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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mercredi 13 mai 2015 - Vol. 44 N° 29

Étude détaillée du projet de loi n° 37, Loi confirmant l'assujettissement des projets de cimenterie et de terminal maritime sur le territoire de la Municipalité de Port-Daniel-Gascons au seul régime d'autorisation de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Cousineau) : Bonjour à tous et à toutes. À l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : S'il vous plaît, à l'ordre! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 37, Loi confirmant l'assujettissement des projets de la cimenterie et de terminal maritime sur le territoire de la Municipalité de Port-Daniel—Gascons au seul régime d'autorisation de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Fortin (Pontiac) est remplacé par M. Rousselle (Vimont); M. H. Plante (Maskinongé), par M. Tanguay (LaFontaine); M. LeBel (Rimouski) est remplacé par M. Roy (Bonaventure); M. Péladeau (Saint-Jérôme), par M. Lelièvre (Gaspé); M. Lamontagne (Johnson) est remplacé par M. Jolin-Barette (Borduas); et Mme Roy (Arthabaska), par M. Laframboise (Blainville).

Remarques préliminaires

Le Président (M. Cousineau) : Merci, Mme la secrétaire. Nous débuterons sans plus tarder avec les remarques préliminaires. M. le ministre, vous disposez d'une période de 20 minutes pour vos remarques préliminaires. M. le ministre.

M. Jacques Daoust

M. Daoust : Alors, bonjour, M. le Président. Je vous remercie. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour l'étude détaillée du projet de loi n° 37 confirmant l'assujettissement des projets de cimenterie et de terminal maritime sur le territoire de la Municipalité de Port-Daniel—Gascons au seul régime d'autorisation de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Je suis accompagné par Me Charles Côté, le juriste qui a élaboré le projet de loi, par M. Mario Bouchard, sous-ministre adjoint aux industries stratégiques, projets économiques majeurs et sociétés d'État, de l'Économie et Innovation, ainsi que par M. Hervé Chatagnier, directeur de l'évaluation environnementale des projets hybrides et industriels du ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.

Nous sommes réunis ici pour assurer la poursuite du projet de cimenterie et de terminal maritime de Port-Daniel—Gascons en Gaspésie. Le gouvernement a confirmé son appui à cet important projet de la cimenterie McInnis en juin dernier. Nous avons validé trois aspects du projet avant d'y donner notre appui, soit le montage financier, les retombées de l'entente sur les accords commerciaux et la solidité du plan d'affaires. Ayant obtenu des réponses satisfaisantes à propos de chacun de ces aspects, nous avons été en mesure d'appuyer ce projet porteur d'importantes retombées économiques pour la région de la Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine.

La contribution financière accordée par l'entremise d'Investissement Québec comprend un prêt de 250 millions de dollars et un investissement de 100 millions de dollars en capital-actions. Le projet prévoit la création de 200 emplois directs liés à la mise en exploitation de la cimenterie prévue en 2016. Ce projet permet de stimuler et de diversifier l'économie de la région de la Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine. Il permettra également de créer des emplois de qualité dans la région. La nouvelle cimenterie de Port-Daniel—Gascons aura une capacité de production annuelle de 2,2 millions de tonnes métriques.

Ce projet est en préparation depuis longtemps dans la région. Permettez-moi de vous rappeler les principaux faits historiques. En mai 1995, Ciment McInnis a présenté au ministre de l'Environnement et de la Faune un projet de construction d'une cimenterie d'une capacité d'environ 1 million de tonnes métriques de ciment par année ainsi qu'un projet de construction d'installations maritimes. Le 9 février 1996, le ministre de l'Environnement et de la Faune a autorisé la réalisation des travaux de préparation du site où sera construite la cimenterie en conformité avec la Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement, entrée en vigueur le 22 juin 1995. La réalisation des travaux autorisés a cependant été suspendue en 1999 par le promoteur.

En 2008, le projet a repris vie. Ciment McInnis a informé le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs de son désir de poursuivre le projet. Elle lui indiquait aussi qu'elle envisageait accroître la capacité de production de sa cimenterie à environ 2 millions de tonnes métriques de ciment par année. Le ministre a alors transmis une lettre à Ciment McInnis dans laquelle il maintenait son avis de non-assujettissement à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement de ce projet. C'est dans ce contexte que, le 3 juin 2014, un certificat d'autorisation a été délivré par le ministre en vertu de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement pour la réalisation de certains travaux de construction de la cimenterie.

En effet, en septembre 2014, le Centre québécois des droits de l'environnement, Environnement Terre et Lafarge inc. ont présenté à la Cour supérieure une requête demandant l'annulation de ce certificat d'autorisation. En janvier 2015, l'Association canadienne du ciment s'est jointe aux demandeurs à titre d'intervenante. Selon les demandeurs et l'intervenante, le ministre aurait excédé sa compétence en délivrant un certificat d'autorisation sous l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement pour des travaux en lien avec la construction de la cimenterie sans que le projet ne soit soumis à une évaluation environnementale et autorisé par le gouvernement conformément à cette loi.

Le 16 février 2015, Ciment McInnis a publié un communiqué de presse annonçant que deux des groupes environnementaux impliqués dans la requête en Cour supérieure, soit le Centre québécois du droit de l'environnement et Environnement Vert-Plus, s'étaient désistés de la poursuite. Ciment McInnis a également annoncé qu'une entente était intervenue avec le Centre québécois du droit de l'environnement afin de former un sous-comité environnemental qui se penchera, entre autres, sur les émissions de gaz à effet de serre de la future cimenterie. Le 20 février 2015, à la suite du dépôt du présent projet de loi, la Cour supérieure a rayé ce dossier de tout rôle d'audience. En fait, la cour a considéré que le vote nominal favorable lors du dépôt du présent projet de loi donne une indication que celui-ci pourrait être adopté lorsque présenté à la dernière étape du processus parlementaire.

En mars 2015, Ciment McInnis a annoncé qu'elle avait conclu avec le Centre québécois du droit de l'environnement, le conseil régional de l'environnement de Gaspé, des Îles-de-la-Madeleine et Nature Québec une entente de médiation pour la création d'un comité de suivi. Ce comité environnemental, qui se réunira quatre fois par année, sera composé notamment de deux citoyens de la zone d'impact concernée et de représentants de groupes environnementalistes. Par cette entente, la cimenterie s'est engagée à fournir à ce comité toute l'information relative à ses engagements spécifiques concernant les gaz à effet de serre, les émissions de contaminants et les incidents sur les mammifères marins et la faune aquatique.

• (11 h 40) •

Compte tenu de la décision de la Cour supérieure, de l'entente entre Ciment McInnis et les groupes environnementalistes, il importe maintenant de poursuivre le processus d'adoption du présent projet de loi afin d'assurer la poursuite du projet de cimenterie. À la lumière de la décision de la cour de retirer le dossier du rôle, le gouvernement propose d'adopter le projet de loi pour réitérer et confirmer que le projet de construction de la cimenterie et celui du terminal maritime ne sont pas assujettis à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement et ne doivent pas être autorisés par le gouvernement avant que le ministre puisse autoriser les travaux en lien avec ce projet en vertu de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement.

L'adoption du projet de loi permettra de valider les certificats d'autorisation déjà délivrés par le ministre et ceux à venir. La décision prise par le ministre dans le passé sera confirmée. La poursuite du projet et la réalisation de revenus par le gouvernement évalués à 247 millions sur 10 ans seront assurées. La confiance des investisseurs envers le gouvernement du Québec sera maintenue. Et le risque de poursuite de Ciment McInnis contre le gouvernement du Québec sera éliminé. La construction de cette nouvelle cimenterie est primordiale pour la région de la Gaspésie, des Îles-de-la-Madeleine. La création de près de 200 emplois directs permettra d'améliorer la prospérité des habitants de cette région. Je compte donc sur la collaboration des collègues pour l'étude article par article de ce projet de loi.

Et, en terminant, M. le Président, je dirai simplement que ce projet de loi là, qui est peut-être à l'origine... Ou, tout au moins, les discussions que nous avons eues à l'origine touchaient l'environnement. Elles sont maintenant un débat financier d'une mégamultinationale qui s'est créée très récemment, résultant de la fusion de Lafarge et de Holcim, et le débat, donc, étant une... Comme je le dis, un géant, la multinationale du ciment, de façon importante, qui s'oppose à la venue d'une entreprise purement québécoise. Alors, dans ce contexte-là, la Gaspésie a suffisamment subi de revers dans de grands projets pour que celui-là soit remis en cause, et j'en appelle aux deux oppositions pour m'appuyer dans ma démarche, comprenant qu'on peut être en désaccord avec le principe, mais que la Gaspésie a besoin de ces investissements-là. Alors, on peut, bien sûr, avoir un processus qui va être fort long, mais, en bout de ligne, il va arriver. La question est simplement de savoir, de part et d'autre, quel niveau de souffrance on veut avoir. Voilà, je termine avec ça, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. Maintenant, j'invite un membre de l'opposition officielle à prendre la parole pour 20 minutes. M. le député de Bonaventure, je crois? M. le député.

M. Sylvain Roy

M. Roy : Merci, M. le Président. Je tiens, dans un premier temps, à saluer le ministre et mon collègue, ici, de Gaspé, le député de Gaspé, mes collègues de l'opposition, mes collègues du parti gouvernemental. Les gens du ministère, mes salutations.

Écoutez, le projet de Ciment McInnis, c'est le plus grand projet de développement économique de l'histoire de la Gaspésie, ce n'est pas rien, là, et votre gouvernement a réannoncé ou a confirmé ce que nous avions fait et ce que nous avions appuyé lorsque nous étions au pouvoir. C'est effectivement 200 emplois directement dans la municipalité de Port-Daniel et dans les environs, mais c'est aussi quand même des milliers d'emplois partout au Québec et même dans les circonscriptions caquistes, où il y a des entreprises qui vont être capables de fournir des pièces, des matériaux, etc. Donc, je tenais à le souligner.

La structure de financement, bien, c'est un partenariat, ce n'est pas des subventions. Pour nous, c'est quand même quelque chose d'intéressant pour le gouvernement du Québec en ce sens qu'il y a des retombées économiques potentielles pour le gouvernement via les retours, etc. Donc, n'est-ce que par l'impôt sur le revenu des emplois créés, il va y avoir des retombées très intéressantes.

J'ai entendu lors des... je dirais, des interventions qu'on pourrait appeler du filibusting — j'ai le droit de le dire, M. le Président...

Le Président (M. Cousineau) : Ah! vous avez le droit.

M. Roy : ...merci beaucoup — de l'ensemble des députés caquistes, qui nous ont exprimé toutes sortes de théories, si vous me permettez l'expression, parfois farfelues ou abusives qui venaient décrier le projet.

Le Président (M. Cousineau) : Vous avez le droit de parler de filibusting, mais vous n'avez peut-être pas le droit de porter...

M. Roy : Ramenez-moi à l'ordre, M. le Président, je me fie sur vous.

Le Président (M. Cousineau) : ...oui, de mettre des intentions dans la bouche des autres.

M. Roy : Non, mais, écoutez, on a entendu beaucoup de choses et, de temps en temps, on devait fermer la télé parce que trop, c'était trop. O.K.? Et nous allons explorer quand même... ou essayer de critiquer certains argumentaires, là, qui ont été amenés, là, pour essayer de discréditer le projet, là, d'une manière assez intensive.

Quand on parle de santé publique, par exemple, j'ai entendu, donc, des députés dire que ça allait détruire la santé des gens, etc. J'aimerais rappeler que le premier déterminant de la santé d'une population, c'est son environnement socioéconomique, et, si on n'a pas d'espoir en la vie, bien, ça diminue notre espérance de vie. Donc, ce que ça veut dire, c'est que, s'il n'y a pas de prévisibilité, pas de salaires, pas de conditions économiques qui sont favorables au développement d'une collectivité, bien, c'est les problématiques de suicide, les pathologies comportementales, toxicomanie, le décrochage scolaire. Bref, tout ce que l'appauvrissitude amène, là, c'est beaucoup plus dommageable que, je dirais, les émissions de gaz à effet de serre potentielles ou réelles de la cimenterie.

Donc, écoutez, la Gaspésie a droit à sa plateforme industrielle au même titre que toutes les régions du Québec. Et je tiens à vous dire que les discours que j'ai entendus étaient des discours qui visaient à couper le Québec en petits morceaux, à faire en sorte que les gens, bon, de certaines régions se mettent presque à haïr les Gaspésiens. Parce que, là, on parle de la cimenterie, mais il n'y a pas juste la cimenterie, là. On parle de l'éolien, qui a été décrié de manière assez intempestive, et, bref... Puis je n'irai pas plus loin, là, mais ce que je veux dire, c'est que c'est un projet moteur, c'est un projet majeur, essentiel, je dirais, aux Gaspésiens, et les gens des autres partis, le deuxième parti de l'opposition, devraient être heureux pour les Gaspésiens. Ils devraient s'associer à ce projet-là puis se dire que le Québec, c'est un tout, ce n'est pas des secteurs divisés les uns contre les autres où on essaie d'amplifier via une approche misérabiliste qui est accotée par certaines radios qui nous invitent à sacrer notre camp ou... Je n'irai pas jusqu'à dire crever, mais on l'a dit déjà.

Donc, c'est un discours qui est extrêmement néfaste pour la perception que les Québécois ont de la Gaspésie. Donc, il va falloir, à un moment donné, que nous soyons une nation, bon, que nous appréciions les régions. J'aime bien Montréal, j'aime Québec et j'aime la Gaspésie, et j'aime toutes les régions du Québec. Donc, il va falloir qu'on développe cette approche de soutien dans le discours et la rhétorique et aussi de ne pas essayer de monter par-dessus la tête de l'autre en le calant puis en disant : Ce qui se passe chez vous, ce n'est pas bon. Vous n'avez pas le droit de faire ça. Vous êtes subventionnés par l'État. Vous faites de la pollution, etc. C'est un discours qui ne crée pas une solidarité entre les Québécois, mais vraiment des conditions d'affrontement. Et ce qui est dommage, c'est que le fond de tout ça, c'est que c'est probablement une petite visée électoraliste. Donc, j'arrête ça là...

M. Jolin-Barrette : M. le Président...

M. Roy : ...pour le moment, mais...

M. Jolin-Barrette : ...poser une question de règlement. Écoutez, je...

Le Président (M. Cousineau) : Oui. Je peux bien permettre votre question de règlement, mais il y a... M. le député de Bonaventure a terminé, mais allez-y avec votre question de règlement.

M. Jolin-Barrette : Oui. J'entends le député de Bonaventure, c'est un collègue que j'estime beaucoup. Par contre, tout au long de son discours, on semble prêter des intentions aux députés du groupe formant le deuxième groupe d'opposition. J'aimerais connaître la position de la présidence là-dessus parce que je pense qu'on peut avoir un propos qui... et un débat qui va être sain sans attaquer nécessairement les collègues parlementaires.

Le Président (M. Cousineau) : Bien, vous avez eu au départ la position de la présidence là-dessus en disant que je dis aux gens de faire attention à leurs propos pour ne pas, premièrement, susciter des discussions inutiles, d'une part, et de porter des intentions à qui que ce soit. C'était dans la limite du correct, je mets ça un peu sur un cri du coeur de quelqu'un qui veut parler pour sa région. Mais, à tous les parlementaires autour de la table, je vous rappelle qu'il faut faire bien attention aux propos pour ne pas blesser qui que ce soit autour de cette table. Vous savez... Ça va, M. le...

M. Jolin-Barrette : Oui, merci.

Le Président (M. Cousineau) : Oui. M. le député de Bonaventure, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Roy : Oui, bien, je veux juste rassurer mon collègue que...

Le Président (M. Cousineau) : Sur un point de règlement?

M. Roy : Non, mais je...

Le Président (M. Cousineau) : Rapidement, là, parce que je vais passer...

M. Roy : Oui, mais je ne veux pas personnaliser les débats. C'est des positions de parti, je tiens à le clarifier. Mais, à un moment donné, il faut dire les choses comme elles sont.

• (11 h 50) •

Le Président (M. Cousineau) : D'accord. Merci, M. le député. Maintenant, je suis prêt à reconnaître pour un 20 minutes un député du deuxième groupe d'opposition. Oui, M. le député de Borduas.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. À mon tour de vous saluer, vous qui êtes président de cette commission, de saluer M. le ministre ainsi que les membres de son équipe, également les gens de l'administration publique. On sait à quel point le travail que vous faites est du bon travail et on apprécie toujours votre contribution dans les différents projets de loi, la collaboration que vous avez lors des commissions parlementaires avec les députés formant le premier groupe de... en fait, les députés ministériels, les députés formant le premier groupe d'opposition ainsi que les députés formant la deuxième opposition. Il arrive parfois que certains des projets de loi qui sont développés, par contre, ne suscitent pas l'adhésion des autres formations politiques, mais ça fait partie du travail qu'on a à effectuer.

D'ailleurs, M. le Président, j'aimerais également souligner le travail du secrétariat, qui est toujours un travail appliqué. Et donc on ne pourrait pas fonctionner ici, au Parlement, sans les gens du secrétariat. Donc, c'est toujours apprécié d'avoir des renseignements de comment les travaux sont guidés.

Aussi, M. le Président, je souhaite souligner la présence de mes collègues députés de la partie ministérielle, donc le député de D'Arcy-McGee, le député de Jean-Lesage, le député de LaFontaine, le député de Champlain, le député de Vimont, le député d'Argenteuil, ainsi que mes collègues de la première opposition, le député de Bonaventure et le député de Gaspé. Et aussi, lors de cette commission, j'aurai la chance et le privilège d'être avec le député de Blainville, qui participera à la commission. Le député de Blainville, qui a une longue expérience en commission parlementaire, notamment ayant siégé... En fait, pour répondre au député de Champlain, ce n'est pas nécessairement l‘âge qui fait l'expérience, mais la qualité du travail.

Donc, M. le Président, on est aujourd'hui en commission parlementaire, éventuellement en étude détaillée, sur le projet de loi n° 37, la Loi confirmant l'assujettissement des projets de cimenterie et de terminal maritime sur le territoire de la Municipalité de Port-Daniel—Gascons au seul régime d'autorisation de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement. C'est un projet de loi qui a été déposé par le ministre de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations.

Parfois, M. le Président, il y a des questions de principe sur lesquelles on se doit de statuer, et j'ai bien entendu le ministre et le collègue de la première opposition à l'effet que le projet de cimenterie de Port-Daniel est un projet porteur pour la Gaspésie. Ce que je voudrais dire d'entrée de jeu, M. le Président, c'est que ma formation politique appuie la Gaspésie, appuie le développement économique en Gaspésie. Par contre, nous considérons que ce projet n'est pas le projet approprié pour le développement économique de la Gaspésie. C'est le premier élément.

Il va y avoir également un deuxième élément, M. le Président, sur l'aspect environnemental. L'implantation de cette cimenterie-là va avoir un impact considérable sur le bilan du Québec sur les gaz à effet de serre. Le Québec travaille depuis des années et des années à améliorer son bilan énergétique, à améliorer la réduction de la pollution qui est effectuée par les différentes industries. Vous savez, M. le Président, que l'implantation de cette cimenterie-là va constituer environ 8 % à 10 % du total des émissions de gaz à effet de serre par le secteur de l'industrie au Québec. Au niveau global, c'est 2 % à 3 %. Donc, il y a l'aspect environnemental aussi.

Et, vous savez, le Québec s'est doté de lois au cours des années, notamment la Loi sur le développement durable, pour orienter les politiques gouvernementales, M. le Président, vers la modernité, vers un développement économique durable. Il faut changer les façons de faire, et le projet de cimenterie, quoique... Et on me rétorquera qu'il s'agira de la cimenterie la plus performante au niveau environnemental. Cependant, ce qu'il faut dire, M. le Président, c'est que ça demeure une des industries les plus polluantes, et on a un questionnement à se faire lorsqu'on décide de ne pas assujettir une telle cimenterie, un tel projet au régime d'autorisation qui est prévu dans la Loi sur la qualité de l'environnement, la Loi sur la qualité de l'environnement qui a été développée au cours des années 70, M. le Président, et qui va être réformée éventuellement, le ministre de l'Environnement l'a déjà annoncé, mais qui sert de socle pour le développement économique et l'environnement.

On s'est dotés de processus indépendants, de processus qui font en sorte que les gens peuvent s'exprimer. Il y a eu énormément d'arguments, M. le Président, sur cet élément de la part du leader du gouvernement, de la part du ministre de l'Environnement qui sont venus nous dire que les gens ont pu s'exprimer, il y a eu des consultations qui ont été faites, mais ça n'a pas été des consultations au sens d'une évaluation indépendante effectuée par le Bureau d'audiences publiques en environnement.

Un autre élément, M. le Président, sur lequel on aura la chance de revenir, c'est le dépôt de ce projet de loi, une intrusion directe, en fait, dans la séparation des pouvoirs entre le législatif et le judiciaire. Et on aura l'occasion de revenir également sur les propos de la ministre de la Justice tout à l'heure, qui parlait, à la période de questions, suite à une question du député de Labelle, porte-parole de la première opposition en matière de lois professionnelles, sur l'indépendance judiciaire. Et je pense qu'aujourd'hui et puis dans les séances qui vont venir, qui vont se dérouler, on aura l'occasion de faire un peu cette analyse-là de quel est le rôle du gouvernement, est-ce que le rôle du gouvernement n'est pas d'être équitable envers tous et chacun. Moi, je le pense, en tout cas, M. le Président, mais parfois il arrive, en raison de pressions économiques, de pressions financières, de pressions quelconques qui viennent de certains milieux, donc, qu'il y a une certaine accessibilité à obtenir des remèdes législatifs auxquels M. et Mme Tout-le-monde n'auraient pas droit. C'est une question de deux poids, deux mesures, M. le Président.

Donc, cet aspect-là est vraiment fondamental sur le projet de loi, surtout que, M. le Président, l'argumentaire qui est développé pour développer... bien, en fait, pour présenter ce projet de loi et pour éventuellement l'adopter, tel que le souhaite le gouvernement, l'argumentaire qui est développé, c'est de dire : On vient réaffirmer l'état du droit. Mais il y a une chose que j'ai apprise, c'est que, lorsque le droit est tel qu'il est, on n'a pas de nécessité, M. le Président, de le réaffirmer. C'est pour cette raison que ma formation politique est contre le projet.

Si je résume, M. le Président, en fait il s'agit d'une question environnementale, d'une question économique, et j'espère que le ministre pourra nous répondre relativement au développement économique régional. Parce qu'il a une longue expérience en matière d'investissements, et je suis persuadé que des investissements de 450 millions d'argent public... En fait, on sait que ça vient d'Investissement Québec, une prise de capital-actions, également un prêt de 250 millions, également la Caisse de dépôt. Donc, concrètement, c'est de l'argent qui est de l'argent des contribuables québécois. Pour la Caisse de dépôt, bien, en fait, c'est le bas de laine qui investit, mais, pour la Gaspésie, avec un investissement de 450 millions, qu'est-ce qu'on aurait pu faire pour diversifier l'économie? Parce qu'ultimement c'est 200 emplois, et puis Ciment McInnis, l'entreprise visée par ce prêt, par cette aide financière, M. le Président, va développer 200 emplois. Donc, lorsqu'on évalue les retombées, même si on regarde les emplois indirects, je suis persuadé qu'Investissement Québec et je suis persuadé également que le ministre, qui a dirigé cet organisme durant de nombreuses années, auraient été capables de développer davantage d'emplois.

Parce que ce qu'il faut dire, M. le Président, et surtout pour mes collègues de Gaspé et de Bonaventure qui sont présents, M. le Président, c'est que l'économie de la Gaspésie a besoin d'être développée, l'économie de la Gaspésie a besoin d'être soutenue, mais il ne suffit pas de dire à la Gaspésie, une fois aux 15 ans : On va vous donner un projet, il faut travailler sans relâche pour faire le développement économique régional.

Et j'écoutais tout à l'heure, M. le Président, le député de Bonaventure dire qu'il s'agit d'une position de parti de dire : On ne veut pas que vous ayez ça dans votre région, on va se piler sur la tête, on va se caler. Ce n'est pas ça, la question, M. le Président. Au Québec, il faut encourager toutes les régions, il faut faire du développement économique dans toutes les régions, il faut avoir des projets porteurs. Par contre, il faut investir intelligemment, il faut s'assurer que les projets qu'on choisit puissent avoir le maximum de retombées.

M. le Président, il faut que, dans les projets qui vont être mis de l'avant par le gouvernement... Parce qu'on revient à cette question-là, hein, M. le Président, on revient au fait qu'il s'agit d'investissement public. Le projet est d'environ 1,1 milliard — le ministre pourra me corriger sur la précision des éléments financiers parce que c'est lui qui détient, en fait, ces informations-là et qui est en lien avec Investissement Québec, avec l'investissement de la Caisse de dépôt aussi — mais on constate que c'est environ 50-50, hein, le partenariat entre l'investissement du holding de la famille Bombardier, donc Beaudier, et celui de l'argent public. Donc, les investisseurs privés sont à hauteur d'environ 50 %, et le gouvernement est à hauteur de 50 % aussi. Il n'y a pas beaucoup d'entrepreneurs, M. le Président, qui ont la chance d'obtenir un tel financement de la part de l'État québécois et de la part de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Le dossier a piétiné durant de nombreuses années. C'est important d'orienter, M. le Président, les investissements économiques du Québec vers les régions, mais il ne faut pas oublier, M. le Président, que — et le député de Bonaventure le soulignait à juste titre — c'est le fait d'occuper un emploi, le statut socioéconomique qui va modifier la qualité de vie des gens, il faut travailler pour ça. Mais est-ce qu'un projet créant uniquement 200 emplois pour 450 millions a les retombées suffisantes? Moi, ce que je vous dis, M. le Président, c'est qu'avec cet argent il aurait été préférable de bâtir des projets économiques avec des petites, des moyennes entreprises, de diversifier de façon à ce que l'ensemble des Gaspésiens puissent avoir un emploi de qualité.

On a souvent taxé, M. le Président, ma formation politique de ne pas aimer les régions. C'est totalement faux, et cet argument, M. le Président, relève d'une certaine simplicité. Vous savez, M. le Président, dernièrement, j'ai deux de mes collègues, le député de Nicolet-Bécancour et le député de Johnson, qui sont allés faire une tournée des régions pour aller voir les gens, pour savoir comment est-ce qu'on peut amener l'innovation, comment est-ce qu'on peut développer les emplois dans les différentes régions, comment, M. le Président, comment on peut faire pour bâtir un Québec plus riche, comment, M. le Président, on fait pour doter le Québec d'emplois de qualité, des emplois de qualité à Québec, à Montréal, à Trois-Rivières, à Shawinigan, en Gaspésie, en Abitibi, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, en Outaouais — c'est important, M. le Président — à Laval, en Mauricie, en Estrie...

• (12 heures) •

Une voix : Laurentides.

M. Jolin-Barrette : Les Laurentides — on me souffle les dernières régions, je ne voudrais pas en oublier, il y en a 17 — le Centre-du-Québec, M. le Président, aussi.

Une voix : La route touristique...

M. Jolin-Barrette : Bon, on va rester dans les régions administratives. M. le Président, pouvez-vous m'indiquer combien de temps...

Le Président (M. Cousineau) : Oui, il vous reste à peu près huit minutes.

M. Jolin-Barrette : Parfait. Merci, M. le Président. Vous savez, M. le Président, ce projet de loi n'est pas nécessaire. Et surtout vous savez que la façon dont ça s'est fait, hein, le lancement de ce projet de cimenterie à Port-Daniel, ça s'est fait comme... Et j'entendais le député de Bonaventure, tout à l'heure, dire que ma formation politique adoptait des positions électoralistes uniquement, je vous dirais que, lorsque le projet a été lancé, ça s'est fait au début de la campagne électorale visant à former la 41e législature, hein, au début du mois de mars. Les élections ont été déclenchées, je crois, le 31... bien, 28 février, 1er mars, dans ces zones-là, 2014... 3 ou 5 mars, les élections étaient le 7 avril. Ce qu'il faut dire, M. le Président, c'est que la première opposition, à l'époque, qui était le parti gouvernemental, hein, avec 54 sièges, je crois, a lancé ce projet de cimenterie là afin de conserver les sièges qu'ils avaient obtenus en Gaspésie. Parce que le comté de Bonaventure, auparavant, vous savez, avait été occupé par l'ancienne ministre des Affaires municipales, donc on s'est servi de ce projet industriel là pour faire de la politique. Et par la suite, quand le gouvernement est arrivé en fonction, le gouvernement de la 41e législature, on a senti...

Le Président (M. Cousineau) : Faites attention ici. Là, vous portez des intentions, faites attention. Continuez.

M. Jolin-Barrette : Loin de moi, M. le Président, de porter des intentions. M. le Président, je vous dirais que plusieurs chroniqueurs dans les journaux, plusieurs journalistes ont utilisé ces termes. Nous aurons l'occasion d'y revenir. Et je m'en excuse à mes collègues si mes propos peuvent les avoir dérangés, mais ce qu'il faut dire, M. le Président, c'est que le moment où le projet a été lancé coïncidait de façon opportune avec une campagne électorale. C'est ce que je voulais dire, M. le Président.

D'un autre côté, on se retrouve avec le gouvernement de la 41e législature, où, lors de leur entrée en fonction, bien, plusieurs membres du gouvernement ont éprouvé un malaise avec ce projet. Même le ministre de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations a éprouvé certaines réserves suite à son entrée en fonction à titre de ministre, à la fin du mois d'avril, début mai, je crois, 2014, éprouvait certaines réserves. Son collègue également, le ministre du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte aux changements climatiques, a également éprouvé certaines réserves sur le niveau de pollution émis par cette cimenterie.

Et on le verra tout à l'heure, M. le Président, que les contaminants, les rejets atmosphériques sont importants à partir de l'entrée en fonction de cette cimenterie, d'autant plus que le principal carburant qui sera utilisé, M. le Président, sera du coke de pétrole, M. le Président, et il s'agit d'un des combustibles les plus polluants. Il y a déjà eu des engagements, M. le Président — et on le constate dans le rapport qui a été déposé par Ciment McInnis — que des énergies alternatives, des combustibles alternatifs devraient être utilisés. Ce qu'il faut dire, M. le Président, c'est qu'il y a une certaine problématique, et c'est simplement un engagement de bonne foi qui est fait. Donc, il faut se baser sur la bonne foi des gens, c'est la façon dont notre système de loi est fait, M. le Président. Cependant, il n'y a aucun engagement formel et ferme de la part du promoteur à diversifier son mode de combustible. Et ce qu'on dit aussi, M. le Président, c'est qu'en raison de la distance, les coûts associés aux combustibles alternatifs qui pourraient être utilisés pour la cimenterie, bien, il risque fort de ne pas avoir suffisamment de combustible alternatif à proximité, et surtout, M. le Président, il risque fort que la cimenterie n'utilise pas ces modes alternatifs de combustible. Parce que, vous savez, M. le Président, lorsqu'on a un engagement non formel, ça vaut autant que le papier sur lequel l'engagement est pris, M. le Président.

Donc, en ce sens-là, pour le projet de cimenterie, j'y vois une problématique parce qu'on nous vend beaucoup le projet comme étant la cimenterie la plus performante en Amérique du Nord, même qui va redéfinir les standards mondiaux. Soit, mais l'ensemble du contrat, l'ensemble des engagements du promoteur ne sont pas coulés dans le béton, si je pourrais dire sans faire de mauvais jeu de mots. Et je suis convaincu que le ministre de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations, lorsqu'il signait des ententes, des engagements à l'époque où il était chez Investissement dans sa carrière, s'assurait que l'ensemble des clauses puissent être respectées et puissent engager les gens de façon à avoir une certaine stabilité, et là on constate que la stabilité des engagements du promoteur n'est que peu présente.

M. le Président, il faut dire que ce projet de loi vient... En fait, la principale raison du projet de loi est de mettre fin au litige qui avait cours devant les tribunaux. Vous savez que... Et le ministre l'a souligné tout à l'heure, a dressé un peu l'historique du projet de la cimenterie, à partir du moment où il a été annoncé, à partir du moment où des groupes environnementaux et des cimentiers concurrents ont pris un recours.

Il me reste une minute? M. le Président, vous me permettrez de déposer une motion préliminaire. Je vais le faire à la suite de mon temps de parole, mais je souhaitais déjà vous l'annoncer parce qu'il y a une chose qui n'a pas eu lieu avec le dépôt de ce projet de loi là, ce sont des consultations particulières. Et on constate, M. le Président, que, depuis le début de la 41e législature, pratiquement tous les projets de loi, M. le Président, pratiquement tous, ont fait l'objet de consultations particulières. Donc, vous me permettrez, M. le Président, de déposer une motion préliminaire dans le cadre des remarques préliminaires.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, merci, M. le député de Borduas. J'imagine, votre motion, elle est écrite.

M. Jolin-Barrette : Certainement.

• (12 h 10) •

Le Président (M. Cousineau) : Donc, il faudrait la déposer à la commission, on va analyser ça. Donc, vous en faites un dépôt. Maintenant, avant de débattre de la motion qui est déposée, s'il y a encore des intervenants concernant les remarques préliminaires, je suis prêt à vous reconnaître. Vous avez tous et toutes le droit d'intervenir sur les remarques préliminaires. Parce qu'on va fonctionner par alternance, est-ce qu'il y a quelqu'un du côté ministériel? Non? Alors, M. le député de Gaspé. M. le député de Gaspé, à vous la parole.

M. Gaétan Lelièvre

M. Lelièvre : Merci, M. le Président. À mon tour de saluer M. le ministre, M. le Président, mes collègues du parti gouvernemental, de la deuxième opposition et mon collègue de Bonaventure, ainsi que toute l'équipe qui supporte notre commission.

Écoutez, M. le Président, c'est un dossier qui... En tout cas, moi, je suis particulièrement fier d'être ici aujourd'hui pour défendre ce dossier-là avec mon collègue député de Bonaventure. Parce qu'il faut dire que le dossier se passe dans son comté, dans le nouveau comté tel que découpé en 2011, mais c'est un dossier sur lequel j'ai eu le plaisir de travailler dans les années 90 alors que j'occupais la fonction de directeur général de la MRC du Rocher-Percé, qui comprenait à l'époque et qui comprend toujours la municipalité de Port-Daniel. Donc, c'est un dossier, depuis au-delà de 20 ans, que j'ai suivi avec attention.

Puis je me souviens en 1995 quand Jacques Parizeau et M. Scraire étaient venus parler de ce projet-là. Puis il y avait eu d'ailleurs des travaux qui avaient été réalisés dès les années 90, puis pour différentes raisons... Puis je pense que M. le ministre, tantôt, a très bien résumé, on parle d'une guerre entre des géants, hein, de l'industrie du ciment, puis à l'époque, à mon humble avis, l'une des raisons pour lesquelles le dossier ne s'est pas réalisé, c'est par le jeu d'une concurrence parfois loyale, parfois déloyale, mais je crois que le promoteur, à l'époque, en tout respect, qui est quelqu'un que j'estime beaucoup parce que c'est lui qui a fait naître ce projet-là, ce promoteur-là n'avait peut-être pas les moyens, malheureusement, pour défendre le projet auprès de géants du ciment.

Écoutez, mon collègue l'a bien résumé, c'est un projet qui a avant tout, je dirais, une résonnance, là, puis des racines au plan économique, mais même au niveau social dans la région. Le député de Bonaventure a bien exprimé, là, toute l'importance de la dimension économique et sociale en regard du développement d'une région puis de la santé d'une population qui habite cette région-là. Puis, je vous dirais, j'avais déjà mentionné — je ne sais pas si c'est au salon bleu, je crois que c'est lorsque j'ai pris la parole pour défendre le projet — ça m'avait surpris, l'année dernière, en lisant un quotidien de Québec, il était inscrit qu'entre la Basse-Ville et la Haute-Ville de Québec il y a moins de deux kilomètres puis, malheureusement, il y a huit ans d'espérance de vie de différence, d'écart. Puis je vois le député ici de cette région-là qui hoche la tête, donc ce n'est pas l'environnement qui tue tout le monde au Québec, c'est peut-être plus des problèmes liés à l'économie, à des problèmes sociaux, puis la Gaspésie, malheureusement, a beaucoup de retard, je dirais, puis beaucoup de place à amélioration sur le plan social et sur le plan économique.

Au niveau environnemental, je crois qu'on est relativement choyés, on a une belle qualité d'environnement. Et c'est peut-être dû à des choix qui ont été faits dans le passé, mais aujourd'hui on est confrontés à une situation où on a un choix à faire entre maintenir un environnement de très, très, très grande qualité ou peut-être, oui, il faut être honnête, peut-être accepter un projet qui a un impact négatif au plan environnemental, mais qui, au plan global, au plan social, au plan économique, est, hors de tout doute, un projet gagnant.

Je ne peux pas faire autrement que citer encore le comportement — puis je dis bien comportement — du parti de la deuxième opposition, qui... Je suis un gars assez tolérant, assez patient de nature, mais disons que, pendant les interventions sur le projet de loi n° 37, là, ça devenait très agaçant d'entendre le discours de la deuxième opposition, qui est composée d'hommes et de femmes, je suis convaincu, compétents, dédiés à l'amélioration du Québec, hein, de la qualité de vie au Québec, mais qui, à certains égards, je pense, ont vraiment erré dans leurs propos. Puis là je vais citer quelques éléments qui m'amènent à dire que la deuxième opposition a vraiment exagéré dans ses propos, et c'est même un discours qui, à mon avis, est teinté de partisanerie, puis c'est dommage d'entendre ça.

Le Président (M. Cousineau) : ...faire attention, M. le député de Gaspé, là, il faut faire attention. D'accord?

M. Lelièvre : Je vais faire attention, M. le Président. Mais j'en ai entendu beaucoup, là, au salon bleu, ça fait que disons que...

Le Président (M. Cousineau) : ...ils ont droit, comme tous les parlementaires, à leur opinion. On peut ne pas être d'accord, mais il faut faire attention pour ne pas...

M. Lelièvre : Parfait. Merci, M. le Président, de votre mise en garde. Le dossier de la cimenterie de Port-Daniel, quand j'entends la deuxième opposition défendre une position contre ce dossier-là en mettant en valeur l'environnement au premier plan, j'ai un peu de misère à comprendre ça. On a pris la peine de vérifier, depuis 2011, l'année de création de la CAQ, aucune motion, aucun projet de loi n'ont été déposés par la CAQ qui avait un lien direct ou indirect avec l'environnement. Mais, du jour au lendemain, arrive un projet social et économique comme Port-Daniel, puis, du jour au lendemain, on prend position contre ce projet-là au nom de l'environnement. Il me semble que, si cette formation politique là avait une préoccupation majeure pour l'environnement, ça aurait pu se refléter en quelque part dans le dépôt d'un projet de loi à portée environnementale, mais non, jamais depuis 2011... Puis, si ce n'est pas le cas, je suis prêt à retirer mes propos, mais c'est l'information qu'on a. Puis d'ailleurs je l'ai déjà mentionné au salon bleu, puis personne ne m'a contredit là-dessus. Donc, depuis 2011, aucune intervention à portée environnementale, mais là on prend une position contre le dossier de Port-Daniel à la défense de l'environnement, ça m'apparaît très opportun.

Du côté de la consultation, j'ai entendu aussi dire : On devrait faire un BAPE, on devrait faire une consultation parce que ce qui a été fait, c'est peut-être insuffisant. C'est une façon de voir ça, mais, vous savez, il n'y a pas grand députés de la CAQ en Gaspésie, hein? Puis, si ça continue comme ça, il n'y en aura pas avant longtemps non plus. Mais il y a quand même un candidat qui s'est présenté à deux reprises qui s'appelle M. Landry, puis lui, M. Landry, qui est le candidat de la CAQ à deux reprises, bien, lui, il vit dans le milieu. Il vit à Carleton, c'est un professeur, et il s'est présenté dans le comté de Bonaventure. Puis lui, il connaît les gens de la région, il connaît les intervenants, il connaît le dossier puis il connaît surtout la situation sociale et économique de la Gaspésie. Il ne fait pas rien qu'envoyer du monde en tournée deux, trois jours où est-ce qu'il y a des salles vides. Parce qu'il n'y a pas grand-monde qui est allé voir les représentants de la CAQ, puis c'est eux qui me l'ont dit directement.

Donc, M. Landry, lui, il dit : Je suis en faveur de ce projet-là, moi. Je suis en faveur de ce projet-là, puis je l'assume. Puis il est même venu en contradiction avec son parti. Donc, il faudrait peut-être que le parti consulte ses candidats, hein? Il s'est quand même présenté deux fois sous votre bannière. C'est quand même quelqu'un, je présume, de crédible, pour avoir fait ça. Alors, il faudrait peut-être parler à votre monde, votre petit peu de monde que vous avez dans les régions qui vous supporte.

M. Jolin-Barrette : M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Oui, je sais sur quoi vous allez venir, monsieur... je vais quand même vous donner la parole. Pour un point de règlement, M. le député de Borduas?

M. Jolin-Barrette : Bien, certainement, un point de règlement, M. le Président. Écoutez, j'écoute avec intérêt les propos de mon collègue de Gaspé. Loin de moi l'idée de le bâillonner, ce n'est pas notre habitude de ce côté-ci. Peut-être, de l'autre côté de la pièce...

Des voix : ...

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, en fait, simplement, M. le Président, le député de Gaspé semble prêter des intentions à notre formation politique à l'effet que nous ne consultons pas les gens, que nous n'avons pas de racines dans les régions. Je tiens à l'informer que nous consultons les gens et nous avons des racines.

Le Président (M. Cousineau) : D'accord. Merci pour votre intervention, M. le député de Borduas. Alors, j'invite M. le député de Gaspé à faire attention pour ne pas susciter de débats inutiles. Mais vous pouvez poursuivre, et puis je suis capable de mesurer ce qui est correct et puis ce qui est un petit peu dangereux.

M. Lelièvre : Dans la foulée des déclarations qu'on a entendues au salon bleu contre le projet de loi n° 37, j'en ai écouté pas mal. J'en ai écouté pas mal, mais, à un moment donné, ça devenait dur, là. À un moment donné, on fermait, on mettait ça à off. Mais, à un moment donné, on revenait, puis on prenait notre courage à deux mains, puis on essayait de comprendre, là, pourquoi une formation politique pouvait autant s'acharner sur un dossier comme ça, sur une région comme ça.

J'ai entendu à de nombreuses reprises comme solution miracle... Parce que, vous savez, nous autres, hein, les députés, les maires, les préfets, les représentants de la Chambre de commerce, la population, on n'est pas capables de se prendre en main, on ne sait pas qu'est-ce qui est bon pour la Gaspésie, tu sais. Parce que les représentants de la deuxième opposition, à de nombreuses reprises, le seul élément que j'ai entendu puis qui était du concret, c'était : On va développer la Gaspésie avec l'agrotourisme. Aïe! quelle solution miracle. C'est arrivé, m'a dire, comme une illumination.

Bien, l'agrotourisme en Gaspésie, là, j'aimerais préciser que, si c'est là-dessus que la CAQ pense développer la Gaspésie, on va avoir bien de la misère. Pourquoi? Le premier abattoir est à 500 kilomètres de la Gaspésie, il n'y a pas de laiterie en bas de 400 kilomètres, puis, malheureusement, c'est un créneau qui a été délaissé au fil du temps. Pourquoi? À cause de mesures souvent centralisatrices qui ont fait que tous nos leviers, entre autres nos moyens de transformation, ont été fermés en région, puis, finalement, la région se sent très, très dépourvue à ce niveau-là. C'est une piste qui demeure exploitée, mais à un niveau, je dirais, moindre depuis plusieurs décennies. Donc, c'est ce que j'ai entendu du côté de la deuxième opposition comme piste de solution pas plus tard qu'encore hier, c'était encore dans les débats hier soir.

Bien, moi, je pense qu'on... c'est vraiment l'exemple, là, en quelque part, d'une méconnaissance de la région. Puis on est contre le projet, on dit : On pourrait... La phrase magique qu'on a entendue souvent : 450 millions, on pourrait faire mieux, on pourrait faire plus. Bien, c'est sûr qu'on pourrait faire mieux puis on pourrait faire plus. Mais le problème, c'est que, dans les dernières décennies, il n'y a personne qui a fait mieux puis il n'y a personne qui a fait plus bien, bien, à part de l'éolien, à part de ce projet-là puis à part de quelques investissements de façon, je vous dirais, spontanée. Donc, c'est facile de dire : On aurait pu faire mieux quand on n'est pas au pouvoir puis quand on ne le sera probablement pas à court terme non plus.

• (12 h 20) •

Mais nous, on a trouvé, comme région, un projet à appuyer. Les MRC de la Gaspésie, les cinq MRC, plus celle des Îles appuient le projet. Ça, ce sont les préfets puis ce sont les maires. Les six CLD appuient le projet. La chambre de commerce régionale appuie le projet. La chambre de commerce de la MRC Le Rocher-Percé appuie le projet. Le regroupement environnemental de la Baie-des-Chaleurs, qui comprend l'ensemble de ce secteur-là, appuie le projet. Écoutez, j'ai essayé de trouver quelqu'un qui s'oppose, là, je pourrais les compter sur les doigts d'une main, les gens ou les organismes. Des organismes, je n'en ai pas trouvé. Des personnes, peut-être sur les doigts d'une main.

Ça fait que, quand on dit que le processus de consultation n'a pas été complet, bien, je me demande ce qu'on aurait pu faire de plus. Bon, peut-être aller consulter à l'extérieur, il y a peut-être des organismes en quelque part dans le monde qui sont contre ce projet-là. Mais, dans la région, là, moi, je regrette, comme député, puis mon collègue de Bonaventure, notre mandat, c'est de supporter notre population, nos leaders régionaux et locaux. Puis même, je dirais même, là, moi, L'Anse-McInnis, je sais c'est où, moi, là, là, c'est dans le secteur où est prévu le projet, puis, je vous dirais, les gens qui restent à côté de ça, là, je peux vous donner leurs noms, là. Jean-Marc McInnis, Robert McInnis, c'est des gens qui restent à côté de ça, c'est des voisins de ce projet-là. Ils sont-u fous, ce monde-là? Ils ont des belles terres, ils sont sur le bord de l'eau. Il y en a un qui est fermier, il a un bel élevage, il est à sa retraite. Pensez-vous que, si ces gens-là trouvaient que le projet était si négatif que ça, qu'ils ne s'opposeraient pas? Mais même ces gens-là dans le milieu sont en faveur, puis c'est dans leur cour, là. Ça fait qu'ils doivent avoir des raisons, hein? Parce que, là, on prend l'angle de la consultation. Moi, je pense qu'au niveau de la consultation, à mon humble avis, tout a été fait, puis tout a été dit, puis il y a un large consensus, pour ne pas dire unanimité.

Maintenant, au niveau du projet, on parle d'un projet qui, apparemment, serait, tu sais, très, très négatif au niveau environnemental, mais c'est sûr, si on le regarde dans notre cour, si on le regarde comme Québécois puis on dit : Ça va être un projet qui est très polluant, oui, c'est un projet qui est polluant, c'est vrai, il faut l'admettre. C'est un projet qui va être le projet le plus polluant, mais, vous savez, les gaz à effet de serre, hein, ce n'est pas au Québec qu'on calcule ça puis encore moins en Gaspésie, c'est en Amérique du Nord puis c'est dans le monde parce que c'est planétaire, au moins nord-américain. Puis ce qu'il faut retenir, c'est que ça va être le procédé le plus efficace au monde. Au moins en Amérique du Nord, puis certains spécialistes disent probablement au monde aussi.

Ça fait que globalement, moi, comme citoyen de la Gaspésie puis comme parlementaire, ce que je comprends, c'est qu'on améliore le bilan des gaz à effet de serre en Amérique du Nord. Puis on fait encore partie, le Québec, de l'Amérique du Nord, puis la Gaspésie également. Donc, à ce niveau-là, c'est un pas en avant. Puis, écoutez, quand c'est rendu que Steven Guilbeault, hein, d'Équiterre, ne se prononce pas, via son organisme, contre le projet... Oui, il dit qu'il y a des bémols, oui, il dit que ça aurait peut-être été intéressant de faire un BAPE, mais il y a des raisons, hein, il y a des raisons... Il y a des délais qui étaient prévus pour faire le BAPE, il y a des dates butoirs. Puis cette compagnie-là a des droits, puis les permis ont été accordés, à tort ou à raison, avant la date butoir pour le BAPE. Mais, quand c'est rendu qu'un organisme comme Équiterre dit que ce projet-là est un projet parmi les plus performants au monde puis il ne s'oppose pas, bien, si tu conjugues ça avec mes organismes qui défendent l'environnement dans la région avec un organisme comme Équiterre, avec une personne comme Steven Guilbeault, que, je pense, c'est quelqu'un de très, très connu, mais surtout reconnu au Québec, bien, je pense qu'il commence à y avoir quelque chose qui a de l'allure en termes d'acceptation.

Puis, vous savez, je trouve ça un peu égoïste de dire : On va continuer à acheter notre ciment au Québec puis partout en Amérique du Nord avec des cimenteries qui sont 20 % plus polluantes parce qu'on ne veut pas ce projet-là. Moi, je pense qu'on fait partie de l'Amérique du Nord, on fait partie d'un grand ensemble, puis, si on peut amener une amélioration à ce grand ensemble là en ayant un projet qui va être un projet exemplaire sur le plan environnemental, bien, n'ayons pas une approche simpliste, là, puis regardons ça globalement, puis je pense que, globalement, c'est un projet, sur le plan environnemental, qui mérite d'être étudié puis qui a sa place au Québec puis en Amérique du Nord.

C'est un projet qui est porteur aussi au niveau social puis au niveau économique parce que, vous savez, le principal défi de la Gaspésie présentement, comme beaucoup d'autres régions, c'est de trouver une alternative à ses nombreuses déficiences au niveau des transports. Bien, un projet comme cimenterie McInnis, ça va amener de l'achalandage sur le chemin de fer, ça va peut-être permettre de remettre le chemin de fer en opération, qui est arrêté depuis deux ans. C'est important, le chemin de fer, autant pour les personnes que pour les marchandises. Ça va permettre d'augmenter l'achalandage dans nos aéroports, qui, oui, sont présents, mais, malheureusement, ont des coûts de billet entre 1 000 $ et 1 500 $ aller-retour Gaspésie-Québec par jour. On sait que le volume peut être un élément pour diminuer les coûts.

Ça va permettre également d'améliorer la qualité de vie du milieu parce que c'est sûr que 200 emplois dans une communauté de 20 000 de population ou, prenons la Gaspésie, 80 000, ça a tout un effet levier parce que c'est 200 emplois indirects qui s'ajoutent à ça également. Donc, il faut prendre conscience que ce projet-là, malgré les lacunes... Puis ça, il faut être honnête, je pense qu'il n'y a personne autour de la table qui n'est pas conscient qu'il y a peut-être certaines lacunes à certains égards au plan environnemental, mais il y a quand même des effets positifs au plan environnemental. Mais globalement c'est un projet qui va permettre de donner de l'oxygène, hein? Il va peut-être produire des gaz à effet de serre quelque part sur la planète, là, mais il va donner de l'oxygène aux Gaspésiens qui veulent développer puis occuper leur territoire. Puis ça, c'est important, c'est très important, puis j'espère qu'on va se tourner vers ce projet-là puis qu'on va réussir à le pousser parce que, vous savez, c'est un projet qui a de nombreux défis.

On se bat contre les grands de ce monde, hein, dans la vaste économie planétaire où prend une grande place le ciment. Puis le ciment, là, c'est un élément qu'on ne pourra pas se passer à court terme, là, on en a besoin au Québec, on en consomme. Donc, si on est responsables comme société, on devrait en produire aussi. C'est un peu comme le pétrole, hein? On ne veut pas développer le pétrole au Québec parce que c'est peut-être polluant. Oui, mais on en consomme beaucoup, donc on le prend ailleurs, ce pétrole-là. Les impacts négatifs qu'on pourrait prévoir pour le Québec, bien, c'est à quelque part ailleurs sur la planète qu'ils se passent, là.

Donc, je pense qu'il faut être responsable comme société puis il faut regarder, hein, le verre, là, en disant : C'est un verre à moitié vide ou c'est un verre à moitié plein. Moi, je pense que c'est un verre à moitié plein qu'on a devant nous avec le dossier de la cimenterie. Il faut faire confiance aux gens de la région qui se sont prononcés pour ce dossier-là. Il faut reconnaître les avantages de ce projet-là sur le plan environnemental, qu'il va nous permettre d'avoir accès à une cimenterie parmi les plus performantes en Amérique du Nord et même peut-être dans le monde. Puis il faut regarder ce dossier-là sous l'angle du développement social et économique de la Gaspésie, qui en a grandement besoin, puis j'invite tous les partis, hein, sans exception, à regarder ce dossier-là de façon objective, puis ne pas faire preuve d'improvisation puis d'opportunité politique, là, parce que la Gaspésie n'a pas les moyens de se payer ce luxe-là, on a besoin de ce dossier-là.

Puis j'aimerais bien, moi, comme député, puis je suis certain que mon collègue de Bonaventure, là... on aimerait bien avoir d'autres projets aussi structurants avec autant d'effets bénéfiques pour notre milieu puis qui n'auraient aucun impact environnemental parce qu'on est conscients de l'importance de l'environnement. On vit avec le tourisme, on attire de plus en plus de jeunes familles, de retraités qui viennent en Gaspésie parce qu'il y a une qualité de vie. On est conscients de ça, mais, dans la vie, là, c'est rarement tout noir ou tout blanc. Souvent, c'est une question de jugement entre les deux, il faut trouver un compromis. Puis, si les leaders de la région, les groupes environnementaux de la région puis un organisme comme Équiterre ont jugé que ce projet-là, globalement, était un projet qui était acceptable puis qui avait sa place, je pense que ça devrait inspirer l'ensemble des parlementaires ici. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, merci, M. le député de Gaspé. Nous sommes toujours sur la rubrique remarques préliminaires. M. le député de Blainville.

M. Mario Laframboise

M. Laframboise : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Ça va me faire... Ça me donne la chance, parce que, là, je comprends que... D'abord, je veux saluer mes collègues du Parti québécois, les collègues de la Gaspésie, collègues du gouvernement, mon collègue, évidemment, de Borduas qui fait un excellent travail, M. le ministre également, M. le Président puis tous vos employés.

Ça va me permettre peut-être qu'on éclaircisse ensemble quelque chose parce que je sens beaucoup de frustration, puis je voudrais juste qu'on voie la Coalition avenir Québec comme un parti qui peut faire de la politique autrement. Puis je vais essayer de ne pas faire de partisanerie parce que vous ne nous accuserez pas d'opportunisme sûrement avec le dossier de la Gaspésie. Tout le monde, vous semblez croire qu'on travaillerait contre la Gaspésie, à voter contre ce projet de loi là, alors que c'est tout le contraire.

Les deux éléments qu'a voulu souligner la Coalition avenir Québec, c'est premièrement l'investissement. 450 millions de dollars pour 200 emplois, c'est très important. C'était la première des choses. La deuxième des choses, c'étaient les audiences publiques du BAPE. Puis là je voudrais juste mentionner... Puis là je sais que le député de Gaspé, il a quand même dit : Une évaluation du BAPE aurait toutefois permis d'amener les élus et la population à un niveau de connaissance qui serait intéressant sur le projet. Donc, même le député de Gaspé a souligné que le BAPE aurait été intéressant. Vous avez donné tantôt, M. le député, les raisons pour lesquelles... bon, raisons de délai, de temps, et tout ça, mais vous avez quand même dit ça. Ça nous ramène — ça, ça veut dire qu'on pourrait se rejoindre par rapport à ça — à la divergence sur l'investissement. Mais peut-être que le problème, c'est qu'on n'a jamais offert aux Gaspésiens 450 millions de dollars en prêts et garanties de prêt pour toutes les entreprises de la Gaspésie.

Moi, j'aurais été d'abord bien intéressé de connaître même la position du député de Gaspé puis de tous les décideurs économiques de la Gaspésie si on leur avait offert un pactole de 450 millions en prêts et garanties de prêt offert à toutes les entreprises de la Gaspésie pour être capables de soumettre des projets. C'est quelque chose qu'on n'a jamais offert aux Gaspésiens. On a offert la Gaspésia déjà, puis je ne veux pas... je vous dis, je ne fais pas de politique avec ça, mais on a peut-être... Peut-être qu'il est temps, un jour, qu'on fasse de la politique autrement, comme le suggère la Coalition avenir Québec, puis qu'on vote dans les régions pour la Coalition avenir Québec.

• (12 h 30) •

Puis je représente les élus municipaux, puis ça me permet de faire la publicité pour Port-Daniel—Gascons. Parce qu'ils ont un site Internet, puis, si vous allez www.port-daniel-gascons.ca, vous allez voir, d'abord, quand on entre sur le site, là, vous avez l'écrivaine Gabrielle Roy qui disait : «Que j'aime ce coin-ci! Plus je le connais et plus mon attachement est grand.» Et ça, évidemment, moi, je suis un consommateur de la Gaspésie, j'ai la chance... Parce que ce n'est pas tout le monde qui a la chance d'aller à la chasse, la pêche puis utiliser les équipements de la Gaspésie, moi, j'ai cette chance-là. Et, évidemment, j'ai eu la chance de le dire dans mon discours à l'Assemblée nationale, quant à moi, il y a eu des désengagements du gouvernement par rapport à certaines grandes... grands pans de développement de l'économie de la Gaspésie qui ont été laissés pour compte, mais ça, je pourrai peut-être y revenir dans une autre discussion.

Mais je vais poursuivre parce que je vais lire la page d'accueil de la municipalité, qui se lit comme suit : «La municipalité de Port-Daniel—Gascons possède maintenant ses pages d'histoire. Nous vous invitons à découvrir la richesse de celle-ci, issue de la fusion de deux municipalités aujourd'hui plus que centenaires : Port-Daniel et Sainte-Germaine de l'Anse-aux-Gascons. Vous y découvrirez des trésors de mer et de forêt, de montagnes et de vallées, d'histoires et de légendes qui en font, selon les auditeurs de Radio-Canada Matane, l'une des sept merveilles de la Gaspésie.» Puis ça, ça me fait plaisir, puis, évidemment, M. le maire et les conseillers et conseillères, là, sont fiers de ça, le disent sur leur site.

«Au cours des années, notre histoire est intimement liée au passage de la voie ferrée. Prenez donc avec nous ce train de la découverte et sillonnons ensemble un parcours tant culturel, que touristique, commercial et sociorécréatif. De Jacques Cartier à Gabrielle Roy, à Marc-Aurèle Fortin ou encore au naufrage du Colborne, sans oublier sa Maison LeGrand, sa gare centenaire et son tunnel ferroviaire ainsi que ses ports de pêche, Port-Daniel—Gascons vous séduira.

«Nous souhaitons que ce site répondra à vos attentes et qu'il vous convaincra de venir nous visiter et revisiter ou encore mieux de venir vous y établir et profiter de la beauté de ses paysages et de l'accueil cordial de ses résidents.»

Évidemment, c'est tout à l'honneur de la municipalité, puis, encore une fois, je souligne l'effort très important que font les villes pour essayer de se vendre, mais imaginez-vous, là, vous avez ce détail, l'une des sept merveilles de la Gaspésie que... Puis je suis d'accord avec eux, puis vous avez des investissements à faire comme gouvernement. Oublions le dossier qui est devant nous, mais est-ce qu'on irait installer dans une belle municipalité comme ça un des équipements les plus polluants présentement de la planète? Je veux dire, il y a du questionnement à se faire. Je sais que les Gaspésiens l'ont fait, ce questionnement-là. Mais, en tant que gouvernement, on a aussi du questionnement à se faire par rapport à ça.

Puis je vous dis ça parce que moi, j'étais là quand on a fait les sondages dans les Chic-Chocs. J'utilisais les équipements, puis on faisait des sondages pour savoir si on voulait installer des éoliennes dans les Chic-Chocs. J'ai fait le tour de mes collègues — j'étais député dans un autre parlement à l'époque — de tous ceux qui étaient là, tous ceux qui avaient répondu au sondage, il n'y a pas personne qui voulait d'éoliennes dans les Chic-Chocs pour la question, évidemment... D'abord, vous savez que c'est une pouponnière pour les orignaux, le bruit, et tout ça. Mais la réalité des faits, c'est qu'on a des éoliennes dans les Chic-Chocs maintenant. Je sais que ce sont des retombées économiques, puis on a vendu ça, mais, comme décision de gouvernement, un jour, il faudra que, dans l'une des sept merveilles de la Gaspésie ou de toutes les autres merveilles du Québec... il va falloir se questionner sur les équipements qu'on va installer, et puis c'est dans ce but-là qu'entre autres la Coalition avenir Québec agit par rapport au type d'équipement, un des équipements les plus polluants. Puis je vais être d'accord avec les collègues qui disent : Oui, il y a eu une modernisation, ça va être moins polluant que... Mais, quand même, on augmente les effets de serre d'à peu près 10 % du secteur industriel du Québec, de 2 % à 3 % de tout le secteur global du Québec. Donc, est-ce que c'est le meilleur site, là, dans l'endroit qu'aimait Gabrielle Roy, là? Est-ce que c'est le meilleur endroit pour installer ces équipements-là?

Puis je reviens au site de la ville parce que les attraits qui y sont mentionnés... Puis, si vous allez cliquer sur Attraits, la Maison LeGrand et son musée, la gare, le tunnel ferroviaire, l'église, la réserve faunique, le parc Colborne, le Centre plein-air de La Souche, et puis là on nous donne, évidemment, le Studio Verres Libres, le parc Colborne, les chalets rustiques. Donc, ce sont des beaux endroits pour ce que moi, je connais de la Gaspésie, c'est-à-dire un secteur touristique florissant et puis qui a été...

Puis pourquoi je vous disais ça tantôt? Parce que, par rapport à la faune, bien là, évidemment, quand tu constates que... Puis ce n'est pas pour rien, quand il y a des reportages à la télévision où il y a du braconnage, c'est en Gaspésie, parce que pouponnière d'orignaux, pour le poisson, et tout ça, et seulement deux agents de la faune dans la saison de la chasse. Je les ai rencontrés, les deux seuls, j'ai eu la chance de les rencontrer, ils m'ont dit : M. le député, on est deux pour couvrir tout le territoire de la Gaspésie pendant toute la saison de chasse. Donc, ça, ça veut dire qu'il y a des gouvernements qui ont coupé dans ce qu'est le potentiel de la Gaspésie pour toutes sortes de raisons. Aujourd'hui, on veut essayer de trouver des nouvelles vocations, mais nous, on pense que les vocations, ce serait de continuer à développer celles que la Gaspésie a toujours eues depuis son histoire, c'est ça qu'on pense. Et, évidemment, on peut avoir toutes sortes de façons... Vous allez me permettre une petite gorgée d'eau, M. le Président?

Le Président (M. Cousineau) : Pas de problème.

M. Laframboise : On peut avoir toutes nos façons de voir le développement de la Gaspésie, mais, effectivement, il y a eu par le passé des gouvernements qui se sont succédé puis qui ont donné des résultats qu'on connaît aujourd'hui. Et, pour nous, c'est important de bien comprendre qu'on peut aimer la Gaspésie, puis on peut voir son développement de façon différente. Peu importent les partis politiques à l'Assemblée nationale, chacun peut avoir une vision de développement économique. La nôtre, pour la Gaspésie, sera différente de celle qu'a utilisée le Parti québécois par le passé puis de celle qu'utilise le Parti libéral présentement.

Mais je reviens sur... Est-ce qu'on a déjà offert à la Gaspésie 450 millions en prêts puis en garanties de prêt offerts à toutes les entreprises de la Gaspésie, à tous les gens, les hommes d'affaires, les femmes d'affaires de la Gaspésie qui pourraient, avec ça, être capables de développer le secteur dans lequel ils sont forts présentement? Moi, je pense que non, jamais on n'a offert une cagnotte aussi importante.

Donc, c'est cette façon de faire puis c'est ce qu'on défend, nous, à l'Assemblée nationale, et ça nous ramène, évidemment, au fait qu'on a un projet de loi aujourd'hui pour lequel on veut mettre de côté tout le volet consultations environnementales. Donc, les audiences du bureau public en environnement, du BAPE, seraient... du Bureau d'audiences publiques en environnement seraient mises de côté. C'est ça, la réalité. Vous allez comprendre que nous, on ne peut pas être favorables à ça. On ne peut pas être favorables à ça pour les Gaspésiens puis pour les Québécois, les Québécoises. On aurait souhaité, comme le disait le député de Gaspé, qui... Puis je le recite : «Une évaluation du BAPE aurait toutefois permis d'"amener [les élus et la population] à un niveau de connaissances qui serait intéressant" sur le projet.»

Nous, on pense qu'encore une fois vous avez la chance, collègues, ici, en ce comité, vous avez la chance de donner cette position-là, puis on vous a même tendu la main en vous disant : Pourquoi on n'invite pas les témoins? Pourquoi on ne se donne pas la chance d'entendre à l'Assemblée nationale les divers intervenants? Parce que M. le ministre disait dès le début : C'est un dossier qui est devenu économique. Mais, je veux dire, un dossier qui était environnemental, le dossier devient économique, c'est... Même la Coalition avenir Québec n'aurait pas inventé ça. Un dossier environnemental qui devient économique, je vous le dis, on n'aurait pas inventé ça. Un dossier qui est environnemental demeure environnemental. Si on a besoin d'un bureau d'audiences publiques, on fait un bureau d'audiences publiques. On le fait puis, après ça, bien, on attend le rapport, puis on le défend, puis on prend la position. Au moins, les intervenants de tous les milieux auront la chance d'intervenir dans les... C'est pourquoi on fait des bureaux d'audiences publiques, M. le Président.

Donc, à quelque part, il faut voir qu'on peut aimer la Gaspésie, mais de façon différente. On peut essayer de dire aux Gaspésiens : Nous serons là, nous, pour vous supporter dans... Puis je reprends, là. En tout cas, pour Port-Daniel—Gascons, là, qui est considérée par, encore une fois, les auditeurs de Radio-Canada l'une des sept merveilles de la Gaspésie, oui, on aimerait qu'elle demeure l'une des sept merveilles de la Gaspésie. Et est-ce que Gabrielle Roy serait contente de voir qu'on ajoute un équipement parmi les plus polluants dans ce beau paysage? Je ne parlerai pas, elle n'est pas là, donc, et puis elle est... Dieu ait son âme, là, donc je ne pourrai pas parler pour elle. Mais il reste quand même que c'est vers cette réalité, vers cette position-là et cette position de deux poids, deux mesures pour le BAPE, M. le Président, parce que...

• (12 h 40) •

Puis, dans un dossier aussi important au point de vue environnemental, je pense que même les collègues autour de cette table ne contestent pas le caractère de problématique environnementale, personne ne le conteste. Par contre, on ne veut pas appliquer les lois du Québec en matière d'environnement. On veut, par le projet de loi qui est devant nous, le suspendre des lois environnementales. Je veux dire, en quelque part, là, il faut quand même le faire, là, cette position de deux poids, deux mesures. Donc, c'est pourquoi vous allez comprendre que nous, on va essayer bien gentiment, bien calmement de faire entendre notre voix, essayer de faire comparaître... de voir si vous êtes intéressés à ce qu'on puisse entendre des témoins en cette commission pour essayer de faire évoluer le dossier puis qu'à la fin vous ayez peut-être même vous-mêmes une opinion plus claire.

Parce qu'on ne peut pas dire en même temps : Un BAPE aurait été intéressant, puis ne pas rien faire du tout, puis tout faire parce qu'à quelque part on trouve que c'est l'idée du siècle, alors que... Puis je ne veux pas faire de la politique parce qu'il y en a eu d'autres, idées du siècle, en Gaspésie, puis ça n'a pas bien été. Donc, je ne veux pas embarquer là-dedans, mais il reste quand même que ça serait intéressant qu'on aille au fond puis qu'on soit capables d'étudier de façon approfondie. Puis on vous a tendu la main, puis on va continuer à vous tendre la main tout au long du comité, M. le Président. Puis, je n'utiliserai pas tout le temps qu'il me reste, mais c'était pour faire mon introduction.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Blainville. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants concernant...

Une voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : Pardon?

Une voix : Si vous permettez...

Le Président (M. Cousineau) : Je pense que vous ne pouvez pas revenir. Vous avez fait vos remarques préliminaires, et puis... À moins de revenir sur un point de règlement, mais vous ne pouvez pas revenir sur des remarques préliminaires.

Une voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : Là, vous m'avez.

Une voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : Ah! bien oui, dans ce sens-là, évidemment, évidemment. C'est un point de règlement, là.

Une voix : Oui.

Le Président (M. Cousineau) : D'accord. Alors, vous voulez corriger quelque chose qui a été dit, mais en fonction de l'article 212. Vous plaidez l'article 212, là?

M. Daoust : Non, mais je sens que je vais le connaître.

Le Président (M. Cousineau) : Allez-y.

M. Daoust : Non, simplement, c'est qu'on a dit que c'était un dossier environnemental qui était devenu économique, même la CAQ n'aurait pas inventé ça. À la base, c'est un dossier économique, purement un dossier économique, il ne faut pas penser qu'on est en train de desservir une cause environnementale en installant une cimenterie. Et actuellement ce qu'on fait, c'est qu'on joue le jeu d'une multinationale au détriment d'une entreprise québécoise. Et ce n'est que ça parce que la plainte qui a été déposée, M. le Président, devant les tribunaux avec un prétexte environnemental, elle est là pour éliminer un concurrent. Et c'est ce que vous faites actuellement, c'est que vous appuyez cette multinationale-là sur le dos du Québec. Alors, ça, là, je voulais quand même qu'on rétablisse ce fait-là.

L'autre point, c'est que le point que soulève le député de Blainville, c'est à l'effet que, si on avait offert 450 millions aux Gaspésiens... On ne manque pas de fonds, monsieur, on manque de projets au Québec. Alors, si vous avez un autre projet pour la Gaspésie puis s'il tient la route, le projet, comme celui-là tient la route, on va le trouver, l'argent pour le faire. Il y a une pensée actuellement, M. le Président, à l'effet que c'est un peu comme si on manquait d'argent puis on avait des projets partout. On n'a pas des projets partout. Amenez-en, des projets, des bons projets, on va les financer, on va faire un montage financier.

Le dernier point que je veux faire, M. le Président, où je trouve qu'il y a un petit peu un porte-à-faux, là, c'est qu'on nous a dit qu'on voulait faire de la politique autrement, puis on est en train de faire un filibuster, qui existe depuis le XIXe siècle. Je trouve ça pour le moins moyen de nous dire ça en même temps que vous filibustez et que vous faites le jeu d'une multinationale.

Le Président (M. Cousineau) : Il faut faire attention...

M. Daoust : Alors, c'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Il faut faire attention, M. le ministre, on va arrêter ici parce que, sur le 212... Puis, pour les gens qui nous écoutent, je vais lire l'article quand même : «Propos mal compris ou déformés — Tout député estimant que ses propos ont été mal compris ou déformés peut donner de très brèves explications sur le discours qu'il a prononcé.» Bon, alors...

Puis «il doit donner ces explications immédiatement après l'intervention qui les suscite. Elles ne doivent apporter aucun élément nouveau à la discussion ni susciter de débat.»

Alors, bon...

Une voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : Donc, si on parle du 212, c'est parce qu'il y a des choses qui ont été dites et puis que ça contredit la vérité de ce que vous auriez dit. Mais donc on va s'arrêter là parce que, là, on entre dans un débat, puis ce n'est pas l'objet du 212.

M. le député de Borduas, sur un point de règlement?

M. Jolin-Barrette : Sur un point de règlement. Le ministre, M. le Président, semble nous prêter des intentions, et je veux que ça soit très clair, M. le Président — et c'est une question de règlement — la Coalition avenir Québec ne fait pas le jeu de grandes entreprises. Chacun des députés qui siègent à une formation politique est indépendant. Donc, de prêter des intentions pour lesquelles on représenterait des gens de l'industrie, je ne peux pas accepter ça, M. le Président, et je n'attribuerais pas ces motifs non plus, là, au ministre ni à aucun autre membre de cette Chambre.

Le Président (M. Cousineau) : Votre intervention se rapproche un petit peu plus du 212 parce que vous n'êtes pas d'accord avec l'interprétation qu'il fait de vos propos. Mais on va s'arrêter là parce que, là, on peut ouvrir un débat. Et puis donc, il faut bien s'entendre, je vous rappelle qu'on va être très prudent sur les propos qu'on va tenir. Mais il faut continuer, là, vous allez... Est-ce il y a d'autres personnes, d'autres députés qui...Parce que les remarques préliminaires, vous les avez faites, là, M. le député...

M. Lelièvre : En vertu du 212.

Le Président (M. Cousineau) : En vertu du 212, allez-y.

M. Lelièvre : Écoutez, à deux reprises, minimalement, là, on m'a cité par rapport à la fameuse question du BAPE où j'aurais dit que ça aurait été intéressant, mais j'ai l'article devant moi, là, puis... Encore là, c'est facile, sortir des extraits, là, puis essayer de trouver une phrase, mais, dans la vie, il faut regarder globalement, hein, c'est important, penser globalement puis agir globalement. Puis ce que j'ai dit dans cet article-là, c'était carrément... Ce dossier-là, c'est un projet qui n'est pas idéal, mais qui est nécessaire pour la région, absolument nécessaire, puis on doit le réaliser dans les meilleurs délais. Ça fait qu'à quelque part, là, tu sais, j'espère qu'on n'embarquera pas dans ce jeu-là parce que ça se joue à deux.

Le Président (M. Cousineau) : Parfait, merci. Merci, merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sous la rubrique remarques préliminaires? Sinon, d'accord, on arrive à la rubrique motions préliminaires. Il y a une motion qui nous a été présentée par le député de Borduas, par écrit, donc ça respecte l'article 190 de notre règlement, qu'on doit déposer une motion par écrit. Par la suite, évidemment, la motion, elle est recevable. Si elle est recevable, nous allons, en vertu de l'article 209 de notre règlement, ouvrir un débat. Et je rappelle que, lorsque nous ouvrons un débat sur une motion, eh bien, l'auteur de la motion a 30 minutes, et puis les représentants des partis ont 30 minutes. Et par la suite, s'il y a d'autres députés qui veulent parler sur la motion, c'est 10 minutes chacun.

Donc, la motion, elle est recevable. Je vais vous donner la parole, M. le député de Borduas, sur la motion. Vous pouvez la lire et puis, par la suite, commencer votre plaidoyer.

Motion proposant d'entendre la ministre de la Justice

M. Jolin-Barrette : Parfait. Merci, M. le Président. Bon, bien, c'est dans le cadre du projet de loi n° 37, M. le Président, et le libellé de la motion se lit ainsi :

«Qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure, la Commission de l'économie et du travail tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 37, Loi confirmant l'assujettissement des projets de cimenterie et de terminal maritime sur le territoire de la Municipalité de Port-Daniel—Gascons au seul régime d'autorisation de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin, elle entende la ministre de la Justice.»

Le Président (M. Cousineau) : Parfait. Alors...

M. Jolin-Barrette : ...je peux y aller?

Le Président (M. Cousineau) : Oui, oui, vous pouvez y aller, vous êtes dans votre 30 minutes.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Bon. Merci, M. le Président. L'objectif de cette motion, M. le Président, est de permettre à cette commission d'entendre la ministre de la Justice, mais qui est aussi Procureur général du Québec. Et vous savez que, dans le cadre de ce projet de loi là, hein... Le projet de loi, l'objectif ultime du projet de loi est une réponse politique, une réponse législative à une saisie des tribunaux par des groupes environnementaux ainsi que des compagnies qui étaient en litige, en fait, pour que le ministre de l'Environnement exerce son pouvoir, en fait, pour que l'application de la Loi sur la qualité de l'environnement se fasse selon les règles. En fait, que la Loi sur la qualité de l'environnement, M. le Président, s'applique.

J'ai entendu tout à l'heure mes collègues de la première opposition, j'ai entendu le ministre, M. le Président, nous dire qu'on était en train filibuster. M. le Président, la commission vient tout juste de débuter, on n'a pas eu d'auditions particulières, on n'a pas invité des groupes et on a le droit de faire entendre notre point de vue.

L'autre élément, M. le Président, sur le projet de loi n° 37, c'est qu'il n'y a pas de nécessité de déposer un tel projet. Si on respecte la compétence des tribunaux, M. le Président, bien, ça va être aux tribunaux à interpréter la loi. Ce que le législateur vient faire présentement en déposant un tel projet de loi, c'est qu'il vient enlever, faire abdiquer les tribunaux de leur juridiction.

• (12 h 50) •

Et, M. le Président, vous savez, on a dit tout à l'heure : Bon, Steven Guilbeault d'Équiterre appuie le projet, il y a des groupes environnementaux qui ont décidé d'appuyer... bien, en fait, de régler le litige, hein, d'enregistrer un désistement auprès du greffe de la Cour supérieure, M. le Président. Mais ce que le ministre oublie de dire, M. le Président, ainsi que les députés formant la première opposition, c'est qu'on a donné l'autorisation de construire la cimenterie, M. le Président, on a donné l'autorisation avant même de pouvoir entreprendre un recours judiciaire. Ce qu'on a dit aux groupes environnementaux, c'est : Bing! Bang! On vous donne l'autorisation, vous allez procéder à la construction de la cimenterie, vous allez pouvoir mettre en marche votre cimenterie sans s'assurer d'assujettir le projet à une évaluation indépendante du Bureau d'audiences publiques en environnement.

Donc, concrètement, ce qu'on dit, M. le Président, c'est que les règles environnementales au Québec, la Loi sur la qualité de l'environnement, l'article 31.1 et suivants de la Loi sur la qualité de l'environnement, bien, dans ce cas-ci, ça ne s'applique pas, ce n'est pas important, et construisez, bâtissez tout de suite votre cimenterie, peu importe que le projet de cimenterie aurait dû être assujetti à cette évaluation environnementale là.

Et, pire que ça, M. le Président, le ministre l'a souligné tout à l'heure, la requête qui a été... Puis ce n'est pas drôle, M. le Président, hein, il faut que ce soient deux groupes environnementaux et un concurrent de la cimenterie qui saisissent les tribunaux québécois, qui saisissent la Cour supérieure pour dire : Attention! La Loi sur la qualité de l'environnement prévoit que le projet doit être assujetti. Et ce n'est pas le ministre de l'Environnement, du Développement durable et de la Lutte aux changements climatiques qui s'assure du respect de la loi, il se retrouve défendeur dans une poursuite, et on lui dit : Vous devriez l'assujettir. L'état du droit, c'est celui-là. Et, lorsqu'on vient pour statuer sur l'état du droit, lorsqu'un juge indépendant à la Cour supérieure est saisi du dossier...

Et je dois vous rappeler, M. le Président, qu'il a été saisi rapidement, ce juge-là, hein? Parce que les délais judiciaires, généralement, sont assez longs, mais là on a réussi à avoir une période de deux semaines au début du mois de mars 2015, le recours a été introduit le 1er août 2014, la requête introductive. On a réussi, en l'espace de huit mois, de faire tous les interrogatoires, de dresser un échéancier, d'entendre les requêtes préliminaires, d'entendre les différents témoins hors cour. On dégage deux semaines a la Cour supérieure ici, à Québec, un juge, des ressources judiciaires sont dépensées, et là on se retrouve dans une situation où le gouvernement intervient.

Pourquoi le gouvernement n'est pas intervenu dès le départ, M. le Président? Pourquoi le gouvernement, lorsqu'il a reçu signification de la poursuite, n'a pas mis un frein au projet pour dire : Ayons la réflexion, M. le Président, est-ce que nous avons commis une faute? Est-ce que le projet aurait dû être assujetti à un bureau d'audiences publiques en environnement? C'est un choix du gouvernement de l'assujettir ou non, et, bien malheureusement, M. le Président, le gouvernement a décidé de ne pas assujettir ce projet d'industrie, de cimenterie le plus polluant de l'histoire du Québec, et ici il n'y a personne, là, qui conteste ça. Ça vient même de la cimenterie, les chiffres, M. le Président, à l'effet que cette cimenterie-là va polluer puis, comme l'a souligné à juste titre mon collègue député de Blainville, 10 % de la pollution atmosphérique de l'industrie au Québec, 3 % des émissions totales du Québec.

Et le sous-argument qu'on a entendu, M. le Président, à cela, c'est de dire : Les GES, c'est mondial. Les GES, il faut regarder ça d'une façon globale, cohérente, intégrée. D'habitude, c'est les termes qui sont utilisés. Mais, si on ne fait pas notre propre effort au Québec, M. le Président, les emplois en Gaspésie, il n'y en aura plus parce qu'il n'y aura plus personne sur la planète si on continue comme ça. Si on continue avec la logique de développement économique qu'on a connue au cours des deux derniers siècles, on s'en va directement dans le mur. Il est temps qu'on change nos façons de faire. Puis, quand on a des outils au Québec, quand on a des outils pour évaluer les impacts environnementaux d'une façon indépendante, il faut les utiliser. Il faut les utiliser d'autant plus, M. le Président, que les outils qui sont à notre disposition sont à géométrie variable. Il y a certains projets qui sont assujettis, que le gouvernement décide d'assujettir, il y en d'autres qu'il dit : Ah! non, ceux-là ne sont pas assujettis en fonction des intérêts économiques, en fonction d'une certaine proximité. Est-ce que, M. le Président, ce n'est pas la même chose pour tout le monde quand vous avez un projet...

Et j'ai demandé, M. le Président, au ministre de l'Environnement en Chambre, si, aujourd'hui, un tel projet était lancé dans les mêmes circonstances, avec les mêmes conséquences environnementales, est-ce que ce projet industriel là serait assujetti, et le ministre ne nous a pas répondu directement. Par contre, je lui ai posé la question à l'étude des crédits, M. le Président. Ce que le ministre m'a dit, c'est qu'il m'a lu la réglementation. Sa réponse voulait tout dire, M. le Président. Parce que, lorsque le projet a été lancé en 1995 — et puis je sais que le député de Gaspé avait été informé du processus, tout ça, et je crois bien qu'il pourra en témoigner également — le projet original, en 1995, pour lequel le certificat d'autorisation pour les travaux préliminaires d'aménagement du site, hein — ce n'est pas un certificat de construction, un certificat d'autorisation de construction — bien, c'était la moitié de la production qui était prévue, la moitié des rejets. Donc, ce n'est pas du tout le même projet de cimenterie qu'on a aujourd'hui. Donc, il aurait été tout à fait normal et légitime de l'assujettir à une évaluation indépendante du Bureau d'audiences publiques en environnement.

On nous a souvent dit, M. le Président, qu'il y en avait eu, des évaluations environnementales, on a consulté les gens. Par contre, ce qu'on oublie de dire, c'est que, oui, on consulte les gens, mais est-ce qu'on ne pourrait pas consulter les gens aussi d'une façon indépendante? Est-ce que le bilan du Québec en matière de gaz à effet de serre n'est pas à considérer? Est-ce que, M. le Président, on... Le gouvernement s'est récemment félicité de l'adhésion de l'Ontario au marché du carbone, et on dit : La cimenterie, ça n'aura que peu d'impact sur la bourse du carbone maintenant. Mais plus on va émettre de gaz à effet de serre, M. le Président, plus ça va être comptabilisé. Ce qu'il faut dire, M. le Président... Il ne faut pas dire : On va polluer plus, et nos émissions vont être diluées au niveau global, au niveau planétaire. Ce qu'il faut faire, c'est tendre vers la réduction de nos gaz à effet de serre, M. le Président. Et les collègues l'ont souligné à juste titre qu'on peut voir le verre à moitié plein, à moitié vide, mais, dans ce cas-ci, ce n'est pas cette question-là, M. le Président, qui est en cause. La question qui est en cause, c'est : Est-ce qu'on devait l'assujettir, oui ou non, à un bureau d'audiences publiques en environnement? Puis la réponse, c'est oui.

On ne permet pas aux Québécois de se prononcer. On ne permet pas aussi au Québec de respecter ses engagements internationaux. Et les gaz à effet de serre, on dit : Bien, écoutez, le projet n'est pas parfait sur le plan environnemental, mais on continue au Québec. Puis on était en consultation aux mois de janvier, février sur la stratégie de développement durable du gouvernement, qu'est-ce qu'on fait, on parle des deux côtés de la bouche, on dit : Oui, on développe une belle stratégie de développement durable, mais, quand vient le temps de l'appliquer... Puis à la fois, là, par les gouvernements successifs, là. Et je ne blâme pas personne, M. le Président, en disant que le modèle économique sur lequel on s'est basés au cours des dernières années — bien, au cours des 50, des 100 dernières années — c'est un modèle économique qui est révolu parce qu'on n'a pas pris en compte l'environnement. Là, ce qu'on dit, c'est qu'on a un outil...

M. Tanguay : ...règlement.

Le Président (M. Cousineau) : Oui, M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Proposition principale puis proposition secondaire. La principale, c'est que «parler des deux côtés de la bouche» est à l'index des propos parlementaires, proposition principale. Et, secondaire, si, d'aventure, il ne l'était pas — puis je vous prierais peut-être de me le confirmer, mais j'en doute, je pense que, de mémoire, il est là — article 35, faire attention au choix des mots. Merci.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de LaFontaine. Alors, oui, nous vérifierons le lexique, là. Mais faites attention à vos propos, là. «Parler des deux côtés de la bouche», effectivement, là... Faites attention à vos propos, M. le député de Borduas. Poursuivez.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Je m'en excuse au député de LaFontaine. Ce que je voulais plutôt dire, c'est qu'en fait, souvent, on a l'impression que les États...

Une voix : Une chose et son contraire.

M. Jolin-Barrette : ...oui, amènent une chose et son contraire, mais surtout aussi on... Et la population aussi est consciente de cet élément-là où on développe des belles politiques, mais on ne les met jamais en application, on n'est pas cohérents avec nous-mêmes. Et puis ça, ça touche l'ensemble des formations politiques. Il faut s'assurer maintenant que, lorsqu'on parle de développement durable, M. le Président, bien, que ça soit concret puis qu'on ne fasse pas d'exception, surtout sur un projet aussi polluant, le plus polluant, M. le Président. Et, si le ministre était si sûr que le régime d'autorisation qui s'applique, M. le Président, est celui de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement, il n'y a pas nécessité de déposer un projet de loi. J'aimerais...

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Borduas, compte tenu de l'heure, la commission doit suspendre ses travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures. Donc, vous pourrez donc continuer cet après-midi, à 15 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 3)

Le Président (M. Cousineau) : Alors, votre attention, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Je vous rappelle que, les téléphones cellulaires, la sonnerie doit être complètement fermée.

Et nous étions ce matin, lorsqu'on s'est quittés, sur l'intervention du député de Borduas.

Je fais une petite mise au point aussi pour les gens... On m'avait demandé ce matin si «parler des deux côtés de la bouche», c'était dans le recueil des phrases à ne pas... Bien, pour ce qui est des commissions parlementaires, ce n'est pas dans le recueil, mais c'est dans le recueil global au niveau de l'Assemblée nationale. Donc, on ne peut pas utiliser ce genre d'expression ici, autour de la table, «parler des deux côtés de la bouche». Donc, voici la précision.

Puis l'autre précision que je veux vous apporter avant de passer la parole à M. le député de Borduas, c'est au sujet de l'article 212. Alors, s'il y a des propos qui ne font pas votre affaire puis que vous voulez intervenir, il faut attendre à la fin de l'intervention de la personne qui parle. Puis, après ça, vous devez faire votre intervention sur le point de règlement de l'article 2.12, mais il faut que ça soit bref. Et voilà.

Donc, nous allons poursuivre nos travaux. Nous en étions avec M. le député de Borduas, sur votre 30 minutes, parce que c'est vous qui avez déposé la motion. Je tiens à vous préciser qu'il vous reste 7 min 30 s. Alors, à vous la parole.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. En fait, avant la pause pour la période du dîner, ce que je disais, M. le Président, c'est que j'avais déposé une motion pour convoquer la ministre de la Justice, qui est également Procureur général du Québec, donc qui est à la tête, en fait, du ministère de la Justice et qui entreprend au nom du Procureur général... Bien, en fait, ses juristes, en son nom, entreprennent des procédures judiciaires ou défendent l'État québécois, souvent les ministres qui sont poursuivis en leur qualité de ministre. Ce que je dois dire, M. le Président, c'est que le projet de loi n° 37, la loi sur la cimenterie, Loi confirmant l'assujettissement des projets de cimenterie et de terminal maritime sur le territoire de la Municipalité de Port-Daniel—Gascons au seul régime d'autorisation de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement, mais elle fait suite à une poursuite judiciaire qui avait été entamée le 1er août 2014.

Vous me permettrez, M. le Président, en lien avec votre intervention de l'instant sur «les deux côtés de la bouche», je tiens à dire à mes collègues que l'intention n'était pas de les blesser, quelconque, et d'utiliser un propos non parlementaire. Ceci étant dit, il faut quand même toujours rappeler, M. le Président, que, lorsqu'on développe des projets économiques maintenant, c'est important que ces projets économiques là se fassent en concordance avec les politiques environnementales de développement durable que le gouvernement se dote et qu'il souhaite se doter au cours des prochaines années, le plan stratégique, au cours des prochaines années, qui a été déposé par le collègue du ministre, le ministre de l'Environnement, du Développement durable et de la Lutte aux changements climatiques.

Et, vous savez, ce qui m'a marqué, M. le Président, lors de l'assermentation de la 41e législature, notamment au niveau de la partie ministérielle, c'est que le premier ministre en exercice a décidé de confier au ministre de l'Environnement, du Développement durable et de la Lutte aux changements climatiques la partie lutte aux changements climatiques. Il s'agit d'une innovation, et je l'en félicite. Donc, maintenant, le ministre de l'Environnement prend en compte la lutte aux changements climatiques, et j'entends, à de multiples reprises, le ministre en Chambre, j'entends le ministre en commission parlementaire, lors de l'étude des crédits, de se féliciter que le Québec lutte contre les changements climatiques. Par contre, le projet de cimenterie de Port-Daniel va à l'encontre de cet objectif-là, d'autant plus qu'on ne soumet pas ce projet à une évaluation environnementale indépendante.

Mais nous y reviendrons, M. le Président, parce qu'en lien avec la motion que j'ai présentée pour convoquer la ministre de la Justice à cette commission... Et j'espère avoir l'adhésion de mes collègues — je n'ai pas eu la chance de souligner la présence du député de Laval-des-Rapides, qui me fait le grand plaisir de se joindre à nous — j'espère les convaincre d'adhérer à ma proposition de motion parce qu'on n'a pas consulté personne pour ce projet de loi là, et ce n'est pas dans notre habitude en tant que parlementaires de ne pas être à l'écoute des gens. Je pense qu'un des rôles fondamentaux des parlementaires, c'est d'être à l'écoute de leur population, des Québécois et des groupes, des différents groupes d'intérêts qui souhaitent venir s'exprimer et donner leur opinion sur un projet de loi auquel on est saisi.

Parce que, vous savez, M. le Président, le projet de loi qui est devant nous, en fait, c'est un projet de loi qu'on pourrait qualifier... c'est un projet de loi public, oui, qui est déposé par le gouvernement. Donc, vous savez, dans nos règles, il y a des projets de loi publics, des projets de loi privés, et c'est quand même un projet de loi qui vise des intérêts particuliers. Donc, on ne vient, avec ce projet de loi là, viser qu'une seule situation, soit le cas de la cimenterie à Port-Daniel. Et, dans le libellé même du projet de loi, on vient nous dire que, peu importe ce qui va arriver, peu importe la décision d'un juge qui est saisi d'un litige, bien, on va faire fi de cette décision-là, et ça va être le régime que le législateur, le gouvernement en l'occurrence... en raison de sa majorité, va s'appliquer. On vient intervenir directement.

Et vous savez que, bon, le Procureur général... bien, en fait, le ministre de l'Environnement, en sa qualité, a été mis en cause dans une poursuite, est défendeur, était poursuivi à partir du mois d'août 2014. Par contre, M. le Président, on constate que la ministre de la Justice a mandaté ses procureurs pour agir dans le dossier et pour défendre la position que le seul régime qui était en vigueur au niveau de l'autorisation environnementale était celui de l'article 22, et non pas celui de l'article 31.1 et suivants, la section IV.1 et suivantes de la Loi sur la qualité de l'environnement. Et on a constaté le 19 février dernier que le gouvernement déposait ce projet de loi là pour mettre fin, en fait, complètement, M. le Président, au litige devant les tribunaux.

• (15 h 10) •

Dans le fond, on a un peu usurpé la compétence du tribunal en disant au tribunal, à la Cour supérieure, qui jouit d'une indépendance, hein, en lui disant : Bien, écoutez, même si vous vous saisissez du dossier — parce que c'est ce qui était prévu la semaine suivante, hein, dans la semaine du 3 ou 4 mars, pour deux semaines de procès — bien, même si vous rendez une décision, M. le juge, même si vous entendez les parties, même si tous les justiciables ont le droit de se faire entendre, bien, votre décision ne vaudra plus rien. Donc, le juge n'a eu que d'autre choix, suite au dépôt du projet de loi, de dire : Bien, écoutez, on va remettre la requête sine die, on va la rayer du rôle parce que le gouvernement, qui est partie prenante au projet, va manifestement vouloir faire adopter son projet de loi.

Puis on voit une grande indication aussi, on présume un peu de l'intention de la Chambre d'assemblée. Parce que, bien entendu, on sait que le parti gouvernemental détient une majorité de sièges à l'Assemblée, mais on met les acteurs devant le fait accompli, on dit, dans le fond : Bien, on va tasser le recours judiciaire, on ne permettra pas aux individus de se faire entendre, on ne permettra pas aux gens de savoir quel est l'état du droit en fonction de la législation actuelle, en fonction de la loi qui est édictée. Parce que c'est important que toutes les entreprises qui développent des projets économiques au Québec, bien, ils soient soumis à la même règle. Et là ce qu'on fait avec le projet de loi n° 37, c'est qu'on vient créer un régime particulier, un régime taillé sur mesure pour cette cimenterie-là pour une question politique, en fait, M. le Président.

Et je me pose la question : Combien de projets de loi particuliers ont été déposés pour viser des situations particulières comme ça au cours des dernières années? Il n'y en a pas eu beaucoup, M. le Président, il y en a eu quelques-uns. Vous vous souvenez, en 2011, il y en avait eu un pour la construction du Colisée à Québec. D'ailleurs, ça avait suscité auprès de la première opposition de vives tensions, je crois me rappeler. Et il y en avait eu un aussi au niveau des wagons de métro, il y a quelques années, avec l'entreprise Bombardier et Alstom.

Et ce qu'on doit dire, M. le Président, c'est que, la ministre de la Justice, ça serait pertinent de l'entendre pour savoir depuis quand est-ce que son gouvernement avait l'intention de déposer un projet de loi particulier. Parce que, concrètement, M. le Président, les procureurs du ministère de la Justice — je les salue, d'ailleurs — ont agi dans le dossier jusqu'à la limite. On a négocié un échéancier, on a tenu des interrogatoires au préalable, des interrogatoires hors cour, il y a eu des frais judiciaires qui ont été entamés, des notes sténographiques, sténographes, donc tout le processus aussi.

Puis il faut se rappeler aussi que la défense de l'intérêt environnemental, M. le Président, sur ce point-là, a été laissée à deux groupes environnementaux qui, oui, se sont désistés du litige, mais il y a un des deux groupes, Environnement Vert-Plus, M. le Président, qui s'est désisté voyant le fait accompli, voyant que sa lutte pour faire reconnaître l'aspect environnemental, l'assujettissement à une évaluation indépendante du Bureau d'audiences publiques en environnement était vaine parce que le gouvernement a laissé construire la cimenterie, faisant fi d'un processus prévu dans la loi.

Et même, M. le Président, si la cimenterie... Ce n'est pas ma prétention, mais, si la cimenterie n'était pas assujettie à la section IV.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement, pourquoi ne pas laisser un arbitre neutre et indépendant, un juge en l'occurrence, déterminer l'interprétation du droit? Pourquoi est-ce que le législateur vient outrepasser le pouvoir judiciaire?

Et ce matin, à la période des questions, sur une question du député de Labelle, de la première opposition, la ministre de la Justice a parlé de la question de l'indépendance judiciaire, M. le Président, à quel point c'était fondamental, et la ministre a reproché à la première opposition de dire... à la première opposition, ils ne savent pas c'est quoi, l'indépendance judiciaire. Donc, la partie gouvernementale taxe la première opposition de ne pas savoir c'est quoi, l'indépendance judiciaire, mais qu'est-ce qu'on fait présentement? On vient intervenir dans le processus judiciaire avec le projet de loi n° 37, on vient dire à un juge de la Cour supérieure, indépendant, qui est saisi du dossier, pour lequel le juge en chef lui a accordé deux semaines de procès... Puis, pour les juristes comme le député de LaFontaine, qui, je crois, a fait du litige... sait qu'avoir deux semaines de procès à si court terme à l'intérieur de huit mois, c'est extrêmement rare. Donc, les tribunaux ont fait un effort de dégager du temps de cour pour un litige civil, et là on se retrouve dans une situation où les justiciables ont préparé leurs arguments pour savoir c'est quoi, le véritable état du droit, puis le gouvernement intervient directement.

Donc, lorsque le gouvernement me parle d'indépendance judiciaire pour le cas de Me Larose... En lien, d'ailleurs, M. le Président, sur cet élément-là, il faut dire que c'est, effectivement, préoccupant, comme le soulignait le député de Labelle ce matin, parce que c'est la protection et la sécurité du public qui sont en cause. Et je peux faire le parallèle avec le projet de loi qu'on a actuellement aussi, une évaluation indépendante des impacts environnementaux, c'est fondamental aussi. Il faut que la population sache à quoi s'attendre lorsqu'il y a un projet. Puis l'idée, ce n'est pas de freiner le développement économique, M. le Président. L'idée, c'est que les mêmes règles s'appliquent pour tout le monde. Dans notre société, là, il y a un principe fondamental, c'est l'égalité devant la loi pour tout le monde. On ne peut pas avoir de passe-droit. Puis je comprends que, parfois, il y a des impératifs économiques, il faut aller rapidement, il faut aller de l'avant, mais une société juste, c'est une société où tous vont pouvoir avoir droit au même traitement, puis, manifestement, dans le cas du projet de loi n° 37, bien, ce n'est pas ce qui arrive.

Parce que vous, M. le Président, si vous partez votre entreprise puis vous avez un projet, à moins d'avoir des excellentes relations avec le gouvernement — ce que je souhaite pour vous — bien, force est de constater que, malheureusement, fort probablement que vous n'aurez pas droit à un projet de loi particulier comme ça pour protéger votre entreprise, pour protéger une entente commerciale. C'est très particulier et c'est préoccupant. Ça veut dire, M. le Président, que le gouvernement se retrouve dans une situation où il est investisseur, législateur, partenaire et qu'il déstabilise le marché, il intervient directement. Il se retrouve à être à la place du juge, dans le fond. Le juge qui est nommé pour statuer sur des litiges comme celui-là, on vient lui dire : Occupe-toi pas du tout de ça, nous, on va te dire c'est quoi, l'état du droit. Pourquoi est-ce qu'on ne respecte pas la séparation des pouvoirs, M. le Président?

Vous savez, on est dans le cadre d'un Parlement de type britannique. Bien sûr, l'exécutif est lié au législatif, à part dans les situations de gouvernement minoritaire où là, l'opposition peut avoir un plus grand rôle sur... l'influence des projets de loi. Cependant — et on l'a souligné la dernière fois — nous souhaitons, de ce côté-ci, à la Coalition avenir Québec, que les députés aient davantage de latitude. On aurait intérêt à s'inspirer de ce qui se fait un peu à l'étranger au niveau de l'opinion de chacun des députés pour savoir est-ce qu'ils sont en faveur ou non. Parce que je suis convaincu que, parmi la députation gouvernementale et parmi la députation de la première opposition, il y a des gens qui sont réfractaires au fait que le projet le plus polluant de l'histoire ne soit pas assujetti à une évaluation environnementale indépendante du Bureau d'audiences publiques en environnement. Donc, M. le Président, lorsque la ministre, ce matin, nous parle d'indépendance judiciaire, bien, on n'en tient pas compte dans ce cas-ci parce qu'on intervient directement dans le processus judiciaire.

Et j'ai noté, M. le Président, vous me permettrez de citer... Ce n'est pas exactement les termes utilisés, je souhaite simplement paraphraser, et je m'en excuse auprès de la collègue ministre si ce n'est pas exactement la même chose, mais la ministre de la Justice, à la réponse du député de Labelle, dit : On va se mettre les deux mains dans les dossiers. On ne peut s'immiscer dans une décision pendante devant les tribunaux, devant la Cour supérieure, devant la Cour du Québec. Bien, qu'est-ce qu'on fait présentement? Le dossier était déjà commencé depuis le mois d'août, hein, M. le Président. On constate, là, à la lecture du plumitif, il y a eu plusieurs requêtes qui ont été déposées, il y a eu des interrogatoires, il y a des calendriers d'échéance qui ont été déposés, mais on fait tout le contraire de ce que la ministre nous enseigne ce matin. À la période des questions, elle nous dit : L'indépendance judiciaire, c'est sacré, en quelque sorte, on ne peut pas intervenir. Il y a des remparts entre le législatif, le judiciaire. On ne peut pas intervenir entre l'exécutif, le judiciaire. Les juges de la Cour supérieure, qui sont nommés par le ministre de la Justice fédéral, bien, le sont pour interpréter les lois, laissons-les faire leur travail.

Je ne vous dirai pas, M. le Président, qu'il y a une amélioration à faire quant au mode de nomination des juges. On l'a vu au Québec, les juges de la Cour du Québec, il y a eu une réforme au niveau de la nomination des juges. Bon, cette réforme-là mériterait d'être poursuivie, hein, pour éviter... que l'indépendance judiciaire soit complètement inattaquable, que le processus menant à une nomination à la magistrature soit exempt de toute considération autre que celle de la compétence et de la qualité du travail des individus. Mais ce qu'il faut dire, M. le Président, c'est que, depuis que le Canada a été fondé, depuis que le Québec a été fondé, depuis... En fait, on tire nos sources de la Grande-Bretagne, M. le Président, le principe de la séparation des pouvoirs, c'est quelque chose pour lequel les hommes et les femmes, au Canada, au Québec, en Angleterre, se sont battus pour vraiment limiter l'autorité arbitraire, l'autorité royale, maintenant, qui est exercée par la personne du premier ministre et de son gouvernement au niveau de la solidarité ministérielle. Mais, lorsqu'un gouvernement décide d'intervenir dans un projet de cimenterie, dans une entente pour venir dire... En fait, c'est intervenir dans le cadre du processus judiciaire pour dire : Peu importe ce que le juge va décider, c'est ce régime-là qui va s'appliquer. Ça m'apparaît une atteinte complète à l'indépendance judiciaire.

• (15 h 20) •

D'autant plus, M. le Président, ce qui est intéressant, c'est que, vous savez, en lien avec l'actualité, il y a un récent jugement de la Cour d'appel du Québec, un jugement oral qui a été rendu par écrit par la suite sur la langue d'affichage. Le premier ministre nous a dit en Chambre... La langue d'affichage française, ça visait certains détaillants qui utilisent des marques de commerce ou des appellations anglophones. Donc, c'est un petit groupe de détaillants qui contestent l'application de la loi sur l'affichage. Je crois que c'est la loi 101. Donc, le gouvernement nous dit... Bien, en fait, le jugement de la Cour supérieure nous disait : Oui, il y a un vide législatif, ça serait au gouvernement d'intervenir. Le gouvernement n'intervient pas, la décision s'en va en appel. Là, la décision est rendue verbalement sur le banc par cinq juges, cinq juges de la Cour d'appel. Le gouvernement n'intervient pas, on dit : On va attendre le jugement écrit.

Question posée, je pense, par le chef de la première opposition au premier ministre, on dit : On va attendre le jugement écrit et on va analyser le jugement pour voir. On va peut-être aller en appel à la Cour suprême, faire une autorisation d'appeler s'il y a des motifs. Par contre, le jugement de la Cour supérieure disait : Il y a un vide législatif, il s'adresse directement aux législateurs. Et là, quand c'est le temps de protéger la langue française, la langue d'affichage, le gouvernement n'agit pas. Mais, par contre, pour protéger un projet où la Loi sur la qualité de l'environnement doit s'appliquer, là le gouvernement intervient pour dire : Non, non, non, surtout n'assujettissez pas la cimenterie au BAPE. Puis, même si un tribunal indépendant disait : Oui, on va l'assujettir — bien, en fait, oui, c'est ça, l'état du droit, elle devrait être assujettie, hein, c'est le régime qui s'applique en vertu des lois qui ont été votées — bien là, non, le gouvernement intervient. Vous voyez, M. le Président, c'est toujours deux poids, deux mesures. Pourquoi, dans un cas, sur la langue d'affichage, le gouvernement décide de ne pas intervenir et, dans le cas d'un projet de cimenterie, le projet le plus polluant de l'histoire, il intervient dans le processus judiciaire?

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Environ deux minutes, M. le Président?

Le Président (M. Cousineau) : Bien, continuez, je vais vous faire signe, je vais vous faire signe. Poursuivez, M. le député.

M. Jolin-Barrette : Bon, je vais poursuivre. Je constate que mes propos suscitent l'attention et l'excitation du côté de la partie gouvernementale. Mais ce qu'il faut dire, M. le Président, c'est que, lorsqu'on adopte des lois, il y a des raisons pour lesquelles on les adopte. Et, dans le cas du projet de loi sur la cimenterie, ce qu'on nous dit, c'est que ce n'est plus un projet environnemental, c'est un projet financier, et j'aimerais qu'on m'explique en quoi l'environnement est disparu du portrait parce que la cimenterie, quand elle va entrer en opération en 2016, bien, elle va polluer, puis il va y avoir des rejets dans l'atmosphère, puis on ne peut pas faire fi de ça quand on fait un développement économique, il faut le prendre en compte. Et j'aimerais ça qu'on m'explique aussi pourquoi, M. le Président, on dépose un projet de loi. Pourquoi, M. le Président, est-ce qu'on ne laisse pas au juge, un tribunal indépendant, statuer sur c'est quoi, l'état du droit en vertu des lois qui ont été votées par les parlementaires qui nous ont précédés, qu'est-ce qui s'applique? La cour devrait être à mieux de dire : Bien, en vertu de la législation, c'est le régime d'autorisation de l'article 22 ou c'est le régime de l'article 31.1 qui s'applique. Et la position gouvernementale, si...

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, il y a même des appels qui font en sorte qu'ils veulent participer à la commission. Mais, M. le Président, moi, je pense que l'appel que le ministre vient de recevoir, c'est probablement des groupes environnementaux qui voulaient participer à cette commission, qui voulaient se faire entendre. Probablement que le ministre reçoit des appels, des courriels des gens qui veulent participer à la commission, certainement. Parce que notre fonction première aussi, c'est d'écouter les gens, M. le Président, et je trouve ça particulier qu'on ne puisse pas recevoir des gens en cette commission pour les entendre, pour dire : Écoutez, on a un projet de loi ici, pourquoi est-ce qu'on ne le bonifie pas, hein? Puis peut-être que les gens qui sont sur le terrain nous auraient dit : Bien, écoutez, il y a peut-être des nuances à apporter ou le projet aurait dû tenir en compte plusieurs éléments au niveau des aspects environnementaux, au niveau des aspects économiques. Mais ce qu'il faut dire, M. le Président, quand on retient, là...

Le Président (M. Cousineau) : Conclusion, M. le député.

M. Jolin-Barrette : Bien, en conclusion, M. le Président, je souhaite que mes collègues votent en faveur de la motion pour qu'on puisse convoquer la ministre de la Justice, pour qu'elle puisse répondre à nos questions, pour savoir, sur l'évolution du processus judiciaire, pourquoi l'intervention du gouvernement s'est faite de cette façon, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Borduas. Alors, nous sommes toujours au débat sur la motion présentée par le député de Borduas. Alors, vous avez le droit à 30 minutes, M. le ministre.

M. Daoust : Pas de commentaire.

Le Président (M. Cousineau) : Pas de commentaire. Alors, je vais passer à l'opposition officielle. M. le représentant de l'opposition officielle, M. le député de Bonaventure, vous avez le droit aussi à 30 minutes.

M. Roy : Merci, M. le Président. Ça va être très court. Nous sommes contre la demande, puis j'aimerais attirer votre attention sur le fait qu'il peut y avoir des...

Le Président (M. Cousineau) : ...la motion?

M. Roy : Oui, contre la motion.

Le Président (M. Cousineau) : Vous allez pouvoir voter un petit peu plus tard.

M. Roy : O.K. Mais je veux attirer votre attention sur le fait d'être alerte sur la possibilité d'invoquer encore l'article 244 pour essayer peut-être de ralentir nos travaux. Donc...

Le Président (M. Cousineau) : Non, non. Ça, là, écoutez, les gens ont le droit de parole, ça fait partie de nos règlements. Alors, on n'a pas à contester les droits de parole des gens.

M. Roy : Pas de commentaire, M. le Président, c'est bon.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, ça va? C'est tout? Alors, les autres parlementaires, vous avez le droit à 10 minutes. Alors, est-ce qu'il y a des gens qui veulent se prononcer sur la motion? M. le député de Blainville.

M. Mario Laframboise

M. Laframboise : Merci beaucoup, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole sur cette excellente motion préliminaire déposée par mon collègue de Borduas. Vous avez compris que mon collègue, avocat de formation, a beaucoup de difficultés quand, surtout, on octroie des places devant les tribunaux, un horaire de plages pour entendre une procédure dans des moments où ce n'est pas facile d'avoir accès à nos tribunaux. Puis on le comprend, là, il y a beaucoup de coupures de personnel, il y a plein de restrictions, mais il reste quand même que, par rapport à ce dossier-là en particulier, le tribunal avait démontré de la vigilance. C'est-à-dire que de déposer la requête, d'avoir une audition huit mois plus tard, moi, je pense que c'est un exercice qui est... On ne pouvait pas... Et d'ailleurs, là, aucune des parties ou même ceux qui s'opposaient à la requête n'ont souligné que ça a pris trop de temps. Je pense que tout le monde était conscient que le tribunal avait fait son travail là-dedans.

C'est ça qui est un peu inquiétant, c'est-à-dire qu'il y a quand même une opposition, il y avait une demande de la part de contestataires qui disaient que les lois du Québec devaient être respectées, et le gouvernement s'immisce dans la procédure. Il y avait la plage de deux semaines pour entendre la cause, et le gouvernement, par le dépôt d'un projet de loi, vient chambarder toute cette opération judiciaire qui aurait eu un dénouement. Il y aurait eu un jugement de rendu, il y aurait eu une procédure judiciaire qui aurait été enclenchée avec les lois qui étaient connues de tous au moment où le projet a été déposé.

Et c'est ça qui est un petit peu inquiétant parce qu'au Québec on s'est dotés des lois, surtout en matière environnementale. Et là je sais que le ministre aura la chance de faire les ajustements, mais, d'entrée de jeu, le ministre nous a dit : Ce dossier-là n'est plus un dossier environnemental, c'est un dossier économique. Par contre, le projet de loi n° 37 s'appelle la Loi confirmant l'assujettissement des projets de cimenterie et de terminal maritime sur le territoire de la Municipalité de Port-Daniel—Gascons au seul régime d'autorisation de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Donc, s'il n'était pas environnemental, pourquoi on modifie la Loi sur la qualité de l'environnement? Ça veut dire que ce projet de loi là relevait de la qualité de l'environnement, et c'est ce qui est... Ce qu'on essaie, nous, de dire aux collègues, c'est de dire : Écoutez, quand on prend une décision aussi importante, de soustraire un projet à la loi — puis peu importe la loi, là, dans ce cas-ci, c'est la Loi sur la qualité de l'environnement — bien, il faudrait un tant soit peu entendre les intervenants dans ce dossier-là, être capables d'entendre ce que la société en pense. Et là, là-dedans, aujourd'hui vous proposez d'entendre la ministre de la Justice venir nous expliquer comment, au ministère de la Justice, on a vu ça.

• (15 h 30) •

Parce que mon collègue de Borduas a été clair, il y a eu une procédure, il y a eu les avocats du gouvernement qui ont travaillé, ils ont préparé leur présentation devant le tribunal, il y a eu de l'argent qui a été dépensé. Ça veut dire qu'à quelque part le gouvernement croyait que c'était de son intérêt de se présenter devant cette procédure-là. Pourquoi, comme disait mon collègue de Borduas, ne pas y avoir mis fin dès le départ? Pourquoi avoir attendu sept, huit mois pour prendre cette décision-là? Donc, ça, je pense que c'est des questions pertinentes qu'on peut poser au ministre de la Justice.

Puis je vous ai dit dès le départ que je ne voulais pas faire de politique pour faire de la politique, mais, dans le cadre d'un projet qui, au point de vue environnemental, quand même, a été reconnu comme étant d'un intérêt... Même si, pour des partis politiques, l'intérêt économique prime l'intérêt environnemental, je pense qu'il n'y a pas personne qui a contredit le fait que ce projet-là serait polluant. Je pense qu'il n'y a pas personne qui a contredit ça, c'est un projet polluant. Donc, c'est important pour tous les autres entrepreneurs du Québec puis pour la société québécoise de savoir comment on peut arriver à passer outre aux lois puis questionner le ministère de la Justice pourquoi on le fait, puis est-ce qu'il y a une raison juridique de le faire. Parce que, là, évidemment, là-dedans, outre le fait que le gouvernement va déposer un projet de loi, on ne saura jamais pourquoi le... D'abord, la défense du ministère de la Justiceou son argumentaire devant les tribunaux, on ne le saura pas, on ne le connaîtra pas, le projet de loi va mettre fin. Le juge a dit : Bon, bien là, s'il y a une loi, ça va changer toute la donne puis ça va mettre fin automatiquement à la procédure.

Donc, il y a lieu, comme parlementaires, d'au moins se questionner sur, bon, comment on en est arrivés là. Puis je ne veux pas... Je vais quand même faire un peu d'historique, parce que le ministre s'est permis d'en faire dès le départ par rapport à ce projet-là, mais il y a quand même des dispositions particulières applicables à un projet de cimenterie, et ça, depuis le 22 décembre 1978, la procédure d'évaluation et d'examen des impacts est entrée en vigueur. Donc, depuis le 22 décembre 1978, une cimenterie a un impact, donc il faut qu'on soit assujetti à la loi. Depuis le 22 février 1996, la construction d'une cimenterie, au Québec, est assujettie à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement au BAPE. Donc, avant 1996, ce n'était pas soumis au BAPE. Depuis 1996, c'est soumis au BAPE. L'assujettissement de la construction d'une cimenterie à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement résulte de l'entrée en vigueur du Règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement déposé le 24 janvier 1996, le règlement 96 qui a été déposé dans la Gazette officielle, et le législateur a prévu deux dispositions transitoires afin d'encadrer la mise en oeuvre de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement suite à l'assujettissement d'un projet de construction de cimenterie à cette procédure. Donc, évidemment, dès 1996 on a assujetti ces projets-là.

Puis, à l'époque, ce projet de loi là n'a pas été fait pour contrer cette cimenterie-là, ça a été fait parce qu'il y avait des cimenteries au Québec, puis probablement que l'économie, à l'époque, là, a dû être en train de se redresser. Puis, justement, il faut faire aussi l'exégèse des décisions des gouvernements, pourquoi on a décidé d'appliquer, probablement parce qu'il y avait des projets. Puis je sais qu'un de ces projets-là était dans l'air à l'époque, mais il y avait des projets. Donc, inévitablement, la société québécoise avait des questionnements à l'époque, puis c'est ça qu'il est important de connaître de la ministre de la Justice. C'est-à-dire qu'en 1996, bon, il y avait des exigences, puis le gouvernement a décidé de choisir de légiférer, et, en 2015, on décide, nous, que les règlements qui ont été adoptés en 1996, bien, on ne doit pas en tenir compte.

Moi, je pense que de demander au ministère de la Justice, à la ministre de la Justice ce que le ministère en pense, je pense que c'est intéressant parce qu'à toutes les fois ça crée toujours des précédents. Vous savez, l'histoire est têtue, puis ça risque de nous arriver dans d'autres occasions, et, inévitablement, il y a plein de situations... Puis là je vous ai dit que je ne ferais pas de politique, là, je ne ferai pas les dates, puis pourquoi, puis comment, mais on a une réalité, on a un projet qui a été supporté par des partis politiques, et puis il y a un parti politique qui ne le supporte pas, puis c'est la Coalition avenir Québec. C'est une réalité, mais ce qu'il faut que les citoyens qui nous écoutent comprennent, c'est qu'il y a des raisons à ça. Si ce projet de loi là n'avait pas besoin de modifier la loi sur l'environnement puis il a était autorisé, on ne serait pas ici, personne. Il aurait été autorisé, puis il n'y aurait aucun problème, puis il serait complété ou en cours de se terminer, puis les emplois pourraient être créés. Le problème, c'est qu'il y a des lois qui existent au Québec, et il y avait le tribunal qui s'apprêtait à... parce qu'il y avait des opposants qui trouvaient qu'il y avait des permis qui avaient été donnés puis qui n'étaient peut-être pas conformes.

Moi, je viens du milieu municipal, M. le Président — parfait — et vous-même, vous venez du milieu municipal, puis, vous le savez, M. le Président, quand il y a des règlements qui ne sont pas... Bon, les règlements, il faut les appliquer. Quand on est un maire de municipalité, on peut le modifier, on peut faire un changement, il y a des choses qu'on peut faire. Mais là on ne modifie pas la loi sur l'environnement, là, on demande à ce qu'elle ne soit pas appliquée pour un projet précis. Tu sais, si, à quelque part, le gouvernement libéral voulait modifier la loi sur l'environnement puis dire : Nous, on la trouve trop sévère, trop contraignante pour les entreprises au Québec... Ce n'est pas ça qu'il fait, il choisit de soustraire de la loi un projet en particulier avec l'appui de l'opposition officielle. Je veux dire, c'est quelque chose d'important, de... Je vous dirais, même dans l'histoire du Québec, compte tenu de l'ampleur sur l'environnement de ce projet-là, ça va marquer l'histoire du Québec. Ça, soyez sûrs que la décision qu'on va prendre ici, un jour ils pourront retracer la liste des noms qui ont autorisé ça, puis pourquoi, parce que sûrement que, dans les prochaines générations, ils ne comprendront pas pourquoi on a autorisé ça.

Je veux dire, moi, je suis profondément convaincu de ça, mais, par contre, je ne conteste pas le choix, aujourd'hui, des élus de prendre la décision qu'ils veulent. Mais il reste quand même que l'histoire nous jugera, et je trouve ça assez triste qu'on le fasse sur une loi qui soustrait un projet d'une loi environnementale. Ça, c'est ce qu'il y a de plus dur, compte tenu qu'il y avait une procédure devant les tribunaux, les tribunaux n'avaient pas été négligents, il y avait une plage pour entendre la cause, et, évidemment, on a choisi, le gouvernement, de ne pas risquer d'aller devant les tribunaux. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : C'est terminé, M. le député de Blainville? Bon, est-ce qu'il y a d'autres intervenants qui veulent s'exprimer? Non?

Mise aux voix

S'il n'y a pas d'autre intervenant, nous allons passer au vote.

M. Auger : M. le Président, par vote nominal.

Le Président (M. Cousineau) : Par vote nominal?

M. Auger : Oui.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, par vote nominal. Mme la secrétaire.

La Secrétaire : Oui. M. Jolin-Barrette (Borduas)?

M. Jolin-Barrette : Pour.

La Secrétaire : M. Daoust (Verdun)?

M. Daoust : Contre.

La Secrétaire : M. Polo (Laval-des-Rapides)?

M. Polo : Contre.

La Secrétaire : M. Drolet (Jean-Lesage)?

M. Drolet : Contre.

La Secrétaire : M. Rousselle (Vimont)?

M. Rousselle : Contre.

La Secrétaire : M. Auger (Champlain)?

M. Auger : Contre.

La Secrétaire : M. St-Denis (Argenteuil)?

M. St-Denis : Contre.

La Secrétaire : M. Tanguay (LaFontaine)?

M. Tanguay : Contre.

La Secrétaire : M. Birnbaum (D'Arcy-McGee)?

M. Birnbaum : Contre.

La Secrétaire : M. Roy (Bonaventure)?

M. Roy : Contre.

La Secrétaire : M. Lelièvre (Gaspé)?

M. Lelièvre : Contre.

La Secrétaire : M. Cousineau (Bertrand)?

Le Président (M. Cousineau) : Je m'abstiens.

La Secrétaire : Donc, 1 pour, 10 contre, 1 abstention.

Le Président (M. Cousineau) : Alors donc, la motion est rejetée.

M. Laframboise : J'aurais...

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Blainville.

M. Laframboise : ...une motion préliminaire à déposer, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : C'est votre droit. Alors, en vertu de l'article 190... C'est par écrit?

M. Laframboise : Oui, par écrit.

Le Président (M. Cousineau) : On va suspendre quelques minutes, le temps d'en faire des copies, puis la distribuer aux membres de la commission.

(Suspension de la séance à 15 h 38)

(Reprise à 15 h 40)

Le Président (M. Cousineau) : Nous allons reprendre nos travaux. Alors, M. le député de Blainville, vous avez donc, en tant que porteur de la motion, 30 minutes. Faites-en la lecture, et puis, par la suite, bien, c'est votre 30 minutes.

Motion proposant d'entendre le ministre du Développement
durable, de l'Environnement et de la Lutte contre
les changements climatiques

M. Mario Laframboise

M. Laframboise : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, je lis la motion. Donc :

«Qu'en vertu de l'article 244 de nos règlements de procédure, la Commission de l'économie et du travail tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 37, Loi confirmant l'assujettissement des projets de cimenterie et de terminal maritime sur le territoire de la Municipalité de Port-Daniel—Gascons au seul régime d'autorisation de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin, elle entende le ministre du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.»

Donc, M. le Président, vous avez compris que l'objectif... Tantôt, on a déposé une motion préliminaire pour demander à ce que soit entendue la ministre de la Justice. Maintenant, dans un même souci de transparence, pour le bien-être de la population qui nous écoute, on demande au ministre du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques d'être présent devant notre comité pour être capables de lui poser toutes les questions nécessaires par rapport à l'évolution. Parce qu'évidemment, même, comme je vous disais tantôt, si le ministre nous dit que c'est un projet de développement économique, ce n'est pas un projet environnemental, il reste quand même que la demande par le projet de loi n° 37, c'est bien de modifier l'article 22... C'est-à-dire la Loi confirmant l'assujettissement des projets de cimenterie et de terminal maritime sur le territoire de la Municipalité de Port-Daniel au seul régime d'autorisation de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement, donc ce qu'il nous demande, c'est que soit soustrait ce projet de loi là à une partie de la Loi sur la qualité de l'environnement. Et ça, c'est inquiétant parce que... Je vais continuer parce que, dès 1995, par rapport à l'environnement... Puis la loi de 1995, que je vous disais tantôt, M. le Président, qui a été adoptée la première, qui soumettait, finalement, les projets comme les cimenteries à la procédure d'étape et d'examen des impacts sur l'environnement, il y avait deux dispositions transitoires, puis je vais vous les lire.

Dans un premier temps, l'article 31.6 de la Loi sur la qualité de l'environnement énonce que «le gouvernement ou tout comité de ministres visé à l'article 31.5 peut soustraire en tout ou en partie de la procédure d'évaluation et d'examen [d'impacts] sur l'environnement prévue dans la présente section, un projet dont la réalisation physique doit commencer au plus tard un an après l'entrée en vigueur du règlement du gouvernement assujettissant ce projet à ladite procédure.

«Au moins 15 jours avant de prendre une telle décision, le gouvernement publie un avis de son intention à la Gazette officielle du Québec.

«Avis de la décision est ensuite publié à la Gazette officielle du Québec. [...]

«Dans le cas où il soustrait un projet de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement en vertu du présent article, le gouvernement ou le comité de ministres visé à l'article 31.5 doit délivrer un certificat d'autorisation pour le projet et l'assortir des conditions qu'il juge nécessaires pour protéger l'environnement.

«La décision prise en vertu des trois premiers [articles] et le certificat d'autorisation afférent cessent d'avoir effet si la réalisation physique du projet n'est pas commencée — si le projet n'est pas commencé — dans le délai visé au premier alinéa.»

Donc, ainsi, ce que voulait faire le gouvernement du Québec, il voulait soustraire en tout ou en partie la cimenterie à la procédure d'évaluation et d'examen d'impacts sur l'environnement. Et puis, s'il avait voulu le faire, il devait publier dans la Gazette officielle un avis de son intention et un avis de cette décision et il devait émettre un certificat d'autorisation. Donc, à l'époque, il y avait une façon de se soustraire, il aurait pu déposer cette exemption-là, il aurait pu le faire. Ce qu'ils n'ont pas fait à l'époque, quand le projet avait été déposé la première fois.

Donc, c'est pour ça que, quand on vous demande dans une motion préliminaire d'entendre le ministre de l'Environnement, bien, il faut comprendre, si le gouvernement, à l'époque, ne l'a pas fait lorsque le premier projet a été déposé, bien, il y avait sûrement une raison, puis nous, on aimerait savoir pourquoi, pourquoi on ne l'a pas fait dans le temps, pourquoi, aujourd'hui, on veut soustraire le projet à la loi, alors qu'à l'époque, lorsque la première demande avait été déposée, il aurait pu y avoir une procédure d'exclusion, puis la procédure n'a pas été utilisée par le gouvernement.

Dans un deuxième temps, le 11 mai 1995, le projet de loi ayant mené à l'adoption de la loi 95 a été déposé et a été sanctionné. L'article 2 mentionne : «Lorsqu'entreront en vigueur les dispositions réglementaires qui remplaceront les paragraphes j [...] — avec les alinéas, là — les demandes d'autorisation qui auront été faites en application de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement [antérieures] à l'entrée en vigueur des dispositions réglementaires susmentionnées et relatives à des projets compris dans l'une ou l'autre des catégories de projets visées par ces dispositions ne seront exemptées de la procédure d'évaluation environnementale prévue à la section IV.1 du chapitre I de la loi précitée que dans le cas où se rencontreront les conditions suivantes :

«1° la demande d'autorisation a été faite avant le 22 juin 1995;

«2 ° tous les renseignements ou documents qui, aux termes de la loi et des règlements, doivent constituer le dossier de la demande d'autorisation ont été transmis au [ministère] de l'Environnement et de la Faune avant l'entrée en vigueur des dispositions réglementaires mentionnées ci-dessus, y compris tout complément d'information exigé par le ministre en application du dernier alinéa de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement.»

Donc, évidemment, il y avait quand même une deuxième chance de le faire à l'époque, ce qui n'a pas été fait. Puis pourquoi je prends la peine de vous lire ça, c'est que ces articles-là font l'historique, un peu, du projet de... de... font partie de l'historique de la demande du projet de cimenterie. Et, aujourd'hui, le projet a été tellement modifié qu'on ne peut plus considérer que la demande qui a été faite à l'époque, la première demande, était celle qui s'applique aujourd'hui. D'ailleurs, le ministre, tantôt, a bien expliqué, puis j'aurai la chance de vous le dire également, mais on a quand même augmenté de façon importante les émissions de gaz à effet de serre. On a doublé, ça veut dire qu'on a doublé la capacité de la cimenterie. Donc, il y a un historique, et c'est pour ça que, quand on a tendance, pour certains, à dire : Bien, c'était quelque chose qui existait déjà, ce n'est pas la même chose, ce n'est pas la même situation, et c'est pourquoi cette situation-là a entraîné un dépôt par des opposants devant les tribunaux.

Puis là je ne fais pas la qualité... Puis je pense que mon collègue de Borduas l'a bien dit tantôt, là, nous, à la Coalition avenir Québec, on n'est pas à la solde de personne — ne soyez pas inquiets, là — d'aucune multinationale, corporation, compagnie, mais pas du tout. Nous, on est là pour essayer de comprendre l'équilibre, essayer de voir... D'abord, premièrement, j'ai eu la chance de vous le dire, les deux points qui nous interpellent fortement dans ce dossier-là. Le premier, c'est le montant d'argent, 450 millions pour 200 emplois. Puis le deuxième, le fait qu'on n'ait pas de procédure de BAPE, qu'on veuille soustraire le projet aux études d'impact environnemental. Donc, ce n'est que ça qui nous guide pour essayer de comprendre comment on peut arriver là puis pourquoi des gouvernements décident que certains s'appliquent, d'autres ne s'appliquent pas. Mais, pour ce faire, M. le Président, il faut être capable d'entendre les ministres concernés.

Tantôt, on vous a parlé de la ministre de la Justice, là on vous parle du ministre de l'Environnement pour dire : Écoutez, on voudrait... Eux qui sont maintenant les porte-voix du ministère puis qui peuvent être capables de venir se présenter devant nous avec les fonctionnaires qui ont travaillé à l'époque sur les dossiers depuis le premier projet qui avait été déposé, dans ce cas-là, qui est tombé, qui a été avorté, qui a été repris par une entreprise, et tout ça, et donc, pour être capables d'avoir cet historique-là puis qu'on puisse être capables de comprendre comment on peut en arriver à un projet qui, à l'époque... on avait cru bon d'exempter... Aujourd'hui, la loi a été modifiée puis encore valide en bonne partie, a été même... Quand on modifie la Loi sur la qualité de l'environnement, habituellement ce n'est pas pour adoucir, c'est surtout pour être capable d'être encore plus... Parce que ça évolue dans le cours de la société, M. le Président, vous le savez. Moi, je rentre un peu dans l'âge, et ce que je pensais il y a 30 ans, ce n'est peut-être pas la même chose que je pense aujourd'hui. Il faut évoluer aussi, puis c'est pour ça que les partis politiques ont avantage à évoluer. Il y a des nouveaux partis comme le nôtre, il y en a d'autres qui... Je ne nomme pas personne, il y en a d'autres qui n'évoluent pas beaucoup, à ce que je peux constater, là.

Mais il reste quand même que c'est de cette façon-là qu'il faut essayer de faire comprendre à la population du Québec les impacts d'une décision. Parce que, dans le fond, quand on adopte un projet de loi, si ce n'était pas une décision qu'on demandait ici, en cette salle, bien, on ne serait pas là. On a eu un projet de loi, on demande à ce qu'il y ait une décision de prise. Des partis politiques veulent qu'il soit adopté, d'autres sont contre, mais, pour être capables... Et puis c'est rare, M. le Président, puis c'est pour ça que c'est important qu'on puisse être capables d'interpeller le ministre de l'Environnement, parce que le... Puis là je vais... Je veux toujours faire attention, là, je vous l'explique depuis les tout débuts, M. le Président, je ne veux pas... mais on a un projet, oui, économique, mais qui va faire une forte pression environnementale sur les émissions de gaz à effet de serre. Donc, on ne peut pas, même si le ministre le veut, on ne peut pas dire : Ce projet-là n'est qu'économique, compte tenu de l'importance des émissions qu'il va dégager.

Puis, je le répète tantôt, là, tu sais, 10 % de toutes les émissions industrielles du Québec, c'est important, près de 3 % de toute l'émission globale du Québec en gaz à effet de serre. On peut dire que c'est planétaire, on peut dire plein de choses, là. Dans ce temps-là, quand j'entends des gens dire que c'est planétaire, ça me fait... Moi, je viens d'un autre parlement, là, où j'ai entendu les conservateurs avoir le même discours, là, si vous me permettez, parce que j'ai cette expérience personnelle là où : Ah! les émissions de gaz à effet de serre, c'est planétaire. Bon, finalement, on ne fait jamais rien, on ne commence jamais en nulle part, puis on attend toujours que les autres prennent la décision pour que nous, on puisse s'adapter. Ça semble être un peu ça dans ce cas-là. Mais là je ne veux pas prêter d'intentions à personne, je vous le dis encore une fois. Mais j'ai constaté ça au Parlement fédéral, où il y avait des partis politiques pour lesquels les émissions de gaz à effet de serre, c'était planétaire, puis, bon, c'est le Parti conservateur, pour ne pas le nommer, là, puis le Reform encore avant. Parce que j'ai eu la chance d'être dans les débuts du Reform Party... La chance, en tout cas, tout dépendant, là, bon, j'étais là.

• (15 h 50) •

Une voix : ...

M. Laframboise : Oui, c'est ça, ça dépend du côté où on se place, mais j'étais là quand le Reform était là, puis c'était encore pire. Donc, c'est plus des politiques de droite, disons, si vous me le permettez.

Donc, nous, on se recentre dans ce dossier-là, hein? Vous avez compris que certains nous disent qu'on est de droite, mais ils seront surpris aujourd'hui que notre parti est plutôt de centre droit. Donc, c'est une des façons de faire, c'est une des mesures qui nous amènent à faire ça, puis pas pour... Puis je vous l'explique, là, ce n'est pas, outre le fait... Puis je reprends tantôt parce que, quand je disais le 450 millions... vous savez, le 450 millions pour 200 emplois, le ministre a rétorqué : Bien, 450 millions, qu'on nous en amène, des projets. Mais je vous dirais qu'il n'y a pas de gouvernement qui a réservé 450 millions de dollars pour la Gaspésie, il n'y a pas un gouvernement encore. Il y en aura peut-être un, quand la Coalition avenir Québec sera là, pour dire : On va offrir à la Gaspésie un package d'investissements uniquement pour eux. Parce qu'à quelque part, quand on dit : Amenez-nous des projets, bien, vous savez, quand ça s'en va à Investissement Québec, bon, ça s'en va au plus fort le dossier, puis, souvent, il y a des régions du Québec qui sont par rapport à... du fait même de la capacité...

Parce que, vous savez, ne serait-ce que par la population qui peut accéder à une entreprise, bon, bien, il y a des régions du Québec qui ont moins de population. On le voit, là, on le voit dans les circonscriptions foncières, on est obligé de faire pratiquement, là, des contorsions, là, sur les circonscriptions électorales, là, parce qu'il y en a trop dans des régions, puis il n'y en a pas assez dans d'autres. Donc, ça veut dire qu'il y a des endroits au Québec où il y a plus de population apte à faire vivre des entreprises. Donc, c'est sûr que, si on prend des régions du Québec puis on leur dit à toutes les fois : Vous allez compétitionner puis déposer vos projets dans le cadre de l'enveloppe globale, c'est assez... il y a certaines régions qui pourraient être pénalisées parce qu'ils ont parfois moins de population, moins de façons de... Donc, on a besoin de les aider un petit peu plus, et c'est pour ça qu'en quelque part...

Oui, la Gaspésie peut choisir un seul projet, mais elle aurait pu avoir 450 millions pour faire plusieurs projets. Puis ça, en tant que politicien, j'ai autant le droit de le défendre ici que les députés de Gaspé et Bonaventure peuvent dire qu'eux autres, ce qui les intéresse, c'est uniquement le projet de cimenterie. Moi, ce qui m'intéresse, c'est que la Gaspésie se développe de façon ailleurs. Mais ça, c'est une réalité, et c'est pourquoi il faut, quand on a des décisions aussi importantes qui engagent autant d'argent, aller au fond des choses. Et ne voyez absolument rien d'autre, M. le Président. D'ailleurs, la façon de faire de la Coalition avenir Québec, elle est respectueuse de notre système parlementaire. Donc, on va tout faire ce qui est dans la légalité des choses, on va essayer d'être très respectueux. Mais, à un moment donné, il faut démontrer qu'on n'est pas d'accord avec une décision gouvernementale, et, jusqu'à date, c'est la procédure parlementaire.

La seule façon qu'on a de démontrer notre insatisfaction, c'est de prendre le temps nécessaire pour expliquer notre position. À date, ça a fonctionné comme ça. Mon collègue vous a fait tantôt... Je ne vous ferai pas l'historique du régime britannique, aller jusqu'au régime canadien, je suis moins... disons qu'il a plus d'expérience dans ce dossier-là que moi, donc, par rapport à ça. Mais il reste quand même que la façon de s'exprimer qu'un parti politique a pour démontrer sa satisfaction ou son insatisfaction, c'est d'utiliser la procédure parlementaire, et c'est ce qu'on fait par rapport à ce projet de loi là en demandant dans cette motion-là, celle que je dépose... Tantôt, on a demandé la présence de la ministre de la Justice. Là, c'est de demander au ministre du Développement durable et de l'Environnement de venir nous expliquer l'historique du dossier, tout simplement, que je suis en train de vous faire pour dire : Écoutez, on s'aperçoit que, dans ce dossier-là, à partir du projet I qui a été déposé avant les années 95 jusqu'au dernier projet de 2015, il y a eu une évolution de la position gouvernementale, et on aimerait comprendre.

Théoriquement, si je suis le courant mondial, l'évolution aurait dû être : On est plus sévères, alors que, nous, c'est : On est moins sévères. Donc, on s'en va à contre-courant du mouvement mondial par rapport à la protection de l'environnement. Donc, quand on demande au ministère de l'Environnement de venir nous expliquer pourquoi, dans ce dossier-là, on s'en va à contre-courant, moi, je pense que ce n'est que de l'intérêt de la population du Québec d'entendre le ministre de l'Environnement nous expliquer pourquoi.

Bon, et ça, évidemment... Parce qu'à l'époque puis encore aujourd'hui, pour chaque demande d'autorisation initialement présentée sous le régime de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement et qui devient, aux termes du premier alinéa, «régie par les dispositions de la section IV.1 du chapitre I de cette loi, le ministre déterminera dans quelle mesure il pourra être tenu compte de la période courue depuis la présentation initiale de la demande pour l'application des délais prescrits en vertu des paragraphes c ou c.1 du premier alinéa de l'article 31.9...» Donc, l'article 22, évidemment, c'est celui qui est remis en question par le projet de loi.

Donc, évidemment, je ne vous relirai pas, là... je vous fais grâce de ça, mais tout ça pour vous dire que, depuis 1995, on a des obligations à respecter. Lorsqu'on veut installer un projet aussi important qu'une cimenterie, on doit le soumettre aux audiences publiques en matière d'environnement. Et il y a certaines dispositions réglementaires qui ont remplacé les paragraphes j, second alinéa, et n et p de l'article 2 de la loi de 1995 qui sont entrées en vigueur le 22 février 1996. Et le règlement de 1996 prévoit notamment, au paragraphe n.4 du premier alinéa de l'article 2, que la construction d'une cimenterie est assujettie à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement et doit faire l'objet d'un certificat d'autorisation délivré par le gouvernement en vertu de l'article 31.5 de la LQE. Donc, évidemment, c'est ça. Ça, c'est le nerf de la guerre. C'est-à-dire que, depuis le règlement de 1996, bien, une cimenterie est assujettie aux procédures d'évaluation et d'examen des impacts en environnement. Donc, pourquoi, aujourd'hui... Et on rajoute, là : Ainsi, la construction d'une cimenterie peut uniquement être exemptée de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement si l'article 31.6 ou l'article 2 de la loi de 1995 s'applique.

Donc, il y avait encore une fois ce que je vous ai expliqué tantôt, la façon de s'exempter, pour laquelle on n'a pas utilisé cette façon-là à l'époque, lors du dépôt même du premier projet, et là, aujourd'hui, bien... Tout ça pour dire que je comprends que le gouvernement, par rapport à la procédure des opposants... Parce qu'évidemment, dans ce dossier-là, il y a un certificat qui a été émis par le ministère de l'Environnement. Donc, c'est sûr que, quand la loi semble être aussi claire, je présume... Puis c'est pour ça que j'aurais aimé, tantôt, par rapport au ministère de la Justice, qu'on puisse entendre les arguments du ministère de la Justice, parce qu'ils ont sûrement eu... il y avait probablement une défense, une façon de dire pourquoi le certificat avait été émis, puis c'était conforme. Parce qu'inévitablement cette procédure-là, quand elle est... quand il y a des opposants à une procédure, ce n'est pas parce qu'ils s'opposent que ça veut dire qu'ils vont gagner, M. le Président, puis ça, je pense que c'est la façon dont fonctionne le système judiciaire au Québec. Ce n'est pas pour rien que le signe, c'est la balance, c'est qu'en quelque part il y a un juge qui décide si, en toute équité, en toute connaissance de cause, lui qui se fait déposer les plaidoiries ou qui entend les plaidoiries, décide à la fin : Bon, bien, l'opposant avait raison ou l'opposant avait tort.

• (16 heures) •

Donc, ce qui est encore plus difficile, M. le Président, c'est que le fait que le gouvernement dépose ce projet de loi là puis a forcé le juge à dire : Bon, bien là, on va attendre que le Parlement prenne la décision parce que, si jamais le Parlement décidait de modifier ou de soustraire ce projet de loi là à l'application de la loi, bien, dans le fond, moi, je n'aurai plus à prendre... Je peux comprendre le juge, là, vu qu'il voulait attendre, mais ça veut présumer... Ce que ça veut dire, c'est que, finalement, ça pourrait laisser croire — donc, il faut que je fasse attention — ça pourrait laisser croire que le gouvernement n'avait pas une bonne défense et qu'inévitablement les opposants auraient pu gagner. Et c'est ça qu'il faut essayer de comprendre en tant que parlementaires, donc la position du ministère de l'Environnement, la position, tantôt, qu'on demandait du ministère de la Justice, pour voir...

Parce que, derrière tout ça... Puis c'est ça qui me surprend des collègues, c'est que, derrière tout ça, il y a quand même... Puis, mon collègue de Borduas l'a dit, il y a quand même eu sept à huit mois, il y a eu des plaidoiries qui ont été préparées, il y a eu des fonctionnaires qui ont travaillé, le ministère de la Justice a travaillé sur le dossier, il y a de l'argent qui a été dépensé, et on ne saura jamais qui a fait... à quelque part, est-ce qu'il y a eu une erreur de commise. Je ne veux pas... Comme je vous dis, je vais être très, très prudent, est-ce qu'il y aurait... Puis là je ne le saurai jamais. En tant que législateur, en tant que représentant des citoyens de Blainville, je ne pourrai pas, moi, dire à mes citoyens qui me diraient : Bien, coudon, qu'est-ce que ça avait l'air, là? Quand ils ont émis le certificat, ils avaient-u le droit de l'émettre ou bien donc ils n'avaient pas le droit de l'émettre puis... Ça fait qu'on ne le saura jamais, on ne saura pas quelle était la défense du gouvernement. Puis peut-être que le gouvernement avait une excellente défense, on ne pourra même pas la connaître.

On aurait pu la connaître si on avait demandé au ministère de la Justice ou à la ministre de la Justice de venir nous rencontrer puis peut-être nous expliquer la position, puis peut-être qu'on aurait dit : Bien oui, ça se défendait. Mais là on n'aura pas cette chance-là parce que le... d'abord, parce que des collègues des autres partis ne veulent pas les entendre. Donc, aujourd'hui, bien, je présume... Il ne faut pas que je ne présume de rien, on n'a pas encore voté sur la motion qu'on vous dépose aujourd'hui pour le ministère de l'Environnement. Par rapport au ministère de la Justice, ça, je peux quand même dire qu'on a voté, puis le gouvernement et la première opposition, vu qu'ils ont fait un vote nominal, qu'ils étaient contre qu'on entende le ministère de la Justice, mais ça veut dire que mes citoyens dans Blainville et tous les citoyens dans d'autres circonscriptions du Québec ne pourront pas savoir si le ministère de la Justice avait une bonne défense dans ce dossier-là.

Parce que pourquoi le ministère était là? Il y avait une contestation, il y a eu un certificat d'autorisation qui a été émis, puis il y avait une défense gouvernementale préparée par le ministère de la Justice, puis on a décidé, pour des raisons purement économiques et puis... nous dire : Bon, bien là, l'économie passe avant l'environnement. Puis c'est pour ça que je vous dis, M. le Président, c'est l'importance du message, je veux dire que, mondialement présentement, la tendance est plus à ce qu'on resserre les normes en environnement, et là on marche à contre-courant dans ce dossier-là. Est-ce qu'on pourrait comprendre pourquoi, M. le Président? Outre le fait de nous dire : Ça presse, on veut des jobs, puis, bon, ça presse, si on fait ça, comment est-ce qu'il y en a, de demandes qui vont nous atterrir sur chacun de vos bureaux de députés puis qui vont vous demander : Ça presse, je veux créer des jobs, puis, tu sais...

Puis ça, là-dedans, là, je suis bien à l'aise parce que moi, je suis sur le comité d'aménagement du territoire, puis on a eu la chance d'entendre en crédits le ministre des Affaires municipales, puis mon collègue de Masson avait un problème qu'il a soumis au ministre pour dire : Écoutez, nous, on a un entrepreneur qui a fait une demande d'agrandissement pour créer 150 emplois à Mascouche. Il agrandissait — puis c'est dans le milieu de l'alimentation — pour avoir un frigidaire, et tout ça. Puis il dessert une bonne partie de l'Est du Canada, et tout ça, puis il avait une demande, puis, vu qu'il était propriétaire de 35 arpents de terre, il avait des arbres à l'arrière. Donc, lui, son entreprise existe depuis plus de 30 ans, et puis, en arrière, c'est une forêt. Voilà deux ans, la Communauté métropolitaine de Montréal a décidé que sa forêt faisait partie des forêts protégées de Montréal, la forêt montréalaise. Donc, quand il est venu pour agrandir son emplacement, on lui a refusé en disant : Non, non, tu ne peux pas parce que tu fais partie de la forêt montréalaise, puis tu ne peux pas couper aucun arbre. Donc, il a suggéré à la ville d'aller planter des arbres sur un autre terrain, acheter un terrain puis dire : Je vais vous planter... Les arbres que je coupe, je vais les planter dans un autre terrain, une autre terre. Mais la terre n'était pas à l'intérieur de la forêt montréalaise, donc, inévitablement, il n'a pas pu. Puis qu'est-ce qu'il a fait? Il a acheté en Ontario puis il a créé ses 150 emplois en Ontario. Je veux dire...

Et là je comprends que la Gaspésie, c'est 200 emplois. Mais, encore une fois, est-ce qu'à l'avenir on va dire à ces gens-là qui veulent créer des emplois : Soucie-toi pas de la CMM, appelle le ministre, le ministre va vous régler ça? Tu sais, c'est pour ça qu'à quelque part... Puis le ministre de la Justice va s'occuper de vous préparer un projet de loi privé, puis, vous allez voir, les normes des villes, ça ne s'appliquera plus.

Moi, je ne vous dis pas que je suis contre ou pour, je voudrais juste entendre le ministre... Tantôt, je voulais entendre la ministre de la Justice, là, le ministère de l'Environnement pour savoir quand est-ce qu'il y a une balise maintenant, qu'est-ce qu'on fait pour des projets maintenant qu'on crée des emplois. Puis, s'il y a un parti politique, M. le Président, à l'Assemblée nationale qui veut les créations d'emplois, c'est bien la Coalition avenir Québec. Je pense qu'à tous les jours mon chef pose des questions à l'Assemblée nationale pour savoir quand est-ce qu'on va créer des emplois durables au Québec. Mais on n'a jamais demandé de créer des emplois durables en ne respectant pas les normes environnementales, ou les normes municipales, ou les normes... on veut que ce soit respectueux des normes.

Donc, tout ça pour vous dire que le projet de construction de la cimenterie est assujetti à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts environnementaux. Tel que précisé à l'article 31.6 de la loi, le gouvernement ou tout comité de ministres peut soustraire un projet d'examen, moyennant les exemptions qui étaient prévues puis que je vous ai énumérées tantôt, pour lesquelles je vais vous... Et il appert... Je vais vous faire grâce, M. le Président... Donc : «En l'espèce, il appert qu'aucune demande de certificat d'autorisation pour la construction de la cimenterie ne répond aux exigences de l'article 2 de la loi 1995.» D'ailleurs, le certificat d'autorisation de construction ne fait référence qu'à des documents et plans datés de 2013 et 2014.

Donc, le nouveau projet, lui, il n'a jamais... Puis je vous disais qu'il y avait des exemptions pour des dossiers qui étaient avant 1995. Puis ce que je vous explique, c'est que même le CA de construction ne parle plus des droits... disons, appelons-les droits acquis que pouvait peut-être détenir ce projet-là parce qu'il avait été déposé avant 1995. Puis je dis entre parenthèses, là, parce que c'est moi, là, qui... J'ai une formation notariale, donc les droits acquis, ça nous arrive d'en discuter, là, même dans le milieu municipal, donc, mais... Puis même le promoteur, dans son certificat d'autorisation de construction, ne fait référence qu'à des documents et plans de 2013 et 2014. Donc, ça veut dire que toute référence à... tous possibles droits qui auraient pu subsister suite au certificat d'autorisation de 1996, bien, sont tombés. Donc, actuellement... «Telle qu'actuellement envisagée, la cimenterie constitue un nouveau projet qui n'a jamais fait l'objet d'un certificat d'autorisation ni d'une exemption.» Donc, c'est un peu ce que je vous disais tantôt, c'est que c'est sûr que, si le gouvernement est...

Une voix : ...

M. Laframboise : C'est ça, et tel que... Oui, puis il y a eu des exemptions, M. le Président. Parce que mon collègue me soumet ça bien gentiment, c'est qu'il y a eu des exemptions. C'est parce qu'à quelque part c'était possible. Puis, dans ce cas-là, on ne s'en est pas prévalu, mais il y en a eu, des exemptions : en 2014 pour la route Escuminac, le 19 novembre 2014; le 16 juillet 2014, la plage de Saint-Luce-sur-Mer; le 11 décembre 2015, le lac Éric; le 22 octobre 2013, la rivière Chaudière; 11 septembre 2013, rivière Lorette. Donc, tout ça pour des travaux qui affectent des infrastructures, pour lesquels on demande... Le 22 août 2013, dommages des hautes marées à L'Isle-aux-Coudres, donc il y a eu des autorisations d'exemption; le 19 juin 2013, rivière Salvail; le 19 juin 2013 également, rivière Saint-Maurice; le 1er mai 2013, la route 112; le 18 octobre 2012, prise d'eau, Vaudreuil-Dorion; le 29 février 2012, stabilisation d'urgence des berges de la rivière Richelieu; 14 décembre 2011, stabilisation d'urgence, berges de la rivière Richelieu; 7 septembre 2011, réparation, route 132.

Puis je vais vous en relire tantôt, mais pourquoi je vous dis ça, c'est parce que les exemptions, les demandes d'exemption, si elles sont conformes à la loi, on les autorise. Et puis c'est pour ça que mon collègue de Borduas a dit : Bien là, il y a eu dans des discours gouvernementaux puis peut-être aussi... Là, il faut que je fasse attention, là, parce que... des discours sûrement gouvernementaux, de nous dire : Bien, écoutez, de toute façon, le projet de cimenterie est conforme. Bien, s'il avait été conforme, on aurait obtenu une exemption. Donc, s'il n'y a pas eu de demande d'exemption, c'est qu'il y avait des conditions pour obtenir des demandes d'exemption, et ça veut dire que ce projet-là ne respectait pas les conditions de demande d'exemption.

Parce que sûrement qu'il y a eu une demande, puis c'est le genre de question qu'il faut poser au ministère de l'Environnement : Est-ce qu'il y a eu une demande au ministère de la Justice? Est-ce que vous avez fait analyser par les avocats du ministère de la Justice? Est-ce qu'on peut faire une exemption? Puis, si ça a été non, bien, est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi ça a été non? Parce que sûrement, à quelque part... Parce qu'on le voit, nous, puis les citoyens aussi le voient, et pourquoi on arrive aujourd'hui avec un projet de loi pour un projet en particulier et pour lequel il n'y a pas eu de demande d'exemption?

• (16 h 10) •

Le Président (M. Cousineau) : ...

M. Laframboise : Oui.

Le Président (M. Cousineau) : C'est terminé, M. le député de Blainville.

M. Laframboise : Merci beaucoup.

Le Président (M. Cousineau) : Votre 30 minutes est terminé. Alors donc, du côté ministériel, M. le ministre, est-ce que vous avez une intervention? Vous avez le droit à 30 minutes.

M. Daoust : ...M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Vous savez ma grande générosité.

M. Daoust : Oui, je vous reconnais. Le point que je voulais faire tantôt, c'est qu'on a eu une admission très claire à l'effet que le seul moyen qu'ils avaient pour contester la loi était d'étirer les procédures.

Le Président (M. Cousineau) : Ah! mais ça, regardez, ça, je ne peux pas...

M. Daoust : Mais on le reconnaît, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Parce que, écoutez, moi, en tant que président, je dois dire que les parlementaires ont le droit de parole, et puis c'est...

M. Jolin-Barrette : M. le Président, une question de règlement.

Le Président (M. Cousineau) : Oui.

M. Jolin-Barrette : Vous savez, lorsqu'on est élu, on est là pour faire notre travail, puis la procédure parlementaire permet de poser des questions aux différents ministres...

Le Président (M. Cousineau) : Quel article de règlement?

Une voix : C'est l'article de règlement...

Le Président (M. Cousineau) : Mais, effectivement, vous avez raison, M. le député de Borduas, c'est exactement ce que j'ai dit. D'accord? Alors donc, nous allons passer à l'opposition officielle. Vous avez 30 minutes, M. le député de Bonaventure.

M. Roy : Aucun commentaire, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Aucun commentaire. Maintenant, les autres parlementaires autour de la table, vous avez des 10 minutes si le coeur vous en dit. Oui, M. le député de Borduas.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Oui, mais enfin, M. le Président, sur une question de règlement, je peux avoir 30 minutes, puisque je...

Une voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : Un instant, s'il vous plaît! C'est moi qui suis ici, là. D'accord? En vertu de quoi?

M. Jolin-Barrette : En fait, en tant que porte-parole du deuxième groupe d'opposition.

Le Président (M. Cousineau) : Bien, non, le porte-parole... la motion, c'est M. le député de...

M. Jolin-Barrette : Oui, mais je vous référerais... Je suis certain qu'on a 30 minutes en tant que porte-parole du deuxième groupe d'opposition.

Le Président (M. Cousineau) : Pardon?

M. Jolin-Barrette : En tant que porte-parole du deuxième groupe d'opposition, en vertu de notre règlement, j'ai 30 minutes.

Le Président (M. Cousineau) : Celui qui a 30 minutes...

Des voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : Je vais suspendre quelques secondes.

(Suspension de la séance à 16 h 12)

(Reprise à 16 h 13)

Le Président (M. Cousineau) : ...minutes.

M. Jolin-Barrette : Je vais lire dans notre recueil, La procédure parlementaire du Québec. C'est édicté sous le secrétaire général, la publication. Là, on est rendus à la troisième édition.

M. le Président, je vais appuyer la motion préliminaire de mon collègue le député de Blainville, pour les motifs qu'il vous a exposés, d'entendre le ministre du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte aux changements climatiques parce que, vous savez, M. le Président, je vous l'ai dit tout à l'heure, on a demandé à ce que la ministre de la Justice vienne comparaître devant nous pour expliquer les raisons pour lesquelles le dossier a traîné, les raisons pour lesquelles le ministère de l'Environnement se retrouve dans une situation où il est défendeur dans un dossier plutôt qu'être proactif et où le ministre de l'Environnement devrait être celui qui s'assure de l'application de la Loi sur la qualité de l'environnement, d'autant plus que c'est lui qui délivre les certificats d'autorisation pour la réalisation des projets en vertu de l'article 22. Vous savez, M. le Président, qu'en vertu de la section IV.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement le ministre peut assujettir un projet de cimenterie, un projet industriel à une évaluation environnementale indépendante, ce sont les lois qui nous gouvernent.

Ceci étant dit, M. le Président, il faut dire que... Bon, manifestement, mes collègues, ici, ne veulent pas entendre la ministre de la Justice...

Le Président (M. Cousineau) : ...oui, parce que je vais voir mon vice-président. Continuez.

M. Jolin-Barrette : Comme l'ensemble des groupes... En fait, c'est ce qu'on vise, on dépose un projet de loi qui vient usurper l'autorité des tribunaux et on vient dire aux gens : Bien, on ne veut pas vous entendre non plus. Donc, on ne convoque pas de commission parlementaire pour entendre les gens sur ce qu'ils ont à dire sur le projet. Tout à l'heure, le député de Gaspé disait : Tout le monde est d'accord en Gaspésie pour ce projet de loi là. Manifestement, il y a des groupes environnementaux qui n'étaient pas d'accord puis il y a encore des gens qui ne sont pas d'accord parce que, lorsqu'on fait les revues de presse, on constate qu'il y a des gens qui ne participent pas au comité de suivi, il y a des gens qui sont insatisfaits du comité de suivi, M. le Président, malgré le fait que... Je vous salue, M. le Président, vous vous êtes transformé.

Le Président (M. St-Denis) : Je vous invite à continuer, il n'y a pas de problème.

M. Jolin-Barrette : Oui, certainement. Ce qu'il faut dire, M. le Président, c'est que ce n'est pas... il n'y a pas d'unanimité au niveau du projet. Donc, c'est pour ça que c'est important, tenir des consultations. Et d'autant plus il serait pertinent d'entendre le ministre de l'Environnement pour connaître les impacts sur l'environnement, quels sont-ils avec ce projet. Et ce qui me surprend, M. le Président, c'est que le projet de cimenterie... Vous savez, depuis 1995, la cimenterie a obtenu un certificat d'autorisation pour la préparation du site, l'aménagement du site. Ça a été délivré par le ministère de l'Environnement. Par la suite, en 2014, quel est le ministère qui donne les autorisations pour procéder à la poursuite du projet, pour dire : Oui, vous pouvez aller de l'avant? Parce qu'il faut dire que, dans le projet, il y a eu une autorisation verbale qui a été donnée dans un premier temps et, par la suite, une autorisation écrite. Les documents en font foi. Et là, M. le Président, on se retrouve dans une situation où c'est le ministre de l'Environnement qui gère le dossier. C'est lui qui émet les certificats d'autorisation, c'est un dossier environnemental.

Bien sûr qu'on investit de l'argent pour monter la structure, les bâtiments, mais, par contre, c'est assujetti à l'obtention d'un certificat d'autorisation, et c'est le ministre de l'Environnement qui, lorsqu'il va y avoir un contaminant dans l'atmosphère, détermine... en fait, qui délivre le certificat d'autorisation et qui délivre les conditions du certificat d'autorisation, et là on se retrouve avec un projet de loi qui est déposé par le ministre de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations. Donc, concrètement, ce qu'on comprend à la vue du dépôt, c'est que le projet de loi ou le dossier a été retiré des mains du ministre de l'Environnement pour être pris par son collègue le ministre de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations. Donc, on constate que le ministre de l'Environnement a été dessaisi du dossier.

Parce que, vous savez, en Chambre, le ministre de l'Environnement est celui qui répond pour les questions environnementales, et là le projet de loi, ça vise l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement. La Loi sur la qualité de l'environnement est sous la juridiction du ministère de l'Environnement, et donc, en sa qualité de ministre, est sous sa juridiction, et c'est lui qui administre la Loi sur la qualité de l'environnement, d'autant plus que le député de Viau et ministre du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte aux changements climatiques est celui qui va réformer la Loi sur la qualité de l'environnement.

Donc, lorsqu'on parle à l'article 2 des fonctions et pouvoirs du ministre, bien, ce ministre-là, c'est le ministre de l'Environnement, il ne s'agit pas du ministre de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations. Alors, pourquoi, M. le Président, ce n'est pas le ministre de l'Environnement qui dépose son projet de loi? Je comprends que, dans la rhétorique du ministre de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations, il s'agit d'un projet économique, d'un projet financier, mais, lorsqu'on vient jouer dans une loi qui relève du ministre de l'Environnement, traditionnellement, selon notre procédure, c'est le ministre titulaire de la loi qui va parrainer le projet de loi. Là, ce qu'on constate, c'est que ce n'est pas le cas.

Est-ce qu'il y a eu des discussions entourant la préparation de ce projet de loi? Est-ce que le ministre de l'Environnement est en accord avec la présentation de ce projet de loi? C'est ce qu'on ne sait pas, M. le Président, puis c'est pour ça que ce serait pertinent que le ministre de l'Environnement vienne en commission parlementaire et puisse nous expliquer quels sont les retombées, les débouchés, les impacts d'un tel projet de loi, en fait, sur l'environnement, sur l'administration de la loi. Parce que, vous savez, le ministre de l'Environnement, pour le Québec, c'est un peu le fiduciaire, hein, de la protection de l'environnement et de la protection de l'intérêt public en matière environnementale. Bien sûr, au cabinet ministériel, le gouvernement jouit d'une unicité, si je peux dire, et, en fonction du principe de la solidarité ministérielle, bien entendu, la place du ministre, ce pourrait être n'importe quel autre ministre. Mais ce qu'il faut dire, M. le Président, c'est que c'est particulier que le ministre de l'Environnement ait été dessaisi de ce dossier-là, qui a un impact environnemental important, et on constate que ce n'est pas le ministre de l'Environnement qui décide de ne pas assujettir le projet de cimenterie à une évaluation environnementale indépendante et d'uniquement réaffirmer que c'est l'article 22, le régime de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement qui s'applique.

(16 h 20)

Ce qu'il faut dire, M. le Président, aussi — et j'entends mes collègues, puis je vais détailler mes arguments, mais je dois le souligner aussi — c'est que, tout à l'heure, on a accusé ma formation politique de ne pas avoir de position en matière environnementale, et ça me désole un peu d'entendre des choses comme ça, comme s'il y a certains sujets qui appartenaient uniquement à certains partis. Ce n'est pas le cas, M. le Président, puis je peux vous dire qu'à la Coalition avenir Québec tous les sujets sont prioritaires pour nous. On est une formation nationale, M. le Président, et nous n'avons pas les années d'ancienneté que les collègues ici ont, hein, parce que, vous savez, bon, le Parti québécois est issu du Mouvement Souveraineté-association de 1968, le Parti libéral, son historique est beaucoup plus... a une plus grande longévité, mais, par contre, il ne faut jamais oublier qu'au Québec il y a des forces progressives qui émergent. Et comment on fait évoluer une société? Bien, c'est notamment en amenant les meilleurs éléments dans une équipe, et on est en train de bâtir ça à la Coalition avenir Québec.

Et, pour répondre à mon collègue de Gaspé, vous savez, chacun des partis évolue avec le temps. Il y en a qui évoluent, il y en a qui déclinent. Et je peux vous dire qu'à la Coalition avenir Québec on est en train d'évoluer, de bâtir et de réussir là où certains partis n'ont pas réussi. Parce que, vous savez, M. le Président, on a beaucoup parlé de comment ça se faisait antérieurement, mais il est temps de changer nos façons de faire, puis d'améliorer, puis de travailler en concertation, travailler en concertation avec les gens du milieu, travailler en concertation avec les groupes environnementaux, travailler dans l'intérêt de tous les Québécois en matière environnementale et aussi économique.

Et d'ailleurs, lorsqu'on parle de deux poids, deux mesures, bien, écoutez, on a là le projet le plus polluant de l'histoire du Québec, la cimenterie de Port-Daniel, et la première opposition ne demande pas d'audiences publiques qui seraient tenues par le BAPE. Par contre, M. le Président, on constate, hein, que, la semaine passée — et c'est une demande de la première opposition — Le BAPE doit être saisi du projet d'agrandissement du port, clame la première opposition. Donc : «Le Parti québécois somme le ministre québécois de l'Environnement, David [...] — le député de Viau, pardon — de mandater le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement pour qu'il examine le projet d'agrandissement du port [à] Québec dans le secteur de Beauport.

«Le Parti québécois n'a pas caché ses craintes, mercredi matin, au cours de la période de questions à l'Assemblée nationale.

«Les députés [de Taschereau et de Jonquière] sont préoccupés par le projet d'agrandissement du port, évalué à 500 millions de dollars. Ils craignent que le projet de quai en eau profonde favorise le transbordement de pétrole provenant de l'Ouest, dont le transport par train menacerait la sécurité de secteurs résidentiels.

«Plan à la main, la députée de Taschereau, [...]a montré le tracé du chemin de fer qui parcourt la région de Québec, illustrant ainsi la voie qu'emprunterait un train chargé de pétrole qui circulerait à destination ou en provenance de la baie de Beauport.

«Le député [de Jonquière] partage les inquiétudes de sa collègue. Il reproche également à l'administration portuaire de mener ses propres évaluations environnementales et ses propres consultations.

«"Le Québec est maintenu dans l'ignorance, et le Port de Québec devient juge et partie du projet en maintenant sa propre évaluation environnementale et ses propres consultations", a lancé [le député de Jonquière].»

Quand je lis ça, M. le Président, ça me surprend, hein, parce que, là, on se retrouve dans une situation où, pour le projet de cimenterie, le gouvernement nous a dit : Il y en a eu, des évaluations environnementales. Bien sûr qu'il y en a eu, des évaluations environnementales, elles ont été effectuées par le promoteur du projet. Et là on prend cette évaluation environnementale là, puis on dit : Ah! l'évaluation est réussie.

La position de la première opposition, c'est de dire : On n'assujettit pas non plus le projet à une évaluation environnementale indépendante. Par contre, pour un autre projet, c'est important de consulter la population puis c'est important que le Québec se dote d'un bureau d'audiences publiques en environnement indépendant, une évaluation indépendante, et même que les compétences en matière environnementale soient respectées. Parce que je crois que c'est le projet de loi — peut-être que mes collègues vont pouvoir m'aider — le projet de loi n° 390 qui a été déposé — vous m'excuserez pour le numéro du projet de loi — par le député de Jonquière, qui demande d'assujettir le transport de pétrole à la Loi sur la qualité de l'environnement, donc que la compétence constitutionnelle du Québec s'applique sur l'ensemble du territoire québécois. Puis, quand c'est le temps d'agir au Québec, quand c'est le temps d'assujettir le projet le plus polluant de l'histoire, on constate que la première opposition dit : Non, on n'assujettit pas ce projet de cimenterie à une évaluation environnementale.

Donc, vous comprendrez, M. le Président, que, sur la position des collègues, je suis un peu perdu parce que, d'un côté, on demande que certains projets soient assujettis, de l'autre côté, on dit : Ah non! Pour des intérêts économiques, ça, on n'assujettira pas ça. Ce que je vous dis, M. le Président, en lien avec le projet de loi qu'on a aujourd'hui, on aurait dû laisser aux tribunaux la latitude de déterminer quel était l'état du droit parce que c'est comme ça que fonctionne notre société, on vote les lois et, par la suite, on permet aux tribunaux d'interpréter la législation et d'édicter est-ce que, oui ou non, le ministère de l'Environnement devait ou non assujettir le projet de cimenterie à une évaluation environnementale, ou non. On aurait été fixés de cette façon-là, de façon impartiale et indépendante.

La position du gouvernement :

«De son côté, le ministre [de l'Environnement] a réaffirmé ne pas avoir eu les détails du projet du Port de Québec.

«Il a affirmé que son gouvernement sera aussi vigilant qu'il l'a été pour le projet de TransCanada, à Cacouna, dans le Bas-Saint-Laurent.

«"Sur TransCanada, nous avons établi des conditions très claires pour défendre les intérêts du Québec et nous le ferons de la même façon pour le Port de Québec."»

M. le Président, ça, c'est la citation du ministre de l'Environnement. Bon, on a constaté aussi que, dans le cas du port de Cacouna — et je pense que la première opposition va être d'accord avec moi — on voulait l'assujettissement à un BAPE, mais il a fallu que la Cour supérieure intervienne, M. le Président. La juge Roy, je crois, de la Cour supérieure a rendu jugement en fonction d'une requête en injonction interlocutoire, M. le Président. La première requête en injonction interlocutoire provisoire avait été rejetée parce que les quatre critères prévus au recours de nature injonctive n'avaient pas été remplis, mais, sur le deuxième recours, vous savez, M. le Président, le préjudice irréparable, la balance des inconvénients et l'intérêt, bien là la juge avait trouvé que, oui, la Loi sur la qualité de l'environnement s'appliquait et, oui, le certificat d'autorisation était requis. Donc, on constate que c'est à géométrie variable, hein, le respect de l'environnement, la protection de l'environnement.

Il faut, M. le Président, comme je vous le disais tout à l'heure, que, lorsqu'on a un projet, ça soit la même ligne de conduite pour tout le monde. Le député de Blainville l'a souligné tout à l'heure, il existe des recours dans la loi, hein, pour ne pas assujettir ou exempter un projet. Il y a eu une série de décrets qui ont été adoptés par le Conseil des ministres, ce qui est prévu à la Loi sur la qualité de l'environnement, depuis de nombreuses années. On peut retrouver des décrets jusqu'en 1996, la Rivière-aux-Outardes, le golfe du Saint-Laurent, rivière L'Assomption; en 1996 encore, dommages causés par la crue en Mauricie, Côte-Nord, Saguenay, rivière à la Tortue, Rivière-Sainte-Anne; drainage fluvial en 1997 à Saint-Constant; 1997, le Yacht Club de Québec. Donc, il y a des décrets qui sont adoptés, mais ce qu'il faut, c'est que la législation s'applique pour tout le monde de la même façon. Puis, dans ce cas-ci, on présente un projet de loi particulier pour une situation particulière, puis ça m'inquiète, M. le Président, parce que le message qu'on envoie, c'est un message qui dit : L'égalité n'est pas la même pour tous. Et il faut protéger l'environnement, M. le Président, mais il faut aussi s'assurer d'avoir un processus judiciaire indépendant.

Est-ce qu'à chaque fois qu'on va avoir certaines problématiques on va pouvoir aller cogner à la porte du ministère de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations puis dire : Écoutez, là, moi, je ne veux pas être assujetti à un projet puis je vais retirer mes billes, puis il n'y en aura pas, de développement? Je vous prédis qu'il va y avoir, M. le Président, si on continue dans cette lignée-là, il va y avoir une file de gens qui vont attendre devant la porte des ministères pour dire : Bien, moi, je ne veux pas être assujetti pour x, y raisons. L'application de la loi, ça doit être une portée générale et impersonnelle pour l'ensemble des individus, qu'ils soient des personnes physiques ou des personnes morales, M. le Président.

• (16 h 30) •

En lien avec le projet de loi, M. le Président, pourquoi on souhaite que le ministre de l'Environnement soit convoqué, c'est pour qu'il puisse nous expliquer également les mesures de mitigation qui vont être mises en place par la cimenterie. Vous savez, on nous demande, en tant qu'opposition, de voter pour un projet de loi sans entendre les principales personnes concernées. Malheureusement, la ministre de la Justice ne viendra pas nous voir. Je souhaite que le ministre de l'Environnement vienne nous voir. Mais il y a aussi des groupes environnementaux, les acteurs économiques du milieu qu'il faudrait consulter, puis là on ne le fera pas. Pourquoi? Parce que la partie gouvernementale ne le souhaite pas et que les députés collègues de la première opposition appuient le projet d'une façon, je dirais, positive.

Et, M. le Président, vous savez que, lorsque le projet de loi a été déposé, les différents partis politiques ont émis des communiqués, hein, pour dire qu'ils appuyaient le projet de loi ou ils appuyaient la loi, mais ça a fait l'objet de discussions dans le cadre, j'imagine, des caucus des différents partis politiques. Mais je tiens à vous citer un communiqué qui a été émis par la première opposition et qui cite mon collègue député de Bonaventure. Et ça se lit comme suit, c'est sûr le fil de CNW Telbec, 26 février 2015 : «Le député de Bonaventure [...] indique que le Parti québécois appuiera le projet de loi n° 37, qui assujettit le projet de cimenterie et de terminal maritime de Port-Daniel—Gascons au seul régime d'autorisation prévu à l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement.»

J'ouvre les guillemets et je cite... Bien, en fait, c'est une citation : «"Nous sommes très fiers de voir le projet de cimenterie prendre forme. C'est notre gouvernement qui, avec les partenaires et la population gaspésienne, l'avait relancé; nous croyions, la première ministre Pauline Marois en tête, au développement économique et social de la Gaspésie. L'implantation d'une cimenterie à Port-Daniel—Gascons créera des emplois durables et diversifiera l'économie de la région. En ce sens, nous appuierons le projet de loi n° 37", a déclaré [le député de Bonaventure].

«Par ailleurs, le député de Bonaventure souhaite que la compagnie Ciment McInnis dépose des engagements précis quant à la conversion de la cimenterie à des combustibles à plus faible impact environnemental. "Nous appuyons le comité de suivi [...] et le processus de médiation environnementale mis en place conjointement par le Centre québécois du droit de l'environnement et Ciment McInnis; on peut [...] espérer faire progresser la cimenterie vers l'atténuation de son empreinte environnementale", a ajouté [le député].» Donc, ça, c'est à la suite du dépôt.

Tout à l'heure, je vous ai mentionné, M. le Président — et j'en suis un peu désolé — que les engagements au niveau des combustibles, bien, c'est des engagements de bonne foi. Il n'y a rien qui est signé, il n'y a pas d'engagement précis au niveau de la modification. Donc là, ce qu'on va faire, là — puis j'aurais aimé ça, entendre aussi le ministre de l'Environnement — c'est qu'on va brûler du coke de pétrole, puis peut-être, peut-être qu'on va avoir des carburants alternatifs. Peut-être. Est-ce qu'on a une garantie? Je constate, à la lecture du troisième paragraphe du communiqué de la part du député de Bonaventure, qu'on n'a pas d'engagement ferme. Puis là on parle d'un projet qui a été lancé sous l'ancienne première ministre au début de la campagne électorale. Puis je dois vous dire aussi que, lorsque le projet a été relancé, hein, tout s'est fait extrêmement rapidement, tout s'est fait à la va-vite. Et, dans un tel projet aussi polluant, ça me surprend toujours que, parfois, le gouvernement prend des mois, et des mois, et même des années à développer certains projets, puis, parfois, c'est drôle, hein, comment ça va vite puis qu'on ne procède pas à l'analyse des choses.

Ça serait intéressant de suivre le processus régulier de façon proactive, bien entendu, de façon à diminuer la bureaucratie, M. le Président, de façon à être efficace, hein, parce qu'il y a des opportunités d'affaires qu'on ne peut pas manquer. Mais ça ne veut pas dire, parce qu'on respecte nos lois, parce qu'on respecte nos règlements, qu'on ne peut pas développer le Québec aussi de façon responsable. Ça, M. le Président, il va falloir s'enligner là-dessus au Québec. Parce que, oui, il y a beaucoup de bureaucratie, oui, on peut être plus efficaces, mais ça ne veut pas dire, lorsqu'on est plus efficaces, qu'on doit jeter par-dessus bord la réglementation en vigueur, la réglementation qui nous gouverne puis qui doit gouverner tous et chacun de la même façon. Ça s'appelle l'égalité devant la loi.

Puis on doit tendre aussi à travailler tous ensemble à améliorer les processus, M. le Président. En ce sens-là, M. le Président... Et le ministre de l'Environnement, si mes collègues acceptent de l'entendre, a déjà annoncé qu'il allait proposer un livre vert sur la modernisation de la Loi sur la qualité de l'environnement, et je crois que c'est un projet qui lui tient réellement à coeur, au niveau de la modernisation. Et le régime d'autorisation prévu va peut-être l'objet d'une réforme aussi, puis je tiens à vous dire, M. le Président, que je vais travailler en collaboration avec mon collègue de l'Environnement, le ministre du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte aux changements climatiques, pour moderniser cette loi, pour la rendre plus efficace parce que je suis convaincu... Mes collègues ici présents l'ont entendu aussi à de multiples reprises que le ministère de l'Environnement émet 5 000 certificats d'autorisation annuellement et que parfois, avec les acteurs municipaux, avec les différents intervenants économiques, le processus est lourd. On en a eu un petit peu un exemple dernièrement avec le projet de loi n° 32, la loi visant la conservation sur les milieux humides et hydriques, que ce régime-là est en réforme et qu'on attend une législation complète visant à régir ce régime-là, à assurer la protection, puis la conservation, puis, en fait, aucune perte nette de milieux humides.

Mais, tout ça, le ministre de l'Environnement nous disait que ça a un impact en lien avec les changements climatiques. Ça aurait été pertinent, M. le Président, de l'entendre pour savoir quelle va être la stratégie du ministre de l'Environnement, avec 2 millions de tonnes de gaz à effet de serre supplémentaires, comment est-ce qu'on va réussir en tant qu'État, un, à donner l'exemple, deux, à être des leaders. Parce que le ministre de l'Environnement a eu la gentillesse de m'inviter en mars dernier au sommet de Québec sur la lutte aux changements climatiques, qui regroupait les différents premiers ministres, des parlementaires des autres provinces canadiennes, des représentants des États du Nord-Est américain, pour discuter de la stratégie, et, en grande pompe, le ministre et le premier ministre ont annoncé que l'Ontario se joignait au marché du carbone.

Et, M. le Président, c'est la principale responsabilité du ministre de l'Environnement de s'assurer, entre autres, de lutter contre les changements climatiques, et l'arrivée, la venue, l'implantation de la cimenterie de Port-Daniel va augmenter le bilan et les émissions de gaz à effet de serre pour le Québec, et là on n'a pas de réponse à nos questions. Tout ce que j'entends depuis tout à l'heure, c'est : Bien, écoutez, ça va être noyé dans l'ensemble mondial, comme si nos émissions ne comptaient plus vraiment parce qu'on le calcule d'une façon globale et mondiale. Mais attention! Si tout le monde pense de cette façon-là, agit de cette façon-là, bien, il n'y a personne qui va se soucier, on va dire : Bien, on en rajoute une pile sur le tas, puis ce n'est pas plus grave que ça, hein, c'est global, c'est mondial. Mais, en matière de lutte aux changements climatiques, tout le monde doit faire son effort.

On parle de plus en plus de l'électrification des transports parce qu'il s'agit d'une des sources d'émissions les plus polluantes au Québec sur les gaz à effet de serre. Mais, d'un côté, si on permet à des industries aussi polluantes de s'implanter sans être assujetties à une évaluation environnementale, puis aux impacts, puis de passer dans une stratégie globale, comme aime le dire le ministre de l'Environnement, on se retrouve dans une situation où c'est véritablement un cas où, bien, on dit des choses, mais nos actions ne sont pas en directe ligne avec ce qu'on dit. Il faut, M. le Président, il faut s'assurer que les actions du gouvernement vont être appropriées et en directe ligne avec ce qu'il est nécessaire de faire afin d'assurer la protection de l'environnement.

Et, lors du sommet de Québec...

Le Président (M. Cousineau) : ...

M. Jolin-Barrette : ... — merci, M. le Président — lors du sommet de Québec, les différents parlementaires ont tous eu la même réaction, hein, de dire que c'est un problème mondial, puis tout le monde doit s'y attaquer. Mais je demande à mes collègues : Qu'est-ce qu'on va faire pour lutter contre les changements climatiques si nous-mêmes, dans les choix qu'on fait, on ne prend pas ça en compte? Et le ministre de l'Environnement rend souvent les bons coups du gouvernement qui sont faits, les ventes aux enchères du marché du carbone, mais, d'un autre côté, on se retrouve avec une cimenterie qui, un, va être exonérée en partie des crédits carbone, va venir avoir un impact sur les autres joueurs dans le milieu, va polluer aussi, va ajouter au bilan énergétique. J'ai bien entendu les arguments, là, de mes collègues, M. le Président, sur le fait que le bilan de la cimenterie, ça va être une des plus performantes dans le monde entier. Soit, la construction est une construction de 2015. C'est comme une auto, hein? Bon, je n'ai pas eu beaucoup d'autos dans ma vie à date, mais je suis persuadé que mon prochain véhicule va être plus performant énergétiquement que mon premier véhicule, qui était — je ne sais pas si je devrais vous le dire — ...

Une voix : ...

 (16 h 40)

M. Jolin-Barrette : ...une Hyundai Accent. Donc, probablement que la technologie va avoir avancé depuis la première fois que j'ai acquis un véhicule. C'est la même chose pour les cimenteries, on est beaucoup plus performant aujourd'hui. Cependant, en raison de la grosseur de la cimenterie, de sa production de gaz à effet de serre, il y a lieu de se questionner à savoir pourquoi on ne l'assujettit pas à un BAPE et pourquoi, surtout, on intervient dans le processus judiciaire. Parce que le coeur du problème, M. le Président... Puis c'est pour ça, hein, qu'il y avait un litige devant les tribunaux, M. le Président, c'est parce que le projet original de 1995 de la cimenterie qui avait été déposé à l'époque, ce n'est pas le même projet. Lorsque vous émettez un certificat d'autorisation qui est un certificat d'autorisation pour le terminal maritime et la préparation de l'aménagement du site, ce n'est pas un certificat d'autorisation qui vise la construction de la cimenterie.

Puis c'est intéressant parce qu'il y a différents auteurs qui se sont prononcés sur ce sujet. Vous me permettrez d'en faire la lecture, M. le Président, ça vient de la firme Sodavex, Me Christine Duchaine et Me Anissa Chekir : «Le Centre québécois du droit de l'environnement, le groupe Environnement Vert-Plus et la cimenterie Lafarge [...] inc. ont institué cet été un recours en révision judiciaire devant les tribunaux afin de faire annuler le certificat d'autorisation émis [par] la cimenterie McInnis par le ministre [de l'Environnement], lequel [permettrait] d'amorcer la construction de la cimenterie à Port-Daniel—Gascons de 1,1 milliard.» Ça date, M. le Président, du 19 novembre 2014, l'article. «Le but de cette requête est de faire en sorte que le projet soit soumis au processus d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement et de participation publique étant donné que ce projet aura des impacts majeurs sur la qualité de l'environnement.

«Plusieurs organismes environnementaux, dont Environnement Vert-Plus, avaient exercé des pressions auprès du ministre de l'Environnement de l'époque avant l'émission du certificat d'autorisation, particulièrement à l'automne 2013, afin d'assujettir le projet de construction de la cimenterie de Port-Daniel—Gascons à une évaluation environnementale ainsi qu'à une audience publique. Leur demande s'expliquait notamment par le fait que ce projet de cimenterie deviendrait l'un des plus grands consommateurs de coke de pétrole au Québec.»

Vous voyez, M. le Président, ce que je vous disais tout à l'heure, le rôle du ministre de l'Environnement, c'est, entre autres, d'être fiduciaire de l'environnement et de s'assurer que les règles environnementales sont respectées. Là, ce qu'on apprend, c'est que c'est des groupes environnementaux qui vont voir le ministre pour s'assurer qu'il y ait une évaluation environnementale indépendante.

«Effectivement, ce projet aura des conséquences environnementales majeures. L'usine produira annuellement 2,2 millions de tonnes de ciment, et le projet pourrait représenter entre 6 % et 10 % des émissions totales de gaz à effet de serre de tout le secteur industriel du Québec, en plus d'émettre d'importantes quantités d'oxydes d'azote — du NOx et du N2O — de dioxyde de soufre — du SO2 — de même que des matières particulaires, des COV — composés organiques volatils — et des métaux lourds. Afin d'être concurrentielle, la cimenterie McInnis compte utiliser le coke de pétrole, lequel provient des résidus de raffinage, plutôt que le charbon comme combustible.»

Donc, M. le Président, vous me permettrez de compléter...

Le Président (M. Cousineau) : Bien, vous pourrez peut-être compléter éventuellement si vous voulez, mais là le 30 minutes vient tout juste de se terminer. Alors, à ce moment-ci, je vais demander : Est-ce qu'il y a des parlementaires qui veulent s'exprimer sur la motion de M. le député de Blainville?

Mise aux voix

Alors donc, je vais mettre aux voix.

M. Auger : Par vote par appel nominal.

Le Président (M. Cousineau) : Par vote par appel nominal. Mme la secrétaire, procédez.

La Secrétaire : M. Jolin-Barrette (Borduas)?

M. Jolin-Barrette : Pour.

La Secrétaire : M. Daoust (Verdun)?

M. Daoust : Contre.

La Secrétaire : M. Drolet (Jean-Lesage)?

M. Drolet : Contre.

La Secrétaire : M. Rousselle (Vimont)?

M. Rousselle : Contre.

La Secrétaire : M. Auger (Champlain)?

M. Auger : Contre.

La Secrétaire : M. St-Denis (Argenteuil)?

M. St-Denis : Contre.

La Secrétaire : M. Tanguay (LaFontaine)?

M. Tanguay : Contre.

La Secrétaire : M. Birnbaum (D'Arcy-McGee)?

M. Birnbaum : Contre.

La Secrétaire : M. Roy (Bonaventure)?

M. Roy : Contre.

La Secrétaire : M. Lelièvre (Gaspé)?

M. Lelièvre : Contre.

La Secrétaire : M. Cousineau (Bertrand)?

Le Président (M. Cousineau) : Je m'abstiens.

La Secrétaire : Donc, 1 pour, 9 contre, 1 abstention.

Le Président (M. Cousineau) : Est-ce qu'il y a d'autres motions préliminaires?

M. Laframboise : Oui, j'aurais une autre motion préliminaire, s'il vous plaît.

Le Président (M. Cousineau) : Allez-y, c'est votre droit.

M. Laframboise : Je vous la dépose.

Le Président (M. Cousineau) : ...suspendre quelques minutes, le temps de faire des copies pour les membres de la commission.

(Suspension de la séance à 16 h 45)

(Reprise à 16 h 47)

Le Président (M. Cousineau) : Alors, nous reprenons nos travaux. M. le député de Blainville, donc vous avez une autre motion préliminaire à nous présenter. Alors, c'est la même procédure. Vous avez un 30 minutes, faites la lecture de votre motion et puis... Allez-y.

Motion proposant d'entendre la Direction de l'évaluation environnementale des
projets hydriques et industriels du ministère du Développement durable,
de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques

M. Mario Laframboise

M. Laframboise : Merci, M. le Président. La motion préliminaire va se lire comme suit :

«Qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure, la Commission de l'économie et du travail tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 37, Loi confirmant l'assujettissement des projets de cimenterie et de terminal maritime sur le territoire de la Municipalité de Port-Daniel—Gascons au seul régime d'autorisation de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin, elle entende Madame Elizabeth Rainville, chargée de projet de la Direction de l'évaluation environnementale des projets hydriques et industriels, en lien avec le Rapport d'analyse de la mise à jour de l'étude...» Et le rapport s'intitule comme suit : Rapport d'analyse de la mise à jour de l'étude de répercussion environnementales du projet de construction d'une cimenterie sur le territoire de la municipalité de Port-DanielGascons par Ciment McInnis inc.

Donc, M. le Président, je ne vous lirai pas tout le rapport, mais, encore une fois, le but de cette motion préliminaire, ça aurait été d'entendre Mme Rainville, qui est la chargée de projet. Le rapport, d'abord, c'est un rapport qui provient de la Direction de l'évaluation environnementale des projets hydriques et industriels, qui est... c'est une analyse complétée en octobre 2013. Elle a été actualisée... dernière actualisation le 5 décembre 2013, et ça provient du ministère du Développement durable, Environnement, Faune et Parcs.

Donc, évidemment, Mme Rainville, qui est ingénieure M. Sc. Eau, c'est-à-dire, bon, au service des eaux, donc, M. le Président, ça aurait été important d'entendre Mme Rainville parce que c'est probablement à cause de ce rapport que le gouvernement a pris cette décision-là. Je présume, là, je ne voudrais pas enlever des... Je ne voudrais pas porter des présomptions, là, je ne voudrais pas faire parler, là, mais c'est quand même le rapport disponible au ministère et qui est en lien direct avec ce projet de loi là.

• (16 h 50) •

Et je ne vous le lirai pas tout au complet, M. le Président, mais inévitablement je vais souligner des questionnements qu'il y a dans le rapport. Puis je vais être très transparent et honnête, le rapport, c'est une recommandation favorable. Donc, à la fin, c'est une recommandation favorable, mais il reste qu'il y a des questions importantes. Parce que, pour arriver à une décision comme ça, vous avez compris que tout n'est pas blanc, hein? Il y a des zones d'ombre et, même, il y a des zones noires dans ce rapport-là. Et ça, évidemment, encore une fois, nos collègues n'auront pas la chance, puis vous n'aurez la chance, M. le Président, d'entendre Mme Rainville parce que... En tout cas, je ne présume pas, là, parce qu'il ne faut pas présumer. On demande à ce que Mme Rainville soit entendue, j'aurais... En tout cas, nous aimerions que Mme Rainville soit présente devant notre commission pour être capable, devant notre comité... pour répondre aux questionnements qu'il y a dans ce... Parce que c'est un rapport de 62 pages en excluant les références. Donc, c'est un rapport costaud, on dirait, là, qui semble tout bien préparé puis qui souligne des questionnements.

Puis là, bon, je vais y aller, là, par les questionnements. D'abord, la première des choses, madame nous parle de la raison d'être du projet, puis je vais juste vous donner, bon... Et c'est important, là : «Selon les informations fournies par Ciment McInnis, l'appareil cimentier des producteurs nord-américains serait de plus en plus vieillissant. L'âge moyen des cimenteries du Québec serait très avancé, de même que celui des usines situées sur la côte Est des États-Unis, qui oscillerait entre 40 et 55 ans. Plusieurs de ces usines souffriraient des problèmes suivants : faible performance[...]; consommation énergétique élevée; niveau de productivité inférieur aux cimenteries modernes; coûts [des opérations] élevés.

«Si l'on combine cette situation avec les effets de la crise économique récente en Amérique du Nord et le resserrement des normes environnementales proposées par l'agence américaine de protection de l'environnement — donc, ça veut dire que l'agence environnementale américaine a augmenté ses normes de protection — l'industrie nord-américaine du ciment atteindrait actuellement un point critique. Pour maintenir un aspect compétitif dans le respect des normes, plusieurs producteurs nord-américains auraient donc récemment fermé certaines de leurs usines jugées désuètes.»

Et ça, en rapport avec le resserrement des normes environnementales proposées par l'agence américaine. Donc, c'est le genre de questionnement... D'abord, la première, c'est selon les informations fournies par Ciment McInnis. Donc, c'est important de savoir est-ce que le ministère a vérifié auprès de nos cimentiers, les autres, là, si c'est vrai, le constat que fait Ciment McInnis. Puis, deuxièmement, bien là, si les Américains resserrent leurs normes environnementales, puis ça a comme impact de fermer des cimenteries, bien là il y a une conséquence, là, parce qu'inévitablement, là, j'imaginerai... Je le sais qu'on... souvent, dans des projets de développement économique, on espère que tout va aller pour le mieux, mais j'ai comme le sentiment qu'une bonne partie de la production va aller au marché américain. Et il y aura sûrement une réaction des Américains parce que ça me surprendrait qu'ils laissent des installations nord-américaines s'installer en sol canadien avec des normes inférieures aux normes américaines puis qu'il n'y ait pas de réaction par rapport aux causes de compétitivité.

J'espère, en tout cas... Puis je suis convaincu, mettons, jusqu'à preuve du contraire, que le ministre, notre ministre du Développement économique, a fait ces vérifications-là parce que ça serait terrible si on investissait 450 millions puis qu'après ça on se ramassait dans une bataille juridique à l'international par rapport à la loi antidumping, puis qu'on ait des contestations des Américains, puis qu'ils auraient comme à plaider devant les tribunaux internationaux qui règlent ce genre de différend qu'eux ont resserré les normes environnementales et la preuve que le Québec ne les a pas resserrées, il a passé un projet de loi pour, justement, soustraire cette cimenterie-là aux normes environnementales. Je veux dire, ça serait le comble de l'odieux, là, mais je présume qu'on a tout vérifié ça, là. Mais, s'il fallait que ça arrive, je veux dire, imaginez-vous, là. En tout cas, moi, je serais fier d'avoir voté contre ce projet de loi là. Au moins, je pourrai dire à mes petits-enfants que j'ai voté contre un autre gouffre financier. Mais je ne veux pas présumer de rien, là. Mais c'est quand même un constat qui est fait dans le rapport du ministère... de la chercheure et des autres... Parce qu'elle n'est pas seule, là, il y a d'autres... en tout cas, la Direction de l'évaluation environnementale du ministère.

Ensuite : «En considérant les capacités de production déjà retirées du marché nord-américain et l'effet généré par l'application de nouvelles normes plus sévères, Ciment McInnis croit possible d'envisager un manque de production de ciment dans la région nord-est du continent...» Donc, encore une fois, Ciment McInnis croit possible... Donc, ça, ça veut dire qu'encore une fois on se fie au promoteur. Moi, je veux bien. Puis je ne nommerai pas le nom du promoteur, vous le connaissez tous, je veux bien, mais, en quelque part, si jamais le promoteur nous embarquait dans une histoire sans fin, j'aurais... En tout cas, ne serait-ce que j'aurais aimé questionner madame, excusez-moi...

Une voix : Rainville.

M. Laframboise : Oui, Rainville. Excusez-moi, je ne veux pas oublier son nom puis je ne veux pas, surtout, le modifier. Donc, Mme Rainville, je voudrais la questionner par rapport à ça parce que ça semble qu'on se fie sur les propos de Ciment McInnis. Donc, j'aurais aimé savoir, on aurait aimé savoir si on avait fait les vérifications puis si son département avait communiqué avec le ministère du Développement économique du Québec pour voir si eux ont fait les vérifications pour qu'au moins on soit capables de répondre à ça.

Et ça m'amène à une autre partie. Puis mon collègue en a parlé, mais c'est important parce que c'est le rapport... Le combustible utilisé, bon, bien, à la page 9 du rapport, ce qu'on nous dit, bon, le combustible utilisé :

«Les deux principales sources d'énergie prévues sont la combustion et la consommation d'énergie électrique.

«Ciment McInnis indique que son procédé aura une empreinte énergétique globale la plus faible possible, grâce à l'utilisation de technologies de pointe de cuisson garantissant un taux de 3 100 MJ/tonne de clinker, reconnu parmi les plus faibles de l'industrie, et une consommation globale d'énergie inférieure à 90 kWh/tonne de ciment.

«D'une part, la cimenterie bénéficiera de l'hydroélectricité produite au Québec pour la puissance consommée. D'autre part, elle utilisera le coke de pétrole ou le charbon comme combustible principal pour son procédé, alors que [...] l'huile n° 2 sera utilisée pour le démarrage de la cimenterie.»

Donc, ça, je ne reviendrai pas sur les propos par rapport au coke de pétrole, qui est, évidemment, le résidu du résidu de tout ce que... Bon, j'ai eu mon collègue de Lévis qui disait : Bon, mets tout ensemble ce que le monde ne veulent pas, ça s'appelle du coke de pétrole. Bon, ça, c'est ça, la réalité.

«Toutefois, Ciment McInnis a indiqué envisager sérieusement la possibilité d'utiliser la biomasse provenant des résidus de coupe de bois et d'usines de sciage comme premier combustible alternatif. À cet effet, le four de calcination sera, dès le départ, dimensionné pour l'utilisation de biomasse. L'utilisation de biomasse ne pourrait cependant se faire qu'après la phase de rodage de l'usine, et une fois que la qualité des ciments produits — sera — jugée satisfaisante.

«Ciment McInnis n'entend pas utiliser de pneus comme combustible. Aucun certificat d'autorisation permettant l'utilisation de pneus [...] ne lui a été délivré depuis 1995. Toutefois, l'initiateur a exprimé au [ministère] son désir de conserver la possibilité d'utiliser des pneus dans le cas où les autorités gouvernementales lui demanderaient de valoriser des sources de pneus provenant du Québec.»

Donc, on voit qu'encore une fois on y va avec ce qu'on pourrait... puis selon les dires de McInnis. Donc, je peux comprendre qu'il y a des grands questionnements. Parce que moi, je me questionne par rapport à ça, je me questionne par rapport à l'utilisation du coke de pétrole. Je veux bien qu'on puisse le transférer un jour en biomasse. Quand? Comment? Pourquoi? Comment ça... Donc, il va-tu y en avoir assez? Où on va la prendre? Donc, toutes ces questions-là, c'est vraiment des questions qu'aurait dû se poser le ministère de l'Environnement, en tout cas son département qui se spécialise dans ce dossier-là puis qui a émis la recommandation. Donc, pour un député comme moi, j'aurais aimé être capable de poser des questions, évidemment, à Mme Rainville et à toute son équipe si ça avait été possible pour qu'on puisse être capables de clarifier cette situation-là. C'est le genre de questionnement puis, évidemment, d'écrit... Parce que ce qui est dit là, au moins, elle a l'avantage de l'avoir écrit. Donc, Mme Rainville l'a écrit dans son rapport puis...

Et c'est vraiment, M. le Président... puis il faut continuer parce que c'est vraiment, de la part d'une... Comment je vous dirais ça, là? C'est vraiment... on voit tout au long de ce rapport que c'est un... bon, il y a une stratégie globale du ministère, on veut essayer d'intégrer ça, puis j'y reviendrai tantôt, puis... Bah! Je vous dis : j'y reviendrai tantôt. Pourquoi je n'y vais pas tout de suite? Donc, ça vous permet peut-être d'éclairer... Et là c'est important, ce qui est écrit à ce rapport-là, à la page 13 : «Les émissions de GES liées à une production optimisée de 2,518 Mt de ciment/an.

«Cet établissement sera assujetti au système de plafonnement et d'échange [des] droits d'émission de gaz à effet de serre dès le 1er janvier 2018 — donc, évidemment, la fameuse bourse du carbone, ils vont être assujettis parce qu'il faut comprendre, c'est... puis je ne pense pas qu'il y a personne qui s'en cache, là, c'est un des équipements les plus polluants au... c'est le plus polluant au Québec au point de vue d'émissions de gaz à effet de serre, donc — dans l'éventualité où le démarrage des opérations de la cimenterie est prévu pour 2016. Selon le Bureau des changements climatiques, ce projet aura un impact significatif sur les émissions totales du secteur industriel au Québec qui sont présentement de l'ordre de 21...»

Le Président (M. Auger) : Un instant, M. le député de Blainville. Je vais suspendre quelques instants parce que nous sommes appelés appelés pour un vote.

M. Laframboise : Parfait.

(Suspension à 17 heures)

(Reprise à 17 h 24)

Le Président (M. Cousineau) : Alors, merci. Alors, nous reprenons nos travaux...

Une voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre, nous reprenons nos travaux. Et la parole était au député de Blainville. Vous avez 12 min 9 s de faites, donc il vous reste autour de 18 minutes, M. le député de Blainville.

M. Laframboise : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, j'étais à la motion préliminaire pour demander que soit entendue devant notre comité Mme Elizabeth Rainville, chargée de projet de la Direction d'évaluation environnementale des projets hydriques et industriels, suite à son Rapport d'analyse de la mise à jour de l'étude de répercussions environnementales du projet de construction d'une cimenterie sur le territoire de la municipalité de Port-DanielGascons par Ciment McInnis inc.

Donc, j'avais déjà commencé, M. le Président. Je vous avais dit que le rapport avait 62 pages. C'est ce rapport-là qui a été... C'est pour ça que j'aurais aimé l'entendre, mais probablement qu'il a été le rapport qui a décidé le gouvernement à aller avec un projet de loi pour soustraire le projet à l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Et j'en étais à analyser... puis je vais revenir à la page, évidemment, la page 12 du rapport, qui s'intitule Analyse par rapport aux enjeux retenus. Gaz à effet de serre. Donc, je vais prendre la peine de le lire parce que ça vaut la peine, et c'est le genre de questionnement qu'on pourrait avoir avec Mme Rainville, qui est une experte puis qui est la chargée de projet. Donc, ce que dit ce titre de rapport, Gaz à effet de serre, je le lis : «Dans son étude de répercussion environnementale, Ciment McInnis a présenté une estimation de son bilan annuel de gaz à effet de serre pour une production annuelle de 2,2 mégatonnes de ciment. Le tableau suivant présente la ventilation des gaz à effet de serre produits selon les différentes sources d'émission de la future usine.»

Donc, diesel, 2 255, donc, tonnes de CO2; le mazout n° 2, 2 035; coke de pétrole, 589 003; pour total annuel des émissions par combustion, 593 293 tonnes de CO2. Et l'émission de procédé, la calcination du clinker au four, 1 159 732 tonnes de CO2. Pour 1 753 025 au total, 1 753 000 tonnes de CO2 émises. Et ça, pour une production de 2,2 mégatonnes de ciment.

Par contre, ce qu'elle nous dit, c'est que Ciment... Donc, elle dit : Les émissions de GES liées à une production de 2,2 mégatonnes de ciment par an seraient donc estimées à 1 733 000 tonnes métriques de CO2.

«Ciment McInnis prévoit aussi que la cimenterie aura un potentiel d'augmentation de la capacité de production annuelle de 15 %, soit 2 518 000 mégatonnes [...] de ciment. Puisque la méthodologie de calcul utilisée est l'intensité d'émission par unité de production, une augmentation de 15 % de la production se traduira par une augmentation proportionnelle de 15 % des émissions...» Donc, à toutes les fois qu'ils vont augmenter la production, ça va augmenter de façon proportionnelle les gaz à effet de serre.

Donc, et ça, tout ça pour dire que... Et c'est ce que je revenais : «Cet établissement sera assujetti — ce que j'avais commencé à vous dire avant qu'on soit interrompus par la pause pour le vote — au système de plafonnement et d'échange de droits d'émission de gaz à effet de serre dès le 1er janvier 2008 — la fameuse bourse du carbone, donc — dans l'éventualité où le démarrage des opérations de la cimenterie est prévu pour 2016. Selon le Bureau des changements climatiques, ce projet aura un impact significatif sur les émissions totales du secteur industriel au Québec qui sont présentement de l'ordre de 21 mégatonnes de CO2...»

Puis là on en rajoute, comme je vous le disais, tout près de 2 millions. Donc, c'est environ 10 %, un petit peu moins que 10 % des émissions du Québec. Du secteur industriel, je parle du secteur industriel du Québec. Il faut que je sois quand même clair.

«Néanmoins, les plafonds annuels d'unités d'émission de GES ne seront pas révisés à la hausse pour tenir compte de ce projet, et ce, dans le but de préserver l'intégrité du marché du carbone.» Donc, ce que nous dit Mme Rainville, du ministère de l'Environnement, dans son rapport, c'est que les émissions qui vont être... bien, en tout cas, les unités d'émission qui vont être émises par la cimenterie McInnis, ça n'aura pas pour effet de réviser à la hausse la production : «C'est donc l'ensemble des secteurs assujettis [...] qui devra fournir un effort de réduction supplémentaire — donc, pour ne pas que le Québec augmente ses émissions de GES, il va falloir que les autres entreprises du Québec réduisent les leurs — afin de compenser l'ajout de [la] cimenterie dans le marché. En effet, le nombre de droits d'émission disponibles sur le marché pour les autres émetteurs diminuera, créant ainsi une pression à la hausse sur le prix.»

 (17 h 30)

Donc, évidemment, ça veut dire que toutes les autres entreprises du Québec... Donc, c'est ce genre de questionnement là qu'il faut avoir avec une dame comme Mme Rainville pour dire : Écoutez... et qu'on soit conscient... Parce que moi, je veux bien aider la Gaspésie, mais je veux savoir c'est quoi, l'impact sur toutes les autres entreprises du Québec aussi. Parce que ce n'est pas juste le 450 millions, là, il faut ajouter aussi le coût pour les autres entreprises de supporter toutes ces émissions-là. Donc, ça veut dire que c'est plus que 450 millions que ça va coûter aux contribuables québécois. Et là, dans ce cas-ci, bien, certains pourront dire : Bien, c'est les entreprises qui vont payer. Mais n'oubliez jamais que les entreprises vous vendent des produits et services... des produits, puis ces produits-là, bien, le prix va augmenter, là, et c'est pour ça qu'on dit «créant ainsi une pression à la hausse sur le prix». Donc, inévitablement, ceux qui vont vouloir acheter des droits d'émission vont payer plus cher, donc vont vendre les produits qu'ils vont transformer plus cher, puis c'est les Québécois puis les Québécoises qui vont en payer une partie.

Donc, tout ça pour dire que ce n'est pas facile, les dossiers environnementaux. Ce n'est pas facile dans un contexte nord-américain où, je vous le disais tantôt, les Américains ont décidé de resserrer, eux, leurs normes environnementales pour les cimenteries. Ça va avoir comme effet d'en fermer aux États-Unis, puis nous, on va permettre à une entreprise d'émettre des gaz à effet de serre. On va modifier la loi, donc, pour rendre la loi moins importante, moins applicable à cet équipement-là en pénalisant les autres entreprises du Québec. Mais il faut être conscient de tout ça à la fin, donc il faut être capable de faire une analyse très détaillée, très approfondie. Parce que, comme je vous disais tantôt, je ne voudrais pas être celui qui voit dans plusieurs années une contestation américaine qui ferait que l'usine ne serait plus rentable parce qu'à quelque part ils auraient perdu devant les tribunaux étrangers parce que le Québec aurait été laxique en... — «laxisme», «laxique», oui, pour le laxisme — au point de vue normes environnementales. Puis le pire, c'est que la preuve ne sera pas difficile à faire, il va y avoir le projet de loi n° 37 qui va avoir soustrait l'entreprise aux applications de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Et donc, à quelque part, c'est ce genre de questionnement là... Là, évidemment, j'espère que mes collègues vont comprendre qu'on devrait entendre Mme Rainville, mais c'est ce genre de questionnement là aussi qu'on aurait pu poser à la ministre de la Justice, au ministre de l'Environnement, à toutes ces personnes qui pourraient nous éclairer pour éviter qu'on s'en aille dans un cul-de-sac avec ce dossier-là d'ici à la fin de la décennie. Puis je ne veux pas souhaiter ça, là, je veux que ça... Tu sais, tout ce qu'on souhaite pour la Gaspésie, c'est que ça prospère. Moi, je vous dis, en tant que parti politique, on ferait une offre de financement différente. Mais il reste que ce qu'on veut, puis je pense que ce que vous voulez tous — en tout cas, je le souhaite — c'est que ça fonctionne, ce projet de loi là, mais, un tant soit peu, qu'on soit capables de poser aux divers intervenants les bonnes questions, puis pour qu'on soit véritablement sensibilisés à ce qui nous attend puis à ce qu'on aurait pu défendre.

Encore une fois, si le projet... Puis je reviens, M. le Président, sur la demande qu'on a faite d'entendre le ministère de la Justice. Mais, si le ministère de la Justice, via ses procureurs, avait développé une défense dans la cause qui était pendante devant les tribunaux, s'il avait développé une défense qui était acceptable et raisonnable, bien, ça aurait été intéressant que tous les Québécois et les Québécoises le sachent parce que, finalement, à quelque part, on va... En tout cas, ils vont sûrement garder leur défense, là, pour le jour où les Américains leur feront un procès, mais il reste quand même que ça aurait été important dans la prise de décision, M. le Président. Parce qu'on parle quand même d'un impact important sur les émissions de gaz à effet de serre, et je viens de vous lire que cela aura un impact sur toutes les autres entreprises du Québec, qui devront payer pour leurs droits d'émission plus cher parce qu'on ne veut pas augmenter la capacité...

Puis je peux comprendre le gouvernement, là, parce que d'augmenter la capacité d'émissions, ça serait déjà de dire à la Californie puis de dire à nos futurs partenaires en Ontario : Regardez, nous autres, on va augmenter, en partant, de 3 % nos émissions. Je comprends que le gouvernement est gêné, là. Si j'étais eux autres, je serais aussi gêné, là. Je veux dire, à quelque part, on est les précurseurs dans tout le dossier de... en tout cas, des émissions par rapport à la taxe sur le carbone et on veut des partenaires, mais il faut être capable, dès le départ, de se resserrer. Parfait. Là, par exemple, le resserrement, on le demande aux autres entrepreneurs du Québec, on dit : Écoutez, vous aurez...

Puis ce n'est pas moi, là, je le reprends, là, le dernier paragraphe du 3.1 de la page 13, là, du rapport de Mme Rainville : «Néanmoins, les plafonds annuels d'unités d'émission de GES ne seront pas révisés à la hausse pour tenir compte de ce projet, et ce, dans le but de préserver l'intégrité du marché du carbone. C'est donc l'ensemble des secteurs assujettis au SPEDE qui devra fournir un effort de réduction supplémentaire, afin de compenser l'ajout de cette cimenterie dans le marché. En effet, le nombre de droits d'émission disponibles sur le marché pour les autres émetteurs diminuera, créant ainsi une pression à la hausse sur le prix.» Donc, ceux qui voudraient devront payer plus cher parce qu'il y en aura moins de disponible, compte tenu qu'on en aura réservé pour la cimenterie.

Et ça, Mme la Présidente, quand on épluche le rapport, ça nous amène, exemple, à la page 18, Milieux humides et fauniques. Parce que je vous le disais tantôt, à mes collègues, je pense que j'ai été assez clair, là, quand j'ai mentionné — puis c'est sur le site, là, encore une fois, de la municipalité de Port-Daniel—Gascons — qu'évidemment, selon les auditeurs de Radio-Canada, Port-Daniel—Gascons est l'une des sept merveilles de la Gaspésie. Mais une des sept merveilles de la Gaspésie... Puis moi, j'en suis, là, je suis complètement d'accord avec M. le maire puis ses conseillers, conseillères. Par contre, dans ce rapport-là, on nous dit, à 3.3.3 : «Le site du projet contient des milieux humides qui seront perturbés ou perdus lors de la construction et l'exploitation de la cimenterie et de la carrière. Les figures suivantes présentent l'emplacement géographique des milieux humides situés sur la zone du projet, et risquant d'être perturbés ou perdus.»

Donc, on constate déjà qu'il y aura des milieux humides qui vont être perdus. Je veux dire, encore une fois, si je ne suis pas dans l'une des sept merveilles de la Gaspésie, peut-être que je... mais, en quelque part... Puis je suis complètement d'accord, comme je vous dis, avec les élus de la municipalité de Port-Daniel—Gascons, ils ont tout un site historique. Vous avez la réserve Port-Daniel qui est là, vous avez tout ce qu'il faut, là, pour avoir le plus... un des joyaux, en tout cas, des sept joyaux de la Gaspésie puis un des joyaux du Québec sûrement au point de vue touristique et attraits.

Parce que, finalement, quand je regarde ce que la ville émet sur son site, dans les attraits, je ne vois pas d'attrait... les attraits, là, c'est la Maison Le Grand, qui vous enchantera par son style Second empire; une gare centenaire; le tunnel ferroviaire et ses belvédères; la Réserve faunique, un site enchanteur; le Studio Verres Libres, où Mme McInnis vous accueille avec ses vitraux; le parc Colborne et ses chalets rustiques; plusieurs petits ports de pêche; donc, un bureau d'information touristique. Donc, évidemment, vous avez compris que la municipalité vante ses attraits, puis c'est bien. Mais la cimenterie, elle ne cadre pas dans les attraits touristiques, c'est sûr. Donc, en quelque part... Puis je veux être bien honnête, j'ai regardé dans le volet économique de son site, puis jamais il n'est mentionné la cimenterie en nulle part du site de la ville. Donc, en quelque part, je ne vous dis pas qu'ils ne sont pas fiers, je vous dis juste que, sur leur site de la ville, ce n'est pas mentionné. Donc, tout ça, probablement parce qu'il y a des risques.

Puis ça, encore une fois, il faut avoir le... C'est ça qu'on demande, M. le Président, à ce comité, d'entendre les différents intervenants, interlocuteurs qui auraient des choses intéressantes à nous dire. Puis Mme Rainville et son équipe, qui ont émis le rapport, 62 pages, comme je vous disais, qui est très bien conçu, nous parle de toutes ces situations-là. Et évidemment il y a les retombées économiques, puis ça finit par les retombées économiques. Puis ça, je peux comprendre parce que c'est sûr que le rapport, à la fin, cautionne, mais avec, M. le Président, des mises en garde très importantes puis des mises en garde qui auraient mérité qu'un comité de l'Assemblée nationale comme le nôtre puisse être capable de poser à tous les intervenants toutes les questions puis aller au fond des choses.

Parce qu'en quelque part d'installer dans l'une des sept merveilles de la Gaspésie une cimenterie, qui est un des équipements les plus polluants de la planète, c'est... En tout cas, je veux dire, ce n'est pas d'instinct qu'on installe ça là, là. Je veux dire, les gouvernements qui font ça, là, puis les choix qui ont été faits là, je ne veux pas... Ça a été fait, ça a été fait, là. Mais, à première vue, là, si tu fais un portrait macroéconomique du Québec puis tu veux installer une cimenterie, je ne penserais pas que tu l'installerais dans une des sept merveilles du monde. Je n'aurais pas pensé... Une des sept merveilles de la Gaspésie, là, puis je... En tout cas, c'est fait, c'est là, on est obligés de vivre avec ça et... Par contre, ce qui est décevant, c'est qu'on ne puisse pas poser toutes les questions nécessaires. Puis c'est le but de notre parti politique, d'être capables... Et là j'en fais la lecture, du... Puis je vais vous revenir avec les conclusions, M. le Président, parce qu'évidemment il y en a, puis je vais les lire, je veux être transparent.

Il reste deux minutes? Oh! je vais manquer de temps. Mais, par contre, tout ça pour vous dire... pour vous donner tout le compte rendu. Donc, j'irai peut-être avec peut-être certaines parce que... Juste voir, exemple, dans une autre considération, la dernière, ils nous disent, donc : Dans le cadre de l'analyse du projet, le ministère a également mené une consultation autochtone auprès des communautés micmaques de Gesgapegiag et de Gespeg, par le biais de l'Unité de consultation et d'accommodement[...]. Ciment McInnis a aussi entrepris une démarche[...]. L'analyse des questions soulevées amène le ministère [...] à conclure les préoccupations de la communauté ont [été déjà] prises en compte par les experts intra et interministériels, et que les réponses fournies par Ciment McInnis sont jugées satisfaisantes...»

• (17 h 40) •

Donc, évidemment, encore une fois, on dit qu'on a fait une consultation avec les autochtones, on ne les a pas entendus, nous. Je veux dire, en quelque part, là, c'est Ciment McInnis qui a pris des arrangements. Je veux dire, c'est toutes des choses... Vous voyez où on veut essayer de vous emmener, c'est de dire : Écoutez, en quelque part, c'est des pans très importants de l'économie québécoise, j'en suis, mais aussi de tout le secteur environnemental du Québec, puis ça ne mérite pas juste un projet de loi qu'on adopte parce qu'on veut, à la sauvette... Je vais retirer mes paroles, là, pas «à la sauvette», là, mais qu'on veut adopter, là... Moi, je pense que ça aurait mérité d'avoir tout le temps requis pour être capables d'entendre les témoins.

Et, encore une fois, Mme Rainville, qui a rédigé ce rapport-là... Puis je vous le disais dès le départ, M. le Président, il y a du blanc, il y a du gris puis il y a du noir dans ce rapport-là. Et, encore une fois, pour des considérations économiques, bien, on peut comprendre qu'à la fin, bon, il y a une recommandation de la part du ministère. Même encore, tu sais, on peut se questionner, est-ce que c'est le ministère de l'Environnement qui a à prendre des... ou à ses chargés de projet d'avoir des analyses sur les impacts économiques? Théoriquement, le ministère de l'Environnement doit se concentrer sur les impacts environnementaux. Donc, encore, tu sais, tout est fait pour qu'on autorise le projet. Mais, encore une fois, les questionnements que soulève ce rapport-là démontrent qu'on aurait eu tout intérêt à au moins contre-interroger la... Donc, merci beaucoup, M. le Président, du temps que vous m'avez...

Le Président (M. Cousineau) : Ça termine votre 30 minutes, M. le député de Blainville. Je suis prêt à reconnaître un autre... Oui, M. le député de...

M. Jolin-Barrette : À moins qu'un de mes collègues veuille intervenir.

Le Président (M. Cousineau) : ... — pardon — de Borduas. Bien, écoutez, à ce moment-ci, là, on est sur la motion actuelle. Alors, s'il n'y a personne, du côté ministériel ou de la première opposition, qui prend la parole, je suis prêt à vous reconnaître, M. le député de Borduas.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Sur la motion présentée par mon collègue, je dois dire que l'argumentaire qui est développé par mon collègue de Blainville est très opportun et réfléchi parce que, vous savez, l'objectif des motions préliminaires telles qu'on les présente actuellement, c'est d'entendre les gens et d'éclairer les parlementaires, donc ce à quoi on n'a pas eu droit dans le cadre de ce projet de loi là.

Bien entendu, il s'agit d'un projet de loi qui compte trois articles, mais, cependant, c'est important d'écouter les gens, puis je réitère ma demande d'appui à la motion qui a été déposée par le député de Blainville de convaincre mes collègues parlementaires de leur appui à ce qu'on puisse entendre les différents groupes environnementaux, à ce qu'on puisse entendre la ministre de la Justice, à ce qu'on puisse entendre le ministre de l'Environnement, à ce qu'on puisse entendre Mme Rainville en lien avec le Rapport d'analyse de la mise à jour de l'étude de répercussions environnementales du projet de construction d'une cimenterie sur le territoire de la municipalité de Port-Daniel—Gascons par Ciment McInnis.

Donc, vous constatez, M. le Président, que, tout à l'heure, je vous ai dit, lors de l'étude des crédits pour les crédits 2015-2016, j'ai posé une question au ministre de l'Environnement lui demandant : Est-ce qu'il y a un projet qui démarrerait aujourd'hui avec les mêmes caractéristiques en termes de production, en termes de grosseur, en termes de financement, en termes de rejet de contaminants dans l'environnement... est-ce qu'un tel projet serait assujetti à la tenue d'une évaluation environnementale indépendante par le Bureau d'audiences publiques en environnement? Et puis le ministre a répondu en faisant la lecture des articles de la loi, de la Loi sur la qualité de l'environnement, et des règlements qui ont été édictés sous... bien, en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement et qui traitent spécifiquement, notamment, du processus entourant l'émission d'un certificat d'autorisation pour une cimenterie.

Donc, pour moi, cette réponse-là est un début de réponse. Et ce qu'on constate avec le rapport de Mme Rainville, c'est qu'il a été réalisé en 2013, et la position du gouvernement pour ne pas assujettir ce projet de loi là, c'est de dire... pour ne pas assujettir ce projet de cimenterie — vous m'excuserez, M. le Président — c'est de dire : Bien, c'est la poursuite, là, du projet qui avait été lancé en 1995. Mais, manifestement, le rapport démontre que ce n'est pas du tout les mêmes caractéristiques, ce n'est pas le même projet, ce n'est pas du tout le même projet. Vous ne pouvez pas avoir un scooter, M. le Président, puis ensuite être rendu avec une auto 20 ans plus tard, puis dire que c'est le même véhicule. Ce n'est pas la même chose, là. Avant, il y avait deux roues; maintenant, il y en a quatre. C'est complètement différent.

Donc, il doit être régi par les règles en vigueur, actuelles lorsqu'on requiert un certificat d'autorisation de construction pour la cimenterie, hein... Parce qu'auparavant ce qui avait été demandé, c'était un certificat d'autorisation pour la préparation du site puis l'implantation d'un terminal maritime. Donc, le projet n'est pas le même. On vient demander une évaluation de la part de la Direction de l'évaluation environnementale des projets hydriques et industriels en 2013, il y a des conclusions. Comme le disait le député de Blainville, ce n'est pas noir, ce n'est pas blanc, il y a des zones de gris, et c'est tout à fait pertinent, pour les parlementaires que nous sommes, de pouvoir questionner les gens en lien avec ce projet-là, et surtout pour savoir pour quelle raison on n'assujettit pas le projet à un BAPE.

Parce que, je vous l'ai dit, parfois j'entends mes collègues dire : On veut que les projets industriels soient assujettis à un BAPE, puis là, pour ce projet-là, on fait comme une sorte d'exception. On fait une sorte d'exception, puis je ne vois pas la justification. On me dit, de la part de la première opposition et de la part du gouvernement : Bien, c'est un projet économique, ça va être bon pour la Gaspésie. Oui, je comprends. Un bureau d'audiences publiques en l'environnement, ça n'empêche pas le projet, mais ça permet à tous de se faire entendre, puis ça devrait être notre devoir aussi d'entendre les gens qui veulent donner leur opinion et qui viennent s'exprimer sur le projet de loi. D'autant plus, M. le Président, que j'ai constaté, avec ma courte expérience parlementaire, qu'il arrive bien souvent... En fait, je vous dirais, je n'ai pas les statistiques précisément, mais je peux constater, d'où je suis assis en Chambre, au salon bleu, que la leader du gouvernement, la députée de Taschereau, pratiquement, à chaque fois où un ministre, de la part du parti gouvernemental, dépose un projet de loi, se lève de façon pratiquement instantanée pour demander la tenue de consultations particulières.

Encore aujourd'hui, la ministre de la Culture, des Communications et de la Protection de la langue française, je crois, a déposé deux projets de loi, et, encore une fois, M. le Président, la leader de l'opposition a demandé des consultations particulières en lien avec le projet de loi. Et la réponse habituelle du leader du gouvernement est : Bien entendu, nous en tiendrons ou il y aura certainement consultations. Le leader du gouvernement a toujours aussi l'habitude d'utiliser une formule particulière pour répliquer à sa collègue leader de la première opposition.

Tout ça pour vous dire que c'est ancré dans nos traditions de consulter les gens, de les consulter en commission parlementaire sur les différents projets de loi qui sont déposés. Puis les gens aussi souhaitent qu'on les consulte sur différents projets, souhaitent qu'on les consulte parce que, vous savez, une élection aux quatre ans, bien, ça ne doit pas constituer uniquement un chèque en blanc. Bien sûr, notre système électoral est fait de cette façon, mais on doit aussi prendre en compte les intérêts, les doléances de la population en lien avec les actions du gouvernement, l'action du législatif, l'action de l'exécutif, et donc c'est pertinent de les consulter, de façon contemporaine au dépôt des projets de loi et en lien avec l'actualité.

Et ça m'amène à vous parler du droit de pétitionner, hein? Parce que, vous savez, il y a très peu de pétitions qui sont entendues par les commissions parlementaires. On a réformé notre règlement, je crois — M. le Président, peut-être que vous pourrez me renseigner sur ce point — en 2009, M. le Président. Donc, ça avait fait l'objet de plusieurs travaux, et je crois que — ou peut-être le secrétariat pourra nous renseigner — la dernière réforme de notre règlement, on a modifié au niveau des pétitions. Mais, encore une fois, on dit aux gens : Vous avez le droit de pétitionner, on dépose les pétitions en Chambre. Mais concrètement, ensuite, on demande aux députés de diriger la pétition vers une commission, on demande à la commission de se saisir, et il y a peu de commissions qui décident de se saisir. Pourquoi? Parce que ça peut être embarrassant pour peut-être... peut-être pour la partie ministérielle, mais on se doit d'écouter les gens et on se doit d'étudier les demandes de la population.

• (17 h 50) •

Puis ça va en ce sens-là aussi lorsqu'on dépose un projet de loi. On comprend, là, que le projet de loi, ici, vient couvrir l'entente et assurer une certaine sécurité juridique au projet de cimenterie en lien avec les investissements sous réserve que ce projet de loi ne serait pas contesté lui-même par la suite, hein? Parce que, vous savez, M. le Président, il y a une chose qui est sûre avec nos lois, c'est qu'elles peuvent... Et, depuis une trentaine d'années, il y a un contrôle judicaire au niveau de la constitutionnalité qui peut être effectué, et donc l'adoption de ce projet de loi là va faire en sorte que ça va venir répondre à une situation particulière qui est présente au niveau de la cause qui était devant les tribunaux actuellement en Cour supérieure, mais ça ne protégera pas de tout. Aussi, il pourrait y avoir un recours en constitutionnalité sur la constitutionnalité du projet de loi.

Donc, vous savez, M. le Président, il aurait été opportun de consulter les groupes en lien avec ce projet de loi là parce qu'on vient, comme je vous le disais, protéger l'entente qui existe entre Investissement Québec et les partenaires financiers du gouvernement dans ce cas-ci. Bien, en fait, lorsque j'utilise le terme «le gouvernement», M. le Président, vous comprendrez que je vise le bras financier, le bras économique du gouvernement par Investissement Québec, dont le ministre qui est parmi nous aujourd'hui est le ministre responsable, hein, d'Investissement Québec. Et on vient aussi protéger l'investissement de la Caisse de dépôt, mais on vient surtout aussi protéger les investisseurs privés. Et ça, M. le Président, ça serait opportun que le ministre nous explique pourquoi est-ce qu'on a un projet de loi qui vient assujettir le projet de cimenterie au seul régime de l'article 22? Quelle est la nécessité? Quelle est, M. le Président, la nécessité d'adopter un tel projet de loi si c'est ça, l'état du droit?

Donc, je voulais juste vous dresser un comparable, M. le Président, entre l'écoute qu'on porte aux citoyens, à nos concitoyens au niveau du droit de pétitionner, au niveau des pétitions... qui a fait que les commissions se saisissent très peu des pétitions des citoyens qu'on dépose à l'Assemblée nationale. Moi-même, j'en ai déposé plusieurs, et il y en a peu... ou, en fait, pas du tout, de pétitions, je pense, qui ont été entendues par les commissions. Même chose, j'ai assisté à des commissions sur lesquelles on a refusé de se pencher sur les pétitions, et là, d'un autre côté, on présente un projet de loi qui vient répondre, entre autres et principalement, à une demande de bâilleurs de fonds privés, d'investisseurs privés.

Une situation, un projet de loi. Est-ce que, dans tous les cas, tous les investisseurs privés vont avoir droit à ce même traitement? Je ne sais pas. Ça aussi, j'aimerais ça, avoir une réponse de la part du ministre et/ou de ses collègues, et/ou aussi savoir, si on avait pu avoir le ministre de l'Environnement qui serait venu témoigner devant cette commission, comment ça s'est déroulé. Comment se fait-il qu'il y a un projet de loi qui est déposé par son collègue, et non pas par lui, sur une loi dont il est le ministre titulaire, le ministre qui administre la loi et qui signe les certificats d'autorisation? En fait, hein, M. le Président, vous le savez, que les certificats d'autorisation vont être... En fait, ça constitue un acte délégué, hein? Ça va être un directeur régional, généralement, qui va signer le certificat d'autorisation, mais en et pour le nom du ministre généralement. Ultimement, c'est la façon dont nos lois fonctionnent. Mais, en lien avec le rapport déposé par la Direction de l'évaluation environnementale des projets hydriques et industriels, par la chargée de projet, les analystes, la supervision administrative, on voit qu'il y a une équipe au ministère de l'Environnement qui a travaillé sur ce projet de loi.

D'ailleurs, je tiens toujours, M. le Président, à remercier les gens de l'administration publique pour la qualité de leur travail. À toutes les fois que j'ai eu à travailler en relation avec les gens de l'administration publique, ils ont toujours fait preuve d'un très grand professionnalisme. Et je souhaite les remercier parce que, vous savez, parfois, dans l'opinion publique, ils ont mauvaise presse, et je crois qu'on doit souligner la qualité de leur travail et surtout les remercier de contribuer au fonctionnement de l'appareil public québécois.

Mais tout ça pour vous dire, M. le Président, que le rapport amène des questionnements aussi. Et là le ministre s'est basé sur ce rapport-là pour dire, entre autres... il y a certaines conclusions, mais qu'on n'assujettit pas le projet à la section IV.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Je voudrais compléter, M. le Président, sur ce que j'avais débuté sous la motion que mon collègue a présentée pour la convocation du ministre de l'Environnement. Je vais citer un texte de la firme Sodavex, un bulletin juridique du 19 novembre 2014 de Me Christine Duchaine et de Me Chekir. Et donc je vous avais dit qu'«afin d'être concurrentielle, la cimenterie McInnis compte utiliser le coke de pétrole, lequel provient de résidus de raffinage, plutôt que le charbon comme combustible».

Il faut dire aussi, M. le Président, c'est en lien avec ce que je vous ai dit tout à l'heure, hein, sur les modes alternatifs de combustible, où ce qu'on entend, c'est qu'il va y avoir une grande difficulté pour la cimenterie d'utiliser des modes alternatifs de combustible en raison de l'éloignement, en raison des routes, en raison de la disponibilité. Et on l'a constaté tout à l'heure aussi, la cimenterie a indiqué : Nous nous dirigeons vers ce mode, nous tenterons d'avoir un mode alternatif de combustible, de carburant. Parce que vous savez qu'il faut brûler... dans les silos, dans les cheminées, il faut amener le calcaire à une température très élevée pour pouvoir produire le ciment, en fait, et donc, pour réussir à amener ces... j'utiliserais le terme «chaudières», là, à un certain niveau de température, bien, ça prend un produit à brûler. Dans ce cas-ci, ça va être le coke du pétrole. Mais ce qu'on sait comme parlementaires actuellement, M. le Président, c'est qu'on doit se fier aux intentions de la cimenterie.

Mais qu'est-ce qui arrive si ça coûte trop cher, amener une source de carburant alternatif? Est-ce que vous pensez que la cimenterie, sans engagement formel, va dire : Bien, écoutez, je prends sur moi d'assumer des frais supplémentaires pour avoir un combustible alternatif moins polluant? M. le Président, je vais vous dire que je le souhaite et que j'espère que cela va arriver. Mais actuellement, avec les informations dont on dispose, il ne semble pas y avoir d'engagement formel.

Donc, je poursuis, M. le Président. «L'argument principal du gouvernement québécois pour justifier l'exemption du projet au processus requis par le BAPE est qu'il s'agirait d'une modification à un projet qui avait été soumis en 1995, quelques mois avant que les cimenteries ne soient assujetties aux processus d'évaluation. Nous sommes toutefois d'avis que cet argument est difficilement défendable de manière cohérente. En effet, le projet actuel de McInnis aura deux fois l'envergure du projet qui avait été initialement soumis au milieu des années 1990. D'un point de vue objectif, affirmer qu'il s'agit bel et bien du "même projet" nous semble non seulement exagéré, mais également contraire aux principes directeurs de la Loi sur la qualité de l'environnement.»

Cet élément de texte de doctrine, M. le Président, est important. Vous savez que ce cabinet est spécialisé en droit environnemental, et les auteurs nous disent que le raisonnement de dire que le projet, tel qu'il est aujourd'hui, c'est le même projet, mais on n'a modifié que certaines caractéristiques, bien, que ça constitue le même projet, que c'est contraire aux principes directeurs de la Loi sur la qualité de l'environnement, d'où la raison pour laquelle, M. le Président, nous devrions entendre la chargée de projet qui a rédigé le rapport et, surtout, le ministre de l'Environnement parce que ce qu'une éminente juriste dit, c'est : Bien, ce qu'on est en train de faire, là, de ne pas assujettir la cimenterie au régime d'autorisation prévu à la section IV.1 de la loi, bien, c'est peut-être contraire aux objectifs de la loi.

Donc, moi, j'aurais trouvé ça normal, M. le Président, qu'on laisse le juge de la Cour supérieure faire son travail puis déterminer quelle était la raison... en fait, l'objectif des articles qui ont été intégrés dans la Loi sur la qualité de l'environnement au fil des différentes réformes et quel est le régime applicable. Parce qu'on nous dit ici, c'est que plaider le contraire, ça serait un peu frivole.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Borduas, compte tenu de l'heure, je vais être obligé de vous arrêter en vous précisant que, lorsque nous reprendrons les travaux sur ce même sujet, il vous restera 12 minutes à votre 30 minutes permis.

Je n'ai pas terminé. Alors, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux à jeudi 14 mai 2015, après les affaires courantes, afin de poursuivre un autre mandat. Merci. Alors, bonne soirée à tous et à toutes.

(Fin de la séance à 18 heures)

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