L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de l'économie et du travail

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'économie et du travail

Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 18 mai 1999 - Vol. 36 N° 15

Consultations particulières sur la sécurisation du réseau de transport et de distribution d'Hydro-Québec dans les régions touchées par la tempête de verglas de janvier 1998


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Remarques préliminaires

Auditions


Autres intervenants
Mme Denise Carrier-Perreault, présidente
M. Guy Lelièvre, président suppléant
M. Christos Sirros
M. Robert Kieffer
Mme Manon Blanchet
M. Stéphane Bédard
M. Rémy Désilets
M. Léandre Dion
* M. André Caillé, HQ
* M. Serge Robin, idem
* M. Jacques Régis, idem
* M. Yves Filion, idem
* M. Roger Nicolet, Commission scientifique et technique chargée d'analyser
les événements relatifs à la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998
* M. André Dicaire, idem
* M. Gilles Marinier, idem
* M. Louis Cloutier, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-six minutes)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mmes et MM. les membres de la commission, je déclare donc la séance de la commission de l'économie et du travail ouverte. Je rappelle que le mandat de notre commission est de procéder à des consultations particulières sur la sécurisation du réseau de transport et de distribution d'Hydro-Québec dans les régions touchées par la tempête de verglas en 1998.

Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Mme Houda-Pepin (La Pinière) remplace M. Gobé (LaFontaine).

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous remercie. Aujourd'hui, comme vous le savez, on a deux groupes, deux présentations. Ce matin, on a Hydro-Québec, bien sûr. En après-midi, nous rencontrerons le groupe de M. Nicolet, la Commission scientifique et technique. Tout d'abord, cependant j'autoriserais une demi-heure de remarques préliminaires, soit 15 minutes du côté du gouvernement, 15 minutes du côté de l'opposition. Je serais donc prête à vous reconnaître, M. le ministre.

M. Sirros: Mme la Présidente, si vous me permettez, une question de règlement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Je constate comme vous, puis j'imagine comme beaucoup de monde, que nous avons un écran géant ici. Je n'ai jamais vu ça, moi, depuis 18 ans que je suis ici. Je trouve ça intéressant que ça soit là, mais j'aimerais que vous m'expliquiez un peu c'est quoi, tout ça, parce que généralement, en Chambre, par exemple, on ne nous permet pas d'avoir des grandes affiches puis des choses comme ça. Je constate que, dans le passé, on a déjà eu quelques présentations vidéo un peu à la télé, présentées ici, mais ici on est rendu quasiment à l'écran IMAX.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Bien, ça prendrait des lunettes, M. le député!

M. Sirros: Non, mais honnêtement je trouve que c'est un peu une invasion de l'enceinte parlementaire un peu hors du commun. Alors, j'aimerais au moins avoir quelques explications sur le processus qui a amené la mise sur pied de cet écran géant avec... et tout. Est-ce que, par exemple, on nous a consultés, au comité directeur, ou...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Monsieur, en fait, on a...

M. Sirros: C'est un peu non usuel.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Laurier-Dorion, effectivement on a eu une demande à l'effet qu'il y aurait une présentation sur écran pour justement améliorer la compréhension de chacun des membres de notre commission. Effectivement, j'ignorais que l'écran était aussi grand. Alors, on aura sûrement une excellente vision des choses, puisque, sur un écran de cette taille-là, je pense que ça va être assez facile pour tout le monde. Mais, oui, pour en revenir à votre question...

M. Sirros: Et est-ce qu'on pourrait savoir...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je m'excuse, je voudrais terminer, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Oui. Excusez-moi là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, pour en revenir à votre question, effectivement il y a eu une demande pour qu'Hydro-Québec puisse faire une présentation avec des écrans, et ça a été accepté parce que...

M. Sirros: Est-ce qu'on pourrait savoir, Mme la Présidente, si ça constitue une jurisprudence et que dorénavant tous les groupes qui veulent se présenter devant nous auront le loisir de prendre l'espace nécessaire dans l'enceinte parlementaire pour bien nous informer, comme vous dites?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. On me dit qu'effectivement il y a déjà eu des précédents là-dessus. Il semble même que la semaine dernière, à une autre commission que la nôtre, M. le député de Laurier-Dorion, il y a eu effectivement aussi une présentation sur écran pour faciliter la compréhension de l'ensemble des membres de la commission. Pardon?

(Consultation)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): On me rappelle qu'à une dernière présentation d'Hydro-Québec, alors que je n'étais malheureusement pas membre de la commission et que vous y étiez le président, M. le député de Laurier-Dorion, il y aurait eu aussi présentation sur écran.

M. Sirros: Sur écran. Mais je me rappelle... Honnêtement, il me semble que j'aurais un bon souvenir d'un écran de cette envergure-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Si je comprends bien, ce n'est pas l'écran, c'est la grandeur de l'écran qui vous dérange, M. le député.

M. Sirros: Exactement, Mme la Présidente, je le trouve comme pesant et démesuré, et ça concorde avec, un peu, toute la trame de ce dossier.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ceci étant, je pense que...

M. Brassard: La prochaine fois, Mme la Présidente...

(9 h 40)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le ministre.

M. Brassard: ...on placera l'écran derrière les députés ministériels.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Bon. Écoutez, ceci étant, je pense que maintenant les explications devraient convenir. Je pense qu'on pourrait débuter les travaux.


Remarques préliminaires

Alors, là-dessus, M. le ministre, je vous reconnaîtrais pour vos remarques préliminaires.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Je vous remercie, Mme la Présidente. Concernant cette consultation particulière, j'ai déjà eu l'occasion de déclarer qu'elle devrait avoir l'avantage – j'espère que ce sera le cas – d'être pédagogique. C'est déjà de bon augure qu'on puisse disposer d'un écran, donc qu'on puisse avoir recours à des moyens modernes, à des technologies modernes de communication.

Cette consultation particulière nous permettra, Mme la Présidente, d'abord de comprendre, de comprendre comment jusqu'à maintenant ont été sécurisées les populations touchées par la crise du verglas, par la tempête de verglas. Ça va nous permettre aussi de savoir si ce niveau de sécurité est suffisant pour affronter une autre crise semblable. Et ça va nous permettre de vérifier la pertinence du plan d'action d'Hydro-Québec pour atteindre un niveau de sécurité acceptable, raisonnable, de ses équipements de transport et de distribution d'électricité. Car c'est bien de cela qu'il s'agit ici cette semaine, il s'agit de comprendre, donner tout l'éclairage possible sur ces événements, savoir pourquoi et connaître les raisons qui ont amené le gouvernement à agir pour faire face à la situation.

Ai-je besoin de rappeler toute l'importance ici d'un tel exercice? À travers tout ce qui s'est dit et tout ce qui s'est écrit, à travers toutes les rumeurs qui ont circulé, à travers aussi les procédures judiciaires qui ont eu cours et les grosses manchettes, il n'en demeure pas moins essentiel de comprendre les mécanismes de prises de décisions en situation de crise. Il est tout aussi essentiel de savoir si les décisions qui ont été prises étaient les bonnes et si elles ont permis d'atteindre les objectifs visés, qui se résument, de fait, à deux ou trois choses: redonner rapidement l'alimentation électrique à un million et demi de familles, aux centaines d'entreprises et d'industries qui en étaient privées; assurer la sécurité des citoyens et pourvoir à leurs besoins de base; reconstruire un réseau de transport et de distribution électrique qui avait été lourdement endommagé par la tempête de verglas.

La commission parlementaire traitera plus particulièrement du volet touchant les décisions que nous avons prises concernant la reconstruction du réseau d'Hydro-Québec. Tout ce questionnement sera d'autant plus intéressant que nous disposons d'un nouvel outil de travail: le rapport de la Commission scientifique et technique présidée par M. Roger Nicolet qui sera devant nous cet après-midi. Cet ouvrage majeur nous oblige à développer une vision globale, une approche systématique de sécurité de l'approvisionnement électrique à travers tout le Québec.

C'est dans cet esprit de responsabilité face à l'ensemble des Québécois et des Québécoises, où qu'ils vivent sur le territoire, qu'il nous faut, Mme la Présidente, aborder nos travaux et le questionnement des groupes qui vont se présenter devant nous. J'ai déjà affirmé en Chambre que ni la bonne foi du gouvernement ni celle d'Hydro-Québec ne pouvaient être remises en cause quant aux décisions de procéder rapidement au rétablissement et à la sécurisation du réseau d'alimentation électrique. Je maintiens cette affirmation. Cela m'est d'autant plus facile, Mme la Présidente, que je vous rappelle que ce gouvernement en était à sa deuxième expérience dans le domaine de la gestion de crise.

En juillet 1996, rappelons-nous, nous vivions les pluies diluviennes du Saguenay–Lac-Saint-Jean. On oublie aussi que ces pluies ont touché trois autres régions du Québec: la Côte-Nord, Charlevoix et la Mauricie. Tout comme durant la crise du verglas, le gouvernement a procédé par décret. Dans le cas des inondations, il y en a eu plus d'une centaine; plus de 60 dans le cas du verglas. Il est vrai que plusieurs décrets apportaient des précisions, amendaient ou tout simplement amélioraient les décrets déjà autorisés. Tous visaient cependant le même objectif dans un cas comme dans l'autre, un seul: ramener la situation à la normale, et cela, le plus rapidement possible; aider nos concitoyens et nos concitoyennes dans leur retour à la vie normale.

Agir avec diligence était notre priorité. Il y avait urgence, tout le monde en convient. Avons-nous sciemment, délibérément, agi dans l'illégalité? Avons-nous volontairement camouflé des choses? Il s'agit là d'une tout autre question, d'un débat qui, à mon avis, n'est venu qu'après coup, un débat qui, je veux bien l'admettre, peut être utile à l'opposition, mais un débat qui somme toute ne fait guère avancer les choses. D'ailleurs, la preuve d'une telle duplicité ou d'une pareille hypocrisie serait difficile à constituer. En fait, elle serait impossible à faire tout simplement parce que cette thèse n'est pas crédible et qu'elle n'est pas fondée et qu'une telle preuve n'existe pas.

Les événements de 1996 comme ceux de 1998 ont effectivement mis au coeur de l'actualité la capacité du gouvernement de gérer des crises majeures. Il y a encore des leçons à tirer, des améliorations à apporter, tous en conviennent, voilà pourquoi nous nous sommes adressés à des experts et des scientifiques indépendants pour faire la lumière sur ces événements climatiques et pour s'assurer d'avoir en main un éventail complet de solutions à apporter et des manières de faire pour affronter d'autres crises.

La commission parlementaire qui débute aujourd'hui nous permettra justement d'aller un peu plus loin. Il ne s'agit pas d'entreprendre un débat légaliste, ce qui serait à mon avis stérile, il s'agit de savoir si nous avons tout mis en oeuvre pour sécuriser le réseau. Il s'agit de savoir si ce qui a été fait est suffisant pour éviter une autre catastrophe. Il s'agit de savoir si, au-delà de certains décrets invalidés, les autres décisions prises même récemment, comme celle portant sur des pylônes anticascades, répondent à l'objectif visé. Au fond, Mme la Présidente, il ne s'agit pas ici de discuter de la manière comme de la nécessité et de la pertinence d'avoir agi comme nous l'avons fait pour maintenant et pour l'avenir.

Le rapport Nicolet ouvre tout grand les horizons: choix énergétiques, bouclage, interconnexions, changements climatiques, lignes stratégiques, enfouissement des fils, déglaçage, ce sont là des sujets qui sont à l'ordre du jour.

Hydro-Québec, je le souligne, se classe parmi les 10 grandes entreprises mondiales productrices d'électricité. Nier sa compétence et son savoir-faire, ce serait se cantonner, je dirais, à faire un procès d'intention. Je le répète, Mme la Présidente, nous sommes là pour comprendre, pour savoir ce qui a guidé nos décisions et pour mieux cerner les impératifs de la mise en oeuvre du plan d'action de la société d'État. J'en appelle donc au sens commun de tous les parlementaires. Questionnons les experts qui témoigneront devant nous, d'une manière pointue, si l'on veut. Posons les vraies questions, celles qui nous aideront à comprendre comment nous avons affronté ce que Pierre Pettigrew, ministre fédéral – ça doit être vrai ce qu'il dit – appelait, qualifiait de l'une des catastrophes naturelles les plus dévastatrices de l'histoire du Canada, en parlant de la tempête de verglas.

L'opposition officielle, vous le savez, fait état d'une consultation bidon; c'est son thème favori depuis des semaines. Elle parle même de «jours sombres pour la démocratie». Cette phrase-là, je l'ai entendue au moins 20 fois sûrement. Elle nous promet une lutte sans merci. Bon. C'est son droit, et c'est ainsi qu'elle voit son rôle. Il serait justement cependant très triste pour la démocratie que l'opposition limite son discours aux affirmations de la députée de Bonaventure, lors de son intervention jeudi dernier, où elle disait que le gouvernement a littéralement paniqué devant l'ampleur de la crise, que certains ont profité de cette détresse psychologique pour berner les Québécois. Et elle affirmait même que nous avions profité de cette grande noirceur pour des buts qui dépassent de beaucoup le simple bouclage des zones sinistrées. Ça me rappelle encore une fois Talleyrand qui disait que tout ce qui est exagéré est insignifiant.

Je pense que ce n'est pas le moment ni les circonstances de patauger en pleine démagogie. Avec une pareille déclaration, je doute de la capacité de nos collègues d'en face de gérer une crise semblable. Comment en seraient-ils arrivés, de manière responsable, à agir pour assurer l'avenir? J'arrête ici mes commentaires sur l'attitude de l'opposition parce que je la trouve d'abord insultante pour les populations touchées par le verglas et tout aussi insultante pour l'intelligence des gens et des groupes qui viendront témoigner au cours des trois prochains jours.

Comment peut-on penser que tout est téléguidé? Comment peut-on s'imaginer qu'un gouvernement adopterait des décrets sachant qu'ils sont illégaux? Comment parler de panique quand il en va de la sécurité de plus de 3 000 000 de personnes? C'est l'art de dévier les débats pour éviter de se prononcer, d'autant plus que l'on sait très bien que, à cette occasion, tous les observateurs, d'où qu'ils viennent, ont affirmé sans équivoque que le premier ministre avait géré de façon exceptionnelle cette crise exceptionnelle également. Je comprends que l'on puisse préférer demeurer sans position. Je souhaite cependant que nous entendions tous les groupes, que nous écoutions ce qu'ils ont à nous dire et que nous posions toutes les questions qui se cachent derrière certaines affirmations insidieuses.

Donc, pour l'essentiel, le gouvernement a choisi de tenir une commission parlementaire avec audiences particulières, de déposer une loi conservatoire – le débat est amorcé à l'Assemblée nationale – et de s'assurer que les travaux à venir se feront dans le respect des lois et des règlements en vigueur.

La crise du verglas, il est vrai, nous a laissés avec plusieurs questions quant à la sécurité des équipements de transport et de distribution d'électricité. Notre devoir est de chercher à savoir si, un an plus tard, la direction que nous avons privilégiée, les décisions que nous avons prises s'inscrivent dans l'objectif principal, c'est-à-dire augmenter de façon substantielle le niveau de sécurité d'approvisionnement en électricité de millions de personnes et être prêts, de cette façon, partout à travers le Québec, à faire face à d'autres caprices de dame nature et éviter ainsi une rupture catastrophique dans l'alimentation électrique. Voilà ce à quoi je convie, Mme la Présidente, tous les députés qui siègent à la commission de l'économie et du travail. C'est un débat majeur et je suis persuadé qu'à la fin de ces trois jours nous comprendrons mieux ce qui s'est fait et ce qui reste à faire. Merci.

(9 h 50)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je vous remercie, M. le ministre. Mme la députée de Bonaventure, pour vos remarques préliminaires.


Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Alors, je profiterai ce matin de ces 15 minutes qui sont à notre disposition, 15 minutes de remarques préliminaires donc pour rappeler à l'ensemble des membres qui composent cette commission la position de l'opposition officielle sur les consultations particulières qui débutent ce matin.

Alors, tout d'abord, je tiens à préciser que d'ordinaire les parlementaires travaillent à étudier les projets de loi et à entendre les différents groupes intéressés à se prononcer sur ces projets. Ils le font dans le but de permettre au gouvernement, dans l'exercice fondamental de son rôle de législateur, d'assurer à l'ensemble de la société au Québec un cadre législatif qui tienne à la fois compte de ses aspirations et de ses attentes, et c'est une responsabilité, j'en suis convaincue, que l'ensemble des membres de cette commission assument avec conviction et sérieux.

Cependant, malheureusement ce matin nous sommes devant un fait accompli: un semblant de consultation dont les conclusions sont connues d'avance. En fait, nous assistons ce matin à des consultations particulières où seulement une poignée de groupes ont été invités à prendre la parole au cours des trois prochains jours. Pour traiter d'une question d'importance comme la sécurisation du réseau, je suis profondément convaincue que plusieurs autres groupes auraient souhaité intervenir au cours de ces trois prochains jours.

Enfin, du côté-ci de cette commission, nous avons la ferme conviction que les convictions qui s'ouvrent ne servent que de paravent au gouvernement péquiste pour donner un semblant de justification à des décisions passées pour lesquelles il a été rabroué à plusieurs reprises: dans un premier temps, par l'honorable juge Jeannine Rousseau et, dans un second temps, par la commission Nicolet.

Et j'ajouterais qu'en plus d'avoir déjà tiré les conclusions de ces consultations particulières et d'en avoir choisi les principaux acteurs, le gouvernement s'est assuré que les discussions et les échanges qui se feront au cours des trois prochains jours risquent très peu – très peu – d'écorcher toutes les décisions pour le moins douteuses qui ont été prises jusqu'à présent, des décisions qui ont conduit – et on se doit de le rappeler – au jugement sévère, cinglant, percutant rendu public le 23 février dernier par l'honorable juge Jeannine Rousseau.

Dans ce contexte, Mme la Présidente, il y a lieu de se demander, il est légitime, en fait, de se demander pourquoi est-ce qu'on tient des consultations particulières – pourquoi – et sur un point très, très précis, soit la sécurisation du réseau de transport et de distribution d'Hydro-Québec dans les régions qui ont été touchées par le verglas entre le 5 et le 9 janvier 1998.

Le ministre des Ressources naturelles, depuis plusieurs semaines, clame haut et fort que son gouvernement fait preuve de transparence en tenant de telles consultations et qu'il agit de façon responsable. Mme la Présidente, si le gouvernement agit de façon transparente et responsable, comment se fait-il qu'aujourd'hui le ministre ait refusé de soumettre l'ensemble de la question de la sécurisation du réseau au processus d'audiences publiques du BAPE, du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement? En fait, par un semblant de consultation et d'audiences publiques, le gouvernement fait à nouveau fausse route.

Et, à ce sujet, Mme la Présidente, je tiens à rappeler que l'honorable juge Rousseau a été claire quant à l'unicité du projet. Qu'est-ce qu'elle nous dit, la juge Rousseau? Elle nous dit, en fait, qu'on ne peut pas scinder un projet en plusieurs étapes distinctes pour éviter de le soumettre à une procédure à laquelle il aurait été soumis dans son ensemble. Et c'est un élément extrêmement important qui aurait dû inspirer le gouvernement dans la tenue de ces consultations particulières. En fait, qu'est-ce que le gouvernement préfère? Il préfère, une fois de plus, ignorer les avertissements qui ont été faits de bonne foi par l'opposition officielle et on préfère également ignorer les avertissements qui ont été faits, eux aussi de bonne foi, par les citoyens du Val-Saint-François. Et, par la suite, ce gouvernement tente de nous faire croire qu'il a agi de façon responsable.

Il est important de préciser, bien sûr, que l'opposition libérale est d'accord avec le fait qu'il est nécessaire et urgent d'éviter que de pareils drames, que nous avons vécus suite à la crise du verglas, ne se reproduisent. Nous sommes également totalement et absolument d'accord avec le fait qu'il faut tout mettre en oeuvre pour éviter que des millions de personnes ne souffrent encore de la faiblesse de notre réseau électrique. En fait, nous sommes d'accord pour la sécurisation du réseau, l'ensemble du réseau électrique au Québec, et particulièrement de ceux, bien sûr, qui ont été touchés par la crise du verglas.

Cependant, tout le processus qui va conduire à la sécurisation de notre réseau doit se faire dans le respect des lois en vigueur. Avec la tenue de ces consultations particulières et avec la présentation du projet de loi n° 42, le gouvernement fait, une fois de plus, appel à des procédures qui sont faites sur mesure, des procédures faites sur mesure pour lesquelles la juge Jeannine Rousseau a rabroué le gouvernement. En fait, elle a formulé deux sources de reproches importants: elle a blâmé le gouvernement pour avoir utilisé des mesures moindres, qui ne respectaient justement pas les lois et règlements en vigueur. Et, de toute évidence, aujourd'hui c'est le même réflexe qui se dessine.

Nous nous sommes posé une question: Pourquoi cet empressement à vouloir légaliser les équipements et les infrastructures qui ont été mis en place par Hydro-Québec durant la crise du verglas? En fait, c'est le gouvernement qui crée lui-même ses propres conditions d'urgence et d'empressement, puisqu'il se refuse à soumettre l'ensemble du projet au processus d'audiences publiques prévu par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement.

Enfin, de ce côté-ci, nous avons notre hypothèse par rapport à ce réflexe. En fait, le gouvernement a refusé de soumettre l'ensemble du projet au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement parce qu'il a tout simplement peur des conclusions que pourrait tirer le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement sur cette question de sécuriser les équipements qui ont été construits.

En fait, plus d'un an après la crise du verglas, il y a lieu de se demander où est le caractère d'urgence? Où est-il, le caractère d'urgence maintes fois évoqué par le gouvernement pour justifier ses actions? On est en droit de se demander qu'est-ce qui arriverait l'hiver prochain si une nouvelle crise du verglas s'abattait sur le Québec. Serions-nous mieux protégés que lors de la crise de 1998? La réponse est non. La réponse est non parce que les nouvelles lignes de transport ne seront pas complétées et que, dans son empressement de faire passer la ligne Hertel–des Cantons, le gouvernement a complètement oublié les réseaux locaux. Et ce gouvernement se réveille aujourd'hui avec une recommandation du rapport Nicolet qui lui dit que la solution qu'il a choisie n'est pas complète.

Aujourd'hui, le ministre des Ressources naturelles est assis devant nous, est assis devant les membres de cette commission afin d'écouter les intervenants qu'il a lui-même choisis, qu'il a lui-même invités, pour toute la question de la sécurisation du réseau électrique. Comme j'ai dit tout à l'heure, nous sommes d'accord avec cette nécessité de sécuriser le réseau. Nous souhaitons également que le gouvernement puisse reprendre les travaux le plus rapidement possible mais qu'il le fasse en conformité avec les lois de l'Assemblée nationale.

Ce que nous cherchons à savoir, Mme la Présidente, ce que la population, en fait, cherche à savoir, c'est la vérité simplement. Alors, par exemple, la population qui est visée par le passage de la ligne Hertel–des Cantons a le droit de savoir pourquoi une telle ligne passe sur ses terrains. Est-ce qu'il s'agit d'un projet à double but, comme certains intervenants le croient – et je pense ici à la commission Nicolet? Est-ce qu'il s'agit d'une ligne qui va servir à sécuriser le réseau existant ou encore une ligne qui va être utile pour préparer une éventuelle interconnexion avec les États-Unis, interconnexion qui serait utilisée pour l'exportation?

(10 heures)

En fait, ce que nous voulons savoir et d'une manière claire, c'est pour quel prétexte Hydro-Québec tient absolument à avoir une ligne à 735 kV dans ce secteur? Il existait des solutions alternatives, et d'ailleurs mon collègue de Laurier-Dorion en a lui-même soumises au gouvernement. La Coalition des citoyens du Val-Saint-François également a même averti ce gouvernement que le choix de la ligne à 735 kV était une erreur parce que les matériaux nécessaires à sa construction ne seraient pas disponibles dans les temps requis. Ce gouvernement a choisi de ne pas écouter l'opposition et de ne pas écouter les citoyens du Val-Saint-François.

En fait, Mme la Présidente, il y a lieu de questionner l'utilité des consultations particulières aujourd'hui, puisque le gouvernement a déjà fait son lit. Il s'agit ici, et je le répète, d'une commission parlementaire dont les conclusions sont connues d'avance et malheureusement, malgré toutes les bonnes intentions, toute la bonne foi que vont déployer l'ensemble des invités qui se présenteront au cours des trois prochains jours, donc malgré toutes leurs bonnes intentions, leurs témoignages malheureusement n'auront que peu d'impact sur les conclusions de cette commission. Dans un sens ou dans l'autre, le ministre nous dira: Voyez, nous avons fait les bons choix.

Il est également déplorable de constater que le gouvernement a décidé, une fois de plus, de mettre de côté la Régie de l'énergie dans ce dossier. Et vous me permettrez de vous citer l'article 5 qui est contenu dans le projet de loi n° 42, qui mentionne que «la poursuite de ces constructions est subordonnée à l'autorisation de ce gouvernement, laquelle tiendra lieu de celle prévue au paragraphe 1 du premier alinéa de l'article 73 de la Loi sur la Régie de l'énergie».

Enfin, le message que le gouvernement est en train d'envoyer à la Régie de l'énergie – c'est un message qui est très clair – c'est que le gouvernement a choisi de se substituer aux compétences de la Régie de l'énergie. Ce qu'on dit d'une façon très claire, on dit à la Régie de se tasser carrément. Il s'agit bien sûr, encore une fois, d'une intrusion que nous déplorons.

Mme la Présidente, parce qu'il n'y a pas ici de place pour une discussion franche, ouverte, transparente et surtout utile au débat, l'opposition a décidé de ne pas participer à ces trois jours de consultations. Cependant nous tenons à nous excuser auprès de l'ensemble des groupes qui sont invités à ces consultations. Et je suis convaincue qu'ils comprendront les motifs qui conduisent l'opposition à ne pas cautionner la démarche actuelle du gouvernement. En fait, il s'agit de semblants de consultations dont les conclusions sont connues d'avance.

Ce que nous demandons au gouvernement, c'est qu'il respecte ses propres lois. Le ministre, tout à l'heure, insistait pour dire qu'on doit davantage s'attarder à la nécessité qu'à la manière sur cette question. Cependant, M. le ministre, la manière à utiliser dans ce dossier est drôlement importante, et celle-ci, par le passé, a été jugée illégale. Alors, si le gouvernement avait agi dans les règles de l'art, aujourd'hui nous ne serions pas en train de tenir des consultations publiques sur la question et le gouvernement n'aurait pas été forcé et obligé de présenter le projet de loi n° 42 pour légaliser l'ensemble des infrastructures qui ont été construites par Hydro-Québec durant la crise du verglas.

Alors, Mme la Présidente, c'est une décision qui est réfléchie de la part de l'opposition officielle et que nous avons prise en toute bonne foi. Alors, à ce stade-ci, Mme la Présidente, je vous remercie, et donc nous avons choisi de nous retirer immédiatement. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, Mme la députée de Bonaventure.

M. Brassard: Il me reste combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il vous restait quatre minutes, M. le ministre.

M. Brassard: Je vais les prendre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre.

Ils s'en vont. O.K.

M. Brassard: Alors, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): On va attendre que les gens évacuent, si vous le permettez, M. le ministre, pour que vous puissiez prendre la parole en toute quiétude.

M. Brassard: Oui, en toute sérénité. En toute sérénité.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, O.K., je pense qu'on peut procéder. Alors, M. le ministre.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Premièrement, le grand écran ne leur a pas nuit longtemps. Deuxièmement, je tiens à indiquer que, si c'est le gouvernement qui a dressé la liste des intervenants, c'est tout simplement parce que, contrairement à la coutume établie en cette Assemblée, l'opposition officielle a refusé catégoriquement, sans la moindre équivoque, de participer – c'est ce qu'on fait habituellement quand il y a des audiences particulières – à l'élaboration de la liste des intervenants.

Comme ça se pratique de tout temps en cette Assemblée, quand il y a des audiences particulières, l'opposition et le gouvernement discutent puis dressent ensemble la liste des intervenants. Il y a eu un refus catégorique de la part de l'opposition de participer le moindrement à l'élaboration de cette liste, alors évidemment le gouvernement, le parti ministériel a été dans l'obligation de dresser lui-même et tout seul cette liste d'intervenants. Je comprends mal que l'opposition officielle nous accuse d'avoir dressé la liste tout seul; ils n'ont jamais voulu y participer, contrairement à ce qui se pratique régulièrement et coutumièrement en cette Chambre.

Deuxièmement, alors, on le voit très bien... Je ne suis pas scandalisé outre mesure de leur départ. J'ai déjà tenu une commission parlementaire avec une opposition qui tenait le même discours – elle portait, celle-ci, sur la déclaration de Calgary, vous vous en souviendrez sans doute, Mme la Présidente – alors je suis un peu blindé à cet égard. C'est leur choix.

Et manifestement, quand on prend connaissance de la déclaration liminaire de l'opposition, on se rend compte que leurs beaux discours ou leur intérêt sur la sécurisation de l'alimentation de l'électricité, c'est tout à fait factice – c'est tout à fait factice – et que manifestement l'opposition officielle, le Parti libéral du Québec, a décidé – c'est son choix – de se coller à la position d'un groupe en particulier, qui est le groupe qui a contesté la ligne Hertel–des Cantons devant les tribunaux, le groupe de Val-Saint-François. C'est leur choix. C'est leur choix, mais, nous, notre vision est pas mal plus large et plus globale.

Oui, je pense qu'on doit se soucier de l'intérêt des citoyens de Val-Saint-François, mais je pense qu'il faut aussi se préoccuper de l'intérêt et de la sécurité de l'alimentation électrique de toute la population du Québec, pas uniquement de la population d'une MRC ou de certaines municipalités. Il faut se préoccuper de la sécurité de l'approvisionnement électrique de toute la population du Québec, de tout le peuple québécois, des 7 000 000 de Québécois. C'est ça, notre intérêt.

Et je pense que cette commission parlementaire, malgré le départ de l'opposition, demeure pertinente et sera sans aucun doute extrêmement utile parce que, encore une fois, je le répète, au bout de ces trois jours, nous comprendrons mieux ce qui s'est fait pour augmenter le niveau de sécurité d'approvisionnement en électricité des Québécois et des Québécoises et ce qui reste à faire. Et, à ce moment-là, je pense que pas seulement les parlementaires comprendront mieux, mais tous les Québécois et toutes les Québécoises qui vont nous écouter.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre, c'est terminé.


Auditions

Je vois que nos invités ont déjà pris place, alors M. Caillé, si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent.


Hydro-Québec (HQ)

M. Caillé (André): Merci, Mme la Présidente, Mmes et MM. les membres de cette commission. Les personnes qui m'accompagnent sont: Yves Filion, à ma gauche, ici, directeur général adjoint; et, à ma droite, Jacques Régis, président de TransÉnergie; et Serge Robin, ingénieur à Hydro-Québec.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Caillé, j'aimerais, à ce moment-ci, vous rappeler que vous avez une possibilité de 90 minutes pour une présentation. Le reste du temps, c'est-à-dire l'heure qui reste, qui a été prévue à cette rencontre, ce matin, serait normalement divisée en parties égales entre le gouvernement et l'opposition. Maintenant, compte tenu des événements, en tout cas, on pourra aviser, mais il n'en reste pas moins qu'il y a une heure de possibilité d'échanges entre nous.

Avant, cependant, que vous poursuiviez vos travaux, je sais qu'il y a une mise en place à être faite, alors je pense qu'il faudrait probablement suspendre quelques minutes pour compléter les installations. Est-ce que vous aviez cependant quelques remarques avant de faire...

M. Caillé (André): Mme la Présidente, je n'ai pas besoin, quant à moi, du support audiovisuel, c'est mon collègue qui va s'en servir par la suite, dans peut-être cinq à 10 minutes. Alors, je pourrais faire ma présentation immédiatement, si tel est votre choix.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est ça. Alors, vous allez m'aviser quand vous aurez des besoins, pour qu'on suspende pour mettre en place vos équipements.

M. Caillé (André): Très bien.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous en prie. Alors, allez-y, M. Caillé.

(10 h 10)

M. Caillé (André): Oui. Mme la Présidente, il est nécessaire de renforcer les réseaux d'Hydro-Québec. Ce qui a été fait en 1998 améliore la situation, mais ce n'est pas suffisant. C'est la sécurité des personnes de même que la sécurité de leurs biens qui sont ici en cause. Rappelons-nous que 3 000 000 de personnes ont été privées d'électricité en janvier 1998, 3 000 000 de personnes qui dépendent souvent de l'électricité non seulement pour l'éclairage, mais également pour le chauffage de leurs résidences.

Rappelons-nous également que l'activité économique a été paralysée pendant une semaine au centre-ville de Montréal et de deux à cinq semaines en Montérégie et sur la Rive-Sud de Montréal. On a évalué les coûts pour l'économie québécoise à 3 000 000 000 $.

Je veux aujourd'hui rassurer nos clients. Hydro-Québec n'a pas changé, Hydro-Québec considère toujours qu'elle a l'obligation de fournir un service fiable d'électricité. Hydro-Québec agira donc avec diligence, c'est-à-dire le plus rapidement possible. À cet égard, je suis heureux que cette commission parlementaire nous donne l'occasion de faire le point sur, premièrement, ce qui a été fait et, deuxièmement, ce qui reste à faire.

En effet, même si les performances antérieures de nos réseaux se comparent à celles d'autres réseaux en Amérique du Nord ou ailleurs dans le monde, nous proposons quand même la réalisation des travaux qui sont nécessaires pour que plus jamais, plus jamais une telle situation puisse se produire.

Globalement, en février 1998, nous avions trois options. Premièrement, reconstruire les réseaux et attendre la suite des choses. Ce n'était pas et ce n'est toujours pas conforme à notre politique de qualité de services, et, par conséquent, agir ainsi, ce serait agir en deçà de nos responsabilités. Deuxième option, renforcer l'ensemble du réseau existant pour qu'il puisse résister à une aussi grande charge de glace que celle qu'on a connue au mois de janvier. Ce n'est pas faisable, tant d'un point de vue esthétique que d'un point de vue environnemental. Troisième option, adopter une approche ciblée de renforcement du réseau. C'est l'option que nous avons retenue.

Premièrement, procéder au bouclage des régions touchées par le verglas: la Montérégie, oui, la Rive-Sud de Montréal aussi – on l'oublie souvent – l'Outaouais de même que le centre-ville de Montréal. Incidemment, toutes les régions du Québec susceptibles d'être affectées par le verglas doivent avoir la même protection. Même tarif à l'échelle de tout le territoire du Québec, même protection à l'échelle de tout le territoire du Québec. C'est une question d'équité.

Les études réalisées à cette date montrent que le bouclage existant dans la région de la ville de Québec, ici même, à Québec, doit être renforcé; il le sera cette année et l'an prochain. Heureusement, dans ce cas il est possible d'atteindre tous nos objectifs de renforcement en demeurant à l'intérieur des corridors existants. Nous avons aussi recommandé la construction d'une interconnexion avec l'Ontario afin de doter le Québec d'une nouvelle source dans le but d'accroître la sécurité d'alimentation.

Troisièmement, nous avons recommandé l'accélération du programme de déglaçage tant au niveau de la recherche et du développement qu'au niveau de l'implantation des technologies existantes. À la demande du conseil d'administration d'Hydro-Québec, un comité d'experts internationaux, présidé par l'ingénieur Roger Warren, a été formé pour obtenir des avis concernant les différentes solutions techniques possibles, pour obtenir également des avis sur le renforcement de nos réseaux existants ainsi que sur un ensemble d'autres questions reliées à la sécurité d'alimentation.

À la conclusion de ses travaux, le comité a appuyé les solutions retenues par Hydro-Québec, telles: l'intégration de Beauharnois dans l'alimentation de Montréal; le relèvement des critères de conception des réseaux; le bouclage des réseaux, en insistant pour que le même travail de bouclage soit exécuté ailleurs lorsque requis. Plus récemment, nous avons été satisfaits de constater que les conclusions de la commission présidée par l'ingénieur Roger Nicolet vont dans le même sens et reconnaissent la nécessité de renforcer les réseaux d'Hydro-Québec.

Les travaux réalisés jusqu'à ce jour ont fait que l'hiver dernier un verglas comme celui de 1998 aurait eu un impact moindre sur l'alimentation électrique au Québec. En effet, nous avons relevé les critères de conception pour la remise en état des réseaux, nous avons bouclé le poste de Saint-Césaire, nous avons construit une interconnexion temporaire entre le Québec et l'Ontario. Mais c'est loin d'être suffisant. Malgré les travaux réalisés, un verglas de même nature aurait quand même eu des impacts considérables.

Personne, personne, Mme la Présidente, n'est en mesure de se prononcer de manière sûre et certaine sur la récurrence d'un événement semblable. Ce que l'on sait, c'est que les verglas ont été fréquents au cours des dernières années. Nous avons connu un verglas de 40 mm dans Lanaudière en 1997; un givre de 35 mm à Churchill Falls en décembre 1997; un givre de 35 mm au Saguenay en décembre 1997; un verglas, en janvier 1998, que tout le monde connaît, qui a atteint jusqu'à 100 mm de glace; un autre verglas, après celui de janvier 1998, beaucoup moins connu, dans la région de Manicouagan; et finalement un givre de 54 mm sur la Côte-Nord le 7 avril dernier, il y a un petit peu plus d'un mois. Il nous apparaît important, il nous apparaît très important, Mme la Présidente, de compléter les travaux à l'intérieur des meilleurs délais.

Cela dit, nous sommes conscients qu'aucun projet ne peut répondre à toutes les demandes formulées par le milieu. Nous sommes conscients également que l'on peut se rapprocher de la satisfaction générale en dialoguant le plus possible avec les populations touchées par nos ouvrages. Nous sommes donc confiants qu'il est possible de réaliser nos projets avec diligence dans le respect de l'environnement, d'une part, et en obtenant un consensus satisfaisant parmi les communautés touchées, d'autre part. Merci de votre attention.

Je vais céder maintenant la parole à mon collègue M. Robin. Il va vous faire une présentation qui sera disponible sur Internet dans les prochains jours et qui sera également utilisée par Hydro-Québec au cours d'échanges à venir avec l'ensemble de la population du Québec. M. Robin vous montrera en fait ce qui a été fait et l'amélioration correspondante ainsi que ce qui reste à faire et dans quel but. Je pense, madame, que c'est à ce moment que... ajourner pour permettre aux techniciens...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est à ce moment-ci qu'on demande une suspension? Oui. Alors, je suspends les travaux pour quelques minutes, pour permettre l'installation des équipements.

(Suspension de la séance à 10 h 18)

(Reprise à 10 h 20)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, si vous permettez, nous allons donc... Est-ce que les membres de la commission peuvent s'approcher qu'on puisse reprendre nos travaux?

Alors, M. Robin, vous pouvez débuter; vous pouvez commencer.

M. Robin (Serge): Merci, Mme la Présidente. Mmes et MM. les membres de la commission, merci de me permettre d'utiliser ce moyen audiovisuel – je pense que vous allez comprendre pourquoi. Il va sûrement probablement m'aider aussi, comme a dit M. Brassard, à essayer d'être le meilleur pédagogue possible.

Cette présentation se divise en deux grandes parties. Tout d'abord, nous aborderons rapidement les mesures prises par Hydro-Québec pour améliorer la sécurité d'alimentation sur le réseau de distribution; par la suite, nous verrons la stratégie et les projets mis en oeuvre pour améliorer la sécurité d'alimentation sur le réseau de transport.

Nous parlerons notamment des projets de bouclage, d'une interconnexion avec l'Ontario et de certains projets complémentaires dans les régions touchées par le verglas de 1998. Par la suite, nous verrons comment Hydro-Québec entend sécuriser l'alimentation électrique pour l'ensemble de sa clientèle.

Parlons d'abord du réseau de distribution. L'électricité qui est produite dans les centrales d'Hydro-Québec est acheminée sur de longues distances par le réseau de transport jusqu'aux centres de consommation. De là, la tension est abaissée et l'électricité emprunte le réseau de distribution pour se rendre à chaque client.

Le réseau de distribution d'Hydro-Québec est très étendu. Il compte plus de 100 000 km de lignes. La principale zone affectée par le verglas de 1998 a couvert 10 % du réseau de distribution, soit 10 000 km de lignes, dont environ 34 % ont été endommagées. Les dommages subis par le réseau de distribution peuvent être attribués à deux causes principales. Dans les zones à faible densité de population, à l'effet combiné du vent et d'une surcharge de glace qui dépassait les critères de conception. Dans ces zones, environ 3 300 km de lignes ont été endommagées sur un total de 6 000 km. Dans les zones à moyenne et forte densités de population, les dommages ont surtout été causés par la chute de branches et d'arbres sur les lignes. Dans ces zones, environ 100 km de lignes ont été endommagées sur un total de 4 000 km.

Afin d'améliorer la sécurité d'alimentation sur le réseau de distribution, Hydro-Québec a entrepris d'augmenter la maîtrise de la végétation dans les zones à risque de verglas moyen, c'est-à-dire dans la plupart des régions du Québec, et de renforcer le réseau dans les zones à risque de verglas élevé comme la Montérégie, la région de Québec et le Bas-Saint-Laurent.

Les mesures déployées permettront d'atteindre les objectifs suivants d'ici 2002: réalimenter la majorité des clients en une semaine et avoir un délai de rétablissement plus court pour les clients prioritaires qui assurent les services essentiels à la population, comme, par exemple, les hôpitaux. Pour atteindre ces deux objectifs, le programme de renforcement en cours vise à renforcer le réseau en rehaussant les critères de conception et les facteurs de sécurité et à s'assurer d'un mode de défaillance des composants permettant de minimiser les dommages et les délais de rétablissement.

En janvier 1998, plus de 16 000 poteaux sont tombés et leur remise en état a exigé 80 % du délai de rétablissement. Avec les mesures de renforcement que nous prenons, le réseau de distribution alimentant des clients prioritaires assurant des services essentiels devrait être peu endommagé par un verglas de la même ampleur que celui de 1998. Cependant, si la charge de glace devait dépasser les critères de conception, les fils tomberont avant d'entraîner les poteaux avec eux. Ainsi, nous pourrons réduire considérablement les délais de rétablissement.

Par ailleurs, en milieu urbain, il faut souligner que les réseaux aériens sont déjà robustes, leur point faible étant leur exposition à la végétation. Un programme d'élagage additionnel a donc été entrepris pour réduire les impacts de conditions climatiques extrêmes. La fiabilité de l'alimentation de la clientèle passe par une certaine flexibilité au niveau des sources d'alimentation et des lignes de relève.

Dans un premier cas, on prévoit assurer l'alimentation de la clientèle en créant un lien de distribution interpostes, entre un poste renforcé et un poste non renforcé. Ainsi, la perte du poste non renforcé n'affectera pas la clientèle, puisque la relève d'alimentation sera assurée par un lien robuste. Dans un second cas, la relève d'alimentation est assurée par une ligne de distribution renforcée provenant d'un autre poste. Ces solutions correspondent en quelque sorte à des bouclages renforcés du réseau de distribution.

Dans le cas des réseaux urbains, l'enfouissement est une option nécessitant des efforts au niveau de la réduction des coûts. Hydro-Québec poursuit ses actions pour rendre cette solution plus économique. Nos orientations sont les suivantes: réduire les coûts d'implantation en favorisant l'introduction de technologies à plus faible coût; optimiser les solutions en favorisant la concertation avec les autres propriétaires de réseaux de services publics.

Dans ce contexte, Hydro-Québec a confié au Centre d'expertise et de recherche en infrastructures urbaines, le CERIU, le mandat d'identifier les conditions technicoéconomiques favorisant, à meilleur coût, l'enfouissement des réseaux existants de services publics en milieu urbain, en concertation avec les compagnies d'utilité publique et les principaux intervenants du domaine municipal. Par souci d'équité pour l'ensemble de nos clients, nous favorisons en outre le maintien d'une approche équitable de partage des coûts.

Enfin, Hydro-Québec entend continuer à contribuer à l'embellissement du milieu par des programmes d'enfouissement, particulièrement dans les sites ayant une valeur patrimoniale.

Bien entendu, les améliorations apportées au réseau de distribution sont inutiles si celui-ci n'est pas alimenté adéquatement par le réseau de transport. On se souviendra que, en janvier 1998, les effets combinés du vent et de la charge de glace ont endommagé 116 lignes du réseau de transport québécois. Aux pires moments de la tempête, il ne restait plus qu'une seule ligne à 735 kV ou, si vous préférez, à 735 000 volts, en service dans la boucle métropolitaine, soit la ligne qui relie le poste Duvernay au poste Chénier. Il s'agit de la ligne verte, en passant au nord de Montréal, que l'on voit sur l'écran. Toutes les lignes en rouge, en pointillé, étaient alors hors service. On observera cependant que le poste des Cantons était toujours alimenté. Toute la Montérégie était plongée dans le noir de même que Montréal et la Rive-Sud. L'alimentation en eau potable du centre-ville de Montréal a été menacée et l'activité économique de toute la région métropolitaine a été perturbée.

La région de l'Outaouais a, elle aussi, été coupée du reste du réseau provincial et son alimentation électrique était fragile. Immédiatement après la tempête, Hydro-Québec a entrepris de remettre l'ensemble de son réseau en état. Une quarantaine de projets de reconstruction ont été réalisés en 1998, à temps pour la pointe de l'hiver dernier. La majorité des lignes qui ont été reconstruites sont plus robustes et peuvent mieux résister à des accumulations de verglas. Parallèlement à ces travaux de remise en état, nous avons entrepris d'autres projets pour améliorer la sécurité de l'alimentation électrique de nos clients.

Voici donc la stratégie adoptée et les projets mis en oeuvre pour renforcer le réseau de transport d'Hydro-Québec. Dans le cas du réseau de transport, la stratégie adoptée avait pour objectif d'améliorer la sécurité de l'alimentation électrique des régions touchées par le verglas. On parle ici de Montréal, de la Rive-Sud, de la Montérégie et de l'Outaouais. D'autres mesures sont prises pour l'ensemble de la clientèle québécoise et pour les autres régions exposées à des risques de verglas. Nous y reviendrons à la fin de cette présentation.

(10 h 30)

Afin d'améliorer la sécurité d'alimentation de façon durable, nous avons retenu deux grandes orientations: diversifier les sources d'alimentation en électricité et utiliser des corridors géographiquement distincts pour éviter qu'un même phénomène climatique affecte toutes les lignes.

Au nombre des mesures que nous avons adoptées, nous avons entrepris de construire des lignes pour boucler le réseau de transport dans les régions touchées par le verglas. Cette solution permet de maintenir l'alimentation, même dans l'éventualité de la perte d'une ligne. L'augmentation de la capacité d'échange avec les réseaux voisins permet aussi d'améliorer la sécurité en diversifiant nos sources d'alimentation. Au niveau de la robustesse des lignes, des critères plus élevés ont été appliqués aux nouvelles lignes afin qu'elles puissent supporter une plus grande charge de glace. Enfin, des projets complémentaires ont été mis en oeuvre pour améliorer la sécurité de l'alimentation.

Plus spécifiquement, Hydro-Québec s'est engagée l'an dernier dans la réalisation de quatres projets de bouclage et d'une interconnexion avec l'Ontario: le projet de la ligne à 735 kV des Cantons–Montérégie–Hertel, qui vise à créer une boucle à 735 kV avec le réseau existant, c'est la boucle montérégienne; le projet de la ligne à 315 kV Aqueduc–Atwater, qui permet de créer une boucle à 315 kV, c'est la boucle du centre-ville de Montréal; le projet de la ligne à 315 kV Grand-Brûlé– Vignan, qui vise à créer une boucle à 315 kV, c'est la boucle outaouaise; le poste outaouais et une ligne à 230 kV jusqu'à la frontière de l'Ontario pour réaliser une nouvelle interconnexion de 1 250 MW; et enfin, le réaménagement du réseau entre Québec et Trois-Rivières pour créer la boucle Québec–Mauricie.

Trois projets complémentaires ont en outre été entrepris pour améliorer la sécurité de l'alimentation électrique. Il s'agit de la ligne Duvernay–Anjou, de l'intégration de la centrale de Beauharnois au réseau de Montréal et du renforcement de l'alimentation du centre-ville de Québec.

Avant de voir plus en détail les objectifs et la nature de ces projets, permettez-moi de présenter un schéma simplifié qui permet de bien comprendre comment une boucle améliore la sécurité de l'alimentation électrique. Dans ce schéma, les points A, B et C représentent des centres de consommation, des villes ou des villages. L'électricité en provenance du reste du réseau parvient au point A par le biais de deux lignes distinctes et elle est dirigée vers les points B et C par les lignes électriques représentées par les traits qui relient ces points. Que se passe-t-il si une ligne tombe en panne, par exemple entre le point A et le point B? Dans un tel cas, les points B et C sont privés d'électricité.

Voyons maintenant comment une ligne électrique entre le point A et le point C permet d'améliorer la sécurité d'alimentation en formant une boucle. En cas de panne, peu importe où elle se produit, les trois points continueront d'être alimentés, puisque l'électricité peut circuler dans un sens ou dans l'autre. La ligne qui vient fermer la boucle agit un peu comme une roue de secours. Il s'agit d'une solution universelle qui permet d'améliorer la sécurité de l'alimentation peu importent les causes de la défaillance. Évidemment, pour être efficace, une boucle doit être formée par des lignes électriques utilisant des corridors distincts. On réduit ainsi le risque qu'elles soient toutes affectées en même temps par un phénomène naturel.

Voyons maintenant comment Hydro-Québec a appliqué ce principe dans ses projets d'amélioration de la sécurité de l'alimentation électrique. Commençons par la Montérégie. En formant une boucle avec le réseau de transport existant à 735 kV, la ligne des Cantons– Montérégie–Hertel vise deux grands objectifs: doter Montréal et la Rive-Sud via le poste Hertel d'une source d'alimentation additionnelle de 2 000 MW provenant d'un axe géographiquement distinct; doter la Montérégie via le poste de la Montérégie d'une source d'alimentation additionnelle provenant d'un axe géographiquement distinct. Le projet consiste à construire une ligne à 735 kV du poste des Cantons jusqu'au poste Hertel en passant par un nouveau poste, le poste de la Montérégie.

Pourquoi une ligne à 735 kV? Parce que c'est le seul niveau de tension permettant d'amener 2 000 MW vers Montréal en construisant une seule ligne. Aux autres niveaux de tension, il faudrait construire plusieurs lignes. Pour atteindre nos objectifs en matière de sécurité, Hydro-Québec a envisagé toutes les solutions possibles, y compris celles proposées par le milieu. Seule la ligne à 735 kV des Cantons–Montérégie–Hertel permet d'atteindre ces objectifs en apportant une source d'alimentation additionnelle à Montréal et à la Rive-Sud dans un axe différent tout en améliorant la sécurité d'alimentation en Montérégie.

Regardons les avantages de ce projet en termes de sécurité d'alimentation. Si le poste Hertel perdait son alimentation, comme ce fut le cas en janvier 1998, on disposera d'une source additionnelle dans un axe différent pour amener 2 000 MW au poste Hertel. On sécurise ainsi l'alimentation du centre-ville de Montréal et de la Rive-Sud dont les besoins globaux totalisent environ 2 900 MW pour une population de 920 000 personnes.

Par ailleurs, en cas de défaillance du corridor Boucherville–Saint-Césaire, comme ce fut le cas en janvier 1998, on dispose d'une source additionnelle dans un axe différent pour sécuriser l'alimentation d'une population de 290 000 personnes en Montérégie, soit 80 000 dans la région de Farnham–Bedford–Iberville, 125 000 dans la région Granby–Waterloo–Cowansville et 85 000 dans la région de Saint-Hyacinthe–Sainte-Rosalie.

Le projet présente aussi d'autres avantages pour l'Estrie et la région de Drummondville. Si le poste des Cantons perdait ses autres sources d'alimentation, on disposera d'une source additionnelle dans un axe différent pour sécuriser l'alimentation des 140 000 personnes vivant en Estrie. Par ailleurs, en cas de défaillance du corridor reliant le poste Nicolet à la région de Drummondville, l'alimentation des 125 000 personnes de cette région sera sécurisée par le poste de la Montérégie. Le projet de la boucle montérégienne permet aussi le bouclage du réseau à 120 kV de la Montérégie. Ainsi, par exemple, les populations de Saint-Hyacinthe, Saint-Césaire et Granby pourront être alimentées soit par le futur poste de la Montérégie soit par le poste de Saint-Césaire actuel. Enfin, la ligne des Cantons-Montérégie-Hertel permet d'ajouter un nouveau lien à 735 kV entre Québec et Montréal. Ainsi, en cas de défaillance du corridor Nicolet–Montréal, le corridor Hertel–des Cantons–Nicolet pourrait prendre la relève.

À l'heure actuelle, le projet de la boucle montérégienne est réalisé en partie. Un tronçon de 100 km de ligne à 735 kV, exploitable à 230 kV, a été construit entre le poste des Cantons et Saint-Césaire. Des travaux de raccordement d'une durée de quatre heures sont requis pour utiliser cette ligne en cas de nécessité. Dans l'état actuel, le projet permet de sécuriser environ 50 % des besoins en Montérégie, soit 600 MW sur les 1 150 MW requis pour les besoins d'une population de 290 000 personnes.

Pour ce qui est du centre-ville de Montréal et de la Rive-Sud, le projet dans son état actuel n'apporte aucune amélioration de la sécurité d'alimentation des 925 000 personnes qui y vivent, sans compter les commerces, les industries et les services publics. Compte tenu de la gravité des risques encourus par nos clients en Montérégie, à Montréal et sur la Rive-Sud, Hydro-Québec juge qu'il est nécessaire et urgent de compléter ce projet. Cela signifie: la construction de 45 km de ligne entre Saint-Césaire et le poste Hertel; la construction du poste de la Montérégie à Sainte-Cécile-de-Milton; et la réalisation des raccordements nécessaires au bouclage du réseau à 120 kV. Une fois les autorisations obtenues, Hydro-Québec est en mesure d'achever la construction de la ligne en cinq mois et l'aménagement du poste en 22 mois.

(10 h 40)

Abordons maintenant le deuxième projet: la boucle du centre-ville de Montréal. Ce projet consiste à construire une ligne renforcée d'environ 7 km afin de créer une boucle à 315 kV entre les postes Hertel, Viger et Aqueduc. Comme on peut le constater sur la carte, il y a déjà une boucle, mais la section entre les postes Aqueduc et Atwater est à 120 kV, ce qui limite le transit à 500 MW. La ligne existante a été démantelée et remplacée par une ligne biterne, c'est-à-dire comportant deux circuits supportés par une même série de pylônes. Un circuit sera exploité à 315 kV, permettant ainsi de créer la boucle, tandis que l'autre sera exploité à 120 kV. La création d'une boucle à 315 kV permet de sécuriser l'alimentation électrique des commerces, des industries, des services publics et des 500 000 personnes vivant au centre-ville, en augmentant de 500 à 1 500 MW la capacité de transit entre les postes Aqueduc et Atwater. Advenant une défaillance de la ligne Hertel–Aqueduc, comme en janvier 1998, le centre-ville peut être alimenté par le corridor Hertel– Viger–Aqueduc. Par ailleurs, advenant une défaillance de la ligne Hertel–Viger, c'est le corridor Hertel– Aqueduc–Viger qui pourrait prendre la relève.

À l'heure actuelle, le projet de la boucle du centre-ville de Montréal est réalisé en partie. La ligne à 315 kV est construite, mais elle est exploitée à 120 kV, ce qui fait que la capacité de transit est toujours limitée à 500 MW entre les postes Aqueduc et Atwater. Compte tenu de la gravité des risques encourus par nos clients du centre-ville de Montréal, Hydro-Québec juge qu'il est nécessaire et urgent de compléter ce projet. Les travaux requis pour compléter le projet de la boucle du centre-ville de Montréal comprennent: l'enfouissement d'un câble à 120 kV de 3,5 km entre les postes Atwater et Hadley; les raccordements à 315 kV dans les postes; et le démantèlement d'une section de ligne à 120 kV. Une fois les autorisations obtenues, Hydro-Québec est en mesure d'achever ce projet en neuf mois, en excluant les mois d'hiver. Compte tenu de l'arrêt des travaux, il est devenu pratiquement impensable de réaliser ce projet pour l'hiver 1999-2000.

En plus de la ligne des Cantons–Hertel et de la boucle du centre-ville de Montréal, deux autres projets permettent d'améliorer la sécurité de l'alimentation à Montréal. Le premier projet vise l'intégration de la production de la centrale de Beauharnois au réseau de Montréal. Cela sera rendu possible par l'augmentation de la capacité de transit de 500 MW à 1 050 MW. Le deuxième projet, la ligne Duvernay–Anjou, est déjà en exploitation. Bien que son rôle principal soit de renforcer le réseau à 315 kV qui alimente 300 000 clients et les raffineries de l'est de Montréal, cette ligne permet de sécuriser l'alimentation de 400 MW vers le centre-ville de Montréal par le biais du réseau à 120 kV.

Passons maintenant à l'Outaouais. Dans cette région, deux projets sont prévus: la construction d'une nouvelle ligne pour créer la boucle outaouaise et la construction d'une interconnexion de 1 250 MW avec l'Ontario. Le projet de la boucle outaouaise vise à doter la région de l'Outaouais d'une source d'alimentation additionnelle utilisant un axe géographiquement distinct. De plus, pour répondre efficacement aux besoins, cette boucle doit permettre de sécuriser l'alimentation de la grande région de Gatineau-Hull. Actuellement, les besoins des clients de la région sont comblés à 50 % par la ligne à 315 kV Chénier–Vignan et à 50 % par les centrales locales.

Le projet de la boucle outaouaise consiste à construire une nouvelle ligne renforcée à 315 kV entre le poste Grand-Brûlé, à Saint-Jovite, et le poste Vignan, à Gatineau. En créant une boucle entre les postes Vignan, Chénier et Grand-Brûlé, cette ligne procure une source d'alimentation additionnelle pour l'Outaouais dans un axe géographiquement distinct. Elle permet également de rejoindre la grande région de Gatineau-Hull. Le projet permet de sécuriser l'alimentation électrique des commerces, des industries, des services publics et des 250 000 personnes vivant dans la région.

Dans l'éventualité d'une défaillance de la ligne Chénier–Vignan, comme en 1998, la région peut être alimentée par le corridor Grand-Brûlé–Vignan. Par ailleurs, advenant une défaillance de la ligne Grand-Brûlé–Vignan, c'est le corridor Chénier–Vignan qui pourrait prendre la relève.

Comme la ligne Grand-Brûlé–Vignan ne pouvait être construite en 1998, nous avons réalisé un projet temporaire pour améliorer la sécurité de l'alimentation régionale en cas d'urgence. Le projet consistait en l'aménagement d'un poste temporaire à Ange-Gardien et à la construction d'une ligne de 12,5 km raccordée au réseau de la MacLaren près de la rivière des Outaouais. Ce lien temporaire permet d'importer environ 400 MW de l'Ontario en situation d'urgence.

Il s'agit vraiment d'une solution temporaire dont les avantages sont très limités: premièrement, cette solution ne sera utile que si le réseau ontarien n'est pas affecté par les mêmes problèmes; de plus, la solution ne permet pas d'éviter une panne. Dans une telle éventualité, il faudra d'abord raccorder les équipements aux réseaux du Québec et de l'Ontario, puis détacher des clients québécois de notre réseau, pour qu'ils puissent être alimentés par le réseau ontarien. Toute cette procédure exige un délai pouvant atteindre jusqu'à une journée.

Compte tenu de la gravité des risques encourus par nos clients de l'Outaouais, Hydro-Québec juge qu'il est nécessaire et urgent de réaliser le projet de la ligne Grand-Brûlé–Vignan. Pour compléter le projet de la boucle outaouaise, il reste encore à construire la ligne à 315 kV Grand-Brûlé–Vignan et à apporter les modifications nécessaires aux deux postes. Une fois les autorisations obtenues, Hydro-Québec est en mesure d'achever ce projet en 11 mois.

Le deuxième projet prévu en Outaouais ne vise pas à sécuriser l'alimentation électrique de la région, mais bien celle de l'ensemble du réseau québécois. Il s'agit de la construction d'une interconnexion de 1 250 MW avec l'Ontario. Cette nouvelle interconnexion bidirectionnelle vient créer une source additionnelle dans l'ouest de la province, permettant ainsi de diversifier le choix des interconnexions capables d'alimenter le Québec. Le projet comprend: un nouveau poste d'interconnexion, le poste Outaouais, situé à Ange-Gardien; et une ligne à 230 kV d'environ 15 km entre ce poste et la frontière de l'Ontario. Du côté ontarien, des travaux sont également prévus pour construire une ligne à 230 kV de la frontière jusqu'au poste Hawthorne situé près d'Ottawa.

Pour comprendre le rôle joué par l'interconnexion avec l'Ontario, il faut considérer le réseau de transport dans son ensemble. Celui-ci s'étend sur de très longues distances pour relier les grandes centrales situées dans le nord aux centres de consommation situés dans le sud. Le réseau compte des interconnexions importantes permettant des échanges en permanence avec: le Nouveau-Brunswick à l'est, la Nouvelle-Angleterre et l'État de New York au sud. Dans l'ouest du Québec, il n'existe pas de telles interconnexions. La nouvelle interconnexion avec l'Ontario permettra de diversifier les interconnexions et d'ajouter une source additionnelle de 1 250 MW.

Advenant une défaillance du corridor venant de Churchill Falls ou de l'un des corridors en provenance de la Baie James, les interconnexions avec les réseaux voisins permettent de sécuriser l'alimentation électrique de l'ensemble des Québécois. Pour réaliser l'interconnexion avec l'Ontario, les travaux requis comprennent la construction du poste Outaouais et la construction de 2,5 km de ligne près de la rivière des Outaouais. Une fois les autorisations obtenues, Hydro-Québec est en mesure d'achever ce projet en 23 mois.

Passons maintenant au quatrième et dernier projet de bouclage: la boucle Québec–Mauricie. Ce projet a pour objectif de résoudre le problème de surcharge des lignes à 315 kV formant cette boucle et d'augmenter la capacité de transit de 800 à 1 300 MW du poste Mauricie vers la région de Montréal. Le projet consiste en la construction d'une ligne à 315 kV d'un peu plus de 2 km à la sortie du poste Jacques-Cartier, à proximité de Pont-Rouge. Le projet comporte également un réaménagement des lignes et des postes existants.

(10 h 50)

Ce projet est déjà réalisé en partie. Une fois les autorisations obtenues, Hydro-Québec est en mesure de l'achever en huit mois, en excluant les mois d'hiver. Compte tenu de l'arrêt des travaux, il est devenu pratiquement impensable de réaliser ce projet pour l'hiver 1999-2000.

Un autre projet est prévu en vue de sécuriser l'alimentation électrique des commerces, des industries, des services publics et des 350 000 personnes vivant au centre-ville de Québec et à Sainte-Foy. Ce projet comprend: la reconstruction de lignes à 230 kV alimentant les postes de Québec et La Suète, situés à Sainte-Foy, à partir du poste Laurentides, situé à Charlesbourg; ainsi que l'addition de transformations 315 kV-230 kV au poste Québec afin de permettre le bouclage du réseau à 315 et à 230 kV.

Voyons maintenant l'état actuel de la sécurité de l'alimentation ailleurs au Québec. On voit ici une carte de l'ensemble du réseau de transport montrant les zones à risque de givre ou de verglas. Présentement, la sécurité de l'alimentation électrique de la Côte-Nord est déjà assurée par des sources d'alimentation géographiquement distinctes venant du nord et du sud ainsi que par la proximité d'importantes centrales.

Au Saguenay et en Mauricie, la population peut aussi compter sur des sources d'alimentation géographiquement distinctes et sur la production de centrales locales. Le réseau de transport du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie est bouclé en partie et des techniques de déglaçage y sont déjà en application sur plusieurs lignes à 230 et à 315 kV. Dans l'Est du Québec et la Beauce, le réseau de transport est également bouclé et profite des technique de déglaçage. Enfin, les régions des Laurentides et de Lanaudière peuvent être alimentées par deux sources distinctes: la région des Laurentides par le biais des lignes venant de Montréal et de la Baie-James et la région de Lanaudière par le biais des lignes venant de Montréal et de Québec.

Mais Hydro-Québec ne s'arrête pas là. Des mesures doivent encore être mises en place pour améliorer la sécurité de l'alimentation dans ces régions à risque de verglas. De plus, pour améliorer la sécurité de l'alimentation électrique dans l'ensemble du Québec, nous avons identifié les grands axes stratégiques constituant l'ossature minimum du réseau de transport à 735 kV. Les coûts de renforcement étant très élevés, il est important d'optimiser les choix et d'intégrer l'ensemble des solutions possibles.

Différentes solutions sont envisagées pour assurer l'intégrité des axes stratégiques du réseau, comme différentes techniques de déglaçage, ou le renforcement des lignes existantes, ou encore une combinaison de ces deux solutions. Présentement, certaines méthodes de déglaçage sont en usage pour certaines de nos lignes à basse tension. D'autres techniques pourraient être adoptées sur d'autres lignes. Chaque solution doit être analysée en fonction des caractéristiques propres à chaque ligne.

En terminant, quelques mots au sujet de l'envergure de ces travaux de renforcement. À l'heure actuelle, un peu plus d'un an après la tempête de verglas de janvier 1998, Hydro-Québec a déployé tous les efforts requis pour améliorer la sécurité de l'alimentation électrique des Québécois. L'ensemble des projets de renforcement sur les réseaux de distribution et de transport représente un engagement budgétaire de plus de 1 000 000 000 $, dont environ un tiers est déjà dépensé.

Grâce à la collaboration des ministères, municipalités, organismes et des communautés intéressées par nos projets, nous avons pu atteindre environ 30 % de nos objectifs d'amélioration en un peu plus d'un an. C'est toutefois insuffisant. Le graphique que l'on voit à l'écran représente le nombre de clients privés d'électricité au pire moment de la tempête de 1998 et la courbe de rétablissement du service. On peut constater que la panne a touché environ 1 400 000 clients, soit environ 3 000 000 de personnes, et que le service n'a pu être rétabli complètement avant un mois.

Compte tenu de l'état actuel d'avancement de nos travaux de renforcement, on constate une amélioration. Notons ici que la bande orangée est comprise entre deux courbes qui correspondent à des hypothèses optimiste et pessimiste. Dans la situation actuelle, le nombre de clients affectés au pire moment de la panne serait réduit à environ 1 000 000 et le délai de rétablissement se situerait aux environs de 18 jours. C'est encore beaucoup trop. Lorsque l'ensemble de notre programme de renforcement sera complété, le niveau de sécurité de l'alimentation sera nettement plus acceptable.

Évidemment, ça ne veut pas dire qu'aucun client ne serait affecté par le verglas. Le nombre de clients touchés au pire moment de la panne s'établirait à environ 250 000 clients et le délai de rétablissement se situerait entre sept et 14 jours, selon les hypothèses. Il s'agit donc de compléter les travaux le plus rapidement possible pour atteindre un niveau de sécurité d'alimentation acceptable compte tenu de la gravité des impacts d'une tempête comme celle de 1998.

Pour se rapprocher de cet objectif, Hydro-Québec doit d'abord compléter ses projets de bouclage et son projet d'interconnexion avec l'Ontario. Une fois les autorisations obtenues, cela représente des travaux pouvant s'étendre sur une période d'un peu moins de deux ans. Si les projets devaient être autorisés maintenant, ils pourraient donc être achevés avant l'hiver 2001-2002. Cependant, selon le processus d'autorisation habituel, il est très difficile d'établir à quel moment les travaux peuvent être achevés. Compte tenu de l'expérience des 10 dernières années, on peut estimer que les Québécois devront vivre avec les risques des conséquences d'un verglas majeur pendant une période beaucoup plus longue. C'est pourquoi Hydro-Québec, consciente de ses responsabilités à l'endroit de la population, réaffirme la nécessité et l'urgence de procéder à l'achèvement de ces travaux. Merci de votre attention.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je vous remercie, M. Robin. Si vous le permettez, on va suspendre pour à peu près cinq minutes, le temps de remettre en place ce dont on a besoin pour poursuivre.

(Suspension de la séance à 10 h 57)

(Reprise à 11 h 9)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mmes et MM. les membres de la commission, nous allons maintenant reprendre les travaux. Je voudrais savoir du groupe de nos invités si la présentation est complétée. Vous avez complété présentement?

M. Caillé (André): Oui, madame.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je serais prête à commencer la période d'échanges. M. le ministre.

M. Brassard: Mme la Présidente, je voudrais d'abord remercier Hydro-Québec pour sa présentation. Je signalais au départ qu'il était important dans cette commission, si on voulait bien comprendre, de faire oeuvre pédagogique. Je pense que c'est ce qui a été fait. Ç'a été très compréhensible pour quiconque.

(11 h 10)

Ma première question est de nature plutôt générale, avant d'aller dans le plus particulier. Ça porte sur ce qu'on a vécu en 1996 chez nous, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, avec les pluies diluviennes – ce qu'on appelle le déluge maintenant, chez nous, c'est comme ça qu'on l'appelle familièrement – mais aussi en 1998, lors de la tempête de verglas, exceptionnelle pour la plupart des observateurs. Ça pose toute la problématique de ce qu'on appelle les changements climatiques.

Il semble – enfin, vous me direz si je comprends bien les choses – que ça soit devenu une réalité incontestable que les changements climatiques. On peut discuter puis faire sans doute des longues controverses scientifiques sur les causes de cette réalité, mais il semble bien que ce soit une réalité et qu'on se doive d'en tenir compte, particulièrement en ce qui concerne le renforcement des réseaux, particulièrement en ce qui concerne les critères de conception, les normes que vous devez respecter.

Alors, ma question, c'est d'abord: Est-ce que vous prenez acte, à Hydro-Québec, des changements climatiques? Et quelles répercussions, quelles conséquences concrètes cette prise en compte de cette réalité a sur vos critères de conception, vos normes, votre programme de renforcement du réseau?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Caillé.

M. Caillé (André): Oui. Alors, un premier élément de réponse, Mme la Présidente. Effectivement, nous notons que les verglas sont fréquents, que les assauts de la nature sur nos systèmes sont fréquents. Pour moi, aujourd'hui même, la température extraordinairement clémente dont nous jouissons actuellement, beaucoup plus acceptable évidemment que le verglas pour l'ensemble de la population, certainement beaucoup plus confortable, il reste que c'est un événement quand même inusité, un printemps aussi hâtif, aussi sec, en particulier. Alors, il semble, oui, y avoir de plus en plus d'événements climatiques qui sortent de l'ordinaire.

Ceci étant dit, et j'en viens spécifiquement au verglas, je ne pense pas qu'on puisse prévoir avec une grande précision la récurrence du phénomène. Et, puisqu'on ne peut pas prévoir, nous sommes dans une situation, en termes de gestion, où on doit prévenir. C'est-à-dire, on doit s'équiper, on doit se donner un système, des réseaux dans ce cas-ci de transport et de distribution d'électricité qui puissent faire face à ce genre de situation sans qu'une population aussi grande que celle qui a été affectée en janvier 1998 ne le soit. Et c'est bien le but derrière les bouclages, derrière le relèvement des normes de conception des réseaux, derrière l'installation de pylônes anticascades. Tout ça vise deux objectifs: faire en sorte que l'alimentation soit le moins interrompue pour le moins grand nombre possible, d'une part, et que la durée des interruptions, s'il doit y en avoir, soit la plus courte possible, d'autre part.

J'ai noté, en janvier 1998, en visitant des centres d'hébergement avec le premier ministre, que les gens qui s'y trouvaient depuis une semaine à deux semaines, c'était une chose, mais rendu à quatre semaines et à cinq semaines, c'en était une autre. Bref, la difficulté des personnes dans un centre d'hébergement, il ne faut pas la négliger. Ça change beaucoup au cours du temps. Évidemment, ça devient beaucoup plus difficile à supporter au fur et à mesure que les semaines s'ajoutent. Et je vous assure que ça, c'était particulièrement évident.

Bref, ça nous inspire certainement. Ça nous dit que ce qu'on doit faire, c'est deux choses: c'est raccourcir le plus possible les périodes de rétablissement, réduire les dommages, s'il doit y avoir verglas, ce qui nous permet de réduire la période de rétablissement, d'un côté; et, de l'autre, faire en sorte qu'on soit toujours dans des situations, à travers les bouclages, pour pouvoir alimenter le plus grand nombre possible.

Vous avez vu, je pense que de toute la démonstration, la plus éloquente, c'est la dernière. Quand on vous dit... On part d'un verglas, en 1998, 1 500 000 clients jusqu'à 32 jours, c'était avant; on vient à 1 000 000 de clients pour 18 jours, c'est maintenant; et ce qu'on vise, 300 000, 400 000 clients pendant sept jours. Ça, ça change tout pour la population.

C'est sûr que, si on avait eu des équipements comme ceux-là... Supposons que tout ce débat que nous avons aujourd'hui et que nous avons eu au cours de la dernière année, on l'aurait eu en 1996, donc avant le verglas, peut-être que ça aurait été encore plus difficile de justifier nos ouvrages, mais supposons qu'on l'aurait eu, ce débat-là, supposons qu'on aurait convaincu tout le monde, il reste qu'il est sûr qu'en janvier 1998 les gens auraient beaucoup, beaucoup moins souffert de l'impact du verglas, non seulement au niveau des personnes, mais également au niveau de leurs biens et au niveau de l'impact économique du phénomène.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre. Oui, M. Caillé.

M. Caillé (André): Ceci étant dit, peut-être juste sur l'aspect des normes, oui, nous relevons les normes et nous sommes d'avis qu'il faut relever les normes. On en a relevé à 65 mm par rapport à des endroits où c'était à 45 mm, etc.

M. Brassard: C'est ce que vous avez fait dans votre planification de reconstruction des lignes endommagées.

M. Caillé (André): Exactement.

M. Brassard: Les normes ne sont plus les mêmes.

M. Caillé (André): Exact.

M. Brassard: Donc, le réseau est évidemment plus robuste parce qu'il y a ce concept de robustesse qui est différent du concept de fiabilité. Là, il s'agit de robustesse.

M. Caillé (André): La robustesse, exactement. Des endroits où c'était 20 mm, je crois, pour amener à 40 mm, ou d'autres endroits où c'était 45 mm ou 40 mm et on a amené à 65 mm. Ça, c'est de la robustesse d'un élément donné du réseau.

M. Brassard: Donc, comme entreprise, on peut dire que vous vous êtes donné de nouveaux critères de conception et de nouvelles normes à la suite de la tempête du verglas.

M. Caillé (André): C'est juste. C'est juste.

M. Brassard: Tout à fait. Une question, avant d'aborder la question des bouclages, qui est centrale dans la planification d'Hydro-Québec pour sécuriser davantage les populations, concernant justement le réseau qui a été endommagé. C'est un peu connexe à ma première question sur les normes et les critères de conception. Ça porte sur un passage du rapport Nicolet n° 2 – il y a deux rapports Nicolet maintenant – à un moment donné, qui fait l'historique de la tempête de verglas jour après jour et qui affirme qu'il y a eu, dans les premiers moments de la tempête – l'expression utilisée par M. Nicolet, c'est «chute prématurée» – chute prématurée compte tenu de la charge de glace dans les premiers temps. Après, c'était quasiment inévitable, mais au début il y a eu chute prématurée.

Comment, je dirais, vous abordez ce commentaire de la commission Nicolet ou cette évaluation de la part de la commission Nicolet qu'il y aurait eu chute prématurée d'un certain nombre de pylônes dans les premiers temps de la tempête de verglas?

M. Caillé (André): D'abord, je dois dire qu'immédiatement après la tempête de verglas on s'est posé cette question-là: Pourquoi? Qu'est-ce qui explique l'effondrement de plusieurs pylônes, de plusieurs lignes de transport de même que des réseaux de distribution? Et j'ai demandé – parce qu'il y a des questions de responsabilité bien entendu d'associées à ces événements-là – à ce qu'un rapport d'ingénieurs en bonne et due forme soit préparé, qu'on mette tout le temps, toute la minutie, toute la rigueur que l'occasion requérait à l'évidence. Ce rapport-là a été rendu public par Hydro-Québec deux semaines après que les audiences de la commission Nicolet eurent pris fin. Et c'est pour ça que ça ne s'est pas passé devant la commission Nicolet.

Jacques Régis, qui est ici, était le responsable de la préparation de ce rapport d'ingénieurs. Je vais le laisser, avec votre permission, Mme la Présidente, répondre plus complètement à la question.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Régis.

M. Régis (Jacques): Alors, voici, Mme la Présidente, je pense que, d'une part, il faut voir que, quand on parle de prématuré... Nous, dans le rapport que nous avons remis à la commission Nicolet, rappelez-vous, on parlait d'à peu près 5 % des cas de lignes qui ne s'expliquaient pas, du moins qui auraient dû résister aux événements selon les critères de conception qui étaient en vigueur à ce moment-là. Alors, c'est évident que 5 %, puis là je reviendrai sur ce que la commission Nicolet appelle le prématuré, n'aurait eu que peu d'impact par rapport à la clientèle, compte tenu que notre réseau est quand même redondant. Il est toujours prévu que, quand on a une perte d'une ligne, on est capables quand même de relever par une autre pour assurer la continuité de service. Ça, c'est le point de départ.

(11 h 20)

Maintenant, quand on regarde les événements qui se sont passés durant les fameux cinq jours, jusqu'au 9 janvier, la Commission qualifie d'effondrement prématuré souvent en se basant sur le moment où, d'abord, la ligne en question a déclenché. Et ça, je tiens à dire qu'il y a une grande différence entre le moment où la ligne a été rendue indisponible au niveau du réseau et le moment où, physiquement, il y a eu un effondrement, donc où on avait atteint un niveau de rupture par rapport à ce type d'équipement là.

Et ça, nous avons mis beaucoup d'emphase là-dessus, parce que, dans plusieurs cas, nous avons été à même d'observer que la ligne avait déclenché. D'une part, il y avait beaucoup de cas de galopage. Il faut se rappeler qu'il y avait des vents aussi, on n'avait pas seulement des précipitations verglaçantes, des vents qui ont entraîné un effet de galopage, qu'on appelle, aux conducteurs et qui, dans bien des cas, pouvait causer des interruptions au niveau de ces lignes-là sans nécessairement qu'il y ait effondrement au moment même où il y a eu le déclenchement.

Or, ça, c'est un point important, puis on a plusieurs cas comme ça qui nous amènent à dire que ces cas-là n'étaient pas la date de déclenchement au niveau du réseau. Parce que la seule chose qu'on sait de façon certaine, c'est le moment où la ligne est devenue indisponible au niveau du réseau, parce que nos centres de conduite étaient en mesure de vous donner l'heure, la minute exacte où la ligne n'était plus disponible. Maintenant, de par les observations qu'on a faites, on a noté des écarts importants entre le moment...

Par exemple, la fameuse ligne Boucherville–Saint-Césaire qui est devenue indisponible au niveau du réseau le mercredi – je pense que la commission Nicolet d'ailleurs le mentionne – 7 janvier. Nous, les observations qu'on a faites à l'effet que cette ligne-là où on a subi des dommages, c'est plus observé vers la fin du 8 janvier, donc le jeudi, où on a physiquement vu l'effondrement de conducteurs, et tout. Et à ce moment-là la quantité de glace accumulée, avec l'effet combiné des vents nécessairement, expliquait assez facilement ce qui est survenu.

Maintenant, il faut aussi dire que, dans l'analyse de la commission Nicolet, la quantité d'accumulation de glace qu'elle reconnaît de par sa propre analyse, on parle au maximum de 40 mm à 50 mm, qu'on appelle l'épaisseur équivalente radiale sur les conducteurs. Moi, je dois vous rappeler que, nous, toutes les mesures qu'on a faites et ce qu'on a transmis d'ailleurs à la Commission dans notre rapport, c'est basé sur un système de mesures directes à travers nos glacimètres. Ce n'est pas nécessairement basé sur des précipitations uniquement qui viennent des relevés qui sont faits par Environnement Canada. Nous avons tout un système de mesures depuis au-delà de 25 ans. C'est à partir de ces mesures-là que nous avons établi le niveau d'accumulation de glace qu'il y avait, à ce moment-là, dans les différentes régions qui ont été touchées par le verglas.

Rappelez-vous qu'on a parlé, dans la région la plus touchée, donc Saint-Césaire, qu'il y avait tout près de 75 mm, l'accumulation équivalente au niveau radial sur les conducteurs. Nécessairement, on voit un écart important entre l'évaluation que la Commission fait de l'accumulation de glace basée sur des hypothèses comme telles, qui lui appartiennent bien entendu, versus des lectures directes que nous avons faites et qui sont celles qu'on fait depuis 25 ans. Ça crée un écart important. Parce qu'il faut se rappeler que, si vous réduisez de 40 % la quantité de glace qu'il y avait accumulée aux différentes périodes, c'est évident que les effondrements peuvent devenir prématurés de par tout simplement cette lecture-là que vous faites de la situation.

Alors, c'est évident que notre système de mesures aussi nous a permis vraiment de suivre de façon systématique. Parce que, rappelez-vous, quand on a établi l'accumulation de glace comme telle à partir de nos glacimètres, on n'a pas juste pris les lectures du glacimètre, c'est qu'on a fait aussi toute une série d'observations sur la végétation, les dommages que la végétation avait subis. On était en mesure, à partir de ça, de retracer ça avec des observations au sol pour être capables de voir quelle avait été l'ampleur de l'accumulation de glace, et c'est fondamental par rapport aux dommages qui ont été subis par nos différentes lignes.

Et rappelez-vous aussi que l'aspect du vent combiné à l'effet de glace a beaucoup d'importance. Alors, je veux juste vous rappeler une norme, que, quand on parle de 45 mm ou la norme canadienne, 12,7 mm, le 45 mm, la fameuse norme d'Hydro-Québec, c'est sans vent. Alors, quand on lui combine l'effet vent, on prend des vents de 80 km, bien la capacité diminue à 20 mm. Ça, c'est prévu dans la norme, c'est comme ça. L'effet combiné vent et glace a beaucoup d'impact sur le comportement des équipements.

Alors, c'est dans cette optique-là, en intégrant tous ces éléments-là, que nous avons expliqué 95 % des effondrements que nous qualifions de prévisibles. Je pense que c'est un point important parce que, pour nous, et chacun des cas ont été regardés, on les qualifie de prévisibles. Il y en a 5 % de cas qu'on qualifie, dans le fond, de non prévisibles, si on peut dire, où normalement la conception des équipements aurait dû permettre à ces équipements-là de demeurer en fonction.

Alors, c'est un peu la lecture puis l'analyse qu'on fait de tout ça. De ce côté-là, je pense que notre rapport qui a été remis... D'ailleurs, la commission Nicolet explicite assez bien ces différents volets là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Brassard: Merci, madame. Je voudrais maintenant aborder toute la question des bouclages. Il y en a deux particulièrement qui m'intéressent: le bouclage de la Montérégie puis celui de Montréal. Vous l'avez très bien expliqué, il y a trois grands bouclages qui sont planifiés: celui de l'Outaouais, 315 kV; celui du centre-ville de Montréal à 315 kV également; et celui de la Montérégie à 735 kV, alors donc partant de des Cantons jusqu'à Hertel, en passant par un nouveau poste qui sera construit, celui de la Montérégie.

On vous prête de sombres desseins, parce que plusieurs qui se sont exprimés publiquement prétendent ou affirment qu'une ligne à 735 kV entre Hertel et des Cantons ne se justifie pas dans la perspective d'assurer ou de sécuriser davantage l'approvisionnement en électricité de la Montérégie. Quand je dis: On vous prête de sombres desseins, c'est évident qu'on vous accuse d'avoir un projet secret d'une nouvelle interconnexion avec les États-Unis pour ainsi exporter davantage aux États-Unis.

Moi, j'aimerais que vous vous expliquiez sur cette question: Qu'est-ce qui justifie, pour Hydro-Québec – je ne suis pas un expert, il y en a beaucoup autour de cette table qui ne sont pas des experts – que le bouclage montérégien exige, selon vous, selon Hydro-Québec, une ligne 735 kV entre Hertel et des Cantons avec un nouveau poste Montérégie? Qu'est-ce que vous dites des sombres complots qu'on vous prête, de vouloir au fond utiliser cette ligne pour augmenter vos exportations vers les États-Unis en y ajoutant bien sûr une interconnexion?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Caillé.

M. Caillé (André): Oui. Alors, commençons d'abord par nos intentions ou sombres desseins, comme vous les appelez, supposés sombres desseins d'exporter de l'électricité à travers le Vermont, donc en utilisant la ligne des Cantons–Hertel.

Je dois vous dire que, premièrement, dans l'état actuel des choses, 1998, il y a un rapport annuel qui le confirme, on a utilisé nos interconnexions, les interconnexions existantes, à 38 % de leur capacité puis on a exporté 18 TWh d'énergie. Ça, c'est la situation présente.

Si on se place dans 10 à 15 ans, quand on aura complété ce qu'on appelle le parachèvement du développement du potentiel hydroélectrique du Québec, on aura peut-être ajouté 25 % à la capacité de production. Supposons 40 TWh. De ce 40 TWh là, comme on a déjà eu l'occasion de l'expliquer ici même, il y en a seulement 30 % qui pourrait aller au États-Unis. Donc, on a une dizaine, une douzaine de TWh additionnels présumément à exporter. Attention, ça peut être aux États-Unis puis ça peut être ailleurs au Canada aussi. On a des voisins des deux côtés, un au Nouveau-Brunswick et un en Ontario qui justement ouvre son marché – je parle de l'Ontario, ici, en ce moment.

Alors, une autre chose à prendre en considération. À 38 %, on peut facilement s'amener à 50 %, 60 % de coefficient d'utilisation. Également, on a une ligne actuellement existante qui est opérée à 1 600 MW, c'est la ligne Radisson–Sandy Ponds, la ligne à courant continu. Elle est opérée à 1 600 MW. Elle peut être opérée et sera opérée, quand tout l'effet de la déréglementation aura pris lieu aux États-Unis, à 2 000 MW. En opérant à 60 % juste avec la ligne de Sandy Ponds opérée au maximum et avec ce que nous avons, en passant de 38 % à 50 % sur ce que nous avons, on a suffisamment d'interconnexions sans même penser à l'interconnexion additionnelle à 1 250 MW avec l'Ontario. Bref, on n'en a pas besoin aujourd'hui puis on n'en aura pas besoin après le parachèvement du développement hydroélectrique au Québec. Premier point. Alors, ce n'est certainement pas ça qui explique.

Alors, autre chose importante à signaler: Est-ce que ça, ça empêche des gens à proposer une interconnexion du côté des États-Unis? La réponse, c'est non. Il y a des gens, Vermont Joint Owners, Green Mountain Power et Central Vermont, je pense aussi...

Une voix: VELCO.

(11 h 30)

M. Caillé (André): ...et VELCO, oui, qui proposent des projets. C'est des entreprises qui sont dans une situation très difficile actuellement d'un point de vue financier. Ils peuvent proposer des projets de transport. C'est ce qu'ils appellent, je pense, le des Cantons Express ou enfin l'Hertel Express, de ces derniers jours. Ils peuvent toujours proposer quelque chose. Pour qu'un projet comme celui-là se réalise, il faut que des gens contractent, prennent l'engagement de payer année après année ce que ça coûte pour les coûts fixes de ces ouvrages-là. Qui sont ces clients potentiels? Nous, Hydro-Québec? Non. Je viens de vous dire: Nous, pas besoin. Je ne vois pas pourquoi on contracterait puis qu'on dépenserait de l'argent pour des interconnexions additionnelles dont on n'a pas besoin.

Deuxième hypothèse, un producteur américain qui, lui, voudrait produire pour exporter jusqu'au Québec. Ça, c'est quelqu'un qui voudrait produire de l'électricité avec du gaz canadien à 0,05 $CAN par KWh pour vendre ça ici, au Québec, où le prix est 0,028 $. Ceux-là, inutile de vous dire, ils sont inexistants. Ce n'est pas rare, c'est inexistant.

Alors, ça n'empêchera pas des gens de proposer des projets ou des pointillés puis ça n'empêchera pas les gens de les étudier, mais très honnêtement je suis du même avis que la commission Nicolet, je ne vois pas l'intérêt, il n'y a aucun intérêt ni pour nous ni pour quelqu'un d'autre à construire une ligne comme celle-là.

Autre précision tout de suite. Il y a eu un projet, une demande du Maine – rien à voir avec la ligne des Cantons–Hertel – pour obtenir plus d'énergie venant du Québec surtout pendant la période estivale, la période de la canicule aux États-Unis. C'est un projet qui finalement n'a jamais été plus loin que d'en parler, mais il y a eu un pointillé sur une carte.

Bref, il va y avoir des projets comme ça, des suggestions. Ça va faire l'objet de pointillé, ça va être étudié. Nous, à travers le Maine... bien, on en a déjà assez, d'interconnexions. On aime autant utiliser l'interconnexion via le Nouveau-Brunswick. Pourquoi on en construit une autre? Pourquoi investir des sommes qui finalement, pour nous, ne rapporteront aucun revenu? On a déjà ce qu'il faut. Voilà pour les interconnexions.

Ça n'explique pas encore 735 kV, et là j'arrive à votre question plus précise, le début de votre question, 735 kV, 735 000 V, parce qu'il y a deux objectifs ici. Puis c'est un peu notre faute, c'est qu'on n'a pas assez insisté dans les communications en première année sur le fait qu'un des objectifs, c'est d'amener 2 000 MW à La Prairie, pour les gens de la Rive-Sud de Montréal. C'est là, puis cet objectif-là est tout aussi important. Il y a encore plus de gens – si on veut calculer ça en termes d'impact sur la population – qui ont été touchés par l'interruption de service sur la Rive-Sud qu'il y en avait en Montérégie, parce que simplement il y a plus de monde sur la Rive-Sud. Alors, ça prend 2 000 MW à un endroit qui s'appelle Hertel, mais, en pratique, ça se trouve sur le territoire de la municipalité ou de la ville de La Prairie. C'est pour ça que ça prend une 735 kV, parce que, avec une 735 kV, avec une ligne, on amène 2 000 MW là.

Autre objectif dont M. Robin parlait tantôt. Supposons qu'on le perd à nouveau, comme on l'a déjà perdu, le corridor Nicolet–Montréal, pour alimenter Montréal, eh bien,on pourra passer par le même corridor, à partir de Nicolet–des Cantons–Hertel, deuxième chemin. Si vous regardez l'ensemble de tout ça, vous allez voir, quand on regarde nos centres de production puis si on se dit: Il faut se rendre à Montréal, qu'il y a une ligne manquante vers Montréal. C'est celle-là, de 735 kV. Alors, elle n'était pas dure à trouver non plus. Alors, voilà pourquoi le 735 kV.

Du même coup, ça fait le bouclage du poste Saint-Césaire. Mais là, ici, on fait d'une pierre trois coups. Puis on n'a pas assez insisté, je pense, au début – ça, c'est nous, Hydro-Québec – sur le fait qu'il y avait l'objectif d'amener 2 000 MW à La Prairie, tant pour les gens de la Rive-Sud de Montréal que pour Montréal. Alors, voilà ce que j'avais à vous dire, je pense, par rapport à ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le ministre.

M. Brassard: Oui. Alors, je vous remercie de ces réponses. La deuxième question porte sur Montréal et sur le bouclage de Montréal, qui est presque... en tout cas, très, très avancé. Le fait qu'il y ait un deuxième chemin pour amener 2 000 MW à Hertel, ça augmente la sécurité d'approvisionnement du centre-ville de Montréal sans doute. Mais la commission Nicolet – on y revient souvent parce que je pense qu'elle a traité en long et en large toute cette problématique – recommande de façon assez précise que, pour augmenter encore davantage le niveau de sécurité de la population de Montréal, du centre-ville particulièrement, il faut envisager de mieux utiliser la production énergétique de la centrale de Beauharnois. Qu'est-ce que vous pensez de cette recommandation? Puis est-ce qu'Hydro-Québec a l'intention d'y donner suite dans le respect des lois évidemment et des procédures prévues dans nos lois?

M. Caillé (André): Oui, là-dessus, sur l'opportunité d'intégrer Beauharnois à l'alimentation de Montréal, tout le monde est d'accord.

M. Brassard: Parce que, actuellement, Beauharnois – j'aimerais ça que vous nous l'expliquiez – sert surtout à alimenter le Sud du Québec et, même, est utilisée pour de l'exportation également.

M. Caillé (André): Exact. Montréal aussi, mais pas à un degré comme ça pourrait être le cas. Alors, sur l'intégration de la centrale de Beauharnois et sur la capacité d'intégrer la centrale de Beauharnois pour alimenter la ville de Montréal, tout le monde est d'accord. La commission Nicolet, il nous est apparu qu'elle était d'accord, le comité Warren également, de même que nous-mêmes, Hydro-Québec, qui l'avions proposée au comité Warren. Alors, ça va être fait. Je vais laisser mon collègue vous dire exactement quand.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Régis.

M. Régis (Jacques): Merci, Mme la Présidente. On a déjà mis en place un projet qui va se réaliser cette année et l'année prochaine et qui va nous permettre, en fait, d'augmenter la capacité de 500 MW actuellement. Durant le verglas, je ne sais pas si vous vous souvenez, on pouvait rapatrier à peu près 500 MW de Beauharnois vers Montréal. Avec le projet qui utilise les lignes existantes, en passant, donc on va utiliser le réseau qui était déjà en place, on va pouvoir monter cette limite-là à au moins 1 000 MW à très court terme. Donc, ça, c'est un élément qui est déjà enclenché, puis à partir des lignes existantes. Donc, on fait des modifications au niveau du réseau pour pouvoir rapatrier.

Rappelez-vous aussi que la centrale de Beauharnois comme telle alimente aussi le poste Châteauguay, et le poste Châteauguay, il y a aussi une charge importante dans cette région-là, toute la région de Valleyfield, et tout. Alors, il faut voir que ce n'est pas une solution unique. C'est une solution qui vient aider, qui vient apporter un renforcement, si on veut, à l'ensemble des solutions, mais ce n'est pas la solution par excellence sur laquelle on pourrait se rabattre pour sécuriser l'alimentation de Montréal.

Alors, c'est pour ça que le poste Hertel, avec la ligne des Cantons–Hertel, vient apporter une source vraiment très ferme pour justement sécuriser l'ensemble de la charge. Puis ce n'est pas marginal, hein: le poste Hertel, là, c'est 2 900 MW de charge que ça alimente. Alors, ça comprend tout le sud-ouest, en fait, de Montréal et le centre-ville nécessairement, et toute la partie ouest, aussi, de l'île. Alors, c'est quand même une charge très importante. Alors, 2 000 MW par rapport à 2 900, si vous ajoutez un 1 000 MW de Beauharnois dans certaines situations, vous avez à peu près l'équivalent de relever la perte, en fait, d'alimentation du poste Hertel.

Alors, vous voyez que c'est des solutions qui viennent se compléter et qui apportent vraiment une vraie solution, si on veut, pour augmenter la sécurité d'alimentation à la fois, bien entendu, de toute la Rive-Sud de Montréal et aussi du centre-ville. Donc, Beauharnois, oui, et même les travaux sont déjà en cours, et on va les réaliser cette année et pour compléter l'année prochaine, donc on va doubler la capacité qu'on aura de rapatrier la production de Beauharnois vers Montréal.

M. Brassard: Et question connexe: Si je comprends bien, comme vous utilisez des lignes existantes, par conséquent, à ce moment-là, vous n'êtes pas assujettis à la procédure d'évaluation environnementale, étude d'impact et audiences publiques devant le BAPE. Vous obtenez des autorisations de l'Environnement, mais...

M. Caillé (André): Dans ce cas-là, à ma connaissance...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Caillé.

M. Caillé (André): ...Mme la Présidente, il s'agit de l'autorisation en vertu de l'article 22 de la Loi de la qualité de l'environnement.

M. Brassard: Ce que vous êtes en voie d'obtenir.

M. Caillé (André): Oui.

M. Brassard: C'est en cours. Merci. Je vais laisser mes collègues poursuivre, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Alors, M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Mme la Présidente, d'entrée de jeu, vous me permettrez quelques commentaires sur le déroulement jusqu'à ce moment-ci de la commission.

(11 h 40)

J'étais particulièrement fâché ce matin de voir que le parti de l'opposition officielle avait préféré troquer les 30 jours de souffrance qu'avait connus la moitié de la population du Québec – il y a plus de 3 000 000 de personnes qui ont été touchées, à des degrés divers, mais il y en a qui sont allés jusqu'à 30 jours – à ces 15 secondes de gloire, ce soir, qu'il aura sûrement à la télévision.

Ils ont aussi choisi, dans leur stratégie, de se coller à un groupe précis de citoyens, qu'est la Coalition des citoyens du Val-Saint-François, et, encore une fois, en oubliant les préoccupations, les priorités et les besoins de sécurisation de plus de 3 000 000 de citoyens et de citoyennes du Québec. Ils dénoncent la ligne Hertel–des Cantons en prétextant des visées exportatrices d'Hydro-Québec.

Ils oublient que M. Bourassa, qui a été chef de leur parti et premier ministre du Québec pendant fort longtemps, et que M. René Lévesque ont été probablement les deux plus grands artisans de la croissance et du développement d'Hydro-Québec. De plus, M. Bourassa a été un des principaux instigateurs de nos politiques d'exportation de cette énergie qui est en abondance au Québec mais qui est aussi protégée par un contrat social. On en a discuté suffisamment souvent, hein, je n'ai pas à y revenir, la population du Québec est protégée. Cependant, M. Bourassa a effectivement vu l'avantage que pourrait procurer à la population du Québec d'exporter cette ressource qui est abondante ici.

Tout ça sous le prétexte – et vous avez répondu en partie à la question globale, M. Caillé, tantôt – tout ça en disant: Cette fameuse ligne là va servir exclusivement à se rattacher au Vermont par une interconnexion et à envoyer notre électricité aux États-Unis.

Moi, là-dessus, j'ai deux expériences. Premièrement, le rapport Nicolet, tout en disant, comme vous le souligniez tantôt, que ce n'est pas nécessaire parce que nous avons les interconnexions nécessaires pour, de toute façon, exporter les surplus d'électricité vers les États-Unis, la commission Nicolet souligne aussi l'utilité et l'importance des interconnexions, qu'elles soient internationales ou transfrontalières ou qu'elles soient entre le Québec et l'Ontario. Elle souligne aussi l'utilité de ces interconnexions-là pour sécuriser l'approvisionnement des Québécois parce que, et comme vous le disiez tantôt, M. Robin, ce qui s'en va d'un bord peut s'en venir de l'autre bord. Et, lorsqu'on crée une interconnexion quelque part, que ce soit avec l'Ontario, avec le Nouveau-Brunswick ou avec les États américains, ce qu'on assure aussi à la population du Québec, c'est la fiabilité de l'approvisionnement en électricité dans l'éventualité où certaines parties de notre réseau de transport croulent compte tenu ou à cause de certains problèmes, que ce soit le verglas ou autres.

Tantôt, vous avez répondu globalement, donc je ne reviendrai pas sur ça. J'irai de façon un peu plus précise. Première question: Dans quelle mesure les conventions d'interconnexions peuvent-elles jouer un rôle utile pour sécuriser les approvisionnements du Québec? Alors, quand vous négociez, que ce soit avec les Américains ou les Ontariens, dans vos conventions, quelles sont les mesures qui sont mises en place pour assurer justement la sécurisation des approvisionnements?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Caillé.

M. Caillé (André): Alors, Mme la Présidente, actuellement, on a 5 500 MW d'interconnexions avec les réseaux voisins; ça inclut tous les réseaux voisins. De ce 5 500 MW, si ma mémoire est bonne, il y en a 3 800 MW qui peuvent fonctionner dans un sens ou dans l'autre sens. Il est entendu que, dans le domaine de l'énergie – c'était vrai dans ma vie antérieure, dans le domaine du gaz, comme ça l'est maintenant au niveau de l'électricité – il y a un devoir d'assistance mutuelle, ici. Par exemple, la ligne de 1 250 MW avec l'Ontario, c'est une ligne qui est destinée à se supporter l'un l'autre advenant des avaries. Par exemple, il y a une ligne, à Highgate, le poste de Highgate qui est aux États-Unis, au Vermont, qui nous a aidés à alimenter quelques villages de Montérégie durant la crise de verglas.

Dans des situations comme celle-là, nous-mêmes, on serait tout à fait disposés à aider nos voisins comme honnêtement ils le sont, disposés à nous aider. On n'a jamais eu de difficultés à ramener l'électricité qu'on pouvait ramener sur les interconnexions durant la dernière crise du verglas. C'était limité, O.K., mais ce qu'on a pu faire, on l'a fait. Évidemment, on ne disposait pas à ce moment-là de l'interconnexion avec l'Ontario pour ce faire.

Alors, oui, ces systèmes peuvent fonctionner dans les deux sens. On note, comme vous, que 3 800 MW du 5 500 MW... on va voir si on peut faire augmenter le 3 800 MW le plus près possible du 5 500 MW, ça fait partie de nos plans. Et certainement que le 1 250 MW avec l'Ontario, c'est une affaire de réciprocité, qui est pensée tant par eux que par nous, pour sécuriser l'alimentation advenant des crises comme celle du verglas.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Dans les quelques voyages que j'ai faits aux États-Unis, où j'ai eu l'occasion de discuter de ces questions d'électricité, et d'interconnexion, et de sécurisation des approvisionnements, ce qui m'est apparu, c'est que c'est non seulement fréquent, mais à peu près systématique. Les différentes compagnies productrices d'électricité – parce que là-bas, c'est privé évidemment – s'assurent systématiquement qu'elles puissent se fournir mutuellement l'électricité nécessaire, quelle que soit la raison à toutes fins pratiques, en autant qu'elles remplissent leurs propres besoins à elles prioritairement.

Est-ce que c'est une pratique constante, ça? Vous avez eu l'occasion évidemment de voyager un peu partout et de voir comment ça fonctionne ailleurs, pas seulement aux États-Unis. Mais vos expériences vis-à-vis des interconnexions et de la sécurisation intersystèmes, ça fonctionne comment?

M. Caillé (André): Mes expériences sont nord- américaines plus qu'européennes. J'imagine qu'elles doivent s'assister de la même façon en Europe. Mais, en Amérique, c'est comme vous venez de dire, c'est entendu, c'est comme ça, il n'y a pas de difficultés, advenant que quelqu'un est en manque d'approvisionnement, que son voisin vienne l'aider. Si on pouvait le faire, nous, on le ferait, puis je sais qu'on peut obtenir la même réciprocité.

À cet égard, Hydro-Québec, évidemment, avec le nombre imposant de centrales de production que nous avons sur un réseau, entre autres, pour assurer sa stabilité, il y a nécessité d'avoir des... je pense qu'en français on doit dire «réserves tournantes», c'est des réserves, c'est une capacité de production, Mme la Présidente, qui peut être amenée très, très rapidement sur les réseaux. Évidemment, une turbine hydroélectrique a cette caractéristique-là plus qu'une centrale thermique. Pour avoir la même caractéristique dans une centrale thermique, il faut maintenir la pression de vapeur dans la chaudière constante. Alors, ça coûte beaucoup plus cher, tandis que, nous, en quelques minutes, on peut entrer un groupe en production.

Je sais que, dans le cas du Nouveau-Brunswick, par exemple, on est d'assistance pour eux, c'est-à-dire qu'on assure une certaine fiabilité de leur réseau parce qu'on a des réserves tournantes qu'eux autres n'ont pas. Ils sont thermiques, et ça coûte très cher, mettre des unités thermiques en réserve, tandis que, nous, ça coûte beaucoup moins cher. Dans ces cas-là évidemment, ça fait partie d'un contrat d'approvisionnement. Il n'y a pas de flux d'électricité, en situation normale, mais, advenant un besoin, bien on serait là pour les supporter.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Groulx.

M. Kieffer: En complément d'information, Mme la Présidente, et je terminerai là-dessus, j'aimerais que M. Régis nous fasse part effectivement de l'expérience japonaise, parce qu'elle s'est avérée fort utile dans des situations de catastrophe naturelle, et comment toute la question des interconnexions a été vitale.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Régis.

M. Régis (Jacques): Merci, Mme la Présidente. Je pense qu'on doit parler du concept de maillage finalement. Interconnexion, c'est... Nous, quand on a des interconnexions, c'est parce qu'on a un réseau aussi qui n'est pas synchronisé avec les réseaux autour de nous. Il faut voir qu'on doit passer par ce qu'on appelle des postes convertisseurs. Mais le principe du maillage des réseaux, c'est un principe assez fondamental qui existe en Amérique du Nord, mais qui existe aussi, par exemple, au Japon. Et raison simple, parce qu'on peut faire le lien avec le grand verglas qu'on a connu ici, j'ai eu l'occasion de rencontrer les gens qui sont responsables du réseau de transport d'énergie dans la région de Köbe – vous vous souvenez le tremblement de terre de 1995 qui a eu quand même beaucoup d'impact, et tout – et justement ces gens-là, la façon qu'ils peuvent se prémunir contre...

Parce qu'ils ont subi en l'espace de 10 ans près de 9 000 tremblements de terre. Alors, c'est pour vous dire que ce n'est pas un phénomène marginal, c'est un phénomène qui est très présent, pas nécessairement de la même intensité que celui de Köbe. Et la technique qu'ils mettent de l'avant, c'est justement le bouclage des réseaux, parce que c'est une technique de gestion de risques finalement, c'est une façon, dans le fond, de faire face à des risques semblables, ne sachant pas où va frapper l'événement. Alors, je donne ça comme exemple.

(11 h 50)

Et, aux États-Unis, il faut se rappeler l'interconnexion, ce qu'on appelle de l'Est, qui est de 600 000 MW. Pensez à ça, on est dans cette grande région là, nous; il y a 600 000 MW de capacité qui est interconnectée à travers tout ce réseau-là. Alors, il faut voir que tout ça, c'est un maillage important et c'est ça qui donne aussi beaucoup de fiabilité. Une fois qu'on respecte les critères de fiabilité des organismes de fiabilité comme le NPCC et le NERC, ça donne beaucoup de robustesse et de fiabilité à ces réseaux-là, justement à cause de ce maillage et nécessairement des interconnexions, dépendant du type de raccordement de réseaux.

Alors, c'est un principe assez fondamental, je pense, qu'on ne fait qu'utiliser de façon encore plus large pour sécuriser l'alimentation, pas seulement ici, mais nos voisins ont les mêmes préoccupations que nous avons à ce niveau-là. Alors, c'est une façon, je pense, de traduire que c'est comme ça, qu'aussi d'autres grands réseaux utilisent des techniques tout à fait semblables pour se prémunir contre des événements et aussi pour s'entraider mutuellement.

Puis, même au Québec, rappelez-vous que, même avec le réseau de l'Alcan, on est interconnectés. Je veux dire, c'est un réseau, en fait, indépendant du nôtre, mais on s'aide aussi mutuellement et on a des échanges comme tels. On met à profit toutes ces différentes possibilités là, justement pour obtenir le maximum de sécurisation et d'alimentation de la clientèle.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Régis. Alors, M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, Mme la Présidente. Comme mes collègues... La tempête de verglas qui a sévi surtout en Montérégie et dans le Sud du Québec a amené beaucoup de députés à l'époque à contribuer à l'approvisionnement en matière ligneuse pour permettre le ravitaillement et le chauffage dans beaucoup de résidences de la Montérégie, également Saint-Césaire particulièrement qui est devenu un poste de distribution majeur. Il y a eu des opérations de solidarité exemplaires, et je voudrais, entre autres, souligner la participation des gens de la Gaspésie, qui s'est ajoutée à celles de la Côte-Nord, du Saguenay, d'un peu partout, de Chaudière-Appalaches, d'un peu partout au Québec, de la Mauricie, quoi. Toutes les régions du Québec ont travaillé très fort pour venir en aide. Et, moi, de Gaspé, j'étais en communication avec des gens de l'Estrie, un peu partout, qui étaient dans des difficultés majeures. Et ça nous a permis de voir aussi, cette tempête, la vulnérabilité de nos approvisionnements en énergie, comment on est dépendants de l'électricité au Québec, comment tout fonctionne à l'électricité.

Je regarde la présentation qui nous a été faite ce matin, quand même qui est très intéressante. Je déplore l'absence naturellement des membres de l'opposition qui remettent même en question le fondement même de notre institution qui consiste à agir en toute transparence, avec sérieux. Parce que les propos de la députée de Bonaventure quand même ont une portée vraiment... que je ne qualifierais pas de grave, mais il faut s'interroger sur la portée de ses propos parce qu'elle remet en question l'existence même de cette commission, donc une commission de la plus importante institution qui est l'Assemblée nationale du Québec, là où tous les débats peuvent se tenir et se faire en toute transparence et franchise.

Dans toute la procédure qui s'est mise en marche après les différents rapports et les analyses, je constate qu'on a quatre grands projets de bouclage: Montérégie, Montréal, Outaouais et Québec, qu'on veut sécuriser. Je regarde les régions, la Côte-Nord, dans la présentation qu'on nous a faite ce matin, quand même, son alimentation peut être assurée par différentes sources, de même que le Saguenay–Lac-Saint-Jean, etc., et l'Outaouais éventuellement, toutes les régions du Québec, sauf une ou deux, le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, qui semblent poser problème. Et je n'ai pas entendu dans cette présentation aucun plan pour alimenter la région, dans la mesure où on sait que, à la page 279 du rapport Nicolet, on nous dit que la Gaspésie présente une situation très semblable à la Montérégie.

Donc, en termes d'alimentation, puisque sa seule source d'approvisionnement, c'est le poste de Lévis qui transite jusqu'à Rivière-du-Loup, et ensuite on achemine le courant vers la Gaspésie, en cas de panne, qu'est-ce qui va se produire? Est-ce que le Nouveau-Brunswick est en mesure de venir réalimenter? Parce que, là, on n'a pas de projet de bouclage. Ça a été évoqué également durant la tempête de verglas. Et j'aimerais savoir de votre part quels sont les projets qui s'en viennent. Parce que, quand même, il y a une population de 105 000 personnes en Gaspésie, il y a des CLSC qui sont relativement éloignés des centres urbains importants comme Gaspé, Gaspé qui est un pôle important. On voit, à l'extrême est de la Gaspésie, Grande-Vallée qui sert de centre hospitalier, une manière de dépannage pour stabiliser les patients; Murdochville, la même chose. Alors, on n'a aucun projet pour alimenter. On sait qu'il y a un poste à Murdochville, mais il n'y a pas de projet de bouclage.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Caillé.

M. Caillé (André): Alors, Mme la Présidente, pour ce qui est de la Gaspésie, déjà, le poste source qui se trouve à Rimouski, je dis bien, lui, il est relié avec, comme vous venez de l'indiquer, le Nouveau-Brunswick. Alors, celui-là peut être alimenté par deux sources. Déjà, il est bouclé, on pourrait dire, il est alimenté par Hydro-Québec à partir du réseau québécois. Il peut être alimenté par Hydro-Québec toujours, mais en utilisant de la production qui se trouve au Nouveau-Brunswick.

Si on parle de la Péninsule gaspésienne, ça, c'est autre chose, elle. Évidemment, il y a un réseau qui fait le tour de la Péninsule gaspésienne, et, ici, pour l'avenir, ce qu'on regarde, c'est les procédés de déglaçage mécanique ou tout autre type de déglaçage, de sorte qu'on pourrait se débarrasser de la glace sur le réseau qui boucle la Péninsule gaspésienne. Puis, quant au bouclage du poste source, c'est déjà le cas, il est déjà bouclé.

On pourrait parler aussi d'une autre région – vous n'avez pas posé la question – en Beauce, la situation est un peu semblable, l'alimentation est déjà bouclée. Mais, là aussi, comme en Gaspésie, les techniques de déglaçage... Parce que les réseaux restent quand même sur de grandes longueurs, le pourtour de la Péninsule gaspésienne, c'est grand, alors il faudra qu'on compte sur les techniques de déglaçage pour améliorer la situation.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, Mme la Présidente. Quels sont vos échéanciers pour mettre ça en application, ces techniques de déglaçage? Est-ce qu'il y a des nouveaux procédés que vous voulez mettre en place? Parce que, à la lecture aussi du rapport Nicolet, on parle des glacimètres, de la façon dont Hydro calcule le verglas, les mécanismes, etc. Alors, c'est pour ça que j'aimerais savoir s'il y a des échéanciers de prévus.

M. Caillé (André): Mme la Présidente, avant de céder la parole, si vous me permettez, à mon collègue Régis, j'aimerais ajouter ici, rappeler le principe que j'ai évoqué au tout début dans ma présentation: même tarif, même sécurité d'approvisionnement, même fiabilité de réseau. Ce sera la même chose en Gaspésie qu'ailleurs. Maintenant, pour ce qui est des échéanciers de réalisation, je vais demander à mon collègue Régis, avec votre permission, de compléter ma réponse.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. M. Régis.

M. Régis (Jacques): Merci, Mme la Présidente. Je pense que M. Caillé a très bien expliqué, en fait, que, d'abord, le réseau comme tel, l'alimentation du réseau peut compter sur deux sources. On l'a dit, le Nouveau-Brunswick, et ce n'est pas marginal, c'est 700 MW qu'on peut rapatrier du Nouveau-Brunswick pour alimenter la charge advenant la perte du corridor qui part de Lévis, d'une part. D'autre part, aussi, on a mis de l'avant un programme de techniques de déglaçage.

Il faut vous dire qu'actuellement on utilise déjà partiellement... Parce que ce qu'on a comme méthode, qui fait justement alterner, si on veut, à l'utilisation des lignes pour pouvoir rehausser la température, donc faire fondre, dans le fond, la glace qui peut s'accumuler... On a mis aussi, avec la recommandation très forte du comité Warren de mettre beaucoup d'accent sur le développement de ces techniques-là, un programme qui se déroule cette année, qui va se terminer l'année prochaine, qui va nous permettre d'avoir des méthodes additionnelles qu'on va pouvoir appliquer de façon plus largement, dont entre autres sur un réseau comme celui de la Gaspésie, et qui va nous permettre justement de minimiser l'impact de l'accumulation de verglas pour protéger la fiabilité du service.

Alors, ces techniques-là, ce qu'on en voit actuellement, sont quand même assez prometteuses. Je ne vous cacherai pas que, quand on parle de «prometteuses», on pourrait éventuellement les mettre en application assez rapidement, pour compléter finalement un peu le bouclage, mais avec des mesures de protection, si on veut, des lignes existantes. Parce que c'est évident que la Gaspésie est une région exposée au verglas – je pense que je n'ai pas besoin de vous le mentionner – ça fait partie des régions qui sont nécessairement exposées.

(12 heures)

Et il y a aussi d'autres aspects qu'on met de l'avant pour être capables... Puis, s'il y a du renforcement mécanique à faire à certains endroits, vous pouvez être certains qu'on va faire ce qu'il faut. Comme M. Caillé a dit, c'est la même protection qu'on veut donner à l'ensemble de la population et on va mettre en place les éléments qui pourraient compléter ces volets-là. Donc, les grands axes: déjà, une source d'interconnexion, mais, en plus, techniques de déglaçage qui devraient nous permettre de sécuriser, si on veut, l'utilisation du réseau existant de la Péninsule. Et, en plus, s'il y a des actions plus particulières qu'on juge, toujours pour garder ce niveau-là, elles vont être faites, vous pouvez en être certains. Mais ça, on parle dans un avenir quand même de tout au plus deux à trois ans avant que tout ça soit déployé pour une région comme la Gaspésie.

M. Lelièvre: Une complémentaire?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Ces techniques ou ces procédés vont être appliqués tant sur le réseau de transport que sur la distribution ou sur la distribution? Parce que, si on regarde, par exemple, les différents postes, il y a un poste à Rimouski, il y a un poste, par la suite, je pense, à Matane, dans ce secteur-là, mais, si on perd en chemin, il n'y a aucune autre possibilité. À partir du moment où un poste saute, il n'y a plus d'autre poste pour faire de la transmission d'énergie. On se retrouve coupé complètement des sources d'alimentation, même si on a une interconnexion.

M. Régis (Jacques): Les techniques de déglaçage...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Régis.

M. Régis (Jacques): Excusez-moi. On parle du réseau, nécessairement, qui alimente tous les postes qui sont tout autour de la Gaspésie, donc le réseau de transport, en fait, d'énergie. Parce que, si on sécurise la source, nécessairement vous voyez que, même advenant quelques avaries au niveau du réseau de distribution, le temps de rétablissement est beaucoup plus court, et tout. Alors donc, les techniques dont je vous parle, c'est des techniques qui seraient applicables sur l'ensemble du réseau de la Gaspésie qui alimente les différents postes sources de la Gaspésie. Alors, c'est de ça qu'on parle quand on parle d'application de techniques de déglaçage qui vont venir compléter le fait qu'on a déjà une source additionnelle qu'on peut utiliser au besoin, qui vient du Nouveau-Brunswick.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Crémazie.

Mme Blanchet: Merci, Mme la Présidente. À la lecture du rapport de la commission Nicolet, on constate qu'une des orientations analysées par cette Commission pour renforcer les réseaux d'Hydro-Québec, c'est l'enfouissement des réseaux de distribution. D'ailleurs, dans le décret du gouvernement qui a créé la Commission, c'était un souhait du gouvernement que l'on étudie cette possibilité-là.

Évidemment, selon la Commission, ce serait une initiative très heureuse, mais ça ne peut pas se faire indépendamment des différents partenaires, puisqu'il y a d'autres gens, d'autres compagnies qui utilisent des réseaux aériens. Donc, ça devrait être une responsabilité gouvernementale, mais quand même fait en partenariat avec d'autres partenaires.

Il y a eu des infrastructures de réseaux aériens, que vous partagez avec d'autres services publics. Mais il y a aussi eu, déjà, des projets d'enfouissement. Alors, comment Hydro-Québec, par l'expérience acquise par ces projets-là, pourrait voir à peut-être étendre ça surtout dans les milieux urbains comme les grandes villes, Montréal et Québec, entre autres?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Caillé.

M. Caillé (André): Oui, Mme la Présidente. C'est ma conviction qu'au cours du prochain siècle les réseaux aériens vont disparaître, plutôt tôt que tard. Peut-être, si on veut faire une hypothèse, avant l'an 2050, je pense qu'il pourrait ne plus y avoir aucun réseau de distribution – entendons-nous, réseau de distribution aérien – ni dans le domaine de la téléphonie, ni du câble, ni de l'électricité, tout cela pour des raisons esthétiques et tout cela également pour des raisons de sécurité d'approvisionnement.

Donc, ce que ça nous dit, nous, à Hydro-Québec, c'est: Voici un domaine où on peut, en investissant en recherche et développement, aller chercher des technologies qui vont trouver nécessairement leur application. Bref, la vision, c'est de faire en sorte que les technologies pour enfouir les réseaux de distribution, elles soient Hydro-québécoises. On y voit là une opportunité. Il faut investir dans la recherche et le développement, puis c'est là que se situe actuellement notre principal effort.

Parce que la grosse difficulté, la grande difficulté, c'est les coûts. Les coûts sont élevés. Et, bien entendu, que ces coûts-là soient supportés par Hydro-Québec, qu'ils soient supportés par le gouvernement ou qu'ils soient supportés directement par la clientèle, ces coûts-là ne disparaissent pas et aboutissent toujours soit à la charge du contribuable, si c'est le gouvernement qui supporte les programmes, ou des consommateurs d'électricité, de téléphonie ou dans le domaine des télécommunications, si c'est les clients qui assument la charge. Donc, ça finit toujours par être payé, quoi.

Alors, ces coûts sont très grands. On parle de deux à trois fois, d'autres parlent de jusqu'à huit fois le coût d'un réseau aérien. J'imagine que ces grandes variations là sont surtout dues... Si on parle d'un terrain où c'est facile de faire l'enfouissement, par exemple un terrain argileux, c'est un type de coût. Si on parle d'un endroit où il y a des affleurements rocheux, évidemment ça peut être beaucoup, beaucoup plus cher. Alors, première étape, donc, nous, investir recherche-développement, être les détenteurs des technologies, c'est d'un intérêt pour réduire les coûts.

Il faudra que les technologies permettent des travaux rapides et discrets, si on peut les appeler ainsi, comme les appellent mes ex-collègues de Gaz de France, à Paris. Alors, qu'ils enfouissent... Le gaz naturel, il n'y a pas le choix, il faut enfouir. Mais, si on est une grande ville comme Paris, ces travaux-là sont autorisés à la condition qu'ils soient, premièrement, discrets, pour des raisons évidentes, et puis, deuxièmement, rapides parce qu'on ne veut pas voir les gens avec des installations sur des périodes prolongées dans les grandes artères de communication dans une ville, voire dans les rues. Alors, il faut investir, là-dedans, sur la façon de faire pour réduire les coûts. Quand on aura fait ça, il y a une volonté, il y a un désir de la population pour l'enfouissement. L'obstacle, c'est le coût. O.K.? Et qui supportera le coût?

Troisième élément de ma réponse. Je pense qu'on apprend à marcher en marchant un peu. Alors, je n'exclus pas, au contraire, je pense qu'on devrait – on travaille pour faire ça – réaliser des projets-pilotes, déjà, dès cet été, d'enfouissement qu'on pourrait faire dans des villages patrimoniaux, histoire de se faire la main justement, puis comment on peut travailler, comment on peut travailler surtout en collaboration avec les gens de téléphonie et de communication par câble, donc commencer de cette façon-là. Je vais vous dire qu'à cet égard-là, moi, personnellement, je vois un grand avantage. On sent qu'il y a un potentiel pour Hydro-Québec à détenir la technologie d'enfouissement, comme jadis ou il y a plusieurs années il y avait un intérêt à développer le transport à haut voltage, la transmission à haut voltage, hein, le 735 000 V dont on est si fier aujourd'hui. De la même manière, si on peut développer les techniques d'enfouissement, je pense qu'on va en être tout aussi fier.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de Crémazie.

Mme Blanchet: J'imagine que c'est un peu... Vous disiez qu'un des obstacles, c'est évidemment les coûts. Bon. Vous avez, en octobre dernier, demandé au CERIU une étude justement pour évaluer tout ça, autant des techniques, comment faire les travaux et les coûts. Pouvez-vous nous donner une idée d'où en est rendue cette étude? Quels étaient les délais...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Caillé.

M. Caillé (André): Cette étude, Mme la Présidente, est sous la responsabilité de mon collègue, ici, à ma gauche, M. Filion, qui va vous donner la réponse à votre question.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Filion.

M. Filion (Yves): Oui, Mme la Présidente, nous avons effectivement confié un mandat au Centre d'étude en infrastructures urbaines, et cette étude sera terminée au mois de juin de cette année, donc un mandat... On voulait quand même avoir un mandat précis qui mènerait à des conclusions qui visent finalement à élaborer un concept nouveau et amélioré d'infrastructures urbaines en concertation, comme vous l'avez dit, avec les autres utilités de service public, plus particulièrement les entreprises de télécommunications. Notre intention, suite à ce mandat-là, comme l'a mentionné M. Caillé, c'est de réaliser quelques projets-pilotes pour expérimenter le concept, évaluer les coûts et continuer à s'améliorer, parce que je pense qu'on est vraiment dans un processus d'amélioration.

Si vous le permettez, j'aimerais aussi vous présenter le défi sous deux volets. D'abord, on a le volet du prolongement de réseau. Alors, le prolongement de réseau, c'est quand on vient prolonger un réseau qui n'existe pas, pour un nouveau développement. Alors, à ce moment-là, c'est beaucoup plus facile. Et notre défi est de ramener les coûts à deux fois le coût de l'aérien. Et nous croyons que, si on atteint cet objectif-là, soit les municipalités ou les clients vont accepter de payer la différence par rapport à l'avantage que ça représente pour eux, principalement un avantage esthétique. Et, là-dessus, au niveau technologique, nous avons des grands pas de franchis. Ça fait au moins cinq ans que nous investissons en recherche et développement. Et nous avons, en concertation avec la compagnie ABB, développé au Québec un transformateur à isolation solide qui nous permet d'offrir un potentiel pour réduire ces coûts. Et cette technologie est une première mondiale, donc c'est quand même quelque chose d'important.

(12 h 10)

Quand on arrive en milieu urbain organisé, là, c'est beaucoup plus difficile parce que nous devons intervenir en milieu déjà développé, soit avec l'asphalte, le béton, des bordures aménagées. Et là nous avons un défi important. Et les coûts peuvent aller jusqu'à six à huit fois le réseau aérien. Il faut absolument trouver des moyens pour réduire ce coût-là et rendre la formule aérienne attrayante pour les clients. Et c'est vraiment sur cet objectif-là que nous travaillons.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Filion.

Mme Blanchet: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va? Alors, M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Oui, merci, Mme la Présidente. Je voudrais d'abord vous remercier effectivement de l'information précieuse qu'on a aujourd'hui. Venant du Saguenay, j'ai eu plus à vivre, moi aussi, comme M. Brassard, le déluge. Mais on a été témoin par la télévision des malheureux événements de la crise du verglas. Et je crois que c'est une lumière que vous avez donnée aujourd'hui qui est très intéressante et dont malheureusement se sont privés les gens de l'opposition.

Alors, vous me permettrez aussi, à mon tour, de dénoncer un peu cette attitude, d'autant plus que je la trouve incohérente dû au fait que, dès le départ – et je me reporte au mois de janvier 1998, après les événements qu'on connaît – l'opposition avait réclamé, par le biais de M. Johnson, qu'une commission parlementaire justement se penche sur la question des décisions qui ont été prises par Hydro-Québec, de façon à faire la lumière par le biais d'une commission parlementaire. Et aujourd'hui on semble trouver ce moyen peu efficace. Et même tout simplement de troquer – tantôt mon collègue le disait – cette information-là pour avoir un petit 15 secondes de gloire, c'est plutôt malheureux. Et entraîner même une partie de la population dans ce mouvement-là, moi, je trouve ça très irresponsable, irresponsable aussi dans...

Par les données que vous avez données, j'ai trouvé ça intéressant, M. Caillé, concernant le fait que, bon, il y a eu la crise du verglas, mais, depuis ce temps-là, on a eu d'autres événements qui ont mis en péril la sécurité, pas au point où on en était à ce moment-là, mais, quand même, qui auraient pu faire en sorte que des événements de même nature se reproduisent, peut-être pas avec la même ampleur, mais se reproduisent quand même. Souvent la mémoire collective s'effrite un peu, on le sait. On dit: Six mois, la mémoire collective s'effrite. Aujourd'hui, ça nous a permis de nous replonger un peu dans l'urgence de la situation et des actions que vous avez prises depuis ce temps-là de façon à corriger cette situation.

J'avais une petite question aussi qui porte sur... Bon. On voit qu'il y a toute la... On développe le maillage, qui est une technique, j'imagine, qui est reconnue. Et j'aimerais savoir au départ si, par exemple, en Ontario, l'approche qui a été prise est la même ou on a pris une autre approche, tout simplement, ou si c'est exclusif à Hydro-Québec? Tantôt, vous faisiez référence à ce qui se fait au Japon. J'aimerais savoir ce qui se fait peut-être en Ontario. Est-ce que c'est la même approche qui a été prise?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Caillé.

M. Caillé (André): Je ne connais pas le degré de maillage du réseau d'Hydro Ontario. Je vais laisser peut-être la question à mon collègue, M. Régis, avec votre permission, madame, toujours.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Régis.

M. Régis (Jacques): Merci, Mme la Présidente. En fait, en Ontario, il faut voir qu'ils ont aussi des situations qui ressemblent effectivement à ce qu'on voit au Québec. C'est aussi des zones qui sont exposées au verglas, particulièrement dans la partie est de l'Ontario. Ils ont des maillages, mais je ne dirais pas... À part la grande région de Toronto... Parce que, vous savez, le maillage se développe beaucoup, puis ils ont de la production, en Ontario, qui est très près, plus près des centres, si on veut, de consommation, alors nécessairement, juste ça, ça amène un maillage plus grand pour interconnecter ces différentes sources là. Au niveau des réseaux régionaux, ils n'ont pas plus de maillage qu'on en a.

D'ailleurs, je peux vous dire que les gens, en Ontario, suivent de très près ce qu'on fait chez nous, justement pour tirer aussi leçon, pour pouvoir intégrer des éléments d'amélioration au niveau de leurs propres critères de conception. Alors, dans ce sens-là, je pense que la situation n'est pas nécessairement très différente, à part la grande région de Toronto puis aussi la nature des centres de production en Ontario qui est beaucoup plus près nécessairement des centres de consommation. Mais le phénomène est suivi de très près.

Je parle de l'Ontario, mais je peux vous dire que les Maritimes puis même l'État de New York et la Nouvelle-Angleterre suivent de très près ce qu'on fait parce qu'on est un peu le leader dans ce domaine-là, en termes de comment vont évoluer les différentes normes, les critères de conception, et tout, pour tenir compte d'événements tels que celui ou ceux qu'on a connus. Alors, c'est suivi de très près. Mais, je pense, pour le reste, il n'y a pas vraiment plus que ça qu'on peut ajouter.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Oui, en complémentaire. Simplement des petites questions concernant – il y en a eu plusieurs aussi – le rapport Nicolet. On faisait état, dans le rapport, du fait que la Commission considérait que la construction des lignes stratégiques répondant à des normes beaucoup plus exigeantes que les lignes normales constitue un moyen convainquant de renforcer le réseau. Et, par rapport à la présentation, j'aurais aimé savoir un peu quelle était votre opinion face à cette conclusion-là.

M. Caillé (André): Oui, ça...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Caillé.

M. Caillé (André): Oui, madame. Alors, ça, ça a un intérêt, Mme la Présidente. D'ailleurs, on a identifié qu'on devrait avoir des corridors. Prenons le corridor venant de Manic. Il y a plus d'une ligne qui descendent de Manic, même chose de Churchill Falls, même chose de la région de la rivière La Grande. Alors, on pourrait choisir une de ces lignes-là pour la renforcer, et elle deviendrait une ligne stratégique par rapport aux autres.

Entre autres, ce qui est important, quand arrive un phénomène comme celui qu'on a connu en janvier 1998, c'est de ne pas tout perdre. Donc, ça, c'est d'intérêt pour nous, c'est quelque chose que nous envisageons en complémentarité avec amener les interconnexions à fonctionner en sens inverse. Par exemple, avec 12 500 MW additionnels sur l'Ontario, ça pourrait, ça aussi, compenser le jour où malheureusement on perdrait une ligne ou un corridor au complet venant de Churchill Falls, par exemple, qui est un endroit, en passant, sur la Côte-Nord puis au Labrador, très susceptible de recevoir du verglas et du givre, les deux.

Une voix: Peut-être un complément...

M. Caillé (André): Oui. M. Régis va ajouter quelque chose, avec votre permission.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Alors, M. Régis.

M. Régis (Jacques): Merci, Mme la Présidente. Peut-être juste pour mentionner justement le corridor stratégique. Mais la ligne des Cantons–Hertel est justement un corridor stratégique. Elle vient justement renforcer toute l'alimentation qui part de la région de Québec, Nicolet, et tout, pour venir vers Montréal. Nous l'avons conçue avec des critères beaucoup plus élevés que ce qu'on fait normalement. Ce n'est pas juste par hasard, c'est parce qu'on en faisait justement un corridor stratégique. Alors, c'est bon de le dire parce que ce concept-là est déjà en application pour les bouclages qu'on a faits. On l'a fait à Montréal, on l'a fait en Montérégie, on le fera en Outaouais, comme tel, et au centre-ville aussi.

Alors, il faut voir qu'on a déjà mis ça en application parce que c'est fondamental, vous savez. Si on ne peut pas protéger nos sources, advenant des événements comme celui-là, donc elles ne peuvent pas être alimentées, bien, c'est bien difficile de pouvoir prendre quelque engagement que ce soit au niveau sécurité-alimentation. Alors donc, la ligne des Cantons–Hertel, rappelez-vous que c'est justement un des corridors stratégiques du grand réseau de transport d'énergie conçu avec une robustesse beaucoup plus grande justement pour apporter une fiabilité encore plus grande que les corridors existants.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Caillé.

M. Caillé (André): Je veux juste rajouter, madame, que vous trouverez, à la troisième avant-dernière page des acétates papier qui vous ont été montrées, ce que nous envisageons comme axes stratégiques, et vous verrez ce que mon collègue vient d'indiquer. Il va y avoir une ligne pointillée entre des Cantons et Hertel, en jaune orangé, si je ne m'abuse, qui montre les axes stratégiques envisagés par Hydro-Québec.

M. Bédard: Dernière petite question...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: ...mais très, très simple. Dans le rapport, la Commission faisait état aussi des dangers des fils qui passent par-dessus les routes. C'est très précis, remarquez, mais j'aimerais savoir... Parce que les lignes ont été reconstruites, évidemment. Est-ce qu'on a tenu compte de ça? Est-ce qu'effectivement il y a eu des améliorations qui ont été faites?

M. Caillé (André): Oui, des améliorations ont été apportées. Jacques, tu peux...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Régis.

M. Régis (Jacques): Effectivement, on a appliqué des critères de conception qui sont plus sévères pour les traverses de route, justement pour sécuriser, dans le fond, de part et d'autre de la route comme telle. Et, dans la reconstruction, d'ailleurs on l'a fait, je peux vous dire ça. Dans la reconstruction des réseaux qui étaient endommagés, nous avons tenu compte de ça. Et il y a déjà des critères plus spécifiques pour les traverses de route, puis c'est normal aussi, je pense, à cause de la sécurité publique, et tout. Alors, on utilise des pylônes souvent qui sont plus robustes, qui sont capables aussi de subir des chocs beaucoup plus grands pour sécuriser, en fait, ces traverses-là, avec tout ce que ça implique. Alors, c'est déjà en application, et on l'a fait durant la reconstruction.

Et d'ailleurs tous ces éléments-là qui affectent les critères de conception, la fameuse norme dont on parle, la norme 40.1, la norme SN d'Hydro-Québec, rappelez-vous – et ça, je pense qu'on est entièrement en accord avec la commission Nicolet – c'est que ça va imposer une révision de notre norme. Parce qu'il faut prendre le vécu qu'on a eu pour voir comment on améliore les éléments. Et tous ces éléments-là vont être revus fondamentalement, justement pour voir comment ils vont se concrétiser dans la norme qui va être en application pour tout le réseau, dans le fond, dans les années à venir. Alors, je peux vous dire que c'est ce qu'on fait, actuellement.

M. Bédard: Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci, Mme la Présidente. M. Caillé, moi, j'ai quelques questions, surtout en ce qui concerne le coût de l'électricité. Parce que c'est un choix qu'on a fait il y a quelques années parce que le coût de l'électricité est beaucoup plus abordable que d'autres sources d'énergie et les impacts environnementaux sont nettement supérieurs.

(12 h 20)

Vous avez mentionné tantôt que l'amélioration de la sécurité d'approvisionnement avait augmenté par le biais surtout de la robustesse du réseau et à l'aide des mesures mentionnées. Ça, on le retrouve aussi dans le rapport Nicolet. Mais peut-elle réduire d'une façon significative le coût de l'électricité face à la robustesse?

M. Caillé (André): Je dois dire, ici, que, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Caillé.

M. Caillé (André): ...tous les investissements qui sont faits ici n'engendreront pas de revenus additionnels pour Hydro-Québec. C'est la dure réalité. C'est donc dire que ça, c'est un coût additionnel sans qu'il y ait une contrepartie du côté des rentrées de revenus. Je l'ai dit, il n'y a pas d'exportation additionnelle à attendre de ça et il n'y a pas de ventes additionnelles comme telles à attendre de cela. De sorte que, tant le 815 000 000 $ pour les bouclages, pour tous les travaux dans la région affectée par le verglas de janvier 1998, de même que les 100 000 000 $ et quelques pour les projets complémentaires n'apportent pas de revenus additionnels.

Ce qu'ils apportent, c'est une plus grande sécurité d'approvisionnement, c'est une plus grande robustesse parce que les lignes sont construites plus fortes, une plus grande fiabilité parce qu'il y a le bouclage. Et c'est sûr que ça... Et ça a été un point important pour moi. Les clients d'Hydro-Québec, ils s'attendent à deux choses d'Hydro-Québec, deux priorités. La première, pas de panne. Ça, ça veut dire continuité du service, c'est leur première priorité. Le prix, ça vient après. Mais c'est le deuxième. Il y a plusieurs demandes de la part de nos clients, mais il y en a deux: pas de panne, pas d'augmentation. C'est deux règles de base. Alors, ici, notre réaction... Puis bien sûr il y a aussi la sécurité des personnes qu'on ne veut pas, puis qu'on ne peut pas, puis qu'on n'a pas mise de côté ici. Mais ça répond directement à une priorité de nos clients: fiabilité du réseau.

De fait, ces sommes investies là n'apporteront pas de revenus additionnels, et ce n'est pas ça qui va contribuer, certainement pas, là, à faire baisser les tarifs ou à augmenter le bénéfice d'Hydro-Québec. C'est comme ça. Mais c'est quelque chose, je pense, que nous devons faire parce que c'est ça, l'attente de notre clientèle. Et, quand on répond aux attentes de notre clientèle, sur un plan commercial, on ne peut pas se tromper, surtout quand c'est sa première priorité.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Oui, merci madame. On a parlé tantôt de restructuration et puis de déréglementation avec les marchés, avec les Américains surtout. Avez-vous des indices face à l'impact possible qu'il y aura face à la concurrence? Quand on regarde les producteurs et aussi les clients qui vont avoir peut-être le choix entre deux ou trois approvisionneurs différents, quel indice on peut avoir là-dessus?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Caillé.

M. Caillé (André): Mme la Présidente, il y a de cela presque trois ans maintenant, j'étais dans cette enceinte pour expliquer que nous supportions la déréglementation du marché de gros. Attention! Ça, ça voulait dire la liberté pour les municipalités qui possèdent des réseaux de distribution de s'approvisionner auprès d'un producteur de leur choix, donc potentiellement d'un producteur différent d'Hydro-Québec. On a fait ça. Je pense que la législation qui a permis ça a été adoptée en décembre 1996. Hydro-Québec n'a perdu aucune vente d'énergie, depuis ce temps-là, pour la simple et bonne raison que l'hydroélectricité québécoise, ce n'est pas battable, en termes de prix. On a un très, très bon produit, puis on a un très, très bon produit à un très, très bon coût, et c'est pour ça qu'il n'y a pas eu de déplacement dans le marché de gros.

Nous n'avons pas, à cette date, déréglementé le marché de détail, le marché des entreprises, les commerces, etc. Ils n'ont pas la liberté, au moment où nous nous parlons, d'acheter leur énergie d'un fournisseur différent d'Hydro-Québec. Je suis absolument convaincu que, si tel était le cas, ça ferait très exactement le même effet que la déréglementation du marché de gros. Voyez-vous, au Québec, notre prix de vente de l'électricité – puis ce n'est pas ces investissements additionnels là qui vont changer beaucoup ça – c'est 0,028 $, enfin 0,03 $ par kilowattheure pour la marchandise. Un producteur américain qui produirait, comme je l'ai dit plus tôt, de l'électricité avec du gaz naturel canadien par exemple, qui est peut-être la meilleure formule, là, qui peut obtenir du moindre coût actuellement pour faire une production additionnelle marginale d'électricité aux États-Unis, il est à 0,05 $, 0,055 $CAN. Il faut qu'il transporte son produit jusqu'au Québec. Il faut ajouter ça.

Alors, la capacité de compétitionner, à Hydro-Québec, elle est quand même fort limitée de par des producteurs venant de l'extérieur. Est-ce à dire que les producteurs américains ne vendent pas d'énergie au Québec? Non. Ils en vendent, ils en vendent beaucoup et ils en vendent à Hydro-Québec. Parce que, dans leurs périodes de creux, quand ils n'ont pas de marché, ces gens-là, hein... Il faut comprendre, eux, ils opèrent des turbines qui fonctionnent avec du gaz naturel, et ça, ça coûte très cher, enfin ça coûte beaucoup de démarrer puis d'arrêter les turbines.

Alors, pendant une période dans la journée, par exemple, ou durant la nuit, de minuit à quatre heures du matin, il n'y a pas de transport en Nouvelle-Angleterre, de transport ferroviaire qui fonctionne à l'électricité, il n'y a pas de métro, enfin beaucoup moins à New York, un peu comme chez nous, ici, alors ils consomment beaucoup moins. Le producteur en question, il a deux options, il peut fermer boutique puis repartir le lendemain matin, ça lui coûte beaucoup, comme j'ai dit; ou il peut continuer à produire puis offrir ça à quelqu'un qui est prêt à l'acheter parce que, lui, il a la capacité de la stocker, cette énergie-là. C'est ça qu'on fait. On achète aux heures où le prix est bas pour revendre aux heures où le prix est élevé.

Alors, oui, ils en vendent au Québec, à Hydro-Québec très exactement, comme j'avais dit en... je ne me souviens plus quel mois c'était, mais au début probablement de l'année 1997, je suppose...

Une voix: Février...

M. Caillé (André): Février 1997? Alors, il n'y a pas d'inquiétude à y avoir. On se sent, à Hydro-Québec, très confortables quant à notre position concurrentielle dans notre marché, et ça, encore une fois, c'est dû à nos prédécesseurs, c'est dû aux deux personnes dont les noms ont été mentionnés ici, ce matin, qui ont développé l'hydroélectricité au Québec, M. Lévesque et M. Bourassa.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, il nous reste très peu de temps. M. le ministre, vous aviez des commentaires et une dernière question.

M. Brassard: Oui, j'ai une dernière question qui me chicote d'ailleurs depuis un bon moment. Ça concerne Hertel–des Cantons. Tout à l'heure, vous avez bien répondu aux questions que je vous ai posées à cet égard sur la justification du 735 kV. Mais, avant d'en arriver à cette solution: Hertel–des Cantons, un nouveau poste, Montérégie, qui va se ramifier aussi, est-ce que vous avez examiné un certain nombre de projets alternatifs? C'est un peu votre démarche. Parce qu'il y a toutes sortes de bruits qui circulent, qu'il aurait pu y avoir d'autres solutions tout aussi efficaces ou pertinentes que de construire une ligne 735 kV entre Hertel et des Cantons. Avez-vous examiné d'autres projets alternatifs avant d'en arriver à la conclusion que la meilleure solution, c'est celle qu'on connaît puis qui a été retenue?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Caillé.

M. Caillé (André): Alors, Mme la Présidente, ça s'est produit de la façon suivante. En février ou à la fin janvier, après avoir constaté ce qui était arrivé au réseau d'Hydro-Québec, on s'est interrogé, à Hydro-Québec, on s'est posé la question: Coudon! comment ça se fait qu'on peut aboutir à cette situation-là? Et là j'ai été informé qu'il avait existé un projet, pas Hertel–des Cantons mais très semblable à Hertel–des Cantons, pour compléter l'alimentation, la boucle, enfin l'alimentation à 735 kV du poste justement d'Hertel. Alors, ça, ça a été le premier élément de la démarche.

Plus tard, dans le déroulement des événements, dans le temps, M. Sirros, je crois, a proposé, et des citoyens du Val-Saint-François possiblement, d'autres solutions qu'on a regardées. Essentiellement, aucune de ces solutions-là ne permet d'amener 2 000 MW à La Prairie, c'est-à-dire au poste Hertel, et par conséquent ne nous permettrait pas, d'une part, de sécuriser les populations de la Rive-Sud de Montréal ainsi que de Montréal, parce que rappelons-nous que la boucle de Montréal, Aqueduc– Atwater, à part un des sommets du triangle, c'est Hertel, c'est La Prairie. Maintenant, mes collègues avaient des réponses à cela, des démonstrations à faire ici aujourd'hui...

M. Brassard: Mais je comprends bien que l'objectif qu'il fallait atteindre, c'était d'acheminer 2 000 MW à La Prairie, poste Hertel. C'est ça, l'objectif à atteindre.

M. Caillé (André): Voilà! Ça commence comme ça.

M. Brassard: Et, quand vous examinez toute une série d'alternatives possibles, la seule qui permet cela, qui permet d'acheminer 2 000 MW à Hertel, c'est Hertel–des Cantons.

M. Caillé (André): Voilà.

M. Brassard: On peut envisager divers tracés, mais ça, c'est une autre question. Mais c'était ça, la solution.

M. Caillé (André): Oui. Très exactement cela.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'est bien sûr malheureusement la fin de nos échanges. C'est le temps qui nous était imparti. Et je pense que le ministre, étant le leader, est tout à fait au courant, n'est-ce pas, des ordres de l'Assemblée.

Alors, je voudrais bien sûr vous remercier, M. Caillé, vos collaborateurs d'Hydro-Québec, et là-dessus suspendre les travaux jusqu'à cet après-midi, 15 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

(Reprise à 15 h 30)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mmes et MM. membres de la commission, nous allons donc reprendre nos travaux, tout en vous rappelant que la commission de l'économie et du travail procède à des consultations particulières sur la sécurisation du réseau de transport et de distribution d'Hydro-Québec dans les régions qui ont été touchées par la tempête de verglas de janvier 1998.

Nous accueillons maintenant la Commission scientifique et technique chargée d'analyser les événements relatifs à la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998. Alors, M. Nicolet et votre groupe, s'il vous plaît, pouvez-vous prendre place.

Je voudrais rappeler à votre groupe que vous avez évidemment une intervention qui peut durer jusqu'à 90 minutes; le reste du temps bien sûr sera alloué aux échanges avec les parlementaires. Alors, là-dessus, M. Nicolet, si vous voulez présenter aux membres de la commission les gens qui vous accompagnent.


Commission scientifique et technique chargée d'analyser les événements relatifs à la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998

M. Nicolet (Roger): Merci, Mme la Présidente. J'aimerais donc présenter ma collègue, à ma droite immédiate, Me Nicole Trudeau, qui était vice-présidente... Bon. Je parle au passé, puisque la Commission au fond n'existe plus depuis le 7 avril, mais c'est Me Trudeau qui a agi comme vice-présidente de la Commission. À mon extrême droite, M. Louis Cloutier, qui est donc membre de la Commission, professeur à Laval; à côté de lui, M. André Dicaire, commissaire, que vous connaissez tous et toutes; et, à ma gauche, M. Gilles Marinier, qui était le responsable des études techniques dans le cadre des travaux de la Commission.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous remercie. Alors, vous pouvez procéder, donc, avec votre intervention.

M. Nicolet (Roger): Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames, messieurs, j'aimerais d'abord vous remercier de nous donner l'occasion de participer aux travaux de votre commission et de vous faire ce rappel, cette présentation du rapport que nous avons eu le privilège de préparer tout au long de la démarche que vous nous aviez confiée.

J'aimerais aussi profiter de cette occasion pour remercier le gouvernement du Québec au nom de la Commission pour l'appui qui nous a été donné tout au long de cette démarche qui a duré une bonne année et qui nous a permis d'approfondir un sujet de grand intérêt, en tout cas pour nous. Mais je puis vous assurer que, sans le soutien sans faille de la fonction publique et du gouvernement québécois, nous n'aurions pas pu assumer cette tâche et la mener à bonne fin.

Dans ce rappel de l'essentiel du rapport, j'aimerais peut-être revenir sur... tout d'abord rappeler l'essentiel du mandat. C'est un mandat très large que le Conseil des ministres nous confiait en janvier 1998, à la fin du mois, dans la foulée même des événements que vous connaissez bien. Et j'aimerais tout simplement vous rappeler que ce qu'on nous demandait de faire, c'est: d'analyser l'état de préparation, les actions prises par les différents intervenants lors de ce sinistre avant, pendant et après la tempête de verglas; d'évaluer si le modèle d'organisation des mesures de sécurité civile au Québec a bien été suivi; de proposer des améliorations à y apporter aux niveaux national, régional et local; d'analyser globalement et sur une base géographique l'événement climatique et météorologique; et d'analyser les critères de conception et de fiabilité des divers équipements et installations composant les réseaux de transport et de distribution d'Hydro-Québec.

Le plan de travail qui a découlé de cette démarche fut complexe, et nous y avons consacré, comme vous avez pu vous en rendre compte, des énergies considérables et des ressources importantes de tous les secteurs d'activité de la société québécoise. Nous avons été appuyés, pendant la période de consultation publique, d'un appui de différents secteurs de la société, que ce soient les élus municipaux, que ce soient des citoyens, des groupes organisés. C'est grâce finalement à cette participation très large que nous avons pu formuler les recommandations qui vous sont présentées dans le texte qui a été déposé.

Le résultat de la démarche de la Commission est présenté sous forme d'un rapport qui est composé de cinq volumes. Les quatre premiers volumes constituent, en quelque sorte, le bilan des études sectorielles, c'est-à-dire l'analyse de l'événement, mais qui ne contiennent pas de conclusions ni de recommandations.

Dans le premier volume, on parle de sécurité civile, de la gestion de sinistre, des communications. Dans le volume II, nous résumons notre perception des impacts sociaux, économiques et environnementaux, les personnes et les ménages, le territoire, l'environnement et les impacts économiques. Dans le volume III, les conditions climatiques et l'approvisionnement en énergie, les phénomènes atmosphériques, l'approvisionnement en énergie. Et, dans le volume IV, le cadre juridique de la gestion des sinistres au Québec, l'étude du cadre juridique. Et, dans le rapport central, qui retient particulièrement notre attention aujourd'hui, nous présentons la synthèse des conclusions et les recommandations que nous avons formulées.

Le rapport central a été distribué, je crois, au cours des dernières heures aux membres de cette commission et, du reste, à l'ensemble de la députation, et j'espère que vous aurez l'occasion d'en prendre connaissance. Il est divisé en trois parties: la première fait état de la tempête de verglas de janvier 1998; la deuxième partie parle de la politique québécoise de sécurité civile; et la troisième partie, de l'approvisionnement en énergie à sécuriser. Aujourd'hui, donc, nous allons vous présenter le sommaire de cette troisième partie du rapport central qui touche le réseau électrique et la sécurité des approvisionnements.

L'exposé que je vous ferai, ou que nous vous ferons, sera limité par la force des choses. Le texte du rapport fait foi de la réflexion de la Commission. Le volume III, qui traite de l'analyse, comme je le disais tout à l'heure, de façon plus approfondie, explique la réflexion qui sous-tend les conclusions du rapport central et doit être consulté pour tous ceux qui voudraient se familiariser avec la problématique plus technique.

J'aimerais tout d'abord, si vous me permettez, m'arrêter sur la tempête de verglas proprement dite. C'est et ce fut sans aucun doute un événement extraordinaire, une accumulation de verglas sans précédent dans le nord-est du continent, tempête qui s'est poursuivie sur cinq jours.

On a beaucoup parlé de changements climatiques comme une des explications possibles de la sévérité de cette tempête et des caractéristiques auxquelles j'ai fait allusion tout à l'heure. En réponse à ce commentaire, j'aimerais vous lire un extrait de ce que le rapport a à dire sur cette question, et je vous cite:

«La question qui se pose ici est de savoir si le réchauffement climatique facilite la formation de précipitations verglaçantes. Selon certains experts, le réchauffement climatique aurait pour premier effet de multiplier les événements climatiques extrêmes. Malgré la perception que l'on peut en avoir, la preuve statistique d'une telle multiplication n'a pas été clairement établie. Il faut ajouter que El Niño est un de ces phénomènes extrêmes, et le réchauffement de l'atmosphère aurait ainsi pour incidence d'en accroître la fréquence et d'en augmenter l'ampleur. El Niño ne peut suffire à lui seul pour provoquer des précipitations de verglas.

«Là où la température augmentera, on doit s'attendre à un accroissement de précipitations. Tous les modèles climatiques actuellement utilisés concluent que cette augmentation des précipitations affectera particulièrement les latitudes élevées de l'hémisphère nord.

(15 h 40)

«Sous ce climat transformé, le déclenchement de précipitations verglaçantes restera lié aux deux conditions expliquées précédemment. Pour ce qui est de la première de ces conditions, soit l'existence au sol d'un courant d'air froid, le réchauffement climatique conduira à un déplacement vers le nord du périmètre des régions concernées. Le front du verglas correspondant aux régions où la température moyenne quotidienne demeure stable à quelques degrés sous zéro se transporterait ainsi de la vallée des basses terres du Saint-Laurent vers le Bouclier canadien et la Gaspésie.

«Les experts de la Commission soulignent cependant que l'impact sur la circulation des masses d'air du réchauffement climatique n'est pas encore vraiment déterminable avec les modèles climatiques actuels.»

La période de récurrence était difficile à fixer avec rigueur. Pour la Commission... Là aussi, je vous réfère au texte: «Tout au plus, comme les experts de la Commission, peut-on donc souligner que les quantités de pluie verglaçante mesurées à la station de Saint-Hubert constituent une quantité inégalée au cours des 50 dernières années et que l'intervalle de récurrence pourrait être de l'ordre d'une centaine d'années, ce qui signifie que la probabilité que le même phénomène se reproduise dès l'année prochaine, avec la même ampleur, au même endroit, est de l'ordre d'une chance sur 100. La Commission souligne le caractère aléatoire de ce chiffre étant donné l'insuffisance de données disponibles sur une longue période.»

Ceci m'amène à la perception de faible récurrence par le public. Il faut rappeler qu'une période de récurrence de 100 ans veut aussi dire une chance sur 100 que l'événement se produise dans l'année ou, si vous préférez, environ deux chances sur trois qu'il se produise au cours du siècle.

L'accumulation de glace au sol a fait l'objet de travaux d'Environnement Canada, qui sont du reste présentés dans les documents auxquels j'ai fait référence précédemment. Qu'il me suffise de dire pour les fins d'aujourd'hui que la quantité évaluée maximum de glace au sol dans la région sud de Drummondville se situait autour de 100 mm, 110 mm, soit 10 cm, donc la bande entre Drummondville et Saint-Jean, d'est en ouest.

La relation glace au sol en relation avec la glace sur les conducteurs est mal connue. L'instrumentation est inadéquate pour des précipitations importantes. L'accumulation sur les conducteurs est de formes variées, donc ce n'est pas, comme on a entendu dire, un cylindre parfait du point de vue géométrique; bien au contraire, ce sont des formes différentes qui sont fonction du vent, de la rotation du conducteur et du niveau de charge électrique. Le manchon cylindrique n'est qu'une façon d'aborder le problème pour le visualiser et pour permettre au concepteur de faire l'analyse des lignes. Selon l'estimation de la Commission, dans les zones de précipitations les plus importantes, c'est-à-dire entre Drummondville et Saint-Jean, l'accumulation totale assimilable à un manchon serait de l'ordre de 40 mm à 50 mm de diamètre.

Deux autres caractéristiques de la tempête sont importantes. L'accumulation de glace était progressive bien sûr, puisque la pluie verglaçante est tombée par périodes sur cinq jours. Même aux endroits où il y avait, le vendredi 9 janvier, de 40 mm à 50 mm de glace équivalente, manchon de rayon, le mardi 6 et le mercredi 7 le maximum de glace probable ne devait pas dépasser 25 mm de rayon. Les vents, dernière condition importante à garder présente à l'esprit, sont demeurés légers jusqu'au mercredi. Ils deviennent modérés plus tard, dans la fameuse semaine du début janvier 1998.

Parlons maintenant – si vous me le permettez – du réseau pendant la tempête. J'aimerais tout simplement rappeler... Parce que je me suis aperçu que nous avions vécu tellement longtemps avec cette problématique qu'on oubliait que c'étaient des termes qui n'étaient peut-être pas d'usage commun. Le réseau de transport. Par transport, on entend le réseau à haute tension qui amène l'énergie électrique des grandes centrales vers les centres de consommation, et réseau de transport qui est surtout à 735 kV. Deux des postes principaux: un réseau de répartition de moyenne tension de 230 kV, mais surtout à 120 kV, distribue, répartit le courant vers les marchés de consommation, et finalement le réseau de distribution achemine l'électricité vers le consommateur et est donc à 44 kV ou 25 kV.

Pour rappeler de façon très brève le déroulement des événements, l'alimentation s'est perdue dès le 6 janvier. La ligne de 230 kV qui alimente Saint-Césaire à partir de Boucherville tombait dès le 6. À partir de cette date et jusqu'au vendredi 9, se poursuit en zone sinistrée la dégradation des réseaux haute et moyenne tension. Le réseau de distribution se détériore également rapidement tout au long de la semaine et sur tout le territoire sinistré.

Du point de vue des aspects électriques, il est important de souligner que la fiabilité est la caractéristique d'assurer la continuité du service, mesurée par l'indice de continuité. En opposition à cela, nous parlons de robustesse quand on fait référence à la capacité du réseau à résister à la sollicitation de grande sévérité. Dans une perspective plus structurale, la capacité des lignes à conserver leur intégrité physique sous charge exceptionnelle est le critère que nous retenons pour fins de discussion.

Il faut rappeler que des programmes massifs d'investissement par Hydro-Québec pour améliorer la fiabilité entre 1988 et 1995 – et je fais référence aux programmes AFRT, PAM et PAQS – ont permis d'abord à Hydro-Québec d'obtenir l'accréditation du NPCC en 1997 – il s'agit du Northeast Power Coordinating Council. Cette accréditation a été du reste confirmée par les événements de janvier, puisque la perte de service s'est limitée à la zone d'effondrement des lignes. Donc, malgré cet effondrement de lignes importantes en Montérégie, le reste du Québec a pu être desservi sans interruption. Et je crois que c'est important d'en être conscient. Donc, du point de vue électrique, le réseau s'est comporté de façon très satisfaisante.

Toujours du point de vue électrique, par contre, l'analyse que nous en avons faite, et nous reviendrons plus loin là-dessus, indique qu'il y a lieu de se préoccuper du faible niveau de maillages du réseau et du nombre limité d'interconnexions qui existent, et j'aurai l'occasion de reprendre cette question tout à l'heure.

Par contre, la tempête s'est révélée beaucoup plus dommageable du point de vue des structures qui supportent ou qui constituent ce réseau. Comme je le mentionnais tout à l'heure, première rupture dès le 6 janvier, le circuit 7034 entre Nicolet et Boucherville s'effondre. Dans les jours qui suivent, des circuits importants du réseau de transport s'effondrent en Montérégie. Même séquence de rupture du réseau de répartition 120 kV sur portique en bois dans la région de Saint-Césaire. Le réseau de distribution, toujours le même phénomène, au total, 16 200 poteaux brisés. En perspective, j'aimerais tout simplement rappeler qu'Hydro-Québec possède 2 400 000 poteaux à travers le Québec et que le taux de remplacement est de l'ordre 18 000 poteaux par an.

(15 h 50)

La Commission, en audiences publiques, a entendu de nombreux témoignages qui mettaient en évidence la contradiction apparente entre la résistance structurale théorique du réseau et son comportement, particulièrement au début de la tempête, pendant les premiers jours de la semaine du 5 janvier. Les experts ont reconnu le bien-fondé des observations faites par la population.

La Commission a adopté le terme «prématuré» pour qualifier ces phénomènes. Pour éviter tout malentendu, elle a toutefois choisi de définir avec précision la portée à donner à ce vocable, et je cite parce qu'il me semble important de le rappeler ici: «Le qualificatif de "prématuré" est utilisé dans ce chapitre du rapport de la Commission pour décrire le moment du bris d'une ligne en regard du contexte macroclimatique qui prévalait et, selon toute probabilité, régissait les charges de sollicitation des conducteurs, pylônes, portiques ou poteaux et des pièces de quincaillerie lors de l'effondrement.

«Par ce terme, les experts de la Commission, observateurs qui se veulent informés des pratiques en vigueur, jaugent le niveau de chargement en relation avec les normes de conception adoptées par Hydro-Québec pour la réalisation de la partie de l'ouvrage endommagé. La Commission n'en conclut pas pour autant qu'il faille déduire que la conception de l'ouvrage n'ait pas respecté le cadre normatif en vigueur. Les effondrements observés pourraient aussi avoir été amorcés par des conditions microclimatiques particulièrement sévères, bien qu'aucun rapport en ce sens n'ait été avancé et que de telles circonstances sont fort improbables.»

Comme le reflète le texte de ce chapitre du rapport, la Commission considère plutôt que le déclenchement des ruptures réside dans diverses caractéristiques des ouvrages telles que la faiblesse d'accessoires d'attache ou par des effets de sollicitation mal appréhendée par les normes de conception.

Les ruptures de lignes s'expliquent donc par diverses causes, dont les principales sont les suivantes: bris de pièces de quincaillerie, c'est-à-dire d'attaches des conducteurs aux pylônes ou portiques; absence de structure anti-cascade qui explique les chutes de pylônes en série comme un jeu de domino, phénomène qui, par voie de conséquence, a magnifié l'ampleur du sinistre technologique; dans la deuxième partie de la semaine du 5 janvier, la présence de vents modérés susceptibles d'avoir provoqué du galop. Il faut comprendre par cette expression des oscillations lentes mais de grande amplitude des conducteurs. Ce phénomène est, du reste, encore mal compris.

De façon plus générale, il faut rappeler que dans la zone sinistrée la grande majorité des lignes avait été construite il y a plusieurs années déjà. Dans certains cas, Hydro-Québec a même simplement repris le réseau constitué par d'autres.

Par ailleurs, la technologie évolue extrêmement rapidement. La compréhension des phénomènes physiques qui régissent la robustesse des lignes se précise d'année en année. Les normes de conception sont donc appelées à refléter ces progrès scientifiques. Les lignes plus anciennes sont donc dépassées quant aux critères de conception qui ont présidé à leur mise en oeuvre. La Commission juge essentiel que de telles lignes soient mises aux normes, c'est-à-dire renforcées pour refléter l'avancement des connaissances en la matière.

Parmi les causes de certaines ruptures, il faut également relever les difficultés que représente la traduction de la réalité fort complexe de la sollicitation des lignes sous différentes conditions météorologiques par un encadrement normatif qui en reflète toutes les caractéristiques. Les experts de la Commission avancent plusieurs propositions de bonification des normes, même les plus récentes, en vigueur chez Hydro-Québec pour accroître la sécurité des ouvrages du réseau.

Incidemment, la Commission juge important que le gouvernement du Québec, à titre de fiduciaire du bien public, soit impliqué formellement dans la définition d'exigences de sécurité de structure des lignes à l'instar bien évidemment du rôle qu'il assume déjà en regard du domaine bâti dans son ensemble.

La Commission a tenté d'approfondir les correctifs à apporter pour sécuriser l'approvisionnement en énergie électrique de la population du Québec. Il est essentiel de bien comprendre que l'ensemble que constitue le réseau de distribution d'Hydro-Québec, des centrales du nord jusqu'aux consommateurs, est composé d'une multitude d'éléments constitutifs. Les actions correctives sont toujours limitées sur certains de ces éléments et n'ont donc d'effet bénéfique que de portée circonscrite.

Dans certains cas, les stratégies envisagées se regroupent et permettent d'atteindre l'effet correctif souhaité qui est de manière fondamentalement différente. Pour illustrer cette affirmation, il faut, par exemple, mettre en parallèle un recours à une politique d'ouverture du marché de la production d'électricité afin de permettre des centres de production décentralisés avec le renforcement structural de certaines lignes de transmission des centrales du Nord québécois vers les marchés du Sud.

En d'autres termes, l'intégration à relativement brève échéance de centrales thermiques à turbines à gaz et la cogénération près des marchés de consommation par l'approvisionnement de suppléance qu'elle représente permettraient d'étaler dans le temps le renforcement structural systématique et général du réseau de transport à longue distance, une des vulnérabilités évidentes du Québec. Chacune de ces options entraîne des coûts et des incidences économiques, sociales et environnementales distinctes qui ne peuvent être mesurées que dans leur complémentarité.

Un autre exemple de sécurisation partielle de l'approvisionnement de la production aux consommateurs qui peut être atteinte de différentes manières est la distribution. Il est évident que, de façon générale et au coût le plus avantageux, le réseau de distribution peut être amélioré par un ensemble de mesures reconnues, telles que l'émondage systématique et régulier des arbres dans l'emprise, la diminution des portées, c'est-à-dire la distance de poteau à poteau à 50 m ou 60 m, le remplacement progressif des poteaux de bois et des traverses par des matériaux plus performants, l'amélioration de l'ingénierie générale de ces lignes de distribution.

Par ailleurs, en milieu urbain et péri-urbain, l'enfouissement est une stratégie intéressante à plusieurs titres. Nombreuses personnes entendues par la Commission se sont exprimées en faveur de cette méthode de renforcement du réseau de distribution. Les exemples en ce sens se multiplient en Europe évidemment mais aussi en Amérique du Nord où de plus en plus beaucoup de ressources sont consacrées au développement de réseaux enfouis. La Commission a été sensible aux bénéfices environnementaux auxiliaires à la sécurisation qu'offre l'enfouissement.

Dans son rapport, elle se prononce donc en faveur d'un programme à long terme en ce sens même si les coûts sont inévitablement, en tout cas à l'heure où on se parle, plus élevés que la technique traditionnelle du réseau aérien. Il ne s'agit pas de plonger dans une telle démarche dans le court terme mais bien, dans l'esprit de la Commission, de préparer un programme par la recherche et la concertation avec les différents acteurs interpellés, que ce soient les compagnies d'utilité publique, les municipalités, l'industrie et le monde des travailleurs.

J'aimerais rappeler, et c'est important de le dire, que, sans engagement public, il est bien évident qu'une démarche aussi ambitieuse que l'enfouissement ne se réalisera pas, et ce n'est que s'il y a une décision en ce sens, d'amorcer un programme de cette ampleur, qu'un tel objectif pourrait être réalisé.

D'autres modifications du réseau d'Hydro-Québec doivent être envisagées. Comme dans les exemples cités précédemment, elles n'apporteront les résultats souhaités que par la conjugaison des interventions. Sans refaire l'inventaire présenté au rapport, il faut en mentionner quelques-unes.

Les interconnexions constituent un moyen privilégié pour assurer l'approvisionnement en énergie lors d'interruptions de parties du transport. Hydro-Québec l'a bien reconnu, puisque l'entreprise suggère y avoir recours de façon systématique. Comme tout réseau moderne, le réseau de transport d'Hydro-Québec peut être interconnecté avec d'autres réseaux, canadiens ou américains. Les interconnexions sont les liens électriques entre différents réseaux qui se sont développés initialement de façon indépendante dans un même pays ou dans des pays adjacents. De nos jours, les réseaux de grande envergure sont complètement intégrés et interconnectés dans les régions où le développement électrique a atteint sa maturité. La déréglementation du secteur de l'énergie électrique accroît cette tendance vers une interconnexion plus poussée des réseaux.

Il existe deux grandes catégories d'interconnexions: les interconnexions en courant alternatif et les interconnexions en courant continu. Ce dernier type d'interconnexion convertit le courant alternatif en courant continu et à nouveau en courant alternatif. Il permet aussi d'isoler électriquement les deux réseaux. Cette interconnexion est composée soit d'un poste redresseur onduleur, soit de deux postes convertisseurs reliés généralement par une courte ligne de courant continu. Ces redresseurs onduleurs ont toutefois la caractéristique de dépendre d'une alimentation minimale de part et d'autre du poste convertisseur pour être fonctionnels.

(16 heures)

Les interconnexions d'Hydro-Québec avec ses clients de Nouvelle-Angleterre sont surtout de ce type. Elles sont donc de peu de secours lors d'une panne caractérisée par un effondrement du circuit québécois auquel est raccordé le poste convertisseur. Cette difficulté peut être corrigée par l'installation d'un équipement additionnel qui permet au poste onduleur de fonctionner comme oscillateur et de produire sa propre onde.

Une autre stratégie préconisée par la Commission est celle des lignes stratégiques. Les lignes stratégiques, par là, la Commission désigne des lignes de transport, de répartition ou de distribution qui sont conçues ou réalisées dans le respect de normes beaucoup plus exigeantes que celles en vigueur pour l'ensemble du réseau, ce qui leur assure une résistance accrue aux sollicitations extraordinaires d'origine naturelle ou causées par accident.

Pour le réseau de transport ou, le cas échéant, de répartition, le recours à des lignes stratégiques implique un engagement financier consenti par Hydro-Québec pour sécuriser un marché d'exportation, comme c'est le cas pour la ligne à 450 kV courant continu de Radisson vers Boston, ou pour assurer l'acheminement d'une charge électrique minimum en période de sinistre des centrales électriques vers les postes de distribution.

Dans le cas du réseau de distribution, les lignes stratégiques, à l'instar de la pratique de certaines entreprises comme Électricité de France, doivent assurer en période de sinistre l'alimentation électrique de clientèles sélectionnées. La Commission envisage et recommande l'utilisation de lignes stratégiques de distribution pour la desserte d'équipements collectifs essentiels, comme, par exemple, les établissements du réseau de la santé. De telles lignes d'alimentation de haute fiabilité pourraient également être offertes à des clients industriels ou commerciaux moyennant le paiement d'un tarif plus élevé. Il va sans dire que les coûts associés à ces lignes de distribution stratégiques devraient alors être entièrement assumés par la clientèle corporative qui choisit de s'en prévaloir pour ses besoins propres.

Les experts consultés par la Commission ont tous souligné la vulnérabilité du centre-ville de Montréal en matière d'approvisionnement. On se rappellera que, pendant la tempête de janvier 1998, le poste Hertel, dont dépend essentiellement le coeur du Montréal des affaires, a perdu les deux bretelles de la boucle qui l'approvisionnent, c'est-à-dire les liens tant avec Châteauguay vers l'ouest ainsi qu'avec Boucherville et Nicolet vers le nord-est. Par ailleurs, il faut le souligner, la ligne de Hertel vers le centre-ville, c'est-à-dire l'alimentation des postes Aqueduc et Viger, était également endommagée. L'alimentation des principaux services du centre-ville n'a donc été assurée que par un raccordement d'urgence de faible capacité directement de Boucherville, une situation précaire, on ne le soulignera jamais suffisamment.

Pour la Commission donc, indépendamment du calendrier retenu par Hydro-Québec pour effectuer un renforcement structural de la boucle montréalaise et de son alimentation, il était indispensable de sécuriser le coeur de la métropole par un raccordement direct aux postes Aqueduc, ou Saraguay, et Viger. La centrale de Beauharnois présente la solution la plus avantageuse à ce problème.

Cette centrale, qui est actuellement l'objet d'une rénovation majeure, possède une puissance installée de plus de 1 600 MW et elle est située à seulement 20 km de Montréal. La Commission considère que, dans la foulée de la rénovation de la centrale de Beauharnois, Hydro-Québec devrait étudier sérieusement la possibilité de revoir entièrement la conception de son poste de transformation afin d'en réduire la complexité et de permettre une meilleure utilisation des emprises des lignes des 16 circuits à 120 kV. Il serait alors plus facile d'intégrer la puissance de la centrale à l'alimentation de l'île de Montréal.

Une autre partie de cette puissance devrait renforcer l'alimentation de l'ouest de l'île de Montréal en construisant une ligne biterne à 315 kV depuis la centrale jusqu'au poste des Sources. Cette opération fournirait une deuxième source d'alimentation à 315 kV dans ce secteur. Hydro-Québec détient déjà des droits de passage pour la majorité, sinon la totalité de cette ligne.

La boucle Hertel–des Cantons s'inscrit dans cette logique. Comme M. Robin vous l'indiquait ce matin, il est évident que le raccordement de Hertel à une ligne 735 kV de Lévis via le poste des Cantons constitue une sécurisation de l'alimentation du poste Hertel. Ce n'est toutefois qu'une réponse partielle, comme nous venons de le voir, à la sécurisation du centre-ville de Montréal.

Le chapitre III de la troisième partie du rapport, donc la fin de notre document, vise à suggérer la méthode à adopter pour départager les différentes stratégies de renforcement qui se recoupent sous plusieurs aspects. Dans une perspective strictement théorique, ce type de problème s'aborde par une analyse de risques et une évaluation comparative par une technique coûts-bénéfices. Pour une problématique de l'importance et de la portée que représente le renforcement du réseau d'Hydro-Québec, les choix effectués relèvent toutefois largement d'arbitrages politiques que seul le gouvernement est habilité à faire, non pas en sa seule qualité d'actionnaire d'Hydro-Québec, mais bien davantage à titre d'arbitre des choix d'intérêt public.

La Commission ne pouvait prétendre privilégier certaines options techniques pour deux raisons principales: les enjeux relèvent d'un ensemble de considérations qui débordaient largement du mandat et qu'elle n'a donc pas pu considérer avec le soin qu'ils méritent; l'évaluation détaillée des coûts implique une expertise pointue et un volume de travail qui auraient taxé les ressources de la Commission bien au-delà des compétences qu'elle s'était jugé approprié de se donner en regard du mandat qui l'avait constituée. Les coûts afférents aux diverses propositions ne sont donc pas présentés dans ce rapport. Il ne faut pas pour autant conclure que la Commission n'était pas sensible aux incidences économiques de ces propositions.

M. Dicaire, s'il vous plaît.

M. Dicaire (André): Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Dicaire.

M. Dicaire (André): Comme vient de le dire M. Nicolet, la Commission n'a pu évaluer le coût des mesures proposées, car elle ne disposait pas de ressources, d'informations et d'outils appropriés lui permettant de chiffrer correctement ces investissements.

Par ailleurs, si ces travaux qui sont proposés et qui constituent un véritable chantier de grande envergure, qui est étalé d'ailleurs sur une période de 25 ans – très important de voir que les propositions de la Commission ne sont pas situées dans une vision très, très à court terme, mais sont étalées sur une grande période – et qui fait appel également à des ressources humaines et financières très importantes, si ces travaux-là sont jugés prioritaires, nous croyons fermement qu'avec l'étalement qui est proposé la société d'État sera en mesure d'intégrer ces travaux à l'intérieur de ses objectifs corporatifs, de planifier les besoins requis en ressources humaines et matérielles et enfin de dégager les ressources financières nécessaires à la réalisation de ces travaux.

La Commission aurait été irresponsable si elle n'avait pas inscrit ces travaux dans un horizon de temps raisonnable permettant ainsi à Hydro-Québec d'aménager et d'organiser ses ressources en conséquence et d'intégrer ces travaux à l'intérieur de son processus régulier de planification et de réalisation. De plus, et c'est très important, je dirais, de ne pas perdre de vue que ces propositions de sécurisation des approvisionnements se situent à un moment où les prévisions financières d'Hydro-Québec pour les cinq prochaines années sont sans précédent. Sur la base des documents produits par la société d'État, on constate que jamais dans le passé Hydro-Québec n'a atteint un seuil de rentabilité aussi élevé et n'a versé à son actionnaire autant de dividendes que ce qu'elle annonce dans son plan stratégique.

Ce plan 1998-2002 comporte en effet les engagements suivants, et je pense que c'est important de bien les situer par rapport à, je dirais, l'historique financier d'Hydro-Québec. Par exemple, le bénéfice net d'Hydro dépassera le 1 000 000 000 $ par année au cours des prochaines années pour atteindre 1 800 000 000 $ en l'an 2002, alors que ce bénéfice a été en moyenne de 572 000 000 $ au cours des 18 dernières années et qu'il n'a jamais dépassé les 800 000 000 $. C'est la même chose au niveau des dividendes qui seront versés au cours des prochaines années par Hydro-Québec et qui atteindront au cours des cinq prochaines années un montant de 3 300 000 000 $, alors qu'ils n'ont totalisé que 1 000 000 000 $ depuis la création de cette mécanique en 1980. Même chose également pour le rendement sur l'avoir propre qui s'élèvera à 11,8 % en l'an 2002, alors qu'il n'a jamais dépassé 9 % depuis 1984.

(16 h 10)

Le taux de couverture des intérêts, qui est une donnée très, très importante pour Hydro-Québec, se chiffre à 1,51, ce qui constitue un niveau très élevé depuis 1980, car il n'a jamais dépassé un ratio de 1,26 et qu'il s'établit en moyenne à 1,10. Même chose au niveau du taux de capitalisation qui dépassera les 30 %, ce qui ne s'est jamais produit depuis que ce ratio est pris officiellement en considération. Et un point très important à souligner, c'est les liquidités qui s'élèveront à 13 700 000 000 $ au cours de la période, permettant ainsi de financer directement plutôt que par emprunt des investissements de l'ordre de 13 200 000 000 $ au cours des cinq prochaines années.

Ces prévisions reposent, bien sûr, sur un certain nombre d'hypothèses dont certaines sont très exigeantes, telles que la stabilisation des charges d'exploitation, un montant de 1 600 000 000 $, le gel des tarifs au Québec après un ajustement à l'inflation en mai 1998 et une augmentation de plus de 40 % des ventes hors Québec, avec un prix moyen qui devrait augmenter de 25 % en l'an 2002 par rapport à ce que c'est actuellement.

Ces prévisions sont également sensibles à plusieurs risques. Elles pourraient partiellement être remises en cause à cause des fluctuations de taux d'intérêt et de taux de change et des résultats moins performants concernant l'évolution des ventes. Le risque par ailleurs le plus sérieux provient de la faible hydraulicité qui pourrait avoir un impact négatif sur les prévisions d'exportation et entraîner une hausse des importations avec un impact financier immédiat.

Ceci étant dit, il n'appartenait pas à la Commission de mettre en doute les prévisions financières et économiques d'Hydro-Québec. Ce qui est important de retenir, c'est que ces prévisions quinquennales sont exceptionnelles et présentent des résultats jamais atteints auparavant. Même s'il y avait des éléments conjoncturels moins favorables, les résultats financiers resteraient encore remarquables. À titre d'illustration, si, par hypothèse, les bénéfices nets prévus étaient réduits de moitié, ce qui est quand même substantiel, le niveau obtenu resterait encore supérieur à celui atteint au cours des 20 dernières années.

Donc, sur la base de ces prévisions financières, la Commission est donc d'avis qu'Hydro-Québec dispose d'une marge de manoeuvre pouvant donner suite aux investissements qui devraient être réalisés au cours des cinq prochaines années afin de sécuriser les approvisionnements en électricité. Je dis bien «au cours des cinq prochaines années», mais, compte tenu que le plan qui est proposé est étalé sur 25 ans, il faut aussi prendre en considération que l'horizon qui est proposé via les plans stratégiques d'Hydro-Québec devra intégrer, au cours des prochains plans qui seront soumis, les propositions et les travaux qui sont recommandés par la Commission. Et ce n'est pas, je dirais, de l'ordre de l'impossible. Or, il est important de savoir qu'Hydro-Québec, bon an, mal an, au cours, je pense, des 10, 15, 20 dernières années, investit annuellement 2 000 000 000 $ à 4 000 000 000 $, ce qui est quand même substantiel et qui nous laisse croire que, étalés sur 25 ans, il est possible de faire place aux recommandations et aux travaux qui sont recommandés par la Commission.

Pour le court comme pour le long terme, ces divers choix financiers interpellent aussi au premier chef le gouvernement, car une révision, si c'était le cas, des objectifs financiers d'Hydro-Québec aurait un impact direct sur les équilibres financiers du Québec, puisque les résultats financiers d'Hydro sont maintenant consolidés avec ceux du gouvernement. Par exemple, des bénéfices ou des dividendes moins que ceux qui sont escomptés feraient accroître d'autant le déficit ou les besoins financiers nets du gouvernement.

Cette équation comptable est importante en soi, mais elle ne peut trouver sa réponse que dans un arbitrage à faire entre le niveau de sécurité recherché par les Québécois dans leur approvisionnement en électricité et le prix qu'ils sont prêts à payer à cette fin. Il est évident que la réponse à cette question ne peut être prise que par le gouvernement du Québec, car il ne s'agit pas, selon nous, d'une décision d'entreprise mais d'une décision de société.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. M. Nicolet.

M. Nicolet (Roger): Merci, Mme la Présidente. Ceci compléterait donc notre bref rappel du texte du rapport en ce qui a trait à la sécurisation des approvisionnements.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous remercie bien. Maintenant, on pourrait débuter les échanges. M. le ministre.

M. Brassard: Oui, merci, Mme la Présidente. Je voudrais remercier M. Nicolet, madame et les autres commissaires d'avoir accepté de venir nous rencontrer pour qu'on puisse échanger sur une question fondamentale, je pense, pour les Québécois, que vous avez traitée abondamment dans votre rapport, c'est-à-dire la sécurité d'approvisionnement électrique de la population du Québec.

Je voudrais vous dire d'ailleurs aussi que vous avez fort bien – je ne veux pas être flagorneur, là – mais vous avez fort bien assumé le mandat que le gouvernement vous avait confié. Quand on prend connaissance de votre rapport, je pense qu'on peut le qualifier de solide, de substantiel, d'articulé et répondant bien au mandat, encore une fois, qui était le vôtre et qui n'était pas simple. Remarquez que ça ne me surprend guère. J'ai eu aussi, comme vous le savez, M. Nicolet, à prendre connaissance d'un autre rapport qui porte votre nom aussi, qui est celui portant sur les pluies diluviennes au Saguenay–Lac-Saint-Jean, qui est un rapport également tout aussi sérieux et responsable.

Alors, je commencerais peut-être par une première question à M. Dicaire sur ce qu'il vient de nous dire, au fond pour être bien sûr que je le comprends bien. Ce que vous nous dites, M. Dicaire: Après avoir analysé la situation financière d'Hydro-Québec, c'est qu'Hydro-Québec a les reins assez solides pour entreprendre un programme important, majeur de travaux visant à sécuriser davantage, dans le sens des recommandations que vous faites, le réseau et de transport et de distribution d'Hydro-Québec, sachant cependant – c'est M. Caillé qui nous le rappelait ce matin à une question de mon collègue de Maskinongé – que tous ces investissements-là, quelque 900 000 000 $ – tous les bouclages, c'est quelque 900 000 000 $ d'investissements – ça n'a pas de contrepartie en termes de revenus.

Mais votre conclusion – quand même je sais qu'à cet égard vos talents et vos compétences ne font pas l'ombre d'un doute, j'ai eu à vous fréquenter en d'autres lieux et d'autres instances, en l'occurrence le Conseil du trésor – donc votre analyse, c'est qu'Hydro-Québec a la capacité financière de répondre à la fois aux demandes du gouvernement en termes de rentrées de fonds, a la capacité financière d'entreprendre des travaux majeurs de sécurisation du réseau, ce qui ne fait pas l'ombre d'un doute à l'analyse.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Dicaire.

M. Dicaire (André): Oui, Mme la Présidente. Ma réponse, je dirais, sans ambiguïté à cet égard. Disons que j'ai la conviction profonde, à moins qu'il arrive des événements absolument inattendus, que la société d'État est dans une situation financière telle qu'elle est en mesure d'assumer correctement et adéquatement, selon l'échéancier qui est prévu, et c'est très important parce que c'est une variable, disons, à ne pas négliger... Ce qu'on propose dans ce document, ce n'est pas des travaux, disons, établis sur une période de cinq ans; là, on serait dans une position absolument invraisemblable, irréaliste. Et, quand on étale ça sur une période aussi grande que celle-là et que c'est jugé prioritaire par le gouvernement et par Hydro-Québec, disons que nous avons une conviction profonde que c'est possible d'y donner suite adéquatement et correctement.

(16 h 20)

C'est important également de ne pas perdre de vue que, dans le plan stratégique qui est déposé, qui est connu, là, qui a été déposé l'année passée, parce que c'est quand même des ordres de grandeur aussi qui sont importants et majeurs, Hydro-Québec a présenté un programme de 13 000 000 000 $, sur cinq ans, de travaux. Nous, notre prétention, c'est de croire aussi qu'il serait sans doute possible de réviser les projets qui avaient été retenus à l'intérieur de ce bloc de 13 000 000 000 $ et, à partir des recommandations de la commission Nicolet, de voir si on ne devrait pas réviser les projets qui avaient été retenus mais à la lumière du critère de la sécurité des approvisionnements.

Alors, il est possible, disons, au moins pour les cinq prochaines années, à l'intérieur de l'enveloppe déjà prévue, de faire place à des recommandations du rapport Nicolet. Par la suite, vous avez d'autres plans stratégiques qui vont être déposés et présentés, et, là aussi, dans la mesure où c'est prioritaire, ça devrait prendre la place qui lui revient à cet égard. Donc, je vous dirais oui.

Si on regarde aussi ce qu'Hydro-Québec a fait seulement en amélioration de la qualité et de la sécurité des approvisionnements avec les divers programmes dont M. Nicolet faisait mention tantôt, seulement depuis 1984, avec les programmes AFRT, PAM, PAQS, qui sont connus par les gens qui suivent, je dirais, ces activités, ces travaux, c'est plus de 3 000 000 000 $ qu'Hydro-Québec a injectés pour la réalisation de ces travaux. Quand vous regardez ça, il y a tout lieu de croire qu'avec en plus la situation financière extraordinaire sans précédent qu'Hydro-Québec connaît à l'heure actuelle, qu'elle n'a jamais connue au cours des années antérieures, elle est capable de donner suite correctement, adéquatement aux recommandations de la Commission.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Brassard: Merci. Je reviens à M. Nicolet. J'en ai discuté, j'ai échangé là-dessus également avec M. Caillé et ses collaborateurs, et vous l'avez abordé dès le début, c'est la question des changements climatiques. Quand on lit ce que vous écrivez là-dessus dans votre rapport, vous faites preuve, je dirais, de prudence relativement à la réalité ou au phénomène des changements climatiques. Vous n'allez pas jusqu'à affirmer de façon catégorique que c'est un phénomène réel, qui est sans équivoque et qu'on doit en tenir compte forcément. Une entreprise comme Hydro-Québec, qui a la responsabilité d'un aussi vaste réseau de transport et de distribution, se doit d'en tenir compte. Alors, il y a une sorte d'incertitude, si je comprends, dans vos propos.

Mais, en plus également, pour ce qui concerne ce qu'on appelle les récurrences, vous semblez indiquer que les modèles mathématiques, les façons de calculer les récurrences sont aussi marqués par l'incertitude. Je vous interprète peut-être mal. Ou bien, en disant ce que vous dites sur les changements climatiques, peut-être que ça existe, peut-être que c'est une réalité, mais aussi toutes nos façons de calculer les récurrences portant sur des phénomènes extrêmes – c'est le cas, entre autres, des pluies diluviennes aussi qu'on a connues au Saguenay–Lac-Saint-Jean – tous ces modèles mathématiques maintenant sont marqués par l'incertitude. Mais, malgré cela, au fond, ce que vous nous dites: Il ne faut pas prendre de chances.

Une société responsable, un gouvernement responsable ne peut pas prendre de chances ou de risque et se doit d'en tenir compte comme si, au fond, c'était une réalité incontournable, et que ça paraisse dans les structures du réseau, dans les infrastructures du réseau, qu'on en tienne compte en termes à la fois de fiabilité puis de robustesse. Parce que vous faites une distinction tout à fait pertinente et, je dirais, éclairante dans votre rapport sur la fiabilité d'un réseau et sa robustesse, c'est deux concepts à ne pas confondre. Et donc il y a peut-être de l'incertitude sur les changements climatiques, il y a peut-être aussi de l'incertitude sur les récurrences; ce phénomène-là qu'on a connu, il y a peu de risque qu'on le connaisse de nouveau avant longtemps. Malgré tout cela, je pense que votre recommandation centrale et vos recommandations, c'est de dire qu'il faut faire comme si ça peut nous arriver l'an prochain ou dans deux ans et faire en sorte que notre réseau de transport et de distribution de l'électricité soit renforcé en conséquence.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Nicolet.

M. Nicolet (Roger): Je vais commencer par les incertitudes et puis, après ça, sur les convictions. Fondamentalement, je crois que vous avez raison de dire qu'il y a un certain... Et ce qui se dégage de notre rapport, c'est surtout l'incertitude face à ce que les changements climatiques vont signifier en termes de risque de verglas. Le réchauffement de la planète, je pense que c'est accepté maintenant, que nous sommes dans une période de réchauffement climatique général. Par contre, de faire le lien entre réchauffement... Comme je le disais tout à l'heure, le réchauffement va probablement accroître – on ne le dirait pas ces jours-ci – les précipitations annuelles ou décaler les précipitations annuelles importantes vers le nord, ce qui, en principe, devrait produire des précipitations plus abondantes sur le Québec. Par contre, on ne sait pas ce qui va se produire en hiver, si ce genre de phénomène va être accompagné, cette augmentation de précipitations va être accompagnée d'une augmentation de phénomène de verglas.

Il ne faut pas oublier qu'on ne mesure le verglas que depuis 1955. Et les scientifiques, avec toute la bonne volonté qu'on peut leur prêter – mon ami Louis Cloutier ne prendra pas offense, je suis sûr, à ce que je le dise – ils sont mal équipés pour faire des extrapolations. Tant qu'on est dans le domaine du connu, tout va bien. Mais, quand on fait de la projection sur des événements extrêmes, on tombe dans des niveaux d'incertitude qui sont inconfortables, d'où notre réticence à vous assurer que la période de récurrence est de 100 ans, que c'est effectivement un événement centenaire, etc.

Par contre – et là j'essaie de répondre à la deuxième partie de votre question – il nous apparaît que le verglas n'est qu'un des risques. Nous sommes dans une région – et là-dessus on a plus de certitudes – qui est susceptible de connaître des tremblements de terre. Nous sommes dans une région qui pourrait être exposée à des tornades; c'est plus limité. Mais il y a toute une série de phénomènes météorologiques qui peuvent mettre en danger la structure même des lignes, du réseau d'Hydro-Québec, sans parler d'interventions humaines. Donc, la sécurisation que nous recommandons ne vise pas simplement à nous protéger d'un autre verglas version janvier 1998, mais à nous équiper et à consolider ce réseau pour qu'il soit mieux en position de résister à d'autres phénomènes extraordinaires.

M. Brassard: J'en arrive évidemment à toute la question des bouclages. On en a parlé abondamment avec Hydro-Québec ce matin. «Bouclage», bon, c'est apparu dans notre vocabulaire tout récemment, mais essentiellement ça consiste, comme Hydro-Québec le disait ce matin, à diversifier les sources d'alimentation dans des corridors géographiquement distincts. Si un axe d'alimentation lâche, cède, bien, il y en a un autre qui prend le relais et qui peut ainsi assurer ou garantir l'approvisionnement en électricité à des populations importantes.

Ce qui ressort de votre rapport, je pense, c'est que vous considérez, vous aussi, que appelons ça la «technique du bouclage» est un bon moyen de sécuriser les populations. Il y en a d'autres également. Je pense que certains de mes collègues y reviendront sans doute. Il y a les interconnexions dont vous faites, on peut dire, presque l'éloge en matière de sécurisation des populations. Mais il y a les bouclages. Je pense que je vous interprète bien en disant que le bouclage, en tant que tel, c'est un bon moyen de sécuriser des populations. Oui?

(16 h 30)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Nicolet.

M. Nicolet (Roger): La réponse est sans équivoque oui. Les bouclages sont une technique reconnue et acceptée pour augmenter la sécurité des approvisionnements.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Brassard: Par contre, je veux bien comprendre le bouclage pour Montréal. Je veux bien être sûr que je vous comprends bien à cet égard. Vous dites que, pour sécuriser davantage Montréal, la grande région de Montréal, et particulièrement le centre-ville de Montréal, c'est un bon choix que de sécuriser davantage Hertel parce que Hertel, bon, alimente Montréal. Il transite par là 2 000 MW. Et Hydro-Québec prévoit un autre axe d'alimentation toujours pour faire transiter 2 000 MW par Hertel. Mais vous dites: Au fond, c'est partiel – vous avez employé l'expression tantôt de «solution partielle» – et, si on veut optimiser la sécurité d'approvisionnement de Montréal, il convient d'envisager d'augmenter l'alimentation électrique via la centrale de Beauharnois et de pouvoir permettre l'acheminement de 1 000 MW par des lignes originant de la centrale de Beauharnois.

Est-ce que, encore une fois, je comprends bien vos propos en disant que la sécurisation de Montréal serait optimale en combinant la sécurisation de Hertel et un lien entre la centrale de Beauharnois et des postes sur l'île de Montréal, que la combinaison des deux – je ne sais pas si je m'explique bien – va assurer une sécurisation non pas absolue, mais optimale de l'île de Montréal, et particulièrement du centre-ville de Montréal?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Nicolet.

M. Nicolet (Roger): Il est certain que la combinaison de Beauharnois jumelée à une autre boucle sur Hertel augmente de façon significative la sécurité de Montréal. Je pense que ça ne fait aucun doute. Il faut bien comprendre que la raison pour laquelle nous insistons sur le raccordement de Beauharnois, c'est que les événements de janvier 1998 ont prouvé que ce qui a aussi fait défaut, c'est non seulement l'alimentation d'Hertel, mais la capacité d'Hertel d'emmener ou de diriger de l'énergie sur Montréal, c'était le lien entre Hertel et Montréal. D'où notre insistance pour avoir un lien indépendant de la boucle 735 kV autour de Montréal, d'avoir une alimentation importante qui puisse se faire directement sur les postes de répartition de l'île de Montréal: Aqueduc, Viger, etc.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre, d'autres questions?

M. Brassard: Je reviendrai plus tard.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, Mme la Présidente. M. le président, l'une de vos recommandations, à la suite d'un constat que vous faites dans votre rapport, concerne la région de la Gaspésie, que vous comparez à une situation très semblable à celle de la Montérégie – on le retrouve à la page 279 de votre rapport – en ce sens que la région de la Gaspésie ne dispose que d'un seul poste d'alimentation, celui de Lévis qui s'en va vers l'est, Rivière-du-Loup et Rimouski, et sur deux lignes biternes à 315 kV.

Ce matin, on a eu l'occasion, j'ai eu l'occasion également de poser la question à Hydro-Québec concernant le bouclage, parce que vous dites là-dedans que ce serait important que la Gaspésie, on puisse mettre des mesures en place. La position d'Hydro-Québec n'est pas fermée. Par ailleurs, ils nous ont parlé des techniques de déglaçage qu'ils veulent utiliser au cours des prochaines années. Et on sait que, si l'alimentation manque, on parle toujours d'une possibilité de s'alimenter à partir du Nouveau-Brunswick, sauf que, advenant que le réseau de transport se brise en chemin, on a seulement un réseau de transport, une seule ligne, quoi.

Alors, j'aimerais vous entendre sur les techniques de déglaçage que l'on retrouve dans votre rapport. Vous parlez, vous avez énuméré quatre techniques, une combinaison même des deux premières, thermique, etc. Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus pour voir dans quelle mesure ce qui est en application peut être efficace et assuré, parce que, là, on est vraiment à examiner la sécurité des approvisionnements, à assurer à une population quand même de 105 000 personnes des approvisionnements.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Nicolet.

M. Nicolet (Roger): Oui. Je crois que vous avez bien résumé le problème: bouclage de la Gaspésie signifie pouvoir compter sur un lien avec le Nouveau-Brunswick opérationnel dans les deux sens.

Par ailleurs, le déglaçage, en tant que technique, est utilisé pour les basses et moyennes tensions, est donc utilisé de façon... déjà, enfin depuis plusieurs années, au Manitoba en particulier. Par contre, pour tout ce qui est au-dessus de 120 kV, le déglaçage thermique est encore au stage expérimental et n'est certainement pas encore utilisé ou utilisable de façon systématique pour des centaines de kilomètres de lignes, comme ce serait le cas pour la Gaspésie.

Des problèmes similaires de faisabilité s'opposent à l'utilisation de méthodes mécaniques parce qu'on en est quand même encore au stage du développement de telles techniques. Et je ne pense pas qu'on puisse considérer le déglaçage comme un moyen fiable sur lequel on puisse aujourd'hui bâtir une stratégie de sécurisation d'un réseau. Je ne sais pas si mon collègue Gilles Marinier voudrait ajouter quelque chose là-dessus.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Marinier.

(16 h 40)

M. Marinier (Gilles): Le déglaçage, comme l'a dit M. Nicolet, n'a jamais dépassé les niveaux de tension 120 kV, et ce, au Manitoba. Et ça suppose aussi des manoeuvres au sol assez complexes. En gros, ça vient à se balader avec un camion-remorque sur lequel il y a une machine à souder, donc une génératrice qui prend un tronçon de la ligne et qui fait circuler une certaine quantité d'énergie pour réchauffer le conducteur et permettre au verglas de se détacher. Mais, quand on a fait ce tronçon qui a 100 m ou 300 m, il faut ensuite passer à l'autre, et à l'autre, et à l'autre. Mais, de Lévis à Gaspé, c'est loin. Et tout ça, c'est 120 kV. La ligne dont on parle ou les lignes qui alimentent la Gaspésie, c'est 315 kV. Alors, vous êtes déjà, là, deux étapes plus haut: 120 kV, 230 kV, 315 kV.

C'est du jamais vu. Ça se développera en laboratoire. Mais de là à dire que, d'ici cinq ans ou 10 ans, ce serait opérationnel, raisonnable, j'en doute. Il faut peut-être penser à une roue de secours pour la Gaspésie qui serait des ententes avec le Nouveau-Brunswick, en présumant qu'eux n'ont pas le même sinistre au même moment, et permettre à ces interconnexions qui actuellement sont à sens unique...

C'est-à-dire qu'il faut être en vie pour se soutenir, le phénomène qu'expliquait M. Nicolet plus tôt. Les interconnexions telles qu'elles sont faites présentement, il ne faut pas que ce soit mort ni d'un côté ni de l'autre. C'est-à-dire que c'est fait pour vendre quand il fait beau, quand ça va bien. S'il y en a un qui tombe, ça ne va plus. Je ne dis pas que ce n'est pas faisable, mais ça suppose des améliorations aux interconnexions telles qu'elles sont conçues présentement. Je pense que l'exploitant en est conscient et fera probablement les démarches nécessaires pour rendre ces interconnexions fonctionnelles dans les deux sens, même quand un des côtés n'est pas énergisé ou en fonction. Alors, pour le déglaçage, 315 kV, il y a un grand pas à faire.

M. Lelièvre: Donc, un horizon de quelques années, ça vous apparaît utopique.

M. Marinier (Gilles): En effet, oui.

M. Lelièvre: Au niveau des normes, vous en parlez dans votre rapport abondamment, les charges de conception, etc. J'aimerais savoir, pour le bénéfice de notre commission, parce que, dans le fond, on est ici aussi pour s'informer et s'assurer, au niveau du public et de la population, que les normes sont d'un degré ou d'un niveau qui permettra au réseau de bien fonctionner, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur ce que vous pensez des normes utilisées par Hydro-Québec dans la conception de son réseau.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Nicolet.

M. Nicolet (Roger): Pour ce qui est des normes, je pense que la question soulève deux problématiques bien distinctes. L'une est tout simplement l'articulation, la formulation, la définition de normes satisfaisantes. Dans le rapport, nous faisons la recommandation que le processus d'établissement de normes devienne un processus public.

En d'autres termes, pour toutes sortes de raisons qui sont faciles à comprendre, Hydro-Québec actuellement est le seul juge du niveau de performance des équipements et des lignes en particulier qu'elle construit. Compte tenu des implications et des impacts tant financiers que sécurité des approvisionnements, nous sommes d'avis que le niveau de sécurité des structures devrait également faire l'objet d'un échange, d'un débat et d'un arbitrage, le cas échéant, par le gouvernement du Québec. Nous suggérons même que ce soit le ministère de tutelle d'Hydro-Québec qui en soit chargé. D'autres solutions ont été avancées par d'autres personnes que nous avons entendues. Il nous semblait que le ministère avait les ressources et les compétences pour être en mesure de consulter, de recevoir des avis et, le cas échéant, de prendre les décisions qui s'imposeront.

L'autre élément qui nous paraît extrêmement sérieux, c'est la problématique de la mise aux normes. Comme vous le savez, Hydro-Québec a hérité d'un réseau qui a été, dans certains cas... enfin ce qu'on a appelé les lignes haute tension première génération qui n'ont pas toutes été construites par Hydro même lors de la fameuse, entre guillemets, nationalisation de l'électricité, au début des années soixante. Il faudrait qu'on regarde de façon très sérieuse la mise aux normes de ces anciennes lignes. Elles ont été conçues à une époque où les connaissances étaient certainement moins avancées, où les exigences étaient moins bien définies. Il faudrait que, systématiquement, on s'attaque à la modernisation de certaines de ces lignes.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Gaspé, est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Lelièvre: Oui, peut-être une complémentaire sur ce sujet. Est-ce que vous avez évalué la longueur ou les données concernant ces lignes-là, qu'est-ce que ça peut représenter pour le Québec? Est-ce que ce sont des lignes essentielles à l'approvisionnement ou ce sont des lignes, qu'on pourrait dire, de transport mais en périphérie des centres urbains?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Nicolet.

M. Nicolet (Roger): Pour ce qui est des lignes, la Montérégie est particulièrement dotée de lignes qui ne sont certainement pas de dernière facture. Nous avons et nous citons, dans le rapport, un document qu'Hydro-Québec nous a fourni, qui faisait état des coûts de remise aux normes des lignes de Churchill Falls sur Lévis, un coût qui se chiffrait autour de 300 000 000 $ en 1986. Donc, on a une indication de l'ordre de grandeur des montants impliqués quand on parle d'une consolidation, d'un renforcement structural d'un réseau de l'importance de celui d'Hydro-Québec.

Ce qu'il faut aussi dire, et je pense que c'est important de le souligner, c'est que le renforcement de toutes les lignes n'est pas un impératif incontournable, prioritaire. D'où les stratégies alternatives que nous évoquons dans le rapport. Il y a moyen d'obtenir une amélioration générale de la sécurité des approvisionnements par une série d'autres interventions comme les interconnexions et les bouclages avec les réseaux périphériques au Québec et faire l'économie, dans l'immédiat, d'un renforcement de milliers de kilomètres de lignes à 735 kV qui nous viennent des chutes Churchill ou alternativement de la Baie James.

Donc, on se comprend bien, il faudrait le faire dans un horizon à moyen terme, mais, si on a d'autres moyens d'amener des blocs d'énergie importants sur les grands marchés de consommation, on peut différer un certain nombre de mesures. Ce qui se dégage et qu'on essaie de mettre en évidence dans ce texte, c'est qu'on a un choix d'options considérables et qu'il y a des arbitrages politiques à faire de la part du gouvernement, parce que chacune de ces stratégies a des incidences différentes, des impacts financiers d'abord mais aussi un éventail de conséquences environnementales et sociales qu'il faut mesurer, évaluer, mettre en parallèle et départager.

M. Lelièvre: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Je dois dire que le temps nous manque malheureusement. Je vais laisser la chance à mes autres collègues de poser des questions...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, parce que, là, j'ai plusieurs demandes.

M. Lelièvre: ...mais vos rapports sont très instructifs. Malheureusement, on a eu un sinistre, mais ça nous permet d'acquérir de nombreuses connaissances à la lecture.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Mme la Présidente, M. Nicolet, Mme et MM. de la Commission. Dans un premier temps, permettez-moi aussi d'insister sur le sérieux de votre démarche, sérieux aussi bien au niveau des consultations, aussi bien au niveau des sujets qui ont été traités, aussi bien évidemment au niveau du rapport et de ses annexes – ce que j'appelle les annexes – très fouillées et qui nous amènent à avoir aujourd'hui une idée beaucoup plus précise des enjeux, des risques, des difficultés et des solutions.

(16 h 50)

On ne peut pas non plus vous accuser de complaisance envers le gouvernement ou Hydro-Québec, parce que, tout au long du rapport, on remarque à la fois des critiques constructives sur les difficultés que pouvait présenter le réseau, mais aussi des recommandations fort pertinentes quant à la façon d'améliorer la sécurité de nos approvisionnements – tantôt, on en a discuté – ne serait-ce qu'au niveau des investissements qui seraient nécessaires.

J'en veux aussi comme preuve supplémentaire, évidemment, l'utilisation que l'opposition officielle fait de votre rapport. Constamment, elle y fait référence, et c'est, quant à moi, ne serait-ce que par l'absurde, une preuve du sérieux de votre démarche. D'autant plus que la députée de Bonaventure, qui n'est pas ici en ce moment, vous réclamait avec beaucoup d'insistance au moment où on a étudié les crédits du ministère. Malheureusement, l'opposition officielle a préféré, ce matin, se retirer. Je trouve ça très triste parce que je pense que ça aurait permis d'avoir des échanges très fructueux avec vous cet après-midi.

Enfin, permettez-moi de vous témoigner tout le respect que j'ai vis-à-vis de votre présence ici, respect qui appuie le sérieux et la démocratie de nos institutions parlementaires, et j'y tiens – je suis un député – et plus spécifiquement envers la commission de l'économie et du travail qui vous entend et entendra toute une série de groupes.

Je vais surtout vous interroger sur toute la question des interconnexions. J'en ai parlé ce matin avec Hydro-Québec. J'aimerais, dans un premier temps, vous citer et vous demander de préciser un peu votre pensée à cet effet-là. Parce que ce matin Hydro-Québec nous a donné des éléments de réponse qui n'étaient pas en contradiction, mais qui étaient différents des affirmations que vous faites. À la page 320 de Pour affronter l'imprévisible , le rapport central, lorsque vous abordez la question des interconnexions, vous dites, vis-à-vis des interconnexions... Ça va? On se retrouve? Vous y êtes?

M. Nicolet (Roger): Je n'ai pas la même version que vous, mais ce n'est pas grave.

M. Kieffer: C'est ça, c'est ce qu'on me dit. C'est ce qu'on me dit.

Le Président (M. Lelièvre): On a la nouvelle version, celle d'hier.

M. Nicolet (Roger): On vous écoute. On retrouvera.

M. Kieffer: On a la dernière version. Bon. Alors, vous dites: «À la suite du verglas de janvier 1998, Hydro-Québec envisage d'ajouter une nouvelle interconnexion avec les États-Unis. Cet ajout fournirait une capacité additionnelle de 500 MW à la boucle de transport haute tension de la Montérégie.» Pour vous situer, c'est probablement à la page 280 de l'ancienne version, je suppose. Et vous ajoutez, en caractères gras: «La justification de l'urgence de ce nouveau lien, avancée par Hydro-Québec, n'est pas très convaincante: il existe déjà dans cette région deux interconnexions qui pourraient apporter un supplément d'énergie en cas de besoin.»

On a posé, le ministre et moi-même, ce matin, cette question à Hydro-Québec. M. Caillé nous a répondu. Je ne citerai pas, mais, de mémoire, il nous a dit: Nous sommes d'accord avec la Commission lorsqu'elle dit qu'il y a en place suffisamment d'interconnexions pour sécuriser le système. Et ça semble être contraire à ce que vous affirmez ici lorsque vous reprenez les propos d'Hydro-Québec.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. Nicolet.

M. Nicolet (Roger): Oui. Je vais demander à Gilles Marinier de vous répondre parce qu'il a regardé ça plus en détail que moi.

Le Président (M. Lelièvre): Oui. Alors...

M. Marinier (Gilles): La remarque qui ressort de ça, c'est qu'il existe un potentiel d'interconnexions, prenons un chiffre, de 2 000 MW mais qui n'est pas utilisé. Il est peut-être utilisé à 1 300 MW, 1 400 MW. Alors, principe élémentaire, avant de réinvestir, utilisons ce qu'on a convenablement. Et ça veut dire des ajouts, de la plomberie, si on veut, à chacune des interconnexions, des ententes avec le partenaire. Parce qu'il ne faut pas oublier que ces interconnexions, ce sont des aventures commerciales. Chaque interconnexion a été faite dans le cadre d'un contrat de vente ou d'achat. Alors, elles sont suffisantes pour ce contrat-là. Et il y a des contrats dans ça qui remontent à 15 ou 20 ans. Alors, c'était fait convenable, à l'époque.

Maintenant, au lieu de faire du neuf, regardons ce qu'on a et essayons d'aller au maximum des capacités de ces installations-là. C'était ça, le message de la Commission, c'est de dire: Attention, ne partez pas dans le neuf, il y a encore des choses qui ne sont pas exploitées à leur pleine capacité.

M. Kieffer: Alors, permettez-moi de vous indiquer qu'il y a une entente parfaite au moment où on se parle. Hydro-Québec, c'est exactement la même chose qu'ils nous ont dit ce matin. Ils sont même allés plus loin et nous ont indiqué que, si on projette sur 15 ans, 20 ans ou 25 ans, les interconnexions, telles qu'elles existent actuellement, seront encore aptes à remplir à la fois les besoins d'exportation de nos surplus tout en assurant, évidemment si on y fait certains travaux sur lesquels on va revenir tantôt, la sécurisation de notre réseau. Ce que je voulais souligner, c'est que ce matin Hydro-Québec nous a dit qu'elle était parfaitement d'accord avec la façon dont vous envisagez le rôle des interconnexions et l'inutilité quelque part d'en construire une nouvelle.

Ceci étant dit, j'aimerais que vous alliez un peu plus dans le détail en nous expliquant le rôle des interconnexions telles que vos experts de la Commission les voient. Quel rôle joueraient les interconnexions dans la sécurisation du réseau?

Le Président (M. Lelièvre): M. Nicolet.

M. Nicolet (Roger): Je ne suis pas sûr d'avoir saisi la portée de la question.

M. Kieffer: Vous proposez toutes sortes de mesures pour assurer la sécurisation du réseau. Parmi celles-ci, il y a les interconnexions.

M. Nicolet (Roger): Oui.

M. Kieffer: Alors, quel rôle vous identifiez à ces interconnexions-là? Comment vous voyez les interconnexions comme étant un facteur ou un élément de sécurisation du système?

M. Nicolet (Roger): Dans le sens où nous l'avons abordé tout à l'heure avec votre collègue, les interconnexions sont une méthode pour acheminer des blocs d'énergie importants lorsque l'alimentation première du Sud du Québec vient à faire défaut.

Et j'aimerais revenir, juste ajouter quelque chose à ce que disait Gilles Marinier tout à l'heure. Un des problèmes bien sûr, ce sont les contrats. L'autre partie, ce sont des particularités des réseaux américains. Il n'est pas sûr que les réseaux américains soient... Et, dans plusieurs cas que nous avons identifiés à la page 280, un des problèmes vient de l'incapacité des réseaux américains à acheminer l'équivalent de ce que le Québec peut exporter dans l'autre sens.

Ça étant dit, il y a un certain besoin en énergie dans le Sud du Québec qui vient largement du Nord-Ouest et du Nord-Est. S'il y a un bris majeur qui vient interrompre l'alimentation du Nord du Québec, il faut qu'on soit en mesure de se procurer des quantités d'énergie appréciables. Et une des sources importantes vient des réseaux et des sources extérieures au Québec. D'où l'importance des interconnexions.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Ça m'amène donc à vous poser la deuxième question qui est en lien direct avec ce que vous venez de nous dire. Au moment où on se parle, ces interconnexions-là ne sont pas parfaitement réversibles, si je comprends bien. Alors, j'aimerais avoir l'évaluation de la Commission quant aux travaux nécessaires pour les rendre effectivement complètement réversibles et si vous avez une idée des coûts aussi.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. Nicolet.

M. Nicolet (Roger): Pour ce qui est des coûts, malheureusement non, et nous l'avons expliqué tout à l'heure. Par contre, pour les travaux, ils sont donc de deux natures: il y a certaines modifications à apporter aux réseaux, dans certains réseaux américains qui sont interconnectés au Québec; et, d'autre part, il y a, pour ce qui est de l'équipement électrique proprement dit, un certain nombre de modifications à apporter à la frontière pour permettre à ces interconnexions d'être réversibles. Donc, il y a le réseau américain proprement dit, mais il y a aussi l'équipement frontalier où se fait la jonction entre le réseau Hydro-Québec et le réseau exportateur.

Le Président (M. Lelièvre): M. Cloutier.

(17 heures)

M. Cloutier (Louis): Dans le rapport, on mentionne, par exemple, comme M. Nicolet l'a souligné tantôt, qu'à une certaine interconnexion on a besoin de l'alimentation pour assurer le fonctionnement de l'équipement courant continu. Donc, ce qu'il faudrait faire... Supposons, par exemple, que, dans le cas du verglas en 1998, on ait eu besoin d'une interconnexion et qu'on n'ait pas eu d'alimentation dans cette région-là, on n'avait pas accès à cette interconnexion-là parce que les équipements d'interconnexion ne pouvaient pas fonctionner dans notre sens. Alors, ce sont des choses – et on le décrit dans notre rapport – qu'on peut corriger et qui sont faisables, et c'est ce qu'on dit devoir faire.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Mais on pourrait corriger ça comment?

M. Cloutier (Louis): Oui, oui, on peut corriger techniquement au moins dans un cas ou deux, on l'a inscrit dans le rapport. Je pourrais chercher et vous montrer...

M. Kieffer: Mais c'est ça. Donc, la technologie existe.

M. Cloutier (Louis): Oui.

M. Kieffer: Est-ce que ce sont des travaux très lourds? Est-ce que ce seraient des travaux assez simples?

M. Cloutier (Louis): Pas pour tous. Non. Pour certains cas, c'est très simple.

M. Nicolet (Roger): Les modifications au réseau américain sont plus importantes que les équipements frontaliers.

M. Cloutier (Louis): Oui.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. le député de Groulx, pour les fins d'enregistrement...

M. Kieffer: Oui. Et la dernière question...

Le Président (M. Lelièvre): ...c'est important qu'on puisse vous identifier, avoir le temps de vous identifier.

M. Kieffer: Merci, M. le Président. Je m'excuse. Dernière question: Quand vous dites qu'il faudrait modifier le réseau de transport américain, il ne serait pas suffisant de modifier le lien entre les deux? Là, je vous avoue que...

M. Cloutier (Louis): Il arrive que, lorsque les interconnexions ont été conçues, on les a conçues pour s'assurer de transmettre une certaine puissance, une certaine quantité d'énergie de l'autre côté de la frontière. Mais les besoins, au moment de la conception de ce système-là, n'étaient pas prévus pour avoir de l'énergie dans l'autre sens. Et c'est dans ce sens-là qu'on dit qu'il faudra que les réseaux, de l'autre côté, soient aménagés de sorte que, eux, ils puissent nous approvisionner dans des quantités équivalentes aux valeurs des interconnexions.

M. Kieffer: Quel type de travaux ça exigerait?

M. Nicolet (Roger): Pardon?

M. Kieffer: Oui.

M. Nicolet (Roger): M. Marinier, en complément.

Le Président (M. Lelièvre): M. Marinier, alors vous avez la parole.

M. Marinier (Gilles): Il faut aussi réaliser qu'on est habitués, nous, à Hydro-Québec, une seule société d'électricité importante qui fait affaire avec les autres. Mais, outre frontière, ce sont des petites sociétés, parfois plus petites que l'importance d'un État, et c'est chaque fois un interlocuteur d'une moyenne dimension, comme réseau, et qui n'est pas installé pour apporter 100 MW, 200 MW, 300 MW comme ça, à demande. Ce n'était pas prévu comme ça. L'interconnexion était faite pour l'Américain pour acheter – acheter, j'entends exporter du Québec aux États-Unis. S'il faut renverser ça, il faut qu'il y ait une source suffisante dans son réseau à lui. Et, si ce 100 MW, il sert seulement tous les 25 ans pour dépanner le Québec, ce n'est pas intéressant non plus.

Alors, il faut examiner la composante économique de ce que ça représente pour le côté qui est interconnecté pour se raccorder au Québec et avec quelle rentabilité. Pour ce qui est de la machine au poste d'interconnexion, ça, c'est une technologie absolument contrôlée, d'ailleurs les plus récentes sont à point, et ce n'est pas des investissements majeurs, ça peut se faire. Mais est-ce que la société US va être capable d'acheminer 200 MW et combien de temps et à quel prix? Ça, c'est une autre dimension qui est à examiner.

M. Kieffer: Et je termine là-dessus, M. le Président.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. le député de Groulx.

M. Kieffer: On comprend bien. Il y a des difficultés techniques aux postes frontières, il y a des difficultés économiques à négocier avec les Américains la capacité de pouvoir inverser. C'est ça que vous me dites?

M. Marinier (Gilles): Oui.

M. Kieffer: Merci.

M. Marinier (Gilles): Et, quand on dit «américain», la même chose pourrait se passer avec les provinces du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario.

M. Kieffer: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, merci, M. Marinier. Mme la députée de Crémazie.

Mme Blanchet: Merci, M. le Président. M. Nicolet, tel que souhaité dans le décret du gouvernement du Québec qui a créé la Commission, vous vous êtes penchés sur une des orientations pouvant permettre un renforcement des réseaux d'Hydro-Québec, c'est-à-dire l'enfouissement de certaines lignes du réseau ou des réseaux. D'ailleurs, vous présentez ça comme possiblement un programme assez important qui pourrait être d'initiative gouvernementale mais qui devrait être fait, si ça devait se faire – ou ça se fera – avec des partenaires, puisqu'il y a d'autres compagnies qui utilisent aussi le service aérien.

Donc, lorsque vous avez évaluez ou dans vos recommandations, est-ce que effectivement vous avez pris en compte qu'il y a plus de 70 % des poteaux qu'utilise Hydro-Québec mais qui en même temps sont utilisés par des compagnies comme, exemple, Bell Canada ou Vidéotron ou... Alors, est-ce que ça, ça a été pris en compte lors de votre recommandation, que dans le fond Hydro-Québec n'était pas seule sur ces poteaux-là?

Le Président (M. Lelièvre): M. Nicolet.

M. Nicolet (Roger): Oui, madame, je pense que nous sommes bien conscients qu'Hydro n'est pas le seul utilisateur. C'est pourquoi, dans le cadre de ce que nous avons recommandé, nous préconisons qu'un travail de concertation soit chapeauté par le gouvernement pour lancer la coordination interutilisateurs qui permettra de développer les technologies et les protocoles d'intervention pour satisfaire l'ensemble des usagers de services souterrains. Hydro-Québec, de toute manière, a déjà abordé un programme de recherche qu'elle a confié au CERIU. Nous en avons eu connaissance, nous avons même eu l'occasion de rencontrer le CERIU.

Mais, sans bougie d'allumage, bougie d'allumage qui implique une volonté et un engagement à plus long terme, un engagement financier et une volonté publique exprimée par le gouvernement, les chances que de telles initiatives décollent, enfin, nous semblent faibles parce qu'il y a un certain nombre d'obstacles bien sûr, actuellement. D'abord, c'est plus onéreux, au niveau actuel, enfin dans la pratique actuelle. Il y a des habitudes, il y a des problèmes de relations de travail avec les monteurs de lignes. Donc, il y a tout un éventail de préoccupations qui devrait être envisagé. Et, s'il n'y a pas une volonté qui va pousser, nous craignons que, dans 20 ans, ce sera encore un sujet de conversation. C'est pourquoi nous suggérons que le gouvernement prenne l'initiative d'une telle démarche.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Crémazie.

Mme Blanchet: Oui, merci. Bon. Justement, vous disiez, entre autres, qu'il y a une question de coût et vous en faites mention dans votre rapport en disant: Ça peut aller de trois à cinq fois plus élevé, le fait d'installer un réseau souterrain, qu'un réseau aérien. Et aussi vous tenez en compte l'ajout d'un surcoût qu'Hydro-Québec fait supporter lors des investissements pour l'enfouissement du réseau. Pouvez-vous élaborer un peu sur ce surcoût-là qu'Hydro-Québec fait actuellement supporter aux investissements un petit peu plus en détail?

Le Président (M. Lelièvre): M. Marinier.

M. Marinier (Gilles): M. le Président, c'est complexe. Je vais essayer de faire une image simple. Présentement, dans la réglementation d'Hydro-Québec... Parlons d'un nouveau développement, c'est tellement plus simple. Une nouvelle rue, que ce soit la ville, le promoteur, etc., si c'est un réseau aérien, ça ne coûte rien. Hydro, dans l'établissement de ses tarifs a convenu que ces investissements pour 30 maisons, 40 maisons qui vont fonctionner et vont rester là à demeure, c'est convenu, ça ne coûte rien. Vous appelez Hydro-Québec, ils installent les poteaux des lignes, et ça va.

Si c'est souterrain, Hydro donne un crédit de ce que l'aérien coûte et facture le montant du réseau souterrain. Cette facture comprend les installations présentes et aussi des frais d'entretien, de remplacement, d'excavation et autres, ce qui fait que ce qui ne coûtait rien va coûter, pour le prochain développement, 5 000 $ par résidence. Ce chiffre-là – j'ai pris un chiffre, 5 000 $ – il comprend beaucoup plus que l'installation physique en souterrain. Il comprend des charges éventuelles de remplacement, de réparation, l'entretien d'hiver, et des choses comme ça.

(17 h 10)

Et c'est là que la commission pense que facturer à l'avance ou percevoir à l'avance des sommes pour des travaux de réparation éventuels sur une vie hypothétique de 15 ans ou 20 ans, c'est un peu charrier. Peut-être que ça pourrait être repensé. Ce qui fait que présentement ce n'est pas intéressant d'aller en souterrain, c'est trop cher. C'est très cher.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Crémazie.

Mme Blanchet: Une petite question de précision. Quand vous dites, M. Marinier: Ça ne coûte rien, ça ne coûte rien au contribuable qui va avoir une nouvelle maison justement sur cette nouvelle rue là, c'est directement par son compte de taxes, ou le prix de la maison, ou peu importe, c'est vraiment à lui directement?

M. Marinier (Gilles): Non, non, un réseau aérien ne coûtera rien. L'Hydro ne facture pas.

Mme Blanchet: O.K.

M. Marinier (Gilles): Il y a les tarifs ordinaires, mais on ne paiera pas 2 000 $ pour se faire installer un réseau dans sa rue, c'est convenu. Si vous allez au souterrain, il y aura une facture qui représente parfois jusqu'à 5 000 $ par unité domiciliaire.

Mme Blanchet: Mais cette facture-là pourrait transiter, je ne sais pas, moi, par le promoteur, ou par la ville, ou...

M. Marinier (Gilles): Actuellement, elle est donnée soit à la ville qui la remet dans la fiscalité de la municipalité, mais le plus généralement c'est au développeur, à l'entrepreneur qui fait l'aménagement de... Tant et si bien que, phénomène récent, là, le secteur Angus, à Montréal, un développement commandité par la ville de Montréal et qui est parti dans du neuf, donc les premiers – ça s'est fait en deux ou trois phases – la première phase était souterraine parce que c'était du neuf. Bon.

La plus récente, qu'on me dit, la phase III, ce sont des développeurs privés qui font ça, ce coût augmentait l'unité de logements de 5 000 $, dans les années 1994, plus tard que ça même, 1997, à un moment où le développement domiciliaire à Montréal a fléchi un peu. Alors, l'entrepreneur avait le choix: Je fais aérien, ça coûte 100 000 $; je fais souterrain, ça coûte 105 000 $, mais je ne peux pas vendre mon unité de logements. Alors, qu'est-ce qui arrive? On a fait aérien. Et des gens de phase I, qui ont payé un surplus, ouvrent la fenêtre puis voient les poteaux de l'autre phase. Je vous dis, la situation est telle que, s'il n'y a pas une volonté d'État de faire quelque chose, ça ne partira jamais.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, est-ce que ça complète, Mme la députée de Crémazie?

Mme Blanchet: Je pense que M. Dicaire...

Le Président (M. Lelièvre): M. Dicaire. Excusez-moi, en complément.

M. Dicaire (André): Oui, en complément puis, je dirais, enrichir ce qui vient d'être dit. Je pense que c'est une belle illustration puis un bel exemple qui démontrent, disons, qu'avec une mécanique et une dynamique semblables on pourrait se retrouver dans 10, 15 ans, encore une fois, à reparler de l'enfouissement des fils. Mais on ne sera pas plus avancés dans 10, 15 ans que ce qu'on a à l'heure actuelle. Et c'est évident que, si on en veut, de l'enfouissement, il faut briser, je dirais, cette mécanique, cette dynamique actuelle, sinon on n'en aura pas, là. Je dirais, on se raconte des peurs. À fonctionner à petites doses, puis à petites cuillères, puis à petites initiatives, je dirais, on n'avance pas là-dedans.

En France, là, puis c'est indiqué dans le document, EDF a mis en place un programme de 30 ans, puis c'est enclenché depuis un certain nombre d'années, pour enfouir les fils, et ce, dans un pays où il y a déjà beaucoup, je dirais, d'enfouissement par rapport à ce qu'on retrouve en Amérique du Nord. Donc, si on en veut, et je pense que c'est très important, il faut mettre en place une nouvelle dynamique. C'est la raison pour laquelle on disait: Il faut que le gouvernement prenne la responsabilité d'un tel programme qui pourrait être étalé sur 30 ans, que ça couvre – un peu le point que vous avez soulevé tout à l'heure – l'ensemble du réseau aérien, pas juste les fils électriques mais également le câble puis le téléphone.

Seulement à titre d'illustration, durant la crise du verglas, il y a 22 000 poteaux qui se sont effondrés. C'est important, le réseau de transport, puis je pense qu'il faut lui donner toute l'attention que ça mérite, mais, quand on élargit la sécurité de l'approvisionnement jusqu'au niveau du consommateur, le réseau de distribution devient aussi extrêmement important. Et, des 22 000 poteaux qui se sont effondrés, il y en avait 16 000 qui appartenaient à Hydro-Québec, il y en avait 6 000 à Bell Canada, mais, je dirais, l'un et l'autre se partagent ces infrastructures. Donc, il faut que le programme couvre l'ensemble des réseaux.

Puis c'est important également qu'il y ait une contribution des principaux partenaires qui soit la plus équitable possible. C'est évident que, si le consommateur est tout seul à payer la différence entre l'aérien puis le souterrain puis qu'en plus on y met un facteur, comme il a été exprimé tantôt, un multiplicateur qui alourdit, je dirais, le fardeau que le contribuable doit supporter, bien on ne peut pas en avoir, de ça. Donc, on dit: Il faut qu'il y ait une contribution équitable entre les différents partenaires, incluant bien sûr l'État, incluant les entreprises d'utilité publique, incluant les municipalités et les citoyens. Et là, si c'est bâti de cette manière-là, il va y en avoir, de l'enfouissement au Québec, ça va devenir un véritable chantier, disons, important et majeur qui va créer aussi des jobs puis qui va avoir des retombées extrêmement importantes partout à travers le territoire québécois.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée de Crémazie.

Mme Blanchet: Une dernière petite question, à titre de curiosité: Est-ce que, au cours de vos travaux, il vous a été possible d'échanger justement avec ces autres compagnies là qui pourraient devenir des partenaires, à savoir Bell Canada ou Vidéotron, ou si ce n'était pas, comme tel... Peut-être que j'ai manqué si c'était mentionné ou pas dans le manuel. Est-ce que ça vous a été possible d'évaluer si, oui ou non, ces compagnies-là pourraient être intéressées à un futur partenariat, si ça devenait possible?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Nicolet.

M. Nicolet (Roger): Les seuls contacts que nous ayons eus à ce sujet étaient avec le CERIU, d'une part, et avec Hydro-Québec. Le CERIU nous a dit qu'effectivement il avait une collaboration intéressée des autres partenaires éventuels à la démarche.

Mme Blanchet: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: D'abord, je vais me joindre aux voix de mes collègues pour vous féliciter effectivement du rapport, de ce rapport-ci, du sérieux évidemment de toute la commission. Et je sais que vous avez fait un travail remarquable dans le cadre des pluies diluviennes parce que je viens de la région de Chicoutimi–Lac-Saint-Jean. C'est la première fois qu'on se voit. Alors, je tiens à vous en féliciter, et ça me fait plaisir de vous rencontrer.

Pour le commun des mortels et pour moi aussi, je prenais état de... Évidemment, c'est un document assez volumineux, assez technique. Vous faites état, dans votre rapport... Et là j'ai peur d'indiquer la page de peur de vous induire en erreur. Dans ce cas-ci, c'est la page 383, où vous semblez remettre en cause... Je vais vous citer l'extrait pour bien vous situer: «Pour les experts de la commission, de même que pour les experts internationaux invités à présenter une évaluation indépendante des dommages provoqués par la tempête de verglas, on doit s'interroger sur le caractère adéquat de ces normes et pratiques pour répondre à des sollicitations d'un niveau comparable à celles subies lors du verglas de janvier 1998.»

Et là vous faisiez état des différentes normes relativement à la conception et à la mise en place du réseau. Vous décrivez un peu les différentes normes. Peut-être, pour ma compréhension personnelle, quelles sont ces normes-là? Là, je vois, vous faites mention qu'elles peuvent s'appliquer... il y a une différence relativement...

Je vous cite le premier exemple: «Pour l'ensemble du réseau de la production jusqu'à la répartition, Hydro-Québec a adopté le critère dit "n-1" comme base de planification. Ce critère signifie que les planificateurs doivent veiller à ce qu'à tous les niveaux du réseau ainsi qu'à chaque poste de distribution le courant puisse être acheminé, c'est-à-dire l'approvisionnement maintenu, même lors de bris d'un des éléments de la chaîne, allant de la centrale de production jusqu'au poste de distribution.» Toutefois, «cette norme ne s'applique donc pas entre le poste de distribution et le consommateur». Et là vous faites état des deux autres ainsi que du manuel B41.11 d'Hydro-Québec. Pour moi, ça me semble un peu mystérieux. Peut-être avoir une petite explication. Et de quelle façon vous remettez en cause ces normes-là? Est-ce que ma question est assez claire?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Nicolet.

M. Nicolet (Roger): Est-ce qu'on peut se partager la réponse?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Tout à fait.

M. Nicolet (Roger): On va commencer par mon collègue Marinier puis, après ça... Très bien.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Marinier.

M. Marinier (Gilles): Merci, Mme la Présidente. D'abord, il faut distinguer dans ce qu'on a la norme des réseaux de transport... B41.11, c'est la norme des réseaux de distribution, qui est beaucoup moins sévère. Alors, il y a un peu une anomalie, là, d'être très résistant ou d'un certain niveau de résistance en transport, mais plus faible en distribution. Parce que, éventuellement, on veut se rendre au consommateur. Alors, il faudrait harmoniser ces choses pour que ce soit compatible, qu'on ne soit pas résistant d'un côté puis moins de l'autre. C'étaient les deux références.

(17 h 20)

Quand on dit la norme n-1 – dans ça, ce n'était pas un tiret, c'est un moins, n-1, c'est un langage du métier du réseau de transport – c'est que le réseau est constitué de manière à ce que, si un élément flanche, soit la turbine alternateur, soit une ligne, soit un poste, de Manicouagan à Montréal, ça ne paraît pas, ça vous fait un petit éclair à la maison, là, mais il y a quelque chose qui s'est passé, un des éléments – je ne sais pas, moi, il y en a peut-être 100 qui viennent d'un bout à l'autre – a flanché, mais il y a eu une relève quelque part. Un peu l'histoire de la bretelle, là.

Mais il y a un élément qui vient prendre la place de l'autre. Et c'est très coûteux. C'est quelque chose qui... C'est votre pneu de rechange. Il est toujours disponible, que ce soit n'importe quel élément de cette série. On peut même imaginer dans d'autres cas où ce seraient deux éléments dans la chaîne qui flanchent: encore beaucoup plus cher, là. Alors, c'est le niveau auquel on fait référence et qui est la norme nord-américaine de transport pour que ça se rétablisse sans que le réseau ne soit perturbé. Et Hydro-Québec a ça.

Le problème, si on revient à notre tempête de verglas, ce n'est pas un morceau qui est tombé, ce n'est pas n-1, là, c'est -2, -3, -4. Ça a tombé partout. Et la norme n'est pas faite... et je ne pense pas qu'elle devrait être faite pour ça non plus. C'est l'événement du siècle ou à peu près. Il faut que ça cède, à ce moment-là. Mais il faut que ça se replace plus facilement. Ça, c'était, disons, la norme fonctionnelle du réseau.

L'autre aspect, c'est la norme mécanique: À quelle résistance, à quelle charge climatique le système de transport doit résister? Vous avez la capacité des supports, des pylônes, des appareils d'attache. La norme qu'utilise Hydro-Québec, elle est importante. Ce n'est pas la plus forte. Il y en a quelques-unes qui sont encore un peu plus fortes, ici et là.

Une voix: ...

M. Marinier (Gilles): Ontario. Même au Québec. Par exemple, la ligne RNDC, Radisson–Nicolet–des Cantons, qui sert exclusivement à l'exportation aux États-Unis, qui a été conçue dans les années quatre-vingt-dix, elle supporte une charge de glace de 55 mm. C'est la seule au Québec. Après, on a fait d'autres lignes, mais pas aussi importantes parce que c'est très coûteux. On a fait d'autres lignes, après, d'autres réparations et on est revenu à la norme 45 mm. C'est que, quand on va à une norme qui est exigeante, qui est très résistante, ça coûte plus cher, mais on ne vend pas plus de kilowattheures. Alors, c'est un équilibre à faire. Et, dans l'industrie, chaque société, que ce soit au Texas, en France, en Suisse ou ailleurs, ils essaient d'atteindre un équilibre qui conserve une rentabilité. Et, quand ça s'écrase, bien on répare.

M. Bédard: Mme la Présidente, oui. Quand vous dites que vous remettez en cause ces normes-là, c'est finalement de les élever, d'avoir une norme plus élevée à l'interne, pas les normes en tant que telles, mais d'appliquer une norme plus élevée sur le réseau.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Marinier.

M. Marinier (Gilles): Ce serait d'abord de les valider, de les réévaluer et de les faire valider par une source qui est autre que l'exploitant lui-même, parce que, pour l'exploitant, comme ça se fait ailleurs dans le monde, c'est une société commerciale, c'est l'intérêt de l'entreprise qui prime. Ici, on parle plutôt d'un actionnaire qui est l'État. Donc, l'État devrait avoir un mécanisme pour avoir son mot à dire sur ce qui peut arriver. Mais on a aussi des conditions climatiques sévères qui font que perdre une ligne en janvier au Québec, ce n'est pas comme perdre une ligne dans une tornade au Texas au mois de juillet.

M. Bédard: Les conséquences sont autres.

M. Marinier (Gilles): Oui, mais les conséquences, pour l'exploitant, c'est des dividendes. Et il faut garder les dividendes ou la rentabilité de l'entreprise la plus élevée possible. À ma connaissance, Hydro n'a pas la responsabilité sociale de la province de Québec.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Marinier. Alors, il y a d'autres...

M. Cloutier (Louis): Je peux ajouter un commentaire?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Cloutier.

M. Cloutier (Louis): Je voudrais ajouter un commentaire sur un plan technique. Des normes, c'est l'expression de la sagesse des ingénieurs et de leur maîtrise, de la maîtrise de leur art. Si vous voulez comprendre pourquoi des normes sont conçues d'une certaine façon, c'est de cette façon que vous devez le voir. Alors, les ingénieurs essaient d'évaluer les conditions dans lesquelles leur oeuvre va avoir à performer. Puis c'est pour ça qu'on trouve des écoles de pensée. Il y a des gens qui pensent que telles et telles circonstances sont plus graves, d'autres...

Et il y a des réunions régulières de groupes. Et, particulièrement dans le cas des structures, on a vu récemment un groupe avec la CEI, la Commission électrotechnique internationale, et un autre groupe avec l'Association américaine de génie civil, qui ont essayé, eux, de revoir leurs façons de faire, de se questionner et de proposer des méthodes qui seraient meilleures évidemment pour rencontrer ce que M. Marinier a dit: avoir une plus grande fiabilité à des coûts de construction qui restent acceptables.

Donc, par exemple, nous, ce que l'on a dit en particulier, c'est qu'on pense que, lorsqu'on a une charge verticale de glace maximale, la considérer sans présence de vent, ce n'est pas adéquat. Parce que le verglas de 1998 a bien démontré... Et je pense qu'Hydro-Québec comprend ça aussi maintenant. Et éventuellement ils vont devoir s'adapter à ces conditions-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord, je vous remercie. Un complément d'information, M. le député de Chicoutimi?

M. Bédard: Oui, mais dans un ordre d'idées... Bien, dans le même ordre, mais qui traite, je pense... On aurait long à parler seulement pour bien assimiler ces règles, ces normes-là. Ce matin, au niveau de la commission, Hydro-Québec faisait état que, pour éviter, entre autres, l'effondrement des poteaux, ils ont renforcé le réseau, mais ils avaient installé un mode de défaillance contrôlé, où les fils, pour éviter que les poteaux tombent finalement, se décrochaient tout simplement. Est-ce que c'était une des recommandations que vous aviez?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Nicolet.

M. Nicolet (Roger): Nous avons recommandé que, dams la réévaluation de la normalisation d'Hydro-Québec, la séquence d'effondrement soit revue de façon à ce que le premier élément à se briser, dans un cas de surcharge, soit celui dont la rupture a les incidences les moins onéreuses possible. En d'autres termes, la séquence de rupture devrait être de l'anodin au plus sévère. Et, si effectivement Hydro-Québec maintenant a changé les prescriptions de façon à permettre aux conducteurs de tomber avant que les pylônes ne... Ça irait dans le sens des recommandations que nous avons formulées. Mais ce n'était pas le cas dans les normes antérieures d'Hydro-Québec.

M. Bédard: Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Nicolet. M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci, madame. M. Nicolet, d'abord, moi aussi, félicitations puis merci pour votre travail. Ça sécurise tout le monde parce qu'on part avec quelque chose de bien acquis, de structuré et de structurant. Les lignes stratégiques, vous en avez parlé beaucoup dans votre document, mais vous en avez aussi fait mention dans votre présentation tantôt. Il s'agit des lignes qu'on privilégie, qui vont être plus... une résistance plus grande, par exemple aux intempéries. Donc, vous privilégiez d'abord les équipements publics. Vous dites aussi: Comme en France, l'Électricité de France, on peut aussi aller dans le privé, et le privé paiera la différence pour se structurer une ligne plus solide. Mais ma question, c'est pour savoir quel serait l'ordre des priorités à établir, lorsqu'il faut rétablir le réseau, compte tenu que le réseau de transport d'Hydro-Québec, il est étendu puis il est intégré à la grandeur du Québec. Quel ordre...

(17 h 30)

M. Nicolet (Roger): D'abord, j'aimerais préciser que nous avons fait bien attention de dire que c'est un service qui ne pourrait être offert qu'à des entreprises industrielles. Ce n'est pas une question d'avoir deux classes de citoyens, certains qui se paieraient un service plus sécure que le voisin. Donc, je pense qu'il faut être bien clair là-dessus. Il y a des entreprises qui, pour leur survie commerciale, dépendent d'un approvisionnement plus sécure et qui seraient possiblement intéressées à défrayer le coût d'un service plus sécuritaire que ce qu'Hydro-Québec est en mesure d'offrir dans un endroit donné, à un moment donné de la transformation de son réseau.

Donc, pour nous, c'est un service qui est... D'abord, l'intention est de mettre l'accent, d'abord, sur les services publics, donc les services de santé dans un premier temps, et ce n'est que de façon auxiliaire que c'est un service qui pourrait être offert, moyennant une tarification spéciale, à des entreprises commerciales.

Ceci étant dit, nous prenons aussi la peine de souligner dans le rapport, que j'ai comme par hasard devant moi, qu'il est essentiel que les priorités de raccordement en cas de sinistre soient celles établies en fonction de la politique générale acceptée et autorisée par le gouvernement. Il ne s'agit pas d'offrir à quelqu'un qui paie pour un service stratégique un raccordement prioritaire. Il faut que les priorités de raccordement soient celles établies par les mécanismes qu'on suggère, et ça relève de la gestion de sinistre, que ce soient celles établies par l'État en fonction d'une équité sociale.

Ceci étant dit, pour pallier l'incongruité, par exemple, prenons un milieu agricole où certains gros producteurs pourraient vouloir bénéficier d'un service par ligne stratégique, Hydro pourrait offrir un service de génératrice à ces gens-là, qu'Hydro mettrait à leur disposition en période de panne, ça ferait partie donc du package commercial offert aux gens qui se prévaudraient de ce service plus sécure.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci. Vous devancez un petit peu ma question parce que j'en arrivais là: Comment? À part de génératrices, est-ce qu'il y a d'autres moyens que le gouvernement pourrait mettre à la disposition pour avoir les fameuses lignes stratégiques sans modifier? Ou faut-il tout modifier le système?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Nicolet.

M. Nicolet (Roger): Dans la logique du rapport, comme on l'a dit abondamment aujourd'hui, on considère que le renforcement du réseau sera une démarche progressive, graduelle, échelonnée dans le temps. Et il nous semble qu'il appartient, par le biais des mécanismes dont dispose le gouvernement, c'est-à-dire l'approbation des plans stratégiques, etc., au gouvernement d'établir les priorités d'intervention, de renforcement. Et il y a une planification à établir par Hydro-Québec qui devra être suffisamment détaillée pour que le gouvernement s'assure que les priorités publiques reçoivent la première attention de la société d'État.

Donc, il y a, et on en parle dans le texte, il nous semble important que, dans la nouvelle relation qui s'établira entre l'État et la société, on établisse des mécanismes de gestion, qui n'existent pas actuellement, qui respectent l'autonomie commerciale d'Hydro-Québec mais qui permettent à l'État de maintenir toute une série de priorités qui vont du raccordement... enfin de l'ensemble de la sécurité des lignes, enfin différents aspects qui interpellent directement la société dans son ensemble.

M. Désilets: Deux petites questions rapides, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci. La politique énergétique, le chauffage d'appoint. J'aimerais ça connaître un peu votre idée sur le chauffage d'appoint, sur les moyens, le gaz naturel et le pétrole. C'est-u efficace pour des crises comme on a eues, ou c'est-u encore efficace? Avez-vous eu le temps de jeter un coup d'oeil sur ce dossier-là, sur les moyens d'appoint?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Nicolet.

M. Nicolet (Roger): Oui, nous avons regardé les différentes techniques d'appoint pour suppléer des insuffisances d'approvisionnement électrique. Bien sûr que le pétrole est un moyen, comme l'est le gaz, dans la mesure où les gens peuvent avoir des petites génératrices pour opérer leur chauffage à l'huile ou leur chauffage au gaz. Par contre, fondamentalement pour des raisons environnementales que vous connaissez aussi bien que nous, il nous semble que les choix du Québec vers l'hydroélectricité sont les choix à privilégier et à encourager. Donc, on ne devrait pas, et c'est un peu une des conclusions que nous affirmons avec beaucoup de conviction... le verglas n'est pas, pour nous, une raison suffisante pour remettre en question les choix qui ont été arrêtés par le Québec jusqu'à ce jour.

M. Désilets: O.K. Ma dernière question.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Ça concerne toujours le domaine énergétique. Mais votre appréciation dans le dossier de la déréglementation puis la restructuration énergétique, les démarches qui sont en cours présentement en Amérique du Nord, est-ce qu'elles vont bon train, est-ce que c'est correct? Comment vous voyez ça présentement, le processus de déréglementation?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Nicolet.

M. Nicolet (Roger): Il nous semble que c'est une dynamique qui échappe au contrôle du seul Québec et que nous sommes dans un contexte où il faut reconnaître que c'est incontournable. Et je crois – et là ce n'est pas une opinion de la Commission parce qu'on n'a pas vraiment approfondi cette dimension-là – il me semble que ce que le gouvernement doit faire, c'est reconnaître que, si Hydro n'est pas performante dans ce nouvel environnement, on se nuit, non pas tout simplement dans les incidences financières de difficultés éventuelles, mais parce que tout ce qu'on fait, c'est ouvrir la porte à l'importation énergétique de l'extérieur dans des modes énergétiques qui sont, environnementalement parlant, beaucoup plus lourds et beaucoup moins satisfaisants. Donc, le Québec a tout à gagner à ce qu'Hydro soit performante dans un marché nouveau et compétitif, mais la difficulté qui se pose à vous, c'est de faire la part des choses entre cette nécessité de commercialiser les performances d'Hydro-Québec en respectant les intérêts collectifs de la société québécoise.

M. Désilets: Donc, pour vous, les normes d'Hydro-Québec pourraient être plus hautes que les normes nord-américaines présentement reconnues?

M. Nicolet (Roger): C'est ce qu'implicitement disait mon collègue André Dicaire, je crois, c'est que nous croyons qu'il y a une marge, bien sûr, de manoeuvre financière actuellement dans un horizon sur cinq ans qui donne au gouvernement la latitude d'établir certains objectifs sans nuire à la performance commerciale ou à la santé commerciale d'Hydro-Québec.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Nicolet.

M. Dicaire (André): Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Dicaire.

M. Dicaire (André): Juste un petit complément, si vous permettez.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Un complément d'information.

(17 h 40)

M. Dicaire (André): Autant sur la déréglementation que sur la caractérisation des filières qui servent à la production de l'électricité – là, on pense à l'éolienne, au pétrole, au charbon, au nucléaire, on pourrait toutes les nommer, là... La Commission, en cours de route, a été saisie de la problématique de la déréglementation puis de la caractérisation des filières, dont un mandat sera éventuellement ou un exercice sera mis en route avec la Régie de l'énergie. Je pense que le message important qui a été retenu au niveau de la politique énergétique sur ces éléments-là, dans le cadre des travaux de la Commission, c'est de dire... disons que, parmi toutes les préoccupations et les critères, soit des critères économiques, des critères sociologiques ou des critères environnementaux, on dit: Ajoutez celui de la sécurité des approvisionnements.

Et, quand vous allez regarder – parce qu'il y a des pour puis il y a des contre sur la déréglementation – le dossier de la déréglementation, que le gouvernement aura parfois des décisions à prendre, quand, disons, la Régie de l'énergie va entreprendre toute une démarche sur la caractérisation des filières servant à la production de l'électricité avec ce que j'identifiais tantôt et dans l'identification des critères qui permettraient de casser ces différentes filières là, ajoutez à tous les critères qui sont déjà un peu dans l'esprit de bien des gens, ajoutez celui de la sécurité des approvisionnements.

C'est le message, je pense, central et important que la Commission a voulu livrer dans le cadre de ces exercices-là, sans entrer de plain-pied dans le débat de la déréglementation puis entrer dans le débat de la caractérisation des filières, étant entendu qu'il y aura au cours des prochains mois ou de la prochaine année, que sais-je, un exercice. En tout cas, nous, on l'a indiqué, là. Le gouvernement avait indiqué qu'il y aurait un exercice qui serait entrepris par la Régie de l'énergie à cet égard-là. Mais on ajoute, nous, cette préoccupation de la sécurité des approvisionnements.

M. Désilets: En tout cas, je vous remercie, vous et toute votre équipe.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, merci bien. Alors, M. le ministre.

M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais revenir sur un sujet dont on a discuté tantôt, mais je pense que ça mérite d'être clarifié davantage parce que ça laisse, sinon des doutes, du moins des questions dans mon esprit. Ça porte évidemment sur le bouclage de la Montérégie. On en a parlé tout à l'heure, vous avez même indiqué que le jumelage Hertel et Beauharnois assurait une sécurité qu'on pouvait qualifier d'optimale pour la région montréalaise mais aussi pour la Rive-Sud de Montréal.

Dans votre rapport, vous indiquez que cette solution technique, c'est-à-dire un lien à 735 kV entre des Cantons et Hertel, avec un poste, un nouveau poste qu'on appellera le poste Montérégie, à Sainte-Cécile-de-Milton... Vous dites: Cette solution-là, technique, ne peut être appréhendée sur la seule base des déclarations publiques d'Hydro-Québec. Et vous dites également que la puissance énergétique de cette boucle prévue entre Hertel et des Cantons se comprend mal dans la seule perspective de la croissance anticipée du marché de la Montérégie. Et vous continuez en disant que le projet d'une nouvelle ligne de transport en direction nord-sud et attribuée à Vermont Electric Power laisse, en fait, présager de nouvelles interconnexions avec le Québec.

Alors, je ne sais pas si Hydro-Québec n'a pas été assez claire dans ses communications avec la Commission ou a omis, pour je ne sais quelles raisons, de vous transmettre des informations qui m'apparaissent, quant à moi, fondamentales, particulièrement ce qu'ils nous ont dit et ce dont parlait tout à l'heure mon collègue, ce qu'ils nous ont dit sur les interconnexions. Ce matin, M. Caillé a été on ne peut plus limpide à cet égard. Il a très clairement affirmé sans ambiguïté: Les interconnexions actuelles sont suffisantes pour maintenant et pour pas mal longtemps, compte tenu du niveau de la capacité de ces interconnexions que nous utilisons. Ça m'apparaissait très clair comme réponse.

Est-ce que ça signifie que, sur cette question-là, Hydro-Québec a manqué de clarté ou n'a pas été très limpide avec la Commission, sur cette question-là? Parce que, sinon, vous n'auriez pas écrit cette phrase-là concernant les interconnexions. Quand vous dites: Sur la seule base des déclarations publiques d'Hydro-Québec, est-ce que ça signifie, par conséquent, que les déclarations d'Hydro-Québec n'étaient pas suffisamment claires non plus quant à la capacité énergétique, la puissance énergétique de Hertel–des Cantons à 735 kV?

Encore une fois, ce matin ils ont clairement expliqué que, si on veut pouvoir acheminer 2 000 MW à Hertel par un autre corridor que celui qui existe présentement, c'est-à-dire de Nicolet–Boucherville–Hertel, il faut une ligne 735 kV, le poste Montérégie servant à faire des bouclages en Montérégie même.

Alors, moi, ma question, évidemment, parce que c'est... Vous savez très bien, M. Nicolet et Mme et MM. les commissaires, que ces deux paragraphes sont l'objet de controverses et sont utilisés par bien des intervenants dans le débat public. Au fond, ma question, c'est: Est-ce que vous avez écrit ça parce que vous n'avez pas eu toute l'information pertinente et complète d'Hydro-Québec sur ce bouclage-là? Parce que, sur les autres bouclages, il semble bien qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, mais, sur celui-là, il y a comme de l'équivoque. Est-ce que c'est Hydro-Québec qui s'est mal expliquée ou il y a eu de l'incompréhension de part et d'autre? J'aimerais vous entendre là-dessus.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Nicolet.

M. Nicolet (Roger): Je dois dire que la Commission, par la nature même de son fonctionnement, est le reflet – le rapport que vous avez devant vous – de témoignages que nous avons recueillis tout au long d'un processus assez complet, je dois dire, d'audiences au travers de toute la Montérégie, Montréal, etc. On ne peut pas avoir traversé cette expérience sans en avoir recueilli une série d'images, une série d'impressions, une série de perceptions. Hydro-Québec, là-dedans, a été un des témoins entendus. Et je pense qu'autour de la table on a fait la part des choses.

Est-ce qu'Hydro-Québec n'a pas été assez convaincante, n'a pas assez documenté ce qu'Hydro est venue vous dire ce matin? On a, je crois, fait une synthèse de ce qu'on a entendu, de notre propre vision des priorités de renforcement, et ce que nous disons là reflète en quelque sorte ce que nous pensons être l'approche qu'aurait suivie quelqu'un qui aurait abordé le problème sans autre considération que la sécurité de l'approvisionnement dans les meilleurs délais.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Brassard: Je vais vous poser une question bien directe: Est-ce que, dans son témoignage, Hydro-Québec vous a clairement expliqué l'état de situation sur les interconnexions? Est-ce qu'elle vous a clairement expliqué ce qu'elle nous a expliqué ce matin, que les interconnexions existantes étaient suffisantes pour plusieurs années, 15, 20 ans? Compte tenu de la capacité de ces interconnexions, est-ce qu'elle vous a clairement indiqué cet état de situation?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Nicolet.

M. Nicolet (Roger): On n'a pas eu de représentations spécifiques là-dessus.

M. Brassard: Donc, il y avait un manque de clarté sur cette question-là.

(17 h 50)

M. Nicolet (Roger): Il y a eu certainement de l'information limitée qui nous a été fournie à ce sujet-là.

M. Brassard: Ce qui explique évidemment les propos ou les remarques qu'on retrouve dans votre rapport. C'est comme ça que je l'interprète.

M. Nicolet (Roger): Ce qui peut expliquer que nous en soyons arrivés à certaines conclusions.

M. Brassard: Et à cette formulation. Mais, ceci étant dit – je pense que je reviens aux échanges qu'on a eus au tout début – vous reconnaissez qu'une alimentation plus importante venant de Beauharnois, une plus grande sécurisation de Hertel même, où une puissance de l'ordre de 2 000 MW pourrait y parvenir par deux corridors distincts, vous reconnaissez que, sur le plan de la sécurité des approvisionnements et pour Montréal et pour même aussi la Rive-Sud, on est en face d'une situation, quand ça sera fait, quand ça sera complété, de sécurité nettement accrue.

M. Nicolet (Roger): Un raccordement de 2 000 MW additionnels sur Hertel est une augmentation de la sécurité, sans aucun doute.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Nicolet. À ce moment-ci, j'aurais une demande du député de Saint-Hyacinthe. On sait que le député de Saint-Hyacinthe a sûrement beaucoup d'intérêt, compte tenu de ce qui s'est vécu dans sa région. Cependant, j'ai besoin de...

M. Brassard: Comme il vient du triangle...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Tout à fait.

M. Brassard: ...on va consentir.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): J'ai besoin d'un consentement des membres de la commission. Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. J'ai eu la chance d'écouter tout ce qui s'est dit cet après-midi, de parcourir partiellement, je dois l'avouer, ce rapport qui est très volumineux, et j'ai eu la chance d'entendre parler souvent de la commission Nicolet, d'autant plus que mon maire, M. Bernier, en faisait partie à titre de commissaire et qu'il a beaucoup apprécié cette expérience de rigueur, je pense, de rigueur vraiment scientifique et de rigueur aussi au sens large du terme. Je vous avoue, M. le ministre, que j'étais resté accroché à la même phrase que vous, là, et que vous m'avez peut-être enlevé ma question principale, dans le sens que j'étais inquiet par rapport à cela.

Je vais simplement me limiter à une question très simple. Si j'ai bien compris, toute la question de la sécurisation de l'approvisionnement énergétique tourne autour de trois points principaux: l'interconnexion, le bouclage et le raccordement à certaines sources spécifiques d'énergie dans le cas de Montréal-Châteauguay. Tout est autour de ces trois points-là. Est-ce que j'ai bien compris?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Nicolet.

M. Nicolet (Roger): Il faut élargir votre palette. Il y a la sécurité structurale, la robustesse des lignes qui est un élément essentiel. En d'autres termes, Hertel doit être sécurisée aussi en renforçant ce qu'Hydro appelle la sécurité mécanique de la grande boucle à 735 kV autour de Montréal et les lignes qui alimentent cette boucle.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Saint-Hyacinthe, d'autres questions?

M. Dion: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre, des commentaires, je sais que notre mandat se termine pour aujourd'hui.

M. Brassard: Oui, bien, on pourrait encore... Il y avait beaucoup de points qu'on aurait pu soulever, parce que c'est un rapport, je l'ai dit au tout début, très substantiel, et qui interpelle à la fois Hydro-Québec et le gouvernement aussi, et qui va sans aucun doute donner lieu dans les mois à venir à des décisions ou à la mise en oeuvre de programmes visant à sécuriser davantage l'approvisionnement électrique de la population du Québec. Et je pense que, finalement, dans votre échange avec mon collègue de Saint-Hyacinthe, vous avez résumé, lui et vous, le programme qui nous attend et que déjà Hydro-Québec finalement a commencé aussi à mettre en oeuvre, parce que, quand elle a reconstruit les lignes endommagées, bien, elle a délibérément choisi de les renforcer. Donc, ce que vous appelez le renforcement structural ou mécanique, ça fait maintenant partie de sa planification.

Donc, vous avez fort bien résumé ce qui nous attend, et ce n'est pas rien. Ça peut se résumer en quelques mots, mais c'est immense comme programme. Ça porte sur les interconnexions, les bouclages, le renforcement des structures, mais aussi sur une plus grande sécurité du réseau de distribution. On en a parlé aussi, mais souvent on ignore un peu à tort cet élément important de notre approvisionnement, le réseau de distribution. Donc, toute la question de l'enfouissement, mais également... Je pense juste à l'émondage. Probablement que, si on avait émondé de façon plus systématique sur le réseau de distribution, il y aurait peut-être eu moins de dommages, parce qu'il y a eu un grand nombre, une bonne quantité des dommages qui ont été causés par des branches d'arbres qui ont carrément cassé, rompu les fils d'alimentation.

Alors, je pense que le programme est vaste, mais on a, dans votre rapport, des recommandations nombreuses qui vont permettre à la fois au gouvernement puis à Hydro-Québec, je pense, d'atteindre cet objectif incontournable et essentiel qui est de voir à ce que nos concitoyens, les Québécois, où qu'ils se trouvent sur le territoire du Québec, aient un service, un approvisionnement d'électricité le plus sécuritaire possible. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, moi aussi, M. Nicolet, je tiens à vous remercier au nom de mes collègues, les membres de la commission, pour avoir accepté cette invitation. Je voudrais remercier aussi vos collaborateurs. Là-dessus, j'ajourne donc les travaux de la commission à demain, le mercredi 19 mai, 10 h 30.

(Fin de la séance à 17 h 58)


Document(s) associé(s) à la séance