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Version finale

39e législature, 1re session
(13 janvier 2009 au 22 février 2011)

Le mardi 8 septembre 2009 - Vol. 41 N° 25

Consultation générale sur le projet de loi n° 57 - Loi sur l'occupation du territoire forestier


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Ouimet): Alors, bon matin à tous et à toutes. Je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 57, Loi sur l'occupation du territoire forestier.

Alors, Mme la secrétaire, avons-nous des remplacements ce matin?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bachand (Arthabaska) est remplacé par M. Pigeon (Charlesbourg) et M. Matte (Portneuf) est remplacé par M. Carrière (Chapleau).

Auditions (suite)

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, ce matin, nous entendrons le Conseil de l'industrie forestière du Québec. Nous entendrons également la Zecs Québec et la Conférence régionale des élus de l'Outaouais. Je vois que les représentants du Conseil de l'industrie forestière du Québec ont pris place. M. Guy Chevrette, je vous souhaite la bienvenue aux travaux de cette commission.

Conseil de l'industrie
forestière du Québec (CIFQ)

M. Chevrette (Guy): Merci.

Le Président (M. Ouimet): C'est un plaisir de vous retrouver. Et vous êtes le président-directeur général du conseil, pourriez-vous nous présenter la personne qui vous accompagne, ou les personnes qui vous accompagnent?

M. Chevrette (Guy): Merci. À ma droite, c'est M. André Gauthier, qui est membre de notre conseil d'administration et qui est également pour la compagnie Matériaux Blanchet, un des coactionnaires. À ma gauche, c'est mon directeur adjoint, Foresterie, M. Yves Lachapelle.

Le Président (M. Ouimet): Alors, vous disposez de 15 minutes.

M. Chevrette (Guy): Merci. D'abord, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, merci de nous recevoir, parce que, depuis plus de trois ans, on a travaillé beaucoup à se donner un nouveau régime forestier. On a même réalisé un sommet, on a eu le droit à un livre vert, on a eu une promesse de loi qui s'est transformée en une promesse d'avant-projet de loi, qui s'est transformée en un document de travail préparé en 24 heures. Et on a décidé de former une coalition, à la suggestion même du ministre. On a commencé à quatre et on a fini à 15 groupes dans une coalition. Et ce travail de la coalition a été déposé devant Mme Boulet, qui était ministre par intérim du MRN, et elle nous a dit: Bien, continuez à élargir ce consensus-là. On a rencontré M. Béchard et on lui a dit: Oui, on est prêts à l'élargir, mais il faudrait que, vous-même, vous convoquiez certaines parties, parce qu'il y a des parties qui ne voulaient pas nécessairement faire partie de notre coalition. Il a créé six grands comités de travail, et on a travaillé pendant plus d'un mois et demi avec les hauts fonctionnaires du ministère, puis on a représenté ce travail-là à M. Béchard, et on l'a représenté à Mme Normandeau, après sa nomination, également.

Ce matin, nous, on est un peu dans un dilemme: on a à présenter un projet de loi qui a été déposé à l'Assemblée nationale, non pas voté mais déposé à l'Assemblée nationale, sur le plan du principe... Je pense, ce n'est même pas fait... n'est même pas fait l'adoption du principe. Donc, si tel est le cas, nous, on va le commenter pareil, parce que c'est le seul document qu'on a devant nous. Mais je dois vous dire qu'on a eu des rencontres depuis la nomination de Mme Normandeau, Mme la ministre, on a eu des rencontres à deux, trois reprises au moins jusqu'à date, et on fait la même offre de collaboration qu'on a déjà faite au ministre Béchard en disant: Oui, on veut une loi consensuelle, c'est la seule façon, je pense, de fonctionner puis d'avoir un régime qui tienne la route. Mais on va peut-être paraître sévères dans le jugement qu'on porte sur l'actuel projet de loi n° 57, mais on n'a pas le choix, c'est le document officiel sur lequel on nous a demandé de venir déposer.

Donc, comme je vous ai dit, la coalition a travaillé très fort depuis plus d'un an. On a commencé seulement avec les groupes qui appartenaient, là, le RESAM... qui appartenaient au secteur forêt, RESAM, les travailleurs sylvicoles, l'AETSQ. Ensuite, on a élargi ça à plusieurs autres groupes, les zecs se sont jointes à nous autres, les pourvoyeurs, le Mouvement Desjardins, le CRIQ, Forintek ? et d'ailleurs M. Deschênes est ici, lui qui est porte-parole de la coalition ? et on a travaillé vraiment fort pour essayer de présenter quelque chose de substantiel, de correctifs substantiels, de correctifs indispensables.

Donc, je vais faire une critique, comme je l'ai dit, qui va sembler sévère mais qu'on n'a pas le choix de faire. Et, si des amendements sont apportés, majeurs, je vous dirai, en ce qui nous regarde, quels types d'amendements on désire. Mais, s'il ne changeait pas, je peux vous dire que ce projet de loi là ne tiendrait nullement la route. Pourquoi? Tout simplement parce qu'il n'y a pas eu d'analyse d'impact du tout, il n'y a pas eu d'analyse d'impact face à ce projet de loi là. Et on a acquis la conviction, nous... Parce qu'on l'a dit, que c'était une étude d'impact. Je vois M. Gibeault me faire des gros yeux, mais l'étude d'impact donnée... faite par M. Del Degan, c'était une étude de bureau de mise en marché, ce n'est pas un étude d'impact de la loi sur la répercussion des coûts. Je m'excuse, mais un chat, c'est un chat, puis un chien, c'est un chien. Donc, aucune étude d'impact.

Il n'y a pas eu... Également, il n'y a pas de vision cohérente. Dans le projet de loi, vous remarquerez, moi, j'ai appelé ça un recueil de pouvoirs discrétionnaires, il y a 95 clauses «le ministre peut», «le gouvernement peut», «tel organisme peut». Vous savez très bien qu'en économique c'est plutôt des assurances qu'on a besoin pour marcher et non pas des volontés et des humeurs. Et je vais vous dire où est-ce que ça nous prend des volontés bien clairement exprimées. Donc, une vision cohérente, non. Discrétion totale, c'est à peu près ça qu'on a. C'est une technocratisation accrue de notre régime, alors que même Mme la ministre, qui a été, puis je pense qu'elle l'est... non, elle ne l'est plus, mais elle était à la tête des régions, du développement économique des régions...

Et vous remarquerez que c'est la direction régionale qui ferait le plan opérationnel, dans la loi n° 57. Quel intérêt ils ont à sauver une cenne? C'est ceux qui sont sur le terrain qui oeuvrent qui peuvent planifier, puis j'en parlerai un peu plus de façon détaillée tantôt. Donc, pas d'étude économique non plus, pas de vision économique.

Je n'en reviens tout simplement pas qu'il n'y ait pas eu d'étude d'impact, parce qu'on le demande même dans les mémoires ministériels. Ordinairement, on dit: aspect économique, aspect politique, puis tu détailles. Il n'y en a pas eu, il n'y a pas eu aucune étude d'impact, je le répète. Et, au contraire, on a l'assurance, nous qui travaillons sur le terrain... Nos membres, là, des André Gauthier, des Abitibi-Consol, ils travaillent sur le terrain, ils font leurs plans opérationnels, mais, eux, là, ils disent: Tout ce qu'on nous demande de plus, là, c'est des coûts additionnels. On n'est déjà pas compétitifs avec la Colombie-Britannique, avec les États-Unis. Et l'Ontario s'apprête à revoir même son système pour rendre plus compétitive son industrie. Donc, il faudrait que le projet de loi s'insère dans la même lignée.

n (9 h 40) n

On a un problème conjoncturel. C'est vrai que ce n'est pas le projet de loi n° 57 ou tout autre projet de loi qui changerait la conjoncture, on le reconnaît, mais l'aspect structurel, par exemple, elle, devrait être changé. La crise structurelle, il faut qu'elle se règle. On ne peut pas toujours être les premiers à planter quand il arrive une crise puis les derniers à profiter de la reprise. C'est ça qui est malheureusement le cas présentement, et on pense qu'il est temps que ça change.

En fin de compte, c'est plutôt à se demander si on veut de l'industrie forestière. Quand tu as lu la loi n° 57, tu conclus, tu dis: Mais, coudon, ils en veulent-u, une industrie, ou ils n'en veulent pas? Surtout qu'on a su... Et ici je le dis parce que nos sources sont plus que fiables, on apprend que le Conseil du trésor, dans ses analyses, dit: Bien, l'industrie forestière, ce n'est plus rentable, ça, pour le trésor public. Imaginez-vous, il ne se base que sur les droits de coupe payés. C'est bien sûr que, dans une crise comme on vit là, il n'y a plus gros de droits de coupe. Ce qui rapportait dans mon temps, à l'époque, 250 millions au Trésor, maintenant ça peut en coûter 200 millions au Trésor. Mais on oublie toujours, et c'est ça que je trouve simpliste dans l'analyse, et c'est très inquiétant que le Trésor fasse ce type d'analyse: 12,5 milliards d'activité économique dans les régions ressources, c'est de l'argent, ça; près de 4 milliards en salaires, c'est quelque chose, au Québec; près de 1,5 milliard en taxes et impôts, c'est bien au-delà de la perte du 200 millions de droits de coupe. Il doit bien y en avoir dans ça un peu pour la santé, pour les garderies, pour une école. C'est nos régions ressources, ça, et on fait fi de cela en considérant que le MRN est devenu un ministère passif et non pas positif pour le trésor public. Moi, je n'accepte pas cela et je le dis haut et fort.

Et j'espère que ça pourra aider notre ministre des Ressources naturelles à leur dire: Écoutez, une minute, là, l'activité économique, vous ne changerez pas l'activité économique des régions, ça n'a pas de bon sens. Vous allez remplacer ça par des emplois exclusivement saisonniers, au salaire minimum? Les régions ont besoin d'un levier très fort sur le plan économique, auquel s'accrochent les emplois saisonniers, les emplois de surplus. Mais on n'est pas contre les emplois dans le domaine du tourisme ou du traîneau à chiens, oui. C'est bon trois mois, ça, à 8 $ de l'heure. Mais, une région économique, il faut regarder qu'est-ce qu'il y a eu. Se basant sur... En utilisant la méthode même du ministère pour juger des pertes d'emploi, actuellement on frise le 50 000 emplois, quand on parle d'emplois directs, indirects et induits.

Vous irez à Lebel-sur-Quévillon, ils savent qu'est-ce que ça veut dire, ça, emplois directs, indirects et induits. Il y a des commerces qui ferment parce qu'il n'y a plus d'activité économique forestière. Donc, à date, là, il y a des gens qui ont perdu leur emploi pour toujours parce que le village n'aura plus jamais de pâtes, par exemple à Lebel-sur-Quévillon. Le Saguenay?Lac-Saint-Jean, je vais vous en donner un exemple, la forêt représente de 45 %... Entre 45 % et 50 % de toute l'activité économique du Saguenay?Lac-Saint-Jean, c'est la forêt. On va remplacer ça par quoi du jour au lendemain? Hé! Hé! Soyons sérieux, ne soyons pas simplistes devant le fait qu'il n'y a pas quelques millions qui rentrent au Conseil du trésor sur les droits de coupe.

Donc, je vous ai dit qu'actuellement on a à peu près 190 000 emplois... quand ça marchait à fond de train, c'est 190 000 emplois directs, indirects et induits. Ça peut être... Divisé par 2,5, ça vous donne le nombre d'emplois directs, indirects puis induits. On oublie toujours les camionneurs, on oublie toujours ceux qui sont dans le bois. On oublie de compter les pertes en travaux sylvicoles parce qu'ils ne peuvent pas en faire, parce qu'on ne fait pas de prélèvement. Il y a... On analyse ça de façon simpliste, et, nous, ça nous horripile puis on le dit en toute candeur.

Maintenant, je veux vous parler également de l'impact, ce que ça nous prend pour avoir un projet de loi qui tienne la route, pour avoir une industrie qui véritablement est dynamique et compétitive. D'abord, il faut que les coûts de la fibre soient correspondants à peu près aux autres entités qui nous entourent. C'est clair qu'on ne peut pas avoir la fibre la plus chère en Amérique du Nord puis les copeaux les plus chers au monde puis espérer qu'on va avoir une industrie compétitive. Ça, c'est clair. Ce qui a fait le succès du Québec dans les années passées, ça a été précisément l'assurance d'approvisionnement. Une industrie qui part dit: Bon, j'ai 150 000, j'ai 200 000, j'ai 300 000 m3 de bois, je me présente à la banque, je peux emprunter, je peux moderniser, je peux faire les réparations majeures, je peux connaître de l'expansion. C'est la clé du succès, ça, d'avoir une assurance d'approvisionnement. On avait eu l'engagement de M. Béchard qu'il y aurait un lien juridique. On ne le retrouve pas dans le projet de loi présentement, le lien juridique, promis en plein congrès 2008, en début... 8 mai, je crois, 2008, où les journalistes ont abondamment repris dans les journaux de l'époque. Et je pense qu'on vous en a mis quelques exemples dans votre document. Donc, il faut avoir une assurance d'approvisionnement et avoir un lien juridique.

Il faut avoir le contrôle du plan opérationnel un coup qu'on a tout discuté les choses. Pourquoi? Parce que c'est là que sont les coûts, c'est là qu'est le contrôle des coûts. Est-ce que je fais monter un équipement lourd, par exemple, à tous les ans dans le bois ou si je n'en profite pas, quand l'équipement monte une fois, pour faire tout de suite mes travaux? Profiter... On sait que c'est planifier, par exemple, nos commandes, planifier les travaux d'été, par rapport à ceux d'hiver. Il y a des endroits où tu fais du prélèvement, où tu bûches, en bon québécois, dans les endroits spongieux, tu le fais l'hiver. Dans les endroits humides, là, mais tu t'arranges toi-même, tu te déplaces, en autant que tu respectes les règles du jeu. Nous, on dit que le plan opérationnel, c'est indispensable et ça... c'est indispensable pour avoir même un approvisionnement continu. Ça, les hauts fonctionnaires le savent, il y en a qui ne sont pas d'accord avec ça, mais ils savent très, très bien que c'est là l'argent, c'est là le bacon, comme disent... comme on dit en business. Si on n'a pas ce contrôle opérationnel là, je suis convaincu que ça ne pourra pas tenir la route: nos industries ne seront jamais compétitives.

La certification forestière. Il faut clarifier ça une fois pour toutes, autant pour le marché, parce que nos clients demandent de plus en plus: Est-ce que c'est du bois certifié? Vous le savez, les campagnes qui se sont faites à travers la planète ont joué beaucoup sur la certification. Et les Allemands qui sont venus au Québec, qui sont venus au Saguenay?Lac-Saint-Jean ? M. Trottier doit s'en rappeler ? sont venus nous dire: Votre régime forestier, c'est un des plus beaux au monde. Comment ça se fait que vous ne le vantez pas plus que ça? Comment ça se fait qu'il est décrié tant que ça? Est-ce que ce n'est seulement que l'étiquette de la certification que ça prend? Bien, qu'on se la donne au PC, qu'on certifie la forêt, qu'on certifie nos industries, mais qu'on fasse... D'autant plus que, la loi n° 39, vous vous êtes donné un pouvoir de créer des bourses pour la certification ou des programmes de certification.

Enfin, les coûts du cadre financier. Ça nous prend un cadre financier qui tienne la route. Ça, je pense que tout le monde est d'accord avec ça.

Il y a des aberrations. Je ne pourrai pas en parler, parce qu'il me reste deux minutes, mais je vous dirai: J'aimerais bien ça commenter le projet de loi en ce qui regarde la forêt privée et la forêt publique. J'espère que... Je vous soumets que, si vous me posez une question, j'en aurais un bon petit maudit bout à vous dire.

Une voix: ...

M. Chevrette (Guy): Merci. Ensuite, je vous dirai enfin que, d'après moi, l'Assemblée nationale doit prendre conscience que le développement durable, ce n'est pas seulement qu'une question d'environnement. Tout le monde oublie qu'il y a trois dimensions dans le développement durable. Il y a la dimension environnement, mais il y a la dimension sociale, l'humain. Qui en parle quand on parle de développement durable? Jamais personne ne parle de l'humain et personne, personne, ne parle de l'économique. C'est l'arbitrage entre les trois et l'équilibre entre les trois dimensions qui font qu'on peut avoir un jugement solide sur le développement durable. On ne laisse la parole qu'à ceux qui sont dans une chapelle ardente et qui ne traitent que d'un seul volet. Réveillons-nous collectivement si on veut se donner une industrie forestière qui tienne la route.

Et je terminerai en vous disant que tout le projet de loi est basé sur la vérité des prix avec les mises aux enchères. Je relierai ça tantôt à la question de la forêt privée. Et je vous dirai que je suis convaincu que l'Assemblée nationale... je suis convaincu que l'Assemblée nationale va se donner une nouvelle mission, une nouvelle vision de l'industrie forestière. On est prêts à y collaborer. Mme la ministre a déjà ouvert une porte là-dessus, et je vous dis tout de suite qu'on sera prêts à collaborer très, très sérieusement. Parce qu'on ne peut pas vivre les aléas de l'inquiétude, vous le savez. Il n'y a rien de pire, en économique, quand tu n'es pas certain. Quand tu n'es pas certain, tu attends et, durant ce temps-là, tu perds des beaux exemples, tu perds des belles chances de développement.

Je vous remercie, puis je m'en donnerai à coeur joie tantôt.

n (9 h 50) n

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci à vous, M. Chevrette, pour la présentation de ce mémoire. Juste avant de céder la parole à la ministre pour ouvrir la période d'échange, est-ce que j'ai un consentement des parlementaires pour permettre au député des Chutes-de-la-Chaudière de poser des questions? Oui? Merci. Donc, Mme la ministre, à vous la parole.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Bon matin à tous, chers collègues. M. Chevrette, bonjour. Bon matin. Vous n'avez pas perdu votre capacité à imager certaines réalités, c'est le moins qu'on puisse dire. Alors, vous n'avez pas perdu votre fougue également, votre sens critique, alors ce qui est très bien. Vous me permettrez de saluer M. Gauthier, qui est à votre droite, que j'ai appelé par mégarde M. Blanchet déjà, tellement son entreprise... il est collé à son entreprise. Alors, M. Gauthier, bienvenue avec nous; on aura peut-être l'occasion de vous entendre tout à l'heure. Yves, bon matin également. Je salue également M.Hervé Deschênes, qui est président de la coalition.

Parce que M. Chevrette a référé à une coalition de 14 groupes et organismes qui se sont mobilisés. Ce n'est quand même pas rien, parce que, là, on a des groupes, à l'intérieur de la coalition, qui ont des intérêts qui sont divergents, il faut le dire. La force de la coalition, ça a été de s'entendre sur certains éléments, certains points de convergence pour donner une force de frappe encore un peu plus grande.

Évidemment, M. Chevrette, je vous trouve sévère dans l'appréciation que vous faites du projet de loi, mais vous avez bien pris soin de mettre tout ça dans son contexte. Et j'ai eu l'occasion de dire, au début des travaux de la commission parlementaire, que nous allons déposer des amendements, parce que, lorsque j'ai eu l'occasion de vous rencontrer et d'autres groupes, je me suis... évidemment, j'ai bien pris acte du fait qu'il fallait travailler, faire un autre tour de roue pour améliorer et augmenter le consensus et l'adhésion autour du projet de loi.

Je sais qu'il y a des éléments dans le projet de loi qui insécurisent l'industrie forestière, mais ce qui est intéressant dans votre plaidoyer, c'est qu'avec l'Union des municipalités du Québec vous êtes la deuxième organisation qui a insisté sur l'aspect... sur le secteur... l'importance du secteur industriel forestier pour l'économie québécoise. Et on entend beaucoup parler depuis le début de nos consultations de l'importance de l'environnement; les groupes écologistes sont venus nous voir, toute la question de la gouvernance, l'implication des régions. Mais je pense que c'est important que l'ensemble des citoyens au Québec se rendent compte qu'on a eu une économie forestière florissante par le passé, qui a vraiment contribué concrètement à faire du Québec ce qu'il est aujourd'hui, et malheureusement la crise forestière dans laquelle on est plongés actuellement fait en sorte que, là, on a une industrie qui est en difficulté.

En fait, je vous dirais que le conflit sur le bois d'oeuvre a mis en lumière la fragilité de toute la base industrielle du secteur forestier. Et je pense que, dans un contexte où on cherche à avoir un régime forestier plus performant, plus adapté au nouveau contexte économique, il faut aussi s'assurer de créer des conditions pour permettre à nos entreprises forestières, qu'elles soient de la première transformation ou de la valeur ajoutée... s'assurer dans le fond qu'elles soient mieux outillées pour s'adapter aux nouvelles réalités économiques dans lesquelles vous avez été malgré vous plongés. Parce qu'on a tendance à l'oublier, M. le Président, là, la crise, en fait c'est une crise qui est structurelle, qui va commander de transformer en profondeur les façons de faire. On ne pourra plus faire, au Québec, avec notre forêt ce qu'on a fait jusqu'à maintenant, pour toutes sortes de raisons. Au-delà de la crise économique, il y a toute la pression, évidemment, environnementale, tout le lobby des groupes écologistes qui font en sorte que ça crée une pression sur notre industrie.

Vous me permettrez de répondre à certaines de vos préoccupations, entre autres sur le fait qu'il y ait un environnement plus sécuritaire ou plus sécurisant pour les membres de votre corporation, du CIFQ. Vous avez demandé, lorsqu'on s'est rencontrés, qu'on sécurise le premier 100 000 m³ de résineux et le premier 25 000 m³ de feuillus. Ça n'apparaît pas actuellement dans le projet de loi. Je vous ai dit que j'étais ouverte à présenter un amendement pour qu'on puisse sécuriser donc un premier 100 000 m³ de volume dans le SEPM et un premier 25 000 m³ dans le feuillu. C'est important, parce que maintenant on ne parlera plus de contrat d'aménagement et d'approvisionnement forestier, mais bien de garantie d'approvisionnement.

J'ai également reconnu que dans certaines régions, pour la mise aux enchères, on va devoir évidemment s'adapter parce qu'il y a des régions où la quantité de bois... où le potentiel de bois à mettre sur le marché est plutôt limité. Pour ce faire, M. le Président, on s'est appuyés sur toute la dynamique de mise en marché... on s'est appuyés sur l'expérience de la Colombie-Britannique, mais on a commandé également une analyse, le fameux rapport Del Degan, que M. Chevrette et son équipe connaissent très bien.

Autre commentaire: pouvoir discrétionnaire de la ministre. Bien là, je vais vous faire plaisir, parce qu'il y a plus de pouvoirs discrétionnaires dans la loi actuelle qu'il y en a dans le régime... dans le projet de loi qui est sur la table actuellement. On est prêts à retirer certains éléments discrétionnaires du ministre, mais je pense qu'il y a des éléments discrétionnaires qui méritent leur place, et ça, l'équipe de M. Chevrette, je pense, est d'accord avec ça.

M. le Président, il y a également toute la dimension liée au coût de la fibre. Ça, c'est un enjeu qui n'apparaît pas dans le projet de loi, ce qui est tout à fait normal. J'ai démontré mon ouverture à travailler avec le CIFQ pour qu'on puisse ensemble voir quels efforts additionnels on peut faire. Mais c'est important, pour le bénéfice de tous ceux et celles qui nous écoutent, de souligner que, depuis trois ans, le gouvernement a fait des efforts importants pour réduire le coût de la fibre. Évidemment, si je prends le SEPM, là, en moyenne, là, on a un coût de la fibre qui est, quoi, à peu près à 8,44 $ versus 8,87 $ en Ontario, 10,35 $, Nouveau-Brunswick. Alors ça, c'est en moyenne.

Évidemment, on a un coût de la fibre qu'on a diminué d'à peu près... de plus de 13 $ du mètre cube, là on parle d'une réduction de 20 % depuis trois ans. Vous allez me dire que c'est insuffisant. Peut-être. Mais il faudra effectivement se mettre à la tâche pour voir où est-ce qu'on peut... où est-ce... quels efforts additionnels en fait on peut faire. Parce que des efforts, on en a fait, M. le Président: on est à peu près à 1,8 milliard de dollars de soutien qui a été apporté à l'industrie forestière; et je pourrais vous faire état de tous les allégements qu'on a accordés à l'industrie forestière. Ceci étant, M. le Président, je suis bien heureuse d'entendre M. Chevrette nous dire, nous confirmer sa volonté de collaborer avec nous pour qu'on puisse ensemble apporter des amendements qui conviendraient à l'ensemble de vos membres.

Mais j'ai peut-être envie de vous interpeller sur une dimension importante, celle de la planification forestière. Parce que je ne suis pas surprise de vous entendre le dire, dans la petite révolution que propose le gouvernement quant à la présence ou l'adoption d'un nouveau régime forestier... En fait, le gouvernement du Québec va reprendre toute la planification opérationnelle liée... en forêt. En fait, ce qui est important pour nous, M. le Président, c'est d'impliquer un plus grand nombre de joueurs dans toute la planification et la gestion du territoire forestier. On comprend que cette dimension puisse insécuriser les industriels, mais c'est important que les gens comprennent que les industriels ne seront pas exclus du processus de planification opérationnelle. Et je voudrais, là-dessus, vous entendre. Parce qu'il y a des gens qui croient, au Québec... qui croient que l'industrie forestière en a mené un peu trop large au fil des années, et on a aussi à lutter contre cette perception. Alors, j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus, sur concrètement comment s'assurer... en vous impliquant dans le processus de planification opérationnelle, comment on pourrait arriver à sécuriser vos membres, avec les inquiétudes qui ont été manifestées.

M. Chevrette (Guy): Bien, le plan opérationnel, nous, on dit: Ce n'est pas la responsabilité du fonctionnarisme. C'est vraiment la responsabilité des détenteurs de droits sur le territoire. Par exemple les zecs, c'est un compromis qu'on a réalisé dans la coalition, ça. Les pourvoyeurs, les zecs, c'est des gens qui sont impliqués dans le milieu avec les groupes de travailleurs sylvicoles, le RESAM également. On a dit... On ne veut pas être tout seuls, mais on dit: Après que c'est décidé entre les détenteurs de droits, là, que vous allez prélever du bois dans un UAF pendant quatre ou cinq ans, là, s'il vous plaît, laissez-nous aller, en autant qu'on respecte vos règles.

Si, une année, les prix ne sont pas très, très bons, on pourrait faire du prélèvement dans le sud, le plus près de l'industrie possible. Si les prix sont très bons, tu vas aller plus au nord chercher ton bois. Tu peux planifier. Tu ne fais pas monter ton équipement au gré des fonctionnaires: tu bûches là cette année. Oups! Nos chemins ne sont pas faits. Tu sais, il faut qu'on puisse être capables de planifier. Et ça, ça se dit, c'est le gros bon sens. Demandez à ceux qui sont sur le terrain. Eux, ils ont la préoccupation de sauver de l'argent pour être compétitifs. Alors que, si c'est technocratiquement qu'il se décide: tu bûches là cette année, bien tu bûches là cette année, mais ça va me coûter un bras, puis je vais devenir déficitaire, puis je vais être obligé de fouter le camp ou de fermer les portes.

Ce n'est pas sorcier, ce qu'on demande. On ne dit pas qu'on veut faire ça tout seuls, on veut faire ça avec les détenteurs de droits dans le cadre du programme du plan général. On a tout accepté ça en sommet. On l'a accepté dans la coalition et on ne comprend pas l'obstination de celui qui tient la plume pour dire: Ça appartient à la direction régionale. Ça n'appartient pas à la direction régionale, ça. Vous décidez, bien sûr, et vous devez peut-être arbitrer, même, entre nous autres, mais, après que c'est décidé, laissez la latitude aux entreprises de pouvoir planifier ces opérations pour en faire une plus-value pour l'industrie, sinon on ne sera pas compétitifs avec personne.

n (10 heures) n

Mme Normandeau: Vous devriez, M. Chevrette, vous réjouir du fait qu'on accepte de déconcentrer la prise de décision. Dans le fond, la prise de décision part de Québec, s'en va dans toutes les régions forestières, en respect des couverts forestiers, et tout ça, puis des réalités forestières. Il faut comprendre qu'avec le régime forestier on veut créer une certaine distance avec les détenteurs de droits, s'assurer que, la question de la transparence, la plus grande impartialité soit faite. Mais notre objectif, ce n'est pas de vous écarter complètement de la planification opérationnelle, vous allez demeurer à la table, mais le répondant ultime maintenant sera le MRNF et non plus l'industrie forestière. Alors, là-dessus....

M. Chevrette (Guy): On ne dit pas le contraire, madame. On dit: Le plan général, c'est préparé par le ministère. Pas de problème. Régionalement, vous avez des tables qui vont discuter du plan d'aménagement, comme c'est un peu le processus de la 125 quand on fait de l'aménagement du territoire. Mais, quand on est rendus au prélèvement puis qu'on sait le carré de sable qu'on va avoir pour trois ans ou quatre ans, est-ce qu'on peut avoir la liberté de planifier en fonction de nos commandes? S'il y a une commande de petit bois, par exemple; si j'ai une commande de plus gros bois; si j'ai une commande... si je veux planifier, l'hiver, des travaux dans des endroits spongieux. Mais, si le fonctionnaire en région a le dernier mot puis il dit: Tu vas là, ça peut être une catastrophe économique. On a de la misère à faire comprendre ça à quelqu'un, bien sûr, qui n'a jamais pris une paire de bottines, là.

Mme Normandeau: Mais, monsieur...

Le Président (M. Ouimet): Mme la ministre, on va poursuivre...

Mme Normandeau: Oui. Mon bloc est terminé?

Le Président (M. Ouimet): Oui.

Mme Normandeau: Ah bon! D'accord.

Le Président (M. Ouimet): Je vous ai laissé...

Mme Normandeau: Mais je vais revenir là-dessus...

Le Président (M. Ouimet): Très bien. On reviendra dans un deuxième bloc.

Mme Normandeau: ...parce que je veux juste vous sécuriser sur cette dimension-là.

Le Président (M. Ouimet): Allons du côté de l'opposition officielle. M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui. Merci, M. le Président. Merci aux gens du Conseil de l'industrie forestière. Je pense que vous avez fait un travail qui est assez colossal. Vous avez un mémoire qui est costaud, qui est très détaillé. Je pense que ce sera très utile pour la suite des choses.

Également, je voudrais vous féliciter d'avoir élargi vos préoccupations afin de trouver un projet qui va faire davantage consensus. Je pense que la recherche d'un projet de loi consensuel est essentielle. Je pense que vous l'avez bien compris. Vous avez mis de l'eau dans votre vin, comme on dit. Puis je pense que ça fait partie, on pourrait dire, des éléments qui vont contribuer à faire en sorte qu'on puisse redevenir fiers de notre industrie forestière et qu'on puisse aborder le XXIe siècle, on pourrait dire, avec optimisme.

Vous avez... vous mentionnez à différents endroits qu'il y a une nécessité de partager une vision d'avenir non seulement sur la gestion de la forêt, mais également sur l'industrie forestière de demain. Je suis d'accord avec vous qu'on a besoin d'une vision d'avenir, puis présentement je ne la vois pas au sein du gouvernement. Je voudrais avoir votre avis par rapport à ça. Vous en avez glissé un petit mot, mais j'aimerais que vous nous expliquiez davantage cet aspect-là. Comment vous voyez ça, l'avenir de la forêt?

M. Chevrette (Guy): D'abord, vous savez qu'il y a des immobilisations en place qui sont phénoménales. C'est des milliards de dollars. Et presque toutes... chacune de nos industries est équipée pour faire le double de ce qu'elle peut faire présentement, croyez-le ou non. Et puis, on est à peu près à 50 % de nos capacités, avec la ressource qui nous est permise... de prélever, et c'est tout à fait évident qu'on ne pourra... D'abord, il y a au moins, là, une centaine d'industries que c'est fermé à tout jamais. Je peux vous dire ça, là, il y a des industries, c'est fini à tout jamais. Il y en a un tiers que c'est fermé temporaire ou indéfini, puis il y en a le tiers qui opèrent à peu près. Si vous voyez le portrait national, là, c'est ça. Mais, quand il va y avoir la reprise, il y aura moins de joueurs sur la glace pour se partager une ressource qui... Puis c'est là qu'il faudra tenir compte de la capacité installée pour rendre le plus rentables possible les industries qui ont passé au travers de cette crise-là.

Mais il faut bien penser qu'on n'a pas le choix que se diversifier, mais pas par le discours magique, deuxième et troisième... On oublie qu'en deuxième transformation puis en troisième ça nous prend un produit qui est désiré, ça nous prend un marché. Ce n'est pas un discours qui dit: Garrochez-vous en troisième. Bien oui, mais dans quelle ligne? Moi, je me rappelle quand ils ont fermé le tabac à Joliette. Plus de tabac. Il y avait, je ne sais pas, 15, 16 millions de tonnes. Ils en font une, peut-être même pas, présentement. Ils se sont tous garrochés dans la patate, au lieu d'avoir une diversification intelligente qu'on pourrait discuter avec le MRN.

Puis il peut y avoir... ça va nous prendre un projet d'envergure. Prenez un exemple. Ça fait des copeaux, une scierie, et ça fait partie des revenus d'une scierie. Le papier journal fait ça; 10 %, 15 % par année de baisse de consommation, qui va consommer les copeaux? Ça va nous prendre des nouveaux produits. Il y en a déjà à l'étude, des projets, mais, s'il fallait qu'il n'y en ait pas, vous êtes-vous imaginé le manque à gagner des scieurs? On n'aura pas réglé notre problème. C'est des pistes de même qu'il faut gratter pour le futur, des nouveaux produits, inventer des nouvelles approches de marché, défoncer le marché américain, ne pas être prisonniers exclusivement du marché américain, mais arrêter de le dire puis de faire une offensive que l'industrie ne peut pas se payer présentement.

C'est un gouvernement, ça, qui se paie des... c'est une mission d'État, ça, de découvrir des marchés. On peut bien, de par... essayer nous autres mêmes par des missions économiques d'aller vendre quelques copeaux. Il y en a un, Chinois, là, présentement, un monsieur de la Chine qui veut acheter à peu près tout ce qui bouge ici parce qu'il voit bien qu'on a de la difficulté, là. On a parlé avec, mais est-ce qu'on va accepter que tout ça aille se faire transformer en Chine? On a même une clause, et là-dessus je suis d'accord, que ça prend un décret gouvernemental avant de sortir des billes rondes d'ici. C'est clair.

Puis il pourrait y avoir un programme incitatif à transformer des nouveaux produits ici, au lieu d'envoyer des bateaux pleins de copeaux. Ou encore la façon simpliste, c'est: Brûlons des copeaux pour faire de la chauffe ou bien pour faire de la «cogen». Je ne suis pas sûr que c'est... Ce ne sera pas moins cher tantôt, là. Transporter des copeaux secs, là, ça... 150 $ la tonne pour chauffer des édifices publics, ou des églises, ou encore des hôpitaux, je ne suis pas sûr que ce soit la recette miracle.

Il va falloir qu'on s'assoie et qu'on réfléchisse, puis qu'il y ait des programmes très novateurs. Encourager l'innovation, encourager les nouveaux produits, c'est ça, la piste d'avenir. Puis, moi, si on ne fait pas ça, je pense qu'on manquera le bateau.

M. Trottier: Mais justement, dans ce sens-là, face à la crise, qui est extrêmement importante, une crise exceptionnelle, est-ce que vous voyez des mesures exceptionnelles puis est-ce que vous voyez un soutien qui vous permettrait justement de prendre ce virage-là?

M. Chevrette (Guy): Bien, moi, je pense qu'il y aurait eu la garantie de prêt, que j'ai préconisée longuement, à un taux commercial. Parce que je voyais nos amis fédéraux qui étaient contre, et ils font ça avec Bombardier, ils font ça... ils ont fait ça avec le secteur automobile puis ils n'ont pas voulu le faire avec nous autres, et je ne comprends pas. J'ai un petit 170 millions sur deux ans pour l'industrie forestière canadienne, qui a 500 000... 525 000 travailleurs, contre 300 000 pour l'automobile, puis on n'a pas eu le début de l'ombre... parce qu'ils avaient peur de la coalition américaine.

Vous avez étudié, chez vous, une coalition face à ça, vous le savez très bien. Et, moi, je peux vous dire que la peur d'avoir peur, là, ça paralyse un cerveau, ça. Quand tu as peur d'avoir peur, là, tu ne fais plus rien, tu attends. Mais, je m'excuse, moi, ils peuvent bien se promener avec l'entente du bois d'oeuvre dans les mains, puis haut, puis klaxonner pour que tout le monde les voie, s'il n'y a plus une maudite industrie qui marche, ça aura donné quoi? On doit avoir le choix, à un moment donné, entre avoir une industrie qui est sauvée pour notre monde et puis... ou bien la sauvegarde de l'entente américaine. Moi, je pense que, oui, il y a du vrai dans... à partir de l'entente américaine, les Américains scrutent à la loupe ce qu'on fait.

Et d'ailleurs c'est dommage que le gouvernement du Québec à l'époque n'ait pas annoncé ses aides avant le 1er juillet 2007. Parce qu'on voit les arbitrages présentement, c'est... Le 23 octobre 2007, il y a eu des annonces de programmes nouveaux, et c'est ça qui nous a amenés en arbitrage. Si ça avait été fait, comme en BC par exemple, avant le 1er juillet, on ne serait pas en arbitrage sur ces programmes-là. On l'avait dit à l'époque, mais on ne nous a pas crus. Mais on est passés à d'autre chose après. On paie pour présentement.

Qu'est-ce que... quels autres types... Moi, je pense que ça prend un projet... des projets... l'encouragement d'un projet novateur épouvantable pour essayer de faire face au problème du copeau qu'on va avoir. Je ne sais pas comment de centaines de milliers de tonnes qu'on va avoir, mais on va en avoir un joyeux paquet. On me dit que présentement il y a cinq à six usines de papier journal de trop, toutes proportions gardées. C'est 600, 700 travailleurs par usine. Vous voyez déjà l'impact majeur que ça aura. On n'aura pas le choix, parce qu'ils vont tous crever s'il n'y a pas une rationalisation à partir de certaines grandes entreprises. Et ils le savent. Et je ne serais pas surpris que dans les jours qui vont suivre, dans les semaines qui vont suivre, il y ait des annonces de fermeture de papier journal. Je suis pas mal sûr qu'il va y en avoir. C'est la réalité qui nous rattrape.

n (10 h 10) n

Donc, comment on va redresser tout ça? L'innovation. Moi, je pense qu'il va falloir que les gouvernements soient agressifs pour soutenir l'innovation. C'est mon intuition. Je peux me tromper, mais je pense qu'on devra chercher les produits à valeur ajoutée, par exemple nanocellulose, par exemple l'éthanol, je ne le sais pas, des produits de grande valeur. Si on met tout ça rien que pour la chauffe, il arrivera ce qui est arrivé pour le tabac à Joliette: le prix de la patate a baissé, hein, le prix du bois va baisser.

M. Trottier: Oui, je suis d'accord avec vous qu'il y a des annonces qui... De toute façon... Comme, hier, je suis allé à une manifestation à Dolbeau. L'usine est fermée temporairement. Mais, quand ça fait 12 semaines que c'est fermé, le temporaire commence à être permanent. C'est assez inquiétant.

Vous mentionnez également qu'il n'y a pas d'étude d'impact sur le... on pourrait dire, les coûts du nouveau régime. Vous n'êtes pas les seuls. Il y a beaucoup de préoccupations par rapport à ça. Dans le fond, ce que vous nous dites, c'est qu'on se lance dans quelque chose qu'on n'a pas évalué les coûts et savoir qui va payer pour ça. Est-ce que vous pourriez nous en dire un peu plus par rapport à ça?

M. Chevrette (Guy): Oui. Ça, là, je peux vous dire que... Par exemple, comment... qu'est-ce... qui va payer pour la structure régionale ou les structures régionales? Dans le premier livre vert, on nous parlait... on créait une société. Le Conseil du trésor en avait aboli 17, puis on en créait 18 le lendemain. Je trouvais ça curieux. Là, ils ont abandonné le type de société régionale, si j'ai bien compris. Mais il va y avoir un coût à ça. Qui va payer pour ça? Qui va payer pour le bureau de mise en marché? Qui va payer pour la nouvelle structure, les tables, là? Nous autres, on le sait, qu'est-ce qui... le réflexe très facile d'un gouvernement, c'est d'en remettre sur le prix de la fibre ou aux utilisateurs. Et ça se chiffre, ça, par des spécialistes. Si on avait eu l'argent, on l'aurait faite, l'étude d'impact. On en a fait une, par Pricewaterhouse, qui nous démontre que, toute l'affaire de Del Degan, on restait bons derniers. C'est à peu près ça que... la conclusion de l'étude.

Nous, on dit: Il faudrait qu'il y ait minimalement une étude d'impact, parce qu'on a la conviction profonde, avec... On a réuni notre forum forêt, et les gens qui travaillent dans le milieu disent: Le coût de la fibre ne peut pas faire autrement qu'augmenter, avec ce qu'ils nous demandent là. Ou bien le gouvernement va dire: Je sors de l'argent. Je ne paierai pas à même les droits de coupe ou à même les droits... les redevances, mais je vais payer à même le fonds consolidé. Il y a quand même 1,4, 1,5 milliard qui s'en vont en impôt puis en taxes. Il peut en revenir un peu, puis ce ne sera pas... ce ne sera pas la catastrophe, pour faire vivre des milliers d'emplois dans nos régions ressources.

Prenez la forêt ? merci de m'avoir posé la question ? c'est clair que les Montréalais, ici, là, ils n'ont pas eu gros d'impact sur la crise forestière. Mais savez-vous comment qu'il s'est.... il se perd d'emplois dépendant de la forêt dans la grande région de Montréal? 29 000 à 30 000. Mais en perdre 2 000, eux autres, ce n'est pas... c'est moins grave, ça ne paraît pas. Mais un village qui perd 500 emplois ou 600 emplois, c'est la catastrophe parce que, pour eux, c'est 40 % de leur main-d'oeuvre. Puis, là-bas, ça peut être 0,2 %, 0,3 %. Les gens ne réfléchissent pas à ça, mais il faut que quelqu'un le dise, il faut que quelqu'un le dise haut et fort. Il ne faut pas laisser la parole à rien que ceux qui se réjouissent du fait qu'on n'en coupe pas un, arbre. Il y a des endroits où on coupe des arbres puis on met une tonne de béton dessus. C'est sûr que ça ne repousse pas. Mais de façon naturelle la forêt repousse à 80 % sans qu'on lui touche. Les gens ne le savent pas, ça. Ce n'est pas ça qu'ils entendent parler.

Le Président (M. Ouimet): M. le député, je vais retourner du côté ministériel et je reviendrai tantôt. Alors, Mme la ministre.

Mme Normandeau: Oui, bien, écoutez, moi, M. Chevrette, je vous écoute, là, puis on a l'impression que tous les torts reviennent au gouvernement. En fait... Et puis je le dis en toute franchise, parce que, moi, j'estime que l'industrie forestière a aussi sa part de responsabilité qu'elle doit assumer dans ses efforts de modernisation pour assumer sa... pour améliorer sa productivité. Parce qu'une des grandes révélations, je le répète, du conflit sur le bois d'oeuvre ça a été, dans le fond, la fragilité de notre industrie de la première transformation. Et malheureusement ça a pris une crise pour convaincre plusieurs acteurs de l'industrie forestière d'opérer un virage qui est essentiel, qui est salutaire pour plusieurs industriels. Moi, j'ai envie de vous dire, M. Chevrette: On est prêts à partager cette responsabilité de créer de meilleures conditions pour permettre à notre industrie de rebondir, mais ce n'est pas vrai que le fardeau n'appartient qu'au gouvernement. Ce n'est pas vrai, ça. Je pense qu'il y a une responsabilité commune qui doit être partagée.

Et je vous entendais parler d'innovation. Vous avez tout à fait raison sur l'enjeu de l'innovation. D'ailleurs, le gouvernement, via le ministère des Ressources naturelles, soutient à coups de millions de dollars Forintek pour qu'on puisse voir venir les marchés créneaux, les marchés de niche pour le futur. Notre gouvernement a adopté une première stratégie d'utilisation du bois dans toute l'histoire du Québec pour mettre en valeur un matériel qui... une matière qui est noble, qui a énormément d'avenir, malgré le contexte de crise économique.

Le grand défi qu'a l'industrie actuellement avec le projet de loi qui est sur la table... Puis je conviens que c'est un défi. Vous êtes plongés dans une crise actuellement, le patient a un soluté puis il est aux soins intensifs. Mais là on vous demande de vous projeter dans l'avenir et de commenter un régime forestier qui, lui, va être en oeuvre en 2013. Pas évident, hein, comme exercice à faire. Ce n'est pas évident. Et ça, je conviens qu'il y a tout un défi pour votre industrie d'essayer d'anticiper le futur et l'avenir. Mais notre job à nous, M. le président, c'est de vous convaincre du bien-fondé des éléments de base qu'on trouve dans le régime forestier et de voir avec vous comment on peut faciliter davantage votre travail.

Mais, en attendant, M. Chevrette, j'ai envie de vous poser une question: Il doit bien y avoir quelques éléments là-dedans qui vous conviennent, dans le projet de loi? Vous nous avez parlé de ce qui ne vous convient pas. Il y a certainement des éléments qui vous conviennent. La preuve, c'est que, lors du dernier sommet sur l'avenir du secteur forestier, il y a des éléments, là, qui ont fait consensus. D'ailleurs, le CIFQ était signataire du document. On parle... l'évolution des modes de tenure, l'attribution des bois, la stratégie d'aménagement durable des forêts, la gestion par objectifs et résultats. Juste cette dimension-là, là, moi, personnellement, si j'étais un industriel, je me réjouirais que le ministère arrive... finisse... dans le fond arrête d'arriver en forêt avec ses grosses bottes puis ses gros sabots, avec son règlement sur les normes d'intervention. On peut-u arrêter de gérer par normes... arrêter de gérer notre forêt par normes puis gérer plutôt par objectifs et par résultats, de gérer de façon plus intelligente? Est-ce qu'il y a des éléments... Donc, ces éléments-là, ils apparaissent dans le projet de loi. Est-ce qu'il y a des éléments qui vous conviennent dans le projet de loi?

M. Chevrette (Guy): Ça n'apparaît pas comme des volontés, ça apparaît comme une discrétion...

Mme Normandeau: Bien non, ce n'est pas vrai, ça.

M. Chevrette (Guy): ...qui est donnée à... Oui. Je dois vous dire que... Vous me demandez la question, je vais vous répondre le plus honnêtement possible. L'industrie a fait un paquet de compromis. Vous pourrez lire ça à la page 152 de notre brique.

Mme Normandeau: ...en passant, votre mémoire est très bien fait.

M. Chevrette (Guy): Si on l'a fait, si on l'a fait, c'était pour démontrer que c'était un travail collectif. Puis... Par exemple, valoriser les travailleurs sylvicoles, c'est un voeu du sommet. On a dit: Il faut se retirer de ça et laisser la place. La mise aux enchères d'une partie du bois de la forêt publique, on a adhéré à ça. C'est toute une nouvelle philosophie, ça, madame, c'est une nouvelle philosophie. C'est la vérité des prix, ça, qui est larguée, là. Les Américains ne pourront plus chialer si on met du bois aux enchères. Bon, croyez-le ou non, dans votre projet de loi et les explications qui ont été données lors du dépôt, vous versez annuellement à la forêt privée... Je vais vous donner un exemple. Vous versez pour la mise en valeur, vous versez pour les investissements sylvicoles, vous versez des crédits forestiers, pour des remboursements de taxe foncière, pour à peu près 90 millions.

Mme Normandeau: 94, pour être plus précise.

M. Chevrette (Guy): Bon, c'est encore pire. Voyez-vous, je suis toujours modéré dans mes réponses.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette (Guy): Donc, 94...

Mme Normandeau: ...nuancerais un petit peu.

M. Chevrette (Guy): 94 millions ? j'ai le plaisir de vous le faire dire, à part ça. merci! ? 94 millions, puis vous donnez à la forêt privée... vous donnez à ce groupe de la forêt privée le pouvoir... même si c'est vous, MRN, qui versez, vous leur laissez le pouvoir de définir la vérité des prix par la Régie des marchés agricoles. Reprenez le rapport Pronovost que vous avez fait faire. Qu'est-ce qu'il dit, le rapport Pronovost? C'est dépassé, c'est vétuste, c'est une loi de 1956, puis qu'on ne peut pas chercher la vérité des prix puis donner un pouvoir à une régie d'en définir les prix. Ça ne tient pas debout, ça ne tient pas la route. Et c'est ces affaires-là qui font que le projet de loi n'a pas de bon sens, sur cette partie-là. Et on vous le dit parce qu'on pense qu'il est encore temps de corriger ça.

Mme Normandeau: Oui, mais là vous mélangez les affaires...

M. Chevrette (Guy): Non.

Mme Normandeau: J'ai eu l'occasion de vous dire... Régie des marchés agricoles, ça, c'est comme la Loi sur la protection du territoire agricole, au Québec, ça, c'est une loi sacrée, ça fait partie de nos vaches sacrées au Québec. Si, demain matin, le CIFQ propose l'abolition de la régie... de la loi sur la Régie des marchés agricoles, «good luck», M. Chevrette, bonne chance, parce que sincèrement, là, on s'attaque, là, à tout un morceau. Alors, moi, ce que je... Puis dans le fond on va avoir l'occasion d'entendre la Fédération des producteurs de bois du Québec là-dessus.

Mais, au-delà de ça, je reviens à ma question: Y a-tu des éléments qui vous... qui dans le fond... Vous dites: Ah! bien, le gouvernement a livré la marchandise par rapport aux consensus qu'on a obtenus sur le sommet. Vous n'avez pas répondu à ma question. Au-delà de vous faire plaisir, vous n'avez pas répondu à ma question.

M. Chevrette (Guy): ...vous dire, Mme Normandeau, que Lise Payette, qui a siégé comme ministre comme vous, quand elle a passé la Loi sur l'assurance automobile, elle avait 20 % pour elle, 80 % contre. Puis aujourd'hui, quand vous faites les sondages, c'est 80 % pour, 20 % contre. Donc, à un moment donné, ça prend un acte de foi sur un contenu, sur une vision, quitte à manger quelques tomates en cours de route.

Mme Normandeau: ...vous... M. Chevrette, vous utilisez des raccourcis, là. Comparons des pommes avec des pommes puis des oranges avec des oranges.

M. Chevrette (Guy): Non, non, c'est juste parce que vous avez insisté pour dire: Bien, «good luck»! «Good luck», ce n'est pas l'industrie qui peut prendre la responsabilité, c'est un gouvernement qui peut changer une loi.

Mme Normandeau: Oui, mais...

M. Chevrette (Guy): C'est pour ça que je vous indique quelle... quelle est la voie du changement par rapport à... Qu'est-ce qu'on a accepté dans la loi? On a accepté la mise en marché, ça, c'est clair.

Mme Normandeau: Oui. Il y a des éléments qui vous conviennent, quand même.

n (10 h 20) n

M. Chevrette (Guy): On a accepté que le plan général... Bien oui. Mais vous comprendrez que, dans le 15 minutes, il faut que je sorte les points forts que je veux faire changer. Si vous me donnez une heure, je vais tout vous le dire.

Mme Normandeau: Avec un consensus, on peut tout faire, M. le Président. Alors, bien... Bon, mise aux enchères. Il y a certainement d'autres éléments qui vous conviennent?

M. Chevrette (Guy): Oui, oui, le plan général fait par la responsabilité du ministère. D'ailleurs, le ministère, nous, on pense qu'il devrait garder un oeil, parce que la forêt, c'est un bien collectif québécois et non pas un bien collectif d'une CRE ou d'une MRC. Et ça, c'est très important de garder l'oeil ouvert sur le plan national, parce que c'est une richesse qui est nationale.

Mme Normandeau: Absolument.

M. Chevrette (Guy): Donc ça, on est d'accord avec ce volet-là. Je pense qu'il faut faire la distinction entre le plan général, par contre, puis le plan opérationnel. Tantôt, vous m'aviez demandé des questions. Le plan général, qu'il soit fait par la région avec tous les intervenants du milieu, on n'a rien contre ça. C'est... Le plan opérationnel, nous autres, là, c'est... Après qu'on a décidé des zones d'utilisation de la ressource ou de prélèvement de la ressource, c'est là qu'on veut de la liberté pour être capables de planifier. Ce n'est pas... Nous autres, on appelle ça le plan opérationnel. Il y en a qui appellent ça le plan dynamique, je ne sais pas trop, d'autres qui s'appellent ça... Vous savez qu'on trouve toujours un deux, trois... là, pour accrocher nos actions. Mais, moi, je vous dis dans mes mots à moi: On suivait le processus, sauf que, quand tout est décidé avec les... entre les utilisateurs de droits puis les gens du milieu, là, on dit: Nous autres, là, le plan opérationnel, là, c'est... on rentre sur le terrain, on peut-u planifier nous autres mêmes pour essayer de tirer profit... d'être plus compétitifs? C'est ça qu'on a essayé.

Mme Normandeau: Oui, mais, au risque de me répéter, cette dimension-là n'est pas exclue du projet de loi, sauf que le répondant ultime, ce n'est pas le ministère, là, ce n'est plus... c'est-à-dire, ce n'est plus l'industrie, c'est le ministère.

Y a-tu d'autres éléments qui vous conviennent dans le projet de loi, M. Chevrette, avec vos groupes?

Le Président (M. Ouimet): Malheureusement, il reste à peine 15 secondes pour résumer cela.

M. Chevrette (Guy): Oui, bien, je vais vous répondre, d'abord, s'il reste 15 secondes, par le biais d'une autre question. Je trouverai bien le moyen de vous répondre.

Mme Normandeau: Notre bloc est terminé, nous, de ce côté-ci, c'est ce que je comprends, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet): Voilà.

M. Chevrette (Guy): Je vous le dirai pareil.

Mme Normandeau: On aura d'autres petits échanges.

Le Président (M. Ouimet): Voilà. Alors, merci, Mme la ministre. Allons du côté de l'opposition officielle. J'avais Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Bonjour, M. Chevrette, messieurs. À la page 11 de votre mémoire, vous parlez de l'article 104, qui... que vous qualifiez «le comble du déraisonnable», qui place le ministre comme ayant les pouvoirs de réviser les volumes avec... les volumes des garanties d'approvisionnement aux cinq ans, qui pourrait également avoir le pouvoir de revoir l'attribution des volumes à chaque année, et vous posez la question: Est-ce qu'on comprend l'impact de tout ça? J'aimerais vous entendre un petit peu plus sur la réaction de l'industrie à ce volet-là.

M. Chevrette (Guy): Bien, voyez-vous, un chantier... on part, on ouvre un chantier, puis, en plein milieu du chantier, ils disent: Bon, tu ne prélèves plus 150 000 m³, tu en prélèves 75 000. Vous êtes-vous imaginé l'impact sur la planification de tes opérations, et tout? Et ça, je pense que sincèrement, si ma mémoire est fidèle, Mme Normandeau a été très sensibilisée à cet article-là. Elle sait très bien que des changements en cours d'année, ça ne se fait pas. Elle en a entendu parler par beaucoup de monde, là.

Mme Normandeau: Oui, puis on a démontré de l'ouverture, là-dessus, à apporter des corrections.

M. Chevrette (Guy): Mais... on est très contents, mais c'est un bel exemple concret que ça, ça... c'est un pouvoir discrétionnaire qui insécurise même les institutions financières.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci. J'ai compris dans votre présentation que tout le volet au niveau de la gouvernance était un irritant assez important. Si vous aviez trois priorités en termes de modification du projet de loi, quelles seraient-elles?

M. Chevrette (Guy): La première, c'est la garantie d'approvisionnement. La deuxième, c'est vraiment le plan opérationnel, après qu'il est discuté... le plan général a été discuté dans la région. Et la troisième, c'est de continuer à travailler sur les... si... sur les problèmes structuraux, le prix de la fibre, pour être compétitifs. On a un bel exemple. Au moment où on se parle ici, là, l'Ontario est en train de faire pareil, et je vous déposerai... je vous laisserai un document qui démontre qu'ils veulent que leur industrie soit compétitive avec les États-Unis et avec... Écoutez, il y a du bois de livré en Beauce, au moment où on se parle, là, qui est à 250 $ et à 260 $ du 1 000 pieds. Nous, la moyenne, au Québec, il en coûte 305 $ avant transport pour... parce que notre bois est plus petit. On ne se compare pas toujours aux autres avec le grosseur du bois. Ça nous prend 9,25 arbres pour faire un mètre cube, puis en Colombie-Britannique ça en pend quatre. Donc, on n'est pas sur la même base de calcul de rentabilité et d'économie.

Donc, il faut que notre bois soit compétitif. On n'est même pas capables de compétitionner la livraison de bois qui viennent, imaginez-vous, de Vancouver... de BC. Donc, c'est majeur, ça. Les gens ont dit: On a fait un effort. Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu d'effort. Moi, ce n'est pas ça que j'ai dit. Si j'ai donné l'impression qu'il n'y avait pas eu d'effort, je retire mes paroles. Je ne suis pas venu ici pour dire des faussetés, je suis venu ici pour dire la vérité. Malgré les efforts, on n'est pas compétitifs avec les autres provinces canadiennes, certaines provinces... BC nous rentre dans le corps, ce n'est pas possible. Ils livrent du bois dans les RONA puis dans les Home Depot à des prix qui... qui nous... continueraient, nous autres, à être en bas de nos coûts de production. Ça ne marche pas, ça. Et c'est ça qu'on dit.

Il faut tenir compte des réalités du milieu. On a des transports longs. C'est grand, le Québec. Mettez 50 $ du 1 000 pieds, en moyenne, qu'on met, nous autres, pour... du 1 000 pieds pour transporter ce bois-là. Le bois est loin des usines, vous le savez. Dans quelques années, ce ne sera pas le cas, d'autre part, parce que le reboisement et la régénération se fait de plus en plus près des usines, et tantôt il y aura probablement des meilleures années. Mais pour l'instant il faut faire face à ces réalités-là. Et dans nos coûts.

Moi, je me souviens d'avoir discuté avec M. Béchard, et M. Bachand, puis Mme Courchesne, avec des représentants. Alain Lemaire était avec moi, puis Grandmont, d'AbitibiBowater. On leur disait: C'est le temps de changer des choses, là, parce que les Américains vont amender la loi... l'entente sur le bois d'oeuvre. On n'a pas voulu le faire. Mais, à partir du 1er juillet de... là, on est suivis à la trace. Ils vont nous traîner en arbitrage continuellement. Et je peux vous dire que j'ai même subi des attaques là-dessus parce que je... on m'accusait de faire de la politique. Je n'ai jamais voulu faire de la politique avec ça. J'ai voulu tout simplement démontrer que, pour être compétitifs, il faut avoir des coûts similaires, qui tient compte des réalités, par contre. La réalité du Québec, ce n'est pas la réalité du Nouveau-Brunswick, ce n'est pas la réalité non plus de la Colombie-Britannique. C'est peut-être l'Ontario qui nous ressemble le plus.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Une dernière question, M. Chevrette. Vous parlez du Forestier en chef. Il en a été peu question depuis le début de la commission parlementaire. J'aimerais vous entendre sur cette question-là et comment, vous, vous voyez son rôle.

M. Chevrette (Guy): Ah! moi, je pense... l'industrie, devant la commission Coulombe, a toujours préconisé que le Forestier en chef soit un... ait une indépendance totale des ministères et du gouvernement, qu'il soit nommé par l'Assemblée nationale selon le mode, là, deux tiers minimum, quelque chose du genre, là, et que ça, ça lui assurait toute l'indépendance pour pouvoir décider des choses. Et le projet de loi... peut-être qu'on l'interprète mal, mais le projet de loi nous indique que le Forestier en chef devient un petit peu sous l'autorité... un petit peu pas mal sous l'autorité du ministère, et, pour nous, c'est une erreur, on l'a dit tout candidement. Je pense qu'on en a parlé l'autre jour un peu.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci.

Le Président (M. Ouimet): Merci, Mme la députée. Il reste deux minutes et quelques secondes, M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui. M. Chevrette, compte tenu du peu de temps, vous dites, là, que certains de vos membres disent que le projet de loi pourrait sonner le glas du secteur forestier. Vous vous demandez si dans le fond le gouvernement veut encore une industrie forestière. Cet aspect-là. Puis également, aussi, la question de la bureaucratisation, là. Vous dites, là, que ça va amener une bureaucratisation. J'aimerais vous entendre sur ces deux aspects-là.

M. Chevrette (Guy): M. Trottier, je n'ai pas dit nécessairement «le gouvernement». J'ai dit «l'Assemblée nationale». Quand est arrivée la loi n° 71, vous avez voté avec le gouvernement. Il faut être francs ici, là. Les faits, c'est que l'Assemblée nationale a été unanime pour enlever du bois, à un moment donné. Moi, je prétends que l'Assemblée nationale, avec les régions ressources, devrait être unanime pour redonner vie à ce secteur-là. Quand je dis que le Saguenay?Lac-Saint-Jean, entre 45 % et 50 %, c'est... ça relève complètement de la... à 45 %, 50 %, de l'industrie forestière seulement...

Donc, moi, je pense sincèrement que vous devriez, comme Assemblée nationale, redonner vie... Redonner vie, ça veut dire répondre aux grands points que je vous mentionnais tantôt: une certaine latitude sur le plan opérationnel pour sauver des coûts, pour redevenir compétitifs. Ça nous prend également ce qu'on appelle l'allégement... On a relancé le comité de l'allégement administratif. Ça prend un environnement économique pour oeuvrer sur le plan industriel. Et, nous, c'est éparpillé, ça. L'environnement a son mot à dire, la CSST a son mot à dire. Prenez la Caisse de dépôt et placement, le trou, là. Nous autres, ça va probablement nous occasionner 25 millions de dettes, parce que c'est géré par la Caisse de dépôt, nos argents. Simonac! Tu sais, les claques viennent une après l'autre. Tu viens... tu viens que tu ne sais plus où te garrocher la tête.

n (10 h 30) n

Et je dois vous dire, M. Trottier, comme je pourrais dire à Mme la ministre: Vous demandez à des gens de rebondir. Elle disait «aux soins intensifs», mais, moi, je pense qu'il y en a qui sont rendus aux soins palliatifs. Ce n'est pas sérieux. Vous leur demandez de réfléchir à leur devenir alors que tout le temps est occupé à sauver son industrie présentement. Et c'est ça qui est le dilemme. On est prêts, nous autres. Oui, on vous dit oui. Mais je peux vous dire que ce n'est pas facile. Ce n'est pas facile de réunir du monde puis de leur dire: Écoutez, quand même qu'on rebondit, là... On voit qu'il y en a quand même qui achètent, qui essaient de se regrouper avec d'autres, puis il y a des mouvements.

Ce que j'aurais aimé au début, puis ça, je n'ai pas réussi à convaincre votre prédécesseur, c'est de faire une consolidation un peu plus structurée avec le ministère et nous, parce que je pense que... Quand on laisse ça exclusivement aux lois du marché, c'est sauvage. Le marché, ça n'a pas d'amis, ça. Tu sais, ils ne diront pas: Bien, tel village va fermer si on ferme là. Alors que, si tu maintenais tel...

Le Président (M. Ouimet): M. Chevrette, je dois aller du côté de la deuxième opposition. Désolé de vous avoir interrompu.

M. Chevrette (Guy): J'étais bien parti pourtant!

Le Président (M. Ouimet): M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Vous pourrez continuer. Si je reprends l'image du patient, tout à l'heure, lorsque j'ai entendu la ministre parler, disant que le patient avait un soluté, peut-être c'est de l'oxygène qu'il a besoin par exemple, plus que de... lorsque je vous entends sur l'opération, là, c'est plus de l'oxygène. On détermine le carré de sable, comme vous avez dit tout à l'heure, puis après ça on dit: Allez-y, allez-y, pour que l'industrie fonctionne bien.

Vous savez que le régime, le nouveau régime forestier va rentrer en vigueur seulement en 2013. Tantôt, vous avez parlé de fermetures d'usine, il va y en avoir, il y en a eu. 2013, c'est loin, là; on est en 2009. Qu'est-ce qui est urgent pour que l'industrie fonctionne correctement d'ici l'entrée en vigueur? Je vous ouvre une porte très grande, vous avez un grand carré de sable, là.

M. Chevrette (Guy): Oui. Bien, moi, je pense que c'est la taxe américaine, à court terme, ce qui va nous... qui peut nous tuer davantage, là, indépendamment de nos volontés ici. Donc, c'est pour ça qu'on a demandé une rencontre. La première fois que j'ai rencontré Mme Normandeau, je lui ai dit: Il y a une urgence énorme, c'est la taxe américaine, le 10 % qu'on devra probablement payer, s'ils le maintiennent, on espère que non, mais...

Une voix: ...

M. Chevrette (Guy): On le paye présentement, le 10, de la part des Américains, mais, je veux dire, les industries vont être collectées à part de ça, peut-être de façon différente. On attend toujours le deuxième jugement de la Cour de Londres. Mais, le deuxième arbitrage, il peut être encore plus catastrophique. Je ne le sais pas. J'espère qu'on va gagner, puis je touche du bois. Puis j'ai lu la défense de nos fonctionnaires, de Jean-Pierre Adam, entre autres. Et puis j'ai lu un peu tout ce qui s'est dit, on a eu des rapports directement de... pas du tribunal, mais de nos avocats qui siégeaient là-bas. Et, si ça allait, par exemple, à 15 %, 20 % de taxe, ça monterait à 30 % de taxe. Là, avec déjà les difficultés qu'on a de marché, ce serait catastrophique. Là, je peux vous dire qu'on ne passera même plus par les soins intensifs et palliatifs, ça va être directement à la morgue. C'est évident, ça.

Donc, on travaille pour trouver une solution autant avec le gouvernement canadien, et on s'est mis d'accord avec une stratégie avec le MRN et le MDEIE pour présenter une position commune. On ne cherche pas, là, je peux vous dire qu'on ne cherche aucunement la confrontation. On cherche véritablement des bouées de sauvetage, mais aussi à se donner, puis je le répète, à se donner une vision industrielle forestière, parce que... Il y en a qui viennent réclamer la culture forestière. C'est vrai qu'on l'a perdue, parce que... Moi, je suis fils de bûcheron et fier de l'être, en passant. Puis je sais qu'est-ce que c'est que de travailler dans le bois parce que j'y ai travaillé avec mon père. Puis je peux vous dire une chose, à voir aller présentement, je comprends les industriels, ils courent tellement après leur survie qu'ils sont plus de la moitié de leur temps dans les institutions financières. Ils ne sont plus à l'usine, là. Ils disent: Comment je peux refinancer ça? Puis, vous le savez, quand ça va mal, les institutions financières ne font jamais de cadeaux à personne. Plus le risque est grand à court terme, plus le taux d'intérêt est grand. Donc, ça frise le «shylock», le refinancement dans certaines institutions financières. Puis vous savez ce que c'est, «shylock», c'est du prêt usuraire. C'est ça que je considère qui est, sur ce côté-là... Je m'excuse, messieurs les Américains, mais, à mon point de vue... Je sais qu'ils vont lire ce que je viens de dire, mais ça me fait plaisir qu'ils le lisent, à part de ça, parce qu'on peut au moins leur montrer qu'on est lucides.

M. Picard: Merci. Une autre question, M. le Président. Dans votre mémoire, vous avez un point de vue assez tranché des forêts de proximité. Est-ce que vous pourriez l'expliquer, s'il vous plaît?

M. Chevrette (Guy): Oui. C'est parce que je pense que le projet de loi n° 57, tel que libellé, ne balise pas le nombre de projets ou ne balise pas le pourcentage des forêts publiques pouvant laisser... être laissé soit à une municipalité, soit à une MRC, soit à une CRE ou soit à une communauté autochtone. Et vous savez que c'est... Si on multipliait à perpète, là, élargir ça au coton, comme on dit en bon québécois, là, on pourrait nuire à des industries. Il va falloir qu'il y ait des balises. Nous, on parlait... avec Mme Normandeau, on a parlé de 4 % à 5 % du territoire; il faudrait que ce soit balisé, il faudrait qu'ils présentent des projets sérieux. Parce qu'on a l'exemple des lots intra, hein? Ce n'est pas tout le monde qui a réussi dans les lots intra, puis ce n'était pas grand-chose. Imaginez-vous si... Puis, on n'est pas pour en donner à chaque municipalité, parce que, là, si tu n'as pas une obligation de livrer du bois à des prix concurrentiels ou au prix du marché à des usines, tu vas-tu fermer une usine? Puis, moi, personnellement, là, je ne veux pas insulter le monde municipal, mais je vous dirai que le gouvernement a l'obligation d'être beaucoup plus transparent que peut l'être une municipalité dans son travail au niveau des projets du genre.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors...

M. Chevrette (Guy): Puis je pourrais en dire plus puis d'une autre façon, mais là je pourrais insulter, puis je ne veux pas.

Une voix: C'est mieux pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Ouimet): Alors, M. Gauthier, M. Lachapelle et M. Chevrette, merci infiniment pour votre participation à nos travaux, et ça a été un véritable plaisir de vous retrouver.

Alors, je vais suspendre les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 36)

 

(Reprise à 10 h 38)

Le Président (M. Ouimet): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je demande aux parlementaires de regagner leurs sièges. Et nous allons avoir le plaisir d'entendre les représentants de Zecs Québec. Donc, M. Lefebvre, vous êtes vice-président de Zecs Québec. Et, à l'arrière... Je vous demanderais un peu de silence à l'arrière, M. le député de Roberval, M. Chevrette.

Une voix: ...

Le Président (M. Ouimet): Si on veut avoir la même courtoisie à l'endroit des gens qui se feront entendre. Merci.

Alors, M. Lefebvre, vous êtes vice-président de Zecs Québec. Auriez-vous la gentillesse de nous présenter les personnes qui vous accompagnent?

Zecs Québec

M. Lefebvre (Pierre): Oui. Bonjour, M. le Président. Je vous présente M. Jean-Claude D'Amours, qui est notre directeur général, puis M. Marc Hauben, qui est ingénieur forestier pour l'Association régionale des gestionnaires de zecs de la Mauricie.

Le Président (M. Ouimet): Très bien.

M. Lefebvre (Pierre): C'est un gars terrain depuis 10 ans, qui travaille pour nous.

Le Président (M. Ouimet): Excellent. Alors, à vous la parole.

n (10 h 40) n

M. Lefebvre (Pierre): Maintenant, je vais demander de... Je voudrais d'abord saluer Mme Normandeau, M. le Président, M. Sauvé, qui est... il n'est plus là, M. Gibeault, lui, il est là, M. Lavoie, les députés du Parti libéral, du Parti québécois, puis monsieur de l'ADQ.

D'entrée de jeu, je voudrais vous exprimer toute l'admiration que j'ai pour le courage que vous avez pour écouter ces 60 et plus. Ça prend beaucoup d'abnégation pour écouter les doléances de chacun.

Maintenant, ce qui peut vous rassurer, Mme Normandeau, notre situation, au niveau des zecs, n'est pas préoccupante comme l'industrie que M. Chevrette vient de représenter, mais justement on est ici parce qu'on ne veut pas que nos territoires fauniques structurés, qui sont en somme des entreprises fauniques, le deviennent, dans une situation. Ça fait qu'on voit à notre affaire en amont. Ça ne veut pas dire qu'ils ne l'ont pas vu. On comprend qu'il y a une crise structurelle puis conjoncturelle, puis là c'est une crise économique mondiale, et puis, dans notre cas, on peut s'en sortir, mais on a besoin de votre aide, et vous allez voir puis... Mais l'aide qu'on vous demande, c'est minime par rapport à l'aide que l'industrie forestière a de besoin, puis j'espère que... De toute façon, vous avez toute la latitude pour nous la donner.

Ah! je salue M. Grenier. Présentement, je vais demander à M. D'Amours de nous faire la présentation de c'est quoi, la Fédération québécoise des gestionnaires de zecs, qu'on appelle Zecs Québec.

Le Président (M. Ouimet): M. D'Amours.

M. D'Amours (Jean-Claude): Bonjour. C'est un plaisir d'être ici. Vous savez, les zecs de chasse et pêche du Québec, ils sont 63 à travers la province, sur le territoire public québécois, et ils sont regroupés au sein d'une fédération qu'on appelle maintenant Zecs Québec depuis 2005, lorsque nous avons souligné... pas 2005, mais 2008, pardon, lorsque nous avons souligné le 30e anniversaire de la création des zecs. Donc, nous représentons 63 organismes gestionnaires de zecs, 11 regroupements régionaux, plus la fédération, c'est 75 entreprises en tout.

Les zecs, c'est le seul processus de gestion faunique de façon démocratique et aussi soutenu par des bénévoles. C'est un concept de gestion unique au Québec, et nous en sommes très fiers. Nous sommes liés par protocole d'entente avec la ministre. Et les montants chargés dans les zecs sont minimes par rapport aux coûts d'exploitation, et c'est une réalité avec laquelle les gestionnaires de zec doivent composer.

Le développement des zecs s'inscrit dans une perspective de développement durable, c'est-à-dire qu'il y a une importance sociale aux zecs. Ce sont 650 000 utilisateurs chaque année qui fréquentent les zecs; 40 000 membres participent à la gestion démocratique et assurent l'accessibilité aux territoires et à la ressource. Il y a aussi l'importance environnementale, c'est qu'en prévenant la surexploitation de la faune les zecs contribuent à la conservation de la biodiversité.

Il y a une importance économique. C'est 15 millions de chiffre d'affaires annuel, des revenus fiscaux, parafiscaux de 3,6 millions pour le Québec, c'est le maintien de 600 emplois dans les régions du Québec et c'est aussi 10 000 détenteurs de baux de villégiature, qui représentent 2,5 millions de dollars versés à l'État, des immobilisations qui représentent une valeur foncière de plus de 2 milliards, et 1,7 million versé aux MRC en taxes foncières. Ce sont aussi 785 000 jours chasse et pêche, 1,5 million d'ombles de fontaine capturés annuellement, 50 000 perdrix, 6 000 lièvres, 3 500 orignaux.

M. Lefebvre (Pierre): Merci, M. D'Amours. Pour faciliter la lecture de ce mémoire, on a écrit l'article de loi d'abord et ensuite on a fait les commentaires de notre fédération. Nous nous sommes arrêtés aux articles de loi qui nous semblaient le plus nous interpeller.

D'abord, l'article 13. Dans les forêts de proximité. Là, ce que Zecs Québec recommande, elle appuie le gouvernement dans sa proposition d'implanter des forêts de proximité gérées par des communautés environnantes et qu'il y ait toujours un siège réservé à chaque zec incluse dans le territoire. Ça veut dire que, s'il y a une forêt de proximité alentour d'un village ou d'une ville et s'il y a un territoire de zec d'inclus, bien on demande que les gestionnaires de zec aient un siège réservé pour en tirer, s'il y a des bénéfices... Comme ça se passe présentement dans la zec de Forestville, sur la Côte-Nord, il y a un organisme comme ça qui s'appelle la Société des ressources de Forestville, il y a une forêt de proximité, et la zec fait partie du conseil d'administration, et, s'il y a des redevances, des revenus à tirer de ça dans leur portion de territoire, bien ça se fait comme ça.

Ensuite, on va passer aux unités d'aménagement, les articles 17, 18, 19 et 20. Les commentaires. Quand je parle de territoires fauniques structurés, je parle de tous les territoires: les zecs, les pourvoiries, mais je vais parler surtout des zecs, parce que les pourvoiries vont venir faire leur mémoire puis les autres aussi. Donc, ils devraient pouvoir prioriser les secteurs dans l'UAF à des fins de conservation, de production faunique et touristiques. Ça veut dire que, s'il y a une UAF, on dit qu'on veut produire... on veut mettre des zones, mettons, de sylviculture intensive, mais on pourrait aussi pouvoir... mettre à des fins de conservation, de production faunique et touristiques.

Les zones de sylviculture intensive devraient se faire en concertation avec les gestionnaires de zec dans le respect de chacun de nos mandats. Parce que, nous, on a un mandat de gestion de la faune, et les compagnies forestières ont un mandat de gestion de la matière ligneuse, dans le même territoire.

Les zones de sylviculture intensive devraient se faire où il y a déjà des investissements forestiers et non pas couper de belles forêts mélangées pour en faire des zones de sylviculture intensive. Là, quand on parle de zones de sylviculture intensive, moi, j'appelle ça plutôt des zones de production forestière. Ça, j'en ai déjà parlé, là. Parce que de la sylviculture intensive, il s'en fait peut-être à... dans la zone de production forestière, peut-être 1 %, 2 % ou 3 %, ça, c'est avec des peupliers hybrides, puis tout ça. Ça fait que, moi... nous autres, on le voit comme ça.

Lors de la confection du plan d'aménagement, les intérêts des zecs doivent toujours être pris en compte, autrement c'est d'exclure une superficie faunique.

Le zonage intensif devrait tenir compte de l'utilisation récréative actuelle de nos territoires, incluant les activités de chasse et de pêche. Tantôt, là, il y a des questions qui vont me revenir là-dedans, puis je pense que je vais être en mesure de vous répondre avec des exemples concrets.

Les possibilités forestières, à l'article 48, correspondent, pour une unité d'aménagement ou une forêt de proximité donnée, au volume maximum de récolte annuelle. Donc, la détermination des possibilités forestières doit notamment permettre le maintien et l'amélioration de la capacité productive des forêts, le renouvellement et l'évolution des forêts vers l'état désiré défini, entre autres en termes de composition et de structure d'âge.

Donc, nos commentaires, c'est que les possibilités forestières correspondent, pour une unité d'aménagement ou une forêt de proximité donnée, au volume maximum de récolte annuelle de bois par essence ou par groupe d'essences que l'on peut prélever, tout en s'assurant de la pérennité de l'utilisation de la diversité de l'ensemble... On revient toujours au respect des droits fauniques puis de la gestion faunique qu'on doit faire du territoire.

Responsabilités du ministre. Nous sommes entièrement d'accord que le ministre soit responsable de l'aménagement des forêts du domaine de l'État dans le respect des stratégies d'aménagement durable des forêts et de la possibilité forestière.

La planification forestière d'une unité... Là, on va commencer à tomber dans le vif, là, de... Parce que c'est sûr que passer après M. Chevrette, nous, notre situation n'est pas aussi préoccupante. Comme j'ai dit tantôt, je ne veux pas qu'elle le devienne. Ça fait que vous allez voir, là, qu'on va tomber dans des choses beaucoup plus précises.

La planification forestière qui s'effectue dans une unité d'aménagement se réalise dans le cadre d'un processus de concertation du milieu régional menant à l'élaboration de plans d'aménagement forestier intégré. Ces plans régissent les différentes activités d'aménagement forestier réalisées sur le territoire de l'unité en tenant compte des objectifs et cibles d'efficience que le ministre peut fixer en matière d'interventions forestières et en favorisant l'intégration des intérêts et des préoccupations des personnes et des organismes concernés.

Nous sommes aussi d'accord avec le processus... que la planification forestière s'effectuant dans une unité d'aménagement se réalise dans le cadre d'un processus de concertation du milieu régional mais en menant à l'élaboration d'un plan d'aménagement forestier intégré.

Ensuite, vous dites que la ministre ? là, c'est écrit «le», mais là ça va être «la» ? la ministre élabore, pour chacune des unités d'aménagement, en collaboration avec les tables locales de gestion intégrée des ressources... Là, ça, je vais vous en parler là, on tombe pas mal plus dans nos cordes. Nous sommes d'accord à ce que le ministre élabore, pour chacune des unités d'aménagement et en collaboration avec la table locale de gestion intégrée des ressources et du territoire, la mise sur pied par la CRRNT d'un plan tactique et opérationnel d'aménagement forestier intégré. À cette fin, il peut s'adjoindre les services d'experts en planification forestière.

n (10 h 50) n

Nous vous soulignons que, dans les régions où les territoires fauniques structurés possèdent des ingénieurs forestiers ? parce qu'il y a quelques régions qu'on a des... comme en Mauricie, là, un exemple, il y en a sur la Côte-Nord, il y en a dans le Bas-Saint-Laurent, il y en a au Saguenay?Lac-Saint-Jean, il y en a aussi dans les Hautes-Laurentides puis dans Lanaudière, où il y a des ingénieurs forestiers ? l'harmonisation des usages est beaucoup plus facilitée, car les personnes qui se parlent ont le même langage. Les ingénieurs pour les associations régionales de zecs font le lien entre les gestionnaires bénévoles de zec, qui ne sont pas toujours aussi bien documentés et ne saisissent pas aussi bien les enjeux que ceux qu'une harmonisation intégrée nécessite et ceux du ministère des Ressources naturelles et de nos partenaires forestiers. Vous savez, avec la réduction du personnel dans la fonction publique, qui est d'environ un sur deux, nous avons besoin de cette aide précieuse de la part... d'avoir à notre aide, à notre secours, des ingénieurs forestiers. Nous avons besoin de cette précieuse aide afin d'en arriver à une harmonisation juste et équitable pour les centaines de milliers de membres et utilisateurs des zecs du Québec.

Dans le rapport de la commission Coulombe... vous savez que la commission Coulombe, c'était... vous avez pris les plus grands spécialistes de divers domaines mais qui touchent à la forêt, puis eux, au chapitre 9, au point 9.5, sur les sources d'utilisation de fonds dans la relocalisation des ressources financières, on retrouve la mise sur pied d'un programme d'appui aux intervenants du milieu forestier.

Les consultations de la commission ont mis en lumière le fait que les différents intervenants du milieu forestier ne disposent pas tous de la même stabilité ou des moyens adéquats pour documenter et faire valoir leurs points de vue lors de la planification des aménagements forestiers intégrés sur leurs territoires. Ceci constitue pourtant un prérequis à une véritable concertation entre les intervenants. La commission recommande donc la mise en place d'un programme avec une enveloppe ? elle recommandait, là. la commission Coulombe ? de 2,5 millions par année visant à doter les détenteurs de droits ? on peut appeler des détenteurs de droits de gestion, comme les détenteurs... Tu as ceux qui ont des baux de villégiature, mais ceux qui gèrent des pourvoiries, c'est des détenteurs de droits, mais de gestion de territoire. Les détenteurs de zecs, c'est des détenteurs de droits de gestion, ils gèrent un territoire, ils gèrent beaucoup de monde, ils gèrent du réseau routier. C'est une petite ville, ça, c'est une petite municipalité. O.K. Elle, elle avait demandé une enveloppe de 2,5 millions par année visant à doter les détenteurs de droits en milieu forestier et les autres personnes intéressées de services et d'analyse et d'expertise pour documenter les problématiques et favoriser ainsi la discussion, l'harmonisation des usages et la concertation entre les intervenants. On l'a eu, ça, mais, cette année, ça n'a pas été reconduit. Et là je pense que cette chose-là, c'est surtout... Oui, il reste deux minutes? Oh boy! Je pensais d'avoir... de manquer... d'avoir trop de temps. O.K. Ça n'a pas été reconduit.

Donc, nous demandons une enveloppe, je ne dis pas de 2,5 millions, là, une enveloppe dans un programme de participation régionale afin d'avoir une ressource dans les régions du Québec et à notre fédération pour répondre à nos préoccupations d'harmonisation. Parce que, n'oubliez pas, là, c'est des centaines de millions de dollars de retombées économiques, ça.

Une autre préoccupation pour les zones d'exploitation contrôlée, c'est l'ancien article... l'article 54 de la Loi sur les forêts, qui donnait l'obligation de prendre en considération les intérêts et les préoccupations des autres utilisateurs du territoire d'aménagement et la réalisation des activités d'aménagement forestier... les bénéficiaires doivent inviter à la participation au plan général. Donc, c'est que l'article 54 disait que les zecs, les pourvoiries et les réserves fauniques, il fallait qu'ils soient consultés, puis là il y avait une aide particulière pour eux autres, et ça, ça a été enlevé, puis j'aimerais bien ça que ça revienne.

En conclusion... en passant, aussi, là, dans les tables GIR... Il me reste deux minutes, je pense que...

Le Président (M. Ouimet): Il vous reste une minute, par exemple.

M. Lefebvre (Pierre): Il me reste une minute?

Le Président (M. Ouimet): Oui.

M. Lefebvre (Pierre): Bon. Dans le plan tactique, la table GIR, je pense qu'elle va être utile parce qu'elle va voir si les éléments du plan régional de développement intégré des ressources et du territoire, le PRDIRT, les éléments qui ont été là sont dans le plan quinquennal, qui est le plan tactique. Mais, quand c'est le plan opérationnel, ça, ça devrait rester aux détenteurs de droits de gestion. Ça veut dire que ça, c'est de l'harmonisation plus fine dans des territoires bien définis, puis il n'y a personne ici qui va demander à toute la paroisse de venir régler le problème dans la maison chez eux. Ça fait qu'à ce moment-là ça devrait... les personnes qui... les détenteurs de droits devraient se parler sur un territoire.

En conclusion, on vous demande la place qui nous revient dans les forêts de proximité.

Dans les territoires à vocation faunique, les zones de sylviculture intensive devraient se faire en concertation avec les gestionnaires de zecs ? il me reste 30 secondes là-dedans, je l'ai écrit ? et les localiser où il devrait y avoir... où il y a un lien historique de plantation.

Quand on parle des ressources forestières, il faut toujours avoir l'esprit de l'ensemble des ressources du milieu forestier.

Les tables locales de gestion intégrée des ressources doivent être composées de spécialistes qui comprennent bien les enjeux des gestionnaires de zec, afin de répondre à leurs préoccupations et leurs mesures d'harmonisation.

La mise sur pied d'un programme d'appui des intervenants, qui était l'ancien programme, qui n'a pas été reconduit cette année, et, je pense, ça, ça devient, Mme Normandeau, ça devient une volonté politique. O.K.? Puis je vous fais confiance. Mme Normandeau, je vous fais confiance.

Réintroduire l'ancien article 54.

L'obligation d'ententes écrites et signées par les différents partenaires, parce que... quand il y a des opérations forestières.

Il m'en reste deux. Le ministère doit avoir l'autorité de faire respecter ces ententes.

Et obtenir en récurrence le Programme de mise en valeur des ressources du milieu forestier, le fameux volet II, là, qui fait vivre, qui aide bien du monde en région.

Ça fait que je vous remercie de m'avoir écouté.

Le Président (M. Ouimet): Ça a été un 30 secondes un peu long, là, mais je vous l'ai permis. Alors, passons à la période des échanges. Mme la ministre.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Alors, M. Lefebvre, messieurs, bienvenue, merci d'avoir pris soin de rédiger votre mémoire. M. Lefebvre, vous, vous faites ça comme bénévole, hein?

M. Lefebvre (Pierre): Ah! ça fait 25 ans.

Mme Normandeau: 25 ans.

M. Lefebvre (Pierre): Et puis j'ai passé mon été à travailler sur le mémoire.

Mme Normandeau: Tout un été!

M. Lefebvre (Pierre): Non, mais là je vais prendre mes vacances. De toute façon, il n'a pas fait beau aux mois de juillet puis août. Là, c'est pas pire.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Normandeau: Vous allez continuer de nous écouter quand même un peu en commission parlementaire, peut-être?

M. Lefebvre (Pierre): Au coton, je vous ai écoutés.

Mme Normandeau: Au coton, oui.

M. Lefebvre (Pierre): Même, je vous trouve bien courageux puis courageuses. Je vous écoute sur le Web, là, à tous les jours. Ah oui! j'écoute ça. J'ai écouté même les motoneigistes en partant, puis j'écoute... parce que c'est nos partenaires aussi, hein?

Mme Normandeau: Exact.

M. Lefebvre (Pierre): Ça fait qu'il faut écouter tout le monde. L'harmonisation, là, c'est que ce n'est pas juste un, c'est tout le monde qui doit se parler. Comme j'ai dit tantôt, où il y avait une organisation structurée avec du monde en place qui nous aide en région, l'harmonisation se fait beaucoup plus facilement.

Mme Normandeau: Moi, je tiens à saluer votre engagement puis vraiment votre passion, parce qu'on sent bien, là, que vous êtes en selle à la tête de Zecs Québec, puis ça, évidemment, pour tout ça, on vous lève notre chapeau.

C'est vrai que les parlementaires sont patients, mais c'est notre devoir d'être à l'écoute, surtout pour un pareil exercice qui est très, très important. J'ai eu l'occasion de dire lors de mes remarques préliminaires que c'est un projet de loi qui s'inscrit dans une dynamique, je crois très sincèrement, non partisane, et, comme société, on n'a pas le droit de se tromper, hein, parce que c'est un régime forestier qui devra dans le fond franchir le temps avec succès. On parle d'un régime forestier d'avenir, plus moderne, plus flexible, plus souple, alors c'est vraiment... Moi, je sens personnellement tout le poids des responsabilités qu'on a sur nous, et puis, cet exercice-là, on le fait collectivement, d'où l'importance évidemment pour tous les parlementaires des partis politiques de l'Assemblée d'être ici.

En attendant, M. Lefebvre, moi, je pense sincèrement que les activités de nature faunique vont prendre de l'ampleur, vont s'intensifier au cours des années. Je le crois sincèrement parce que... Et d'ailleurs c'est un des objectifs du nouveau régime forestier, c'est de reconnaître, puis formellement, que la forêt, elle est multidimensionnelle, multiusage, plus sollicitée, on doit impliquer davantage un plus grand nombre de personnes qui ont une responsabilité dans la gestion puis la planification de notre forêt, puis vous êtes évidemment des partenaires très sérieux, très importants.

Je vais peut-être commencer par deux questions, si vous me le permettez, M. Lefebvre. Est-ce que c'est possible de nous dire, de façon générale, avec les 63 zecs qui sont membres chez vous... de façon générale, est-ce que les rapports avec, par exemple, les industriels et les autres détenteurs de droits sur le territoire sont harmonieux? Si vous aviez, là, sur une échelle, je ne sais pas, moi, de 1 à 5, ou encore de mettre un pourcentage, là, sur l'appréciation des rapports que vous avez avec vos autres partenaires sur les territoires forestiers, quelle note vous pourriez attribuer aux rapports que vous avez avec les groupes?

Et ma question va porter sur une de vos recommandations, de réintroduire dans le projet de loi l'article actuel de la Loi sur les forêts, l'article 54. Et j'ai eu l'occasion, dans le cadre d'une rencontre avec la coalition, de vous faire une suggestion parce que... Pour le bénéfice de tous les collègues autour de la table, l'article 54 de la loi actuelle réfère à l'obligation pour les bénéficiaires de CAAF d'inviter à la table pour la préparation du plan général un certain nombre de bénéficiaires, et là on réfère à quatre bénéficiaires: il y a les MRC; les communautés autochtones; on dit: «toute personne ou organisme qui...» bien en fait on parle des zecs, là, et on parle aussi des érablières. Bon, je résume assez grossièrement ce que contient l'article 54.

Nous, on a recensé à peu près 42 organismes qui sont directement interpellés par la concertation territoriale. Et là le dilemme qu'on avait chez nous, on ne va quand même pas mettre dans une loi 42 organismes, ça a comme pas de bon sens. Alors, je tenterais de trouver avec vous la voie de passage entre le libellé actuel et le nouveau libellé, et j'aimerais peut-être que vous puissiez nous donner plus de précisions là-dessus. Est-ce que vous avez eu le temps de réfléchir? Et, si oui...

M. Lefebvre (Pierre): C'est fait.

Mme Normandeau: C'est fait? Bon. Vous êtes prêt à livrer votre décision, votre réflexion.

n (11 heures) n

M. Lefebvre (Pierre): Bon. D'abord, les détenteurs de droits de gestion, ils doivent être là, là, ça, c'est implicite, et tout autre organisme qui a des activités légitimes sur le territoire, dans une unité d'aménagement.

Mme Normandeau: Vous libellez ça comment, là, dans la loi? Tout le monde voudrait voir son nom apparaître...

M. Lefebvre (Pierre): Oui.

Mme Normandeau: ...puis si, vous, on fait disparaître votre nom par rapport à l'article actuel, là, ça vous insécurise. Ça fait que, là, comment... quelle est la voie de passage que vous proposez?

M. Lefebvre (Pierre): Bien, moi, la voie de passage, c'est que... Je suis un détenteur de droits de gestion, ça fait qu'automatiquement je me trouve inclus. Moi, mon problème est réglé. Et puis...

Mme Normandeau: Juste en utilisant le vocable «détenteur de droits de gestion»?

M. Lefebvre (Pierre): De droits de gestion. Là, c'est parce que ça limite, là. Parce que, des détenteurs de droits, il y en a d'autres, là. Je ne les dirai pas ici, là, pour ne pas me faire des ennemis, là, il y en a d'autres, mais ce n'est pas des détenteurs de droits de gestion, O.K.? Ils sont des détenteurs de droits. Mais, quand tu es un détenteur de droits de gestion, tu dois gérer un territoire, tu as des chemins à entretenir, tu as du personnel, tu as du contrôle, et il me semble que tu as plus de pouvoirs que si... là, je me... tu as beaucoup de responsabilités puis tu mérites d'être respecté versus ces responsabilités-là, O.K.? Bon.

Puis tout autre... Puis là, le reste, là, je pense que ça vous revient, là. Moi, là, c'est de me placer puis de placer mes fauniques avec moi, là: les pourvoiries, les réserves fauniques, les trappeurs, qui ont un mandat de gestion aussi, O.K.? Les trappeurs, ils ont un mandat de gestion de territoire. Mais les autres, mais... Puis c'est sûr que les MRC, c'est inclusif aussi. Les autochtones, là, vous les mettez partout, c'est correct, je n'ai rien contre ça, c'est mes amis, O.K.? mais... Je suis même parrain de un, ça fait que je ne suis pas trop...

Maintenant, je parle... Je vais vous répondre, là: les autres noms, les 42 noms, là, tout autre organisme qui a des activités légitimes sur le territoire, trouvez celles qui vous conviennent le mieux. Moi, je ne peux pas... J'en ai plein le casque à régler mes problèmes de zec, vous comprenez?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre (Pierre): Ça fait que je pense que... Non, non, vous...

Mme Normandeau: Je ne vous demanderai pas de faire ma job, rassurez-vous.

M. Lefebvre (Pierre): Comment?

Mme Normandeau: Je ne vous demanderai pas de faire ma job, rassurez-vous.

M. Lefebvre (Pierre): Non, non, non, mais... Oui, mais vous avez du personnel très compétent qui peuvent... Je ne suis pas inquiet.

Mme Normandeau: Alors, à la deuxième question, M. Lefebvre, sur vos rapports avec les industriels puis les autres détenteurs de droits de gestion.

M. Lefebvre (Pierre): Moi, là, je ne le dirai pas, mais je vais le faire dire par Marc. Marc Hauben, c'est notre ingénieur forestier qui travaille pour nous depuis 10 ans. Lui, là, il a travaillé gros pour en arriver à harmoniser. Quand on dit... On ne va pas négocier, nous, on va harmoniser nos activités. Puis il y en a qui dit... Comment qu'il disait ça, donc? Il dit: On est condamnés à s'entendre. Non, on est voués à s'entendre. Même les forestiers me disaient ça: On est... Non, on n'est pas condamnés, on est voués à... Mais, quand tu changes ton langage puis tu le mets plus convivial, bien, automatiquement, la personne devant toi est plus réceptive. Moi, c'est de même que je le vois.

J'ai été dans l'enseignement pendant... Mme Richard, j'ai été dans l'enseignement, moi, pendant... parce qu'elle était... pendant 33 ans, O.K.? et puis c'était comme ça. C'était: Quand tu es plus convivial, tu es plus cool, tu sais, le rapprochement se fait plus facilement, l'écoute est plus là, tu es moins stressé, et ça aide. Ça fait que, Marc, donne la réponse, 1 sur 10.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre (Pierre): Non, non, je peux vous la donner, si vous me demandez, mais c'est parce que je veux qu'il intervienne, c'est lui qui les fait, les harmonisations des usages en forêt.

Le Président (M. Ouimet): Alors, on va lui donner la parole. M. Hauben.

M. Hauben (Marc): Bien, moi, je représente plutôt la région de la Mauricie, donc je peux parler seulement pour cette région-là. Pour donner une note, c'est 8 sur 10. O.K.? C'est 80 %, là. Les relations sont excellentes. Écoute, évidemment, quand on n'arrive pas à s'entendre, c'est le ministère en région qui tranche: soit qu'il tranche en faveur de l'un ou en faveur de l'autre. Mais, suite à la décision du ministère, nous, on est d'accord avec eux, peu importe la décision.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, cette fois-ci... Vous vouliez ajouter un dernier mot?

M. Hauben (Marc): Non. Allez-y.

Le Président (M. Ouimet): Ça va?

M. Hauben (Marc): Ça va, oui.

Le Président (M. Ouimet): Je vais aller du côté de l'opposition officielle. M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui, merci, M. le Président. Tout d'abord, je vous remercie pour votre participation. Je sais que ce n'est pas évident de faire des mémoires en plein été, là. On l'a déjà dit, ce n'était pas la meilleure période. Puis je sais qu'il y a beaucoup de bénévoles, j'en connais plusieurs chez nous, puis ce n'est pas toujours évident, là. Je pense que vous faites un travail, au niveau de la démocratisation de la forêt, qui est extrêmement important et essentiel.

Au Parti québécois, on est très heureux d'avoir fait le déclubage, comme on dit. Dans le fond, autrefois, ce n'était pas évident, beaucoup de gens n'avaient pas accès, et aujourd'hui il y a une grande accessibilité. Puis je pense que, si on veut développer la fierté de la forêt, il faut, entre autres, que les gens y aient accès, et ça, c'est comme essentiel, et vous êtes, on pourrait dire, un maillon qui est extrêmement important mais peut-être pas suffisamment soutenu. Et, dans ce sens-là, je voudrais savoir...

Vous dites, là, au niveau des grands objectifs que vous avez, entre autres, recherché l'autofinancement des opérations de l'organisme. Ça représente quel pourcentage de votre temps, ça, la recherche de financement?

M. Lefebvre (Pierre): Bien, je vais vous dire, depuis quelques années, ça allait bien. Depuis qu'il y a eu le PPR, là, il me semble que... Aïe! on en met du temps, là. Moi, c'est 50, 60, 70 heures par semaine, là, O.K.? Mais j'aime ça, là, je ne me plains pas, là. Mais ce qui arrive, c'est que... Cet été, là, quand j'ai su que le PPR n'était pas reconduit, je vais vous le dire, là, c'est... Tu sais, quand tu travailles ardemment pour en arriver à avoir... Moi, mon objectif dans la vie présentement, c'est l'harmonisation des usages en forêt, qu'on s'entende tous. Puis n'oubliez pas que, quand vous allez en forêt, dans les zecs, les pourvoiries puis les réserves fauniques... Le monde, où ils veulent aller en forêt? Ils veulent aller où c'est organisé, O.K.? Bon. Et là c'est une vitrine exceptionnelle de ce qui se passe au niveau des opérations forestières; c'est pour ça que c'est important, l'harmonisation des usages en forêt. Et, s'il y a une entente qui est conclue, qui est signée... Puis présentement ça se passe de même en Mauricie, depuis quelques années, où c'est le ministère qui tranche, puis on fait confiance aux fonctionnaires qui sont là, O.K.? On leur fait confiance. Il faut leur faire confiance. Mais il y a des régions où ce n'est pas tout à fait pareil. Mais, tu sais, il va falloir que le travail se fasse. Petit à petit, l'oiseau fait son nid. Bien, nous autres, c'est ça qu'on a fait, O.K.? Petit à petit, l'oiseau a fait son nid, O.K.?

Ça fait que, pour revenir à votre question, je tiens à vous dire que, cet été, quand j'ai su que le PPR n'était pas reconduit, j'ai piqué du nez un peu, là. Je vais vous le dire, j'ai passé proche de ne pas être ici, là. Ça m'a affecté. Beaucoup. Parce que tu travailles pendant 10 ans pour monter une structure, tu as une formule gagnante, et puis j'ai vu dans les documents que... ça n'a pas passé, ça, au niveau des crédits budgétaires. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Mais, quand je dis: Mme Normandeau, je vous fais confiance...

Mme Normandeau: Ne mettez pas trop de pression.

M. Lefebvre (Pierre): Non, non, je vous fais confiance. On a Julie, Julie Boulet, qu'on a fait confiance en région, puis elle nous aide beaucoup, puis vous êtes de sa trempe... ou elle est de votre trempe. Je ne veux pas vous insulter ni l'une ni l'autre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre (Pierre): Je suis délicat, hein? Je suis quasiment un politicien. Mais je ne voudrais pas, je ne voudrais pas, parce que ma nature, moi, elle est bénévole, puis je suis heureux comme ça.

M. Trottier: Mais je suis d'accord avec vous qu'il faut qu'on donne une partie de sa vie pour les autres, parce qu'un véritable citoyen ne doit pas s'occuper juste de son nombril, mais également de l'ensemble de la société. C'est comme ça qu'on bâtit une société meilleure. Mais il faut en même temps que les efforts bénévoles soient mieux soutenus, et je vous comprends très bien. N'hésitez pas à mettre de la pression, c'est correct. Je pense que c'est comme ça... Profitez-en, comme on dit.

M. Lefebvre (Pierre): Non, mais je ne mets pas de pression, je vous fais confiance.

M. Trottier: Bien, je pense que, si on croit aux usages multiples, si on croit à l'harmonisation des usages, justement, c'est qu'on va s'arranger pour mettre en place des mécanismes qui vont faire qu'autant au niveau du financement que de l'utilisation ça fonctionne. Je pense que c'est comme ça qu'on doit voir ça.

Par rapport à ça, vous dites que vous êtes d'accord avec les forêts de proximité puis vous dites que vous pourriez «profiter des retombées associées à la gestion des forêts de proximité». Vous demandez, là, d'être sur les tables. Est-ce que vous pourriez nous donner un exemple de ce que vous pourriez profiter, là-dedans? Comment vous voyez ça, là? C'est quoi, les avantages que vous pourriez voir à l'implantation de forêts de proximité?

M. Lefebvre (Pierre): O.K. C'est de valeur que Marjolain Dufour ne soit pas là, parce que, lui, il est de la région de la Côte-Nord puis il sait comment ça marche. C'est qu'eux autres, il y a... mettons, par rapport à une surface de territoire, si, dans la zec de Forestville, il y a, mettons, 40 % de la forêt de proximité, et là il y a les frais de gestion, parce que c'est géré par les municipalités, puis, s'il y a des retombées de tant, de 25 000 $ ou de 30 000 $, bien c'est bien reçu, parce que les zecs, là, on ne nage pas dans l'argent, là. Si on ne ferait pas de bénévolat extrême, là, je vais vous le dire, là, ça ne marcherait pas. Moi, je connais des présidents de zec, là, qui se dévouent corps et âme, puis des gestionnaires de zecs... Moi, j'en ai un... en tout cas, c'est parce que je ne veux pas revenir. On est porté à donner des exemples chez nous, puis il ne faut pas trop le faire, là.

n (11 h 10) n

Mais j'en ai un, là, qui est là, moi, 50, 60 heures, là, qui est sur le terrain à cause des pluies diluviennes qu'on a eues, puis le programme que vous êtes allés chercher, là, de ponceaux puis de ponts, de réparation de ponts. Il est là de 7 heures le matin... Puis Marc, justement, là, demain matin, il ne sera pas habillé de même, là, il va être habillé avec ses jeans puis son... Il s'en va en forêt aider les gestionnaires de zec, parce qu'ils engagent des contracteurs, puis les contracteurs ne connaissent pas toutes les normes de... le Règlement sur les normes d'intervention, puis comment installer des ponceaux, puis tout ça, là. Ça fait que... Puis souvent les fonctionnaires n'ont pas tout le personnel nécessaire pour aller passer deux puis trois semaines en forêt, là, puis travailler 16 heures par jour, là. Mais, nous autres, ils s'en vont, puis ils couchent dans des camps, puis ils couchent... Souvent, c'est nos gestionnaires bénévoles qui l'invitent à coucher chez eux. C'est de même que ça marche dans les zecs.

Mais il faudrait que vous... il faudrait voir comment que c'est beau, une zec. Puis n'oubliez pas que les gens, au lieu d'aller dépenser leur argent aux États-Unis, bien ils font vivre l'économie québécoise puis l'économie régionale. Regardez, je parlais avec un membre sur un camping. Il vient de changer sa roulotte, il vient de s'acheter son... il vient de changer son pick-up... il vient du Lac-Saint-Jean, là, il vient de changer son pick-up, et puis, ensuite, un beau ponton, puis il y en a d'autres qui arrivent avec des bateaux puis des... le propane, puis... L'argent qui se dépense, bien il est dépensé au Québec. Ça, c'est important. Puis je dois vous dire que, dans la crise économique, on remarque aussi, je ne sais pas si c'est partout pareil, mais, dans notre zec, là, à cause de la crise économique, les gens voyagent moins puis ils profitent plus de leur patrimoine faunique. On est chanceux au Québec d'avoir des beaux territoires, je tiens à vous le dire, on est chanceux, puis c'est pour ça que je travaille pour ça tant.

M. Trottier: Oui. Dans ce sens-là, un des éléments clés de l'accessibilité, c'est le réseau routier. Comment vous voyez ça dans les années futures, là? On sait, là, que, bon, les entreprises autrefois entretenaient les routes et on sait qu'il y a des milliers de kilomètres pour rendre accessibles les territoires forestiers. Comment vous voyez ça? Est-ce que vous êtes optimiste, inquiet, puis quelles solutions vous voyez par rapport à ça? Parce qu'on sait, là, que réparer un petit ponceau, ça monte assez rapidement. C'est quoi, votre vision par rapport à ça?

M. Lefebvre (Pierre): Bon, là, je vais être gentil. Là, vous savez que le gouvernement du Québec a voté sur deux ans, O.K.? 1 million par année pour aider les zecs, mais ça, n'oubliez pas, ça fait à peu près 15 000 $ par zec. C'est 6 millions que ça prendrait au lieu de 1 million, O.K.? Puis ce qui nous aide beaucoup... ce qui nous aide aussi, là, c'est le projet, là, du 30 millions qui a été séparé dans les régions, là, mais ce qui arrive, c'est qu'ils paient seulement les ponceaux, ils paient le matériel, mais ça coûte, avec la règle du pouce, ça coûte aussi cher installer un ponceau que de l'acheter. C'est-u ça, Marc?

M. Hauben (Marc): Oui.

M. Lefebvre (Pierre): Bon. Ça fait qu'à ce moment-là ça devient difficile pour les zecs d'accéder au programme. Mais, pour les ponts, ils paient 80 %, ça fait qu'à ce moment-là on s'est lâchés sur les ponts, et puis, si, l'année prochaine, ce programme-là... c'est une expression, ça, lâcher ses ponts, là, c'est le cas de... et puis, à ce moment-là, ce programme-là, s'ils pourraient réviser son «minding», sa façon d'accéder pour permettre au moins de payer aussi la machinerie puis les... ça nous aiderait beaucoup.

Le Président (M. Ouimet): Allons du côté ministériel. Cette fois-ci donc, M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

M. Bernard: Merci, M. le Président. Bonjour, MM. Lefebvre, Hauben puis D'Amours, merci d'être là. Puis il faut souligner le travail remarquable que vous faites. Les zecs occupent beaucoup de territoire à la grandeur du Québec, et d'avoir une association comme la vôtre qui a pris le temps de venir ici aujourd'hui pour parler de certains de vos enjeux, bien il faut saluer ça. Alors, merci d'être là.

Rouyn-Noranda?Témiscamingue, vous savez peut-être que, moi, j'ai quatre importantes zecs sur mon territoire, au Témiscamingue: Restigo, Dumoine, Kipawa, puis Maganasipi, puis c'est parmi les plus grandes du Québec. Il y a des enjeux. Vous parlez d'harmonisation du territoire, des usages, puis il y a des enjeux beaucoup à cet égard-là. Moi, je ne vous cacherai pas qu'au Témiscamingue il y a certaines problématiques par rapport aux zecs sur ce territoire-là; peut-être vous en avez déjà entendu parler. Et l'harmonisation du territoire est importante. Les tables GIR, que vous soyez présents, vous êtes un... les zecs doivent être là comme beaucoup d'autres utilisateurs, c'est certain. Il y a aussi dans la région des pourvoiries à droits exclusifs, d'autres à droits non exclusifs. Donc, tous ces intervenants-là, c'est clair, doivent être présents autour de la table GIR pour s'assurer que le développement se fasse de manière harmonieuse.

Vos principaux enjeux... là, vous en avez, je vous dirais, ciblé quelques-uns vraiment relativement au projet de loi pour dire des choses, où vous voulez être présents, et autres, mais, quand je regarde, moi, comme je disais... chez nous, au Témiscamingue, entre autres, certaines des zecs, les gestionnaires et dirigeants sont de l'extérieur de la région. Et je ne vous cacherai pas que, quand je regarde... qu'arrivent les enjeux de concertation régionaux, moi, je me demande tout le temps si ces gens-là parlent pour eux ou pour la région, et il y a une problématique à cet égard-là, O.K.? Et, moi, ce que j'aimerais voir, pour vous... les gens en région veulent faire du récréotourisme, et une grande partie du territoire est confinée, et il y a des problèmes d'utilisation du territoire.

Quels sont, selon vous... Là, on fait un virage au niveau du régime forestier. Mais, quand même, pour le développement, les plans de gestion des zecs et l'avenir des zecs pour la cohabitation avec les autochtones, et autres, quels sont les principaux enjeux ou défis que vous n'avez peut-être pas parlé là puis qu'actuellement permettraient aux zecs de prendre une deuxième erre d'aller pour les années à venir?

M. Lefebvre (Pierre): Je vais vous le dire, le problème. Le problème qu'on vit, c'est que, d'une année à l'autre, on ne sait jamais si un programme va être reconduit avec une certaine... Comprenez-vous, là? Ça fait qu'il y a des gestionnaires de zecs qui disent: Tabarouette! ça vaut-u la peine de s'époumoner à essayer de demander de l'aide quand tu sais que, l'année prochaine... Moi, je vous le dis, là, à tous les deux, trois ans, c'est une remise en question, là, O.K.? Bon. Mais, si on avait un montant d'argent récurrent, on pourrait diviser, puis avec un ingénieur forestier puis peut-être une personne pour le développement touristique dans votre région... Puis c'est sûr que vous êtes juste quatre zecs, puis là il faudrait la jumeler peut-être avec Outaouais pour que ça fasse 10 zecs, O.K.? Ou, si le gouvernement a de l'argent, il pourrait payer un ingénieur pour les quatre zecs, bien c'est bien beau. Mais, avec du personnel, je pense qu'ils seraient capables de faire le lien. Mais là il n'y a pas de personnel, puis vous dites: Les gens sont à l'extérieur. Mais ils pourraient engager des ingénieurs de la région qui connaissent les enjeux de la région et qui pourraient régler les problèmes puis faire le lien entre la région et les gestionnaires bénévoles qui sont à l'extérieur.

M. Bernard: Bien, vous mentionnez certains programmes que vous ne savez jamais la pérennité. Y a-t-il des programmes en particulier que vous pourriez déjà cibler, dire: Regardez, tel programme devrait être sur une base de trois, cinq ans...

M. Lefebvre (Pierre): Oui, cinq ans, 10 ans. Le Programme de participation régionale pour aider les ingénieurs... qu'on ait un ingénieur forestier. Nous, là, on a... Chez nous, en Mauricie, j'ai un ingénieur forestier, O.K.? qui travaille avec le PPR. Là, il ne restait quasiment plus d'argent, là. En tout cas, on s'est organisé comme on a pu, puis je n'ai pas fini, là, de m'organiser, il m'en manque encore. O.K.? Et ça, le Programme de participation régionale... et je pense que M. Gibeault le connaît, puis... ce programme-là, hein? Et puis M. Grenier aussi. Ils le connaissent tous. Et puis l'autre programme, bien c'est le volet 2, le volet 2, le Programme de mise en valeur des ressources, lui, il est reconduit plus facilement, il est plus politisé, puis tout ça. Mais je vous le dis, ces deux programmes-là, c'est des pierres angulaires pour nous autres, pour être capables de fonctionner puis répondre à vos besoins. Vous m'avez demandé d'en cibler, là; ces deux-là.

M. Bernard: O.K. Vous en avez parlé, les... Chez nous, justement, avec l'arrêt des travaux forestiers parce que... avec la crise, les chemins multiressources ont été un des enjeux vraiment majeurs à cet égard-là. Pensez-vous que le projet de loi, à cet égard-là ? vous en avez parlé un peu ? va vraiment permettre de stabiliser les grands axes d'accès dans les zecs et autres pour justement, là, continuer le développement ou il faudrait aller plus loin?

M. Lefebvre (Pierre): Il faudrait que les programmes en place le permettent. Mais celui de gestion, mettons, dans les... celui de 1 million, là, ce qui équivaut, pour 63 zecs, à environ 15 000 $ par zec, vous n'allez pas loin avec ça, là. Une couple de coups de grader, puis c'est fait, là; et surtout vos grands territoires, là. Ça fait qu'à ce moment-là c'est au ministère... Le ministère est au courant de tout ça, là, puis je leur fais confiance.

M. Bernard: Vous savez, moi, ce que j'aime du projet de loi actuel... La CRE nous a permis de voir les limites du modèle qu'on avait actuellement. Ça, c'est clair. Que ce soit au niveau des travaux sylvicoles, que ce soit tout au niveau des chemins forestiers et autres, si je prends l'exemple du Témiscamingue, que je connais bien, tout a été paralysé cette année au Témiscamingue parce qu'il n'y avait qu'un seul opérateur en forêt, qui était Tembec, et les autres n'étaient plus là. Donc, tout, tout, tout a été arrêté, et ça a été vraiment, je vous dirais, une crise assez importante qui a touché tous les intervenants du secteur forestier et les zecs. Alors, c'est pour ça que revoir ce modèle-là pour s'assurer que maintenant on ait une vision à l'avenir, autant de votre côté, les zecs, mais après ça pour tout qu'est-ce qui est le travail sylvicole et tous les autres utilisateurs de la forêt, était une nécessité, et c'est pour ça que, moi, ce projet de loi là, j'ai grand espoir qu'effectivement on s'en va vers une nouvelle direction et que tous les utilisateurs de la forêt vont pouvoir en bénéficier.

n (11 h 20) n

M. Lefebvre (Pierre): Moi, je tiens à vous dire, là, que, depuis 1987, on parle de gestion intégrée des ressources, mais on l'a senti, ces dernières années, O.K.? Et puis, là, dans le projet de loi, on le sent plus, on le touche plus. Mais, M. Chevrette l'a dit tout à l'heure, le nerf de la guerre, c'est le bacon. C'est que, pour nous autres, là, on a besoin d'aide au niveau d'avoir des professionnels, parce qu'on a beau travailler bénévolement, nos gestionnaires de zec font beaucoup de terrain, ils font de la gestion... Moi, j'ai un directeur de cégep qui est mon trésorier. Il travaille puis il checke les budgets, puis c'est le volet 2 pour ne pas que ça... On gère ça comme des pères de famille.

Mais, quand tu arrives au niveau de parler avec d'autres ingénieurs forestiers... Moi, j'ai une formation en éducation physique et en chimie industrielle, je n'ai pas une vocation d'ingénieur forestier, mais j'en sais assez maintenant pour me débrouiller, mais grâce à lui, là, O.K.?

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, M. le député. Allons du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. C'est bien évident que, quand on passe par l'enseignement, qu'on s'occupe de nos enfants et de nos jeunes, l'avenir qui les concerne nous préoccupe, alors on s'engage dans des organismes comme vous le faites. Alors, bravo pour ce travail.

Ma question va m'amener à deux volets de votre conclusion, sur les préoccupations que vous listez, la numéro 5 et la numéro 9, c'est-à-dire les programmes: un programme d'appui aux intervenants et la récurrence du Programme de mise en valeur des ressources du milieu. J'aimerais vous entendre sur: Comment vous voyez la valeur ajoutée de programmes qui seraient récurrents d'une année à l'autre, contrairement à un financement ou à l'octroi du programme d'une année... une année par année, au lieu d'avoir un programme avec une perspective de trois ans ou cinq ans? Comment vous voyez la valeur ajoutée? Qu'est-ce que ça vous permet de plus?

M. Lefebvre (Pierre): Bien, la valeur ajoutée, ça nous permet d'avoir de la stabilité de notre personnel. Un ingénieur forestier qui est là depuis 10 ans, puis un qui arrive, parce que tu l'as perdu, parce que tu ne savais pas, puis il s'est trouvé une job ailleurs, ça, c'en est une, O.K.? Puis, deuxièmement, bien les bénévoles peuvent souffler un peu plus, ceux qui s'occupent de l'association régionale. Parce qu'en réalité on rend des services à toutes les zecs, aussi. Il y a même des organismes de l'extérieur, des fois, qui nous demandent des services, O.K.? mais on est des organismes... on est des entreprises d'économie sociale, les zecs. O.K.? Bon. Ça fait que c'est ça, on est voué à la société.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Est-ce que vous y voyez un impact sur la planification de votre travail au fil du temps?

M. Lefebvre (Pierre): Bien, c'est évident, parce que... Si vous ne savez jamais, d'une année à l'autre, comment est-ce que ça va se passer... On vit... Moi, en tout cas, cette année, là, j'ai vécu une grande insécurité quand j'ai vu que le programme n'était pas reconduit. J'ai vécu une grande insécurité, puis pourtant je me donne corps et âme, puis c'est... Je ne veux pas d'argent, moi, ce n'est pas pour moi, là. Ce que je veux, c'est d'avoir une personne... Ce n'est pas pour m'enrichir non plus, là. Je veux avoir une personne qui va aider tous mes gestionnaires de zec à harmoniser leurs activités en forêt. Parce qu'on a entendu assez parler de chicane. Puis regardez ce qui s'est déjà passé sur un certain film; si ces gens s'avaient parlé, il n'y en aurait pas eu, de ça. O.K.?

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci.

Le Président (M. Ouimet): Merci, Mme la députée. M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui, M. le Président. M. Lefebvre, vous dites qu'il faut être convivial, puis je suis bien d'accord avec vous, je pense que c'est... comme on dit, quand on part avec cette approche-là, il y a plus de chances qu'on réussisse à s'entendre que le contraire. Mais j'ai l'impression que votre relation avec la forêt y contribue grandement, le fait que vous soyez, on pourrait dire, en amour avec le territoire. Puis je me demandais par rapport à ça... Puis surtout qu'on dit souvent: Moi, quand je vais dans le bois, c'est pour avoir la sainte paix. On dit ça, on va dans le bois pour avoir la paix. Est-ce que vous connaissez une étude ou des études qui pourraient démontrer l'apport, on pourrait dire, de la forêt récréative sur la santé des Québécois et des Québécoises? Est-ce qu'il y a quelque chose à faire avec ça?

J'ai l'impression qu'il y a pas mal de monde qui vont régler un paquet de leurs problèmes dans le bois, tu sais, ça fait baisser la pression. Quand on arrive dans le bois puis qu'on entend juste les petits ruisseaux, là, puis on entend les petits oiseaux puis un petit craquement de branche, là, tu sais, on est bien loin des problèmes du téléphone puis de toutes ces affaires-là, il me semble qu'il y a quelque chose pour... il me semble qu'il y a quelque chose à ce niveau-là, pour la santé des Québécois et des Québécoises. Je voudrais vous entendre par rapport à ça.

M. Lefebvre (Pierre): Moi, lorsque j'enseignais, là, à un moment donné, je voyais des profs qui pétaient des coches, puis là, à un moment donné, ça arrive, ça... Bien, le directeur, il dit: Écoutez, il y a des journées de congé de maladie; quand tu es fatigué, tu te reposes; quand tu es rendu à péter une coche, repose-toi, prends une journée. Bien, ça n'a pas tombé dans l'oreille d'un sourd, j'en ai pris une couple de temps en temps, je partais le jeudi, je m'en allais à mon camp, je revenais le lundi: Pierre, tu es allé à ton camp ? mes élèves O.K.? Bien, qu'est-ce c'est, je sens-tu l'épinette tant que ça? Non, non, non, tu es plus cool, tu es plus relax. Moi, je vais vous dire, j'en parle avec mes membres chez nous puis les utilisateurs, ils viennent là se ressourcer. Puis ça enlève du poids dans les hôpitaux, ça enlève du poids au travail, le gars est plus relax au travail, avec sa famille. C'est incommensurable, tous les bienfaits de la nature. De toute façon, je ne suis pas obligé... je n'ai pas besoin de vendre ça à tout le monde. Il y en a qui me regardent avec un grand sourire, ils le savent, ils me comprennent. Mais c'est ça que je veux... Moi, je suis un gars qui veut aider les autres, puis je peux encore, même si mon âge avance, puis je vais le faire tant que je vais pouvoir. Mais, je vous le dis, vous misez juste quand vous parlez des bienfaits d'aller se ressourcer en forêt, c'est...

M. Trottier: Je suis parfaitement d'accord avec vous, parce que, comme vous dites, je pense qu'on est beaucoup qui l'avons vécu, qui savons que c'est probablement une des meilleures thérapies, qui ne coûte pas très cher somme toute puis qui finalement est très naturelle, comme on dit. Puis, se rapprocher des éléments naturels, c'est probablement la meilleure façon, on pourrait dire, de redevenir humain. Ça, on l'oublie trop souvent, là, puis... Il y a quelqu'un qui me disait... il avait fait un témoignage. Il y a quelqu'un qui était allé justement dans une zec, puis c'était un pilote d'avion qui voyageait dans les grandes lignes, puis il atterrissait toujours dans les grands aéroports, puis il se demandait si la nature existait encore. Parce que, dans le fond, quand t'es à New York, Tokyo, etc., t'es dans le ciment partout. Puis là il avait dit au gars en partant: Merci d'avoir préservé ça. Parce que dans le fond c'est que c'est là qu'on voit qu'il y a encore de l'espoir, il y a encore de l'avenir. Parce que le contact avec la nature est essentiel, puis on l'oublie trop souvent, puis c'est pour ça qu'il faut préserver les usages, c'est pour ça qu'il faut préserver des beaux paysages.

Puis, dans ce sens-là, je vais me permettre une suggestion. Compte tenu du fait que le budget du ministère de la Santé, qui est le plus gros du Québec, là, on va dire, c'est le plus gros budget, je pense qu'il devrait y avoir un pourcentage du budget du ministère de la Santé qui devrait aller aux zecs, qui devrait faire en sorte qu'on devrait savoir que dans le fond c'est de la prévention, puis qu'on devrait inciter les gens à aller davantage en forêt, puis qu'il devrait y avoir des programmes incitatifs dans ce sens-là, parce que souvent, tu sais, quand le monde viennent fou, là, ils savent plus trop quoi faire, bien, au lieu de s'acheter toutes sortes d'affaires, peut-être qu'ils seraient mieux de se payer une fin de semaine dans le bois, puis finalement faire baisser la pression, psssshh... Je pense que c'est là-dessus qu'on devrait travailler. Tu sais, souvent on cherche des affaires un peu trop loin. Moi, ce que je vous dirais, c'est: Merci pour être le plus grand centre de thérapie québécoise du Québec. Et...

Le Président (M. Ouimet): ...minutes, M. le député.

M. Trottier: Il y a également... Aussi, vous dites, là, que ça prend aussi un mécanisme de conciliation, là, par rapport aux solutions. Moi, je suis parfaitement d'accord avec vous, là, qu'il faut qu'on ait un mécanisme de conciliation ? puis j'aimerais vous entendre par rapport à ça ? pour éviter justement qu'on puisse avoir des dérapages inutiles.

M. Lefebvre (Pierre): Bon. À un moment donné, quand il y a eu le sommet, c'est-à-dire... Quand il y a eu le Sommet sur l'avenir du secteur forestier, on s'est entendus, O.K.? qu'il y avait... Puis les grands chefs des compagnies forestières, de la CIFQ, ont accepté qu'il y ait l'obligation d'entente, O.K.? qu'il y ait une obligation d'entente sur un territoire donné, structuré, bon. Sans droit de veto. Ça, ça veut dire qu'un gestionnaire de zec ne peut pas étirer l'entente jusqu'à temps que t'arrives à l'hiver, puis que le gars n'a pas pu aller faire ses opérations forestières... Oui?

Le Président (M. Ouimet): Je dois vous interrompre parce qu'on est sur le temps de la deuxième opposition, et je dois lui céder la parole. Alors, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

n (11 h 30) n

M. Picard: Merci, M. le Président. Merci pour votre mémoire. Moi, je voudrais aborder le sujet concernant les zones de sylviculture intensive. Vous dites: «Les zones de sylviculture intensive devraient se faire en concertation[...]. Le zonage intensif devrait tenir compte de l'utilisation récréative actuelle de nos territoires, incluant les activités de chasse et de pêche.» Il y a plusieurs inquiétudes sur des projets de sylviculture intensive qui ont été... Plusieurs groupes nous ont indiqué ça. Craignez-vous que l'utilisation récréative de certaines parties des axes... des zecs, excusez, soit modifiée ou... par la sylviculture intensive?

M. Lefebvre (Pierre): Ça, je vais répondre à ça, puis je pense que messieurs les fonctionnaires vont être contents de le savoir, c'est qu'au niveau... Chez nous, en Mauricie, il y a eu le projet Triade, puis il y a eu des zones de sylviculture intensive dans le projet Triade. Puis là ils ont changé ça en zones de production forestière, et ça s'est fait dans la concertation. Ça veut dire qu'ils sont allés où il y avait déjà des investissements forestiers. Puis, les gens, quand ils savent qu'il y a des plantations déjà d'installées, bien ils savent que ça appartient plus aux compagnies forestières. Ça fait que, je le dis dans mon mémoire, exploitez ça, là. Puis, même, le gouvernement adopte, même dans ces zones-là, une approche écosystémique.

Là, ce qui va rester à Mme la ministre, ça va être d'informer le monde: Qu'est-ce qui se passe dans une zone de sylviculture intensive? C'est-u une zone de production forestière ou on fait... Qu'est-ce qui va se faire? Les gens veulent savoir, O.K., puis dans l'écosystémique aussi. C'est sûr qu'il y a des coupes multicohortes, il y a des coupes avec rétention variable, il y a plein... Mais les gens ne le savent pas. Ça fait que ça, ça va être important de sensibiliser les gens dans les zones de sylviculture intensive puis dans les zones, aussi, écosystémiques, c'est qu'est-ce qui se passe là? Quelle sorte de foresterie qui se fait là, O.K.?

Puis, en passant, si vous me permettez, là, M. D'Amours vient de me donner un petit message. N'oubliez pas, là, que, dans les tirages au sort pour les baux de villégiature dans les zecs, là, pour 90 ? j'ai assisté à un, là ? pour 90 terrains, là, dans la région de la Mauricie, il y en avait 1 000 qui étaient là pour le tirage au sort. Ils ont tous payé 25 $. Parce qu'ils veulent aller en forêt. Les gens le savent. Si ce ne serait pas bon pour eux autres, là, les gens n'appliqueraient pas puis ils ne voudraient pas aller... Moi, j'ai des téléphones, j'en ai encore eu un hier, là, chez nous, les gens me posent des questions. C'est ça.

Le Président (M. Ouimet): Il reste un peu moins de une minute.

M. Picard: Rapidement, M. le Président. À l'article 57, vous dites que... Lorsque le rapport est fait par la commission régionale, s'il y a divergence, vous dites: Bien, il pourrait peut-être y avoir un conciliateur qui soit nommé, si la ministre le juge à propos.

M. Lefebvre (Pierre): Ah oui! Oui, je n'avais pas fini tantôt quand... J'étais après répondre, là...

M. Picard: Allez-y.

M. Lefebvre (Pierre): C'est que, là, on discute avec la compagnie forestière. Maintenant, le ministère va être là, O.K.? Puis ça va être peut-être obligation de consensus à la place d'obligation d'entente, mais c'est une obligation d'entente pareil, signée, comme quoi que l'industriel... celui qui va faire les opérations forestières s'engage à respecter l'entente, sans droit de veto. Puis, quand on ne s'entend pas ? il y a des fonctionnaires qui assistent ? quand ça commence à... l'harmonisation, elle commence à être plus serrée, tu sais, si, à chacun, on tire un petit peu sur notre couverte, mais pas tant que ça, là, mais, quand ça commence à être plus serré, les fonctionnaires sont là puis ils sont capables de juger. Et puis je trouve que, chez nous, en région, là, les fonctionnaires rendent justice. Puis ils ont notre confiance. Puis, à un moment donné, il faut arrêter de critiquer, là. Quand le fonctionnaire... Là, ça va être le directeur général, mais en réalité c'est les directeurs d'unité de gestion qui sont là, qui font recommandation au directeur général, et là c'est lui qui tranche, puis, quand il a tranché, c'est fini.

Le Président (M. Ouimet): M. Lefebvre, moi, je dois vous interrompre parce que le temps est épuisé. Je veux vous remercier pour votre participation, votre contribution à nos travaux et votre passion pour le sujet, tel que ça a été mentionné, et remercier M. Aubin, M. D'Amours. Merci à vous deux.

Et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 34)

 

(Reprise à 11 h 36)

Le Président (M. Ouimet): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux, et je demanderais aux représentants de la Conférence régionale des élus de l'Outaouais de bien vouloir prendre place à la table des témoins.

Document déposé

Et, avant de leur céder la parole, je vais officiellement déposer un document, qui nous a été demandé d'être déposé par M. Chevrette et le Conseil de l'industrie forestière du Québec, intitulé Ontario's Forests Ontario's Future. Alors, le document est déposé, il a été distribué aux parlementaires également.

Donc, M. Pierre Rondeau, vous êtes le président de la Commission régionale sur les ressources naturelles et le territoire de l'Outaouais. C'est bien cela?

Conférence régionale
des élus de l'Outaouais (CREO)

M. Rondeau (Pierre): C'est ça.

Le Président (M. Ouimet): Alors, bienvenue aux travaux de cette commission. Auriez-vous la gentillesse de nous présenter les personnes qui vous accompagnent?

M. Rondeau (Pierre): Oui. À ma gauche, M. Charles Blais, le directeur général adjoint de la Conférence régionale des élus de l'Outaouais, puis, à ma droite, M. Pierre Labrecque, notre directeur de la Commission régionale des ressources naturelles et du territoire de l'Outaouais.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, à vous la parole.

M. Rondeau (Pierre): Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mme, MM. les députés, M. le sous-ministre, permettez-moi de vous remercier d'avoir invité la Conférence régionale des élus de l'Outaouais pour discuter avec vous aujourd'hui de la refonte du régime forestier. Nous voilà tous réunis pour finaliser cette vaste entreprise qui touche toute la société québécoise. Je suis persuadé que la vision de Mme la ministre à propos de l'occupation du territoire, son talent et ses grandes qualités de politicienne seront pleinement mis à profit dans cette démarche, mis à profit pour faire adopter ce projet de loi dès cet automne, mais aussi pour assurer sa mise en oeuvre efficiente et tout à la fois respectueuse des organisations, des communautés et des gens qui occupent le territoire forestier québécois.

D'entrée de jeu, disons que l'essentiel du contenu du projet de loi et du document explicatif vont dans le sens des attentes de la région de l'Outaouais. En effet, la CREO a formulé son avis à trois reprises dans le passé: premièrement, lors des consultations sur l'implantation des commissions régionales; deuxièmement, lors du dépôt du livre vert; et enfin en commission parlementaire en octobre 2008. Voici notre quatrième présentation.

Il est satisfaisant de constater que certains éléments majeurs du projet de loi sont déjà en place et fonctionnels dans notre région, notamment nos tables locales de concertation. D'ailleurs, le modèle proposé, dans le projet de loi n° 57, des tables locales de gestion intégrée des ressources et du territoire est très proche de la formule déployée actuellement en Outaouais.

Sur les commissions régionales, la CREO appuie sans réserve la reconnaissance d'un statut légal aux commissions régionales sur les ressources naturelles et du territoire, territoire public, j'entends, à être inséré dans la Loi sur le ministère des Affaires municipales et des Régions. La CREO tient aussi à souligner l'importance que le projet de loi n° 57 accorde aux commissions régionales en leur attribuant la responsabilité de planifier et de mettre en oeuvre dans leur région respective une véritable gestion intégrée des ressources et du territoire par le biais des tables locales.

n (11 h 40) n

La CREO soutient pleinement la proposition visant à mettre en place des tables locales de gestion intégrée des ressources et du territoire et de confier aux commissions régionales le soin de définir la composition, les règles de fonctionnement de ces tables. Il s'agit, à notre avis, d'un des éléments fondateurs de la réforme pour lequel aucun compromis ne devrait être accepté. En effet, les tables locales viennent agir en complémentarité à la table régionale des commissaires. Ce sont des tribunes où interagiront tous les acteurs forestiers, où s'harmoniseront les usages et où s'établiront des consensus sur le terrain.

Un commentaire sur les forêts de proximité. La CREO appuie aussi la volonté gouvernementale de désigner des forêts de proximité dans la gestion à des communautés... confiée à des communautés locales ou à des communautés autochtones. Toutefois, avant de nous prononcer plus encore sur les modalités de mise en oeuvre, nous préférons attendre la future politique que vous rendrez publique en 2010. Ceci étant dit, la CREO tient à être impliquée de près lors de l'élaboration de cette politique.

Disons simplement une chose, M. le Président: Ne réservons pas à ce concept le même sort que celui qu'on a réservé au concept de forêt habitée, à savoir: une consultation nationale, la mobilisation régionale des acteurs, la mise sur pied de projets pilotes, dont notamment le projet de la forêt de l'Aigle, en Outaouais, et enfin l'abandon du concept de la forêt habitée par le gouvernement. On aimerait avoir plus de support.

De plus, les MRC de l'Outaouais gèrent depuis plusieurs années des lots publics intramunicipaux. La future politique sur les forêts de proximité devrait s'inscrire dans la continuité des expériences de gestion des forêts habitées sur les territoires publics intramunicipaux.

Les CRE à travers le Québec. Le projet de loi précise que les CRE joueront un rôle prépondérant à titre de partenaires pour l'adoption des activités gouvernementales aux particularités régionales. Afin d'être conséquent avec les intentions annoncées, la CRE de l'Outaouais estime que la composition actuelle de la table des partenaires devrait être élargie afin d'inclure des représentants des CRE afin de permettre aux CRE d'assumer pleinement leur rôle de partenaire régional privilégié du ministère.

Concernant les aires protégées, la CRE appuie les efforts nationaux visant à atteindre 8 % d'aires protégées au Québec. La CRE de l'Outaouais a d'ailleurs fourni à cet effet un avis régional quant aux propositions qui seraient acceptables pour la région. Nous avons été surpris de lire dans le document explicatif que le nouvel objectif que s'est fixé le gouvernement est d'atteindre 12 % d'ici 2015. Sur la base de quelles analyses d'écart a-t-on fixé ce nouvel objectif? Comment cette cible va-t-elle s'intégrer à notre plan régional de développement... qui sont actuellement en phase d'élaboration? Comment cette nouvelle cible va-t-elle être prise en compte dans toute la démarche des nouveaux calculs de possibilité forestière, qui débute cet automne et qui devrait aboutir dès 2013? Alors, on a du questionnement là-dessus.

La CRE salue cependant l'adoption, d'ici la fin 2010, d'une stratégie nationale d'aménagement durable des forêts qui définira de manière cohérente la vision du développement et de l'aménagement futur des territoires forestiers au Québec. Nous comprenons aussi que la stratégie nationale abordera de manière explicite et complète les enjeux de la forêt feuillue méridionale. Cette stratégie nationale, une fois les consultations faites et le projet adopté, exprimera un consensus essentiel qui conditionnera toutes les actions futures de conservation, de développement et d'aménagement sur le territoire public québécois.

Or, ce qui nous préoccupe actuellement, ce n'est pas le projet de loi ni la volonté de se doter d'une stratégie nationale. Ce qui pose problème, c'est qu'on en a besoin maintenant. En fait, cette stratégie nationale aurait dû être en place depuis plusieurs années déjà. Pourquoi? Bien, c'est parce qu'il s'agit de la pièce maîtresse à partir de laquelle tout l'édifice se tient, c'est à la fois la fondation et le ciment de l'édifice. Le ministère des Ressources naturelles et de la Faune en a besoin maintenant pour désigner, entre autres, les zones de sylviculture intensive et les nouvelles aires protégées, avec l'aide du ministère du Développement durable. Les commissions régionales en ont besoin maintenant pour confectionner leurs plans de développement régional. Le Bureau du Forestier en chef en a besoin maintenant pour alimenter ses calculs de possibilité forestière pour 2013-2018.

Alors, la Conférence régionale des élus de l'Outaouais est très préoccupée par la date butoir de 2013, qui semble être la seule option envisageable. Pourquoi n'est-il pas convenable de mettre en oeuvre le nouveau régime d'occupation du territoire forestier sur un horizon de temps un peu plus long? D'ici 2015, par exemple, et de manière progressive, par région ou groupe de régions. On ne retarde pas tout en 2015, mais on n'est pas obligés de tout faire en même temps. Selon quelle logique est-on tenus de produire tous les calculs de possibilité forestière en même temps partout au Québec, tant en forêt boréale qu'en forêt feuillue? M. le Président, ne vous méprenez pas sur l'urgence d'adopter ce projet de loi n° 57, il y a urgence, mais, en même temps, le projet de loi ne devrait-il pas prévoir le temps nécessaire pour assurer le succès de ce virage historique?

On parle d'approche écosystémique, d'aménagement écosystémique, alors la CRE de l'Outaouais supporte le virage résolu vers un aménagement écosystémique de nos forêts. Du même souffle, on ne peut s'empêcher de souligner la hauteur des défis qu'une région comme la nôtre, principalement composée d'essences feuillues nobles et de pins, devra relever pour assurer la mise en oeuvre de l'aménagement écosystémique. Contrairement à la grande forêt boréale, la forêt feuillue méridionale n'a pas bénéficié d'autant d'attention scientifique au fil des dernières décennies. Pour des écosystèmes aussi complexes que ceux rencontrés dans nos forêts, le niveau actuel des connaissances scientifiques demeure somme toute limité et incomplet. Nulle part ailleurs au Québec ne rencontre-t-on une trentaine d'essences d'arbres, une faune et une flore aussi riches, une variété aussi grande d'utilisateurs, une palette aussi diversifiée de peuplements forestiers qu'en Outaouais.

Pour combler une partie de ces lacunes, la CRE de l'Outaouais a initié et financé, depuis deux ans, plusieurs projets qui viendront apporter un éclairage additionnel pour relever les défis liés à la compréhension et la mise en oeuvre de l'aménagement écosystémique en forêt feuillue méridionale.

Nous profitons de cette commission pour demander à Mme la ministre de bien vouloir considérer la région de l'Outaouais comme région pilote pour la mise en oeuvre d'un projet pilote d'aménagement écosystémique en forêt feuillue méridionale. Il va sans dire que l'Outaouais joue un rôle majeur depuis de nombreuses années dans le développement des connaissances et des expertises en forêt feuillue méridionale au Québec. Depuis une vingtaine d'années, l'Institut québécois d'aménagement de la forêt feuillue, l'IQAFF, produit des résultats de recherche sur ces forêts de feuillus nobles et de pins.

Le 19 juin dernier, les gouvernements fédéral et provincial annonçaient conjointement un investissement de 3,1 millions pour la création de l'Institut des sciences de la forêt feuillue tempérée, l'ISFORT, en collaboration avec l'Université du Québec en Outaouais, l'UQO. Cette institution... cet institut entraînera l'intégration de l'équipe de l'IQAFF au sein de l'UQO et permettra à l'université de disposer d'une infrastructure de recherche de pointe dans le domaine. Puisqu'il existe à ce jour trois projets pilotes d'aménagement écosystémique déjà en marche en forêt boréale et mélangée, il nous apparaît indispensable qu'un projet pilote puisse être financé et se réaliser en forêt feuillue méridionale dans l'Outaouais.

Les garanties d'approvisionnement. La CRE... la CREO Outaouais... la CRE Outaouais appuie la volonté gouvernementale d'instaurer des garanties d'approvisionnement sur une partie des volumes de bois actuellement consentis. En plus de fournir une marge de manoeuvre à la ministre pour octroyer des volumes à d'autres utilisateurs de matière ligneuse, ce changement modifiera pour le mieux la dynamique actuelle de planification tactique et opérationnelle en redéfinissant les rôles et responsabilités des industriels forestiers.

Le ministère s'octroie beaucoup de nouvelles responsabilités, puis la Conférence régionale des élus de l'Outaouais supporte le recentrage du ministère sur sa mission première qui est d'être le grand fiduciaire des ressources naturelles du territoire public. La CRE Outaouais appuie sans réserve le transfert en région d'une part importante des responsabilités du ministère vers les directions générales régionales. Le projet de loi prévoit que les directions régionales auront désormais la responsabilité de l'ensemble de la planification de l'aménagement forestier, de la réalisation des interventions en forêt et des suivis de contrôle. Ça va... ? puis on va essayer de résumer parce qu'on m'a fait signe, un gros deux minutes ? ça va demander des effectifs supplémentaires, des spécialités supplémentaires que les directions régionales... les directions générales en région n'ont pas actuellement. Ça va demander du personnel supplémentaire.

n (11 h 50) n

On fait appel... dans le projet de loi, on peut faire appel à des spécialistes. On nous dit là-dedans... Des avis particuliers au niveau du ministère, ça doit se faire par des spécialistes indépendants et non par des gens liés par contrat avec le gouvernement, exemple, des détenteurs de droits. Les détenteurs de droits, leur rôle, et leur place, est à la table locale de gestion intégrée de la ressource et du territoire. Les détenteurs de droits doivent être à cette table-là pour justement justifier leur présence, justifier leurs interventions, justifier leurs besoins. C'est à ces tables-là que ça doit se jouer et non au niveau des portes arrière du gouvernement. Si le gouvernement et les bureaux régionaux du ministère ont besoin des spécialistes, il y a des spécialistes indépendants en biologie, en ingénierie forestière, ou etc., qui peuvent subvenir à leurs besoins.

Le Président (M. Ouimet): M. Rondeau, je vous inviterais à nous livrer votre conclusion maintenant.

M. Rondeau (Pierre): Oui. L'autre chose aussi, on a le problème... puis vous l'avez dans le texte, on a le problème du Conseil du trésor, qui, on espère, pourra être passé dans une loi aussi fondamentale pour les régions forestières. Entre autres, aussi, il faudrait assurer les CRE d'un financement adéquat, récurrent et indexé pour assurer le bon fonctionnement des CRE et aussi le financement des tables locales.

Alors, en conclusion ? il me reste une minute ? il va sans dire que la mise en place de notre commission régionale a créé une très grande complémentarité et complicité avec les directions générales régionales. La CRE Outaouais considère de manière très positive cette collaboration et cette confiance réciproques qui se bâtissent au fur et à mesure de la pratique. Nous y voyons là aussi la clé du succès de ce virage historique en Outaouais.

En terminant, M. le Président, membres de la commission, nous avons entendu dans les médias qu'il avait été vaguement question de reporter au-delà de décembre 2009 l'adoption du projet de loi. Permettez-moi de vous dire qu'il s'agirait d'une grave erreur qui aurait pour effet de nous enfoncer encore davantage dans l'incertitude et susciter un désengagement des acteurs. Le temps est venu, je crois, et nous croyons, en Outaouais: soyons responsables et n'ayons pas peur d'aller de l'avant et de bâtir le Québec forestier de demain pour le plus grand bénéfice des générations futures.

Excusez le temps. Puis on en aurait encore bien, bien, bien à dire, mais merci de votre écoute, puis on est disponibles pour des éclaircissements.

Le Président (M. Ouimet): Merci à vous, M. Rondeau. Et on aura du temps également à partager avec vous pendant la période d'échange. Donc, Mme la ministre, à vous la parole.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Alors, M. Rondeau, bienvenue. Vous me permettrez de saluer les gens qui vous accompagnent: M. Blais, M. Labrecque, qui est l'ancien président de l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec, hein, alors...

M. Labrecque (Pierre): ...quelques défauts.

Mme Normandeau: Quelques défauts. C'est vous qui le dites. Alors, merci d'être là. On a avec nous, dans les collègues du côté ministériel, l'ancien président de la CRE de l'Outaouais, notre nouveau collègue de Chapleau, alors, qui a assumé une fonction très importante, qui a assumé beaucoup de leadership sur les questions forestières, entre autres, parce que...

M. Rondeau (Pierre): Ça a été le premier président de la commission.

Mme Normandeau: Exact, c'est ça. Fantastique! Alors, il aura sûrement quelques questions pour vous. Mais, en attendant, vous saluerez votre présidente actuelle, Mme Lalande, Paulette, qu'on connaît tous évidemment, notre chère Paulette. Alors, vous lui transmettez nos salutations.

Écoutez, c'est intéressant parce que votre mémoire apporte certains éléments qu'on n'a pas encore entendus. Et je souhaiterais peut-être vous faire parler un petit peu plus sur certaines choses. Mais, avant, je tenterai de vous rassurer sur la stratégie d'aménagement durable des forêts: elle est en préparation actuellement, elle est avancée. On va bien sûr la faire, la rendre publique et s'assurer aussi que tous nos partenaires qui sont concernés, là, soient confortables avec le contenu de la stratégie. On a bien entendu votre appel, une espèce d'appel à l'urgence, là, qu'on puisse procéder à son adoption le plus rapidement possible pour vous permettre de vous préparer.

L'autre élément sur lequel je souhaite vous rassurer, vous avez référé aux garanties d'approvisionnement... Parce que, de façon générale, tout comme vos collègues des conférences régionales des élus, vous êtes très réceptifs et très positifs quant aux éléments contenus dans le régime forestier. Vous avez d'ailleurs une expérience pratique, terrain, là, qui vous permet de tenir un discours extrêmement crédible et très, très constructif pour qu'on puisse voir comment on peut mieux enrichir et amender le projet de loi puis le bonifier.

Sur les garanties d'approvisionnement, je prends le soin de faire le point parce que, ce matin, on a accueilli le CIFQ et on s'interrogeait sur le lien juridique qui pourrait exister quant à la garantie d'approvisionnement. L'article se retrouve à la... En fait, la dimension juridique se retrouve à l'article 333 du projet de loi. Alors, tous les bénéficiaires de contrats d'aménagement et d'approvisionnement forestier vont se voir offrir une garantie d'approvisionnement. Alors, ça confère un caractère plus formel, là, aux liens qui vont venir... qui vont nous unir aux industriels, aux bénéficiaires de garanties d'approvisionnement.

Par contre, là où je souhaite vous entendre, c'est le fait de ne pas associer d'experts pour supporter ou accompagner la ministre. On a reçu l'association des consultants forestiers qui sont venus nous dire exactement le contraire. Eux, ils ne trouvaient pas leur compte dans le projet de loi actuel, tel qu'il est rédigé. Ils souhaitaient qu'on puisse être encore plus précis.

Également vous entendre sur le délai que vous proposez. Parce que la date de 2013, ce n'est pas une date qu'on a improvisée. Là vont entrer en vigueur les nouveaux PGAF, les nouveaux plans généraux d'aménagement forestier. Donc, on a voulu assurer une certaine adéquation entre l'entrée en vigueur des nouveaux plans généraux d'aménagement forestier et la mise en oeuvre du nouveau régime forestier. Alors, vous êtes la première CRE, le premier groupe qui nous dit: Attention, MM., Mmes les parlementaires, là, vous avez peut-être un problème... on a peut-être un problème avec la date de 2013. Là-dessus, on souhaite vous entendre un petit peu plus.

Le Président (M. Ouimet): M. Rondeau.

M. Rondeau (Pierre): La date de 2013... On a le don, au Québec, quand on fait des réformes, c'est «at large», tout le monde pareil. Je suis dans le monde municipal, on parle, je ne sais pas, moi, de la gestion des matières résiduelles ou les plans de protection contre les incendies, c'est tout à la même date puis tout le monde en même temps. On essaie de se trouver des spécialistes là-dedans, puis ça coûte deux fois le prix parce qu'hier il n'y avait pas d'ouvrage, puis, pour les deux prochaines années, ils sont «bookés» par-dessus la tête.

Alors, la date de 2013, le Québec est grand, puis il y a des régions administratives différentes, puis on n'a pas les mêmes essences d'une région à l'autre. Pour nous, en tout cas, de tout mettre en oeuvre en 2013, tant mieux si on peut, tant mieux si on peut. Je trouve ça cependant de voir très grand, là, parce que c'est un échéancier très court dans la forêt, les trois ou quatre prochaines années. Ça ne dérangerait pas nécessairement la mise en oeuvre puis la crédibilité de la loi de dire, bon, bien, que ça se fait sur deux ans ou trois ans, que telle et telle région est prête, puis on le fait, puis telle autre, ça va être 2014, puis les autres, 2015. Je ne vois pas tellement de problème à décaler de un an ou deux certaines régions du Québec pour être sûr que la mise en place dans chacune des régions se fasse allègrement et puis dans un consensus.

Mme Normandeau: La mise en place de projets pilotes avant la mise en oeuvre du nouveau régime, ça ne vous sécurise pas, ça, par rapport aux inquiétudes que vous exprimez?

M. Rondeau (Pierre): Non, ça ne dérange pas, puis c'est sûr que ça va alimenter le débat, puis ça va nous aider à la mise en place des nouvelles structures en région. Mais ce qu'on dit, c'est: Pourquoi le Forestier en chef doit faire le calcul de la possibilité forestière sur l'ensemble du Québec à une date donnée? Est-ce que ça peut se faire par région puis être alloué à des moments différents par région? C'est un peu ça. C'est juste la pression du temps, de l'échéancier très court pour l'ensemble de la foresterie québécoise.

Mme Normandeau: Je vois que vos collègues acquiescent, donc ils sont d'accord, bien sûr, avec votre argumentaire, à moins que M. Labrecque et M. Blais aient autre chose à ajouter. Mais il y a la question des experts, aussi, sur laquelle je souhaiterais que vous puissiez revenir.

M. Labrecque (Pierre): Oui. Simplement, sur le calendrier des réalisations, en fait ce qui est... ce que, nous, on considère comme étant un échéancier très serré est véritablement ce qu'on vit actuellement. On le vit au niveau de notre commission régionale, on va le vivre au niveau des UAF. L'implantation des tables GIR, on a reçu un guide tout récemment pour les mettre en place, avant même que la loi soit adoptée. Alors, on est vraiment précipités dans le feu de l'action.

Ce qu'on dit, c'est qu'au niveau du calcul de possibilité forestière et des stratégies d'aménagement qui vont découler on n'a même pas notre stratégie nationale encore, d'aménagement forestier durable. Donc, on risque de travailler beaucoup en essai-erreur, retour en arrière, on efface, on recommence, alors qu'on pourrait y aller de façon plus progressive dans des régions où, par ailleurs... À titre d'exemple, dans l'Outaouais, l'attribution annuelle qui est donnée aux bénéficiaires de CAAF n'est même pas récoltée à hauteur de 40 % depuis de nombreuses années.

Donc, qu'est-ce que ça impliquerait techniquement pour un bénéficiaire de CAAF ou un futur détenteur de garantie de reporter une stratégie d'aménagement de un an ou deux, qui est celle actuellement en vigueur, de un an ou deux, puis de permettre d'enlever de la pression au niveau du Forestier en chef et de son équipe pour être capables de réaliser les calculs en conformité puis d'une façon beaucoup plus en symbiose avec les commissions régionales? C'est simplement ce qu'on dit: Pourquoi se précipiter absolument, alors qu'on pourrait faire les choses sans nécessairement mettre en péril ni la mise en oeuvre du régime ni non plus une certaine sécurité au niveau des stratégies d'aménagement? Puis de donner aux ressources humaines, qui sont quand même limitées, le temps de faire bien le travail, au lieu de se précipiter puis de dire: Bon, bien, on a fait le mieux qu'on a pu dans 18 mois de délai.

n (12 heures) n

Sur les experts forestiers, si vous me permettez, ce qu'on dit dans le document, dans notre mémoire, c'est que les experts forestiers, tout experts forestiers qu'ils sont, qu'ils soient forestiers ou qu'ils soient fauniques, s'ils sont partie prenante, c'est-à-dire s'ils travaillent pour une partie prenante, comme M. Rondeau l'a dit tout à l'heure, leur place est au sein des tables GIR. C'est au sein des tables GIR que ces organismes-là, ces parties prenantes là, avec leurs experts respectifs, vont avoir à interagir entre eux et convenir, harmoniser les usages. Ce qu'on dit, c'est que, si le ministère qui est responsable de la planification tactique et opérationnelle a besoin d'un éclairage supplémentaire, qu'il aille le chercher, qu'il aille chez les consultants, qu'il aille dans des instituts de recherche chercher ces experts-là, peu importe, mais il ira chercher des gens qui sont neutres.

À partir du moment où on représente une partie prenante, nous, ce qu'on dit: Assoyez-vous à la table GIR, c'est votre place. Décidez entre vous, convenez de consensus entre vous, et le ministère tranchera au besoin par des mécanismes de règlement des litiges. Mais ne créons pas une boucle un peu obscure, une porte cachée derrière un rideau par lequel rentreront certains experts qui viendront en fait un peu... peut-être pas défaire, mais contrebalancer en fait l'exercice de consensus qu'on va tenter de réaliser au sein des tables GIR. Partie prenante: tables GIR. Experts neutres: toute la place vous est dévolue, le ministère peut abuser de vous, s'il le veut. Mais gardons les choses bien séparées, et ça va donner de la crédibilité au système.

M. Rondeau (Pierre): Puis juste pour rajouter là-dessus, si vous permettez...

Le Président (M. Ouimet): Rapidement, oui.

M. Rondeau (Pierre): ...dans nos tables GIR, nos tables locales, et puis dans la rédaction du projet de loi n° 57, on parle d'approche écosystémique. On ne parle plus seulement de matière ligneuse, on ne parle plus d'une forêt à matière ligneuse seulement où il y a une prédominance. Puis, loin de tasser les industriels forestiers, ils ont leur place là-dedans, mais ils deviennent une partie parmi tant d'autres. Puis c'est à la table locale que les discussions vont se passer, puis c'est de là qu'on va soutirer notre plan régional de développement. Alors, tout le monde à la même table, mais pas d'interférence indue là-dedans. C'est un peu ça quand on prend l'approche écosystémique: pour nous, tous les intervenants sont égaux.

Le Président (M. Ouimet): Très bien. Merci. Allons du côté de l'opposition officielle. M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui. Merci, M. le Président. Je vous remercie beaucoup pour l'apport que vous nous apportez. Parce que dans le fond vous avez une réalité qui est très différente du restant du Québec, vous avez la chance d'avoir un climat qui est plus tempéré, un sol peut-être qui est aussi accommodant. Je suis certain qu'il y a beaucoup de gens qui vous envient d'avoir la diversité... Moi, je suis plutôt dans les épinettes noires, là, dans mon secteur, disons que la diversité est un petit peu moins grande.

Et finalement c'est que c'est important justement qu'on ait des approches différentes pour des territoires différents, parce que, sinon, vous l'avez dit tout à l'heure un peu, là, le mur-à-mur, pas évident que c'est avec ça qu'on va développer le mieux le Québec. Parce que dans le fond le Québec va être mieux servi en ayant des approches qu'on... certains, la semaine dernière, disaient asymétriques ou, en tout cas... ou différentes, autant en termes de délais qu'autant en termes de décisions. Parce que dans le fond c'est qu'en voulant mettre du mur-à-mur partout on va faire une sauce qui ne sera pas très bonne pour tout le monde.

Vous avez... Vous dites, entre autres, que le revenu disponible est inférieur, quand même, d'une manière importante en Outaouais. Est-ce que vous pourriez dire quelques mots par rapport à ça?

M. Rondeau (Pierre): Bien, il faut dire que, dans l'Outaouais, il y a quatre MRC, là: Pontiac, Vallée-de-la-Gatineau, Papineau et des Collines. Deux de ces quatre MRC là sont dans les 10... ou maintenant dans les 20 plus pauvres au Québec, dans le revenu familial moyen. Vallée-de-la-Gatineau et Pontiac dépendent beaucoup de l'industrie forestière. Pontiac, entre autres, là, il n'y a plus une usine qui marche puis c'est fermé complètement. Vallée-de-la-Gatineau, on a la chance, là, d'avoir encore un peu d'industriels. Alors, c'est des municipalités... On a... Mme la ministre connaît bien ça, on a notre Gaspésie en Outaouais, avec les revenus moyens à peu près comparables à ceux de la Gaspésie, avec un 60 000 de population en arrière-pays, qui équivaut à peu près à cette population-là, qui dépend essentiellement des ressources. Alors, on a deux Outaouais: on a le sud et puis la MRC des Collines, que M. Carrière connaît très bien, où ils ont l'apport et du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial, puis on a l'arrière-pays, les trois MRC, où on se compare beaucoup à la Gaspésie au niveau du revenu familial moyen, puis au niveau du taux de chômage, puis au niveau du non-emploi. Alors, c'est un peu là, là, qu'on a une économie déficiente.

M. Trottier: À cet effet, bon, vous dites que, là, beaucoup d'usines sont fermées. Comment vous entrevoyez les prochains mois? Puis c'est quoi, les solutions pour, je dirais, remettre des gens à l'ouvrage dans votre... dans vos MRC?

M. Rondeau (Pierre): Il y a des projets dans les «casings» de chacune... corporation des développements dans l'ensemble des MRC. Il y a toujours des projets en gestation. Le gros problème, c'est souvent les promoteurs. Il y en a qui se signifient à l'heure actuelle, mais c'est tellement timide à cause de la récession, à cause de la crise forestière, la récession, la crise financière. On a trois crises en même temps, là, qui nous grugent. Alors, il faut être conscients, les promoteurs sont plus tempérés là-dedans. Et puis les banques aussi, les banques sont très, très frileuses au niveau des emprunts. Alors, on a un manque de promoteurs, de promoteurs sérieux dans cette démarche-là. C'est un problème majeur.

Dans l'avenir... dans l'avenir, on a... Avec la fermeture des papetières, on a un paquet de bois sans preneurs. Toute la pâte feuillus, à l'heure actuelle, on n'a plus de preneur dans l'Outaouais. Il faut faire attention, il nous reste deux papetières. Alors, la pâte de SEPM, est-ce qu'elle va tomber aussi? C'est sûr qu'on ne retournera pas en forêt si nos usines de papier ou de pâte ferment, les deux qu'il reste. On n'a plus de preneur pour la pâte feuillus à l'heure actuelle. C'est un gros volume dans l'Outaouais.

Alors, comment on entrevoit? J'en parlais justement dans une autre rencontre: il va falloir axer, mais axer intensément la recherche et le développement. Les industriels n'ont pas les moyens d'aller là-dedans. On est en dehors du cadre de la loi, mais c'est peut-être dans la crise économique à l'heure actuelle... Il va falloir que quelqu'un prenne en main la recherche et le développement. Il y a simplement 15 ans, le peuplier, on tranchait ça puis on laissait ça tomber à terre: personne ne le prenait. Bon, bien, aujourd'hui, c'est 300 emplois à peu près chez nous, l'usine de panneaux, par l'utilisation du peuplier. C'est de la recherche et développement qui va nous permettre l'utilisation de notre pâte feuillus, de nos copeaux de feuillus, de nos copeaux ? espérons ? SEPM dans les meilleurs délais. Mais l'avenir est très, très incertain puis sombre pour notre communauté en Outaouais rural.

M. Trottier: Mais je pense que, quand on veut se donner un nouveau régime forestier, il faut justement avoir une approche, avoir une vision d'avenir puis qui va faire en sorte qu'on va être capables de trouver des nouveaux produits. Je pense, vous êtes en plein dans le thème, là.

Vous mentionnez que vous avez 33 % des volumes disponibles de bois feuillus et 41 % en pin blanc. C'est quoi, l'état de ces forêts-là? Est-ce que... très bonne? Bonne? Est-ce que... C'est quoi, l'état actuel de ces forêts-là?

M. Rondeau (Pierre): Bien, l'état est dégradé, là. Dans le pin blanc, on a eu des coupes d'approvisionnement de près de 60 % puis de 30 %, 35 % de diminution de possibilité forestière en forêt feuillue. Alors, l'état de la forêt, là, je peux demander à l'ingénieur forestier, mais, oui, c'est dégradé, puis la qualité des bois n'est plus nécessairement là. Ça fait en sorte que les industriels forestiers se plaignent et de la qualité des bois, et de la distance à parcourir, et du coût d'approvisionnement. C'est en progression constante depuis les 10 dernières années ou à peu près.

Alors, je ne sais pas si Pierre a quelque chose à rajouter là-dessus?

M. Labrecque (Pierre): Je peux peut-être rajouter rapidement qu'effectivement, comme M. Rondeau l'a dit, c'est le plus gros défi auquel on va faire face, c'est les bois de trituration feuillus, qui conditionnent toute la chaîne d'aménagement, puis, par le fait même, nos industriels forestiers, qui sont tous intégrés l'un avec l'autre. Donc, si un tombe, c'est toute la chaîne qui tombe au complet. Et actuellement on a perdu une usine de pâte, il y en a une qui est fermée pour une période indéterminée. Il nous en reste une. Pour combien de temps? On se le demande. Donc...

Et on vit actuellement une crise assez aiguë, en plus de toutes celles que M. Chevrette a énoncées ce matin, une crise qui est propre à l'Outaouais, qui est celle des bois sans preneur, pour lesquels on n'a pas vraiment de vraie solution. On a des solutions à court terme, mais, à moyen et long terme, c'est des nouveaux marchés que l'on doit trouver pour ces débouchés-là, des marchés à valeur ajoutée. Si on n'a pas ça, on va être devant un cul-de-sac au niveau de l'aménagement, on ne pourra plus aménager les forêts dans l'Outaouais. C'est clair.

M. Trottier: Au niveau de l'institut qui va être créé, est-ce que vous pensez que l'institut va être... je ne dirais pas suffisant, mais quel... Qu'est-ce qui va vous manquer, en dehors de ça, pour être capables justement de trouver des nouvelles vocations puis d'améliorer la productivité forestière?

n (12 h 10) n

M. Rondeau (Pierre): Bien, l'institut qui est créé à l'heure actuelle... Puis, l'apport du fédéral et du provincial, c'est de l'équipement. On devra faire de la recherche, puis de la recherche intensive de développement puis de transformation. Je l'ai dit tantôt, la recherche et le développement est peut-être la pierre angulaire de notre continuité comme région ressource, parce que, sans ça, on ne passera pas à travers. Tous nos bois sont preneurs. Nos industriels, avec de nouvelles façons de faire ou de nouveaux matériaux à produire, je pense que c'est là qu'est le secret. Je ne suis pas sûr qu'on va faire encore de la pâte et du papier et du deux-par-quatre dans les 10 prochaines années. Mais notre bois est là, puis c'est une économie locale qu'on doit assurer. La recherche et le développement, si le gouvernement du Québec veut s'impliquer dans les régions, je pense que c'est une belle opération d'avenir.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Allons... Voulez-vous ajouter autre chose?

M. Labrecque (Pierre): Oui, peut-être.

Le Président (M. Ouimet): Oui, allez-y.

M. Labrecque (Pierre): Je vous parlais du dossier des bois sans preneur, qui est en pleine crise actuellement dans l'Outaouais. Ce qui a été fait... Et puis ça va dans le sens peut-être du nouveau projet de loi, de la nouvelle relation de gouvernance régionale. On nous a demandé, à la commission des ressources naturelles et du territoire, de donner un avis sur une proposition de modalités pour entrer en forêt, pour que l'industrie puisse entrer en forêt cet été et cet hiver.

Donc, la commission a reçu la proposition du ministère et elle a dit en fait: Oui, on est d'accord. Ça a été difficile, cette discussion-là, mais en bout de ligne on a dit: Oui, on est d'accord, mais il faut faire deux choses: il faut désormais que les industriels forestiers reviennent à la commission des ressources naturelles faire état de leur avancée, de leurs travaux durant la saison, O.K., pour s'assurer que les objectifs que l'on avait en disant: Oui, allez-y, avec des modalités exceptionnelles, ce soit suivi et qu'il y ait des résultats tangibles.

La deuxième chose qu'on a faite, on a mis sur pied un comité spécial à haut niveau au niveau de la direction régionale, en fait piloté par la direction régionale du ministère en Outaouais, avec les autres D.G. des ministères concernés. Pour faire quoi? Pour trouver des marchés, des débouchés de façon concrète, là, tout de suite, demain matin, aller trouver des investisseurs pour les amener sur ces projets-là de valeur ajoutée sur les bois de dossier... les bois sans preneur. Donc, la région agit de concert avec la direction régionale, et ça va dans le sens de la nouvelle gouvernance et de ce que vous souhaitez. On est déjà un peu en train de faire nos armes là-dessus.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. le député. Retournons du côté ministériel, et je cède la parole à M. le député de Chapleau, qui est lui-même un ancien président de la CRE, tel que la ministre le mentionnait. M. le député.

M. Carrière: Oui, effectivement. Effectivement. Merci, M. le Président. Oui, effectivement, comme le disait Mme la ministre, j'ai eu la chance de présider la conférence régionale des élus et également la commission des ressources naturelles.

Je vous remercie pour le mémoire que vous présentez ce matin, je vois le professionnalisme et la qualité encore une fois. En préambule de votre ministère... de votre mémoire, pardon, vous parlez de savoir et de savoir-faire. Vous avez parlé d'être un projet pilote ? ça, je pense que, Mme la ministre, ce n'est pas la première fois qu'elle a... elle m'a déjà entendu à l'époque où j'étais président de CRE ? au niveau de l'aménagement écosystémique en forêt feuillue. J'aimerais ça si vous pourriez élaborer. Puis c'est quoi, le lien qui serait fait avec l'IQAFF, l'ISFORT là-dessus? Tu sais, un petit peu peut-être résumer les besoins tangibles, là.

M. Labrecque (Pierre): Bien, comme on l'a dit tout à l'heure dans l'allocution, les connaissances au niveau de la forêt feuillue méridionale sont extrêmement limitées au Québec, donc on a tout à apprendre, beaucoup de choses à apprendre. Bien qu'il y ait des guides excellents qui ont été produits par le ministère tout récemment pour nous aider à identifier les enjeux écologiques, il reste encore beaucoup de travail à faire, O.K.? Donc, ce qu'on dit, c'est qu'au niveau théorique on avance; au niveau pratique, mise en oeuvre, on n'a rien de fait à ce moment-ci au Québec.

Donc, on doit absolument, et c'est l'objectif que l'on vise, déposer, d'ici janvier, au ministère une proposition de projet concret sur une UAF dans l'Outaouais, sur laquelle on va être capables de mettre en oeuvre tout de suite cette démarche d'aménagement écosystémique, O.K.? Donc, c'est un peu le projet que l'on «envisionne» pour l'année 2010, et déjà, tout de suite en 2010, partir, aller de l'avant avec notre table GIR, notre projet d'aménagement écosystémique, notre territoire pilote, et puis être prêts, en tout cas un peu plus prêts, pour 2013, pour véritablement ouvrir, je dirais, le système et joindre les autres UAF dans l'Outaouais sur cette même démarche là.

M. Carrière: O.K. Ça m'amène un petit peu à vous demander... Je ne vois pas dans le mémoire, puis on en parlait dans les mémoires précédents, toute la question du projet de mandataire unique. Est-ce qu'il a été mis de côté volontairement? C'est quoi, le... Ou est-ce que c'est en lien avec...

M. Labrecque (Pierre): Bien, le projet de mandataire unique, c'est une initiative qui, je dirais, avait sa place dans l'ancien régime, si vous voulez. Dans le nouveau régime, avec les tables GIR, ça prend une autre couleur, ça prend une autre dimension, O.K.? On va avoir une table où vont siéger toutes les parties prenantes. Donc, la nécessité d'avoir ce mandataire unique là n'est pas la même, et le projet de loi nous donne la flexibilité, si en région on décide d'aller de l'avant, de s'identifier à un organisme mandataire qui pourrait ultimement réaliser la planification tactique ou opérationnelle, si le ministère décidait de la déléguer. Donc, pour nous, la place est là, on peut y revenir si on souhaite y revenir. Mais, pour l'instant, on n'en ressent pas le besoin, de réaffirmer ce besoin-là de manière plus... je dirais, plus forte.

M. Rondeau (Pierre): Juste pour rajouter là-dessus, M. Carrière. Le mandataire unique était comme admis sous l'ancien régime forestier, on parle de 2013 puis on parle... On a eu un exemple de carré de sable ce matin. Moi, je dirais plus que notre forêt doit devenir un jardin, puis c'est un jardin qu'on doit cultiver, puis l'ensemble, l'ensemble des détenteurs de droits doivent cultiver leurs ressources. Ce n'est pas juste une place où on va aller chercher de la matière ligneuse, puis, après ça, les autres, occupez-vous de la balance, c'est l'ensemble du jardin que l'ensemble des intervenants doivent cultiver, puis ça, ça va se faire à notre table GIR locale.

M. Carrière: O.K. Un petit peu pour poursuivre, là, vous avez, à la page 15, là, du mémoire, pages 15 et 16, une réserve, là, sur est-ce que les professionnels des détenteurs de... Vous en avez parlé un petit peu tantôt, là. Deux questions. Premièrement, c'est quoi, la réserve? Tu sais, peut-être nous l'expliquer un peu plus. Puis, deux, qu'est-ce que nos industriels, je dis bien nos industriels, ajoutent là-dessus, ou en tout cas qu'est-ce qui... Est-ce qu'on ne dédouble pas le travail de cette façon-là en... Parce que je veux juste...

M. Rondeau (Pierre): Bien, c'est... Pour nous, c'est essentiel que les tables GIR aient toute la latitude de fonctionnement et d'input pour transmettre à la commission régionale. Si le ministère va chercher des... on ne parle pas juste d'industriels, mais des détenteurs de droits particuliers pour les conseiller, on vient de biaiser la démarche. C'est ce qu'on vit depuis 25 ans, hein? Le devis, l'inventaire, la planification, l'exploitation et puis la certification étaient faits à peu près par les mêmes personnes, les mêmes individus, puis de temps en temps le ministère allait vérifier, puis on s'apercevait de certaines lacunes. Alors, c'est dangereux de retomber dans ce pattern-là.

Puis on dit: L'ensemble des intervenants doit être assis à la même table pour donner leur input à la commission régionale pour la rédaction du plan. Ceux qui sont à la table GIR ne devraient pas être des conseillers, des aviseurs par la porte en arrière. C'est... En résumé...

M. Carrière: Je vais juste revenir aussi, là, à toute la question de la... vous en avez parlé, là, toute la question de transfert de responsabilités en région, régionalisation. Ça fait longtemps que l'Outaouais... Premièrement, on a une forêt qui est différente, là, très différente de ce que... Mon collègue disait tantôt... Chez lui, c'est plus de l'épinette noire, chez nous, on a une trentaine d'essences qui peuvent être dites commerciales. Puis, vous avez déjà commencé des démarches avec une direction régionale. C'est quoi, votre vision par rapport à... les tâches ou les mandats que la CRE, la commission, les tables GIR pourraient prendre, que vous n'avez pas actuellement?

M. Rondeau (Pierre): Bien, actuellement, on est une table de consultation très, très près de la direction régionale. Dans la loi, on vient de légaliser la commission régionale, on vient de légaliser nos tables GIR, alors on a des mandats très, très précis pour la préparation de notre plan de développement intégré des ressources et du territoire. Alors, on devient légal, là, on n'est pas juste en tentative d'être consultés puis de conseiller, là, on devient une vraie table légale pour la préparation de notre plan. Je pense, c'est un plus qu'on donne aux régions, c'est un plus qu'on donne à nos sous-régions, parce que, chez nous, on veut travailler par unité d'aménagement.

C'est sûr que, dans nos règlements généraux de la commission, au départ, il y avait une volonté claire, nette et précise de l'ensemble des MRC... qu'on devrait avoir nos tables GIR fonctionnelles partout. Ça fonctionne dans 75 % des cas; ça va bien. Alors, cette légalisation de ce mandat-là, je pense que ça vient renforcer les commissions régionales. Puis c'est... Je pense que les commissions régionales ont prouvé qu'ils pouvaient l'assumer.

La concertation avec les directions générales du ministère en région, je pense que ça aussi, c'est un élément essentiel. La bonne concertation, la bonne communication entre les deux organismes, je pense que ça, c'est un élément essentiel à la réussite de la démarche qu'on fait actuellement.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. le député. Nous allons aller du côté de l'opposition officielle. M. le député de Roberval.

n (12 h 20) n

M. Trottier: Oui, M. le Président. Vous faites partie des groupes qui s'inquiètent sur la question du financement, dans le fond, combien ça va coûter, qui va payer. Quelles sont vos principales inquiétudes par rapport au financement?

M. Rondeau (Pierre): Bien, ça, on a passé tout droit parce que ça allait trop vite, là, puis j'ai manqué de temps, mais je suis content que vous en fassiez mention. L'ensemble de la planification du plan quinquennal et des plans annuels était fait, depuis la venue des CAF, 1985, 1987, là, par les industriels forestiers. On estime, bon an, mal an, ou dans l'ensemble, là... Puis il n'y a pas de chiffres précis là-dedans, mais c'est peut-être 3 $, 3,50 $ à 5 $ du mètre cube qui était consacré à la planification, et aux plans quinquennaux, et aux plans annuels, puis le suivi de ça. Actuellement, c'est le ministère qui prend ça en charge. Ce qu'on dit là-dedans, c'est qu'il y a des coûts supplémentaires, puis, je l'ai mentionné, ça prendra du personnel supplémentaire au niveau des directions régionales. Il y a des coûts supplémentaires là-dedans, puis le projet de loi est muet. C'est une question qu'on se pose: Ça va coûter combien? Est-ce que le ministère va avoir la latitude nécessaire pour engager les professionnels nécessaires ou si on engage un ingénieur forestier de 20 ans d'expérience, puis il commence au bas de l'échelle? Je ne suis pas sûr qu'il va aller travailler.

Alors, ces coûts supplémentaires là, est-ce que c'est le ministère qui l'assume? Est-ce qu'on va invoquer la clause du bois d'oeuvre, puis etc., puis on va laisser les États-Unis subventionner 200 $ la tonne pour le papier puis qu'on ne dit pas un mot? Ça, ce n'est pas notre droit, c'est eux autres. Mais, tout ça mis ensemble, il y a des coûts supplémentaires qui vont être assumés par le ministère. Est-ce que le ministère et le gouvernement du Québec l'assument comme tel ou si ça va être transféré à nos industriels? Ça, c'est la question qu'on se pose puis c'est la question des industriels aussi, la garantie des coûts d'approvisionnement.

M. Trottier: Dans le fond, vous vous joignez à ceux qui disent qu'il devrait y avoir une étude d'impact économique avant de se lancer plus loin là-dedans.

M. Rondeau (Pierre): Non, ce n'est pas... C'est les coûts, les nouveaux coûts administratifs que le ministère se donne, au niveau de la responsabilité, puis qu'on dit... C'est bien, là, qu'il soit gestionnaire des ressources, là, c'est bien. Maintenant, il y a des coûts supplémentaires qui vont arriver avec ça. On veut juste savoir: Est-ce que le gouvernement du Québec, dans son ensemble, assume tout ça ou si ce sera transféré aux industriels? C'est la question qu'on se pose.

M. Trottier: Ça va coûter quelque chose, qui qui va payer?

M. Rondeau (Pierre): C'est un peu le sens de la question, hein? C'est un petit paragraphe bien clair à la fin, là.

M. Trottier: Vous avez des inquiétudes aussi concernant justement les ressources. Vous dites: Ça va prendre des nouvelles ressources, puis là on est un peu à l'inverse, il y a une personne sur deux qui n'est pas réengagée. Vous avez des inquiétudes par rapport à ça. Est-ce que vous pourriez nous donner davantage d'explications?

M. Rondeau (Pierre): Bien, c'est un peu ce qu'on dit, là, depuis le début: ça va prendre des ressources supplémentaires au sein des directions régionales du ministère, qui vont assumer une foule de nouvelles responsabilités, toute la planification, la gestion et le suivi des plans puis des opérations. Ils n'iront pas faire l'opération, mais le suivi de ça, c'est le ministère qui va l'assumer. Alors, ça va prendre du personnel supplémentaire.

Ils ont le droit de faire appel à des spécialistes, tant mieux. Ça va coûter de l'argent. Les coûts supplémentaires, on s'entend, on en a discuté. Le personnel supplémentaire, bien ça va quasiment prendre, je ne sais pas, moi, une autorisation du Conseil du trésor pour avoir du personnel qualifié, embaucher, puis pas nécessairement en bas de l'échelle. Alors, comment on va harmoniser cette situation-là? Je ne sais pas, moi, j'ai l'impression que, les deux, trois bureaux régionaux en région, si on assume totalement les responsabilités que le ministère se donne, bien c'est peut-être 50 % de plus de personnel dans chacun des bureaux régionaux. Mais c'est des professionnels supplémentaires, c'est des coûts supplémentaires. Comment le Conseil du trésor va autoriser cette démarche-là? C'est encore une question qui n'est pas claire dans la loi puis qu'on se pose. C'est une démarche à suivre, là.

M. Trottier: Est-ce qu'il y a des éléments que vous n'avez pas eu le temps de nous entretenir, parce que votre présentation était de 15 minutes, sur lesquels vous aimeriez insister en terminant?

M. Rondeau (Pierre): Bien, vous avez posé des questions sur les deux dernières pages, là, que je n'avais pas eu le temps de lire mais que j'avais résumées assez rapidement, mais, je pense, dans l'ensemble... M. Labrecque, M. Blais.

M. Labrecque (Pierre): L'importance peut-être d'adopter ce projet de loi là dès la session cet automne, définitivement.

Une voix: ...

M. Blais (Charles): On en a parlé un peu, au niveau de la gouvernance. En Outaouais, on est là, on est... À un moment donné, on utilisait le mot: On veut devenir des complices. Parce que c'est beau, travailler ensemble, en concertation, mais aller une étape plus loin, c'est de gagner la confiance mutuelle des joueurs. Nous, avec le ministère, en région, on est rendus là, je pense, puis de déployer ça avec nos partenaires, les industriels forestiers, les gens des zecs et tous les autres, là. L'objectif ultime, c'est celui-là, puis c'est dans cette mouvance-là qu'on est, dans cet état d'esprit là.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, ça met un terme à l'échange. Donc, M. Rondeau, M. Blais, M. Labrecque, merci infiniment d'avoir contribué aux travaux de cette commission parlementaire. Merci à vous.

Une voix: ...

Le Président (M. Ouimet): Merci. Et je suspends les travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 25)

 

(Reprise à 14 h 3)

Le Président (M. Ouimet): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre, sans plus tarder, les auditions publiques sur le projet de loi n° 57, Loi sur l'occupation du territoire forestier. Je vois que les représentants de la Confédération des syndicats nationaux et Fédération des travailleurs et travailleuses du papier et de la forêt ont déjà pris place. Mme Carbonneau, c'est un plaisir de vous retrouver, et je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale à nouveau. Et auriez-vous la gentillesse de nous présenter les personnes qui vous accompagnent?

Confédération des syndicats nationaux (CSN)
et Fédération des travailleurs et travailleuses
du papier et de la forêt (FTPF)

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, merci, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés. Oui, je vais vous présenter la délégation qui m'accompagne: alors, à ma gauche, Yves Gobeil, qui est directeur des services à la fédération; François Lamoureux, qui est adjoint au comité exécutif de la CSN; à l'autre bout de la table, Claude Rioux, de la fédération du papier; et le président de la fédération du papier et de la forêt, Sylvain Parent.

Alors, écoutez, notre présentation, bien sûr, s'inscrit tout à fait dans le droit fil de ce qu'on a soutenu au sommet sur la forêt, ce qu'on a soutenu aussi à l'occasion des deux commissions parlementaires, celles du mois de mars et octobre 2008. Nous souhaitons sincèrement qu'au terme de cette consultation le gouvernement s'engage dans une réforme qui réponde à l'intérêt public en établissant un équilibre qui non seulement respecte les ressources que nous pouvons tirer de la forêt, mais s'inscrive aussi dans une perspective moderne de protection environnementale et de gestion de ses usages.

Nous insistons pour que la réforme permette de concilier les intérêts des intervenants et des usagers de la forêt dans le but de répondre au problème de vivre ensemble reflété par les oppositions qu'on connaît encore aujourd'hui entre les autochtones, les communautés forestières, les travailleurs, les industriels, les environnementalistes et les scientifiques. Nous sommes profondément convaincus qu'une réforme s'impose. Oui, l'industrie forestière va demeurer sous la loupe des groupes environnementaux, des groupes de consommateurs, et nous croyons qu'au Québec comme à l'étranger notre réputation collective en matière de gestion des forêts est d'une importance capitale pour l'avenir de cette industrie, comme c'est une question qui interpelle d'ailleurs l'ensemble des acteurs.

Alors, pour nous, nous pensons que le projet de loi n° 57 tend vers cet équilibre, à condition qu'il soit appuyé par une réforme du Code du travail. Jamais on ne va accepter une réforme qui escamote les questions de relations de travail. Je rappelle qu'en 1986, lors de la dernière réforme, cette question avait été laissée en plan, et ça a causé énormément de problèmes aux organisations syndicales, mais au premier chef aux travailleurs concernés. On exige d'ailleurs que cette réforme s'engage dans une tout autre voie et que, cette fois-ci, les ajustements nécessaires soient apportés au Code du travail de manière à assurer un véritable accès au droit à la syndicalisation. C'est assez fondamental. Et je rappelle qu'il y a eu d'ailleurs par le passé des études assez sérieuses qui avaient été commandées par le gouvernement. Je vous réfère au rapport de Réal Mireault, à cet égard-là, et au rapport Bernier.

Nous rappelons aussi que les conditions de travail se sont dégradées et que la précarité devient le lot quotidien de milliers de travailleurs. Et, si on veut assurer la pérennité de la forêt publique, nous devons traiter les travailleurs avec décence. Il est de plus en plus difficile de recruter des nouvelles personnes dans ce secteur, et ces préoccupations sont d'autant plus importantes que la réforme multipliera le nombre d'intervenants. Alors, différentes entreprises prendront en charge la planification des chemins d'accès, la récolte, le transport du bois, les travaux de sylviculture, tandis que les forêts de proximité seront gérées par les municipalités régionales de comté, les municipalités ou encore les conseils de bande. Plusieurs travaux seront confiés en sous-traitance à différentes formes d'entreprises publiques, privées, à des coopératives de travail.

Il est donc impératif en ce sens que le gouvernement s'engage à modifier le régime de relations de travail de façon à ce qu'il ne soit plus un obstacle permanent au droit d'association et de négociation des travailleurs concernés.

Je voudrais aussi vous dire quelques mots sur les travailleurs sylvicoles. Alors, la mise en oeuvre du projet de loi n° 57 nécessitera une solide politique de sylviculture. Et il est tout à fait inacceptable que la concurrence se joue en fonction des coûts associés à une main-d'oeuvre de plus en plus défavorisée par le régime actuel. Le système de rémunération au rendement s'applique à eux et il est incompatible, de notre point de vue, avec l'esprit même d'une gestion durable des forêts.

Nous demandons que la loi explicite les pouvoirs du ministre en lui confiant la responsabilité de déterminer les critères de base quant à la rémunération, en incluant bien sûr une norme minimale, et la mise en place d'un programme de prévention des accidents et des maladies industrielles. La ministre devrait aussi déterminer les normes d'intervention et les critères d'aménagement, les critères environnementaux propres à une sylviculture intensive ainsi que l'obligation pour les entreprises de ce secteur de détenir une certification FSC pour exploiter ces zones.

n (14 h 10) n

Également, nous demandons que soient restreintes les conditions exceptionnelles de dérogation permettant à des bénéficiaires de garanties d'approvisionnement d'agir comme entreprises d'aménagement. Je rappelle que cette division entre l'aménagement et l'approvisionnement est une des pierres d'assise de cette réforme avec laquelle nous sommes en accord. Et je rappelle aussi que l'expérience des 100 dernières années montre que l'industrie forestière ne peut assurer la pérennité de la ressource.

Quelques mots sur la nécessité d'être très clair sur le ministre comme étant l'unique fiduciaire de la forêt publique. Les forêts sont la propriété de l'ensemble des Québécoises et des Québécois, peu importent les régions qu'ils habitent, et en ce sens il est nécessaire que la ministre soit le maître d'oeuvre responsable de la planification nationale, de l'ensemble des exigences, des vocations et des usages qui s'inscrivent dans le développement durable de nos forêts.

On n'a pas d'objection quant à la délégation aux régions de l'aménagement et de la détermination des priorités de développement des forêts publiques, à la condition que la ministre demeure l'unique fiduciaire. Nous ne voulons pas d'un aménagement qui soit balkanisé et qui soit influencé par des contingences politiques intéressées. Et c'est ainsi que nous souhaitons que la ministre procède à intervalles réguliers à l'évaluation de la conformité des plans d'aménagement élaborés par les régions, avec des objectifs retenus dans la planification nationale d'aménagement de nos forêts.

Quelques mots aussi sur la gouvernance. Le projet de loi propose que soient confiées aux commissions régionales sur les ressources naturelles et le territoire la conception et la réalisation d'un plan régional de développement intégré des ressources et qu'elles agissent comme lieu de consultation et de règlement des différends. Cependant, le projet de loi demeure muet sur les règles de gouvernance.

La loi doit prévoir des règles de composition de ces commissions en fonction de l'intérêt public, pour assurer leur intégrité et promouvoir des pratiques qui soient basées sur la compétence, la participation équitable des différents groupes présents sur le territoire, et notamment la participation des organisations syndicales quand elles y sont présentes.

Nous souscrivons en outre à la disposition du projet de loi qui institutionnalise les tables de partenaires de la forêt, mais nous exprimons à cet égard une réserve importante sur la discrétion qui est laissée au ministre quant à la mise en place de ces tables. Le projet de loi, de notre point de vue, doit prévoir explicitement l'obligation pour le ministre de former ces tables de partenaires de la forêt et de s'assurer que la composition de celles-ci reflète la diversité des acteurs qui y sont déjà présents.

Je voudrais aussi revenir sur une question qui est chaude devant cette commission parlementaire, qui est celle de la sylviculture intensive. Nous encourageons le gouvernement à maintenir le cap dans cette direction. Je rappelle comment le recours à la sylviculture intensive est une pratique qui est expérimentée ailleurs. Je pense entre autres au modèle scandinave. Nous sommes, quant à nous, convaincus qu'on peut avoir recours à la sylviculture intensive dans le respect des normes environnementales et sociales. Et, pour ce faire, nous insistons pour que la ministre détermine les critères d'aménagement et les critères environnementaux propres à cette sylviculture et nous insistons, comme je l'ai souligné tantôt, pour que les entreprises de ce secteur obtiennent la certification FSC. Je pense que c'est la meilleure façon d'éliminer les aventuriers de ce secteur.

Sur la question de l'approvisionnement des usines, c'est une question qu'on avait soulevée dans les consultations antérieures. Je vous dirais que globalement on est assez satisfaits du libellé de l'article 88. Il apporte une certaine flexibilité sur la question de l'origine du bois et sa détermination finale. Et ça permet, je pense, d'assurer un peu plus l'approvisionnement des usines qui sont au sud du Québec.

Cependant, nous insistons sur une chose qui n'est pas présente dans le projet de loi, à savoir que l'information sur la réallocation du bois doit être rendue publique de façon à permettre à l'ensemble des intervenants de faire les représentations qu'ils considéreraient nécessaires.

J'attire aussi l'attention de la commission sur l'article 86 du projet de loi. Nous nous déclarons satisfaits de ce libellé notamment parce que les conditions d'octroi de garanties nous apparaissent suffisantes, surtout que cet article mentionne très clairement: «si la possibilité forestière le permet». Je pense que c'est une disposition qui est tout à fait essentielle et incontournable.

Forêts de proximité, dans tous les forums que j'ai mentionnés, on avait exprimé notre accord. On pense que ça permet effectivement de soutenir une diversification, d'ouvrir la porte à plus d'innovation. Et on est d'accord aussi pour que cette responsabilité soit confiée aux municipalités, aux MRC et aux conseils de bande.

Sur la question de la mise en marché, on avait plusieurs inquiétudes. Elles ne sont pas toutes calmées, mais je voudrais attirer votre attention sur une recommandation précise que nous formulons. Nous souhaitons que dans la détermination des prix on prenne en compte les coûts liés à la sylviculture, particulièrement dans un contexte où on sait que nos forêts sont particulièrement détériorées.

Et à cet égard-là on va suggérer, à l'article 118, alinéa 6°, d'ajouter, après l'item «coûts», «particulièrement les coûts liés à la question de la sylviculture».

Alors, je conclurai en rappelant que globalement nous sommes satisfaits que le projet de loi introduit au Québec un nouvel aménagement social, économique et environnemental basé sur une approche écosystémique et une gestion intégrée de la forêt. Le projet de loi veut répondre aux besoins des industriels en misant sur la pérennité et l'accessibilité de la ressource et en délaissant le concept de rendement soutenu comme principal critère d'approvisionnement. Ce dernier concept a montré ses limites et est remplacé par une approche, que nous appuyons, prenant en compte la diversité du milieu forestier et en associant les partenaires des régions par la concertation.

Nous croyons que ce projet de loi permet globalement d'améliorer la gestion de notre territoire, mais j'insiste, en terminant, sur le fait que la réforme doit se faire en harmonisant la législation du travail de sorte que les travailleuses et les travailleurs de la forêt jouissent d'un statut qui soit à la hauteur de leurs compétences et du rôle essentiel qu'on attend d'eux et qu'ils seront appelés à jouer de plus en plus à l'intérieur de l'organisation du régime forestier.

Alors, je m'arrêterai là pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Ouimet): Très bien. Alors, merci infiniment, Mme Carbonneau, pour ce... la présentation de ce mémoire, de ce point de vue. Alors, ouvrons la discussion avec Mme la ministre.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Mme Carbonneau, messieurs, bienvenue. C'est intéressant parce que vous avez une approche extrêmement positive et constructive. C'est précisément ce qu'on recherche, parce que j'ai démontré de l'ouverture à ce qu'on puisse amender le projet de loi, le bonifier. Il y aura assurément des amendements, clarifications apportés, mais on veut vraiment que ce soit un projet de loi qui soit le reflet du plus large consensus possible et de la plus grande adhésion possible, parce que c'est vraiment un projet de loi de société. Et dans ce sens-là j'ai eu l'occasion de dire qu'on ne peut pas se tromper. C'est un projet de loi qui vient révolutionner nos rapports à la forêt. Et c'est un projet de loi également qui introduit un régime qui devra aussi nous permettre, comme société, d'être plus à l'avant-garde, plus modernes, avoir un régime forestier moderne. En fait, moi, ce que je souhaiterais, c'est qu'on puisse, partout au pays, se tourner vers le Québec et, dans le fond, reconnaître qu'on a réussi. Et on aura réussi à être audacieux puis novateurs avec un régime comme celui-là.

Ce qui m'intéresse particulièrement ? et j'ai eu l'occasion de rencontrer deux de vos compagnons d'armes et de lutte, M. Parent et M. Gobeil, déjà ? ce qui m'intéresse, moi, c'est vraiment la dimension des travailleurs sylvicoles. Et là j'ai vraiment... j'ai besoin de vous entendre là-dessus. Peut-être nous dire, premièrement, votre organisation représente combien de ces travailleurs, autant en forêt que dans le secteur des pâtes et papiers. Et, si on avait... peut-être nous parler aussi un peu de leur vécu, là, du vécu de nos travailleurs forestiers, peut-être le quotidien type d'un travailleur forestier, là. Ça ressemble à quoi, là? Moi, j'ai une image en tête, là, mais peut-être, pour le bénéfice de tous les gens qui nous écoutent...

n (14 h 20) n

Également peut-être nous parler... Parce qu'il y a une distinction entre relations de travail, et conditions de rémunération, et conditions de travail. Là-dessus, je souhaiterais, pour le bénéfice de tous les parlementaires, que vous puissiez nous faire... nous expliquer, là, quelle est la distinction que vous faites entre les deux dimensions. Et peut-être, concrètement, si, par exemple, à court terme on s'emploie à améliorer les conditions de rémunération ou les conditions de travail, par quoi on devrait commencer? J'ai exprimé la volonté de mobiliser un certain nombre de partenaires dès cet automne pour qu'on puisse voir des changements tangibles dès la prochaine saison, c'est-à-dire au printemps puis à l'été 2010. Donc, à court terme, par quoi on devrait commencer?

Pour ce qui est des relations de travail, c'est évident qu'on devra s'harmoniser avec vos collègues de la FTQ puis avoir une convergence, là, dans les suggestions pour s'assurer qu'on puisse, dans le fond, arriver au même objectif, là. On reconnaît que c'est un sujet sensible, lorsqu'on parle de Code du travail, là. Je vois les... Il y a peut-être certaines personnes qui peuvent se braquer. Alors, j'aimerais peut-être que vous puissiez, là... une espèce de cours 101, là, de conditions de travail.

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, écoutez, je pense que je vais reprendre au vol vos questions et demander à deux personnes qui m'accompagnent de fournir des réponses. Alors, dans un premier temps, je pense que, pour parler du quotidien des travailleurs de la forêt, rien de mieux que le président de la fédération.

M. Parent (Sylvain): Merci, Mme la présidente. Mme la ministre, tout d'abord, je serai... je voudrais souligner que notre organisation, la fédération du papier, est la fédération professionnelle qui est la plus âgée au Québec. On a plus de 100 ans d'existence, uniquement dans le milieu forestier. Donc, tout qu'est-ce qui s'appelle le terrain de la sylviculture, le terrain forestier, le terrain des usines de papier, le terrain de la transformation, c'est un milieu qui nous est approprié et qu'on connaît, et on est fortement sensibilisés à toute la situation qui s'est... qui a prévalu au fil du temps. D'ailleurs, à chaque occasion qu'il nous a été permis de le faire, on a toujours été présents dans les activités ou dans les commissions parlementaires pour exprimer notre point de vue au nom des travailleurs.

Dans un deuxième temps, comme je vous ai dit, notre principale activité se situe au niveau forestier. On représente plus de 13 000 membres au Québec. On travaille uniquement dans le milieu québécois. Et, quand vous avez dit, tantôt... pour nous... il y a un mot qui m'a... il y a deux mots qui m'a sensibilisé mon attention. C'est toute la question d'une approche... la forêt, d'avoir une approche audacieuse et innovatrice. Je vous dirais que, pour nous, toute cette... ces éléments-là, on doit... on y a mis beaucoup d'intensité, entre autres sur tout le volet de la sylviculture. Parce que d'ailleurs le projet, quand on regarde les dispositions autant du régime forestier mais de façon plus pointue sur les dispositions du Code du travail, la réforme... les réformes qui ont été faites au niveau du Code du travail, on traite surtout de la récolte et non de l'aménagement.

D'ailleurs, dans la nouvelle... on dit qu'on veut être des... on veut être un modèle au Québec. Je pense que l'occasion nous est donnée justement d'inscrire des dispositions puis de reconnaître le travailleur... le travail des travailleurs sylvicoles en forêt. C'est eux qui vont construire notre forêt de demain. On doit absolument, je dis bien puis je mets beaucoup d'intensité là-dessus, absolument les revaloriser puis que ces gens-là, ils soient perçus comme quoi que c'est une profession, de construire la forêt de demain. Donc, sans vous parler de façon pointue de quoi qui se passe au quotidien, j'ai quelqu'un, qui est tout près de moi, qui a eu l'occasion de le vivre sur le terrain.

Mais je voudrais vous indiquer que, notre organisation, actuellement il y a plus de 800 travailleurs syndiqués avec nous. On a 16 conventions... 13 conventions... 16 conventions collectives qui ont été signées avec l'ensemble des organisations syndicales. Mais, comme vous allez comprendre, c'est un terrain qui est extrêmement... on a vécu de grandes difficultés pour réussir à syndicaliser le monde en forêt, parce qu'il n'y avait rien de facilitant. On sait qu'il y a beaucoup de sous-traitants en forêt: part, revient, part, revient. Donc, il a fallu... Vous savez, en forêt, il n'y a pas d'avenues puis il n'y a pas de rues qui identifient à quelle place que sont les travailleurs sylvicoles. Donc, ça a été de chercher... chercher... quasiment de chercher une aiguille dans une botte de foin, pour être capables de répertorier l'ensemble des travailleurs sylvicoles au Québec. Et on a mis, la CSN... avec la complicité de la CSN, on a investi, je dirais, quelques millions pour justement être capables de construire un régime de relations de travail puis d'être capables justement de construire une démarche pour être capables d'amener le terrain de la sylviculture vers une revalorisation qu'est la profession en sylviculture.

Ça fait que, sans plus tarder, j'ai quelqu'un qui est à mes côtés, que vous connaissez, M. Yves Gobeil, qui a eu l'occasion justement d'aller en forêt puis de partager au quotidien avec eux, peut-être, juste avant de lui laisser la parole... je vous ai mis un documentaire, Les oubliés de la forêt. Quand on dit qu'une image vaut mille mots, ça va sûrement résumer les paroles de mon confrère Gobeil. Yves.

Une voix: Il faut que je m'avance.

Le Président (M. Ouimet): Normalement, il est fixe.

Une voix: Il faut qu'il s'avance. Excusez-moi. Oui, c'est... Je suis manuel.

Le Président (M. Ouimet): Vous vous êtes faits les bras en forêt.

Une voix: C'est l'homme fort de la CSN.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gobeil (Yves): Les jobs de bras, on connaît ça! Non. Cette histoire-là a commencé en 1999, et je vais essayer d'y aller rapidement. En 1999, il y avait seulement trois syndicats en sylviculture, les trois sociétés sylvicoles qu'il y avait au Lac-Saint-Jean, celle de Mistassini, celle de Chambord puis celle de Saguenay. Il n'y avait pas d'autre syndicat en sylviculture. Moi, j'avais négocié les deux premières... les deux derniers renouvellements de la Société sylvicole Saguenay, puis on s'est vite aperçus qu'isolés comme ça, sans trop de présence syndicale, on n'allait pas arriver à grand-chose. Donc, on a commencé une campagne d'organisation, à la CSN, pour aller voir les hommes en forêt. Donc... et les femmes. Je suis allé, et ce serait prétentieux de vous dire que je connais parfaitement leurs conditions de travail, comme... Je n'ai pas fait le travail, jamais, donc... mais j'ai vu pas mal ce qu'ils faisaient.

Je peux vous dire une chose, il faut se lever de bonne heure. Il faut commencer par se lever de bonne heure pour essayer de les attraper. Nous, il fallait se lever à 3 heures du matin pour espérer être sur le coin du terrain ou du chemin avant eux. Donc, généralement, ils travaillent assez loin de leurs... ils appellent ça leurs «patches» de travail. Tu sais, ils partent de chez eux, il faut qu'ils se rendent sur leurs terrains de coupe. Quand ils ne sont pas affectés, il faut qu'ils se rendent à un point de rencontre, et ils reviennent tard. Nous, on était revenus chez nous, après les avoir vus, pas avant 11 heures. Donc, on commençait à 3, 4 heures du matin, puis on revenait à 11 heures, parce que, quand ils revenaient à leur chantier, on ne pouvait pas leur parler. Il fallait qu'ils se lavent et puis il fallait qu'ils mangent. Après ça, on pouvait leur parler. Donc, on revenait tard aussi. Donc, c'est des journées très longues.

Moi, je me suis toujours demandé... À toutes les fois que je rentre dans un endroit puis je vais représenter les travailleurs, je me demande tout le temps: Est-ce que je ferais leur travail? Est-ce que je serais à l'aise à faire ce qu'ils font, hein?

Mme Normandeau: La réponse, c'est quoi?

M. Gobeil (Yves): La réponse, c'est non. Celle-là, je ne la ferais pas. Celle-là, je ne la ferais pas. Il y a trop... Moi, je parle... j'ai toujours parlé des conditions de travail, mais j'ai aussi toujours parlé des conditions de réalisation de leur travail. Donc, la chaleur, les mouches, ce n'est pas des clichés, là, c'est présent, et surtout associé à l'obligation de faire une paie. Tu sais, ils n'ont pas le choix d'y aller. Il a beau pleuvoir à... des cordes, il a beau faire 33°, ils sont obligés d'y aller, sinon ils ne seront pas payés. Donc, il faut qu'ils aillent sur le terrain, il faut qu'ils réalisent leurs travaux puis il faut qu'ils fassent avec. Il faut qu'il y ait un facteur de compensation. S'il pleut, puis que le terrain est mou, puis... ils n'ont pas le choix, il faut qu'ils fassent leur paie quand même. Donc, ils accélèrent le rythme. La chaleur, c'est la même chose.

Il y a des travailleurs qui ont décédé en forêt. Moi, j'ai des... j'ai vu... j'ai rencontré des travailleurs qui auraient facilement pu exercer des droits de refus, qui n'ont pas voulu le faire, au niveau santé et sécurité, parce qu'ils n'auraient pas de paie, de toute manière, puis ça aurait été long, contester. Genre, des travailleurs envoyés au-delà de trois quarts d'heure de chemin... de chemin de... forestier, un petit canot, pas de flotte, les machines dans le canot, l'essence dans le canot puis aller faire des «patches» sur une île. C'est facile de dire: Regarde, tu n'es pas obligé d'y aller, mais il faut y aller, puis ils avaient accepté d'y aller. C'est des conditions de travail difficiles, mais c'est des gens fiers, ils veulent... C'est des gens très fiers, et puis, nous, quand on a commencé à travailler avec eux, ils ne voulaient pas qu'on parle trop de leurs... des... ils ne voulaient pas qu'on les décrive comme des travailleurs de misère, hein, parce qu'ils sont fiers du travail qu'ils font. Plusieurs s'arrachent des bons salaires, plusieurs s'arrachent des bons salaires bruts...

Mme Normandeau: C'est quoi, un bon salaire?

M. Gobeil (Yves): ...bruts... Bien, c'est-à-dire, bruts...

Mme Normandeau: Non, mais, pour eux, là, c'est... c'est quoi?

M. Gobeil (Yves): Bien, ils vont... il y en a plusieurs qui vont sortir des 750 $, 800 $. Bien, ils travaillent pour les timbres...

Mme Normandeau: Brut, oui.

M. Gobeil (Yves): ...mais le problème, c'est ce que ça leur coûte pour gagner ça. C'est toujours ça, l'éternel problème. Vous le savez, ça revient tout le temps. C'est quand tu... Certains couchent dans des... Certains reviennent chez eux, d'autres couchent sur les camps. Mais, te rendre à ton travail, ton essence, ton huile... Ça coûte aussi cher d'huile, une débrousailleuse, que ça coûte d'essence. Leurs pick-up... Tu ne vas pas dans le bois avec un, excusez, un Chevrolet Aveo, là. Je n'ai rien contre ça, mais ce n'est pas... tu... ça te prend une bonne machine pour aller dans le bois. C'est... Souvent, il y en a qui ont l'obligation d'avoir des VTT, puis c'est tout à leurs frais. Donc, ça leur coûte environ... puis ça, c'est assez bien documenté, là, il n'y a pas de cachette là-dessus, c'est facilement 250 $, 300 $ par semaine seulement pour faire leur travail.

Puis ça, il y en a des... il y en a qui sont chanceux, ils peuvent se retrouver à coucher dans des camps forestiers, des beaux camps forestiers, mais la plupart ne sont pas... n'ont pas cette chance-là. Je ne sais pas si vous le savez, moi, j'ai couché dans une roulotte de chantier avec eux, puis c'est là que j'ai répondu à la question: je ne ferais pas ce travail-là. Quand l'employeur met deux roulottes de chantier achetées à... je ne sais pas, pas cher, là, une pour faire la cuisine puis une pour faire les dortoirs, ce n'est pas des conditions pour faire un travail. Ce n'est vraiment pas idéal.

n(14 h 30)n

Alors, nous, on a fait face à ça. On s'est pris en main puis on a réussi à négocier 16... organiser 16 syndicats. Pas juste les organiser. Sur ces 16 là, on a réussi à en garder 13, je pense, puis on a même... à certains endroits, on est rendus à notre troisième... troisième renouvellement de convention collective avec les mêmes travailleurs. Puis, je vous ferais remarquer, le rapport Coulombe a fait une erreur, puis on l'a dit publiquement, on leur a écrit. On a été les premiers, puis j'en suis fier... Les 10 dernières années avant qu'on arrive en sylviculture, les ouvriers n'avaient jamais eu d'augmentation de salaire. Ça, c'était clair, démontré. Puis, nous, ce qu'on a fait pour arrêter ça, on a mis le salaire en pourcentage de la grille de taux. Ça fait qu'on a dit: Vous allez recevoir 55 % de ce que le gouvernement envoie aux donneurs d'ouvrage. Ça fait qu'au moins on s'est assurés, parce que la grille de taux, vous le savez, est majorée de 2 % par année, c'est une formule logarithmique qui est majorée de 2 % par année, ça fait qu'à toutes les années depuis qu'on est arrivés sur le terrain, nous, les travailleurs ont au moins l'assurance, pour ceux syndiqués chez nous, d'avoir la moitié de cette augmentation-là. Ça, au moins, c'est un gain significatif.

Le Président (M. Ouimet): Je vais arrêter à ce moment-ci... Oui, Mme Carbonneau, rapidement.

Mme Carbonneau (Claudette): Bon, ça reste un secteur qui est loin d'être très, très, très majoritairement syndiqué, et, à cet égard-là, je rappelle qu'au niveau des travailleurs sylvicoles la CSN est l'organisation la plus représentative de ces travailleurs-là.

Alors, écoutez, peut-être... Il y avait quand même d'autres volets aux questions de la ministre. Par quel bout on doit commencer? Moi, je vous dirais qu'il y a certainement des amendements qui doivent être apportés aux lois. On a fait des suggestions sur la rémunération, l'élimination du travail au rendement, mais très certainement ce qui est le plus porteur, c'est permettre à ces travailleurs puis à ces travailleuses qui veulent se syndiquer de pouvoir avoir accès au droit d'association, parce que découle de ce droit-là la capacité de négocier, d'assurer ensuite le respect des ententes qui ont été conclues. Ça, c'est absolument majeur.

Et si vous permettez, parce qu'on revient souvent sur la nécessité d'apporter des amendements à nos lois du travail, ça peut sembler très compliqué, mais ça tourne autour de deux principes très simples. Il y a une multitude d'intervenants sur les territoires, il s'agit de déterminer quel est l'employeur désigné dans les circonstances et de s'assurer qu'au fur et à mesure qu'il y a des changements, bien, il puisse y avoir des mécanismes qui assurent le suivi des droits des travailleurs concernés. Pour l'essentiel, là, ça tourne autour de ces deux principes.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Nous reviendrons aux autres volets avec la ministre. Je dois aller du côté de l'opposition officielle. Donc, M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui, merci, M. le Président. Je vous remercie beaucoup pour votre mémoire, vos témoignages. Même, je pourrais en rajouter par rapport aux conditions de travail, des fois il y a des symboles qui sont importants. Il y a un travailleur sylvicole qui me disait que, parce que... à un certain moment donné, pour avoir le contrat, il faut que les entrepreneurs coupent les prix, puis là ce n'est pas toujours évident, il disait que, quand il arrivait à la cafétéria, il était dans le même camp que les travailleurs qui faisaient la récolte, mais il n'avait pas le même coupon pour les repas et il n'avait pas droit à tout. Tu sais, ça veut dire qu'à ce moment-là il arrive à la cafétéria, il veut prendre un morceau de fromage: Non, tu n'as pas droit, toi, parce que tu as un coupon bleu au lieu d'avoir un coupon rouge. Tu sais, c'est dévalorisant. Tu sais, c'est un petit peu... Tu sais, il y a un problème à ce niveau-là.

Quand on pense qu'il y a eu beaucoup d'améliorations pour les travailleurs forestiers dans, on pourrait dire, les 50 dernières années, c'étaient des jobs de misère, on a amélioré ça, mais, sur les travailleurs sylvicoles, il y a encore de l'ouvrage à faire, là, puis je pense qu'il faut en être conscient. Puis c'est eux dans le fond qui sont les tenants de la nouvelle foresterie, tu sais, c'est... Si la forêt n'est pas bien plantée, il n'y a personne qui va la récolter. S'il n'y a pas de sylviculture qui est faite de manière intéressante, bien il va y avoir moins de coupes par après, et je pense qu'on a manqué par rapport à ça.

Puis un autre élément, c'est qu'il faut être conscient que souvent ces emplois-là sont faits par des jeunes en santé, mais, quand l'âge se met un petit peu là-dedans, c'est pas mal plus difficile. Puis je pense qu'il faut voir là-dedans: Est-ce que dans le fond on veut faire des jobs d'été temporaires ou est-ce qu'on veut faire des métiers avec ça, aussi? Je pense que ça, c'est une autre préoccupation qu'on doit avoir, puis c'est sûr que, si on veut faire des métiers, on devrait avoir d'autres considérations.

Vous mentionnez dans votre mémoire, puis j'aime bien l'expression, là, le problème de vivre ensemble. Parce que dans le fond c'est bien évident qu'au Québec présentement il y a un problème majeur à ce niveau-là, contrairement aux pays scandinaves, dans lesquels les gens sont fiers de leur milieu forestier. Chez nous, malheureusement, pour toutes sortes de raisons, on ne l'est pas, puis je ne suis pas certain que le gouvernement a fait tout le travail qu'il y avait à faire pour développer une culture forestière puis défendre les travailleurs, là, mais... Puis je suis très heureux que vous abordiez ça, parce que je pense que la CSN peut jouer un rôle essentiel dans ce cadre-là. C'est évident que la CSN, avec son poids, peut aider à valoriser le monde forestier, peut aider à redonner une fierté à l'ensemble des Québécois et des Québécoises, parce que... Si les gens dans les régions, qui connaissent bien la réalité forestière, sont beaucoup plus fiers, ce n'est pas toujours le cas dans les régions plus urbaines, et je suis très heureux de vous entendre et j'appuie entièrement, là, votre idée de travailler sur le problème de vivre ensemble.

Bon, vous mentionnez qu'il y a des réformes à faire au niveau du Code du travail, je suis bien d'accord avec vous. Vous dites aussi que... Bon, vous avez des réserves concernant la formation des commissions. Je voudrais que vous nous en parliez un petit peu plus par rapport à ça. Les commissions qui seraient nommées par les CRE, vous avez des petits problèmes avec ça. Est-ce que vous pourriez nous en dire un peu plus long?

Mme Carbonneau (Claudette): En fait, ce n'est pas qu'on a un problème à ce qu'elles soient nommées par les CRE, mais on pense que la loi doit prévoir explicitement un certain nombre de critères, notamment s'assurer de la présence de tous les acteurs représentatifs autour de ces tables-là. Or, pour nous, ça, c'est absolument essentiel. On pense qu'on doit être plus précis quant aux critères et quant à l'obligation aussi. On veut deux choses. On veut qu'il n'y ait pas de discrétion qui soit donnée au ministre responsable sur la mise en place de ces tables-là, les tables doivent être obligatoires. Ça, c'est un premier amendement qu'on recherche à l'intérieur du projet de loi. Et, d'autre part, oui, que les CRE les nomment, mais qu'il n'y ait pas une complète discrétion quant aux critères. On doit s'assurer de réunir l'ensemble des acteurs, une variété, une diversité d'acteurs qui soient représentatifs, et notamment le milieu syndical.

M. Trottier: Vous mentionnez qu'il faudra faire en sorte que les régions plus au sud, qui sont mieux positionnées pour pouvoir avoir des développements, puissent avoir accès à des forêts qui sont en dehors de leur localisation. Bon, je pense qu'on est d'accord que dans certains cas ça peut se faire. Mais présentement il y a beaucoup d'inquiétude dans les régions nordiques, comme par exemple... comme chez nous. On sait que présentement, au Saguenay?Lac-Saint-Jean, il y a des immenses forêts, mais il y a beaucoup d'usines de fermées, l'usine de pâtes et papiers est fermée depuis 12 semaines, puis c'est des... Le message que les gens disent, là: Oui, nous, on a une nature généreuse, on est prêts à faire en sorte que d'autres régions puissent se développer. Mais c'est évident que les gens n'accepteront pas de juste voir passer les camions de bois coupé dans... du bois en longueur. Je pense que ça, c'est assez essentiel. Puis je voudrais vous entendre par rapport à ça. Comment vous voyez ça, cette espèce d'équilibre de solidarité entre les régions dont c'est l'emploi principal? Parce que, dans mon comté, les deux tiers des emplois sont reliés au monde forestier. C'est bien évident que, si on diminue le nombre d'usines pour dire: C'est plus rentable au sud... Et là je ne sais pas qu'est-ce qu'on va faire, mais il va falloir qu'il y ait des projets de remplacement, comme on dit.

Mme Carbonneau (Claudette): Je vais demander à Claude Rioux de vous répondre à cet égard.

Le Président (M. Ouimet): Alors, M. Rioux.

M. Rioux (Claude): La question est assez... est très pertinente. Il faut regarder comment les usines de pâtes et papiers sont localisées. Il y a un certain nombre d'usines de pâtes et papiers qui sont au sud, le long du fleuve Saint-Laurent, ça date d'il y a 100 ans, ça, et, pour toutes sortes de raisons, tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas repris le dessus sur la sylviculture dans les régions du sud... Il y a une partie de l'approvisionnement de certaines de ces usines... pas toutes les usines, et, dans ça, il y en a que c'est d'excellentes usines, hein, qui sont bien placées pour l'exportation, et ainsi de suite, qui ont besoin de fibre, et certaines d'entre elles ont besoin de fibre qu'on ne retrouve pas nécessairement en quantité suffisante dans leur région. Il y a des usines de papier journal qui ont besoin de fibres de haute densité, et, ces fibres-là, on est obligés de les prendre dans les régions plus nordiques.

Alors, évidemment, je comprends très bien ce que vous dites: Qu'est-ce qui se passe dans une région qui voit une usine fermer et qu'on apprend que les allocations de bois vont se transférer dans une usine qui est plus au sud? Mais, à un moment donné, aussi il faut prendre en compte cette réalité. Ce n'est pas les syndicats qui décident lesquels qu'on va fermer. Mais, nous, on ne voudrait pas qu'il y ait des blocages systématiques lorsque certaines usines au sud ont besoin de matières premières pour pouvoir continuer à fonctionner, parce qu'on va les mettre en danger, celles-là aussi. Et ça, c'est un problème qui n'est pas facile à résoudre, mais on prétend que le gouvernement peut exercer, dans cette perspective-là, un rôle pour pouvoir assurer aussi la pérennité de ces installations-là.

n(14 h 40)n

Les usines dont on vous parle ne sont pas situées sur la rue Sherbrooke à Montréal, là. Elles sont situées aussi dans des régions qui vont avoir le même problème que vous m'avez parlé, dans votre région. Alors ça, il ne faut pas oublier ça non plus, hein? Et c'est important de regarder comment on va être capables de balancer l'affaire. C'est un point extrêmement important.

C'est pour ça qu'on appuie depuis très longtemps l'idée. Puis on a attendu, puis on a attendu. Puis il y en avait, du bois, puis on n'avait pas besoin de se casser la tête. Ça fait longtemps qu'on le dit, nous autres, dans notre fédération. Si vous lisez nos mémoires de 1986, on parlait de problèmes de stocks dans certaines régions forestières, de bois de qualité pour fabriquer certains produits. Alors, évidemment, là, il faut reprendre le terrain perdu, mais, en attendant, il y a de ces usines où la production est très efficace, ça fonctionne bien, ils sont bien positionnés pour faire des... desservir les marchés. ...que je vous dise! J'en connais au moins deux qui ont des ports de mer. Alors, eux autres, actuellement ils exportent en Europe, ils exportent aux Indes, ils exportent partout parce qu'ils ont un port de mer. On n'exportait pas là il y a quelques années. Mais il faut les assurer qu'ils soient capables d'avoir l'approvisionnement, eux aussi, pour pouvoir continuer, sinon, bien, à la fin de la journée, on risque d'avoir des pertes pas mal plus grandes qu'on pense, si on n'est pas capables d'assurer ça. Bon. Mais c'est l'idée qu'on véhicule à propos de ça.

M. Parent (Sylvain): Si vous me le permettez...

M. Trottier: Avant que...

M. Parent (Sylvain): M. le Président, si vous me le permettez, je veux juste donner un complément d'information.

Le Président (M. Ouimet): Il y avait Mme Carbonneau, puis peut-être par la suite. Mme Carbonneau, vous étiez...

Mme Carbonneau (Claudette): Non, bien, c'est ça, j'avais suggéré, là, un tout petit complément de la part de M. Parent.

Le Président (M. Ouimet): M. Parent.

M. Parent (Sylvain): C'est parce qu'il y a une réalité pratique qu'on doit partager ensemble. Je pense que c'est une question de compréhension. Puis je vais vous donner un exemple de votre région. On était impliqués dans le dossier de Port-Alfred, où il y a une fermeture de l'usine. Vous savez, des fois on développe des réflexes, les gens ont tendance à développer les réflexes suivants, en disant: Notre bois, il ne sortira pas de la région. Nos gens de Port-Alfred nous disent: On va fermer le parc puis on va fermer la route qui monte à La Tuque; ça fait que ? ils disent ? c'est sûr et certain que le bois va rester dans notre région, on va pouvoir opérer. Mais en même temps il y a des usines qui sont dans votre région.. Je pourrais parler d'Alma, je pourrais parler de Kénogami, je pourrais parler... on pourrait parler aussi de Dolbeau. Mais l'approvisionnement en matière première, bien elle vient de d'autres régions aussi. Il y a une entrée, mais il y a une sortie. Ça fait que donc, si on... Tu sais, il y a une question d'équilibre là-dedans.

Puis, quand on parle du nouveau régime forestier, un des éléments qu'on indique là-dedans, c'est toute la question de la rentabilité de l'entreprise. Il faut que le bois soit, dans un premier temps, accessible le plus près possible de l'usine. Ce n'est pas normal qu'on aille chercher du bois à 250 km quand on peut avoir du bois disponible plus près. Donc, c'est un exercice dans lequel... que, nous, on avait toujours sensibilisé le gouvernement, entre autres, dans cette démarche-là. Si on veut avoir une place qui est vivante, une place qui est économiquement viable dans notre structure forestière au Québec, bien il faut se donner les outils puis les moyens pour y arriver. Si on commence à encercler notre bois, bien on va avoir des problèmes, partout dans les régions.

Mme Carbonneau (Claudette): Et je termine en rajoutant qu'on ne peut pas tout déterminer dans un projet de loi, mais j'attire votre attention sur la recommandation qu'on fait à l'effet que soient rendus publics tous les mouvements de réallocation du bois, et je pense que, de ce côté-là, le meilleur chien de garde qu'on puisse avoir, c'est le débat public qui va s'ensuivre.

M. Trottier: Le projet de loi porte comme titre la Loi sur l'occupation du territoire forestier. C'est bien évident que, si on a comme unique critère, on pourrait dire, la proximité du fleuve pour avoir des usines de papier, on va avoir des sérieux problèmes pour occuper le territoire. Mais, est-ce que le problème, dans le fond, ce n'est pas qu'on n'a pas développé de nouveaux créneaux, on ne s'est pas préparés à vivre une nouvelle industrie du XXIe siècle qui pourrait faire... qui pourrait avoir des produits de remplacement? C'est évident que tout le monde est conscient présentement qu'on ne pourra pas conserver toutes les usines, à l'heure actuelle. Bon, il y a une surcapacité. Bon, M. Chevrette en a parlé ce matin. Mais là, qu'est-ce qu'on fait, puis qu'est-ce qu'on fait pour faire travailler les gens qui sont près des forêts? Parce qu'il faut être conscients que l'impact de la fermeture d'une usine est beaucoup plus grand dans une région mono-industrielle forestière que dans une région qui est plus près du fleuve, dans laquelle il y a plus de possibilités de se diversifier. Est-ce que le problème ne vient pas du fait qu'on n'a pas de stratégie de développement de nouveaux créneaux, de nouveaux produits, puis qu'on ne s'est pas donné de vision d'avenir, dans le fond, de notre industrie forestière?

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, alors, écoutez, nous, on pense qu'il y a plusieurs éléments du présent projet de loi qui vont donner un souffle nouveau à de l'innovation et à une certaine diversification, et ça, on est les premiers à penser qu'on est... On vit une crise structurelle qui est profonde, il y a des changements importants qui vont intervenir dans cette industrie-là, et il y a lieu effectivement de travailler à une diversification.

Je voudrais juste vous souligner une initiative dont on est porteurs, à la CSN, c'est l'édifice qui est en train de se construire sur le boulevard Charest, ici, à Québec, qui au fond fait appel à du bois d'ingénierie, et je pense que ça, c'est des créneaux qui sont éminemment porteurs. Alors, de ce côté-là, oui, on est impliqués, y compris à la coalition pour le bois, qui va être lancée, là, le 15 septembre prochain. Et je pense que, de ce côté-là, à l'intérieur de nos rangs, non seulement on fait notre part... Je rappelle que, dans la campagne récente qu'on a menée avec les travailleurs de la forêt, on s'est efforcés d'aller rencontrer les municipalités régionales de comté, les préfets, les maires, pour obtenir des signatures et les inviter à donner une plus grande part à ce type d'industrie dans les constructions publiques qui sont sous leur juridiction. Alors, de ce côté-là, oui, vous avez raison, il faut travailler à une diversification, mais nous croyons que le projet de loi est porteur d'avenir à cet égard-là. Sylvain.

Le Président (M. Ouimet): Un dernier point, M. Parent.

M. Parent (Sylvain): Juste en continuité de la réponse de la présidente de la CSN, c'est qu'il faut indiquer qu'on est dans une réforme structurante, majeure, dans l'industrie des pâtes et papiers. L'image qu'on va avoir de demain va être fort différente de qu'est-ce qu'on connaît aujourd'hui. Malheureusement, on voit qu'il est en train de se faire une épuration au niveau des usines de papier, et, par le fait même, donc, ceux qui vont rester, il va falloir qu'ils soient plus performants. Mais il y a un autre fait pratique qui va se produire. Avant, les usines avaient besoin de copeaux pour opérer; aujourd'hui, la demande de copeaux va être différente. ...demeure: est-ce qu'il va rester encore des usines de sciage au Québec? Il va falloir que les gens... l'industrie pense à être capable de maximiser les opérations du bois d'oeuvre. Puis, en termes... Tu sais, on n'a pas, au Québec... On a des arbres au Québec, mais ce n'est pas pour faire uniquement du copeau. Donc, sur cette base-là, quand on parle de nouveaux produits qu'on doit développer... L'exemple que la présidente de la CSN a donné tantôt, c'est un exemple qui est concret. Il y a plusieurs sous-produits qui pourraient être développés. Et ça, c'est basé... Moi, j'ai tout le temps... souvent, on a... À maintes reprises, on disait: Au Québec, on a besoin que la recherche soit davantage poussée avec les produits forestiers.

Prenons rien que l'exemple du papier. En juin dernier, on avait notre congrès, on a parlé... il y a des gens qui sont venus nous présenter la nanotechnologie dans le papier. Vous savez, c'est quelque chose qui est à nos portes. Donc, il faut pousser là-dessus. Il y a des éléments qui sont présents, qui peuvent voir le jour, mais ça prend un support autant à l'industrie, puis il faut avoir les moyens pour être capable de la pousser puis de développer.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Retournons du côté ministériel. M. le député de Rouyn-Noranda? Témiscamingue.

M. Bernard: Oui, merci, M. le Président. Je vais être très bref parce que mes collègues ont également quelques questions. Moi, je voudrais revenir sur ce lien-là, du lien usine et forêt, parce que, la semaine dernière, on a eu l'Union des municipalités et la FQM, les deux nous ont... Très sommairement, ils disaient «de préserver le lien [usine-forêt] afin de ne pas fragiliser les communautés forestières», et par la suite «de prendre en considération la volonté du milieu, notamment celle des élus municipaux, avant d'autoriser un changement de destination de bois d'une usine détentrice d'une garantie d'approvisionnement vers une autre». Alors, si j'écoute ce que vous avez dit, c'est quelque chose que vous mettriez un bémol là-dessus, essentiellement, parce que c'est plus un frein à des consolidations ou à des aides d'usine que d'autre chose. J'aimerais, là... par rapport aux positions de l'UMQ et de la FQM et qu'est-ce que vous avez dit.

Mme Carbonneau (Claudette): Claude.

M. Rioux (Claude): Ce qu'on dit, c'est que... M. Parent a dit que dans quelques mois, peut-être un an ou deux, l'industrie forestière, surtout l'industrie papetière qu'on connaissait, ne sera plus la même. Moi, quand j'ai commencé à la fédération du papier, il y avait 52 usines de pâtes et papiers au Québec. Il n'y en a plus 52 aujourd'hui, il y en a à peu près une trentaine, là, puis il va y en avoir peut-être un petit peu moins. À partir de ce moment-là, il y a certaines de ces usines-là qui vont rester en opération, pour toutes sortes de raisons. Il y en a qui vont rester en opération parce que, bon, ils ont des localisations qui favorisent, par exemple, l'exportation. Il y en a d'autres qui vont rester en opération parce qu'il y a des pouvoirs hydroélectriques. Il y en a d'autres qui vont rester en opération parce qu'ils ont des spécialités. Il y a différentes raisons qui font que l'industrie va avoir une certaine forme, une certaine configuration dans les mois qui viennent. Alors, il va falloir s'assurer que ces usines-là soient capables de bénéficier d'une fibre qui leur permet de rencontrer leurs besoins. Pour faire du papier journal ou les spécialités... on va en faire encore, hein, on va en faire moins, mais on va en faire encore, mais il y a des qualités de fibre qu'il faut respecter. Il y a certaines proportions des fibres qu'il faut être capable d'avoir pour pouvoir réussir à faire quelque chose qui est acceptable sur les marchés.

Alors, c'est ça qu'on se dit. Il faut qu'il y ait une certaine souplesse dans le système. On ne veut pas que le bois... vider une région pour remplir une autre, là. Ce n'est pas ça du tout. D'abord, on n'aura pas besoin de faire ça, il n'y en aura pas assez, d'usines, pour faire ça. Mais ce qu'on dit, c'est que, dans ce qui va résulter de la réorganisation, de la restructuration, bien il faut s'assurer que ceux qui vont être en mesure de continuer à produire, bien, soient capables de disposer de la ressource au besoin. Ce n'est pas des quantités phénoménales, là.

n(14 h 50)n

La deuxième chose. M. Parent a soulevé un bon point. Actuellement, l'industrie du papier n'obéit pas aux mêmes règles que l'industrie du sciage. La restructuration dans le papier, ça, c'est un problème de demande finale, qui n'est pas près de revenir. Dans le bois d'oeuvre, on a un problème de conjoncture. À un moment donné, les Américains vont recommencer à bâtir puis les Canadiens vont recommencer à bâtir puis peut-être qu'on va pouvoir exporter des maisons préfabriquées. Il va y en avoir là-dedans. On va générer des copeaux. Et là, il y a des opportunités pour les régions. Moi, j'ai connu des scieries qui ont souvent opéré 50 % de bois puis 50 % de copeaux. Il va falloir arrêter ça. J'ai été dans une mission avec la SGF dans d'autres provinces, puis on a vu des taux de rendement de 60 %, 62 %, 63 %, 64 % en sciage, augmenter le rendement en sciage.

Deuxièmement, les copeaux, ça peut faire d'autre chose, ça. On a suggéré dans notre mémoire de commencer à regarder si on peut faire des «biofuels» avec ça. Regardez les granules. Il y a une usine en Colombie-Britannique, Prince George, qui fait des granules. Ils exportent ça à Vancouver, ils envoient ça à Vancouver, et c'est exporté en Suède, à pleins bateaux. Ils ont trouvé une façon de valoriser les sous-produits du bois. Ils font travailler du monde. Ils font travailler du monde. Donc, il y a des possibilités, dans les régions où on va être affectés par le papier, pour faire ça.

J'ai même entendu des gens dire: Il faudrait qu'il y ait des ententes pour utiliser les copeaux pour chauffer des systèmes de cogénération, pour faire de l'électricité. Je trouve ça terrible. On n'a pas à gaspiller la fibre pour chauffer, on doit plutôt la valoriser, utiliser d'autre chose. Il y a des moyens de faire des «biofuels» avec la fibre. Les Suédois ont commencé, les Européens sont déjà embarqués là-dedans. Il faut regarder ces diversifications-là. Ça, ça va nous aider à régler notre problème. C'est sûr que, si on envoie des voyages de copeaux partout, ce que monsieur a soulevé, c'est clair que ça va susciter dans les régions des réactions fortes. Mais il faut être capables aussi de mieux comprendre qu'est-ce qu'on peut faire avec les sous-produits du bois.

La même chose quand ils débitent. Si on fait plus de bois d'ingénierie, on peut utiliser les petits bouttes pour faire des grands bouts, hein? Il y a toutes sortes de méthodes comme ça qu'on doit faire. C'est ça que je veux dire par ça.

Le Président (M. Ouimet): Il reste deux minutes, M. Rioux. Je vais aller à une dernière question de notre collègue le député de Charlesbourg.

M. Pigeon: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Carbonneau, bonjour à tout le monde. Comme certains d'entre vous le savent probablement, je suis un spécialiste des matériaux, dans une carrière ancienne, mais mon matériau n'était pas le bois, mais je suis quand même un spécialiste des matériaux. Je ne nommerai pas l'autre matériau dont je suis spécialiste.

Mais ce que je comprends... et j'ai eu l'occasion, lors de ma carrière à l'Université Laval, là, de voir à quel point il se fait de la recherche incroyable sur le bois, non seulement sur le bois, mais aussi sur ses utilisations, sur, même, des nouvelles fibres qu'on pourrait utiliser, bon, et ainsi de suite. J'ai eu l'occasion de discuter avec de nombreux intervenants. J'ai vraiment l'impression que la forêt offre un potentiel absolument incroyable de développement pour notre société. Ça m'apparaît, là... Et je siège à cette commission, là, je dirais, temporairement aujourd'hui, en remplacement de quelqu'un, mais j'ai écouté les intervenants depuis ce matin, puis la question que je voulais vous poser en fait est toute simple: Est-ce que vous pensez que la loi, que vous avez lue et analysée, vous avez soumis un mémoire, est-ce que vous pensez que la loi permet vraiment aux entreprises, parce qu'on a besoin d'elles, non seulement de survivre, mais de se maintenir, d'innover, là, d'être vraiment l'industrie de l'avenir? Est-ce que vous avez confiance qu'on a une loi qui permet ça?

Le Président (M. Ouimet): Alors, 30 secondes. M. Parent.

Mme Carbonneau (Claudette): M. Parent.

M. Parent (Sylvain): Oui. Je vous dirais qu'on a indiqué depuis... dans nos différentes interventions, c'est que le projet de loi qui était sur la table donnait beaucoup plus... nous, on partageait les grandes thèses, les grands principes, puis il donne beaucoup plus de flexibilité. D'ailleurs, nous, on l'a dit, il faut se donner des mécanismes, à l'intérieur de la loi, qui vont permettre justement à des petits entrepreneurs de pouvoir se développer dans les régions. Et ça, à notre avis, c'est important.

Et vous avez dit tantôt un mot, que la forêt a un potentiel incroyable. Et je conclurais là-dessus en disant que, si on veut qu'il y ait un potentiel incroyable, il faut donner les outils, la mécanique et les moyens, dans les dispositions du Code du travail et de la Loi sur les forêts, pour avoir une main-d'oeuvre stable en forêt que sont les travailleurs sylvicoles.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, M. le député. Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Bonjour. Bonjour, Mme Carbonneau. Je vais aller particulièrement au volet relations de travail et activités forestières de votre mémoire, où, dans la page 7, vous dites que, pour que la réforme réussisse, ça va nécessiter la stabilisation des statuts d'emploi et une véritable reconnaissance professionnelle, la planification, et ainsi de suite, et, en préalable à ça, vous dites qu'il y a des changements importants qui nous amènent à une gestion décentralisée.

Moi, vous n'avez pas à me convaincre du bienfait de la syndicalisation pour l'amélioration des conditions des travailleurs et des travailleuses, et bien sûr que ça s'appliquera en forêt. Mais je pense cependant que... J'aimerais qu'on connaisse un petit peu plus la valeur ajoutée des effets de la syndicalisation dans les secteurs où vous avez pu syndiquer les gens. Vous êtes probablement en mesure de comparer un peu au niveau de la stabilité d'emploi, au niveau de la stabilité des ressources, au niveau des conditions d'exercice.

Et un deuxième volet à ma question: Est-ce que, dans les milieux où les opérations de syndicalisation se sont faites, la question de la formation a été soulevée par les travailleurs et par les travailleuses, compte tenu de l'apport et de l'évolution puis de la relance du secteur forestier qu'on veut porter? Quelle est la nature de ces besoins-là?

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, alors, écoutez, c'est une question qui est tout à fait pertinente, qui est tout à fait intéressante. Un exemple dans un tout autre secteur où on a mis des efforts énormes de syndicalisation, et je pense qu'aujourd'hui on en récolte les fruits, l'exemple qui me vient à l'esprit, c'est celui des CPE, hein, où carrément, il y a 30 ans, quand on a commencé à syndiquer dans ce secteur-là, tu avais un turn-over à n'en plus finir, tu avais de mauvaises conditions, tu n'arrivais pas à convaincre qui que ce soit de la nécessité de faire de la formation, parce qu'il y avait un va-et-vient absolument incroyable là-dedans. Et, aujourd'hui, si on a une législation publique qui a généralisé ces services de garde, bien c'est au fond parce qu'on a su investir dans les conditions de travail des gens concernés. Et ça, mon Dieu! la syndicalisation est quelque chose d'absolument majeur, et, moi, je fais exactement le même parallèle par rapport à ce projet de loi là.

Ce projet de loi a le mérite d'insister sur l'aménagement de la forêt, sur la sylviculture, sur une série de tâches qui ont été terriblement négligées par le passé et où on sait que les conditions de travail sont assez difficiles, et je pense que, de ce côté-là, il faut ouvrir toutes les voiles pour permettre une syndicalisation et pour permettre le maintien aussi de ces droits-là quand il y a des changements d'employeurs. Or, je réitère, là, l'importance d'apporter les amendements à notre législation du travail, autrement il me semble que, avec la présente réforme, on risque de faire simplement un coup d'épée dans l'eau. On va tenter de vouloir compter sur une main-d'oeuvre compétente, formée, qui acquiert de l'expérience, qui se stabilise dans le secteur, et ça, c'est impossible si les conditions de travail ne suivent pas. Et je rappelle que, quant à nous, ce n'est pas complexe d'y arriver. Ce n'est pas demander, là, une réforme du Code du travail du tout au tout, on ne veut pas changer l'économie générale du code, mais on veut s'assurer que, dans les conditions spécifiques de la forêt, le droit d'association, le droit de négocier puisse trouver une réelle application.

M. Parent (Sylvain): Si vous me le permettez, Mme la présidente.

Mme Carbonneau (Claudette): Oui.

M. Parent (Sylvain): Au niveau de la formation, je vous dirais que c'est totalement absent, hein? Il faut placer les choses en contexte de la façon suivante. La principale main-d'oeuvre en forêt, c'est une moyenne d'âge qui est tout près de 50 ans, c'est une main-d'oeuvre qui est non renouvelée, c'est une main-d'oeuvre qui a appris sur le tas ? excusez l'expression ? puis, quand on... juste, juste... Je vais parler de choses de bien basiques, là. Dans les différentes industries, il y a des règles qui s'appliquent, il y a des lois. Juste la Loi des accidents de travail, tout qu'est-ce qui s'appelle la santé et sécurité en milieu de travail puis les maladies professionnelles, en forêt, ça n'existe pas, c'est absent, donc c'est... C'est quelque chose qui est minimal. C'est pour ça que dans notre document on dit: Il faut absolument inscrire ces... qu'il y ait un espace qui soit disposé à l'ensemble.

Puis vous savez, quand on veut... Si on veut avoir une forêt de qualité, il faut investir dans cette main-d'oeuvre là, il faut assurer une relève, puis il faut s'assurer aussi qu'ils aient la formation. Qu'est-ce qu'on fait, là, présentement, là? Il y a des gens, il y a des travailleurs sylvicoles qui vont reboiser sur une «patch» donnée ? je vais reprendre l'expression de mon confrère Gobeil ? puis, s'ils ne rencontrent pas les normes de qualité, on ne dit pas qu'on va te former, on va couper ton salaire. C'est ça, la vraie vie. Puis c'est ça qu'on demande de changer, nous.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci.

Le Président (M. Ouimet): Il reste 30 secondes, Mme Carbonneau, un petit mot de la fin.

n(15 heures)n

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, je réinsiste à mon tour sur vraiment l'importance de faire intervenir les changements à la législation du travail en même temps et dans les mêmes délais que la réforme du régime forestier. C'est non seulement une question de justice, de décence à l'égard des travailleuses et des travailleurs concernés, mais je pense que c'est aussi une clé pour la réussite de cette réforme-là.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, un point de vue de la CSN est toujours très enrichissant. Mme Carbonneau, M. Parent, M. Rioux, M. Gobeil et Me Lamoureux, merci infiniment pour votre contribution aux travaux de cette commission. Merci.

Et je suspends les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 1)

 

(Reprise à 15 h 2)

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, la Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Je demanderais à tous les parlementaires de regagner leurs sièges. Et je demande maintenant aux représentants de la Conférence régionale des élus de la Capitale-Nationale et de la Commission sur les ressources naturelles et le territoire de la Capitale-Nationale de bien vouloir prendre place.

Alors, M. Henri Cloutier, vous êtes président de la CRE, c'est bien cela?

Conférence régionale des élus de la
Capitale-Nationale (CRE de la Capitale-Nationale)
et Commission sur les ressources naturelles
et le territoire de la Capitale-Nationale
(CRNT de la Capitale-Nationale)

M. Cloutier (Henri): Oui.

Le Président (M. Ouimet): Et M. Éric Bauce, président de la CRNT? Voilà.

M. Bauce (Éric): C'est ça.

Le Président (M. Ouimet): Alors, bienvenue à vous. Aurez-vous la gentillesse, peut-être, M. Cloutier, de nous présenter les personnes qui vous accompagnent?

M. Cloutier (Henri): Oui, effectivement. D'abord, je veux vous remercier, Mme la ministre, madame, messieurs, de nous accueillir et, deuxièmement, bien, oui, effectivement vous présenter les personnes qui m'accompagnent: Mme Josée Tremblay, directrice générale de la CRE; M. Éric Bauce, qui est président de la commission des ressources nationales, comme vous avez mentionné, et du territoire, mais qui est aussi un professeur en foresterie à l'Université Laval ainsi que vice-recteur à l'université; également M. Frédéric Raymond, qui travaille à la CRE comme coordonnateur de la commission des ressources nationales et du territoire.

Le Président (M. Ouimet): Bien.

Une voix: ...

M. Cloutier (Henri): Naturelles. J'ai dit «nationales». Naturelles et du... Bien oui, évidemment.

Alors, c'est la troisième consultation sur le dossier qui nous occupe aujourd'hui, hein? On se rappellera qu'il y a eu une consultation sur le livre vert, une consultation sur le document de travail, et on est maintenant au projet de loi n° 57. Je veux vous dire qu'on est toujours très intéressés à participer à chacune des étapes qui nous conduira vers un nouveau régime forestier.

La présentation sera faite aujourd'hui particulièrement par M. Bauce et M. Raymond, mais particulièrement M. Bauce pour le présenter. Et, pour répondre aux questions également, les deux personnes que je viens de mentionner pourront répondre à vos questions.

Je veux donc vous dire, en conclusion de mon introduction, qu'on est fiers de participer, on est fiers également des réflexions qu'on aura à vous présenter. Vous avez reçu le document. Le document fait suite à des consultations qui ont eu lieu dans les deux premières étapes, fait également suite à des travaux de notre commission des ressources naturelles et du territoire. Alors, je vais laisser la parole à M. Bauce pour vous présenter l'essentiel de nos réflexions.

Le Président (M. Ouimet): Merci, monsieur. M. Bauce.

M. Bauce (Éric): Alors, Mme la ministre, représentants du gouvernement, représentants de l'opposition, c'est un grand plaisir pour moi d'être avec vous aussi pour vous présenter succinctement le mémoire de la CRE et essayer de répondre à vos questions, toujours dans une optique de bonifier un peu nos réflexions sur le sujet. Évidemment, c'est un sujet qui... l'aboutissement de ce projet de loi est un exercice, à notre avis, de très longue concertation. On peut penser à la commission Coulombe, on peut penser au Sommet sur l'avenir du secteur forestier, le livre vert, etc., dans lequel, évidemment, de nombreuses personnes ont participé. Je pense notamment au ministre Hamad, au ministre Corbeil, au ministre Béchard et vous-même, Mme Normandeau. Et évidemment tout ça amène, au niveau de notre commission, à avoir un avis très favorable aux éléments de ce projet de loi qui constitue, à notre avis, un virage important, un virage important d'un régime forestier qui évidemment date d'un certain temps et qui, compte tenu du contexte mondial, compte tenu de l'évolution des valeurs de notre société, avait besoin d'un certain rafraîchissement, qui est assez intense, je dirais, lorsqu'on regarde le contenu de ce projet.

Pour vous situer, évidemment, la commission sur les ressources naturelles de la Capitale-Nationale, c'est un organisme consultatif de la CRE. On a 23 commissaires, qui représentent évidemment un très grand nombre d'intervenants. Chaque commissaire représente un groupe. Notre territoire est un territoire qui... contrairement à ce qu'on peut penser en général, c'est un territoire qui est très forestier. 80 %... 85 % de notre territoire, c'est de la forêt. 90 % de ce territoire forestier est structuré. Donc, on a quand même une longue histoire d'utilisation multiple des ressources, de relations, d'interactions entre les différents joueurs qui jouent sur ce territoire forestier, définissant la forêt évidemment comme un territoire et pas seulement de la matière ligneuse, mais toutes sortes d'autres ressources potentielles. 35 % de notre territoire, c'est de la forêt privée. La forêt privée joue un rôle excessivement important au niveau de notre région et est très active au sein de notre commission. Et en plus c'est 10 000 emplois pour la région qu'on retrouve dans ce secteur. Donc, c'est quand même un moteur de notre économie régionale.

La commission tient à mentionner qu'elle considère très importante notre industrie forestière. Elle pense que notre industrie doit demeurer compétitive, dynamique et rentable et que le nouveau régime forestier doit évidemment en tenir compte dans son élaboration. Nous pensons aussi qu'à l'instar de la commission Coulombe l'aménagement écosystémique doit être au coeur du régime. L'aménagement écosystémique, ce n'est pas seulement un concept, c'est une philosophie de gestion, c'est une philosophie qui essentiellement prend un compte la pérennité des fonctions de l'écosystème. Et, quand je parle de fonctions, ces fonctions sont diverses, autant économiques qu'environnementales, que sociales. Donc, dans un contexte de développement durable, c'est une philosophie de gestion qui est très importante pour nous.

On a deux projets présentement dans notre région: projet de la réserve faunique des Laurentides et un autre projet pour les partenaires du développement durable de la foresterie dans Charlevoix et le Saguenay... le Bas-Saguenay, qui... où on met en place, où on teste des choses avec ces projets pilotes. Et on pense que ces zones-là sont des zones fort intéressantes pour tester certains éléments qui sont contenus dans... au niveau de la mise en oeuvre de ce régime.

Un mot sur le zonage. Le zonage est considéré... zonage pour la sylviculture intensive est considéré comme un élément a priori dans l'élaboration des plans de gestion et des projets... des plans d'aménagement. On pense que le zonage est un outil en soi, doit... devrait venir un peu plus a posteriori, c'est-à-dire lors de l'élaboration des plans, pour éviter que l'on mette en place, géographiquement, des zones qui après ça vont être utilisées dans la planification régionale. On trouve qu'il y a un danger à faire ça. On ne tirerait pas tous les profits souhaitables d'un zonage si on ne l'amène pas durant la planification des plans d'aménagement, donc au niveau des tables de gestion intégrée des ressources.

Notre région est caractérisée par un certain nombre d'UAF qui recoupent d'autres régions administratives. Sur les huit UAF qui touchent à notre région, il y en a cinq qui sont sur deux régions. Dans un souci de cohérence au niveau de la gestion, nous, on suggère que les UAF épousent les régions administratives. Évidemment, c'est une question au niveau de la planification, lorsqu'on fait les plans d'aménagement, ce n'est pas une question de destination des bois. Ce n'est pas parce qu'une UAF est complètement dans une région que... Je pense notamment au Saguenay?Lac-Saint-Jean, où le bois peut aller quand même au Saguenay?Lac-Saint-Jean. On parle ici de planification d'aménagement et pas de destination des bois.

n(15 h 10)n

Toujours en ce qui concerne la planification, on pense que le ministère, il aurait un avantage à se doter d'un comité d'experts qui implique un certain nombre d'experts et d'intervenants régionaux lors de l'ébauche des plans d'aménagement, qui vont être faits dans un premier temps par le ministère, qui va envoyer ça au niveau des tables de gestion intégrée des ressources. Donc, qu'il y ait déjà un exercice avec un certain nombre d'experts, qui pourraient s'associer avec le ministère pour aider le ministère à produire une première ébauche de plan, qui, elle, après ça, irait plus au niveau des tables.

La commission est d'accord avec la possibilité que la gestion des travaux de récolte puisse être faite par l'industrie. C'est une demande que l'on a au niveau de nos industriels, cette possibilité de pouvoir gérer les travaux de récolte, et il y a un certain consensus au sein de la commission sur cet aspect-là.

Évidemment, les forêts de proximité, la commission est tout à fait pour. On l'avait déjà mentionné dans des mémoires antérieurs. Il y a un certain nombre des choses... de choses, au niveau des forêts de proximité. La première est: Il serait important que, lorsqu'on parle d'une forêt de proximité, les gestionnaires de cette... de ces forêts-là puissent gérer l'ensemble des ressources, pas seulement la matière ligneuse, mais aussi les aspects fauniques. Il est important de prendre en considération aussi que, pour développer une forêt de proximité, il faut partir... il faut avoir un capital, un capital qu'on peut mettre en valeur. Les forêts de proximité, géographiquement, évidemment ? on parle... le terme «proximité» ? risquent de se retrouver dans des zones où les forêts sont déjà assez dégradées, où le capital de départ est relativement faible, ce qui veut dire que ça va nécessiter des investissements importants pour bâtir ce capital-là.

Historiquement, on a mis en place, il y a plusieurs années, des forêts habitées, un concept de forêt habitée, et on s'est rendu compte que l'endroit ? parce que, malheureusement, j'aimerais parler en pluriel ? mais l'endroit où ça a marché, c'est la forêt de l'Aigle, qui partait avec un capital important, et ils ont... ça a permis de pouvoir mettre en valeur et de faire de l'argent avec ces forêts-là, ce qui n'a pas été nécessairement le cas dans les zones où le capital était relativement faible. Nous avons possibilité d'un projet pilote dans le... dans le... Charlevoix?Bas-Saguenay, qui est en cours, qui pourrait être propice justement pour partir des projets pilotes de forêt de proximité.

En ce qui concerne l'approvisionnement ligneux, on est tout à fait d'accord avec un marché libre. Dans la proposition au niveau du projet de loi, on parle d'abord des garanties d'approvisionnement sur 80 % du volume au-dessus de 100 000 m³ dans le cas du résineux et autour de 20 000 m³ dans le cas du feuillu. Pour nous, on aimerait qu'il n'y ait pas cette barre de 100 000 m³ puis de 20 000 m³, puis je vais vous expliquer pourquoi. Si on met cette barre-là dans la région 03, il n'y aura pas de marché libre ici, parce qu'on n'a pas de bénéficiaires qui ont des volumes suffisamment grands pour pouvoir avoir un effet de marché libre dans notre région.

On pense qu'au niveau de l'approvisionnement ligneux, au niveau des allocations... des affectations des volumes, ça va demander le développement d'une stratégie pour que les volumes garantis puissent être déterminés en fonction de la distance, en fonction de la qualité... qualité des produits, et que les garanties puissent être données aussi en fonction des territoires historiques d'intervention, compte tenu quand même qu'il y a un certain nombre d'industriels qui ont développé des choses, développé des réseaux routiers, fait des travaux d'aménagement, et qui seraient... Ils sont en demande évidemment pour bénéficier, dans un certain sens, de cet historique d'intervention dans leur secteur.

Évidemment, on ne peut pas se cacher du fait qu'on est un petit peu inquiets, et je pense que de toute façon tout le monde l'est. Lorsqu'on met quelque chose en place, on se pose toujours la question sur le financement. On peut avoir les meilleures idées du monde, si les choses sont difficiles à financer, c'est très difficile à atterrir. C'est une préoccupation qu'on a beaucoup à l'université, et je la transmets ici, à cette table. Il est clair que ce nouveau régime transfère des responsabilités, transfère des actions qui étaient faites par l'industrie et qui sont reprises... et qui vont être reprises par le gouvernement, en partie évidemment par l'industrie, qui sont retournées vers le gouvernement. Tout ça va entraîner des coûts. La participation régionale, les responsabilités accrues au niveau des régions vont aussi augmenter... amener des coûts. Et on pense qu'une analyse économique de l'impact du régime va être importante pour... et trouver des solutions.

Évidemment, on peut penser à mettre des taxes sur les produits transformés, on peut penser augmenter les redevances. L'acceptabilité de telles propositions est certainement relativement faible, lorsqu'on parle d'ajouter des taxes ou d'augmenter des redevances. Même si c'était en place, les niveaux auxquels on pouvait les... on pourrait les mettre seraient difficilement acceptables. C'est pour ça qu'on revient avec l'idée de départ de société d'État, une société d'État d'aménagement des forêts avec des bras régionaux qui permettrait, dans une forme de société particulière, d'avoir des investissements de type capital patient, où des régimes de retraite pourraient venir... ou autres types d'investissement pourraient venir bonifier et amener des fonds supplémentaires.

Rapidement, au niveau de la forêt privée, la commission est contente et très satisfaite que le gouvernement réaffirme le rôle des agences de mise en valeur. C'est particulièrement important dans notre région, compte tenu que 35 % de notre forêt est privée.

Au niveau du calcul, en terminant, de la possibilité forestière, nous pensons que l'avenue de maintenir ou améliorer la capacité productive des forêts, le renouvellement et l'évolution des forêts vers un état défini sont louables. Mais évidemment tout ça va demander une base expérimentale, va demander des projets pilotes pour préciser un peu qu'est-ce qu'on entend... et comment on va faire ces choses-là.

Nous pensons qu'il s'agit là d'un très bon régime. Nous sommes tout à fait ouverts à donner notre appui et à aider le gouvernement lors de la mise en oeuvre de ce régime... de ce nouveau régime forestier. Et on a déjà des choses dans la région qui pourraient faire l'objet de projets pilotes. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci à vous, M. Cloutier. Merci, M. Bauce, pour la présentation de ce mémoire. Ouvrons dès maintenant la période d'échange en débutant avec notre ministre. Alors, Mme la ministre.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Henri, bonjour. Merci d'être là. Henri, qui est président... qu'on connaît bien. Josée, bonjour. M. Bauce. Également saluer... J'ai oublié votre nom.

Une voix: Raymond.

Mme Normandeau: M. Raymond, bonjour. Merci beaucoup d'être là, c'est très apprécié.

Henri, je me faisais la réflexion suivante. Je me disais: La CRE de la Capitale-Nationale est très, très chanceuse de compter des gens... sur des gens comme M. Bauce pour vous accompagner. Très impressionnée que votre commission régionale soit composée de 23 commissaires. Quand même, vous avez accès à des compétences, là, qui sont vraiment fabuleuses. Je vous remercie pour votre mémoire, parce que, de façon générale, ce qu'on constate, c'est que vous êtes en accord avec la plupart des éléments qui sont contenus dans le projet de loi.

J'aurais peut-être quelques questions un peu plus pointues. Premièrement, est-ce qu'il y a des industriels qui siègent à votre commission régionale? Et, si oui, de quelle... comment... Si vous aviez à qualifier la nature de la relation, là, avec eux, quelle est-elle? Et, dans les recommandations à... ou sur les thèmes qui portent sur l'aménagement durable des forêts, vous affirmez ceci: «Que les processus de planification forestière reposent sur une structure légère.» Est-ce à dire que ce que le projet de loi contient ne répond pas ou ne correspond pas au voeu que vous exprimez à la page 3 de votre mémoire? Je souhaiterais vous entendre là-dessus, parce qu'on propose un changement de fond quant à tout le processus décisionnel, à tout le processus de participation, autant des détenteurs que des élus, tout ça pour, dans le fond, qu'on puisse vraiment avoir un régime forestier qui s'appuie sur une participation, là, sur un engagement actif des communautés par une déconcentration de la prise de décision. Alors, là-dessus, je souhaiterais peut-être que vous puissiez nous donner un petit peu plus de précisions.

Également, à la page 4, vous affirmez: «Que les "forêts de proximité" bénéficient d'avantages concurrentiels». Ça veut dire quoi, bénéficier d'avantages concurrentiels, pour les projets de... les forêts de proximité? Peut-être qu'on va commencer avec ça, M. le Président, puis après on pourra poursuivre.

Le Président (M. Ouimet): Trois bonnes questions.

n(15 h 20)n

M. Cloutier (Henri): Alors, je vais prendre une partie de la question et je vais laisser le restant à M. Bauce pour la réponse. D'abord, à votre première partie, oui, effectivement on est très heureux puis très chanceux d'avoir la participation de M. Bauce, sans compter que c'est aussi un ouvrier de la première heure, en étant membre de la commission Coulombe, je pense, au point de départ, très au fait de tout le processus depuis le début.

Deuxièmement, notre commission des ressources naturelles et du territoire est composée, on le disait tantôt, de 23 personnes, oui; les industriels en font partie, oui. Par exemple, on peut vous dire qu'il y a de la scierie, il y a le Conseil régional de l'environnement, il y a l'Unité régionale de loisir et des sports. Les autochtones aussi sont représentés, la SEPAQ, AbitibiBowater également, le Syndicat des propriétaires forestiers, l'association forestière, etc. Donc, c'est un groupe de personnes très varié et très au fait de tout le domaine de la forêt. Encore là, je dis: On est chanceux d'avoir M. Bauce, mais aussi très chanceux d'avoir toute cette variété, cette compétence qu'il y a au sein de la CRNT.

Et, pour la deuxième partie de votre question, qui touchait davantage la rentabilité, ou quelque chose comme ça, là...

Mme Normandeau: Non, c'est...

M. Cloutier (Henri): ...très concret, là...

Mme Normandeau: ...concernant le processus de planification forestière.

M. Cloutier (Henri): ...de planification, ça, je vais laisser le soin à M. Bauce de répondre à votre question.

Mme Normandeau: ...des Hurons-Wendat qui sont présents dans votre commission?

M. Cloutier (Henri): Oui. Les Montagnais aussi, oui.

Mme Normandeau: Les Montagnais.

Le Président (M. Ouimet): M. Bauce.

M. Bauce (Éric): En fait, on pense qu'effectivement la structure doit être légère. Il est très important d'avoir des systèmes qui sont relativement simplifiés, dans les processus décisionnels. Il faut comprendre qu'on fait affaire avec une utilisation de territoire qui doit réagir assez rapidement aux marchés. Les marchés évoluent très, très, très vite, donc ça prend une structure qui est capable de réagir de cette façon-là pour s'adapter. Un des aspects, évidemment, quand on parlait de s'adjoindre un comité d'experts au niveau du ministère, c'est une des façons... vous allez me dire: C'est un comité de plus, là, mais c'est une des façons de simplifier les choses, parce que le travail est déjà relativement bien canné avant qu'il parte dans les systèmes... dans les systèmes de concertation.

Mme Normandeau: Est-ce que vous pensez qu'actuellement, avec ce que vous avez lu dans le projet de loi, que le processus de planification est trop lourd? Si vous aviez à porter un regard critique sur ce que vous avez lu, quelle serait votre appréciation?

M. Bauce (Éric): On ne pense pas que le système soit trop lourd, dans le système qui est proposé. Notre préoccupation a été beaucoup plus au niveau du financement de tout ça, mais pas au niveau de la lourdeur.

Mme Normandeau: ...proximité, maintenant, vous parlez d'avantages concurrentiels. Ça, vous êtes la première CRE qui nous parle d'avantages concurrentiels et même la première organisation qui nous parle d'avantages concurrentiels des forêts de proximité. Ça veut dire quoi, ça, concrètement?

M. Bauce (Éric): Ce qu'on a en tête là-dedans, c'est que, lorsque des gestionnaires de forêt de proximité vont gérer un territoire, qu'ils puissent gérer l'ensemble des ressources, donc d'être en mesure de gérer la faune, les baux, etc., pour se générer un avantage concurrentiel, c'est-à-dire une diversification des produits et des marchés qu'ils vont avoir sur leur territoire.

Mme Normandeau: Parce que, ce matin, on a accueilli Zecs Québec, qui nous disait dans le fond: Dans le concept de forêt de proximité, nous, on souhaite être là, on souhaite être présents. Alors là, il y a plusieurs détenteurs qui se... qui lèvent la main puis qui disent: À l'intérieur d'un mode de tenure comme les forêts de proximité, nous, on souhaite être là. Alors, ça va commander une concertation quand même assez intéressante dans un contexte où, là, on va faire des nouveaux apprentissages.

M. Bauce (Éric): Tout à fait. Dans le même... dans le même contexte que le projet de Charlevoix, il y a 30 groupes différents qui interviennent à l'intérieur de ce projet-là pour un même objectif, finalement, de mettre en valeur de façon durable ces forêts.

Mme Normandeau: Vous avez... Puis peut-être... Combien... Il reste combien de temps, M. le Président? On a encore du temps?

Le Président (M. Ouimet): Au moins quatre, cinq minutes.

Mme Normandeau: Bien. Je vais laisser la parole par la suite à mon collègue André, mais peut-être, avant... Vous nous avez dit tout à l'heure, sur les unités d'aménagement forestier: On souhaiterait qu'elles soient calquées sur les limites des régions administratives. Il y a, quoi, 74, 75 unités d'aménagement forestier au Québec. Évidemment, ce n'est pas évident, parce que c'est un exercice qui est toujours un peu quand même assez complexe, de revoir la délimitation des unités d'aménagement forestier, puis ce n'est pas le genre d'opération dans laquelle un ou une ministre aime se lancer, sincèrement, parce que ça commande tout un processus de consultation. Alors, est-ce que ça pose un si grave problème, chez vous, que ça? Parce que çà, je comprends, vous êtes à cheval sur, quoi, Mauricie, dans votre cas?

M. Cloutier (Henri): Une partie Lac-Saint-Jean, par exemple, et Charlevoix...

Mme Normandeau: Puis une... O.K.

M. Cloutier (Henri): ...puis tout ça, là, qui a des... Oui, on est comme assis à cheval. À deux endroits aussi, dans Portneuf?

Une voix: Portneuf aussi.

Mme Normandeau: Avec la Mauricie, c'est ça?

Une voix: Oui.

Mme Normandeau: O.K. Puis concrètement quel genre de problème ça représente au quotidien pour la commission, par exemple? Ou qu'est-ce que vous anticipez comme difficulté, le fait qu'il y ait... dans le fond, qu'il n'y ait pas un arrimage parfait entre les deux territoires?

M. Bauce (Éric): Ce qui est difficile en termes de gestion, c'est qu'il y a un plan d'aménagement qui va devoir être fait par une table sur une partie d'une UAF, un plan d'aménagement pour la même UAF, mais sur une autre partie, qui va être fait par une autre région, et c'est d'accrocher ces deux choses-là ensemble qui va devenir un défi important d'un point de vue opérationnel.

Mme Normandeau: Peut-être, là-dessus, vous rassurer, parce que, je ne me souviens plus c'est quelle CRE, je ne souviens pas si c'est Mauricie ou Abitibi-Témiscamingue, je pense que c'est Abitibi-Témiscamingue, on disait: En principe, le projet de loi prévoit une table GIRT, là, de gestion par unité d'aménagement. Bien là, on s'est dit: À un moment donné, les amis, c'est peut-être un peu compliqué comme processus, là. On veut que les régions soient créatives et on se dit: Il faut avoir une planification qui ressemble à ce qu'on est, là, à laquelle on va s'identifier. Donc, la possibilité que vous ayez, par exemple, une table GIRT pour l'ensemble de vos unités d'aménagement, là, c'est un élément avec lequel on serait très, très confortables. On veut que ce soit opérationnel puis que ce soit le plus intelligent possible. Alors, dans le fond, j'ai envie de vous dire: On ne veut pas prescrire une recette, là, qui... pour tout le monde, mais on veut vraiment que les territoires soient... comment dire, soient imaginatifs, là, par rapport à tout ça.

M. Bauce (Éric): Je suis très content de vous entendre dire ça, parce qu'on est en train de réfléchir justement aux tables GIRT, et on ne pense pas qu'il soit souhaitable, au niveau de la région, d'avoir une table par UAF. En fait, ce qu'on va se ramasser, c'est... ce qu'on se ramasserait, c'est plusieurs tables, mais c'est toujours les mêmes gens. Ça fait qu'on change les gens de place, là, ce qui ne rend pas les choses tellement fonctionnelles. On veut réduire le nombre de tables.

Mme Normandeau: ...réaction, ici, très, très vive du sous-ministre aux opérations régionales. C'est lui qui est pris avec tout ça, là, alors il va... il va être très, très heureux, effectivement. Mais c'est... on va encourager ce genre de pratique, là. Puis c'est pour ça... je vous... Vous parliez tout à l'heure de structure légère, enfin...

Bref, moi, je vais arrêter mes commentaires ici. Mon collègue de Jean-Lesage a sûrement des commentaires. Puis on pourra s'en garder pour le deuxième bloc aussi.

Une voix: M. le Président...

Le Président (M. Ouimet): J'allais dire: Peut-être dans un deuxième bloc. Vous allez avoir un peu plus de temps pour développer votre question.

Mme Normandeau: O.K. Parfait. Excellent.

Une voix: Pas de problème. Pas de problème.

Le Président (M. Ouimet): Ça vous va?

Une voix: Pas de problème.

Le Président (M. Ouimet): Allons du côté de l'opposition officielle. M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui. Merci, M. le Président. Vous avez des suggestions qui sont très pertinentes puis précises, qui sont, à mon avis, très intéressantes. Il y a quelques explications que je voudrais avoir par rapport à ça. Quand vous dites, là, que... Vous parlez entre autres, là, à la page 3... «Que [les] éléments de la SADF soient transmis aux CRE dans les plus brefs délais.» Pour vous, c'est quoi, les plus brefs délais?

M. Bauce (Éric): Bien, il faut comprendre que d'ici fin 2010 il y a un certain nombre d'étapes qu'il faut être franchies... qui devront être franchies pour avoir des calculs pour les prochains plans. Nous, on doit faire un plan régional de développement. Évidemment, notre plan régional de développement, il faut qu'on le fasse dans l'esprit de ce qu'il va y avoir dans ces éléments de durabilité des forêts. Il y a les calculs qui vont devoir être faits, il y a les plans d'aménagement, tout ça, donc il y a toute une série d'événements qui sont fortement dépendants de ce dossier-là. C'est pour ça qu'évidemment... le plus rapidement possible, si ce n'est pas de façon complète, tout du moins de façon partielle, pour donner des grandes lignes directrices.

M. Trottier: Ce serait quoi, un délai raisonnable, pour vous, par rapport à la planification que vous devez faire?

M. Bauce (Éric): Hier.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trottier: Ça fait qu'on a sauté une étape.

M. Bauce (Éric): Oui. Ça arrive.

M. Trottier: O.K. Vous mentionnez que le processus de planification repose... doit reposer sur une structure légère, une simplification des normes. Il y en a plusieurs qui nous en ont parlé, mais qu'est-ce que vous auriez comme piste par rapport à ça? Comment on pourrait faire? Parce qu'il y a d'autres intervenants qui nous ont parlé de ça. Parce que c'est bien de vouloir mettre en place un nouveau régime forestier, bon, il faut qu'on ait une gestion écosystémique, mais l'opérationnalisation de tout ça, comment ça va se passer, ça inquiète beaucoup de monde. Puis je les comprends, parce que dans le fond, là, dans le fond il y a... oui, il va falloir qu'on ait une gestion plus écologique mais aussi plus efficace, et ça, cet aspect-là, il en interroge plusieurs. Ça fait que ce seraient quoi, vos pistes qu'on pourrait se donner pour arriver à ça?

M. Bauce (Éric): Bien, il y a certains éléments qu'on peut retrouver dans les travaux du comité, sur la simplification, qui avaient été faits en collaboration avec le ministère et l'industrie, où il y avait pas mal d'éléments de simplification là-dessus, ne serait-ce que sur le mouvement des opérations. C'est clair que, lorsque les planifications ne sont pas regroupées, vous allez vous ramasser avec des opérations forestières à un endroit, qui doivent se déplacer à un autre endroit, ainsi de suite. Ça, c'est des coûts énormes et c'est une complexité, évidemment, qui n'est pas tellement souhaitable.

n(15 h 30)n

Je crois qu'un des aspects... Lorsqu'on parle de gestion par objectifs, où on rend évidemment imputables les gestionnaires qui déterminent des objectifs et qu'on met des indicateurs pour voir l'atteinte de ces objectifs-là, ça, c'est des choses qui simplifient énormément... énormément la gestion. Et ça laisse évidemment la créativité, toujours dans les limites d'un certain cadre, quand même, là, la créativité des professionnels. Je pense que ça, c'est des éléments qui sont importants. La gestion par objectifs, c'est quelque chose qui est très discuté aussi et qui permet d'avancer justement vers des choses peut-être un peu plus simples.

M. Trottier: Vous avez des inquiétudes sur le calcul des possibilités forestières. Vous dites même que... Vous vous demandez si on n'aurait pas dû mieux définir le calcul actuel par rapport au prochain. Est-ce que vous pouvez donner plus d'explications? Puis, est-ce que vous croyez qu'on devrait donner plus d'indépendance au Forestier en chef, qui est quand même le personnage clé à travers tout ça? Il y a plusieurs... plusieurs groupes qui nous ont dit que le Forestier en chef devrait relever davantage de l'Assemblée nationale que du gouvernement. Est-ce que vous pensez que c'est une bonne piste, ça?

M. Bauce (Éric): Vous relancez un débat pré et post-Coulombe, là, sur où devrait être rattaché le Forestier en chef. En fait, je répondrai plutôt: par son mandat. On pense que le Forestier en chef doit concentrer vraiment son travail sur le calcul, sur la rigueur du calcul, sur la validité, la précision des intrants qu'il y a dans ces modèles. On était un petit peu inquiets lorsqu'on a vu, dans le document explicatif, que le Forestier en chef fournit des recommandations sur les activités réalisées pour maintenir les possibilités forestières. On ne pense pas que le rôle du Forestier en chef, c'est de maintenir une possibilité, mais c'est plutôt de la calculer, cette possibilité-là, de la façon la plus rigoureuse possible.

M. Trottier: Sur la question des CAAF actuels, vous parlez d'une garantie à 80 %. On sait que c'est un peu élastique, cette notion-là. Là, disons qu'on avait parlé de 25 %, au début, qui devait aller à l'encan. Là, vous dites: Ça devrait être 80 %. Pourquoi vous dites 80 % plutôt que 25 %, plutôt que 70 % ou 75 %, comme certains le laissent entendre?

M. Bauce (Éric): Je pense que c'est un chiffre de départ. Je ne pense pas qu'on devrait nécessairement statuer pour l'éternité à tel pourcentage. L'idée, c'est de commencer quelque part, que ce soit 20 %, que ce soit 25 %, que ce soit 30 %, c'est d'avoir un chiffre qui permet de générer un marché. Lorsque le bureau de mise en marché va être mis sur pied, j'imagine qu'il va y avoir une étude qui va venir déterminer combien devrait être exactement ce pourcentage pour créer réellement un marché. Donc, on ne s'attache pas nécessairement au 80 %. On s'attache plutôt, au niveau de la région, sur la barre du 100 000 m3, qui est une barre qui exempte ces 100 000 m3 là, et ça, évidemment, pour nous, ça ne générera pas de marché dans la région.

M. Trottier: Vous dites également, au niveau du financement, puis vous n'êtes pas les seuls, là, que ça amène des inquiétudes et qu'une analyse économique des impacts et de son financement soit rapidement complétée pour assurer la mise en oeuvre... une mise en oeuvre efficace et réaliste. Est-ce que vous pensez qu'avant d'aller plus loin c'est notre première priorité? Puis, quelle sorte de délai on devrait se donner par rapport à ça?

M. Bauce (Éric): Je pense que, dans un système démocratique, on doit dans un premier temps s'entendre sur des grandes orientations. C'est ce qui transpire finalement dans ce projet de loi, il faut donner les grandes orientations au virage. Après ça, il faut faire la mise en oeuvre de tout ça. Mais, lorsqu'on met en oeuvre un projet, évidemment la première question qu'on doit se poser, c'est: Combien ça coûte? Puis, est-ce que c'est rentable et comment on va financer ça?

On a un peu d'inquiétudes, on a des inquiétudes sur le financement du régime en tant que tel. On a... comme vous avez pu voir dans le mémoire, on a des inquiétudes sur le financement de la recherche, face aux orientations qui sont prises. Parce qu'il est clair que présentement la plupart des activités, des grosses activités de recherche, chaires de recherche, etc. au Québec sont financées par des apports de contreparties, industries et gouvernement fédéral. Et, si l'industrie sort graduellement de son intervention dans le milieu forestier pour se concentrer sur les produits forestiers, on est particulièrement inquiets de savoir comment tout ça va être financé. On a des propositions, d'ailleurs, dans le mémoire pour venir pallier à cette situation-là.

M. Trottier: Est-ce que je comprends bien votre position en disant qu'on devrait, au sortir de cette commission, définir les grandes orientations qui font consensus, puis, suite à ça, dire, bien, avec ces grandes orientations là, combien ça coûte, qui va financer quoi, puis, suite à ça, se demander si on a le moyen de se payer ce nouveau régime là, puis de réorienter en fonction des disponibilités financières qu'on veut mettre là-dedans?

M. Bauce (Éric): Je pense que la grande question qu'on doit se poser... Parce que... en tout cas, je regarde au niveau de la région, il y a un grand consensus pour ce projet de loi. La question qu'on doit se poser, c'est: Comment on va le financer? On a fait un certain nombre de propositions à l'intérieur du mémoire pour voir comment tout ça va pouvoir être financé.

M. Trottier: Est-ce que... Vous mentionnez qu'au niveau de l'aménagement intensif et des forêts de proximité, bon, il faudra qu'il y aura des retombées. Comment vous voyez ça? C'est quoi, la plus-value de... la plus importante au niveau de l'aménagement intensif puis des forêts de proximité? Comment vous voyez ça?

M. Bauce (Éric): Bien, c'est clair que les forêts de proximité ont de nombreux avantages, lorsqu'elles partent avec un capital sur, évidemment, du potentiel, ça fait travailler les gens dans la région, ça les implique directement. Le fait qu'elles soient proches des communautés ouvre la porte à toutes sortes de développements, toutes sortes d'utilisations qui sont à très haut potentiel. Évidemment, lorsqu'on parle de récréotouristique, etc., plus facile d'amener les gens un petit peu plus proche des communautés que de les amener en haut de la limite nordique pour aller faire du tourisme. Mais c'est des choses comme ça, où il y a un grand potentiel en termes d'utilisation multiple de la ressource du territoire forestier dans les forêts de proximité.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. le député. Allons du côté de notre collègue le député de Jean-Lesage.

M. Drolet: Merci, M. le Président. Bien, je suis très heureux, M. Cloutier, Mme Tremblay, M. Bauce et M. Raymond, de vous rencontrer aujourd'hui. Surtout pour un député comme moi, de la Capitale-Nationale, qui est quand même éloignée souvent du secteur forestier, je suis très surpris d'entendre l'importance que ce projet-là a et surtout que vous avez dit que c'était très rafraîchissant, le projet mis sur la table. Mais je suis très surpris de voir qu'il y a autant de foresterie dans la Capitale-Nationale, et surtout 35 % de forêt privée, c'est très, très important, et 10 000 emplois. Par contre, il y a une chose que j'aimerais voir avec vous, que vous avez parlé tout à l'heure, que l'aménagement écosystémique soit au coeur de la gestion des forêts. Vous avez parlé de deux projets pilotes, entre autres, dans Charlevoix et dans la réserve faunique des Laurentides. J'aimerais ça vous entendre un petit peu plus là-dessus, sur ce projet-là, pilote.

M. Bauce (Éric): Si on fait référence, par exemple, au projet de la réserve faunique des Laurentides, l'idée de ce projet-là, dans une première phase qui est terminée, c'est de voir dans quelle mesure on peut prendre en compte les enjeux de biodiversité, les enjeux écologiques, les prendre en compte tout en maintenant une activité économique et maintenir une possibilité forestière. Et ça fonctionne. Il y a moyen d'organiser les opérations. On a fait ça en étroite collaboration avec les industriels qui sont... qui utilisent ce territoire-là et les différents acteurs qui utilisent ce territoire-là, où il y a des stratégies qui permettent de prendre en compte ces grands enjeux et de maintenir une possibilité forestière.

La deuxième étape qui va être amorcée est de voir dans quelle mesure on peut continuer à prendre en compte tous ces enjeux-là et augmenter la possibilité forestière.

M. Drolet: Merci beaucoup. Peut-être une deuxième question, M. le Président, si c'est possible.

Le Président (M. Ouimet): Oui. Allez-y.

M. Drolet: On n'était pas là lors de la dernière, si vous voulez, et j'aimerais... Au niveau de la gouvernance, vous recommandez que le gouvernement reconsidère la mise en place d'une société d'aménagement des forêts afin d'effectuer la planification et la mise en valeur des ressources naturelles. Comme vous le savez, cette proposition n'a pas fait le consensus lors de la Commission de l'économie et du travail sur le document de 2008. Pouvez-vous nous préciser un petit peu les principales raisons de ces recommandations-là?

M. Bauce (Éric): Bien, la première raison, évidemment, est une raison, comme on l'explique dans le mémoire, de financement de tout ça. On pense qu'il n'est pas nécessairement souhaitable d'avoir des sociétés d'aménagement partout. On pense qu'il y a un besoin d'une certaine centralisation de ce côté-là. Ce n'est peut-être pas un discours très populaire, là, mais... d'avoir une société d'aménagement avec des composantes régionales, une société qui a son conseil d'administration, une société qui serait en mesure d'attirer des fonds privés pour investir sur le territoire. C'est la raison principale pourquoi on amène... Et c'est exactement la même raison pourquoi on amenait cette proposition-là lors de différents documents qu'on a déposés aux commissions.

n(15 h 40)n

M. Drolet: Merci, monsieur.

Le Président (M. Ouimet): Merci, M. le député. M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

M. Bernard: Bien, merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Je vais être très bref. Vous avez parlé de l'accès aux ressources forestières puis le Bureau de mise en marché du bois. Vous avez parlé effectivement de la problématique du 100 000 m³ puis du 25 000 m³. Naturellement, les entreprises, entre autres, nous ont demandé une certaine garantie, puis c'est compréhensible, là, un peu, dans leur état. Mais toutefois j'aimerais voir avec vous quels seraient les impacts de maintenir qu'est-ce qu'on veut faire actuellement au niveau d'un marché du bois qui soit efficace. Et également une question sous-jacente: pour la deuxième, troisième transformation, des gens nous ont demandé, entre autres, c'est l'UMQ ou la FQM, de venir à avoir un marché des bois à deux niveaux pour permettre justement d'orienter des volumes vers la deuxième, troisième transformation. Alors donc, en bref, quelle est votre vision d'un bureau du marché du bois pour qu'il soit vraiment efficace puis atteigne les objectifs de finalité que le gouvernement s'est dressés?

M. Bauce (Éric): Évidemment, la barrière du 100 000 m³, comme je mentionnais précédemment, crée une situation où il n'y aura pas de marché du bois dans la région de Québec, parce que, la région de la Capitale, tous les volumes vont être garantis, essentiellement. Ça, c'est un impact qui est difficile pour nous. Si on regarde au niveau des résineux, on a deux bénéficiaires qui sont autour de 103 000 puis 104 000 m³, ça fait que comprenez que, trois plus quatre, 80 % de ça, là, ça ne fait pas beaucoup de mètres cubes sur le marché. Ça, c'est une des problématiques qu'on voyait à cet aspect-là. On pense qu'un...

M. Bernard: Est-ce que ce serait néfaste si... Intrinsèquement, qu'est-ce que ça représenterait, à ce moment-là, dans le milieu de la Capitale, s'il n'y a pas de marché de bois disponible?

M. Bauce (Éric): Bien, si l'objectif, c'est de créer un marché du bois puis qu'il n'y en a pas, je pense que ça va à l'encontre de...

M. Bernard: ...du Québec.

M. Bauce (Éric): Ça va à l'encontre de l'esprit de la proposition, essentiellement, là. Au niveau d'avoir deux types de marchés orientés vers... un sous-marché orienté vers la deuxième, troisième transformation, généralement les lois du marché créent ces orientations-là elles-mêmes. S'il y a moyen de faire beaucoup plus d'argent avec des produits de deuxième, troisième transformation, bien c'est clair que la personne qui va l'acheter va être prête à mettre beaucoup plus d'argent dans l'achat de la matière première. Donc, je pense qu'il serait beaucoup plus souhaitable de laisser les lois du marché et laisser la créativité des gens influencer ce système-là plutôt que d'avoir des systèmes à deux vitesses.

M. Bernard: À la page 11, vous dites également: «Le MRNF devrait préalablement élaborer une stratégie d'affectation de ces volumes, tenant compte de la distance et de la qualité des tiges.» Pourriez-vous expliquer un peu plus, s'il vous plaît, cette phrase-là, cette affirmation?

M. Bauce (Éric): Évidemment, lorsqu'on parle de garantir 80 % ou garantir un volume de bois à des industriels, il serait assez pertinent... Et j'entendais tout à l'heure les gens qui nous ont précédés parler de l'importance de la distance du bois par rapport à l'usine. C'est des coûts, c'est des coûts énormes! Donc, lorsqu'il y a attribution des bois, il est particulièrement pertinent de parler de distance par rapport à l'usine, et aussi de qualité, dépendant de ce que les gens font avec le bois.

M. Bernard: ...ça rejoint... un peu les commentaires, ça tourne autour de deux marchés du bois, qu'on parlait, à deux niveaux. Quand vous dites, à ce moment-là... Les gens, aussi, de l'UMQ et de la FQM nous parlaient un peu de facteurs de régionalisation, c'est-à-dire, si possible, que les bois soient alloués dans les régions de leur provenance, et autres. Donc, qu'est-ce que vous formulez là irait pas mal dans ce sens-là aussi, en lien de proximité d'usine.

M. Bauce (Éric): Je dirais que c'est un effet de marché, là. Si, moi, j'ai une usine, puis il y a du bois qui est à 25 km, c'est sûr que je pars avec un avantage par rapport à celui qui a une usine à 400 km de chez nous et qui va venir cueillir le bois. Cet avantage-là, il est indéniable et il devrait se traduire normalement sur la capacité des gens à acheter le bois.

Le Président (M. Ouimet): Il reste deux minutes, deux, trois minutes. Ça va?

M. Pigeon: Oui.

Le Président (M. Ouimet): Très bien.

M. Pigeon: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet): Alors, M. le député.

M. Pigeon: Je vais poser une question brève, là, sur la question recherche et développement. Je vois que vous demandez «que les mesures adoptées dans le cadre de la réforme visent à améliorer la compétitivité de l'industrie de la transformation du bois», et, j'imagine, là, comme tout le monde, vous souhaitez évidemment que l'industrie performe, soit innovante, innovante autant dans l'aménagement que dans l'exploitation de la forêt, que dans la transformation, l'utilisation des produits, etc., mais vous avez ciblé vos recommandations sur la recherche et le développement sur un ou deux aspects. Est-ce que vous pourriez élaborer un peu plus sur ce qui, pour vous, là, serait souhaitable pour qu'on ait vraiment une industrie innovante puis qui profite du cadre qui est donné par la loi pour faire en sorte qu'elle se développe mieux?

M. Bauce (Éric): Il est clair que la recherche, c'est le moteur finalement de production de nouveaux produits, de nouveaux types d'utilisation et aussi au niveau des sources d'approvisionnement. Ce que l'on mentionne, c'est notre inquiétude face au financement sur le milieu forestier. En ce qui concerne le financement sur les nouveaux produits, il y a beaucoup de programmes, il y a des nouveaux programmes fédéraux, il y a toutes sortes de programmes où il y a une emphase, effectivement, qui est mise là-dessus. Et c'est très souhaitable, parce qu'on doit développer des produits de niche, on doit développer.

Ce qui caractérise le Québec, entre autres, c'est sa créativité, c'est sa capacité à produire des choses nouvelles. Il est clair qu'en termes de volume, quand vous avez une forêt en Amazonie qui produit 90 m³ à l'hectare d'eucalyptus en un an et que, nous, on en produit 1,5 m³, il ne faut pas s'en aller sur les volumes, là, il faut s'en aller sur la qualité et sur des nouveaux produits. Les gens qui ont bien réussi, les Chlorophylle, et tout ça, ils ne font pas... ils ne font pas du cheap, entre guillemets, là, ils font des produits de qualité, qui ont une grande valeur ajoutée. Ça, c'est un fait.

Au niveau de la forêt, on est particulièrement inquiets en termes de système de financement, parce que le système d'acquisition de connaissances sur les chaires est basé sur les programmes de partenariat industrie-fédéral, et, si l'industrie met tout son argent vers les produits et beaucoup moins vers ses approvisionnements parce qu'elle va se sentir une moins grande responsabilité, ce que l'on suggère, c'est qu'il y ait des discussions entre le ministère et les agences subventionnaires fédérales pour que le ministère puisse venir prendre la relève et que son argent investi puisse être apparié par le fédéral, pour maintenir les besoins de connaissances qu'il y a dans le milieu.

M. Pigeon: Merci.

Le Président (M. Ouimet): Très bien. Merci à vous, M. le député. Donc, maintenant, Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Messieurs, je vais aller à la page de votre mémoire où on parle de l'objet de la loi et où vous dites que «l'objectif d'accroître le capital forestier ne justifie pas la proposition de zonage a priori», qu'il faudrait donc l'éliminer de la proposition de... le processus de zonage et «le substituer par l'engagement gouvernemental [à] soutenir le développement des collectivités notamment par l'aménagement intensif des forêts». J'aimerais que vous nous expliquiez la valeur ajoutée de cette proposition.

M. Bauce (Éric): En fait, l'idée qu'il y a derrière tout ça, c'est de ne pas se lancer dans un système de zonage a priori, mais de le faire au moment de la confection des plans. Ce qui ne veut pas dire... Évidemment qu'il y a des zones à potentiel. Présentement, il se développe, au ministère, une certaine cartographie pour donner des potentiels pour de la sylviculture intensive, ligniculture et autres. Ça, c'est des zones à potentiel. Mais la détermination d'où ça va être fait puis comment ça va être fait devrait être au niveau des plans d'aménagement.

Je peux faire référence au fait que notre commission a pris aussi une orientation, sur les plans de développement régionaux, où on n'a pas l'intention de définir géographiquement dans le plan régional où vont être les projets de sylviculture intensive. Notre intention, dans le plan, est de déterminer des cibles régionales de production en fonction des différents types de ressources, et c'est au niveau local que les gens vont faire marcher leur créativité et leurs expertises pour l'atteinte régionale de ces cibles.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci. J'aurais une deuxième question. Vous parlez aussi dans votre mémoire de la promotion de la culture et des métiers forestiers. On a eu tout à l'heure des intervenants qui sont venus nous parler des différents métiers dans la forêt, de leur piètre qualité... souvent, en tout cas des conditions de travail assez difficiles. Et, pour avoir oeuvrer un bon moment de ma vie en éducation, je sais qu'au niveau de la formation professionnelle de même qu'au niveau de la formation technique on en parle très peu, des métiers de la forêt. Je sais qu'il y a des jeunes qui pourraient s'y intéresser. Et comment vous voyez la capacité de répondre au défi qu'on a de faire en sorte que la forêt, son importance comme ressource, son importance au Québec, aussi, dans le secteur économique, dans le secteur du travail, soit comprise par les gens? Vous dites: La perte de confiance des Québécois envers la gestion de la forêt se présente comme une faiblesse. Comment on fait pour rehausser ça et faire en sorte que nos jeunes aient le goût aussi d'aller dans les métiers de la forêt?

n(15 h 50)n

M. Bauce (Éric): Je dirais que ça part de la base. C'est sûr que, dans des discours généraux où on cueille des fleurs et on abat des arbres, on part avec moins un. Je suis profondément convaincu que ça commence chez les enfants et que ça doit être un petit peu dans toute l'évolution. On a souvent un système où des actions de sensibilisation, de compréhension que, si on coupe des arbres, et les arbres poussent... Les peuplements évoluent selon des perturbations naturelles: des feux, des insectes, etc. L'homme, s'il fait bien les choses et il imite bien la nature, peut aussi avoir une action de type perturbation naturelle.

Il est important de... Souvent, on va prêcher chez les convaincus. Je suis convaincu que, si, demain matin, on s'en va au Lac-Saint-Jean ou on s'en va à Amos et qu'on explique ces choses-là, les gens sont convaincus, et on n'aura personne à convaincre. Ce que l'on propose, c'est la création d'une entité qui est plus nationale, qui va venir supporter les différentes organisations et qui vont être capables d'aller toucher les gens qui voient la forêt comme une image et qui n'ont pas nécessairement eu l'occasion de pouvoir y aller et de voir que la forêt est un système qui est dynamique, qui évolue tout le temps. La forêt, ce n'est pas une image dans l'actualité, qui va rester là de façon éternelle, c'est quelque chose qui évolue, qui meurt et qui se rajeunit, etc.

Le Président (M. Ouimet): Merci, Mme la députée. M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui. Nous sommes en pleine crise forestière. Ça se traduit comment dans la Capitale-Nationale? C'est quoi, les principaux... au niveau de la Capitale-Nationale?

M. Bauce (Éric): Bien, c'est sûr qu'au niveau de la Capitale-Nationale c'est assez difficile, il n'y a pas plus de marché pour le bois dans la Capitale-Nationale qu'il y en a ailleurs. Au niveau des papetières, bien vous voyez qu'il y en a quelques-unes qui sont fermées temporairement. Au niveau des scieries, bien il y en a qui ferment aussi. C'est une situation qui est particulièrement, évidemment, difficile pour tous. Il y a des processus de consolidation qui sont en cours, et l'avenir va nous dire comment tout ça va se répercuter sur le nombre d'usines qui vont rester, et comment la Capitale-Nationale, et l'ensemble de l'industrie forestière ligneuse du Québec, va se restructurer et comment elle va s'en sortir face à tout ça.

M. Trottier: Je sais qu'il est difficile de prédire l'avenir, mais beaucoup de gens disent qu'on est dans une phase de restructuration de notre entreprise et que dans le fond le portrait qu'on avait de l'industrie forestière des 10 dernières années, par rapport à celui des 10 prochaines, sera probablement très différent. Comment vous voyez l'avenir de l'industrie forestière? C'est quoi, les grandes... on pourrait dire, les nouveaux produits que vous voyez dans l'avenir? Puis, qu'est-ce qu'on devrait faire pour que ces produits-là puissent être mis sur le marché? Parce que, là, on le voit, là, il faut probablement qu'on sorte des sentiers battus, sinon c'est un peu... Ça me semble assez difficile comme avenir à court terme.

M. Bauce (Éric): Il y a beaucoup de... il y a beaucoup de nouveaux produits. Tu regardes juste la position du Québec en termes de valeur de livraisons sur les produits à valeur ajoutée, il y a eu une montée fulgurante de ce côté-là, on a dépassé la Colombie-Britannique, on est la province qui se développe le plus au niveau de la deuxième et troisième transformation. Évidemment, c'est des choses qui vont prendre de l'ampleur, il y a toutes sortes d'autres produits qui vont se développer.

Probablement que le portrait sera un peu différent, au même titre que le portrait était assez différent dans les années trente, où on avait une structure industrielle qui était basée sur la drave. Les choses évoluent, hein, et c'est normal. Le jour où on a inventé l'électricité, bien c'est sûr que les vendeurs de chandelles ont eu un peu de misère. Mais ça fait partie de la vie puis ça fait partie d'une société qui est capable de s'adapter. Et je suis profondément convaincu que Québec va s'adapter. On a un potentiel énorme.

On oublie souvent qu'au Québec on a l'avantage d'avoir une forêt naturelle et la possibilité de faire des plantations en forêt artificielle. Si vous allez en Europe, toutes les forêts, c'est toutes des forêts artificielles, là. La Finlande, tout ça, c'est une grande forêt feuillue qui a été transformée en forêt résineuse, là. Et leur potentiel est peut-être bien bon sur certains produits, mais on a d'autres avantages. Le Québec s'est bâti sur deux avantages comparatifs: l'eau et la forêt, et je suis profondément convaincu que ces deux avantages-là vont demeurer.

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci. Merci infiniment, M. Cloutier, M. Bauce, Mme Tremblay et M. Raymond, pour votre contribution aux travaux de cette commission. Merci à vous.

Et je suspends les travaux quelques minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 55)

 

(Reprise à 16 h 3)

Le Président (M. Ouimet): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Nous avons le plaisir d'accueillir la Conférence régionale des élus de la Baie-James. Et, M. Gérard... Gérald Lemoyne, vous en êtes le président. On vous a vu, il me semble, la semaine passée. Vous vous rappelez de notre règle de 15 minutes, hein?

Conférence régionale des
élus de la Baie-James (CREBJ)

M. Lemoyne (Gérald): Vous avez une règle de 15 minutes?

Le Président (M. Ouimet): 15 minutes de présentation, vous vous en souvenez?

M. Lemoyne (Gérald): Oui, oui, ça va.

Le Président (M. Ouimet): Alors, bienvenue à nouveau à l'Assemblée nationale. Auriez-vous la gentillesse de nous présenter la personne qui vous accompagne?

M. Lemoyne (Gérald): Alors, je suis Gérald Lemoyne. Je suis, dans ce cas-ci, président de la Conférence régionale des élus de la Baie-James. Je suis accompagné de Mme Colombe Fortin, qui est membre de la conférence, qui est aussi au comité forêts à la conférence régionale des élus. M. Jacques Bérubé, qui devait nous accompagner, est à sa dernière assemblée municipale ce soir. Alors, il a choisi d'être avec ses citoyens plutôt qu'ici. Alors, il s'en excuse.

Alors, on va essayer de faire ça... on va essayer de faire ça intéressant. Je ne suis pas sûr qu'on va réussir. J'imagine que ça doit être un peu tannant d'entendre les gens venir vous lire des affaires, ça fait qu'on va essayer de ne pas... ne pas en lire trop. Puis j'étais assis en arrière tantôt., puis j'avais le goût, à quelques reprises, de me lever, puis je regardais, puis... Bon.

Alors, peut-être d'abord saluer le travail que vous faites. Je pense que d'être assis là et d'entendre les doléances de chacun d'entre nous un après l'autre, vous avez beaucoup de mérite et vous le faites en ayant l'air d'être d'accord avec tout le monde, ce qui vous fait... ce qui fait que vous avez encore plus de mérite.

Le Président (M. Ouimet): La nuance est importante, hein?

M. Lemoyne (Gérald): Oui, oui, oui. Je pense que je viens assez souvent ici pour avoir compris ça, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lemoyne (Gérald): Alors, disons d'abord que... et c'est important, ça nous apparaît important, c'est qu'on est des gens qui avons choisi de vivre dans un milieu de ressources naturelles, dans un milieu forestier. On ne parle pas de ça en parlant de ce qui se passe ailleurs, on parle de ça en parlant de ce qui se passe chez nous. Et c'est important de bien comprendre la nuance. Nous, pour nous, ce n'est pas de la philosophie qu'on fait, c'est notre vie de tous les jours, et ça, ça fait, à mon point de vue, une grande différence. Et vous devriez, dans l'écoute, on pense ? évidemment, c'est nous autres qui parlent ? on pense, d'avoir, je dirais... d'écouter avec beaucoup plus d'attention ou de prendre en considération les gens qui aiment assez la forêt, qui aiment assez le milieu de vie pour avoir choisi d'y vivre, en vous disant qu'il n'y a personne sur cette terre qui veut détruire son milieu de vie. Première préoccupation, c'est d'assurer d'avoir un milieu de vie intéressant pour nous-mêmes. Et on veut aussi que nos enfants, que nos petits-enfants puissent y vivre. Alors, c'est important de se rappeler ça.

Je dis ça parce que j'ai entendu des gens venir nous dire toutes sortes de... qui sont venus vous dire toutes sortes de choses, et, quand je disais que j'avais le goût de me lever des fois, j'avais effectivement le goût. Alors, quand on aime tellement la forêt qu'on choisit de ne pas y vivre... Mais on a quand même le droit de dire ce qu'on a à dire.

Peut-être mentionner d'entrée de jeu qu'on est satisfaits du projet de loi dans son ensemble. Les grandes lignes du projet de loi, les détails, même, dans la plupart des cas, rencontrent nos objectifs. Alors, c'est un long processus qui nous a menés au projet de loi actuel, mais je pense que vous avez écouté. J'ai eu l'occasion moi-même de participer, avec la coalition... avec l'Union des municipalités du Québec, à différentes tables, et je pense que vous avez tenu compte des... de ce qui a été dit au cours des dernières années pour en arriver au projet de loi.

Évidemment, pourquoi on salue ça, c'est un projet de loi qui vient donner, entre autres, plus de place dans les décisions aux gens des régions. Évidemment, je suis... malgré mon jeune âge, j'ai eu l'occasion de participer aux débats en... dans les années quatre-vingt... milieu des années quatre-vingt, quand on a fait le nouveau régime forestier. Il n'y en a pas beaucoup d'entre vous autres qui ont peut-être participé. J'étais de ceux-là.

Et il faut aussi se rappeler qu'on peut bien faire un projet de loi, aussi, qu'on pense qui va durer bien, bien longtemps. Je rappelle qu'en 80... dans le milieu des années quatre-vingt, quand on a fait le projet de loi, la base de ça, c'était 25 ans, hein, les plans généraux, 25 ans. On ne s'est pas rendus au bout, là, hein, on n'a pas fait 25 ans. On va faire 25 ans, là, parce que c'est en 2013 que les changements viennent. Ça s'est fait en 1986-1987, 25, ça nous mènerait en 2011. Évidemment, ça va être fait, mais, au moment où on fait le changement, ça ne s'est pas fait. C'est important de se rappeler de ça aussi. Mais encore une fois on veut réitérer les... chez nous, qu'on appuie ce qui a été fait.

Vous me permettrez sûrement de revenir sur un certain nombre de choses qui, pour nous, sont des grands principes qui doivent guider les décisions. Évidemment, on vous parle en tant que personnes de la région de la Baie-James, et c'est à ce titre-là qu'on s'adresse à vous, et on vous dit: Les ressources forestières doivent prioritairement favoriser le développement des régions dans lesquelles elles se trouvent. J'ai entendu au cours de cette journée des gens qui ne disaient pas tout à fait la même affaire. Et d'un autre côté ils disaient: Au niveau économique, c'est bien important. Écoutez, quand on dit ça, là, ce n'est pas juste une question politique, quand on dit ça. Quand on dit qu'on devrait transformer la ressource dans la région où elle se trouve, c'est parce qu'il y a une usine qui est à proximité, et là il y a des coûts importants qui sont reliés au transport de la ressource, entre autres. Tu sais, on parlait tantôt que, quand on fait de l'export, c'est important. Il y a un port de mer à proximité. Je vous dirais que c'est relativement simple de partir, par exemple, de Lebel-sur-Quévillon puis amener ça au port de mer. Ça se fait très bien, ça. Puis c'est probablement beaucoup mieux d'amener un produit fini qu'un produit transformé... non transformé. Il y a sûrement un avantage. Alors, il y a une raison économique en arrière de tout ça.

Et dans une autre occasion j'ai eu l'occasion de dire que, tout le régime forestier, il faut aussi regarder la situation actuelle dans l'industrie et il faut faire une réflexion sur toute la question ou repenser notre façon de faire au niveau de l'industrie forestière actuellement au Québec, et l'industrie papetière, évidemment.

n(16 h 10)n

Donc, la ressource forestière doit prioritairement ? ça ne veut pas dire exclusivement mais prioritairement ? favoriser le développement des régions dans lesquelles elle se trouve. D'ailleurs, le titre est «l'occupation du territoire forestier». On ne peut pas occuper un territoire si on ne fait qu'aller en chercher la ressource. Dans le cas du Nord-du-Québec, il y a suffisamment de ressources forestières dans le Nord-du-Québec pour ramener les approvisionnements des usines régionales au même niveau qu'avant l'adoption du projet de loi n° 71. Et en ce sens, quand on dit, maintenant, qu'on va réviser la question du calcul de possibilité ou le rendement soutenu à récolte à niveau fixe, depuis des années, on se bat dans le Nord-du-Québec, où on dit: 170 millions... On disait 200 millions, mais finalement, au ministère, ils nous ont écrit une lettre pour dire: Vous êtes dans l'erreur, il n'y a pas 200 millions de m3 de bois mature et surmature, il y en a seulement 171 millions, mais qui actuellement n'est pas exploité. Donc, il y a suffisamment de bois, et dans ce sens-là le nouveau... le projet de loi, là, va nous aider.

Il faut exploiter réellement la forêt disponible sur le territoire. Alors, c'est un peu ce que je disais. L'implantation du nouveau régime forestier ne doit pas faire augmenter le coût ni faire baisser la qualité de la fibre. Parce qu'il y a deux choses, là, hein? Il y a le coût et la qualité, là, deux aspects très importants. J'écoutais tantôt le précédent intervenant qui parlait de l'eucalyptus. Évidemment, quand on parle de... on peut produire de la fibre, peut-être pas autant qu'en Amazonie ou au Brésil, mais sûrement qu'on peut produire beaucoup plus de fibre qu'on en produit. Est-ce que cette fibre-là sera de qualité? Ça, c'est une autre question. Ce qui peut faire notre... ce qui peut nous distinguer... le trait distinctif est sûrement la qualité de la fibre, dans une région comme la nôtre.

Évidemment, dans le cas du Nord-du-Québec, dans le cas de la région de la Baie-James, une grande question demeure, qu'on a posée à plusieurs reprises, à laquelle on n'a pas eu encore la réponse: Est-ce que ce régime s'appliquera dans le territoire de la «Paix des Braves»? Donc, est-ce que ce régime s'appliquera sur une très grande partie du territoire québécois?

Notre prétention est à l'effet que le gouvernement devrait rapidement annoncer ses couleurs, dire: Non, il ne s'applique pas, ou entamer dès maintenant des discussions avec les Cris, avec qui l'entente a été signée, pour y faire des aménagements, pour permettre l'application de l'entente... du projet de loi. Évidemment, ça ne peut pas se faire... Il doit... il devra y avoir... il y a une entente qui a été signée entre le gouvernement du Québec... et il devra y avoir des négociations. Mais ça se fait. La preuve, c'est qu'il y a eu une première négociation qui a mené à la «Paix des Braves». Il y a sûrement des négociations qui peuvent se faire pour l'améliorer à l'avantage de l'ensemble du Québec et sans que ce soit à l'avantage évidemment... au désavantage des Cris.

L'abandon du rendement soutenu à récolte fixe, j'en ai parlé tantôt, là, je ne répéterai pas ce que j'ai dit.

Quand j'ai parlé du... de la mise en valeur du plein potentiel de la forêt du Nord-du-Québec, je vous référerai ici à quelque chose qu'on avait dit précédemment. Dans le Nord-du-Québec, il y a beaucoup de dénudés secs et humides. Alors, c'est des endroits finalement où le bois ne pousse pas soit parce qu'il y a eu haute récurrence de feux, il y a eu plusieurs feux, ou c'est des dénudés secs, là, donc... ou des endroits où il y a des dénudés humides. Évidemment, dans le sud de la province, quand il y a un petit bout de «swamp», qu'ils appellent un dénudé humide ? c'est mieux dit ? évidemment, on veut le protéger, et avec raison. Mais ce que je disais ailleurs, dans le Nord-du-Québec, on peut vous en «switcher» une bonne partie dans le sud. Vous allez voir qu'on peut vous en passer passablement.

Alors, ce qu'on dit, nous, c'est: Comme ils ont fait d'ailleurs dans des pays comme la Finlande, la remise en production de dénudés humides, en faisant du drainage et simplement en mettant 10 % de ce qu'on retrouve en territoire forestier dans le Nord-du-Québec, 10 % des dénudés secs et humides, en production au même rendement qui existe ailleurs sur notre... dans notre territoire, simplement 10 %, je le rappelle, 10 %, on va chercher 225 000 m³ de bois de plus de possibilité. 225 000 m³ de bois, ça approvisionne une couple d'usines, de petites usines. Évidemment, tout est relatif. Quand on dit «petites», petites dans le contexte du Nord-du-Québec. Évidemment, si on remettait 100 %, bien vous avez juste à faire la multiplication, on vient d'augmenter de façon substantielle la production.

D'ailleurs, la commission Coulombe disait: «La région 10 est de loin la région administrative avec la plus grande proportion de terrains forestiers improductifs, soit 25 % de sa superficie totale. L'abondance des dénudés humides, par exemple, est loin de requérir des mesures de protection de la même envergure dans le Nord-du-Québec que dans les régions majoritairement urbaines.» Ce n'est pas moi qui disais ça, donc c'est plus crédible que si c'est moi qui le disais. La commission Coulombe a dit ça.

Forêt de proximité. La CRE est très favorable au principe de la mise en place des forêts de proximité. Pour la population jamésienne, le territoire avoisinant leurs communautés représente leur travail, leur lieu de détente, leur loisir et leur fierté. On est, chez nous, les gens qui vivent dans ces milieux-là, très fiers de notre milieu. C'est non seulement un lieu de travail ou une place qu'on voit une fois par année, c'est notre milieu de vie, et on est très fiers de notre milieu de vie.

Le principe de forêt de proximité doit cependant tenir compte des particularités régionales. Dans une région comme la Jamésie, où les distances entre les communautés sont immenses, en tout cas relativement grandes, la notion de proximité n'est pas la même que dans les régions centrales. Il n'est pas rare, par exemple, que des Jamésiens parcourent plus de 50 kilomètres, et ça, c'est avant déjeuner, pour se rendre à leurs lieux de camping, de chasse, de pêche, de villégiature. La région est disposée à mettre en place des projets pilotes de forêt de proximité.

Il y avait de l'inquiétude... J'entendais, ce matin...

Une voix: ...

M. Lemoyne (Gérald): Ah oui? Je pensais que j'étais pour être court. J'avais... J'entendais, ce matin, de l'inquiétude quant à... les gens de l'industrie, quant à l'approvisionnement. Et ce que je disais à M. Chevrette dans le «back store»: Vous avez... vous devriez au contraire ne point vous inquiéter. S'il y a quelqu'un qui a un intérêt à s'assurer que les usines vont avoir le bois nécessaire à leurs opérations, c'est sûrement les gens qui y vivent et qui en vivent. Or, il ne devrait pas y avoir d'inquiétude, dans les régions comme les nôtres, du moins.

Les ZSI, là, les zones de sylviculture intensive, évidemment on achète ça. Je vous ai parlé des dénudés secs et humides. On a déjà identifié avec l'association forestière, il y a déjà une dizaine d'années au moins, des zones où on pense ? l'Association forestière de l'Abitibi-Témiscamingue, qui est aussi dans notre région ? on a déjà identifié un certain nombre d'endroits où on pouvait faire une sylviculture intensive. On a aussi entendu très régulièrement ici que... ici et ailleurs, précédemment, que les zones de sylviculture intensive, ça devrait se situer dans des régions plus au sud, donc plus productives, donc plus au sud. Évidemment, quand on veut faire de la production sans tenir compte de la qualité qui nous distingue, on devrait faire ça plus au sud. Je vous mettrais en garde, et c'est pour ça que je l'ai fait dès le début, en vous disant: Un régime forestier, ça peut être fait pour longtemps, mais, on peut bien faire des zones de sylviculture intensive au côté de Montréal, je vous prédis que dans 15 ans on ne sera pas capable de couper le bois qu'il y a dessus, même si on en fait. Alors, soyons prudents.

Alors, j'ai vu que mon temps était écoulé. J'aurais eu quelques... Vous me permettrez aussi de... de parler de... rapidement de la garantie d'approvisionnement. D'abord, on avait fait une distinction, nous, entre les indépendants et les intégrés ou les grandes entreprises. Évidemment, on n'est pas du tout dans la même situation. Alors, ce qu'on dit, évidemment ça tient compte un peu de ça, c'est que, quand il y a quelqu'un qui ne coupe pas son volume, il n'y a pas un 10 % qui est transportable. Évidemment, quand une entreprise a une seule usine, elle ne peut pas le transporter, mais l'autre des fois peut se servir de ça; puis on vous a donné des exemples la semaine dernière. Alors, il faut être très prudent avec ça, il faut traiter les affaires différemment. Je m'arrêterai là, là. J'avais eu... un petit peu plus long. Je m'excuse.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci à vous, M. Lemoyne. Toujours un propos très, très intéressant que vous tenez. Alors, merci. Je vais ouvrir les discussions dès à présent. Donc, Mme la ministre, à vous la parole.

n(16 h 20)n

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Alors, je me permettrai... Gerry et Mme Coulombe, merci d'être là. Pour tous ceux et celles qui nous écoutent, il faut savoir, vous avez fait plusieurs centaines de kilomètres pour être ici avec nous. Puis on a été témoins de votre... de la grande attention que vous avez déployée toute la journée. Vous avez été assis là, derrière, à écouter tous les intervenants. Alors, vraiment vous êtes d'une patience d'ange, c'est le moins qu'on puisse dire.

Là-dessus, je tiens à vous remercier, parce que la voix du Nord-du-Québec et en particulier du territoire de la Baie-James, c'est une voix importante dans l'exercice auquel les parlementaires s'emploient. Votre mémoire, à juste titre, est intitulé: La forêt du Nord, l'autre forêt. Et je pense que c'est un titre, M. le Président, en quelques mots, qui nous renvoie à une réalité qui parle d'elle-même. Et j'ai bien aimé, Gerry, quand vous avez dit: Nous, là, dans la forêt, on ne fait pas de la philosophie, là. La forêt, pour nous, c'est la vraie vie. Et ça, c'est intéressant, parce que les parlementaires que nous sommes, on n'est pas dans la philosophie, nous non plus. Avec les responsabilités qu'on a comme parlementaires, on est dans la vraie vie à tous les jours. On essaie d'avoir une approche extrêmement pragmatique, et c'est un peu l'esprit qui nous guide dans... qui nous a guidés et qui va continuer de nous guider dans l'élaboration des amendements qui seront apportés au projet de loi.

Moi, Gerry et Mme Coulombe, j'aurais... je souhaiterais aborder deux questions avec vous pour débuter. Et peut-être en profiter pour transmettre nos salutations à M. Bérubé puis lui souhaiter évidemment une bonne retraite, parce que je comprends qu'il quitte la vie politique.

M. Lemoyne (Gérald): Non, non, non...

Mme Normandeau: Ah! il ne quitte pas?

M. Lemoyne (Gérald): C'est sa dernière avant les élections. C'est peut-être pour ça qu'il est là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Normandeau: On verra après les élections.

Une voix: ...

Mme Normandeau: Exact. C'est ça. Alors... Bien, peut-être une question d'ordre général puis qui n'est pas philosophique, là, mais, si j'avais à vous demander, Gerry, quels sont les plus grands espoirs que vous fondez sur... avec le nouveau régime forestier... Pour vos communautés, là, que vous représentez dans la Baie-James, là, quels espoirs représente ce nouveau projet de loi là? Est-ce que... Est-ce que... Parce qu'on... évidemment on parle... on fait appel à de nouveaux paradigmes, on change... c'est un virage à 180 degrés qu'on propose, c'est une révolution. C'est le terme qui a été utilisé par mon prédécesseur puis c'est... c'en est une, véritable révolution, lorsqu'on regarde dans quel contexte on a adopté la loi actuelle sur les forêts, tous les changements, tous les nouveaux impératifs avec lesquels on doit composer. Ça, c'est ma première question.

Ma deuxième question va porter sur la «Paix des Braves». Et là j'ai besoin, Gerry, de savoir de votre part quelles sont vos relations avec les communautés cries. Et, deuxièmement, avez-vous des suggestions à nous faire? Parce que vous dites, dans le fond... vous vous interrogez tout à fait légitimement: Est-ce que la «Paix des Braves» sera... dans le fond, quel régime... quel... quel accommodement on va démontrer par rapport à la «Paix des Braves»? Comment harmoniser, dans le fond, le nouveau régime avec la «Paix des Braves» qui a été signée?

Il faut que vous sachiez, pour le bénéfice de tous les collègues, qu'il y a un conseil Cris-Québec qui a été formé, cinq représentants des Cris, cinq représentants du côté Québec. Il y a des gens... un représentant de la CRE, Gerry, qui est là, notre directeur régional, qui est Guy Hétu, notre directeur faunique, également, Mario, siègent là-dessus avec une... un représentant des opérations... aux opérations régionales. Alors, bon, ça avance, là, mais j'aimerais peut-être, Gerry, là, avec votre lecture, que vous puissiez nous donner peut-être... peut-être nous indiquer certaines pistes, là, ça pourrait être intéressant.

M. Lemoyne (Gérald): Bien, écoutez, moi, je pense qu'on se complique la vie beaucoup plus qu'elle doit l'être dans la réalité. Les Cris, comme nous, on vit en 2009. Si on arrivait puis on disait: Écoutez, on veut tout chambarder ce que vous avez négocié, il faut comprendre, hein, ce n'est pas... ce n'est pas... Tu sais, on peut parler de ça ici, autour de la table, puis ça va relativement bien. J'ai le privilège aussi d'être président de l'Office de la sécurité du revenu des chasseurs et piégeurs cris, donc d'assez bien connaître, là, cette partie-là, le mode de vie traditionnel des Cris, et il faut comprendre que les Cris ont en peu de temps passé d'une situation... à la modernité, hein? Ils ont fait ça, là... Nous, ça nous a pris un peu plus de temps.

Il y a eu une entente qui a été signée avec le gouvernement du Québec, avec ses qualités et ses défauts. Ça a eu pour effet évidemment de réduire de façon substantielle les approvisionnements des usines sur notre territoire, la loi n° 71. Écoutez, avant de partir, j'ai dit: Je vais sortir le portrait de notre région, le portrait forestier. J'en profiterai pour dire au ministère que vous devriez mettre vos affaires à date. Alors, j'ai les statistiques de 2005.

Mme Normandeau: ...sur le site Internet du ministère?

M. Lemoyne (Gérald): Le site Internet du ministère, là...

Mme Normandeau: On en prend bonne note.

M. Lemoyne (Gérald): J'ai été chercher le portrait du Nord-du-Québec. Alors, on a une possibilité forestière de tout près de 6 millions de m3. Alors, demain matin, on n'a plus de problème, là. Mais ce n'est pas ça, la réalité, là, ça n'a pas été mis à date. Alors... Mais il y a eu une réduction des approvisionnements.

Qu'est-ce... Comment on doit procéder? D'abord, il y a... je veux vous dire qu'il y a un colloque à Lebel-sur-Quévillon, jeudi et vendredi de cette semaine, qui traite exactement de cette question-là, la «Paix des Braves»... la foresterie par rapport à la «Paix des Braves». Ce qu'il faut faire, c'est simplement de s'asseoir avec les Cris mais aussi de regarder: Est-ce qu'il y a des projets? Parce que les Cris veulent aussi avoir des projets de développement qui vont permettre à leurs... aux gens de leurs communautés de pouvoir travailler. Alors, est-ce qu'on est capable de, par exemple, regarder puis s'assurer d'avoir des projets? Et je peux vous en suggérer un. On en a un maudit beau à Lebel-sur-Quévillon. Un projet, par exemple, de développement où on va développer des choses qui vont créer de l'emploi à partir de la forêt. Et là ils peuvent y trouver, eux autres aussi, un intérêt. Évidemment, il faut s'assurer qu'on va préserver leur façon... leur mode de vie traditionnel, puis ça m'apparaît important. Mais il y a façon... il y a possibilité de faire les deux.

J'ai moi-même aussi le bonheur d'être un trappeur, d'avoir le même terrain de trappe depuis au-delà de 30 ans, et on est... et où il y a eu de la foresterie rien qu'en masse, et ma récolte de fourrures est pas mal meilleure maintenant qu'elle l'était il y a 30 ans passés. Mon terrain est accessible, en plus. Alors, il y a aussi des avantages.

Alors, il faut simplement se dire les vraies choses, se parler très honnêtement mais aussi regarder avec ces gens-là est-ce qu'on est capables de développer des projets ensemble qui vont servir puis des projets dans lesquels eux vont trouver de l'emploi, évidemment les autres Jamésiens.

Mme Normandeau: Est-ce que vous sentez qu'il y a de l'ouverture, du côté des communautés cries, à tisser des partenariats avec...

M. Lemoyne (Gérald): Bien, tout est une question d'approche, à mon point de vue, tout est une question de... je ne dirais pas de négociation, mais de discussion, de voir les avantages, les inconvénients, de se parler très franchement, hein? Rappelons-nous... Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de voir, quand Billy Diamond expliquait... quand il y a eu la Convention de la Baie James, c'est qu'il a lancé une roche dans la piscine, puis là... pour dire: Voici comment on va procéder.

Il faut aussi comprendre que ces gens-là, encore une fois, ont passé d'une situation qui n'était vraiment pas rose à la modernité, hein? Alors, il faut aussi comprendre que, pour eux, quand ils parlent de mode de vie traditionnel, ce n'est pas exactement la même affaire que nous autres. Évidemment... Puis là ce n'est pas tout le monde qui veut pratiquer la trappe, puis la chasse, puis la pêche, chez les Cris, là, mais ça fait partie de leur mode de vie traditionnel.

Alors, moi, je pense que c'est simplement... Et il faut arrêter de penser que... d'avoir peur. Écoutez, je pourrais vous raconter des choses, là, qui, moi, en tout cas... qui... Bien, j'allais dire, qui me font dresser les cheveux dessus la tête, ce ne serait pas la bonne façon d'illustrer ça. Mais les Cris sont des gens raisonnables avec qui on peut avoir des discussions comme avec n'importe qui d'autre. Je dirai simplement ça.

Mme Normandeau: ...dans votre mémoire, à la page 5, vous dites, dans le fond, que les propositions contenues dans le nouveau régime forestier semblent incompatibles avec le régime forestier adapté prévu au chapitre 3 de la «Paix des Braves».

M. Lemoyne (Gérald): C'est définitivement incompatible.

Mme Normandeau: O.K. D'accord. Alors, la question, c'est: Est-ce que c'est possible, selon vous, qu'on puisse arriver à trouver une convergence entre... avec le nouveau régime qu'on vous propose et celui qui est proposé dans la «Paix des Braves»? Je cherche une voie de passage.

M. Lemoyne (Gérald): Évidemment, si vous me demandez mon opinion à moi, je vais vous dire oui, O.K., parce que... Et là je parlerai comme moi-même. Je suis... Puis, tu sais, tout ça, ça a été négocié, la foresterie, en fonction d'un modèle de développement pour protéger le mode de vie traditionnel des Cris. Alors... qui est... Je dirais, la trappe est un des facteurs importants, et la trappe, ça se pratique même s'il y a de la foresterie. Et, tu sais, la Convention de la Baie James d'ailleurs disait... qui a été signée en 1975, au chapitre V... ? je ne me rappelle pas de l'article exact, vous m'excuserez ? mais qui venait dire que la foresterie est compatible avec le mode de vie traditionnel des Cris, évidemment avec des aménagements. Alors, moi, je pense que, oui, il y a de la place pour de la discussion pour pouvoir en arriver à des ententes.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, Mme la ministre. Allons du côté de l'opposition officielle. M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui. Merci, M. le Président. Tout d'abord, je vous dirais un gros merci de nous faire comprendre un peu plus votre réalité. Parce que vous dites, le titre de votre mémoire: La forêt du Nord, l'autre forêt, mais vous pourriez dire: L'autre réalité du Québec, là. Il faut être conscient que votre territoire est probablement plus grand que 190 pays, dans le monde, sur 200. Il y a peut-être une dizaine de pays, peut-être, qui sont plus petits que votre territoire. C'est vraiment quelque chose, là, de... une dimension qu'on ne prend pas suffisamment en compte. Et je pense que vous aviez parfaitement raison de dire tout à l'heure qu'il y a des choses qui pourraient se faire dans votre secteur qui ne pourraient peut-être pas se faire autrement. C'est sûr que, si on dit, par exemple, là, qu'on va aménager des tourbières, etc., dans des milieux sensibles, je pense qu'il faut y aller doucement. Avec l'immense territoire que vous avez, on utiliserait quelques pourcentages, puis je ne penserais pas que ce serait le saccage de la Baie-James, comme on dit, là. Tu sais, j'ai l'impression qu'il faut qu'on comprenne que vous avez un immense territoire, qui est un véritable garde-manger, on pourrait dire, puis qui va permettre probablement des développements assez extraordinaires dans le futur, mais il faut en prendre conscience aujourd'hui.

n(16 h 30)n

Puis je trouvais ça intéressant quand vous avez dit, tout à l'heure, que, si on plantait des arbres autour de Montréal, c'est pas certain qu'on allait récolter, là. Ça fait partie de la réalité aussi. Puis je les comprends, aussi. Je les comprendrais aussi de vouloir les préserver. Mais justement, à cause de cette réalité-là, probablement qu'il faut avoir une autre approche sur d'autres territoires.

Vous mentionnez, à la page 6 de votre mémoire, puis vous posez la question suivante: «Ou bien le gouvernement du Québec annonce que son projet de loi ne sera pas applicable sur le territoire de la "Paix des Braves", ou bien il propose des amendements à l'entente.» Laquelle des deux options recommandez-vous au gouvernement, puis pourquoi?

M. Lemoyne (Gérald): Des amendements. C'est évident. Écoutez, la façon qu'on fait la foresterie actuellement... Je vous disais tantôt, il y a 170 millions, 171... 200 selon nous autres, 171 selon le ministère, millions de m3 de bois mature et surmature sur notre territoire, dans le territoire forestier de la région de la Baie-James. 171 millions de m3, il va en tomber un maudit paquet. Ça va créer des gaz à effet de serre. C'est ni bon pour l'économie ni bon pour l'écologie. Or, si on laisse les choses comme elles sont, ils vont tomber à terre. Ça ne sert à personne. Alors, est-ce qu'on peut regarder comment on peut récolter ce bois-là?

171 millions de m3, on en coupe trois par année, puis, de la forêt, ça pousse, là, hein? Il y en a qui pensent que ça ne pousse pas, tu sais, ils font des images puis ils disent: C'est une catastrophe. Ils peuvent y retourner 10, 12 ans plus tard, ils vont s'apercevoir que, de la forêt, ça a poussé. J'ai d'ailleurs proposé à des journalistes qui pensaient que ça ne poussait pas de les emmener où le film avait été fait, puis je leur ai dit que, dans 10 minutes, si je ne les avais pas écartés, ils ne m'entendraient plus jamais parler de ma vie. Je suis sûr de mon coup, hein? Alors, de la forêt, ça pousse. Il y en a 170 millions de mature et surmature, on en coupe trois millions par année dans le Nord-du-Québec.

Tu sais, on a parmi les entreprises des plus performantes au Québec. Tu sais, quelqu'un parlait des gens de l'Ouest. Les gens de Barrette-Chapais, une industrie, c'est probablement... c'est l'industrie du sciage la plus performante. Chantiers Chibougamau, c'est une industrie qui est aussi dans la deuxième transformation, hein, contre tout bon sens, semble-t-il, ils font de la deuxième transformation. Leurs produits se vendent. Ils n'ont pas eu d'arrêt ou à peu près pas d'arrêt, pas beaucoup de ralentissement; évidemment, ils vivent la même crise que tout le monde. Et on n'est pas capables de s'assurer que ces entreprises-là qui sont des entreprises extraordinaires et qu'on donne en exemple partout, on n'est pas capables de leur assurer un approvisionnement alors que le bois tombe à terre? Y a-tu quelqu'un qui pense que ça a du bon sens, en quelque part? Le bois tombe à terre, on n'est pas capables d'assurer ces entreprises-là qui sont parmi les plus performantes, des exemples qu'on doit suivre au Québec, on n'est pas capables de leur donner les approvisionnements nécessaires? S'il n'y avait pas de bois, c'est une autre question. Mais il y en a, du bois. Il sort de notre région, et puis ce n'est pas parce qu'on ne veut pas collaborer avec le reste du Québec, il sort à peu près, en tout cas les chiffres qu'on avait, là, puis, si je prends les chiffres du ministère, là, c'est probablement plus que ça, là, ceux qu'il y a sur le site, là, j'entends, 1 million de m3 qui s'en va ailleurs, par année. Alors que nos entreprises n'ont pas suffisamment de bois pour opérer leurs usines à pleine capacité? Évidemment, on a fait la «Paix des Braves», parce que, si on n'avait pas fait ça, probablement qu'on ferait la guerre. Y a-tu quelqu'un qui pense que ça a du bon sens que nos entreprises chez nous, les plus performantes au Québec, n'aient pas le bois nécessaire pour faire leur job, pour créer des emplois puis opérer comme il le faut, au même moment où il y a du bois qui tombe à terre puis qu'on en envoie ailleurs?

Mais évidemment, quand on dit ça, ça ne veut pas dire qu'on fait des frontières autour de notre région, absolument pas. Il y a de l'intelligence, il y a de la place pour l'intelligence, il y a des échanges de bois qui peuvent se faire. Mais vous comprenez que, quand... Évidemment, quand on regarde ça simplement au niveau des chiffres, le bois sort, puis nos entreprises... Ça ne tient pas la route. C'est bien correct, là, ce que j'entendais aujourd'hui, puis dire: Il faut sauver des usines du sud de la province. Mais pas quand ça nous fait mourir, pas quand ça fait mourir celui que tu coupes l'arbre sur son terrain, là. Ça, ça ne marche plus. Je m'excuse si je m'emporte.

M. Trottier: Je vous comprends puis je partage, on pourrait dire, vos préoccupations.

À votre avis, est-ce qu'il y a des dispositions dans le projet de loi n° 57 qui sont incompatibles avec le régime forestier adapté pour... de la «Paix des Braves», puis, si oui, lesquelles?

M. Lemoyne (Gérald): Bien oui, écoutez, très simplement, dans la «Paix des Braves», il y a une façon de faire, Mme la ministre en a parlé tantôt, il y a le Conseil Cris-Québec. Dans la «Paix des Braves», c'est marqué que... dans le chapitre III, que la foresterie telle qu'établie dans le chapitre III a priorité sur les autres lois qui touchent la forêt au Québec. Donc, alors la réponse est là. Ce n'est pas là pour rien. On parle de coupes mosaïques partout sur le territoire. On parle de... Quand il y a 40 % de perturbations sur une unité, tu ne peux plus y toucher. Alors, il y a... je ne dirais pas qu'il n'y a rien qui est pareil, mais c'est très, très différent. Et c'est un régime qui a eu ses avantages, mais qu'il faut regarder, comme on regarde notre système, comme on regarde le système actuel. Est-ce qu'on peut regarder, dans ce cas-ci, avec les Cris, parce que c'est une entente qu'il y a eu avec les Cris, est-ce qu'on peut regarder avec eux: Est-ce qu'il y aurait moyen d'améliorer ça?

M. Trottier: Vous mentionnez qu'on devrait faire... on devrait ouvrir l'entente pour la récolte. Au niveau de l'aménagement intensif pour augmenter la productivité, est-ce que vous pensez que c'est la même chose? Est-ce qu'on devrait rouvrir, ou si c'est possible de faire des zones intensives sans avoir... sans ouvrir la...

M. Lemoyne (Gérald): À mon point de vue... évidemment, là, je ne suis pas le spécialiste, mais, à mon point de vue, il est possible de faire de l'aménagement dans des... du zonage... de l'aménagement intensif dans certaines zones. C'est possible. À mon point de vue, il n'y a rien qui empêche de le faire. Évidemment, c'est limité parce que... Bon, au niveau de la récolte, il y a des limitations. Donc, il y a des limites au niveau des terrains disponibles. Mais, oui, moi, je pense que... puis là, encore une fois, même si j'ai lu la... je l'ai lue à plusieurs reprises, je ne suis pas un spécialiste, mais, à mon point de vue, oui, c'est possible de faire de l'aménagement intensif sur le territoire.

M. Trottier: Sur la question des forêts de proximité, vous dites que vous êtes d'accord. Puis c'est sûr que la notion de proximité, dans un immense territoire, n'est pas tout à fait la même, là. Comme on dit, il y a des députés à Montréal qui font le tour de leur quartier à pied. Disons que ce n'est pas tout à fait le cas de votre... des comtés qui sont dans ce secteur-là.

Ce serait quoi, une limite qui vous apparaîtrait raisonnable? Puis, quels critères on devrait prendre, là, pour délimiter les forêts de proximité...

M. Lemoyne (Gérald): Bien, moi, je vous dirais, tu sais, probablement que le territoire municipal serait bien correct. Or, la municipalité de la Baie-James, c'est 350 000 km².

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trottier: Bien, c'est...

M. Lemoyne (Gérald): Non, c'est une réponse un peu... Non, écoutez, quand on parle, pour nous, de forêts de proximité, disons que... c'est la forêt qui est un peu notre terrain de jeu. Mais évidemment on ne considère pas ça strictement comme un terrain de jeu. Mais c'est un peu la forêt qu'on se sert, là, régulièrement, qu'on sent que c'est chez nous, là, tu sais. Puis, évidemment, moi, je peux vous parler de... puis je ne parle pas de... ce n'est pas moi qui vais la définir, parce que, pour moi, mon terrain de jeu, il est très, très grand, là. Le Nord-du-Québec, je ne le connais pas, parce que ça fait seulement 40 et quelques années que j'y habite, mais... Il y a des gens qui y vont trois fois puis qui trouvent qu'ils le connaissent.

Alors, il y a... Moi, je pense que c'est notre terrain de jeu. On va où, là, tu sais? Par exemple, je prendrai Lebel-sur-Quévillon. Les gens de Lebel-sur-Quévillon, là, on va où, à la chasse, à la pêche? On a un camp... Parce qu'on fait quoi, nous autres, les gens qui restent en forêt, les fins de semaine? On va dans le bois. Je me rappelle d'avoir dit ça... Je suivais un cours à Saint-Hyacinthe, je pense, puis les gens disent: Tu fais quoi la fin de semaine? Bien, je dis: On va dans le bois. Bien oui, mais, ils disent, t'es toujours dans le bois. Bien non. Alors, nous, pour nous autres, donc, c'est notre terrain de jeu, notre terrain de jeu.

Vous savez, ça dépend des places. C'est pour ça que c'est à géométrie variable, puis c'est important que ce soit à géométrie variable. Mais il faut aussi que ce soit un endroit qui peut nous servir à avoir des projets, projets économiques, mais d'autres projets, projets économiques importants. Les gens de l'industrie s'inquiétaient ce matin, les gens de la CIFQ: les forêts de proximité, on va perdre des approvisionnements. Complètement ridicule. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui a plus intérêt que nous autres de s'assurer que l'usine dans notre milieu, qui fait vivre le monde, va avoir les approvisionnements? Y a-tu quelqu'un qui pense qu'on va dire: Nous autres, on coupe les approvisionnements, donc on coupe notre job? Quand tu vis dans un milieu, là... tu sais, des fleurs, puis tout ça, c'est bien important. Vous viendrez chez nous, c'est... je pense que c'est une belle ville. Mais ce qui est encore plus important, c'est d'être capables d'y vivre, puis, pour pouvoir y vivre, il faut être capables d'y travailler. Évidemment, après la retraite, on continue à y demeurer. Or, il n'y a personne de nous qui a intérêt à ne pas s'assurer que l'industrie va avoir l'approvisionnement nécessaire. Mais, au-delà de ça, parce que de la forêt, c'est autre chose qu'un arbre à couper, nous, on vit là. Quelqu'un qui reste à Montréal, pour lui, ça peut être un arbre à couper ou un arbre à ne pas couper, là, ça dépend où on est. Mais, nous autres, là, il faut que ce soit les deux: un arbre à couper puis un arbre à préserver. Puis il n'y a pas d'incompatibilité là-dedans, là. Il n'y a pas du tout d'incompatibilité.

n(16 h 40)n

M. Trottier: Comme ordre de grandeur...

Le Président (M. Ouimet): M. le député, je vais aller du côté ministériel, je reviendrai vers vous. M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

M. Bernard: Merci, M. le Président. Bonjour, Gérald. Bonjour, Mme Fortin. D'entrée de jeu, Gérald, tu disais que tu nous admirais de nous... tu sais, des doléances qu'on entendait pendant une période, mais une chose importante... Ce n'est pas des doléances. Les gens ont des mots... des choses à dire, et pour nous c'est important parce que ça nous permet d'améliorer les projets de loi. Et, moi, personnellement, quand je reviens après une certaine absence, les commissions parlementaires sont un moyen aussi de se mettre à niveau et de comprendre les réalités sur le terrain, qu'est-ce qui se passe. C'est de la formation continue, et c'est très important.

J'ai demeuré deux ans à Chibougamau, O.K.?, puis, le député de Roberval en a parlé, les gens du sud ne connaissent pas vraiment la réalité du nord. Quand tu fais la route, que tu pars de Senneterre, puis tu montes à Chibougamau, puis que tu la fais à toutes les deux semaines aller-retour, l'immensité du territoire, tu t'en rends compte c'est quoi, et l'isolement des municipalités. Et ce qu'on remarque souvent, c'est que les gens du sud, et certains, entre autres, porte-parole, ne comprennent pas le lien qui existe entre une communauté et son entreprise, parce que ce sont des villes mono-industrielles la plupart du temps, et le lien entre l'employeur, qui est majeur, que ce soit une compagnie minière ou une compagnie forestière, les gens ne comprennent pas ça. Dans le sud, tu perds une usine, une shop qui ferme, 200 personnes, ça passe complètement inaperçu parce que t'es des centaines de milliers de personnes et des millions de personnes. Et les gens qui travaillent dans ces usines-là, dans les régions comme nous, ce sont nos concitoyens, et les gens qu'on travaille... Donc, cette relation-là est très importante. Et quelque chose que justement, des fois, tu en parles un peu mais que... je dis souvent aux gens, certains porte-parole, jamais qu'ils n'ont osé aller affronter les communautés lorsqu'une entreprise vit une difficulté. Ils demeurent dans le sud, ils ne viennent pas les voir. Et, toi, comme politicien, comme nous, politiciens, quand une usine ferme, le lendemain matin, que ce soit un samedi ou un dimanche, on est obligés, on est là, et c'est nous qui affrontons les travailleurs. Et cette notion-là est très importante. Et la réforme du régime forestier, à cet égard-là, arrive à un bon moment pour revoir certains paramètres.

Tu sais, la région de l'Abitibi, naturellement, est limitrophe au Nord-du-Québec, tu en parles beaucoup, de rapprocher le bois des usines. Tu en parles beaucoup. C'est quelque chose qu'on dit facilement puis qu'il y a moyen de le faire. Moi, tu sais, il faudrait arriver demain matin puis, comme on dit souvent, mettre un tableau blanc et repartir à zéro, les usines sont là, et réallouer le bois d'une manière complètement différente. Mais, lorsque tu en parles aux gens des industries, quel son de cloche reçois-tu à cet égard-là?

M. Lemoyne (Gérald): Écoutez, les gens de l'industrie nous disent, aux gens du milieu municipal: Il va falloir que vous compreniez qu'on ne peut pas sauver les usines de vos villages, toutes les usines de vos villages. Alors, je leur réponds toujours la même chose, aux gens de l'industrie: Vous devez comprendre qu'on ne sera pas capables de sauver toutes les usines de votre compagnie. Ah! là, c'est moins drôle un petit brin, là, hein? Mais, à un moment donné, il va falloir qu'on fasse le point. Tu sais, on parlait de la Finlande tantôt. Ils ont fait des choses, en Finlande, quand ils ont décidé qu'ils transformaient leurs forêts. Effectivement, c'était du feuillu, ils ont fait... Mais ils ont pris des décisions. Mais ils n'ont pas pris des décisions pour demain matin. Marc et moi, on a eu le privilège d'aller en Finlande ensemble pour visiter, et il y a des choses intéressantes qui se font là. On doit faire... il va falloir faire des choix, si on veut à moyen terme que notre industrie forestière, notre industrie papetière demeure à l'avant-garde. Et, comme j'avais l'occasion de le dire la semaine dernière, si on tente de continuer à faire les affaires de la même façon qu'on les faisait il y a 30 ans passés, on va arriver à la même place qu'on est aujourd'hui.

Or, on a tenté, nous... Tu sais, on est une petite communauté, Lebel-sur-Quévillon, puis je peux vous dire... Tu sais, on parlait de recherche et développement. Avec rien, on a payé des chercheurs pour faire de la recherche pour le développement de l'éthanol, par exemple, et d'autres produits. On a payé des chercheurs pour faire de la recherche pour développer des produits dans la pharmaceutique à partir de la forêt. Le pire, c'est qu'ils ont trouvé. Ils ont trouvé. Puis, tu sais, on est pauvres comme Job, là, hein, ça fait quatre ans que l'usine est fermée chez nous. Puis on a payé ça. Puis les chercheurs ont trouvé... ils ont trouvé des affaires plus qu'intéressantes, au niveau pharmaceutique en particulier. Quand on parle... Tu sais, j'écoutais tantôt une question, on disait: C'est quoi, les produits de l'avenir? Alors, moi, ma réponse aurait été: Je vais vous dire ça dans cinq ans, c'était quoi, le produit de l'avenir. Je ne le sais pas ça va être quoi, le bon produit, dans... parce que, si je le sais, il y a déjà quelqu'un d'autre qui est en train de le faire. Alors, il faut faire de la recherche et du développement pour trouver des nouveaux produits.

Et ce n'est pas utopique de penser, tu sais... En tout cas, quand, nous, on a commencé à regarder ça, la pharmaceutique avec la forêt... bien, évidemment, il y a les huiles essentielles, tu sais, puis, bon... Mais là on est dans la pharmaceutique, on est dans des produits, et les découvertes qui ont été faites sont extraordinaires, et on est dans du traitement de... puis là je n'irai pas vous dévoiler des secrets d'État, de l'État de Lebel-sur-Quévillon, mais il y a des... c'est très documenté, ça se fait en laboratoire. Évidemment, ce n'est pas à l'échelle industrielle. On a un rapport, on en a remis copie aujourd'hui, au niveau de la production d'éthanol. En même temps qu'on produit de la pâte, on produit de l'éthanol. Or, M. Chevrette disait ce matin: On n'aura pas de place pour passer nos copeaux tantôt. On a une proposition à faire, nous: on est prêts à repartir des usines à Lebel-sur-Quévillon, on va utiliser, on pense utiliser 600 000, 700 000 t de copeaux annuellement. On va régler son problème, une partie en tout cas. Évidemment, on a besoin de l'appui du gouvernement pour venir à bout de réaliser notre projet, mais on a un projet.

Et on s'est dit, un petit groupe évidemment, qu'on travaille là-dessus, ça fait trois ans et demi qu'on réfléchit sur ce que ça devrait être, et on s'est dit: Rassemblons des penseurs, des gens qui sont plus intelligents que nous autres ? il y en a bien plein, là ? rassemblons ces gens-là puis demandons-leur, tu sais, des universitaires, des gens de centres de recherche, et on a identifié des personnes, puis qu'on a contactées, puis on a dit: Seriez-vous prêts à venir participer, une semaine, à Lebel-sur-Quévillon pour venir regarder qu'est-ce que ça pourrait être, l'usine d'avenir, avec Lebel-sur-Quévillon? Évidemment, tout le monde était bien prêt. Ils ont dit: Bon, nous autres, évidemment on ne vous chargera pas de salaire, mais ce seraient les déplacements. Ça fait qu'on a essayé d'avoir de l'argent, on n'a pas été capables. C'était juste pour sauver notre ville. Si ça avait été des caribous forestiers, ça aurait marché numéro un, là. Là, on aurait été capables d'avoir l'argent. Mais nous ne sommes que des Quévillonnais et non des caribous forestiers, donc il n'y a pas de... Mais tout ça pour vous dire que...

Là, je vois Pierre qui se lève, on a réglé ça à midi, là. Ha, ha, ha! C'est ça qu'il était pour dire. Alors, on s'est parlé de ça ce midi. Il y a des choses, là, qui avancent à ce niveau-là, mais, dans un premier temps, parce qu'on ne s'était pas adressé au bon ministère, on était au MDEIE, c'est pour ça, on n'était vraiment pas dans le bon ministère, alors... Mais il y a des choses, là, à faire pour sauver notre industrie, pour s'assurer que cette industrie-là... Mais on n'a pas besoin d'aller voir non plus ce qui se fait ailleurs. Je vous ai mentionné tantôt des Barrette-Chapais, des Chantiers Chibougamau, que tout le monde, incluant vous autres, donnez sûrement en exemple. Chantiers Chibougamau, Barrette-Chapais, et ces gens-là, quand il a été question des coupures dans leur approvisionnement, ont été parmi les plus touchés au Québec. La performance, c'est-u important? Pas du tout. Pas du tout. Est-ce qu'on n'aurait pas dû dire: Voici des usines d'avenir, puis on va s'assurer de leur donner les approvisionnements? Ce n'est pas ça qu'on a fait. On transporte du bois sur des distances...

Le Président (M. Ouimet): Il reste deux minutes pour notre collègue député de Chapleau.

M. Carrière: Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir, Gerry, de te revoir à nouveau. On a siégé longtemps ensemble avec Mme la ministre à la TQR.

Deux, trois petites questions, là, vite, vite, là. Tantôt, mon collègue parlait également de forêts de proximité, tenir compte des particularités régionales, puis on a entendu quelqu'un précédemment parler d'une société nationale ou une société d'État sur la sylviculture. Je te vois sourire. J'aimerais savoir un peu ce que vous en pensez.

Puis l'autre question, à savoir tout le développement ou la culture forestière puis tout ce qui a trait à la biomasse, pour faire suite à la visite qu'on a faite en Finlande, où c'en est rendu chez vous, là, ce développement-là.

Le Président (M. Ouimet): 30 secondes par question, donc vous avez une minute.

n(16 h 50)n

M. Lemoyne (Gérald): Une société nationale, très mauvaise idée. Moi, je pense que... on peux-tu... Le projet de loi, c'est de donner plus de responsabilités à chacune des régions et arrêter qu'on soit dirigés par Québec. Il y a plein de bon monde à Québec, là, j'en connais maintenant encore plus. Tout du bon monde! Évidemment, ils seraient beaucoup mieux s'ils étaient dans des régions, mais... Bon! Alors, il faut donc... C'est une mauvaise idée.

En ce qui concerne la biomasse, c'est quelque chose..., ça continue, Marc, ce qu'on avait commencé à l'époque, et il y a de plus en plus... Là, évidemment, il y a un projet de loi aussi sur la biomasse, là. Alors, il y a, dans toutes les régions, des choses qui se passent. Et il y a toute la question de la valorisation du produit bois ou du matériau bois, sur laquelle on travaille, on continue à travailler. Malgré le fait que tu ne sois plus là, on a continué tant bien que mal à...

Le Président (M. Ouimet): Merci. Merci, M. le député. Du côté de l'opposition officielle, maintenant, M. le député de Roberval?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Ouimet): Ou Mme la députée de Marguerite-D'Youville?

Une voix: ...

M. Trottier: Je reviens à la question de la forêt de proximité. Vous dites: C'est un peu notre terrain de jeu. Si on voulait mettre une limite à ça, est-ce que ça peut ressembler... 50, 100 ou 200 km? C'est quoi?

M. Lemoyne (Gérald): Sûrement, là, tu sais... 50, c'est sûrement un minimum dans une place comme les villes du Nord-du-Québec. C'est sûrement un minimum, 50. Évidemment, c'est à géométrie variable là aussi, parce que... Bon, tu sais, là, on peut superposer, mais est-ce qu'on doit avoir une seule forêt de proximité ou est-ce que deux villes peuvent... Tu sais, est-ce que Chapais puis Chibougamau, par exemple, sont un peu plus proches pour avoir une forêt de proximité pour les deux? Tout ça reste à déterminer. Mais, pour nous, c'est un endroit où on est capables d'avoir un projet autant économique que social avec une forêt. Et un projet économique, tu sais, tu peux toujours avoir... Quand on est dans des échelles comme les nôtres, ça prend de la place. Ça prend de la place. Mais, quand on parle d'un projet économique, ça ne veut pas dire un projet... ça ne veut pas dire nécessairement, mais ça n'exclut pas, un projet qui ne pourrait pas se faire conjointement avec l'industrie qui est en place. L'industriel ou les industries qui sont en place, particulièrement les indépendants, sont des gens qui sont beaucoup plus imprégnés du milieu, beaucoup plus présents avec nous autres, ce qui n'exclut pas non plus la grande entreprise, mais c'est généralement des gens avec qui on a un peu plus de facilité, ces gens-là. Donc, ça peut être un projet économique avec ces gens-là ou, dans certains cas, des projets... ça peut être un projet, et là on parle plus de l'aspect économique, un projet de deuxième ou de troisième transformation, où, là, ça devient impossible parce que tout le bois est alloué, ça devient impossible d'avoir du bois pour le faire.

M. Trottier: Vous mentionnez que vous avez des entreprises très performantes, comme Barrette-Chapais puis Chantiers Chibougamau, je suis bien d'accord avec vous, parce qu'entre autres je pense qu'il y a des statistiques qui démontrent qu'en termes de création d'emplois versus CAAF attribués, je pense qu'ils sont très performants. Puis en plus, aussi, ce sont des entreprises qui sont très attachées à leur territoire, ce qui n'est pas toujours le cas de d'autres entreprises qui ont une vision plus internationale, entre guillemets.

Est-ce que vous pensez qu'on devrait mettre en place des critères qui feraient en sorte que, dans le fond, on favoriserait justement ces entreprises-là? Est-ce que, dans l'attribution des CAAF, il pourrait y avoir un pourcentage qui serait attribué en fonction du nombre d'emplois créés ou qu'il y ait des éléments de ce type-là? Est-ce qu'on peut trouver une façon de gérer ça?

M. Lemoyne (Gérald): Bien, la réponse, c'est: En fonction du nombre d'emplois créés, c'est un peu difficile, parce qu'une entreprise, généralement, qui est très performante va avoir un petit peu moins, souvent... je ne dis pas que c'est la meilleure des choses au monde, mais souvent elle va être un peu... il va y avoir... elle va être plus mécanisée ou plus informatisée, et il va y avoir des fois un peu moins d'emplois. Mais il y a un certain nombre de critères qu'on devrait sûrement tenir compte. Mais, écoutez, si on dit: L'usine la plus performante, ça veut dire quoi, «performante»? Bien, ça peut vouloir dire, par exemple, son ratio de production de pied-planche par rapport au mètre cube, mais ça, encore là, quand tu as dit ça, il faut que tu tiennes compte de la sorte de bois avec laquelle t'opères. Quand t'es dans le Nord-du-Québec puis t'opères avec du bois de six, sept pouces, ce n'est pas comme quand t'es dans le sud puis que t'opères avec du bois... Donc, il y a un certain nombre de choses à tenir compte. Mais il y a quand même des évidences, qu'il y a des entreprises qui sont beaucoup plus performantes, et sûrement qu'on devrait chercher comment on fait pour s'assurer que ces entreprises-là puissent continuer à opérer et continuer à se développer. Parce que de grandes... Barrette-Chapais, par exemple, une entreprise qui fait beaucoup de recherche et développement... Écoutez, je ne sais pas si vous avez eu déjà l'occasion d'aller là? Si tu veux rentrer là, il faut que tu fasses... Ils ne te montrent pas tout. En tout cas, il faut que tu les connaissent un peu, là. Je ne sais pas si Jacques est encore ici, là, mais... Alors... Mais c'est des entreprises qui font de la recherche, qui s'assurent de continuer à faire du développement dans leur milieu.

M. Trottier: Il y a probablement des gens qui seraient surpris de voir ce qui se passe à Chibougamau en termes de recherche puis aussi en termes de, on pourrait dire, d'ampleur. C'est quand même assez... assez grand, là. Tu sais, quand on rentre dans l'usine, on ne se promène pas là n'importe comment, là. Quand on dit que c'est Chantiers Chibougamau, c'est vraiment tout un chantier, il y a plusieurs usines, etc. C'est vraiment très impressionnant.

Et à cet effet-là vous dites, là, que... sur la garantie d'approvisionnement, qu'il faut absolument qu'on rattache les CAAF aux usines. Vous en avez déjà fait mention, mais est-ce que vous pourriez en dire davantage? Puis, qu'est-ce qui se passe? Admettons que l'usine ferme, qui devrait avoir le CAAF, à ce moment-là? Est-ce que vous pensez que le CAAF devrait être remis aux communautés? Est-ce que... Qu'est-ce qu'on fait avec ça?

M. Lemoyne (Gérald): Moi, je pense que ce que... Ce qui est important, c'est que le CAAF ou une partie du CAAF, si une usine n'a pas tout coupé son CAAF, revienne à la ministre, au ministère, qui, elle, décidera comment on le distribue. Et, s'il y a une communauté qui a un projet, parce que ce n'est pas... tu sais, il peut arriver qu'une communauté n'ait pas un projet, et là on redistribuera le CAAF à l'endroit, avec consultation du milieu, l'endroit où on va s'assurer que ça, ça va donner non seulement une usine... permettre à une usine... que ses actionnaires aient un bon rendement, mais aussi qu'il y ait des retombées dans l'endroit où se trouve le bois. Puis je pourrais vous en parler abondamment: des usines de Lebel-sur-Quévillon sont fermées, le bois a été transféré ailleurs, et on n'a pas eu toutes les retombées qu'on aurait souhaitées. Alors, oui, il faudrait avoir des règles qui viennent baliser tout ça. Mais ce n'est pas... tu sais, ce n'est pas si simple. Il n'y a pas une seule réponse à ces questions-là. Les situations sont très différentes d'un endroit à un autre.

Ce qu'il est important de se rappeler, c'est que, dans le Nord-du-Québec, et c'est à ce titre-là qu'on est ici, dans le Nord-du-Québec, chacune des villes dépend de l'industrie forestière, chacune des villes: Lebel-sur-Quévillon, Chapais, Chibougamau, Matagami... Il y a des mines, mais, une mine, ça a un début et une fin. Matagami a une mine actuellement; six, sept ans ? Daniel, tu me corrigeras, c'est un milieu que tu connais ? six, sept ans, si ça va bien. Bon, là, ils ont fait d'autres découvertes. Mais on comprend-u que ce qui apporte la stabilité dans ce milieu-là, c'est l'industrie forestière. Chapais, s'il n'y a plus l'usine Barrette-Chapais à proximité, on comprend-u qu'il y a un problème. L'industrie forestière, dans notre région, apporte la stabilité. L'industrie minière est évidemment, aussi, importante, mais l'industrie forestière apporte la stabilité. Et, quand on décide de transférer ou de prendre un CAAF puis de l'envoyer ailleurs ou de prendre du bois puis de l'envoyer ailleurs, on vient de faire mourir un peu ces communautés-là. C'est le premier... je veux dire, on pose les premiers jalons, ou on creuse... on creuse une partie du trou dans lequel on va nous enterrer. Heureusement qu'on est tough en maudit puis qu'on ne se laissera pas enterrer, là, mais... C'est ça.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, ça met un terme à l'échange. Merci, M. le député. M. Lemoyne, Mme Fortin, merci infiniment pour votre contribution aux travaux de cette commission parlementaire. Et je vais suspendre les travaux quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 58)

 

(Reprise à 17 h 2)

Le Président (M. Ouimet): À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Nous avons le plaisir d'accueillir maintenant l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec. Et, M. Denis Villeneuve, vous en êtes le président, c'est bien cela?

Ordre des ingénieurs
forestiers du Québec (OIFQ)

M. Villeneuve (Denis): Oui, c'est ça.

Le Président (M. Ouimet): Alors, bienvenue aux travaux de cette commission parlementaire. Pourriez-vous nous présenter les deux personnes qui vous accompagnent?

M. Villeneuve (Denis): Oui. À ma droite, Mme Marielle Coulombe, ingénieur forestier et directrice générale de l'ordre, et, à ma gauche, M. François Laliberté, ingénieur forestier lui aussi, trésorier de l'ordre, membre du comité exécutif de l'ordre.

Le Président (M. Ouimet): Très bien. Alors, nous vous écoutons.

M. Villeneuve (Denis): Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mesdames... Mme et MM. les députés, MM. les sous-ministres, bonjour et merci de nous recevoir aujourd'hui. À titre d'organisme professionnel voué à la protection du public québécois en matière de pratique professionnelle en foresterie, l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec est heureux de participer à la commission parlementaire sur le projet de loi n° 57, Loi sur l'occupation du territoire forestier, qui est appelé à remplacer la Loi sur les forêts.

La contribution de l'ordre à cette révision majeure est unique, puisque nos interventions sont faites avec le seul souci d'assurer la protection du public et du patrimoine forestier québécois. Considérant sa mission et son caractère indépendant, nous tenons à rappeler que l'intervention de l'ordre ne représente pas nécessairement l'avis de tous ses membres pris individuellement.

En 15 minutes, il est impossible de passer en revue toutes les positions que nous avons développées dans notre mémoire. Par conséquent, nous nous limiterons cet après-midi à seulement quelques éléments de celui-ci.

Dans un premier temps, M. le Président, nous aimerions vous dire que l'ordre souscrit à la vision et aux objectifs qui sous-tendent la réforme proposée. De façon générale, ils semblent conformes aux principes de protection et de mise en valeur du patrimoine forestier. Ils répondent à plusieurs préoccupations de l'ordre, déjà exprimées au cours des dernières années, pour améliorer le régime forestier.

Comme vous le savez tous, au fil du temps, la confiance de la population envers les gestionnaires de la forêt québécoise s'est passablement effritée. Afin de rebâtir cette confiance, l'ordre croit fermement que la gestion du patrimoine forestier québécois doit être transparente à tous les niveaux, en plus de faire preuve d'une grande souplesse afin de s'adapter et de se renouveler au fil de l'évolution des valeurs de notre société, des conjonctures internationales et de l'évolution des connaissances. Au surplus, cette gestion doit rendre les intervenants imputables à tous les niveaux décisionnels.

Ces trois principes, transparence, souplesse et imputabilité, doivent constituer le coeur du nouveau régime, de son implantation à sa mise en oeuvre sur le terrain. Ils doivent s'appliquer, entre autres, à la stratégie d'aménagement durable des forêts et à tous les outils et éléments qui en découlent, dont le calcul de la possibilité forestière.

Pour y parvenir, plusieurs outils seront nécessaires. Le projet de loi fait état de quelques-uns de ces outils, dont la certification des intervenants et les tables de gestion intégrée des ressources et du territoire. L'ordre recommande d'y ajouter quatre autres propositions, soit la certification de l'ensemble des territoires forestiers, la mise en place d'une table nationale des partenaires, la mise en place d'une réelle gestion par objectifs et résultats structurée et réfléchie, et finalement de confier la planification exclusivement au ministère des Ressources naturelles et de la Faune, et ce, sans délégation. Ces courants commandent d'effectuer une réingénierie complète du cadre de gestion actuel et une implantation de manière graduelle et ordonnée.

Concernant la certification des territoires, l'ordre est d'avis que seule une certification par une tierce partie indépendante, en vertu d'une norme reconnue, permettra de rencontrer les exigences des marchés internationaux.

Concernant la création formelle d'une table des partenaires, par souci de transparence, l'ordre recommande que la table des partenaires, dont elle fait partie, soit rendue formelle par le projet de loi. Cette table, en toute autonomie, aurait notamment comme mandat d'analyser périodiquement le bilan du régime forestier et, en temps opportun, de faire les recommandations de fond à la ministre afin que le régime réponde, entre autres, aux enjeux globaux et à l'évolution des valeurs de la société.

Concernant la gestion par objectifs et résultats, à de multiples reprises au cours de la dernière décennie, l'ordre a fait valoir, dans ses mémoires, avis et interventions publiques, les avantages d'une gestion plus souple, une gestion qui ferait appel aux compétences et au jugement professionnel des ingénieurs forestiers, misant également sur l'imputabilité des professionnels et le respect des règles de l'art. Bien que la gestion par objectifs et résultats ne soit pas mentionnée dans le projet de loi, l'ordre s'attend à ce qu'elle soit bien présente dans les différents outils de mise en oeuvre.

S'il y a une chose dont la gestion par objectifs et résultats ne peut se passer pour bien fonctionner, c'est la cohérence entre les objectifs. À diverses échelles territoriales, la gestion par objectifs nécessite un arrimage et une cohérence optimale entre les divers niveaux décisionnels, que ce soit au niveau national, régional et local. Elle ne peut pas non plus se passer de professionnels imputables.

Concernant la planification forestière, l'ordre croit fermement que, pour opérer un réel changement et retrouver la confiance du public, le ministère des Ressources naturelles et de la Faune doit se réserver la planification forestière dite tactique, et ça, sans délégation. Il doit cependant travailler en collégialité avec les différents détenteurs de droits tout en en conservant l'imputabilité entière. Ceci vous permettra, Mme la ministre, de bien gérer les terrains forestiers dont vous êtes la fiduciaire au nom de tous les citoyens du Québec. Ceci permettra aussi au ministère d'affecter les ressources dont il dispose directement à la planification finale et intégrée plutôt qu'au contrôle d'une planification déléguée et préliminaire, comme c'est le cas actuellement. Faire autrement ne ferait que nous replonger dans le système actuel de vérification-contrôle, avec toutes les lourdeurs administratives que cela implique et l'inefficience que cela entraîne.

En terminant, M. le Président, nous désirons lancer un appel... un message important au gouvernement et à Mme la ministre: un tel chantier n'est pas réalisable sans la mobilisation immédiate de toutes les ressources nécessaires à sa mise en oeuvre. La barre est haute, et le gouvernement devra s'assurer que les ressources humaines et financières permettent à tous les intervenants interpellés, particulièrement vos gens au ministère des Ressources naturelles et de la Faune, de réussir le défi qui leur est lancé.

Aussi, nous désirons vous souligner l'urgence de mettre en place dès maintenant les structures et les outils nécessaires pour être en mesure d'atteindre l'objectif ambitieux de 2013.

Finalement, sans l'avoir mentionné dans notre mémoire, nous croyons que le titre du projet de loi devrait mieux refléter son contenu, qui concerne plutôt la gestion durable des forêts du Québec. Merci de votre écoute. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

n(17 h 10)n

Le Président (M. Ouimet): Très bien. Merci à vous, M. Villeneuve, pour la présentation de ce mémoire. Donc, Mme la ministre.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Alors, M. Villeneuve, madame, messieurs, merci d'être là. Vous me permettrez de saluer celui qui vous accompagne, qui est juste derrière vous, M. Bernier, que j'ai connu alors qu'il était à RESAM. Alors, il est toujours dans le secteur forestier. Alors, c'est très bien. Salutation à François-Hugues.

Écoutez, votre mémoire est plus technique que les autres mémoires, évidemment, qu'on a reçus, puis ça se comprend, évidemment, l'Ordre des ingénieurs forestiers... Et ça nous oblige dans le fond à travailler un peu plus fort, je vous dirais, parce qu'il y a des concepts un peu plus d'ordre théorique, là. Mais je dois vous dire que c'est un mémoire que, nous, au ministère, on va analyser un peu plus en profondeur, parce que votre ordre est important, là, pour qu'on puisse voir ensemble comment on peut bonifier le projet de loi. Puis il y a des éléments, sincèrement, qui sont intéressants. Il y a des éléments de questionnement. Il y a des éléments qui nous permettraient assurément de bonifier le projet de loi.

Peut-être vous dire, sur votre appel... Vous avez terminé votre texte, votre conclusion, en lançant un appel au gouvernement, à la ministre. Peut-être c'est important, M. le Président, de souligner que l'Ordre des ingénieurs n'est pas la seule organisation à avoir manifesté des interrogations, des préoccupations quant aux outils, aux effectifs dont dispose le ministère, entre autres en région, pour faire face au défi qui nous attend.

Mais, plus fondamentalement, il faut que les gens prennent conscience qu'avec un pareil régime, la mise en oeuvre d'un pareil régime, ça commande de la part de tous les professionnels, tous les fonctionnaires du ministère, un changement de culture et d'approche qui est fondamental. Sur le plan humain, là, ça va commander vraiment un virage important. Il ne faut jamais perdre ça de vue, parce que, dans... Les organisations sont d'abord construites d'hommes et de femmes, d'êtres humains qui ont leur... tout leur lot de bagages, de préoccupations, de rêves, d'ambitions. Alors, je tiens à le souligner parce que, présenté comme ça, les gens vont dire: C'est un projet de loi, 365 articles. Mais, derrière ça, le virage qu'on propose va commander donc de la part de tout le personnel du ministère une adaptation, je pense, qu'on n'a jamais vue auparavant. Et ce virage-là qu'on propose, bien il est enclenché déjà depuis un certain nombre d'années. Mais je souhaitais faire cette précision parce que les gens ont peut-être souvent tendance à oublier que, derrière le rideau, bien il y a toute une équipe qui travaille, qui s'emploie puis qui, elle-même, manifeste parfois certaines appréhensions, certaines inquiétudes.

Je vais commencer, M. le Président, avec deux questions. Vous avez 18 recommandations, qui sont toutes pertinentes... qui sont toutes aussi pertinentes les unes que les autres. Première recommandation, relativement à la table des partenaires, il y a deux dimensions que j'ai retenues. Vous souhaitez qu'on officialise la table des partenaires. Premièrement, première question... Là, je comprends, vous visez un processus de suivi continu. Le réseau des écologistes du Québec nous a proposé d'introduire dans le projet de loi un amendement qui permettrait, à tous les cinq ans, de procéder à la révision du nouveau régime forestier. Qu'est-ce que vous en pensez? Deuxièmement: La table des partenaires, comment concilier votre recommandation avec la création des tables de concertation qui, elles, vont se déployer dans chacune des régions?

Et l'autre question, ça, ça a piqué ma curiosité, c'est la recommandation 11, relativement au mode d'attribution des contrats, vous dites: «Afin d'atteindre les objectifs de qualité et d'efficience visés, [vous estimez] que le mode d'attribution des contrats ne devrait pas privilégier obligatoirement le plus bas soumissionnaire.» Alors, je souhaiterais vous entendre un peu plus là-dessus, parce que, nous, on pense qu'avec les contrats... la dynamique des contrats pluriannuels, on pense qu'on va améliorer les conditions de travail des ouvriers sylvicoles. On pense qu'on va sécuriser davantage l'industrie de l'aménagement. On le dit, mais, en même temps que je le dis, il y a une petite crainte, là. On veut juste s'assurer que, dans les moyens qui seront déployés... Est-ce que vous avez des précisions à nous apporter là-dessus? Puis en même temps peut-être aller plus loin dans... sur cet aspect des contrats pluriannuels, mode d'attribution.

M. Villeneuve (Denis): Oui. Je vais commencer par la deuxième question...

Mme Normandeau: Oui, d'accord.

M. Villeneuve (Denis): ...qui est un peu plus facile à répondre, là. Et disons que c'est une mise en garde qu'on fait, O.K.? On pense que, faisant des contrats pluriannuels, on va assurer une stabilité dans les organisations qui vont exécuter les travaux sylvicoles sur le terrain ou qui vont être mandatées par le ministère pour réaliser des parties d'application du régime, O.K.? Donc, c'est plus une mise en garde, de ne pas... Parce que c'est toujours le danger, dans un gouvernement, d'aller par appel d'offres, et on va prendre l'appel d'offres avec celui qui offre le prix le plus bas pour le ministère. C'est pour ça qu'on fait une mise en garde dans ce sens-là.

Concernant votre première question, concernant la table des partenaires, vous avez fait référence aux tables locales. Les tables locales, les tables GIR, au niveau des unités d'aménagement, c'est une table de concertation, c'est une table, là... une table de partenaires au niveau de l'unité d'aménagement. Vous avez l'équivalent au niveau de la région, les commissions sur les ressources naturelles et le territoire. Nous, on pense qu'il doit aussi y avoir la même chose au niveau national.

Un régime forestier pour le Québec au complet se négocie ou se discute avec des partenaires provinciaux en grande partie, et je pense que le projet de loi que vous avez... Je sais qu'il y a eu beaucoup de négociations avec différents groupes, surtout nationaux, O.K.? Et je vous rappelle que la commission Coulombe demandait qu'un comité national soit mis en place pour assurer le suivi des recommandations et que le sommet sur la forêt, qui a eu lieu en décembre 2007, recommandait aussi qu'un comité des partenaires national soit formé pour suivre l'application des décisions du sommet.

Mme Normandeau: En fait, à l'article 5 du projet de loi, il y a un chapitre qui porte sur la politique de consultation, et, au deuxième paragraphe ? puis là je vous demande si le paragraphe, dans son libellé, vous convient, par rapport à la recommandation que vous formulez ? on dit qu'il s'assure... Là, on parle du ministre: «Il s'assure de la mise en oeuvre de la politique de consultation. Dans le cadre de cette mise en oeuvre, il constitue la Table des partenaires de la forêt dont il nomme les membres et définit les règles de fonctionnement.» Est-ce que vous trouvez que, libellé de cette façon, c'est un libellé qui vous convient? Est-ce qu'on atteint la finalité que vous recherchez avec la recommandation 1 que vous formulez ici? En d'autres termes: Ça fait-u l'affaire ou pas?

M. Villeneuve (Denis): Oui, ça fait relativement l'affaire. On insiste sur ce point-là, là-dessus.

Une voix: ...

Mme Normandeau: Daniel, vas-y. Si vous permettez, M. le Président, je cède, puis après ça je vais revenir.

Le Président (M. Ouimet): Je vais demander au député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue. M. le député.

M. Bernard: Merci, M. le Président. Je vais commencer... Bonjour, madame. Bonjour, messieurs. Content de vous revoir. Je vais commencer par un simple commentaire concernant les coûts... voyons! les appels d'offres, pour ne pas donner au plus bas soumissionnaire. Un, ça veut dire qu'en arrière de ça il faut mettre une grille d'évaluation des entreprises qui doit être très objective et peu contestable, et la problématique est tout le temps à cet égard-là, parce qu'il va toujours y avoir une entreprise, quelque part, qui se sent un peu brimée de son évaluation, et autres. Donc, c'est quelque chose qui n'est pas simple à faire mais qu'effectivement il faudrait penser.

Votre recommandation 10, O.K., qui concerne la certification des entreprises sylvicoles et autres, vous faites une recommandation, mais en même temps vous dites: L'ordre est favorable à cette approche de la certification. Si je me rappelle, lorsque le ministre Béchard avait annoncé qu'on allait mettre en place la certification, je crois qu'on avait dit que ce serait le bureau des normes du Québec qui prendrait ça en charge auprès des entreprises sylvicoles.

M. Villeneuve (Denis): Pour la recommandation 10, ça porte plutôt sur la question, là, des certifications des territoires et non pas des entreprises, à moins que je me trompe, là.

M. Bernard: Ce n'est pas la 12 qui porte sur les normes FSC, et etc.? C'est pour ça, il y avait deux...

Mme Normandeau: La 12 porte sur la certification.

M. Villeneuve (Denis): Non, c'est ça. O.K. C'est celle... Je me trompe, excusez-moi, là. La 10 porte sur la certification des entreprises, oui. Bien, nous, le bureau national de... le bureau québécois de normalisation, O.K., là-dessus, pourrait être un outil intéressant là-dessus. On veut s'assurer, nous... Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, ce n'est pas nécessairement écrit dans le projet de loi ou dans les documents que le bureau... c'est ce bureau-là qui va le faire. On comprend que, dans certains documents ou dans certains projets, on parle de ce bureau-là. Ce qu'on veut, nous, c'est...

M. Bernard: Que ce soit précisé.

M. Villeneuve (Denis): ...que ce soit précisé et s'assurer que... et surtout préciser que ce soit fait par un bureau indépendant et non pas par des... les gens entre eux, eux autres mêmes, qui se...

M. Bernard: Oui. Oui, c'est... Oui. Par rapport aux certifications, justement, les normes CSA, FSC et autres ? puis ça, je vous pose une question à titre explicatif, là, pour m'éclairer ? actuellement une entreprise, dans le système actuel, c'est elle qui fait tout le processus pour avoir la certification elle-même?

M. Villeneuve (Denis): Oui.

M. Bernard: Donc... Puis maintenant, avec le projet de loi, j'aimerais... Selon votre compréhension, comment cela va travailler? C'est le ministère qui se trouve à faire une partie des travaux, des recommandations, mais la certification doit aller à l'entreprise aussi, éventuellement, parce que c'est elle qui est sur le marché plus tard?

M. Villeneuve (Denis): Non. L'entreprise, elle, achète un produit qui, lui, doit être certifié. Quand on parle de certifier les territoires... Que ce soient le territoire et les pratiques qui lui sont faites, qu'ils soient certifiés. Dans le régime actuel, comme l'industriel est mandaté pour faire les plans d'aménagement forestier et faire... avec ses contrats d'aménagement et d'approvisionnement forestier, c'est l'industriel qui est responsable de se certifier. Mais, à partir du moment où le ministère reprend...

n(17 h 20)n

M. Bernard: C'est le gouvernement.

M. Villeneuve (Denis): ...reprend le contrôle de la gestion...

M. Bernard: C'est lui qui va être responsable de la certification, à ce moment-là.

M. Villeneuve (Denis): ...c'est lui qui va être responsable de la certification de ces territoires, ou bien l'organisme qu'il va mandater pour le faire, là, dépendamment, là, de comment ça va fonctionner. Mais, tant que le ministère garde, comme on dit, le crayon, c'est lui qui dit, qui écrit qu'est-ce qu'il va y avoir dans les plans, c'est lui qui doit faire la démarche de certification.

M. Bernard: Ça va être le ministère et non les commissions régionales des ressources, même si eux sont mandataires.

M. Villeneuve (Denis): Pour nous, on tient qu'au niveau de la planification générale le ministère ne donne pas de délégation à ce sujet-là. On veut juste rappeler que la ministre est fiduciaire des terrains du Québec, c'est elle qui est responsable devant la population. S'il y a quelqu'un qui erre dans le dossier et qui fait des... disons, des folies au niveau d'une région donnée, c'est Mme la ministre qui est responsable, ce n'est pas la personne en région. C'est bien important, ce côté-là, là. On peut bien parler des gens de Montréal, mais ils ne comprennent pas toujours les subtilités, là, de la régionalisation. Et je pense qu'il est possible... on pense qu'il est possible de régionaliser, O.K., tout en assurant que la ministre conserve son rôle de fiduciaire et le joue.

Le Président (M. Ouimet): Le président est de Montréal, soit dit en passant. Mais je vais aller... Et on a le dos large un peu, n'est-ce pas, Mme la députée? Mais allons du côté de l'opposition officielle. M. le député de Roberval.

M. Trottier: Bon. Tout d'abord, merci beaucoup pour votre présentation. C'est sûr, c'est un projet de loi qui doit vous préoccuper au plus haut point. Ce n'est pas la première fois, comme on dit, que vous assistez à ce type de rencontre là. Parfois, vous devez avoir, on pourrait dire, des sourires, d'autre fois des inquiétudes, et, justement par rapport à ça, j'aurais un certain nombre de questions.

Vous dites, dans le fond, «qu'un tel chantier n'est pas réalisable sans la mobilisation immédiate des ressources nécessaires», et vous dites, en conclusion de ce paragraphe-là: «La barre est haute, et le ministre ? la ministre ? doit s'assurer que les ressources humaines et financières permettent à ses représentants de réussir le défi qui leur est lancé.» Est-ce que vous croyez qu'actuellement, avec ce que vous connaissez de l'état des choses, on a des ressources humaines et financières qui vont nous permettre de réaliser ce défi-là?

M. Villeneuve (Denis): Je dirais qu'actuellement vous avez peut-être... le gouvernement a peut-être les ressources humaines pour le faire, mais, comme les professionnels, au niveau des ministères, sont relativement âgés, il y en a plusieurs qui prennent leur retraite dans les prochaines années, et, si la politique, là, du deux-un, qu'on appelle, là, il y en a deux qui s'en vont, on n'en remplace seulement qu'un... ça va être difficile de concevoir comment le ministère va pouvoir assumer son rôle pleinement dans le nouveau régime sans remplacer les professionnels en place.

Remarque qu'il y a toujours la possibilité que le ministère, tout en conservant la responsabilité de signer les plans d'aménagement forestier, là-dessus, puisse utiliser une certaine... des mandats ou une certaine... avec différentes firmes qui travailleraient avec lui. Ça peut être des organismes, là, d'aménagement ou des entreprises d'aménagement, ça peut être des industriels aussi, mais toujours en s'assurant que le ministère conserve la responsabilité des plans d'aménagement forestier intégré qui vont être réalisés pour chacune des unités d'aménagement. Pour nous... Et c'est important que le ministère... qu'un professionnel ingénieur forestier du ministère signe les plans d'aménagement forestier intégré de chacune des unités d'aménagement. Les plans opérationnels, les plans de coupe, dans un an, deux ans, ça, ça pourrait être confié à contrat à des firmes spécialisées, là, ou à l'industriel, dans le cas qu'il détient une capacité d'approvisionnement. Mais la...

Donc, il est possible, mais ça va prendre un jeu de concertation, de collaboration, de transparence et de souplesse pour en arriver, là, à ce que le ministère puisse jouer son rôle dans le contexte, là, des contraintes gouvernementales, là, au niveau de l'embauche de fonctionnaires ou de professionnels.

M. Trottier: Vous dites que «l'ordre croit fermement que, pour opérer un réel changement et retrouver la confiance du public, le [ministère] doit [...] réserver [sa] planification financière, sans délégation». Vous en avez parlé... Vous venez d'en parler, mais c'est qu'il y a toute sorte de monde qui se questionne sur la question de la confiance, là, tu sais, à l'effet que... Il y a des gens qui disent qu'on doit rapprocher davantage la gestion des régions, qu'on doit, dans le fond, faire davantage confiance aux gens qui sont là. Comment vous voyez ça?

C'est parce que, là, c'est un peu comme si c'est automatique, la confiance. Parce que c'est sûr qu'il y a une crise de confiance présentement, là. Si on faisait... Bien, il y a déjà eu des sondages, puis les gens ne sont pas très confiants par rapport à la gestion de la forêt. Puis il y a eu une dévalorisation de l'ensemble du monde forestier. Mais est-ce que vous pensez que, le fait que le ministère se réserve la planification, la confiance va se retrouver comme automatiquement?

M. Villeneuve (Denis): Bien, c'est parce que le ministère garde la planification mais tout en... en cherchant l'appui des tables GIR. Les tables GIR sont extrêmement importantes dans ça. C'est des tables de concertation: les gens vont avoir à travailler ensemble et à suggérer au ministère des consensus. Quand on dit: Le ministère garde sa responsabilité, c'est que c'est le ministère qui garde le dernier mot, qui s'assure que la stratégie d'aménagement durable des forêts, qui va être conçue bientôt, O.K., est appliquée au niveau de chacune des unités d'aménagement.

Je pense que les représentants du ministère, dans chacune des unités d'aménagement ou dans chacune des régions, vont avoir un rôle important d'animation et de concertation des différentes tables, la meilleure recherche du consensus, de trouver des solutions à des problèmes qu'il pourrait y avoir. Et ça, je pense que les employés actuels du ministère, les gens dans les régions et les unités de gestion sont très compétents pour faire ce genre de travail là. Ils le font d'ailleurs actuellement.

Et l'exemple de la réserve faunique des Laurentides, le projet d'aménagement écosystémique, est très intéressant à ce sujet-là. Vous savez que c'est une réserve faunique avec beaucoup de récréation, des zones protégées à faire, il y a des parcs autour, etc. Et les gens, au niveau de cette région-là, ont réussi à s'entendre sur un plan d'aménagement écosystémique et sur un plan d'aménagement intégré dans cette région-là. La région de la Capitale-Nationale vous en a parlé tout à l'heure, là-dessus.

Et, moi, je fais le pari que c'est plus facile de s'entendre au niveau d'une unité d'aménagement, entre les différents intervenants, en tout cas, qu'au niveau national, ça, je suis certain de ça. Mme la ministre en sait quelque chose. Les problèmes ne sont pas les mêmes, c'est beaucoup plus près de la réalité. Les gens sont tous concernés par les problèmes et non pas par les problèmes des autres, ce qu'on voit souvent au niveau national.

Donc, moi, je suis optimiste, je pense que c'est une question, là, de... on dit de confiance, puis je pense que la confiance, c'est plus facile de l'avoir au niveau régional, dans chacune des régions, avec des normes adaptées, avec... pas des normes, mais des balises adaptées, une gestion par objectifs et résultats, plus de souplesse dans l'application. Je pense que c'est possible. Ce qui ne serait pas possible, selon moi, c'est si on continuait le système actuel des normes, du cahier de normes, là. Ça, là, garder ça puis essayer d'implanter la régionalisation, c'est certain que le gouvernement se plante avec ça. C'est pour ça qu'on propose la gestion par objectifs et résultats. C'est ça qui va le mieux avec la régionalisation.

M. Trottier: O.K. Vous avez des inquiétudes concernant la stabilité du financement des travaux sylvicoles, puis vous dites: Il ne faut pas prendre ça à la légère, là. C'est... Dans le fond, c'est le coeur du système. C'est quoi, vos principales inquiétudes par rapport à ça?

M. Villeneuve (Denis): Bien, les inquiétudes, c'est celles que vous devez avoir, vous. Les revenus sont de beaucoup inférieurs aux dépenses actuellement, O.K., et le Conseil du trésor se pose des questions à chaque... à chaque saison pour savoir quels montants il va investir dans les travaux sylvicoles ou le reboisement. Et on sait qu'on ne peut pas fluctuer beaucoup avec ça, là, les travaux, chaque année. La question de... Par exemple, le reboisement, quand tu as décidé de faire une préparation de terrain, bien il faut que tu plantes les arbres puis, après ça, bien il faut que tu entretiennes pendant sept, huit, neuf, 10 ans. Alors, c'est tout... C'est quelque chose qui ne peut pas se passer d'un financement stable.

Les gens ont beaucoup eu des espoirs en ce qui concerne, là, des financiers qui viendraient investir. Il y en a plusieurs, je pense, qui sont prêts à venir investir, ils vont vous prêter ça à 11 %, l'argent, que vous pouvez emprunter tout seul à 5 % ou 6 %. C'est à peu près ça, là, le mieux que vous pouvez avoir sur le marché, à moins de vendre vos terrains, mais je ne pense pas qu'il en soit question.

M. Trottier: Mais je suis d'accord avec vous qu'il y a un problème, là. Il y a quelqu'un qui me disait: Notre système est basé sur un système qui doit fonctionner, dans le sens qu'on n'a pas prévu qu'il pourrait avoir des ratés. Dans le fond, c'est que, compte tenu du fait qu'on finançait les travaux à même la coupe, bien ça allait bien, comme on dit, en tout cas relativement bien. Mais, à partir du moment où il y a des problèmes de coupe, là, woups! là il n'y a plus de financement, et là ça cause un sérieux problème. Et là il faut s'assurer justement qu'il y ait un fonds d'investissement qui va être à l'abri de tout ça pour faire en sorte qu'on puisse éviter ces écueils-là. Parce que, là, cette année, là, ça a été le bordel dans les travaux sylvicoles. Il a fallu qu'il y ait maintes interventions, manifestations, etc. Ça a fini par démarrer, mais finalement, bien on nous annonçait mer et monde, et ça s'est terminé avec des travaux qui vont peut-être être l'équivalent de l'année passée, mais pas plus, là.

n(17 h 30)n

M. Villeneuve (Denis): Bien, un fonds d'investissement sylvicole, c'est une façon de se sortir des aléas gouvernementaux liés au Conseil du trésor, O.K.? Donc, le fonds d'investissement sylvicole, si on peut... donc, il faut donc profiter des cycles où ça va bien pour augmenter les fonds, qui iraient dans le fonds en tant que tel pour pouvoir en utiliser lors des périodes où ça va moins bien, comme présentement, sans avoir à aller justifier des fonds supplémentaires au Conseil du trésor. C'est surtout ça, l'objectif du fonds d'investissement sylvicole.

M. Trottier: Mais, compte tenu du fait qu'on n'est pas dans une situation propice pour pouvoir en prendre plus, comme on dit, est-ce que vous auriez une suggestion pour les années qui s'en viennent, qui vont demeurer critiques dans l'état actuel des choses?

M. Villeneuve (Denis): Malheureusement, je n'ai pas de suggestion pour vous, là, à ce moment-ci.

Le Président (M. Ouimet): Moi, j'en ai une. On va aller du côté...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Ouimet): M. le député de Charlesbourg.

M. Pigeon: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Villeneuve, Mme Coulombe, M. Laliberté. J'ai deux questions. La première, vous ne serez pas surpris, étant donné que j'ai été longuement dans le milieu universitaire, je voudrais vous parler de formation. Je sais que, pendant plusieurs périodes, ça a été difficile d'inciter les jeunes à s'inscrire à l'université et à suivre des cours pour devenir ingénieur forestier. Quelle est votre vision de ça? Quelle est votre vision de l'avenir de la profession, la manière dont vous devez vous y prendre pour dire aux gens: Écoutez, là, on ne s'en va pas détruire la forêt, là, on s'en va, au contraire, la faire vivre? Est-ce que l'ordre a entrepris un peu de travail à ce sujet-là? J'imagine que oui.

M. Villeneuve (Denis): Bien, je vous dirais, la réponse à ça, c'est: Venez sauver la planète, entrez en foresterie. C'est un peu le message, là, que la Coalition Bois lance et que beaucoup de gens lancent actuellement, et le message, il commence à être écouté par la population du Québec. Je pense que c'est par la lutte aux changements climatiques, la réduction des gaz à effet de serre qu'on va attirer les jeunes en foresterie. Je vous parlerais aussi de d'autres choses, comme par exemple ouvrir la profession aux étrangers, là, comme les Français, là. On est en train d'étudier ce dossier-là actuellement.

M. Pigeon: Mais actuellement, et depuis quelques années, est-ce que je rêve ou si les inscriptions, là, ne sont pas en nombre très élevé dans les facultés?

M. Villeneuve (Denis): Elles ne sont pas en nombre très élevé. On a atteint un plancher l'an passé, c'est à peu près la même chose cette année. On espère qu'à partir de l'an prochain ça puisse commencer à remonter. Il y a un lancement, le 15 septembre prochain, là, de la Coalition Bois...

M. Pigeon: Oui, que je connais.

M. Villeneuve (Denis): ...que vous connaissez. On fonde des espoirs importants là-dessus. L'ordre en est membre, d'ailleurs, de la coalition, là, avec les... le ministère aussi, d'ailleurs.

M. Pigeon: Ma deuxième question est concernant l'industrie elle-même. Vous dites dans votre mémoire ? évidemment, j'aime ça beaucoup ? que l'ordre salue l'audace dont fait preuve le gouvernement dans son projet de révision du régime forestier. C'est une belle phrase!

M. Villeneuve (Denis): Ha, ha, ha!

M. Pigeon: Et c'est vrai que, et vous le soulignez, que la ministre s'impose des responsabilités accrues. Bon. Et finalement c'est clair qu'on veut faire en sorte, et c'est une responsabilité sociétale, donc gouvernementale, de s'assurer que cette ressource-là, elle est là pour longtemps, qu'elle est bien utilisée. Mais on doit aussi avoir une gestion qui tient compte, là, des impératifs de l'industrie, et l'industrie est venue nous dire ce matin qu'on les cadrait de façon un peu serrée. Est-ce que, vous qui êtes quand même en contact, là, vous avez des ingénieurs qui travaillent dans toutes les compagnies, et ainsi de suite... Comment sentez-vous cet aspect-là? Est-ce que vous voyez que le cadrage est nécessaire puis que, bon, l'industrie trouvera bien le moyen de s'organiser à travers ça? Quelle est votre vision de ça?

M. Villeneuve (Denis): Le projet de loi, il est principalement pour 2013. L'industrie actuelle, on l'a dit, certains l'ont dit tout à l'heure, ne sera pas la même, probablement pas, en 2013. On a différents problèmes à régler: la question de la régionalisation, la question des normes, la question de la confiance. Le projet de loi, c'est comme un passage obligatoire, là. On ne peut pas se permettre de ne pas adopter un projet de loi comme celui-là. Il peut y avoir des amendements pour assouplir les choses, faire en sorte que le marché du bois soit graduel plutôt qu'autre, là, plutôt que, tout à coup, là, en 2013, ça tombe, mettons, à 25 % de tout bois qui est mis en marché. Ça peut se faire graduellement. Ça peut être modulé ? je ne sais pas si ça s'est dit, mais ? d'une région à l'autre. Ça peut être différent, là. On n'est pas obligés d'appliquer la même protection aux contrats d'approvisionnement au Saguenay?Lac-Saint-Jean que dans la Capitale-Nationale. Tantôt, les gens de la Capitale-Nationale vous disaient: Oui, mais là, si vous voulez protéger 100 000 m³, bien on n'en vend pas, de bois, dans la Capitale-Nationale. Ça mènerait à l'absurdité qu'il ne se vendrait pas de bois dans le sud du Québec, où il y a déjà un marché, et il s'en vendrait dans le nord, où la plupart des gens disent: Il n'y en a pas, de marché, là. Ce n'est pas sûr que vous réussissiez à en vendre, du bois, là, facilement. Le bois est trop loin au nord, là. Ce n'est pas tout le monde qui peut aller chercher du bois là.

Alors, le projet de loi, il est important. Les ingénieurs forestiers, si je nous ramène à nous autres, ne peuvent plus tolérer le fonctionnement actuel où tu as une équipe de vérificateurs frustrés qui vérifient une gang d'autres, O.K.? qui sont tannés d'être vérifiés par des vérificateurs. Là, actuellement, là, à peu près... Je dirais que le monde sont très, très, très démotivés. Ça va mal, en plus, dans l'industrie. Alors, tu sais, on a entendu un peu des histoires d'horreur, genre un plan d'aménagement est retourné 13 fois à l'ingénieur qui le réalise, par le ministère, parce qu'il ne correspond pas aux objectifs. Quand on est rendus là, on le fait nous-mêmes, on arrête de le confier aux autres.

Mme Normandeau: ...quand même. Ce n'est pas la pratique habituelle, M. Villeneuve, là, 13 fois retourner...

M. Villeneuve (Denis): Non, non. Bien, moi, c'est un exemple que j'ai entendu, là. Je ne vous dis pas que c'est la pratique habituelle.

Mme Normandeau: Oui, c'est ça.

M. Villeneuve (Denis): Je vous dis que c'est un exemple.

Mme Normandeau: Ça, je peux vous le confirmer, que ce n'est pas la pratique habituelle au ministère. Ça, c'est sûr.

M. Villeneuve (Denis): Bien, c'est parce que c'est peut-être la personne qui fait le plan d'aménagement qui n'est pas bonne, non plus, là. Mais ce qu'on veut dire, c'est que, le système actuel, le ministère vérifie ce que l'autre personne fait, encadré par une norme provinciale qui permet très peu d'ajustements au niveau local. C'est à ça qu'il faut mettre fin. C'est pour ça que, nous, on prône la gestion par objectifs et résultats. Il y a peut-être une autre chose à faire ou un autre nom à y donner. Ce n'est pas important, là, dans un sens. On pense que c'est un bon outil, celui-là, mais, avec la régionalisation, y va aussi l'assouplissement des règles sur le terrain. Il faut faire confiance un peu plus aux gens...

M. Pigeon: Mais vous croyez donc que globalement le projet de loi, tel qu'il est présenté, avec peut-être certains aménagements, là, répond aux besoins de la gestion de nos forêts?

M. Villeneuve (Denis): Oui. Le coeur du projet de loi, oui.

M. Pigeon: D'accord. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ouimet): Mme la ministre, oui.

Mme Normandeau: Bien, peut-être une petite question. Vous n'avez aucunement fait référence à l'approche... à l'aménagement écosystémique, dans vos recommandations, ce qui est un peu surprenant parce que c'est un concept qui est revenu à plusieurs reprises. Je dis ça évidemment pour vous taquiner un peu.

M. Villeneuve (Denis): C'est parce qu'on est tout à fait d'accord avec...

Mme Normandeau: O.K. Excellent.

M. Villeneuve (Denis): Donc, quand on n'en parle pas, c'est parce qu'on est d'accord.

Mme Normandeau: C'est parce que vous êtes d'accord.

M. Villeneuve (Denis): C'est ça.

Mme Normandeau: Excellent. Parfait.

M. Villeneuve (Denis): À moins qu'on ait oublié quelque chose. C'est possible aussi.

Mme Normandeau: Oui.

M. Villeneuve (Denis): Mais généralement on est d'accord.

Mme Normandeau: Vous insistez sur le fait que la gestion des forêts doit être évidemment plus transparente. C'est un objectif auquel on adhère, puis c'est un des objectifs du régime forestier. Est-ce que vous pensez qu'avec l'ensemble des mécanismes de consultation, d'harmonisation qui sont annoncés dans le projet de loi, est-ce que vous pensez que c'est suffisant pour atteindre... qu'on ait un régime plus transparent? Est-ce que vous pensez...

M. Villeneuve (Denis): Oui.

Mme Normandeau: Oui, vous pensez que c'est suffisant?

M. Villeneuve (Denis): Oui. On peut insister sur différentes choses au niveau de la transparence, et on en parle dans notre mémoire, dont la relation entre les gens de Forêt Québec et les gens du Forestier en chef. O.K.? On est inquiets, nous, de la façon dont les calculs et les plans d'aménagement vont se faire, parce qu'il va y avoir un aménagiste, qui est quelqu'un de Forêt Québec, et un calculeur ou calculateur de possibilité forestière, employé par le Forestier en chef. Il faut que ces gens-là travaillent ensemble, là. On ne peut pas prendre ? pour faire une image, là ? un plan en Abitibi fait par... en Gaspésie, fait par un ingénieur du ministère, puis là, tout à coup, il envoie ça au Forestier en chef, calcule la possibilité, puis là il attend ? là, j'exagère un peu, là ? puis là il ramène ça, quoi, deux semaines après, trois semaines après, etc. Nous autres, on se demande pourquoi la personne du Forestier en chef n'est pas assise dans le même bureau que la personne du ministère, puis ils travaillent ensemble. La responsabilité du plan, c'est Forêt Québec, puis la responsabilité du calcul, c'est la personne du Forestier en chef.

Mme Normandeau: Est-ce que vous ne pensez pas ? une dernière question, M. le Président ? vous ne pensez pas que le modèle que vous proposez est... ce n'est pas incompatible avec l'indépendance...

M. Villeneuve (Denis): Non.

Mme Normandeau: ...du Forestier en chef? Non?

M. Villeneuve (Denis): Non. La personne qui signe... qui travaille pour le Forestier en chef, c'est un professionnel. La plupart sont membres de l'Ordre des ingénieurs forestiers. Ils ont un code de déontologie. Ils doivent être intègres, puis...n(17 h 40)n

Mme Normandeau: C'est intéressant. Vous êtes la première organisation qui soulevez ce point-là précis, précis, là, entre aménagiste et calculateur, comme vous dites, là. On trouve ça très intéressant. Ça va me permettre de creuser davantage avec les gens du ministère sur, concrètement, comment ça va se traduire sur le terrain, là. Voulez-vous ajouter autre chose?

M. Villeneuve (Denis): Oui, peut-être. Au niveau des données forestières, l'accessibilité des... excusez-moi, des données forestières, il y a un petit peu une aberration. On comprend que le ministère est... bien, en fait, c'est un organisme public, le ministère, qui prend des données forestières. Ces données-là ne sont malheureusement pas toujours disponibles. Des fois, elles le sont, et il faut payer pour les avoir. On pense que, dans un souci de transparence, de permettre aux gens de bien participer à la gestion forestière, les outils ou les données forestières développés par le ministère, payés par le ministère, devraient être disponibles gratuitement pour l'ensemble des intervenants du milieu forestier.

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci, Mme la ministre. On retourne du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Marguerite-D'Youville, et je précise, M. Villeneuve, c'est une députée de la grande région de Montréal, tout comme moi. Mme la députée.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. M. Villeneuve, je vais m'en aller à votre recommandation 3, où vous parlez de la gestion par objectifs et résultats, et vous vous référez à l'expérimentation en cours dans les Hautes-Laurentides en disant qu'il y a là des avancées qui sont majeures. J'aimerais vous entendre un petit peu. J'ai lu la page à laquelle vous référez, là, mais j'aimerais vous entendre un petit peu plus sur la mise en place de ce projet-là.

M. Villeneuve (Denis): Bien, la mise en place de la gestion par objectifs et résultats, comme ça a été... on l'a indiqué dans notre mémoire, c'est beaucoup plus important que juste dire: On va fixer des objectifs puis évaluer le résultat. Mme la ministre en a parlé tout à l'heure, nos gens ne sont pas du tout dans un mode de faire de la gestion par objectifs et résultats. Il faut être bien conscients que le projet Hautes-Laurentides de gestion par objectifs et résultats, c'est dans le cadre du régime actuel. Comme je l'ai dit tantôt, dans le cadre du régime actuel, avec un système... contraintes qu'il y a dedans, c'est très difficile de mettre en place la gestion par objectifs et résultats. Ça va être beaucoup plus facile dans un cadre de régionalisation comme celui que vous voulez mettre en place avec le nouveau régime. Alors... Mais, pour ça, il faut commencer, il faut faire les tests tout de suite, là.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Quand vous parlez d'avancées majeures, vous parlez de quoi?

M. Villeneuve (Denis): Bien, c'est surtout dans la façon dont les forêts vont être gérées, là. Ce n'est pas une...

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Vous n'avez pas de résultats, il n'y a pas de...

M. Villeneuve (Denis): Bien, ce n'est pas une invention, là, ou une percée est technologique.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Je comprends que ce n'est pas une invention, mais...

Mme Coulombe (Marielle): Peut-être que je peux compléter là-dessus. C'est que, dans le cadre de ce projet-là...

Le Président (M. Ouimet): Alors, Mme Coulombe, c'est ça?

Mme Coulombe (Marielle): Oui. Dans le cadre de ce projet-là, ce qui en est ressorti, c'est que, d'implanter une GPOR sans avoir un système de réingénierie des opérations qui se fait, de la façon que ça se fait, c'est extrêmement difficile, sinon impossible. Tout ça doit être lié et tout ça doit avoir une cohérence, c'est-à-dire que, quand on fixe des objectifs et qu'on cherche des résultats, il faut que ça ait un sens, il faut que ça ait un sens dans l'ensemble du processus. Et ce projet-là a mis en lumière très... a très bien mis en lumière le fait que de mettre en place un tel processus sans avoir une réingénierie complète du système, c'est difficile, c'est très difficile.

M. Villeneuve (Denis): M. Laliberté aurait quelque chose à rajouter là-dessus.

Le Président (M. Ouimet): Oui, M. Laliberté.

M. Laliberté (François): Oui. Bien, si vous demandez des... qu'est-ce qui est concret comme avancée dans un tel projet, par exemple, les gens se sont assis... les gens, je pense à ceux qui sont de l'opérationnel, de l'industrie ou enfin des mandataires, avec des gens du ministère là-bas... ont étudié comment... quel est le processus qui devait suivre, ont revu ce processus-là pour tenter de le simplifier. Ils ont réussi à replacer des étapes au bon endroit pour que ce soit plus rapide, pour que ce soit plus efficient, efficace. Ils ont aussi amené la décision plus près du terrain, de sorte que, au lieu de décider avec un cahier de normes ou avec des livres, c'est les gens qui sont sur le terrain, qui vivent le quotidien, qui sont en présence de la forêt elle-même et qui, là, prennent une décision, toujours avec les objectifs derrière la tête qu'ils ont décidés, mais la décision se prend sur le terrain plutôt que d'avoir été prise en fonction d'un cahier. C'est ça, quand on parle d'avancées, puis c'est vers ça qu'on désirerait aller comme responsabilités professionnelles. O.K.?

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet): Ça va? M. le député de Roberval.

M. Trottier: Dans votre première recommandation, vous dites que... vous demandez que la table des partenaires soit rendue formelle par le projet de loi. Qu'est-ce qu'on fait avec ceux qui ne sont pas membres de la table des partenaires?

M. Villeneuve (Denis): Bien, si j'ai bien compris, la ministre va constituer la table des partenaires et va décider qui fait partie de la table des partenaires provinciale. Remarquez que les participants au récent Sommet sur l'avenir du secteur forestier québécois donnent une bonne indication de qui devrait constituer la table des partenaires au niveau provincial.

M. Trottier: Parce que, là, il y a une table des partenaires qui existait avec 14 partenaires, mais...

M. Villeneuve (Denis): Il pourrait y en avoir plus ou... là-dessus, là, j'ai...

M. Trottier: O.K. Vous dites, à votre recommandation 18, que vous souscrivez au principe de zone d'aménagement intensif. Vous suggérez «site» parce que ça vous apparaît plus approprié. Ce seraient quoi, les paramètres qui vous apparaîtraient acceptables au niveau de l'aménagement intensif?

M. Villeneuve (Denis): Au niveau des zones d'aménagement intensif, là, si vous parlez de ça, nous, on pense qu'on devrait aller plutôt vers des sites de sylviculture intensive que des zones de sylviculture intensive. Pourquoi ça? C'est parce que... j'ai lu un document, là, de consultation du ministère où on parlait de zones de 100 ha. 100 ha, c'est 1 km par 1 km. Il est possible que, dans des terrains relativement plats, on soit capables de trouver une zone de 100 ha où on pourrait faire de la sylviculture intensive à la grandeur. Mais on pense qu'on n'en trouvera pas beaucoup à l'échelle du Québec. Dès que vous entrez dans des terrains montagneux, la réserve faunique des Laurentides, Portneuf, Charlevoix, la Gaspésie, Bas-Saint-Laurent, trouver 100 ha où tu fais de la sylviculture intensive en même temps, là, ça va être à peu près impossible. Il va y avoir des sommets de montagne, il va y avoir des fonds de vallée, il va y avoir des endroits où tu ne pourras pas faire de sylviculture intensive, et tu vas continuer à faire de l'aménagement écosystémique.

Je pense qu'il serait plus facile de déterminer, à l'intérieur de chacune des unités d'aménagement, des sites productifs qui font consensus entre les partenaires dans la table GIR et où on va faire... on pourrait décider de faire une plantation, là, qui va pousser plus rapidement qu'une autre, et, après ça, peut-être protéger les investissements. Mais ce serait mieux... je pense que ça va être plus facile de dire aux gens: Voici les sites possibles, maintenant, dans lesquels, dans ces sites-là, vous êtes prêts, vous voulez faire de la sylviculture intensive.

M. Trottier: Autrement dit, plus de petits sites pour arriver peut-être aux mêmes résultats, mais moins de...

M. Villeneuve (Denis): Bien...

M. Trottier: ...ne pas plaquer ça sur un territoire, là.

M. Villeneuve (Denis): Bien, pour... Mettons que, pour faire imagé, il pourrait y avoir un site de sylviculture intensive à l'intérieur d'une pourvoirie, O.K.?, ou de la réserve faunique des Laurentides. Ce n'est pas éliminé, ça.

M. Trottier: À ce moment-là, ça pourrait éliminer les problèmes de certification, parce qu'il y a des gens qui disent: Bien, ça, c'est plus ou moins acceptable dans une certification. Je pense que ce serait une manière, on pourrait dire, de rendre ça acceptable, on pourrait dire...

M. Villeneuve (Denis): Ça pourrait être acceptable pour les organismes de certification, mais aussi acceptable pour les différents groupes qu'on a au Québec, là-dessus, qui influencent les organismes de certification, on le sait bien.

M. Trottier: Ah! c'est bien, ça. Vous dites également que... Bon, on parle de forêt d'avenir, mais l'industrie de l'avenir, d'après vous, ça va ressembler à quoi, l'industrie de l'avenir? On sait, là, que présentement, comme on dit, le bois a un avenir, mais il n'a pas de présent. Ce serait quoi, pour vous, l'industrie de l'avenir du Québec au niveau forestier?

M. Villeneuve (Denis): Je vous entendais tantôt poser cette question-là. Je me disais que je répondrais que, si je le savais, je partirais investir tout de suite! Non, je ne le sais pas, mais on peut présumer que l'industrie de l'avenir va être basée sur des produits de qualité. Je pense qu'en termes de sylviculture ou en termes d'aménagement forestier on doit viser à produire des produits de plus haute qualité, des produits... par exemple, des plus gros diamètres pour faire des billes de sciage qui vont être plus efficaces et qui vont coûter moins cher à exploiter. On veut sauver des coûts. Il y a deux façons d'augmenter la rentabilité: avoir une plus grande valeur et diminuer les frais d'exploitation. Les Finlandais, par exemple, qui coupent uniquement sur des superficies de 2 ha qui sont privées, les frais d'exploitation sont inférieurs d'à peu près 3 $ à 4 $ du mètre cube aux coûts qu'on a au Québec dans les meilleurs cas. Pourquoi? Parce qu'ils coupent des arbres de 90 pi, ou 30 m, de hauteur avec des diamètres de 30, 40 cm. O.K.? Donc, ils sont capables de... Avec du gros bois, ils ont réussi à augmenter la valeur de leurs produits tout en diminuant les coûts.

Mais, l'industrie de l'avenir: probablement basée sur la deuxième, la troisième transformation, la production de billes de sciage de qualité, même s'il n'est pas transformé une seconde fois ici, mais qui au moins peut être...

n(17 h 50)n

M. Trottier: Je suis d'accord avec vous, puis j'aimerais ça qu'on coupe des plus grosses billes, puis laisser les plus petites, mais, quand je regarde les camions qui passent chez nous, si on coupait juste les grosses billes, j'ai l'impression qu'ils se promèneraient assez vides.

M. Villeneuve (Denis): Mais l'industrie de l'avenir, ce n'est pas les billes qu'on coupe aujourd'hui. Écoutez, malheureusement, au Québec, on a commencé au sud puis on s'est en allé vers le nord, puis le bois, il rapetisse. À un moment donné, on va redescendre au sud, là. Mais ce qu'on veut passer comme message, c'est que, si on veut produire des billes de qualité ou de gros diamètre, bien il faut faire des éclaircies le plus tôt possible, dans des peuplements, puis avoir une chaîne de travaux sylvicoles qu'on est capable de répéter, autrement dit de suivre notre peuplement. Je parlais des zones de sylviculture intensive ou des sites de sylviculture intensive tantôt. Si on fait une plantation d'essences qui poussent rapidement et qu'on ne l'entretient pas, à quoi ça sert? Si on en fait une puis on ne fait pas des chaînes d'éclaircies commerciales, à quoi ça sert? Juste produire de la fibre pour produire de la fibre? Non, je pense qu'il faut produire de la fibre pour produire de la qualité. On parle du modèle finlandais et du modèle suédois, c'est celui-là, il vise à produire des produits de qualité.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, ceci met un terme à nos échanges. Alors, M. Villeneuve, Mme Coulombe, M. Laliberté, merci infiniment d'avoir participé et contribué aux travaux de cette commission.

Et la commission ajourne donc ses travaux jusqu'au 15 septembre, à 10 heures, où elle se réunira afin de poursuivre ce mandat. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 52)


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