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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le vendredi 6 octobre 2000 - Vol. 36 N° 82

Consultation générale sur le projet de loi n° 136 - Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats

heures trente et une minutes)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): S'il vous plaît! Alors, la séance de la commission de l'économie et du travail est donc ouverte. Nous allons poursuivre la consultation générale sur le projet de loi n° 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives.

Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Côté (Dubuc) remplace Mme Blanchet (Crémazie); M. Benoit (d'Orford) remplace M. Gobé (LaFontaine); et M. Whissell (Argenteuil) remplace M. Marsan (Robert-Baldwin).

Auditions

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, Mme la secrétaire. Alors, nous avons plusieurs groupes à rencontrer ce matin. Vous avez devant vous le projet d'ordre du jour, alors vous voyez que l'on débute avec le Comité de stratégie des ouvriers sylvicoles. Je demanderais aux représentants de ce groupe de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Alors, messieurs, bonjour. Bienvenue à cette commission. Si le responsable veut bien, avant de présenter le mémoire, se présenter lui-même et nous présenter la personne qui l'accompagne. Vous comprendrez que c'est pour les besoins de la transcription aussi.

Comité de stratégie des ouvriers sylvicoles

M. Cloutier (André): Oui, bonjour. Merci de l'invitation, entre autres. Et puis, moi, mon nom, c'est André Cloutier, je suis président du Comité de stratégie des ouvriers sylvicoles. Et puis mon copain, ici, est Benoît Pauzé, membre du Comité de stratégie des ouvriers sylvicoles.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci.

M. Cloutier (André): C'est suffisant?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, c'est suffisant. Alors, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour la... Pardon?

Une voix: Quinze minutes.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): O.K. Dans votre cas, donc c'est 15 minutes que vous avez pour présenter votre mémoire et par la suite période d'échanges.

M. Cloutier (André): Bon. C'est ça, moi, j'avais commencé la présentation, je voulais la commencer en me présentant. C'est quand même dans ma seizième année, au niveau des travaux sylvicoles, que j'oeuvre en forêt, et puis, donc, je suis un gars de terrain, je suis au courant des problématiques parce que je m'en suis occupé aussi. Et puis j'aimerais que Benoît lui-même dise le nombre d'années qu'il a dans la forêt pour qu'on puisse s'imaginer qu'on est là, nous autres.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Pauzé.

M. Pauzé (Benoît): Oui. Bien, moi, ça fait 11 ans. J'ai commencé en 1989 à reboiser, ça fait ma onzième année que je travaille en forêt, en sylviculture.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. Alors, M. Cloutier.

M. Cloutier (André): Oui, merci madame. D'abord, vous avez devant vous probablement qu'est-ce que j'ai envoyé comme mémoire. Ce n'est pas intégral, qu'est-ce que je vais vous présenter ce matin, mais ça se combine ensemble. Si vous allez au bas de la première page, vous avez nos trois principaux objectifs. Ça fait que je commence déjà avec le premier objectif.

Le Comité de stratégie, lui, il s'est donné trois objectifs, et le premier est: promouvoir les valeurs d'un jeune métier. Les actions qu'on a faites, avec cet objectif-là, sont, entre autres, de rencontrer les gens lors de la Semaine de l'arbre et des forêts. Ça fait sept ans qu'on se rencontre, qu'on rencontre nos gens, qu'on leur donne des arbres, des arbres qui sont donnés par le ministère des Ressources naturelles. On fait ça depuis sept ans. Et puis les gens raffolent de ça, ces occasions-là de recevoir un arbre et de discuter. Quand, sur le boulevard Paquet, à Mont-Laurier, il y a des camions à profusion qui passent avec des quantités de bois énormes, les gens se posent des questions, et, bien que cela semble bizarre, c'est les ouvriers sylvicoles souvent qui répondent aux questions de ces gens-là, de la population qui se demande comment ça se fait que le bois sort en si grande quantité de la forêt. Ça fait qu'on donne quand même, à ces occasions-là, beaucoup d'information.

La présentation du film Un regard sur la sylviculture au Québec a été une autre étape dans le premier objectif vers la promotion. On a une dizaine de cassettes, que j'ai emmenées avec moi. Donc, ce vidéo-là, M. Brassard, je pense que vous en avez eu une copie, ainsi que M. Ledoux. Donc, on va vous les laisser, ces 10 cassettes-là. On les donne aux gens pour qu'ils puissent les passer à d'autres gens, afin que les gens prennent conscience de la problématique des ouvriers sylvicoles. C'est un peu l'objectif du film.

Moi, j'ai voulu user de la parabole «entre l'arbre et l'écorce» pour présenter ce film-là. L'expression «entre l'arbre et l'écorce» souvent, en gestion humaine, c'est plutôt le contremaître entre la direction et l'ouvrier. Entre l'arbre et l'écorce, pour moi, c'est autant le film de Richard Desjardins est intransigeant envers les premiers utilisateurs de la forêt, que sont les bénéficiaires et le gouvernement, autant le film présenté par l'AMBSQ montre trop de beautés sur les effets de coupes de bois. Notre film est aussi partisan, mais il est réaliste, partisan de la beauté du métier de travailleur sylvicole, des aptitudes que ça prend et des conditions dans lesquelles nous vivons. Notre film, c'est le meilleur des trois. Et puis je vous laisse en juger par vous-même, c'est pour ça que j'ai emmené le film avec moi. O.K.

Nos deux autres objectifs sont de représenter les ouvriers sylvicoles et de rechercher et trouver des solutions pour améliorer notre sort. Notre rencontre avec vous et les différents mémoires qu'on a présentés depuis quelques années ? on a participé à des congrès ? c'est toutes des actions posées afin de mettre notre grain de sel et de dialoguer avec les différents intervenants. Les mémoires sont quand même assez recherchés. J'en avais distribué un à Mme Perreault le 12 janvier 1998, ensuite à la Commission régionale sur le développement social le 5 février 1998, puis le 6 novembre 1998 on était déjà rendu à la mise à jour du régime forestier. Ça fait, donc, que ça se tient tout, ces affaires-là. Le premier, c'était celui sur lequel on avait travaillé le plus pour arriver avec des choses concrètes, des chiffres. On a des tableaux là-dedans. Et les représentants du ministère, ils l'ont, ce mémoire-là.

Donc, les mémoires, quant à eux, exposent les différentes problématiques: l'augmentation des taux de crédit qui sont insuffisants; les coûts des dépenses qui sont énormes, avec l'équipement, l'essence et le transport. Ça, c'est pour l'ouvrier sylvicole. Même avec une fiscalité qui permet de déduire certaines dépenses, ces dépenses-là, c'est de l'argent clair que les gens sont obligés de prendre dans leurs poches pour pouvoir acheter des outils puis payer leur gaz, ça coûte énormément cher aux travailleurs sylvicoles. D'autre part, le travail saisonnier est un handicap aussi; le roulement de personnel dans les entreprises sylvicoles; la régionalisation par des problématiques différentes, des taux et des normes uniformes; la participation monétaire des bénéficiaires, qui est essentielle pour la survie des entreprises sylvicoles ? nous autres, on croit que les bénéficiaires ne sont pas assez sensibilisés à l'investissement dans leurs propres produits de base; des travaux connexes qui pourraient rallonger la saison de travail. Et puis on discute aussi, dans ces mémoires-là, de la formation, qui permet le professionnalisme du travail, et de l'accréditation, qui permettrait la reconnaissance du métier. Ces mémoires disent également comment un ouvrier sylvicole peut être fier de son travail dans la forêt. Nous sommes des faiseurs de la forêt. M. Brassard a employé ce terme régulièrement depuis quelque temps, et puis on aime ça, ce terme-là. Et nous sommes fiers d'être des faiseurs de la forêt.

n(9 h 40)n

Par rapport au projet de loi, on a établi certains commentaires. Nous autres, on croit que mettre une politique d'amélioration de la gestion des forêts est un objectif valable de la part du gouvernement. Protéger la forêt, la faune, intégrer les ressources de la forêt à tous les intervenants, que les autochtones participent aux décisions, que les gens puissent profiter de la forêt par les loisirs et le plein-air, c'est beau.

Le système a commencé à se mettre en place. Le nouveau régime forestier amène déjà du changement. Il est cependant désolant de voir tant d'emphase mise sur l'aménagement forestier et si peu sur les nouveaux enjeux humains. D'aucune manière le nouveau régime forestier ne parle de la formation, de l'accréditation, de la reconnaissance de ces gens, les ouvriers sylvicoles, qui permettent de couper encore du bois dans nos forêts. Nous autres, nous croyons que nous sommes encore laissés pour compte au gré des contrats obtenus ou refusés, presque comme dans le temps des années quatre-vingt, avec les contrats de REXFOR. Je lisais encore un article dans Le Coopérateur, ce matin, puis il y a un ouvrier sylvicole qui disait justement qu'il gagnait exactement le même salaire que voilà 15 ans; 0,06 $ de l'arbre, bien, c'est 0,06 $ de l'arbre, il faut que tu les plantes, tes arbres.

Qu'en est-il de la foresterie depuis l'action de Richard Desjardins? À plusieurs reprises, des gens nous ont abordés, nous, les sylviculteurs, surtout à la Semaine de l'arbre, en nous disant croire aux bienfaits du film sur les opérations sur le terrain. Les gens croient que le film de Richard Desjardins, c'est bon. Moi aussi, dans une certaine mesure, je le crois bon, le film. Bien, je leur ai répondu que ce n'était pas si bon que ça. J'ai marqué ici: Faux, ai-je répondu à ces gens. Pourquoi? C'est parce que la panique s'est emparé du gouvernement. Nous autres, on croit ça. Un resserrement majeur s'est produit. Des sommes sont allouées pour le contrôle. Et puis plus normatif que ça au Québec, ça ne se peut pas, avec les normes qu'on a pour pouvoir faire ces travaux sylvicoles là. J'ai donné un exemple que je donne toujours aux gens à qui j'en parle: si tu dégages un arbre, on te dit que tu n'avais pas besoin de le dégager; si tu ne dégages pas cet arbre-là, on te dit que tu n'aurais dû le dégager. C'est ça, la réalité dans le bois, comme c'est là. Ce n'est jamais correct, ce qu'on fait.

Puis là, dans le même article, ce matin, on parlait des plants non conformes qu'on plante. Nous autres, là, tous les plants, si tu en plantes 2 000 par jour, il n'y a pas un plant que tu as le droit de ne pas avoir reboisé en dedans de ça, puis de ça, puis il faut que ce soit mis en terre adéquatement. C'est intolérable. On a le droit de faire des erreurs, nous autres itou, et puis c'est les gens qui sont payés qui ne sont pas payés pour ça, ces erreurs-là. Ça fait qu'on ne peut pas continuer dans ce sens-là, c'est trop grave, l'affaire. C'est toujours l'ouvrier sylvicole qui paie au bout du compte.

Ça fait que quelques-unes des entreprises sylvicoles survivent et survivront, mais à quel prix? Qui paie la facture pour cela? Je vous en ai glissé un mot. Il faudrait peut-être le demander à Gilles Gougeon. Mais la réponse, moi, je la sais: c'est le faiseur de bois. Ça vaudrait peut-être la peine que Radio-Canada envoie Gilles Gougeon dans les places où c'est qu'on plante des arbres puis où on fait des éclaircies puis qu'il regarde ça.

Des concessions ont été obtenues. Donc, nous autres, comme je vous l'expliquais, on a déjà présenté différents mémoires et puis on a déjà eu des résultats de ça. Donc, on croit encore ? c'est pour ça qu'on est ici encore aujourd'hui ? que ça vaut la peine de discuter avec le gouvernement, avec les bénéficiaires. Des concessions ont été obtenues, on ne peut pas le nier. Donc, bravo! Il faut se faire entendre, et c'est pourquoi nous sommes ici. Et nous vous disons, comme dans les mémoires: Nous avons besoin d'aide encore une autre fois. Nous croyons à la possibilité forestière, nous croyons à la bonne volonté d'amélioration. Le projet de loi, en soi, c'est bon. Que la loi soit renouvelée, c'est bon. Nous nous croyons indispensables dans le processus du renouvellement de nos forêts, sauf que ce n'est pas mentionné dans le projet de loi. Nous avons besoin d'aide.

Il faut éviter des succès... pas des succès, des excès ? il y a une grosse différence entre des succès puis des excès. L'injustice suscitée par des impulsions de défense afin de protéger son image, c'est ça qui arrive présentement. Quand je vous dis que le ministère a paniqué, c'est un peu ça. Puis c'est qui qui paie pour ça encore? C'est nous autres. Puis l'image, là, ce n'est pas de la mienne que je parle, c'est de celle des représentants du gouvernement.

Donnez-nous l'occasion de participer aux décisions. Un comité d'écoute spécialisé en sylviculture pourrait peut-être protéger les faiseurs de la forêt. Moi, je pense qu'il y a un pas à faire là-dedans. On n'a pas de représentation. Il s'agirait de voir... Puis je pense que le gouvernement, il a son mot à dire là-dedans pour établir la façon de faire qui nous permettrait de nous asseoir avec eux autres puis d'en parler, des problèmes.

Un ajustement des taux des crédits de même que des avantages fiscaux clarifiés favoriserait l'ouvrier sylvicole et permettrait la viabilité des entreprises sylvicoles. Moi, quand je parle à mes gars, je leur dis toujours que l'entreprise sylvicole est aussi importante que l'ouvrier sylvicole, parce que c'est ça qui arrive dans... Souvent, les entreprises sylvicoles sont engagées pour un contrat ponctuel, elles le font au meilleur prix qu'ils pensent, elles sont pris avec des problématiques puis ne sont plus capables d'arriver. C'est soit que le contract, il n'est pas payé aux ouvriers... Puis souvent qu'est-ce qu'on voit, c'est que c'est la dernière fois que quelqu'un a fait un contrat en sylviculture. Ça arrive trop souvent, ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cloutier, je vous rappelle qu'il reste à peu près deux minutes à votre période de présentation. Alors, je vous demanderais, si vous voulez bien, de conclure.

M. Cloutier (André): Oui, merci. Soutenez-nous. Comment est-ce possible que ce soit nous qui soyons obligés de demander aux bénéficiaires de nous aider? C'est le travailleur sylvicole qui est obligé de faire ça. Nous sommes impuissants devant cette situation. Nous avons besoin d'aide. Consultez-nous, venez nous rencontrer dans la forêt, on n'en voit pas assez, du monde du gouvernement. Aimez-nous puis dites-nous merci à votre façon. Puis je termine en disant: On respectera la forêt quand on respectera les gens qui travaillent dans la forêt.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Cloutier. Nous allons maintenant passer à la période d'échanges. M. le ministre.

M. Brassard: M. Cloutier, M. Pauzé, merci, d'abord, d'avoir accepté de venir nous rencontrer. Je pense que c'était absolument essentiel que, dans une commission parlementaire qui entend examiner la révision du régime forestier, bien sûr les grandes organisations nationales, comme hier, l'AMBSQ, se retrouvent devant nous puis qu'on échange avec elles. C'est tout à fait incontournable. Mais c'était aussi important que des personnes, des travailleurs qui oeuvrent sur le terrain, en forêt viennent nous rencontrer aussi. Alors, je vous en remercie. Votre point de vue est vraiment important dans la perspective d'une révision du régime forestier.

Je pense aussi que votre point de vue sera essentiel pour le gouvernement dans la perspective où justement on est en train de travailler actuellement via un comité interministériel sur la main-d'oeuvre en aménagement forestier impliquant évidemment plusieurs ministères, dont Emploi-Québec, cela va de soi, le ministère des Finances aussi et mon ministère, et qui a comme objectif d'envisager d'intensifier l'aménagement forestier dans les années qui viennent, mais qui a aussi comme objectif de s'assurer que les travailleurs sylvicoles auront une formation adéquate, seront bien formés et aussi bien qualifiés. Toute la question de la qualification du travailleur sylvicole, je pense, qui vous préoccupe beaucoup. Et il m'apparaît important, dans une perspective où l'aménagement forestier est appelé à s'intensifier, donc à prendre de plus en plus d'ampleur et d'importance, c'est essentiel, dans cette perspective-là, que le travailleur sylvicole, donc celui qui est au coeur de ces travaux-là, soit valorisé et qu'on s'assure aussi qu'il reçoive une formation adéquate.

n(9 h 50)n

Dans cette perspective-là d'ailleurs, je vous le dis tout de suite, vous m'avez convaincu. On a l'intention... Et on consulte actuellement, via ce comité interministériel, toute une série d'intervenants importants. Le RESAM, la Conférence des coopératives forestières sont consultés, l'AMBSQ aussi. L'Association des entrepreneurs en travaux sylvicoles du Québec aussi fait partie de ces partenaires qu'on entend consulter pour être bien sûr que le programme qu'on va concevoir va être pleinement pertinent et approprié dans les circonstances.

Alors, dans cette perspective-là, je pense qu'on va vous ajouter à la liste des partenaires consultés. Et je pense qu'on vous contactera pour que vous puissiez cheminer avec nous et nous donner votre point de vue de faiseurs de forêt, comme vous dites. C'est une belle expression. Elle n'est pas de moi cependant, elle est d'une photographe dont on peut voir les magnifiques photos ici, dans le hall du Parlement. C'est elle qui a inventé ce terme, magnifique d'ailleurs. Alors, on va vous ajouter à la liste. Je termine par une question... Donc, vous serez invités, je pense que votre appel est entendu. Vous serez invités, et votre point de vue sera sans doute utile pour qu'on ait un programme vraiment adéquat et qui réponde aux objectifs qu'on poursuit.

D'après vous, compte tenu de votre expérience, est-ce qu'on peut dire qu'actuellement en matière de formation du travailleur sylvicole, ce qu'on fait est, je dirais, suffisant en regard évidemment de l'avenir et de l'importance que les travaux sylvicoles sont appelés à prendre au cours des prochaines années? Quel est votre point de vue sur tout l'aspect ou la dimension formation, qualification du travailleur sylvicole? Est-ce que c'est un élément clé dont on doit absolument s'occuper et se préoccuper dans le contexte actuel?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cloutier. Alors, M. Cloutier.

M. Cloutier (André): Oui. O.K. C'est parce que mon copain, ici, a suivi la formation, je pensais qu'il aurait pu en parler. Moi, dans le mémoire que j'avais déposé à la commission régionale, je leur disais qu'à chaque fois qu'un ouvrier... Une personne qui ne travaille pas et puis qui suit de la formation est une personne qui n'est plus dépendante de l'État, qui commence à s'autosuffire. À partir de là... Je pense que c'est à partir de là qu'il faut partir. Parce que c'est un nouveau métier, le travail de sylviculteur. Il n'y a pas d'école de sylviculture plus que ça. Il y a une école de l'aménagement de la forêt; c'est quasiment comme des mini-cours de technicien. Ces gens-là, normalement, ne font pas de sylviculture. Ils vont en faire un an, après ça, ils vont se trouver une job attenante à ça, mais ils ne font pas l'exécution du travail.

Les projets de création d'emplois, je pense qu'ils ont une validité pour pouvoir nous emmener à un recrutement de personnel. On ne choisit pas tous ces gens-là, on choisit les meilleurs. Et la deuxième formation qui leur est donnée commence vraiment le cheminement. Moi, je pense que c'est essentiel, la formation. Nous autres, on a même commencé à donner, dans notre entreprise, des cours de formation avancée. Nos ouvriers sylvicoles croyaient être des bons exécutants de leur métier, et puis on a eu de la difficulté à leur démontrer qu'il y avait des lacunes, parce que ? l'orgueil, hein ? c'est difficile d'admettre qu'on a des lacunes. Mais, ces gens-là, on commence immédiatement à en voir les conséquences, la production augmente.

Mais, tu sais, c'est au niveau de l'accréditation aussi. Moi, je crois qu'il y a un lien direct entre la formation et l'accréditation. Je ne parle pas au niveau des projets. Le projet, ça, c'est pour emmener un bagage de gens et puis, sur le tas, il y en a qui sont faits pour faire cette job-là, et puis c'est sur ceux-là qu'il faut miser et puis approfondir la formation. Et puis, moi... Benoît aussi, il a siégé sur le comité sectoriel. Puis je vous entendais parler, tu sais, de la conférence, et tout ça, c'est certain que ça a un lien direct avec Emploi-Québec. Puis la formation puis votre programme c'est de là que ça va venir. Je suis en contact aussi avec ces gens-là, moi, puis j'y crois, j'y crois pleinement. Sauf que, encore là, il ne faudrait pas... C'est facile de partir croche. La formation puis l'accréditation, comme l'obligation de l'être, formé... Les obligations là-dedans sont très dangereuses. Par contre, si la personne veut avoir aussi son papier, bien il faut qu'elle passe son examen. Moi, je vois ça comme ça. Et puis ça prend des personnes-ressources qui ont les aptitudes pour le faire, pour pouvoir dire: Bien, ça, c'est un ouvrier sylvicole accompli puis il a toutes les techniques. Sauf que les autres gens qui ne veulent pas le suivre, ne pas leur donner l'opportunité de travailler, bien là je pense que ça ne serait pas correct non plus. Mais j'y crois, à la formation, je crois que c'est très, très important.

M. Brassard: Juste une précision, M. Cloutier. Quand vous parlez d'accréditation, est-ce que, dans votre esprit, c'est synonyme de qualification? Vous voulez dire à ce moment-là une sorte de... non seulement une formation mais également que cette formation-là soit reconnue par un papier, un diplôme. C'est de ça que vous parlez?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cloutier.

M. Cloutier (André): Bien, oui, parce que la personne qui... Moi, c'est drette comme ça que je le vois. C'est que la formation que tu te fais donner, comme la personne qui est sur un projet, elle en suit, de la formation, on met des formateurs avec ça, sauf que là ça n'a pas... Le papier n'a pas d'importance. Comme je viens de dire, on va aller piger là-dedans, puis tout ça. Sauf que, si la personne veut être accréditée, d'après moi, il faut qu'elle passe un examen. C'est ça, l'idée.

Et puis, si on se bâtit des programmes qui sont ? comment je pourrais dire ? bien bâtis, bien on va pouvoir dire que, si tu as ton papier, tu es un bon ouvrier sylvicole. Et puis, moi, je verrais ça comme: tu arrives avec ton papier, parce que tu décides de partir de Mont-Laurier puis tu t'en vas à La Malbaie, bien à La Malbaie, tu as ton papier, tu présentes ça et puis tu es reconnu, ils disent que tu as suivi la formation. Comme c'est là, il y a des principaux personnages qui reçoivent de la formation pour être capables de la donner. C'est en branle, tout ça. Ils ont été en Suède, dernièrement, ou en Finlande. Puis, moi, je crois que ça va aboutir. Et puis, pour les gens qui voudraient croire que ça a un rapport avec la syndicalisation, faux, complètement faux. Il ne faut pas que ça se mêle à ça. Moi, ça ne me dérange pas qu'il ait du monde qui soit syndicalisé...

M. Brassard: Il faut dissocier les deux, ce n'est pas deux... C'est deux choses distinctes.

M. Cloutier (André): C'est ça. Parce que, là, c'est facile, ça, de dire que l'accréditation va emmener une obligation de participer à tel regroupement. Mais ce n'est pas ça qu'il faut. Il faut faire attention que ça n'arrive pas.

M. Brassard: Ça ne l'interdira pas, là. Ça ne l'interdira pas, mais ça ne conduira pas obligatoirement à ça.

M. Cloutier (André): C'est ça.

M. Brassard: C'est ça. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. M. Cloutier, M. Pauzé, bonjour, bienvenue à cette commission et merci, ce matin, de nous livrer votre point de vue sur les ouvriers sylvicoles. Et, d'entrée de jeu, je vais vous présenter nos couleurs. Personnellement, je suis très sensible à la cause des travailleurs sylvicoles. J'en ai rencontré plusieurs dans une tournée sur les forêts que j'ai faite cet été. Et vous n'êtes pas les premiers intervenants qui viennent en commission nous dire que les travailleurs sylvicoles sont les grands oubliés du projet de loi. Vous avez tout à fait raison en disant ça, parce que vous êtes des gens extrêmement importants. La gestion l'aménagement de nos forêts, c'est vous qui êtes sur la ligne de front à chaque jour. Dans ce sens-là, je tiens à vous féliciter pour le travail que vous effectuez.

n(10 heures)n

Et j'ai compris que vous étiez deux travailleurs sylvicoles et j'aimerais savoir depuis combien de temps vous êtes travailleurs sylvicoles. Qu'est-ce que vous faites plus spécifiquement, est-ce que vous êtes dans la plantation, dans le débroussaillage? Qu'est-ce que vous faites, plus spécifiquement?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Pauzé.

M. Pauzé (Benoît): Moi, ça fait 11 ans. Comme je disais tantôt, j'ai commencé en 1989. Puis, au niveau des travaux, bien, on fait du reboisement, différents types de reboisement. Je ne sais pas si vous êtes à l'aise avec ça. On fait de la plantation pure dans des coupes totales. On fait aussi de l'enrichissement dans des coupes de jardinage puis des coupes à 30 % dans des forêts feuillues. On fait aussi du dégagement de plantation mécanique avec la débroussailleuse. Après ça, on fait de l'éclaircie précommerciale dans des strates résineuses puis dans strates feuillues. Ça ressemble pas mal à ça, au niveau des travaux qu'on fait.

Mme Normandeau: Et votre collègue? M. Cloutier, vous êtes travailleur sylvicole depuis combien d'années?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cloutier.

M. Cloutier (André): Bien, moi, c'est ma seizième année, je crois. J'ai participé, dans les années quatre-vingt, au reboisement en masse pour REXFOR, entre autres. Ensuite, j'étais un gars qui voulait se débrouiller, j'étais un peu débrouillard, je me suis acheté l'équipement qu'il fallait puis, tout de suite, ils ont pris l'opportunité de me mettre contremaître là-dessus, sauf que je suis venu assez vite tanné de ça parce que c'est entre l'arbre et l'écorce. Là, je l'ai vécue, la vraie patente. Et puis, je suis retourné ouvrier sylvicole deux ans. Puis là, à un moment donné, ils avaient besoin d'un planificateur. Ça fait qu'étant donné que j'avais pas mal de connaissances, bien, je suis là-dessus là, comme c'est là, sur la planification, depuis quelques années.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci. On parle beaucoup de conditions de travail. Bon. Le ministre a fait référence à l'importance de la formation, ce qui est effectivement un élément important. Mais les conditions salariales, les conditions sur lesquelles vous évoluez sur le terrain, souvent c'est difficile. Vous faites référence... et j'aimerais peut-être... Je vais vous poser une question, mais avant, peut-être, si vous avez l'information... Ça gagne combien en moyenne un travailleur sylvicole par année? C'est quoi le salaire moyen? Je ne sais pas si vous avez cette réponse-là.

Et, deuxièmement, dans votre mémoire, à la page 2, vous faites référence à l'ambiguïté à laquelle vous êtes confrontés. Vous avez utilisé l'expression «on se situe souvent, on est souvent entre l'arbre et l'écorce». Et on comprend que sur le terrain, pour les travailleurs sylvicoles, toute la question normative à respecter, ça ne doit pas toujours être évident. J'aimerais ça concrètement que vous puissiez nous illustrer à quoi vous êtes confrontés sur le terrain quand vous avez des travaux à faire? Pour que vous puissiez nous dire... Quand vous dites: «On est souvent situés entre l'arbre et l'écorce», ça se traduit comment, concrètement? J'imagine que les travailleurs doivent se creuser la tête pour dire: Bien, là, on fait-u ça comme ça? Ça, comme ça?

Et vous avez dit un élément important tout à l'heure, vous avez dit, M. Cloutier: «On n'a pas droit à l'erreur, nous autres, sur le terrain.» Alors, j'aimerais ça que vous puissiez nous en dire davantage là-dessus, sur vos réalités sur le terrain.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Pauzé.

M. Pauzé (Benoît): Oui. Je pourrais parler d'une expérience qui m'est arrivée il n'y a pas longtemps. On a fait du dégagement de régénération mécanique sur des plants d'à peu près un mètre de hauteur, puis j'avais fait ce travail-là en 1995 ou 1994. Les normes étaient différentes. On avait juste à couper la compétition à une hauteur d'environ un pied puis laisser un sujet à tous les deux mètres. Cette année, on a changé les normes. C'était facile de faire ça de cette façon-là, c'était quand même... ça aidait l'ouvrier sylvicole, d'une certaine manière.

Puis, cette année, on a changé complètement les normes. Finalement, il fallait dégager un arbre à tous les mètres puis le dégager complètement. Ça fait que ça n'est plus le même type de travail là, c'est beaucoup plus difficile, beaucoup plus long à faire, puis le taux, le crédit qu'on avait pour effectuer le travail est le même. Ça fait qu'on a un problème, c'est l'ouvrier sylvicole qui paie en fin de ligne. Ça, je pense que c'en est un, exemple.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cloutier, vous vouliez ajouter?

M. Cloutier (André): Oui. Bien, j'ai comme d'autres exemples. Vous avez parlé des plants non conformes. C'est que dans une plantation, normalement il faut respecter une distance minimale entre un plant et un arbre qui est déjà là. Et puis, c'est là que viennent les plants non conformes. Souvent, tu vas avoir un petit sapin, c'est tout croche, puis là, ils vont te coller un plant non conforme parce que finalement il est vivant, même s'il est tout croche. Toi, tu plantes une épinette qui a été partie dans les serres, qui a le grade supérieur...

Puis les plantations là, on commence à en voir. Quand elles sont entretenues, ces plantations-là, puis qu'on réussit à les faire pousser, ça va faire du bois, ça va faire 180 m³ à l'hectare, qu'on dit, alors que dans les strates ordinaires... 120 m³ à l'hectare, c'est du bon stock comme c'est là. À un moment donné, on va en avoir les bénéfices.

Pour en revenir aux plants non conformes, c'est qu'on a demandé des pourcentages de tolérance puis ils nous les ont accordés, au niveau du regarni, mais ils ne nous l'accordent pas au niveau du reboisement pur dans les CPRS. Puis ça, ça fait mal. Ça fait mal à l'entreprise. Puis, moi, l'entreprise sylvicole... Ce n'est jamais des entreprises majeures. Ça fait que si elle est en difficulté, elle ne pourra pas augmenter aussi le salaire des ses ouvriers.

Je vais vous donner un autre exemple: éclaircie précommerciale, des plans de 1,5 m et plus, mettons. On va dire ça là, c'est haut de même. Ils vont pénaliser les plants parce que la fougère n'a pas été coupée: Aïe, là, ça commence à dépasser. On se l'est fait coller, le contrat itou. Ça, c'est 10 000 $ qui coûte à l'entreprise sylvicole. C'est quoi l'affaire, là-dedans, la fougère! La fougère est nuisible quand le plant a 15 cm, pas quand il a 2 m. Tu sais, c'est là que...

Puis ça, regardez, souvent on est confronté à du monde sur le terrain qui s'obstine entre eux autres, les gens du ministère. Comment voulez-vous qu'on puisse savoir, nous autres, c'est quelles normes appliquer? C'est de là que je disais qu'on était... Tu sais, là, avec ce qui s'en est suivi avec le nouveau régime puis des interventions de la population, c'est que, là, le gouvernement s'est senti obligé de resserrer alors qu'il est déjà trop serré avec nous autres. Ça fait que là, on a un gros problème avec ça, je suis pas mal sûr, moi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, merci. Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: M. Cloutier, comment on pourrait... parce qu'on parle beaucoup de la valorisation des travailleurs sylvicoles, augmenter leurs salaires ? vous faisiez référence tout à l'heure aux crédits qui vous sont alloués pour les travaux ? peut-être certains avantages au niveau fiscal pour que vous puissiez par exemple déduire l'essence, les frais de l'essence et tout ça. Comment on pourrait concrètement améliorer vos conditions de salaire? Est-ce que vous avez réfléchi là-dessus? Comment on pourrait augmenter pour que ça devienne plus attrayant d'aller travailler en forêt? Parce que ça semble être un problème, ça aussi, hein?

M. Cloutier (André): Oui.

Mme Normandeau: Les gens ne sont pas intéressés parce que ce n'est pas payant. Puis vous l'avez dit tantôt, il y a des travailleurs qui ont le même salaire qu'il y a 10 ou 15 ans.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cloutier.

M. Cloutier (André): Oui, merci, Mme la Présidente. Regardez, comment je pourrais... Si on pouvait faire la comparaison, premièrement, avec une équipe de bûcherons, le propriétaire de la débusqueuse, souvent, va engager son bûcheron, va lui payer sa scie, va faire son transport. Lui, c'est une entreprise, cet organisme-là, et puis il peut passer toutes ses dépenses dans son affaire. L'ouvrier sylvicole n'est pas amanché pareil, lui. Ça fait que finalement, on peut déduire les dépenses de la scie mécanique. Puis finalement, si tu n'as pas besoin de l'acheter, cette scie mécanique là puis cette débroussailleuse-là, c'est de l'argent que tu n'es pas obligé de débourser de ta poche.

C'est ça. L'ouvrier sylvicole, lui, même s'il s'en fait déduire, c'est que ce n'est pas déduit à la source comme à la fin, c'est qu'il faudrait finalement que ce soit cash, ça. Et puis les ouvriers, ils seraient prêts, eux, à se faire payer en salaire... pas en salaire mais en compte de dépenses, ces frais-là. Sauf que, qu'est-ce que ça fait? Ça baisse leur chômage de l'hiver. Parce que ça, c'est tout lié ensemble. Si tu ne gagnes pas suffisamment... Ça serait bien beau gagner moins cher puis avoir moins cher à dépenser l'été, mais si tu fais ça comme ça...

Là, c'est supposé... Benoit m'a dit qu'on va revenir à 55 % de chômage, pendant la période qu'on ne travaille pas. Ce 55 % est calculé sur le salaire que tu as fait. Donc, c'est payant pour les gars de faire plus d'argent ? même s'ils n'en font pas assez ? et puis au lieu de mettre ça sur des frais de déplacements, comme. Finalement, c'est ça, si on était capables d'avoir ce salaire-là puis que ça soit déduit directement à la source, là ce serait le salaire moins les dépenses, ça fait que tu baisses ton ratio, puis là, après ça, tu fais tes déductions. C'est comme ça, d'après moi, qu'il faudrait que ça arrive.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, madame.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. tout à l'heure vous faisiez référence aux normes auxquelles vous êtes confrontés sur le terrain. Qui va sur le terrain vérifier effectivement que tout le travail se fait bien? C'est le ministère ? c'est ça? ? qui se rend sur le terrain?

n(10 h 10)n

M. Cloutier (André): Le ministère des Ressources naturelles, c'est ça. Nous autres, il faut fournir d'abord un plan quinquennal, un plan annuel, et ensuite, dans certains travaux, faire de l'inventaire avant. Et puis faire de l'inventaire après, ça, c'est obligatoire pour tous les travaux. Puis vérifier les inventaires.

Encore là, inventaires parallèles. Je peux vous parler qu'on va arriver dans un secteur, c'est un secteur qui est bon à traiter. Nous autres, on a des yeux quand même, là. L'inventaire nous dit que ça passe. O.K. On est soulagés. On sait que le traitement est valable, l'inventaire nous dit que ça passe, on est soulagés. Eux autres, ils font un inventaire à côté et disent que ça ne passe pas. Bon. Bien là, il faut négocier. O.K. Ça se négocie. Il y en a des négociations là-dessus. Il ne faut pas dire qu'on perd tout le temps là-dedans, sauf que... Pourquoi c'est si grave que ça tout le temps puis c'est toujours checké? Puis je vous dirais quasiment que c'est moins dur de couper un arbre que d'en planter un. Je vous dirais quasiment ça.

Mme Normandeau: Pourquoi c'est moins dur de couper un arbre que d'en planter un?

M. Cloutier (André): Bon. Si je parlais aux gens qui coupent le bois, ils ne seraient pas d'accord avec moi. O.K.

Mme Normandeau: Ha, ha, ha!

M. Cloutier (André): L'affaire qui arrive, c'est qu'on a des normes, hein, le RNI puis tout ça, puis, nous autres, on travaille... Je vais vous donner l'exemple des gens au niveau du RNI. On est obligés de passer une journée sur une calvette que ça fait 15 ans qu'elle est posée puis que finalement elle est défoncée. Là, nous autres, pas de ressources, bien, il faut faire exactement comme les gens qui coupent le bois, il faut aussi faire une calvette puis, tu sais, toute la patente. C'est sûr qu'il y a des places, là... Si c'est un ruisseau où il y a du poisson qui passe, on va faire attention plus que ça, on va faire un pont. Encore là, ça prend un permis puis, tu sais, tout ça. Il y a des places, là, où il n'y a pas d'eau qui passe puis on nous empêche de passer, où c'est une flaque d'eau puis tu passes dans l'eau, puis là, bien... Moi, je pense que c'est exagéré.

C'est certain que les gens de l'environnement ont raison là-dessus, il faut faire plus attention que jamais. Mais on est obligés de vivre avec des terrains qui sont dans le «backlog» jusqu'à 20 ans en arrière, puis les autres terrains, là, c'est suite au suivi industriel, aux coupes de bois qui sont effectuées depuis 1990. Donc, là, je serais plus porté à dire: Oui, suivons notre affaire, là. Mais on n'a pas les moyens. C'est qu'on voudrait bien, nous autres, faire attention pour passer dans les criques, mais on n'a pas les moyens.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Deux minutes.

Mme Normandeau: Écoutez, il reste seulement deux minutes. C'est très intéressant, M. Cloutier et M. Pauzé, parce que là est dans le concret, puis vous êtes des gens sur le terrain, puis vraiment vous illustrez les difficultés auxquelles vous êtes confrontés. Je retiens plusieurs choses, bien sûr, puis le dernier élément, vous avez dit que c'est plus facile de couper un arbre que de le planter parce que vous êtes, avec peu de moyens, dans le fond, confrontés à toutes sortes de normes qui rendent le travail difficile sur le terrain.

L'autre chose peut-être, en terminant. Combien d'employés vous représentez de votre côté? Vous êtes une association, si je comprends bien, là. Combien d'employés vous...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cloutier.

M. Cloutier (André): Oui, merci. Une petite association. Il est très difficile d'agrandir notre membership, dans un certain sens. Ça vogue, ça, un ouvrier sylvicole, ça n'a pas de lien avec personne, hein. C'est très difficile. Sauf que, nous autres, dans mon entreprise, on est 70 ouvriers sylvicoles et puis ça fait depuis... Comment on subventionne le comité de stratégie? C'est 1 $ par semaine, par ouvrier, volontaire. Ça fait que, sur les 70... Je les représente toute la gang. Je représente, moi, le Québec au complet, je pense, là, sauf que j'en ai à peu près 40 qui donnent 1 $ par semaine.

Mme Normandeau: O.K.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, malheureusement, c'est terminé pour...

M. Cloutier (André): On peut passer les films. Qu'est-ce qu'on fait avec? On a une dizaine de copies de films à vous distribuer pour que vous les fassiez passer à tout le monde.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Regardez, M. Cloutier, vous faites un dépôt, là. Je comprends que vous faites un dépôt d'un matériel audiovisuel pour les membres de la commission. Alors, à ce moment-là, il sera distribué aux membres de la commission.

Maintenant, il reste trois minutes, M. le député de Maskinongé, à votre formation politique. Alors, rapidement, s'il vous plaît.

M. Désilets: Merci, Mme la Présidente. Moi, M. Cloutier, j'aurais une question toute petite à vous poser. Comme gouvernement, là, on vous regarde puis on vous demande, comme ça, là: Qu'est-ce qu'on peut faire pour développer la relève et puis soutenir davantage les employés, les travailleurs sylvicoles? Qu'est-ce qu'on pourrait faire, concrètement, pour la relève puis pour soutenir les travailleurs qui sont là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cloutier.

M. Cloutier (André): O.K. On a un cours, à Mont-Laurier, d'aménagement forestier. Pourquoi on ne ferait pas un D.E.P. en sylviculture? Pas en leur disant c'est quoi, la réalité d'aujourd'hui, mais quelle sera la réalité de demain, c'est-à-dire des bonnes conditions de travail. Regardez quand les gens vont... C'est ça, là, je vais peut-être diverger un peu mais, quand ils ont fait les barrages dans le nord, tout le monde allait travailler là, c'était payant. Avant, quand on était dans les années quatre-vingt, le monde allait travailler ouvrier sylvicole parce que c'était payant ponctuellement; les gars allaient faire deux ans parce que c'était payant.

Il faut en faire un métier professionnel. Les gens qui sont électriciens, ils ont un cours d'électricien; les gens qui sont mécaniciens, ils ont un cours de mécanicien. C'est ça. Quand je vous parlais de l'accréditation, c'est exactement comme ça que je le vois: ça prend un cours d'ouvrier sylvicole. C'est comme ça, c'est aussi simple que ça, il faut qu'ils aillent avec les mêmes profs qui le montrent aux gens de terrain. Il ne faut pas remettre les gens de terrain à l'école, mais les nouveaux qui rentreraient pourraient être comme ça. Est-ce que c'est correct comme réponse?

Une voix: Oui.

M. Désilets: Moi, ça me va, dans le sens que...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Maskinongé. Rapidement, s'il vous plaît. Une minute.

M. Désilets: O.K. Je comprends par votre réponse que vous dites qu'il faut encadrer ça par un diplôme reconnu.

M. Cloutier (André): Oui, peu importe...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cloutier.

M. Cloutier (André): Merci. Peu importe le diplôme. Tu sais, la grandeur... Ce n'est pas un bac qu'on demande pour faire ça, mais sauf que oui, ça en prendrait un, d'après moi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'est malheureusement tout le temps dont on disposait. Merci, M. Cloutier, M. Pauzé, d'être venus échanger avec nous à cette commission.

Je vais donc suspendre les travaux pour quelques minutes, le temps de permettre à l'autre groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 17)

 

(Reprise à 10 h 18)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Nous allons donc reprendre nos travaux pour accueillir les représentants de la Pourvoirie du lac Oscar. Messieurs, bonjour, bienvenue à cette commission. Vous savez que le temps est très limité. Donc, vous avez 10 minutes pour faire la présentation de votre mémoire. Par la suite, il y aura 10 minutes d'échanges avec chacun des partis ici. S'il vous plaît, vous présenter. La personne responsable, présentez-vous et présentez la personne qui vous accompagne.

Pourvoirie du lac Oscar inc.

M. Farrar (Jean-Claude): Mme la Présidente, M. le ministre, MM. les députés, mon nom est Jean-Claude Farrar de la Pourvoirie Oscar et je veux vous présenter Thomas Moore, qui se trouve être ingénieur forestier de la pourvoirie.

Nous avons cru bon présenter un mémoire à cette commission parlementaire dans le but de démontrer l'importance de la pourvoirie en ce qui concerne la loi n° 136. Alors, je vais laisser Thomas vous donner un résumé du mémoire qui avait été déposé à cette commission.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Moore.

M. Moore (Thomas): Merci. Oui, je vais faire la lecture d'un condensé du mémoire. La Pourvoirie Oscar est une pourvoirie à droits exclusifs qui opère depuis maintenant 27 ans. Elle est située dans le Haut-Saint-Maurice, à environ 60 km de la ville de La Tuque. Elle se situe sur l'aire commune 4304 où l'on retrouve huit bénéficiaires de CAAF et où la vocation prioritaire est la production de matières ligneuses. Malgré son étendue, la pourvoirie ne représente que 7,5 % de l'aire commune. Des efforts importants ont été consentis dans les dernières années pour harmoniser les activités et les objectifs reliés à la gestion de la faune à ceux reliés à l'exploitation forestière.

n(10 h 20)n

La Pourvoirie Oscar a notamment été l'une des premières à se doter d'un document portant sur la gestion intégrée des ressources de son territoire. Ce document très important a été rédigé par une firme de consultants en génie forestier, le Groupe Intech, et a été déposé au MRN au mois de mars 1999. Plusieurs éléments ont été étudiés dans ce document, notamment la gestion des paysages et l'aménagement faunique. La détermination de zones dites sensibles a également été effectuée dans les secteurs présentant un intérêt particulier où l'aménagement forestier doit être effectué sous certaines contraintes supplémentaires.

La Pourvoirie Oscar est également une des rares à être elle-même responsable de la récolte de quelques milliers de mètres cubes de bois sur son territoire, particulièrement dans ses zones sensibles. De plus, certaines ententes écrites ont été prises dans les dernières années avec les compagnies forestières pour faciliter l'intégration des activités sur le territoire. Dans les circonstances, nous pouvons considérer la Pourvoirie Oscar comme pionnière en termes d'intégration forêt-faune.

Étant la seule pourvoirie à présenter un mémoire, il n'est pas surprenant qu'un des enjeux traite de participation à la planification forestière. En effet, la Pourvoirie Oscar appuie l'article 54 et son obligation pour les bénéficiaires d'inviter les utilisateurs du territoire, notamment les pourvoyeurs, à la préparation du plan général. On peut cependant retenir deux manques dans cet article. D'abord, il n'est pas mentionné que les bénéficiaires soient tenus de considérer les besoins des autres utilisateurs et aucun mécanisme n'est proposé pour faciliter le déroulement de la participation.

À cet égard, la Pourvoirie Oscar appuie les propositions de la FPQ sur la participation et la préparation des plans. Ces propositions visaient notamment la réalisation d'ententes écrites entre les pourvoyeurs et les bénéficiaires, la signature des pourvoyeurs aux rapports de participation.

Étant donné qu'il est jugé pertinent que certains intervenants soient consultés et appelés à participer, notamment les pourvoyeurs à droits exclusifs, nous croyons que ces mêmes intervenants devraient être signataires de tous les plans et rapports d'aménagement forestier ainsi que du rapport de participation associé à leur territoire. Comme signataires, les intervenants impliqués indiquent leur acceptation des plans et rapports et donnent entière crédibilité au processus de participation. Le fait d'exiger la signature des participants aurait pour conséquence de rendre plus équitables les consultations et le rôle des pourvoyeurs dans la planification forestière. En cas de litige, une tierce partie compétente devrait pouvoir intervenir pour régler le conflit.

Le deuxième enjeu, que l'on considère comme étant le plus important, est le financement de la gestion intégrée. La cohabitation ou la gestion intégrée possède un coût pour les bénéficiaires et le pourvoyeur. Qu'on pense, par exemple, au temps et à la préparation nécessaires pour la planification de l'aménagement forestier, aux modifications dans les méthodes de travail des compagnies forestières, au besoin de contrôle accru de l'accessibilité aux territoires engendrée par le réseau de chemins forestiers, à la nécessité d'informer les clients de la pourvoirie de la raison d'être des coupes forestières et autres. La gestion intégrée peut donc être perçue comme une dépense, ce qui rend encore plus difficile la concertation.

Or, nous estimons qu'une meilleure gestion des ressources forestières et fauniques est bénéfique pour les forêts publiques parce qu'elle permet d'optimiser plus d'une ressource sur un même territoire. Comme gestionnaire des terres du domaine public, nous croyons que le ministre doit réserver une part des revenus qu'il tire des ressources forestières à la gestion intégrée, car ce n'est pas à l'industrie forestière, encore moins aux pourvoyeurs, d'assumer la totalité des coûts supplémentaires causés par la cohabitation.

Actuellement, il existe quelques façons de financer les projets de gestion intégrée, par exemple, par les programmes de volets I et II de mise en valeur. La recherche faite par le Groupe Intech pour la Pourvoirie découle d'un tel programme. Cependant, il est important d'assurer un financement plus régulier pour les dépenses causées par la gestion intégrée et pour les modifications que ce mode de gestion engendrent. La gestion intégrée des ressources nécessite une vision à long terme mais un contrôle à court terme pour assurer que les façons d'aménager les territoires à vocation faunique sont adéquates et pour permettre l'amélioration des façons de faire sur ces mêmes territoires.

Pour le financement de la gestion intégrée, nous proposons une alternative. Le fonds forestier étant déjà consacré à certaines activités spécifiques, nous croyons qu'un fonds devrait être réservé pour la gestion intégrée d'un territoire. Un pourcentage des droits de coupe que l'industrie forestière verse à l'État sous forme de redevance devrait être ainsi réservé. Ce fonds dédié serait prélevé à même les redevances forestières provenant d'un territoire et serait remis aux utilisateurs de ce même territoire pour le financement de certains travaux ou activités engendrés par la gestion intégrée.

Les intervenants qui utilisent ces fonds dédiés, en concertation, devrait fournir un rapport annuel démontrant l'utilisation qui a été faite de ce financement. Une partie des revenus des ressources forestières serait alors réinvestie dans cette même ressource et dans le territoire visé sans pour autant que l'industrie forestière ou les pourvoyeurs subissent une hausse de leurs coûts.

Nous sommes d'avis que cette proposition va dans le même sens que la volonté du ministre qui est de favoriser la gestion intégrée et de réinvestir les revenus qu'il perçoit dans les forêts québécoises, comme le souligne l'article 170.2 du projet de loi.

Étant donné le temps qui est alloué, on va résumer seulement deux des cinq recommandations qu'on a faites dans le mémoire originel. Recommandation 2. Sur les territoires à utilisation multiple, comme c'est le cas à la Pourvoirie Oscar, où activités forestières et fauniques doivent cohabiter, la gestion intégrée devrait être imposée, de manière à accorder une importance équivalente à chacun des utilisateurs. Étant donné que les pourvoiries à droits exclusifs ne représentent qu'environ 1 % du territoire public québécois, nous considérons comme une aberration le fait que, sur ces territoires, la vocation prioritaire soit la production de matière ligneuse.

L'aménagement faunique représentant une micro-foresterie en termes de diversité de traitements et méthodes, de superficie et de dispersion des coupes, cette façon d'aménager ne pourra jamais être parfaitement bien intégrée avec les méthodes présentement associées à l'industrie forestière. Le changement de statut prioritaire en faveur de la faune et du récréotourisme devrait être réfléchi pour ces territoires. Il n'a pas pour objet d'interdire la coupe sur les territoires de pourvoirie mais de faire cette coupe davantage en considérant les habitats fauniques et les couverts visuels.

Recommandation 5. La Pourvoirie Oscar suggère qu'une clause de la loi permette à des pourvoyeurs possédant des droits exclusifs sur un territoire, sur autorisation du ministre, de restreindre ou bloquer la circulation sur un chemin forestier pour faciliter le contrôle de l'accessibilité au territoire. Cette réglementation prendrait effet lorsque les chemins forestiers occasionnent de multiples entrées au territoire, mais n'a pas pour objet de restreindre l'accès aux bénéficiaires.

En effet, les chemins forestiers permettent et facilitent une utilisation efficace de l'ensemble du territoire. Mais, lorsque ceux-ci sont en trop grand nombre, le contrôle de l'accessibilité devient laborieux pour les pourvoyeurs. Des problèmes de braconnage et de sécurité des usagers de la pourvoirie peuvent donc survenir et des coûts supplémentaires reliés à la surveillance sont à prévoir. De plus, il faut souligner que le principe d'accessibilité universelle au territoire public ne peut s'appliquer intégralement aux pourvoiries à droits exclusifs, car elles jouissent de droits exclusifs sur la faune et sa conservation.

Pour donner une idée de l'augmentation du réseau de chemins forestiers sur le territoire de la Pourvoirie Oscar, nous pouvons signaler qu'il n'existait aucun chemin sur le territoire avant 1987. L'accès était ainsi limité au train, aux hydravions et aux bateaux de plaisance. Depuis cette période, c'est-à-dire depuis 12 ans seulement, plus de 130 km de chemins forestiers ont été construits sur le territoire de la pourvoirie.

En conclusion, le mémoire que nous venons de présenter renferme des points et des enjeux qu'il est nécessaire de clarifier et bonifier pour rendre plus efficace la mise en place d'une stratégie de gestion intégrée sur les territoires à vocation faunique et ainsi s'orienter plus efficacement vers l'aménagement durable des forêts du Québec. Merci de votre attention.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, M. Moore. On va donc passer à la période des échanges. M. le ministre.

M. Brassard: M. Farrar, M. Moore, merci d'avoir répondu à l'invitation de la commission et de votre présence et de votre point de vue aussi. On a entendu la Fédération des pourvoyeurs, on a entendu le Regroupement des organismes fauniques hier, avec toute une série de recommandations dont certaines nous agréent. Dans nos échanges hier, d'ailleurs, j'ai indiqué qu'un certain nombre de leurs recommandations trouvaient preneur chez nous, là.

Mais, comme vous êtes des gestionnaires... des propriétaires et des gestionnaires d'une pourvoirie à droits exclusifs, que, jusqu'à tout récemment, il n'y avait pas d'opération forestière sur votre territoire, même pas de voie d'accès, de chemin forestier y donnant accès, tout en indiquant, là, en introduction, qu'on va améliorer considérablement les choses, je pense, sur la base de ce qu'on retrouve dans le projet de loi, mais également à partir des recommandations faites par le Regroupement et votre Fédération des pourvoyeurs, je voudrais en profiter peut-être pour vous entendre sur ce qui se passe réellement.

Comment ça a fonctionné avec vos bénéficiaires de CAAF sur votre territoire? Quelle était la qualité des échanges, des relations? Est-ce que vous en êtes arrivés à des ententes convenables, acceptables pour vous? J'aimerais ça avoir un témoignage bien concret, là, de la façon dont ça s'est passé chez vous avec les bénéficiaires de CAAF.

n(10 h 30)n

M. Farrar (Jean-Claude): Bon, M. le ministre, regardez, je vais vous mettre un peu en contexte de ce qui s'est passé, là, un peu chez nous. C'est qu'on regardait le bois se couper à la pourvoirie et, mon frère et moi, on s'est dit: Il faut réagir. Soit qu'on subit un développement ou qu'on participe au développement. Alors, on a décidé, vraiment, là, de se trouver un chapeau de forestier à l'intérieur de la pourvoirie. Et finalement, ça a été très difficile, ça a été très difficile parce que finalement, sur la pourvoirie, on a huit bénéficiaires. Les divergences entre les bénéficiaires sont complètement, des fois, là, opposées.

Alors, nous, on arrive en tant que gestionnaires des territoires fauniques, il n'y a à peu près rien de... ça ne facilite absolument pas les négociations, aucunement, sur leurs droits au niveau de récupérer la matière ligneuse ainsi que nous autres au niveau des opérations de la faune.

Alors, ce qu'on a fait, nous, c'est que, au lieu de prendre ça à l'heure, on a pris ça à coeur, et puis on a décidé vraiment, pendant peut-être deux ans, de négocier avec eux autres, de se rencontrer, et tout. Finalement, on a réussi à trouver des ententes. Pour avoir obtenu un volet I pour la gestion intégrée des ressources... Parce que, nous autres, on était un peu dans la noirceur dans notre territoire, alors il fallait faire quelque chose. Alors, ce qu'on a fait, c'est qu'on a réussi au bout d'un an à faire ce qu'on appelle le volet I du programme de mise en valeur pour faire la gestion intégrée. Sauf que cette gestion intégrée là, nous, on a dû signer un document avec les industriels, de 1997 jusqu'en 2002, qu'ils vont récupérer 202 000 m³ sur le territoire ? pour donner un ordre d'idées, ça représente à peu près 4 000 camions. Alors, on l'a signé consciemment, et, avec ça, ils nous donnaient environ 10 % de notre territoire, ce qu'on appelle des «zones sensibles», parce que la gestion intégrée a déterminé qu'on avait 10 % du territoire environ qui était à vocation différente, parce que, au niveau de la pourvoirie, c'est important d'avoir des couverts visuels, etc. On l'a fait parce que le territoire qu'on a, c'est quand même 234 km² et, en 2002, on figure environ qu'il va y avoir 15 % du territoire qu'il y aura eu des coupes forestières dessus. Alors, il n'y a pas de problème.

Mais plus ça avance, les coupes, plus il faut resserrer la gestion intégrée. Il faut mieux faire les choses. Puis là, nous, dans les zones sensibles, on développe des critères dans le sens: des petites coupes de cinq hectares, des machineries différentes, au lieu des abatteuses groupeuses qu'on travaille, de production assez rapide, on parle de millions d'arbres par ces machines-là, on parle de multifonctionnel, qui coupe différemment. Alors là, on arrive avec quelque chose d'intéressant parce que, d'un côté, on peut approvisionner les usines et, de l'autre côté, on peut quand même au niveau de la pourvoirie faire des aménagements et expliquer aux clients ce qu'on fait au niveau des coupes forestières. C'est ça qui est important. Nous, on veut couper la forêt, on veut la planter, puis on veut regarder pousser les arbres parce qu'on demeure là et on est sur le territoire.

Alors, pour vous dire, c'est qu'à l'heure actuelle, je vois que, si on prend les redevances de coupe et on met une portion de ces argents-là, parce que, en totalité, chez nous, c'est à peu près 2,8 millions sur cinq ans de redevances de coupe que l'État va percevoir des industriels... on dit: On peut réinvestir une portion de ça en fonction de l'échelle des coupes. Si vous coupez 5 000 m³ sur un territoire exclusif et si vous en coupez 40 000 mètres annuel, je pense qu'il n'y a pas la même problématique. Alors, on dit, nous: Selon la quantité qui va se prélever pour être capable d'aménager le territoire dans la gestion intégrée. Je ne sais pas si ça répond un peu à votre question.

M. Brassard: Ça répond très bien. Je constate en tout cas que c'est possible de s'entendre puis c'est possible de faire de la gestion intégrée. Ce n'est pas facile, ce n'est pas simple, mais ce que vous nous dites et votre expérience démontre que c'est possible... quand il y a de la bonne volonté de part et d'autre, qu'autour d'une même table des intervenants qui récoltent de la matière ligneuse, qui ont des droits de récolter de la matière ligneuse, puis d'autres intervenants qui exploitent plutôt les ressources fauniques puis qui ont donc forcément à coeur de protéger les habitats puis de protéger cette ressource-là, de la conserver aussi, que ça, c'est possible de le faire. Cependant, il peut arriver qu'il y ait des litiges, des différends, et ce que vous recommandez, c'est qu'alors que la loi actuelle permet l'intervention d'un médiateur à la toute fin du processus, c'est qu'il soit possible qu'une médiation puisse intervenir en cours de processus.

M. Farrar (Jean-Claude): Exact. Voyez-vous, le gros problème du début, c'est que présentement, si on prend les territoires puis on investit, je veux dire, pour faciliter... je veux dire, les deux partenaires qui sont assis à la même table... Présentement, à l'heure actuelle, c'est que les forestiers ont une fonction de faire leur gestion et le pourvoyeur, lui, il ne sait pas trop où il s'en va puis il ne veut pas qu'ils coupent les arbres. Mais, en ayant un fonds dédié pour être capable de faciliter cette approche-là, que les sommes d'argent qui seront investies dans la gestion intégrée vont être dépensées en accord avec les industriels, le pourvoyeur en territoire exclusif, et, bien entendu, chapeauté par le ministère, ou le MRN qui va chapeauter ça... Ça, ça serait une solution. Mais disons qu'avoir un CAF, un contrat d'aménagement forestier, sur la pourvoirie, ça serait extraordinaire, parce que là... sauf que les bois sont alloués. Bon, écoutez, ce serait ça, mais c'est comme une deuxième solution, qui peut être faite.

Le Président (M. Sirros): Est-ce que, Mme la députée de Bonaventure, à ce moment-là...

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Farrar et M. Moore. Merci, tout d'abord, d'être ici aujourd'hui et d'avoir pris le temps de rédiger votre mémoire. Effectivement, il y a plusieurs éléments qui sont contenus dans votre mémoire qui rejoignent la position des groupes fauniques qu'on a entendus hier. Deux éléments que je retiens bien sûr dans votre mémoire. Premièrement, gestion intégrée des ressources, vous nous dites: «Nos moyens sont nettement insuffisants, notamment les moyens financiers, pour atteindre ces objectifs en termes de gestion intégrée des ressources.» Et, deuxièmement, vous souhaitez être consultés, mais plus que ça, être signataires des plans généraux d'aménagement forestier, donc en amont du processus pour ce qui est de l'élaboration des plans.

Moi, je souhaiterais vous poser des questions sur deux de vos recommandations, la quatrième et la cinquième. Tout d'abord, à la quatrième recommandation, vous faites référence, et je vous cite, aux «conclusions de la vérification des rapports annuels», vous souhaiteriez que ces rapports-là soient rendus publics. À peu près tous les intervenants qu'on a entendus jusqu'à maintenant, autant les industriels que les groupes environnementaux, s'entendent pour dire qu'on a besoin d'une plus grande transparence actuellement dans toute la gestion de nos forêts, bien sûr pour que le public soit mieux informé de l'état de nos forêts.

Lorsque vous nous dites: «On souhaiterait que ces rapports annuels soient publicisés», est-ce que vous iriez plus loin? Et certains ont parlé d'audit externe et, nous, on a parlé d'un inspecteur général des forêts. Est-ce que vous iriez encore plus loin que ça? Le rapport est rendu public, mais, pour effectivement qu'on s'assure que les suivis et les contrôles soient bien effectués, est-ce que vous iriez plus loin, vous?

M. Farrar (Jean-Claude): Définitif, parce que, présentement, ce qui se fait en forêt et ce qui se fait en théorie, il y a un certain décalage. Je pourrais vous donner plein d'exemples qu'on a constatés. Chez nous, dans un secteur entre autres, d'environ 40 hectares, où le peuplement était supposé être ce qu'on appelle PGPG, en pin gris, qui a été déposé, et on regarde sur le parterre de coupes, bien, c'est en feuillus. C'est pour donner un ordre d'idées que... Il y a beaucoup de petites choses sur le territoire qu'on constate. C'est sûr qu'un contrôle indépendamment du MRN serait peut-être plus valide au niveau de la population. Ça, je dis ça en tant que... personnellement là, mais il reste que le MRN dans la région fait quand même un bon travail, sauf que...

Mme Normandeau: Bien. À la recommandation 5 contenue dans votre rapport, vous faites référence à l'accessibilité des chemins. Évidemment, on a eu un débat presque, hier... enfin des discussions assez intéressantes là-dessus. Le ministre a affirmé qu'il n'était pas question de restreindre l'accessibilité au territoire. Mais ce qu'on comprend de votre côté, et, là-dessus encore, vous partagez la position de certains groupes fauniques, dont l'Association des pourvoyeurs... Vous ne questionnez pas, si on comprend bien, l'accessibilité au territoire public, mais, en même temps, comme pourvoyeur, vous avez des préoccupations sur l'achalandage sur votre territoire. Alors, dans le fond, comment, de votre côté, on peut concilier tout ça?

n(10 h 40)n

M. Farrar (Jean-Claude): Bien, écoutez, c'est sûr que, quand on parle de bloquer les chemins... Ce n'est pas de bloquer les chemins, c'est de réduire dans certains secteurs... Je vais vous donner un exemple, M. Brassard. C'est que, si vous avez... comme, nous, on a 130 km de chemins et plus. Donc, vous vous en allez, vous avez une fourche qui est là, de un kilomètre, qui ne va nulle part. Alors là on pourrait la bloquer parce que, nous, au niveau de notre gestion faunique, ça évite le braconnage, ça évite plein, plein de choses. C'est de restreindre des accès qui n'amènent nulle part, pour nous aider, et non de bloquer l'accessibilité au public, c'est hors de question à ce niveau-là. Alors, c'est un peu cette façon-là qu'on voit que ça nous faciliterait beaucoup au niveau de notre gestion faunique.

Mme Normandeau: Et bien sûr, c'est vous qui auriez le contrôle, c'est ça, sur... Parce qu'on tente d'imaginer concrètement quelle forme ça pourrait prendre, là.

M. Farrar (Jean-Claude): Je veux dire, c'est sûr que le MRN doit avoir un aval là-dessus. On ne peut pas...

Mme Normandeau: Effectivement.

M. Farrar (Jean-Claude): ...alors que c'est entériné, mais qu'il y ait une disposition dans la loi qui nous permettrait, dans certains secteurs, avec l'aval, je veux dire, d'être capable de faire... de restreindre certaines accessibilités qui n'arrivent nulle part, tu sais.

Mme Normandeau: Bien. Est-ce que j'ai encore un peu de temps, M. le Président?

Le Président (M. Sirros): Oui, oui, vous avez encore quelques minutes.

Mme Normandeau: Au niveau du fonds dédié, vous avez donné un peu plus de détails il y a quelques minutes là-dessus, un fonds qui serait financé à même les redevances qu'on perçoit, là. Est-ce que vous avez identifié un montant, un pourcentage, la ponction qui pourrait être prise à même les redevances qui sont versées: 5 %, 3 %, 4 %, 10 %?

M. Farrar (Jean-Claude): Je n'ai aucune idée. C'est discrétionnaire. Je veux dire, ce n'est pas à moi à dire comment on va investir sur les terres publiques. Je trouve que ça prend quand même des montants. Plus on va en mettre, plus on va pouvoir faire de la gestion réelle, plus on va pouvoir en laisser, donc c'est-à-dire, plus on va en laisser pour les régénérations futures dans le sens que... Prenez, par exemple, cette année, on voulait faire du brûlage. On a un exemple très concret. On voulait faire du brûlage de mises en andains, parce qu'on est pris, nous autres, avec des andains. On a au-dessus de 1 000 andains. Il y en a à peu près 100 qui sont vraiment dans un couloir visuel assez catastrophique. Bon, on veut faire du brûlage, et le volet I, il y a 7 000 000, je crois, là-dedans et, présentement, il est épuisé. Alors, on ne peut pas faire de traitement cette année, de brûlage sur la pourvoirie. Ça fait que c'est un petit peu ça. Le montant, il faut quand même que ce soit substantiel par rapport aux aménagements qui peuvent être réalisés, on peut parler de 3 $, 2 $ du mètre cube. 2 $ du mètre cube, ce serait assez intéressant au niveau de l'aménagement. J'ai dit ça comme ça.

Mme Normandeau: Moi, je n'ai pas d'autres questions, M. le Président, pour l'instant.

Le Président (M. Sirros): Alors, ça va? Alors, s'il n'y a pas d'autres questions, il ne me reste qu'à vous remercier pour votre présentation, M. Moore et M. Farrar. Oui, si vous avez d'autres commentaires, oui.

M. Farrar (Jean-Claude): Le mot de la fin, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Allez-y.

M. Farrar (Jean-Claude): Je vous remercie, M. le ministre, de nous avoir écoutés. Je remercie cette commission de nous avoir donné l'occasion de présenter ce mémoire.

Le Président (M. Sirros): Et nous de même. Alors, merci beaucoup. On va suspendre juste pour quelques instants, le temps de faire le changement, et j'inviterais en attendant peut-être le Groupe de recherche interdisciplinaire pour le développement durable à tranquillement prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 43)

 

(Reprise à 10 h 45)

Le Président (M. Sirros): On pourrait reprendre les travaux, et on a devant nous le Groupe de recherche interdisciplinaire pour le développement durable. Je demanderais peut-être aux personnes présentes... au responsable de se présenter ainsi que les personnes qui l'accompagnent. Je pense que vous connaissez le format. Nous aurons 30 minutes d'échanges: alors, 10 minutes de présentation et 10 minutes de part et d'autre pour des questions. Alors, on pourrait y aller tout de suite.

Groupe de recherche interdisciplinaire
pour le développement durable (GRIDD)

M. Chevallier (Jean-Jacques): Merci. M. le ministre, M. le Président, mesdames et messieurs, merci tout d'abord de nous accueillir aujourd'hui. Le Groupe de recherche interdisciplinaire pour le développement durable ? permettez-moi de l'appeler le GRIDD, c'est plus facile ? de l'Université Laval regroupe un certain nombre de scientifiques de différentes disciplines. Et m'accompagnent aujourd'hui, à ma droite, le Dr Jean-Loup Robert, de la Faculté des sciences et de génie de l'Université, et, à ma gauche, M. Stéphane Daudelin, professionnel de recherche à la Faculté de foresterie et géomatique.

Ce groupe rassemble de manière occasionnelle des chercheurs qui ont été impliqués à des titres divers dans des activités de gestion des ressources naturelles ou des projets de recherche sur des thèmes pertinents. Et toutes ces personnes ont pris conscience de l'importance vitale de mieux exploiter l'ensemble des connaissances disponibles, pertinentes à la gestion des ressources, dans une perspective de développement durable. Ils cherchent à développer l'interdisciplinarité non pas comme une contrainte, non pas comme une obligation pour satisfaire des organismes subventionnaires, mais parce qu'ils ont perçu ceci comme une source d'inspiration pour le développement des connaissances dans leur propre champ disciplinaire.

La composition du GRIDD varie selon les projets, mais on peut remarquer que, dans les projets passés et les activités actuelles, on a touché pas moins de six des facultés de l'Université, allant de la philosophie aux sciences et génie, en passant par l'administration, les sciences sociales, la géomatique, l'agriculture, la foresterie.

Au passage, une des activités récentes du GRIDD est un cours de formation continue, d'une durée de cinq jours, sur les activités ou sur les méthodes de gestion intégrée: participation active, méthode multicritère, outils de modélisation, qui a rassemblé une douzaine de représentants du MRN, de Forêt Québec, de FAPAQ, de pourvoyeurs, de MRC, pour développer ensemble et sensibiliser ces personnes-là au potentiel de gestion intégrée par des méthodes structurées.

Le mémoire que nous avons déposé s'est limité à une dimension bien précise, l'aspect durabilité de la gestion forestière, et plus particulièrement à ses aspects relatifs à ? les mots-clés ? gestion intégrée et participation.

En guise d'introduction, je voudrais rappeler des déclarations d'intention du ministère qui figurent dans les documents de présentation du projet de loi. On lit les objectifs suivants, je cite: «Respecter les valeurs de la population et satisfaire ses besoins; accroître la transparence de la gestion du milieu forestier.» Et également, on lit que figure au premier plan des préoccupations du ministère l'intensification de l'implantation d'une gestion intégrée des ressources du milieu forestier. Ceci, je cite les documents de présentation.

Cela dit, quand nous avons étudié le projet de loi proprement dit, j'oserais dire que nous sommes restés un petit peu sur notre faim à certains points de vue parce que les dispositions nous paraissent sur certains aspects trop restrictives ? je vais y revenir ? trop vagues, lacunaires sur certains autres, et, à certains points de vue, insuffisantes pour réellement atteindre les objectifs ainsi énoncés.

Je vais brièvement passer en revue les principaux aspects que nous avons abordés dans notre mémoire. Le premier, qui déborde peut-être le cadre strict du projet de loi n° 136 mais qui, en fait, aborde une question fondamentale, c'est toute la question de la politique gouvernementale de gestion intégrée du territoire forestier. Le projet de loi n° 136 ne présente pas la réforme du régime forestier comme la contribution du ministère des Ressources naturelles à une future politique gouvernementale intégrée qui impliquerait tous les ministères. C'est évident que ce n'est pas le rôle du MRN de le faire, mais ça pose un problème de fond.

Les différents textes analysés parlent à plusieurs reprises de gestion intégrée. Cependant, le projet de loi ne concerne que les activités liées à la gestion, à l'exploitation et au renouvellement du couvert végétal forestier. Et, sauf erreur de notre part, il n'est fait nulle part mention que la planification exigée de l'industrie fait partie d'un plan de gestion intégrée du territoire forestier, ce qui, à nos yeux, pose un problème de fond. Pourtant, ceci est incontournable dans la mesure où la gestion des ressources d'un milieu naturel constitue un tout et que toute approche sectorielle se traduit le plus souvent par des impacts sur les autres ressources, impacts souvent négatifs. Exemple: impacts sur l'eau. Je crois que c'est un exemple assez évident. Je l'ai dit, il est évident de croire que cela dépasse, disons, le champ de compétence du ministère, mais les objectifs visés ne peuvent pas être atteints si on n'aborde pas ce problème de fond.

n(10 h 50)n

Deuxième aspect, participation au développement durable. Le projet de loi renforce la déclaration d'intention de la loi actuelle mais ne précise pas vraiment comment réaliser cette participation et ne met pas vraiment en place les infrastructures techniques et les modalités organisationnelles qui sont indispensables: formation, appui au processus, recherche-développement, financement.

J'aborderai quelques points. Le premier est le niveau de planification. Le projet de loi prévoit essentiellement une participation au niveau des plans généraux, mais on sait bien que, s'il est relativement facile de se mettre d'accord sur des grands principes, les conflits surviennent souvent au stade plus court terme, moyen terme de la planification et à l'organisation. À ce point de vue là, le projet de loi n° 136 ne semble pas ouvrir des portes pour la concertation à ce niveau-là.

En deuxième point, le projet de loi contient une liste exclusive des organismes et personnes à impliquer. Mais ceci ne tient pas compte de l'objectif de gestion intégrée en tant que tel. En effet, si on ne dispose pas d'une politique gouvernementale globale en la matière, ou pas encore ? on peut l'espérer ? il serait indispensable de prévoir la participation active de représentants des autres ministères, des autres organismes gouvernementaux ou paragouvernementaux et, de manière générale, de toutes les parties concernées, et non pas sur la base simple d'une liste exclusive définie a priori. Certaines expériences passées, par exemple celles qui ont été menées en 1994 au Saguenay avec la compagnie Abitibi-Price, montrent l'importance d'une telle ouverture.

Deuxième point lié à la participation, les méthodes de travail. Le secret du succès dans la réalisation d'un projet de gestion intégrée passe par la combinaison harmonieuse ? aussi harmonieuse que possible, devrais-je dire ? d'une multitude de facteurs, et ça ne peut pas se faire à l'intuition, les situations sont trop complexes. Il est à notre avis indispensable de se doter d'une méthode de travail centrée sur la gestion de cette complexité, de l'intégration des compétences des gens du milieu et d'une recherche de synergie de ces facteurs et du développement de compromis acceptables, et ceci ne se fait pas simplement ? passez-moi l'expression ? au flair, ça prend des méthodes de travail.

Le projet de loi n° 136, dans son article 55, laisse le champ libre aux industriels pour choisir leur mode de travail, mais ils doivent en faire rapport dans leur rapport au ministère. Mais on constate que les industriels sont très souvent désarmés sur le plan méthodologique et ils sont parfois ? et c'est légitime ? méfiants vis-à-vis des processus qui pourraient alourdir leur travail et retarder le développement des plans. Il y a, à nos yeux, un paradoxe du point de vue méthodologique dans le projet de loi, parce que l'article 172 prévoit la possibilité de réglementer des activités très techniques: mesure du cubage, ce genre de choses, mais c'est des choses qui sont connues depuis longtemps et qui font partie du programme de formation de tous les organismes de formation du milieu. Mais le projet de loi reste muet sur les méthodes de gestion intégrée et participative qui, elles, sont des choses complexes, difficiles et qui sont peu connues. Il y a, à notre avis, ici un paradoxe.

Sur le plan des moyens, les industries forestières du ministère disposent d'infrastructures humaines, techniques, informationnelles pour développer et pour produire leurs plans d'aménagement et les activités qui touchent leur champ de responsabilité. Mais les autres participants potentiels à une gestion intégrée sont peu ou pas préparés, et je crois que l'exemple des personnes qui nous ont précédés est assez évident à ce point de vue là. Un petit pourvoyeur, un groupe autochtone, dans certains cas, n'a pas les moyens, les compétences et les moyens matériels de développer son point de vue, de l'étayer, d'étoffer sa position, les ressources ne sont pas disponibles. Cette faiblesse rend à notre avis illusoire une participation réellement active à un processus de planification intégrée. Cela provoque inévitablement un déséquilibre vis-à-vis de l'industrie, qui a des moyens ? et c'est son rôle, et c'est légitime ? et ça crée dans certaines circonstances ou ça peut créer une relation de dépendance et de faiblesse qui est de nature à handicaper un processus de concertation.

D'autres points sont abordés dans le mémoire. Je pourrai y revenir, nous pourrons y revenir si vous le jugez bon.

En guise de conclusion, je voudrais faire deux remarques. La première, c'est que, après avoir déposé notre mémoire, nous avons eu l'occasion d'étudier celui, d'une part, de la Faculté de foresterie et géomatique, dont je dépends, et, d'autre part, le mémoire déposé par l'Ordre des ingénieurs forestiers, et nous avons trouvé extrêmement intéressant de trouver des facteurs qui, sous des éclairages différents, s'attachent aux mêmes problèmes. La Faculté de foresterie dit qu'on a constaté des difficultés qui accompagnent les démarches de participation: le manque d'outils, le manque de balises. Je me réfère à ce que je disais tout à l'heure sur les méthodes de travail. L'Ordre des ingénieurs forestiers, pour sa part, recommande à l'État d'intégrer ses propres activités en matière de gestion des ressources renouvelables et recommande également d'instaurer une politique de concertation appuyée par des mécanismes clairement identifiés.

Il est clair que, dans l'état actuel des choses, les solutions miracle, les recettes de cuisine n'existent pas. Il y a un certain nombre d'outils, un certain nombre de méthodes qui sont déjà utilisables, qui commencent à être appliqués dans certains domaines. Il y a aussi un travail de formation, de recherche, de développement à faire. Et, en conclusion, je voudrais témoigner que les participants de notre Groupe, dans la mesure des possibilités que nous laissent nos charges de travail, sont disposés et intéressés à participer à l'évolution du savoir et à sa transmission aux parties concernées.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, M. Chevallier. On passera tout de suite à la période des échanges, en commençant avec M. le ministre.

M. Brassard: Je vous remercie, M. Chevallier, M. Robert, M. Daudelin, de participer à nos travaux. Compte tenu de votre expertise, votre contribution nous sera extrêmement utile pour la suite des choses. Mais je pense que votre expertise est reconnue en matière de méthodes visant à assurer la gestion intégrée des ressources ? approche multicritère ? et vous avez raison, je pense, de mettre de l'avant, de mettre en lumière cette dimension-là. Il va falloir évidemment que, en matière de gestion intégrée des ressources, on puisse avoir accès à des façons de faire qui soient efficientes et qui aboutissent à des résultats concrets et recherchés.

Mais ce que je comprends mal cependant, c'est qu'on doive inclure dans la loi toute une série de dispositions portant sur les moyens. Je pense que ce qu'on fait dans la loi, c'est de prévoir que, dès le début du processus de planification ou d'élaboration des plans, un certain nombre d'intervenants, qui ont soit des droits sur le territoire ? je pense aux pourvoiries, sur le plan faunique ? soit des responsabilités en matière d'aménagement du territoire ? c'est le cas des MRC qui, en vertu des lois, ont des responsabilités en cette matière... De là l'idée d'ajouter une liste, pas trop longue non plus, parce que, si elle est trop longue, j'ai l'impression que, là, ça devient à risque; puis il y a un rationnel à ça, c'est des organismes qui ont des droits sur le territoire ou qui ont des responsabilités en matière d'aménagement territorial... et de dire: Ces intervenants-là seront impliqués dès le départ dans le processus.

Maintenant, à partir de là, il y a des choix de moyens, de façons de faire, de méthodes pour concrètement réussir en matière de gestion intégrée des ressources, et là, évidemment, entre autres, votre expertise est sans aucun doute utile. Vous donnez comme exemple ce qui s'est fait dans la région chez nous avec le groupe GEAIS, du côté du bassin de la rivière Shipshaw: tout le monde autour d'une même table, un forum, et l'objectif évidemment, c'est une gestion multiressources, une gestion intégrée des ressources, et je pense que c'est une belle expérience qui est en train de se faire. Mais ce qu'on fait par la loi, c'est justement d'encourager ce genre d'expérience en impliquant formellement un certain nombre d'intervenants dans le processus de planification. Les moyens, les méthodes, les façons de faire, il ne m'apparaît pas opportun ? en tout cas, j'aimerais vous entendre là-dessus ? de commencer ou pertinent de commencer à les introduire dans un projet de loi.

Le Président (M. Sirros): M. Chevallier.

n(11 heures)n

M. Chevallier (Jean-Jacques): Je comprends votre réaction, M. le ministre. Notre intention n'est pas de dire ou notre propos n'était pas de dire qu'il faut mettre les méthodes dans la loi, ce n'est pas leur place. Par contre, quand on connaît les difficultés que représente une telle participation, quand on sait la diversité des solutions, des résultats, des modes de travail que peut recouvrir le mot «participation» aux consultations, la crainte que nous avons, c'est qu'on se résume à une démarche ou à une manière de faire frustrante pour les gens et qui ne soit, en fait, qu'une transposition d'un statut ou d'une relation de pouvoir.

Le projet de loi ne prévoit pas de valider les méthodes utilisées, alors qu'il le prévoit pour des technicalités qui sont connues. C'est ce que je disais tout à l'heure. Alors, loin de nous l'idée de dire qu'il faut prescrire une méthode, on n'est pas mûrs pour ça, c'est bien clair. Mais, dire que la méthode doit être approuvée, reconnue, qu'il y a des modalités sur lesquelles les gens vont être impliqués, ceci nous paraît essentiel pour ne pas laisser la bride sur le cou à faire des choses que les gens sont mal préparés à faire, en plus de ça. C'est sous cet angle que nous avons abordé le problème.

M. Brassard: Et la validation, vous la voyez comment? Ce serait quoi comme processus de validation de ces méthodes qui pourrait être ensuite utilisé par les différents intervenants?

M. Chevallier (Jean-Jacques): L'entente dans des mécanismes, je dirais, d'une nature plus administrative. Mais il y a un certain nombre de types de méthodes de travail qui sont connus. On parle de tables de concertation, on a des outils un peu plus sophistiqués de démarches participatives multicritères notamment qui ont été faites dans certains milieux. Je ne parlais pas du GEAIS tout à l'heure, je parlais du projet de plan général d'aménagement, sauf erreur, de l'aire commune 2302, si mes références sont exactes, qui s'est fait entre 1994 et 1997.

M. Brassard: Parce que, dans votre mémoire, vous évoquez l'expérience du GEAIS.

M. Chevallier (Jean-Jacques): Oui. Mais ce que je mentionne, c'est une information que j'ai eue plus récemment, d'un projet qui, semble-t-il, a eu des débouchés intéressants mais en élargissant la concertation. Et il y a des outils qui sont disponibles, qui sont en développement. On ne change pas une loi tous les jours. Il paraîtrait important de trouver une manière de faire qui provoque là aussi la dynamique entre le gouvernement et des milieux concernés, industriels notamment et scientifiques, pour progresser dans ce sens-là et ne pas simplement dire: Vous faites une concertation, dites-nous comment vous l'avez fait, et puis on s'en tient là. C'est dans cette dimension que nous le suggérons, non pas pour contraindre mais pour aider les milieux à progresser.

M. Brassard: Je comprends très bien et je pense que vous avez raison. C'est sûr qu'il faut permettre, donner des assises légales à une véritable participation, une véritable concertation, mais après il faut avoir le souci d'offrir à tous ces intervenants sur le territoire les bons moyens, les bonnes façons de faire, les bonnes méthodes. Et, là-dessus, je comprends très bien votre message, là. Le malentendu, disons, est dissipé.

M. Chevallier (Jean-Jacques): Si vous le permettez, vous avez posé une autre question, au début de votre intervention de tout à l'heure, la dimension relative au nombre d'intervenants, aux types d'intervenants. Je comprends votre préoccupation, elle est légitime bien sûr. Mais cependant ça n'est pas parce que quelqu'un n'a pas un pouvoir ou une responsabilité qu'il n'a pas un intérêt ou qu'il ne subit pas les impacts d'une intervention sur le territoire. Et notamment la dimension sociale de certaines interventions, la perception des citoyens comme telle non seulement comme caution publique, mais également comme input proactif dans un processus peut être ? et on l'a vu dans d'autres cas ? extrêmement intéressante. Et c'est dommage de se limiter à un ensemble strict exclusif. C'est dans cette dimension-là que nous suggérons d'avoir une liste, oui, des personnes qui doivent être concernées, mais sans fermer la porte. Or, le texte de loi, si je ne fais erreur, prévoit que les participants sont... et une liste, point final. Et c'est cette exclusivité, cette exclusive qui nous paraît excessive et dommageable au potentiel de participation.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. On passera donc à la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs, merci d'être ici ce matin. Écoutez, vos propos sont très instructifs et, en même temps, j'espère, vont pouvoir éclairer le ministre pour passer du concept à la pratique pour ce qui est de la gestion intégrée des ressources. Mais votre constat est clair, le projet de loi qui a été déposé actuellement ne permet pas d'atteindre les objectifs liés à la gestion intégrée des ressources, également à la durabilité du développement qui entoure la gestion intégrée des ressources.

Cependant, vous prenez soin dans votre mémoire d'indiquer qu'au Québec on dispose de tout le savoir nécessaire, des connaissances, des expertises. Les connaissances sont là. Mais tout à l'heure vous avez parlé de synergie. Donc, dans le fond, le défi qu'on a, c'est de mettre tout ça en branle pour qu'on puisse bien identifier où on veut s'en aller. Et il y a une série de propositions qui sont conduites dans votre mémoire qui font référence à des éléments politiques, méthodologiques, réglementaires et à des éléments liés aux moyens et aux ressources.

Puisque ici on a le défi, à partir d'une proposition que vous nous formulez sur la base d'un concept, de traduire ça dans la réalité, j'aimerais savoir, de votre côté, quel est ce fameux modèle que vous nous proposez justement pour qu'on puisse atteindre cet objectif de gestion intégrée des ressources.

M. Chevallier (Jean-Jacques): O.K. Nous avons été, grâce à l'ouverture et à l'interaction avec le ministère des Ressources naturelles, impliqués depuis 1992-1993 dans différents projets, en ce qui me concerne, notamment le fameux projet GIRES que nous connaissons bien, qui a eu des difficultés mais, en même temps, qui a produit des résultats extrêmement intéressants et qui nous a permis aussi d'aller plus loin en termes des méthodes. Et les participants du groupe, à des degrés divers, ou certains d'entre eux ont participé à des projets qui ne sont pas seulement des projets de recherche pure et dure, mais à affiner ce qui a été fait dans ces différentes expériences gouvernementales ici, au Québec, pour déboucher sur une première, une version de solution.

On ne détient pas la vérité, mais on a développé des outils, des méthodes de travail, un guide méthodologique qui est disponible, que l'on a testé dans d'autres conditions ? milieu semi-aride en Afrique du Nord, milieu littoral en Amérique du Sud; actuellement, on travaille à développer des activités en gestion de bassin intégrée au Brésil et en Uruguay, pour ne citer que ceux-ci ? et on a des premières expériences rassembleuses qui montrent, sur le plan scientifique ? et testées sur le terrain, même si c'est encore modeste ? qu'on peut concilier d'une manière extrêmement dynamique de la participation structurée par des dimensions scientifiques, notamment le multicritère, et qui ouvrent la porte à un usage beaucoup plus efficace de l'information territoriale disponible et des outils scientifiques comme la modélisation, d'où la participation de mon collègue spécialiste de modélisation. Et là on a des exemples qui existent. La formation dont je parlais tout à l'heure porte sur ces méthodes de travail.

Nous sommes d'ailleurs à faire un projet-pilote avec les secteurs territoires du MRN pour le développement des PRD actuellement. On va tester cette méthode dans ce qu'on sème. Et il y a beaucoup de connaissances sectorielles. Et on commence à avoir ? et les projets dont je parle ne sont pas les seuls, il y en a quelques autres aussi ? des démarches décrites à des différents niveaux de rigueur qui peuvent servir de guide pour commencer à travailler avec ces méthodes-là. Il y a des choses disponibles. Je ne veux pas vous faire un cours maintenant, ce n'est pas l'endroit et ça prend de la formation. C'est des solutions qui sont subtiles. Il n'y a pas de solutions simples, élémentaires à des situations complexes, mais il y a des éléments de solution, disons ça comme ça, sur lesquels on peut commencer à bâtir.

Le Président (M. Sirros): Oui, Mme la députée.

Mme Normandeau: Mais plusieurs intervenants, notamment les groupes fauniques, sont venus nous dire: Écoutez, pour éviter d'avoir un modèle qui soit défini à l'échelle provinciale, une espèce de modèle mur à mur, on souhaiterait définir, en matière de gestion intégrée des ressources, des balises régionales ou locales, compte tenu des particularités de chacun des territoires. Comment vous voyez ça, de votre côté? Oui.

Une voix: Pardon?

Mme Normandeau: Balises régionales versus balises plus provinciales, là.

M. Chevallier (Jean-Jacques): Tout à fait. Les résultats qu'on a actuellement traduits en termes de méthodes sont des méthodes de travail pour des groupes de concertation. Et on s'est inspiré de ce qui s'est fait ici, au Québec, au départ, on les a appliquées avec des agriculteurs et des techniciens en génie rural nord-africains, avec des gestionnaires de territoires en milieu littoral, et la méthode de travail reste la même. Il s'agit de savoir comment être réceptif à toutes les préoccupations du milieu en évitant les conflits ? il y a des méthodes de travail pour ça ? et en profitant de la dynamique des gens, de leur volonté de faire quelque chose pour, en décantant tous ces points de vue, arriver à identifier des solutions envisageables et à identifier celles qui pourraient constituer un compromis. Et là, il y a des méthodes de travail pour ça.

Alors, le contenu de ces récipients-là dépend évidemment des solutions. Certaines étapes peuvent même être supprimées si la situation ne l'impose pas. Il y a une grande flexibilité qui se fait jour à travers. Mais ça s'adapte à pas mal de situations différentes. Encore une fois, je ne prétends pas détenir la solution, la vérité, mais on a des expériences extrêmement constructives dans ce domaine-là qui nous font dire que, sur le plan... en tant qu'organisme universitaire, nous avons quelque chose à proposer pour faire progresser la gestion territoriale. Je ne sais pas si...

Mme Normandeau: Merci.

Le Président (M. Sirros): Est-ce qu'il y a d'autres questions de la part des collègues? Alors, s'il n'y a pas d'autres questions, je vous remercierai pour votre présentation.

Je suspendrai les travaux pour quelques instants en demandant au prochain groupe, Abitibi-Consolidated, de se préparer à venir à la table. Alors, on suspend pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 10)

 

(Reprise à 11 h 12)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Nous allons reprendre nos travaux. Nous recevons donc les représentants d'Abitibi-Consolidated. Messieurs, si la personne responsable veut bien se présenter, nous présenter les gens qui l'accompagnent et, par la suite, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour la présentation de votre mémoire avant de poursuivre avec la période d'échanges. Je vous cède donc la parole.

Abitibi-Consolidated inc.

M. Desbiens (Michel): Je suis Michel Desbiens, président du conseil d'administration d'Abitibi-Consolidated. Je suis accompagné ce matin par Louis-Marie Bouchard, premier vice-président forêt et scieries; André Boudreau, vice-président forêt et approvisionnement; Francine Dorion, directrice, foresterie; ainsi que François Dumoulin, directeur, foresterie.

Nous aimerions tout d'abord vous remercier de cette opportunité qui nous est offerte de venir vous présenter une partie de notre analyse du projet de loi n° 136 sur la mise à jour du régime forestier québécois.

Avant d'aller plus loin, j'aimerais, pour le groupe, vous donner un bref aperçu d'Abitibi-Consolidated au Québec. Nous opérons et détenons une participation dans 10 usines de papier, une usine de pâte commerciale, 20 scieries ainsi que trois usines de seconde transformation. Cette présence au Québec se traduit par 11 000 emplois directs et 22 000 emplois indirects et induits, pour un total de 33 000 emplois. Notre masse salariale au Québec est de près de 1 milliard de dollars. Et, pour bien mettre ces chiffres en perspective, mentionnons simplement qu'Abitibi-Consolidated est le troisième plus important employeur industriel au Québec, après Alcan et Bombardier.

Nous détenons des contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier pour près de 8 millions de mètres cubes, soit environ 28 % de toutes les attributions de volume résineux en provenance de la forêt publique. Enfin, au cours des cinq dernières années, Abitibi-Consolidated a investi 1,6 milliard de dollars pour améliorer ses installations au Québec. Nous sommes fiers d'être la première et, encore à ce jour, la seule entreprise au Québec à avoir obtenu une certification ISO 14001, et ce, pour trois secteurs de nos opérations forestières situés au Lac-Saint-Jean, sur la Côte-Nord et en Abitibi.

Maintenant, en ce qui a trait au projet de loi n° 136, nous appuyons l'orientation générale de faire évoluer le régime forestier du Québec afin d'assurer une gestion durable des forêts. Cependant, nous sommes étonnés et inquiets devant l'ampleur de l'impact négatif que l'ensemble des dispositions contenues dans ce projet de loi auraient sur nos activités si elles demeuraient inchangées.

Dans le mémoire que nous avons déposé, nous formulons 32 recommandations, dont plusieurs présentent des alternatives aux modalités proposées. Nous avons élaboré nos recommandations en ayant bien en perspective les trois conditions essentielles pour assurer la survie et le développement de toute entreprise forestière: premièrement, un environnement d'affaires susceptible d'attirer les capitaux requis pour l'amélioration des équipements actuels et pour la poursuite du développement de l'entreprise; deuxièmement, un approvisionnement stable en quantité et en qualité; finalement, un engagement ferme envers l'aménagement forestier durable pour conserver un accès au marché ainsi qu'à la ressource. Dans cette perspective, nous sommes réellement préoccupés par l'impact sur nos approvisionnements et nos coûts de plusieurs des modalités proposées.

Nous sommes persuadés qu'Abitibi-Consolidated et l'ensemble de l'industrie forestière ne pourront pas absorber sans fléchir l'impact des dispositions proposées dans le projet de loi. Nous estimons qu'Abitibi-Consolidated pourrait être confrontée à une facture additionnelle de 20 millions et plus de dollars annuellement si toutes les dispositions du projet de loi étaient adoptées sans modification. Cette hausse de coûts surviendrait alors que les prix du sciage sont à leur plus bas depuis 1995.

Maintenant, j'aimerais aborder certaines facettes du projet de loi et des orientations du gouvernement, soit la dispersion des coupes, le rendement accru, les aires protégées et les négociations avec les communautés autochtones.

D'abord, en ce qui concerne la dispersion des coupes, nous souscrivons à l'objectif de mieux répartir les coupes sur les territoires afin de maintenir la diversité biologique et de mieux tenir compte des préoccupations de tous les utilisateurs du milieu. Cependant, selon notre évaluation, l'application des modalités particulières proposées pour la dispersion des coupes résulterait en une baisse de possibilité d'environ 45 000 m3 uniquement pour l'aire commune 2503 au lac Saint-Jean.

Je profite de l'occasion pour mentionner que notre évaluation préliminaire laissait entrevoir un impact plus important, mais nous avons poussé plus loin notre évaluation pour préciser davantage l'impact de cette mesure. Nous estimons que, plutôt que de s'en remettre à une application mur à mur des modalités précises, les modalités devraient plutôt être choisies en fonction d'objectifs clairs, modulés selon les caractéristiques de biodiversité et d'utilisation de chaque territoire. D'ailleurs, quelques-uns des nouveaux traitements sylvicoles récemment expérimentés dans nos opérations forestières pourraient contribuer efficacement aux objectifs poursuivis par le gouvernement.

Dans une autre perspective, notre expérience de la coupe mosaïque, en Abitibi ? et ici, je devrais mentionner que ça fait depuis 1993 ? nous indique que les crédits sylvicoles prévus par le gouvernement pour compenser les coûts additionnels engendrés par l'application des modalités qu'il propose sont nettement insuffisants et doivent donc être revus. Nos coûts sont de quatre fois supérieurs aux crédits accordés, ce qui pourrait représenter globalement des coûts additionnels de 16 millions de dollars pour Abitibi-Consolidated si ces modalités étaient imposées partout au Québec.

En ce qui concerne les aires protégées, nous endossons aussi l'objectif de compléter un réseau représentatif d'aires protégées au Québec. Abitibi-Consolidated participe d'ailleurs à la démarche de l'AMBSQ et du Fonds mondial pour la nature visant à proposer une contribution au processus gouvernemental. Une série de principes directeurs encadre cette démarche, dont les suivants: le maintien des volumes d'approvisionnement; aucune augmentation nette du coût du bois à livrer; des mesures d'atténuation visant à compenser les impacts sur les volumes et les coûts des approvisionnements en bois; et des efforts d'intensification d'aménagement forestier sur d'autres territoires ainsi qu'un financement pour ces efforts. Nous aurions souhaité retrouver dans le projet de loi un engagement concret du gouvernement à adopter des mesures d'atténuation qui permettraient de compenser ces impacts qui pourraient être considérables dans plusieurs régions du Québec.

Ce qui m'amène à parler brièvement du rendement accru. Le gouvernement prévoit adopter d'ici le 1er septembre 2002 une politique de rendement accru qui aurait notamment pour objectif de compenser les réductions qui pourraient survenir dans l'offre de matière ligneuse. Nous sommes heureux de cette décision qui témoigne d'une préoccupation de maintenir et même d'augmenter éventuellement l'activité économique générée par la transformation de la matière ligneuse.

n(11 h 20)n

À propos des négociations en cours avec les nations autochtones, nous considérons qu'il s'agit là d'un enjeu de première importance. Bon nombre de nos secteurs d'opération forestière sont effectivement situés dans des régions où des communautés autochtones exercent leurs activités traditionnelles de chasse et de pêche. À la lumière de certaines ententes conclues dans l'Ouest canadien, les négociations en cours au Québec sont préoccupantes puisqu'elles auront sans doute des impacts significatifs sur nos activités, que ce soit au niveau des coûts d'approvisionnement ou de la disponibilité des fibres. Il est pourtant important que le gouvernement évalue l'impact des propositions discutées avec les peuples autochtones sur le développement du secteur industriel forestier et prévoie des mesures d'atténuation appropriées.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, en conclusion, M. Desbiens, s'il vous plaît.

M. Desbiens (Michel): Oui, je suis rendu à ma conclusion.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Voilà.

M. Desbiens (Michel): Malgré nos préoccupations dans ce dossier, Abitibi-Consolidated continuera à contribuer à une utilisation harmonieuse des ressources forestières répondant aux besoins de l'ensemble des Québécois, incluant ceux des communautés autochtones. Notre participation dans la scierie Obedjiwan ? je tiens à mentionner ça ? en partenariat avec la communauté attikamek d'Obedjiwan est un exemple de notre engagement.

En conclusion, il est essentiel que certaines des dispositions proposées soient revues pour éliminer les impacts négatifs que nous avons identifiés dans notre mémoire, et ce, tout en conservant le cap sur les objectifs visés avec la mise à jour du régime forestier. Si on considère uniquement les pertes potentielles de possibilité forestière que nous avons estimées pour deux éléments, à savoir 90 000 m³ pour les modalités particulières pour le milieu nordique et 8 % de nos attributions ou 634 000 m³ pour le parachèvement du réseau d'aires protégées, nous obtenons une baisse de possibilité de l'ordre de 724 000 m³ pour nos seuls territoires d'approvisionnement, et ce, sans même considérer l'impact des modalités de dispersion de coupes. Une telle baisse de possibilité pourrait se traduire par l'arrêt d'une bonne partie de nos opérations forestières, une fermeture de l'équivalent de deux scieries et, à moyen terme, la fermeture définitive de machines et d'usines à papier. Le tout pourrait représenter la perte de plus de 1 000 emplois directs liés à nos activités et une diminution considérable de l'activité économique dans plusieurs régions du Québec.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, monsieur, c'est terminé, le temps, là. Il faudrait étirer de quelques secondes pour vous permettre de finir, mais quelques secondes seulement.

M. Desbiens (Michel): Tout ce que je voulais dire, Mme la Présidente, c'est qu'on a une préoccupation très intense et très sensible. Surtout, moi, je tenais à venir vous présenter ça parce que je suis à la veille de la retraite, troisième génération de papetier, j'en ai une quatrième qui s'en vient, j'ai travaillé en Europe, j'ai travaillé dans l'Ouest puis je suis très sensible et très inquiet, si on fait les faux mouvements, pour la protection de la forêt.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je vous remercie, M. Desbiens. On va pouvoir continuer, de toute façon, avec les échanges qui vont s'engager. Alors, je cède donc la parole à M. le ministre.

M. Brassard: M. Desbiens, merci beaucoup de votre présence. M. Boudreau, M. Bouchard, Mme Dorion, M. Dumoulin, très heureux de vous accueillir à cette commission. Vous avez eu raison de mettre en relief l'importance majeure de votre entreprise dans l'industrie forestière et papetière au Québec. Depuis la fusion Donohue et Abitibi-Consolidated, vous êtes devenu un acteur de poids et majeur dans l'économie québécoise. Il y a même des observateurs qui disent que, dans certaines régions, vous occupez trop de place, que ça ressemble à des situations quasi monopolistiques. Mais je voudrais vous remercier pour votre contribution en espérant aussi qu'avant votre retraite vous allez faire quelques années encore, j'espère.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Évidemment, c'est très substantiel. Il y en a plus d'une trentaine de recommandations. Je vous assure qu'elles seront examinées, analysées, soupesées pour la suite des choses, comme on le fait d'ailleurs pour tous les mémoires à l'occasion de cette consultation générale. Donc, je ne vais pas vous interroger, vous le comprendrez, sur toutes vos recommandations, mais il y a une dimension qui m'intéresse et j'aimerais vous entendre là-dessus. C'est que vous proposez que l'État réduise substantiellement ses contrôles là où des systèmes de certification de gestion environnementale seraient en vigueur. C'est le cas sur certaines de vos activités dans certaines régions du Québec, vous l'avez indiqué tout à l'heure. Est-ce que vous pourriez nous expliquer? Parce que, évidemment il y a toute une question de crédibilité qui est importante dans cette perspective-là. Est-ce que vous pourriez nous expliquer concrètement en quoi ces systèmes de certification de gestion environnementale seraient de nature à garantir pour l'État mais aussi pour la population, je pense, pour les citoyens, que la loi, les règlements, les normes, la réglementation appropriée seront respectés relativement, par exemple, au nombre d'interventions, les redevances, les suivis adéquats des travaux sylvicoles, des travaux d'aménagement, des travaux de reboisement?

Ce que vous dites: Quand il y a certification, il n'y a pas lieu... ou l'État devrait pas non pas éliminer tous ses contrôles, mais les réduire considérablement. Est-ce que c'est crédible, ça, une telle démarche? Est-ce que ça a de la crédibilité aux yeux de l'opinion publique surtout évidemment puis de l'État, du gouvernement également?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Desbiens.

M. Desbiens (Michel): Alors, je vais demander, M. le ministre, à M. Bouchard de répondre à votre question.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Bouchard.

M. Bouchard (Louis-Marie): M. Brassard, je pense que la meilleure garantie au niveau des contrôles, n'importe quoi, c'est l'intervenant d'une tierce partie. C'est là-dessus qu'on misait puis ce qu'on recommandait avec ISO 14001, qui est fait par un organisme externe qui est un tiers qui vient vérifier tes pratiques forestières. Je pense qu'au niveau du public c'est une belle garantie que ce n'est pas soit un ministère soit une entreprise, c'est vraiment un tiers qui fait l'évaluation de ta performance puis de tes pratiques, qui devient public, qui devient accessible. Ce que nous pensons, c'est que c'est vraiment une bonne étape pour donner... C'est la garantie de l'évaluation.

M. Brassard: Dans le cas des accréditations que vous avez sur certains territoires, est-ce que l'organisme accréditeur, au fond... Je comprends que c'est un tiers qui intervient. Mais est-ce que l'organisme accréditeur... Il faut que l'organisme accréditeur aussi, il faut que le tiers ait une crédibilité, je dirais, sans faille, hein. Est-ce que, dans le cas qui vous intéresse, cet organisme accréditeur est pleinement reconnu sur le plan international et qu'il jouit d'une crédibilité incontestable?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Bouchard.

M. Bouchard (Louis-Marie): Définitivement qu'au niveau de l'organisme QMI il donne une accréditation reconnue internationalement, avec ISO 14001, qui est reconnu, le système d'ISO, que ce soit 9002 ou 14001, qui est versus l'environnement. Mais c'est reconnu internationalement.

M. Brassard: Ça veut dire que cet organisme-là procède à des contrôles de vos interventions, de vos travaux de récolte, de vos travaux d'aménagement, de vos travaux de reboisement, il procède à des évaluations, à des contrôles. Et il y a un rapport d'évaluation évidemment qui est déposé devant l'entreprise. C'est comme ça que ça fonctionne?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Bouchard.

M. Bouchard (Louis-Marie): Définitivement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Desbiens.

M. Desbiens (Michel): Peut-être que Francine pourrait élaborer parce que c'est un sujet très important.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Dorion, je crois.

Mme Dorion (Francine): Oui. Pour revenir à votre question, je pense, d'abord mentionner que, la recommandation, on identifiait le fait qu'il y ait des systèmes certifiés comme une opportunité pour le ministère de mieux utiliser la masse monétaire dédiée au contrôle en intensifiant peut-être dans les endroits où il n'y aura pas de système certifié.

Je veux revenir à la question des registraires, les gens dont vous parlez, les audits faits par un organisme externe. On parle de registraires certifiés. Ce sont des gens qui eux-mêmes ont à subir des vérifications. Donc, en termes de crédibilité, je pense que là ça répond à votre question.

Le troisième point que je veux ramener, en termes d'opportunité, c'est qu'en arrière de la certification il y a tout le développement d'un système de gestion environnementale et forestière où on a des procédures et des façons de faire qui sont bien définies, et c'est ça qui est vérifié. Donc, il y a beaucoup de rigueur là-dedans. Ça touche autant la planification que les contrôles auxquels vous faisiez référence. Ça répond?

n(11 h 30)n

M. Brassard: Est-ce que ça trouve grâce aux yeux des groupes écolos?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Dorion.

M. Brassard: Bonne question, n'est-ce pas?

Mme Dorion (Francine): Oui, c'est à cause que c'est large, hein?

M. Brassard: Ha, ha, ha!

Mme Dorion (Francine): Je vais répondre de la façon dont, moi, je le perçois. Effectivement, je pense que, qu'est-ce qu'il faut voir là-dedans, un, c'est la rigueur ? ça peut répondre à votre question ? et aussi la transparence, et je crois que là, ça répond définitivement. L'autre élément qui est important, c'est tout le système de participation du milieu, que ce soit avec ou sans participation de certification. C'est là aussi que ça touche à la question que vous soulevez.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va? Alors, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. M. Desbiens, M. Bouchard, M. Boudreau, Mme Dorion, M. Dumoulin, bonjour. Vous me permettrez également de saluer M. Leclerc qui vous accompagne. Bonjour, M. Leclerc. Merci d'avoir pris le temps de rédiger votre mémoire qui est très substantiel, il y a plusieurs recommandations qui y sont contenues.

Un élément qui retient mon attention ? en fait, il y en a plusieurs, mais le premier, je pense que c'est un élément extrêmement important pour votre entreprise ? c'est tout le maintien de la compétitivité chez vous. Et le portrait que vous avez dressé est assez sombre. Ce que vous nous dites: Si le projet de loi est adopté tel qu'il a été présenté, on perdrait 1 000 emplois chez Abitibi-Consolidated, 1 000 emplois directs. Alors, à mon sens, ça me semble extrêmement inquiétant, d'autant plus que c'est des emplois qui touchent des communautés. Je pense qu'on a tout intérêt, bien sûr, à faire le virage nécessaire pour éviter justement ce genre de catastrophe chez vous.

Vous identifiez également plusieurs oublis dans le projet de loi. Mais avant de passer à vos trois dernières recommandations, puisque vous êtes à l'international, vous avez des activités à l'extérieur du pays, j'aimerais que vous puissiez nous dire jusqu'à quel point... Parce que ça, on avait identifié une liste de priorités. Parce que, vous savez, c'est ça, collectivement, on doit identifier des priorités ici. Je pense que, pour vous, la réponse, ça serait: assurer une bonne stabilité des approvisionnements. Ça serait peut-être votre première priorité. Mais au-delà de ça, j'aimerais que vous puissiez nous dire...

Quand l'AMBSQ hier est venue nous dire: Écoutez là, le marché mondial est féroce, concrètement chez vous, comment ça se vit? Parce que, dans le fond là, on parle d'emplois ici, puis on parle...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Desbiens.

M. Desbiens (Michel): Ça, le véhicule pour avoir accès aux marchés là, c'est la foresterie durable. Il faut qu'on soit capable de prouver... Comme gouvernement, comme intervenants, comme bénéficiaires de CAAF, il faut qu'on soit capables de prouver qu'on a une foresterie qui va maintenir la forêt au Québec. C'est la première chose. Que ça soit comme image avec les groupes verts ou que ça soit nos clients à nous, c'est une condition essentielle. Donc, le projet de loi devrait être orienté en tout premier lieu à ce domaine-là.

Où est-ce qu'on a des problèmes, c'est avec les gens qui ont des méthodes ou accès à une forêt qui est beaucoup plus facile à opérer, comme je parle: l'Amérique du Sud ou certains pays de l'Australie, certains pays de l'Asie où ils ont des climats beaucoup plus cléments. La technologie a évolué, donc ils sont capables de produire à des coûts beaucoup moindres que nous. Je parle, par exemple, au Brésil... On a fait des études au Brésil. D'ailleurs, j'ai passé très près de faire des acquisitions au Brésil où on livre du bois à 15 $ du m³, livré dans la cour de l'usine. Là, je parle de dollars américains là, mais ça fait probablement 22 $CAN. Mais nous, penser de produire 1 m³ en bas de 50 $, 55 $, 60 $ du m³, livré dans la cour d'usine, c'est presque impensable.

Ça fait qu'il faut qu'on soit capable de concilier la foresterie durable mais aussi l'économie. Si on n'est pas capable de produire, de faire un produit... Il faut tenir compte aussi de notre climat qui génère une forêt qui est complètement différente de ce qu'on a, comme exemple, en Colombie-Britannique ou en Amérique du Sud. Pour vous donner un exemple, en Amérique du Sud... J'ai conté cette histoire-là à mes copains ici, puis ils avaient trouvé ça bien drôle, puis là, j'ai été obligé de les envoyer voir ? peut-être que c'était une excuse ? un arbre d'environ 10 pouces de diamètre, 80 pieds de haut, 25 mètres de haut, trois ans et demi, dans une plantation.

Donc, je comprends qu'on a des limitations, on a tous des limitations, mais on a aussi à se battre contre ces choses-là. Donc, il faut qu'on fasse attention, il faut qu'on fasse de la bonne sylviculture. Vous seriez surpris du temps qu'on passe en forêt. Les gens de papier, on dit c'est des gens de papier mais c'est aussi des gens de forêt. On a tous les jours à se battre contre ça, le sud américain. On se bat contre les Américains très adéquatement mais il ne faut pas... Peut-être que c'est à cause du dollar canadien là, mais on est très compétitifs avec les Américains, mais on n'est pas compétitifs avec l'Amérique du Sud, l'Asie et certains pays qui sont en train de faire des corrections dans leurs forêts.

Les chiffres qu'on vous a donnés là, ça vient tout bonnement prouver mathématiquement que c'est vrai, ce qu'on est en train de vous dire. Ce qui est malheureux, c'est qu'on a des régions puis des scieries qui sont déjà marginales au point de vue opération, surtout des scieries. Si on va les réduire, un petit peu tout le monde, tout le monde va mourir. Pas seulement qu'Abitibi, il va y en avoir d'autres. Il faut qu'on trouve un truc ? puis je n'ai pas la réponse ici ? il faut qu'on s'assoie ensemble pour trouver un truc pour faire nos secteurs protégés, faire de la foresterie durable puis maintenir certaines opérations très rentables. On est mieux d'en avoir moins, puis les avoir rentables, qu'avoir tout le monde qui meurt de faim tranquillement. Puis on n'aura pas d'investissement à la longue, puis on va finir avec des endroits qui vont être très désuets.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée.

Mme Normandeau: Mais ce que vous dites, à mon sens, c'est majeur. Là, vous nous parlez de gestion durable puis d'économie, il faut concilier les deux. J'aurais envie de vous poser une question pour trois morceaux de robot: Quelle est votre vision d'une foresterie durable, d'une gestion durable? Bien sûr, on a eu des groupes fauniques qui sont venus ici, parce que vous savez qu'on doit asseoir tout ce beau monde là au tour de la table, puis il va y avoir des coûts à ça. Alors, j'aimerais que vous puissiez nous livrer votre vision. Comment vous voyez ça chez vous, chez Abitibi Consolidated, une gestion durable de la forêt?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Monsieur.

Mme Normandeau: Vous nous avez dit tout à l'heure, M. Desbiens: On passe beaucoup de temps en forêt. J'imagine que vous passez beaucoup de temps aussi avec les autres intervenants. Quelle est votre vision des choses?

M. Desbiens (Michel): J'avais offert à M. Brassard d'ailleurs de venir avec moi une fois, mais il n'a pas eu le temps, et moi non plus d'ailleurs, on n'a pas été capables d'arranger...

M. Brassard: Mais je suis allé quand même.

M. Desbiens (Michel): Mais j'avais emmené M. Chevrette, puis j'en ai d'autres intéressés à voir la forêt. Il faut qu'on s'occupe de notre sylviculture proprement, il faut qu'on essaie de réduire, minimiser les impacts sur la forêt. Quelqu'un a parlé tantôt des multifonctionnels. Si vous venez chez nous, au Lac-Saint-Jean, c'est seulement que des multifonctionnels, protection de la régénération, laisser les petits arbres, faire attention. Seulement que la manière qu'on place nos arbres, c'est d'avoir ? on vous parlait d'ISO tantôt ? des méthodes pour minimiser et avoir une repousse le plus vite possible.

Ensuite de ça, on passe à d'autres aspects ? je ne suis pas ingénieur forestier ? on passe nos éclaircies précommerciales, on passe nos éclaircies commerciales, on fait la coupe sélective à certains endroits, mais il ne faut pas qu'on arrive puis qu'on applique les mêmes règlements partout. Ça ne s'applique pas. Où est-ce qu'il y a des pourvoiries, c'est sûr qu'il faut s'entendre avec les pourvoiries. Où est-ce qu'il y a des autochtones, c'est sûr qu'il faut s'entendre. Comme je le disais tantôt, en 1993 ? j'expliquais ça ? il voulait me faire construire un pont, M. Bouchard, sur une rivière, puis je ne voulais pas, puis je n'avais pas d'entente avec les Cris, de l'autre côté. On s'est entendu, on a fait une coupe, mais ça ne coûtait pas 0,50 du mètre cube, ça coûtait bien plus cher que ça. S'il fallait qu'on élargisse ça... C'est qu'il faut sélectionner.

Pour nous, ce qu'on voit, c'est une méthode assez rigide, avoir de la certification pour s'assurer... On peut en avoir, des méthodes, mais si personne ne les suit... Il faut que ça soit bien suivi, il faut qu'on aie une approche de la forêt pour qu'on pense... Moi, je pense à mon petit-fils, j'espère bien qu'il va pouvoir profiter de la forêt; je l'emmène à la pêche, d'ailleurs. Mais il faut qu'on ait des méthodes pour que la forêt subsiste. Elle est là, elle s'en vient; c'est un perfectionnement, c'est un rodage qu'il faut faire. Puis nous, c'est de même qu'on voit ça. Puis, en même temps, il faut penser à l'économie d'échelle.

J'ai déjà dit à quelqu'un: On est bien mieux de fermer une scierie complètement, puis s'entendre c'est qui qui ferme toute l'aire protégée là que d'en enlever un petit peu partout. Si on en enlève un petit peu partout, on va tous mourir à petit feu.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée.

Mme Normandeau: Il me reste deux minutes, recommandation 17. Puis là, évidemment, je fais un lien avec ce que vous venez d'affirmer. Vous soulignez dans le fond qu'on doit nécessairement identifier des indicateurs efficaces d'aménagement durable des forêts. Donc, on comprend finalement que le constat que vous avez fait c'est qu'il y a une absence d'indicateurs qui va nous permettre d'identifier l'objectif en termes d'aménagement durable. J'aimerais vous entendre un peu plus là-dessus.

M. Desbiens (Michel): Alors, on va demander ça à Francine.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, un peu plus tout en faisant rapidement, il reste à peu près une minute, Mme Dorion.

Mme Dorion (Francine): O.K. Une minute. En réponse à la question, actuellement, il existe certains indicateurs d'aménagement forestier durable, mais il n'y a pas nécessairement de vision commune en arrière de ça. Il y en a au ministère des Ressources naturelles, il y en a certaines au niveau de la faune. Donc, la recommandation qu'on fait: On a besoin au Québec, pour les besoins de marché, pour notre propre efficacité et l'évolution de nos pratiques, d'en arriver à des critères et indicateurs qui sont pertinents et efficaces au niveau de l'aménagement forestier durable. Ça répond, en une minute?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Extraordinaire, madame. Alors, M. le député de Dubuc, tout en vous rappelant qu'il reste deux minutes seulement à votre formation.

M. Côté (Dubuc): Il n'y aura pas de problème.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, très brièvement.

n(11 h 40)n

M. Côté (Dubuc): Merci, Mme la Présidente. Alors, madame, messieurs, bonjour. Je voudrais d'abord vous féliciter pour votre mémoire parce que c'est quand même un document qui est excessivement bien préparé, fouillé. Naturellement, il y a des choses qui sont très intéressantes.

Et, dans la poursuite de la discussion qu'on vient d'avoir avec mes collègues, vous savez que l'aménagement des forêts est de plus en plus complexe, on vient de parler de l'aménagement durable. Et, moi, je voudrais aller un petit peu plus loin, je voudrais vous parler d'une recommandation que vous faites dans votre rapport et parler de recherche forestière.

Vous dites, dans votre document, d'abord, que vous n'êtes pas partie à la gestion du Fonds forestier et que vous demandez au ministre de vous intégrer dans un comité pour justement permettre d'être un partenaire avec le ministère. Et vous dites que c'est 8 millions qui sont attribués par année sur les 50 millions que les industries donnent au Fonds forestier; 8 millions vont à la recherche forestière.

Si vous étiez amenés à participer à cette gestion du Fonds forestier, de quelle façon envisagez-vous cette recherche forestière? Est-ce que vous envisagez ça comme des partenariats avec le gouvernement ou si vous envisagez ça comme des mandats que pourrait vous attribuer le gouvernement pour des études en laboratoire ou des choses comme ça? J'aimerais peut-être vous entendre un petit peu sur ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, très rapidement, j'ai le rôle ingrat de faire respecter l'horaire. Je vous le dis, il vous reste à peine quelques secondes.

M. Desbiens (Michel): François, veux-tu répondre rapidement à ça?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Dumoulin.

M. Dumoulin (François): Bon, le dossier du Fonds forestier. Au départ, il faut savoir qu'il était prévu qu'il y ait une participation de l'industrie et du ministère et une contribution à parts égales dans le financement de ça. Les choses ont évolué et ça ne s'est pas produit comme voulu.

Mais, pour répondre à votre question, du côté de la recherche, si l'industrie était davantage impliquée à ce niveau-là, il y aurait probablement davantage d'opportunités de faire connaître les priorités et également de connaître les préoccupations des autres parties qui seraient présentes, certainement le gouvernement, et il y aurait peut-être d'autres parties également. Alors, ce serait une tribune qui permettrait de s'assurer vraiment que les fonds, autant ceux de l'industrie que ceux du gouvernement, sont le mieux utilisés en fonction des préoccupations de toutes les parties. C'est plus à ce niveau-là qu'on voit qu'il y a une opportunité du côté de la recherche.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, madame, messieurs, de votre présence à cette commission, de ces échanges qu'on a pu avoir ensemble. Je vais donc suspendre quelques instants pour permettre au prochain groupe de venir s'installer.

(Suspension de la séance à 11 h 43)

 

(Reprise à 11 h 44)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): La commission va donc reprendre ses travaux. Nous rencontrons donc à ce moment-ci la Coalition pour la gestion intégrée du bassin versant de la rivière Cascapédia. Je vous souhaite donc la bienvenue à cette commission.

Je voudrais vous rappeler tout d'abord que vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire. Remarquez que c'est un petit peu plus que les groupes précédents, compte tenu que vous êtes une coalition. Donc, vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire. Par la suite, évidemment, il y aura une période d'échanges tout aussi longue avec chacun des deux partis. Est-ce que la personne responsable, avant de faire la présentation, pourrait se présenter, nous présenter les personnes qui l'accompagnent et par la suite nous présenter son mémoire?

Coalition pour la gestion intégrée
du bassin versant de la rivière Cascapédia

M. Gauthier (Marc): Avec plaisir, Mme la Présidente. Mon nom est Marc Gauthier, directeur général de la Société Cascapédia, du personnel de la réserve faunique de la rivière du même nom. J'ai avec moi le chef John Martin, du conseil de bande de Gesgapegiag; j'ai avec moi aussi M. François Chapados, président du chapitre de Montréal pour la Fédération québécoise du saumon atlantique; j'ai aussi avec moi Pat Saint-Onge, le maire de Cascapédia-Saint-Jules, la municipalité qui borde la rivière; Marc-André Bernard aussi, notre biologiste, va s'occuper du niveau technique. Ça fait que je dis: Je vous remercie, Mme la Présidente, merci, M. le ministre, bonjour aussi à notre députée, Mme Normandeau.

J'aurais une demande à vous faire. Nous avons fait un vidéo l'été passé, qu'on aurait aimé vous présenter, mais, par contre, 15 minutes... Notre vidéo dure une vingtaine de minutes. C'est comme, j'imagine, trop serré. Mais on vous l'offre quand même, on voudrait le déposer officiellement, le vidéo. Si vous désirez le visionner, on aimerait bien le faire, mais, sinon, on vous le dépose officiellement puis...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Vous comprendrez qu'on a un choix à faire, à ce moment-ci. Mais, par ailleurs ? tout à l'heure, vous étiez peut-être présent dans la salle ? vous déposez donc cette pièce audiovisuelle. Est-ce que vous avez des copies ou vous en déposez une seule copie?

M. Gauthier (Marc): Oui, on a deux copies.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Deux copies. Alors, à ce moment-là, on pourra faire faire une reproduction pour chacun des membres de la commission. Votre dépôt est donc fait, puis les membres de la commission recevront une copie de cette cassette.

M. Gauthier (Marc): Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je vous cède donc la parole, monsieur.

M. Gauthier (Marc): O.K. Donc, juste pour vous donner quelques détails sur le vidéo que vous aurez peut-être la chance de visionner autrement, on avait eu l'honneur d'avoir M. Dansereau, Pierre Dansereau qui est pour nous le père de l'écologie au Québec. Il est venu voir, constater ces coupes forestières là et nous donner ses opinions là-dessus. Vous aurez donc le loisir de voir ça sur le vidéo. Le vidéo illustre abondamment les problèmes qu'on vit sur notre rivière. Donc, on peut voir des glissements de terrain sur les berges de la rivière qui sont dus, selon nous, à des coupes forestières, aussi des sédiments qui s'accumulent dans des frayères. C'est toutes des choses qui sont facilement visibles sur le vidéo, donc je vous invite à le visionner.

Pour ce qui est de notre présentation aujourd'hui, j'aimerais vous rappeler que la Coalition, c'est sûr qu'on est un groupe qui se préoccupe de l'environnement, mais, quand même, depuis trois ans qu'on a formé notre groupe, on a fait beaucoup de choses: on a fait le vidéo; on a préparé une conférence sur les impacts des coupes forestières et les rivières et le saumon l'automne dernier, où le ministère était massivement présent; on a aussi manifesté plus bruyamment notre désaccord envers les pratiques forestières qui avaient lieu sur notre rivière, ça a donné lieu à la présence d'un conciliateur, le ministre a dû nommer un conciliateur dans notre dossier. On rencontre aussi très régulièrement les industriels forestiers dans le cadre de nos revendications. Donc, il y a des plans quinquennaux qui sont déposés, on les rencontre, on leur donne nos sensibilités. Donc, ça, c'est un petit peu la Coalition.

Un autre rappel que j'aimerais faire, c'est, la rivière Cascapédia, qu'est-ce qu'elle est, cette rivière-là? Qu'est-ce qu'elle représente? C'est une des 10 meilleures rivières à saumon au monde. C'est peut-être le vaisseau amiral des rivières à saumon du Québec. Pourquoi? Parce qu'on a les plus gros saumons en Amérique du Nord. Ce n'est pas compliqué, on capture, à tous les ans, des saumons de 40 lbs et plus. N'essayez pas de retrouver ça ailleurs au Québec: 45 % de nos saumons sont des saumons qui passent trois ans en mer. C'est une richesse mondiale puis c'est votre patrimoine, au niveau québécois, soyez-en assurés.

Les impacts au niveau environnemental. Qu'est-ce qu'on vit chez nous? Qu'est-ce qu'on voit qui se passe sur notre rivière? On a, à cause des coupes forestières, des augmentations des débits de pointe. Il n'y a plus de forêt, donc le phénomène de rétention d'eau est vraiment atténué. On a des problèmes de débits de pointe. Qu'est-ce que ça occasionne, des débits de pointe augmentés? Ça occasionne l'accélération du processus de vieillissement de notre rivière: notre rivière s'élargit. Ça occasionne des problèmes de sédiment: nos frayères sont colmatées en partie. Aussi, la rivière s'élargissant, il y a des pertes de fosses; les fosses sont comblées. Ultimement, ça donne quoi aussi? Bien, si la rivière s'élargit, ça veut donc dire qu'il y a de l'érosion des berges. Ça, c'est en rafale les impacts environnementaux qu'on vit puis qu'on peut voir chez nous.

n(11 h 50)n

Quelques mots sur notre vécu avec les industriels. Comme je disais tantôt, on les rencontre lors de leur dépôt de leurs plans quinquennaux. On prend connaissance des plans puis des choses qu'ils veulent faire pour les cinq prochaines années. Qu'est-ce qu'on leur dit, à ces gens-là, quand on les rencontre? Je vous en fais un bref, bref résumé. Nos préoccupations, nous, c'est au niveau du régime hydrique: la bande riveraine, le long des rivières à saumon, qui est présentement de 60 m, est définitivement trop mince, on demande 200 m. Les bandes riveraines aussi le long des ruisseaux permanents et intermittents, ça laisse à désirer. Au niveau d'un ruisseau intermittent, les industriels peuvent récolter toute la forêt; il n'y a pas de bande de protection. Au niveau des ruisseaux permanents, c'est 20 m. Dans plusieurs cas, c'est insuffisant. En tout cas, chez nous, on l'a vécu sévèrement.

Les terrains humides ? dans votre jargon, les terrains de drainage de classe IV et V ? qui doivent être récoltés en coupes d'hiver, ne sont pas toujours respectés; c'est l'assèchement de nos rivières. Ces terrains-là sont une éponge qui nous redonne l'eau l'été et on est en train de les perdre, chez nous.

La notion de «gestion par bassin versant» est importante aussi. Quand on rencontre les industriels, on leur dit: Nous, ce dont on a besoin ? puis il y a une large littérature qui le prouve ? c'est que vous ne coupiez pas plus que 31 %, 33 % du bassin versant. Pourquoi? Si vous respectez ces niveaux-là de coupe, nous, on a des impacts légers sur notre régime hydrique. Au-delà de 50 %, on a des impacts très forts, majeurs et, sur une rivière à saumon de notre envergure, on n'en veut pas.

On s'informe toujours des coupes par téléphérage, dans les pentes fortes, ça peut nous causer préjudice. On tient à avoir l'information.

Au niveau de la planification, c'est sûr que des coupes par mosaïque, avec des maximums de 25 ha, c'est ce qu'on demande à ces gens-là de faire. Il n'y a pas, au niveau de la loi ou du RNI, d'obligation dans ce sens-là, mais on met beaucoup de pression sur ces gens-là puis, à date, on est parvenu, dans plusieurs des cas, à s'entendre.

L'aspect visuel: on a une des meilleures rivières à saumon. On a la route 299, une route provinciale qui traverse la Gaspésie de part en part, une des plus belles routes, à mon sens, au Québec, qui traverse le mont Albert et les monts Chic-Chocs, une très belle route, donc l'aspect visuel. Si l'industriel veut aller couper dans cette bande-là ? en tout cas, il y a une zone protégée dans ce sens-là ? mais, même aux abords de ça, on leur dit: Faites attention, on va se consulter, on va aller faire du terrain puis on va aller voir si on voit vos coupes de cette route-là ou de notre rivière. Il n'y a pas de protection au niveau de la loi du RNI là-dessus. Mais, en tout cas, ils subissent nos pressions.

Au niveau de la machinerie. Beaucoup d'intervenants ont passé avant nous puis ils ont parlé des multifonctionnels puis des porteurs à haute flottabilité. Bien, nous, c'est ce qu'on veut. On ne l'a pas obtenu encore à 100 % dans notre bassin, mais on espère que, d'ici deux ans, ça va être chose faite. Ce que ces machines-là font pour nous, bien, elles laissent les branches en forêt. Ça nous aide à garder l'humidité dans les sols. S'ils pouvaient laisser quelques arbres, ça nous donnerait de l'ombre, en plus, puis on aurait moins de problèmes au niveau du régime hydrique.

La voirie forestière. En tout cas, il n'y a pas si longtemps ? il y a même pas très longtemps du tout ? les gens ne se préoccupaient pas de la traverse de cours d'eau. Ils traversaient allègrement, abondamment. Maintenant, il y a une tangente qui se développe, on essaie de ne pas traverser les cours d'eau, puis vraiment ils subissent nos pressions là-dessus aussi. Moins ils traversent de cours d'eau, mieux on se porte; puis ça leur coûte moins cher d'ailleurs aussi, ils n'ont pas de calvette à installer, de ponceaux et tout ça.

La consultation. En tout cas, on les rencontre. On est dans un processus comme ça.

Autre préoccupation qu'on a: la formation. La formation du personnel des industriels forestiers, quant à moi, au niveau gouvernemental, laisse beaucoup à désirer. Puis je vais même jeter une pierre dans la marre: même au niveau du MRN, il y a des gens qui ont des croûtes à manger puis je vais l'expliquer. Au niveau de la formation, si je reviens là-dessus, peut-être une avenue serait la certification environnementale où il y a des contrôles de qualité, oui, mais il y aurait aussi une formation obligatoire au personnel de ces gens-là.

Le futur de la vente de bois, je pense, passe par la certification. Puis, si je peux me permettre, si jamais on a des pressions à faire puis qu'on n'est pas entendus, on va s'attaquer aux marchés de certaines gens qui n'ont pas de bonnes pratiques forestières sur notre rivière. De toute façon, un jour, tout le monde va être certifié, puis parmi les six industriels qu'on a chez nous, il y en a un qui l'est déjà, certifié, puis on encourage ca.

Pour ce qui est du ministère, comme je disais tantôt, entre deux régions administratives, parfois, ils ne s'entendent même pas sur les pratiques forestières à mettre de l'avant. Au niveau Gaspésie, il y a des belles choses qui ont été développées, un guide de saines pratiques qui n'a pas force de loi mais qui est généralement accepté par les industriels, puis on en est bien contents, c'est un bon coup. Mais on traverse la ligne administrative, on tombe dans la région Bas-Saint-Laurent puis, eux autres, se gargarisent, se paient vraiment la tête des pauvres gens de la Gaspésie qui essaient de faire de leur mieux. Donc, ça, c'est une situation inacceptable, selon moi.

D'ailleurs, il y a des gens, au ministère, qui ne font pas leur travail. Juste pour donner un exemple de ce type-là, il y a un ponceau qui est installé sur un de mes tributaires, le ruisseau de l'Échouement, qui se jette dans la branche du lac. Il y a des ponceaux qui sont à la tête de cette rivière-là qui, en trois ans, ont détourné la route. Le ponceau ne fait pas son travail, se bloque, la rivière est détournée, vient couper le chemin à côté puis emporte des milliers de tonnes de sédiments vers la rivière. Donc, ça fait déjà un an et demi qu'on signale la problématique. En trois ans, ça fait deux fois que la rivière est détournée, puis il n'y a rien qui se passe.

Tout ça pour dire aussi que j'avais assisté, à Chicoutimi, à une présentation, par le ministère, sur le RNI, puis à une présentation aussi de l'Association des manufacturiers de bois de sciage. Tous les beaux termes, les termes environnementaux qui sont dans la loi sont dans le RNI. Cherchez-les: «développement durable...» En tout cas, ils sont tous là. Mais, quand tu arrives sur le terrain, ce n'est pas évident, ça ne se reflète pas. Donc, c'est ce dont on parle quand on rencontre les industriels.

Parce que, c'est beau de dire les choses qui ne vont pas bien mais il y a quand même aussi des choses qui vont bien. Le ministère est venu chez nous, a fait un diagnostic de la situation et a posé les problèmes, il a aussi posé les solutions. On est venu après ça avec un volet 2 puis on a commencé à réparer les problèmes de route sur la branche du lac. Ça, on en remercie le ministère. Il y a aussi le Guide des saines pratiques forestières qu'on apprécie beaucoup, qui est appliqué présentement juste en Gaspésie. Un autre truc qu'on a gagné, c'est la gestion par bassin versant. En tout cas, sur notre rivière, le ministère a découpé notre bassin versant en sous-bassins, puis c'est un début d'approche pour gérer l'eau par bassin versant. Ça, c'est un très bon coup de votre part.

Je terminerais. Aussi, même si la loi est changée, il y a des choses à étudier, il y a des choses à faire évoluer. On avait déjà parlé avec vous, M. le ministre, d'études qui seraient faites sur la rivière, à la branche au saumon, avec le groupe CIRSA, le Centre de recherche interuniversitaire sur le saumon atlantique, pour déterminer, comme on revendique, nous, de ne pas couper plus de 33 % des bassins versants. Bien, est-ce que c'est 33 %? Parce que nous, c'est comme un ordre de grandeur qu'on vous soumet. Est-ce que c'est 33 %? Est-ce que ça devrait être 40 %? Je pense qu'il y aurait des recherches qui pourraient être faites dans ce sens-là avec une équipe pluridisciplinaire. Puis, si on pouvait bénéficier d'aide de votre part, du Fonds forestier, bien, je pense que ça pourrait cheminer. Puis ça va très bien, de toute façon, la collaboration entre le CIRSA et votre ministère, c'est un dossier qui chemine bien.

Je céderais la parole... On pourrait visionner quelques photos qui illustrent les problèmes qu'on vit, Marc-André. Ça, c'est notre... Si vous voulez regarder l'écran, baisser la lumière.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Martin, on a une difficulté ici... M. Gauthier, pardon. M. Martin, excusez-moi. C'est qu'il y a une difficulté, en fait, c'est qu'on ne peut pas baisser vraiment les lumières à cause des appareils de télévision, si on veut, là, des caméras. À ce moment-ci, c'est toujours un petit peu plus compliqué, pour ce genre d'équipement là. Maintenant, on peut quand même regarder. Je voudrais cependant vous rappeler qu'il reste à peu près trois minutes à votre présentation.

M. Gauthier (Marc): Trois minutes?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Sur les 15 qui vous étaient consacrées.

(Consultation)

M. Gauthier (Marc): C'est dur de travailler dans ces conditions. Je laisse tomber mes photos puis je cède la parole à Me Chapados.

M. Chapados (François): Alors, écoutez, ça va être en rafale parce que, dans trois minutes, on ne peut pas dire grand-chose, Mme la Présidente. Mais en tout cas. Dans le mémoire qu'on vous propose, vous avez une annexe d'ordre technique qui vous est présentée. Si vous remarquez, on propose certains amendements à l'article 3 de la loi, où on propose évidemment de définir les activités d'aménagement comme comprenant l'implantation planifiée, la surveillance, l'entretien et la réparation. Vous n'avez pas ça? Vous n'avez pas le... Bien, je regrette que vous ne l'ayez pas.

n(12 heures)n

Mais, de toute façon, ce qui nous apparaît important, lorsqu'on parle d'implantation planifiée des infrastructures, c'est que dans le mémoire que vous avez devant vous, on cite deux exemples. Premièrement, un exemple où, à un moment donné, un ruisseau qui sert de frayère pour le saumon est traversé à six ou sept reprises en dedans de 2 km. Et, dans un autre, on mentionne également que sur 160 km² ? un terrain qui a été vérifié ? il y a au-delà de 370 km de route. Alors, la question qui se pose: Est-ce que, à ce moment-là, les infrastructures en question, que ce soit en termes de traverses de ruisseau ou encore en termes de routes, ça a été planifié? D'où la définition d'«implantation planifiée».

La surveillance n'apparaît pas actuellement dans la loi. On peut toujours prétendre que, lorsqu'on parle d'implantation et d'entretien, ça présuppose la surveillance. Mais, encore là, la réalité vécue démontre que la surveillance laisse fort à désirer, d'où, je pense, le législateur doit préciser son intention à ce niveau-là, et également l'entretien et la réparation des infrastructures, parce que la notion de réparation implique nécessairement un appareil qui est brisé, qui est endommagé, et ainsi de suite. Donc, on pense, nous, que ces précisions-là sont nécessaires à l'article 3.

Deuxièmement, nous vous proposons également de relire à l'annexe technique ? en temps opportun, on en remettra une copie tout à l'heure au ministre ? nous proposons que le gouvernement se donne des instruments et des instruments qui sont très importants d'après nous, des instruments réglementaires.

On comprend parfaitement lorsque le ministre dit: On ne veut pas intervenir dans la loi mur à mur, des règles générales sont difficiles d'application, et ainsi de suite. Mais, au niveau réglementaire, on propose deux choses: que, dans le cas d'une rivière à saumons désignée par le ministre responsable de la Faune et des Parcs, le ministre puisse prescrire la coupe en mosaïque et prescrire également quant à la surface maximale de coupe les cas où celle-ci ne peut excéder 33 1/3 % et, quant à la superficie maximale des parterres, les cas où celui-ci ne peut dépasser 25 hectares.

En d'autres mots, ce qu'il importe de retenir à ce moment-ci, c'est que, nous, il nous apparaîtrait important que le gouvernement se donne des instruments d'intervention. Et, comme c'est à usage ministériel, on se dit: C'est un instrument qui ne prêtera pas à démagogie. Deuxièmement, et je termine là-dessus...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...pouvoir poursuivre...

M. Chapados (François): À l'occasion des questions. Deuxièmement, on propose la même chose au niveau de l'utilisation de certains appareils: que le ministre puisse intervenir, imposer des normes ou prohiber certains appareillages qui actuellement ont cours. Et encore là c'est un instrument réglementaire à l'usage du ministre. On prend pour acquis que le ministre va en faire un usage judicieux, mais il doit se donner des instruments. C'est ce que nous soumettons, et je termine là-dessus.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Désolée, mais je suis obligée de vous arrêter.

M. Chapados (François): Et lors des réponses...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous remercie. Vous allez pourvoir poursuivre.

M. Chapados (François): Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je cède donc la parole à M. le ministre.

M. Brassard: Oui. Merci beaucoup, M. Martin, M. St-Onge, M. Gauthier, M. Chapados de votre participation et de votre contribution également aux travaux de cette commission. On a eu l'occasion de se rencontrer. J'ai été appelé à prendre conscience des difficultés que vous avez rencontrées, les problèmes que vous avez vécus avec des bénéficiaires de contrats d'aménagement dans le bassin de votre rivière à saumons, la rivière Cascapédia.

Je pense qu'ensemble aussi, on a contribué à améliorer les choses; le travail d'un médiateur a quand même porté fruit. Il y a aussi des travaux correctifs qui ont été faits pour ce qui est du passé. Pour ce qui est de l'avenir, je pense aussi maintenant que les bénéficiaires de CAF sont certainement plus sensibles à ce qu'il ne faut pas faire, particulièrement dans un territoire traversé par une rivière à saumons.

Je pense que le problème que vous avez vécu, s'il y a un fruit intéressant de cette expérience vécue, c'est qu'on a tous pris conscience, tous les intervenants, le ministère inclus, mais aussi ceux... les intervenants qui font de la récolte sur un territoire comme le vôtre que, quand il y a une rivière à saumons aussi importante que la vôtre ? mais je pense que ça peut s'appliquer aussi partout là où il y a des rivières à saumons ? il faut recourir à des façons de faire qui soient différentes et qui prennent en compte cette réalité. Je pense que, en tout cas là, il y a une prise de conscience qui est très claire, et ça constitue, je pense, un progrès. Il faut convenir que ça constitue un net progrès.

Maintenant, moi, ce que je retiens de votre mémoire, c'est que, s'il y a un cas ou un dossier où la gestion intégrée des ressources doit s'appliquer pleinement, c'est un cas comme le vôtre, c'est un dossier comme le vôtre, et c'est dans cette perspective-là qu'on veut s'engager.

Je voudrais signaler qu'il y a peut-être une confusion ou un malentendu quant à la participation ou l'implication des intervenants dans le processus d'élaboration des plans généraux et des plans quinquennaux d'aménagement forestier. Actuellement, cette consultation se fait en aval, une fois que le plan est fait. Ce qu'on veut, par le projet de loi, c'est de faire en sorte qu'un certain nombre d'intervenants ? et, dans votre cas, vous seriez pleinement concernés ? soient impliqués dès le début et que ces intervenants adoptent une démarche de gestion intégrée des ressources. C'est ça qu'on souhaite, c'est ça qu'on veut dans le projet de loi, et je pense que votre expérience sera extrêmement utile.

Alors, je ne sais pas s'il y a un malentendu, mais je pense qu'il faut le dissiper. Le projet de loi change beaucoup les choses par rapport à ce qui se fait présentement, c'est-à-dire qu'à ce moment-là votre organisation serait impliquée dès le départ du processus d'élaboration et que la démarche retenue en serait une de gestion intégrée des ressources.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Gauthier.

M. Gauthier (Marc): Il y avait un point qui nous chicotait beaucoup dans le projet de loi, c'était le mot «invitation», donc on serait «invité». Pour nous, ça voulait dire qu'on ne pourrait peut-être pas nécessairement être là, être présents à ces consultations-là. Je ne sais pas si François peut imager ça à l'aide de notre document technique...

M. Chapados (François): Bien, à l'aide du document technique justement on en parle. Et c'est assez drôle parce que, tout à l'heure, M. Chevallier s'est plaint un peu du caractère limitatif des gens qui étaient consultés. Si vous allez à la page 6 du document d'ordre technique, à la toute fin... Évidemment, afin d'être en mesure... Le libellé introductif de 54 ne change pas, mais à la toute fin, en plus du listing qui est là, les municipalités, on ajoute: «Toute personne ou organisme qui, en vertu des dispositions de l'article 58.2 de la loi a déclaré son intérêt dans le plan.» Donc, ça ouvre un peu le listing des gens qui peuvent être consultés. Et à compter du moment où une personne déclare son intérêt, ça peut être... Bien, à ce moment-là, elle doit être consultée.

Et, si vous allez à la page 7, ce qu'on ajoute également, justement pour que le ministère ait un éclairage plus direct, c'est qu'on propose d'amender 55, en ajoutant: «S'il y a divergence, le bénéficiaire doit également préciser des mesures d'atténuation ou de compensation qu'il propose.» Pourquoi on dit ça? C'est parce que, évidemment, le bénéficiaire dans son rapport fait état de ses commentaires puis du suivi qu'il entend donner à ça, mais encore là c'est général. Si on l'oblige par loi à dire: Monsieur, s'il y a des points de divergence sérieux, un, vous allez les indiquer et vous allez préciser les mesures d'atténuation ou de compensation qu'il propose, ça complète le dossier du ministère. Et, comme on est au niveau des mesures proposées, ça permet au ministère aussi de porter un jugement sur le sérieux des mesures qui sont avancées. Parce que, pour le bénéficiaire, évidemment, si on dit: Précisez les mesures d'atténuation ou de compensation, tout de suite ça a un impact financier pour lui, mais ça va également permettre, alors il y réfléchira, à l'étude de son rapport, de dire: Ce bénéficiaire-là est sérieux, il propose des mesures d'atténuation qui sont raisonnables, et ainsi de suite. Donc, ça vise non seulement à améliorer la consultation, mais à bonifier le dossier sur lequel le ministère va se pencher.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre.

n(12 h 10)n

M. Brassard: Oui, je comprends, mais je veux simplement encore une fois être bien clair. Il y a dans la loi une obligation. Évidemment, on utilise le verbe «inviter», mais il y a aussi le verbe «doivent», «doivent inviter». Donc, ils sont tenus d'inviter les organismes tels qu'on les retrouve à l'article 54. Donc, il y a une obligation. Et c'est plus qu'une consultation, «inviter à participer à la préparation du plan général». Donc, il y a vraiment là une implication dans la préparation et dans l'élaboration du plan, alors qu'actuellement la loi parle de consultation et de consultation en aval, une fois que le plan est fait. Vous comprenez? Alors, on va regarder très attentivement cependant les suggestions que vous faites et vos remarques, mais je voulais quand même que ce soit clair. Il y aura un caractère obligatoire pour un certain nombre d'intervenants de participer réellement à l'élaboration du plan, et je pense que, là, ça m'apparaît un net progrès. Et, dans votre cas, c'est clair que ça doit se faire sur la base d'une démarche de gestion intégrée des ressources. Ceci étant dit, je pense que l'objet de recherche... Il y a une recherche scientifique qui doit être faite pour vraiment bien savoir: Est-ce que c'est 33 %, ou est-ce que c'est 35 %, ou est-ce que c'est 30 %? Vous comprenez? Je pense que ça, avec CIRSA, il faudra que, dans son mandat, ça puisse apparaître parce que c'est un élément important, qu'on puisse être sûr ou donner des fondements scientifiques solides au pourcentage au-delà duquel on court des risques d'aller.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gauthier.

M. Gauthier (Marc): ...c'est un ordre de grandeur qu'on vous propose, là.

M. Brassard: Oui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Me Chapados.

M. Chapados (François): La remarque que je voudrais faire, vous avez parfaitement raison M. le ministre là-dessus, si vous allez à la page 5 de votre document, le vingtièmement en haut, nous, on s'est dit ceci. On prévoyait cet argument-là, puis il est fondé, puis il est raisonnable à 150 %. D'un autre côté, il y a aussi des précédents qui ont été créés par le gouvernement au niveau de la réserve Baldwin, par exemple, où on parle, ce sont des chiffres qui proviennent de ces précédents-là qui ont été créés, et on s'est dit: Si on préconise pour le moment l'introduction d'un instrument réglementaire ? c'est ce qu'on vous propose dans le texte ? bien on va essayer de s'inspirer de ça pour le moment, parce que c'est vrai que CIRSA va se pencher, c'est vrai que CIRSA va étudier, c'est vrai qu'il peut y avoir... Est-ce que c'est 25, est-ce que c'est 20, est-ce que c'est 30? Mais entre-temps, est-ce que ça ne serait pas bon d'avoir certaines balises, qui nous apparaissent raisonnables, puisque c'est le gouvernement, puis il y a déjà eu des précédents dans ce sens-là, à compter du moment où on est convaincu qu'une rivière à saumons, c'est quelque chose de très spécial, et on parle en termes de sous-bassins? Et encore une fois là-dessus, c'est laissé à l'entière discrétion du ministre, la proposition qu'on vous fait. Le ministre peut dans un sous-bassin, etc., prescrire telles choses.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Chapados. Avant de passer la parole à ma collègue de Bonaventure, je veux seulement vous rassurer. L'annexe que vous aviez fait parvenir au secrétariat, à laquelle vous faisiez référence tout à l'heure, a effectivement été envoyée dans les bureaux des députés, et je pense que certains l'ont déjà reçu d'ailleurs. En fait, ça fait déjà quelques jours. Alors effectivement, on l'avait déjà, mais, pour plus de garantie, en fait on l'a redistribuée. Alors, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. M. Gauthier, M. Martin, M. Chapados, M. Saint-Onge, M. Bernard, bonjour. Bienvenue à cette commission. Ça me fait plaisir de vous recevoir parce qu'évidemment la rivière Cascapédia est située dans mon comté, dans le beau comté de Bonaventure. Il y a plusieurs éléments qui ressortent dans votre mémoire, mais je pense que ce qui est important de préciser dans un premier temps, c'est que les recommandations que vous formulez s'appuient sur une expérience qui a été vécue. Et je pense que ça ajoute de la crédibilité bien sûr aux recommandations que vous faites, parce que dans le fond vous vous appuyez sur une expérience ou des expériences qui sont, je vous dirais, pas très roses dans le contexte actuel. Et, dans ce sens-là, c'est important parce que dans le fond vous n'arrivez pas avec des recommandations que vous sortez d'un chapeau là et qui s'appuient bien sûr à la réalité propre de la rivière Cascapédia.

Mais, avant de vous poser des questions sur les recommandations comme telles du mémoire, il serait peut-être intéressant d'entendre le chef du conseil de bande de Gesgapegiag et également le maire de la municipalité de Cascapédia, M. Saint-Onge, nous dire tout le potentiel économique que représente la rivière Cascapédia. Au-delà du fait que c'est une rivière magnifique, il y a des emplois qui sont liés à ça. J'aimerais peut-être vous entendre là-dessus, parce qu'il y a des enjeux non seulement qui se dessinent pour la préservation de la ressource saumon, mais il y a des enjeux aussi sur le plan de l'emploi, sur le plan économique, sur le plan social. Alors, je ne sais pas si vous avez le goût...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Saint-Onge.

M. Saint-Onge (Pat): Merci. Oui, sur l'économie de la région, la rivière Cascapédia, comme on dit dans notre langage, c'est notre industrie, c'est l'industrie de notre municipalité. Notre municipalité, c'est une municipalité qui consiste à à peu près 675 personnes, puis la rivière produit 130 jobs directes. Ça fait que c'est un gros pourcentage quand on compare avec le montant d'habitants qu'on a.

On va dire que c'est des jobs saisonniers. Oui, c'est des jobs saisonniers, mais c'est des jobs stables, c'est des jobs qu'on peut compter dessus d'une année à l'autre. Ça fait que ça permet à nos jeunes de planifier leur vie alentour de cette rivière-là, de se construire des maisons, puis d'élever leur famille, en d'autres mots de garder leur région en vie. C'est des emplois qui rapportent à peu près... au-dessus de 3 millions de dollars par année. Puis on pourrait dire que, dans ces 3 millions de dollars par année là, il y a un gros, gros pourcentage de l'argent qui s'en vient de l'extérieur. Ça fait que, quand on dit que ça s'en vient de l'extérieur, c'est de l'argent nouveau, ça fait qu'on l'aime bien.

Aussi, en terminant, je voudrais tout simplement dire qu'on espère que vous allez prendre nos recommandations ou nos demandes très, très au sérieux, comme vous les avez déjà prises dans le passé, parce que, nous, notre manière de vivre dans cette région-là, on l'aime beaucoup, puis je suis convaincu que, si vous veniez passer un séjour avec nous autres, vous comprendriez pourquoi on l'aime. Ça fait que, oui, ça a un gros impact sur l'économie, puis on demande votre support. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Saint-Onge. M. Martin.

M. Martin (John): Bonjour. Concernant notre communauté et les impacts forestiers sur la rivière, les impacts que ça a sur notre communauté et notre économie, on s'est impliqué il y a trois ans avec la communauté de Saint-Jules et Cascapédia parce que, en fin de compte, comme vous dites, Mme Normandeau, il y a une expérience qu'on a vécue, ce qui était vraiment ce qu'on appelle, nous, la mort de la branche du lac... «the lake branch». Le saumon, par rapport aux coupes forestières, ne pouvait plus frayer dans cette branche-là.

Par contre, si on regarde l'estuaire de notre communauté, l'estuaire a changé de caractère très sérieusement sur une période de très courte durée, sur environ 25 à 30 ans, où l'estuaire, c'était quand même un bon gravier qu'il y avait là. Je me souviens, comme garçon, qu'on allait se baigner là, puis il y avait une bonne profondeur et du gravier. Aujourd'hui, il y a plusieurs pieds de boue qui s'est ramassée là due aux façons de couper.

L'impact que ça a eu pour notre pêche, au niveau de la communauté, fait que la rivière et l'estuaire, d'un côté, tous les canaux où le saumon s'acheminait sont en train de se fermer. Et ça, ça se poursuit encore tranquillement pas vite, mais, si on regarde sur un échelon de temps beaucoup plus long, on trouve que ça a fait avancer les choses quand même assez vite.

C'est important de prendre des mesures pour protéger la rivière à saumon, parce que, en termes d'emplois directement sur la rivière, avec la Société, ça représente 31 emplois pour notre communauté. Donc, pour une petite communauté comme la nôtre qui dépend des emplois saisonniers, c'est des chiffres très importants. Je sais que ça paraît très minuscule quand on vient d'entendre Abitibi-Price qui parle des milliers d'emplois et des pourcentages, mais, quand même, nos communautés en dépendent, de cette rivière-là.

On a besoin aussi de protection des rivières et des forêts pour être capables, nous, dans notre cas, de l'entente qu'on a signée avec le ministère des Ressources naturelles et le gouvernement du Québec pour le développement sur le lac Sainte-Anne-Baldwin. Encore là, on regarde les emplois. Des emplois, présentement, il y en a 22 qui sont générés, le résultat de cette entente-cadre là, et on vise à en développer 60. Il y a une autre rivière à côté, la Petite Cascapédia, qui passe à travers de ce territoire aussi, où on a planifié un certain développement pour l'emploi de notre communauté.

Donc, les propos sont très significatifs pour nous, et la protection des eaux, et la bordure des rivières, et la façon de coupe, c'est quelque chose qui est très important, qu'on tient beaucoup à coeur dans nos communautés.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Martin. Mme la députée de Bonaventure.

n(12 h 20)n

Mme Normandeau: Oui. Merci, Mme la Présidente. Un élément qui ressort de votre mémoire, c'est la régionalisation dans les interventions, c'est-à-dire qu'on ait des interventions qui soient adaptées à la réalité de chacun des territoires. Ce que vous dites dans le fond, c'est que le RNI a des failles, et la preuve, c'est que l'industrie, elle a beau respecter le RNI, mais dans les faits ça se traduit par... et puis l'expérience de la Cascapédia est assez éloquente à ce niveau-là, on a beau respecter le RNI, mais dans les faits ça pose des problèmes.

J'aimerais peut-être savoir où est-ce que vous êtes rendu dans votre travail avec... Peut-être que M. Gauthier pourrait nous répondre. Comment ça va actuellement suite justement à la nomination du conciliateur, et tout ça? Est-ce que ça chemine bien? Est-ce que vous réussissez à vous entendre? Est-ce que les interventions qui ont été faites donnent des résultats dans le fond pour la protection de la ressource saumon? Comment ça va?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gauthier.

M. Gauthier (Marc): Je dois vous dire que c'est une réponse mitigée que je vais vous donner.

Je vais commencer par le beau côté. Je viens de faire une visite la semaine dernière avec le Groupe GDS, avec lequel on n'a pas toujours des bonnes, bonnes relations, mais j'ai été agréablement surpris. Puis, par déformation professionnelle, je cherchais les choses qui n'allaient pas bien, mais malheureusement je n'en ai pas trouvé.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gauthier (Marc): Puis à la fin de la rencontre j'ai été obligé de dire à ces gens-là: Bravo! Ce que vous faites, c'est bien.

Mais, parallèlement à ça ? ça, c'est le beau côté ? je m'en vais dans un autre CAAF, dans un autre territoire, puis j'avais force photos à vous présenter où alors ça ne va vraiment pas, mais pas du tout: des ponceaux à la tonne mal installés, des sédiments qui circulent. C'est un désastre.

Donc, j'ai des bonnes choses qui arrivent dans mon bassin versant, mais aussi des très mauvaises choses, puis ça la semaine dernière ou il y a deux semaines passées, c'est encore un sérieux problèmes. Donc, je suis mitigé dans ma réponse. Oui, ça va bien à certains endroits, mais à d'autres endroits, c'est encore l'alerte rouge.

Mme Normandeau: Pour éviter ça, vous proposez un certain nombre de recommandations dans votre mémoire, mais plus concrètement, puisque, là, le ministre nous disait: S'il y a un territoire ou la gestion intégrée des ressources est nécessaire et vitale, c'est bien le territoire de la rivière Cascapédia, comment on aurait pu dans le fond éviter ce problème-là? Ou comment on pourrait corriger le tir dans le contexte actuel?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gauthier.

M. Gauthier (Marc): Dans le contexte actuel, il y a peut-être un manque au niveau du suivi terrain, des opérations. Le ministère a dû couper par le passé ses effectifs, possiblement pour des raisons financières, mais on ne surveille que 10 % des travaux qui sont faits en forêt, puis à mon sens, c'est insuffisant.

Comme je disais aussi: Certains membres du personnel du ministère, certains sont touchés par l'environnement ou la faune aquatique, mais d'autres s'en contrefoutent puis ils vont plus main dans la main avec l'industriel. Donc, il y a un petit rattrapage, un petit nivelage à faire dans ce sens-là: formation de personnel, suivi, contrôle sur le terrain. Oui, dans le RNI, les beaux thèmes sont là, mais non sur le terrain ça ne se passe pas comme vous pensez que ça devrait se passer.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Avez-vous d'autres questions, Mme la députée?

Mme Normandeau: À moins que vous vouliez aller par alternance, j'aurais peut-être une dernière question.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, bien... est-ce que le ministre veut...

Une voix: Non, non, c'est beau.

Mme Normandeau: À la page 11 de votre mémoire, vous faites référence au suivi de la voirie forestière et des infrastructures. Ça aussi évidemment, c'est un élément extrêmement important, parce que l'expérience vécue chez vous fait en sorte que, s'il y a des ponceaux qui sont mal installés, s'il y a des routes qui sont mal construites, bon à part de sédiments dans la rivière, et tout ça, qui causent un préjudice important à la ressource... puis vous nous dites qu'il n'y a rien qui apparaît dans la mise à jour qui a été déposée. Plus concrètement, comment tout ça pourrait se traduire, le contrôle qui est fait? Parce que, dans le fond, quand un industriel a à faire une intervention sur le terrain, sur un parterre de coupe x, évidemment, c'est lui qui a la responsabilité de construire le chemin, mais, s'il est 30 ans sans retourner sur son parterre de coupe, est-ce que vous dites, dans votre proposition: Bien, l'industriel devrait continuer d'entretenir cette route-là, même s'il est 30 ans sans y aller? Comment vous voyez ça?

M. Gauthier (Marc): On va plus loin que ça. Je vais laisser M. Chapados répondre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gauthier.

M. Gauthier (Marc): On a, à notre annexe technique, un article de loi qui en parle.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Chapados.

M. Chapados (François): Écoutez, ça présuppose évidemment la vigilance des gens du milieu, parce que, là aussi... les gens veulent être consultés, mais il faut qu'ils soient responsables aussi. Et, si la population est responsable puis elle est éveillée à la conservation et à la protection de l'environnement, bien ça va permettre à ce moment-là certaines actions.

Comme départ, parce que, si la population veut être consultée, il faut quand même que les activités d'aménagement, ce soit clair là-dessus. Et, dans le texte que vous avez, à la page 2, le dernier paragraphe en bas, il y a notre proposition de définition sur les activités d'aménagement dont je vous parlais tout à l'heure. Et, au niveau d'implantation, c'est l'implantation planifiée des infrastructures, savoir, dans tel territoire donné: vous entendez faire combien de routes puis où, et ainsi de suite, et que ce soit clair. Puis évidemment on introduit une notion de surveillance puis de réparation, et ainsi de suite. Mais, comme point de départ, c'est ça. Reste à la population, par exemple, au niveau des consultations, de faire valoir son point de vue là-dessus.

Parce qu'il y a des choses qui relèvent du simple bon sens. Dans le mémoire, quand on parlait tout à l'heure, puis je répète ça, un ruisseau qui sert de frayère à saumon qui est traversé six ou sept fois en dedans de 2 km, c'est aberrant. Pas besoin d'être ingénieur forestier. Ça a ni queue ni tête, et je pense que, si les gens sont au fait de ça, sont informés de leurs droits, etc., ils les feront valoir lors de la consultation. Mais d'un autre côté, si les gens s'en désintéressent, bien là qu'ils se prennent en main.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Gauthier?

M. Gauthier (Marc): Il y avait la notion de ne pas être imputable pour les dommages dans les routes puis le...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Chapados.

M. Chapados (François): Ah oui! Ça, on insiste d'autant plus là-dessus dans notre mémoire qu'on vous le dit, c'est un peu... c'est une compensation modeste. C'est ce qu'on dit dans notre texte.

Parce que, quand même, l'article 35 de la loi, il est gros. Quand on dit qu'une personne ne peut pas poursuivre en dommages et intérêts par suite de dommages causés par une défectuosité quelconque au niveau du réseau routier forestier, on le comprend, ça. Mais il reste que, en termes de droit, c'est une disposition complètement d'exception, bon. D'où, à ce moment-là, on dit: Si tel est le cas, il s'impose que le législateur soit très précis au niveau de ce qu'il veut avoir en termes, par exemple, d'aménagement, d'infrastructures, d'implantation planifiée, et ainsi de suite. Alors, on relie les deux choses.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gauthier.

M. Gauthier (Marc): D'où la notion de réparation...

M. Chapados (François): De réparation, je l'ai mentionnée tout à l'heure.

M. Gauthier (Marc): O.K. L'entretien est prévu dans la loi, mais, au niveau des réparations, c'est le néant. Donc, ces gens-là ? comme disait Mme Normandeau ? ne sont pas obligés d'aller réparer des routes de 30 ans passés. Mais parfois au niveau faunique, ça occasionne des dommages, le fait qu'ils ne réparent pas ces vieilles routes là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Chapados.

M. Chapados (François): Je reviens aussi sur la notion de contrôle qui a été abordée tout à l'heure. Il faut que l'État... J'ai entendu ceux qui nous ont précédés, et c'est vrai qu'une compagnie qui est certifiée ISO offre plus de garanties, bon. Mais, moi, j'ai eu la réaction suivante: ce n'est pas parce que c'est ISO qu'on doit éliminer tout contrôle.

Orléans Transport est sans doute ISO, mais est-ce à dire que le ministère des Transports va dire: Je ne contrôlerai jamais les autobus d'Orléans parce qu'ils sont ISO? Ça serait aberrant.

Donc, ce qu'on vous dit: Ultimement, dans une société comme la nôtre, ce n'est pas la Cascapédia, puis ce n'est pas l'Abitibi, puis ce n'est pas les syndicats, puis ce n'est pas les bandes indiennes, c'est le gouvernement qui doit ultimement arbitrer et contrôler. Pour nous, ça, c'est une certaine forme de garantie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Chapados. Il reste quelques minutes pour le parti ministériel. Comme je n'avais pas d'autre demande, alors M. le ministre.

M. Brassard: Oui. Vous avez raison, là. Je fais juste une dernière remarque sur les contrôles. Il n'est pas question non plus d'abandonner, de la part du ministère, sa responsabilité en matière de contrôle et de suivi même si les bénéficiaires se retrouvent avec des accréditations ou des certifications, que ce soit ISO ou une autre. Parce qu'il faut bien comprendre que ce genre de certification, ça porte sur les processus, sur les façons de faire, mais il n'y a pas de vérification terrain. Alors, le ministère, il va continuer de faire des évaluations terrains.

Bien, je voulais conclure parce que... mettre en lumière également une autre disposition du projet de loi n° 136, qui vous concerne aussi puis qui va vous être fort utile. C'est qu'en vertu de 25.2, l'article 25.2, le ministre peut imposer, aux titulaires de permis d'intervention soumis au plan, des normes différentes, des normes d'intervention différentes de celles prescrites par règlement, donc de celles qui se retrouvent dans les RNI, par exemple, règlements sur les normes d'intervention.

Et ce qui voudrait dire qu'actuellement les ententes qui sont signées par la Coalition et les industriels, bon, tant mieux si elles sont respectées, mais elles n'ont pas force de loi. Ça repose sur le volontariat. On s'entend là-dessus. Quand le projet de loi va être adopté et va devenir une loi, en vertu de 25.2, le ministre peut donner en quelque sorte force de loi à ces ententes qui comportent des normes différentes ou des normes autres que celles qu'on retrouve dans le Règlement sur les normes d'intervention. Ça m'apparaissait important en concluant nos échanges de signaler l'importance de ces dispositions dans le projet de loi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gauthier.

M. Gauthier (Marc): Pour nous, le 25.2 est très important, puis j'avais peur à la lecture du projet de loi que vous le diluiez un petit peu. J'espère que vous ne ferez pas ça. Ha, ha, ha! On suggérait aussi en page... Le 25.2 pour nous est important, mais, en page 8, on allait même un petit peu plus loin, là. Mais ça, je vous laisse ça à votre lecture.

M. Brassard: On va regarder ça, vos suggestions.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, voilà. Cela met fin à nos échanges.

Alors, messieurs, je vous remercie pour cette participation à notre commission, et je voudrais donc à ce moment-ci suspendre, en fait ajourner plutôt les travaux au mardi 10 octobre, 9 h 30, à la salle du Conseil législatif.

(Fin de la séance à 12 h 31)



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