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Version finale

38e législature, 1re session
(8 mai 2007 au 5 novembre 2008)

Le mercredi 20 février 2008 - Vol. 40 N° 22

Consultation générale sur le rapport du ministre du Travail sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'équité salariale


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-quatre minutes)

La Présidente (Mme Morissette): Alors, bonjour tout le monde. Puisque nous avons quorum, nous allons pouvoir débuter. Je déclare donc la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Comme à l'habitude, on demanderait à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires. Il y a eu un petit oubli hier, alors ne soyez pas notre distracteur du jour. Je vous rappelle que la commission est réunie afin de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale à l'égard du rapport du ministre du Travail sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'équité salariale.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements, aujourd'hui?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Sklavounos (Laurier-Dorion) est remplacé par M. Tomassi (LaFontaine); M. Gosselin (Jean-Lesage) est remplacé par M. Therrien (Terrebonne); M. Merlini (Chambly) est remplacé par Mme Méthé (Saint-Jean); M. Dufour (René-Lévesque) est remplacé par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve); et Mme Morasse (Rouyn-Noranda?Témiscamingue) est remplacée par Mme Maltais (Taschereau).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Alors, ce matin, pour débuter, nous avons les gens du Conseil du patronat avec nous. La façon de fonctionner est la même que nous commençons à être habitués, c'est-à-dire que vous disposerez de 15 minutes pour nous faire la présentation de votre mémoire, ensuite les différents groupes parlementaires auront chacun un bloc de temps pour vous adresser leurs questions. Donc, j'imagine que c'est M. Kelly-Gagnon qui va débuter la présentation? Si vous voulez présentez les gens qui vous accompagnent. Vous disposez de 15 minutes.

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Kelly-Gagnon (Michel): Alors, merci, Mme la Présidente. Bonjour à tous. Alors, effectivement, je suis accompagné, à ma gauche, de M. Youri Chassin, qui est analyste économique au Conseil du patronat; et, à ma droite, de Mme Denise Perron, qui est présidente du Groupe Aequitas et ancienne commissaire à la Commission de l'équité salariale et qui nous fournira un appui dans le cas de questions plus techniques. Je tiens à souligner que Mme Perron agit ici à titre de conseillère et que les opinions exprimées par le Conseil du patronat ne l'engagent en rien.

Alors donc, si vous voulez, je vous propose la méthode que, moi, je trouve la plus pédagogique, à savoir de commencer avec les grands principes généraux, que je vais vous présenter, et ensuite mon collègue va peut-être aller un peu plus dans le détail.

Alors, le CPQ est d'avis qu'après 10 ans d'application de la Loi sur l'équité salariale les divers rôles de la Commission de l'équité salariale sont incompatibles. D'une part, la commission informe et conseille les entreprises; d'autre part, elle rend des décisions. Bref, la commission agit à la fois comme juge et partie, et cette dualité des rôles a miné sa neutralité, son objectivité, son impartialité dans la perception des employeurs. J'insiste sur le mot «perception».

Rappelons que les divers employeurs ont la responsabilité de mener les exercices d'équité salariale dans leurs entreprises dans le quotidien. C'est pourquoi le rétablissement du lien de confiance entre la commission et les employeurs est essentiel à l'applicabilité de la loi, qui devrait être une considération centrale. Il ne suffit pas de voter des lois, mais bien de s'en assurer de leur applicabilité. Et le rétablissement de ce lien de confiance passe à notre avis par une révision du rôle de la commission. Elle pourrait conserver son rôle d'information et de conseil auprès des employeurs, et les pouvoirs décisionnels pourraient être confiés, par exemple, à la Commission des relations du travail, comme le recommandait d'ailleurs le rapport Geoffrion, en mars 2006.

Il ne faut pas confondre le maintien du droit à l'équité salariale avec la Loi sur l'équité salariale, à savoir un mécanisme spécifique mis en oeuvre pour atteindre un objectif spécifique dans une période de temps bien délimitée. Selon nous, le maintien de l'équité salariale passe par l'application de l'article 19 de la Charte des droits et libertés. D'ailleurs, cette opinion n'est pas si inusitée dans la mesure où, dans un mémoire présenté à l'époque lors du comité de l'élaboration du projet de loi sur l'équité salariale, en septembre 1995, la Commission des droits de la personne suggérait justement de revenir à la charte, et il y a une citation, dans notre mémoire, spécifique à ce sujet.

Donc, nous vous soumettons respectueusement la possibilité de considérer ce qu'on pourrait appeler un «phasing out», c'est-à-dire le maintien de l'application de la loi pour les entreprises qui n'ont pas fait leur exercice. Et, dans le cas des entreprises qui ont fait leur exercice, comme nous prétendons que la facture de la loi et la logique de la loi étaient d'être ciblées dans le temps, et d'ailleurs c'est la logique d'une loi proactive en général, eh bien, ensuite, de revenir à cet outil fondamental qui est la charte. Et, encore une fois, c'était un point de vue partagé par la Commission des droits de la personne, donc nous croyons être en bonne compagnie à ce sujet.

Alors, sans plus tarder, je vais céder la parole à mon collègue Youri Chassin, et à la fin je reviendrai avec une dernière recommandation générale. Merci.

n (9 h 40) n

M. Chassin (Youri): Merci. Peut-être en fait pour renchérir un peu sur ce que M. Kelly-Gagnon vient de dire à propos du maintien, il faut dire que, pour nous, là, il y a l'avancement des travaux en matière d'équité salariale qui est un contexte important à prendre en compte. Évidemment, bon, dans le rapport de mise en oeuvre de la loi, on a une perspective sur le nombre d'entreprises ayant réalisé leur exercice d'équité salariale. C'est peut-être plus parlant parce qu'en fait vous comprendrez que, quand on parle d'entreprises, il y a des entreprises de 10 ou 11 employés qui comptent là-dedans avec un poids égal à des entreprises de plusieurs milliers d'employés. Donc, c'est peut-être plus parlant d'avoir un portrait en termes d'employés assujettis à la loi, en quelque sorte.

Et, à ce moment-là, il est intéressant de noter que les grandes entreprises ont davantage avancé dans leurs travaux, ce qui fait qu'en nombre d'employés le portrait est plus élevé, en quelque sorte. En fait, les 68 % d'entreprises qui déclarent avoir terminé leurs travaux d'équité salariale représentent dans les faits 82 % des employés qui sont assujettis à la loi. Donc, il reste 18 %, et il y a 82 % des employés qui ont déjà bénéficié d'un exercice d'équité salariale.

Et, à partir de ce moment-là, vous comprenez que, pour nous, le maintien de l'équité salariale est une question centrale parce qu'elle concerne l'immense majorité des employés, là, qui sont concernés. Et puis, pour le 18 % qui demeure, bien c'est en fait 18 % qui travaillent dans les entreprises qui n'ont pas terminé leur exercice d'équité salariale. Et donc, pour nous, on est conscients, là, que plusieurs sont en train de mener leurs exercices. On ne souhaite pas les arrêter en cours, bien entendu; au contraire, elles doivent remplir leurs obligations. Ceci étant dit, il faut souligner que c'est aussi souvent les entreprises qui ont le plus de difficultés avec les mécanismes prévus à l'heure actuelle par la loi, et donc qu'il faut aplanir les embûches pour celles-là.

Et donc notre mémoire, en fait, soulève plusieurs problèmes et propose un certain nombre de solutions, notamment des recommandations sur les programmes distincts sans catégorie d'emploi à prédominance féminine, qui, comme vous le savez, en fait, là, étaient autorisés jusqu'en 2005. Dans un revirement un peu surprise, la Commission de l'équité salariale a changé son fusil d'épaule et a demandé dans le fond à ce que les exercices soient repris et qu'on intègre les programmes distincts sans catégorie d'emploi à prédominance féminine dans le programme général. Donc, à toutes fins pratiques, ce qu'on demande aux entreprises qui ont fait leur exercice en toute bonne foi et qui n'avaient même pas la possibilité, là... Quand une association accréditée demande un programme distinct, l'employeur le lui accorde. Elles le font de toute bonne foi. Et le résultat concret de cette décision, ce serait de revenir en arrière et de recommencer à zéro les processus pour mener l'exercice d'équité salariale dans les entreprises. Par ailleurs, il faut bien spécifier que l'existence de programmes distincts sans comparateur, en fait sans catégorie d'emploi à prédominance féminine, pour nous, il est clair que ça ne menace en rien l'objectif central de la loi, c'est-à-dire que l'équité salariale est menée, dans les entreprises, sans égard, là, à la présence ou non de ces programmes distincts sans catégorie d'emploi à prédominance féminine.

Par ailleurs, bon, il y a plusieurs autres petites recommandations par rapport, par exemple, à l'estimation des écarts salariaux par la méthode globale courbe à courbe, qu'on aimerait qu'elle soit permise; que les définitions de «salaire étoilé» et de «pénurie de main-d'oeuvre spécialisée» correspondent à la réalité des entreprises d'aujourd'hui; que, quand on parle, par exemple, d'augmenter ou en fait d'élargir le contenu des affichages, on ait cette préoccupation par rapport à la confidentialité des renseignements personnels; et, par ailleurs aussi et une demande importante, d'exempter les entreprises qui sont sans comparateur masculin, donc sans catégorie d'emploi à prédominance masculine, de l'application de la Loi sur l'équité salariale.

Alors, il faut bien comprendre, là, pour cette dernière recommandation, que l'exercice de l'équité salariale au sein d'une entreprise, c'est un exercice complexe, c'est un exercice qui n'est pas simple à mener. Il y a une mécanique dans la loi, elle n'est pas facile à respecter dans tous les cas. Les réalités des entreprises sont très diverses. Puis, par rapport au règlement dans le fond sur les entreprises sans catégorie d'emploi à prédominance masculine, on leur demande en plus de faire un exercice virtuel qui est en fait un exercice d'équité externe, en s'imaginant dans le fond des emplois masculins qui n'existent pas, à toutes fins pratiques, dans l'entreprise.

Ceci étant dit, bon, il y a des difficultés dans la loi, il y a un certain nombre de difficultés qui relèvent peut-être, là, de l'aspect de la loi. Après quelques années d'expérience, on arrive à cibler certaines problématiques. Il y a aussi, et c'est important de le dire, des interprétations que la Commission de l'équité salariale a données à la loi et qui ne correspondent pas à la réalité des entreprises et qui nuisent à l'applicabilité de la loi sur le terrain.

Donc, pour revenir à ce que M. Kelly-Gagnon disait, il est important de comprendre que, pour que la loi soit appliquée, pour que l'équité salariale soit atteinte, il faut que les entreprises puissent obtenir, par rapport à cette loi complexe, un conseil, un appui de la Commission de l'équité salariale. Et on souhaite que la Commission de l'équité salariale ait ce mandat et se concentre sur ce mandat d'information et de promotion et d'appui aux entreprises.

Évidemment, quand on demande aux employeurs de décrire leur réalité à une commission de l'équité salariale et que les employeurs savent très bien que par ailleurs ils vont dévoiler en fait comment ça se passe dans leur entreprise à un organisme externe à l'entreprise qui pourrait ensuite revenir, par le biais d'une enquête, requestionner les choix qui ont été faits sur la base en fait de l'interprétation de la commission de la loi, c'est très difficile pour les employeurs de percevoir la Commission de l'équité salariale comme étant neutre, impartiale et objective. Donc, notre solution, qui est de transférer les pouvoirs décisionnels de la Commission de l'équité salariale à la Commission des relations du travail, selon nous, là, règle ce problème spécifique.

Et en fait, en terminant, je vais laisser le mot de la fin, la conclusion à M. Kelly-Gagnon.

M. Kelly-Gagnon (Michel): Alors, merci, Youri. Donc, deux petits commentaires peut-être, en terminant. D'une part, nous recommandons la formation d'un groupe de travail technique à la suite de la commission, parce qu'effectivement, bien que la tenue d'une commission parlementaire était tout à fait pertinente et, je pense, même requise, il y a, comme mon collègue l'a soulevé, un certain nombre de questions, à savoir les types de courbes statistiques à utiliser, les salaires étoilés, toutes sortes de notions qui franchement sont mieux servies dans le cadre d'un groupe de travail technique. Et, avant de procéder à des amendements de la loi, il faudrait avoir la chance de regarder ces questions-là plus en détail. Alors, c'est une recommandation que nous faisons.

Et, pour terminer, c'est peut-être un commentaire général. On nous dit souvent et on entend à plusieurs reprises dire: La Loi sur l'équité salariale a été adoptée à l'unanimité, laissant presque sous-entendre que, bon, ce serait un genre de document presque impossible à discuter ou à débattre, un genre de texte... presque les tables bibliques. Mais, à vrai dire, autant il y a une unanimité même chez nous sur le principe de l'équité salariale, donc sur la philosophie derrière la loi, autant il y a des problèmes au niveau de la loi elle-même. Et ça, les entreprises viennent nous voir, puis ce qu'on se rend compte, c'est qu'il y a une crainte quand... Nous, tous les gens qui nous ont fait des témoignages de cas spécifiques de problèmes, c'était toujours accompagné du même commentaire: Promettez-nous que vous ne direz pas le nom de notre entreprise, on ne veut pas sortir publiquement, parce qu'il y a une peur de stigma public.

Puis j'irais même jusqu'à vous dire qu'au cours de la dernière année j'ai eu des conversations avec des membres de chacun des partis politiques représentés à l'Assemblée nationale. Et, dans les conversations privées, même les membres de l'Assemblée nationale ont parfois des questionnements ou des aspects où ils se posent des questions face à la Loi sur l'équité salariale. Mais encore là c'est le même commentaire, on me dit: Je te dis ça, là, Michel, mais c'est vraiment «off record» puis ne répète pas ça à personne.

Donc, moi, je vous dis que finalement il y a comme une unanimité qu'on se dit puis qu'on se donne, mais, si on gratte un peu, sur la loi elle-même, il n'y a peut-être pas unanimité si grande que ça, il y a peut-être des questionnements qui devraient se faire poser sans que les gens aient peur de finalement se faire stigmatiser comme étant de mauvaises personnes ou de mauvais citoyens. Merci.

La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Alors, on entamerait immédiatement le bloc de temps du côté ministériel. Alors, M. le ministre, à vous.

n (9 h 50) n

M. Whissell: Merci. Merci, Mme la Présidente. Bonjour à tous les parlementaires. M. Kelly-Gagnon, Mme Perron, M. Chassin, merci de venir nous présenter votre mémoire.

Peut-être juste, M. Kelly-Gagnon, pour rectifier une déclaration que vous avez faite il y a quelques instants, quand vous disiez que ça avait été adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, c'est vrai, mais il y avait un absent au moment de l'adoption de la loi, c'était le député de Rivière-du-Loup. Et ça, c'est important de le rappeler. Et je vais continuer à le rappeler, parce que les deux formations politiques, le Parti québécois et le Parti libéral, ont effectivement adopté unanimement cette loi, mais il y avait une formation politique qui, elle, était absente lorsque c'est venu le temps de décider et de se doter d'une loi que, tous, nous sommes fiers aujourd'hui d'avoir adoptée il y a plus de 10 ans.

J'ai quasiment le goût de vous demander, M. Kelly-Gagnon: Est-ce que ça a été une bonne loi? On est 11 ans après l'adoption de la loi. Est-ce que cette loi a été une loi de rigueur, une loi qui a fait avancer la collectivité puis qui a rejoint... Au-delà des perturbations que certaines entreprises ont pu avoir, au-delà des difficultés d'application qui ont pu survenir en cours de route, est-ce que ça a été une bonne loi?

M. Kelly-Gagnon (Michel): Je pense que les membres, lorsqu'ils sont sondés, sont dans un contexte, je vous dirais, d'acceptation de la loi. Donc, moi, je ne voudrais pas faire une qualification personnelle ou une expression d'une opinion personnelle, mais les sondages qu'on fait auprès de nos membres sont dans un contexte, je vous dirais, où il y a une acceptation de la loi. Est-ce que cette acceptation-là signifie que la chose est positive? En tout cas, elle est acceptée.

Par contre, je partagerais avec vous, puis c'est des chiffres comme ça qui pourront être confirmés, là, je ne vous dis absolument pas que c'est la vérité absolue, il y a peut-être des scientifiques travaillant pour le Parlement qui pourront refaire les calculs, mais mon collègue qui généralement ne se trompe pas trop dans ses calculs a regardé, bon... Parce que la commission a calculé quel était le rattrapage salarial qui avait été effectué de 1997 à 2005 au niveau entre les hommes et les femmes, puis on parlait de 2,2 % de rattrapage. Mais il s'est posé une question à mon avis assez intelligente, à savoir: Oui, mais ça, c'est les huit ans suivant l'adoption de la loi, mais qu'en est-il des huit ans précédant l'adoption de la loi, hein? On peut-u refaire les mêmes calculs? Et, à ce moment-là, on arrivait à un rattrapage, dans les huit années précédant, d'environ 10 %.

Alors, encore une fois, ça a été un «back-of-the-envelope calculation», là, mais quand même assez poussé, mais, si... Justement, dans le groupe de travail qui pourrait être fait, ce serait intéressant que des économistes chevronnés, mandatés par l'Assemblée nationale, puissent faire ce calcul. Mais, si ces chiffres étaient vrais, hein, si ces chiffres étaient vrais, ça nous amène à un certain questionnement qui pourrait nous donner des pistes de solution face à la question que vous venez de poser.

M. Chassin (Youri): Peut-être...

M. Whissell: Oui.

M. Chassin (Youri): ...si je pouvais ajouter quelque chose? Dans le fond, effectivement, ces chiffres-là étaient intéressants à avoir. Ils n'étaient pas disponibles à l'Institut de la statistique du Québec, là, ce qui explique sans doute qu'ils ne sont pas dans le rapport de mise en oeuvre. Ceci étant dit, si c'était possible de les calculer avec des données de Statistique Canada, là, ce qu'on a fait.

Par ailleurs, il faut bien comprendre que notre compréhension de la loi, c'est de corriger les écarts dus à la discrimination systémique. Et il faut faire la nuance entre les écarts généraux de la rémunération des hommes et des femmes, qui diminuent effectivement dans le temps, et la partie, la petite partie de cet écart-là qui est due à la discrimination systémique qui est l'objet de la loi. Parce que la loi, elle a un objet très, très précis à l'intérieur du grand ensemble du droit à l'équité salariale qui est reconnu dans notre charte. La discrimination systémique, c'est un obstacle très précis que la loi vise et qui doit être résolu dans le fond, mais qui est vraiment un aspect qu'on ne doit pas mélanger avec l'écart hommes-femmes général.

M. Whissell: Bien, c'est un point important que vous soulevez, mais c'est un élément parmi d'autres pour arriver vers l'égalité entre les hommes et les femmes. Puis, hier, quelqu'un qui présentait un mémoire a souligné, par exemple: le salaire minimum est un outil parmi d'autres aussi qui visent les femmes. Lorsqu'on a augmenté, cette année ? il sera effectif le 1er mai ? on a amené à 8,50 $ le salaire minimum, la plus forte augmentation dans l'histoire du Québec, ça vise 80 % de femmes. Ce n'est pas la mesure, c'est une mesure parmi d'autres, comme celle de l'équité salariale en a été une, qui visent dans le fond à s'assurer que, dans notre société, on tend vers l'égalité entre les hommes et les femmes. Je pense que c'est le principe qui nous anime.

Dans votre mémoire, puis je vais vous faire lecture parce que j'ai de la misère à comprendre, là, vous dites dans les recommandations, la quatrième: «Qu'il soit stipulé que le maintien de l'équité salariale n'a pas pour effet d'empêcher des écarts salariaux entre des catégories d'emplois à prédominance féminine et des catégories d'emplois à prédominance masculine lorsque ces écarts résultent de différences dans le pouvoir de négociation ou d'autres pratiques de rémunération sans lien avec la prédominance masculine ou féminine des catégories d'emplois, comme cela se fait en Ontario.» J'aimerais ça que vous me l'expliquiez davantage parce que j'ai de la misère à comprendre le principe.

M. Chassin (Youri): Bien ça, je vais vous expliquer un petit peu le contexte parce qu'effectivement ce n'est pas nécessairement évident, à première vue. Alors, en fait, ce qui se passe, c'est qu'il ne faut pas nier, là, que, dans le contexte dans lequel on vit, c'est un contexte de relations de travail. Et il ne faut pas oublier que, dans un contexte de relations de travail, il y a parfois des rapports de force qui s'établissent, un pouvoir de négociation de certains groupes qui dans le fond engendrent effectivement des écarts au même titre que d'autres facteurs, que ce soit, par exemple, l'éducation ou l'ancienneté. Ce facteur-là dans le fond n'est pas spécifié dans la loi.

En Ontario, ils prennent en compte et puis ils disent: Ce qui résulte du pouvoir de négociation comme écart n'est pas réputé un écart, là, discriminatoire. Donc, il faut faire la différence entre les écarts qui pourraient résulter du pouvoir de négociation et celui qui pourrait résulter de la discrimination systémique. Et, pour vous donner un exemple, quand, par exemple, des employés sont en grève pendant six mois et que, pour régler, il y a une négociation et que l'employeur dit: Bien, écoutez, on est prêts à faire notre bout de chemin, on va vous donner un boni à la rentrée, donc au retour au travail, et c'est une pratique qui se produit en relations de travail, bien, si on tient compte de ce boni-là dans la rémunération, ça veut dire que tout à coup il pourrait se dégager des écarts avec d'autres catégories d'emplois qui ne seraient pas discriminatoires, mais, parce que ça résulte d'un principe qui n'est pas pris en compte dans la loi, il faudrait quand même que l'ajustement salarial pour l'équité salariale en tienne compte. Et il y a là quelque chose dans le fond de particulier que le législateur, dans le fond, en Ontario, là, a bien vu et qu'on croit qu'il serait vraiment très intéressant, au Québec, qu'on le prenne en compte aussi et qu'on apprenne de cette expérience-là.

M. Whissell: Dans le fond, ce que vous dites, c'est: Au niveau de l'article 67, il devrait y avoir peut-être une disposition qui permet de couvrir ce genre de situation.

M. Chassin (Youri): À quel endroit... peut-être qu'en comité technique, en comité de travail on pourra essayer de voir où effectivement, là.

M. Whissell: Sur l'affichage, hier, on a eu l'occasion d'en discuter avec plusieurs groupes, il y a toute la question des données nominatives qui peuvent être affichées ou interprétées, qui peuvent amener à connaître le salaire d'autrui. Mais en même temps il y a les centrales syndicales, il y a des représentantes également de certains groupes qui nous ont dit que, eux, ils ne voyaient pas de difficulté à ce que l'affichage aille assez loin au niveau des classes, des échelles. Il y en a même qui ont fait le parallèle avec les conventions collectives, qui, à toutes fins pratiques, sont du domaine public ? à tout le moins, elles le sont à mon ministère ? qui nous donnent le salaire pour chaque groupe d'emploi, chaque catégorie.

Alors, au niveau de l'affichage, parce que vous l'avez mentionné tantôt, mais seriez-vous disposés à ce qu'on aille un peu plus loin pour que justement l'employé puisse mieux juger de la pertinence du travail qui a été fait par son employeur?

M. Kelly-Gagnon (Michel): Alors, encore une fois, sur certains aspects très, très, très techniques, je pense que ça pourrait bien se discuter en groupe au travail, mais, au niveau du principe général, nous, on ne veut pas en donner plus que le client en demande. C'est-à-dire que tout ce qu'on veut s'assurer, c'est que nos entreprises, qui ont des obligations de respect de confidentialité, ne se retrouvent pas à se faire reprocher de ne pas respecter ces diverses obligations là. Mais, si les propres personnes concernées, les propres employés concernés ou leurs représentants sont prêts à faire certaines divulgations, je veux dire, je ne vois pas pourquoi nécessairement on voudrait être plus catholique que le pape et puis empêcher. Alors, je pense qu'il peut y avoir une ouverture, mais la seule question, c'est de s'assurer qu'on ne crée pas des effets pervers et qu'on ne crée pas des effets, je dirais, inattendus. Et c'est là encore où de bien étudier les choses avant de passer à l'acte sera essentiel.

M. Whissell: Vous êtes conscients que, lorsqu'il y a une convention collective, tout le monde, à toutes fins pratiques, connaît le salaire des autres, là, à tout le moins le taux horaire.

M. Kelly-Gagnon (Michel): Oui, d'accord.

M. Whissell: O.K. Le groupe de travail que vous mentionnez, ça pourrait prendre quelle forme?

n (10 heures) n

M. Kelly-Gagnon (Michel): C'était quelque chose qui serait, si possible, le plus... Il y a toujours une balance entre la représentativité puis en même temps le fait qu'il faut que ce soit un groupe de travail fonctionnel, puis qu'à 47, en général, c'est assez difficile d'arriver à quelque chose. Alors, il y a comme un équilibre entre les deux. Mais, moi, je vous dirais, le plus représentatif mais le plus restreint possible, avec, donc, de toute évidence, des représentants de centrales syndicales. Sûrement que certains autres groupes périphériques voudraient au moins avoir une personne présente et des représentants des associations d'employeurs et avec peut-être... Je pense, pour que ce groupe de travail là soit un succès, c'est qu'il faudrait que ça arrive avec des questions super précises, déjà prédéfinies et non pas des grands débats philosophiques. Et, si on entre dans une dynamique de travail technique, mon expérience dans d'autres types d'activités, que ce soit à la CSST ou ailleurs, c'est qu'à ce moment-là les associations d'employeurs et de représentants syndicaux arrivent souvent à certains consensus quand on a des balises précises à leur donner.

M. Whissell: Ça fait que dans le fond vous voyez ça peut-être point par point, des points bien précis, peut-être pas un consensus sur l'ensemble, mais il peut y avoir, à tout le moins, un pourcentage des éléments qui sont abordés où les parties pourraient venir à une entente, ce qui dans le fond pourrait éclairer le législateur, éventuellement.

M. Kelly-Gagnon (Michel): Exact.

M. Whissell: O.K. Je vais laisser du temps à mes collègues, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Morissette): Oui. M. le député de LaFontaine, il reste cinq minutes.

M. Tomassi: Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Kelly-Gagnon, Mme Perron, M. Chassin, bienvenue. À mon tour de vous saluer.

Je l'ai fait hier puis je pense que je vais continuer à le faire aujourd'hui, il y a deux visions qui s'affrontent sur le rôle de la Commission sur l'équité salariale. Hier, on a entendu les groupes syndicaux venir nous dire que, pour eux, la commission était présente et devait rester. Même, à la limite, on devait leur donner plus de pouvoirs, une étendue plus grande sur le pouvoir qu'ils ont déjà d'enquêter et d'apporter des mesures coercitives. Vous venez nous dire, comme d'autres groupes l'ont fait hier, que la commission est juge et partie dans les décisions qu'elle rend. Dans sa mission, il y a une ambiguïté dans sa mission même, qui est celle de conseil et par la suite celle de faire des enquêtes et d'apporter des mesures coercitives vis-à-vis les employeurs. Hier, M. Roy, de la FTQ, faisait mention de d'autres entités gouvernementales, paragouvernementales qui sont dans la même optique que la Commission de l'équité salariale. Je pourrais nommer la CSST, vous en avez fait mention tantôt, la Commission de la construction du Québec, qui aussi, elle, est juge et partie en même temps. Et vous portez un jugement en quelque sorte un peu sévère vis-à-vis le rôle de cette commission.

Vous nous faites aussi mention comme quoi le droit à l'équité salariale devrait être inclus dans la Charte des droits et non pas, comme ça l'est, disposé dans une loi, je crois, dans cette situation-là. Hier, la députée d'Hochelaga-Maisonneuve nous faisait état de la situation qui prévaut au gouvernement fédéral, au fédéral, où est-ce que l'équité salariale est incluse dans la Charte des droits, qui cause des problèmes parce qu'il y a des délais qui sont très, très longs, il y a des coûts qui sont rattachés à cette incidence... ou cette contestation par l'employeur ou par l'employé, là. Ce n'est pas des coûts qui sont rattachés à la Commission de l'équité salariale, mais c'est des coûts, des frais d'avocat que les entreprises doivent assumer, nécessairement. C'est le renversement du fardeau de la preuve, qui est donné à des employés et non plus à un employeur. Alors, c'est beaucoup plus difficile des fois pour un employé de connaître toute la procédure.

Alors, je voudrais peut-être avoir un résumé de votre positionnement. Pourquoi c'est si problématique pour vous que la commission soit... ait ce... comme la CSN le disait hier. Elle était en accord avec les trois p, pas le partenariat public-privé, mais surtout les trois piliers. Ils parlaient de piliers de participation, information et formation. Alors, je voudrais peut-être vous entendre là-dessus.

La Présidente (Mme Morissette): Ça va prendre une réponse très rapide, malheureusement.

M. Tomassi: Encore?

M. Kelly-Gagnon (Michel): D'abord, on ne s'est pas levés un matin en ayant le goût de décider qu'on va être sévères avec la commission. On a juste écouté ce que nos membres nous disent à la fois dans des comités de travail et des sondages. Puis encore une fois il ne faut pas oublier que toute la logique de la loi ? puis ce n'est pas, là, moi qui ai décidé ça ? c'est une logique d'autoapplication et d'autogestion de la loi par les entreprises. Ça, c'est déjà à l'heure actuelle. Ce n'est pas une recommandation de ma part, c'est comme ça que la loi fonctionne. Mais, si vous voulez avoir de l'autogestion et de l'autoapplication, ça prend un lien de confiance. Puis, moi, ce que je vous dis, c'est que, même à supposer qu'on réussisse à avoir une commission qui dans les faits remplit ses différents mandats de façon correcte ? ce que, moi, je doute, mais, mettons que ce soit possible ? dans la perception des entreprises, dans la perception des employeurs, le lien de confiance est rompu. Et on pense qu'on pourrait en tout cas améliorer ça et donc faciliter l'autoapplication de la loi. Ça, c'est mon premier volet.

Deuxième volet, sur les coûts, vous savez, il y a toujours des coûts d'une manière ou d'une autre, mais, pour les entreprises, O.K., qui ont 100 employés et plus, qui est un profil d'entreprise qu'on retrouve beaucoup chez nous, on parle de 130 000 $ pour le coût d'application de la loi, excluant les ajustements salariaux, mais au niveau...

Mme Perron (Denise): Le coût administratif.

M. Kelly-Gagnon (Michel): ...le coût administratif, d'accord? Alors, 130 000 $ par entreprise, pour toutes les entreprises de 100 employés et plus, en moyenne. Alors, vous savez... Là, vous me dites: Oui, mais, dans l'autre système, peut-être qu'il y aurait aussi des coûts d'avocat puis effectivement certaines entreprises individuelles peut-être auraient une facture de coûts d'avocat qui serait plus élevée. Mais, dans le système actuel, il y en a, des coûts, aussi. Alors, écoutez, on ne s'en sort pas. Mais, nous, on pense que globalement, au-delà d'une question de coût, on pense que l'intention de la loi, ce n'était pas d'avoir une loi proactive pour les 1 000 prochaines années, ce n'était pas pensé comme ça, ce n'était pas structuré comme ça. Enfin, nous, c'est ce qu'on vous plaide. Et, comme je vous dis, c'était l'opinion de la Commission des droits de la personne, à l'époque.

La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Ça met fin au temps du côté ministériel. Donc, on serait rendus du côté de l'opposition officielle. Alors, M. le député de Terrebonne.

M. Therrien: Merci. Bonjour, M. Kelly-Gagnon, Mme Perron, M. Chassin. Dans un premier temps, j'aimerais vous entendre, combien vous avez de membres déjà, approximativement?

M. Kelly-Gagnon (Michel): Alors, il y a à peu près 300 membres corporatifs et 65 associations sectorielles, qui, elles-mêmes, ont plusieurs milliers de membres.

M. Therrien: Donc, vous avez une très bonne expertise terrain, je crois, sur l'application de cette loi. Et est-ce que vous pouvez donner votre avis à la commission sur les données qui nous ont été fournies dans le présent rapport ministériel? Et êtes-vous en mesure de corroborer ces données?

M. Kelly-Gagnon (Michel): Alors, merci, c'est une excellente question. Je vais laisser mon collègue, M. Chassin... parce qu'il a analysé la question en détail.

M. Chassin (Youri): Je ne sais pas si, en fait, M. le député a certaines données à l'esprit...

M. Therrien: La plus contestée, là, c'est le 68 % versus le 50 % qu'on entend souvent, là. Je pense qu'il faudrait vérifier. Et aussi on va venir à d'autres choses plus loin aussi, au niveau des coûts imputés aux entreprises, qui pourraient faire l'objet de contestations.

M. Chassin (Youri): Parfait. En fait, effectivement, il y a, en fait, deux données concurrentes, entre guillemets, dans le rapport sur l'état d'avancement des travaux dans les entreprises. Donc, quand on demande aux entreprises: Avez-vous terminé votre programme?, 68 % des entreprises répondent oui. Et, quand la commission, dans une autre phase de sondage, et, à ce qu'on m'a expliqué, deux échantillons qui ne sont pas directement comparables, donc on ne peut pas vraiment savoir qu'est-ce qui fait qu'il y a un tel écart entre les deux chiffres... À ce moment-là, la commission a mesuré certaines... en fait, le sondeur a mesuré certains critères de complétion des travaux et, en fait, a cumulé un certain nombre de situations où on considérait que l'entreprise avait terminé ses travaux. Et là on arrivait à un 47 % d'entreprises, donc le un sur deux qu'on entend souvent. Cet exercice-là, qui est complètement nouveau d'ailleurs, c'est apparu dans le rapport de 2006. Ce n'était pas dans les rapports précédents. Donc, la progression qu'on pouvait observer, là, où dans le fond on arrive assez logiquement à 68 % des entreprises ayant terminé leur exercice, on la voit évoluer.

Le 47 %, enfin, pour nous, ça nous a pris par surprise. C'est étrange. Vous comprendrez aussi que ça jette un peu une suspicion sur la bonne foi des entreprises. Puis ça, on va tout de suite éclaircir, là, le fait que les entreprises répondent en bonne foi aux sondages, dans le fond au mieux de leurs connaissances. Donc, pour le 47 %, pour nous, là, évidemment vous comprendrez que, nous, on assume que les entreprises sont de bonne foi. Et, plutôt que d'utiliser le 47 %, on utilise le 68 % d'entreprises qui déclarent avoir terminé, là. On ne remet pas en doute leur bonne foi. Ça, c'est dans le fond le premier constat.

n (10 h 10) n

Par ailleurs, pour ce qui est des coûts associés, il faut bien comprendre que ce qu'on demandait aux entreprises, il y avait des catégories, là, dans le sondage, si je ne m'abuse, puis peut-être que des gens à la commission pourront le confirmer, mais c'étaient des choix de réponses. Et dans le fond la catégorie ultime, là, la plus élevée, c'était 10 000 $ et plus. Dans une telle circonstance, vous comprendrez qu'on répond à un sondage, on essaie de donner une réponse la plus juste possible, la plus rapide possible. Mais c'est très difficile de croire que des entreprises de 100 employés et plus ont eu des coûts nuls. Et, dans les résultats du sondage, il y a 16 % ou 19 % ? je ne me rappelle plus du chiffre exact, là ? qui avaient déclaré des coûts nuls, et elles ont mis sur pied, ces entreprises, un comité d'équité salariale. Donc, c'est des gens qui ont travaillé, qui ont passé des heures à appliquer cette loi-là. Et ça, c'est sans compter les gestionnaires et c'est sans compter les employés, qui ont dû évaluer leurs emplois puis regarder à travers un certain nombre de critères.

Donc, les coûts associés sont... Et, nous, on a demandé, à l'interne, à avoir des estimations d'entreprises. En fait, presque aucune n'a pu nous donner des chiffres, là. C'est quelques entreprises, qui se comptent sur les doigts de la main, qui ont pu nous donner des chiffres, et elles nous ont toutes dit que c'étaient des estimations approximatives parce que c'est très difficile à évaluer. Autrement dit, ce qu'on a pu constater dans le fond, c'est des chiffres, là, qui ont été produits par d'autres sources et qui donnent que, dans les 100 employés et plus, c'est environ 130 000 $, en moyenne. Je pense que c'est certainement plus fiable que dans un sondage où on répond à une question rapidement, sans avoir eu le temps d'évaluer l'ensemble des coûts associés.

M. Therrien: Merci. Pour revenir au premier débat du 68-47, selon vous, une entreprise qui fait un exercice salarial de bonne foi, est-ce qu'il serait possible d'arriver à une conclusion qu'il n'y ait pas d'écart?

M. Chassin (Youri): Bien sûr.

M. Kelly-Gagnon (Michel): Oui, par définition parce que, je veux dire... Et l'inverse, c'est-à-dire avoir une présomption, comme dans certains cas on dirait qu'on retrouve, de dire: Bien, si tu as fait un exercice puis tu n'as pas trouvé d'écart, il y a quelque chose de louche, là. Puis c'est comme: Tu n'as pas fait bien ton travail puis recommence. Je pense que c'est une présomption qui n'est pas correcte. On a des outils, on demande aux gens d'autogérer, et, à partir du moment où les gens appliquent les outils correctement, qu'est-ce que vous voulez, s'il n'y en a pas, d'écart, il n'y en a pas. Et d'ailleurs c'est très possible. Mme Perron, qui a une expérience terrain, peut peut-être nous dire un mot à ce sujet.

Mme Perron (Denise): Bien, enfin, ce que je peux dire à ce sujet, c'est que, même si la Loi sur l'équité salariale au Québec existe depuis 1997, quand même, les organisations ont mis en place ou avaient déjà commencé à mettre en place des systèmes non sexistes, des systèmes qui mettaient en valeur les quatre grands facteurs que l'on reconnaît dans la Loi sur l'équité salariale, que ce soit sous l'impulsion de la loi ontarienne ou des syndicats, qui se penchaient aussi sur la question. Il est donc fort possible... Et c'est arrivé à plusieurs occasions où, dans une organisation où il y avait une structure salariale, où tous les employés avaient été évalués, leurs emplois placés correctement dans cette structure salariale, on arrive à une conclusion qu'il n'y a pas d'écart salarial pour des emplois qui sont de même valeur.

M. Therrien: Et brièvement, quand on fait le calcul de tout ça, est-ce que l'entreprise qui a fait son exercice de bonne foi, est-ce que vous calculez au bout de la ligne, s'il n'y a pas d'écart, qu'elle a fait l'exercice ou, comme semble le dire le rapport, qu'il n'y a pas eu d'exercice de fait?

Mme Perron (Denise): La question s'adresse à moi? Oui? On ne peut pas mesurer, disons, le succès en disant: Voici le nombre ou le montant accordé. Alors, plus les écarts étaient grands, plus il y a eu des ajustements, plus la loi a un effet positif. D'abord, la loi, elle est aussi malléable, dépendamment du comparateur qu'on utilise. Alors, ça va être quoi, le bon résultat? Ça va être celui où il y a plusieurs emplois qui ont eu un ajustement, même si celui-ci est minime. Est-ce que ce sera quelques emplois où l'écart a été important? Non. Ce qu'il faut s'assurer, c'est du processus, que le processus, lui, soit correct, qu'on ait tenu compte des grands facteurs, qu'on ait fait une évaluation non sexiste des emplois. Et, à ce moment-là, bien, s'il y a écart à tel ou tel emploi, dépendamment de quel comparateur on aura utilisé, on aura les résultats qui sont fiables, avec ou sans écarts salariaux constatés.

M. Therrien: Merci. Je vais continuer avec vous, Mme Perron. Étant donné que nous avons constaté qu'au Canada, dans d'autres provinces, il y avait aussi eu des baisses au niveau des écarts, est-ce qu'il pourrait y avoir d'autres facteurs qui pourraient améliorer une équité salariale, étant donné qu'il n'y a pas de pareille loi ailleurs au Canada, sauf l'Ontario, qui est comparable, mais, bon, il y a des différences marquées, là?

Mme Perron (Denise): Oui, il y a des différences marquées pour la loi ontarienne, puis je voudrais en parler un peu parce que c'est important. On compare souvent la loi québécoise en disant: Bon, le seul modèle que l'on a, c'est celui de l'Ontario et c'est très, très près, il n'y a pas beaucoup de nuances. Par contre, la loi québécoise est une loi avant-gardiste, et il n'y a pas d'autre exemple au monde à part la Suède.

Commençons par la Suède. La Suède a une loi que l'on dit proactive, mais «proactive», ce n'est pas dans le même sens que notre loi au Québec. Et, la loi de la Suède... Enfin, dans les dernières années, l'écart entre les catégories d'emploi à prédominance féminine et les catégories d'emploi à prédominance masculine en Suède s'est élargi. Bon. Alors, voilà pour la loi suédoise.

Pour la loi ontarienne, il y a beaucoup de différences. D'abord, la loi ontarienne, un emploi masculin, c'est 70 % des titulaires qui doivent être de sexe masculin. Ça veut dire qu'il y a moins de comparateurs déjà là, hein? Le travail est moins volumineux. En Ontario, c'est un programme par unité d'accréditation. Alors, un programme donc, ça se fait négocier. Parce que le programme, il est négocié avec les agents négociateurs, évidemment. Alors, on le négocie avec le syndicat. Il y a autant de programmes qu'il y a d'unités d'accréditation, plus un programme général. Ça, c'est une très grosse différence et une lourdeur qui est vraiment différente.

Quand vous demandez ? c'était votre première question ? sur la question des ajustements, tout ça, bon, même en Colombie-Britannique, il n'y a pas de loi, par contre l'écart salarial a diminué.

Si je reviens à l'Ontario cependant, la comparaison que l'on doit faire, c'est avec la catégorie masculine qui est la moins bien rémunérée, considérant que, s'il y a plusieurs catégories masculines de même valeur qui peuvent servir de comparateurs, forcément les différences salariales des emplois masculins qui sont plus élevés ne sont pas dues à la discrimination systémique, ce qui fait que c'est fort, fort différent de la loi québécoise.

Alors, quand on veut s'asseoir, on peut en sortir, des chiffres, dire: Ah, il y a un 25 % de différence, bon, quand on arrive aux universitaires célibataires, il n'y en a pas, de différence. Alors, on ne peut pas vraiment lancer des réponses comme ça. Ce que l'on sait cependant, c'est que cet écart, il serait minime, l'écart dû à la discrimination systémique, c'est-à-dire qu'on n'a pas pu expliquer par tous les autres facteurs que l'on connaît, quantifiables.

M. Therrien: Merci. Dernière question qui me semble importante sur la dualité du rôle de la commission, on a eu un intervenant hier qui nous ? justement, pour ne pas le nommer, l'instance syndicale, la FTQ, M. Roy ? disait que de transférer tout le rôle législatif de la commission à la CRT embourberait cette institution. Par contre, quand il y a une instance syndicale, s'il y a un conflit, il y a un grief puis inévitablement ça se retrouve devant la CRT. Quand je lui ai posé la question, parce qu'il comparait avec la CSST, au niveau de la CSST, on marche avec un conseil d'administration qui est paritaire. À cet effet-là, il répondait: Non, mais peut-être des comités paritaires, donc un plus petit groupe qu'un conseil d'administration, qui pourraient peut-être faire le travail, et puis de voir la CRT comme un deuxième niveau, un appel donc, suite à ce comité paritaire qui pourrait être instauré. Est-ce que je pourrais vous entendre à ce niveau-là? Qu'est-ce que vous en pensez?

La Présidente (Mme Morissette): Ça va prendre une réponse concise.

M. Kelly-Gagnon (Michel): L'essentiel, c'est que les rôles soient séparés. Après, la formule, on est ouverts à différentes formules, puis je pense qu'il va falloir l'étudier dans un autre forum. Mais, pour nous, les rôles doivent être séparés à la fois dans l'apparence et dans la réalité. C'est le «bottom line» de l'affaire.

La Présidente (Mme Morissette): Il reste encore un peu de temps, là. Je voulais que ce soit concis, mais vous avez trop bien réussi.

M. Therrien: Peut-être une dernière question au député de...

La Présidente (Mme Morissette): Oui. Il reste un peu de temps. Il faut que ce soit rapide.

Mme Méthé: Chers collègues, bonjour. M. Gagnon, M. Chassin, Mme Perron, bonjour. Vous avez donné des chiffes intéressants tantôt en ce qui a trait au rattrapage depuis la loi et le rattrapage 10 ans avant. Alors, ce serait vraiment intéressant peut-être de vérifier, avoir des données plus exactes là-dedans.

Mais ma question est simplement: Est-ce que la complicité dans l'application de la loi pourrait expliquer qu'il y a certaines entreprises qui n'ont pas fait l'exercice de l'équité salariale?

n (10 h 20) n

M. Kelly-Gagnon (Michel): Vous voulez dire la complexité?

Mme Méthé: La complexité, oui.

M. Kelly-Gagnon (Michel): Alors, effectivement, je pense que c'est une explication centrale. D'ailleurs, tous les sondages, tout le feed-back qu'on a, c'est... Écoutez, c'est une loi complexe, tout le monde l'avoue. Même quand on regarde les extraits des débats du Journal des débats de l'époque, lors de l'adoption de la loi ? on en a même mis certains extraits en annexe à notre mémoire ? et puis les parlementaires de l'époque, dont certains sont encore ici aujourd'hui, avouaient que c'était très technique puis qu'il y avait vraiment des aspects qui franchement vont bien au-delà du principe général qu'on peut comprendre et apprécier.

Mme Méthé: Est-ce que vous avez eu des commentaires vraiment à cet effet-là directement des entreprises?

M. Kelly-Gagnon (Michel): Beaucoup. Beaucoup, et c'est le commentaire peut-être qui revient le plus souvent en termes de lourdeur, en termes de complexité. Puis le fait que les gens... C'est ça. Youri, tu veux ajouter...

M. Chassin (Youri): Oui. Peut-être dire aussi... Parce qu'effectivement, pour les petites entreprises, il y a de la difficulté à appliquer cette loi-là, et entre autres par manque de ressources, là. Ils n'ont pas des départements de ressources humaines.

Il faut comprendre aussi que, pour les grandes entreprises, la complexité de la loi se décuple. Et il faut comprendre aussi que, pour les grandes entreprises, ce n'est pas évident, quand on parle justement d'un programme général avec des programmes distincts, avec, en fait, parfois différentes méthodes dans différents établissements. Il y a différents comités d'équité salariale au sein de l'entreprise qui choisissent différentes méthodes. Donc, ce n'est pas simple ni pour les petites ni pour les grandes.

La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Ça met fin au bloc de temps qui est alloué à l'opposition officielle. Nous sommes rendus à celui de la deuxième opposition. Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Alors, merci, Mme la Présidente. M. Kelly-Gagnon, monsieur...

M. Chassin (Youri): Chassin.

Mme Harel: Chassin... Chassin, vous dites?

M. Chassin (Youri): Chassin, oui.

Mme Harel: Chassin et Mme Perron. Alors, ma voisine et collègue Mme la députée de Taschereau et moi-même souhaitons échanger avec vous. Tantôt, vous parliez de rôles séparés que vous souhaitez voir jouer par la Commission sur l'équité salariale. D'abord, je voudrais simplement une position de fond. Est-ce que vous considérez que le droit à l'équité salariale, c'est un droit fondamental qui doit recevoir application?

M. Kelly-Gagnon (Michel): Posé comme ça, oui.

Mme Harel: Bon. Alors, c'est déjà un bon départ. C'est déjà un bon départ. Est-ce que le Conseil du patronat, qui a été contre l'adoption de la Loi sur l'équité salariale, s'est, lui aussi, rétracté à l'égard de cette loi?

M. Kelly-Gagnon (Michel): On n'était pas... Parce qu'il y a la charte, il y a la...

Une voix: ...

M. Kelly-Gagnon (Michel): Non, non, c'est ça que je vous dis, mais il y a le droit à l'équité salariale et puis il y a la mécanique spécifique telle que proposée par la Loi sur l'équité salariale. Et on peut très bien, à la fois en termes de principe et en termes pratico-pratiques, être pour le principe juridique et philosophique d'équité salariale tout en ayant de graves réserves face à la mécanique de la Loi sur l'équité salariale telle que proposée. C'est deux questions distinctes, je vous le soumets respectueusement.

Mme Harel: Le droit à l'équité salariale est introduit dans la charte québécoise depuis 1995, à l'article 19, et, comme vous le savez, n'a pas trouvé application autrement que par des plaintes devant les tribunaux. Et certaines nous ont été décrites hier comme durant encore 10 ans, 12 ans, 15 ans, certaines 20 ans. Est-ce que c'est ce que vous nous suggérez, ce à quoi vous nous suggérez de revenir?

M. Kelly-Gagnon (Michel): Écoutez, d'abord, même... Si on la regarde d'un autre aspect, la Loi sur l'équité salariale, après 10 ans d'adoption, selon les chiffres de la commission, il y aurait 53 % des entreprises qui n'auraient pas complété leur processus. Alors, on ne peut pas dire que la loi propose non plus un processus qui est nécessairement extrêmement expéditif non plus. Alors, tout prend du temps dans la vie. Mais par ailleurs la question, c'est de savoir: Une fois que la loi est là... Et, nous, notre position d'aujourd'hui, c'est que la loi doit être maintenue et doit garder son applicabilité pour les entreprises qui n'ont pas fait leur exercice. Et donc elle pourrait garder une applicabilité pendant encore plusieurs années et peut-être mettre des mécanismes encore d'aide supplémentaire pour aider à compléter l'exercice. Et je pense que mon collègue voulait ajouter un...

M. Chassin (Youri): En fait, Mme la députée, vous posez une très bonne question. Ça nous permet de clarifier l'idée qu'en fait on ne souhaite pas revenir... Ce n'est pas dans le fond passéiste comme position, vous m'excuserez l'expression. On souhaite dans le fond que la charte, qui a été mise en application par une loi spécifique pour le problème de la discrimination systémique basée sur le sexe à l'encontre des catégories d'emploi à prédominance féminine... Donc, c'est très, très, très précis. Ça étant fait, ça va avoir été rétabli. Et là je cite, dans les débats de février 1996, le président de la Commission des droits de la personne, qui dit... Parce que, quand la loi sera terminée, il faut se rappeler que le système de plainte, donc selon la charte, va revenir en vigueur et que normalement le marché devrait être corrigé. Et, si le marché est corrigé, bien on ne devrait pas être obligés d'intervenir aussi souvent. Autrement dit, une fois que l'équité salariale est atteinte, la Loi sur l'équité salariale est appliquée et que la discrimination systémique est enlevée des systèmes de rémunération, l'objet dans le fond, là, de l'article 19 demeure. Mais il n'y aura plus nécessairement de besoin en termes de plainte parce que la correction aura été faite.

Mme Harel: Écoutez, Mme la Présidente, ici, au premier, on discute d'équité salariale. Vous savez que, l'étage supérieur, on discute d'égalité, du droit à l'égalité des hommes et des femmes. Malheureusement, la commission des droits et libertés de la personne ne vient pas devant notre commission, mais elle était devant la commission sur l'égalité. Et elle a même demandé au gouvernement d'aller de l'avant avec la reconnaissance des droits économiques et sociaux, qui sont déjà inclus dans la charte mais sans être justiciables, c'est-à-dire sans pouvoir être invoqués pour être appliqués devant les tribunaux. Je ne sais pas, je pense qu'il y aurait intérêt, et y compris du Conseil du patronat et de la commission, de vérifier quel est l'état de l'opinion. Il est possible qu'il ait beaucoup changé de la part de la Commission des droits et libertés de la personne. Je ne sais pas. Vous les citez dans un rapport de 1995, mais je préférerais savoir qui vous a dit que non et avoir, si vous voulez, un point de vue, ce que je demanderai d'ailleurs formellement par écrit à la commission suite à votre témoignage.

Dans votre mémoire, à la page 12, en fait ce que vous nous dites, c'est que les nouvelles entreprises qui vont être créées à l'avenir ne seront plus touchées par la discrimination systémique. En vertu de quel pouvoir magique, les nouvelles entreprises échappent à la discrimination systémique?

M. Chassin (Youri): En fait ? si tu permets, Michel ? donc la discrimination systémique, le nom le dit, c'est une discrimination qui est de l'ordre du système et en fait qui est inscrite dans les systèmes de rémunération qui conservent des biais sexistes enracinés, dans le fond, là, dans l'histoire. Autrement dit, et on le comprend bien à la lecture même, là, du rapport de mise en oeuvre, ce n'est pas une discrimination que certaines personnes exercent à l'encontre de d'autres personnes, c'est parce qu'on se fie sur des systèmes de rémunération qui ont perduré dans le temps et qui ont fait perdurer la discrimination systémique. Et d'ailleurs le rapport parle de persistance de la discrimination systémique comme étant l'explication, là, de la nécessité de la loi, de l'adoption de la loi en 1996.

Donc, elle disparaissait tranquillement. La loi venait accélérer le processus. Une fois dans le fond que la discrimination a été extraite des systèmes de rémunération, c'est important de bien le comprendre parce que c'est des concepts abstraits et difficiles parfois à manoeuvrer, mais, une fois que ça a été extrait des systèmes de rémunération, de dire que ça va revenir, de dire que les nouvelles entreprises qui vont être crées vont encore être affectées par la discrimination systémique, c'est de présumer que certaines personnes vont intentionnellement remettre en application cette discrimination-là. À partir du moment où on dit à des entreprises: Voici, vous avez de la discrimination systémique dans vos systèmes, on corrige les salaires, on fait les ajustements qui s'imposent et, à partir de là, on continue sans poser de geste discriminatoire. Est-ce qu'il y a des gens qui vont poser des gestes discriminatoires? C'est possible, mais il faut, à ce moment-là, avoir le recours de la charte.

n (10 h 30) n

Mme Harel: Écoutez, Mme la Présidente, je veux bien que notre visiteur nous explique tout cela, là, mais c'est un système de rémunération entreprise par entreprise. Une nouvelle entreprise, par quelle vertu particulière elle va échapper à un système de rémunération qui, vous le dites vous-même, n'est pas intentionnel mais finalement est un résidu de la conception qu'on se faisait de la valeur du travail masculin et féminin?

Mais la question que je me pose, c'est aussi la suivante. C'est que, dans les études qui ont été réalisées, qui nous ont été déposées ici même, en commission, quatre entreprises sur cinq qui ont procédé à cet exercice d'équité disent qu'elles ne l'auraient pas fait s'il n'y avait pas eu une loi. S'il n'y a plus de loi, pourquoi les nouvelles entreprises le feraient?

M. Kelly-Gagnon (Michel): Oui, mais c'est ce qu'on... Regardez, le deuxième volet revient au premier, là, on tourne autour de la même affaire, et là c'est une question de la croyance ou non dans ce qu'on appelle des mécanismes de marché. C'est-à-dire qu'une fois qu'il y a eu certaines, je veux dire, rémunérations qui ont été établies, par exemple, pour corriger le salaire des adjointes administratives et que vous avez, mettons, 1 000 entreprises au Québec qui sont actives dans un secteur d'activité A, s'il y en a 999 qui ont fait l'exercice de la Loi sur l'équité salariale puis qui ont ajusté les salaires des adjointes administratives puis là vous dites qu'il y en a une 1 000e, une nouvelle, qui, elle, arrive, bien, qu'est-ce que vous voulez, Mme la députée, si cette 1 000e entreprise, elle offre 50 % du salaire pour les adjointes administratives des 999 autres, ça ne marchera pas, ça ne marchera juste pas, je veux dire, surtout dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre. Le «going rate»... Ils vont être obligés de s'adapter à ce que leurs compétiteurs ont déjà accordé. Maintenant, si vous ne croyez pas que ces mécanismes d'adaptation existent, bien là on est dans un autre domaine.

La Présidente (Mme Morissette): ...

Mme Maltais: Bonjour, messieurs, madame. La loi du marché n'a pas permis de rétablir l'équité envers les femmes tant qu'on n'a pas eu la loi sur l'économie salariale. La loi du marché n'a pas fonctionné, c'est pour ça qu'on a été obligés d'établir une loi. Mais maintenant je vais prendre votre chiffre. Je vais accepter, même si je crois que le chiffre de 47 % est une bonne base, c'est un sondage, vous dites que ce sondage-là n'est pas bon, il faut prendre 68 %. Je vais prendre, moi aussi, 68 %, ça me donne ceci: sur 68 % des entreprises s'étant conformées à leur obligation, le chiffre que vous voulez que nous prenions comme base, 38 %... bon, seulement 32 % ont constaté des écarts. Donc, le tiers à peu près de 68 %, donc seulement 23 % à 24 % des entreprises ont constaté des écarts salariaux. Ça veut dire qu'environ, je vais être généreuse, 75 % des entreprises du Québec ont constaté qu'il n'y avait aucun problème d'équité en emploi entre hommes et femmes du Québec. Et vous venez nous dire, à la lecture de ce chiffre qui, pour moi, n'a aucun sens ? je ne peux pas croire qu'on a fait tout cet exercice-là pour arriver au fait que 75 % des entreprises n'ont aucun problème d'équité ? vous venez nous dire: Il serait temps de ramollir la loi, il serait temps d'enlever ses pouvoirs à la Commission de l'équité salariale et il faudrait revenir au passé, à la charte. Je ne peux pas croire que le Conseil du patronat, à la lecture du chiffre qu'il accepte, puisse nous dire: Il est temps de reculer.

M. Kelly-Gagnon (Michel): Et pourtant c'est ce que nous vous disons.

La Présidente (Mme Morissette): Mme Maltais, avez-vous d'autres choses?

Mme Maltais: Non, merci beaucoup.

La Présidente (Mme Morissette): ...fin à la présentation du Conseil du patronat. Merci beaucoup de votre présence ce matin. On va suspendre quelques minutes, le temps de vous saluer, et on va accueillir le groupe suivant. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 34)

(Reprise à 10 h 37)

La Présidente (Mme Morissette): Alors, bonjour. Bienvenue à la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je ne sais pas qui va prendre la parole de façon principale. Oh! la dame. Parfait. Alors donc, vous disposez de 15 minutes pour nous présenter votre mémoire. Ensuite, les groupes parlementaires auront chacun un bloc de temps pour vous questionner. Alors, si vous voulez vous présenter, présenter les gens qui vous accompagnent. Vous avez 15 minutes devant vous.

Fédération des chambres de
commerce du Québec (FCCQ)

Mme St-Jacques (Caroline): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, MM. les députés et Mmes les députées, bonjour. Je m'appelle Caroline St-Jacques. Je suis vice-présidente, Affaires publiques, à la Fédération des chambres de commerce du Québec. Et je vous prie d'excuser ma présidente-directrice générale, Françoise Bertrand, qui souffre d'une extinction de voix, comme par hasard.

Mme Bertrand (Françoise): C'est la deuxième fois que ça m'arrive.

Mme St-Jacques (Caroline): Oui. À chaque fois qu'il y a une commission parlementaire, sa voix s'éteint. Et je suis, cela dit, accompagnée de Me Louis Bernier, qui est membre de notre bureau de direction et président du comité travail; à l'extrême gauche, M. Yves Trépanier, qui n'est pas d'extrême gauche, mais qui est également membre du conseil d'administration et du comité travail; et, à ma droite, M. Michel Turner, qui est aussi membre du comité travail.

Alors, au nom de la fédération, je vous remercie infiniment de nous recevoir ce matin. Cette consultation nous tient à coeur puisque nous jugeons essentiel de rétablir l'objectif initial issu de la loi, et ce, bien au-delà des mesures administratives. Pour nous, il est certain que cette loi doit être révisée pour simplifier ses modes de fonctionnement et réduire ainsi la lourdeur administrative encourue par les entreprises, et qui n'aide en rien l'atteinte des objectifs poursuivis.

Nous voulons également établir que les pistes de développement proposées par la commission ne présentent, pour la plupart, aucune valeur ajoutée pour l'économie, comme pour la cause qu'elles entendent servir, c'est-à-dire l'équité salariale. Lorsque la Loi sur l'équité salariale fut adoptée il y a 10 ans, nous comprenions que l'objectif était d'éliminer les écarts dus à la discrimination systémique fondée sur le sexe, à l'encontre de catégories d'emploi à prédominance féminine. Mais nous voyons aussi que la loi, malgré certains passages obligés, était empreinte d'une certaine souplesse, ce qui permettait de penser qu'il n'y avait pas de raison majeure de ne pas y souscrire.

n (10 h 40) n

Nous devons constater aujourd'hui, à force d'expériences, de décisions et d'orientations de la commission, que l'objectif de départ, qui était de corriger les écarts dus à la discrimination systémique, a été perdu en cours de route pour faire place à la correction de tout soi-disant écart, quelle qu'en soit la nature, quelle qu'en soit l'étendue et quelle qu'en soit la cause. Ce faisant, des écarts ont été corrigés sans raison d'être et d'autres ont été créés sans aucune justification. Ce que nous requestionnons au départ, c'est donc toute la question liée à la gouvernance et qui demande, selon nous, un changement législatif et qui précède l'interprétation et l'application de la loi.

Le premier chapitre concerne donc les fonctions de la commission et la dualité de ses rôles. On constate que la commission joue, d'une part, un rôle de surveillant et de promoteur et, d'autre part, un rôle d'enquêteur et d'adjudicateur, ce qui en fait un organisme qui, à toutes fins pratiques, agit à la fois comme juge et partie. Il est à notre avis malsain que le même organisme et de ce fait les mêmes individus soient appelés à prendre des décisions et à déterminer les droits des parties sur ce qui constitue l'essence même de leur mission de surveillance. Une telle confusion des rôles fait donc en sorte que la commission est ainsi appelée à se pencher et à se prononcer sur ses propres initiatives, programmes et autres mesures visant à assurer la promotion de l'équité salariale.

Forcément, la commission ne peut qu'avoir un biais favorable à ses objectifs et ses fonctions de surveillance et de promotion de la loi et de l'équité salariale, un tel biais influençant le cours et la portée des décisions qu'elle est appelée à rendre dans son rôle d'adjudication et de responsable de l'application et du respect de la loi. Évidemment, cette fonction de promotion de l'équité salariale incite la commission à voir d'un oeil favorable les prétentions des employés se plaignant de discrimination salariale. À notre avis, il en résulte donc que de tels employés bénéficieront ainsi de la vision libérale de la commission au sens souple du terme et verront donc leurs réclamations traitées avec un préjugé favorable.

Dans ce contexte, nous recommandons de limiter les rôles de la commission et de lui retirer toute fonction d'adjudication. Celle-ci continuerait d'assurer la promotion de la loi et l'atteinte des objectifs qui y sont énoncés tout en en surveillant l'application au moyen de pouvoirs d'enquête. M. Bernier.

M. Bernier (Louis): Alors, merci, Mme St-Jacques. Maintenant, qu'en est-il du pouvoir d'intervention de la commission? Au cours des récentes années, la commission a cherché à se voir conférer un droit d'intervenir devant la Commission des relations du travail afin d'assurer la promotion des objectifs de la loi. Nous sommes d'avis que le fait pour la commission d'intervenir et de prendre fait et cause de personnes se plaignant d'une violation de la loi et/ou réclamant l'observance de quelque exigence ou obligation contribue à entretenir la confusion des rôles discutée précédemment, faisant ainsi de la commission un organisme agissant à la fois comme juge et partie.

C'est pourquoi nous recommandons de prévoir que la commission n'ait aucune autorité pour intervenir devant la Commission des relations du travail. Contrairement à la situation qui prévaut actuellement, nous sommes convaincus qu'une telle approche contribuera à éliminer la totale confusion qui prévaut actuellement entre les responsabilités d'adjudicateur et d'organisme de surveillance confiées à la commission.

De plus, nous recommandons la création d'un conseil d'administration qui présiderait aux destinées de la Commission de l'équité salariale, les membres du personnel de la commission veillant à l'exécution des politiques, principes et grands programmes élaborés par le conseil d'administration pour assurer le respect et l'atteinte des objectifs de la loi. La composition de ce conseil pourrait, à titre d'illustration, s'inspirer de celui établi pour la CSST par la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Il serait composé de façon représentative des différents groupes et parties intéressés par des questions d'équité salariale, et leur apport permettrait d'assurer que le respect et l'atteinte des objectifs de la loi soient réalisés de manière équilibrée et conformément à la raison d'être de la loi. De plus, l'établissement d'un conseil d'administration représentatif des divers intérêts en cause favoriserait à notre avis et de façon certaine une plus grande stabilité dans les orientations de la commission.

Dernière remarque sur la gouvernance. Il nous apparaît essentiel que la commission continue de jouer un rôle de conciliation. Nous réitérons toutefois l'importance qu'une telle fonction soit de nature strictement volontaire de manière à éviter que quiconque ne soit contraint d'y participer ou qu'il lui soit représenté qu'une telle étape est incontournable. Ce processus de conciliation devrait être encadré de façon à en préserver l'intégrité et à en optimiser l'efficacité et la confidentialité. Ainsi, aucune preuve ne saurait être permise par la suite, devant la Commission des relations du travail ou devant toute autre instance, ayant pour effet de dévoiler un document ou un renseignement reçu dans le cadre de la conciliation.

Passons maintenant au chapitre de l'interprétation et de l'application de la loi telles que préconisées par la commission. Celle-ci ne dispose, à toutes fins pratiques, d'aucune balise encadrant son pouvoir d'adjudication à l'exception des pouvoirs confiés à la Commission des relations du travail qui peut être saisie de toute décision prise par la Commission de l'équité salariale.

Pour sa part, la commission affirme que la loi dont elle assure la promotion doit faire l'objet d'une interprétation large et libérale. Cette justification l'amène donc à rendre des décisions qui trop souvent outrepassent ce que devrait être son rôle, soit d'agir avec neutralité, objectivité et impartialité dans l'application et l'exécution de la loi. Cette tendance de la commission a évidemment eu pour conséquence malheureusement d'entacher sa crédibilité auprès de nombreux employeurs.

À cet égard, nous recommandons de modifier la loi de façon à y énoncer, de manière explicite, que la commission ne pourra intervenir, dans le cadre de ses pouvoirs d'enquête et de conciliation, qu'à l'égard des seuls écarts salariaux découlant de la discrimination systémique fondée sur le sexe à l'égard des personnes occupant des emplois dans des catégories d'emploi à prédominance féminine, ce qui, on doit se le rappeler, était, au point de départ, l'objectif énoncé par le législateur dans l'article 1 de la loi.

Quant à la Commission des relations du travail, qui, selon nos recommandations, devrait être la seule entité exerçant une fonction d'adjudication à l'égard de plaintes ou de différends, elle ne saurait non plus être habilitée à traiter de situations autres qu'une telle discrimination systémique.

Par conséquent, nous recommandons de modifier l'article 67 de la loi de façon à prévoir expressément que toute situation d'écart salarial découlant de circonstances autres que la discrimination systémique au sens de la loi ne sera aucunement prise en considération pour les fins d'application de la loi.

Nous recommandons également d'éliminer de la loi l'actuel article 106 qui autorise présentement la commission à procéder à des enquêtes de sa propre initiative et à saisir la Commission des relations du travail de toute constatation selon laquelle la loi n'est pas respectée.

Mme St-Jacques (Caroline): Au chapitre de l'autorité de la commission à l'égard des programmes d'équité salariale, on constate que la commission s'est arrogée l'autorité d'intervenir et d'en réévaluer les modalités, et ce, même lorsqu'il s'agit de programmes établis de façon consensuelle par des comités formés selon les prescriptions de la loi. D'où l'importance de préciser dans la loi qu'un programme établi en comité d'équité salariale ne saurait faire l'objet d'aucune plainte devant la commission ou la CRT.

Par ailleurs, nous déplorons le fait que la commission cherche à imposer les mêmes mécanismes que ceux prévus pour l'établissement du programme d'équité salariale lorsque des changements surviennent au sein d'une entreprise. Nous recommandons de clarifier la portée de la loi et de préciser que l'obligation relative au maintien de l'équité salariale se limite en fait uniquement à assurer que des décisions discriminatoires ne soient prises par un employeur. En fait, nous considérons que le programme d'équité salariale, une fois complété, satisfait pleinement l'objectif visé par la loi et que la commission ne devrait perpétuellement remettre en cause les programmes d'équité existants et étendre ainsi indûment l'obligation du maintien de l'équité.

Dans notre mémoire, nous abordons également toutes les autres questions liées à l'illégalité des programmes distincts, à l'évaluation des emplois, au pouvoir du comité de l'équité salariale, à l'assujettissement à la loi des entreprises de 10 employés et plus, à la notion de salaire étoilé et enfin à la méthode d'estimation des écarts salariaux. À cet égard et à l'instar du Conseil du patronat qui nous précédait tantôt, nous estimons qu'un groupe de travail composé d'experts devrait être constitué afin d'examiner en profondeur les questions d'équité salariale et toute la question de la rémunération.

En terminant, je me permets d'insister sur le fait que ce que nous souhaitons, c'est beaucoup plus qu'une simple modification administrative. Nous voulons une véritable transformation structurelle qui passe donc par une révision législative en profondeur. Et, bien que l'ouverture de la présidente et de ses commissaires pour un meilleur dialogue soit très appréciée, nous craignons que cela ne suffise tant et aussi longtemps que les règles du jeu ne seront pas rectifiées et clarifiées. Au cours des derniers mois, nous avons réclamé la tenue de cette commission parlementaire et nous nous en réjouissons. Il reste à souhaiter que des gestes positifs et concrets en découleront. Je vous remercie de votre attention.

n (10 h 50) n

La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Alors, directement au ministre, on passe la balle. M. le ministre, à vous.

M. Whissell: Bien, Mme St-Jacques, messieurs, bonjour. Mme la présidente, bienvenue parmi nous. Alors, merci également de votre présence, malgré qu'on sent qu'à travers les gens qui sont devant nous votre participation est également là. Bien, merci de votre présentation.

Il y a, je vous dirais, peut-être trois points que j'aimerais vous entendre. Le groupe de travail, vous avez entendu tantôt nos propos avec le Conseil du patronat, alors peut-être y revenir puis voir un peu la forme, si ça rejoint les aspirations du CPQ.

Sur la CRT, le rôle que pourrait jouer la CRT, bon, il y a des organismes qui sont venus hier, qui nous disaient: Bon, il ne faudrait pas venir surcharger la CRT par un nouveau rôle, un nouveau mandat. Alors, comment voyez-vous l'utilisation de la CRT? Mais également l'angle où... Dans un esprit où vous dites que la commission devrait seulement faire promotion et information, «adjudication» serait retiré, qui défendrait, devant la CRT, les employés? Et là je pense principalement aux employés qui sont non syndiqués. Alors, est-ce que, dans vos pistes de solution, vous voyez un système, là, où il y a quelqu'un, un organisme qui peut épauler, devant la CRT, les employés qui n'ont pas d'unité syndicale à leur service? Et, sur la conciliation, bien peut-être élaborer davantage tout le volet conciliation qui peut éviter beaucoup de se rendre possiblement devant la CRT, dans le scénario que vous évoquez.

M. Bernier (Louis): Alors, merci, M. le ministre. Je tente donc de reprendre et de répondre à vos différentes questions et préoccupations.

Premièrement, sur le groupe de travail, comme nous le disons dans le rapport, ce groupe-là devrait être constitué essentiellement d'experts et de spécialistes de ces questions d'équité salariale, qui sont, on doit en convenir, des questions extrêmement techniques qui devraient donc mettre à contribution des gens qui sont versés dans ces questions-là. Et j'ai tendance à être d'accord avec M. Kelly-Gagnon, qui répondait à une question semblable en précisant qu'un groupe comme celui-là devrait se faire donner un mandat portant sur des questions fort spécifiques et devrait donc mettre à votre service, M. le ministre, et au service de l'Assemblée nationale son expertise pour donc proposer des orientations, guider quant aux avenues disponibles pour réformer et procéder aux ajustements requis dans la loi. Alors, voilà. Et évidemment le comité ou le groupe de travail devrait être représentatif.

Quant au rôle de la Commission des relations du travail, vous y avez fait référence, je pense que le député de LaFontaine également, ce matin, a fait référence à une intervention d'hier et au risque que la CRT soit embourbée, et pourquoi donc donner une nouvelle fonction à la CRT. Il faut savoir que la CRT principalement s'occupe des questions émanant du Code du travail et de la Loi sur les normes du travail. Ça constitue l'essence des dossiers dont est saisie la CRT. Il faut savoir également qu'il y a 13 ou 14 autres législations qui confient des pouvoirs d'adjudication à la CRT, par exemple la loi sur la langue française, la loi des municipalités, toutes des situations qui éventuellement, lorsque des litiges se produisent ou des plaintes se produisent, aboutissent à la CRT.

J'ai avec moi... Étant un client assidu de la CRT, je peux attester à titre personnel de la très grande efficacité que ce tribunal-là a réussi à atteindre au cours des dernières années. Je pense qu'on doit tous, peu importe qu'on représente des employeurs, ce qui est mon gagne-pain, ou des parties syndicales... je pense que, de façon générale, le milieu salue et reconnaît que la CRT est beaucoup plus efficace et diligente dans le traitement des dossiers, si on compare au système à deux paliers précédent. Et, dans le rapport de la CRT du 7 novembre 2007 que j'ai avec moi, qui est un bilan des cinq ans, bilan et perspective des cinq ans, je constate, et je cite un extrait, que «la CRT salue le fait qu'ils ouvrent en moyenne 7 400 dossiers par année et qu'ils ont réussi à atteindre un rythme de croisière». Ils ne prennent aucun retard d'une année à l'autre, et je pense que c'est une démonstration de leur efficacité et de la diligence qu'ils ont démontrée dans le traitement des dossiers.

J'ajoute un deuxième commentaire, c'est à la page 16 du rapport du 7 novembre 2007, que, dans le traitement des plaintes ou des recours qui sont principalement l'objet de démarches devant la CRT, je le répète, en vertu du Code du travail ou en vertu de la Loi sur les normes, on constate dans tous les cas une baisse notable des délais de traitement. Par exemple, en matière d'accréditation ? et on sait à quel point l'accréditation syndicale est un dossier important ? maintenant, il faut en moyenne 55 jours pour disposer d'une requête en accréditation. Je suis convaincu qu'il y a 10 ans ou avant la création de la CRT, sans avoir les chiffres en ma possession, je suis convaincu que ce délai-là était beaucoup plus long que 55 jours. Et il y a d'autres statistiques qui sont fournies.

Alors, personnellement, mon expérience comme professionnel et client de la CRT et en m'appuyant sur ces données-là, je ne crois pas qu'il s'agisse d'une crainte bien fondée, que de risquer d'embourber davantage la CRT en lui confiant une vocation additionnelle.

Quant à votre troisième question, M. le ministre, nous sommes sensibles à cette préoccupation-là. Permettez-moi de citer soit le sort de plaignantes évidemment de sexe féminin qui ne pourraient pas disposer de l'assistance voulue... Dans notre rapport, à la page 5, permettez-moi de citer un extrait de notre rapport: «Certains pourront s'interroger ? et je crois que c'est le sens de votre question ? sur le risque que le dépôt d'une plainte par les seuls individus lésés puisse préjudicier certaines catégories de femmes ne disposant pas des ressources voulues ni, non plus, de l'appui d'une association syndicale ou d'une autre organisation représentative. La FCCQ désire manifester sa sensibilité à cet égard et souhaite proposer, advenant que sa recommandation soit retenue, que diverses pistes soient évaluées afin d'offrir l'appui voulu à ces femmes dans le cas où elles désirent loger des plaintes devant la CRT. À titre d'illustration, mentionnons les pratiques existantes, en vertu de la Loi sur les normes du travail, qui permettent à certains salariés de bénéficier de l'assistance de procureurs de la Commission des normes du travail.»

Ce que nous disons... Nous sommes sensibles à cette préoccupation-là. Il ne nous appartient pas de prendre des décisions en la matière. Ce que nous disons, c'est qu'il existe déjà ? ils nous ont donné un exemple ? des mécanismes qui viennent en appui aux individus, aux salariés qui ne bénéficient ni des moyens financiers, ni de l'appui logistique, ni du fait d'appartenir à un grand ensemble collectif comme une association syndicale. Et on pourrait très bien imaginer ? on pourrait très bien imaginer ? sans créer de nouvelles structures, que ce moyen, qui existe, puisse être mis à la disposition des salariés voulant se plaindre de situations discriminatoires créées par des manquements à la Loi sur l'équité salariale.

Alors, les outils existent. Il ne s'agit pas de créer ou de recréer quelque nouvel instrument, ça existe, et on pourrait s'en inspirer et on pourrait les utiliser, je pense, à bon escient. Quand...

M. Whissell: Pour bien comprendre. Dans le fond, vous dites que peut-être la Commission des normes du travail pourrait avoir un rôle à jouer à cet égard.

M. Bernier (Louis): À cet égard-là, oui. Il existe, au sein de la Commission des normes, un contentieux, des individus dont le rôle consiste à accompagner les salariés qui ne disposent pas des moyens matériels et autres pour prétendre ou loger des plaintes devant la Commission des relations du travail. Ça existe déjà.

M. Whissell: Et, dans un tel scénario, ce serait après analyse de la plainte puis de la recevabilité de la plainte?

M. Bernier (Louis): Voilà, voilà, voilà. Et ? oui, merci, vous me permettez de compléter en répondant à votre quatrième question ? nous sommes convaincus que la façon de procéder, à l'instar de ce qui se fait devant d'autres organismes en droit de l'emploi ou en droit de travail, dont la Commission des normes, qui est un bon exemple... nous sommes convaincus que la Commission de l'équité salariale devrait continuer à jouer son rôle d'enquêteur et son rôle de facilitateur au moyen, par exemple, d'un mécanisme de conciliation avec lequel nous sommes tout à fait favorables. Nous l'avons affirmé dans notre rapport. Nos commentaires d'ouverture, ce matin, y référaient de nouveau. Et nous souhaitons qu'un tel mécanisme de conciliation non seulement soit mis sur pied, soit créé, mais qu'on en facilite l'utilisation en prévoyant que les gens qui font une conciliation n'y soient pas obligés et le fassent en toute impunité et se sentent parfaitement libres d'exprimer leur point de vue, d'échanger des informations, d'échanger des renseignements en n'ayant aucune crainte que cet échange d'informations pourra... ou sera utilisé ultérieurement contre leur point de vue ou contre leurs intérêts respectifs. Nous croyons que c'est le gage de succès de mécanismes d'enquête doublés ou appuyés d'une mécanique de conciliation que l'on devrait favoriser.

n(11 heures)n

Et d'autres statistiques contenues dans le rapport de la CRT illustrent d'ailleurs, au niveau des plaintes, avant qu'elles soient acheminées à la CRT, lorsqu'elles sont traitées par la Commission des normes... Il y a une statistique, dont j'oublie le chiffre exact, mais qui démontre qu'au niveau de la Commission des normes il y a un nombre important de plaintes qui sont traitées, qui font l'objet d'une enquête, qui font l'objet d'un mécanisme de médiation et de conciliation et qui sont réglées. Et on parle ici de plaintes importantes parce qu'on parle principalement de plaintes logées par des gens qui font l'objet de congédiement. Donc, c'est des plaintes qui portent sur des choses extrêmement sérieuses, des pertes d'emploi. Et ces gens-là, dans une proportion importante, réussissent à obtenir une entente, un règlement au terme de l'enquête et au terme de la conciliation menées par les enquêteurs de la Commission des normes. Et nous croyons fondamentalement qu'une telle façon d'approcher ces problèmes-là serait bénéfique à l'ensemble des Québécois et Québécoises dans le traitement des questions d'équité salariale. J'espère que cela répond à vos questions, M. le ministre.

M. Whissell: Oui, merci.

La Présidente (Mme Morissette): Il reste environ quatre minutes. M. le député de Viau?

M. Dubourg: Oui.

La Présidente (Mme Morissette): Oui? Allez-y.

M. Dubourg: Merci, Mme la Présidente.

M. Bernier (Louis): ...mon temps de réponse, Mme la Présidente?

M. Dubourg: Non. Non, non, non, prenez le temps qu'il faut.

La Présidente (Mme Morissette): Le temps vous appartient plus qu'autre chose.

M. Dubourg: Non, ça va. Merci pour les réponses, mais je vous dis bonjour, la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je voulais tout de suite vous amener, dans votre mémoire, à la page 4, enfin revenir à peu près sur les mêmes... vous en avez déjà parlé, parmi les recommandations, vous dites: «Nous recommandons de limiter les rôles de la commission et de lui retirer toute fonction d'adjudication.» Mais l'autre paragraphe qui suit, vous dites: «Ces pouvoirs d'enquête ne pourraient être mis en oeuvre que sur le dépôt d'une plainte, la commission ne pouvant plus agir de sa propre initiative.»

Hier, il y a d'autres gens qui sont venus nous dire que la commission à l'inverse devrait faire plus de vérifications. Hier, on a même parlé de... il faudrait qu'il y ait une prime... C'est-à-dire qu'il ne faudrait pas qu'il y ait une prime à la délinquance, ces entreprises-là qui ne s'y conforment pas, à la loi. Mais, vous, vous dites plutôt: Il faudrait réagir suite au dépôt d'une plainte.

M. Bernier (Louis): Oui.

M. Dubourg: Oui, pourquoi? Bien, enfin, on avait parlé de la Commission des normes du travail, mais pourquoi spécialement la commission ne pourrait-elle pas agir de son propre gré dans ces situations-là?

M. Bernier (Louis): Bien, parce que l'expérience que nous avons vécue jusqu'ici avec la commission, et je le dis évidemment avec tout le respect qui s'impose, l'expérience que nous avons vécue jusqu'ici ou que les employeurs ont vécue jusqu'ici avec la commission indique que ce pouvoir d'agir proprio motu, d'agir de sa propre initiative, a conduit à des situations à caractère abusif, dans la mesure où la commission s'emparait... ou s'arrogeait ce pouvoir-là pour mener des enquêtes sans plainte, pour mener des enquêtes qui débordaient... il n'y avait pas de plainte, débordaient donc forcément le cadre de différends ou de problématiques qui étaient identifiés. Et elle s'arrogeait donc ce pouvoir d'agir de sa propre initiative pour vraiment procéder à des enquêtes de fond en comble à l'égard de programmes d'équité salariale qui avaient été mis en oeuvre, qui avaient été appliqués. Et ces pouvoirs-là, plus souvent qu'autrement malheureusement, ont conduit à des enquêtes en règle, en profondeur, à l'égard de programmes et souvent reculant dans le temps et agissant de façon rétroactive.

Alors donc, ce pouvoir-là, si vous me permettez l'expression, a laissé un certain arrière-goût. Et nous croyons qu'il serait plus sage de l'encadrer et de s'assurer que les pouvoirs d'enquête ne soient mis en oeuvre que sur le dépôt d'une plainte. Et j'ajoute une considération à caractère social: l'équité salariale est une question qui, il y a 10 ans, était nouvelle dans l'esprit des Québécois et des Québécoises. C'est une question qui est maintenant... qui fait partie, qui est à l'ordre du jour des préoccupations des Québécois et des Québécoises. Il y a beaucoup d'organisations syndicales, beaucoup d'organisations représentatives qui se sont penchées sur ces questions-là. Donc, je crois que c'est moins également essentiel que d'avoir un pouvoir non encadré d'agir de sa propre initiative à l'égard de toute situation. Il y a une sensibilité qui n'existait pas, en 1996, sur ces questions-là.

M. Dubourg: Donc, malgré le fait que ces vérifications-là, ce sont des vérifications aléatoires, donc vous semblez dire que l'étendue de ces vérifications-là, c'est ça qui a un caractère abusif?

M. Bernier (Louis): Entre autres...

M. Dubourg: Il y aurait peut-être lieu de voir. Parce que, là, je présume que ces vérifications-là, c'est pour s'assurer que ces entreprises-là se conforment à la loi comme telle, plutôt que de chercher à les punir, dire que vous n'avez pas pris action. Donc, peut-être qu'il y aurait lieu de revoir l'approche, mais vous dites: Il faudrait tout simplement y aller suite au dépôt d'une plainte.

M. Bernier (Louis): C'est notre recommandation, M. le député.

M. Dubourg: D'accord.

La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Ça met fin au temps. Alors, on serait rendus du côté de l'opposition officielle. Donc, M. le député de Terrebonne.

M. Therrien: Merci. Bienvenue, Mme Bertrand, Mme St-Jacques, ça me fait plaisir, MM. Bernier, Trépanier et Turner, bienvenue. Vous parlez beaucoup, dans votre mémoire, justement, de la dualité de la commission. Qu'est-ce qui fait dire à certains groupes que nous avons entendus jusqu'à présent qu'il ne faut pas enlever aucun droit à cette commission qui, en vous écoutant, apporterait un caractère impartial? Donc, comment peut-on en venir à être à l'encontre d'un tel principe d'impartialité?

M. Bernier (Louis): Il m'est difficile de commenter sur les motivations ou justifications mises de l'avant par des groupes qui semblent arriver à une conclusion contraire à la nôtre. Nous, notre préoccupation découle du fait que la commission, à notre... et je le dis avec tout le respect qui s'impose, la commission, de façon fort normale, la commission est prise un peu entre l'arbre et l'écorce, puisque son rôle premier, c'est de promouvoir et d'assurer le respect de l'objectif fondamental de la loi.

Et, il y a quelques années, si vous prenez l'annexe A de notre rapport, aux pages 22 à 25, toute cette question du pouvoir d'intervention de la commission, je pense, donne une illustration assez éloquente de notre propos, puisque la commission s'est targuée assez tôt dans le processus de vouloir, en 2004, intervenir devant la CRT et prendre le fait et cause des plaignants. Et c'est intéressant de voir que la CRT, au point de départ, disait de la commission: Le type d'intervention qu'il lui a confié implique un niveau de neutralité susceptible d'entraîner la confiance des partis dans le processus. Donc, au départ, on disait: La commission doit être un organisme impartial et neutre.

Nous, et pour différentes raisons qui sont élaborées dans le rapport, nous... les milieux patronaux dégagent nettement l'impression que la commission est allée au-delà de ce rôle de neutralité et d'impartialité en plongeant dans la mêlée. Et, plutôt que de s'assurer que, la loi, on en assurait la promotion, elle intervient devant les tribunaux, elle intervient devant les tribunaux pour défendre ses décisions, pour défendre les conclusions auxquelles elle en vient dans le cadre d'enquêtes, et c'est elle qui devient le porte-étendard de ses propres décisions. C'est ce qu'on veut dire lorsqu'on dit qu'elle est juge et partie: elle prend une décision dans le cadre d'une enquête, et c'est elle, la commission, donc les mêmes individus, la même commission, la même entité, qui se pourvoit devant un tribunal ? la CRT ou devant toute autre instance ? pour défendre sa propre décision. Ça crée un malaise.

Et, si on regarde les autres législations du gouvernement du Québec, sans prétendre qu'une telle structure est unique, elle est à tout le moins exceptionnelle. Je suis très familier avec la structure de la CSST, la structure de la Commission des normes, la structure de la loi sur les renseignements personnels, la structure de la loi sur la protection des renseignements par les organismes publics, la Loi sur l'Autorité des marchés financiers. Et toujours vous allez voir, dans ces lois-là, un souci de distinguer la fonction surveillance, enquête, conciliation, avec laquelle nous sommes tout à fait d'accord, et la fonction adjudication. Dans tous les cas, ces lois-là ne donnent pas aux mêmes individus ou aux mêmes entités ces fonctions-là, parce que par définition les entités qui reçoivent ce double mandat vont confondre le mandat et vont perdre la neutralité, l'impartialité et l'objectivité dont elles devraient être garantes dans leurs fonctions de surveillance et de promotion.

Et, à titre d'illustration, M. le député de Terrebonne, si vous me permettez, parce que le commentaire a été fait plus tôt ce matin, je crois qu'hier quelqu'un a affirmé que d'autres organisations avaient cette double fonction, et je pense même qu'on a référé à la CSST. On donne l'exemple, dans notre rapport, de la CSST, à l'annexe B, aux pages 26 et 27 ? c'est une structure très complexe, la structure de la CSST ? et une analyse succincte de la structure de la CSST illustre notre propos. Il y a différents individus, différents rôles, différentes entités, et chacun joue son rôle. Il y a des agents d'indemnisation, il y a des conciliateurs-décideurs, il y a une commission des lésions professionnelles. Et on voit très bien que chaque rôle est confié à des personnes ou à des entités distinctes. C'est ce qu'on préconise.

M. Therrien: Merci. Donc, je fais référence au rapport ministériel qui nous a été fourni, quand on... on nous parle aussi des groupes qui défendent ce point de vue d'expertise particulière où, dans le rapport, on précise que les décisions rendues par la commission clarifient l'interprétation de la loi et alimentent la doctrine en matière d'équité salariale. À la lecture de vos propos, je crois que vous êtes complètement en désaccord avec ça.

M. Trépanier (Yves): Est-ce que vous êtes dans le rapport du ministre?

M. Therrien: Dans le rapport, on dit que les décisions rendues par cette commission clarifient l'interprétation de la loi et alimentent la doctrine en matière d'équité salariale. Et certains groupes nous disent qu'il faut conserver absolument cette forme actuelle, étant donné qu'il y a une expertise particulière qui s'est développée au fil des années. Donc, j'aimerais vous entendre à ce sujet-là.

Une voix: ...dans le rapport de 2006?

M. Trépanier (Yves): C'est vrai qu'il y a une expertise...

M. Therrien: Oui. 2006, oui.

n(11 h 10)n

M. Trépanier (Yves): Si vous permettez? C'est vrai qu'il y a une expertise particulière, mais ce n'est pas nécessairement une expertise qu'on partage, parce qu'il y a aussi des experts qui sont ailleurs qu'à la commission. Donc, de se faire dire que les experts sont là et que les autres n'ont qu'à suivre, vous comprenez que, pour des professionnels de la rémunération ou des professionnels des ressources humaines qui ont un code d'éthique puis qui doivent, hein, respecter certaines normes, qui sont sujets à des inspections, qui doivent, année après année, suivre de la formation continue, on comprend qu'on puisse ne pas partager tout à fait ce point de vue là.

Maintenant, il y a des problèmes ? si on me donne une minute peut-être ? qu'on évoque à notre rapport, à la page 32, par exemple. Quand on prend cet exemple-là et quelques exemples qui suivent... Et ce n'est pas parce qu'on est en désaccord avec le principe ou la Loi sur l'équité salariale mais avec l'interprétation. De la façon dont la loi est interprétée actuellement par la commission, c'est que, si vous avez plusieurs catégories d'emploi qui ont la même valeur, l'équité n'est pas faite, présume-t-on, tant que l'emploi masculin n'est pas le moins payé. Or ça, on ne lit pas ça dans la loi, mais en pratique c'est exactement ça. Il y a équité uniquement si l'emploi masculin est le moins payé, peu importent les motifs qu'on pourra invoquer.

Si on y va avec les situations où il y a plusieurs emplois masculins qui servent de comparateurs, ce qu'on dit, c'est que l'équité n'est pas faite s'il n'y a pas au moins la moitié des catégories masculines qui soient payées moins que les plus basses catégories féminines. C'est sûr, la loi ne dit pas ça, mais en pratique c'est ça que ça fait.

Et, quand on va à la troisième méthode d'estimation des écarts, où on utilise la courbe de la rémunération masculine puis qu'on ajuste les catégories féminines sur la courbe des catégories masculines, on se retrouve avec la situation où toutes les catégories féminines sont sur la courbe ou au-dessus, alors que la moitié des catégories féminines sont en dessous. Donc, si on allait, à la suite de ça, tracer les deux courbes, la courbe masculine et la courbe féminine, on aurait la situation où la courbe féminine est nécessairement au-dessus de la courbe masculine.

Alors, on a de la difficulté, nous, du côté, appelons ça, des experts, si on veut, parce qu'on travaille souvent avec des comités conjoints, de reconnaître que c'est ça, l'équité. Et c'est peut-être une des raisons pour lesquelles il y a beaucoup de critiques ou les gens vont prétendre qu'ils ne comprennent pas. Ce n'est pas nécessairement parce que c'est compliqué, c'est peut-être parce que c'est difficile à comprendre.

M. Therrien: Merci. Justement, au niveau de la catégorisation des emplois, on a effleuré le sujet un petit peu hier, mais j'aimerais vous entendre à ce sujet, au niveau de l'article 55 et le paragraphe 2° de la loi. J'aimerais savoir, selon vous, si c'est encore un bon outil, considérant l'évolution du milieu des relations de travail et tous les changements technologiques, si c'est encore un critère d'évaluation qui peut être viable aujourd'hui. Donc, on parle ici de l'évaluation historique.

M. Trépanier (Yves): L'évolution historique.

M. Therrien: Oui.

Une voix: ...de représentation.

M. Trépanier (Yves): C'est ça.

M. Therrien: C'est exact.

M. Trépanier (Yves): Donc, ce qui arrive, c'est que, dans notre esprit, au départ, quand on parle de l'équité salariale puis de corriger les écarts dus à la discrimination systémique, on pense d'abord à des emplois qui sont typés féminins et à des emplois qui sont typés masculins. Ce qu'on a aujourd'hui, dans nos programmes d'équité salariale, avec la façon, en tous les cas, dont c'est interprété, c'est qu'il faut regarder à chaque fois combien il y a d'hommes et combien il y a de femmes dans chacune des catégories, puis décider, à partir de ça ? puis il y a deux ou trois autres critères ? si c'est masculin ou féminin. Or, on comprend que c'est souvent le hasard qui fait qu'un poste est féminin ou masculin. Maintenant, s'il est féminin, il est sujet à l'ajustement; puis, s'il est masculin, c'est le poste qui sert pour ajuster les autres. Donc, il n'y a rien, là, la plupart du temps, qui a trait à la discrimination systémique. C'est simplement une question de hasard.

Hier, j'étais ici puis j'ai entendu un consultant, là, venir parler puis qui disait: À chaque fois qu'une job change de sexe ou qu'une catégorie change de sexe, il faut que tu refasses la courbe. C'est un non-sens. On ne peut pas croire que le maintien de l'équité salariale, c'est ça.

M. Therrien: Merci. Dans un autre ordre d'idées, au niveau des chiffres qui nous sont fournis par le rapport, vous avez beaucoup de monde, je pense, dans votre fédération, est-ce que vous avez fait une évaluation des coûts que tout le processus peut engendrer pour un entrepreneur moyen, une entreprise moyenne?

M. Trépanier (Yves): Non, on n'a pas fait...

M. Turner (Michel): O.K. Je vais parler par expérience, O.K.? J'ai été en contact...

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Turner (Michel): C'est ça. Je ne peux pas imaginer, pour avoir vu des soumissions, pour avoir vu chez de nombreux employeurs... pour avoir assisté de nombreux employeurs et pour avoir réalisé l'équité salariale dans des grandes entreprises, qu'un petit employeur peut le faire pour moins de 5 000 $ à 10 000 $. Tandis qu'un grand employeur, je ne peux pas imaginer qu'un employeur qui a, je ne sais pas, 1 500 employés, par exemple, puisse réaliser ça en bas de 100 000 $.

M. Therrien: Merci. Et, toujours selon votre expérience, et je prends toujours... je reviens à ma question de départ, si un employeur de bonne foi fait tout le processus, est-ce qu'il peut arriver par hasard qu'il n'y ait pas d'écart salarial?

M. Turner (Michel): Ça peut très bien arriver. La plus belle démonstration est que la commission a examiné plusieurs programmes existants à ses débuts, et la commission elle-même, là, quand même, on ne parle pas d'un employeur qui se regarde lui-même, est arrivée à la conclusion que certains employeurs répondaient déjà aux objectifs de la loi avant même qu'elle soit en vigueur. Donc, c'est la démonstration à mon avis la plus évidente que, oui, ça se peut qu'un employeur était déjà conforme et équitable.

M. Bernier (Louis): Si vous me permettez d'ajouter un commentaire, M. le député de Terrebonne, là-dessus?

M. Therrien: Oui.

M. Bernier (Louis): Une des préoccupations contenues dans notre rapport est à l'effet que la commission a eu tendance, de façon malencontreuse à notre avis, à voir, dans des situations de discrimination salariale ou d'inégalité salariale, des situations reliées à de la discrimination systémique. Et, à cet égard-là, nous proposons que l'article 67 de la loi soit remanié et soit modifié de façon à ce que toute situation d'inégalité salariale ou de différence salariale, devrais-je plutôt dire, peut être... est sujette à ce que l'employeur le démontre bien sûr... tu sais, peut-être qu'il appartiendra à l'employeur de démontrer qu'une situation de différence salariale ne découle pas d'une question de discrimination systémique mais peut découler de toute autre forme de situation.

Ce matin, l'un d'entre vous a interrogé le Conseil du patronat sur la notion de rapport de force. Mais on peut imaginer d'autres situations, en milieu de travail, qui ne découlent pas d'une discrimination systémique au sens de l'article 1 de la loi mais à l'égard desquelles la commission a eu tendance à élargir son intervention pour les englober dans les correctifs et les écarts salariaux à rétablir. C'est une de nos préoccupations.

M. Therrien: Merci.

La Présidente (Mme Morissette): Il reste du temps pour une très courte question.

M. Therrien: Très courte question. Je vais vous demander l'impact que la loi québécoise aurait eu si on compare avec les résultats des autres provinces canadiennes qui n'ont pas de telle loi.

M. Trépanier (Yves): Ce qu'il faut comprendre, je pense, c'est qu'avant la Loi de l'équité salariale du Québec il y avait eu la Loi sur l'équité salariale de l'Ontario. Et il y a beaucoup d'entreprises québécoises qui avaient des opérations en Ontario, qui ont donc dû faire l'équité salariale là-bas. Comme il y avait beaucoup d'entreprises ontariennes qui avaient des opérations au Québec et qui ont fait l'équité là-bas mais qui ont transporté ensuite leur système ici, on parle de système d'évaluation... On ne parle pas de système d'équité salariale mais des systèmes d'évaluation d'emplois. Donc, on s'est retrouvé avec des systèmes d'évaluation d'emplois dans beaucoup d'entreprises au Québec, ce qui fait que, quand la loi est arrivée, normalement ça ne devait pas entraîner de coût. Sauf que, si on a un comité qui vient agir avec un nouvel outil d'évaluation, des nouvelles personnes, un nouvel outil, ça va nécessairement générer une différence, O.K., si on change l'outil.

Maintenant, ce qui est arrivé en même temps, c'est qu'étant donné que la loi s'est appliquée en Ontario, puis à supposer qu'elle a eu de l'effet, c'est que ça a joué sur les salaires dans le marché. Il y a, en 1992 ou 1993, eu une flambée du salaire des adjointes administratives en Ontario. Et ça, naturellement, ça s'est reflété ailleurs par les entreprises qui ont une envergure nationale. Alors, tu modifies ta structure à un endroit, tu la modifies à l'autre.

La loi, de mon point de vue, a sûrement eu un effet de faire augmenter les salaires. Ça, les gens qui diront que ça n'a pas eu d'effet, ça peut ne pas en avoir eu dans une entreprise ou dans une autre, mais ça a sûrement eu un effet. Est-ce qu'il est de 1 %? C'est probablement les chiffres auxquels on arriverait, là. Mais c'est difficile d'aller chercher cette information-là.

La Présidente (Mme Morissette): Merci. Ça met fin au temps. J'ai même laissé dépasser un peu pour ne pas couper votre réponse en deux. Alors, on va aller tout de suite du côté de la deuxième opposition. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Alors, merci, Mme la Présidente. Je vais tout de suite saluer Mme Bertrand et lui rappeler qu'au moment de l'adoption du projet de loi sur l'équité salariale j'ai moi-même eu une extinction de voix.

Des voix: Ha, ha, ha!

n(11 h 20)n

Mme Harel: Alors, je n'ai pas pu faire lecture du discours de troisième lecture et c'est à mon voisin de droite à qui j'ai confié le soin de lire le discours, qui était le ministre des Finances, Bernard Landry.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Alors, je ne sais pas... On m'a ensuite accusée de tactique...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Je ne pense pas qu'on puisse en dire autant, Mme Bertrand.

Mme Bertrand (Françoise): Ça paraît qu'on est allé au même...

Mme Harel: Oui...

Des voix: ...

Mme Harel: Alors, je vous salue, Mme St-Jacques, M. Bernier, M. Trépanier et M. Turner. Ma première question est la suivante, je ne crois pas qu'il en soit question dans votre mémoire, mais que proposez-vous pour la suite des choses à l'égard des entreprises assujetties qui n'ont pas encore appliqué la loi?

M. Trépanier (Yves): Il y a un phénomène qui n'a pas été discuté hier, en tous les cas, puis que je trouve important. Dans la Loi sur l'équité salariale, il y a les entreprises de plus de 100, hein, qui doivent avoir un comité et avoir un programme. Il y a les entreprises de 50 à 100, qui n'ont pas à avoir un comité mais qui doivent avoir un programme. Et, ensuite de ça, il y a les entreprises de 10 à 49, qui n'ont pas à avoir un programme mais qui doivent simplement faire une démarche. Or, il me semble qu'il y a eu énormément de confusion un petit peu partout là-dessus. C'est qu'on n'a pas fait valoir que, pour les petites entreprises, c'est une démarche qu'il faut faire et non un programme. Et on aurait pu, il me semble, proposer une démarche simple, applicable à eux, en vertu de laquelle on n'aurait pas à faire toute la gymnastique qui doit être faite par les gens qui doivent faire des programmes, donc les entreprises de plus de 50 et les entreprises de plus de 100.

Maintenant, on a vu des cas où des petites entreprises ont fait une démarche. Maintenant, la commission est arrivée avec ses gros sabots, à certains moments, pour dire: Je veux voir comment vous avez fait la détermination des prédominances, je veux voir quel est l'outil que vous avez choisi, et je veux voir comment vous avez évalué, et je veux voir les résultats. Mais la réponse, c'était: On n'avait pas à faire de programme. Mais pourtant on les a contraints. Mais je pense que la grande partie des entreprises dont on dit qu'elles n'ont pas fait le programme, ce sont surtout, je pense, des entreprises de 10 à 49.

Mme Harel: ...que vous le présumez, mais on n'a pas les chiffres à ce sujet. Peut-être, j'apprécierais, M. le ministre et Mme la présidente de la Commission sur l'équité salariale... Les chiffres que nous avons sont à l'effet qu'il y a 22 000 entreprises sur 45 000 ? 45 000 assujetties, là. Il faut savoir qu'au Québec il y a plus que 150 000 entreprises. C'est juste le tiers qui était assujetti, et de ce tiers assujetti la moitié ne l'aurait pas réalisée.

Alors, la question est de savoir... Quand vous dites petites, en fait, elles ont quand même de 10 à 50 employés.

M. Trépanier (Yves): ...

Mme Harel: La question est de savoir: Parmi celles qui ne l'ont pas réalisée, combien se situent dans diverses catégories? Mais je ne pense pas qu'on puisse présumer que ce ne sont que celles qui ont 50 employés et moins. Et la question se pose. Alors, comment... Parce qu'ici on nous a dit, également, d'abord, que quatre entreprises sur cinq révèlent l'avoir fait parce que la loi les y obligeait, à défaut de quoi elles ne l'auraient pas fait. Donc, se fier aux forces du marché, là, ça aurait voulu dire que ce ne serait pas fait.

Deuxièmement, les entreprises disent, pour celles qui l'ont fait: C'est de la concurrence déloyale si mon concurrent ne le fait pas également. Alors, ce qu'on a reçu comme message hier: N'éliminez pas la loi et faites en sorte que tout le monde y soit assujetti, sinon c'est une prime en fait à la délinquance parce que, nous, on l'a déjà réalisée. Ça, c'était, si vous voulez, ce qu'on nous disait être l'opinion majoritaire.

Alors, à cet égard... à l'égard de... comment... Je repose ma question: Qu'est-ce que vous proposez pour que soit respectée la loi que ces entreprises délinquantes n'ont pas respectée?

M. Turner (Michel): Sans aller dans les mécanismes détaillés parce que je pense que ça mérite plus d'études, beaucoup de nos recommandations visent à pousser la commission à se concentrer justement sur ces entreprises-là. Plutôt que travailler à faire des examens en très grande profondeur de programmes dans les entreprises qui ont déjà réalisé l'équité, on dit: La commission devrait probablement exercer son rôle d'information, son rôle d'encouragement aux employeurs et d'assistance aux employeurs qui ne l'ont pas déjà réalisée, donc ménager certaines choses.

Une des raisons pour laquelle on entend régulièrement sur le terrain que certaines entreprises ne l'ont pas réalisée, la première, c'est que, comme bien des employeurs, au début ils pensaient que ça passerait, ça, que c'était une loi passagère qui serait abolie.

Dans un deuxième temps...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Turner (Michel): Et on l'a entendu à l'époque: 2001, on a bien le temps. Et, après ça, quand ça été fait, O.K., beaucoup d'employeurs l'ont faite, l'ont réalisée, et ce que certains employeurs maintenant disent, c'est: Regardez, on est observés par certains qui ne l'ont pas réalisée. Ils disent: Vous l'avez réalisée puis la commission est dans votre cour puis ils ne vous lâchent pas. O.K.? Nous autres, on n'a rien fait, on a la paix.

Donc, je pense qu'on devrait peut-être, comme on dit, concentrer des énergies... plutôt que chercher les petites failles dans des programmes existants qui ont été bien faits, bien réalisés, plutôt que faire des changements d'interprétation dans le temps. Parce que ceux qui ont réalisé l'équité l'ont fait selon les directives et les normes de la commission. Aujourd'hui, la même commission leur répond: Ce que vous avez fait n'était pas correct. On dit: On vous a écoutés, O.K.? Ils nous disent: Oui, mais on a changé d'idée; avec l'expérience, on a appris. On dit: On pense qu'il y aurait beaucoup plus d'énergie à concentrer sur des choses effectivement plus utiles, plus efficaces, c'est-à-dire encourager, pousser et informer les employeurs qui ne l'ont pas réalisée, ce qui était l'objet de la loi à mon...

Mme Harel: J'ai peut-être juste une question avant d'aborder la question de fond du rôle de la commission. Tantôt, vous disiez que, pour 1 500 employés, ça coûtait quelque chose comme 100 000 $, le programme d'équité salariale. Pour 1 500 employés, quelles sont les dépenses salariales en termes de millions, là, que ça peut représenter annuellement?

M. Turner (Michel): Ah! les dépenses salariales, ça peut aller...

Mme Harel: 1 500 employés.

M. Turner (Michel): Ah! ça peut... Qu'est-ce que vous voulez dire?

Mme Harel: Bien, je veux dire... Tantôt, vous nous donniez un exemple de 1 500 employés avec un coût d'exercice de 100 000 $, là, pour l'exercice comme tel. C'est quelques millions, j'imagine, pour 1 500 employés?

M. Turner (Michel): Vous parlez de la masse salariale globale?

Mme Harel: La masse salariale, oui.

M. Turner (Michel): O.K. Pas des ajustements...

Mme Harel: Non.

M. Turner (Michel): ...en vertu de la loi, qui peuvent aller de zéro à je ne sais pas quoi. Il faudrait que j'aie une calculatrice.

M. Trépanier (Yves): Non, mais 1 500...

Mme Harel: ...

M. Turner (Michel): 1 500 à 50 000 $, je pense qu'on arrive.

Mme Harel: 75 millions? Non.

M. Turner (Michel): 1 500 à 50 000 $ chacun.

Mme Harel: On arrive à?

M. Trépanier (Yves): 75 millions.

Mme Harel: 75 millions. D'accord. Donc, un ordre de grandeur, c'est 100 000 $ sur 75 millions dans une année d'exercice. Évidemment, il y a, ensuite de ça, les ajustements. Bon.

Tantôt, vous... Bon. En fait, tout votre mémoire est beaucoup axé sur toute cette question du rôle que vous voudriez que la commission ne joue plus, n'est-ce pas? Et je pense que derrière ça il y a une question fondamentale qui est la suivante: Est-ce que l'équité salariale, c'est une norme du travail ou c'est un droit fondamental? Parce que, si c'est une norme du travail... En fait, ce que vous souhaitez, c'est que ce soit appliqué comme une norme du travail, donc que ça puisse se retrouver devant la Commission de relations de travail qui examine plus qu'une dizaine, hein, de lois du travail.

Si c'est un droit fondamental... J'ai fait venir, si vous voulez, le mandat de la commission des droits et libertés de la personne. Alors, la commission des droits et libertés de la personne a aussi des pouvoirs aussi, si vous voulez, complets que ceux qu'a la Commission sur l'équité salariale, à savoir: un pouvoir de mener des enquêtes; un pouvoir d'élaborer et d'appliquer des programmes d'information, d'éducation; un pouvoir d'élaborer puis d'implanter des programmes d'accès à l'égalité. En fait, un pouvoir d'enquête puis un pouvoir de mise en oeuvre. Parce qu'en fait on lui reconnaît ce rôle-là parce que c'est un droit qui ne se négocie pas, qui ne se concilie pas, tu sais. Parce qu'on aurait pu laisser à la... conciliation volontaire ? ça, je suis tout à fait favorable à ça ? mais on ne négocie pas ce qui ne se négocie pas. En fait, c'est plutôt ça que je devrais dire plutôt, parce que je souhaite la conciliation volontaire, mais la négociation... Parce que, même des leaders syndicaux nous ont dit hier: Écoutez, dans nos conventions, là, c'était codifié aussi, la discrimination systémique, alors il faut s'en sortir au-dessus des parties, donc il ne faut pas laisser négocier les correctifs à la discrimination. On ne peut pas laisser négocier l'équité, comme on ne peut pas laisser négocier l'égalité. D'où le fait que c'est un droit et c'est un droit fondamental, on ne peut pas le traiter comme une norme du travail à ce moment-là, on ne peut pas le laisser négocier.

Alors, quand vous comparez ? en fait toute la question est là ? la Commission sur l'équité salariale, par exemple, à d'autres instances dans le domaine des relations de travail, est-ce que c'est la bonne comparaison ou il ne faut pas plutôt la comparer avec la commission des droits et libertés de la personne?

n(11 h 30)n

M. Bernier (Louis): Pour utiliser l'expression à laquelle vous avez référé, j'aurais tendance à dire que l'équité systématique, ou la discrimination systémique, ou la protection à l'encontre de la discrimination systémique, dans le langage que nous utilisons, n'est pas un droit fondamental parce que ce n'est pas un droit protégé par les chartes. Ce qui est protégé par les chartes...

Mme Harel: C'est l'article 19.

M. Bernier (Louis): ...c'est le droit à l'égalité de traitement et non pas le droit à l'atteinte... à la discrimination systémique, c'est une différence ici. Alors, l'égalité...

Mme Harel: Attendez. L'article 19 ne porte pas sur l'égalité, mais ça porte sur l'équité.

M. Bernier (Louis): Je ne crois pas. Je ne crois pas que ce soit un droit fondamental au sens des chartes.

Mme Harel: Bien sûr, c'est l'article 19 qui est introduit depuis 1975.

M. Bernier (Louis): Mais c'est le droit à l'égalité de traitement, le droit à l'équité de traitement, ce n'est pas le droit à la protection contre la discrimination systémique qui, elle, fait l'objet d'une législation particulière. Et d'ailleurs...

Mme Harel: C'est une loi proactive pour appliquer l'article 19.

M. Bernier (Louis): ...et d'ailleurs, d'ailleurs, le législateur, en 1996, a bien pris soin d'adopter une loi spécifique et non pas de confier à la Commission des droits de la personne cette question-là. Et c'est vraiment confié à un tribunal spécialisé qui est la Commission de l'équité salariale. Alors, est-ce que c'est une norme? Est-ce que c'est un droit fondamental? Ce que je vous dis, là-dessus, c'est que c'est un droit, et ce droit-là doit faire l'objet d'une adjudication et à notre avis selon un système qui n'entraîne pas la confusion de rôle qui existe actuellement.

Mme Harel: Mme la Présidente, je sais que le temps...

La Présidente (Mme Morissette): Il reste environ une minute pour...

Mme Harel: ...le temps est presque terminé, mais je vous dirais que ça, c'est la question fondamentale. Moi, j'ai toujours pris pour acquis... j'étais, disons, à la commission sur le droit à l'égalité des hommes et des femmes, mais on a aussi beaucoup parlé de l'article 19, et il est interprété comme étant le fondement du droit à l'équité. Et c'était introduit depuis 1975, c'était en fonction de ce droit que les plaintes ont été portées devant les tribunaux et non pas en vertu de l'égalité, mais de l'équité. Et là on a adopté une loi proactive pour appliquer l'article 19 de la charte. Alors, ce n'est pas dans le Code du travail, c'est dans la Charte des droits et libertés de la personne. Enfin, vous êtes un juriste, hein? Moi aussi, alors...

M. Bernier (Louis): Ce que je veux dire, c'est qu'on a retiré ça de l'apanage de la Commission des droits de la personne. On a confié cette mission-là, sur une situation très spécifique, à un tribunal spécialisé qui est... un tribunal... ou une entité qui s'est vu confier une mission très spécifique en matière d'équité salariale et qui est définie de façon très spécifique. Ce n'est pas ici l'égalité ou l'équité de traitement que l'on retrouve en matière de charte lorsque, par exemple, un homme et une femme ont un traitement salarial différent résultant d'une discrimination reposant sur le sexe. Ici, on parle d'une notion...

La Présidente (Mme Morissette): Merci. Ça va...

M. Bernier (Louis): ...de discrimination systémique de groupe, de prédominance.

La Présidente (Mme Morissette): Je m'excuse, ça met fin au temps qui vous est alloué.

M. Bernier (Louis): Je pense qu'il y a une différence ici.

La Présidente (Mme Morissette): Je suis désolée. Ça met fin au bloc de temps qui vous est alloué. On a un autre groupe qui attend après, malheureusement. Alors, merci beaucoup de votre présence ce matin. On va suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 33)

 

(Reprise à 11 h 37)

La Présidente (Mme Morissette): Alors, bienvenue à la Fédération des femmes du Québec. Donc, nous allons être prêts à commencer, les derniers députés vont venir nous rejoindre dans quelques instants. Donc, formule habituelle, vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire, et ensuite les différents groupes parlementaires auront des blocs de temps pour vous adresser leurs questions. Moi, je suis l'arbitre, je fais la censure quand le temps se dépasse, malheureusement. Donc, je ne sais pas qui va prendre la parole, mais présentez-vous, présentez la personne qui vous accompagne.

Fédération des femmes du Québec (FFQ)

Mme Asselin (Michèle): D'accord. Bonjour, Mme la Présidente, Mmes, MM. les commissaires. Je vais prendre la parole avec ma compagne. Je suis Michèle Asselin, présidente de la Fédération des femmes du Québec, et je suis accompagnée de Ruth Rose, militante de la fédération et économiste.

Alors, je dois d'abord vous dire qu'on est très heureuses d'être ici et de vous faire part de nos commentaires suite au rapport du ministre et de notre évaluation de ces 11 années des premières applications de la Loi sur l'équité salariale. Nous avons marché, en 1995, pour Du pain et des roses, et c'est suite à ces revendications portées par de très nombreuses femmes au Québec que nous avons obtenu cette loi que nous considérons comme un pas important dans la lutte contre les discriminations à l'égard des Québécoises.

Évidemment, il y a encore du chemin à parcourir, et vous allez voir que nous avons diverses recommandations. Mais, avant d'aller à ces recommandations, je vais tout de suite passer la parole à ma collègue, Mme Rose, qui va vous présenter quelques chiffres qui témoignent de l'avancée, des premiers fruits de cette Loi sur l'équité salariale.

Mme Rose-Lizée (Ruth): Oui. Je ne vais pas m'attarder longtemps sur les chiffres parce que je pense qu'ils parlent d'eux-mêmes. Disons quand même que, pour nous, c'est un gros pas en avant pour les femmes, mais on n'est pas encore rendus à la fin.

Alors, le plus important de cette loi, c'est qu'elle reconnaît le caractère systémique de la discrimination. Et, contrairement à ce qu'on avait, on était quand même innovateurs avec la Charte des droits et libertés, en 1975, cette loi proactive inverse le fardeau de la preuve et exige que les employeurs fassent un exercice et qu'ils démontrent qu'il n'y a pas de biais discriminatoire dans leur structure salariale, et c'est ça, le principal gain qu'on considère.

n(11 h 40)n

Nous soulignons aussi que, contrairement à la loi ontarienne, le règlement qui permet de comparer les salaires des femmes dans les entreprises qui n'ont pas de comparant masculin avec des référents extérieurs aussi est un gros gain, a été aussi innovateur pour le Québec.

Alors, j'ai présenté plusieurs statistiques sur la réduction des écarts salariaux. Je dois dire au départ qu'un des problèmes avec ces statistiques, c'est que le plus tard, c'est 2006, certaines seulement vont jusqu'en 2005, alors que le cinquième de notre main-d'oeuvre qui se retrouve dans le secteur public n'avait pas encore terminé leurs exercices d'équité salariale. Et donc ces données ne reflètent pas les ajustements qu'il y a eu dans le secteur public. Ce qu'on constate, c'est que les écarts salariaux entre les femmes et les hommes se sont réduits à peu près dans toutes les catégories. Quand on prend la taille de l'entreprise, quand on prend syndiqués, non syndiqués, quand on prend les privées, publiques, quand on prend selon les niveaux d'éducation, quand on prend les niveaux de compétence, les écarts salariaux se sont réduits partout. Cependant, il y a encore du chemin à faire, les écarts continuent à persister.

J'aimerais aussi attirer votre attention au graphique à la page 7, parce que les graphiques sont toujours plus visuels. Alors, ce qu'on voit, c'est... Là, en haut, la figure 1, c'est la rémunération horaire moyenne selon le sexe, et ce qu'on voit, c'est qu'à partir de 2001, c'est-à-dire au moment où les entreprises ont commencé à payer leurs ajustements salariaux, on voit que c'est là où il y a une réduction importante des écarts, c'est-à-dire une augmentation du ratio femmes-hommes, et ça, autant qu'on le regarde du point de vue de rémunération horaire qu'on le voit de rémunération hebdomadaire.

Quand on regarde à la figure 3, où on présente quelques chiffres sur... qu'on se compare avec le Canada, là, on voit aussi, c'est une diminution de l'écart au Québec qui débute avant 2001, ce qui est intéressant, qui démarre déjà en 1998, et alors que le ratio de salaire femmes-hommes au Canada est resté à peu près stable pendant toute cette période, et à 70 %, celui du Canada a atteint presque 80 %. Il a diminué par la suite, mais je continue à croire qu'une des grandes raisons, c'est parce que les salaires dans le secteur public ont été gelés pendant plusieurs années et que ce n'est qu'en 2007-2008 qu'on va voir les effets de ces règlements dans le secteur public.

Donc, quand on regarde les statistiques brutes, on voit quand même que la loi a eu des effets, on voit aussi quand même qu'il reste un écart salarial, et c'est pour ça qu'on vient devant vous aujourd'hui pour vous demander, lorsque vous revoyez la loi, qu'il y a encore des choses à faire. Et nos deux premières recommandations, à la page 10, parlent de maintenir et de renforcer le rôle de la Commission sur l'équité salariale. Nous sommes particulièrement heureux du programme de vérification. Nous trouvons que ce qu'il manquait dans la loi, au départ, c'était une obligation des entreprises de rendre compte de façon systématique de leurs exercices et des résultats, alors que le programme de vérification permet quand même, de façon par secteur et par région, d'aller vérifier si les exercices ont été bien faits. Donc, nous pensons que c'est un programme qui est très important pour la loi et nous demandons que l'on maintienne les pouvoirs de la commission dans ce domaine-là et qu'on lui accorde suffisamment de ressources pour bien faire cette job-là.

Nous avons aussi une petite recommandation qui constitue les pouvoirs de la commission d'intervenir à part entière devant la Commission des relations du travail et éventuellement devant les tribunaux pour défendre ses décisions. Ce n'est pas spécifié dans la loi. Ça a été contesté devant les cours. La jurisprudence penche en faveur, mais nous pensons que, si vous le clarifiez dans la loi, ça pourrait mettre un terme à des disputes juridiques qui ne devraient pas avoir lieu.

Mme Asselin (Michèle): Alors, je vais poursuivre avec d'autres recommandations. D'abord, je voudrais attirer votre attention sur le fait que la loi, elle est difficile d'application dans les secteurs où les femmes sont non syndiquées. Parce que d'abord cette loi, elle a été élaborée à partir d'une logique de rapports collectifs de travail. Lorsque les travailleuses ne sont pas syndiquées, elles n'ont pas les mécanismes suffisants pour s'informer mutuellement, se concerter face à l'employeur et se donner des ressources financières et autres afin de défendre leurs intérêts.

Suite à de nombreuses formations données par des groupes dont le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, on note que la majorité des travailleuses rencontrées non syndiquées ne connaissent que très vaguement leur droit du travail en général et encore moins celui de l'équité salariale. Les immigrantes récemment arrivées sont aussi moins en position de connaître leurs droits étant donné les difficultés qu'elles ont à trouver un emploi à cause des préjugés des employeurs à leur égard. Elles ont aussi beaucoup de difficultés, de résistance à défendre leurs droits, on peut le comprendre.

On constate également que beaucoup de travailleuses, surtout des femmes doublement discriminées, craignent de perdre leur emploi ou de souffrir d'autres représailles si elles questionnent l'employeur sur ses démarches en matière d'équité salariale ou si elles déposent une plainte.

À ce sujet, on pourrait regarder l'expérience du Service d'intervention juridique en matière d'équité salariale de l'Ontario. On vous rappelle que, lors de l'adoption de la Loi sur l'équité en 1996, la FFQ, avec d'autres membres de la Coalition en faveur de l'équité salariale, avait demandé, et on continue de demander, un tel service juridique indicatif qui serait indépendant de la Commission de l'équité salariale. Ça permettrait d'outiller des groupes de travailleuses non syndiquées dans leurs démarches pour obtenir l'équité salariale. Ça nous semble un outil qui serait important à instaurer.

Il faut aussi renforcer, améliorer les droits à l'information et à la participation. Nous suggérons que la loi soit modifiée afin d'exiger que, dans les entreprises engageant entre 10 et 49 personnes, l'affichage comprenne les mêmes informations que les deux affichages exigés dans les entreprises plus grandes. On voudrait aussi suggérer que les employeurs, quelle que soit la taille de l'entreprise, soient obligés d'informer toutes les travailleuses et travailleurs, avec leurs relevés de paie, de l'existence et du lieu d'affichage. Et enfin, toujours au chapitre de l'information, on voudrait que la loi spécifie que l'affichage, dans toutes les entreprises, doit être maintenu pendant les 60 jours prévus à l'article 76 pour permettre aux salariées de faire part de leurs observations à l'employeur et ensuite, si une ou plusieurs travailleuses transmet des observations à l'employeur, pendant 30 jours après que l'employeur ait répondu à ces observations en modifiant l'affichage.

On voudrait aussi souligner l'importance d'avoir davantage d'interventions pour assurer le respect des droits des non-syndiquées. On veut souligner que la commission a des initiatives auxquelles nous collaborons, notamment par les formations qu'elle offre ou qui sont offertes par un organisme membre, le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, et souligner aussi qu'on siège à un comité de travail sur les travailleuses non syndiquées qui a été mis sur pied par la commission. C'est des initiatives que nous tenons à souligner et qu'on doit maintenir.

On voudrait aussi aborder une autre question, les entreprises et les organismes qui reçoivent des subventions ou des contrats gouvernementaux, les organismes communautaires, les organismes bénévoles, des entreprises d'insertion sociale, notamment au niveau de la santé et des services sociaux, qui font de l'aide à domicile, de l'entretien ménager, etc. Ces organismes reçoivent des subventions de l'État mais ne disposent pas des fonds pour appliquer les mesures, le programme d'équité salariale ? puis on sait qu'en majorité ils emploient des femmes, et ce n'est pas un hasard ? et pourtant on est arrivé à le faire dans un autre organisme, dans un autre réseau comme les réseaux des CPE. Alors, nous, on voudrait que le gouvernement, pour favoriser que l'équité salariale s'applique y compris dans des organismes communautaires ou bénévoles financés par l'État, révise ses normes de subvention dans le cadre du Fonds d'aide à l'action communautaire autonome et les programmes des divers ministères afin que ces programmes puissent permettre aux organismes bénéficiaires d'appliquer des plans d'équité salariale.

n(11 h 50)n

Mme Rose-Lizée (Ruth): J'aimerais ajouter que, là-dedans, on pense aussi à tous les organismes qui font de la sous-traitance dans le réseau des services sociaux, donc qui dépendent principalement des contrats avec le gouvernement pour leurs fonds.

Mme Asselin (Michèle): Alors, il y a d'autres éléments à prévoir dans une loi refondue. Nous voudrions que la Loi sur l'équité salariale prévoie que chaque entreprise entreprenne un réexamen de l'équité salariale à tous les quatre ans. Le maintien de l'équité salariale est un enjeu très important et qui mérite qu'on y porte toute l'attention voulue. Cet exercice devrait être réalisé conjointement par l'employeur et les personnes salariées selon les mêmes modalités que prévu lors de l'exercice initial d'équité salariale, mais les entreprises qui auraient franchi le seuil de 50 personnes à l'emploi ou 100 personnes à l'emploi depuis l'exercice initial devraient s'acquitter des obligations incombant initialement à cette catégorie d'entreprises et prévoir les mêmes droits. Ça, je me doutais que... Alors, c'est très, très important pour nous qu'on ne peut pas dire: Bon, c'est fait, puis on n'en parle plus, sans considérer que les entreprises grandissent.

Alors, nous avons des recommandations que vous pourrez prendre compte au niveau des programmes distincts qui peuvent compromettre les exercices d'équité salariale et nous insistons pour une meilleure reddition de comptes, donc certainement un renforcement du rôle et des pouvoirs de la commission. Alors, merci pour votre attention.

La Présidente (Mme Morissette): C'est parfait, vous n'avez pas dépassé. Bravo! Alors, M. le ministre, je vous cède la parole tout de suite pour votre bloc de temps.

M. Whissell: Bien, bonjour, Mme Asselin, Mme Rose, et je profite de l'occasion, Mme Rose, pour vous remercier de la collaboration dans le dossier du salaire minimum. Je pense que vos efforts, nos efforts ont porté fruit. Puis je dois vous avouer que, grâce à votre appui moral dans notre quête, ça m'a servi drôlement, et je suis convaincu que la députée d'Hochelaga-Maisonneuve sait de quoi je parle. Lorsqu'il est temps d'augmenter le salaire minimum, ça nous prend des armes, et vous faisiez partie des armes que j'avais avec moi pour justement faire valoir l'importance d'augmenter le salaire minimum pour les femmes.

Mme Rose-Lizée (Ruth): À nous de vous remercier aussi.

M. Whissell: Bien, merci.

Mme Asselin (Michèle): Mais on va continuer là-dessus aussi.

M. Whissell: Ah! ça, vous connaissant, je sais que vous allez continuer à défendre les femmes avec la vigueur qu'on vous connaît, et heureusement que vous êtes là également, je vous le dis du fond du coeur.

Vous avez abordé un sujet qui est intéressant au niveau... attendez que je le retrouve... qui est au niveau des organismes communautaires ou organismes, entreprises qui font affaire avec le gouvernement. Quand vous dites: Instaurer l'obligation en matière d'équité salariale dans les normes de subvention, il y a un défi qui est là en soi. En même temps, je me dis, bon: Il y a plusieurs organismes communautaires qui sont assujettis à la loi qui n'ont pas fait l'équité salariale malgré que c'est une obligation de par la loi. Mais en même temps, bon, comment on peut concilier les deux? Est-ce que vous avez fait une évaluation du coût au niveau communautaire qui pourrait être engendré suite à l'application de la loi?

Mme Rose-Lizée (Ruth): Nous n'avons pas fait une évaluation, nous serons tout à fait prêtes à collaborer avec vous pour essayer de faire ces estimations-là. Mais on parle beaucoup d'organisations qui font de la sous-traitance de l'État ou qui rendent des services que, pour toutes sortes de raisons, le gouvernement a jugé bon de ne pas offrir par les services publics mais de passer par le secteur communautaire, parce que souvent on est plus proche de la population. Mais nous considérons que, comme dans les réseaux des services de garde, ce sont des services quasi publics et qu'on ne devrait pas faire du «cheap labor» sur le dos des femmes. Et c'est en ce sens-là qu'on pense que le gouvernement a une responsabilité d'assurer... Et c'était aussi le cas en Ontario, notamment dans les réseaux des services de garde, que le gouvernement a assumé le coût de permettre un vrai exercice d'équité salariale dans ces entreprises-là. Alors, comme j'ai dit, on serait tout à fait prêtes à collaborer avec vous pour faire une estimation de ce que ça pourrait coûter.

M. Whissell: On pourra se reparler là-dessus.

Mme Asselin (Michèle): On peut prendre l'exemple de l'exercice qui a été appliqué dans les centres à la petite enfance et qui impliquait le gouvernement du Québec puisqu'il est le subventionnaire de ce réseau. Donc, si on a été capable de le faire, on devrait pouvoir s'asseoir, là, puis relever les manches sur ce secteur-là.

Mme Rose-Lizée (Ruth): Et la loi prévoit la possibilité de faire des analyses sectorielles et des plans sectoriels.

M. Whissell: Sur l'affichage, vous mentionnez beaucoup dans votre mémoire de renforcer l'affichage principalement chez les petites entreprises, les 10-49. Peut-être détailler davantage ce que vous voyez comme information qui pourrait être davantage présentée aux travailleurs, également ce qui pourrait être transmis du côté de la commission, c'est-à-dire les informations que vous voyez qui pourraient être transmises, là, vers la commission ou autres instances, là, pour s'assurer justement que l'exercice soit effectué puis qu'il y ait une reddition de comptes dans le fond de la part de l'employeur.

Mme Asselin (Michèle): Oui, c'est ça, il y a deux parties à votre question. D'abord, l'affichage. Vous voyez que, dans la page 13, à notre recommandation 5, que j'ai présentée très vite, nous, on fait référence... on ne devrait pas avoir des modalités d'affichage différentes pour les plus petites entreprises, et la même liste, c'est-à-dire les catégories d'emploi, la description de la méthode, des outils, devrait être clairement affichée et permettre aux employés de cette entreprise d'avoir accès à cette information-là.

Sur la question de la reddition de comptes, bien ça va dans la perspective que nous voulons renforcer et appuyer le rôle de la commission. Quand on a à rendre des comptes, à envoyer des rapports, évidemment il faut aussi que la commission ait les ressources pour pouvoir les analyser et pouvoir poser des questions éventuellement aux employeurs suite à la réception de ces rapports, et d'autant plus que, dans les prochaines années, on est beaucoup dans le maintien de l'équité salariale. Donc, il va falloir aussi avoir des mécanismes qui vont permettre que les employeurs demeurent vigilants en termes d'équité salariale, qu'ils n'aient pas l'impression que la loi est passée, puis que ce n'est pas... Cette question d'équité qui est un droit fondamental, elle doit être maintenue. Alors, nous, on pense que ces deux mécanismes-là pourraient permettre de renforcer la loi et son application. As-tu des choses à rajouter?

Mme Rose-Lizée (Ruth): Je voulais juste dire que le problème, c'est la loi, et je pense que c'est peut-être une lacune qui n'était pas prévue par le législateur. Pour les petites entreprises, il dit seulement que l'employeur est obligé de faire un affichage pour dire: Voilà les ajustements à faire ou il n'y a pas d'ajustement à faire. Alors que, si on exigeait qu'il le fasse quand même, c'est quoi, les catégories d'emploi, comment je vais les évaluer, c'est quoi, le pointage ou la valeur que j'ai à accorder, voilà les ajustements, il est obligé de prendre l'exercice un peu plus au sérieux, et ça veut dire... et je pense que la commission n'aurait jamais les ressources d'examiner de près toutes les petites entreprises, mais au moins, si l'information est affichée, ça donnerait un outil aux travailleuses de voir: Tu sais, c'est quoi... Est-ce qu'il y a quelque chose? Alors, c'est quoi? Puis est-ce que, tu sais, je peux le contester?

M. Whissell: Sur la nature de l'information, là, à savoir est-ce que c'est de l'information nominative ou qui peut, par interprétation, nous amener à connaître une information salariale d'un employé en particulier... Parce qu'à partir du moment où il y a l'affichage puis on y affiche les catégories d'emploi puis les pondérations on peut par déduction des fois dire: Bien, c'est telle personne.

Mme Asselin (Michèle): ...dans les petites entreprises.

n(12 heures)n

M. Whissell: Dans les petites, on s'entend. Parallèlement à ça, il y a les conventions collectives qui sont du domaine public, qui dans le fond nous permettent aussi de savoir grosso modo le salaire d'une personne, à tout le moins, le salaire horaire. Êtes-vous ouvertes à ce que l'affichage se rende jusqu'à un tel point?

Mme Rose-Lizée (Ruth): L'idée, c'est d'essayer de faire l'évaluation des catégories d'emploi et d'inciter l'employeur à définir des catégories d'emploi et de songer c'est quoi, ma structure salariale, c'est quoi, la logique de ça. Tu sais, il y a plein d'emplois, par exemple dans le secteur public, particulièrement des emplois masculins, de toute façon il y a un taux unique. Alors, si je vais dans l'Université Québec puis si quelqu'un est plombier, je vais savoir c'est quoi, son salaire. Alors, je ne vois pas... Tu sais, l'idée, c'est justement de rendre la structure salariale non plus personnalisée, mais établie selon des critères qui sont transparents et...

M. Whissell: La question, je vous la pose parce qu'actuellement, à la commission, on entend que ça constitue des données nominatives. Donc, si jamais il y a modification de la loi, bien il faut reconnaître que ces informations pourraient être transmises sans contravention à la loi sur justement la protection des informations personnelles. Mais c'est possible de l'inclure dans une éventuelle modification législative, que le fait d'afficher telle information, bien décrite...

Mme Rose-Lizée (Ruth): ...ne pense pas que...

M. Whissell: ...ne constitue pas une contravention.

Mme Rose-Lizée (Ruth): L'information ne devrait pas être nominative.

M. Whissell: Pardon?

Mme Rose-Lizée (Ruth): Il doit être relié à des définitions de catégorie d'emploi. Peut-être que ça va amener aussi un employeur de réduire le nombre de catégories d'emploi et de, tu sais, de grouper les gens parce qu'il se rend compte qu'au lieu de, tu sais, de négocier individuellement avec chaque personne selon s'il l'aime ou s'il ne l'aime pas ou... la personne a plus de pouvoir de négociation il est obligé de justifier pourquoi sa structure salariale, même dans une petite entreprise.

Mme Asselin (Michèle): Mais vous comprendrez que notre souci est beaucoup l'appui aux travailleuses non syndiquées et que, là, un affichage qui ne dit à peu près rien, bien ça ne leur donne pas l'information pour contester ou au moins comprendre comment a été faite cette évaluation. Donc, il y a la question des salaires, mais il y a aussi la question des méthodes utilisées de l'évaluation, pourquoi on en arrive à ça. Donc, il va falloir l'ajuster. Oui, ça pose des défis pour les plus petites entreprises, mais il y a quand même des entreprises moyennes, là, qui ne font pas l'affichage suffisant. Alors, nous, il faut le renforcer si on veut renforcer les droits notamment des travailleuses non syndiquées.

M. Whissell: Je veux que vous soyez conscientes que ça peut amener dans le fond à revoir un peu l'information qui est accessible, dans le sens que ça peut amener à la femme que les gens dans l'entreprise vont connaître son salaire indirectement, là, par ricochet, surtout dans les petites entreprises.

Mme Rose-Lizée (Ruth): Moi, mon salaire...

M. Whissell: Est-ce que vous êtes à l'aise avec ça?

Mme Rose-Lizée (Ruth): Mon salaire en tant que professeur d'université, vous savez mon échelle salariale puis vous savez combien d'années je suis à l'université: pas bien difficile de connaître mon salaire.

M. Whissell: O.K. Bien, je vais laisser le temps à mes collègues.

Une voix: ...même chose pour les députés.

La Présidente (Mme Morissette): Oui, effectivement. Il reste...

Des voix: ...

M. Whissell: Pour ceux qui n'ont pas compris, le député de Viau disait que nos salaires à nous, les députés, sont du domaine public, également. Pas d'affichage.

La Présidente (Mme Morissette): Il reste un 2 min 30 s à M. le député de Viau.

M. Dubourg: Oh! 2 min 30 s. O.K. Bon. On va faire ça très vite, oui.

Une voix: ...son salaire, là.

M. Dubourg: Oui. Bien, voilà. Bien, Mme Lizée, Mme Asselin, bonjour. Vous avez parlé de droits des travailleuses non syndiquées, et une des recommandations que vous faites, c'est que, la recommandation 3, vous parlez d'un service juridique indépendant de la Commission de l'équité salariale. Pourquoi indépendant du comité de l'équité salariale, ce service juridique là, alors que vous dites que les services à offrir, c'est des services de consultation, de soutien aux travailleuses non syndiquées? Ne pensez-vous pas que la commission pourrait jouer ce rôle-là auprès de ces personnes-là, ces femmes-là, qu'on retrouve surtout dans les plus petites entreprises, quoi?

Mme Asselin (Michèle): Bien, pour nous, c'est un service différent qui peut accompagner une ou un groupe de travailleuses et les aider à monter une plainte, les aider à faire valoir leurs droits. La commission pourrait accompagner, pourrait... Mais on le voyait vraiment comme un service juridique indépendant, qui peut prendre parti directement pour les travailleuses et les accompagner dans leurs démarches pour faire valoir leurs droits, ce qui est un peu complémentaire à la mission de la commission mais différent. Donc, pour nous, on pense qu'un service juridique indépendant, qui appliquerait la loi, évidemment, là, qui serait dans ce sens-là, qui accompagnerait les travailleuses, serait un outil de plus.

M. Dubourg: Et vous pensez aussi que les femmes, surtout doublement discriminées, comme vous le dites, seraient plus enclines à déposer une plainte auprès de ce service-là pour faire valoir leurs droits?

Mme Asselin (Michèle): Bien, il y a un boulot énorme à faire auprès des femmes immigrantes, par exemple, qui connaissent très, très peu leurs droits et qui sont très inquiètes de perdre un emploi. Donc, un service juridique d'accompagnement qui pourrait leur permettre d'avoir accès à de l'information pourrait peut-être les aider, mais il faudrait qu'il y ait des moyens pour aller à la rencontre de ces femmes-là. Et, vous le savez, là, les barrières sont nombreuses.

M. Dubourg: Oui. Oui, oui. Je sais que les entreprises d'insertion, les organismes communautaires aussi sont très présents sur le terrain pour les inciter... Bien, écoutez, on me fait signe que je n'ai plus de temps.

La Présidente (Mme Morissette): Exactement.

M. Dubourg: Merci, Mme la présidente.

La Présidente (Mme Morissette): Vous reconnaissez mon langage non verbal. Merci beaucoup, M. le député de Viau. Alors, c'est rendu du côté de l'opposition officielle. M. le député de Terrebonne.

M. Therrien: Merci. Bonjour, mesdames, Mme Asselin, Mme Lizée. J'aimerais avoir une précision. À la page 6 de votre mémoire, vous soulignez qu'«il faudrait encore attendre quelques années avant de mesurer l'ensemble de l'impact de la Loi sur l'équité salariale». On est rendu à la 11e année. J'aimerais savoir pourquoi et pour combien de temps encore.

Mme Asselin (Michèle): Bien, le gouvernement du Québec vient à peine de régler avec un ensemble important de travailleuses, donc les chiffres qu'on a ne peuvent pas témoigner de l'impact sur l'ensemble des travailleuses québécoises parce que c'est quand même un pourcentage important. On sait aussi que, plusieurs entreprises, ce n'est pas au début de la loi que les démarches et les plans ont été appliqués. Donc, pour nous, il va falloir... Puis peut-être que Ruth pourrait présenter quelques chiffres pour mieux illustrer ce que je viens de dire, mais il y a encore du chemin à faire et puis il y a encore plusieurs entreprises qui n'ont pas fait l'exercice.

Mme Rose-Lizée (Ruth): Il y a quand même des grandes entreprises qui ont été touchées par le chapitre IX qui ont été obligées de reprendre l'exercice. Il y a toutes les entreprises qui n'ont pas de comparant masculin, qui ont été assujetties à la loi à partir de mai 2005, et donc ont commencé à payer les ajustements en mai 2007, et qui s'étalent encore pour quatre ans. Il y a toutes les entreprises qu'on a constaté qui n'avaient pas fait encore leur exercice. Et il y a aussi... Une de nos demandes, c'est que les entreprises qui ont franchi le seuil de 10 depuis 1997 soient assujetties à la loi. Les données de la commission, c'est de l'ordre de 6 000 entreprises. Ceux-là ont aussi encore à faire leur exercice. Alors, juste pour ces groupes-là, on parle encore de quatre, cinq ans avant que les ajustements finissent d'être...

M. Therrien: Donc, ma prochaine question, je vais revenir. Donc, vous, selon vous, combien de temps on aurait besoin pour faire une évaluation objective? Et, dans un deuxième temps, pour ma question, est-ce qu'il serait impératif de reconduire l'article 130 pour lequel on est ici aujourd'hui?

Mme Rose-Lizée (Ruth): L'article?

M. Therrien: L'article 130, qui obligeait le ministre à faire un rapport et de remettre en question la loi, le maintien ou... L'article 130 nous amène ici, aujourd'hui, là.

Mme Asselin (Michèle): L'obligation de faire rapport à tous les...

Mme Rose-Lizée (Ruth): Ah! mais, moi, je pense que, comme toute bonne commission, on devrait faire rapport aux cinq ans, et, avec la notion de maintien de l'équité salariale, il faudra avoir au moins pour deux autres cycles de cinq ans. Dans 10 ans, on reviendra puis on verra si on peut alléger l'application. Mais la notion de maintien de l'équité salariale, ça doit être en perpétuité.

M. Therrien: Merci. La loi, vous le disiez tout à l'heure, la loi est difficile d'application dans les milieux où il n'y a pas de syndicat et à prédominance féminine. Est-ce que vous pouvez relier ce facteur au 32 % qu'on évalue, là, si on prend le 68 % qui ont complété et le 32 % qui n'ont pas complété l'exercice ou qui n'ont pas commencé l'exercice? Donc, est-ce que ça peut être un facteur que ces entreprises-là n'ont pas fait leur exercice?

Mme Asselin (Michèle): Je ne sais pas si on a les chiffres.

n(12 h 10)n

Mme Rose-Lizée (Ruth): ...vous dire qu'effectivement le pourcentage des entreprises non syndiquées est plus élevé. N'empêche qu'il y a des entreprises syndiquées aussi, je pense, qui n'ont pas fini d'appliquer. Le problème, c'est aussi que, dans plusieurs milieux syndiqués, les entreprises disent l'avoir fait, mais ce n'est pas sûr qu'elles l'ont fait selon les règles de la loi.

M. Therrien: Vous dites, dans ces milieux-là, que c'est plus difficile, donc ça pourrait être un facteur qu'il y a des entreprises qui ne se sont pas conformées encore aujourd'hui.

Mme Asselin (Michèle): Oui, ça...

Mme Rose-Lizée (Ruth): Effectivement, quand il y a un syndicat, le syndicat est là pour rappeler l'employeur à l'ordre.

Mme Asselin (Michèle): Mais on sait qu'il y a des entreprises syndiquées qui ne l'ont pas complété encore, notamment l'UQAM.

M. Therrien: Merci. Autre question, à votre recommandation 9, justement sur les programmes communautaires, si je ne me trompe pas ? le 9, là, juste vérifier, confirmer avec vous, oui ? «révise [les] normes de subvention dans le cadre de Fonds d'aide à l'action communautaire autonome». Dans le rapport ministériel qui nous est présenté, on nous dit qu'un tiers des entreprises n'ont eu aucun frais ou n'ont entrepris que... défrayé moins de... ils ont eu des frais de moins de 1 000 $. Donc, est-ce que vous considérez que ce chiffre pourrait être discutable, considérant que vous faites la demande de faire une évaluation, une augmentation même des subventions accordées dans le cadre des actions communautaires autonomes pour que ces organismes-là puissent permettre de faire leurs programmes? Le rapport nous dit que ça coûte soit rien ou en bas de 1 000 $.

Mme Asselin (Michèle): Nous, ce qu'on dit, c'est: Le gouvernement du Québec a adopté une loi sur l'équité salariale et doit imposer à tous les organismes, à toutes les entreprises d'appliquer la loi et de faire la démarche. Si on est conséquent, on doit s'assurer, si on est le principal ou l'unique bailleur de fonds de ce groupe communautaire, bien de s'assurer qu'il va avoir les revenus suffisants pour appliquer le règlement d'équité salariale suite à sa démarche. C'est essentiellement ça qu'on dit. Et on sait qu'il y a des organismes qui ne disposent pas des budgets suffisants pour appliquer éventuellement, après l'exercice, des règlements en termes d'équité salariale parce qu'ils n'ont pas suffisamment de subventions qui pourraient s'ajuster en fonction de l'application de l'équité salariale. Alors, nous, on dit: Bien là, il y a un vice, là, à quelque part. Si l'État a une loi qu'il doit faire appliquer, bien il doit s'assurer aussi que, quand il est subventionnaire, bien ces organismes-là pourront l'appliquer puisqu'ils doivent être assujettis à la loi comme toute entreprise.

M. Therrien: Donc, vous considérez que c'est un facteur important à prendre en considération pour justement atteindre le but d'avoir un programme d'équité salariale terminé et en mesure d'être efficace.

Mme Asselin (Michèle): D'autant plus que ces entreprises-là sont à très forte prédominance féminine.

M. Therrien: Oui, ça, je suis au courant. Donc, c'est bien. Je vais céder la parole à ma consoeur de Saint-Jean.

La Présidente (Mme Morissette): Oui, Mme la députée de Saint-Jean, allez-y.

Mme Méthé: Merci. Bien, bonjour, mesdames. La Loi sur l'équité salariale en fait est un outil pour arriver à l'équité salariale. Je pense qu'il n'y a aucun groupe qui a contesté le bienfait d'arriver vers ça. C'est juste l'outil qui est peut-être un peu contesté. Tout le monde veut l'équité salariale, mais le moyen de s'y prendre, aujourd'hui on le remet en question.

On a observé que l'écart entre les hommes et les femmes au niveau salarial s'est rétréci de 2 %. Une étude récente menée par l'Ordre des conseillers en ressources humaines en collaboration avec M. Pierre Fortin estime même que cet écart est de 1 % attribuable à la Loi sur l'équité salariale. Or, en Colombie-Britannique, l'écart a diminué de 2 %, et il n'y a pas de loi sur l'équité salariale là-bas, en Colombie-Britannique. Vous avez sans doute... Je ne sais pas si vous étiez présentes dans la salle tantôt quand le Conseil du patronat a sorti un peu de chiffres et expliquait qu'avant la Loi sur l'équité salariale ils ont regardé les 10 dernières années, et l'écart aurait diminué de 10 % avant l'application de la loi, comparativement à 2 % depuis l'application de la loi. Alors, devant toutes ces données-là, bien, premièrement, j'aimerais savoir comment vous interprétez ces résultats-là. Mais, selon les différents chiffres qui sont donnés, ce n'est pas démontré hors de tout doute que la Loi sur l'équité salariale a vraiment eu cet impact-là si on compare avec d'autres provinces qui n'ont pas eu la loi, par exemple.

Mme Rose-Lizée (Ruth): Moi, je suis économiste. D'ailleurs, je suis une collègue de Pierre Fortin. Et, quand on regarde les chiffres sur le marché du travail, il y a beaucoup, beaucoup de choses qui se passent en même temps. Donc, ça prend une étude assez approfondie pour savoir pourquoi il y a rétrécissement des écarts. Notons que maintenant les femmes en général ont des qualifications, surtout au niveau de la scolarité, qui sont plus élevées que les hommes et pourtant elles ont encore des salaires plus faibles. Normalement aussi, quand on commence à avoir une pénurie de main-d'oeuvre, ce sont les salaires en bas de l'échelle qui augmentent le plus. Si la pénurie de main-d'oeuvre en Colombie-Britannique a été plus serrée qu'au Québec, on s'attendrait à voir des hausses de salaire plus importantes là-bas.

Mais, quand on regarde spécifiquement dans une entreprise qu'est-ce qui se passe lorsqu'un programme d'équité salariale a été bien appliqué ? on peut regarder ça dans le secteur public du Québec ? on voit l'impact direct. Cela, on peut le mesurer directement. Et je pense que, quand on regarde entreprise par entreprise, lorsque la loi a été bien appliquée ? parce qu'elle n'a pas toujours été bien appliquée ? on voit une réduction des écarts, et c'est là où qu'on peut mesurer l'impact.

Les chiffres globaux, comme je vous l'ai présenté, quand on sait que 20 % de la population de la main-d'oeuvre québécoise féminine n'a pas encore eu ses ajustements d'équité salariale, sinon dans les données, on ne peut pas... tu sais, on doit dire qu'il y a quand même eu plus d'impact au Québec qu'il y en a eu dans les autres provinces.

Mme Asselin (Michèle): Puis, au Canada, on sait que l'écart, quand on regarde sur les moyennes générales, ça stagne depuis 10 ans à 70 %. Alors, si l'ensemble des provinces canadiennes, si le gouvernement du Canada adoptait une loi proactive, est-ce qu'on verrait des différences? Ça aussi, c'est une question importante à se poser. C'est très difficile, là, de comparer. Ce qu'on regarde, nous, c'est qu'il y a eu quand même... on se rapproche, là. Il y a eu des années où on était à 80 %, alors on ne peut pas dire certainement que l'équité salariale n'y est pour rien. Mais c'est effectivement difficile de le mesurer précisément.

Mme Méthé: Oui, parce qu'il y a beaucoup d'autres facteurs. Vous avez parlé tantôt ? bien, mon collègue de Viau en a parlé ? de l'importance peut-être d'informer les femmes dans des milieux non syndiqués. On parle aussi de l'arrivée des immigrantes, qui est une... bien, qu'on sait que l'immigration est quand même assez à un haut niveau et probablement sera augmentée. Donc, je pense que l'information est un outil qui serait important pour arriver aussi à l'équité salariale, les informer, ces femmes-là. Vous avez parlé bien, en fait, peut-être d'instaurer une nouvelle structure parce que, selon vous, ce serait quelque chose d'indépendant de la commission, une création d'un service juridique. Évidemment, vous connaissez la position de l'ADQ sur les structures, on n'aime pas tellement en créer, au contraire. Est-ce que vous ne seriez pas d'avis que la commission pourrait jouer un grand rôle au niveau de l'information, plutôt un rôle d'appui plutôt axé sur l'information que de jouer à la police avec des sanctions, là?

La Présidente (Mme Morissette): Je vais vous demander de répondre en 10 secondes.

Mme Asselin (Michèle): Bien, l'information est majeure, mais l'information prend un sens différent quand on sait qu'il y a des moyens de faire appliquer la loi. Alors, c'est dans un ensemble. Pour nous, l'information, par exemple auprès des travailleuses non syndiquées, se fait en partenariat avec un groupe de femmes. Ce qui fait aussi que, pour des travailleuses comme des femmes immigrantes, c'est moins menaçant que la commission débarque...

La Présidente (Mme Morissette): Merci.

Mme Asselin (Michèle): ...parce que...

La Présidente (Mme Morissette): Ce n'était pas une blague, le 10 secondes, malheureusement. Je n'aurais pas dû laisser la députée de Saint-Jean commencer sa deuxième question, il n'y avait déjà plus beaucoup de temps. Alors, ça met fin au bloc de l'opposition officielle. On serait rendu à la deuxième opposition. Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

n(12 h 20)n

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Mme Asselin et Mme Lizée, alors c'est un plaisir de vous recevoir à cette commission. Vous avez un mémoire qui est très opérationnel, là, qui en fait peut être repris au moment où on fera l'étude article par article du projet de loi.

Vous avez rappelé, dès l'ouverture de votre présentation, Mme Asselin, que Le Mouvement des femmes du Québec s'est beaucoup mobilisé, particulièrement au moment de la marche Du pain et des roses, pour obtenir cette législation qui finalement a été adoptée en 1996.

Vous savez sans doute que, dans les mémoires, qui sont présentés devant la commission, du Conseil du patronat ou de la Fédération des chambres de commerce, il y a cette idée qu'on ne peut plus être contre le projet de loi mais que la commission devrait avoir un rôle amoindri, en fait que la loi, selon de Conseil du patronat, ne devrait pas s'appliquer aux nouvelles entreprises créées depuis l'adoption de la loi et que la commission devrait avoir un rôle de promotion, d'information essentiellement, non plus un rôle d'enquête et un rôle d'adjudication en fait, appelons ça un rôle d'intervention. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Asselin (Michèle): On comprend mal que les représentants des entreprises revendiquent que la loi ne s'applique pas aux nouvelles entreprises parce que, là, ça crée, il me semble, une inéquité entre les demandes, qui devraient être les mêmes pour l'ensemble des entreprises. Là, personnellement je ne comprends pas la logique.

Mme Harel: Ce qu'on nous invoque, c'est le marché. Étant donné que c'est en vigueur, ça va devenir la norme, on n'aura plus besoin de la vérifier.

Mme Asselin (Michèle): Ah! ça, moi, j'appelle ça la pensée magique. Et on se bat avec nos consoeurs du Canada pour revendiquer une loi proactive au Canada ? parce que vous savez qu'il y a quand même plusieurs milliers de femmes, qui travaillent dans des entreprises sous juridiction fédérale, qui n'ont pas accès à la Loi sur l'équité salariale du Québec ? parce qu'on ne croit pas qu'on aurait pu faire les gains qu'on a faits juste par l'information, la sensibilisation des employeurs ou que le marché va s'autoréguler là-dessus. Quand on regarde, habituellement, s'il n'y a pas des lois proactives pour lutter contre les discriminations systémiques à l'égard des femmes, il n'y a pas de gain concret en termes d'amélioration des conditions salariales. Alors ça, pour nous, vous le voyez très bien, la commission doit jouer son rôle, on doit le renforcer, on doit lui assurer toutes les ressources nécessaires pour jouer son rôle. Nous, là, c'est très important. La loi est importante, son application, et un des outils majeurs, c'est de conserver la commission.

Mme Harel: Mme Lizée, tantôt vous nous mentionniez... et le fait est que toutes les études sont d'une durée, si vous voulez, qui se termine en 2006, ce qui fait qu'effectivement les ajustements de 2007, qui sont quand même de l'ordre de presque 1 milliard de dollars pour une travailleuse sur cinq au Québec, n'ont pas été pris en compte, hein? Alors, c'est bien évident que les ajustements du printemps dernier et ceux qui suivront, qui sont majeurs en fait, pourront même nous révéler une amélioration finalement de la situation. Bien, je vous remercie de l'avoir précisé parce que finalement cela ne le fut point depuis le début de nos travaux.

Vous avez, dans votre mémoire, en bas de page... J'invite les membres de la commission d'ailleurs à le lire attentivement. C'est à la page 1, c'est un bas de page qui dit: «Environ 10 % de la main-d'oeuvre travaille dans des entreprises régies par les lois fédérales ? et là vous les énumérez: banques, communications, transport, sociétés d'État, etc. La discrimination salariale est interdite par la Loi canadienne sur les droits de la personne ? un peu comme à l'article 19, où le principe de salaire égal à travail équivalent est introduit ? mais ? dites-vous ? il n'y a pas de loi proactive obligeant les employeurs ? au niveau fédéral ? à faire un exercice d'équité [...] dans ces cas.» Bon. Alors, vous dites: «Des plaintes contre Bell Canada, le gouvernement fédéral, Postes Canada ou Air Canada sont des exemples qui ont pris plus de 15 ans à se résoudre [et] qui ne sont pas encore résolus.» J'aimerais vous entendre là-dessus parce qu'il y a eu des propositions à l'effet qu'on devrait retourner aux plaintes devant la Commission des relations de travail et non plus avoir la loi proactive. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Rose-Lizée (Ruth): D'abord, j'aimerais souligner qu'au Québec aussi, avant l'adoption de la loi, on avait des cas qui ont perduré 15, 20 ans. Il y en avait une notamment pour les professionnels du gouvernement du Québec et il y en avait une autre dans le secteur de la santé et services sociaux par les syndiqués de la CSN. Et il y a le livre de Marie-Thérèse Chicha qui documente très en détail les difficultés qu'il y a eu de l'application de la loi. Et ça, c'étaient des cas où il y avait des syndicats très forts, qui étaient capables de toffer pendant 15, 20 ans. Et actuellement, dans le secteur fédéral et comme a dit ma collègue, nous travaillons avec des femmes du restant du Canada pour essayer de faire adopter une loi proactive dans le secteur fédéral. Tu sais, les entreprises et les syndiqués sont obligés de dépenser des millions de dollars pour des frais juridiques pour faire valoir un droit qui est fondamental.

Mme Harel: Un droit qui est compris dans les chartes des droits, hein? Parce qu'on nous faisait valoir, ce matin... Mais, je vérifie à l'article 19, c'est vraiment depuis 1975, à travail équivalent, vous voyez? Il y a un principe à travail égal, salaire égal, mais l'article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, c'est: à travail équivalent ? donc, il faut une comparaison ? salaire égal.

Mme Rose-Lizée (Ruth): Mais, moi, je vous dirais même, il y a eu une convention internationale, qui date des années soixante et même cinquante, où le Canada s'est engagé à payer des salaires égaux pour des travaux de valeur égale. Celui-là n'avait pas de force de loi, n'avait pas de mécanisme de plainte, mais il y a un engagement depuis 50 ans, maintenant.

Mme Asselin (Michèle): ...qui témoigne qu'on peut avoir des valeurs fondamentales, modifier des chartes, mais, si on n'a pas des lois proactives, on ne l'élimine pas, la discrimination.

Mme Rose-Lizée (Ruth): Et c'est certain que le marché ne règle pas le problème.

La Présidente (Mme Morissette): Mme la députée de Taschereau, il reste trois minutes.

Mme Maltais: Merci. Il est évident que votre mémoire, mesdames, est un fort appui à l'existence de la Commission de l'équité salariale et aussi à la préservation de ses pouvoirs. Je pense que vous faites bien la démonstration que, si la commission ne garde pas de pouvoir d'intervention, elle va perdre de son effet. J'ai noté hier que, dans le rapport annuel de gestion 2006-2007 de la Commission de l'équité salariale... je ferais remarquer qu'il y avait, même s'il y a 66 ETC accordés à la commission, il n'y a que 46 personnes à statut régulier à l'heure actuelle, cinq à statut occasionnel. Donc, déjà, il y a 12 postes non comblés, dans ce rapport annuel, à la commission. Alors, je fais juste une remarque que, si on veut la voir... si on veut lui donner une nouvelle impulsion, si on veut surtout qu'elle intervienne dans les entreprises ou dans les secteurs où elle n'est pas encore intervenue, bien il va falloir qu'elle retrouve son potentiel de travail en retrouvant du personnel.

Mais j'aimerais savoir: comme économiste, Mme Lizée, vous avez sûrement intégré dans des statistiques peut-être, là, le principal montant de règlement dont ma collègue la députée d'Hochelaga-Maisonneuve a parlé, c'est-à-dire le règlement qui est intervenu avec les employés de l'État dans la dernière ronde de négociation. Est-ce que vous avez une idée de si ça va vraiment démontrer la force de l'impact de cette loi?

Mme Rose-Lizée (Ruth): Moi, je suis convaincue que oui.

Mme Maltais: Vous n'avez pas eu le temps ou les moyens de le traduire en termes de pourcentage pour l'avenir ou...

Mme Rose-Lizée (Ruth): Non. Ce que je remarque, quand je regarde le règlement dans le secteur public, c'est surtout les emplois au bas de l'échelle, c'est-à-dire des gens qui n'ont pas nécessairement de diplôme, qui ont eu les plus grosses augmentations. Parce qu'il y a déjà, quand même, plusieurs exercices de relativité salariale où les gens, à diplôme égal, notamment des diplômes techniques ou des diplômes universitaires, avaient déjà eu un certain ajustement. Et ce sont les emplois de secrétaire, de préposé aux bénéficiaires, etc., dont les compétences, etc., ne sont pas reliées à un diplôme mais à d'autres types de qualification, qui ont été le plus rajustés.

La Présidente (Mme Morissette): Il reste à peine 30 secondes, Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais: Écoutez, je ne veux que l'utiliser pour vous remercier de votre je ne dirai pas «entêtement», parce qu'il y avait quand même de la complicité un peu partout, mais de votre ténacité à appuyer l'équité salariale et sa loi.

Mme Rose-Lizée (Ruth): Si vous me permettez un dernier mot, je voulais dire que la commission fait un rôle très important d'éducation et de promotion, et nous en sommes conscientes et nous pensons que ça devrait continuer. Aussi, elle subventionne le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail pour aussi faire de la promotion. Mais un service juridique, ce serait plus comme l'aide juridique, donc ça donnerait un autre type de service à des femmes qui voudraient faire valoir leurs droits.

La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Donc, on va suspendre les travaux de la commission pour l'heure du lunch. On reprend à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

 

(Reprise à 14 h 1)

La Présidente (Mme Morissette): Alors, rebonjour tout le monde. Nous allons débuter. On m'informe que la députée d'Hochelaga-Maisonneuve va nous rejoindre un peu plus tard, donc on ne l'attendra pas pour débuter avec le groupe qui est devant nous. Donc, il s'agit du Syndicat professionnel des diététistes et nutritionnistes du Québec et Association des nutritionnistes du Québec. C'est bien ça? Parfait. Je voulais juste vous rappeler de bien vouloir fermer la sonnerie de vos téléphones cellulaires. Je vous rappelle que la commission est réunie pour tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale à l'égard du rapport du ministre du Travail sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'équité salariale.

Alors, le mode de fonctionnement est que vous disposez de 15 minutes pour nous présenter votre mémoire, ensuite les différents groupes parlementaires auront des blocs de temps pour vous adresser leurs questions. Donc, si vous voulez ? je ne sais pas qui va parler ? vous présenter, présenter la personne qui vous accompagne, puis vous disposez de 15 minutes.

Syndicat professionnel des diététistes
et nutritionnistes du Québec (SPDNQ)
et Association des nutritionnistes
cliniciens du Québec (ANCQ)

Mme Péloquin-Antoun (Claudette): D'accord. Alors, Mme la Présidente, Mmes, MM. les commissaires, nous vous remercions de nous permettre de nous faire entendre. Alors, ma collègue, Mme Diane Ménard, elle est responsable du dossier d'équité salariale pour les diététistes nutritionnistes depuis plusieurs années. Alors, moi, je suis Claudette Péloquin-Antoun, la présidente du Syndicat professionnel des diététistes et nutritionnistes du Québec ainsi que de l'Association des nutritionnistes cliniciens du Québec.

Alors, je voulais, au début, vous statuer qu'il est clair pour nous que la Loi sur l'équité salariale a permis de corriger certaines inéquités. Toutefois, l'exemple de diététistes nutritionnistes mérite d'être cité pour démontrer que, tout en étant syndiqué, avec un employeur bien au courant de la loi puisqu'il s'agit du gouvernement du Québec, il est encore possible que la loi ne soit pas respectée et que la discrimination pour un petit groupe à très forte prédominance féminine persiste. Alors, Mme Ménard et moi, nous avons de l'expérience en évaluation d'emploi. Nous avons été formées à la CEQ à la fin des années quatre-vingt. On était en entente de service avec eux, et puis on a procédé aussi à l'évaluation d'emplois en 1994, 30 emplois de diététistes nutritionnistes.

Alors, le Syndicat professionnel des diététistes et nutritionnistes du Québec fait partie des syndicats qui devaient disparaître suite à l'application de la loi n° 30. Alors, en 2001, au 21 novembre 2001, le SPDNQ représentait 92 % des diététistes nutritionnistes du Québec, dont toutes les nutritionnistes des centres hospitaliers. L'Association des nutritionnistes cliniciens du Québec, c'est une association professionnelle qui a été fondée en 2005 pour continuer de représenter les diététistes nutritionnistes et contribuer au perfectionnement professionnel.

Alors, diététistes et nutritionnistes, ça signifie la même chose, c'est-à-dire que c'est la même personne, obligation d'appartenir à l'ordre professionnel, et le titre de nutritionniste est réservé depuis 1994. Alors, les diététistes nutritionnistes travaillent majoritairement dans les centres hospitaliers, mais ils travaillent également dans les CLSC, dans les centres de réadaptation et en fait dans les CHSLD, également. Alors, c'est pourquoi il y a 80 % des nutritionnistes qui travaillent dans les centres hospitaliers. Alors, c'est un peu comme les infirmières, donc une évaluation d'emploi ou un processus d'équité salariale. L'application d'un programme sans tenir compte des diététistes des hôpitaux, bien ce serait un non-sens si on pense pour les infirmières, alors c'est aussi un non-sens pour les diététistes nutritionnistes.

Alors, je veux faire un peu une distinction entre nutrition publique, nutrition clinique. Alors, nutrition publique ? c'est la promotion, prévention ? s'exerce plus dans les CLSC puis dans le réseau de l'éducation. La nutrition clinique s'exerce aussi dans les CLSC, mais c'est surtout dans les centres hospitaliers qu'elle s'exerce parce qu'il y a moins... En fait, les services de nutrition clinique, dans les CLSC, en 2001, il y en avait très peu, on a fait des enquêtes pour le prouver. Alors, c'est dans les soins à domicile ou les services courants, qui sont comme des cliniques externes.

Alors, ce que ça fait, une diététiste nutritionniste, pour vous mettre un peu dans le contexte parce que les gens ne savent pas vraiment, je n'irai pas en détail, là, mais c'est... juste l'évaluation d'abord d'un patient, donc il faut une recherche de données, un examen clinique. Il y a de l'analyse et de l'interprétation des données. Il y a la détermination du plan de traitement nutritionnel, incluant la voie d'alimentation. Alors, il y a aussi du suivi, donc évaluer la réponse au traitement et faire les ajustements nécessaires. Alors, c'est soit le médecin soit la nutritionniste qui exerce ces fonctions-là dans les hôpitaux ou ailleurs, alors c'est important de le noter.

Et il y a eu des activités qui ont été réservées aux nutritionnistes avec la loi n° 90, et il faut préciser que ça a été en 2003, mais c'est sur la base de données de 2001. Le rapport d'étape du groupe de travail ministériel avait bien indiqué qu'il fallait que la majorité des personnes membres de l'ordre effectuent ces activités pour avoir des activités réservées, donc on se situe toujours en 2001 que ces activités-là avaient pris cours.

Alors, ce qu'on dit essentiellement dans notre mémoire, c'est qu'avant la Loi sur l'équité salariale les professionnelles de la santé à prédominance féminine, dont les diététistes nutritionnistes, ont été empêchées de prouver la discrimination dont elles faisaient l'objet, malgré que les travaux avaient débuté à la Commission des droits de la personne, parce que le gouvernement a coupé les fonds nécessaires à la poursuite des travaux. Alors, c'est pages 7 et 8 de notre mémoire.

Dans la fonction publique, ils ont été plus chanceux, ils ont pu poursuivre les travaux, et il y a un jugement qui a été rendu, en 1997, disant que l'emploi de diététiste était discriminé. Alors, la chance... les diététistes n'ont pas eu, en santé et services sociaux, de se faire reconnaître la discrimination.

Et aussi le Conseil du trésor, après le dépôt des plaintes en 1981, les plaintes de la fonction publique, il avait fait disparaître le titre de diététiste dans la fonction publique, qui a été inclus dans d'autres types d'emplois plus rémunérateurs. Alors, il y a eu aussi avant... je parle toujours avant la Loi sur l'équité, il y a eu des rangements qui ont été établis par le gouvernement au début des années quatre-vingt-dix. Alors, le gouvernement avait établi des rangements pour la fonction publique, et, pour la santé et services sociaux, aucune évaluation d'emploi n'avait été faite. Et ça a été vraiment fait de façon arbitraire, et le Conseil du trésor avait donné un rangement inférieur aux diététistes nutritionnistes, inférieur à tous les professionnels de la santé.

Alors, ce qui est arrivé, c'est que le Syndicat des diététistes, qui est un syndicat indépendant, n'a pas accepté ce rangement. Alors, je veux préciser, pour ceux qui sont moins familiers avec les rangements, que les rangements indiquent la valeur d'un emploi puis ça correspond à des échelles de salaire. Alors, ce qui est important, c'est que... Aussi, ce qu'on avait observé à cette époque-là, c'est: toutes les fonctions cliniques avaient été ignorées, comme si elles n'existaient pas.

Alors, l'entrée en vigueur de la loi. Alors, il y a eu trois mises en oeuvre, si on peut dire. Alors, il y a eu une première mise en oeuvre, c'était en 2001, les travaux qui ont débuté. Alors, il y a eu la création de l'intersyndicale. Alors, il y avait aussi la création d'un comité des syndicats indépendants duquel le SPDNQ faisait partie. Alors, il y a eu des travaux, il y a eu des évaluations d'emploi qui avaient été faites à cette époque-là.

Après ça, il y a eu, en 2004, une deuxième mise en oeuvre, et là c'était avec les programmes distincts. Alors, le SPDNQ a demandé un programme distinct. Toutefois, à cause de la loi n° 30, le gouvernement ne voulait pas commencer des travaux dans un comité avec le SPDNQ jusqu'à ce que la Commission de l'équité salariale se prononce. Alors, à la page 11, vous allez voir un extrait de la lettre de la présidente de la Commission de l'équité salariale qui dit que les syndicats qui existent toujours, c'est la situation au 21 novembre 2001.

Alors, par la suite, il y a eu une troisième mise en oeuvre. Je voulais mentionner aussi que les travaux, même si le comité a commencé en janvier 2006 suite à la lettre de la présidente de la commission, il y a eu arrêt des travaux en mars 2006, lorsque le nouveau représentant du Conseil du trésor a été nommé. Alors là, il y avait une troisième mise en oeuvre. Nous, on a été informés dès le début qu'il fallait régler l'équité salariale pour le 15 juin.

Alors, la situation qui prévalait au moment où il y a eu la nomination, donc on se situe au mois d'avril 2006: alors, il y avait des travaux qui étaient avancés à l'intersyndicale, le comité fonctionnait depuis 2002. Pour les professionnels de la santé, il y avait plusieurs types d'emploi qui n'étaient pas évalués. Pour les diététistes nutritionnistes, il n'y avait aucun questionnaire rempli par des diététistes nutritionnistes des hôpitaux. Alors, c'était la même situation, là, au 1er juin 2006.

n(14 h 10)n

Alors, comme le temps pressait, alors les modifications à la loi qui ont eu un effet... je veux dire, qui n'a pas été... ça n'a pas sorti du tout dans les journaux, mais c'est que ça enlevait définitivement la possibilité aux professionnels de se comparer aux professionnels de la fonction publique là où on retrouve les professionnels à prédominance masculine. Quand je parle de professionnels, je l'ai mentionné dans le mémoire, c'est qu'on parle de diplômés universitaires. C'est qu'en même temps, comme il y avait un seul programme, tout le monde devait adhérer au programme de l'intersyndicale qui avait déjà fait ses travaux, là, depuis 2002.

Alors, là où on le cite aussi à la page 13 de notre mémoire, c'est qu'il y a eu, suite à l'établissement d'un seul programme, il y a eu une nomination des membres du comité d'équité salariale ? alors à la page 13. Donc, la loi est très claire: il faut que les salariés soient représentés. Alors, même ceux qui ne sont pas syndiqués ont droit de nommer un représentant. Donc, en fait, le SPDNQ a complètement été écarté de la nomination d'un membre au comité. On l'a écrit bien clairement à la page 14. Alors, on a été tout à fait écartés du processus. Il n'y a pas eu de... on ne nous a pas demandé d'opinion. Ça a été le représentant de la CSD qui a été nommé unilatéralement par le Conseil du trésor.

Il y a aussi une règle qui a changé. C'est que le comité, comme le temps pressait, il a établi une règle de la majorité. Alors, je vais lire un extrait d'un des syndicats qui étaient membres du comité, qui parle de la règle de la majorité. Alors, ce qui est dit: «La règle générale pour la prise de décision concernant l'évaluation des catégories d'emplois est le consensus. À défaut d'un consensus, c'est le vote exprimé par l'organisation qui représentait la majorité des salariées de la catégorie concernée le 21 novembre 2001 qui prévaudra.»

Alors, c'est un extrait d'un document sur l'équité salariale qui a été distribué partout par l'APTS, qui faisait partie du comité d'équité salariale. Alors, qu'arrivait-il pour les diététistes nutritionnistes, du fait que la majorité au 21 novembre 2001, c'était le Syndicat professionnel des diététistes et nutritionnistes qui la détenait? Alors, comme je vous l'ai dit, il a été exclu totalement du processus. Donc, il n'a pas eu un mot à dire, et les choses se sont déroulées vous allez voir comment.

Alors, les résultats. Il y a eu un premier affichage le 6 juin. Nous, on a demandé des renseignements, qu'on n'a jamais obtenus. Donc, on s'est adressés au Conseil du trésor par la Loi d'accès aux documents des organismes publics. Et on a appris que, le 8 juin, il y avait eu un dépôt de cotes consolidées, patronales et syndicales, le 8 juin. Le 9 juin, nous avons été informés qu'il y avait eu une entente de principe. Alors, vous voyez, la loi a été changée le 25 mai; le 26 mai, la création du comité qui exclut totalement les diététistes nutritionnistes. Donc, la loi n'a pas été respectée. Et ensuite il y a ces dépôts de cotes consolidées et l'entente de principe le 9 juin.

Et, pour sauver les apparences, il y avait eu... Comme je vous l'ai dit, il n'y avait aucun questionnaire rempli par les hôpitaux, il y a eu une demande qui a été faite à quelques diététistes des hôpitaux de remplir des questionnaires le 7 et le 8 juin, et, le 8 juin, il y a eu dépôt de cotes consolidées. Alors, on peut se poser la question: Quand l'évaluation d'emploi a-t-elle eu lieu? Et il y en a qui ont rempli même par la suite, le 12 et le 14 juin... Ces personnes-là qui avaient rempli un questionnaire de 45 pages se sont fait dire: Bien, trop tard, on regrette, ce sera pour une prochaine fois. Ça a été dit par la CSN.

Alors, ce qui est arrivé: les résultats sont sortis le 20 juin par les syndicats. Alors, la CSQ a sorti un rangement 20 pour les deux catégories de diététistes; l'APTS et la CSN a sorti 20 et 21. Alors, déjà, pourquoi pas le même rangement? Il faut dire que, point de vue salaire et point de vue discrimination, c'est que, que ce soit rangement 20 ou rangement 21, ça ne donne absolument rien comme correctif salarial, alors ça ne signifie absolument rien. Alors, il faut minimalement pour les professionnels un rangement 22 pour qu'il y ait déclaration de la discrimination et versement d'un correctif.

Alors, le rangement 22, là, il ne faut pas se méprendre, c'est que ça ne ressemble pas au rangement 22 qu'il y avait quand il y a eu des rangements qui ont été faits au début des années quatre-vingt-dix. Le rangement 22, c'est seulement pour l'exercice de l'équité salariale et c'est à peu près comme 6 % de moins que le rangement 22 des ingénieurs de la fonction publique.

Alors, le deuxième affichage qui a eu lieu en août, alors c'était 20 et 21, la même chose qu'il y avait eu précédemment. Alors, nous, on a fait enquête plus approfondie par la suite et on a eu quand même des choses intéressantes qu'on vous a révélées dans le mémoire.

Alors, le comité peut-il attribuer des cotes et donner un rangement sans procéder à une évaluation? Alors, la réponse qu'on a trouvée, c'est oui. Alors, c'est sûr que c'est de l'arbitraire. Et, nous, on a mandaté des personnes pour questionner aussi les organisations syndicales. Et les gens, ce qui a été dit en fait par une membre du comité, c'est qu'il était minuit moins une, ils n'avaient pas le temps d'évaluer les emplois des hôpitaux, le comité n'avait pas le temps d'évaluer les emplois des diététistes des hôpitaux. D'ailleurs, il y a d'autres emplois qui n'ont pas aussi été évalués.

Pour le prouver, nous, on a regardé quand même dans les cotes mais les cotes nous étaient refusées, nous avons obtenu les cotes officiellement en avril 2007. Avant ça, il y avait un salarié qui avait pu les obtenir et c'est comme ça que... Alors, des pages 17 à 22, vous allez voir, là, les irrégularités. Alors, le comité avait convenu de consensus et qu'il n'a pas respecté du tout lorsqu'il a fait l'évaluation d'emploi, entre autres la responsabilité de supervision. Vous allez voir que les groupes à prédominance masculine cotent plus que les techniciens de 1, de 2 ou de 6 points, alors que, nous, c'est le contraire, les diététistes nutritionnistes, on cote moins qu'un technicien en supervision, alors que, dans les hôpitaux, on supervise les techniciennes en diététique.

Alors, le maintien, ça va être un maintien pour nous ? quand il n'y a pas de correction de la discrimination ? qui ne fera que perpétuer la discrimination. Alors, c'est sûr que, pour nous, c'est un grand sentiment d'impuissance qu'on a. Je veux dire, pour nous, c'était toujours que l'équité, ça signifiait la justice, mais on a constaté que ce n'était pas ça.

Alors, c'est certain qu'on considère qu'il faudrait renforcer les pouvoirs de la commission, donner les moyens à la Commission de l'équité salariale d'agir. Il faudrait aussi qu'il y ait un peu plus de transparence de la part du comité, et les... Puis le comité, selon la loi, il n'est pas tenu ? comme quelqu'un du Conseil du trésor nous a dit ? de répondre aux questions. Merci.

La Présidente (Mme Morissette): Bravo, mes signes étaient suffisamment discrets pour vous donner une idée. Parfait. Alors, on va passer tout de suite au bloc de temps du côté ministériel. Alors, M. le ministre.

M. Whissell: Eh bien, bonjour, mesdames. Merci d'être avec nous. Tout d'abord, Mme la Présidente, vous permettez de faire un commentaire à l'attention des parlementaires qui sont avec nous dans cette commission, à l'effet que le groupe qui est devant nous à déposé une plainte contre le gouvernement du Québec et devant la Commission de l'équité salariale suite au Règlement sur l'équité salariale qui est survenu en 2006 au niveau du gouvernement. C'est important de le préciser. D'ailleurs, la commission n'a pas rendu de décision à cet égard.

Je me permets aussi de souligner que les trois commissaires, la présidente et les deux vice-présidentes sont avec nous. Donc, je voudrais... que ce serait que nos collègues soient très diligents dans leurs propos pour ne pas influencer à la fois les commissaires, mais également que ça n'ait pas d'impact sur une décision qui sera rendue éventuellement. Mais vous êtes avec nous, alors ce sera intéressant de profiter de l'occasion pour vous entendre sur les réactions suite au dépôt du document en 2006 et les six pistes de solution.

Si on se projette vers l'avenir, comment pouvons-nous améliorer l'équité salariale au-delà de la cause que vous plaidez et que vous défendez? Comment voyez-vous, là, par rapport à une bonification éventuelle de la loi et de l'application, là, dans le fond, des pistes de solution qui sont présentées dans le document?

Mme Péloquin-Antoun (Claudette): Alors, c'est qu'il faudrait.... Je ne sais pas si, vous, vous avez... Lorsque la loi n'est pas respectée, alors, comme dans la nomination des membres du comité, est-ce qu'il y a des recours? Donc, il n'y a aucun recours possible, je veux dire, à moins d'avoir beaucoup d'argent et de pouvoir entreprendre des poursuites. Mais il n'y a pas de recours pour la question du fait qu'il n'y ait pas de respect de la loi dans la nomination des membres d'un comité. Alors, je pense que c'est un élément important, dans la loi, de possibilité d'avoir des recours.

Également, c'est le manque de transparence du comité. Nous, on a adressé 19 questions au comité en juillet 2006, il n'a jamais répondu. Et ce qu'on s'est fait dire, c'est qu'il n'est pas tenu par la loi de répondre aux questions. Alors, c'est un manque de transparence évident. Alors, quand on demande des choses, quand est-ce qu'il y a eu l'évaluation ou des choses comme ça, que les gens ne répondent pas... On ne parle pas de manquer à la confidentialité à laquelle le comité est soumis, mais tout simplement de répondre à des question, là, qui sont élémentaires, je veux dire, dans un processus en cours. Alors, je pense que c'est dans les améliorations qu'il y aurait possibilité... ça fait partie, cette mention-là.

C'est pour ça que, nous, on considère que c'est important... et aussi pour la Commission de l'équité salariale, on sait très bien que la commission n'a pas beaucoup de ressources, que ce soient les ressources financières ou les ressources humaines, alors je pense que c'est important aussi de mettre... Parce que ce n'est pas tout de dire: Ah! on a réalisé l'équité salariale. Et, nous, on s'est bien fait dire par le gouvernement que c'était le temps des festivités et puis qu'ils étaient bien contents d'avoir réalisé l'équité salariale. C'est vrai, en deux semaines, c'est un record, il faut le dire. Et puis c'est pour ça que, nous, on pense qu'il devrait y avoir du sérieux mais vraiment du sérieux par rapport à l'application de la loi et il devrait y avoir des mesures qui soient prises pour que, dans la loi, il n'y ait pas de faille pour permettre des écarts comme il y en a eu dans notre cas.

M. Whissell: Qui forme le comité actuellement qui vous touche? Vous, vous avez un comité. Vous dites, le comité, vous leur avez posé...

M. Therrien: Je pense que le ministre a souligné qu'on était en cour d'instance. Est-ce qu'on ne rentre pas trop dans des détails qu'on est en train de faire le procès ici, là?

n(14 h 20)n

Mme Péloquin-Antoun (Claudette): Bien, le comité, c'est le comité selon la loi, là. Vous avez, à la page... de notre mémoire, on a même rapporté, là, la loi, les changements, les modifications qui ont eu lieu à la loi. Et il y avait pour la nomination... le comité d'équité salariale, quand vous avez un seul programme, vous avez un seul comité. Alors, il y avait, avant, des programmes distincts. La fonction publique peut continuer les programmes distincts, mais la santé et les services sociaux, on ne peut pas continuer les programmes distincts, on a un seul programme.

Alors, le seul programme, il y a un comité et c'est la nomination des membres de ce comité, parce que la loi, elle est très claire et on le cite, dans notre mémoire, que la loi, elle est très claire, à la page 24. C'est que la loi, pour la nomination des membres du comité... Alors, c'est qu'il faut que les salariés soient représentés, c'est élémentaire. Alors ça, on n'a pas fait cas de ça. Il y a eu une nomination unilatérale par le gouvernement, c'est ce que je veux dire.

M. Whissell: O.K. Bien, je vous remercie. Moi, je n'ai pas d'autre question.

M. Tomassi: Non, non, aucune... aucune...

La Présidente (Mme Morissette): Ça met fin au bloc de temps du côté ministériel.

M. Tomassi: Oui. Aucune question, seulement pour dire que, dans votre métier, vous auriez des bons candidats ici.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Morissette): Alors, on va passer au bloc de temps du côté de l'opposition officielle. M. le député de Terrebonne.

M. Therrien: Le ministre a déjà commencé.

M. Whissell: Je vous suis...

M. Therrien: D'entrée de jeu, vous dites que la loi a été utile, mais par la suite vous dites que le comité n'a pas rendu les décisions qui faisaient unanimité chez vous. Si on regarde les comparatifs avec d'autres provinces, les écarts sont sensiblement semblables avec les résultats que l'on retrouve au Québec, sans qu'il y ait de loi qui précise justement l'équité salariale. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

Mme Péloquin-Antoun (Claudette): Bien, je pense que les... contester la décision, là, qui ne fait pas... comme si ça ne faisait pas notre affaire, c'est ça qu'on conteste, je pense, ce n'est pas tout à fait ça. Si toutes les choses avaient été faites dans les règles et qu'ils arrivent à des conclusions... ce qui aurait été, je veux dire, très surprenant et impossible, alors c'est sûr qu'on aurait respecté la décision. Mais on a fait état, et on en fait état dans le mémoire, d'une série d'irrégularités et de non-respect de la loi finalement qui fait en sorte que les... Alors, est-ce que ça précise un peu plus ou vous voulez me répéter votre question?

M. Therrien: Non, c'est bien. Autre question. Lorsqu'on vous écoute, on comprend assez clairement que la démarche est très complexe donc à mettre en place, un programme d'équité salariale. J'aimerais vous entendre à ce sujet.

Mme Péloquin-Antoun (Claudette): Pour mettre en place un comité?

M. Therrien: La complexité de la démarche complète.

Mme Péloquin-Antoun (Claudette): Non, la complexité... Bien, c'est sûr que, je veux dire, les démarches, c'est d'abord d'identifier les prédominances, donc l'affichage; le premier affichage indique les prédominances. Alors, c'est sûr que, pour nous, il n'y avait pas de... Je veux dire, c'était difficile de dire qu'on était à prédominance masculine, là. Mais c'est ça, c'est que... alors donc, la prédominance, les catégories d'emploi. Alors, c'est sûr que l'identification des catégories d'emploi... Même là-dessus, je peux vous dire que, puis on le souligne dans notre mémoire, même là-dessus, il y a eu aussi des irrégularités. Ils ont fait une catégorie d'emploi pour deux personnes dans le réseau de l'éducation, ce qui est un non-sens, là. Ils ont fait une catégorie d'emploi pour deux personnes, alors que c'est de considérer la majorité, donc le secteur parapublic, là, et de le garder dans son ensemble. Mais non, ils ont fait une catégorie d'emploi pour deux personnes de l'éducation.

Alors, par la suite, vous avez l'échantillonnage représentatif, alors un échantillonnage représentatif, donc il faut regarder ou est-ce que travaillent les gens dans les milieux. Alors, c'est sûr que, que ce soit pour les infirmières, que ce soit pour les diététistes et nutritionnistes, ce sont les hôpitaux. Alors, au 1er juin, il n'y avait même pas un seul questionnaire, dans les hôpitaux, pour le comité d'équité salariale. Mais c'est sûr que le comité d'équité salariale, d'ailleurs il l'a dit dans le premier affichage, il y avait beaucoup de travaux qui étaient entrepris dans le passé et puis ils ont continué, tout simplement. Ils avaient fini pour beaucoup de titres d'emploi, et c'est pour ça qu'il y avait des consensus qu'on a pu retracer, nous, en faisant toute la recherche finalement des cas qui avaient été donnés par le comité. C'est certain qu'il faut d'abord que les gens du comité lisent les questionnaires pour pouvoir évaluer un emploi. Mais on sait que le comité a confié à un sous-comité technique l'évaluation des emplois, mais le sous-comité technique ne comprenait pas tous les représentants qui étaient nommés au comité. De toute façon, comme je vous ai dit, le temps pressait, là. Alors, ce qui était important, c'est d'en finir au plus vite. Et c'est sûr que ça a eu l'aval des grandes organisations syndicales, bien entendu.

M. Therrien: Donc, ce que vous dites puis ce qu'on peut retenir de tout ça, c'est que la démarche d'équité salariale n'est pas complètement objective, il y a une part d'arbitraire et de subjectivité quand on parle de rangement et de l'attribution d'une cote.

Mme Péloquin-Antoun (Claudette): Oui. On peut très bien décider d'un rangement, comme ça a été notre cas, puis d'arriver pour que les cotes fonctionnent, sauf qu'il faut aussi, je veux dire... Donc, s'ils l'avaient fait pour tout le monde, ce serait difficile de démontrer qu'il y avait des consensus. Mais ça n'a pas été fait pour tout le monde parce qu'il y en a qui avaient eu le temps d'avoir leur évaluation d'emploi depuis 2002. Alors, c'est pour ça que, nous, on a été capables de dégager les consensus. Et, quand on arrive avec des consensus à l'effet que plus vous avez le diplôme... puis, si vous avez un baccalauréat, vous avez la mise à jour des connaissances, ça prend une cote plus forte qu'un groupe de techniciens. Nous, on a eu la même cote que les groupes de techniciens, et c'est ainsi dans une série de sous-facteurs, je peux vous dire.

M. Therrien: Merci. Terminé.

La Présidente (Mme Morissette): Ça met fin du côté de l'opposition officielle. Alors, du côté du deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais: Merci, Mme la Présidente. Mme Péloquin, Mme Ménard, bienvenue. Évidemment, ma collègue la députée d'Hochelaga-Maisonneuve est désolée de ne pouvoir être avec vous. Elle est à une autre commission en ce moment, sur la charte, l'égalité des hommes et femmes. Mais elle serait évidemment très intéressée à vous entendre, elle a le mémoire entre les mains.

Je remarque que... Dans le fond, ce que vous nous dites ? vous me direz si je me trompe dans ma compréhension de votre présentation ? c'est que dans le fond, cette loi, vous y teniez, vous l'attendiez.

Mme Péloquin-Antoun (Claudette): Tout à fait.

Mme Maltais: Ce plaidoyer que vous faites n'est pas contre la loi ou contre la commission, mais il est bien sur un résultat qui finalement ne vous permet pas de réaliser ce rêve tant attendu de l'équité.

Mme Péloquin-Antoun (Claudette): Tout à fait exact, je peux vous dire.

Mme Ménard (Diane): Bien, parce que le processus semble avoir été un peu...

Mme Maltais: O.K.

Mme Péloquin-Antoun (Claudette): Bien, il n'y a pas eu de respect de la loi.

Mme Ménard (Diane): C'est ça.

Mme Maltais: Oui.

Mme Ménard (Diane): Ce n'est pas tellement parce qu'on n'a pas eu les résultats escomptés, mais c'est qu'on pense qu'on n'a pas été évaluées tel que la loi le prévoit, disons.

Mme Péloquin-Antoun (Claudette): C'est-à-dire, le résultat... C'est-à-dire qu'on n'a pas eu... Ça ne met pas fin à la discrimination pour nous, parce que c'est arbitraire, les cas qui nous ont été donnés, c'est clair.

Mme Maltais: Mais votre commentaire, à ce que je comprends, il est bel et bien sur... Quand je dis que le résultat n'est pas à la hauteur de vos attentes, c'est parce que justement vous dites: C'est dans l'application qu'il y a eu à votre avis... Parce que, là, évidemment, on tombe devant une cause, là, devant un dossier devant lequel il y a plainte. Mais à votre avis c'est dans l'application qu'il y a eu problème. Mais votre énoncé n'est pas contre la loi, il est au contraire pour une meilleure application de la loi.

Mme Ménard (Diane): Tout à fait.

Mme Péloquin-Antoun (Claudette): Tout à fait. On l'a dit d'ailleurs tout à l'heure, c'est de renforcer, je veux dire, aussi les pouvoirs de la commission à la loi et puis de faire en sorte que la loi corrige les écueils qu'on a identifiés: alors, comme on a dit, la transparence du comité, l'obligation du comité ? sans, je veux dire, qu'il y ait de briser la confidentialité ? de répondre, en fin de compte, aux gens qui ont des questions. Parce que c'est sûr que, nous, on connaît le système d'évaluation d'emploi, on a déjà fait l'exercice. C'est certain que les gens, je veux dire, dans la population, puis encore plus dans les entreprises privées, qui ne connaissent rien, c'est sûr que, pour eux, je veux dire, c'est une montagne parce que c'est très complexe, là, c'est sûr, la question de tout à l'heure. C'est vrai que c'est un système, c'est très complexe.

Sauf qu'il y a des méthodes, il y a des étapes, si l'on peut dire, là. Puis, si ces étapes-là sont faites sans respect de la loi et puis que c'est tout, c'est correct, le dossier est fermé, ça finit là, on a réglé l'équité, bien, nous, ce qu'on est venus dire, bien, c'est que, oui, une loi sur l'équité salariale, il en faut une, il faut que la commission ait des pouvoirs, qu'elle ait les ressources, tout ça, mais il faut aussi en plus s'assurer que ce qui est arrivé dans notre cas, ça n'arrive plus. C'est ça qu'on vient dire, là. Ce n'est pas qu'on vient se plaindre, là. Et puis, en parlant de plaintes, il y a eu 1 000 plaintes de déposées et non pas une plainte, là, alors il y a eu 1 000 plaintes de déposées par des diététistes nutritionnistes à la Commission de l'équité salariale, et non pas une seule sur 1 376 personnes, tel qu'indiqué.

Mme Maltais: Le plaidoyer que vous faites va finalement dans le sens du rapport du ministre, qui dit aussi qu'il faut se pencher sur le maintien de la loi et donc même sur parfois une révision de ce qui s'est passé dans le passé. Parce qu'on a eu des groupes qui sont venus ici faire des plaidoyers pour que d'abord on enlève des pouvoirs à la Commission de l'équité salariale, qu'on les remette à la Commission des relations du travail. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

Mme Péloquin-Antoun (Claudette): Ah non! pas du tout d'accord là-dessus. Moi, je pense que, la commission, c'est nécessaire qu'il y ait la Commission de l'équité salariale. Nous, on en est persuadés. Mais c'est qu'il faut qu'ils aient les moyens et les ressources pour pouvoir agir. Je pense que c'est ça qui est important. Et puis c'est beau, ça, c'est comme, vous savez, dans le temps, il y avait la Commission des droits de la personne, elle est toujours là, la Commission des droits de la personne. On a empêché la commission d'agir en coupant les fonds. Alors, c'était: elle n'a pas pu réaliser. Bien là, on se retrouve presque dans une situation... Bien, je veux dire, je ne connais pas les finances de la Commission de l'équité salariale, mais tout ce que je sais, c'est qu'ils ont peu de ressources.

n(14 h 30)n

Alors, moi, je pense que, si on veut réaliser l'équité salariale, ce n'est pas tout d'avoir une loi. Oui, il en faut une, loi, mais il faut plus que ça. Donc, il faut une Commission de l'équité salariale avec des pouvoirs réels et qu'elle soit capable d'agir. Et, moi, c'est sûr que je suis bien d'accord pour maintenir la Commission de l'équité salariale, il n'y a aucun doute là-dessus, et ma collègue la même chose.

Mme Maltais: L'autre demande qui va un peu aussi à l'encontre du rapport mais qui nous a été faite par des organisations patronales surtout était à l'effet de ne pas aller dans le sens du maintien de la loi, c'est-à-dire de pouvoir retourner derrière des classifications qui auraient été faites ou derrière des ajustements qui auraient été faits. Je pense que votre plaidoyer va aussi dans le sens de: il faut se permettre d'aller voir ce qui s'est passé dans le passé.

Mme Péloquin-Antoun (Claudette): Bien, c'est-à-dire que pour améliorer, pas pour enlever. Puis aussi familiariser les gens avec les processus d'évaluation d'emploi. Je veux dire, c'est tellement complexe. Moi, je pense que c'est pour ça que, quand les gens remplissent un questionnaire, il faut bien les former avant. Ce n'est pas tout à fait écrit non plus, donc ça devrait être ça pour que les gens sachent qu'est-ce qu'ils doivent décrire en emploi de professionnel quand c'est complexe, là.

Vous savez, nous, on l'a fait, l'exercice, là. Ça prend minimalement, là, dans les 14 à 15 heures pour pouvoir écrire tous les détails, parce que les gens du comité, ils n'exercent pas nécessairement cet emploi-là. C'est sûr que ça facilite lorsque vous avez quelqu'un qui occupe l'emploi puis qui est dans le comité, c'est bien certain, ou des emplois, je veux dire, qui sont... bien, je dirais, presque vénérés parfois, c'est certain que ça, c'est plus facile pour le comité. Mais, quand c'est un emploi sur lequel il y a déjà des préjugés et des idées préconçues, comme le nôtre, c'est certain que, si vous n'avez pas le temps puis s'il n'y a pas de questionnaires qui vont donner de façon claire c'est quoi, les tâches...

Puis c'est très difficile, puis, nous, on l'a faite pas juste à une reprise, on l'a faite plusieurs fois, l'évaluation, et c'est ce que les gens nous disaient, c'est comment c'est difficile de tout écrire. Parce qu'autrement ce serait bien simple, on ne ferait pas remplir de questionnaire d'évaluation d'emploi, on donnerait une description d'emploi, comme vous avez souvent, et puis c'est à partir de ça qu'un comité pourrait décider, je veux dire, qu'est-ce que c'est, la valeur d'un emploi.

Mais je pense que... Puis pas juste ça, c'est qu'il faut bien réaliser une chose, c'est que, dans les sous-facteurs, les 17 sous-facteurs, il y en a un seul, des 17 sous-facteurs, qui est objectif. Tout le reste, c'est subjectif. Alors, à partir du moment où les gens n'ont pas de formation, de préparation avant de remplir un questionnaire, qu'ils ne savent pas trop vers où ils s'en vont puis... je veux dire, parce qu'on leur demande de remplir ça, puis... alors c'est certain qu'il y a des failles qui peuvent... il y a des injustices qui peuvent arriver.

Ça, c'est pour remplir le questionnaire, mais, quand il n'y a pas de questionnaire, bien là c'est encore pire parce que, là, on laisse complètement place aux préjugés que les gens ont déjà, puis il s'agit juste de décider des cotes, ou on décide d'un rangement qui ne donnera pas de correctif salarial, puis, à ce moment-là, on s'arrange pour que les cotes arrivent.

Alors, c'est sûr qu'il y a beaucoup de place à amélioration, mais il faut qu'on ait une loi sur l'équité salariale, c'est bien entendu.

Mme Maltais: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Morissette): Merci. Alors, ça met fin aux questions, si j'ai bien compris. Alors, parfait. Merci beaucoup. On va suspendre quelques minutes, le temps de vous saluer puis d'accueillir le groupe suivant.

(Suspension de la séance à 14 h 33)

 

(Reprise à 14 h 37)

La Présidente (Mme Morissette): Alors, on va commencer. J'avais le réflexe d'attendre encore la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, mais elle va quand même arriver à 15 heures. C'est bon. Alors, bonjour, bienvenue à M. Meloche. Donc, je pense que vous étiez là un peu plus tôt, vous savez la façon de fonctionner, donc je vous laisse tout de suite la parole pour vos 15 minutes de présentation. À vous.

Ressources humaines dans
l'entreprise RHDE inc.

M. Meloche (Gilles): Bonjour, Mme la Présidente, bonjour, M. le ministre, Mme la présidente de la Commission de l'équité salariale, les membres de cette commission. Mon nom est Me Gilles Meloche, je suis de formation avocat et je fais partie également de l'Ordre professionnel des conseillers en relations industrielles.

J'ai été le président d'Équité dans l'entreprise, une compagnie qui fut très active dans la réalisation de l'exercice de l'équité salariale. Ressources humaines dans l'entreprise, RHDE, dont je suis également le président, a poursuivi la mission de EDE et a assuré le suivi des dossiers. Ces entreprises ont connu et connaissent un champ d'activité dans différents domaines, tels que la pharmacologie, la foresterie, les produits alimentaires, l'hôtellerie, les communautés religieuses, la maison d'enseignement. Des fois, les gens peuvent se demander: Qu'est-ce que viennent faire les communautés relieuses? Je pourrai répondre à cette question un peu plus tard.

Nous avons lu avec intérêt le rapport du ministre du Travail, et, soit dit en passant, en plus de présider ces compagnies, j'ai moi-même été actif auprès des entreprises dans l'exercice de l'équité salariale. Nous reconnaissons que la commission a fait un travail important et que la loi a permis, malgré ses failles et les difficultés de son application, de faire un bout de chemin dans la réalisation de son objectif. Il faut maintenant assurer la pérennité de la loi, mais ni le gouvernement ni, par manque de moyens, la commission n'agissent en conséquence. Nous entendons en faire la preuve dans ce mémoire en établissant clairement que la volonté politique, premier élément tout à fait essentiel, n'y est pas.

Mme Christine St-Pierre, ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, affirmait dernièrement, en regard du projet de loi n° 63 modifiant la Charte des droits et libertés de la personne du Québec: «Ce projet de loi place l'égalité entre les femmes et les hommes au rang des valeurs fondamentales de la société québécoise. [...]Cette égalité est un pilier de notre société.» Suivant l'attitude qui sera adoptée par le gouvernement quant au rapport de novembre 2006 du ministre du Travail, nous saurons alors si le gouvernement joint le geste à la parole, s'il concourra à la mise en place d'une société plus juste. Une valeur, ça se vit. Quelle belle occasion est donnée au gouvernement de faire preuve de sa bonne foi en respectant de façon concrète cette valeur fondamentale.

Bien que cette loi ait reçu l'aval de tous les partis, l'absence de volonté politique est au coeur de toute la dynamique entourant son application. Une fois de plus, le gouvernement a cherché à sauver la chèvre et le chou.

n(14 h 40)n

La commission a beaucoup de fonctions, de travaux, ils sont multiples, que ce soit en information, en formation, en développement du matériel pédagogique et des outils, que ce soit dans les questions d'enquête, de conciliation. La commission n'a jamais eu et n'a pas les budgets requis pour réaliser pleinement son mandat ainsi que pour agir efficacement dans le cadre de ses fonctions et dans l'exercice de ses pouvoirs.

Comme ce fut le cas par le passé, c'est encore avec un retard considérable que la majorité du matériel pédagogique et des outils est toujours développée. Pour soutenir cette affirmation, nous n'avons qu'à vous référer au maintien de l'équité salariale. De plus, le nombre d'enquêtes que la commission effectue de son propre chef est ridiculement bas, soit environ 150 par année. La province comptait, au 21 novembre 2001, quelque 45 000 entreprises visées par la loi. À ce rythme, c'est à se demander si, un jour, les responsables des ressources humaines n'auront pas à retenir les services d'archéologues pour retracer les documents requis pour réaliser l'exercice d'équité salariale et son maintien. Nous convenons que cette dernière affirmation est très imagée et ferait les délices d'un caricaturiste, mais, au-delà de l'humour, le message demeure le même.

Selon la commission, environ 60 % des entreprises n'avaient pas encore, au 21 novembre 2001, déterminé les ajustements salariaux ou complété un programme d'équité salariale dans les quatre ans prescrits par la loi. Il a fallu six autres années pour réduire ce 60 % à près de 50 % toujours suivant les données de la commission. Il y a certaines enquêtes qui peuvent être questionnées, faites par la commission, et c'est ainsi qu'en effet, selon ces enquêtes, un tiers des entreprises auraient des ajustements salariaux à effectuer.

Dans un document du CIAFT, de la FFQ et ABE, on pouvait y lire: «Avec des résultats où les deux tiers des exercices se sont soldés par aucun ajustement pour les emplois à prédominance féminine, on ne peut conclure que ou bien la discrimination n'était pas aussi répandue que l'on pensait ou bien la loi comporte de [grandes] faiblesses qui réduisent de façon majeure son efficacité.» Et nous partageons l'opinion du CIAFT et des deux autres organismes à l'effet que justement il y a des lacunes au niveau de l'application de la loi.

Alors, si à ce 50 % qui aurait réalisé l'équité salariale nous soustrayons les deux tiers qui n'auraient aucun ajustement et dire: Bien, regardez à nouveau ou refaites vos devoirs, nous nous trouvons avec 17 % d'entreprises qui auraient complété de façon adéquate l'équité salariale et de ces 17 % nous croyons qu'au plus 7,5 % ont fait le maintien de façon adéquate.

Les entreprises de moins de 50 salariés ? et il s'agit là d'un des grands problèmes justement de la loi, qui a été de permettre que les entreprises de moins de 50 n'aient qu'à démontrer que l'exercice d'équité salariale n'est pas discriminatoire ? ces entreprises n'ont aucune obligation de retenir un outil d'évaluation ni de décrire ces emplois. Or, en ce qui concerne ces entreprises, si, à la satisfaction de la commission, elles ne démontraient pas que l'exercice a été fait de façon adéquate, nous pensons qu'il serait aussi simple de leur demander de le refaire ou de le faire avec l'aide du progiciel qui a été mis de l'avant par la commission.

Il n'y a aucune raison que les correctifs soient plus élevés dans les grandes entreprises que dans la petite. Il est peu probable que cette discrimination systémique ne se retrouve que dans les grandes entreprises, à savoir que nous ne croyons pas que la vertu va avec la minceur. Pour sa part, les résultats obtenus par EDE ou RHDE en ce qui a trait aux entreprises de 10 à 49 salariés sont inversement proportionnels à ceux de la commission, bien que ces deux firmes aient agi exclusivement à titre de consultants d'employeurs.

L'État n'a pas été un modèle en matière d'équité salariale et plusieurs employeurs s'en sont servis pour justifier leur indifférence et leur immobilisme. Les beaux discours clamant que les personnes salariées de l'État recevaient un jour leur dû ont passé sous silence que ces personnes avaient contribué à ce paiement par la diminution ou le gel de leur salaire et les jours de grève faits pour tenter d'obtenir justice. Le coût du maintien n'est pas inclus dans les sommes dues. Alors, il faut croire que le maintien viendra un jour. Qui sait? Une partie de l'économie ainsi réalisée par le gouvernement pourrait être versée au budget de la commission.

Cela ne pourra se réaliser, à savoir l'équité, ne pourra se réaliser sans contrainte, car il y aura toujours des récalcitrants ? jusqu'à maintenant, ils se sont révélés fort nombreux ? et sans tenir compte du maintien, qui semble presque inexistant.

La commission a voulu bien faire en utilisant la carotte au lieu du bâton, allant même jusqu'à en abuser. Le Québec est immense, mais le monde des employeurs est petit. Et c'est ainsi qu'étant sur le terrain j'ai vu plus qu'une entreprise... quelques entreprises, à ma connaissance personnelle, et même ça m'a été... et beaucoup d'autres qui m'ont été révélées, à savoir que l'on fait le programme d'équité salariale pour les syndiqués et l'on ne le fait pas pour les non-syndiqués, ou tout simplement on attend qu'un jour la commission viendra se poindre à la porte et, à ce moment-là, on verra qu'est-ce qu'on aura à faire.

Or, menacer d'utiliser le bâton n'est plus crédible. À force de crier au loup inutilement, il arrive bien souvent que l'effet escompté disparaisse. C'est ainsi que la commission a perdu énormément de crédibilité auprès des délinquants, qui se sont faits à l'idée qu'ils ne risquent rien, absolument rien à attendre le jour où ils seront soumis à sa vérification. Et, si, par un mauvais effet du hasard, l'une de ces entreprises était vérifiée, elle n'aura qu'à accepter sagement la carotte que lui tendra gentiment la commission. C'est la triste réalité.

La commission doit abolir sans délai ce régime de la carotte qui a nui à l'état de santé général de l'équité salariale. Comme il n'y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir, il ne reste alors que la contrainte. La commission s'est déjà permise de tousser, il y a hélas quelques années, dans le cadre d'une décision contraignante pour une grande entreprise. Cela avait aidé à réchauffer l'atmosphère en ce qui a trait aux entreprise qui ne carburent qu'avec un certain degré de menaces. Mais depuis, rien de bien signifiant.

Peu importent les motifs des employeurs qui transgressent cette loi, ils en sortent gagnants. Il est difficile de contredire, dans les circonstances, que défier la loi ne paie pas. Ces employeurs se partagent un pactole de plus de 75 millions au détriment des salariées, à raison d'un montant moyen de 750 $ dû à au moins 100 000 salariées. C'est à se demander si ne pas agir pour contraindre cet état de fait ne vient pas cautionner ceux qui le transgressent sciemment. Ainsi, si l'attitude de l'Assemblée nationale ne change pas de manière drastique, elle sera complice et caution, par son inertie, du non-paiement de telles sommes.

En ce qui a trait à l'affichage, quels que soient les motifs invoqués, il n'en demeure pas moins que l'information diffusée par la commission n'a pas atteint son objectif auprès d'un trop grand nombre de personnes salariées. L'information que les entreprises se doivent obligatoirement d'afficher est beaucoup trop rudimentaire, et ce, quelle qu'en soit leur taille. Il ne faut pas oublier que l'affichage s'adresse à des non-initiés.

L'inévitable rapport. Le rapport devient un incontournable et devra renseigner, à savoir qu'il faudrait que les entreprises fassent rapport. La commission devra déterminer par règlement la forme. Il est primordial que les entreprises comprennent le sérieux de cette exigence de la commission qui devra obtenir les budgets pour s'adjoindre le personnel requis pour faire l'analyse appropriée des documents. Il faudra sans doute embaucher des enquêteurs supplémentaires pour effectuer une importante quantité de vérifications.

Nous sommes conscients que cela entraînera une augmentation des budgets de la commission, mais la dépense est plus que justifiée, à moins que l'Assemblée nationale décide de mettre à contribution ces salariées en refusant d'agir tel que demandé. Ces salariées ne demandent pas la charité, mais elles ne font que valoir un droit qui leur est reconnu par les chartes.

Ces salariées sont à même de gérer leur argent sans que l'État ne les contraigne de force à perpétuer un mode de donation érigé en système et totalement discriminatoire. Ces salariées ont suffisamment fourni à la caisse du don de soi. Il est plus que temps que la société prenne la relève.

Or, lorsqu'une autorité veut remettre les pendules à l'heure, elle détermine un échéancier. Et il est plus que temps que la commission sonne la fin de la récréation et fixe une date butoir, qui pourrait être dans un an, un an et demi, à laquelle les entreprises sauraient que, dépassé cette date, pour n'avoir pas effectué le maintien ou l'équité salariale, elles seront sujettes à amende. Cette amende pour le non-respect d'un droit fondamental devrait être dissuasive afin de mettre un terme à cette arrogance face à une loi qui est d'ordre public.

C'est une injustice non seulement à l'endroit des personnes salariées concernées, mais aussi à l'égard des employeurs qui se sont conformés aux exigences de la loi. Après 10 ans, il me semble qu'il est légitime d'affirmer que la bonne foi ne se présume pas. Et je vous annonce que les employeurs ne sont pas des idiots, à savoir que, si un employeur, après tant d'années, n'a pas compris qu'à salaire égal pour travail équivalent... là, il y a un problème dans la bâtisse. Et nous avons même suggéré initialement en commission parlementaire, et nous le refaisons aujourd'hui, de rajouter pour les contrevenants une indemnité additionnelle telle que l'on retrouve dans le Code civil du Québec.

Les recours, en principe, oui, les gens en ont; en réalité, non. Plusieurs manifestent beaucoup de retenue, de peur, et se sentent intimidées et impuissantes, sans compter qu'elles se verront confrontées à un long processus. Or, c'est ainsi qu'après une période de conciliation, à laquelle je crois totalement et tout à fait, si le problème n'est pas réglé et que la commission aurait décidé d'agir, à ce moment-là il serait bon que les gens soient assistés d'un avocat ou d'une avocate et que la commission soit un tribunal administratif sous la même forme que le Conseil des services essentiels.

n(14 h 50)n

Quant au maintien, plus le temps passe, plus la tâche est et sera ardue. Nous pouvons en témoigner pour avoir assisté quelques entreprises à la réalisation du maintien de l'équité salariale. En matière de maintien, l'exercice demeure méthodique et laborieux. À cela s'ajoute de la périodicité. Selon l'expérience vécue, il me paraît beaucoup moins lourd de procéder au maintien de façon continue.

En conclusion, cette loi est à la croisée des chemins: la loi passe le cap ou elle meurt sans avoir atteint son objectif. Il n'est pas exagéré d'affirmer que jusqu'à maintenant cette loi n'aura été qu'une timide mise en application d'une philosophie dont l'État a désormais le devoir d'assurer la pérennité. Si l'État n'agit pas avec empressement, l'équité salariale n'aura été qu'un leurre, un simulacre, une illusion ou au mieux un embryon d'équité salariale.

Le Québec démontrera-t-il suffisamment d'humilité pour reconnaître cette situation et suffisamment de maturité pour apporter à la loi les correctifs qui lui permettront d'atteindre les buts nobles fixés au départ? Je vous remercie de votre écoute.

La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup, M. Meloche. Donc, on entame immédiatement le bloc de temps du côté ministériel. M. le ministre.

M. Whissell: Merci. Bonjour, M. Meloche. Merci de vous présenter à nous. Tout d'abord, vous parlez beaucoup de la notion d'imputabilité, hein, vous dites ? c'est vos propos ? que, si, en 2008, beaucoup d'entreprises n'ont pas réalisé encore l'équité, c'est qu'elles ne sentent pas justement que le gouvernement ou le législateur a fait en sorte qu'ils ont une obligation réelle de réaliser leurs exercices d'équité.

Comment voyez-vous justement que nous pouvons... Puis là permettez-vous de penser que la loi pourrait être modifiée à cet égard. Comment voyez-vous que l'imputabilité pourrait être augmentée, qu'il y ait une reddition de comptes de la part des employeurs relativement à l'exercice d'un processus d'équité?

M. Meloche (Gilles): Pour moi, il ne s'agit pas d'alourdir le processus. La loi, dans son ensemble, est une bonne loi. C'est tout simplement sa mise en application qu'il faudrait vérifier, à savoir que ? et on le sait très bien ? il n'y a pas assez de personnes à la commission, c'est aussi simple que cela. Si les entreprises... Et puis il y a aussi la question de la carotte et du bâton. Après 10 ans, il n'y a jamais eu une seule amende d'imposée à quelque entreprise. Or, les entreprises savent très bien que, si, un jour, par effet du hasard, elles se trouvaient à être choisies, elles n'auront qu'à, à ce moment-là, se plier au voeu de la commission qui les assistera. Quant aux autres, j'ai calculé que, si on faisait le tour au rythme de 150 entreprises par année, avec ceux qui s'en vont, les entreprises qui viennent, je pense bien qu'à peu près en 250 ans on pourra faire le tour des entreprises. Les entreprises le savent, c'est une question de loterie.

Or, si les entreprises se voyaient contraintes par le biais d'un rapport, qui ne serait pas complexe, qu'on leur demanderait des choses aussi simples que d'avoir peut-être la liste de leurs employés, justement à la date de 2001, par un questionnaire, si vous voulez, peu long, auquel on pourrait justement, avec les réponses, voir si l'équité a été faite ou pas... Quelqu'un qui n'est pas versé dans... qui n'a jamais regardé qu'est-ce qu'il en est de l'équité aurait bien de la difficulté à remplir ce questionnaire. Ou également on leur demanderait de nous fournir la documentation concernant l'affichage qui a été fait. Or, avec cet ensemble d'informations, déjà là, je pense que les entreprises... Et sachant également que ce rapport-là ne devrait pas être un rapport... ce n'est pas une plaisanterie, pas plus qu'un rapport d'impôt, à savoir que la personne qui signe, là, engage une certaine responsabilité de l'entreprise, pour ne pas dire une responsabilité certaine. Et, à ce moment-là, je pense que déjà on aura fait un grand pas dans la réalisation.

Un autre moyen que je pense pour la petite entreprise... nous l'avons fait, où nous avions différents entrepreneurs, si vous voulez, de petits établissements hôteliers. Alors, on les a réunis dans une salle, les directeurs de chacun de ces établissements. On leur avait déjà donné une journée de formation en équité salariale. Ils ont amené leur documentation. Et, sur place, ils ont fait leur évaluation. Et ils avaient justement un contact avec une personne qui était en mesure de répondre à leur questionnement. Et, à la fin de cette journée, le tout était joué, les évaluations étaient faites. Tant qu'à faire, les calculateurs, c'est quelque chose de fort peu long. Et, à ce moment-là, tout le monde savait à quoi s'en tenir.

Il y a des moyens qui peuvent être pris, mais, je pense, et avant tout, il faut que les employeurs sachent que c'est un droit fondamental et que ce droit fondamental là, il est exercé et il sera exercé. Et, à ce moment-là, je pense que les choses vont aller beaucoup plus vite.

M. Whissell: Je veux reprendre ce que vous disiez par rapport à la comparaison avec l'impôt. Puis, hier, ça a été souligné par quelqu'un ici, que la loi de l'impôt est une loi qui est complexe aussi, hein? Puis on peut prendre plusieurs bureaux de comptables puis des fois arriver à des réponses qui sont différentes, à savoir quel est le bénéfice de l'entreprise. Mais dans le fond ce que vous prêchez, c'est de dire: Il doit y avoir une reddition de comptes, il doit y avoir quelqu'un de responsable dans l'entreprise, qui, à tout le moins, pourrait, par exemple, signer un document sur une base annuelle à l'effet que l'équité salariale a été faite, a été réalisée. Dans votre réflexion, êtes-vous allé jusque-là?

M. Meloche (Gilles): Ah! je ne suis pas si exigeant. Je ne suis pas pour la tourmente des employeurs, à savoir... Bon. Contrairement à l'impôt où on le fait toutes les années; contrairement à l'impôt où... Évidemment, plus ou moins grosses sont les entreprises, plus ou moins gros sont les honoraires des comptables et autres experts. En ce qui concerne l'équité salariale, il s'agit de faire l'exercice une fois, et, si l'exercice est bien fait, effectivement, d'année en année, les choses vont bien aller.

Ce qui est difficile pour les entreprises dans le cas du maintien, c'est quand on arrive dans une entreprise puis on leur demande de nous sortir les chiffres d'il y a cinq ans, six ans... pour une entreprise qui l'a fait en 2001, mais qui n'a pas fait son maintien. Alors, imaginez-vous quand ça n'a pas été fait en 2001. C'est de revoir et c'est pour ça qu'il est très urgent d'agir.

Si la commission part dans différentes recherches, études, etc., ça fait 10 ans que la loi est en vigueur, ça fait six ans que le maintien doit être fait, chaque année, chaque mois, pour ne pas dire chaque jour, compte, parce qu'effectivement les ressources humaines ont changé, etc. Et des fois c'est ça qui est ardu. Ce qui est ardu, c'est de retrouver cette documentation-là. Faire l'exercice, et d'autant plus quand l'exercice a été fait, d'équité salariale, le maintien devient une... Rien! Même, à toutes les fois qu'il survient un événement, ça ne devient rien parce qu'on rentre ça dans un calculateur, puis ça prend entre 15 et 20 secondes à se calculer.

M. Whissell: Quelle est votre suggestion pour les cas où les données ne sont pas retraçables? Tantôt, vous parliez d'archéologues. Dans les cas où même les archéologues ne trouvent rien dans les données de l'entreprise, comment on peut la réaliser?

M. Meloche (Gilles): Moi, j'ai une confiance dans la sagesse de la commission, qui a développé effectivement une expertise que l'ensemble des intervenants lui reconnaissent. Vous avez parlé que, sur 900 décisions, je pense, il y avait 10 %... en tout cas, c'est un nombre infime de décisions qui ont été portées en appel. Puis à savoir combien de fois la commission a été renversée, c'est peu de fois. Et c'est pour ça que, moi, je préconise que la commission, ce soit encore plus rapide. Une fois que la conciliation est faite, là, bon, vous ne vous entendez pas? Quand on sait que la prochaine étape, c'est de passer devant la commission, de façon moins formelle au niveau des règles, là, de procédure, je serais un peu comme au Conseil des services essentiels, sauf qu'une fois que c'est entendu, la décision a lieu dans les sept jours et elle est exécutoire. À ce moment-là, si une des parties ne veut pas, elle pourra toujours en appeler par une requête en révision à la Cour supérieure, mais les règles sont strictes.

Déjà là, je pense qu'on éliminerait beaucoup de problèmes, déjà là, ça accélérerait le processus de beaucoup et justice... J'ai des entreprises où j'ai fait du maintien, j'ai une dame, et elle va recevoir bientôt 38 000 $. J'ai dit ça à la commission, puis je semblais être un dinosaure, je ne sais pas trop, puis pourtant je défends de façon très ardue les intérêts des employeurs, ça... C'est Gilles Meloche qui parle, là, ce n'est pas... Quand je faisais du droit matrimonial, si je représentais madame ou monsieur, ils ne venaient pas devant un juge, ils venaient devant le prolongement des connaissances juridiques qu'ils n'ont pas, et je défends... Mais, quand une femme est chef équipe, et qu'il y a cinq équipes, et qu'il y en a quatre qui sont des hommes et elle est femme et elle a 5 $ de moins de l'heure, je peux vous dire que, oui, effectivement ça coûte cher, faire ce rattrapage-là. La compagnie existe encore et puis la compagnie était tout à fait d'accord d'avoir à payer ce montant-là, mais ça ne se trouve pas dans toutes les entreprises. Il y a des entreprises, elles ne sont pas affectées par le maintien, si ce n'est que des fois par des montants totalement nominaux.

Alors, ce n'est pas une monstruosité, l'équité salariale, hein, soit dit en passant, là. J'entendais, là, une députée, hier, parler comme quoi ça avait été très ardu chez elle. J'entendais les CRIA dire qu'après cinq jours de formation, et le reste... Je ne comprends pas ce langage-là. Il y a un problème en la demeure. Nous, notre entreprise, tout le secteur de l'habillement au complet du Québec, nous avons fait de la formation, que ce soit en Beauce, que ce soit dans la région de Sherbrooke, Victoriaville, que ce soit à Montréal, où nous avons fait de la formation avec des gens, sans parler de façon discriminante d'abord, mais avec des gens qui ne sont pas portés vers la chose plus qu'il ne faut, d'ordre intellectuel, et puis que ce soient des couturières, et le reste, là, des employés qui n'ont pas une formation ou un cours collégial. Mais c'est drôle qu'après deux jours... La première journée, ah, ça, là, à la fin de la première journée, ça avait été une grosse journée. Après la deuxième journée, c'était le bonheur. Puis, la troisième journée, ils faisaient l'évaluation des emplois. Puis, après, ça dépendait du nombre d'emplois qu'il y avait dans l'entreprise, mais ça pouvait prendre une journée ou deux, et ça allait très bien.

n(15 heures)n

M. Whissell: Une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Pour une entreprise moyenne, là, principalement dans la catégorie des 10-49, quel est le coût pour faire l'exercice d'équité salariale?

M. Meloche (Gilles): J'ai entendu des coûts donnés, hier, par d'autres intervenants auprès de la commission. Sur certains éléments, je partage; sur d'autres, je ne partage pas. Ça peut être quoi? J'ai déjà vu faire l'expertise, si vous voulez, pour 2 500 $, 3 000 $, une entreprise qui a peut-être une quinzaine d'employés. Bon. On dit qu'une entreprise qui a 100 employés et plus, ça va coûter nécessairement 75 000 $, 100 000 $, et le reste. Ce n'est pas vrai puis c'est vrai.

Moi, j'ai une entreprise qui est à travers le Québec. Ils ont à peu près 17 ou 20 accréditations syndicales différentes. Et là on intervient dans le problème justement des syndicats qui n'ont aucune prédominance féminine, et c'était permis par la commission qu'ils fassent un programme. Le directeur des ressources humaines voulait que l'on prenne l'avion ou l'automobile et qu'on se rende sur chaque place des entreprises où ils ont un plan pour rencontrer de façon individuelle le syndicat, de peur qu'il y ait un mouvement, à un moment donné, par le regard ou je ne sais quoi, ça les regardait, et que, là, à ce moment-là, on fasse tout le travail qui était à être fait pour justement compléter le programme d'équité salariale, à savoir qu'on disait: Bon, bien, c'est tous des emplois masculins, et effectivement il n'y a pas de discrimination, et effectivement on ne peut pas aller plus loin, et merci. Bon. Ça a coûté cher, mais ça aurait pu se faire bien autrement.

Or, ça dépend du travail qui nous est demandé. Il y a des entreprises qui disent: On ne regarde pas à la dépense, on veut que vous soyez là, là, du matin au soir. Dès qu'on parle d'équité salariale, on veut que vous soyez dans la bâtisse. La majorité de ce qu'on a eu, on était des entreprises autonomes, qu'une fois que la formation était faite ils faisaient le travail d'évaluation. On revenait, on regardait avec eux autres le travail qui avait été fait. On faisait les calculs et on leur donnait les résultats. Ça ne coûte pas une fortune, ça.

Alors, ça peut donc varier énormément d'une entreprise à une autre, selon les services demandés. Mais ce n'est pas vrai que c'est compliqué; en deux jours, on formait des entreprises. Puis qu'est-ce qui est le plus remarquable, c'est qu'on avait justement des fois plusieurs entreprises, on faisait la formation, et j'ai eu le plaisir de mettre ensemble des employeurs seulement, des employés seulement et de faire un mixte des deux. Et ceux qui étaient le plus larges dans l'évaluation, c'étaient les employeurs, ceux qui étaient le plus restrictifs, le plus rigoureux, c'étaient les employés, et on trouvait, dans le milieu des deux, un mixte. Parce que le pire évaluateur d'une entreprise, bien souvent c'est l'employeur lui-même, par expérience.

La Présidente (Mme Morissette): Donc, vous laissez...

M. Whissell: Mes collègues.

La Présidente (Mme Morissette): Oui?

M. Whissell: Il reste combien de temps?

La Présidente (Mme Morissette): Il vous reste un petit peu moins que... environ trois minutes, là, pour arrondir.

M. Whissell: O.K. D'abord, sur le progiciel de la commission...

M. Meloche (Gilles): Oui.

M. Whissell: ...vous y avez fait référence, est-ce que c'est un bon outil? Est-ce qu'il est efficace?

M. Meloche (Gilles): Je trouve que c'est un bon outil. Je vous dirais que je préfère les miens, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Whissell: Avec des droits d'auteur?

M. Meloche (Gilles): Oh non! Même pas. Puis ils viennent tous de la même source, ces outils-là, hein? Moi, tu sais, c'est presque une farce, mais ce n'en est pas une. C'est que le Syndicat canadien de la fonction publique a été d'avant-garde dans le domaine de l'évaluation des emplois et a développé des outils qui ont bien de l'allure. Et notre entreprise a pris, avec autorisation, cet outil du Syndicat de la fonction publique.

Sauf qu'on l'a aménagé parce qu'on représente des employeurs. Or, eux autres, coordination et supervision étaient un critère très secondaire, parce qu'ils font l'évaluation pour des employés qui ne sont pas des cadres. Or, comme, nous, nous avions des cadres, nous avons rajouté... Et, ce document-là, comme nos services avaient été retenus par le Comité sectoriel de main-d'oeuvre de l'habillement, on a eu à le produire à la commission, à savoir qu'il a été étudié par un comité de neuf entrepreneurs et un comité de neuf salariés syndiqués, non syndiqués et une personne de la commission. Et ce programme, 12 facteurs, cinq facteurs, ainsi que le questionnaire a été soumis à la commission, et nous avons eu la sanction de la commission comme quoi il était non discriminatoire.

Mais le progiciel du gouvernement, il est bon. Il faut tout simplement que la personne... Il origine, d'après moi... parce que je regarde, je l'ai lu, je l'ai étudié, on a pas mal la même source, là, on est bien proche voisins.

M. Whissell: M. Meloche, dans les gens qui sont venus depuis hier, surtout du côté patronal, les gens nous disent souvent qu'il faut simplifier la méthodologie, que de faire un exercice d'équité salariale, pour les entreprises, c'est ardu ou, à tout le moins, ça paraît ardu. Comment pouvons-nous briser ce mythe? Est-ce qu'il devrait y avoir une standardisation des méthodologies utilisées, surtout pour les petites entreprises?

La Présidente (Mme Morissette): Une réponse en une minute, s'il vous plaît.

M. Meloche (Gilles): Oui. La méthodologie, elle se recoupe d'une place à une autre. Que ce soit la CSN, etc., j'en ai vu plus qu'un, plan. En moins d'une minute, ce n'est pas compliqué, l'équité salariale. Vous identifiez vos catégories d'emploi, il y a des critères. Après ça, on détermine la prédominance, c'est-u masculin ou féminin? Puis après ça on fait l'évaluation selon certains facteurs. Puis on regarde, bon, en formation, ça prend-u un cours secondaire, ça, un cours secondaire professionnel, un cours collégial, etc. Puis on s'en va pour chacune des choses comme ça.

M. Whissell: M. Meloche, pour répondre...

M. Meloche (Gilles): Pardon?

M. Whissell: ...vous allez manquer de temps. Est-ce qu'on devrait standardiser la...

M. Meloche (Gilles): Moi, je pense qu'on... On pourrait toujours le faire, mais... Il y a des outils qui sont donnés par la commission. Ceux qui veulent prendre les outils de la commission, ils sont bien faits, puis c'est un 10 facteurs. Puis, même une compagnie qui est plus que 10-49 peut les utiliser, à ce que je sache. Il y en a déjà, des outils. Qu'est-ce qui manque? C'est la ? je m'excuse ? frayeur, à savoir qu'on ne veut pas le faire parce que c'est un exercice. Puis, tant qu'on ne sera pas obligé de le faire, on ne le fera pas, pour plusieurs, à moins qu'on soit un bon citoyen corporatif. C'est aussi simple que ça.

M. Whissell: Merci, monsieur.

M. Meloche (Gilles): ...plaisir.

La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. On serait rendus au temps du côté de l'opposition officielle. M. le député de Terrebonne.

M. Therrien: M. Meloche, bienvenue. Vous parlez de maintien dans votre mémoire puis dans votre allocution de départ. Tous les groupes que nous avons vus, ou la grande partie, nous font part qu'il fallait continuer ce maintien et l'amplifier. À vous entendre, on peut considérer qu'il n'existe pas du tout.

M. Meloche (Gilles): Il est là, il est prévu par la loi. Il n'est pas compliqué, c'est aussi simple que ce que je vais vous dire. Ce n'est pas parce que j'aime simplifier les choses, mais, comme disait le premier ministre René Lévesque: Pourquoi simplifier les choses quand il est si simple de les compliquer? Mais on va y aller simple: savoir que l'équité salariale le 21 novembre 2001, c'est une photo Polaroïd. Alors, on a notre photo de l'entreprise, et c'est le point de départ. Le 22, est-ce qu'il y a eu un changement? Moi, j'ai vu une entreprise effectivement qui l'a fait par après, là, mais, le 28 novembre, il y avait déjà une augmentation à une catégorie masculine. On rentre ça dans le logiciel puis on dit: Ah! ça a-tu un impact ou pas? Et c'est comme ça qu'on s'en va jour par jour. La loi le décrit très bien dans son article. Dès qu'il y a une modification à ce qui est, bien il faut regarder ce qui en est, ce n'est pas plus compliqué que ça. Ce n'est pas sorcier, hein, du tout, du tout, du tout.

M. Therrien: Puis qu'est-ce que vous répondez au Conseil du patronat, ce matin, qui nous dit que les huit années précédant la loi, il y a eu une augmentation, justement, salariale de près de 10 % et, depuis que la loi est en vigueur, de 2 %?

M. Meloche (Gilles): Je vais vous dire franchement, sur cette question-là, j'aimerais voir énormément les sources des gens. À un moment donné, la commission... Parce que, les sondages, moi, certaines personnes ne sont pas loin de mon âge, je ne pense pas qu'il y en ait beaucoup au-dessus, on est tous assez d'âge pour se souvenir que Daniel Johnson père ne pensait jamais que l'Union nationale serait élue. René Lévesque, en 1976, à ce que je sache, ne pensait pas que le PQ serait élu. Barack Obama, dernièrement, dans un État... même aux États-Unis, ils sont si forts dans les sondages que les sondages ont été contredits.

n(15 h 10)n

Moi, il n'y a rien de mieux que le terrain, vous savez, il n'y a rien de mieux qu'un rapport, et le reste. Et c'est de l'information justement qui serait très utile au niveau des statistiques, à savoir d'aller chercher les salaires, les modifications. Là, on saurait à quoi s'en tenir, ça servirait à tout le monde. J'ai vu des entreprises...

Moi, c'est drôle, quand j'arrive dans une entreprise, je ne leur dis pas: Ah! l'équité salariale, ce n'est pas drôle. Non, non, l'équité salariale, il faut la faire, et le reste. Je n'ai jamais perdu de client. Les seuls clients que je n'ai pas pris, c'est ceux qui voulaient farfiner avec ça. Je n'ai jamais perdu de client pour autant, mais j'ai entendu plutôt des commentaires puis même d'une compagnie internationale que j'ai en tête, de dire: Enfin, enfin, on ne sera pas pris avec la femme d'un tel, puis le fils d'un tel, puis le cousin, puis, etc. On a une structure, on a juste à dire: La Loi de l'équité salariale, fini, fini, fini, on n'en parle plus.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Meloche (Gilles): Alors, ça a été plus... Quand Drakkar parlait justement d'une structure, oui, ça peut être sain. J'ai plus l'impression que la peur de beaucoup d'employeurs, c'est l'effet du dentiste: on crie bien plus avant qu'après, souvent. La peur.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Therrien: Vous parlez beaucoup de contraintes de la part du gouvernement, puis, à lire votre document... là, on parle du gouvernement qui est en place, là, précisément, là, de l'absence de volonté politique, donc que le gouvernement libéral essaie de faire plaisir à tout le monde, ce qui revient à ne pas faire grand-chose, «ménager la chèvre et le chou». Mais, pour vous, là, si c'est si facile que ça, à quel moment vous allez imposer des amendes? Est-ce qu'on l'impose aussitôt qu'on a fait une classification quelconque et qu'on n'a pas fini? Est-ce que les entreprises qui ont eu la problématique du chapitre IX, qu'on a éliminée aujourd'hui, est-ce qu'on les... À partir de quand on met une amende? Si c'est si facile que ça, je pense que j'aimerais avoir une réponse à ce sujet-là.

M. Meloche (Gilles): Oui, c'est facile, aussi. Puis qu'est-ce qui est facile aussi, c'est que ce n'est pas une question de parti politique, cette histoire-là, parce qu'au départ ça a été à l'unanimité par tous les partis politiques. Tous les partis politiques...

Des voix: Sauf nous autres.

M. Meloche (Gilles): Sauf vous autres. Mais je ne pense pas que vous êtes contre la Loi de l'équité salariale, là.

Une voix: Non, c'est important, ça.

M. Meloche (Gilles): Pas du tout.

M. Whissell: ...

M. Meloche (Gilles): C'est ce que j'ai compris, parce que, comme vous voyez...

M. Whissell: Le député de Rivière-du-Loup n'était pas là.

M. Meloche (Gilles): Comme vous voyez, j'ai beaucoup d'intérêt...

Une voix: Il devait être à Montréal.

M. Meloche (Gilles): C'est ça. Mais peu importe. Le député de Terrebonne vient de nous dire, là, qu'ils sont pour la Loi sur l'équité salariale. Et vous voyez que c'est un sujet qui me tient à coeur parce que le seul intervenant qui est assis ici toute la journée... Ce matin, j'ai trouvé très ardu de réduire ça à 15 minutes, c'est pour ça que je n'étais pas ici ce matin; pas facile également... on ne nous laisse pas faire, et avec raison. Alors, qu'est-ce que je voulais dire? C'est que c'est une question des partis politiques. Ça va être une question des partis politiques qui vont faire en sorte que, cette loi-là, on va connaître justement son suivi.

Les amendes. Que le gouvernement dise, je ne le sais pas, on est au mois de février, bon: Le 15 mai de l'an 2009, celles qui ne seront pas à date au niveau de l'équité salariale et du maintien seront sujettes à amendes. Ils ne seront pas pris de court, là, on va leur laisser une bonne grosse année, là. Tu sais, grouillez-vous, là! Ça fait qu'à ce moment-là, bien, tout le monde se met sur le piton, si je peux dire, puis on y va, puis on fait nos devoirs, puis on n'en parle plus. Sinon, ça ne peut pas continuer comme ça, ça s'en va directement aux oubliettes, cette loi-là. Dans deux ans, trois ans, ça va faire tellement de temps que, là, là, ceux qui vont arriver puis qui vont... Qu'on ait une loi qui nous dise qu'il faut qu'ils gardent pendant tant de temps, mais, au rythme que ça va, il ne garderont jamais suffisamment leurs documents pour qu'un jour, quand va arriver le reste...

Puis on m'a demandé: Qu'est-ce qui arrive quand la commission arrive, là, puis ils n'ont pas leurs documents? J'ai lu de la documentation de la commission sur ça, là. C'est des gens, comme dirait l'autre, d'abord de connaissance mais de bon sens. Et puis le bon sens, ça aide bien gros. Ça fait qu'on trouvera pour chaque cas d'espèce, parce que la loi ne prévoit pas toutes les situations, quelque chose qui soit juste et raisonnable et qui fasse... et, quitte à faire plus de règles s'il le faut. Mais il y aura une jurisprudence qui s'établira, et le reste, mais rapidement, parce que je propose un processus accéléré ? accéléré, là, c'est dans le sens d'avec toutes les mesures que j'ai proposées ? mais ce n'est pas demain matin, là. Non, non, on va leur laisser le temps, là, O.K., mais au moins ils vont savoir qu'à un moment donné, là, ça ne paie plus, là, d'être délinquants.

M. Therrien: Vous avez souligné plus tôt justement les résultats que vous avez recueillis versus les résultats qui nous sont fournis, qui sont inversement proportionnels. Est-ce que vous mettez en doute la validité des chiffres dans le rapport?

M. Meloche (Gilles): La validité des chiffres de?

M. Therrien: Les chiffres qui nous sont fournis dans le rapport.

M. Meloche (Gilles): À savoir 47 %, pour moi, ça me semble optimiste, mais c'est un résultat d'enquêtes, sondages. Il y a beaucoup de sondages dans ça. La commission n'a pas de rapport de personne, là. Et, je vous l'ai dit, comme on dit, 3 % d'écart 19 fois sur 30, mais des fois ils passent à côté. Ça fait qu'on n'a jamais rien compris sur ça, mais ça reste. Puis tout le monde regarde ça, puis on dit: Bien, mon Dieu, ça a tombé sur le 3 % 19 fois sur 20. Après ça, on tourne la page du journal puis on s'en va à la nouvelle suivante, puis, 24 heures après, on ne s'en souvient plus.

M. Therrien: Dernière question. Vous mentionnez, à la page 15 de votre rapport: Pour assurer le maintien de l'équité salariale, il faut exiger que les entreprises procèdent à un examen continu de l'équité salariale, à mesure que les changements se produisent dans l'entreprise, au moins une fois par mois. Est-ce que vous pensez que c'est réaliste? Puis combien ça coûterait aux entreprises?

M. Meloche (Gilles): Attendez une seconde, là, vous, là. Si vous voulez me répéter celle-là. À quel paragraphe, là, que je vous suive?

M. Therrien: Page 15...

M. Meloche (Gilles): Oui.

M. Therrien: ...dernier paragraphe...

M. Meloche (Gilles): Oui.

M. Therrien: ...en bas.

M. Meloche (Gilles): En bas. Une fois par mois, là, que je... O.K. J'ai compris. Il m'apparaît moins... Non, non, non. Il n'y a pas de vérification de la commission, là. «Selon l'expérience[...], il m'apparaît beaucoup moins lourd de procéder au maintien de façon continue chaque fois qu'un changement ? là, je ne vois pas le "par mois" ? survient, quitte à effectuer les versements», au bout de l'année, là. Qu'est-ce que je veux dire?

M. Therrien: On n'est pas à la même place, là.

M. Meloche (Gilles): Non?

M. Therrien:«Nous ne saurions trop recommander de procéder ainsi ou à tout le moins une fois par mois selon la taille de l'entreprise et la fréquence des changements, sinon l'exercice peut facilement devenir pénible et même très pénible.»

M. Meloche (Gilles): Ce n'est pas une vérification de la commission, là. Il y en a qui vont dire: À tous les changements. Il y a de la grosse entreprise, là, arriver, à toutes les fois qu'il y a un changement...

M. Therrien: Je ne parle pas de la commission, mais, même à l'intérieur d'une entreprise...

M. Meloche (Gilles): Non, non, à l'intérieur d'une entreprise, là. Une fois qu'on a, là... Le changement, c'est comme ce que tous et chacun avons peut-être vécu dans notre vie. Vous savez, ces papiers qu'on ramasse ou ces choses qu'on devrait faire puis qu'on ne fait pas puis qu'à un moment donné on ne peut plus passer par-dessus tellement que c'est compact puis on le fait. C'est la même chose pour le maintien. Si, une fois que l'équité est faite, on fait son maintien au fur et à mesure, quitte à le faire dès qu'un événement survient ou de le faire une fois par mois, plus longtemps qu'on attend, plus on aime moins ça et plus c'est ardu. C'est juste ça que je veux dire, quitte à faire les paiements au bout de l'année, évidemment, comme dit la loi, avec intérêts depuis le montant que c'est dû.

M. Therrien: Je vous avais dit que c'était la dernière, mais là c'est la dernière.

M. Meloche (Gilles): Bon.

M. Therrien: Votre entreprise, Ressources humaines dans l'entreprise RHDE...

M. Meloche (Gilles): Oui?

M. Therrien: ...le pourcentage de votre travail qui est en rapport avec la mise en oeuvre de l'équité salariale est de combien?

M. Meloche (Gilles): Je calcule que le nombre de mandats que nous avons eus... Dans son ensemble, on dessert à peu près 200 entreprises. Je calcule que, à ce que j'en sache et ce que j'ai lu également de d'autres entreprises, là, ça varie, mais je ne connais pas d'entreprises qui ont 2 000, 3 000 clients... ou 1 000 clients, là, je serais très, très surpris, je peux faire de la subdivision par programme, et le reste, mais si j'y vais client par client. Ça, c'est une chose sur laquelle je me suis interrogé. Qu'est-ce que ça veut dire ? puis j'ai fini par comprendre ? que l'équité salariale, qui demandait quand même, dans une certaine mesure, pour un ensemble d'entreprises, des connaissances plus spécialisées, n'ait pas occupé davantage des intervenants? Et puis je pense à des intervenants majeurs, que ce soit Sobeco, AON, etc. Et ils n'ont pas développé des planchers, là, d'experts pour pouvoir répondre à la demande. J'ai compris aujourd'hui, c'est qu'on ne le fait pas.

M. Therrien: Mais ma question, c'était: Vous, dans votre entreprise, le pourcentage de votre expertise en ressources humaines qui est affecté?

M. Meloche (Gilles): En fait, c'est 100 % d'équité salariale.

M. Therrien: O.K.

M. Meloche (Gilles): On ne fait que ça. J'ai diminué ma pratique de droit. Moi, ça m'a passionné. Puis, en plus de ça, passionné, si vous saviez l'intérêt que j'ai d'aller visiter après ça. Je sais maintenant comment on fait des élastiques. Il n'y a pas grand monde qui savent ça ici.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Meloche (Gilles): Très intéressant à savoir, hein? Puis les fameuses effaces roses qu'on avait quand on était petits puis qu'on se lançait, je sais comment ça se fait. Vous viendrez me voir, je vous donnerai le secret, non pas de la Caramilk, celui-là, je ne l'ai pas encore su.

Une voix: Du lancer de l'efface...

M. Meloche (Gilles): C'est ça, du lancer de l'efface. Je sais ? une autre révélation que je vais faire évidemment, semble-t-il ? fabrication de jeans, comment ça se fait, et il y aurait beaucoup de choses d'intéressantes à dire. Merci.

La Présidente (Mme Morissette): Merci, M. Meloche. Donc, on aurait terminé le temps du côté de l'opposition officielle. On serait rendus à la deuxième opposition. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais: Merci, Mme la Présidente. M. Meloche, bonjour.

M. Meloche (Gilles): Bonjour.

Mme Maltais: C'est extrêmement, je dirais, rafraîchissant et énergisant de vous entendre.

M. Meloche (Gilles): ...plaisir.

Mme Maltais: On a entendu les syndicats, qui sont venus plaider quand même et qui nous ont parlé des difficultés de la loi puis des façons de la bonifier; le patronat, qui en général voulait surtout nous parler de l'assouplissement et même l'affaiblissement de la loi... de la commission; et, vous, qui, tout à coup, nous parlez du terrain: comment ça s'est vécu, qu'est-ce qui se passe, puis un peu de cette frustration de ne pas voir appliquer cette loi-là, ce que j'accueille, en tant que femme féministe et que parlementaire, avec beaucoup de plaisir. J'aime ça voir qu'il y a des défenseurs comme vous de cette loi si importante pour les femmes du Québec... et pour les hommes et les femmes du Québec...

M. Meloche (Gilles): Oui.

Mme Maltais: ...d'entendre dire qu'une grande entreprise dit: Mon Dieu que c'est facile chez vous, il y a une loi, c'est clair, pas de népotisme, il y a un cadre, je ne l'aurais jamais vu sous cet angle-là, j'avoue. Alors ça, c'est un nouvel angle pour moi.

n(15 h 20)n

Ce qui m'a intéressée particulièrement, c'est que vous ayez vu de la délinquance sur le terrain, non pas seulement de la délinquance d'entreprises n'ayant pas appliqué la loi, mais de la délinquance à l'intérieur même d'entreprises ayant appliqué la loi. Je m'explique. Il y a deux manières dont vous m'en avez parlé, je vais prendre la première sur ce que j'appellerais les consultants complaisants. J'aimerais ça que vous nous en parliez, comment ça se passe, cette chose-là.

M. Meloche (Gilles): Ça, c'est magistral. Sans nommer de noms évidemment, nous avions un mandat dans la petite, si je peux dire... hôtellerie, si je peux dire, genre Comfort Inn, là. Bon. Vous voyez à peu près la grosseur des établissements. Nous avions à faire justement, pour un territoire, l'équité salariale, et c'est justement, entre autres, avec eux que je les ai réunis puis je leur ai fait faire l'exercice, tout le monde ensemble, et ça a été très agréable. Mais, dans une autre région, on a retenu un autre consultant. Il avait 22 de ces entreprises. Il a fait l'évaluation d'une seule. Et, selon la méthode individuelle, ça donnait zéro; la globale donnait quelque chose. Il a retenu zéro et il a appliqué ça aux 21 autres. J'ai dénoncé. Ça n'a donné rien.

Vous savez, les entreprises que le chapitre IX qui n'a pas été retenu justement comme valide... n'ont jamais... en tout cas, moi, j'en connais qui n'ont pas encore été ennuyées par la commission. Et je ne donne pas un blâme à la commission. La commission a besoin de budget, a besoin de personnel.

Mais, pour venir aux huit entreprises dont j'ai fait les devoirs, à un moment donné une de celles-là m'appelle parce qu'elle avait eu une plainte. Or, je me suis rendu sur place, j'ai demandé de consulter leur dossier, je ne comprenais plus rien. Mais qu'est-ce que je ne constate pas? C'est qu'ils ont fait venir un autre consultant qui, lui, arrivait à zéro, puis là il y a eu une plainte. J'ai fermé le dossier. La seule chose que je leur ai dite: Mon nom ne sera pas mêlé à ça. J'ai appelé l'enquêteur puis je lui ai dit: Je ne suis pas tranquille. Voilà.

Mme Maltais: Donc, vous avez même, vous, dénoncé des entreprises que vous considérez comme...

M. Meloche (Gilles): Bien, je le dis à l'enquêteur, puis je dis... en tout cas, je leur ai dit, j'ai dit: Moi, là, vous ne me mêlerez pas à cette affaire-là, là. Pas du tout. J'ai une entreprise, actuellement, là, celle du 38 000 que je vous ai... l'employeur trouvait ça trop cher, l'exercice que j'ai fini en juin 2006. La ressource humaine est partie, la directrice. Ils en ont fait rentrer une autre. Ils n'ont pas fait l'affichage. Celle qui est rentrée a refait mon travail et elle est arrivée en montants substantiellement moindres. Elle est partie. La jeune qui est rentrée en toute innocence m'appelle puis me dit: Bien, venez, on a une plainte, je ne sais pas quoi faire avec ça, moi, là, là. Parfait, je regarde, je m'aperçois que... J'ai le directeur des opérations qui, dans le temps, était directeur Finances, je ne le savais pas, c'est lui qui avait bloqué. Ça fait que j'ai dit au directeur des opérations, j'ai dit: C'est un beau, le directeur des Finances qui a bloqué ça. Ça fait qu'il regarde sa directrice des ressources humaines puis il me dit: C'est qui qui vous a dit de le faire venir, lui? On s'est parlés deux minutes dans les yeux. J'ai fini le mandat, et je peux vous dire que ça va être payé, ça leur coûte 54 000 $ en tout et partout. Puis ils vont payer, parce qu'il s'est aperçu ce pour quoi je faisais ce travail-là, que je le faisais bien.

Qu'est-ce que je veux expliquer ici ? et c'est d'autant plus l'ardeur que j'ai justement à défendre ce dossier-là ? c'est qu'au-delà de ça on s'en va vers un problème. Puis, pour moi, il y a un lien entre l'environnement puis l'équité salariale. Si on n'est pas capable de faire de lois et de les faire respecter, avec qu'est-ce qui s'en vient au niveau de l'environnement... Puis ce ne sera pas dans 2000 ans qu'est-ce qui s'en vient, il va falloir gérer les affaires de façon différente et faire en sorte que, quand un gouvernement met un pied en quelque part, bien, à ce moment-là, ça ait des conséquences. Et, si les électeurs ne sont pas contents, qu'ils enlèvent... La relation entre l'élu et l'électeur devrait être de la même façon qu'entre un avocat, un médecin, un ingénieur, un architecte, un comptable avec son client. Je voudrais bien voir votre comptable, à tous et chacun, qui ne vous donnerait pas l'heure juste. Vous le «blasteriez». Mais, un élu, on ne le fait pas.

On ne peut plus continuer comme ça, parce que, quand une personne comme Hubert Reeves nous dit que la Terre se porte mal, moi, j'ai bien confiance dans ce monsieur-là et je dis: On s'en va comme nulle part. Et on ne peut plus gérer... À partir d'aujourd'hui, là... Ce n'est plus comme nos parents nous disaient, là: Écoutez, là, aïe, moi, là, là, ça va mal aller pour vous autres. Non, non. O.K.? On le sait, on l'a tous entendu ici. Mais la donne est différente. Ce n'est plus une bombe atomique qui s'en vient, là, c'est l'environnement dans la face. Merci.

Mme Maltais: Je n'irai pas dans les changements climatiques, même si je suis en grande partie d'accord avec vous.

M. Meloche (Gilles): ...merci.

Mme Maltais: Vous dites aussi, à l'intérieur de cette loi mal appliquée, même à l'intérieur de son application, même d'entreprises ayant fait les travaux, qu'il arrive qu'il y ait des programmes d'égalité, dans la même entreprise, qui soient appliqués pour les syndiqués mais pas appliqués pour les non-syndiqués.

M. Meloche (Gilles): Partout... entreprises bien connues.

Mme Maltais: Est-ce que, à travers la loi actuelle, c'est possible?

M. Meloche (Gilles): Bien certain. Puis je vais vous dire pire que ça puis je vais le dire en pleine commission parlementaire, la commission a dit aux gens: Même des plaintes anonymes, on les prend. Correct. Quelqu'un de mon bureau a fait une plainte anonyme il y a quatre ans, jamais eu de suite. Jamais de suite. Ça n'a pas d'allure. On rit carrément du système.

Si la commission... Moi, j'ai des enquêtrices, ça fait deux, là, je viens de régler, là, parce que je crois à la conciliation. Quand on se parle puis qu'on se dit les vraies choses puis qu'on sait que l'autre, là, il ne nous fourre pas, ça va vite. Puis j'ai une enquêtrice qui a fait un excellent travail. Elle a dactylographié, là, toutes les négociations qu'il y avait eu avec l'employeur, puis là il m'appelle, puis on l'a faite, l'équité salariale. Puis là il y a juste un petit point sur lequel on ne s'entend pas, c'est sur la prime qui est donnée pour les dîners. Ça n'a pas pris 20 heures à régler ça, ça a pris 30 secondes, puis on a jasé le reste du temps de bien d'autres choses qui étaient agréables. Non pas que ce n'est pas agréable, ça, mais quand même.

Ce n'est pas difficile en soi quand les gens... Mais elle a fait un excellent travail. Comme tel, on regarde ça puis on dit: C'est chiant si on veut fourrer le système. Mais, si on est pour le système, c'est exact qu'est-ce qu'elle avait écrit, elle avait entièrement raison, puis on va se conformer à ça. Ça ne coûtera pas une fortune à l'employeur, hein? Non, non. Il n'y a pas d'entreprises qui vont faire faillite à cause de l'équité salariale.

Mme Maltais: Ces deux choses-là, les consultants complaisants et les programmes d'égalité qu'il y a à travers la même entreprise sont appliqués ou ne sont pas appliqués, ou sont faits et ne sont pas faits, est-ce que la loi actuelle nous permet de régler ça, ou c'est simplement parce qu'elle n'est pas appliquée, ou s'il faut resserrer la loi à certains endroits?

M. Meloche (Gilles): De grâce, je ne saurais trop insister, là: ne perdons pas notre temps. Encore là ? on ne parlera pas de l'environnement ? mais, sur l'équité salariale, là, il est plus que moins cinq. Déjà, là, qu'on applique ce que l'on a sur la table comme outil, là, on va faire un grand bout de chemin. Ce ne sera pas la perfection. Mais, entre ça puis où est-ce qu'on en est, on est loin de la perfection. Donnons à la commission ce qu'il faut. Et des gens justement qui ont ce mandat-là, qu'on dise aux employeurs: On vous donne un an et demi, la récréation est finie après. Je vous dis, ça va bouger.

Quand la commission a rendu une décision, dans le Mont-Sainte-Anne, disant... Il y avait eu un transfert avec une compagnie ? Compass ? et le reste, là, je peux vous dire que les entrepreneurs, les oreilles molles puis les... ça s'est redressé le dos, et le reste. On a senti, là, un frémissement. Mais ça n'a pas été long que... Au début, nous autres, les conseillers, on était plus... si vous voulez, si je puis dire, on faisait, on faisait le travail presque de la commission. On disait: Bien oui, l'équité salariale, ça existe. Bien oui, ça existe, oui, la commission, mais ça existe. Mais ce problème-là a été réglé. À un moment donné, il y a eu des changements qui ont été faits, et elle s'est mise, disons, à une autre vitesse.

Moi, je dis: Faisons-le encore, là. Donnons-lui les outils qu'il faut. C'est simple comme solution. Ne complexifions pas les choses, ce n'est pas le temps. On n'a pas le temps puis ce n'est pas utile. Or, je ne veux pas rendre la vie plus infernale, et le reste, là. Que la commission, là, fasse... Elle pourrait faire, là, des assemblées, 200 entreprises dans une grande salle, avoir trois personnes de son personnel, puis, au bout de deux jours, ils auraient fini l'équité salariale. Ce n'est pas vrai que c'est difficile. La loi, c'est laborieux, puis il faut être méthodique. Point à la ligne. Pour couvrir tous les aspects de la loi, il y a des complexités. Mais ça, ça ne regarde pas chaque entreprise, là, ce n'est pas vrai.

Mme Maltais: Donc, même pour les petites entreprises, ça se peut que ce soit simple.

M. Meloche (Gilles): Absolument.

Mme Maltais: Et rapide.

n(15 h 30)n

M. Meloche (Gilles): Absolument. C'est sûr que, si la personne... à la comptabilité, ils n'ont jamais eu quelqu'un qui a tenu les livres de façon adéquate, et le reste, et que c'est le bordel, bien on prendra la boîte, comme il y en a qui arrivent chez leur comptable avec une boîte de chaussures, toutes les factures dedans, là, puis on ira porter ça à la commission. Puis la commission, dans sa sagesse, elle trouvera certainement une bonne solution.

Moi, qu'est-ce que je fais quand j'ai un problème? J'appelle à la commission puis je discute avec eux autres. Et j'ai déjà vu avoir une discussion avec la commission où je n'étais pas d'accord du tout avec eux autres. Savoir... Et c'est facile à comprendre. Ça ne coûte pas si cher que ça, quand on est informé, hein, l'équité salariale. Il y a un ajustement de 2 $, mais il s'avère que, deux mois plus tard ? parce qu'évidemment on a fait ça par après, là, on revient dans le temps ? l'employeur a donné 1,80 $ d'augmentation. Bien, le 2 $ dû, il part de ce moment-là jusqu'à 1,80 $, puis après ça c'est juste 0,20 $ qu'il faut jusqu'à la... Ça ne coûte pas une fortune. Je n'étais pas de cet avis-là, moi, parce que, moi, je disais: Elle a le droit à 2 $? Donne-lui son 2 $. Elle a eu une augmentation? Donne-lui l'augmentation. Mais, après une discussion, si je peux dire, forte de l'un et l'autre, bien j'ai dit: Il a entièrement raison. Ce que la loi vise, c'est l'équité, puis j'aime bien mieux ça. Parce que ce qui arrivait dans des cas comme celui-là: bien, l'employeur n'était pas bien, bien content. Il dit: Je lui ai donné 2 $ d'augmentation, je lui dois 1,80 $. Puis là, bien, on lui demandait: Monsieur, quand vous lui avez donné, là, votre 2 $, pensiez-vous qu'il y avait de l'iniquité dans votre entreprise face à cette personne-là? Oui. Ah! on vous remercie, on a bien compris.

Mme Maltais: C'est simple.

M. Meloche (Gilles): Ça, là, j'haïs ça. C'est clair, maintenant. Tu lui as donné le 2 $, je ne veux pas savoir la raison. 1,80 $, 2 $, il reste 0,20 $.

La Présidente (Mme Morissette): Il vous reste environ 30 secondes au bloc. Ça fait le tour?

M. Meloche (Gilles): J'espère vous avoir éclairés. Et, vous comprenez, l'énergie que j'y mets, je vous dirai tout simplement, c'est parce que j'y crois.

M. Whissell: On n'en doute pas, M. Meloche.

M. Meloche (Gilles): J'y crois.

La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup, M. Meloche.

M. Meloche (Gilles): Et qu'on ne vienne pas me dire que c'est parce que je veux faire fortune avec ça, ce n'est pas vrai.

La Présidente (Mme Morissette): On va suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 32)

 

(Reprise à 15 h 44)

La Présidente (Mme Morissette): Alors, bonjour. Bienvenue au Conseil québécois du commerce de détail. Désolée de vous précipiter comme ça, mais, comme on a de l'avance, on essaie d'en profiter. Alors, la façon de fonctionner est que vous allez disposer de 15 minutes pour nous faire la présentation de votre mémoire. Ensuite, les trois groupes parlementaires auront chacun un bloc de temps pour vous adresser leurs questions, et vos réponses compteront dans leurs blocs de temps. Donc, est-ce que c'est M. Lafleur qui va s'adresser à nous en premier?

Conseil québécois du commerce
de détail (CQCD)

M. Lafleur (Gaston): Oui.

La Présidente (Mme Morissette): Si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent. Puis vous disposez de 15 minutes.

M. Lafleur (Gaston): Parfait. Alors, à ma gauche, je vous présente Mme Marie-Lise Phaneuf, qui est une consultante et une experte en matière d'équité salariale, membre du conseil depuis plusieurs années et qui est intervenue régulièrement avec nous dans divers dossiers qui traitent d'aspects d'équité salariale; et, à ma droite, Me Katherine Poirier, avocate, aussi qui fait partie du conseil québécois et qui nous a aidés dans la préparation du mémoire que nous vous soumettons aujourd'hui. Il y a aussi une autre personne qui malheureusement... Manon Beaudoin, qui fait partie du conseil québécois mais qui actuellement doit garer un véhicule parce que... Alors, si vous me permettez, elle va peut-être venir s'ajouter tout à l'heure. Voilà. Merci.

Alors donc, le Conseil québécois du commerce de détail vous remercie de lui donner l'opportunité, l'occasion de pouvoir présenter son point de vue et ses commentaires à l'égard du rapport du ministre du Travail sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'équité salariale. En passant, M. le ministre, MM., Mmes les députés, merci. J'ai oublié de souligner la présence du ministre. La Loi sur l'équité salariale, qui a été adoptée le 21 novembre 1996 à l'Assemblée nationale, impose au ministre du Travail l'obligation de faire le bilan de sa mise en oeuvre 10 ans après son adoption. Le législateur a également prévu, dans le cadre de cet exercice, d'analyser l'opportunité de maintenir la loi en vigueur ou de la modifier.

D'entrée de jeu, je tiens à vous dire que le Conseil québécois du commerce de détail ne remet pas en cause aucunement le principe de l'équité salariale qui est enchâssé dans la Charte des droits et libertés de la personne, à l'article 19. Pour nous, ce droit fondamental fait partie des valeurs de la société québécoise et vise à reconnaître le travail des femmes dans notre société à sa juste valeur, exempt de discrimination systémique.

La Loi sur l'équité salariale nécessite cependant, selon nous, une refonte majeure afin d'être mieux à même d'atteindre ses objectifs, puisque, sous sa forme actuelle, elle pose de nombreuses difficultés d'application, qui représentent un obstacle de taille pour les entreprises qui y sont assujetties. Les employeurs qui désirent s'y conformer en toute bonne foi y arrivent difficilement, et plusieurs accusent un retard. La mise en oeuvre de cette loi proactive a imposé plusieurs obligations aux employeurs, sans que les ressources d'information suffisantes et d'expertise ne soient à leur disposition afin de s'y conformer. Encore aujourd'hui, ils éprouvent des difficultés. Ceci est encore plus frappant au sein des entreprises qui n'ont pas de service de ressources humaines. L'élargissement de l'assujettissement à la loi, tel que recommandé dans le rapport, est, selon nous, prématuré et non souhaitable puisque, 10 ans après l'adoption de cette loi, moins de la moitié des entreprises se sont conformées aux obligations de la loi.

D'autre part, en ce qui a trait au maintien de l'équité salariale, la rapport semble confondre l'obligation de maintien de l'équité et le maintien des programmes d'équité. Le rapport contient des propositions qui ne correspondent pas au sens même de la loi. Réglementer davantage sur le maintien de l'équité salariale n'est donc pas souhaitable, d'autant plus que les difficultés d'application d'une loi proactive engendrent des délais coûteux pour ceux qui y sont assujettis.

Enfin, le fonctionnement de la Commission de l'équité salariale est également problématique. Il est question notamment des rôles de la commission en tant qu'intervenant devant la Commission des relations du travail, qui, de l'avis du conseil, porte entrave à son mandat d'objectivité et d'impartialité. La notion de gouvernance de la commission est également remise en question. Et le patronat, qui n'est pas représenté au sein de cet organisme, selon nous devrait en faire partie ainsi que les autres acteurs importants et partenaires qui sont impliqués dans la mise en oeuvre de cette législation et de l'équité salariale au Québec.

L'équité salariale, une valeur enchâssée dans la Charte des droits, je pense qu'on vous l'a souligné à quelques reprises depuis les deux derniers jours. Le seul aspect que j'aimerais mentionner là-dedans, c'est que le législateur québécois a opté pour l'adoption d'une loi proactive. Et cette loi-là a pour mission essentiellement de faire en sorte que les employeurs soient assujettis à une obligation de résultat, en imposant un exercice d'équité salariale ou la mise en place d'un programme d'équité salariale. Alors, ceci présuppose évidemment la reconnaissance du droit à l'équité salariale, ce que nous reconnaissons.

La loi impose ainsi aux entreprises assujetties différentes obligations selon leurs tailles, allant d'une démarche d'équité salariale afin de corriger les écarts salariaux au développement d'un programme d'équité salariale, en incluant un comité d'équité salariale pour les 100 personnes salariées et plus. L'employeur doit évaluer les emplois, comparer la valeur de chaque catégorie d'emploi féminin à celle de catégories d'emploi masculin, et estimer les écarts, et en faire les versements. Il doit par la suite maintenir l'équité salariale dans son entreprise.

n(15 h 50)n

On en conclura que la loi a généré, après ces 10 dernières années, un fardeau administratif assez lourd pour les employeurs. C'est également une loi qui est complexe et difficile à appliquer. Les écueils de cette loi et les nombreux problèmes d'administration et aussi d'application qu'elle présente sont exposés dans le rapport, qui fait état de toutes les difficultés reliées à l'application de la loi pour les entreprises de petite taille. Et je vous référerais à la page 29 du rapport, sans y aller de façon exhaustive quant à l'énumération. De plus et de façon générale, l'expérience des 10 dernières années a permis aussi de constater divers problèmes majeurs à l'égard de l'application de cette loi-là. Encore là, notre mémoire en fait état abondamment à la page 5 et 6.

Mais j'aimerais céder la parole à Mme Phaneuf, qui va vous faire un petit exposé sur la question des problèmes vécus dans les 10 dernières années.

Mme Phaneuf (Marie-Lise): Alors, M. Lafleur m'a donné cinq minutes pour essayer de faire le sommaire de 10 années de vécu dans le commerce de détail. J'ai eu l'opportunité d'oeuvrer dans de nombreuses entreprises du commerce de détail et d'autres secteurs également. Et, sans vouloir peut-être tomber dans le piège des technicalités, comme ont parfois tendance à le faire les consultants, j'aimerais quand même attirer votre attention sur un certain nombre de problématiques qu'on a rencontrées, plus spécifiques aussi au commerce de détail. Entre autres, un exemple assez concret, la rémunération variable, comme vous le savez, qui doit être comptabilisée dans la rémunération aux fins du calcul des écarts salariaux. Elle est omniprésente dans le commerce de détail sous la forme de commissions, de bonis à la vente, etc.

Maintenant, la commission nous donne relativement peu d'indications là-dessus. Elle nous dit: Il faut regarder les commissions que recevrait normalement un employé qui répond aux attentes. Alors, c'est une vision, je dirais, assez simplifiée des choses. Quand on se retrouve à l'appliquer, ça devient beaucoup plus complexe. La rémunération variable, elle peut varier en fonction de facteurs individuels reliés au rendement, de facteurs organisationnels, en fonction des services et aussi des produits qui sont vendus, de la stratégie de marketing de l'entreprise. Il y a des années où, par exemple, on dit: Les vêtements, telle collection se vend moins bien, et les employés sont directement affectés dans leurs commissions, dans leurs revenus, par certains choix que l'entreprise a pu faire et aussi par des facteurs, je dirais, conjoncturels, qui sont liés au cycle économique naturellement parce que, quand le volume des ventes baisse, naturellement les commissions des employés baissent également.

Alors, je ne sais pas si vous voyez un peu la problématique à laquelle on est confrontés. En comptabilisant, par exemple, pour des emplois féminins, salaires fixes et commissions, dans une conjoncture où les commissions, pour toutes sortes de raisons, se mettent à baisser, l'employeur, dans une optique de maintien de l'équité salariale, devrait suppléer à ce manque de commissions là, d'une certaine façon, par de la rémunération fixe. Donc, non seulement ses revenus baissent, mais il doit payer ses gens plus cher si on s'appuie sur les principes actuels d'application de la loi. C'est un des exemples concrets qui sont vécus dans le commerce de détail.

C'est évident aussi que, l'application dans les petites entreprises, et je pense qu'on ne le dira jamais assez et vous l'avez probablement entendu beaucoup dans les deux derniers jours, je pense qu'on a sous-estimé la complexité et la difficulté d'application de la loi dans les petites entreprises. Et principalement... Il y a toutes sortes de raisons, elles ont, je pense, beaucoup été invoquées ici. Mais, quand on entre dans un environnement qui est relativement peu structuré ? et les petites entreprises ont besoin de cette flexibilité-là souvent pour opérer, polyvalence de tâches, cumul de tâches, etc. ? et qu'on essaie d'implanter une démarche très structurée, on se heurte à toutes sortes de problèmes.

Et la commission actuellement, dans les outils qu'elle met à disposition, la formation qu'elle met à la disposition des petites entreprises, il est prévu une demi-journée de formation. Je pense que vous avez deux formateurs présentement. On prévoit une demi-journée de formation pour une petite entreprise pour couvrir la loi et la démarche. Et on prévoit aussi un progiciel qu'on remet aux entreprises. Si vous me permettez un petit peu l'analogie, je pense que ce serait difficile pour moi, même si vous me donnez un très bon coffre d'outils, de me mettre à construire une maison. Et c'est un petit peu la chose à laquelle souvent sont confrontées les entreprises lorsqu'elles appliquent la loi.

Finalement, les coûts sont importants, on en a aussi beaucoup discuté, les coûts, par exemple, d'avoir une personne affectée à un dossier comme ça, les coûts, par exemple, de temps des employés qui doivent siéger à un comité d'équité salariale, les coûts de consultation, etc. Et ces coûts-là sont considérables pour l'entreprise. Et je pense qu'on ne peut pas passer outre ça.

Il y a une chose aussi qui est importante dans les difficultés qui ont été rencontrées. Je pense que beaucoup d'entreprises, en 1997, je dirais même sous l'égide du Conseil québécois du commerce de détail...

Une voix: ...

Mme Phaneuf (Marie-Lise): Une petite minute, je vais terminer avec ça, si vous me permettez.

La Présidente (Mme Morissette): Il reste cinq minutes, c'est ce qu'il a voulu dire.

Mme Phaneuf (Marie-Lise): D'accord. Le conseil avait, en 1997, été très proactif. Ils avaient été parmi les premières entreprises... associations patronales à prévoir une démarche sectorielle. C'est-à-dire qu'on avait développé des outils, un plan de formation pour aider les entreprises à appliquer la loi. Beaucoup d'entreprises se sont mises de bonne foi au travail en 1997 pour être dans les délais et avoir terminé la démarche en 2001. Maintenant, on constate que la commission, après 2001, a continué à émettre toutes sortes d'avis et d'orientations qui viennent affecter des programmes qui ont déjà été complétés en 2001. Et ça, c'est regrettable parce qu'on est dans une application rétroactive de certains principes qui n'existaient pas au moment où les employeurs étaient à compléter la démarche.

Alors, je pense que ça fait... Il y en aurait encore pour longtemps, je pense, à décrire les problématiques auxquelles les entreprises ont fait face, mais on aura peut-être l'occasion d'y revenir dans la période de questions.

M. Lafleur (Gaston): Merci. Ce qu'on souhaite démontrer essentiellement, ce n'est pas passer la panoplie de toutes les problématiques qu'on a rencontrées dans les 10 dernières années, mais plutôt vous exposer clairement qu'il y a des problèmes, des problèmes sérieux qui n'ont rien à voir avec les changements de mentalité, qui ont affaire plutôt avec l'application et l'interprétation qu'on a donnée à cette loi-là dans les 10 dernières années, et qu'on doit en tenir compte.

Ça nous amène aussi à une réflexion, qui est une recommandation que nous faisons, à l'effet qu'il faut aller un petit peu plus en avant que les quelques recommandations qui ont été faites, qui sont peut-être des recommandations techniques mais qui ne vont pas vraiment au fond des problèmes. On n'a pas traité aucun des problèmes, qu'on a mentionnés dans notre mémoire, qu'on a vécus durant 10 ans. On ne s'est pas vraiment questionnés sur la situation des 10-49, qu'est-ce qui fait que ces gens-là ne sont pas capables et, après 10 ans, sont dans un environnement d'illégalité par rapport à une loi. Ce qui est tout à fait inacceptable et ce qui nous interpelle à savoir: Qu'est-ce que c'est qui ne marche pas? Est-ce qu'on a affaire à une législation qui est inapplicable? Est-ce qu'on a des problèmes dans l'application? Est-ce qu'il y a d'autres choses qu'on devrait faire? Est-ce que la Commission de l'équité salariale est équipée correctement pour être capable de faire le travail d'information, d'appui et de support auprès des entreprises? Est-ce que l'absence du patronat, dans toute cette démarche-là, peut peut-être éclairer le pourquoi des choses? Qu'est-ce que c'est qui se passe avec ça?

Et, nous, la façon dont on l'aborde, c'est qu'on s'est dit: Regardez, c'est sérieux, là, ce qui s'est passé dans les 10 dernières années, il faut en tenir compte. Beaucoup d'éléments, on n'en tient pas compte dans le mémoire. C'est bien parfait. Nous, on vous souhaite le souligner. Mais demandez-nous pas de trouver des solutions aux problèmes comme ça, dans une commission, en cinq ans. Ce qu'on vous dit par contre, c'est qu'il faut créer un comité, une expertise qui sera sous l'égide du ministre, sous l'égide et la gouverne du ministre. La Commission d'équité salariale peut être observatrice ou apporter son apport, mais nous ne croyons pas que la Commission d'équité salariale devrait mener ces travaux-là. Et ça doit faire absolument... ça doit faire qu'on doit intégrer là-dedans les vrais partenaires. Si le patronat est un partenaire dans le processus, bien, qu'il le soit vraiment, pas seulement en parole.

Et, dans le processus, on doit aussi considérer toute la question de la gouvernance, de la gouvernance de cette organisation si on veut vraiment... Et là je vais vous citer les quatre aspects: si on veut faciliter la réalisation du mandat de la commission afin d'être mieux supportée, qu'elle disposerait d'un forum pour valider sa vision, ses valeurs, ses axes d'intervention, ses procédures et ses règles, si on veut assurer le contrôle de la direction de l'organisme par tous les acteurs concernés ? si on est vraiment une partie prenante ? si on souhaite vraiment rehausser la crédibilité et la légitimité, qui est souvent attaquée par plusieurs intervenants, que ce soit une perception ou une réalité, peu importe, on sait qu'il y a un inconfort là-dedans, alors si on veut augmenter ça ? puisque tous les interlocuteurs seraient présents, c'est-à-dire employeurs, syndicats, travailleurs, groupes de femmes ? et finalement si on veut aider une meilleure mise en place de la loi au sein des entreprises, bien on devrait effectivement mettre en place un système de gouvernance.

Et, si on veut rapprocher les parties, hein, rapprocher les parties afin d'aplanir, par la concertation, la polarisation des positions, qu'on commence à voir soudainement depuis deux jours, hein, je pense qu'il va falloir qu'on se mette à l'ouvrage correctement, et qu'on aborde les vraies questions, et qu'on considère... qu'on se pose des questions. Si les 10-49, là, ils ont de la difficulté à l'implanter, il va peut-être falloir penser à un autre système, à une autre façon de faire, une autre façon de voir les choses, qui permettrait d'assurer la réussite de l'application de l'équité salariale mais peut-être pas dans un exercice aussi complexe. Alors, voilà, c'est ce qu'on vous dit essentiellement. La balance, vous avez nos conclusions et nos commentaires. Merci.

La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Oui, puis vous aurez certainement l'occasion d'en parler davantage en répondant aux questions. Donc, M. le ministre, à vous la parole.

M. Whissell: Bien, merci. Merci, M. Lafleur, mesdames. Et, Mme Beaudoin, je tiens à vous rassurer, si on a commencé un peu plus vite, c'est parce que la commission a pris un peu d'avance dans ses travaux. Mais vous vous êtes jointe à nous.

n(16 heures)n

M. Lafleur, vous parlez du comité. On a eu l'occasion d'en discuter avec d'autres groupes, principalement du côté patronal. Comité, là, ça prend quand même un certain mandat si on veut que le comité puisse produire des fruits intéressants. Quels sont les enjeux ou les points spécifiques qui devraient être abordés dans un comité qui pourrait être créé?

M. Lafleur (Gaston): La première chose, sous votre gouverne, on se comprend...

M. Whissell: Je l'ai bien noté.

M. Lafleur (Gaston): O.K. L'objectif, le mandat du comité serait de traiter, dans la mesure du possible, les problèmes et irritants qui empêchent la réalisation de l'exercice d'équité salariale. Ça doit être ça, le mandat. Pour des entreprises assujetties, avec, bon, évidemment un échéancier dans le temps ? ça ne peut pas s'éterniser, là, il faudrait que vous fixiez un échéancier ? bien le mandat devrait... je veux dire, il faut prendre en compte les divers problèmes. On vous en expose un ou deux qui ne sont même pas marqués dans notre document actuellement. Puis je voyais plusieurs des membres alentour de la table qui hochaient la tête, qui hochaient la tête, oui. Mais l'expérience de 10 ans, si elle veut nous profiter et représenter un tremplin efficace, c'est qu'on puisse profiter de nos erreurs, des situations difficiles qu'on n'avait pas envisagées quand la loi a été conçue en 1996, on était tous de bonne foi.

Mais là on les a vécues, on ne peut plus les nier, et il faut trouver une solution parce que, continuer comme ça, dans 10 ans on va peut-être avoir encore 19 000 entreprises qui sont encore dans l'illégalité. Ce n'est pas ça qu'on veut. Ce n'est certainement pas en jouant au gavage de canard, puis on va faire entrer ça dans les entreprises à coups de sanctions... Excusez-moi, là, je pense qu'il n'y a pas un gouvernement qui peut se tenir debout en disant ça. Il faut trouver des solutions et des solutions qui vont être acceptées et qui vont être gérables et applicables. Et c'est ça qu'il faut traiter. Un genre de comité comme ça devrait aborder ces questions-là et essayer de faire avancer les choses, mais ce n'est pas un exercice qui va se faire en deux semaines, c'est évident.

Mais, si on veut vraiment avoir la volonté des parties, impliquez les parties ensemble. C'est important, ça, quand on parle de la... Si on veut une certaine forme de conciliation, il faut que ça avance, ça. Ça ne s'est pas vu dans le passé. Il y a eu des efforts qui ont été faits par la Commission de l'équité salariale dans le passé, c'est évident, mais ça a été des éléments un peu... ça a été sporadique, hein? Alors, nous, on pense qu'il faut vraiment... Non, si on veut vraiment nous considérer comme des partenaires, il faut que des représentants d'employeurs s'impliquent dans le dossier au même titre que... On a fait des belles réussites en matière de travail, que ce soit la Commission de santé et sécurité du travail, que ce soient, dans une certaine mesure, les normes du travail, la Commission des partenaires du marché du travail.

Moi, je ne veux pas rentrer dans le formalisme de la structure. C'est sur le principe de la gouvernance. Quel genre de structure on fera, bien c'est vous qui allez convenir d'une méthode, mais c'est une question qui pourrait aussi être abordée dans le cadre d'un mandat comme ça.

M. Whissell: Tantôt, Mme Phaneuf m'a laissé un peu sur mon appétit. Vous avez commencé à parler des problématiques, mais on a manqué de temps pour votre présentation, là. Je vous en donne, du temps, là, parce qu'on est ici pour entendre les problématiques, puis après ça pour trouver les solutions, là.

Mme Phaneuf (Marie-Lise): Combien de temps?

Des voix: ...

Mme Phaneuf (Marie-Lise): Bien, écoutez, il y en a beaucoup, effectivement. Au niveau, par exemple, de la rémunération en valeur pécuniaire, de toute l'estimation des autres avantages, de la valeur des régimes de retraite, la valeur des régimes d'assurance collective, il y a une complexité associée à ça, comment est-ce qu'on les... Une autre problématique qui est bien importante aussi, c'est la question des pénuries de main-d'oeuvre. On constate parfois des écarts salariaux entre catégories d'emploi féminines et masculines. Dans les catégories d'emploi masculines, parfois c'est causé par des pénuries de main-d'oeuvre. Comment déterminer ou estimer l'écart qui est attribuable à une pénurie de main-d'oeuvre et ce qui est attribuable à de la discrimination systémique? C'est une question importante, ça, et c'est l'employeur qui a le fardeau de la preuve. Alors ça, c'est une autre question où on ne s'est pas penché encore sur une méthodologie concrète là-dessus. Oui.

M. Whissell: C'est une sous-question. Dans les cas de pénurie, l'article 67 tel qu'il est présentement ne donne pas assez de précisions?

Mme Phaneuf (Marie-Lise): Bien, l'article 67, en fait il nous dit simplement que, lorsque l'écart salarial est causé par une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée, effectivement on peut ne pas comptabiliser cet écart-là comme étant un écart au sens de la Loi sur l'équité salariale. Mais, quand on constate un écart de x % entre deux catégories d'emploi équivalentes, qui peut être de 10 % ou de 15 %, est-ce que cet écart-là est causé à 100 % par notre problème de pénurie de main-d'oeuvre ou est-ce qu'il y a un écart qui est attribuable aussi à de... Et, en cas de contestation, si on ne corrige pas cet écart-là, c'est l'employeur qui devra faire la preuve devant la Commission d'équité salariale qu'effectivement ce 10 % ou ce 15 % là est causé par une pénurie de main-d'oeuvre.

M. Whissell: La solution serait quoi?

Mme Phaneuf (Marie-Lise): Bien, écoutez, je pense qu'il va falloir établir des paramètres et une méthodologie pour dire qu'est-ce qui détermine, qu'est-ce qui constitue une pénurie de main-d'oeuvre et comment l'employeur pourra la démontrer à partir de certaines statistiques précises. Mais pour l'instant ce n'est pas défini, comment la commission traiterait ces questions-là, par exemple, dans le cas où ça se présenterait, et c'est toujours difficile à estimer. On en a parlé beaucoup, l'écart salarial hommes-femmes peut être causé par une multitude de facteurs, mais c'en est un, la pénurie de main-d'oeuvre, c'est une exception prévue à la loi, et encore on n'a pas vraiment de façon, je dirais, définie et relativement simple de l'estimer.

Dans d'autres problématiques auxquelles on a été confronté dans le commerce de détail, ce qui est particulier, c'est l'existence de réseaux de franchisés. Et, dans les réseaux de franchisés, vous savez que ce sont des établissements, des entreprises distinctes souvent, de par leur structure juridique, mais certains réseaux de franchisés et pas tous décident d'adopter en fait un ensemble de conditions de travail, incluant les conditions de rémunération, identiques pour toutes les entreprises de l'ensemble du réseau. Maintenant, dans une démarche d'équité salariale au sens de la loi actuellement, si un réseau de franchisés comprend 150 établissements, on devrait faire 150 démarches distinctes d'équité salariale, établissement par établissement, puisque ce sont des structures juridiques distinctes.

Un des problèmes qu'on a aussi, c'est que tous ces exercices d'équité salariale là ne seront pas identiques parce que, dans un réseau de franchisés, on peut avoir des petites, des moyennes et des grandes entreprises, et on ne retrouve pas toujours les mêmes comparateurs, et on ne retrouve pas toujours non plus la même prédominance au niveau des emplois. Le comptable dans l'entreprise X va être féminin, tandis que, dans l'entreprise Y, il est masculin.

Alors, si on suit la loi à la lettre, on va devoir faire 150 programmes d'équité salariale distincts dans un réseau de franchisés. Et ces gens-là ont justement implanté des conditions de rémunération et des conditions de travail identiques par souci d'équité pour favoriser la mobilité de la main-d'oeuvre à l'intérieur de leur réseau de franchisés et s'assurer que les gens peuvent aller travailler d'un établissement à l'autre sans perte de privilèges ou d'ancienneté. Alors ça, c'est une des problématiques qu'on vit dans le commerce de détail actuellement et pour laquelle il n'y a actuellement pas de réponse dans la loi, et je pense que ce serait intéressant d'introduire des dispositions à cet effet-là.

Autre problématique, règlement des entreprises sans comparateur masculin. On sait que le commerce de détail est un secteur assez féminisé. Il y en a beaucoup, d'entreprises, qui n'ont pas de comparateur masculin. Je peux vous dire, pour avoir fait l'exercice dans des entreprises sans comparateur masculin, si l'évaluation des emplois réels est complexe, j'en passe sur l'évaluation d'emplois fictifs. Alors, c'est sûr que, quand on s'assoit avec une entreprise pour évaluer des emplois qui n'existent pas dans l'entreprise, qui sont virtuels, à toutes fins pratiques, et souvent qui n'ont pas de pertinence dans la réalité de l'entreprise, mais on doit tout de même les coter et leur attribuer une rémunération, elle aussi, qui est fixée d'une façon fictive, si on veut, à partir de certaines données de marché, bien, quand on se retrouve ensuite à faire l'exercice avec ces entreprises-là, je peux vous dire que ce n'est pas facile.

M. Whissell: Avez-vous une solution dans les cas où il n'y a pas de comparateur masculin?

Mme Phaneuf (Marie-Lise): M. Lafleur.

M. Lafleur (Gaston): Oui. En fait, on a deux suggestions que l'on fait dans notre mémoire, aux pages 8 et 9. On propose la possibilité de recours à des comparateurs masculins issus du secteur d'activité de l'entreprise. À titre d'exemple, mettons, si on a une entreprise de commerce de détail à 100 % féminine, on pourrait utiliser des emplois de commis d'entrepôt ou de commis-livreur à titre de comparateurs masculins et s'appuyer sur des données de rémunération, comme on dit, provenant d'enquêtes salariales sectorielles ou encore provenant d'entreprises où un programme d'équité salariale a été réalisé conformément à ce qu'on peut faire en vertu de l'article 114, 2° alinéa. Ainsi, les comparateurs masculins utilisés auraient une certaine pertinence en regard des activités de l'entreprise, et la rémunération qui leur serait associée ne relèverait pas de l'arbitraire, mais bien de données de marché réelles. Les comparateurs masculins sectoriels pourraient être suggérés par les associations sectorielles comme la nôtre et finalisés de concert avec la commission. On pense qu'il y a des...

n(16 h 10)n

Alternativement, on pourrait recourir à des comparateurs masculins issus d'entreprises faisant partie du même réseau que l'entreprise sans comparateurs masculins. Parce qu'il y a des entreprises où, à cause de la situation, ils ont des comparateurs masculins, mais ils n'en ont pas ailleurs. Ça fait que, là, ils ne peuvent même pas utiliser leur propre système de comparateurs, il faut qu'ils prennent ce qui est prévu par le règlement. Ainsi, certaines entreprises sans comparateurs masculins mais faisant partie d'un réseau où l'on trouve de tels comparateurs pourraient élaborer leurs programmes d'équité salariale en utilisant des comparateurs masculins présents dans les autres entreprises d'un même réseau, plutôt que d'importer des comparateurs externes comme le prévoit le règlement actuellement. En fait, c'est une exclusion. Alors ça, ce seraient des...

M. Whissell: ...n'empêchera pas nécessairement l'autre.

M. Lafleur (Gaston): Non, mais actuellement le règlement ne permet pas ça.

M. Whissell: Vous n'avez pas le choix présentement, c'est ça.

M. Lafleur (Gaston): ...il y a une solution. Souvent, on nous disait que malheureusement la commission devait opérer en fonction des paramètres de l'article 114 et que, semble-t-il, l'article de loi comme tel rendait complexe la préparation d'un règlement qui puisse tenir compte de ces choses-là.

M. Whissell: Est-ce que je peux vous poser une... Quand le règlement a été construit, est-ce que vous avez été consultés?

M. Lafleur (Gaston): On a été consultés, on a fait valoir notre position, on a même fait nos représentations au ministre de l'époque. On n'a pas retenu nos commentaires.

M. Whissell: Voulez-vous, Mme Phaneuf, continuer avec les problématiques? Il nous reste du temps.

Mme Phaneuf (Marie-Lise): Bien, je pense qu'une problématique sur laquelle j'ai passé rapidement tout à l'heure concernait le fait qu'il y a certaines orientations ou directives qui émanent de la commission a posteriori de l'implantation des démarches. J'aurais deux exemples à cet égard-là.

En juillet 2001, dans son Info-Équité qui concerne les systèmes d'évaluation des emplois, la Commission d'équité salariale, pour la première fois, donnait aux entreprises des balises quant à la pondération des facteurs d'évaluation qu'on devait retrouver. Alors, on disait: Dans une démarche d'équité salariale qui est exempte de discrimination fondée sur le sexe, voici à quoi la pondération devrait ressembler. Vous devez vous tenir à l'intérieur de certains paramètres: vous ne devez pas excéder 35 % de la pondération globale pour les qualifications, 30 % pour les responsabilités, 40 % pour les efforts et finalement 15 % pour les conditions de travail.

Alors ça, ce sont des directives qui ont été émises par la commission en juillet 2001. Les employeurs n'avaient pas eu accès à ces informations-là avant juillet 2001. Et ce qui s'est passé, c'est que, dans les processus de vérification des démarches qui ont été enclenchées en 2002, 2003, 2004 pour des employeurs qui avaient déjà complété leurs démarches depuis un bon moment, on leur disait: Bien, finalement, votre démarche, elle n'est pas conforme parce qu'elle ne respecte pas les balises au niveau de la pondération, par exemple, des facteurs d'évaluation.

Alors ça, c'est à mon avis l'application rétroactive de certaines orientations. On le voit aussi, je pense qu'on a abondamment débattu en commission de la question des programmes distincts là où les comparateurs féminins sont inexistants et de ce que ça représenterait pour les employeurs de devoir reprendre une démarche en intégrant dans leurs programmes tous ces programmes-là, distincts, finalement où on n'avait pas utilisé les comparateurs masculins. Alors, c'est sûr que de changer aussi la pondération d'un plan d'évaluation, ça revient à refaire la démarche complètement. Ça change les résultats d'évaluation, ça change les calculs et ça change, en bout de piste, également le versement des ajustements salariaux.

Alors, c'est sûr qu'il y a un certain inconfort, je dirais, des entreprises à cet égard-là. C'est un problème auquel on est confronté. Il faut aussi être conscient que cette expertise-là n'existait pas, je pense, quand la loi est arrivée en 1997. Il n'y avait pas de précédent au Québec. Il y en avait dans d'autres législations, ontarienne entre autres ? j'ai eu la chance de travailler en Ontario quelques années sur différents programmes ? mais elle n'existait pas ici, elle était à bâtir. Et c'est sûr qu'on se retrouve avec les résultats où on a certaines entreprises qui un peu, peut-être, se sont traîné les pieds en attendant des directives de la commission. Et il y a celles qui ont fait ce qu'elles avaient à faire et finalement se retrouvent aux prises avec des directives qui arrivent a posteriori de la démarche et doivent reprendre certains exercices d'équité salariale. Alors ça, c'est une problématique, je pense, qui est relativement importante actuellement dans le processus de vérification. Il y a beaucoup d'exercices qui doivent être repris parce qu'on n'a pas été conforme.

La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Il reste deux minutes. Je sais que le député de LaFontaine a manifesté qu'il avait une question. Il va falloir faire une courte introduction pour que les gens puissent répondre. On commence à le connaître après une journée et demie. Allez-y, M. le député de LaFontaine.

M. Tomassi: Merci. Merci beaucoup. Je vais y aller rapidement. Je voulais prendre un peu de temps pour parler un peu des coûts. Vous avez fait état tantôt des coûts, la charge pour l'entreprise pour faire l'équité salariale. Tantôt, nous avons eu le plaisir d'entendre M. Meloche, qui fait de l'équité salariale en entreprise, qui est venu nous dire qu'en réalité il y a un coût, oui, qui est rattaché à ça. En fin de compte, si les choses sont bien faites, le coût n'est pas énorme, et on se rend compte qu'à la fin du processus des fois le coût n'est pas là. Il a fait un peu l'image, là, du dentiste, là: on a peur d'y aller, puis, une fois qu'on est sortis, bien on se rend compte que ce n'était pas si pire que ça.

Puis vous parlez aussi... Dans la page 4, vous dites: «Le manque de connaissance du contenu réel des emplois dans l'entreprise...» Vous ne pensez pas qu'une entreprise, aujourd'hui, là, dans le contexte économique, connaître ces éléments-là pourrait même leur être bénéfique pour la concurrence, là, vis-à-vis d'autres entreprises du même genre?

Mme Phaneuf (Marie-Lise): La question s'adresse à moi?

M. Tomassi: À n'importe qui.

Mme Phaneuf (Marie-Lise): Alors, la question des coûts, elle peut varier en fonction de beaucoup d'éléments, c'est évident: Est-ce qu'il y a un comité, est-ce qu'il n'y en a pas? Combien il va y avoir de programmes d'équité salariale dans l'entreprise aussi? Est-ce qu'il s'agit d'une entreprise syndiquée ou d'une entreprise qui ne l'est pas? Est-ce que les relations de travail sont bonnes ou le climat est conflictuel? Je vous dirais que, quand ça va mal, ce dossier-là n'ira pas mieux que le reste. Ça, quand on commence déjà avec une pile de griefs sur la table, haute comme ça, on ne peut pas s'attendre à ce que ça va être aisé, faire une démarche d'équité salariale.

Alors, je pense que toute la question des coûts d'implantation, elle peut varier grandement. Les coûts de consultant peuvent aller de 1 000 $ de per diem à 3 000 $ et plus par jour, dépendant qui on embauche. Alors, je pense qu'on peut probablement en parler longtemps, de combien ça coûte, implanter l'équité salariale.

Quand on parle maintenant d'absence de connaissance du contenu des emplois, je pense que c'est la réalité dans les petites entreprises. Souvent, comme je vous disais, on arrive avec une démarche très structurée, et à prime abord il y a certaines choses qui doivent être presque préexistantes, presque des prérequis à une démarche d'équité salariale, à savoir: avoir minimalement une idée, avoir des descriptions d'emploi ou avoir une bonne connaissance du contenu des emplois déjà, en partant, avoir aussi une certaine... une structure salariale. Beaucoup d'entreprises n'ont pas ça, elles n'ont que des...

La Présidente (Mme Morissette): ...conclure rapidement, s'il vous plaît.

Mme Phaneuf (Marie-Lise): Pardon?

La Présidente (Mme Morissette): Il faudrait conclure rapidement, on a déjà dépassé.

Mme Phaneuf (Marie-Lise): D'accord. Elles n'ont que des salaires. Alors, déjà, je prends l'exemple, il y a des entreprises très, très structurées, comme le gouvernement par exemple, où on peut imaginer descriptions de tâches, structure salariale, et malgré ça je pense que le travail n'a pas été aisé. Et on peut s'imaginer quand il n'y a rien, les prérequis ne sont pas là, et on arrive dans une démarche qui est déjà beaucoup plus loin en aval, alors que les prérequis en amont ne sont pas là.

La Présidente (Mme Morissette): Merci. Ça met fin au temps, même qu'on a dépassé. On va aller tout de suite du côté de l'opposition officielle. M. le député de Terrebonne.

M. Therrien: Merci. Bon après-midi, M. Lafleur, Mme Phaneuf, Mme Poirier et Mme Beaudoin. Dans un premier temps, est-ce que vous aviez terminé avec les problématiques?

M. Lafleur (Gaston): On pourrait passer tout notre temps là-dessus. On pourrait passer tout notre temps.

M. Therrien: Non, je trouve que c'est intéressant de passer à travers parce que c'est vraiment... bon, vous avez une expérience terrain. Je pense, c'est beau avoir des beaux principes dans nos tours de verre, là, mais je pense que, l'expérience terrain, dans ce cas-là, je pense qu'on doit passer par là.

M. Lafleur (Gaston): Malgré le fait, M. le député, qu'il y ait des coûts, je demanderais quand même à madame, qui a une expertise reconnue, là, de vous parler un peu des coûts. Pas pour dire: Ça coûte cher. Ça, les coûts, il y en a, on va continuer, on va l'assumer. Mais c'est pour remettre les pendules à l'heure par rapport à ce qu'on dit dans le rapport au niveau des coûts et la réalité terrain. Ce qu'on entend parler, là, 5 000 $, ça, que ça coûte, peut-être que Mme Phaneuf pourrait nous en parler, puis... On convient qu'il y a un coût pour ça.

Mme Phaneuf (Marie-Lise): Bien, écoutez, moi, j'ai pris une entreprise peut-être de 100 employés et plus qui implanterait un programme d'équité salariale et où les choses ne sont pas compliquées et ça se passe bien. Alors, dans des simulations, il pourrait y avoir six personnes qui siègent à un comité d'équité salariale. Ce n'est pas beaucoup. La loi en permet jusqu'à 18. Six, c'est un comité modeste. Je pense que, si on prévoit huit à 10 rencontres ? et on parle vraiment d'un minimum, de rencontres d'une journée ? et si on commence à comptabiliser les salaires naturellement de ces personnes-là, bien je pense qu'on arrive assez facilement déjà à 10 000 $ de temps des employés qui doivent être vraiment dédiés à... Parce qu'on sait que le comité est le maître d'oeuvre de la réalisation du programme d'équité salariale. Il est évident que ça prend quelqu'un dans une entreprise pour piloter un dossier comme ça. Alors, que ce soit le comptable, le professionnel des ressources humaines, et je lui donne un salaire très modeste peut-être d'une cinquantaine de mille dollars par année, je pense qu'il peut facilement consacrer un mois, réparti sur une certaine période, à la réalisation d'un exercice comme celui-là. Alors, on vient d'ajouter 4 000 $ à 5 000 $ de coûts et plus en comptabilisant les avantages sociaux.

n(16 h 20)n

Maintenant, si vous embauchez un consultant qui va accompagner le comité d'équité salariale, et habituellement à chaque journée de rencontre peut correspondre une journée ou une demi-journée de préparation, on se retrouve facilement avec 15 à 20 jours de travail d'un consultant. Je vous ai parlé, tout à l'heure, de coûts qui peuvent aller de 1 000 $ jusqu'à 3 000 et plus dollars par jour, bien, quand on commence à regarder ça, ça fait une facture qui peut atteindre facilement les 50 000 $. Alors, je pense que déjà on est dans un programme où les choses se passent bien et minimalement on aura déjà dépensé, là, pour une entreprise, certainement 70 000 $, 75 000 $ assez facilement. Alors, on n'est pas... Et je vous parle justement de dossiers où il n'y a pas de complication et où les choses se passent relativement bien. Il y a des dossiers sur lesquels j'ai travaillé deux ans et demi avant que ça se règle. Alors ça, ça en fait, des réunions, et ça en fait, du temps de comité et du temps de consultation aussi.

M. Therrien: Merci. De notre côté, on est très sensibles à ce que vous vivez au niveau des commerces de détail. Et la députée de Groulx avait un supermarché, donc elle nous a fait part, hier, aussi de... pas de son expérience, mais qu'elle avait vécu la complexité du régime.

Donc, vous nous parlez d'une refonte majeure, dans votre mémoire, refonte en faveur d'une plus grande simplicité, donc moins de complexité. Selon vous, est-ce que la complexité de la loi fait en sorte que certaines entreprises ont de la difficulté à l'avoir appliquée maintenant?

M. Lafleur (Gaston): Bien, il y a certainement beaucoup d'entreprises actuellement qui ont des difficultés à faire leurs exercices d'équité salariale. Il y en a. Et là je ne questionnerai pas le rapport, je vais prendre le rapport pour ce qu'il est, avec les chiffres qu'il possède. On parle ici d'à peu près 53 % des entreprises qui n'ont pas réalisé l'équité salariale, globalement 56 % dans les petites entreprises 10-49. Ça, ça représente 19 522 entreprises sur un potentiel initial de 44 000, après 10 ans. Puis, en présumant de la... Il y en a là-dedans qui sont dans le processus, qui rencontrent des difficultés. Il y en a qui l'ont réalisée. Bien, en fait, elles prétendent l'avoir réalisée parce que la commission estime, elle, suivant certaines évaluations que, sur les 68 % qui disent l'avoir accomplie, elle prétend que c'est 47 % seulement. Alors là, il y a un problème. Mais à tout événement c'est évident que l'application de cette démarche d'équité ou du programme d'équité, dépendamment dans quelle catégorie d'employeur on tombe, représente une démarche qui est complexe. Elle peut être complexe à plusieurs niveaux. Ça peut avoir une influence sur les coûts évidemment, mais quand même il y a un objectif, c'est que les entreprises, jusqu'à la preuve du contraire, souhaitent faire en sorte que cet exercice-là se fasse et qu'il s'accomplisse.

Donc, le problème qu'on voit, c'est qu'on est confronté à une législation et une organisation, qui est la Commission de l'équité salariale, qui, à toutes fins pratiques, ne peut pas prétendre que la loi est un succès et que la loi accomplit son objectif. Il y a des problèmes, là, sérieux puis des problèmes qu'il va falloir traiter.

Mme Beaudoin (Manon): M. Lafleur, si vous permettez, je pourrais compléter en disant que le rapport fait état lui-même dans les faits saillants qu'«il persiste une certaine confusion et de l'incompréhension tant sur l'objet de la loi que sur la façon de la mettre en oeuvre». Alors, ça a été un des faits saillants que le rapport, là, a fait ressortir concernant le bilan, là, sur les 10 ans d'existence de la loi. Alors, on peut affirmer que ce n'est pas de mauvaise foi que les plus petites entreprises ne sont pas en mesure d'atteindre ou de compléter une démarche d'équité salariale. Et même j'ajouterais que quelquefois les plus petites entreprises sont un petit peu mêlées, là, entre: Est-ce que je dois faire une démarche ou je dois faire un programme d'équité salariale? Alors, il faudrait renchérir la Commission de l'équité salariale, je pense, qui est là pour aider davantage ces plus petites entreprises là à réaliser leur équité salariale.

M. Therrien: Donc, merci. Je vois, M. Lafleur, à vos propos que vous rejoignez un peu notre point de vue au niveau des données qui nous sont fournies dans le rapport. Nous, on a dit, d'entrée de jeu, hier, au début de la commission, que ces données-là nous laissaient perplexes quant aux contradictions qu'on pouvait y déceler. Donc, si je comprends bien votre point de vue, à ce niveau-là, je pense qu'on se rejoint.

J'aurais une question pour compléter au niveau des démarches. Ce matin, les chambres de commerce sont venues nous rencontrer, puis justement ça a été une préoccupation pour eux justement de... si on fournirait une certaine démarche aux petites entreprises pour les guider dans l'accomplissement de leurs programmes d'équité salariale. Est-ce que ça aiderait, selon vous?

Mme Beaudoin (Manon): Absolument. Je pense que la Commission de l'équité salariale a fait une tournée de formation en 2007, et ils offraient une demi-journée de formation aux entreprises. Ce n'est pas suffisant. Elles en ont besoin de davantage pour implanter l'équité salariale, qui est tellement importante dans notre société québécoise qu'il y a davantage à faire en termes de formation, absolument.

M. Lafleur (Gaston): Mais permettez-moi de compléter la réponse en vous disant que le problème est plus sérieux. Ce n'est pas uniquement une question d'aller en aval et d'essayer de faire appliquer quelque chose qui dépasse la complexité. On mentionnait tantôt le coffre à outils. Je pense qu'il faut profiter vraiment de l'expérience des 10 dernières années pour se questionner vraiment en amont à savoir si le mécanisme, la façon qu'on utilise actuellement est celle qui est vraiment la bonne. Et qu'on doit... La formation, et tout ça, là, c'est beau, là, mais ça présuppose qu'on est parfait en arrière, qu'on est correct.

Ce que, nous, on prétend, avec tous les problèmes qui ont été exposés, je pourrais vous dire: Regardez, nous, on est un grand secteur d'activité économique, un grand secteur d'emploi. Bien peut-être qu'on aurait besoin, nous, de notre secteur, de dire: Quelle serait la solution ou les solutions qu'on pourrait concevoir en fonction des préoccupations qu'on vit dans notre secteur d'activité, qui n'est peut-être pas le même processus qu'on va utiliser si on parle de notre secteur par rapport à un secteur comme la machinerie lourde ou la construction? Bon. Alors ça, là, il faut réinventer un petit peu, là. Il va falloir sortir un peu de notre coquille puis du principe sacramentel de ce que c'est, l'équité salariale ou du moins le programme d'équité salariale.

Alors, à notre point de vue, la question est beaucoup plus profonde que ça, mais là c'est à vous à décider, M. le ministre, où est-ce que vous voulez aller avec cette démarche-là. Si on veut simplement mettre un peu de baume sur le bobo, écoutez, on pourrait passer deux jours à vous exposer tous les problèmes qu'on vit et, à chaque question, on va encore se gratter la tête puis s'arracher les cheveux, comme nos entreprises, certains de nos entrepreneurs font. Ils s'arrachent les cheveux, ils ne savent pas comment traiter ça. Parce que, même en amont, on l'a dit, ils n'ont même pas de description de tâche. Tu sais, je veux dire, là, on part de loin. C'est ça. Alors, dans bien des cas... Et, moi, ce qu'on vous demande, puis ce qu'on vous interpelle, puis ce qu'on vous dit: Bien, regardez, on devrait peut-être s'asseoir sérieusement puis dire: Regarde, on va penser une solution. Si on veut vraiment, vraiment s'organiser pour que nos entreprises, surtout les 10-49, atteignent l'objectif, bien je pense qu'on va devoir reconsidérer l'expérience passée et, de là, retirer les aspects qui nécessiteront des ajustements mineurs ou majeurs, dans le but d'atteindre l'objectif.

M. Therrien: Donc, aussi j'aimerais revenir sur votre préoccupation aussi de la dualité du rôle de la commission. Plusieurs groupes ici nous disent puis ils maintiennent que... de garder et n'enlever aucun droit à la commission, donc la laisser avec tous les droits d'adjudication qu'elle possède pour l'instant. Donc, en vous écoutant suggérer une solution de paritarisme, comment pouvez-vous expliquer que certains groupes tiennent mordicus à garder le rôle de la commission telle qu'elle est présentement?

M. Lafleur (Gaston): Bien, il y a deux aspects. Premièrement, au niveau de la dualité, il y a un sujet qu'on souhaiterait clarifier parce que, dans notre mémoire, il y a une petite erreur, une petite coquille dans notre recommandation. Je vais demander à Me Poirier de vous expliquer notre position clairement à l'égard de la dualité, juridiction... Bon. Et puis après ça je reviendrai avec...

n(16 h 30)n

Mme Poirier (Katherine): En fait, oui, on vous parlait du retrait du pouvoir d'intervention de la Commission de l'équité salariale. Il faudrait modifier notre recommandation, qui se trouve à la page 14, dans le bas, pour retrancher la première phrase et conserver seulement qu'un amendement à la loi est nécessaire afin de préciser à l'article 104 que seules les parties peuvent saisir la CRT de leurs différends, donc à l'exclusion de la CES. C'est un droit qui a été reconnu dernièrement à la commission d'intervenir de façon agressive dans les litiges lorsque les parties sont insatisfaites des mesures correctives qui ont été promulguées par la commission elle-même. Et on estime que ça, ça interfère avec le rôle de neutralité de la commission et son objectif de neutralité. Donc, en ce sens-là, quand on parlait de dualité, la commission se trouve à être à la fois une partie et à la fois juge, et donc c'est pour ça qu'on voulait faire cette précision-là. Je vous laisse, pour le reste, parler du côté paritaire.

M. Lafleur (Gaston): Oui, d'accord. Bien, si on parle du côté paritaire dans le sens du processus de gouvernance... bon, O.K., nous, notre position est assez claire là-dedans. On ne souhaite pas, absolument pas que cette forme de gouvernance s'ingère dans les processus quasi judiciaires de la commission. Ce n'est pas ça, l'objectif, mais il y a un volet très important qui demeure quand même au niveau des orientations, des politiques, et tout ça. Et, à notre point de vue, ce volet-là nécessite, surtout si on considère qu'on a besoin des partenaires impliqués là-dedans, qu'ils soient impliqués dans le processus et qu'ils puissent valider. Si on arrive puis on nous impose des choses puis, à un moment donné, ça ne fonctionne pas, je pense que, si on souhaite faire avancer les choses, il faut procéder différemment, puis ce n'est pas par des comités consultatifs qu'on peut atteindre ça.

La CSST joue un rôle, aussi, à certains égards, qui est quasi judiciaire, et un rôle administratif d'application de réglementation. La Commission des normes du travail a aussi un conseil d'administration qui a un mandat spécifique en ce qui concerne le conseil d'administration. Mais ce n'est pas le conseil d'administration de la Commission des normes qui va commencer à s'ingérer dans le processus des décisions qu'il amène devant les tribunaux, devant la CRT. Alors, l'un n'est pas plus exclusif que l'autre.

D'autre part, il faut dire qu'on a, au Québec, développé dans le temps un concept de relations de travail paritaire qui a connu du succès. Si on le fait au niveau de la Commission des partenaires du marché du travail, on le fait au niveau de la CSST, on le fait au niveau des normes, pourquoi ne le ferions-nous pas au niveau de l'équité salariale? Là, je parle de l'équité salariale, hein? Bon. Alors, c'est dans ce sens-là.

Maintenant, si ça pose problème, c'est bien. On a identifié le problème? 50 % de la solution est là. Il faut avoir le vouloir, la volonté de la trouver, la solution. Si on ne veut pas la trouver, on va garder le problème tel quel.

La Présidente (Mme Morissette): Il reste 30 secondes, environ.

Une voix: Merci.

La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Alors, ça met fin au bloc de l'opposition officielle. On va aller tout de suite à la deuxième opposition. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Alors, merci, Mme la Présidente. M. Lafleur et les personnes qui vous accompagnent, bienvenue en mon nom, au nom de ma collègue la députée de Taschereau.

Les commerces de détail que vous représentez, M. Lafleur, ont dû quand même se réjouir du règlement intervenu sur l'équité salariale dans la fonction publique au printemps dernier. Il me semble vous avoir vu à la télé...

M. Lafleur (Gaston): Oui? Ah...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: ...confirmer ce que Statistique Canada prévoyait, une forte hausse de la vente au détail?

M. Lafleur (Gaston): Vous savez, Mme Harel, tout ce qui peut augmenter la capacité d'achat de nos consommatrices et de nos consommateurs nous fait plaisir. Donc, le commentaire que je faisais à l'époque, c'est après une injection aussi importante dans l'économie québécoise, c'est évident que ça ne peut pas passer inaperçu et que fort probablement une certaine proportion de ce montant-là a été utilisée par nos consommatrices, qui le méritaient bien et qui en ont probablement profité pour aller fréquenter nos établissements. Donc, nous en étions heureux.

Mme Harel: En fait, c'est en tant que productrices de biens et de services qu'elles ont pu bénéficier de cette marge de manoeuvre qui leur aura permis en fait de procéder à des achats.

Écoutez, j'ai ici, grâce à mes collègues, là, le programme d'équité salariale d'un comité sectoriel. C'est le comité sectoriel qui rejoint 1 000 petites entreprises entre 10 et 49 employés qui n'ont pas toutes la même taille parce que certaines de ces petites entreprises en fait embauchent 10, 15, d'autres, 40, 50. Il s'agit du comité sectoriel des centres de la petite enfance, démarche d'équité salariale des services de garde et des bureaux coordonnateurs, et c'est assujetti à la Loi sur l'équité. Et c'est vraiment intéressant.

Alors, je me demandais, vous, comme comité sectoriel, pas en tant que... vous en faites partie; en fait, vous en êtes l'âme dirigeante.

M. Lafleur (Gaston): On a un comité sectoriel, oui.

Mme Harel: C'est ça, vous en êtes aussi l'âme dirigeante. Est-ce qu'il existe un guide du formulaire d'équité salariale, ensuite un système d'évaluation des emplois, guide d'interprétation, ensuite des formulaires qui sont sur des sites qu'on peut se procurer et qui tout simplement peuvent être remplis? Je pense qu'un après-midi peut suffire, là. Est-ce que tout ça existe et permettrait à ces petites entreprises de 10 à 50 employés, quand même, là, de bénéficier de ce qui semble donner des résultats quand même, à l'évidence?

M. Lafleur (Gaston): Bien, écoutez, apparemment je ne peux pas parler pour notre comité sectoriel de main-d'oeuvre, vous comprendrez. Et ce n'est pas... Peut-être par un oubli de mémoire, là, parce que j'en fais partie, je suis sur le conseil d'administration. Mais je sais que, nous, au Conseil québécois du commerce de détail, comme on l'a mentionné plus tôt, on a entrepris une démarche significative qui a permis de développer un document assez volumineux, qualitativement... aussi de qualité, pour aider nos membres. Et ça, on l'a développé en 1997, il est toujours d'actualité. Et puis on a fait, en tout cas, une démarche qui est probablement similaire à celle-ci. Mais ce que je veux dire, par exemple, c'est que, si on avait créé vraiment un partenariat avec le patronat, probablement qu'on aurait une multitude de projets, de programmes comme ça existant aujourd'hui qui répondraient aux préoccupations sectorielles. Et ce qui est malheureux, c'est que ça ne s'est pas développé.

Il faut dire qu'au départ personne... on ne connaissait absolument rien sur la façon de monter un programme, il faut bien se l'admettre. Mais, quand même, aujourd'hui, avec l'expertise qu'on a, je présumerais qu'une des démarches qui devraient être considérées, ce serait de faire ce type de programme là en l'adaptant évidemment aux préoccupations sectorielles. Nous, si on en a fait un chez nous, c'est qu'on savait pertinemment qu'on avait une situation particulière qui nous affectait, qui n'était pas la même que d'autres secteurs. Puis on partait un peu dans la nébuleuse. La commission à l'époque avait très peu de moyens, avait... Bon. Alors donc, c'est évident.

Mme Harel: Donc, c'est possible, hein?

M. Lafleur (Gaston): Ah oui! Bien, nous, on en a fait un, je veux dire.

Mme Harel: Donc, c'est possible. Concernant toute la question de la gouvernance, la question, c'est de savoir: Est-ce que c'est une des normes du travail ou bien c'est un droit? On réfère...

Mme Poirier (Katherine): C'est un droit fondamental.

Mme Harel: ...un droit fondamental.

Mme Poirier (Katherine): Ça vient de la Charte des droits et libertés, l'article 19; on le reconnaît.

Mme Harel: Alors, la question est: Est-ce que, par exemple, la Commission sur l'équité devrait relever de la commission des droits et libertés de la personne? La commission des droits et libertés de la personne, je regardais son mandat, là, c'est un mandat multiple, hein? Elle mène des enquêtes, elle implante des programmes d'accès à l'égalité, elle peut élaborer les mêmes programmes, elle peut appliquer, si vous voulez, des dispositions et puis être partie prenante au Tribunal des droits de la personne.

En fait, quand on parle de droit, on n'est plus dans le domaine des parties, là. Ce n'est plus un domaine de négociation. Parce que, si on avait laissé ça aux parties, bien il fallait comprendre aussi que la discrimination systémique, elle était codifiée dans les conventions collectives aussi, là, hein? Alors, comment on en sort donc de ce face-à-face, là, pour faire en sorte que ce soit un droit qui soit appliqué?

Bon. Il y a eu des propositions de comités aviseurs. Vous dites un comité... bon, vous aimeriez mieux un conseil d'administration. Quoi qu'il en soit, c'est à se demander si la Commission sur l'équité ne devrait pas aussi relever de la Commission sur les droits de la personne, non pas en tant qu'article 19 avec la même loi, mais en relevant, cette fois-là, d'une commission des droits.

M. Lafleur (Gaston): C'est une question fort intéressante qui pourrait certainement être considérée par un comité de travail. Je pense qu'on doit essayer d'innover. Et c'est clair que, si on continue dans l'axe où on va actuellement, la commission va en arracher. Je pense qu'il faut être conscient de ça. Moi, je le fixe comme prémisse. On dit: Le passé n'est pas garant de l'avenir. Dans le cas présent, je dirais que le passé... je pense que, si la commission veut arriver de bonne foi à réaliser son mandat, on risque d'avoir peut-être un petit peu de fil à retordre. Alors, si on peut penser à des solutions, des alternatives...

Et pourquoi tous les intervenants présents vous ont exprimé, sous une forme ou une autre, la nécessité d'avoir une convergence de rapports, d'échanges? Qu'on appelle ça un comité consultatif, qu'on appelle ça un conseil d'administration, c'est qu'il y a un besoin. Il y a un besoin. Puis, dans les 10 dernières années, il n'a pas été comblé, ce besoin-là. Dans le fond...

Mais comment ça va se faire? Bien là, je pense que le comité qu'on propose devrait probablement se pencher là-dessus puis aborder les questions franchement, tout ça dans un objectif ultime de faire en sorte qu'on puisse faire en sorte que les programmes se réalisent. C'est ça qu'on veut. On n'a pas fait une loi pour dire: On ne veut pas qu'elle se réalise. On veut la réaliser.

n(16 h 40)n

Mme Poirier (Katherine): Juste en complément. C'est pour ça d'ailleurs qu'on suggère que le maintien comme tel de l'équité salariale relève de la Commission des droits de la personne, donc justement parce que c'est un droit fondamental, l'équité salariale.

Mme Harel: Mais, ceci dit, là, ce que vous proposez, c'est le retour au statu quo antérieur, c'est-à-dire à l'article 19 de la charte adoptée depuis 1975 et qui a donné, disons, la solution de loi étant donné la nécessité d'avoir une loi proactive. Vous savez qu'au fédéral il y a eu toute une étude puis un comité qui a recommandé une loi proactive. Vous savez aussi que revenir en arrière, à l'article 19 dans son application, sans la loi, ce serait impensable.

Mme Poirier (Katherine): Je suis bien d'accord avec vous. En fait, c'est pour ça qu'on parle du maintien, et non pas complètement de l'équité salariale, qui serait au retour à la Commission des droits de la personne. Donc, une fois que le programme, selon la Loi sur l'équité, serait complété, le maintien de l'équité retournerait à la charte et non pas comme telle l'application en entier de l'équité. On ne veut pas retourner en arrière. Bien sûr que non.

Mme Harel: Sauf que, dans le fond, à la page 11 de votre mémoire, vous énoncez une présomption de conformité. D'abord, il y aura toujours des nouvelles entreprises nouvellement créées qui... On ne peut pas introduire une concurrence déloyale, certaines qui seraient assujetties et d'autres pas. Donc, pour des nouvelles entreprises nouvellement créées, là, il y aura toujours besoin d'une loi. Quatre entreprises sur cinq disent qu'elles n'auraient pas fait l'équité salariale s'il n'y avait pas eu de loi, dans la dernière étude, hein? Mais la présomption de conformité, tu sais, je regrette, on ne peut pas présumer être en état de grâce, là. Tu sais, à un moment donné, il faut vérifier si on ne fait pas quelques péchés de temps en temps, là, j'imagine.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Alors, vous, vous présumez l'état de grâce une fois le programme mis en place. Alors, ce n'est pas évident pour toute la vie, ça.

M. Lafleur (Gaston): Mais par contre je vous dirais, madame, que jusqu'à présent on doit présumer que les entreprises qui ont fait l'exercice, qui ont fait leur programme d'équité salariale sont conformes. Or, si on veut procéder à l'étape suivante de leur imposer un processus, c'est qu'on présume peut-être qu'ils ne sont plus conformes. S'ils sont conformes et qu'il s'avère qu'à l'exercice et la pratique le nombre de situations est tel que, soit par plainte ou autrement, le maintien n'est pas assuré, là je dirais, oui, un instant, il y a... Normalement, on applique la loi, la loi est là, on ne peut pas dire: Bien là, non, on va présumer que vous ne l'appliquez pas, vous devrez vous conformer à tous les quatre ans à un rapport. Non, non, un instant, là. On l'applique. Il n'y a pas un employeur dans le monde qui accepterait de se faire présumer qu'il n'applique pas l'équité salariale après avoir fait une démarche excessivement complexe, avoir fait ses ajustements, qu'il ne le fait pas en cours de route.

Alors, si on reconnaît le maintien comme étant un droit, une obligation, ce n'est pas un processus de programme, c'est une obligation que la loi impose, bien, à ce moment-là, ce que l'on dit, c'est que démontrons... Et le rapport du ministre ne démontre aucunement que les entreprises ne font pas un maintien adéquat, ça n'a pas traité de ça du tout. Alors, qu'on vienne demander maintenant qu'on applique une obligation de rapport, à notre point de vue, c'est un peu prématuré. Mais par contre, je serais d'accord avec vous, s'il s'avère que les entreprises n'ont pas maintenu et ne maintiennent pas, bien là c'est évident qu'il y a une entorse significative qui nécessite que l'on intervienne de façon législative pour empêcher cette situation-là. Mais, à ce moment-ci, il n'y a personne qui peut prétendre que les entreprises assujetties qui ont fait le programme ne sont pas conformes à l'égard du maintien de leurs obligations.

La Présidente (Mme Morissette): Il reste moins de une minute.

Mme Harel: Dans le mémoire, vous dites: Il est recommandé que les plaintes en lien avec le maintien de l'équité salariale soient entendues par la Commission des droits. Elles soient entendues en vertu de la Loi sur l'équité ou en vertu de l'article 19?

Mme Poirier (Katherine): En vertu de l'article 19.

Mme Harel: Ça, ça veut dire qu'on revient en arrière.

Mme Poirier (Katherine): Dans la mesure où la loi remplit ses objectifs, les entreprises auront atteint leur équité salariale. Donc, le maintien, à ce moment-là, pourra être mesuré de façon beaucoup plus évidente à même la charte, là.

M. Lafleur (Gaston): Mais on peut tempérer, madame, quand même, en disant qu'il y a quand même l'obligation de l'article qui parle du maintien, là. On se comprend, là. En fait, il faut faire la distinction entre le droit, l'obligation au maintien et le processus que représente la Loi sur l'équité salariale. O.K.? Alors, il n'y a rien qui empêcherait la Commission des droits de la personne de déterminer si une entreprise a manqué ou non à son obligation de maintien de l'équité salariale.

Mme Harel: Donc, en vertu de la loi et non pas de l'article 19.

M. Lafleur (Gaston): En vertu des deux, madame, des deux...

Mme Harel: Un, c'est bien; deux, c'est mieux.

M. Lafleur (Gaston): Non, c'est en vertu des deux, des deux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lafleur (Gaston): Tant qu'à donner un recours, on va le donner!

La Présidente (Mme Morissette): Ça met fin au temps qui est alloué pour votre présentation. Alors, on va suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 45)

 

(Reprise à 16 h 49)

La Présidente (Mme Morissette): Alors, bon après-midi. Bienvenue à l'organisme Au bas de l'échelle. Donc, la façon de fonctionner: que vous disposez de 15 minutes pour nous présenter votre mémoire, ensuite les différents groupes parlementaires auront des blocs de temps pour vous poser des questions. Donc, je ne sais pas qui va prendre la parole, mais présentez-vous, présentez la personne qui vous accompagne. Vous disposez de 15 minutes.

Au bas de l'échelle

Mme Paquin (Ghislaine): Alors, d'abord, nous remercions la commission pour son invitation. Mon nom est Ghislaine Paquin, et je suis avec ma collègue Mélanie Gauvin.

D'abord, je vais vous présenter un peu l'organisme, pour ceux qui nous connaissent moins. Alors, Au bas de l'échelle est un groupe d'action communautaire autonome qui existe depuis plus de 30 ans. La mission de l'organisme est de défendre les droits des travailleuses et des travailleurs non syndiqués et de lutter pour l'amélioration de leurs conditions de travail surtout en ce qui concerne la Loi sur les normes du travail. Pour y arriver, nous menons des actions politiques et nous participons aux consultations publiques portant sur des questions reliées à leurs droits.

n(16 h 50)n

En tant que groupe d'éducation populaire, Au bas de l'échelle offre divers services d'information, d'analyse et de vulgarisation sur les droits au travail. Nous encourageons les personnes non syndiquées à faire respecter leurs droits, à se regrouper et à s'impliquer socialement pour améliorer leurs conditions de travail et de vie. Au bas de l'échelle a été membre de la Coalition en faveur de l'équité salariale, qui s'est battue pour l'adoption de la loi en 1996. Et Au bas de l'échelle est actuellement membre du Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, le CIAFT, et de la Fédération des femmes du Québec.

Alors, en novembre 2006, 10 ans après l'entrée en vigueur de la Loi sur l'équité salariale, le ministre du Travail a déposé, conformément à la loi, son rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'équité salariale. Le rapport La Loi sur l'équité salariale: un acquis à maintenir propose également des voies de développement.

La défense des droits des femmes au travail en général et plus particulièrement leur droit à l'équité salariale font partie des valeurs sociales des Québécoises et des Québécois auxquelles nous adhérons. Bien que nous soyons fiers de célébrer les 10 ans de cette loi parmi les plus progressistes en la matière, il importe cependant de rester lucides et réalistes puisqu'il est maintenant temps d'envisager son avenir.

Au-delà de la couverture médiatique entourant le règlement en équité salariale du secteur public et parapublic, qui pourrait nous porter à croire que l'équité salariale est une question réglée, le rapport du ministre du Travail nous ramène cependant à la réalité voulant qu'encore aujourd'hui près de 50 % des entreprises privées n'ont pas terminé leurs travaux et une bonne partie de celles-ci ne les ont même pas débutés. De plus, notre organisme se préoccupe grandement de certaines dispositions de la Loi sur l'équité salariale qui limitent son application dans les milieux non syndiqués. À ces employeurs il est temps d'envoyer un message clair leur rappelant que l'équité salariale est un droit fondamental de toutes les travailleuses qu'ils se doivent de respecter.

Alors: Sur la question du rôle de la Commission de l'équité salariale auprès des non-syndiquées:

Attendu que la Loi sur l'équité salariale institue quatre régimes d'application distincts qui n'octroient pas les mêmes droits selon que les travailleuses soient syndiquées ou non et que cela affecte la capacité des travailleuses à jouir pleinement de leurs droits en équité salariale, nous appuyons les recommandations du CIAFT à l'effet:

Recommandation 1: Que la Commission de l'équité salariale continue son travail de collaboration avec des organismes en lien avec les travailleuses non syndiquées afin de les former à la loi;

Recommandation 2: Qu'une structure d'appui indépendante soit créée afin de guider les travailleuses, de les aider à comprendre le programme d'équité salariale en vigueur chez leur employeur et d'appuyer les salariées pour qu'elles déposent une plainte à la Commission de l'équité salariale;

Recommandation 3: Que la Commission de l'équité salariale intensifie ses vérifications auprès des entreprises et des secteurs où se trouvent les travailleuses non syndiquées;

Recommandation 4: Que les recommandations du Comité pour les travailleuses non syndiquées mis en place par la Commission de l'équité salariale soient intégrées dans le plan stratégique de la commission.

Sur les pouvoirs de la Commission de l'équité salariale:

Attendu que l'équité salariale n'est pas une simple norme du travail et que son application requiert une approche et une expertise particulières comme celles développées par la Commission de l'équité salariale du Québec, nous demandons:

Recommandation 5: Que la commission ainsi que ses responsabilités décisionnelles et administratives soient maintenues et que lui soient accordées les ressources nécessaires pour appuyer les entreprises dans leurs démarches, pour vérifier les exercices et pour assurer que l'ensemble des travailleuses du Québec puissent enfin atteindre l'équité en matière salariale;

Recommandation 6: Que la commission continue et intensifie son programme de vérification auprès des entreprises;

Recommandation 7: Que la commission ait le droit d'intervenir comme partie à part entière devant la Commission des relations du travail dans les recours déposés en vertu de l'article 104 de la Loi sur l'équité salariale.

Ma collègue va continuer.

Mme Gauvin (Mélanie): Alors, sur le maintien de l'équité salariale dans les entreprises:

Attendu que la Loi sur l'équité salariale ne prévoit aucun mécanisme pour assurer le maintien de l'équité salariale dans les entreprises après la démarche prévue à la loi;

Recommandation 8: Que la Loi sur l'équité salariale prévoie, à compter de 2008, un examen périodique ? à tous les quatre ans ? de la structure salariale de chaque entreprise assujettie, afin d'assurer que cette structure demeure exempte de biais discriminatoires et que les principes d'équité salariale soient toujours respectés;

Recommandation 9: Que la Loi sur l'équité salariale prévoie l'affichage du bilan de cet examen périodique et de son contenu;

Recommandation 10: Que la Loi sur l'équité salariale prévoie la possibilité pour les personnes salariées et les associations accréditées de contester auprès de la Commission de l'équité salariale les résultats figurant à cet affichage dans les 120 jours suivant ce dernier.

Sur les entreprises de 10 personnes salariées et plus toujours non assujetties à la Loi sur l'équité salariale, alors:

Attendu que le droit à l'équité salariale est un droit fondamental et que la Loi sur l'équité salariale vise à rejoindre le plus de travailleuses possible, nous demandons:

Recommandation 11: Que la Loi sur l'équité salariale soit modifiée de façon à ce que les entreprises non assujetties qui maintiennent pendant un an une moyenne de 10 personnes salariées ou plus soient assujetties à la loi le 21 novembre de l'année suivante;

Recommandation 12: Que la Loi sur l'équité salariale précise qu'une entreprise dont la taille aurait augmenté depuis la fin de son exercice doit, pour le maintien de l'équité salariale, s'acquitter des obligations incombant à la nouvelle catégorie d'entreprise à laquelle elle appartient.

Sur l'absence de reddition de comptes:

Attendu que l'application de la Loi sur l'équité salariale repose sur les employeurs et que les travailleuses non syndiquées n'ont que très peu de moyens pour surveiller la bonne application de la loi au sein de leur entreprise, nous demandons;

Recommandation 13: Que chaque entreprise soit tenue de faire parvenir à la Commission de l'équité salariale un rapport ou au moins une copie des affichages prévus à la loi;

Recommandation 14: Que chaque employeur soit tenu d'acheminer systématiquement et personnellement à chaque personne salariée toutes les données nécessaires leur permettant de déterminer si leur droit à l'équité est bien respecté.

Ensuite, sur l'affichage prévu à la Loi sur l'équité salariale:

Attendu que l'affichage est le seul mécanisme prévu à la Loi sur l'équité salariale visant à permettre aux travailleuses de surveiller l'application de la loi au sein de leur entreprise, nous demandons: Recommandation 15: Que l'affichage dans les entreprises comptant entre 10 à 49 personnes salariées comprenne les mêmes informations que les deux affichages requis pour les entreprises de 50 personnes salariées et plus, soit les résultats de l'évaluation des catégories d'emplois, de leur comparaison, de l'estimation des écarts salariaux, du calcul des ajustements salariaux et des modalités de versement des ajustements salariaux;

Recommandation 16: Que la Loi sur l'équité salariale précise que l'affichage doit être d'une durée minimum de 30 jours, peu importe la taille de l'entreprise.

Sur les programmes distincts:

Attendu que la Loi sur l'équité salariale permet l'établissement de programmes distincts et que ceux-ci sont susceptibles d'avoir des effets discriminatoires en vertu de la Loi sur l'équité salariale, nous demandons:

Recommandation 17: Que la Commission de l'équité salariale encadre davantage la question des programmes distincts; et finalement Recommandation 18: Que la Commission de l'équité salariale ait un droit de regard sur les programmes distincts et qu'elle ait le pouvoir de déterminer si le ou les programmes distincts en place ont des effets discriminatoires en vertu de la Loi sur l'équité salariale.

Voilà. Ma collègue va répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Morissette): Parfait. Donc, on irait tout de suite du côté du ministre pour son bloc de temps. Allez-y, M. le ministre.

M. Whissell: Eh bien, merci, Mmes Paquin et Gauvin. Bienvenue. Ce matin, on avait Ruth Rose avec nous, et je l'ai remerciée, comme je vais faire avec vous, là, pour dans le dossier du salaire minimum. On avait suivi un processus ensemble puis vous m'avez été d'une grande utilité. Et je dois avouer que vous m'avez permis justement d'atteindre l'objectif qu'on s'était fixé ensemble de donner un bon coup de barre sur le salaire minimum puis de... justement qui vise principalement beaucoup de femmes au Québec. Alors, merci.

Sur la question de l'équité, dans votre mémoire... Bon. Je dois dire que c'est intéressant parce que vous arrivez avec des recommandations bien précises. Alors, je vous salue puis je reconnais votre rigueur par ailleurs en ce sens.

n(17 heures)n

Sur les responsabilités décisionnelles administratives, vous demandez qu'elles soient maintenues. Depuis deux jours, on a entendu beaucoup de parties patronales qui nous disaient que, bon, pour eux, la commission ne devait pas être juge et partie en même temps. Comment réagissez-vous face au patronat qui va dire que, pour pouvoir réaliser davantage l'équité salariale, bien eux demandent qu'il y ait une impartialité qui soit donnée à la commission, et que son rôle se résume plutôt à l'avenir à informer et encadrer dans le fond... informer et documenter les travailleuses et les employeurs?

Mme Paquin (Ghislaine): Bien, nous, Au bas de l'échelle, on a beaucoup d'expérience avec la Commission des normes du travail. Pour moi, ce serait inimaginable de voir une commission des normes du travail qui est là pour s'assurer que la loi soit appliquée, qu'elle devienne impartiale, qu'elle ne remplisse plus son rôle finalement d'application de la loi. Je vois un peu la même chose avec la Commission de l'équité salariale, je pense que c'est essentiel qu'il y ait une commission qui soit là pour s'assurer que les droits soient respectés, qu'elle prenne vraiment partie pour l'application de la Loi sur l'équité salariale.

Alors, une commission qui ne ferait qu'informer, je pense qu'elle ne remplirait pas tout son mandat. Je pense que c'est important... Au contraire, nous, on pense qu'il faut renforcir la Commission sur l'équité salariale et son rôle de vérification auprès des entreprises, surtout non syndiquées, parce que c'est tellement difficile pour les travailleuses non syndiquées de faire valoir ses droits en fonction d'équité salariale que les vérifications, c'est un des moyens de s'assurer que la loi est vraiment respectée. Puis on pense que la commission devrait avoir plus de ressources aussi pour mieux informer, mieux accompagner les employeurs mais aussi les travailleuses. Alors, non, on ne serait vraiment pas d'accord pour un rôle impartial et neutre d'information uniquement.

M. Whissell: Recommandation 13, toute la question de l'affichage, et dans le fond ça suit avec la recommandation 15 où vous venez préciser dans le fond le contenu de l'affichage. Dans les discussions que nous avons eues, il y a tout l'aspect d'informations nominatives qui pourraient être dans le fond affichées ou rendues publiques à l'intérieur de l'entreprise parce que, surtout dans les petites entreprises et surtout celles non syndiquées, parce qu'il n'y a pas de convention collective, on pourrait en déduire les salaires de certaines personnes à partir de l'affichage qui pourrait être plus exhaustif. Seriez-vous favorable à justement qu'on aille plus loin et qu'on puisse donner plus d'informations? Vous le demandez, mais en même temps, lorsqu'on compile les informations que vous précisez, ça peut amener à connaître le salaire d'autrui. Alors, vous, vous ne voyez pas un obstacle à l'affichage?

Mme Paquin (Ghislaine): Non, non, au contraire. Premièrement, c'est une information essentielle à l'application du droit de l'équité salariale. Si on ne sait pas comment ont été évalués les postes, on ne pourra pas vérifier si la loi a été bien appliquée puis utiliser ces recours de plainte si on n'est pas d'accord avec les conclusions de l'employeur. Alors, d'abord, c'est donc dans le but d'exercer un droit fondamental que ces informations-là vont être affichées. Le fait de dévoiler les salaires, ce n'est pas une atteinte à un droit fondamental. Puis, en plus, ce qui est affiché, ce n'est pas l'évaluation de la personne, c'est l'évaluation du poste, c'est quelque chose qu'on veut qui soit public pour que les gens puissent évaluer si, oui ou non, il y a des inéquités.

Alors, pour ces raisons-là, parce que c'est un droit fondamental, parce que c'est absolument nécessaire à l'application du droit et des recours que les travailleuses peuvent exercer, si ça ne marche pas bien, bien je pense que c'est un moindre mal, si on peut dire.

M. Whissell: Depuis deux jours, l'opposition a souvent questionné au niveau des données qui ont été fournies dans le rapport ministériel, également il y a des groupes, que ce soient les syndicats ou groupes patronaux, qui ont avancé certaines données quant à la couverture de réalisation de l'équité salariale au Québec. Selon vous, quelle est l'estimation de réalisation de l'équité salariale?

Mme Paquin (Ghislaine): Bien, écoutez, si je pars juste de l'organisme Au bas de l'échelle, nous, on n'a pas eu aucun appel des travailleuses pour lesquelles il y avait un exercice d'équité salariale dans leur entreprise puis qui se posaient des questions, là. C'est vrai qu'on ne publicise pas qu'on offre cette information-là non plus, c'est surtout le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail qui s'occupe de ça. Mais, moi, je ne suis pas surprise des données que j'ai vues, que 50 % des entreprises n'avaient pas complété, ou même parfois même commencé leur exercice. Il ne semble pas qu'il y ait beaucoup d'affichages qui se font dans les petites, moyennes entreprises non plus. Et je ne suis pas non plus... je veux dire, je suis sceptique, disons, par rapport aux résultats que... Quand les entreprises ont fait les exercices d'équité salariale, seulement le tiers ont jugé qu'il était nécessaire de faire des ajustements salariaux.

Alors, moi, je questionne beaucoup... Mais, je veux dire, je ne suis pas nécessairement très étonnée, mais je trouve que c'est très révélateur qu'on n'ait pas vu la nécessité de faire des ajustements salariaux. Puis je pense que ça pose la question que la Commission de l'équité salariale devrait faire plus de vérifications, devrait aussi recevoir les rapports et les affichages pour vérifier, l'exercice, premièrement, s'il a été fait et, deuxièmement, si on a quand même certains éléments qui nous permettent de croire que ça a été bien fait. Parce que, dans les entreprises non syndiquées, bon, on dit qu'il y a le tiers qui ont fait un exercice. Mais, parmi les entreprises non syndiquées qui ont fait l'exercice, c'est les trois quarts qui n'ont pas jugé bon de faire des ajustements salariaux, alors qu'on sait que c'est dans ces entreprises-là qu'il y a les plus grands écarts salariaux entre les hommes et les femmes. Alors, je questionne un peu les résultats puis je pense que... Si la commission ne peut pas vérifier les résultats, je pense qu'on peut se poser des questions.

M. Whissell: Au niveau du rapport, vous mentionnez, bon, qu'il pourrait y avoir un rapport qui devrait être présenté par l'employeur. Sous quelle forme? Puis qu'est-ce que ça pourrait contenir?

Mme Paquin (Ghislaine): Bien, ça pourrait être un rapport ou un affichage, mais... Écoutez, je ne suis pas une experte, là, en équité salariale, mais je pense qu'il faudrait qu'il y ait là-dedans une information nécessaire pour évaluer si l'exercice d'évaluation a été bien fait. Alors, c'est un peu en fait toutes les informations qu'on retrouve dans l'affichage pour les entreprises de 100 employés et plus, là, vous savez, toute la liste des résultats de l'évaluation des catégories d'emploi, de leur comparaison, de l'estimation des écarts salariaux, du calcul des ajustements salariaux et des modalités du versement de ces ajustements. Je pense que toutes ces informations-là, ce serait minimal qu'elles soient transmises à la Commission de l'équité salariale.

M. Whissell: Alors, je vais laisser du temps à mes collègues.

La Présidente (Mme Morissette): Oui. M. le député de Viau.

M. Dubourg: Merci, Mme la Présidente. Bon après-midi, Mme Gauvin et Mme Paquin. Bon. Au bas de l'échelle, vous nous dites que c'est un groupe d'action communautaire autonome qui existe, d'accord, depuis plus de 30 ans. Hier, on a eu d'autres groupes qui sont venus nous dire que peut-être qu'on devrait donner plus de subventions, plus d'aide aux organismes communautaires pour promouvoir, pour faire en quelque sorte une partie du travail que la commission fait présentement. Qu'en pensez-vous? Quoique vous nous avez dit tout à l'heure que vous n'avez reçu aucun appel des travailleuses, est-ce que c'est parce que vous n'offrez pas le service? Ou bien, si on vous permettait d'offrir ce service-là, est-ce que vous pensez que les organismes communautaires, là, pourraient jouer un rôle assez appréciable pour faciliter?

Mme Paquin (Ghislaine): Je pense que ce ne seraient pas nécessairement tous les organismes communautaires qui seraient capables d'offrir ce genre d'aide là, parce que c'est quand même un peu... ça demande une certaine expertise, c'est une expertise que le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail a développée. Ça fait que, pour moi, ce serait logique qu'au moins le Conseil d'intervention soit beaucoup mieux subventionné pour remplir son mandat d'information et d'éducation sur la Loi sur l'équité salariale. Au bas de l'échelle... Bien, je me dis: Si le Conseil d'intervention peut le faire, c'est peut-être moins nécessaire qu'on le fasse aussi, mais, si jamais il ne pouvait plus le faire, bien on pourrait prendre le mandat, mais évidemment ça prendrait un peu plus de subventions.

M. Dubourg: Non, je comprends. Merci. C'est vrai, parce que ça demande une spécialité. Mais en même temps, dans ces organismes-là, bien, enfin, une bonne partie de la clientèle, ce sont ces personnes-là, ces travailleuses-là que vous rencontrez ou bien des gens en recherche d'emploi qui voudraient connaître un peu plus leurs droits, quoi, parce que ça fait partie de votre mission.

Une autre question que je voudrais, bien rapidement, c'est par rapport à la recommandation n° 2. Vous nous demandez qu'une structure d'appui indépendante soit créée afin de guider les travailleuses, de les aider à comprendre le programme d'équité salariale en vigueur chez leur employeur et d'appuyer les salariées lorsqu'elles déposent une plainte à la Commission de l'équité salariale. Mais en quoi cette structure indépendante là viendrait ? comment dirais-je? ? corriger la situation, puisque ce service-là en quelque sorte, c'est donné par la Commission de l'équité salariale?

n(17 h 10)n

Mme Paquin (Ghislaine): Mais ce n'est pas évident pour une personne qui ne connaît pas du tout la Loi sur l'équité salariale d'aller déposer une plainte, par exemple, pour contester ce que son employeur... Avant, elle va vouloir consulter quelqu'un de relativement plus neutre qui va pouvoir l'informer, regarder l'exercice d'évaluation avec elle puis la conseiller sur la situation. Puis il y aurait aussi peut-être donc le besoin d'information ou de conseil d'accompagnement, mais possiblement aussi un besoin de représentation juridique dépendant si, oui ou non, la Commission de l'équité salariale obtient réellement ce pouvoir-là de représenter les personnes salariées. Je pense que ça pourrait être encore mieux peut-être d'avoir une structure indépendante qui représente les salariées devant la Commission des relations du travail, surtout quand je pense aux recours contre une pratique interdite. Parce que les recours contre une pratique interdite, c'est ça, c'est des recours qu'une travailleuse va exercer si elle subit des représailles parce qu'elle a déposé une plainte à la Commission de l'équité salariale. Ça demande une expertise qui est très différente de la Loi sur l'équité salariale, c'est une expertise plus de représentation en fonction de... C'est un peu plus près de la Loi sur les normes, là. Alors donc, je me dis que ça pourrait être important que ces personnes-là puissent avoir accès à une représentation gratuite de la part d'avocats ou...

M. Dubourg: O.K. Je faisais cette intervention-là parce qu'on a entendu que les gens disaient: Bon, les travailleuses avaient une certaine réticence à porter plainte étant donné que... bon, surtout les personnes victimes de... ? comment dirais-je? ? les personnes immigrantes surtout à porter plainte contre leur employeur. Donc, c'est pour ça que je me demandais: Soit la commission ou bien une structure indépendante, en quoi ça viendrait inciter ces personnes-là? Mais je comprends la position que vous estimez, oui. Merci.

Mme Paquin (Ghislaine): O.K. Merci.

M. Dubourg: Mme la Présidente, voilà, merci.

La Présidente (Mme Morissette): Vous avez terminé?

M. Dubourg: Oui.

La Présidente (Mme Morissette): Parfait. Donc, oui, il reste du temps, si vous le désirez. Absolument.

M. Tomassi: Non, non, mais c'est seulement...

La Présidente (Mme Morissette): Il reste trois minutes, M. le député de LaFontaine.

M. Tomassi: Je veux seulement suivre ce que mon collègue disait ici concernant cette structure indépendante, parce que j'ai bien écouté votre présentation tantôt, et on a eu la Fédération des femmes qui est venue aujourd'hui, nous a fait la même représentation, et le CIAFT, pour dire qu'il n'y avait pas de problème à ce que la commission soit juge et partie. Or, en réalité, là, ce que les employeurs, le patronat vient nous dire, c'est qu'il y a un problème.

À mon avis, là, avec cette structure-là, vous faites la même chose indirectement, là. Vous voulez créer une structure indépendante même si la Commission de l'équité salariale peut faire le travail. Puis je me dis, moi: Dans tout ça, c'est une structure qu'on met en place, c'est des sommes d'argent. Je sais qu'en Ontario il y avait déjà une structure qui avait été mise en place, ça a été aboli. Le CIAFT nous parlait d'un montant de 1,9, c'est plus 3 millions de dollars que ça a coûté. Dans leurs conclusions de l'étude, on démontrait que, pour le nombre de dossiers qui avaient été traités, c'était beaucoup d'argent investi, qu'on aurait pu peut-être investir l'argent dans d'autres façons de faire pour essayer d'aller rejoindre ces femmes qui ont besoin de cette aide-là.

Or, vous ne pensez pas, vous, que mettre sur pied une structure indépendante qui va avoir son organigramme, son conseil, puis tout le reste, ne viendra pas en quelque sorte diluer un peu le travail que peut-être la commission pourrait faire en collaboration avec des organismes comme le vôtre?

Mme Paquin (Ghislaine): Bien, peut-être plus avec le CIAFT, en fait, là. Mais, écoutez, c'est que c'est une loi quand même tellement complexe qu'on essaie de trouver des solutions pour que les gens se sentent moins perdus, là. C'est sûr que, pour eux, la Commission de l'équité salariale, c'est l'instance gouvernementale, alors parfois une structure indépendante, c'est moins rébarbatif pour eux autres, c'est moins apeurant, ils craignent moins pour la sécurité de leur emploi. Ils se disent: Bon, bien, je vais aller voir, ça ne m'implique pas trop, puis, si ça marche, bien là je pourrai faire la démarche puis peut-être risquer des représailles de la part de mon employeur, tu sais.

Alors, il s'agirait peut-être... Je ne sais pas si la structure, elle... On parle de plusieurs solutions, hein? On parle de renforcir les pouvoirs de la Commission de l'équité salariale. On parle de donner des subventions à des organismes comme le CIAFT pour qu'ils puissent offrir plus de services. Mais on a pensé à cette solution-là aussi pour aller un petit peu plus loin sur l'aspect peut-être juridique, parce que ce n'est quand même pas des avocats au Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, puis parfois ça demande un avis juridique un petit peu plus avancé. Mais, si tous ces services-là pouvaient être offerts avec... Je pense qu'il va toujours y avoir besoin de groupes terrain, ça, je pense que c'est inévitable. Nous autres, on est là, on sait à quel point ce n'est pas évident des fois pour les gens de faire des démarches auprès d'organismes gouvernementaux. Même s'ils font tout leur possible pour que l'accueil soit très bien, il y a toujours... Ils ont souvent moins peur de nous poser des questions, à nous, puis après ça ils se sentent plus à même de faire les démarches. Ça fait que je pense qu'on va toujours avoir besoin de ça.

Pour les autres structures, bien là il faudra voir comment ça s'articule, là, entre la Commission de l'équité salariale, pour ne pas qu'il y ait quand même dédoublement, puis ces structures-là. Je ne voudrais pas non plus que ça occasionne des coûts inutiles. On a besoin de monde pour faire du travail efficace et productif, alors on trouvera sûrement une solution.

La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Ça met fin au bloc de temps du côté ministériel. Donc, nous sommes rendus du côté de l'opposition officielle. M. le député de Terrebonne.

M. Therrien: Merci. Bonjour, mesdames, bienvenue. Vous soulevez un point important dans votre mémoire et vous dites qu'il est difficile de rejoindre les femmes qui sont non syndiquées. C'est principalement par l'information que vous proposez à y arriver. Pouvez-vous élaborer sur la façon d'y parvenir?

Mme Paquin (Ghislaine): Bien, je pense que le CIAFT a trouvé une solution intéressante, c'est qu'ils offrent des sessions de formation aux personnes, aux femmes non syndiquées qui peuvent s'inscrire à ces cours-là. Pour le moment, je pense qu'ils vont surtout dans des organismes sans but lucratif, par le biais des organismes sans but lucratif qui font de l'employabilité ou de l'insertion en emploi. Ça fait que c'est des endroits où beaucoup de travailleuses non syndiquées se retrouvent, et on peut, à ce moment-là, les rejoindre pour faire la formation.

Je pense que ce serait intéressant aussi de les rejoindre dans leur milieu d'emploi, mais c'est toujours délicat parce qu'il ne faut pas que ça mette en danger leur emploi. Donc, il faudrait trouver une façon qui sécurise vraiment les femmes de ces milieux de travail là pour qu'elles puissent suivre une formation sur l'équité salariale sans être ciblées par leur employeur.

M. Therrien: Suite à la question du ministre, tout à l'heure, sur le rôle de la commission, je ne sais pas si j'ai bien compris, là, mais avez dit que vous étiez contre un rôle impartial. J'aimerais que vous nous expliquiez comment vous arrivez à une conclusion telle que le rôle impartial de la commission serait remis en question dans une démocratie comme le Québec ou d'un autre État.

Mme Paquin (Ghislaine): Bien, quand je dis «impartiale», ce que je veux dire, en fait, c'est que, pour moi, c'est important que la Commission de l'équité salariale prenne parti pour la Loi sur l'équité salariale, pour l'obtention d'une équité salariale entre les travailleuses et les travailleurs. Donc, quelque part, elle a un parti pris pour les travailleuses, parce qu'elle doit arriver à une équité salariale entre... réparer une injustice historique de discrimination envers les emplois à prédominance féminine. Ça fait qu'elle a un parti pris de réparer cette injustice historique là.

Alors donc, dans ce sens-là, elle a une mission, elle n'est pas impartiale, elle n'est pas juste là pour informer les deux, puis débrouillez-vous après. Je pense qu'elle est là pour dire: Bien là, la loi est respectée, n'est pas respectée, il faut que vous fassiez des efforts plus grands, il faut qu'il se fasse des vérifications sur les lieux de l'entreprise pour vérifier si effectivement l'exercice a été fait selon les normes. Alors, c'est sûr que, là, ça prend une commission qui intervient, qui est proactive, qui ne donne pas juste de l'information.

M. Therrien: Je comprends votre point de vue. Par contre, dans le cas où un employeur aurait fait son exercice de bonne foi et qu'il n'y aurait pas d'écart salarial et qu'il y aurait une plainte de formulée, à ce moment-là, le rôle de la commission serait... J'ai de la misère à comprendre votre point de vue qu'il faudrait qu'il y ait un avantage initialement du côté des travailleurs. Si vraiment l'employeur a fait son exercice, on fait comme mettre une barrière à dire que, tous les employeurs, on présume qu'ils sont de mauvaise foi, là.

Mme Paquin (Ghislaine): Bien, écoutez, la discrimination systémique, ça n'implique pas de mauvaise foi nécessairement, c'est plus insidieux que ça. Tous les employeurs qui ont créé l'injustice historiquement dans les emplois à prédominance féminine n'étaient pas nécessairement de mauvaise foi, mais il y a quand même eu discrimination. Alors donc, je pense que l'exemple que vous donnez... L'employeur qui fait son exercice de bonne foi peut avoir reproduit des stéréotypes sexistes dans son évaluation. Puis il faut que la commission puisse vérifier avec toute son expertise qui est basée quand même sur des choses... c'est des critères précis, des critères sérieux, scientifiques peut-être, qui permettent de voir si, oui ou non, l'exercice a vraiment réussi à aller au-delà des stéréotypes sexistes.

M. Therrien: Et, dernière question pour moi, nous avons constaté qu'au Canada d'autres provinces arrivaient avec les mêmes résultats, donc avec des baisses d'écart. Et est-ce que vous pouvez nous donner un exemple où est-ce qu'il pourrait y avoir d'autres facteurs qui pourraient influencer, qu'on arrive au même résultat, étant donné que les autres provinces canadiennes n'ont pas de loi comparable?

n(17 h 20)n

Mme Paquin (Ghislaine): Bien, écoutez, moi, j'ai lu l'article dans le journal, ce matin, comme vous. Bien, d'abord, je me dis, l'exercice n'est pas terminé. On a 50 % des entreprises du domaine privé, dans le secteur privé, qui n'ont pas fait les exercices. On a aussi... Bien, je vous ai expliqué un peu mes questionnements par rapport à ceux qui ont complété des exercices et qui n'ont pas jugé bon de faire des ajustements salariaux. Alors, je me dis que, si la Loi sur l'équité salariale était renforcée, si les 50 %, les autres 50 %, faisaient leur exercice, si des vérifications permettaient... ou ce qu'on propose pour le maintien permettait de vérifier si, oui ou non, il y a vraiment eu un exercice d'équité salariale, bien là peut-être que, dans 10 ans, on pourra voir des écarts salariaux plus importants. Bon. Bien, j'espère que ça ne prendra pas 10 ans, remarquez, là. Mais en tout cas, disons, dans quelques années, on pourra avoir, je veux dire, un rattrapage dans les écarts salariaux qui soit plus important. C'est sûr qu'un des facteurs... Mais là je ne sais pas si ça a joué dans ce cas-ci, mais c'est sûr que l'augmentation du salaire minimum... Il y a eu quand même des bonnes augmentations du salaire minimum comme en Ontario. Ici, au Québec, c'est sûr que l'effet se fera sentir plus tard, mais augmenter le salaire minimum aide à réduire les écarts salariaux entre les femmes et les hommes. Ce n'est certainement pas suffisant, mais c'est sûr que ça a un certain effet. Pour les autres effets, je ne saurais pas vous dire.

M. Therrien: Merci. Je vais laisser la parole à ma consoeur de Saint-Jean.

La Présidente (Mme Morissette): Oui, Mme la députée de Saint-Jean.

Mme Méthé: Merci. Bonjour, Mmes Paquin et Gauvin. Comme je l'ai mentionné un peu plus tôt, en fait personne n'est contre le principe de l'équité salariale, je crois que c'est l'outil un peu qui est contesté pour arriver à ses fins. Vous avez mentionné à plusieurs reprises qu'il y a énormément d'entreprises qui n'ont pas fait l'exercice, un haut taux de pourcentage. À votre avis, est-ce que la complexité d'application de la loi pourrait être la raison, expliquerait pourquoi les entreprises n'ont pas fait l'exercice?

Mme Paquin (Ghislaine): Bien, écoutez, une loi, c'est une loi, il me semble qu'elle doit être respectée. Alors, je ne sais pas si on peut excuser des entreprises qui enfreignent la loi, dans le fond. Mais c'est sûr que ça serait important, et je pense que la commission a fait des gros efforts pour donner de l'information mais que ce n'est pas suffisant, il y a peut-être des petites entreprises qui ont besoin d'un peu plus d'appui, un peu plus d'aide. On n'est pas contre, on propose d'ailleurs qu'on accorde les ressources nécessaires pour appuyer des entreprises qui en auraient besoin dans leurs démarches.

Je pense que l'expertise, c'est un début, hein, ça a quand même 10 ans, mais c'était tout nouveau, c'était un nouveau concept, ce n'était pas simple à expliquer, ce n'était pas simple à appliquer. Mais je pense qu'à la longue il va se développer une expertise dans ce domaine-là. Puis c'est vrai qu'il y a beaucoup d'entreprises qui n'avaient même pas aucune sorte de structure salariale, ce qui est un manque. Pour les travailleuses non syndiquées, ça amène beaucoup d'autres sortes de problèmes de ne pas avoir de structures salariales, de définitions des tâches précises, puis je pense que ça, ça va être un plus. S'il y a quelque chose que la loi... Un des points positifs de la Loi sur l'équité salariale, c'est d'apporter justement un peu plus d'objectivité, de réflexion et de précision sur la description des tâches dans les entreprises.

Ça fait que donc, je dirais, oui, on reconnaît qu'ils peuvent avoir besoin d'aide, on parle d'offrir plus de ressources, mais je pense que ça ne peut pas être une excuse pour ne pas respecter la loi.

Mme Méthé: Parce que les points soulevés ne parlent pas juste de la complexité, mais des cas où il y aurait de la difficulté d'application de la loi aussi.

On sait que la Loi sur l'équité salariale fonctionne en catégorisant les emplois comme étant soit majoritairement féminins ou soit majoritairement masculins. Est-ce que le fait de renforcer de la sorte les clivages sexistes est quelque chose qui est souhaitable, selon vous?

Mme Paquin (Ghislaine): Je ne comprends pas votre question. Renforcer quoi?

Mme Méthé: Renforcer de la sorte les clivages sexistes, c'est-à-dire on compare les hommes, les femmes, on fait juste augmenter l'écart.

Mme Paquin (Ghislaine): Ça ferait augmenter l'écart?

Mme Méthé: Oui, bien les clivages sexistes.

Mme Paquin (Ghislaine): Bien, écoutez, les clivages étaient là, c'était ça, le problème, hein, je veux dire, la ségrégation professionnelle existait avant la loi, mais c'est pour ça... Elle est venue un peu corriger les aspects de ça. C'est sûr qu'il y a les programmes d'accès à l'égalité qui sont supposés s'occuper de l'accès des femmes dans des emplois non traditionnels, là, à grande prédominance masculine, si on peut dire. Mais, la Loi sur l'équité salariale, je pense qu'en améliorant les conditions de travail des emplois... en améliorant les salaires dans les emplois à prédominance féminine, on va au contraire peut-être attirer plus d'hommes à occuper ces emplois-là. Donc, au contraire, je pense, on va réduire la ségrégation professionnelle.

Mme Méthé: Merci. C'est tout, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Morissette): Oui, parfait, merci beaucoup. Donc, on passerait du côté de la deuxième opposition. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme Paquin, Mme Gauvin, merci, là, d'être parmi nous. Le CIAFT à des questions précédemment posées avait répondu que la loi de l'impôt aussi était assez compliquée, mais que ça n'empêchait pas que toutes les entreprises étaient tenues de s'y conformer et de la respecter. On a vu aussi, là, cet après-midi, qu'il y a des groupes sectoriels ? on pense, entre autres, aux centres de la petite enfance, elles sont plus de 1 000 petites entreprises entre 10 et 49 employés ? qui ont bâti des instruments sectoriels qui sont très faciles d'accès et qui permettent de s'acquitter assez rapidement, sans un coût trop important, de ses obligations à l'égard de la loi.

Alors, je pense que ce qui est intéressant... il reste encore une sorte de confusion, en fait, je pense, en tout cas, à l'égard de ce qu'est véritablement l'équité salariale. Dans le fond, l'équité salariale, ce n'est pas de dire que les femmes doivent gagner le même salaire que les hommes ou de dire que les femmes ne gagnent pas assez, il faut les remonter. Ce n'est pas ça, l'équité salariale. L'équité salariale, c'est de dire qu'une réceptionniste qui reçoit 300 appels en restant calme et en contrôle toute une journée, est-ce que ça vaut l'équivalent, par exemple, d'un releveur de compteurs d'Hydro qui, lui, va se déplacer? Parce qu'historiquement se déplacer était mieux rémunéré que garder le contrôle, hein? Parce que, si on changeait les fonctions, tu sais, on verrait que garder le contrôle toute une journée en étant réceptionniste puis en recevant des centaines d'appels, finalement ça demande beaucoup de maîtrise de soi, puis que tout ça doit être évalué. En fait, le fait est que, dans la société, pour toutes sortes de raisons qui étaient liées au fait que les femmes travaillaient pas payées en donnant des services auparavant mais que, là, maintenant ça devient rémunéré, ça a été moins considéré. Bon. Alors, on part de là.

Mais mon inquiétude, c'est: Est-ce que présentement, à votre connaissance, il y a des entreprises ou il y a des programmes généreux, là... ne disons pas généreux, disons seulement des programmes qui se conforment à la loi pour les travailleuses syndiquées, mais que les travailleuses non syndiquées, dans la même entreprise, n'y ont pas droit?

Mme Paquin (Ghislaine): Malheureusement, je ne peux pas répondre, je ne sais pas. Comme je vous dis, j'ai tellement peu d'appels de personnes qui se plaignent de la situation en équité salariale que... Je pense que ça pourrait être intéressant par contre de vérifier. Nous, on se posait des questions sur la possibilité pour des non-syndiquées dans des milieux syndiqués de pouvoir participer à l'exercice. Je pense que ce serait important, mais je ne pourrais pas dire, là, je n'ai pas d'exemple.

Mme Harel: Au bas de l'échelle, vous recevez directement des personnes qui sollicitent votre accompagnement ou votre aide?

Mme Paquin (Ghislaine): Oui, en ce qui concerne la Loi sur les normes du travail, évidemment, nous, on peut diriger ces personnes-là vers d'autres ressources, là, au besoin.

Mme Harel: Vous en recevez combien, par exemple, dans une année?

Mme Paquin (Ghislaine): On doit recevoir 2 300 appels sans compter les 180 sessions de formation qu'on donne dans des groupes où on joint, je ne sais plus, là, 3 000 personnes, peut-être 5 000, 6 000 personnes en tout, là.

Mme Harel: En plus des autres fonctions de représentation, là, que vous faites. Quand on regarde la Loi sur l'équité salariale, elle découle de la Charte des droits et libertés de la personne. En fait, c'est une loi proactive. Alors, c'est assez étonnant qu'on s'attende que son rôle ne soit pas proactif. La commission, elle s'attendait que son rôle soit neutre et impartial. Mais en fait c'est une loi proactive pour implanter finalement la disposition de la charte qui est là depuis 1975. Alors, comme un peu sur le même modèle que la commission des droits et libertés de la personne, qui est aussi, elle, proactive pour implanter des programmes d'accès à l'égalité, pour faire des enquêtes, etc., est-ce qu'on devrait considérer de lui garder tout son caractère de loi proactive et de commission proactive? Il lui faudrait plus être dans le champ des droits et libertés de la personne que dans le champ des relations de travail.

Mme Paquin (Ghislaine): Bien, si ça peut l'aider d'être plus dans le champ des droits, oui. Je pense qu'il faut qu'elle soit dans le champ des droits. Pour moi, c'est évident. Pour qu'elle remplisse réellement son rôle puis sa mission, il faut qu'elle soit dans le champ des droits.

n(17 h 30)n

Mme Harel: Parce qu'il y a comme une sorte d'incertitude qui est récurrente, hein, sur le fait que ça pourrait être l'objet d'une négociation entre les parties patronale-syndicale, mais les conventions collectives elles-mêmes avaient besoin d'être modifiées, on le voit ici même, à l'égard du gouvernement. Ce n'est pas par mauvaise foi que les gouvernements successifs et les centrales syndicales successives ont signé des ententes dans lesquelles il y avait des biais sexistes. La preuve c'est qu'il a fallu ajuster puis que ça a coûté presque 1 milliard, récemment. Donc, c'est au-dessus des partis, là, ce n'est pas négociable, ça, c'est un droit à... Je ne sais pas, là, quelle est votre opinion à ce sujet.

Mme Paquin (Ghislaine): Bien, moi, je suis familière... je veux dire, Au bas de l'échelle, on est plus familiers avec la Commission des normes du travail, qui a un rôle proactif pour appliquer la Loi sur les normes du travail, s'assurer qu'elle soit appliquée, surveiller l'application de la loi, faire des vérifications dans les entreprises si elle ne l'est pas, faire des campagnes publicitaires, s'il y a des problèmes d'application de la loi, pour que les employeurs corrigent le tir. Alors, ça me paraît tellement normal que j'ai de la misère à imaginer autre chose que...

Mme Harel: Avec l'expérience que vous avez de la Commission des normes du travail, la commission peut d'ailleurs appliquer des sanctions ou demander...

Mme Paquin (Ghislaine): En fait, la commission ne peut pas appliquer des sanctions directement, mais elle représente les personnes salariées auprès des tribunaux, qui, eux, peuvent juger et appliquer des sanctions. La commission peut aller devant aussi des tribunaux pénaux pour faire appliquer des infractions si les employeurs ne respectent pas la loi de façon répétitive. Mais elle prend...

Mme Harel: ...réparation pour le travailleur?

Mme Paquin (Ghislaine): Pardon?

Mme Harel: Elle peut exiger réparation pour le travailleur?

Mme Paquin (Ghislaine): Oui, mais elle devra aller devant les tribunaux. Ça fait qu'elle ne peut pas exiger directement... Bien, en fait, oui, dans un sens. Elle fait une enquête, et elle établit le montant de la réclamation, et elle réclame auprès de l'employeur le montant qui est dû. Mais, si l'employeur ne paie pas, là, elle va devant les tribunaux. Ça fait qu'il y a quand même un aspect, là, qui...

Mme Harel: Alors, vous, vous dites qu'il y a comme une sorte de similitude, là, avec le rôle que la commission d'égalité doit jouer par rapport à la Commission des relations de travail. Le rôle que la Commission des normes...

Mme Paquin (Ghislaine): Entre la Commission d'équité...

Mme Harel: C'est ça, la Commission d'équité salariale.

Mme Paquin (Ghislaine): ...et la Commission des normes, oui, il me semble.

Mme Harel: Par rapport à la Commission des relations de travail.

Mme Paquin (Ghislaine): Parce qu'elle est là pour appliquer un droit, surveiller, il me semble, l'application d'un droit, s'assurer que cette loi-là soit appliquée de façon la plus large possible.

Mme Harel: Merci.

Le Président (M. Dubourg): Oui, la parole maintenant à Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais: Merci, mesdames. Je suis très, très, très contente qu'on vous reçoive en fin de cette journée... de ces deux journées en fait parce que, depuis deux jours, j'ai eu l'impression que tranquillement, tel un entonnoir, on s'acheminait vers une confrontation syndicats-patrons et que beaucoup de mémoires nous amenaient, surtout les mémoires patronaux, vers cette idée de retrouver, à travers le mode négociation patrons-syndicats, une façon de fonctionner qui, pour moi, n'est pas l'essence de la loi, qui n'est pas le but de la loi. Et ce qui nous manque là-dedans, c'est des travailleuses non syndiquées, des travailleuses au bas de l'échelle.

Alors, quand vous êtes ici aujourd'hui, pour moi c'est ces gens qui n'ont pas de voix et pour qui justement, entre autres, nous avons fait la loi mais justement celles auprès de qui jusqu'ici on n'arrive pas à agir, auprès de qui on n'arrive pas à améliorer leur vie. Parce que les rapports me semblent unanimes, là. Et je me rappelle de la présidente du Conseil du statut de la femme, à qui j'ai demandé quelle est la priorité dans ce que doit faire la commission et qui m'a dit tout de suite: Les travailleuses non syndiquées, non syndiquées. C'est extrêmement important.

Vous parlez, dans votre mémoire, de la difficulté d'informer les travailleuses non syndiquées. Vous parlez d'une campagne d'information. Vous avez sûrement réfléchi à cela. Qu'est-ce qui devrait être fait? Quel moyen devrait être utilisé? Qui devrait faire cette campagne?

Mme Paquin (Ghislaine): Bien, je pense qu'il faut que la Commission de l'équité salariale joue son rôle là-dedans parce que c'est comme le représentant gouvernemental, ça a un certain poids, une certaine crédibilité pour les travailleuses, qui disent: Ah! bien là, il y a le gouvernement qui prend ma part. C'est important que le gouvernement, représenté par la Commission de l'équité salariale, fasse une campagne pour dire que, nous, socialement ici, au Québec, on a une loi, et voilà.

C'est sûr qu'ensuite il faut essayer de rendre ça plus accessible pour toutes les travailleuses non syndiquées, là, qui regardent ça puis qui ne comprennent vraiment pas beaucoup ce qui se passe, là, qui croient souvent qu'on parle d'être payées le même salaire pour la même job, alors que, là, on parle plus de travail équivalent. C'est un des concepts qui sont difficiles. Mais je pense que ça demande une formation un peu plus en profondeur pour réfléchir à la valeur de son emploi, pour réfléchir aux critères qu'on utilise pour évaluer un emploi puis reconnaître les critères sexistes qui ont été utilisés pour évaluer la valeur d'un emploi. Ça demande une formation... Bien, je pense que le CIAFT fait une formation d'une journée. C'est un minimum, mais en même temps je ne suis pas sûre qu'on peut en demander beaucoup plus aux travailleuses, là. Mais c'est sûr que ça demande d'approfondir puis d'amener une réflexion par elles-mêmes sur comment leurs emplois ont été évalués, comment elles-mêmes ont tendance à sous-évaluer leurs propres emplois et pourquoi, et les aider à cheminer là-dedans.

Mme Maltais: ...travailleuse non syndiquée va à une formation du CIAFT, elle le fait à ses frais ou elle réussit à se faire débloquer des sommes par un employeur?

Mme Paquin (Ghislaine): Bien, le CIAFT a des subventions pour offrir la formation.

Mme Maltais: Pour offrir la formation.

Mme Paquin (Ghislaine): Écoutez, je ne sais pas si...

Mme Maltais: Je me demandais si c'était en plus à ses frais, la travailleuse, d'aller chercher l'information pour... Ça doit être... C'est à ses frais?

Mme Paquin (Ghislaine): Oui. Il y a des frais, hein? C'est ça, hein?

Mme Maltais: Il y a des chances que ce ne soient...

Mme Paquin (Ghislaine): Oui, parce que...

Mme Maltais: ...pas les frais du CIAFT mais à ses frais, c'est-à-dire qu'elle prend une journée de travail...

Mme Paquin (Ghislaine): Ah, oui, oui! Oui, oui. Mais, écoutez...

Mme Maltais: ...non payée.

Mme Paquin (Ghislaine): Non, mais pour le moment le CIAFT, je ne suis pas sûre qu'il réussit à aller rejoindre des personnes qui travaillent, à ce moment-là. Il réussit à rejoindre des personnes qui sont en transition, qui sont en chômage, qui sont en réinsertion, qui sont dans des organismes de développement de l'employabilité, donc qui sont disponibles. C'est un peu comme nous. Nous, on fait des formations sur la Loi sur les normes. On ne va pas dans les entreprises, on n'est pas très accueillies pour faire des formations sur la Loi sur les normes. Alors, on les fait dans ces réseaux-là.

Mme Maltais: Vous n'êtes pas bien accueillies quand vous allez dans une entreprise?

Mme Paquin (Ghislaine): Non, pas vraiment, non. On a essayé de faire de la publicité pour Centraide. On n'a jamais eu d'invitation de la part des entreprises pour aller parler de l'organisme Au bas de l'échelle, là.

La Présidente (Mme Morissette): Il reste moins de une minute.

Mme Maltais: Je voudrais vous lire quelque chose pour les fins de la commission. Le Barreau nous a écrit ? il a beaucoup été question d'éliminer la Commission de l'équité salariale et d'envoyer toutes ses fonctions à la Commission des relations du travail ? et on y dit: «Il est essentiel que la Commission de l'équité salariale puisse intervenir devant la Commission des relations [du] travail.» Ils utilisent le mot «essentiel», le Barreau. Il dit: «...elle sera souvent la seule partie en mesure de défendre le respect de la loi et le droit des personnes salariées à une rémunération exempte de discrimination.» Je pense qu'il fallait le dire. C'est pour ça que je parlais tout à l'heure, en début de mon intervention, de: on n'est pas dans une relation entre patrons et syndicats, on est dans une relation d'équité envers les femmes au grand complet. Merci d'être là.

Mme Paquin (Ghislaine): Oui, puis effectivement je ne peux pas imaginer une travailleuse non syndiquée se défendre seule pour contester l'exercice d'évaluation de son employeur, là. D'ailleurs, je pense qu'il faut se rendre compte que, quand on met sur pied une loi, on cherche à trouver les moyens, pour les personnes qui sont concernées, d'exercer leurs recours, puis la Loi sur les normes du travail a évolué tranquillement dans ce sens-là. Au début, les personnes devaient payer un arbitre pour faire valoir leurs droits en fonction d'une pratique interdite ou du congédiement. Et peu à peu c'est venu jusqu'à: il n'y a plus d'arbitre à payer, on est représenté gratuitement par un avocat. Parce que c'étaient les conditions essentielles à ce que les travailleuses non... les travailleurs non syndiqués, tout le monde, là, les non-syndiqués, puissent exercer leurs recours puis les faire respecter. Alors, je pense qu'il va falloir que la Loi sur l'équité salariale chemine aussi dans ce sens-là, de rendre réellement accessible l'exercice des recours en fonction de la Loi sur l'équité salariale.

La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Ça met fin au temps. Alors, on va suspendre quelques instants pour vous saluer.

(Suspension de la séance à 17 h 38)

 

(Reprise à 17 h 53)

La Présidente (Mme Morissette): Alors, bonsoir maintenant puisqu'on est rendus le soir. Bienvenue au Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec. Donc, je vous demanderais, aux gens dans la salle... un petit rappel de bien fermer la sonnerie de vos téléphones cellulaires.

Alors, la façon de fonctionner, vous disposez de 15 minutes pour nous présenter votre mémoire. Ensuite, les différents groupes parlementaires auront chacun un bloc de temps pour vous adresser leurs questions. Je ne sais pas qui prendra la parole en premier. Alors, si vous voulez vous présenter et présenter les gens qui vous accompagnent. Et vous disposez de 15 minutes pour présenter votre mémoire.

Syndicat de professionnelles et
professionnels du gouvernement
du Québec (SPGQ)

M. Dussault (Gilles): Alors, mon nom, c'est Gilles Dussault. Je suis président du Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec. Je suis accompagné de Mme Luce Bernier, qui est la première vice-présidente chez nous et qui est aussi responsable du dossier de la classification, de l'équité salariale et du dossier des relativités salariales. Ici, à ma droite, j'ai Roger Larouche, qui est conseiller aussi, chez nous, sur cette question-là. Et s'ajoutera à nous dans quelques instants, une fois qu'il aura trouvé un parking, là, M. Michel Castonguay, qui est membre du comité de classification chez nous. Alors, ces gens-là ont beaucoup d'expérience dans le domaine, là, bon, alors c'est pour ça qu'ils participent aux travaux ici de la commission.

La Présidente (Mme Morissette): Allez-y, présentez votre mémoire. Le 15 minutes est à vous.

M. Dussault (Gilles): Alors, bonjour, tout le monde. Présentons d'abord brièvement le SPGQ. C'est le plus grand syndicat de professionnels au Québec, qui rassemble, qui représente 19 000 personnes, dont quelque 17 000 dans la fonction publique et 2 000 dans 35 autres unités d'accréditation, des professionnels de collège, de 16 collèges d'enseignement général et professionnel, de quatre commissions scolaires de l'Outaouais. On a des personnes syndiquées à la Société immobilière du Québec, la Corporation d'hébergement du Québec, l'École nationale de police, trois musées, Investissement Québec, l'Autorité des marchés financiers. Bref, on est dans différents secteurs de la société. On a été fondé en 1968.

Chez nous, le ratio hommes-femmes est presque à parité, là. Il est à 48 % de femmes et 52 % d'hommes. Quand j'ai commencé, moi, à militer dans ce syndicat-là, en 1982, il y avait 17 % de femmes seulement. C'est juste pour vous donner un ordre de grandeur, là.

Alors, le Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec a fait école, si je peux dire, jusqu'à un certain point, en matière d'équité salariale, parce que c'est le premier syndicat qui, en 1981, a déposé une plainte à la Commission des droits de la personne ? à l'époque, on appelait ça comme ça, il n'y avait pas les droits de la jeunesse avec, là ? pour faire valoir que six classes d'emploi, chez nous, étaient discriminées systématiquement. Donc, on a eu amplement le temps, là, de prendre de l'expérience dans le domaine, si je peux dire. C'est une bataille qui a été très longue et qui s'est soldée par un règlement finalement en 1998 ? donc ça a pris 17 ans avant qu'on en arrive à une conclusion ? pour faire en sorte que les personnes visées, chez nous, par finalement quatre classes d'emploi reçoivent une compensation monétaire totale de l'ordre de 1,3 million de dollars. Alors, c'était comme, je dirais, la première lutte structurée dans le domaine. C'était bien, donc, avant l'adoption de la Loi sur l'équité salariale, qui est venue évidemment baliser le tout.

À l'époque, la Commission de l'équité salariale... la Commission des droits de la personne fonctionnait en référence aux chartes fondamentales. C'est là-dessus qu'on s'est appuyés, d'ailleurs. Mais, aujourd'hui, la loi est beaucoup plus précise, et évidemment que ça va beaucoup mieux avec des textes plus précis pour traiter de ce genre de question là qui peut être assez complexe. Là, je passe les détails sur cette question-là. Mais il reste que c'est juste pour vous dire que, quand on s'est engagés dans l'exercice d'équité salariale, tant pour ce qui est de la fonction publique que pour ce qui est de l'entreprise parapublique, on avait déjà une bonne, je dirais, une bonne expertise mais en même temps un bon héritage d'expertise parce que c'étaient surtout des femmes qui ont participé aux premières représentations, aux premières luttes là-dessus. Bien, il y en a qui nous ont quittés pour d'autres horizons mais qui nous ont quand même laissé leurs connaissances, leurs expériences.

Maintenant, en ce qui concerne les récents travaux d'équité salariale, bien, évidemment qu'on a fait comme tout le monde, hein, dans le secteur public, le secteur parapublic. On s'est attablés avec le gouvernement pour essayer d'élaborer une méthode, hein, pour bien circonscrire la nature des emplois, élaborer une grille de facteurs, de 17 facteurs finalement, ça a été assez long. Et on représentait à la fois les personnes qui travaillent dans la fonction publique mais aussi des personnes qui travaillent dans le secteur parapublic. Il y a des personnes, chez nous, qui ont, comment dire, des entreprises particulières. Comme par exemple l'Autorité des marchés financiers ou la Société immobilière du Québec avaient des entreprises, au sens de la loi, particulières et ont fait chacune leur exercice de leur côté. Mais, dans le parapublic, chez nous, c'étaient les collèges d'enseignement général et professionnel, les commissions scolaires de l'Outaouais, c'est-à-dire au niveau des professionnels, où on a été actifs.

Maintenant, en ce qui concerne la conclusion, chez nous on s'est retrouvés avec une conclusion qui a fait en sorte que quelque 2 400 personnes, chez nous, ont reçu une compensation, principalement des personnes dans la classe d'emploi des attachés d'administration, et on a eu aussi des bibliothécaires, des travailleuses sociales, des agentes culturelles et des traductrices aussi qui ont reçu une compensation, qui ont été bénéficiaires des résultats de ces travaux-là.

n(18 heures)n

Maintenant, là où ça a, disons, drôlement coincé, c'est au moment du versement des correctifs salariaux, de l'établissement des correctifs salariaux. C'est que la loi prévoit que ces versements-là peuvent se faire sur une période de quatre ans. Ça, c'est comme la norme, là. Maintenant, le ministre des Finances de l'époque, Michel Audet, et la présidente du Conseil du trésor ont demandé à la commission d'étaler plutôt sur sept ans ces correctifs-là, ce qui était tout à fait étonnant pour nous, parce qu'à l'époque où il y avait la négociation, en tout cas ce qui en a tenu lieu, c'est que la ministre Forget avait dit qu'elle avait des réserves justement pour payer ce qui pouvait en coûter pour l'équité salariale. Mais, quand est venu le temps de payer, elle a dit: Moi, en quatre ans, je ne peux pas le faire. On a déposé un mémoire pour s'opposer à un étalement supérieur à quatre ans. Mais en même temps c'est que... Finalement, la commission a tranché pour dire que l'étalement devait se faire sur six ans. Et la présidente actuelle de la commission, Mme Marchand, à l'époque avait soumis un rapport dissident parce qu'elle estimait, elle, que ça devait se faire sur sept ans. Ceci étant dit, c'est que les correctifs ont été faits sur six ans et, bon, l'argent a été versé.

Et, dans toute cette saga-là, il s'est trouvé aussi qu'on a amendé la Loi sur l'équité salariale pour faire en sorte que les exercices d'équité salariale soient mieux harmonisés dans le secteur parapublic. Alors là, il s'est produit un genre de paradoxe parce que, nous qui représentions les professionnels des collèges, 16 collèges, et les professionnels des commissions scolaires de l'Outaouais, on a perdu la capacité de les représenter au comité de l'équité salariale, alors qu'on nous a imposé la représentation de quelque 1 400 professionnels non syndiqués de la fonction publique. Alors, pour les représenter évidemment, comme on est obligés de les représenter, on ne les connaissait pas, il a fallu comme regarder un petit peu ce qui se passait dans ce domaine-là. Finalement, il y a eu un affichage, il n'y a pas eu de contestation. Mais, moi, il me semble que la loi, là, devrait être modifiée. Parce que représenter des gens qui ne nous connaissent pas puis ne nous mandatent pas, c'est quand même assez extraordinaire, là, alors qu'on ne peut pas représenter des gens, des personnes, hein, qui paient des cotisations chez nous puis qui s'attendent à ce qu'on les représente, je dirais, correctement.

Passons aux recommandations parce que le temps file. Donc, je parlais de l'étalement. Nous, on demande, on recommande que l'article 72 de la Loi sur l'équité salariale soit aboli. Ce qu'on veut plutôt, c'est que, dès qu'une entreprise, quelle qu'elle soit, s'engage dans un exercice d'équité salariale, elle soit tenue, depuis le départ, là, de faire des épargnes, O.K., pour être en sorte d'être capable de rencontrer ses obligations. On a regardé le dernier rapport produit par le ministre à cet égard-là, puis on a vu que la variation dans la masse salariale, en ce qui concerne l'équité salariale, bien ça dépasse rarement 1,5 %. Il faut dire que, dans le secteur public, il y avait quelque 360 000 femmes qui étaient touchées, et ça a monté à 3,97 %. Mais habituellement ça ne dépasse pas 2 %. Conséquemment, nous estimons que les entreprises sont amplement capables de faire les épargnes nécessaires pour compenser les travailleuses qui seraient visées, et qu'il n'y a pas de raison que la loi dise que l'injustice en matière de traitement des femmes doit se prolonger pendant quatre ans ou même davantage. Donc ça, c'est la première recommandation que nous faisons.

Maintenant, en ce qui concerne les pouvoirs de la Commission de l'équité salariale, nous recommandons aussi le maintien des responsabilités décisionnelles de la commission, et que les ressources additionnelles lui soient octroyées afin qu'elle puisse continuer à informer et appuyer tant les entreprises que les syndicats, les travailleuses et travailleurs, pour que le Québec atteigne l'équité salariale pleine et entière.

Dans le dernier rapport de la commission, on s'est rendu compte que la commission avait 66 ETC en principe d'autorisés, mais qu'à un moment donné, avec les restrictions imposées par le Conseil du trésor, elle n'avait plus l'autorisation que d'embaucher 59 personnes. O.K.? Alors ça, c'est un service public, je dirais, essentiel, que de faire en sorte que les femmes et les hommes, au Québec, soient traités de façon équitable au travail. Alors, on ne comprend pas pourquoi on coupe dans ce service-là. Vous savez, sept personnes, ce n'est pas grand-chose quand on voit l'impact que peut avoir le rétablissement de l'équité salariale non seulement dans une entreprise, mais dans une société entière. Alors, c'est des coupures qui n'ont pas leur raison d'être.

En ce qui concerne les responsabilités décisionnelles, dans le rapport, on ne traite pas trop, trop de ça, mais je tiens à le préciser ici: Le SPGQ s'oppose à ce que la direction... c'est-à-dire à ce que ? comment dire? ? le pan décisionnel de la commission soit versé dans un organisme, par exemple, le travail, et que tout le temps administratif, conseil, etc., soit ailleurs. Je sais que ça a été discuté par des gens qui ont pu examiner la pertinence des organismes, etc. Nous, on pense que la Commission de l'équité salariale ne doit pas être scindée, que son volet décisionnel et son volet administratif ont intérêt à travailler ensemble. Parce que, d'abord, ce n'est pas une grosse boîte, mais en même temps il nous semble que c'est beaucoup plus viable comme organisme si le palier décisionnel peut facilement ? comment je peux dire ça, donc? ? interagir avec le palier, disons, professionnel.

Autre recommandation. Nous recommandons que la commission ait un service spécialisé de ressources spécialisées à l'intérieur, donc la commission qui est spécialement vouée à intervenir auprès des parties et à les soutenir, au besoin, en cours d'exercice d'équité salariale. Pour nous, c'est essentiel parce que... Bon. Au SPGQ, on n'était pas trop mal équipés, quoiqu'on ait été obligés, à un moment donné, d'appeler la commission pour connaître ? comment je peux dire ça, donc? ? certains aspects méthodologiques puis les tester. Mais, j'imagine, les entreprises qui n'en connaissent rien, ces entreprises-là ont intérêt à avoir des spécialistes chez eux et pas seulement par téléphone. Je sais que, dans le rapport du ministre, on dit: Bien, consultations en direct ou par téléphone. Moi, je pense que c'est mieux en direct. C'est mieux en direct parce que, quand la commission débarque, elle a les deux parties devant elle. Donc, ça permet d'emblée, là, que l'expert puisse, disons, entre guillemets, harmoniser son... J'ai deux minutes, ayoye, excusez, madame, il va falloir que j'y aille vite.

Alors, la commission... le SPGQ recommande l'introduction, dans la Loi de l'équité salariale, d'une disposition spécifique permettant d'examiner la composition des classes d'emploi dans l'entreprise et la possibilité d'y effectuer des aménagements...

La Présidente (Mme Morissette): M. Dussault.

M. Dussault (Gilles): ...préalablement à la phase d'identification...

La Présidente (Mme Morissette): M. Dussault, le ministre vous donne de son temps, donc...

M. Dussault (Gilles): Vous me donnez votre temps?

La Présidente (Mme Morissette): Prenez le temps de faire votre présentation, le ministre vous l'accorde.

M. Whissell: Prenez le temps.

M. Dussault (Gilles): Alors, je vous remercie. Mais je vais essayer de ne pas en abuser, là, regardez, là.

M. Whissell: Non. Mais vous vouliez continuer, là...

M. Dussault (Gilles): Oui, oui, oui, mais je vais essayer de...

M. Whissell: Prenez le temps qu'il faut pour faire...

M. Dussault (Gilles): Parce que je sais que vous l'avez lu, hein, studieusement, donc... Je vais essayer d'être pédagogique pour tout le monde qui nous regarde, là.

Ceci étant dit, donc, pour ce qui est de l'application de la Loi sur l'équité salariale, il y a des catégories d'emploi des fois qui sont des catégories d'emploi fourre-tout. Et je sais que l'article 54 de la loi permet, autrement dit, de segmenter tout ça. Mais il faudrait que la loi soit plus claire à cet égard-là puis qu'on en fasse une espèce de phase obligatoire, une phase d'examen de la composition des catégories d'emploi. Parce qu'à l'intérieur même d'une classe d'emploi il peut y avoir des catégories d'emploi bien différentes. Et, pour rendre justice donc à toutes les classes... pas toutes les classes d'emploi, mais à toutes les travailleuses de ces classes d'emploi là, il faut faire cet examen-là préalable.

Le SPGQ recommande aussi que les réponses envoyées aux salariées soient ? comment dire? ? moins laconiques. Alors, on a vécu l'expérience de personnes, chez nous, qui ont reçu des réponses à la suite des questions posées à la commission. Elles n'étaient pas tout à fait ? comment dire? ? enchantées parce que c'était trop laconique, ça manquait de détail, ça manquait de justification. Quand on s'adresse à des personnes qui ne connaissent pas ça, bien on se retrouve avec ? comment je peux dire ça? ? de l'incompréhension et même de la frustration à certains égards.

Autre chose qu'on recommande, c'est d'apporter des modifications législatives dans la loi afin que tous les éléments de rémunération variable, qui affectent la rémunération globale de l'emploi, soient inclus dans le calcul de la rémunération globale d'une classe d'emploi. Peut-être un peu chinois ici, mais, chez nous, au SPGQ, dans la fonction publique, il y a des emplois dont la rémunération est majorée en raison de la complexité de l'emploi. On ne tient pas compte de ces ajouts-là. Il faudrait en tenir compte parce que ça peut changer beaucoup en ce qui concerne l'établissement des comparateurs, par exemple. Et, si on avait tenu compte des majorations qui ont eu lieu, bon, depuis, probablement que le résultat aurait été, disons, fort différent.

n(18 h 10)n

Soit dit en passant, je parle d'une mesure, chez nous, qui a fait en sorte que, dans un contexte où on a grosso modo 48-52, là, femmes-hommes, ces majorations-là de taux de traitement accordées à des personnes qui occupent des emplois de complexité supérieure, de niveau expert ou émérite, comme on dit, il y a seulement, chez les femmes, 39,3 % des femmes qui ont obtenu ces majorations-là, alors que 60,7 % des hommes les ont obtenues. Alors, il y a quand même là un écart, mais cependant c'est qu'on n'a pas fait tout un plat avec ça. Mais je pense que, sous cet angle-là, là, il faut regarder ça à un moment donné aussi, là.

Bon. Je continue. J'essaie de ne pas trop voler le temps du ministre. Alors, le SPGQ recommande d'exiger aussi la production de bilans à intervalles réguliers auprès des entreprises sur leurs activités en matière d'équité et en élaborant un règlement précis. Le besoin que nous voyons là-dedans, c'est qu'il faut que les comités d'équité salariale, une fois que l'exercice est fait, puissent faire le bilan des difficultés rencontrées et faire des recommandations. Or, ces exercices-là ne sont pas faits. Et donc on ne tire pas aucun enseignement, si on peut dire, ni aux centrales, à la commission elle-même ou même dans l'entreprise, de ce qui s'est passé. Et je pense que ça, c'est absolument nécessaire qu'on le fasse.

Maintenant, je vous ferais remarquer que, dans le rapport du ministre, on dit que 68 % des entreprises questionnées ont dit: Oui, on a complété l'exercice d'équité, alors que, quand la commission s'est intéressée à savoir: Mais en quoi pouvez-vous dire que?, le pourcentage baissait à 47 %. Demandez-moi pas c'est quoi, mais ça se peut que ce soit de l'incompréhension. Mais il reste que, voyez-vous, c'est important que les parties, les deux parties fassent un bilan conjoint de l'exercice.

Autre recommandation. On recommande l'introduction, dans la Loi sur l'équité salariale, d'une disposition fixant la tenue d'un exercice de relativité salariale dans les 12 mois suivant la conclusion d'un exercice d'équité, et que l'examen du maintien de l'équité salariale ait lieu tous les quatre ans, et que les modalités à cet effet soient inscrites dans la loi.

Les relativités salariales, là, ce n'est pas simple à expliquer, mais disons que, quand on fait un exercice d'équité salariale puis qu'on se rend compte que le salaire des femmes dans une classe d'emploi est inférieur à ce qu'il devrait être, c'est qu'on a donné un poids à la classe d'emploi à laquelle appartiennent ces femmes-là, donc ces femmes qui appartiennent... et ces hommes aussi qui appartiennent à une classe à prédominance féminine. Mais en même temps c'est que cette repondération des classes d'emploi doit être réexaminée sous un nouvel angle ensuite pour qu'à l'intérieur de l'entreprise, au sens large du terme, on puisse conserver une rigueur dans la politique de rémunération. Alors, au gouvernement du Québec, actuellement, en tout cas dans la fonction publique, on attend toujours de pouvoir se pencher sur cet aspect-là des choses.

Et je conclus en disant qu'il y a, selon les chiffres qu'on obtient, environ 80 % des entreprises au Québec qui comptent moins de 10 personnes à leur emploi. Or, à ce jour, la loi nous dit: S'il n'y a pas 10 personnes, on ne s'occupe pas d'équité salariale. Nous pensons que la loi devrait s'occuper d'équité salariale dans toutes les entreprises. Pourquoi? Bien, tout simplement parce que, par exemple, une loi comme la Loi sur les normes du travail ou la Loi sur le salaire minimum s'applique à toutes les personnes, quelle que soit la taille de l'entreprise où elles évoluent, d'une part.

Deuxièmement, dans le Règlement sur l'équité salariale dans les entreprises où il n'existe pas de catégories d'emplois à prédominance masculine, là, comme comparateurs, on a institué un système d'emplois types de contremaître et de préposé à la maintenance qui peuvent servir de guide quand on tombe sur des emplois moins typiques et à partir desquels on peut évaluer la valeur d'un emploi, d'un emploi d'une entreprise comptant deux, trois, quatre ou cinq personnes, etc., là. Donc, on ne voit pas pourquoi, comme il y a 80 % des entreprises au Québec qui comptent moins de 10 personnes, on ne voit pas pourquoi ces entreprises-là seraient exclues.

Alors, je remercie le ministre de m'avoir donné son temps et la commission de m'avoir écouté.

La Présidente (Mme Morissette): Il vous a pris un gros cinq minutes, alors il vous en reste quand même beaucoup pour lui adresser vos questions.

M. Whissell: Alors, merci. Bonjour... Bonsoir, M. Dussault. Également, je salue votre équipe. Vous ne pourrez jamais dire que le ministre ne vous a jamais rien donné, M. Dussault.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dussault (Gilles): En tout cas, vous, je ne vous connais pas, là, mais j'en connais d'autres.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Whissell: Ayoye! Enfin. Merci de votre présentation qui est très rigoureuse. Je vais aller sur l'aspect des ressources à la commission. Bon. Vous avez évoquez justement la présence de la commission, le personnel qui y est. Vous recommandez la création d'un service de ressources spécialisées dans le fond à l'intérieur de la commission, alors que, bon, il y a quand même déjà un service qui est offert, il y a certains outils qui ont été développés. Jusqu'où seriez-vous prêts à aller?

M. Dussault (Gilles): Bien, écoutez, les services spécialisés, il faut voir le besoin. Ce qu'on ressent, nous, comme besoin, puis on est les moins en quelque sorte susceptibles de ressentir un tel besoin parce que justement on a des gens, chez nous, qui sont expérimentés, mais qui ont quand même besoin d'un certain éclairage... Mais j'imagine une entreprise, là, où les patrons et les employés ne s'y connaissent absolument pas. O.K.?

M. Whissell: Je vous pose la question, M. Dussault, parce que, depuis deux jours, il y a beaucoup... surtout du côté patronal, on nous dit que souvent l'exercice n'a pas été entamé faute d'information ou de... méconnaissance de la loi.

M. Dussault (Gilles): Donc, pour qu'il soit entamé, bien plaçons des gens avec eux d'abord pour les sécuriser, puis pour leur expliquer un peu comment ça marche, les accompagner au moins au départ, leur donner peut-être, entre guillemets, une petite formation pour faire en sorte que les choses démarrent bien puis pour faire en sorte que ces gens-là aient une référence, à un moment donné, si ça coince. O.K.? Comme je vous dis, chez nous, on s'est adressés, à un moment donné, à la commission pour avoir des précisions sur certains aspects. Mais j'imagine qu'il y a plein d'entreprises au Québec qui ne se réveillent pas la nuit pour penser à l'équité salariale, là. O.K.? Puis, quand on leur impose ça, avec raison d'ailleurs, bien là ils ne savent pas comment commencer, tout ça, etc. Donc, si la commission avait un service pour les accompagner, ces gens-là, les deux parties, en fait, là, il me semble que ce serait pas mal plus intéressant, puis qu'au bout du compte, bien, on pourrait éviter de l'incompréhension, on pourrait même éviter des litiges potentiels, on pourrait éviter, etc., plein de choses. Donc, ce serait payant, faire ça.

M. Whissell: Sentez-vous que le besoin est plus criant dans la petite entreprise?

M. Dussault (Gilles): Moi, j'ai le sentiment que oui, parce que les petites entreprises, bon, au niveau des ressources humaines, sont moins équipées que les grosses, là. Parce que les grosses ont des directions des ressources humaines, ils ont des gens spécialisés, alors que les petites entreprises, bien, écoutez, ils s'occupent surtout de gérer la production, puis bon, enfin...

M. Whissell: Disons qu'ils ont d'autres préoccupations.

M. Dussault (Gilles): Bien, ils ont d'autres... En tout cas, disons que, le gros de leur expertise, ils ne le mettent pas dans la gestion des ressources humaines parce que... Bon.

M. Whissell: Sur les données, là, le un sur deux, 60 % de non réalisé, là, grosso modo, est-ce que vous convenez que c'est probablement la réalité, vous, comme syndicat? Parce que j'ai posé la question à la FTQ qui avait des données, la CSN n'en avait pas. Je ne sais pas, vous, de votre côté, le 2 000 que vous représentez qui n'est pas directement dans la fonction publique du Québec...

M. Dussault (Gilles): Chez nous, les choses, disons, entre guillemets, procèdent relativement normalement avec quelques longueurs, si je peux dire, là. Mais la FTQ est probablement mieux placée que moi pour parler du secteur privé, parce que, moi, je n'en ai pas dans le secteur privé. Alors, c'est eux qui peuvent venir exposer un peu le portrait général, là. Mais il y a quand même... Bon. Il y a quand même... Pardon?

Une voix: ...

M. Dussault (Gilles): Non, on ne met pas en doute les chiffres, là, mais il y a quand même certaines difficultés peut-être de démarrage, de compréhension, etc., là, qui font en sorte qu'encore aujourd'hui, depuis 2001, on est encore à la moitié, là, grosso modo des entreprises qui n'ont pas réalisé l'exercice. Est-ce que c'est parce qu'elles n'ont pas été suffisamment renseignées, etc., bon, pour partir ça?

Ce n'est pas rien, partir ça, là. Parce qu'au gouvernement du Québec, là, c'est plein de savants là-dedans, là, O.K., c'est facile, hein, c'est des gens qui travaillent dans la classification, etc. Mais, quand on arrive avec des petites entreprises, là, commencer à s'intéresser à ça, là: C'est quoi, ça, cette affaire-là, puis comment ça marche, puis la méthode? Wo! Un instant, là. Même si la boîte donne des indications, ce n'est pas clair, là. Ce n'est pas évident que même les deux parties sont prêtes à faire ça.

Dans les petites entreprises où il y a des syndicats, ils peuvent peut-être compter sur l'expertise, je ne sais pas, moi, d'une centrale en tout cas qui peut leur venir en aide, mais, dans les entreprises où il n'y a pas de syndicat, là, c'est fall ball.

M. Whissell: Il y a des gens qui ont invoqué que dans un avenir on devrait peut-être avoir des comités sectoriels qui se penchent sur les problématiques d'équité de secteurs précis avec des solutions qui sont offertes un peu clé en main ou, à tout le moins, qui sont là pour outiller de façon bien précise certains secteurs. Pour vous, est-ce que ça peut être une avenue intéressante?

M. Dussault (Gilles): Dans la mesure où ces secteurs-là ? comment dire? ? sont constitués d'emplois types, O.K.

M. Whissell: Une certaine uniformité.

M. Dussault (Gilles): Alors, l'étude générale d'un secteur, ça ne peut pas être mauvais, là, hein? Puis, s'il peut se développer un genre d'approche qu'on peut suggérer, là, aux entreprises de ce secteur-là, une approche qui est ? comment dire? ? méditée par les deux parties, par exemple, ou en tout cas toutes les personnes qui peuvent être intéressées pour aider justement, et là on va donner ça aux services spécialisés, hein, ils vont partir avec ça, puis ils vont pouvoir mieux aider les entreprises à faire leur exercice.

M. Whissell: Sur le maintien. Bon. Vous l'avez fait, au gouvernement du Québec, l'exercice?

M. Dussault (Gilles): Oui.

M. Whissell: Sur le maintien?

M. Dussault (Gilles): Ah! le maintien, il n'est pas fait encore.

n(18 h 20)n

M. Whissell: Non, mais l'exercice est fait. Sur le maintien, il y a beaucoup de gens qui disent: Bon, laissons le maintien s'exécuter. Lorsque l'exercice a été fait, normalement les gens vont effectuer le maintien de façon automatique. Il y a des gens qui même vont jusqu'à dire: Bien, laissons la charte s'appliquer sur le maintien et excluons la Commission de l'équité salariale. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Dussault (Gilles): Non, non, non. Écoutez, moi, je pense que... D'abord, la structure salariale d'une entreprise quelle qu'elle soit peut varier. J'exposais justement l'exemple, chez nous, de la majoration des taux de traitement qui sont arrivés postérieurement à l'exercice de l'équité salariale. Et, aujourd'hui, si on faisait le même exercice chez nous, on trouverait d'autres résultats en termes d'écarts. Première chose.

Deuxième chose. C'est que les nouvelles personnes, là, qui sont employées au gouvernement du Québec, en autant qu'on embauche, c'est que c'est des femmes surtout, donc ce qui peut changer la composition des classes d'emploi, hein? On peut se retrouver avec des classes d'emploi qui étaient à prédominance masculine puis on va se retrouver avec des classes d'emploi à prédominance féminine. Donc, ça peut avoir une incidence. O.K.? Autrement dit, là, tant qu'il y aura de la vie puis que ça bougera, là, bien il faut s'assurer que l'équité salariale est maintenue. On ne peut pas comme faire un premier exercice puis abandonner tout ça après ça, là. O.K.? Parce qu'à ce moment-là ça va devenir une pure abstraction. Mais ce n'est pas si compliqué que ça, là. Une fois qu'on l'a fait une fois, là, après ça c'est comme aller en bicycle, là, hein, on rembarque dessus puis on fait la job.

M. Whissell: En même temps, est-ce que les distorsions viennent aussi rapidement? À partir du moment... comme au gouvernement, vous l'avez faite, l'équité, là. Les distorsions, là, au point de vue systémique, là, dans le temps, est-ce qu'elles surviennent rapidement?

M. Dussault (Gilles): Regarde, on peut avoir, je dirais, entre guillemets, une opinion impressionniste là-dessus. Mais, moi, je pense que ce n'est pas un gros, gros exercice de se repencher sur la question justement pour voir dans quelle mesure ? comment dire? ? le maintien ou en tout cas le nouvel examen va faire varier ? comment dire? ? les résultats antérieurs. Mais je vous ai donné juste deux facteurs, là. Et, moi, je pense que ça peut être important parce que ce qu'on voit là, c'est qu'il y a de plus en plus de femmes qui sont embauchées parce que, bon, en tout cas, la fameuse cote Z, il y a plus de femmes diplômées universitaires. Chez nous, c'est ça, hein, j'ai des diplômées universitaires. Donc, si elles s'amènent en masse, entre guillemets, là, pour remplacer les personnes, majoritairement des hommes, qui vont prendre leur retraite, là, dans... Donc, ça veut dire que la donne va changer considérablement.

M. Whissell: Mais elle va se faire dans le temps.

M. Dussault (Gilles): Pardon?

M. Whissell: Elle va se faire dans le temps, pas nécessairement d'une façon brutale, ça va se faire sur cinq ans, 10 ans, ou...

M. Dussault (Gilles): Mais il faut prendre... En tout cas, regardez, là, je pense que la loi dit: Aux quatre ans, c'est raisonnable de s'asseoir puis de regarder les affaires. D'autant plus que la Loi sur l'équité salariale rend les deux parties coresponsables du maintien de l'équité. Alors, ne comptez pas sur les syndicats pour dire qu'on ne s'en occupera pas, là, hein? Puis les femmes, chez nous, là, bien, elles vont dire: Regardez, là, occupez-vous de ça, là, hein, parce qu'on l'a eu une fois, on ne veut pas le perdre. C'est un peu ça, l'idée, là.

La Présidente (Mme Morissette): Oui, M. le député de Viau, il reste deux minutes et des poussières.

M. Dubourg: Deux minutes. Merci, Mme la Présidente. Bien, je salue les représentants du syndicat.

Rapidement. Une de vos recommandations, c'est la recommandation n° 6, vous recommandez l'élargissement de la portée de la Loi sur l'équité salariale aux entreprises de moins de 10 personnes. Je comprends que vous avez expliqué tout à l'heure, quand vous avez fait le parallèle avec d'autres lois, que ce soit normes du travail ou salaire minimum... Je sais que ce groupe de personnes là... Bon. Vous ne les représentez pas, ce ne sont pas les gens avec qui vous travaillez, mais vous faites cette recommandation-là. Mais, compte tenu de la lourdeur administrative, de tout ce qu'on entend de la difficulté d'application de cette loi-là, comment est-ce qu'on pourrait faciliter l'assujettissement des entreprises ayant moins de 10 personnes à la Loi sur l'équité salariale?

M. Dussault (Gilles): Bien, moi, je pense que... Tout à l'heure, on a discuté de la possibilité, par exemple, que, dans un secteur donné... Bon. Prenons la restauration. O.K.? Alors, Johnny Greasy-Spoon, quatre serveuses, O.K., puis on veut savoir si ces femmes-là sont payées équitablement. Là, on a fait une étude puis on a établi ? comment je peux dire ça, donc? ? un profil type de la serveuse, hein, au comptoir, dans ce type de restauration là. Puis là on dit: Bien, dans le secteur x, c'est à peu près ça, le profil, puis là on examine ce qui se passe puis on applique.

Donc, ce n'est pas si compliqué que ça. Autrement dit, là, l'entreprise comme telle n'aurait pas tant de choses à faire que ça si déjà l'expertise externe est bien équipée pour ? comment dire? ? guider les gens. Bien sûr que la loi prévoit des rencontres, un comité paritaire, etc. Mais, à partir du moment où il y aurait des balises, hein, pour inspirer les parties puis leur expliquer que: Regarde, on peut arriver probablement à cette réponse-là, moi, je pense qu'on arriverait rapidement à des solutions sans penser qu'on va faire ? comment je peux dire ça? ? une étude de trois ans, là.

M. Dubourg: ...mais en même temps, bon, il faudrait aider. Comme vous le savez, ces petites entreprises là n'ont pas une structure, elles vont sûrement, bon, faire valoir une question de coûts, effectivement. Donc, vous, vous dites que, oui, on peut prendre, par exemple, d'autres entreprises, de plus grosses, je ne sais pas, des franchisées comme, bon, McDonald, par exemple, qui ont peut-être déjà donc... Est-ce que vous suggérez qu'on utilise ces structures-là pour les petites entreprises de moins de 10 employés?

La Présidente (Mme Morissette): En 10 secondes.

M. Dussault (Gilles): En 10 secondes, bien, écoutez, les coûts, je ne les vois pas si faramineux que ça, puis la justice sociale au Québec, évidemment que, comme dans toute société, hein, qui se respecte, ça a un coût.

M. Dubourg: Merci.

La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Alors, on passe tout de suite à l'opposition officielle. M. le député de Terrebonne.

M. Therrien: Oui, je vais continuer sur les 10 employés et moins. Juste pour rappeler qu'en 1996 la députée d'Hochelaga-Maisonneuve avait cité justement que... «considère que la très grande majorité, et je cite, de ces petites entreprises de 10 salariés et moins n'a pas une structure adaptée à une démarche systémique d'équité salariale, qui suppose un exercice de comparaison ? lorsqu'il y a 10 salariés, il est difficile de faire une telle comparaison ? et qu'en conséquence il serait abusif d'imposer à ces entreprises de moins de 10 salariés une obligation par la loi». Donc, je pense que c'était assez clair en 1996.

Et je reprends votre exemple, quand vous dites «serveuse de restaurant». Mais qu'est-ce que vous faites du pourboire? Une fait plus que l'autre. Comment... Tu sais, il y a un paquet de difficultés, je pense, qui est imposé à ces 10 salariés et moins, et, je pense, de votre côté, vous ne représentez pas beaucoup de ces entreprises-là, là.

M. Dussault (Gilles): Non, c'est vrai, mais des fois on ne se mêle pas de nos affaires. Mais l'équité salariale, soit dit en passant, hein, pour toute personne morale et physique au Québec, là, c'est son affaire. Donc, nous, on est en contact avec différents groupes, différents syndicats, puis on a estimé que ce serait intéressant si on mettait cette suggestion-là sur la table. Ça, c'est une chose.

La deuxième chose, le pourboire. Bien, écoutez, moi, je pense que le ministère du Revenu s'occupe, hein, de ce temps-là, d'évaluer ce que peuvent recevoir comme pourboire les serveuses ou les serveurs, etc. Donc, il y a moyen, hein, d'établir le revenu annuel d'une personne. Je ne vois pas là une grande difficulté, là. À la limite, là, on met deux ou trois actuaires, puis on leur paie un lunch, puis ils vont nous sortir un chiffre.

M. Therrien: C'est à la mode, ça. Vous parliez de coûts, puis M. le député de Viau vous a posé la question aussi. Après deux jours d'audiences, on s'est aperçus que ce qui était fourni dans le rapport qui n'engendrait aucun coût ou moins de 1 000 $, ce n'était qu'une illusion et que les chiffres devraient peut-être être revus à la hausse, étant donné qu'il y a divers intervenants qui sont venus nous dire que ça ne tenait pas la route. Donc, vous, est-ce que vous avez une idée d'un coût d'un exercice complet d'équité salariale?

M. Dussault (Gilles): C'est très difficile, hein, parce que chez nous... Je vous donne un ordre de grandeur, puis là je ne parle pas de coût, là. À l'époque, d'abord je n'étais pas président, donc je n'étais pas, disons, au fait tellement des chiffres. Mais, pour 17 000 personnes dans la fonction publique, où on a dû justement libérer à temps complet 17 personne, O.K., pour faire l'exercice d'équité, examiner les classes d'emploi, les pondérer, rencontrer le Trésor, essayer de s'entendre, etc., élaborer une grille de facteurs, c'est une entreprise qui ? comment je peux dire ça? ? est relativement importante, mais en même temps c'est que là on parle d'un truc... d'une entreprise, entre guillemets, de 17 000 personnes. O.K.? Donc, toutes proportions gardées, ce n'est pas si extraordinaire que ça.

Mais, dans les petites entreprises, mettons, de 50 employés, c'est, genre, deux, trois personnes, hein, de part et d'autre, le patron, employés, puis qui s'assoient puis qui discutent. Puis le hic là-dedans, c'est que, si ces personnes-là peuvent bénéficier d'un soutien, d'un bon soutien de la part, mettons, de la commission, bien, à ce moment-là, c'est que ça va coûter beaucoup moins cher. Ce qui peut coûter cher, c'est l'indécision, l'incompréhension ou, disons, l'ignorance de certains concepts de base, puis là ça se met à traîner en longueur, puis ça, ça peut coûter cher. Puis même que l'incompréhension ou la méconnaissance peut mener à des litiges qui, à toutes fins pratiques, n'auraient jamais dû avoir lieu.

Donc, chez nous, on a pu se débrouiller même si Luce, en particulier, à un moment donné, a dû rencontrer la commission pour avoir certains éclaircissements. On n'était pas les plus mal pris, là. Mais, moi, je pense à des entreprises, là, qui sont moins expertes mais qui doivent s'occuper d'équité salariale. Moi, je ne vois pas, là, de grande difficulté.

Mais, quand on ne connaît pas quelque chose puis qu'on essaie de le faire, bien on peut se planter très sérieusement. Puis, à ce moment-là, l'équité salariale, ça devient comme quelque chose d'aversif pour l'entreprise, alors qu'il s'agit de discuter, comment dire, de la façon de traiter justement les femmes. Donc, moi, je pense que la commission a intérêt à assister ces personnes-là ou ces entreprises-là pour que les choses marchent rondement.

n(18 h 30)n

M. Therrien: Pour le principe, je pense que tout le monde s'entend. Quand on parle aussi des entreprises de 50 employés et moins ou jusqu'à 100 employés, même dans la grande entreprise, vous avez l'air un petit peu à banaliser l'aspect financier que les coûts peuvent engendrer. Les spécialistes nous disaient hier et aujourd'hui qu'on pouvait s'attendre, une petite entreprise, de 5 000 $ à 10 000 $ et, dans une grande, on arrivait jusqu'à 100 000 $. Donc, qu'est-ce que, nous, on dit depuis le début, c'est qu'il faut qu'initialement l'entreprise ait une santé financière pour l'effectuer, ce travail-là. Et, si, aujourd'hui, vous disiez aux entreprises manufacturières que ce n'est pas grave, il n'y a pas de problème avec ça, ce n'est pas cher, je ne suis pas sûr que les dirigeants iraient dans le même sens que vous, au niveau des paiements, d'effectuer cet exercice-là.

Dans un autre ordre d'idées, j'aimerais savoir, vous, au gouvernement, combien ça a pris de temps, avec les 17 facteurs tantôt que vous énonciez, d'effectuer votre équité salariale?

M. Castonguay (Michel): Je pourrais vous dire qu'on a commencé l'exercice, pour être précis, en octobre 2002. Et à l'époque je faisais partie des gens qui avons enclenché le processus d'équité salariale. Et on avait prévu une période, c'était estimé à quatre à six mois. À partir du début du processus, pour le terminer, ça a pris 38 mois. Et je vous dirai que les obstacles que nous avons eus là-dedans, c'était une question de volonté: Est-ce que l'employeur voulait régler l'équité salariale? Ça a traîné, ça a traîné, ça a traîné, ça a pris 38 mois avant d'en arriver à une entente. On a commencé en octobre 2002 et on a terminé en décembre 2005. Les délais sont une question de volonté. Si l'employeur veut régler la question, on règle. Sinon, ça peut traîner, traîner, traîner et encore traîner.

M. Dussault (Gilles): Et j'attire l'attention aussi de la commission sur un événement qui est survenu en cours d'exercice. C'est que le chapitre IX de la loi a été invalidé par la cour. Alors là, on a été obligé de se rasseoir, O.K., pour, disons, entre guillemets, là, se raligner par rapport à la nouvelle sentence. Donc ça, ça a rallongé aussi les choses.

Mais il y a une chose aussi qui est importante. C'est que, quand on fait un exercice ? en tout cas au gouvernement du Québec, ça s'est fait comme ça ? à un moment donné, quand on essaie d'établir un instrument de mesure, il faut, jusqu'à un certain point, négocier, O.K.? Et, du côté des professionnels, ce qui était important, c'était d'essayer de négocier une grille qui rende compte d'emplois d'un certain niveau. Et là ce qu'on se retrouvait ? puis là je prends une image ? c'est un peu comme si la grille tendait plus à être bonne pour mesurer des emplois de niveau, disons, soutien administratif ou des emplois de niveau technique. Mais, au niveau des professionnels, on retrouvait moins d'indicateurs qui pouvaient permettre de faire, je dirais, des bonnes mesures ou des bonnes différentiations. C'est un peu comme si vous aviez des règles ? comment dire? ? les premiers 10 cm, là, c'est au millimètre puis, quand on est rendu au bout du mètre, là, bien là c'est aux 3 po. Ça fait qu'à un moment donné, là, il y a eu beaucoup de discussions sur la validité de l'instrument. Mais, moi, je ne pense pas que... Bon. Évidemment, au gouvernement du Québec, c'est toujours un peu plus compliqué qu'ailleurs, là, supposé, mais je ne pense pas que, dans les entreprises, entre guillemets, là, ordinaires, là, ça aille jusque-là, jusqu'à ce niveau de complexité là.

Et la commission, elle, développe ses connaissances, développe sa capacité d'orienter. Parce que, là, on était presque à pied d'oeuvre, O.K., malgré l'expérience qu'on avait. Parce que, je vous l'ai dit, l'exercice, on l'a fait à partir de 1981. Mais il reste que, bon, il y a eu cet aspect-là, là, de négociation d'une méthode d'évaluation, etc. Bon. Ça a été peut-être un petit peu long. Puis là il y a eu la loi, là, qui a été comme, je dirais, invalidée en partie par la Cour supérieure. Je ne ferai pas de détail là-dessus parce que je n'aurai pas le temps.

M. Therrien: Quand vous parlez de volonté versus la... moi, je vois peut-être, avec les deux jours d'audition, peut-être plus un niveau élevé de complexité d'application de la loi versus la volonté. Donc, qu'est-ce que vous pouvez nous apporter là-dessus?

M. Dussault (Gilles): Bien, c'est-à-dire que ce que Michel Castonguay a dit, c'est qu'effectivement, parfois, on avait l'impression que, du côté du Trésor, ils voulaient prendre des raccourcis qui ne faisaient pas notre affaire. Donc, il y avait, comment dire, une certaine partie de bras de fer méthodologique, hein? Il faut tenir son point. Parce que la vérité absolue n'existe pas, donc il faut essayer de la construire entre les parties. Mais, au-delà de ça, là, ce n'est pas si complexe que ça, et il ne faut jamais perdre de vue que ça doit arriver au résultat suivant, c'est qu'il faut qu'on arrive au résultat qu'à travail équivalent les salaires soient égaux entre les hommes et les femmes. Et ça, c'est un truc fondamental. Donc, on peut mettre les efforts particuliers quand on croit à cet objectif-là.

Je profite de l'occasion aussi pour dire ceci, là: À l'échelle mondiale, le fait que le Québec soit doté d'une loi sur l'équité salariale, là, c'est vendeur, ça. Moi, je vous dis, on représente, chez nous, des gens qui travaillent au ministère de l'Industrie, Communautés culturelles, etc., bon, et qui vont, par exemple, interviewer des immigrants investisseurs. Je vous fais une petite parenthèse pour dire ici qu'il y en a qui trouvent que, les services publics, il y en a trop, ça coûte trop cher, et patati, patata. Mais savez-vous que ça fait partie du «pitch» de vente, ça, quand on va voir du monde à l'extérieur, quand on rencontre des Marocains, des Tunisiens ? on peut rencontrer des Russes, etc., bon, ils voudraient venir s'installer ? des Chinois puis qu'on leur explique comment c'est organisé au Québec? Puis là on peut ajouter qu'au Québec, là, les femmes, là, il y a une loi qui leur permet d'espérer de gagner un salaire juste en fonction justement de la valeur relative du travail qu'elles accomplissent. C'est un plus. Donc, ça vaut la peine de mettre du gaz dans la tank pour ça, là.

M. Therrien: Je reviens à votre plus. Il y a un groupe qui nous disait, après avoir posé une question justement, si on compare le Québec avec la Colombie-Britannique, qui n'a pas de loi sur l'équité salariale et qui arrive à un écart de 2 % identique au Québec, ce groupe-là nous disait... Je ne sais pas comment vous voyez votre «pitch» de vente, là, mais, lui, il nous disait que la Colombie-Britannique, c'était relié à une croissance économique. Donc, c'est signe que le Québec a une croissance économique qui n'est pas très, très forte.

M. Dussault (Gilles): Là, je ne la pige pas, celle-là, là. Franchement, là...

M. Therrien: Je vais le sortir, attendez un petit peu.

Une voix: Pénurie de main-d'oeuvre, peut-être.

M. Therrien: Non. Non. Non. Croissance économique en Colombie-Britannique versus le Québec. C'est ce qu'on nous a dit cet après-midi... ce matin, Fédération des femmes du Québec qui nous a dit ça ce matin.

M. Dussault (Gilles): La Fédération des femmes. Bon. O.K.

M. Therrien: Donc, c'est...

M. Dussault (Gilles): Alors, la Fédération des femmes, qu'est-ce qu'elle dit, là?

M. Therrien: Eux autres, ils attribuaient justement à ce que la Colombie-Britannique n'ait pas de loi une croissance de 2 % de l'équité à la croissance économique de la Colombie-Britannique versus le Québec.

M. Dussault (Gilles): Autrement dit, le fait de ne pas avoir de loi sur l'équité salariale en Colombie-Britannique, ça la favorise de 2 % par rapport au Québec?

M. Therrien: Ils n'en ont pas eu besoin.

M. Dussault (Gilles): Pardon?

M. Therrien: Ils n'en ont pas eu besoin. Elle est égale. Nous, on dit qu'on a 1,9 %.

M. Dussault (Gilles): C'est égal. Bon. Bien, regardez, je ne sais pas, là, je n'ai pas étudié ça sous cet angle-là. Mais, quant à moi, ce genre d'affaire là, ça n'invalide pas l'idée de... Écoutez, là, juste dans la fonction publique, hein ? ça, je connais un petit peu plus le truc ? c'est que, quand on a... dans les services publics, bien la variation était de 3,97 % entre les hommes et les femmes. Ça valait la peine de regarder ça. Puis les deux parties ont regardé ça attentivement. Ils n'ont pas botché leur travail, là, ils ont... Puis c'est ça que ça fait. Aujourd'hui, on peut se le dire: Bien, dans les services publics au Québec, les hommes et les femmes sont payés équitablement.

Alors, si on n'avait pas eu ça, là, moi, je ne sais pas qu'est-ce qui serait arrivé à l'économie du Québec, là, mais en même temps c'est que, là, on a un plus. Ça nous a coûté de l'argent, oui, mais il faut mettre de l'argent pour que la justice, dans une société, non seulement, comment dire, existe, mais qu'il y ait apparence de justice aussi. Donc, c'est vrai que des fois il y a des affaires qui coûtent de l'argent, là, mais, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, on s'organise comme on veut, là.

M. Therrien: Merci.

La Présidente (Mme Morissette): Non, il n'y a pas d'autre question du côté de l'opposition officielle? C'est bon. Le temps achevait, donc, effectivement, ça tombe bien.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Morissette): Bien, c'est pour ça que j'ai essayé de lui dire combien de temps il restait. Donc, ça a mis fin aux questions. Alors, du côté de la deuxième opposition, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

n(18 h 40)n

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Dussault, Mme Bernier, M. Larouche et M. Castonguay, votre mémoire fait un historique qui, je crois, va rester utile et va rester dans les annales, en fait. Vous nous rappelez ce long combat qui a été mené en faveur de l'équité salariale. Il y a aussi d'autres dimensions qui ont été rappelées, notamment par la Fédération des femmes aujourd'hui, qui nous a rappelé la marche Du pain et des roses, en 1995. Il faudrait rappeler les 75 000 signatures qui ont été déposées à l'Assemblée nationale également, je pense, en 1995, pas en 1975, la marche Du pain et des roses, en 1995. Alors, je pense qu'en tout cas c'est une pièce au dossier qui est importante, je voulais vous le signaler.

D'autre part, ce que la Fédération des femmes du Québec nous ont dit aujourd'hui, la présidente Mme Asselin et Ruth Rose-Lizée, l'économiste qui l'accompagnait, ce qu'elles nous ont dit, c'est que les chiffres que nous avons, ceux notamment qui ont été publiés dans le journal Les affaires, aujourd'hui... dans le journal La Presse, là, les affaires, ce sont des chiffres incomplets parce qu'ils ne prennent pas en compte le règlement qui est intervenu l'an dernier dans le cadre des travailleuses, des employées du secteur public. Quand vous dites que ce 3,97 % a été introduit, alors il y aura, là, certainement une modification des pourcentages que nous avons jusqu'en 2006, mais ce 3,97 %, ça représente presque 1 milliard, autour de 1 milliard?

Une voix: 1,5.

M. Dussault (Gilles): 1,5.

Mme Harel: Donc, 1,5 milliard, et ça couvre en fait une travailleuse sur cinq au Québec. Alors, je pense que le 1 % dont on dit qu'il serait tributaire finalement de cette Loi sur l'équité salariale, quand on le prend à l'échelle de l'ensemble du PIB québécois, c'est certainement des sommes considérables, qui sont de la nature aussi de milliards, là. Alors, je pense que ça doit avoir un...

En fait, ce qu'on nous a dit, du côté de l'ordre qui avait fait faire ladite étude, là, c'est que la Colombie-Britannique connaît une pénurie de main-d'oeuvre. Chaque fois qu'on a une pénurie de main-d'oeuvre, il y a une augmentation de salaire pour attirer des travailleurs. Et pourquoi est-ce que la Colombie-Britannique connaît cette pénurie de main-d'oeuvre? Parce qu'elle est voisine de l'Alberta et que, dans la province de l'Alberta, les salaires sont tellement élevés, et le coût de la vie aussi, hein, que tout ça a des incidences finalement mais qu'on ne peut pas appliquer comme ça, indistinctement, y compris, disons, au Québec.

Alors, ce que j'aimerais savoir, quand vous parlez des distorsions avec les nouvelles technologies... Je voudrais savoir: Est-ce qu'il peut y avoir des distorsions introduites par les nouvelles technologies? Dans votre mémoire, vous nous présentez un cas de distorsion. Je crois que c'est à la page 20 ? attendez ? c'est à la page 19 en fait... non, 21. Là, vous nous dites qu'il y a eu deux classes d'emploi à prédominance masculine qui ont bénéficié, en fait, d'une hausse de taux de traitement de 10 % à 15 % pour les motifs de complexité supérieure, en fait, apparentée à des niveaux d'expert et d'émérite. Et ce qui était étonnant, c'est qu'il y a seulement 30 %... attendez, 67 % de ces emplois qui étaient occupés par... à prédominance masculine ou par des hommes plutôt, «67 % des emplois qui ont obtenu un ajustement à leur taux de traitement se retrouvent majoritairement dans des classes d'emploi à prédominance masculine». Alors, pouvez-vous nous expliquer pourquoi, quels seraient les motifs? C'est peut-être un premier...

M. Dussault (Gilles): C'est un angle sous lequel... D'abord, il s'agit d'une directive du Conseil du trésor qui consiste à évaluer les emplois d'une part et ensuite en établir le niveau de complexité. Bon. Chez les professionnels, il y a trois niveaux de complexité. Disons, les emplois de niveau de complexité standard, il n'y a aucune majoration supplémentaire à ce qui est inscrit à l'échelle de traitement; le niveau de complexité émérite, où il y a une majoration du taux de traitement de 10 % et... pas... expert et émérite, 15 %. Bon. Tout ça a été fait unilatéralement par le Trésor, ça n'a pas été fait, là, conjointement. Donc, le Trésor a décidé que, dans tel ministère, telle unité administrative, il y avait tant d'emplois émérites ? c'est surtout des emplois experts, soit dit en passant ? et il a aussi, bon, désigné des personnes qui étaient, dans la plupart des cas, là, on le voit, là, 60 %, c'étaient des hommes.

Mais il ne nous a jamais demandé la permission, puis on n'a jamais non plus... je dirais qu'on n'a jamais fait à ce jour un cas d'équité salariale. Mais là on se dit que justement, à la phase de maintien ou de réexamen, il va falloir qu'on regarde ça, là, O.K.? Bon. Est-ce que c'est parce que... Parce qu'on ne peut pas dire d'emblée que c'était une mesure d'emblée, là, discriminatoire parce que les personnes qui occupent des emplois de niveau expert ou émérite, c'étaient peut-être des hommes, hein, qui avaient plus d'expérience pour occuper de tels emplois, alors que les femmes, plus nouvelles sur le marché du travail, étaient moins susceptibles d'occuper de tels emplois. Mais je n'en sais rien, là, O.K.? Mais il faut regarder ça.

Mme Harel: À l'égard des nouvelles technologies, est-ce qu'il peut être introduit un biais, là, qui réintroduit la discrimination systémique?

M. Dussault (Gilles): Mais comme quoi, par exemple?

Mme Harel: Dans des classes d'emploi qui seraient, disons, plus à prédominance masculine ou à prédominance...

M. Dussault (Gilles): Je ne vois pas la portée des nouvelles technologies, là.

Mme Harel: Non?

M. Dussault (Gilles): En tout cas, on parle de quoi?

Mme Harel: À prime abord, à prime abord, il ne vous semble pas...

M. Dussault (Gilles): Non.

Mme Harel: ...que, par exemple, les programmeurs ou en fait... Non?

M. Dussault (Gilles): Non. Non. Non. Bien, chez nous, on en a beaucoup, hein, il y a beaucoup d'informaticiennes et d'informaticiens qu'on appelle des analystes en informatique et procédés administratifs, puis... Bon. Mais en tout cas je ne sais pas si mon collègue Michel Castonguay a...

M. Castonguay (Michel): Bien, ce qu'on a constaté... Et ça, ça a un impact direct avec l'article 40 et 43 au niveau du maintien de l'équité. Les ajustements de taux de traitement touchent 25 % des professionnels. Et ce qu'on a constaté, c'est que ça touche surtout deux classes d'emploi à prédominance masculine, qui sont les analystes en informatique notamment et des agents de recherche en planification socioéconomique. Ces gens-là voient leurs salaires augmentés. Et ce qu'on constate, c'est que ce sont des corps d'emploi à majorité masculine.

Donc, pour répondre à votre question, au niveau des technologies de l'information, où on retrouve des analystes en informatique, c'est un biais sexiste, on n'a pas le choix. Et l'inéquité salariale est surtout occasionnée par, bon, des préjugés, des dénis qu'on fait. Mais, quand on regarde la réalité, bien c'est là. Et, si on n'a pas de programme de maintien fixe, bien on va se retrouver encore avec une question d'inéquité dans pas grand temps. Et là ça, ça a été, cette directive-là... Nous autres, on a terminé l'exercice en décembre 2005, et cette directive-là est entrée en fonction en juillet 2007. Et déjà on constate déjà des écarts qui peuvent être significatifs au niveau des corps d'emploi. Donc, il faut constamment revoir, et l'article 40 et 43 le permettent, ça.

M. Dussault (Gilles): Ce qu'on peut voir, c'est qu'il y a peut-être ? je dis «peut-être» ? des professions, si je peux dire, qui sont valorisées, hein, parce que c'est du pitonnage, ou bien donc c'est de la finance, ou des choses comme ça, et là on retrouverait peut-être, en tout cas à ce jour, moins de femmes, O.K.? Donc, ça leur tombe dessus.

Mais j'ai un autre chiffre ici que je peux vous donner. C'est que ces fameuses majorations de taux de traitement là sont aussi données au personnel non syndiqué. Et en principe la norme, c'est 25 %, O.K., pas plus que 25 % des emplois. Alors, on a constaté que, chez le personnel professionnel non syndiqué, bien, aujourd'hui, là, il y en a 33,23 % qui l'ont, O.K., alors que, chez les syndiqués, c'est 19,53 %. Bon. En tout cas, regardez, là, il y a aussi, là, un biais selon la hauteur, hein, dans laquelle on se situe dans l'appareil administratif, mais on n'a pas eu le temps de se pencher encore là-dessus, mais au maintien on n'y manquera pas.

Mme Maltais: Oui. Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Morissette): Oui. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais: Merci. Bonjour, messieurs, madame. Je suis très heureuse de vous voir, surtout que, comme le soulignait la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, vous avez une longue histoire en matière d'équité. Et c'est extrêmement intéressant, ce que vous nous apportez. Et cette longue histoire fait que vous êtes déjà aussi, vous, dans des mesures qui vont nous permettre de mieux avancer dans la loi, si elles sont présentées et adoptées, et dans de nouvelles propositions pour l'affiner, comme cette mesure, par exemple, sur la rémunération variable dont parlait ma collègue.

Mais il y en a d'autres que vous proposez, que personne, je pense, à peu près n'a abordées. Par exemple, vous nous parlez du problème des retraites, que vous avez vécu à cause des versements. Vous nous parlez des bilans obligatoires. Vous êtes les seuls. Parce que beaucoup de gens nous ont parlé de rapports obligatoires, mais, vous, vous parlez de bilans. Et vous nous parlez aussi ? je vais le retrouver, là ? des... ah, la possibilité d'effectuer des aménagements préalablement à la phase d'identification des catégories d'emploi. Là-dessus particulièrement, puis on aura peut-être le temps de revenir sur les autres, mais vous avez l'air d'avoir une mécanique, là, qui vous semble nous permettre de travailler plus efficacement quand on va rentrer dans l'application de la loi ou dans la catégorisation des emplois. Comment vous voyez ça? Qu'est-ce que ça apporterait?

n(18 h 50)n

M. Dussault (Gilles): Bien, c'est-à-dire que, dans des classes d'emploi hétérogènes, comme par exemple, chez nous, les attachés d'administration, on retrouve là-dedans, par exemple, des agentes et des agents de probation, on retrouve des conseillères et conseillers en réadaptation, là, qui travaillent à la CSST, mais on retrouve aussi des gens qui sont plutôt, comment dire, employés dans le domaine du suivi budgétaire, par exemple, O.K.? C'est deux champs de pratique complètement différents, mais ils font partie de la même classe d'emploi. Conséquemment, c'est que, quand on veut la pondérer, cette classe d'emploi là, c'est qu'on utilise les échantillons qui viennent, comment dire, de professions assez variées, et ça peut ne pas rendre justice aux sous-catégories. Donc, c'est ça qu'il faut faire, il faut essayer de segmenter pour voir si, par exemple, il n'y aurait pas comme une différence significative en ce qui concerne la valeur relative des emplois à l'intérieur même de la catégorie.

Maintenant, vous... Parce que je n'ai pas eu le temps de le dire, mais la question de la retraite est extrêmement importante. Ça fait partie de nos recommandations. Ce qui se passe, c'est que, quand la décision ou quand le règlement arrive et que les correctifs sont étalés sur tant de temps, les personnes qui partent à la retraite, mettons que c'est étalé sur quatre ans ? chez nous, c'était six ans ? si elles partent à la retraite avant que les derniers correctifs soient effectués, ces gens-là, ils perdent beaucoup, hein? Et je pense que la commission le reconnaît, là, parce que, là, ces personnes-là, des femmes ou des hommes, s'en vont à la retraite alors que le taux de traitement n'a pas été ajusté. Donc, nous, ce qu'on recommande, c'est qu'on verse aux personnes qui partent à la retraite immédiatement le solde parce que ça a une incidence considérable sur les revenus de ces personnes-là pendant la retraite.

Mme Maltais: Est-ce que ça veut dire qu'il n'y a pas de rétroactivité une fois que le règlement...

Une voix: ...

Mme Maltais: Je vous demande pardon?

La Présidente (Mme Morissette): Je m'excuse, il reste 30 secondes. Allez-y.

Mme Maltais: Ah! Donc, une fois que le règlement se fait, il n'y a pas de rétroactivité vers les retraités.

M. Dussault (Gilles): ...si le retraité, la personne retraitée s'en va avant que les derniers correctifs soient appliqués, bien elle les perd.

Mme Maltais: Elle les perd complètement?

Mme Bernier (Luce): Elle les perd complètement et cette personne-là n'aura jamais l'usufruit de ça, alors que théoriquement c'est ce qu'elle mérite d'avoir à la retraite, donc la somme qui lui était versée. Donc, on a des personnes qui ont travaillé 30, 35 ans au gouvernement du Québec. Et, au lieu de prendre leur retraite le 21 novembre 2007, date du dernier rétroactif, elles sont parties, par exemple, le 21 novembre 2005. Donc, toute l'année 2006, elles ne l'ont pas eue, 2007, et ça, ça va compter pendant tout le temps de leur retraite. Et je ne crois pas, nous ne croyons pas, au SPGQ, que le législateur avait envisagé ça avec l'article 70 et avec l'article 72. Et la Commission de l'équité salariale, dans sa réponse, a traité de cet élément-là, et c'était probablement une chose qui n'était pas vue parce que je ne crois pas que le législateur voulait priver des retraités des sommes qui leur étaient dues, des retraitées femmes qui se faisaient dire: Vous avez le droit à un réajustement salarial. Donc, il me semble que, dans une prochaine commission, s'il y en a une, on l'espère que vous allez ramener ça pour qu'il y ait, à ce moment-là, équité. Et la Commission de l'équité salariale là-dessus nous avait donné raison.

M. Dussault (Gilles): ...quand on pense que...

La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Ça met fin au temps, malheureusement. On a terminé. On a même dépassé un peu. Je voulais vous laisser finir votre idée. Alors, merci à vous d'être venus.

Et la commission ajourne ses travaux jusqu'au 26 février 9 h 30. La commission se réunira ici même, à la salle La Fontaine, afin de poursuivre le mandat. Bonne soirée.

(Fin de la séance à 18 h 54)


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