances-là, vous, comme MRC, vous pourriez disposer de ce fonds-là. Par exemple, si vous jugez que c'est prioritaire, l'amélioration du réseau routier, vous pourriez améliorer vos routes.

Je ne sais pas ce que vous en pensez. Mais, moi, je suis très sensible aux problèmes que vous vivez, puis évidemment, pour avoir été mairesse déjà dans une autre vie, j'imagine que ce n'est pas toujours évident d'avoir des citoyens devant soi qui sont mécontents, des familles, des pères puis des mères de famille qui viennent vous démontrer que leurs enfants ne sont pas en sécurité sur ces routes-là. Alors, ce n'est pas nécessairement très facile. Qu'est-ce que vous pensez d'une idée comme celle-là, justement, qui vous permettrait de régler votre problème? Comment vous voyez ça, de votre côté?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Fortin.

M. Fortin (Gaston): On a mûri notre idée puis on est convaincus, nous autres que, avec le... Ce qui sort du Haut-Saint-Maurice, on tient à en prendre un petit morceau ? un petit morceau ? puis c'est pour ça qu'on a une idée... On en a parlé longtemps puis on aimerait bien que les programmes existants demeurent, mais qu'il y ait un volet 5, comme on appellerait, là, puis ça, ça serait strictement pour la sécurité de nos gens pour les 35 années à venir. Moi, je pense en fonction des volumes qui vont sortir dans les prochaines années.

On le voit, ce qui se passe, on parle avec les forestiers. Et aujourd'hui les jeunes ingénieurs prévoient, ils savent ce qui va arriver dans cinq ans, 10 ans. Donc, on ne peut pas faire autrement, nous autres, que de tenir à dire: On veut tant du volume de bois qui sort du Haut-Saint-Maurice. C'est chez nous. On s'est isolés là depuis des années, nos parents sont nés là. On n'a pas de cégep, on n'a pas d'université. On a besoin absolument de donner de la sécurité à nos jeunes sur le réseau routier, puis c'est primordial pour nous autres.

Moi, dans le moment, les plaintes que j'ai à l'hôtel de ville puis à la MRC, c'est la sécurité des gens sur les chemins en périphérie de la ville, quand ça rentre à la ville. C'est des camions qui sont assez gros. Puis on ne pensait pas qu'il passait tant de bois de même sur la rivière, mais c'est quand on l'a sur la route qu'on le réalise. Le gouvernement a fait un effort pour la 155, ça va bien, mais c'est à l'intérieur des milieux ruraux, des deux milieux touchés, des trois milieux... La Croche est touchée aussi, le village de M. Lepage est touché aussi, la municipalité.

Ça fait que, nous autres, pour nous autres, la Table des maires, on avait décidé que c'est le fameux 0,25 $ qu'on aimerait avoir. Puis, à ce moment-là, vous verriez qu'on ferait faire un progrès terrible à notre réseau routier parce qu'on pourrait engager des gros règlements d'emprunt. Sûr qu'on serait capable de les rencontrer au cours des prochaines années. Puis on améliorerait nos chemins de beaucoup. Je ne sais pas, M. Lepage, a peut-être...

M. Lepage (Elzéar): Si vous permettez, madame.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lepage.

M. Lepage (Elzéar): Il est certain que, quand on a préparé le mémoire, les données qu'on avait, qui nous étaient les plus faciles à obtenir, c'étaient les données de récolte de bois. Si on avait pu avoir les données de distribution d'électricité et ce que la région peut donner à l'ensemble du Québec, on l'aurait probablement identifié, mais c'est des choses qu'on ne peut pas vraiment avoir, sur lesquelles on peut s'arrêter pour établir un montant vraiment spécifique. Parce que, du 0,25 $, selon les coupes qui sont faites depuis x années et qui vont se faire pour les années à venir, on sait qu'on peut avoir un revenu entre 500 000 $ et 600 000 $, ça, on est capable de le qualifier. Et, en même temps, on est capable de faire des travaux conséquemment à ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Bonaventure...

M. Lepage (Elzéar): Alors, c'est pour ça que, quand vous parlez de ressources naturelles, bien, on ne sait pas ce que ça donne vraiment. On sait qu'il y en a beaucoup, mais on ne sait pas ce que ça rapporte, on n'a pas les chiffres.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Donc, votre 2,5 % des redevances forestières, vous avez évalué, quantifié le montant, on parle d'à peu près un demi million. C'est ça?

M. Fortin (Gaston): C'est ça.

Mme Normandeau: O.K.

M. Fortin (Gaston): Avec ça, tu peux faire des gros emprunts. Parce que, dans le moment, la MRC, on n'a pas peur de s'engager dans notre développement. On a fait notre part. On ne se gêne pas d'aller à la caisse populaire, puis de prendre des règlements d'emprunt. Mais, quand même, il faut toujours bien avoir les revenus pour les rembourser, aussi, sans trop aller toucher à la taxe foncière. Ça fait que, à ce moment-là, à date, on a amélioré notre réseau. Mais il y a encore beaucoup d'amélioration. Puis là on se fait presser de plus en plus. Ville de La Tuque, je viens d'emprunter 200 000 piastres pour la route du lac à Beauce, des gens sont dedans ce matin: 1 000 000 $ de réparations. Le gouvernement a embarqué, le ministère des Transports, la MRC, la ville de La Tuque, puis les forestières. Mais c'est des gros travaux puis... On a fait combien de kilomètres, Daniel? Un kilomètre point...

M. Prince (Daniel): Un kilomètre et demi.

M. Fortin (Gaston): Un kilomètre, puis on en aurait sur plusieurs kilomètres. Mais on leur a dit, aux gens: On va faire un kilomètre cette année; l'an prochain, tout probable qu'on fera... Dans deux ans, on va reparler d'un autre règlement d'emprunt. Mais ça va nous prendre des revenus parce qu'on a beaucoup, beaucoup de problèmes sur la sécurité, avec la grosseur des camions maintenant.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. M. le préfet, d'autres MRC sont venues nous voir en ce qui a trait au projet de loi et nous ont parlé d'environnement. J'étais un peu surpris de voir qu'on ne parlait à peu près pas d'environnement dans votre mémoire, surtout que votre région, historiquement, a mené des grands débats environnementaux. Je pense au flottage, je pense au débat sur les porcheries il y a quelque années. Est-ce que ça va si bien que ça, l'environnement, chez vous, pour ne pas qu'on en parle dans le mémoire? Est-ce que...

M. Fortin (Gaston): Oui, ça va bien.

M. Benoit: Parce que les citoyens qui m'interpellent me parlent encore de rivières spoliées, de coupes à blanc, de... Je suis un peu surpris de voir que votre MRC... alors que d'autres MRC nous en ont parlé. Je pense à La Matapédia qui a même demandé une enquête indépendante sur la situation de la foresterie au Québec.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Fortin.

M. Fortin (Gaston): Je ne suis pas d'accord avec vous totalement, là. L'environnement, pour le Haut-Saint-Maurice, on l'a traité... Je pense qu'on est à l'an 2000. C'est suivi par nos fonctionnaires de la MRC, les sites... En ce qui concerne les coupes forestières, il y a de l'exagération aussi dans des choses. Quand on est préfet puis qu'on va visiter la ville de Parent, admettons... Admettons que je vais à Parent trois fois par année en avion ? parce que c'est loin, Parent, de La Tuque, ce n'est pas à la porte. Je peux vous dire une chose, que nos forestiers sont beaucoup plus connaissants, avec les années. La transplantation s'est faite dans le Haut-Saint-Maurice, il y a eu beaucoup d'aménagement. Puis je ne suis pas un de ceux qui vont dire que les forestiers ne travaillent pas pour conserver l'avenir du Haut-Saint-Maurice, parce que, dans le moment, ils savent que c'est un parterre très impressionnant. C'est un des plus beaux parterres forestiers du Québec, le Haut-Saint-Maurice. Puis je peux dire qu'on a des compagnies assez responsables.

L'environnement, je ne suis pas de ceux qui disent qu'on coupe à blanc puis qu'on massacre la forêt puis qu'on... Non. Il y a eu beaucoup d'amélioration. Nos jeunes ingénieurs sont beaucoup plus environnementalistes que ceux d'autrefois, dans mon livre à moi. Puis, dans le moment, moi, je trouve qu'à chaque année il se plante beaucoup d'arbres dans le Haut-Saint-Maurice. Je survole le territoire puis je suis très impressionné de la beauté du territoire puis des nouveaux aménagements. Donc, c'est pour ça qu'on n'en a pas parlé. On a une bonne communication avec nos forestiers, la Table des maires reçoit souvent les forestiers, on les sensibilise à collaborer avec nous autres puis à ne pas oublier de planter des arbres. Je peux vous dire une chose, il se fait un travail merveilleux avec les compagnies chez nous.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'est malheureusement tout le temps dont la commission disposait. M. Fortin, M. Prince, M. Lepage, Mme Lepage, merci de votre présentation.

Je suspends les travaux, donc, jusqu'à 14 heures, cet après-midi. Et je voudrais mentionner aux parlementaires qu'ils peuvent laisser leurs choses ici, à la commission, leurs documents, pour l'heure du dîner.

(Suspension de la séance à 12 h 49)

 

(Reprise à 14 h 1)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, s'il vous plaît, la commission va donc reprendre ses travaux, vous rappelant que nous poursuivons la consultation générale sur le projet de loi n° 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives.

Document déposé

Avant de rencontrer le prochain groupe, je voudrais effectuer un dépôt, dépôt d'une résolution de la MRC de Rouyn-Noranda, qui nous fait parvenir cette résolution en lieu et place de mémoire, et je la dépose justement pour le bénéfice des membres de la commission.

Je vais donc à ce moment-ci souhaiter la bienvenue au Regroupement des organismes fauniques. Vous êtes nombreux, alors avant de procéder, si on veut, à la présentation de votre mémoire, j'aimerais que le responsable du groupe se présente et qu'il nous présente chacune des personnes qui l'accompagnent. Je vais vous rappeler aussi que vous avez 10 minutes, après cette présentation, pour effectuer la présentation de votre mémoire.

Regroupement des organismes fauniques

M. Bonneville (Jocelyn): Bonjour, mon nom est Jocelyn Bonneville. Je suis président de la Fédération québécoise des gestionnaires de zecs.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui.

M. Bonneville (Jocelyn): À ma gauche, M. Yvan Bilodeau, président-directeur général de la Société des établissements de plein air du Québec; M. Yvon Côté, président de la Fédération québécoise du saumon atlantique.

M. Côté (Yvon): Bonjour.

M. Bonneville (Jocelyn): À ma droite, en commençant par l'extrême droite: M. Gilles Quintin, de la Fédération des pourvoyeurs du Québec; M. Denis Laliberté, de la Fédération des trappeurs gestionnaires du Québec; et M. Aurèle Blais, président de la Fédération québécoise de la faune.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous remercie. Alors, vous pouvez donc procéder. M. Bonneville.

M. Bonneville (Jocelyn): Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, chers amis. Je veux d'abord vous remercier d'entendre le Regroupement des organismes fauniques sur le projet de loi n° 136. J'interviens ici à titre de porte-parole pour le Regroupement qui représente les six principaux organismes de gestion faunique au Québec.

Avant de vous présenter les positions que nous avons transmises dans notre mémoire, je tiens à attirer votre attention sur l'importance du Regroupement des organismes fauniques, qui s'est réuni pour apporter une vision et des positions communes sur la gestion des forêts en regard des ressources fauniques et récréatives. Nos organismes se veulent les porte-parole des quelque 3,5 millions de Québécoises et de Québécois qui fréquentent les forêts du Québec pour des activités diverses, plus particulièrement la chasse, la pêche, le piégeage, le plein air et le récréotourisme.

Tous les utilisateurs des forêts sont autant de témoins à même d'apprécier sur le territoire les interventions des exploitants de toutes les ressources, plus particulièrement les effets des pratiques d'aménagement forestier. Ces millions d'adeptes des forêts, tant par leur nombre que par les retombées économiques et sociales liées à l'exploitation de la faune et à la récréation en forêt, représentent un groupe de première importance pour l'utilisation des ressources forestières. Les activités de plein air, de chasse et de pêche sont en effet pratiquées dans 43 parcs et réserves, dans 688 pourvoiries et dans 85 zones d'exploitation contrôlées ou zecs, sans compter les territoires n'ayant pas de droits fauniques, qu'on appelle communément «territoires libres».

L'activité économique générée par cette exploitation faunique et récréative des forêts est primordiale dans toutes les régions du Québec. Plusieurs des personnes que je représente sont détentrices de droits d'exploitation sur la faune et elles offrent plusieurs autres activités de plein air en forêt qui doivent être développées en harmonie avec l'exploitation de la matière ligneuse. Aussi, les chasseurs, les pêcheurs, les trappeurs doivent avoir la possibilité de fréquenter le territoire forestier en cohabitation avec les autres utilisateurs. C'est pourquoi les positions générales présentées dans notre mémoire visent principalement à donner aux ressources fauniques un statut qui correspond à leur importance dans l'aménagement et la gestion des forêts. Nous croyons que l'approche de gestion intégrée des ressources est la plus apte à situer le régime forestier québécois dans la perspective du développement durable. L'ensemble de nos recommandations s'inscrivent dans cet esprit.

En effet, les principes de planification et d'aménagement conduisant à la gestion intégrée des ressources sont à la base même de l'aménagement forestier durable qui est reconnu dans le préambule même de la Loi des forêts du Québec. Nos propositions visent à intégrer concrètement cette notion de la gestion intégrée des ressources dans la gestion des forêts québécoises et de leurs ressources. Les critères d'un aménagement forestier durable sont déjà inscrits dans la Loi sur les forêts et il nous apparaît essentiel à ce moment-ci de les rappeler, puisque nous nous en sommes directement inspiré pour préparer nos positions, nos recommandations: la conservation de la diversité biologique, le maintien et l'amélioration de l'état et de la productivité des écosystèmes forestiers, la conservation des sols et de l'eau, le maintien de l'apport des écosystèmes forestiers aux grands cycles écologiques, le maintien des avantages socioéconomiques multiples que les forêts procurent à la société et la prise en compte, dans les choix de développement, des valeurs et des besoins exprimés par les populations concernées.

Nous nous réjouissons de constater que, dans sa version actuelle, le projet de loi n° 136 contient déjà des innovations fort intéressantes et aptes à assurer l'application de la gestion intégrée des ressources dans les forêts québécoises. Non seulement notre mémoire appuie ces changements, mais il s'efforce de les préciser davantage et de les compléter. Ceci permettra de s'assurer qu'ils soient bien compris et utilisés dans le sens de la gestion intégrée et de l'aménagement forestier durable.

Le cheminement de mon discours suivra l'ordre de présentation de nos recommandations. Je vous invite donc à les suivre sur votre feuille de couleur. À la première recommandation, nous demandons que le gouvernement du Québec rende obligatoire la gestion intégrée des ressources immédiatement dans les territoires sous gestion faunique et dans un délai déterminé de cinq ans pour l'ensemble du territoire forestier. De cette façon, les ressources telles que la faune, la flore, l'eau, le sol et les paysages recevront ainsi un statut officiel pour l'aménagement et la gestion des forêts au même titre que les ressources en matière ligneuse.

De plus, les utilisateurs et les gestionnaires de ressources y joueront un rôle proactif dans le choix des priorités et des compromis répondant à leurs besoins. Selon notre Regroupement, il est important que la mise en place de la gestion intégrée des ressources s'établisse à l'intérieur d'un cadre général tout en laissant place à une certaine souplesse face aux particularités régionales et locales. C'est pourquoi, dans notre recommandation 2, nous proposons la création de tables de concertation permanentes régionales.

Dans votre projet de loi, M. le ministre, vous remplacez les aires communes par les unités d'aménagement. Or, nous constatons qu'il n'y a pas d'élément qui associe la création de ces unités d'aménagement à la gestion intégrée de l'ensemble des ressources. Nous vous proposons donc, dans notre troisième recommandation, de définir les unités d'aménagement dans une optique de gestion intégrée. Pour ce faire, des objectifs d'utilisation polyvalente des ressources et de préservation des potentiels des écosystèmes devront être insérés.

Par ailleurs, ces objectifs devront être établis par votre ministère de concert avec les autres ministères concernés et les utilisateurs du territoire. De plus, toujours dans un esprit de GIR, cette délimitation devra viser l'harmonisation des contours des territoires sous gestion faunique en tenant compte des limites des bassins versants des cours d'eau et des régions écologiques.

Le régime forestier modifié permettra de déterminer pour chacune des unités des objectifs d'aménagement. Les principaux éléments de ces objectifs se rapportent à la possibilité annuelle de coupes, au rendement soutenu ainsi qu'à la protection, la mise en valeur et au rendement accru. Nous sommes d'accord que cette responsabilité relève de votre ministère. Par contre, à la recommandation 4, notre Regroupement suggère que le processus de définition des objectifs d'aménagement et de rendement accru soit fait en concertation avec les organismes fauniques de même qu'avec la FAPAQ.

Notre cinquième recommandation est un complément à la précédente. Nous vous proposons de modifier et de compléter les notions d'objectifs d'aménagement et de rendement accru dans le projet de loi. Il faudra d'abord préciser que la protection et la mise en valeur des ressources fauniques et des autres ressources sont bel et bien des objectifs d'aménagement forestier et non des contraintes à l'objectif de rendement des forêts en matière ligneuse.

n(14 h 10)n

Parlons maintenant du financement des démarches de concertation. Nous sommes d'avis que les redevances de toute nature liées à l'exploitation de la matière ligneuse doivent servir non seulement aux exploitants du bois, mais aussi aux organismes fauniques. Il est clair pour les organismes fauniques qu'une partie de ces redevances devra servir à l'aménagement durable des forêts et à une utilisation polyvalente des milieux forestiers. C'est pourquoi, dans notre recommandation 6, nous demandons que l'utilisation du Fonds forestier soit également prévue à des fins de gestion intégrée des ressources. Pour ce faire, des sommes devront être disponibles pour des activités d'aménagement, de gestion et de surveillance à tous les utilisateurs de la forêt.

Nous tenons à ce que ce fonds serve aussi à financer les activités reliées à la concertation des utilisateurs du milieu forestier. Cela suppose, M. le ministre, que votre gouvernement accepte que les organismes qui consacrent temps, ressources et énergie pour leur contribution à l'aménagement des territoires forestiers et à la gestion des ressources auront accès aux fonds publics nécessaires.

Tout en gardant la GIR comme trame de fond, notre Regroupement tient à souligner sa satisfaction envers l'obligation pour les détenteurs de CAAF d'inviter les autres utilisateurs du milieu forestier à participer à la préparation des plans d'aménagement. Cependant, nous constatons que certains organismes ont été omis comme les associations de chasseurs, de pêcheurs et de trappeurs.

De plus, on a aussi constaté que l'obligation de participation des organismes fauniques prévue au projet de loi n'impliquait pas nécessairement l'obligation de la part des industriels de prendre en compte les demandes des participants. Et tout le monde sait, M. Brassard, que ce n'est pas parce que l'on se parle qu'on arrive à se comprendre dès la première fois. C'est pourquoi le Regroupement propose, à la recommandation 7, de préciser et d'encadrer davantage les obligations du bénéficiaire de CAAF en termes de participation. Nous croyons fermement que tous les organismes légalement reconnus, comme les associations de chasseurs, de pêcheurs et de trappeurs, ayant fait part de leur intérêt envers la préparation des plans généraux d'une unité d'aménagement devraient avoir la possibilité de participer au processus.

Votre projet de loi, M. le ministre, ajoute des règles au processus de révision quinquennale des contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier. C'est là une heureuse initiative qui, à notre avis, peut encore être améliorée dans le sens de l'aménagement durable et de la gestion intégrée des ressources.

Nos organisations recommandent que, dans son évaluation quinquennale des performances d'aménagement, le ministre prenne en considération un ensemble de critères plus large. Des critères relatifs à la préservation des habitats fauniques et à la participation des utilisateurs aux activités de planification de l'aménagement et de gestion devront être déterminés.

Une autre nouveauté de votre projet de loi est le contrat d'aménagement forestier, soit le CAF à un A. En ce qui concerne ce CAF, nous recommandons de revoir les modalités d'attribution et d'exécution de ce contrat pour qu'il soit axé sur la gestion de l'ensemble des ressources. Pour ce faire, ce contrat devrait être rattaché à un territoire sous aménagement plutôt qu'à un volume de bois. Les règles de commercialisation des produits et de la réalisation des contrats devront avoir la souplesse nécessaire pour permettre la rentabilité. Pour ce qui est des détenteurs de CAF à un A, ils devront avoir une latitude dans l'obligation de récolter la matière ligneuse.

Avant de conclure, permettez-moi d'aborder brièvement deux autres sujets qui nous touchent de près: les écosystèmes forestiers exceptionnels et la gestion du réseau routier sur les terres publiques. Nous appuyons la désignation d'écosystèmes forestiers exceptionnels prévue au projet de loi. Nous proposons que des règles strictes d'utilisation y soient déterminées, règles excluant notamment les activités de récolte de bois et d'exploitation minière. De plus, la désignation de ces écosystèmes devra se faire en consultant les organismes fauniques afin d'intégrer dans les critères de sélection les qualités fauniques des territoires envisagés. Enfin, nous insistons sur l'importance d'inscrire le classement d'écosystèmes forestiers exceptionnels dans la stratégie globale québécoise d'aires protégées dont vous êtes l'un des promoteurs.

Passons à l'aspect du réseau de la voirie forestière. Je vous mentionne que deux principes soutiennent nos positions sur ces points. D'abord, le territoire libre, c'est-à-dire le territoire sans droit faunique consenti, doit demeurer accessible aux chasseurs, aux pêcheurs et aux trappeurs. Ensuite, certains territoires assujettis à des droits fauniques ont besoin d'une protection et d'une gestion spécifiques des accès. Des modalités particulières déterminant la construction et l'entretien de chemins en forêt de même que la circulation sur ces derniers doivent être discutées avant d'être inscrites dans les plans d'aménagement forestiers. C'est pourquoi notre Regroupement suggère qu'une politique de gestion du réseau routier soit élaborée par votre ministère en consultation avec tous les utilisateurs du milieu forestier.

Nous tenons à le souligner encore une fois, le projet de loi tel qu'il est actuellement soumis à la consultation doit être réexaminé et revu pour faire les modifications et ajouter les compléments qui donneront à la gestion intégrée des ressources la place qui lui revient dans l'aménagement et l'exploitation de toutes les ressources forestières. Nous tenons à souligner qu'il faut redonner au mot «forestier» sa signification première et riche qui réfère à la polyvalence des forêts et à la multiplicité des ressources qui s'y trouvent et non seulement au bois.

En conclusion, les recommandations générales que nous avons résumées précédemment ainsi que les suggestions spécifiques détaillées de notre mémoire sur plusieurs des articles du projet de loi sont présentées pour faire de cette loi un instrument moderne et efficace d'aménagement forestier durable et harmonieux pour tous. Les organismes fauniques veulent être associés à part entière à un aménagement forestier durable qui intègre l'ensemble des ressources et des usages du milieu en cause.

Au tournant de l'an 2000, la présente révision donne l'opportunité au Québec de mettre le régime forestier à l'heure du développement durable, ce qui passe inévitablement par la gestion intégrée des ressources. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Bonneville. Alors, effectivement, vous êtes un Regroupement d'organismes, donc, c'était 15 minutes que vous aviez. J'avais erré un peu au départ. Et maintenant, je cède la parole au ministre, vous rappelant qu'on a 15 minutes aussi de chaque côté pour échanges.

M. Brassard: Merci, M. Bonneville et messieurs également des autres organismes fauniques dont M. Blais, de la Fédération québécoise de la faune, un de mes concitoyens.

Je pense qu'il était tout à fait normal que les organismes fauniques regroupés ou pas se présentent devant nous pour s'exprimer sur le projet de loi n° 136 modifiant la Loi sur les forêts. Votre absence aurait été pour le moins difficilement compréhensible. Donc, on vous remercie de votre présence et de votre mémoire.

Évidemment, vous êtes beaucoup préoccupés par la gestion intégrée des ressources, ce qui est tout à fait compréhensible également et légitime. Mais comme on a affaire à un projet de loi, il faut évidemment être en mesure d'avoir des dispositions très précises, comportant le moins d'ambiguïtés possible. Vous voulez d'ailleurs être pragmatiques, c'est ce que vous dites dans votre mémoire. Et vous dites que le projet de loi n° 136 également ne traduit pas concrètement l'approche de gestion intégrée des ressources.

Bon, je vous trouve un peu sévères, parce qu'il y a toute une série de dispositions dans le projet de loi qui visent, je pense en tout cas, à promouvoir une gestion intégrée des ressources: participation des MRC, des gestionnaires de zecs, des gestionnaires de pourvoiries, des communautés autochtones à la préparation des PGAF, des plans généraux d'aménagement, donc impliqués dans le processus dès le départ, ce qui n'existe pas présentement en vertu de la loi; possibilité d'adapter aussi les normes d'intervention; possibilité d'adapter le cadre de gestion par le biais de programmes particuliers ? on en a parlé avec le projet de Forêt habitée dans la région de l'Outaouais, la forêt de l'Aigle, sans compter évidemment, là, le Programme de mise en valeur des ressources du milieu forestier. Donc, plusieurs dispositions dans le projet de loi qui vont sans aucun doute favoriser ou faciliter la gestion intégrée des ressources.

Alors, moi, j'aimerais bien savoir de votre part, de façon pragmatique, comme vous le dites, que vous nous précisiez ce que vous attendez ou qu'est-ce qu'on doit ajouter de plus tout en espérant que vous soyez le plus clair et le plus précis possible. Qu'est-ce qu'il manque dans le projet de loi, là, de façon très précise, pour qu'on puisse vraiment favoriser et soutenir la gestion intégrée des ressources?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Bonneville.

M. Bonneville (Jocelyn): Je voudrais dire d'abord, M. le ministre, que, dans mon texte de présentation, je disais que nos organismes se réjouissaient des innovations fort intéressantes qui étaient amenées par le projet de loi n° 136 et qu'on aurait aimé certaines précisions. Globalement, nous, on pense que la gestion intégrée des ressources doit se faire en amont de l'ensemble des décisions qui se prennent par rapport à la forêt québécoise. Par exemple, lorsqu'on parle de possibilité forestière, nous, on trouverait normal et intéressant qu'on ait en tête l'exploitation de la possibilité forestière des ressources, donc que la possibilité forestière ne puisse plus représenter uniquement un arbre qui va aller à la consommation pour le bois d'oeuvre, mais qu'elle représente l'ensemble des ressources et qu'elle soit traitée comme telle.

n(14 h 20)n

Alors, dans le projet de loi, il nous semblait qu'il y a un très grand effort pour en arriver, sur le terrain, à ce qu'il y ait une cohabitation harmonieuse entre les différents utilisateurs. Notre demande, je pense, commune au niveau des organismes de la faune, c'est d'en faire une façon de faire au niveau de la Loi sur les forêts, au niveau du régime forestier, que les préoccupations, on n'ait pas, nous, lorsque les plans sont déposés, à ramer contre le courant, parce que, je veux dire, les études de l'ensemble des possibilités ont été faites uniquement en fonction de la matière ligneuse. On pense qu'il serait normal que ça soit fait en fonction de l'ensemble des ressources et on pense que l'utilisation de la forêt est déjà grande, mais qu'elle va encore se développer. Et donc il est important, d'autant plus, de se doter d'un instrument qui va en tenir compte et qui devrait normalement, je veux dire, satisfaire l'ensemble des utilisateurs.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Brassard: Je comprends. Mais, quand on établit la possibilité forestière sur laquelle on s'appuie pour déterminer les attributions de volume de bois aux bénéficiaires de contrats d'aménagement et d'approvisionnement, ça, c'est notre responsabilité, parce que ces détenteurs de contrats d'aménagement, bien, c'est le volume de matière ligneuse qui les intéresse, parce qu'ils ont une usine à approvisionner. Donc, les autres ressources, les habitats fauniques, par exemple, la gestion de certaines espèces fauniques comme les grands gibiers, bon, c'est à des organismes comme vous de faire en sorte que ça soit pris en compte dans l'élaboration des plans. C'est pour ça qu'on stipule dans le projet de loi que votre implication commence dès le début, ce qui n'est pas le cas présentement, vous le savez.

Actuellement, les plans sont faits, élaborés par les détenteurs de contrats, puis, après ça, une fois qu'ils sont faits, ils sont déposés au ministère, puis là il y a une consultation, là, vous les regardez puis là... Vraiment, actuellement, vous pouvez dire, selon votre expression, que vous ramez à contre-courant. Mais, avec la nouvelle loi, vous serez impliqués dès le départ. Et là ce sera à vous évidemment de faire en sorte que la dimension faunique, en particulier, soit prise en compte dans les plans. Et ce que vous demandez d'ailleurs aussi, c'est qu'à partir du moment où il y a des différends, des litiges, ce qui est possible en cours de route, il y ait un mécanisme là ? j'aimerais vous entendre là-dessus, d'ailleurs ? pour essayer de régler les différends. Actuellement, il y en a un, mécanisme dans la loi: je peux nommer un conciliateur. Je le fais de temps à autre. Je l'ai fait justement dans le cas de la pourvoirie du président de la Fédération des pourvoiries. J'ai nommé un conciliateur, il rapproche les parties. Mais ça, ça se fait après, une fois que le plan est fait. Là, ce que vous souhaiteriez, c'est qu'en cours de route il y ait un mécanisme qui permette de résoudre les différends et les litiges qui pourraient survenir.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Bonneville.

M. Bonneville (Jocelyn): Écoutez, comme je vous le disais, de pouvoir penser que la gestion des forêts au Québec se fait en ayant une préoccupation et une attitude acquise à l'ensemble des intervenants du domaine forestier pour la gestion intégrée des ressources, nous, on pense que ça devrait être vraiment intégré au niveau du principe générateur et que l'ensemble des intervenants du domaine forestier, y compris les compagnies forestières, aient à travailler en fonction de la gestion intégrée des ressources, à en tenir compte dès le départ, même dans l'attribution des possibilités.

Maintenant, dans des points particuliers, comme par exemple au niveau du mécanisme de participation, on est très heureux d'avoir été intégrés, les organismes fauniques officiels, avec les MRC, les communautés autochtones pour ce qui est de la consultation au niveau du plan général. Maintenant, il y a, à l'intérieur de ce mécanisme-là, le fait que le forestier est obligé de nous demander de participer, mais on aimerait avoir des mécanismes qui assurent qu'il devrait y avoir des ententes et que ces ententes devraient être respectées par l'ensemble des gens qui auront fait ces ententes. À l'intérieur de ça également, on demande ? et je pense que ça rejoint également une position de l'Association des manufacturiers de bois de sciage ? qu'il y ait une table régionale pour traiter des orientations et des particularités régionales et locales pour pouvoir en discuter, où il y aura les grandes orientations qui, aux niveaux régionaux, pourront être adoptées et dont, au niveau local, on devra tenir compte.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, vous êtes...

M. Bonneville (Jocelyn): Je vais permettre à M. Yvon Côté, s'il vous plaît, de compléter les choses.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. M. Côté.

M. Côté (Yvon): Bon, le complément de la réponse est à l'effet, suivant: ce qu'on aimerait qu'il existe, comme mécanisme ou comme niveau de concertation préalable, ce serait un niveau de concertation interministères à l'effet que la gestion du régime forestier ne soit pas uniquement une gestion qui fait référence à l'extraction de la matière ligneuse, mais soit une gestion qui prend en compte l'ensemble des ressources en milieu forestier de sorte que, si, au préalable, il y avait des objectifs gouvernementaux à l'égard de l'ensemble des ressources de la forêt qui prendraient en compte à la fois la faune, la forêt, la matière ligneuse et les autres ressources et que, par après, les organismes de la faune avec les industriels forestiers puissent négocier ensemble des ententes dans ce contexte global, ce serait l'ajout, disons, que l'on souhaiterait voir intégrer si possible au texte de loi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. Moi, à ce moment-ci, avant de laisser la parole à ma collègue de Bonaventure, j'aimerais clarifier une chose: c'est que je me rends compte que vous êtes tous présents, les représentants des différents organismes qui sont sur l'ordre du jour d'aujourd'hui. Est-ce que je dois comprendre que vous faite une seule prestation ensemble ou si, à tour de rôle, vous allez revenir devant la commission?

M. Bonneville (Jocelyn): Non, les autres organismes qui sont prévus vont revenir à tour de rôle.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord.

M. Bonneville (Jocelyn): Mais ce n'est pas tous les organismes qui reviennent.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord, je voulais seulement m'en assurer. Alors, je vous remercie M. Bonneville. Maintenant, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs, M. Bonneville. Tout d'abord, je tiens à vous féliciter pour la concertation que vous avez déployée pour la production de votre mémoire sur le projet de loi n° 136. Évidemment, le coeur de votre mémoire réside... fait référence au fameux principe de gestion intégrée des ressources. Alors, de toute évidence, vous n'êtes pas satisfait de ce que le ministre a prévu. La preuve, vous allez plus loin, vous faites des suggestions en termes de mécanique.

La première recommandation est liée, c'est ce que je comprends, à une politique de gestion intégrée. Là, vous faites référence à un délai de cinq ans qui pourrait permettre à toutes les parties intéressées de déterminer effectivement les objectifs et les concepts qui nous permettraient donc d'atteindre cet objectif de gestion intégrée des ressources.

Mais je vous poserais deux questions sur deux de vos recommandations: la recommandation numéro 2 et la recommandation numéro 7. Tout d'abord, à la recommandation 2, vous faites référence à la création d'une table de concertation, donc, qui serait composée sur le plan régional de différents intervenants. J'aimerais connaître de votre côté quelle est la référence pour établir cette table-là. Certains organismes chez vous vont nous parler du bassin hydrographique, d'autres... Est-ce que c'est le territoire? Est-ce que c'est une unité d'aménagement? Est-ce que l'aire commune? J'aimerais avoir des précisions de ce côté-là.

Et à la recommandation numéro 7, vous faites référence, lorsqu'il y a un litige qui survient entre les différents utilisateurs, à un mécanisme: «Qu'un mécanisme neutre et crédible de résolution des différends ? donc des conflits ? soit mis en place en cas d'échec de la concertation.» Alors, pour vous, quelle forme prendrait ce mécanisme neutre de concertation qui permettrait effectivement de résoudre les différends et les litiges?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Bonneville.

M. Bonneville (Jocelyn): Alors, pour nous, dans le cadre de notre concertation, ça devait être au niveau régional que les grandes orientations ayant trait aux priorités économiques, ayant trait au développement de la ressource forestière dans le cadre de la politique générale de la Loi sur les forêts et de la politique générale du gouvernement soient faites, ce qui fait en sorte que, certainement, certains intervenants au niveau faunique voient, par exemple, la gestion de leur rivière par bassin versant...

n(14 h 30)n

Lorsque les tables régionales auront déterminé certaines grandes orientations, il n'empêche qu'il y aura, au niveau local, des unités d'aménagement, d'autres discussions à y avoir en respectant les critères développés par la table régionale. Mais, de notre avis, c'était au niveau régional qu'on voyait cette table-là. Les organismes, entre autres les organismes de la faune, sont déjà regroupés dans des groupes faune régionaux. On connaît l'ensemble des organisations régionales, autant les CRD que l'ensemble des autres intervenants. On pense qu'à ce niveau-là il est possible de développer une cohérence régionale là-dessus.

Pour ce qui est des mécanismes, on a vécu avec des mécanismes par rapport aux plans quinquennaux, lorsqu'il n'y avait pas d'entente entre les parties, qui, en tout cas, n'ont pas été utilisés très souvent, mais qui nous semblaient également, en toute fin d'opération, donc lorsque vraiment la chicane est prise et que le bois doit être coupé le lendemain... On ne pense pas que ça soit une façon de pouvoir amener les gens à se parler, à se comprendre puis à développer une concertation.

Quel mécanisme exactement? Un mécanisme adapté, je veux dire, au niveau de ce nouveau fonctionnement de consultation et de participation des organismes, autant fauniques que les autres, à ce processus. On ne peut pas vous dire exactement aujourd'hui qu'on avait pointé directement ce que ça pouvait être, mais c'est certain que ce qu'on aimerait, c'est qu'il puisse intervenir assez tôt lorsqu'il y a problème pour qu'on ne vive pas toujours la dernière minute. Et, à la dernière minute, on le sait, il n'y a rien à faire parce qu'il risque d'y avoir des emplois menacés ou quoi que ce soit.

Mais on n'a pas réfléchi à... Il y a quand même une série de recommandations dans le mémoire sur certains points particuliers du projet de loi comme tel, mais je dois vous dire qu'on n'a pas poussé au point où on pourrait vous définir très, très clairement ce matin lequel des mécanismes.

M. Blais (Aurèle): En complémentaire, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Blais.

M. Blais (Aurèle): Deux choses. D'abord, au point dont vous parliez, au numéro 2, sur la création des tables de concertation, il y a déjà un mécanisme en place par les groupes faune régionaux. Il y a un groupe faune provincial, mais il y a les groupes faune régionaux qui sont déjà en place, qui tiennent compte de tous les intervenants et de toutes les ressources, dans le fond, qui sont déjà là, qui pourraient être consultés pour ces tables de concertation là.

À l'autre recommandation, la recommandation numéro 7, c'est parce qu'on parle aussi d'ententes écrites qui seraient intervenues entre les utilisateurs et les bénéficiaires, et ces ententes-là, il faut qu'elles soient respectées. Et c'est ensuite donc qu'à un moment donné on pourra justement, à ces tables de discussion, y revenir pour voir la manière dont on s'y prendra pour les faire appliquer, s'il y a un cas de litige, pour qu'on ait aussi, comme M. Brassard le disait, des conciliateurs, mais des conciliateurs peut-être aussi avec ceux de la faune en parallèle, en continuité donc avec les gens de la faune pour qu'on ait un conciliateur, j'oserais dire, qui tiendrait plus compte de toutes les ressources.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: De toute évidence, il y a des défis importants qui vont se poser parce que concilier tous ces intérêts-là, les industriels, les groupes faune, on s'entend tous pour dire que ce n'est pas nécessairement une tâche facile.

On parle beaucoup d'obligations des bénéficiaires de CAAF, mais j'aimerais connaître votre vision par rapport à vos obligations à vous quand on parle de gestion intégrée des ressources. Comment vous voyez ça, vos obligations comme pourvoyeurs, comme chasseurs, comme pêcheurs, comme trappeurs? On fait référence beaucoup évidemment aux obligations que doivent assumer les industriels, les bénéficiaires de CAAF. Mais vous, de votre côté, est-ce que vous êtes conscients que vous avez des obligations? Et, si oui, comment vous pourriez les identifier, de votre côté?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Bonneville.

M. Bonneville (Jocelyn): Oui. Écoutez, présentement, au niveau des organismes fauniques qui gèrent des territoires ? il y a des organismes fauniques qui ne gèrent pas de territoire parmi nous ? parmi ceux qui gèrent des territoires, il y a toute une série d'implications, je ne dirais pas pour le moment dans la gestion intégrée des ressources mais dans la gestion de la ressource faunique. On parle soit de protocole d'entente pour ce qui est des zecs, on parle de droits consentis pour les pourvoiries ou de délégation au niveau des réserves. L'ensemble des intervenants fauniques ont des obligations par rapport à la ressource, par rapport également à ce qu'ils prennent comme entente, sauf que ça n'a jamais été fait dans un cadre de gestion intégrée des ressources.

Bien entendu, on n'a pas la même situation, si vous voulez, que les compagnies forestières par rapport à la gestion intégrée des ressources. Je ne crois pas que le prélèvement d'une bête ou l'observation d'une bête ait le même impact que le forestier qui, lui, récolte une matière qui sert d'habitat faunique. Donc, il est certain que ce qu'on demande... Et je ne pense pas qu'on ait peur d'avoir des obligations au niveau de la gestion intégrée des ressources. Je pense qu'on a, depuis le début du nouveau régime forestier de 1986, cheminé puis on a appris beaucoup. On a fait beaucoup d'efforts, il y a beaucoup d'organismes bénévoles, il y a beaucoup de petits organismes que ça soit des petits pourvoyeurs, de petites zecs, qui bénévolement ont beaucoup accompli.

Et on travaille dans un domaine qui n'est pas spécifiquement le nôtre. On est obligé d'analyser, je veux dire, des choses qui ne relèvent pas nécessairement de nos compétences immédiates. Beaucoup d'organismes se sont dotés de ressources humaines pour faire face à ça, mais c'est certain qu'on pense qu'il y aura sûrement des obligations supplémentaires et des participations de notre part. Je pense qu'on est prêt à le faire, mais je pense également que, autant les forestiers que tout le monde, personne n'a le choix d'embarquer dans la gestion intégrée des ressources, on est rendu à cette étape-là. Si on attend encore... Il y a un bout qui se fait dans le projet de loi, mais si on attend et que la mentalité des forestiers ne change pas là-dessus, ça coûtera seulement plus cher plus tard. C'est notre avis. Nous, on est prêt à faire notre part et à prendre des engagements au niveau de la gestion intégrée des ressources.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Blais, vous vouliez donner un complémentaire?

M. Blais (Aurèle): Oui, en complémentaire, parce que M. Bonneville a surtout répondu, j'oserais dire, à la première partie de la question qui était le genre d'implication à la gestion intégrée des ressources, je pense assez complète.

Dans la deuxième partie, lorsque vous parliez des CAF à un A, que vous demandiez un petit peu notre opinion là-dessus, c'est qu'on voudrait que ce soit fait dans le cadre des stratégies de conservation de la forêt, les règlements qui sont déjà mis en place d'ailleurs depuis les années quatre-vingt-dix par votre gouvernement. C'est une chose qu'on aimerait qu'on voit dans la loi, premièrement. Deuxièmement, il reste qu'on se pose plusieurs questions sur les contrats à un A, parce qu'on se dit: Il manque de définition peut-être clairement au niveau de la loi pour l'instant, en tout cas. On se demande: De quelle manière allons-nous transformer ces forêts-là? Dans quel endroit allons-nous le faire? Quel procédé va-t-on employer? Il y a plein de questions qui nous amènent des craintes, et on voudrait avoir un petit peu plus de sûreté.

Une petite dernière chose juste pour parler de partenariat en voulant vous dire que, nous autres, dans cet esprit-là, ce que nous voulons faire, c'est de travailler en partenariat avec vous autres, et nous avons déjà commencé, je pense, à prouver notre bon vouloir là-dessus dans des guides d'utilisateurs qu'on a déjà formés là-dessus. On est en train de préparer une trousse pour la future gestion de concertation au niveau de la GIR. Donc, je pense qu'on est prêts à vouloir participer en partenaires là-dessus.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Blais. Avant de passer la parole à notre collègue de Gaspé, j'aimerais demander à tous ceux qui ont des appareils cellulaires de bien vouloir les fermer, s'il vous plaît. Alors, M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, Mme la Présidente. Dans votre mémoire, vous nous dites que vous êtes d'accord avec les critères de performance qui sont... Vous dites aussi que le succès de la participation des utilisateurs à la préparation du PGAF devrait être considéré dans l'évaluation de la performance des bénéficiaires de CAAF. Est-ce que vous êtes d'avis que la responsabilité devrait revenir à celui qui est bénéficiaire du CAAF ou si vous êtes disposés à participer à l'élaboration ou encore à envisager que vous aussi soyez soumis à des critères de performance éventuellement? Au plan d'aménagement, là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Bonneville.

M. Bonneville (Jocelyn): Écoutez, nous, déjà, je pense que les performances, au niveau des organismes fauniques... On participe déjà à des plans de gestion, soit au niveau de la faune pour l'ensemble du Québec ? si on parle par exemple de l'orignal où on parle d'autres espèces ? donc des plans de gestion fauniques par espèce où on évalue effectivement nos performances. Chacun des organismes également qui gère un territoire a également un plan de gestion faunique à développer ou également en discussion avec nos responsables gouvernementaux, la Société de la faune et des parcs. On rediscute des performances, des atteintes des objectifs qu'on a eus, des résultats qui étaient escomptés. Je pense que là-dessus l'ensemble des participants fauniques font ce travail-là à ce niveau-là.

n(14 h 40)n

Donc, est-ce qu'il y aurait lieu, si je comprends bien votre question, de le réintégrer à l'intérieur d'une évaluation commune avec nos amis les forestiers dans le cadre de ce plan-là? Là, j'ai un petit peu de difficulté avec ça, dans le sens, en tout cas, de comprendre qu'est-ce que ça pourrait être comme mécanisme. Mais pour ce qui est de nous, pour ce qui de l'atteinte des résultats ou de l'atteinte des objectifs qu'on s'est fixés avec l'ensemble de nos dirigeants, je pense qu'on le fait.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Gaspé, il reste à peine deux minutes.

M. Lelièvre: Ah, j'avais un autre sujet à aborder, la voirie forestière, mais je vais compléter là-dessus. Est-ce que vous semblez ouverts à travailler avec les industriels, avec les bénéficiaires de CAAF? Donc, est-ce que vous êtes ouverts à faire une planification commune avec eux puis qu'eux participent à votre planification et que vous participez à la leur?

M. Bonneville (Jocelyn): Je vais demander à M. Côté de...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Côté.

M. Côté (Yvon): Oui, je pense qu'en principe, de ce côté-là, l'attitude des gens du milieu faunique est une attitude d'ouverture. Comme on le mentionnait dans notre mémoire cependant, l'ampleur des deux industries... On a affaire à deux industries qui ne sont pas nécessairement de même niveau et les moyens qui sont au service de ces deux industries ne sont pas les mêmes.

Je vous raconte une petite histoire qui nous est arrivée à chacun d'entre nous, j'en suis sûr. À l'occasion d'une discussion avec un industriel forestier, j'arrive avec un ou deux collaborateurs et puis, devant nous, bien, on a une batterie d'experts: ingénieurs forestiers, techniciens, spécialistes en géomatique, etc. Et l'industriel forestier nous dit: Bien, où sont vos conseillers scientifiques et où sont vos techniciens? Pouvez-vous déposer des cartes comme on en dépose? Évidemment, ce n'était pas possible.

Alors, dans un contexte de gestion intégrée, c'est bien sûr que si on veut atteindre des résultats qui sont mesurables par rapport à des mêmes critères, des mêmes échelles de mesure, il faudra que les deux secteurs disposent de moyens qui s'apparient en quelque sorte. Et c'est pourquoi nous recommandions que soit le système de redevance, soit le fonds faunique puisse permettre aux organismes de la faune de disposer de moyens financiers qui pourraient être utilisés de façon à soutenir la connaissance et de façon à avoir des discussions avec les industriels forestiers d'égal à égal. Dans ce contexte, il est bien sûr que si ces conditions existaient, on veut agir entre partenaires et donc on serait soumis aux mêmes règles d'évaluation, c'est bien entendu, à la condition toutefois qu'on puisse bénéficier de moyens identiques pour soutenir nos discussions.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Côté. C'est terminé, M. le député...

M. Lelièvre: Le temps, c'est quelque chose qui s'écoule rapidement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...de Gaspé. Alors, M. le député d'Orford. Il reste quatre minutes à votre formation politique.

M. Benoit: Dans les quatre minutes qu'il me reste ? c'est bien ça ? M. Blais, la Fédération québécoise de la faune, dans sa mission, on nous dit qu'elle est là pour promouvoir la conservation et la mise en valeur de la faune; c'est tout à votre honneur. Je vois dans les recommandations, la recommandation 5 ? et je l'adresse à vous d'une façon particulière ? vous dites: «Le Regroupement des organismes fauniques propose de modifier, de compléter la notion d'objectif d'aménagement et de rendement accru.»

Dans les mouvements environnementaux à travers le monde, on se questionne sur la notion de rendement accru, comment les poissons vont se retrouver là-dedans, comment les chevreuils vont se retrouver. Et vous qui défendez un peu ce milieu-là, j'aimerais ça avoir votre point de vue sur la notion de «rendement accru» que le ministre nous propose.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Blais.

M. Blais (Aurèle): Pour ce qui est du rendement accru, on y croit, sauf que justement on dit: On se pose plusieurs questions sur la manière de l'appliquer aussi. Et c'est justement pour ça aussi qu'on se dit qu'il devrait y avoir des comités, des tables de concertation pour des discussions, pour des mises en application là-dessus, pour faire les études sur les questionnements que vous posez, vous autres aussi. Et c'est les mêmes pour nous autres dans ce sens-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Alors, à prime abord, vous ne donnez pas un mandat au ministre ou un chèque en blanc pour qu'il procède avec une politique de rendement accru sans qu'on ait les données. Parce qu'il y a des scientistes qui sont venus nous dire... Le premier qui est venu ici d'ailleurs en commission parlementaire, qui était un universitaire, nous a grandement questionnés, nous disant qu'il était loin d'être sûr, lui, qu'on s'en allait dans une bonne direction au Québec avec le rendement accru. Alors, c'est un peu ce que vous faites, vous autres aussi, vous dites au ministre: Avant de vous embarquez là-dedans, soyez sûr qu'on s'en va dans un bon chemin.

M. Blais (Aurèle): C'est certain, c'est dit dans notre mémoire d'ailleurs, on y revient... Je m'excuse, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous en prie.

M. Blais (Aurèle): Je disais: C'est certain, on y revient d'ailleurs dans notre mémoire en soulignant qu'on voudrait qu'à un moment donné ce soit d'abord discuté plus ouvertement, publiquement, et aussi qu'à un moment donné il y ait des tables pour en discuter. Je me posais tout à l'heure des questionnements qu'on se pose sur ce rendement accru, qui restent encore là. On se dit que peut-être dans une discussion ou dans les ouvertures, il y aurait des possibilités. On ne veut pas non plus être contre le principe de rendement accru justement pour l'économie ou pour le rendement des compagnies à ces niveaux-là.

Sauf qu'il ne faut pas voir toujours la forêt juste par rapport à l'aspect ligneux de la chose, mais aussi par rapport à toutes les ressources.

M. Benoit: C'est terminé?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il reste à peine une minute, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui, bien, je veux juste être sûr qu'on s'est bien compris tantôt. Ce que vous dites finalement, c'est que quand vous avez à vous battre contre des multinationales de la foresterie, vous n'avez pas les moyens, en ce moment. Même si on a des tables de concertation, même si on est assis à la MRC, ce que vous dites, c'est que vous n'avez pas les moyens. Il vous faut ou il nous faut trouver des moyens pour vous aider, en quelque part, pour faire face à l'industrie forestière. Est-ce que c'est ce que j'ai compris?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Côté.

M. Côté (Yvon): Oui, vous avez tout à fait compris. Bien sûr, l'expérience des dernières années avec FAPAQ, le ministère des Ressources naturelles et de l'Environnement du côté de la gestion intégrée, cette expérience a donné lieu au développement de modèles de gestion intégrée tout à fait valables, de façon générale, à l'échelle du Québec. Maintenant, il s'agit de transposer ça dans chacune de nos régions, dans nos petites localités, au niveau de rivière par rivière, bassin versant par bassin versant. Et c'est là, dans le fond, qu'il va falloir avoir un appui quelque part pour transposer ces modèles-là à des échelles locales.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, messieurs, merci pour votre participation à cette commission. Je vais donc suspendre pour quelques instants nos travaux.

(Suspension de la séance à 14 h 47)

 

(Reprise à 14 h 50)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend donc ses travaux. Nous allons maintenant accueillir la Fédération québécoise pour le saumon atlantique. Alors, M. Côté, rebienvenue à la commission. Si vous voulez bien nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que dans votre cas ? et là c'est vrai ? vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire et, par la suite, période d'échanges avec les deux parties. Alors, voilà, M. Côté.

Fédération québécoise pour
le saumon atlantique (FQSA)

M. Côté (Yvon): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, mesdames, messieurs de la commission parlementaire, je me présente ? j'ai déjà été présenté plus tôt ? Yvon Côté, président de la Fédération québécoise pour le saumon de l'Atlantique. Je suis accompagné de deux collègues. À ma droite, M. Denys Duchaine, qui est vice-président région Québec à la Fédération, et, à ma gauche, M. Gilles Shooner, qui est le directeur général de notre Fédération.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Pourriez- vous...

M. Côté (Yvon): Gilles Shooner, S-h-o-o-n-e-r.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, monsieur.

M. Côté (Yvon): Alors, nous vous remercions, comme nos collègues précédemment, de l'accueil que vous nous faites et de l'opportunité que vous nous donnez d'intervenir dans ce débat. Un petit mot très rapide de la FQSA...

J'aimerais préciser que, compte tenu que nous avons 10 minutes, je ne procéderai pas à la lecture du mémoire, je ferai simplement quelques remarques en vrac et de façon un peu télégraphique, de manière à pouvoir exprimer l'ensemble des messages que nous voulons vous véhiculer aujourd'hui.

Alors, un mot de la FQSA. La FQSA est une fédération composée de pêcheurs sportifs, de gestionnaires de rivières à saumon mais également de toute autre corporation intéressée à la conservation du saumon et au développement de la pêche sportive du saumon. Nous retrouvons dans ces corporations des municipalités, même également des industriels forestiers, en fait toute corporation qui a un intérêt à l'égard de la ressource saumon.

Notre mission, elle est double, c'est une mission de conservation mais c'est également une mission de mise en valeur, de développement des rivières et de développement de la pêche sportive. En ce sens, notre Fédération poursuit des objectifs économiques qui sont tout à fait de même nature et de même orientation que les objectifs économiques qui peuvent être poursuivis par les industriels forestiers. Donc, de ce point de vue là, il est tout à fait clair que les objectifs économiques poursuivis par les industriels forestiers trouvent une résonance chez nous que l'on reconnaît et que l'on ne peut qu'accepter.

Pourquoi la FQSA a décidé d'intervenir au-delà des remarques qui ont été faites précédemment par nos collègues des autres fédérations de la faune? Pour deux raisons tout à fait simples. Alors que, dans le cas de plusieurs espèces fauniques du milieu forestier ? je réfère ici, par exemple, à l'orignal, à l'ours, au chevreuil, à la gélinotte, au lièvre d'Amérique, etc. ? alors que plusieurs de ces espèces en fait peuvent bénéficier de l'exploitation forestière, c'est-à-dire du rajeunissement des forêts, dans le cas de la faune aquatique des rivières, des lacs et particulièrement du saumon, ces espèces et ces milieux ne peuvent que subir le contrecoup de l'exploitation forestière.

En fait, il est difficile d'imaginer que l'exploitation forestière va amener une amélioration de la qualité de l'eau et il est difficile également d'imaginer que l'exploitation forestière va améliorer le régime hydrologique des rivières ou des lacs. En fait, au mieux, l'effet est neutre, et, au pire, bien l'effet est négatif. Donc, l'approche en ce qui regarde les interrelations entre l'exploitation forestière et le milieu aquatique se doit d'être tout à fait différente de ce que l'on a considéré jusqu'à présent au niveau des autres fédérations.

La deuxième raison qui nous incite à intervenir dans le débat, c'est que le saumon atlantique est une espèce fragile et, au fond, relativement rare au Québec. En fait, alors que nous avons des milliers de rivières au Québec, nous n'avons qu'une centaine de rivières à saumon. Alors, il est important de bien conserver, de préserver ce patrimoine qui est unique, qui est relativement rare et qui fait, dans le fond, l'une des caractéristiques du Québec.

La position de la FQSA en matière d'utilisation des ressources fauniques, elle est simple... des ressources naturelles ? et ceci inclut évidemment l'exploitation forestière ? et repose sur deux aspects particuliers. D'une part, nous sommes tout à fait d'accord avec l'utilisation polyvalente de nos milieux. Alors, l'utilisation polyvalente veut dire l'ensemble des ressources, qu'elles soient forestières, qu'elles soient touristiques, qu'elles soient fauniques ou qu'elles soient tout autres. Toutefois, cette utilisation polyvalente doit être assujettie au principe du développement durable, de l'utilisation durable.

Nous considérons, à la Fédération, que notre génération de Québécois, nous ne sommes que les fiduciaires temporaires d'un milieu et nous devons léguer à la génération qui va nous suivre un milieu d'aussi grande qualité, sinon de meilleure qualité, que nous avons reçu. Et c'est ce qu'on appelle la notion de «développement durable». Maintenant, le moyen de faire une utilisation polyvalente et un développement durable des ressources, c'est évidemment la gestion intégrée. Le texte de loi là-dessus est tout à fait clair et l'a bien compris. Et nous sommes heureux que le ministre et son ministère reconnaissent que ceci doit maintenant être l'objectif de nos plans d'aménagement forestiers.

Et gestion intégrée, pour nous, évidemment, c'est une nouvelle approche. Et cette nouvelle approche, ce qu'on y trouve d'intéressant et qu'on devra développer de plus en plus, c'est que cette nouvelle approche de gestion intégrée est nécessairement basée sur les consensus plutôt que sur l'approche réglementaire.

En fait, on pourrait envisager la protection de la faune et des forêts sur l'addition de règlements par dessus règlements, mais je pense que gestion intégrée, ce n'est essentiellement pas ça que ça veut dire. Gestion intégrée veut dire s'entendre entre utilisateurs du milieu au-delà des règlements, au-delà des lois, dans le fond, sur la base de consensus et d'idéal commun dans certaines régions. Donc, qu'à l'avenir les plans de gestion forestiers soient assujettis à la GIR, à la gestion intégrée des ressources, nous ne pouvons que féliciter le ministre de cette initiative.

Maintenant, comment juger qu'un plan d'aménagement forestier correspond à de la gestion intégrée, quelles sont les caractéristiques qui feraient qu'à la lecture même d'un plan, on dirait: Oui, ça, c'est de la gestion intégrée? Et c'est là-dessus, à partir de ce point-ci, Mme la Présidente et M. le ministre, que nous aimerions faire bénéficier, si c'est possible, la commission d'un certain nombre d'expériences que nous avons parce que nous travaillons en milieu aquatique, et d'expériences qui sont différentes un peu du milieu forestier. Il est possible que, mutatis mutandis, il soit possible de prendre ces expériences qui existent ailleurs et de les appliquer justement en milieu forestier et d'ainsi trouver, dans le fond, des outils, des mécanismes, des critères qui vont donner un peu plus de chair, un peu plus de vécu, un peu plus de sens pratique, disons, à cette notion de gestion intégrée.

Alors, un plan de gestion intégrée, pour nous, se reconnaît à trois caractéristiques. Deux d'entre elles font justement partie de votre projet de loi et la troisième n'est pas là: le critère de conservation, le critère du respect des orientations existantes dans les choix de développement, et le critère de prudence.

Alors, le critère de prudence, qu'est-ce que c'est? Le critère de prudence, c'est la chose suivante: c'est que tout n'est pas connu dans le domaine environnemental. La science est très avancée mais elle n'a pas fait de percées en tous points. Évidemment, il ne s'agit pas de tout connaître avant d'agir, sinon, c'est le blocage, mais il serait... Une traduction de l'anglais de cette philosophie, c'est la «precautionary approach». L'approche prudence, l'approche précautionneuse.

L'approche précautionneuse, comment tenir compte de ce nouveau concept? En fait, c'est par des meilleurs suivis de nos actions sur le terrain. Alors, nous aimerions que le projet de loi et ce qui va l'entourer comme réflexion tiennent compte un peu plus de la nécessité de faire plus de suivi, plus de recherche sur les impacts des pratiques forestières sur le milieu ambiant, et qu'ils en tiennent compte dans la fabrication des plans de mise en valeur.

Maintenant, deux ou trois idées que je vous laisse en vrac, puisque le temps file. Certains concepts qui existent ailleurs et qui devraient être pris en considération: le concept de réautorisation quinquennale et le concept de certification environnementale. Qu'est-ce que c'est? On sait que vous attribuez des contrats de 25 ans, contrats de 25 ans qui sont renouvelés aux cinq ans grâce à l'exercice des plans quinquennaux. Le défaut des plans quinquennaux, c'est que malheureusement ils manquent de suivi. Ils sont ajustés très fréquemment au fil des ans et, de plan quinquennal en plan quinquennal...

Quand arrive un plan quinquennal, quand arrive sa fin, dans le fond, souvent, on n'évalue pas ce qu'on avait initialement planifié, on l'a modifié en cours de route, et on recommence l'exercice pour un autre cinq ans sans se demander, dans le fond... Si on a modifié tant que ça notre plan, c'est qu'il n'était peut-être pas si valable.

Alors, l'approche de réautorisation quinquennale ferait que ça obligerait l'industriel à être assujetti à un bilan avant qu'on lui autorise une nouvelle période quinquennale. Si, au terme de cet exercice, l'industriel forestier passe à travers son processus d'autorisation quinquennale, automatiquement cet industriel recevrait une certification environnementale qui, pour lui, dans le fond, deviendrait un plus-value qui lui permettrait d'exporter sur les marchés étrangers son produit avec une cote de plus, une marque, une qualité, un label de plus qui est la certification environnementale.

n(15 heures)n

Maintenant, je termine sur un dernier point... deux derniers points. J'ai mentionné tantôt que l'approche de gestion intégrée s'oppose en quelque sorte à l'approche réglementaire. Alors, à ce sujet, il existe, en faune aquatique, un principe qui est le principe d'aucune perte nette d'habitat. Aucune perte nette d'habitat signifie que des industriels à l'égard d'un milieu peuvent intervenir, peuvent avoir à la limite un impact négatif sur un certain milieu, mais, si cet impact négatif est compensé par un impact positif, par un aménagement positif à quelque part, l'environnement y trouve son compte. Alors, ceci nous apparaît être une façon non réglementaire de régler les problèmes de l'environnement en donnant l'opportunité, dans le fond, d'agir sur l'environnement, d'avoir les impacts négatifs, mais de compenser par ailleurs, plutôt que d'inventer règlement par-dessus règlement.

Finalement, je termine avec une toute dernière expression que je veux vous laisser, mes collègues en ont parlé, c'est la notion de bassin versant. Je pense qu'à l'avenir la notion de bassin versant est une notion qui devra être intégrée de façon très claire dans les processus d'aménagement et pourrait même être considérée comme étant l'unité d'aménagement de base, puisque le bassin versant est l'unité écologique naturelle. Alors, je vous remercie de votre attention et je m'excuse pour les quelques secondes au-delà de mon temps.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Vous êtes entré dans votre temps précisément, M. Côté. Merci. Alors, M. le ministre, pour la période d'échanges.

M. Brassard: D'abord, je voudrais vous remercier, M. Côté, M. Duchaine, M. Shooner, au nom de la Fédération québécoise pour le saumon atlantique. C'est une organisation que je connais bien, du temps que j'avais la responsabilité du secteur Faune, et c'est une organisation d'ailleurs extrêmement dynamique et très responsable en matière de protection de cette ressource extraordinaire qu'est le saumon de l'Atlantique. Alors, je vous remercie de votre présence et de votre contribution.

Je pense qu'on est très près l'un de l'autre quand vous dites, avec raison, que la gestion intégrée des ressources, ça doit d'abord et avant tout se fonder, s'appuyer sur la concertation et le consensus des intervenants beaucoup plus que sur des contraintes de nature réglementaire ou administrative. Je pense que vous seriez en mesure sans aucun doute, à partir de vos expériences concernant les contrats de rivière, les conseils de bassin que vous expérimentez depuis un certain nombre d'années, de faire une démonstration de cette affirmation, que la gestion intégrée des ressources, étant donné que ça implique un assez grand nombre d'intervenants, en plus du bénéficiaire de contrat d'aménagement, ça doit d'abord s'appuyer sur le consensus et sur la concertation. Il me semble, en tout cas, que le projet de loi comporte les dispositions qui permettraient d'aller encore plus loin puis d'élargir sur une plus grande partie du territoire forestier québécois ce concept de gestion intégrée des ressources. L'implication en amont des intervenants m'apparaît, en tout cas, être une mesure législative tout à fait appropriée.

En matière d'évaluation environnementale, vous savez que la performance environnementale va devenir un critère. Performance forestière, oui, bien sûr, mais la performance environnementale va devenir un critère également lorsque viendra la révision des plans, des plans généraux et qu'on va donc examiner, à ce moment-là, comment les interventions, au cours de la période quinquennale, se sont faites puis quel impact ça a eu, entre autres, sur la ressource faunique, dans votre cas, le saumon de l'Atlantique. Est-ce que ça ne rejoint pas, ces dispositions-là, vos préoccupations de prendre en compte l'évaluation... de prendre en compte autre chose ou pas uniquement la performance proprement forestière? Qu'est-ce qu'il faudrait introduire, d'abord, dans le projet de loi pour que vous soyez, disons, pleinement satisfaits?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Côté.

M. Côté (Yvon): Merci, Mme la Présidente. Alors, j'aimerais souligner, M. le ministre, que vous avez une connaissance tout à fait à point de notre Fédération, puisque vous avez été titulaire du ministère qui nous chapeautait à une certaine époque et que nous vous avons décerné également le titre de membre à vie de notre Fédération. Donc, vous êtes tout à fait sensibilisé aux objectifs que nous poursuivons.

M. Brassard: Vous n'auriez pas dû dire ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Là, je suis en conflit d'intérêts.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Yvon): Non. Ça, c'est ce qu'on appelle le partenariat. Rendu à ce niveau-là, on appelle ça du partenariat. J'aimerais également, avant de répondre, vous montrer brièvement notre publication. La Fédération publie régulièrement une publication qui s'appelle Saumons illimités. Dans cette revue, nous avons sensibilisé les membres aux débats de la commission parlementaire. Il y a un résumé de notre mémoire là-dedans. Et, si les membres de la commission veulent prendre lecture de ce document, il y en aura des copies en arrière. Au-delà de ça...

M. Brassard: Comme membre, je le reçois...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Yvon): Merci bien. Bon, maintenant, des précisions additionnelles. Oui, nous reconnaissons que le texte de loi va dans le bon sens. Et le texte de loi, à notre avis, est à un pas, je dirais, de la perfection, et c'est ce pas qu'on aimerait franchir. Au niveau des autorisations environnementales, de la certification environnementale, vous l'avez évoqué, le texte de loi s'approche de cet objectif sans tout à fait y toucher. Alors, il faut donner un peu de matière concrète à ça.

Et ce que, nous, on disait, dans le fond, au niveau de l'évaluation, au niveau des bilans, avant d'autoriser une nouvelle période de cinq ans et avant que cette période de cinq ans se rajoute aux autorisations de 25 ans, on aimerait avoir un processus d'auditions publiques du bilan du dernier plan quinquennal passé. En fait, on sait que les plans quinquennaux sont soumis à la consultation populaire, mais le plan quinquennal passé est rarement audité, rarement regardé dans le détail de façon à voir si tous les engagements qui ont été pris par les gens autour de la table, notamment les industriels forestiers, sont respectés, s'il y a eu des défauts d'usage à certains endroits. Ce questionnement-là, cette rétroaction sur le passé est rarement faite, et, dans le fond, c'est ce qui manque. Donc, on aimerait un audit sur le plan quinquennal passé avant d'autoriser le nouveau plan quinquennal. C'est ce qu'on appelle la réautorisation.

Maintenant, cette réautorisation, parce qu'il ne faut pas toujours... Il y a le bon vieux principe du bâton et de la carotte, mais à un moment donné aussi, il faut jouer dans le sens de l'industrie forestière. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'une fois la réautorisation faite et une fois assuré que le plan de gestion a été fait dans un cadre de gestion intégrée il faudrait que le gouvernement reconnaisse que l'autorisation environnementale, elle est là, elle est dans l'acceptation d'un plan de gestion intégrée. Dès qu'une superficie forestière, dans le fond, a été assujettie à un processus de gestion intégrée, ceci devrait être la certification environnementale. On ne veut pas nécessairement qu'il y ait d'autres démarches de la part du ministère de l'Environnement, ce n'est pas ça. On ne veut pas ajouter des règlements par-dessus les règlements. On veut que la gestion intégrée elle-même, lorsqu'elle existe, devienne le symbole de la certification environnementale, le symbole vert qu'on pourra mettre sur nos arbres ou sur nos pièces de bois qui seront exportées sur les marchés étrangers. De cette façon-là, je pense que l'industrie est gagnante en même temps que le secteur faunique est gagnant.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Côté. Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Messieurs, bonjour, merci beaucoup pour la présentation de votre mémoire. Vous avez raison d'insister sur l'importance de préserver le patrimoine du saumon évidemment dans notre belle région en Gaspésie. Mon collègue de Gaspé sera d'accord avec moi. Il y a effectivement des rivières extrêmement importantes qui ont un potentiel récréotouristique aussi majeur, et économique et social également.

Écoutez, à la page 7 de votre mémoire, on fait référence à deux concepts qui sont nouveaux dans tout cet objectif de gestion intégrée des ressources. Vous faites référence au fameux concept d'aucune perte nette et au fameux concept également de réautorisation. Vous venez tout à l'heure de préciser davantage le deuxième concept. Mais, au niveau du premier élément, celui d'aucune perte nette, j'aimerais peut-être que vous puissiez nous en dire davantage là-dessus parce que c'est la première fois qu'on l'entend. Alors, peut-être nous préciser qu'est-ce que vous entendez exactement par «aucune perte nette». Quand on fait des interventions en forêt, j'imagine que pour vous autres ça se traduit par une perte. Alors, si vous proposez un concept comme celui-là, c'est donc dire qu'il y a un objectif qui est visé derrière tout ça. Alors, peut-être avoir plus de précisions là-dessus.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Côté.

n(15 h 10)n

M. Côté (Yvon): D'accord. D'abord, un mot sur l'origine du concept. L'origine du concept est dans la Loi sur les pêcheries. Alors, la Loi sur les pêcheries admet qu'il peut y avoir des interventions en périphérie des cours d'eau, il peut y avoir des barrages qui sont construits sur les cours d'eau, il peut y avoir des ponts qui traversent les cours d'eau, qui empiètent légèrement sur les cours d'eau, il peut y avoir des industries qui s'installent le long des cours d'eau, et on reconnaît que ces industries, ces développements peuvent avoir un effet sur le milieu. Mais, de façon à ce que cet effet négatif, à la limite, devienne acceptable, il faut qu'il y ait compensation ou amélioration du milieu quelque part ailleurs. Alors, ceci, c'est un concept positif, dans le fond, parce que le choix que nous aurions, ça serait de dire non à tout développement ou de n'accepter le développement que lorsqu'il n'a aucun effet sur le milieu, ce qui est impossible. Dans le fond, ça serait retarder indûment les formes de développement.

Donc, l'inverse de ça, c'est d'accepter que certaines formes de développement peuvent avoir des effets acceptables sur le milieu, mais de compenser ces effets négatifs acceptables par des interventions plus positives ailleurs. Alors, ce concept permet, dans le fond, de surréglementer les secteurs industriels qui sont susceptibles d'avoir un impact négatif sur le milieu.

Donc, dans le cas d'une forêt, par exemple, on pourrait ? je donne un exemple tout à fait théorique ? accepter qu'un industriel, dans le processus de l'installation de sa voirie forestière, construise un pont qui enjambe une rivière et une frayère à saumons, éventuellement, et puisse avoir localement un effet négatif. Ceci pourrait être acceptable, alors qu'actuellement dans le règlement, ça ne l'est pas. Nous, on dit: Ça pourrait être acceptable dans la mesure où... Si l'industriel forestier est comme obligé de passer là, on dit: On va accepter cette intervention qui, localement, est négative, à la condition que quelque part l'industriel forestier compense cet impact négatif par une mesure positive d'aménagement quelque part ailleurs dans l'environnement, de sorte qu'au total on n'a rien perdu.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Ce que vous dites, dans le fond, c'est que le RNI actuel, le Règlement sur les normes d'intervention, il y a des règles qui sont prescrites, mais qu'on n'atteint pas nécessairement des objectifs, qu'on ne protège pas nécessairement la ressource salmonicole, en l'occurrence, avec juste le RNI. Ce que vous dites: Dans des secteurs bien spécifiques, on pourrait ? vous avez utilisé l'expression de «surréglementation», tout à l'heure ? par exemple, sur les bandes riveraines, peut-être autoriser un plus grand périmètre. C'est ça, que vous entendez?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Côté.

M. Côté (Yvon): ...application, effectivement. Nous, on serait d'accord pour un assouplissement du RNI. Pour nous, le RNI, dans le fond, pourrait même, à la limite, dans un monde idéal ou dans un monde où on ferait uniquement de la gestion intégrée... Il serait possible d'envisager que le RNI ne soit qu'un guide des bonnes pratiques forestières et que, alentour de ces guides, de ces recommandations générales, dans un contexte particulier, les intervenants négocient une entente et que cette entente est toujours faite sur une base de conservation bien sûr mais n'a pas à respecter à la lettre un règlement.

On sait qu'un règlement, c'est fait pour des situations moyennes. Le RNI, il est valable quel que soit l'endroit au Québec. Alors, les rivières de la Gaspésie ne sont pas comme les rivières de l'Outaouais. Les lacs du nord ne sont pas comme les lacs du sud. Pourtant, c'est le même RNI qui s'applique. Bien sûr, on n'est pas pour inventer 12 000 règlements, et on comprend très bien pourquoi le législateur a fait ça de cette façon-là, et c'est correct. Mais, dans un cadre de gestion intégrée, il deviendrait possible de dire: Le règlement ne devient qu'une espèce de guide, une espèce de phare que l'on suit, et on s'ajuste localement en plus ou en moins alentour des balises générales qui existent dans un guide de bonnes pratiques.

Parce que, comme je l'ai dit, tout ceci revient au concept de gestion intégrée. Pour nous, la gestion intégrée, si elle doit être possible, ça va être par la diminution d'un certain nombre de règlements et non pas par l'addition de règlements, sinon la gestion intégrée, à mon point de vue, ne sera pas possible. La gestion intégrée, dans le fond, c'est l'échange entre partenaires sur une base de gagnant, gagnant, de donnant, donnant. Alors, pour ça, il ne faut pas que le secteur soit surréglementé.

J'aimerais revenir sur une intervention que j'ai faite tantôt. J'ai parlé, dans certification environnementale, d'auditions publiques. Quand j'ai dit «auditions publiques», ce n'est pas auditions publiques dans le sens, bien entendu, du Bureau d'audiences publiques, pas du tout. Audition publiques, c'est alentour d'une table de concertation régionale, c'était à ce niveau-là.

Une voix: La salle paroissiale.

M. Côté (Yvon): C'est ça. Comme mon collègue me souffle à l'oreille, dans la salle paroissiale.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ha, ha, ha! Alors, M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président. Bien, évidemment, M. Côté, c'était le sens de ma question, à savoir que des auditions publiques ne devraient pas avoir pour effet de retarder le processus de renouvellement parce qu'il y a des régions qui pourraient s'en trouver affectées. Là, je pense que vous venez de donner l'explication. Évidemment, c'est un plus qui, je pense, pourrait être intéressant s'il est bien défini et bien planifié, pas qu'il ait pour effet de retarder le processus de renouvellement. Donc, vous avez répondu à cette question-là. A moins que vous vouliez répondre tout de suite...

La deuxième partie, c'est de définir une intervention positive pour contrer un effet négatif qui a eu lieu précédemment. Ça peut ouvrir la porte à suffisamment d'interprétation. Est-ce que vous avez une idée du processus, c'est-à-dire d'une grille qui pourrait être acceptable? Parce que, d'abord, une intervention positive, on présume tout de suite qu'elle doit être en bordure d'un cours d'eau ou directement dans un cours d'eau.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Shooner.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, avant, M. Côté? Et vous allez revenir sur... D'accord. Alors, M. Côté.

M. Côté (Yvon): Bon. Je vais donner un exemple dans un tout autre secteur, mais on pourrait sûrement en trouver au niveau forestier. Je prends l'exemple... Qui dit rivière à saumon dit migration du saumon dans une rivière, de bas en haut de la rivière. Et, donc, tout obstacle qui s'interpose dans la voie de migration du saumon est quelque chose qui, en soi, est vu de façon négative. Je prends le cas de la rivière Rimouski, où une certaine compagnie a dressé un barrage hydroélectrique et, donc, se posait comme interception sur la voie de migration du saumon. Ce projet a été accepté en contrepartie d'autre chose, en contrepartie de la construction d'une échelle à poissons pour permettre aux poissons de migrer, en contrepartie également d'installer des dispositifs d'incubation d'oeufs de saumon pour contrebalancer la mortalité hypothétique et éventuelle qui pourrait avoir lieu lorsque les saumoneaux descendent le barrage ou à travers la turbine, donc, lors de la période de dévalaison du saumon. Donc, on voit là qu'un effet négatif sur un plan peut être contrebalancé par des interventions positives sur un tout autre plan.

On pourrait imaginer en milieu forestier la chose suivante. Une entreprise, une zec ou une pourvoirie, voit un industriel forestier ouvrir un chemin alors que cette pourvoirie ou cette zec n'a pas besoin de chemin là et puis que, en fait, ça amène des gens sur le territoire, des gens qui risquent d'avoir une fréquentation, qui risquent de braconner, etc. La compagnie ou l'industriel forestier, voyant l'impact négatif ? pas au plan biologique, cette fois-là, mais au plan social ? que pourrait avoir la construction de ce chemin-là à cet endroit-là, pourrait dire à la pourvoirie ou à la zec: Bien, je t'offre, en contrepartie, de t'aider sur telle chose ? par exemple, dans l'aménagement d'un frayère à truites, ou quelque chose ? ou je t'offre une compensation monétaire de façon à défrayer tes coûts de protection additionnels. On voit donc que cette façon d'aucune perte nette d'habitat ou d'aucune perte nette de bénéfice, c'est une façon non réglementaire de se faire des échanges entre utilisateurs du milieu.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, rapidement, M. Shooner, pour un complément. Il reste à peine 15 secondes

M. Shooner (Gilles): C'était tout simplement pour revenir sur la question du concept de réautorisation, pour vous signaler que c'est un mécanisme qui existe aux États-Unis actuellement, par la Federal Energy Regulatory Commission. Il y a au-delà de 500 barrages actuellement qui sont soumis à ce processus-là. C'est extrêmement compliqué actuellement parce que le processus vient en fin de course, après 20 ans ou 25 ans.

Nous, ce qu'on dit: Il ne faut pas attendre ça, il faut le faire en partant. Et ce qu'on veut qu'on comprenne bien: quand on propose ce processus-là, c'est un outil qu'on donne au gouvernement, puis c'est un outil qui devrait s'appliquer dès le départ pour éviter l'irréparable en bout de chemin. C'est un chien de garde, c'est un oeil sur la forêt qu'on veut avoir de façon constante. Et ce n'est pas méchant. C'est tout simplement pour dire: Bien, regarde, là, ce n'est pas comme ça qu'il faut que tu fasses, c'est plutôt comme ça. Merci.

n(15 h 20)n

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Shooner. Il reste deux minutes à votre formation. Alors, M. le ministre.

M. Brassard: Oui, simplement pour revenir sur des propos précédents de M. Côté, quand vous avez parlé de bilan des activités. Je pense que vous avez raison. Les plans, c'est des plans de cinq ans. Après ça, il y a une révision, le processus de révision qu'on connaît. Et puis effectivement, actuellement, il n'y a pas d'obligation de faire connaître, de rendre public un bilan, comment le plan qui vient de se terminer a été mis en oeuvre. Je veux juste vous signaler que, dans le projet de loi n° 136, il y aura maintenant l'obligation pour le bénéficiaire, au bout de cinq ans, après la période quinquennale, au moment de la révision, de faire un bilan. Il va falloir qu'il fasse un bilan de ses activités et que ce bilan soit public. Et, par conséquent, dans le processus qu'il va reprendre pour de nouveau faire approuver son plan, un autre plan quinquennal, le bilan connu, public va pouvoir être examiné, analysé, va faire l'objet de ce que vous souhaitez, c'est-à-dire un débat public, au fond. Je pense que c'est important de le mentionner.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, voilà, c'est tout le temps dont nous disposions. Merci, M. Côté, M. Shooner, M. Duchaine, pour votre participation à cette commission. Je vais donc suspendre les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 21)

 

(Reprise à 15 h 23)

Le Président (M. Lelièvre): À l'ordre, s'il vous plaît! Excusez-moi. La commission va reprendre ses travaux. J'inviterais maintenant les représentants de la Fédération québécoise de la faune à s'identifier, tout en leur souhaitant la bienvenue devant cette commission et en leur rappelant qu'ils disposent d'un temps de 10 minutes pour faire la présentation de leur mémoire. Et par la suite il y aura une période d'échanges de 20 minutes avec les membres de cette commission, réparties 10 minutes chacun. Alors, M. Blais.

Fédération québécoise de la faune (FQF)

M. Blais (Aurèle): M. le Président, moi, c'est Aurèle Blais, le président de la Fédération québécoise de la faune. À ma gauche, Patrick Filiatrault, notre ingénieur forestier, et, à ma droite, notre directeur général, M. Alain Cossette.

Donc, encore une fois, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, la Fédération québécoise de la faune est un organisme qui regroupe quelque 200 associations de chasseurs et de pêcheurs. Notre mission est de contribuer, dans le respect de la faune et de ses habitats, au maintien, à la perpétuation et au développement de la chasse et de la pêche en tant qu'activités traditionnelles et sportives. Ces activités gravitent autour de quatre champs d'action: la promotion de la pratique de la chasse et de la pêche; la défense des intérêts des chasseurs et des pêcheurs sportifs; l'éducation des chasseurs et des pêcheurs; et la promotion de la conservation et de la mise en valeur des espèces des habitats fauniques.

Nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui, car il était impératif de consulter les représentants des utilisateurs de la ressource faunique. En effet, nous sommes directement impliqués lorsqu'il est question de gestion d'aménagement des forêts, étant donné que la chasse et la pêche sont pratiquées en grande partie dans le milieu forestier. Toute exploitation des ressources forestières se répercute sur l'environnement forestier, qui inclut une multitude d'habitats fauniques. Par le fait même, plusieurs populations fauniques sont influencées par ces pratiques et, conséquemment, les activités de chasse et pêche.

Nous aimerions rappeler que le Québec compte plus de 1,4 million de chasseurs et de pêcheurs injectant annuellement un peu plus de 1,8 milliard de dollars dans l'économie québécoise. Cette participation à l'économie québécoise représente environ 22 000 emplois. L'apport économique des chasseurs et des pêcheurs est donc très appréciable, particulièrement en région périphérique.

Lors des consultations publiques de 1998 sur les orientations et les objectifs du régime forestier, nous vous faisions part des préoccupations des chasseurs et des pêcheurs. Le présent mémoire est donc le fruit d'une réflexion amorcée au cours des dernières années. D'entrée de jeu, la FQF réitère son entière adhésion aux positions se retrouvant dans le mémoire du Regroupement des organismes fauniques, dont nous sommes signataires. Les recommandations faites dans ce document couvrent un large éventail de préoccupations chères aux organismes représentant les gestionnaires et les utilisateurs de la faune. Nous insistons donc encore sur l'importance que ces aspects représentent à nos yeux.

Le présent mémoire vient compléter ces positions communes et fait ressortir les soucis particuliers des milieux des chasseurs et des pêcheurs utilisateurs de la faune qui pratiquent leur activité sur l'ensemble du territoire québécois. La FQF s'est démarquée, ces dernières années, par une approche de partenariat avec les organismes fauniques et forestiers. En effet, nous croyons toujours que la discussion et le travail concerté sont des voies privilégiées pour harmoniser les différentes utilisations du territoire.

Un résultat concret de cette approche a été, en 1999, la production d'un guide destiné aux utilisateurs de ressources en milieu forestier et plus particulièrement aux chasseurs et pêcheurs. Ce guide fut le fruit d'un travail de partenariat novateur avec l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec, la Fondation de la faune du Québec, la Société de la faune et des parcs du Québec ainsi que votre ministère. En passant, je vous souligne, M. le ministre, que le succès de ce guide nous amène à penser qu'une réédition serait nécessaire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais (Aurèle): Présentement, nous continuons toujours dans cet esprit de partenariat avec d'autres intervenants en milieu forestier. En effet, nous travaillons actuellement à élaborer une trousse à l'intention des associations de chasseurs et pêcheurs et aussi à l'intention de l'industrie forestière, puisque l'AMBSQ est partenaire du projet. Il s'agit d'un document préparatoire aux démarches de concertation, dans une optique de gestion intégrée des ressources. Comme vous le voyez, nous sommes déjà convaincus que l'AGIR fera partie intégrante de la nouvelle loi et nous voulons être prêts. Convaincus que cette approche est une voie d'avenir, nous sommes d'avis que cette vision devrait être favorisée et transposée aux niveaux local, régional et national afin d'introduire la notion de gestion intégrée des ressources.

Abordons maintenant le contenu de notre mémoire. Débutons par l'accessibilité du territoire public. Vous savez qu'il est reconnu légalement que les chemins forestiers se retrouvant sur les terres et les domaines publics appartiennent intégralement à ce territoire. Par conséquent, ils sont publics et accessibles à tous. Ainsi, outre les travailleurs forestiers, plusieurs personnes empruntent les chemins, dont les chasseurs et les pêcheurs sportifs, pour aller pratiquer leur activité.

n(15 h 30)n

Pour nous, le respect du principe de l'accessibilité universelle du territoire et de la ressource faunique est l'une des priorités de la FQF. Toute démarche recherchant le maintien de cette accessibilité tout en assurant la conservation des espèces et des habitats fauniques est perçue positivement par nos membres. C'est pourquoi la FQF est d'avis que toutes les mesures contenues dans la loi révisée devront s'assurer de maintenir un accès universel aux territoires publics en vu des activités de la chasse et de la pêche. Le respect de cette accessibilité est une condition sine qua non du maintien et de la perpétuation des activités de chasse et de pêche au Québec. Sans cette accessibilité universelle, on peut craindre pour la continuité de celles-ci. Ces activités, rappelons-le, font partie de notre culture. Elles revêtent une importance à la fois économique, sociale et écologique.

Un autre point du projet de loi qui nous tient à coeur est la participation et la préparation des plans d'aménagement forestier. Certaines dispositions que l'on retrouve dans le projet de loi obligent les détenteurs de CAAF à inviter au début du processus de l'élaboration des plans d'aménagement les pourvoyeurs, les gestionnaires de zec, les gestionnaires de réserve faunique, les autochtones. Malheureusement, vous oubliez un groupe important, les associations de chasseurs et de pêcheurs. En effet, bien qu'elles n'aient pas de véritables territoires à gérer, ces associations s'identifient souvent naturellement à une portion de territoire public libre, c'est-à-dire sans droit faunique consenti. C'est alors qu'elles deviennent les défenseurs des intérêts des utilisateurs de la faune de ces territoires.

Par conséquent, nous croyons que tous les organismes ou représentants d'utilisateurs de la faune légalement reconnus, ayant fait part de leur intérêt envers la préparation des plans généraux d'une unité d'aménagement, devraient avoir la possibilité de participer à l'élaboration des plans d'aménagement dès le début du processus. Donc, ces associations devraient pouvoir se retrouver sur la liste d'invités des détenteurs de CAAF.

Un autre aspect que j'aimerais évoquer aujourd'hui a trait à la biodiversité. Par le passé, les chasseurs et les pêcheurs ont été des initiateurs importants du courant de la conservation de la faune. En effet, ils ont revendiqué des mesures visant la protection et la mise en valeur de la faune afin d'assurer la pérennité de cette ressource. À cette époque, les efforts étaient posés surtout vers les espèces gibier. Aujourd'hui, la préoccupation envers la faune est plus globale.

Il est bien connu que les espèces prélevables font partie d'un ensemble complexe d'interrelations entre les espèces animales et végétales. C'est ainsi qu'on parle maintenant de biodiversité pour décrire l'ensemble des espèces vivantes. Nos membres sont de plus en plus conscients de cette réalité. Et ils sont plusieurs à mettre en oeuvre des projets d'aménagement et de restauration d'habitats visant, entre autres, la préservation de la biodiversité. Dans cette optique, nous croyons qu'il est temps que des mesures concrètes de préservation de la biodiversité soient instaurées sur les forêts publiques dans le cadre des travaux d'aménagement et de récolte de la matière ligneuse. Ainsi, il est souhaitable que chaque plan d'aménagement des détenteurs de CAAF ? à deux A ? contienne désormais une section qui comporterait une stratégie locale de préservation de la biodiversité à mettre en oeuvre.

Rappelons ainsi que, depuis le début de l'instauration du régime forestier il y a plus de 10 ans, le concept d'aménagement forestier écosystémique a évolué. Ce concept d'aménagement est qualifié de «proche de la nature» et les méthodes sylvicoles qui en découlent tentent de simuler les processus écologiques. On vise ainsi à minimiser les bouleversements artificiels créés par la récolte et par des traitements sylvicoles sur la biodiversité. Un aménagement écosystémique a donc l'avantage de considérer les habitats fauniques. Dans cette optique, le ministre doit maintenant s'appliquer à instaurer un aménagement forestier écosystémique. De plus, de concert avec la Société de la faune et des parcs du Québec, le MRN doit maintenant prioriser les recherches visant la compréhension des phénomènes régissant les écosystèmes forestiers.

Ceci est d'autant plus important que, récemment, des études mettaient en lumière certains éléments importants se rapportant aux effets à court terme de l'exploitation forestière sur la faune. L'approche de la coupe en mosaïque découle en quelque sorte de ces nouvelles connaissances. Il est reconnu et admis aujourd'hui que la coupe en mosaïque comporte des avantages indéniables d'un point de vue faunique, comme l'aménagement d'habitats, c'est-à-dire le maintien de superficies boisées répondant aux besoins de certaines espèces puis la création d'ouvertures bénéfiques pour d'autres. Elle permet aussi l'amélioration de l'aspect visuel, une meilleure harmonisation entre les différents utilisateurs de la forêt, une accessibilité accrue au territoire, une augmentation de la possibilité annuelle de coupe dans certains cas et la diminution des pertes potentielles reliées aux feux de forêt et au chablis.

Nous tenons à souligner le travail des industriels forestiers qui innovent et adoptent des stratégies sylvicoles qui imitent la nature et s'inspirent des dernières découvertes scientifiques, tel l'exemple de la forêt mosaïque. Nous croyons que le MRN doit encourager les innovations dans ce sens, en rendant ces stratégies attrayantes avec des traitements sylvicoles admissibles en paiement des droits de coupe. Ainsi, les stratégies d'aménagement écosystémique qui s'inspirent des perturbations de la nature et qui auraient comme conséquence une augmentation de la productivité ligneuse devraient être favorisées en attribuant les volumes supplémentaires produits au détenteur de CAAF qui est responsable de cette mise en oeuvre de cette stratégie.

J'aimerais maintenant aborder brièvement le concept de rendement accru.

Le Président (M. Lelièvre): En vous rappelant, M. Blais, qu'il vous reste environ 20 secondes. Mais, tout à l'heure, au niveau des échanges, vous allez avoir la possibilité de compléter.

M. Blais (Aurèle): Donc, question, s'il me reste 20 secondes: juste vous dire qu'on parlera de rendement accru sûrement, tout à l'heure, dans vos questions.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais (Aurèle): Et on aura toujours le même questionnement que tout à l'heure.

La FQF, aussi, on dit qu'elle représente plusieurs intervenants. Ainsi, nous jugeons primordial que les dispositions législatives qui se retrouveront dans la loi modifiée assurent la préservation des ressources fauniques, tant sur les territoires avec droits fauniques que sur le territoire public libre.

Et, en conclusion, la FQF estime que les suggestions élaborées dans ce mémoire, combinées à celles du mémoire du Regroupement des organismes fauniques, permettront un virage vers une gestion plus intégrée des ressources forestières. La Fédération québécoise de la faune estime que les utilisateurs et les gestionnaires des ressources du milieu forestier sont plus disposés qu'auparavant à travailler ensemble. Les nouvelles dispositions de la Loi sur les forêts que vous mettez de l'avant doivent s'inscrire dans cette optique afin d'assurer un développement durable des forêts. Merci beaucoup.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, c'est moi qui vous remercie. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Brassard: Je vous remercie beaucoup, M. Blais, M. Filiatrault, M. Cossette, au nom de la Fédération québécoise de la faune, de votre participation. Avant de parler de rendement accru ? vous avez passé vite, alors je reviendrai, je vais vous permettre d'en parler ? je voudrais quand même d'abord parler d'accessibilité universelle au territoire public. C'est une mesure dont, moi, je suis très fier d'avoir été un participant à l'époque, dans les années 1976, où on a déclubé, comme on dit, créé les zecs, et donc on a rendu la forêt accessible aux divers usagers, particulièrement aux pêcheurs et aux chasseurs. Alors, c'est un gain, c'est un acquis. Il n'est pas question de remettre cela en cause. Je voudrais juste savoir pourquoi, dans votre mémoire, vous manifestez cette inquiétude que je considère comme étant, quant à moi, sans fondement. Pourquoi cette inquiétude quant à l'accessibilité?

Le Président (M. Lelièvre): M. Blais.

M. Blais (Aurèle): Parce que, justement, dans la modification à la loi que vous y apportez, vous ne semblez pas en parler. On aimerait justement qu'il soit inclus dans la loi pour en garantir la possibilité donc d'accessibilité universelle.

Le Président (M. Lelièvre): M. le ministre.

M. Brassard: Elle l'est, acquise, et garantie. Vous pouvez être assuré qu'il n'est pas question d'aucune façon qu'on remette en cause cet acquis, d'aucune façon.

M. Blais (Aurèle): Je vous en remercie.

M. Brassard: Alors, là-dessus, je veux tout simplement vous dire que c'est une inquiétude...

M. Blais (Aurèle): C'est plaisant de négocier, M. Brassard...

M. Brassard: ...qui n'est pas fondée. Alors, on ne reviendra pas à des périodes antérieures où la forêt, où des grandes portions de la forêt étaient en quelque sorte la propriété privée d'une minorité. Oubliez ça et dormez tranquille à cet égard.

M. Blais (Aurèle): Si vous permettez, M. Brassard.

Le Président (M. Lelièvre): M. Blais.

M. Blais (Aurèle): M. le Président, mon D.G. me soufflait à l'oreille, par contre, que toute cette gestion de ces chemins publics et, souvent, les choses qui restent en lacune, puis des choses de même, c'est pourquoi, nous autres, on parle, peut-être dans un comité de consultation, de travail, qu'on pourrait justement regarder une politique de mise en oeuvre. Qu'on parle, par exemple, qu'au niveau des zecs tout le travail leur reste sur les bras, qu'au niveau des territoires libres, c'est les utilisateurs, chacun individuellement, qui entretiennent leurs bouts de chemins, leurs petits ponts, et tout, il y aurait sûrement des choses à faire, je pense, en discussion là-dessus.

M. Brassard: Ça, j'en sais quelque chose parce que, moi, mon camp, il est hors zec. Je contribue.

Le Président (M. Lelièvre): Vous avez un deuxième intérêt, M. le ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais (Aurèle): Donc, on pourra facilement s'asseoir pour pouvoir avoir une consultation là-dessus.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Non, non, il n'est quand même pas question... Je comprends votre préoccupation, mais il n'est pas question de commencer à avoir, à autoriser sur le territoire forestier québécois l'érection de barrières. Ça, il n'en est certainement pas question. Mais on pourra se parler du reste.

Mais je reviens au rendement accru. Ce que nous indiquons, c'est une intention, c'est une orientation. Le gouvernement a l'intention de s'engager dans cette voie. Je déposerai, au cours de nos consultations, un document qui va faire état des fondements, je dirais, scientifiques d'une éventuelle politique de rendement accru. Elle n'est pas encore conçue ni élaborée. Alors, on ne peut pas soulever ou exprimer toutes sortes de peurs ou d'appréhensions à l'égard d'une politique qui n'existe pas encore, d'une part. D'autre part, quand elle sera élaborée, on va évidemment en faire l'objet d'une consultation publique, on va consulter. Avant de l'approuver puis de la mettre en oeuvre, on va consulter les intervenants majeurs qui s'y intéressent, dont votre organisation, l'AMBSQ, l'AIFQ; enfin, tous les intervenants, les pourvoyeurs vont être appelés à regarder le projet de politique puis à exprimer des avis. Alors, je veux que ce soit clair là parce qu'on semble laisser entendre ici qu'en matière de politique de rendement accru on va concocter une politique en vase clos, dans des officines gouvernementales, comme on dit, puis, après ça, on va la mettre en oeuvre. On va en faire un projet et on va le soumettre à la consultation des divers intervenants pour voir leurs réactions avant de l'appliquer, puis apporter les corrections, aussi, requises.

n(15 h 40)n

Alors, votre souci, c'est qu'une politique éventuelle de rendement accru ne soit pas soustraite à la stratégie de protection des forêts, et vous indiquez dans votre mémoire les grands principes de cette stratégie. Moi, je veux simplement vous dire que c'est évident qu'une politique de rendement accru va être assujettie à la stratégie de protection des forêts.

Le Président (M. Lelièvre): M. Blais.

M. Blais (Aurèle): J'ai deux points, puis je suis très heureux de vous entendre, M. le ministre. Premièrement, vous nous avez présentement mis dans l'équipe de consultation au niveau de ces choses-là, et je l'apprécie fortement, parce que, dans la loi, on nous avait oubliés un petit peu, et je suis très heureux que vous le souligniez.

M. Brassard: Les plans, c'est pour les plans.

M. Blais (Aurèle): Pour les plans d'aménagement. Mais déjà que vous vouliez nous consulter là-dessus puis, tout à l'heure, j'espère, vous allez nous embarquer sur les plans dès le début, puis ce serait une bonne chose.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais (Aurèle): Et le deuxième point dont je vous disais que j'étais aussi très heureux, c'est que vous disiez que vous alliez tenir compte, dans ce rendement accru, donc de la stratégie de protection des forêts avec les principes, comme vous dites, qu'on a implantés à l'intérieur de notre document, et que ce n'est pas nous qui l'avions fait, mais que c'était fait par vous. Et, dans ce sens-là, aussi, nous, ce qu'on disait dans notre document, c'est que ce qu'on voulait, c'est justement que ce soit discuté ouvertement, comme vous semblez aussi le signifier, et j'en suis fort heureux, et peut-être aussi, avant que ce soit impliqué dans des règlements légaux qui, des fois... et c'est pour ça qu'on a les craintes qu'on vous souligne, en disant: Bon, on aimerait participer à cette élaboration de ces discussions-là, et on en serait très heureux si on peut y participer.

M. Brassard: Tout à fait.

Le Président (M. Lelièvre): M. le ministre.

M. Brassard: Oui, très bien. Merci.

Le Président (M. Lelièvre): Ça va? Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci de votre présentation. Effectivement, c'est très intéressant. Mais j'aimerais revenir sur la notion de l'accessibilité universelle au territoire. Parce que, évidemment, on comprend très bien ce que le ministre vous a expliqué, mais j'imagine que vous saviez ça avant d'élaborer votre mémoire. Il y a un élément qui retient mon attention, c'est l'accessibilité versus la conservation des espèces et des habitats fauniques. Et vos amis les pourvoyeurs ont aussi une préoccupation dans ce sens-là. J'aimerais ça que vous puissiez nous préciser davantage qu'est-ce que vous voulez nous dire, dans le fond, en prenant soin de vous inquiéter de cette fameuse accessibilité, parce que les pourvoyeurs souhaiteraient avoir un certain contrôle sur les territoires du domaine public. Alors là, évidemment, le ministre vient de nous dire: Pas question de mettre des barrières sur tout le territoire de la forêt québécoise. Mais, en même temps, il y a ce souci de conserver effectivement, pour éviter le braconnage par exemple, ou quoi que ce soit... Alors, comment, de votre côté, vous voyez cette conciliation en même temps de préserver l'accessibilité, puis aussi préserver des espèces comme on les retrouve sur le territoire? Comment vous voyez ça?

M. Blais (Aurèle): C'est évident donc, je le soulignais tout à l'heure, qu'il y a des problèmes au niveau de la gestion des systèmes routiers, c'est pourquoi on propose qu'on établisse, je veux dire, un comité de consultation, de discussions pour regarder le tout, s'il y a des problèmes des fois. Vous nous demandez des exemples. Qu'on pense au niveau écologique; par exemple, le passage d'une route dans une rivière qui pourrait, des fois, détruire une frayère à poissons. Donc, des fois, par les utilisateurs qui sont sur le terrain, on peut voir ces choses-là, et par les consultations, et pouvoir conserver, donc faire en sorte qu'on ne détruise pas cette frayère. Il y a plein de problèmes au niveau des... bien, pas plein de problèmes, mais, je veux dire, il y a beaucoup de problèmes, il y a beaucoup de choses qui pourraient être discutées à l'intérieur de ce comité-là qui pourrait regarder différentes situations de ce genre-là pour être appliquées dans le futur. Et c'est évident que, présentement, il y a déjà... on est heureux du principe d'accessibilité universelle, mais aussi qu'on puisse élaborer pour pouvoir en venir à une meilleure gestion de tous ces systèmes, de ces chemins routiers, ce serait une bonne chose.

Mme Normandeau: Parce que, évidemment... ce matin, on nous disait, puis à juste titre, qu'il y a plus d'utilisateurs dans la forêt qu'il y en avait, par exemple, au début des années quatre-vingt. Alors, à un moment donné, tout ce monde-là qui se promène partout, j'imagine qu'on perd le contrôle à un moment donné. C'est dans ce sens-là que vous souhaiteriez qu'on puisse s'asseoir et identifier certains mécanismes qui nous permettraient de concilier, dans le fond, ces deux objectifs que vous identifiez: accessibilité et conservation de la ressource. C'est dans ce sens-là que vous l'exprimez?

M. Blais (Aurèle): Oui, il est évident donc que c'est dans le but de protéger toutes les ressources à ce niveau-là, au niveau faunique. Mais aussi, quand vous disiez dans votre intervention, à un moment donné, qu'il y a peut-être plus de personnes en forêt en 1990 qu'en 1980, je ne suis pas tellement certain, et c'est pour ça qu'on parle de beaucoup de relève et qu'on dit que, présentement, ça diminue énormément. Mais il est évident qu'il y a plusieurs sortes d'utilisateurs en forêt, les gens changent, ce n'est pas nécessairement tous des pêcheurs et chasseurs, c'est des fois des villégiateurs, des personnes qui vont en vacances, qui vont admirer la nature, et tout, et faire du canot-camping, n'importe quoi. Donc, tous ces utilisateurs-là, eux, peut-être se multiplient, évidemment, et c'est de faire en sorte que toutes ces ressources, touristiques, récréotouristiques ou autres, puissent être mises ensemble pour justement être mieux gérées. Et, quand on parle des territoires libres, où il n'y a pas de gestions fauniques qui sont données à un territoire, bien, nous autres, souvent on se sent les représentants de tous les utilisateurs à ces niveaux-là pour voir à défendre leurs intérêts, et c'est pourquoi on voudrait être sur ce comité, donc pouvoir discuter de toutes ces gestions d'accès routier.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Je souhaiterais qu'on puisse aborder... À la page 7, il y a deux recommandations ou deux souhaits que vous souhaiteriez voir se concrétiser dans le projet de loi. Vous êtes des gens, évidemment, qui, quotidiennement, avez à transiger avec les différents ministères qui sont impliqués dans le domaine de la gestion de la faune, toute la Société Faune et Parcs, évidemment le ministère des Ressources naturelles et le ministère de l'Environnement. Vous, comment vous voyez l'harmonie qui règne entre ces ministères-là? Est-ce que vous considérez qu'on se parle suffisamment? Est-ce que vous considérez qu'effectivement il y a une harmonisation entre les différents ministères? Comment vous voyez ça?

M. Blais (Aurèle): Tout à l'heure, M. Brassard posait presquement la question aussi: Comment vous voyez ça? On la met présentement dans la loi, la gestion intégrée des ressources, sauf que, justement, on voudrait que ce soit beaucoup plus mis dans la loi, donc au niveau législatif, pour que ça devienne une obligation en ce sens-là au niveau des consultations.

Quand vous me parlez de la relation entre les autres ministères, on sait, par exemple, sur les aires protégées, dernièrement, que le ministère de l'Environnement, la FAPAQ et le MRN, votre ministère, se sont mis ensemble pour travailler sur ces aires protégées. Ce serait une bonne chose, c'est ça qu'on dit, nous autres aussi, que, dans les gestions intégrées des ressources et dans ce nouveau régime forestier, à un moment donné, on considère les autres ministères aussi. Ce serait une bonne chose.

Et pourquoi tout le long du mémoire commun on souligne souvent la participation avec la FAPAQ? Parce que, pour nous, comme vous dites, parce qu'on travaille évidemment au niveau faunique, donc c'est des personnes desquelles on est près, on est près d'elles pour les discussions fauniques, des espèces, et tout. Et c'est pourquoi aussi on souligne une autre méthode, peut-être à la table de concertation, d'aller vers les groupes faune régionaux qui, eux autres, sont déjà formés justement pour discuter et qui sont déjà souvent au courant des problèmes et des choses à mettre en place. Il y aurait un partenariat, une richesse à accumuler dans ces dialogues.

Mme Normandeau: Bien. Donc, ce que je constate, M. Blais, à moins que votre directeur ait un complément de réponse à apporter...

M. Blais (Aurèle): Oui, M. Cossette semble vouloir compléter.

M. Cossette (Alain): Ce que je voudrais juste rajouter là-dessus, c'est que, quand on parle du mémoire du régime forestier, on parle toujours de matière ligneuse, et c'est ce que notre regroupement a fait reconnaître, dans notre mémoire, et c'est ça qu'on a voulu faire passer dans le mémoire commun: la matière ligneuse. La faune est où exactement dans la loi?

Tantôt, on parlait de bilan aussi. C'est un bilan forestier encore. C'est un bilan faunique qu'on veut aussi. Et puis c'est pour ça qu'on disait: On a besoin présentement d'une vision gouvernementale, justement. Si on veut faire de la GIR, ça prend une vision gouvernementale pour le faire. Puis, une façon de le faire aussi, c'est d'intégrer la Société qui gère la faune, la mettre à quelque part dans notre projet de loi qui existe présentement... votre projet de loi, excusez.

Mme Normandeau: Donc, dans le fond, ce que vous nous dites, c'est qu'il n'y a pas de vision gouvernementale à l'heure actuelle en matière de gestion intégrée des ressources. C'est ce que vous nous dites: On a encore la vision matière ligneuse. Ça semble être clair pour vous, c'est le message que vous envoyez. Vous faisiez référence au bilan que les bénéficiaires vont devoir déposer à tous les cinq ans, vous parlez de bilan forestier, vous dites: Non, non, non, on va aller plus loin que ça. Vous parlez de bilan environnemental ou de bilan, dans le fond, écosystémique, là. Donc, ce que je comprends, c'est que le gouvernement a encore des devoirs à faire de ce côté-là. C'est ça?

M. Blais (Aurèle): On sent...

Mme Normandeau: Vous sentez qu'il y a un problème.

M. Blais (Aurèle): On sent justement que... c'est pour ça qu'on dit: Qu'il y ait un comité de mis en place pour l'élaboration de la loi, sur différents comités, sur différents sujets. C'est pourquoi on dit qu'on voudrait qu'il soit reconnu dans la loi la gestion intégrée des ressources pour qu'on en sente une obligation puis une application concrète pour le futur. On sent qu'il y a un manque un petit peu à ce niveau-là, dans le sens qu'on regarde beaucoup la matière ligneuse, ce qui est normal de la part du MRN, mais aussi il devrait y avoir cette optique, cette vision de toutes les autres ressources. Et c'est cette partie-là qu'on sent un petit peu amoindrie.

Le Président (M. Lelièvre): Je vous remercie, M. Blais. M. le député...

M. Brassard: M. le Président, avant, s'il vous plaît...

Le Président (M. Lelièvre): M. le ministre.

n(15 h 50)n

M. Brassard: Non, c'est parce que je pense que c'est important de dissiper peut-être un malentendu, là. C'est la Loi sur les forêts qu'on amende, hein, c'est la Loi sur les forêts qu'on amende. Alors, moi, mes responsabilités, c'est des responsabilités de gestionnaire de la forêt. La faune, il y a des lois aussi pour ça, là. La Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, je la connais aussi, j'ai déjà été responsable de son application. Et sur les habitats fauniques également, c'est une loi qui existe aussi puis qui vise à mettre en valeur la faune, à la conserver, la faune et ses habitats. Il y a des relations de partenariat entre la FAPAQ, entre autres, et le ministère des Ressources naturelles, on travaille ensemble. Et, dans le projet de loi, il est indiqué: «Le ministre peut également signer à l'unité d'aménagement des objectifs de protection ou de mise en valeur des ressources du milieu forestier.» Ça implique les ressources fauniques. Et ça, je vais le faire évidemment en concertation avec mon collègue. Je vais consulter au préalable les autres ministères concernés avant de fixer les objectifs de mise en valeur et de protection et de conservation des ressources. Pour ce qui est des ressources forestières, bien là j'ai la responsabilité. Mais, pour ce qui est des autres ressources, je vais consulter ? c'est écrit ? les autres ministres concernés. Donc, il y a, contrairement à ce que pense la députée de Bonaventure, une vision gouvernementale. Mais la loi qu'on amende, c'est la Loi sur les forêts. On y introduit cependant des dispositions qui vont permettre et faciliter la concertation et la fixation d'objectifs de mise en valeur, pas uniquement de mise en valeur de la forêt, mais de mise en valeur des autres ressources qu'on y retrouve.

Le Président (M. Lelièvre): M. Blais.

M. Blais (Aurèle): Une réponse, M. Brassard. D'abord, c'est vrai que vous gérez la forêt, mais c'est justement pourquoi on vous le rappelle avec tant de coeur: La forêt, ce n'est pas juste la matière ligneuse...

M. Brassard: Je le sais.

M. Blais (Aurèle): ...c'est aussi toutes les ressources.

M. Brassard: Je sais, je sais.

M. Blais (Aurèle): Et lorsque vous soulignez que vous voulez le mettre... que vous le considérez, on est très heureux que votre gouvernement le fasse. C'est qu'on voudrait également qu'il soit impliqué dans la loi pour en créer une obligation. Et, pour terminer, juste parce que je sens que je n'aurai plus le temps, lorsque vous parlez qu'à un moment donné il va y avoir une table de concertation et qu'on pourra en discuter, j'espère, M. le ministre, que vous ne nous oublierez pas et qu'on pourra y être, dès le début des plans d'aménagement.

M. Brassard: J'ai bien compris votre message.

M. Blais (Aurèle): Merci beaucoup, M. Brassard.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député d'Orford, en vous rappelant qu'il vous reste deux minutes, à votre formation politique.

M. Benoit: C'est bien, je vais poser une longue question en deux minutes. Vous nous dites, à la page 7 de votre mémoire: «Il est souhaitable que chaque plan d'aménagement des détenteurs de CAAF contienne désormais une section qui comporterait une stratégie locale ? c'est le mot «locale» sur lequel je veux insister ? de préservation de la biodiversité à mettre en oeuvre.» Ce matin, nous avions l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec, qui est le plus grand regroupement au Québec ? la salle était bien pleine de monde ? et eux, ce qu'ils nous ont dit: Écoutez, c'est un peu fatigant... ils ne l'ont pas dit comme ça, mais ils ont dit: C'est un peu fatigant d'aller négocier avec les différentes associations puis les différents conseils municipaux. Puis finalement, eux autres, ils aimeraient ça, une politique nationale, de bord de rivière, puis une politique de paysage, puis de coupe de forêt, etc. Puis de descendre dans les sous-sols d'églises pour aller négocier avec tout le monde, ça ne semblait pas être leur manche de hache, ça, pour prendre une expression. Alors, vous, ce que vous dites: Si on veut faire une belle politique, il va falloir allier avec une norme nationale, mais aussi une politique locale. C'est-u ça que je dois comprendre?

Le Président (M. Lelièvre): M. Blais.

M. Blais (Aurèle): Oui, M. le député. C'est qu'au niveau local il y a des applications, des fois, qui sont plus concrètes. Tout à l'heure, on avait, au niveau du saumonier, des exemples qui nous étaient donnés. Je peux vous en donner aussi, ici. On peut penser aux hêtres, par exemple, par rapport à leurs graines qui sont à conserver pour la gélinotte. On peut penser à, des fois même, les chicots, qu'on appelle, nous autres, en forêt, qu'il faudrait conserver pour la martre, pour l'écureuil, ou d'autres choses comme ça; il y a des bêtes, donc il y a des espèces qui ont besoin de ces choses-là. Et, lorsqu'on en discute en milieu local, c'est des choses plus spécifiques à ces moments-là, donc on peut avoir une vision plus intéressante à ce niveau-là.

Et je répète qu'il y a déjà en place des groupes faune qui sont là pour justement regarder tous ces éléments au niveau des ressources, ils sont prêts à donner des solutions, des choses, et, dans les discussions, ils pourraient le faire. Et c'est pourquoi, non, il ne faut pas avoir peur d'en discuter. Et je le disais tout à l'heure, on voudrait être des partenaires dans ce système-là, et non pas des personnes qui empêchent de tourner en rond, ce n'est pas ça, c'est vouloir être des partenaires, pour que toutes les ressources puissent survivre dans ce système-là. Et même la forêt, comme le soulignait M. Brassard tout à l'heure, que ce soit un prélèvement soutenu qu'on ait. Donc, c'est pourquoi il y a différents systèmes à mettre en place; on parle des écosystèmes, il y a de la forêt en mosaïque, on en parlait tout à l'heure, c'est tous des exemples.

Je m'arrête, parce que j'aurais trop de choses à dire presque en même temps. Mais c'est pour vous dire qu'il y aurait évidemment des éléments de discussion même au niveau local.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. Blais, M. Cossette, M. Filiatrault, on vous remercie beaucoup de votre présentation devant la commission de l'économie et du travail.

M. Blais (Aurèle): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lelièvre): On suspend quelques instants pour permettre à l'autre groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 55)

 

(Reprise à 15 h 58)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): La commission va donc reprendre ses travaux. Nous accueillons maintenant la Fédération des pourvoyeurs du Québec. Alors, M. Quintin, je crois, si vous voulez vous présenter et nous présenter aussi les gens qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire.

Fédération des pourvoyeurs du Québec (FPQ)

M. Quintin (Gilles): M. le ministre, Mme la Présidente, Mmes, MM. les députés, bonjour. Il me fait plaisir de vous présenter aujourd'hui la Fédération des pourvoyeurs du Québec, représentée ici par son directeur général, M. Serge Tanguay, par M. Dany Hogue, ingénieur forestier, et moi-même, Gilles Quintin, pourvoyeur, membre du comité exécutif à la Fédération et responsable du dossier forêts. Nous sommes accompagnés par deux autres ingénieurs forestiers travaillant au service de la Fédération des pourvoyeurs, qui sont Véronique Drolet et Jonathan Leblond.

Nous tenons tout d'abord à vous remercier pour cette invitation. Nous souhaitons, par cette occasion, pouvoir vous renseigner davantage quant aux principales attentes des pourvoyeurs à l'égard de la présente révision de la Loi sur les forêts. Nous vous rappelons que nous sommes signataires du mémoire du Regroupement des organismes de la faune. La Fédération des pourvoyeurs du Québec est un organisme sans but lucratif représentant près de 400 entreprises fauniques offrant des services reliés à la chasse, la pêche, la récréation et l'hébergement en forêt. Elle dispose d'une expertise en foresterie, biologie, cartographie et récréologie. Nous vous rappelons que l'industrie de la pourvoirie génère au Québec des retombées économiques directes de plus de 110 millions de dollars annuellement. Elle contribue au développement régional par l'embauche annuelle de plus de 4 000 personnes, sans compter l'apport économique.

n(16 heures)n

De la vallée du Saint-Laurent au Grand Nord québécois, les pourvoiries permettent à la population de découvrir les richesses du patrimoine naturel québécois. Il existe deux types de pourvoiries: celles possédant des droits exclusifs de chasse, de pêche ou de piégeage sur un territoire délimité et celles qui n'en ont pas. Les pourvoyeurs à droits exclusifs paient des droits pour l'obtention de l'exclusivité du prélèvement faunique sur un territoire particulier. Ce type de pourvoirie permet de contrôler les prélèvements et ainsi d'assurer la pérennité de cette ressource. Près de la moitié des pourvoiries membres de la Fédération possèdent des baux de droits exclusifs.

Le gouvernement du Québec octroie depuis plus de 25 ans des droits de chasse et de pêche sur des territoires publics ainsi qu'un mandat de conservation et de mise en valeur de la faune et de ses habitats. Grâce à ces droits conférés, des entrepreneurs ont su développer une industrie unique typiquement québécoise et reconnue à travers le monde. Dans sa politique de développement touristique, le gouvernement du Québec mise d'ailleurs sur les activités récréatives en forêt pour accroître le tourisme au Québec. En effet, dans sa stratégie, le gouvernement mise sur le développement des activités en émergence dans le domaine touristique telles que l'écotourisme, le tourisme d'aventure de même que plusieurs autres activités pratiquées en milieu naturel. Or, ce sont les pourvoiries qui sont les plus aptes à remplir ces attentes, puisqu'elles possèdent à la fois les infrastructures nécessaires et une solide expérience du récréotourisme en forêt. Le gouvernement a d'ailleurs identifié clairement les pourvoiries comme ayant un fort potentiel de développement touristique.

La mise en application de cette stratégie aura certainement des répercussions économiques fort intéressantes pour l'ensemble des régions du Québec. Ainsi, afin d'accroître la reconnaissance de l'industrie de la pourvoirie et de pouvoir remplir adéquatement le mandat de conservation et de mise en valeur de la faune que le gouvernement a confié aux pourvoyeurs, ceux-ci doivent avoir en leur possession les outils nécessaires pour bien orienter les aménagements effectués sur leur territoire d'activité et ainsi garantir à leurs clients un produit de qualité et correspondant à leurs attentes.

La clientèle qui fréquente les pourvoiries est justement de plus en plus diversifiée et exigeante. Celle-ci recherche principalement une ambiance particulière. Le caractère naturel, sauvage et authentique du milieu, le paysage forestier, le calme et la richesse faunique forment un ensemble de caractéristiques essentielles qui créent la magie de la pourvoirie, son ambiance. Le voilà, le produit offert par le pourvoyeur. Ce produit est bien plus qu'un saumon ou un orignal. En fait, c'est un séjour en dehors des contraintes de la vie urbaine, une forme de ressourcement au contact de la forêt.

Comme vous le savez, M. le ministre, il y a d'autres utilisateurs ou droits accordés sur le territoire public. Or, pour pouvoir maintenir l'ambiance offerte en pourvoirie ou encore la qualité de notre produit, il faut en conserver les éléments essentiels. L'arrimage des différentes utilisations n'est pas facile et il arrive parfois que certaines utilisations altèrent le potentiel de plusieurs pourvoiries. Nous croyons à la compatibilité entre l'industrie de la pourvoirie et l'industrie forestière. Nous sommes convaincus que les retombées économiques provenant d'une utilisation optimale des ressources du territoire seront non seulement supérieures, mais aussi plus stables grâce à la diversification des activités. C'est en quelque sorte une forme de rendement économique accru pour les régions que de favoriser plusieurs activités sur un même territoire forestier.

Il n'est donc pas question de choisir entre deux industries, mais plutôt d'optimiser la mise en valeur des richesses de nos forêts en permettant aux différentes industries de développer leur potentiel. Cette optimisation du potentiel économique de la forêt passe par l'intégration des activités de chaque industrie. Le mémoire que nous vous présentons propose certains outils permettant d'intégrer davantage les besoins des pourvoyeurs quant à l'aménagement de leur territoire d'activité. Ces outils sont essentiels si l'on veut atteindre une véritable gestion intégrée des ressources. D'ailleurs, la FPQ travaille déjà depuis plusieurs années à former des pourvoyeurs sur la GIR, entre autres par l'intermédiaire d'un document qu'elle a produit s'intitulant Vers la gestion intégrée des ressources en milieu forestier. Une copie de notre document a déjà été insérée dans notre mémoire, et j'en ai des copies supplémentaires avec moi au besoin.

Les pourvoiries sont de véritables vitrines sur la forêt québécoise. Effectivement, des milliers de clients québécois et étrangers viennent se récréer en pourvoirie chaque année. L'avenir de notre industrie dépend de l'image que conserveront ces clients de leur séjour en forêt. À l'heure de la certification, il est essentiel de trouver des moyens pour satisfaire tous les utilisateurs de la forêt. Pourquoi ne pas profiter de la visibilité internationale des pourvoiries pour présenter la capacité des Québécois à intégrer les différentes activités pratiquées en forêt? D'ailleurs, la Fédération des pourvoyeurs du Québec ne cesse d'augmenter sa visibilité à travers le monde. Le récent lancement du site Internet, le salon virtuel de la pourvoirie et de l'aventure permettant au monde entier d'accéder aux activités récréotouristiques offertes au Québec en est un excellent exemple.

Finalement, ce que nous vous demandons, c'est une reconnaissance de l'industrie de la pourvoirie par la mise en place de modalités d'intervention forestière particulières sur les territoires confiés par le gouvernement du Québec aux pourvoyeurs. C'est une assurance de la qualité des produits offerts à court, moyen et long terme. La plus grande stabilité des revenus découlant de cette assurance favorisera les investissements nécessaires au maintien et surtout à la croissance de notre industrie. Vous avez entre vos mains, M. le ministre, une occasion exceptionnelle de fournir aux acteurs du milieu forestier les outils essentiels à la création d'une véritable synergie des activités réalisées en forêt.

Au nom des membres de la Fédération des pourvoyeurs du Québec, j'aimerais vous remercier à nouveau pour l'occasion qui nous est donnée de nous faire entendre et soyez assuré de notre collaboration. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Quintin. Nous allons donc passer à la période d'échanges. Alors, M. le ministre.

M. Brassard: Oui, merci. M. Quintin. M. Tanguay, M. Hogue, bienvenue à cette commission et merci pour votre participation également à cette commission.

Vous avez parlé de «synergie», je pense que c'est un terme approprié. C'est ça, l'objectif aussi qu'on vise, c'est d'en arriver à une réelle synergie entre, en ce qui vous concerne, les pourvoyeurs sur le territoire québécois et les intervenants du milieu forestier ou les détenteurs de contrats d'approvisionnement. Je sais d'ailleurs qu'en pratique et sur le terrain il y a des relations entre les deux qui ont permis au fil des ans de régler bien des problématiques, mais je pense qu'il faut davantage formaliser ces relations. Et c'est l'objectif qu'on poursuit.

Quand on vous inclut dans la liste des intervenants qui vont être appelés à s'impliquer dès le départ du processus d'élaboration des plans généraux, est-ce que vous considérez que c'est une mesure suffisante pour créer cette synergie dont vous faites état?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Quintin.

M. Brassard: Et qu'est-ce qu'il faudrait d'autre, au fond, si cette mesure-là ne vous apparaît pas suffisante?

M. Quintin (Gilles): Participer à l'élaboration au tout départ des plans est une amélioration, mais il faudrait peut-être l'encadrer plus précisément et amener chacune des parties à signer des ententes bien précises. Parce que, vous savez, M. le ministre, quand on élabore un plan d'aménagement forestier, souvent, avant qu'on pratique ce plan-là en forêt, il s'écoule plusieurs années. Et la mémoire est une faculté qui oublie. Donc, nous proposons fermement qu'on encadre cet exercice, que les clauses, les ententes qui sont convenues soient signées, qu'elles soient jointes au plan quinquennal déposé. Et on a plusieurs autres propositions à cet effet, je pourrais demander à Dany de compléter à ce niveau-là.

n(16 h 10)n

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Hogue.

M. Hogue (Dany): Bien, entre autres, un des facteurs qui ressortait dans le projet de loi n° 136, c'est que le rapport de participation devait être signé uniquement par les industriels. C'est comme ça qu'il était écrit. Nous autres, on se dit: Tout le monde, on est de bonne foi, tout le monde, on veut bien être de bonne foi, mais je pense que c'est quand même spécial que seuls les industriels vont signer le rapport qui fait fi de ce qui s'est dit lors des négociations possibles entre les parties. Alors, c'est pour ça qu'on demandait, entre autres, que ? les pourvoyeurs, dans notre cas ? tous les intervenants participant au plan soient signataires du rapport de participation.

On demandait aussi qu'un médiateur soit nommé en cours de route s'il y a un problème lors du processus de confection des plans. Présentement, on a, oui, ce recours en conciliation à la fin des plans mais c'est un peu... L'industriel, il a hâte que le MRN lui donne son permis pour aller couper, le pourvoyeur dit: «Bien, ne va pas si vite, j'ai encore des choses...», alors, s'il y avait un processus de résolution des conflits potentiels où parfois on n'arrive vraiment pas ou difficilement à s'entendre durant le processus de participation, je pense que ça serait un plus pour tout le monde et que, bien sûr, ce qui a été convenu se retrouve dans des ententes signées par les deux parties et annexées au rapport de participation, faisant fi comme quoi, par exemple, lorsqu'on va se retrouver dans cinq ans, six ans, ou peut-être même plus dans certains cas... Parce que, si le pourvoyeur participe avec l'industriel à l'année 3, par exemple, du plan en question, puis que ça le concerne à la dernière année, ça peut aller jusqu'à presque sept, huit ans finalement plus tard. Alors, qu'est-ce qu'il avait été convenu? Comme M. Quintin disait, des fois, bon, on n'est peut-être pas toujours sûr même si on est tous de bonne foi. Alors, c'est ça qui viendrait bonifier la participation ? notre participation ? à laquelle on applaudit et on adhère, d'ailleurs.

M. Brassard: Très bien. Je comprends très bien et je pense que ce sont là des requêtes tout à fait envisageables. Le fait que les participants à la consultation ou ceux qui ont à s'impliquer dès le début du processus puissent signer le rapport de consultation, donc le valider d'une certaine façon ou indiquer publiquement qu'il correspond bien à la consultation qui s'est tenue, moi, je pense que ce n'est pas... Je ne suis pas réfractaire à ça.

D'autre part, que les ententes soient annexées au plan, s'il y a des ententes qui interviennent entre partenaires, moi, je trouverais ça intéressant aussi. Je pense qu'on va regarder ça d'un très bon oeil, que ce soit en quelque sorte en annexe au plan et que, à ce moment-là, on puisse s'y référer dans les années qui viennent. Alors, je comprends bien les éléments que vous voudriez voir ajouter sur la base de la disposition législative de l'implication, dès le départ, de votre organisation qui se retrouve dans le projet de loi.

Je voudrais... Une dernière chose qui... Vous demandez de pouvoir restreindre ou bloquer la circulation sur certains chemins forestiers, ce qui va à l'encontre du principe de libre accès reconnu par la loi. Je viens de voir pourquoi mon ami Aurèle Blais était inquiet quant à l'accessibilité.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: C'est parce qu'il doit avoir lu le mémoire d'un de ses partenaires du Regroupement. Ha, ha, ha! Mais j'aimerais bien que vous m'expliquiez un peu votre position là-dessus, parce que vous avez vu que j'ai été sans équivoque quant au libre accès des citoyens, des citoyennes en forêt. Pourquoi?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, rapidement, M. Quintin. Il reste à peine deux minutes.

M. Quintin (Gilles): M. le ministre, je vous ai très, très bien entendu tantôt, ça m'a fait sourire parce que je savais que vous viendriez me voir avec ça. Il est bien évident que l'accessibilité, les pourvoyeurs en font la leur, sauf que les pourvoyeurs ont aussi à se soumettre à la Loi de la conservation de la faune. Donc, je sais que mon directeur général a eu de grandes discussions avec mon prédécesseur, ici au micro, et puis je vais laisser M. Tanguay vous répondre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Tanguay.

M. Tanguay (Serge): M. le ministre, effectivement, la question de l'accessibilité, ce n'est pas du tout celle-là qu'on veut toucher lorsqu'on parle de chemins secondaires et tertiaires. C'est important pour la pourvoirie également et on l'a exprimé au président de la FQF, comment c'était important même pour nous, c'était avantageux pour nous, l'ouverture des routes en forêt, nos clients les empruntent aussi.

La question vient plutôt lorsqu'on doit préserver les habitats fauniques ou certains potentiels fauniques dans des régions qui sont éloignées des centres d'activité des pourvoiries sur les territoires de ces pourvoiries-là. Donc, les chemins principaux qui donnent accès à des territoires qui sont placés en amont des pourvoiries, ce n'est pas ceux-là qu'on veut gérer, c'est plutôt les chemins secondaires et tertiaires qui nous causent des problèmes de conservation et qu'on doit absolument gérer. C'est dans notre bail avec notre ministère d'assurer la conservation, si on veut, des ressources sur notre territoire.

On doit également vous en parler, de cette question-là, puis on est prêt à en parler. Même on l'a exprimée dans le mémoire commun du Regroupement des organismes fauniques. Cette question-là des chemins, je pense, déborde, si on veut, la question de la loi sur la forêt, parce que c'est important. On est prêt à en discuter à une table où tous les organismes seront réunis. Parce que nos clients aussi en parlent. Les gens qui se rendent en pourvoirie recherchent des conditions, ils recherchent le calme, la quiétude. Et ces clients-là, qui constituent jusqu'à 33 % des chasseurs et pêcheurs du Québec, bien, ce sont des gens qui se demandent parfois pourquoi il n'y a pas de protection dans certains coins, pourquoi on ne préserve pas des régions un peu plus éloignées. Donc, oui à l'accès, mais est-ce qu'on ne peut pas trouver un équilibre dans cet accès-là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci.

M. Brassard: J'aimerais ça que vous me déposiez une entente signée avec la Fédération québécoise de la faune.

M. Tanguay (Serge): On en a une.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'est malheureusement tout le temps dont disposait le parti ministériel. Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Messieurs, bonjour. Merci de nous avoir livré votre vision entourant le projet de loi n° 136 sur la révision du régime forestier.

Écoutez, je me réfère, pour ma première question, à la page 3 de votre mémoire, celle qui a trait à votre demande d'un statut particulier. En fait, je pense que ça me semble être une proposition extrêmement importante pour vous sur la reconnaissance donc légale qui porte sur deux aspects particuliers, dont notamment l'obtention «d'un statut particulier qui conférerait ? et je vous cite, là ? au pourvoyeur des droits réels sur l'établissement des objectifs d'aménagement prioritaires de son territoire». Est-ce que c'est possible de nous en dire un peu plus là-dessus, s'il vous plaît?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Quintin.

M. Quintin (Gilles): Merci beaucoup. D'abord, pour nous, le statut particulier, c'est une reconnaissance légale de notre industrie par le régime forestier. Comme je le disais tantôt, les pourvoiries ont été identifiées dans la politique de développement touristique du gouvernement comme un élément majeur de développement écotouristique québécois. Le ministère du Tourisme souligne que la mise en valeur des ressources touristiques reliées à la nature est insuffisante. Les pourvoiries sont des vitrines internationales de la forêt québécoise. La qualité des activités offertes en pourvoirie est liée directement à la qualité du paysage forestier, des habitats fauniques puis de la quiétude du milieu. On a discuté de ça tantôt. Les activités des pourvoyeurs puis des compagnies forestières sur un même territoire ont depuis toujours susciter des problèmes. On en vit tous les jours. Donc, le coeur du problème, c'est la priorité d'utilisation du territoire. Donc, tant et aussi longtemps que l'on attribuera aux territoires des pourvoiries un objectif d'aménagement prioritaire voué à la production de la matière ligneuse et qu'on oubliera la faune, on se sent comme démuni, lésé. Et c'est très difficile de négocier des ententes si on n'est pas sur un même niveau. Donc, pour nous, une reconnaissance légale, c'est très important, c'est la survie de notre industrie. Je connais plusieurs pourvoyeurs qui attendent la modification de la loi n° 36 pour prendre des décisions d'investissement ou non. C'est l'avenir.

n(16 h 20)n

Quand votre clientèle européenne survole un territoire et qu'elle s'aperçoit que ça a été prélevé indûment, pour eux, c'est difficile à accepter. Quand on voit nos pourvoyeurs investir dans des aménagements fauniques qui ne sont pas respectés par les forestières qui viennent... Puis je les comprends, les forestières, elles possèdent la matière ligneuse. Donc, pour nous, la reconnaissance légale de notre industrie dans la loi, c'est une priorité.

Mme Normandeau: Pour bien comprendre, parce qu'il y a des pourvoiries avec des droits exclusifs, d'autres sans droits exclusifs, comment donc comprendre, dans le fond, votre proposition à l'effet d'obtenir un statut particulier? Comment vous le positionnez en regard de ces deux types de pourvoiries qu'on retrouve là, pour bien comprendre?

M. Quintin (Gilles): Il est bien évident que la reconnaissance légale d'un statut particulier s'applique très facilement à une pourvoirie à droits exclusifs parce que les droits exclusifs ont des frontières délimitées, tandis que les «sans droits exclusifs» n'en ont pas, mais ce sont d'ultimes petits territoires à comparer à l'ensemble de l'industrie forestière québécoise. Et il n'est pas dit qu'il ne faut pas récolter de forêt à l'intérieur de ça. Ce qu'on recherche, nous, c'est de reconnaître la vocation touristique et faunique de nos territoires.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Mais, en ce moment, vous ne sentez pas que c'est... Évidemment, ce n'est pas reconnu, si je comprends bien. Parce que vous faisiez référence, tout à l'heure ? et c'est inclus dans le résumé de votre mémoire ? à la politique gouvernementale en développement touristique qui a été déposée en 1998 par M. David Cliche, à l'époque. Et, à ce moment-là, on vous a reconnu comme, bon, des acteurs importants. Et là, ce que vous êtes en train de nous dire, dans le fond, c'est que le lien entre cette reconnaissance qu'on a faite sur le plan touristique et la Loi sur les forêts, là, la jonction ne s'est pas faite en quelque part. C'est ce que vous êtes en train de nous dire, dans le fond. Peut-être préciser davantage, là, entre les deux, quelles sont les améliorations qui pourraient être apportées, là. Parce qu'on parle beaucoup d'harmonisation entre les différents ministères. Le ministre nous dit: On se parle, on se parle. Mais, dans les faits, là, depuis ce matin, bien, on constate qu'il y a des problèmes de ce côté-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Tanguay.

M. Tanguay (Serge): S'il vous plaît. Effectivement, il existe, sur le terrain, des problèmes lorsque vient le temps de décider entre la vocation forestière ou récréotouristique d'une pourvoirie. Lorsqu'on vit des conflits, ce n'est pas facile de prioriser, si on veut, les objectifs de l'un par rapport aux objectifs de l'autre.

La révision actuelle de la loi, c'est, pour nous, la première occasion, en fait, d'en discuter d'une façon plus formelle, dans le sens où on a vécu beaucoup de discussions avec les forestières sur le terrain, mais c'est l'occasion maintenant, je pense, de voir à enchâsser ça dans la loi, cette cohérence que le gouvernement semble vouloir démontrer quand même. Il y a une ouverture importante dans le projet de loi actuel quant aux discussions que devront avoir maintenant les forestières avec les autres utilisateurs de la forêt dont la pourvoirie. On sent l'ouverture ou on cherche juste à préciser, on cherche juste à donner des idées pour que cette ouverture-là se concrétise en quelque chose de viable et de concret pour nous, là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Justement, parce que je faisais référence à la politique en matière touristique, là, qui a été déposée il y a deux ans maintenant, alors, concrètement, puisque vous faites des suggestions, là, comment ça pourrait s'articuler tout ça? Parce que, d'un côté, on vous reconnaît effectivement comme des acteurs importants... Puis vous l'avez souligné, hein, il y a de l'argent neuf qui rentre au Québec parce qu'il y a des Américains et des Européens qui viennent fréquenter nos pourvoiries, puis ça, je pense que c'est extrêmement important pour l'économie du Québec. Alors, dans ce sens-là, évidemment, il faut que tout ça s'enchaîne, là. Donc, qu'est-ce que vous souhaiteriez voir comme effort se déployer entre, par exemple, le ministère du Tourisme et le ministère des Ressources naturelles pour que, dans le fond, là, la jonction se fasse entre les deux?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Tanguay.

M. Tanguay (Serge): Lorsque, effectivement, Tourisme Québec, la Société de la faune et des parcs, le ministère des Ressources naturelles, les forestières, les pourvoiries, tout ce beau monde-là travaille ensemble, on peut atteindre des résultats fort intéressants pour le Québec. Je vous donne l'exemple de la Mauricie où, bon, il y a une politique qui fait en sorte que, avant d'intervenir sur le territoire d'une pourvoirie, les forestières doivent engager une discussion avec les gestionnaires. Dans certains cas, ça a débouché sur des expériences tellement intéressantes que le pourvoyeur, le ministère, les entreprises forestières, Tourisme Québec amènent des gens sur le territoire pour aller voir les résultats de cette concertation-là. Donc, je pense que c'est étendre ce modèle-là à d'autres régions du Québec. C'est ce qu'on vise, c'est ce qu'on cherche.

Mme Normandeau: M. Tanguay, on l'enchâsse dans une loi dans le fond pour que ce soit contenu à la loi, cette obligation d'asseoir avant de faire une intervention en forêt, donc, d'asseoir les pourvoyeurs et tout ça, tout le monde ensemble, c'est ça? Est-ce que vous pensez que, dans le fond, si on vous implique en amont dans le processus d'élaboration des fameux PGF, ça pourrait régler le problème, ça, ou on doit aller plus loin que ça encore? Comment vous voyez ça?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, quelques minutes à peine. M. Quintin.

M. Quintin (Gilles): Comme on l'a dit tantôt, Mme la députée, c'est une amélioration importante, mais il y a certaines conditions. Je reviens: oui, les gens devront s'asseoir et en discuter en amont, mais il faudra que les gens signent les documents, qu'il y ait un médiateur de nommé et non un conciliateur ? sans s'embarquer dans des termes très précis, mais, nous, on préfère plus «médiateur» que «conciliateur» ? et que cette personne-là soit plus en amont du processus qu'à la fin pour éviter des pressions indues sur les parties. Et on va aussi loin que de demander l'arrêt des travaux forestiers, s'il y a lieu, si les ententes ne sont pas conclues et que le respect des ententes fasse partie de la base lors des attributions des volumes de bois.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'est malheureusement tout le temps dont nous disposions. Merci, M. Quintin, M. Tanguay, M. Hogue, de votre participation à cette commission. Je vais suspendre, le temps de permettre au prochain groupe de pouvoir prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 28)

 

(Reprise à 16 h 30)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, nous accueillons donc maintenant la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. J'aimerais que la personne responsable du groupe puisse se présenter, nous présenter les gens qui l'accompagne. Je vous rappelle que votre groupe a donc 15 minutes de présentation pour son mémoire. Par la suite, il y aura période d'échanges. Alors, voilà. Qui est la personne responsable du groupe?

Fédération des travailleurs
et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Roy (René): Il n'y a pas grand-chose... grand monde de responsable à la FTQ.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Pardon? Comment dites-vous ça, monsieur? Répétez-moi ça fort.

M. Roy (René): René Roy, secrétaire général de la FTQ. Bonjour, madame.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Bonjour M. Roy.

M. Roy (René): Bonjour, M. le ministre, mesdames, messieurs. Alors, je vais vous présenter les gens qui sont avec moi. À ma gauche, François Gallant, qui est un conseiller du Syndicat des communications, de l'énergie et du papier; M. André Tremblay, qui est directeur-adjoint des métallos; à ma droite, Clément L'Heureux, vice-président exécutif du Syndicat des communications, de l'énergie et du papier; M. Gaston Boudreault est président de la Fédération nationale des charpentiers et des menuisiers... des forestiers et quoi? Et des travailleurs d'usine. Forestiers et travailleurs d'usine; et monsieur, à l'autre bout, c'est? Jean-Paul Poirier du syndicat SCEP.

Alors, la Fédération, la FTQ regroupe près de un demi-million de membres et représente, par le biais de ses syndicats affiliés ? dont, principalement, le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier ? la grande majorité des travailleurs et travailleuses syndiqués du secteur forestier au Québec. Plus particulièrement, la FTQ représente la majorité des travailleurs et travailleuses syndiqués oeuvrant dans les exploitations forestières, les scieries, les usines de panneaux, les usines de pâtes et papiers, les usines d'autres transformations du bois, ainsi que dans les usines de cartonnage. À ce titre, la FTQ demande à être reconnue comme un interlocuteur important et incontournable dans le débat actuel sur l'avenir de notre forêt québécoise et elle espère que le ministre des Ressources naturelles, M. Brassard, tiendra compte de ses revendications dans la mise à jour de l'actuel régime forestier.

Nous saluons d'emblée la déclaration du ministre qui, dans sa lettre d'introduction au document de référence Des forêts en héritage, déclarait: «Cependant, ce qui doit s'imposer à tous également, c'est le respect.» Nous croyons que, contrairement à ce qui se pratiquait antérieurement, le respect de l'opinion de milliers de travailleurs et travailleuses devrait être pris en compte lors des discussions sur les modifications à la présente loi. Nous demandons que nous leur reconnaissions un droit de parole lors de l'élaboration des lois et règlements concernant la forêt. Nous voulons également nous voir reconnaître, de façon paritaire avec les autres intervenants, un rôle de conseiller du ministre des Ressources naturelles dans l'étude et l'application des lois et règlements dont il est responsable.

En octobre 1986, la FTQ présentait à la commission parlementaire de l'économie et du travail un mémoire sur l'avant-projet de loi de la Loi sur les forêts, dans lequel nous prévoyions un bourbier administratif et un état de confusion sur le plan de l'accréditation syndicale et de nouvelles pressions sur les travailleurs et travailleuses tant au chapitre des coûts pour le travail à forfait que sur les conditions de travail et de sécurité pour l'ensemble des travailleurs et travailleuses. Une analyse de la situation actuelle nous démontre clairement que le bourbier administratif prévu sur le plan de l'accréditation syndicale a amené une désyndicalisation importante et les conditions de travail n'ont jamais autant diminuées.

Pour ce qui est de la santé et de la sécurité en forêt, le sombre tableau des accidents mortels et le grand nombre d'accidents avec ou sans perte de temps sont malheureusement plus évocateurs que tout autre argument.

La Loi des forêts en 1986 était un bon pas en avant dans l'objectif de sauvegarde de notre patrimoine qu'est la forêt. Dans le but de renforcer cet objectif, nous demandons aux parlementaires ainsi qu'au ministre des Ressources naturelles d'aller plus loin et d'introduire les changements qui s'imposent pour faire de cette Loi un véritable protecteur de notre travail présent comme futur.

Ces changements, nous les présentons en deux volets. Le premier traite de la protection du travail en forêt. Nous demandons que dans cette loi la notion de respect des travailleurs et travailleuses soit reconnu par l'harmonisation de cette Loi avec le Code du travail en s'inspirant du rapport Bernier et l'introduction de la notion de représentativité des travailleurs et travailleuses dans la prise de décision des différents paliers du ministère concerné ou encore du ministre responsable de l'application de la Loi.

La seconde porte sur la protection de la forêt. Nous demandons que dans cette Loi la notion de «respect» de toutes les politiques pouvant assurer la pérennité de la forêt y soit renforcée ou introduite.

Le travail en forêt. Nous reconnaissons que la gestion durable du milieu forestier passe par la préoccupation constante des dimensions économique, sociale, environnementale et humaine. Le respect de toutes et chacune de ces préoccupations est le seul gage d'un avenir prometteur.

La venue des contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestiers, CAAF, et le plus grand développement de la sylviculture et du reboisement sont malheureusement devenus synonymes pour nous de détérioration des conditions de travail en forêt. L'arrivée des CAAF par le choix du mandataire sur les unités d'aménagement, autrefois les aires communes, a permis aux industriels de contourner les accréditations syndicales.

Dans la coupe et la sylviculture, la mise en application de la Loi sur la forêt aura marqué l'histoire par un recul syndical majeur et par le prolifération de la sous-traitance. Près de 14 ans après l'adoption de cette loi qui a chambardé l'organisation du travail en forêt, force est de constater que, tant qu'une harmonisation entre la Loi sur les forêts et le Code du travail ne sera pas effectuée, des problèmes majeurs subsisteront pour les travailleurs et travailleuses forestiers.

Consciente de ce fait, la FTQ a fait des pressions sur différents paliers du gouvernement, et particulièrement sur le ministère du Travail. Un comité interministériel a été chargé de regarder les difficultés de fonctionnement des rapports collectifs du travail dans l'industrie forestière et d'avancer des recommandations. Le rapport Bernier, publié en novembre 1999, constate les méfaits de la Loi sur les forêts sur la syndicalisation et propose certaines recommandations afin de corriger la situation.

Recommandation 1 de la FTQ. La FTQ demande que soit introduite dans la Loi sur les forêts une disposition faisant obligation au titulaire d'un permis d'intervention sur une unité d'aménagement de désigner comme responsable des opérations celui ayant le plus important volume annuel de bois récolté et de transmettre les coordonnées de celui-ci au Bureau du commissaire général du travail dans les 15 jours de sa désignation, et cela, dans le but qu'une seule accréditation syndicale soit accordée par unité d'aménagement. Le ministre du Travail devra rendre cette information immédiatement disponible et la considérera, pour fin de décision, comme présumée valide.

Recommandation 2. La FTQ demande que le projet de loi n° 136 contienne une disposition ayant pour effet de rendre conformes les termes utilisés pour les nouveaux régimes forestiers avec les définitions d'exploitants forestiers et d'exploitations forestières contenues dans l'article 1 du Code du travail.

Recommandation 3 de la FTQ. La FTQ demande que soit incluse dans la Loi sur la forêt une disposition non seulement favorisant mais institutionnalisant la participation paritaire des organisations de travailleurs et travailleuses sur toute tribune ou instance portant sur le régime forestier.

Partage de la forêt. La forêt est une ressource de plus en plus convoitée par les industries. Il ne faut pas perdre de vue que la forêt est responsable de la qualité de l'environnement à l'échelle planétaire, qu'elle fait partie du mode de vie traditionnel des communautés autochtones du Québec et qu'elle habite une faune et une flore diversifiées. La forêt est donc une ressource à partager. La FTQ reconnaît cet état de fait. Les pourvoyeurs, les autochtones, les villégiateurs, les autres utilisateurs autant que les amants de la nature, ont leur mot à dire dans l'aménagement. La FTQ demande aux intervenants de reconnaître que la forêt québécoise est une source d'emploi pour des milliers de Québécois et de Québécoises.

La FTQ offre toute sa collaboration pour partager entre nous maintenant et avec les générations de demain les ressources forestières québécoises afin que tous les groupes, y compris les travailleurs et travailleuses, puissent profiter de ces retombées.

Le contrôle de la forêt. Au cours des dernières années, nous constatons une certaine amélioration de la manière de procéder aux coupes, notamment avec l'arrivée de la machinerie équipée de têtes multifonctionnelles, et à la généralisation de la méthode du débardage par sentiers espacés. De nouvelles méthodes de coupes ? exemple, coupes en mosaïque ? quoique peu utilisées car jugées trop coûteuses, devraient être de plus en plus utilisées, car plus prometteuses au plan environnemental.

Il reste cependant plusieurs problèmes à régler. Par exemple, les méthodes de coupes actuelles ne réussissent pas toujours à bien protéger la régénération présente au moment de la coupe. D'une manière plus générale, on observe la quasi absence de contrôle gouvernemental sur les parterres de coupes.

Enfin, la Loi sur la forêt et les réglementations qui en découlent, en particulier le Règlement sur les normes d'intervention, ont imposé des contraintes supplémentaires à la façon de construire la voirie forestière et à la manière de réaliser les coupes. La FTQ est favorable à cette nouvelle manière de travailler en forêt. Cependant, nous déplorons que l'industrie en ait reporté la charge financière sur les propriétaires de machineries forestières et sur les travailleurs forestiers sans introduire de compensation financière adéquate. Les restrictions budgétaires font, de plus, en sorte que peu de ressources humaines sont affectées au contrôle des nouvelles normes environnementales.

Recommandation 4. La FTQ demande au ministère des Ressources naturelles d'augmenter la surveillance et le contrôle des opérations forestières afin de s'assurer que les réglementations environnementales soient respectées et appliquées.

Recommandation 5. La FTQ demande que soit instaurées dans la Loi sur la forêt des méthodes de compensation adéquate, tant pour les propriétaires de machinerie forestière que pour l'ensemble des travailleurs de la forêt.

n(16 h 40)n

À 6, la FTQ demande que les méthodes de coupe soient adaptées aux particularités de chaque unité d'aménagement forestier et que des vérifications sur le respect des méthodes soient effectuées annuellement par le ministère des Ressources naturelles.

Mesurage. Le système de mesurage officiel du bois au Québec souffre de plusieurs lacunes. C'est à partir du mesurage officiel que les droits de coupe sont versés à l'État. Certaines usines paient également leurs entrepreneurs forestiers à partir de ce mesurage. Les mesureurs officiels, bien qu'ils soient acceptés par le MRN, sont à l'emploi des usines et des compagnies qui transforment la ressource. Par le fait même, on peut s'inquiéter qu'ils puissent se retrouver quotidiennement en conflit d'intérêts.

Pour l'ensemble du Québec, le MRN ne compte pas assez de vérificateurs du mesurage de bois. Ils ne peuvent donc pas exercer un véritable contrôle sur la qualité du mesurage effectué en forêt ou à l'entrée des usines. Les sous-traitants et les travailleurs, parfois rémunérés en vertu de ce mesurage, risquent très souvent de se voir lésés par cette situation.

Nous recommandons donc... Comme septième recommandation, la FTQ demande au gouvernement du Québec de faire en sorte que les mesureurs du bois du Québec deviennent des employés du gouvernement.

Recommandation 8: demande au gouvernement du Québec de mettre sur pied un système de mesurage du bois qui soit juste et équitable afin d'assurer que toutes les parties touchent leur juste part des produits de la forêt.

Gestion de la forêt. La forêt est notre ressource naturelle traditionnelle la plus importante au Québec. Au cours des années quatre-vingt-dix, la pression sur les ressources forestières n'a cessé d'augmenter. Les coupes se réalisent maintenant sur des territoires forestiers situés de plus en plus au nord, là où les arbres sont de plus en plus petits et la forêt de moins en moins productive. Cette façon de faire contribue à éloigner de plus en plus l'activité forestière des usines où la ressource est transformée. À long terme, ce processus fragilise dangereusement la survie des usines. Les emplois y deviennent plus précaires et plusieurs villes et villages du Québec sont carrément menacés. Il est primordial que plus d'investissements soient consentis en sylviculture, plus près des usines de transformation afin de maintenir et de créer des emplois de qualité.

Pourtant le gouvernement continue d'étendre vers le nord la conclusion des contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier. Malgré les exigences relatives au rendement soutenu des forêts prévues dans la Loi sur les forêts, nous considérons qu'il y a lieu de s'inquiéter de la pérennité de la forêt québécoise. La FTQ souhaite qu'un équilibre soit respecté entre ce que la forêt peut produire et ce que les industriels y prélèvent. Dans le contexte actuel, la FTQ est inquiète de la très grande pression industrielle exercée sur la forêt québécoise et demande au gouvernement d'exercer un meilleur contrôle. Ça achève, ça ne sera pas long.

La recommandation 9. La FTQ demande au ministère des Ressources naturelles d'exercer un plus grand contrôle sur les prélèvements forestiers et sur le renouvellement de la ressource par une application judicieuse de la réglementation forestière.

Recommandation 10. Le gouvernement, par l'entreprise du ministère des Ressources naturelles, doit s'assurer de la pérennité de la forêt, un patrimoine écologique et économique qui appartient à l'ensemble de la société québécoise, en ne consentant des augmentations de volume attribuées dans les CAAF que lorsque les territoires sont entièrement aménagés de façon à ne pas compromettre les emplois existants et futurs.

Recommandation 11. On en a 13, alors j'achève. La FTQ demande que la Loi des forêts et la réglementation afférente contiennent des dispositions ayant pour effet d'identifier les efforts de sylviculture, particulièrement à proximité des usines de transformation.

Recommandation 12. La FTQ demande que l'octroi de contrats d'aménagement forestier, sur réserves forestières comme sur unités d'aménagement, soit assujetti aux conditions suivantes:

Que les bénéficiaires des conventions ou de contrats d'aménagement forestier soient soumis aux mêmes obligations que les bénéficiaires de contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier;

Que les pertes d'approvisionnement, occasionnées aux bénéficiaires des CAAF en raison des nouvelles mesures concernant la limite nordique et l'agrandissement des aires protégées, leur soient préalablement compensées;

Que les travailleurs employés par les bénéficiaires de contrats ou de conventions aient les mêmes opportunités de syndicalisation que les travailleurs employés par les bénéficiaires de CAAF et qu'ils soient considérés comme tels aux fins de l'application du Code;

Que le gouvernement s'assure préalablement que l'octroi d'une convention ou d'un contrat n'entraînera aucune perte d'emploi, mise à pied, ou toute autre diminution aux conditions de travail des travailleurs de la forêt;

Que le bois récolté par les bénéficiaires de contrats ou de conventions d'aménagement forestier soit transformé par l'une des usines normalement approvisionnées par l'unité d'aménagement visée;

Et finalement ? j'ai trois lignes ? la FTQ demande que la Loi sur les forêts et la réglementation en découlant reflètent l'intention gouvernementale de soutenir les usines de transformation du bois afin d'en garantir la survie et la compétitivité. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est extraordinaire, M. Roy, on a dépassé d'à peine 20 secondes. M. le ministre, pour débuter la période d'échanges.

M. Brassard: Bonjour. Alors, M. Roy, M. L'Heureux, MM. de la FTQ, je vous remercie de votre présence et de votre mémoire aussi, et des recommandations que vous faites concernant le projet de loi n° 136. Il y en a plusieurs. Évidemment, je n'aurai pas le temps de les aborder toutes, mais il y en a une qui fait référence au rapport Bernier. Le rapport Bernier, d'abord, porte sur l'harmonisation de la définition d'«exploitation forestière» contenue dans le Code du travail avec celle contenue dans la Loi sur les forêts. On n'a pas la même définition. Dans le Code, ça ne porte que sur la récolte, alors que, dans la Loi sur les forêts, ça inclut également les travaux d'aménagement.

Mais il y a aussi évidemment toute la question de l'identification de l'employeur. Dans le rapport Bernier, il recommande de recourir à la technique de présomption pour identifier l'exploitant forestier qui sera réputé être l'employeur des salariés puis il recommande aussi évidemment qu'en cas de changement d'employeur le nouveau soit lié en vertu de l'article 45, soit lié par l'accréditation et la convention collective.

Je pense que vous indiquez dans votre mémoire que vous êtes d'accord avec les recommandations du rapport Bernier. Est-ce que votre recommandation comporte des différences quant à la désignation de l'employeur? Vous, vous dites: Il faudrait désigner l'exploitant qui a le plus gros volume ou le plus gros CAAF, si vous me permettez l'expression. Le rapport Bernier ne va pas tout à fait dans ce sens-là. Pourquoi cette différence avec le rapport Bernier?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Roy.

M. Roy (René): Oui, c'est une différence... Excusez-moi, je ne voulais pas vous couper.

M. Brassard: Oui?

M. Roy (René): C'est une différence fondamentale. Je vais demander au vice-président du Syndicat de vous en parler, M. L'Heureux.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. L'Heureux.

M. L'Heureux (Clément): Oui, c'est une différence qui, pour nous, est majeure. On est d'accord avec le rapport Bernier. Il faut d'abord en identifier un; ça, c'est la première partie. Maintenant, lequel? On a regardé. Si on fait le tour des aires communes au Québec, on s'aperçoit qu'à l'intérieur de ces mêmes aires communes là il peut y avoir des gros exploitants et des petits exploitants. Alors, nous, on dit que ça devrait être celui qui exploite le plus sur le territoire, qui a le plus gros volume, parce que c'est lui qui a le plus de responsabilités sur ce territoire donné là. Alors, c'est à partir de ça.

Prenez un exemple sur une aire commune. Si vous prenez le plus petit exploitant qui devient responsable au niveau des conventions collectives ou de l'application au niveau de l'aménagement du territoire, on ne pense pas que, dans la normalité des choses, c'est comme ça que ça se produit. Normalement, celui qui est désigné selon la Loi des forêts actuelle, c'est celui qui a le plus gros volume. Alors, on dit: Mettons-le comme ça officiellement, que celui qui a le plus gros volume va être automatiquement celui qui est responsable de l'aménagement et aussi du travail qui se fait sur cette aire commune là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Roy.

M. Roy (René): C'était aussi notre position devant la commission Bernier. Le rapport Bernier, c'est un très bon rapport, selon nous. On était un peu vexés au début parce qu'il ne mentionne pas que la FTQ est préoccupée par la forêt alors qu'on représente au-delà de 80 % des travailleurs de la forêt. Puis on exigeait à ce moment-là... On n'avait pas fait de représentations devant la commission Mireault parce qu'on exigeait justement qu'on ait une commission séparée, ce qu'on a obtenu. Ça fait que, je veux juste vous sensibiliser qu'on est très préoccupés par ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

n(16 h 50)n

M. Brassard: Dans une de vos recommandations concernant l'octroi de contrats ou de conventions d'aménagement forestier, vous indiquez comme condition d'octroi que le gouvernement s'assure qu'un tel octroi n'entraînera aucune perte d'emploi, mise à pied, ou toute autre diminution des conditions de travail des travailleurs et des travailleuses de la forêt. Alors, j'aimerais que vous m'expliquiez davantage, que vous me précisiez davantage ce que ça signifie, parce qu'il arrive... C'est ce que j'ai eu l'obligation malheureusement de faire, par exemple, dans le Bas-Saint-Laurent puis la Gaspésie, parce que la possibilité forestière n'est pas là, n'est pas au rendez-vous, il y a une baisse de possibilités. Donc, évidemment, ça va se traduire dans les contrats par une baisse d'attributions.

Et on pense évidemment, malheureusement, que ça va avoir des impacts sur les emplois, sur le nombre d'emplois. Ça va avoir des impacts. Peut-être réduction de durée; pas nécessairement des mises à pied, mais réduction de durée de travail. Alors, évidemment, imposer une telle condition, ça pose problème. Il faut respecter la possibilité forestière aussi. Vous êtes bien conscients de ça?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. L'Heureux.

M. L'Heureux (Clément): Je pense, M. le ministre, que vous parlez du quatrième sous-entendu dans la recommandation 12.

M. Brassard: Oui.

M. L'Heureux (Clément): Alors, si vous regardez la recommandation 12, on parle strictement au niveau de la nouvelle définition des CAF. On parle strictement de ça. Alors, on comprend ce que vous venez d'apporter comme argument dans les CAAF, les contrats d'aménagement qu'on connaît, réguliers.

M. Brassard: Les CAAF à deux A.

M. L'Heureux (Clément): Les CAAF à deux A. Ceux-là, on est d'accord avec vous, on dit: Écoutez, s'il faut, pour protéger l'avenir de la forêt... Puis je pense qu'on le mentionne dans le début de notre rapport. Dans la recommandation 12, vous apportez une nouvelle notion, si on peut, le CAF avec un A, là.

M. Brassard: Le contrat d'aménagement forestier.

M. L'Heureux (Clément): Le contrat d'aménagement. Et on dit: Écoutez, si vous êtes pour donner des contrats d'aménagement selon les nouveaux CAF ? nous autres, on les appelle de même ? il ne faudrait pas que vous les enleviez aux CAAF pour les donner aux CAF, comme une espèce d'automatisme. Là, on perdrait les conditions qui existent déjà dans le CAAF pour donner dans les nouveaux CAF.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Brassard: Tout à fait, d'accord, O.K. Je comprends très bien. Mais, ce que je peux vous dire à cet égard, c'est que ce nouveau véhicule, on va l'utiliser quand il y aura des disponibilités qui vont apparaître. Alors, il ne s'agira pas de faire une espèce de changement à résultat nul, c'est quand il y aura disponibilité. On n'ira pas, autrement dit, réduire le CAF d'un autre pour accorder à un organisme ? un CAF à un seul A... il faudra que ça repose sur une disponibilité de matière ligneuse. Alors, je pense que je peux être pleinement d'accord avec cette...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. L'Heureux.

M. L'Heureux (Clément): On est heureux de vous l'entendre dire. C'est ce qu'on voyait dans la proposition que vous aviez faite. Mais, ce qu'on a vu dans le passé, alors on dit: Il faudrait s'assurer que, lors de transferts ou lorsqu'on va apporter de nouveaux CAF, bien, qu'on respecte les conditions qui sont déjà existantes, soit sur les aires communes, qui sont déjà là.

M. Brassard: Tout à fait, d'accord.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. le ministre. Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Messieurs, bonjour. Écoutez, je trouve ça intéressant que vous nous parliez du travailleur forestier parce que, pour avoir discuté avec certains travailleurs sylvicoles, notamment des débroussailleurs, ceux qui font de la plantation, ces gens-là travaillent dans des conditions extrêmement difficiles et à peu près tout le monde s'entend pour dire que c'est les grands oubliés du projet de loi qui a été déposé. Et il y a plusieurs recommandations évidemment, qui sont contenues dans votre mémoire, qui visent à augmenter leurs conditions de travail.

Cependant, dans la recommandation 3, quand vous souhaitez qu'on assure la parité de ces travailleurs-là dans les débats qui entourent le régime forestier, j'aimerais vous rappeler que beaucoup de ces travailleurs-là ne sont pas syndiqués, ne sont pas organisés. Hein?

Une voix: Oui.

Mme Normandeau: Alors, c'est extrêmement difficile pour eux de se faire entendre et ça prend certains organismes là qui portent leurs voix. Alors, ça, c'est un commentaire peut-être que vous pourrez commenter. Mais la recommandation 5, c'est davantage sous forme de question. Quand vous parlez de compensation adéquate pour les propriétaires de machinerie forestière, pour l'ensemble des travailleurs et travailleuses de la forêt, j'aimerais que vous puissiez nous donner des exemples très, très concrets. Parce que, souvent, les travaux sont donnés en sous-traitance et, encore une fois là, ces gens-là travaillent dans des conditions extrêmement difficiles. Quand vous parlez de compensation, vous parlez de compensation pour quoi exactement? Alors, peut-être nous préciser davantage là le sens de votre recommandation, la cinquième, et peut-être réagir à la troisième recommandation.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Roy.

M. Roy (René): On peut réagir à la troisième. Si vous regardez dans le rapport Bernier, vous avez tout à fait raison, je pense que le taux de syndicalisation des gens dans la sylviculture est rendu à 2 % ou 3 %. C'est inexistant à toutes fins pratiques. C'est pour ça qu'avec l'identification d'un exploitant de zone, on pense être capable de syndiquer ces gens-là puis leur donner des meilleures conditions de travail, vous avez parfaitement raison. D'ailleurs, le rapport Bernier là-dessus est bien clair: les conditions de travail de ces gens-là se sont détériorées depuis l'adoption de la loi, en 1986, et c'est pour ça que notre mémoire en fait état, et on veut vraiment que cette situation-là soit modifiée.

Maintenant, pour la compensation, je vais demander à un des vice-présidents. L'Heureux, veux-tu répondre à ça, les compensations?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. L'Heureux.

M. L'Heureux (Clément): La recommandation 5, lorsqu'on parle des propriétaires de machinerie forestière, vous savez, dans les changements qu'on demande au niveau du Code du travail, on définit à un moment donné les entrepreneurs dépendants. C'est ces gens-là qu'on vise. Pas nécessairement seulement eux autres mais, en partie, on vise des travailleurs qui sont des propriétaires. Mais ça, c'est un bon exemple. Tant et aussi longtemps que le Code du travail ne sera pas amendé...

Quand on demande à la ministre du Travail de l'amender de façon à prévoir les entrepreneurs dépendants, ce qui existe déjà dans le Code fédéral, on vise ces personnes-là. Mais, en attendant que ce soit fait ? ça fait longtemps qu'on le demande, là, on ne sait pas si ça va arriver dans les prochaines années ? il faudrait trouver des méthodes de compensation.

On a des tables qui existent au ministère. Quand on octroie des CAAF, il y a des tables sur la compensation que le ministère va donner, exemple, pour le reboisement ou ces choses-là. On pense que ce serait aussi possible d'avoir ce genre de table pour les propriétaires, ou qu'on l'ajoute à ce moment-là aux tables déjà existantes. Il y a un procédé qui pourrait être mis en place, à ce moment-là. On ne voulait pas, dans notre mémoire... pour ne pas trop l'allonger, notre ami René aurait eu beaucoup de difficulté à tout le lire dans 15 minutes. Alors, on a dit: Il en existe, des tables, à l'heure actuelle, au ministère, et on pense que ces tables-là pourraient être augmentées de façon à comprendre les propriétaires, donc aussi les travailleurs, et la redistribution de ces argents-là se ferait peut-être plus facilement par après.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Mais peut-être nous préciser davantage pour notre compréhension parce que... De mémoire, il existe une association de propriétaires de machinerie, là, au Québec. Et ces gens-là vous disent quoi, dans le fond? Quel est le problème auquel ils se butent? Je pense notamment au conflit qu'il y a eu dernièrement dans le secteur de La Vérendrye, là, avec Domtar et tout ça, là. Je pense qu'il y a des propriétaires de machinerie qui revendiquent des compensations; je ne suis pas certaine qu'ils aient été compensés comme ils le souhaitaient. Mais avez-vous des exemples concrets à nous donner qui illustrent qu'il y a des problèmes de ce côté-là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. L'Heureux.

M. L'Heureux (Clément): Écoutez, là, vous faites référence aux associations, il en existe plus qu'une. Chez nous, on en a une, associée au SCEP, une association de propriétaires de machinerie forestière, et, à l'heure actuelle, selon les lois existantes, il n'y a aucune possibilité de s'asseoir soit avec les employeurs ou directement avec les contracteurs, si on peut les appeler comme ça. L'exemple que vous donnez à La Vérendrye, c'est un très bon exemple.

Alors, si vous regardez là-dedans, on demande que soit instaurée dans la loi sur les forêts cette façon d'apporter des compensations. On veut dire par là qu'il faut que la loi le prévoit si on veut, après ça, être capable que les associations puissent se présenter devant les propriétaires de CAAF ou devant les propriétaires d'usine pour au moins être capable de négocier.

L'exemple de méthode de compensation adéquate, ça pourrait être strictement la négociation en groupe. Ça en serait une, pour répondre à votre question peut-être plus directement. Une négociation de groupe, d'après nous, c'est une méthode de compensation adéquate.

Mme Normandeau: Quand il y a un problème qui survient, à l'heure actuelle, comment on le résout, ce problème-là?

Une voix: Il n'y en a pas.

M. L'Heureux (Clément): On fait comme ça s'est passé l'année dernière en Abitibi.

Une voix: Bloquer les routes.

Mme Normandeau: ...bloquer les routes?

M. L'Heureux (Clément): Non, on n'a pas bloqué les routes. Jamais que les routes ont été bloquées.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Roy (René): C'était pour faire... le ministre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Roy.

M. Roy (René): Non, mais un exemple peut-être: Vous changez la réglementation sur le bord des cours d'eau, alors vous rallongez pour tous ces propriétaires-là la distance à parcourir, voyez-vous? Ça, c'en est un exemple clair, facile à comprendre, ces gens-là sont obligés de subir des pertes parce que le gouvernement change la réglementation pour l'environnement ou d'autres facteurs. Alors, c'est ce genre-là dont on peut parler.

n(17 heures)n

M. L'Heureux a raison, s'ils sont capables, à un moment donné... Le rapport Bernier parle de contrat type. Alors, ça, évidemment que ça leur donne un pouvoir de négociation pour la machinerie. Parce que le syndicat ne peut pas représenter une machine, on représente des travailleurs. À ce moment-là, si l'association a un contrat type et que l'association est reconnue comme intervenant, il va y avoir une négociation effectivement. Cette partie-là peut être traitée là.

M. L'Heureux (Clément): Vous avez un exemple aussi, je m'excuse.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. L'Heureux.

M. L'Heureux (Clément): Mme la Présidente, je m'excuse. Vous avez un exemple qui s'est fait dans la Loi sur le transport dernièrement où on a reconnu des contrats types pour les camionneurs. C'est un exemple que René apporte.

Mme Normandeau: Il y a un décret d'ailleurs qui a été adopté là-dessus.

M. L'Heureux (Clément): Pardon?

Mme Normandeau: Il y a un décret qui a été adopté justement qui fait référence au fameux contrat type que vous venez de souligner.

M. L'Heureux (Clément): Exact.

Mme Normandeau: Est-ce qu'on pourrait procéder comme ça pour effectivement régler le problème?

M. L'Heureux (Clément): C'est une bonne façon, mais celle qu'on préconise en premier, c'est la négociation. On aime mieux la négociation directe. Alors, qu'on reconnaisse les associations comme telles puis qu'on ait la possibilité de négocier, ça, c'est notre première façon de voir. La deuxième, on pourrait aller par contrat type.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. L'Heureux. Maintenant, je pourrais procéder par alternance, bien sûr, en cédant la parole au député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Roy, tantôt, dans les recommandations, la dernière que vous avez mentionnée, vous parliez, là, que vous demandez que la loi et la réglementation reflètent une intention gouvernementale de soutenir les usines de transformation de bois afin d'en garantir la survie et la compétitivité. Pouvez-vous expliquer davantage ce que vous voulez dire par là, là? C'est un exemple, là, de...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Alors, M. L'Heureux.

M. L'Heureux (Clément): Écoutez, on n'a pas voulu mettre un texte précis. On laisse le soin au ministre des Ressources naturelles de le faire. Mais ce qu'on veut dire là-dedans, c'est qu'à l'heure actuelle, là, les C-A-A-F, là, les CAAF, ils sont attachés aux usines de sciage. Très souvent, on s'aperçoit que les usines de sciage, après cinq, six, sept, huit, 10 ans d'exploitation, il n'y a pas eu de mécanisation qui a été mise là-dedans. On ne les a pas gardées «up-to-date», comme on dit. Alors, il devrait y avoir quelque chose dans la loi qui fait en sorte que les propriétaires de scieries, qui sont aussi propriétaires des CAAF ou locataires ? appelons-les comme on veut, là, locataires ou propriétaires, mais pour une durée donnée ? on devrait les obliger à garder leur usine «up-to-date», là, qu'elle soit mécaniquement à date pour pouvoir scier ce bois-là puis pouvoir faire en sorte que, dans cinq ans, dans 10 ans ou dans 15 ans, on soit capable de continuer à faire virer la scierie de façon à ce qu'elle soit productive, non pas la fermer pour en construire une un peu plus au nord. C'est ça qu'on veut dire là-dedans. Et il y a façon de le faire en attachant des règlements au niveau des CAAF. C'est ce qu'on pense.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Ça pourrait aller jusqu'à regarder la deuxième ou la troisième transformation?

M. L'Heureux (Clément): Certainement.

M. Désilets: Et puis, pour vous, la priorisation ou l'objectif que vous venez de nous dire, est-ce qu'il doit primer sur la conservation de la biodiversité?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. L'Heureux.

M. L'Heureux (Clément): Comment vous dites ça, là?

M. Désilets: Comme objectif, là, c'est-u plus important de maintenir l'objectif qu'on vient de dire, là, de garder la survie de la compétitivité, si on la met en comparaison avec la conservation de la biodiversité?

M. L'Heureux (Clément): On a dit, au début...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. L'Heureux.

M. Désilets: Ça va jusqu'où, là?

M. L'Heureux (Clément): Excusez, Mme la Présidente. On est habitué, chez nous, de répondre rapidement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, juste pour vous dire que ce n'est pas pour moi personnellement, c'est pour les besoins de la transcription qui ne vous voit pas et qui doit vous transcrire. Alors, M. L'Heureux.

M. L'Heureux (Clément): Merci, Mme la Présidente. Écoutez, on a été très clair dans notre mémoire. On ne veut pas seulement des jobs aujourd'hui, on veut des jobs pour demain puis on veut des jobs pour après-demain. Alors, la meilleure façon de le faire, c'est de regarder le futur de la forêt. Alors, tout notre rapport et toute notre façon de voir, c'est toujours de faire en sorte que soient protégés la forêt et nos jobs pour le futur.

Une voix: Un complément.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Alors, M. le député de... Oui.

M. Désilets: Un complément ou...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Roy, vous aviez un complément de réponse à nous donner?

M. Roy (René): Non, ça va, ça va aller.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. Alors, M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: O.K. Alors, dernière question concernant le régime paritaire. Vous avez ouvert tantôt sur la participation paritaire. J'aimerais vous entendre davantage là-dessus, là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. L'Heureux.

M. Désilets: Sur la façon dont ça peut marcher, là.

M. L'Heureux (Clément): Vous savez, dans les années passées on a vu que, au ministère des Ressources naturelles, il y a eu des idées qui ont été lancées à un moment donné, on parle de Forêt Québec, où le monde syndical n'avait pas été invité à participer. Alors, ce qu'on demande au ministre des Ressources naturelles, c'est de faire en sorte d'inscrire dans la loi que, lorsqu'il y aura de bonnes idées ? parce que je pense que l'idée était bonne au point de départ ? on indique dans la loi que ça doit être fait de façon paritaire et que les travailleurs doivent être représentés sur ces organismes-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. Alors, merci, M. L'Heureux. Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Au-delà de vos recommandations, vous remettez en doute certains éléments dans la gestion actuelle de nos forêts. Vous questionnez le mesurage, vous questionnez les contrôles qui sont faits sur les parterres de coupe, vous questionnez un certain nombre d'éléments. Vous-même, vous vous inquiétez même de la pérennité de la forêt québécoise. Ça, c'est à la page 12 de votre mémoire. De façon plus générale ? parce que, quand j'ai parlé de mesurage, monsieur au bout a réagi ? est-ce que c'est possible ? parce qu'il y a des travailleurs forestiers, évidemment, j'imagine, qui... vous connaissez sûrement le domaine, notamment votre représentant des travailleurs d'usines, et tout ça ? de nous dire un petit peu plus... Parce que c'est un portrait assez sombre, puis vous n'êtes pas les premiers évidemment qui tenez ce genre de discours là. Est-ce que c'est possible de préciser davantage? Parce que, de façon générale, vous semblez évidemment vous questionner des pratiques actuelles en forêt.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Roy.

M. Roy (René): Bon, la question de mesurage en tout cas nous scandalise un peu, vous savez, la question de mesurage en l'an 2000. Vous savez, une machine, c'est capable de mesurer à peu près... il y a des outils électroniques actuellement qui permettraient à la machine en question de faire le mesurage en même temps qu'elle coupe. Alors, on aurait un mesurage à peu près parfait de la coupe. Mais ce n'est pas le système. Le système de mesurage est encore fait, selon nous, des méthodes qui relèvent plus des années cinquante que des années 2000, et il y a de nombreux griefs sur cette manière d'opérer là.

Ensuite, les mesureurs comme tels sont à l'emploi des exploitants. Alors, si, moi, je mesure le bois pour vous, puis c'est vous qui payez mon salaire, j'ai des petites tendances peut-être à vous donner quelques pieds de bois. Je ne veux pas faire de procès d'intention sur ces travailleurs-là, mais on a des problèmes, il y a des échanges qui sont rudes à ce sujet-là. Alors, on pense que, si on traite de la loi sur la forêt aujourd'hui, c'est le temps de régler cette affaire-là. Ça devrait devenir, selon nous, des employés du gouvernement, au même titre que les autres inspecteurs qu'on retrouve dans différents ministères ? par exemple, je pourrais nommer ceux de la construction ? d'autres inspecteurs de sécurité qui pourraient exister. C'est à ce titre-là qu'on voudrait que les gens soient traités, pour qu'on ait une qualité de mesurage qui ne soit pas remise en question, qu'il n'y ait pas de jugement de valeur et de procès d'intention sur personne là-dessus.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Quand vous dites: On a des discussions assez ardues de ce côté-là, des discussions avec qui, entre qui? Est-ce que c'est possible de préciser davantage là-dessus, M. L'Heureux?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. L'Heureux.

M. L'Heureux (Clément): Mme la députée, vous savez, dans le monde forestier, il y a plusieurs intervenants. Il y a ceux qui font l'aménagement de la forêt, ceux qui font la coupe de la forêt et ceux qui transforment le bois. Quand on parle des échanges, c'est entre tous ces intervenants-là, parce que le système de mesurage, il fait en sorte que tous ces intervenants-là sont touchés directement. Alors, on participe, par le biais de nos négociations de convention collective, à ces échanges-là, et très souvent, lorsqu'on parle de négociations entre différents intervenants, à un moment donné il faut que tu reviennes au signe de piastre, hein. Tu veux 1 $ de l'heure de plus, alors il faut que tu le justifies. Et très souvent ce qu'on entend de nos membres, c'est qu'ils n'ont pas leur juste part du travail qui a été accompli et ils mettent très souvent en cause le système de mesurage, parce qu'il se fait à différents... Hein, le mesurage poids-masse ou par volume, ces différentes sortes de mesurage-là, très souvent, elles sont contestées.

Nous, ce qu'on dit, c'est qu'on devrait en avoir un, qui est accepté par tous les intervenants, puis qu'après ça on fasse en sorte que, lorsqu'on arrive dans les modes de négociation, bien tout le monde se comprend sur une méthode unique de mesurage, qui finalement c'est le pain et le beurre de tout le monde qui travaille au niveau de la forêt.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Donc, dans le fond, vous remettez en cause la méthode actuelle entourant le mesurage qui est liée au volume? Ça, vous remettez ça en cause. Vous dites: Dans le fond, on pourrait peut-être faire une réflexion pour avoir une méthodologie qui nous permettrait d'avoir un mesurage qui corresponde à la réalité, qui soit plus juste. C'est ça?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. L'Heureux.

n(17 h 10)n

M. L'Heureux (Clément): On ne remet pas en cause le système. Ce qu'on dit, c'est que le système devrait être accepté par tous les intervenants de la forêt. Que ce soit ce système-là ou un autre système, on dit: Il doit être accepté par les gens. Un coup qu'il est accepté puis que les gens se retrouvent là-dedans, après ça, c'est plus facile de dire: Tu m'en donnes pour 1 $, non pas pour 0,90 $. Alors, c'est ça qui est important, c'est que tous les intervenants acceptent un système de mesurage égal à tout le monde. Et ce système-là, on demande qu'il soit contrôlé par le ministère.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Pour le mesurage, en passant, vous n'êtes pas les premiers intervenants qui soulèvent quelques problèmes de ce côté-là.

Au niveau de la pérennité de la ressource, parce que, à la page 12, vraiment vous vous inquiétez de la pérennité de la ressource. C'est une affirmation à mon sens qui est extrêmement importante, et je comprends votre préoccupation pour le futur. Vous avez dit tout à l'heure, M. L'Heureux: On ne veut pas des emplois seulement pour aujourd'hui, on veut des emplois aussi pour l'avenir. Alors, qu'est-ce que vous voulez dire précisément? Pourquoi la pérennité de notre ressource est en péril à l'heure actuelle au Québec selon vous?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. L'Heureux ou M. Roy. M. Roy.

M. Roy (René): La question de la pérennité, c'est toute la question de la sylviculture, hein? On demande qu'il y en ait davantage, que la structure de la sylviculture soit aménagée de façon à rapprocher encore une fois la ressource de l'exploitation. Et c'est dans ce sens-là.

Actuellement, on a parlé des différentes méthodes de coupe qui existent actuellement. De plus en plus, les méthodes sont mieux adaptées pour la pérennité de la forêt, mais encore là il y a loin de la coupe aux lèvres à suivre exactement ce qui se fait dans la forêt, et c'est pour ça qu'on demande une surveillance accrue de la forêt. Et on demande aussi une méthode sur la sylviculture qui soit davantage axée... plus de sylviculture, plus de reboisement et que les compagnies soient davantage obligés de le faire, et ça, de façon à rapprocher encore une fois la production des usines en question. Tu veux rajouter quelque chose là-dessus?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. L'Heureux.

M. L'Heureux (Clément): Sur la pérennité, écoutez, il n'y a pas beaucoup de personnes à l'heure actuelle qui oeuvrent dans le domaine forestier qui ne se posent pas de questions sur le futur de la forêt, puis je pense que ça, c'est sain. Et le débat qu'on a aujourd'hui puis qu'on entend tous les jours au niveau de la commission parlementaire, je pense que c'est ça, l'objectif. On veut tout le monde que la forêt soit encore disponible dans x centaines d'années, si on peut s'exprimer comme ça, et c'est ce qu'on recherche aussi. On propose des méthodes pour le faire, on propose des façons de faire, et ce qu'on dit lorsqu'on parle de pérennité, c'est qu'on veut s'assurer que les travailleurs puis les travailleuses ne soient pas laissés pour compte aussi dans ces méthodes-là. C'est ça.

Alors, je pense qu'au niveau de la pérennité tout le monde dans la salle on aurait une certaine facilité à s'entendre que c'est ça qu'on veut. On veut que dans l'avenir il y aient des jobs. Nous, ce qu'on demande, c'est que ces jobs-là soient intégrées à quelque part dans le système et donc reconnues dans la Loi sur les forêts.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. M. le ministre, il reste trois minutes à votre formation politique.

M. Brassard: Je veux revenir sur le mesurage parce qu'il circule, je dirais, beaucoup d'affirmations que je pourrais qualifier de gratuites sur le mesurage.

La méthode de mesurage qui est la plus utilisée, c'est la méthode de masse-volume. Ce système-là a été complètement revu et corrigé suite à un rapport d'un consultant, d'un expert, la firme Caron & Bélanger & Young, en 1997, toute une série de recommandations. Elles sont pratiquement toutes mises en oeuvre. Il en reste quelques-unes à appliquer, mais les corrections ont été apportées.

Et puis c'est vrai que les mesureurs, qui sont des professionnels sont embauchés par les entreprises, mais ils ont un code d'éthique d'abord comme tout professionnel qu'ils se doivent de respecter. Il faut qu'ils soient accrédités, reconnus puis également ils sont vérifiés. Le ministère a un système de vérification du mesurage. Évidemment, on ne mesure pas tout, mais c'est aléatoire, et il y a ? je lisais ça quelque part dans des notes ? quelque 70 000 gestes annuels qui sont posés par les vérificateurs du ministère uniquement pour ce qui concerne le mesurage. Donc, ce n'est pas vrai de prétendre que le mesurage est sans contrôle; il y a un contrôle qui est fait par le ministère, comme les travaux d'aménagement ou les travaux sylvicoles sont également l'objet de contrôle. Et puis on a fait un suivi parallèle du mesurage encore plus systématique dans le Bas-Saint-Laurent, une région particulière, on a procédé à une vérification complète du mesurage dans le Bas-Saint-Laurent pour arriver à la conclusion que l'écart était d'à peu près 1,5 % avec les mesures prises par les mesureurs. Alors, ça m'apparaît important de le signaler. Il y a beaucoup d'affirmations qui circulent sur le mesurage puis qui ne sont pas fondées, qui ne sont pas justifiées.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, écoutez, il reste à peine quelques secondes. Alors, s'il y a consentement de tous les membres, on pourrait laisser M. L'Heureux réagir.

M. Brassard: Oui, j'aimerais bien que M. L'Heureux réagisse, là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je pense qu'il y a consentement, ce que je comprends. Alors, M. L'Heureux.

M. L'Heureux (Clément): M. le ministre, je suis d'accord avec vos propos sur le mesurage comme système, mais il ne faut quand même pas oublier que ce système de mesurage là, masse-volume, il y a deux, trois ou quatre ans, c'était un système qui n'était pas nécessairement le meilleur outil ou cet outil-là n'était pas utilisé de la meilleure façon. La preuve, c'est que votre ministère a demandé une étude à part pour voir c'était quoi. Il y avait tellement de choses qu'on entendait que vous avez tenu bon de demander une étude. Vous avez le rapport de cette étude-là, mais, nous, on ne l'a pas. Les propriétaires de machineries forestières n'ont pas les résultats de cette étude-là. Votre ministère l'a, je ne sais pas si ça a été publicisé. En tout cas, chez nous, on en a eu des bribes, mais on n'a pas eu le rapport comme tel qui a été divulgué partout sur le terrain. Alors, on a encore aujourd'hui plusieurs propriétaires d'équipements forestiers, plusieurs travailleurs qui sont au niveau de la forêt et qui contestent encore toujours le système de mesurage.

Maintenant, vous parlez de 1 % ou 1,5 %. Je ne contesterai pas le 1,5 % ou 2 %, là, d'avantages qui peuvent être reliés ou de corrections qui pourraient être apportées au système, mais je vous soumets respectueusement que... Prenez, comme exemple, sur la Côte-Nord, un travailleur forestier qui est avec ses équipements puis qui travaille pour une compagnie ? que je ne nommerai pas parce que je ne voudrais pas faire de distinction entre les industriels, mais je pense que vous savez de qui je parle ? et je peux vous dire que le 1 % sur la paie de l'employé fait en sorte qu'aujourd'hui, cette semaine, il va garder son équipement ou il va le céder à la banque. C'est rendu à ce point-là. C'est pour ça qu'on fait plusieurs recommandations, et celle du mesurage, le système à l'heure actuelle, il faut, d'après nous, qu'il ne soit pas incomplet à 1 % ou à 2 %, il faut qu'il soit complet à 100 %.

Et dans votre rapport je pense qu'on aurait peut-être aussi dû inviter des représentants des travailleurs et des travailleuses pour vérifier ou vous donnez notre point de vue sur les items qui vous ont été soumis lors de ce rapport. On ne conteste pas, M. le ministre, le rapport qui vous a été soumis, on ne connaît pas tous les détails. Mais ce qu'on vous dit, c'est: Le système de mesure, vous avez raison, il a été amélioré lors des deux dernières années, mais on pense qu'il reste encore un petit bout de chemin à faire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. L'Heureux, M. Roy, messieurs, de votre participation à cette commission. Je vais suspendre quelques instants pour permettre à l'autre groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 20)

 

(Reprise à 17 h 21)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, la commission poursuit ses travaux. Nous accueillons maintenant la Fédération québécoise du canot et du kayak et Conseil québécois du loisir. Alors, vous êtes Mme DeCorwin, alors madame, si... en fait, vous présenter avec vos titres, et tout, là. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous présenter votre mémoire.

Fédération québécoise du canot et du kayak,
et Conseil québécois du loisir

Mme DeCorwin (Sophie): C'est parfait. M. le ministre, Mme la Présidente, messieurs et mesdames, membres de la commission. Je m'adresse à vous aujourd'hui à la fois à titre de représentante du Conseil québécois du loisir et de vice-présidente de la Fédération québécoise du canot et du kayak. Le Conseil regroupe et représente 45 organismes nationaux de loisir du québécois, incluant la Fédération. En 1998, ces organismes chapeautaient plus de 130 organismes régionaux, 7 000 clubs locaux, 700 000 membres individuels et 300 000 bénévoles de toutes les régions du Québec. Vous n'avez pas encore reçu le mémoire du Conseil, mais il devrait être livré sous peu.

À la valeur symbolique des actifs naturels s'ajoute une valeur économique fondée à la fois sur leur consommation comme matière première et sur leur conservation comme base d'une activité récréotouristique en pleine croissance. L'image du Québec comme terre d'aventure est reconnue comme un des atouts majeurs de l'industrie touristique québécoise dont l'importance et le potentiel économique sont largement démontrés. L'écotourisme et le tourisme d'aventure sont en pleine croissance partout dans le monde, et le Québec est bien placé pour tirer parti de cette évolution. Toutefois, il doit créer les conditions propices à ces activités. Il est clair que nous devons préserver la qualité du paysage québécois, puisque nous en faisons la promotion partout dans le monde.

Si l'État investit dans des infrastructures touristiques ou des infrastructures qui serviront à une clientèle touristique, encore faut-il qu'il y ait concertation pour que ces pôles de développement ne soient pas indûment altérés par un autre intervenant. C'est le risque que courent constamment les sentiers récréotouristiques, des sentiers tels que les sentiers de randonnée pédestre ou équestre ou les parcours de canots et de kayaks. C'est le rôle du gouvernement d'assurer une concertation efficace entre ces ministères afin d'empêcher que la main gauche ne défasse l'oeuvre de la main droite.

Les déclarations du ministre des Ressources naturelles en faveur d'une hausse de la production de l'industrie forestière ont semé l'inquiétude dans le milieu du plein air. À long terme, il est possible qu'une hausse de la productivité permettra d'obtenir plus de bois à partir de moins grandes superficies de coupe. Mais nous ne croyons pas possible de concilier à court terme un objectif de production accrue avec un objectif de conservation plus élevée. Il ne faut pas que le gouvernement, par des promesses irréalistes, se lie à l'égard d'industries puissantes au risque de mettre en échec les bonnes intentions manifestées dans son projet de loi à l'égard de la conservation de la ressource forestière et de son usage polyvalent. Il est urgent d'assurer la préservation des sentiers récréotouristiques du Québec, notamment, tout en concrétisant la nouvelle orientation gouvernementale de hausser la superficie des aires protégées à 8 % du territoire québécois.

Comme première mesure, la Fédération québécoise du canot et du kayak considère essentiel d'élargir les bandes forestières riveraines conservées le long des cours d'eau. Dans le cas des parcours canotables, ces bandes devraient atteindre 200 m de largeur afin de préserver l'aspect naturel des parcours, la qualité des sentiers de portage qui longent les rives, les sites de camping et un habitat faunique plus propice à l'observation de la faune. Les parcours canotables sont un précieux patrimoine, car nulle autre activité ne permet d'entrer aussi intimement en contact avec le Québec des grands espaces que le canotage sous toutes ses formes. Cette activité tire aussi son origine de notre histoire propre.

La largeur actuelle des bandes riveraines fixée à 20 m n'offre aucune protection aux infrastructures du canotage. La coupe détruit les sentiers. Une bande étroite favorise la prolifération de végétation arbustive le long de la rive en ouvrant le passage à la lumière. Cette végétation envahit les sentiers de portage et les sites de camping jusqu'à les rendre inutilisables. La pratique de permettre une collecte partielle des tiges dans les bandes riveraines accentue ce phénomène. De plus, l'ampleur du phénomène de chablis est directement reliée à la largeur de la bande riveraine. Dans une bande étroite, l'érosion et le vent font des ravages. Les arbres tombent en quantité.

Le maintien d'une bande riveraine de 200 m le long des parcours canotables aurait pour avantage de protéger automatiquement une grande proportion des sentiers de portage ainsi que les sites de camping. Toutefois, cette bande ne protégerait pas les sentiers qui relient des cours d'eau entre eux. Ceux-ci peuvent traverser la forêt au-delà de 200 m de la rive, parfois sur un ou plusieurs kilomètres. Les sentiers de randonnée pédestre sont aussi la proie de l'exploitation forestière, qui peut anéantir très rapidement un travail d'aménagement colossal.

La Loi sur les forêts doit inclure les dispositions nécessaires pour répondre à la volonté collective de préserver les sentiers récréotouristiques qui sillonnent tout le Québec afin que ces sentiers puissent contribuer à l'enrichissement collectif tant du point de vue économique que social. Le Conseil québécois du loisir comme la Fédération québécoise du canot et du kayak proposent que tout sentier récréotouristique traversant la forêt soit englobé dans un séparateur de coupe et protégé par une bande forestière intacte d'un minimum de 30 m de part et d'autre. De plus, la collecte partielle à l'intérieur des bandes riveraines et des bandes forestières protégeant les infrastructures récréotouristiques doit être interdite afin de limiter l'invasion de végétation arbustive. Il convient de rappeler que le Conseil exécutif du Québec a reconnu l'importance des sentiers récréotouristiques pour la collectivité. Au dernier Sommet du Québec et de la jeunesse, il a accordé son appui au projet d'économie sociale ayant pour but d'assurer leur pérennité.

Des mesures particulières sont souhaitables dans les réserves fauniques où se pratiquent une intense activité récréotouristique. Ces mesures doivent comprendre l'interdiction de l'exploitation forestière dans les secteurs qui présentent des caractéristiques naturelles exceptionnelles et un fort potentiel récréotouristique. De toute façon, pour multiplier par un facteur de trois les aires protégées du Québec, il semble inéluctable que l'on doive consacrer à cet objectif certaines portions des réserves fauniques.

À ce sujet, la Loi sur les forêts doit prévoir des dispositions permettant la modification des limites des unités d'aménagement dans un délai relativement court dans l'éventualité où elles chevaucheraient un secteur visé par une nouvelle désignation d'aires protégées ou le développement de sentiers récréotouristiques. Hors des aires protégées, la Fédération suggère d'alterner l'exploitation forestière de la rive gauche et de la rive droite des parcours canotables selon un calendrier suffisamment étendu afin de conserver l'aspect vierge d'une moitié du paysage. La rive opposée pourrait être coupée lorsque la repousse atteint, sur la première rive, un minimum de 3 m de hauteur. Enfin, le long des parcours canotables utilisés par les producteurs en tourisme d'aventure, les coupes forestières devraient être différées afin qu'elles ne perturbent pas la tranquillité des voyageurs en cours d'expédition. Elles pourraient avoir lieu entre les mois d'octobre et d'avril inclusivement.

Afin de simplifier les mécanismes de consultation et de les rendre plus efficaces, le Conseil québécois du loisir et la Fédération québécoise du canot et du kayak recommandent la création de postes d'agents de liaison au sein du ministère des Ressources naturelles. Ces agents seraient responsables des sentiers récréotouristiques dans leur ensemble. Leur rôle serait d'assurer en permanence la protection du patrimoine récréotouristique québécois lors de la préparation ou de la modification des plans de coupe. Au lieu d'intervenir à la pièce et à répétition, les organismes de loisir n'auraient qu'à préparer, à l'intention de ces agents, toute la documentation nécessaire à l'accomplissement de leur mission. Nous croyons que l'industrie forestière, autant que les autres utilisateurs de la forêt, bénéficierait du gain d'efficacité découlant de cette approche.

Malheureusement, aucune loi, aucun règlement peut avoir pleinement effet sans l'inclusion de sanctions en cas d'infraction. C'est pourquoi il importe que les contrevenants soient tenus de réaménager à leurs frais tout sentier récréotouristique ou site de camping détérioré par leur faute, en plus de payer une amende dissuasive. Il ne faut pas qu'il soit économiquement rentable pour l'exploitant de commettre l'infraction.

Le Conseil québécois...

n(17 h 30)n

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Madame...

Mme DeCorwin (Sophie): Oui, j'achève. J'ai presque fini. Le Conseil québécois du loisir représente plusieurs organismes à caractère scientifique. Il souhaite une meilleure prise en compte des avis des scientifiques concernant la biodiversité, la protection de l'environnement et l'écosystème forestier. La science est en constante évolution, et il faut être en mesure de réagir rapidement. Il importe d'adopter des points de vue plus englobants et d'être ouverts à la possibilité que de nouvelles données viennent bouleverser notre compréhension du monde et de la vie. En somme, le souci de préserver la biodiversité actuelle du Québec commande de préserver celle-là même que nous ne connaissons pas encore.

Enfin, le Conseil québécois du loisir rappelle que les communautés locales bénéficient souvent de retombées économiques substantielles par suite du développement d'activités récréotouristiques dans leur milieu. Ces activités, à petite échelle, ont une valeur, financièrement, difficilement quantifiable, mais elles sont combien salutaires, importantes et nécessaires pour une communauté. Considérées globalement sur l'ensemble du territoire québécois, elles forment une micro-économie surprenante. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, madame. M. le ministre, pour la période d'échanges.

M. Brassard: Alors, merci, Mme DeCorwin. Je pense que c'est un point de vue qui devait être exprimé à cette commission, compte tenu de l'activité qui est la vôtre et aussi du fait que, comme vous l'avez mentionné, le tourisme d'aventure est une activité en pleine croissance au Québec et que le Québec est une terre d'accueil pour ce genre d'activité.

Vous proposez qu'à l'article 54 du projet de loi, les organismes nationaux comme les fédérations de loisirs, dont la vôtre, l'Association des producteurs en tourisme d'aventure, soient nommément désignés. Tout à l'heure, la Fédération de la faune a fait la même demande, la Fédération... Enfin, il y a plusieurs organismes qui demandent d'être inscrits dans cette liste. C'est la liste des groupes qui vont avoir à s'impliquer dès le départ dans le processus d'élaboration du plan général d'aménagement.

Je voudrais juste indiquer qu'il y a un rationnel à cette liste-là. C'est que cette liste-là comprend la MRC, les gestionnaires de territoires fauniques, zecs et pourvoiries, réserves fauniques aussi. Ce sont des gestionnaires de territoire qui ont des droits sur le territoire. Les MRC ont des responsabilités en termes d'aménagement du territoire. Les pourvoiries ont des droits exclusifs sur la faune, sur des territoires bien particuliers. Donc, il y a un lien avec le territoire. C'est pour ça qu'on les a mis dans la liste puis qu'on a dit: Ces organismes-là vont être appelés à s'impliquer dès le départ du processus.

Évidemment, si on ajoute, si on allonge la liste, ça va commencer à compliquer les choses. Ça ne veut pas dire que des organismes comme le vôtre ne pourront pas participer à la consultation lorsque le plan sera élaboré. Et puis il y en a beaucoup d'aires communes, puis il y en a des centaines de détenteurs de contrats d'approvisionnement, donc c'est des centaines de plans qui sont en préparation. Je ne suis pas certain que votre organisation va être en mesure de veiller au grain et d'être présente sur toutes ces tables. Je ne sais pas si vous...

Vous comprenez un peu la difficulté. Et, moi, je comprends vos demandes aussi. Elles sont également légitimes. Préserver des sentiers, préserver le paysage le long des rivières où vous exercez votre activité, c'est des demandes que je ne considère pas comme frivoles, que je considère comme tout à fait légitimes. Mais est-ce que vous ne pensez pas qu'on pourrait trouver un autre moyen ou une autre façon d'arriver à l'objectif que vous poursuivez sans être tenus de vous inscrire dans la liste? Et là, à partir de ce moment-là, je ne vois pas pourquoi on n'inscrirait pas non plus la Fédération de la faune ou toute une série d'organisations qui demandent à être inscrites. Le rationnel, dans cet article-là, c'est les organismes qui ont des responsabilités territoriales, qui ont un lien avec la gestion du territoire, c'est pour ça qu'on les a placés dans cette liste-là. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de trouver une autre façon de faire pour atteindre les objectifs légitimes que vous poursuivez?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme DeCorwin.

Mme DeCorwin (Sophie): Je comprends tout à fait votre interrogation. D'ailleurs, dans notre mémoire, nous avons souligné le fait qu'il serait impossible à la Fédération québécoise du canot et du kayak de participer à des centaines de consultations ou à réviser des centaines de plans. C'est pour ça qu'on avançait l'idée d'agents de liaison qui auraient donc une mission par rapport aux sentiers récréotouristiques et qui, munis des bons outils et en suivant de façon continue les divers processus d'attribution de territoire ou d'approbation des plans de coupes, pourraient assurer la pérennité de ce patrimoine récréotouristique.

Pourquoi on a fait la demande d'être inclus dans la liste concurremment? C'est parce qu'il y avait là une sorte de mesure de précaution, puisqu'une chose qui nous embêtait dans le projet de loi tel qu'il est présenté dans votre documentation, c'est qu'on parle de consultation mais qu'il ne semblait pas y avoir d'obligation de résultat, et donc, en l'absence d'obligation de résultat, il fallait au moins s'assurer qu'on serait consultés. Parce que, si on n'est pas consultés et qu'en plus il n'y a pas d'obligation de résultat, c'est évident que, pour nous, il n'y a aucun progrès, il n'y a aucune assurance qu'on puisse protéger nos parcours canotables ou l'ensemble des sentiers récréotouristiques.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Brassard: Mais ces agents de liaison que vous souhaitez, ce serait, en d'autres termes, des fonctionnaires du ministère des Ressources naturelles désignés et à qui ont confierait, peut-être pas de façon exclusive, ça ne serait peut-être pas leur seul mandat, mais ce serait un de leurs mandats de s'assurer que les sentiers récréotouristiques soient adéquatement protégés.

Mme DeCorwin (Sophie): Oui, en d'autres termes...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme DeCorwin.

Mme DeCorwin (Sophie): Ah! excusez-moi. En d'autres termes, tous les plans pourraient automatiquement passer entre leurs mains pour révision. Et, comme ils auraient toute la documentation voulue, ils pourraient vérifier s'il existe des sentiers récréotouristiques dans ces zones-là et s'assurer qu'on en prenne compte dans les autorisations.

M. Brassard: Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. Alors, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, merci pour votre présentation, surtout merci d'être avec nous aujourd'hui. Écoutez, ce qu'on constate, sur la base de votre mémoire, c'est effectivement que l'industrie du tourisme d'aventure est importante. Vous faites référence, dans votre mémoire, à la page 29, à 261 entreprises sur le territoire. Donc, évidemment il y a des retombées économiques extrêmement importantes qui découlent de cette activité.

J'ai plusieurs questions. La première porterait sur.. puis qui est en lien peut-être avec la question sur l'agent de liaison du ministre, c'est à la page 21. Vous parlez d'une ligne, d'un service «Info-coupes» qui permettrait, dans le fond, à ceux qui fréquentent les sentiers d'avoir des informations sur les coupes qui se font dans un secteur précis. Et vous faites référence à une ligne qui existe déjà, Info-débit ? c'est ça? ? au ministère de l'Environnement. Peut-être nous en parler davantage, parce que évidemment, lorsque vous faites référence à la création d'un service comme celui-là, il y a des coûts, bien sûr. Donc, qui pourrait financer un service comme celui-là? C'est peut-être, dans le fond, une autre job qu'on vient de trouver aux agents de liaison auxquels vous faisiez référence tout à l'heure. Mais peut-être nous en dire un petit peu plus. Est-ce que vous avez poussé votre réflexion pour savoir qui pourrait effectivement... Comment tout ça pourrait s'harmoniser? Parce que ça me semble être un peu complexe, compte tenu du nombre de coupes qui se font sur le territoire à travers toute la province.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme DeCorwin.

Mme DeCorwin (Sophie): Je dois admettre que, nous-mêmes, nous voyons ce genre de service-là dans le long terme, on ne pensait pas que c'était réaliste dans le court terme. Mais ce serait bien au moins qu'il y ait possibilité de se renseigner quelque part sur les coupes qui ont lieu. Alors, ça je ne sais pas comment ça fonctionnerait.

n(17 h 40)n

Mais, pour ce qui est du service Info-débit, qui est assuré par la Fédération, ça fonctionne de la façon suivante. C'est que le ministère de l'Environnement a des stations hydrométriques sur différents cours d'eau. Et nous avons un lien par Internet ? pas par courrier électronique. Par Internet, nous pouvons aller prendre les données de débit trois fois par semaine et les afficher sur notre site Internet à l'usage des pagayeurs. Évidemment, ça implique des frais. On paie... Je ne me souviens plus du détail du contrat que nous avons avec le ministère de l'Environnement. Mais ça permet à tous les pagayeurs de connaître assez bien l'état des rivières et de choisir leur parcours en fonction des débits.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: À la page 23, vous faites référence à la possibilité ou à la nécessité d'augmenter la largeur de la bande riveraine. On parle de 200 mètres. Ça me semble être très élevé, 200 mètres. Évidemment, ça a un impact sur la possibilité forestière, vous êtes conscients de ça. Comment vous conciliez les deux? Parce que 200 mètres de chaque côté, au total, ça fait 400 mètres. Donc, c'est moins de volume de disponible pour la coupe. Donc, ça a un impact sur l'emploi. Bon, bref, vous savez, ça s'enchaîne, l'effet domino est là. Puis vous proposez une mesure comme celle-là à travers toute la province, à l'échelle provinciale?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme DeCorwin.

Mme DeCorwin (Sophie): On parle ici des parcours canotables. On ne demande pas 200 mètres de bande riveraine sur tous les cours d'eau de la province mais spécifiquement pour les parcours canotables. Alors, j'avoue que je n'ai pas fait l'exercice de calculer combien de kilomètres de rive ça représente, c'est peut-être quelque chose qu'il serait intéressant de faire. Mais il existe une carte des parcours canotables du Québec que nous avons mise à jour l'année dernière et où on voit très bien de quels cours d'eau il s'agit.

Je comprends très, très bien que, pour l'industrie forestière, ça serait un choc de se voir imposer une bande riveraine de 200 mètres. L'objectif de cette bande-là, comme je le disais, c'était, premièrement, d'assurer que les portages qui longent les rives sont préservés ainsi que les sites de camping. Parce que, si on s'entend pour des bandes riveraines plus étroites, il est possible qu'à un moment donné les sentiers sortent de la bande et que les compagnies forestières, peut-être par inadvertance tout simplement, détruisent ces portions-là de sentiers.

Mais, d'autre part, pourquoi 200 mètres? C'est beaucoup en relation avec la possibilité d'observer la faune. Il est clair qu'on observe, je ne veux pas dire une disparition de la faune, mais, quand on descend des rivières et qu'il y a des coupes forestières, on ne voit pas beaucoup d'animaux, surtout pas des gros animaux, c'est assez rare, et c'est clair qu'il y a une relation entre les deux. Or, selon les lectures que j'ai faites, un orignal a besoin d'un domaine vital de plusieurs centaines d'hectares, par exemple. Et, à ce moment-là, la largeur de la bande riveraine a clairement une incidence sur la probabilité de voir un de ces grands animaux. Or, que ce soit pour le Québécois qui pratique le plein air ou le touriste qui vient de l'extérieur pour découvrir notre nature, il est évident que la possibilité de voir un orignal ou d'autres gros mammifères est un facteur de motivation très important.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça va. Merci, Mme DeCorwin pour cette présentation que vous nous avez faite à la commission.

Je vais donc suspendre quelques minutes pour permettre à l'autre groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 44)

 

(Reprise à 17 h 45)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend donc ses travaux. Nous accueillons maintenant le Groupement acéricole de l'Est inc. M. Gilbert, je crois, vous êtes le président. Alors, si vous voulez bien, M. Gilbert, vous présenter et nous présenter aussi les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour la présentation de votre mémoire.

Auparavant, je vais demander cependant un consentement. Compte tenu de l'heure, évidemment nous allons sûrement dépasser. Alors, je demande s'il y a consentement pour que la commission puisse poursuivre au-delà de 18 heures. D'accord. Alors, vous pouvez y aller, M. Gilbert.

Groupement acéricole de l'Est inc.

M. Gilbert (Jean-Marie): Merci. Merci, M. le ministre, Mme la Présidente, mesdames et messieurs. Je me présente moi-même, Jean-Marie Gilbert, président du Groupement acéricole. À mes côtés, à ma gauche, Donald Ouellet, administrateur du Groupement, M. Patrick Lang, ingénieur forestier et conseiller acéricole, et M. Walter Pelletier, administrateur du Groupement acéricole.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Vous pouvez donc faire votre présentation.

M. Gilbert (Jean-Marie): Merci. Le présent mémoire est pour réitérer l'opinion du Groupement acéricole de l'Est concernant les priorités à tenir compte dans la mise à jour du régime forestier. Le Groupement acéricole est un organisme à but non lucratif regroupant plusieurs producteurs acéricoles de la région du Témiscouata et des environs. Le but principal de l'organisme est de défendre les intérêts des acériculteurs et de protéger la ressource acéricole.

Dans le passé, notre organisme a été l'instigateur d'une étude comparative en forêt publique entre l'industrie acéricole et l'industrie du sciage. Nous avons ainsi favorisé la protection des peuplements à potentiel acéricole en forêt publique et l'aide à l'aménagement. Les érablières de la région sont particulières, car, dans plusieurs des cas, elles ne représentent pas seulement un revenu d'appoint mais bien un revenu principal pour les familles. De plus, le nombre et la taille des érablières font en sorte que certains villages, plusieurs villages, je dirais même, dépendent principalement de cette industrie.

Le Québec est le principal producteur de sirop d'érable au monde, et c'est pourquoi la protection des peuplements acéricoles est essentielle. Bien sûr, l'année 2000 est difficile sur le plan de la commercialisation du sirop d'érable, mais cela est dû à un manque d'organisation dans l'industrie et non à une production trop intensive de sirop d'érable. Nous croyons qu'il est primordial de conserver cette ressource typiquement québécoise que nous avons la chance d'avoir. Le sirop d'érable constitue moins de 1 % de tous les sucres sur la planète. Il faut donc conserver le potentiel acéricole afin que cette industrie ait la possibilité de prendre la place qui lui revient.

Dans notre région, il y a approximativement entre 20 000 et 25 000 hectares de forêt publique à potentiel acéricole non exploités pour l'acériculture. Si ces superficies étaient conservées pour l'exploitation acéricole, il y aurait création de plus de 1 000 emplois permanents additionnels, un investissement ponctuel de plus de 112 millions de dollars et annuel de 15 millions. De plus, lors de l'étude comparative entre l'industrie acéricole et l'industrie du sciage réalisée par la firme d'ingénieurs Poulin, Thériault, il a été mentionné que la création d'emplois est six fois plus importante en acériculture, l'investissement est 23 fois plus élevé en acériculture et la valeur ajoutée est de 10 fois supérieure à la coupe de bois industrielle. Ces trois exemples d'indicateurs économiques ont été analysés sur une base d'hectares exploités et démontrent bien que l'acériculture est une activité économique majeure dans la région.

Par ailleurs, il est très important qu'une aide à l'aménagement soit disponible pour les producteurs acéricoles du Québec. En effet, l'aménagement des érablières est très important pour maintenir des peuplements sains, et le gouvernement doit intervenir au même titre que pour les industriels forestiers. Il est donc normal que les producteurs acéricoles bénéficient d'une aide à l'aménagement pour ainsi améliorer leur peuplement et, du même coup, la productivité de leur entreprise.

En conclusion, le Groupement acéricole croit qu'il faut protéger les peuplements à potentiel acéricole afin de permettre une continuité dans le développement de cette industrie. Il serait malheureux de couper une ressource dont nous sommes les principaux détenteurs au monde. Il serait également judicieux de permettre aux acériculteurs québécois d'aménager leur érablière convenablement avec l'aide à l'aménagement. Merci de votre attention.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Déjà? Alors, merci. Ha, ha, ha! Merci, M. Gilbert. Nous passerons donc à la période d'échanges. M. le ministre.

n(17 h 50)n

M. Brassard: Bien, je vous remercie, M. Gilbert, et ceux qui vous accompagnent, M. Ouellet, M. Lang, M. Pelletier. On vous remercie de votre participation aux travaux de cette commission. Vous le savez, nous avons reçu, dans les premiers jours de consultation, la Fédération des producteurs acéricoles. Je pense que vous en êtes membres? Oui. Alors, évidemment vous êtes sans doute aussi au fait que, le ministère des Ressources naturelles, en concertation avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et la Fédération, nous avons fait une assez longue réflexion sur toute cette question-là. Ça a donné lieu à un rapport et à un bon nombre de recommandations. Vous le savez qu'une des recommandations, c'est de faire en sorte que quelque 25 000 hectares de plus soient affectés au développement de l'acériculture. Mais il y a aussi des recommandations évidemment qui touchent également la conciliation ou l'harmonisation de l'acériculture et de la récolte forestière. Donc, c'est une conciliation qui n'est peut-être pas facile en soi mais qui est tout à fait possible, qui se pratique ailleurs. Je ne sais pas si, dans les territoires qui vous concernent, il y a ce genre d'harmonisation de la production acéricole et de la production forestière.

Donc, je voudrais savoir de votre part, évidemment compte tenu que vous êtes des producteurs, donc vous connaissez toutes les facettes de cette problématique, est-ce que, d'abord, vous êtes d'accord avec ce qu'on retrouve dans le rapport MRN, MAPAQ, Fédération des producteurs acéricoles? Puis est-ce que vous êtes aussi d'accord pour qu'on puisse augmenter les superficies mais en prévoyant une cohabitation et une combinaison à la fois de la production acéricole et de la production forestière?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gilbert.

M. Gilbert (Jean-Marie): Merci. Sur le premier point, vous me demandez si je suis d'accord avec le rapport? Sûrement. On a travaillé beaucoup en concertation avec la Fédération acéricole, ça fait que certaines revendications qui ont été faites dans ce rapport-là étaient en harmonie avec nous autres. Je ne le connais pas complètement, le rapport, je ne pourrais pas en parler sur tous les détails.

La deuxième partie de votre question. Effectivement, depuis que l'étude a été faite, il y a trois ans, on travaille en harmonie, en consultation avec le ministère des Ressources naturelles régional, avec les industriels de sciage, avec les gens de la MRC. Et même, effectivement, on a établi certaines façons de faire, des projets expérimentaux d'aménagement acéricoforestiers dans des érablières exploitées depuis 25 ans. On a fait un projet pour établir un coût de production puis quelle sorte de bois on va récolter à l'intérieur de ça, tout en faisant de l'aménagement pour l'acériculture, le bois récolté, quelle valeur il aurait pour l'industrie forestière. On en a fait dans une érablière complètement neuve puis on en fait cette année dans une érablière avec de la tubulure qu'on démanche, où on fait l'aménagement et qu'on ramanche après puis on établit les coûts de production de ça.

Ça fait qu'effectivement on fait beaucoup de travail en concertation avec l'industrie de sciage et avec le ministère puis les acériculteurs pour voir la faisabilité de récolter du bois tout en aménageant les érablières. Et ça, on a déjà même un projet de sorti l'année dernière qui établit ? d'ailleurs, c'est dans un des volets de l'aide à l'aménagement ? le coût de production pour un industriel ou pour un acériculteur de faire cette sorte d'aménagement avec une récolte quand même diminuée, qui est moins élevée à l'hectare, qui a plus de voirie forestière. Parce qu'on ne voudrait pas qu'il y ait des chemins de 20 à 30 mètres et plus en plein milieu des érablières futures potentielles. Ça fait que ça a établi un coût de production plus élevé que qu'est-ce que les industriels ont actuellement pour faire le jardinage conventionnel. Puis d'ailleurs, dans les chiffres, le conventionnel était établi, dans le passé, autour, je pense, de 240 $ l'hectare et, dans notre étude, ça a sorti à plus de 400 $, 410 $ l'hectare pour donner du bois à l'industrie du sciage tout en protégeant le potentiel.

Et deux facteurs qui augmentent le coût, c'est la faible récolte par intervention et la voirie et la distance de débardage. La distance, parce que, si on ne veut pas faire des chemins à tous les 200 mètres ou 500 mètres, bien, la distance de débardage est plus grande, ça fait que ça établit... Bien entendu, notre coût est plus élevé. Puis on a, je pense, fait... Vous avez ici, à Québec, je pense, les recommandations qu'il y avait dans ce rapport-là. Ça fait qu'effectivement on travaille pour les deux industries. On travaille pour garder l'industrie du sciage et garder l'acériculture aussi en même temps.

Dans notre mémoire ici, et ce qu'on ne précise pas clairement, on s'aperçoit que, même si on fait cette consultation avec l'industrie, avec le ministère, actuellement, il manque des ressources humaines terrain pour bien appliquer qu'est-ce qui est dit puis qu'on trouve bien souhaitable dans vos documents, puis même dans tout ce qu'on a discuté depuis trois ans.

Un exemple du dernier mois, c'est qu'il y avait bien entendu un industriel qui faisait des projets de coupe pour l'année prochaine. Ils ont fait de la voirie pour les futures coupes, mais, bien entendu, avec l'échantillonnage qu'il y avait, ils n'ont pas réussi à définir qu'il y avait du potentiel acéricole dans ces morceaux-là et ils ont passé de la voirie à des endroits où, dans le futur, s'il y a un développement d'érablière, ça va vraiment affecter le potentiel. Et là on a rencontré les gens du ministère, et les gens nous ont dit: Bien, on n'a pas le temps de tout voir ce qui se passe sur le terrain, on n'a pas assez de ressources humaines. Puis l'échantillonnage que l'industriel fournit au ministère est cinq fois moins grand que quand on fait un échantillonnage en fonction de définir un potentiel acéricole. Et ça a été une problématique, on s'est aperçu qu'il va falloir qu'il y ait un peu plus de ressources humaines pour faire un meilleur contrôle et pour définir où est vraiment situé le potentiel acéricole dans notre région ou ailleurs aussi.

M. Brassard: Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. Alors, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Messieurs, bonjour, ça fait plaisir de vous revoir, parce que, nous, on s'est vus au mois d'août. Avec mon collègue qui est assis à ma gauche, le député de Kamouraska-Témiscouata, on est allés chez vous dans le cadre de la tournée sur les forêts. Écoutez, lorsqu'on s'est rencontrés vous avez soulevé un certain nombre d'éléments. Et là il y a un élément qui apparaît dans votre mémoire, c'est toute l'aide à l'aménagement qui doit être mise à la disponibilité des producteurs acéricoles au Québec. Ma question est bien simple: Quelle forme pourrait prendre cette aide à l'aménagement? Est-ce qu'on comprend qu'il n'y a pas d'aide, à l'heure actuelle? Puis, si oui, de toute évidence, ça va prendre une aide additionnelle. Et quelle forme ça pourrait prendre?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gilbert.

M. Gilbert (Jean-Marie): Actuellement, il y a une aide à l'aménagement conventionnel qui est quand même minime, je pense, qui n'est pas très élevée, comparé en tout cas à qu'est-ce qui se passe en forêt privée. Mais, spécialement pour des travaux de type acéricoforestiers, à l'heure actuelle, il n'y a pas un montant de défini pour ça parce que, comme j'expliquais tout à l'heure, la récolte est moins grande dans un traitement acéricoforestier et la voirie et le débardage sont beaucoup plus grands.

Nous autres, notre projet ? puis je pense qu'il s'en est fait dans d'autres endroits, dans la province ? définissait que l'aide devait être autour de 400 $ l'hectare au lieu de... Je pense que c'est 240 $, le chiffre qui existe, dans l'aménagement conventionnel. Ça fait que c'est pour aider soit l'acériculteur ou l'industriel à faire des coupes acéricoforestières dans des peuplements acéricoles, à potentiel acéricole. Il faut bien entendu aider soit l'industriel ou le producteur pour que la coupe se fasse d'une façon pour protéger le potentiel. Et ça veut dire qu'il faut augmenter l'aide à l'hectare qu'il pourrait y avoir puis faire respecter les normes qu'on établit, acéricoforestières, et la localisation de la voirie forestière.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Alors, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Je vais céder la parole à...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ah! Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Oui. Merci. Bonjour, MM. Gilbert, Ouellet, Lang et Pelletier, bienvenue à l'Assemblée nationale. Pour continuer un petit peu sur ce que ma collègue de Bonaventure amenait, quand on parle d'aide à l'aménagement, il y a différentes, je dirais, considérations qu'on doit prendre en compte. Mais je voudrais savoir qu'est-ce qui, dans l'aménagement, comme tel, acéricole peut être différent, au-delà d'avoir les deux? Qu'est-ce qu'il y a de fondamentalement différent de l'aménagement d'un autre type de forêt? Quelles sont les opérations que vous devez faire qui ne sont pas faites dans une forêt qu'on récolte, ou quoi que ce soit? Comment le travail est différent? Qu'est-ce qu'il y a de différent entre les deux?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gilbert.

M. Gilbert (Jean-Marie): Merci. Ça commence par la localisation de la voirie forestière, pour ne pas couper une érablière en deux avec un chemin de 20 à 30 mètres. Ça, c'est la première chose. Ça veut dire plus de voirie par rapport à un nombre d'hectares. Puis la deuxième intervention, c'est que, généralement, les prélèvements d'un aménagement conventionnel se situent, je pense, entre 30 % et 35 % de prélèvements, de récolte, et, en acérico, on parle de 20 % environ de récolte. Ça fait que ça se situe dans presque la moitié de la récolte, puis avec de la voirie qui coûte plus cher puis du débardage, l'éloignement pour transporter le bois est plus grand. C'est ça, le coût supplémentaire qui fait qu'il faut avoir une aide supplémentaire pour faire de l'aménagement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

n(18 heures)n

M. Béchard: Merci. Tantôt, vous parliez que, dans certains cas, vous faites une expérience où vous enlevez la tubulure pour permettre la récolte, et tout ça. Parce que, justement, quand on a entendu la Fédération, dans les premières journées, c'est un des défis. Comment faire pour que d'un côté les acériculteurs, les industriels soient capables de vivre ensemble sans se nuire et souvent, à la limite, travailler le plus possible de concert? Quel est le type de collaboration vous avez avec des industriels là-dessus? Est-ce qu'ils sont ouverts à ce type d'aménagement là ou est-ce qu'ils le voient seulement sur une base de projet-pilote? Est-ce qu'ils seraient prêts à aller là-dedans à plus long terme? Parce que ça limite, quelque part, les opérations qu'ils peuvent faire sur le territoire qui leur est accordé.

M. Ouellet (Donald): À l'heure actuelle... O.K., c'est Donald Ouellet.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Ouellet

M. Ouellet (Donald): Oui, Ouellet. À l'heure actuelle, il y a de l'aménagement qui va se faire, acéricoforestier, dans des peuplements à potentiel acéricole par l'industriel. Mais le gros problème de l'industriel, c'est que l'aménagement qu'il doit faire, il coûte un peu cher pour la récolte de bois qu'il fait, ça fait qu'automatiquement son aménagement n'est pas rentable. C'est le gros problème que l'industriel perçoit à l'heure actuelle dans l'aménagement. Le fait de faire l'aménagement, en tant que tel, je pense que c'est de prélever moins. Puis, aussi longtemps que pour lui c'est rentable de le faire, il n'y a pas de problème. C'est la question à l'heure actuelle, l'aide gouvernementale pour l'industriel n'est pas assez élevée pour couvrir tous les frais qu'il encourt pour faire cet aménagement-là.

J'aimerais mentionner, tantôt, lorsqu'on parlait d'aménagement, l'industriel, à l'heure actuelle, il a une aide pour l'aménagement forestier, mais, pour l'acériculteur, il n'y a pas d'aide à l'heure actuelle. Si un acériculteur décide de faire un aménagement acéricoforestier dans son érablière, il n'y a aucune aide à l'heure actuelle pour l'acériculteur. Et, dans notre projet, on demande une aide pour le futur parce qu'on considère qu'il est très important, pour conserver le potentiel acéricole, de faire de l'aménagement acéricole à l'intérieur du potentiel acéricole.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci. Sur cette aide-là, on parle d'une aide gouvernementale, est-ce que ça pourrait avoir un lien, par exemple, avec les droits qu'on vous demande pour exploiter présentement une érablière sur des terres publiques? Est-ce que ça pourrait être là-dedans? Est-ce que vous parlez uniquement d'une aide monétaire ou d'une aide autre en termes, je ne sais pas, de ressources techniques, de méthodes, et tout ça? Comment vous voyez ça, cette aide-là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Ouellet.

M. Ouellet (Donald): À l'heure actuelle, lorsque tu décides de faire une sylviculture à l'intérieur de ton érablière, ça te prend un plan d'aménagement, un plan de quel genre de coupes que tu dois faire, un martelage, puis automatiquement ça prend une aide, ça prend un ingénieur qui vient faire le martelage ou bien un technicien. Puis toutes ces procédures-là, il y a un coût de rattaché à tout ça. Puis le fait, à l'intérieur d'une érablière, de... Supposons que tu enlèves les tubulures puis ? lorsqu'on parle de 5-16 ? tu enlèves les 5-16 puis tu lèves les «mains», alors automatiquement ça rend l'aménagement plus difficile à faire. Ça fait que c'est des coûts additionnels qui sont inhérents à l'aménagement acéricoforestier à l'intérieur d'une érablière.

Puis, lorsqu'on regarde, nous autres, ce qu'on verrait très bien, c'est qu'on est obligés de payer des frais de location sur ces potentiels acéricoles là, puis ces frais-là, ils pourraient être crédités à l'acériculteur qui fait l'aménagement. Automatiquement, ça viendrait... Pour le ministère, ça ne serait pas coûteux puis ça permettrait au gouvernement de garder le potentiel des terres publiques que nous autres on exploite, qui appartiennent réellement à toute la population.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Ouellet. Est-ce que vous aviez une dernière question, M. le député?

M. Béchard: Oui, j'en ai une autre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il reste à peine 2 minutes, une minute et demie.

M. Béchard: Pas de problème. Je voudrais voir avec vous... Tantôt, vous parliez... Quand il y a des endroits qui sont réservés, à potentiel acéricole, toute la surveillance de ces territoires-là, des travaux qui doivent être effectués, et tout ça, comment ça se passe présentement? Est-ce qu'il y a assez de monde qui suit si les industriels respectent les contrats d'aménagement, s'il n'y a pas d'erreurs ou de gaffes majeures qui sont faites et qui ne devraient pas être faites? Comment tout ça fonctionne, la surveillance comme telle de l'aménagement?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Gilbert.

M. Gilbert (Jean-Marie): Effectivement, je crois qu'il n'y a pas assez de ressources humaines actuellement pour faire le suivi sur le nombre d'hectares que l'industrie doit traiter par année, qui doit planifier deux ans d'avance souvent la voirie. Il manque de personnel.

On a eu un exemple dernièrement de, justement, une voirie qui a été faite à l'intérieur d'un peuplement acéricole puis, selon les données que le ministère avait reçues des professionnels de l'industrie du sciage, c'est qu'il n'y avait pas de potentiel acéricole là. Sauf que le nombre de parcelles pour définir s'il y a un potentiel est de une parcelle par cinq hectares. Tandis que, quand on veut définir si c'est un potentiel acéricole, c'est une parcelle par hectare. Et, bien entendu, le nombre de parcelles définissait que c'était un morceau qui n'était pas acéricole. Et effectivement il était acéricole. Quand on va sur le terrain, il est acéricole.

Les gens du ministère, bien, ils disent: On ne peut pas être partout à la fois, on manque de temps, on ne peut pas contrôler tout sur le terrain. Ça fait qu'on a dit: On manque de ressources humaines pour contrôler. Puis, peut-être, si on veut définir où est situé le potentiel acéricole dans la forêt publique, il va falloir qu'il y ait un inventaire de fait, plus serré, pour le définir avant que la voirie soit faite, avant que les dégâts soient faits, en fin de compte.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'est terminé pour la partie de l'opposition officielle. Alors, M. le ministre, je sais que vous aviez un commentaire, avant de passer la parole au député de Gaspé. Il reste 3 minutes.

M. Brassard: Oui, juste un commentaire avant de passer la parole, un très bref commentaire, simplement pour dire: Une fois que la Loi sera adoptée, les travaux d'aménagement acéricole vont être aussi admissibles. Actuellement, ce n'est pas le cas parce qu'on ne le peut pas, la loi ne rend admissible que les travaux d'aménagement forestier. Mais, quand la loi va être adoptée, il y a des articles dans la loi qui vont permettre, à partir de ce moment-là, de rendre admissible les travaux d'aménagement acéricole...

Une voix: Acéricoforestier.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Gaspé...

M. Brassard: Ou acéricoforestier, si vous voulez. C'est pour employer l'expression plus pertinente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le ministre. M. le député de Gaspé, il vous reste 2 m 30 s.

M. Lelièvre: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Tout à l'heure, vous avez parlé de votre table d'harmonisation que vous aviez mise sur pied avec les industriels et vous avez soulevé un problème qui a attiré mon attention, à l'effet qu'on est allé couper un chemin forestier, ouvrir un chemin forestier sans tenir compte des mêmes critères que vous utilisiez. Mais, à cette table-là... Il n'y a lieu d'utiliser cette table d'harmonisation pour pouvoir établir des balises, une façon de procéder? Est-ce que ça a été corrigé par la suite? Est-ce que c'est un lieu d'échanges formel où tout le monde se fait une confiance mutuelle?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Gilbert, rapidement.

M. Gilbert (Jean-Marie): Disons que le cas, il est très récent. Puis je pense qu'il va y avoir discussion puis une façon de faire d'élaborée pour l'avenir. Quand même, c'est tellement nouveau, la façon de fonctionner, qu'on peut accepter qu'il y ait eu, comment dire, un manque de précision dans la façon de travailler pour éviter ce genre de choses. Et, lors de la consultation qui se fait peut-être ? régulièrement quand même ? deux ou trois fois par année, c'est évident que ça dérange la façon de faire de l'industrie du sciage. C'est moins facile pour eux-autres. Ça leur donne des règles supplémentaires, ça fait des récoltes moins élevées à l'hectare, ça leur fait faire généralement plus de voirie. À l'occasion, bien, quand on arrive dans un potentiel acéricole, la qualité du bois de sciage récolté, il y en a moins. Il y en a moins parce qu'on récolte plus des arbres de catégories moins bonnes, ça veut dire qu'il y a moins de valeur à sciage. Fait qu'ils ne peuvent pas être contents d'arriver avec des règles sur une superficie définie plus difficile pour eux autres. Ils ne peuvent pas être contents de ça.

Par contre, s'il y a un peu plus d'aide à l'aménagement, ça va leur aider à compenser ces pertes-là. Et, si l'aménagement est fait sur une superficie plus grande, peut-être avec un échéancier plus court, peut-être qu'ils vont réussir à avoir le même volume de bois qu'il devrait y avoir selon la possibilité forestière. Mais ça demande un bon exercice puis beaucoup de consultation. Et ce n'est pas toujours d'accord, tout le monde, soyons sûrs que ce n'est pas toujours d'accord.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, malheureusement, ça met fin à nos échanges. Alors, M. Gilbert, M. Ouellet, M. Lang, M. Pelletier, merci d'être venus échanger avec nous à cette commission. Je vais donc ajourner les travaux jusqu'à demain matin, vendredi, le 6 octobre, à 9 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

(Fin de la séance à 18 h 10)



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