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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mardi 20 septembre 2016 - Vol. 44 N° 104

Étude détaillée du projet de loi n° 70, Loi visant à permettre une meilleure adéquation entre la formation et l’emploi ainsi qu’à favoriser l’intégration en emploi


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Table des matières

Étude détaillée (suite)

Document déposé

Intervenants

M. Claude Cousineau, président

M. Robert Poëti, vice-président

M. François Blais

M. Dave Turcotte

Mme Manon Massé

M. Harold LeBel

Mme Monique Sauvé

M. Sylvain Rochon

M. Sébastien Schneeberger

M. Guy Hardy

Mme Caroline Simard

M. André Drolet

M. Yves St-Denis

Journal des débats

(Seize heures une minute)

Le Président (M. Cousineau) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! On peut fermer la porte en arrière. Merci.

Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 70, Loi visant à permettre une meilleure adéquation entre la formation et l'emploi ainsi qu'à favoriser l'intégration à l'emploi.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Turcotte (Saint-Jean) remplace M. Leclair (Beauharnois) et M. LeBel (Rimouski) remplace M. Therrien (Sanguinet).

Le Président (M. Cousineau) : Et Mme la députée de...

La Secrétaire : Bien, elle ne remplace pas, mais elle participe.

Étude détaillée (suite)

Le Président (M. Cousineau) : Parfait, d'accord. Alors, lors de notre dernière séance, nous étions à l'étude d'un amendement présenté par Mme la députée de Gouin à l'article 83.1 proposé par l'article 28 du projet de loi. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur cet amendement?

Mme la députée de Gouin, elle est absente pour maladie, je crois, aujourd'hui. Elle sera remplacée, donc, par la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Alors, je vais commencer par M. le député de Saint-Jean. Par la suite, nous allons passer à vous, madame. On y va par alternance.

M. le député de Saint-Jean, il vous reste 13 min 35 s, M. le député de Rimouski, 16 min 5 s, M. le député de Drummond—Bois-Francs n'est pas ici encore... D'accord. Voilà. Alors, M. le député de Saint-Jean, 13 min 35 s.

M. Turcotte : Merci, M. le Président. Effectivement, lors des derniers travaux — on s'est réunis quelque part au mois d'août, M. le Président — notre collègue la députée de Gouin avait déposé un amendement, moi, je vous dirais, M. le Président, très important dans le contexte où on rappelle l'article 2 de la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, donc la loi qui est modifiée actuellement, là, par l'article que nous étudions. Je pourrais parler un peu plus de l'amendement, mais je crois, M. le Président, qu'il est important de constater certains éléments.

M. le Président, depuis un certain nombre d'heures que nous étudions l'article, comme mon collègue le député de Richelieu appelait, l'article fondateur du programme Objectif emploi. Nous avons déposé un certain nombre d'amendements. La totalité des amendements a été refusée, du moins nos amendements. Un amendement du gouvernement qui a été accepté pour modifier le libellé de l'article qui est à l'étude actuellement. Je vous avais demandé, d'ailleurs, M. le Président, là, le dépôt des amendements pour faire le cumul, pour voir, parce que force est de constater que le ministre nous dit dans les médias qu'il fait des compromis, hein? Il a écrit ça, hein, un communiqué, au mois d'août, qu'il est ouvert, qu'il veut trouver un terrain d'entente. Bien, M. le Président, ça tombe bien, nous aussi. Et depuis le début nous avons déposé un grand nombre d'amendements sur le fond. Et plusieurs de ces amendements-là, M. le Président, ont trouvé écoute de la part du ministre. Et le ministre a dit qu'il était même d'accord avec ces amendements-là. Cependant, il disait : Ce n'est pas nécessairement aux bons endroits, etc.

Mais, moi, ce que j'ai compris de la part du ministre, c'est qu'il voulait avoir une position claire des députés de l'opposition pour voir qu'est-ce que nous voulions. Nous avons tenté à notre façon de le faire par des amendements. Il est bien entendu difficile, M. le Président, de présenter un plan global par amendements parce qu'on modifie un article à la fois. Cependant, M. le Président, la Coalition Objectif Dignité, de son côté, elle a dévoilé une proposition, ce qu'on pourrait qualifier de contreproposition, mais moi, j'aime mieux dire une proposition parce que, M. le Président, c'est une proposition qui, selon moi, est intéressante parce qu'elle a le mérite de rejoindre les objectifs du ministre.

Le ministre, depuis le début des travaux ici, en commission parlementaire, a mentionné à plusieurs reprises, entre autres à mon collègue le député de Rimouski, qu'il n'était pas possible d'avoir une rencontre avec un agent, on ne pouvait pas convoquer un prestataire d'aide sociale, etc. Bon, on a posé quelques questions puis on s'est aperçus que ce n'était pas tout à fait vrai, là, mais ça, c'est une autre histoire.

Donc, la proposition de la Coalition Objectif Dignité dit : Il doit y avoir une rencontre obligatoire, parce que le ministre aime les obligations. Eux, ils ne disent pas ça, là, que c'est obligatoire, mais le ministre, lui, là, c'est le mot «obligatoire». Donc, ça peut être considéré comme une rencontre obligatoire. Et le ministre veut avoir des sanctions dans la proposition qui est sur la table par la Coalition Objectif Dignité. Il pourrait y avoir... Si on utilise le terme «sanction», ça pourrait s'apparenter à une sanction, c'est-à-dire quelqu'un qui ne participe pas aux rencontres ou qui est absent aux formations, aux séances, là, de recherche d'emploi, etc., ou rencontres, mais il pourrait y avoir une sanction sur l'allocation supplémentaire, là, qui est offerte par le programme Objectif emploi.

Donc, M. le Président, la Coalition Objectif Dignité est sortie lundi pour dévoiler leur contreproposition sur papier. Sur papier. On la voit, elle est claire, elle est complète. Ils ont demandé une rencontre avec le ministre. Moi, ce que je crois, M. le Président, à ce stade-ci, si le ministre est sérieux dans sa volonté de trouver un terrain d'entente et faire en sorte qu'on puisse avoir une voie de passage pour qu'on puisse avancer, qu'on puisse améliorer le sort des plus démunis, qu'on puisse faire en sorte que les gens se trouvent davantage un emploi, qu'ils soient mieux formés, en meilleure position sur le plan humain, je crois que la position qui nous est présentée par la Coalition Objectif Dignité répond à ces objectifs et je crois que nous aurions tout à gagner de suspendre les travaux de la commission à l'heure actuelle, M. le Président, et faire en sorte que le ministre puisse s'asseoir avec les représentants de la coalition, qui sont ici, avec nous, à l'heure actuelle, pour les entendre, voir quelle est leur proposition, pouvoir trouver un terrain d'entente et faire en sorte qu'on puisse bien faire notre travail de parlementaires.

Donc, je crois, M. le Président... La commission est souveraine. Nous pouvons, d'un commun accord, décider de suspendre les travaux pour une période de temps, le temps d'offrir au ministre l'opportunité de rencontrer les représentants de la coalition, qui sont juste ici, là. On ne perdra pas de temps. Ils se sont déjà déplacés, eux, parce qu'ils sont prêts à faire un pas dans la bonne direction, ils l'ont fait. Maintenant, il reste à savoir si le ministre est sérieux dans sa volonté d'aller plus loin. Et c'est ce qu'il nous a demandé depuis le début, c'est ce que nous avons tenté de faire, mais là nous le faisons d'une autre façon. Les groupes ont une contreproposition, ils sont disponibles pour rencontrer le ministre dès maintenant pour travailler ensemble.

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre.

M. Blais : Merci, M. le Président. Bien content de vous revoir, d'ailleurs, et de continuer ces travaux-là, en espérant que c'est la bonne et puis qu'on va vraiment pouvoir débloquer la situation.

Peut-être vous dire que j'entends bien la proposition. Je ne pense pas qu'elle est pertinente. On a déjà eu l'occasion... J'ai demandé à mon directeur de cabinet, hier, de parler à M. Petitclerc, notamment, pour s'assurer de notre compréhension de la proposition. Donc, je vais pouvoir revenir sur leur proposition, là, et dire pourquoi elle est insuffisante. Et finalement c'est essentiellement... c'est le statu quo.

Peut-être, pour en faire la démonstration, je vais déposer un document, là, aux membres de la commission pour revenir un peu sur le cheminement qu'on propose, clarifier un certain nombre de choses, et là on pourra voir que, quand même, l'écart entre ce que nous proposons et puis ce que semble proposer mon collègue d'en face, là, cet écart-là, il est réel.

Document déposé

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre.

M. Blais : Je vais attendre que tout le monde l'ait en sa possession.

Le Président (M. Cousineau) : Oui, d'accord. Bien, on va suspendre quelques instants, le temps qu'on fasse la distribution de votre document. Est-ce qu'il y en a pour tous les membres de la commission, M. le ministre?

(Suspension de la séance à 16 h 10)

(Reprise à 16 h 11)

Le Président (M. Cousineau) : Donc, nous reprenons. M. le ministre.

M. Blais : Alors, en fait, le schéma, vous l'avez déjà vu, mais, bon, peut-être légèrement modifié. J'espère qu'il est amélioré, là. Le but, là, c'est de favoriser la compréhension pour voir où sont les points de différence pour montrer que ces différends-là ne sont pas négligeables.

Les carrés verts 6, 7 et 8, là, on les connaît déjà. Il n'y a rien de changé ici, hein, trois trajectoires possibles. Le carré 1, notre compréhension, là, de la proposition qui est faite, c'est simplement de... Bon, la personne, aujourd'hui, fait une demande de dernier recours, elle peut demander de l'aide pour faire sa demande, elle peut la faire seule. On propose qu'il y ait quelqu'un pour la faire avec elle. Bon, ça ne change absolument rien. De toute façon, si la personne ne fait pas correctement, ne donne pas les informations correctement, le chèque est retenu, bien sûr, jusqu'au moment où on a l'ensemble des informations. Donc, essentiellement, on est à l'écart de ce que l'on recherche, là, comme gouvernement.

Le carré 2 est déjà plus important parce qu'il décide un peu de la trajectoire de la personne. Donc, on impose une trajectoire en vérifiant tout d'abord si la personne est admissible à Objectif emploi, et, si oui, c'est le carré 5 qui est peut-être le plus important parce que, vous vous en rappelez, en revenant cet automne, j'ai dit : Écoutez, j'ai consulté, et les bonnes pratiques dans le domaine, c'est de s'assurer de faire une rencontre et de faire une évaluation socioprofessionnelle, parfois même linguistique, hein, des capacités des personnes pour ensuite, une fois qu'on a une idée de qui on a devant nous, son passé, son potentiel, ce qui reste à atteindre, on puisse, hein, s'entendre avec lui sur un contrat, sur une entente qui l'amène, là, vers les trois trajectoires qui sont connues.

Et j'ai mentionné qu'on accordait beaucoup d'importance à cette rencontre-là. Donc, il ne s'agit pas du tout d'une rencontre d'inscription où la personne est appuyée, là, administrativement. Il s'agit d'une rencontre d'évaluation socioprofessionnelle qui est à ce point importante pour nous et dans les bonnes pratiques dans le monde, à ce point importante que, si la personne ne se présente pas, on va retenir le chèque jusqu'au moment où elle se présente, à moins, bien sûr, qu'elle ait une bonne raison pour ne pas se présenter.

Donc, je pense que ça, c'est un noeud très important qu'on ne retrouve absolument pas dans la proposition, là, qui nous a été déposée ce matin... hier, plutôt. C'est un noeud extrêmement important. Et ensuite la question que, bon, la coalition accepte maintenant, que les pénalités... Toutes ces pénalités-là existent déjà sur une base volontaire. Les gens qui acceptent d'aller dans un programme quelconque, bien sûr, si la personne ne se présente pas, bien sûr, on retire les sommes. Donc, il y a zéro, zéro progrès aux deux niveaux. Il y a zéro progrès dans l'incitation à participer — ça existe déjà, puis on a déjà prouvé ici qu'il y avait un problème important d'incitation et de maintien de la participation — puis il y a zéro progrès aussi dans une rencontre d'évaluation socioprofessionnelle, pour laquelle on tient beaucoup...

Donc, je pense que les schémas permettent de comprendre les intentions réglementaires du gouvernement. Pour nous, la phase d'évaluation, elle est cruciale. C'est une bonne pratique, c'est nécessaire à ce que ce soit fait. Et ensuite qu'on trouve la meilleure façon de loger une personne dans une démarche, que ce soit retour aux études, qualification, recherche d'emploi ou encore, bien sûr, développement des habiletés sociales, préemployabilité. Voilà.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte : M. le Président, moi, je ne peux pas comprendre. Le ministre, cet été, a publié un communiqué de presse disant, bon, qu'il avait consacré, là, pratiquement 85 heures de son précieux temps, là, à l'étude du projet de loi. À ce moment-là, j'avais dit : Écoutez, M. le Président, la collaboration va des deux côtés. Cet été, par la suite, on a eu un premier ministre qui est sorti pour dire qu'il voulait imposer le bâillon sur le projet de loi n° 70 parce qu'il trouvait qu'on avait fait le tour de la question.

Moi, j'écoute le ministre actuellement. Je vois du coin de l'oeil des représentants de la Coalition Objectif Dignité qui se sont déplacés, qui sont ici, qui sont prêts à rencontrer le ministre, qui sont prêts à lui présenter leur proposition, qui sont aussi prêts à entendre et à entamer une discussion avec le ministre pour trouver un terrain d'entente pour faire en sorte qu'on puisse améliorer la situation des prestataires. Ce n'est quand même pas rien.

Le ministre dit tantôt : Ah! fais une demande, là, la case 1, là, une demande de dernier recours. Ça, la personne, elle le fait toute seule, puis, si elle a des erreurs, bien, de toute façon, on ne lui en enverra pas, de chèque. Moi, j'entends ça, M. le Président, les cheveux me frisent. Un ministre de la Solidarité sociale, parce qu'il est aussi ministre de la Solidarité sociale, a la responsabilité de faire en sorte que l'aide de dernier recours soit offerte le plus rapidement possible à une personne qui en a vraiment besoin. Et la rencontre initiale qui est présentée, qui est proposée, que le ministre nous dit : On ne peut pas obliger une rencontre, bien là, dans ce cas-là, il y en aurait une, rencontre obligatoire. Et même il y aurait une autre rencontre pour justement se faire présenter tous les parcours, les possibilités, les ressources, etc. Les groupes lui proposent ça. Il l'a même dit à un moment donné. On a recommencé au mois d'août, puis il a dit : Ah! bien, moi, je suis prêt à avoir une rencontre obligatoire, là, puis on pourrait même retenir les chèques à 100 %, etc.

Écoutez, M. le Président, il y a en ce moment une proposition sur la table. Les groupes sont ici. Moi, ce que je crois que le ministre devrait faire... C'est bien que son directeur de cabinet ait tenté de parler avec les groupes. C'est très bien. Je n'ai rien contre ça. Mais c'est lui, le ministre. C'est le ministre actuellement qui est devant nous, là... bien, qui est plus devant moi que vous, M. le Président, là, mais qui est devant moi. C'est lui, le ministre. Pourquoi il ne prend pas un certain temps? On est ici tous réunis, là. Il peut s'asseoir avec les gens de la coalition, les écouter, les entendre. Sinon, on va devoir conclure que, finalement, l'objectif du ministre et du gouvernement était d'emblée, dès le mois de mai, comme il l'a dit, d'imposer le bâillon sur le projet de loi n° 70 et faire en sorte qu'aucun amendement, aucun amendement...

M. Poëti : M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Cousineau) : Oui. Question de règlement, M. le vice-président.

M. Poëti : Bien là, on impute des motifs puis des intentions qui sont tout à fait inexacts. Je vais juste m'opposer ou inviter le député à être prudent dans l'affirmation que c'était notre intention.

Le Président (M. Cousineau) : Absolument. Alors, soyez prudent, M. le député de Saint-Jean, pour ne pas imputer de motifs.

M. Turcotte : Bien, je suis content d'entendre, de la part du vice-président de la commission, que ce n'était pas l'intention du gouvernement. Mais moi, j'aimerais ça le voir dans l'action. On peut prendre un certain temps. Les gens de la coalition sont ici. On est tous réunis ici. Si le ministre a besoin de conseils, par la suite, ou d'opinions, toute son équipe de fonctionnaires est ici pour le conseiller par la suite. On pourrait faire en sorte qu'on pourrait avancer davantage dans le projet de loi, dans l'étude, comme nous l'avons fait dans la première partie. Même si nous nous sommes opposés à pratiquement tous les articles de la première partie du projet de loi, nous avons quand même trouvé un terrain d'entente sur certaines questions. Pourquoi on n'est pas capables de faire ça sur cette partie-ci? Les gens qui sont ici sont prêts à vous rencontrer, M. le ministre.

Le Président (M. Cousineau) : Merci. M. le ministre.

M. Blais : Donc, vu qu'on a étudié la proposition, donc, pour nous, là, c'est évident que c'est le statu quo. C'est des choses qui existent déjà, qu'on fait déjà. Moi, je... Et c'est vous qui êtes le législateur. Ce n'est pas eux, c'est vous, le législateur. C'est vous qui pouvez faire avancer ou pas, là, cette commission-là.

Est-ce que j'ai compris, dans votre proposition, que vous seriez d'accord pour qu'il y ait une évaluation en bonne et due forme de chaque nouveau demandeur d'aide sociale et que cette évaluation-là doit se faire, qu'elle est conditionnelle à la prestation? Est-ce que j'ai compris que vous étiez rendu là?

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte : Bien, M. le Président, la proposition qui est sur la table, c'est de réintroduire la rencontre initiale, qu'à une certaine époque on appelait la rencontre d'attribution initiale. Donc, M. le Président, le ministre a juste à aller dans ses notes, il va voir à quoi ça sert, une rencontre initiale.

Le Président (M. Cousineau) : Oui, M. le ministre.

M. Blais : Là, on va aller plus loin. Je pense que c'est intéressant, là, comme discussion. Il n'y a pas de mauvaise foi de ma part, là. J'essaie de bien comprendre la proposition.

On sait bien qu'à l'aide sociale il y a une rencontre où il y a une évaluation initiale nécessaire qui est de nature administrative, c'est de voir votre bilan, hein, examiner votre bilan, votre situation financière pour savoir si vous êtes un ayant droit. Elle est obligatoire. Bien sûr, vous devez déposer les informations. On ne peut pas, disons, faire fi de cette rencontre-là. Ça, c'est acquis. On ne reculera pas en bas de ça.

Ce que nous demandons, maintenant, c'est une deuxième rencontre qui aurait lieu un peu plus tard, une fois qu'on sait que la personne est admissible du point de vue de son bilan, une deuxième rencontre dans laquelle il y a une évaluation de sa situation. La personne doit se soumettre à ça. Elle est obligatoire. Et, bien sûr, il y a des conséquences si une personne décide de ne pas se présenter. Les conséquences que nous proposons, c'est de retenir le chèque jusqu'au moment où elle se présente. Alors, c'est ce deuxième élément sur lequel je voudrais voir si on a un accord.

• (16 h 20) •

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte : M. le Président, le ministre nous dit... me dit que c'est nous, les législateurs. Je pense que je suis au courant. Je pense que je suis au courant. Cependant, il faut se rappeler pourquoi nous faisons des lois, M. le Président. Ce n'est pas pour nous, c'est pour la population du Québec. Et, à l'heure actuelle, nous avons des citoyens, des groupes, des représentants de groupes, d'une coalition qui regroupe un grand nombre d'organismes au Québec qui est prête à faire bénéficier le ministre d'une proposition.

Le ministre, s'il ne veut pas les rencontrer, qu'il nous le dise clairement. Mais moi, je crois que nous aurions tout à gagner de bénéficier de cette présentation-là, de cette rencontre-là. Et si c'est parce que le ministre... Je ne suis pas obligé d'être là, moi, là, là. Ce n'est pas ça, le problème, là. Moi, je suis capable de les rencontrer, je leur ai parlé, là. Mais je crois que le ministre gagnerait, lui, comme ministre, comme ministre, à les rencontrer.

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre.

M. Blais : J'ai cru qu'il y avait une avancée, M. le Président, mais ça ne semble pas être le cas. Donc, je n'ai pas d'autre commentaire.

Le Président (M. Cousineau) : D'accord. M. le député de Saint-Jean, et je crois qu'il vous reste à peu près deux minutes.

M. Turcotte : Moi, M. le Président, je trouve ça désolant parce que nous sommes face, à l'heure actuelle, à un ministre dans un gouvernement... Puis le premier ministre l'a dit, là, puis le leader du gouvernement l'a redit pas plus tard qu'hier... avant-hier, lundi, qu'il est prêt à imposer le bâillon sur le projet de loi que nous étudions actuellement.

Ceci dit, le ministre, en parallèle de ça, nous dit : Nous voulons avoir une proposition, où vous vous en allez, etc. Moi, ce que je lui dis, et l'opposition officielle : Nous avons des groupes, la Coalition Objectif Dignité, qui a une contreproposition, une proposition qui est sur la table. Le ministre n'a pas fait aucun pas en avant. Il a fait des pas en avant, il a reculé, etc., mais on est encore au même niveau qu'au début. En ce moment, les seuls qui ont tenté d'amener des propositions pour dénouer l'impasse, c'est nous et la Coalition Objectif Dignité, et j'inclus nos collègues de Québec solidaire, bien entendu.

Donc, moi, j'entends le ministre et je m'explique mal pourquoi qu'il ne veut même pas rencontrer les représentants lui-même. C'est un enjeu qu'il connaît, il a l'expertise pour être capable de dialoguer avec eux. Je crois qu'une rencontre, ce n'est pas la fin du monde. Je crois qu'il pourrait entendre de vive voix... parce que, visiblement, lui-même peut-être qu'il avait des questions sur la contreproposition de la coalition. Donc, il pourrait avoir tout l'éclaircissement et l'information qu'il a besoin, M. le Président.

Moi, je trouve ça regrettable de la part du ministre qu'il ne veuille même pas rencontrer les groupes qui sont ici avec nous pour faire avancer le projet de loi, pour faire avancer le sort des plus démunis du Québec.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Saint-Jean. Ça met fin au temps que vous aviez sur l'amendement de Mme la députée de Gouin. Alors, je suis prêt à entendre... Oui. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, vous avez 20 minutes sur l'amendement de votre consoeur.

Mme Massé : Merci, M. le Président. Oui. Bonjour, tout le monde. Effectivement, ma collègue ne peut pas être parmi vous cet après-midi, elle a un petit malaise. Mais comptez sur elle pour revenir s'asseoir avec vous pour essayer de dénouer l'impasse dans laquelle on se trouve.

M. le Président et chers collègues, j'aimerais, avant de rentrer de façon plus spécifique au niveau de l'amendement, au niveau de la proposition de la Coalition Objectif Dignité, peut-être juste prendre un petit pas de recul parce que je n'ai pas eu l'opportunité de pouvoir venir m'asseoir autour de cette table durant les réflexions qui ont été les vôtres, durant toutes ces heures, que j'entends bien — on les a entendus dans les médias, et tout ça — que le gouvernement en a assez et qu'il souhaiterait qu'on avance. Et nous en sommes, nous en sommes. Mais avancer, ça veut dire effectivement qu'il faut, de part et d'autre, faire un bout de chemin.

Je tenais donc... Avant de rentrer dans le vif du sujet, peut-être vous dire à quel titre que je suis là. Bien sûr à titre de députée. En tant que députée indépendante, j'ai ce privilège-là, au nom de la population, de pouvoir venir prendre la parole. Et vous savez que, dans Sainte-Marie—Saint-Jacques, des gens qui vivent à l'aide sociale, il y en a beaucoup. Des gens, en fait, qui se retrouvent à l'aide sociale pour une première fois, il y en a aussi beaucoup. Des groupes qui soutiennent les gens qui sont à l'aide sociale, ça aussi, il y en a beaucoup. Mais, considérant que ça fait juste deux ans que je suis là, je ne peux pas en parler longuement comme quelqu'un qui aurait été là pendant 10 ans. Mais par contre ça fait depuis 1988 que je travaille avec les personnes assistées sociales. Et donc, lorsque ma collègue m'a dit : Écoute, Manon, je ne vais pas très bien, ça te tente-tu, je n'ai pas hésité un instant, M. le Président, parce que je n'ai pas la prétention de connaître toutes les personnes assistées sociales, mais j'ai assez longuement travaillé avec ces gens-là pour savoir exactement ce qu'ils vivent.

Et ce qui est fascinant, c'est qu'ils ne sont pas homogènes, hein, ils sont jeunes, ils sont vieux, ils sont hommes, ils sont femmes, ils sont nouveaux arrivants, anciennement arrivés, ils sont handicapés ou pas du tout, mais il y a définitivement quelque chose qu'ils ont et elles ont en commun, c'est que c'est des êtres humains qui veulent vivre dans la dignité. C'est des êtres humains qui sont tannés qu'on les prenne pour des gens qui fourrent le système. C'est des êtres humains qui veulent vivre pour ce qu'ils sont, parfois avec leurs limites, comme nous tous d'ailleurs, parfois avec leurs talents, comme nous tous d'ailleurs.

Et c'est sûr que le projet de loi qui est sur la table me fait mal, me blesse le coeur depuis un certain nombre de temps, M. le Président, parce que c'est un projet de loi qui semble s'appuyer sur un certain nombre de préjugements, et ça me fait triste.

Et vous ne me croirez peut-être pas, vous avez le droit, je ne sais pas, moi, en 26 ans, j'ai dû rencontrer... j'ai travaillé dans les centres d'éducation populaire, les groupes de femmes, les femmes violentées, les personnes immigrantes, les jeunes, les 50 ans et plus, j'ai rencontré plusieurs centaines, pour dire des milliers de personnes. Et un des éléments que je trouve qu'ils vivent tous ensemble, qu'ils ont en commun, c'est comment vivre avec le montant qu'ils ont. Ça ne se fait pas. Ça ne se fait pas. Et, je sais, souvent, ces gens-là nous disent tous, à nous qui gagnons des 100 000 $ et plus par année, nous disent tous : Je vous mets au défi de relever le défi d'être capable de vivre avec... et là, tout dépendamment, parce que, depuis 26 ans, j'ai vu plusieurs montants, mais, disons, avec le montant qui nous occupe actuellement, c'est-à-dire 623 $ par année... par mois.

Et ça me fait mal. Pourquoi? Bien, parce que j'ai vu là-dedans énormément de gens extrêmement déterminés, M. le Président, des gens qui veulent se mettre, avec les talents qu'ils ont, avec les forces qu'ils ont puis aussi avec leurs limites, se mettre en lien et au service et avec les gens de notre communauté. Mais, M. le Président, ces gens-là sont confrontés à un marché du travail qui n'en veut pas de ces gens-là. Pourquoi? Bien, parce qu'ils ne sont pas capables de performer à 70 heures semaines comme nous autres, on le fait — bon, 80, 90, on pourrait dire — ou qu'on exige des travailleurs, travailleuses actuellement, parce que c'est des gens qui ont, pour toutes sortes de raisons... Et je vous le dis, là, ça peut arriver à n'importe qui ici, que vous soyez ministre, premier ministre ou attaché politique, ça peut vous arriver un jour ou l'autre que la vie fasse en sorte que vous ayez besoin, comme premier demandeur, de ça, qui s'appelle, au Québec... on l'a toujours appelée l'aide sociale, même si on a essayé, avec les années, de changer le mot, on l'a toujours appelée l'aide sociale. Pourquoi? Bien, parce qu'on est allé à la base de ce qu'on veut, c'est notre filet social. Et ce filet-là, il dit : Qui que tu sois, qui que tu sois, peu importe, que tu sois ministre ou que tu sois quelqu'un qui fait des réparations dans un garage, peu importe, il y aura toujours, parce que, collectivement, on prend soin les uns des autres, il y aura toujours un filet social.

• (16 h 30) •

Et là j'entends qu'on est en train de se dire... bien, le gouvernement actuel en en train de nous dire que, dans le fond, on est prêt à couper de moitié les gens qui...

 Savez-vous, M. le Président, moi, j'ai accompagné des femmes victimes de violence. Je peux-tu vous dire que d'aller chercher leur premier chèque en dehors de la honte, parce qu'elles avaient une bonne situation financière, en dehors de tout ce que vous avez parlé durant toutes ces heures-là, ces femmes-là, là, parce qu'elles avaient honte, n'allaient peut-être pas à leur premier rendez-vous? Honte de quoi? Bien, d'être obligées d'aller dire : Aïe! Je suis pauvre, je suis victime de violence conjugale, puis, en plus, là, tu vas me demander à me mettre en action demain matin. Puis moi, là, c'est ma survie qui est importante. Ça fait qu'elles vont le reporter, ce rendez-vous-là, M. le Président. Pourquoi? Bien, c'est une question de dignité.

Je vous verrais dans cette situation-là, vous autres, d'être obligés d'aller vous présenter à quelqu'un que vous ne connaissez pas, qui a le pouvoir de vous donner ou ne pas vous donner l'argent qui va faire que vous allez pouvoir vous... pas sortir la tête de l'eau, mais minimalement être capable de se louer un logement ou quoi que ce soit. Et là vous allez vous trouver devant ces gens-là qui ont un plein pouvoir sur votre vie, puis là, en plus, avec cette loi-là, ils vont avoir le pouvoir de vous couper ça de moitié parce que... Bien là, je dis violence conjugale, mais je pourrais vous parler de personnes qui ont fait une dépression, hein? Je pourrais vous parler de... Bon, je pourrais vous en parler. 26 ans, on en a trop.

Mais parlons maintenant de qui sont les vrais experts de cette situation-là. Et ma conviction, parce que c'est toujours comme ça que j'ai travaillé avec ces gens-là, les experts de la situation, c'est les gens qui la vivent, la situation. C'est eux et elles qui savent ce que ça veut dire, M. le Président, de voir ton chèque de 623 $ amputé, peu importe de quel montant, mais de moitié, c'est indécent. C'est indécent dans cette société qui a créé la pauvreté, M. le Président. Combien de gens qui vous entourent... Pensez à vos frères, vos soeurs, vos neveux, vos beaux-frères, vos belles-soeurs, les gens que vous connaissez proche de vous qui ont crashé dans la vie, qui ont... ça a cassé. Ces gens-là n'ont pas été capables, à prime abord, d'aller se présenter.

Puis quand je vous dis que ça a créé de la pauvreté, M. le Président, ce n'est pas rien, là. Quand on a mis cette loi-là sur pied, bien, on l'a modifiée une couple de fois depuis ce temps-là, on avait un régime social qui se tenait. On avait un régime qui permettait aux gens de pouvoir faire en sorte qu'il y avait des services sociaux qui soutenaient les gens, et je parle de tous les gouvernements confondus. Il était une époque où, quand tu travaillais, tu avais droit au chômage. Bien, aujourd'hui, les règles sont tellement compliquées que les femmes et les personnes se retrouvent directement à l'aide sociale, même si elles ont travaillé, M. le Président. C'est quoi? Premier demandeur? Premier demandeur? On va vouloir te couper de moitié.

Alors, j'avais besoin d'exprimer ça parce que les gens avec lesquels j'ai travaillé pendant 20 ans... Et il y a des gens ici qui les représentent aujourd'hui mieux que moi parce qu'aujourd'hui avec mon salaire de simple députée, qui commence à 130 000 $, je suis qui, moi, pour juger? Je suis qui, moi, pour dire : Je le sais, moi, ce qui est bon? Moi, je ne le sais pas, mais ces gens-là, là, M. le Président, ils ont bien vu l'impasse. Ils l'ont vue, l'impasse, puis ils ont entendu comme nous qu'une loi d'exception, qui s'appelle un bâillon... pas parce qu'il y a un gouvernement qui est majoritaire, qui occupe tous les sièges, alors qu'il n'a même pas 43 % des votes... Mandat d'exception. Le bâillon, on veut l'utiliser pour des gens ont de la misère à vivre avec 623 $. Ce n'est pas le monde dans lequel je veux vivre, ça, M. le Président.

Et ces gens-là, malgré tout, parce que c'est des gens qui veulent être reconnus comme des personnes dignes, qui veulent qu'on leur laisse leur dignité, malgré le fait qu'on annonce des sanctions — je ne referai pas tout le débat qui a été fait, vous en avez assez parlé — qui, malgré le fait... et là on le sent bien, là, qu'eux autres sont prêts à faire un pas puis de dire : Écoutez, là, on voit bien qu'il y a une impasse, on le voit que le gouvernement veut y aller à fond la caisse. Nous, la tête haute... même si, dans le fond, ils ne croient pas à ce cheminement-là pantoute parce qu'ils savent que la coercition, ce n'est pas ça qui marche. Ils le savent, ils travaillent avec ces gens-là. Ils savent que ce n'est pas ça qui fonctionne. Ce qui fonctionne, là, c'est la confiance en la personne. Ce qui fonctionne, c'est l'amour de ces gens-là. Ce qui fonctionne, c'est ce qui fait que ces gens-là sont capables de vivre, d'aller magasiner, d'aller acheter de la bouffe, de se payer un logement, et tout ça. M. le Président, depuis 10, 15 ans, là, c'est rendu inaccessible. J'étais travailleuse communautaire, je gagnais quatre fois moins que je gagne actuellement, je vivais seule et j'avais de la misère à payer mon logement, M. le Président. Je travaillais 50 heures-semaine.

Alors, je vais donc moi aussi réinsister pour qu'on puisse danser à deux. Ça ne se peut pas ça, danser tout seul. Bien oui, ça se peut. Ça se peut, il y a plein de monde qui dansent tout seuls dans la vie, mais, quand on veut faire en sorte que... Je sais que M. le ministre a interpellé ma collègue à plusieurs moments pour démontrer de l'ouverture, et etc. Je pense que ma collègue ainsi que nos autres collègues ont travaillé main dans la main avec les gens qui vivent la situation parce que c'est eux, les experts et les expertes. Et ces gens-là ont dit : Bien, M. le ministre, pourquoi deux rencontres? Est-ce qu'on peut imaginer que... L'idée d'une rencontre, là, ce n'est pas quelque chose qu'ils réfutent, là, au contraire. D'ailleurs, le moindrement qu'on a travaillé avec les personnes assistées sociales, on sait très bien qu'ils ne réfutent pas. C'est souvent les coupures qu'on a faites au sein des ministères qui ont fait que les gens n'avaient plus les rencontres, pas parce qu'eux autres, ils ne voulaient pas. Ils l'espéraient.

Alors, l'étape 5. Moi, je pense que le tableau est intéressant. Il place clairement les choses. Mais l'étape 5, qui est là pour que les gens puissent enfin trouver de l'écoute pour être capable de se positionner dans les trois axes qui pourraient être un choix qu'ils font, je pense que cette étape-là, les gens de la coalition disent : Bien oui, on y en est. On y en est, de cette étape-là. Et cette étape-là... Bien, en fait, je vais m'arrêter là. On y en est, on est de cette étape-là.

Ce qui est souhaitable maintenant... C'est sûr que moi, je peux continuer à représenter leurs voix, mais ces gens-là ont accepté, M. le ministre, de danser avec vous. Et ce qu'ils souhaitent, c'est de pouvoir discuter avec vous pour qu'on puisse danser ensemble et qu'on puisse arriver vers une solution qui ne sera certainement pas leur 100 %, définitivement pas leur 100 %, mais qui est une posture de compromis. Mais on ne peut pas faire des compromis tout seuls, M. le ministre, ça ne se peut pas. Moi, j'ai travaillé trop longtemps avec les femmes victimes de violence pour savoir que, quand les compromis viennent juste sur un bord, ça s'appelle la violence. Et moi, je n'ai pas envie de faire violence à ces gens-là. Déjà, la violence économique est dure à vivre.

Alors, pourquoi ne pas prendre le temps d'essayer de voir à partir... Et ils sont prêts à discuter avec vous, là, pas méchamment. En fait, ils représentent des gens qui leur ont donné le mandat de s'asseoir puis de discuter avec vous, mais les compromis ne peuvent pas juste venir de leur bord. Ça ne se peut pas. Alors donc, je comprends bien que cette idée de dire : Puisque nous sommes là, puisque les experts sont là et que plein de gens connaissent bien ce dossier-là ici, autour de la table, dont j'en suis probablement la moindre connaissante, je me demande, M. le ministre, si vous pourriez accéder à cette demande-là qu'on puisse s'arrêter, prendre le temps, aller au fond. Puis ça ne vous empêchera pas... si vous gardez la même posture après ça, vous la garderez, mais au moins eux autres vont pouvoir expliquer où ils ont fait des compromis. Parce que, là, vous nous dites : On a étudié et nous comprenons que c'est ça, les compromis. Moi, j'aimerais bien les entendre, là. Est-ce que ça représente ça? Tantôt, vous avez dit : Il y a une première rencontre, il y en aurait une deuxième. J'ai vu deux signes de tête faire non. Je me dis : Bien, ils ont une expérience, là. Le dialogue, ça rapporte, alors pourquoi pas?

• (16 h 40) •

Le Président (M. Cousineau) : Il vous restera trois minutes, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. M. le ministre.

M. Blais : Bien, écoutez, M. le Président, il y a beaucoup de choses, là. Puis il y a des erreurs de faites. Mais je n'ai pas... on ne fera pas... ensemble, là, c'est sûr, mais moi, je veux travailler avec vous. Vous êtes les législateurs, hein, donc je vais travailler avec vous. Mais là ce que j'ai entendu il y a quelques minutes, c'est très important. Vous m'avez dit : Nous, là, l'étape 5, on y croit puis on est prêts à accepter ça. C'est bien ce que vous m'avez dit?

Le Président (M. Cousineau) : Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

M. Blais : Parce que, là, on vient de faire un saut de géant.

Mme Massé : En fait, ce que nous, on considère... et là, M. le ministre, et je pense que tout le monde va en convenir, là, je viens de sauter dans le jeu. O.K.?

Ce que moi, je comprends, c'est que les gens d'Objectif dignité, qui sont les experts, disent : Oui, on est d'accord avec une étape. Vous ne voulez pas les rencontrer, leur parler. Moi, j'ai identifié l'étape 5. Est-ce que c'est de celle-là qu'ils parlaient? Est-ce que c'était de l'étape 1? Vous avez dit qu'il y avait eu deux rencontres, ils ont fait signe de tête que non. Comprenez-vous? Moi, je veux bien jouer l'interprète, là, mais c'est bien plus simple si on s'assoit ensemble puis qu'on puisse tout le monde entendre ça, écouter ça, puis là de se faire une tête. Je ne veux pas me mettre spécialiste, alors vous me permettrez, M. le ministre, de ne pas répondre à votre question.

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre.

M. Blais : Très bien. Alors, je pense que j'ai une idée pourquoi ma collègue ne répond pas à la question. Ça va pour le reste.

Le Président (M. Cousineau) : Ça va? Parfait. Alors, est-ce que... Prochain intervenant, s'il vous plaît. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, vous aurez encore 1 min 30 s. M. le député de Rimouski.

M. Turcotte : 16 minutes.

M. LeBel : Combien de temps? 16...

Le Président (M. Cousineau) : Alors, M. le député de Rimouski, 16 min 5 s.

M. LeBel : C'est bon.

Le Président (M. Cousineau) : Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, est-ce que vous vouliez terminer immédiatement sur votre 1 min 30 s?

Mme Massé : Non. Mettez-la, là, en banque. On va la mettre sur la glace, là. Je vais répondre.

Le Président (M. Cousineau) : On la place sur la glace. Parfait.

Mme Massé : Je vais essayer de voir ce que j'en pense.

Le Président (M. Cousineau) : D'accord. M. le député de Rimouski, 16 min 5 s.

M. LeBel : Merci, M. le Président. Je pense qu'on traîne toujours un genre de... c'est le cheminement qu'on a parti tout de travers, puis on traîne toujours ça. Quand j'expliquais qu'on aurait dû faire le bilan de ce qui s'est passé au niveau de la pauvreté, s'entendre sur — «ça», je parle de la loi — un plan d'action, faire le plan d'action comme du monde, on aurait tout le monde réfléchi un peu qu'est-ce qu'on a fait comme bons coups puis c'est comment est-ce qu'on fait pour lutter contre la pauvreté. On se serait entendus sur un plan d'action. Après ça, on serait arrivés dans l'outil, qui est le programme. Mais là on a évité ces débats-là. On ne veut pas parler, on ne veut pas faire vraiment un vrai bilan de la loi sur la pauvreté, puis le plan d'action, on est en train de faire ça à côté puis on s'enfarge dans l'outil parce que je pense qu'on a mal commencé les travaux puis on va traîner ça tout le temps.

Sur le fond des choses, je fais juste rappeler qu'il y a une majeure là-dedans depuis le début, puis, dans nos discussions... puis le comité consultatif, je ramène ça souvent, mais qui est là, qui est reconnu par le ministère, qui est là pour conseiller le ministre... Je vais relire ce que j'ai déjà relu, mais je pense que c'est fondamental. Dans le mémoire de ce conseil consultatif, concernant le projet de loi n° 70, le conseil reconnu par le gouvernement disait : «Le comité ne peut qu'appuyer l'intensification du soutien et de l'accompagnement des nouveaux prestataires d'aide sociale, car, on le sait, plus une personne demeure longtemps à l'aide, plus il lui devient difficile de s'en sortir. Par contre, le comité s'oppose à toute mesure coercitive assortie de pénalités qui viendrait réduire une aide financière déjà trop faible pour assurer la couverture des besoins de base des personnes, compromettant ainsi leur santé et leurs chances de s'en sortir. Cette façon de faire contrevient à la législation en vigueur, notamment à la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, la Charte des droits et libertés de la personne et le pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels.» Le comité consultatif qui, en partant dans son mémoire sur le projet de loi n° 70, son opinion est assez claire, et ça, c'est une opinion qu'on partage, tout le monde ici.

Maintenant, peut-être quelques questions avant d'arriver aux groupes, là, qu'on pourrait entendre, que le ministre refuse d'entendre. Mais j'aurais quelques questions sur le tableau qu'il vient de nous déposer. Au bloc 5, les personnes, là, qui... On convoque les gens. Qui va les rencontrer, là? C'est qui... Le titre de ces personnes-là, qui les rencontrent.

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre.

M. Blais : Ce sont des agents d'aide à l'emploi. On me dit que ça peut être aussi des agents d'aide financière.

M. LeBel : Parce que, dans le tableau que le ministre nous a donné...

M. Blais : ...agents d'aide à l'emploi.

Le Président (M. Cousineau) : Pourriez-vous préciser comme il faut, M. le ministre?

M. Blais : Oui, M. le Président. Donc, il y a une petite confusion, là. On n'a peut-être pas bien compris la question. Donc, il s'agit bien des agents d'aide à l'emploi.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. M. le député de Rimouski.

M. LeBel : C'est parce que, dans le tableau que le ministre nous a remis à la demande de mon collègue de Saint-Jean, ce titre-là n'existe pas. On avait demandé comment il y a d'agents par CLE. Le titre qui est là, c'est «agent d'aide socioéconomique». Je comprends que les agents d'aide à l'emploi sont dans les agents d'aide socioéconomique, probablement.

M. Blais : On va vérifier ça.

M. LeBel : Parce que c'est important. Puis, dans le groupe Objectif Dignité, c'est un des éléments qu'ils nous disent, là. Vous voulez un programme, êtes-vous capable de le livrer? Puis ils posent des questions là-dessus. Moi... parce que, là, regardez, si... Vous dites que c'est les agents d'aide à l'emploi. Dans le tableau que j'ai devant moi, ce n'est pas un titre qui est là, là. Mettons que c'est des agents d'aide socioéconomique. Dans le CLE à Trois-Pistoles, le nombre d'agents d'aide socioéconomique, ils sont trois. Trois. Trois-Pistoles, une des MRC les plus en difficulté, une des MRC au Québec qui a le plus de difficultés économiques, je la connais bien, dans le Bas-Saint-Laurent...

Je regarde... Si je vais chez ma collègue de Charlevoix, qui est ici, le CLE de Baie-Saint-Paul, qui est le CLE qui couvre la partie Charlevoix, parce qu'il y en a un à Beauport, le CLE de Baie-Saint-Paul, agents d'aide socioéconomique, une personne. Là, je comprends qu'il y a une personne dans le CLE qui va faire ce bloc 5 là, là, pour accueillir tous ces gens-là, une personne. C'est une bonne députée, qui va poser des questions pour essayer d'en avoir plus, je suis certain, parce que ça ne peut pas fonctionner à une personne.

En Gaspésie. Je regardais ça tantôt...

Une voix : ...

M. LeBel : Bien, je vais juste terminer, juste... mon affaire, là. Je m'étais préparé, là.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. LeBel : Oui, mais là vous m'avez mêlé. En Gaspésie... J'avais pris ma note. La moyenne dans les CLE de la Gaspésie, qui est une région — ah! je l'ai — qui a besoin de relance économique, et tout ça, la moyenne, là, par CLE, c'est cinq ou six agents socioéconomiques. Puis il y a des CLE qui sont un ou deux.

Ça fait que je pense que ce que nous disait le groupe Coalition Objectif Dignité, qui posait des questions sur la façon que le gouvernement pouvait livrer, bien, je pense que la question qu'il posait est pertinente. Puis même mes collègues de la CAQ ont posé la même question récemment, à savoir : Est-ce qu'on est capable de livrer? Ça fait que c'est une question qui est pertinente parce que, si on ne fait pas le bloc 5 comme du monde, tout le reste, tout le beau plan du ministre dérape.

Puis, moi, c'est ce que je dis depuis un bout de temps, c'est que c'est beau mettre de la pression sur les personnes à l'aide sociale. Si tu ne participes pas, on te coupe. Si tu ne fais pas tes affaires, si tu ne viens pas, on te coupe. Puis, en même temps, on met toute ta responsabilité sur le dos de la personne qui est le primodemandeur, comme on appelle, mais on livre-tu? Est-ce que l'État, est-ce que le gouvernement livre? Il a une responsabilité, le gouvernement a une responsabilité aussi de livrer. Puis, quand je dis livrer, ce n'est pas juste... cette responsabilité n'est pas là juste au niveau services, il y a une responsabilité aussi de préparer en amont une société qui lutte vraiment contre la pauvreté. Là, je ne parlerai pas des coupes dans les CPE, des coupes dans le logement social, des coupes dans le milieu éducatif. Ça, ça amène la pauvreté. Mais ça, on pourra en parler un peu plus. On aurait pu en parler dans un vrai plan d'action, mais on n'a pas pu le faire.

Ça fait que j'arrive à la conclusion que... puis, pour l'avoir déjà fait quand j'avais le poste de directeur de cabinet à l'époque qu'on a adopté la loi pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion, pour avoir une vraie politique pour lutter contre la pauvreté, pour avoir une vraie politique d'intégration des personnes, il faut parler à notre monde. C'est beau de dire : Ce n'est pas eux, les législateurs, c'est nous autres. C'est nous autres qui décide. Il me semble que ce n'est pas une façon de travailler. Si on veut arriver avec un consensus social pour faire en sorte que ça fonctionne, bien, il faut mettre le monde dans le coup.

Puis moi, je me demandais, je me dis : Si le ministre n'est pas prêt à aller rencontrer ou il pense que le téléphone à son chef de cabinet, c'était suffisant, est-ce qu'on pourrait prendre... c'est peut-être une directive au président de la commission. Est-ce que la commission pourrait prendre du temps pour entendre la proposition de la coalition? Est-ce qu'on pourrait au moins pouvoir poser une couple de questions à la coalition? Est-ce que c'est faisable? Ils sont ici, ils se sont déplacés. Est-ce qu'on pourrait faire ça?

• (16 h 50) •

Le Président (M. Cousineau) : Vous posez la question au président de la commission ou vous posez la question au ministre, là?

M. LeBel : Au président, voir si c'est faisable.

Le Président (M. Cousineau) : Bien, écoutez, ça prend un consentement de toute façon, puis il ne semble pas y avoir de consentement. Donc, je passerais la parole à M. le ministre.

M. Blais : Petite précision sur Trois-Pistoles. Effectivement, il y aurait trois agents, on vient de vérifier, trois agents d'aide à l'emploi — c'est bien comme ça, là, qu'il faut le dire — et il y a 13 primodemandeurs. En tout cas, l'année dernière, il y avait 13 primodemandeurs dans l'année. Ça vous fait un par mois, là. Écoutez, bon, je pense qu'on a le temps de rencontrer quand même quelqu'un pendant 1 h 30 min et puis faire une bonne évaluation. Baie-Saint-Paul, il y aurait 14... Le gouvernement, quand même, a...

M. LeBel : 14 primodemandeurs?

M. Blais : Primodemandeurs à Baie-Saint-Paul. Le gouvernement, quand même, a accepté, là, d'ajouter des ressources dans les CLE. Donc, il y a 90 ETC qui étaient dans le dernier budget, notamment, là, pour renforcer un peu la... Mais moi, sur le fond, je suis d'accord avec le collègue, hein, c'est-à-dire plus on fouille là-dessus, plus on regarde ce qui se fait dans le monde, on se dit que, d'une certaine façon, là, on a été un peu négligent avec cette clientèle-là, hein, de ne pas les rencontrer davantage, de ne pas faire d'évaluation de leur situation, notamment leur situation linguistique. J'insiste là-dessus, il y a des problèmes d'analphabétisme qui sont sérieux. Et plus je parle du projet, plus je...

Écoutez, je me promène en région en ce moment. Je peux vous dire, on a une adhésion très forte au projet maintenant, compte tenu des besoins de main-d'oeuvre. Il y a une acceptation, même parmi les employeurs, qu'il faut faire un effort vis-à-vis des personnes qui sont plus loin du marché du travail compte tenu de la rareté de main-d'oeuvre. Et il y a même un groupe communautaire qui m'a dit : Écoutez, nous, on est dans le domaine... Eux, ils travaillent beaucoup en toxicomanie, en intervention, même en rue. Ils m'ont dit : M. Blais, ne lâchez pas. M. le ministre, pardon, ne lâchez pas ce projet de loi n° 70 parce que, pour eux, c'est fondamental aussi qu'il y ait ce travail d'évaluation, de rencontre des personnes et d'encadrement.

Donc, maintenant, l'enjeu pour nous, ce n'est pas du tout les sanctions. L'enjeu, c'est que ça fonctionne, et que les gens viennent, et qu'il y ait une pression. Oui, qu'il y ait une pression par des bonifications importantes, mais si nécessaire. Mais, quand on regarde ce qui se passe dans le monde, les sanctions ont un effet essentiellement dissuasif. Moi, je l'ai dit souvent ici : On n'a calculé aucune économie dans ce projet de loi là. Au contraire, ça va demander des investissements : 90 ETC, des bonifications qui pourraient atteindre 50 millions de dollars. On a renouvelé les ententes avec l'ensemble de nos organismes en employabilité. On a augmenté de 3,5 % ou 3,2 %? 3,5 %, leur financement cette année parce qu'on veut vraiment, là, faire le mieux possible pour encadrer ces personnes-là.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. M. le député de Rimouski.

M. LeBel : Oui. En tout cas, dans son plan, le ministre... Tout ce parcours qui est enclenché, là, 9, 11, 13, 15, il y a un suivi, là. C'est le personnel, c'est l'agent d'aide à l'emploi ou socioéconomique qui fait ce suivi-là, là, de tout ce parcours-là, qui fait le suivi des demandes. C'est plus qu'une rencontre, là, c'est un suivi que vous proposez, qui suit... un suivi auprès des organismes qui dispensent le service, voir à ces... C'est pour ça... Il va falloir suivre ça, là, s'ils s'absentent cinq jours ou pas. Puis il y a une mécanique bureaucratique, probablement, qui va être mise en place pour...

M. Blais : M. le Président, est-ce que vous permettez?

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre.

M. Blais : Là-dessus, il y a déjà des suivis, hein? On est habitué de faire ça. Ce n'est pas nouveau. Mais c'est sûr qu'avec Objectif emploi le suivi va être plus serré pour les raisons que vous devinez.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. Toujours M. le député de Rimouski.

M. LeBel : Excusez-nous.

Une voix : C'est moi qui dérange tout le setup.

M. LeBel : Non, c'est correct. O.K. Ça fait que ce qu'on... Vous proposez, MRC... bien, CLE par CLE, un suivi avec les primodemandeurs. Malgré qu'on a déjà posé la question, est-ce que ça va s'adresser qu'aux primodemandeurs? On a déjà travaillé là-dessus, puis il y avait de l'ouverture pour que... Ça pourrait être plus large, là. On a dit que les programmes pourraient être accessibles à autre chose que des primodemandeurs, à une autre clientèle.

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre.

M. Blais : M. le Président, donc, les programmes en employabilité, là, sont disponibles pour toutes les clientèles, mais, dans le cas d'Objectif emploi, il y a une obligation. Il y aurait une obligation de participation.

M. LeBel : O.K. Pour les agents d'aide à l'emploi, la personne, elle n'aura pas que deux ou trois personnes par année à travailler, là. Elle a déjà un «caseload» de suivis à faire.

M. Blais : Oui. C'est vrai. Alors, bon, de ce temps-ci, je me promène pas mal en région, donc, et, vous savez, il y a eu une diminution importante des personnes à l'aide sociale au Québec, tant mieux, et c'est corollaire à la diminution du chômage. On doit s'en réjouir.

Et ce qu'il faut dire, c'est que, dans certains CLE, notamment en région, il y a parfois une crainte, hein, qu'on ferme ou qu'on optimise, hein, l'offre simplement parce qu'il y a eu une diminution. Ici, bien sûr, on donne un nouveau mandat à nos CLE, on renforce leur rôle, et je pense qu'on renforce aussi leur présence, là, dans les régions parce qu'on augmente le nombre d'agents qui vont être en emploi, mais surtout on s'assure, là, que, bon, là où il y a eu des diminutions importantes, compte tenu de la situation et de la demande, on s'assure, je pense... puis qu'on les sécurise. Puis quand moi, j'en parle aux agents, les gens voient ça d'un bon oeil parce qu'il y a eu une diminution de l'achalandage ces dernières années pour eux.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Rimouski.

M. LeBel : Je comprends, mais je voulais juste... parce que, tantôt, j'ai dit : Il y a trois agents. Puis là vous me dites : Il y a... je ne sais pas, je ne me souviens plus le nombre de primodemandeurs à Trois-Pistoles. Vous m'avez donné un chiffre, là, cinq ou six.

M. Blais : C'est 13.

M. LeBel : 13. Ça fait que vous dites : Regarde, ils sont à trois, ils sont capables de faire les 13. Mais les trois agents, ils font d'autres choses. Bon.

C'est que ces gens-là ont déjà un... ils ont un suivi à faire puis ils ont déjà un suivi sur place de leur clientèle déjà à faire, ce qui demeure en sorte... Le fait que je disais au début : Dans une MRC comme Trois-Pistoles, qui est une des MRC qui connaît des problèmes économiques... Puis, quand je parle des MRC de... les CLE de la Gaspésie, c'est la même chose. Je comprends que ces gens-là sont déjà... ce n'est pas beaucoup de monde pour travailler déjà auprès d'une clientèle qui est en difficulté.

Le ministre faisait allusion à ses consultations. J'en profite. Le ministre a été gentil, il est venu rencontrer les gens de Rimouski il n'y a pas très longtemps dans une tournée. J'ai demandé de pouvoir y participer, on m'a dit : Non, les partenaires du marché du travail aiment mieux que ce soit juste entre nous autres, qu'il n'y ait pas d'autre député mêlé à la consultation. J'ai dit : Ah! si c'est comme ça, ce n'est pas si mal. Mais, en vérifiant, ce que j'ai appris, c'est que la consultation, c'était assez serré. La liste... On demandait aux tables des marchés du travail, aux partenaires, d'établir une liste de personnes à consulter. Ça ne pouvait pas être cette liste-là. Le cabinet du ministre devait voir la liste avant de les convoquer pour voir si les gens qui étaient convoqués, c'étaient des gens qui étaient consultables, ils étaient consultables ou pas. Comme à Rimouski, vous êtes venu lundi, vous avez confirmé la liste jeudi, ça fait que les gens ont été convoqués jeudi en fin d'après-midi ou vendredi. Ça fait qu'ils ont eu beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps pour se préparer pour votre rencontre de consultation, lundi.

Ça fait que c'est ce genre de... Mais, tu sais, dans le fond, vous êtes venu, je suis bien content. Vous avez rencontré quand même du monde, mais c'est... Quand on dit qu'on veut consulter les gens puis on veut les mettre dans le coup, j'emmène ça dans l'objectif où on veut rencontrer cette coalition-là. Je pense que, pour le ministre, ça vaut la peine de prendre le temps de rencontrer cette coalition-là qui amène des propositions, qui propose des amendements qui pourraient peut-être nous emmener à aller vers un consensus.

Mais là ce qu'on sent, puis je répète ce que mon collègue de Saint-Jean disait tantôt, c'est... Tu sais, moi, quand j'ai vu aux nouvelles que le premier ministre nous disait d'avance, dans ses mots, que, si l'opposition ne collaborait pas, là, bien, on s'enlignait ça vers un bâillon, j'ai trouvé ça un peu cavalier, là. Je comprends que le gouvernement est majoritaire puis il peut faire ça, mais comme... Tu sais, le ministre l'a dit tantôt, c'est nous autres, les législateurs. Comme législateur, je trouve ça particulier d'avoir cette... Il me semble que ça n'amène pas un travail de collaboration efficace.

Ça fait que je plaide pour... Comme mon collègue, je plaide pour qu'on puisse entendre les gens de la coalition, que le ministre puisse les écouter, entendre leurs propositions, puis je plaide pour qu'on prenne le temps de faire les choses comme il faut puis qu'on n'ait pas cette épée de Damoclès qui est au-dessus de nos têtes, d'un bâillon qui pourrait nous empêcher de continuer à travailler.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Rimouski. Je crois que, M. le ministre, vous...

• (17 heures) •

M. Blais : Juste une petite... Avant de laisser la parole à ma collègue, sur Rimouski... Puis le collègue a raison de dire que le temps de consultation, ça a été serré, puis je m'en suis excusé. Mais ce qu'il est important quand même de dire, c'est que j'ai dit à la fois aux gens de Rimouski, mais aussi de Gaspé, aussi de Chibougamau, que c'était une première rencontre et que le dialogue allait continuer dans les prochaines semaines. S'il leur venait d'autres idées... D'ailleurs, je pense qu'ils se rencontrent encore cette semaine ou la semaine prochaine pour ramasser leurs idées pour voir si leurs priorités sont bien identifiées.

M. LeBel : On sait que le lundi...

Le Président (M. Cousineau) : Un instant. M. le ministre, est-ce que...

M. Blais : Il adore, j'en suis sûr...

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre, est-ce que je comprends que vous voulez passer la parole à Mme la sous-ministre associée?

M. Blais : Oui.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, ça me prend...

M. Blais : Non, non, non, à ma collègue des Mille-Îles.

Le Président (M. Cousineau) : Ah! excusez-moi. C'est parce que je croyais... Bon, d'accord. Bien, alors, M. le député de Rimouski, est-ce que vous avez terminé? Parce qu'on n'a pas terminé votre bloc, mais est-ce que vous avez autre chose à dire? C'est vous qui avez la parole.

M. LeBel : Bien, moi, le prochain coup que vous allez venir, faites-moi signe. Je ne haïrais pas ça y participer. Puis il y a des groupes à Rimouski qui n'étaient peut-être pas dans votre liste de gens consultables, là, mais qui sont des gens qui pourraient vous rencontrer. Puis c'est des gens qui savent bien faire ça puis qui vont vous expliquer un peu leur point de vue. Merci.

Le Président (M. Cousineau) : Merci. Alors, il vous restera... bien, vous parlerez de vos invitations par la suite, là. Il vous restera 3 min 30 s, M. le député de Rimouski.

M. LeBel : Oui, mais vous m'avez coupé.

Le Président (M. Cousineau) : Je passerais, par alternance, maintenant, la parole à Mme la députée de Sauvé. Madame, vous avez 20 minutes.

Mme Sauvé : De Fabre.

Le Président (M. Cousineau) : Ah! de Fabre. J'ai dit Sauvé?

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Cousineau) : Alors, vous avez 20 minutes, Mme la députée de Fabre.

M. Poëti : Vous ne pouvez pas vous sauver.

Mme Sauvé : Non, c'est ça. Merci, M. le Président. Je veux revenir... J'écoute les propos des représentants de l'opposition et je veux clarifier une donnée et un élément très important sur lequel je suis déjà intervenue, mais, pour moi, c'est excessivement essentiel à toute la notion d'accompagnement qui est présente et prévue dans Objectif emploi avec, bien sûr, les rencontres d'évaluation, et tout ça.

Je connais très bien les organismes d'action communautaire autonome. Je connais très bien les membres de la coalition et je reconnais le grand travail qu'ils font dans l'accompagnement des personnes, de façon extraordinaire. Et je ne mets pas ça de côté, bien au contraire, mais il est très important que, lorsqu'on parle d'Objectif emploi, il faut nommer l'expertise d'employabilité qui est nécessaire à l'accompagnement expert en employabilité vers l'entreprise, vers le programme d'étude et vers la mise en mouvement. Et, en disant ça, je fais appel à l'expertise des ressources externes des organismes communautaires en employabilité qui travaillent depuis des dizaines d'années à cet accompagnement très précis, très en lien avec les employeurs, très en lien avec les milieux scolaires, qui font un travail de communication et de partenariat avec les équipes des CLE et d'Emploi-Québec. C'est très important.

Alors, je ne suis pas en train de mettre de côté. Au contraire, je reconnais toute l'action communautaire des groupes qui font partie de la coalition, mais il faut se ramener à l'expertise, et je dois la remettre au centre de la table, je dois la remettre dans la valorisation qui lui est propre, l'action communautaire experte en employabilité. Alors, ces groupes-là, qu'ils soient membres du RQUODE, du ROSEPH, du RSSMO, du Collectif des entreprises d'insertion, tous ces groupes-là, qui existent depuis des années, travaillent à accompagner les personnes dès l'évaluation des besoins, dans l'accompagnement très souple, très individualisé, avec des suivis. J'ai entendu la préoccupation des suivis. Elle existe, cette réalité-là de suivi adapté aux personnes, adapté de façon individuelle. Alors, c'est présent, ça fait partie de leurs forces. Et, pour travailler à l'accompagnement des personnes très, très éloignées du marché du travail comme les primodemandeurs, qui sont dans une comorbidité, dans des problématiques multiples, ces organismes, à force d'accompagnement expert en partenariat avec les groupes communautaires, avec les acteurs du milieu, réussissent à faire vivre des succès à ces clientèles, à ces personnes, à ces citoyens qui vont vivre peut-être pour une première fois un emploi qu'ils vont même maintenir.

Moi, j'ai vu, dans mon travail terrain, M. le Président, des jeunes parce que c'est l'expertise que j'ai davantage, mais je connais bien l'action d'accompagnement auprès des autres citoyens, mais j'ai vu des jeunes très, très, très éloignés qui ne pouvaient pas se projeter dans l'avenir et, grâce à un accompagnement personnalisé, en partenariat, ont vécu un succès en emploi ou aux études.

Alors donc, il faut se ramener à cette expertise-là qui est présente. Je trouve qu'elle n'est pas suffisamment au centre de la table. Je veux ramener tout ça. C'est un partenariat qui est présent, qui va être accentué. Et, comme le disait le ministre un peu plus tôt, il faut voir vraiment l'opportunité qu'on donne à ces personnes aptes à l'emploi à répondre à un besoin de pénurie de main-d'oeuvre, mais d'une façon très souple, très respectueuse des personnes.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, Mme la députée de Fabre. Alors, toujours par alternance, monsieur... Est-ce que la deuxième opposition, ça va?

Une voix : Ça va très bien.

Le Président (M. Cousineau) : D'accord. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, pour 2 min 30 s, puis après ça j'irai au député de Richelieu, je crois. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, 2 min 30 s.

Mme Massé : Bien, je vais prendre la balle au bond. Je pense que ce que la Coalition Objectif Dignité vient nous dire, c'est que cette rencontre-là est importante pour que, justement, on soit capables... Et elle est tellement importante qu'on la souhaite, tu sais, dans le sens où on souhaite, tout le monde, faire en sorte qu'on puisse aider les personnes qui sont... L'enjeu n'est pas là. Ma collègue, je pense qu'elle a absolument raison. Il y a des groupes qui font un travail extraordinaire, il y a des gens de la fonction publique qui font un travail extraordinaire. L'enjeu, c'est qu'il faut qu'il y ait une rencontre. Alors, ça, je comprends. Les ressources vont être là. Bien.

Et l'autre enjeu, et c'est ça, l'éléphant dans la pièce, c'est le montant de base qui est coupé, c'est la sanction. C'est ça qui est l'enjeu. Et là, avec première absence, deuxième absence, troisième absence, «let's go», on fait du contrôle. On fait du contrôle. «Let's go», on contrôle.

Ce que la coalition, s'ils pouvaient venir échanger, dit : Prenons les gens du point de vue... à partir de la dignité qu'ils sont, leur autonomie, et, au lieu d'agir comme agent de contrôle, on va plutôt agir comme agent d'accompagnement. Et ça, ce que la coalition semble dire dans le document que je viens de lire avec attention, c'est qu'ils sont ouverts à cette idée-là.

Alors, là où le bât blesse, c'est la question de la sanction, pas la sanction de ne pas avoir accès au 103 $ de plus si on participe à la... c'est que notre montant de base soit coupé. On n'arrive pas avec 600 $, on n'arrivera pas avec 300 $. Alors, c'est pour ça que — parce qu'il doit me rester quelques secondes — je me dis : Il me semble que nous aurions intérêt, vraiment intérêt, collectivement à faire en sorte de pouvoir échanger avec ces gens-là qui l'ont fait, une proposition qui pourrait aller même dans le sens de rendre ça plus simple et que la personne a moins l'impression qu'il y a le contrôle qui est là pour une première absence, deuxième absence.

En tout cas, je redemande encore au ministre cette possibilité-là, puisqu'ils sont les experts.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. C'est tout le temps que vous aviez. M. le ministre, est-ce que vous voulez réagir avant de passer au prochain intervenant?

M. Blais : Bien, écoutez, moi, je comprends un peu la stratégie, mais je ne pense pas que la population serait contente de voir que les législateurs ne font pas leur travail.

Vous êtes législateurs, là. Ça fait 100 heures qu'on parle de ça. C'est le temps de nous dire qu'est-ce que vous voulez, qu'est-ce que vous êtes prêts à faire. Demandez-nous pas de rencontrer les gens, là, en ce moment, on est en train de... On en a rencontré, des gens, on a rencontré la coalition déjà. Donc, on n'est plus là, là. Maintenant, je pense vraiment qu'il faut que vous nous disiez où est-ce que vous voulez aller, hein, plutôt que d'aller un peu de cette façon-là où on ne comprend pas votre position. C'est vous qui êtes législateurs, alors prenez vos responsabilités, vous vous êtes présentés pour ça. Allez-y.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre.

Une voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : Un instant, s'il vous plaît! Merci, M. le ministre. Donc, je passerais maintenant la parole au député de Richelieu, en vous disant, M. le député de Richelieu, que vous avez 20 minutes.

M. Rochon : Merci, M. le Président. Au risque de décevoir le ministre, je ne pense pas que je vais utiliser mes 20 minutes. Je le vois sourire, je ne suis pas certain de lire la déception.

J'entends le ministre dire, devant la perspective d'une rencontre avec la coalition : On n'est plus là, là, on n'est plus là. Peut-être le problème fondamental est-il précisément qu'il ne soit plus là, qu'il ne soit plus à l'écoute. Et je vois ma collègue, dont malencontreusement, là, j'oublie le nom de la circonscription...

Une voix : Fabre.

• (17 h 10) •

M. Rochon : ...de Fabre, voilà, qui a travaillé au sein des carrefours jeunesse-emploi. Ces carrefours, ils sont à l'écoute des clientèles de gens jeunes souvent en difficulté, en marge, qui ont du mal à intégrer ou une formation ou l'emploi. Ils voient couramment des prestataires d'aide sociale. Et heureusement, dans les carrefours jeunesse-emploi, la réponse, quand ces prestataires, et les groupes, et les représentants leur demandent un entretien, ce n'est pas : On n'est plus là, là. Je crois que le ministre doit être là et je crois qu'il est dans l'intérêt du ministre qu'il soit là, qu'il est dans l'intérêt de l'avancement qu'il appelle de tous ses voeux du projet de loi et de son programme Objectif emploi.

Cette coalition a des propositions à faire au ministre. Elle a un scénario à lui proposer. Il est bien mal avisé, M. le Président, je trouve, en tout respect, de lui fermer la porte, à la coalition. Elle veut lui dire ce qui rendrait, pour elle, acceptable le programme Objectif emploi prévu par le projet de loi n° 70 parce que la version actuelle, elle suscite une telle opposition que les membres de la coalition estiment que le ministre ne peut avoir que de l'ouverture à écouter les bonifications qui peuvent lui être apportées.

La dernière chose que nous voulons, lance le co-porte-parole de la coalition, Serge Petitclerc, c'est le statu quo. Ça devrait être de la musique aux oreilles du ministre. La dernière chose que veut la coalition, c'est le statu quo. Cette coalition veut faire des propositions concrètes, elle en fait depuis près d'un an et elle souhaite lui soumettre un scénario nouveau, novateur, adapté à la réalité qu'elle connaît bien des personnes assistées sociales.

Ce que dit la coalition, c'est que le ministre doit renoncer à sa menace de couper dans les prestations de base, doit abandonner sa menace — quoiqu'elle a été brandie, je crois, par le premier ministre plutôt que par le ministre lui-même — du bâillon. Et ce qu'ajoute la coalition, c'est que le ministre doit saisir la perche qu'elle lui tend aujourd'hui.

M. le Président, encore une fois je soumets au ministre qu'il y a peut-être là, dans cet entretien sollicité, de quoi faire avancer les choses, de quoi répondre aux voeux qu'il réitère depuis maintes séances de travail de cette commission de faire avancer les choses.

Nous sommes, oui, des législateurs. Moi, par contre, je n'ai pas marché, même pas un kilomètre, dans les souliers d'un prestataire de l'aide sociale. Je n'ai pas connu ça. Beaucoup de ces gens ont connu ça, savent mieux que nous de quoi il en retourne, savent mieux que nous comment améliorer le sort des personnes en situation de vulnérabilité. En tout respect, M. le ministre, vous avez tort de ne pas les entendre. Et, avec le plus de solennité dont je puis être capable, je réitère que vous devriez les voir, que nous pourrions prendre une pause pour vous permettre de les rencontrer et reprendre ensuite les travaux. Vous saurez alors nous dire s'ils vous ont présenté un scénario pouvant ouvrir de nouvelles voies.

Le Président (M. Poëti) : Alors, M. le ministre.

M. Blais : J'ai déjà regardé le scénario. Je l'ai mentionné, là, c'est le statu quo 2.0, là. C'est vraiment cosmétique. C'est très loin de ce que l'on veut.

Mais, moi, ce qui m'intéresse, c'est vous, là. C'est vous, les législateurs. Vous vous êtes présentés à des élections, vous êtes députés maintenant. Comment vous voyez les choses? Qu'est-ce que vous voulez?

J'ai vérifié tout à l'heure si ma compréhension était bonne par rapport à l'obligation d'une rencontre d'évaluation de la situation des personnes avec des conséquences, bien sûr, si la personne ne se présentait pas. Je comprends que vous êtes contre. Bon, alors, on n'avance pas, là. On ne progresse pas, là. Mais ne me dites pas de rencontrer des gens. C'est avec vous que je veux travailler. Je n'ai pas le choix, vous êtes les législateurs.

Le Président (M. Poëti) : M. le député.

M. Rochon : Nous sommes en effet, M. le Président, des législateurs. Je préférerais dire : Nous sommes en effet, M. le Président, des députés qui travaillons à faire progresser des projets de loi, qui travaillons à l'adoption de lois. Nous le faisons par ailleurs avec au coeur les préoccupations des gens que nous représentons.

Alors, le député qui se coupe de ses concitoyens, à mon point de vue, il n'exerce pas le rôle pour lequel il a été élu, hein? C'est un représentant de la population. Et, dans le cas qui nous occupe, les personnes les plus vulnérables de la population québécoise verront leur vie affectée par les dispositions du projet de loi à l'étude.

Il me semble de notre devoir d'ouvrir l'oreille quand ils sollicitent un entretien pour nous présenter de nouvelles propositions. C'est notre devoir. Le ministre m'appelle au mien à titre de législateur, je l'appelle au sien, à titre de député de sa circonscription et de ministre sur l'ensemble du territoire québécois.

Le Président (M. Poëti) : M. le ministre.

M. Blais : Je pense que, si ma compréhension est bonne, nous sommes bien dans une commission et nous étudions en ce moment article par article à titre de législateurs. C'est bien ce qu'on fait?

Le Président (M. Poëti) : Exactement, M. le ministre.

M. Blais : Alors, faites votre devoir.

M. Rochon : Nous légiférons, M. le Président, nous légiférons si nous faisons bien notre travail avec en tête sans cesse à l'esprit, sans cesse au coeur les préoccupations des gens qu'affectent les projets de loi que nous étudions. Je fais mon travail. Les oppositions font leur travail.

Le ministre s'interroge sur ce que nous voulons. Nous l'avons pourtant exprimé à maintes reprises : nous voulons d'un projet de loi assorti d'un programme dont nous puissions être assurés qu'il améliorera le sort des clientèles concernées. C'est ça que nous voulons. Ce n'est pas très compliqué. Et nous doutons d'atteindre cet objectif d'améliorer le sort des personnes parmi les plus vulnérables au Québec avec un tel projet de loi.

Mais si nous parlions, M. le Président, de ce que le ministre veut? Est-ce que ce que le ministre veut, depuis mai dernier, c'est l'adoption à toute vapeur de ce projet de loi, ce que, dans le jargon politique, nous appelons le bâillon? Lui aussi pourrait, et ce serait utile à nos travaux si c'est ce qui l'anime, nous l'indiquer. Je comprendrai alors tout à fait qu'il n'ait rien à cirer de rencontrer les gens qui sollicitent le rencontrer.

• (17 h 20) •

Le Président (M. Poëti) : Je vais vous appeler à la prudence sur les termes. Vous êtes un homme de mots...

M. Rochon : Qu'il ne soit pas intéressé à rencontrer les gens qui souhaitent discuter avec lui.

Le Président (M. Poëti) : Merci.

M. Rochon : Alors, ma question, M. le Président : Le ministre veut-il en finir rapidement avec ce projet de loi? Il a fait entendre son impatience. Puis c'est correct, là. Je n'en suis pas affecté, là. Il nous a fait entendre son intention plusieurs fois depuis mai dernier. Peut-être, là, est-il exaspéré et veut-il que ça se termine ici? Aussi bien le dire, si c'est cela.

Le Président (M. Poëti) : M. le ministre.

M. Blais : M. le Président, je pense que la population va nous juger sur la qualité du travail que l'on fait ou qu'on ne fait pas ici. On va laisser la population juger.

Le Président (M. Poëti) : Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres interventions concernant l'amendement? Et, à l'article 83.1, s'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons passer aux voix.

M. Turcotte : M. le Président?

Le Président (M. Poëti) : Bien sûr, par appel nominal, j'imagine, M. le député de Saint-Jean?

M. Turcotte : Exactement. Vous suivez bien.

Le Président (M. Poëti) : J'ai quand même un peu de mémoire. Alors, Mme la secrétaire.

La Secrétaire : M. Turcotte (Saint-Jean)?

M. Turcotte : Pour.

La Secrétaire : M. Rochon (Richelieu)?

M. Rochon : Pour.

La Secrétaire : M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs)?

M. Schneeberger : Contre.

La Secrétaire : M. Blais (Charlesbourg)?

M. Blais : Contre.

La Secrétaire : Mme Sauvé (Fabre)?

Mme Sauvé : Contre.

La Secrétaire : M. Hardy (Saint-François)?

M. Hardy : Contre.

La Secrétaire : Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?

Mme Simard : Contre.

La Secrétaire : M. Drolet (Jean-Lesage)?

M. Drolet : Contre.

La Secrétaire : M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys)?

Le Président (M. Poëti) : Je vais m'abstenir.

La Secrétaire : C'est rejeté.

Le Président (M. Poëti) : Alors, nous allons revenir à l'article 83.1.

M. Rochon : M. le Président?

Le Président (M. Poëti) : M. le député de Richelieu.

M. Rochon : Je souhaite soumettre un amendement à cette commission, à l'article 83.1, qui aurait pour objet d'ajouter, à la fin du premier alinéa, la phrase suivante :

«Une personne qui refuse de participer, ne peut voir sa prestation de base sanctionnée.»

Le Président (M. Poëti) : Nous allons suspendre les travaux pour faire la copie de votre proposition d'amendement et nous allons l'étudier.

La séance est levée pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 23)

(Reprise à 17 h 27)

Le Président (M. Poëti) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. le député de Richelieu, si vous voudriez nous relire votre proposition d'amendement.

M. Rochon : Absolument. Alors, je souhaite voir ajouter à l'article 83.1, à la fin du premier alinéa, la phrase suivante : «Une personne qui refuse de participer — lire au programme Objectif emploi, là, pour que les gens qui nous suivent à l'audio soient capables de comprendre de quoi on parle — ne peut voir sa prestation de base sanctionnée.» Une personne qui refuse de participer ne peut voir sa prestation de base sanctionnée, alors au sens de réduite. On a utilisé «sanctionnée» parce que le ministre parle, c'est dans son vocabulaire, là, de sanctions.

Il reconnaîtra dans cet amendement la crainte la plus grande que nous portons à l'égard de ce projet de loi et de ce qu'il pourrait produire. Il pourrait produire, M. le Président... Si, parce qu'il y a manquement à la participation au programme Objectif emploi, des coupes sont effectuées dans la prestation de base elle-même, ce projet de loi pourrait produire des personnes, des Québécois et des Québécoises, des jeunes en situation de plus grande vulnérabilité encore. Et cette crainte que nous portons, nous ne sommes pas les seuls à en être habités. Il y a beaucoup d'experts qui ont dit la même chose que nous, qui ont écrit là-dessus. C'est documenté. Ces experts et expertes parlent notamment de jeunes qu'on risquerait ainsi de jeter à la rue dans des situations d'itinérance.

Et cet amendement, par ailleurs, je souhaite l'ajouter, il est calqué sur une proposition de la Coalition Objectif Dignité pour un programme Objectif emploi au service des gens, cette coalition que le ministre refuse de rencontrer parce qu'il n'en est plus là. Il n'est plus là, c'est ce qu'il nous a dit.

Je ne sais pas pourquoi il rit, là. Il rit parce que je l'ai bien compris, là, que notre doléance...

• (17 h 30) •

M. Blais : C'est l'effet de toge...

M. Rochon : ... à l'effet... Ah! l'effet de toge? Ah! d'accord. Alors, je vais compléter, là, j'ai bien compris tantôt, c'est pour ça que son ricanement m'interpellait...

M. Blais : Je m'excuse.

M. Rochon : Ce n'est pas du tout grave, ça m'a diverti. J'avais compris qu'il ne souhaitait pas les entendre. Alors, je voulais m'assurer que c'était bien le cas, là.

Alors, oui, cette coalition, donc, elle suggère ça au ministre. Elle lui dit, et je crois que ça marque un cheminement chez elle, elle lui dit : Bon, d'accord, opérons des coupes dans la bonification, hein, dans les incitatifs, là, pour l'adhésion et le suivi des démarches prévues au programme Objectif emploi, hein? Bien, on souscrit à ça. Faisons ça, mais ne touchons pas à la prestation de base.

J'aimerais entendre le ministre, peut-être vais-je être surpris et me dira-t-il qu'en effet lui aussi, en y ayant bien réfléchi, en faisant un peu de pétanque cet été...

Le Président (M. Poëti) : Alors...

M. Rochon : Il sait à quoi je fais allusion, M. le Président, c'est sympathique. C'est parce que...

Le Président (M. Poëti) : Oui, bien, si vous voulez savoir les loisirs du ministre, il pourrait les exprimer, mais si...

M. Rochon : Oui, oui, c'est parce qu'il me les a privément exprimés, M. le Président. Mais je reviens à plus de sérieux...

Le Président (M. Poëti) : Sérieusement, s'il vous plaît, juste pour être un peu plus sérieux.

M. Rochon : J'allais dire, M. le Président, que peut-être que, cet été, le ministre a repensé à tout ça et qu'en effet il en est arrivé à la même conclusion, là, que, je dirais, la majorité des experts, que de couper dans la prestation de base des prestataires, ce n'est pas une formule propre à leur donner plus de dignité et à améliorer leur sort.

Le Président (M. Poëti) : M. le ministre.

M. Blais : C'est la journée du statu quo, M. le Président, hein? Sous différentes formes, là, hein? C'est la journée du statu quo. Écoutez, juste réitérer, là, que, bien sûr, l'obligation pour nous est importante. C'est une norme presque internationale maintenant, là, de faire en sorte qu'il y ait des éléments de réciprocité, notamment pour les premiers demandeurs, pour les plus jeunes, parce qu'on a plus de chances, bien sûr, de les aider à développer le capital humain qui va les suivre toute leur vie. Et, quand on regarde le sens de cette obligation-là, bien, en tout cas, dans les cours de logique modale que j'ai pris quand j'étais plus jeune, il n'y a de sens à «obligation» que s'il y a des conséquences, il me semble, là, à ça.

Quand on regarde un peu le type de mesure que l'on a choisi comme conséquence, on est largement en dessous de la moyenne de ce qui se fait dans les pays de l'OCDE. On est largement en dessous de la moyenne de ce qui se fait même au Canada. Donc, je ne suis pas du tout gêné de la proposition que l'on fait. Je pense que c'est très raisonnable. L'idée, ce n'est pas d'avoir des sanctions fortes, mais c'est l'idée de vraiment, vraiment, là, sensibiliser très tôt les personnes qui arrivent à l'aide sociale qu'on veut les aider. On leur donne des bonifications qui sont, on l'a tous reconnu ici, qui ne sont pas négligeables, qui devraient avoir un apport, mais aussi on veut avoir un effet dissuasif pour que les gens, là, se maintiennent, là. Le problème que nous avons, c'est bien sûr de les maintenir jusqu'à la fin de leur parcours. Donc, on est dans le statu quo encore une fois, là, M. le Président.

Le Président (M. Poëti) : Parfait, M. le ministre. M. le député de Richelieu.

M. Rochon : Merci, M. le Président. Sur un aspect, le ministre aimera que nous soyons dans ce qu'il appelle le statu quo. Nous le sommes en ce qui a trait aux incitatifs. Nous partageons, nous partageons son point de vue que c'est une bonne initiative que ces incitatifs. Nous l'avons maintes fois répété et nous sommes toujours là. Nous sommes toujours là. Le ministre peut-il rappeler à cette commission, parce que, tant qu'on ne cite pas de chiffres précis, on a peut-être du mal à se faire un juste portrait de ce que veut dire une sanction lorsqu'elle atteint son degré le plus sévère, à quoi s'expose, au pire, un prestataire faisant défaut de participer au programme Objectif emploi? Au pire, à quoi s'expose-t-il? Je comprends, là, qu'après chaque faute il y a une nouvelle sanction. Alors, cumulons, là, les fautes et examinons le montant du chèque et ce dont il disposera pour vivre.

M. Blais : M. le Président, j'ai déposé nos intentions réglementaires à quelques reprises. Aujourd'hui, j'ai déposé un document, là, qui les reprend aussi, là, dans une forme que vous avez connue. Donc, vous voyez les bonifications, là, qui sont là, qui sont assez importantes. Je rappelle que des bonifications conduisent une personne assez facilement à se rapprocher, hein, du salaire minimum. Donc, je pense qu'on n'est jamais allé aussi loin, donc, dans le cas, là, d'une personne qui... Voilà, une personne seule, voilà les chiffres pour Objectif emploi, avec une bonification qui était de 260 $ parce qu'il est en développement de formation, compétences, ça fait que ce qu'il reçoit aussi... S'il travaille, donc, s'il va chercher 200 $ par mois de travail, ce qui n'est pas la chose la plus difficile, hein, en ce moment, je peux vous dire, je fais la tournée du Québec sur les besoins de main-d'oeuvre, là, vous savez comme moi, on recherche partout de la main-d'oeuvre, donc, ce n'est pas tellement difficile, la personne se retrouve quand même avec 1 200 $ par mois, 1 193 $ par mois. C'est 80 % du panier de consommation. Donc, ça n'a jamais été atteint, là, jusqu'ici, un montant aussi élevé, là pour un prestataire de l'aide sociale.

Le Président (M. Poëti) : M. le député de Richelieu.

M. Rochon : M. le Président, si vous avez écouté aussi attentivement que moi, vous aurez remarqué que le ministre n'a pas répondu du tout, du tout à ma question. En fait, il a vanté les mérites du programme Objectif emploi, et nous les vantons aussi. Nous ne trouvons pas à ce programme que des défauts, nous l'avons dit, je venais de l'exprimer. C'est habile. Là, il m'a dressé le portrait flatteur, le portrait flatteur, hein : 1 200 $ par mois. Si la personne travaille pour une prestation lui valant 200 $ mensuellement, bien, elle aura dans ses poches 1 293 $, c'est ça? 1 200 $?

M. Blais : 1 193 $.

M. Rochon : 1 193 $. Oh! j'en mettais un peu plus, vous voyez? J'enjolivais votre portrait. 1 193 $, bon.

Mais, moi, ce n'était pas ça, ma question. Moi, je m'interrogeais sur ce qu'aurait en poche, ce qu'aurait en poche une personne ayant eu l'obligation d'adhérer au programme Objectif emploi et qui n'y répondrait pas parfaitement, qui commettrait des impairs, qui négligerait des rendez-vous.

Alors, cette personne-là, avec quel revenu minimal pourrait-elle se retrouver après ces manquements successifs aux règles imposées par le programme Objectif emploi? C'est ce chiffre que je requiers, M. le Président.

• (17 h 40) •

M. Blais : Oui, oui, là, je comprends. Je viens de me rendre compte finalement que vous n'avez pas le document que j'ai déposé un peu plus tôt, hein, vous n'avez pas ce document-là qui, finalement, reprend le parcours, et là vous retrouvez tous les montants.

Ce qui est intéressant dans l'approche, hein, c'est que c'est une approche très, très progressive. Il faut vraiment quelqu'un, là, qui veut... bon, qui refuse vraiment toute participation à quoi que ce soit. Bien, à ce moment-là, on comprend que c'est son choix puis on le laisse avec son choix, mais, pour l'essentiel, hein, c'est très progressif. On commence par 52 $, puis, si la personne revient en parcours, décide de recommencer, décide de travailler sur le programme pour lequel elle s'est entendue elle-même au point de départ, à ce moment-là elle retrouve tous ses droits, ce qui est important parce que, quand on voit souvent des... Dans plusieurs législations, en général, c'est une coupure qui peut être d'un mois, deux ou trois mois complets. Mais on a choisi quelque chose de beaucoup plus faible comme montant, d'évolutif et avec toujours la capacité que ce soit révocable. Donc, vous avez l'ensemble des montants, là, ici, là, pour... selon les manquements possibles.

M. Rochon : M. le Président, peut-être ai-je été encore une fois inattentif. Je dis encore une fois parce que, la fois précédente, je n'ai pas entendu de chiffres. Cette fois-ci, je n'en ai pas entendu davantage. Mais je comprends que le ministre ne veuille pas donner le montant. Le montant, c'est 355 $ par mois, M. le Président, 355 $ par mois. Je comprends que le ministre ne veuille pas me le donner, le montant.

Alors, comprend-on, chez les gens qui nous suivent que nous insistions tant avec, aujourd'hui, cet amendement pour que le refus de participer ne puisse pas déboucher sur des sanctions appliquées à la prestation de base? C'est ça qui est prévu. C'est ça qui est prévu, des sanctions appliquées à la prestation de base, de sorte que quelqu'un fautif de plusieurs absences, là, hein, pourrait se retrouver avec en poche 355 $ par mois. Ça n'a pas de sens. Ça n'a pas de sens, M. le Président.

M. Blais : Et il faut parler à cette personne-là, hein, il faut comprendre que c'est son choix, là. À un moment donné, c'est son choix. Puis pensez aussi à la population, pensez à la population, qui dit : Écoutez, nous, on travaille. On fait des efforts. On est prêts à faire davantage pour les aider, mais, à un moment donné, si quelqu'un ne veut pas être aidé, c'est probablement qu'elle a un autre choix, une autre option. Elle décide, par exemple, d'aller chercher des revenus, etc. Donc, hein, c'est ça qu'il faut comprendre, là. Il y a un enjeu clair et simple de réciprocité.

La population nous demande de dire : Écoutez, on va faire un effort, on va continuer à les aider. On va investir davantage sur eux, on va leur donner plus de ressources, on va les accompagner. Et c'est difficile de croire que quelqu'un dit : Moi, non, je ne veux pas du tout être accompagné, mais je veux, par exemple, mon aide sociale sans faire aucun effort. Pour la population, c'est très difficile à comprendre, et ça, c'est une règle fondamentale dans la vie en société qu'on appelle la réciprocité. On s'attend à ce que tout le monde fasse un effort à la hauteur de ses capacités. C'est pour ça qu'on fait très attention, dans le projet de loi, pour exclure les personnes qui ont des contraintes sévères, pour exclure les personnes qui ne sont pas disponibles. Alors, ça, c'est un enjeu extrêmement important. Mais, fondamentalement, il y a une règle qui veut... Puis, je peux vous dire, moi, je fais la tournée du Québec en ce moment. Les gens me disent : Ne lâchez pas. Ne lâchez pas. C'est correct...

M. Rochon : Je suis sûr.

M. Blais : ...on peut faire ça. Vous faites bien d'aller plus loin, d'aller chercher tout ce qu'ils peuvent faire, d'essayer d'améliorer leur sort, de leur en demander plus. Quand on regarde, encore une fois, les bonnes pratiques internationales... Et les gens qui me disent ça ne connaissent pas les bonnes pratiques internationales. Moi, j'ai la chance de les connaître. Mais les gens me disent tout simplement intuitivement : C'est tout à fait normal. Si on vous demande, à vous, de faire un effort, on pense que cet effort-là, il est raisonnable et qu'il va donner des résultats. Et, clairement, ça donne des résultats, clairement, quand on regarde tous les pays, hein, qui sont dans des enjeux de réciprocité, tous ces pays-là, et on ne voit pas une augmentation de la pauvreté du tout, on ne voit pas une augmentation des personnes qui sont dans la rue, bien au contraire. Aucun rapport entre le fait d'être de droite ou de gauche et d'avoir des éléments de réciprocité dans sa politique sociale.

Le Président (M. Poëti) : M. le député de Richelieu.

M. Rochon : M. le Président, je ne sais pas si le ministre croyait qu'il allait m'étonner en disant que son discours est populaire chez les Québécois.

M. Blais : ...

M. Rochon : Ah! il croyait qu'il allait m'étonner? Il ne m'étonne pas du tout, M. le Président, pas du tout, du tout, du tout. De dire que, comme le ministre le fait, là, de dire : Bon, la personne qui va se ramasser avec 355 $ par mois, bien, c'est son choix, ça me paraît emprunter quelques raccourcis, quelques raccourcis. Je me méfie, M. le Président, de ces raccourcis, populaires, il est vrai, pour ne pas dire populistes, populaires, il est vrai.

J'ai une autre question parce que, si le ministre n'a jamais marché, comme moi, d'ailleurs, un kilomètre, à moins qu'on ne connaisse pas une partie de sa vie, là, dans les souliers d'un prestataire d'aide sociale avec 625 $ par mois, il s'est intéressé, et je crois que nous pourrions, à ce titre, le qualifier d'expert, au revenu minimum garanti. Nous pourrions dire, je crois, qu'il est un expert de cette question. 355 $ par mois, cela peut-il être considéré comme un revenu minimal raisonnable? Question au ministre expert de cette question.

M. Blais : Je m'excuse. J'étais en train de vérifier, là, je n'ai pas compris la question. Je m'excuse.

M. Rochon : La question : Je référais à votre intérêt pour le revenu minimum garanti et je me demandais si 355 $ pouvait être considéré comme un revenu minimum acceptable mensuellement.

M. Blais : J'ai déjà mentionné que, quelle que soit la forme de revenu non garanti, et l'aide sociale est vraiment une des plus difficiles parce que c'est une forme assez stigmatisante dans laquelle il y a un piège de pauvreté évident, l'aide sociale n'a pas été faite, je l'ai déjà mentionné, pour des personnes sans contraintes à l'emploi, elle a été pensée pour des personnes qui avaient des contraintes à l'emploi. Aujourd'hui, on se retrouve à peu près avec 60 % de personnes, si ma mémoire est bonne, je ne veux pas faire d'erreur, mais à peu près 60 % de personnes qui sont sans contraintes, je crois, autour de ça. Et, bien sûr, là, tout l'enjeu de ce type de revenu non garanti que nous avons aujourd'hui, qui en est une forme, bien sûr, c'est l'incitation au travail des personnes qui sont aptes. C'est un enjeu qui est aussi vieux que le programme lui-même.

Donc, l'important, là, c'est de faire évoluer le programme. Et, bien sûr aussi, on le souhaite, faire évoluer l'aide sociale vers une autre forme de revenu minimum garanti qui serait un peu plus universelle, un peu plus inclusive.

M. Rochon : M. le Président...

Le Président (M. Poëti) : M. le député de Richelieu.

M. Rochon : ...à moins que le ministre n'ait pas terminé sa réponse... Vous avez terminé? Vos travaux sur le revenu minimum garanti ont-ils évolué au point de vous conduire à identifier ce que pourrait être ce revenu au Québec ces années-ci, là, en 2016? Ou, si ce n'est pas précis, j'aimerais entendre une approximation de votre part, si vous avez envie de me la donner, là, pour enrichir nos discussions.

Le Président (M. Poëti) : M. le ministre.

M. Blais : Non, là, je pense qu'on n'enrichit plus les discussions, là, je pense qu'on s'éloigne du sujet, M. le Président.

Le Président (M. Poëti) : Parfait. Alors, est-ce que vous avez une autre question, M. le député de Richelieu?

M. Rochon : Non, j'ai plutôt, M. le Président, une observation. Le refus du ministre de souscrire à l'amendement à l'effet que la prestation de base ne puisse être réduite démontre qu'en effet nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde que lui. Il ne paraît pas partager nos craintes que cela conduise de jeunes Québécois et Québécoises dans une pauvreté plus grande encore que celle que beaucoup d'entre eux, là, vivent aujourd'hui.

Le Président (M. Poëti) : M. le ministre.

M. Blais : Il faut rappeler, M. le Président, que le but d'Objectif emploi, c'est de sortir les gens de la pauvreté, hein? Donc, c'est vraiment, là... Et tout le monde reconnaît ici que l'aide sociale, c'est la pauvreté, hein? Donc, ce but, c'est d'en sortir le plus possible, d'avoir un impact positif sur la sortie de l'aide sociale, vers un retour éventuel dans la société, dans le marché du travail, etc. Moi, je constate encore une fois qu'on tourne en rond, M. le Président. On laissera la population juger la qualité de nos travaux.

Le Président (M. Poëti) : M. le député de Richelieu, pour quatre minutes.

• (17 h 50) •

M. Rochon : Une observation, là, pour bien démontrer qu'à mon point de vue on ne tourne pas en rond. C'est une expression que j'ai entendue chez un chef de parti qui n'est pas le sien, d'ailleurs. Peut-être y a-t-il une parenté, une parenté intellectuelle ou politique. On ne tourne pas en rond parce que tout le pan des incitatifs, ces voies que le programme Objectif emploi ouvre vers l'acquisition de compétences, la formation, l'accès au marché du travail, nous les applaudissons. Nous applaudissons tout un pan du projet de loi, tout un pan du projet de loi, et nous exprimons, et il nous semble notre devoir de l'exprimer, même si peut-être le contrediscours, celui que tient le ministre, là, le contrediscours au nôtre est plus populaire, plus populiste, nous estimons avoir le devoir d'exprimer ces craintes. Nous sommes animés de l'idéal d'un Québec plus juste, plus juste. Je ne trouve pas que c'est un vilain idéal comme je ne trouve pas, par ailleurs, que la volonté, dont je ne doute pas, du ministre de sortir des gens de la pauvreté en leur ouvrant les voies que j'ai mentionnées tantôt, auxquelles sont assortis des incitatifs financiers, hein... Ça aussi, hein, ça aussi, ça procède de quelqu'un qui a aussi cet idéal d'un Québec plus juste, hein, où il y a moins de gens dont le sort est presque pitoyable.

Il me semble que nous pourrions nous rencontrer en quelque part, il me semble. Et c'est pour ça que j'ai beaucoup regretté et que je vais à nouveau le faire, au risque d'avoir l'air de radoter, là, que le ministre ne veuille pas rencontrer les gens de la coalition, là, parce qu'eux, ils faisaient un bout de chemin. Ils ont des propositions, et c'est en entendant les contre-arguments que notre pensée évolue. La leur a évolué, la vôtre, c'est le statu quo. Vous nous reprochez un statu quo que vous incarnez, que vous incarnez. Je ne le dis pas du tout méchamment, M. le ministre, là, ce n'est pas ça, là. Je ne veux pas qu'il vous paraisse que je fais ici de la politique. Je mets vraiment, là, mes tripes sur la table, là. J'ai vraiment, vraiment, là, des craintes à l'égard du sort des jeunes Québécoises et des Québécois frappés par des sanctions. Même si vous me dites : C'est leur choix, bien, c'est leur choix, mais ils seront dans la rue après, là, puis on leur a dit : C'est ton choix. Ce n'est pas...

Le Président (M. Poëti) : Merci, M. le député de Richelieu. Malheureusement, vous avez utilisé le temps qui vous était alloué.

M. Rochon : Parfait, M. le Président.

Le Président (M. Poëti) : Alors, M. le ministre.

M. Blais : Oui. Donc, moi, quand je dis : On tourne en rond, là, je ne vous reproche pas... Vous avez le droit d'être en désaccord, hein? C'est le jeu démocratique. Vous avez le droit d'être en désaccord. Vous avez peut-être des raisons partisanes, ou des raisons de clientèle, ou des raisons de fond. Donc, je vous laisse ça à vous, bien sûr, mais on tourne en rond, c'est ce que je veux dire. Puis les gens qui nous écoutent savent qu'on tourne en rond. Plein de gens ici, dans la salle, des fonctionnaires, etc., qui sont ici depuis des heures, qui nous accompagnent... Puis, à un moment donné, encore une fois, ce n'est pas votre droit à être en désaccord, puis, à la limite, je le respecte, là, bon, si vous pensez que c'est la bonne position à prendre, mais je constate, là, en tous cas, de plus en plus qu'on tourne en rond.

Deuxièmement, sur le statu quo, ce n'est pas une attaque, disons, moralisatrice. Ce que je veux dire, c'est que ce que vous proposez, essentiellement, hein, ma compréhension, c'est à peu près ce qui existe déjà. Et, en ce sens-là, ce qui existe déjà, je pense que nous, on veut passer à autre chose, voilà.

Le Président (M. Poëti) : Merci, M. le ministre. M. le député de Rimouski, la parole est à vous.

M. LeBel : Oui, c'est sûr que le travail parlementaire a ses règles, puis on essaie de passer nos idées. On a des opinions là-dessus. On a des objections de fond. On a une vision de ce que ça devrait être, la lutte à la pauvreté, et on pose des questions, et on est minoritaires ici, vous êtes majoritaires. Vous pouvez nous casser sur chacune des propositions qu'on amène, et nous, on a un règlement qui nous permet de vous poser des questions puis essayer de vous convaincre.

En même temps, il faut juste qu'on... M. le ministre, on a eu beaucoup de mémoires qui ont été déposés, beaucoup de gens, des spécialistes qui ont parlé dans les journaux, des gens proches de vous qui ont déposé des mémoires, des professeurs, des spécialistes. À chaque fois, vous leur avez dit : Ils manquent de rigueur ou ils ne connaissent pas vraiment ça. À chaque fois, vous avez amené ça, puis après ça, là, vous dites qu'on tourne en rond. C'est sûr qu'un gouvernement majoritaire peut dire que c'est moi, le roi, tu sais, c'est moi qui ai raison. C'est sûr que vous pouvez. En bout de ligne, c'est ça, le bâillon, là, c'est ça, dire : C'est moi qui ai raison, puis tout le monde autour n'ont rien compris.

Nous, ce qu'on essaie... Puis on sait, là, il y a plein de collaborateurs derrière vous, là, qui sont là puis qui vous aident à répondre à des questions, puis on sait tout ça, mais la démocratie, c'est d'aussi de nous entendre. Puis la démocratie, c'est d'aussi d'entendre les gens dans la population qui ont des idées puis qui passent à travers nous autres pour vous les amener. Vous pouvez, vous aussi, c'est votre droit, dire que ça manque de rigueur on tourne en rond puis qu'ils ne connaissent pas vraiment ça puis ils ne savent pas ce que c'est. Vous avez le droit d'avoir votre jugement sur les gens qui proposent des choses, qui ne sont pas d'accord avec vous, mais, en bout de ligne, c'est quoi? Vous ne pouvez pas remettre en question aussi notre volonté de... On pense que, pour améliorer la situation de ces gens-là, il y a une affaire qui est fondamentale, c'est des gens qui sont à l'aide de dernier recours, puis on pense que, pour les mobiliser, on n'a pas besoin d'y aller avec la brique puis avec des sanctions. On pense qu'il y a moyen de mobiliser le monde autrement.

Puis, sur certains éléments, on se rejoint, mais, quand on arrive aux sanctions puis qu'on arrive à la conclusion que la seule façon de ne pas échapper des personnes, c'est de leur imposer des sanctions parce que, par ça, on est sûrs qu'ils vont participer... Puis je comprends, là, puis là, d'une façon plus politique, je comprends, là, votre ligne de dire : Les gens à l'aide sociale, là, ils ont de l'argent de l'État. S'ils veulent... il faut que ça aide, il faut qu'ils viennent s'aider. Ça, là, je comprends cette ligne-là, là, mais c'est une ligne populaire qui va rentrer dans les salons partout. Ça, je le sais bien, puis on le sait, puis là ce n'est pas pour rien que le premier ministre a tout de suite amené l'idée du bâillon, parce qu'il sait que cette ligne-là peut bien passer. Mais je pense que comme législateurs, comme élus, on doit être capables d'aller plus loin que ça puis on doit être capables de proposer une vraie vision de ce qu'on veut avoir comme société puis comme... qu'est-ce qu'on veut donner comme aide aux personnes qui sont au dernier recours, et ça, ça prend de l'écoute, ça prend de l'ouverture d'esprit. Merci.

M. Blais : Je pense qu'on recherche tous, M. le Président, hein, une diminution de la pauvreté. Les sanctions, ce n'est pas du tout une finalité, c'est un moyen, hein, ce qui est la finalité, c'est la participation, c'est ça, c'est hausser le taux de participation qui est extrêmement faible au Québec, et pour ça, ce qu'on nous dit, les bonnes pratiques dans le monde, c'est de bonifier, sécuriser les gens, encadrez-les, mais aussi rappelez-les qu'il peut y avoir des conséquences, là, si jamais, là, ils s'éloignent. Et des pays qui ont un taux de succès plus important que nous dans la lutte contre la pauvreté, hein, utilisent aussi la réciprocité et le font très bien. Ils ont d'autres mesures aussi, j'en suis sûr. Il y a beaucoup d'autres mesures pour lutter contre la pauvreté, mais ce programme-là, c'est vraiment une lutte contre la pauvreté et contre l'exclusion sociale.

Le Président (M. Poëti) : Merci, M. le ministre. Y a-t-il une autre intervention? Donc, s'il n'y a pas... Oh! Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques?

Mme Massé : Pardon? Oui, c'est à mon tour?

Le Président (M. Poëti) : Oui.

Mme Massé : O.K. C'est parce que je n'ai pas entendu ce que vous avez dit. Pardon.

Le Président (M. Poëti) : Ah! mais vous pouvez débuter.

Mme Massé : Oui. Bien, en fait, cette question-là de réciprocité... Je vais y aller d'une petite question parce que le temps file. Quand vous dites réciprocité, M. le ministre, qu'est-ce que vous voulez dire exactement?

Le Président (M. Poëti) : M. le ministre.

M. Blais : En politique, il y a différents types de réciprocité. Il y a des conceptions de la réciprocité qui sont problématiques, du type à chacun selon son effort. C'est probablement parce que...

Le Président (M. Poëti) : M. le ministre, je dois vous arrêter.

Compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux à 19 h 30.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 20 h 1)

Le Président (M. Cousineau) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 70, Loi visant à permettre une meilleure adéquation entre la formation et l'emploi ainsi qu'à favoriser l'intégration à l'emploi.

Avant la suspension des travaux, nous avions commencé l'étude de l'amendement proposé par M. le député de Richelieu. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques avait posé une question au ministre, qui n'avait pu compléter sa réponse. Ainsi, M. le ministre, la parole est à vous. Peut-être nous rappeler, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, la question que vous aviez posée, et puis on demandera au ministre s'il peut faire un petit ajout à sa réponse.

Mme Massé : Oui, puis c'est parce qu'il avait à peine eu le temps de commencer. Alors, ça va bien. Alors, je demandais, parce que le ministre nous a parlé souvent de la réciprocité, ce principe de réciprocité, alors je lui demandais rapidement qu'est-ce qu'il entendait par «réciprocité».

Le Président (M. Cousineau) : Oui, M. le ministre.

M. Blais : Bien, c'est un concept assez important dans les sociétés politiques, mais il y a plusieurs définitions possibles, et ces définitions-là définissent un peu votre orientation politique et idéologique. Dans l'histoire, il y a eu : À chacun son travail, à chacun son talent. À chacun son travail, c'est Karl Marx, bien sûr. C'est une formule assez malheureuse de Karl Marx, mais, bon, qu'il a oubliée par la suite, là. À chacun ses talents, à chacun ses capacités. Dans le fond, si on essayait de voir le principe de réciprocité qui est implicite dans le projet de loi, c'est à chacun selon ses capacités ou l'idée que, si vous avez une capacité, même petite, modeste, vous devriez pouvoir contribuer modestement. Et on va même vous donner plus que ce que vous contribuez, même à la société, simplement pour vous appuyer.

Donc, il est assez implicite dans le projet de loi, c'est clair, et c'est un principe... On n'a pas besoin d'avoir suivi des cours de philosophie pour que... La population sent ça, un peu, bon, parce qu'ils ont l'impression que chacun fait son effort puis a des points de vue très différents. D'ailleurs, on se divise un peu entre nous sur ces questions-là, de savoir... Mais l'idée qu'on peut demander un effort, une contribution, même à quelqu'un qui a une vie difficile, en contrepartie, bien sûr, des ressources qu'on met à sa disposition, c'est une idée qui est largement partagée.

La raison pour laquelle Objectif emploi, quand j'en parle, est si... disons, a autant d'appuis, surtout dans le contexte actuel où il y a vraiment une pénurie... une pénurie, en tout cas, une rareté de main-d'oeuvre de plus en plus importante, là, dans toutes les régions du Québec... Et si vous n'aimez pas le concept de réciprocité, vous pouvez aussi vous rabattre, pour justifier moralement, là, ou du point de vue de l'éthique publique un projet comme Objectif emploi, sur la notion davantage d'«empowerment», c'est-à-dire l'idée qu'on doit parfois contraindre les personnes dans certaines circonstances à améliorer et à développer leur capital humain. On le fait spontanément puis on est tous d'accord, par exemple, pour que l'instruction soit obligatoire dans la société, en tout cas jusqu'à un certain seuil, puis on pense que c'est une contrainte qui est légitime.

Alors, c'est un peu dans cette filière-là qu'on peut dire : Bien, quand vous êtes jeune, vous avez vraiment un espace de temps pour développer le capital qui va vous accompagner tout au long de votre vie. Et ça, c'est très démontré. C'est pour ça qu'Objectif emploi, là, essaie de réconcilier à la fois la recherche de l'efficacité, ça va fonctionner, peut-être pas pour tout le monde, mais ça va fonctionner beaucoup mieux que ce qu'on a aujourd'hui, mais aussi une certaine idée de justice, de réciprocité ou encore d'«empowerment» entre la société et puis les nouveaux bénéficiaires de l'aide sociale.

Mme Massé : Merci. J'imagine que je peux parler, oui? Mon micro est allumé, alors je vais parler.

Le Président (M. Cousineau) : Allez-y, Mme la députée.

Mme Massé : C'est bon?

Le Président (M. Cousineau) : Oui. Allez-y, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Mme Massé : Parfait. En fait, c'est bien ce que j'intuitionnais, à vous entendre parler et à la lecture du projet de loi, que, dans le fond, la question de réciprocité est quelque chose — et vous avez employé le terme «contraindre» — qui nous permet de dire : Bien, dans le fond, quand on est dans la position dans laquelle vous êtes et ce que vous défendez, c'est que, dans le fond, nous, socialement, on vous soutient. Alors, faites quelque chose pour nous autres.

Ce qui me tanne un peu dans ce concept de réciprocité là ou, en tout cas, de comment vous l'entrevoyez, puis vous n'avez pas tort, peut-être que, dans le fond, il y a différentes façons de concevoir la réciprocité, mais, moi, ce qui m'ébranle beaucoup et, dans ma responsabilité de législateur, là où je pense qu'on ne voit pas le principe de réciprocité de la même façon... par exemple, je suis éberluée de voir qu'on adopte des lois qui permettent l'évasion fiscale, qui ne rendent pas illégale l'évasion fiscale, que la contribution, elle est... que ces entreprises-là, vous l'avez dit, hein, que chacun y aille selon ses capacités. Alors, l'évasion fiscale, bien souvent, c'est des entreprises qui ont des grosses, grosses, grosses capacités. Alors, notre légifération, les lois qu'on met sur pied permettent ces évasions fiscales là. Et ça, on dit : Bien là, là, on n'est plus là. Ça, c'est légal, c'est correct.

Oh! non, je n'ai pas dit... J'ai dit l'évasion fiscale? Excusez-moi, M. le ministre, l'évitement fiscal. Excusez-moi, je me suis fourvoyée avec le «ev». Alors, l'évitement.

M. Blais : ...

Mme Massé : Ah! c'est ça, il y en a qui appelle ça de l'optimisation fiscale. Moi, ce que je me rends compte en bout de ligne, ça fait qu'il n'y a pas assez d'argent dans notre portefeuille collectif pour assurer les systèmes collectifs qui sont les nôtres et qu'on a toujours voulu avoir ici, au Québec.

Alors, c'est sûr que la réciprocité, ce que je comprends, c'est qu'on peut avoir des perspectives différentes. Par exemple, quand on décide que, bien, coudon, en matière de réciprocité, c'est vrai qu'il y a du monde qui, câline, ils ne contribuent pas bien, bien, bien gros. Ça s'appelle... je vais appeler ça aisément les banques, hein? Les banques, c'est clair, avec les milliards qu'ils font de profit annuellement, ces banques-là, quand il y avait une taxe sur leur capital, leur bien en capital qui nous permettait de ramasser quelques millions de dollars par année, quelques centaines de millions de dollars par année, bien là, le concept de réciprocité n'est plus tout à fait le même parce qu'on a aboli cette taxe-là, ce qui fait qu'on se prive de revenus, etc.

Ça fait que c'est sûr que moi, je veux bien, là. Je n'ai peut-être pas fait d'études en philosophie, je n'ai peut-être pas de bac en sociologie, mais, en humanité, j'en ai une couple. Puis une chose qui est évidente, c'est que la réciprocité, elle ne peut pas toujours être pour contraindre les pauvres, pour s'assurer que les pauvres, eux autres, fassent leur part. Ça ne se peut pas, ça. Et, moi, ce qui me frappe, puis là, bien, c'est vrai, là, vous le savez, c'est ma collègue qui est la spécialiste de ce dossier-là, ce n'est pas moi, mais je me suis quand même... pendant que je mangeais, je soupais, je me suis aussi abreuvé à des études et à des gens qui réfléchissent à cette question-là depuis plus longtemps que moi, en tout cas dans le cadre du projet de loi n° 70...

Puis une des choses que vous nous dites essentiellement, c'est que, si on contraint, hein... la notion de punition, là, de sanction, si on contraint, si on dit aux gens : Regarde, tu n'as pas le choix... Bien, oui, tu as le choix. Tu as le choix, dans le fond, de vivre dans la rue. Regarde, c'est un beau choix, ça. Tu n'as pas le choix. Si tu veux avoir ton chèque complet, bonifié, l'incitatif, qui est l'approche que le Québec a globalement toujours privilégiée dans les 30 dernières années, ce choix-là, si tu le fais... si tu ne le fais pas, pardon, on va te pénaliser et on va te couper après, bon, tout ce que vous nous avez expliqué ici, dans le tableau, là. Après un certain nombre d'absences, là, on peut arriver à te couper jusqu'à la moitié de ton chèque.

• (20 h 10) •

Cet aspect-là coercitif, ce que moi, je découvre, c'est que, d'une part, au Canada, ce n'est pas vrai que c'est tout le monde, hein? Il y a le Québec, à part un bref épisode dans notre histoire, qui a opté pour la stratégie de la coercition et Terre-Neuve qui n'a pas de stratégie de ce type-là. Québec est même plus que ça, on a opté pour une stratégie de stimuler, de susciter l'intérêt de la personne, que ce soit intéressant de faire les programmes, etc. Bien, quand je regarde les courbes, il se passe un phénomène que vous ne pouvez pas nier, M. le ministre, qui est le phénomène qui s'appelle la médicalisation de l'aide sociale. Puis là, là, pour faire simple pour les gens qui nous écoutent, là, c'est à partir du moment où tu rentres à l'aide sociale et que tu es considéré comme pas apte au travail, tu te retrouves dans une catégorie, et là, collectivement, on te soutient, on te donne un chèque de 900 quelque piastres, on te soutient.

Mais il y a toute une catégorie qu'on qualifie d'apte au travail. Dans la catégorie apte au travail, c'est ces gens-là que vous visez par le projet de loi de façon spécifique en disant : Bien, si vous êtes apte au travail et que vous êtes premier demandeur, nous, sur la base de la réciprocité, peu importe pourquoi vous êtes rendu à l'aide sociale, là, hein — tantôt, je vous ai donné, listé une série de raisons qui fait que tu es à l'aide sociale, O.K. — peu importent les raisons pour lesquelles tu es à l'aide sociale, on te dit : Si tu n'acceptes pas, on te coupe de moitié.

Les endroits qui ont été le plus coercitifs au Canada, que ce soit en Alberta, en Ontario, en Colombie-Britannique, qui, entre 1996, grosso modo, milieu des années 90 jusqu'à aujourd'hui... qu'est-ce qui s'est passé de cette coercition? Bien, ce qui s'est passé, c'est qu'effectivement il y a eu une diminution des aptes au travail. Ah! il y a eu une augmentation des inaptes au travail, ce que l'auteur de l'article appelle la médicalisation de l'aide sociale, hein? Les gens, se voyant devant ce choix-là et sachant qu'ils ne sont pas capables d'y arriver pour toutes les raisons que j'ai nommées dans ma première intervention, bien, ils vont tout faire pour être reconnus, et là donc de s'exclure de façon importante du marché du travail en allant vers la médicalisation.

Et ce qui est fascinant, quand je regarde les tableaux, je... en fait, c'est une étude qui a été faite par David Deault-Picard, qui est un chercheur, ce qu'on se rend compte, c'est qu'au Québec il n'y a pas eu de mesures coercitives, sauf, au début des années 2000, un bref temps. Ce qu'on remarque, c'est qu'il y a eu une diminution des gens dits aptes au travail, et les gens non aptes au travail, ça a été stable.

Alors, moi, je ne comprends pas pourquoi on veut appauvrir du monde en se faisant accroire collectivement et en faisant accroire à nos concitoyens que, si on les contraint par principe de réciprocité, si on les contraint, bien, ça va marcher mieux parce que, M. le ministre, ce que ça nous dit, c'est que ça ne marche pas mieux. Les endroits au Canada, puis je ne vais pas à l'autre bout du monde, là, qui ont utilisé ces méthodes de contrainte, ce qu'on remarque, c'est qu'il y a effectivement une diminution des gens aptes au travail, mais une augmentation importante, hein, même, là, en Alberta, jusqu'à 185 % d'augmentation, des gens qui sont considérés comme inaptes au travail. Alors là, je me dis...

Ah oui! Puis ça, c'est une autre affaire où j'avais une question parce que ce que je comprends, là, c'est la question du travail. Vous avez dit que vous avez fait le tour du Québec, puis là vous avez rencontré des gens, puis les gens vous ont dit : Oui, c'est une bonne affaire, l'aide sociale. Amenez-nous ces gens-là qui sont à leur première demande parce que... bien, parce que c'est des gens qui travaillaient. Généralement, quand ils sont à leur première demande, ils sont... hein, ils sont ce qu'on appelle proches du marché du travail, des gens qui travaillaient, des gens qui sont des nouveaux arrivants pour plusieurs, des gens qui sont... des femmes qui sont victimes de violence conjugale, des gens qui ont fait une dépression. Bon, regardez, on les connaît, les raisons. Bien, enfin, j'imagine que vous les connaissez. Et les gens... Il y a donc, en arrière de votre vision, une valeur du travail.

Je sens que le travail, là, c'est le travail dans le sens du travail tel que défini de... je reprendrais probablement une définition du type de se lever le matin puis aller gagner sa croûte, hein, genre de même, là. Si, ton travail, c'est de survivre, de garder ta santé mentale, si ton travail, c'est d'assurer tes parents, tes enfants, qui n'est pas un travail, en fait, si je comprends bien, là, la notion de travail que vous amenez ici. Mais, si cette valeur-là du travail est vraiment importante, M. le ministre, puis je le pense qu'elle l'est parce que vous me l'avez dit, là, que, dans la réciprocité... c'est que, si on donne de l'argent à ces gens-là, bien, il faudrait bien qu'ils nous donnent quelque chose en retour. Bien, pourquoi, dans ce cas-là, ne pas juste augmenter la possibilité, maintenant, là, depuis...

Ça, je dis ça pour tout le monde, là. Peut-être que vous ne le savez pas, là, mais, depuis 1996 au Québec, la possibilité pour une personne assistée sociale de faire un revenu de travail de 200 $ par mois n'a pas été augmentée. Si on trouve le travail important, si on veut que ces gens-là sortent de la pauvreté, pourquoi on n'a pas pris ce moyen-là, tout simplement, pour leur permettre non pas de diminuer leurs revenus s'ils ne sont pas fins, mais de bien augmenter leurs revenus quand ils contribuent à la hauteur de ce qu'ils ont besoin... à la hauteur pas de ce qu'ils ont besoin, mais de ce que c'est possible? Alors, ça aussi, je me pose des questions sur cette dimension de... parce que je n'ai vu nulle part dans le projet de loi où vous vouliez augmenter la possibilité pour ces gens-là d'avoir un revenu de travail de plus que 200 $ par mois.

Et donc ce que je me rends compte avec le peu de temps que j'ai pu passer avec vous, c'est que vous dites que c'est nous qui voulons le statu quo. Moi, là, le statu quo... Ici, les chiffres que j'ai devant moi, là, qui sont extraits de l'étude que je vous ai parlé tantôt, O.K., c'est les sources de Federal-Provincial-Territorial Directors of Income Support. Ce n'est pas Québec solidaire, là, qui a fait ces chiffres-là. Ce qu'ils nous disent essentiellement, c'est qu'au Québec il y a une diminution, depuis 1997, des personnes à l'aide sociale. Aptes au travail, il y a 50 % moins de personnes, et les gens pas aptes au travail, on a maintenu la courbe, on a plus ou moins 4,6 % de plus de personnes qui ne sont pas aptes au travail. Alors, si la formule marche, parce qu'elle marche, elle a marché, pourquoi vouloir punir? Je ne comprends pas la punition, M. le ministre.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. M. le ministre, est-ce que vous...

M. Blais : Comme j'ai déjà mentionné, là, la punition, ce n'est pas vraiment... Il n'y a personne, hein, qui a ça comme projet de société, ni vous ni moi, là. L'important, c'est d'augmenter la participation à des mesures parce que le taux de participation est assez faible. Je vous rappelle qu'effectivement il y a une diminution, hein, de la proportion d'aide sociale au Québec. Il faut s'en réjouir. Elle est corollaire à la diminution du chômage, essentiellement. Et par ailleurs on a une surreprésentation de la population à l'aide sociale au Québec quand on compare avec les autres provinces ou à peu près, là, toutes les autres provinces.

Je pense que le... La valeur du travail, je fais toujours attention à ce terme-là parce que je préfère parler en termes d'autonomie économique. Je pense qu'on souhaite tous et on a des raisons de souhaiter que les personnes soient les plus autonomes sur le plan économique, qu'elles puissent répondre convenablement à leurs besoins, de la façon dont ils définissent leurs besoins.

Sur les chiffres que vous m'avez parlé, là, sur... Je pense, c'est la Colombie-Britannique, l'Alberta. Je vais regarder ça, là, on m'a fourni la recherche. Il ne faut pas hésiter à dire que le fait qu'on fait si peu au Québec... Donc, on est vraiment dans une culture du laisser-faire par rapport à l'aide sociale. On fait très, très peu de choses. On est très peu interventionnistes. Les gens viennent s'ils veulent ou ils ne viennent pas, tout ça. Ça entraîne aussi probablement un sous-diagnostic de personnes qui ont des difficultés de santé, d'ordre mental ou d'autres problèmes.

Et bien sûr, quand vous commencez à rencontrer les gens puis, bien sûr, compte tenu des contraintes qu'il y a... Je ne pense pas que les gens s'inventent des maladies en Colombie-Britannique ou s'inventent des maladies en Ontario. Je ne pense pas que c'est possible d'inventer des maladies. Il y a probablement aussi un problème de sous-diagnostic. Et le jour où on se met à rencontrer les gens puis à... bon, on peut les diagnostiquer. Et, si c'est le cas, bien, c'est un des avantages aussi d'Objectif emploi de pouvoir toucher ces personnes-là, de les rencontrer et de se rendre compte qu'effectivement il y a un problème. Ça ne veut pas dire qu'ils doivent rester dans la rue comme aujourd'hui. Peut-être qu'ils doivent être pris en charge de différentes façons. Et qu'il y ait une augmentation du nombre de personnes inaptes liée peut-être à ça, ça n'apparaît pas nécessairement une mauvaise chose. Il faudrait voir exactement les chiffres.

Je veux simplement dire qu'en ce moment il y a un sous-diagnostic et que les gens ont des droits qu'ils ne peuvent pas faire respecter ou qui ne sont pas reconnus comme tels.

• (20 h 20) •

Mme Massé : Moi, j'en suis. J'en suis de cette idée parce que, moi, ce que j'ai confronté le plus dans les 25 dernières années, c'est des gens qui voulaient rencontrer des agents, mais qui ne pouvaient pas, un, parce qu'on a fermé les bureaux, ils sont rendus loin, deux, parce que ça se passait au téléphone... bien, en tout cas, ça, c'est un petit peu plus tard dans le processus. Trois, c'est parce qu'on ne pouvait même pas avoir un rendez-vous.

Ça fait que c'est sûr que ce que vous semblez me dire... mais je ne suis pas à même... je reconnais potentiellement mon ignorance, là, je ne suis pas à même de dire oui ou non. Ce que vous me dites, c'est : Si on se met à les rencontrer, on va être capables de découvrir, là, des gens qui sont sous-diagnostiqués. O.K. Moi, sincèrement, grosso modo, les gens...

M. Blais : ...dire là-dessus. Je vais faire attention. Je veux dire, les agents, quand on les rencontre, nous disent qu'il y a probablement un sous-diagnostic aujourd'hui parce qu'on ne rencontre pas suffisamment les personnes. Ils ne sont pas obligés de venir les rencontrer, là. C'est ce qu'on entend, là, mais on n'a pas de chiffre là-dessus.

Mme Massé : Puis moi, bien, de mon côté, je n'ai pas de chiffre, mais ce que j'ai surtout entendu dans ma pratique, c'est une volonté ferme de gens à l'aide sociale de pouvoir avoir des rencontres avec leur agent, puis ils n'arrivaient pas à en avoir, mais pire que ça, M. le ministre, des gens qui voulaient faire partie de mesures d'insertion, puis ça ne répondait pas, on n'avait pas les budgets. Ces gens-là voulaient, là.

Alors, c'est comme si vous me dites, dans le fond : Bien, dans le fond, il faut contraindre les gens parce que les gens, si on ne les contraint pas, ils ne passent pas dans ce processus-là. Puis, moi, mon expérience, ce qu'elle me dit, c'est : les gens souhaitent, ont souhaité souvent aller dans ce processus-là, mais ça ne répondait pas à l'autre bout.

Alors, je me dis : C'est qui qu'on veut punir en bout de ligne? Moi, c'est ça, ma grande question parce que, si, dans les faits, ça nous permet de découvrir des gens qui devraient être soutien financier puis qui ne le sont pas parce qu'ils n'ont jamais rencontré... Bien, souvent, les gens qui sont soutien financier viennent nous voir dans les groupes communautaires. Les gens, quand ils savent qu'ils ne sont pas capables de répondre aux pressions de la société, ils viennent nous voir dans les groupes communautaires puis ils me disent : Bien là, j'ai voulu être reconnu comme soutien financier, on m'a refusé. Qu'est-ce qu'il faut que je fasse? Et on les accompagne là-dedans. On les accompagne, dans le fond, quand ils sont capables d'avoir un médecin, auprès de leur médecin. On les accompagne aussi auprès des boîtes vocales des gens à l'aide sociale, ou des agents à l'emploi, ou, en tout cas, à l'aide sociale souvent.

Alors, si on les accompagne, j'ai de la difficulté à comprendre qu'on va être... À partir de maintenant, le Québec, là, qui s'est gardé la tête au-dessus de l'eau, le modèle québécois a fait ses preuves... Il y a beaucoup de gens à l'aide sociale, soit, oui, il y en a. Bien, un, il y en a bien moins qu'avant, et, deux, avec les règles que le fédéral nous a mises dans les dents sur le chômage, M. le ministre, ça se peut-u qu'il y ait plus de monde à l'aide sociale parce que le gouvernement fédéral remplit moins ses responsabilités en matière d'assurance chômage?

Ce n'est pas parce que le monde sont paresseux. Le monde qui arrive à l'aide sociale, qui voit leur chèque la première fois, là, ils ne se disent pas : Yé! Je vais avoir 600 $ pour vivre ce mois-ci. Ils travaillent fort en torrieux pour être capables de se sortir de là. Il y a des raisons objectives pour lesquelles on se retrouve avec des gens à l'aide sociale qui... puis juste à regarder autour de vous, là. Vous le savez comme moi, les gens à l'aide sociale, qui se retrouvent là parce qu'ils ont perdu une job, ils ont perdu une job, ils ont fait la déprime qui venait avec parce qu'ils étaient sûrs, comme tout le monde, qu'ils allaient bien réussir dans la vie. Tout le monde se dit ça. Après ça, oups! ils se retrouvent dans une situation de violence conjugale, se retrouvent dans une situation... ou un suicide d'un enfant.

J'ai accompagné des gens qui sont devenus premiers demandeurs à cause d'un suicide d'un enfant, M. le ministre. Après le suicide de l'enfant, là, ce n'est pas vrai que, dans le deux mois qui suit, là, tu es capable de soutenir une démarche de réinsertion, pas capable. Tu as juste un mal d'être. C'est ça, alors que ça fonctionne, nos affaires, ça fonctionne puisque ça diminue. Alors, pourquoi? Pourquoi appauvrir? Je ne comprends pas cette obsession de vouloir appauvrir, alors que, quand on investit de l'argent, quand on permet à des agents de rencontrer des gens, quand on permet aux gens de choisir entre les études, entre l'insertion socioprofessionnelle ou même la job, les gens, ils répondent. Je ne comprends pas.

M. Blais : Bien, écoutez, je vais vous donner des chiffres, vous me direz si les gens répondent. Donc, depuis près de trois ans, près de 288 000 prestataires ont été convoqués à des rencontres, convoqués à des rencontres. Tous ces prestataires étaient aptes au travail. Seulement 12,8 % se sont mis en mouvement vers l'emploi par la suite. Si vous me dites ça vraiment, là, les gens répondent, ils sont là, ils veulent, c'est médiocre comme résultat.

Du 1er avril au 30 octobre 2015, seulement 32 % des prestataires visés ont répondu positivement à une initiative des directions régionales des CLE. J'en ai fait même un article avec une illustration, là, cet été, qui leur demandait de revenir à une rencontre d'information. Moins de 8 % des prestataires ont accepté d'élaborer un plan d'intervention. Donc, on est à 12 %, 13 %, 8 % parfois pour une rencontre.

Si vous me dites : Les gens sont participants, et puis tout fonctionne bien, je pense qu'on peut faire mieux. Je pense qu'on peut faire mieux que ça, d'autant plus que le but, puis je pense qu'on poursuit le même objectif, c'est éventuellement de les amener vers une sortie de l'aide sociale, là, hein, quand c'est possible.

M. LeBel : M. le ministre, est-ce que...

Le Président (M. Cousineau) : Oui, allez-y. Vous avez une question.

M. LeBel : Oui, une question de directive. Est-ce que ces données-là... est-ce que vous pouvez les déposer? Est-ce qu'il y a un tableau qu'on peut...

M. Blais : Je pourrais vous donner les... Je pourrais vous déposer les données qui sont là, mais je ne vous déposerai pas tout le document, toutes les notes que j'ai, là, mais les deux... Ce que je viens de citer, là, effectivement, on pourrait s'arranger pour vous les remettre, là.

M. LeBel : J'aimerais ça. Merci.

Le Président (M. Cousineau) : D'accord. Merci, M. le ministre. Mme la députée, poursuivez.

Mme Massé : Merci, M. le Président. Moi, je ne peux pas répondre à ça parce que c'est des chiffres que vous m'emmenez. Ce que je peux vous dire...

M. Blais : ...c'est les chiffres du ministère, là.

Mme Massé : Oui, c'est ça. C'est ça. Bien, je veux dire, je n'ai pas travaillé avec tous les assistés sociaux du Québec. C'est pour ça que je ne suis pas capable de... Ce que je suis capable de vous dire, par exemple, c'est, par exemple, d'aller à la rencontre à l'aide sociale, je ne sais pas... pour plusieurs, ça veut dire des déplacements en voiture, ils n'ont pas de voiture. Pour certains, ça veut dire... Moi, je travaillais à Laval. C'est un centre densifié, là, mais les femmes n'avaient pas le 6 $, aller-retour, pour aller à ces rencontres-là. Quand j'ai été convoquée, peut-être que j'avais bien d'autres raisons que la mauvaise foi. C'est ça, ma préoccupation. C'est qu'on prend pour acquis que ces gens-là avaient une mauvaise foi. Bien oui, vous me dites : Il y en a juste... On pourrait faire beaucoup mieux. Moi, ce que je vous...

M. Blais : ...bien important parce qu'on a toujours fait attention ici d'éviter d'avoir des jugements de valeur sur les personnes à l'aide sociale. Donc, je vous dis que, tout de suite, il y a... je pense que personne n'a glissé là-dessus, ni de notre côté ni du côté de l'opposition. On a toujours fait attention à ça.

Donc, je n'ai pas dit que c'était de mauvaise foi, je dis simplement qu'on a un problème de participation. C'est tout. Puis je pense qu'on peut augmenter cette participation-là et je pense que c'est profitable pour les gens. Voilà.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. Mme la députée.

Mme Massé : Bien, alors, c'est juste un préjugé général dans la société. C'est pour ça que j'ai peut-être mauvaisement glissé. Cette question-là de participation, il y a peut-être aussi une dimension qui serait intéressante de considérer dans cette volonté de remettre tout le monde à l'emploi. Vous savez, quand vous êtes à l'aide sociale et que vous avez à conjuguer avec la vie, et les emplois qu'on vous offre, c'est un emploi à 12,75 $ de l'heure dans lequel vous allez inévitablement vous retrouvez avec votre carnet de santé, de maladie, que vous ne pourrez plus avoir des services de base qui coûtent les yeux de la tête, comme les lunettes, les dents, etc., ça se peut-u, M. le ministre, que, des fois, les gens disent : Même si ça me fait chier, là, je suis peut-être mieux de rester à l'aide sociale?

Le Président (M. Cousineau) : C'est terminé, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. M. le ministre, ça va?

M. Blais : Oui.

Le Président (M. Cousineau) : Parfait. Alors, je suis prêt à entendre un autre... Est-ce qu'il y a un autre parlementaire? Oui, M. le député de Saint-Jean. Vous avez 20 minutes.

M. Turcotte : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Sur l'amendement.

• (20 h 30) •

M. Turcotte : Oui, on est tout à fait sur l'amendement. Le ministre a fait référence à son nouveau tableau qu'il nous a présenté. Le ministre présente ce tableau-là comme du moins une partie de ses intentions réglementaires. Le ministre nous avait remis un tableau similaire. Sur la vieille version, je n'ai pas de date de mise à jour, mais, sur celle qui est déposée aujourd'hui, c'est écrit 20 septembre. Mais, sur la précédente, il n'y a pas de date. Mais c'était au début de l'étude, là, de l'article en question. Et le ministre nous a dit : Bon, on a pris le tableau puis on l'a bonifié pour éclaircir certains éléments. Effectivement, le bloc 5, on voit, là, qu'il y a davantage de précisions. On en a quand même jasé un petit peu, donc on s'y attendait, à cet élément-là. Mais j'essaie de comprendre qu'est-ce qui justifie un changement dans les intentions réglementaires de la part du ministre concernant les sanctions, déjà, parce que, dans le bloc 5, ce n'est pas la même sanction. À l'origine, le ministre nous avait présenté une sanction, après quatre absences, de 224 $ par mois... pour le mois. Et là, maintenant, on parle de 168 $ de sanction. Et, quand on fait le calcul, en ce moment, au Québec, c'est 623 $, l'allocation de base de l'aide de dernier recours. Donc, si je fais le calcul, je n'arrive pas au total qui est présenté dans le revenu minimum à la fin du mois, avant le crédit solidarité, crédit TPS.

Donc, je voudrais comprendre pourquoi ce changement-là dans le 224 $, et là, maintenant, 168 $. Est-ce que ça entre dans la catégorie des pas du ministre dans la bonne direction pour réduire moins le chèque d'aide sociale des gens ou c'est une erreur dans le tableau?

M. Blais : C'est une erreur. On s'en est rendu compte quand votre collègue en a parlé tout à l'heure, des chiffres, et puis c'est une erreur dans le tableau. Donc, ce n'est pas 168 $, c'est 224 $, comme c'était, là, auparavant.

M. Turcotte : Ah! donc, notre lueur d'espoir de voir de la part du ministre une certaine amélioration de la situation, elle est en vain.

M. Blais : Bien, c'est-à-dire qu'on n'a jamais eu de discussion ici, à mon avis, sur les montants des pénalités, hein?

M. Turcotte : Effectivement.

M. Blais : Je ne me souviens pas qu'on ait eu cette discussion-là puis je pense qu'il n'y en avait pas, d'ouverture. Si vous voulez ouvrir une discussion éventuellement, ça peut être compliqué, là.

M. Turcotte : Bien, c'est un peu de ça, M. le Président, que je voulais parler parce qu'à l'heure actuelle, si je me fie au tableau qui nous est présenté... Là, pour se comprendre, dans le nouveau tableau, ce n'est pas 168 $, là, c'est 224 $. C'est ce que je comprends.

M. Blais : Et voilà.

M. Turcotte : Je comprends qu'il y a comme une règle, là, toujours du double, donc de 56 $, ça devient 112 $, 224 $. Donc, la sanction double de fois en fois. Et la sanction qui est présentée ou qui est proposée comme intention réglementaire à l'heure actuelle, c'est la même sanction, à moins que je me trompe, la même sanction qui est imposée aux fraudeurs de l'aide sociale. Donc, quelqu'un qui fait une fraude à l'aide sociale va être considéré au même pied d'égalité que quelqu'un qui décide de ne pas participer au programme ou qui ne peut pas participer au programme pour des raisons qui... selon le ministre, j'utilise son terme, son choix.

M. Blais : Oui, mais pas...

M. Turcotte : Est-ce que c'est exact?

M. Blais : Ce n'est pas sur le même pied d'égalité morale. C'est pour ça qu'on veut... ce n'est pas... c'est assez important...

Une voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : S'il vous plaît! Attention!

M. Blais : Bien, c'est assez important de le dire quand même parce que, dans le fond, ce qu'on voulait ici faire, c'est de trouver une solution à des pénalités qui existent déjà en ce moment. Alors, quand on a commencé les débats sur cette question-là, vous vous rappelez qu'on avait entendu d'autres propositions où ça pourrait aller à 50 % de la prestation de base. Vous vous rappelez peut-être d'avoir participé à des échanges là-dessus. Alors, ce qu'on a regardé plutôt, c'est quelque chose de très différent, c'est quelque chose qui existe déjà en ce moment, et je trouvais que c'était convenable, que ça avait un certain sens plutôt que d'aller vers le 50 %. Mais, si vous voulez aller plus haut, on peut en parler. Je ne sais pas quelle est votre intention, là.

M. Turcotte : M. le Président, ça commence mal la discussion, là. On est contre les sanctions sur l'allocation de base, puis là le ministre dit : Si vous voulez aller plus haut. C'est sûr qu'on ne veut pas aller plus haut, là. Écoutez, là, à un moment donné, je veux bien, là, qu'on nous reproche de faire du temps puis de jaser, là, mais là il ne faut pas trop en mettre non plus, là. Moi, ce que je trouve, M. le Président, c'est... Et quand le ministre nous dit : Vous avez peut-être déjà participé à des discussions par rapport à 50 % de l'allocation de base comme coupe, bien, c'est parce que c'est son prédécesseur, là, c'est l'actuel député de Louis-Hébert, là, qui avait mis ça sur la table lors du dépôt du projet de loi actuel.

Une voix : ...

M. Turcotte : Non, ce n'est pas nous. Pantoute! Donc, moi, ce que je crois, M. le Président, c'est que, oui, on est contre les sanctions sur l'allocation de base, puis ça, on l'a toujours dit puis on va continuer à le répéter, mais en plus, en plus, M. le Président, moi, j'ai une difficulté, sérieuse difficulté, à accepter qu'on le mette sur le même pied d'égalité. Puis je comprends que le ministre nous dit : Sur le plan moral, ce n'est pas le même pied d'égalité. Mais concrètement, concrètement, là, quelqu'un qui fraude à l'aide sociale, qui va avoir une sanction de 56 $, 112 $ et 224 $, tout dépendant du niveau d'offense, bien, la fréquence de l'offense, etc., et que, pour une personne, pour plein de raisons, une collègue, députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, nous a donné un exemple d'un couple que, bon, un de leurs enfants se suicide, arrive à un moment donné que peut-être que les cinq jours, là, ils ne peuvent pas participer à la recherche intensive d'un emploi ou ça les déstabilise complètement, ils vont avoir la même sanction qu'un fraudeur à l'aide sociale, moi, j'ai de la difficulté avec ça, M. le Président.

Je comprends que, pour le ministre, c'est peut-être plus simple parce que le travail a été déjà fait, il y a eu un calcul qui a été fait sûrement pour 56 $, 112 $, 224 $, il doit y avoir une raison pourquoi ces montants-là sont apparus avec le temps puis que, maintenant, c'est ça, les sanctions pour les gens qui font de la fraude à l'aide sociale, mais je crois que... Au même titre, M. le Président, au même titre, M. le Président, que lorsqu'on regarde l'allocation supplémentaire, recherche intensive d'un emploi, actuellement dans la proposition du ministre, 165 $. Si on regarde à l'heure actuelle, dans le système actuel, c'est 9 $ par jour pour un prestataire actuel. C'est ce qu'on nous a dit, là, au mois d'août, là, c'est les montants qu'on a. Peut-être que ce n'est pas les bons, mais c'est ce qu'on nous a dit. Moi, je crois que c'est les bons, à moins qu'il ait changé. Des fois il y a un ajustement avec l'inflation ou autre, là. Dans la formation, acquisition de compétences, dans la proposition du ministre, on parle de 260 $. À l'heure actuelle, pour un prestataire, c'est 195 $. Bon, habiletés sociales, ça n'existe pas actuellement. Donc, le ministre a fait un travail, et l'équipe du ministre a fait un travail pour réfléchir, fixer un nouveau montant, 165 $ pour recherche intensive d'un emploi, 260 $ pour la formation, 165 $ pour le développement des habiletés sociales, même si ce n'est pas les chiffres actuels pour les prestataires à l'aide sociale. Je comprends que, même si le projet de loi n° 70 est adopté, les prestataires actuels de l'aide sociale vont continuer à avoir une possibilité d'avoir les 9 $ par jour pour la recherche intensive d'un emploi et le 195 $ pour la formation et l'acquisition de compétences. Ça, je comprends tout ça. Mais ce n'est pas les mêmes chiffres. Donc, pourquoi que le ministre dit que ça sera les mêmes chiffres pour les sanctions? Pourquoi c'est les mêmes sanctions que les fraudeurs à l'aide sociale?

Quelqu'un qui ne peut pas pour des raisons personnelles, mais qu'on pourrait détailler, puis on pourrait en nommer une litanie, là, de raisons qu'il ne pourrait pas participer pendant un certain nombre de jours, qu'il pourrait avoir des absences ou une baisse de motivation, peu importe, bien, financièrement, là, à la fin du mois, là, ou au début du mois dans ce cas-ci, pour pouvoir payer son épicerie ou son loyer, bien, il va être sur le même pied d'égalité qu'un fraudeur.

Pourquoi que, dans le cas des sanctions, c'est : On ne s'est pas compliqué la vie, c'est le même montant que ce qui existe déjà, mais, dans le cas de l'allocation supplémentaire, on l'a bonifiée quand même substantiellement? Et nous ne sommes pas contre. Nous ne sommes pas contre, là. 260 $, c'est bien mieux que 195 $, puis 165 $, c'est mieux que 9 $ par jour. On ne remet pas ça en question. Mais, pour les sanctions, c'est le même montant. Il doit y avoir une raison.

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre.

• (20 h 40) •

M. Blais : J'essaie de comprendre la nature de notre différend. Vous avez dit, il y a quelques minutes à peine, là : Nous, on n'en veut pas, d'obligation, donc on ne veut pas là non plus de conséquence ou de sanction, là. Alors, pourquoi on parlerait de ça si vous n'en voulez pas? En quoi ça va nous faire progresser dans la discussion? Vous n'en voulez pas, vous n'en voulez pas, là, hein? On pourrait bien discuter de ça, si vous voulez, pendant la soirée, mais on n'avancera pas plus, là.

Si vous me dites, au contraire : Nous, on a un problème. La façon dont c'est fait, on le ferait autrement, on pourrait ouvrir, avoir une discussion là-dessus. On ne l'a jamais eue jusqu'ici parce que vous avez toujours été très, très clairs, puis de toute façon vous n'en voulez pas. Donc, pourquoi on prendrait du temps, ce soir, là, pour ouvrir cette discussion-là? Est-ce que ça va nous faire avancer?

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte : Bien, j'ai entendu le ministre tantôt dire : J'ai devant moi des législateurs, il en est un lui-même, en passant, là, puis il y en a avec lui aussi dans sa formation politique, hein? On est tous des législateurs. Il nous a dit ça. Le travail du législateur, c'est de faire en sorte que le projet de loi, lorsqu'il sera adopté, sera, dans le cas du gouvernement, le meilleur possible et, dans le cas qui nous occupe actuellement, le moins pire possible. Ce n'est pas très français comme phrase, là, mais on se comprend.

M. Blais : Et le «second best» aussi, même si ce n'est pas très français non plus.

M. Turcotte : Mon point, M. le Président, c'est que, dans la première partie du projet de loi, nous avons voté contre la plupart des articles puis, je crois, l'ensemble des articles. Ça ne nous a quand même pas empêchés de déposer des amendements, d'améliorer des éléments que le ministre a dit : Oui, c'est vrai, on n'avait pas vu ça comme ça. Puis le ministre a amené des amendements de son côté qu'on a acceptés puis qu'on a trouvé que c'était de bons éléments.

Je comprends que ce qu'on discute actuellement, ce n'est pas dans le projet de loi, c'est dans les intentions réglementaires du ministre, mais c'est maintenant qu'on peut le dire. Si on n'en parle pas maintenant, c'est clair qu'il n'y aura rien qui aura changé. Puis je crois que, si on n'en avait pas parlé d'emblée, puis les groupes qui sont venus, même si la plupart des groupes qui voulaient être entendus n'ont pas pu tous être entendus, je suis certain que le ministre, lorsqu'il est arrivé en fonction, n'aurait peut-être pas ajouté le bloc 8, c'est-à-dire la troisième voie, qui est le développement des habiletés sociales. Il l'a ajouté parce qu'il a une sensibilité personnelle, oui, mais aussi parce qu'il a entendu un message des parlementaires, mais aussi des groupes qui disaient : Ça prend cette voie-là, importante, parce qu'il ne faut pas échapper personne.

Moi, je crois, M. le Président, que c'est tout à fait l'endroit à l'heure actuelle pour sensibiliser le ministre sur, comme dirait notre collègue le député d'Abitibi-Ouest, ce picot-là, qui est très important parce qu'à l'heure actuelle nous ne sommes pas au Conseil des ministres, c'est le ministre qui est devant nous qui est au Conseil des ministres, c'est lui qui va déposer ses intentions réglementaires. Et, avec toute l'expérience parlementaire que j'ai, et que nos collègues ont, puis que le ministre a aussi sûrement parce qu'il a quand même une certaine expérience parlementaire, ce n'est pas parce qu'on est contre un projet de loi qu'on doit tout faire pour qu'il reste mauvais. On doit tout faire pour améliorer le projet de loi du mieux qu'on peut pour faire en sorte qu'à terme, qu'il soit adopté à l'unanimité, qu'il soit adopté par le gouvernement uniquement, ou par certains partis politiques, ou par bâillon, faire en sorte qu'à terme ce projet de loi soit le moins pire possible ou le mieux possible, tout dépendant du côté de la Chambre qu'on est.

Et c'est pour ça, M. le Président, qu'à l'heure actuelle on n'est pas déconnectés de la réalité. On sent que le lit du gouvernement est fait sur la décision d'y aller en bâillon. Donc, le peu de temps qu'il nous reste avant l'adoption par bâillon de ce projet de loi là, on veut s'assurer de sensibiliser le ministre le plus possible sur des enjeux importants, qui nous paraissent importants. Et, dans ce cas-ci, pour nous, puis je crois que, pour le ministre, pour l'aider même auprès de... de faire passer la pilule, si on peut dire, d'avoir les mêmes sanctions que quelqu'un qui fraude l'aide sociale, je crois que c'est un mauvais message qu'on lance aux gens qui, pour une période de temps de leur vie, pourraient manquer de motivation, ne pourraient pas participer pour des raisons de santé, ou autres, ou des problèmes personnels, mais on leur lance comme message dans la société : Mais vous avez les mêmes sanctions qu'un fraudeur.

Moi, je crois, M. le Président, je crois, M. le Président, qu'on peut faire en sorte que le ministre, à l'heure actuelle, entende notre message, et voie qu'il y a certains éléments du projet de loi qu'il peut modifier, et faire en sorte qu'à terme ils soient le moins pire possible pour le projet de loi. La preuve, c'est qu'on a déposé plusieurs amendements. Le ministre a lui-même dit : C'est vrai, c'est une bonne idée. Je souhaite, je souhaite, M. le Président, je souhaite, M. le Président, peu importe comment ce projet de loi là sera adopté, que le ministre intègre les bons éléments qui ont été amenés ici, en commission parlementaire, même s'ils ne viennent pas uniquement du côté gouvernemental. Qu'il prenne sur lui de faire en sorte que ce projet de loi là soit le moins pire possible pour les plus démunis de la société.

Donc, ma réponse, M. le Président, c'est : Moi, je crois que c'est important d'en parler à ce moment-ci. Même si nous sommes opposés aux sanctions, je crois que c'est important de sensibiliser le ministre sur cet aspect-là.

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre.

M. Blais : Bien là, j'aime beaucoup, là, ce que j'entends. Alors, vraiment, je pense que, là, il y a peut-être moyen d'avancer parce qu'il y a un drôle de pragmatisme, il me semble, dans ce qu'a dit le collègue. Rappelons-nous simplement la discussion que l'on a eue sur les modifications à la loi sur la formation de la main-d'oeuvre. Vous vous rappelez? Vous aviez des inquiétudes par rapport au fait qu'il y aurait peut-être moins de ressources financières pour les personnes en travail par rapport aux futurs travailleurs. On avait des objections, mais, bon, on a trouvé quelque chose comme une façon de se rassurer.

Moi, ce que je vous propose comme démarche parlementaire, là, si j'ai bien compris, adoptons 83.1, allons-y, passons à travers le projet de loi ensemble puis regardons ensemble parce que, dans le fond, là, on n'ira pas pêle-mêle comme ça, discussion ouverte des pénalités ici. Adoptons 83.1 et continuons, passons à travers le projet de loi dans les prochains jours. Vous aurez des objections, vous avez dit que vous avez des objections, mais au moins vos objections seront entendues. Moi aussi, j'ai des amendements. Je pense, si je me souviens bien, que la CAQ a aussi des amendements. Donc, passons à travers le projet de loi ensemble. Ce soir, faisons 83.1 et les autres, et là vous allez atteindre votre objectif, c'est-à-dire d'améliorer le projet de loi. Vous ne serez peut-être pas d'accord avec le principe ou certains principes fondamentaux, mais moi, je suis certain que vous pouvez contribuer à améliorer le projet de loi. Mais pour ça il faut procéder, il faut avancer.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Saint-Jean, en vous rappelant qu'il vous reste sept minutes.

Des voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : S'il vous plaît! M. le député de Saint-Jean, en vous rappelant que vous avez sept minutes.

M. Turcotte : M. le Président, j'ai de la difficulté à accepter ce que le ministre vient de nous dire parce que la collaboration va dans les deux sens. La différence entre la première partie du projet de loi et la deuxième partie du projet de loi... on est opposés fondamentalement aux deux parties, ce n'est pas ça, la différence. C'est que je ne m'explique pas pourquoi, dans la première partie lorsque nous déposions des amendements, que le ministre était d'accord, il acceptait de suspendre l'article en question pour se rendre au nouvel article où on devait modifier. Et, à quelques occasions, le ministre nous a dit : Là, là, on l'adopte, mais on ne niaise pas. On a toujours respecté notre parole, toujours respecté notre parole là-dessus. Pourquoi qu'aussitôt qu'on est arrivés au début de la section II et que, lorsque le ministre était d'accord avec nos amendements, le même fonctionnement ne fonctionnait pas?

Moi, je crois que, M. le Président, quand on veut faire un bon travail de législateur, on doit accepter des fois de ne pas adopter un projet de loi 1, 2, 3, 4, 5 jusqu'à la fin des articles. On peut jouer dans un projet de loi. On peut passer d'un article à l'autre pour régler des problèmes peut-être litigieux. On l'a fait même dans la partie du changement pour la solidarité sociale par rapport aux héritages. On a suspendu des articles le temps de régler une autre question puis pour y retourner par la suite. La partie Alternative jeunesse, on l'a sautée pour régler la question aide sociale pour après ça y revenir. Ça fait que j'entends le ministre nous dire : Ah! j'aime ce que j'entends, etc. Moi, ce que je crois, M. le Président, c'est, jusqu'à maintenant, on n'a pas senti, dans la section du projet de loi que nous étudions actuellement, c'est-à-dire sur l'aide sociale, une volonté de la part du ministre pour régler un certain nombre de différends, pour nous donner confiance qu'on pourrait effectivement avoir raison de penser un peu plus loin dans certains articles. Tant qu'on ne sentira pas... je ne dis pas ce respect-là parce que je crois que le ministre, quand même, respecte notre travail, même s'il n'est pas d'accord. Puis ça, je peux le comprendre, là. Mais je crois qu'on doit, de part et d'autre, bâtir la relation de confiance. Puis moi, je croyais qu'on l'avait fait avec la première partie parce qu'on a toujours respecté notre parole. Puis, sur le fond de ce qu'on parle...

• (20 h 50) •

M. Blais : ...

M. Turcotte : Oui, allez-y.

M. Blais : M. le Président, si possible.

Le Président (M. Cousineau) : Allez-y, M. le ministre.

M. Blais : Moi, j'aimerais... s'il le désire, là, j'aimerais connaître la position de la deuxième opposition sur ma proposition. Je réitère ma proposition, hein? On sait que l'opposition, de l'autre côté, vous avez tout à fait le droit, puis il y a des gens qui vont appuyer votre position, puis il n'y a aucun problème à ça, il y a aussi, puis je le dis, là, de l'obstruction. Je trouve que c'est malheureux parce qu'on pourrait...

M. Turcotte : M. le Président, on ne peut pas dire ça.

M. Blais : Bon, écoutez, on tourne en rond.

Le Président (M. Cousineau) : On va... Mais on va rétablir les choses, là. M. le ministre, c'est le député de Saint-Jean qui a la parole, on va le laisser continuer. Puis après ça, si les gens de la deuxième opposition veulent s'exprimer, je vais leur passer la parole pour répondre à votre question, M. le ministre. D'accord?

M. Blais : Merci.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, il vous reste 2 min 50 s. Ça va? D'accord. Alors, par alternance, je passerais maintenant la parole... Est-ce que, M. le député de Drummond—Bois-Francs, vous voulez intervenir?

M. Schneeberger : Oui, je laisserais... Le ministre avait une question à me poser, alors je vais lui laisser le soin de me la poser.

Le Président (M. Cousineau) : Bien oui. Alors, M. le ministre, si vous voulez reprendre la question que vous vouliez poser.

M. Blais : Bien, écoutez, moi, je voudrais savoir si vous trouvez ma... Vous êtes témoin, là, des discussions, là, des dernières, quoi, 50 heures, à peu près, et je fais une proposition, là, pour dire : Écoutez, c'est clair qu'on ne s'entendra pas avec l'opposition, mais on a le choix : continuer à... en tout cas, à ne pas s'entendre ou d'avancer tout simplement en y allant article par article, en se donnant un peu de temps. Et moi, je vais, à chaque moment, à chaque article, déposer les intentions réglementaires quand elles sont là. Si on peut les améliorer, je serai à l'écoute des gens. Il y aura des gains, peut-être, possibles. Moi, je suis certain qu'on peut encore apporter une contribution à ce projet de loi là ensemble. Mais, comme vous connaissez cependant l'intention de mon gouvernement, il l'a fait connaître, on tient à ce projet de loi, pas seulement Objectif emploi, mais à l'ensemble de la loi n° 70. Donc, moi, je pense que la proposition que je fais, là, ce soir, elle est raisonnable. Sortons de ça ensemble, progressons. Vous me ferez connaître quand même votre objection de principe, là, à tout moment. Je ne sais pas ce que vous en pensez.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Drummond—Bois-Francs.

M. Schneeberger : M. le Président. Oui, bien entendu. Regardez, nous, depuis le début, on a appuyé le principe sous condition, au niveau du vote final, qu'il y ait des amendements. Moi, je me suis assis avec le ministre, j'ai déposé mes amendements, il a regardé ça, ils sont revenus avec des propositions. Puis, à ma grande surprise, là, même si on ne les a pas encore vus, là, c'est très positif, ce que j'ai déposé. Mais, non, malheureusement, on n'est pas capable d'y passer parce qu'on n'a pas atteint ces articles-là.

Pour ma part, c'est sûr que je souhaite qu'on avance, et puis je suis tout à fait ouvert qu'il y ait un avancement. Maintenant, il n'en tient qu'à la première... il n'en tient qu'à l'opposition officielle, pardon. Et puis on ne peut pas faire des miracles là-dessus. Alors, c'est eux autres qui ont ça entre les mains. Moi, je trouve ça... On peut s'objecter, on peut ne pas être d'accord. Moi, comme j'ai toujours dit, je pense que l'approche du projet de loi actuel, il a quand même été allégé, on s'en souvient, on parlait, là, du 100 kilomètres et plus. On n'en parle pas, on ne parle plus de ça. Il y avait quand même des positions qui étaient plus drastiques qui ont été enlevées ou qui vont l'être. Alors, c'est sûr que ça serait très, très plaisant qu'on puisse y arriver puis qu'on parle de ces amendements en tant que tels. Bien, maintenant, bien, c'est ça. On en est là puis on...

Le Président (M. Cousineau) : Merci.

M. Schneeberger : ...avec ce qui se passe. Merci beaucoup.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Drummond—Bois-Francs. Alors, un autre intervenant? M. le député de Rimouski, en vous précisant que vous avez 16 min 35 s.

M. LeBel : Merci, M. le Président. Peut-être juste rappeler qu'on est sur un amendement qui se lit comme suit : «Une personne qui refuse de participer, ne peut voir sa prestation de base sanctionnée.» Ça fait que c'est là-dessus qu'on discute.

Le Président (M. Cousineau) : Bien oui, c'est l'amendement.

M. LeBel : C'est ça. Ça fait qu'on va être là-dessus. Je veux juste rappeler la... Je l'ai lu tantôt, mais c'est comme mon livre de chevet, c'est l'avis du comité consultatif. Je trouve que c'est vraiment bien écrit. Et c'est un comité que... je rappelle encore une fois, qui sont dans les mêmes bureaux du ministère, qui ont accès aux études du ministère. C'est des collègues, presque, du ministère, des gens qui connaissent la machine, qui ont été choisis comme il faut, là. Ce n'est pas des gens... C'est des gens qui ont la rigueur, qui ont un...

M. Blais : De hautes vertus morales.

M. LeBel : Puis la morale, c'est important pour vous. Ça paie même l'épicerie.

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Cousineau) : On est toujours sur l'amendement, M. le député de Rimouski, si j'ai bien compris votre...

M. LeBel : Non, mais on peut faire beaucoup de choses des fois avec la morale. Mais, bref, dans le comité, il dit... je vais vous lire, là, parce que ça vaut la peine puis c'est en lien directement avec l'amendement. Il parle des mesures de... des sanctions. Il dit : «Elles sont injustes parce qu'elles sont en contradiction totale avec le respect de la dignité des personnes et de leur libre choix. Cette façon de faire s'appuie sur le préjugé selon lequel les personnes choisissent librement l'aide sociale. On reporte ainsi sur les personnes l'entière responsabilité de leurs difficultés d'intégration à l'emploi, alors que, dans les faits, le principal facteur est le marché du travail lui-même. Chaque mois, environ 40 % des ménages qui deviennent prestataires sont dans cette situation en raison de la fin de leurs prestations d'assurance-emploi, de la perte d'emploi sans droit à ces prestations ou encore de prestations d'assurance-emploi insuffisantes. Ceci illustre le lien avec le marché du travail de personnes pour qui [...] souvent les seuls emplois disponibles sont précaires et mal rémunérés. Quand le taux de chômage baisse, le taux d'assistance sociale en fait tout autant.

«De telles mesures sont inutiles. Les statistiques le prouvent — puis là j'ai l'impression qu'ils ont pu trouver des statistiques au ministère, là — les prestataires [peuvent] s'en sortir et [ils] font de nombreux efforts malgré les obstacles qui leur barrent trop souvent la route — c'est pour ça que j'ai hâte de voir votre tableau. Année après année, des dizaines de milliers de prestataires participent volontairement à des mesures d'intégration à l'emploi, soit quelque 88 000 nouveaux participants en 2014‑2015, dont [...] 21 000 jeunes de moins de 25 ans. Mentionnons que 72 % de ces jeunes n'avaient aucun diplôme. Entre 6 000 et 8 000 jeunes se sont inscrits chaque année au programme Alternative jeunesse, une mesure volontaire. C'est approximativement le nombre de nouveaux demandeurs jeunes de moins de 25 ans chaque année.» Mentionnons que le programme Alternative jeunesse n'était pas offert exclusivement aux jeunes qui faisaient une première demande d'aide sociale, mais aussi aux jeunes qui faisaient une nouvelle demande et à ceux déjà présents à l'aide.

«Les mesures punitives sont par ailleurs le plus souvent inefficaces. Elles ont déjà été appliquées sans résultats concluants. Selon des spécialistes, de telles mesures n'ont pas tenu leurs promesses, notamment celles d'intégrer les personnes dans des emplois, certainement pas dans des emplois de qualité, ni de réduire la pauvreté. Elles ne permettent pas d'établir une relation de confiance entre la personne et l'agent d'aide à l'emploi. Il faut par ailleurs être prudent en s'appuyant sur des comparaisons internationales. L'environnement [est] très différent, notamment en ce qui concerne les règles du marché du travail, [les] niveau des salaires et des prestations, les pratiques des employeurs, etc.

«[...]L'une des clés de la réussite des interventions, c'est d'offrir aux personnes la bonne mesure tant et aussi longtemps qu'elles ont besoin de soutien. Une autre clé, c'est de s'assurer que le marché du travail est prêt à accueillir ces personnes dans des conditions décentes.

«Par ailleurs, selon une étude réalisée par le ministère — par votre ministère — la réussite [et] la participation à une mesure active semblent être fortement influencée par le choix éclairé et réfléchi de la participation, par la motivation et par le niveau de préparation aux différentes activités. Selon cette même étude, les deux principales causes de l'interruption ou de l'abandon [et] de la participation à une mesure active sont le retour sur le marché du travail et le manque de motivation. Quant à ce dernier motif, ce serait le cas notamment pour les personnes qui s'inscrivent pour éviter une pénalité.» Ça fait que, si elles s'inscrivent pour éviter votre pénalité, souvent, pour eux autres, là, ce qu'ils nous disent, c'est un motif, souvent, d'abandonner parce qu'elles n'ont pas la motivation d'aller jusqu'au bout.

«Enfin, l'application de pénalités, soit la diminution d'une prestation d'aide financière déjà trop faible — par exemple, 623 $ par mois pour une personne seule — risque d'avoir des conséquences dramatiques. Si comme l'estime le ministère 10 % des personnes prestataires visées refusent de s'engager dans un parcours, ceci signifie que chaque année quelque 1 700 adultes — et combien d'enfants? — se retrouveront avec un revenu inférieur à l'aide sociale, déjà insuffisant pour couvrir seulement les besoins de base — se loger, nourrir, etc.» Je rappelle que c'est le comité qui est là pour conseiller le ministre, qui est là pour conseiller les législateurs comme le ministre.

Et la conclusion, quand il parle de revenus de base, des revenus suffisants pour vivre, j'avais déjà parlé de ça ici, un budget mensuel qui a été fait par les groupes communautaires dans la région de Rimouski, où on a essayé de voir comment on pouvait faire pour vivre avec 700 $ par mois. Le budget est bien détaillé pour nous démontrer qu'en bas de ce montant-là tu ne vis pas, tu n'es pas capable de réussir à vivre. Je ne sais pas si je l'avais déposé.

• (21 heures) •

Le Président (M. Cousineau) : Je croirais que oui, mais, si vous voulez le redéposer, ça nous ferait plaisir.

M. LeBel : On n'est pas certain, hein, mais on va le redéposer pour être certain que tout le monde puisse le voir parce que c'est la base de notre argumentation. C'est qu'aller plus bas que 700 $ par mois, pour bien des raisons, le ministre, il pense que des conséquences, ça peut aider. J'ai essayé de me rappeler les conséquences de ma mère quand j'étais jeune. Je restais dans ma chambre des fois, quand je n'étais pas fin. Vous aussi, ça vous a marqué, vous aussi.

Mais il me semble qu'on ne devrait pas... quand on parle d'aide sociale, tu sais, vous parlez de conséquence à des gens qui n'ont presque rien, tu sais. Puis le budget que je vais vous déposer le démontre, là, qu'on n'est pas capable de vivre avec 700 $. Dire qu'on va aller gruger là-dedans puis appeler ça des conséquences parce que tu ne participes pas, je ne suis pas certain que c'est la bonne façon de voir les choses. Le ministre dit, puis de bonne foi, il dit : Regarde, les personnes, là, qui veulent s'en sortir, ils sont capables de s'en sortir. Mais, si la personne a des problèmes d'ordre mental ou autrement, souvent, c'est parce que le diagnostic n'est pas bien fait. Nous, on va bien l'accueillir puis on va voir un peu c'est quoi, s'il y a un problème, puis on va l'aiguiller à la bonne place. Dans le fond, on va aider la personne. Tu sais, dans le fond, on est là pour aider la personne.

Moi, je dis souvent, souvent, pour avoir travaillé dans ces milieux-là : Ceux qui ont des problématiques d'ordre mental, je l'ai déjà dit, là, ce n'est pas un agent d'aide sociale, ce n'est pas un agent dans un CLE qui va l'aider à s'en sortir. Il y a souvent des groupes communautaires ou d'autres intervenants qui sont beaucoup mieux placés pour l'aider à s'en sortir. Je ne suis pas sûr que, pour les gens... les premiers demandeurs à l'aide sociale qui ont des problématiques de dépression ou tout ça, qui se disent : Regarde, pour m'en sortir, je vais aller voir un agent d'aide à l'emploi, je vais aller au CLE pour m'en sortir. Je ne suis pas sûr que c'est ça qu'ils ont comme premier réflexe. Je suis même sûr que ce n'est pas ça.

Puis je pense aussi aux personnes qui ont... des analphabètes, ceux qui ne savent pas lire et écrire. Ça, ce n'est pas un problème d'ordre mental, là. Tu sais, ces gens-là, là, passer à travers vos petits carreaux, là, qu'il y a là puis comprendre toutes les mesures, là, ce n'est pas évident, là. Puis, en passant, là, le gouvernement a coupé dans les groupes d'alpha dans les dernières années. Ça n'aide pas non plus pour outiller les personnes à se débrouiller dans vos carreaux. Mais ces personnes-là, qui n'ont pas un problème d'ordre mental, là, il faut les aider autrement, puis ils ne rentreront pas là-dedans, puis ça se peut bien que, si tu ne sais pas lire, pas écrire, que ça se peut bien que tu te décourages après ton deuxième carreau. Rendu au carreau 11, là, tu as fait un petit bout, mais là tu es découragé puis tu ne sais pas trop... puis, tu sais...

Bref, c'est une clientèle, c'est des gens, c'est des personnes... ce n'est pas une clientèle, c'est des personnes qu'il faut soutenir dans un processus avec des partenaires. Puis ce n'est pas... la chance pour s'en sortir, ce n'est pas — puis là c'est directement lié avec l'amendement — des sanctions, ce n'est pas des conséquences, comme dit le ministre. Puis je dis c'est un peu infantiliser les personnes, dire que c'est des conséquences, là. Si tu ne participes pas, tu as une conséquence. Puis, pour nous autres, c'est un peu... c'est fondamental, ce bout-là. Ce qu'on dit, c'est : Tu as un budget pour vivre, tu as un minimum, tu ne peux pas aller plus bas que ça.

Si tu participes dans ce qu'on t'offre, dans les mesures ou dans un processus... puis on va t'aider puis on va même rajouter un peu pour t'encourager à y participer, ça, je trouve ça intéressant. Mais dire que, si tu ne participes pas, non seulement tu n'auras pas le surplus qu'on te promettait, mais on pourrait même descendre puis venir gruger dans ton budget de base qui n'était déjà pas élevé, c'est ce bout-là qui ne passe pas, là. Pour nous autres, on pense... puis je dis «nous autres», il y a le conseil, il y a presque l'ensemble des groupes qui ont déposé des mémoires. La députée de Fabre cite souvent des groupes communautaires parce qu'elle connaît ça, les gens qui travaillent dans ces milieux-là. Et presque tous les groupes communautaires qu'elle nomme se sont prononcés contre les sanctions. Il n'y a pas grand monde sur la planète Québec, là, qui ont dit : Oui, on est d'accord avec ça, d'aller couper dans leur revenu de 700 $, là. Puis on pense que c'est des... en coupant là-dedans, là, ce sera une conséquence, une tape sur les doigts des gens pour dire : Vous allez participer. Il n'y a pas grand, grand monde, on n'en a pas vu beaucoup en commission, qui sont venus dire ça. Même le Conseil du patronat disait : Pas sûr qu'on devrait couper là-dedans. Comment quelqu'un pourrait arriver à vivre?

Ça fait que c'est ça, la base de l'affaire. Si on pouvait s'entendre, si on pouvait se dire : On est capables d'offrir quelque chose aux gens qui arrivent à l'aide sociale, on est capables... Puis c'est vrai, s'il y en a qui ont des problèmes, on va bien les accueillir puis rapidement parce qu'on est en lien avec d'autres organismes, des plateaux de travail ou d'autres. On va les aider, ça, je trouve ça intéressant, ou on va dire... parce que quelqu'un qui a de la misère à lire et écrire, bien, avant de t'embarquer dans un processus, bien, tu as des groupes qui sont là qui pourront t'aider. Encore là, faut-il que ces groupes-là soient financés, là, mais on pourra t'aider.

Toute une démarche comme ça que le ministère s'ouvre à la communauté puis décide d'accompagner les personnes parce que, tu sais, tout le monde est d'accord avec ça, là. Si vous outillez votre monde, puis les CLE, ils ont du monde... il y a des gens là pour accueillir puis... Mais là où ça arrête, où on a problème, où il y a un malaise dans le problème, où on pense que ce n'est pas moral, c'est d'aller couper en bas du seuil d'aide sociale, qui est de... Là, moi, j'ai un budget de 703 $, là, mais c'est de... Ça, on pense qu'on ne peut pas aller plus bas que ça.

Si vous dites, là : O.K., je suis d'accord avec ça. On ne coupera pas, comme le conseil me le propose, comme beaucoup de groupes me le proposent, on n'ira pas couper dans le revenu minimum d'aide sociale, on ne tapera pas sur les doigts des personnes là-dessus, il n'y aura pas des conséquences parce qu'on pense que c'est le minimum pour vivre, mais il y aura des rencontres, on va accueillir les gens, on va les soutenir, on va les encourager en rajoutant un peu d'argent dans leur budget pour leur permettre de faire les parcours puis on va dire : Si tu ne le fais pas, bien, tu n'auras pas le surplus, mais on ne dira pas, par exemple : Si tu ne le fais pas puis si tu as abandonné en cours de route parce que... pour différentes raisons qu'on ne peut pas comprendre, qu'on pense que ce n'est pas des bonnes raisons, qu'on vienne couper dans un budget, là, vous l'avez tout déposé, je l'ai tout déposé devant vous autres, là, tu ne peux pas arriver. On va amener du monde dans des... puis du monde puis des familles aussi, peut-être des enfants, on va amener des gens à couper dans des médicaments, à couper dans les services de base. Ce n'est pas ça, là. Ce n'est pas ça, le Québec. Ce n'est pas vers là qu'on va. Ce n'est déjà pas des gros montants. Au moins, disons, n'essayons pas, nous autres, ici, de dire qu'on va aller couper là-dedans. Si on s'entend là-dessus, si vous dites : On n'ira pas, on va soutenir les gens puis on va leur offrir des surplus s'ils participent... S'ils ne participent pas, ils n'auront pas les surplus, mais il ne faut pas aller jusqu'à dire : Si tu ne participes pas, on va te couper dans ce qui est le minimum que tu as pour vivre. C'est ça, le...

Puis en plus, là, comme l'a expliqué mon collègue, tu sais, quelqu'un qui vit des problématiques... puis je parlais des personnes qui ne savent pas lire, pas écrire, qui vivent des problèmes puis qui ne sont pas capables de faire votre processus, qu'on arrive en bout de ligne puis on les coupe comme s'ils étaient des fraudeurs à l'aide sociale, je trouve ça un peu... ce n'est pas très moral, comme vous dites. Mais il y a peut-être une ouverture là. Le ministre aime ça trouver des ouvertures dans ce qu'on dit. Moi, peut-être qu'il y a des ouvertures dans l'idée qu'il y ait un revenu plancher, qu'on ne doit pas aller plus bas que ça.

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre.

M. Blais : Bien, écoutez, on va parler de l'amendement. Effectivement, M. le Président, là, puis à sa face même, cet amendement-là, bien, il va à l'encontre même du principe qu'on fait valoir d'obligation mutuelle entre l'État puis le nouveau demandeur qu'on essaie d'instaurer. Puis, bon, moi, mon analyse, c'est que, bon, la proposition que j'ai faite, là, de dire, bon, avançons, adoptons des articles, faites connaître votre désaccord, aucun problème, puis vous allez être respectés parmi les gens que vous voulez qui vous respectent pour faire connaître votre désaccord, mais continuez à contribuer au projet de loi compte tenu de votre expérience, vos compétences. Mais là je me rends compte que ce type d'amendement là, finalement, là, ne nous fait pas progresser.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. Alors, M. le député de Rimouski, il vous reste deux minutes.

• (21 h 10) •

M. LeBel : Bien, juste pour poser la question, est-ce que le ministre... Est-ce que vous seriez prêt à dire qu'on n'irait pas sanctionner plus bas que le revenu minimum à l'aide sociale, comme le 700 $?

M. Blais : Le montant de base.

M. LeBel : Le montant de base. Est-ce que vous seriez prêt à dire : On va tout faire ça, là, puis on va travailler, mais le montant de base, je suis d'accord avec vous, on n'ira pas couper dans le montant de base?

M. Blais : Bien, c'est ce qu'on a fait au Québec. C'est le statu quo, ce que vous me demandez, là.

M. LeBel : Mais vous êtes prêt à couper dans le montant de base.

M. Blais : Bien, c'est notre proposition depuis le début, là, et ce que l'on fait, c'est ce que toutes les sociétés avancées sociales-démocrates font, être plus exigeant, augmenter les attentes. Elles le font toutes. Je ne vois pas de rapport avec le fait d'être néolibéral ou pas. C'est vraiment ce que les... les bonnes mesures.

J'ai un petit extrait de l'OCDE, je pense, pas loin, qui est important, je pense, pour bien comprendre le sens de ce que l'on fait. Prenez votre temps.

M. Turcotte : On n'est pas pressés.

M. Blais : ...je pense, qui explique bien ce qu'on essaie de faire. Voilà. On y est presque.

Le Président (M. Cousineau) : Vous allez l'avoir, Mme Maltais. Vous faites attendre la commission, là.

M. Blais : Voilà. Alors donc, ça, c'est la dernière étude. C'est 2015? Est-ce que c'est possible? C'est 2015, ça, là? Oui. Je pense que oui, hein?

Alors, on dit : «Une stratégie "d'obligations mutuelles"...» Puis on est vraiment là-dedans, là. On augmente, on fait un effort de plus. Puis j'aime bien l'expression «obligation mutuelle» parce que moi, je ne suis pas certain que, comme gouvernement... Puis d'ailleurs, quel que soit le parti au pouvoir, on a fait tout ce qu'on pouvait, tout ce qu'on devait vis-à-vis ces clientèles-là.

Je pense notamment, vous l'avez souligné, à la question linguistique. On a des problèmes d'analphabétisation qui ne sont pas suffisamment diagnostiqués. Et j'ai demandé, là, aux fonctionnaires d'évaluer davantage ce que l'on fait en la matière pour voir exactement à qui on a affaire. Puis effectivement, des gens qui ont des problèmes sérieux d'analphabétisation, ne pas les laisser dans la rue, on va essayer de trouver une façon, là, une ressource pour les aider.

Donc : «Une stratégie "d'obligations mutuelles" a fortement contribué à mobiliser davantage le capital humain dans certains pays. Les gouvernements se sont donné pour mission d'assurer aux demandeurs d'emploi des services efficaces de réinsertion — on a un travail à faire de notre côté — de conseils individualisés — notamment avec nos ressources externes — et de formation ainsi que des incitations financières destinées à leur permettre de trouver du travail et leur ont donc ainsi conféré des "droits". En contrepartie, les allocataires ont dû s'attacher concrètement à trouver du travail ou [encore] à améliorer leur employabilité, faute de quoi ils risquaient de se voir infliger des sanctions modestes touchant leurs prestations et se sont ainsi soumis à des "obligations".»

C'est ce que nous propose l'OCDE quand on regarde l'ensemble des pratiques : ne pas y aller trop fort, ne pas y aller de manière trop forte parce que là, ça peut causer des problèmes, mais simplement, là, avoir un effet dissuasif. Ce qu'on recherche, là, ce n'est pas de couper personne. Ce qu'on recherche, c'est avoir un effet dissuasif puis que les gens soient davantage mobilisés, là.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. M. le député de Rimouski, il vous reste deux minutes.

M. LeBel : Il me reste encore deux minutes?

Le Président (M. Cousineau) : Oui. Bien, on peut vous l'enlever, si vous voulez, là.

M. LeBel : Mais il y avait deux minutes tantôt. Il me reste encore...

Le Président (M. Cousineau) : Non, non, mais, regardez, c'est parce que...

M. LeBel : Ah non! Bien content.

Le Président (M. Cousineau) : Lorsque le ministre parle, ça ne compte pas sur votre temps.

M. LeBel : Le temps s'arrête.

M. Blais : J'ai fait tout ça pour rien pendant...

Le Président (M. Cousineau) : Est-ce que vous prenez votre deux minutes?

M. LeBel : Non, non, non. Je vais le prendre.

Le Président (M. Cousineau) : Oui? Allez-y.

M. LeBel : Oui. Moi, je répète, le revenu, là, le budget que je vous ai montré, personne ne peut vivre en bas de ce montant-là. Puis les personnes... Puis je ne peux pas croire que tout le monde, là, qui ont déposé des mémoires... puis que tout le monde sont dans le champ, puis qu'il y a juste le ministre qui a la bonne voie. Je peux comprendre que le temps s'arrête quand il parle, mais, en même temps... Je ne peux pas croire. Il me semble qu'on a un historique au Québec, puis le statu quo, quand il nous parle du statu quo comme s'il faut... il y a quand même des belles choses qui ont été faites, et je pense qu'on est capables d'accompagner les personnes.

Puis quand on parle d'analphabétisation, on parle aussi de personnes... je ne sais pas le nombre, on pourra peut-être arriver tantôt, mais le nombre de nouveaux arrivants... je parle de nouveaux arrivants, de nouveaux Québécois qui sont parmi les primodemandeurs dans la région de Montréal, il doit y en avoir un maudit paquet. Il doit y en avoir. J'aimerais ça avoir les montants, le nombre de personnes. Puis ça, là, c'est des gens qui ne savent pas... ils ne connaissent pas le système, ils ne connaissent pas... certains ne parlent pas français, se départir là-dedans puis... Puis il y a des gens qui vivent avec presque rien. Je ne sais pas, il me semble qu'on devrait les accompagner autrement que, surtout eux autres, par la menace des conséquences. Je ne sais pas comment il y en a dans les primodemandeurs quand on parle de nouveaux arrivants dans la région de Montréal.

M. Blais : J'ai toujours dit à peu près un tiers de primodemandeurs sont des immigrants à Montréal. Probablement, la proportion est peut-être différente à Rimouski. Donc, on peut vous sortir les chiffres.

Hier, j'ai fait une présentation devant au moins une trentaine d'immigrants et j'ai présenté Objectif emploi. Vous connaissez ma facilité à leur en parler. Et puis les gens comprenaient très, très bien. Ils étaient vraiment, là, très favorables. Pourquoi? Parce que, d'abord, beaucoup d'immigrants, là, ce qu'ils veulent, c'est trouver un emploi puis ce n'est pas toujours facile. Ils n'ont pas toujours les réseaux, ils n'ont pas toujours la bonne façon de s'y prendre, bon.

Une voix : On ne reconnaît pas toujours leurs acquis.

M. Blais : On ne reconnaît pas toujours nécessairement leur métier en plus. Et j'évite peut-être aussi d'autres éléments parfois qui sont très contestables dans la façon que les Québécois peuvent leur faire une place. Mais eux, ils se disent : Bien oui, mais là, effectivement, si on nous prend en charge, si on nous aide, tout ça, là... En tout cas, il n'y avait aucune personne, en tout cas, qui s'est dévoilée comme étant opposée. Ils comprenaient très bien que ça pouvait enrichir leur expérience et en général, de toute façon, ils sont assez volontaires.

Le Président (M. Cousineau) : Merci. M. le député de Rimouski, il vous reste 35...

M. LeBel : Deux minutes?

Le Président (M. Cousineau) : 35 secondes.

M. LeBel : Ça va aller.

Le Président (M. Cousineau) : Ça va aller? D'accord. Alors, je passerais la parole au député de Drummond—Bois-Francs.

M. Schneeberger : Oui. Merci, M. le Président. J'écoute attentivement, là, les discussions de ce soir, et puis là je ne peux pas me passer d'intervenir. On parle d'immigrants. Vous savez que les immigrants qui viennent ici, là, à moins de cas très particuliers, et ça, ça vient de la bouche d'un immigrant que j'ai eu la chance de discuter, la pire insulte qu'on fait à un immigrant quand il vient ici, là, c'est de leur présenter une demande d'aide sociale. Et c'est ce qui... Quand il est arrivé, c'est ça qui se passe, on leur offre le formulaire.

Ça, là, c'est lui qui m'a dit : Ça a été la pire insulte que j'ai eue. Il dit : Moi, je ne suis pas venu ici pour être sur l'aide sociale. Je suis venu ici pour m'intégrer, pour travailler. Il dit : Moi, si on veut m'intégrer, là, bien, qu'on m'offre un emploi ou que j'aie la chance de faire...

Alors, quand le député de Rimouski prend les liens de dire : Bien là, les immigrants, et autres, là, peut-être certains cas, là, j'en conviens, mais...

Une voix : ...

M. Schneeberger : Non, non, je le sais, mais c'est qu'à un moment donné vous défendez une position. C'est correct. C'est votre droit de la défendre. Mais au moins prenez les bons cas. Tu sais, c'est comme... Il faut faire attention, là, quand on dit «les immigrants». Moi, ce que j'ai vu comme... les immigrants, là, ils veulent entrer sur le marché du travail et ils ne veulent surtout pas d'aide sociale. Et, si vous offrez de l'aide sociale, là, ils vont accepter avec plaisir le cheminement qu'on leur offre parce qu'eux, là, ils veulent avoir de la francisation, ils veulent pouvoir suivre des cours, et autres. Ils ne bloqueront surtout pas à dire : Aïe! Je n'ai pas le goût de le faire, surtout pas.

M. LeBel : Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire.

M. Schneeberger : Non, non, mais ce n'est pas péjoratif.

Le Président (M. Cousineau) : Poursuivez. Il vous reste... Poursuivez, M. le député de Drummond—Bois-Francs.

M. Schneeberger : C'est parce que l'exemple que vous dites, je pense qu'il est mauvais, pas parce que c'est un immigrant, c'est que ces gens-là, ils veulent suivre, ils ne veulent pas rester là-dessus. Chez eux, ils n'avaient même pas ça, de l'aide sociale. Ce n'est même pas une option pour eux. Alors, tu sais, c'est ça.

Maintenant, cela dit, je pense que, tu sais, moi, quelqu'un qui est sur l'aide sociale et qui est apte au travail, l'enlever de la pauvreté, c'est qu'il suive un cheminement. S'il reste chez eux, là, il ne s'aidera pas. Je veux dire, qui améliore son sort en restant chez eux à attendre le temps passer? Et, s'il a un problème, que ce soit de santé mentale et autre, peu importe, puis qui est jugé apte au travail puis que peut-être le diagnostic était mauvais, bien, moi, je pense qu'avec le cheminement d'habilité sociale, au moins, il va peut-être voir... tu sais, on va un peu... il va démontrer que peut-être il n'est pas apte au travail. Puis moi, je suis convaincu que ce n'est pas en restant chez soi qu'on améliore sa situation, surtout pas. C'est tout, merci.

Le Président (M. Cousineau) : Merci. Vous avez 35 secondes pour une petite réplique, M. le député de Rimouski. 35 secondes.

M. LeBel : J'aurais le goût de commencer ça par : Aïe! Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Ce n'est pas ce que j'ai dit.

Le Président (M. Cousineau) : Trompez-vous pas de course.

M. LeBel : Ce n'est pas ce que j'ai dit tantôt, mon cher ami. Ce que j'ai dit, souvent, comme des analphabètes ou des personnes qui sont des étrangers, le système est dur à comprendre. Quand tu arrives puis tu es mal pris, malheureusement, tu es pris dans ce système-là. Il faut que le système soit adapté ou facile à comprendre.

• (21 h 20) •

Le Président (M. Cousineau) : Voilà. Ça termine votre temps que vous aviez. Il nous reste encore du temps pour le député de Saint-Jean, 2 min 50 s. Alors, allez-y.

M. Turcotte : Merci, M. le Président. J'entends le ministre parler à plusieurs reprises, puis même nous, on se laisse embarquer dans tout ça, là, des primodemandeurs, mais, dans les faits, dans le projet de loi, ce n'est pas mentionné que c'est pour les primodemandeurs. C'est dans les intentions réglementaires du ministre.

Donc, le ministre nous a dit qu'il ne voulait pas déposer ses intentions... qu'il ne voulait pas déposer le règlement parce qu'il ne pouvait pas le faire, parce que c'est des intentions réglementaires. Lui arrive au Conseil des ministres avec ses intentions réglementaires. Donc, ce qu'il veut dire, M. le Président, c'est qu'on peut adopter ce projet de loi là, actuellement, et, dans un an, deux ans, le Conseil des ministres peut décider que ce n'est plus juste les primodemandeurs qui vont avoir le programme Objectif emploi, mais l'ensemble des gens à l'aide sociale. Donc, ces sanctions-là pourraient s'appliquer à l'ensemble des gens à l'aide sociale ou à d'autres catégories que les primodemandeurs.

Donc, je comprends que le ministre, actuellement, a, en tant qu'Objectif emploi... c'est pour les primodemandeurs, mais ce n'est pas écrit dans la loi que ça s'adresse aux primodemandeurs. C'est dans les intentions réglementaires. Donc, il faut avoir ça aussi en tête que ce qu'on parle actuellement, oui, le ministre a la volonté que ce soit pour les primodemandeurs, mais ce n'est pas exclusivement pour les primodemandeurs parce qu'un autre ministre ou même le ministre actuel, un autre gouvernement, pourrait décider de changer ça. Petite mise au point.

Autre information, M. le Président, c'est que de ce que j'ai compris, c'est que le ministre est prêt à vivre avec...

Le Président (M. Cousineau) : 30 secondes.

M. Turcotte : Bien, je reviendrai un peu plus tard, dans ce cas-là, M. le Président, mais je fais juste mentionner que, pour les sanctions, là, je crois que le ministre a un travail à faire parce que les sanctions, les mêmes sanctions pour quelqu'un qui fraude l'aide sociale que quelqu'un qui a une difficulté temporaire dans sa vie, je crois que ce n'est pas raisonnable d'avoir la même sanction.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, merci, M. le député de Saint-Jean. Est-ce qu'il y a d'autres... M. le ministre.

M. Blais : Peut-être un élément. Je voulais revenir sur, bon, la formule, qui était un petit peu raide, là, mais, bon, qui a tout son sens, là : On ne règle pas ses problèmes en restant à la maison.

Ça m'a fait penser à une discussion récente que j'ai eue avec un directeur de cégep que le collègue de Limoilou connaît très bien, hein, et un directeur de cégep qui me disait qu'il y a un phénomène qui est récent — lui, il est là depuis longtemps — et qui le trouble beaucoup. C'est des jeunes qui, pour différentes raisons dans leur développement, là, sont un peu enfermés, c'est vrai, dans leur maison, je me demande si je n'en ai pas une à la maison, d'ailleurs, chez moi, et qui sont un peu isolés, qui vivent un peu dans un monde virtuel et sur les jeux et développent une forme d'agoraphobie un peu, la peur de l'autre, d'asocialisation. Ça, on ne voyait pas ça auparavant. Est-ce que c'est possible d'avoir une vie virtuelle maintenant sans sortir de chez soi? Et, bon, lui, il voyait ça comme une nouvelle forme de pathologie. Et c'est des jeunes qui ont besoin d'être appuyés davantage, une nouvelle réalité.

Là où je rejoins le collègue de la deuxième opposition, c'est que ce n'est justement pas en restant à la maison, mais c'est en en sortant progressivement, en faisant des expériences positives, qu'effectivement, là, éventuellement, là, ils peuvent sortir de ce blocage psychologique qui est un blocage psychologique réel. Mais ce n'est pas en lui envoyant à tous les mois son chèque d'aide sociale en disant : Bien, voilà, reste à la maison, tu restes à la maison depuis que tu as 12 ans, que les choses vont s'arranger. Il faut vraiment, vraiment les encadrer davantage puis trouver une façon, là, tranquillement de les ramener à une forme, disons, minimale de socialisation.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre.

M. Blais : C'est un nouveau phénomène.

Le Président (M. Cousineau) : Oui. Est-ce que vous aviez une autre intervention, M. le député de Drummond—Bois-Francs?

M. Schneeberger : Bien, pour faire un peu du millage sur ce que le ministre vient de dire, oui, c'est tout à fait en lien, c'est-à-dire, peu importe, là, il faut que... tout le monde en convient qu'il y a des personnes, là, qui sont en problématique, qui vivent des moments durs, et autres, mais, si ces gens-là ne côtoient personne, je veux dire, personne de la société ne peut les aider.

Alors, moi, je pense que, justement, en les faisant venir avec une personne pour regarder au niveau d'une première entrevue, comme le ministre dit, tu sais, ça peut des fois débloquer sur quelque chose. Il n'y a rien de parfait, mais si... Tu sais, l'obligation, je veux dire, tout le monde a des obligations dans la vie. Moi, ma fille, elle a sept ans. Des fois, elle n'a pas le goût de faire ses devoirs. Bien, je dis : Romy, si tu ne fais pas tes devoirs, bien, tu n'auras pas une bonne note. Puis une fois, elle ne les a pas faits, puis elle n'a pas eu une bonne note, puis elle pleurait ...n'est pas revenue. C'est ça, la réalité.

On est faits comme ça, puis, tu sais, des fois, ces gens-là, il faut leur donner un petit coup de pouce. Puis, si, à un moment donné, ils vont... on les tire avec nous, puis on les amène, puis c'est... On a tous, des fois, des mauvaises passes. Puis moi, j'en conviens encore que, si on... Ce n'est pas les forcer, je veux dire, c'est... Moi, j'ai toujours dit, on est très privilégié si on a une toile, un tissu social qui permet justement... qui est un privilège parce qu'il y a d'autres places, d'autres pays qui n'ont pas ça. C'est de dire : Regarde, tu es mal pris, on te donne une somme d'argent. Quand tu seras parti, bien, on a des demandes à te faire et puis... pour essayer de t'en sortir parce que le but, ce n'est pas qu'ils restent sur l'aide sociale, c'est qu'ils s'en sortent.

Alors, moi, je pense que le pire qu'on peut faire, c'est de fermer les yeux sur la personne puis de le laisser dans son un et demie, son deux et demie puis, bon, bien, on ferme les yeux puis il vit dans la misère. Ce n'est pas ça qu'on veut. On veut qu'ils s'en sortent, ces gens-là. Alors, en tout cas, moi, c'est ma manière de voir. Il y en a que ce n'est pas pareil, mais, actuellement, le système, il y a de la pauvreté. Alors, ce n'est pas en gardant la même chose, la même loi actuelle, qu'on va changer les choses si actuellement il y a des ratés.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Drummond—Bois-Francs.

Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur l'amendement déposé par M. le député de Richelieu? Donc, s'il n'y a pas d'autre intervenant, parce qu'on a utilisé tout le temps que nous avions, du moins du côté... Oui, M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte : Est-ce que nous pouvons procéder au vote par appel nominal, s'il vous plaît?

Le Président (M. Cousineau) : Bien sûr, mais je n'avais pas appelé le vote encore, mais oui. Alors, si vous demandez un vote nominal, on va aller vers un vote nominal. Mme la secrétaire.

La Secrétaire : M. Rochon (Richelieu)?

M. Rochon : Pour.

La Secrétaire : M. Turcotte (Saint-Jean)?

M. Turcotte : Pour.

La Secrétaire : M. LeBel (Rimouski)?

M. LeBel : Pour.

La Secrétaire : M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs)?

M. Schneeberger : Contre.

La Secrétaire : M. Blais (Charlesbourg)?

M. Blais : Contre.

La Secrétaire : Mme Sauvé (Fabre)?

Mme Sauvé : Contre.

La Secrétaire : M. Hardy (Saint-François)?

M. Hardy : Contre.

La Secrétaire : Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?

Mme Simard : Contre.

La Secrétaire : M. St-Denis (Argenteuil)?

M. St-Denis : Contre.

La Secrétaire : M. Drolet (Jean-Lesage)?

M. Drolet : Contre.

Le Président (M. Cousineau) : Je m'abstiens. Alors, l'amendement déposé par M. le député de Richelieu est rejeté. Donc, nous revenons à l'article principal, l'article 83.1.

M. St-Denis : ...

Le Président (M. Cousineau) : M. le député d'Argenteuil, s'il vous plaît, un peu de calme!

Alors donc, nous poursuivrons demain. Je vous rappelle le temps qu'il reste sur l'article 83.1. Il reste 1 min 10 s à M. le député de Saint-Jean, 19 min 45 s au député de Rimouski, 12 min 40 s au député de Richelieu. Je vous donne les temps parce que je sais que, ce soir, vous allez vous préparer pour demain. Pour M. le député de Drummond—Bois-Francs, 14 min 45 s, et Mme la députée de Gouin, 18 min 25 s.

Bien, ceci dit, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 21 h 29)

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