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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 22 septembre 1999 - Vol. 36 N° 33

Consultation générale sur le projet de loi n° 67 - Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement


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Table des matières

Auditions


Intervenants
Mme Denise Carrier-Perreault, présidente
M. Christos Sirros, vice-président
M. Guy Lelièvre, président suppléant
Mme Diane Lemieux
M. Normand Jutras
M. Jean-Claude Gobé
Mme Nathalie Normandeau
M. Mario Dumont
Mme Manon Blanchet
M. Stéphane Bédard
M. Robert Kieffer
* M. Gilles Taillon, CPQ
* Mme Louise Marchand, idem
* M. Pierre Pronovost, idem
* M. Henri Massé, FTQ
* M. Gilles Charland, idem
* M. Louis Bolduc, idem
* M. Jacques Théorêt, idem
* M. François Rebello, Force Jeunesse
* Mme Geneviève Shields, idem
* M. Martin Koskinen, idem
* M. Pierre Cléroux, FCEI
* Mme Sylvie Ratté, idem
* M. Michel Audet, CCQ
* M. Pierre Beaudoin, idem
* Mme Marie-Ève Bonneville, Commission des jeunes
de l'Action démocratique du Québec
* M. Frédéric Lajoie, idem
* M. Jean-François Tétreault, idem
* M. Gaston Lafleur, CQCD
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-cinq minutes)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je déclare donc la séance de la commission de l'économie et du travail ouverte. À l'ordre, s'il vous plaît! Je voudrais vous rappeler que le mandat de notre commission est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 67, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement.

Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Jutras (Drummond) remplace M. Désilets (Maskinongé) et M. Ouimet (Marquette) remplace M. Marsan (Robert-Baldwin).

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous remercie. Alors, nous avons ce matin trois groupes à rencontrer qui vont venir échanger avec nous: d'abord, le Conseil du patronat du Québec, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, pour terminer avec Force Jeunesse. Je demanderais donc aux gens du Conseil du patronat de bien vouloir s'approcher, s'il vous plaît.


Auditions

Alors, M. Taillon, bienvenue encore une fois à cette commission, sur un autre sujet cependant. Je vous rappellerai que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, que, selon les décisions qui ont été prises hier, par la suite il y a un échange, en fait, avec chacun des groupes parlementaires, de 17 minutes et demie pour la partie ministérielle, 17 minutes et demie pour l'opposition officielle, en conservant un cinq minutes pour le député indépendant. Alors, si vous voulez bien vous présenter, M. Taillon, et surtout présenter les gens qui vous accompagnent.


Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Taillon (Gilles): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je pense que je n'ai pas besoin de me présenter, vous l'avez fait. À ma droite, Me Louise Marchand m'accompagne, c'est la directrice des relations de travail au Conseil du patronat du Québec; et, à ma gauche, Me Pierre Pronovost, de chez Ogilvy, Renault, un praticien qui a négocié des clauses dites orphelin et qui en applique tous les jours, qui pourra vous faire part de commentaires ou d'impressions, de vécu.

Alors, Mme la Présidente, le CPQ remercie les membres de la commission de lui permettre de faire état de ses préoccupations relatives au projet de loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement. Comme il est de mon habitude, je ne vous ferai pas une lecture du mémoire que nous avons présenté, je pense que vous l'avez regardé. Je vais, par contre, faire quelques commentaires et observations et y référer au besoin, donc faire des lectures choisies. Notre premier commentaire, Mme la Présidente, c'est à l'effet que, pour nous, légiférer pour interdire les clauses de disparités de traitement ne nous apparaît pas une avenue intéressante. Donc, nous ne tergiverserons pas ce matin, nous pensons que le gouvernement ne doit pas s'engager dans la voie de la législation à cet égard. Et c'est surtout en raison des conséquences et des impacts économiques, tant pour les individus que pour les entreprises, que nous craignons l'interdiction. À cet effet, j'aimerais vous référer aux pages 7 et 8 de notre mémoire et vous faire la lecture de ce qui y est contenu et de ce qui peut décrire, dans le fond, nos craintes quant aux conséquences économiques.

Compte tenu de la description des raisons – que vous avez au mémoire – qui président à la décision d'utiliser des échelles à géométrie variable... Et on a vu que ce qui préside à utiliser des échelles à géométrie variable, c'est soit des conditions macroéconomiques, des situations de crise, des situations de déréglementation, soit des conditions microéconomiques, c'est-à-dire des entreprises qui sont en situation pénible, en situation difficile et qui doivent, lors de la renégociation des conventions collectives, trouver des moyens de réduire leurs coûts de main-d'oeuvre, soit des situations, au plan public – on l'a vu, le gouvernement y a eu recours au cours des dernières années – de difficultés budgétaires. On a recours à ce moyen qu'est l'utilisation de clauses dites orphelin. Alors, compte tenu, donc, des raisons qui président à cela, on pense, nous, que leur interdiction entraînerait des conséquences néfastes pour les partenaires qui voudraient y recourir.

(9 h 40)

Dans la mesure, en effet, où les parties décident d'inclure de nouvelles échelles à leurs conventions lorsque les risques de fermeture ou de contraction de l'emploi sont les plus imminents, une prohibition à la Loi sur les normes du travail induirait fatalement la recherche de solutions de rechange pour résoudre les problèmes évoqués ci-haut. On ne peut endiguer la récession, l'ouverture de marchés et le processus de déréglementation par une prohibition de restructurations salariales.

Pour maintenir leur capacité de produire à des coûts concurrentiels, les parties à une convention collective devront trouver d'autres moyens qui les aident à composer avec les impératifs de la concurrence ou des cycles économiques baissiers. Pour faire face à une conjoncture adverse, il faudra soit sabrer dans les conditions de tous les employés, y compris ceux qui, pendant des années, ont contribué à bâtir nos entreprises, soit choisir d'exporter des emplois ailleurs qu'au Québec, là où la réglementation du travail confère encore la souplesse requise pour maintenir la compétitivité. Il y a des limites à l'influence de la législation et il est assez idéaliste de croire que l'on peut entraver le mouvement du marché.

Les conséquences pour la perte de bien-être de ceux qui occupent des emplois et qui ont des postes sont souvent plus dévastatrices que pour ceux qui ne sont pas encore entrés sur le marché du travail. Je pense que je n'ai pas de longue démonstration à faire que quelqu'un qui a des habitudes de vie, des habitudes de salaire et qui subirait des pertes advenant qu'on ne négocie pas, dans des situations difficiles, des clauses orphelin... Il pourrait y avoir des conséquences pénibles pour les individus et bien sûr pour l'ensemble de la société.

Dans le secteur du commerce de détail en général et dans celui de l'alimentation en particulier, les entreprises pourront déménager leurs lieux d'entreposage ou de distribution. Dans le secteur manufacturier, on pourra donner encore plus de contrats de sous-traitance en Ontario, au Nouveau-Brunswick, voire en Nouvelle-Angleterre. Nous avions fait état de nos inquiétudes, Mme la Présidente, à ce sujet lors des audiences de l'année dernière. Nous les avons réitérées, avec la Coalition pour le maintien de l'emploi, au printemps de cette année et encore cette semaine et nous n'hésitons pas à les répéter à nouveau, en espérant que le législateur québécois les entende et y soit sensible.

Les statistiques sur le chômage ne sont pas très stimulantes, nous sommes toujours autour de 10 %. Le chômage chez les jeunes est élevé. Est-ce qu'on doit poser des gestes qui vont accroître cette situation difficile? Nous pensons qu'il y a un risque là qu'il ne faut pas courir. L'étude d'impact du ministère du Travail déposée hier par la ministre ne fait qu'ajouter à nos craintes et confirmer nos appréhensions et nos convictions qu'il ne faut pas légiférer, puisqu'on a eu là quelques éléments qui nous amènent à parler de pertes d'emplois advenant l'interdiction des clauses orphelin. Bref – deuxième commentaire – en raison des conséquences économiques et des impacts que cela comporte, nous ne pensons pas que la législation soit une bonne avenue.

Nous sommes conscients – troisième commentaire – que les collaborateurs de la ministre ont bien tenté de présenter – et c'est ce que nous étudions aujourd'hui – un projet de loi qui essaie de minimiser les impacts négatifs d'une intervention gouvernementale dans le contexte d'un régime de relations de travail qui est celui qu'on connaît au Québec. Malgré une bonne volonté évidente, nous croyons que le projet porte trop à interprétation et qu'il ouvre à une judiciarisation excessive des règlements possibles dans le contexte de ce qu'on a comme projet sur la table. Nous vous faisons état de façon très explicite, en pages 8, 9, 10, 11, 12 et même 13 de notre mémoire, des interprétations possibles que le projet de loi pourrait entraîner dans l'application pratique.

Je ne citerai qu'un exemple, en page 12, pour étayer notre argumentation. Je vais lire, donc, très brièvement ce qui apparaît en page 12 et en haut de la page 13: Nous sommes très préoccupés par le nouvel article 87.3, qui introduit une notion pour le moins imprécise. Cette disposition prévoit que ne seront pas dérogatoires des conditions de travail conférées à un salarié qui, à la suite d'un reclassement, d'une rétrogradation ou d'une réorganisation d'entreprise découlant d'une fusion, seraient temporairement plus avantageuses que celles qui sont applicables aux autres salariés effectuant les mêmes tâches. En d'autres termes, le législateur accepte que des salaires puissent être étoilés dans ces cas.

Mais ce qui nous inquiète, c'est la notion d'étoilement temporaire. Quelle serait la durée de cette période temporaire? Serait-ce le temps requis pour que le rattrapage de l'échelle soit complété? Quand aucune échelle n'est prévue, comment évaluer la période de temps permise? Nous soumettons qu'il serait préférable d'éliminer complètement cette notion et de permettre aux employeurs de maintenir l'étoilement sans fixer de limite.

D'autre part, au titre de l'entrée en vigueur de la loi, dans une note d'information sur le projet de loi, le ministère du Travail écrivait que le délai d'ajustement de trois ans est fonction de l'échéance de la majorité des conventions collectives actuellement en vigueur et qui se renouvelleront dans ce délai. Qu'adviendra-t-il des conventions dont la vie utile est plus longue? Les parties devront-elles les renégocier? Quel climat de relations de travail nous préparons-nous?

Enfin, telle que prévue, la durée de vie de la loi pose problème. L'article 4 prévoit qu'elle cesse d'avoir effet le 31 décembre 2004 ou à toute autre date fixée par le gouvernement. Nous sommes d'avis que cette date du 31 décembre 2004 devrait être définitive et qu'il appartient à l'Assemblée nationale et non au gouvernement de décider si la loi doit être prorogée.

Bref, de nombreuses questions, au plan juridique, qui illustrent à quel point il sera difficile pour un employeur ou pour les parties à une convention collective de connaître leurs obligations, d'une part, et les outils que la nouvelle loi leur aura laissés pour composer avec une conjoncture difficile, puisque c'est bien dans ce contexte qu'on applique, qu'on négocie des clauses orphelin.

Il faut aussi penser que le texte qui nous est soumis entraînera vraisemblablement de très nombreux recours et des coûts accrus imposés de ce fait aux parties. La volonté de déjudiciarisation des relations de travail demeurera un voeu pieux. L'ambiguïté, l'imprécision, voire les contradictions du projet de loi démontrent assez clairement que les craintes énoncées dans le document du ministère du Travail et par les porte-parole des employeurs sont fondées. Une législation en ce domaine est, pour ainsi dire, inapplicable.

Bref, Mme la Présidente, MM. et Mmes les parlementaires, nous ne croyons pas à une solution législative, et les efforts qui ont été faits pour rédiger un projet qui allait minimiser les impacts n'ont rien de convaincant, nous l'avons vu. Il reste deux alternatives ou il reste deux solutions: une première, celle qui avait déjà été évoquée par le ministère du Travail lui-même à une autre époque, l'avenue du pacte social, nous apparaît toujours une approche plausible; ou une deuxième solution: si, véritablement, nous sommes sincères dans la volonté d'en arriver à une égalité entre vieux et jeunes, entre anciens et nouveaux, la seule solution possible, c'est d'y aller avec une modification à la Charte des droits pour rendre la notion d'ancienneté facteur de discrimination comme l'est l'âge, le sexe et les autres facteurs que l'on connaît.

Alors, nous vous invitons, Mme la ministre, en conclusion, à ne pas légiférer, à passer le dossier à votre collègue de la Justice, à cesser ce débat qui ne nous mène nulle part et à modifier la Charte des droits, si véritablement nous voulons faire un droit égal à tous les travailleurs au Québec. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Taillon. Nous passons maintenant à la période d'échanges. Alors, Mme la ministre.

(9 h 50)

Mme Lemieux: Merci, M. Taillon. Tout d'abord, une précision: l'étude d'impact qui a été rendue publique hier anticipe le pire, et le pire, c'est les cas où on ne partagerait pas les responsabilités autrement qu'en ajoutant dans la masse salariale. Je pense qu'on se comprend bien, là. Et on peut très bien imaginer que, devant des situations comme ça – d'ailleurs, ça s'est vu – lorsqu'il y a des coûts de main-d'oeuvre à gérer autrement, il y a aussi des possibilités de partager le poids d'un contrôle des coûts de main-d'oeuvre entre plusieurs acteurs.

M. Taillon, je pense que les motifs pour lesquels on se retrouve avec des clauses orphelin... Il y a une compréhension relativement commune là qui se fait de la part des jeunes, des syndicats, du patronat et aussi des parlementaires; je pense qu'on comprend tous pourquoi ce phénomène-là a émergé. Maintenant, votre conclusion est assez... Vous dites: On ne croit pas à une solution législative. Il y a eu quand même certaines tentatives autour de ce concept de pacte social qui, visiblement, ne donnent pas les résultats auxquels on pouvait s'attendre. Les jeunes – hier, on a reçu des jeunes – il faut les entendre aussi.

Ma première question, c'est: Est-ce que vous reconnaissez qu'il y a là un problème préoccupant? Et, en l'absence... Quand vous dites: Pas de solution législative, considérant que le pacte social n'a pas vraiment marché, c'est quoi, véritablement, les options? Et, moi, je pense que vous reconnaissez qu'il y a un problème, je pense que le patronat le voit, qu'il y a un problème. Alors, qu'est-ce qu'on a comme solution devant nous? Alors, ça, je dirais que c'est peut-être plus une question philosophique.

Deuxièmement, dans votre mémoire, vous dites – j'aimerais ça, vous entendre, vous n'en avez pas vraiment reparlé – qu'il y a une contradiction, une incompatibilité entre 87.1 et 87.2. Je ne veux pas faire nécessairement une discussion juridique très, très, très technique, mais j'aimerais comprendre votre point de vue là-dessus.

Mais essentiellement, écoutez, est-ce qu'on reconnaît qu'il y a un problème? Il y a eu des initiatives qui ont été prises qui ne donnent pas les résultats, qui ne rassurent pas. On arrive avec une solution législative, un peu pour faire contrepoids au silence des dernières années autour de ce problème là. On a quoi devant nous? Les préoccupations des jeunes, là, elles sont plus que légitimes, elles sont troublantes, et certains nous ont dit: Il y a même un dialogue de sourds. Je pense qu'il y a eu des tentatives d'un peu se parler, mais là on ne peut pas juste rester sur nos positions. Alors, c'est quoi, la voie, si ce n'est pas le législatif?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Merci, Mme la Présidente. D'abord, je pense que vous affirmez, Mme la ministre, que le pacte social n'a pas marché, mais je pense qu'il n'a pas été essayé. On a toujours présenté la solution législative, depuis qu'on en parle, comme étant la voie. Vous êtes arrivés avec des projets, la première commission parlementaire parlait aussi d'une intervention législative. Donc, on ne l'a pas essayé, il est difficile de dire que ça n'a pas marché. Quand les parties ont la chance, peut-être, de remettre à quelqu'un d'autre la solution d'un problème, elles ne s'impliquent peut-être pas à fond. Alors, je pense que le fait de déposer un projet de loi n'a pas aidé à, je dirais, la conclusion d'un pacte social ou à des discussions autour d'une solution davantage politique que législative.

C'est un problème, nous le reconnaissons. Il n'y a aucun employeur au Québec qui recourt aux clauses dites orphelin de gaieté de coeur, on le fait dans des situations difficiles. Je pense que votre propre gouvernement y a eu recours dans des situations difficiles. C'est un problème qu'il ne faut pas non plus exagérer, il n'est pas présent dans l'ensemble des conventions collectives au Québec. Je pense qu'on s'entend tous pour dire que c'est autour de 6 % à 7 % des conventions qui en contiennent, des types de clauses comme celles-là. Donc, il y a un problème, oui, il faut le régler, mais on pense que la solution législative n'est pas la bonne.

Quant à votre question sur l'interprétation de 87.1, 87.2, je vais demander à mes collègues de tenter de vous éclairer là-dessus, d'abord, Me Marchand et ensuite Me Pronovost pour ajouter.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Me Marchand.

Mme Marchand (Louise): Merci, Mme la Présidente. Est-ce que vous m'entendez?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, très bien.

Mme Marchand (Louise): Écoutez, nous, ce qu'on comprend, Mme la ministre, de la rédaction législative qu'on a sous les yeux, c'est que, en fonction de la date d'embauche, c'est interdit, une condition de travail établie uniquement en fonction de la date d'embauche est interdite. Par ailleurs, elle n'est pas dérogatoire au principe qui est ainsi édicté dans le premier paragraphe si elle est fondée sur l'ancienneté. Dans la majorité des conventions collectives, Mme la ministre, l'ancienneté est calculée en fonction de la date d'embauche. Alors, on ne voit pas comment on peut arriver à réconcilier, dans la pratique des choses, ces deux idées et on ne voit pas comment la jurisprudence, non plus, va arriver à réconcilier ces deux idées qui, de toute évidence, s'opposent.

Alors, c'est pour ça qu'on vous dit... Et la solution qui a été proposée... Évidemment, on comprend que 87.2 introduise la notion d'ancienneté, parce que la Charte mentionne cette notion d'ancienneté, alors il fallait la retrouver dans le projet de loi, c'est bien évident, mais sauf que, à la façon dont ça a été rédigé, ça heurte de front le premier paragraphe.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Me Pronovost.

Une voix: Me Pronovost, oui.

M. Pronovost (Pierre): Je peux vous donner un exemple peut-être concret. C'est qu'on semble dire qu'il y a une différence entre la date d'embauche et l'ancienneté. Si je négocie une convention collective, je peux très bien faire des distinctions en fonction de la date d'embauche, mais je peux être plus subtil en utilisant l'ancienneté puis je reviens au même. En l'an 2000, par exemple, je prévois une échelle de salaires avec 5 % de plus pour ceux qui ont trois ans d'ancienneté et plus. Je réajuste mon échelle de salaire en l'an 2001 et là je dis: 5 % de plus à ceux qui ont quatre ans d'ancienneté et plus, et, en 2002, je réajuste encore une fois mon échelle de salaires avec 5 % de plus à ceux qui ont cinq ans d'ancienneté et plus.

Cette clause-là est fondée essentiellement sur l'ancienneté, mais l'effet pratique, c'est que, en accroissant mon échelle, en modifiant l'échelle et la façon dont je la calcule d'année en année, vous allez avoir le même effet que les clauses dites orphelin, parce que, essentiellement, les clauses orphelin, ne nous le cachons pas, sont des clauses de droits acquis qui confèrent des droits acquis à une collectivité de salariés plutôt qu'à certains individus. Or, ça, c'est une chose que, quand moi, je négocie... Vous savez, je ne sais pas si plusieurs d'entre vous on été à une table de négociation, mais, à une table de négociation, il faut être deux pour danser, puis c'est un compromis difficile à faire pour arriver à une convention collective. Même quand ça va bien, on a de la difficulté à s'entendre sur le pourcentage d'augmentation. Quand ça va mal puis il faut restreindre puis il faut couper, c'est encore pire.

J'ai déjà dit en quelque part à des gens qu'essayer d'arracher un droit à des employés, c'est comme essayer d'enlever les enfants des bras de leur mère. Essayez de faire ça, c'est difficile. Vous allez réussir des fois, quand le syndic est à la porte, là, mais, pour convaincre les gens de renoncer à des droits qu'ils ont, ce n'est pas facile. Alors, nous, les employeurs, évidemment, on a fait des compromis, dans certains cas, qui étaient, quant à moi, aussi justes, aussi équitables que dans certains cas où on donne plus d'augmentation à des gens de métier parce qu'ils ont, au sein du groupe, un pouvoir de négociation plus fort. Il faut les garder et ils ont, dans le marché, des salaires supérieurs, alors il vont nous quitter. Alors, ça ne marchera pas dans l'usine si on n'a plus de mécaniciens puis si on n'a plus d'électriciens.

Alors, de la même façon, à un moment donné, il faut trouver un compromis, puis on se dit: Bien, écoutez, ceux qui ont plus d'ancienneté gardent leurs droits puis les nouveaux, ils vont arriver avec des conditions x, y, z qui seront peut-être inférieures. Mais ça, ça se négocie dans une convention de trois ans, ça va durer six ans, sept ans, 10 ans, mais, ne nous le cachons pas, là, au bout de 10, 15 ans, les soi-disant plus jeunes vont être les plus vieux, leur pouvoir de négociation au sein du groupe puis dans les assemblées générales du syndicat va être plus fort puis, à un moment donné, les priorités syndicales vont changer puis il va falloir trouver de nouveaux compromis.

Puis c'est ça, l'histoire de la négociation. Puis ce que je vous dis, c'est que c'est relié, finalement, à un concept d'ancienneté au sein du groupe, et on a toujours reconnu que les premiers arrivés, ils ont plus de droits que les autres, c'est comme ça. Puis on en reconnaît, des droits, aux premières nations, etc. Bien, c'est de la même façon, un peu, dans nos conventions collectives quand on reconnaît certains privilèges à des gens qui étaient là à un moment donné où on a négocié. Puis ça, ce n'est pas facile.

Dans les municipalités en particulier – comprenez-moi bien – les municipalités ont les mêmes contraintes que le gouvernement, mais elles ne peuvent pas faire de lock-out, elles ne peuvent pas décréter une loi spéciale. En plus de ça, de ce temps-là, elles doivent payer quelques centaines de millions, les municipalités, globalement, à la province, parce qu'on a une taxe spéciale, puis, en plus de ça, on a des contraintes très particulières quant à la sous-traitance en raison de l'interprétation de l'article 45.

Alors, on a des difficultés. Par contre, on réussit quand même, dans la majorité des cas, à trouver des compromis avec les syndicats; ce n'est pas nous qui les faisons unilatéralement. Alors, je vous dis une chose: Si vous nous enlevez ça, qu'est-ce que ça va être, la prochaine ronde de négociations dans le domaine municipal? Je ne le sais pas, mais ça va être encore plus difficile que ça ne l'était dans le passé.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, moi, j'ai d'autres parlementaires. M. le député de Drummond.

(10 heures)

M. Jutras: Oui. Ce qui me trouble, à la lecture de votre mémoire et à vous entendre, c'est que vous ne semblez même pas prêts à reconnaître qu'il y a un problème, je dirais, moral ou un problème d'éthique dans les clauses orphelin: pourquoi on fait payer à des jeunes ou à des gens qui ne sont pas en place un problème qui se vit à l'intérieur de l'industrie. Vous ne reconnaissez même pas qu'il y a un problème là. Alors, quand vous en venez à la proposition du pacte social puis que vous défendez l'usage des clauses orphelin comme vous le faites, comment voulez-vous qu'on vous prenne au sérieux?

Le pacte social, c'est un consentement qui vient de part et d'autre, ça, là, puis on ne l'imposera pas par législation, le pacte social. Mais vous nous proposez ça, alors que vous défendez tous azimuts les clauses orphelin. Moi, je me demande comment on peut vous prendre au sérieux quand, d'une part, vous n'êtes même pas capable de reconnaître le problème social qu'on a là-dedans et quand, dans un deuxième temps, vous nous proposez un pacte social. Premièrement. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Et, deuxièmement, quand par ailleurs vous nous proposez de remettre en question le principe de l'ancienneté dans nos relations de travail, je peux être d'accord avec vous que, effectivement, le principe de l'ancienneté dans nos relations de travail crée certains problèmes, mais on vit aussi dans un monde où la paix industrielle est importante, où la paix sociale est importante, et je me demande comment vous pouvez proposer ça sérieusement. Parce que, si effectivement on décidait de remettre en cause le principe de l'ancienneté dans notre société, je vais vous dire que je pense qu'il n'y a pas juste le gouvernement qui va avoir des problèmes; je pense que les patrons aussi vont en avoir, des problèmes.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): D'abord, j'aimerais peut-être faire remarquer au député de Drummond que nous ne défendons pas les clauses orphelin, nous disons au gouvernement: Les interdire par législation, c'est une avenue qui est non intéressante parce que ça résulte de compromis, de situations qui ont été utilisées parce que les parties ont trouvé que c'était le moindre mal. Donc, on ne les défend pas, les clauses orphelin. Si on les défendait, il y en aurait dans 100 % des conventions collectives.

Vous savez aussi, d'expérience, que, chaque fois qu'on négocie des clauses orphelin, à la négociation suivante – Me Pronovost a tenté de vous le démontrer – on les fait, dans la majorité des cas, disparaître, les clauses orphelin, parce que ça crée un régime de relations de travail à deux vitesses. Donc, on essaie de faire disparaître cela.

On y a eu recours dans des situations difficiles, dans des cas spécifiques, dans des industries qui vivent soit une déréglementation, soit une concurrence à inégalité, parce qu'il y a des entreprises syndiquées, des entreprises non syndiquées, on le sait, dans les grandes surfaces. Donc, on ne défend pas les clauses orphelin, mais on dit: Attention, il ne faut pas les interdire, parce qu'il y a des conséquences plus graves. Les conséquences plus graves, ça va affecter l'emploi, ça va affecter l'emploi surtout de ceux qu'on veut protéger. On va faire disparaître des postes.

Si on veut faire un débat, maintenant, sur la noblesse de nos sentiments, bien il va falloir le faire véritablement, sans hypocrisie, sur la noblesse de nos sentiments et dire... Si on veut que tout le monde soit égal puis éviter tous les débats et les avocasseries autour de principes de dates d'embauche et de lois des normes, il va falloir faire un débat sur la question de l'ancienneté et dire: Ce n'est pas de la discrimination indirecte, il y a de la discrimination directe, faisons disparaître cette notion-là de notre réalité du monde des relations de travail.

Si on veut faire le débat sur l'éthique et la noblesse, je vous dis: On n'a jamais voulu le faire là-dessus. On respecte le vécu puis la dynamique, l'économie des relations de travail, mais faisons un véritable débat dans ce contexte-là, à ce moment-là, et reconnaissons que, dans des situations difficiles, le recours à des clauses qui prévoient des disparités entre les anciens et les nouveaux est peut-être une façon de se sortir d'une crise qui entraînerait par ailleurs, si on n'y recourait pas, des conséquences plus graves.

Et on pense que, sans faire référence plus qu'il n'y faut à l'étude du ministère du Travail, 3 800 emplois, dans un scénario pessimiste, perdus au Québec, c'est dramatique quand on a de la misère à en créer 30 000 par année.

Alors, voilà comment on aborde le dossier. On l'aborde sous l'angle très pratique. Maintenant, si on veut faire un débat, je dirais, d'éthique, bien faisons un débat d'éthique et disons: C'est la Charte des droits qui est en question, et agissons de ce côté-là. Et, comme législateur, faites les modifications qui s'imposent là où ça doit se faire.

M. Jutras: Oui, mais il me semble que vous sautez une coche...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Brièvement, M. le député de Drummond, il reste deux minutes, là.

M. Jutras: Il me semble que vous sautez une marche. Avant de s'en aller à la question de l'ancienneté, il me semble qu'on peut parler d'égalité entre personnes qui occupent maintenant un poste. Comment on peut accepter le fait que quelqu'un est embauché à tel moment puis qu'il va gagner, par exemple, moins que l'autre personne qui est engagée six mois avant? Comment on va régler ça avant... Si on veut parler d'éthique, si on veut parler de sentiment de noblesse, on va régler ça avant d'aller dans la noblesse avec un grand n, et puis que, là, on remette en question le principe de l'ancienneté dans les relations de travail au Québec. Il me semble, en tout cas.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Je vous dirais très rapidement que, dans le fond, là, la notion de différence dans le traitement, traitement pas au sens salarial, la différence dans le traitement en fonction de l'expérience du temps existe, et il y a des différences partout. Tu n'as pas trois semaines de vacances à la première année que tu entres, puis il y en a qui ont trois semaines dans l'entreprise. Ce n'est pas inéquitable, ça, c'est notre régime de relations de travail. Il faut arrêter, dans le fond, de tout vouloir ramener à une équité absolue. Je vous dis: Si vous voulez le faire, on vous a donné une piste de solution. Je ne sais pas si mes collègues veulent compléter. C'est beau.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la ministre.

Mme Lemieux: Peut-être, rapidement. Je trouve quand même malheureux que la conclusion de cette conversation-là, c'est que vous nous disiez: La solution législative n'est pas appropriée. Mais il y a un débat éthique. Oui, il y a un débat éthique. On parle d'équité entre les générations. Évidemment, les nouveaux travailleurs – et ça, je suis très prudente là-dessus – ne sont pas que des jeunes. Et, moi, je suis un peu désolée parce que le législatif arrive un peu pour sauver la mise, notamment parce que les parties n'ont pas fait le bout de chemin qu'elles devaient faire.

En 1992, il y a eu une démarche au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, à moins que je ne me trompe, il y a eu des intentions là qui ont été exprimées, où, dans le fond, le message était passé à tout le monde, et du côté syndical et du côté patronal: On est prudent, on fait attention, on est en train de glisser. Et j'aimerais ça... Hier, j'ai beaucoup entendu l'expression «dialogue de sourds». Tout le monde a des responsabilités dans ce dossier-là. Et, si tout le monde était plus offensif, on ne serait peut-être pas obligés d'arriver avec une solution législative.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je regrette, Mme la ministre, c'est tout le temps que nous avions du côté du parti ministériel. Nous allons aller du côté de l'opposition officielle. Alors, M. le député de LaFontaine.

M. Taillon (Gilles): Mme la Présidente, on ne peut même pas faire un tout petit commentaire?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Bien, c'est parce qu'on gruge sur le temps de l'opposition.

M. Taillon (Gilles): Ah! juste une petite réponse rapide.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Avec la...

M. Gobé: Mais, Mme la Présidente, je vais permettre à M. Taillon de parler sur mon temps.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, nous avons le consentement de l'opposition. Vous pouvez y aller, M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Nous aurions aimé avoir les moyens de votre ministère, Mme Lemieux, pour faire des études sur: régression et progression des clauses orphelin dans le domaine du secteur privé. Vous pourrez peut-être le faire, mais ce que nous avons comme impression, je dirais le sens commun, c'est que, dans le secteur privé, il n'y a pas de progression au Québec des clauses orphelin dans les dernières années.

Cependant, il y a eu une progression importante du recours aux clauses orphelin dans le secteur public au cours des dernières années. J'ai l'impression que c'est un peu là que le bât a blessé et j'ai l'impression qu'on est à faire ce débat-là principalement à cause du comportement du gouvernement-employeur vis-à-vis de ses employés dans le secteur de l'éducation, dans les municipalités, où a on a même, par lois, suggéré aux municipalités d'utiliser des clauses orphelin.

Donc, nous serions prêts à débattre de la progression et de la régression, mais nous avons l'impression qu'il faudrait le faire avec vous. Et grâce à vos moyens.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Taillon. M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. Un premier mot pour souhaiter un bon anniversaire à Mme la ministre, en souhaitant que ce soit aujourd'hui sa fête pour de vrai, dans le sens parlementaire du terme.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Ça dure depuis un bout de temps, d'ailleurs.

Une voix: C'est ça.

(10 h 10)

M. Gobé: On essaiera de ne pas trop faire péter les pétards rapidement aujourd'hui. Plus sérieusement, M. Taillon, il me fait plaisir de vous accueillir ici avec Mme Marchand et votre collaborateur. On vous voit souvent ces temps-ci, à toutes sortes de commissions. Donc, on est à même de constater le rôle important que votre organisme joue dans l'évolution des lois et des réglementations au Québec. Vous faites toujours valoir certainement un point de vue qui représente celui des forces vives de notre société: celui des entreprises. Il y a d'autres forces vives, mais c'est des forces vives économiques et des entrepreneurs, des commerçants, des gens qui ont à vivre avec les décisions que nous prenons en commission parlementaire.

Donc, on doit prendre toujours avec une extrême rigueur et un extrême sérieux les recommandations que vous nous faites. Elles ne sont jamais faites gratuitement ou pour simplement le fait d'être présents ou d'être là. Et je crois qu'il serait mal venu de la part des parlementaires de ne pas en tenir compte.

Lorsque nous lisons votre mémoire, il y a, dans... À la page 7, vous faites valoir des conséquences économiques d'une interdiction législative ou d'une intervention législative pour contrer le problème des clauses discriminatoires. Alors, vous nous dites: «...il faudra, soit sabrer dans les conditions de tous les employés, y compris ceux qui, pendant des années, ont contribué à bâtir nos entreprises, soit choisir d'exporter des emplois ailleurs qu'au Québec, là où la réglementation du travail confère encore la souplesse requise pour maintenir la compétitivité.» Moi, j'accroche un peu avec les deux choses.

Premièrement, «il faudra sabrer dans les conditions de tous les employés, y compris ceux qui, pendant des années, ont contribué à bâtir nos entreprises». Il me semble que, lorsqu'une entreprise ou une société ne va pas comme elle allait, en termes de performance et de revenus, les années précédentes, qu'elle est en perte de vitesse, qu'il y a un problème de compétitivité, un problème de vente, ou de profits en tout cas, de revenus, eh bien, si on décide de réduire les coûts, on doit en faire porter l'application sur tous ceux qui sont là, de la même manière qu'on a fait porter sur ces anciens employés là les augmentations lorsqu'il y avait des gains supplémentaires, lorsqu'il y avait de la prospérité. Et j'ai un peu de difficulté à comprendre que...

Moi, j'ai 50 ans. J'ai la chance d'avoir été dans cette génération pour qui c'était assez facile. On a eu de la prospérité. On a eu des crises économiques aussi. Et j'ai été, avant d'être député, dans le milieu des affaires. Et je me souviens que, lorsque ça allait très bien, je faisais pas mal d'argent. Les employés étaient très bien payés, il y avait des bonus pour les vendeurs, il y avait des voitures de fonction d'un certain niveau qui étaient données aux cadres de l'entreprise, dont j'étais. Ils trouvaient ça normal. Lorsque ça allait moins bien, bien on nous coupait le modèle de voiture, il n'y avait plus de bonus et puis il fallait travailler plus fort pour ne serait-ce que maintenir l'essentiel. Et nous trouvions ça normal. Parce que c'était le libre marché qui jouait. Quand ça va bien, bien, ça va bien, tout le monde en profite; quand ça va moins bien, eh bien, on coupe ou on réduit le train de vie. Jamais il ne m'est venu à l'idée, à l'époque, d'engager des jeunes pour les faire travailler à moins cher pour continuer à payer aux vendeurs un modèle de voiture supplémentaire puis des conditions de travail que l'entreprise n'avaient plus les moyens de se payer avec leur travail, leur productivité. Et c'est ça qu'on a fait avec les jeunes.

Et je trouve ça un peu quand même paradoxal qu'on nous dise aujourd'hui: Bien, on va faire payer ces gens-là pour que les anciens, eux autres, puissent continuer à avoir ce qu'ils ont déjà eu. Moi, il me semble que ce n'est pas une manière économique de procéder. Une manière économique, c'est que, quand ça va bien, tout le monde en profite; quand ça va mal ou que ça va moins bien, bien tout le monde doit faire l'effort et tout le monde doit en subir les conséquences.

Alors, vous comprendrez que je peux être d'accord avec vous sur certains points de votre mémoire, mais que, sur ce point-là en particulier, j'ai beaucoup de difficultés. Moi, je crois beaucoup à l'équité, à l'égalité des gens, à la reconnaissance du travail accompli. Qu'on ait 25 ans, ou 28 ans, ou 50 ans, si on fait le même travail, la même productivité, la même production, le même effort, si on amène les mêmes revenus à l'entreprise, de par le labeur que l'on fait, bien il me semble qu'on doit avoir le même revenu, la même rétribution que les gens qui ont la même activité ou la même tâche que nous. Alors, ça, j'ai un peu de misère avec ça. Ça, c'est un commentaire que je voulais vous faire.

Maintenant, j'aurais une question. Dans la phrase qui continue, vous dites que «là où la réglementation du travail confère encore la souplesse», on exporte des emplois ailleurs qu'au Québec. Vous avez parlé de l'Ontario, tout à l'heure, et des autres provinces ou des États américains. J'aurais une question à vous poser. Pourriez-vous... Hier, on a eu l'Association des manufacturiers en alimentation; on a parlé un peu de choses plus techniques. Pourriez-vous nous indiquer, s'il est de votre connaissance, la moyenne des salaires dans l'industrie de l'alimentation en Ontario comparativement au Québec? Ou, si quelqu'un parmi vous a ça... M. Taillon, peut-être pas vous, mais...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Alors, d'abord au niveau du commentaire de M. Gobé. Il faut dire, là, que les choses ne se présentent pas de façon, dans la pratique, toujours aussi simple que ce que vous avez décrit, M. Gobé. En fait, quand on a négocié des clauses orphelin dans les endroits où on en négocie, in extremis, comme solution de dernière minute, on a très souvent aussi trouvé des conditions pour faire en sorte que les acquis des plus anciens soient réduits, gelés, etc. Ce qu'on dit, nous, c'est qu'on vit dans un contexte de relations de travail dans la réalité, sans pensée magique, et on sait qu'il est très difficile de réduire les acquis dans les endroits où il y a des syndicats et des conventions collectives. On pense que c'est très difficile.

Et, en plus, on dit: Si on le faisait, il faudrait mesurer aussi la perte de bien-être que cela comporte et pour celui qui le subit et pour l'ensemble de la société. Une réduction d'un traitement à un niveau de 50 000 $, ça a plus d'effets qu'une réduction d'un traitement de quelqu'un qui n'a pas encore gagné 50 000 $. Donc, on dit: Attention! Mais cependant remettre en cause les acquis, c'est très facile de le faire théoriquement, on pense que dans la vraie vie ça va être très difficile de le faire. Et, pour ceux qui ont négocié comme, nous, on l'a fait, ce n'est pas facile de dire: On va remettre en cause des acquis. Par contre, quand, en général, on signe des clauses orphelin, on signe aussi des pertes de bénéfices ou des réductions de bénéfices pour ceux qui sont les plus anciens. Alors, voilà un peu comment ça se passe dans la vraie vie.

Quant à votre question, je n'ai pas la réponse pratique. Ce que nous savons, par contre, c'est qu'il n'y a pas plus de clauses orphelin ou pas moins dans les juridictions qui nous entourent. Nous avons déposé une étude il y a deux jours là-dessus. Ça se ressemble, c'est à peu près les mêmes secteurs qui sont touchés. On en a un petit peu plus dans le secteur public, chez nous, qu'ailleurs. Quant à la rémunération moyenne, elle est plus élevée en Ontario, donc on suppose qu'elle le serait aussi. Donc, je vous dirais: En gros, c'est à peu près ça. La seule différence, c'est qu'ailleurs on a toujours été incapable de légiférer pour interdire ce type de clauses et qu'ici vous êtes en train de vous essayer. On vous dit juste: C'est difficile. Puis, quand on conclura, on vous dira: Bonne chance!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Taillon. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. M. Taillon, moi, j'essaie de comprendre un peu ce phénomène-là pour essayer de comprendre si c'est un phénomène qui est quelque chose qui est temporaire et ponctuel, qui va disparaître ou si c'est quelque chose qui s'installe dans nos relations de travail de façon plus permanente. Et je fais une distinction également entre le secteur public et le secteur privé.

Dans le secteur public, elle me semble complètement non discutable, la question de l'existence des clauses orphelin. On ne peut pas me présenter l'argument de la compétitivité puis de la survie, je ne sais pas moi, de la ville de Laval ou de Montréal, ou peu importe, là. Il n'y a pas une autre ville qui va venir mettre Laval en faillite puis prendre sa place, etc. Il n'y a pas l'argument de la compétitivité.

Là, vous, vous avez un argument de compétitivité. On sait que les clauses orphelin sont apparues dans les années quatre-vingt, au début de la mondialisation, etc. Donc, je me dis: C'est peut-être une question qui... Bon. À un moment donné, en prenant cette tournure de globalisation, etc., suite à des compromis au niveau des négociations avec des syndicats, on a trouvé cette solution-là. On parle de, vous avez mentionné, 6 % de clauses orphelin dans les conventions collectives. Savez-vous si c'est quelque chose qui est en croissance? Est-ce qu'on a atteint un plateau? Est-ce que c'est quelque chose qui a tendance à diminuer dans le secteur privé? Et, si on ne légifère pas sur ça, est-ce qu'on peut donc présumer l'orientation que ça va prendre? Est-ce que vous avez un indice si la courbe monte, plafonne ou descend?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vous dirais que, si on se fie, par exemple, à des études qui ont été faites par le Centre de recherche et de statistiques sur le marché du travail, on est à peu près en situation de constance. Donc, ça ne monte pas, ça ne descend pas, on est toujours autour de 6 % depuis 1994. Aux États-Unis, ça a fluctué. Ça a diminué un peu dans les années 1993-1994, puis ça a tendance à réaugmenter un peu au tour du même chiffre qu'ici, 7 % en 1997, définitivement lié à certaines conditions économiques dans des industries soit où il y a de la déréglementation forte soit où il y a une forte concurrence d'entreprises non syndiquées. C'est en général cela qui explique ça. Mais ce n'est pas un phénomène qui est en expansion. Et je pense que le débat que l'on fait actuellement va avoir un effet bénéfique sur la retenue à avoir dans ce domaine-là, certainement du côté gouvernemental à tout le moins. Ils vont certainement faire en sorte qu'ils n'y recourront plus dans le secteur public.

(10 h 20)

M. Sirros: J'allais dire: Est-ce que ça ne serait pas intéressant d'avoir un message envoyé clairement, tout au moins dans le secteur public, qui inclue la question des stages, etc. – qui sont effectivement, à mon point de vue, une façon camouflée d'avoir des clauses orphelin dans le gouvernement – de donner clairement l'indication, dans tout le secteur public, y inclus le secteur municipal, que ce n'est pas acceptable, et vous placer, vous, devant la situation où on vous donne clairement le message que ce n'est pas quelque chose à défendre non plus?

M. Taillon (Gilles): Écoutez, moi, je pense qu'on a été tenté, à une époque, de dire: Il serait peut-être bon que le gouvernement commence par donner l'exemple. Maintenant, on pense que ce n'est pas nécessaire. Je pense que, maintenant que le gouvernement en a largement discuté, il devrait s'autodiscipliner sans être obligé de légiférer.

M. Sirros: Une dernière question.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Taillon. M. le député de Laurier-Dorion, c'est parce que j'ai déjà deux autres intervenants de votre côté, il reste très peu de temps. Alors, M. le député...

M. Sirros: Je me demandais si vraiment c'était sérieux, la proposition sur l'amendement de la Charte.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Taillon (Gilles): C'est très sérieux, si on veut maintenir le débat à un niveau éthique.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Non, je pense que ma collègue a une question à poser.

Mme Normandeau: Ah! simplement, oui...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Donc, simplement une petite question: Sur la base des pressions externes que subissent les entreprises au Québec, on parle de la concurrence, de la déréglementation, qu'est-ce qui vous inciterait à vous orienter vers une démarche qui pourrait conduire à un pacte social? Qu'est-ce qui vous inciterait à aller dans ce sens-là compte tenu des pressions que les entreprises subissent au niveau de la concurrence et de la déréglementation?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Mon collègue Pierre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Pronovost.

M. Pronovost (Pierre): Bien, écoutez, qu'est-ce qui nous incite? Les employeurs et les syndicats veulent la même chose: ils veulent la meilleure convention collective possible. Le problème, c'est de définir le mot «possible». Alors, à un moment donné, on réalise certaines conditions puis, éventuellement, bien, on réalise que, si on veut continuer à avoir un emploi, bien il faut arriver à un compromis, qui n'est jamais parfait. Je veux dire, les syndicats ont un problème: ils ont une assemblée générale, et tout le monde en veut plus. Eux autres, ils sont obligés de faire un compromis parmi leurs membres, puis, après ça, il faut qu'ils viennent nous voir, puis, nous autres, on en veut peut-être encore moins, entre guillemets, parce qu'on veut rencontrer des conditions économiques qui nous permettent de survivre.

Alors, dans le secteur privé, c'est toujours la même logique qui prévaut. Et là il s'agit de voir si les partenaires sont ou non sérieux, en ce sens que: Est-ce qu'ils vont être capables de trouver ou non le compromis qui va être acceptable pour l'ensemble des travailleurs de l'usine en question ou de l'unité de négociation? C'est un débat dans l'industrie privée qui est toujours le même.

Alors, ça peut être la concurrence interne au Québec. Parce que ce n'est pas nécessairement la concurrence aux États-Unis. Ça peut être une usine qui vient d'ouvrir avec des subventions gouvernementales, puis ils se servent des subventions pour payer moins cher leurs salaires et, surtout, pour vendre leurs produits à meilleur marché. Quand la subvention va être épuisée, peut-être qu'ils vont fermer, mais, en attendant, ça nous cause une pression. Alors, on est obligé, dans ce temps-là, d'adapter nos conditions de travail pour survivre pendant que la tempête passe. Puis éventuellement ça va finir, puis on va retrouver peut-être un cycle économique plus favorable, puis là les conditions de travail vont s'améliorer en conséquence.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Pronovost. M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Dans le fond, ce qu'on espère, c'est qu'il y ait le moins possible de réglementation, de telle sorte qu'on ait une véritable croissance économique. De grâce, n'en ajoutez pas une!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui, merci, Mme la Présidente. M. Taillon, donc, votre organisation est opposée, vous nous avez expliqué les raisons. Il y a un groupe patronal qui a détonné un peu dans le décor, c'est la Jeune Chambre de commerce de Montréal qui, elle, s'est déclarée favorable à une législation. Et un des arguments qu'ils apportaient, c'est que, selon certaines études américaines, la présence de clauses orphelin dans les entreprises aurait des effets négatifs sur la productivité, sur l'ambiance qui prévaut à ce moment-là.

J'ai peut-être deux questions à vous poser. D'abord, comment expliquez-vous qu'il puisse y avoir une différence de perception entre les représentants de la Jeune Chambre de commerce de Montréal et votre organisme? Et, ensuite de ça, êtes-vous sensibilisé à ces études américaines ou cette réalité à l'effet que la présence de clauses orphelin à l'intérieur d'une entreprise peut créer un climat négatif de confrontation, ou d'envie, ou de jalousie?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Je pense que j'y ai répondu tantôt, j'y ai fait allusion. Il est évident qu'on ne souhaite jamais, dans une entreprise, qu'il y ait deux catégories de conditions de travail, et c'est évident que, en général, quand la situation se replace, situation économique à l'intérieur de l'entreprise, on met fin aux clauses pour améliorer la productivité, pour avoir des relations de travail et une gestion des ressources humaines plus efficaces. Donc, je vous dirais: Oui, nous sommes conscients de cela et nous pensons que ça disparaît à force, dans le fond, de pratique, les clauses orphelin dans l'entreprise.

Quant à la position de la Jeune Chambre, je pense que la position de la Jeune Chambre est nuancée. Les gens sont un peu opposés à cette situation-là. Ils seraient favorables à une législation, maintenant, en disant: Il faut donner le temps aux entreprises de s'adapter, etc. Je vous dirais, par contre, que, à votre place, je poserais la question à mon collègue qui a, dans son membership, les jeunes chambres, la Chambre de commerce du Québec.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Taillon. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui, merci, Mme la Présidente. D'abord, bienvenue aux gens du Conseil du patronat. Il n'y a pas de grande surprise dans le mémoire. S'il y a une surprise, certainement, je suis convaincu que les grandes centrales syndicales seront heureuses de la position du Conseil du patronat ce matin, parce que le Conseil du patronat au Québec, ce qui est quand même assez rare dans les sociétés occidentales... Ici, au Québec, le Conseil du patronat est contre la flexibilité des salaires. Madame, monsieur nous ont exprimé que, pour eux, ce qui est acquis, ce qui est gagné dans une entreprise doit demeurer inflexible. Et un acquis, c'est un acquis, c'est coulé dans le béton et ça ne bouge pas. Et je suis convaincu que c'est une position... je vois les gens de la FTQ derrière, là, qu'ils seront très, très heureux d'entendre ça.

Je veux citer, M. Taillon, parce que la position du CPQ est très claire, il dit: C'est très difficile de réduire les acquis. Quand j'entends les mots «quelque chose est très difficile», je crois comprendre que l'alternative est plus facile. Et, en l'occurrence, c'est vrai que, en termes de négociations, d'impact de conflits de travail, c'est plus facile de réduire le salaire des jeunes. Le CPQ ne dit pas que c'est plus éthique, il nous dit que c'est plus facile.

Donc, le choix qui est devant le gouvernement, devant la ministre, c'est celui du facile et du difficile. Est-ce qu'on prend la voie la plus facile, avec ses impacts négatifs en termes d'équilibre entre des générations, ou on prend la voie la plus difficile? Et, moi, je reconnais ça. J'abonde dans le même sens que le Conseil du patronat. C'est plus difficile une remise en question d'acquis que ça peut l'être de faire payer les jeunes qui ne sont pas encore dans l'entreprise ou qui y rentrent, la première journée; ils ne sont pas encore organisés dans le syndicat.

Madame nous a parlé de la perte de bien-être qui est un argument important sur la non-réduction des acquis. Mais ça aussi, l'hypothèse qui est derrière ça, c'est qu'il n'y a pas de perte de bien-être pour les jeunes qui, à la ville d'Anjou, ont parti à 25 % en bas du salaire des autres. C'est quand même... Je comprends qu'il y a une perte de bien-être pour les gens. Mais là, maintenant, si on veut mettre dans une balance – pour prendre l'exemple de la ville d'Anjou – les pertes de bien-être, est-ce que la perte de bien-être de l'ensemble des salariés, qui se seraient coupé de 1 %, versus les jeunes, qui ont été coupés de 25 %, puis dans d'autres municipalités de 30 %, puis dans d'autres entreprises de 20 %, 25 %, 30 %... Là, c'est toute une discussion qu'on pourrait avoir. Est-ce qu'il y aurait eu moyen de minimiser la perte de bien-être totale dans l'entreprise si tout le monde avait fait une petite contribution de 1 %? Moi, je pense que oui. Mais je comprends que le Conseil du patronat a fait son lit là-dessus.

Maintenant, là où votre contribution à nos travaux est des plus utiles, et je vous en remercie... Hier, le professeur Morin nous a dit que les entreprises allaient trouver des tours de passe-passe pour contourner la loi en nous disant que la loi, c'était une passoire. Je pense que la simulation préparée par le Conseil du patronat en collaboration avec l'Union des municipalités du Québec, que vous nous présentez à page 11, a le mérite de nous démontrer que la loi va être une passoire, que, si la ministre persiste dans sa formule actuelle, ça sera en connaissance de cause. Elle sait déjà que les scénarios sont déjà prêts pour contourner la loi en question. Alors, au moins, vous nous apportez un éclairage qui est très, très précis et très clair dans le débat.

Alors, pour le reste, je n'ai pas vraiment de... Écoutez, la position... C'est parce que les enjeux sont tellement clairs, tellement précis, je n'ai pas vraiment... Peut-être que le Conseil du patronat va vouloir réagir, mais c'est... Pour moi, là, j'abonde dans le même sens, c'est plus difficile de réduire les acquis de ceux qui les ont déjà que de faire payer les jeunes qui ne sont pas encore là. Moi, je suis d'accord avec ça que c'est plus difficile. La seule différence entre moi et le Conseil du patronat, c'est que je pense que ça vaut la peine de prendre la voie la plus difficile parce que c'est celle qui, en bout de ligne...

(10 h 30)

Le député de Laurier-Dorion disait: On n'est pas sûr que le phénomène est permanent. Moi, je pense que c'est un phénomène qui est incrusté dans nos relations de travail. Hier, les gens du secteur de la transformation alimentaire nous l'ont dit, c'est ce qui est utilisé, c'est ce qui va continuer à être utilisé à chaque fois que ça va être serré dans le marché, ce sera la porte qui va nous rester. Alors, l'enjeu pour le législateur est clair. Je remercie les gens du Conseil du patronat qui nous ont apporté des éclairages nouveaux.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'était donc un commentaire du député de Rivière-du-Loup. Il reste à peine une minute. M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Je ne prendrai pas plus que ça. D'abord, l'interprétation qu'on a faite de la loi où les arguments sont juridiques. On dit: Voici ce qui pourrait advenir ou survenir si cette loi-là était adoptée telle quelle. Il y a des éléments, donc, d'interprétation possibles.

Il y a un élément que minimise, je pense, le député de Rivière-du-Loup. C'est qu'il faut aussi réaliser que, très souvent, le recours à des clauses comme les clauses dites orphelin permet aussi de ne pas faire perdre des emplois et d'intégrer des nouveaux aux emplois. Donc, il y a un phénomène aussi d'embauche et de protection d'emplois quand on recourt, dans certains secteurs difficiles, aux clauses dites orphelin. Au-delà de la récupération sur les salaires, il y a aussi ce phénomène où il faudrait être très attentif. Est-ce que, par exemple, on hausse les conditions de travail de telle sorte qu'on évite d'embaucher? Il faudrait y penser. Il y a des exemples très connus. Je les ai vécus de près. Le député de Rivière-du-Loup me l'a déjà reproché à une ancienne commission parlementaire sur le même sujet.

Dans l'enseignement, par exemple, pour illustrer mon propos, si on avait haussé la tâche des enseignants, on n'aurait pas embauché de nouveaux enseignants à des conditions moindres parce qu'il y avait des récupérations salariales. Vous allez me dire: On peut nier les récupérations salariales puis il ne fallait pas le faire. Oui, mais, une fois qu'on admet qu'il faut le faire, il y a quand même eu de l'embauche qu'on n'aurait pas eue autrement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Taillon, Mme Marchand, M. Pronovost, merci de votre participation à cette commission. Je vais suspendre les travaux pour quelques instants, le temps que le groupe suivant puisse venir s'installer.

(Suspension de la séance à 10 h 32)

(Reprise à 10 h 40)

Le Président (M. Sirros): Nous pouvons reprendre nos places. On va entamer cette partie de nos audiences avec la présentation de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Alors, on pourrait vous demander de vous identifier, même si on vous connaît, pour les fins du Journal des débats , ainsi que ceux qui vous accompagnent. Les règles du jeu, je pense, sont connues de tous. Alors, sans plus tarder, allez-y.


Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Massé (Henri): Henri Massé, président de la FTQ. À mon extrême droite, Jacques Théorêt, un salarié de la FTQ à la recherche; à ma droite, Gilles Charland, qui est le directeur du Syndicat canadien de la fonction publique et vice-président de la FTQ; à l'extrémité, à gauche, Robert Guay, président du Syndicat des machinistes au Québec et vice-président de la FTQ; et Louis Bolduc, qui est le président du Syndicat du commerce au Québec et aussi vice-président de la FTQ.

M. le Président, d'abord, on voudrait vous remercier au nom de la FTQ pour l'opportunité de nous présenter, de faire valoir notre point de vue sur ce sujet en commission parlementaire. Je voudrais d'abord souhaiter une bonne fête à la ministre, au vrai sens littéral du mot, puisque c'est son anniversaire.

Mme Lemieux: Merci. Ha, ha, ha!

M. Massé (Henri): On va faire une présentation très rapide. On a un mémoire de huit pages, ça fait qu'on ne brodera pas pendant une demi-heure. On pense qu'on a devant nous un projet de loi potable, si on y apporte une couple d'amendements.

Syndicalement, on a toujours été contre les clauses à traitements différenciés et, je dirais, pour deux, trois raisons. La première raison, c'est une question d'équité; c'est une question de ne pas avoir de travailleurs et de travailleuses de seconde classe. Et on s'est rendu compte que c'est très, très, très contre-productif, d'abord sur le plan syndical.

D'abord, sur le plan syndical, il n'y a rien de pire pour nous diviser dans nos rangs parce que, aussitôt qu'on a fait un petit peu d'embauche puis que, là, on a quelques travailleurs et travailleuses qui n'ont pas les mêmes conditions de travail que les autres, c'est la chicane complète dans nos rangs puis on fait juste gagner un peu de temps avec ça.

Au niveau des employeurs, c'est la même chose. J'entendais tantôt parler d'études américaines. Il y en a eu plusieurs, études, là-dessus de faites. Puis c'est clair: c'est contre-productif. Ça amène une chicane entre les travailleurs et les travailleuses. Les jeunes qui viennent de rentrer ou les nouveaux ou les nouvelles qui viennent d'entrer avec des conditions moindres se plaignent, et à juste titre. On s'est même rendu compte que ça démoralise les travailleurs et les travailleuses plus anciens ou plus anciennes qui ont de meilleures conditions.

Quand vous travaillez aux côtés de quelqu'un qui n'a pas les mêmes conditions puis qui se plaint, puis que vous avez de meilleures conditions, puis que vous payez les mêmes cotisations syndicales, je n'ai pas besoin de vous dire qu'il y a du monde qui se sentent coupable puis qui se disent: Comment se fait-il qu'on tolère qu'il y ait des jeunes qui n'aient pas les mêmes conditions de travail que nous autres? Et les études, aux États-Unis, ont été très claires là-dessus.

Puis des grandes entreprises, comme General Electric et quelques autres, ont délaissé, ont mis de côté – même dans les milieux non syndiqués – ces clauses-là en se disant: Bon, ça n'a pas de sens, ça ne nous apporte pas grand-chose. Donc, les entreprises, avec ce genre de clauses là, s'achètent un petit peu de temps, mais elles ne s'en achètent pas pour longtemps. Aussitôt que les nouveaux, les nouvelles sont majoritaires ou sont en nombre important, on sait ce que ça donne.

On a toujours été contre. On va supporter le projet de loi parce que, même si on a été contre, on n'a pas toujours été capable de contrer ce phénomène-là. On l'a mieux contré au Québec que dans le reste de l'Amérique du Nord. Il y avait beaucoup plus de ce genre de clauses là aux États-Unis, ou même ailleurs dans certaines provinces canadiennes, qu'au Québec. Puis on considère qu'on a passablement bien résisté, malgré tout. Mais il y en aurait 2 %, 3 % seulement de ce genre de clauses là, de disparités au niveau salarial, de traitements différenciés, on considère que ça serait déjà trop. Ça serait déjà trop.

Et, malgré les bonnes intentions du patronat, et c'est là que j'ai de la misère à comprendre un peu la résistance des employeurs... Moi, je me souviens d'un débat au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre au début des années quatre-vingt, un autre débat du même genre au début des années quatre-vingt-dix, 1992 ou 1993, je pense, et où tout le monde se disait la même chose, et tant du côté syndical que patronal. Puis, les deux fois où le débat s'est fait, on est arrivé aux mêmes conclusions.

Peut-être que ce n'est pas approprié, un projet de loi là-dessus, parce qu'on trouvait ça fort compliqué, mais, en même temps, des deux côtés, tant du côté patronal que du côté syndical, on s'était engagés à rencontrer nos commettants, à rencontrer nos membres – dans notre cas, nos syndicats locaux, nos syndicats nationaux – et à leur demander de résister à ça et de faire en sorte de ne pas négocier ce genre de clauses là. Puis, du côté patronal, les employeurs s'étaient engagés à rencontrer les employeurs de leur association respective pour leur demander de ne pas faire ça.

On regarde les résultat aujourd'hui. Bon, ce n'est pas pire qu'au début des années quatre-vingt, mais ce n'est pas mieux non plus. Ça a l'air à se stabiliser autour de 6 %, 7 %, dépendant de la définition qu'on veut donner à ce genre de clauses là.

Donc, à ce moment-ci, à la FTQ, on a revu nos positions. On a vu aussi la forte poussée des jeunes qui se sentent un peu trahis et qui demandent de corriger ça et qui pensent qu'un projet de loi est absolument nécessaire. Je pense qu'il y a un signal à envoyer, moi, dans la société québécoise à ce moment-ci où il faut mettre un peu plus d'ardeur et des moyens un peu plus précis pour régler cette question-là qu'on en a mis dans les dernières années. Donc, on va supporter le projet de loi avec quelques amendements.

Mais on veut vous indiquer d'entrée de jeu que, malgré un projet de loi sur les clauses de disparités salariales, malgré un projet de loi sur ces clauses-là, ce n'est pas vrai qu'on va régler complètement la situation, et il faut en être conscient. Il faut en être conscient, et j'entends souvent du monde déclarer que c'était une injustice épouvantable, qu'il faut absolument corriger ça. Mais les employeurs ont d'autres moyens aussi pour contrer ce genre de projet de loi, puis ça, on n'en entend pas parler tellement. Ça, on n'en entend pas parler tellement.

Il y a un grand débat, par exemple, à l'heure actuelle, pour affaiblir la portée de l'article 45 du Code du travail qui concerne la sous-traitance. On a des protections dans ces cas-là où on ne peut pas démantibuler une convention collective puis envoyer ça à «cheap labour» sans qu'il y ait certains droits qui soient transportés. Et, s'il fallait qu'on ramollisse l'article 45... Puis, même à l'heure actuelle, il n'est pas si fort que ça. On a vu, à l'heure actuelle, des employeurs qui ont sous-traité au lieu de diminuer les conditions de travail des nouveaux ou des nouvelles. Et, quand ils sous-traitent, ce n'est pas des diminutions de 1 $ puis 2 $, là. On a vu des salaires coupés en deux, passer de 12 $, 13 $, 14 $, 15 $ de l'heure à quasiment au salaire minimum.

Ça, ce n'est pas couvert par les projets de loi, puis on est conscient qu'on ne peut pas le couvrir par les projets de loi. Mais on veut juste vous indiquer que, si on a un discours sur l'équité dans un projet de loi, dans une convention collective, pas de double échelle salariale, pas de double système de vacances, puis tout ça, on est d'accord là-dessus. Mais, en même temps, de l'autre côté, il ne faudrait pas faire en sorte qu'on trouve d'autres moyens pour y arriver, puis là, là, tout le monde est bien content, on a sauvé la face puis on a tenu un beau discours pour les jeunes, mais, dans la vraie réalité, on n'a rien corrigé.

L'autre élément, c'est la précarisation du travail. Dans toutes nos conventions collectives, on a des clauses pour les employés temporaires, à temps partiel, bon, et je ne connais pas de conventions collectives qui peuvent empêcher le temps partiel ou le travail temporaire. Mais, dans les dernières années, avec le juste-à-temps puis la mondialisation puis la pression énorme qu'on a, y compris dans le service public et dans le secteur privé, le nombre d'emplois précaires a augmenté d'une façon effarante. On voit des entreprises aujourd'hui, y compris le gouvernement du Québec, où on est rendu avec une majorité d'emplois précaires. Et là aussi ça fait mal. On a bien beau dire... Parce que les emplois temporaires n'ont pas tout le temps les mêmes, mêmes conditions que les emplois permanents. Ça aussi, la question de la précarité des conditions de travail, de la précarité des emplois, il va falloir s'en occuper.

Je finis avec les deux amendements qu'on voudrait voir, à la FTQ. Bon. Il y en a un que ça ne sera pas long: la clause crépusculaire. Nous, on pense qu'un droit, c'est un droit. Si on prend la peine de légiférer pour protéger un droit, il me semble qu'on ne devrait pas dire que, dans quatre, cinq ans, on n'a plus d'affaire à le protéger. Si ça devient désuet parce que tout le monde se conforme à ça puis on n'a plus besoin de loi, bien, quand on révisera la loi des normes minimales, on révisera ça en même temps en pensant que ce n'est plus nécessaire parce qu'on est rendu dans une société tellement civilisée qu'on n'est plus obligé d'indiquer ça dans les projets de loi.

(10 h 50)

Il y a la question du délai de trois ans pour corriger la situation. Nous, on pense qu'on ne devrait pas mettre de délai comme ça. On devrait dire que c'est à la fin des conventions collectives. Bon. Pour ceux et celles qui ne sont pas syndiqués, moi, je n'ai pas de solution, il faudrait que vous regardiez ça. On peut peut-être se prononcer plus tard, mais au niveau de nos conventions collectives. On pense que ça devrait se corriger à l'échéance de la convention collective. Si la convention se renouvelle dans deux mois, on va le corriger dans deux mois. Si c'est dans un an, on va le corriger dans un an. Si c'est dans trois ans, on va le corriger dans trois ans.

Pourquoi on vous parle de ça? C'est bien simple, c'est qu'on ne peut pas, en plein milieu d'une convention collective, se mettre à placoter puis à discuter avec l'employeur puis dire comment on va corriger ça. Ça, là, souvent, c'est l'ensemble des conditions de travail, l'ensemble des échelles salariales, puis, quand on touche à ça, nous, on pense qu'il faut que ça se fasse dans une période de négociations où il y a un certain rapport de force qui peut s'exercer puis où on est accoutumé puis on est à l'aise pour régler les vrais problèmes. Ça ne se fait pas dans un comité de relations de travail, ça, régler des questions comme ça.

Donc, dans certains cas, ça peut être un petit peu plus long. Dans la majorité des cas, ça va prendre moins de temps que ce qui était prévu dans le projet de loi. Puis, si on a des conventions de cinq, six ans – on en a quelques-unes, on n'en a pas beaucoup – il y a toujours une période où il y a une réouverture salariale, des mécanismes de réouverture salariale. On le regardera pour passer ça en même temps que le reste de la réouverture salariale.

Avec ces quelques amendements là, on serait prêt à endosser le projet de loi qui est devant nous.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. Massé. On va commencer avec les questions du côté ministériel. Mme la ministre.

Mme Lemieux: M. Massé – je salue aussi vos collègues – merci pour cette présentation. Je pense que vous avez bien témoigné quand vous avez dit: On a déjà été contre; maintenant on a fait un bout de chemin. Les syndicats – je ne veux pas mettre sur vos frêles épaules le poids de tous les syndicats du Québec – mais il reste que les syndicats sont dans une bien curieuse position dans ce dossier-là.

Hier, on a eu des jeunes – mais je veux reprendre certains éléments plus précis pour l'illustrer – par exemple, lorsqu'on a parlé de la question des recours, qui nous ont dit: En gros, ce que le projet de loi dit, c'est que, pour ce qui est des recours, on passe donc par la Loi sur les normes, et, comme pour tout autre recours pour la Loi sur les normes, il faut en général épuiser nos autres recours. Et certains jeunes nous ont dit: Ne nous faites pas passer par les recours lorsque l'entreprise est syndiquée, ça n'a pas de sens. Ils nous disent presque qu'il y a comme une complicité dans la négociation de ce type de clauses là. Il faut contourner le recours, donc, via le processus de grief.

Ce qui est aussi beaucoup dit, c'est la difficulté de requestionner les droits acquis, et ça, j'imagine que... C'est dans ce sens-là que je dis qu'il y a un poids important sur les syndicats. Ce n'est pas simple. Parce que ce qu'on donne moins aux nouveaux arrivés dans une entreprise ou si on en donne plus aux nouveaux arrivés dans une entreprise – c'est des vases communicants, en général, la masse salariale n'augmente pas à l'infini – on le prend en quelque part. Donc, on le prend, on le répartit aussi auprès de ceux qui sont déjà dans l'entreprise depuis longtemps. C'est ça, le défi.

Hier, on avait des gens du secteur de l'alimentation qui nous disaient: Écoutez, dans des cas de difficulté, demander de ramasser des morceaux auprès de ceux qui sont déjà là depuis longtemps, c'est l'enfer. Alors, il y a là un défi qui est extrêmement important, et vous représentez ces travailleurs-là. Et j'imagine que c'est ça aussi, le débat, lorsque se pose ce type de question là.

Plus précisément, vous dites, par exemple... Vous semblez plutôt favorable à la variation de l'amplitude de l'échelle salariale ou à la transformation d'un taux unique en échelle salariale, mais vous ne précisez pas s'il y a des modifications, par exemple, à l'amplitude de l'échelle salariale. Qu'est-ce qu'on fait des acquis des travailleurs en place? Alors, je vous pose la question. Je vous pose aussi la question sur les recours. Vous êtes silencieux dans votre mémoire sur la question des recours. Comment on va contourner ça, cette crainte que les jeunes ont qu'ils ne peuvent pas être représentés par le syndicat lorsque cette clause-là a été négociée par le syndicat et l'employeur?

Et, je termine, une autre question sur la période d'adaptation. Vous dites en gros: Allons-y au fur et à mesure où les conventions collectives vont être échues, c'est la meilleure période pour reclarifier nos obligations en vertu de cette loi-là. Qu'est-ce que vous faites pour les conventions beaucoup plus longues? Il n'y en a pas beaucoup, mais il y en a quand même quelques-unes. Qu'est-ce que vous faites dans ces cas-là? Et je vous relance la question.

Vous me dites: On n'est pas au clair sur les recours pour les travailleurs non syndiqués, il va falloir que vous travailliez ça. Je vous la relance, la question. Comment on travaille ça?

Le Président (M. Sirros): M. Massé.

M. Massé (Henri): Là, on va vous laisser un bout de travail.

Mme Lemieux: Ha, ha, ha! C'est ça, oui, on va vous laisser un bout de travail.

M. Massé (Henri): On va vous laisser un bout de travail. On va s'occuper des endroits où c'est syndiqué; on est plus à l'aise. Il y a des conventions collectives.

Mme Lemieux: D'accord.

M. Massé (Henri): C'est là qu'on est le mieux capable d'intervenir. Et on a l'impression que, si on fait bien notre travail au niveau des endroits où c'est syndiqué... Prenons un secteur comme le commerce au détail, ou le secteur de la métallurgie, ou n'importe où où il y a un peu de clauses orphelin. Quand on va régler ces questions-là dans les endroits qui sont syndiqués, on va les régler dans bien des endroits qui ne sont pas syndiqués en même temps parce que...

Mme Lemieux: Il y a un effet d'entraînement.

M. Massé (Henri): ...il y a de la sous-traitance puis c'est un environnement où il y a de la concurrence, et tout ça. Commencez par la question qui est la plus facile. Dans les conventions qui sont très longues, encore une fois, il y a des mécanismes...

Mme Lemieux: De révision.

M. Massé (Henri): ...de révision des salaires. Bon. Si c'est au bout de trois ans, ça sera au bout de trois ans. Je pense que c'est là qu'il faut regarder ces questions-là. Puis, encore une fois, ça, c'est à la marge. Il n'y a pas tellement de conventions de longue durée qui dépassent quatre ans ou cinq ans. Puis, si ça le dépasse, il y a des mécanismes de révision salariale où on pourrait en profiter pour régler ces questions-là. Mais, encore une fois, il faut régler ça quand on a un certain rapport de force puis qu'on est capable de le faire d'une façon compétente, puis être capable de mener les débats avec nos membres en place, puis tout ça.

Sur la question des recours, moi, ce que je vous dirais: C'est un projet de loi, quant à moi, qui est beaucoup plus politique dans les grands sens du terme. Je pense qu'on donne des orientations en disant: Dorénavant, c'est défendu d'avoir ce genre de dispositions là dans nos conventions collectives. Il faut le régler. Moi, je suis convaincu que, chez nous, il n'y aura pas de griefs autour de ça ou, s'il y en a, ils vont être très rares, parce que, à la FTQ, avec nos syndicats affiliés, on va être très, très, très proactifs là-dedans pour se dépêcher à régler ces situations-là, ces quelques situations là, où elles existent. Louis Bolduc, par exemple, qui est avec moi, qui est du Syndicat du commerce, qui ont réfléchi à ces questions-là, et on va agir très rapidement...

Mais je voudrais juste revenir sur la question des acquis, parce que j'écoutais le Conseil du patronat, j'écoutais votre introduction... Nous, là, on a toujours, encore une fois, été très mal à l'aise avec ça. Je ne connais pas de syndicats chez nous qui sont allés demander à des employeurs de négocier ce genre de clauses là. Habituellement, c'est arrivé parce que les employeurs nous demandaient des concessions, nous demandaient des concessions assez importantes. Et on a essayé de dire non dans bien des cas – on a essayé de dire non dans bien des cas. Mais, quand vous arrivez sur le bord de la grève puis continuer à résister à ça...

Puis les grands syndicats nords-américains ont eu le même problème, ils se sont tous opposés, tous opposés sans exception, au départ. Mais, quand vous arrivez sur le bord de la grève et que, là, il faut que vous sortiez dehors et, finalement, il y a une offre patronale qui dit: Bon, bien là on est prêt à améliorer un petit peu vos conditions ou les maintenir, mais les nouveaux et les nouvelles... qui sont des travailleurs virtuels, dans le fond, pour ceux et celles qui sont là – ils ne sont pas encore sur place – c'est pas mal difficile.

(11 heures)

Je vous ferais un parallèle. On essaie, à la FTQ, via nos syndicats affiliés, à l'heure actuelle, de faire disparaître le temps supplémentaire, pas le temps supplémentaire ordinaire, le temps supplémentaire extraordinaire où on a pris l'habitude, dans certaines entreprises, de produire avec ça plutôt que d'embaucher. Et on a réglé passablement de cas où, les employeurs, quand on a réussi à la table de négociation à les convaincre puis tout ça, on a réglé. Il y a toujours des débats dans nos rangs parce qu'il y a du monde qui aime ça, faire du temps supplémentaire. Mais finalement le gros bon sens l'emporte. On dit: On va créer des emplois. Il manque d'emplois pour les jeunes.

Mais les entreprises qui nous amènent sur le bord de la grève avec ça – puis on a eu cinq, six cas encore dernièrement à la FTQ – là, le monde disait: On sort en grève pour du monde qui va venir travailler plus tard, qu'on ne connaît pas, puis je m'en vais en grève là-dessus. Ça fait que, là, le tiers des travailleurs ou des travailleuses, qui veulent absolument faire du temps supplémentaire, ils vont être contre la grève. Puis l'autre partie qui sont d'accord avec nous autres disent: Bon, j'ai-tu les moyens de me payer une grève? Ça fait que finalement ça reste en plan. On a eu le même genre de dynamique avec ce genre de clauses là. Ça fait que, s'il y a un projet de loi là-dessus puis il est clair, nous autres, c'est sûr, on n'aura pas de problème dans l'application de ça.

Mme Lemieux: Dans le fond, vous dites quasiment que c'est un garde-fou. Ça peut vous aider, dans un certain sens. C'est ça que je comprends.

M. Massé (Henri): Absolument, une fois que c'est là, c'est clair. Et ça va être un garde-fou pour les employeurs aussi. La majorité des employeurs sont mal à l'aise avec ce genre de dispositions là. Ils vont avoir un garde-fou. On réglera les problèmes autrement quand ils se présenteront.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Gaspé.

M. Charland (Gilles): Peut-être que je peux ajouter un complément sur la crainte des jeunes que les syndicats ne les défendent pas.

Le Président (M. Sirros): Ah, je m'excuse! M. Charland.

M. Charland (Gilles): C'est: un membre, un vote. Alors, on n'a pas le choix. Dans une assemblée, quel que soit leur poids, je pense qu'ils ont des instances pour faire valoir leur place. En même temps, le Code du travail, qui est une loi d'ordre public, nous donne des obligations, un devoir de représentation, avec des possibilités d'être poursuivis: l'article 47.2 permet à un salarié de poursuivre son syndicat s'il est mal représenté et s'il est mal défendu, si on ne fait pas un grief, si on le représente mal dans la négociation. Alors, à partir de ce moment-là, on a des devoirs et des obligations. Et, encore une fois, comme le disait Henri, ce n'est pas nous qui demandons ça, là. Alors, on n'est pas en demande là-dessus, on réagit.

Mais, là-dessus, je pense qu'il y a bien des faux mythes que les jeunes agitent actuellement par rapport à la non-représentation des syndicats. Nous, on ne crée pas d'emplois, là, alors ce n'est pas nous qui embauchons. On vit avec les réalités auxquelles on est confronté.

Le Président (M. Sirros): Merci. M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Je ne sais pas si j'ai bien compris le sens de votre mémoire, mais, avec l'adoption de la loi, est-ce que je dois comprendre que la FTQ ne négociera plus de clauses orphelin, et de ce que vous venez de nous dire il y a quelques minutes également? Dans le sens que vous dites: Ça va être un rempart pour le monde syndical, ça va être un rempart pour le monde patronal. Mais est-ce que la FTQ, à partir du moment où le gouvernement va adopter cette loi-là... Avec peut-être les améliorations que vous suggérez. Parce que j'ai lu votre mémoire également puis, effectivement, il peut y avoir certaines clauses à regarder de plus près, et puis on aura des discussions en commission parlementaire lorsqu'on va étudier le projet de loi article par article. Mais, sur cet aspect-là, est-ce que j'ai bien compris le sens de votre intervention, M. Massé?

M. Massé (Henri): C'est exact.

M. Lelièvre: Maintenant, au niveau des entreprises, hier on a eu l'Association des manufacturiers qui sont dans le domaine alimentaire. On nous présentait leur situation comme étant quasiment apocalyptique si ce projet de loi là voyait le jour et était adopté par l'Assemblée nationale. Dans le sens qu'on nous disait: Ah! bien, écoutez, une grande entreprise comme Nabisco, pour ne pas la nommer – parce que c'est dans les galées, hier on l'a dit – va peut-être penser à déménager sa production en Ontario parce que, là, quand va venir le renouvellement de la convention collective puis qu'on n'aura plus des ouvriers à un traitement différent, la situation précaire de l'entreprise pourra apparaître plus criante.

Vous êtes dans ce milieu-là, vous connaissez ce milieu-là assez bien, peut-être mieux que nous. Est-ce qu'on nous brandit des épouvantails ou est-ce qu'on fait face à une réalité à laquelle est confronté régulièrement ce secteur manufacturier?

M. Massé (Henri): Il y a un degré de difficulté, c'est évident, mais je pense que ce n'est pas aussi dramatique. Je vais laisser Louis Bolduc. Lui, il le connaît, le secteur.

M. Bolduc (Louis): Tantôt, quand on a entendu les commentaires du Conseil du patronat, on se serait cru à la table de négociation: un déménagement en Ontario si on ne s'entend pas, c'est un peu ce qu'on entend souvent. Je dirais que le déménagement, ça se fait plus facilement dans des secteurs comme l'abattage que la distribution, par exemple.

Au niveau de la transformation, dans les négociations qui ont eu lieu ou qui s'en viennent, souvent ce qu'on se fait dire, c'est: Si vous n'acceptez pas de réduire, ou de changer, ou de donner une flexibilité d'opération – puis là je parle en termes de salaires – on va donner à la sous-traitance. Puis on l'a vécu, ça, et ça se fait actuellement. Donc, à des endroits où on a des salaires qui sont décents, une partie de l'emploi se retrouve à la sous-traitance à 7 $ puis 8 $ de l'heure. Ça, c'est ce à quoi on fait face.

On a eu, l'an passé – vous en avez sûrement entendu parler – le conflit avec Maple Leaf à travers le Canada. On a eu, à un endroit, 700 employés en grève pendant huit mois qui refusaient, justement, d'accepter des baisses salariales importantes. Ils ont fermé la compagnie. On a eu une autre grève à un autre endroit, à Burlington. Même principe, sauf que les gens, avec l'expérience que leurs collègues et leurs confrères avaient eue au niveau des Maritimes, ont accepté une baisse importante et pour tout le monde.

Ça, dans le secteur de la transformation et de l'abattage, au niveau des conditions de travail, ça a fait un remue-ménage incroyable. À chaque table de négociation où on va, on nous parle de Maple Leaf, on nous parle des nouvelles conditions du marché, de la mondialisation des marchés. Et Maple Leaf, ce qu'ils ont fait, ce n'est pas compliqué: ils ont fermé des entrepôts et ils sont en train d'en construire un, un méga-entrepôt, au Manitoba, qui va avoir 2 000 employés avec des conditions de travail plus basses.

Donc, la mobilité, dans ce secteur-là, est plus facile, alors qu'au niveau de la distribution alimentaire on a eu aussi la menace de déménagement, sauf qu'il y a des coûts qui sont rattachés à ça, et je ne suis pas convaincu que les coûts qui sont rattachés à ça valent la peine, par exemple. Je pense qu'il y a d'autres façons dont on peut travailler, tant au niveau de la productivité qu'au niveau de certaines conditions de travail.

M. Lelièvre: Au niveau du commerce au détail, vous avez des secteurs syndiqués. Il y a des chaînes d'alimentation qui sont syndiquées, d'autres qui ne sont pas syndiquées, et il y a des compétiteurs de l'extérieur qui arrivent au Québec qui ne sont pas syndiqués. Comment vous allez vous y prendre si on vous dit demain matin: Écoutez, nous, là, il y a les grandes compagnies de l'extérieur qui arrivent ici, au Québec, puis là on veut négocier les salaires à rabais, on veut avoir encore des salaires à traitements différenciés?

M. Bolduc (Louis): Au niveau des magasins d'alimentation, depuis plusieurs années, on a débuté à changer les conventions collectives. Aujourd'hui, on retrouve beaucoup plus de conventions collectives... Sur à peu près 600 conventions collectives, dans le secteur alimentaire représenté par notre syndicat, il y a 5 % de conventions qui ont des clauses orphelin, soit salariales ou autres; c'est plus souvent au niveau salarial.

Ce qu'on a fait, c'est qu'on a négocié des échelles identiques, que ça soit pour le partiel ou pour le permanent, pour une femme, pour un homme, pour un nouveau, pour un plus vieux. Les échelles sont, bien entendu, bonifiées à chaque nombre d'heures – normalement, c'est 500 heures – et il y a un maximum qui est atteint. Tout le monde, qu'il soit rentré en 1992, en 1997, en 1998, il commence au bas de l'échelle puis il monte.

L'autre phénomène qu'on vit – surtout au niveau des magasins d'alimentation, pas dans les entrepôts – c'est la question des partiels et des permanents. Vous savez qu'au niveau des magasins d'alimentation la proportion de partiels est beaucoup plus élevée que celle des réguliers; on peut parler de 60-40 et, dans des cas, de 70-30. Souvent, c'est par choix que les gens sont partiels; souvent aussi les gens veulent un poste régulier. Alors, à ce moment-là, on assiste au discours économique de l'entreprise voulant qu'ils ne peuvent pas se permettre, à cause de la marge de profit sur leurs ventes, d'avoir 100 % d'employés réguliers. Le voeu qu'on aurait, ce serait d'avoir 100 % d'employés réguliers. Il faut se rappeler aussi que les gens qui votent sur ces conventions-là sont, en grande proportion, les temps-partiels.

Mais, au niveau des conditions de travail salariales, pour répondre à votre question, dans la très grande majorité des conventions collectives, ce problème-là est réglé, et on a réglé en même temps l'équité salariale.

Le Président (M. Sirros): Alors, merci. M. le député de...

M. Lelièvre: ...

Le Président (M. Sirros): Il reste 15 secondes à peine.

M. Lelièvre: Alors, merci beaucoup. Merci.

Le Président (M. Sirros): Alors, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, M. le Président. M. Massé, M. Charland et les autres qui vous accompagnent, ça nous fait plaisir de vous accueillir ici. M. Massé, j'ai écouté attentivement vos remarques, vos explications. Elles m'ont paru, somme toute, assez claires et ont le mérite d'être avancées, comme vous dites, non pas dans la broderie, mais directement. Je pense que c'est toujours un avantage pour nous, les parlementaires, d'aller droit au but.

Vous nous avez dit: Nous, on n'a jamais voulu signer ce genre de conventions là, on n'est pas d'accord avec ça puis on s'est toujours opposés à ça. Comment expliquons-nous alors qu'actuellement il y ait comme une perception qui est dans la population ou les gens à l'effet qu'il y a eu comme une connivence entre les centrales syndicales et le patronat pour faire ce genre d'opérations là sur le dos des jeunes? Comment expliquez-vous qu'on soit rendu à cette perception-là?

(11 h 10)

M. Massé (Henri): Je ne sais pas exactement comment c'est arrivé, mais je me souviens, il y a un an à peu près, quand les groupes de jeunes ont commencé à s'activer passablement autour de ça, que c'étaient surtout les syndicats qui étaient dans la mire, ils ne parlaient quasiment pas des employeurs. On a rencontré les groupes de jeunes et on a dit: Écoutez, on veut bien croire qu'on n'a pas pu résister autant qu'on le voulait, mais, en même temps, s'il y a juste nous autres au bâton, on ne comprend pas, là, parce qu'on n'a jamais demandé, nous autres, ce genre de clauses là, jamais, jamais.

Et, pas tellement longtemps après, j'étais dans un débat contradictoire avec le Conseil du patronat, et c'est le même discours qui s'est tenu ce matin, je veux dire, que c'est le Conseil du patronat qui se faisait le défenseur des acquis des travailleurs et des travailleuses. Aïe! Moi, je pense que le patronat nous a sacré ça sur le dos un peu en même temps. Avec ce discours-là, c'est clair que c'est un peu comme si les méchants syndicats... Puis: Il faut préserver les acquis... C'est de même, un peu, que c'est perçu sur la place publique. Moi, je n'ai jamais osé défendre les associations patronales; ça nous en prend, ça fait que je ne veux pas leur faire trop de tort. Mais il ne faudrait pas qu'elles nous aident trop non plus.

C'est un débat qui est mal parti, quant à moi. Puis il y a eu l'autre partie du débat, rappelez-vous, il y a un an. Je n'ai pas vu une association d'employeurs au Québec puis je n'ai pas vu un employeur au Québec venir dire que les clauses orphelin – le vrai terme, c'est...

M. Gobé: «Discriminatoire».

M. Massé (Henri): ...«discriminatoire» – ça nuisait à l'économie. C'était quasiment absent du discours, ça. Ça fait que le poids a été constamment sur le dos des syndicats. Et là on la voit, la vraie vérité aujourd'hui. Les employeurs sont là puis ils disent: Ça va être épouvantable, ça va être une catastrophe, des pertes d'emplois par milliers au Québec si... si... si... si... C'est un discours qui est nouveau, là, et on n'y croit pas, nous autres. Tu sais, 3 000 emplois au Québec... mais c'est dans des hypothèses où tout est au pire, au pire, au pire.

Moi, je pense qu'on a une pratique de négociation dans les centrales syndicales, dans nos syndicats concernés et que c'est une question qu'on est capable d'aborder de façon aussi compétente puis intelligente qu'on a abordé les autres problèmes. Louis en parlait tantôt, le marché de l'alimentation, par exemple, le secteur de l'alimentation, les grandes chaînes corporatives ont sauté. On a négocié, dans les dernières années, épicerie par épicerie, magasin par magasin. Les conditions de travail ont été coupées en deux dans les 10 ou 15 dernières années là-dedans. Ce n'était pas un secteur qui était bien le fun à travailler, mais on a réussi quand même à passer à travers. Il y a une bonne concurrence, je pense, encore puis une bonne compétitivité au Québec. Ça fait que, moi, je pense que ces questions-là, on va les régler. Nos syndicats, là-dedans, étaient nerveux un peu au départ, puis on est en train de se préparer. Puis je regarde ça et je pense que c'est un défi qu'on est capable de relever, comme n'importe quel autre.

M. Gobé: Je vous remercie de votre réponse. Donc, on comprend, à ce que vous nous dites, que vous n'avez rien à voir dans cette responsabilité-là, que c'est la situation économique, les patrons, sous la pression de fermetures ou de grèves, qui font en sorte – ou le patronat, dans certaines entreprises – que vous étiez amenés malgré votre gré à faire des ententes qui comportaient cette discrimination.

M. Massé (Henri): Bien, je ne veux pas jouer à la vierge offensée, là, mais, chez nous, le monde le sait que, si on a des conditions de travail qui sont différentes pour les nouveaux et les nouvelles, ça ne durera pas longtemps. On l'a encore, le problème, dans les pattes. On va régler le problème de ces clauses-là de disparités salariales, mais on n'a pas réglé toute la question de la précarité, des temporaires, des temps-partiels, qui sont loin d'avoir les mêmes conditions de travail que les autres et qui sont des jeunes, souvent, qui sont les derniers ou les dernières entrés. On le vit à tous les jours, ce débat-là, et ce n'est pas nécessairement facile. Les syndicats, au Québec, vont continuer à faire des batailles aussi là-dessus.

Moi, je me souviens qu'on a fait une grève, c'est à Polytechnique, le Syndicat canadien de la fonction publique. Quatre mois de grève! L'enjeu majeur, c'était d'éviter... L'employeur disait: La sécurité d'emploi, on la maintient sur ceux et celles qui sont au travail; les nouveaux et les nouvelles, pas de sécurité d'emploi. Quatre mois de grève! Il n'y a pas grand monde qui est venu nous supporter là-dedans, par exemple. Et je regardais le cas de Bell Téléphone, tu sais. On a résisté à des clauses de disparités salariales, là-dedans, pendant des années. Mais là on a passé les travailleuses de 22 $ de l'heure à la sous-traitance, et là c'est 10 $, 11 $ de l'heure. Il n'y a pas grand monde qui nous a supportés là-dedans non plus.

Ça, c'est pire que certaines clauses orphelin, puis on est pris avec ça tous les jours puis on va être pris encore, malgré le projet de loi, avec ce genre de situations là. Donc, bravo au projet de loi! On sait qu'il va corriger une partie de la situation mais qu'il est loin de corriger toute la situation.

M. Gobé: M. Massé, entre parenthèses, je suis content de vous voir... bien, content, j'aurais préféré l'aborder autrement, aborder le cas des téléphonistes de Bell, mais je veux juste vous mentionner que, de notre côté, nous les avons défendues et avons essayé d'être solution au règlement de leurs problèmes. Maintenant, nous sommes l'opposition.

Une voix: C'est ça.

M. Gobé: Dans votre mémoire... Ça ne durera pas, madame, vous verrez.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Gobé: Dans votre mémoire, M. le président, vous dites que vous êtes d'accord avec le droit de faire varier l'amplitude de l'échelle salariale, vous êtes d'accord avec cette partie-là du projet de loi. Jusqu'à maintenant, les groupes qui sont en faveur d'une loi nous ont fait savoir ou ont dit – et on le lit dans les autres mémoires – que, eux, ils s'opposent à cet article-là, à cette partie-là, disant que c'est une manière détournée de légaliser l'application de clauses orphelin. Hier, nous avions M. Morin, ce professeur – haut en couleurs, d'ailleurs – de l'Université Laval, qui est venu nous faire une démonstration magistrale dans ce sens-là aussi.

Est-ce que vous n'avez pas l'impression qu'en voulant conserver ceci dans le projet de loi on ouvre une porte dérobée au principe que vous défendez, qui est la non-acceptation d'aucune disparité vis-à-vis des jeunes et des nouveaux travailleurs?

M. Massé (Henri): Peut-être qu'on n'aurait pas dû en parler du tout dans le projet de loi. Ça existe, ça, à l'heure actuelle. Les structures salariales, les échelles salariales, des fois, aux tables de négociation, on les raccourcit, des fois on les rallonge, et il y a toute la question économique qui gravite autour de ça. Les échelles salariales, ça ne peut pas être gelé dans le béton, c'est quelque chose qui est vivant puis qui doit être adapté négociation après négociation.

On essaie de jouer là-dedans le moins possible, mais je vais vous donner quelques exemples. Dans la métallurgie, les employeurs nous ont rencontrés puis, bon, ils ont dit: Concessions. Justement, ils voulaient avoir vraiment des clauses de disparités salariales puis que les nouveaux puis les nouvelles qui seraient embauchés aient beaucoup moins. On a dit: Non. Ils se sont virés de bord et ils ont dit: On va sous-traiter, on va donner ça à la sous-traitance à des conditions beaucoup moindres. Et là nos syndicats se sont assis à la table de négociation puis, finalement, ils ont rajouté deux échelons. Mais ils les ont rajoutés à toutes les échelles salariales sans exception.

Puis ça ne touche pas juste aux jeunes qui entrent ou aux nouveaux puis aux nouvelles. Quand il y a des promotions, par exemple, dans une entreprise, vous vous en allez habituellement au salaire immédiatement supérieur. Si vous avez trop rallongé votre échelle salariale, même les plus vieux puis les plus vieilles... Il y a du mouvement dans une entreprise, ce n'est pas statique, ça bouge d'un bout à l'autre. Ça fait que vous ne pouvez pas faire n'importe quelle cochonnerie là-dedans.

La seule chose qui pourrait arriver... Je ne sais pas, moi, s'il y avait trois échelons puis si un employeur véreux, quelque part, puis un syndicat disaient: On va en mettre 20, on va faire indirectement ce qu'on n'a pas le droit de faire directement, bien, je veux dire, dans les lois, là, on n'a pas le droit de faire indirectement ce qu'on n'a pas le droit de faire directement. Et, là encore, on ne peut pas jouer indéfiniment avec ça: les échelons, si le salaire part à 10 $, le salaire minimum est à 6,80 $... Tu sais, je pense qu'il faut laisser une place au gros bon sens là-dedans, une place, un peu, à la négociation.

Puis là, si on dit: Il ne faut plus toucher aux structures salariales puis il ne faut plus rien faire, bien, écoutez, je ne sais pas comment on va faire. On ne le fait pas juste pour les nouveaux et les nouvelles, on le fait pour l'ensemble du monde puis on joue constamment là-dedans aux tables de négociation. On l'a vu dans l'aérospatial, d'où Robert vient, secteur où les salaires sont bons puis tout ça, mais où, de temps en temps, ils vont jouer avec les échelons, parce que, sur le plan nord-américain... Puis, ailleurs, ça se fait un peu de même puis, à une autre négociation après, c'est autre chose. Ça fait que, moi, je pense que...

M. Gobé: Oui, mais, M. le président, vous n'êtes pas sans savoir que là, on parle de discrimination ou de conditions de travail différentes par rapport à la date d'embauche, et non pas de toute la souplesse salariale ou des conditions de travail dans une entreprise. Est-ce que vous n'avez pas l'impression que le fait de pouvoir jouer avec cette amplitude – un mot assez large, «amplitude» – permet d'engager des travailleurs pour faire le même travail que les autres à des salaires beaucoup plus bas et que c'est une façon détournée, ou même directe, de faire une discrimination? Et est-ce qu'on doit tolérer ça? Est-ce que c'est normal, deux poids, deux mesures?

Moi, je suis un peu surpris de voir que vous puissiez... Vous auriez pu le «fine tuner», comme on dit, ou le raffiner, mais, de là à dire que vous êtes d'accord avec l'article tel qu'il est là... L'ensemble des groupes s'y sont opposés hier, et même les jeunes du Parti québécois, à qui j'ai posé la question, n'étaient pas favorables à cette partie-là. Alors, est-ce que les jeunes, à la FTQ, sont favorables? Ils ont un comité jeunes. Peut-être qu'ils pourraient nous dire, eux autres, pourquoi ils diffèrent des autres groupes jeunes, sans vouloir faire dans la broderie, là. En d'autres termes: Pourquoi on tolère une discrimination vers le bas?

(11 h 20)

Le Président (M. Sirros): M. Théorêt.

M. Théorêt (Jacques): Premièrement, la variation de l'amplitude... Là, on parle d'un rajout d'échelons, O.K. Il y a une différence entre une clause... Moi, je vais employer le terme «orphelin», parce que personne n'en parle, mais c'est de ça qu'on parle.

M. Gobé: On se comprend tous.

M. Théorêt (Jacques): Sur une clause orphelin, si on parle de doubles échelles, O.K., soit qu'elles ne se rejoignent jamais ou soit qu'elles se rejoignent un jour. Puis c'est là où, nous autres, on avait de la misère avec le temporaire versus le non-temporaire. Premièrement, une convention collective est toujours temporaire; elle va évoluer éventuellement, elle va changer, être renégociée. Donc, pour nous autres, le problème, c'était vraiment la question des doubles échelles. C'est dans le sens que, si un jour elles se rejoignent, il y a quand même une période de temps où il y a une perte de salaire.

Sur un rajout d'échelons, c'est ton échelle au complet, ce n'est pas une double échelle qui se crée. Là, on commence à être dans un débat très technique en relations industrielles, mais, néanmoins, ce qui arrive, c'est que c'est ton échelle qui est modifiée, et non une double échelle qui se crée pour éventuellement rejoindre l'autre.

Moi, je vous le dis, quand on fait de la négociation, c'est impossible de croire, O.K... Bien, premièrement, on parlait du secteur de l'alimentation, Louis pourrait vous le confirmer. Quand les salaires d'entrée sont à 7 $ de l'heure, c'est bien dur de faire des rajouts d'échelons par le bas, là, tu sais, ce n'est vraiment pas évident. D'un autre côté, en ce moment, on peut le faire de façon détournée, juste avec les périodes de probation, sur les statuts.

C'est un faux débat. Là où le bât blesse, ce n'est pas là. Là où le bât blesse, c'est quand on regarde ce qu'on voit chez les policiers ou des trucs comme ça, où il y a vraiment une double échelle carrée sur cinq ans, sur six ans, ou un truc comme ça, puis où on pourrait dire qu'elle est temporaire. Mais, d'après moi, le projet de loi, on l'a bien lu. Le projet de loi interdit les doubles échelles, qu'elles soient temporaires ou qu'elles soient permanentes. D'ailleurs, je crois, dans les textes, qu'ils ont biffé le mot «permanent». Avant, on voyait – comment je pourrais dire – la distinction que, moi, je fais ici entre «temporaire» et «permanent»; maintenant le mot «permanent» est biffé.

M. Gobé: Est-ce que vous ne pensez pas qu'à ce moment-là on pourrait peut-être amender l'article et mentionner que cette disposition ne devrait pas avoir pour effet de favoriser des conditions salariales différentes selon la date d'emploi pour des nouveaux travailleurs? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de préciser ça? Parce que c'est la porte ouverte, et vous parlez là, à ce moment-là, de discrimination temporaire. Alors, est-ce qu'on est pour la discrimination permanente ou temporaire? C'est une discrimination pareil. Puis le temporaire, il est pour combien de temps? Il y a beaucoup, aussi, de roulement d'employés dans ces entreprises-là. Il y a des employés qui peuvent être là un an, six mois, deux ans, alors on les garde toujours au même échelon, en bas, puis on garde les autres à l'échelon supérieur.

M. Charland (Gilles): Mais je pense que vous mélangez des choses, avec tout le respect, là. Une structure salariale avec des échelons... Dans toutes les conventions collectives, il y a des progressions qui sont automatiques aux six mois, aux ans, à chaque année. Alors donc, il y a une escalade, et les gens vont finir par atteindre le maximum. Alors, qu'à l'occasion on rajoute des échelons vers le bas, je comprends qu'on n'en rajoutera pas 25. Et ça, on n'a pas besoin d'un projet de loi, là. Venez juste faire un tour dans nos assemblées générales, vous allez voir que nos propres membres ne toléreraient pas ça. Mais, à certaines occasions, pour permettre de s'ajuster soit à des difficultés temporaires de l'entreprise ou pour récupérer de la sous-traitance...

Je vais vous donner deux exemples dans la saga du 6 % dans le secteur municipal. Dans certaines municipalités, on a récupéré des travaux; une municipalité, entre autres, les ordures ménagères. C'étaient des jeunes qui travaillaient en «running shoes» puis en bedaine, là, à peu près au salaire minimum, à 8 $, 9 $ de l'heure; aucunes conditions de travail, etc. Bien, la municipalité nous a dit: Si vous acceptiez d'agencer les échelles – au lieu d'être à 8 $, mettons ils seraient à 12 $ au lieu de 16 $ pour les journaliers réguliers, avec une progression pour que les gens atteignent le 16 $ un jour – on serait prêt à récupérer; on va arriver aux mêmes coûts que l'entreprise privée, parce qu'on n'a pas les profits, etc., puis on va acheter les camions. Alors, les jeunes – parce qu'on a repris ces jeunes-là, on les a embauchés – sont passés à 12 $, ils ont enlevé leurs «running shoes» puis leur chandail à bedaine puis on leur a donné des souliers de sécurité avec des bouts en coppe, là, des vraies bottines de travail, puis des dossards de sécurité. Allez voir ces jeunes-là.

M. Massé (Henri): Avec un fond de pension puis des assurances.

M. Charland (Gilles): Avec un fond de pension, des assurances. Allez voir ces jeunes-là, écoutez ce qu'ils disent.

Dans une autre ville, c'était, à l'usine de filtration bâtie clé en main et opérée par un opérateur privé, des jeunes à 12 $, 13 $ de l'heure qu'on a embauchés à 15 $ au lieu de 18 $. Dans quatre ans, ces gens-là vont être à 18 $, au même niveau que les autres. Allez les voir, ces jeunes-là, dans le champ, qui ont des vraies jobs puis une sécurité d'emploi, des conditions de travail, qui sont capables de faire vivre leur famille puis de se créer une famille, allez voir ce qu'ils pensent du discours de certains groupes qui... Puis à bon droit!

Le problème, à notre avis, c'est toute la précarité et le fait que les jeunes n'ont pas d'emploi. La vraie problématique... C'est à ça que les parlementaires devraient s'attaquer: à régulariser le marché pour créer des vraies jobs stables puis permanentes pour les jeunes, pas des jobines puis 15 jobs, et tout ça. Et la précarité de l'emploi, ça ne s'adresse pas juste aux jeunes. Ça aussi, il y a un mythe là-dessus. Dans le secteur public, actuellement, 52 % de nos membres sont à statut précaire; 80 % de ces 52 % là sont des femmes, avec un salaire moyen de 20 000 $, qui sont sur appel. Alors, ça, là, c'est la vraie précarité des emplois, puis ce n'est pas juste des jeunes, ça. Alors, c'est toute la dynamique qui est là.

Alors, soyez rassurés là-dessus, il y a des progressions automatiques des échelons et on n'en rajoutera pas 22, parce que nos propres membres, en assemblée, nous arracheraient la tête avec ça.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Gobé: Merci.

M. Dumont: Merci, M. le Président. Bienvenue aux gens de la FTQ. D'abord, simplement une précision: le groupe de jeunes qui ont dit, hier, qu'il ne fallait pas faire confiance aux syndicats en matière de recours – ça devrait vous inquiéter encore davantage – ce n'est pas les jeunes de l'ADQ, c'est les jeunes du PQ qui sont venus nous dire ça. Ha, ha, ha! Je ne veux pas dire que les jeunes de l'ADQ ne pensent pas ça aussi, mais, je veux dire, il y a une sérieuse difficulté de perception au niveau des jeunes quant à la capacité des syndicats, en tant que signataires d'une clause orphelin potentielle, de devenir ceux qui vont présider aux recours, et ça, je pense qu'il faut que vous en preniez bonne note.

Moi, je veux vous ramener sur deux choses. D'abord, l'interprétation que vous faites de l'étude du ministère du Travail hier. Ma première lecture, c'était qu'il y aurait quelques milliers d'emplois perdus si les parties ne sont pas capables de trouver d'autres ajustements à l'intérieur de l'ensemble de leur masse salariale. Moi, quand j'entends ça, ce que j'entends, c'est que, quand il pleut, si tu n'ouvres pas ton parapluie, tu vas être mouillé; c'est à peu près la même affaire. Si tu ne t'organises pas pour faire face à la musique, il va t'arriver une conséquence. D'abord, en gros, c'est ça, mais, en pratique – puis c'est ce que j'entends de la FTQ – vous faites confiance aux mécanismes de négociation existants au Québec pour que, si le cadre général des règles du jeu change, le monde va se parler, va s'organiser autrement puis ne s'organisera pas pour perdre leur emploi. J'ai-tu bien compris?

M. Massé (Henri): Très clair.

M. Dumont: Donc, le scénario du pire, ce n'est pas là-dedans que vous pensez qu'on devrait s'accrocher les pieds?

M. Massé (Henri): Vous savez, à la FTQ, on est très, très, très sensible à toute la question de l'emploi au Québec. On s'est donné un Fonds de solidarité, on fait des études économiques. Le Syndicat du commerce, c'est un syndicat qui, avant chaque négociation, se promène aux États-Unis et en Europe pour voir un peu ce qui se passe partout, puis on est en train de s'adapter aux nouvelles réalités. On sait que l'avenir est là, puis on n'a pas le choix. Et puis là, bon, on va prendre ce débat-là. On ne dit pas qu'on n'a pas quelques appréhensions, mais on va passer à travers de ça, puis ça ne nous énerve pas outre mesure, ça ne nous empêche pas de dormir la nuit, ça.

M. Dumont: Merci. L'autre affaire, le Conseil du patronat nous est arrivé, il y a quelques minutes à peine, en nous disant que, eux, ils sont avant-gardistes, ils ont travaillé avec l'Union des municipalités du Québec pour nous démontrer que, dans le respect de la loi, il y avait moyen de contourner ça puis de continuer à faire des clauses orphelin. C'est un apport précieux, d'ailleurs, à nos travaux, un éclairage certainement important pour la ministre du Travail.

Je voudrais entendre M. Charland là-dessus. Vous réagissez comment au fait que, déjà, l'UMQ et le Conseil du patronat préparent des scénarios pour dire: Bien, voici, avec la loi dans sa forme actuelle, tout en respectant les cadres de la loi, il y a moyen de s'organiser puis d'avoir dans la pratique quelque chose qui ne sera pas une double échelle mais qui va créer deux échelles?

(11 h 30)

M. Charland (Gilles): Écoutez, je n'ai pas vu le mémoire du Conseil du patronat. Mais ce qui m'apparaît clair, ce que nous avons négocié dans les municipalités – et pas dans toutes les municipalités, mais... Parce que, avant la saga du 6 %, on n'entendait pas parler de ça; c'est vraiment dans ce cadre-là, et il y a très peu de conventions collectives. Mais, encore une fois, l'UMQ, son dada, c'est l'article 45. C'est là-dessus qu'ils visent, ça fait qu'ils tirent sur tout ce qui bouge pour arriver à leurs fins.

Mais, nous, on n'a jamais demandé d'ajouter des échelons. Même que, dans ce qu'on appelle les emplois de cols bleus, généralement, je dirais, à 95 % des conventions collectives, c'est des taux uniques. Alors, ce qui est arrivé, c'est pour permettre à un moment donné aux employeurs, sous directive et sous la loi, de se réajuster et d'entrer la même masse salariale, de diminuer leur masse salariale. Je dirais, dans la majorité des endroits, ça a été dans les surplus de régimes de retraite que le 6 %, la marge s'est prise et dans certains cas, comme je le mentionnais, on a négocié – parce qu'on était en même temps en négociation – des échelons. Mais encore une fois ce n'est pas des doubles échelles et c'est là-dessus, des fois, le débat.

Nous, ce qu'on dit, c'est qu'on a rajouté... Par exemple, un électricien qui était à un taux unique – que tu aies un an ou 20 ans d'ancienneté, tout le monde était à 18 $, par exemple – alors, là, on a dit: Le salaire d'entrée sera à 16 $ puis éventuellement les gens vont progresser dans l'échelle, comme c'est plus courant, par exemple, dans les emplois de bureau professionnels ou techniques. Alors donc, on a ajouté des échelons, mais les gens vont atteindre 18 $ dans deux, trois ans. Ils vont avoir une progression. Alors, c'est comme ça qu'on aborde ce débat-là.

Et là on s'en revient en négociations cette année. Les conventions expirent en bonne partie cette année et l'autre moitié, l'an prochain. On va revenir à la charge pour essayer de réduire les échelons. Et ça, ce n'est pas propre au débat actuel. Dans le monde des relations de travail, à chaque négociation, qu'est-ce qu'on essaie de faire? C'est de corriger ce qu'on peut voir comme iniquité dans les échelles salariales. Là, on aborde tout le débat de l'équité salariale. Alors, on va devoir refaire nos structures salariales pour rentrer dans les objectifs de la loi. Alors, on va jouer dans nos échelles de salaire, ça, c'est clair.

D'autres fois, on est obligé de jouer dedans. Pourquoi? Pour correspondre au marché. Puis c'est les employeurs eux-mêmes qui viennent nous voir, qui nous disent, exemple: Dans certains secteurs d'activité, on n'est pas capable de trouver de la main-d'oeuvre, alors il faut payer plus cher. Alors, là, ils ajustent les salaires en conséquence, et ça, les jeunes comme les plus vieux en bénéficient pareil. Un jeune électricien, s'il y a une pénurie puis l'employeur dit: Je n'en trouve pas, quelle que soit l'entreprise publique ou privée, on réajuste le salaire à la hausse. Les gens en bénéficient de façon égale, à ce moment-là.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, M. Charland. Ceci va mettre fin à cette partie de nos travaux.

J'inviterais le prochain groupe, Force Jeunesse, à se préparer à prendre place et je vais suspendre quelques secondes, le temps du changement.

(Suspension de la séance à 11 h 34)

(Reprise à 11 h 36)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Nous allons reprendre avec Force Jeunesse. Alors, M. Rebello, si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent. Je voudrais vous rappeler que vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire.


Force Jeunesse

M. Rebello (François): Merci, Mme la Présidente. Donc, juste présenter rapidement: Louise Bernier, à ma droite, qui est occasionnelle, agent de prison, touchée par une clause orphelin depuis déjà quelque temps; Frédéric Lapointe, représentant de l'Association de défense des jeunes enseignants du Québec; Martin Koskinen, à ma gauche, vice-président région de Force Jeunesse; et puis notre vice-présidente Geneviève Shields, vice-présidente générale à Force Jeunesse; moi-même, François Rebello, président de Force Jeunesse.

On ne voulait pas vous faire une présentation trop en détail du mémoire. On va plutôt avancer des nouveaux points, ce matin, question de rendre les choses peut-être un peu plus intéressantes. Pour les détails au niveau de la loi, on pourra se parler si vous avez des questions par la suite.

Il est important de comprendre que cette décision-là, d'adopter une loi contre les clauses orphelin, a une portée importante au plan social au Québec. Ce n'est pas une décision comme les autres. Il faut voir qu'il y a eu un engouement important, au sein de la jeunesse, contre une telle disposition, de telles pratiques, et il y a des raisons pour cela. Le Québec souffre d'une myopie politique assez marquée, peut-être, depuis 20 ans.

Un exemple de ça: la Régie des rentes du Québec. Vous savez, M. Parizeau nous disait que, dès la création de la Régie des rentes, en 1964, 1966, les actuaires disaient: Il faudrait mettre des cotisations à 6,4 % pour assurer la survie des régimes à long terme. Pourtant, on a pris la décision, à l'époque, de mettre la cotisation à la moitié, à 3,2 %. M. Parizeau lui-même l'avoue, il ne comprend pas vraiment pourquoi. Ce n'est pas toujours rationnel, ce qu'il nous a expliqué, une décision en politique. Et ils se disaient, eux: On met en place le régime et, rapidement, probablement que les gens vont réajuster les choses. On a besoin de mettre le taux pas trop élevé au début pour permettre ensuite les ajustements.

Le Québec a été assez irresponsable pour maintenir ce taux-là au point où le régime a failli être remis en question pour de bon. Un jour, on a commencé à bouger, vers la fin des années quatre-vingt, à se parler de ça, même si les actuaires continuaient de faire des avis à chaque année aux politiciens en leur disant: Il faut monter la cotisation. On l'a montée une couple de pinottes, on a dépassé 4 %. Finalement, après de nombreux débats, Louise Harel a forcé un peu la note pour arriver à un plan pour rétablir l'équité à long terme dans le régime. Mais il faut bien voir que le niveau qu'on aura atteint comme cotisation, c'est près de 11 %. Nous, notre génération, on va payer 11 % de notre paie pour avoir 5 000 $ par année à notre retraite. Il faut comprendre que ça va être difficile à vendre aux jeunes quand on sait qu'on pourrait mettre beaucoup moins dans un REER pour obtenir le même rendement.

Pourquoi? Parce qu'on doit financer le passif légué par les générations d'avant, qui auront été trop irresponsables pour élever la cotisation au bon moment. Et ça, pourtant il y avait eu de la concertation, des sommets, puis tout ce que vous voudrez à travers ces années-là. Il y avait les patrons, les syndicats, les politiciens, tout le monde s'est parlé, mais jamais personne n'a forcé la note au point de dire: Il faut hausser la cotisation.

Bien, les clauses orphelin, c'est une situation un peu semblable. C'est une dynamique où les patrons en particulier bloquent, veulent maintenir le statu quo, des avantages, une souplesse, qu'ils appellent, pour protéger leurs intérêts, des intérêts à court terme, bien sûr, parce que les intérêts à long terme des patrons sont probablement les mêmes que les nôtres, c'est-à-dire une société québécoise en santé. Ces gens-là bloquent pour des intérêts à court terme. Et là, vous, décideurs, avez la possibilité de vous traîner les pieds, comme ça a été le cas pendant longtemps dans le cas de la Régie des rentes, ou de prendre les choses en main et de dire non.

(11 h 40)

Bien sûr, c'est normal que les groupes d'intérêt comme les patrons viennent nous dire: On veut de la souplesse, on veut moins de règlements, on veut moins de taxes, on veut moins de ci. Mais, nous, on est là pour assurer l'intérêt public. Il faut aller au-delà de ce point de vue corporatiste du milieu patronal.

Donc, le parallèle est très clair pour nous. Il s'agit maintenant d'un test pour le gouvernement du Québec. Est-ce que ce gouvernement-ci saura faire preuve d'une éthique envers les générations futures? Je pense qu'il serait inadmissible, pour un gouvernement, d'adopter un projet de loi passoire qui irait complètement à l'encontre d'une éthique intergénérationnelle, et surtout à la veille d'un moment qu'il aura lui-même décidé de mettre sur pied: le Sommet de la jeunesse.

On ne sera pas plus niaiseux que les autres. C'est très clair. La décision devra se prendre et ça devra être une bonne décision. On ne dit pas qu'il faut que les politiciens prennent 100 % de l'avis des jeunes, ou de ci ou de ça, mais on dit qu'elle doit être une bonne décision. Ça ne doit pas être une décision qui soit le compromis d'un rapport de force entre groupes d'intérêt, comme trop souvent ça a été le cas au Québec. On veut que cette décision-là soit une décision mûrie des décideurs qui diront: Dans l'intérêt du Québec, nous prenons telle décision.

Donc, voilà pour les considérations morales. Excusez-moi de vous faire un peu la morale. C'est rare que les jeunes se permettent ce plaisir, mais je pense qu'il arrive un moment où ça s'impose.

Maintenant, sur la question de l'impact sur l'emploi, j'aimerais apporter certains commentaires sur les études déposées récemment. Je dois vous avouer que j'ai été très surpris de voir la faible qualité du rapport déposé hier par le ministère du Travail. Je dois vous dire que ça me faisait penser à l'époque, quand j'étais plus jeune, où on tripait sur le partage du temps de travail, puis les études qu'on se faisait, c'était du genre: si on réduit de 10 % les salaires de tout le monde, le temps de travail de tout le monde, on met ça dans un pot, on va réduire de 10 % le chômage, et donc plus de chômeurs. C'est le genre de calcul qu'ont utilisé les économistes ou l'économiste qui a fait le rapport. Une espèce de pensée magique.

Si, nous, on avait déposé un rapport sur le partage du temps de travail en utilisant ce genre d'arguments là, les économistes d'Industrie et Commerce nous auraient dit: C'est beaucoup plus compliqué que ça, les jeunes, ça ne marche pas de même. Ce n'est pas parce qu'on réduit le temps de travail de tout le monde de tant qu'on va tout mettre ça dans un pot puis que le lendemain matin tout le monde va avoir des jobs. Vous savez que c'est plus complexe que ça.

Donc, dans le cas des clauses orphelin, c'est la même chose. Ils ont eux-mêmes avoué, en mettant deux hypothèses totalement irréalistes qui sont celles de dire que des profits, c'est immuable et que des concessions, ça ne se fait pas, alors que, dans la majorité des entreprises au Québec, les concessions se font chaque jour et les baisses de profits varient chaque jour...

Donc, ce n'est pas une mauvaise étude au sens où: si on met des hypothèses comme celles-là, on peut arriver aux résultats auxquels ils sont arrivés, mais c'est complètement non pertinent pour le débat et c'est une façon évidente de vouloir diriger le débat. Quand on voit le titre du Devoir, par exemple, Tant d'emplois de moins au Québec – c'est un titre à mon avis qui est le fruit d'une tentative de passer un message particulier – je vous dirais que la pression est forte. Secrétariat à la déréglementation, Industrie et Commerce, au gouvernement, ces gens-là, qui relèvent souvent directement du premier ministre, ont un pouvoir important. Donc, quand on dépose un projet de loi comme ça, on tente de faire valoir le point de vue du patronat en déposant des études à leur avantage. Je pense qu'il faut mettre de côté une telle étude, ce n'est pas sérieux.

De notre côté, nous avons tenté de regarder l'effet sur l'emploi parce que, vous savez, on représente les jeunes travailleurs, et donc on a quand même aussi le souci de voir à ce que l'emploi des jeunes soit protégé et qu'on ne compromette pas les perspectives d'emploi des jeunes par une loi qui serait trop restrictive.

Ce qu'on a fait comme travail: on a comparé les entreprises qui utilisaient les clauses orphelin avec les entreprises qui n'en utilisaient pas, dans le même secteur. Vous avez peut-être vu les résultats cet été; ça a été publié un peu à gauche et à droite. Je pense que c'est à la page, ne bougez pas, 19 de notre mémoire. Vous avez un peu le résultat de l'étude. Ce que ça démontre clairement... Parce qu'il faut comparer les entreprises dans le même secteur avec la même situation économique. Prenons, par exemple, deux municipalités qui subissent les mêmes pressions, qui subissent la même loi n° 414 du premier ministre, et qui sont prises dans le même contexte, et qui décident, pour certaines, de mettre une clause orphelin et, pour d'autres, de faire d'autres choses. Parce que ce n'est pas tout le monde qui en a mis, des clauses orphelin. Il y en a d'autres qui ont pris les journées de congé non payées, qui ont regardé au niveau des surplus de caisse de retraite, ils ont trouvé des façons de faire en sorte que le fardeau soit réparti de façon équitable.

Ce qu'on remarque, nous, c'est que celles qui ont utilisé des clauses orphelin n'ont pas embauché plus que celles qui n'en ont pas utilisées, dans les municipalités et dans les autres types d'entreprises. Et la raison est simple, elle est économique, elle est de base en économie, c'est-à-dire que les employeurs embauchent selon la demande à laquelle ils sont confrontés. Ce n'est pas parce qu'ils ont de l'argent dans le coffre qu'ils vont embaucher du monde. C'est parce que le revenu marginal va être supérieur au coût marginal.

Ça fait que je pense qu'il faut regarder les choses dans cette perspective-là lorsqu'on regarde les impacts sur l'emploi. C'est clair que, si les entreprises sont capables de réduire leurs coûts à un point tel qu'elles augmentent leurs profits, bien, elles vont le faire. Donc, si on n'interdit pas les clauses orphelin, c'est sûr qu'il va toujours y avoir une pression pour le faire, surtout si le concurrent le fait.

Et là je veux en venir à un argument très important. Je pense là, par rapport à l'alimentation, qu'il faut remettre les choses en perspective. Je vais vous donner un exemple bien concret. La fin de semaine passée, quand on a organisé notre conférence de presse devant le poste de pompier, on essayait de se trouver une épicerie au centre-ville où il y avait une clause orphelin pour faire notre show, parce qu'on voulait vraiment avoir une image d'épicerie. Celle à côté de chez nous, je suis allé voir, Provigo sur Mont-Royal: Avez-vous une clause orphelin? Non. Ah, tant mieux! On a cherché, on a cherché, on en n'a pas trouvé au centre-ville. Et finalement on a regardé les conventions qui avaient été déposées au ministère du Travail. Et là où il y avait des clauses orphelin, c'étaient des grosses épiceries, des Super C, des trucs comme ça.

Et la raison pour laquelle, en y réfléchissant, on peut comprendre que les grosses épiceries vont pouvoir en mettre et peut-être que les petites n'en mettront pas, c'est que c'est une question de taille. Si les gens se connaissent dans une entreprise, c'est beaucoup moins évident de faire travailler la matante à côté de l'autre avec des salaires différents quand le patron, on sait c'est qui, on le connaît, que quand on est dans un Super C, que personne se connaît puis qu'il y a un gestionnaire des ressources humaines à Toronto.

Donc, l'application des clauses orphelin, à mon avis, là où il va y en avoir le plus, c'est dans les grandes surfaces. Des Wal-Mart: ils n'en mettent peut-être pas la première année, ils sont au salaire minimum. Mais, quand eux autres vont avoir eu une couple d'augmentations puis qu'ils vont être rendus à 8,10 $ de l'heure – les gens qui travaillent chez Wal-Mart – Wal-Mart, là, ils vont en mettre une, clause orphelin. Puis là les nouveaux qui vont arriver, ils vont repartir au salaire minimum puis il n'y aura pas d'échelle parce qu'elle va dépendre du marché. C'est ça qu'ils vont faire. Puis ils vont être capables de le faire parce que personne ne se connaît dans le Wal-Mart, puis il y a un gérant à Toronto, puis c'est: Pas de problème.

Moi, je renverserais l'argument de l'alimentation. Je dirais au contraire que le fait de permettre les clauses orphelin ouvre justement une concurrence déloyale envers des épiceries de taille humaine. Encore là, ce n'est pas une démonstration économique incroyable, mais à mon avis ça vaut au moins les arguments qui ont été avancés par le Conseil du patronat jusqu'à présent.

Maintenant, quant aux questions reliées à la loi, je vais y revenir plus tard. Tout de suite, je vais céder la parole à mes collègues pour qu'ils complètent. Geneviève Shields.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...

Mme Shields (Geneviève): Bonjour. En fait, il faudrait peut-être repositionner le débat. Des fois, ça fait du bien de se faire rappeler des principes de base. Ce pour quoi on a décidé de lutter pour que la disparition des clauses orphelin soit quelque chose d'effectif pour la société québécoise, c'est parce que manifestement la jeune génération subit de graves inégalités à l'heure actuelle et un accroissement de la pauvreté chez la jeune génération.

Et ça, ce n'est pas tout à fait sans lien avec des phénomènes comme les clauses orphelin. En fait, ce qu'on remarque – puis les études le démontrent aussi – par exemple juste pour la période entre 1980 et 1993, bien, les jeunes, eux, ont vu leur salaire réel baisser de façon continuelle, tandis que, pour les 45-54 ans, eux, on voyait le salaire réel augmenter. Ça fait que, pendant que les travailleurs plus âgés accumulent des richesses, les jeunes, eux, sont en train de tomber en chute libre dans la pauvreté et d'une façon stable, et c'est alarmant.

C'est très alarmant parce que, en tant que société, on a besoin de jeunes qui vivent une certaine stabilité économique pour pouvoir fonder une famille, par exemple, ou avoir des projets de vie normaux. Alors, quand on n'a pas ces facteurs-là, à la base, qui sont essentiels, on ne peut pas faire progresser la natalité au Québec. Et ça, c'est alarmant parce que, quand on regarde les chiffres, on voit que le taux de natalité pour les jeunes femmes de moins de 25 ans a chuté de façon dramatique, mais cette baisse-là est compensée à présent par des naissances, mais chez les femmes de plus de 30 ans. Donc, on voit que les jeunes retardent leurs projets de vie en attendant de s'insérer dans un emploi stable.

(11 h 50)

Et, si on regarde les études qui ont été faites, l'étude d'impact notamment, les écarts sont discutables quand même, mais ils sont tout de même significatifs. On parle, dans certains cas, de 5 380 $ de moins jusqu'à 3 382 $ de moins d'écart par rapport aux travailleurs qui sont déjà là. Bien, ça, ça veut dire qu'on enlève 5 000 $, 3 000 $ à des jeunes qui en ont besoin finalement pour assurer leur stabilité, pour fonder une famille ou pour nourrir leurs jeunes enfants et leur assurer une qualité de vie décente présentement, dès leur plus jeune âge.

C'est ça qu'on est en train de dire à la jeune génération. C'est que présentement on a une population vieillissante qui a fait des luttes, qui a acquis des choses et qui doit vivre de ce qu'elle a acquis, mais vous avez à faire vos luttes, vous, les jeunes. Vous représentez peut-être juste 17 % de la population, mais, vous allez voir, vous allez avoir votre tour un jour. Et, pendant ce temps-là, on a une pauvreté croissante au niveau des jeunes, et ça ne se réglera pas en reportant le tout sur l'avenir, toujours dans une espèce d'attitude irresponsable.

Donc, je crois que la question des clauses orphelin nous renvoie dramatiquement à notre responsabilité de citoyen, peu importe notre âge, en fait. Et là, bon, je sais que ça ne touche pas juste des jeunes, ça touche aussi particulièrement les femmes, des jeunes femmes en l'occurrence, parce qu'elles arrivent sur le marché du travail de façon plus massive qu'antérieurement, et ça affecte aussi de façon dramatique les nouveaux arrivants. Mais, tout de même, les jeunes sont profondément marqués par le débat aujourd'hui qui se fait sur l'équité entre les générations, sur leurs conditions de travail précaires et à tout ce qui touche leur détresse psychologique et leur incertitude par rapport au marché du travail.

Donc, la seule chose que je souhaite, c'est que la décision qui va être prise ici va aller au-delà des intérêts purement économiques ponctuels dans le court terme, va aller au-delà des intérêts partisans politiques et qu'on va être capables, en tant que citoyens qui sont rattachés de façon personnelle à une génération quelconque, de se rallier, d'être solidaires pour être capables de penser aux intérêts de l'avenir du Québec de demain. Et c'est ça, la question qu'on a en face de nous. C'est une question qui soulève toute la question de l'équité intergénérationnelle. Et j'espère que vous allez être assez responsables pour penser la législation des clauses orphelin en regard de l'impact qu'elle va avoir sur l'avenir du Québec. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Rebello.

M. Rebello (François): Oui, il reste quelque temps pour conclure sur la question de la loi. D'abord, j'aimerais dire que c'est une bonne base de travail. Peut-être que certains ont décrié le projet de loi parce qu'il y a beaucoup d'exceptions, il y a beaucoup de trous dans la loi et que c'est une passoire – et je le redis et je continue à le croire – mais la forme de la passoire, le cadre...

Une voix: ...

M. Rebello (François): ...ça va.

Des voix: Rajoutes-en pas.

M. Rebello (François): L'important pour nous, quand on a réagi au projet de loi au départ, c'était qu'on parte de la discrimination basée sur la date d'embauche. C'était ce qui était dans le projet de loi de Mario Dumont au départ et c'était ce qui a fait consensus dans la dernière commission parlementaire: qu'on dise clairement qu'on ne veut pas de discrimination basée sur la date d'embauche.

Maintenant, on travaille à partir de ce texte-là. On élimine les exceptions inutiles, on fait le ménage, on clarifie les recours, on s'assure que tout le monde est bien protégé, on s'assure que les conditions de travail sont toutes incluses et on a une bonne loi contre les clauses orphelin.

Je vais un peu plus en détail. Les travailleurs tous inclus, ça, c'est un must. Je ne sais pas comment on pourrait ne pas inclure tous les travailleurs dans une loi. Donc, vous savez, vous regardez notre mémoire pour savoir comment y arriver, ce n'est pas très complexe. Toutes les conditions de travail – ça, j'attire votre attention là-dessus – les avantages sociaux, c'est une forme de rémunération équivalente au salaire, et le problème qu'il y a à ne pas vouloir les inclure, c'est qu'on risque de déplacer toute la discrimination à l'intérieur des régimes de retraite, en particulier, et des avantages sociaux.

Je vous donne un exemple concret. Chez Vidéotron, on a une clause orphelin dans le REER collectif. Chez Vidéotron, ceux qui ont été embauchés avant 1996 ont 5 % de contribution de l'employeur dans leur REER collectif et ceux qui ont été embauchés après sont à 2,5 %. Donc, c'est une discrimination, et, chez Vidéotron, je vous ferais remarquer qu'ils sont loin de faire faillite, là. Il y a des abonnements au câble assez régulièrement au Québec, et pourtant ils l'ont fait. Pourquoi ils l'ont fait, chez Vidéotron? Question de rendement.

Ça fait que là ça compromet tout de suite les affirmations de nos professeurs de relations industrielles embauchés par le Conseil du patronat, hier, qui ont tenté de dire que c'était parce que les entreprises étaient toujours en difficulté et qu'elles allaient fermer si elles faisaient des clauses orphelin. Dans ce cas-là, c'est évident: Vidéotron, ils font une discrimination dans le régime de retraite pour faire de l'argent. «That's it. That's all.»

La question des exemptions.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): En conclusion.

M. Rebello (François): Je n'ai plus de temps. Ça fait que, si jamais vous avez des questions, vous nous en poserez. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci M. Rebello. Mme la ministre.

Mme Lemieux: Bonjour et bienvenue. Je suis incapable de ne pas faire des remarques sur le comment, comment ce débat-là se fait, ce débat sur les clauses orphelin. Je pense que c'est important d'avoir des résultats dans la vie, mais comment on s'y rend aussi, c'est important. Et vraiment votre intervention m'oblige à faire des commentaires là-dessus. D'abord, j'ai dit hier, en introduisant cette commission parlementaire, que je craignais beaucoup que soient exprimées devant cette commission des positions déjà connues, des positions qui sont comme ça – il y a un fossé énorme entre ces positions-là – et qu'on soit beaucoup tourné vers la phrase-choc mais pas tourné vers la recherche de solutions. Alors, j'espère que le temps que nous allons passer ensemble aujourd'hui va contredire cette malheureuse impression que j'ai.

Deuxièmement, vous n'aimez pas l'étude qui a été faite par le ministère. Je vous fais deux remarques. D'abord, toutes les réserves que vous avez exprimées le sont dans l'étude. Cette étude-là dit: Si la seule manière d'absorber des baisses ou enfin des ajustements aux coûts de main-d'oeuvre est portée par les entreprises, voici ce que ça donnerait. Ça ne dit pas: S'il y a d'autres aménagements, il y a toutes sortes de possibilités. Alors, je ne vais pas reprendre vos réserves, mais les réserves que vous exprimez, elles sont exprimées clairement dans l'étude. Cette étude ne dit pas cela, elle dit cela.

Et je ne veux pas faire un concours de rigueur et de méthodologie, mais je vous ferais remarquer que votre propre étude... D'abord, vous examinez 64 conventions collectives; on en a examiné plus de 500. Dans votre mémoire, vous faites allusion et vous avez introduit aussi toute cette question des cotisations au Régime des rentes. Vous parlez d'un taux de 3,2 %, alors que, clairement, dans les documents de la Régie des rentes, c'est un taux de 3,6 %. Vous n'avez pas de citation. Vous parlez d'une contribution de 11 %, alors que c'est 9,9 % en 2003. Je ne veux pas revenir là-dessus, là, on ne fera pas un concours sur la rigueur.

Troisièmement, je suis profondément – et là je dirais comme citoyenne et comme femme aussi qui a travaillé dans toutes sortes d'organisations – mal à l'aise, démocratiquement parlant et philosophiquement parlant, avec le lien que vous faites entre ce débat et l'issue de ce débat sur les clauses orphelin et le Sommet de la jeunesse. Moi, je vais être bien claire, j'entends une menace. J'entends: Si on n'a pas ce que nous voulons, nous ne participerons pas au Sommet de la jeunesse. Je suis très mal à l'aise. Et je vais vous dire pourquoi je suis mal à l'aise: Parce que ce n'est pas vrai qu'on règle tout dans un seul dossier et d'un seul coup.

Et Mme Shields a dit quelque chose tantôt: Ce dossier des clauses orphelin nous renvoie à toutes sortes de responsabilités. C'est ça aussi qui le rend complexe: il y a toutes sortes d'autres débats qui se greffent que nous ne pouvons pas ignorer. Et ce n'est pas vrai que cette législation-là... Cette législation-là, elle a un angle, elle a une possibilité de régler un certain nombre de choses, mais ce n'est pas vrai qu'une législation comme ça va régler le problème de l'intégration des jeunes à l'emploi, du manque d'emplois, de la pression très forte qu'il y a dans l'économie dans laquelle nous sommes, de la concurrence des entreprises, de cette crainte d'une pression vers le bas des salaires, de l'équité intergénérationnelle de tout: de nos programmes sociaux, de nos lois, dans nos familles, etc. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai.

Et, pour moi, le Sommet – je ne veux pas débattre du Sommet ici – je dis: Le lien entre les deux, je trouve ça incroyable. Et je trouve ça incroyable aussi du point de vue des jeunes. Il y a des opportunités que nous avons dans ce débat-ci sur les clauses orphelin puis il y a d'autres opportunités complémentaires que le Sommet peut amener. Et ça me dérange beaucoup, beaucoup que vous fassiez un lien comme celui-là.

(12 heures)

Dernier élément. Vous véhiculez beaucoup, j'appelle ça, moi, la thèse du complot. On est tous dans cette même commission depuis plusieurs jours. Bon. C'est sûr que les employeurs, on peut dire: Des fois, ils font des raccourcis, on peut dire la même chose des syndicats, je dis la même chose aussi des jeunes. Des raccourcis, il y en a partout. Bon. Mais il y a aussi des gens qui nous ont soulevé des problèmes très concrets, il n'y a personne d'hystérique, là, ils nous ont soulevé des problèmes concrets. Je ne suis pas sûre qu'il y a un complot, que tous les employeurs du Québec, un matin, se lèvent et se disent: Comment est-ce qu'on pourrait en donner moins aux nouveaux arrivés dans notre entreprise? La vie ne se passe pas comme ça.

On a des exemples concrets. Vous avez entendu Gilles Charland, tout à l'heure, de la FTQ, qui pose un dilemme assez intéressant. Il dit: Bien, dans certains cas, c'est vrai qu'on a négocié des taux d'entrée moins cher, mais on a régularisé des emplois qui avaient des conditions épouvantables puis on les a rentrés dans notre système, on a réglé un peu de sous-traitance. Écoutez, c'est ça aussi, la vraie vie, là. Je le disais hier: On a des principes importants à débattre, mais là on a le défi de les faire atterrir dans la réalité puis de les intégrer dans la réalité.

Alors, moi, je vous repose la question concrète: Qu'est-ce qu'on fait avec le supermarché A qui est ouvert depuis 20 ans, qui a une échelle salariale allant de 8,50 $ à 14,10 $, le supermarché B qui arrive, qui est dans le marché depuis un an, qui n'est pas syndiqué – il s'en fout, des salaires de l'autre – puis qui part à peu près à 8 $ de l'heure? Qu'est-ce qu'on fait pratiquement, là? Parce que c'est ça. Il faut faire atterrir ce qu'on veut dans une loi de manière concrète. Et j'aimerais que ce soit à ça que vous contribuiez; pas aux clichés, pas à alimenter les thèses et pas aux raccourcis, ce n'est pas utile à ce moment-ci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Rebello.

M. Rebello (François): Au risque de vous déplaire, je vous dirai que les propos que j'ai tenus sont de la même teneur que les vôtres, là. Ils sont du contexte du projet de loi.

Mme Lemieux: Non, là, garde...

M. Rebello (François): Mais je pense que c'est important de le faire, comme vous l'avez fait. Je pense que c'est clair. Quand je vous écoute parler, c'est comme plusieurs autres aussi au gouvernement, ou même dans le milieu syndical, ou au niveau du patronat. Surtout dans le milieu syndical puis au gouvernement, le malaise est plus profond parce que souvent c'est des gens de principes. Dans le milieu des affaires, c'est l'argent qui compte, c'est moins pire. Mais dans les milieux... Bien, je veux dire, ils sont là pour... C'est une façon de faire qui est différente.

Mme Lemieux: Oui, mais...

M. Rebello (François): Laissez-moi terminer, là...

Mme Lemieux: Bon!

M. Rebello (François): ...je vous ai laissé... Mais, au Parti québécois surtout, qui est un parti de principes, puis dans les milieux syndicaux, les clauses orphelin, ça crée un malaise important parce que ça remet en question des valeurs pour lesquelles vous vous êtes battus depuis la création de ce parti-là. Puis je comprends très bien votre malaise et je pense qu'on va pouvoir s'en sortir ensemble.

Maintenant, sur la thèse du complot, je ne dirais pas que c'est une thèse du complot mais une thèse de l'irresponsabilité. Et c'est clair, à mon avis – M. Parizeau nous l'a confirmé – que, dans les décisions de reporter certaines choses, il y a une forme d'irresponsabilité. Ce n'est pas un complot, ce n'est pas de la mauvaise foi à n'en plus finir, mais c'est de l'irresponsabilité. C'est dire: Nous autres, on a des élections à gagner dans tel temps. Nous autres, on a une convention à régler. Nous autres, on a des profits à faire pour l'année prochaine pour nos actionnaires, et donc le long terme compte moins. C'est un problème éthique important en politique et c'est celui-là qu'on soulève. Ce n'est pas un complot; c'est de l'irresponsabilité et c'est un problème qui est soulevé pas juste par nous mais qui est soulevé par beaucoup de gens au Québec. Il faut que les politiciens en prennent bonne note.

L'autre point: La loi ne réglera pas tout, je suis parfaitement d'accord avec vous, mais, si on ne règle pas ça – ce qui est très simple, à mon avis, à régler – ça va être difficile de voir plus loin. Et là je vous ouvre une porte importante sur le lien entre les jeunes et la politique. Je pense que cette loi-là ait pris deux ans avant d'accoucher démontre la sclérose du système politique québécois. Et, comme jeunes qui voulons nous impliquer, de dire: Si ça prend deux ans pour faire une petite modification de même, combien de temps ça pourrait prendre à réformer le système de l'éducation puis de la santé? En tout cas, on ne pourrait pas faire ce qu'on a fait dans les années soixante, à la vitesse où on travaille en ce moment. Donc, ça, c'est important aussi, ce lien-là, il faut bouger un peu plus vite.

La question du Sommet de la jeunesse... Nous, on ne fait pas de menace, je vous le dis, là. Je ne dis pas que c'est une menace, je n'ai jamais dit... C'est vous qui dites qu'on va quitter. Je n'ai pas dit qu'on quitterait. J'ai dit que, par exemple, si j'avais des gens à convaincre demain matin de m'asseoir au Sommet, ce sera beaucoup plus difficile si les gens ont l'impression qu'on va aller là pour légitimer la thèse du premier ministre en avant. Et c'est déjà arrivé dans le cadre du dernier Sommet. Les syndicats en ont pâti, en particulier sur leur base. Et, la prochaine fois qu'il y aura un sommet, la question va se poser. Et ne prenez pas pour acquis que les gens à la base vont dire: Oui, oui, oui, on fait confiance à M. Bouchard puis à sa gang, ils ne nous fourreront pas, ça va être bénéfique puis ça sert à quelque chose d'autre de plus que légitimer les décisions déjà prises par le gouvernement et l'orientation des entreprises. Donc, c'est juste un questionnement sur le processus.

Je suis d'accord avec vous qu'il ne faut pas prendre en otage le restant des enjeux qui touchent la jeunesse au nom des clauses orphelin, mais je veux juste vous faire peut-être une préoccupation d'efficacité: On ne peut pas tout régler en même temps. O.K.? Donc, nous, on essaie de régler ça, mais je peux vous dire une chose. Ça nous a ouvert les yeux sur plein d'autres choses, et il y en aura d'autres, problèmes à régler, puis rapidement, par la suite. Mais on ne peut pas mettre trop de fers au feu en même temps. On n'a pas tous les moyens de les gérer simultanément. Donc, comprenez-nous bien, on en règle un et on verra, on continue.

On regarde, par exemple, la question des non-syndiqués avec beaucoup d'attention parce qu'on est conscient que la majorité des jeunes sont non syndiqués et même parfois non syndicables. Et qu'est-ce qu'on va faire avec les conditions de ces gens-là? Quand ils vont avoir des enfants, est-ce qu'ils vont avoir des congés de maternité? Quand ils vont être à la retraite, qu'est-ce qu'ils vont avoir pour vivre s'ils n'ont pas cotisé dans un régime de retraite ni dans un REER? On va avoir un gros problème. Ces questions-là, on va se les poser, mais, s'il vous plaît, aujourd'hui on est en commission sur les clauses orphelin, on voudrait pouvoir régler ce problème-là. Et dites-nous pas que, parce qu'il y en a d'autres à régler, on ne devrait pas régler celui-là, c'est un sophisme.

Quant au projet de loi, la question au niveau des épiceries, ça, à mon avis, ce n'est pas aussi simple que ça. Les épiceries de quartier sont menacées parce que souvent les politiciens font des exemptions dans les règlements municipaux pour permettre aux Loblaws d'aller se parquer au milieu d'une rue commerciale. C'est ça, la réalité au Québec. Puis les petits commerces de la rue Jean-Talon ne sont pas en danger, parce qu'ils ne pourraient pas faire de clauses orphelin, de se faire bouffer par les Loblaws. Ils sont en danger parce que c'est carrément des grandes surfaces qui travaillent d'une autre façon, les coûts sont extrêmement bas, et ce n'est pas juste sur une base de clauses orphelin. C'est une question de grosseur, c'est une question de façon de traiter les clients. Et je vous dirais d'ailleurs que ça va faire un temps. La tendance est à l'effet que les gens sont prêts à aller dans des petites épiceries, payer un peu plus. Alors, je pense que, quand on met le parallèle, le danger de fermer les épiceries sur le dos des clauses orphelin, je pense que c'est de la démagogie.

Je ne sais pas si vous avez des questions maintenant sur le projet de loi parce que – je suis d'accord avec vous – il faut qu'on travaille sur le projet de loi, et je suis prêt à répondre aux questions là-dessus.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, madame.

Mme Lemieux: Est-ce que je peux vous faire sourire quand même? Vous nous dites: On va parler du projet de loi. Vous en avez parlé à peu près deux minutes dans votre propre première intervention, là, tu sais.

M. Rebello (François): Mais vous ne m'avez pas posé de question non plus. Ha, ha, ha!

Mme Lemieux: Bien, là, en tout cas.

M. Rebello (François): On aurait aimé ça, avoir deux heures en commission.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est pour ça que c'est long, M. Rebello, hein. Ici, au Québec, c'est une démocratie.

M. Rebello (François): Bien, oui. C'est ça. Allons-y.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Voyez-vous, s'il y avait une dictature, les choses se régleraient beaucoup plus vite, mais je pense que ce n'est pas ça qu'on souhaite.

M. Rebello (François): Allez-y.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée de Crémazie.

Mme Blanchet: Merci, Mme la Présidente. M. Rebello, vous avez dit, il y a quelques minutes, que justement les jeunes se questionnaient dans leur implication au niveau politique étant donné la lenteur. Moi, je peux vous dire que, comme jeune, je ne me suis pas posé de questions longtemps. Ce pour quoi je me suis impliquée, je n'y ai pas pensé longtemps. Je me suis dit: Je vais m'impliquer et on fera bouger les choses.

M. Rebello (François): Super!

Mme Blanchet: Cela dit, vous en parlez rapidement dans votre mémoire, les recours adéquats. Il y a plusieurs associations hier qui en ont parlé également. Et M. Massé tantôt nous a dit: Nous, à la FTQ, on ne préconise pas la négociation ou l'entente si, malheureusement, il faut avoir entente sur des clauses orphelin parce que, effectivement, c'est contre-productif dans les deux sens.

Par contre, on nous a dit: Des fois, circonstances vraiment majeures, on n'a pas eu le choix d'accepter les clauses orphelin pour éviter des pertes d'emplois ou des conflits qui auraient pu perdurer. Donc, il y a peut-être des fois... Parce que, vous, vous dites: Il faut vraiment donner la chance aux gens d'aller directement à la Commission des normes pour éviter d'avoir à faire affaire avec les recours syndicaux, et tout et tout.

Alors, ce n'est peut-être pas toujours le cas... que les syndicats ne sont peut-être pas tous les méchants. Dans le cas où ça aurait été vraiment de force majeure, est-ce que ça veut dire que vous ne faites vraiment aucunement confiance au milieu syndical ou si vous faites, à un moment donné, le tri, à savoir: Bien, ici on n'a pas eu le choix, donc on va faire confiance puis on va prendre les recours nécessaires. J'aimerais que vous parliez un petit peu plus parce que c'était...

M. Rebello (François): O.K. Vous parlez du recours. Si, par exemple...

Mme Blanchet: Quelqu'un se sentait victime.

M. Rebello (François): ...un travailleur veut se plaindre sur une convention collective.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Rebello.

M. Rebello (François): Non, je ne pense pas que les syndicats sont de mauvaise foi. Je vous dirais que, pour la même raison que je ne choisirais pas un avocat qui a déjà travaillé pour la personne contre qui je vais en cour, j'aurais de la difficulté, comme jeune, à passer par mon syndicat pour me faire défendre dans une convention qu'il a signée. C'est un principe qui est bien établi en droit, dans le Code civil, une question de mandataire. Un avocat ne peut pas se positionner de façon à avoir un conflit d'intérêts, donc à avoir des intérêts en cause.

À mon avis, un syndicat, même si c'est un mandataire collectif – ce n'est pas un avocat ou un mandataire individuel – il y a une forme de conflit d'intérêts au sens où ses membres, la majorité des membres ont accepté la convention, donc en ont tiré un bénéfice, et il serait en position un peu difficile d'aller défendre des gens qui voudraient renverser cette situation-là aux dépens, dans le fond, de la majorité qui en a gagné le bénéfice. Donc, c'est une question d'éviter des conflits d'intérêts.

(12 h 10)

Je vais vous donner un exemple. À ville Saint-Laurent, il y a des jeunes qui sont venus, l'année passée, en commission parlementaire souligner leur situation. Il y avait une clause orphelin, il y a encore une clause orphelin à ville Saint-Laurent, et, comme la loi n'est pas encore passée, ils ont utilisé un article de la Loi des normes qui interdit la discrimination basée sur le temps partiel.

Donc, ils ont essayé de contester la clause orphelin qui leur était imposée en utilisant le fait que, bon, c'est parce qu'ils étaient à temps partiel. Puisqu'il n'y avait pas de discrimination de date d'embauche, l'argument n'était pas utilisable, puisque la loi n'est pas encore adoptée. Ils se sont plaints à la Commission des normes et la Commission des normes les a référés à leur syndicat en disant: Vous êtes syndiqués donc il faut que vous épuisiez... Sauf que le syndicat, lui, il fait semblant de les défendre. La preuve, c'est qu'aujourd'hui le cas n'est toujours pas réglé. O.K.? Ce n'est pas de la mauvaise foi du syndicat. Je pense que c'est une situation de conflits d'intérêts. Il faut éviter de placer les gens en situation de conflits d'intérêts.

C'est déjà lourd pour les jeunes, d'avoir à se plaindre dans une situation. Je pense que, si on veut leur éviter de se placer en conflit direct avec leur syndicat... Il faut voir aussi que, dans un milieu de travail, ce n'est pas la meilleure chose que les gens aient besoin de se battre directement contre le syndicat pour obtenir supposément un avocat pour les défendre. Je pense que ça serait plus simple d'aller directement à la Commission des normes. Je comprends que ça pourrait imposer un fardeau supplémentaire à la Commission des normes, mais il y a moyen sûrement de faire les ajustements au niveau de la gestion pour permettre une gestion de ces cas-là, de la même façon qu'on pourrait gérer des plaintes en milieu non syndiqué, puis c'est sans porter préjudice au travail que font les syndicats dans la négociation collective puis dans le traitement des cas individuels normaux.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Rebello. Il reste à peine une minute. Alors, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Deux questions rapides sur la loi dont je suis très heureuse de parler. Parce que ce que je comprends, c'est que vous dites: On est plutôt content. Le point de départ, c'est la date d'embauche. Mais, bon, il n'y pas beaucoup d'aménagements possibles non plus. Par exemple, période d'adaptation. Les conventions collectives qui ont été signées selon des règles du jeu x, les règles changent. La FTQ suggérait qu'on aille jusqu'à échéance de ces conventions collectives là qui ont été signées dans un contexte x. Est-ce que vous trouvez que c'est une solution acceptable?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Rebello.

M. Rebello (François): Je vais vous dire qu'on a eu une réflexion là-dessus chez nous, puis on s'est dit: Là, il y a eu un débat public – j'ai déjà entendu d'ailleurs la ministre en parler, puis elle avait bien raison – il y a eu une sensibilisation de faite des employeurs. Bon.

Mme Lemieux: C'est clair.

M. Rebello (François): Donc, je pense qu'il faut profiter du contexte. Il faut, pour que la loi soit applicable justement, demander immédiatement aux parties de s'asseoir et leur donner un délai raisonnable pour amender leur situation, et, si on attend, si on laisse leur calendrier se fixer selon leur bon vouloir, il y a un danger, par exemple si une convention est à échéance seulement dans trois ans, que l'on ne sache même plus ce que ça veut dire, une clause orphelin. Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire.

Il y a un problème pour le gouvernement. Ça risque de coûter de l'argent même de sensibiliser les gens, de leur dire: Faites votre travail, c'est du travail d'information. Pourquoi ne pas dire: Écoutez, demain matin, on vous donne un délai normal de négociation – disons un an – pour éliminer les clauses discriminatoires, trouver des alternatives. Toute nouvelle convention devra toutefois être légale et répondre aux principes de la loi. Je pense que ce serait une façon très efficace d'appliquer la loi et économique pour le gouvernement au niveau de la sensibilisation des employeurs et des syndicats.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. Nous passons maintenant à la période de temps allouée à l'opposition. Alors, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. M. Rebello, mesdames, messieurs, il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue en cette commission parlementaire.

De prime abord, je vous dirais que je ne suis pas tout à fait d'accord avec les remarques que Mme la ministre s'est permis de faire lorsqu'elle a commencé à vous parler. Lorsqu'elle vous reproche, en particulier, de lier le Sommet avec le résultat de ce projet de loi là, avec l'adoption d'un projet de loi, lorsqu'elle vous accuse quasiment de tomber dans la démagogie ou le spectacle, premièrement, je trouve que c'est un peu une nature agressive pour une ministre qui est censée rechercher des consensus, chercher des solutions qui correspondent à des problèmes humains, comme les gens sont venus nous les exposer depuis quelques jours.

Mais, deuxièmement, je crois que vous avez tout à fait raison, car pourquoi vous êtes ici? Vos êtes ici parce que, avant la campagne électorale, pendant la campagne électorale et après, le premier ministre s'est engagé à faire ce que vous lui demandez de faire, et je vais le lire – c'est dans votre mémoire d'ailleurs. Je le cite: «De la garderie à l'université, en passant par les travailleurs autonomes et les clauses discriminatoires, Lucien Bouchard a décidé de faire des jeunes la priorité de ce second mandat. Ils bénéficieront de la protection d'une législation contre les clauses discriminatoires.» C'est dans La Presse du jeudi 4 mars 1999. On pourra en citer aussi avant la campagne électorale et pendant.

Donc, pour avoir votre support, on vous a promis, on vous l'a dit, on vous a fait miroiter une société de justice sociale, d'équité, dans laquelle vous seriez reconnus à votre juste valeur et dans laquelle vous ne seriez pas discriminés. Il y a un certain nombre de jeunes qui ont succombé ou qui ont écouté ce message et, certainement, ont pris une position, une décision politique à ces élections-là en fonction de ce modèle de société que le gouvernement leur offrait. Ça, je pense qu'on peut être d'accord là-dessus.

Qu'est-ce qu'il arrive maintenant? Eh bien, maintenant, le vrai visage du gouvernement sort. On essaie de déposer un projet de loi qui permet de dire: On a déposé un projet de loi, mais qui ne permettra pas de dire: On a réglé le problème des jeunes, le problème auquel on s'était engagé. On n'a pas réglé le problème moral et d'équité qu'on avait dit qu'on réglerait, un problème de société. Et c'est à ça qu'on assiste depuis hier ici, et même un peu avant.

Vous l'avez mentionnée, l'étude. Moi aussi, je l'ai vue, cette étude. Comme par miracle, une étude arrive qui nous démontre ou qui essaie de démontrer que, peut-être, il y aurait 3 800 emplois, peut-être 1 000... ce qui permettrait de mentionner dans certains journaux que les clauses orphelin, les jeunes, feraient perdre 3 000 emplois aux Québécois. Quand on sait que, au Québec, il y a un déficit d'emplois puis que tout le monde est à la recherche d'emplois, on agite le Bonhomme Sept Heures: Attention, les gars, vous allez en enfer parce que vous avez péché. Vous allez nous obliger...

Qu'est-ce qu'on voit dans les journaux aussi? Les déclarations de Mme la ministre qui est censée vous donner cette équité, cette justice, cette société qu'on vous a promise, qu'est-ce qu'elle dit? Elle ne dit pas: Je suis là pour les défendre, puis je suis là pour protéger les engagements que nous avons faits, puis je crois à cette vision, à cette société-là. Ce n'est pas ça qu'elle dit.

On la cite. Se disant réceptive à des modifications, elle promettait de préserver la souplesse indispensable aux entrepreneurs. «Comme ministre du Travail, je me dois de préserver la capacité concurrentielle des entreprises québécoises. Il y a un risque de perte d'emplois.» Le voilà, son mémoire. Elle cherche quelque chose pour s'accrocher, pour justifier un dérapage. Le voilà, le mémoire fait par les fonctionnaires, comme vous avez mentionné, qui avaient certainement une commande. Il y a des compagnies de sondage qui ont des commandes des fois. Ils posent la question, puis ils veulent avoir la réponse. Bien, il y a certainement des gens dans la fonction publique qui donnent la réponse qu'on attend d'eux autres.

Qu'est-ce que je vois de plus encore? On parle de volonté de faire quelque chose, volonté de régler? Je recite encore Mme la ministre. «Il y a des choses qui peuvent se corriger», a déclaré Mme Lemieux aux journalistes. Le projet de loi l'a déçue sous certains aspects, convient-elle en commission parlementaire.

Bien, là, il va falloir savoir qu'est-ce qu'on fait ici. Est-ce qu'on est ici pour vous donner ce qu'on vous a promis? Est-ce qu'on y croit, au gouvernement? Si on y croit, bien il va falloir le démontrer. Si on n'y croyait pas, il va falloir donner la vérité aux jeunes, dire: On vous a promis ça en campagne électorale, mais c'était juste pour la campagne parce qu'on n'est pas capable de vous le donner aujourd'hui, parce que les patrons, pour des raisons qu'ils nous expliquent, nous disent qu'il va y avoir 3 800 pertes d'emplois. Donc, on a fait le pari de l'emploi, on ne vous le donne pas. Il va falloir vous dire ça, la vérité. Vous avez droit à la vérité aussi.

Ou alors la ministre croit vraiment à son projet de loi puis elle ne nous dit pas qu'il l'a déçue. Puis, si son projet de loi la déçoit... Moi, si j'étais du côté ministériel, je dirais publiquement que j'ai un projet de loi qui me déçoit. Parce que je ne me présenterais pas devant vous ce matin avec le projet de loi pour vous demander qu'est-ce que vous en pensez. Je dirais: Excusez-moi, il me déçoit, je le retire, puis je reviendrai vous voir avec quelque chose qui fera mon affaire. Malheureusement, ce n'est pas ça qui arrive et, à la place, on retrouve de la condescendance vis-à-vis de vous. Elle essaie de reprendre vos chiffres dans votre mémoire en parlant de rigueur.

Mais, moi, je suis content de voir votre mémoire. Il y a plein de choses très intéressantes là-dedans. Il y a des suggestions intéressantes. C'est ça qu'elle aurait dû reprendre. Il y a des propositions intéressantes, comment avoir une législation qui corresponde à ce que vous voulez. Non, elle va chercher des statistiques: ce n'était pas 9,4 %, c'était 9,2 % – je ne sais pas qu'est-ce qu'elle nous racontait, là – pour vous décrédibiliser. Est-ce que c'est là le rôle du gouvernement? Est-ce que c'est ça qu'on vous a promis quand ils se sont engagés? Non, ce n'est pas ça.

Voilà ce que je veux dire comme commentaires. Je sais que vous auriez pu y répondre mais peut-être que j'aurai des questions à vous poser sur le projet comme tel. Mais ça me choque quand je vois cette attitude-là, puis je comprends que les jeunes, à un moment donné, vous n'ayez plus confiance dans le système puis dans les politiciens. Mais j'en fais partie depuis 14 ans. On vous parle d'un côté de la bouche puis on fait le contraire de l'autre puis, pour vous le faire avaler, on essaie de créer des Bonhommes Sept Heures ou des situations dans lesquelles on vous met dans une position de vous dire: J'aurais voulu te le donner, mais je ne peux pas, tu sais. Mais, la prochaine fois, tu vas l'avoir, inquiète-toi pas. Je vais faire un sommet, on va faire ci. Voilà. Puis je vous comprends d'être désabusés, bien souvent, du discours politique.

Auparavant, le groupe qui est venu, la FTQ, s'est dit en accord avec le projet de loi dans son ensemble, sauf certaines exceptions. Mais ils ont, en particulier, fait valoir qu'ils étaient d'accord avec – et je les ai questionnés là-dessus – les échelons vers le bas, l'amplitude. C'est le seul groupe actuellement qui est d'accord. Le jeune homme qui accompagnait la FTQ était censé nous expliquer que c'était productif, positif pour les jeunes travailleurs. Moi, M. Rebello, étant donné que c'est le seul groupe que j'ai entendu et qu'on a essayé... J'essaie de me faire comprendre un peu. J'aimerais ça que vous m'expliquiez si, dans le projet de loi, il devrait y avoir cette clause-là, et puis, si elle ne doit pas être là, pourquoi?

(12 h 20)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Rebello.

M. Rebello (François): Je crois que ce n'est pas nécessaire de mettre une telle exception. On a réfléchi à la question, chez nous. La raison est simple. C'est-à-dire que, à nos yeux, ce qui est interdit, c'est la discrimination sur la date d'embauche; ce n'est pas toute modification à une échelle salariale. Donc, si l'exception est éliminée, ça laissera toute la possibilité de modifier une échelle salariale sans pour autant faire de la discrimination sur la date d'embauche. Et vous vous amuserez avec une règle et un crayon, et c'est possible. Donc, le travail est possible avec une loi qui éliminerait cette exemption-là.

J'ai peur que, si on maintient cette exemption-là, on canalise et on officialise l'utilisation de tels types de clauses, ce qui est loin d'être le cas en ce moment. Et je vous dirais: Ceux qui connaissent bien le dossier savent que la Charte des droits, qui proscrit la discrimination basée sur l'âge, pourrait proscrire plusieurs de ces ajouts d'échelons là si on pouvait prouver qu'il y avait une discrimination d'âge, c'est-à-dire qu'il y avait un écart statistique entre les gens touchés par rapport à la classe majoritaire de l'autre groupe.

Donc, si une loi venait consacrer quelque chose qui était à l'encontre d'un principe de la Charte, ça pourrait causer problème. Je pense que ça pourrait être un recul et ça pourrait surtout être un signal du gouvernement de dire: Faites ça; ça, c'est correct. Je sais que ce n'est pas facile pour le gouvernement parce que l'objectif, c'est quand même de ne pas mettre un carcan rigide. Mais, à mon avis, le carcan ne serait pas trop rigide, dans le sens où il y aurait toujours possibilité de négocier en autant qu'on ne fait pas de discrimination sur la date d'embauche et que la personne ne peut pas prouver qu'il y a discrimination sur la date d'embauche. Donc, voilà notre point de vue là-dessus. C'est très clair que c'est essentiel, en fait, d'éliminer une telle exception.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: M. Rebello, on a entendu ici, en commission parlementaire, les représentants des manufacturiers hier, du Conseil du patronat puis de la FTQ aussi nous laisser entendre ou comprendre que c'était très difficile de toucher aux acquis, au vieux gagné, comme on dit dans certains coins, là, puis que c'était là le problème pour lequel on faisait payer les jeunes: des conditions de travail supérieures aux anciens. Vous contribuez à maintenir un niveau de vie aux anciens, de salaire plus élevés, par votre travail.

Est-ce que vous croyez qu'il y aurait une solution qui pourrait permettre ou qui pourrait obliger à faire en sorte que, lorsqu'une entreprise connaît le genre de difficultés qu'on nous a expliquées, ça soit réparti globalement sur tout le monde, cette baisse d'activité économique? Est-ce qu'il y aurait une solution à mettre dans le projet de loi?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Rebello.

M. Rebello (François): Je pense que le fait d'être clair et d'encadrer le comportement des patrons et des syndicats sera suffisant pour changer les comportements. Les gens ne sont pas nécessairement de mauvaise foi. Par exemple, dans les cols bleus de Laval, je me rappelle de l'événement parce que ça m'avait beaucoup... j'avais compris certaines choses, à ce moment-là. Les cols bleus de Laval, ils ont une maudite clause orphelin qui fait dur, empilée par-dessus des clauses, puis ci puis ça. Puis les syndicats, là-bas, ils n'avaient pas l'air de se rendre compte du problème. Bien, à un moment donné, on a utilisé ce cas-là comme exemple – un peu comme on a fait avec les pompiers cette fois-ci, mais la dernière fois on avait utilisé les cols bleus de Laval – et ça a créé une commotion.

Bon. Les plus jeunes, les occasionnels étaient déjà au courant de l'action qui allait être portée, et les plus vieux, eux, ont vu ça à la télévision pour la première fois puis ils se sont dit: C'est-u vraiment nous autres qui avons signé ça? Et il y a eu un changement. Le syndicat s'est fait botter le derrière et il y a, en ce moment, des changements d'accréditation probables à Laval à cause de ce débat-là.

Donc, je veux bien qu'on se comprenne. Si on dit aux gens: Ce n'est pas correct de faire ça, c'est illégal, il y a des maudites bonnes chances que les gens cessent de le faire. Les gens n'ont pas une mauvaise foi, c'est juste que le fait que ça soit permis, la tentation est forte de protéger ses poches avant les poches du travailleur virtuel. Je ne sais pas si Henri Massé en a parlé ce matin, mais c'est une expression qu'il utilise souvent dans les médias, puis je trouve que c'est intéressant, le «travailleur virtuel».

Il dit: Le travailleur virtuel, il n'est pas là, il est moins pesant que celui qui est là. Donc, ça nous prend une loi pour mettre dans la tête de nos négociateurs que le travailleur virtuel, on ne peut pas le sacrifier au profit des poches de ceux qui sont là, c'est tout. Puis que le milieu syndical le demande, c'est parce que je pense qu'ils en sont tout à fait conscients, qu'il y a d'autres alternatives. Il suffit de l'encadrer et il vont s'arranger avec ça. On peut leur faire confiance.

M. Gobé: Je vous remercie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Hier, on a pu entendre les représentants des jeunes médecins du Québec qui nous ont fait valoir les clauses discriminatoires auxquelles ils sont assujettis. Et j'en ai moi-même appris. J'en connaissais quelques-unes, mais là j'ai découvert qu'il y en avait d'autres. Est-ce que vous demanderiez, parce que je ne l'ai pas vu – peut-être que ça m'a échappé dans votre mémoire – à ce qu'ils soient assujettis à une loi sur la discrimination, eux aussi? Et est-ce que vous en faites une revendication?

M. Rebello (François): C'est clair: il faut que la norme s'applique à tout le monde, la non-discrimination sur la date d'embauche, surtout pour les employés du gouvernement. Je pense que ça ferait dur en maudit que le gouvernement se garde une exception pour ses employés.

M. Gobé: Est-ce que vous pensez aussi que le gouvernement, qui actuellement est en train de négocier, qui a commencé à négocier avec le secteur public au Québec, devrait, dès maintenant, dans les cas connus de situations discriminatoires, s'engager à régler ça dans cette négociation-là?

M. Rebello (François): Bien, c'est clair. Je vous dirais, si vous permettez une petite parenthèse, que je suis surpris de voir comment les cas ne sont pas encore réglés. Ici, on a Louise Bernier, occasionnelle de prison. Ils se sont fait imposer une clause orphelin. Certains d'entre vous étaient membres de la commission parlementaire l'année passée. Vous aviez tous, sans... Il n'y a personne qui a levé sa main pour dire que ça avait du bon sens, même du côté du gouvernement.

On a appelé au ministère de la Sécurité publique après. On a dit: Qu'est-ce que vous faites? Allez-vous régler le problème? Tous les députés trouvent ça épouvantable. On n'a jamais eu de réponse. Il n'y a jamais rien qui a changé, puis ça – Mme Lemieux, tantôt, elle n'aimait pas ça que je déborde – mais c'est un peu un signe de la sclérose, c'est-à-dire qu'on a des principes autour d'une table puis la direction ne suit pas. Je pense qu'il y a plusieurs milieux au gouvernement où le problème se pose. Et, dans ce cas-là, des clauses orphelin, ça se pose en particulier.

Si on prend l'exemple des gardiens de prison, ces gens-là ont reculé. C'était des occasionnels, ils sont devenus des temps-partiels et ont reculé, au niveau salarial, de plusieurs milliers de dollars, alors que les gens en haut des échelles et permanents ont maintenu leurs acquis et les ont même augmentés. Donc, là, il y a un questionnement à faire.

Oui, il y a la question de la loi, mais, à court terme, à mon avis, du côté du gouvernement – puis ça, ça ne relève pas juste de Mme Lemieux, ça relève, à mon avis, du cabinet du premier ministre directement – il doit y avoir un signal clair: il faut éliminer les clauses orphelin dans le secteur public très rapidement.

M. Gobé: Hier, il y a un dossier, qui concerne vraiment les jeunes, celui-là, qui a été abordé, celui des jeunes stagiaires au gouvernement. Puis on ne parle pas de stagiaires dans le cadre de programmes d'études, comme faire son Barreau ou, en administration, on fait six mois comme comptable. On parle de stagiaires engagés. Est-ce que vous en faites une condition sine qua non de votre appui à un projet de loi, que ce soit encadré et que ça soit inclus dans ces dispositions?

M. Rebello (François): Là-dessus, je vais laisser répondre Martin, qui a traité ce dossier.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Koskinen.

M. Koskinen (Martin): Oui, moi, j'ai étudié la question des fameux stagiaires à 23 500 $ pendant une période de deux ans.

M. Gobé: C'est ça.

M. Koskinen (Martin): Et je ne parlerai pas en leur nom, mais j'en ai consulté plusieurs, et effectivement ils font un travail de fonctionnaire. Et c'est normal parce que ces gens-là sont des diplômés universitaires qui sortent des études, souvent avec des maîtrises, et c'est normal que ces gens-là fassent l'emploi. Il y a un problème au Québec, c'est la question des statuts. Et on en crée. Et ça, on espère que le projet de loi va mettre fin à ces types d'abus là. Parce que croire qu'on engage des stagiaires à 23 500 $ seulement pour leur permettre d'acquérir l'expérience et que ça n'amène rien au gouvernement, c'est totalement faux. C'est un statut qu'on crée. Là, ce n'est plus des occasionnels, c'est des stagiaires, puis le problème est là puis ils en sont conscients aussi. Ceux à qui j'ai parlé, ils sont conscients de leur statut et que c'est un statut discriminatoire. Et ce problème-là va se poser dans l'avenir. Ce qui fait que je pense que ça, c'est un cas concret que le gouvernement pourrait régler, les traiter comme des employés réguliers de la fonction publique québécoise.

M. Gobé: Mais est-ce qu'on ne se retrouve pas là devant quelque chose qui échappe un peu au projet de loi? Dans le projet de loi, on parle de la date d'embauche, un statut en fonction de la date d'embauche, et là on parle du statut d'emploi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Rebello.

M. Rebello (François): Oui. Ça, c'est important, la question du statut. Ce qu'on a vu, nous, des travaux de la Commission des droits de la personne – qui a quand même une certaine expertise, notamment Me Michel Coutu – c'est que, dans le fond, une discrimination de date d'embauche, qu'on utilise un statut ou une échelle ou un gugusse, c'est l'effet qui est important. Donc, si l'exception n'est pas mentionnée et qu'on parle de discrimination de date d'embauche, même si on a utilisé un statut pour le faire, normalement ça devrait être illégal. Là-dessus, je pense que la ministre devrait peut-être clarifier ses intentions pour que le message soit clair. Je pense que ça devrait être illégal, tel que la loi est rédigée. Mais, nous, on n'est pas sûr. Ça nous pose un problème. Il faudrait que ça soit clair.

(12 h 30)

Je vais vous donner un exemple. Les pompiers à Lachine, c'est un statut. C'est le statut de temporaire, sauf qu'il n'y a personne, depuis 1987, qui a été embauché dans d'autre chose que ce statut-là. Ça fait que c'est clair qu'il y a une date d'embauche. À partir d'un certain moment, l'administration de la ville a décidé de dire: Nous autres, on embauche juste du monde dans cette catégorie-là. Ce qui est très semblable à ce que le Trésor fait, à l'occasion, avec ses employés, c'est-à-dire qu'il détermine une politique qui n'a pas rapport aux tâches des gens mais qui a rapport à des moments financiers pour le gouvernement où il dit: Bien, là, j'embauche du monde dans telle catégorie. O.K. Là on peut prendre des permanents, mais voici les critères. Il y a un gros problème, puis les gens s'empilent dans les ministères, avec des statuts différents, à faire le même travail, et ça amène une gestion... À mon avis, c'est une des causes importantes de la sclérose de l'État québécois.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Une minute, M. le député.

M. Gobé: Il me reste une minute. M. Rebello, je vais en profiter pour vous féliciter, vous et votre équipe, puis vous remercier de ce que vous faites actuellement, je parle, pour faire avancer le débat. Vous parlez clair, pas de langue de bois. C'est comme ça que j'aime les choses. C'est comme ça qu'on devrait les aimer, dans la fonction politique que nous avons, même si ça nous déplaît quelquefois. Et c'est comme ça qu'on va probablement trouver des solutions aux problèmes que nos compatriotes connaissent, que les jeunes connaissent, et ce n'est pas en se réfugiant derrière de la condescendance ou de la défensive. Alors, moi, je suis bien ouvert à ces discussions-là puis je vous encourage à les continuer. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue à l'équipe de Force Jeunesse. Ça fait une journée et demie qu'on est ici, ça fait une couple d'années qu'on en parle, mais la ministre a commencé son intervention en disant qu'elle était déçue de comment le débat se fait. Ça fait une journée et demie, et, moi aussi, je suis étonné de comment le débat se fait parce que le débat est surréaliste.

Quand Jean Garon a présenté la loi sur le zonage agricole, le matin où il l'a présentée, il n'a pas mis sur la table une demi-étude en disant: Ah! ça va ralentir le développement de certaines municipalités puis ça va avoir des conséquences négatives sur la valeur foncière de l'ensemble des terres. Non. Il a dit: Il va y avoir des conséquences, il va y avoir des périodes d'ajustement. Puis là je pourrais prendre toutes les lois où un ministre qui sait où il s'en va, qui prend une orientation en connaissant certains désagréments qui peuvent en venir... Quand tu te lances dans une aventure pour changer la société, t'es le vendeur du projet.

Or, ce qui est surréaliste, c'est d'avoir une ministre qui est avec nous autres depuis une journée et demie, qui a même un projet de loi sur la table. On lit le projet de loi. On dit: Bon, certaines discriminations seraient éliminées. Elle dépose une étude qui nous démontre que la plupart des clauses orphelin ne seraient pas éliminées mais qu'il y aurait peut-être des pertes d'emplois si les gens ne s'adaptent pas. On ne connaît toujours pas la position de la ministre.

La ministre a dit tout à l'heure, puis elle l'a dit hier: Je crains que s'expriment des positions déjà connues. Mon gouvernement est incohérent; que le reste de la société nous suive. Mon gouvernement n'a pas de parole, il dit n'importe quoi en campagne électorale, il fait le contraire ensuite; que le reste de la société nous prenne pour modèle. Exprimer des positions déjà connues, c'est ce qu'on est supposé valoriser en politique. Ça s'appelle la cohérence. Ça s'appelle la parole donnée. Ça s'appelle le respect de ses engagements électoraux. Or, la ministre dit: On avait un programme, mais je ne répéterai pas ce qu'on a dit en campagne électorale, puis elle espère que le reste des gens va faire la même chose.

Quand elle refuse... Elle l'a reproché aux jeunes péquistes hier. Elle reproche aux gens de Force Jeunesse aujourd'hui le lien entre l'issue de ce débat puis le Sommet. Le lien, ce n'est pas compliqué. Le lien, c'est la parole du gouvernement. Si on a un gouvernement qui n'a pas de parole, si on a un gouvernement à qui on ne peut pas se fier, bien, oui, ça va influencer le niveau de conviction et d'enthousiasme avec lequel les groupes vont se présenter dans une opération qui est une opération de parole puis dont on espère que les actions vont suivre.

À part de ça, ça ne prend pas deux ans pour adopter un projet de loi. Ça aurait pu être fait très bien avant l'élection. Ça prend juste de la volonté. Si tous les partis supposément sont d'accord avec le projet de loi, que les accords sont à géométrie variable... On se souvient de l'opposition officielle qui émettait un communiqué la même journée que leur chef disait le contraire à l'UMQ. Donc, c'est sûr qu'avec des accords comme ça des fois, c'est plus difficiles. Mais, quand tous les partis s'entendent, on adopte des projets de loi en très peu de temps.

Je veux vous ramener sur l'étude. Vous nous avez parlé des conclusions. Je partage vos appréhensions par rapport à l'étude sur les conclusions sur l'emploi. Mais je veux vous amener sur l'étude, sur l'aspect rallongement d'échelles, rajouts d'échelons versus double échelle. Vous arrivez à quelles conclusions quand vous regardez la proportion de conventions collectives touchées par les ajouts d'échelons versus la double échelle? Vous réagissez comment, au même chapitre, à l'UMQ et au Conseil du patronat qui nous présentent, d'une façon très honnête – on va reconnaître ça – que eux ont déjà un modèle très, très, très précis pour dire: Il y a moyen, dans toute la légalité permise, de contourner le projet de loi dans sa forme actuelle?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Rebello.

M. Rebello (François): Ça nous pose un énorme problème. Ça nous pose un énorme problème. Je ne sais pas si on est obligé, quand on fait une loi, de mettre des mots pas clairs, mais je pense qu'on épargnerait beaucoup – sauf peut-être dans les poches des avocats – socialement en faisant une loi claire. Donc, je pense que la ministre devra donner un signal clair. Elle interdit quoi, elle permet quoi, puis ça ne devra pas être la bataille juridique, en particulier, parce que, dans ce cas-ci, les acteurs en cause n'auront pas tous les moyens de faire valoir leurs droits jusqu'en Cour suprême, après 10 ans. Donc, il faudrait s'assurer que le message soit clair, que les employeurs et les syndicats sachent à quoi s'en tenir, et ça, c'est la responsabilité du gouvernement. Sinon, on va s'enfarger.

Donc, ajouts d'échelons dans une échelle, double échelle temporaire, je pense que les gens qui s'y connaissent un peu connaissent les différences. Et la ministre aussi connaît la différence et elle n'a qu'à prendre les décisions qui s'imposent et à adopter un petit peu le style Jean Garon, peut-être, pour la fin du processus, question qu'on aboutisse plus rapidement que les autres ministres, avant, qui nous mettaient d'une commission à un comité, d'une commission à un comité. Donc, voilà. Qu'on nous donne les couleurs. Mais c'est clair que, si on permet certaines formes de discrimination, on a un gros problème.

Là-dessus, je sais que la ministre n'aime pas beaucoup ça, mais je vais faire un petit parallèle avec l'équité salariale envers les femmes. Est-ce qu'on aurait pu accepter – j'en ai parlé avec Louise Harel aussi puis elle était un petit peu bouche bée là-dessus – que certaines formes de discrimination envers les femmes soient acceptables? Non. De la discrimination, c'est de la discrimination. On ne peut pas accepter la discrimination basée sur la date d'embauche. Point à la ligne. Et ensuite on l'applique de façon à ce que les gens sachent ce que c'est.

Permettre certaines formes de discrimination, à mon avis, c'est un cul-de-sac. Je l'avais dit à l'époque à Matthias Rioux, dans les dernières commissions parlementaires. Je pense qu'il y a des fonctionnaires qui essaient d'amener le gouvernement vers des patentes à gosses, mais, au bout de la ligne, ça sera très difficile de s'en sortir d'une autre façon que d'une façon claire et cohérente d'interdire la discrimination basée sur la date d'embauche.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, en fait, il reste 10 secondes. Ça fait que je ne suis pas sûre... Avez-vous un commentaire, M. le député de Rivière-du-Loup?

M. Dumont: Il reste 10 secondes? Simplement pour souligner que c'est quand même curieux que la ministre qui est supposée être en train d'interdire les clauses orphelin soit en conflit avec tous les groupes qui viennent nous dire qu'il faut interdire les clauses orphelin. Juste souligner que c'est quand même surprenant et un peu surréaliste. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le député de Rivière-du-Loup. Merci aussi d'avoir participé, au nom des membres de la commission, à cette commission et à nos travaux. J'ajourne donc les travaux jusqu'à 14 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 37)

(Reprise à 14 h 5)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, la commission va maintenant reprendre ses travaux. Cet après-midi, nous rencontrons quatre groupes. Nous débutons par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, et j'inviterais le groupe à s'approcher, s'il vous plaît.

Alors, M. Cléroux, vous connaissez probablement les règles de notre commission. Si vous voulez nous présenter la personne qui vous accompagne. Vous avez effectivement 20 minutes de temps qui vous est alloué pour présenter votre mémoire.


Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

M. Cléroux (Pierre): Merci, Mme la Présidente. Mon nom est Pierre Cléroux. Je suis vice-président à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Je suis accompagné aujourd'hui de Sylvie Ratté, qui est économiste à la Fédération. Je voudrais vous rappeler que la Fédération est un groupe à but non lucratif qui regroupe 19 400 PME à travers le Québec. Ce sont des PME qui sont situées dans toutes les régions du Québec et aussi dans tous les secteurs d'activité économique.

Nous aimerions, dans notre présentation aujourd'hui, faire trois points. Le premier, c'est de réitérer les préoccupations fondamentales qu'on a face au projet de loi; deuxième point, on aimerait vous présenter une comparaison des lois du travail au Canada, incluant évidemment le Québec; et, le troisième point, vous présenter une préoccupation qu'on a parce qu'on pense qu'il y aura une augmentation des recours au niveau de la Commission des normes du travail si le projet de loi est adopté. Donc, même si plusieurs de ces arguments ont été dits, je pense qu'il est important pour nous de redire certains points qui font partie de nos préoccupations fondamentales.

Dans un rapport qui a été publié lundi dernier par les professeurs Cousineau et Poulet, on voit bien que les entreprises québécoises ne sont pas les seules en Amérique du Nord à utiliser des clauses salariales doubles ou multiples mais que c'est le cas aussi dans une même proportion des entreprises situées en Ontario et aux États-Unis. Ici comme ailleurs, ces clauses ne sont pas répandues mais bien concentrées dans certains secteurs ou dans certaines entreprises qui font face à des problèmes de croissance.

Donc, les échelles salariales doubles et multiples ne constituent pas un abus de la part des entreprises, non plus elles ne constituent une nouvelle façon de généraliser pour augmenter nos profits. Mais ces échelles salariales sont un outil de gestion que les entreprises en difficulté utilisent pour faire face à des situations bien précises, pour faire face à une récession, pour faire face, dans certains secteurs, à la déréglementation et, dans la plupart des cas, pour faire face à une nouvelle concurrence pour un secteur entier ou encore pour une entreprise en particulier.

Selon l'étude des professeurs Cousineau et Poulet, ce sont les entreprises les plus mal en point qui utilisent davantage les doubles échelles salariales. Priver les entreprises québécoises de cet outil de gestion serait, pour nous, les rendre plus vulnérables, plus vulnérables dans les périodes de difficulté économique, plus vulnérables face aux nouvelles entreprises qui sont leurs concurrentes et plus vulnérables face à la concurrence extérieure qui, dans certains secteurs, est extrêmement présente.

Le deuxième point que nous aimerions apporter aujourd'hui, c'est une comparaison de l'environnement réglementaire dans le secteur de l'emploi des provinces canadiennes. Nos entreprises sont en concurrence avec des entreprises de tout le reste du Canada ainsi qu'avec celles des États-Unis. Donc, nous sommes très préoccupés de l'environnement réglementaire dans lequel nous opérons.

Pour regarder ce qui se passe, on a fait une analyse complète, ou, en tout cas, la plus complète possible, des lois qui touchent les entreprises, les lois du marché du travail.

Mme Ratté (Sylvie): Donc, je vais vous présenter...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Mme Ratté.

Mme Ratté (Sylvie): ...l'indicateur de la rigidité réglementaire qu'on a inclus dans notre mémoire en page 9, si vous voulez consulter. Du point de vue d'un propriétaire de PME, plus la réglementation du travail est élevée plus elle représente un coût important pour l'entreprise, et ce coût-là, évidemment, a un impact négatif sur la création d'emplois. Donc, c'est la raison qui nous a amenés à regarder qu'est-ce qui en était exactement de la lourdeur réglementaire dans le marché du travail au Québec et à développer un indice de la rigidité réglementaire.

On s'est inspiré d'une étude de l'OCDE publiée en 1994 sur les perspectives d'emploi, qui développait ce genre d'indices là pour les pays industrialisés. Et ce qu'on a fait, en fait, c'est qu'on a répertorié toutes les normes de travail, que ce soit, bon, le temps de travail, la période minimale de repos ou les temps supplémentaires payés, les temps de vacances, les jours fériés, le salaire minimum requis dans chacune des juridictions canadiennes, le type de protection de l'emploi. Et on a aussi regardé d'autres lois, comme la Loi sur l'équité salariale, la Loi sur les décrets, la loi sur la formation de la main-d'oeuvre. Et on a aussi regardé le taux de syndicalisation à travers les différentes provinces canadiennes.

(14 h 10)

Pour chacune des normes d'emploi ou des réglementations, on a attribué une cote. Une cote de un indiquait que la réglementation était moins rigide, une cote de deux qu'elle était moyennement rigide et une cote de trois qu'elle était plus rigide.

Pour vous donner simplement un exemple pour ce qui est du temps de travail, la semaine de travail normale au Canada, elle va de 40 heures–semaine en Colombie-Britannique à 48 heures–semaine en Nouvelle-Écosse. Et donc on a attribué une cote de trois à la Colombie-Britannique, parce que c'est un petit peu plus rigide qu'en Nouvelle-Écosse où on a attribué une cote de un. Le Québec, pour cette question-là, a obtenu une cote de trois. Actuellement, le temps de travail pour une semaine requis est de 42 heures, mais on s'en va vers un régime de 40 heures.

Finalement, ce qu'on a fait, c'est qu'on a compilé chacune des cotes pour chacune des normes pour chacune des provinces et on a obtenu un indice de rigidité. Les résultats de cette analyse-là démontrent que c'est au Québec que la réglementation du travail est la plus lourde. Donc, c'est le Québec qui a obtenu l'indice de rigidité le plus élevé, de 27, comparativement à l'Ontario, par exemple, qui a eu un indice de rigidité de 20 et à d'autres provinces où la réglementation du travail est plus souple qui ont obtenu des indices de 12.

Les raisons fondamentales qui expliquent que l'indice de rigidité au Québec est un peu plus élevé que dans les provinces, c'est la Loi sur les décrets – entre autres, on a 27 décrets au Québec qui touchent 17 secteurs à peu près et en Ontario aussi on a des décrets, seulement deux décrets, alors que, dans toutes les autres provinces, on n'a pas de décrets – et une autre loi du travail qui est unique au Québec, c'est celle sur la formation de la main-d'oeuvre. Donc, ces dispositions-là ont fait en sorte que le Québec, ont pu démontrer, en tout cas, que le Québec a une réglementation du travail plus lourde au Canada.

Donc, à la lumière de cet indice-là, on peut en déduire que déjà on est un peu désavantagé, au Québec. Et plusieurs études sur le marché du travail, de l'OCDE, nous disent que, dans un contexte de chômage élevé, on a tout avantage à assouplir notre réglementation du travail plutôt qu'à l'alourdir. Je pense que c'est le contexte qui caractérise le marché du travail québécois. Et, en adoptant une norme du travail supplémentaire – le projet de loi n° 67 – je pense qu'on s'en va dans le sens qui n'est pas indiqué, c'est-à-dire dans le sens de l'alourdissement du fardeau réglementaire.

M. Cléroux (Pierre): Le troisième que nous voulons présenter, c'est notre préoccupation face à la hausse possible des plaintes aux normes du travail que pourrait provoquer le projet de loi. 85 % de nos entreprises sont non syndiquées, donc connaissent bien la Loi des normes du travail, puisque c'est la loi qui gère leurs relations de travail, si on peut dire, étant donné qu'ils n'ont pas de convention collective.

Il y a trois éléments qui font en sorte qu'on pense qu'il y aura une hausse importante des plaintes au niveau des normes du travail. Le premier, c'est que les employés n'ont pas à défrayer les frais pour porter une plainte. Donc, évidemment, il n'y a pas de frein, si on peut dire, il n'y a pas de frein monétaire, en tout cas, aux plaintes posées par les employés.

Deuxièmement, 75 % des PME n'ont pas de politique salariale écrite, donc ce qui fait en sorte qu'il y a, pour plusieurs employés, une difficulté de comprendre ou de comparer leurs conditions de travail avec d'autres employés, ce qui pourrait les amener à vouloir faire vérifier leurs conditions de travail via une plainte à la Commission des normes.

Enfin, pour nous, la troisième raison, c'est que le projet de loi laisse place à beaucoup d'interprétation. Donc, encore là, ça pourrait pousser beaucoup d'employés à vouloir vérifier si leurs conditions de travail correspondent à l'esprit de la loi qui interdit les clauses orphelin. Nous pensons que la combinaison de ces trois éléments provoquera donc une hausse significative des plaintes contre les employeurs devant la Commission des normes du travail.

Les employeurs auront, en fait, fort à faire afin de s'assurer que leurs conditions de travail respectent la loi. Dans le cas des conventions collectives, ça serait évidemment beaucoup plus simple, malgré que certains de mes collègues des autres associations vous diront que l'interprétation peut être différente, mais il reste que, lorsqu'on n'a pas de convention écrite, lorsqu'on n'a pas de contrat de travail écrit, c'est clair que ça sera plus difficile pour un employeur de s'assurer que les conditions de travail négociées avec un employé ne contreviennent pas à la loi.

L'interprétation des employés de leurs conditions de travail dans le contexte de politiques salariales non écrites amènera beaucoup de confusion et d'interprétations différentes qui se retrouveront devant la Commission. Contrairement aux employés, les employeurs devront supporter les frais de ces plaintes.

En conclusion, nous sommes, nous aussi, très préoccupés par le taux de chômage élevé chez les jeunes et nous sommes aussi préoccupés de leur difficulté à avoir accès au marché du travail. Donc, il est clair pour nous que nous devons prendre tous les moyens pour améliorer l'accès des jeunes au marché du travail. Pour nous, l'accès des jeunes au marché du travail, ça passe par la création d'emplois.

Dans son rapport sur l'emploi, l'OCDE recommande plusieurs choses, mais deux choses que j'aimerais souligner ici. Comme le disait Sylvie, et je le répète parce que c'est tellement important, dans une économie à taux de chômage élevé, on recommande d'assouplir sa réglementation du travail pour favoriser la création d'emplois. Nous pensons que le projet de loi qui est sur la table aujourd'hui va à l'encontre de cette recommandation.

La deuxième recommandation que l'OCDE fait dans son rapport, c'est qu'encourager la flexibilité des salaires est un mécanisme qui favorise la création d'emplois. Encore une fois, le projet de loi qu'on a présenté ici contrevient à cette règle qui favorise la création d'emplois. Le rapport qui a été rendu public hier, qui démontre l'impact sur l'emploi de trois secteurs de l'économie québécoise, confirme les conclusions du rapport de l'OCDE.

Donc, dans le contexte où est-ce qu'on a un taux de chômage de 10 % au Québec, dans le contexte où est-ce qu'on a un indice de rigidité des lois du travail le plus élevé au Canada, nous sommes convaincus qu'une restriction supplémentaire qui s'adresse en particulier aux entreprises en difficulté de croissance ne fera que nuire davantage à l'emploi et nuire davantage à l'accès des jeunes au marché de l'emploi. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Cléroux. Nous passons maintenant à la période d'échanges. Alors, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Alors, M. Cléroux, Mme Matte, merci de votre présence et de votre présentation. La première chose que je veux préciser, parce que là je me rends bien compte que l'étude qui a été réalisée par le ministère prend toutes sortes de... Mme Ratté, pardon! J'ai dit Mme Matte, hein? Je suis confuse. Mon disque dur est plein. Ha, ha, ha!

Alors donc, première chose, je sens que tout le monde donne toutes sortes d'interprétations à l'étude que le ministère a faite. C'est une contribution du ministère, modeste, mais c'est une contribution réelle. Je pense que, du point de vue méthodologique, c'est intéressant. Évidemment, on ne peut pas couvrir tous les angles, mais, en même temps, vous savez, on a aussi mesuré les scénarios les plus pessimistes et on n'a pas compté sur l'imagination, la créativité et la capacité de réagir aussi à des changements comme ceux-là. En tout cas, je veux juste qu'on se mette en garde, là. L'idée n'était pas de se mettre dans un contexte de panique mais de regarder évidemment les scénarios les pires, surtout si tout le monde ne bouge pas de ses positions.

Deuxième commentaire. Bon. Évidemment, j'ai regardé cette question-là de votre grille Indice de rigidité de la réglementation du travail parce que c'étaient des éléments, disons, nouveaux. Évidemment, vous posez une question là beaucoup plus large, mais, bon, comme vous la posez, cette question-là, je me permets quelques commentaires. Ce n'est pas inintéressant comme exercice, là, on se comprend bien, mais disons qu'on pourrait discuter longtemps. Je veux dire, vous cotez, par exemple, la syndicalisation. Qu'est-ce que ça veut dire? Qu'il faudrait interdire la syndicalisation? Vous cotez aussi négativement la loi sur la formation de la main-d'oeuvre. Alors qu'il y en a, du côté même des entreprises, qui nous ont dit à quel point la survie des entreprises passait par la formation et par un personnel qualifié, vous cotez de manière négative. Bon. En tout cas.

On pourrait discuter très longtemps de ce tableau-là, et je me permets de vous rappeler que, vous savez, ce qui était correct en termes de conditions de travail il y a 100 ans, il y a 150 ans, il y a 50 ans puis aujourd'hui, ce n'est pas les mêmes choses. On a une évolution de la société. On tolérait des choses à une certaine époque qu'on tolère moins maintenant, une société qui a évolué, beaucoup plus scolarisée, beaucoup plus consciente de ses droits. Et, si on pose tout ça en termes de rigidité, ces changements-là, il y a aussi des progrès pour l'humanité qu'on a faits. Alors, il y a des discussions philosophiques intéressantes qu'il pourrait y avoir autour de cet exercice que vous avez fait.

(14 h 20)

Mais, si j'entre dans le coeur du sujet, je pense que vous avez suivi largement ce débat-là autant que nous qui sommes ici aujourd'hui. Je me rappelle de ce sondage que vous aviez fait auprès de vos entreprises. Vous dites, en gros: Les entreprises qui ont recours aux clauses orphelin sont des entreprises plus vulnérables, qui ont déjà une certaine fragilité, et c'est leur manière à elles de gérer des périodes critiques parce qu'elles sont soumises à une concurrence importante, ça ne répond pas... Et ça, je pense qu'on en convient tous, que c'est dans un contexte bien précis. Ce n'est pas pour le fun, si je peux me permettre cette expression, qu'il se négocie ou qu'il s'implante, dans des politiques salariales, des clauses orphelin. Je ne pense pas que personne ne le fait volontairement, mais ça arrive, donc, dans un contexte de concurrence.

Mais des jeunes, entre autres, et des jeunes et des gens – bon, parce qu'il n'y a pas que les jeunes, on le sait qu'il y a une bonne partie des gens en recherche d'emploi qui ont en haut de 30 ans – disent: Pourquoi ce serait ces nouveaux travailleurs là, dans une entreprise, qui seraient les seuls à passer à la caisse? Et on ne répond pas à cette question de fond là.

Ce qu'on entend aussi beaucoup – puis ce n'est peut-être pas un discours qui va vous plaire, mais c'est aussi présent – c'est: Il y a, bien sûr, que les entreprises puissent faire face à la concurrence, mais est-ce qu'il n'y a que la concurrence? On est aussi dans une course effrénée aux profits également. Je ne veux pas avoir un discours généraliste, mais il reste que des jeunes aussi nous disent ça: C'est pourquoi? À qui ça sert, ces clauses-là et à quoi ça sert?

Et je termine mon intervention en disant: Je comprends votre position, là. Vous êtes assez clairs. Dans le fond, vous ne faites aucune suggestion, recommandation au sujet du projet de loi parce que vous le repoussez le plus loin possible. Mais, devant l'absence d'une interaction entre le milieu des affaires, le milieu syndical, les travailleurs, les décideurs, il y a là une intervention législative qui est demandée parce qu'il y a un trou puis qu'il y a des silences. Alors, moi, je vais essayer de forcer le jeu un peu, mais là il y a un train qui passe. Vous soulevez un certain nombre de problèmes avec cette législation-là. Qu'est-ce qui peut être vivable pour régler ce problème-là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cléroux.

M. Cléroux (Pierre): O.K. Il y a beaucoup d'éléments de réponses. Je vais me limiter. La première, c'est sur l'indice. Pour nous, on ne dit pas que c'est exhaustif et on ne voudrait pas laisser l'impression non plus qu'on veut éliminer toute forme de loi sur le travail. Ce n'est pas ça, l'idée. L'idée qu'on voulait transmettre, c'est qu'on vit et on opère dans un environnement nord-américain, et on ne peut pas se permettre, lorsqu'on est en concurrence avec les autres entreprises, d'avoir un environnement réglementaire ou fiscal – mais ici on s'est concentré sur réglementaire – qui soit très différent des autres.

Tout le monde – vous avez bien raison – s'accorde à dire que c'est important de faire de la formation en entreprise, mais, au Québec, on est les seuls où est-ce qu'on a une loi qui oblige les gens à en faire selon des critères établis par le gouvernement. Donc, c'est pour ça que, pour nous, c'est un élément de rigidité. Et pourquoi on voulait faire cet exercice-là? Ce que les études ont démontré – de l'OCDE et d'autres études – c'est que, plus on a une rigidité sur le marché du travail, plus c'est difficile de créer de l'emploi.

Donc, la réflexion qu'on voulait avoir aujourd'hui, c'est qu'on a déjà, dans un marché qui a un indice de rigidité, des obligations envers les employeurs qui sont plus élevées que nos partenaires commerciaux des autres provinces. Donc, si on parle de rajouter une autre contrainte – parce que c'est ce dont on parle – pour nous, c'est vraiment aller dans la mauvaise direction.

Vous avez raison, c'est vrai qu'on n'a pas proposé de modifications au projet de loi. Ce n'est pas parce qu'on n'est pas préoccupé par le problème de l'emploi des jeunes. On a même fait une étude l'an passé sur toute la dynamique de l'emploi chez les jeunes et dans les PME. On est préoccupé par ça et on veut aider. Sauf que, pour nous, le projet de loi fait fausse route. Ça n'aidera pas les jeunes, au contraire, puisque c'est une restriction qu'on met sur des entreprises en difficulté.

C'est vrai qu'il y a des entreprises qui font des profits puis c'est vrai qu'il y a des secteurs qui sont à la course des profits. Mais je vous dirais que les clauses orphelin ne sont pas dans ces secteurs-là. En fait, le secteur qui a été le plus profitable au Canada dans les 10 dernières années, c'est le secteur des institutions financières, et ce n'est pas dans ce secteur-là qu'on voit les clauses orphelin. On voit les clauses orphelin dans des secteurs en difficulté. Donc, c'est clair pour nous que de mettre une restriction supplémentaire dans ces secteurs-là, ça n'aidera pas la création d'emplois, ça n'aidera pas l'emploi chez les jeunes.

Par contre, ce qu'on vous dit et ce que l'on n'a pas dit puis que là je vais vous dire, c'est qu'on est prêt à regarder des choses plus que jamais. Moi, je représente des PME et je sais qu'on n'a peut-être pas fait notre part au niveau des stages pour les jeunes dans les PME. Nous, on est prêts à mettre notre crédibilité, qu'on représente auprès des PME, pour vous aider à faire ça parce qu'on y croit. Et c'est parce qu'on y croit aussi qu'on devrait faire davantage pour favoriser l'accès des jeunes au marché du travail. Par contre, on doit faire les bonnes choses. Et mettre sur pied un momentum ou créer un dynamisme pour créer des stages à l'intérieur des PME au Québec pour créer des opportunités pour les jeunes, ça on est prêt à faire ça puis on est prêt à regarder autre chose. Par contre, on pense qu'aller vers une restriction supplémentaire, ce n'est pas aller dans la bonne direction, et c'est pour ça qu'on n'a pas voulu apporter de modifications au projet de loi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la ministre.

Mme Lemieux: M. Cléroux – c'est plus fort que moi, mais prenez-le avec un grain de sel – est-ce que vos stages seraient rémunérés? Le seraient-ils à peu près au même taux que les employés en place dans vos entreprises?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cléroux.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lemieux: Excusez-moi!

M. Cléroux (Pierre): Ha, ha, ha! Je pense, en fait, d'après ce qu'on comprend chez les entreprises, que les entreprises seraient prêtes à faire des stages rémunérés dans plusieurs cas. Je ne dirais pas que c'est l'ensemble, là, mais ce qu'on trouve, pour ce qui est du salaire – ça, ça sera pour d'autres discussions, là – mais je pense qu'on doit profiter de... C'est clair qu'il y a une dynamique présentement qui peut favoriser la création de choses pour les jeunes, et je pense qu'on aurait tort de ne pas capitaliser sur ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, Mme la Présidente. M. Cléroux, j'ai lu votre mémoire. Tout d'abord, je dois vous dire que, en préambule, les commentaires que vous faisiez tout à l'heure au niveau des pertes d'emplois, c'est le scénario le plus apocalyptique ou le plus pessimiste. On sait que, par ailleurs, dans cette étude, on dit également: Si les parties réussissent à s'entendre et définissent de nouvelles modalités, les effets pourraient être pratiquement nuls. Donc, il faut quand même relativiser certaines données dans l'étude d'impact.

Je regarde votre mémoire et vos données sont très intéressantes, puis ça enrichit les connaissances des membres de la commission, particulièrement au niveau du nombre d'entreprises qui utilisent les clauses dites orphelin: 4,7 % sur un total d'au-delà de 10 % d'entreprises qui ont été consultées, donc on parle de 1 000 et quelques entreprises. Et, d'autre part, comme police d'assurance, il y en a 42 % qui disent que les effets seraient nuls. Mais, par ailleurs, on demande de ne pas éliminer les clauses orphelin parce que je pense que c'est 47 % qui voudraient avoir ça comme police d'assurance pour le futur. Moi, j'ai un peu de difficulté avec cette approche.

Hier, on a eu ici, à cette commission, l'Association des manufacturiers qui nous disait: Nous, si on n'a pas les clauses orphelin, on ne fera pas de bénéfices, puis la maison mère va peut-être, lors du renouvellement de la convention collective, en profiter pour déménager notre entreprise en Ontario, des pertes d'emplois, etc. On nous présente ça assez noir. Par ailleurs, dans le monde municipal, je ne pense pas que la productivité ou encore la possibilité de mettre en faillite les municipalités, il y a un des membres de la commission, ce matin, qui l'a évoqué... Ça ne s'applique pas ce raisonnement-là. Donc, il reste le secteur manufacturier.

Ce matin, la FTQ était ici et nous disait: Nous, on est prêts à s'asseoir puis négocier puis avoir des échelles salariales. Ce qui est étonnant, c'est que, dans les entreprises qui ont été consultées, très peu ont une politique écrite, une politique salariale. Donc, je comprends que ça peut amener non pas une lourdeur administrative, dépendamment du secteur aussi qui a été consulté... Parce qu'on n'a pas le profil de ceux qui utilisent les clauses dites orphelin, et, d'autre part, on n'a pas le profil de celles qui veulent les maintenir au cas où il arriverait un problème.

Alors, moi, j'ai un peu de difficulté là-dessus puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Comment ça se fait que 4,7 % les utilisent puis qu'il y en a peut-être dix fois plus qui veulent les maintenir, s'ils n'en ont pas besoin?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cléroux.

(14 h 30)

M. Cléroux (Pierre): En fait, c'est que les gens sont bien conscients que c'est fort possible que dans le futur on soit obligé de faire des ajustements de salaires. En fait, interdire les clauses orphelin, ce que ça veut dire, c'est qu'on rendra très difficile l'ajustement des salaires à l'intérieur d'une entreprise face aux modifications du marché.

Donc, par exemple, on oblige les entreprises à embaucher aujourd'hui à des conditions du marché d'il y a cinq ou 10 ans. C'est ça finalement. On dit: On a donné à nos employés, il y a 10 ans, des conditions de travail. Aujourd'hui, le marché a changé, mais ce n'est pas grave, on va quand même embaucher des nouveaux travailleurs aujourd'hui, là, à des conditions qui avaient été négociées il y a cinq ou 10 ans. Et c'est pour ça que les entreprises disent: On ne peut pas accepter ça.

M. Lelièvre: Les conventions collectives se renouvellent, si ce sont des syndiqués. Dans le mémoire, on parle qu'ils ne sont pas tous syndiqués non plus. Donc, c'est des choses à la pièce. Vous parlez des effets sur la Loi sur les normes du travail, donc les recours. C'est sûr que votre discours est général, votre mémoire est général, vos présentations sont générales et vos affirmations aussi sont générales. Mais, lorsqu'on s'en va dans la vraie vie, si, par exemple, il y a des gens qui sont menacés de perdre leur emploi, il peut y avoir... On le voit souvent, il y a une participation des ouvriers ou des travailleurs pour maintenir leur emploi, donc ils acceptent des concessions.

Comme M. Morin, le professeur de l'Université Laval, nous disait hier, c'est que, dans le fond, les entreprises vont bénéficier d'une main-d'oeuvre à bon marché pour augmenter leurs bénéfices, d'une certaine manière. Alors, c'est pour ça que je me dis: Vous voyez ça comme étant une difficulté majeure appréhendée, mais qui n'est pas là pour 95,3 % de vos entreprises, que vous représentez, qui ont été consultées à tout le moins.

M. Cléroux (Pierre): Oui. Mais, en fait, je pense qu'on pourrait faire l'argument que les entreprises utilisent les clauses orphelin pour faire davantage de profits. Si ces clauses-là étaient répandues dans tous les secteurs de l'économie, si on retrouvait des clauses comme ça dans la plupart des entreprises, on pourrait dire que c'est une nouvelle façon de gérer puis que c'est une façon qui correspond à un marché du travail plus difficile.

Mais on le voit bien dans les études qui sont faites ici comme ailleurs, ce qui est phénoménal dans l'étude que MM. Cousineau et Poulet ont faite à l'Université de Montréal, c'est qu'on retrouve les clauses orphelin dans la même proportion au Québec que dans les autres régions du Canada et aux États-Unis, dans la même proportion et dans les mêmes secteurs, ou à peu près. Les États-Unis ont le secteur du transport où est-ce que c'est plus dominant qu'ici, mais, pour le reste, c'est les mêmes secteurs.

Donc, ça démontre bien que ce n'est pas une nouvelle façon de gérer pour faire davantage de profits, mais c'est une façon spécifique qui correspond à un besoin spécifique de certaines entreprises ou de certains secteurs. Donc, c'est une réponse aux difficultés économiques qui peuvent être ponctuelles ou qui peuvent être présentes un peu plus longtemps. Donc, pour nous, ce n'est pas une façon – comment je pourrais dire – répandue d'exploiter les gens, c'est une façon qui correspond à un arrangement bien précis pour les entreprises en difficulté. Dans le sondage qu'on a fait, 4,7 %, ce n'est pas beaucoup, mais, encore là, pour ces entreprises-là, c'est important parce qu'elles vivent dans une situation économique difficile, donc elles doivent réajuster leurs coûts et c'est la façon qu'elles ont choisi de faire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la ministre, pour un commentaire. Il reste très peu de temps.

Mme Lemieux: Bien, je vais être rapide, là. Si jamais vous avez une chance d'expliquer... Vous dites, quelque part dans votre mémoire, que de réduire les coûts de main-d'oeuvre découlant d'une clause orphelin, le fait de faire ça mais de plutôt le répartir sur l'ensemble des salariés, il en résulterait – puis là je vous cite – «un effet très négatif sur le moral des anciens». Les syndicats nous ont dit exactement le contraire, que c'était pas mal toffe, là, une clause orphelin dans une dynamique. Les jeunes aussi nous disent ça. On a eu des personnes qui sont des nouveaux dans une entreprise et ça crée aussi des tensions à d'autres points de vue. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Cléroux (Pierre): Oui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Très brièvement, s'il vous plaît.

M. Cléroux (Pierre): Oui. En fait, on ne dit pas que les clauses orphelin ne posent pas problème de ce côté-là, mais ce qu'on dit, c'est que, si on baisse le salaire des employés qui sont là depuis longtemps, la perte de bien-être pour ces employés est supérieure à la perte de bien-être des nouveaux employés, parce que ces employés-là sont habitués à un niveau de vie qu'on réduit. Donc, c'est difficile pour l'entreprise de baisser le salaire de quelqu'un qui a contribué à son entreprise pendant 15 ans, puis c'est difficile pour un employé de voir sa perte de bien-être alors qu'on est rendu, je ne sais pas, moi, à 45 ans, avec deux enfants, une hypothèque puis une voiture à payer, alors que c'est peut-être moins difficile pour quelqu'un qui entre sur le marché du travail d'avoir des conditions salariales qui sont moindres mais qui sont quand même supérieures à sa situation avant.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Cléroux. M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. M. Cléroux, Mme Ratté, il me fait plaisir de vous saluer à cette commission. Alors, nous avons pris connaissance de votre mémoire avec un certain intérêt. Force, premièrement, est de constater qu'il va dans le sens des organisations patronales et de la coalition qui regroupe une dizaine, je crois, d'organismes. Êtes-vous partie de cette coalition?

M. Cléroux (Pierre): Oui.

M. Gobé: Bon, d'accord. Donc, on peut s'attendre sensiblement aux mêmes raisons à quelques divergences près de votre position.

Moi, M. Cléroux, je viens de vous écouter, là, puis je ne peux pas être d'accord avec vous, au moins sur une partie. Lorsque vous écrivez – la ministre vient de le mentionner, et cette fois-ci je ne peux qu'aller dans ce sens-là: «En effet, répartir sur l'ensemble des employés une partie ou la totalité des coûts supplémentaires que représente l'embauche de nouveaux travailleurs est une solution désastreuse puisque cela aurait un effet très négatif sur le moral des anciens», c'est grave, ce qui est écrit là, vous savez? On est en train de nous dire que, pour garder le moral des anciens, même si leur productivité, leur manière de travailler n'est pas capable d'assurer le succès de l'entreprise, on va en engager des nouveaux qu'on va payer moins cher pour leur permettre de conserver leurs avantages. C'est à peu près ça qu'on nous dit, pour qu'ils gardent le moral.

Moi, M. Cléroux, j'étais dans les affaires avant d'être député puis j'avais une règle, puis pas seulement la mienne, la règle qui était que, pour que je reste en affaires, il fallait que je fasse des profits. Puis, quand je faisais des profits, bien, je payais mes employés avec des bonus pour leur donner des avantages; puis, quand je faisais moins de profits, bien, c'est drôle, mais je baissais le salaire, ou les bonus, ou les profits, ou les avantages. Ça pouvait être la voiture fournie comme les comptes de dépenses.

Je ne disais pas: Je vais continuer à vous payer comme ça puis je vais engager une gang de petits jeunes pour leur faire faire la job moins cher pour vous permettre de garder ça. Je leur disais: Vous ne travaillez pas assez fort. Moi-même, je ne gère peut-être pas assez bien non plus, je n'ai peut-être pas les bons objectifs. Alors, on révise tout ça et puis on prend les décisions qui s'imposent en faisant les sacrifices nécessaires pour retrouver la prospérité que nous avions à ce moment-là.

Tout ce que j'entends, moi, maintenant, c'est dire: Non, ça ne donne pas la peine. Il faut garder le moral des boys. On va engager des... C'est ça qui est écrit, là. Dans une société comme la nôtre, on doit préparer les jeunes à prendre leurs responsabilités, préparer les jeunes à s'investir dans les entreprises. Ce n'est peut-être pas le meilleur message qu'on leur envoie lorsqu'on écrit ça. À moins que j'aie mal compris qu'est-ce que vous vouliez dire, j'ai beaucoup de difficulté à souscrire à cet argument. Je peux comprendre d'autres arguments, je peux comprendre d'autres raisons de ne pas être d'accord avec une législation, mais, pour celle-là en particulier, je trouve ça ou un peu court ou un peu raide.

Est-ce qu'il ne serait pas plus simple de dire que, lorsqu'une entreprise... Vous dites vous-mêmes que ce sont les plus mal prises, les plus vulnérables. Bien, il ne serait pas plus simple de répartir équitablement pour sauvegarder l'entreprise, donc sauvegarder le salaire de ces gens-là? Parce que, si l'entreprise ferme, là, ils n'auront même plus de moral, il n'y aura plus rien, là, il n'y aura plus de productivité. Leur moral, il va tomber, ils vont être sur l'assurance-chômage.

Donc, ne serait-ce pas mieux, peut-être, de leur expliquer ça, à ces travailleurs-là, puis de dire: Maintenant, bien, on répartit la baisse sur tout le monde et puis on recommence pour essayer de retrouver une productivité puis une prospérité pour pouvoir faire grimper, au lieu de couper court puis de dire: On garde des privilèges puis on engage des jeunes à moins cher?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cléroux.

M. Cléroux (Pierre): Oui. Trois éléments de réponses. La première, c'est que je ne suis pas d'accord avec votre interprétation de ce qui est écrit dans notre rapport, qu'on blâme les anciens employés pour leur manque de productivité, pour nos entreprises en difficulté. En aucun point on ne voulait faire ça. Si on a des entreprises en difficulté, c'est à cause de plusieurs raisons.

Récession. Récession, ça veut dire que les gens achètent moins, ça veut dire qu'on a plus de difficulté à vendre nos produits. On fait moins de revenus, donc on a des difficultés. C'est pour ça qu'on est obligé d'avoir recours à des clauses orphelin.

Concurrence nouvelle. Il y a Wal-Mart qui vient s'installer en face de chez toi. Ça n'a rien à voir avec la productivité de tes employés, ça ne veut pas dire qu'ils ne sont pas bons, ça ne veut pas dire que tu ne fais pas une bonne job, c'est juste que t'as un nouveau concurrent en pleine face et qui a un pouvoir d'achat extraordinaire qui fait en sorte que t'as de la misère à arriver. Ça, c'est mon premier point.

(14 h 40)

Le deuxième point, c'est que l'argument qu'on évoque dans le document qui dit que, si on réduit le salaire des anciens employés, on va avoir un problème ou en tout cas il y a une perte de bien-être pour ces employés-là, ce n'est pas qu'on veut protéger à outrance les anciens employés, c'était pour répondre à l'argument de certaines personnes qui disent: Bien, oui, la solution est facile, c'est qu'on va réduire le salaire de tout le monde. Oui, mais ce n'est pas si simple que ça.

Premièrement, négocier ça, ce n'est pas facile. Deuxièmement, comme je le disais tantôt, quand vous avez un employé qui a contribué à la croissance de votre entreprise pendant 15 ans, c'est pas mal plus difficile de lui demander de baisser son salaire que de donner un salaire inférieur à quelqu'un qui n'a jamais travaillé dans ton entreprise. Troisièmement, quelqu'un que ça fait 15 ans qu'il est sur le marché du travail et qui a atteint un niveau de vie, si tu baisses son salaire, sa perte de bien-être est de beaucoup supérieure à quelqu'un qui n'a pas de job puis à qui tu donnes un salaire.

Enfin, le troisième élément que j'aimerais rajouter, c'est qu'il faut faire très attention. Lorsqu'on donne un salaire de 10 $ de l'heure à quelqu'un dans nos entreprises, il peut être moins élevé que les employés qui travaillent à 14 $ de l'heure, mais il est encore supérieur aux nouvelles entreprises qui offrent un salaire de 7 $ ou 8 $ de l'heure. Donc, il faut faire attention lorsqu'on dit qu'on exploite les jeunes en les embauchant avec des clauses orphelin, parce qu'on leur offre quand même des salaires qui sont supérieurs aux salaires payés dans les nouvelles entreprises.

Donc, il faut faire quand même la part des choses. Les clauses orphelin ne sont pas un moyen d'exploiter les jeunes, elles sont un moyen de faire face à des situations difficiles dans des secteurs difficiles. Mais ça donne quand même des conditions salariales supérieures aux employés qui travaillent dans des nouvelles entreprises qui sont des concurrents aux entreprises existantes.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Je comprends vos arguments, mais vous devez quand même convenir qu'il y a une iniquité totale parce que, lorsqu'on fait un travail, le même travail, production égale, heures égales, productivité égale, eh bien, il n'est pas juste que l'on soit rétribué moins cher qu'un autre. Vous devez convenir au moins de cela.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cléroux.

M. Cléroux (Pierre): Je conviens que, dans certains secteurs comme par exemple le secteur de la haute technologie, il y a une pénurie de main-d'oeuvre et que les salaires sont à la hausse. Donc, on pourrait dire qu'il est injuste de payer des gens plus cher aujourd'hui pour faire la même job que les gens faisaient l'an passé, pour faire exactement les mêmes tâches, sauf que le marché est tel qu'on augmente les salaires.

À l'inverse, lorsqu'on a des difficultés financières, lorsqu'on est dans des secteurs en perte de vitesse pour toutes sortes de raisons qu'on a expliquées auparavant, est-ce qu'il n'est pas normal d'embaucher des nouveaux employés à cette nouvelle réalité?

Ce que vous me dites, c'est qu'on devrait embaucher aujourd'hui aux conditions qui prévalaient il y a cinq ans. On ne peut pas faire ça parce qu'on ne restera pas en affaires si on le fait.

M. Gobé: M. Cléroux, ce n'est pas ça tout à fait que je vous dis. Ce que je dis, c'est qu'on ne peut pas accepter que des employés arrivent, soient engagés et ne puissent jamais atteindre les mêmes conditions de travail que ceux qui sont là. Qu'un employé soit, au départ, pour une période d'acclimatation très, très, très temporaire, peut-être rémunéré moins cher, mais qu'il puisse au moins rejoindre les autres. Et ce n'est pas le cas actuellement.

Une clause orphelin, c'est une double échelle et jamais ces employés-là... C'est un système à deux vitesses puis on ne pourra jamais aller sur la deuxième vitesse. Alors, on ne parle pas de la même chose, là.

M. Cléroux (Pierre): En fait, oui et non, parce que, par exemple, dans nos entreprises, c'est clair que les conditions de travail vont évoluer avec les conditions du marché. Donc, si, comme on espère, la croissance économique se fait sentir dans les prochaines années, on aura des conditions de travail qui vont s'améliorer et on peut facilement penser que les nouveaux travailleurs rejoindront assez rapidement, en fait dans la plupart des secteurs, les travailleurs qui sont en place. On ne peut pas le garantir. Tout va dépendre effectivement de l'évolution de ces secteurs-là. Mais c'est clair pour nous que ce n'est pas des conditions qui ne changeront pas.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: C'est sûr que les jeunes, eux, ne sont pas d'accord du tout avec le projet de loi, mais, vous, vous devriez au moins être d'accord avec cet aspect du projet de loi parce qu'il permet de ramener des échelons vers le bas et, par la suite, on ne sait pas quand ni dans le temps, de rejoindre, selon l'évolution un peu de l'entreprise. Alors que, selon votre position, vous êtes opposés à toute législation, y compris celle-ci. Alors...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cléroux.

M. Cléroux (Pierre): Bon. On n'est pas opposé à toute législation, on est opposé à la législation qui est sur place.

M. Gobé: Oui, bien, toute législation, on parle de ce sujet-là. On se comprend.

M. Cléroux (Pierre): Bon. D'accord. On s'entend. On est opposés parce que, pour nous, c'est vraiment aller dans la mauvaise direction. Comme je vous disais tantôt, on est sensibles, très sensibles à l'argument que le marché du travail est difficile, particulièrement pour les jeunes, sauf que, pour nous, la meilleure solution à ça, c'est de créer des emplois. Puis, pour créer des emplois, ça nous prend un environnement réglementaire et fiscal dynamique, concurrentiel, ce qu'on n'a pas au niveau législatif présentement. Donc, là, on parle de nous rajouter une autre contrainte au niveau réglementaire. Donc, pour nous, c'est sûr que c'est d'aller dans la mauvaise direction.

M. Gobé: Donc, si je comprends bien, une partie de votre approche serait de dire: Au lieu d'aller cibler uniquement ce problème-là, regardons plutôt la situation dans son ensemble, au niveau de la fiscalité, au niveau de la réduction générale du travail. Est-ce que c'est ça?

M. Cléroux (Pierre): Oui. Comme je proposais tantôt, on est prêts à regarder les stages avec le gouvernement et avec les jeunes. On est prêts à faire notre bout de chemin là-dessus. On est prêts à faire notre bout de chemin sur autre chose également, mais on pense que la voie qui est empruntée ici, ça ne sera pas bénéfique évidemment pour les entreprises mais non plus pour les jeunes. Parce que c'est clair pour nous qu'en mettant une restriction supplémentaire ça va nuire à notre compétitivité. Parce qu'il faut comprendre une chose, on ne l'a pas mentionnée ici, mais on serait le seul endroit en Amérique du Nord où est-ce qu'on aurait une restriction de ce type-là.

M. Gobé: On me dit que non, hein. J'ai lu des rapports sur un débat qui a eu lieu – je ne sais pas, il y a peut-être des gens qui sont ici en cette salle et qui étaient là – à Québec, au printemps dernier, où les gens de la FTQ et du Conseil du patronat, peut-être que la Chambre de commerce du Québec y participait, je ne suis pas sûr, les groupes de jeunes, et dans le débat les gens de la FTQ ont mentionné qu'il y avait des États américains qui refusaient d'accorder des contrats aux entreprises qui appliquent des clauses orphelin, certains États américains.

Alors, il semblerait – et je n'ai pas pu approfondir, mais peut-être que ça serait intéressant pour un organisme comme le vôtre qui a peut-être plus de moyens que la simple opposition de Sa Majesté la Reine, de vérifier ça – qu'il y a des États américains qui ont des dispositions législatives pour contrer ce genre de phénomène. Mais je ne dis pas que c'est une règle générale, d'accord. Alors, lorsqu'on dit: Nous sommes les seuls, peut-être que nous devrions regarder quels sont ces États, quels sont leurs systèmes.

Il y a un argument qui a été amené à plusieurs reprises par les entreprises ou par les organisations patronales à l'effet que cette loi pourrait entraîner le transfert ou le déménagement d'entreprises ou de productions vers d'autres parties géographiques du Canada ou des États-Unis, à titre d'exemple vers l'Ontario. Vous n'êtes pas sans savoir que le coût de salaire moyen, en Ontario, pour l'industrie de l'alimentation... Et, ce matin, M. Taillon du Conseil du patronat me le confirmait, sans avoir le chiffre exact, et les rapports de la presse qu'on a pu voir depuis quelques jours nous démontrent ça aussi, le coût de salaire moyen est plus élevé particulièrement qu'au Québec, particulièrement dans l'industrie de l'alimentation.

Alors, comment expliquer que le fait d'apporter un correctif aux clauses orphelin dans l'alimentation, où la masse salariale représente seulement 10 % du coût de production total dans ce domaine-là, selon les manufacturiers, hier, et que l'application de la loi sur les clauses orphelin entraînerait seulement des coûts de 4 % de plus, donc, sur le 10 % de la masse salariale, comment expliquer qu'on aurait, du jour au lendemain, des transferts comme ça, alors que c'est «minisimal», là, 4 % du 10 % sur 90 %?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cléroux.

M. Cléroux (Pierre): Oui. En fait, c'est un peu difficile pour moi de répondre à cette question-là parce qu'on n'a jamais utilisé cet argument-là pour la simple raison que la plupart de nos entreprises n'ont pas de place d'affaires à l'extérieur du Québec ou ont des bureaux de vente mais n'ont pas des... On n'est pas des grandes entreprises, on est des petites et des moyennes.

Mais j'aimerais vous rappeler une chose, par exemple. Selon une étude du ministère des Finances à Ottawa, si on regarde le fardeau des taxes sur la masse salariale à travers le Canada, donc les taxes qu'on paie sur les salaires... Vous dites que les salaires sont moins élevés au Québec, c'est vrai, mais les taxes avant salaires sont beaucoup plus élevées au Québec, 16 % comparativement à 11 % en Ontario. Donc, si on rajoute ces taxes-là aux salaires, dans plusieurs cas on pourrait s'apercevoir qu'embaucher quelqu'un au Québec, même avec un salaire plus bas, ça coûte plus cher que d'embaucher quelqu'un en Ontario.

(14 h 50)

M. Gobé: À ce moment-là, est-ce qu'on pourrait... Excusez-moi de vous couper, mais je pense que le temps tourne rapidement. Est-ce que vous suggéreriez qu'on puisse, au Québec, implanter des mesures fiscales actives pour aider les entreprises qui seraient soumises à ces obligations d'éliminer les clauses orphelin, pour les aider à traverser cette période ou à s'adapter?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cléroux.

M. Cléroux (Pierre): Il faudrait regarder, mais je pense que c'est une situation difficile de favoriser certains secteurs de notre économie avec des taxes réduites, parce que, quand on parle de clauses orphelin, on parle de quelques secteurs de notre économie, notamment le commerce de détail. Donc, ça voudrait dire de favoriser fiscalement le secteur du commerce de détail comparativement aux autres secteurs. Je ne suis pas sûr que ça va nous aider beaucoup à créer de l'emploi au Québec.

M. Gobé: D'accord.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Merci, Mme la Présidente. Vous...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il vous reste très peu de temps, à peine deux minutes.

M. Gobé: Oui, c'est ça. Bien, je vais terminer peut-être sur quelque chose... Vous avez parlé des stages d'apprentissage, mais vous n'êtes pas sans savoir qu'il existe déjà, en vertu d'une loi sous la responsabilité de Mme la ministre, un programme de stages à l'emploi. Et, pour répondre à la question, peut-être, que nous avions tout à l'heure, c'est sur trois ans. La première année, c'est 40 % du salaire qui est payé, la deuxième année, c'est 60 % puis, la troisième année, c'est 80 %.

Le problème – et peut-être que, là, vous pouvez nous aider, vous qui représentez des patrons ainsi que des groupes patronaux – c'est qu'il s'était promis 1 000 emplois par année, 5 000 sur cinq ans, puis, à date, il y en a 60 qui se sont créés depuis l'annonce. Alors, est-ce que vous pourriez nous expliquer si, pour aider les jeunes, il n'y aurait pas des moyens peut-être de faire augmenter ce nombre de stages?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cléroux.

M. Cléroux (Pierre): En fait, c'était le sens de notre proposition, tantôt. On est bien conscients que les stages ne sont pas très présents dans les PME et on pense qu'il y a beaucoup de travail à faire de ce côté-là. Il y a de la concertation à faire, il y a de l'éducation à faire, il y a de l'information à donner, et je pense que tout le monde devrait se mettre ensemble pour favoriser davantage de stages dans les entreprises. Nous, on est prêts à le faire pour les PME parce que c'est ces gens-là qu'on représente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci...

M. Gobé: Je vous remercie, M. Cléroux. J'ai bien apprécié la discussion avec vous. J'espère qu'on aura l'occasion de la reprendre dans d'autres forums. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci bien. Alors, maintenant, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, Mme la Présidente. Alors, bienvenue aux gens de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. D'abord, je trouve intéressant que la Fédération ait fait une consultation aussi précise, aussi pointue auprès de ses membres et nous en livre les résultats. Et, pour avoir déjà vu, de façon générale, des sondages auprès des gens d'affaires, que 56 % a priori s'opposent à une réglementation, c'est loin d'être élevé. C'est-à-dire que cette approche-là pour les clauses orphelin obtient une sensibilité plus grande de vos membres que la moyenne des législations. Et ça, ça me touche, ça m'intéresse beaucoup.

Il y a quand même un point où je veux vous interpeller, parce que, quand vous parlez des entreprises, que c'est les plus mal en point qui ont recours à des clauses orphelin, c'est clair qu'il y a du vrai là-dedans. Bon. Puis, quand on compare le secteur, par exemple, de la distribution alimentaire ou de la mise en marché de l'alimentation versus les hautes technologies, on voit bien que dans les secteurs en expansion, comme la haute-technologie, le recours aux clauses orphelin n'est même pas envisagé.

Il n'en demeure pas moins que, si on prend cette explication-là, le cas des municipalités devient très difficile à expliquer. Que ville Saint-Laurent ait une clause orphelin, ce n'est pas clair que c'est l'équivalent d'une entreprise mal en point. Et la plupart des municipalités du Québec – je pense que c'est le député de Laurier-Dorion qui nous le disait ce matin – ne sont pas en environnement concurrentiel. Il n'y a pas de danger que la ville de Laval se fasse rayer du marché pour être remplacée par une autre. Son image était bonne, mais, c'est vrai, elles ne vivent pas dans un environnement concurrentiel et elles ont eu recours à des clauses orphelin, je vais vous dire, dans une proportion infiniment plus élevée que vos membres; en fait, ce n'est même pas comparable.

Comment vous expliquez ça ou vous justifiez ça? Comment vous réagissez? Voyez-vous une différence, en termes d'éthique, pour des municipalités qui, avec des fonds publics, procèdent comme ça?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cléroux.

M. Cléroux (Pierre): Bien, en fait, évidemment je ne représente pas les municipalités, donc c'est difficile pour moi d'expliquer pourquoi elles les ont utilisées autant. Ce que je peux dire, c'est qu'on ne serait pas opposé à une loi qui toucherait seulement le secteur public, parce que, si le gouvernement veut donner l'exemple en utilisant le secteur public au Québec, on ne serait pas opposé à ça, parce que, comme vous l'avez dit, le secteur public n'est pas en concurrence avec le reste du Canada ou le reste de l'Amérique du Nord. Donc, dans ce sens-là, on ne serait pas opposé à une loi qui interdirait l'utilisation des clauses orphelin dans le secteur public au Québec. Et ça sera au gouvernement et aux négociateurs du gouvernement de négocier de nouveaux arrangements à l'intérieur des budgets qui leur sont alloués.

Pour ce qui est des entreprises privées, nous, pour toutes les raisons qu'on a expliquées auparavant, on pense que ça nous met dans une situation vulnérable si on applique cette loi-là au secteur privé.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Vous nous soumettez quand même une piste fort intéressante en nous parlant de la taxe sur la masse salariale. Ce que je comprends, c'est que les clauses orphelin touchent suffisamment peu des entreprises que vous représentez. Si le gouvernement, parallèlement à une législation sur les clauses orphelin pour établir une équité pour les jeunes, baissait les taxes sur la masse salariale au niveau de l'Ontario, là on toucherait 100 % de vos membres puis, en termes de création d'emplois, l'impact net serait largement bénéfique à tout le monde au Québec. On retiendra peut-être ça comme une piste pour le gouvernement, parce que c'est... Je pense que vous le reconnaissez quand même, en termes d'environnement économique du Québec, le dossier des clauses orphelin, ça touche relativement peu d'entreprises, je ne pense pas que ça bouleverse le portrait de l'environnement économique de l'ensemble des entreprises.

Je termine avec un commentaire sur le rythme de vie des gens qui ont une maison, deux enfants, l'exemple que vous avez donné. Vous dites: Si ces gens-là ont une baisse de salaire, ça vient leur faire subir une perte de jouissance, perte de bien-être. J'en conviens, sauf que la perte de bien-être potentielle de ceux qui ne peuvent pas penser à avoir une maison, qui ne peuvent pas penser à avoir une hypothèque parce qu'ils partent à 25 % en bas du salaire des autres, c'est une perte de bien-être sur laquelle on ne peut pas non plus fermer les yeux.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le député de Rivière-du-Loup. Vous aviez terminé votre commentaire. Alors, ça met donc fin à l'échange que nous avions avec votre groupe. Je vais donc suspendre quelques instants pour permettre à l'autre groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 14 h 57)

(Reprise à 14 h 59)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): La commission reprend ses travaux. Nous accueillons maintenant la Chambre de commerce du Québec. Alors, encore une fois, bienvenue, M. Audet. Si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent. Je sais que vous avez l'habitude. Et vous avez 20 minutes, bien sûr, ici comme ailleurs, pour présenter votre mémoire.


Chambre de commerce du Québec (CCQ)

M. Audet (Michel): Merci, madame. Alors, cette fois-ci, je vais commencer par la présentation. Alors, je me présente, Michel Audet, je suis président de la Chambre de commerce du Québec. Et, avec moi aujourd'hui – je me suis apporté un avocat, parce que, vous savez, une loi de même, on dit qu'on va avoir des questions techniques – Me Pierre Beaudoin, qui est associé principal chez Lavery, de Billy, que vous connaissez certainement, et qui a eu à travailler beaucoup dans ces domaines-là, donc il pourra certainement me donner un coup de main; et, à ma droite, Maurice Turgeon, qui est conseiller économique pour la Chambre de commerce du Québec et qui a également préparé des travaux pour nous sur ce sujet.

(15 heures)

Alors, merci de nous avoir permis de vous rencontrer pour parler de cet amendement à la Loi des normes. En fait, on me faisait remarquer que ça serait un amendement à la norme 87.1, c'est-à-dire que ça va se situer après la norme sur les uniformes, les douches, les outils, les vestiaires et les lieux de repos. Donc, ça va se situer après ces normes-là dans la Loi sur les normes du travail.

La Chambre de commerce du Québec remercie donc la commission de l'occasion qu'elle lui offre de présenter son point de vue quant au projet de loi n° 67. À peine plus d'un an après avoir comparu devant pratiquement les mêmes membres de cette commission, la Chambre, par ce mémoire, veut insister sur certains éléments qui lui apparaissent plus importants au plan économique dans ce dossier des clauses dites orphelin. Nous avons forcément mis l'accent sur l'aspect économique. Nous avons évité d'embarquer dans un débat juridique d'interprétation auquel peut donner lieu, d'ailleurs, cette loi-là. On a voulu s'attacher plutôt au cadre général de la loi.

Rappelons que la Chambre de commerce du Québec est ce qu'on considère être le plus vaste regroupement de gens d'affaires, puisque c'est d'abord la fédération des 205 chambres de commerce locales et régionales, comptant donc 50 000 membres dans tous les secteurs et dans toutes les régions. De plus, la Chambre elle-même regroupe 3 500 entreprises et ces entreprises-là – on a fait le décompte récemment – emploient plus de 800 000 personnes. Donc, c'est quand même un regroupement qui a une signification économique importante. Et la coalition de la semaine dernière – d'ailleurs, on avait fait ensemble le compte, en enlevant bien sûr les doubles emplois parce qu'il y en a qui sont membres de plusieurs – on avait évalué que la coalition représentait plus de 80 % des travailleurs du Québec de façon très directe.

L'incidence, donc, des clauses orphelin. Le premier élément que la Chambre veut mettre en lumière, c'est le fait que, dans le secteur privé, les clauses orphelin ne sont pas un phénomène de relations de travail qui est unique au Québec. Je pense qu'on va répéter ce qui vous a été dit peut-être précédemment, forcément, puisqu'on a travaillé ensemble. On retrouve chez nos principaux partenaires commerciaux des systèmes de rémunération à double échelle. D'ailleurs, tantôt, M. Beaudoin vous donnera même l'exemple de ce qui existe, par exemple, dans le domaine de l'industrie du pneumatique à travers l'Amérique du Nord, donc les fabricants de pneus. Ajoutons également qu'au cours des dernières années le recours à ces dispositions s'est stabilisé à environ 6 % ou 7 %, et ce, tant au Québec que dans le reste du Canada et des États-Unis, comme en témoigne l'étude qu'on a rendue publique lundi.

L'analyse révèle également que le Québec se compare donc assez bien, je pense – c'est le moins qu'on puisse dire – aux États-Unis en ce qui a trait à la répartition sectorielle des systèmes de rémunération à double palier, au niveau du secteur privé. Par exemple, on trouvera partout en Amérique du Nord des clauses orphelin dans les secteurs de la transformation et de la distribution des boissons et aliments. Toutefois, à la différence des États-Unis, il est intéressant de noter – et je pense que c'est un point majeur que je voudrais apporter au débat encore aujourd'hui – que le secteur public apparaît de façon beaucoup plus forte dans la configuration non seulement de l'échantillon, mais dans celle des conventions collectives comportant un système de rémunération à échelles différenciées selon la date d'embauche.

Selon les chiffres disponibles, et ce, partout en Amérique du Nord, on constate que les clauses orphelin sont loin, donc, d'être un phénomène endémique, comme le laissent croire certains. Si certaines sont très répandues, comme on l'a mentionné, dans le secteur public, particulièrement les municipalités, et dans l'alimentation, il s'agit globalement d'une clause quand même d'exception et qui devrait rester comme telle. C'est évident que ce n'est pas un système de gestion souhaitable dans les entreprises. Tous les directeurs du personnel vont vous dire que c'est un système difficile à tenir à long terme. Donc, c'est une disposition d'exception et – on l'a dit l'année dernière et on le répète – qui devrait rester comme telle.

Ce contre quoi on en a cependant, c'est le fait qu'on empêche maintenant... on s'enlève un moyen efficace pour, justement, faire les ajustements qu'il faut lorsqu'il est question de survie d'une entreprise ou qu'il est question de sauver des emplois. Les entreprises nord-américaines utilisent des systèmes de rémunération à double échelle essentiellement pour s'adapter à deux circonstances influant sur les contextes d'affaires, deux circonstances principales. Bien sûr, d'abord, les récessions. On l'oublie actuellement parce que l'économie va très bien, mais on se souvient qu'au début des années quatre-vingt, même au début des années quatre-vingt-dix, ces dispositions étaient utilisées largement pour sauver des emplois. Donc, actuellement je pense qu'on discute de façon plus sereine parce qu'on n'est pas devant ces situations-là de façon généralisée, mais je voudrais bien me retrouver dans une période où on vivrait une situation de récession pour voir si on aurait le même discours autour de cette table.

Les entreprises, dans ces situations-là, sont confrontées à des réductions importantes de chiffres d'affaires, de leurs revenus, ça les oblige à compresser leurs dépenses, et donc le coût de main-d'oeuvre, puis ça comprend les salaires et les avantages sociaux. Durant la récession des années quatre-vingt, quatre-vingt-dix, il n'était pas rare d'observer des gels ou des réductions de salaires. C'est parti du panier de discussions qui est sur la table à ce moment-là.

Dans certaines industries à maturité, c'est-à-dire là où les parts de marché s'acquièrent au détriment de compétiteurs, les travailleurs ayant beaucoup plus d'ancienneté ont compris et senti que leur emploi pouvait être directement menacé. Les syndicats dans ces cas-là ont accepté, c'est très important, de négocier des clauses – parce que ça se fait à deux, ces clauses-là – permettant de préserver les acquis de leurs travailleurs tout en ménageant une grille de salaires concurrentielle qui reflète davantage la réalité économique de leur secteur d'activité.

La seconde circonstance où ça se produit – et je pense qu'on l'a très bien démontré également dans le rapport qu'on a rendu public, des professeurs d'université, lundi – c'est lorsque le secteur privé est dans une situation de concurrence locale ou internationale féroce. Un peu comme dans le cas, actuellement, de la déréglementation. Les entreprises, si elles veulent rester compétitives, doivent s'adapter à la concurrence provenant de nouvelles entreprises domestiques ou étrangères. Et là je n'entrerai pas dans le détail de ce qui se passe. Vous avez déjà vu que c'est particulièrement le cas actuellement au Québec dans le secteur de l'alimentation. À cet égard, le projet de loi sur les clauses orphelin, même dans sa dernière version, créera une distorsion majeure et inacceptable dans la position concurrentielle des entreprises québécoises.

En effet, les entreprises les plus touchées par cette nouvelle réglementation sont celles qui généralement paient déjà les salaires les plus élevés du secteur et qui ont recours à cette solution, avec l'accord de leur syndicat, pour réduire leur masse salariale globale et rester compétitives avec les entreprises qui paient des salaires plus bas et qui n'ont donc pas eu besoin d'introduire de clauses orphelin. Je rappelle qu'une entreprise qui paie le salaire minium ne peut pas avoir de clauses orphelin, elle donne les mêmes conditions à tout le monde.

Donc, ça se produit dans les secteurs où les entreprises paient des salaires beaucoup plus élevés et où il y a des conditions de travail qui ont été négociées et qui ont donné lieu à des... je dirais même des rentes de situation aux gens qui étaient là puis, à un moment donné, le marché les rattrape. Et c'est dans ce temps-là qu'on est obligé de renégocier et tout le monde doit passer à la caisse, ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas mais qui éventuellement voudraient avoir une job. Donc, ça, c'est important. Je trouve qu'on fait beaucoup de démagogie et on oublie cet aspect fondamental du dossier.

Par son projet de loi, le gouvernement modifiera sa structure de coût des entreprises les plus vulnérables parce que ces dernières versent déjà les salaires les plus élevés. Les employés en place accepteront-ils de réduire leur salaire pour financer la disparition rapide des clauses orphelin? Évidement, on en a tantôt discuté avant moi. On en a parlé un peu avec le président de la Fédération de l'entreprise indépendante. Nous, on a posé la question. On a fait un sondage. On a fait poser la question par CROP auprès de l'ensemble de la population. Et, parmi les travailleurs syndiqués, ce n'est pas étonnant – je vois tout de suite le député de Rivière-du-Loup qui va dire qu'il pensait que ça pourrait être plus élevé que ça – moins du tiers des syndiqués accepteraient de réduire leur salaire pour changer, pour améliorer le salaire des autres.

Donc, quand on dit, effectivement: Réduisez le salaire de tout le monde, bien, évidemment, il faut se rendre compte que le tiers seulement des employés... Et c'est le cas, et les syndicats, quand ils négocient, font face à cette situation-là vis-à-vis de leurs membres. Et il faut comprendre que ça va rester la seule solution disponible si on légifère pour interdire les clauses orphelin et, évidemment, les mises à pied. Les mises à pied, c'est l'autre impact. C'est l'impact sur l'emploi.

Ces informations, donc, le ministère du Travail a lui-même, d'ailleurs... Et je ne citerai pas les textes qu'on a déjà cités l'année dernière d'une étude du ministère du Travail qui, justement, faisait état du fait que, même dans les situations où il y a des clauses orphelin, ces gens-là sont mieux rémunérés que s'ils étaient dans des entreprises concurrentes au salaire minimum. C'est écrit noir sur blanc. Ces informations permettent d'affirmer sans ambages que la situation des clauses orphelin dans le secteur privé n'est pas plus catastrophique ici qu'ailleurs. Il n'y a pas d'urgence nationale. En fait, par ce projet de loi, le gouvernement applique au secteur privé une nouvelle législation pour régler un problème qu'il a en grande partie lui-même réglé, notamment dans le secteur public.

C'est suite à une étude du groupe Le Pont entre les générations, rendue publique en février 1998 et faisant état du recours important des clauses orphelin dans le secteur municipal, que cet enjeu est venu et nous a occupés aussi fortement sur la place publique. Les municipalités ont négocié ce type de clauses, il faut s'en rappeler, essentiellement pour deux raisons: d'une part, depuis 1992, les municipalités ont dû assumer une facture totale de plus de 1 000 000 000 $ qui leur a été transmise par le gouvernement du Québec, d'autre part, ce dernier impose aux municipalités et aux autres employeurs du Québec de multiples contraintes, irritants qui réduisent leur flexibilité au niveau de la gestion des relations de travail. Et quand ce n'est pas les conventions collectives elles-mêmes. Parce que je vous signale que les planchers d'emploi amènent des contraintes énormes pour les municipalités dans la gestion de leurs ressources humaines.

Ce qu'il faut bien distinguer entre le secteur privé et le secteur public, c'est que, dans le premier cas, les mécanismes des marchés sont inéluctables et implacables. Les entreprises qui ne s'adaptent pas à la concurrence disparaissent à plus ou moins long terme. Faire des profits constitue... Et on le voyait dans des débats qu'il y a eu récemment. Ça avait l'air scandaleux, de faire des profits, mais c'est une condition sine qua non pour rester en affaires. Si vous ne faites pas de profits, vous disparaissez dans le système. Ce n'est pas compliqué. Les entreprises des institutions publiques ne sont pas confrontées avec cet impératif. L'adoption des systèmes de rémunération à double échelle, dans le secteur public, ne répond donc pas à cette même nécessité.

(15 h 10)

Pour la Chambre de commerce du Québec, il apparaît donc hautement imprudent de légiférer pour interdire les clauses orphelin dans le secteur privé sans avoir approfondi davantage les impacts sur l'économie, l'emploi et les entreprises. Pour ces dernières, une telle analyse devrait notamment évaluer le coût que leur occasionnera le projet de loi n° 67.

On a eu, d'ailleurs – j'en remercie le ministère du Travail et la ministre – hier, une réponse. Je n'ai pas eu le temps de lire en détail l'étude, mais on faisait état, hier, effectivement, d'une évaluation d'un impact de 4 000 emplois environ. À l'oeil – j'ai jeté un coup d'oeil là-dessus – je pense que ce n'est certainement pas exagéré, puisqu'on n'a pas pu escompter certainement ou évaluer ce qu'on appelle, en économique, les coûts d'opportunité, c'est-à-dire les déplacements d'emplois que vont provoquer les choix d'entreprises, une fois cette législation-là passée. Ils vont définir définitivement – je réponds à l'avance à une question qui a été posée tantôt... Quand ils vont décider d'investir, ils vont changer leur plan d'investissement pour tenir compte de ces dispositions-là.

L'enjeu pour les entreprises, donc, c'est la flexibilité. Les entreprises, confrontées à un contexte économique défavorable ou à une concurrence plus forte résultant d'un vent de déréglementation et de l'arrivée de nouveaux concurrents sur leur marché, cherchent d'abord et avant tout plus de flexibilité dans la gestion de leurs ressources humaines. Voilà pourquoi la Chambre de commerce tient à répéter une fois de plus qu'il est nécessaire d'ajuster le marché du travail à toute nouvelle réalité industrielle et commerciale.

L'environnement législatif et réglementaire constitue, entre autres, un volet important du climat économique qu'un État peut offrir à l'entreprise. Et le succès des entreprises qui se concurrencent sur le même marché est tributaire à la fois de la compétitivité propre de chaque entreprise et de la qualité relative des gestions économiques de leur gouvernement respectif.

C'est d'ailleurs pour cette raison que la Chambre de commerce a axé une grande partie de ses efforts depuis des années sur, justement, la déréglementation. Et d'ailleurs ce qui nous a amenés la semaine dernière à témoigner ici sur le dossier précisément de l'abolition des décrets de convention collective dans le secteur du vêtement. Mais – nous regrettons de le dire – le gouvernement du Québec, malgré son discours visant à déréglementer et les rapports qui ont été faits à partir de Lemaire et autres, quand on voit dans les faits ce qui se passe, c'est qu'on ne va pas du tout dans cette voie.

Depuis cinq ans, on a adopté trois lois importantes qui ont pour effet de restreindre la flexibilité des entreprises dans leur gestion des ressources humaines. On peut mentionner bien sûr les aspects positifs. Dans le fond, le développement de la formation de la main-d'oeuvre, ça peut avoir l'air bon, mais on peut voir la paperasse que ça entraîne dans les entreprises: c'est énorme. Donc, la Loi sur l'équité salariale, qui n'est pas encore entrée en vigueur formellement et dont on va voir les impacts à compter de l'an prochain et qui également crée une paperasserie énorme dans les entreprises. Sans compter la Loi sur le tabac, comme on a vu, dont on découvre l'impact qu'elle va avoir sur le fonctionnement des entreprises, puisque ça va affecter, même dans les usines, la façon dont travaillent les équipes. Ce projet de loi n° 67 va s'ajouter à ça. Et, en plus de ça, évidemment, sans oublier qu'il y a déjà un cadre réglementaire et législatif très important au Québec touchant le domaine du travail, et on n'insistera pas là-dessus.

L'enjeu véritable de toute cette démarche, c'est effectivement... Puis l'enjeu pour les jeunes, c'est les emplois. Le débat entourant les clauses orphelin s'inscrit à l'intérieur d'un contexte où le chômage des jeunes demeure élevé et important. Et on peut comprendre que les jeunes, d'ailleurs, prennent, utilisent ça comme une sorte de symbole. Moi, dans tous les débats que j'ai eus avec eux, le principal problème qu'ils ont en tête, c'est l'emploi.

Si vous leur dites effectivement: Es-tu prêt... Faites un sondage, posez-leur la question: Dans une entreprise, ils paient 20 $ de l'heure, serais-tu prêt à être payé, pendant une période de temps donné, 15 $ pour un certain temps puis, après ça, rattraper l'échelle un jour ou l'autre? Vous allez avoir des surprises. Ce qu'ils veulent, c'est une job. Et ça, je pense qu'on l'oublie. On pense beaucoup à ceux qui sont en emploi actuellement et qui veulent protéger leurs acquis, précisément, mais on ne pense pas à ceux qui veulent des jobs et qui, justement, sont prêts, eux autres, pour s'insérer dans le marché du travail, à accepter effectivement, de façon temporaire souvent, des périodes de transition. Ça existe dans toutes les sociétés.

On oublie encore une fois – je ne la citerai pas en exemple – que la France a même un SMIC jeunes. Donc, pour permettre aux jeunes de s'insérer dans le marché du travail, il y a un taux de salaire minimum différent pour les jeunes et pour les plus vieux. Alors donc, c'est une disposition qui existe dans plusieurs pays d'Europe. Et je ne prétends pas qu'elle doit être appliquée au Québec, mais je dis qu'on fait de ça un débat, un débat qui, à mon avis... Sans oublier l'essentiel, ce qu'on cherche, c'est des moyens pour insérer les jeunes dans le marché du travail. Ça devrait être le véritable débat qui anime cette commission et non pas le débat sur les clauses orphelin.

D'ailleurs – je me permets de le dire – c'est que, à la veille du Sommet de la jeunesse, si on faisait ce débat-là là-dessus, peut-être même qu'on n'aurait pas eu besoin d'un sommet de la jeunesse. On aurait pu faire ça en même temps. Je vous signale en même temps que légiférer pour empêcher le recours aux clauses orphelin établirait pour les jeunes une nouvelle... entrée – et on va en discuter tantôt – dans leur intégration du marché du travail.

Donc, pour la Chambre de commerce du Québec, la loi n° 67 ne réglera aucunement le problème de discrimination allégué et vécu par les jeunes entrant sur le marché du travail. Certaines conclusions dans le document de 1998 sont toujours d'actualité. Je ne les citerai pas parce qu'elles sont très nombreuses. Notre étude, également, qu'on a publiée cette semaine, était très claire, et, même en passant la loi... Je citerai des commentateurs et notamment Jean-Robert Sansfaçon dans Le Devoir qui avait déjà noté que «pour se soustraire à l'application de cette mesure, les parties pourraient d'ailleurs redéfinir les tâches, épurer la responsabilité», etc. Donc, il y a des dispositions et là, après ça, jusqu'où on va aller dans le contrôle des règles qui vont s'appliquer? Il va y avoir le même problème au sujet de la sous-traitance et de l'embauche de pigistes.

Donc, on va se retrouver dans une démarche où, là, il va falloir vérifier, par la suite, et introduire une nouvelle bureaucratie, de nouveaux règlements pour savoir si effectivement on ne fait pas indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement. Je pense que ça, c'est l'étape suivante qui habituellement découle d'une loi semblable. Donc, de fait, une intervention législative interdisant à l'entreprise de se rajuster et à ses coûts de production de demeurer concurrentiels pourrait avoir un impact à la baisse sur l'embauche, voire même une augmentation des mises à pied, comme d'ailleurs l'étude du ministère du Travail en faisait état hier.

Donc, en conclusion, la Chambre de commerce du Québec recommande au gouvernement de ne pas adopter le projet de loi n° 67 mais de procéder – et on a commencé à la faire mais de façon insuffisante – à l'analyse complète et exhaustive de ce projet de loi sur le secteur privé, et ça, on est prêt à collaborer dessus.

Entre-temps, cependant, si le gouvernement et les partis politiques, pour respecter leurs engagements électoraux, veulent passer une loi rapidement pour empêcher le système à double rémunération, la Chambre souhaite que ce projet ne s'applique qu'au secteur public. En vertu de l'article 2 de ce projet de loi, l'État québécois, à la lumière de l'expérience acquise dans le secteur public et des données qui seront alors disponibles peut-être dans cinq ans, pourrait alors reconsidérer sa position quant au secteur privé. C'est selon nous une approche qui pourrait être raisonnable et qui permettrait d'éviter, comme a mentionné quelqu'un, de légiférer dans du neuf sans savoir ce qu'on fait. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lelièvre): Merci beaucoup, M. Audet. Mme la ministre, je vous cède maintenant la parole.

Mme Lemieux: M. Audet. Bonjour.

M. Audet (Michel): Bonjour.

Mme Lemieux: Et bienvenue, bienvenue à vos collègues aussi. J'ai fait une intervention ce matin à Force Jeunesse sur le «quoi» et le «comment» dans ce débat. Je pense que c'est un débat extrêmement difficile parce qu'il est à la frontière d'autres questions complexes et des questions qui sont des défis actuellement: l'intégration des jeunes sur le marché du travail, la compétitivité, le décrochage. C'est vraiment des dossiers qui sont lourdement présents dans la réalité québécoise actuellement.

J'ai donc fait une intervention à Force Jeunesse sur le «quoi» et le «comment» et je vais vous faire un peu une intervention dans le même sens. Vous dites dans votre mémoire – et je comprends que vous voulez remettre le débat dans une bonne perspective – que le phénomène est loin d'être endémique. D'abord, il n'y a personne qui peut être sûr de ça, personne. On a des chiffres. C'est sûr qu'on n'est pas encore dans des situations catastrophiques, on est en bas du 10 %, mais il y a des vagues puis c'est inquiétant. Et qu'est-ce qui nous dit que ce n'est pas en train de s'incruster dans nos pratiques de rémunération? Il n'y a personne qui l'a, la réponse, là-dessus.

Vous dites: Il n'y a pas d'urgence nationale. Moi, je ne sais pas si vous vivez dans le même coin de pays que moi, là. Il n'y a peut-être pas d'urgence au sens où le feu n'est pas pris, mais il y a des préoccupations extrêmement fortes, extrêmement troublantes qui sont posées en termes d'équité, d'éthique. Je ne pense pas qu'on puisse banaliser le phénomène même si je peux comprendre l'effort d'essayer de remettre les choses en perspective. Mais attention de ne pas banaliser non plus ce que, entre autres, des jeunes nous disent. Soyons prudents.

(15 h 20)

Vous dites aussi, quelque part dans le mémoire, justement quand vous dites qu'il n'y a pas d'urgence nationale: En fait, par ce projet de loi, le gouvernement applique au secteur privé une nouvelle législation pour régler un problème qu'il a lui-même créé dans le secteur public. Vous me permettrez de qualifier cette phrase d'un peu raccourcie. Je pense qu'il y a une problématique, que nous avons documentée d'ailleurs, dans le secteur municipal, mais il ne faudrait pas étendre les problèmes dans la fonction publique québécoise et dans différents réseaux. Aujourd'hui, ce n'est pas là qu'il y a le plus de problèmes.

Et, quand vous dites: C'est loin d'un phénomène endémique, quand on lit sur le développement des clauses salariales à double palier qui sont apparues aux États-Unis au début des années quatre-vingt, ça a commencé dans certains secteurs puis, après ça, ça s'est étendu à une autre. Écoutez, on ne rêve pas personne. Il y a lieu de se poser la question: Est-ce que c'est en train de prendre de l'espace, ça, dans nos pratiques de rémunération, nos pratiques salariales? En ce sens-là, et vous positionnez, je pense, avec une certaine justesse... C'est ça, l'enjeu.

Non, je vais juste revenir en arrière parce que ça me permet aussi de dire... Parce que vous associez le secteur municipal au secteur public, je présume que «secteur public», vous faisiez appel à la fonction publique québécoise. En tout cas, il faudrait distinguer les choses. Et je profite de ce sujet-là pour rappeler que notamment dans le dépôt des offres patronales – on est en négociations actuellement – il n'y a en a pas, de clauses orphelin, il n'y en a pas. Alors, ça se joue aussi ailleurs, et il nous faut être vigilants par rapport à ça.

Ça m'amène donc à la question. Vous positionnez cette question-là en termes de flexibilité. Je pense qu'il n'y a personne qui hurle lorsqu'on prononce ce mot, il n'y a personne qui est offusqué d'entendre que les entreprises québécoises, il faut qu'elles puissent faire face à la musique, il faut qu'elles soient concurrentielles. La concurrence, c'est pas mal plus compliqué à gérer de nos jours qu'à une certaine époque, puis, bon, on ne fera pas un cours d'économie, là, mais on sait dans quel type d'économie nous sommes actuellement. Mais, lorsqu'on introduit dans le projet de loi – je ne veux pas faire strictement une discussion juridique – la possibilité... lorsqu'on dit qu'il y a un taux de salaires qui résulte de la modification de l'amplitude de l'échelle salariale, que ça ne serait pas considéré comme une clause orphelin, est-ce que ce n'est pas là un élément de flexibilité qui permet aux entreprises de bien composer avec ces nouvelles situations?

On m'a reproché puis on reproche au gouvernement d'avoir amené dans ce projet de loi là des éléments de flexibilité. C'est ça, la préoccupation. C'est qu'on garde une certaine flexibilité. Or, si on s'entend qu'il y a un problème, qu'il nous faut agir, que jusqu'à maintenant les interventions, les initiatives, je dirais un peu spontanées, n'ont pas abouti à grand-chose... On a beaucoup parlé de pacte social, mais ça n'aboutit pas, puis ça pousse pour une intervention législative. On met quelque chose sur la table et déjà on annonce qu'il y a une certaine flexibilité; moi, je me le fais reprocher d'un bord. Est-ce que vous pouvez au moins reconnaître qu'il y en a, des éléments de flexibilité qu'on a essayé de mettre dans cette législation-là?

M. Audet (Michel): Vous avez terminé Mme la ministre?

Le Président (M. Lelièvre): Merci, Mme la ministre. M. Audet.

M. Audet (Michel): Trois commentaires sur vos trois points. Effectivement, quand vous parlez de pratiques de rémunération qui ne sont pas souhaitables, qui sont peut-être dangereuses à long terme, vous avez parfaitement raison. D'ailleurs, c'est l'observation qu'on a quand on parle aux entreprises, aux grandes entreprises. Il n'y a personne qui veut ériger ça en système, disons, dans la rémunération. C'est difficile à tenir à très long terme de façon généralisée. Ça crée des problèmes de gestion de ressources humaines dans les entreprises. Et c'est pour ça d'ailleurs que les entreprises qui l'utilisent – vous le voyez par l'analyse – c'est de façon exceptionnelle que c'est utilisé.

C'est ça qui est en cause. C'est que, quand vous l'avez... Et ce qu'on veut, on ne prétend pas... On ne veut pas faire les propagandistes de ces clauses-là, on l'a dit l'année dernière, puis on dit aux entreprises: Essayez de les éviter, ce n'est pas bon d'avoir deux personnes qui font le même travail assises une à côté de l'autre puis qu'il y en a une qui a une situation, l'autre qui en a une autre. Sauf que, dans des cas où il a fallu le faire, puis il faudra le faire, on dit qu'on s'enlève une façon de régler entre syndicats, n'oublions pas, et employeurs, parce que c'est là que ça se négocie, ce genre de choses là. Alors, on s'enlève une marge. Et j'aimerais tantôt peut-être que Me Beaudoin précise certains aspects de ce genre de négociations, puisqu'il en a fait beaucoup dans le passé.

On ne demande pas de généraliser ça, on dit: Là où ça existe actuellement, c'est parce qu'il faut que ça se fasse. Et je veux juste mettre en garde contre le fait qu'une fois que vous allez avoir enlevé ça, que vous allez avoir une crise... Et on voit ce que c'est. J'ai déjà été sous-ministre, et, quand arrive une crise dans une entreprise, on se retourne de bord puis on dit: Là, ça prend une solution, hein. Et là habituellement la ministre se contente de dire: Que les patrons et les employés règlent leurs problèmes. C'est ça, finalement. Le Code du travail prévoit ça. Là, vous allez dire: Il y a un problème, c'est que ça, là, la solution qu'on avait avant pour essayer de régler ça, on ne l'a plus.

Alors, vous allez peut-être être devant, vous-même, une situation, comme ministre du Travail, où vous allez regretter d'avoir un outil qui, peut-être, permet souvent de dédouaner ou de sortir d'une impasse. Je ne dis pas que c'est la solution, encore une fois, de gestion, mais je parle toujours de situations où l'on utilise ces clauses-là de façon exceptionnelle. Et d'ailleurs c'est 5 % de l'ensemble des conventions collectives. Donc, ce n'est pas généralisé.

Deuxième point, évidemment, pour ce qui a trait au débat public. On ne banalise pas du tout ce débat-là, mais ce qu'on dit, c'est que la responsabilité des hommes politiques aussi, c'est de recibler au bon endroit. Je regrette de le dire... Excusez, des hommes et des femmes politiques, excusez-moi, madame, pour moi c'était «hommes» au sens de la Bible, vous savez, au sens biblique. Alors, on doit quand même faire comprendre aux jeunes – ça fait partie de la responsabilité – que le travail également de l'Assemblée nationale, c'est de trouver des façons de leur créer des conditions plus favorables pour se trouver un emploi, parce que c'est ça qui est le véritable objectif des 15 % de jeunes qui n'ont pas d'emploi actuellement et qui sont en chômage.

Le troisième point, vous mentionniez la flexibilité de la loi actuelle telle que déposée. Effectivement, on reconnaît que les rédacteurs ont fait preuve d'imagination pour tenter de permettre... Mais, justement, souvent c'est une des grandes difficultés dans ce genre de situation. C'est que vous faites face actuellement à des interprétations contradictoires selon que vous vous adressez aux uns et aux autres – et vous allez entendre ça d'ailleurs – et, d'autre part, le risque, c'est qu'évidemment souvent on s'embarque dans des débats juridiques qui vont peut-être être difficiles à clarifier. Mais, ceci dit, là-dessus, je ne nie pas que le projet de loi, par rapport à la version préliminaire, ait une certaine flexibilité, que les rédacteurs ont voulu faire preuve d'imagination. Je demanderais peut-être à Pierre Beaudoin, Me Beaudoin, d'ajouter un commentaire là-dessus.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. Beaudoin.

M. Beaudoin (Pierre): Écoutez. L'exemple qu'on voulait donner est un exemple tiré de la très grande entreprise, n'est-ce pas, l'entreprise de fabrication de pneumatiques en Amérique du Nord. Il y a cinq fabricants de pneumatiques en Amérique du Nord, qui sont: Goodyear, Bridgestone, Uniroyal, Continental, Yokohama et Michelin. En fait, il y en a six.

L'étude que nous avons faite – qui n'est peut-être pas exhaustive à 100 % mais qui est assez bien documentée – démontre que, partout en Amérique du Nord, dans chacune des usines de fabrication de pneumatiques aux États-Unis, au Canada, syndiquées – parce que, évidemment, il y en a qui ne sont pas syndiquées – le taux à l'embauche est de 70 % du taux régulier. Et ça prend entre deux et trois ans pour atteindre le taux régulier. Là, évidemment, il y a une question de définition dans la loi, à savoir qu'il y a deux sortes d'échelles orphelin, si on peut appeler ça comme ça: celles qui, éventuellement, rejoignent le taux régulier et celles qui ne le rejoignent pas.

Je sais qu'il y a plusieurs personnes qui demandent que les deux catégories d'échelles soient prohibées. Mais, si on veut parler vraiment d'un cas très concret, vous savez qu'il y a deux usines de fabrication de pneumatiques au Québec qui emploient quelques milliers de personnes, eh bien, elles sont exactement dans la ligne de conduite de toutes les usines en Amérique du Nord, sans exception, à notre connaissance. S'il y a une exception, ce n'est pas parce qu'on ne veut pas vous la donner, c'est parce qu'on ne la connaît pas. Mais, dans les cinq ou six fabricants que j'ai mentionnés tantôt, qui ont des usines aux États-Unis, un peu partout, Huntsville, Buffalo, Salem, en tout cas, Mayfield, etc., c'est la règle générale. Les nouveaux employés, sans égard à leur âge, les nouveaux employés sont embauchés à un taux à l'embauche de 70 % du taux régulier. Et la règle générale, c'est que, après deux ans ou trois ans, les taux à l'embauche rejoignent les taux réguliers.

(15 h 30)

Alors, il n'y a vraiment rien de magique là-dedans. Si demain matin les usines québécoises ne peuvent plus avoir les taux à l'embauche qui seraient différents des taux réguliers, elles vont être placées dans une situation concurrentielle défavorable. Toute autre chose étant égale. C'est sûr qu'on peut parler des taxes sur les salaires, on peut parler de tout, mais, par rapport à ceci, à ce cas bien précis, il est très clair que les décideurs, qui ne sont pas québécois, là, malheureusement, vont tenir compte de ce facteur lorsqu'ils vont décider d'investir ou de ne pas investir dans leurs usines québécoises. Voilà, monsieur...

Le Président (M. Lelièvre): Mme la ministre.

Mme Lemieux: Je veux faire une précision. L'article 87.2 dit la chose suivante: «Une condition de travail fondée sur l'ancienneté ou la durée de service n'est pas dérogatoire...»

«Il en est de même [...] lorsqu'un taux de salaire résulte de la modification de l'amplitude de l'échelle salariale...» Alors, il n'y en a pas de problème.

M. Beaudoin (Pierre): D'accord. Mais c'est parce qu'on fait face aussi à des demandes... On veut parler à tout le monde en même temps, là.

Mme Lemieux: Oui, oui, c'est beau. Je laisse mes collègues...

M. Beaudoin (Pierre): Pour que ce soit bien clair que, si jamais il y a deux catégories, comme j'ai dit au début, d'échelle orphelin possibles, si on veut appeler ça comme ça, eh bien, on comprend, d'après les textes qui sont devant nous, «l'amplitude de l'échelle salariale applicable», que le mot «amplitude» permettrait probablement les échelles comme celles qui sont appliquées dans l'industrie du pneumatique.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, merci, M. Beaudoin. M. le député de Drummond.

M. Jutras: M. Audet, tenant compte du fait que, vous-même, vous reconnaissez que des clauses orphelin, ce n'est pas souhaitable dans une entreprise... Et on le comprend aisément, parce que ça crée deux catégories de travailleurs, ça crée de l'envie, ça crée de la jalousie. Vous allez avoir un employé qui va dire: Bien, pourquoi, moi, je suis payé 30 % ou 40 % à un taux inférieur de celui qui est à côté de moi? Tout simplement parce qu'il a commencé six mois avant, mais il fait la même job, il gagne des fois 30 % à 40 % de plus. Ça, vous reconnaissez ça.

Vous invoquez dans votre mémoire l'argument de dire que seulement 33 % des travailleurs syndiqués accepteraient de réduire leurs avantages pour favoriser les nouveaux travailleurs. Ça veut dire, donc, qu'il y en a les deux tiers qui disent: Ne touchez pas à mes affaires; c'est à moi. C'est le syndrome, autrement dit: Pas dans ma cour!

Est-ce que vous ne pensez pas qu'au contraire ce... Tenant compte de ça, moi, je prends, au contraire... J'en fais un argument qui est favorable à l'adoption d'une loi pour contrer les clauses orphelin, parce qu'on s'aperçoit que les travailleurs disent: Non, moi, je ne veux pas payer pour ça. Puis souvent les patrons font face effectivement à cette situation-là.

Alors, est-ce que ce n'est pas plutôt vous donner un coup de main, dans le sens de dire: La solution de facilité – parce que je pense que, plus souvent qu'autrement, c'est une solution de facilité que de recourir à des clauses orphelin – maintenant elle ne fera plus partie de votre éventail de choix, il faudra donc qu'on s'assoit pour trouver d'autres solutions que celle de dire: On pénalise ceux qui ne sont pas là? Parce que c'est ça qu'on fait, finalement.

Et ça, c'est facile pour l'employeur parce que ces employés-là, il ne les a pas devant lui. Puis c'est facile pour le syndicat aussi parce que c'est des membres qui ne sont pas encore des membres. Ce sont des travailleurs virtuels ou des membres virtuels. Alors, est-ce que, au contraire, on ne vous facilite pas la chose, puis est-ce que vous ne devriez pas prendre ça en considération?

Le Président (M. Lelièvre): M. Audet.

M. Audet (Michel): Oui, écoutez, vous savez comment se prennent ces décisions-là, particulièrement du côté syndical. Ce qui va se passer, c'est que la majorité s'opposant – puis on le voit fréquemment dans les conflits – à une réduction des salaires, l'employeur n'aura pas le choix que de réduire les effectifs. C'est ça qui va se passer. L'ajustement va se faire, je pense, de façon... Vous pourriez avoir raison, si vous pensez, avec une loi de même, convertir les 66 % puis leur dire: À partir de demain, tu vas changer d'opinion. Je suis sûr qu'ils ne changeront pas d'opinion. Et, face à leur syndicat, ils vont dire: Non, moi...

Puis c'est souvent le cas dans des conflits, vous en avez vu, j'en ai vu souvent. Ils ont dit: Non, moi, je suis d'accord pour geler mes salaires, mais pas les baisser. Donc, ils se retournent de bord, puis là l'employeur n'a d'autre choix, d'autre solution que d'effectivement procéder à des mises à pied, puis souvent massives, ou des fermetures.

Et c'est souvent comme ça que les gens disent, d'ailleurs: Avec ces décisions-là, les droits acquis – puis c'est souvent malheureusement le cas dans des situations semblables – c'est très difficile à toucher, vous savez comme moi, et particulièrement au niveau des salaires. Donc, on s'en tient à dire: À la limite, c'est le gel – ça s'est fait puis ça se fait à l'occasion – mais baisser les salaires, ça, habituellement, c'est une autre discussion. Et, très souvent, la seule solution, la seule porte de sortie qui va rester... Puis c'est ce qu'on pense, parce que ces gens-là, les deux tiers, c'est eux autres qui votent, ils vont dire: Écoute, moi, il n'est pas question. Donc, conclusion, ils vont préférer qu'il y ait des mises à pied plutôt que de réduire leurs salaires.

En tout cas, nous, c'est notre perception. Donc, ça pourrait se faire peut-être dans certains cas où ça pourrait arriver, mais la majorité du temps, ça va se faire par des pertes d'emplois. L'évaluation a été faite déjà un petit peu par l'étude du ministère du Travail. Mais je suis convaincu que ce n'est pas exagéré. Les chiffres sont sortis. Je suis convaincu même que c'est beaucoup plus important que ça parce que, quand vous n'avez pas d'autre solution, que c'est la seule façon de baisser la masse salariale, bien vous coupez le monde, c'est aussi simple que ça.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. Audet, je vous remercie beaucoup. Le temps alloué à la partie ministérielle est maintenant épuisé, malheureusement. Alors, je céderais maintenant la parole au député de l'opposition porte-parole en matière de travail.

M. Gobé: Merci, M. le Président. M. Audet, messieurs, il me fait plaisir de vous accueillir ici aujourd'hui. M. Audet, c'est la deuxième fois en autant de semaines.

Une voix: La troisième fois. Il y a eu les ingénieurs.

M. Gobé: Mais je n'étais pas là, aux ingénieurs, je n'étais pas là.

Alors, M. Audet, en prenant connaissance de votre mémoire – c'est évident que, vu que d'autres groupes patronaux ont été sur l'ordre du jour avant vous, on a pris à peu près connaissance des arguments, et, vous-même, vous avez dit «je ne répéterai pas un peu tout ce qui s'est déjà dit ici de ce côté-là» – force est de constater que, pour sensiblement les mêmes raisons, l'ensemble du groupe patronal est opposé à une législation en ce qui concerne les conditions de travail équitables ou équivalentes pour les jeunes.

M. Audet, il y a quand même, du côté patronal, un son de cloche différent. Et, dans mon propos, je n'ai point l'intention de vous envoyer une balle pour la renvoyer et essayer de vous mettre dans le coin, là, pour marquer le point. Point là du tout mon intention, ça, je vous le dis au départ. Vous n'êtes pas sans savoir que la Jeune Chambre de commerce de Montréal – je pense qu'elle est membre chez vous – eux, ont une perception, une vision différente de l'organisation du travail dans le futur de celle des chambres de commerce plus traditionnelles, donc de chefs d'entreprise moins jeunes, on va dire, quand on parle de la Jeune Chambre de commerce. Et vais lire une partie de leur mémoire: «La Jeune Chambre de commerce de Montréal est en faveur de l'adoption d'une loi visant à interdire l'utilisation de clauses orphelin au sein des conventions collectives et/ou des contrats de travail.»

Moi, ce que j'aimerais savoir de vous, c'est: Comment expliquez-vous que, pour eux, ces jeunes hommes là – c'est des jeunes, hein, en général, la Jeune Chambre de commerce, des jeunes entrepreneurs, je présume, des jeunes dirigeants de PME, dans leur membership – qui sont rompus aux dernières techniques de marketing, d'administration et de gestion, je présume... Probablement, ils doivent avoir dans la trentaine, 35 ans; ils ont fait des MBA; ils ont voyagé; ils sont bilingues. Enfin, c'est un peu la crème de notre nouvelle génération d'affaires, celle qui va prendre votre place, là, hein, à un moment donné, comme d'autres vont essayer de prendre la nôtre, à nous, les politiciens. C'est l'émulsion normale d'une société.

Comment se fait-il que, eux, ils perçoivent déjà l'avenir des relations de travail au Québec, et de l'économie, vivable avec ce genre de législation qui interdirait ces situations que tout le monde, et vous-même d'ailleurs, je suis certain, trouve inéquitables, pour le moins, hein, en termes de justice pure et simple?

On peut l'accepter pour des raisons techniques, pour des raisons peut-être financières, pour des raisons de difficultés de négociation, mais, sur un point de vue de simple justice équitable, je crois que, quand on fait son examen de conscience chacun dans notre coin, force est de constater que faire travailler un jeune au même travail, aux mêmes conditions, aux mêmes heures, aux mêmes productivités qu'un autre à un salaire inférieur, ce n'est pas équitable. Bon.

Alors, comment m'expliquez-vous qu'eux perçoivent ça différemment de vous? Est-ce à dire que dans l'avenir, lorsque ces gens-là seront rendus dans les majorités, dans les sphères décisionnelles, on n'aura plus ces discussions et que tout ça sera réglé?

Le Président (M. Lelièvre): M. Audet.

M. Audet (Michel): Oui. Je vais vous répondre en trois points. D'abord, premièrement, effectivement, la Chambre de commerce du Québec a une relève, comme d'ailleurs les jeunes libéraux et les jeunes péquistes évidemment, et ils sont également embarqués dans le débat, d'ailleurs, souvent sur les mêmes tribunes, et certainement ont été influencés par ces débats-là. Je dois dire cependant qu'ils n'avaient pas reçu, ils n'avaient pas lu l'étude qu'on a rendue publique cette semaine. Donc, ça, c'est le premier point.

Ceci dit, la Jeune Chambre est une des 205 chambres affiliées à la Chambre de commerce du Québec, mais son membership n'est pas un membership corporatif, ce sont les individus. Contrairement aux chambres locales où ce sont les entreprises... La Chambre de commerce du Québec, ce sont des entreprises qui sont membres. Là, ce sont des individus, et effectivement ils se sont exprimés comme individus. Des individus qui ont la chance, effectivement, d'avoir un job puis d'être dans une entreprise, puis de porter un jugement un peu, peut-être, en termes péjoratifs, comme les intellectuels le font.

(15 h 40)

Mais je pense qu'il faut regarder également cet aspect-là en termes pratiques, sur le terrain, et c'est ce qu'on essaie de faire là-dedans, la part des choses. Ce débat-là, on l'a eu au conseil d'administration de la Chambre, ils y étaient, et la décision a été prise, et elle est conforme à ce que je vous ai décrit aujourd'hui. Donc, la position officielle de la Chambre de commerce du Québec, c'est celle-là.

Ceci dit, nous, on n'a pas de ligne de parti, donc c'est un droit de parole qu'ils ont. Et on trouve ça excellent, d'ailleurs, qu'ils viennent l'exprimer et vous faire part de leurs préoccupations, et de voir également comment est-ce que ces gens-là voient ça dans leur perspective. Mais, ceci dit, vous avez raison, la Jeune Chambre, l'année dernière, comme cette année, a pris ses distances à l'égard de ce positionnement-là, encore une fois parce qu'il reflétait la préoccupation des individus et non pas des entreprises.

Nous, je dois admettre, et c'est très clair, qu'on reflète la préoccupation d'entreprises qui sont membres chez nous et de chambres qui ont des entreprises qui sont membres chez elles. Donc, c'est cette préoccupation-là qu'on reflète aujourd'hui, sans rien enlever à l'intérêt et à l'importance de la prise de position de la Jeune Chambre.

Je pense qu'il faut voir que les neuf associations patronales qui ont rendu public le mémoire lundi, comme j'ai mentionné tantôt, représentent plus de 80 %, à peu près, des entreprises et des employés au Québec. Donc, je pense que ça donne un éclairage assez large de ce que pense le monde patronal au Québec.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui, merci, M. le Président. M. Audet, vous regardez-vous? Vous avez dit vous-même: Les jeunes libéraux, les jeunes de l'Action démocratique, les jeunes du Parti québécois, les jeunes étudiants, le groupe de Force Jeunesse, enfin, appelons tous les groupes avec leurs noms qu'ils ont, qui sont représentatifs de ce qu'ils représentent – et en général ils représentent tous ensemble à peu près 99,9 % de la jeunesse québécoise – sont tous dans le même consensus. Je ne dirais pas la même vision de la société, mais, pour une fois, ils sont tous d'accord sur un point, c'est qu'on ne doit pas traiter la jeunesse différemment des aînés qui étaient avant eux ou des plus anciens, particulièrement dans les conditions de travail. Et là on retrouve dans notre société un clivage, un clivage intergénération.

Bon. Si c'étaient des jeunes de gauche vis-à-vis des gouvernements de droite, ou vice versa, on pourrait dire: Bon, bien, c'est un débat idéologique. Mais ce n'est pas le cas actuellement, là, parce que les jeunes chambres de commerce, pour moi, ça ne doit pas souvent lire l'Humanité , ça, ou enfin les quotidiens de gauche. Puis les jeunes d'autres groupes, ça ne lit pas forcément Le Figaro tous les jours non plus. En d'autres termes, je veux dire, c'est en dehors de toute obédience politique.

Est-ce que ça ne nous interpelle pas, nous qui sommes actuellement aux affaires, qui avons la responsabilité de préparer ou de voir à une société juste, équitable et de démontrer des principes à ces générations-là pour qu'eux-mêmes puissent appliquer ça dans la société future – dans laquelle nous serons peut-être encore là, mais, étant donné l'âge que nous aurons, on n'aura peut-être plus les leviers que nous avons actuellement pour l'influencer?

Est-ce que ça ne vous interpelle pas, vous, en dehors de justifications, en sortant... Bon. Il y a un rapport du ministère qui dit qu'il y a 2 300, 3 000 scénarios maximalistes, peut-être 1 000, peut-être pas, vous savez. Est-ce que ces principes-là, de société... Est-ce qu'une société doit vivre et puis décider des choses uniquement sur la base de rapports ou est-ce qu'elle doit avoir une considération beaucoup plus générale, en termes de valeurs, en termes de principes, si on veut lui donner des bases solides pour le futur?

Le Président (M. Lelièvre): M. Audet.

M. Audet (Michel): Écoutez, justement, vous avez donné la réponse. Elle doit justement regarder au-delà du très court terme. C'est la solution de facilité de passer une loi, puis ça aurait été la solution de facilité aussi pour bien du monde parce que, compte tenu de la charge émotive qu'il y a dans ce dossier-là, ce n'est pas un dossier facile pour personne. Parce que, d'abord, on appelle ça clauses discriminatoires, clauses orphelin. En réalité, ce sont des situations temporaire, je l'ai dit tantôt, qu'il n'est pas souhaitable de garder dans des entreprises, que personne ne recommande, surtout pas nous, enfin, d'appliquer. Donc, sur ce point-là on rejoint tout à fait la Jeune Chambre.

Ce que la Jeune Chambre va vous dire, également, dans le mémoire – vous ne l'avez pas noté – c'est que, par contre, ils disent justement qu'on doit éviter d'avoir un projet de loi qui alourdisse les processus, qui complique la vie des entreprises. Et ça, c'est là justement que, nous, on dit: Il faut être conséquent. On peut difficilement être pour une loi puis dire que cette loi-là, elle ne doit pas... Parce que, quand on embarque dans un processus semblable, évidemment, on sait quand on commence, mais, par la suite, il va y avoir des règlements d'application, comme dans toute loi, et puis là on va voir par la suite se développer, probablement, des inspections, des vérification de la Commission des normes pour chacune des conventions, des interprétations. Et là ça, c'est le premier point.

Le deuxième point, qui est majeur, quand vous dites: Effectivement, on doit regarder l'intérêt général, c'est justement ce qu'on a fait avec l'étude qu'on a publiée. On a dit: Regardons ce qui se passe partout en Amérique du Nord.

Tantôt vous évoquiez le cas de certains États américains. Ces États américains se sont donné des disciplines pour leurs achats publics, mais ce n'est pas des lois qui interdisent les conventions collectives. C'est deux choses différentes. Alors, ça, c'est deux aspects... Ils se sont donné des disciplines dans leurs achats, les acquisitions, comme on peut le faire, comme le fait le gouvernement du Québec pour des dispositions touchant, par exemple, l'accès à l'égalité ou l'équité ou des choses comme ça. Donc, c'est ça que les États se sont donné. Ce n'est pas des législations qui interdisent. Je pense que Me Beaudoin pourrait vous en parler, d'ailleurs.

Donc, ce qu'on a regardé, ce qu'on a dit: On ne veut pas être pire que les autres, mais pourquoi se placer dans une situation où, encore une fois, en quelque sorte, on va servir de laboratoire social pour l'Amérique du Nord? Donc, on se dit: Attendons un petit peu. Regardons un peu plus. C'est dans ce sens-là que je dis qu'il n'y a pas l'urgence nationale. On a beaucoup de lois qui servent de laboratoire social actuellement. On va avoir beaucoup de chercheurs qui vont venir voir ce qui se passe au Québec bientôt, là, avec tout ce qu'on a comme lois. Une de plus, comme dirait la ministre, peut-être? Ha, ha, ha! Alors, peut-être qu'on va trouver de l'emploi à du monde. Au moins, ça aura un effet positif. Mais c'est justement ce qu'on a fait, ça.

L'étude des professeurs qu'on a financée, précisément, c'est cet aspect-là qu'on voulait faire. On voulait voir effectivement... Et on ne voulait surtout pas se situer en marge de ce qui se passe ailleurs, mais on voulait se situer, par contre, dans une situation concurrentielle puis être capable de faire face à la concurrence. Puis, comme vous avez évoqué effectivement certains aspects peut-être de la loi pour ce qui se passe, est-ce que, Pierre, vous avez des choses à ajouter là-dessus? Non?

M. Beaudoin (Pierre): Non, ça va.

M. Audet (Michel): Non? Ça va. Merci.

Le Président (M. Lelièvre): Ça va? Alors, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. M. Audet, je comprends tout ça, là. Écoutez, on convient tous qu'il ne faut pas alourdir d'une manière insupportable ou contraignante les structures, la manière de fonctionner du système économique, du système industriel et commercial au Québec. Tout le monde comprend ça. Mais est-ce là une excuse suffisante pour permettre qu'on conserve à une catégorie de travailleurs – d'accord? – qui travaillent dans une entreprise, des bénéfices, des salaires, des conditions de travail que l'entreprise, par ses revenus, ne leur permet pas d'avoir, ne leur permet pas de payer, sous cause d'engager des jeunes qui travaillent moins cher pour faire des profits? Est-ce normal?

Moi, il me semble, M. Audet, que le cycle économique – et vous représentez l'économie – fait et veut que, lorsque vous faites des profits, vous faites de l'argent. Lorsque vous faites de l'argent, bien, vous le distribuez à vos employés et vous le distribuez à vos actionnaires, vous payez vos dettes aussi à la banque, votre marge de crédit. C'est comme ça que ça marche. Quand ça va moins bien, eh bien, on fait moins d'argent, on en distribue moins. Quand je parle de distribuer, je parle de salaires, je parle d'avantages dans l'entreprise, de voitures, de comptes de dépenses. On est plus long à rembourser, des fois, la marge de crédit. C'est le cycle normal économique dans toute PME. Si je vous dis ça puis que ce n'est pas vrai, je me trompe, il y a quelque chose qui ne marche pas.

Alors, si c'est ça, les salaires qui ont été négociés, les conditions de travail qui ont été négociées dans les bonnes années où ça allait bien pour ces employés-là, parce que les entreprises faisaient des profits ou parce que le rapport de force était tellement présent, une entreprise avait les moyens de les donner, bien, qu'elle ait succombé au rapport de force de l'époque, c'est correct, on prend ça. Mais aujourd'hui le rapport de force n'est plus le même, l'entreprise ne fait plus les mêmes salaires. On va me faire croire, à moi, que les travailleurs disent: Non, nous, touche-nous pas et puis engage des jeunes. Et, si l'entreprise dit: Non, je ne peux pas engager de jeunes, eh bien, les travailleurs diraient: Nous, on va aller en grève pour... Voyons donc!

Moi, j'aimerais ça les voir en grève longtemps, ces gens-là, puis dire: Nous, on va en grève parce qu'on veut que t'engages des jeunes à la place à 70 % du salaire, parce que, nous, on veut garder nos avantages. Ça ne durerait pas 15 jours, leur grève. Même leurs femmes les feraient rentrer au travail tout de suite. Elles diraient: Es-tu malade dans la tête, toi? Ça ne va pas? Ça n'a pas de bon sens. Et puis, s'ils ne rentrent pas, eh bien, si c'est réellement vrai que l'entreprise a des problèmes à fonctionner à ce salaire-là, elle va fermer et ils vont perdre leur job. Voyons donc! Ce n'est pas un argument, d'après moi, qui tient. J'essaie de me convaincre, des fois, là, de la justesse de cet argument. Je ne peux pas l'accepter!

Les syndicats, ce matin, nous disaient que ce n'était pas eux autres. Nous autres, on n'en veut pas, c'est les boss qui nous obligent. J'ai posé la question directe – vous n'étiez pas là – à M. Massé. J'ai dit: On nous dit que c'est vous, les responsables de ça. C'est-u vrai? Il a dit: Non, non, ce n'est pas nous. Nous, on est contre. Vous nous dites: Bien, c'est le syndicat. Là, à un moment donné, il va falloir qu'on se branche. C'est qui qui fait quoi puis c'est qui qui décide quoi? On va-tu se parler un peu? Le syndicat est contre les clauses discriminatoires, vous, vous trouvez que ça n'a pas de bon sens, mais tout le monde vient et dit: C'est l'autre qui me l'impose, puis, moi, je n'ai pas le choix, ils ne veulent pas négocier.

Alors, vous avez dit: C'est plus facile d'aller sur les jeunes. Bien, en effet, on va sur les jeunes. Ce ne serait pas mieux qu'on s'assoie, les patrons puis le syndicat, puis qu'on dise, un bon jour, là: C'est-u vrai qu'on n'en veut pas, de clauses discriminatoires, puis on prend-u les moyens pour le régler, le dossier?

(15 h 50)

Le Président (M. Lelièvre): Qui veut répondre? M. Beaudoin? M. Audet?

M. Audet (Michel): Oui. Tout d'abord, un petit préambule, puis peut-être Me Beaudoin complétera.

Le Président (M. Lelièvre): Il vous reste environ 2 min 30 s.

M. Audet (Michel): En fait, si je prends ça... À la limite, ce que vous dites, au fond... Si vous pensez que c'est si facile, mettez dans la loi que l'ajustement devra se faire par une baisse de salaire de tous les employés. Essayez-le dans la loi. Vous allez voir la réaction des employés. Essayez-le. Proposez-le dans un amendement, dire: Effectivement, compte tenu de ça, les ajustements vont devoir se faire par les baisses de salaire des autres employés, de tout le monde. Mettez-le dans la loi puis vous allez voir comment on va réagir quand on touche aux acquis. Si vous croyez à ce que vous dites, amenez un amendement, puis là vous allez voir que vous allez avoir une réaction différente du monde des employeurs.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Est-ce que vous pensez que ça serait une bonne solution? Pensez-vous que ça serait une bonne solution pour régler le dossier?

M. Audet (Michel): Moi, je vous dis que vous entrez dans un débat interminable.

Le Président (M. Lelièvre): M. Audet. S'il vous plaît, on va se...

M. Audet (Michel): Mais, si vous voulez être logique avec ce que vous dites, vous pouvez le proposer en tant qu'amendement.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, oui, on va continuer quand même dans le calme, et on va prendre notre droit de parole chacun à tour de rôle pour que ceux qui feront la transcription puissent comprendre qui parle.

M. Beaudoin (Pierre): Très rapidement. Après 30 ans de négociations, que je fais personnellement, que j'ai fait dans le secteur privé surtout mais aussi dans le secteur public, ce qu'il y a de plus difficile à faire accepter à un syndicat, c'est de renoncer à des droits acquis. Alors, ça, là, vous dites: Quatre jours de grève. Moi, je vous dis: Quatre mois de grève. Je vous dis: Un an de grève, pour renoncer à des droits acquis importants. C'est ce qu'il y a de plus difficile. Il faut démontrer que l'entreprise va être en faillite demain matin, si on veut faire renoncer à des droits acquis. Et ça, l'expérience... Écoutez. Je vous parle de la mienne, là, mais je suis certain que tous les négociateurs vont vous dire la même chose.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de LaFontaine, il vous reste environ une minute.

M. Gobé: Oui, bien, c'est ça. Je pense qu'on vient de toucher le point. On va au plus faible, au plus facile, c'est le jeune. Et je ne vous blâme pas, là. Ne prenez pas ça comme un blâme envers votre position. Vous, vous reflétez la réalité. Et je ne porte pas de jugement de valeur sur votre position. Je fais juste constater.

C'est que, à la fin, là, c'est tellement compliqué – vous venez de le dire, monsieur, d'autres l'ont dit avant vous – ça demande à tout le monde tellement d'aller à la réalité avec le discours qu'ils tiennent dans la société québécoise que – hop! – on va au plus facile, on signe une clause pour les travailleurs virtuels, comme M. Massé les appelle, et puis c'est les jeunes qui se retrouvent pris avec ça, et puis, nous, tout le monde est content, on se lave les mains puis on a réglé le problème. Mais on a créé un autre genre de problème de société, d'après moi.

Et je pense que, comme législateurs, nous ne pouvons pas être en faveur de ce genre de discrimination dans notre société parce que, à ce moment-là, on devrait l'appliquer à d'autres groupes, un jour ou l'autre. Ça va être aux femmes, ça va être aux gens qui ont toutes sortes d'autres raisons d'être discriminés. Et je crois qu'une société moderne comme la nôtre ne peut pas vivre avec ça. Elle doit trouver des solutions dans l'intérêt de tout le monde, par ailleurs, y compris des entrepreneurs.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de LaFontaine, je vous remercie. Le temps qui vous était alloué est maintenant écoulé. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Audet (Michel): J'aurais juste un petit commentaire...

Le Président (M. Lelièvre): M. Audet, malheureusement....

M. Audet (Michel): Après? O.K. Parfait.

Le Président (M. Lelièvre): Le temps est alloué. On est dans les horaires, donc... M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Je souhaite la bienvenue, à mon tour, aux gens de la Chambre de commerce du Québec. Les arguments sont assez connus. Il y a quand même un point nouveau qui est amené par la Chambre de commerce, un sondage qui a été fait, et qui est au coeur vraiment du débat, c'est-à-dire auprès des travailleurs syndiqués pour savoir s'ils accepteraient de réduire leurs avantages. Si on veut, par contre, mesurer l'argument du sondage, il faut toujours avoir une balance puis mettre un élément dans chaque plateau, il faudrait faire un autre sondage CROP pour demander à des jeunes est-ce qu'ils sont prêts, eux, à concéder un salaire plus bas pour maintenir les acquis des anciens. Là, peut-être qu'on n'aurait pas 33 %, peut-être qu'on aurait 2 %, puis là on va mettre ça sur le plateau, puis ça va un peu défaire votre argument. Mais c'est vraiment au coeur du débat.

Et je disais aux gens du Conseil du patronat ce matin que c'est quand même renversant que le Conseil du patronat se présente devant la commission parlementaire et vienne nous dire: Au Québec, les salaires sont inflexibles, il n'y a pas d'ajustement des salaires; les acquis, ça ne se négocie pas, c'est fixe, c'est comme ça. Je comprends que, si la position syndicale en matière de la protection des acquis est particulièrement bétonnée, à partir du moment où le Conseil du patronat en est aussi fermement convaincu, qu'il n'y a pas d'ajustement de la rémunération, ici, au Québec, en fonction des éléments du marché.

Mais j'essaie de faire des parallèles, parce que, bon, je pense que tout a été exprimé là-dessus. Si une municipalité demain matin, une municipalité sur le bord de faire un déficit – la situation financière de la municipalité se détériore – disait: Bon, bien, il faudrait augmenter les taxes foncières de tous nos concitoyens de 2 %, mais ça n'a pas de bon sens, ceux qui ont acheté une maison il y a 40 ans dans la municipalité et qui sont rendus à leur retraite, ils ont contribué au développement de la municipalité, ils ont payé le stade, puis ils ont payé le terrain de balle, puis ils ont payé l'aqueduc, eux, on n'augmentera pas leurs comptes de taxes, mais les nouveaux qui vont venir s'établir, plutôt que d'augmenter de 2 % tout le monde, on va augmenter les nouveaux propriétaires, leur compte de taxes, de 30 %, parce que, là, il faut que tu augmentes de plus la facture – ce n'est pas 1 % à tout le monde là, c'est 30 % – on dirait: Ça n'a pas de bon sens. Ça ne marche pas de même. Tout le monde vit dans la municipalité, tout le monde utilise les services.

Alors, c'est un peu la même chose. Sauf qu'en matière de relations de travail il y a des rigidités supplémentaires qui se sont introduites, puis, devant les rigidités, la société en entier baisse les bras puis dit: Bon, les acquis sont les acquis, on ne peut pas les remettre en question. Et, quand vient le temps... Là, je comprends, vous allez me dire, que, pour le secteur public, vous êtes prêts à ce que la loi s'applique, mais c'est quand même gros. Quand le gouvernement demande à des municipalités de faire une contribution, de faire leur part pour l'élimination du déficit, qu'il faut réduire la masse salariale de 6 %, plutôt que d'aller jouer là-dedans, de couper des journées de vacances, des ci, des ça – il y en a qui l'ont fait – puis de dire: On pourrait couper en surplus de ça de 1 % ou de 2 % le salaire de l'ensemble des employés, on coupe les jeunes de 25 %, de 30 %. Pour moi, c'est la même chose que, si la même municipalité décidait, via l'augmentation de taxes, de dire: Bien, on ne peut pas augmenter les taxes de ceux qui ont durement contribué au fil des années à tout payer dans la municipalité, on va... J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mais les enjeux sont quand même clairs. Vous, vous nous dites: Nous, on a baissé les bras. La flexibilité n'existe plus. C'est comme ça, au Québec. Donc, la seule façon, c'est de se rabattre sur les jeunes.

M. Audet (Michel): Alors, écoutez...

Le Président (M. Lelièvre): C'est M. Audet qui répond?

M. Audet (Michel): Oui.

Le Président (M. Lelièvre): M. Audet.

M. Audet (Michel): Bien, écoutez, je pense que le plus bel exemple peut-être, on pourrait le voir dans le débat qu'on a – vous n'étiez pas là la semaine dernière, M. le député, je ne vous en fais pas un reproche – sur l'abolition du décret du vêtement – c'est un bel exemple – où il existe, le Code du travail. Il y a des décrets qui existent qui sont complètement inutiles, désuets, tout le monde le reconnaît. Pourquoi est-ce qu'on veut maintenir ces décrets? Et les entreprises dans le secteur sont fortement syndiquées, donc paient... Puis les entreprises même non syndiquées paient plus que les décrets. Puis on refuse d'abolir un décret qui existe depuis 1932 parce qu'on veut... Et donc on va réintroduire dans les normes... Je n'en fais pas un autre débat. Mais tout ça pour vous dire qu'on a vécu la semaine dernière cette situation-là où, là, le gouvernement va réintroduire dans les normes les dispositions du décret pour protéger justement des acquis. Et ça, ça se fait présentement. Je ne vous dis pas que c'est bon. Je vous dis que c'est ça, la situation. Et, quand les gens négocient, c'est la situation bien concrète qu'ils vivent.

Ce qui est dramatique... Puis on l'a mis dans le mémoire, puis je pense que les gens n'ont pas l'air à comprendre. Celles qu'on vise, les entreprises qu'on vise, les entreprises qui utilisent les clauses orphelin, puis on ne veut pas en faire la nomenclature, mais vous les connaissez, souvent, ce sont celles qui paient les salaires les plus élevés. Ce sont celles qui ont justement négocié, dans des conditions parfois... Et peut-être qu'on va dire: Elles n'avaient qu'à ne pas le concéder. Pour toutes sortes de raison, elles se sont ramassées avec des conventions collectives qu'elles ne peuvent plus supporter. C'est une solution convenue entre les deux pour réduire les coûts. Celles qui ne seront pas touchées, c'est celles qui paient le salaire minimum.

Alors, quand on parlait tantôt... Et M. le député justement disait ça tantôt: Les bien nantis, les ci, les ça. Celles qu'on va favoriser, ce sont les entreprises qui paient le salaire minimum. Alors, c'est ça, dans les faits, ce qu'on est en train de faire avec ce projet de loi là. Si vous payez le salaire minimum... Et je n'ai rien contre ça, je pense qu'il est raisonnable, à 6,90 $ de l'heure. Ceci dit, si vous payez 15 $ de l'heure dans votre secteur puis que vous faites face à un concurrent qui paie 6,90 $, c'est sûr que, lui, il n'en a pas, de clauses orphelin. Il respecte les normes minimales de travail sans aucun problème. Mais la situation concrète, c'est ça qu'on vit dans les entreprises.

Le Président (M. Lelièvre): Je m'excuse de vous interrompre, mais malheureusement le temps est déjà écoulé et on a débordé légèrement, de part et d'autre d'ailleurs, pour chacune des formations. Alors, je vous remercie beaucoup au nom des membres de la commission. Et j'inviterais maintenant les représentants de la Commission des jeunes de l'Action démocratique du Québec à prendre place, après une brève suspension de quelques minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 59)

(Reprise à 16 h 8)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): La commission va donc reprendre ses travaux. Nous accueillons maintenant la Commission des jeunes de l'Action démocratique du Québec. Alors, Mme Bonneville, je crois, vous êtes la présidente. Si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent, et vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire.


Commission des jeunes de l'Action démocratique du Québec

Mme Bonneville (Marie-Ève): Oui. On a Frédéric Lajoie, qui est le représentant de la région de la Mauricie; et on a Jean-François Tétreault, au bout de la table, qui est un conseiller à la Commission des jeunes, qui nous aide avec les dossiers politiques. Frédéric va présenter la première partie du mémoire et je vais poursuivre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. Alors, M. Lajoie.

M. Lajoie (Frédéric): Merci beaucoup. J'aimerais, pour commencer, faire un petit rappel de ce que sont, pour la Commission des jeunes, les clauses orphelin.

Depuis 1990, le Parti libéral et le Parti québécois ont semblé prendre poliment, je dirais, la décision d'intervenir dans le cas des clauses orphelin. Les clauses orphelin, c'est, en fait, comme vous le savez si bien, une des plus belles injustices qu'on connaisse présentement, c'est-à-dire qu'il y a un paquet de jeunes Québécois et Québécoises qui, étant nouveaux sur le marché du travail, ne profitent pas toujours des mêmes conditions d'emploi que leurs aînés. Souvent, pour protéger les acquis justement de leurs aînés, on a décidé d'amoindrir les avantages sociaux ainsi que salariaux de ces nouveaux venus sur le marché du travail.

Depuis 1985, ce qu'on voit, nous, c'est que les clauses orphelin se multiplient, sont de plus en plus présentes à l'intérieur des conditions de travail. En 1998, l'ADQ a déposé un projet de loi, le projet de loi n° 393, qui, selon nous, était ce qui était le plus efficace pour contrer les clauses orphelin. Malheureusement, ce qu'on a lu du projet de loi n° 67 ne semble pas être fidèle à ce qu'on aurait été en droit de s'attendre d'un projet de loi venant du Parti québécois, qui, soit dit en passant, aux dernières élections, avait promis aux jeunes Québécois et aux jeunes Québécoises d'intervenir dans le domaine des clauses orphelin. Il est temps de faire quelque chose. Je laisserai la parole à ma présidente, Marie-Ève Bonneville.

(16 h 10)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. Mme Bonneville.

Mme Bonneville (Marie-Ève): Alors, on va y aller avec l'analyse du projet de loi peut-être article par article. Ça va être plus facile à suivre.

D'abord, l'article 1 du projet de loi. C'est clair que, avec le projet de loi n° 190 qui a été déposé par Mario Dumont, ce qu'on préconise, en fait, nous, c'est que... C'est bien, le projet de loi veut interdire les clauses orphelin dans les normes du travail. C'est correct. D'après nous, ce n'est pas assez. On sait que la majorité des clauses orphelin se retrouvent dans les conventions collectives et puis la meilleure façon d'attaquer les conventions collectives qui concernent les clauses orphelin, ce serait de les interdire purement par le biais du Code du travail parce que c'est ce qui les régit.

Il y a deux problèmes aussi qui se posent avec le fait qu'on modifie seulement les normes. C'est que c'est un peu une lutte de David contre Goliath. On a un jeune, dans une entreprise, qui vient d'entrer et qui a des conditions précaires, qui est souvent à temps partiel, qui a des conditions moindres. J'ai de la misère à croire que ce jeune-là, parce que la seule modification qui ait été faite, c'est par les normes, il doive se présenter à la Commission des normes du travail, doive se battre contre son employeur, contre son syndicat.

Je le sais, je suis une jeune, je ne le ferais pas. Pas parce que je n'ai pas d'énergie, pas parce que je n'ai pas de dynamisme, mais parce que, premièrement, il y a des délais qui sont... on les connaît, c'est quand même assez long. Et puis il y a aussi le fait que les jeunes, quand on a un emploi, on essaie puis on fait tout pour le garder. On ne va pas aller se battre contre notre syndicat puis contre notre employeur. Ça n'a pas tellement d'allure.

C'est pour ça que, nous, ce qu'on propose, c'est une modification dans le Code du travail pour pouvoir aller vraiment à la base, c'est-à-dire l'interdire dans les conventions collectives.

L'article 87.1, c'est la définition d'une clause orphelin avec laquelle on est d'accord, on n'a rien à dire là-dessus. Par contre, le 87.2, d'après nous, ce que ça fait, c'est que ça élimine carrément l'esprit du projet de loi.

On dit qu'on présente un projet de loi pour interdire les clauses orphelin. D'après nous, ce que cet article-là fait, c'est que ça donne un peu un petit mode d'emploi: Comment en faire sans que ça paraisse trop? C'est-à-dire que, au lieu d'interdire les clauses orphelin, ça fait seulement ajouter des échelles à l'échelle salariale, mais on rajoute des barreaux par le bas. On a juste à faire un changement d'amplitude puis ça ne paraît pas trop, mais c'est une clause orphelin. Si, moi, je rentre demain matin dans une entreprise et puis que je gagne 8 $ l'heure, que mon collègue ici rentre le lendemain et que l'employeur a seulement à dire: J'ai changé mon amplitude, puis qu'il va gagner 6 $, on légalise ce qu'on essaie d'interdire.

À part ça, il y a l'article 3, ce qui est d'après nous – comment je pourrais dire ça? – assez loufoque parce qu'on veut faire un projet de loi sur une question de principe, parce que l'équité entre les génération, d'après nous, c'est une question de principe, mais on fait un projet de loi, d'abord, qui a une entrée en vigueur... ça prend trois ans avant que ça entre en vigueur. On est d'accord que ça prend un délai pour que les employeurs s'adaptent, tout ça. Ça, c'est normal. Mais est-ce que trois ans, c'est un délai qui est acceptable? D'après la Commission des jeunes, non, parce qu'on trouve que c'est long. On trouve qu'il va encore avoir le temps d'y avoir beaucoup d'injustices dans trois ans.

Il y aussi le fait que, si on fait un calcul rapide, l'article 3 plus l'article 4, ça fait une loi qui est d'une durée d'environ un an à peu près, maximum, parce que, si on prend pour acquis qu'elle va être adoptée minimalement en décembre, mais application en janvier, on est en 2000. Ça nous amène en 2003 avant qu'elle s'applique. On l'arrête en 2004, et le gouvernement se donne le droit de l'arrêter n'importe quand dans cette année-là. Je ne sais pas.

Est-ce qu'on s'entend bien ici sur la question de principe? D'après nous, ça n'a pas de bon sens. On ne peut pas arrêter un principe comme ça quand ça nous tente puis, de toute façon, on ne peut pas arrêter un principe. On est pour ou on est contre l'équité entre les générations puis c'est ça. Là, c'est le temps de se prononcer, c'est le temps de voir si le gouvernement est pour ou est contre. L'équité, tu n'arrêtes pas ça n'importe quand, d'après nous. C'est ce qu'on pense du projet de loi.

On propose qu'il n'y ait pas de délai d'arrêt du projet de loi. Ça doit s'appliquer éternellement, c'est une question de principe, pour ne pas qu'on soit obligé de revenir dans une couple d'années – quand, moi, je vais être vieille – à la même table puis que les jeunes nous disent: Bien, écoutez, vous autres, vous avez eu droit à un an de répit, mais maintenant vous répétez les injustices. Je pense que c'est une question qu'il faut essayer de régler maintenant, puis il faut régler ça pour de bon pour ne plus que ça revienne sur le tapis. Frédéric va...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Lajoie.

M. Lajoie (Frédéric): Oui. Je vais y aller avec les recommandations que la Commission des jeunes de l'Action démocratique du Québec fait au gouvernement.

Alors, on recommande que le gouvernement péquiste tienne les promesses qu'il a faites à l'endroit des jeunes lors des dernières élections, particulièrement en ce qui a trait à l'abolition des clauses orphelin. C'est très important.

Qu'en plus des normes du travail, le Code du travail soit modifié pour rendre les clauses orphelin contraires à l'ordre public. Tant et aussi longtemps qu'on restera dans les normes du travail, on ne pense pas qu'il va pouvoir y avoir quelque chose d'efficace en frais d'abolir les clauses orphelin.

Il faut absolument qu'on abroge l'article 87.2 pour éviter de légaliser certaines clauses orphelin. Et on voudrait aussi qu'à l'article 3 ce soit réduit de trois ans à six mois – ce qui nous semble un délai raisonnable pour l'application de la loi – et qu'on abroge l'article 4 qui instaure une clause crépusculaire, puisque l'interdiction des clauses orphelin est d'abord et avant tout une question de principe que l'on doit régler pour de bon. Donc, de mettre fin à une chose comme celle-là au bout de quatre ans, on a l'impression de faire un peu rire de nous.

En conclusion, j'aimerais vous dire que les clauses orphelin, ça affecte principalement les jeunes en fonction de leur date d'embauche, et ça pourra même affecter des futurs travailleurs qui seront congédiés demain, après demain, qui seront probablement un peu moins jeunes et qui, eux aussi, goûteront à la médecine des clauses orphelin. Il était temps que le gouvernement du Parti québécois agisse dans ce dossier-là, mais on voudrait que ça ne soit pas fait à n'importe quel prix et surtout pas avec une espèce de projet de loi qui, à notre sens, n'est absolument pas complet.

J'aimerais en terminant dire qu'un projet de loi pour contrer les clauses orphelin, c'est une question de principe, d'équité intergénérationnelle. Je crois que, aujourd'hui et pour les années qui s'en viennent, le gouvernement péquiste a entre les mains quelque chose d'extraordinaire qui pourrait amener un réel changement dans l'équité intergénérationnelle. Et on espère vivement que nos recommandations seront prises en bonne note. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je vous remercie. Nous allons passer maintenant à la période d'échanges. Alors, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Bonjour, Mme Bonneville, M. Lajoie, M. Tétreault, Je vous remercie de votre présentation.

D'abord, une première remarque de prudence. Vous positionnez cette question-là comme une question d'équité intergénérationnelle. C'est bien évident qu'il y a là un enjeu. Mais je vous rappelle tout de même – et ça, c'est des données de Statistique Canada, on ne peut pas les taxer de grand-chose, hein, c'est assez neutre comme données – que Statistique Canada nous dit dans une enquête sur la population active, en 1998, que, parmi les personnes qui sont à la recherche d'un emploi, plus de 37 % sont des gens entre 30 et 44 ans – alors donc, ces enjeux-là des clauses orphelin touchent aussi cette population-là – et que 35 % des personnes à la recherche d'un emploi ont entre 15 et 29 ans. Je vous dirais que, à 15 ans, j'espère qu'ils sont surtout à la recherche de moyens de rester à l'école, mais ça, c'est une autre affaire.

Alors, il y a un enjeu d'équité, c'est vrai, mais il y a un enjeu plus large. Ce n'est pas qu'une question qui concerne les jeunes, alors je pense qu'il faut être prudent lorsqu'on avance ça. Et je fais aussi appel à la prudence, je ne pense pas qu'une loi sur les clauses orphelin dispose de toutes les questions d'équité intergénérationnelle et qu'on a un grand défi, beaucoup plus large. Et les espoirs qu'on met dans cette loi-là, c'est correct qu'on en ait, mais il ne faut pas que ça soit des espoirs démesurés parce que ça aborde une petite partie d'un problème, d'une réalité plus large, l'équité intergénérationnelle. Et il ne faut pas qu'on démissionne sur le reste et qu'on espère que ça va disposer de toutes ces autres questions là.

Maintenant, un des aspects qui me surprend un petit peu dans votre mémoire, c'est votre insistance à inclure des dispositions dans le Code du travail. Votre chef a déposé, l'année passée, a fait un premier essai, en 1998, en voulant inclure dans le Code du travail une modification au sujet des clauses orphelin. Et puis il a fait un deuxième essai au printemps dernier où, là, j'imagine qu'il s'est dit: Il faut couvrir un petit peu plus large et il faut aussi entrer dans la Loi sur les normes.

(16 h 20)

Écoutez. La formulation du deuxième article du projet de loi n° 67 est assez claire: on couvre les conventions, les décrets, les contrats de travail individuels, le secteur syndiqué, non syndiqué. Honnêtement, je ne vois pas ce qu'on a de plus dans le Code du travail. Et, pour moi, le signe de ça, c'est le premier et le deuxième essai de votre chef aussi. Alors, ça, j'aimerais bien comprendre ça.

Deuxième élément que j'aimerais saisir... Bon. Je ne connais pas le programme de l'ADQ par coeur – vous m'en excusez – mais l'esprit que je comprends de ce parti, c'est un parti qui plaide beaucoup l'allégement, la déréglementation, l'allégement réglementaire, la souplesse. On vous a déjà entendu sur: La fonction publique, c'est trop lourd, public, parapublic, municipal, etc., il faut de la souplesse, il faut créer de l'emploi, il faut se tourner vers la création d'emplois, des rigidités passées... Bon. C'est ce que je comprends, moi, de l'ADQ, des préoccupations de l'ADQ. Je n'ai pas de comparaison, je n'ai pas le programme sous les yeux. Mon objectif n'est pas de vous coincer, mais c'est ce que je vois, moi.

Or, c'est vrai qu'on intègre dans le projet de loi un élément de souplesse, puis vous appelez ça du camouflage. Alors, là, j'aimerais ça vous suivre. Vous nous dites: Il y a des principes en cause. Je suis parfaitement d'accord avec vous, mais il me semble que vous êtes... En tout cas, vous avez des approches assez pragmatiques et carrées quelquefois sur ces questions-là. Et là, nous, on essaie d'avoir un projet de loi non seulement qui a des principes, mais qui est capable de vivre dans la réalité. Alors ça, je voudrais vous suivre sur ces questions-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Alors, lequel d'entre vous?

M. Tétreault (Jean-François): Jean-François Tétreault.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Tétreault.

M. Tétreault (Jean-François): Oui. Tout d'abord, je retournerai à Mme la ministre les prudences qu'elle nous apporte. Elle dit: Cela couvre beaucoup plus que les jeunes que vous venez défendre aujourd'hui; c'est un problème beaucoup plus d'envergure que celui que vous suggérez peut-être de régler; au-delà des générations, c'est un problème global qui affecte beaucoup de couches de notre société. J'entends par là, par sa bouche, une préoccupation d'aller au-delà de la loi qui nous est présentée aujourd'hui et qui aura... Je m'attends à d'autres projets de loi qui régleront ces problèmes-là, de sa part. Je pense que je suis très encouragé de l'entendre dans ces mots-là aujourd'hui, de voir sa volonté d'aller plus loin que ce qu'elle nous propose, tout d'abord.

Elle parle également de statistiques où elle nous dit: Bon, écoutez. Les statistiques donnent un certain pourcentage, ça touche simplement une certaine partie, ça touche une autre, ça touche tout le monde, ça ne touche personne. Allons-y intuitivement si on veut y aller en chiffres. Vous dites: Ce n'est pas nécessairement une guerre générationnelle. Est-ce qu'on peut s'entendre? Si on fait, par exemple, la moyenne d'âge des chefs syndicaux au Québec, la moyenne d'âge des dirigeants d'entreprises d'envergure au Québec ainsi que la moyenne d'âge des ministres et personnes influentes au Québec, est-ce que je me tromperais beaucoup pour dire que cette moyenne d'âge là se situe à 40, 50, 60 ans, dans ces zones-là? Probablement 50, je ne serais pas loin de la vérité.

Est-ce qu'on peut aussi s'entendre intuitivement qu'une grande majorité de gens qui sont touchés sont des jeunes, début vingtaine, milieu vingtaine, début trentaine? Je dirais que, la population étant de plus en plus vieillissante, quelqu'un de 40 ans qui a des enfants en bas âge peut être considéré comme un jeune qui tente de partir dans la vie, qui tente de se construire un avenir et une retraite.

Est-ce que, lorsqu'on voit intuitivement ces deux groupes-là, un groupe de 40-60 et un groupe de 20-30, un qui utilise une loi à la défaveur de l'autre, on peut parler d'une guerre entre générations? Je ne sais pas, mais, intuitivement, ça me semble assez clair qu'il y a quelque chose qui ne va pas. On voit bien que les gens qui se ressemblent ne se mangent pas entre eux; on préfère choisir l'autre catégorie pour le faire. Je ne veux pas avancer plus là-dessus, je vous laisserais vérifier les statistiques que vous voudrez bien vérifier.

Vous parlez également d'essai des projets de loi de notre chef. «Essai», je trouve que c'est un mot peut-être un peu méchant qui dénote toutefois une conscience propre que les projets de loi qui viennent de l'opposition n'ont aucune chance de voir le jour dans la mesure où ce n'est qu'un essai; ce n'est même pas une proposition de projet de loi. On ne veut pas aller jusque-là, à dire qu'on va le considérer; ce n'était qu'un essai. Bon. Si vous avez pu vous en inspirer pour régler le problème, on en sera fort fier, mais je trouvais le mot peut-être un peu faible.

Par la suite, vous nous parlez des normes et du Code. Ah oui! C'est vrai, on a bonifié en ajoutant au Code les normes, parce que, effectivement, c'est un pas supplémentaire. Et pourquoi le Code d'abord? Parce que, comme Mme Bonneville l'expliquait tantôt, les normes fonctionnent sur un système de plainte.

Je n'ai pas besoin de vous expliquer comment fonctionnent les normes parce que tout le monde ici connaît ça et sait pertinemment que le jeune, peu importe son âge, qui est pris face à une clause orphelin que, de plein gré, son syndicat et son patron ont négocié main dans la main, par une magnifique journée, un après-midi où ils ont pu manger de la pizza ensemble, et qu'ils ont dit: Oui, oui, pas de problème, on va mettre ça sur le dos des jeunes, je vois très mal ce jeune-là, qui déjà se bat pour réussir à arriver, qui s'est battu pour avoir cet emploi-là, qui est passé par trois, quatre entrevues, dire: Oh! je suis courageux, je suis le grand Don Quichotte qui va aller se battre contre ça, qui va nécessairement perdre son emploi et, même s'il ne le perd pas, qui va devoir attendre des mois et des mois avant que la situation se résorbe.

Donc, les normes sont nettement insuffisantes, puis il faut aller au Code, il faut que ça devienne une loi et que ça ait force de loi. D'ailleurs – je ne sais pas si Mme la ministre se souviendra – il y a un M. Rioux, qui, je pense, était ministre chez vous il y a un certain temps, dont vous avez sûrement entendu parler, qui disait en commission parlementaire – j'ai le transcript devant moi ici – que, dans notre projet de loi, c'était de faire en sorte qu'on amende le Code du travail pour prohiber toute discrimination, toute clause orphelin: Je suis d'accord avec vous autres.

Me semble-t-il que M. Rioux, le ministre responsable du dossier à l'époque, avait été clair en commission parlementaire pour dire: Oui, oui, effectivement, les normes, ce n'est pas assez suffisant, on est d'accord avec vous, le Code nous permet d'aller plus loin. Manifestement, suite à son départ, le Conseil des ministres a amené le ministre responsable à se rétracter là-dessus. Je vous laisserai vous débrouiller avec ça – c'est vous qui avez à gérer ça – mais je trouve ça un petit peu décevant de voir qu'on recule, sur ce dossier-là, au niveau du Code du travail.

Également, vous parlez de souplesse, vous parlez de dire: Bon, il faut laisser des délais, il faut laisser des choses. On parle de principe, on parle d'une loi qui veut régler le problème de milliers de personnes, des personnes qui, au-delà des délais raisonnables, souffrent tous les jours et tous les matins quand elles se lèvent des abus qui sont faits tant par les employeurs que les syndicats. Et on dit: Bien, écoutez, on comprend que vous souffrez, on trouve ça beau, on trouve ça fin, on sait que vous avez de la misère à arriver au bout du mois, mais il faut faire attention à nos amis qui ont voté des clauses, il faut leur donner au moins trois ans pour réagir, puis, si jamais ça chiale trop puis ça fait trop de problèmes, ne vous en faites pas avec ça, on a une clause qui nous permet en tout temps de mettre la hache là-dedans, d'annuler la chose et de dire: Parfait, on oublie ça. Ça ne me semble pas, suite aux engagements électoraux, dans la même ligne, dans le même sentiment que ce qui avait été déclaré.

D'ailleurs, cette dernière clause qui dit que la loi peut être arrêtée en tout temps par le gouvernement, je vous dirais que, après mûre réflexion, dans la mesure où son délai est dans trois ans et, donc, au prochain mandat – il y aura eu élection d'ici là ou l'élection ne sera pas très loin – finalement, Mme la ministre, je vais vous dire que je suis tout à fait content qu'on puisse en tout temps arrêter cette loi-là. Parce que, à la prochaine élection, dans la mesure où sûrement nous prendrons le pouvoir, ça nous fera un grand plaisir, dès la première journée du Parlement, de pouvoir dire: Parfait, utilisons cette clause, mettons de côté la loi qui nous a été proposée et imposée à l'époque et faisons-en une vraie qui va réellement régler les problèmes de ceux qui souffrent, et non pas des simples promesses pour protéger des gens qui nous ont aidés à nous faire élire à la dernière élection.

Alors, c'était un peu, en gros, les réponses que j'avais à vos multiples interrogations, Mme la ministre. Ah! et j'accepte, en passant, vos excuses également au sujet de ne pas connaître par coeur le programme du Parti, j'avouerai que je ne connais pas par coeur le vôtre non plus, et je serais curieux de savoir, d'ailleurs, combien de membres sont dans le même cas que moi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Tétreault. Alors, M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, Mme la Présidente. Souvent on dit qu'il faut changer la façon de faire de la politique – je vais me permettre un petit commentaire, Mme la Présidente – mais je vous dirais: À vous entendre, j'ai l'impression que la politique...

Des voix: ...

M. Bédard: Non, non, pas vous, mais les commentaires que j'entends. J'ai l'impression que ça ne change pas beaucoup sur la façon de... Parce que, là, évidemment, on parle d'un projet de loi, on va tenter de l'améliorer, il y a une question de... Oui, on parle de principe. Je pense que le projet de loi reflète le principe, puis, s'il y a des choses à améliorer, on va le faire, mais dans un esprit d'ouverture et de dialogue. Je pense que c'est important pour la nouvelle génération d'avoir ces préoccupations-là et de ne pas refléter la façon de faire de ceux qui nous ont précédés, qui n'ont pas nécessairement – pas toujours parce que j'ai des collègues qui sont sûrement très ouverts – démontré une grande ouverture d'esprit, Mme la Présidente. Un petit commentaire.

(16 h 30)

L'autre chose, concernant plus particulièrement votre mémoire, deux choses avec lesquelles j'ai de la misère un peu. Vous disiez tantôt, tout d'abord, par rapport à celle qui traite du Code du travail, votre choix du Code du travail: Les conventions sont régies par le Code, donc on doit intervenir dans le Code du travail. Or, le fait d'intervenir dans la Loi sur les normes... Je ne sais pas si vous connaissez bien la Loi sur les normes, mais il y a l'article 93. Et là il y a un terme, en plus, que vous ciblez, là, celui que ce soit d'ordre public. Et l'article 93 de la Loi sur les normes prévoit ce qui suit: «Sous réserve d'une dérogation permise par la présente loi, les normes du travail contenues dans la présente loi et les règlements sont d'ordre public. Une disposition d'une convention ou d'un décret qui déroge à une norme du travail est nulle de plein droit.»

Alors, à partir du moment où cette norme et l'article qui est inséré à l'intérieur des normes du travail sont insérés dans la Loi sur les normes, eh bien, là, ça a pour effet de s'appliquer effectivement à tout décret et à toute convention collective. Alors, entre vous et moi, quel est l'intérêt de le mettre à ce moment-là dans le Code du travail?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Bonneville.

Mme Bonneville (Marie-Ève): Oui. Bien, je comprends votre intervention. Par contre, ce que j'aimerais savoir, c'est que, si c'est exactement la même chose, si les effets sont les mêmes, parce que c'est ce que vous me dites, si je comprends bien, pourquoi est-ce que vous avez tant peur de l'inclure dans le Code?

On sait que vous êtes un petit peu amis avec les syndicats – puis c'est correct – ...

Des voix: ...

Mme Bonneville (Marie-Ève): ...mais je ne comprends pas pourquoi, si c'est la même chose, vous avez aussi peur de l'inclure dans le Code? On peut-u juste essayer de se comprendre?

M. Bédard: O.K. Oui, c'est ça. Bien, regardez.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Je vous dirais que c'est par souci d'efficacité, dans le sens que, si elle s'applique, qu'est-ce que ça donne de la mettre dans le Code? C'est plus ça. Elle s'applique dans tous les cas. Comme vous savez, les normes qui sont prévues dans la Loi sur les normes ne sont pas reproduites textuellement dans le Code du travail une après l'autre, mais elles s'appliquent de la même façon à toutes les conventions collectives.

Si, moi, demain, je signe une convention collective qui prévoit que mon salaire minimum... que je paie mes employés au taux de 5,50 $ de l'heure, eh bien, cette clause sera déclarée illégale et nulle et de nul effet. Donc, c'est la même chose concernant le projet de loi qui est déposé aujourd'hui.

Si on ne le fait pas pour les autres normes du travail, pourquoi on le ferait strictement pour celle-là, alors qu'elle s'applique de la même façon, cette disposition-là, aux conventions collectives? Alors, l'intérêt, il est là tout simplement. C'est par souci d'efficacité et de cohérence. C'est pour ça que – je n'ai pas le souci d'avoir raison, mais c'est simplement pour faire progresser et qu'on progresse ensemble dans notre réflexion – je pense que ça serait peut-être inutile. Je vous fais cette proposition-là. Si vous me dites: Non, nous autres, on y tient, c'est une chose. Moi, je pense que, par souci de cohérence, c'est inutile. Ça, c'est la première...

Une voix: ...

M. Bédard: Oui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Tétreault.

M. Tétreault (Jean-François): Je pense que ça peut se résumer à une seule chose. Vous parlez de choix, de choix entre les normes ou le Code. Vous dites: Pourquoi prendre le choix du Code?

Une voix: Non.

M. Tétreault (Jean-François): Pourquoi prendre un choix? Je veux dire, pourquoi ne pas l'inclure dans les deux? Pourquoi laisser l'opportunité et la chance à des gens, tant de bonne foi que de mauvaise foi, autant dans le milieu des affaires que dans le milieu syndical, pourquoi leur laisser la chance, en passant par l'un ou par l'autre, de déjouer le système et de continuer à faire des clauses orphelin? Pourquoi ne pas l'inclure dans les deux?

M. Bédard: Moi, je vais vous... Oui, c'est ça. Regardez, ce que je vous dirais... Parce que des fois on peut apprendre des choses. Je vous dis ça parce que, hier, j'ai même eu une leçon de droit par M. Fernand Morin. Je lui ai posé la question: À l'article 47.2 du Code du travail, on pourrait... Par rapport aux recours – on va s'en parler tantôt. Et pourtant, moi, je pratiquais le droit du travail et j'avais oublié qu'effectivement le recours traitait plus particulièrement de cas de congédiement. Et il m'a repris là-dessus, et j'ai dit: Oui, effectivement. Je n'ai pas posé d'autres questions.

Quand je vous dis que la loi s'applique de la même façon lorsqu'elle est dans les normes du travail... Et, en plus, quand elle est dans les normes, elle s'applique à tout le monde. Or, quand elle est dans le Code, elle ne s'applique qu'aux gens qui sont régis par des conventions collectives. Alors, sur ce point-là, je voulais simplement vous souligner ça.

L'autre élément: de ne pas vous attacher à un symbole comme ça qui, quant à moi, n'est pas... Parce qu'on poursuit le même objectif, je pense, monsieur. Votre chef a fait beaucoup d'efforts et de travail pour que soit reconnue cette problématique-là. Alors, ne nous enfargeons pas dans des choses qui, moi, je pense, n'ont pas leur raison d'être.

L'autre élément dont je voulais vous parler, c'était concernant l'aspect qui traite du recours. Vous faites état, vous parlez d'un mécanisme, et j'ai de la misère à concevoir... Parce que je lisais aussi en même temps le projet de loi qui a été déposé par votre chef. Le recours est à peu près... Je veux dire, il n'y avait pas une disposition particulière sur le recours. Or, vous semblez faire une différence à l'effet que c'est un recours différent, parce qu'il est dans les normes actuellement, par rapport au Code du travail, si on mettait l'amendement dans le Code du travail. Est-ce que c'est ça que vous me dites?

Une voix: Oui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, écoutez, vous avez à peu près 30 secondes pour répondre à ça. Je regrette, c'est les temps qui nous sont alloués.

M. Tétreault (Jean-François): Je vais répondre en 30 secondes. Le principe est, d'abord et avant tout, peu importe où on l'inscrira, d'avoir une loi au Québec qui interdise à tout employeur, quel qu'il soit, de faire une clause orphelin et de faire en sorte que des employés soient discriminés par leur âge ou par leur date d'arrivée de façon claire et flagrante, que ces gens-là ne puissent pas jouir de mêmes conditions de vie que d'autres gens qui ont eu le bonheur d'arriver quelques secondes avant eux. C'est d'avoir une loi qui rend illégale toute clause orphelin. Ça, c'est clair.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Tétreault, on poursuit le débat. M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. M. Tétreault, Mme Lajoie?

Des voix: Bonneville.

M. Gobé: Oh! Mme Bonneville et M. Lajoie, excusez-moi. Je vous souhaite la bienvenue à cette commission. Il est très intéressant de vous entendre et je suis certain que vos propositions vont certainement contribuer à nous éclairer et à faire avancer ce débat.

On sait que votre formation politique, comme la nôtre, le Parti libéral, était à l'origine de ce grand débat là, avant les élections, qui a conduit le gouvernement à s'engager à régler ce problème. Et, si nous sommes ici aujourd'hui, c'est certainement parce que, justement, les jeunes de formations politiques d'opposition ont vu avec acuité les problèmes que pouvaient vivre les jeunes et ont demandé au gouvernement d'y remédier, ont questionné le gouvernement. Et, aujourd'hui, bien, force est de constater que, si le principe a été compris, on ne prend pas les moyens de régler les problèmes qui découlent de la situation.

Vous avez probablement pu prendre connaissance, par l'intermédiaire du cabinet de votre chef, des témoignages qui sont venus ici depuis hier et, à peu près, pas tous, les groupes de jeunes nous font valoir leur opposition et les grandes réserves qu'ils ont à l'égard du projet de loi de la ministre, y compris les jeunes du Parti québécois d'ailleurs qui nous ont dit hier que, si le projet de loi restait sous sa forme actuelle et si les amendements qu'ils apportaient n'étaient pas adoptés, ils étaient contre le projet de loi. Donc, pour vous dire que vous n'êtes pas isolés, tout seuls. Et, quand on fait la lecture des autres mémoires, on se rend compte que les groupes de jeunes, bien sûr, avec les jeunes libéraux, partagent la même opinion que vous, à une petite nuance près, puis peut-être que j'aimerais ça vous entendre sur cette position-là, ce matin.

Lorsque la Fédération des travailleurs du Québec est venue ici témoigner – la FTQ – nous avons pu voir dans leur mémoire qu'ils sont en accord avec le droit de faire varier l'amplitude de l'échelle salariale, d'accord, ou de la transformation d'un taux unique en échelle salariale. C'est dans leur mémoire.

Alors, lorsqu'on les a questionnés, le jeune représentant de la FTQ nous a expliqué que, au contraire, c'était très important d'avoir cette flexibilité, cette souplesse-là, que ça permettait à des jeunes de grimper vers le haut. On a même pris l'exemple d'un gars qui était en «running shoes» qui se retrouvait avec des souliers avec des caps d'acier puis un casque sur la tête. En tout cas, ça semblait être la solution idéale à l'intégration des jeunes dans le marché du travail.

Vous, là, comment expliquez-vous que des jeunes travailleurs, dans un syndicat comme la FTQ, contrairement à d'autres groupes de jeunes, puissent voir différemment cet article-là sur l'amplitude de l'échelle salariale? Eux sont pour; vous êtes contre. Pouvez-vous m'expliquer la différence de vue, s'il vous plaît?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Bonneville.

Mme Bonneville (Marie-Ève): Oui. Je pense que la différence de vue, c'est surtout un problème... c'est que, nous, ce dont on a peur, c'est qu'il y a des gens de mauvaise foi qui essaient d'utiliser cette souplesse-là justement mais à mauvais escient. C'est-à-dire qu'au lieu que ce soit utilisé pour aider les jeunes à grimper vers le haut ce soit utilisé plutôt vers le bas. Ce qui fait que les clauses orphelin ont été utilisées... Puis je ne pense pas que la pratique va arrêter demain matin parce qu'on leur donne une souplesse puis qu'ils vont dire: Bon, bien, il ne faut plus en faire; on va l'utiliser à bon escient puis on va l'utiliser juste pour les monter vers le haut.

Et je le sais, j'en vois tous les jours, j'étudie là-dedans, le droit, puis il y en a à tous les jours qui essaient d'en passer puis qui jouent avec des virgules. Bon. Ils vont l'utiliser. Ce qu'on apporte – on ne dit pas que ça va être généralisé comme comportement – c'est qu'on dit: Attention! Il faut faire attention pour que les gens n'utilisent pas ça pour mettre des barreaux à l'échelle mais par le bas. Je pense que c'est plutôt une... Ce qu'on dit, c'est: Prudence. Il faut faire attention.

M. Gobé: Mais comment expliquez-vous que des jeunes syndiqués, donc censés défendre les travailleurs, eux, veulent cette clause-là?

Mme Bonneville (Marie-Ève): Il faudrait que je leur parle et qu'on échange là-dessus. Je ne sais pas. Moi, je ne comprends pas.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: D'accord. Je vous remercie. J'avais pensé que vous aviez peut-être une explication, mais je vois que vous rejetez...

M. Tétreault (Jean-François): Bien, si vous voulez absolument une explication...

M. Gobé: Bien, j'aimerais comprendre. Non, mais ce n'est pas un blâme, mademoiselle. Je comprends que vous ne compreniez pas. Mais peut-être que quelqu'un pourrait...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je pense que M. Tétreault voulait donner un élément de réponse. Alors, M. Tétreault.

M. Tétreault (Jean-François): Oui, Mme la Présidente. Ce que je voulais simplement amener en supplémentaire est que, peut-être également que ces jeunes syndiqués dont vous me parlez, est-ce que ce sont des représentants syndicaux eux-mêmes ou si ce sont simplement des jeunes qui sont syndiqués dans une centrale?

Si c'est le deuxième cas, je pourrais comprendre peut-être leur naïveté. Peut-être qu'ils se sont fait expliquer par leurs dirigeants syndicaux que c'était une bonne chose pour eux. Et, si ce sont des représentants – mais malgré le fait qu'ils sont jeunes ce sont des représentants syndicaux – bien sûr que c'est tout à leur avantage que de venir défendre une telle disposition, puisqu'elle continue d'encourager les clauses que leurs propres syndicats ont déjà utilisées dans le passé. Je pense qu'il y a deux éléments de réponse à ça. Il y a peut-être, d'une part, comme je vous disais, la naïveté de l'individu dans la mesure où lui-même est syndiqué ou, d'autre part, de connivence avec les autres instances qui utilisent ce système-là pour pouvoir continuer à faire des clauses de façon légale.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

(16 h 40)

M. Gobé: Je crois que le jeune homme qui parlait était représentant des jeunes FTQ ou quelque chose comme ça, en tout cas il représentait des jeunes, ils lui ont donné la parole. Était-il syndiqué lui-même comme travailleur? Je ne saurais pas vous répondre à ça.

Vous avez abordé un sujet très intéressant que nous avons déjà eu l'occasion de discuter entre nous qui était celui de faire une loi-cadre pour enchâsser le principe de la non-discrimination des jeunes dans... Vous parlez du Code du travail. Ça pourrait être plusieurs lois, ça pourrait être le Code du travail, la Loi sur les relations de travail dans la construction, la loi sur les commissions de travail dans la police, ça pourrait être la Loi sur les services de santé, des travailleurs dans les services de la santé et sociaux. En d'autres termes, ça a déjà été fait, et je trouve cette idée assez intéressante. Pourriez-vous me dire, en dehors de termes techniques, sur le point de vue strictement efficacité, qu'est-ce qu'on retrouverait à agir de cette façon-là par rapport à ce qu'on a maintenant? Je ne parle pas forcément d'application technique, mais...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Tétreault.

M. Tétreault (Jean-François): Mais je vous dirais que l'ensemble de la question, comme vous le dites, c'est une question de principe, c'est une question qui touche l'ensemble de la population. Effectivement, si on peut l'enchâsser non seulement dans les normes, mais dans le Code et dans d'autres endroits, je pense qu'il serait mal venu de notre part que d'être fermés à toute addition. Je dis bien «addition», ce n'est pas parce qu'on le met à un endroit qu'il faut l'enlever à l'autre. Je parle d'addition, de multiplication. Si on parle de...

M. Gobé: Oui, oui, une loi-cadre qui englobe tout le monde.

M. Tétreault (Jean-François): ... – tout à fait – multiplication des lois qui font en sorte que ça interdit et que ça empêche toute clause orphelin de se créer, on ne peut pas faire autrement que d'aller dans ce sens-là. D'ailleurs, je vous invite, à moins que je l'aie manqué, vous me corrigerez, les bonnes volontés que vous nous amenez aujourd'hui, cette volonté que vous semblez avoir de régler le problème, à en faire part à votre chef, et j'espère qu'il s'engagera lui aussi publiquement en ce sens-là et qu'il pourra faire des engagements tout aussi éloquents que ceux que M. Bouchard avait faits en campagne électorale pour donner confiance aux jeunes. Je vous invite à le faire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Lajoie.

M. Gobé: Je vous remercie aussi de votre...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Non, un instant M. le député, M. Lajoie voulait...

M. Gobé: Oh! excusez-moi.

M. Lajoie (Frédéric): Juste ajouter un petit point. Ce qui est très important pour la Commission des jeunes au niveau technique justement, c'est que la personne qui sera victime d'une clause orphelin n'ait pas à aller défendre elle-même sa cause, mais que, dès le départ, ce soit quelque chose qui soit illégal, qu'on ne puisse jamais accepter qu'une telle clause soit dans n'importe quel contrat de travail. Alors, peu importe où on le mettra, nous, on dit qu'on veut l'avoir dans le Code du travail parce qu'on croit que c'est plus efficace, parce qu'on croit que c'est l'endroit où la personne va vraiment bien être protégée.

Mais, du côté du Parti québécois, on semble nous dire que, même aux normes, ça serait le cas. Nous, ce qu'on voit, ce qu'on pense, c'est que ce n'est pas le cas. Je pense que, si on allait dans votre sens, c'est-à-dire de le mettre aux deux endroits, c'est encore mieux, ça nous protège. Mieux vaut être mieux protégé que pas du tout.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: À vous écouter parler puis débattre avec les gens du gouvernement tout à l'heure, c'est un peu ce qui me venait à l'esprit en disant comment trouver la formule la plus simple possible tout en ayant maximalisé non seulement l'éducation, mais l'application. Je pense qu'une loi-cadre qui toucherait différentes lois – ça se fait assez régulièrement aux relations de travail ici, à l'Assemblée, on a déjà passé plusieurs lois qui modifient d'autres lois dans différents autres secteurs, donc ce n'est pas tellement compliqué – c'est peut-être une solution à retenir pour Mme la ministre.

En ce qui concerne l'invitation que vous faites à M. Charest, je peux vous rassurer que, bien sûr, les positions que nous tenons ici, en cette commission – votre chef peut certainement vous en faire rapport si vous n'avez pas pu tout entendre – sont en parfait accord non seulement du caucus du Parti libéral, mais de notre chef, M. Charest, qui tient particulièrement à ce que ce dossier trouve un aboutissement satisfaisant pour les jeunes. C'est peut-être la réponse que je peux vous faire. Mais, si par hasard vous le rencontrez, vous pourrez certainement lui réitérer et lui mentionner ce que je vous ai dit. Ça lui fera certainement plaisir.

Et je crois que, en cette commission, l'intérêt des jeunes et du Québec, de la société, pas juste des jeunes – Mme la ministre faisait remarquer tout à l'heure qu'il y avait d'autres catégories de travailleurs qui étaient touchées – l'intérêt de tout le monde, c'est de trouver une solution aux problèmes que nous connaissons et que ça doit donc faire en sorte de départisaner, enlever la partisanerie du débat que nous avons actuellement entre gens de bonne volonté qui veulent faire avancer le débat. Et je crois que, dans ce sens-là, mon questionnement est un questionnement qui est non partisan. C'est dans ce sens-là que j'ai demandé aux jeunes du Parti québécois si le projet de loi, tel que présenté et non amendé comme ils le désiraient, s'il serait acceptable pour eux, et c'est dans cet esprit-là qu'ils m'ont répondu: Non, il ne serait pas acceptable pour nous. Alors, ils auraient pu très bien ne pas répondre, au nom de la partisanerie.

Je crois qu'on a l'occasion unique de démontrer à la société, et aux jeunes en particulier qui, je le disais précédemment, ont de moins en moins d'écoute ou de croyance en la légitimité du discours des politiciens... De plus en plus, les jeunes, pas forcément à 18 ans ou à 19 ans, mais les jeunes en général, sont désabusés et ont l'impression que les hommes ou les femmes politiques ou les organisations politiques, lors de campagnes électorales, pré-électorales, lancent des idées, promettent des choses, font miroiter des changements de société, et, lorsque l'élection est passée, que les gens ont récupéré le plein des votes à qui ces promesses s'adressent pour les amener, bien, on retombe dans un petit ronron, comme disait le professeur Morin hier, un ronron de salon où tout le monde essaie de faire valoir un peu son rapport de force, où, à la fin, le gouvernement ne fait plus rien parce qu'il a peur de déplaire à peu près à tout le monde et, ayant eu ce qu'il voulait, bien, il est obligé de le livrer.

Alors, aujourd'hui on a peut-être l'occasion de réparer ça, hein, pendant les quelques jours qu'on est là. Cette occasion, bien, c'est de faire en sorte que le gouvernement tienne son engagement. Il y a le Sommet bientôt, hein. Êtes-vous invités au Sommet, vous, les jeunes de l'ADQ?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Bonneville.

Mme Bonneville (Marie-Ève): On n'a pas reçu de lettre encore.

M. Gobé: Vous n'avez pas reçu de lettre encore, hein.

Une voix: Non.

M. Gobé: Bon. Alors, les autres groupes de jeunes... Je ne sais pas si, chez nous, au Parti libéral, les jeunes en ont reçu, des lettres, mais, en tout cas, peut-être sont-ils dans votre cas. Mais une chose est certaine, les autres groupes de jeunes ont fait savoir que, pour eux, ce qui allait sortir d'ici, ce projet de loi, de la part du gouvernement, était pour eux quasiment une condition de participation au Sommet ou, du moins, une obligation de résultat avant le Sommet. Est-ce que vous partagez, vous aussi, cette opinion-là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lajoie.

M. Lajoie (Frédéric): En fait, M. le député, je pense que, oui, on partage en bonne partie ce que vous dites. Ce qui arrive avec le projet de loi des clauses orphelin – vous disiez tout à l'heure que ce n'était pas nécessairement juste une chose qui touchait les jeunes – en fait, ce qu'on veut des clauses orphelin, ce qu'on veut qui ressorte de ça, c'est qu'on dise au Québec: Quand un nouveau travailleur arrive sur le marché du travail, ce n'est pas seulement à lui à payer pour ce que les autres ont eu avant.

Je crois qu'il faut conscientiser l'ensemble des travailleurs au Québec. Si ça va mal – j'espère que le gouvernement du Parti québécois réussira à trouver des solutions aux problèmes économiques que le Québec subit, là, un jour, on retrouvera probablement une prospérité économique meilleure – lorsqu'une entreprise a besoin de couper, pourquoi il faudrait le faire sur le dos des nouveaux travailleurs? Faire comprendre aux travailleurs, aux syndicats, que ce n'est pas nécessairement aux nouveaux travailleurs à toujours payer pour les pertes financières des entreprises.

Alors, on met tout le monde, tous et chacun... Je crois que c'est un devoir de citoyen de mettre l'épaule à la roue et de faire avancer les dossiers économiques. Donc, les clauses orphelin, ce n'est pas nécessairement quelque chose qui touche seulement les jeunes, c'est vraiment un dossier de société. Il faut vraiment que chacun soit conscient qu'à partir de maintenant on n'accepte plus qu'une tranche de la population fasse les frais des problèmes économiques et que les personnes qui sont venues au monde avant nous puissent continuer à rouler leur train de vie sur notre dos à nous.

Parce que, un jour, on prendra notre place et, vous, malheureusement, l'âge faisant, vous prendrez votre retraite. Et, à ce moment-là, vous serez plus nombreux à la retraite qu'il y aura de gens qui seront sur le marché du travail. Et, parce qu'on aura négligé de donner des conditions favorables aux nouveaux travailleurs... Bien, ce sera, dans votre cas, dans vos intérêts à vous d'avoir des gens qui seront capable de payer vos retraites, vos soins de santé, etc., et là les clauses orphelin encore une fois rentrent là-dedans. Alors, c'est vraiment de se protéger en tant que société pour être sûr de se garder quelque chose d'économiquement viable pour l'avenir.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Vous avez non seulement raison dans ce sens-là... Il me reste un peu de temps, madame?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, il vous reste trois minutes.

(16 h 50)

M. Gobé: Non seulement vous avez raison, vu de cet angle-là, mais je crois qu'on touche le point, là, du message à envoyer à cette génération qui est la vôtre et qui va, dans quelques années... et qui commence dès maintenant déjà à se préparer à faire marcher la société, à faire marcher le système et à assurer une croissance et un développement économique pour eux, bien sûr, mais aussi afin de faire en sorte que notre génération et celle précédente, vieillissante mais vivant plus longtemps à cause de l'âge toujours plus long auquel on reste en vie, eh bien, puissent aussi, grâce à votre générosité et à votre esprit intergénérationnel, conserver des qualités de vie et des programmes sociaux adéquats.

Parce que, dès le moment où on envoie à une génération un message totalement égoïste, eh bien, quand cette génération-là sera aux affaires et qu'elle aura les leviers, elle pourrait être tentée, à un moment donné aussi, d'avoir des comportements égoïstes. Et c'est cette génération-là qui sera dans le Parlement, qui sera dans les endroits décisionnels. Et on pourrait à la limite, de toute façon je suis prudent, craindre que ce message, cette manière de fonctionner là, cette manière de vous traiter ne vous prédispose, dans le futur, à penser uniquement en fonction d'une génération en ce qui concerne vos intérêts les plus immédiats.

Alors, je crois que ce n'est pas un bon message à envoyer lorsqu'on veut créer une société humaine, juste et qui devra en surplus prendre soin de ceux qui l'ont précédée par son travail, par ses gains et par son labeur.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Bonneville...

Mme Bonneville (Marie-Ève): Oui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je suis désolée, je ne vous avais pas vue. Mme Bonneville voulait ajouter d'abord un élément de réponse à la question précédente.

Mme Bonneville (Marie-Ève): Oui. Bien, c'est un bel échange. Je suis contente. Mais je voulais juste répondre à la question. C'est que, en ce qui concerne le Sommet de la jeunesse, comme je vous disais, on n'a pas encore eu d'invitation. En tout cas, je suis allée au parti il n'y a pas longtemps, puis on n'en avait pas eu encore. Par contre, on n'a pas l'intention de jouer sur le projet de loi. On n'est pas une commission des jeunes, on n'est pas un parti qui a l'habitude de fonctionner avec le chantage. Ce qui fait que, peu importe les résultats de ce qui va sortir de la commission parlementaire, si on est invité, on va y aller.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, Mme Bonneville.

M. Gobé: Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Non. Alors, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui. Merci, Mme la Présidente. D'abord, bienvenue aux jeunes de l'ADQ pour cette commission, deuxième sur le même sujet. D'abord, j'aurais une observation sur les statistiques que la ministre nous présentait tout à l'heure avec une sorte d'étonnement qu'il y ait encore à la recherche d'emploi des gens en haut de 30 ans. Je pense qu'on s'entend, à l'intérieur de nos partis: les commissions des jeunes ont une limite d'âge sur la carte de membre à partir de laquelle ils ne sont plus jeunes dans les structures. Dans la vie, c'est un petit peu différent.

Parce que la notion de jeune s'élargit au fur et à mesure que les concepts de précarité qui sont associés à la nouvelle génération... Bien, on s'aperçoit qu'il y a des gens qui sont rendus à 32, 33, 35 ans, puis tu regardes leur c.v., puis c'est un contrat de six mois, puis un contrat d'un an, puis ils sont allés se rechercher un diplôme. Alors, les vécus qui sont associés à cette génération-là effectivement s'étirent vers le haut, puis on se retrouve avec des gens qui sont rendus dans la trentaine puis qui retardent encore l'achat de leur maison puis leur famille. Et ça vient juste non pas diminuer l'ampleur du problème, mais, au contraire, le fait que ça s'élargisse à des gens plus vieux, ça vient l'amplifier.

Toute la question du Code, des normes, le débat s'est fait tout à l'heure sur un choix de lois, et je pense qu'il faut le ramener à... Le seul critère dans la première commission parlementaire sur lequel des gens avaient amené des contenus puis qui m'avaient amené à rajouter des choses, c'est le critère de l'efficacité. À l'ONU, il y a une foule de pays qui sont signataires de déclarations de l'ONU, qui ont des intentions très nobles dedans, puis les pays ne les respectent pas vraiment parce qu'il n'y a pas de mécanisme de mise en application, d'efficacité.

Or, dans ce cas-ci, l'efficacité vient de la capacité de la victime à faire sa preuve – donc à qui incombe le fardeau de la preuve et comment – et, là-dessus, le mécanisme de recours, le fardeau de la preuve, je peux vous dire que ça inquiète beaucoup de groupes de jeunes. Les jeunes péquistes, entre autres, sont venus nous dire hier que le mécanisme par lequel les normes du travail fonctionnent, c'est qu'il faut aller voir son syndicat. Puis c'est le syndicat qui est à la fois le signataire de la clause orphelin et qui devient notre premier défenseur parce que c'est ça, le mécanisme de recours. Alors, c'est là que le bât blesse, c'est sur le fardeau de la preuve. Et je voudrais vous réentendre là-dessus. Comment, vous, vous entrevoyez la capacité d'un jeune à travers le fardeau de la preuve qui est imposé dans l'équilibre du projet de loi actuel, ou dans le déséquilibre du projet de loi actuel? Comment vous voyez cette capacité-là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Tétreault.

M. Tétreault (Jean-François): Bien, c'est sûr que, comme on l'utilisait tantôt, c'est David contre Goliath. On parle de demander à un individu d'assumer le fardeau complet que même un gouvernement a de la difficulté à porter. Je veux dire, on a de la difficulté à s'engager, à dire: Oui, c'est illégal, et tout ça. Dans la mesure où on le ferait, même encore là, la loi n'est pas très puissante, n'est pas très... en sanction, on parle de délai, on parle de toutes sortes de choses. Et, à l'inverse, on demanderait à un individu, qui, lui, est seul, qui est déjà dans une situation précaire, de faire ce que le gouvernement n'a pas fait dans cette loi-là et d'aller à l'encontre de son propre syndicat et d'aller à l'encontre de son patron.

Parce que, effectivement, le principe, dans son ensemble, est beau, mais, dans l'application, il nous semble non pas difficile, il nous semble impossible et irréaliste qu'un individu, dans une situation difficile, puisse porter le fardeau de prouver que son employeur et les gens qui sont supposés le défendre mais qui ont toutefois signé la fameuse clause viennent le défendre et mènent à bien le dossier qui le préoccupe. Comme je vous disais, c'est ça. Je pense que le mot clé, c'est non seulement difficile, mais c'est tout à fait impossible et impensable, irréaliste que de croire ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui, revenir sur la question du Sommet. Je suis heureux d'entendre qu'il n'y a pas d'intention de faire du chantage. Je pense que tous les groupes jeunes disent qu'ils ne veulent pas se retrouver dans une position de chantage, mais ce n'est pas tellement la position des jeunes de l'ADQ comme ce que vous entendez. Vous êtes en contact avec plusieurs groupes jeunes. La ministre du Travail est extrêmement sensible, elle ne veut pas entendre ça, on le sait. Visiblement, son chef s'est donné comme mandat de régler le cas des clauses orphelin avant le Sommet puis d'enlever ça du chemin. Est-ce que vous sentez que, dans l'enthousiasme, la confiance que les jeunes pourraient avoir en se présentant au Sommet ou, en tout cas, leur goût d'y participer pourrait être affecté si le gouvernement manque à sa parole dans le dossier des clauses orphelin?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Bonneville.

Mme Bonneville (Marie-Ève): Oui, je pense que c'est clair. Je veux dire, on avait une rencontre avec les gens de la FECQ en fin de semaine, puis ce qu'ils nous ont dit, c'est qu'ils comptent... En fait, ce qui est arrivé, c'est que les jeunes ont cru beaucoup, beaucoup aux promesses que le Parti québécois a faites, pendant la campagne, de s'en occuper soit par les clauses orphelin soit par le Sommet de la jeunesse, tout ça. On a vu par les journaux qu'il y avait eu des problèmes dans l'organisation même du Sommet de la jeunesse. Ça a causé des problèmes. Les jeunes se sentent pris en otage.

Mais, s'il n'y a rien qui se fait, si, en plus, le projet des clauses orphelin, je veux dire, il n'y a rien qui se passe puis qu'on déçoit encore les jeunes, c'est sûr que la motivation va être pas mal moins là. On va y aller, on va faire... mais on a beaucoup plus l'impression d'être pris là: Regardez-les! On les met en lumière parce qu'ils sont jeunes puis parce qu'on leur a promis, mais, dans le fond, ça ne donnera rien. Puis c'est un peu l'impression qu'on a avec le dossier qui est devant nous.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, Mme Bonneville pour cette participation à la commission. C'est tout le temps malheureusement qui nous était imparti.

Alors, je vais suspendre pour quelques minutes pour laisser le temps à l'autre groupe de venir s'installer.

(Suspension de la séance à 16 h 58)

(Reprise à 17 h 3)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission va reprendre ses travaux. Nous accueillons donc le Conseil québécois du commerce de détail. Alors, si vous voulez bien vous présenter et présenter la personne qui vous accompagne – je demande ça au porte-parole. Vous savez que vous avez 20 minutes qui vous sont allouées pour la présentation de votre mémoire.


Conseil québécois du commerce de détail (CQCD)

M. Lafleur (Gaston): Parfait! Merci, Mme la Présidente. Mon nom est Gaston Lafleur. Je suis le président-directeur général du Conseil québécois du commerce de détail. Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Suzanne Matte, qui est notre directrice des communications et affaires publiques au Conseil québécois, et je tiens à exprimer les excuses de M. Paul Woodstock, qui devait être présent cet après-midi, mais un contretemps majeur fait qu'il ne pourra pas être ici.

Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés membres de la commission, le Conseil québécois vous remercie de l'opportunité que vous nous donnez de venir vous exprimer notre point de vue et notre opinion concernant le projet de loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement.

D'entrée de jeu, j'aimerais vous indiquer que le Conseil québécois du commerce de détail représente une très vaste majorité de détaillants. Cependant, nous ne représentons pas le secteur alimentaire – j'aurais dû l'indiquer dans le mémoire. Vous aurez l'occasion d'ailleurs d'écouter les propos du Conseil canadien de la distribution alimentaire et de l'Association des détaillants en alimentation, je pense, le 6 octobre prochain. Alors, nous représentons l'ensemble du secteur, exclusion faite du secteur alimentaire et aussi du secteur des concessionnaires automobile. Je veux bien positionner notre rôle à l'intérieur de cette présentation.

Nous avons deux volets que nous aimerions présenter aujourd'hui. D'une part, l'énoncé de principe quant au projet de loi n° 67 et, finalement, certains commentaires concernant les articles qui sont proposés dans le projet de loi.

Comme le soulignent les notes explicatives du projet de loi n° 67, la ministre du Travail et le gouvernement souhaitent modifier la Loi sur les normes du travail afin d'interdire les disparités de traitement fondées sur uniquement la date d'embauche entre les salariés qui effectuent les mêmes tâches dans un même établissement. Cette interdiction s'appliquerait non seulement aux conventions collectives et aux décrets, mais aussi aux contrats individuels de travail conclus avec un salarié. D'autre part, l'interdiction vise l'ensemble des conditions de travail qui sont prévues aux divers chapitres de la Loi sur les normes du travail dont vous avez sûrement entendu parler tout au cours des deux derniers jours.

Si on fait un petit retour historique, l'avènement de ce projet de loi est la conséquence d'un débat qui s'est engagé depuis quelque temps sur la perception d'une discrimination indirecte visant les jeunes quant aux conditions de travail lors de l'embauche dans certaines entreprises régies par des conventions collectives de travail et comportant des clauses dites orphelin et dans le milieu municipal.

Je dois dire que ma collègue a eu l'occasion d'assister à tous les débats aujourd'hui, et, dans l'ensemble des débats, on a toujours parlé de conventions collectives de travail. Or, le projet de loi vise beaucoup plus large que la convention collective de travail et le décret; il vise aussi le contrat individuel de travail.

De l'avis du Conseil, toute mesure qui vise à normer les conditions de travail doit être évaluée en fonction des impacts qu'elle produira sur l'emploi, la croissance des entreprises ou, plutôt, dans les circonstances, leur survie et l'environnement économique à l'intérieur duquel nous devons évoluer.

Certes, nous devons reconnaître l'existence de ces clauses dans le milieu des relations de travail au Québec. Cependant, je crois qu'il serait hasardeux de prétendre que de telles dispositions, dans certaines conventions collectives de travail, ont pour objet précis de discriminer les jeunes à l'embauche. Certes, on ne peut écarter les conséquences indirectes des conventions collectives qui contiennent des disparités de traitement fondées sur la date d'embauche, en fait, que ça touche les jeunes qui sont embauchés par des entreprises, mais elles touchent aussi l'ensemble des salariés embauchés par ces entreprises. Or, on sait que, bon an mal an, plusieurs centaines de milliers de chômeurs se trouvent des emplois – donc il y a un changement qui se passe, bon an mal an – et ces employés-là, ou ces salariés, ou ces anciens chômeurs peuvent effectivement être admis dans une entreprise qui pourrait avoir de telles clauses.

D'autre part, le phénomène de disparités de traitement fondées sur la date d'embauche n'est pas unique au Québec, et d'ailleurs je ne reviendrai pas sur ce qui vous a été présenté au cours de la journée, mais je crois comprendre qu'on vous a abondamment nourris sur le contenu d'un rapport. Alors, je vais essayer d'alléger votre journée sur cette question.

Il faut reconnaître que l'apparition dans les conventions collectives de travail des dispositions prévoyant des disparités qui sont fondées sur la date d'embauche ne sont pas la règle dans le secteur du commerce de détail. Et, ici, hormis la question du secteur alimentaire, je dois vous dire que, dans le secteur que nous représentons, ce type de clauses est quasi inexistant. Et je vous dirais que les pourcentages qui vous ont été présentés lors des diverses interventions – aux alentours de 6 %, 7 % – sont peut-être même excessifs en termes de pourcentages dans notre secteur.

La réalité des contraintes et des exigences liées à la concurrence auxquelles font face les entreprises, et particulièrement le secteur du commerce de détail, font en sorte que les entreprises doivent s'ajuster et s'adapter aux conditions du marché. Laissez-moi vous dire, parce que, évidemment, vous êtes tous des consommateurs et des consommatrices, que, quand on voit des noms comme Eaton, qu'on voit des noms comme, l'an dernier, le groupe Aventure Électronique, c'est beaucoup d'emplois, c'est beaucoup d'établissements commerciaux et ça fait mal, et ça ne fait que démontrer l'environnement très concurrentiel à l'intérieur duquel le secteur du commerce de détail doit évoluer, et même les grands n'y échappent pas.

(17 h 10)

Les exigences d'efficacité et d'efficience des entreprises de notre secteur nécessitent des investissements importants non seulement en nouvelles technologies, mais aussi en dépenses de capital et de main-d'oeuvre qualifiée et compétente. D'ailleurs, nous sommes très heureux, Mme la ministre, d'apprendre qu'éventuellement le commerce de détail aura enfin un D.E.C. en gestion de commerce, ce qui, pour un secteur qui comporte 400 000 à 500 000 emplois, n'est pas un luxe. Alors, je peux vous dire qu'on est réjoui de la démarche qui se fait actuellement auprès du ministère de l'Éducation du Québec.

On prévoit, pour cette année seulement, plus de 809 000 000 $ en dépenses d'immobilisation dans le secteur du commerce de détail; vous pouvez constater ça en prenant comme source Statistique Canada. Dans un tel contexte, nos entreprises doivent s'assurer de répondre aux impératifs qui leur sont dictés par la concurrence et les règles du marché, et aussi par les consommateurs et les consommatrices.

Les conditions de travail dans un tel environnement représentent un aspect stratégique fondamental où la flexibilité est essentielle afin de permettre l'embauche de salariés compétents et l'atteinte des objectifs de croissance de l'entreprise ou, même, d'assurer sa survie. Or, le Conseil estime que le projet de loi n° 67 risque d'avoir des conséquences perverses sur les entreprises et l'emploi, surtout pour celles qui sont confrontées à des situations hautement concurrentielles et des concentrations de marché. Et, à titre d'exemple, le secteur alimentaire en est un. Il y a aussi celui de la quincaillerie-rénovation; on n'en a pas parlé parce que le problème est peut-être moins évident.

Ces effets pervers touchent aussi bien la rentabilité que la capacité compétitive de l'entreprise, et, ce matin, ou au cours de la journée, les diverses études et les diverses interventions aussi qui ont été faites ont clairement démontré, d'une part, que l'utilisation de ces clauses, que l'on retrouve dans certaines conventions collectives, n'a pas pour objet de défavoriser les jeunes mais vise avant tout à protéger la survie d'une entreprise et à assurer, à cause d'un contexte très concurrentiel ou souvent difficile, des acquis à des employés qui sont en place depuis plusieurs années. Et, comme on dit dans notre mémoire, comme le dollar ne s'étire pas, il faut penser à des compromis.

En matière de commerce de détail, l'impact des coûts liés aux ressources humaines sur le prix des produits et des biens de consommation est significatif. Notre secteur est un secteur qui utilise beaucoup de main-d'oeuvre et comporte des conséquences directes sur les marges disponibles et nécessaires à tout détaillant et qui peuvent faire la différence entre sa survie ou son déclin.

Le projet de loi n° 67 pourrait entraîner des conséquences non souhaitables sur la création et le maintien d'emplois, la productivité et la croissance de nos entreprises. En conséquence, même si on ne fait pas partie de la coalition des associations patronales, on tient à souligner qu'on joint notre voix à tous ces intervenants qui s'opposent à l'adoption du projet de loi tel que proposé et qui demandent, en fait, la création d'une table de concertation regroupant les intervenants socioéconomiques afin de procéder à des études d'impact et, surtout, d'essayer de trouver des solutions qui, à notre point de vue, doivent dépasser le cadre strictement d'une disposition, telle qu'elle est contenue à l'article 87.1.

Laissez-moi vous dire, Mme la ministre, Mme la Présidente et MM., Mmes les députés, qu'on est très préoccupés par la situation des jeunes. Et, pour nous, ce que l'on vit actuellement avec le projet de loi, c'est un cri d'alarme important que les jeunes ont fait, qui a été canalisé par M. Dumont mais qui en fait représente – excusez-moi le terme – le pic de l'iceberg en matière d'emplois. Et je pense qu'il faut regarder plus loin que le projet de loi n° 67.

Ce projet de loi, actuellement, selon nous, ne créera pas de solution et va faire en sorte que blancs ou noirs seront mécontents parce que le problème est plus profond. D'un côté, les entreprises qui utilisent ces clauses-là vont être perdantes, les travailleurs dans ces entreprises risquent d'être perdants. En bout de ligne, ça ne risque pas d'améliorer la situation de l'embauche des jeunes à cet égard-là, bien au contraire – comme je vous dis, le dollar ne s'étire pas – et, en bout de ligne, tout le monde risque d'être insatisfait.

Alors, pour nous, quand on dit qu'il faut s'asseoir et parler, c'est vrai qu'il faut en parler, mais c'est d'en parler dans un contexte qui est beaucoup plus large que strictement régler une problématique qui est limitée. Vous avez 6 % à 7 % des entreprises qui auraient des conventions collectives à 100 employés et plus. Nous, on estime que ça présenterait, dans le secteur du commerce de détail, que je représente, environ 1 200 entreprise; 6 % à 7 % de ça, ça fait quoi? 66 entreprises. Sur les 66 entreprises, combien il y en a qui ont des clauses orphelin, vraiment? Alors, on commence à résoudre la problématique.

Dans le secteur alimentaire, c'est différent, et ils ont un problème très particulier que je n'ai pas l'intention d'exposer; ces gens-là viendront vous parler. Mais je tiens à vous mentionner que, pour nous, le problème est beaucoup plus profond qu'on le dit – et, en fait, on connaît l'ampleur du problème – et les solutions ne sont pas faciles. Mais on vous dit, nous, en tant que Conseil québécois: Il ne faut pas utiliser l'article 87.1 comme étant une solution et il faut aller, à notre point de vue, non pas dans un débat, mais dans une concertation qui va permettre de dégager, d'identifier la problématique. Moi-même, j'ai des jeunes et je dois vous dire que, moi-même, ils ont une situation de chômage. Alors, là, je parle comme père de famille et je dois vous dire que ce n'est pas l'article 87.1 qui va régler leur problème.

Alors, la position que nous reflétons est un peu celle qui est véhiculée par les entreprises patronales, et je suis convaincu que vous devez comprendre que ces clauses-là ne sont pas faites pour discriminer les jeunes. Elles sont faites parce qu'il y a une situation difficile dans une entreprise. Chez nous, il n'y a pas un détaillant qui a ces clauses-là, actuellement, qui le fait de gaieté de coeur, je peux vous le dire.

Et il y en a peut-être qui n'existeront même plus dans quelque temps. Parce qu'ils n'auront pas été capables de s'adapter dans un contexte de gestion des outils qu'ils ont puis à cause de la concurrence qui est relativement féroce dans le secteur du commerce de détail, il y en a qui ne passeront pas la barre. Alors, là, pour nous, c'est évident qu'il y a une conséquence pour les jeunes, c'est évident. On le reconnaît qu'il y a une conséquence pour d'autres travailleurs. Mais la conséquence ne veut pas dire que c'est la cause et la raison d'être de la clause. C'est ça qu'il faut considérer.

Évidemment, en présumant que le gouvernement souhaite quand même légiférer sur cette question, nous avons quelques commentaires concernant l'article 87.1. On a souhaité introduire une disposition plus large que celle qu'on avait discutée lors du premier débat en y incluant l'ensemble des conventions de travail et on l'a appliquée à l'ensemble des conditions de travail réparties au niveau du... en tout cas, je n'ai pas le chapitre précis, mais on sait toutes les conditions de travail qui seraient impliquées avec ça.

Premièrement, on l'introduit dans la Loi sur les normes du travail. Et, tantôt, j'ai entendu un député – je pense que c'est le député de Chicoutimi – qui parlait d'une question de droit public. Cette loi vise à établir les normes minimales du travail, les normes minimales, et elle reconnaît qu'une convention ou un décret peut avoir pour effet d'accorder à un salarié une condition de travail plus avantageuse qu'une norme prévue à cette loi ou ses règlements.

Alors, c'est à l'intérieur de ces principes fondamentaux que s'est élaboré, au cours des 20 dernières années, le contenu de la loi actuelle qu'on connaît, avec plusieurs amendements. Alors, selon nous, les principes que je viens d'exposer doivent guider le législateur lorsqu'il propose un amendement ou une modification à cette loi-là. Et, de l'avis du Conseil, la portée de 87.1 va au-delà du principe de la norme minimale qui sous-tend la Loi sur les normes du travail, puisqu'elle touche l'ensemble des salariés régis par des conventions collectives ou des décrets qui, dans une large mesure, possèdent déjà des conditions de travail plus avantageuses que celles prévues par la loi.

D'autre part, l'application de 87.1 vise tous les salariés et tous les employeurs. L'impact d'une telle mesure n'a pas été évalué et, s'il l'a été par le gouvernement, nous n'en connaissons pas les résultats, sauf évidemment pour l'annonce que Mme Lemieux a faite hier quant au secteur alimentaire et à un secteur manufacturier, où elle évaluait 3 800 postes perdus éventuellement avec une conséquence finale de 1 000 emplois avec le réaménagement des...

Dans les circonstances, le Conseil est d'avis que le législateur doit déterminer un plafond acceptable au-dessus duquel la norme cesse de s'appliquer. Parce que, dans le fond, on applique ça à des conventions collectives qui sont déjà favorables, on a une législation qui vise des normes minimales de travail. Et, à titre d'exemple, nous vous citons 41.1 qui dit: «Un employeur ne peut accorder à un salarié un taux de salaire inférieur à celui consenti aux autres salariés qui effectuent les mêmes tâches dans un même établissement, pour le seul motif que ce salarié travaille habituellement moins d'heures par semaine.

«Le premier alinéa ne s'applique pas à un salarié qui gagne un taux de plus de deux fois le salaire minimum.»

(17 h 20)

Alors, là, on avait une circonstance justement où le législateur pouvait être dans une situation où on excédait de façon significative les normes minimales de travail. Et, pour respecter la lettre de la loi et l'intention du législateur quand cette loi-là a été adoptée, on a décidé de mettre un plafond.

Or, votre proposition actuellement n'a aucun plafond. Ce n'est plus une normes du travail, là; c'est autre chose. C'est peut-être une question qui relève plus de la Charte des droits et libertés de la personne. Il faut qu'il y ait une limite quelque part. Dans ce cas, la norme vise à s'assurer qu'un salarié n'aura pas un taux de salaire inférieur aux autres salariés pour le seul motif qu'il travaille moins d'heures par semaine. Alors, en faisant de la transposition, on s'aperçoit qu'en l'appliquant à 87.1 je pense qu'on pourrait aisément établir ou déterminer un plafond.

En fait, c'était essentiellement pour vous dire qu'il y a un précédent là-dedans et que ce précédent-là a une raison d'être. Et cette raison d'être, à notre point de vue, devrait aussi bien s'appliquer, évidemment, si vous souhaitez mettre une disposition à 87.1.

Alors, on fait même une suggestion législative en disant: Le premier alinéa ne s'applique pas à un salarié qui gagne un taux de plus de deux fois le salaire minimum à sa date d'embauche. Alors, évidemment, c'est un projet.

Quant aux articles 87.2 et 87.3, le Conseil questionne la justesse des articles. En effet, la rédaction de l'article 87.2 limite les motifs ou les circonstances justifiant qu'une condition de travail et le salaire ne soient pas dérogatoires à 87.1, aux éléments de l'ancienneté et de la durée de travail, et aussi prévoit des modalités en termes d'amplitude d'échelle salariale ou le remplacement d'un taux unique de salaire à une échelle salariale.

Or, il peut exister des circonstances et des motifs qui font en sorte qu'une condition de travail d'un salarié soit différente d'un autre salarié qui effectue les mêmes tâches dans un même établissement. Entre autres, j'en cite quelques-uns: l'expérience, les compétences, les aptitudes, les qualités requises – dans notre secteur, c'est très important – la productivité, le temps supplémentaire, la valeur au mérite, la situation de l'offre d'emploi – donc la situation dans le marché – la capacité financière de l'entreprise, la pénurie ou le surplus de la main-d'oeuvre. N'oubliez pas, Mme la ministre et les membres de cette commission, que ça s'applique aussi à un contrat individuel de travail.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Racine, il faudrait conclure bientôt. Il reste une minute à votre présentation.

M. Lafleur (Gaston): Parfait. Alors, écoutez, ce que nous proposons essentiellement, c'est que, encore une fois, pourquoi créer un ensemble d'exceptions...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Pas M. Racine, M. Lafleur.

M. Lafleur (Gaston): ...alors que l'article 87.1 stipule: Pour le seul motif de la date d'embauche? L'article 41.1 dit: Pour le seul motif, puis on n'est pas arrivé à créer des exceptions, et des ci et des ça, qui, en fait, en bout de ligne, vont créer certainement des débats juridiques fort intéressants, qui vont certainement occuper nos collègues de la Commission des normes du travail, mais qui, en bout de ligne, ne feront pas nécessairement avancer les choses.

Alors, pour nous, c'est purement et simplement de faire sauter 87.2 dans sa totalité ou, sinon, d'ajouter le terme «notamment», qui permettrait la possibilité de prévoir d'autres situations que le législateur n'aurait pas prévues dans sa grande sagesse.

Rapidement, en ce qui concerne le pouvoir réglementaire, deux suggestions. Pourquoi le gouvernement ne peut pas obtenir un pouvoir réglementaire d'exclusion dans des circonstances où certains établissements ou catégories d'entreprises ou d'emplois seraient dans des situations économiques difficiles et, à ce moment-là, de prévoir une possibilité d'exemption par voie réglementaire?

Et, finalement, quant à la date de 2004, pour nous, on considère que ça devrait être laissé à la souveraine décision de l'Assemblée nationale et pas au gouvernement. Ou on a une date, ou on n'en a pas. Si c'est le 31 décembre 2004, c'est le 31 décembre 2004, et c'est l'Assemblée nationale qui décide. Sinon, il n'y a pas de date. Il n'y a pas de fin. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, voilà. On va pouvoir continuer sous forme d'échange, M. Lafleur. Je m'excuse, j'ai vraiment fait erreur tout à l'heure. Vous avez compris quand même, cependant.

M. Lafleur (Gaston): Oui, merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la ministre.

Mme Lemieux: M. Lafleur, Mme Matte, merci de cette présentation. Et je vais vous dire, j'ai beaucoup apprécié votre mémoire et votre présentation. Parce que, bon, évidemment, vous avez une position un peu prévisible. Ce n'est pas un reproche. Je ne suis pas ironique quand je dis ça. Vous dites non. Mais vous finissez par dire: Bon, bien, si jamais on est vraiment coincé, voici un certain nombre de suggestions, de mises en garde.

Mais je ferai une remarque de base. Je pense que vous faites une bonne lecture. En tout cas, c'est une lecture que je partage quand vous dites: Ce dossier-là, des clauses orphelin, nous cache aussi toute une autre réalité. Ça n'empêche pas qu'il nous faut quand même aborder la question des clauses orphelin, mais il y a une réalité beaucoup plus vaste en arrière de ça. La question de l'intégration des jeunes à l'emploi, du manque d'emplois, du manque d'occasions pour les jeunes d'avoir un premier emploi.

Vous êtes un père de famille. Moi, je vous dirais – et il y a plusieurs de vos collègues, si je peux m'exprimer ainsi, du patronat qui l'ont exprimé aussi de toutes sortes de manières, des fois habilement, d'autres fois gauchement – le problème d'emploi chez les jeunes, il est grave. Et, avant que ça saute de partout, il n'est pas suffisant que le patronat, quel qu'il soit, nous dise: Voyez-vous, le problème des clauses orphelin, il y a quelque chose de plus large que ça puis, dans le fond, il faudrait peut-être s'attaquer à quelque chose de plus large.

Dépêchez-vous! Dépêchez-vous! Moi, je veux bien qu'on regarde les responsabilités de l'État. Je suis ministre responsable de l'Emploi aussi, et il faut tout faire du point de vue de l'État. Mais nous savons tous que l'État a des possibilités mais qu'il a des limites, et les responsabilités, par rapport à ce sujet-là, elles sont partagées. Vous avez l'air de quelqu'un qui a du coeur au ventre, qui a du leadership, mais vous ne pouvez pas juste nous dire: Attention d'intervenir sur les clauses orphelin parce que, dans le fond, le problème, il est plus grave que ça. C'est ça que j'entends du patronat depuis le début. Dépêchez-vous! C'est une question de crédibilité aussi du patronat, pas juste du gouvernement. Moi, je vous la lance, la perche. On va vous en lancer, des perches, à l'occasion du Sommet de la jeunesse, et j'espère qu'on ne perdra ni l'un ni l'autre cette occasion-là.

Un exemple concret, un des éléments que vous apportez... Bon. Vous parlez de création d'une table de concertation. Tout ça, là, il va falloir passer à l'action. Parce qu'il a été, à un moment donné, question d'un pacte social. C'est mou. Bon. Ça a avancé, ça n'a pas avancé. Il est important, ce problème-là. Puis il y a des gens qui sont venus nous dire: On négocie des clauses orphelin pour qui? Pour plus de profits pour les entreprises? À un moment donné, ça n'a plus de sens, l'économie dans laquelle on est. Alors, il va falloir qu'il y ait un signal clair aussi de la part du patronat. Ça, c'est un commentaire général puis c'est mon cri du coeur, à moi aussi.

Par ailleurs, je vais me permettre d'examiner certains... je suis tentée... Parce que vous dites quand même: Si le gouvernement décide d'adopter le projet de loi, voici nos suggestions et recommandations. Je vais en regarder quelques-unes avec vous.

La première. Vous nous suggérez de reprendre un petit peu le même type de raisonnement qu'il y a à 41.1 dans la Loi sur les normes, où on fixe toute la question du temps partiel, on n'intervient pas lorsque le salaire est deux fois plus important que le salaire minimum. Vous importez ce raisonnement-là. Maintenant, est-ce que ce raisonnement-là, il y a une logique dans ce dossier-ci des clauses orphelin? Je comprends ce que vous voulez faire, mais j'ai un peu de la misère à la trouver, cette logique-là. Peut-être que vous en avez une.

Le pouvoir réglementaire. Vous êtes un des premiers à identifier ça, donc que la loi prévoie un pouvoir au gouvernement afin de soustraire certains établissements. Qui? Pourquoi? Dans quelles circonstances? Selon quels critères? Il me semble qu'il faut un peu réfléchir là-dessus. D'autant plus que vous dites: Dans mon secteur, il n'y en a pas tant que ça. Alors, vaut-il mieux essayer de les enrayer et d'avoir des conditions générales d'application qui sont vivables que de contourner? Je vous lance la question.

La dernière question que je voulais aborder avec vous: Dans votre mémoire, par exemple, quand on parle de situations temporaires, des conditions de travail temporaires suite à un reclassement, une rétrogradation, donc lorsqu'on maintient des conditions plus avantageuses dans ces cas-là qui seraient temporaires, vous dites: On ne devrait pas parler de situations temporaires, et je cite votre mémoire, vous dites: «Dans certaines circonstances, on peut conclure que la nature avantageuse des conditions de travail du salarié rétrogradé ne sont pas temporaires.» Vous pensez à quoi? Avez-vous des exemples concrets de ça?

Alors, ça, c'est plus les questions pratiques que j'avais au sujet de votre mémoire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Lafleur.

M. Lafleur (Gaston): Oui, merci, madame. En ce qui concerne l'interpellation, je dois vous dire, Mme la ministre, qu'il nous apparaît très clair que c'est à vous et à votre gouvernement d'agir comme rassembleur...

Mme Lemieux: D'accord.

(17 h 30)

M. Lafleur (Gaston): ...et, nous, en tant que Conseil québécois du commerce de détail, nous n'avons jamais été appelés ou consultés ou même on ne nous a jamais suggéré de venir s'asseoir alentour d'une table pour discuter de cette situation-là, malgré le fait que nous avons beaucoup de jeunes.

Alors, ce que je vous dis, Mme la ministre, dans le fond, et je pense que ce que vous dites, tout le monde le dit depuis un bout de temps, c'est qu'on s'assoie, qu'on la convoque, mais c'est à vous de le faire, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Mais je comprends que vous répondrez à notre appel.

M. Lafleur (Gaston): On va venir s'asseoir.

Mme Lemieux: D'accord.

M. Lafleur (Gaston): Alors le signal clair, je pense qu'il est là, les gens sont prêts à s'asseoir.

Mme Lemieux: Correct.

M. Lafleur (Gaston): Bon. La logique de l'article 41.1, voici, Mme la ministre. Écoutez, c'est que là on a une législation, ça fait plus de 20 ans qu'elle existe. Dans le cas de 41.1, ça a posé une problématique particulière parce que c'est autre chose nécessairement que... Ce n'est pas une norme minimale, c'est une forme, à 41.1, de discrimination liée au temps partiel par rapport au temps plein.

Or, le législateur, dans sa grande sagesse, dans ce cas-là, s'est dit: Oui, parfait, mais un instant. On introduit un élément où on veut éliminer la discrimination, mais on est quand même dans une situation de législation où ce sont des normes minimales et qui, de plein droit, doivent être respectées et qu'aucune convention de travail, décret ou contrainte de travail ne peut contrecarrer. Et, dans ce processus-là, on a indiqué, d'une part, que, si le seul motif pour lequel on donne une situation, un salaire moindre est relié au fait que la personne travaille moins d'heures pour la même tâche dans le même établissement, à ce moment-là cette disposition-là, cette pratique-là est interdite. Cependant, on a dit: Oui, mais il faut limiter ça à deux fois le salaire minimum. Pourquoi? Parce que ça ne devient plus une norme minimale, ça va bien au-delà de la norme minimale.

Maintenant, ce que nous vous proposons, c'est beaucoup plus de considérer, dans le processus, dans l'application de 87.1, un plafonnement. Il faut qu'il y ait un plafond, sinon ce n'est plus une norme minimale. Et ça, c'est toute l'essence de la loi qu'on tient en ligne de compte. Et, d'autre part, dans le contexte où on parle de conventions collectives de travail, où les normes sont normalement plus avantageuses – je pense qu'on en conviendra – bien, c'est d'autant plus délicat d'appliquer une disposition telle que 87.1 le fait sans avoir une limite, un plafonds quelconque. Alors, ça, c'est la logique qui sous-tend ça.

Cette logique est aussi valable pour la question des articles 87.2 et 87.3. Quand on regarde le parallèle, on dit: Écoutez, ce que l'on veut interdire essentiellement dans le cas de 41.1, c'est une personne, un salarié qui serait moins rémunéré pour le seul motif qu'il ne travaille pas à temps plein, qu'il travaille à temps partiel. Dans votre proposition à 87.1, vous dites: Ce que l'on veut interdire, c'est qu'un salarié au moment de l'embauche ait des conditions moins avantageuses pour le seul motif de sa date d'embauche. C'est clair, c'est limpide. Mais, aussitôt qu'on arrive avec 87.2 et suivants, là, ça devient sacrement plus complexe parce que, si c'est si clair et limpide... Pour nous, le motif, il est clair. Si le motif, c'est la date d'embauche, c'est la date d'embauche, mais, s'il y a l'ancienneté ou quoi que ce soit, il y a d'autres motifs qui justifient, alors, à ce moment-là...

L'article 41.1 soulevait la même problématique. Pourquoi on n'a pas mis des exceptions puis des exceptions? Parce qu'on s'est dit: Plus on va mettre des exceptions, plus on va créer des problèmes parce qu'on ne pensera pas à toutes les exceptions possibles, et, ce faisant, le seul motif ne devient plus le seul motif, ça devient autre chose. Alors donc, 87.2 et 87.3... Et je peux comprendre qu'en milieu syndiqué la question de l'ancienneté est à protéger. Et probablement qu'on a voulu s'assurer de cette protection comme une clause non dérogatoire. Mais il faut comprendre que, ce faisant, on ouvre la porte à des débats juridiques qui peuvent être fort importants.

Alors, c'est le raisonnement que nous avons et la logique qui sous-tend notre disposition. Si la disposition est claire, bien elle est claire. Si elle n'est pas claire, bien à ce moment-là,clarifions-là, mais ne créons pas des situations non dérogatoires alors qu'on va en oublier. J'en mentionne, dans mon mémoire, là, sept, huit. J'ai l'expérience: ce n'est pas un motif, ça, qui serait dérogatoire? Les compétences: ce n'est pas un motif, ça? Bon. En tout cas, les aptitudes, etc. Bon.

Parce que n'oublions pas, Mme la ministre, que votre disposition s'applique aux contrats individuels de travail. Ça, ça couvre combien de millions d'emplois? Plusieurs. Et là ça peut poser des problèmes, des imbroglios juridiques à la puissance 10.

Quant au volet de la réglementation, Mme la ministre, encore une fois, il faut comprendre que, pour nous, là, c'est une disposition qui est excessivement dangereuse et qui peut comporter des conséquences majeures. Comme je vous dis, je n'ai pas l'intention de parler du secteur alimentaire. Eux vont venir vous en parler. Mais, si la problématique est sérieuse dans le secteur alimentaire et qu'une disposition telle que 87.1 peut entraîner des conséquences importantes dans un secteur économique de 130 000 à 140 000 emplois, là, il faut y penser par deux fois.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Lafleur. M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Merci, Mme la Présidente, j'ai combien de temps?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ah! il reste cinq, six minutes, six minutes à peu près.

Une voix: Bon. Il y en a pas mal.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Est-ce que ça...

M. Kieffer: Mes confrères et consoeurs disent que c'est bien. Alors...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça continue même quand je parle.

M. Lafleur (Gaston): Excusez-moi, Mme la Présidente, je n'ai pas répondu à la demande de la ministre concernant le terme «temporairement».

M. Kieffer: Woops!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Woops! Alors, je comprends, M. le député de Groulx, qu'il va vous rester moins de temps encore. Alors, oui, M. Lafleur.

M. Kieffer: Est-ce que vous pouvez permettre, M. Lafleur, de vous poser une ou deux questions?

M. Lafleur (Gaston): Oui. Concernant le terme «temporairement», Mme la ministre... Oui, concernant la question du «temporairement», l'élimination du «temporairement», je vais vous donner un exemple très concret. Vous avez un gérant de magasin. Lors d'une acquisition, il y a une fusion et il est reclassé. On lui donne les mêmes conditions. Cependant, le poste qu'il occupe est éliminé complètement. O.K.? Il occupe une autre fonction. Lui, là, s'il reste à ce nouveau poste là – mettons qu'il était rendu assistant-gérant – durant 10 ans, bien, comme on dit, c'est un étoilé, mais il va être étoilé tant et aussi longtemps qu'il va rester en poste, là. Vous voyez ce que je veux dire? En d'autres mots, on l'a rétrogradé.

Mais, si on dit «temporairement», ça n'a pas de sens. Ça a des conséquences graves pour celui qui est étoilé puis qui est rétrogradé à cause de diverses circonstances. Et, lorsqu'on élimine le poste en question, bien là cette personne-là va continuer quand même à recevoir la rémunération tant et aussi longtemps qu'il va être à l'emploi, et ça ne veut pas dire que les autres employés vont se rendre là, parce que le poste n'existe plus.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Bon.

M. Lafleur (Gaston): Excusez-moi.

M. Kieffer: Vous êtes sûr que vous avez terminé, là?

M. Lafleur (Gaston): Oui, oui, merci.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Kieffer: Un paradoxe, pour commencer. Dans votre présentation, pas nécessairement dans votre mémoire, mais dans votre présentation, vous avez dit, au début de votre présentation, que votre secteur était peu touché par les clauses orphelin et que c'était sérieusement en bas du 6 % ou 7 %.

M. Lafleur (Gaston): Je serais surpris que ça atteigne ça.

M. Kieffer: Bon. Donc, vous n'êtes pas un secteur qui a recours à ce type de clauses là pour régler ses problèmes. Mais, par ailleurs, vous ajoutez, par la suite, que vous vous objectez au projet de loi parce que vous voulez avoir recours à ce type de clauses là dans des situations exceptionnelles qui ont à voir, par exemple, avec une compétition trop forte ou autre. Mais pourquoi vous sentez le besoin de nous dire ça si, par ailleurs, au début de votre exposé, vous nous avez dit: Les gens qu'on représente, ils n'ont pas recours, ou peu, très peu, beaucoup moins que la moyenne générale? Alors, il est là, le paradoxe. Mais faites vite parce que, après ça, je veux sauter sur autre chose.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lafleur.

M. Lafleur (Gaston): Parfait, excellent. Premièrement, nous sommes un milieu très peu syndiqué. Déjà là, vous avez votre réponse. Deuxièmement, la question de cette clause-là est quand même nécessaire parce qu'elle existe dans certaines entreprises, souvent pour assurer leur survie. Alors, pour nous, si on a un détaillant qui malheureusement est obligé d'avoir des pertes d'emplois ou de créer une situation difficile, nous, même si on en a un nombre restreint, on ne voit pas pourquoi nos entreprises ne pourraient pas utiliser cet outil de gestion là si ça assure la survie de l'entreprise et si aussi ça permet aux travailleurs qui sont en place de pouvoir garder des acquis importants.

M. Kieffer: C'est beau. J'ai compris. Le recours au «notamment», au 87.2. Je veux juste que vous me répondiez par un oui ou par un non. Votre «notamment», est-ce que ça veut dire, entre autres, toutes les exclusions qui apparaissent à la page 13 et qui sont: l'expérience, les compétences, les aptitudes, les qualités requises, la productivité, le temps supplémentaire, la valeur au mérite, etc.? C'est ça que vous voulez dire?

M. Lafleur (Gaston): Etc. inclus.

M. Kieffer: O.K.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ha, ha, ha! C'est très éclairant, ça.

M. Kieffer: C'est parce que là je commence à penser que l'exception va devenir la règle.

M. Lafleur (Gaston): C'est pour ça qu'on le mentionne.

M. Kieffer: Ça ouvre énormément, là. Je veux dire, vous annulez, à toutes fins pratiques, l'impact et la portée de la loi.

M. Lafleur (Gaston): Pas du tout.

(17 h 40)

M. Kieffer: Bien, en tout cas, c'est ma perception.

M. Lafleur (Gaston): Lisez l'article 87.1 uniquement.

M. Kieffer: Oui.

M. Lafleur (Gaston): Laissez faire toute la balance et dites-moi si c'est clair. Si c'est clair, c'est clair; si ce n'est pas clair, ce n'est pas clair. Mais, en lisant 87.2, c'est là que c'est plus clair.

M. Kieffer: Bon. O.K. Et troisième question. Je fais référence à ce que vous disiez. Vous avez parfaitement raison. Dans votre secteur, comme dans la plupart des secteurs, le secteur syndiqué ne représente que la moindre partie de l'ensemble des travailleurs...

M. Lafleur (Gaston): 35 %, disons 40 %.

M. Kieffer: ...35 %, donc il y en a 65 % qui ne sont pas syndiqués. Cette loi-là va effectivement s'appliquer à l'ensemble, donc aux contrats personnels, personnalisés, là, le boss, l'employé. Vous avez 4 500 entreprises qui font partie... et ça donne 400 000 emplois, c'est énorme, hein.

M. Lafleur (Gaston): En fait, il y en a 50 000. On parle du secteur du commerce de détail, on parle de 50 000 établissements.

M. Kieffer: Et, vous, vous en représentez 4 500.

M. Lafleur (Gaston): C'est ça.

M. Kieffer: Moi, ce que je veux savoir, entre autres, là: La syndicalisation, on doit la retrouver surtout dans les grosses entreprises et beaucoup moins dans les petites, est-ce que je me trompe? Sûrement pas.

M. Lafleur (Gaston): Oui. Non, non, vous ne vous trompez pas. Mais c'est surtout dans des secteurs particuliers. Comme, la quincaillerie–rénovation est plus syndiquée que le secteur du vêtement. Il y a des secteurs qui sont...

M. Kieffer: Quel...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors...

M. Lafleur (Gaston): ...il y a une question de secteur puis c'est souvent des entreprises importantes.

M. Kieffer: O.K.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il reste encore 25 secondes, M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Alors, et je la pose, ma question. On le sait que, dans le secteur non syndiqué, des descriptions de tâches, ce n'est pas affiché en général.

M. Lafleur (Gaston): Bien non.

M. Kieffer: On sait que les échelles salariales ne sont pas affichées en général. Je me trompe-tu en disant ça?

M. Lafleur (Gaston): Bien, écoutez...

M. Kieffer: Faites juste répondre oui ou non, là.

M. Lafleur (Gaston): Je n'affiche pas les miennes au Conseil québécois.

M. Kieffer: Bon. Parfait. Alors, c'est quoi, l'impact du projet de loi sur les contrats individuels?

M. Lafleur (Gaston): Ah! ça, vous posez une très bonne question.

M. Kieffer: Vous avez trois secondes pour y répondre. Ha, ha, ha!

M. Lafleur (Gaston): Ah! je pense que je vais laisser la Commission des normes du travail faire son travail.

M. Kieffer: Mais est-ce que vous pensez que ça va avoir un impact?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est terminé, M. le député de Groulx. Je regrette. À moins qu'on ait un consentement de l'opposition pour que vous puissiez répondre sur leur temps, M. Lafleur.

M. Kieffer: Jean-Claude, c'est une très bonne question, il vient de me le dire.

M. Gobé: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci. Merci beaucoup. C'est très...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je comprends qu'on va continuer.

M. Gobé: Oui, oui. C'est très intéressant. Je peux vous dire que nous avons écouté, nous aussi, avec grand intérêt, votre présentation. Elle a l'avantage d'être positive et négative. D'un côté, vous nous montrez les problèmes que ça peut créer – pas forcément à votre industrie, mais aux industries avec lesquelles vous êtes associés actuellement pour vous opposer à ce projet de loi là – puis, en même temps, vous vous permettez quand même – c'est là quelque chose que j'aime toujours en commission parlementaire – d'arriver avec des suggestions, pas forcément pour que nous les retenions complètement, mais au moins ça a l'avantage de relancer le débat et de démontrer qu'il y a d'autres avenues, d'autres planches de salut, à l'occasion, dans des situations comme nous connaissons, que le statu quo d'un projet de loi gouvernemental où l'opposition totale est complète à tout mouvement quel qu'il soit. Particulièrement venant d'un secteur qui est très peu touché, vous l'avez dit vous-mêmes. Vous auriez pu dire: Bien, nous, on n'est pas tellement touchés par ça, on reste plutôt discrets.

Votre message est très intéressant. Je vous parlerai un peu du projet de loi tout à l'heure, mais ce qu'il faut retenir de votre message... Il y a des choses intéressantes. Vous les décrivez aussi, d'ailleurs, quand vous dites que les clauses n'ont pas pour objet de défavoriser les jeunes mais d'assurer des acquis à des employés qui sont dans la compagnie depuis des années alors que l'entreprise peut connaître des difficultés. C'est avec ça que j'en ai, de la misère, moi. C'est avec ça que j'ai de la difficulté.

Quand on nous dit que, pour assurer des acquis à des employés, les acquis qu'ils ont eus dans les périodes de prospérité, alors que maintenant l'entreprise connaît des périodes moins prospères ou plus concurrentielles, bon, pour continuer à leur conserver leurs vieux gagnés, leurs avantages, on va demander aux jeunes de travailler aussi fort qu'eux, le même nombre d'heures, le même boulot, la même production, mais d'être payés moins cher pour être compétitifs sur le marché encore, pour permettre à ce groupe-là de garder les mêmes avantages, moi, c'est un point de vue avec lequel je ne peux pas être d'accord. Honnêtement, en dehors de toute affiliation politique, c'est quelque chose qui va à l'encontre du bon sens, à l'encontre de la justice la plus élémentaire, il me semble. Je ne comprends pas qu'on puisse aujourd'hui débattre là-dessus. C'est quelque chose qui me semble une évidence la plus totale.

C'est un peu comme, là, si on décidait que, vous, comme président du Conseil, on va vous discriminer à un moment donné parce qu'il y a quelqu'un d'autre, là... Mais vous feriez le même travail, vous feriez la même job, puis là vous seriez payé moins cher par les mêmes patrons, puis vous auriez peut-être des avantages moins importants, une voiture moins grosse fournie, puis, en tout cas, vous auriez le droit de dormir dans un hôtel trois étoiles puis l'autre, dans un quatre étoiles, hein, pour ça, parce que l'autre, il dirait: Moi, je les ai eus avant puis je les garde, j'ai toujours dormi dans les Hilton, l'autre qu'il dorme donc à l'Auberge des Seigneurs, là-bas, à Sainte-Foy, ça coûte moins cher.

Non, bien, je vous donne un exemple. Je ne pense pas que vous accepteriez ça. Je ne pense pas que vous trouveriez ça normal, à moins d'être pris puis d'avoir une grosse hypothèque à payer, vous n'avez pas le choix, il faut que vous travailliez, puis là vous ne dites rien. Mais, au fond de vous-même, je ne suis pas sûr que vous trouveriez ça logique. Je ne suis pas sûr que votre entourage, vos enfants, votre famille, quand ils connaîtraient ces conditions-là, seraient fiers de ce genre de traitement qu'on fait subir à leur père. C'est pareil pour les jeunes.

On va même jusqu'à nous dire: C'est moins inconvenant, moins dérangeant de ne pas bien payer les jeunes pour garder les avantages des autres parce que ça pourrait créer un stress moral, ou quelque chose comme ça, pour les anciens employés. Ce matin, dans un mémoire, j'ai vu ça. Là, on laissait entendre que des jeunes ont besoin de moins d'argent, pas besoin d'autant d'avantages. Ils sont jeunes, eux autres, ce n'est pas grave, ils couchent sur un packsack. Nous autres, on voyage en limousine; eux autres, l'autobus en arrière, ce n'est pas grave, ils sont capables, ils sont jeunes. C'est à peu près ça, là, hein, c'est à peu près ça. C'est penser que, dans un certain gouvernement, vous avez les ministres en première classe, dans les voyages officiels, puis les députés sont assis dans le fond de l'avion. Même principe. Bien, moi, j'en ai avec ça puis j'aimerais vous entendre là-dessus.

Une voix: D'accord.

M. Gobé: Vous parlez des jeunes puis vous me dites que vous avez des jeunes, des enfants. Moi aussi, j'en ai, et puis ils me parlent puis je ne suis pas toujours d'accord avec eux. Mais il y a une chose certaine, c'est que j'aimerais savoir si on peut accepter ce principe-là dans une société comme la nôtre. Je parle bien de ce principe que je viens de décrire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Lafleur.

M. Lafleur (Gaston): Bon. Alors, écoutez. Je suis d'accord avec vous sur l'aspect du principe. Si les clauses orphelin sont créées et constituées dans le but précis de faire en sorte que les jeunes entrent sur le marché du travail dans des conditions inférieures à ce qui se passe, je suis entièrement d'accord avec ce que vous dites.

Cependant, M. Gobé, j'aimerais vous indiquer que les clauses orphelin, selon nous, ne visent pas à discriminer les jeunes mais ont pour objet essentiellement de répondre à une situation difficile, précaire dans une entreprise. Et c'est un outil de gestion qui est géré avec un ensemble d'autres paramètres qui font que, dans le cadre des conditions de travail, l'entreprise plus souvent qu'autrement déjà est hors normes au niveau de la rémunération par rapport à ce qui se passe sur le marché.

M. Gobé: C'est ça.

M. Lafleur (Gaston): Et, par conséquent, le versement de la rémunération qui est établie, à ce moment-là, reflète quand même certainement les conditions du marché, sinon il n'y a pas d'embauche si on ne rencontre pas les conditions du marché et probablement dans une situation plus avantageuse.

Mais aussi je veux revenir sur le fait que ça ne touche pas seulement les jeunes. Je ne voudrais pas qu'on me reprenne sur le chiffre, mais je crois avoir vu qu'il y a environ 330 000 emplois par année qui changent de mains, en d'autres mots des employés qui changent d'un emploi à un autre, 330 000 environ. Et, sur ce nombre là – j'espère que vous conviendrai avec moi que ce n'est pas essentiellement des jeunes – il y a des gens de tout âge qui, à l'occasion, peuvent être appelés à occuper un poste dans une des entreprises qui ont une convention collective avec des clauses orphelin.

M. Gobé: Je suis d'accord avec vous là-dessus. On parle des jeunes, mais je sais qu'il y a des moins jeunes. Vous savez, dans une circonscription électorale, on voit des gens, à nos bureaux de députés, qui cherchent des emplois, qui demandent des lettres de référence, et ils sont à peu près de tous les âges, sauf qu'il y a une prédominance à avoir plus de jeunes, d'accord. C'est évident qu'ils cherchent des fois plus souvent de l'emploi en plus grand nombre, en tout cas, que les plus aînés. Mais, j'en reviens encore là, je vous cite. Vous parlez des entreprises qui généralement – puis je sais que vous êtes de bonne foi quand vous me dites ça – sont hors normes par rapport au marché à cause de leurs salaires élevés.

M. Lafleur (Gaston): Ça peut être un des motifs.

M. Gobé: Oui, mais il me semble que, lorsqu'on est hors normes, pour être compétitif, bien la principale chose, c'est de se rendre compétitif. Donc, on baisse la masse salariale, on la répartit équitablement entre tout le monde. On réunit les employés, on dit: Voilà, on est hors normes. Si on continue comme ça, dans six mois ou dans quatre mois, bien c'est de valeur, mais on va être obligés de fermer les portes, les commandes vont aller ailleurs. Alors, on doit se mettre à la norme, et puis, pour se mettre à la norme, bien ça prend telle chose, telle chose et telle chose.

(17 h 50)

Je ne vois pas d'employés, moi, de bon sens, dans une entreprise où il y a de bonnes relations de travail, aller dire: Bien non, on ne veut pas, nous autres; garde-nous nos salaires, on ne bouge pas, puis engage des petits jeunes, puis paye-les moins cher. Si c'est comme ça, la loi est encore plus justifiée d'être là. Mais c'est ce principe-là, ce principe qui fait dire: Non, nous autres, là, on ne touchera pas aux acquis, aux vieux gagnés, parce que c'est trop compliqué, puis ils sont hors normes, on le sait que c'est hors normes – vous venez de le dire – ils ne sont pas compétitifs, les salaires sont trop élevés par rapport à la compétition, mais on les garde pareil, moi, j'ai bien de la misère.

Avec les femmes, c'est pareil. On dirait à ce moment-là, dans le temps: Les femmes, on les paye moins cher, tu es payée moins cher parce que sinon les entreprises seront hors normes. On va continuer... Mais ça devient de l'exploitation, à un moment donné, hein, d'une classe, d'une catégorie de citoyens au bénéfice d'une autre catégorie de citoyens. C'est le mot exact.

Puis je ne vous accuse pas d'exploiter, là. Je comprends que, vous, vous avez un côté humain puis vous nous parlez d'une situation qui existe. Mais il faut la casser, il faut la changer, la situation. On ne peut pas dire: Bien, on prend acte que c'est comme ça, puis on continue de même. Bien oui, mais on n'est pas au gouvernement, on n'est pas dans une société pour tolérer ces choses-là.

Puis vous qui nous dites: Il faut se réveiller, on est préoccupés par les jeunes, il faut regarder plus loin, il faut aller... Bien, la première des choses à faire, c'est de regarder là, c'est de changer le système. Vous dites au gouvernement: Change tes structures, abolis la réglementation, baisse les taxes, baisse ci, le gouvernement, il devra faire sa job, puis on va certainement le faire. Mais, vous aussi, quand vous dites que vous avez des choses à faire, bien commencez aussi par alléger vos propres façons de fonctionner puis à prendre les moyens que vous ne semblez pas vouloir prendre dans le cas où c'est difficile: c'est celui de répartir équitablement, au moins, la décroissance ou la compétitivité accrue qu'on demande aux entreprises, en répartissant le fardeau équitablement, du président au concierge qui met la clé dans la porte de l'usine, le soir, ou de l'entreprise. Ça serait la première des choses à faire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Lafleur.

M. Lafleur (Gaston): Oui. Bien, écoutez, je pense qu'on a les mêmes intentions, mais on n'a peut-être pas les mêmes moyens d'y arriver.

M. Gobé: Les mêmes... Excusez?

M. Lafleur (Gaston): Les mêmes moyens. S'il y a un endroit où la concurrence est excessivement présente et fait partie du quotidien, c'est bien le commerce de détail. Et je dois vous dire que, chez nous, les plans stratégiques, ça ne fait pas six mois, même dans les grandes entreprises. On se retourne sur un dix cennes, comme on dit, parce que le vent souffle... Ceux qui font de la voile, hein, des fois c'est le vent de tête, bien des fois c'est le vent de queue, puis le vent de queue, on sait ce qui arrive avec la bôme, hein.

M. Gobé: Des fois, il n'y a pas de vent.

M. Lafleur (Gaston): Alors, je vais vous dire que, pour nous, là, ça devient difficilement conciliable. Et surtout il ne faudrait pas nécessairement faire trop, trop de démagogie avec cette question-là. Parce que, dans la réalité des choses, dans le quotidien, comme je vous dis, il y a plusieurs emplois qui changent de main, et c'est vrai qu'il y a des jeunes, là-dedans, c'est vrai qu'il y en a une bonne proportion, mais il n'y a personne qui est arrivé avec des chiffres pour nous dire dans quelle proposition puis ça représente quoi.

On essaie de traiter d'un problème en essayant de dire: La conséquence de ce geste-là, il faut le régler sans nécessairement régler la cause. Alors, ce qui amène la situation des clauses orphelin, ce sont des causes, des causes qui sont inhérentes soit à des circonstances économiques ou à des situations liées à l'entreprise. Et ces causes-là proviennent, plus souvent qu'autrement, dans les conventions collectives de travail, suite à des négociations qui sont entreprises de part et d'autre et qui conservent la paix sociale.

Vous savez, nos employeurs, là, la première chose qu'ils veulent faire, c'est de garder les emplois du personnel qu'ils ont en place. Ce sont des gens qui ont consacré efforts, vie, carrière, dévouement, etc. Et le premier devoir de l'employeur, c'est de s'assurer que ses employés vont continuer à être rémunérés adéquatement en fonction de la capacité de l'entreprise, et ça, je pense que tout le monde doit le respecter.

Alors, là, il va falloir trancher quelque part, si on décide de dire: Bien, écoutez, ce respect-là, dans des situations difficiles, malheureusement, ça ne pourra plus être toléré, il va falloir que vous trouviez des façons de faire autrement, des façons de faire de telle sorte que l'ancienneté ne soit plus considérée ou soit atténuée dans le cadre de vos discussions et vos négociations afin de s'assurer que tous les nouveaux entrants vont être rémunérés de la même façon.

Moi, je tiens à vous dire que les entreprises vont être très préoccupées, et aussi les travailleurs, quant à l'impact que ça aura sur le climat de travail. Et je tiens à vous dire aussi, M. Gobé, qu'il y a des circonstances, il y a des conventions collectives où les employés ont réduit, puis, malgré ça, ce n'était pas suffisant; il a fallu introduire des clauses orphelin pour pallier ça. Alors, là, il faut dire: Jusqu'où nos travailleurs puis nos entreprises vont devoir concéder pour être en mesure de pouvoir survivre, si on garde l'utilisation de ces clauses-là? Alors, c'est là qu'est le problème.

M. Gobé: Oui, je comprends votre situation, mais, vous savez, vous posez la bonne question: Jusqu'où devront-ils devoir concéder pour rester en vie, pour conserver leur entreprise, pour être compétitifs, pour leurs jobs? Bien, jusqu'au moment où ils sont compétitifs et où, à nouveau, ils font des profits. Alors, si on a un salaire de 18 $ de l'heure puis qu'on doit l'amener à 13 $, 14 $ ou 12 $, eh bien, c'est ça qu'il va falloir faire pour être compétitif. C'est une question, à ce moment-là, de dire: Est-ce que je garde mon emploi?

Vous dites que la préoccupation d'un employeur, c'est de garder ses bons et ses vieux employés. Bien, certain! Mais, si l'entreprise n'est plus compétitive dans les prix, cet employé-là, même si on le baisse, il va rester parce qu'il ne trouvera pas une job payée plus cher ailleurs, hein, en général, parce que ça veut dire que le marché, il s'est tassé. Alors, il va rester, s'il est content dans son entreprise. La solution, elle est là, c'est la répartition équitable, et je ne vois pas d'autre avenue que celle-là.

Vous dites que c'est négocié, bien souvent, entre les patrons et les syndicats – ça, c'est pour le Code du travail – c'est donc entre les mains des patrons et des syndicats. Ce matin, M. Massé disait: Ce n'est pas nous autres, on est contre, hein! Le patronat disait: Bien, c'est les syndicats, ils nous obligent. Bien, à un moment donné, il va falloir que quelqu'un dise: Aie! écoute bien, là... Non, mais je vous vois sourire, puis, moi, je souris, j'aime beaucoup votre témoignage.

Savez-vous à quoi ça me fait penser, toute cette affaire-là, ce dont on discute? Sous l'ancien régime... On est tous des descendants qui viennent de la France, là. Vous savez, il y a eu une révolution, en 1789, le 14 juillet, quelque part, hein, bien c'est parce que les gens étaient tannés de voir qu'il y avait une classe sociale qui avait des droits puis des privilèges que le reste des gens n'avaient pas. Puis, à un moment donné, bien il y a eu la Révolution.

Longtemps auparavant, il y a eu ce qu'on appelle les Jacqueries. Les Jacqueries, c'était la révolte des gens qui ne pouvaient plus accéder au travail. C'étaient des corporations professionnelles – les chapeliers, les cordonniers, les tailleurs, particulièrement dans Paris – et là ils protégeaient, avec des règlements, l'accès à la profession. Et là les jeunes, eux autres, ne pouvaient pas accéder, les autres ne pouvaient pas y accéder. Bien, à un moment donné, ils se sont révoltés puis ils ont foutu Paris à sac, à feu et à sang. Ça s'est appelé les Jacqueries.

Je raccourcis un peu l'histoire, là, ceci pour vous dire qu'à un moment donné arrive dans l'histoire où, quand des catégories sociales, les gens se sentent floués, se sentent maltraités, se sentent mis de côté ou pénalisés, bien il arrive que ces gens-là ne le supportent plus. Et on se retrouve avec un certain désabusement vis-à-vis du système, une non-reconnaissance de l'autorité, et ce qui s'ensuit, désobéissance civile, et tout ce que l'on connaît, et désorganisation des structures normales qui régissent la vie des gens dans la société, avec ce que ça amène comme problèmes.

Alors, c'est un exemple parfait, ça me fait penser à ça. Dans trop de domaines, on est corporatif, il y a beaucoup de lois comme ça, la construction, enfin, on a mis des barrières. Là, aujourd'hui, c'est sur les salaires; demain, ça va être sur quoi qu'on va en découvrir, hein? Il y en a toujours. Alors, on a l'occasion, aujourd'hui, de faire ce débat de société. Vous êtes prêts à aller plus loin, mais, pour aller plus loin, c'est commencer par faire le ménage chez soi, hein. On commence à nettoyer ses propres écuries avant de nettoyer celles des autres. Nous autres, au gouvernement, on a un bout à faire aussi là-dedans, puis, vous, je pense qu'il y a des responsabilités à prendre au niveau de décisions.

Est-ce qu'on va au plus facile, comme certains nous ont dit ce matin, c'est-à-dire qu'on pénalise les nouveaux travailleurs, jeunes ou moins jeunes, qui arrivent, hein, parce que c'est trop compliqué de baisser les acquis des autres ou on y va puis on agit de manière juste, logique et équitable? C'est la question.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, vous avez 30 secondes pour répondre à cette question, M. Lafleur.

M. Lafleur (Gaston): Oui. Bien, écoutez...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je sens qu'on vous bouscule.

M. Lafleur (Gaston): ...j'apprécie les propos de M. Gobé. Je dois vous dire que, malheureusement, il y a toujours une réalité puis un vécu dans l'entreprise qu'il ne faut pas oublier. Vous savez, ce n'est pas seulement les coûts reliés aux ressources humaines – c'est un aspect – il y a bien d'autres choses qui doivent être prises en considération. Et je tiens à vous dire que les entreprises ne souhaitent pas des clauses comme ça, c'est qu'elles sont dans une situation où elles sont souvent acculées à les considérer si elles veulent être en mesure de survivre. Et c'est ça qui est la situation.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Lafleur.

M. Lafleur (Gaston): Merci.

(18 heures)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je cède donc la parole maintenant au député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: M. Lafleur, Mme Matte, bienvenue à notre commission. Je veux revenir sur un point sur lequel, M. Lafleur, vous avez insisté à quelques reprises, quand vous dites: L'emploi des clauses orphelin ne vise pas les jeunes. Moi, je suis convaincu de ça. Même les groupes jeunes... Encore ce matin, Force Jeunesse rappelait que personne ne voit là-dedans une notion d'intention, et ce qui est questionné, c'est l'effet.

C'est que, dans la pratique, on arrive dans une situation qui touche la précarité de la condition d'une entreprise: ça fait deux, trois années qu'on écrit avec le crayon rouge. Puis tout le monde est conscient des difficultés dans lesquelles les entreprises peuvent se retrouver au moment où elles prennent ce genre de décision là.

Mais je vais vous amener à une analyse de coûts et de bénéfices, c'est-à-dire que, quand vient le temps de sauver une entreprise – il y a 40 personnes qui travaillent dans votre domaine, dans un commerce, puis ça fait deux, trois ans que ça roule dans le rouge ou un an que ça roule dans le rouge, alors ça commence à être serré – il y a un bénéfice commun à sauver, des emplois. C'est-à-dire que les 40 personnes qui travaillent là ont intérêt à sauver leur emploi parce que c'est leur qualité de vie qui en dépend. Mais, pour aller chercher le bénéfice, il y a un coût à payer, il faut réduire la masse salariale, exemple, de 5 %, sinon on n'arrive pas.

Alors, la question, c'est: Si tout le monde va participer au bénéfice qui est le maintien de l'entreprise, donc la conservation de son emploi, pourquoi ce serait seulement cinq des employés qui couperaient leur salaire de 30 % pour arriver... Je n'ai pas fait le calcul si j'arrivais à mon compte dans mon 5 %, j'invente des chiffres à mesure. Mais pourquoi ça serait seulement une portion des employés qui paieraient le coût, alors que c'est tout le monde qui va chercher le bénéfice?

Puis on a vu, encore dans la dernière année, des entreprises où on annonçait en grande pompe au bulletin de nouvelles: On a sécurisé un certain nombre d'emplois, on a sécurisé 800 emplois, 900 emplois. Puis, quand on allait fouiller, on s'apercevait que finalement il y en avait 150 – prenons le cas de l'embouteillage de bière, pour ne pas nommer de compagnie – sur 900 – je ne sais pas si j'ai les chiffres exacts – qui avaient fait des concessions qui permettaient aux... Et, moi, ma première réaction, j'ai dit: Bon, c'est une bonne nouvelle. Il y a des emplois qui sont maintenus au Québec. Mais c'est quand même gros. On nous annonce aux nouvelles que 900 personnes retiennent le bénéfice du sacrifice de 150.

C'est là, je pense, que le débat doit être circonscrit. Et, moi, j'ai la conviction profonde que, dans les intentions, autant syndicales que patronales, il n'y a jamais d'intentions qui sont tournées contre les nouveaux travailleurs ou contre les jeunes, mais c'est dans l'effet qu'il y a un écart considérable entre le partage du bénéfice et le partage du prix qu'il faut investir pour aller chercher le bénéfice.

Je veux vous poser une question. Je veux juste bien comprendre. C'est peut-être un commentaire, mais 87.2 et 87.3, pour ma compréhension, vous avez parlé du «notamment», mais vous dites que votre premier choix, ça serait de les enlever complètement. C'est ça?

M. Lafleur (Gaston): Oui, exact.

M. Dumont: Votre deuxième choix, c'est: s'ils sont pour rester, introduisez...

M. Lafleur (Gaston): ...

M. Dumont: O.K. Mais vous dites finalement: 87.1 est clair. Préférablement, pas de premier choix, qu'il n'y ait pas d'exception, qu'on ne vienne pas compliquer l'affaire. On va au moins savoir à quoi s'en tenir avec un 87.1 clair. Enlevez-nous du décor toutes les menaces de...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lafleur.

M. Lafleur (Gaston): C'est qu'en indiquant des éléments qui ne constituent pas une dérogation on vient changer la portée de 87.1 de la façon suivante: c'est que, dans le fond, une disposition serait moins avantageuse non seulement uniquement à cause de la date d'embauche, mais à cause d'autres motifs. Et, en indiquant que l'ancienneté est un motif qui ne constitue pas une dérogation, ça a pour effet, dans le fond, de dire que le seul motif n'est pas la date d'embauche.

Car quelle est la nécessité de parler de l'ancienneté quand on sait que le commun des mortels, alentour de la table, va dire: Bien, si essentiellement le seul motif, c'est la date d'embauche, bien c'est la date d'embauche, mais, s'il y a des motifs autres qu'uniquement la date d'embauche, à ce moment-là ces motifs-là sont acceptables? D'ailleurs, c'est une question d'interprétation. Je présume que vos juristes, Mme la ministre, vont sûrement questionner ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, voilà, c'est tout le temps qui nous était alloué. Alors, M. Lafleur, Mme Matte, merci, au nom de mes collègues membres de cette commission, pour cette présentation.

Sur ces bonne paroles, nous ajournons donc les travaux de la commission à demain, jeudi, 23 septembre, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 18 h 6)


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