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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le jeudi 19 octobre 2000 - Vol. 36 N° 89

Consultation générale sur le projet de loi n° 136 - Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Auditions

Intervenants

M. Christos Sirros, vice-président
Mme Denise Carrier-Perreault, présidente
M. Guy Lelièvre, président suppléant
M. Jacques Brassard
M. Benoît Laprise
Mme Nathalie Normandeau
M. Robert Benoit
Mme Solange Charest
M. Rémy Désilets
* M. Jean-Pierre Boivin, MRC de Maria-Chapdelaine
* M. Denis Tremblay, CLDMF de la MRC de Maria-Chapdelaine
* M. Gérald Lebrun, idem
* M. Bernard Hudon, CRCQ
* Mme Lorraine Théberge, idem
* M. Claude Tessier, idem
* M. Jean Nazair, Comité des principaux intervenants en forêt privée du Bas-Saint-Laurent
* M. Jacques A. Lévesque, idem
* M. Richard Verreault, Employés de Produits forestiers Alliance-Mitis inc.
* M. Éric Berger, idem
* M. Denis Jutras, Emballages Smurfit-Stone Canada inc.
* M. Daniel Dufault, AARQ
* M. Guy Lessard, RNCREQ
* Mme Luce Balthazar, idem
* M. Jean-Maurice Matte, Corporation de développement économique de Senneterre
* M. Adéodat Saint-Pierre, CUR
* M. Léonard Otis, idem
* Témoins interrogés par les membres de la commission
 

Journal des débats

heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Sirros): Alors, constatant le quorum, nous allons ouvrir la séance. Je vous rappelle le mandat de la commission qui est de poursuivre la consultation générale sur le projet de loi n° 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives.

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Côté (Dubuc) remplace Mme Blanchet (Crémazie); M. Benoit (Orford) remplace M. Gobé (LaFontaine); et M. Whissell (Argenteuil) remplace M. Marsan (Robert-Baldwin).

Auditions

Le Président (M. Sirros): Alors, merci. Nous siégerons, selon l'ordre du jour que nous avons, jusqu'à 18 heures ou à l'ajournement aujourd'hui. Et nous débutons nos travaux avec la municipalité régionale de comté de Maria-Chapdelaine conjointement avec les Corporations locales de développement en milieu forestier de la MRC de Maria-Chapdelaine.

Alors, je les inviterais à bien vouloir prendre place. Si le responsable du groupe peut s'identifier et identifier les personnes qui l'accompagnent. Je vous rappelle qu'on dispose de 45 minutes, 15 minutes de présentation et 30 minutes de période d'échanges entre les deux partis ici présents, et, sans plus tarder, la parole est à vous.

Municipalité régionale de comté
de Maria-Chapdelaine
(MRC de Maria-Chapdelaine)
et Corporations locales de développement
en milieu forestier de la MRC
de Maria-Chapdelaine (CLDMF
de la MRC de Maria-Chapdelaine)

M. Boivin (Jean-Pierre): Merci, M. le Président. Alors, je suis Jean-Pierre Boivin, préfet de la MRC de Maria-Chapdelaine. Je suis accompagné de M. Denis Tremblay, à ma gauche, maire de la municipalité de Saint-Thomas-Didyme et membre du comité forêt, de M. Gérald Lebrun, ingénieur forestier, à ma gauche également, membre de la Table forêt de notre MRC, et de M. Jacques Potvin, urbaniste à la MRC de Maria-Chapdelaine.

Alors, tout d'abord, je voudrais vous remercier, la commission, de nous recevoir afin de présenter les grandes lignes de notre mémoire puis d'y apporter quelques précisions à votre bonne volonté. Notre présentation va se diviser en deux volets, à savoir qu'on va traiter du contexte général de nos préoccupations face au développement des ressources du milieu forestier, et, dans un second temps, on va regarder en termes de développement dans le cadre de ce qui a été appelé les «forêts de banlieue», avant de porter le nom de «forêts habitées» aujourd'hui.

Alors, on s'est déjà présenté à différentes consultations sur le milieu forestier et on a déjà fait part de nos préoccupations. On se rend compte que, dans le projet de loi, il y a de ces préoccupations qui ont été prises en compte ? et on en remercie la partie gouvernementale ? comme, par exemple, au niveau de la gestion intégrée des ressources, où on est plus présent dans la loi. Alors, c'est une bonne chose, sauf que ce qu'on veut démontrer ce matin, c'est qu'on veut être étroitement associé, en tant que milieu municipal, à la façon qui dit comment on va concrétiser l'application du nouveau règlement.

Vous connaissez tous et toutes le territoire du Saguenay?Lac-Saint-Jean et l'importance de notre superficie forestière. J'aimerais vous rappeler que, dans la MRC de Maria-Chapdelaine, ça occupe un territoire de 40 000 km², ce qui est comparable à celui de la Suisse qui occupe 42 000 km². De cette superficie, on a 95 % qui est occupé par les territoires non organisés, où on retrouve la majorité de la possibilité forestière, et seulement 5 % est municipalisé. À l'intérieur de ce 5 % là, on retrouve de la forêt privée mais aussi publique, telles les TPI, pour environ 15 % de cette zone.

Je vous dirais également que la forêt fait partie de nos préoccupations quotidiennes. M. le ministre est très au courant que, le jeudi soir et le vendredi matin, on vide la forêt de nos travailleurs forestiers et que, le vendredi soir et le samedi matin, on retourne en forêt la population pour y puiser d'autres ressources.

Sur 12 municipalités, cinq sont particulièrement actives dans le développement des ressources du milieu forestier, comme la forêt habitée, par la création de corporations de développement dont M. Tremblay va vous entretenir tout à l'heure. Depuis 1995, on assiste à la création de 22 emplois sur une base annuelle, on a réalisé pas moins de 40 kilomètres de chemins d'accès avec ces corporations, des chemins multiressources ? par année ? des activités économiques moyennes qui génèrent des revenus de 1 208 000 $ par année. Et également, ça a permis d'apporter des meilleures conditions de travail à ces travailleurs.

Outre l'implication des corporations, la MRC de Maria-Chapdeleine a une part active, dans les consultations, dans huit aires communes, est gestionnaire du programme de mise en valeur du milieu forestier, plus ou moins 1,2 million par année, gestion des TPI avec une possibilité forestière de 22 000 m³ par année, et le partenaire de l'Agence de mise en valeur des forêts privées.

Je vous référerais à la page 3 de notre mémoire, où on traite des enjeux pour le milieu de Maria-Chapdelaine. Alors, lors des différentes consultations non seulement sur la mise à jour du régime forestier, mais aussi lors des différents sommets, comme le dernier des CLD, la mise en valeur des ressources du milieu forestier, incluant le prélèvement et la transformation de la matière ligneuse, a toujours occupé une place importante dans la préoccupation du milieu et un certain nombre d'enjeux ont été soulevés sur le territoire de la MRC de Maria-Chapdelaine.

Alors, il nous est apparu important de vous rappeler ces enjeux, donc, où le premier est que le milieu forestier n'est pas seulement un territoire productif de matière ligneuse, mais il est aussi un territoire recelant différents potentiels dont certains de ceux-ci sont l'objet d'une exploitation multiple, notamment lorsque l'on pense aux petits fruits, aux paysages et à la faune pour son potentiel récréatif. L'un des enjeux du développement du milieu forestier est l'application d'une véritable gestion intégrée des ressources à l'ensemble du milieu forestier. Donc, on va dans le sens de la loi.

Au niveau de l'enjeu 2. Pour une région ressource, tel le pays de Maria-Chapdelaine qui, au plan économique, a vécu différents changements technologiques, lesquels ont eu un impact majeur sur l'emploi, l'exploitation des ressources du milieu forestier, incluant les emplois reliés à l'exploitation et à la transformation, est un enjeu majeur chez nous. D'ailleurs, à titre de retombées indirectes, le conseil de la MRC tient à saluer les positions prises par le gouvernement et appliquées par le ministère des Ressources naturelles de redistribuer dans le milieu une partie des redevances qu'il perçoit en droits de coupe. Grâce à ce moyen, le conseil de la MRC peut réinvestir, avec la participation d'organismes du milieu, dans le maintien et le développement, notamment, du réseau routier et des ressources fauniques et récréatives.

n(9 h 40)n

Notre troisième enjeu. Comme on fait partie d'une région associée au développement durable, la MRC de Maria-Chapdelaine considère important, une fois la question résolue sur la pérennité des ressources où les différents experts se donnent constamment la réplique, de maintenir la biodiversité sur son territoire. Par conséquent, le troisième enjeu vise la protection et la conservation des éléments d'intérêt, comme le patrimoine bâti et naturel, dans le territoire de notre MRC.

Finalement, après plusieurs années de participation à des consultations, notre conseil tient à rappeler que le milieu de Maria-Chapdelaine demande un véritable pouvoir d'influencer la mise en valeur du milieu forestier et particulièrement au plan de notre territoire qui, rappelons-le, couvre près de 40 000 km². En effet, malgré les échanges dans le cadre des processus de consultation sur les PGAF et les PQAF avec les bénéficiaires qui ont permis d'ajuster et, dans certains cas, de modifier les manières de faire les choses, le milieu est encore loin des véritables choix de mise en valeur permettant d'influencer le développement économique des régions de manière, par exemple, à favoriser une avenue de développement plus créatrice d'emplois.

Au niveau des commentaires généraux, je vous référerais à la page 5 du mémoire. Alors, le milieu de Maria-Chapdelaine a suivi avec attention tout le processus visant à modifier le régime forestier. L'ensemble du processus a été teinté de discussions sur trois notions sur lesquelles il nous apparaît essentiel de revenir ce matin: gestion intégrée des ressources, forêt habitée, santé économique des régions-ressources.

Au niveau de la gestion intégrée des ressources, le conseil de la MRC a noté, à l'intérieur des différentes publications en rapport avec le projet de modification de la loi, que l'on fait souvent état de la gestion intégrée des ressources malgré que celle-ci est souvent associée à un mode de concertation. Or, on pense que ça doit aller plus loin.

Si l'on se réfère aux notions théoriques de la gestion intégrée, rappelons-nous qu'à la base du concept cette dernière fait référence à la notion de territoire et à la notion de maître d'oeuvre. Dans un cas comme dans l'autre, le conseil de la MRC rappelle au gouvernement comme au MRN, secteur forêt, que, d'une part, malgré certains exemples de territoires où pourrait s'appliquer ce type de gestion dite participative, le projet de modification à la loi reste vague quant à la manière dont seront choisies certaines forêts désignées pour l'application de ce type de gestion. Donc, on peut se questionner sur une véritable intention. Je donnerais comme exemple au niveau de l'implication des pourvoiries et des zecs, par exemple.

D'autre part, il est important de se rappeler que le mandataire de l'élaboration du plan d'aménagement forestier, c'est le bénéficiaire du CAAF lui-même. Donc, comment ce dernier peut-il prétendre être celui qui va concerter et concilier tous les partenaires en vue d'élaborer une véritable planification priorisant la gestion intégrée des ressources avec, lui, comme objectif principal de prélever la matière ligneuse pour sa rentabilité? Pour nous, le seul organisme qui détient par la loi un mandat en matière d'aménagement et de développement et qui, avec les années, a développé une certaine expérience en matière de consultation, c'est bien le milieu municipal dont les MRC.

Au niveau de la forêt habitée, comme je le mentionnais tout à l'heure, le milieu de Maria-Chapdelaine s'est fortement impliqué lors de ces consultations sur la notion de forêt de banlieue qui devait devenir la forêt habitée et qui, malheureusement, à la lecture du projet de loi, ne représente presque plus rien. On ne retrouve à peine plus le terme. L'ensemble du milieu de Maria-Chapdelaine, en passant par les élus, les organismes de développement, les cinq corporations non officiellement reconnues mais qui oeuvrent depuis maintenant cinq ans avec un certain succès en milieu forestier, déplore la disparition du concept de forêt habitée comme mode de développement permettant à des communautés locales de se prendre en main.

De plus, le milieu de Maria-Chapdelaine interroge le gouvernement sur: Quels seront dorénavant les moyens de développement pour les communautés dans les régions ressources, pour ne pas dire dans la forêt, si elles ne peuvent compter sur celles-ci pour survivre? Exemple, avec la mécanisation, on a retrouvé moins d'emplois. Donc, il faut replacer absolument ces travailleurs spécialisés en forêt, et ça nous prend des ressources pour le faire.

Quel sera l'avenir des projets actuellement en marche dont la rentabilité avait été démontrée, mais qui, tel que déjà mentionné, avaient besoin de deux outils: d'une part, un pouvoir de négocier d'égal à égal avec un partenaire qui est l'industrie et, d'autre part, la possibilité d'exploiter ou de se voir déléguer la gestion des autres ressources comme la faune, par exemple, ou que ce soit même les petits fruits?

Le conseil de la MRC de Maria-Chapdelaine qui, rappelons-nous, s'est vu déléguer une partie des terres publiques intramunicipales, les TPI, suggère, comme solution, afin que celle-ci puisse être discutée, que dans certains cas, comme par exemple celui de la MRC, l'ensemble du territoire intramunicipal fasse l'objet d'une véritable délégation de gestion et que les corporations qui sont déjà en place puissent être prises en compte lors de l'attribution de nouveaux droits d'exploitation. Là, on parle des parties sous CAAF tout près des milieux urbanisés.

Compte tenu que l'ensemble de la possibilité forestière résineuse est déjà attribué, le milieu de Maria-Chapdelaine ne veut pas d'emplois de remplacement mais d'un véritable partenariat susceptible, à moyen terme, de donner plus d'emplois au niveau de l'exploitation comme de la transformation des ressources. Rappelons-nous que pour développer une véritable filière industrielle ou une grappe réunissant la population, les industriels, les maisons de recherche et d'enseignement, il faut le faire dans le milieu où on retrouve et exploite ces ressources. Donc, on ne veut pas remplacer nécessairement des emplois perdus. On veut en créer de nouveaux.

Au niveau de la santé économique des régions ressources. À titre de région ressource, la MRC de Maria-Chapdelaine, qui est éloignée des grands centres de consommation, doit compter sur les ressources naturelles pour asseoir son activité économique. Par conséquent, notre conseil, tout en étant favorable avec les mesures d'aménagement forestier proposées par le projet de modification visant à assurer la pérennité des ressources du milieu forestier et la protection des autres ressources, demeure inquiet sur les impacts que pourrait avoir l'application de certaines normes d'une manière uniforme, soit mur à mur, et qui ne tiendrait pas compte des particularités de chaque environnement physique, ce qui pourrait avoir un impact négatif sur l'approvisionnement de certaines usines de transformation de bois, par exemple, et ainsi augmenter le nombre de sans-emploi dans nos régions.

À la page 8 du mémoire, on dit que, dans ce chapitre, le conseil de la MRC tient à se prononcer sur différents éléments abordés dans le projet de modification à la loi des forêts. Pour ce faire, les points saillants identifiés dans le document d'information accompagnant le dépôt du projet de loi sur les forêts seront utilisés à titre de référence.

Au niveau de l'octroi des droits sur les ressources. À l'intérieur de cet élément, il est proposé différentes modifications permettant, entre autres, d'autoriser des contrats d'aménagement forestier et de délivrer des permis d'intervention en milieu forestier aux fins de récolte pour permettre la réalisation d'aménagement agricole.

Si, dans cette forme-là, ces nouvelles possibilités sont intéressantes, au plan pratique, elles sont associées à des conditions qui les rendent peu opérationnelles. En effet, pour un milieu comme celui de Maria-Chapdelaine, compte tenu de l'absence de possibilités forestières où tout est attribué, elles ne seront pas applicables.

Par conséquent, notre milieu propose d'ajouter une nouvelle notion permettant à des organismes, de préférence ceux déjà en opération comme nos corporations, de prendre en charge la réalisation des travaux sylvicoles dans les secteurs à proximité des collectivités tant pour atteindre le rendement soutenu que pour le rendement accru, le tout financé par des crédits de droits de coupe.

Par ailleurs, notre conseil s'interroge par rapport aux conventions d'aménagement, si la place du monde municipal est vraiment dans l'exploitation de la matière ligneuse. À la place, il propose la solution de délégation de gestion, préconisée dans la région 02, qui permet une véritable planification en gestion intégrée des ressources et un mode d'exploitation à partir d'intervenants du milieu. Alors, on ne veut pas se transformer en industrie forestière, mais on veut mettre toutes les conditions en place pour favoriser l'opération de nos corporations.

Il est prévu, dans le projet de loi, un mécanisme permettant au ministre des Ressources naturelles de préciser les orientations en matière de droit, de protection et de mise en valeur des forêts. Le conseil de la MRC, tout en étant d'accord sur le bien-fondé des objectifs d'aménagement, s'interroge sur le fait de donner le mandat à un ministre sectoriel de définir des objectifs d'aménagement intégré des forêts compte tenu des mandats de ce dernier et malgré la création d'un processus de consultation. Or, il faudrait y associer, par exemple, le ministère du Tourisme, le ministère de l'Agriculture, par exemple, pour bien définir tout ça.

L'amélioration de la planification des activités d'aménagement forestier. Dans ce chapitre, le projet de loi propose de permettre au ministre de diviser le territoire forestier en unités d'aménagement. Le conseil de la MRC s'interroge sur cette notion d'unités d'aménagement et sur les limites de ce nouveau découpage et sur les objectifs. Il est fort conscient que, lors d'une telle modification, le ministre évitera d'influencer le calcul de la possibilité forestière.

Or, malgré que l'objectif fixé en rapport avec le redécoupage soit l'occasion de faciliter la planification des activités d'aménagement forestier, le milieu de Maria-Chapdelaine propose de définir ces unités d'aménagement sur la base des territoires d'appartenance, lorsqu'il sera possible, compte tenu de l'importance apportée à la gestion intégrée des ressources et au processus de concertation soulevé par le projet. Je vous donne un exemple: au lieu de le découper par rapport au territoire du Lac-Saint-Jean, c'est de le découper par rapport aux territoires des MRC, ce qui est beaucoup plus spécifique.

Le conseil de la MRC adhère à la proposition d'amélioration de la planification des activités d'aménagement forestier. De plus, comment s'assurer que les bénéficiaires ainsi que le ministère vont prendre en compte les avis fournis par les différents intervenants lors de la préparation des différents plans d'aménagement forestier exigés, lorsque nos recommandations peuvent aller à l'encontre de l'exploitation de la matière ligneuse?

Enfin, le conseil de la MRC s'interroge sur la manière dont un bénéficiaire, dont l'objectif est d'adopter une planification d'aménagement de la matière ligneuse, va pouvoir intégrer l'ensemble de nos préoccupations.

Alors, je passerais, vu que le temps passe, à M. Tremblay.

Le Président (M. Sirros): Il ne reste presque pas de temps. Il reste à peu près 30 secondes. En tout cas, essayez de faire ça en résumé rapide, si possible.

M. Tremblay (Denis): Il me reste 30 secondes?

Le Président (M. Sirros): Bien, disons... On peut déborder un petit peu, mais...

M. Tremblay (Denis): O.K. Les corporations locales de développement du milieu forestier. Tel que mentionné précédemment, nous autres, les municipalités du secteur Saint-Thomas, Normandin, Notre-Dame-de-Lorette, Saint-Edmond-les-Plaines, Saint-Stanislas, ont été les premières à mettre en place de telles corporations.

Nos projets ont permis d'accroître les retombées économiques qui découlent de l'utilisation du milieu forestier et nous l'avons fait en partenariat avec les bénéficiaires de CAAF dont il faut reconnaître leur collaboration sur une base volontaire. Contrairement aux projets de forêts habitées qui sont parrainés par nos gouvernements, nous avons vécu plusieurs contraintes tout au long de notre cheminement, que ce soit au niveau du développement, de l'expertise, du financement de nos activités ou encore au point de vue des négociations avec nos partenaires de l'industrie. C'est ça, la principale cause, c'est que, nous autres, on faisait du travail mécanique, manuel, et puis on était payés comme des contracteurs qui ont la machinerie forestière moderne. On nous disait toujours: Il ne faut pas que ça coûte plus cher à faire l'exploitation de ces secteurs-là. On n'avait pas de compensation puis on n'avait pas de crédits de droits de coupe. C'est ce qu'on demande, c'est un des points forts pour la survie de nos corporations.

Notre intérêt par rapport au projet de loi. À la page 5 du mémoire. Les forêts et les ressources qu'elles renferment revêtent une importance cruciale dans les régions du Québec et dans des centaines de localités. Ces dernières y voient l'assise de leur développement économique et fondent sur elles l'espoir d'une grande prospérité. Il faut donc gérer les forêts de façon durable, mais cet objectif ne saurait être atteint si l'on ne fait pas une large place aux citoyens et aux communautés qui utilisent les territoires forestiers, qui en tirent des avantages considérables ou qui souhaitent pouvoir le faire.

Dans le projet de loi actuel, aucun pouvoir ne nous permet de négocier avec les bénéficiaires de CAAF d'égal à égal afin de partager de façon équitable le choix d'aménagement ainsi que les retombées des ressources forestières dans les communautés locales. À notre avis, le projet de loi doit être beaucoup plus large que ça, si nous voulons faire un développement multiressource à valeur ajoutée qui soit durable et en harmonie avec les ressources et les utilisateurs du milieu, en maximisant les emplois à l'échelle locale.

Nous reconnaissons le respect des contrats d'approvisionnement actuels signés avec les bénéficiaires pour les territoires de forêt habitée. Par contre, certains de ceux-ci n'ont pas encore reconnu que la zone de forêt habitée doit être exploitée ? entre parenthèses, on dit aménagée ? selon des méthodes différentes, près des villes, des villages et des centres touristiques.

De plus, les corporations demandent, d'une part, à être reconnues officiellement comme des partenaires privilégiés afin de négocier avec l'industrie des ententes beaucoup plus élaborées. Pour y parvenir, il est essentiel de rééquilibrer le rapport de force entre l'industrie et nos corporations, soit par des moyens législatifs, soit par un leadership accru et un soutien de l'État dans ces négociations.

Et, d'autre part, les projets de forêt habitée veulent développer autre chose que de la ressource forestière. Ils ont besoin de revenus stables et substantiels, puisque le bénévolat, lui, n'est pas durable. Il importe donc d'optimiser l'utilisation de l'ensemble des ressources du milieu forestier, incluant l'exploitation de la matière ligneuse, pour augmenter le nombre d'entreprises afin d'accroître le nombre d'emplois qu'elles génèrent au niveau de l'exploitation comme de la transformation. Ça, c'est que...

Le Président (M. Sirros): Je vous arrête parce que le temps des questions va être réduit.

M. Boivin (Jean-Pierre): Le temps des questions, oui.

Le Président (M. Sirros): Je suggère qu'on passe aux questions pour qu'on puisse faire sortir un peu les questionnements des membres. Je pourrais commencer avec M. le ministre.

M. Brassard: Oui. Bien, d'abord, je voudrais remercier les représentants de la MRC de Maria-Chapdelaine, la MRC voisine de chez moi. M. Boivin, le préfet, M. Tremblay, M. Lebrun, M. Potvin, merci de votre présence et de vos mémoires, vos deux mémoires qui reflètent, je pense, une connaissance concrète de la réalité forestière, de l'industrie forestière, des activités forestières, et c'est tout à fait normal, compte tenu de votre situation géographique, je dirais.

n(9 h 50)n

Ma première question, c'est pour le préfet, M. Boivin, parce que vous souhaitez que... Dans le projet de loi, la MRC, contrairement à ce qui se passe présentement, va être directement impliquée, dès le début, dans le processus d'élaboration des plans généraux d'aménagement des bénéficiaires de contrats. Mais vous recommandez, je pense, d'aller plus loin ? en tout cas, c'est ce que je comprends de votre mémoire ? vous dites que les détenteurs de CAAF ne sont pas en situation de vraiment piloter le processus d'élaboration puis de planification, puisqu'ils sont surtout préoccupés évidemment par la récolte et l'aménagement strictement forestier. Et, pour s'engager dans la voie de la gestion intégrée des ressources, vous recommandez que ce soit la MRC qui prenne le leadership en quelque sorte ? est-ce que je comprends bien votre proposition? ? qui pilote la planification.

M. Boivin (Jean-Pierre): Pour rassembler les gens autour d'un point unique d'ancrage, pour nous, c'est évident que la MRC devient plus neutre qu'une compagnie forestière qui, elle, comme je disais, a avantage à faire ses planifications en termes de rentabilité, principalement, surtout de la matière ligneuse. Alors, on le fait déjà chez nous, on le fait avec les corporations, on le fait avec les tables forêt où on réunit tous ces gens-là. Parce que lorsqu'on discute, on peut être consulté. Consulter et participer à la décision, c'est différent un petit peu.

Donc, ce qu'on veut, c'est que la loi nous autorise à parler plus d'égal à égal avec les compagnies, parce que, à un moment donné, la compagnie qui devait décider ? je vous donne un exemple ? de la coupe d'arbres sur le bord des lacs, si elle ne se préoccupe pas de ça, comment est-ce qu'on va faire pour régler le problème? Elle va dire: C'est moi qui, finalement, ai le dernier mot, donc je passe. Même si elle nous a consultés, elle peut passer pareil. Alors, c'est pour ça qu'on dit, au niveau de la MRC, si on est capable d'avoir ce pouvoir de concertation là de réunir les gens puis que les gens aient à parler surtout en termes de gestion intégrée, la compagnie à ce moment-là participera au même titre que les autres utilisateurs de la forêt.

M. Brassard: Bien, c'est important, parce que disons que les MRC qui ont défilé devant nous ont des opinions très variées à cet égard. On en a eu une hier qui nous a même dit: Nous, on ne veut pas avoir de responsabilité de cette nature. Et, à l'autre bout, il y a une municipalité, comme Maria-Chapdelaine, qui dit: Nous, on veut prendre le leadership du processus, on est en mesure de le faire et on veut le faire. Alors...

M. Boivin (Jean-Pierre): Mais il faut comprendre que c'est notre ressource et c'est notre quotidien, ce sont nos emplois, et on a intérêt à assurer la pérennité de la ressource. Et comme je disais tantôt, les gens qui vont là en fin de semaine, c'est aussi de l'activité économique. Donc, c'est pour ça qu'on veut être partie prenante. Et dans les corporations de développement, c'est la même chose. Si on réussit à faire vivre ces travailleurs-là convenablement, bien, c'est des gens qui vont lâcher l'économie sociale et qui vont un peu en vivre convenablement.

M. Brassard: Merci. Une dernière question. Vous avez soulevé ou signalé le problème du réseau routier en forêt. Évidemment, quand il y a une entreprise forestière, le problème est inexistant, l'entreprise investit, entretient le chemin, donc l'accès est relativement facile, les routes sont de bonne qualité, mais quand elle n'est plus là se pose le problème du maintien en bon état du réseau routier. Qu'est-ce que vous proposez, là, pour que le réseau routier en forêt permette de pouvoir avoir un accès convenable en forêt pour l'ensemble des utilisateurs?

M. Boivin (Jean-Pierre): Nous, on applique déjà une formule qui est relativement gagnante, c'est-à-dire qu'on a une bonne écoute au niveau des compagnies forestières. Parce qu'il faut se rappeler que ces compagnies forestières là, dans 10 ans, 15 ans ou après l'exploitation, vont devoir aller faire du reboisement. Donc, on s'entend avec eux autres sur des façons de faire.

Et à l'intérieur du programme de mise en valeur, je vous avais déjà mentionné que, nous, on réserve déjà un montant qui tourne autour de 400 000 $ par année pour refaire les ponceaux, refaire des bouts de chemin pour permettre l'utilisation de la ressource. Et on avait demandé ? malheureusement, on a eu des petites complications avec l'application de la loi, là, je pense que c'est la loi n° 46 ? que, si on était capable de gérer les baux de villégiature chez nous, à la MRC, on ôterait une duplication quelque part d'envoi de comptes de taxes et on pourrait réinvestir cet argent-là. On vient de le faire justement en fin de semaine dernière où on a réparé... C'est à coups de 40 000 $ et de 100 000 $, les ponts, bien souvent, et il faut les prévoir pour des années, il faut faire des ponts ou des ponceaux qui supportent au moins 20 tonnes parce que les gens vont passer avec de la grosse machinerie.

Alors, on essaie ? encore là, c'est pour ça qu'on disait que c'est à la MRC, un peu, à être le point d'articulation de tout ça ? de prévoir pour l'avenir, d'intégrer nos compagnies forestières, d'intégrer nos corporations pour faire justement un développement durable puis permettre que ces chemins-là soient existants et continuent d'exister.

M. Brassard: Puis, en même temps, je comprends que vous réservez une partie de l'enveloppe du volet II du programme de mise en valeur à cette fin.

M. Boivin (Jean-Pierre): Oui, au moins 400 000 $. Et, pour nous, ce qui vient de la forêt doit retourner à la forêt principalement. Ce n'est pas fait pour faire des cabanes d'oiseaux.

n(10 heures)n

M. Brassard: Ha, ha, ha! Merci.

Le Président (M. Sirros): Ça va? J'ai le député de Roberval qui demande la parole. Je pense qu'il y a consentement. Allez-y, M. le député.

M. Laprise: Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. le Président. Je tiens à saluer mes collègues, mes concitoyens de la MRC Maria-Chapdelaine, qui ont développé, je pense, avec les années, une expertise excessivement importante de l'aménagement de la forêt.

Et je demanderais peut-être à la Corporation: Lorsque vous parlez, dans votre mémoire, que les volumes générés par le rendement accru devaient être exploités uniquement par des corporations locales, j'aimerais avoir des précisions là-dessus. Est-ce que ça serait en mesure de faire de la deuxième et troisième transformation ou ça ferait partie uniquement des opérations comme telles, forestières à ce moment-là?

M. Tremblay (Denis): Nous ? je n'ai pas eu le temps d'expliquer tout mon mémoire ? le problème qu'on vit, c'est toujours un problème de temps et de ressources aussi. On dit qu'on manque de ressources, on manque d'argent pour faire des plans d'aménagement de ces ressources-là.

C'est sûr que le surplus qu'on génère par les travaux d'aménagement forestiers, nous autres, ce qu'on préconise, c'est qu'ils reviennent aux corporations quand c'est près. C'est sûr que, quand c'est en forêt éloignée, on ne peut pas y aller puis on ne veut pas y aller non plus: ce n'est pas rentable. Mais tout ce qui touche la forêt habitée, tout ce qui touche les forêts à proximité des villes, des villages, nécessairement ça doit revenir aux corporations.

M. Laprise: Comme deuxième question ? ça va être la dernière: Votre expérience maintenant dans l'aménagement de la forêt dans le but de également faire la culture du bleuet, est-ce que ça a donné des résultats concluants présentement?

M. Tremblay (Denis): Oui. Je pense que je vais passer la parole par exemple à M. Lebrun qui a touché à plusieurs corporations. Moi, je représente celle de Saint-Thomas. On en a cinq ou six puis il y a plusieurs projets. Mais je pense que Gérald est plus au courant des résultats qui ont été apportés.

M. Lebrun (Gérald): Merci. Oui, effectivement. C'est sûr que la majorité des interventions que les corporations ont réalisées ont été plus des interventions forestières, mais on commence à en développer d'autres. Si on pense à la corporation de Normandin qui font de la production forêt-bleuets sur la même superficie et, avec les chiffres à l'appui, on est capable de démontrer qu'on peut produire la même quantité de forêt et des bleuets en surplus sur la même superficie. Donc, on a une valeur ajoutée, puis on applique un élément de gestion intégrée des ressources.

Actuellement, on regarde pour voir si on peut répéter ça sur d'autres territoires avec d'autres corporations pour maximiser les retombées. Ça, c'est une avenue, il pourrait y en avoir d'autres qui se développeraient ultérieurement. On est à la recherche de différents moyens d'application dans ce domaine-là.

Le Président (M. Sirros): Merci. M. Lebrun. On va donc passer la parole à Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. M. Boivin, M. Tremblay, M. Lebrun et M. Potvin, merci beaucoup d'être ici, merci pour la présentation de vos deux mémoires. Je tiens à souligner le travail conjoint. Vous êtes le deuxième groupe qui vient MRC-CLD. Alors, c'est très louable. Puis je tiens également à souligner le fait que les deux mémoires que vous avez déposés sont le fruit d'une consultation là à la Table forêt chez vous. Alors donc, on comprend que la forêt occupe une place extrêmement importante et vous faites votre travail avec beaucoup de sérieux.

Écoutez, ma première question porterait... Je vais me promener d'un mémoire à l'autre là. Si j'ai à résumer l'essentiel de votre position, ce que vous revendiquez en fait, c'est une plus grande place des communautés dans les choix qui sont faits pour mettre en valeur la forêt. Et vous dénotez par exemple le fait qu'il y ait peu de place qui est réservée dans le projet de loi aux projets de forêt habitée. Et, à la page 6 du mémoire du CLD, il y a une série de... En fait, vous exposez là votre opinion sur le projet de loi et vous nous dites dans le fond, à la deuxième recommandation, qu'on doit faire preuve d'innovation pour trouver des nouvelles façons de gérer des forêts, qui permettraient par exemple ou qui permettront aux communautés locales de tirer davantage de profits liés à l'exploitation et la mise en valeur des forêts.

Est-ce que vous avez des exemples concrets à me donner de projets qui ont eu des impacts positifs sur vos communautés soit en termes de création d'emplois, en termes de formation de la main-d'oeuvre? Est-ce qu'il y a des exemples concrets auxquels vous pouvez référez? Et peut-être nous dire dans le fond comment le projet de loi qui a été déposé pourrait vous donner satisfaction pour permettre à vos communautés effectivement de tirer le maximum de profits pour ce qui est de l'exploitation forestière?

M. Boivin (Jean-Pierre): Ce qu'il faut s'entendre, c'est qu'on parle principalement de forêts intramunicipales, ce que M. Tremblay soulignait. Parce que plus loin dans les TNO, on reconnaît, au niveau de l'industrie forestière ? et c'est très loin à aller exploiter.

Mais, pour répondre à la question, ça va être M. Tremblay ou M. Lebrun qui, eux, ont ces corporations-là, ils dirigent ces corporations-là.

M. Lebrun (Gérald): Si je peux me permettre, le premier exemple concret, c'est l'expérimentation de forêt-bleuets sur une même superficie. Ça, c'en est un directement. Un deuxième élément...

Mme Normandeau: Pardon, combien d'emplois créés avec ce projet-là?

M. Lebrun (Gérald): Directement pour ce projet-là, je ne pourrais pas vous...

Mme Normandeau: O.K.

M. Lebrun (Gérald): ...le chiffrer. Mais je peux résumer en disant que les corporations, dans les trois première années d'intervention, c'est-à-dire de 1995 à 1998, c'est 22 emplois-année qu'elles ont créés, en plus de ce qui se faisait déjà dans les interventions forestières au niveau des entreprises. Ça fait que, ça, c'est des emplois additionnels. Puis à mesure que ça avance, les conditions de travail s'améliorent, c'est-à-dire la période d'emploi augmente, la rémunération augmente. Donc, on crée de l'activité économique qui devient de plus en plus récurrente.

À travers ça, il y a eu différents projets, Forêt bleuets en est un. Un deuxième qui s'est réalisé aussi, c'est la cueillette de différentes plantes en milieu forestier qui servent des fois pour des produits pharmaceutiques ou ainsi de suite, mais qui n'avait peut-être pas... c'est plus au stade où ça débute, mais il y a quelques emplois créés pour cueillir ça puis c'est transformé par la suite. Ça fait qu'il y a différentes avenues comme ça.

On regarde la dimension récréotouristique. Des fois on va avoir des étangs ou des petits lacs sur ces portions de territoire là. Il peut avoir de l'ensemencement qui est fait puis ensuite un moyen de récupérer ça parce qu'on emmène les gens pour pêcher. Ça fait que ces corporations-là vont regarder davantage le territoire et l'ensemble des ressources qu'elles peuvent mettre en valeur sur ce territoire-là au lieu de regarder strictement la dimension forestière. Et c'est sûr que, après les nouveautés ? on est à la recherche, on pense à différentes choses ? ça pourrait peut-être finir par déboucher sur des produits de deuxième et troisième transformations. On n'est pas rendu là actuellement, mais disons qu'on y pense. S'il y a des conditions qui facilitent la stabilité puis la pérennité de ces corporations-là, on pourra passer à une deuxième marche puis voir plus loin puis dire: Maintenant, intensifions nos travaux, diversifions-nous, développons des expertises particulières, ainsi de suite.

M. Boivin (Jean-Pierre): Excusez, ce qu'il faut comprendre, également, c'est que les compagnies forestières ont des CAAF près des collectivités. Et c'est dans ces parties de CAAF là que ces corporations-là désirent intervenir. Et lorsqu'on dit qu'on veut être dans le mode de gestion de participation, parler un peu d'égal à égal, c'est qu'il faudrait que la loi nous dise, peut-être: Vous avez l'obligation de vous entendre sur l'aménagement de ces territoires-là, là. C'est ça qui serait important.

Mme Normandeau: Vous souhaiteriez que la loi soit claire de ce côté-là peut-être...

Le Président (M. Sirros): M. Tremblay.

M. Tremblay (Denis): Oui, juste un petit point à rajouter à ce que Gérald disait tout à l'heure. Les corporations comme les nôtres, on n'a pas besoin... comme présentement, là, nous autres, on opère avec 10 000 m³ de bois par année. On n'a pas besoin de 15 000 m³ ou 20 000 m³ ou 18 000 m³. Tu sais, pour les corporations, c'est trop puis ça devient une opération qui est neutre parce que c'est, un, du bénévolat toujours pour le support de tout ça, bien souvent: support technique, l'administration et la gérance de tout ça, c'est tout bénévole.

Nous autres, ce qu'on veut, c'est à peu près garder le même nombre de mètres cubes, mais sécuriser nos emplois, nos travailleurs qui nous ont suivis au fil des années, qui ont pris de l'expérience puis là, qui sont capables de faire une semaine de travail qui est rentable. Ils sont capables d'aller se chercher un salaire très, très décent là, avec l'expérience qu'ils ont acquise. C'est de solidifier ça puis donner confiance à nos travailleurs pour les avoir une autre année.

Mme Normandeau: M. Lebrun, dans votre exposé, vous nous avez démontré effectivement qu'on peut créer de l'emploi, de l'emploi durable et puis dans un secteur, évidemment, qui n'est pas lié exclusivement à la récolte de bois, là. Quand on parle de gestion intégrée ou encore d'exploitation multiressource là ? je pense que les projets auxquels vous faites référence le témoignent, vous avez souligné: Si on avait des conditions qui pourraient faciliter l'établissement de projets comme ceux là, on pourrait aller plus loin encore. Vous avez parlé de conditions facilitantes. Qu'est-ce que vous souhaiteriez qu'on puisse mettre en place, justement, pour permettre aux projets auxquels vous faites référence de franchir d'autres étapes?

M. Lebrun (Gérald): Disons que c'est très simple. Voilà plusieurs années, le ministère des Ressources naturelles a mis en place le projet de forêt habitée puis il y a eu des projets-pilotes qui ont été reconnus officiellement, ils ont eu une aide financière. À côté de ces projets-là, il y avait plusieurs groupes qui travaillaient déjà, qui avaient peut-être postulé pour être reconnus officiellement, mais qui ne l'ont pas été. Ils ont continué à travailler. Nos cinq corporations, c'est ce qu'elles ont fait. Ça fait cinq ans qu'elles travaillent, puis actuellement, pour ces corporations-là qui ont investi beaucoup puis qui ont fait des choses, développé des partenariats avec des entreprises, à l'intérieur de la loi, il n'y a rien qui souligne qu'elles pourraient avoir une reconnaissance officielle qui pourrait peut-être leur donner un petit peu plus de poids pour négocier puis continuer, parce que ça va se poursuivre, le partenariat avec les entreprises. Mais si tu as une reconnaissance officielle, tu peux négocier plus facilement avec le bénéficiaire de CAAF. Ça fait que, premièrement, une reconnaissance officielle aiderait énormément.

n(10 h 10)n

Mme Normandeau: Une reconnaissance qui prendrait quelle forme? Avez-vous une idée?

M. Lebrun (Gérald): Non, pas nécessairement d'idée, mais...

Mme Normandeau: Non? Pour que vous soyez d'égal à égal là, tout à l'heure, vous...

M. Lebrun (Gérald): C'est-à-dire, reconnaissance officielle qui pourrait peut-être permettre de prioriser ces organisations-là que ça fait déjà plusieurs années qu'elles interviennent. Parce que, actuellement, faisons seulement le lien avec les contrats d'aménagement forestier qu'on soulève à l'intérieur du mémoire, c'est qu'une personne morale qui décide de commencer ses opérations aujourd'hui aurait autant de chance qu'une corporation que ça fait cinq ans qu'elle fonctionne.

Mme Normandeau: Peut-être une dernière question, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Oui, Mme la députée.

Mme Normandeau: Dans le mémoire de la MRC, à la page 10, vous faites référence à la prise en considération des populations autochtones. Bon, on a aussi une préoccupation de ce côté-là et vous parlez de normes d'intervention adaptées pour les communautés autochtones. Pour que ça apparaisse dans le mémoire de la MRC de Maria-Chapdelaine, est-ce que vous avez des expériences vécues pour avoir une préoccupation aussi pointue pour les populations autochtones?

M. Boivin (Jean-Pierre): Pas nécessairement. Bien, oui, il y a des scieries, par exemple, il y en a une de Mashteuiatsh qui opère en haut de Saint-Ludger-de-Milot qui prélève les ressources. Ça fait partie de nos préoccupations, mais c'est peut-être surtout en termes de la future approche commune de M. le ministre Chevrette où il est question qu'on accorde des contrats, des CAAF, aux autochtones. Et ce qu'on veut, c'est que les méthodes, tout ça soit harmonisé avec ce qui existe déjà, donc, dans la même philosophie, dans les mêmes approches. Alors, il est question, c'est vrai, que ces communautés-là doivent participer aussi à l'économie du Québec, mais pas différemment. Donc, c'est ce que M. Chevrette préconise d'ailleurs, c'est qu'il y ait des normes puis que ces normes-là s'apparentent aux normes que, nous autres, nous vivons ici.

Mme Normandeau: Éviter d'avoir deux régimes, finalement?

M. Boivin (Jean-Pierre): Deux régimes, un peuple.

Mme Normandeau: Bien, merci.

Le Président (M. Sirros): Ça va? Est-ce qu'il y a d'autres questions, des commentaires de clôture?

M. Boivin (Jean-Pierre): On vous remercie, M. le Président. Vous constatez en tout cas que, au niveau de la MRC de Maria-Chapdelaine, il y a une grande concertation au niveau des organismes de développement, que ce soit le CLD, les corporations, le monde municipal, et on croit toujours en cette ressource, on croit en sa pérennité pour assurer chez nous des emplois.

Et je voudrais juste en terminant vous mentionner que, à chaque fois qu'on crée de l'emploi dans nos petites scieries, dans nos PME, que ce soit même en choisissant des arbres pour faire des poteaux, alors, c'est cinq à six fois plus d'emplois que dans la grande industrie. Donc, de là l'importance de reconnaître ces corporations-là et le travail du monde municipal. Merci beaucoup.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, M. Boivin ainsi que tous ceux qui vous accompagnent.

J'inviterais le prochain groupe à venir prendre place. C'est la Conférence religieuse canadienne, région du Québec. Et, pour que le changement se fasse, on va suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 13)

 

(Reprise à 10 h 14)

Le Président (M. Sirros): On peut reprendre les travaux. Je pourrais inviter le responsable du groupe à se présenter et ceux qui l'accompagnent. Nous disposons de 45 minutes divisées en trois: 15 minutes de présentation, 30 minutes d'échanges. Alors, si vous pouvez vous identifier et ceux qui vous accompagnent, on pourra tout de suite entamer votre présentation.

Conférence religieuse canadienne,
région du Québec (CRCQ)

M. Hudon (Bernard): Alors, bonjour. Je suis Bernard Hudon. Je suis ici à titre de coordonnateur du comité environnement pour la Conférence religieuse canadienne du Québec, et je suis jésuite aussi. À côté de moi, vous avez Mme Lorraine Théberge qui est responsable du comité de justice sociale de la Conférence religieuse canadienne du Québec et on a avec nous aussi M. Claude Tessier qui est métayer à la forêt modèle du Bas-Saint-Laurent.

Alors, nous remercions M. le Président, M. le ministre, l'ensemble des députés de bien vouloir nous recevoir pour que nous vous présentions un peu notre mémoire. Je laisse la parole à Mme Lorraine Théberge qui va présenter brièvement notre organisation.

Le Président (M. Sirros): Mme Théberge.

Mme Théberge (Lorraine): Oui, d'accord. Alors, qu'est-ce que c'est, la Conférence religieuse du Québec? En fait, c'est 20 000 religieux, religieuses qui sont regroupés au sein de 140 communautés religieuses et qui, eux, se sont donnés des moyens pour être au coeur des débats sociaux du Québec d'aujourd'hui, parce qu'il ne faut pas oublier que ces communautés religieuses là sont très bien réparties sur le territoire, donc elles ont vu naître le Québec. Donc, pour elles, l'intérêt de la forêt est encore très vivant.

Alors, quelles sont donc les valeurs, quels sont donc les principes qu'elles veulent mettre de l'avant aujourd'hui? Donc premièrement, je dirais à quel point le secteur forestier est un secteur important pour démocratiser davantage dans le sens de se poser la question: À qui ça sert vraiment actuellement la foresterie industrielle? Le modèle dominant de foresterie industrielle à qui ça sert vraiment?

Le deuxième principe, c'est: Pourquoi, à partir du développement forestier, on ne met pas tout en oeuvre pour encourager le développement local et régional dans le sens de libérer du territoire public pour exploiter une gestion qui est beaucoup plus près des besoins humains, des besoins locaux?

Ensuite, l'importance pour l'État de reconnaître sa responsabilité face à l'appauvrissement des régions, l'appauvrissement des ressources, l'appauvrissement des personnes qui en découlent.

Quatrième élément important. À quel point c'est important pour l'État de préserver notre patrimoine collectif commun, donc de gérer la forêt dans le respect de l'environnement.

Et le dernier principe, c'est de venir dire à l'État à quel point aussi c'est important de mieux redistribuer la richesse qui découle de la mise en valeur de tout le potentiel forestier.

Donc, c'est à partir de ces principes-là que nous avons développé, que nous accompagnons, je dirais, les régions rurales comme le Bas-Saint-Laurent, comme l'Abitibi, les groupes populaires qui veulent mettre de l'avant une alternative à l'autoroute industrielle dans le sens de sortir de l'autoroute industrielle pour aller davantage vers des projets plus près des villages, plus près des communautés.

Le Président (M. Sirros): M. Hudon.

M. Hudon (Bernard): Oui. Alors, nous présenterons brièvement les points principaux de notre mémoire. Je ferai cela en trois parties, en présentant très brièvement le concept de forêt habitée, ensuite son historique et ensuite quelques-unes des autres revendications de notre mémoire. Ensuite, nous laisserons la parole à M. Claude Tessier qui présentera un peu comment est-ce qu'il vit l'expérience de la forêt modèle du Bas-Saint-Laurent, qui est un modèle de forêt habitée.

Le Président (M. Sirros): ...des 12 prochaines minutes.

M. Hudon (Bernard): Effectivement. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Sirros): Parfait.

M. Hudon (Bernard): Et j'aimerais préciser qu'aux étés 1988 et 1989 j'ai travaillé pour le service des pourvoiries du ministère Loisirs, Chasse et Pêches, où j'ai eu à me promener par hydravion et où j'ai perdu quelques-unes de mes illusions de jeune biologiste à l'époque.

Maintenant, si on rentre dans le mémoire comme tel, la forêt habitée... Bon. Le ministre propose le rendement accru moyennant une bonne supervision et du mesurage du bois et de l'inventaire forestier. Nous, on dit, c'est une démarche qui est intéressante et, comme ça doit se faire dans les meilleurs sols forestiers, et tout ça, c'est aussi des endroits où il y a le plus de population, ces endroits qui sont plus proches des usines.

n(10 h 20)n

Alors, ce qu'on dit, c'est qu'on devrait associer à la politique de rendement accru du ministre la politique aussi de forêt habitée. Et ce modèle-là devrait amener une diversification des modèles, c'est-à-dire qu'il y a la métairie, il y a les fermes forestières, ça peut fonctionner par coopérative, et tout ça. Et, pour des périodes ou des contrats qui vont être donnés, de cinq ans, renouvelables, et tout ça, on pourrait distribuer la gestion d'une partie de la forêt publique ? d'une partie, j'entends bien ? à des populations locales.

Pour ce faire, c'est sûr que ? je suis rendu à la page 7 ? il faudrait revoir la structure du prix du bois, et ça, dans l'enquête du BAPE, des forêts en santé, il en était question. Quand on a amené la Loi sur les forêts en 1987, on a amené un nouveau coût qui est celui de la sylviculture, et là, bien, il fallait voir qui allait l'assumer et tout ça. Finalement, on a opté pour le système qu'on a actuellement. Mais ce qu'on constate, c'est que la plus grande partie des profits va à la transformation du bois au Québec au lieu d'être à sa production. Alors, ce qui fait que, pour celui ou celle qui veut vivre en ferme forestière ou en forêt privée, bien, ça cause des problèmes.

Ensuite, très brièvement, ce qu'on constate avec beaucoup d'autres organisations, et en lisant les documents du gouvernement du Québec aussi, c'est qu'il n'y a pas d'équation entre la vitalité économique de l'industrie forestière et celle des localités qui dépendent de ces forêts-là. Là, je suis à la page 8 du mémoire. Dans un document publié en 1988, du gouvernement du Québec, À l'heure de l'entreprise régionale: plan d'action en matière de développement régional, dans son volet 5, Soutien aux régions en difficulté, on y lit ce qui suit ? et là, je vais citer:

«Il y a au Québec des territoires réellement démunis qui constituent de véritables zones de pauvreté et dont les chances de voir s'enclencher un développement sans aide gouvernementale sont pratiquement nulles[...]. Ces MRC là sont en ordre décroissant de désoeuvrement: Denis-Riverin, La Matapédia, Témiscouata, La Haute-Côte-Nord, Pabok, Avignon, Les Basques, Bonaventure, Les Etchemins, Mékinac, L'Islet, Charlevoix, La Mitis, Matane, Le Granit, le Haut-Saint-François, La Vallée-de-la-Gatineau, Pontiac, Minganie, Maskinongé[...]. L'économie de ces MRC est fortement liée à l'exploitation forestière, puisque plus de 35 % des travailleurs forestiers québécois habitent ces MRC. De plus, 46 % de l'emploi manufacturier est concentré dans la transformation du bois et du papier. La plupart de ces MRC font l'objet depuis plus d'un siècle d'une exploitation forestière très importante, et, dans plusieurs de celles-ci, la forêt a atteint un point de rupture où les stocks disponibles ne rencontreront bientôt plus les besoins des transformateurs.» Point de la citation. Et ça, c'est un document du gouvernement du Québec.

Dans le modèle de forêt habitée, selon nous, les industriels ne seraient pas perdants parce qu'il y aurait un approvisionnement au moins aussi fiable qu'actuellement sinon meilleur, parce que la forêt serait gérée par les gens de la place, alors les gens qui sont près de la forêt et qui ont avantage à ce qu'elle soit le mieux possible... Dans les programmes d'écocertification, je n'ai pas vérifié les détails, mais il me semble que ce serait intéressant aussi pour les industriels d'être sûrs que le bois qu'ils vendront à l'étranger fera vivre beaucoup de personnes et sera fait selon le multiressources et le développement durable.

Historique du concept de forêt habitée. Deuxième point encore plus rapide: Ce qui est surprenant quand on se met à lire là-dedans, c'est qu'il y a comme un dialogue de sourds entre une revendication d'une population et, malheureusement, le gouvernement du Québec, qui ne semble pas répondre. On peut commencer ça avec Esdras Mainville dans les années trente; ça a continué avec Léonard Otis dans les années cinquante avec l'idée de ferme forestière qui était revendiquée au niveau du Bureau d'aménagement de l'est du Québec ? j'en passe des bouts, évidemment; ça a continué avec Louis-Jean Lussier en 1971, qui a amené une étude en vue de la réorganisation de l'activité forestière du Québec méridional présentée au gouvernement.

Pendant tout ce temps-là, les gens continuaient de dire: Il y a quelque chose qui ne va pas. Par exemple, à la une du quotidien Le Jour, le 29 octobre 1975, le titre, c'est: Aménager au lieu de déménager. On sait que, dans les régions, les jeunes quittent, il n'y a pas de jobs, puis ils vivent à côté d'une forêt qui pourrait probablement leur en fournir. Plus tard, c'est sûr que la création des zecs a amené une confirmation du gouvernement de rendre le territoire public accessible à l'ensemble de la société québécoise.

J'en passe encore. Dans le projet de loi qui nous est actuellement soumis, il y a omission du concept de forêt habitée. Et pourtant, cette idée-là ne doit pas être si saugrenue parce qu'elle est intégrée au programme du Parti québécois depuis 1994 officiellement, article 3.2, article 3.2.1. En 1996, ça a été confirmé, et le Conseil national, en 1999, du Parti québécois a demandé au ministre Brassard aussi de faire suite à ce projet-là. Alors, on ne comprend pas pourquoi on n'a pas vu ça dans le projet de loi actuel.

Alors, c'est sûr que, dans les autres revendications ? troisième point encore plus rapide. Alors, pour la question des peuples autochtones, les documents de consultation font presque toujours référence, je cite, à la question d'«activités alimentaires, rituelles et sociales». Selon nous, les besoins des populations autochtones sont plus larges, et on aurait aimé ça, voir ça dans le cadre de l'esprit du rapport Erasmus-Dussault, où ils peuvent davantage pourvoir à leur propre développement.

Pour les aires protégées, on félicite le gouvernement d'avoir augmenté à 8 % les aires protégées. On souhaiterait que ça aille à 12 %, mais, en tout cas, il y a un bon pas déjà.

On demande, nous aussi, l'enquête publique indépendante, le bureau public de vérification forestière relié au bureau du Vérificateur général.

La participation du public et la transparence, page 18. Dans le fond, les documents de consultation insistent beaucoup sur ces aspects-là, et on trouve ça correct. Ce qu'on aurait aimé... Nous sommes très déçus de voir les reports quant aux détails de ce que seront les processus comme tels de consultation. Parce que, ça, on touche un facteur qui est bien important dans la dynamique du développement durable, où chacun doit être capable de donner son opinion dans quelque chose qui est décisionnel, pas juste quelque chose qui est seulement consultatif. Et, selon nous, aussi, toutes les consultations concernant les CAAF devraient être sous le contrôle, ou devraient être organisées, animées par des fonctionnaires du ministère puisque la forêt est une forêt publique. Alors, on aimerait que le répondant soit le gouvernement et non les industriels. J'arrête ici.

Le Président (M. Sirros): D'accord. Il y a M. Tessier, je pense, qui va prendre la parole.

M. Hudon (Bernard): Oui.

Le Président (M. Sirros): M. Tessier.

M. Tessier (Claude): Oui, M. le Président, ça va être bref. Je ne suis pas allé en forêt ce matin pour vous livrer un message très simple: oui, c'est viable, une formule de ferme forestière. J'en vis depuis sept ans, pratiquement exclusivement, sans assurance emploi, et puis j'en vis à l'année. Maintenant, c'est sûr, il y a des conditions inhérentes à ça. C'est exportable en forêt publique. Puis, les conditions, on pourrait penser à la vente des bois sur un libre marché pour ne pas être tenu à un seul industriel qui nous comparerait à des coûts de production avec une grosse mécanisation.

Et puis il y aurait aussi d'avoir une superficie viable dans une forêt acceptable, dans le sens que ce serait très confortable pour un industriel de léguer des territoires où ça fait trois, quatre intervenants qui passent là-dessus. Donc, il y a des conditions à ça. Et, puis, il y a des résultats différents aussi sur le produit au niveau de l'aménagement forestier. On comprendra que 100 000 mètres récoltés sur trois, quatre emplacements différents par un industriel puis 2 000 mètres d'un fermier forestier qui irait chercher ça à sept, huit places différentes dans une forêt mosaïque, ça crée de la biodiversité, ça crée du contentement pour les utilisateurs des autres ressources. Et, puis, ça amène le bois aux industries quand même. Merci.

Le Président (M. Sirros): On vous remercie. Alors, M. le ministre.

n(10 h 30)n

M. Brassard: Oui, alors, merci, M. Hudon, Mme Théberge et M. Tessier, de votre participation à cette commission et à cette consultation. Je comprends tout à fait bien que votre préoccupation centrale, c'est la mise en oeuvre concrète du concept de forêt habitée, et pour des fins d'assurer le développement de communautés rurales en difficulté. Le gouvernement devrait bientôt faire état d'un certain nombre d'éléments de politique concernant la ruralité et c'est évident que la forêt va occuper une place importante dans le cadre de ces mesures ou de cette politique. Mais c'est vrai que, dans le projet de loi, le concept de forêt habitée n'apparaît pas. C'est vrai. Et on ne l'a pas fait parce que c'était passablement difficile de le définir en termes légaux, compte tenu de la diversité des expériences qui se vivent présentement, parce qu'il s'en vit, des expériences. Il y a tout près d'une vingtaine de projets témoins de forêts habitées un peu partout à travers le Québec. On a eu un colloque récemment de ces promoteurs de projets là, et il y a une évaluation qu'on va devoir faire pour en tirer un certain nombre de conclusions puis voir comment aussi on peut réajuster des choses, si on veut aller plus loin et que des projets comme ceux-là se multiplient.

Mais il y a quand même, dans le projet de loi, des éléments qui vont permettre de mettre en place des conditions qui vont favoriser des projets de forêts habitées. Je pense à la participation des tiers à la planification; l'octroi de bois à des entreprises qui n'ont pas de permis d'usine ? ça peut être des organismes locaux; politique de rendement accru à venir, où évidemment on comprend très bien le message ? qu'on donne, dans le cadre d'une politique de rendement accru, un rôle plus important aux organismes locaux ou régionaux d'aménagement; délégation de gestion également ? on le fait de plus en plus; des programmes particuliers... cette disposition-là permettant de mettre en place des programmes particuliers, bien, c'est clair que ça donne une assise légale à la mise en place et au soutien qu'on pourrait apporter à des projets de forêts habitées.

Mais, dans cette perspective-là, est-ce qu'il y aurait d'autres mesures additionnelles qui devraient se retrouver dans le projet de loi pour faciliter la mise en place de projets de forêts habitées?

M. Hudon (Bernard): Bien, pour ce qui est de...

Le Président (M. Sirros): M. Hudon.

M. Hudon (Bernard): Oui, excusez. Pour ce qui est de la planification par les tiers ou la participation des tiers, effectivement, il y a une ouverture, mais, bon, ça peut être la bouteille à moitié vide, à moitié pleine, là. C'est que c'est clair que, les associations de chasseurs-pêcheurs, par exemple, il y a des groupes qui n'ont pas accès, selon le texte de loi, aux participations.

Dans le fond, ce que dit le rapport Brundtland aussi, c'est que, quand on parle de développement durable et qu'on est devant un écosystème forestier qui est complexe, il n'y a pas une personne ou il n'y a pas un groupe qui va connaître l'ensemble de tout ce qui se passe dedans. Et si, par exemple, les cueilleurs de champignons se rendent compte que dans un secteur les champignons sont en train de disparaître, il y a seulement à peu près juste eux autres qui vont les voir et qui pourront le dire. Alors, c'est pour ça qu'il faut que ça soit le plus large, que la consultation soit la plus large possible, si on veut aboutir à une politique de développement durable. Du moins, dans les écrits généraux, c'est ça qu'on dit. Alors, il faudrait élargir la participation des tiers par rapport à ce qu'il y a dans le texte de loi, actuellement. De un.

Et, à notre point de vue, il nous apparaît que l'étape des projets-pilotes, au Québec, est un peu dépassée. Il y a des expériences qui fonctionnent et on pourrait rétrocéder une partie de la forêt publique à un nouveau système de gestion. Et je ne suis pas un avocat, mais il y a sûrement moyen d'écrire des textes pour dire que soit une corporation municipale ou soit... bon, diverses organisations puissent avoir un contrat de cinq ans, renouvelable, sous supervision du MRN, pour la supervision de la possibilité forestière, et tout ça. Mais, de la même façon qu'on donne la gestion des industriels pour 25 ans, renouvelable, on peut sûrement trouver une façon de le donner aussi à d'autres organismes pour des périodes de cinq ans, renouvelable aussi. Je ne peux pas croire que ça ne se peut pas.

Le problème, c'est qu'à peu près toute la forêt publique est déjà allouée, alors je pense que le problème est là, mais ça, ne serait-ce que... bon... Cette forêt-là, est-ce qu'elle appartient au public? Si oui, il y a moyen de la réaménager au niveau de la gestion. Je ne sais pas si...

Le Président (M. Sirros): M. le ministre.

M. Brassard: Oui, oui, je comprends. Bien, effectivement, il y a un problème de nature juridique, qui n'est pas banal, c'est évident, parce que ce sont des contrats, les CAAF, ce qu'on appelle des CAAF, c'est les contrats. Alors, les contrats, ça a une valeur légale et juridique qu'on ne peut pas non plus ignorer. Mais, malgré cela, il est arrivé, et puis il arrive souvent, dans beaucoup de régions forestières, je pense à chez moi, au Saguenay?Lac-Saint-Jean, où, même s'il y a des CAAF, ce sont des organismes locaux, des coopératives, qui, très largement, assument l'ensemble des travaux d'aménagement, des travaux sylvicoles sur des territoires assez importants. C'est évident que, compte tenu qu'il y a des contrats, il faut que le détenteur de contrat accepte, consente à octroyer ces travaux-là à des organismes locaux, mais c'est quand même très largement répandu depuis quelques années, ça s'est largement répandu. Les coopératives forestières, par exemple, maintenant assument au-delà de 40 % des travaux d'aménagement, des travaux sylvicoles sur le territoire.

Mais je comprends que, ce que vous dites, c'est que, surtout en territoire habité, ou en zone habitée, ou à proximité des zones habitées, quand c'est caché, comme on dit dans le jargon, c'est évident que ce que vous souhaitez, c'est qu'en plus des lots intramunicipaux on puisse élargir le territoire forestier autour des zones habitées pour que ce territoire soit confié, dans une perspective de gestion intégrée des ressources, au milieu ou à des organismes du milieu. Bon, il faudra examiner cette possibilité. Mais, le contrat d'aménagement forestier, le nouveau véhicule qu'on retrouve dans le projet de loi, c'est un peu dans cette perspective-là. Évidemment, il faut qu'il y ait des disponibilités qui apparaissent. C'est sûr que, quand il y aura des volumes disponibles qui apparaîtront ? pour le moment ce n'est pas évident ? à ce moment-là, ce sera tout à fait possible de confier cela à des organismes locaux via un contrat d'aménagement forestier.

Mais, ma question précise cependant irait plutôt, pour conclure, à M. Tessier qui, lui, est un métayer à la forêt modèle du Bas-Saint-Laurent. Il a parlé très brièvement de son expérience tout à l'heure; j'aimerais qu'il m'en parle davantage. C'est quoi le nombre d'hectares que vous avez? Qu'est-ce qu'il faut en termes de superficie pour que vous puissiez dire: Bien, voilà, je peux vivre de la forêt, je peux gagner ma vie honorablement, puis je peux faire vivre ma famille avec ce métier-là. C'est quoi, les seuils?

M. Tessier (Claude): Oui. Si je vous dressais un petit tableau bref, la superficie moyenne des métayers, c'est environ entre 1 000 et 1 200 hectares d'une forêt qui, je dirais, a un potentiel très moyen. Alors, ça, une superficie, c'est toujours relatif, en avoir 4 000 mais que ce soit une talle de brousse, c'est moins intéressant que d'en avoir un 1 200 qui a un potentiel forestier dessus. Alors, pour un chiffre d'affaires environ de 100 000 $ pour une métairie, une activité forestière, un métayer peut avoir un salaire entre 30 000 $ et 40 000 $ par année, avec une activité qui s'échelonne, là... Personnellement, moi, je travaille en forêt environ 10 à 11 mois par année, et puis, je dirais, on ne parle plus de la même qualité d'emploi non plus. Alors, ça fait 20 ans que je suis en forêt, j'ai vécu ce que c'était d'être travailleur pour un contracteur, avec le club des 42-10, 10 semaines de travail pour 42 semaines de chômage, alors on a renversé la vapeur pas mal.

Donc, c'est une alternative intéressante qui aussi crée de l'emploi non seulement pour le teneur de ferme forestière ou le métayer, c'est une création d'emplois directs pour ce qui est des travaux puis toute l'économie régionale qui s'ensuit. En faisant une foresterie fine, à petite échelle, on fait quand même rouler l'économie puis on amène quand même le bois aux usines. Et puis je ne serais pas gêné de vous montrer nos travaux. Et puis les voyages de bois sortent pareil, puis ils vont sortir longtemps.

n(10 h 40)n

Alors, on a une gestion multiressource. Mais je ne cacherai pas que ce qui amène le pain sur la table, c'est l'exploitation forestière. On a une gestion collective des autres ressources, on a une pourvoirie où on s'est incorporé et chacun des membres, parce qu'on est un groupe de métayers, comme dans l'endroit où je suis, on est 16 métayers, on a formé une compagnie à parts inégales. Les gens plus intéressés investissent plus, ont voix plus au chapitre, mais les autres ressources, c'est toujours du long terme où il faut investir beaucoup d'énergie et d'argent. Alors, c'est long à récupérer un profit et dire que c'est complémentaire aux revenus d'une ferme forestière. Donc, ça serait dangereux ? parce qu'il y a des industriels qui m'ont servi ce discours-là ? de dire: On serait prêts à avoir des fermes forestières sur notre CAAF à condition que ça ne nous coûte pas plus cher que notre école conventionnelle supermécanisée, puis vous irez chercher le manque à gagner au niveau de la multiressource, des autres ressources. Alors, il y a un prix à tout, puis on ne parle pas de la même foresterie.

Le Président (M. Sirros): J'ai cru voir Mme Théberge qui voulait prendre la parole. Il reste à peu près trois minutes de ce côté.

Mme Théberge (Lorraine): En fait, le message qu'on veut passer, c'est tout simplement de créer des conditions pour que l'entrepreneurship, la petite entreprise, puisse vivre à travers le modèle plus large d'industrialisation qu'on a actuellement. Et je pense que c'est au gouvernement ? quand on pense ? d'encourager les gens dans les régions à rester chez eux, à occuper leur territoire. Il faut bien qu'ils soient capables de vivre décemment. Il ne faut pas que ça soit seulement des projets de forêts habitées qui découlent de subventions, il faut que ça permette aux gens de rester chez eux et d'améliorer leur qualité de travail aussi puis d'avoir l'impression qu'ils bâtissent l'avenir, parce que, en fait, c'est de cette façon-là qu'on met un peuple debout puis de cette façon-là aussi que naît le pays. Et je reprendrais «tant vaut le village, tant vaut le pays» de Solidarité rurale et de la Coalition Urgence rurale.

Le Président (M. Sirros): Merci. On va passer la parole à Mme la députée de Bonaventure, pour poursuivre.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. M. Hudon, Mme Théberge, M. Tessier, bonjour, merci d'être ici, merci de nous livrer votre vision entourant le projet de loi n° 136 et, je dirais, d'une façon plus large, de la place que doivent occuper nos forêts dans nos communautés. Il y a deux principes qui sous-tendent votre mémoire: c'est les principes d'équité et de justice. Je pense que ça, c'est très clair. Et vous rejoignez dans ce sens-là plusieurs intervenants, ceux qui vous ont précédés, les MRC notamment qui revendiquent plus de place des communautés pour ce qui est de la mise en valeur et de l'exploitation des forêts.

Mais, avant d'aller plus loin dans le mémoire comme tel, le ministre a interpellé tout à l'heure notre métayer, M. Tessier, et c'est en fait la première fois que la commission a la chance d'avoir un témoignage de métayer. On parle beaucoup de la forêt modèle du Bas-Saint-Laurent. Moi, j'aurais envie de vous demander, M. Tessier: Quelle est la journée type d'un métayer? Quand vous commencez, vous vous levez le matin et vous vous couchez le soir, ça ressemble à quoi une journée type de métayer, parce que ça nous semble évidemment une profession particulière, un métier particulier.

Le Président (M. Sirros): M. Tessier.

M. Tessier (Claude): Oui. Mettons, je vous dirais que, d'abord, on se fait hypothéquer souvent d'une image très faussée au niveau des forêts modèles, que c'est la version chromée des fermes forestières. Possiblement pour ce qui est de la quincaillerie, ce qui entoure le projet, le suivi du projet.

En forêt, moi, ça a toujours été la vie du travail en forêt qui s'est poursuivie. Alors, la vie d'un métayer, c'est 4 h 30 le matin, pour moi, ça va jusqu'à 16 h 30, 17 heures, avec une gestion de mon entreprise, avec les inventaires pour les futurs travaux, avec la machinerie à entretenir. Donc, je dirais que c'est un éventail de métiers qu'il faut apprivoiser. Certains sont déficients au niveau de l'administration et ils ont eu un peu de formation pour combler ces manques-là, mais il y a des critères de base comme l'amour de la forêt et une connaissance du métier qui sont importants parce que, comme je le disais tantôt, c'est le pain sur la table. Alors, quelqu'un qui fait faire des travaux puis qui gère ça comme un gros contracteur, il va se retrouver avec de la margarine, là. Alors, il faut quand même mettre la main à la pâte beaucoup, mais je vous dirais que, en quelque part, c'est très valorisant parce qu'on a le sentiment d'être plus responsable de sa destinée. Ça reste qu'on n'est pas propriétaire des lieux.

Mais, comme pour moi, j'ai embarqué dans ce train-là parce que c'était un vieux rêve de 20 ans d'avoir une ferme forestière puis d'en vivre. On sait aujourd'hui, sur forêts privées, que c'est difficile d'acquérir des lots à un prix raisonnable. Donc, faire de l'aménagement à long terme sur des investissements de 300 000 $, c'est des pilleurs de lots qui se permettent ça. Alors, quand ça a passé, bon, bien, c'est une formule où tu paies quand tu en mets à terre, du bois, et puis, tout l'aspect autour de ça, dire biodiversité puis aménagement de la faune, je vous dirais que ça porte des fruits tranquillement puis...

À titre d'exemple, notre cheptel d'orignaux, depuis six ans, notre septième année maintenant, on a fait un inventaire au début, puis on a fait un inventaire aérien l'hiver passé, puis il a augmenté de 40 %. Et puis on est en pleine semaine de chasse actuellement sur notre territoire puis les chasseurs sont vraiment satisfaits, autant sur la qualité du paysage... Ça fait sept ans, là, qu'on trime là-dessus, là, puis ce n'est pas L'Erreur boréale, je vous jure, parce que faites un petit survol puis vous savez sont où les limites de la seigneurie, hein, les caches sèches, on les voit bien, puis, nous, c'est une espèce de forêt mosaïque où tout le monde y trouve son compte finalement, puis nous aussi. Moi, je sais bien que ma qualité de vie est améliorée.

Mme Normandeau: Est-ce que vous êtes seul, M. Tessier, pour tout faire ça l'inventaire, les plans, les plans pour l'aménagement, la coupe, la récolte?

M. Tessier (Claude): Non, moi, je... Mettons, on est un modèle dans le modèle, disons, parce que je me suis associé à deux personnes, deux métayers. On s'est formé une compagnie ensemble pour s'offrir des services, autant sur la machinerie en commun que sur le reste, puis on a comme des qualités complémentaires qui font qu'on fait une bonne équipe. Donc, nous, c'est l'entreprise qui possède tous les équipements puis on est comme salariés dans l'entreprise. Donc, on a chacun nos points forts. J'ai mon frère qui est associé, qui, lui, est un très bon gestionnaire; il est gérant de la pourvoirie, en plus. C'est un gars qui en mange, de la faune, puis tout ça. Puis j'ai mon autre associé qui, lui, c'est plus le gars petit train va loin, terrain, puis, moi, je suis le gars de machine puis le gars d'un petit peu de tout. Donc, on fait une équipe, je dirais, efficace, mais ça, c'est chacun des choix qu'on prend. Alors, la majorité des métayers sont des travailleurs autonomes qui peuvent employer de la famille ou des connaissances, avec une moyenne d'environ un employé par ferme forestière. Alors, il peut se rajouter à ça tous les sous-contractants, puis tout ça.

Donc, on met 22 000 mètres résineux en marché et puis ça ne paraît pas trop de désastre sur le terrain, puis on va continuer à livrer à l'usine, puis on va augmenter... nos possibilités forestières vont augmenter aussi dans les avenirs puis... On a passé la période de consolidation puis là ça roule.

Mme Normandeau: Donc, vous avez quitté votre forêt modèle pour une journée en commission parlementaire aujourd'hui.

M. Tessier (Claude): C'est du dernière minute, de l'imprévu. J'ai dit oui, parce que ça me tient à coeur puis qu'autant pour moi c'est une occasion de nous faire entendre. Puis, c'est comme je disais ce matin, des fois je travaille très isolé dans un monde, tu penses que tu es dans ta petite bulle, puis on fait des petits pareil, puis ça fait 20 ans que je travaille en forêt au niveau de l'aménagement forestier, puis que j'ai toujours trimé pour que ça avance, puis j'ai l'impression que ça stagne, puis que j'aimerais donc qu'il y ait une formule qui puisse... Je suis un fervent d'être capable de trouver un juste milieu. Alors, entre les coupes de 200 hectares, puis l'exclusivité des industriels, et puis la petite ferme sur le privé, il y a un juste milieu qui pourrait faire l'affaire de tout le monde.

Mme Normandeau: Bien, merci de votre témoignage bien intéressant. Il y a un autre sujet qui vous tient à coeur: c'est les conditions de travail en forêt. Vous avez fait une place particulière à ce point-là, à la page 7 de votre mémoire, et vous relevez un témoignage d'un travailleur forestier. Il y a plusieurs intervenants qui sont venus effectivement nous livrer leurs préoccupations et leurs désirs de voir les conditions de travail de nos travailleurs forestiers, les travailleurs sylvicoles, être améliorées en forêt. Si vous aviez à formuler une suggestion, une recommandation pour justement qu'on puisse améliorer les conditions de travail de nos gens en forêt, quelles seraient ces recommandations ou ces propositions pour qu'on puisse avoir un régime acceptable, équitable pour tout le monde, et ça inclut bien sûr les travailleurs forestiers?

n(10 h 50)n

M. Hudon (Bernard): J'aurais deux points. C'est-à-dire que je pense qu'il faut éviter de généraliser un système de sous-traitance. Je connais le système des coopératives, mais elles sont sous-traitants d'industriels, alors... Et le principe même de la forêt habitée, du développement régional, ce n'est pas d'être sous-traitant pour... c'est de vendre son bois à un prix correct dans un marché libre à un industriel. O.K. Alors, c'est sûr que, si on a tout un système de sous-traitance, bien, ça fait en sorte qu'à l'autre bout les conditions de travail ne sont pas terribles, parce qu'il y en a d'autres qui prennent de l'argent au travers.

Sur l'autre chose, c'est, bon, la Coalition sur les forêts vierges nordiques demande qu'il y ait un système d'accréditation syndicale qui soit plus efficace par unité de gestion ou l'équivalent. Alors, il faut assurer justement la syndicalisation ou, en tout cas, la favoriser. Je sais, parce que dans ma famille il y a des travailleurs forestiers qui justement ont vu ce système-là se dégrader et je pense que c'est les deux voies. Je pense qu'il faudrait poser ces questions-là aux centrales syndicales aussi, qui ont sûrement... c'est leur «bag», là.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. Hudon. M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui, très bien. D'abord, vous remercier d'être ici. Vous serez probablement, sur les 100 groupes qu'on entendra pendant cette commission, le seul groupe à connotation religieuse, et c'est tout à votre honneur d'être ici. Et je pense que, quand on parle de foresterie, il y a quelque chose de moral là-dedans. Je suis très heureux que vous soyez ici et bravo pour votre mémoire.

Vous avez dit, dans votre présentation, dans un coup de coeur, M. Hudon: C'est un dialogue de sourds. C'est un dialogue de sourds, pourquoi? La province ne vous entend pas? Les ingénieurs forestiers ne vous donnent pas les bons chiffres et les multinationales vous «stampede»? C'est quoi, un dialogue de sourds? Où est-ce qu'il se situe le dialogue de sourds?

Le Président (M. Sirros): M. Hudon.

M. Hudon (Bernard): Bien, c'est-à-dire que c'est dans une perspective historique. Il y a des gens qui ont fait des mémoires de maîtrise sur ce genre de domaine là, des doctorats, et tout ça, et ce qu'on constate, c'est que l'histoire de l'industrie forestière, c'est une histoire où le débat large dans la société ne s'est rarement sinon jamais fait, sauf depuis le film L'Erreur boréale, ou à peu près. Il y a eu des enquêtes publiques. J'ai déjà lu quelques mémoires d'une commission en 1967-1968, où les industriels disaient à peu près ce qu'ils disent encore aujourd'hui, c'est-à-dire qu'ils parlaient de rupture de stock à cette époque-là.

Alors, ce qui se passe justement, c'est qu'on a des populations, particulièrement dans le Bas-Saint-Laurent?Gaspésie, parce que ça a été lancé là, mais en Abitibi aussi, qui demandent de plus en plus et avec des gens... il y a eu la Faculté de foresterie qui s'est impliquée dans les années soixante-dix sur des projets justement de fermes forestières, de projets-pilotes et ces choses-là, et ça finit toujours par aboutir à des projets-pilotes et à des exceptions et à des choses qui sont bien gentilles et bien correctes, mais en autant qu'on ne vienne pas déranger les CAAF. Bien, c'est ça qui est malheureux. C'est que, dans le fond, est-ce qu'on veut vraiment avoir une politique globale de développement de nos populations qui vivent en région et qui vivent particulièrement de la forêt? C'est la principale industrie, les industriels sont toujours bien contents de le dire, de dire qu'il y a 250 municipalités qui vivent de la forêt et patati patata, mais le dialogue, il y a un problème de ce côté-là. C'est plus dans une perspective historique, mais on verra ce que dira l'histoire dans les prochaines années.

M. Benoit: À la page 18 de votre mémoire, vous nous dites, et nous l'avons entendu moult fois: «Nous souhaitons que les documents techniques soient correctement vulgarisés.» Vous avez affaire à toutes sortes de mondes, beaucoup de néophytes, mais des gens qui vivent de la forêt ultimement. Et ce que j'ai cru comprendre depuis... Vous êtes le quatre-vingt-huitième mémoire aujourd'hui, quatre-vingt-neuvième, il y en aurait à moitié à peu près qui nous ont dit ça, incluant les ingénieurs puis l'Université Laval, il faut le faire, là, qui sont venus nous dire qu'ils ne comprennent les documents du ministère. C'est eux autres qui enseignent aux ingénieurs. Alors, une fois ça dit, moi, j'aimerais que vous le répétiez fortement au ministre que, les documents, il faut qu'ils soient vulgarisés, et j'aimerais que vous expliquiez au ministre comment on vulgarise ces documents-là. Je veux dire, ça me semble tellement élémentaire. Et hier, je repensais à ça en m'en allant chez moi, je me disais: La tour de Babel, ça devait être à peu près ça. Ils ont fait des plans que personne n'a compris puis ils ont bâti une tour toute croche. Et, comme vous êtes des gens religieux, vous comprenez très bien ma présentation. Est-ce qu'on n'est pas avec une tour de Babel ici, des plans que personne ne comprend finalement?

Le Président (M. Sirros): Mme Théberge.

Mme Théberge (Lorraine): Si vous me permettez, je vais répondre à cette question parce que je viens du Bas-Saint-Laurent, j'ai été 15 ans dans cette région à travailler à la Coalition Urgence rurale, et j'ai été dans le dépôt des PGAF, l'été dernier, par les industriels forestiers. Je peux vous dire que, premièrement, c'est des documents qui sont d'une épaisseur... au moins ça d'épais et que, dans le fond, le commun des mortels, ce qu'il veut savoir, c'est comme quelqu'un qui analyse son compte en banque, il veut savoir c'est quoi le capital forestier que nous avons dans chacune des essences puis c'est quoi qu'il va nous rester dans 25 ans. Mais il y a tellement de tableaux, puis il y a tellement de projections, puis il y a tellement de choses là-dedans que, pour répondre à cette question-là, il faut ouvrir le gros paquet de documents, il faut aller dans le milieu du document, il faut revenir au début puis mettre les données ensemble. Il faut que la personne qui prend le livre mette les données ensemble pour avoir les réponses à ses questions et, en plus, il faut qu'elle paie pour avoir accès aux documents. Alors, quand on est consultés sur quelque chose, normalement, on devrait au moins avoir la décence de nous remettre les documents. D'accord?

Alors, c'est tout ça, là, la vulgarisation. Et, moi, je pense que, quand on parle de vulgarisation aussi, le gouvernement ne peut pas redonner la responsabilité à un tiers de s'occuper de cela. C'est notre patrimoine collectif à nous, les Québécois. C'est sa responsabilité de prendre les moyens pour que le peuple québécois comprenne et se prononce véritablement.

M. Benoit: Très bien. Merci.

Le Président (M. Sirros): Ça va?

M. Benoit: Oui.

Le Président (M. Sirros): Oui? Alors, en vous remerciant pour votre présentation, nous passerons...

Une voix: M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Oui, je m'excuse, un mot de...

M. Tessier (Claude): Un petit privilège pour un forestier qui s'en va mettre ses bottes.

Le Président (M. Sirros): Accordé. Ha, ha, ha!

M. Tessier (Claude): Merci. M. le ministre, si on attend qu'il se libère des volumes sur des futurs savants calculs pour attribuer des fermes forestières sur le public, permettez-moi d'en douter, on va attendre longtemps. Il n'y aurait pas une formule incitative, je ne sais pas, moi, augmenter les droits de coupe dans les secteurs ciblés si les industriels ne donnent pas leur aval sur des projets de fermes forestières, une espèce de formule qui ferait que les CAAF qui sont signés, blindés, intouchables puissent être contournés légalement? Parce que, je veux dire, il y a urgence, là. Le terrain de jeu, il s'en va puis il est dilapidé de plus en plus.

Le Président (M. Sirros): Merci pour cette intervention. Je pense que ça va être pris en compte par l'ensemble des membres de la commission.

M. Tessier (Claude): Je vous invite à la forêt modèle, si le vent vous souffle vers le Bas-du-Fleuve.

Le Président (M. Sirros): Alors, on va suspendre quelques secondes en invitant au préalable le Comité des principaux intervenants en forêt privée du Bas-Saint-Laurent.

(Suspension de la séance à 10 h 58)

 

(Reprise à 11 heures)

Le Président (M. Sirros): Je vais demander aux membres de bien vouloir prendre place et inviter le Comité des principaux intervenants en forêt privée du Bas-Saint-Laurent à bien vouloir s'asseoir également. En vous invitant à faire la présentation de qui vous êtes, en quelque sorte, et en vous rappelant que vous avez 30 minutes, qu'on dispose de 30 minutes, 10 minutes de présentation, 20 minutes d'échanges. Et, sans plus tarder, on pourrait y aller.

Comité des principaux intervenants
en forêt privée du Bas-Saint-Laurent

M. Nazair (Jean): Merci, M. le Président. Mon nom est Jean Nazair. Je suis coprésident du Comité des principaux intervenants en forêt privée du Bas-Saint-Laurent. Avec moi, M. Jacques Lévesque, qui est directeur général de l'Agence régionale de mise en valeur des forêts privées du Bas-Saint-Laurent et également secrétaire du Comité des principaux intervenants.

Si vous me permettez, M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, j'aimerais prendre juste quelques instants pour vous expliquer qu'est-ce qu'est le Comité des principaux intervenants en forêt privée du Bas-Saint-Laurent et je laisserai après la parole à M. Lévesque qui expliquera le but de notre intervention.

Le Président (M. Sirros): D'accord, M. Nazair.

M. Nazair (Jean): Le Comité des principaux intervenants est né de deux initiatives. D'une part, au niveau de l'Agence régionale de mise en valeur des forêts privées du Bas-Saint-Laurent, on avait une préoccupation, dans ce sens que, même si on génère quelque chose comme 40 à 45 millions comme chiffre d'affaires d'activités forestières dans le Bas-Saint-Laurent, on a énormément de demandes de propriétaires et d'organismes de gestion pour accroître davantage les travaux, l'aménagement. On a formé un comité au niveau de l'Agence pour justement essayer de trouver une nouvelle façon, une nouvelle approche, de nouvelles sources de financement.

Le comité qu'on avait formé au niveau de l'Agence comprenait des représentants du monde municipal, des organismes de gestion en commun et également du Syndicat des producteurs de bois du Bas-Saint-Laurent. On s'est penchés sur cette problématique ? essayer de trouver de nouvelles sources de financement ? et on avait également à l'esprit une problématique qui s'appelle la future épidémie de la tordeuse de bourgeon d'épinette. On prenait en compte également l'entente spécifique qui est intervenue entre le MRN et le CRCD du Bas-Saint-Laurent concernant justement la future épidémie de tordeuse du bourgeon de l'épinette. Parallèlement, la Fédération des organismes de gestion en commun du Bas-Saint-Laurent avait également formé un comité, et puis ce comité-là se penchait sur... en tout cas, essayait de trouver une façon de consolider et de créer de nouveaux emplois en forêt.

Bon, comme il y avait comme une complémentarité entre les deux comités, on a fusionné ces deux comités-là et on a également ajouté un représentant des coopératives, ce qui veut dire que le Comité des principaux intervenants en forêt privée du Bas-Saint-Laurent regroupe des représentants de l'Agence régionale, des gens du monde municipal, des organismes de gestion en commun, du Syndicat des producteurs de bois et des coopératives. On a fait une démarche et on a éventuellement fait le dépôt d'une demande de subvention à M. le ministre justement, et c'est un peu de cette façon-là que le Comité se maintient encore en vie. C'est qu'on se dit: Il y a encore des projets qui peuvent être intéressants, et c'est de ça qu'on veut vous entretenir aujourd'hui, un dossier en particulier, qui est le rendement accru. Et je laisse la parole à M. Lévesque pour vous en parler.

Le Président (M. Sirros): D'accord. M. Lévesque.

M. Lévesque (Jacques A.): Alors, bonjour, tout le monde. Dans le document d'information sur la mise à jour du régime forestier, à la page 54, dans le point 2, point 3, point 6, on parle de rendement accru, et c'est à ce niveau-là strictement qu'on veut vous interpeller parce que c'est à ce niveau-là, forcément, qu'on a vu un lien entre ce qui se passait au niveau public et au niveau privé. Donc, c'est à ce niveau-là spécifiquement qu'on veut vous entretenir aujourd'hui.

Dans le document, à la page 54, en termes de rendement accru, on a lu, et c'était écrit que les volumes de bois disponibles ont été presque tous attribués en forêt publique et même en forêt privée. C'est le cas, là, je pense, dans le Bas-Saint-Laurent. Pourtant, on dit dans le même document qu'on ne compte pas tous les besoins des usines ni la demande en approvisionnement. Alors donc, dans la suite de ce document d'information là, on dit qu'il faut donc augmenter la production des forêts privées et publiques. Et, au niveau de la forêt privée, ce qu'on dit, c'est que c'est lors de la préparation des plans de protection et de mise en valeur des forêts privées que les organismes concernés devront en tenir compte.

Alors, ce à quoi le ministre nous dit qu'il s'attend là-dedans, c'est qu'il y ait des projets qui soient déposés pour tenir compte de cet aspect-là. On va même définir qu'est-ce qu'on entend par le rendement accru et on dit que c'est une augmentation de la possibilité forestière obtenue à moyen et long terme grâce à l'intensification de l'aménagement forestier.

En termes de rendement accru, vous dites également dans le document que les agences doivent fixer... Parce que c'est les agences qui sont responsables, là, des plans de protection et de mise en valeur, qui sont peut-être l'équivalent d'un PGAF en forêt publique. Ce sont ces agences-là qui doivent fixer l'objectif à atteindre en forêt privée et les activités qui seront soutenues financièrement. Pour vous donner des exemples, au niveau du reboisement, de regarni, de régénération naturelle, d'éclaircie, etc.

Et, à la page 56 de votre document, vous dites qu'il y aura des budgets de rendement accru à l'échelle du Québec pour les forêts publiques et privées. On parle d'un montant autour de 65 millions, d'un certain nombre d'emplois qui seront créés et on parle même que ça pourrait... Par le biais de cet investissement-là, on parle que ça pourrait avoir un impact, en termes de rendement, en termes de mètres cubes solides, de quelque chose autour de 700 000 m³.

Dans le Bas-Saint-Laurent, on a fait notre PGAF au niveau de la forêt privée, qui s'appelle le Plan de protection et de mise en valeur des forêts privées, et on s'est rendu compte... une grande orientation qu'on a décelée là-dedans, c'est que la forêt privée du Bas-Saint-Laurent, actuellement, c'est une forêt qui est une forêt mélangée à dominance feuillue dans un ordre de 67 %, 68 %. Or, si on regarde la qualité des sols, on se rend compte que cette forêt-là, théoriquement, en fonction des types écologiques, de la qualité des sols, ça devrait être une forêt mélangée à dominance résineuse à raison de 80 %, donc une forêt soit résineuse ou mélangée à dominance résineuse à raison de 80 %. Or, aujourd'hui, à cause de toutes les perturbations qu'il y a eu au cours des 30, 40 dernières années, on a une forêt mélangée à dominance feuillue principalement. Donc, il y a comme un rétablissement des choses à faire. Donc, le site est propice pour de l'investissement intensif au niveau du rendement accru.

On a fait une analyse plus poussée en forêt privée, on se rend compte actuellement que le calcul des possibilités forestières en forêt privée nous dit que, au niveau des sapins, épinettes, on pourrait prélever 600 000 m³ par année. Ça, c'est les derniers, plus récents calculs. Or, ces calculs-là, ce qu'ils nous disent, c'est ce qu'on faisait en termes de récolte depuis quelques années, en moyenne 600 000 m³ par année. C'étaient également les calculs qui ont été faits il y a cinq ou 10 ans, donc il n'y a pas eu ni de hausse ni baisse. Autour des mêmes chiffres, donc on parle de 600 000 m³ par année.

Si on regarde, par exemple, un investissement en termes de rendement accru, un exemple de 6 000 000 de dollars, qu'est-ce que ça nous donnerait immédiatement à partir de la période, par exemple, de 2001 jusqu'à la période... 30 ans plus tard, pendant les 30 premières années, ça nous donnerait 70 000 m³ juste au niveau du sapin, épinette. La forêt privée pourrait fournir 70 000 m³ de plus en termes de possibilité forestière, et puis, à partir de la trentième année, on aurait 330 000 m³ de plus. Au lieu du 600 000 actuel, on aurait 930 000 m³ de plus. C'est 33 % de plus que ce qu'on peut prélever actuellement.

Donc, ce dont se rend compte, c'est que la forêt privée bas-laurentienne, elle a un énorme potentiel d'enrésinement à cause de sa qualité des sols puis à cause des perturbations qu'il y a eu dans les dernières années. On dit: Il y a un potentiel très intéressant au niveau de la forêt privée, puis on voudrait que, dans la politique de rendement accru, dans le fond, on en tienne compte. Pour y arriver, la forêt privée a besoin d'investissements importants, notamment en termes de regarni et de régénération naturelle, de reboisement. Le reboisement dont on a tenu compte au niveau de ce calcul de possibilité là, c'est un reboisement d'essences indigènes. Ce ne sont pas les essences à croissance rapide. Or, si on tenait compte d'essences à croissance rapide, probablement que ça aurait encore des impacts plus importants. La forêt privée pourrait compenser à court et moyen terme les baisses de possibilité en forêt publique grâce à un investissement en termes de rendement accru. C'est pour ça que la recommandation, tout simplement, du Comité des principaux intervenants en forêt privée du Bas-Saint-Laurent, c'est de dire: Réservez donc une part importante des investissements prévus dans le Bas-Saint-Laurent en termes de rendement accru à la forêt privée compte tenu du potentiel que cela représente pour l'approvisionnement de l'industrie. C'est tout.

Le Président (M. Sirros): Oui, un petit ajout, M. Nazair.

n(11 h 10)n

M. Nazair (Jean): Une très brève conclusion. Bon, dans le fond, quand on... peut-être que ça peut paraître curieux qu'aujourd'hui on vous parle de la forêt privée, alors qu'on parle normalement à cette commission de la forêt publique, c'est qu'il faut comprendre que dans le Bas-Saint-Laurent la forêt se partage à environ 50-50: 50 % publique, 50 % privée. D'autre part, M. Lévesque le mentionne, compte tenu de la baisse de la récolte qu'il va y avoir en forêt publique, qui est déjà annoncée dans le Bas-Saint-Laurent, on pense que la forêt privée pourrait probablement compenser les pertes d'emplois à cause de ces baisses. La forêt privée pourrait probablement compenser ces pertes d'emplois, mais ça suppose évidemment qu'on déborde un peu de notre cadre. Parce que juste maintenir en forêt publique le rendement soutenu, ça va demander énormément d'effort compte tenu des baisses et limitations qu'il va y avoir. Ça fait que c'est difficile de parler de rendement accru en forêt publique alors qu'il y a des diminutions, alors qu'en forêt privée on aurait cette capacité-là. Ça fait que, dans le fond, c'était juste une petite conclusion.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. Nazair. Avec cette conclusion, on va passer directement à la période des échanges. M. le ministre.

M. Brassard: M. Nazair, M. Lévesque, merci beaucoup de votre présence et de vos remarques bien ciblées sur le rendement accru. Bon, évidemment, la politique n'est pas encore conçue et élaborée, ça reste à venir, mais, d'ores et déjà, c'est sûr qu'on peut dire que la politique de rendement accru à venir ? puis il y aura une consultation des grands intervenants pour voir comment ils sont en mesure d'adhérer à cette politique et de la soutenir ? c'est évident, d'abord, que ça ne portera pas uniquement sur la forêt publique. Ça, je pense qu'on peut le dire d'entrée de jeu, là, c'est sûr que ça va se faire sur forêt privée aussi, hein? D'autant plus que les forêts privées se retrouvent en zones habitées, alors donc facilité d'accès pour la suite des choses, c'est-à-dire l'approvisionnement futur des usines avec ces volumes qui seront disponibles dans l'avenir. Donc, ça va être sur la forêt privée aussi. Ça, je pense que c'est important de le dire.

Deuxièmement, c'est évident que ça va s'appliquer de façon différente d'une région à l'autre. Et là, M. Nazair, vous avez raison de le signaler en conclusion, le Bas-Saint-Laurent, c'est à peu près 50-50, 50 % de forêt privée, 50 % de forêt publique. Dans d'autres régions, je pense à L'Estrie, à la Montérégie, là c'est presque uniquement de la forêt privée. Chez nous, au Saguenay?Lac-Saint-Jean, c'est presque uniquement de la forêt publique, comme en Abitibi-Témiscamingue aussi. Alors donc, il faudra que la politique de rendement accru tienne compte de cette diversité forêt publique-forêt privée et proportion variable d'une région à l'autre. Ça veut dire quoi? Ça veut dire que forcément, dans une région comme la vôtre, le Bas-Saint-Laurent, c'est évident que, en proportion, il va y avoir plus d'investissements en forêt privée que dans d'autres régions.

Et, là je conclus par une question, ce que nous allons probablement proposer, c'est un peu la même mécanique ? et j'aimerais vous entendre là-dessus ? que pour le rendement soutenu. Pour le rendement soutenu, qu'est-ce qu'on fait? On passe par le biais des agences ? alors, M. Lévesque, je pense, vous êtes directeur général de l'Agence de mise en valeur du Bas-Saint-Laurent ? et on leur demande de nous soumettre les objectifs à atteindre en matière de rendement soutenu et de préciser aussi les activités qui seront financées. Qu'est-ce que vous pensez si, dans une éventuelle politique de rendement accru, on recourait au même processus, au même mécanisme? Parce que, en politique de rendement accru, on transite, si vous voulez, par les agences de mise en valeur des forêts privées compte tenu que, au sein des agences, se retrouvent tous les intervenants concernés. Est-ce que vous pensez que ce serait une approche qui serait acceptable et qu'on devrait retenir?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lévesque.

M. Lévesque (Jacques A.): C'est une approche intéressante. Actuellement, on sait qu'on a une enveloppe, dans le Bas-Saint-Laurent, de 10 millions, et on sait qu'avec une enveloppe de 10 millions... avec nos calculs de la possibilité forestière actuelle, on sait qu'on est en rendement soutenu, on a la preuve de cela. Je pense toujours au sapin-épinette, qui est, dans le fond, l'essence cruciale, on a une possibilité de 600 000 m³ qui représente la récolte des dernières années puis qui ressemble au calcul qui a été fait il y a cinq ou 10 ans. Donc, on se dit: Avec une enveloppe de 10 millions, on est carrément en rendement soutenu. Si on veut aller en rendement accru, il faut accroître l'enveloppe. Alors, à ce moment-là, c'est bien sûr que l'Agence, avec ses partenaires, c'est un milieu propice de discussion, de concertation, de consensus pour faire en sorte qu'on applique vraiment des notions de rendement accru en forêt privée via un investissement en termes d'intensification d'aménagement en forêt privée.

M. Brassard: Donc, autrement dit, ce que vous dites ? et je pense que c'est important pour la suite des choses ? c'est que les agences sont bien positionnées pour... et c'est ce qu'elles font présentement, elles déterminent les objectifs en matière de rendement soutenu, elles déterminent les travaux à faire et elles disposent d'une enveloppe budgétaire. Ça, ça vous convient. Par conséquent, il y aurait lieu d'utiliser la même démarche et la même approche quand viendra le temps du rendement accru.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Lévesque.

M. Lévesque (Jacques A.): Nous croyons que oui.

M. Brassard: Je vous remercie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va? Alors, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. M. Nazair, M. Lévesque, bonjour. M. Nazair, j'ai envie de vous dire bienvenue une deuxième fois à cette commission, vous êtes déjà venu assister à nos travaux.

Évidemment, le mémoire que vous nous présentez aujourd'hui, il s'inscrit dans un contexte bien particulier, vous l'avez clairement exprimé: forêt privée, forêt publique dans le Bas-Saint-Laurent, 50-50. Dans le fond, ce que vous êtes venus dire à la commission aujourd'hui, au ministre en particulier, c'est: Investissez où ça rapporte le plus en termes d'aménagement. Et, chez vous, vous dites: Dans le fond, c'est peut-être la solution dans le contexte actuel. Dû aux baisses d'approvisionnement, ça passe peut-être par un aménagement plus intensif de la forêt privée.

Moi, je sens comme une espèce d'urgence dans votre mémoire. Évidemment, la politique de rendement accru est à venir, mais est-ce que je me trompe quand dis que je sens une espèce d'urgence? Vous sonnez l'alarme, dans le fond, vous sonnez la cloche aujourd'hui, et ce que vous souhaiteriez, c'est une intervention tout de suite, dans le fond, qui permettrait de se préparer pour l'avenir. Est-ce que je comprends ça...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Nazair.

M. Nazair (Jean): Oui. Vous avez raison de comprendre ça. Remarquez qu'il n'y a pas d'incompatibilité avec ce qui a été présenté à date par d'autres groupes ici. Les organismes de gestion en commun sont venus plaider leur capacité, leur compétence en termes d'aménagement forestier, et puis c'est vrai, on appuie ça. On regarde tout ce qui a été présenté à date, et puis ça va exactement dans le même sens que ce qu'on vient présenter aujourd'hui.

On vous mentionnait que l'industrie forestière, dans le Bas-Saint-Laurent, c'est une des industries les plus importantes. Je pense que tout le monde est à même de constater que, si on enlevait la forêt du Bas-Saint-Laurent, ça serait épouvantable. Donc, c'est vraiment une question vitale pour le Bas-Saint-Laurent. Et on comprend également qu'à l'intérieur du Bas-Saint-Laurent il y a peut-être des zones où c'est encore plus important que d'autres. Ça fait plusieurs fois qu'on mentionne... bien, en l'absence du concept de forêt habitée, on parle des zones d'habitation, des zones de proximité, et puis ainsi de suite, et puis, encore là, ça devient encore plus important pour ces municipalités-là. Ça fait que c'est pour ça que, dans le fond, il y a comme un caractère d'urgence, parce que, au niveau de la forêt privée, on est déjà en rendement soutenu. Les calculs qu'on a faits au niveau du PPMB, les calculs de possibilité et de potentiel, sont là pour le prouver.

D'autre part, on sait que, au niveau de la forêt publique, il va y avoir des diminutions dans les récoltes. Ça, c'est annoncé. Il va y avoir des baisses d'environ 15 %, qui sont annoncées, donc ça veut dire des emplois qui sont en jeu. C'est ça, la réalité. Ça fait que, si on veut être capable de sauver ces emplois-là, bien il y a des organismes qui sont en place, puis on pense que, au niveau de la forêt privée, en collaboration avec les partenaires de l'Agence, on pourrait justement compenser ces pertes d'emploi là.

Mais ça, ça suppose qu'il faut passer à un autre niveau. Comme est déjà en rendement soutenu, il faut donc parler du rendement accru, on n'a comme pas le choix là. Si on reste en soutenu, on ne crée pas de nouveaux emplois, on ne sauvera pas les emplois qui vont être perdus ailleurs. Ça fait que c'est pour ça qu'il y a ce caractère d'urgence là qui apparaît, comme vous le dites. Maintenant, pour nous, c'est une chose qui est quand même très, très importante. C'est sûr qu'on sait que ça va apparaître en 2002, c'est un peu pour ça qu'on avait fait une démarche ? on l'a mentionné tout à l'heure, on avait fait une démarche ? et on avait fait le dépôt d'une demande de subvention spéciale au ministre qui a quand même porté des fruits intéressants. Je pense que c'était déjà un pas dans la bonne direction.

Mme Normandeau: Mais 2002, M. Nazair, est-ce que c'est tard pour vous compte tenu de la pression qui va s'exercer, là, à court terme sur votre forêt? Vous nous dites: Ça fait 10 millions de dollars qu'on investit en forêt privée chez nous à chaque année. Est-ce que vous êtes en train de nous dire: Bien, il faudrait peut-être penser à investir un peu plus tout de suite pour justement augmenter le rendement de notre forêt pour répondre à cette pression puis, en même temps, minimiser l'impact sur l'emploi qui est lié aux baisses d'approvisionnement sur les territoires publics?

n(11 h 20)n

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Nazair.

M. Nazair (Jean): Merci. Connaissez-vous quelqu'un qui refuserait de voir augmenter son budget? Je pense que ça serait rare, ça serait quasiment inadmissible. C'est bien évident que, pour nous, si on veut passer à du rendement accru, on n'a comme pas le choix d'accroître le budget, ça va de soi. Notre 10 millions, il est déjà acquis. Ça, on ne se pose pas de question sur ça. Mais le 10 millions, il nous permet de faire le rendement soutenu tout simplement, tel qu'on le prouve avec nos calculs. Mais, si on veut passer à l'autre stade, bien, on n'a comme pas le choix, c'est sûr que ça va prendre plus d'argent.

Mme Normandeau: Mais je trouve votre suggestion intéressante parce que je pense qu'il faut comprendre, dans ce que vous nous proposez ce matin... C'est que la solution que vous apportez va permettre de répondre... et de régler peut-être une partie des problèmes que vit la Bas-Saint-Laurent. C'est sûr qu'on ne peut pas être contre la vertu, mais ce qu'il faut comprendre dans votre intervention ce matin, c'est que là vous nous dites: On a peut-être trouvé une solution pour réparer les pots cassés chez nous dans le Bas-Saint-Laurent, parce qu'il y a des pertes d'emplois qui ont été perdues en forêt publique. Alors, moi, c'est comme ça que je le comprends ce matin et je comprends qu'il y a une certaine urgence de votre côté d'intervention, dans le fond, pour minimiser l'impact sur l'emploi.

Je trouve votre mémoire très constructif puis je vous en félicite. Alors, il restera à savoir si le gouvernement et ses ministres vous entendront.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, voilà. Avec le consentement des autres membres de la commission, je céderai maintenant la parole à la députée de Rimouski. Alors, j'imagine qu'il y a consentement? Alors, Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, Mme la Présidente. Bonjour et bienvenue à la commission parlementaire. C'est très important que vous participiez à cette commission parlementaire. La forêt privée, je pense, doit être présente à cette commission, puis c'est très bien que vous y soyez.

Ce qui est proposé par rapport à la forêt privée, c'est que les agences régionales de mise en valeur, éventuellement, vont soumettre à l'approbation du ministre les objectifs à atteindre pour leurs plans de travail et puis un peu aussi les activités. Alors, je ne sais pas comment vous recevez cette proposition et comment vous réagissez par rapport à ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lévesque.

M. Lévesque (Jacques A.): On a un outil parfait entre nos mains. On a l'équivalent d'un PGAF qui est tout chaud, qui sort du four actuellement et qui va être adopté par le conseil d'administration dans les prochaines semaines. On a un outil parfait entre nos mains pour faire ressortir les objectifs en termes de rendement accru. C'est les objectifs sylvicoles, les travaux, etc., pour dire: Voici, maintenant, ce qu'il faut faire pour atteindre le rendement accru, puis là on pourrait discuter de niveaux là-dedans. Mais on a en main tout l'outil, là, qui est le plan de protection et de mise en valeur, l'outil parfait pour être en mesure de faire part au gouvernement des objectifs de production en termes de rendement accru pour le Bas-Saint-Laurent.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée.

Mme Charest: J'aurais une autre question, parce que, sans être une spécialiste de la forêt... Ce n'est pas mon métier, mais je suis le dossier quand même depuis six ans que je suis députée et j'ai discuté avec les partenaires sur le terrain. On me parle toujours des façons de faire de tous les travailleurs forestiers, de tous les intervenants forestiers, et on me dit que, pour maintenir, que ce soit le rendement soutenu... et même pour accroître le rendement éventuellement, il faudrait changer nos façons de faire. Qu'est-ce qu'on fait qu'on devrait faire autrement ou différemment, autant en forêt privée qu'en forêt publique, pour répondre à cet argument qui m'est souvent soulevé par des gens du milieu forestier?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lévesque.

M. Lévesque (Jacques A.): Votre question est pertinente, Mme Charest.

Mme Charest: Elle est quoi?

M. Lévesque (Jacques A.): Elle est pertinente, et nous entamons, avec le Conseil régional de concertation et de développement, avec eux et d'autres partenaires, une espèce de remise en question, on veut revoir les façons de faire en forêt. Moi, je ne parlerai pas de la forêt publique, c'est bien sûr, ce n'est pas mon domaine, mais, notamment en forêt privée, on veut repenser cela. Est-ce qu'on veut tout virer à l'envers? Je ne peux pas vous dire, mais on est en train de se questionner justement pendant cet automne sur nos façons de faire, est-ce qu'elles sont correctes, est-ce qu'il pourrait y avoir des ajustements, des améliorations, etc. Donc, il y a des choses qui sont en train de se faire dans ce sens-là actuellement.

Mme Charest: Et vos réflexions vous amènent à quoi?

M. Lévesque (Jacques A.): On commence, on débute nos réflexions actuellement.

Mme Charest: Oui. Il y a M. Nazair qui voudrait rajouter quelque chose.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Nazair.

M. Nazair (Jean): Oui. Juste rajouter un élément, c'est que lors du dernier passage de M. Brassard en région il a été question d'une entente spécifique qui serait éventuellement signée avec le CRCD, et puis justement dans ce sens-là on a une rencontre, c'est... À notre prochain conseil d'administration de l'Agence, on rencontre les gens du CRCD pour justement commencer à mettre en place la collaboration qui devra se faire entre l'Agence et le CRCD, et toujours dans l'optique d'une nouvelle façon de faire. Maintenant, ça sera quoi, cette nouvelle façon de faire?

Mme Charest: Bien, c'est ça.

M. Nazair (Jean): On ne la connaît pas actuellement. On ne peut pas vous donner de réponse, mais probablement que les différents intervenants seront consultés pour voir comment on peut modifier des choses, puis c'est quoi qu'on pourrait modifier, et comment on pourrait le modifier.

Mme Charest: O.K. Parce que c'est justement ça que je voulais savoir, c'était quoi, la nouvelle façon de faire. Parce qu'on me dit toujours qu'il faut intervenir de façon différente, mais on ne me dit jamais ça va être quoi, la différence, et c'est un petit peu ça que j'essayais de comprendre. Mais je vois que la réflexion se poursuit. Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, voilà, ça met fin à nos échanges avec votre groupe. M. Nazair, M. Lévesque, merci...

M. Nazair (Jean): Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...de votre participation à cette commission. Je vais suspendre les travaux pour quelques instants afin de permettre au prochain groupe de pouvoir prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 26)

 

(Reprise à 11 h 27)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): La commission va donc poursuivre. Nous rencontrons donc à ce moment-ci... S'il vous plaît! À ce moment-ci, nous allons donc rencontrer les employés de Produits forestiers Alliance-Mitis inc. Alors, bienvenue, messieurs, à cette commission. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous présenter votre mémoire et que, par la suite, il y aura période d'échanges. Cependant, avant de présenter votre mémoire, j'aimerais que le porte-parole puisse se présenter et nous présenter, bien sûr, la personne qui l'accompagne.

Employés de Produits forestiers
Alliance-Mitis inc.

M. Verreault (Richard): Moi, c'est Richard Verreault, et je représente les employés de Produits forestiers Alliance de Lac-des-Aigles. Mon compagnon se nomme Éric Berger, et lui représente les employés de Produits forestiers Alliance Price.

M. Berger (Éric): Bonjour.

M. Verreault (Richard): Maintenant, je remercie la commission de nous recevoir aujourd'hui. Nous avons préparé un mémoire concernant la mise à jour du régime forestier par les travailleurs de Produits forestiers Alliance-Mitis, qui comprend aussi Lac-des-Aigles.

La mise à jour du régime forestier aura des impacts: un, sur nos emplois; deux, sur nos opérations; trois, sur la région. Voilà pourquoi il nous semble important de vous faire part de nos craintes.

Nos emplois. L'économie du Bas-Saint-Laurent repose énormément sur les ressources primaires que sont l'agriculture et la forêt. Ce secteur regroupe 18,6 % des entreprises du Bas-Saint-Laurent. Outre l'agriculture, nous dénombrons quelque 495 exploitants forestiers composés de 3 108 employés. L'industrie des pâtes et papiers, avec seulement cinq entreprises, procure du travail à plus de 800 personnes, tandis que l'industrie du bois d'oeuvre compte 184 entreprises, dont 3 919 employés.

n(11 h 30)n

Plus spécifiquement, chez Produits forestiers Alliance-Mitis et Lac-des-Aigles, c'est plus de 600 emplois directs. La division de Price compte près de 150 employés dans les secteurs de fabrication, administration et supervision, et celle de Lac-des-Aigles plus de 50. Avec la diminution de la possibilité annuelle de récolte annoncée cette année, c'est plus de 10 semaines d'arrêt pour nous, les travailleurs de Price, et l'arrêt complet de notre quart de nuit à Lac-des-Aigles. Ça veut dire que c'est une perte de 15 emplois directs. Là, je ne compte pas les emplois indirects que ça occasionne en forêt.

Nous voulons être partie prenante des grandes orientations ou choix stratégiques qui affecteront la capacité de production du territoire, car ce sont nos emplois qui sont en jeu. Ce n'est pas à quelques officiers du MRN seuls à arrêter des choix stratégiques, tous les utilisateurs de la forêt doivent être partie prenante. Jusqu'à aujourd'hui, les travailleurs ont été laissés pour compte comparativement à d'autres utilisateurs.

Concernant nos opérations, entre 1989 et 2000, c'est le ministère qui a établi nos approvisionnements. De plus, ils ne cessent de diminuer depuis 1989. Ceux-ci ont passé de 292 000 m³ en 1989 à 214 450 m³ en 2000. D'année en année, nous améliorons nos procédés, nous suivons de la formation et nous diminuons nos dépenses, et ce, pourquoi? Pour que nos opérations soient arrêtées et qu'il y ait des pertes d'emplois, et ce, sans même avoir été consultés. Nous sommes d'accord avec la gestion intégrée des ressources, le développement de ces ressources, mais pas au détriment de nos approvisionnements. Une politique de rendement accru doit compenser pour les nombreux retraits des territoires où est la production forestière qui ont été affectés à d'autres locations au cours des dernières années.

Notre région. La population de La Mitis, en 1971, était de 24 150 âmes, tandis que, en 1996, elle était de 20 160. Celle-ci a diminué de 16,5 % pendant ces années. Les statistiques proviennent de Statistique Canada. Le taux de chômage est passé de 16,1 % en 1991 à 16,6 % en 1996. Le taux de chômage chez les jeunes est, quant à lui, de 23,5 %. Le secteur du bois, exploration forestière, bois et papier comptent près de 10 % de toute la main-d'oeuvre du Bas-Saint-Laurent. Plus spécifiquement, dans La Mitis, près de 1 000 personnes travaillent directement dans le secteur bois et forêts, ce qui représente près de 10 % des travailleurs de La Mitis.

Pour le Témiscouata, près de 2 000 personnes travaillent dans le secteur bois, forêts, papier, ce qui représente près de 23 % des travailleurs du Témis. La population régionale ne représente plus que 2,89 % de l'ensemble de la province comparativement à 3,4 % en 1971. Suite aux coupures annoncées de nos CAAF, certains de nos collègues de travail vont augmenter les données statistiques ci-haut mentionnées. De plus, suite à la mise à jour du régime forestier, d'autres risquent de s'y ajouter et ils n'auront même pas été consultés. Nous comprenons que la pression est de plus en plus forte pour d'autres utilisateurs, entre autres les chasseurs et pêcheurs. Nous le sommes aussi mais nos emplois sont plus importants pour nous.

Nous proposons donc une table de concertation et décisionnelle où tous les groupes d'intérêts, ministères, MRC, intervenants fauniques, intervenants politiques de tous niveaux, travailleurs forestiers, industries puissent être représentés. Cette table aurait comme rôle d'établir les choix de développement et de décider des orientations stratégiques. Certaines décisions ayant des impacts majeurs sur l'activité industrielle et sur nos emplois doivent faire l'objet d'un débat public. Ce n'est pas à quelques représentants d'un groupe d'intérêts à faire ces choix. Ce n'est pas non plus seulement aux ministères de le faire, c'est aux personnes concernées par ce choix d'établir les orientations car ce sont elles qui auront à vivre avec les conséquences de ces choix.

Le ministère doit avoir des comptes à rendre à la population, surtout à ceux travailleurs dont le gagne-pain dépend de la forêt tout au long du processus de conception des plans, lors de l'établissement de la capacité de production du territoire, lors de l'établissement de nouvelles règles qui ont un impact sur la capacité de production du territoire sur nos emplois.

Lors de la présentation de notre premier mémoire, Mme Doyer et Mme Charest, députées de Rimouski et de Matapédia, nous ont rassurés quant à nos emplois ainsi que sur la concertation dont nous serions partie prenante. Jusqu'à maintenant, nous n'avons vécu que des déceptions. Il serait important que la voix des travailleurs se fasse entendre. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Verreault. Nous allons donc procéder tout de suite aux échanges. Alors, M. le ministre.

M. Brassard: Je vous remercie, M. Verreault et M. Berger, de votre participation. On s'était déjà rencontrés sur place, à Rimouski où vous aviez eu l'occasion évidemment d'exprimer vos inquiétudes et vos appréhensions quant à l'avenir de vos emplois, particulièrement à la division Lac-des-Aigles de Produits forestiers Alliance.

Vous dites évidemment dans votre mémoire qu'il ne faut pas remettre en cause les approvisionnements de l'usine. C'est un objectif tout à fait louable, mais est-ce que cette garantie, cet engagement de ne pas remettre en cause les approvisionnements de l'usine, ça doit se faire sans tenir compte de la possibilité forestière, sans tenir compte de la capacité de la forêt de fournir bon an mal an les volumes? Évidemment, ce n'est pas une décision très agréable que de réduire la possibilité forestière de l'usine, mais si on veut assurer la pérennité de la ressource, dans ces circonstances-là, on n'a souvent guère le choix. C'est un peu dans cette perspective-là qu'on a fait les annonces ? pas très agréables, j'en conviens là ? en Gaspésie puis dans le Bas-du-Fleuve, chez vous.

Qu'est-ce que vous attendez d'une table régionale? Cette table de concertation que vous voulez mettre sur pied, elle couvrirait l'ensemble du territoire de la région ? c'est ce que j'ai compris ? et regrouperait l'ensemble des intervenants. Et vous en attendez quoi, de cette table régionale? Est-ce que le CRD n'a pas en son sein tous les intervenants que vous avez énumérés tout à l'heure pour jouer ce rôle-là ou est-ce que la table régionale de concertation, dans votre esprit, devra être distincte du CRD ou être issue du CRD? Comment vous voyez ça et quel serait sa fonction ou son rôle principal, à cette table régionale de concertation?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Verreault.

M. Verreault (Richard): Ce que j'attends, moi, de ce qu'on appelle une table de concertation, c'est que, les travailleurs, on soit vraiment consultés, nous autres. Jusqu'à date, qu'il s'appelle CRD ou appelez-le MRN, appelez-le comme vous voudrez là, c'est que le travailleur, il n'a jamais été consulté. Moi, j'aimerais ça qu'on s'assoie à une table à un moment donné avec des utilisateurs de la forêt, que ce soit pêcheurs, qu'ils soient de la faune, puis qu'on discute ensemble. Ça, c'est quelque chose qui ne s'est jamais fait. Le travailleur, lui, au départ là, c'est toujours le dernier au bout de la ligne. Ils vont annoncer une coupure à un moment donné, puis nos dirigeants le savent, mais c'est nous autres les derniers à le savoir. Puis, ce n'est pas rien que chez Produits forestiers Alliance là, c'est chez tous les employeurs.

M. Brassard: Mais dans les tables sectorielles du CRD concernant la forêt, ce que vous me dites, c'est qu'il n'y a aucun représentant des organisations syndicales de travailleurs en forêt ou en usine. Il n'y en a pas.

M. Verreault (Richard): Non.

M. Brassard: Vous êtes absents. Évidemment, ce que vous souhaitez, c'est une représentation qui ne serait pas usine par usine, mais une représentation de la catégorie travailleurs forestiers, travailleurs d'usine via vos organisations syndicales. C'est ce que je comprends.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Verreault.

M. Verreault (Richard): Bien, les organisations syndicales, nous autres, on n'en a pas d'organisation syndicale.

M. Brassard: Vous n'êtes pas syndiqués?

M. Verreault (Richard): On n'est pas syndiqués, nous autres. On a ce qu'on appelle des conventions de travail. Vous savez comment ça fonctionne, des conventions de travail? C'est négocié à toutes les périodes de deux ans ou trois ans.

M. Brassard: Ce qui veut dire que vous êtes porte-parole des travailleurs de la division Lac-des-Aigles, mais que vous n'avez pas, dans votre entreprise, de syndicat accrédité?

M. Verreault (Richard): Non.

n(11 h 40)n

M. Brassard: Évidemment, ça pose un problème, ça, c'est sûr. C'est évident que le désir, la volonté de faire entendre votre voix, c'est pas mal plus difficile quand vous n'êtes pas intégrés dans des organisations reconnues qui, elles, ont des places, ont des sièges dans les tables régionales. Moi, à ma connaissance, au CRD, dans les tables sectorielles du CRD, les organisations syndicales sont présentes. Mais c'est évident que, dans votre cas, il y a comme un problème là: votre voix ne réussit pas à se faire entendre.

M. Verreault (Richard): Mais je ne vois pas l'utilité de se syndiquer pour se faire entendre.

M. Brassard: Non, non, je comprends mais sauf que, évidemment, vous comprenez la difficulté aussi que, dans ces organisations comme le CRD, par exemple, les sièges sont réservés à des organisations déjà en place et pleinement reconnues. C'est ça, le problème.

M. Verreault (Richard): Encore là, le travailleur non syndiqué est exclu.

M. Brassard: Oui.

M. Verreault (Richard): On est quand même du monde pareil.

M. Brassard: Absolument. Ce n'est pas ce que je veux dire. Je veux dire qu'il y a là une difficulté ou un problème qui n'est pas résolu, et on vous entend déjà, nous, à la commission parlementaire. Alors, on vous laisse vous exprimer. Mais c'est sûr que, dans les organisations régionales, il y a un problème là. Comment le résoudre? Je n'ai pas la solution.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça va. Merci, M. le ministre. Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. M. Verreault et M. Berger, bonjour, merci d'être ici, merci d'avoir pris le temps de vous déplacer et d'avoir rédigé votre mémoire. J'ai eu la chance, dans ma tournée cet été, de rencontrer des travailleurs, des représentants de travailleurs forestiers, tout comme vous, qui n'étaient pas syndiqués, dans le Témiscouata, et j'ai été à même de mesurer l'inquiétude chez ces travailleurs-là, justement liée aux baisses d'approvisionnement dans leurs usines.

Puis, ce matin votre message est clair. Ce que vous venez de nous dire, dans le fond, c'est que vous voulez garder vos jobs, vous voulez garder vos emplois et puis il y a une très grande inquiétude dans l'usine. Quand le ministre nous dit qu'il semblerait... on dirait qu'il n'y a comme point de salut en usine sans la syndicalisation. Vous avez raison, M. Verreault, de réagir là-dessus parce qu'on doit sûrement trouver d'autres mécanismes qui permettraient justement à des gens comme vous d'être entendus.

M. Brassard: ...

Mme Normandeau: Là, je vois le ministre, j'entends le ministre réagir un peu. Il pourrait peut-être nous livrer ses commentaires un peu plus tard...

Des voix: ...

Mme Normandeau: Mais, ceci étant dit, M. Verreault, j'aimerais ça que vous puissiez nous livrer un petit peu le contexte, le climat qui règne chez vous, qui a régné chez vous, d'une part, quand vous avez appris les coupures d'approvisionnement, les coupures de volume que votre usine a subies. Et, deuxièmement, quel est le climat actuel qui règne dans l'usine? Ça ressemble à quoi, chez vous?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Verreault.

M. Verreault (Richard): Ça ressemble à quoi présentement? Je vais vous le dire, madame. Le Lac-des-Aigles, c'est un petit village de 695 habitants. Il y a eu une coupure complète du quart de nuit. C'est 15 emplois directs qui ont été perdus, ça. Ce sont tous des jeunes qui travaillent là. Nous, notre coin de pays, on l'aime. On reste là, ce n'est pas pour rien. Présentement, demain matin, si le quart de nuit rouvrait, on aurait de la misère à trouver de la main-d'oeuvre pour l'opérer parce que les jeunes sont tous partis. C'est encore un exode de nos jeunes. Il n'y a rien pour eux autres; c'est la seule industrie du village, à part les caisses populaires puis l'école et tout ça, là. C'est la seule industrie.

M. Berger (Éric): Sans compter l'économie de la région.

M. Verreault (Richard): Si ça continue à ce point-là ? et il y a une population qui est quand même assez vieillissante ? dans quelques années, ça va être un village fantôme. Moi, il ne me reste pas 20 ans à travailler, quand j'en aurai fait cinq encore, c'est fini, je ne travaille plus. Est-ce que je vais rester là ou je vais être obligé de m'en aller, moi aussi, pour avoir des services? Ça a un impact sur tout, sur les commerces, c'est sur tout que ça a un impact puis c'est ça qui m'inquiète. Je ne conçois pas que...

On a des ingénieurs forestiers qui travaillent en forêt, qui sont sur le terrain, avec les ingénieurs forestiers du ministère. Il y en a, des solutions. Puis de l'approvisionnement en bois, nous autres, dans nos territoires, on n'est pas sensés en manquer pour les 58 prochaines années. Et c'est prouvé, ça. Moi, je ne comprends pas pourquoi le ministère n'accepte pas cette décision-là. Le technicien forestier ou l'ingénieur forestier qui a fait son cours, il a fait le même cours que les ingénieurs du ministère. On a suggéré des plans d'opération et je ne sais pas qu'est-ce que ça a donné, on n'a pas de nouvelles là-dessus.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de Bonaventure.

M. Verreault (Richard): Je ne sais pas si mon compagnon a quelque chose à dire...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Bon, un instant. M. Berger.

M. Berger (Éric): Oui. Tous les organismes qui utilisent la forêt publique, que ce soit les pêcheurs, les chasseurs, tout le monde a un regroupement qui les défend. Nous autres, les travailleurs, il n'y a personne qui nous défend. Qui va nous défendre puis va sauver nos emplois? Ça, je voudrais le savoir. Qui c'est qui va nous défendre, nous autres? Parce que, quand on ne travaillera plus, on ne paiera plus d'impôts. Quand on ne paiera plus d'impôts, on va coûter cher, très cher. C'est ça la question: Qui va nous défendre? C'est bien beau, la chasse puis la pêche mais, les travailleurs, ils ont besoin de travailler. Les régions, elles ont besoin de leurs travailleurs.

Cette année, nous autres, c'est 25 % en approvisionnement qu'on perd. Ça, c'est sans compter l'année prochaine puis l'autre année, puis il y a déjà des coupures de prévues pour les années futures. Moi, je ne sais pas, mais il me semble qu'il y a de quoi à faire. Puis les chiffres sont là pour les industriels puis ils sont là pour le gouvernement aussi; c'est les mêmes chiffres. C'est juste les choix qui ne sont pas pareils, mais ces choix-là, il doit y avoir la possibilité de les regarder puis de les changer, je pense.

Puis des aires pour les caribous, des passées pour les caribous puis tout ce qui arrive avec ça, ça coupe du territoire, ça, ça diminue la possibilité. Alors, il va falloir que le monde, un jour, qu'il pense qu'il y a du monde qui a besoin de travailler aussi, là. C'est bien beau s'amuser, mais il faut travailler pour gagner notre vie. Depuis 20 ans, ça coupe toujours, ça diminue toujours.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Verreault.

M. Verreault (Richard): Je ne sais pas si vous connaissez le principe d'Alliance... c'est des actionnaires. Quand les usines ne seront plus rentables, les gestionnaires, ils vont faire quoi, vous pensez? Ils vont retirer leur argent puis ils vont l'investir ailleurs.

Mme Normandeau: Ils vont mettre la clé dans la porte.

M. Verreault (Richard): C'est ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Berger.

M. Berger (Éric): Oui, bien on parlait de deuxième puis troisième transformations ? j'ai parlé de ça avec Mme Charest l'autre fois. Si la première transformation n'est plus rentable, il n'y a pas d'argent pour faire la deuxième transformation. C'est la première transformation qui amène l'argent dans l'industrie. Quand bien même on voudrait faire ? je ne sais pas, moi ? recoller des bouts de deux-par-quatre ensemble pour en faire du huit pieds si on n'a pas les bouts du premier qu'on a coupé, on n'en fera pas.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Verreault.

M. Verreault (Richard): C'est beau faire la deuxième puis la troisième transformations, mais quand il y a des plans d'étudiés puis qu'au bout de la run tu est déficitaire avec ça, ça vaut-u la peine de le mettre sur pied? Moi, c'est la question que je me pose.

Mme Normandeau: M. Berger, vous avez dit tout à l'heure... Bien, de toute évidence, il y a des choses que vous vous expliquez encore très mal dans les baisses qui ont été annoncées. Vous parliez tout à l'heure des chiffres du ministère, les chiffres de Produits forestiers Alliance, il y a vraiment des choses qui vous échappent et vous avez dit: Il y a des choix qu'on peut faire. Pour vous, quels seraient les choix qu'on pourrait faire justement pour éviter des conséquences dramatiques pour une municipalité comme Lac-des-Aigles?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Berger.

M. Berger (Éric): L'âge de maturité de nos plantations.

Mme Normandeau: L'âge de maturité de...

M. Berger (Éric): De nos plantations.

Mme Normandeau: C'est-à-dire?

M. Berger (Éric): Qu'elles soient coupables à 50 ans au lieu de 65 ans, parce qu'elles sont matures à 50 ans. Puis, du gros bois, aujourd'hui, les industriels, ils n'en veulent plus quasiment parce que justement il y a des usines de deuxième et troisième transformations qui se chargent à faire des poutrelles et bien d'autres choses. Ça fait que du deux-par-dix, puis du deux-par-douze, on n'en voit plus, ils le coupent en deux pour faire du deux-par-quatre ou bien... C'est le bois d'une certaine grosseur qui est rentable. Ces plantations-là qui sont faites aujourd'hui, qui ont été faites il y a 20 ans, à 50 ans, elles vont être prêtes pour nous autres. Mais le ministère, ce n'est pas ça qu'il dit. Le ministère dit qu'elles vont être prêtes à 65 ans. Étant donné qu'elles vont être prêtes à 65 ans, il y a 15 ans entre les deux, là. Ce 15 ans là, c'est là qu'il est là le problème. Le gros problème est là. Ça fait que, s'ils changent leur choix, on vient de résoudre le problème.

Mme Normandeau: Puis à long terme, est-ce que vous avez pensé aux conséquences si on coupe 15 ans avant la fin des...

n(11 h 50)n

M. Berger (Éric): Oui, mais à long terme, là, ça plante à toutes les années à cette heure, là. Avant ça, ça ne plantait pas, personne ne s'occupait de ça. Mais aujourd'hui, il y a des plantations: si tu coupes, tu plantes. Si ça continue de même, dans 20 ans ou dans 40 ans, il va toujours y avoir du bois; si la plantation est là, il va y en avoir.

M. Verreault (Richard): Il y a aussi le...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Verreault.

M. Verreault (Richard): ...ce que le ministère appelle les «forêts mixtes», où il y a du feuillu et du résineux. Ils n'ont pas le droit d'aller chercher le résineux tant et aussi longtemps que le feuillu n'est pas mûr, et le feuillu prend plus d'années. Avec la machinerie qu'il y a aujourd'hui, il pourrait y avoir une exploitation forestière même à travers une forêt de feuillus, où ça ne dérangerait pas. Si ça prend 85 ans, 90 ans à une forêt de feuillus à venir à maturité, ce bois-là, on ne l'a pas, il faut attendre.

Puis le ministère semble préconiser ? comment je pourrais bien dire ça? ? de garder des forêts matures. Si on se fie aux États-Unis, ils commencent à se poser des questions à savoir si c'est vraiment bon de garder des forêts matures, seulement à cause du risque d'incendie. Calculez la valeur des feux de forêt qu'il y a présentement aux États-Unis et au Canada ou qu'il y a eus cet été, il y a de l'approvisionnement pour plusieurs usines...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, d'accord.

M. Verreault (Richard): ...tandis qu'une forêt mature est plus fragile à brûler qu'une forêt qui est jeune.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'est tout le temps dont disposait l'opposition. Alors, je céderais donc la parole à la députée de Rimouski. Mme la députée, vous rappelant qu'il reste trois minutes à votre formation politique.

Mme Charest: Bon. Alors, Mme la Présidente, merci, je vais quand même faire vite. Je remercie M. Berger et M. Verreault d'être venus en commission parlementaire faire entendre le son de cloche des travailleurs d'usine, c'est très important. Pour moi, ce n'est pas nouveau, c'est-à-dire qu'on en a déjà discuté à plusieurs reprises, et on a même travaillé ensemble là-dessus.

Je voudrais revenir sur une chose. Vous avez rencontré, en ma présence et en celle de mes collègues du Bas-Saint-Laurent, le ministre. Suite à cela, vous avez eu une rencontre aussi avec les représentants du cabinet du ministre, parce que vous avez présenté une alternative qui est en train d'être validée au ministère. Et il y a des discussions qui se font entre la direction d'Alliance et le ministère, parce que le ministre avait démontré une ouverture à l'effet que, s'il y avait des alternatives plausibles, ces alternatives-là, on demeurerait ouvert, comme ministère de la forêt. Est-ce que Alliance vous a informés des suites de ces rencontres qui continuent de se faire entre la direction du ministère, le cabinet du ministre, par rapport à l'offre qui est sur la table?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Berger.

M. Berger (Éric): Oui. Il y avait une rencontre mardi. Là, je n'en ai pas eu de nouvelles, parce que les dirigeants qui étaient supposés d'aller là n'étaient pas au bureau hier. Puis là, ce matin...

Mme Charest: Donc, ils vous informent régulièrement après chacune des rencontres?

M. Berger (Éric): Oui.

M. Verreault (Richard): Oui.

Mme Charest: Oui. Et, pour ce qui est de votre représentativité comme telle au CRCD Bas-Saint-Laurent, est-ce que vous avez fait une demande, les travailleurs d'usine, pour être partie prenante de la future entente spécifique ou, en tout cas, des discussions et des consultations que le CRCD mène actuellement auprès des autres partenaires forestiers? Est-ce que vous avez fait une demande au CRCD là-dessus?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Berger.

Mme Charest: Sinon, écoutez, on peut transmettre le message, là.

M. Berger (Éric): À ma connaissance, non.

Mme Charest: Vous ne l'avez pas fait. Je pense qu'on va devoir se revoir et se reparler là-dessus, et moi, je suis capable de vous accompagner et de continuer l'accompagnement qu'on fait ensemble sur le dossier auprès du CRCD avec vous là-dessus. C'est beau? Merci d'être venus.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Verreault.

M. Verreault (Richard): Par expérience, je sais qu'auprès du CRD... les travailleurs, ils aiment autant ne pas les voir.

Mme Charest: Pardon?

M. Verreault (Richard): Par expérience, je sais que, par faits vécus auprès du CRD, le jugement des travailleurs est que, pour l'instant, ils aiment mieux ne pas les voir.

Mme Charest: Ils pourraient?

M. Verreault (Richard): Ils aiment mieux ne pas les voir.

M. Berger (Éric): Ils aiment mieux ne pas les voir.

Mme Charest: Ah! Bien ça, écoutez, on peut s'organiser pour qu'ils vous voient, on peut en discuter. C'est en en discutant puis en faisant la démarche que là, on va avoir l'heure juste par rapport à leur position. Mais on ne peut pas présumer de la position du CRCD si la démarche n'a pas été faite. Je pense qu'ensemble on peut la faire, puis, après, on pourra voir qu'est-ce qui se passe. C'est ce que je vous suggère.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors...

M. Verreault (Richard): Merci beaucoup de nous avoir entendus.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Très rapidement... Oui, c'est terminé. Aviez-vous un commentaire à faire, M. Verreault?

M. Verreault (Richard): Non, je voulais juste vous remercier de nous avoir écoutés, tout simplement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, vous...

M. Berger (Éric): J'aurais une question, moi. J'entendais parler de rendement accru tantôt. Le rendement accru, qu'est-ce que vous entendez par le rendement accru? C'est-u les coupes commerciales, les éclaircies commerciales?

M. Brassard: Non, pas nécessairement. Le rendement accru, c'est de faire en sorte que la forêt produise davantage que ce que le rendement soutenu est en mesure de produire. Et ça peut se faire de différentes façons là. L'éclaircie précommerciale, oui, peut être un travail sylvicole approprié, mais le reboisement aussi, avec des plants à croissance rapide, le regarni de la régénération également: là où la régénération n'a pas donné les pleins résultats, revenir et regarnir la régénération. Il y a différentes techniques ou méthodes mais qui ont toutes pour fin de faire en sorte que la possibilité forestière s'accroisse, augmente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, voilà, c'est tout le temps dont on disposait. M. Verreault, M. Berger, merci d'être venus échanger avec nous.

Je vais donc suspendre quelques instants pour que le prochain groupe puisse prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 56)

 

(Reprise à 11 h 57)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, nous allons poursuivre nos travaux. Nous accueillons donc maintenant Smurfit-Stone Canada inc. dont vous êtes le représentant; vous êtes M. Denis Jutras, je crois.

M. Jutras (Denis): C'est bien ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Jutras, bienvenue à cette commission. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous présenter votre mémoire et que, par la suite, on procédera à la période d'échanges.

Emballages Smurfit-Stone Canada inc.

M. Jutras (Denis): Excellent. D'abord, je vous remercie de nous permettre d'être ici aujourd'hui et c'est avec beaucoup d'intérêt que notre entreprise a pris connaissance des documents d'information sur le projet de loi modifiant la Loi sur les forêts et c'est sur une base d'une participation constructive qu'elle désire vous faire part aujourd'hui des commentaires sur ledit projet de loi.

Permettez-nous d'abord, en quelques lignes, de vous présenter sommairement notre entreprise de façon globale et plus spécifiquement sur ses interrelations avec la forêt québécoise. D'abord Smurfit-Stone est un grand producteur intégré d'emballages en carton et papier au monde, avec un chiffre d'affaires de l'ordre de 8 milliards de dollars américains. Ses principaux produits sont le cartonnage ondulé, le carton-caisse, le carton boîte pliante et les sacs industriels. De plus, Smurfit-Stone est le plus important recycleur de papier au monde. Grâce à ses activités internationales et à son affiliation à la société Jefferson Smurfit, Smurfit-Stone offre à ses clients une portée internationale.

n(12 heures)n

Smurfit-Stone a fait l'acquisition de Cartons Saint-Laurent au printemps dernier, c'est-à-dire le 31 mai 2000. Smurfit-Stone exploite plus de 300 installations et emploie quelque 40 000 personnes à travers le monde. Smurfit-Stone dont le siège social se trouve à Chicago a également des bureaux corporatifs administratifs à Clayton, Missouri; Alton, Illinois; Jacksonville en Floride et également Montréal au Québec. Plus spécifiquement, Smurfit-Stone possède quatre usines de fabrication au Québec qui consomment, sur une base annuelle, près de 4 millions de mètres cubes de fibre vierge et 80 000 t de fibre recyclée. Deux installations québécoises possèdent un CAAF de feuillus de trituration sur la forêt publique pour un volume total de 507 000 m³. Smurfit-Stone est également propriétaire de près de 4 337 km² de forêts privées au Québec. Ces forêts fournissent annuellement près de 280 000 m³ de fibre résineuse. La balance de ces approvisionnements des usines québécoises en fibre vierge, soit tout près de 3,7 millions de mètres cubes annuellement, provient d'achat de copeaux résineux, de feuillus, de sciures et de planures en provenance des diverses usines de sciage appartenant à d'autres entreprises.

Comme vous pouvez le constater, les modifications au projet de loi auront un impact direct et indirect sur notre entreprise: direct, car il affectera nos CAAF et, indirect, il affectera nos fournisseurs qui constituent l'essentiel de nos approvisionnements.

Permettez-nous maintenant de faire part de quelques commentaires sur le projet de loi proprement dit. En guise de prémisses des faits saillants du document de consultation, le gouvernement reconnaît que le milieu forestier doit être géré et aménagé dans le meilleur intérêt du public, c'est-à-dire conformément aux valeurs et aux aspirations de la population. Nous acquiesçons à cette reconnaissance, mais nous croyons qu'une plus grande imputabilité à la population devrait être explorée de façon à accroître la conscientisation des conséquences de ses aspirations. De compenser l'industrie pour des pertes potentielles pour des fins d'intérêt de la population n'est pas un moyen suffisant, à notre avis, pour temporiser des attentes sans cesse croissantes de cette population. On devra poser des balises précises pour les consultations locales et mettre au point rapidement le principe de l'utilisateur payeur.

Au niveau de l'octroi sur les ressources. L'octroi sur les ressources via un CAAF ? là, il y a un lapsus, c'est un CAF à un A ? à des entreprises sans permis d'exploitation d'usine mettra, à notre avis, une pression prématurée sur les volumes disponibles tout en créant des attentes et une substitution des activités économiques. Si de la fibre est disponible, elle devrait être plutôt allouée comme incitatif à la performance aux industriels déjà bénéficiaires de ces territoires.

Le document d'information mentionne aussi que la mise à jour du régime devrait permettre au ministre d'autoriser un autre titulaire de permis d'exploitation d'une usine de transformation des bois à récolter, au cours d'une année donnée, les volumes de bois qu'un bénéficiaire ne récolte pas. Cette approche, à notre avis, est incompatible avec la possibilité qu'a un bénéficiaire de répartir sur cinq ans les volumes alloués.

Au niveau des écosystèmes forestiers exceptionnels, à la section 2.6.1 du document d'information, il est fait mention que le ministre des Ressources naturelles favorisera la conservation des écosystèmes forestiers exceptionnels situés sur des terres privées, en contribuant financièrement ou techniquement à la mise en oeuvre des mesures adaptées. Cependant, nous ne retrouvons pas ces mesures dans le libellé du projet de loi n° 136, et nous aurions souhaité que ces mesures y soient clairement précisées. Trop souvent, on oublie l'esprit lorsque vient le temps de passer à la législation, et ce serait intéressant que ce soit indiqué clairement.

Au niveau de la taille et dispersion des aires de coupe, les exigences minimales immédiates prévues au document d'information sont des normes, à notre avis, mur à mur qui risquent de ne pas être applicables dans certaines unités d'aménagement, ayant des problèmes de mauvaise dispersion des classes d'âge ? on parle entre autres de certains secteurs où le stock mûr se retrouve tout au même endroit ? risquant ainsi de compromettre la viabilité des bénéficiaires. Il est très rare que les régimes de perturbation naturelle que l'on veut respecter laissent des lisières boisées intactes d'une superficie équivalente entre deux aires perturbées.

L'application de ces nouvelles normes ne se fera pas sans des frais majeurs pour l'industrie. On n'a qu'à penser au réseau routier qui va plus que doubler. Aucune mesure compensatoire n'est prévue, ce qui sera très lourd à supporter. On estime à tout près de 2 $ à 3 $ le mètre cube supplémentaire, dû à cette approche.

Concept de la résidualité de la forêt... Là, il est mentionné «privée» au document. On n'a pas voulu réinventer la roue, on parle de forêt publique là «Concept de résidualité de la forêt publique»; c'est une erreur dans le document. En fait, ce qu'on veut démontrer ici, c'est que l'effet de certaines primes qui sont mises au niveau des agences et au niveau des syndicats de producteurs de bois, auront des conséquences éventuellement sur la résidualité et également ceci dans un contexte des grandes forêts privées. Je comprends bien qu'on parle des grandes forêts privées, situées en milieu TNO.

Or, lors du dernier Sommet sur la forêt privée en 1995, le rapport préliminaire que le comité directeur du Sommet a présenté à l'intention des membres de la table indiquait clairement l'esprit de ce Sommet en précisant que l'enjeu principal du présent Sommet est d'assurer le développement durable des communautés, plus particulièrement des communautés rurales. On insiste sur la ruralité. Également, de la même façon, le ministre Gendron définissait clairement à l'époque l'esprit de ce que seraient les agences en écrivant ce qui suit dans le document de consultation: «C'est ainsi que, dans le secteur forestier, un virage s'impose. Nous devons changer nos façons de faire. Les régions ont besoin plus que jamais de contrôler leurs principaux instruments de développement, notamment la forêt habitée. À cet égard, le Sommet sur la forêt privée, une des assises du développement rural, prend toute son importance.» Alors là, encore, on voit l'esprit qui sous-tendait toute la mise sur pied des agences où on appliquait aux lots boisés, au développement rural.

De la même façon, le président du comité directeur, M. Godbout, dans le même document, mentionnait: «Ce Sommet vise à définir les orientations fondamentales d'un régime de protection et de mise en valeur des forêts privées qui s'appliquent [...] aux propriétaires de lots boisés du Québec.» Alors, on remarque toujours l'esprit qui est là. En conséquence de cause, nous demandons que les territoires des grandes forêts privées situées dans les territoires de TNO soient exclus des territoires des agences. L'impact des redevances qui sont attribuées sur les volumes qui proviennent de ces terrains-là ont une incidence majeure sur la viabilité des opérations forestières.

De la même façon au niveau des syndicats de producteurs de bois. À l'origine, les raisons d'être des syndicats de producteurs de bois étaient la mise en marché et l'obtention de meilleurs prix pour leurs membres propriétaires de lots boisés. Les bois en provenance des grandes forêts privées industrielles détentrices d'un permis d'usine, pour ne pas être soumises aux règles des syndicats, devaient être consommés par le propriétaire de forêt privée. Or, depuis quelques années, certains grands propriétaires industriels détenteurs de permis ont dû restructurer leur approvisionnement afin de permettre une meilleure utilisation et une meilleure valeur ajoutée à la fibre.

Les industries qui possèdent des terrains privés se doivent, pour maintenir leur compétitivité, de procéder à des mouvements de fibre qui correspondent à des échanges ou à des ventes stratégiques. Dans les faits, c'est la même fibre totale qui est produite, mais elle chemine de façon différente. Nous sommes d'avis que la juridiction des syndicats producteurs de bois devrait être reprécisée et exclure de façon très claire les grandes propriétés privées industrielles détentrices de permis.

Un dernier élément que je voulais mentionner, c'est que, dans le document qui a été présenté au niveau de la consultation, nous trouvons que la recherche est assez déficiente. On a parlé beaucoup de rendement accru et nous souhaitons grandement que la recherche soit davantage présente dans les futures orientations du gouvernement. Ça complète ce que j'aimerais vous mentionner.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Jutras. M. le ministre.

M. Brassard: Merci, M. Jutras, de votre présence et de votre participation au nom de Smurfit-Stone, qui ? vous l'avez bien décrite ? est une entreprise de grande taille et qui a des unités de production importantes chez nous au Québec.

Une première question d'abord concernant les consultations dans le processus d'élaboration des plans d'aménagement. Vous demandez que des balises précises soient définies lors des consultations pour encadrer les attentes de la population. J'aimerais que vous me précisiez ce que vous entendez par balises. Vous avez peur que ça dérape ou quoi? Ha, ha, ha!

M. Jutras (Denis): On a des expériences présentement justement de consultations et puis les demandes des gens sont souvent sans connaître les tenants et aboutissants des revendications, que ce soit au niveau de la protection de territoire visuelle ou autre. Et ce serait intéressant qu'on puisse être en mesure d'attribuer des valeurs à des zones de paysage si on les destine à d'autres fins pour que les gens puissent réellement constater que ce qui est... soit retiré de façon légitime des opérations forestières a une valeur attribuée à ça.

C'est sûr qu'il y a un manque-à-gagner quelque part à l'autre bout et actuellement, dans tout ce qui se passe à tous les niveaux, au niveau du Québec, les gens sont peu sensibles à ça. On n'a qu'à demander. À la limite, on obtiendra la moitié de ce qu'on demande, mais on n'a jamais la sensibilité de l'impact de tout ça, que ce soit au niveau industriel, au niveau de revenus, au niveau de la faune, etc. Ça fait que ça, je pense qu'à ce niveau-là on est extrêmement... peut-être un peu en arrière par rapport à ce qui se fait dans certains pays où il y a une intensification du multiusage en forêt. Mais les gens sont conscients que, si des morceaux sont réservés pour certaines fins, bien à la limite il peut y avoir une augmentation du compte de taxes du contribuable. C'est des choses auxquelles il va falloir penser parce qu'actuellement c'est «the sky is the limit» ? excusez l'expression anglaise. Mais il n'y a pas de bornes à ce qui peut être demandé.

M. Brassard: Vous venez de dire que ces propos ou ces remarques ou ces opinions sont issues d'expériences vécues. Est-ce que vous pourriez être davantage plus précis sur cette expérience? Vous avez vécu des expériences avec d'autres utilisateurs qui ont réclamé une protection de certains sites? Qu'est-ce qui vous a conduit à cette opinion-là?

n(12 h 10)n

M. Jutras (Denis): On parle beaucoup actuellement que plusieurs MRC sont dans l'élaboration de leur schéma d'aménagement par exemple où on demande des restrictions visuelles le long de certaines rivières comme zones de paysage, etc. C'est en cours de programmation à peu près dans tous les territoires des MRC actuellement. De la même façon, les zecs, pourvoiries, etc. avec lesquelles on a beaucoup d'interchanges et d'interrelations intéressantes ont énormément de demandes pour des visiteurs externes. On a beaucoup d'achalandage. On est très heureux d'avoir des touristes européens qui viennent nous visiter, mais ces touristes européens là n'ont pas la vision forestière qu'on a ici au Québec et, à ce moment-là, ont des demandes qui sont très différentes, avec lesquelles on est habitué d'opérer.

M. Brassard: Ce que vous dites, au fond, c'est que les autres utilisateurs ou les autres intervenants qui ont des demandes, qui formulent des demandes ne prennent pas en compte les impacts économiques de ces demandes. C'est ça que vous...

M. Jutras (Denis): Ils n'en ont pas conscience, effectivement. Il n'y a pas de moyens de les conscientiser.

M. Brassard: Ils n'en ont pas conscience, carrément.

L'autre question porte sur vos terres privées. Vous êtes un grand propriétaire de forêts privées en Maurice, je pense, en particulier.

M. Jutras (Denis): Oui, en Mauricie.

M. Brassard: D'abord, j'aimerais savoir comment, à ce moment-là ? vous avez une totale liberté en matière d'aménagement forestier ? comment vous opérez votre aménagement de cette grande forêt privée, d'une part; et, d'autre part, j'aimerais mieux comprendre pourquoi vous voulez que les grands propriétaires forestiers privés soient exclus des agences. J'ai un peu de difficulté à saisir pourquoi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Bonne question. M. Jutras.

M. Jutras (Denis): Oui. D'abord, au niveau du rendement ou de l'aménagement de ces grandes propriétés-là... J'ai eu la chance... Heureusement, je suis arrivé un peu plus tôt et entendu les intervenants précédents où plusieurs personnes ont vu le rendement accru comme étant une solution, éventuellement, au problème des baisses de rendement, pour toutes sortes de raisons, au Québec. Et nos forêts privées, chez nous, sont aménagées sur une base de rendement accru.

M. Brassard: Déjà, actuellement.

M. Jutras (Denis): Absolument, parce que ce qui nous attend là au tournant du siècle, qui vient d'arriver en termes d'approvisionnement, en inquiète plus d'un ? vous en avez entendu. Donc, on a déjà pris les moyens, avec des essences à croissance rapide, de l'amélioration génétique, etc., d'aller au-devant de ça. Puis ça, je pourrai peut-être faire un commentaire sur des approches au niveau des petits terrains privés, qui pourraient être intéressantes et où les industriels pourraient s'impliquer aussi.

Au niveau du pourquoi, d'abord. À l'origine, comme je l'ai mentionné, la volonté et l'esprit étaient de venir en aide avec les agences aux petits propriétaires privés. Les industriels avaient acquiescé aussi au versement d'une prime de 1,45 $ le mètre cube afin de favoriser l'aménagement, qui était la partie non versée à partir d'un certain moment par le gouvernement.

Dans les faits, ce que ça veut dire, c'est que les grandes propriétés privées... Puis là, je précise, on parle des grandes propriétés privées situées en territoire non organisé; on ne parle pas des forêts privées rurales, où là il y a un amalgame puis une synergie intéressante. Mais quand on parle des grandes propriétés privées ? puis je pense qu'on est peut-être un cas assez unique au Québec à ce niveau-là ? les redevances qui seraient payables à ce moment-là au taux unitaire en mètre cube et les retours anticipés en aménagement sont à peu près nuls. Pour vous donner une idée, si on exploite sur ces grands terrains privés là 300 000 m³ à 1,45 $, c'est 500 000 $ qui s'en va en redevances. Les propriétaires sont admissibles à des crédits et des redevances de sylviculture de 30 000 $. Alors, c'est 0,06 $ dans le 1,45 $ de retour. Ça a été échappé en cours de route, je pense. C'est mon point de vue. Puis, ce n'est pas intéressant pour quelqu'un d'acheter de la fibre là alors que son argent va être investi ailleurs. C'est ça qui va se passer. C'est ce qui se passe.

M. Brassard: Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. M. Jutras, merci beaucoup pour votre présentation. Merci d'être ici. Dans votre présentation, vous avez souligné la nécessité d'avoir une plus grande imputabilité face à la population dans la gestion actuelle de notre régime public. De quelle façon pourrait prendre forme cette nécessité d'avoir une plus grande imputabilité face à la population?

M. Jutras (Denis): Mais, d'abord, il y a...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Jutras.

M. Jutras (Denis): Oui, pardon. Il y a une sensibilisation à faire ? ça, c'est sûr ? afin que les gens puissent être en mesure, vraiment, de saisir l'impact. De quelle façon, ça peut se faire? On avait essayé à une certaine époque... On pense aux utilisations des infrastructures routières qui sont devenues très problématiques, où il y a énormément d'achalandage. Alors, il peut y avoir, un peu sur le même principe que les zecs, un défraiement à frais partagés au niveau des entretiens des infrastructures routières. Ça ne se fait pas, ça, dans le monde forestier. Les zecs ont ce privilège-là, mais les industriels forestiers doivent investir continuellement dans l'entretien de réseaux routiers utilisés par d'autres ressources. Et on se fait dire qu'on doit les entretenir, c'est notre contribution à l'économie nationale ou provinciale.

Alors, c'est un élément. D'autres éléments peuvent être directement d'évaluer le potentiel d'un secteur de forêt qu'on veut soustraire ou avec lequel on veut réduire ? puis là, je ne parle pas seulement de l'aménagement forestier en termes de retirer les ressources, ça peut être aussi évaluer le potentiel faunique, par exemple, d'un certain territoire et, si on prend une décision de modifier ces potentiels-là ou de les réduire, bien, il y a un impact monétaire au bout de ça. Il y a des formules pour calculer ça, il y a des gens qui en ont développé, ici, au Québec. Puis, comme je vous disais, tout à l'heure, côté européen, Europe de l'Ouest, ils sont très avancés à ce niveau-là.

Par contre, les gens ont les deux, ils ont le revenu et ils ont aussi l'odieux de la taxe, alors ils ont un choix à faire. Ici, ils n'ont pas les deux, la redevance s'en va à l'État et le public a les retours via toutes sortes de programmes. À ce moment-là, il y a un déséquilibre, un peu comme un ticket modérateur qu'on veut instaurer dans certaines institutions. Ça pourrait être une approche.

Mme Normandeau: Donc, l'imputabilité, pour vous, prend vraiment la forme du principe de l'utilisateur payeur, notamment. Ça tourne beaucoup autour de ça. Contrairement à ce qu'on a entendu, quand on parle d'imputabilité, tout de suite, on pense à transparence, à rendre des comptes, mais vous, vous allez plus loin.

M. Jutras (Denis): Oui, jusqu'à l'utilisateur payeur, définitivement.

Mme Normandeau: Bien. J'aimerais revenir sur la question de la forêt privée. Et à la page 5 de votre mémoire, vous faites référence au fameux concept de résidualité de la forêt privée. Et, de toute évidence, ce qu'on comprend, c'est que, la mécanique actuelle, pour ce qui est de la dynamique au niveau de la forêt privée: agences de mise en valeur, syndicats des producteurs de bois, ça semble vous poser certains problèmes.

Est-ce que c'est possible, peut-être, de nous en dire ou de préciser davantage, dans le fond, les difficultés auxquelles vous faites face? Parce que, évidemment, dans votre mémoire, vous nous dites, à la page 5, vous nous demandez de considérer les informations qui suivent et, bien sûr, vous avez exposé votre point de vue: «afin de minimiser les impacts sur ce principe louable de résidualité.» Alors, c'est donc dire que, dans la pratique... L'application de ce principe-là vous pose-t-il un problème? Et si oui, quel est-il? Et, deuxièmement, quels seraient les correctifs qu'on pourrait apporter?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Jutras.

M. Jutras (Denis): Bien, définitivement, il cause problème en ce sens ? puis là, encore là, je précise ? au niveau des grandes propriétés situées en territoires non organisés, puis c'est très spécifique. Je ne dis pas qu'il y a des problèmes en petits terrains privés, en terrains en zones rurales où, là, il y a une synergie des contributions. Puis ça a toujours un rapport aux contributions, que ce soit au niveau des contributions des agences ou au niveau des contributions des syndicats de producteurs de bois parce que, en terrain privé rural, en zone habitée où tout le monde se retrouve ensemble incluant les terrains industriels et les petits terrains privés, à ce moment-là, les investissements qui sont faits dans ces contributions-là sont réinjectés à quelque part sur ce territoire-là, et quelqu'un en retire de l'intérêt d'une façon ou de l'autre.

Alors que, pour les grands propriétaires privés situés en territoire non organisé, les retours ne se font pas là. C'est impossible que le retour se fasse là, parce que la gestion se fait dans les parties rurales et habitées, puis c'est le fondement qui est derrière toute la gestion des agences, et au niveau des syndicats aussi.

Ça fait que, à ce moment-là, ça débalance un peu l'aspect intérêt, mais il n'y a pas de conflit comme tel entre syndicat et industriel et agence. Ce n'est pas à ce niveau-là, c'est au niveau de l'impact et l'interrelation des primes versus le retour, c'est à ce niveau-là seulement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Peut-être une dernière question au niveau de la recherche, à la dernière page de votre mémoire, en fait, à la page 6, vous y faites référence et vous semblez dire que les efforts qui sont faits, au Québec, en matière de recherche sont insuffisants. Plusieurs sont venus nous dire, effectivement, qu'on devrait augmenter les efforts qui sont dédiés à la recherche, entre autres la Faculté de foresterie de l'Université Laval qui proposait que le tiers du Fonds forestier soit consacré à la recherche. Est-ce que c'est possible de nous dire, peut-être, plus précisément ce que vous souhaiteriez voir se concrétiser au Québec en matière d'efforts liés à la recherche et au développement? Puis, on comprend, bien sûr, que, pour une industrie comme la vôtre, il y a des impacts qui peuvent être très importants sur son développement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Jutras.

n(12 h 20)n

M. Jutras (Denis): On est venu très près, au Québec, il y a quelques années, puis je pense que ce n'est pas encore complètement restabilisé. On a parlé, ce matin, beaucoup, de rendement accru, d'essence à croissance rapide, il faut trouver des façons, au Québec, de faire produire de la fibre de façon intensive, que ce soit en qualité, mais je pense surtout en quantité. Et tout ce qui se faisait en recherche, au niveau du Québec, sur l'essence à croissance rapide a, à un moment donné, vacillé, et on ne savait plus si ça continuerait d'exister. Il y a eu des comités de mis sur pied, en partenariat avec l'industrie, justement pour essayer de trouver des façons de jointer ça ensemble pour redémarrer tout ça. Mais je pense que, quand on veut parler de rendement accru, on est encore très peu connaissants au Québec. Seulement en amélioration génétique ? on ne parle même pas de rendement accru ? on a beaucoup de choses à aller chercher encore de ce côté-là et il ne faut pas lâcher ce morceau-là. Moi, je le trouvais un peu absent au niveau du document de base.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée.

Mme Normandeau: Dans le fond, ce que vous nous dites, M. Jutras, c'est que, au moment où le ministre s'apprête à déposer ses orientations ? en fait, il les a déposées mais, en fait, on se dirige vers une politique sur le rendement accru ? vous dites: On n'a peut-être pas nécessairement tout ce qu'il faut pour prendre ce virage-là en termes de connaissances et il faudrait peut-être faire des efforts un peu plus de ce côté-là. C'est ça?

M. Jutras (Denis): Je suis parti d'un comité sur le chantier sur l'économie sociale où il y a justement une table sur le rendement accru puis je vous dis que les gens se posent des questions. Il y a encore des choses à penser de ce côté-là, définitivement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Jutras. Dans l'octroi des droits sur la ressource du domaine public, vous mentionnez que la fibre est disponible, que, si la fibre est disponible, elle devrait être allouée plutôt comme incitatif à la performance aux industriels déjà bénéficiaires sur le territoire. Dans ce cadre-là, sur quelle base voyez-vous l'évaluation de cette performance? Au niveau forestier, environnemental ou industriel? On s'orienterait de quelle manière? Avez-vous des idées là-dessus?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Jutras.

M. Jutras (Denis): Oui, pardon. Il y a des industries qui mettent énormément ou qui seraient prêtes à mettre de l'énergie pour augmenter la possibilité. Il y a certains mécanismes prévus où on dit: Si on investit davantage en sylviculture, on peut bénéficier de l'usufruit sans paiement de droits de coupe, là, c'est un peu dans les nuages. Mais, d'une façon concrète, si vraiment il est démontré qu'il y a de la fibre de disponible, à ce moment-là, c'est très clair qu'un industriel qui mettrait de l'énergie davantage en sylviculture ? moi, je pense que c'est plus du côté sylviculture; environnement, c'est sûr qu'il ne faut pas l'échapper, moi, je la considère comme étant acquise, celle-là ? qui développerait des choses, à ce moment-là, pourrait être en mesure de bénéficier de ces essences-là. C'est une façon de la faire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Juste une dernière. Pour vous, c'est acquis aussi que le mur-à-mur n'a pas sa place pour chaque région pour être gérée d'une façon différente?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Jutras.

M. Jutras (Denis): En ce sens, il y a justement des problèmes qui sont très spécifiques dans des aires communes ? parce qu'on parle de ça au niveau CAAF ? il y a des territoires qui ont des problèmes très particuliers. Alors, à ce moment-là... ou on devra avoir des atténuations, justement, pour permettre... sinon, on va se ramasser avec des volumes qui vont être restreints alors qu'il y a des forêts matures qui vont crever. Alors, il faut faire attention à ça. C'est dans ce sens-là.

M. Désilets: Merci, M. Jutras.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Ça met fin, donc, à nos échanges et ça met fin aussi à notre horaire pour ce matin. Alors, merci, monsieur, de votre participation à cette commission.

Je vais donc ajourner les travaux sine die, tout en sachant qu'on va se retrouver probablement en après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 24)

 

(Reprise à 15 h 1)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): La commission va donc reprendre ses travaux. Je vous rappelle que nous poursuivons la consultation générale sur le projet de loi n° 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives.

J'inviterais le groupe que nous devons rencontrer à ce moment-ci, c'est-à-dire l'Association des aménagistes régionaux du Québec, à bien vouloir prendre place. Pendant que le groupe prend place, j'aimerais aussi effectuer un dépôt par rapport justement... le projet d'allocution pour le représentant de l'Union des municipalités qui est déjà, je pense, rendu devant les parlementaires; donc, il a été distribué. C'est ce que je comprends.

Alors, vous êtes M. Dufault, je présume?

M. Dufault (Daniel): Oui.

Association des aménagistes
régionaux du Québec (AARQ)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Daniel Dufault, bonjour, bienvenue à cette commission. M. Dufault, je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire et que, par la suite, il y aura période d'échanges. Alors, vous pouvez donc, M. Dufault, procéder.

M. Dufault (Daniel): Bonjour, mon nom est Daniel Dufault. Je suis aménagiste pour la municipalité régionale de comté de Témiscamingue. Je voudrais remercier la commission de bien vouloir nous entendre par rapport au dépôt de notre document.

L'Association des aménagistes régionaux du Québec regroupe les aménagistes qui travaillent dans les différentes MRC au Québec. Notre rôle, c'est de mettre en oeuvre un schéma d'aménagement qui contient les intentions des organismes et de la population locale. Ça contient, par exemple, les activités qui peuvent être permises sur un territoire, les activités qui peuvent être interdites et à quelles conditions ces activités-là peuvent être permises.

C'est également à nous qui analysons différents projets au niveau des chemins forestiers principaux, au niveau de certaines parties des plans quinquennaux déposés par les compagnies forestières, au niveau également des secteurs à protéger, que ce soit au niveau faunique ou que ce soit au niveau villégiature. On analyse ces projets-là et on recommande leur acceptation ou leur rejet aux maires ou aux préfets qui sont dans les municipalités régionales de comtés.

Il y a plusieurs préfets, qui sont venus rencontrer la commission, qui nous ont présenté des recommandations plus politiques, je dirais. Notre document vise principalement à vous proposer certaines modifications ou certaines améliorations, des améliorations techniques pour que la mise en place du nouveau régime forestier se fasse de la meilleure façon possible.

On en propose six. La première, c'est concernant les forêts exceptionnelles, ce qui est appelé, dans le projet de loi, les écosystèmes forestiers exceptionnels. On propose de rajouter, dans les organismes consultés lors du processus de classement, en plus des municipalités, des communautés urbaines, les municipalités régionales de comtés, parce que, au niveau des autres niveaux de protection qui existent déjà, que ce soit les réserves écologiques, les parcs, les habitats fauniques, les MRC sont déjà consultées au niveau de l'établissement de ces zones de protection là. Ça permettrait aux MRC de faire des commentaires sur les propositions de classement, afin que le gouvernement prenne la meilleure décision possible quant à l'éventuel classement de ces forêts exceptionnelles là.

La deuxième proposition, ça concerne un élément qui se retrouve dans le projet de loi: les contrats d'aménagement forestier. C'est un nouveau droit forestier qui pourra être accordé par le gouvernement. Les documents qui accompagnent le projet de loi n° 136 mentionnent que, ce droit-là ? le contrat d'aménagement forestier ? serait éventuellement donné sur recommandation du CRD.

Notre organisme n'a rien contre les CRD. C'est un organisme qui joue très bien son rôle au niveau de la concertation et au niveau des revendications régionales parfois. Cependant, on croit que les MRC sont des organismes plus près de la base. C'est des organismes qui sont déjà consultés sur les projets du gouvernement dans d'autres domaines, et ce serait une consultation qui nous apparaît logique par rapport au reste du projet de loi, où par exemple, lors de l'élaboration des plans des compagnies forestières, les MRC sont déjà consultées.

La troisième proposition qu'on présente, c'est par rapport au remplacement des aires communes par les unités d'aménagement forestier. On croit que, si vous voulez que le nouveau régime forestier s'applique de la meilleure façon possible, il y aurait lieu d'harmoniser les futures unités d'aménagement forestier avec les limites des MRC, pas nécessairement qu'un territoire de MRC concorde exactement avec une unité d'aménagement forestier, mais qu'une unité d'aménagement forestier ne superpose pas deux MRC.

Ça simplifierait, d'après nous, beaucoup, la vie des compagnies forestières qui ont, dans leur planification forestière, à intégrer des éléments du schéma d'aménagement. À ce moment-là, ça va leur simplifier la vie, parce que ça va leur faire seulement une MRC à consulter, un schéma d'aménagement à consulter, un aménagiste à appeler s'ils ont des questions, puis c'est aussi parce que, au fil des ans, ce qu'on a vécu, en tout cas, nous, au Témiscamingue, depuis la création des MRC, c'est que la plupart des autres ministères, des autres organismes publics ont harmonisé leurs découpages avec notre territoire, puis ça leur a simplifié la vie à eux aussi.

La quatrième proposition, c'est... En fait, les trois dernières propositions, c'est plus des souhaits. La quatrième, c'est l'importance du schéma d'aménagement par rapport à la planification que font les compagnies forestières. Les schémas d'aménagement ont été élaborés à peu près il y a une quinzaine d'années. Ça regroupe les préoccupations de tous les intervenants, pas juste les préoccupations des organismes municipaux.

Parce que le respect des secteurs à protéger dans les schémas d'aménagement, par rapport aux plans que déposent les compagnies forestières, est assez inégal à travers le Québec, on croit que les compagnies forestières qui auront déjà intégré des éléments de leur schéma d'aménagement local dans leur planification vont partir avec une longueur d'avance au niveau du nouveau processus d'élaboration des plans quinquennaux qui est présenté dans le projet de loi n° 136.

La cinquième proposition, c'est au niveau de la voirie forestière. C'est une problématique reliée au manque de financement. Ce qui se passe, c'est que les compagnies forestières font les chemins. Peu à peu, il y a d'autres usages qui s'installent ou qui empruntent ces chemins-là, et les chemins se détériorent. Ce qu'on propose, c'est d'augmenter ? c'est une solution parmi d'autres ? le budget du programme de mise en valeur des ressources du milieu forestier. Ça pourra peut-être se faire par le biais de... d'autres ministères pourront peut-être contribuer, parce que c'est un programme qui s'adresse à mettre en valeur pas seulement l'aspect forestier du milieu.

n(15 h 10)n

Enfin, la dernière proposition, c'est l'importance de bien informer la population sur les activités forestières. Au Témiscamingue, on a, en particulier, un comité qui regroupe les compagnies forestières, les différents utilisateurs de la forêt, et puis on se demande régulièrement de quelle façon on pourrait mieux informer la population ou les groupes qui ne sont pas nécessairement sur le comité des secteurs de coupe, des projets que planifient les compagnies forestières. Et puis il y a deux irritants qu'on a identifiés. C'est au niveau de la rédaction de l'avis public.

Il semble, après consultation des compagnies locales puis des représentants locaux du MRN, que le texte qui est proposé dans certains documents ne peut pas être adapté vraiment. Il doit passer tel quel dans le journal. Ça, on souhaiterait que ce texte-là puisse être assoupli ou qu'il puisse y avoir des assouplissements, que les compagnies forestières puissent mieux centrer les interventions ou les projets qu'elles planifient, que ça puisse plus se refléter dans la rédaction de l'avis public et qu'elles ne soient pas obligées de suivre un modèle préétabli.

Puis, enfin, peut-être, de prolonger la période de consultation actuelle durant laquelle les gens, les intervenants peuvent intervenir, qui est de 20 ou 21 jours mais qui, de ce qu'on a vécu depuis une dizaine d'années, se déroule souvent entre Noël puis le jour de l'An. Alors, ça ne favorise pas vraiment la consultation publique ou le fait de publiciser les éléments qui sont dans les plans des compagnies forestières. Voilà.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Dufault. Nous allons donc poursuivre avec la période d'échanges. M. le ministre.

M. Brassard: Oui. Merci, M. Dufault, pour votre contribution aux travaux de cette commission. Je comprends que votre Association regroupe surtout évidemment les aménagistes qui sont essentiellement à l'emploi des MRC et qui ont principalement pour tâche évidemment de voir à l'élaboration des schémas d'aménagement. Je ne me trompe pas?

M. Dufault (Daniel): O.K.

M. Brassard: Bon, très bien. D'abord, une remarque, en passant, concernant les écosystèmes forestiers exceptionnels. Vous demandez que les MRC soient consultées; ce sera le cas. Dans la disposition du projet de loi, quand on parle des municipalités, ça inclut les MRC. Sur le plan légal et juridique, ça inclut les MRC. Donc, ça veut dire que, sur ce plan-là, les MRC seront consultées quand il s'agira de reconnaître des écosystèmes forestiers exceptionnels.

Ma première question porte surtout, d'abord, pour commencer, évidemment, sur... Je comprends que vous connaissez bien les MRC, leur fonctionnement, leurs pouvoirs, leurs responsabilités, ce qui vous amène à vouloir les substituer aux CRD quand il s'agira d'accorder un contrat d'aménagement forestier.

C'est un nouveau véhicule qu'on introduit dans la loi. J'aimerais savoir pourquoi il faut que ce soit plutôt la MRC qui est, je dirais, la mieux placée pour donner un avis à cet égard, plutôt que le CRD, qui est l'organisme régional de concertation.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Dufault.

M. Dufault (Daniel): Pour vous donner un exemple concret, on a eu des expériences, par le passé, qui ont impliqué des entreprises locales et qui ont impliqué le gouvernement, et dans ces cas-là, le gouvernement a fait appel aux CRD pour étudier la problématique qui était en question. Ça s'est passé en Abitibi-Témiscamingue, et le CRD a discuté avec le gouvernement de la problématique en question sans rencontrer l'entreprise concernée par le problème, sans se rendre sur les lieux pour voir ce que c'était, la situation. Mais le CRD négociait ou faisait des propositions au gouvernement sans nécessairement connaître la situation au niveau local. Ça a duré, peut-être, durant six mois. Nous, on a un petit peu dénoncé cette façon-là de procéder, et on prétend que c'est vraiment avec un organisme de la base que le gouvernement pourrait avoir le meilleur éclairage possible avant d'émettre le droit forestier en question.

C'est aussi parce qu'on croit que le contrat d'aménagement forestier ne s'appliquera pas à la grandeur de la région administrative mais va s'appliquer peut-être plus sur un territoire qui ressemble plus à une MRC ou plus à une unité de gestion, en termes de grandeur de territoire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Brassard: O.K. Je comprends. Il y a une certaine logique. La MRC évidemment a une meilleure connaissance, une connaissance plus approfondie, plus concrète aussi de son territoire et est mieux placée pour donner un avis éclairé sur une question comme celle-là.

Deuxièmement, vous recommandez d'utiliser les schémas d'aménagement lors de l'élaboration des plans généraux. J'aimerais que vous me précisiez cette idée. Ça voudrait dire quoi exactement? Comment vous voyez l'arrimage et comment peut-on utiliser les schémas d'aménagement dans l'élaboration des plans généraux?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Dufault.

M. Dufault (Daniel): En fait, le schéma d'aménagement ferait partie d'un ensemble d'autres documents dont les compagnies forestières se serviraient pour faire leur planification forestière. Le schéma d'aménagement intègre déjà une grande partie des revendications ou des besoins ou des préoccupations des autres utilisateurs du milieu, que ce soient les zecs, les pourvoyeurs ou les autres organismes qui ne sont pas nécessairement mentionnés dans le projet de loi n° 136.

Je ne prétends pas que ça contient l'ensemble de leurs préoccupations, mais, avec mon expérience personnelle, les compagnies forestières, qui ont intégré des éléments du schéma d'aménagement dans leurs préoccupations, c'est-à-dire qui ne prévoyaient pas nécessairement de coupes à blanc ou de CPRS auprès des secteurs de villégiature ou dans certains secteurs fauniques, qui préparaient leur planification forestière en fonction de ces éléments-là, partaient déjà avec une longueur d'avance quand ils déposaient leurs plans.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Brassard: En d'autres termes, vous dites: Dans une perspective de gestion intégrée des ressources, le schéma d'aménagement d'une MRC constitue un outil fort utile pour les détenteurs de contrats qui ont des plans d'aménagement à faire. C'est un peu ce que vous dites. Mais, évidemment, la situation peut se produire cependant où on touche plus d'une MRC. Donc, là, les détenteurs de contrats vont devoir à ce moment-là prendre connaissance ? ça arrive, il y a des cas, sûrement ? de plus d'un schéma, de plusieurs schémas d'aménagement.

Dernière question, Mme la Présidente, les chemins forestiers. À l'instar de plusieurs MRC, vous considérez que l'entretien du réseau routier en forêt est une question importante, en regard justement de l'accessibilité des citoyens à la forêt. Et vous demandez qu'on passe par le Programme de mise en valeur en y ajoutant des ressources de plus, mais en créant ou en réservant une enveloppe spéciale au sein du Programme de mise en valeur, une enveloppe spéciale qu'on réserverait de façon spécifique à l'entretien des chemins?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Dufault.

M. Dufault (Daniel): Pas nécessairement. Ça pourrait se faire, je crois, à l'intérieur du programme actuel. Le programme actuel permet déjà de faire des améliorations au niveau de la voirie forestière.

M. Brassard: Les ressources sont insuffisantes, c'est ce que vous dites.

n(15 h 20)n

M. Dufault (Daniel): Les ressources sont insuffisantes, oui, puis ça serait peut-être l'occasion de faire participer d'autres ministères au financement de ce programme-là, parce que les travaux qui sont financés sont parfois des travaux fauniques, parfois des travaux environnementaux. En tout cas, nous, ce qu'on reçoit, c'est souvent les plaintes des organismes ou des gens qui utilisent ces chemins-là, qui ont été abandonnés, parfois, depuis 10, 15 ans, par les compagnies forestières qui ne reviendront pas dans le secteur avant plusieurs années, et puis qui peuvent avoir établi des entreprises, des érablières, des pourvoiries.

Et puis, au niveau du budget du programme actuel, ça ne nous permet pas de répondre à l'ensemble des projets. Au Témiscamingue, on a, par exemple, un budget, cette année, de 450 000 $ dans le projet, mais on a 1 million de projets présentés.

M. Brassard: Puis il y en a 450 000 $ qui sont investis dans les chemins?

M. Dufault (Daniel): Non.

M. Brassard: Non?

M. Dufault (Daniel): Une partie du 450 000 $ est investie dans les chemins, peut-être 20 %.

M. Brassard: Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça va?

M. Brassard: Oui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. M. Dufault, bonjour, bienvenue à cette commission et merci de nous livrer votre vision entourant le projet de loi n° 136. On comprend bien évidemment que vous êtes interpellés comme aménagistes qui travaillez à chaque jour avec les MRC au Québec.

Ma première question porterait sur l'implication de la population dans le processus lié à la gestion de nos forêts, et vous en faites mention ou vous formulez même deux recommandations à la page 5 de votre mémoire.

C'est un élément extrêmement important du projet de loi qui a été déposé, et plusieurs intervenants... En fait, pas plusieurs, tous les intervenants s'entendent pour dire que la population doit être partie prenante dans tout le processus de consultation; même, on va plus loin que le projet de loi, on parle d'implication en amont pour l'élaboration des plans.

Mais, vous, vous nous dites deux choses importantes. Dans le fond, vos propositions font référence à l'obligation de vulgariser davantage tout ce qui entoure des avis publics, d'une part, et deuxièmement, la période d'information qui, selon vous, est beaucoup trop courte... Bien, je ne sais pas si elle est trop courte, mais enfin, vous semblez dire qu'elle se situe très mal dans le temps, là. Vous faites référence à une période de consultation qui se tient souvent entre la mi-décembre et janvier. Alors, on comprend bien que ce n'est pas des conditions idéales pour permettre à la population de se déplacer.

Mais vous êtes plutôt muet sur le fait que les plans, comme tels, sont très difficiles, souvent, à comprendre. Mon collègue, ce matin, y faisait référence avec d'autres intervenants. Il comparait les plans généraux, souvent, à une véritable tour de Babel, parce que c'est tout un langage... c'est un langage qui est particulier.

Alors, qu'est-ce que vous en pensez, de ce côté-là, au niveau de cette vulgarisation des plans, comme tels, pour permettre à la population, assurer à la population une plus grande accessibilité? Et peut-être nous en dire davantage sur vos deux recommandations, parce que, pour les avoir amenées, j'imagine qu'il y a des gens qui vous ont signifié des problèmes auxquels ils se butaient.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Dufault.

M. Dufault (Daniel): Oui. Au niveau de la rédaction des avis publics, comme j'ai dit tantôt, il semble qu'il y ait un modèle établi, il existe un modèle établi dans un guide qui s'adresse aux compagnies forestières et les compagnies forestières doivent respecter à la lettre le texte de l'avis en question.

L'avis en question mentionne qu'il y a une période de consultation qui dure 20 jours, de telle date à telle date, où les gens ou les organismes peuvent intervenir, poser des questions, émettre des commentaires là-dessus, sauf que l'avis, comme tel, ne mentionne pas vraiment sur quoi porte la consultation, où sont les secteurs de coupe, par où passent les chemins qui sont prévus par les compagnies forestières. Les gens sont informés qu'il y a une période de consultation qui doit durer tel jour ou tel jour, que les territoires de coupe peuvent s'étendre sur une, deux, trois ou quatre MRC, mais c'est le sujet de la consultation qui n'est pas clairement établi.

Au niveau municipal, par exemple, on a une loi aussi qui nous oblige à faire paraître des avis, sauf qu'on ne nous oblige pas à reprendre un texte mot à mot, comme tel. On nous mentionne qu'est-ce que doit contenir l'avis, c'est quoi, le sujet de la consultation, comment les citoyens peuvent s'exprimer, ainsi de suite, puis on pense peut-être que, de fonctionner plus par objectifs plutôt que par un texte par lequel les compagnies ne peuvent pas déroger, ce serait peut-être mieux, en tout cas, pour que les gens comprennent de quoi il s'agit.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Madame...

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Dans le fond, ce que vous nous dites, c'est qu'on soit encore plus précis dans l'avis public, ou j'ai envie de vous dire qu'on n'ait pas un avis mur à mur, c'est-à-dire qu'on puisse l'adapter selon ce que la compagnie, selon ce que le bénéficiaire de CAAF a à faire comme travaux? C'est ça, c'est ce que je comprends, oui?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Dufault.

M. Dufault (Daniel): Oui, puis il y a des compagnies forestières, par exemple, qui voient évidemment que ce n'est pas suffisant, l'avis en question, puis par exemple, qui publient dans le journal une carte montrant les secteurs de coupe prévus par la compagnie dans la prochaine année, disons, là. Mais, en plus de faire publier la carte, ils sont quand même obligés de publier le texte obligatoire du ministère.

Au niveau de la période de consultation, pourquoi ça tombe souvent entre Noël puis le jour de l'An? C'est que les compagnies forestières, leurs plans forestiers doivent entrer en vigueur le 1er avril. Le ministère se réserve une période, en février ou mars, pour l'étudier, pour demander des correctifs aux compagnies forestières, ce qui fait que la période de consultations arrive avant.

Puis, de ce que j'ai vécu, depuis 10 ou 12 ans, c'est que, souvent, ça se déroule entre le 18 décembre et puis le 6 janvier. Souvent, les plans sont en consultation au bureau local du ministère. Les gens doivent prendre un rendez-vous pour consulter les plans, sauf que parfois, le bureau du ministère est fermé entre Noël puis le jour de l'An. Alors, ça ne facilite pas la consultation.

Mme Normandeau: Effectivement. Qu'est-ce que vous proposeriez pour améliorer l'accessibilité de la population à ces plans-là? Est-ce que vous souhaiteriez qu'on devance les dates de consultation?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Dufault.

M. Dufault (Daniel): Soit qu'on les devance ou qu'on allonge un petit peu pour permettre aux gens de faire des commentaires là-dessus.

Mme Normandeau: Est-ce que vous souhaiteriez que la période soit plus longue que 20 jours? Est-ce que vous pensez que c'est nécessaire?

M. Dufault (Daniel): Oui.

Mme Normandeau: Oui?

M. Dufault (Daniel): Dans notre cas, par exemple, actuellement, ce qui est prévu, c'est que, pour vous donner un exemple, au niveau des MRC, les compagnies forestières nous envoient leurs plans, leur planification forestière mais ne l'envoie pas nécessairement aux municipalités. Alors, nous, on fait les copies de ces plans-là, on les envoie aux municipalités, et si c'est le cas, qu'elles ont des territoires de coupe chez eux, et puis à ce moment-là, 20 ou 21 jours, c'est assez serré pour que la municipalité ait le temps de les regarder puis réagisse là-dessus.

Au niveau de votre autre point, que vous avez mentionné tantôt, l'aspect...

Mme Normandeau: La vulgarisation des plans.

M. Dufault (Daniel): ...oui, l'aspect technique austère des plans d'aménagement forestier, c'est vrai, sauf que je crois que les compagnies forestières sont sensibles à cette question-là et puis travaillent sur différentes choses au niveau de la présentation des plans pour essayer de les rendre plus visuels, pour que les gens vraiment savent s'ils sont concernés par les coupes ou par les travaux qui sont prévus à l'intérieur.

Mme Normandeau: Bien. Peut-être une dernière question, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Si vous permettez, c'est sur l'amélioration justement du réseau routier en forêt. Je comprends bien qu'il y a une partie... vous faites référence au fameux programme de mise en valeur des ressources en milieu financier qui, souvent, sert à financer les travaux en forêts. Mais on sait que ça coûte très, très, cher, et puis là, on se doute bien que le programme est insuffisant.

Plusieurs intervenants sont venus nous parler de cet aspect-là en formulant certaines propositions, je pense notamment à la MRC du Haut-Saint-Maurice qui allait d'une création d'un fonds à partir de, de mémoire, il me semble que c'était 0,25 $ du mètre cube.

Vous, vous dites, dans le fond: Il faudrait peut-être bonifier le programme de mise en valeur des ressources en milieu forestier. Est-ce que vous avez élaboré sur d'autres mécaniques peut-être? Je pense au ministère des Transports qui pourrait être interpellé. Avez-vous poussé plus loin votre réflexion là-dessus? Parce que ça pose un certain problème, vous n'êtes pas le premier intervenant, là, qui soulevez ce point-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Dufault.

M. Dufault (Daniel): On n'a pas étudié cette question-là en profondeur. Au niveau du ministère des Transports, les routes, les chemins forestiers ne sont pas de leur juridiction, comme telle. Au niveau municipal, on ne peut pas vraiment intervenir sur ces chemins-là, parce qu'il faut réglementer la route en question, il faut la verbaliser.

Il y a plusieurs centaines de milliers, peut-être, de kilomètres de chemins forestiers. La solution qu'on a vue ? la plus simple ou la plus évidente ? c'était d'augmenter un peu le budget du programme actuel qui permet déjà des améliorations, des travaux dans les chemins forestiers.

Mme Normandeau: Avez-vous établi un pourcentage, parce que c'est des coûts très onéreux, ça, quand on parle d'intervention au niveau du réseau routier?

M. Dufault (Daniel): C'est sûr que ça dépend un peu de chaque MRC. Moi, pour ma MRC, je pense qu'une augmentation d'entre 10 % et 30 % du budget résoudrait beaucoup de problèmes.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Peut-être une dernière question...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Vous avez du temps encore, Mme la députée.

n(15 h 30)n

Mme Normandeau: ...sur le programme de mise en valeur du milieu forestier. Puisque c'est la région qui détermine ses priorités sur les projets justement à prioriser, à retenir, est-ce que vous iriez jusqu'à réserver, dans le cadre de ce programme-là, une portion amélioration du réseau routier en forêt? Parce que évidemment on se doute bien qu'il pourrait y avoir une espèce de querelle dans chacune des régions ? bien, non, mon projet est plus important que le tien; bien non, c'est le réseau routier qui est important; mais tel chemin, à telle place, à améliorer; et tout ça ? à dire: Bien, là, il faudrait que le gouvernement, peut-être sur le plan provincial, dise: Bien non, dorénavant le programme de mise en valeur des réseaux forestiers, on réserve une enveloppe de x pour exclusivement améliorer les réseaux routiers en forêt.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Dufault.

M. Dufault (Daniel): Non, je ne le crois pas, parce que, en gros, c'est les autorités locales qui font la priorisation des projets dans le cadre de ce programme-là. C'est important aussi de favoriser d'autres projets au niveau forestier, au niveau faunique, puis je crois que, de mettre des quotas, ce n'est pas nécessairement... Je pense que c'est plus par rapport au nombre de projets présentés. Dans certaines régions, c'est possible, comme le Haut-Saint-Maurice que vous avez mentionné tantôt que, leur priorité, c'est vraiment la voirie forestière puis c'est possible qu'il y ait 70 % ou 80 % du budget du programme qui aille dans ces projets-là. Chez nous, c'est une problématique aussi, mais on la sent moins ou on sent moins l'importance que la majorité du budget aille pour les projets de voirie forestière.

Mme Normandeau: Bien, merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Dufault, merci d'être venu échanger avec nous à cette commission.

Je vais suspendre quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 32)

 

(Reprise à 15 h 25)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Nous allons donc poursuivre nos travaux. Nous retrouvons maintenant le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec conjointement avec le Conseil régional de l'environnement de l'Abitibi-Témiscamingue. Alors, M. Lessard, ça me fait plaisir de vous saluer. M. Lessard, vous êtes en même temps le président du conseil régional de ma région ? alors, les membres de la commission vont sûrement comprendre que je vous salue de façon un petit peu plus particulière. Vous êtes Mme Balthazar, je présume aussi. Alors, bienvenue à cette commission. Et je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour nous faire la présentation de votre mémoire. Par la suite, bien sûr, il y aura période d'échanges. Alors, vous pouvez donc y aller.

Regroupement national des conseils régionaux
de l'environnement du Québec (RNCREQ),
et Conseil régional de l'environnement
de l'Abitibi-Témiscamingue (CREAT)

M. Lessard (Guy): Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, nous désirons vous remercier de l'occasion que vous nous donnez de vous faire part de notre opinion concernant le projet de loi n° 136. Alors, cet après-midi, je représente M. Marc Turgeon, le président du Regroupement national, et notre compétence, Mme Balthazar, se fera un plaisir de vous présenter nos recommandations. Alors, peut-être serait-ce utile de vous mentionner que le Regroupement national des conseils régionaux est reconnu de façon statutaire par le ministère de l'Environnement. On nous a confié le mandat d'être le porte-parole des orientations communes des régions, des 16 régions du Québec, d'assurer un rôle de concertation, d'animation et d'information et d'offrir des ressources de soutien aux conseils régionaux de l'environnement. Quant à eux, les 16 conseils régionaux de l'environnement, ils ont le mandat de contribuer au développement d'une vision régionale de l'environnement et du développement durable et de favoriser la concertation en région de l'ensemble des intervenants.

En 1999-2000, pour l'ensemble des conseils régionaux de l'environnement, nous comptions 1 464 membres, soit 278 organismes environnementaux, 269 gouvernements locaux, 259 organismes parapublics, 144 corporations privées, 422 membres individuels et 90 autres organismes.

J'ajouterais peut-être un petit mot pour vous parler de notre mission en ce qui a trait au développement durable. C'est une formule qui vise, comme vous le savez, à réconcilier le développement économique et social, la protection de l'environnement et la conservation des ressources naturelles, un principe qui s'applique bien à la gestion de nos forêts. Mettre en pratique les principes du développement durable, c'est considérer la société, l'économie et l'environnement comme des éléments d'un système où ils s'appuient mutuellement et sont automatiquement pris en compte avant qu'une décision soit prise. Sa mise en oeuvre suppose que les ressources sont traitées en fonction de leur pleine valeur, tant future qu'actuelle, et offre l'espoir véritable que le développement économique n'entraînera pas la dégradation de l'environnement.

En faisant la promotion de ce concept, les conseils régionaux se sont donnés comme objectif de montrer clairement les liens existant entre l'environnement et l'économie, puisqu'une économie saine et viable est impossible sans un environnement en santé et que des politiques gouvernementales visionnaires auront non seulement des retombées positives pour l'environnement, mais aussi d'importantes répercussions positives pour l'économie. En effet, l'intégration des considérations économiques, sociales et environnementales, associée au concept de développement durable, permet d'évaluer de façon beaucoup plus réaliste la rentabilité collective et à long terme de tout projet.

Ce sont les valeurs qui nous ont inspirés, Mme la Présidente, dans la préparation de notre mémoire, de même que dans celui de la région de l'Abitibi que nous aurons le plaisir de présenter conjointement. Alors, je laisserai Mme Balthazar vous présenter nos recommandations.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Balthazar.

Mme Balthazar (Luce): Mme la Présidente, merci. Il convient de situer, au préalable, un contexte à la présentation du mémoire que nous déposons aujourd'hui, un petit peu en faisant suite à ce que M. Lessard présentait. Les conseils régionaux de l'environnement sont des entités relativement jeunes dans le portrait environnemental québécois et, pour la majorité d'entre eux, leur première expérience de travail avec le régime forestier s'est effectué à l'occasion des audiences publiques de l'automne 1998. Ça a été pour eux une expérience plutôt décevante pour les motifs qu'on invoque dans notre document, question de délais principalement, et c'est en étant fort insatisfaits du processus de révision de la mise à jour. Mais, tout de même fort préoccupés de l'état de santé de nos forêts, c'est dans ce contexte qu'on a adhéré à la Coalition sur les forêts vierges nordiques. Or, depuis, nous sommes des participants actifs; on a oeuvré activement aux divers travaux de la Coalition, en l'occurrence on a contribué à rédiger le mémoire qui a été déposé ici même il y a près d'une semaine.

n(15 h 40)n

Alors, nous nous présentons d'abord auprès de vous pour réitérer publiquement que le Regroupement des conseils régionaux de l'environnement réitère publiquement un appui ferme et intégral à toutes les revendications qui ont été adressées au gouvernement québécois lors de la présentation de la Coalition sur les forêts vierges nordiques. En fait, notre mémoire se situe en perspective complémentaire. Le cadre global de notre propos est contenu dans le mémoire de la Coalition sur les forêts vierges nordiques. On souhaitait présenter tout de même quelques points un peu plus spécifiques qui sont abordés dans le mémoire aujourd'hui.

Avant de les présenter, il y avait quelques considérations générales ? pour les personnes qui suivent, je vous renvoie immédiatement à la page 7, à la première recommandation ? donc, en ce qui concerne le regroupement des conseils régionaux de l'environnement du Québec, après analyse du projet de loi n° 136, il y a un premier constat général, et je nous cite en haut: «Le RNCREQ continue de déplorer la perception réductrice de la forêt qu'adopte le ministère. Quant à nous, la Loi sur les forêts demeure une loi du bois, une loi qui accorde une trop forte prédominance à l'exploitation industrielle du bois à court terme et qui conséquemment impose ses impératifs aux autres usages, aux autres ressources et au rôle écologique qui en découle ? une vue qui constitue une menace, autant pour l'environnement que pour le développement durable de ce secteur économique essentiel au Québec et à la survie de plusieurs régions.»

Nos sujets de préoccupations majeurs qui restent en suspens dans le projet de loi n° 136 ont été donc exposés dans le mémoire de la coalition et c'est en vertu des mêmes constats, des mêmes doutes et des mêmes inquiétudes sur le régime forestier, que nous formulons notre première et plus importante recommandation. Le Regroupement des conseils régionaux de l'environnement demande que l'on procède sans tarder à la tenue d'une enquête publique indépendante sur la politique forestière, et ce, dans chaque région du Québec. L'objectif premier serait d'assurer l'aménagement durable de nos forêts.

En ce qui regarde nos considérations un peu plus spécifiques, il y a d'abord la section approche écosystémique et la gestion par bassin versant. On estime que le défi d'aujourd'hui, ce n'est plus de reconnaître que la forêt est constituée d'écosystèmes et qu'il faut la traiter comme telle, c'est bien d'apprendre à le traduire en actions. Au travers diverses recommandations qui ? encore une fois, je vous réfère au mémoire de la coalition sur la forêt vierge nordique. Quant à nous, on aimerait préciser, apporter une précision sur le concept de bassin versant.

Or, nous en venons à notre deuxième recommandation, en page 9, alors: Le regroupement, le RNCREQ ? vous comprendrez ? recommande au gouvernement d'adopter l'échelle des bassins versants comme paramètres déterminant dans la définition des nouvelles unités territoriales d'aménagement. Or, qu'on en tienne compte de façon privilégiée pour déterminer ces nouvelles unités. On pourrait vous inviter à consulter le rapport du BAPE qui a été déposé dernièrement sur la gestion de l'eau qui aborde ces questions-là.

Rendement accru. Du point de vue de l'environnement, à prime abord, ça peut nous apparaître inquiétant. En ce qui nous concerne, on estime que la démonstration n'a pas été faite, faute d'enquête publique indépendante, de notre capacité à assurer un rendement soutenu. Et un exemple éloquent pour nous, ce sont les coupes d'approvisionnement qui ont eu lieu dans le Bas-Saint-Laurent cet été. Alors, oui, on serait prêt à l'envisager. Ce n'est pas une politique, une orientation avec laquelle on serait foncièrement contre, on serait prêt à l'envisager, en autant que ça ne remettre pas en question les acquis de la stratégie de protection des forêts et qu'on préserve le caractère naturel des écosystèmes. Alors, c'est l'essentiel de la recommandation 3.

Forêts exceptionnelles. Ici, nous encourageons le gouvernement dans cette voie et nous l'encourageons à aller plus loin et on indique dans le texte que la conservation des forêts exceptionnelles ? elles sont tout autant exceptionnelles que ce soit en forêts publiques que privées. Donc, notre recommandation: nous recommandons de mettre en place rapidement des mesures permanentes visant à préserver les écosystèmes forestiers exceptionnels, et ce, tant en tenure privée que publique, en leur accordant un statut d'aire protégée carrément et d'en confier la gestion au ministère de l'Environnement du Québec qui, quant à nous, réunit les bonnes personnes-ressources pour en assumer la gestion.

Aires protégées, biodiversité et espèces menacées. Alors, nous appuyons la politique québécoise sur les aires protégées, et la recommandation 5 se lit comme suit: «Le Regroupement des conseils régionaux de l'environnement recommande au gouvernement de poursuivre la mise en oeuvre de la stratégie québécoise sur les aires protégées tout en portant une attention particulière à la préservation de grandes superficies, particulièrement en forêt boréale», et nous donnons quelques indications sur ces dimensions dans le texte.

La place du ministère de l'Environnement dans un régime forestier écosystémique. Cela nous semble une évidence: le ministère de l'Environnement est régulièrement interpellé, que ce soit pour peut-être fixer des objectifs de protection et de mise en valeur, de limites nordiques. On souhaiterait que ce rôle-là soit élargi, consolidé, plus formalisé à l'intérieur du régime forestier. Nous recommandons donc d'accorder au ministère ? c'est une proposition très globale ? de l'Environnement toute la place qui lui revient en ce qui concerne la gestion durable et écosystémique de la forêt.

Changements climatiques. C'est une préoccupation majeure pour la majorité des conseils de l'environnement, et on constate une certaine disparité entre des propos souvent très inquiétants à ces égards, notamment un rapport qui a été déposé récemment par le Service canadien des forêts, et du peu de considération qui en est faite dans le régime forestier. Ça nous inquiète particulièrement dans le calcul des possibilités forestières. Notre recommandation à cet égard se divise en deux parties. Le RNCREQ recommande au gouvernement de déposer sans tarder un plan d'action musclé pour lutter contre les changements climatiques; et, concernant spécifiquement le régime forestier, nous recommandons de revoir l'ensemble des pratiques, prévisions et possibilités forestières à la lumière des impacts appréhendés des changements climatiques. Merci.

On termine avec la gestion participative des forêts. On approuve un certain élargissement dans l'élaboration des plans quinquennaux et des plans d'aménagement forestier, et oui, ça, on approuve. On comprend moins bien que d'autres parties prenantes soient exclues d'emblée. Alors, bien entendu, on propose que les groupes environnementaux, en l'occurrence, nous, les conseils régionaux de l'environnement, soient davantage interpellés pour tout élément qui concerne l'environnement.

J'ai le temps de compléter avec le mémoire, deux minutes, de l'Abitibi...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il vous reste...

Mme Balthazar (Luce): ...faire ressortir les points majeurs, beaucoup plus rapidement?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. En fait, il reste trois minutes, même pas, là, mais disons qu'on pourra compléter par la suite lors des échanges. Alors, oui...

M. Balthazar (Luce): Merci. Alors, je souligne certains points qui ne reviennent pas et qui ont été déposés par l'Abitibi.

La première partie, Aménagement forestier. On considère que les calculs des possibilités forestières sont encore largement tributaires d'extrapolations théoriques et qu'il serait important ? ils suggèrent quelques pistes ? de mieux valider sur le terrain et d'en tenir compte, pour se doter d'une politique de rendement accru, de voir à ce que les calculs sur les possibilités forestières soient bien validés.

Il y a différentes suggestions qui sont données, mais je vous renvoie plus loin, c'est-à-dire en page... ? ce n'est pas paginé ? le point 6, quelques suggestions très intéressantes sur le problème d'orniérage qui sont soumises par le Conseil de l'environnement de l'Abitibi. Et, sur les superficies de coupe, le point 7, on souligne que le ministère est dans la bonne voie: il devrait intensifier la coupe en mosaïque. Et, également, la gestion par bassins versants est ressortie par Abitibi.

Sur la deuxième section de l'Abitibi, deuxième partie, La gestion participative des forêts, je vous renvoie au point 8, vers la fin, la dernière page ? ceux qui suivent avec le texte. Alors, on souligne ici aussi que les groupes environnementaux devraient avoir droit au chapitre et que les modalités... Je cite une phrase: «Le fait que les modalités de participation ne soient pas définies dans le projet de loi constitue, selon nous, une immense lacune» ? sur l'élaboration des plans.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Nous allons donc démarrer la période d'échanges, M. le ministre.

M. Brassard: Oui. Alors, merci, M. Lessard et Mme Balthazar, de venir vous exprimer au nom du Regroupement des conseils régionaux de l'environnement du Québec.

n(15 h 50)n

Première question sur la politique de rendement accru. D'abord, évidemment, cette politique n'est pas encore conçue, c'est une intention, une orientation que nous avons exprimée. Je pense que c'était la bonne occasion de le faire, au moment où on révise le régime forestier, d'annoncer cette orientation. Donc elle n'existe pas encore. On va la concevoir après coup, une fois le projet de loi adopté, puis il y aura aussi une consultation d'un certain nombre d'intervenants intéressés pour bien s'assurer qu'elle est adéquate et qu'elle répond aux attentes et aux besoins.

Mais, dans votre mémoire, vous semblez dire qu'une politique de rendement accru, c'est, je dirais, écologiquement dangereux ou à très haut risque. Est-ce que vous convenez qu'on peut concevoir et mettre en oeuvre une politique de rendement accru qui soit respectueuse des écosystèmes forestiers et qui maintienne la biodiversité?

Mme Balthazar (Luce): Absolument. J'ai peut-être passé...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Balthazar.

Mme Balthazar (Luce): Pardon. Absolument. J'ai peut-être passé rapidement. Oui, on l'envisagerait et on participerait volontiers à toute consultation en autant que ça ne remette pas en question les acquis de la stratégie, comme c'est mentionné, et en autant que, oui, on respecte le caractère naturel des forêts. Parce que c'est une orientation, même, qu'on aurait tendance à privilégier, mais avec beaucoup de mises en garde et beaucoup de précautions. Ça va demander de bien examiner les impacts des pratiques pour éviter qu'il y ait surtout des monocultures.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Brassard: À cet égard, il y a des chercheurs qui sont venus nous proposer, je dirais, une méthode ou une façon de faire qu'ils ont appelée la triade qui consiste, sur une portion assez limitée du territoire, à pratiquer ce qu'on appelle de la ligniculture, c'est-à-dire là vraiment de la production intensive de matières ligneuses pour faire en sorte que, sur le reste du territoire, on se borne plutôt à de l'aménagement forestier plus traditionnel. Est-ce que vous pensez que c'est une approche qui mérite d'être prise en compte ou envisagée?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Balthazar.

Mme Balthazar (Luce): Il faudrait qu'on l'étudie nous-mêmes davantage. J'imagine qu'on peut la regarder et en tenir compte. Si on a un regard critique... ce n'est pas encore élaboré. On ne la connaît pas suffisamment, malheureusement. C'est tout nouveau.

M. Brassard: Mais je retiens de vos propos concernant la politique de rendement accru que c'est que c'est tout à fait possible d'en envisager une mais que ? d'ailleurs, vous n'êtes pas les seuls à le dire et je suis pleinement d'accord avec cette affirmation ? il convient cependant qu'elle respecte la stratégie de protection des forêts, le maintien de la biodiversité et le respect des écosystèmes forestiers. Je pense que c'est ça qui ressort très clairement.

Mme Balthazar (Luce): Le caractère naturel. Pardon?

M. Brassard: Tout à fait. Oui, c'est ce qui ressort et de vos propos et des propos d'ailleurs d'un bon nombre d'intervenants.

Je voudrais aborder la question de ce que vous appelez l'approche écosystémique. Et vous dites que l'approche écosystémique en est une qui accorde la même importance aux questions environnementales, économiques et communautaires. Par contre, quand vient le temps de délimiter les unités d'aménagement, vous semblez privilégier un seul critère, c'est-à-dire les bassins versants ? ce qui n'est pas farfelu d'aucune façon, c'est une approche intéressante ? mais est-ce qu'il n'y a pas là une espèce, je dirais, d'incohérence d'une certaine façon, alors que vous préconisez une approche écosystémique où on accorde, dites-vous, la même importance aux questions à la fois environnementales, aux questions économiques et aux questions communautaires? Est-ce que, à ce moment-là, cette approche-là polyvalente ne doit pas être aussi à la base de l'opération limitation des unités d'aménagement?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Balthazar.

Mme Balthazar (Luce): Merci. Alors, ce n'est pas le seul critère. On vous invite à en tenir compte comme paramètre pouvant être déterminant. Et c'est peu exploré présentement, et ce n'est pas seulement au Québec. Et puis, on suggère que les recherches soient intensifiées pour mieux comprendre comment gérer la forêt en fonction des bassins versants, parce que des impacts importants sur différentes ressources et d'autres usages de la forêt peuvent survenir si, en raison... On parle de problèmes de coupe par bassin versant, par exemple, dans la région de la Gaspésie où là, si on tenait mieux compte du bassin versant, on tiendrait mieux compte des intérêts des populations, particulièrement des pêcheurs de saumon. Alors, ce n'est pas strictement environnemental; ça a aussi des incidences sur des aspects économiques. Et ce n'est pas le seul critère. Ça pourrait être un critère, néanmoins, majeur.

M. Brassard: D'accord. Très bien, merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. Lessard, Mme Balthazar. Bonjour et bienvenue. Évidemment, la vision des regroupements des conseils régionaux de l'environnement, je pense, est fort utile pour cette commission. On apprécie le fait que vous ayez pris le temps de réfléchir à la question.

Pour ce qui est du rendement accru, simplement un commentaire. On comprend, d'ailleurs, vos réticences. Et, nous, de notre côté, on a eu l'occasion de les exprimer publiquement: oui au rendement accru, mais pas à n'importe quel prix. Et ce qu'on souhaite, bien sûr, et on l'a demandé à plusieurs reprises au ministre, c'est de déposer toutes les études qui ont été faites par son ministère avant d'enclencher le débat qui nous mènera à cette nouvelle orientation au Québec.

Je souhaiterais qu'on puisse, d'entrée de jeu, parler de la question des changements climatiques. C'est une des recommandations qui est contenue dans votre mémoire. Bon, dans le fond, je retiens deux choses. La première, c'est que vous souhaitez que le Québec puisse y aller avec plus de vigueur pour ce qui est de tout ce qui concerne les changements climatiques, une politique beaucoup plus musclée. Et, deuxièmement, vous mettez en garde le ministre au niveau des impacts possibles sur la forêt, sur sa pérennité liée, bien sûr, aux changements climatiques. C'est la première fois qu'un groupe vient faire un lien entre la pérennité et les changements climatiques. Vous soulignez, à juste titre, que c'est un enjeu qui est majeur et je pense qu'on n'en parle pas suffisamment au Québec d'un enjeu comme celui-là. Est-ce que c'est possible de nous en dire davantage, puisque vous faites référence à certaines études qui ont été faites déjà là-dessus, pour vous là, cette espèce d'urgence de s'attaquer aux problèmes liés aux changements climatiques et le lien que vous faites entre la pérennité, protéger la ressource versus les impacts liés aux changements climatiques?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Balthazar.

Mme Balthazar (Luce): En dire davantage, ce serait dire que, justement, on ne détient pas les données pour concrétiser sur le terrain. D'ailleurs, comme c'est indiqué dans le mémoire, le protocole de Tokyo a mis l'accent sur le rôle des forêts sur les changements climatiques. Et on demande, oui, une politique plus musclée auprès du gouvernement, mais qu'il y ait congruence aussi ? il y a un certain leadership du gouvernement québécois à ce dossier-là ? avec le ministère des Ressources puisqu'il a un rôle déterminant des forêts. Or, on demande à ce que ça soit quantifié, évalué davantage, particulièrement dans le calcul de la possibilité forestière, qu'on en tienne compte. Il peut y avoir... C'est tout simplement une disparité qu'on fait ressortir et l'absence de données concrètes pour le traduire dans la pratique au plan de nos rendements, au plan de nos pratiques sylvicoles. C'est l'essentiel de notre propos à cet égard-là. À moins que M. Lessard souhaite...

Mme Normandeau: Ce que vous dites, dans le fond, il y a des effets négatifs qui sont anticipés avec les changements climatiques et des effets anticipés qui pourraient se traduire par des perturbations importantes sur nos forêts. C'est ce que vous dites?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Balthazar.

Mme Balthazar (Luce): Oui... Ça va, je peux répondre?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Ha, ha, ha!

Mme Balthazar (Luce): Oui. Les perturbations sur le climat vont occasionner à leur tour, en retour, des perturbations sur la foresterie, la composition, la dispersion, différents phénomènes liés aux incendies et aux fléaux, aux différents fléaux qui affectent les forêts.

Mme Normandeau: Bien. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député d'Orford.

n(16 heures)n

M. Benoit: Merci, Mme la Présidente. D'abord, souligner que nous sommes très heureux d'accueillir M. Lessard et Mme Balthazar ici. Je veux souligner l'importance qu'ont pris au Québec les CRE entre le moment où ils furent créés il y a quelques années... Et, quand je regarde la nomenclature des organismes que vous regroupez, c'est tout à fait impressionnant, en si peu d'années, l'importance que vous avez donnée dans chacune des régions. Plus souvent qu'autrement vous siégez sur la table des CRD, etc., et vous avez maintenant une influence très positive et vous faites avancer l'environnement dans chacune des régions du Québec. C'est tout à votre honneur. Et vous avez sensibilisé il y a déjà quelques mois le chef du Parti libéral à la problématique de la foresterie. Vous avez demandé à rencontrer M. Charest, vous lui avez parlé. Votre président et Philippe Bourque, votre directeur général, ont rencontré notre chef et lui ont expliqué la problématique de la foresterie, et nous avons grandement apprécié de notre côté cette présentation que vous aviez faite sur ce sujet-là et d'autres au chef de notre formation politique.

J'aimerais revenir à la page 10 de votre mémoire et peut-être parler des aires protégées. Vous semblez dire que le Québec indique son objectif d'atteindre une partie d'aires protégées de l'ordre de 8 % à partir de 2005. Je suis un peu surpris de voir que vous n'espériez pas qu'on atteigne les normes proposées mondialement, que vous disiez: Bien, 8 % en 2005, ce n'est pas si tant pire, finalement. Je me serais attendu que... comme d'autres groupes qui disent: Même la norme mondiale n'est pas assez élevée, on devrait être au-delà du 12 %. Je suis un peu surpris de ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Balthazar.

Mme Balthazar (Luce): Merci. Oui, c'est une base minimum et idéalement on souhaiterait viser un 12 %. Il a été décidé à l'intérieur des conseils de l'environnement d'appuyer l'orientation et le 8 %, mais en le considérant comme étant une base minimale dans ce domaine-là. Mais on préférerait rehausser à 12 %. C'est l'orientation générale qui a été déterminée par les conseils de l'environnement que d'appuyer ou d'encourager cette stratégie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député d'Orford.

M. Benoit: À la page 11, vous parlez des régimes forestiers écosystémiques. Excusez, je suis mélangé. Excusez-moi. Ça m'arrive très rarement, là, ça m'arrive.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Benoit: Revenons aux aires protégées. Vous dites dans votre mémoire ? parce que, avec l'environnement, on s'emballe ? que ça prend des grandes aires protégées, finalement. Quels sont les minimums auxquels on devrait penser quand on parle de grandes aires protégées? J'imagine qu'il n'y a pas de maximums, finalement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Balthazar.

Mme Balthazar (Luce): Les données qu'on propose sont entre 500 km² et 2 000 km². C'est ce qu'on a évalué comme étant l'ordre de grandeur des aires protégées en forêt boréale, le minimum étant 500 km².

M. Benoit: Est-ce qu'on a des comparatifs dont on peut s'inspirer, d'autres pays, d'autres régions au monde qui ont fait de la protection via des territoires protégés? Est-ce qu'on peut s'inspirer de données comparables?

Mme Balthazar (Luce): Dans les forêts semblables, dans la forêt boréale?

M. Benoit: Oui.

Mme Balthazar (Luce): Pas à ma connaissance. Ça, c'est nos experts qui ont travaillé en vertu de l'écosystème typique de la forêt nordique, des habitats fauniques également. Pas à ma connaissance. Je suis désolée, si ça existe ailleurs, je ne pourrais pas répondre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Merci. Votre recommandation n° 6, vous savez que, jusqu'à il y a quelques mois, tous les parcs au Québec relevaient du ministère de l'Environnement, et soudainement on s'est levé un matin et on a été bien surpris de s'apercevoir que les parcs relevaient du ministère de la gravelle au Québec, et c'est encore ça d'ailleurs. Vous arrivez avec une recommandation maintenant d'accorder au ministère de l'Environnement toute la place qui lui revient en ce qui concerne la gestion durable et écosystémique de la forêt québécoise.

Est-ce que vous lisez les mêmes journaux que moi, ou est-ce que c'est un voeu pieux, ou est-ce que vous pensez qu'on peut y arriver? Ils viennent de faire exactement le contraire, là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Lessard.

M. Lessard (Guy): Je vais la prendre, celle-là, Mme la Présidente.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lessard (Guy): Effectivement, depuis une année, le gouvernement du Québec a décidé de confier la gestion des parcs à la SEPAQ. Personnellement, j'ai été impliqué dans ce processus-là parce que je faisais partie du comité des orientations du parc Frontenac, et nous avons négocié avec la SEPAQ, je pense, un plan de relance de notre parc, qui semble très profitable à ce jour. Par contre, le ministère de l'Environnement a conservé des pouvoirs et des responsabilités en matière de réglementation, de politiques, et c'est à cet égard, je pense, qu'on pourrait faire en sorte de viser une plus grande intégration, adéquation à ce niveau entre les différents ministères du Québec. On a un exemple entre l'Environnement et les Ressources naturelles, mais il pourrait y avoir d'autres exemples qui feraient en sorte qu'une plus grande intégration entre différents ministères au niveau des politiques et des règlements pourrait susciter sur le terrain un rendement plus efficace. C'est un petit peu dans ce sens-là que nous avons fait cette proposition.

M. Benoit: Mais est-ce qu'on devrait aller aussi loin que penser que finalement le ministre de l'Environnement devrait avoir presque un droit de veto finalement en ce qui a trait à la foresterie au Québec ou est-ce qu'on doit laisser à un ministre qui est poussé par l'industrie? Et on a vu ici... on est rendu à je ne sais pas combien de mémoires, 89, 90, 91, probablement, en date de... au moment où on vous parle et on a vu comment l'industrie... Eux, ils sont venus demander plus de bois, plus de coupes, plus de CAAF, c'est ça qu'ils ont demandé depuis le début et ils ont bien chanté leur chanson. Est-ce que le ministre de l'Environnement, lui, ne devrait pas avoir une supervision de tout ça finalement, quelque part?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Lessard.

M. Lessard (Guy): Oui, je vais tenter une réponse identique à celle que j'ai mentionnée tout à l'heure. C'est que, qu'on soit dans le milieu agricole, ou dans le milieu forestier, ou dans d'autres activités sectorielles, les considérations environnementales sont toujours présentes, et, quand on veut faire de la concertation et faire du développement à long terme en région, ce que je vous dis, c'est qu'il faudrait trouver des moyens au niveau de notre gouvernement national pour en arriver à une meilleure adéquation entre les différents ministères de telle sorte que, si on se dote d'une politique au niveau de la forêt puis qu'on veut vraiment retenir des considérations d'ordre environnemental et de développement durable, vous ne pouvez pas ignorer la présence du ministre de l'Environnement. Il s'agirait, à votre niveau, messieurs les politiciens, de trouver des moyens pour que ça puisse se faire.

M. Benoit: Très bien.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Lessard. Alors, M. le député d'Orford, avez-vous d'autres questions?

M. Benoit: Une toute dernière, Mme la Présidente, si vous me le permettez.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il vous reste quelques minutes.

M. Benoit: Changements climatiques. Pas beaucoup de monde a traité de ce sujet-là. Je suis heureux que vous en traitiez. Parce qu'il y a deux écoles de pensée, il y a ceux qui disent que ça va réchauffer puis il y a ceux qui disent que ça ne réchauffera pas. Moi, je suis dans le milieu, entre les deux, là. Prenons pour un instant que ça réchauffe effectivement. Est-ce que c'est tout à fait tout négatif, le réchauffement de la planète, en ce qui a trait aux forêts? Quand on va dans le Sud, par exemple, on s'aperçoit... Une compagnie est venue nous dire, par exemple, qu'elle pensait ouvrir au Brésil. Elle nous a parlé d'un arbre qui avait 10 pouces de diamètre, 25...

Mme Normandeau: Le rendement est 10 fois plus élevé.

M. Benoit: Dix fois plus élevé. L'arbre avait 25 pieds en trois ans, 6 pouces de diamètre, bon, etc. Est-ce que c'est tout à fait et totalement et constamment négatif, le réchauffement de la planète, en ce qui a trait à la foresterie? Est-ce que les effets vont être plus grands négativement que positifs finalement? C'est un peu ça que je...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Balthazar.

Mme Balthazar (Luce): Ce qui va être surtout négatif, c'est les processus qui vont nous conduire vers ça. Il faut comprendre que le réchauffement de la planète, ça implique un déséquilibre environnemental à différents égards. Oui, tantôt il va y avoir peut-être une autre foresterie qui peut être profitable, mais profitable à qui et comment? Ça, on ne le sait pas. Il y a tous les mécanismes qui vont s'enclencher pour occasionner ces différences-là au plan forestier, qui vont générer des désastres. Et c'est avec ça qu'on va devoir vivre et ça va être d'abord ça, la problématique des changements climatiques. Et il ne faut pas comprendre que le réchauffement de la planète, c'est un réchauffement partout égal. Il y a des endroits où il va y avoir des refroidissements importants, ne serait-ce que... D'ailleurs, c'est très hypothétique. On peut envisager une modification importante au niveau des grands courants marins. Quel impact ça va avoir exactement sur ce qu'on anticipait sur les forêts à telle latitude? C'est des mécanismes immenses qu'on peut difficilement... Le résultat au bout de la ligne, qu'est-ce que ça va donner et comment est-ce qu'on va pouvoir composer avec ça? Ça va être de se rendre à ces grandes différences-là au plan mondial, au plan de la planète.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Lessard, Mme Balthazar, merci de votre participation à cette commission.

Je vais suspendre quelques instants pour permettre à l'autre groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 10)

 

(Reprise à 16 h 12)

Le Président (M. Lelièvre): Alors, la commission va reprendre ses travaux. J'inviterais maintenant le représentant de la Corporation de développement économique de Senneterre à prendre place.

Alors, bonjour. Je désire vous informer que le temps qui nous est imparti est de 45 minutes, donc que vous avez 15 minutes pour faire votre présentation. Je vous inviterais à vous présenter de même que la personne qui vous accompagne pour les fins de l'enregistrement de nos débats.

Corporation de développement
économique de Senneterre

M. Matte (Jean-Maurice): Alors, merci beaucoup, M. le Président, merci beaucoup, M. le ministre, de nous recevoir, messieurs et madame de la commission. Mon nom est Jean-Maurice Matte, je suis commissaire industriel à la Corporation de développement économique de Senneterre. Je suis accompagné de M. François Baril, qui est conseiller municipal à la ville de Senneterre.

Tout d'abord, laissez-moi encore une fois vous remercier d'avoir choisi notre mémoire et vous remercier doublement d'avoir accepté notre mémoire révisé. On a travaillé fort et on a suivi avec intérêt sur Internet les travaux de la commission. Je vais me permettre, si vous le voulez, quand je vais faire la nomenclature de mon mémoire au niveau des recommandations, de les dire textuellement pour le bénéfice des gens à travers le Québec qui suivent cette commission sur Internet, comme nous on l'a fait à Senneterre, en Abitibi, et je peux vous dire que c'est très pratique. Nos problématiques rejoignent l'ensemble des problématiques qui ont été soulevées depuis plusieurs jours, ici. Je dois vous dire qu'il y a des gens qui ont fait un travail sérieux, et on s'aperçoit que la forêt, au Québec, à plusieurs niveaux, il y a des gens qui s'y penchent très sérieusement.

Senneterre est située en Abitibi-Témiscamingue. C'est une ville forestière de 16 516 km², ce qui en fait la deuxième plus grande ville au Québec, et je pense ou j'ose espérer que c'est à partir de ce statut qu'on a été invité ici, en tant que ville forestière et ville d'un très grand territoire. Donc, c'est 3 500 habitants. Actuellement, chez nous, on a 1,2 million de mètres cubes qui sont récoltés à Senneterre, et 860 000 sont usinés à Senneterre. Nos forestières présentes chez nous sont Abitibi-Consol, Norbord-Nexfor, et nous avons Les Industries de préservation du bois, et on a Tembec, qui vient de faire l'acquisition d'un approvisionnement forestier dont on espère qu'il va entrer en opération bientôt. On a également des approvisionnements qui circulent sur l'ensemble du territoire à certains endroits près de chez nous, c'est des approvisionnements à des CAAF qui étaient déjà attribués antérieurement. Ce qu'on veut dire par là, par cette nomenclature, c'est que, nous, les gens de Senneterre, on sait très bien ce qui se passe au niveau de notre forêt, au niveau des CAAF qui ont déjà été attribués. Où est-ce qu'on a un petit peu plus de problèmes, c'est ce qui va se passer dans l'avenir ? les possibilités forestières ? et c'est également une grande inquiétude. Et ça, c'était dans le journal régional d'aujourd'hui, du président de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec, qui dit qu'on est confronté à de grandes inconnues.

Donc, il est primordial que le gouvernement fasse l'inventaire de la forêt avant d'octroyer ou d'amputer à des entreprises de nouveaux approvisionnements et que les municipalités qui vivent de la ressource forestière soient consultées et avisées de la possibilité forestière et de tout octroi d'approvisionnements supplémentaires à une entreprise. Donc, il est important que les municipalités comme la nôtre, qui ont choisi d'investir dans leur développement économique, touristique et social, puissent espérer vivre de leurs investissements sur une base permanente.

Au niveau de l'environnement, le patrimoine forestier est à la base de notre développement économique et social, vous comprendrez, et on doit en assurer la durabilité. Par cette mise à jour, le gouvernement du Québec rejoint notre préoccupation, aux gens de Senneterre, de voir la forêt conserver sa diversité biologique et les sites exceptionnels pour le bénéfice de tous. Et laissez-moi faire une parenthèse concernant les sites exceptionnels. On a tous, chaque Québécois et Québécoise, un petit peu de Senneterre dans nos poches. La carte-soleil que vous avez, eh bien, le paysage qu'il y a sur la carte-soleil a été pris sur le territoire de la ville de Senneterre. Donc, nous recommandons que la reconnaissance des écosystèmes se fasse selon des bases scientifiques en collaboration avec le milieu, les ministères concernés et l'industrie forestière.

Au niveau des perspectives sociales, sur le territoire de Senneterre, on a une vingtaine de pourvoiries actives et deux zecs. Les opérations forestières ont permis de développer certains territoires et ont donné une accessibilité de chasse et de pêche autrefois inaccessible. Et vous comprendrez que, sur un grand territoire comme Senneterre, cette accessibilité peut être à plus de 100 km ou de 150 km et même 200 km de la municipalité même, du coeur de la municipalité. Mais la pression exercée par les forestières a également contribué à diminuer sensiblement le cheptel d'orignaux et la qualité de pêche sur certains cours d'eau. L'accessibilité à un territoire libre, pour chez nous, est une richesse ayant une valeur inestimable. Pour la population qui demeure très perplexe devant la complexité de la gestion de nos forêts, c'est une valeur inestimable, mais souvent on se pose des questions, à savoir pendant combien de temps que ça va durer encore. Donc, la Corporation de développement économique de Senneterre recommande l'implantation d'une politique de consultation qui tient compte des initiatives locales et régionales. Cette politique devra laisser la latitude nécessaire pour établir des processus simples, efficaces et surtout en mesure de rejoindre le milieu et de tenir compte des attentes de chaque intervenant. Le résultat d'une consultation permanente et efficace devrait permettre à Senneterre de maintenir une qualité de chasse et de pêche adéquate et son statut de paradis de la chasse et de la pêche.

Au niveau du tourisme, le développement du territoire profite à plusieurs instances: les villégiateurs, les entreprises de services, les milieux scolaire et municipal, qui vont chercher des taxes sur la multitude de camps et de chalets, et le ministère des Ressources naturelles qui, lui, va chercher des baux sur ces camps et chalets également. Une fois que l'industrie forestière se retire d'un territoire, les investissements effectués au niveau récréotouristique sont en péril. Il y a des ponts qu'il faut reconstruire. Souvent, après quelques années, il y a des routes qui se désagrègent.

Dans l'unité de gestion 84 qui est l'unité de gestion de la municipalité de Senneterre, le gouvernement retire 18 millions de dollars en droits de coupe et il y a 6 millions qui sont réinvestis en sylviculture, volet I, volet II, la gestion du bureau. Donc, il y a 12 millions à même notre forêt qui ne profitent pas nécessairement aux gens de Senneterre et qui profitent on ne sait où. Donc, le gouvernement devrait redistribuer une partie des droits de coupe aux municipalités dans lesquelles ces entreprises forestières sont installées afin de défrayer les coûts pour les chemins, les routes et la signalisation et ainsi maintenir le niveau d'activités récréotouristiques. En plus d'aménager la forêt près de nos municipalités, ces argents permettraient de défrayer une partie de l'entretien de nos rues, qui sont largement sollicitées. Les rues à l'intérieur du milieu municipal ou à proximité des forestières, c'est des chemins évidemment qui sont très sollicités.

n(16 h 20)n

Également au niveau touristique, Senneterre est la porte d'entrée pour la motoneige et pour le VTT, la porte d'entrée abitibienne. Une bonne consultation et une bonne connaissance des opérations forestières auront permis à la municipalité de développer un réseau de sentiers adéquat, où le respect de la nature est une priorité. Les bureaux de décision de nos grosses forestières s'éloignent de plus en plus des petits milieux. Il y a énormément d'acquisitions. Donc, il est important que la loi prévoie un processus de consultation engendré, voulu et surtout compris par les intervenants du milieu. Également, souvent les opérations forestières entraînent le déplacement de certains tronçons de sentiers de motoneige ou de véhicule tout-terrain. Il est important qu'une partie des droits de coupe recueillis dans le milieu soient réinvestis dans ce même milieu et gérés par la municipalité qui est bien au fait de ses besoins et de l'orientation qu'elle veut donner à son développement.

Au niveau de notre avenir économique, évidemment ça nous concerne énormément. De par sa position stratégique, on pense que Senneterre, avec le chemin de fer à proximité et notre statut de ville forestière... on considère que les instances municipales de Senneterre sont les mieux placées pour répondre aux attentes du gouvernement, des forestières, des pourvoyeurs, des villégiateurs et des communautés autochtones. Il peut être évidemment hasardeux d'éloigner les décisions du milieu. Actuellement, quatre unités de gestion font partie du territoire de Senneterre, encore là de par la grandeur de son territoire. Advenant ? et je dis bien «advenant» ? un nouveau découpage des unités de gestion, il est important de respecter les droits acquis des forestières sur leur attribution actuelle. Il serait également opportun de considérer les 16 516 km² de la municipalité de Senneterre comme uniques, devant faire l'objet d'un statut particulier. Ce statut particulier permettrait à Senneterre de gérer son territoire et son domaine récréotouristique, et tout ça, dans un esprit de développement régional et provincial.

Il est également très important que la mise à jour du régime forestier ne se traduise pas par le recul de notre économie locale. Le régime propose plusieurs mesures ayant des impacts sur la récolte et les approvisionnements des usines. L'industrie forestière et plusieurs de nos entrepreneurs et citoyens ont investi des sommes importantes sur la base des CAAF actuels. Donc, la Corporation recommande au gouvernement d'introduire progressivement les nouvelles mesures, de laisser la marge de manoeuvre requise pour atteindre les objectifs visés et de prévoir les incitatifs requis pour maintenir le niveau économique toujours en concertation avec le milieu.

Au niveau de la seconde transformation, il y a eu quelques présentations qui ont porté sur la seconde transformation ou plutôt sur l'importance de maximiser l'utilisation de la ressource forestière. Et, en Abitibi-Témiscamingue, on a un très, très fort recul sur la deuxième transformation et la troisième transformation. Rapidement, en 1998, il y avait 0,8 usine de deuxième transformation pour une usine de première transformation au Québec, le ratio en Abitibi, et le ratio au Québec était de 3,3 usines de deuxième pour une usine de première. Et, au niveau de l'emploi, c'est encore pire. On créait cinq emplois en première, en Abitibi-Témiscamingue, pour un emploi en seconde et, au niveau du Québec, c'est 1,33 emploi dans l'industrie secondaire pour un emploi dans le primaire. Donc, on a un énorme recul. On se demande c'est quoi, le problème: les capitaux, l'éloignement des marchés, les incitatifs ou les organismes de financement qui préfèrent la visibilité des grands centres? Notre inquiétude à cet égard rejoint celle du conseil régional de développement. Il est urgent de donner les ressources financières nécessaires sous forme d'un volet III aux organismes de développement pour qu'ils puissent travailler les projets de deuxième et troisième transformation du bois adaptés à notre région forestière.

Également, pour ce qui est de l'accessibilité à la matière première, qui semble souvent être un problème quand on parle de deuxième et de troisième transformation, la loi devrait prévoir des facilitants qui obligeraient les forestières à mettre en disponibilité le bois laissé en forêt ou ramené à l'usine mais non transformé pour le bénéfice de la deuxième transformation. Ces facilitants pourraient même se traduire par des crédits à des entreprises de première transformation, partenaires dans des projets de deuxième ou de troisième transformation. Et on a des exemples qui sont quand même assez aberrants, là, qui nous portent à croire que ce n'est pas facile de faire de la deuxième et de la troisième transformation en région éloignée.

Donc, en conclusion, la Corporation de développement économique de Senneterre suivra, et on suit, avec intérêt les travaux de la commission parlementaire. La mise à jour du régime forestier aura des retombées majeures dans notre milieu et la Corporation souligne l'importance de tenir compte des particularités locales et régionales. Le nouveau régime forestier devra laisser plus de latitude aux gens du milieu pour rencontrer les orientations du gouvernement du Québec. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Lelièvre): Merci beaucoup, M. Matte. Je vais maintenant laisser la parole au ministre des Ressources naturelles.

M. Brassard: Merci beaucoup, M. Matte et M. Baril, qui l'accompagne, qui êtes venus nous présenter le point de vue de la ville de Senneterre qui, vous l'avez signalé, occupe un territoire forestier considérable, d'une très grande superficie.

D'abord, dans votre mémoire, vous l'avez de nouveau exprimé en conclusion, vous mentionnez que le régime forestier doit laisser plus de latitude aux gens du milieu et vous dites aussi que la politique de consultation à venir... c'est un engagement que j'ai pris également d'élaborer une politique de consultation qui sera ensuite mise en vigueur, mais vous dites que cette politique devra tenir compte des initiatives locales ou régionales. Compte tenu, je dirais, de votre vécu comme ville forestière importante, qu'est-ce que vous voulez dire par cette phrase de tenir compte des initiatives locales ou régionales? Sur la base de vos expériences, j'imagine, comment une politique de consultation pourrait-elle tenir compte des initiatives locales et régionales? J'aimerais que vous explicitiez davantage ce point de vue.

Le Président (M. Lelièvre): M. Matte.

M. Matte (Jean-Maurice): Oui, merci. Sur la base de notre expérience et sur la base du développement qu'on a décidé de se donner, nous, la consultation, de la façon qu'elle se fait actuellement, elle a déjà été beaucoup contestée. On parle de 20 jours pour réagir, 45 jours pour consulter. Nous, on a initié avec les entreprises forestières, les groupes autochtones, le ministère des Ressources naturelles, les pourvoyeurs, des périodes... on appelle ça la table de concertation. Lorsque vient le temps de plans généraux, des plans quinquennaux, on invite tout le monde à venir à un endroit et la forestière explique son plan. Et cette consultation, on la fait également lors de l'expansion d'une pourvoirie ou de la demande d'une nouvelle pourvoirie.

Les initiatives locales ou régionales qu'on fait, nous, c'est agrandir un sentier de motoneige, justement travailler à l'expansion d'une nouvelle pourvoirie. On est en train de développer le réseau quad, on est en train de lui donner une grande envergure. Donc, ça, c'est des initiatives locales qu'on prend et qu'on prend régionalement, parce qu'on travaille ça de concert avec d'autres organismes en région. Donc, la consultation doit tenir compte de ces initiatives-là. La table de concertation, nous, fonctionne très bien. S'il y a des nouveaux acteurs à amener à la table de concertation, il ne faut pas les négliger. Donc, le réseau quad, la motoneige, les pourvoyeurs qui prennent de l'expansion, tous ces aspects-là font partie du développement économique que, nous, on se donne, du développement récréotouristique.

M. Brassard: Je comprends que vous avez un territoire très grand, là, un territoire forestier très grand et qui est municipalisé, qui fait partie de la municipalité, donc, j'imagine, plusieurs bénéficiaires de contrats aussi, plusieurs CAAF, comme on dit dans le jargon. Et ce que vous nous dites, au fond, c'est que vous pratiquez déjà la concertation. Vous êtes déjà impliqués, comme municipalité, dans les processus d'élaboration des plans, vous le faites déjà. Vous n'avez pas attendu que la loi vous l'impose. Mais je comprends que vous faites cette consultation-là après coup, une fois que les plans sont élaborés par les détenteurs de CAAF.

M. Matte (Jean-Maurice): C'est ça.

Le Président (M. Lelièvre): M. Matte.

M. Matte (Jean-Maurice): Oui, merci. Excusez. Oui, c'est ça. On ne procède pas, avec la forestière, à l'élaboration du plan, mais on travaille avec elle à ce que la consultation se fasse la plus transparente possible, donc avec le plus d'intervenants concernés possible.

n(16 h 30)n

M. Brassard: Vous admettrez avec moi que, si vous voulez qu'on prenne en compte vos initiatives locales ou régionales ? et vous en avez cité un certain nombre ? vous ne pensez pas que ça serait préférable que l'implication se fasse en amont, au cours du processus plutôt qu'après?

Le Président (M. Lelièvre): M. Matte.

M. Matte (Jean-Maurice): Oui, merci. Oui, idéalement, ce serait la façon de fonctionner. Et, pourquoi on l'a mis dans notre mémoire? C'est qu'on a également mentionné que les forestières s'éloignent de plus en plus des milieux, ou du moins, des décisions. Donc, une fois que ça va être écrit dans le projet de loi...

Nous, c'est une initiative qu'on prend qui fonctionne très, très bien, et, si la façon de... Là, ça fonctionne bien comme ça. On a une bonne entente, et juste au niveau de la motoneige, on est capable de garder une bande d'arbres le long des sentiers. Donc, le sentier de motoneige n'est pas à l'air libre. Ça, c'est des ententes qu'on a et qui vont très bien. Si on sent qu'éventuellement on a un peu plus de réticence ou un peu plus de difficulté, oui, on va s'impliquer plus en amont avec nos forestières.

Nous, on fait une concertation différente, si on veut, sans que ce soit indiqué dans un projet de loi. Si c'était indiqué dans un projet de loi, là, tout le monde en profiterait, et nous, on serait assuré que ça se ferait.

Le Président (M. Lelièvre): M. le ministre.

M. Brassard: Vous exprimez certaines craintes ou certaines appréhensions face à certaines dispositions du projet de loi. Je pense en particulier à l'introduction d'un nouveau mode d'attribution des bois qui serait le CAF à un seul A ? le contrat d'aménagement forestier ? sans permis d'usine, de même que le permis de récolte ponctuelle, et vous dites que ça risque d'affaiblir la position de l'industrie forestière et des entrepreneurs forestiers, et donc, que ça risque de déstabiliser notre économie.

J'ai un peu de difficulté avec ces allégations ou ces affirmations, parce que... Vous ne pensez pas, au contraire, que ces mesures vont être bénéfiques pour l'économie locale et régionale, parce que ça va nous conduire ? en tout cas, c'est ça qui est l'objectif ? à une utilisation optimale de la matière ligneuse?

Le permis de récolte ponctuelle, par exemple, ça m'apparaît évident. Quand un détenteur de CAAF ne récolte pas tout le volume qu'il lui est permis de récolter, on pourra à ce moment-là attribuer, ponctuellement, ces volumes à des entreprises du milieu et donc générer de l'activité économique.

J'ai de la misère à voir pourquoi vous pensez que ces nouvelles mesures auraient plutôt pour effet d'affaiblir l'économie et l'industrie.

Le Président (M. Lelièvre): M. Matte.

M. Matte (Jean-Maurice): Merci. On comprend très, très bien que les nouvelles mesures peuvent éventuellement être bénéfiques. Ce qui est important, ce qu'on demande, c'est que ce soit amené progressivement pour justement ne pas déstabiliser ou... Puis, on parle des forestières mais on parle également des entrepreneurs, qui ont investi des montants d'argent quand même assez importants dans des parcs de machinerie, qui, maintenant, vont peut-être devoir ou renouveler leur machinerie ou travailler différemment. Donc, oui, il y a les forestières mais il y a également les entrepreneurs.

Oui, on comprend que les nouvelles mesures peuvent éventuellement nous apporter beaucoup de bénéfices, de la création d'emplois et peut-être la création de nouvelles entreprises. Mais, ce qu'on veut et ce qu'on espère, c'est que ça n'affaiblisse pas la position actuelle de nos entreprises forestières par une diminution d'approvisionnements et tout ça.

C'est pourquoi on mentionne également que la municipalité de Senneterre, la ville de Senneterre veut être bien informée des possibilités d'approvisionnement, des attributions supplémentaires ou des diminutions d'approvisionnement.

Le Président (M. Lelièvre): M. le ministre.

M. Brassard: Oui, je comprends. Donc, c'est une inquiétude, je peux vous le dire, qui n'est pas fondée. C'est évident qu'on n'aura pas recours à ces nouvelles mesures, que ce soit le contrat d'aménagement ou des attributions de volumes ponctuelles, au détriment des entreprises ou de l'industrie existante; ça m'apparaît aller de soi. Sinon, ce serait absurde, d'autant plus qu'il va falloir qu'il y ait des volumes disponibles aussi. On ne fera pas ça en allant enlever aux industries existantes ce qu'elles ont déjà comme attribution; ça n'aurait pas grand bon sens. Alors, dans cette perspective-là, soyez rassuré.

D'autre part, les contrats d'aménagement forestier, il est indiqué également qu'on va consulter les municipalités avant de donner suite. Alors... Voilà. Merci.

M. Matte (Jean-Maurice): Merci.

Le Président (M. Lelièvre): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. M. Matte et M. Baril, bonjour. Merci, d'être ici pour nous parler du projet de loi n° 136, la façon dont vous voyez ce projet de loi.

Et, d'entrée de jeu, je tiens à vous dire que vous n'êtes pas les premiers intervenants qui avez des réticences sur le fameux CAF un A, et là-dessus, le ministre peut nous rassurer, mais je pense qu'il faut avoir à l'esprit que le fait d'introduire un nouveau mode d'attribution va créer évidemment une pression, et puis ils vont être nombreux à se précipiter au bureau du ministre pour avoir accès à la ressource. Alors, je pense que, ce qu'il faudra avoir, c'est un mécanisme qui nous permette effectivement d'évaluer les impacts avant d'attribuer un CAF un A, y aller avec un nouveau mode d'attribution.

Soyez assurés que, ce que je comprends de votre message, dans le fond, c'est de dire: Le principe, en soi, du CAF un A est peut-être intéressant, mais il faudrait éviter de déplacer les emplois, déplacer la richesse. Et vous êtes commissaire industriel, M. Matte. Évidemment, vous avez cette vision économique en tête, à chaque jour. Alors, vraiment, chez vous, là, les appréhensions sont fondées; ce qu'on comprend, elles sont fondées. Vous avez vraiment des craintes de ce côté-là.

Le Président (M. Lelièvre): M. Matte.

M. Matte (Jean-Maurice): Oui, on a des craintes. En fait, on pense que le projet de loi n° 136, la nouvelle loi sur la forêt va être bénéfique et pour nous et pour l'ensemble des citoyens de la province de Québec.

Mais on se pose des interrogations pour, justement, comme je l'ai mentionné tantôt, on ne veut pas... oui, on veut faire de la création d'emplois mais on ne veut pas nécessairement fermer un shift dans une usine, là. C'est aussi simple que ça.

Mme Normandeau: Absolument.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Il y a deux éléments que je souhaiterais aborder avec vous. C'est à la page 8 de votre mémoire, le fameux volet III auquel vous faites référence. Encore une fois, on a eu plusieurs suggestions dans ce sens-là pour favoriser l'éclosion de projets de deuxième et troisième transformations.

Et, ce que les régions, des organismes comme vous qui évoluez en région sont venus nous dire, souvent, c'est: On est dépendants d'un secteur de première transformation, et on souhaiterait avoir accès à ces secteurs d'activité, qui sont prometteurs, qui sont porteurs d'avenir, dans le fond.

Un volet III qui vous permettrait de faire quoi, au juste, de travailler sur des études d'opportunité? Donnez-nous donc des exemples où Senneterre pourrait se positionner dans des projets comme ceux-là et qui font en sorte que, aujourd'hui, parce que vous n'avez pas d'outils, tous les outils en main, là, vous perdez ces opportunités-là au niveau des projets de deuxième et troisième transformations.

Le Président (M. Lelièvre): M. Matte.

M. Matte (Jean-Maurice): Merci. Des études d'opportunité, on en a; puis des projets de seconde et de troisième transformations, on en a sur la table à dessin. L'approvisionnement n'est pas évident et l'accès au marché n'est peut-être pas, parce qu'on arrive avec un produit qui est différent du colombage, si on veut, nécessairement évident aussi. Oui, dans un volet III, il y aurait une partie étude, mais, comme je le mentionnais à la fin du mémoire, je pense qu'il devrait également y avoir une partie où il y aurait des facilitants pour pouvoir mettre la main sur la matière première pour pouvoir embarquer dans des projets de seconde et de troisième transformations.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Donc, ce qu'on comprend à l'heure actuelle, M. Matte, le problème, c'est davantage l'accès à la ressource plus que des avantages fiscaux, financiers pour mettre en branle ces projets-là. C'est ça?

Le Président (M. Lelièvre): M. Matte.

n(16 h 40)n

M. Matte (Jean-Maurice): Oui. Les avantages fiscaux, les gouvernements, et du Québec et fédéral, ont énormément de programmes. Des organismes de financement, même si on mentionne qu'on ne les voit pas, certains, on ne les voit pas beaucoup en région éloignée, sont quand même là puis sont disponibles, et les entrepreneurs ou certains, en tout cas, ceux avec qui on travaille, nous, sur des projets sérieux qui ont déjà été déposés, ici, au gouvernement du Québec, ont une certaine base de capitaux pour faire les projets de deuxième et troisième transformations. Donc, non, ce n'est pas nécessairement un volet III qui nous donnerait le 10 % ou le 20 % nécessaire pour partir. Ce n'est pas, nous ? la Corporation de développement économique ? comment on le voit. Il faut vraiment faire sûr que ce projet-là, qu'on veut mettre en branle, va lever, donc il faut l'étudier comme il faut, et après ça, on... donc, c'est plus pour des études et l'accès à la ressource.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Bien. Un autre point qui fait peut-être le pont avec votre demande de volet III pour favoriser les projets de deuxième et de troisième transformations, c'est votre recommandation qui est contenue à la page 6 et qui fait référence aux versements de redevance sur les richesses naturelles. En fait, vous dites plus spécifiquement qu'une partie des droits de coupe qui sont recueillis, par exemple, dans votre région, une partie de ces droits-là devrait en fait être réinvestie chez vous pour permettre le développement de certains projets.

Est-ce qu'on doit faire un pont entre les deux, entre votre suggestion d'un volet III et cette fameuse redevance qui serait versée sur les ressources naturelles? Et vous feriez quoi précisément avec? Si, demain, le gouvernement décidait de réinvestir ces droits de coupe dans votre région, qu'est-ce que vous pourriez faire avec ces versements?

Le Président (M. Lelièvre): M. Matte.

M. Matte (Jean-Maurice): Merci. Effectivement, il y a un pont énorme à faire entre notre vouloir d'avoir un volet III, et je faisais également le lien avec l'entretien des chemins forestiers, et des ponts, et des sentiers de motoneiges et du récréotouristique. Donc, vous me dites que, à Senneterre, on est déficitaire de 12 millions, si on veut. On comprend qu'on doit participer à la richesse collective également, mais si ces argents revenaient chez nous, revenaient en région, oui, effectivement, il y a le domaine récréotouristique, qui est très forestier chez nous, qui en bénéficierait, et les projets de deuxième et troisième transformations, je peux vous dire qu'il y aurait plusieurs projets qui lèveraient.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Pourquoi vous dites, M. Matte: On est déficitaire de 12 millions chez nous? Vous faites référence à...

M. Matte (Jean-Maurice): L'unité de gestion Mégiscane, qui est l'unité de gestion à Senneterre, récolte, en droits de coupe annuellement, 18 millions de dollars et il y a 6 millions qui sont réinvestis, au niveau de la gestion du bureau, en sylviculture, en volet I et volet II. Donc, il y a 12 millions qui sont récoltés en droits de coupe à Senneterre et qui ne sont pas réinvestis à Senneterre ou en région, si on veut. Et je n'ai que les données de l'unité de gestion 084, la Mégiscane, mais si on fait l'exercice sur l'ensemble de l'Abitibi-Témiscamingue, l'Abitibi-Témiscamingue n'a pas, au niveau des droits de coupe, son dû, si on veut, là.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Est-ce que vous iriez jusqu'à revendiquer 50 %, 60 %, 100 % des droits de coupe qui sont chez vous?

Le Président (M. Lelièvre): M. Matte.

M. Matte (Jean-Maurice): J'ai un conseiller avec moi et j'ai un maire qui me dit: Dis un chiffre, dis un chiffre.

Mme Normandeau: Ha, ha, ha!

M. Matte (Jean-Maurice): Mais je pense qu'il y a un exercice à faire quand même à ce niveau-là. Non, je ne veux pas dire de chiffres, parce qu'il y a quand même la gestion de Forêt Québec, ici. Aussi, on comprend qu'il y a quand même un ensemble qu'il faut payer, qu'il faut participer. Mais, effectivement, il y a un bon exercice à faire au niveau des régions ressources, entre autres de l'Abitibi-Témiscamingue, et spécifiquement, Senneterre.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Mais, dans votre grande prudence, dans votre réponse, on comprend que vous tenez à ce que ce principe-là voie le jour pour que votre économie puisse bénéficier réellement des impacts et profiter de ce versement d'une redevance pour favoriser les projets, par exemple, de deuxième et de troisième transformations. Pour vous, c'est clair.

Le Président (M. Lelièvre): M. Matte.

M. Matte (Jean-Maurice): Oui, merci. Je crois que le gouvernement du Québec est en train de se pencher sur les régions éloignées ? sur la problématique des régions éloignées ? et c'est une problématique, l'attribution des droits de coupe et que les droits de coupe servent à la région où la ressource est récoltée qui doit être, oui, regardée.

Mme Normandeau: Bien. Merci.

Le Président (M. Lelièvre): Merci, Mme la députée de Bonaventure. M. Matte, M. Baril, la commission de l'économie et du travail vous remercie d'être venus présenter votre mémoire, et je vais suspendre, quelques instants, les travaux de cette commission pour permettre à la Coalition Urgence rurale du Bas-Saint-Laurent de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 45)

(Reprise à 16 h 47)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Nous allons reprendre, donc, nos travaux pour accueillir les représentants de la Coalition Urgence rurale du Bas-Saint-Laurent.

Alors, M. Saint-Pierre, M. Otis, bienvenue à cette commission. Je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire, et que par la suite, il y aura période d'échanges avec les deux partis. Alors, vous pouvez donc procéder.

Coalition Urgence rurale
du Bas-Saint-Laurent (CUR)

M. Saint-Pierre (Adéodat): Bonjour. Je vous remercie beaucoup de nous avoir donné l'occasion de venir vous parler du Bas-Saint-Laurent.

Je voudrais vous faire une demande, au tout début. Quand vous avez à intervenir, si vous voulez parler un peu plus fort, parce qu'on n'a pas tous les oreilles sensibles, nous autres; on a travaillé beaucoup avec la scie mécanique.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): On va faire notre possible.

M. Saint-Pierre (Adéodat): Merci. M. le ministre, Mme, MM. les députés, mesdames, messieurs, permettez-moi de présenter, tout d'abord, notre organisme. À la suite d'un colloque tenu à Trinité-des-Monts, dans le comté de Rimouski, en 1988, organisé par GRIDEQ, de l'Université du Québec à Rimouski, dont le thème était Les villages menacés: le pari du développement, le 10 juin 1990, fut fondée, à la cathédrale de Rimouski, la Coalition Urgence rurale du Bas-Saint-Laurent.

n(16 h 50)n

C'est quoi, la Coalition Urgence rurale? C'est un mouvement populaire de transformation des mentalités qui vise à bâtir un avenir durable aux communautés rurales du Bas-Saint-Laurent. Quels sont les grands principes de cette action? La valorisation des ruraux et de leur milieu de vie, en opposition à la concentration qui affaiblit la ruralité; l'occupation du territoire, en opposition à l'exode pour trouver de l'emploi; l'exploitation durable des ressources, en opposition à l'exploitation qui vise strictement la rentabilité économique et compromet la pérennité des ressources pour les générations futures; la création d'emplois stables et rémunérés équitablement, en opposition aux mesures de prestations sociales qui contraignent les ruraux à des heures de travail et à des périodes prolongées de chômage; le maintien et l'amélioration des services, en opposition à la concentration des services, là où le nombre le justifie.

Avec ces grands principes et avec l'opportunité que nous avons aujourd'hui, vous comprendrez que je suis motivé d'intervenir quand la situation au niveau de la forêt l'exige. D'abord, je vais vous dire que la partie suivante a été écrite avant une certaine rencontre du 23 août, à Rimouski, à laquelle participait M. le ministre.

Ce que je voulais dire là-dedans, c'est que, après avoir consulté les cartes du territoire des CAAF, après avoir consulté le ministère des Ressources naturelles en région, on était venu à la conclusion que la forêt avait été exploitée de façon abusive, dans nos termes, et qu'on ne contestait pas ? on n'avait pas envie de contester non plus ? la décision du ministère en région, à savoir de réduire les attributions pour conserver la ressource pour plus tard.

Le ministère souhaitait intervenir à la baisse. En fait, c'est fait, et les baisses d'attribution ont des conséquences. Maintenant, il y a des questions au niveau du territoire qui suscitent beaucoup d'interrogations, et c'est laissé sans réponses.

Si l'on considère le nombre d'emplois actuels à la récolte de bois et la transformation, c'est un nombre d'emplois, au niveau régional, qui est suffisamment élevé, considérable, pour qu'on s'en préoccupe. Les conséquences de diminution de volumes, compte tenu que ces volumes sont difficilement compensables dans les essences désirées par la forêt privée, viennent menacer les villages et la viabilité, ainsi, de continuer à travailler pour garder les jeunes ménages à l'intérieur du milieu rural.

À partir de ce moment-ci, je m'attarderai davantage aux conséquences de la révision du régime forestier, parce qu'il m'apparaît déjà que le ministère, bon, en fait, devait intervenir à ce moment-là; en fait, c'est arrivé.

Le premier constat que je voudrais faire, c'est d'abord que l'Université rurale du Québec à Rimouski faisait une enquête, il y a quelques années, et disait que les villages qui étaient près de la forêt publique sont considérés comme étant les villages les plus pauvres. Il m'apparaît, déjà là, y avoir une lacune, à savoir que les retombées économiques escomptées pour consolider ces villages ne sont pas présentes et nécessitent déjà une correction. Dans le contexte actuel, je pense que ça amplifie la situation presque au point de la rendre dramatique à mes yeux.

Le premier point à considérer là-dedans, c'est que la population n'est pas tout à fait sûre, non plus, que le discours de l'un ou de l'autre est véridique. Elle aimerait beaucoup avoir l'opinion d'experts indépendants pour se faire rassurer, soit d'un côté comme de l'autre, c'est-à-dire les tenants de la protection de la forêt et les tenants de l'exploitation de façon économique dans des buts économiques.

Advenant que le premier constat de la population soit exact, à savoir les pertes d'emplois ? et c'est exact ? il nous amène à trouver des solutions immédiates à ce problème, et que la révision du régime forestier nous amène à déborder un peu la stricte révision du régime forestier au niveau de la matière ligneuse. Il faut bien sûr, au départ, affirmer que la forêt mérite d'être exploitée suivant sa possibilité, et ainsi, en prenant compte tous les autres aspects, c'est-à-dire le multiressources dans lequel on retrouve la faune, la flore et le tourisme.

L'exploitation de cette forêt a besoin d'un équilibre pour permettre aux résidents de ces villages de vivre et aux enfants, ainsi, de compter sur cette ressource. Il y a une diminution de coupe et automatiquement une diminution d'emplois. La question qu'on se pose est: quels sont les moyens que nous avons pour pallier à cette situation? D'abord, je pense qu'il faut se rendre à l'évidence ? pour moi, c'est presque un drame ? parce que, un emploi dans nos régions, une région dévitalisée comme la nôtre, ça a un impact plus considérable que dans les grands centres.

Donc, je pense qu'on peut affirmer que les informations qui circulent à l'heure actuelle au niveau des entreprises de transformation indiquent que le nombre d'emplois est assez considérable. Ça mérite de déclarer notre région ? peut-être que plusieurs ne sont pas d'accord, mais je le répète ? privilégiée d'intervention massive du gouvernement non seulement au niveau des ressources naturelles pour l'ensemble du gouvernement et principalement le ministère des Régions qui peut interpeller plusieurs ministères du point de vue de consolider et d'assurer la viabilité des villages...

D'abord, ce n'est pas avec quelques millions en aménagement qu'on peut régler ce problème. Il faut revoir, d'après la Coalition, nos façons de travailler. Je pense que la forêt, si on veut lui redonner la productivité souhaitée, que ce soit en territoire public, en territoire privé, il faut changer nos interventions. Il faut faire des interventions dites de jardinage plutôt que de coupe à blanc. La coupe sélective va ramener, bien sûr, un peu plus de travailleurs que l'exigent les coupes à blanc. Donc, ça deviendrait une mesure corrective.

L'intensification de l'aménagement est aussi une autre solution qui a été largement argumentée par un rapport de la Commission forestière du conseil régional de développement du Bas-Saint-Laurent, dans l'année 1998-1999. Mais il faut faire encore plus. Il faut miser sur... transformer, le plus possible, une quantité allant à un pourcentage très élevé de nos bois, dans le but de garder notre économie en région.

Il n'est pas admissible d'entendre des intervenants de première transformation dire: Pourquoi ferait-on d'autres transformations quand d'autres pays le font si bien? Il va falloir penser à notre région, il va falloir penser à notre pays. De plus si l'on veut attirer des travailleurs, et des travailleurs bien formés en forêt, il va falloir valoriser ces emplois et permettre des conditions de travail décentes, y compris les salaires. On ne peut pas demander à des gens de circuler sur des grandes distances pour aller travailler en forêt sans avoir certaines accommodations pour se restaurer et même se reposer.

Il m'apparaît aussi souhaitable que la population soit rassurée, et pour ce faire, il serait important, probablement, de mettre sur pied un organisme qui aurait la crédibilité nécessaire pour pouvoir rassurer la population sur l'état de la forêt, parce que c'est souvent dans l'incertitude que vient la panique. Cet organisme pourrait ressembler à un genre d'observatoire où l'on retrouve des spécialistes qui font des études de dossiers et qui donnent des avis à la population.

Permettez-moi aussi une autre intervention sur un sujet qui nous est cher, à la Coalition Urgence rurale, à savoir la forêt habitée. À quand une véritable politique de forêt habitée? Est-ce qu'elle sera de même concept que la rétrocession des lots aux MRC? Est-ce qu'elle sera suivant des expériences qui ont été menées sur le territoire et qui nous donnent une certaine retombée économique et un enracinement de la population, à savoir des fermes de genre en métayage?

Est-ce qu'elle sera profondément ancrée sur l'enracinement de la population et concédée à des gens, que ce soit par baux ou par vente, des parties de terrains publics limitrophes aux municipalités pour consolider des entreprises de ferme forestière? La question est posée. La poser dans ce sens-là, c'est presque lui répondre. Mais je ne voudrais laisser aucune ambiguïté.

Je peux vous affirmer, aujourd'hui, qu'au niveau de l'évaluation qu'a faite la Coalition Urgence rurale du dossier de la rétrocession des lots intramunicipaux, ce n'est pas une réussite; ça n'amène aucun changement en ce qui regarde l'enracinement de la population et l'intérêt de placer les gens en situation d'avoir un patrimoine à transmettre à leurs enfants. Cela permet, tout au plus, quelques semaines de travail, d'emploi, à certaines personnes d'y travailler, sans plus. Souvent, cette situation est la même que celle qui existait avant la rétrocession.

Je voudrais vous indiquer que le modèle qui a été développé par la forêt modèle du Bas-Saint-Laurent est à explorer. Ce modèle est inspiré de l'enracinement, dans le milieu, de personnes qui aiment leur forêt et qui veulent y travailler et y vivre. Il faudrait s'inspirer de ce modèle si l'on veut que la forêt continue de consolider et stabiliser les municipalités limitrophes au territoire intra et aux forêts publiques.

n(17 heures)n

Pour conclure, je voudrais vous dire que je prends presque pour acquis que le régime forestier va amener des changements. La période de consultation a été suffisamment longue. Je pense que nous sommes rendus à la mise en oeuvre de cette révision et rapidement aux impacts qu'elle aura sur la population. Il ne faudrait pas que le temps d'intervention soit aussi long que la révision parce que l'on assisterait sûrement à une situation irréversible au niveau de la région du Bas-Saint-Laurent, au niveau de l'emploi, au niveau de la préservation de nos villages et surtout ceux dépendant de la ressource forestière. Je suis convaincu que ce n'est pas ce que souhaite le gouvernement. Donc, les quelques interventions souhaitées par la Coalition Urgence rurale seront sûrement étudiées et prises en compte.

Je voudrais, en terminant, porter à votre attention une phrase d'une personne que l'on connaît tous, soit le président de Solidarité rurale du Québec, qui nous répète assez souvent: «Tant vaut le village, tant vaut le pays.» Donc, si la région du Bas-Saint-Laurent sort de cette révision affaiblie, le pays en sera autant affaibli.

Je suis disponible pour des questions, et, si vous le permettez, M. Otis voudrait enchaîner sur la forêt habitée.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Otis, il vous reste très peu de temps, il reste à peine deux minutes à votre présentation. À moins qu'il y ait un consentement pour que M. Otis puisse poursuivre. Alors, allez-y, M. Otis.

M. Otis (Léonard): Il va falloir que vous parliez fort, parce que mes vieilles oreilles entendent encore la scie mécanique.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Il y a consentement pour que vous puissiez poursuivre, parce qu'il restait, effectivement, uniquement deux minutes. Alors, allez-y.

M. Otis (Léonard): Oui. Maintenant, M. le ministre, MM., Mmes les députés, je ne suis pas un gars pour faire des épais mémoires, c'est tout simplement ce que je répète depuis 50 ans, que la forêt est très importante dans l'économie du Québec, et je pense qu'on s'accorde là-dessus, tout le monde le reconnaît. Et la forêt du Québec pourrait produire trois fois ce qu'elle produit aujourd'hui, mais c'est seulement que ce qui nous manque, c'est les structures, c'est la tenure, c'est le mode de tenure et c'est le mode d'exploitation.

J'ai fait distribuer un petit feuillet, parce que ce dont je veux vous parler aujourd'hui, c'est de mes opinions, de mes convictions et de mon expérience. Aussi, une chose que je voudrais vous dire, c'est que, pour moi, la forêt, dans le Bas-Saint-Laurent et Gaspésie, c'est la pierre angulaire de notre économie et ça l'a toujours été, et elle est en train de s'effriter. Par contre, si on avait suivi les recommandations et les suggestions qui étaient faites en 1939-1940 par Esdras Minville, tout serait réglé. Malgré qu'on ait tenté de reprendre ses arguments... D'ailleurs, Esdras Minville, c'était un économiste assez reconnu, et on a tenté en 1970 de faire revivre ce que c'est qu'il préconisait, des fermes forestières. Vous allez nous dire: C'est quelque chose d'impossible, mais je pense que c'est quelque chose de possible, il s'agit de vouloir, il s'agit d'essayer, et avec des gens qui ont la motivation.

Pourquoi je m'attache tant aux fermes forestières? Moi, je suis un ancien agriculteur et je peux vous dire que l'agriculture, au Québec, si elle se faisait dans le même sens qu'on fait de la foresterie, il n'y en aurait plus un seul cultivateur au Québec. Pour cultiver, que ça soit une forêt ou en agriculture, il y a tellement de travaux qui sont à long terme pour les revenus que, s'il n'y a pas de motivation par le propriétaire ou le locataire à long terme, on n'y arrivera jamais. Donc, c'est un peu pourquoi je me suis acharné à essayer de développer la formule des fermes forestières.

Et, comme moi, je n'ai pas eu la chance d'aller dans les grandes écoles pour avoir des lettres en arrière de mon nom, j'étais obligé de faire des expériences, puis le résultat que ça donne, là je peux le montrer. Donc, c'est un peu ça que j'ai voulu mettre sur papier. Ce que je vous ai fait distribuer, c'est un peu l'histoire de ma forêt. C'est une forêt qui est passée au feu en 1920 sur 80 % de la superficie, et le 20 % restant a été coupé à venir jusque dans les années 1957, tous les petits morceaux qui avaient tous été coupés. Et j'ai entrepris de la rebâtir parce que je me suis donné un défi. Parce qu'on a toujours essayé de me prouver que ce n'était pas rentable, une ferme forestière, et j'ai voulu prouver qu'on pouvait vivre de la forêt et qu'on pouvait se préparer un fonds de pension, ni plus ni moins.

Donc, vous avez un peu l'histoire. Moi, je l'ai achetée en 1957, puis en 1999 je l'ai vendue, l'année passée, à mon neveu, parce qu'il faut bien penser à la relève. Et, dans le passé, j'ai récupéré sur ces lots... En tout cas, la moyenne de croissance depuis le départ, en 1989, quand l'inventaire a été fait ? la deuxième feuille, c'est l'inventaire qui a été fait en 1989 ? la moyenne de croissance annuelle à partir une forêt de zéro a été de 2,43 mètres à l'hectare. Et, quand j'ai écrit ce livre-là en 1989, j'ai fait des recherches, et les chiffres qui m'ont été fournis au ministère concernant la croissance annuelle liée à la forêt publique étaient de trois quarts de mètre cube à l'hectare, la moyenne globale. Je sais qu'il y a des régions qui produisent plus, mais en tout cas... Et, en 1989, quand ils ont fait l'inventaire, ils ont estimé ? et ça a été fait par des ingénieurs ? que la croissance annuelle d'aujourd'hui, en 1989, était d'au moins 0,60 de corde à l'acre ou plutôt, si on l'amène en mètres cubes, c'est de 3,60 m³ à l'hectare de croissance annuelle. C'est les croissances qu'ils ont dans les pays scandinaves, ça.

Et ça, on pourrait le faire sur de grandes superficies au Québec. Vous allez dire: Pourquoi on peut aller chercher tant? Je pense que ça va... Si vous lisez le document, vous allez voir à un moment donné: Bois en perdition. Moi, mon mode de récolte, c'est d'abord aller chercher le bois qui se perd. Et, quand ils ont fait l'inventaire, j'ai dit: Je veux que vous me fassiez le calcul de bois qui est en perdition, le bois que je vais être obligé d'aller chercher tout de suite l'année qui s'en vient. Il y avait encore 600 cordes de bois malgré que j'avais fait presque uniquement ça, récupérer du bois en perdition et j'en avais récupéré 5 250 cordes de cette façon-là sur une période d'à peu près 30 ans. Et, actuellement ? c'est en 1989, c'est quand l'inventaire a été fait ? on a au-dessus de 7 000 cordes de bois de pris là-dessus.

Et, comme j'ai favorisé l'érable, parce qu'il y avait beaucoup d'érables puis parce que... Si vous voyez à l'inventaire les pointes de tarte où ils donnent ça, là, ça vous donne les pourcentages en feuillu dur, qui est donc l'érable. Vous avez les pourcentages en résineux. Actuellement, la possibilité de l'érablière est de 86 400 entailles prêtes à entailler, et on prévoit atteindre ? voyons j'ai perdu... ? 131 400 d'ici 15 ans. Si on tient compte qu'il y a un emploi par 20 000 entailles, c'est plus de six emplois à plein temps sur 900 acres rien qu'à l'érablière, et le restant de l'exploitation du boisé amène encore du travail. Et, en plus, sur ce territoire-là, il y avait un lac qu'il n'y avait pas un poisson dedans, parce que c'est un accident de la nature. Ils pouvaient venir d'ailleurs, c'est un lac alimenté juste par des sources de fond, et il n'y avait pas de frayères, ils ne pouvaient pas se reproduire. Et, aujourd'hui, je peux vous dire que la partie la plus payante de mon territoire, c'est la pêche, c'est le lac. Encore un autre emploi là. C'est huit emplois sur 900 acres, et indéfinis, c'est des emplois durables. Une érablière, tu n'en verras pas le bout. Le lac, il s'agit d'y faire attention, on n'en verra pas le bout. Puis c'est sur 900 acres. Ça, on pourrait faire ça à des milliers d'exemplaires dans le Bas-Saint-Laurent.

Du bois, il y en aurait pour alimenter les usines. Actuellement, il y a des coupures d'emplois parce qu'il n'y a plus de bois. On pourrait alimenter les usines, on pourrait produire trois fois et quatre fois ce qui se produit là. On aurait du travail pour tout le monde, mais seulement que ça amène un changement assez radical. Parce que la forêt habitée, pour moi... Et, d'ailleurs, Louis-Jean Lussier avait fait des études dans les années soixante-dix, il nous dit: Tout ce qui est à la limite de 20 milles du dernier village, c'est de la forêt habitée. C'est de la forêt qui pourrait être concédée par location à des gens qui ont la motivation de bâtir quelque chose et qui exploiteraient ça, qui exploiteraient la multiressource et qui vivraient de ça et puis fourniraient un volume considérable de bois. Ça, ça serait du développement durable.

n(17 h 10)n

Je rêve ça depuis 60 ans, je vais-tu réussir à voir un petit bout de ça avant que je meure? Donc, je continue depuis 60 ans à claquer le clou. J'ai été tout seul longtemps, je commence à en avoir plusieurs qui pensent comme moi. Mais, pour faire produire une forêt, là, c'est comme en agriculture, ça prend de la motivation, puis ce n'est pas avec le système d'exploitation qu'il y a là qu'on va réussir à atteindre le 3 m à l'hectare, jamais, jamais. Il faut changer. Moi, j'ai toujours pensé que la forêt, c'était au service des hommes, ça, hein? Je pensais que le créateur avait mis ça pour les hommes. Mais j'ai l'impression que c'est pour les signes de piastre, hein? Puis, pendant ce temps-là, notre monde, il regarde passer les voyages de bois, parce que... sous prétexte qu'ils créent beaucoup d'emplois. C'est moins vrai, ça. S'ils coupent dans le bois, c'est la machine qui le coupe. Puis, dans les usines, c'est tellement robotisé, il y en a pas mal moins. Pendant qu'avec ce système-là on aurait beaucoup de monde qui gagnerait sa vie, et puis, en plus, des gens s'attacheraient à leur milieu. Parce que le gars avec une ferme forestière, là, un peu à l'exemple du cultivateur, il demeure dans son milieu, il n'a pas l'idée de déménager demain. C'est un gars qui est stable puis c'est un gars qui se mêle de l'organisation sociale. Puis, ce n'est pas un numéro chez eux, c'est un individu d'un pays, d'un coin de pays.

Moi, ce que je préconise depuis longtemps, et j'espère qu'un jour ça va... Et j'ai voulu faire la preuve qu'on pouvait en vivre de la forêt puis on peut en bâtir un capital pour nos vieux jours. C'est clair que je n'ai pas fait des salaires extraordinaires quand je l'ai rebâti, parce que, en passant, là, je n'ai pas été chercher les subventions pour bâtir ça. Parce que les parties qui ont été traitées selon les normes des subventions, c'est les pires morceaux de mon boisé, ça. Je ne vais peut-être pas faire plaisir à du monde, mais c'est à voir en n'importe quel temps, ceux qui veulent le voir. Moi, j'y vais avec... parce qu'on essaie, selon les normes, d'aller chercher une rentabilité de la première exploitation dans les travaux d'éclaircie. On en coupe trop. La forêt, c'est un monde, ça, et c'est habitué de vivre en société. Si tu enlèves trop, ça crée un stress sur les arbres voisins, le vent en renverse, il en sèche. C'est tout ça qu'il faut voir. Quand on travaille avec la forêt, là, c'est bien changement que de travailler en forêt. Quand on travaille avec la forêt, on apprend vite ce qu'on doit faire puis ce qu'on ne doit pas faire.

Donc, je suis disponible pour les questions.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Otis.

M. Otis (Léonard): Ce n'est pas les questions qui m'embêtent, c'est les réponses, mais en tout cas.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ha, ha, ha! Alors, on va passer tout de suite à la période d'échanges. M. le ministre.

M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. Alors, je vais essayer de parler plus fort qu'à l'habitude. Ça va comme ça?

Alors, M. Saint-Pierre, M. Otis, bienvenue à cette commission. On vous remercie d'être venus nous présenter votre point de vue et puis surtout aussi, de la part de M. Otis, votre longue expérience de propriétaire forestier. Je vous écoute, et il m'apparaît évident que vous êtes un pionnier en matière de ferme forestière permettant de faire vivre un forestier, de lui assurer un gagne-pain suffisant pour lui et sa famille.

Vous êtes des ardents partisans de la forêt habitée, mais est-ce que vous reconnaissez cependant... Parce qu'il s'en vit à travers le Québec au moins une vingtaine de projets de forêt habitée, vous le savez, ils sont très différents les uns des autres. L'expérience que vous vivez ou que vous avez vécue depuis un bon nombre d'années, M. Otis, c'est une expérience très riche et, je dirais, qui est certainement un exemple ou un modèle, mais est-ce que vous reconnaissez cependant que, dans ce domaine-là de la forêt habitée, de la mise en oeuvre de cette idée de forêt habitée, il ne faut pas faire ce qu'on appelle du mur-à-mur, il ne faut pas retenir ou imposer un seul modèle? Il y a plusieurs projets en cours, ils sont tous différents, et on va en faire l'évaluation au ministère ? on est en train de la faire ? mais est-ce que vous convenez que ce n'est pas opportun ou ce n'est pas pertinent, en matière de forêt habitée, d'imposer une seule façon de faire ou un seul modèle? Il y en a toute une variété à travers le Québec actuellement, et il ne faut pas empêcher, je pense, qu'on puisse recourir à plusieurs façons de faire et à plusieurs modèles de forêt habitée.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Otis.

M. Otis (Léonard): Moi, je n'ai rien contre qu'on fasse d'autres expériences. Je n'ai rien contre ça parce que ça permettra de pouvoir comparer plus tard. Mais une chose que je sais, par exemple, c'est que quand on veut bâtir quelque chose il y a beaucoup de travail puis beaucoup d'investissement qu'il faut faire si on veut bâtir. Je veux dire, comme ancien cultivateur, pour bâtir une ferme, il fallait défricher et ramasser de la roche, puis, ce n'était pas rentable immédiatement, ça, c'était à plus long terme. C'est la même chose en forêt. Moi, j'ai fait énormément de travaux qui ne rapportaient à peu près rien immédiatement, puis ça, c'est seulement la motivation d'un individu qui lui permet de faire ça, en pensant: Je vais bâtir quelque chose qui va avoir une valeur demain que je pourrai transmettre à ceux qui viendront après moi. Toutes les autres formules où le gars n'a pas cette motivation-là... vous pouvez la faire, mais je suis convaincu d'avance que jamais on n'arrivera au même résultat. Jamais. Et l'objectif que je cherche, moi, c'est de trouver une formule où les gens vont s'enraciner dans leur milieu, qu'ils ne seront pas des gars qui vont mettre leur tente là pour déménager demain pour une job ailleurs. Si le gars possède une étendue de forêt et qu'il la cultive, qu'il l'ait par achat ou par location à long terme, c'est toute la différence. C'est toute la différence entre un gars qui travaille à forfait ou à salaire puis qui, demain... en attendant une job ailleurs.

Moi, depuis 60 ans que je radote la même chose, j'ai la conviction, pour avoir été dans les pays scandinaves à deux reprises... Un vieux Suédois nous disait: Mon père nous contait que voilà 100 ans, il dit ? ça fait déjà quelques années ? quand la forêt, on l'avait mise quasiment à blanc à cause qu'on faisait du charbon de bois, il dit, quand on a décidé réellement de rebâtir la forêt, on a regardé quelle formule, et puis ça a été la propriété où les gens sont motivés à bâtir qu'on a adoptée. Mais il y a grand de forêt qui appartient, là-bas, à des gens... c'est du privé. Il a dit: Ça a changé depuis ce temps-là, mais, dans ce temps-là, on a regardé avec du privé. Puis c'est là qu'ils ont bâti la forêt. C'était la motivation. Puis c'est de même qu'on a bâti l'agriculture au Québec, puis c'est de même qu'on l'a maintenue l'agriculture au Québec. Moi, je me souviens, quand j'étais jeune, les communautés religieuses avaient des fermes, le Séminaire avait des fermes puis certains marchands avaient des fermes. Ils n'ont pas été capables de suivre parce que les gens qui travaillaient pour eux autres n'avaient pas la motivation d'un propriétaire. Ça a tout fermé, ça. Puis, c'est un peu le modèle qu'on pratique actuellement en foresterie, la motivation n'est pas là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Saint-Pierre, vous vouliez ajouter?

M. Saint-Pierre (Adéodat): Oui. En fait, je pense qu'au niveau de la forêt habitée il n'y a pas qu'un seul modèle qui peut... C'est sûr que des organismes comme le nôtre puis des gens comme nous autres qui venons des régions, on privilégie l'humain, on privilégie l'individu à cause, bien sûr, de son enracinement, comme disait M. Otis, et à cause, bien sûr, du patrimoine qu'il peut transférer. Ce qui attache quelqu'un à une région puis ce qui rend quelqu'un fier, c'est quand il peut avoir un patrimoine à transmettre. L'agriculteur le fait. On pense que le forestier, si on veut avoir une continuité qui est durable, ça prend ce modèle-là.

La coopérative peut en être une aussi, parce qu'on ne peut pas exploiter... Je veux dire, la coopérative, elle peut en être une. Le lien nécessaire, M. le ministre, c'est le plan de gestion. Il faut qu'une forêt habitée soit soumise à un plan de gestion pour ne pas, justement, qu'un jour il y ait quelqu'un qui s'avise de la dilapider. Moi, je pense que c'est le lien qu'il faut avoir, et, avec ce lien-là, vous pouvez être assurés qu'à un bon moment donné il va y avoir, en tout cas, une surveillance de cette forêt puis qu'il va y avoir un développement durable. C'est ce que je voulais ajouter.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre.

n(17 h 20)n

M. Brassard: Oui. Je reviens à une affirmation que je retrouve dans votre mémoire, M. Saint-Pierre, qui m'a un peu fait sursauter. Ça concerne la délégation de gestion, l'entente spécifique sur la délégation de gestion des lots intramunicipaux à la région, et ça a pris la forme de conventions d'aménagement négociées et signées par les MRC. C'est tout récent, ça vient tout juste de se produire, là, quelques mois. C'est quand même pas mal de territoire, là, c'est 7 000 km², c'est presque... ça équivaut à 10 % du territoire public intramunicipal. J'ai été un peu étonné de lire dans votre mémoire qu'une expérience quand même toute récente, vous la considériez comme n'étant pas déjà une réussite. J'aimerais que vous m'expliquiez votre affirmation.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Saint-Pierre.

M. Saint-Pierre (Adéodat): Vous comprenez que, quand je veux partir un débat, j'utilise les mots qu'il faut.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Saint-Pierre (Adéodat): Maintenant, je vais vous expliquer. Dans le territoire du Bas-Saint-Laurent, dans lequel on peut voir qu'est-ce qui se passe à l'heure actuelle, ils étaient déjà sous contrat, CAF à un A. C'étaient des organismes du milieu qui le faisaient. C'étaient des gens du milieu aussi qui faisaient les travaux, et ils recouraient... En fait, on va dire, c'était dans le but de maintenir des opérations puis maintenir une rentabilité d'organismes. Aujourd'hui, c'est les MRC qui l'ont. Souvent, elles font appel encore à des soumissions pour faire faire les travaux. C'est des petits contracteurs qui ont, des fois, des contrats pour faire le travail au plus bas soumissionnaire, et ça ne nous apparaît pas une formule enrichissante pour notre milieu ? c'est là le jugement sévère qu'on fait ? parce que ça n'enracine pas la population. Je veux dire, il n'y a pas de lien, l'arbre et l'individu, et c'est dans ce sens-là. Et vous comprendrez qu'il n'y a peut-être pas seulement ce mot-là qui porte à question dans mon mémoire, mais, quand je veux qu'il y ait un débat, bien je prends les miens, voyez-vous?

M. Brassard: Vous avez réussi certain parce que... Ha, ha, ha! Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. M. Saint-Pierre et M. Otis, bonjour. Est-ce que vous m'entendez bien, M. Otis? Ça va bien?

M. Otis (Léonard): ...

Mme Normandeau: Parfait. Excellent. Écoutez, merci pour la présentation de votre mémoire, M. Saint-Pierre et M. Otis. Je sais que vous avez fait une longue route pour venir jusqu'ici aujourd'hui et je pense que tous les membres de la commission s'entendront avec moi pour dire qu'on considère comme un privilège le fait de vous avoir ici avec nous aujourd'hui compte tenu de votre longue expérience en forêt, compte tenu de vos 60 années de radotage, comme vous l'avez dit tout à l'heure, M. Otis. Alors, on est bien heureux de vous avoir avec nous aujourd'hui.

Évidemment, votre mémoire s'appuie sur une expérience vécue, et il faudrait peut-être souligner que M. Saint-Pierre, dans d'autres fonctions, est aussi le président du Syndicat des producteurs de bois du Bas-Saint-Laurent. Donc, il est tombé dedans quand il était petit, hein, la forêt à tous les niveaux.

Dans le constat que vous avez dressé tout à l'heure, M. Saint-Pierre et M. Otis, vous vous rejoignez là-dessus, en fait, vous nous dites: Dans le territoire du Bas-Saint-Laurent, la forêt, dans le passé, a été exploitée de façon abusive. La population, en ce moment, ne sait plus qui croire. Vous nous suggérez de faire appel à des experts indépendants pour qu'on puisse faire la lumière sur la gestion de nos forêts, vous proposez des mesures d'atténuation et vous allez même plus loin en nous disant: Écoutez, la direction qu'on a prise depuis quelques années va nous conduire, dans le fond, dans un cul-de-sac parce qu'on n'atteindra pas des rendements satisfaisants au niveau de notre forêt. Vous nous proposez de changer nos pratiques forestières. Et, M. Otis, quand vous nous avez présenté votre document, tout à l'heure, ça m'a fait sourire parce que je me disais: Le ministère a son Sylva, mais M. Otis, lui, a développé sa propre méthode. C'est son Sylva à lui, ça, à M. Otis.

Est-ce que c'est possible de... Peut-être que ma question a deux volets. Le premier volet, j'aimerais qu'on revienne sur l'état d'esprit qui anime la population dans votre secteur sur les baisses d'approvisionnement qui ont été touchées dernièrement. Comment la population, elle, se sent? Et, deuxièmement, me parler un petit peu des changements qu'on devrait faire en forêt pour augmenter notre rendement, d'une part. Et, M. Otis, vous avez souligné tout à l'heure: On pourrait produire trois fois plus avec notre forêt à l'heure actuelle. Alors, dans le fond, peut-être trois questions. Allez-y.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Saint-Pierre.

M. Saint-Pierre (Adéodat): Oui, je peux bien commencer sur une partie, je vais laisser l'autre sûrement à M. Otis. En ce qui regarde le constat au niveau de la population, c'est clair que quand il y a une annonce, 230 emplois de moins dans une MRC, 300 dans l'autre et, bon, la fermeture d'une usine déjà puis appréhender une autre, bon, je peux concevoir qu'à l'heure actuelle peut-être qu'il s'en met un peu plus qu'il va y en avoir ? j'espère, en tout cas ? mais ça a pour effet de démobiliser, parce que c'est souvent un parent, un ami qui perd son emploi. Et, vous savez, c'est fragile, le milieu rural, c'est un milieu où il y a eu beaucoup d'exode. Ça tient, des fois, à une ou deux familles avant la fermeture d'une école, parce qu'un enfant ou deux en moins, l'école n'est plus là. C'est un paquet de choses qui rendent... Quand je dis que c'est catastrophique, c'est tout ça qu'il faut tenir en compte, et ça devient... C'est bâti... L'économie de la région, c'est l'agriculture, la forêt. Si on en diminue une partie, l'autre ne peut pas prendre la place, là, je veux dire, il y a quand même une limite. Il faut trouver des mesures de compensation, il faut aussi... Il y a tellement de chiffres qui ont été colportés, de toute façon. Moi, je ne veux pas... des coupables, moi, je n'en cherche pas, c'est la situation puis comment on la corrige.

Donc, je veux dire, à partir de ça, il faudrait avoir un signal, et il m'apparaît, en tout cas, que la population voudrait être rassurée par quelqu'un de neutre. C'est pour ça qu'on le dit. On est un peu les porte-parole de ceux qui n'ont pas de voix assez souvent, et c'est un peu la job de la Coalition de rendre ces messages-là. Et c'est dans ce sens-là qu'on pense que ça serait nécessaire de trouver un moyen de rassurer la population. Il y a une période ? puis, excusez, je vais vous le dire comme je le pense ? folle qui va se passer, puis peut-être qu'un bon moment donné ça va repartir à rouler puis ça va être moins catastrophique. Mais je pense qu'on va devoir changer les méthodes. Puis là, je vais laisser mon ami continuer là-dessus, mais on va aussi devoir faire plus avec notre bois. C'est ça que j'ai essayé de dire dans mon message, c'est transformer plus d'une fois le bois avant qu'il s'en aille, créer des emplois pour, bien sûr, non seulement maintenir un niveau d'emploi, mais assurer un développement économique de notre région. Il faut que ça devienne une opportunité, ce que c'est qui s'en vient là pour nous autres. Et, au niveau du rendement, je pense que M. Otis est beaucoup mieux placé que moi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Otis.

M. Otis (Léonard): Au niveau du rendement, moi, je prends pour acquis, au moment où tu veux cultiver la forêt, tu t'organises pour aller chercher ce qu'elle produit. Donc, tu n'en laisses pas perdre. Moi, j'ai axé mon exploitation avec une rotation que je passe à tous les deux, trois, quatre ans à la grandeur du territoire pour éviter qu'il se perde du bois, et ça m'a permis de récolter 5 250 cordes de bois sur 900 acres ? ça ne donne pas 900 acres parce qu'il y a un lac ? et qu'il en restait encore 14 000 sur pied en 1989. Le bois qui renverse, qui casse et qui sèche sur pied sur une période de 50 ans, quand on y va, là, au bout de 50, 60 ans, on ramasse la moitié de qu'est-ce qui a poussé. Ça, je peux vous le garantir, on ramasse la moitié de qu'est-ce qui a poussé. Sur le terrain public, il s'en perd la moitié avant. La récolte qu'on fait, on ramasse la moitié de qu'est-ce qui a poussé. Avec une méthode des récoltes où on y va puis qu'on n'en laisse pas perdre, tu doubles tout de suite le volume, tu doubles le volume. Et, avec des soins, c'est facile d'aller en rechercher un autre... encore autant de croissance. Donc, c'est trois fois sans aucune difficulté.

n(17 h 30)n

Moi, je l'ai atteint plus que le trois fois, là, dans 40 ans. Imaginez, dans 100 ans, ça va changer. Quand je suis allé en Suède, là, c'étaient des forêts, puis ils ont dit: Ça fait 100 ans qu'on a commencé. Moi, dans ce temps-là, ça faisait rien que 30 ans que j'avais commencé, j'ai déjà un bon bout... Mais j'ai déjà atteint le rendement qu'ils obtiennent là-bas, parce qu'on a une forêt très productive dans le Bas-Saint-Laurent. Il s'agit de lui donner les soins puis de faire attention pour ne pas faire d'erreurs, parce que ça prend du temps. La forêt prend du temps à pousser, puis il ne faut pas faire d'erreurs. Le moins possible. Puis c'est ma méthode de fonctionner, puis je peux affirmer, puis c'était de voir... vous pouvez venir sur le terrain voir, c'est visible, vous allez voir les récoltes, de quelle manière je les ai faites. Tu vois une souche qui reste en place, puis j'ai des chemins de débardage un peu partout. Puis, le long des chemins de débardage, bien il pousse toujours des broussailles, puis les chevreuils puis les originaux sont bien fiers de tout ça. Puis, dans la partie de la forêt où c'est juste éclairci, ils s'abritent là à chaque année. Moi, je ne chasse pas et je ne laisse pas chasser chez nous, je les élève. Et, quand je suis parti hier, il y avait quatre orignaux de tués juste alentour de chez nous. Ils tuent mes bêtes que j'élève, je crois bien. Mais, en tout cas, au moins, ça en fait...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Otis.

M. Otis (Léonard): Trois fois plus, on peut atteindre ça sur une période pas trop longue. Puis, à long terme, ça va augmenter encore. On n'aurait pas les problèmes d'approvisionnement, là. En 1970, on s'est battus pour mettre ça en place, les fermes forestières. On n'a jamais été compris puis on n'a jamais été... On a tenté une expérience, mais on a mis les gars dans des conditions où ils ne pouvaient jamais arriver. Donc, ils se sont découragés puis ils ont tout foutu ça là. C'est ça, l'erreur qui a été faite.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci. M. Otis, on parle beaucoup, dans le projet de loi, d'augmenter le rendement de nos forêts, on parle de rendement accru. Est-ce que vous avez des réserves là-dessus sur la base de votre longue expérience en forêt, le fait qu'on veuille retirer davantage de notre forêt, produire, avoir un rendement beaucoup plus élevé? Selon vous, est-ce qu'il y a des conditions qu'on devrait respecter pour avoir un rendement qui soit acceptable autant sur le plan environnemental, écologique que sur le plan de la productivité, de la production de volume comme tel? Qu'est-ce que vous pensez de ça, vous, le rendement accru?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Otis.

M. Otis (Léonard): Je n'ai pas eu l'occasion d'aller trop souvent sur le terrain public parce que ça me faisait trop mal au coeur de voir ce qui se faisait là. Mais j'y suis allé cet été. On a pris deux jours puis on est allés sur le mont Blanc puis en arrière de Causapscal. Ça fait mal de voir de quelle manière on... C'est à perte de vue. Le peu de forêt qu'on voit, c'est les bandes le long des ruisseaux, puis le long des chemins, puis les flancs de montagne trop abrupts pour y aller. Et les plantations qu'on a faites, il y a une épinette là, puis l'autre est là, hein? Puis c'est de la merise, du petit bouleau croche. En tout cas, on va dire, c'est sur le mont Blanc... Sur le mont Blanc, il y a beaucoup de neige, puis, en tout cas, c'est une partie qu'on n'aurait jamais dû toucher. Parce que, si on avait soigné la forêt habitée puis on lui avait donné une chance de produire, on n'aurait pas besoin d'aller sur le Mont-Blanc puis on n'aurait pas besoin d'aller dans le Grand Nord. Ça, on en avait, des forêts.

Ce que j'ai vu ne me garantit aucun rendement accru. Pour moi, non, c'est impossible. C'est impossible, et en plus on coupe... On est allés visiter une coupe, là, qui se fait actuellement en arrière de Saint-Jean-de-Cherbourg, hein? On coupe dans le jeune où on devrait faire des éclaircies au lieu de faire des coupes à blanc. On voit encore les souches de l'autre coupe d'avant. Ce n'est pas vieux, ça, hein, puis on est là-dedans avec de la grosse machinerie. Il reste ça d'épais de petites tiges plus petites, là, on coupe les plus grosses, puis tu vois ça dans les piles, le plus gros a 6 po, 7 po. Puis, il y en a à terre, tu es obligé de te lever les pieds, puis les pieds haut, pour passer là-dessus. Puis le jeune... On va dire: On fait attention à la régénération, c'est des coupes de protection de régénération. Je leur souhaite bonne chance. Je leur souhaite bonne chance, les petits sapins puis les épinettes qu'il y a là. Moi, ça me fait mal au coeur quand je vois ça. J'aime mieux ne pas y aller puis j'aime mieux continuer de travailler chez nous pour montrer qu'on est capables faire d'autres choses que ça.

Mme Normandeau: Peut-être une dernière question avant de passer la parole à mon collègue. Qu'est-ce qu'on devrait faire, M. Otis et M. Saint-Pierre, pour apporter des corrections qui vont nous permettre d'avoir des belles forêts dans 50 ans, 60 ans, 70 ans? Qu'est-ce que vous suggérez aux membres de la commission, au ministre en particulier? Quels seraient les correctifs qu'on devrait apporter dans la façon d'aménager, de récolter notre bois? Vous avez dit tantôt: On doit changer nos pratiques forestières. Pour vous, ça veut dire quoi, changer nos pratiques forestières?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Otis.

Mme Normandeau: M. Otis et M. Saint-Pierre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il ne restera plus de temps pour votre collègue.

M. Saint-Pierre (Adéodat): Je peux bien y aller un petit bout. D'abord, changer les pratiques forestières, il faut arrêter, bien sûr, de faire de la coupe à blanc. La plantation, c'est sûr que c'est utile, mais, quand on est capable de garder la régénération, c'est là que la croissance la plus rapide peut être obtenue. Si vous laissez un arbre de 3 po, 4 po, je vais dire: Ça lui a pris du temps à se rendre là. Puis se rendre à 8 po, ça ne prend pas bien, bien de temps. Puis, quand tu le coupes à 8 po, il est dans le plus fort de sa croissance, ce qui veut dire que, si tu veux avoir un beau billot, c'est quand tu le laisses à sa maturité. Donc, changer la façon d'intervenir.

La machine ne m'apparaît pas la solution partout. Je ne veux pas dire qu'il n'y a pas une certaine mécanisation, parce qu'il y a aussi l'ouvrier en forêt qui a besoin de conditions de travail. Mais, là où la machine brise plus qu'elle ne récolte, ça ne m'apparaît pas une solution. Augmenter le rendement, c'est ça pour moi, c'est arrêter de couper les plus productifs puis de couper ceux qui vont se perdre. Puis il y a aussi de la forêt mature. Il y a aussi de la forêt mature un peu. Pas beaucoup, mais un peu. Là, je ne suis pas un spécialiste pour vous dire comment récolter la forêt mature, mais il y a des essais, les coupes en mosaïque, il y a toutes sortes de coupes, là, bon. Quand on veut qu'il y ait le plus de retombées possible, bien on s'organise pour qu'il y ait plus de personnes qui le fassent au lieu de la machine. La machine est souvent faite aux États-Unis; le travailleur, il est souvent dans le village voisin. Et c'est ça. En fait, c'est aussi simple que ça pour moi, rapprocher les personnes de la forêt plutôt que les machines. Pour le restant, je pense que M. Otis en a dit beaucoup, et c'est... s'il a d'autres choses à rajouter...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Otis.

M. Otis (Léonard): Tu sais, moi, c'est... La forêt publique, c'est entendu que ce n'est pas absolument la forêt que je possède. Il y a des montagnes, il y a des parties moins productives et il y a plus de résineux que chez nous, puis je ne peux pas donner des conseils puis condamner ce qui se fait, actuel, sur toute la ligne, mais je reste convaincu que les méthodes de coupe qu'on fait actuellement, surtout dans les forêts que j'ai vues où ils se préparaient à couper, ce n'est pas la solution. Ce n'est pas la solution, il faudrait y aller avec des traitements d'abord. C'est entendu que la récolte, elle ne serait pas rentable plus qu'il faut, mais on aurait une forêt pour quelques années. Quand on y reviendrait, là ce serait payant d'y aller. Mais, ce n'est pas ça, on y va puis on prend les plus gros, puis on écrase le restant. Bien, moi, je dis: Si j'avais fait ça chez nous, j'en n'aurais pas de forêt. Donc, je prends pour acquis que, si ce n'est pas bon pour moi, ce n'est pas bon pour les autres.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Saint-Pierre, très rapidement parce que le temps est malheureusement écoulé du côté de l'opposition. Très rapidement.

M. Saint-Pierre (Adéodat): Très rapidement, je voudrais vous dire que développement durable, pour nous autres, c'est prélever aujourd'hui pour notre besoin puis en laisser pour les autres générations. Et c'est la base de notre façon de voir et de travailler. Je vous remercie beaucoup de nous avoir donné...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Un instant, ce n'est pas terminé du côté du gouvernement. J'ai la député de Rimouski qui m'a demandé la parole puis un autre député. Dépendant de la longueur, il reste cinq minutes, Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Saint-Pierre. Bonjour, M. Otis. Ça me fait plaisir de vous voir en commission parlementaire. Je sais que c'est un dossier qui vous tient beaucoup à coeur. Ça fait de nombreuses années que vous travaillez sur ce dossier, alors je vous remercie pour votre mémoire. Dans votre mémoire, vous avez suggéré la mise sur pied d'un genre d'observatoire, hein, de l'aménagement des forêts. Qu'est-ce que vous entendez par observatoire? Ça ferait quoi, ça, un observatoire?

M. Saint-Pierre (Adéodat): D'abord, ce n'est pas un observatoire pour l'aménagement de la forêt, c'est... Un observatoire, pour nous autres et pour plusieurs ? parce que plusieurs le demandent dans le Bas-Saint-Laurent ? c'est un groupe d'experts indépendants qui donneraient leur avis sur la situation de la forêt où, à un bon moment donné, il n'y aurait pas de parti pris, tant des gens qui la transforment que du ministère. Je vous ai d'entrée de jeu, tantôt, que je ne contestais pas l'intervention du ministère. Pour moi, c'est satisfaisant, mais, pour la population, ça ne la rassure pas parce qu'il y a deux discours. Et, c'est ça, l'heure juste, elle est où? D'autres vont dire: Ça prendrait un ombudsman de la forêt. En tout cas, appelez-le comme... Moi, en tout cas, j'aime mieux ça qu'une enquête publique, parce qu'une enquête publique, c'est pour chercher des coupables, puis, moi, j'aime mieux qu'ils nous donnent la situation de la forêt et puis qu'ils essaient de nous faire des plans pour que, tu sais, ça s'améliore.

Mme Charest: Alors...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Non, ça va. Je vais laisser le temps à mon collègue d'à côté.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): O.K. Alors, c'est parce qu'il y avait plusieurs députés qui voulaient prendre la parole, tout le monde voulait prendre la parole. Alors, M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci, Mme la Présidente. M. Saint-Pierre, M. Otis, d'abord, merci de votre présentation. Merci aussi, M. Otis, pour votre travail, le livre que vous avez fait.

Une voix: Parle fort.

n(17 h 40)n

M. Désilets: Ça fait déjà trois ou quatre ans, là, que j'ai eu la chance d'avoir le livre entre mes mains. Je l'ai lu, je trouve ça très intéressant. D'ailleurs, on retrouve... les principales photos, elles viennent de votre livre, puis c'est... je me suis retrouvé vite, là, à l'intérieur, je trouvais ça intéressant. Mais je voudrais connaître le modèle du Saint-Laurent, de la forêt du Saint-Laurent, de la forêt du Saint-Laurent. Est-ce qu'il y a des choses que vous pouvez... Vous en avez jasé tantôt, vous avez spécifié plusieurs points, mais je voudrais vous donner la chance, si jamais il y a des points qui sont restés nébuleux ou encore que vous n'avez pas eu le temps de dire... Est-ce qu'il y a des choses additionnelles que vous pouvez nous dire sur le modèle qui s'est développé chez vous?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors...

M. Otis (Léonard): Au point de vue rentabilité?

M. Désilets: Oui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Otis.

M. Otis (Léonard): La transférabilité.

M. Désilets: Rentabilité pas juste au niveau financier, mais rentabilité aussi...

M. Otis (Léonard): Pour moi, la rentabilité est assurée. J'ai vécu depuis 20 ans... Depuis 72 que j'ai vécu avec ma forêt.

M. Désilets: Oui, mais je ne parle pas juste de rentabilité financière, mais rentabilité humaine aussi et sociale que vous développez autour de votre concept.

M. Otis (Léonard): Justement, j'ai vécu avec ma forêt pendant que je l'ai rebâtie, et là c'est mon neveu qui prend la relève, et l'érablière va procurer six emplois à plein temps au moment où il va y avoir 130 000 entailles, et il y en a 86 000 de prêtes. Donc, c'est une rentabilité économique et sociale. C'est des gens qu'on va fixer, qui vont avoir de l'emploi, qui vont vivre. Avec 20 000 entailles, il y a de quoi faire vivre une famille comme il faut, hein?

Puis, pour transférer cette entreprise-là, c'est clair qu'il a fallu imaginer... parce que c'est quand même un montant assez important. Moi, je l'ai vendue assez cher, mais je le finance moi-même, et il me donne tant par année sur une période de temps. Et, moi, ma vieillesse est assurée, puis, lui, il est assuré d'être capable de payer puis continuer ce que j'ai commencé. D'ailleurs, dans le contrat, il faut qu'il continue ce que j'ai commencé, il ne peut pas couper, hein?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, écoutez, c'est malheureusement tout le temps dont on disposait, on a même un peu dépassé. M. Saint-Pierre, M. Otis, merci d'être venus échanger avec nous à cette commission.

Là-dessus, je vais donc ajourner les travaux à mardi matin, 9 heures, ici, dans cette salle du Conseil législatif.

(Fin de la séance à 17 h 43)



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