L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de l'économie et du travail

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'économie et du travail

Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le lundi 13 mai 2013 - Vol. 43 N° 14

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 36, Loi sur la Banque de développement économique du Québec


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Chantier de l'économie sociale (CES)

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM)

Confédération des syndicats nationaux (CSN) et Fondaction

Intervenants

Mme Dominique Vien, présidente suppléante

Mme Élaine Zakaïb

Mme Jeannine Richard

M. Sam Hamad

M. Stéphane Le Bouyonnec

M. André Villeneuve

*          Mme Nancy Neamtan, CES

*          M. Philippe Garant, idem

*          M. Jacques Charest, idem

*          M. François Vermette, idem

*          M. Yves-Thomas Dorval, CPQ

*          M. Gaston Bédard, CQCM

*          M. Pierre Patry, CSN

*          M. Léopold Beaulieu, Fondaction

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Quatorze heures trois minutes)

La Présidente (Mme Vien) : Alors, mesdames messieurs, bon après-midi. Bienvenue à ces audiences de consultations particulières et auditions publiques également qui se poursuivent aujourd'hui sur le projet de loi n° 36, qui est la Loi sur la Banque de développement économique du Québec. Comme toujours, chers collègues et chers invités, si vous avez des téléphones cellulaires qui sont, bien sûr, allumés, je vous demanderais d'éteindre les sonneries pour mieux vous entendre et vous comprendre.

Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Claveau (Dubuc) est remplacé par M. Chapadeau (Rouyn-Noranda—Témiscamingue); M. Arcand (Mont-Royal) est remplacé par Mme Vien (Bellechasse); M. Ouellette (Chomedey), par M. Drolet (Jean-Lesage).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Vien) : Bien. Nous allons tout de suite débuter avec nos premiers invités, qui sont du Chantier de l'économie sociale. Je présume, Mme Neamtan, que vous en êtes la porte-parole, bien entendu, vous êtes bien connue. Alors, vous aurez 10 minutes pour nous faire part de l'essentiel de votre mémoire ou de vos réflexions, également pour nous présenter les personnes qui vous accompagnent, 10 minutes, et après quoi s'ensuivront des échanges entre vous et les parlementaires. On vous écoute, madame.

Chantier de l'économie sociale (CES)

Mme Neamtan (Nancy) : Alors, merci à tout le monde pour l'invitation. Et je suis accompagnée donc par, à ma gauche, Philippe Garant, qui est directeur général du RISQ, le Réseau d'investissement social du Québec, Jacques Charest, qui est directeur de la Fiducie du Chantier de l'économie sociale, et de François Vermette, qui est coordonnateur du développement au chantier. Pour ceux et celles qui ne connaissent pas le chantier, c'est un réseau de réseaux qui regroupe des entreprises collectives, coopératives, sans but lucratif, des organisations de développement local, des pôles régionaux et différents acteurs qui soutiennent le développement de l'entrepreneuriat collectif au Québec.

Alors, merci beaucoup pour l'invitation. On allait faire ça à quatre, mais, comme on a juste 10 minutes, je pense que je vais le passer rapidement, et mes collègues pourraient répondre aux questions, au besoin.

Alors, on voudrait commencer, premièrement, en saluant ce projet de loi. Pour nous, évidemment, qui avons comme mission de soutenir le développement des entreprises, c'est toujours rassurant, comme on dit, de constater qu'il y a des efforts faits pour la consolidation et le renforcement de la capacité d'agir du gouvernement, et particulièrement au niveau d'une certaine cohérence dans l'action. Et ce qui est important, on pense aussi, dans cette loi-là, c'est son intention de soutenir le développement dans toutes les régions du Québec.

C'est sûr que pour les entreprises d'économie sociale, comme toute entreprise, il y a un besoin réel de financement. Pendant longtemps, il y a beaucoup de ces jeunes entreprises qui naissaient à partir des missions sociales, écologiques, culturelles qui n'avaient pas accès à du financement autre que, bon, soit des subventions soit des contributions, etc., et, depuis de nombreuses années, on a travaillé fort avec beaucoup d'autres pour développer une offre de financement plus développée, parce que c'est ce que ça prend pour ces entreprises-là de réaliser leur plein potentiel. Et ce qu'on trouve intéressant dans ce projet de loi, c'est effectivement cette reconnaissance des besoins financiers d'investissement des entreprises collectives. On croit que c'est très important de pouvoir, dans les stratégies de développement, soutenir ce que nous appelons une économie plurielle, donc où chacun joue son rôle, que ce soit l'entreprise privée, l'entreprise publique et l'entreprise collective. Et je pense qu'on pense qu'il n'y a pas de hiérarchisation, il n'y en a pas un qui est plus légitime que l'autre, chacun doit jouer son rôle dans le développement de nos collectivités. Puis on considère même… Et ça a été appuyé par des gens, quand même, qui s'y connaissent, on a une citation de Henry Mintzberg que ça fait partie d'une des forces de l'économie québécoise.

Bon, ce qu'on trouve qui est un pas en avant par rapport à ce qu'il y a dans le passé, parce que c'est clair qu'Investissement Québec, depuis de nombreuses années, a un certain soutien au développement des entreprises d'économie sociale, c'est cette reconnaissance dans la mission même de la banque. Et ici on voit ça en cohérence aussi avec le projet de loi sur l'économie sociale, qui, on espère, sera aussi étudié en commission parlementaire très rapidement. Ça crée un environnement et un cadre institutionnel pour le développement de l'économie sociale, puis on s'en réjouit.

C'est évident… Bon, on pense que le projet de loi est intéressant, en autant, bien sûr, qu'il apporte une plus-value pour le développement économique du Québec, et donc l'idée, c'est de ne pas faire table rase de tout ce qui s'est passé antérieurement mais de se construire sur nos acquis pour continuer à avancer. C'est pour ça qu'on a pris le temps, dans le mémoire, de faire juste un rappel historique du rôle qu'Investissement Québec a joué dans le soutien à l'économie sociale dans les dernières années.

Bon, on commence avec l'histoire du RISQ, le Réseau d'investissement social du Québec, qui a été le premier fonds dédié exclusivement aux entreprises collectives, qu'on a créé en 1997, qui a été capitalisé sans l'apport d'Invest Québec, c'étaient plutôt des contributions du secteur privé, et des dons, et une contribution du gouvernement du Québec à l'époque, mais ça a fait école, le RISQ, dans le sens que ça a démontré la possibilité et le potentiel pour nos entreprises d'avoir accès à des produits d'investissement. Dans ce cas-là, c'étaient des prêts sans garantie. Et on rappelle aussi qu'une des choses qui a beaucoup aidé dans les premières années du RISQ, c'est le fait qu'Invest Québec avait offert des garanties de prêt. Et donc c'est un exemple de comment l'action gouvernementale a soutenu d'une façon… un effet de levier ou de rassurer les partenaires pour pouvoir continuer à développer une offre avec un ensemble de partenaires. Bon. Alors, malheureusement, bon, on avait même eu, à un moment donné, une entente avec une enveloppe dédiée. Ça, ça a disparu, mais on voit déjà comment cette complémentarité a été bénéfique pour tout le monde.

• (14 h 10) •

Bon, en 2007, on a créé la Fiducie du Chantier de l'économie sociale, qui est aussi, je pense, assez connue. C'était une innovation financière à l'époque — et encore aujourd'hui — dans le sens que ça offrait du capital patient. Donc, on passait du prêt sans garantie à ce qu'en tout cas on peut considérer comme de la quasi-équité, en reconnaissant que les entreprises collectives ont besoin aussi d'avoir de l'argent à long terme qui n'est pas considéré juste du passif. Et là aussi on a vu une évolution du rôle de l'intervention gouvernementale, parce qu'en passant d'un garant sur garantie de prêt Investissement Québec est devenue un investisseur, et qui reçoit un rendement comme investisseur, et, jusqu'à présent, a reçu ses rendements d'une façon régulière. Bon.

Et peut-être juste aller un peu plus loin pour dire que tout l'ensemble de ce marché ou ces formes d'investissement a maintenant pris beaucoup d'ampleur, et il y a maintenant, depuis un peu plus d'un an, un nouveau réseau. Il y a le Réseau Capital qui regroupe le capital de risque. Il y a le Réseau de la finance solidaire et responsable ou, on appelle, CAP Finance qui regroupe le Fonds de solidarité, Fondaction, la fiducie, le RISQ, le crédit communautaire, etc., donc tous ceux… les CLD sont présents, tous les intervenants qui agissent en faveur de l'entrepreneuriat collectif d'une manière ou d'une autre. Et ça démontre un peu la façon que les acteurs au Québec travaillent en complémentarité puis en synergie pour maximiser les impacts de leurs interventions, et c'est un peu dans cet esprit-là, dans le fond, que notre recommandation principale, dans notre mémoire, et ce qu'on tient le plus à coeur, c'est de dire que la Banque de développement représente un pas en avant, en autant, bien sûr, qu'elle vient rajouter quelque chose puis qu'elle vient travailler en complémentarité avec les acteurs pour aller toujours plus loin. Et ça, on y reviendra. Ce n'est pas quelque chose de statique, c'est quelque chose qui doit constamment évoluer, particulièrement dans le domaine de la finance solidaire.

Alors, c'est pour ça qu'on a une recommandation, à la page 8 de notre mémoire, où est-ce qu'on dit… La politique qui doit être adoptée par le conseil d'administration de la banque, on propose qu'on rajoute un cinquième point, c'est-à-dire l'enjeu de la complémentarité avec les acteurs et institutions financières non gouvernementaux, pour assurer qu'il y ait toujours cette préoccupation de ne pas remplacer mais que ça soit une plus-value. Et, dans ce cadre-là, évidemment, compte tenu de cette importance-là, ça nous permet d'arriver avec des propositions touchant la question de la présence des gens qui connaissent l'économie sociale au sein de cette nouvelle institution, la Banque de développement, à savoir qu'il y a déjà eu une vice-présidence Économie sociale à Investissement Québec, qui a disparu dans les dernières... je pense, la dernière année, au moment de la fusion avec la SGF. On pense que c'est important de la rétablir, cette vice-présidence-là, mais on pense aussi qu'il faut aller plus loin, c'est-à-dire que… Et on donne quelques exemples. Ce matin même, on était avec l'Autorité des marchés financiers pour discuter des enjeux liés à l'encadrement du «crowd funding», parce que de plus en plus des nouvelles formes de financement sont en train d'évoluer sur le marché, et donc on essaie d'en tenir compte pour voir comment ça peut être un instrument de plus pour nos entreprises. C'est la même chose qu'on travaille avec les fondations, par exemple, qui veulent de plus en plus prendre une partie de leurs actifs pour investir dans les entreprises d'économie sociale. Donc, il y a des enjeux autour de ça.

Alors, tout ça pour dire que ce qu'on pense, c'est que le marché de la finance solidaire… Et on ne le voit pas juste au Québec, on le voit au niveau international. Par exemple, la semaine dernière, le gouvernement fédéral a sorti un rapport avec des recommandations, des idées autour de la finance solidaire. On le voit au niveau international, c'est discuté à la Commission européenne puis un peu partout…

La Présidente (Mme Vien) : Je vous prie de m'excuser, madame. En conclusion.

Mme Neamtan (Nancy) : …que c'est extrêmement important, donc, d'avoir des gens autour du conseil d'administration, un comité permanent pour pouvoir aviser la banque.

Et, finalement, ce qu'on dit aussi, on parle de l'importance dans la démarche, aux niveaux local et régional, de tenir compte, évidemment, des CLD, mais aussi on apporte une série de recommandations pour renforcer le rôle des CLD. Je pense que, les CLD, l'association est venue ici la semaine dernière. On s'entend avec eux autres sur toutes les mesures qui sont là pour améliorer leur performance, compte tenu qu'ils vont être la porte d'entrée.

Et finalement, dans la dimension régionale, on trouve extrêmement important que, dans toute la planification, les représentants de l'économie sociale soient associés à toute la planification régionale. Et, dans ce cas-là, dans chacune des régions du Québec, il y a 20 pôles régionaux. On espère qu'ils seront associés formellement aux démarches de planification stratégique qui vont guider les orientations et les actions de la banque.

La Présidente (Mme Vien) : Vous êtes très disciplinée, madame. Merci beaucoup, merci infiniment. Mme la ministre, la parole est à vous pour une période d'échange de 16 minutes à peu près.

Mme Zakaïb : Mme Neamtan, M. Vermette, M. Charest, M. Garant, merci de vous être déplacés. Merci d'avoir pris du temps puis de l'énergie à produire votre mémoire.

J'ai quelques questions pour vous. On sait que les entreprises d'économie sociale sont présentes dans toutes les régions du Québec, qu'il y a des entreprises… En fait, c'est des entreprises, les entreprises d'économie sociale. C'est une propriété différente, c'est une propriété collective, mais c'est quand même des entreprises, elles sont présentes partout au Québec. Et, selon les statistiques qui ont été portées à mon attention, les entreprises d'économie sociale seraient plus résilientes que les entreprises traditionnelles. Comment vous expliquez ça?

Mme Neamtan (Nancy) : Bien, nous, ce qu'on dit souvent, c'est que les entreprises d'économie sociale naissent des besoins ou des aspirations des collectivités. Elles ont un fonctionnement de transparence et sont portées par un groupe. Alors, quand une entreprise naît d'un besoin ou vraiment d'une aspiration collective, avant que les gens laissent mourir ces entreprises-là, ils vont tout faire, tout faire pour assurer leur survie. Et donc on le voit.

Et d'ailleurs peut-être Philippe Garant pourrait parler un peu de la façon que ces entreprises sont analysées, mais c'est clair pour nous. C'est que le facteur de risque le plus important, c'est le soutien de la communauté, puis, quand l'entreprise est soutenue par sa communauté, les chances qu'elle ferme, là, sont… Ça peut arriver puis ça arrive, mais c'est beaucoup moindre. Et on a même vu par le passé, par exemple, des vérificateurs dire qu'il fallait rayer puis mettre, comment on appelle ça…

Une voix : Radier.

Mme Neamtan (Nancy) : …radier des entreprises, en disant : Ce n'est pas possible, et, l'année après, ce qu'on appelle des entreprises phénix, elles renaissent parce qu'il y avait un besoin, et donc les gens, ils ont tenu à ce que ça reste là. Donc, je pense que c'est comme ça qu'on l'explique.

Évidemment, on fait un travail rigoureux de «due diligence» quand on investit aussi, on ne fait pas ça juste de bon coeur mais avec une rigueur. Et peut-être parler un peu du guide d'analyse qu'on a… On a développé aussi des technologies ou des nouvelles techniques de les analyser.

M. Garant (Philippe) : Tout à fait.

La Présidente (Mme Vien) : M. Garant.

M. Garant (Philippe) : Un des éléments qui nous permet d'analyser une entreprise d'économie sociale à travers le guide, c'est l'ancrage dans le milieu, comment l'entreprise arrive à prendre racine et d'où elle vient. D'autres éléments que le guide nous permet de mettre de l'avant, c'est l'aspect démocratique. Donc, c'est une entreprise collective, donc c'est un groupe d'individus qui cherchent à répondre à un besoin, et comment ce groupe d'individus là prend parti, participe aux décisions de l'entreprise, c'est un autre élément qui justifie la longévité de ces entreprises-là. Et plusieurs qu'on a connues, à travers les 15 ans du RISQ, les entreprises ont connu des cycles, comme n'importe quelle autre entreprise, mais ont réussi à se remettre sur pied face à cet ancrage, face à la volonté d'un milieu de maintenir ses activités.

Mme Zakaïb : Un des buts, un de nos buts en voulant créer la Banque de développement économique, c'est de combler les lacunes en financement. Vous avez, j'imagine, comme nous, identifié quelles seraient les lacunes en financement pour ce qui est de l'économie sociale. Pourriez-vous nous en parler un peu plus?

M. Charest (Jacques) : D'accord. Bien, écoutez, oui, comme on l'a fixé très rapidement, il y a un écosystème, à l'heure actuelle, qui est en place depuis des années en financement de l'économie sociale. Ce qu'on voit, je vous dirais rapidement, comme lacunes, on a essayé de créer… La plus grande force puis le plus grand défi, disons, d'une entreprise d'économie sociale, c'est le fait qu'elle est collective. Donc, c'est sa force, elle est collective, mais son grand défi dans un financement, lorsqu'on a atteint une certaine taille où est-ce qu'il y a besoin d'un financement, c'est justement qu'elle est collective, donc elle ne peut pas, comme les autres entreprises sur le marché privé, vendre une partie de l'entreprise. Quand on investit dans une entreprise d'économie sociale comme nous, on l'a fait, c'est à très long terme.

Je pense, un des besoins à combler aussi, c'est encore aller plus loin dans cette démarche-là. C'est-à-dire nous, on investit 15 ans, il y a des remboursements d'intérêts, là, à la fin, mais on voit que, là, il y a des entreprises qui ont besoin vraiment d'un autre type de capital de risque, ou très patient, ou… quand on aura atteint nos buts, comme dans toutes les entreprises privées. Pas dans toutes les entreprises mais dans beaucoup d'entreprises, on sait que la rentabilité va être dans cinq ans, dans 10 ans et… ou dans trois ans — on espère plus tôt — et, d'ici là, on ne peut pas payer de rendement, on ne peut pas payer les rendements. Donc, d'aller vraiment… quand vous parlez de capital patient, oui, lorsqu'on va vers un scénario à plus long terme et aussi un peu ce que faisait, je dirais, Investissement Québec, qui est plus dans la garantie de prêt, donc de supporter les autres partenaires financiers qui sont là, qui peuvent prendre un certain risque, qui ont besoin de garanties, c'est vraiment là, donc, très rapidement, vers soit le type de garantie, le rehaussement de crédit, comme on appelle, ou d'aller vraiment vers du capital très patient et de supporter les entreprises dans leur démarrage, avant même qu'elles puissent avoir des revenus suffisants.

Mme Zakaïb : En fait, c'est de compenser les fonds propres.

M. Charest (Jacques) : Bien, c'est ça.

Mme Zakaïb : Dans notre jargon, on dit : Ça manque de capitalisation, parce qu'on n'utilise que l'effet de levier. Finalement, on met du prêt, on met du prêt, mais il n'y a pas de fonds propres dans ces entreprises-là. Ça fait qu'il faut trouver des outils financiers qui vont compenser ce qu'on a, ce qu'on appelle des fonds propres dans les entreprises dites plus traditionnelles, d'où l'importance de laisser longtemps les… ce qu'on appelle du capital patient. C'est pour permettre à l'entreprise, à même ses profits, de se constituer un genre de fonds de réserve qui équivaudrait aux fonds propres.

• (14 h 20) •

M. Charest (Jacques) : Oui, c'est exactement ça. Le but de la fiducie, au départ, c'était ça. On a fait une étape, il faut aller plus loin. Je pense que, quand on veut être complémentaire, c'est d'aller plus loin vraiment dans les fonds propres.

Mme Neamtan (Nancy) : Et aussi dans la taille des entreprises, parce que la fiducie peut aller jusqu'à 1,5 million, et, comme elle va à 35 %, on parle donc de projets de 5 millions, mais là on voit l'ambition de nos… Nos entrepreneurs sont de plus en plus importants, il y a des projets immobiliers… En tout cas, je vais donner un exemple. On sait, au Québec, comment il y a un recyclage de beaucoup d'édifices religieux, etc. Il y a donc des projets immobiliers extrêmement importants qui peuvent servir à la communauté et qui peuvent…

Et je dirais qu'un autre élément au niveau de la banque, comme on dit dans le mémoire, c'est qu'un peu comme au tout début Invest Québec est venue offrir un package de garantie de prêt, puis ça a sécurisé les premières initiatives des investisseurs dans ça, bien c'est ça qu'on dit, c'est qu'il y a d'autres sources de financement privées, mais souvent un partenariat avec l'État fait en sorte qu'on va pouvoir lever puis passer les premières craintes qu'il y a, parce qu'il y a toujours cette vision que c'est plus risqué, même si les statistiques montrent que c'est moins risqué.

Donc, il y a toute cette nouvelle culture, et là un partenariat avec la banque serait important. Puis c'est pour ça que c'est important de suivre l'évolution de ce qui est en train de se passer dans le marché de la finance solidaire, «impact investment» et tout ce domaine-là qui est en pleine expansion.

Mme Zakaïb : Vous parliez de ce qu'Investissement Québec faisait. C'est ma compréhension que maintenant Investissement Québec ne fait plus ça, c'est différent d'avant.

Mme Neamtan (Nancy) : ...change, c'est ça.

Mme Zakaïb : Vous nous parlez de ce qui était passé chez Investissement Québec. Aujourd'hui, Investissement Québec ne fait plus ce rôle-là, ne joue plus ce rôle-là en grande partie.

M. Charest (Jacques) : Depuis ce que... Hasard ou coïncidence? Depuis la fusion, si on veut, avec la SGF, Investissement Québec est passée vers du prêt direct plutôt que de la garantie de prêt, offre encore ces garanties de prêt mais beaucoup moins attrayant. Avant, l'essentiel, en économie sociale, de l'investissement de la part d'Investissement Québec était en garantie de prêt — là, on parle de quelques mois, un an, là — était en garantie de prêt. Maintenant, c'est plus en prêt direct. Et il y avait un prêt de capitalisation qui n'est plus là non plus.

Mme Zakaïb : Est-ce que vous avez des questions, Mmes, MM. les députés?

La Présidente (Mme Vien) : Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine? D'accord, on vous écoute.

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Oui. En fait de soutien technique, pour faire avancer, justement, au niveau du financement de nos entreprises en économie sociale, qu'est-ce que vous attendez de la Banque de développement économique du Québec? Qu'est-ce qui pourrait être aidant pour l'économie sociale?

Mme Neamtan (Nancy) : Bien, je pense que... C'est sûr que nous, on est d'accord avec le choix qui est fait de s'appuyer sur le réseau des CLD, parce que c'est vraiment nos premiers partenaires. Comme on a mentionné, on travaille en écosystème. Et, comme on dit, l'enjeu et le choix même pour la banque d'une façon plus globale, on pense que c'est un bon choix, parce que c'est l'enjeu financier aussi, c'est l'enjeu de risque, là, si le milieu est en arrière. Donc, moi, je ne pense pas que la banque doive venir remplacer, mais ça semble… D'après nous, ce n'est pas le choix qui a été fait. Mais, c'est sûr, qu'il puisse y avoir la complémentarité…

Bon, il y a une loi-cadre qui, on espère, sera appuyée par l'ensemble des formations politiques, sur l'économiesociale, qui dit effectivement que les ministères doivent tenir compte des entreprises collectives dans leurs politiques et programmes. Donc, dans le fond, l'enjeu, ce serait d'assurer qu'on a un accès à l'ensemble des aides qui sont offertes à la PME mais évidemment adaptées à la réalité de l'économie sociale, et là la banque, en fusionnant, si on comprend bien, un certain nombre de programmes, on pense qu'il y a plus de chances à ce qu'il y ait une harmonisation puis une cohérence dans tout ça. Mais, une fois cela dit, c'est pour ça qu'on dit : C'est important que les gens qui connaissent l'économie sociale soient associés un peu partout à cette démarche-là, pour être sûr que, les nuances et les différences, là, qui ne sont pas des différences inéquitables, mais c'est juste une réalité différente, on puisse en tenir compte dans toute la démarche de réflexion et de transition vers ça et éventuellement dans l'évolution de son travail.

Mme Zakaïb : D'ailleurs, vous parlez de complémentarité beaucoup dans votre mémoire, puis presque tous les intervenants nous parlent de complémentarité. Je pense que ça va être le cas avec ceux qui s'en viennent également.

Vous nous suggériez d'ajouter un cinquième point à l'article 7 qui dit : «Le conseil d'administration de la banque établit une politique régissant ses interventions financières qui prévoit notamment...» Puis vous vouliez qu'on rajoute un cinquième point. Pouvez-vous revenir sur ça puis nous dire exactement pourquoi?

Mme Neamtan (Nancy) : C'est-à-dire qu'on veut que ça soit une partie de base de la philosophie de la banque, on trouve ça important, et, comme ça change tout le temps… Parce qu'il peut y avoir une volonté, tu sais, de vous comme ministre présentement, dans le contexte, de le faire, mais, bon, en loi, c'est là pour longtemps. Donc, on pense, c'est important que ça soit toujours une préoccupation, d'autant plus… Comme on disait tout à l'heure, le marché évolue. Tu sais, par exemple, nous, on a des investisseurs privés qui sont prêts à investir dans les entreprises d'économie sociale qui ne l'étaient pas il y a 10 ans, alors, tu sais… ou cinq ans. Il y a tout un marché en évolution, alors il faut s'ajuster pour toujours apporter cette plus-value-là. Puis on se dit : Si le privé peut le faire avec les mêmes conditions, bien la banque pourrait faire d'autre chose pour aller un peu plus loin. Donc, c'est pour ça, cette préoccupation. C'est de dire : Si on le mettait là, ça pourrait rassurer des gens, là, et ça va s'assurer qu'à l'avenir ça va être toujours un critère de… Parce que, si on regarde, par exemple, les objectifs de rendement, bien, si ça, c'est le premier critère, je peux le comprendre. Mais, si l'objectif de rendement, c'est de venir remplacer les acteurs existants, bien ça, ça pourrait poser un certain problème.

La Présidente (Mme Vien) : Mme la ministre… ou d'autres collègues du côté ministériel.

Mme Zakaïb : Moi, en fait, j'aimerais avoir votre réaction. Dans peu de temps, on va rencontrer le Conseil du patronat. Nous avons reçu leur mémoire. Je vais vous citer un extrait puis j'aimerais avoir vos commentaires sur ce que je vais vous citer. C'est à la page 9, en haut de la page du mémoire du Conseil du patronat, et là on parle de l'économie sociale. On dit : «Par ailleurs, le soutien particulier et louable de la banque à l'économie sociale ne devrait pas se faire au détriment de la survie et de la croissance d'entreprises légitimes du secteur privé qui oeuvrent dans des domaines correspondants.» J'aimerais vous entendre sur cette citation.

Mme Neamtan (Nancy) : Bien, on aime la partie «louable». Sur la question, bien c'est toujours… bon, ils ne sont pas ici devant nous, mais c'est toujours cette préoccupation qu'on a, tu sais, de savoir… puis c'est pour ça qu'on a dit, d'une façon peut-être un peu plus polie : Ce n'est pas une hiérarchisation de qu'est-ce qui est meilleur que d'autre. On pense que… Tu sais, quand nous, on parle d'une économie plurielle, on dit qu'il y a des secteurs où est-ce que les entreprises d'économie sociale, les entreprises privées classiques et les entreprises publiques cohabitent, et chacun joue son rôle. C'est la même chose dans beaucoup de secteurs. Puis même il y a des secteurs où est-ce que, d'après nous, évidemment, on pense que les entreprises collectives ont des avantages indéniables puis méritent d'être plus développées, comme dans d'autres secteurs c'est le secteur privé plus classique. Moi, je ne pense pas qu'on soit… Par exemple, encore dans les mines, etc., il y a des enjeux qui ne sont pas encore de notre ressort, bien qu'il existe des coopératives minières dans d'autres pays.

Mais, en tout cas, une fois cela dit, donc, on trouve ça dommage. Parce que ce qui est en arrière de ça, c'est toujours de dire : Les entreprises d'économie sociale vivent aux crochets de l'État, et j'aimerais bien une fois qu'on puisse faire la comparaison entre les soutiens qu'il y a pour les entreprises collectives et les entreprises privées classiques. Nous, on a toujours revendiqué ce qu'on appelle — excusez-moi l'expression — «a level playing field», c'est-à-dire d'avoir accès à des outils qui sont les mêmes mais ne sont pas… c'est-à-dire qui sont similaires, qui sont équivalents mais évidemment qui tiennent compte de la réalité de nos entreprises. Donc, dans ce sens-là, je trouve ça dommage. Et je pense qu'il n'y a pas de concours entre l'entreprise privée classique et les entreprises d'économie sociale. Chacun a sa place et, dans le fond, chacun doit avoir la possibilité d'entreprendre de la manière qu'il considère qui est la plus appropriée, donc il ne devrait pas y avoir de la discrimination, une hiérarchisation dans le type d'entreprise qui est soutenu.

Mme Zakaïb : …ce que vous dites, c'est que les deux sortes d'entreprise, si on peut les appeler comme ça, sont complémentaires et peuvent survivre, peuvent très bien cohabiter les unes avec les autres sans qu'il y ait nécessairement de hiérarchisation.

Mme Neamtan (Nancy) : C'est une… Oui.

Mme Zakaïb : Puis, quand vous parlez du soutien de l'État, j'imagine que vous parlez du fait qu'entre autres les entreprises d'économie sociale n'ont pas accès à toute la gamme de crédits d'impôt auxquels peuvent avoir accès les entreprises légitimes, si on prendrait...

Mme Neamtan (Nancy) : On a, par le passé, déjà fait quelques études de cas, quand on avait eu des accusations comme ça, pour apprendre, pour démontrer que, dans le fond, ce n'étaient pas nos entreprises qui étaient pénalisées, c'était le contraire, à cause, justement, des crédits d'impôt.

Mme Zakaïb : Mais vous le voyez, vous, sur le terrain, que c'est possible que les entreprises privées comme les entreprises d'économie sociale cohabitent. Puis c'est un système économique qui est d'autant plus solide parce qu'il y a… Puis je pense que les entreprises d'économie sociale sont plus aptes à passer au travers des cycles, également, que les entreprises plus traditionnelles.

M. Charest (Jacques) : Bien, écoutez, juste, oui…

La Présidente (Mme Vien) : …monsieur.

M. Charest (Jacques) : Pardon?

La Présidente (Mme Vien) : 30 secondes.

• (14 h 30) •

M. Charest (Jacques) : 30 secondes, O.K. Bien, écoutez, oui, ça m'a fait rigoler quand j'ai vu que j'étais maintenant illégitime. Mais en quoi est-ce qu'une coopérative de travailleurs qui ouvrirait un commerce est moins légitime, est plus concurrentielle qu'une entreprise privée qui ouvrirait un même commerce sur la même rue où il y en a un autre pareil? Je ne vous dirai pas que c'est la loi du marché au plus fort, mais de dire que c'est illégitime de le faire, lorsqu'il n'y a pas plus d'aide de l'État ou d'autre chose, c'est un...

La Présidente (Mme Vien) : Ce sera votre mot de la fin, monsieur.

M. Charest (Jacques) : Bien, c'est… Donc, je ne pourrai pas qualifier le terme.

La Présidente (Mme Vien) : Merci. Vous pourrez voir avec M. le porte-parole en matière de développement économique et responsable de la Capitale-Nationale pour le parti de l'opposition officielle, bien entendu, s'il veut avoir davantage d'éclaircissements. La parole est à vous pour à peu près 15 minutes.

M. Hamad : Merci, Mme la Présidente. Vous faites bien ça, je vous félicite. Mme Neamtan, M. Vermette, M. Charest et M. Garant, bienvenue. Merci d'être là aujourd'hui.

Je joins ma voix à vous, en passant, pour répondre à la ministre. Je pense qu'elle le sait aussi, mais elle voulait vous entendre. C'est clair qu'il n'y a pas… Moi, je pense que c'est une complémentarité, l'économie sociale, à l'autre économie. On l'appelle «économie sociale», mais c'est une base économique importante. Et on se souvient très bien, Mme Neamtan, on a travaillé ensemble pour le Pacte pour l'emploi, et l'économie sociale a joué un rôle important pour aider le Québec à passer à travers la crise. Et évidemment, en passant, ça travaille ensemble aussi. L'économie traditionnelle, si on veut l'appeler ainsi, a besoin de la sous‑traitance, puis des fois l'économie sociale vient supporter cette économie-là. Moi, j'en ai vu quand j'étais ministre de l'Emploi. À plusieurs endroits, au Saguenay, à Québec, à Montréal, partout dans les régions, on voit des petites entreprises d'économie sociale qui ne sont pas loin d'une grande entreprise puis peuvent faire de la sous-traitance aussi à cette entreprise-là en même temps. L'avantage de l'économie sociale, c'est qu'on a une mission sociale qui permet à des travailleurs ou des gens qui veulent retourner sur le marché du travail à aller dans ces entreprises-là, c'est un endroit très propice pour les aider en même temps.

Évidemment, le seul bémol là-dessus, il ne faut pas se mettre, mettons, un qui fait la compétition à l'autre, une entreprise qui reçoit beaucoup de subventions, et l'autre n'en reçoit pas, puis on commence à faire des prix différents puis là on vient de déstabiliser le marché. Ça, je pense que c'est... Il demeure que c'est la loi du marché qui doit maintenir la position.

J'ai lu attentivement votre mémoire. J'ai une question pour commencer. À la conclusion, page 12, juste m'expliquer exactement, parce que vous n'avez pas eu assez de temps de présenter votre mémoire. Le dernier paragraphe, expliquez-moi donc c'est quoi que vous voulez dire exactement, alors : «La création de la Banque de développement [...] doit pouvoir soutenir la pluralité économique du Québec…» Dites-moi donc exactement c'est quoi que vous voulez dire.

Mme Neamtan (Nancy) : Bien, en tout cas, je pense que c'est un peu ce que vous avez évoqué. C'était que, pour nous, quand on parle d'une économie plurielle, c'est-à-dire qu'on reconnaît qu'on a une économie qui est… Pendant longtemps, tu sais, quand les gens référaient à l'économie, il y avait l'économie privée, les entreprises à capital-actions, il y avait l'État, puis entre les deux il n'y a rien qui existait. Ça fait que nous, on insiste beaucoup sur la question de l'économie plurielle en disant que, non, il y a différentes formes d'économie, et donc l'économie sociale, elle joue un rôle important dans notre économie au même titre que le secteur privé et le secteur public. C'est simplement ça. Et donc, par la mission de la banque, etc., ça respecte ça.

Et, je dirais aussi, M. Hamad, c'est que cette complémentarité, elle va au-delà de juste la sous-traitance. Il y a même des… De plus en plus, on voit des fonds hybrides, tu sais. Bon, le meilleur exemple… Si le président du conseil d'administration du chantier était ici, il vous parlerait de la laiterie dans l'Outaouais, qui est, je pense, la première laiterie qui est née au Québec depuis quelques décennies, qui est un mélange d'une coopérative de consommateurs — parce que les consommateurs de la région voulaient pouvoir acheter du lait qui était transformé dans leur région — les travailleurs qui ont créé une coopérative de travailleurs actionnaires et les anciens cadres de cette entreprise-là qui ont investi. Et donc on voit de plus en plus… Alors, non seulement on a une économie plurielle, mais on a de plus en plus des entreprises, à la limite, plurielles, avec des fonds… L'important, c'est que ça crée de l'activité économique, ça répond aux besoins de la communauté, et l'avantage, c'est que ça appartient aux Québécois et Québécoises.

M. Hamad : Oui, je pense qu'on est d'accord là-dessus, Mme Neamtan. Et là je comprends davantage.

Mais, tu sais, je suis-tu obligé de créer la banque pour reconnaître votre rôle? Je ne pense pas, hein? Je pense que le gouvernement doit reconnaître votre rôle avant de créer une banque. Êtes-vous d'accord avec ça?

Mme Neamtan (Nancy) : Je pense que le gouvernement doit reconnaître notre rôle dans tous les ministères et dans tous les projets de loi, effectivement.

M. Hamad : Et je n'ai pas besoin de créer une banque pour reconnaître votre rôle, je peux le reconnaître sans créer une banque.

Mme Neamtan (Nancy) : Bien, je ne crois pas que ça soit l'objectif du projet de loi, mais on est contents que cette banque soit créée puis qu'elle reconnaît notre rôle. En tout cas, je...

M. Hamad : Non, mais, ce que vous dites là-dedans, il y a comme un genre de conditionnel. Si vous créez la banque, on aimerait avoir deux choses. La première, c'est qu'on devrait avoir une vice-présidence, à la banque, d'économie sociale puis qu'on soit représentés. C'est normal. Si la banque n'existe pas, bien vous n'êtes pas là, mais, si la banque existe, vous voulez avoir une place, et ça, c'est tout à fait logique. Ce que vous demandez à l'article 7, la modification, tout à fait logique, et la pluralité de l'économie, c'est tout à fait logique. Mais ces trois éléments-là ensemble, c'est que c'est en cas de création d'une banque, hein?

M. Vermette (François) : Je peux répondre?

La Présidente (Mme Vien) : M. Vermette, oui, allez-y.

M. Vermette (François) : Oui. Alors, il y a certainement plusieurs façons possibles d'arriver à un même résultat; nous, on pense que cette façon-là est une bonne façon. Il en existe peut-être d'autres, mais elles ne sont pas devant nous, on ne peut pas se prononcer. Mais on pense que celle-là, c'est une bonne façon d'arriver au résultat qui est celui de la cohésion, celui de la reconnaissance, entre autres, de l'économie sociale.

Alors, pour nous, donc, c'est une bonne initiative. Peut-être qu'il aurait pu y en avoir de d'autres types, de d'autres sortes qui auraient donné des résultats semblables. On n'a pas à se prononcer sur ceux-là, puisqu'ils sont hypothétiques, mais, sur celui qui est devant nous, on pense que c'est une bonne affaire.

M. Hamad : Vous n'êtes pas dans… On est dans l'hypothétique, parce que le projet de loi, il est hypothétique tant qu'il n'est pas approuvé, là. O.K.?

Alors, je reviens à ma question : Est-ce que je suis obligé de créer une banque pour reconnaître ça? Je peux… Par exemple, le gouvernement peut décider, en reconnaissance de votre rôle, de dire à Investissement Québec : On va créer la même chose qu'on ferait avec la banque, la même structure, là, le même rôle, la même tâche, sauf qu'au lieu de créer une banque puis vous mettre là-dedans on prend Investissement Québec puis on met l'économie sociale, une branche là-dedans avec une vice-présidence, avec toutes les trois demandes, là : la pluralité de l'économie, la représentativité au sein du conseil et une vice-présidence de l'économie sociale. Ça se fait-u ou ça ne se fait pas?

La Présidente (Mme Vien) : M. Vermette, à la question.

M. Vermette (François) : Peut-être. Là, ça se fait dans ce projet-là, alors, pour nous, on se prononce sur celui-là.

M. Hamad : Mais moi... Vous êtes là pour répondre aux questions, là, c'est… Alors, la question est simple.

M. Vermette (François) : …la réponse, c'est : Ça se fait avec ce projet-là, alors on est satisfaits.

M. Hamad : Non, non. Ce n'est pas ça, la question. La question, je vous dis, là : On a-tu besoin d'une banque pour atteindre les trois objectifs que vous demandez si on le fait avec Investissement Québec? C'est ça que je vous demande, là.

M. Vermette (François) : Je ne peux pas répondre à cette question-là parce que…

M. Hamad : Mais ce n'est pas à vous, la question, c'est à vous quatre, là. Il y en a-tu un qui peut répondre, là?

La Présidente (Mme Vien) : Mme Neamtan.

Mme Neamtan (Nancy) : Bien, je pense que… C'est-à-dire que, bon, qu'on l'appelle une banque ou qu'on l'appelle d'autre chose, l'objectif qu'il y a, c'est de développer une cohérence plus grande dans l'intervention gouvernementalequi a, par exemple, le renforcement des liens avec les CLD, etc. L'offre de nouvelles façons d'investir dans les entreprises et notamment dans l'économie sociale, nous, on pense que c'est tous des plus, là, pour le développement économique du Québec. Bon, qu'on l'appelle une banque ou on l'appelle d'autre chose, bien on pense que… Puis on pense qu'il y a toujours des enjeux de capitalisation des entreprises, et il va toujours y avoir un besoin, pour l'État, non seulement de réglementer là-dedans, mais d'être un partenaire puis d'accompagner.

On est conscients que les choses changent tout le temps. Donc, on pense que ça, c'est un pas dans la bonne direction, mais c'est pour ça aussi qu'on invite la banque à être à l'écoute des changements dans le marché, pour toujours continuer à évoluer au fur et à mesure que le marché… notamment de la finance solidaire, et des «impact investments», et toutes ces nouvelles formes de financement qui tiennent compte d'autres retombées que les… que ça continue.

La Présidente (Mme Vien) : Merci. M. le député, vous voulez…

M. Hamad : Le gouvernement a déposé la loi-cadre qui reconnaît l'économie sociale à travers l'ensemble des ministères, vous êtes sûrement au courant. Et donc, dans cette loi-là, on peut ajouter ces trois affaires-là, puis là on oblige tout le monde à travailler dans une direction unique, pas juste la banque, ça peut être tout le monde aussi. Alors, vos trois demandes vont être là. C'est encore plus fort qu'elles soient dans une loi générale que créer une banque pour répondre à votre attente.

La Présidente (Mme Vien) : Mme Neamtan, risquez-vous une réponse?

• (14 h 40) •

Mme Neamtan (Nancy) : Bien, c'est-à-dire que je pense qu'on les voit comme complémentaires. On pense que le projet de loi, effectivement, sur… la loi-cadre sur l'économie sociale va forcer une réflexion puis une reddition de comptes, etc., au gouvernement pour être sûr que les entreprises d'économie sociale reçoivent le soutien qu'elles méritent. En même temps, là on est vraiment… En même temps, on sait que le nerf de la guerre, dans le développement économique, c'est l'accès à du capital adapté à la mission puis à la réalité des besoins des entreprises, donc n'importe quoi… et, dans ce sens-là qu'on prend ce projet de loi, qui va faire avancer la capacité du gouvernement de le faire d'une manière cohérente, puis en partenariat avec les acteurs, et à partir des régions, etc., on trouve ça intéressant. En tout cas, je…

M. Hamad : …CLD, maintenant. Vous demandez que «les CLD devraient être renforcés comme porte d'entrée et comme organisation d'accompagnement des entreprises et des projets d'économie sociale». Vous savez que le gouvernement finance une bonne partie des CLD, hein? Et encore la même question : On a-tu besoin de créer une structure pour obliger les CLD d'être une porte d'entrée pour l'économie sociale, pour le financement, et organiser son rôle? On a-tu besoin de créer une structure pour faire ça tant qu'on peut… demain matin on dit aux CLD : On vous finance, puis on va mettre une condition?

Puis, en passant, ils vont être très heureux d'avoir ce mandat-là. De renforcer comme porte d'entrée, on peut le dire : Écoutez, là, on va vous renforcer comme porte d'entrée. Moi, comme gouvernement, je décrète ça. C'est moi qui finance — je ne me souviens pas combien, mais, d'après moi, 80 %, si ma mémoire est bonne — puis je vous dis : Là, là, vous allez travailler pour l'économie sociale davantage et vous allez être mesurés sur vos actions sur le terrain sur l'économie sociale. Alors, ça répond à votre quatrième recommandation.

J'ai-tu besoin de créer une banque, puis là on met une structure, fusionner des conventions collectives puis mettre du monde, puis prendre un an avant, ou deux, ou trois, je ne sais pas combien d'années, pendant que vous, vous attendez, vous rêvez avoir la porte d'entrée de l'économie sociale? Demain matin, on peut l'imposer.

La Présidente (Mme Vien) : Mme Neamtan.

Mme Neamtan (Nancy) : Bien, juste peut-être pour clarifier, quand on parle des CLD, nous, on pense que ça ne prendrait pas… Du point de vue de l'économie sociale, c'est plutôt des recommandations qu'on fait à l'Association des CLD. On le met dans le cas de la loi-cadre sur l'économie sociale et pas seulement au niveau de la banque, mais ce qu'on dit, c'est complémentaire. Effectivement, on ne voit pas un grand chambardement dans les CLD, dans l'action en économie sociale. Il doit y avoir… On veut juste assurer que ce processus soit constamment amélioré, pour être sûrs que, sur tout le territoire du Québec, il y ait un bon service, parce qu'à partir du moment où est-ce que la banque devient… que le CLD devient l'entrée pour l'appui de la Banque de développement c'est important que les CLD soient tous prêts et accueillants pour ces entreprises-là, mais on ne demande pas des changements, pour être précis. On fait juste mentionner que c'est important que ça soit comme ça.

M. Hamad : Mais moi, je pense, Mme Neamtan, que tous les CLD aujourd'hui, sans la banque, doivent avoir accès à l'économie sociale. Alors, je vous dis, je n'attendrai pas de créer une structure pour profiter de cette structure-là. En plus, je vais avoir de l'ouvrage en masse pour mettre la structure en place, puis là je vais travailler les CLD en même temps. Je vais aller direct au but. Le but, c'est quoi? C'est que les CLD, d'ailleurs, sont plus présents dans l'économie sociale que d'autres. Puis ils ne sont pas égaux, le niveau de service n'est pas égal, pour toutes sortes de raisons, mais je suis un bâilleur de fonds important, comme le gouvernement du Québec, et je peux imposer aujourd'hui.

Donc, dans votre mémoire, en passant, là, les quatre recommandations, on peut le faire. Bien, la vice-présidence, c'est parce qu'il y a une structure, on oublie ça. La pluralité de l'économie, ça, c'est une politique gouvernementale. Les CLD, c'est que demain matin on s'impose, on dit : Aïe, l'économie sociale, c'est important, vous allez être mesurés sur le nombre d'interventions d'économie sociale que vous faites dans l'année, puis on met un critère dans le financement. Puis l'autre élément après ça : «Le renforcement de l'intervention gouvernementale sera bénéfique, et une meilleure cohésion des interventions…», c'est clair qu'on va toujours, comme gouvernement, essayer d'harmoniser l'intervention.

Dans le fond, je regarde votre mémoire puis je me demande… C'est parce qu'on a dit qu'on a un projet de loi de banque de développement que vous répondez à la banque, mais, dans le fond, là, si j'écoute — puis je profite de la présence de la ministre — votre demande, c'est que les CLD soient attentifs davantage à l'économie sociale et les aider dans leur rôle, et l'autre élément, c'est que, dans l'économie, vous avez un rôle à jouer, il faut le reconnaître puis l'harmoniser. Puis moi, je voulais aller plus loin, mais vous ne voulez pas. Moi, je mettrais plus votre rôle dans la loi sur l'économie sociale qu'on a mise là, qui vous permet… Là, c'est votre porte d'entrée principale, elle va être là, parce que la loi-cadre, si elle est adoptée, elle est plus large que celle-là. Parce que vous le savez très bien, que la banquen'interviendra pas partout, mais il y a d'autres éléments qui peuvent être intéressants dans les gestes du gouvernement, dans ses politiques, parce que la banque ne viendra pas dire au gouvernement quelles politiques il doit mettre en place, il va faire ses propres politiques. Qu'est-ce que vous en pensez?

La Présidente (Mme Vien) : Brièvement.

Mme Neamtan (Nancy) : Je suis tout à fait d'accord avec vous, M. Hamad. Nous, vous nous connaissez assez pour savoir qu'on n'a pas attendu la Banque de développement ou d'autre chose pour travailler avec les CLD, etc., pour améliorer. Il n'en demeure pas moins que nous ne sommes pas capables, au moment où on se parle, de répondre à l'ensemble des besoins de capitalisation des entreprises, les nouveaux besoins, les nouveaux potentiels, puis, s'il y a besoin, c'est parce que nos entrepreneurs sont de plus en plus ambitieux puis ont de plus en plus des beaux projets qui méritent un financement puis un partenariat avec l'État. Donc, c'est dans ce sens-là et dans la cohérence qu'on pense que la banque est un pas en avant, mais de toute façon, comme j'ai dit, vous nous connaissez, on continue à travailler fort pour l'économie sociale partout.

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, M. le député de Louis-Hébert. Je passe maintenant la parole au député de La Prairie. Bonjour. Alors, la parole est à vous…

M. Le Bouyonnec : Bonjour, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vien) : Bonjour. La parole est à vous pour à peu près quatre minutes.

M. Le Bouyonnec : Oui, merci. J'en profite pour saluer, là, mes collègues, le député de Berthier, la collègue des Îles-de-la-Madeleine — d'ailleurs, avec le beau temps qui s'en vient, ça va me donner l'occasion d'aller faire un tour dans votre beau coin de pays — le député de Jean-Lesage aussi; alors, nos invités, Mme Neamtan que j'ai déjà eu l'occasion de rencontrer, MM. Vermette, Charest et Garant — c'est ça?

Dans le cadre d'une nouvelle fusion comme ce qui est proposé avec la Banque de développement économique du Québec et certains fonctionnaires du ministère des Finances et de l'Économie, évidemment, une des préoccupations qu'on pourrait avoir, c'est que, dans le cadre de cette fusion-là, certains services puissent disparaître ou que certains services ne soient pas administrés de la même manière, parce que, dans tout changement de structure, ça peut se produire, même si les intentions sont les meilleures. Et je trouve ça intéressant, votre mémoire, là, qui démontre que, d'ailleurs, dans la précédente fusion, celle qui a conduit à la fusion entre la SGF et puis Investissement Québec, déjà vous, comme représentants d'économie sociale, vous aviez remarqué que malheureusement il y avait quelque chose qui avait été échappé. Puis ce que je comprends de votre mémoire, c'est de dire : Bien là, on en profite. On aimerait ça que nous ne soyons pas oubliés à nouveau et que l'économie sociale puisse être aux premières loges, là, dans la nouvelle Banque de développement économique du Québec.

Et je fais le lien avec votre vouloir de renforcer, finalement, les CLD comme porte d'entrée, parce qu'on sait très bien que beaucoup de CLD à travers le Québec sont près proches de dossiers de l'économie sociale. Et une préoccupation que nous avions, au niveau du deuxième groupe d'opposition, c'est qu'éventuellement, en grossissant encore davantage l'outil de développement économique, nous allions arriver avec des offres de services à tellement de niveaux différents qu'il allait devenir difficile d'avoir du discernement et puis, pour quelqu'un qui arrive avec un petit dossier, d'être aussi bien servi que quelqu'un qui arrive avec un plus gros dossier, autrement dit que des gens qui étudieraient un dossier d'économie sociale mais qui ont passé leur carrière dans le capital de risque au niveau de la haute technologie puissent, un, ne pas avoir d'intérêt ou, deux, ne pas comprendre la dynamique de l'économie sociale. Et c'est pour ça que, lorsque je vois aussi votre demande d'avoir un titre, donc — c'est vrai que c'est intéressant d'avoir un vice-président — je me demande : Est-ce que c'est vraiment ça, la véritable demande de vos groupes, ou plutôt d'avoir davantage de moyens, d'avoir des équipes spécialisées, qu'effectivement, dans les CLD, vous ayez plus de moyens — quand je pense moyens, je pense moyens financiers — avec des gens davantage capables de bien évaluer l'impact d'un projet d'économie sociale qui pourrait être apporté, de telle sorte que, dans votre cas, ce serait plus de dire plus petit et mieux, mieux distribué, plus de moyens, avec des gens plus spécialisés, plutôt que de vous fondre dans une grande institution que deviendrait éventuellement la Banque de développement économique du Québec?

En fait, si je répète ma question : Est-ce que, dans les modèles que vous avez analysés, il y avait parmi vous, dans vos discussions, des gens qui disaient : Plutôt que d'y aller pour le titre de vice-président, peut-être on devrait demander plus d'argent au gouvernement ou peut-être qu'on devrait demander une filiale à part entière, distincte, un peu comme ressource qui soit au niveau de l'économie sociale pour qu'on puisse s'assurer d'être servis convenablement?

La Présidente (Mme Vien) : Merci. Alors, la réponse devra être courte, brève et touchante.

Mme Neamtan (Nancy) : Nous, on fonctionne selon un principe de subsidiarité. Nous, on pense que ce qui peut être fait au niveau local doit être fait au niveau local, et je pense que, les CLD, c'est pour ça qu'on dit : Il faut les renforcer dans l'accompagnement.

Mais il y a des grands… il y a des stratégies de développement, des fois, parce que c'est innovant, ça n'a jamais été fait, ou parce qu'il y a du potentiel, tu sais… En tout cas, on n'a pas le temps, mais il y a des marchés, il y a de plus en plus d'investisseurs privés qui cherchent un rendement social, un rendement… tu sais, on parle de «triple bottom line». Alors, ça, c'est des stratégies, des grandes stratégies par rapport aux marchés financiers, d'aller capter une partie de ça, d'investissement privé pour les entreprises d'économie sociale. Et ça, je pense, ça peut être fait juste au niveau d'une vision stratégique et de voir quel est le rôle de la banque, et ça, je pense que, dans ce sens-là, ça prend une vice-présidence.

Donc, je pense que chacun a son rôle. Il y a un rôle pour le local, mais il y a aussi un rôle pour le national.

La Présidente (Mme Vien) : Merci. M. Vermette, M. Charest, M. Garant, Mme Neamtan, merci de vous être déplacés aujourd'hui.

Je suspends quelques instants, le temps que le Conseil du patronat s'installe. À tout de suite.

(Suspension de la séance à 14 h 50)

(Reprise à 14 h 53)

La Présidente (Mme Vien) : Alors, nous reprenons nos travaux maintenant avec nos invités qui nous viennent du Conseil du patronat du Québec. Alors, bonjour. Nous avons M. Dorval, le président. M. Dorval, bonjour.

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Dorval (Yves-Thomas) : Bonjour.

La Présidente (Mme Vien) : Vous nous présenterez la personne qui vous accompagne. Comme toujours… Vous connaissez les règles du jeu, puisque ce n'est pas la première fois que vous vous présentez ici : 10 minutes pour faire état de l'essentiel de votre mémoire, après quoi s'ensuivent des discussions entre vous et les parlementaires. Ça vous va?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Très bien.

La Présidente (Mme Vien) : Alors, vous pouvez nous présenter madame, qu'on a l'habitude de voir ici aussi.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, à côté de moi est Mme Norma Kozhaya, qui est économiste en chef et directrice de la recherche au Conseil du patronat du Québec et qui va m'aider à répondre à toutes vos questions.

La Présidente (Mme Vien) : Présentez-nous votre mémoire, cher monsieur.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Alors, nous démarrons. Simplement d'abord vous remercier, remercier la Commission de l'économie et du travail de lui fournir l'occasion de présenter nos commentaires au sujet du projet de loi n° 36, Loi sur la Banque de développement économique du Québec.

D'entrée de jeu, soulignons que le Conseil de patronat du Québec souscrit à plusieurs des objectifs énoncés, dont celui de soutenir le développement économique du Québec et de ses régions, de même que les objectifs desimplification, de cohésion et de meilleur accompagnement des entrepreneurs. Le conseil estime néanmoins que cette nouvelle structure devra relever des défis considérables, et certaines questions se posent sur sa capacité d'assumer efficacement toutes les facettes de ce vaste mandat.

L'analyse que nous avons faite dans notre mémoire n'est pas exhaustive, faute de temps — vous comprendrez que ça a été quand même très bref en termes de temps pour se préparer. Néanmoins, elle présente les faits saillants des avantages et des défis associés à la mise en place d'une telle structure.

Selon le conseil, il est impératif que cette structure gouvernementale puisse répondre de façon appropriée aux besoins variés des divers types d'entreprise qui profiteront de ses services, pas seulement à certains secteurs privilégiés. Les domaines d'intervention de cette organisation seraient nombreux et diversifiés. On souligne entre autres l'appui à l'innovation et à la productivité dans les entreprises privées, ce qui semble tout à fait pertinent et vise juste. Le conseil croit toutefois qu'il serait souhaitable d'identifier aussi comme domaine d'intervention spécifique la commercialisation, tant au Québec que sur les autres marchés.

La volonté d'offrir aux entreprises des services-conseils d'accompagnement pour le développement de leurs affaires ainsi que dans le cadre de leurs démarches auprès des ministères et organismes constitue certainement une bonne nouvelle. L'orientation de guichet unique n'est toutefois pas claire entre la nouvelle organisation proposée et les CLD, qui, eux-mêmes, ne peuvent couvrir tous les types d'entreprise.

L'article 3 du projet de loi stipule pour sa part que ce service comprend également la coordination des interventions de ces ministères et organismes à l'égard de tout projet que le gouvernement considère comme stratégique. À ce propos, le conseil s'interroge à savoir si la coordination des interventions des ministères et organismes n'est pas une fonction qui relève davantage du niveau ministériel ou du niveau politique.

Un des mandats de la nouvelle structure serait l'élaboration d'une stratégie de développement pour chaque région. Celle-ci aurait donc en même temps un rôle de soutien, notamment financier, des entreprises et un rôle d'élaboration d'une stratégie économique. Une question se pose alors : L'élaboration d'une telle stratégie ne devrait-elle pas être la prérogative du gouvernement ou des ministères impliqués? Il nous semble peu usuel qu'un organisme comme une agence gouvernementale soit responsable de l'élaboration d'une stratégie de développement économique, même régionale.

L'harmonisation des orientations de la nouvelle organisation et de son action dans toutes les régions du Québec peut représenter, par ailleurs, un défi majeur. Comment la structure proposée permettra-t-elle de s'assurer d'une meilleure cohésion entre la politique et les orientations économiques québécoises? Je pense qu'on assiste présentement à un débat particulièrement intéressant pour nous éclairer, le fait que, par exemple, dans la région de Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine, on veut, à juste titre, pouvoir développer et appuyer l'industrie éolienne mais en même temps une politique économique panquébécoise qui touche les tarifs d'Hydro-Québec et qui peut avoir aussi une incidence en matière de coûts et de retombées pour l'ensemble de la société, qui pourrait être perçue différemment sur le plan régional du plan panquébécois.

Pour ce qui est de Montréal, la décision de placer l'intervention sur une base métropolitaine et de tenir compte des grappes existantes est la bonne, mais ajoutons qu'il serait important que le poids économique de la région de Montréal, qui représente la moitié du PIB de la province, de la population et de l'emploi du Québec, soit pleinement reconnu.

Une saine gestion des fonds publics commande d'être toujours prudent et de ne pas surestimer la capacité du secteur public de jouer un rôle dans la gestion des risques, ce qui constitue plutôt une force du secteur privé. En fait, c'est la base même de l'entrepreneurship. À cet égard, nous nous questionnons sur les articles du projet de loi permettant de créer d'autres filiales. Le gouvernement — c'est une question — se réserve-t-il le droit de créer éventuellement une société d'État pour entreprendre l'exploration et l'exploitation des ressources naturelles? Quand on regarde certains articles de loi, on pourrait se poser la question. C'est une question importante à préciser, à mon avis, si c'est une intention.

D'un autre côté, le conseil exprime son appui aux dispositions de l'article 130 qui modifie la Loi sur le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs pour prévoir que le ministre vire au Fonds du développement économique les sommes déterminées par le gouvernement pour l'exécution de certains mandats. Remarquons que le gouvernement pourrait faire la même chose actuellement avec la structure existante.

Le Conseil du patronat estime en outre que le gouvernement devrait sans doute faire preuve de grande prudence dans la mise en place de la nouvelle structure, et ce, principalement pour deux raisons : l'écart notable qui existe entre les mandats, les missions et le type d'activité qui caractérisent ses trois filiales principales ainsi que la nature différente de leurs milieux de travail. Force est de constater, par ailleurs, que les différentes activités de la nouvelle organisation comporteraient des niveaux de risque différents et seraient assujetties à des processus de décision variables.

• (15 heures) •

Offrant un capital qui se veut complémentaire, il apparaît essentiel que la nouvelle structure évite de faire une concurrence déloyale aux institutions financières ou aux fonds privés de capital de risque existants. À ce titre, l'expression nuancée dans le projet de loi qui dit «cherche à compléter l'offre», à l'article 5, ne semble pas garantir que l'organisation s'interdira toute concurrence directe avec les institutions du secteur privé. Il serait nécessaire que celle-ci agisse vraiment en complémentarité et évite toute duplication avec le secteur privé qui est déjà présent dans le financement des projets d'investissement. Par exemple, on voit dans la loi de la Banque de développement du Canada l'utilisation du mot «doit» plutôt que «cherche à» lorsqu'on fait référence au fait qu'on doit être complémentaire par rapport à ce qui existe. On pourrait ajouter aussi dans l'article 7 un cinquième point qui mentionnerait la complémentarité avec les services existants des autres institutions financières, ça pourrait être une autre façon de compléter qui pourrait, je pense, rassurer les interventions… les intervenants du secteur des finances public… privé, pardon.

L'expérience — et notamment mon expérience personnelle, puisque j'ai eu la chance de… ou la difficulté de travailler à la réorganisation de grandes institutions — démontre qu'une réorganisation de l'ampleur de celle requise prend du temps et monopolise beaucoup l'attention du personnel touché, incluant les gestionnaires. Cette attention serait détournée de leurs fonctions principales pendant plusieurs mois, voire plus d'une année, alors que la situation actuelle exige que tous les efforts soient consacrés en priorité au développement économique. Dans le même ordre d'idées, il faudrait souligner que l'une des qualités recherchées pour le choix d'un président et même des membres de la direction serait d'avoir une expérience et un leadership reconnus dans la réalisation d'une telle réorganisation.

Regrouper deux organismes aux cultures, aux orientations professionnelles et aux milieux de travail différents ne représente certes pas une tâche facile sur le plan de la gestion du changement et l'harmonisation des actions.L'accompagnement des entrepreneurs et l'élaboration des politiques publiques constituent deux activités bien distinctes qui relèvent d'univers culturels différents. Avec la cohabitation des professionnels en provenance d'Investissement Québec, de la SGF anciennement et du ministère des Finances que suppose la création de la nouvelle organisation, il s'avérerait essentiel de trouver les moyens de faire en sorte que tout le monde soit sur la même longueur d'onde.

De plus, une question se pose à savoir si les compétences des personnes qui seraient transférées des autres organismes à la nouvelle structure correspondront à celles qui seraient requises pour répondre aux besoins. Quant aux coûts encourus, il faut aussi compter avec la possible obligation pour celle-ci de créer de nouveaux postes, car on offrirait aux employés actuels le choix d'intégrer ou non la nouvelle structure, donc de la réintégrer dans la fonction publique, ce qui amènerait l'obligation de combler des postes vacants dans la nouvelle organisation.

Par ailleurs, pour ce qui est de la rémunération, même si l'objectif de contenir les coûts est valable, il est quand même un peu paradoxal que… Et ça, je ne m'adresse pas au projet de loi seulement ici. C'est le cas de plusieurs, et c'était le cas pour l'ancien gouvernement comme pour le gouvernement actuel dans la création des agences. Il est quand même un peu paradoxal que le gouvernement offre, d'une part, une certaine flexibilité, une autonomie à des organismes comme ses diverses agences et n'hésite pas à retirer cette flexibilité, d'autre part, en imposant des paramètres en matière de rémunération, des technologies de l'information, et ainsi de suite. Autrement dit, on cherche à donner de la flexibilité en créant des agences, puis après ça le Conseil du trésor vient rechercher cette possible flexibilité en donnant des paramètres généraux à tous les autres.

Notons finalement que le projet de loi prévoit confier au président-directeur général des responsabilités énormes et très stratégiques, et le processus devant mener à sa nomination devrait reposer sur un profil de compétence et d'expérience à toute épreuve.

Bref, je pourrai peut-être répondre à plusieurs questions. Je conclurais en disant que le Conseil du patronat souscrit aux objectifs du projet de loi poursuivis dans la mesure où la mission de l'organisation consisterait principalement à renforcer le soutien nécessaire à certains projets d'investissement, à faciliter l'accès à certaines clientèles à l'aide financière de l'État, à alléger la charge administrative imposée aux entrepreneurs et à leur offrir un accès simplifié aux services, ainsi qu'à favoriser une plus grande cohérence des interventions économiques en région.

On s'interroge toutefois à savoir si la création d'une nouvelle structure permettra d'atteindre ces objectifs de façon moins coûteuse et plus efficace que ne le permettrait une amélioration des organismes et des mécanismes d'aide existants. En somme, il importe d'abord et avant tout de se poser deux questions fondamentales : Quelle sera la réelle valeur ajoutée par rapport à ce qui existe déjà? Et la création de ce nouvel organisme est-elle vraiment nécessaire pour atteindre les objectifs économiques que se fixe le gouvernement?

Espérons que ces quelques commentaires du Conseil du patronat contribueront positivement et constructivement à la réflexion des parlementaires.

La Présidente (Mme Vien) : Bien. Merci beaucoup, M. Dorval. Tout de suite, immédiatement, je cède la parole pour une période de 24 minutes au côté ministériel et à Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Bonjour, M. Dorval. Bonjour, Mme Kozhaya. On a déjà eu l'occasion d'en discuter ensemble, de ce que vous voyez comme organisme qui pourrait soutenir le développement économique au Québec. Vous avez mentionné dans votre mémoire l'importance d'avoir une meilleure cohésion, une meilleure simplification, accompagnement des entreprises. Qu'est-ce que vous décelez comme lacune, dans ce qui existe présentement, qui vous fait en venir à la conclusion qu'une meilleure cohésion est nécessaire?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Première des choses, je dirais que, pour ce qui est des entreprises, de façon générale… Évidemment, ce n'est pas le même niveau pour la petite entreprise, la moyenne que la grande entreprise, leurs services d'expertise internes ou les ressources qu'elles peuvent avoir les amènent dans un processus qui est très différent les unes des autres. Mais, de façon générale, lorsqu'une entreprise veut démarrer ou a besoin d'aide dans son processus de développement pour devenir plus grande ou même pour passer à de nouvelles étapes, c'est certain que c'est un dédale, souvent, faire affaire avec l'État. Vous savez, il y a un comique, il y a une bande dessinée qui s'appelait Astérix, je pense que c'était Les 12 travaux, où est-ce que… Je pense que les gens savent très bien de quoi je parle. Lorsqu'on arrive dans la fonction publique, on se fait renvoyer d'une porte à l'autre.

Donc, une des choses que vous m'aviez parlé personnellement, c'était la possibilité d'accompagner ces entreprises-là avec des gens qui vont les aider à circuler dans ce dédale et d'obtenir réponse à leurs besoins et… Mais, en même temps qu'on dit ça — là, je me mets dans la peau du fonctionnaire qui est responsable d'accompagner l'entreprise — comment peut-on faire en sorte aussi de faire accélérer les choses mais en tenant compte d'une façon éthique, juste, équitable pour tout le monde que les décisions soient prises par les différentes autorités?

Alors, autrement dit, nous, on est d'accord puis on… J'ai siégé sur le groupe de travail du rapport Audet, qui a été entériné par les deux gouvernements et qui vise à trouver une façon, justement, d'aider les entreprises à aller… à franchir ce dédale-là d'une façon plus efficace. Alors, dans ce sens-là, je pense que c'était un objectif que vous poursuiviez, que vous m'aviez annoncé, et que vous dites : Ce serait important qu'on ait ce genre de ressource là. Et vous avez même rajouté, à ce moment-là, que… Le service au client, de transformer la perception de l'entreprise comme étant quelqu'un qu'on doit coordonner, enregistrer vers quelqu'un qu'on veut accompagner comme un client, c'est de la musique aux oreilles des entrepreneurs, c'est de la musique aux oreilles des entreprises, mais en même temps ça prend une culture spéciale pour faire ça, ça prend une volonté, puis en même temps on ne peut pas s'immiscer dans les décisions des différentes autorités, des certificats pour les autorisations de XYZ. Alors, quand vous me posez cette question-là, je vous dis : Oui, il y a énormément d'appétit, pour les entreprises, pour avoir des voies facilitantes, mais en même temps il y a une réalité qui va les rattraper peut-être.

Et je vous ai mentionné aussi en dernier lieu que la culture des gens qui font ce genre de travail là, ce n'est pas nécessairement la même que pour occuper une force… Faire de la réglementation ou assurer la conformité à la réglementation, c'est une chose; avoir une entreprise comme client, de faire en sorte qu'elle puisse réussir, c'en est une autre. Et là tout le défi va résider dans comment on peut intégrer des cultures, des façons d'approche, des façons de faire dans une mêmeorganisation, et c'est là où est-ce qu'on a dit : Bravo si on y arrive. Il faut y arriver, mais en même temps c'est tout un défi.

Mme Zakaïb : Je suis d'accord avec vous qu'il y a tout un défi culturel, mais, selon moi, le défi culturel se pose qu'on crée la Banque de développement ou qu'on utilise des structures existantes. Je pense que là-dessus vous allez me rejoindre, parce que, si on veut que l'entrepreneur soit considéré comme un client même dans les structures qui existent maintenant, on a un grand défi culturel. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Tout à fait d'accord, Mme la Présidente. Je suis tout à fait d'accord avec ce que la ministre dit présentement.

Mme Zakaïb : Donc, il faut qu'on trouve une façon de stimuler un changement culturel dans ce qui existe, que ce soit au ministère des Finances et de l'Économie, à nos bureaux régionaux, parce que, là, il faut vraiment, dans le projet de loi, séparer les gens qui font de la réglementation, c'est-à-dire ceux qui sont au ministère, et ceux qui offrent des services, donc les bureaux régionaux, et ce qui se fait présentement chez Investissement Québec. Si on veut que l'entrepreneur soit au centre, si on veut vraiment faciliter la vie de l'entrepreneur, il faut qu'on ait un changement culturel, et tout changement culturel doit avoir un élément déclencheur. Il faut qu'il y ait une nécessité de changement. Pour qu'il y ait un changement, il faut qu'il y ait une nécessité de changement.

• (15 h 10) •

Je vous amène, parce qu'on en a parlé… Vous en avez parlé vous-même, puis on en a parlé beaucoup entre nous, de l'importance d'avoir quelqu'un qui va faire arriver les projets, quelqu'un qui va faire en sorte que, face aux différents ministères concernés — vous en parliez tantôt — on les implique plus tôt, par exemple pour le ministère de l'Environnement, ou qu'on coordonne les services. Puis peut-être qu'on a mal compris le deuxième alinéa de l'article 3, parce que vous en parlez dans votre mémoire. Nous, c'est ce qu'on cherchait à faire quand on disait : «Ce service comprend également la coordination des interventions de ces ministères et organismes à l'égard de tout projet que le gouvernement considère stratégique.» Donc, de coordonner l'intervention des ministères dans les projets stratégiques, c'est ce qu'on pensait mettre en place avec le deuxième alinéa. Le deuxième alinéa de l'article 3 servait à ça, à avoir quelqu'un à la banque dont le métier, ça va être de… dont le mandat, en fait, la description de tâches, ça va être de faire arriver des projets, de les faire arriver avec les différents ministères puis de les faire arriver avec les différentes institutions qui peuvent financer ce genre de projet là.

Vous avez beaucoup parlé de complémentarité. En fait, tous les intervenants nous parlent de complémentarité, j'imagine, un peu parce que tout le monde est heurté présentement, à travers le Québec, sur le fait que les outils gouvernementaux, principalement Investissement Québec, ne sont pas complémentaires à ce qui existe. J'imagine que ça, c'est une des raisons qui fait en sorte que tout le monde nous parle de complémentarité.

Vous avez suggéré, pour aider à faire en sorte que le projet de loi soit plus conséquent au niveau de la complémentarité, peut-être un amendement à l'article 7 en ajoutant un cinquième alinéa. Vous n'êtes pas les seuls. En fait, il y a plusieurs personnes qui nous en ont présenté un, qui nous ont présenté un amendement. On a eu tantôt l'amendement suivant qui nous a été suggéré : la complémentarité avec des acteurs et des institutions financières non gouvernementales… non gouvernementaux, plutôt, parce que c'est «acteurs et institutions», donc donner un mandat au conseil d'administration de la banque d'établir une politique qui régirait ses interventions financières qui prévoit notamment — puis on ajouterait un cinquième alinéa — la complémentarité avec des acteurs et des institutions financières non gouvernementaux. Est-ce que c'est quelque chose auquel vous souscririez aussi?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Oui, tout à fait. En fait, c'était le sens d'une suggestion d'ajouter un alinéa.

Mais je ramène quand même qu'à l'article précédent, à l'article 4, si je ne me trompe pas, où la… Excusez-moi, c'est à l'article… Non. Quand on dit «cherche à».

Mme Zakaïb : On le cherche, là. En fait…

M. Dorval (Yves-Thomas) : C'est à l'article 5, on dit : «…la banque cherche à compléter l'offre…»

Mme Zakaïb : L'article 5, O.K.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Je comprends, mais pourquoi on ne dit pas tout simplement «doit compléter l'offre», ne doit pas «chercher à» mais doit le faire, un? Et c'est par rapport à ça.

Donc, je suis d'accord avec le genre de proposition. En fait, ça va dans le sens de la proposition… Le libellé exact, là, je vous laisse la sagesse, aux parlementaires, aux élus, de trouver la bonne formulation, mais, nous, ça va dans ce sens-là.

Mais j'aimerais, si vous me permettez, Mme la Présidente, juste dire un mot sur la coordination et l'interprétation de l'article précédent, quand vous avez mentionné ça. Vous savez, il y a plusieurs chemins qui mènent à Rome. Dans le fond, là, les structures, ce n'est pas ça qui est important, ça dépend des gens qui sont dedans.

Alors, vous, votre proposition, c'est de dire : Bien, en créant cette structure-là, ça va amener les gens peut-être à voir les choses différemment. Ça dépend toujours sur quel siège, quelle expérience de vie on a, sur quel... Moi,personnellement, j'ai toujours eu comme impression que ça dépend toujours des hommes ou des femmes qui font vivre ces structures-là. Ce n'est pas important, ultimement, la structure, c'est la façon dont les hommes et les femmes vont y arriver.

Et, quand on disait le mot «coordination», c'est parce que peut-être que là je me trompe un peu, mais une fonction ministérielle, à mon avis, c'est une fonction qui vise à développer des politiques, les administrer, puis des agences, c'est les opérateurs. Quand on parle de coordination interministérielle puis qu'on confie ça à une agence, je ne sais pas, là, tu sais. Peut-être dans mon petit sens commun personnel, je me dis toujours : Il me semble qu'on dégage… Parce que l'imputabilité, ça s'en va à un conseil d'administration. Coordonner des ministères à travers un conseil d'administration, versus le ministre dont la responsabilité… a des responsabilités politiques et administratives… C'était peut-être un peu pour ça qu'on a souligné le mot «coordination». Puis je demeure quand même toujours sur ce fragile équilibre entre qu'est-ce qui est des opérations puis qu'est-ce qui est de l'ordre de l'administratif politique, là. Pour moi, c'est quand même deux choses séparées.

Mme Zakaïb : En fait, on parlait de coordination des différents ministères… des interventions des ministères, non pas de coordination des ministères mais de coordonner l'intervention du monde, d'agir un peu comme un gestionnaire de projet le ferait, de s'assurer que tout le monde est au bon endroit au bon moment.

Pourquoi l'article… Je vais revenir sur l'article 5, là, «la banque cherche à compléter l'offre». En fait, j'ai eu beaucoup de discussions avec les juristes parce que j'étais comme vous, moi, je voulais mettre «doit», on a eu beaucoup de discussions avec les rédacteurs, parce que, selon les juristes, si on écrit «la banque doit compléter l'offre», ça pourrait avoir comme conséquence, par exemple, que la filiale Ressources Québec ne puisse pas investir seule dans une entreprise en capital-actions parce qu'elle doit nécessairement être complémentaire, donc, quand elle prend une participation, elle n'est plus complémentaire, et que, là, des gens pourraient prétendre qu'une telle intervention serait ultra vires des pouvoirs que lui a conférés la loi. Ça fait que les juristes ont choisi de mettre… En tout cas, selon eux, «cherche à compléter l'offre», ça oblige la banque à… c'est une obligation de moyens et non une obligation de résultat. Mais je suis d'accord avec vous. Toute suggestion pour améliorer le projet de loi pour s'assurer de la complémentarité va être vue d'un très bon oeil de notre formation gouvernementale, parce qu'on veut vraiment que la banque agisse en complémentarité.

Au cours de ma carrière ainsi que… ça a été encore plus vrai dans les derniers mois, avant que je décide de me lancer en politique, j'ai beaucoup entendu dire qu'Investissement Québec n'était pas complémentaire, qu'Investissement Québec prenait la place de différents acteurs, et c'est certain qu'on veut éviter ça, puis je pense que, de chez vous aussi, c'est une des… Peut-être que vous pourriez élaborer là-dessus, là, ce que vous cherchez comme complémentarité. Outre le terme dans la loi, là, qu'est-ce qui, selon vous, doit être complémentaire? Et pourquoi c'est important, cette complémentarité-là?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Bien, essentiellement, je vous dirais que, quand on analyse un projet… Parce que, quand je dis un projet, une demande d'entreprise, un besoin quel qu'il soit, que ce soit de création, de développement ou de passer à un autre niveau, il y a différents niveaux d'intervention qu'on doit regarder. Dans le fond, il y a celui où on dit… Puis on analyse un projet à sa face même. Puis peut-être que le projet, dans le fond, il ne le mérite pas parce qu'il n'est pas viable, puis il ne doit pas y avoir de financement. Ça, c'est une chose. Ça, ce n'est pas compliqué, normalement on ne devrait pas le financer. D'un autre côté, il y a des projets ou des… la réalité, qui devraient pouvoir se faire avec les outils financiers existants, on n'a pas besoin d'aide financière. Si on vient faire de l'aide financière gouvernementale, elle devient en concurrence de ce qui existe sur le marché. Puis, je dirais, entre les deux, c'est qu'un projet peut être bon, ne pas réussir, je dirais, à trouver tout le financement nécessaire, et c'est là où est-ce que la complémentarité peut arriver.

Puis là, évidemment, dans votre proposition, il y a deux types… bien, plusieurs types d'interventions. Ça peut être des prêts garantis, ça peut être du financement dans l'équité, ça peut être toutes sortes de choses, prises de participation, puis ça peut être tout simplement des prêts. L'idée ici, c'est de faire attention. Par exemple, c'est que, si vous avez un projet où la banque intervient d'un côté comme, peut-être, prêteur, elle ne peut pas intervenir, à ce moment-là, comme dans l'équité, ou dans le capital-actions, ou dans la participation.

Alors, ça va toujours être délicat, ça, la façon dont l'organisation, la nouvelle structure devra, je dirais, contribuer à… Il ne faut pas qu'elle se place en conflit d'intérêts à quelque part. Puis, deuxièmement, comme je disais tout à l'heure, je pense que le principe, c'est de ne pas financer les choses qui ne doivent pas être financées, et ça, ça comprend les projets qui ne sont pas acceptables et les projets qui peuvent trouver leur financement dans le domaine du privé. Puis à quelque part entre les deux, dans le fond, c'est juste lorsque le financement privé n'est pas suffisant que, là, l'État peut intervenir, parce que l'État, son rôle, c'est d'aider, c'est d'appuyer, c'est de faciliter, ce n'est pas de faire la job à la place des autres.

C'est un peu ça qui est un peu notre idée. Je ne sais pas si je m'exprime clairement. Moi, c'est clair, là. Je ne sais pas… Pour moi, c'est clair.

• (15 h 20) •

Mme Zakaïb : C'est très clair pour moi aussi, M. Dorval. Je pense que là-dessus nos pensées se rejoignent, c'est important que l'État soit complémentaire. En fait, ce que les banques font, laissons faire les banques. Ce que les sociétés de capital de risque font, laissons faire les sociétés de capital de risque. En fait, l'État est là pour suppléer, pour faire en sorte que les projets se financent et pour combler les lacunes. En fait, ce qu'on cherche à faire avec la banque, c'est de combler les lacunes dans le financement présentement disponible pour les entreprises au Québec.

Maintenant, dans votre mémoire, vous vous questionnez sur le défi que va représenter la fusion. Comme toute fusion, il y a effectivement un défi. Il y a un défi de culture, il y a un défi d'intégrer les gens.

Vous parlez qu'il y a plusieurs bureaux à travers le Québec. En fait, Investissement Québec a des bureaux, le ministère a également des bureaux, puis, à terme, tous ces gens-là vont devoir travailler ensemble. Pour l'instant, on n'a pas l'intention de renégocier les baux, mais tous ces gens-là vont devoir travailler ensemble.

Vous parlez également des CLD, puis je voudrais vous ramener là-dessus, parce que je pense que la structure de la banque est peut-être méconnue. En fait, effectivement, on va fusionner ensemble Investissement Québec et les bureaux régionaux du ministère des Finances et de l'Économie, ce qui veut dire qu'à terme, dans les mêmes bureaux, on va avoir des gens dont le métier, ça va être de soutenir, d'accompagner les entreprises et d'autres personnes dont le métier, ça va être de financer.

Les CLD, eux, leur rôle est un rôle d'accompagnement, un rôle qui est complémentaire à celui de la banque, si on peut dire. En fait, quelqu'un qui va se présenter à un CLD avec un projet va être traité au niveau du CLD, quelqu'un qui va se présenter à la banque avec un projet va être traité au niveau de la banque. Il y a quelqu'un qui va s'occuper de faire arriver son projet, comme vous le disiez tantôt, dans la mesure où le projet, naturellement, est viable. On ne va pas dépenser des ressources puis de l'argent si le projet n'est pas viable. Mais, si le projet est viable, il y a quelqu'un dont le mandat, ça va être de faire en sorte que ce projet-là se réalise.

On va également regarder les différents outils, que ce soient ceux des CLD… Puis là je vous rappelle que les CLD ne peuvent pas investir plus que 200 000 $, 250 000 $, peu importe dans quelle région ils sont.

Donc, les CLD et la banque vont agir en complémentarité ensemble, on va devoir arrimer tout ça, mais on n'intègre pas les CLD dans cette structure. Les CLD demeurent ce qu'ils sont, continuent de relever de chacune des MRC, mais il faut qu'il y ait une certaine cohésion.

Présentement, il n'y a pas de cohésion, pas de cohérence dans les interventions de l'État. Il n'y a pas de suivi qui se fait entre un projet qui rentre par un CLD puis qui a besoin de sommes d'argent additionnelles, comme il n'y a pas non plus de cohérence entre les créneaux ACCORD puis les grappes industrielles qui sont traités au gouvernement puis l'investissement qui provient d'Investissement Québec. J'imagine que vous allez être d'accord avec moi. Il faut soutenir par exemple, dans la métropole, les grappes. Il y a des projets du ministère pour aider les gens à travailler ensemble, mais, quand on parle de financement puis qu'on regarde Investissement Québec, il n'y a pas de cohérence. En fait, Investissement Québec regarde les dossiers selon ce que les dossiers arrivent sur leurs bureaux puis décide si, oui ou non, ces dossiers-là font du sens à investir, mais il n'y a personne qui regarde de quelle façon on peut soutenir nos entreprises des grappes ou qui peuvent regarder les chaînes de valeur de nos grappes industrielles puis dire à quel endroit ces chaînes de valeur là sont faibles, de quelle façon on peut aider à renforcir, modifier l'offre de certaines entreprises, par exemple, pour permettre de combler les chaînes de valeur de nos grappes, puis de regarder quel est l'accompagnement que ces entreprises-là auraient besoin pour modifier leur offre puis de quel financement ils ont besoin. Il n'y a personne qui fait ça parce qu'il n'y a personne dont c'est le mandat de faire du développement économique. Ça fait que c'est un peu… Puis, je pense, c'est important qu'on le dise, la banque va servir à ça. Quand on parle que la banque va servir à faire du développement économique, c'est de ça dont on parle.

On a beaucoup parlé, vous et moi, de la nécessité d'avoir plus de moyennes entreprises au Québec, et, pour ça, il faut soutenir des petites puis les aider à grandir. On ne peut pas dire à Investissement Québec… Investissement Québec n'a pas ce mandat-là puis Investissement Québec… à moins qu'on prenne Investissement Québec, qu'on intègre les bureaux régionaux puis que finalement on fasse tout ce qu'on veut faire, puis qu'au lieu d'appeler ça Banque de développement économique on continue d'appeler ça Investissement Québec, là, mais Investissement Québec comme on la connaît aujourd'hui n'a pas le mandat de cibler les entreprises qui peuvent devenir des moyennes entreprises puis de les accompagner, alors que, si on donne un mandat de développement régional à chacune des régions en disant : Vous allez cibler les entreprises, vous allez les accompagner… C'est un peu ce qu'on cherche à faire par la Banque de développement. Et je prends un peu de votre temps pour expliquer tout ça parce que j'ai l'impression que finalement on se dit : On n'a pas besoin de la banque, mais, tout ce qu'on veut faire avec Investissement Québec pour qu'ils arrivent à combler les lacunes, que ce soit en financement, au niveau des stades de développement d'entreprise comme les lacunes en développement économique, si on lui ajoute tout ça, bien on va créer l'équivalent d'une banque de développement économique.

Puis maintenant je comprends qu'il y a des défis. Je suis d'accord avec vous, ils sont énormes, les défis de fusion. Mais on a fusionné Investissement Québec et SGF, puis je pense qu'on a été capables puis que finalement l'économie du Québec ne s'en est pas trop ressentie. Ça fait qu'on n'a qu'à se relever les manches puis à se dire : Bien, c'est là qu'on s'en va. Puis le projet est tellement emballant que je pense qu'on peut amener les gens à embarquer dans ça puis se dire : On va dorénavant faire du développement économique au Québec puis on va le faire dans nos bureaux dans toutes les régions. Puis ça va s'appeler Banque de développement économique du Québec parce qu'on va appeler un chat un chat.

La Présidente (Mme Vien) : Mme la ministre, je vois que… Oui, vous prenez du temps, vous avez le droit de le faire.

Mme Zakaïb :

La Présidente (Mme Vien) : Absolument, c'est votre droit le plus légitime. Mais il y a un collègue chez vous qui aimerait poser une question.

Mme Zakaïb : ...j'ai terminé.

La Présidente (Mme Vien) : M. le député de Berthier.

M. Villeneuve : ...une réponse par rapport à…

Mme Zakaïb : Non, je n'ai pas besoin de… Ce n'était pas vraiment une question.

La Présidente (Mme Vien) : C'était un commentaire.

Mme Zakaïb : C'était plus un commentaire.

M. Villeneuve : Un commentaire, d'accord. Alors, bonjour, madame. Bonjour, monsieur. Moi, je vous amène à la page 9 de votre mémoire et je veux juste voir avec vous s'il n'y a pas une… je ne parlerai pas d'incohérence, là, mais une contradiction, je dirais plutôt, lorsque vous dites… Au niveau de la réorganisation, hein, de créer cette Banque de développement là, ça amène inévitablement une réorganisation, bien sûr. Ça amène des gens de différentes cultures à s'associer, à travailler ensemble pour éventuellement créer ce qu'on appelle un guichet unique, qui va permettre non seulement de retrouver au même endroit un ensemble de services, mais qui va aussi permettre — et Mme la ministre en parlait — en amenant ce changement de culture là, d'amener un accompagnement par rapport aux entrepreneurs, ce qui n'est quand même pas rien.

Et je donne souvent l'exemple… Quand je parle de guichet unique, je donne souvent l'exemple de Drummondville, l'incubateur d'entreprises, où il y a, à l'intérieur de la bâtisse, beaucoup d'intervenants qui, si l'incubateur n'était pas là, ils seraient dispersés sur le territoire, et ce qui amènerait une complication supplémentaire pour les entrepreneurs qui voudraient, évidemment, soit augmenter leur chiffre d'affaires ou grossir, si on peut dire ça comme ça, se développer. Ça les amènerait à des complications supplémentaires.

Puis, quand je regarde le deuxième… le paragraphe plus loin, vous dites qu'il y a 50 % des gens consultés — ça, c'est auprès de vos membres — qui, eux, disent que «l'offre actuelle semble morcelée en une multitude de services dispensés par de nombreux organismes». C'est exactement ça que la banque veut corriger.

Alors, je veux juste vous entendre par rapport à peut-être cette contradiction ou à tout le moins… Je comprends la mise en garde : Attention, ça risque d'être un défi. Bien oui, mais pourquoi ne pas le relever, justement, ce défi-là, pour s'assurer que nos entrepreneurs enfin puissent trouver un guichet unique et un accompagnement pour réaliser pleinement leurs projets ou leur expansion?

La Présidente (Mme Vien) : Merci. M. Dorval, une réponse rapide.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Oui. Bien, vous savez, on l'a dit, on l'a écrit, on le répète : On souscrit aux objectifs de rendre la vie plus facile pour les entreprises, les aider, les accompagner, etc. Et ce qu'on dit, c'est : Vous avez fait une proposition qui est celle à l'intérieur d'une nouvelle structure. Ce qu'on vous dit, c'est que nous, on souscrit aux objectifs. Il y a plusieurs chemins qui mènent à Rome, vous avez choisi celui-là. Nous, on dit, finalement, que ça dépend des gens à l'intérieur, comment ils vont arriver à Rome ensemble, travailler ensemble.

Alors, c'est un choix politique que vous prenez, de dire : On y va de cette façon-là. Nous ce qu'on vous dit, c'est qu'ultimement on est d'accord avec l'objectif d'amener les gens à travailler ensemble. Maintenant, ça ne se fait pas en criant ciseau, puis on vous alerte.

Moi, je vais vous donner ma petite expérience personnelle. À un moment donné, j'ai eu à gérer la réorganisation de deux importantes institutions financières au Québec, puis on a perdu deux ans et demi dans la réorganisation pendant que les concurrents, eux autres, ils passaient plus loin. Alors, on a été obligés de dire, essentiellement, à un moment donné : On va oublier ces choses-là puis on va travailler ensemble.

Ce n'est pas facile, ce n'est pas évident, parce que, le monde à l'intérieur qui ont été embauchés avec un profil pour répondre à un certain emploi, ce n'est pas nécessairement la même chose qu'on va leur demander demain. Alors, il faut les accompagner, il faut faire de la formation, et ainsi de suite. Mais, dans le cas précis du gouvernement, ce n'est pas : Tu le fais puis tu le fais bien ou tu t'en vas, c'est : Tu le fais ou tu es réintégré dans un ministère à quelque part. Alors, la question ici, ce n'est pas tout à fait la même logique, la même dynamique.

La Présidente (Mme Vien) : Merci, M. Dorval.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Nous, ce qu'on dit...

La Présidente (Mme Vien) : M. Dorval, on va devoir...

M. Dorval (Yves-Thomas) : … — ça devait très bref, je m'excuse — on souscrit aux mêmes objectifs. Vous avez fait ce choix-là, c'est légitime. Nous, on vous dit juste : Mais ne sous-estimez pas tout ce qui va autour de ça, qui peut amener, pendant ce temps-là, bien du, comment je pourrais dire ça… du détournement d'attention.

La Présidente (Mme Vien) : …M. Dorval. Alors, on va passer la parole maintenant au député de Louis-Hébert, porte-parole en développement économique. La parole est à vous pour 21 minutes.

• (15 h 30) •

M. Hamad : Merci, Mme la Présidente. Il était tellement bon que j'étais prêt à donner notre temps pour continuer, parce que ça valait la peine de l'entendre.

Alors, M. Dorval, Mme Kozhaya, bienvenue. M. Dorval, sincèrement, là, je n'ai pas beaucoup de questions, parce qu'honnêtement on l'avait dit, nous autres, exactement ce que vous avez dit. Pas mot à mot, mais c'est exactement notre position. En fait, vous posez les bonnes questions.

Quand vous voyez… Par expérience, lorsqu'on voit les entreprises du Québec puis… tous les entrepreneurs nous disent : Ça prend un guichet unique, ça prend… Alors, ça, c'est un principe fondamental que personne au Québec ne peut être contre. Personne au Québec ne peut être contre le principe d'offrir ou d'essayer d'offrir un guichet unique aux entrepreneurs, et nous, on est d'accord avec ça, tout le monde est d'accord. La question n'est pas là. La question est sur les moyens que ce gouvernement-là a décidé de prendre pour atteindre l'objectif.

Et, par expérience… J'ai eu l'honneur de diriger cinq ministères, Mme la Présidente. Dans les cinq ministères, il y en avait… en fait c'est cinq économiques, puis on avait des projets à faire la coordination, les agences étaient là pour suivre les directions, les politiques du gouvernement qui sont établies dans les ministères. Et, au ministère du Développement économique, qui n'est pas le même ministère aujourd'hui, je comprends que la ministre ne voit pas ça nécessairement clairement, parce qu'on en a arraché deux gros morceaux, ce ministère-là. On a enlevé tout ce qui est recherche et développement, on a enlevé tout le commerce extérieur. Alors, c'est un ministère amputé, aujourd'hui, mais on avait des gens, des gens très compétents — et ils sont encore là, dans ces ministères-là — qui avaient le mandat de faire la coordination des projets stratégiques.

Et en plus, dans le discours inaugural et dans le budget, la première ministre, elle, elle disait qu'elle mettait en place un groupe d'action ministériel pour la mise en oeuvre des projets d'investissement privés. Ça, ce groupe-là, c'est le groupe qu'on avait avant, justement, pour faire la coordination entre différents intervenants, pour prendre un projet industriel puis le réaliser. Donc, ça vient avec vous encore, c'est d'accord avec vous dans le sens que c'est le gouvernement qui fait cette coordination, et là ce n'est pas une agence qui va coordonner les ministères. Puis même, dans le discours du budget, il y avait une autre affaire aussi : création des conseils de développement économique régionaux. Ça, je ne sais pas c'est quoi, mais c'était là pour faire la coordination.

C'est un changement culturel. Il faut provoquer le changement, oui. L'objectif guichet unique, oui. Coordonner les dossiers stratégiques, oui. Tout ça, on est d'accord. Mais, lorsqu'on arrive sur le moyen, on n'est pas sûrs que ce moyen-là est le seul et unique efficace et on n'a aucune idée comment ça va marcher.

On sait à date que tous les gens d'affaires, ils ont dit la même chose que vous, M. Dorval. Ce qu'ils ont dit, la chambre de commerce, ils ont dit : On veut avoir un plan, faites un plan avant. Elle ne l'a pas mis dans son communiqué de presse vendredi, mais ils demandaient de mettre un plan, dire comment vous allez le faire. Les banquiers, ils ont dit aussi que, la complémentarité, ils ont des inquiétudes, puis vous aussi, vous dites dans votre conclusion que c'est… «En somme, il importe d'abord et avant tout de se poser deux questions fondamentales — la première : Quelle sera la réelle valeur ajoutée de la BDEQ par rapport à ce qui existe déjà?» Ce qu'on lui dit : C'est quoi, la différence? Combien d'emplois de plus vous allez créer? Combien de dossiers de plus qu'on va traiter? Combien d'investissements de plus qu'on va aider? Parce que, là, on fait quelque chose, puis il faut que ça vaille la peine.

La deuxième question que vous posiez : La création de ce nouvel organisme est-elle vraiment nécessaire pour atteindre les objectifs? On a reçu tantôt l'économie sociale, la gang de l'économie sociale, et, lorsqu'on leur a posé la question : Vos demandes, là, ça peut-u se faire sans avoir la banque?, bien, après quelques questions, ils ont fini par dire timidement oui. On a posé aux CLD quelques questions dans la même direction, la réponse était oui. Il y a plein des gens… Évidemment, avec l'expérience on sait ça : lorsqu'on a une loi, une consultation, les gens en profitent pour arriver avec des demandes, des choses qu'ils veulent faire, puis là ce n'est pas… Mais à date il y a comme un consensus, tout le monde est arrivé là. La majorité des demandes peuvent se faire sans avoir la banque, sauf que les gens, ils disent : Si la banque là-bas est existante, je peux-tu avoir un poste de vice-président? Je peux-tu être dans le conseil d'administration? Est-ce qu'on peut améliorer les CLD? Mais, tout ce qu'on peut faire, on peut tout faire ça sans avoir la banque. Donc, on est exactement à la même place sur le questionnement.

Et vous, vous avez ajouté plusieurs éléments aujourd'hui, vous avez parlé de votre expérience de deux ans et demi. Nous, ce qu'on a soulevé : la fusion SGF-Investissement Québec, c'est deux organisations qui étaient dans le même secteur d'activité défini, c'est-à-dire Investissement Québec faisait des prêts, SGF faisait les garanties de prêt, puis là on a complété deux offres qui étaient ensemble, qui a permis… D'ailleurs, en passant, lorsqu'on a fait la fusion, on a mis un objectif d'économie de 15 millions et on l'a atteint. Sur les ressources humaines, il y avait un grand défi, ce n'est pas réglé non plus. En partie il est réglé, il y a des conventions collectives à signer. Mais là ce qu'on fait, là, on prend des parties du gouvernement du Québec, on prend des gens qui sont dans… Ils ont comme mandat de faire des stratégies, des politiques, ce qu'un gouvernement a besoin. Ce n'est pas une agence qui va faire ça pour un gouvernement. On a besoin des gens, les «brains», ces «brains» là, la matière grise, pour faire des politiques et des stratégies. Ce n'est pas l'organisation qu'on va évaluer sur son rendement qui va donner une stratégie. Hydro-Québec, c'est le gouvernement qui fait sa stratégie énergétique. Hydro-Québec fait sa stratégie de commercialisation, de business, mais c'est le gouvernement qui fait sa stratégie énergétique. Alors, à partir de la stratégie économique du gouvernement, on demande aux agences de réaliser la stratégie. Là, ce qu'on fait, c'est comme on dit à Hydro-Québec : Fais ta stratégie, fais tout ça, facture, fais les prix, puis organise avec tout, puis développe. Alors là, c'est la vision d'ensemble, et les objectifs gouvernementaux, des fois, peuvent être différents que les agences. Alors là, ce qu'on voit actuellement, ce qu'on a besoin, on n'est pas nécessairement… on ne va pas dire non à la banque, mais je pense qu'il y a des questions qui se posent qui nous permettent d'aller là, et ce que j'ai constaté dans votre mémoire.

Quand vous avez parlé du rapport Audet que je vais vous parler, que vous avez été un acteur important dans le rapport Audet, la mise en place du rapport Audet, un des éléments du rapport Audet — peut-être nous en parler davantage — c'était d'essayer de faciliter, simplifier, en fait c'est simplifier la réglementation pour les entreprises, et en fait on parlait, par exemple, d'avoir le transactionnel avec les entreprises davantage avec le gouvernement, d'avoir… Mettons l'entreprise, chez eux, ils peuvent avoir le transactionnel direct, et ce qui permet de simplifier la réglementation. Et je connais votre expérience. Vous savez que demain matin, à la banque — puis vous jouez un rôle important à la CSST — ça ne sera pas le conseiller de la CSST, en même temps, qui va parler d'investissement, va parler de bilan financier, va parler de relations de travail, va parler des fonds privés, va parler de capital de risque. On se comprend que l'agent doit être un superman qu'on va payer… On ne paiera pas un superman à 50 000 $ pour faire tout ça, là, avoir toute cette expertise-là. Donc, il y a une expertise qui manque aussi, il faut aller la chercher.

Alors, comment vous voyez la suite du rapport Audet par rapport au positionnement à la banque? Est-ce qu'on devrait davantage mettre le focus sur le rapport Audet puis essayer de rendre les services rendus par le gouvernement plus efficaces pour atteindre le même objectif, guichet unique et efficacité?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Merci. Mme la Présidente, un — je vais essayer de résumer brièvement — au niveau du rapport Audet ou des mesures de simplification, la première des choses, c'est certain que c'était destiné aux ministères, chaque ministère, de prendre des mesures au sein des ministères pour que ça aille plus vite. Je conviens que d'avoir un accompagnateur, puis surtout pour la petite entreprise, en particulier, c'est excellent, parce qu'un accompagnateur, ça aide une entreprise qui n'a pas beaucoup de services d'expertise à l'interne de faire le chemin dans le dédale, comme je le mentionnais tantôt, des 10 travaux d'Astérix ou quelque chose comme ça. Cependant, ça n'accélérera pas la prise de décision de tel ou tel ministère. Ça dépend d'abord et avant tout — c'était ça, l'essentiel du rapport Audet — de demander à chaque ministère de faire un bout de chemin.

Puis là on va se dire les choses telles qu'elles le sont. Actuellement, beaucoup d'entreprises sont freinées par des décisions qui prennent du temps au niveau du ministère du Développement durable, c'est clair que c'est un ralentissement énorme de ce côté-là. Je ne veux pas accuser le ministère, je ne sais pas, je ne comprends pas le processus exactement. Mais je sais une chose : il y a beaucoup de projets qui sont ralentis à cause… en tout cas qu'on me dit, là, qu'ils sont ralentis à cause de la lenteur de décision. Alors, si on rajoute un conseiller qui va amener l'entreprise à aller chercher son autorisation, c'est super, sauf que l'autorisation ne viendra pas plus vite.

Alors, pour répondre à votre question, pour répondre à la question du député de l'opposition, la première question qu'on doit se poser, c'est : Comment accélérer les décisions qui sont prises dans chaque ministère? C'est ça qui est le plus important. Mais il faut que ces décisions-là ne soient pas prises non plus de façon inconsidérée, là, d'une façon équitable, juste, et, je dirais, qui font du bon sens et qui font du jugement.

Pour ce qui est de la structure, et vous avez abordé rapidement tantôt les questions de conseil d'administration, etc., il y a un point très important qu'on mentionne dans notre mémoire. Peu importent les organisations gouvernementales, il faut que les profils des individus qu'on sollicite pour les conseils d'administration ou pour la direction, ce soient des gens qui sont reconnus pour des profils, avec une expérience reconnue. Et c'est pour ça d'ailleurs qu'on dit que, même les gens qui sont dans des conseils d'administration comme ceux-là, c'est important d'avoir une rémunération aussi pour s'assurer de leur implication et de leur travail à fond dans la recherche, dans l'étude et dans les décisions qui seront prises.

• (15 h 40) •

Pourquoi je vous dis ça? Rapidement, parce qu'il y a un autre constat que je fais actuellement, et ça, peu importent les couleurs politiques ou autres : on a et on continue de créer des agences. Moi, je ne suis pas contre ça, parce que la réalité, c'est qu'on cherche d'avoir des moyens, d'avoir plus d'autonomie, plus de flexibilité, etc., mais la réalité, c'est que c'est quand même aberrant de voir que parce que, la fonction publique, on n'est pas capable d'aboutir et d'arriver à nos fins on est obligé de passer en créant des agences à gauche, à droite pour obtenir la flexibilité qu'on n'est pas capable dans la fonction publique. Le vrai problème, c'est de se donner dans la fonction publique la flexibilité qu'on a besoin pour atteindre nos objectifs, pas de créer des agences. Et le plus drôle, puis je le vois, ça, certaines organisations où je suis présentement, c'est qu'après ça le Conseil du trésor va arriver avec des nouvelles politiques, des nouvelles directives, de toute façon, pour… en tout cas vous comprenez ce que je veux dire, là, mettre mur à mur les choses, ce qui fait qu'à la fin du compte, de toute façon, ils n'auront pas plus de flexibilité.

Alors, tout ça, là, c'est des beaux objectifs en théorie. Mais je reviens à la question de : Tous les chemins mènent à Rome. Il faut d'abord travailler sur ce qu'on a présentement, les individus, les ministères, etc., et ne pas penser que les agences qu'on crée par la suite vont régler le problème des autres. Et ça, c'est tous gouvernements confondus, ça fait que je ne fais pas de partisanerie ici quand je dis ça, là. C'est vrai pour tout le monde.

Mais, cela dit, on ne peut pas être contre les objectifs que la ministre a mentionnés, qu'on recherche. Puis en même temps c'est frustrant de voir qu'on est obligés toujours de passer par des structures puis des changements, etc., pour arriver à nos objectifs que normalement le gouvernement devrait arriver en disant : Bien, on va faire en sorte que, comme État, on va régler le problème, plutôt que de créer d'autre chose. Cela dit, c'est la réalité, on dirait.

La Présidente (Mme Vien) : M. le député.

M. Hamad : On a parlé de coordination interministérielle. Je me souviens, au ministère du Développement économique on avait des champions, ce qu'on appelait des champions. Quand il y avait une entreprise qui venait pour investir, on nommait un champion, et ce champion-là, à l'intérieur du ministère, faisait la coordination. Investissement Québec, c'est un joueur, puis des fois c'est le ministère des Finances que c'est un autre joueur, des fois c'est le ministère de l'Environnement. Et je me souviens qu'il y avait une minière qui avait à peu près… Une fois que le projet avançait, il y avait 14 ou 20 permis à obtenir — je ne vais pas la nommer — et là elle faisait face à un mur de permis à obtenir. Ça a pris, je pense, un an et quelques avant de l'obtenir. Alors là, il y avait un genre de coordination interministérielle à l'intérieur du ministère, mais Investissement Québec, les autres, c'était un joueur parmi d'autres, parce que ce n'étaient pas uniquement les Finances qui... c'est-à-dire ce n'est pas seulement le prêt qui décidait le projet, c'est l'ensemble des services. Et vous le mentionnez bien, l'environnement, c'est un élément important, dans un projet, parce que les permis peuvent affecter l'échéancier d'un projet. Puis, lorsqu'on veut avoir un retour sur le rendement plus rapide, l'échéancier est retardé, évidemment il y a des pertes à la fin de journée.

Il y avait aussi la coordination au niveau des permis. Par exemple, on parlait de construction, la disponibilité de main-d'oeuvre, etc., donc il y avait un autre rôle à jouer à ce niveau-là. Il y avait les Finances sur établir les crédits, etc.

Donc, comment aujourd'hui on arrive, on crée une agence ou une banque — en fait, c'est une banque — et là cette banque-là, elle va avoir le pouvoir de faire la coordination avec les autres, je pense que ça va être très difficile sur le plan opérationnel. Vous, là, dans votre mémoire, vous avez parlé de la valeur. Quelle est la valeur ajoutée de la banque? Qu'est-ce que vous vous attendez d'avoir comme valeur ajoutée?

M. Dorval (Yves-Thomas) : En fait, s'il y a une nouvelle organisation, la vraie valeur ajoutée, c'est très difficile à calculer, là, mais l'idéal, ce serait d'être en mesure de dire que, si on ne l'avait pas, on serait à un niveau x de projets financés, d'emplois créés, de toute une batterie d'indicateurs de nature particulièrement économique mais qui ont un impact direct… Quand on parle d'économie, là, ça a un impact direct sur le social aussi, c'est juste que, là, on l'aborde sur le plan financier, là, quand on parle d'une institution comme celle de la banque. Mais, si on implante ça, ça nous donne ça de plus comme valeur ajoutée; si on ne l'implante pas, on ne l'a pas. Alors, c'est ça, la vraie valeur ajoutée. Et, à mon avis… Encore une fois, je ne doute pas de la bonne volonté de tous les individus. On a à travailler, dans chaque ministère, dans chaque secteur, en fonction de chaque domaine d'intervention pour faire en sorte que ça aille plus vite et puis, quand je dis que ça aille plus vite, que ce soit plus... qu'on puisse l'appuyer.

Je pense qu'il y a des projets qui sont présentés actuellement, puis ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il y a beaucoup de cash, il y a beaucoup de liquidités dans certaines entreprises qui sont prêtes à faire certains investissements, mais il n'y a pas beaucoup de potentiel en termes de marché, parce que l'économie ne va pas nécessairement au plus rapide. Donc, les entreprises qui ont un investissement à faire, elles font du magasinage. Elles vont voir aux États-Unis, elles vont voir en Europe, elles vont voir au Canada, elles vont voir dans telle province, puis, au Canada, elles vont voir au Québec, en Ontario, en Colombie-Britannique, etc. Alors, ils sont en train, là… Ils ont le choix parce qu'il n'y a pas beaucoup de projets, ils ont le choix d'investir, puis là ils regardent qui va lui offrir la meilleure condition.

C'est plate un petit peu, là, parce qu'on est dans une surenchère. Ça fait qu'on voit des États aux États-Unis — on l'a vu, là — qui ont attiré des entreprises d'ici, qui les ont amenées chez eux parce qu'ils ont fait de la surenchère. Puis on dit : Dans certains domaines, il ne faut peut-être pas faire de la surenchère, parce que peut-être que la valeur ajoutée pour l'économie n'est peut-être pas là, alors… Mais ça prend une décision, ça, dans une politique.

Je pense que la ministre est en train de regarder une politique justement à ce niveau-là, mais une politique industrielle, là, une politique économique, là, de développement économique, ça inclut tout. Ça inclut l'innovation, ça inclut l'énergie, ça… Je regarde les projets actuellement qui sont présentés. Dans plusieurs cas, ce qu'on demande, c'est du terrain, c'est de l'énergie, c'est de la main-d'oeuvre, des relations de travail moins chères, des coûts de masse salariale moins chers, des coûts d'énergie moins chers, etc. Et le Québec se vante énormément de ses tarifs d'électricité. Je peux vous dire que, dans d'autres pays présentement, on la donne pratiquement, l'électricité, dans plusieurs cas. Pourquoi? Parce qu'ils ont vu là le moyen d'attirer l'investissement chez eux.

Alors, le produit derrière tout ça… Mais là je parle plus des moyens de grande entreprise, à ce moment-ci, ce qui est différent de la petite entreprise, je le conçois, mais là on parle d'une organisation qui fait de tout, là, hein, c'est pour ça que j'aborde cet aspect-là. Mais il y a la petite entreprise aussi qu'il faut s'occuper. Et je sais qu'il y a des bonnes intentions derrière la petite entreprise et l'accompagner à persévérer et à durer dans le temps, parce qu'on en a, de la petite entreprise qui est créée. Malheureusement, on a probablement plus de faillites de petite entreprise qu'on a vraiment, là, d'entreprises qui se développent et qui croissent. Alors, il y a du travail à faire dans tous les domaines. Il ne faut pas penser, là, qu'il y a un problème, il y en a plusieurs. Il faut attirer de l'investissement puis il faut en même temps faire en sorte que nos petits entrepreneurs puissent grandir. Et puis je sais que tout le monde est bien intentionné.

La Présidente (Mme Vien) : M. le député de Louis-Hébert, une question avec une réponse, brièvement.

M. Hamad : Combien de temps qu'il reste?

La Présidente (Mme Vien) : À peu près deux minutes.

M. Hamad : Deux minutes.

La Présidente (Mme Vien) : Trois minutes, pardon.

M. Hamad : Correct, on a du temps. Oui, je suis d'accord avec vous, M. Dorval. Je suis convaincu que le gouvernement est bien intentionné par ce projet de loi, c'est les questions qui se posent sur le chemin qu'on prend. Et je comprends de vous qu'évidemment cette inquiétude-là, en disant qu'il y a une inquiétude pour atteindre les objectifs, évidemment, c'est comme dans une entreprise privée : si on a des gros problèmes, à un moment donné on va négliger de s'occuper de la clientèle, s'occuper de la production, s'occuper de la comptabilité puis les finances, puis on va finalement faire reculer l'entreprise, peut-être aller vers la faillite. Puis ce que vous dites : Dans un contexte comme aujourd'hui, l'économie est fragile, très fragile. On voit déjà Radio-Canada qui dit : Avec les mesures du gouvernement du Québec, on va perdre 15 000 emplois. Et là ce n'est pas le temps de commencer à jouer dans les structures mais plutôt le temps de s'occuper directement de l'économie, puis essayer d'investir davantage, puis avoir des mesures concrètes qui amènent des rendements ou des investissements. C'est un petit peu ça que vous êtes en train de dire?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Ce qu'on est en train de dire, c'est qu'effectivement ce qu'il faut s'occuper, actuellement, c'est qu'il faut faire en sorte de maximiser les investissements à court terme, à moyen terme et à long terme puis il faut aussi faire en sorte d'aider le plus possible nos petits entrepreneurs à grandir.

Alors, je ne pense pas qu'on soit en désaccord ici sur les objectifs, encore une fois. Comment les atteindre, c'est une façon de voir les choses, mais, les entreprises, ce qu'elles veulent actuellement, au-delà d'avoir dans certains cas, pour les petites entreprises, un accompagnateur, là, ce qu'elles veulent avoir, c'est des décisions, des décisions rapides, des décisions structurantes. C'est ça qu'elles veulent. Puis évidemment je ne vous cacherai pas que ce qu'elles veulent aussi, c'est de voir réduire leurs taxes sur la masse salariale pour les aider à dégager plus d'argent pour investir, mais ça, c'est un autre débat.

La Présidente (Mme Vien) : M. Dorval, merci. M. le député de La Prairie, vous êtes prêt?

M. Le Bouyonnec : Oui.

La Présidente (Mme Vien) : C'est à votre tour.

• (15 h 50) •

M. Le Bouyonnec : Merci, Mme la Présidente. Tout à l'heure, j'ai oublié de saluer Mme la ministre, je m'en excuse. J'étais comme obnubilé par la présence de Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine, alors je vous ai oubliée.

M. Dorval, Mme Kozhaya, merci beaucoup. Merci pour la qualité de votre mémoire. Je pense que, malgré le peu de temps dont vous avez disposé, vous avez su bien faire avec peu de temps. Cependant — et je ne voudrais pas vous mettre les mots à la bouche, donc c'est pour ça que je vais tenter de vous poser quelques petites questions — j'en conclus de votre mémoire que vous reconnaissez que le but est noble, par contre que le moyen est discutable et puis que les résultats sont incertains.

Vous avez soulevé des points très intéressants où vous avez en fait mis en doute, d'une part, par exemple, le véritable guichet unique, c'est-à-dire la question de la coordination puis de la synchronisation. Allons-nous avoir vraiment un guichet unique et/ou unifié, dépendamment du terme qu'on utilise?

Vous avez aussi indiqué que, pour vous, la coordination interministérielle à travers une agence, c'était quelque chose qui n'était pas nécessairement compatible puis qui pouvait éventuellement créer des distorsions. Et d'ailleurs ça me faisait penser… C'est vrai que, si jamais quelqu'un se présente avec un chapeau de banquier pour aller frapper à la porte du ministère de l'Environnement sur un projet, par exemple, bien peut-être que ce fonctionnaire au ministère de l'Environnement va dire : Bien, écoute, toi, tu es un banquier; ton but, c'est de faire du rendement. Moi, mon objectif, c'est de défendre l'environnement. De ce fait, peut-être qu'un fonctionnaire, donc, du ministère d'Économie et Finances serait plus… mieux accueilli dans un cas comme le cas d'espèce que je vous mentionne, et donc que le soutien financier aux entreprises, qui est un métier très particulier, n'est pas nécessairement miscible avec de l'élaboration stratégique qui se passe à un autre niveau. Donc, en termes de structures, je retiens cette intervention de votre part.

Par ailleurs, il y avait quelques questions que j'avais. Je me disais : Êtes-vous en faveur… Et vous pouvez retenir les questions, compte tenu que j'ai peu de temps. Donc, vous allez pouvoir réagir à la fin de mon intervention.

Article 3 puis article 4.4°, la banque propose des services-conseils. Et donc, en tant que représentants du Conseil du patronat, est-ce que vous trouvez pertinent qu'une agence gouvernementale offre des services de soutien technique, de plan d'affaires, etc., en compétition éventuellement avec le secteur privé?

Deuxième question : Est-ce que vous trouvez que le nom est important, avec la dénomination «banque», sachant que c'est une loi fédérale, hein, la Constitution canadienne a fait en sorte que la Loi sur les banques est gérée par le fédéral? Est-ce que l'organisation pourrait continuer de s'appeler, selon vous, Investissement Québec — est-ce que ça fait une différence pour les entrepreneurs que ce soit un nom plutôt que l'autre? — et nous faire l'économie d'un débat fédéral-provincial?

Est-ce que vous trouvez aussi qu'il y aurait dû y avoir des économies au niveau d'attrition dans la fusion? C'est-à-dire que vous avez soulevé le fait que peut-être ça allait nous amener à avoir davantage de fonctionnaires sur le «payroll» du gouvernement plutôt qu'une diminution.

Et, simplement en conclusion, est-ce que vous trouvez qu'en termes de gouvernance le fait que nous ayons un conseil d'administration de la banque avec 13 membres et un deuxième conseil d'administration avec 11 membres en dessous… et avec Capital Émergence et Ressources sans conseil d'administration est une structure qui vous apparaît, dans les circonstances, adéquate?

La Présidente (Mme Vien) : M. Dorval, en substance et en synthèse, là, parce qu'il vous reste très peu de temps pour répondre.

M. Dorval (Yves-Thomas) : C'est évident que, comme représentant d'employeurs, à chaque fois que le gouvernement veut offrir des services-conseils, ça peut être une concurrence, à ce moment-là, avec le secteur privé qui fait la même chose. Alors, en ce sens-là, on n'est jamais favorables à la duplication de la concurrence, parce qu'il y a un côté qui est subventionné, l'autre qui ne l'est pas. Ça, c'est clair.

Cependant, il faut comprendre aussi que des petites entreprises parfois n'ont pas l'expertise, les ressources à l'interne, et ils ne sont même pas au courant de comment ils doivent procéder pour aller chercher l'expertise. C'est là où un accompagnateur, parfois… Je l'ai vu, moi, du côté d'Emploi-Québec, au niveau de la gestion des ressources humaines, par exemple, ou de la formation, hein? Avant de commencer à embaucher quelqu'un, venir faire la formation chez vous, il faut d'abord commencer à considérer qu'est-ce que sont mes besoins de formation. Alors, dans ce sens-là, il peut y avoir des services au niveau de l'État, au niveau des régions, au niveau de la petite entreprise qui peuvent être les bienvenus. Mais, quand on arrive à l'offre de services, là, à ce moment-là, ça devrait être plus une référence pour ce qui existe sur le territoire pour venir à l'aide que de remplacer des firmes existantes. Je ne sais pas si je suis clair de ce côté-là.

Au niveau de l'appellation de la banque, je vais être très clair avec vous. Je trouve que… En tout cas, il y a des associations qui vous diraient qu'elles ne veulent pas s'immiscer là-dedans parce que c'est politique. Moi, je pense que ce n'est pas utile, pas, en tout cas, avec le mandat qu'on voit là. Mais c'est là. C'est là depuis une plateforme, alors on va vivre avec. Parce qu'appeler ça… Moi, personnellement, ce n'est pas une banque, là, mais ça fait partie de la vie. C'est là, puis je ne commencerai pas à me battre contre ça. Mais ça, si vous me demandez mon opinion personnelle, ce n'est pas nécessaire d'avoir le mot «banque».

Au niveau de produire des économies, c'est clair. Si on fait une restructuration… Et ça, je peux vous dire que, dans toutes celles auxquelles j'ai passé, il fallait identifier la valeur des synergies et des économies qu'on va faire à travers ça et les atteindre, puis il y avait un suivi pour les atteindre. Si on n'a pas ça, évidemment, là, à ce moment-là, on ne rencontre pas un objectif de réduire les coûts de la fonction publique, etc.

Puis, quand j'ai parlé de la question des postes, ce n'est pas compliqué, dans la loi c'est prévu : un fonctionnaire qui ne veut pas intégrer la nouvelle agence, il va être intégré au gouvernement. Alors, si le gouvernement a besoin de beaucoup de main-d'oeuvre puis qu'il a de la misère à attirer de la main-d'oeuvre, c'est tel que tel, mais à quelque part tu vas être obligé quand même d'embaucher des gens dans les postes qui vont se vider. Donc, à quelque part, au total, il va y avoir une croissance, mais peut-être ça va répondre aux besoins du gouvernement dans d'autres ministères.

Mais rappelez-vous que beaucoup de cette main-d'oeuvre-là est dans les régions. Je ne suis pas sûr, sûr, sûr qu'ils vont réintégrer des ministères, je ne sais pas comment est-ce qu'ils vont procéder quand...

La Présidente (Mme Vien) : M. Dorval, je regrette, j'ai déjà accordé un peu plus de temps parce que j'en avais accordé aux autres collègues, mais je vais devoir vous interrompre. Toutes mes excuses. Merci de votre grande contribution.

Je suspends quelques instants, le temps de recevoir l'autre groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 55)

(Reprise à 16 heures)

La Présidente (Mme Vien) : Alors, nous reprenons nos travaux, nos auditions sur le projet de loi n° 36. Je vous rappelle que c'est la Loi sur la Banque de développement économique du Québec.

Alors, nous accueillons avec plaisir dans votre Assemblée, dans notre Assemblée nationale, le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité et son porte-parole, Gaston Bédard, directeur général par intérim. Bonjour, M. Bédard. Les dames qui vous accompagnent, vous nous les présentez. Et vous avez 10 minutes pour nous livrer l'essentiel de votre message.

Conseil québécois de la coopération
et de la mutualité (CQCM)

M. Bédard (Gaston) : Excellent. Merci beaucoup. Merci d'avoir pris quelques minutes pour nous recevoir, aussi entendre nos réflexions par rapport à ce projet de loi, le projet de loi n° 36. Effectivement, deux personnes m'accompagnent aujourd'hui, du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité : Mme Marie-Joëlle Brassard, qui est notre directrice de la recherche et du développement au conseil québécois, et aussi Mme Hélène Dumais, à ma gauche, qui assume la responsabilité des communications et des relations gouvernementales.

Je présume que vous connaissez bien le Conseil québécois, mais permettez-moi très, très brièvement de juste vous rappeler qui est le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité. Ça existe depuis 1940. Il réunit en fait, le conseil, l'ensemble du monde coopératif et mutualiste au Québec, que vous connaissez sûrement.

Quelques chiffres pour se rappeler l'ampleur de ce mouvement, qui est important au niveau social, au niveau économique aussi du Québec. C'est tout près de 100 000 emplois, en fait, actuellement dans le monde coopératif et mutualiste. Ce sont des actifs qui dépassent les 250 milliards de dollars, un chiffre d'affaires, en fait, pour l'ensemble du monde coopératif, qui est près de 30 milliards annuellement, c'est quand même considérable. Tout à l'heure, j'ai parlé de 250 milliards d'actif, j'ai bien dit des milliards. Ce sont des montants importants.

Vous savez que, dans les coopératives, on retrouve d'ailleurs dans notre monde coopératif le premier et le cinquième plus grand employeur au Québec, entre autres, par Desjardins et par La Coop fédérée. Et bien sûr le monde coopératif couvre beaucoup de créneaux, d'activités, que ce soit dans le domaine de la foresterie, des funérailles, de l'alimentation, de l'agriculture, de l'habitation, de la santé aussi, des services à domicile. Dans le domaine de l'éducation, nous sommes aussi présents, et d'autres secteurs que je passe rapidement.

Ça fait que c'est pour vous résumer qui était, en quelques mots, le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité mais se rappeler que c'est un lieu de convergence, un lieu de coordination, un lieu de rencontre, pour nous, et non une instance hiérarchique de ce monde de la coopération, qui est un monde très, très décentralisé.

Maintenant, au niveau du projet de loi n° 36, vous faire part, bien sûr, de certaines préoccupations, mais juste avant vous rappeler que, pour nous, on a l'impression, puis c'est heureux… Ça s'inscrit vraiment sous le signe de la pluralité à deux niveaux, en fait au niveau des acteurs — ça, c'est important pour nous, j'y reviens dans quelques minutes — et aussi au niveau des régions et des localités. Ça aussi, c'est sous le signe de la pluralité et, pour nous, c'est vraiment quelque chose qui est un plus, quelque chose qui est moderne, quelque chose qui est porteur pour l'avenir.

L'accès, en fait, je l'ai un peu mentionné, c'est important pour nous d'avoir cet accès unique, cet accès harmonisé qui touche aussi bien les entreprises dites traditionnelles ou privées que les entreprises coopératives, mutualistes ou encore les associations à activités marchandes. Donc, un lieu qui réunit tout ce beau monde-là pour contribuer au développement socioéconomique du Québec, pour nous, c'est un facilitant. On peut avoir d'autres moyens de le faire, mais c'est un des moyens qui peut être très intéressant.

Le deuxième élément qui, pour nous, nous paraît aussi important, c'est qu'on tient compte de l'ensemble des particularités des régions et aussi des localités. Ça, pour nous, c'est important, puis c'est bien précisé dans le projet de loi n° 36. On y retrouve à plusieurs places les ancrages régionaux, les ancrages au niveau local aussi. Pour nous, c'est un plus, surtout qu'on sait que les organisations coopératives, mutualistes plus particulièrement sont un peu partout au Québec. Donc, cet ancrage est un plus pour faciliter, bien sûr, nos relations avec la banque éventuellement.

Finalement, je dirais aussi que… Bien, je passerais directement aux recommandations, si vous me permettez, compte tenu du temps, en fait surtout nos réflexions. Il y a peut-être deux libellés qu'on aimerait voir bonifiés ou modifiés, au niveau du projet de loi, et quelques réflexions qu'on aimerait aussi vous soumettre très brièvement.

Au niveau du libellé, on voit dans le chapitre I, à l'article 2 plus particulièrement, qu'on parle des entreprises au tout début, et un peu plus loin on parle de soutenir les coopératives et les mutuelles. Pour nous, ça, puis on le dit bien dans notre mémoire, c'est important de bien voir les coops, les mutuelles comme des entreprises et non un secteur à part qu'on soutient. C'est plus qu'une suggestion. Pour nous, c'est un incontournable pour bien voir l'apport qu'on attend de ces entreprises plus collectives.

Le deuxième, en fait, c'est l'article 7, on va vous en parler tout à l'heure. On parle de complémentarité. Pour nous, c'est important de s'assurer que les activités de la banque, avec ses composantes, soient assurément complémentaires aux activités actuellement des forces ou des acteurs terrain, autant dans la partie financière que dans la partie des services. Et peut-être qu'à l'article 7 on pourrait bonifier le libellé. Je n'ai pas vraiment de suggestion concrète au niveau du mémoire, à ce niveau-là, mais verbalement vous dire qu'on pourrait parler d'une politique davantage pour parler de cette complémentarité, une politique ou des règles à établir pour parler de complémentarité. Pour nous, c'est important. Et je me permettrais également de suggérer éventuellement la mise en place d'un comité avec des partenaires terrain pour s'assurer des règles du jeu et de la mise en place de ces activités complémentaires. Pour nous, ça, c'est important.

Maintenant, quelques préoccupations également plus globales. L'expertise, si on veut soutenir le monde coopératif et mutualiste, ce sont des modèles d'organisation qui sont particuliers, qui ont du vécu, qui sont… je ne dirais pas à part, mais qui ont leurs particularités. Donc, il est important que la banque, dans sa restructuration, avec ses filiales, tienne compte des besoins d'expertise en matière de coop et de mutuelle pas juste dans l'attribution des fonds, éventuellement, ou soutenir au niveau des fonds, mais aussi au niveau des services-conseils qu'on va retrouver éventuellement dans la DEQ, si je ne me fais pas défaut puis si je ne me trompe pas, et ça, ça va être important de développer, s'assurer d'avoir une bonne expertise. Et on dit bien dans notre mémoire également que, cette expertise, on peut aller la chercher en complémentarité ou en soutien aussi avec les secteurs coopératifs qui existent un peu partout au Québec et aussi des modèles de coopérative qui sont déjà en région comme les coopératives de services, les coopératives de développement régional. Ça fait que ça, c'est, pour nous, important. Donc, l'expertise, on a beau avoir la plus belle structure du monde, mais, si on n'a pas l'expertise ou la compétence nécessaire, je ne suis pas sûr qu'on va pouvoir vraiment aider ces entreprises-là à aller chercher leur plein potentiel.

La banque, pour nous, est importante. On a des créneaux d'excellence sur lesquels on est très actifs, on parle des énergies renouvelables, de l'économie de proximité, et, pour nous, il est important — puis c'était une réflexion — que la banque consacre aussi… réserve des fonds et de l'expertise pour soutenir cette forme d'économie à développer davantage au Québec. Et on sait que les coops et les mutuelles sont très, très présentes.

D'ailleurs, vous avez à la page 24 un ensemble d'exemples qui sont travaillés actuellement par La Coop fédérée, et, aux pages 13 et 14 de notre mémoire, on parle bien d'énergie renouvelable et les différentes d'activités que l'ensemble du monde coop… sur lesquelles ils sont au niveau des énergies renouvelables. Je vous rappelle d'ailleurs qu'on a publié en 2011 — Mme Brassard, c'est bien ça? — un document qui rappelle nos actions en matière d'économie d'énergie renouvelable.

Et finalement c'est la même chose au niveau des économies de proximité. On explique un peu davantage c'est quoi, l'économie de proximité. En fait, c'est du développement économique des régions par les régions, pour les régions. Puis on a un exemple qui est un grand succès depuis des années, qui est Boisaco, à Sacré-Coeur. C'est un exemple d'économie de proximité qu'on doit, selon moi, soutenir davantage, et la banque a un rôle à ce niveau-là également à jouer dans ses programmes éventuellement à mettre en place.

Mme Zakaïb nous a aussi annoncé dans son communiqué de presse la mise en place éventuelle d'une vice-présidence d'économie sociale. On salue cette initiative éventuellement. On souhaiterait seulement que cette vice-présidence soit, dans le nom, davantage représentative des entreprises qu'on veut soutenir par cette vice-présidence. Si on parle de coops, de mutuelles, d'associations à activités marchandes, nous, on dit : Pourquoi qu'on ne parle pas d'une vice-présidence en lien avec ces secteurs d'activité ou ces secteurs d'entreprise carrément?

Et finalement, le dernier, en fait, c'est un programme qui existait déjà, qui est arrêté, qui n'a pas été renouvelé en 2012. C'est le programme d'aide à la capitalisation des entreprises d'économie sociale, qui, j'imagine, va se retrouver dans les activités éventuelles de la banque, de la façon qu'on définit la banque et ses activités. Ce programme a été arrêté en 2012. C'est un programme qui était apprécié, qui a fait vraiment beaucoup pour les petites entreprises d'économie sociale, des coopératives aussi au Québec.

En fait, permettez-moi quelques chiffres. De 2002 à 2012, c'est un total de 295 millions d'investissement qui a été fait à partir de ce programme, 1 684 nouveaux emplois, donc tout près de 1 700 emplois, et un maintien de tout près de 2 200 emplois. Donc, c'est un programme qu'on souhaite, via la banque ou via une autre structure, qu'il soit remis en place.

Ça faisait le tour principalement de nos réflexions et quelques suggestions également, Mme Vien.

• (16 h 10) •

La Présidente (Mme Vien) : Bien, on vous remercie infiniment. Vous avez été très discipliné, M. Bédard. Alors, la parole, maintenant, est au côté ministériel, Mme la ministre, pour environ 16 minutes, et je vous cède la parole maintenant.

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. M. Bédard, Mme Brassard, Mme Dumais, bonjour. Ça nous fait plaisir de vous avoir avec nous. Merci d'avoir pris du temps puis des énergies pour déposer un mémoire qui est très complet.

J'aurais quelques questions. Vous semblez voir une différence entre les termes «économie sociale» et «économie sociale, coopératives et mutuelles». Certaines personnes pourraient penser que ce n'est que de la sémantique, mais pourriez-vous nous expliquer en quoi c'est si important de toujours dire «sociale, coopératives et mutuelles»? Et en quoi l'économie sociale n'englobe-t-elle pas également les coopératives et les mutuelles?

M. Bédard (Gaston) : En fait, j'aurais aimé garder cette réponse-là quand on va parler de la loi-cadre sur... ou la loi en économie sociale, mais permettez-moi un début de réponse quand même.

Notre appellation, peut-être qu'elle n'est pas claire. En fait, on ne veut pas parler nécessairement d'économie sociale, coopérative et mutualiste. L'économie sociale peut inclure effectivement les coopératives, mais, pour nous, il est important, surtout qu'on sait que les coops et mutuelles représentent plus ou moins 75 %, 80 % de l'économie sociale plus privée — on ne parle pas de l'aspect État, si vous me permettez — de mieux définir les entreprises concernées. Donc, quand on parle d'économie, on parle d'économie sociale, qui réfère aux coops, aux coopératives, aux mutuelles et aux associations, mais pas toutes les associations, parce qu'il y a des associations qui sont plus communautaires. On parle des associations à activités marchandes, donc économiques avec des finalités sociales comme les coops, comme les mutuelles, je le définis dans mon sens. Donc, éviter toute ambiguïté par rapport à la forme d'entreprise qui est concernée par l'économie sociale. C'est pour ça que, pour nous, c'est important d'amener, tu sais, plus que de la sémantique ou juste un libellé. C'est de bien reconnaître… en fait plus que reconnaître. C'est de faire un appel, via un nom, un appel, aux coopératives et aux mutuelles, si je parle de ces deux-là plus particulièrement, à leur contribution au développement comme elles le font actuellement, au développement socioéconomique du Québec.

Puis une petite histoire rapide, très brève. Ici, on a aussi d'autres organisations, jusqu'à aujourd'hui, qui représentaient l'économie sociale par leur appellation. Ça aussi, ça apporte de la confusion. Puis on en a jasé avec beaucoup de personnes qui sont dans le marché de tous les jours, là, dans le développement, ils disent : Où vous vous situez? Vous n'êtes pas de l'économie sociale. On est-u en train de vous ramener sous le chapeau de l'économie sociale? On dit : Non, on est de l'économie sociale, mais c'est une famille parmi d'autres familles de l'économie sociale active.

Donc, j'essaie de vous répondre en disant : C'est important. Plus que de la reconnaissance, c'est comme s'assurer qu'elles sont bien incluses dans cette forme d'économie qu'on appelle économie sociale.

Dans d'autres pays, pour avoir fait un petit peu de recherche… je ne suis pas l'expert des experts, ce serait plus Mme Brassard qui est beaucoup plus experte que moi en cette matière, mais en fait il y a moins de confusion ailleurs, puis ils peuvent parler d'économie solidaire, sociale et solidaire… ou il y a différents noms, là, qu'on a osé mettre dans notre prochain mémoire, si vous nous appelez ici, qui va expliquer un petit peu davantage, d'ailleurs, le pourquoi.

Mais, quand on parle de la vice-présidence, si vous me permettez, Mme Zakaïb, la vice-présidence, on parle de quelque chose de beaucoup plus technique. C'est un peu comme si on parle d'une vice-présidence du développement du secteur agroalimentaire, on va parler d'une direction qui touche tel secteur. Là, ici, cet appel, ce n'est pas juste cet appel de coeur, on le dit aussi pour que les entreprises concernées par cette vice-présidence-là soient bien comprises, c'est clair où elles sont attachées pour être soutenues. Ça fait que c'est dans ce sens-là ici qu'on parle davantage d'un nom qui est beaucoup plus évocateur des entreprises qu'on veut soutenir.

Mme Zakaïb : Ensuite, je vais revenir sur l'article 2 de la loi. Vous suggérez une modification pour que le premier alinéa… Puis là je vais lire le texte, on dit : «Ces interventions peuvent, notamment, viser à soutenir…» Là, on parle des interventions de la banque dans le cadre de la grande mission générale qu'on lui donnerait, qui est de soutenir notamment par des interventions financières le développement économique du Québec dans toutes ses régions, conformément à la politique économique du gouvernement. Ces interventions, donc, peuvent notamment viser à soutenir… Le premier alinéa dit : «1° la création, l'implantation, la croissance et la rétention des entreprises au Québec», et vous voudriez modifier ça pour «des entreprises privées, coopératives, mutualistes et des associations à activités marchandes» et, si j'ai bien compris, donc, biffer le quatrième paragraphe qui dit : Soutenir le secteur de la coopération et l'économie sociale. C'est ça, votre demande? Et je comprends que vous voulez faire ça parce que, selon vous, ce n'est pas un secteur, la coopération et l'économie sociale, mais c'est transversal. Est-ce que c'est ça, le but de votre…

M. Bédard (Gaston) : C'est exactement ça, Mme Zakaïb. C'est que, pour nous, on considère les coopératives et les mutuelles comme des entreprises avec des finalités qui sont différentes. C'est sûr qu'on ne cherche pas l'optimisation de notre capital, ce n'est pas ça qui est cherché par le monde coopératif et mutualiste, je pense que c'est bien connu, mais on veut le voir vraiment comme des entreprises qui contribuent au développement socioéconomique du Québec, comme vous le souhaitez. Et enfin le quatrième alinéa de cet article, l'article 2 du chapitre I, c'est qu'on ne veut pas se voir juste comme un secteur aux côtés mais bien partie prenante.

Ça fait que… Est-ce que le libellé qu'on vous propose est exact? Vous l'avez dit tantôt, en peu de temps on a dû travailler à une réflexion. On a consulté un peu notre secteur, parce que vous comprenez que le conseil québécois, c'est un peu tout le monde, ce n'est pas nous tout seuls dans notre bureau. Ça fait qu'il semble qu'il se dégage un consensus d'essayer de bien faire reconnaître que le monde coopératif et mutualiste, ce sont des entreprises, puis bien le voir soit dans le premier alinéa ou le voir autrement dans l'article — là, on vous a fait une première suggestion — ce qui n'empêche pas, comme on a dit dans le sous-alinéa 1° qui est proposé, de reconnaître des particularités dans leurs modèles de gouvernance.

Mme Zakaïb : Avez-vous des questions, mes collègues?

La Présidente (Mme Vien) : Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine ou M. le député de Berthier? Mme la députée.

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Peut-être, oui, merci.

La Présidente (Mme Vien) : Oui, allez-y, je vous en prie.

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Alors, bonjour. Vous avez parlé… Dans vos préoccupations au niveau de l'expertise, justement, est-ce que la Banque de développement aurait l'expertise pour travailler avec les coopératives, tout ça? Est-ce que vous pouvez nous en dire plus par rapport à ça, réexpliquer peut-être un petit peu plus en détail?

M. Bédard (Gaston) : En fait, si vous me permettez, je n'ai pas utilisé «aurait de l'expertise». Ce n'était pas sous forme de question comme sous forme de préoccupation, sans vouloir vous reprendre, respectueusement. C'était que, pour nous, c'est important de s'assurer que la banque, dans ses intentions, tout comme on l'a vu dans d'autres structures qui existent actuellement, il y ait une certaine expertise. Il y a des expertises qui se sont perdues, d'autres expertises qui se sont ajoutées. Nous, il est important, dans ses composantes, aussi bien dans sa décentralisation souhaitée, dans ses portes d'entrée locales, de s'assurer que, les gens, pour bien soutenir ce modèle d'entreprise, il y ait de l'expertise.

Vous savez, quand on a rencontré de vos gens du ministère au Trésor, je leur ai un peu expliqué, surtout avec la loi n° 1 sur les contrats publics, qu'il y a des choses qui nous paraissent difficiles, nous, à atteindre en termes d'attentes, parce qu'on est des coops puis on ne peut pas demander des cautionnements à tous les propriétaires tandis qu'on a peut-être 1 000 membres, ou 1 million de membres, ou 5 millions de membres. Là, je vous donne un exemple un peu simple, mais c'est surtout ça qu'on veut s'assurer, que, dans la bonne volonté de supporter ces organisations-là pour qu'elles continuent à prendre leur envol, continuent à apporter de la richesse pour le Québec… s'assurer qu'on a l'expertise pour nous soutenir.

Ça fait que, l'expertise, il y en a localement aussi, puis on vous dit dans nos propos, dans le mémoire, que ça va nous faire plaisir aussi de contribuer dans des analyses ou autres, par nos secteurs d'activité ou nos personnes, à cette expertise-là, sans prétendre remplacer votre expertise. Est-ce que ça répond, madame?

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : …je pense, ça éclaire. Et comment la Banque de développement pourrait, justement avec l'expertise, accélérer ou diversifier le développement des coopératives sur le territoire? Comment vous voyez le lien entre le développement des coopératives sur le territoire et l'action que pourrait avoir la banque?

• (16 h 20) •

M. Bédard (Gaston) : Dans notre mémoire, on est revenus sur des éléments qui… Je ne sais pas si on a utilisé la bonne sémantique. On a fait attention de ne pas parler de fonds dédiés, parce que c'est une autre chose. On a parlé, bien sûr, d'énergie renouvelable, on a parlé d'économie de proximité. On n'a pas parlé de coopérative de proximité mais d'économie de proximité. J'ai donné l'exemple de Boisaco, qui est bien étoffé dans notre mémoire aussi. Et on dit que la banque, outre son expertise-conseil, en complémentarité avec ce qui existe dans nos secteurs d'activité, que ce soit à La Coop fédérée, a déjà beaucoup d'expertise; qu'on parle de Desjardins, a beaucoup d'expertise; qu'on parle de mutuelle, a beaucoup d'expertise. Il faut que ce soit complémentaire, surtout pour les coops un petit peu plus humbles en termes de structure, d'organisation.

Et aussi, au niveau des fonds, on a parlé des fonds réservés ou des argents qui aident cette économie de proximité qui est surtout supportée par des coopératives, beaucoup par des coopératives et des mutuelles, et, pour nous, il faut avoir des programmes incluant des fonds pour soutenir surtout le démarrage et certaines initiatives d'économie de proximité ou encore dans le domaine des énergies renouvelables où on a besoin également d'avoir des fonds de démarrage, surtout des fonds quand on explore des nouveaux secteurs d'activité, qu'on puisse avoir des fonds qu'autrement on en a moins dans les organisations qui existent déjà, qui soutiennent le développement coopératif, mutualiste et aussi associatif à valeur marchande dont on retrouve dans le mémoire, parce qu'on a donné toute une série d'exemples déjà d'institutions, d'organisations financières qui soutiennent le monde coopératif, mutualiste et associatif.

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : …complémentarité, c'est…

M. Bédard (Gaston) : Complémentarité, effectivement.

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Oui, ça va dans ce sens-là, je pense. Alors, je vais laisser Mme la ministre…

La Présidente (Mme Vien) : Merci, Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine. Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Oui. Je vais revenir sur la complémentarité. Tous les groupes nous en parlent, tous les groupes nous parlent de complémentarité, et je me rends compte que, malgré tous les efforts qu'on a faits quand on a rédigé la loi, il y a place à amélioration. Alors, plusieurs groupes nous ont suggéré, à bon escient, je crois, de modifier l'article 7 pour ajouter un cinquième alinéa qui parlerait de complémentarité. Puis d'ailleurs, dès que ce sera possible, on déposera… — je pense que ça s'appelle un papillon — pour parler de complémentarité.

Chez vous, quand on parle au niveau des coopératives, je pense que c'est un peu comme pour les gens d'économie sociale qui sont venus avant vous. Mon expérience ainsi que les différentes rencontres que j'ai eues avec les gens de ce que j'appellerais la propriété collective me disent que le plus grand enjeu, c'est l'absence de capital, en fait l'absence de fonds propres, parce que, que ce soient des coopératives d'économie sociale ou des OBNL, il y a peu d'argent investi par des investisseurs. Alors, il y a l'effet de levier qui est très grand, il y a beaucoup de prêts.

Quels sont, selon vous, les outils financiers qui pourraient être utilisés pour justement pallier à ce manque de fonds propres? Puis peut-être que, quand vous parliez du programme d'aide au soutien, là, qui a été arrêté en 2012… Vous y faisiez référence, mais, comme je ne connais pas beaucoup ce programme-là, est-ce que vous pourriez nous donner plus de détails quant au besoin d'outils financiers pour vraiment être capable de donner aux coopératives ce dont elles… de leur fournir ce dont elles ont besoin en termes de capitaux?

M. Bédard (Gaston) : Pour ce qui est du programme d'aide à la capitalisation, ça touchait davantage les petites coops. C'est un programme qui a été intéressant, qui allait sur du capital de risque où on était moins admissibles pour des prêteurs traditionnels. Même dans le monde coop ou le monde de l'économie sociale, O.K., il y a comme un démarrage où on a besoin d'un partenaire, un grand frère, puis ça, ça a aidé à créer… Il y a eu 300 ou 400 projets, plus de 300 projets qui ont été réalisés, puis ça a créé de l'emploi.

Ça, c'est une chose, mais je faisais référence à d'autre chose, si vous me permettez, Mme Zakaïb. Ça, c'est important, je ne veux pas sous-estimer ce programme-là qui a fait ses preuves puis qui a aidé. Puis on sait que les petites entreprises ou petites organisations coopératives peuvent devenir grandes un jour si c'est nécessaire. Si ce n'est pas nécessaire, on ne concourt pas à être grand nécessairement.

Par contre, on en a beaucoup d'autres, comme on l'a mis dans notre mémoire, beaucoup d'autres organisations qui soutiennent le capital de nos coops, que ce soit CRCD, via des programmes bien arrêtés, que ce soit Fondaction, Filaction. On en a toute une série, même des fonds qui existent, de disponibles via nos CLD, au niveau des régions. Il y a déjà des choses de… Puis, les gens, ce qu'ils me disent, c'est qu'on a des fonds, mais on n'a pas toujours les demandes, puis certains disent : Il manque de fonds. Je pense, actuellement, on est en train de s'organiser pour en avoir un peu plus, de fonds, puis il y en a. Mais il y a la phase I de démarrage, la phase exploratoire, la phase où on est ambivalent entre deux, où les gens sont prêts à mettre… les communautés sont prêtes à mettre un peu d'argent, mais on a besoin d'un coup de pouce, un grand frère — je vais l'appeler ainsi, si vous me permettez — et là la banque, elle peut contribuer.

Je comprends très bien les objectifs de rentabilité, de saine gestion des fonds publics. J'ai bien vu ce que vous avez dans le projet puis moi-même, comme payeur de taxes, d'impôt, je salue cette prudence-là par rapport à nos argents qu'on confie à l'État pour stimuler l'économie. Par contre, il y a un réel besoin de ce côté-là, de ce capital-là. Ce n'est pas juste de la capitalisation pure, c'est du capital de démarrage, d'exploration, puis ça, c'est important. Dans les régions surtout, en énergie renouvelable, c'est doublement important, puis en économie de proximité c'est doublement important.

On a réussi avec Boisaco. Si vous lisez la petite histoire de Boisaco, on a une SPEQ là-dedans, il y a plusieurs choses. Ça a été vraiment formidable puis c'est encore un grand succès aujourd'hui. Il faut doubler, tripler, quadrupler ce genre d'initiative puis qui nous amène à rayonner à l'extérieur du Québec avec ce genre d'organisation. Je ne sais pas si ça répond en partie à votre question.

Mme Zakaïb : Je pense que mon collègue avait une question aussi.

La Présidente (Mme Vien) : M. le député, rapidement.

M. Villeneuve : Je lance…

La Présidente (Mme Vien) : Mais vraiment rapidement. Il reste une minute, question et réponse.

M. Villeneuve : Oui, merci. Je lance quelques chiffres… Bonjour à vous d'abord. Je lance quelques chiffres : économie sociale, 7 000 entreprises, plus de 100 000 emplois, 8 % du PIB. C'est quand même quelque chose de… c'est considérable quand on est rendu à cette hauteur-là. Et ma question, dans le fond, c'est — je ne sais pas si c'est chiffré ou chiffrable : Est-ce qu'Investissement Québec, présentement, c'est suffisant comme… Et je pense que la réponse sera : Ce n'est pas suffisant. Vous venez de le dire en partie, là. Mais est-ce qu'on est capable de chiffrer les projets qui… les entreprises qui ne naissent pas, ou qui ne démarrent pas, ou qui s'arrêtent parce que justement ce capital de risque là ou ces argents-là ne sont pas là pour soutenir ces entreprises-là? Est-ce que c'est chiffré? Est-ce que c'est chiffrable? Est-ce qu'il y a un travail de fait à ce niveau-là pour faire une évaluation au niveau national?

M. Bédard (Gaston) : Non. Malheureusement, au moment où on se parle, il y a, bien sûr, quelques écrits, mais je n'ai pas des données qui seraient valables à vous présenter aujourd'hui de ce côté-là.

Souvent, les initiatives, par contre, ce que je dois vous dire puis ce qu'on nous dit sur le terrain, elles meurent un peu dans l'oeuf parce qu'ils savent qu'ils n'ont pas accès à certains fonds exploratoires, puis ça s'arrête là souvent, à part de quelques cas d'exception qui persistent énormément. Mais sinon… C'est ce qu'on nous dit. Mais, les autres données, je n'ai pas de données assez exactes à vous fournir actuellement.

La Présidente (Mme Vien) : Merci. Merci, M. Bédard. Merci beaucoup. Merci, M. le député. M. le député de Louis-Hébert, c'est à votre tour.

M. Hamad : Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Bédard, bienvenue à l'Assemblée nationale. Mme Brassard, Mme Dumais. Honnêtement, je suis resté sur mon appétit un petit peu, j'avais envie d'en savoir plus, puis une chance qu'on a 20 minutes pour vous poser des questions.

D'abord, j'ai constaté… Vous parlez du modèle Boisaco. Vous êtes très fiers de ce modèle-là puis vous trouvez que c'est un succès au Québec.

M. Bédard (Gaston) : Boisaco est un bel exemple, puis il y en a d'autres quand on parle de grandes coopératives. Mais parlons de Boisaco, qui est une coopérative à la fois de proximité, une coopérative de solidarité, une coopérative de travailleurs. C'est un modèle hybride pas mal le fun qui à quelque part a… je ne dirai pas «a sauvé une région», ce serait prétentieux, mais qui a gardé une vitalité économique bien importante dans la région puis en plus a développé au fil du temps, avec une contribution des partenaires locaux, aussi, je dirais, une expertise, un savoir-faire qui est encore très présent aujourd'hui.

M. Hamad : Vous savez que Boisaco, c'est un modèle d'intervention que le gouvernement a fait dans les dernières deux années, et on a réussi à sauver Boisaco de la faillite, là, vous êtes au courant de ça. Donc, le modèle qui était en place, il était tellement efficace que vous l'avez mis dans votre mémoire pour parler de Boisaco. Il y a eu des coordinations interministérielles, il y a eu des interventions au ministère, il y a eu des interventions d'Investissement Québec. On a travaillé avec les actionnaires, surtout la coopérative, puis on a réussi tous ensemble de faire… de réussir de mettre Boisaco… Puis vous voyez que vous êtes très fiers.

Donc, dans la même veine, là, si je prends Boisaco, puisqu'elle est citée dans votre exemple, quelle est la différence aujourd'hui, si on a la Banque de développement, par rapport à l'ancien modèle pour Boisaco? Qu'est-ce que ça ferait? Quelle est la différence de plus? Est-ce qu'on fait un plus gros Boisaco? On va-tu créer deux fois Boisaco, avec la Banque de développement, ou ça serait le même modèle qu'aujourd'hui?

M. Bédard (Gaston) : Vous allez peut-être trouver que je radote un peu, M. Hamad, mais je vais me permettre juste de revenir sur des propos de départ, parce que je ne peux pas vous dire que ce serait un plus gros Boisaco, ou un plus grand succès, ou un moins grand succès. Je dois être honnête avec vous, je dois vous répondre avec transparence. Sauf que, si on a un lieu unifié, un guichet unique davantage harmonisé, convergent sur les actions, que ce soit au niveau national qu'au niveau local ou régional, il me semble… Puis je vous ai entendu tantôt dans votre intervention — permettez-moi d'y revenir — en disant : C'est sûr qu'on ne peut pas être contre ce genre de modèle qui créé ça. Il faut juste s'assurer… C'étaient nos propos de départ, si vous me permettez, de s'assurer que… Quand on arrive avec quelque chose de nouveau, il y a toujours des gains et des pertes. Il faut s'assurer qu'on ne perd pas ce qui est essentiel en termes de plus qu'on avait déjà. L'expertise, il faut la retrouver, sinon la développer; la coordination, la développer encore davantage. On a une plateforme peut-être qui est unique qui va faciliter ça. Le lien ou l'ancrage avec les régions, il faut s'assurer que, ce qu'on a déjà, on le bonifie avec le nouveau modèle. Ce serait une tentative de réponse, M. Hamad, là.

• (16 h 30) •

M. Hamad : Si je reviens à vos recommandations, maintenant, je prends… Vous avez sept recommandations, alors, à la page 22, et nous avons pris le temps de regarder vos recommandations. Je pense que les premières quatre recommandations, ça va dans le sens : Si la banque existe, bien on vous recommande de faire ça, coordination, avoir les ressources puis… autrement dit comment on peut améliorer la présence de la banque si elle existe. Donc, ça, c'est conditionnel que la banque existe. Ça ne change rien demain matin pour vous, parce que, si la banque n'est pas là, bien ça ne s'applique pas.

Par contre, il y a trois autres recommandations, 5, 6, 7, que vous recommandez des choses que le gouvernement doit faire. La première, c'est le développement des énergies renouvelables et des projets qui reposent sur l'économie de proximité. Vous demandez à la banque, mais cette demande-là peut être faite au gouvernement, de dire : Investissez sur les énergies renouvelables, et ce que le gouvernement fait maintenant, le gouvernement précédent a fait.

Donc, vous, vous dites que ça, c'est une bonne piste, continuez à le faire. Mais est-ce que ça prend une banque pour investir dans les énergies renouvelables?

M. Bédard (Gaston) : Est-ce que vous me posez la question?

M. Hamad : Oui.

M. Bédard (Gaston) : Écoutez…

M. Hamad : Est-ce que ça prend une banque?

M. Bédard (Gaston) : Oui, bien je… En fait, je ne sais pas. Je fais juste vous dire que, pour nous, c'est une préoccupation, d'investir dans ces énergies-là. Si on crée un lieu, je dirais, qui tend à essayer de cerner des priorités davantage comme c'est écrit dans le projet puis que, la mission de la banque, on dit que là-dedans il y a un créneau, selon nous… on va laisser vos experts regarder ça également, selon nous est un lieu important, puis que la banque devrait aussi réserver, parce qu'elle est là pour investir, des fonds en démarrage, en exploration ou autres dans cette forme d'économie. Si on n'a pas la banque, selon moi, M. Hamad, il faut y réfléchir aussi pour trouver une manière de faire qui fait en sorte qu'on soit bien coordonnés pour supporter ces énergies renouvelables, cette économie d'énergie renouvelable et les économies de proximité, comme on a parlé tout à l'heure.

M. Hamad : Dans le passé… Bien, jusqu'à aujourd'hui, puisque la banque n'est pas là, vous travaillez… Mme Simard, dans le temps, travaillait avec votre président, dans le temps il y avait un président qui était là. Vous travaillez avec le gouvernement, le ministère. Vous avez une excellente relation, je pense, en tout cas ce que les gens me disaient, peut-être ce n'était pas le cas. Et vous avez un lien très privilégié avec le ministre, le gouvernement, le ministère, et on travaille ensemble les programmes. Et d'ailleurs je ne sais pas si vous vous rappelez, vous faites partie intégrante de la stratégie de l'entrepreneuriat et vous avez… il y avait deux éléments, le modèle coopératif, une force à développer.

Donc, vous avez réussi quand même, par l'importance de votre industrie, de votre rôle dans l'économie, d'être intégrés dans la stratégie d'entrepreneuriat et vous avez des liens très privilégiés avec le ministère, hein? Et là on crée une structure entre vous et le ministère qui s'appelle la banque. Là, vous allez avoir le banquier pour parler de vos affaires puis les stratégies.

Comment vous allez vous sentir là-dedans, vous, là, avec une nouvelle structure? Entre le ministère puis vous, il va y avoir une structure. Donc, vous pouvez aller, bien sûr, voir la ministre, je suis convaincu qu'elle va vous accueillir, mais là la ministre va dire : Bien, je vais regarder à la banque sur les stratégies. Donc, il y a une structure entre vous deux maintenant. Comment vous voyez ça, vous?

M. Bédard (Gaston) : En fait, notre réflexion, qui a été de courte durée, parce que vous savez qu'on nous a déposé le projet de loi ça ne fait pas tellement longtemps, on ne s'est pas vraiment arrêtés sur la structure. On apprécie, et vous l'avez dit, jusqu'à maintenant le lien privilégié qu'on a avec ce qu'on appelait autrefois le MDEIE, aujourd'hui qu'on appelle le MFE — MFE, en fait, on devrait dire. On apprécie ce lien-là. Puis on sait que la banque est sous, aussi, ce ministère-là, et, pour nous, ça, ça nous… je ne dirais pas «nous conforte», mais ça nous dit qu'on maintient cette relation qu'on a privilégiée d'affaires, de soutien.

Maintenant, via la banque, est-ce qu'il va y avoir autant de fluidité? Nous le souhaitons. Même si on ne l'a pas écrit dans notre mémoire, ça, c'est important, de ne pas créer de structure qui fait que ça alourdit notre approche, mais que ça demeure aussi fluide qu'on a actuellement.

Par contre, et je le redis, ce qu'on apprécie, actuellement on avait des instances qui existaient. Là, on va comme travailler avec une instance plus unifiée. Si c'est le cas, si ça fonctionne, ça pourrait être un facilitant, c'est bien sûr. On l'espère.

M. Hamad : Vous pensez que ça va être unifié? Si vous avez, mettons, des problèmes d'exportation pour vos coopératives, vous allez passer par la banque pour faire l'exportation. Si vous avez un problème d'environnement, vous allez passer par la banque. Si vous avez, je ne sais pas, moi, au niveau fiscalité, parce que vous avez beaucoup d'éléments de fiscalité… Je me souviens quand je vous ai visités, là, puis rencontré tous les membres du conseil d'administration, il y avait plein de questions qui ne touchaient pas uniquement ce que le ministère du Développement économique faisait. Alors, vous pensez que la Banque de développement va répondre à toutes ces questions-là?

M. Bédard (Gaston) : Non.

M. Hamad : Non. O.K.

M. Bédard (Gaston) : Non, absolument pas.

M. Hamad : Donc, ce n'est pas unifié, unifié, là, c'est impossible.

M. Bédard (Gaston) : Je pense que la banque va... Selon ce que nous, on a vu, il y a des éléments auxquels elle s'engage à répondre, puis il y a des éléments qui vont appartenir, selon nous, encore à d'autres ministères, ou d'autres spécialités, ou d'autres instances, ou d'autres structures.

M. Hamad : Donc, ce que vous dites : Il faut que la banque engage d'abord des experts pour comprendre votre business, ce que vous recommandez, hein, avoir des experts. Quand ils vont traiter des dossiers de mutualité, des coopératives, il faut avoir du monde qui savent de quoi qu'ils parlent et, par la suite, quand vous allez voir ce monde-là, il faut qu'ils comprennent vos besoins. Puis il va le transmettre à son vice-président Coopératives, affaires sociales, il va parler à son président, puis le président va appeler après au bureau de la ministre pour dire : Écoutez, là, il y a des besoins à ce niveau-là, et par la suite votre demande va être soumise. Mais là, s'il n'est pas dans le bon ministère, vous allez en voir un autre, vous allez faire une autre présentation. C'est-u ça un petit peu?

M. Bédard (Gaston) : En fait, si vous me permettez juste une réaction à vos propos, nous, pour l'instant, quand on parle de spécialité, de gens qui ont une expertise, on parle en fonction, bien sûr, de la mission de la banque. Si on touche d'autres domaines, ce n'est pas là qu'on retrouve des spécialistes dans notre domaine. Nous, c'est vraiment en fonction de la mission de la banque, c'est-à-dire que certaines expertises en matière de services-conseils, de modèles d'organisation, de développement, ça, on dit : Soyez bien complémentaires parce que déjà on en a, des services-conseils qu'on s'auto-organise.

Deuxièmement, la banque a aussi une contribution économique, financière palpable, monétaire sur différents volets, et, pour nous, l'expertise, c'est dans ce domaine-là. Pour comprendre notre modèle d'organisation, notre modèle de capitalisation ou notre modèle d'investissement dans les organisations de démarrage, ça, c'est important. Notre expertise était davantage… Ce qu'on propose dans notre mémoire est davantage en lien avec ces éléments de base de la mission, M. Hamad.

M. Hamad : Moi, ce qui m'a frappé… Les coopératives au Québec, d'abord, c'est l'ADN des Québécois. Les coopératives, c'est notre ADN. Et d'abord c'est des emplois qui ne se transfèrent pas. Contrairement à une entreprise, elle est sur des roues puis elle peut partir n'importe quelle journée, surtout lorsqu'elle est une propriété étrangère, bien les coopératives au Québec restent. Et ce qui m'a toujours impressionné, c'est le nombre d'emplois. C'est à peu près 100 000… 92 000 emplois et 175 milliards d'actif. C'est énorme, énorme comme industrie au Québec. Alors, une industrie comme ça, je pense qu'elle devrait être privilégiée avec le gouvernement, parce qu'un gouvernement qui cherche à créer des emplois, je pense, le premier élément, c'est une coopérative, parce que d'abord ça implique les travailleurs dans la gestion de leur entreprise. Puis, si ma mémoire est bonne, la survie était plus haute que la moyenne. Je ne me souviens pas combien, cinq ans, six ans, la survie plus haute que la moyenne québécoise.

M. Bédard (Gaston) : Dans les cinq premières années, c'est deux fois plus élevé au niveau des coops en termes de survie, dans les cinq premières années, et c'est quand même un fort pourcentage au bout de 10 ans aussi, plus élevé que l'entreprise traditionnelle en termes de survie.

M. Hamad : Chaque dollar qu'on investit, on a deux fois plus de chances qu'une entreprise moyenne, là, ordinaire, et donc… alors ce rôle-là qui est important.

Et, dites-moi, je reviens… À partir de ça puis votre expérience Boisaco… Vous m'avez donné une réponse, mais j'aimerais ça avoir plus de détails. Demain matin, vous croyez que la structure de la banque va faire mieux que ce que vous avez fait pour Boisaco? Je reviens à Boisaco parce que c'est un bel exemple.

M. Bédard (Gaston) : En fait, elle doit, M. Hamad, faire autant et, j'espère, parce qu'on grandit comme organisation, elle doit faire mieux. Là, je le dis humblement, là, mais elle doit faire autant et elle doit faire mieux. Si on met en place des choses, c'est pour aller plus loin, si vous me permettez, c'est pour pousser encore nos capacités, notre potentiel, éventuellement. Ça fait qu'elle doit faire mieux, puis c'est dans ce sens-là qu'on lançait nos messages aussi.

M. Hamad : …vous connaissez… On connaît votre rôle dans la région de Québec, vous êtes un acteur important. Et d'ailleurs vous êtes un président de conseil d'administration d'un centre hospitalier majeur à Québec et vous êtes en train de faire la fusion, hein? Et la fusion entre les centres hospitaliers à Québec, c'est un grand défi pour vous, et évidemment vous le faites parce que vous êtes sûr que ça va être meilleur, hein? Oui? Non?

M. Bédard (Gaston) : Oui, absolument.

M. Hamad : Absolument.

M. Bédard (Gaston) : C'est ma croyance profonde.

M. Hamad : Puis ça va être des étapes importantes, majeures, hein, puis vous allez consacrer beaucoup de temps à ça. Oui?

M. Bédard (Gaston) : Absolument.

• (16 h 40) •

M. Hamad : Alors là, la banque, on fait une fusion avec des gens qui sont au ministère, des gens qui sont à Investissement Québec puis… Alors, pensez-vous que, pendant ce défi-là… Est-ce que ça va être une consommation de temps importante, des défis majeurs? Est-ce qu'au lieu de faire ça peut-être on peut investir davantage? Mettons… Si on avait la fusion de la banque, puis Boisaco, en même temps, arrive, pensez-vous que l'attention va être 100 %?

M. Bédard (Gaston) : En fait, il est important… M. Hamad, je comprends bien votre question, là, mais c'est important de… En parallèle, il ne faut pas échapper ce qu'on fait actuellement. Je pense que ça bouge beaucoup au Québec. L'économie est effervescente, il y a beaucoup de choses qui se passent. Dans le domaine des coopératives, des mutuelles, vous le voyez dans les journaux, il y a beaucoup d'activité, puis il ne faut pas échapper aussi ces organisations-là puis le support accordé, ce qui n'empêche pas, comme n'importe quelle autre organisation, de penser aussi à demain s'il y a des choses à améliorer. Ça, je vous réponds avec toute honnêteté.

Tantôt, vous avez fait référence au domaine de la santé. Effectivement, comme président bénévole, pour moi, il est important à la fois de penser à l'avenir puis à la fois de ne pas échapper aussi le soin aujourd'hui du patient, de la patiente. Là-dessus, je vous donne raison qu'il ne faut pas échapper les deux.

M. Hamad : Mais vous êtes d'accord que faire une fusion, c'est un grand défi?

M. Bédard (Gaston) : C'est un défi. Ça demande beaucoup d'énergie effectivement, je dois vous l'admettre, en ce qui me concerne, pour ce que j'en connais, des regroupements puis des fusions.

M. Hamad : Actuellement, vous n'avez pas nécessairement une vision claire de la forme de la banque puis comment ça va marcher. Vous avez des principes, c'est…

M. Bédard (Gaston) : Ce que j'ai...

M. Hamad : L'unique principe, c'est qu'on va vous offrir un guichet unique.

M. Bédard (Gaston) : Ce que j'ai, c'est, bien sûr, ce qu'on a vu dans le projet de loi, les communiqués de presse, les échanges, ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant, et on a réagi par rapport à, bien sûr, ces propos-là.

M. Hamad : O.K., merci.

La Présidente (Mme Vien) : M. Bédard, Mme Dumais, Mme Brassard, ça met fin à cet entretien. Alors, merci beaucoup pour votre contribution.

Je suspends quelques instants, le temps de recevoir les gens de la CSN.

(Suspension de la séance à 16 h 42)

(Reprise à 16 h 45)

La Présidente (Mme Vien) : Alors, nous poursuivons nos consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 36, la Loi sur la Banque de développement économique du Québec. Nous avons le plaisir de recevoir, en cette fin de journée, la Confédération des syndicats nationaux et également Fondaction — j'ai oublié de mentionner tout à l'heure, quand j'ai suspendu les travaux, Fondaction. Alors, je reconnais maintenant M. Pierre Patry. Bonjour, M. Patry.

Confédération des syndicats nationaux (CSN) et Fondaction

M. Patry (Pierre) : Bonjour.

La Présidente (Mme Vien) : Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous avez des gens qui vous accompagnent, merci de nous les présenter. Et tout de suite après je vous invite à nous présenter vos réflexions, votre mémoire, et s'ensuivront des échanges entre vous et les parlementaires. Ça vous va?

M. Patry (Pierre) : Très bien.

La Présidente (Mme Vien) : La parole est à vous.

M. Patry (Pierre) : Bien, les gens qui m'accompagnent, il y a M. Beaulieu, qui est président-directeur général de Fondaction, et M. Picard, Marc Picard, qui est directeur général de la Caisse d'économie solidaire. Et, comme vous avez pu le constater, le mémoire qu'on vous présente est présenté par la CSN, Fondaction mais aussi quatre autres organisations qui sont toutes issues de la CSN ou encore de Fondaction, dans un deuxième temps. Donc, à grands traits, je voudrais quand même vous les présenter, puis on va aller plus rapidement sur le contenu.

          Comme CSN, évidemment, comme organisation syndicale, on représente plus de 2 000 syndicats, 300 000 travailleuses et travailleurs dans différents lieux de travail dans toutes les régions, tous les secteurs d'activité au Québec. On est évidemment préoccupés par les questions d'emploi, par les questions d'économie réelle, c'est au coeur de notre action, et on a constaté dans notre histoire que, pour être plus percutant sur ces questions-là, il était pertinent de créer des outils d'intervention économique pour soutenir la CSN là-dessus.

Fondaction est une de ces institutions-là, qui a été créée en 1995 par une loi constitutive de l'Assemblée nationale. Fondaction, aujourd'hui… depuis 1996, ça a permis de maintenir et de sauvegarder 30 000 emplois. C'est 120 000 actionnaires, en majorité des femmes, ce qui n'est pas peu dans ce domaine-là de l'épargne individuelle. Outre les investissements en entreprise, ça investit également dans une quarantaine de fonds partenaires et spécialisés, dont bon nombre oeuvrent au niveau des technologies vertes et du développement durable.

La Caisse d'économie solidaire Desjardins, c'est un volume d'affaires de 1,4 milliard de dollars, un actif de 716 millions. Ça compte plus de 2 500 membres et ça oeuvre principalement, depuis 1971, en fait, pour financer des coopératives et des associations partout au Québec, y compris dans le Grand Nord québécois.

Les autres organisations qui ne sont pas ici mais qui se joignent à nous pour le mémoire, il y a MCE Conseils, qui est une firme de consultants qui fait environ 200 mandats d'intervention en entreprise par année dans le monde syndical ou dans les entreprises d'économie sociale, et il y a Filaction et Neuvaction qui sont des organisations qui sont nées de l'initiative de Fondaction, Filaction pour venir compléter l'action de Fondaction dans les investissements de moins grande portée en termes de valeur mais qui se caractérise par sa souplesse et sa capacité de s'adapter aux besoins des différents milieux, notamment dans les régions ressources. Quant à Neuvaction, mise aussi sur pied par Fondaction, c'est l'une des deux entreprises agréées au Canada pour donner de la formation sur la Global Reporting Initiative, là, sur la triple reddition de comptes, et ça accompagne les entreprises qui veulent prendre le tournant du développement durable.

Donc, c'est l'ensemble des institutions que nous avons créées qui nous présentent ce mémoire-là aujourd'hui, projet de loi n° 36 sur la banque. Je vais maintenant céder la parole à M. Beaulieu, qui va aborder la question des enjeux et du projet de loi de la banque à proprement parler.

M. Beaulieu (Léopold) : D'abord mentionner que nos organisations reçoivent favorablement ce projet de loi, et on tient à souligner l'importance que nous accordons à cette initiative gouvernementale. C'est vrai cependant qu'on se serait attendu à ce que le gouvernement fasse d'abord connaître sa politique industrielle avant de procéder au projet de loi sur la banque, parce qu'en fait la banque est au service de la politique de développement industriel.

• (16 h 50) •

Et on doit dire que le projet de loi marque des points qu'on trouve positifs et qui sont importants. D'abord, il y a un effort important d'harmonisation entre les différentes organisations publiques appelées à intervenir dans le développement des entreprises de manière à mieux répondre à des besoins non satisfaits des entrepreneurs sur chacun des territoires dans un cadre cohérent et transparent. On croit que les efforts de coordination, ça, c'est des initiatives qui sont à encourager. Et, dans la mesure où la nouvelle Banque de développement va permettre en outre à l'État québécois d'augmenter les effets de levier des interventions de la banque auprès des entreprises grâce à la complémentarité avec les institutions existantes, pour nous, c'est quelque chose d'extrêmement important, et, tel que c'est formulé, on n'est pas certains du tout. Même qu'on doute un peu que cette complémentarité souhaitée entre nos institutions et les institutions publiques soit assurée.      

Depuis la fusion d'Investissement Québec avec la SGF, on a constaté un changement significatif des pratiques de la société d'État, et, depuis ce temps-là, Investissement Québec ne propose pratiquement plus de garanties en partenariat avec les autres institutions financières mais bel et bien des prêts qui souvent vont se retrouver en concurrence avec des institutions sur le terrain. Alors, ça, pour nous, c'est quelque chose à faire très attention. Loin de nous de dire que la concurrence ne doit pas exister entre les entreprises sur le terrain, mais que ce soient les fonds publics qui servent à ça, là, ça pose un problème, alors qu'il y a des besoins non satisfaits qui sont extrêmement importants.

Et, par rapport à ça, ça pose aussi le problème du mandat d'autofinancement de la société. D'une part, on transfère des dépenses ministérielles dans une grande société. Ensuite, on lui donne le mandat de s'autofinancer. Lorsqu'elle vient répondre à des besoins non satisfaits locaux, dans les régions, ce n'est pas toujours ce qu'il y a de plus payant à court terme. Et, par conséquent, pour s'autofinancer, qu'est-ce qu'elle va faire? Elle va gruger, elle va empiéter sur des offres existantes d'institutions et des besoins déjà satisfaits.

Par ailleurs, à l'autre bout, en termes de financement d'ordre plus structurel, les besoins sont criants de ce côté-là pour réussir à transférer et à faire en sorte de disposer d'une économie plus verte, et des investissements majeurs que seul un État peut faire sont attendus, sont espérés, de telle sorte que, là aussi, c'est en complément, mais à l'autre bout de la chaîne des institutions qui sont en mesure de… des institutions privées.

Donc, nous, ce qu'on prévoit et ce qu'on trouve aussi, c'est que non seulement il y avait cette volonté de travailler, d'exiger l'autonomie en accroissant puis en en mettant plus dans le panier auquel… satisfaire pour l'autofinancement, d'autre part il y a aussi le mode de rémunération. Le mode de rémunération est relié au volume d'affaires, beaucoup au volume d'affaires et aux revenus générés par Investissement Québec présentement. Or, ça, ça vient en contradiction avec une volonté d'agir en complémentarité, si les gens sont rémunérés non pas sur la complémentarité ni sur l'ampleur des projets qui auront été développés, déployés avec l'intervention de la... mais plutôt sur la recherche de développement du volume d'affaires et puis de revenus générés pour la société. Donc là, il y a quelque chose qu'il nous semble nécessaire de rajuster comme tir. Et, du côté de l'économie sociale, bien, quand on sait que l'État reconnaît que c'est important de soutenir ce type de développement, il n'est pas le seul à devoir prendre charge du financement des entreprises d'économie sociale.

Donc, c'est pour ça qu'on a un certain nombre de propositions, sur lesquelles je vais revenir tout à l'heure, et porter aussi votre attention sur le fait que des revenus… Très bien. Alors, les revenus, je reviendrai, si jamais je suis questionné, mais la liste des recommandations, elle est là. D'augmenter les effets de levier des interventions de la banque auprès des entreprises grâce à la complémentarité avec les institutions existantes, pas leur concurrence. Le projet de loi devrait être modifié pour retirer la partie des services-conseils, qui va alourdir les frais d'opération, et laisser les firmes-conseils faire leur travail. Il y a notamment le mode de rémunération lié à l'ampleur des projets, j'en ai parlé. On souhaiterait qu'il n'y ait pas seulement qu'un comité de transition mais qu'on prévoie dans la loi un comité consultatif qui est composé notamment de partenaires financiers qui pourraient s'assurer de la complémentarité souhaitée puis qui pourraient avoir… pouvoir faire des recommandations au ministre responsable. Ça, ça nous semble important. Redonner aux acteurs socioéconomiques un rôle à jouer aussi dans la gouvernance des CLD. La responsabilité de la coordination des plans de développement local et régional, on n'est pas… La banque devrait les soutenir plutôt que les coordonner, les plans de développement. Favoriser aussi le développement de la biodiversité entrepreneuriale québécoise avec des écosystèmes de financement. On propose de contribuer l'application d'une politique industrielle qui se tourne vers la transition écologique de l'économie, soutenue par une fiscalité environnementale servant de levier. Il y a là quelque chose qui déborde du projet de loi mais qui est néanmoins nécessaire en soutenance à la politique de développement industriel pour être capable de pouvoir progresser. La question du développement durable, je pense, fait consensus au Québec et elle devrait donc utiliser la capacité d'emprunt de l'État pour mobiliser ses grands projets et utiliser l'effet levier de ses partenaires pour ne pas trop alourdir la dette publique. C'est le résumé, Mme la Présidente, en peu de temps.

La Présidente (Mme Vien) : Vous m'avez vue faire de grands signes, je vous remercie de votre collaboration, deux minutes, trois minutes. J'ai le rôle ingrat d'être le préfet de discipline si on veut aller rondement dans nos débats. M. Beaulieu… M. Beaulieu, oui, merci beaucoup de votre discipline. Alors, tout de suite la parole du côté ministériel avec Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Bonjour. Bonjour, M. Beaulieu, M. Patry, M. Picard. Tout d'abord, je tiens à saluer le travail exceptionnel que font vos organisations, qui sont des parties prenantes de l'économie du Québec, et le travail exceptionnel qui a été fait par Fondaction, par la Caisse d'économie solidaire Desjardins pour soutenir nos entreprises, nos entrepreneurs puis soutenir des pans importants de notre économie.

Maintenant, je suis heureuse d'apprendre que vous recevez favorablement le projet de loi et que vous avez certains commentaires, certaines choses que vous aimeriez voir améliorées. J'aimerais qu'on discute de certaines d'entre elles.

Tout d'abord, vous mentionnez que la banque devrait être au service de la politique industrielle. Je suis parfaitement d'accord avec vous, la banque va devoir appliquer la politique industrielle et manufacturière du gouvernement. Maintenant, nous prévoyons, si tout va pour le mieux et que le projet de loi est adopté, de la banque, à cette session-ci, pouvoir mettre en place la politique industrielle en même temps qu'on ouvrira les bureaux de la banque, parce que la politique industrielle ne nécessitera pas de commission parlementaire. Nous allons déposer un projet de politique bientôt, nous allons pouvoir faire des consultations sur ce projet de politique, et tout ça devrait être mis en place en même temps

 Pour ce qui est de la complémentarité, parce qu'on en a énormément parlé, chaque groupe vient nous parler de complémentarité, avant d'entrer dans les solutions j'aimerais que vous me parliez un peu… On dit : Chat échaudé craint l'eau froide. J'imagine que, quand vous me parlez de complémentarité, c'est parce que vous avez déjà été échaudés. J'aimerais que vous me disiez qu'est-ce qui existe, qu'est-ce qui fait aujourd'hui que la complémentarité, c'est devenu si important, puis que tout le monde en parle. J'imagine que c'est parce que vous avez été échaudés, puis vous pourriez peut-être en parler un petit peu plus.

M. Beaulieu (Léopold) : Oui. Je vous dirais que, pendant plusieurs décennies, hein, jusqu'au moment de la fusion SGF-Investissement Québec, cette complémentarité… Moi, je peux vous parler pour Fondaction, je peux vous parler pour Filaction particulièrement et également pour la Caisse d'économie solidaire. D'ailleurs, Marc Picard pourrait parler de l'expérience de la caisse plus récente. Cette complémentarité-là, elle s'est construite avec un écosystème d'institutions qui savaient se placer en complémentarité, l'expression est juste.

Le mandat gouvernemental a changé avec la fusion SGF et Investissement Québec, qui forçait Investissement Québec à rechercher l'autofinancement et à se déployer. Présentement, le projet en remet dans le panier de charges en transférant des dépenses ministérielles avec une activité-conseil. Ça veut dire que l'entrepreneur, il va non seulement être accompagné dans les méandres des programmes gouvernementaux… Ça, c'est excellent. Je trouve que cette initiative, elle est belle. Elle réduit la complexité, elle rend les choses plus simples et puis… Bon. Et on sait mieux se préparer, et tout ça. Mais le travail de consultant pour améliorer un plan d'affaires, pour construire un plan d'affaires alors que vous êtes la banque pose un problème, pose un problème de conflit de rôle, là, il nous semble, qui peut faire en sorte que l'entrepreneur qui se casse le nez, hein, il puisse prétendre que c'est de votre faute.

Mme Zakaïb : O.K., je comprends.

• (17 heures) •

M. Beaulieu (Léopold) : Alors, il nous semble qu'il y a là des distinctions à maintenir non seulement pour des arguments de coûts, mais pour des arguments de responsabilités et de rôles complémentaires, qui sont, là aussi,complémentaires mais requis et utiles, d'autant plus que… Bon, tantôt je vous parlais de MCE Conseils ou de Neuvaction. Et on n'est pas les seuls, hein? Il y a sur le terrain… Les CDR, les CLD, bon, sont des organisations soutenues par Québec qui ont un rôle important à cet égard. Bon, il nous semble que là-dessus il y a du peaufinage important à faire si on ne veut pas… Et il y a aussi… À l'intérieur même de l'organisation, ça va être quelque chose à stabiliser puis à réorganiser s'il y a ces additions de rôles les uns aux autres. Voilà.

Mme Zakaïb : Je vais au moins régler un de ces problèmes-là : il n'y a personne à la banque qui va faire des plans d'affaires. Le rôle des gens-conseils à la banque, c'est de faire arriver les projets face aux différents ministères et de s'assurer que la complémentarité des outils de financement soit présente.

Maintenant, vous parlez d'écosystème. Effectivement, au Québec, il y a un écosystème assez impressionnant de financement d'entreprise. Puis là je ne vous donnerai pas la tribune pour dire à quel point il peut être fragilisé par les actions du gouvernement fédéral, mais admettons que les actions...

Une voix : ...

Mme Zakaïb : Bien, on serait tous les deux d'accord, on serait tous d'accord là-dessus, là. Mais admettons que le gouvernement fédéral revient sur sa position. Dans cet écosystème-là, selon vous, quels sont les besoins qui ne sont pas satisfaits présentement?

M. Beaulieu (Léopold) : Il y a nécessité d'un soutien au démarrage des entreprises. Il y a déjà des dispositions existantes, et ces efforts-là sont définitivement précieux, mais, comme je le disais tantôt, la rentabilité ne vient pas tout de suite, et, quand vous êtes dans des entreprises un peu plus intensives en capital, ça prend un certain temps avant que les choses puissent se réaliser. Avec le mandat d'autofinancement que vous donnez, ça veut dire qu'il va falloir rechercher aussi de la part d'Investissement Québec des investissements rentables à plus court terme, et là c'est là que se pose la difficulté. Si l'État n'est pas sur un registre de plus longue durée pour soutenir puis pour amorcer des efforts de développement local et régional…

Les institutions qui s'approvisionnent en capitaux ne le font pas aux mêmes conditions que l'État, et cet avantage et cette pertinence de l'État d'intervenir à ce niveau-là de même qu'au niveau des mégaprojets, c'est les deux endroits où c'est extrêmement nécessaire, surtout si on veut faire le transfert vers une économie plus verte. Ça, c'est fondamental. Et il faut renforcer l'écosystème plutôt que de l'affaiblir, et, pour aller chercher des revenus et de la rentabilité, la banque va devoir s'en aller sur un terrain qui est déjà occupé — c'est ça qu'on essaie de vous soumettre — pour que les choses soient plus levier les unes par rapport aux autres que concurrentes entre elles, entre les initiatives gouvernementales avec l'argent du public et les autres initiatives d'économie collective, hein? Il y a aussi l'économie sociale qui est présente, et il y a tout le réseau des institutions de la finance socialement responsable.

Alors, par rapport à ça, il nous semble qu'il y a plus à regarder. Et tout ne peut pas être résolu, puis c'est pour ça qu'on vous fait la recommandation de prévoir dans la loi un comité consultatif qui puisse être accompagnant et pouvant faire ses recommandations au ministre en cours de chemin. Tout ne peut pas être réglé, je suis tout à fait d'accord avec vous, au moment du décollage, une fois qu'on démarre, puis après ça tout est réglé, comme si… Non, ce n'est pas vrai que tout va être… Vous ne marcherez pas… Ce n'est pas un pilote automatique, hein? Alors, il y aura définitivement, nécessairement des ajustements constants en cours de chemin, et c'est ce souci-là de tirer le meilleur avantage de nos potentialités conjuguées, c'est ça qui nous apparaît essentiel. Et on aime le projet dans la mesure où il va faire ça, et c'est la raison pour laquelle on propose, dans la loi, un comité consultatif.

Mme Zakaïb : J'en prends bonne note. C'est un des points qu'on va étudier très attentivement.

Il y a des gens qui sont venus, des groupes qui ont passé avant vous qui nous ont suggéré également de modifier l'article 7 de la loi, l'article 7 qui dit que le conseil d'administration de la banque établit une politique régissant ses interventions financières qui prévoit notamment… et là de rajouter un cinquième point qui dirait «la complémentarité avec les acteurs et institutions financières non gouvernementaux».

M. Beaulieu (Léopold) : Je vous soumets respectueusement que ce n'est pas ça, le sens de notre recommandation, et elle ne serait pas satisfaite par un comité de plus du conseil d'administration. Moi, j'ai eu le privilège de siéger pendant peut-être 17 ans à ce qui est devenu Investissement Québec, là, jusqu'à la fusion avec la SGF, et puis je vous dirai que j'ai beaucoup apprécié l'expérience. Et cette société-là a toujours fonctionné au meilleur, avec la recherche la plus grande du respect de son mandat et de ses mandataires, de ses mandants. Ce que l'on vous demande, ce n'est pas un comité de plus du conseil d'administration, c'est un comité consultatif qui est en situation de pouvoir conseiller, de pouvoir fournir un avis au ministre responsable.

Mme Zakaïb : Ce que vous suggérez — je crois avoir bien compris — c'est un comité formé de gens du milieu du financement au Québec qui se réunirait périodiquement pour s'assurer que la complémentarité est maintenue, qui suggérerait des solutions directement au ministre pour que le ministre puisse rajuster, comme vous disiez tantôt, si besoin est. C'est ce que j'ai compris de votre demande.

M. Patry (Pierre) : ...Mme la ministre, ajouter un alinéa, si on comprend bien, là, dans l'article 7 qui parle du conseil d'administration de la banque, là, qui établit une politique régissant ses interventions financières qui prévoit notamment… puis là il y aurait un alinéa sur la question de la complémentarité. Bon, ça peut être bien, mais encore faut-il se donner les moyens pour que cette complémentarité-là s'opère. Et la meilleure façon de se donner ces moyens-là, c'est d'avoir un comité consultatif des gens qui travaillent sur le terrain à cet égard-là, qui sont capables de voir là où les problèmes se produisent, pour qu'on soit continuellement en réaction pour s'assurer que la banque joue son rôle en termes de levier. Parce que nous, on accueille favorablement la création de la banque, mais elle ne doit pas se substituer… ou agir sur le terrain qui est le terrain des autres. Et le meilleur garde-fou pour ce faire, ce n'est pas un alinéa dans la loi, quoique ça puisse peut-être être acceptable. C'est la création d'un comité consultatif qui, lui, va y veiller, à cette complémentarité-là.

Mme Zakaïb : Je comprends.

M. Beaulieu (Léopold) : Parce que, dans les règles de gouvernance, un comité du conseil d'administration, bien il rend ses comptes au conseil d'administration.

Mme Zakaïb : Non, j'ai compris ce que vous vouliez dire.

M. Beaulieu (Léopold) : Nous, ce qu'on vous demande, c'est un comité consultatif qui puisse faire ses recommandations au ministre.

Mme Zakaïb : J'ai compris ce point-là. Je voudrais également vous rassurer sur un fait. En fait, je pense que la majorité des gens au Québec ne le savent pas, mais présentement Investissement Québec a ses fonds propres puis gère aussi ce qu'on appelle le Fonds de développement économique du Québec. Et, quand c'est des interventions qui proviennent du Fonds de développement économique du Québec, c'est des interventions directes d'argent de l'État, et, dans ces cas-là, les objectifs de rentabilité ne sont pas là. Et la Banque de développement économique va également, dans les grands projets entre autres, gérer ce Fonds de développement économique, qui, lui, n'a pas d'obligation de résultat quant au rendement et quant à… Tantôt, vous disiez : Avec tous les mandats que vous donnez à la banque, c'est certain que la banque va avoir de la difficulté à être rentable. Quand la banque va utiliser ses fonds propres, c'est différent que quand elle gère le Fonds de développement économique. Et, comme Investissement Québec le fait maintenant, la banque va gérer le Fonds de développement économique, en fait va administrer le Fonds du développement économique. Et la banque, comme on en a déjà parlé, va bénéficier de fonds, comme un fonds de 200 millions pour l'électrification des transports, un fonds qui va dans le lien du développement durable dont vous parliez tantôt.

Selon vous, est-ce que cette vision-là de confier à la banque le soin... Puis là je vais en mettre un peu plus, parce que la banque va également s'occuper des programmes d'exportation, des programmes d'innovation. Même si ces programmes-là viennent de d'autres ministères, quand on parle de guichet unifié, c'est qu'on veut tout mettre au même endroit. Vous qui avez beaucoup oeuvré dans le domaine du développement durable, est-ce que la venue de ces fonds-là, c'est quelque chose qui est, selon vous, profitable pour le Québec?

• (17 h 10) •

M. Beaulieu (Léopold) : Je trouve que l'intention affirmée dans le projet de loi est louable, est tout à fait… Nous, on l'accueille favorablement. Ce qui nous inquiète, c'est les dispositions, qui ne sont peut-être pas suffisantes ou satisfaisantes de ce point de vue là. L'accompagnement des entreprises, des entrepreneurs pour bien travailler en cohérence avec les programmes existants, cet accompagnement-là, nous, on l'appuie, on le reconnaît comme nécessaire, utile. Et, si le gouvernement veut faire jouer ce rôle-là à la banque, il le lui fait jouer, puis ce sera tant mieux, ça contribuera à simplifier les choses puis à réduire le temps, bravo. Cependant, il y a le reste de la fonction conseil dont je vous ai parlé tantôt. Ça, pour nous, c'est incompatible, puis comme celle de coordonner des plans de développement régionaux. Que ce soit la ville de Montréal ou que ce soit la capitale nationale ou autre chose, ça nous semble un peu déborder, parce que c'est davantage ailleurs que ça devrait être… Je m'excuse de la distraction, mais… Oui, il va être mort, là, tantôt. Alors, les…

La Présidente (Mme Vien) : J'ai d'ailleurs oublié de demander à ceux et celles qui étaient avec nous cet après-midi d'éteindre leurs sonneries de téléphone. Je ne sais pas si… Ça va aller? Parfait. On continue, monsieur, allez-y. N'y voyez pas d'offense.

Une voix :

M. Beaulieu (Léopold) : Mais on doit normalement savoir le fermer quand on arrive dans une instance comme ici, madame.

La Présidente (Mme Vien) : …allez-y, continuez, il n'y a pas d'offense. Continuez, il n'y a pas d'offense.

M. Beaulieu (Léopold) : Alors, je m'en excuse, mais il est fermé, là.

Mme Zakaïb : Vous pouvez continuer.

La Présidente (Mme Vien) : Oui. Vous étiez sur Montréal, monsieur.

M. Beaulieu (Léopold) : Oui. Bien, je disais qu'il y a une responsabilité gouvernementale, bien sûr, à encadrer l'ensemble des politiques de développement. Mais est-ce que c'est à la banque de le faire? Je ne crois pas. Elle plutôt placée au service de ça qu'en coordination ou en responsabilité de ça.

Mme Zakaïb : Avez-vous des questions?

La Présidente (Mme Vien) : Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine, oui, allez-y, on vous écoute.

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Je voulais peut-être revenir justement sur le soutien au démarrage. Vous avez dit à quel point c'est important que la banque soit là au démarrage. Est-ce que vous pensez que le Capital Émergence peut jouer un rôle dans ça? Puis comment pourrait-il le faire? Est-ce qu'on pourrait améliorer ce qu'on a mis de l'avant avec cette section-là?

M. Beaulieu (Léopold) : Oui, absolument. Il y a eu des expériences, et je crois… je ne sais pas bien si le programme existe encore avec Investissement Québec, à l'époque, quand ils contribuaient à la capitalisation des coopératives, mais ils s'avançaient jusqu'à un certain pourcentage, et ça, ça rendait accessible le financement par d'autres institutions, que ce soient les fonds régionaux, les SOLIDE, les CLD, Filaction, et de la banque ou la Caisse d'économie solidaire, ou tout ça. Donc, ces choses-là se conjuguaient, se conjuguaient bien, c'est de ça qu'on parle. Donc, oui.

La Présidente (Mme Vien) : Ça va? Ça va, de ce côté-ci? Oui, M. le député de Berthier, ça va aller? M. le porte-parole en matière économique.

M. Hamad : Merci. Merci, M. Beaulieu. Très intéressant, en passant, et c'est direct et clair, c'est bon. M. Patry, M. Picard. En fait, c'est bon, vous allumez des lumières pas mal intéressantes, et ce que vous dites, dans le fond, là : L'idée d'une banque qui est un guichet automatique... un guichet unique, plutôt, un guichet unique, c'est une très bonne idée. C'est ça que vous dites. Puis là, après ça, une fois qu'on a dit ça, là vous avez commencé à regarder la fonctionnalité, parce que, dans le fond, votre expérience, les trois, vous êtes dans ce domaine-là, et là vous avez allumé des lumières pas mal. Et même, à la limite, même vous avez dit : Attendez un peu, là, faites donc votre politique industrielle pour commencer, puis on va voir la banque après. C'était votre première intervention. Après ça, vous avez dit : Laissez les régions développer, puis aidez au lieu de venir puis dire : Bien là, les banquiers, là, à la petite banque de… la Banque de développement va faire ça, on va amener les idées, etc.

Puis l'autre idée… En passant, le Fonds de développement économique, il est géré par Investissement Québec, mais les décisions, de dire : On investit, ce n'est pas Investissement Québec qui prend cette décision-là, c'est un comité ministériel qui analyse le pour… Et ce n'est pas fait sur un choix mais plutôt sur des critères précis : création d'emplois qui est un élément important, le soutien régional. Mais par la suite Investissement Québec fait la gestion.

Maintenant, vous avez raison dans votre réflexion. Si on amène le programme au complet, on amène aussi les fonctionnaires qui faisaient l'analyse de l'autre côté avec le gouvernement, on les amène dans la banque avec une stratégie globale. Alors, vous avez vraiment mis le doigt sur un point important, là, et on vous rejoint là-dessus. Donc, vous avez… En fait, c'est un mais. C'est un oui pour la banque, mais il y a un mais. Puis le mais, c'est en majuscules pas mal, là. C'est plein d'éléments soit dans le fonctionnement soit dans les stratégies. Puis vous avez dit que, les plans de développement local, là, laissez le monde développer puis laissez les gens travailler, mais supportez-les, par exemple. La complémentarité, ça, on l'a vu, il y a plusieurs intervenants qui sont venus dire ça. C'est quand même… Malheureusement, ce n'est pas écrit clair dans ça, dans votre mémoire, mais il fallait vous entendre pour entendre ça. Alors, ce n'est pas écrit dans le mémoire. Si les écrits restent, au moins les galées, ici, il va rester ce que vous avez dit, parce que c'est important, ce que vous avez dit.

Dans les recommandations que vous avez apportées ici, vous avez à peu près une dizaine de recommandations, et là nous autres, on a pris une par une les recommandations, voir c'est quoi, mais il y a des recommandations où vous n'avez pas besoin de la banque pour l'atteindre, comme objectifs. Exemple, les plans de développement régionaux, ça, vous l'avez dit, que la banque contribue à l'application d'une politique industrielle tournée vers la transition écologique de l'économie, soutenue par une fiscalité environnementale servant de levier, ça, en fait, le gouvernement peut faire sa politique qui fait ça. La banque devient comme un outil, là, mais, si la banque n'est pas là, vous n'en avez pas besoin. Et vous le savez, vous connaissez le domaine de la forêt. La politique sur le bois, c'est vous, l'artisan. Vous n'avez pas besoin de la banque pour faire ça, vous l'avez fait avec un comité. Vous avez amené des recommandations au gouvernement qui sont tellement bonnes que le gouvernement a suivi vos recommandations.

Donc, la majorité de vos recommandations sont faites sur une base qu'il y a une banque puis on fait quoi, tu sais, là, bon, comité consultatif en dehors du conseil d'administration, et tout ça. Mais, quand je reviens à la vraie vie, là, ce que vous êtes en train de nous dire : L'idée d'un guichet unique, très bon. Ça, là, en passant, tout le monde, le patronat, les syndicats, on est à la même place, tu sais, guichet unique, là, tout le monde aime ça. C'est une vertu, là, tu sais. Ça fait que personne n'est contre la vertu. Mais, lorsqu'on continue notre conversation, les mais commencent à sortir, et votre mais aujourd'hui, c'est… Vous avez plusieurs mais, là.

Donc, si je comprends bien, vous, vous dites : Faites votre politique industrielle, et là il y a des affaires, là, qui sont majeures dans ça. Et, en passant, la loi ne prévoit pas ça, là. La loi ne décrit pas, par exemple, la politique de placement détaillée comme vous l'avez dit, la loi ne décrit pas que… Il y a plein d'éléments qui ne sont pas dans la loi. Même si on l'adopte, la loi, telle quelle est aujourd'hui, ça n'enlève pas ni n'ajoute ce que vous recommandez, parce que vous parlez plus de structure de fonctionnement, et la loi ne parle pas de ces détails-là plus précis. Alors, si je comprends bien votre recommandation aujourd'hui, qui n'est pas écrite, mais vous l'avez dit, c'est : Attendez un peu, faites votre politique industrielle. Il y a des lumières rouges allumées, il faut les, vraiment, sécuriser. Il faut être sûr que ces éléments-là ne sont pas à la banque, puis ils ne doivent pas être faits de cette façon-là, parce qu'il y a un danger.

Un élément que vous avez mentionné : Tu demandes un rendement, puis ils vont gérer le fonds avec les fonctionnaires qui sont là. Avant, ils étaient au ministère, ils peuvent dire au ministre : Aïe, le projet est bon, ou : Le projet n'est pas bon, mais là ils relèvent de leur boss, qui relève du président de la banque. Alors là, ce n'est plus les mêmes recommandations qu'on a. Ils ne sont pas en communication avec le gouvernement, ils vont passer par leur V.P. Qu'est-ce que vous en pensez? En fait, c'est vos paroles.

M. Beaulieu (Léopold) : Oui, bien, voilà, comme vous avez dit tout à l'heure, il y a plein de choses qui vont pouvoir s'ajuster, qui vont pouvoir bouger. Alors, la relation et la correspondance avec la politique de développement industriel, ça, c'est requis que ce soit affirmé, et la ministre vient de nous dire que l'effort sera fait en simultané, de mise en place de la banque, avec en même temps… qui va découler et qui va être en relation avec la politique de développement industriel.

Je peux comprendre qu'entre le moment où l'Assemblée nationale va avoir voté la Loi sur la Banque de développement et le moment où elle va être en opération il y a sans doute un temps qui va s'écouler pour que plusieurs des… Et ça va être une grande société. Enfin, on espère qu'elle va l'être un peu moins que celle annoncée, mais ça va être une grande société tout de même. Et c'est sûr que, pendant ce temps-là, j'imagine que l'Assemblée nationale va continuer à travailler. Et, si on nous dit qu'on va nous présenter la banque de... pas la banque, pardon, mais la politique dedéveloppement industriel, soit, mais c'est clair qu'il faut une politique de développement industriel pour que la banque puisse opérer d'une manière qui est cohérente avec les objectifs de développement économique.

Et, quand on parle… Si vous admettez qu'on puisse parler d'une politique de développement industriel, moi, je vous soumets respectueusement que c'est aussi pertinent d'avoir une fiscalité qui soit, elle aussi, organisée pour qu'on puisse faire le passage vers le développement durable et que les grands leviers de l'État ont besoin d'être en cohérence par rapport à ça.

M. Hamad : Quand vous parlez… Le grand besoin au Québec, tout le monde est d'accord avec vous, je pense que c'est l'amorçage. C'est les fonds d'amorçage et évidemment les besoins importants pour les entreprises, pas juste le fonds mais les supporter puis les amener à un niveau après qui permet de continuer dans les affaires. On a-tu besoin de la banque pour faire ça, vous, selon votre expérience à Fondaction?

M. Beaulieu (Léopold) : Je n'ai pas bien entendu votre question.

M. Hamad : Avez-vous besoin de la Banque de développement économique du Québec pour répondre à cette problématique-là qui est le fonds d'amorçage ou l'amorçage d'entreprise?

M. Beaulieu (Léopold) : Je pense que la Banque de développement économique du Québec va être utile à l'amorçage et au développement local et régional dans la mesure où elle saura se concentrer là où il y a des besoinsqui sont non satisfaits et sur les mégaprojets.

• (17 h 20) •

M. Hamad : Et, si on prend Investissement Québec que vous connaissez, le nouvel Investissement Québec aujourd'hui, et on lui donne le mandat d'amorçage et… les grands projets, c'est déjà là, en passant, mais l'amorçage, alors est-ce que ça règle le problème ou ça prend une banque pour ça?

M. Beaulieu (Léopold) : Là, c'est une question de point de vue. Si vous faites tout faire à Investissement Québec, tout ce qui est prévu dans la Banque de développement, elle va se retrouver avec certaines contradictions peut-être en termes de mission. Et puis, vous savez, si c'est bonnet blanc, blanc bonnet, moi, je n'irai pas faire de discussion là-dessus.

Mais cependant, ce qui est appelé à travers le projet de banque de développement, nous, on soutient cette approche et cette préoccupation. Puis, comme vous le mentionniez, avec un guichet qui fasse que les entrepreneurs sachent mieux où se diriger, bravo. Ça, je pense que ce serait un changement important. Si vous me parlez d'un Investissement Québec qui n'est plus l'Investissement Québec d'aujourd'hui et qui correspond à la Banque de développement, bien là, moi, je n'irai pas faire de la bataille sur le nom, mais je vous soumets qu'il y a là des responsabilités d'envisagées qui sont nécessaires pour le Québec.

M. Hamad : …fonds d'amorçage qu'on a lancé il y a, je ne me souviens pas, là, un an ou deux, je pense, je ne me souviens pas, je pense que la FTQ était là-dedans, je ne me souviens... Êtes-vous là-dedans? Dans le fonds aussi, hein?

M. Beaulieu (Léopold) : On a été en partenariat avec certains puis on a été… Bon, il y a tout l'enjeu de la relève entrepreunariale. C'est 55 000 entreprises qui vont changer de propriétaire au cours des prochaines années; une trentaine de mille, on ne sait pas où ils vont aller. Il y a des besoins d'investissement de différents types, selon les différentes étapes d'évolution des entreprises, et c'est clair qu'il faut faire attention à notre écosystème d'institutions financières en mesure d'apporter du soutien aux entreprises. Ça, c'est fondamental, et il nous semble qu'il y a du rajustement de tir à assurer. Dans le mandat, il faut le concentrer davantage, et le comité consultatif pouvant faire rapport au ministre nous apparaît essentiel comme assurance que c'est ça, l'intention.

Et le mandat, je répète, le mandat d'autonomie financière de la société avec l'argent du public dans des secteurs qui vont être moins payants, ça va le faire empiéter dans des secteurs qui sont occupés, et ça, c'est un problème. Et ça a commencé avec la fusion de la SGF avec Investissement Québec. Alors, je trace la ligne et je vous dis : Avant… Et ce n'est pas partisan, ce que je dis, mais avant cette complémentarité-là était jouée. Il y a une extension, il y a une amélioration recherchée par le projet de loi. Il ne faudrait pas par ailleurs en restreindre ou en diminuer la qualité, de ce qui se fait, par rapport à ce qu'on veut développer.

Donc, oui, on accueille les améliorations qui sont proposées par ce projet, mais on dit : Attention, en faisant ça, de ne pas… Vous savez, quand on veut raccourcir une branche, autant que possible il ne faut pas la raccourcir du côté du tronc.

M. Hamad : Puis vous pensez que ce projet de loi, si on va tel qu'il est, il va aller vers le tronc?

M. Beaulieu (Léopold) : Bien, je soumets qu'il y a une intention de renforcement et d'amélioration clairement affirmée, dans le projet de loi, dont les moyens ne sont pas assez précisés. Même si on convient que ça ne dit pas tout, il y a des règles du jeu, là, il y a des grands enjeux. Pas la politique d'investissement. Les grands principes doivent être mieux précisés. Et le comité consultatif, essentiel pour pouvoir aviser le ministre, et non pas un comité… Moi, je n'ai rien contre les comités qui relèvent d'un conseil d'administration, c'est de la saine gouvernance, mais on parle ici d'autre chose.

M. Hamad : Bien, on est à la même place. Ce que vous dites, là, le principe de guichet unique, servir les entrepreneurs, je pense qu'il n'y a personne contre ça ici. Puis, quand vous arrivez dans la mécanique, là vous avez des questions puis là vous dites : Oups! Là, il faut qu'on regarde ça davantage, il faut préciser parce qu'il n'y a pas de réponse à vos éléments. Et là vous avez cité plusieurs…

Selon vous, je ne sais pas si vous le savez, mais est-ce que cette banque-là va créer plus d'emplois au Québec? Avez-vous l'assurance de ce que vous avez vu, que cette banque-là va créer plus d'investissement? Est-ce qu'il va y avoir plus de services aux entreprises? Est-ce qu'il va y avoir plus de monde servi?

M. Beaulieu (Léopold) : Je crois que, dans la mesure où elle se donne ces règles, certaines règles d'efficacité et de non-empiètement mais de concentration et de... oui, il y aura du temps de sauvé, ce sera plus de chances aux entrepreneurs, et aux entreprises, et aux efforts de développement local et régional de progresser. À ces conditions-là, cependant.

M. Patry (Pierre) : Puis c'est d'autant important de faire le lien avec la politique industrielle. C'est pour ça qu'on en parlait tantôt, que dans les 10 dernières années, au Québec, il s'est perdu 160 000 emplois dans le secteur manufacturier. Donc, de faire le lien avec la politique industrielle, développer le secteur manufacturier — puis c'est affirmé à l'intérieur de la loi — c'est capital, d'autant que c'est des bons emplois, parce que, là, dans une perspective de transformation écologique de l'économie, bien là la banque peut avoir son utilité tout à fait à cet égard-là.

M. Beaulieu (Léopold) : C'est ça. Et, étant donné que de toute manière les budgets rencontrent toujours des limites, hein, bien, que les ressources de l'État soient concentrées sur des mégaprojets, c'est structurant pour l'économie québécoise, et à l'amorçage et en accompagnement du développement local et régional il y a là des interventions qu'aucune autre institution financière privée n'est en mesure de faire. Alors, c'est cette catégorie d'intervention là qui est requise et qui est souhaitée, parce que l'État est capable d'avoir une vision à plus long terme que celles auxquelles sont requises les institutions privées et que, d'autre part, à part les salaires, l'État est le premier à tirer avantage en taxes et en impôt des bons résultats que ces investissements vont apporter, que ces interventions financières vont apporter.

M. Hamad : C'est clair. Vous avez parlé de Québec, Montréal, les plans de développement. Les CLD demandent d'intervenir là-dedans. Évidemment, quand on prend la ville de Québec, la ville de Québec a une organisation qui s'appelle Québec International, il y a les chambres de commerce puis il y a la ville de Québec qui regardent son plan de développement, et là on va arriver avec la banque pour dire à Québec : On va faire le plan de développement de la région de Québec. On va travailler avec les autres, mais...

M. Beaulieu (Léopold) : …comprendre, c'est, de la même manière quand je parlais l'écosystème, tantôt, et des institutions qui accompagnent, que ce soit dans l'économie collective, on a parlé des CLD, hein, avec leur mission puis on souhaiterait qu'il y ait une représentativité des corps intermédiaires qui soit plus présente que maintenant dans les CLD, il y a un retour là qui nous apparaît nécessaire. Quand on parlait d'économie collective — puis je vais arriver à Québec — quand il y a de l'économie collective, vous avez les CDR, qui sont les coopératives de développement régional, qui font de l'accompagnement des nouveaux projets de coopérative. Ça fait partie de l'écosystème, ça en fait… Voyez-vous? Alors, c'est ça qu'il faut essayer d'encourager, de continuer à soutenir.

Et, d'autre part, ce que vous mentionnez, c'est qu'il est important que la région de Québec se donne, avec le caractère particulier qui est le sien… C'est la capitale nationale, oui, ça concerne l'ensemble des Québécoises et des Québécois, puis en même temps il y a une dynamique de formulation de sa propre détermination qui est importante sur ce territoire-là comme sur les autres. Il ne nous semble pas que ce soit le rôle de la banque de coordonner ça. Mais, si on a mal compris et si on dit qu'elle se place au service du plan de développement du Grand Montréal puis de la capitale nationale, nous, on applaudit, là, c'est correct. On comprend ça, ça va. Ce n'est que cette préoccupation-là qu'on a.

M. Hamad : C'est bon pour moi. Terminé. Merci.

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, M. le député de Louis-Hébert. M. le député de La Prairie, la parole est à vous.

• (17 h 30) •

M. Le Bouyonnec : Mme la Présidente, merci. M. Beaulieu, bienvenue. Merci pour votre excellent mémoire. Puis bonjour à vos collègues, M. Picard, M. Patry.

Et puis mon collègue de Louis-Hébert, le critique en économie, là, de l'opposition officielle, a fait un petit lapsus, mais ce lapsus-là m'a fait réfléchir, quand il a parlé d'un guichet automatique, puis je me suis dit : C'est peut-être ça que tous les entrepreneurs souhaitent, là, lorsqu'ils s'adressent à IQ, c'est de pouvoir éventuellement avoir un guichet qui, sans parler de guichet automatique, soit un guichet efficace. On a souvent entendu dans le passé qu'IQ, à travers les années, et surtout aussi suite à la fusion SGF, etc., n'avait pas nécessairement toute la souplesse pour accueillir des projets d'entrepreneur et que finalement il y avait une bureaucratie quand même qui s'installait dans une grande organisation, ce qui n'est pas normal. Une des questions qu'on pourrait se poser : Quand on grandit cette organisation-là encore davantage, lorsqu'on multiplie les missions, puis les mandats, puis les niveaux d'intervention, peut-être qu'on prend un risque. Et puis c'est un peu l'introduction dans votre mémoire, là, la citation que vous indiquiez, là, que, dans le fond, peu importe l'objectif, le résultat peut être décevant si on cherche à trop en faire.

Vous avez clairement indiqué qu'au niveau de la politique de développement économique, ça, vous croyez que c'est le rôle du gouvernement, que c'est le rôle des intervenants du milieu, soit en région soit au niveau de la métropole, de la capitale nationale, même au niveau des autres régions; qu'éventuellement les CLD, les MRC, etc., sont peut-être les mieux placés, et qu'une banque de développement économique du Québec doit être un outil pour réaliser, finalement, ces plans de développement mais ne doit pas se substituer à ces organisations-là dans la création du plan en question.

Ce qui a été clair aussi : vous refusez — et je pense que là-dessus je partage un peu votre opinion — de voir la banque aussi avoir un double mandat d'offrir des produits financiers tout en étant consultant en même temps. Il y a un mélange de genres qui effectivement pourrait porter à confusion, sans oublier le fait que ça rentre un peu en compétition aussi avec le secteur privé puis ça fait en sorte qu'on pourrait avoir des difficultés à ce niveau-là. Mais aussi on sait très bien qu'aujourd'hui, dans l'écosystème dont vous avez parlé, si jamais vous avez une belle business avec des actifs puis un cash-flow, que vous avez besoin d'emprunter de l'argent, vous allez voir les banques à charte, d'une manière générale, ou les caisses populaires puis, avec un bon collatéral, vous allez avoir comme une dette senior, puis, pas de problème, on va vous prêter, puis ça ne coûtera pas trop cher, ça coûtera un «prime» plus 1,5 %, plus 2 % ou plus 3 %, dépendamment. À l'autre bout du spectre, au niveau privé, on va avoir des organisations qui vont vous prêter à des taux de mezzanine qui sont... c'est presque du prêt usuraire, si on pousse ça. Entre les deux, il y avait des organisations comme les fonds fiscalisés, à qui on a dit : Vous n'êtes pas une banque, mais vous n'êtes pas non plus à l'autre bout du spectre, puis, par les crédits d'impôt remboursables, on va vous inciter à prendre un petit peu plus de risques.

IQ, dans ma compréhension, historiquement, comme les interventions gouvernementales, c'est encore un petit peu plus risqué. C'est qu'on disait : On va aller encore un petit peu plus loin, aider des projets soit qui sont en déroute, soit des projets qui exigent que le gouvernement mette du cash sur la table pour attirer des étrangers. Donc, c'est là qu'on vous voit. Dans votre mémoire, ça semble indiquer qu'avec la dernière mouture SGF-IQ on est plutôt dans une direction où on s'éloigne, là, du rôle du gouvernement de prendre à bras-le-corps des projets qui sont plus risqués puis d'avoir des critères de rendement qui sont peut-être préservation du capital… ou préservation du capital moins, tenant compte de la création d'emplois et puis des impôts, puis etc. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Beaulieu (Léopold) : Bien, c'est dans ce sens-là. C'est la chaîne de financement. Quand je parle de l'écosystème, c'est la chaîne de financement. Et, dans la mesure où on est capable de se placer en complémentarité pour que des besoins qui sont présentement non satisfaits le deviennent davantage, on joue gagnant, on joue gagnant, alors qu'autrement, si on est sur un terrain où il y a déjà une réponse à des besoins, c'est plus compliqué et ça pose toutes sortes de questions par rapport à l'utilisation des fonds publics, et l'utilisation de fonds publics dont on a tellement besoin pour organiser et penser le développement à plus long terme. Et c'est l'État qui est en mesure de disposer d'une réflexion et d'une stratégie de moyen et de long terme. C'est ça qui différencie ça d'une institution privée.

M. Le Bouyonnec : ...je n'avais pas réalisé que vous aviez été, comme vous l'avez dit, de longues années aussi au conseil d'administration d'IQ. Si vous aviez une idée ou une recommandation à formuler pour cette commission, en préparation, là, des amendements éventuels à la loi proposée, afin de rendre plus efficace que ce soit Investissement Québec ou Investissement Québec qui changerait de nom de telle sorte que les entrepreneurs se sentent mieux servis, davantage accompagnés, plus rapidement, avec une réponse oui ou non mais plus rapide pour éviter de traîner dans les dédales bureaucratiques souvent, là, d'une fonction publique un peu trop lourde, qu'est-ce que vous recommanderiez?

M. Beaulieu (Léopold) : Il y a des vertus dans le projet de loi, comme au début de mon intervention je le mentionnais, et ce n'est pas actuellement dans le mandat d'Investissement Québec que de venir répondre à ça. Alors, c'est clair qu'il faut des modifications dans ce sens-là, dont je parlais au début du mémoire... de mon intervention. Ce n'est pas au début du mémoire, mais c'est au début de mon intervention. C'est précisément à la page 9 de notre mémoire, l'avant-dernier paragraphe. Pour nous, ça, c'est important, ce qui est mentionné là, et ça ne fait pas partie du mandat actuel d'Investissement Québec. Alors, ça, je pense que c'est souhaitable, c'est souhaitable.

Par contre, il y a aussi cette... Le mandat donné par le gouvernement à Investissement Québec aujourd'hui, sans aucun autre changement, conduit justement à développer des rapports non pas de complémentarité, mais de plus en plus de concurrence, parce que vous allez lui demander d'aller financer des choses qui ne seront pas rentables à court terme. Pour être capable d'aller chercher son autofinancement, elle va empiéter sur le terrain d'où se trouve déjà le privé. Là, vous avez juste à ne rien changer, là, puis ça va accentuer ça.

M. Le Bouyonnec : Mme la Présidente, est-ce qu'il me restait du temps?

La Présidente (Mme Vien) : M. le député de l'opposition officielle vous offre son temps restant, alors à peu près pour une minute encore.

M. Le Bouyonnec : Merci encore de votre générosité, cher collègue. M. Beaulieu, à ce moment-là… Et je suis sûr qu'il y a moyen d'améliorer — parce que le secteur privé le demande — d'améliorer le fonctionnement d'InvestissementQuébec pour la rendre encore plus efficace, plus à propos, plus arrimée dans les stratégies de développement régional, etc. Mais, afin que nous atteignions cet objectif, est-ce que vous, vous seriez d'avis qu'effectivement les fonctionnaires du ministère de l'Économie et Finances demeurent où ils sont aujourd'hui pour faire les politiques et que la réforme dont on parle aussi se concentre sur l'actuelle Investissement Québec?

M. Beaulieu (Léopold) : Il y a une partie envisagée, qu'on a cru comprendre, de conseil aux entrepreneurs, et je ne parle pas de l'accompagnement dans les programmes, là, pour être capable de bien comprendre les exigences des programmes puis les mettre en complémentarité les uns aux autres. Et aussi une base interministérielle, c'est quelque chose d'intéressant et d'important. Mais la partie plus conseil aux entreprises qui serait… qui peut se situer je ne sais pas trop où, il y a... ça, ce n'est pas... on ne souhaite pas ça.

Donc, dans le... est-ce que c'est tout le monde qui devrait être rapatrié? Certainement qu'il faut en rapatrier pour être capable de rencontrer cette nouvelle mission de la Banque de développement. Maintenant, dans des fonctions qui sont compatibles avec l'activité de la banque et la mission de la banque comme on la propose…

La Présidente (Mme Vien) : Merci, monsieur.

M. Beaulieu (Léopold) : …alors là ça pourrait faire des modifications sur les rapatriements. Mais, oui, ça prend du rapatriement, à mon avis.

La Présidente (Mme Vien) : Merci, M. Beaulieu. Merci beaucoup. M. Patry et M. Picard, merci également de votre contribution. Mmes, MM. les parlementaires, merci beaucoup.

Alors, j'ajourne les travaux à demain, 14 mai, 10 heures. Bonne soirée.

(Fin de la séance à 17 h 38)

Document(s) associé(s) à la séance