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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mardi 10 avril 2018 - Vol. 44 N° 148

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 173, Loi visant principalement à instaurer un revenu de base pour des personnes qui présentent des contraintes sévères à l’emploi


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Table des matières

Remarques préliminaires

M. François Blais

M. Harold LeBel

M. Sébastien Schneeberger

Auditions

Collectif pour un Québec sans pauvreté

Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration
des personnes handicapées (AQRIPH)

Association du Québec pour l'intégration sociale (AQIS)

Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ)

Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCPASQ)

Mme Vivian Labrie

Réseau communautaire en santé mentale (COSME)

Autres intervenants

M. Pierre Reid, vice-président

Mme Lorraine Richard, présidente

*          M. Serge Petitclerc, Collectif pour un Québec sans pauvreté

*          M. Jacques Deslauriers, idem

*          M. Yohann Morneau, idem

*          Mme Virginie Larivière, idem

*          Mme Isabelle Tremblay, AQRIPH

*          Mme Simone Forest, idem

*          Mme Ysabel Fréchette, idem

*          M. Roger Duchesneau, AQIS

*          Mme Anik Larose, idem

*          M. Samuel Ragot, idem

*          M. Martin Trépanier, OPHQ

*          Mme Anne Hébert, idem

*          Mme Marielle Bouchard, FCPASQ

*          M. Stéphane Bouchard, idem

*          M. Yann Tremblay-Marcotte, idem

*          Mme Denyse Thériault, idem

*          M. Charles Rice, COSME

*          M. Claude Saint-Georges, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures quatorze minutes)

Le Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques, s'il vous plaît.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 173, Loi visant principalement à instaurer un revenu de base pour des personnes qui présentent des contraintes sévères à l'emploi.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs) remplace M. Lamontagne (Johnson).

Remarques préliminaires

Le Président (M. Reid) : Alors, nous débutons avec des remarques préliminaires. J'invite d'abord M. le ministre, ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale et député de Charlesbourg, à faire des remarques préliminaires pour une durée maximale de six minutes. M. le ministre.

M. François Blais

M. Blais : Merci beaucoup, M. le Président. Je salue les collègues qui sont ici, aussi les représentants de différentes organisations, l'équipe, bien sûr, du ministère et sa sous-ministre, Mme Line Bérubé, qui ont travaillé très fort sur ce projet de loi qui s'inscrit à l'intérieur, bien sûr, de la stratégie, là, pour lutter contre la pauvreté et favoriser l'inclusion sociale.

Donc, cette loi vise à instaurer un revenu de base pour des personnes qui présentent des contraintes sévères à l'emploi. Comme vous le savez, notre gouvernement a présenté, en décembre dernier, le Plan d'action gouvernemental pour l'inclusion économique et la participation sociale 2013... 2017, pardon, 2023, dont le principal objectif est de sortir de manière permanente, j'insiste sur le mot «permanent», plus de 100 000 personnes de la pauvreté.

Ce plan prévoit plusieurs mesures novatrices, dont l'instauration d'un Programme de revenu de base pour des personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi. La mise en place d'un tel programme serait une première au Québec et au Canada. Cette mesure constitue une véritable révolution dans la manière d'envisager la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale en introduisant un revenu socle favorisant la liberté réelle de ceux et celles de nos concitoyens qui en possèdent le moins. Notre gouvernement compte investir 1 250 000 000 $ pour instaurer cette première forme d'allocation universelle qui, une fois jumelée au soutien du revenu existant, permettra à des adultes ayant des contraintes sévères à l'emploi d'augmenter leurs revenus disponibles au-delà du seuil de faible revenu établi selon la mesure de panier de consommation. À terme, en 2023, le revenu disponible annuel d'un adulte seul admissible au programme atteindrait plus de 18 000 $.

On estime à plus 84 000 le nombre d'adultes qui seraient visés par le Programme de revenu de base. Lors de la mise en oeuvre complète de ce programme, en 2023, le revenu de base prendrait la forme d'une prestation versée individuellement à tous les mois à chacun des adultes admissibles. À cette prestation individuelle s'ajouterait un ajustement pour les adultes sans conjoint de manière à compenser les frais supplémentaires associés au fait d'être un adulte seul.

Le Programme de revenu de base comprendrait des assouplissements de certaines règles présentement appliquées à l'aide financière de dernier recours, notamment à la prise en compte des revenus de travail et des biens et avoirs liquides. Parmi les adultes qui seraient admissibles au Programme de revenu de base, 93,2 % sont des personnes seules et 4 % sont des couples sans enfants. Ce programme s'adresserait plus spécifiquement à la clientèle présente au programme de solidarité sociale depuis au moins 66 mois au cours des 72 derniers mois. Cette période permettrait d'évaluer la persistance des limitations socioprofessionnelles de ces personnes ainsi que leur incapacité à intégrer le marché du travail.

Le projet de loi prévoit également une disposition qui accorderait un supplément correspondant à 10 % du revenu de travail net qui excède les exclusions applicables. Ce supplément serait accordé pour une période maximale de 12 mois cumulatifs aux prestataires de l'aide financière de dernier recours. Cette mesure, chiffrée à 8,9 millions de dollars, permettrait de mieux soutenir les prestataires d'une aide financière de dernier recours qui obtiennent un emploi. L'adoption de ce projet de loi permettrait de faire une différence concrète et importante dans la vie des personnes visées.

Je suis confiant que, tous ensemble, nous parviendrons à procéder rapidement à son adoption. Je tiens d'ailleurs à remercier mes collègues qui prendront part à ces travaux ainsi que les organismes et personnes qui nous partageront leurs points de vue. Je vous assure que nous prendrons le temps d'analyser tous les commentaires émis afin que ce projet de loi réponde le mieux possible aux besoins des citoyens qui en bénéficieront. Je vous remercie, M. le Président.

• (10 h 20) •

Le Président (M. Reid) : Merci, M. le ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi, de solidarité sociale et de lutte contre la pauvreté, le député de Rimouski, à faire ses remarques préliminaires pour un maximum de 3 min 30 s.

M. Harold LeBel

M. LeBel : Merci, M. le Président. Saluer M. le ministre et les gens qui l'accompagnent, les collègues du parti ministériel, mon collègue de la deuxième opposition. On va bien travailler ensemble.

Quelques mois après mon élection, en 2014, j'ai déposé à l'Assemblée nationale une pétition, je ne sais pas si vous vous en souvenez, pétition qui était initiée par des gens de Rimouski sur une pension d'invalidité pour les gens inaptes à l'emploi. Je relisais la pétition ce matin et je crois vraiment que votre projet de loi répond en grande partie à la pétition que j'avais déposée il y a déjà quelques années et je pense qu'on va pouvoir faire certaines avancées. Et vous pouvez compter sur ma collaboration là-dessus.

Cependant, je pense qu'on va profiter de ce projet de loi pour faire certains débats. Je trouve que, s'il y a un chiffre à retenir, c'est le chiffre trois. Aux deux catégories de personnes en situation de vulnérabilité, on vient d'en rajouter une troisième. Après l'aide sociale, la solidarité sociale, on rajoute «revenu de base». On vient encore complexifier les affaires, complexifier un système qui est déjà très complexe. Dans nos bureaux de comté, on le voit souvent, on accueille des gens, puis tantôt on va rencontrer quelqu'un qui est passé, là, par mon bureau pour essayer de régler ses dossiers. Même dans nos bureaux, on a de la difficulté, puis même avec les fonctionnaires du ministère, on a de la difficulté, souvent, à comprendre un système qui est supposé être là pour être humain et rendre service à des gens, mais qui est tellement complexe qu'il fait en sorte qu'il y a beaucoup de personnes qui passent à travers la trappe et réussissent mal à faire défendre leurs droits. Et ça, on n'évitera pas ce débat-là pendant cette étude du projet de loi.

On va aussi profiter du projet de loi pour relever certains débats. Tu sais, il y a certaines promesses, certains engagements qui avaient été pris, entre autres, sur le calcul des pensions alimentaires par rapport à l'aide sociale. Il y a des choses là-dedans qu'on pourra, par le projet de loi, que je pourrai questionner le ministre, avoir un peu ses visions là-dessus et comment on veut répondre aux engagements qu'on a déjà pris dans le passé.

Par rapport au revenu de base, vous savez, c'est assez... Les gens réfléchissent beaucoup au revenu de base. Hier, j'étais dans une assemblée citoyenne au Bic, et un citoyen m'a parlé du revenu de base comme une façon de répondre à des besoins puis une façon d'aller vers la dignité humaine. Mais, quand on parle de revenu de base, cette personne-là me parlait d'un vrai revenu de base, c'est-à-dire inconditionnel, universel. Un revenu de base qui respecte ce que c'est, un revenu de base. Et ce qu'on a devant nous, ce n'est pas vraiment un revenu de base universel et inconditionnel. Ça fait qu'il faudrait faire attention au vocabulaire. Et j'aurais aimé qu'on... puis je pense qu'on pourra le faire, là, discuter d'un vrai revenu de base, comment qu'on... comment le ministre voit la situation, comment, lui qui a déjà étudié là-dedans, qui a déjà même écrit... comment il voit l'avenir pour qu'au Québec on se donne un vrai revenu de base.

Puis c'est sûr que j'aurais aimé... Pour avoir participé, il y a plusieurs années, j'étais de l'autre côté de la table, à l'adoption de la loi pour lutter contre la pauvreté il y a plus de 15 ans, je me souviens du beau... du débat, du grand consensus social puis du débat où tout le monde voulait participer avec le milieu populaire, parce que ça venait du milieu populaire, à cette volonté qu'on se donne au Québec une vraie lutte à la pauvreté. J'espère qu'un jour on pourra faire un vrai débat, non pas à la pièce, mais un vrai débat sur comment on fait, au Québec, pour véritablement lutter contre la pauvreté puis respecter la dignité humaine. Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci, M. le député de Rimouski. J'invite maintenant le représentant du deuxième groupe d'opposition en matière d'emploi et de solidarité sociale, le député de Drummond—Bois-Francs, à faire ses remarques préliminaires pour un maximum de 2 min 30 s.

M. Sébastien Schneeberger

M. Schneeberger : Alors, merci, M. le Président. Alors, je vais commencer par saluer le ministre et toute son équipe aussi, les députés ministériels, mon très sympathique collègue de Rimouski, toujours un plaisir de travailler avec vous, et aussi tous les gens qui vont, durant cette commission, venir présenter des mémoires, personnes seules ou groupes, peu importe, là. C'est important d'avoir vos commentaires, et puis, des fois, il y a des choses que nous, on n'aurait pas pensées, mettre une petite puce à l'oreille. Alors, c'est très bien, c'est très constructif.

Mais, dans un premier temps, M. le Président... Ah oui! C'est vrai, et j'avais souligné dans mes notes — excusez, un petit pince-sans-rire — j'avais aussi dans mes notes de souligner la meilleure recherchiste au monde. Alors là, elle va rougir, hein? Mais elle faisait une farce, mais, vous voyez, moi, je suis quelqu'un qui... j'aime ça, faire des farces. Mais c'est très bien parce que j'aime beaucoup travailler avec. Mais par contre je suis un peu déçu, elle n'a aucun mot sur son député. Alors là, je suis un peu déçu, M. le Président.

Bon, alors, farces à part... Et, vous savez, ce projet de loi, moi, je pense qu'il va... premièrement, nous, on est pour ce projet de loi, pour l'approche de ce projet de loi. Naturellement, on aura des questions. Mais il faut quand même souligner que ce n'est pas un régime de revenu minimum garanti. C'est un régime de base avec une clientèle ciblée, ce qui est très bien. Par contre, c'est les délais. On parle ici quand même jusqu'à 2023. Ça fait que, si on regarde l'échéancier, on a le temps d'avoir deux autres gouvernements avant 2023. Et c'est sûr que, quand on annonce des politiques comme ça, on peut toujours se questionner, là, sur le long terme d'un tel régime.

Mais par contre je pense que la notion est noble. Je pense que c'est dans une bonne direction. Pourquoi les délais de cinq ans? Le délai aussi de 66 mois, c'est questionnable. Par contre, j'apprécie d'avoir eu un briefing technique avec les adjoints du ministre. Et puis ça, je suis très reconnaissant là-dessus, très constructif. Mais, bon, on aura quand même des questions à ce niveau-là. Et puis je pense qu'on va même... on a été... on a eu le projet de loi n° 70. Bon, c'était dans un autre domaine. Par contre, il faut le souligner ici, ici, on parle des personnes qui sont inaptes à l'emploi. On aura toujours des questionnements sur les classifications parce que, malheureusement, comme le député de Rimouski le disait, souvent, on a des personnes qui arrivent à nos bureaux et puis qui ne sont pas classées de la bonne manière ou on a des doutes.

Alors, M. le Président, vous me faites signe que mon temps est écoulé. Alors, je finis là et je remercie tout le monde.

Le Président (M. Reid) : Merci, M. le député de Drummond—Bois-Francs.

Auditions

Je souhaite maintenant la bienvenue au premier groupe qui va participer à nos consultations. Il s'agit du Collectif pour un Québec sans pauvreté. Je vous demanderais de vous présenter, présenter les personnes qui vous accompagnent et de prendre la parole pour une dizaine de minutes. Par la suite, nous aurons une période d'échange avec chacun des groupes parlementaires. À vous la parole.

Collectif pour un Québec sans pauvreté

M. Petitclerc (Serge) : Oui, bonjour. Serge Petitclerc, porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté. Je suis accompagné de Jacques, qui est d'Action Dignité Lanaudière, qui est membre de notre comité exécutif, qui est trésorier du collectif, on a Yohann, du Regroupement contre l'appauvrissement Rimouski-Neigette, qui est un des groupes membres du collectif, et Virginie Larivière, qui est co-porte-parole du collectif avec moi.

Alors, pour ce qui est de notre présentation, je vais partir de la fin de ce que disait M. Lebel concernant justement la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, qui a été adoptée en 2002 à l'unanimité par l'Assemblée nationale. C'est une loi qui obligeait, entre autres, le gouvernement à se donner une cible à atteindre pour l'amélioration du revenu des personnes assistées sociales selon l'indicateur qui allait être retenu. L'indicateur qui a été retenu, c'est la mesure du panier de consommation, que M. le ministre vient de parler, un indicateur qui mesure le montant nécessaire pour couvrir l'ensemble de ses besoins de base pour pouvoir vivre en santé.

Avec le projet de loi n° 173, c'est la première fois que le gouvernement concrétise cet engagement, du moins pour les personnes étant reconnues comme ayant une contrainte sévère à l'emploi dite de longue durée. Parce que ça permet un premier pas vers l'élargissement de la couverture des besoins de base à toutes les personnes en situation de pauvreté au Québec, le projet gouvernemental de revenu de base représente pour nous un pas dans la bonne direction, et c'est la raison pour laquelle on donne un appui au projet de loi qui est sujet à discussion actuellement.

Toutefois, comme le diable se trouve souvent dans les détails, on tient aussi à souligner que le projet de loi mérite d'être amélioré, tout le monde le dit. C'est la raison pour laquelle on va soumettre une série de six recommandations à la commission. Et, pour ce qui concerne les deux premières de ces recommandations, Jacques et Yohann sont là pour illustrer justement, dans le cas de Jacques, la difficulté d'obtenir une contrainte sévère à l'emploi. C'est la raison pour laquelle on recommande que le gouvernement assouplisse les critères menant à la reconnaissance des contraintes sévères à l'emploi. Et, dans le cas de Yohann, il représente bien toutes ces personnes-là qui, en théorie, pourraient avoir droit au revenu de base, mais qui n'y auront jamais droit parce qu'elles n'ont pas accès à l'aide sociale.

Alors, sur ce, je vais donner la parole à Jacques.

• (10 h 30) •

M. Deslauriers (Jacques) : Bonjour. Je m'appelle Jacques. Moi, j'ai un DEC en horticulture puis un certificat en écologie. J'ai travaillé 30 ans comme horticulteur.

En 2010, à un moment donné, j'avais mal à la jambe gauche. J'ai été voir le médecin, il m'a donné des médicaments. Deux semaines plus tard, c'était la jambe droite qui m'a paralysé. Encore là, j'ai eu des médicaments, puis là on m'a fait passer des radiographies, résonance magnétique, on a trouvé de l'arthrose au niveau de la colonne vertébrale, avec hernie discale L4, L5. Donc, tout de suite, mon médecin me recommandait d'être en contrainte sévère à l'emploi après mon 15 semaines de chômage.

Quand je suis arrivé à l'aide sociale, on a refusé ma contrainte sévère en me disant... J'avais l'impression que je venais demander la charité. On m'a demandé ce que je venais faire ici avec le salaire que je gagnais. Donc, j'ai été obligé de me battre pendant quatre ans de temps pour avoir ma contrainte sévère. Le ministère a contesté leur propre décision médicale. Sur les ordres du ministère, j'ai été voir un médecin que le ministère m'avait prescrit, et ils ont contesté la résonance magnétique de leur propre médecin parce que, moi, ça ne paraît pas, c'est le dos. Je n'ai pas de symptômes physiques apparents. Donc, à un moment donné, l'aide sociale ne me croyait pas. On a même envoyé quelqu'un me photographier pour voir si, vraiment, j'avais une contrainte sévère puis si, vraiment, je n'étais pas capable de travailler parce que ce que le ministère disait, c'est que je pouvais faire n'importe quel autre genre de travail que celui d'horticulture, sauf que mes restrictions médicales sont : une demi-heure assis, une demi-heure debout, une demi-heure à marcher. Ça fait que je ne pense pas que je puisse aller voir un employeur puis dire : Bon, bien là, j'ai besoin d'aller prendre une marche une demi-heure. Je ne pense pas qu'il y ait un employeur qui ait le goût de travailler avec quelqu'un comme ça.

Après ça, du moment que j'ai eu ma contrainte sévère à l'emploi, encore là j'ai été victime d'un paquet de choses, hein? Ce que les gens ont comme vision d'une personne qui est à l'aide sociale, c'est que tu es un paresseux, c'est que tu ne veux pas travailler, c'est qu'à un moment donné tu profites du système. Et c'est l'impression que j'ai eue aussi quand j'ai été rencontrer des fonctionnaires du ministère. J'avais l'impression qu'ils voulaient me jouer dans la tête pour ne pas que j'aille jusqu'au bout. Ça fait que ça a pris quatre ans avant de faire respecter mes droits. Merci.

M. Morneau (Yohann) : Bonjour. Mon nom, c'est Yohann Morneau. En 2011... Je suis un ex-travailleur, je travaillais à temps plein. Or, j'ai eu un accident de travail, donc je suis tombé sur la CSST, autrement dit. La problématique, c'est... le diagnostic qu'ils ont trouvé... ils ont gratté les bobos, ils ont fouillé, ils ont trouvé une sclérose en plaques, ce qui fait que j'ai perdu mon droit à la CSST; paradoxe. Je me suis battu contre la CSST, évidemment. Ça a été long, ça a été vraiment long, toffe, comme on dit en bon québécois. Ça fait mal au portefeuille, ça fait mal au moral aussi.

Ceci dit, vu que je n'avais plus de revenus, il a fallu que je me tourne vers la Régie des rentes du Québec. J'ai fait ma demande, ça a pris trois ans, à peu près, avant toute l'acceptation, puis les délais, puis ci, puis ça. Donc, j'ai eu un trou, là, financier incroyable. Je me suis reviré à l'aide sociale en attendant. L'aide sociale? Ah! je ne peux pas en avoir. Ma blonde, parce que j'ai une conjointe, elle gagne un petit peu trop. Ça fait que, là, pas de salaire, pas d'argent qui rentre dans mes poches. Encore faut-il vivre. Ça fait que ça a été dur. Ma blonde m'a super supporté. Ça a été des années pénibles, je vous dirais. On cogne à toutes les portes puis on n'a pas souvent de réponse. Puis il faut valider les réponses qu'on nous donne, c'est quand même incroyable, là.

La Régie des rentes, elle me donne 760 $ par mois. Calculez ça comme vous voulez, là, moi, je travaillais plus de 40 heures par semaine. Les comptes qui rentrent, c'est des comptes de 40 heures semaine, là. Ça ne marchait plus. Puis en plus j'ai eu une période d'un trou noir, j'étais vraiment dans l'eau chaude. À 760 $, ça fait dur. Je vais vous le dire, ça fait mal. Les batailles, ça n'a pas arrêté. La Régie des rentes, on a forcé à gauche, à droite, comme je vous disais, cogné des portes.

On est pour, puis je suis pour le projet en tant que tel. Par contre, je pense qu'il y a des détails qu'il faut peaufiner parce que, moi, c'est la Régie des rentes, je n'ai pas accès à l'aide sociale, donc je suis exclu. Il ne faudrait pas que ça soit exclusif, il faudrait que ça soit inclusif, vous comprenez?

Alors, je pense que j'en ai pas mal terminé. Je voulais juste dire merci, quand même, là, j'ai quelqu'un ici, là, Harold Lebel, c'est le député de mon comté, puis il m'a vu souvent. Puis je voulais juste remercier son bureau de m'avoir... vraiment, ils m'ont supporté, là, voire me sauver la vie des fois, tu sais. Je n'allais pas bien, je les appelais, puis ils répondaient. C'est toujours plaisant. Merci.

Mme Larivière (Virginie) : Alors, vous venez de l'entendre avec les témoignages de Jacques et de Yohann, hein, il y a encore place à l'amélioration sur le projet de loi n° 173, qui vise à mettre en oeuvre le projet de revenu de base.

Donc, en plus des recommandations qui concernent l'assouplissement des critères qui mènent à la reconnaissance d'une contrainte sévère à l'emploi et de celles qui concernent l'accessibilité au revenu de base sans avoir à passer nécessairement par le Programme de solidarité sociale, le collectif recommande également à la commission et au gouvernement que la reconnaissance d'une contrainte sévère à l'emploi soit l'unique critère d'admissibilité au Programme de revenu de base. C'est-à-dire qu'on recommande de retirer l'obligation de présence au Programme de solidarité sociale pendant au moins 66 mois des 72 derniers avant d'avoir droit, donc, au revenu de base, l'idée étant que, si on reconnaît une contrainte sévère à l'emploi à une personne, on comprend mal pourquoi on la laisserait patienter cinq et demi avant de lui donner accès à la couverture de ses besoins de base. Pour le collectif, il s'agit là d'un non-sens qu'on doit corriger.

Les recommandations 4, 5 et 6 concernent surtout le processus d'adoption du projet de loi et du projet de règlement qui suivra. Donc, le collectif recommande que le montant des prestations du Programme de revenu de base soit inscrit dans le règlement et que la mesure du panier de consommation y soit clairement identifiée comme le seuil auquel s'élèvera le revenu de base parce que, si, dans le plan de lutte que le gouvernement a déposé en décembre dernier, on identifie la MPC comme étant le seuil à atteindre, malheureusement, le projet de loi actuel n'y fait pas mention. Pour nous, c'est important, là, de clarifier ces détails-là, hein, qui n'en sont pas.

Ensuite, le collectif recommande que l'atteinte de la cible d'amélioration du revenu à la hauteur de la MPC soit devancée. En effet, pourquoi attendre 2023 pour permettre à des gens de mieux couvrir leurs besoins de base? Et enfin, dernière recommandation, que le Programme de revenu de base soit implanté dans les plus brefs délais parce qu'on l'a dit le collectif appuie le projet de loi et on considère que plus rapidement il sera implanté, eh bien, mieux ce sera pour les personnes concernées. Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci. Merci pour votre exposé. Merci aussi pour vos témoignages. Nous allons maintenant procéder à une période d'échange avec les groupes parlementaires. Le premier groupe, le groupe gouvernemental. Et, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Blais : Oui. Alors donc, merci beaucoup pour vos exposés, vos récits aussi, là, personnels. Je pense que ça donne une idée assez précise, là, des démarches que vous avez entreprises.

Autour de ce projet-là, je pense qu'il va y avoir beaucoup de discussions avec des experts, avec ces gens aussi qui sont passés par les processus sur la reconnaissance d'une contrainte sévère, ce que c'est qu'une contrainte sévère, ce qui n'est pas une contrainte sévère, hein, puis dans un contexte assez particulier parce que, vous avez remarqué, depuis quelques semaines, on parle... depuis l'affaire Walmart, hein, on parle aussi... Et je pense que les organismes de défense des droits des personnes handicapées seront là pour dire : On veut aussi l'intégration pleine et entière sur le marché du travail, si possible. Vous savez, on a aussi des programmes qui financent l'intégration pour les personnes handicapées. On met beaucoup d'argent, donc, là-dessus. On a une politique qui s'en vient aussi. Donc, on sait qu'on va continuer parce qu'il y a un besoin de main-d'oeuvre.

Donc, comment vous voyez cet arbitrage-là, là, entre la volonté pour plusieurs de se maintenir sur le marché du travail ou d'intégrer le marché du travail, bien sûr avec une aide de l'État, et la nécessité aussi de reconnaître que, pour certaines personnes, là, ça va être très difficile, hein, et qu'il faut leur assurer, à ces personnes-là, là, un revenu plus décent?

M. Petitclerc (Serge) : Bien, c'est évident que la raison pour laquelle on appuie le projet de loi, c'est parce qu'on reconnaît, en fait, qu'effectivement la ligne à tracer, c'est la mesure du panier de consommation, tout en conservant la possibilité pour les personnes d'avoir accès à des mesures d'aide à l'emploi, parce que ce n'est pas parce qu'on a une contrainte sévère qu'on ne peut pas occuper des petits boulots puis contribuer à la société par un emploi salarié.

Par contre, le problème qu'on voit puis une des choses qu'on a identifiées, si c'est vrai que, dans certains cas, ça peut être évident qu'une personne n'a pas une capacité réelle d'aller sur le marché du travail, il y a toute une série de personnes à l'aide sociale qui n'ont pas cette reconnaissance-là. On pense, entre autres, à toutes les questions qui ont des contraintes temporaires en emploi et, dans certains cas, depuis 10 ans. La moitié des personnes qui ont une contrainte temporaire en emploi, c'est des contraintes à l'emploi de très longue durée parce qu'on reconduit, de diagnostic en diagnostic, une contrainte temporaire. Et actuellement j'ai cru comprendre qu'au gouvernement on étudie les fameux diagnostics pour donner une contrainte sévère à l'emploi. On pense qu'on devrait assouplir de ce côté-là aussi pour faire en sorte qu'il y ait des gens qui, actuellement, n'auront pas accès au projet de revenu de base pour la simple et bonne raison qu'on ne leur reconnaît pas une contrainte sévère à l'emploi quand on sait très bien que, quand ça fait 10 ans que tu as une contrainte temporaire, là, ça commence à ressembler à une contrainte sévère.

M. Blais : Donc, la première suggestion que vous faites, là, disons très concrète, c'est : Regardez donc du côté des contraintes temporaires. Il me semble qu'après un certain nombre d'années on a la justification que ça n'est pas si temporaire que ça.

• (10 h 40) •

M. Petitclerc (Serge) : Bien, c'est qu'en fait un des... Dans toute la discussion qu'on fait depuis quelques semaines autour du Programme de revenu de base, on parle souvent des personnes lourdement handicapées. Avec Walmart, on a entendu parler des gens qui ont une déficience intellectuelle. Mais, en fait, le plus grand nombre de personnes qui ont une contrainte sévère à l'emploi, ce sont des gens qui ont un problème de santé mentale. Et c'est très difficile d'obtenir une contrainte sévère à l'emploi lorsqu'on a un problème de santé mentale. Il y a des critères assez stricts où tu dois avoir tel âge, une schizophrénie de tel type, que tu aies occupé ou non un emploi pendant tant de périodes dans les dernières semaines.

Regardez, prenez la peine, comme parlementaires, allez voir les listes de reconnaissance de diagnostics dits évidents pour avoir une contrainte sévère à l'emploi. Et c'est très restrictif. Encore là, même quand on parle de problème de santé physique, Jacques en a donné une démonstration tantôt, tous les problèmes de dos, là, tous les problèmes de fibromyalgie, je ne me suis pas trompé dans le mot, souvent, c'est des diagnostics qu'on n'est pas capable d'avoir une contrainte sévère à l'emploi ou ça prend tellement de temps pour l'avoir que ça fait en sorte qu'on dégrade sa situation, sa santé, son estime de soi, ses conditions de vie, ce qui fait que, lorsque la personne va finalement avoir une contrainte sévère, elle va devoir attendre encore six ans pour avoir accès au revenu de base. Autant dire que cette personne-là se retrouve dans une situation totalement déplorable. Et on l'éloigne justement encore plus du marché du travail. C'est ça, le côté un peu fou de la reconnaissance des besoins en lien avec une contrainte à l'emploi, c'est que ça fait en sorte que la santé des gens se dégrade, puis ça, ça les éloigne du marché du travail.

Mme Larivière (Virginie) : Je rajouterais, pour vous donner un exemple assez concret, là, dans les diagnostics automatiques de contrainte sévère à l'emploi, quelqu'un qui souffre de schizophrénie, par exemple, et qui a 39 ans, 40 ans et moins, aura probablement une contrainte temporaire. Dès que cette personne atteindra l'âge de 40 ans, on va lui donner une contrainte sévère à l'emploi.

Alors, pourquoi cet arbitraire basé sur l'âge par rapport à un diagnostic de schizophrénie? On ne comprend pas ce genre d'arbitraire là sur l'admission d'une contrainte sévère à l'emploi.

M. Blais : Dans le fond, c'est vrai que tracer la ligne, c'est très difficile, hein? Alors, nous, on a accepté, là, je pense qu'on l'a communiqué, là, aux collègues, on a accepté de mettre sur pied un comité, là, avec l'adoption du projet de loi, pour examiner l'enjeu, là, du délai de carence, appelons ça comme ça, de six ans. Est-ce qu'on pourrait avoir des critères plus objectifs, entre guillemets? Et on a toujours des images très fortes dans lesquelles on a un consensus immédiat, mais il y a aussi des endroits où il n'y a pas de consensus, il est très faible.

Puis vous avez raison quand vous dites : Il y a une grosse partie... puis ça, ce n'est pas connu, une grosse partie des personnes qui sont aujourd'hui à la solidarité sociale, c'est 43 %, sont des personnes qui sont... un diagnostic de santé mentale. Et je pense qu'il faut se réjouir, malgré toutes les discussions qu'il peut y avoir, d'avoir un programme qui reconnaît la santé mentale comme étant... Parce qu'on imagine souvent les handicapés physiques profonds, là, disons, comme étant les seuls qui ont accès à la solidarité sociale, et encore au revenu de base, puis je pense qu'il faut élargir. L'idée du délai de carence, c'est que ça objectivait un peu la situation. Là, on sait qu'il y a une permanence, alors que, notamment dans les questions de santé mentale, plusieurs trouvent une solution, une réponse, là, puis sortent de la solidarité sociale pendant un certain temps.

Alors, nous, on a accepté de regarder cet enjeu-là avec des organismes de défense des droits des personnes handicapées, non pas parce qu'eux pensent, en tout cas ils nous le diront eux-mêmes, qu'il y a une solution, puis on connaît un critère sur lequel on va tous s'entendre, puis que ça mériterait un tour de roue supplémentaire pour qu'on vérifie si on peut avoir quelque chose de différent que ce délai de carence qui a le mérite quand même d'être assez inclusif... alors, qui est exclusif parce qu'il y a une attente, mais regardez quelqu'un qui, aujourd'hui, est handicapé. À 18 ans, il a accès à la solidarité sociale et il va attendre d'avoir 65 ans, donc, pour passer à la sécurité de la vieillesse et au supplément de revenu garanti. À 65 ans, son revenu se rapproche de la MPC, parfois le dépasse. Il va attendre 47 ans, là, pour sortir de la pauvreté, alors qu'avec la proposition ici, mais, quand même, c'est à partir de 24 ans, là, qu'on y voit une amélioration nette, là, de son revenu disponible.

Mais on accepte de regarder ça, là. Bien sûr, on est très conscients, là, qu'on peut faire un tour de roue supplémentaire pour voir si on pourrait changer des choses. On va écouter aussi les propositions des collègues autour de la table.

Le Président (M. Reid) : Est-ce qu'il y a d'autres questions du côté gouvernemental? Alors, nous allons passer maintenant au groupe de l'opposition officielle. Et, M. le député de Rimouski, à vous la parole.

M. LeBel : Oui, merci. Merci, M. le Président. Tu sais, j'entends, dans les propos du ministre, qu'il est sous-entendu cette philosophie qui dit que, si on sort les gens de la pauvreté trop, si on les amène au revenu de base, bien, par le fait même, on les décourage d'aller se trouver des emplois puis que, si on veut qu'ils intègrent le marché du travail, il faut les garder le plus bas possible parce que, sinon, ils n'iront pas travailler. Moi, je trouve que c'est porté par un préjugé comme de quoi les gens ne veulent pas travailler.

Moi, je ne suis pas sûr. Dans les pays qui se sont donné des vrais revenus de base, les gens, ils prennent de la dignité puis ils réintègrent le marché du travail, ils ont le goût d'aller travailler. Je ne pense pas que c'est en les gardant... en ayant moins de revenus puis en les poussant vers la pauvreté plus extrême qu'on va s'assurer qu'ils vont aller travailler plus. Puis le projet de loi n° 70 rajoute des pénalités à tout ça pour être sûr qu'ils vont se forcer pour aller travailler. Moi, je trouve ça... Ça ne passe pas, pour moi, en tout cas, ce genre de philosophie là.

Puis quand le délai... Bon, les comités, on pourra s'en reparler, là, regarder comment ça pourrait être fait, mais, tu sais, moi, quand je lis ça, là, c'est comme on dit : Pour être sûr qu'ils sont avec des contraintes sévères, là, on va leur imposer cinq ans de misère. Quand ils vont avoir fait cinq ans de misère noire, là, bien là c'est sûr, sûr, là, qu'ils sont contraintes sévères. Mais, s'ils n'ont pas passé à travers leurs cinq ans et demi de misère noire, bien, ce n'est peut-être pas vrai qu'ils ont des contraintes tant que ça, tu sais. C'est ce bout-là que j'accepte mal.

Puis, pour avoir travaillé avec Yohann, surtout à mon bureau de comté, là, mon personnel qui travaillait très fort avec lui, si on peut voir les effets de ce que ça fait, attendre, puis attendre, puis attendre... Des fois, il venait à mon bureau puis juste pour jaser parce qu'à un moment donné il fallait, il avait besoin d'air, il avait besoin de quelque chose. Puis je félicite le collectif d'avoir amené des cas concrets. Mais les cas que vous avez amenés, leurs situations, c'est des situations physiques. Tu sais, on peut voir facilement, là, tu sais, que tu as des problèmes physiques. Mais j'en ai aussi, dans mon bureau, que c'est des cas de santé mentale. Effectivement, comme tu disais, c'est bien compliqué, encore beaucoup plus compliqué à essayer de faire comprendre qu'il y a des contraintes sévères.

J'aimerais ça que m'en parliez un peu plus. Comment qu'on pourrait faire? Comment qu'on pourrait faire pour... Tu sais, cinq ans avec des problèmes de santé mentale qui recommencent, puis qui recommencent, puis qui recommencent, et que les problèmes de couple, que tu ne peux pas avoir une blonde, puis un chum, puis ci, puis ça. Comment tu t'en sors? Puis comment vous voyez... Comment on pourrait faire pour intégrer, pour améliorer le projet de loi, pour respecter ces gens-là?

• (10 h 50) •

M. Petitclerc (Serge) : Peut-être, une des choses qu'on pourrait dire par rapport à ça, et ça nous ramène à tout le débat sur Objectif emploi, c'est-à-dire l'importance de l'accompagnement, un des problèmes avec l'aide sociale, c'est que les gens sont abandonnés à eux-mêmes et à elles-mêmes.

M. Blais disait souvent, en parlant d'Objectif emploi, qu'une personne peut être à l'aide sociale depuis 10 ans, ne recevoir aucun numéro de téléphone, on ne peut l'obliger à rien, on ne le rencontre pas. Puis on est d'accord pour dire que c'est effectivement un problème. Jusqu'en 2007, on avait ce qu'on appelait la rencontre initiale où, lorsqu'une personne déposait une demande d'aide sociale, on le rencontrait pour compléter son formulaire de demande, voir s'il n'y a pas des erreurs, et on expliquait aux gens c'étaient quoi, leurs droits, c'étaient quoi, leurs devoirs, c'étaient quoi, les programmes qui étaient accessibles dans leur centre local d'emploi.

On a des personnes, on reprend un exemple des contraintes temporaires 10 ans, là, ces gens-là, il faut les contacter, il faut entrer en contact avec ces gens-là pour être capable de comprendre pourquoi ils reçoivent des... Tu sais, des gens qui font des dépressions chroniques, là, et puis qu'à tous les trois mois, je ne sais pas, d'un côté, on leur donne des pilules puis, de l'autre côté, on renouvelle leurs contraintes temporaires, ça devient un peu fou, ça. Il y a combien de milliers de personnes qui sont jugées sans contrainte à l'emploi qui devraient avoir une contrainte sévère?

Je comprends qu'on va peut-être en rencontrer une partie avec le nouveau programme Objectif emploi, en tout cas, oublions la pénalité pour tout de suite, il n'en demeure pas moins qu'une personne qui fait une demande d'aide sociale pour une deuxième, une troisième, une quatrième fois, avec ou sans contrainte temporaire à l'emploi, bien, cette personne-là, il faudrait la rencontrer, il faudrait étudier...

Parce que ce que les gens ne savent pas souvent, c'est que, pour avoir une contrainte sévère, oui, ça passe par un médecin, mais il faut en faire la demande. Pour en faire la demande, il faut d'abord savoir que ça existe. Et tu ne peux savoir si ça existe si tu ne rencontres pas un être humain qui te l'explique. Et souvent ça, ça se passe dans des groupes communautaires parce que les gens se retrouvent dans la rue ou dans des situations pénibles. Ils se retrouvent dans des groupes communautaires, dans des bureaux de député, et puis là on leur dit que ça existe. Combien de fois que j'en ai rencontré? Dans une ancienne vie, où j'étais dans un groupe d'échange de services, on rencontrait des gens qui faisaient des demandes de prêt, des demandes d'aide, et puis on se rendait compte que ces gens-là recevaient une prestation d'aide sociale, mais recevaient le petit chèque, pour reprendre le terme qu'on utilisait à l'époque, mais on se rendait bien compte que ces gens-là avaient des problèmes de santé et, entre autres, des problèmes de santé mentale qui, souvent, sont mélangés avec des problèmes de santé physique, avec, des fois, des problèmes de violence conjugale, des problèmes avec son... C'est tout un ensemble de facteurs qui font en sorte que la santé de cette personne-là se dégrade. Et, lorsqu'on accompagne ces personnes-là qui sont capables d'avoir enfin accès à une contrainte temporaire à l'emploi, même si on n'est pas encore rendus au revenu de base, on est capables, des fois, de leur obtenir un logement dans une coopérative d'habitation subventionnée, bien, la situation de ces personnes-là s'améliore.

Alors, c'est évident que, nous, à partir du moment où on dit que le minimum pour vivre, c'est le revenu de base, bien, il faut accorder à ces personnes-là le revenu de base, peu importe la durée de la contrainte temporaire. Et là on va être capables peut-être de rattraper ces gens-là qui ont des problèmes de santé mentale.

Et il ne faut jamais oublier que le type de ménage qui sort le plus de l'aide sociale depuis de nombreuses années, ce sont les familles monoparentales. Pourquoi? Parce que ce sont celles qui ont le meilleur soutien financier. Plus d'argent dans tes poches, moins de soucis, plus de liberté mentale pour retourner aux études puis se chercher un emploi. Puis, quand ça, c'est combiné avec des bonnes politiques familiales, ça finit par avoir un effet positif.

Nous, on considère qu'améliorer le revenu des gens ça va améliorer leur santé, puis, si tu améliores leur santé et physique et mentale, bien, ces gens-là vont avoir une meilleure capacité à retourner sur le marché du travail, aux études ou faire d'autres choix de vie pour contribuer à la société, mais, au moins, les gens vont être moins maganés.

Mme Larivière (Virginie) : ...à la page 8 de notre mémoire, vous pouvez voir, il y a un graphique qu'on a copié-collé, qui est issu du plan de lutte qui a été déposé en décembre dernier. Le taux de sortie de l'aide sociale, de la solidarité sociale, en fait, change très, très peu. À partir du 24e mois au 72e, le taux plafonne déjà dès le 24e mois. Alors, on comprend mal pourquoi on demande d'attendre 66 mois, minimalement 66 mois, des 72 derniers. Déjà la formulation est aussi un peu compliquée. On ne sait pas s'il faut rester 66 mois ou 72 mois. Peut-être qu'on pourra faire la lumière là-dessus. Mais donc, voilà, le taux de sortie plafonne après 24 mois. Le comité d'experts qui était chargé d'étudier la faisabilité d'un revenu minimum garanti, sans être très, très ferme sur cette question-là, ne voulait pas se prononcer sur cette question-là, mais se disait quand même... proposait le deux ans, là, au Programme de solidarité sociale. Est-ce que c'est la bonne ligne à tracer? Le collectif ne voudrait pas s'engager dans ce débat-là. Nous, on considère que, dès qu'il y a une contrainte sévère à l'emploi qui est reconnue, on devrait donner accès au Programme de solidarité sociale à ces personnes-là.

Le Président (M. Reid) : Il reste 1 min 30 s.

M. LeBel : Question technique, là. Vous avez... Je m'excuse, j'aurais juste une petite question technique. Tantôt, j'ai parlé des pensions alimentaires, parce que, dans le projet de loi, on parle du revenu de base, mais aussi on veut corriger certaines autres choses. Vous, vous avez étudié le projet de loi. Est-ce que vous pensez qu'il y a une ouverture, qu'il y a quelque chose là-dedans que je pourrais... une pogne que je pourrais... qu'on fasse respecter l'engagement de tout le monde d'arrêter de calculer les pensions alimentaires dans le calcul d'aide sociale? Voyez-vous quelque chose que je pourrais faire, là, pour vous aider là-dessus?

M. Petitclerc (Serge) : Écoutez, c'est la Loi visant principalement à instaurer un revenu de base. Donc, «principalement», dans mon esprit, ça veut dire qu'il y a de la place pour autre chose. Puis je pense qu'à partir du moment où il y a eu l'unanimité à l'Assemblée nationale pour la fin du détournement des pensions alimentaires, moi, je pense que ça peut être un bon moment au même titre que ça s'est discuté lors du projet de loi sur Objectif emploi.

Une voix : Mais il y a Jacques qui voulait ajouter quelque chose, je pense.

M. Deslauriers (Jacques) : Oui.

Une voix : Merci.

M. Deslauriers (Jacques) : Quand on parle de santé mentale, si on se bat pendant quatre ans de temps pour faire reconnaître une contrainte sévère à l'emploi, on vient qu'on développe des problèmes de santé mentale. Puis là ce n'est plus rien que des problèmes physiques, on rajoute des problèmes de santé mentale parce qu'on est obligés de se battre tellement longtemps puis parce qu'ils viennent tellement nous jouer dans la tête qu'à un moment donné ce n'est plus rien qu'un problème physique que tu as, mais c'est aussi un problème de santé mentale.

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous allons passer maintenant au deuxième groupe d'opposition et à M. le député de Schneeberger.

M. Schneeberger : 20 minutes?

Le Président (M. Reid) : Vous avez six minutes.

M. Schneeberger : Oui, ce n'est pas long. Bon, alors, j'aurais beaucoup de questions sur la santé mentale, mais on aura la chance dans un autre regroupement. Alors, j'irai là-dessus.

M. Morneau, premièrement, je compatis beaucoup avec vous. Vous avez dit que vous étiez atteint de sclérose en plaques, c'est ça?

M. Morneau (Yohann) : Oui, tout à fait.

M. Schneeberger : O.K. Ça fait que, malgré vos malchances, je vous trouve encore chanceux parce que ma mère a ça, et puis elle, malheureusement, est en chaise roulante, quadraplégique depuis plus de 20 ans maintenant. Alors, prenez soin de vous, c'est important.

J'aimerais questionner... parce que, justement, vous, vous êtes passé dans une espèce d'entonnoir, puis, quand on dit que tu n'as pas été dans la bonne track, là, vous êtes un peu un exemple. J'aimerais que vous précisiez un petit peu votre cheminement. C'est-à-dire que, quand vous êtes atteint d'une maladie, comme vous, qui n'est pas reconnue comme un handicap physique au début, si je me trompe... corrigez-moi si je me trompe, là...

M. Morneau (Yohann) : Ce qui est arrivé, c'est que j'ai eu un accident de travail avant, préalablement. Et c'est là qu'ils ont découvert la sclérose en plaques. Mais j'avais déjà une boiterie, évidemment, là, suite à l'accident de travail. Ça va de soi, là, je veux dire...

M. Schneeberger : Mais, justement, et, vous, votre problème, c'est que, bon, vous étiez sur la CSST en étant en accident de travail. Ça fait que, là, c'est toujours toute la routine technocratique, et autres. Ce n'est pas facile. Mais là vous, vous êtes le genre de citoyen que vous tombez entre deux chaises, étant donné que, là, de plus du diagnostic avec votre accident de travail, vous avez un autre diagnostic que, lui, n'est pas en lien avec l'accident de travail.

M. Morneau (Yohann) : Et voilà.

M. Schneeberger : Et c'est là que l'histoire commence.

M. Morneau (Yohann) : Tout à fait. J'ai passé à la Commission des lésions professionnelles. Ça, déjà là, comme je vous disais tantôt, ça, ça a été une bataille extraordinairement dure, là, c'est fou. On nous tire dessus à boulets rouges. On nous filme, comme Jacques en parlait tantôt, on n'a pas peur de nous filmer puis d'écrire des rapports à la James Bond, là, si je peux me permettre. Suite à ça, j'ai reçu le rapport de la Commission des lésions professionnelles qui disait que j'avais perdu, vu qu'il y avait des plaques... ils ont découvert des plaques lors d'une investigation médicale. Et là tout... C'est là, là, où le bât a commencé à blesser, comme on dit, là. C'est là, là, où que ça ne fittait plus.

Je me suis reviré de bord, j'ai essayé d'avoir de l'aide sociale, un soutien financier minimum, là, puis je ne pouvais pas. Ils m'ont donné un mois, puis je pense qu'il a fallu que je le rembourse, en plus, là. Après ça, il me restait la Régie des rentes. Puis j'ai une amie, Louise DesRosiers, qui m'a donné un gros coup de main. Elle a travaillé... je ne sais même pas comment qu'elle a fait pour travailler de même, là. Elle n'avait pas rien que moi comme cas puis elle a travaillé vraiment, vraiment fort pour me soutenir, déjà, mais elle m'a aidé mentalement, moralement, presque physiquement. Quand tu as moins de trucs dans la tête, quand c'est moins pesant, tu te sens plus léger un petit peu. Les troubles psychologiques qu'on disait tantôt, c'est quelque chose... on passe par là, on se pose des questions.

M. Schneeberger : Vous, vous n'aviez pas d'assurance collective avant ça.

M. Morneau (Yohann) : Moi, j'avais une assurance collective, mais la problématique avec la CSST, comment je peux dire, je pense que c'est l'article 240, ça fait qu'à tous les deux ans... après deux ans tu perds ton lien d'emploi en arrêt. Il y a... Tout le monde perd son lien d'emploi avec la CSST parce que ça dure plus que deux ans tout le temps. C'est un «catch-22», là, tu sais. Tu y vas, là, puis tu as deux strikes. Ce n'est pas compliqué, là. Alors, à partir de là, comme je vous dis, c'est dur mentalement.

M. Schneeberger : Bien, moi, c'est ça, c'est parce que vous, à quelque part, vous êtes capable de travailler quelques heures par semaine. Le problème : trouver quelqu'un qui veut vous engager. Personne. Et c'est ça, la problématique. Moi, j'ai un de mes amis personnels qui a une maladie, qui sera malade toute sa vie, il n'y a personne qui veut l'engager. Puis là lui, il bénéficie d'une assurance collective, mais il aimerait ça, travailler, mais, si, demain matin, quelqu'un l'engage, il perd ses... Puis, si, demain matin, l'autre le met dehors, il n'a plus rien. Il se retrouve avec rien, avec un chèque de... comme vous. Et il est là, le hic. Elle est là, la problématique.

Alors, c'est sûr que ces gens-là, ils ne veulent pas faire de «move» parce qu'ils disent : Moi, j'ai mes enfants, ils sont jeunes, je vais devoir vendre ma maison, je ne serai plus capable d'assumer rien. Et c'est ça, la grosse problématique. Et vous êtes un cas typique de citoyen... Par chance, il n'y en a pas des centaines de milliers, mais ceux qui sont pris comme ça, ils sont vraiment mal pris.

• (11 heures) •

M. Morneau (Yohann) : Mais, si je peux me permettre, là, il y en a plus qu'on pense. Il faudrait gratter, là, puis je vous garantis qu'il y en a qui sortent, parce que je parle beaucoup, moi, dans ma région, j'ai de l'attitude, comme on dit, puis je vais cogner là où il faut des fois, puis il y en a, il y en beaucoup qui ont sorti. Il y en a qui ont de la misère, qui tombent, tu sais, c'est comme entre deux chaises. Ils tombent là puis ils ne savent plus, ils n'osent plus bouger, ils n'osent plus aller cogner aux portes, ils ne savent plus quoi faire. Puis il n'y a personne qui les aide, là, il n'y a personne qui dit : Tiens, voilà le chemin à suivre. Là, tu as du temps, des fois, pour des contestations. Contester tes affaires, là, tu as 30 jours pour contester, mettons. Bon, O.K., mais il faut le savoir. Comment tu fais pour contester? Il faut le savoir. C'est ça aussi, là, je pense, là. La bureaucratie, là, c'est bien beau, bien le fun, mais aidons les citoyens à s'aider. Je pense qu'à partir de là ça va être déjà un début.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, M. Morneau, M. Deslauriers, M. Petitclerc, Mme Larivière, merci beaucoup pour votre contribution aux travaux de la commission, contribution très importante.

Alors, je lève l'assemblée quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 1)

(Reprise à 11 h 5)

Le Président (M. Reid) : Alors, nous allons reprendre nos travaux. J'invite maintenant à prendre la parole l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées. Vous allez avoir 10 minutes pour faire votre présentation. Pour les fins d'enregistrement, si vous voulez commencer par vous présenter et présenter les personnes qui vous accompagnent. À vous la parole.

Alliance québécoise des regroupements régionaux pour
l'intégration des personnes handicapées (AQRIPH)

Mme Tremblay (Isabelle) : Alors, bonjour. Isabelle Tremblay, je suis la directrice de l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées, communément appelée l'AQRIPH. Je suis accompagnée d'Ysabel Fréchette, de la table de concertation régionale des associations de personnes handicapées de Lanaudière, et de Simone Forest, qui est stagiaire à l'AQRIPH concernant le projet de loi n° 173. D'ailleurs, c'est Simone qui va vous livrer un message au début de notre présentation.

Mme Forest (Simone) : Bonjour à vous, chers députés et ministre. Je me présente, Simone Forest, j'ai 18 ans et j'étudie présentement au cégep Garneau dans le programme du baccalauréat international. Je suis actuellement stagiaire au sein de l'AQRIPH concernant le projet de loi n° 173.

Je m'adresse à vous aujourd'hui pour vous montrer mon soutien et notre soutien envers ce projet de loi visant principalement à instaurer un revenu de base pour les personnes qui présentent une contrainte sévère à l'emploi. Je suis une citoyenne qui a la chance d'être née en bonne santé et j'ai toujours pu faire mes choix en fonction de mes intérêts ou de mes convictions. Mais, vous le savez, et je le sais aussi, ce n'est pas vraiment le cas pour tous les Québécois et Québécoises. Des milliers de personnes, en raison de leur handicap, vivent dans un état de précarité, voire même de pauvreté. Pour moi, dans la société dans laquelle j'évolue aujourd'hui, c'est inacceptable, et cette situation se doit d'être améliorée.

Je crois sincèrement que c'est avec ce projet de loi que nous aurons un Québec plus juste et égalitaire. En effet, ce revenu va permettre une meilleure participation sociale de ces citoyens au sein de notre Québec. Il urge de faire quelque chose afin d'avoir un véritable exercice du droit à l'égalité. L'augmentation du revenu de base est cruciale afin de prouver que nous ne laisserons jamais, et sous aucun prétexte, les personnes handicapées de côté.

Juste comme ça, voici la une du Journal de Québec ce samedi : 12 portraits de handicapés au travail, capables, travaillants, et on les aime. Pourquoi, en 2018, on est encore obligés de prouver, avec des articles comme celui-ci, qu'ils sont travaillants et capables? On devrait être rendus un peu plus loin, et ce n'est pas vraiment la définition que j'ai d'un Québec vraiment inclusif. Je suis convaincue que le revenu de base permettra à ces personnes de plus participer socialement et de se sentir vraiment plus intégrées dans notre Québec.

À l'automne 2019, je vais probablement commencer mes études à l'Université Laval en sciences politiques. Alors, dans 15, 10 ou peut-être cinq ans, je serai peut-être à votre place, de l'autre côté de la salle, dans un de vos sièges, et j'aimerais ça pouvoir dire que mes prédécesseurs ont permis ce pas par une meilleure inclusivité sociale au Québec.

Alors, présentement, je m'adresse à vous tous, tous les parlementaires ici présents, et ce projet de loi se doit d'être adopté, et le revenu de base se doit d'être instauré. Votre vote en faveur de ce projet de loi est crucial et capital. Investissez-vous pour que je sois fière de vous, que tous les jeunes en soient fiers et que tous les Québécois le soient aussi. Merci beaucoup.

Mme Tremblay (Isabelle) : Alors, après la jeunesse, ne pensez pas à la vieillesse.

Écoutez, ça fait 20 ans que je dirige l'AQRIPH. Tout d'abord, je voudrais vous remercier de nous avoir convoqués en commission parlementaire pour pouvoir vous présenter le mémoire de l'AQRIPH. Au mois de décembre, le ministre Blais a déposé le troisième plan de lutte contre la pauvreté. À l'AQRIPH, on n'y croyait presque pas quand on a vu qu'enfin les contraintes sévères à l'emploi allaient pouvoir bénéficier d'un revenu de base. On a même été un petit peu sceptiques, et puis on l'a dit dans notre communiqué de presse, on espère que ce ne sera pas une espèce de ballon et qu'on va décevoir autant de personnes.

Non, au contraire, le gouvernement a déposé son projet de loi dans un délai record. J'ai peut-être compris pourquoi tantôt. J'ai rencontré un collègue d'université qui a étudié avec moi en droit, qui est législateur. Je me disais : Ah! O.K., on était... C'est pour ça que ça a été efficace comme ça, Pierre travaille dans le dossier. C'est bon à savoir aussi. C'est bon à savoir aussi parce que, quand on était à l'université, on nous disait : Les tribunaux sont là pour connaître les intentions du législateur. Et moi, je me suis toujours demandé : Comment ça se fait qu'on ne va pas leur demander, aux législateurs? Ils sont là! Alors là, on les a, les législateurs. On va travailler avec eux sur les intentions réglementaires et au sein d'un comité de travail qui a été mis sur pied par le ministre.

• (11 h 10) •

Le message de l'AQRIPH qu'on veut vous porter aujourd'hui, c'est un message unique. Habituellement, quand on fait des mémoires en commission parlementaire, on va avoir certaines recommandations, on va analyser en profondeur les projets de loi. Nous, ce qu'on veut, c'est que cette avancée majeure pour les personnes handicapées soit instaurée au Québec, à savoir le revenu de base. Les personnes handicapées qui sont contraintes sévères à l'emploi, on sait qu'il y en a quand même plusieurs. Et, pour 84 000 personnes, ce projet de loi là va être une nette avancée. On sait que les personnes contraintes sévères sont moins scolarisées et aussi qu'elles sont les plus défavorisées financièrement.

C'est certain qu'il y a des éléments qui pourront être bonifiés. Et là-dessus on salue le ministre. On a travaillé avec le cabinet sur comment on pourrait améliorer les dimensions qu'il va y avoir dans les règlements sur le projet de loi. Donc, on va pouvoir participer autrement pour améliorer le projet de loi. Sauf que le message important, il est porté non seulement par la jeunesse, mais il est porté aussi par les 15 regroupements régionaux qui sont membres de l'AQRIPH. Vous expliquer, et puis j'ai quand même nos dépliants ici qui expliquent la structure de l'AQRIPH, c'est qu'on a comme membres 15 regroupements partout au Québec, qui, eux, rassemblent à peu près 400 organismes locaux.

À la page 17 de notre mémoire, vous avez une lettre, qui est signée par la présidente de l'AQRIPH, qui a été adressée à tous les parlementaires. Et c'est le message qu'on vient vous porter aujourd'hui, c'est qu'on veut absolument que le revenu de base soit adopté en commission parlementaire. On ne veut pas faire de... On ne peut pas, pour une question de modalités, faire fi de l'adoption de ce principe-là.

Alors, ce qui est particulier, c'est qu'il y a eu une grosse mobilisation au Québec concernant le revenu de base, et vous avez, aux pages 18 et suivantes, le résultat de cette mobilisation-là. C'est que, dans chacune des régions, les regroupements régionaux ont rencontré leurs organismes locaux, et on s'était dit : On va écrire un paragraphe aux députés que vous voulez interpeller, aux gens de vos circonscriptions ou à tous les parlementaires. Et c'est ce que vous avez. Vous avez 400 groupes derrière l'AQRIPH qui viennent vous dire que, pour eux, c'est vraiment important, l'instauration d'un revenu de base au Québec.

Alors, voilà le message de l'AQRIPH. On pourra échanger ensemble sur certaines modalités qu'il y a dans notre mémoire.

Le Président (M. Reid) : Merci. Vous avez terminé votre présentation? Merci pour votre présentation. Nous allons passer maintenant aux échanges avec les groupes parlementaires. Nous allons commencer par le groupe gouvernemental. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Blais : Alors, merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue. À mon tour de vous dire bienvenue. Alors, peut-être une très bonne idée, Simone, d'aller en sciences politiques. En passant, faites des cours de philosophie politique aussi, hein, parce que c'est assez important, je pense, pour votre formation. Ça fait des belles carrières.

Peut-être que je vais aller au coeur d'un débat qu'on a eu tout à l'heure, d'un échange qu'on a eu tout à l'heure. Je vais le formuler un peu autrement. On est dans un contexte de plein emploi ou presque plein emploi à peu près dans toutes les régions du Québec. Puis on voit les articles, là, dans les journaux depuis, bien sûr, le malheureux événement qui s'est produit au Walmart, là. Je sais que les organismes de défense des droits des personnes handicapées ont toujours travaillé pour l'intégration sociale, l'intégration au travail. Est-ce qu'il n'y a pas des éléments dans le projet qui... vous dites : On est un peu en porte-à-faux, on est à contretemps, ce n'est pas la bonne idée au bon moment ou, au contraire, vous voyez ça comme étant réconciliable avec le contexte actuel de l'emploi, là, pour les personnes, là, qui souffrent d'incapacités?

Mme Tremblay (Isabelle) : Alors, évidemment que je ne vous dirai pas que ce n'est pas le bon moment, je vais plutôt vous dire : Enfin, enfin, les personnes handicapées vont pouvoir avoir une modalité pour sortir de la pauvreté.

Je vais vous donner un exemple, comment ça peut être une bonne nouvelle pour les personnes handicapées. Vous avez vu, à la page 2 de notre mémoire, je ne travaille pas toute seule à l'AQRIPH, je suis accompagnée des regroupements régionaux et j'ai quelqu'un qui travaille avec moi, qui — je ne sais pas pourquoi je m'attire autant des gens qui sont en sciences politiques, mais, bon, on étudiera ça à un autre moment — j'ai Christian Généreux, qui a une maîtrise en sciences politiques, qui travaille régulièrement à l'AQRIPH. Christian est une personne handicapée qui a la paralysie cérébrale et qui est contrainte sévère à l'emploi. C'est un gars extrêmement brillant, mais qui a énormément de difficulté à intégrer le marché de l'emploi. Moi, j'ai essayé, à l'AQRIPH il y a quelques années, en accommodant son temps de travail, en faisant du télétravail, mais c'est difficile parce que Christian va être capable de travailler certaines périodes, mais d'autres, moins.

La contrainte que j'ai actuellement avec le programme qui est sur pied, c'est que je dois embaucher Christian à tous les mois pour un certain montant pour ne pas qu'il soit pénalisé. Mais nous, on vous suit un peu dans les travaux parlementaires. Donc, des fois, j'ai des périodes qui sont plus importantes puis je suis obligée de me priver des services de Christian parce qu'il va être pénalisé puis il va travailler pour rien. Donc, pour lui et pour moi particulièrement, c'est quand même une excellente nouvelle de pouvoir permettre à ces personnes, en fonction de leurs capacités, d'exercer un travail, puis après ils auront quand même le revenu de base et puis ils pourront payer l'impôt au lieu d'être pénalisés, là, comme ils le sont présentement.

Et je passerais la parole à Ysabel Fréchette, qui est avec moi pour vous démontrer l'impact sur le terrain, parce qu'Ysabel travaille avec les organismes locaux, de cette nouvelle, de l'annonce du revenu de base.

Mme Fréchette (Ysabel) : Bonjour. Moi, ça fait 15 ans que je travaille dans un organisme de base, qu'on appelle chez nous, donc un organisme local en Matawinie, dans la région de Lanaudière. Dans ces 15 ans là, je dois avoir côtoyé au moins 1 500 personnes qui ont des contraintes sévères en emploi. C'est ça, on en rencontre à peu près 100 par année, c'est le minimum. Je pense que je connais assez bien leurs enjeux, leurs besoins puis leurs difficultés.

Pour répondre à votre question précisément, M. le ministre, c'est loin d'être en porte-à-faux parce qu'Isabelle l'a exprimé mais, juste le fait de pouvoir s'appuyer sur quelque chose de stable et de permanent pour ensuite pouvoir contribuer à la société à la hauteur de ses capacités, ça change absolument tout. Je pourrais prendre les trois quarts d'heure qui restent à vous donner des exemples concrets de personnes pour qui ça changerait leur vie.

Nous, quand la nouvelle est arrivée que le revenu de base s'en venait, c'était : Wow! On s'est pincés, on s'est dit : Il ne passera pas, il va arriver une catastrophe, il y a quelque chose qui va se passer, ça ne se peut pas, c'est trop intéressant. Ce n'est pas parfait, hein, on l'a dit, là, les délais, bon, il y a des choses à améliorer, mais la base est là, puis c'est un pas dans la bonne direction.

M. Blais : ...sur un point parce qu'encore une fois vous avez dit : Moi, je connais beaucoup de gens, là, depuis longtemps, puis on sait que, s'ils avaient ces conditions-là, pas seulement un revenu, mais les conditions qui se rattachent à ce revenu-là, ils pourraient faire plus de choses. Et ça, ce n'est peut-être pas compris, là. Moi, je le comprends, là, mais je voudrais que vous m'en parliez puis voir un petit peu pourquoi ça ferait une si grande différence.

Mme Fréchette (Ysabel) : Mettons qu'on part avec les personnes que tout le monde a entendu parler chez Walmart, ils ont failli perdre leur plateau de travail. Vous savez, chez Walmart, c'est un plateau de travail. Je ne vous ferai pas un cours 101, là, mais ces personnes-là, elles ne reçoivent pas une rémunération pour ce qu'elles font. On se comprend bien, là.

M. Blais : ...sociale.

Mme Fréchette (Ysabel) : Oui, tout à fait. Ils vont travailler. Pour eux, ils vont travailler parce qu'ils exécutent des tâches, mais ils ne sont pas rémunérés.

Il y a plusieurs personnes, surtout des personnes qui vivent avec une déficience intellectuelle, qui sont dans cette situation-là. Soit ils sont sur un plateau de travail ou dans un stage, un stage à vie, et qu'ils ne reçoivent pas de reconnaissance financière pour leur contribution à la société. Ils vont rester sur l'aide sociale, ils sont souvent contrainte sévère à l'emploi, puis ils vont aller faire des tâches de travail dans différents milieux, Walmart, organisme communautaire, des fois c'est dans des CHSLD, c'est un peu partout, ils n'ont aucune reconnaissance financière pour ce qu'ils font. On ne peut pas leur en donner. On a déjà essayé, l'aide sociale les a poursuivis en disant qu'ils avaient des revenus de travail puis qu'ils devaient rembourser. Vous comprenez que c'est de l'exploitation. Si on se dit les vraies affaires, là, quelque part, c'est de l'exploitation parce qu'ils accomplissent des tâches. Ils ne peuvent pas avoir un travail à temps plein puis ils ne peuvent pas exécuter une tâche de travail normale, mais ils sont contributifs.

Le revenu de base va permettre à ces personnes-là d'avoir une reconnaissance financière de leur contribution, donc d'avoir plus de sous dans leurs poches sans être pénalisées, sans perdre l'aide sociale, sans être poursuivies, sans tout ce qui vient avec comme stress. Parce que, vous savez, pour une personne qui vit avec une déficience intellectuelle, recevoir une lettre de l'aide sociale, c'est la panique. Même si, en principe, ils sont capables de lire puis de comprendre, ils ne comprennent plus rien, là, parce qu'ils sont sûrs qu'ils viennent de tout perdre leur argent.

Donc, si on enlève ce stress-là aux familles et aux personnes, c'est le bonheur, c'est juste du plus, ils vont être capables de contribuer à la société puis de contribuer en étant reconnus à leur juste valeur. Est-ce que ça répond un peu?

M. Blais : Oui.

Le Président (M. Reid) : Est-ce qu'il y a d'autres questions, M. le ministre?

M. Blais : Pas pour le moment.

Le Président (M. Reid) : Y a-t-il des questions du côté gouvernemental? Pas pour le moment. Alors, nous allons passer maintenant au groupe de l'opposition officielle. M. le député de Rimouski.

M. LeBel : Merci, M. le Président. J'ai un fils de 17 ans qui va au cégep Garneau dans le même programme que vous puis je suis un père comblé. Je pense que c'est un bon programme, à vous entendre vous exprimer. Je pense que ça va...

Une voix : ...

Des voix : Ha, ha, ha!

M. LeBel : Non, non, non. Mais non, mais vous l'exprimez bien, effectivement, c'est bon. Ah oui! C'est très bon.

Mais, si on revient au Programme de revenu de base, vous allez l'étudier probablement dans... puis vous, vous savez un peu c'est quoi, votre définition d'un véritable revenu de base, un véritable programme de revenu de base comme on voit dans des pays comme la Finlande, comme il y a un projet pilote en Ontario, comme il y en a déjà eu au Manitoba, comme il y en a en Norvège, je crois, un véritable programme de revenu de base, ce qu'on appelle RMG aussi, revenu minimum garanti. Votre définition de ce revenu de base là, c'est quoi?

Mme Tremblay (Isabelle) : Tout va aller avec les résultats qu'on va atteindre avec le revenu de base. L'an passé, il y a eu une consultation sur le revenu de base qui a été faite en Ontario, vous avez sûrement pris connaissance de cette consultation-là, et on a mesuré des résultats précis. Il y en a 10. Le premier qui ressort, c'est la santé, le logement, l'alimentation et le travail. Quand on parle d'un revenu de base, si on peut atteindre une meilleure santé, des meilleures conditions de vie pour les personnes, on va avoir atteint notre objectif.

C'est certain que le panier de consommation, ce n'est pas la panacée. D'ailleurs, on explique dans notre mémoire que, quand on parle de besoins, qu'on va quand même combler les besoins des personnes, j'attire l'attention des parlementaires que, quand on parle de besoins de personnes handicapées, ce n'est pas tout à fait les mêmes besoins que la population. Alors, se nourrir, se vêtir, se loger, on comprend ça pour le panier de consommation, mais, pour les personnes handicapées, les besoins, ça peut être aussi de se lever de son lit le matin, donc d'avoir droit à des aides à domicile, d'avoir un transport adapté pour se rendre à son travail ou à l'école. Donc, faire attention à la notion de besoins.

Nous, là, notre idéal à l'AQRIPH, là, c'est d'avoir une société où on va répondre aux besoins des personnes et des familles.

M. LeBel : Je comprends ça puis, tu sais, j'ai de l'expérience aussi un peu en politique, là, je sais comment ça s'organise aussi. Je comprends que les groupements de personnes handicapées, vous êtes heureux qu'il y ait un revenu de base qui réponde aux besoins des gens que vous représentez et je suis d'accord avec vous. Mais je voulais juste vous dire qu'un véritable revenu de base, ce n'est pas ça. Un véritable revenu de base qui veut lutter contre la pauvreté, c'est un revenu de base universel et inconditionnel pour tout le monde. C'est ça, un véritable revenu de base. C'est ça qu'il y a dans... les pays progressistes mettent en place.

Ça fait que je veux juste qu'on fasse attention quand on dit : Wow! On a eu un revenu de base. Vous avez eu un revenu de base pour un certain type de population, mais pas pour l'ensemble des gens qui vivent la pauvreté.

Tantôt, vous avez écouté... vous étiez là quand... vous avez écouté les gens qui sont venus présenter avant vous. Les deux personnes qui ont présenté leur cas, tu sais, vous voyez, ça ne répond pas à leur problématique, ce revenu de base là. En plus, ça les amène à tenir dans la misère pendant cinq ans, cinq ans et demi, avant d'avoir un certain revenu et connaître... Vous avez entendu leur témoignage. Est-ce que vous pensez... Prenons pour acquis que c'est un gain pour les personnes handicapées, mais est-ce que vous pensez que ça répond véritablement? Puis est-ce que le délai, vous trouvez ça acceptable que, pour comprendre, pour mettre... essayer de... pour convenir qu'il y a un problème ou qu'il y a... pas un problème, mais il y a des difficultés d'intégration à l'emploi, des contraintes sévères, qu'il faut attendre cinq ans et demi pour être bien sûr que c'est des vraies contraintes sévères? Vous trouvez que c'est une bonne idée, vous?

Mme Tremblay (Isabelle) : Bon, ce que je vais vous dire, c'est que, premièrement, ce n'est pas toutes les personnes handicapées qui vont avoir droit au revenu de base. Alors, on sait qu'il y a une grosse partie de la clientèle qui ont des déficiences intellectuelles légères ou des handicaps physiques qui n'auront pas accès au revenu de base. Ce sont pour les contraintes sévères à l'emploi. Les témoignages que j'ai entendus ce matin, ces personnes-là ont eu de la difficulté avec les modalités pour se faire reconnaître comme des personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi. Alors, oui, effectivement, il faut revoir certaines méthodes pour reconnaître les contraintes sévères à l'emploi.

Par contre, oui, je vais dire encore wow, M. LeBel, pour le revenu de base. Et puis j'ai tout le Québec derrière moi aussi du milieu associatif de l'AQRIPH qui va le faire parce que, si on prend l'exemple du métro, là, de Montréal, ça fait 50 ans qu'on en parle, du métro de Montréal. Ils ont commencé avec trois lignes. On est rendu avec 70 lignes. Est-ce qu'on veut toute la tarte aujourd'hui? Oui, on aurait aimé ça, avoir toute la tarte, comme on aurait peut-être aimé, il y a 50 ans, avoir tout le métro, puis rattacher Longueuil, puis rattacher Laval. Mais est-ce qu'on peut se satisfaire de faire ce pas-là? Pour nous, c'est plus qu'un petit pas, c'est une avancée.

• (11 h 20) •

M. LeBel : Je vous comprends, mais mon travail aussi, comme député, c'est de penser à ceux qui n'ont pas atteint le petit pas puis qui vont vivre dans la misère encore des années et des années. Moi, je dois être capable de parler pour eux autres aussi, c'est ce que je fais, puis je ne remets pas en question votre «wow», je n'ai aucun problème avec ça. Puis on va collaborer, je l'ai dit tantôt, pour adopter le projet de loi. Mais il y a des gens qui ont été échappés. Puis moi, je me dis... Tantôt j'entendais la demoiselle de Garneau parler de son projet de société. C'est quelque chose de bien. C'est comme ça qu'il faut penser dans la société. Il faut aller vers l'avant. C'est un pas, c'est parfait. Je le dis, c'est un pas. Mais, si on veut avoir une véritable lutte contre la pauvreté, ne laisser personne de côté...

Tu sais, là, on parle beaucoup de Walmart. Tu sais, je connais les gens aussi à Rimouski qui sont dans des associations de déficience intellectuelle aussi. Puis je travaille avec eux autres puis je sais qu'ils sont capables d'intégrer le marché du travail. Mais j'en connais d'autres qui viennent à mon bureau, aussi costauds que moi, qui ont des problèmes de santé mentale puis qui ont de la difficulté à intégrer le marché du travail. Mais ça, on les regarde moins, puis Walmart ne les engagera jamais, ce monde-là. On n'est pas capable de les défendre. Puis ce projet de loi là ne les défend pas non plus.

Ça fait que, moi, mon rôle, pour un Québec sans pauvreté un jour, il faut que je défende ces gens-là, et c'est ce que je fais aujourd'hui. Puis je me dis : Quand on parle de revenu de base, il faut être sûrs de ce qu'on parle. C'est un revenu de base pour des personnes handicapées qui ont des contraintes sévères, bien d'accord avec ça, mais qu'on arrête de me parler d'un revenu de base qui est un revenu de base équivalent à ce qu'on peut avoir dans d'autres pays, ça, ce n'est pas vrai.

Mme Fréchette (Ysabel) : Je suis d'accord avec vous. Ce que j'aimerais vous dire, c'est qu'il y a des personnes qui ont des problématiques de santé mentale qui y ont accès, à la contrainte sévère en emploi. Pas tous, puis c'est compliqué, puis c'est long. C'est un processus très difficile. Je m'y connais aussi un peu avec les personnes qui ont des problèmes de santé mentale. Oui, le délai est long. Le cinq ans et demi, là, puis les 66 mois, et tout ça, oui, c'est long, puis on aurait aimé ça, c'est sûr, que ça n'apparaisse pas, que ce soit une façon différente d'amener les gens à avoir accès au revenu de base. Ce n'est pas la panacée. Ce n'est pas un vrai revenu de base comme en Finlande, 100 % d'accord avec vous. Mais c'est un pas dans la bonne direction.

Puis je vais vous challenger. Si ce projet de loi là ne passe pas, là, j'aimerais ça, moi, que ce soient les députés de chacune des circonscriptions qui viennent expliquer aux gens dans leur circonscription pourquoi ce projet de loi là a été rejeté puis pourquoi ils ont voté contre l'amélioration de la qualité de vie des personnes visées.

M. LeBel : Je viens de dire que je vais collaborer.

Mme Fréchette (Ysabel) : Merci. J'espère vraiment.

M. LeBel : Depuis le début que j'ai... Mais je veux que les choses soient dites comme il faut. Quand on parle de revenu de base, ça n'en est pas vraiment un, puis il faut continuer à le mentionner. Puis je continue à dire qu'il y a... il faut faire attention, pendant l'étude de ce projet de loi là, de mettre deux clans : les organismes représentant les personnes handicapées, qui ont parlé beaucoup avec le ministère puis se sont entendus pour des affaires, qui viennent nous dire : C'est wow! puis d'autres groupes qui défendent l'ensemble de la pauvreté, qui viennent dire qu'il y a des problèmes. Je ne voudrais pas qu'il y ait de dichotomie parce que vous travaillez pour le même monde, les deux, dans le fond, puis vous avez le même projet de société qui est pour un Québec moins de pauvreté puis avec plus de dignité humaine. Vous portez le même projet. Ça fait que j'aimerais ça... C'est pour ça que, quand je pose des questions, moi, ce que je veux, c'est qu'on s'entende sur quelque chose. Le «wow!», bien, O.K., mais le «wow!, mais d'autres choses à faire», puis qu'on va tous travailler ensemble pour corriger les autres choses qu'il y a à faire.

Mme Tremblay (Isabelle) : Absolument, puis je vais le faire avec mon collègue, mon ancien confrère Pierre, avec plaisir. Et puis je voudrais attirer votre attention, M. Lebel, à la page 16 de notre mémoire, on reprend un peu... parce qu'à la page 19 du plan d'inclusion économique le gouvernement nous dit que c'est une évolution, voire même une révolution. Pour nous, ce n'est pas une révolution, mais c'est une évolution. Pour qu'il y ait une révolution et qu'on ait un véritable revenu de base, c'est ce qu'on dit, il aurait fallu que ce soit instauré dès 2018 en entier, qu'on n'ait pas le délai de 2023, que ça s'applique à une plus large clientèle, que toutes les personnes soient admises, que les prestations accordées soient plus élevées, ce n'est pas avec 18 000 $ qu'on peut combler nos besoins, que le soutien réponde véritablement aux besoins des personnes et qu'on regarde les modalités d'exception des 72 mois, et bien d'autres choses encore qu'on pourrait discuter.

Donc, je ne suis pas du tout en dichotomie avec les autres groupes qui vont venir parler puis qui vont parler des personnes qui ne sont pas dans le projet de loi, pas du tout. Je pense qu'on dit la même chose.

Le Président (M. Reid) : Encore une petite demi-minute.

M. LeBel : Bien, je suis très content d'entendre ça, puis on va travailler ensemble. Puis ce que je veux vous dire aussi, on entend beaucoup parler de Walmart, j'espère qu'on ne passera pas les deux, trois jours à parler de Walmart. C'est une façon de voir les choses, mais il y a d'autres priorités, il y a d'autres conditions de vie difficiles de nos gens qu'il faut parler aussi. Ça fait que merci beaucoup pour votre présentation.

Mme Tremblay (Isabelle) : ...pas de Walmart, parlons des personnes handicapées qui pourraient accéder au marché du travail et parlons que, pour éviter... Parce que, vous savez, les personnes handicapées, là, pour l'AQRIPH, là, l'objectif, ce n'est pas qu'il y ait le plus possible de personnes handicapées qui aient le revenu de base au Québec dans l'avenir. Ce n'est pas ça, notre objectif. Notre objectif, c'est qu'il y ait le plus de personnes handicapées qui sortent de la pauvreté puis qui occupent un emploi. Donc, nous, là, quand on va s'en aller, tantôt, là, on va penser à la Stratégie nationale pour l'intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées. Ça, c'est la voie pour éviter justement que les personnes se ramassent enlisées dans la pauvreté et avec un revenu de base.

Le Président (M. Reid) : Merci. Merci, M. le député de Rimouski. Nous allons passer maintenant au deuxième groupe d'opposition avec M. le député de Drummond—Bois-Francs.

• (11 h 30) •

M. Schneeberger : Merci, M. le Président. Tout de suite en commençant, bonjour à vous trois. Vous parlez... on parlait du panier de consommation. Par contre, vous, c'est... bon, vous trouvez ça important mais est-ce que c'est une priorité de l'intégrer aussi dans le projet de loi ou qu'il soit... parce que vous le mentionnez, mais, par rapport au groupe précédent, vous n'allez pas aussi loin, là, si j'ai bien lu, là. Ou j'ai mal compris, peut-être. Rectifiez-moi.

Mme Tremblay (Isabelle) : Non, mais la mesure du panier de consommation pour tous les citoyens du Québec s'est établie environ à 18 000 $, puis c'est pour les besoins de base, donc s'alimenter, s'habiller, se loger, etc. Ce que je vous dis, c'est que les personnes handicapées sont des citoyens comme tout le monde. Donc, la mesure du panier de consommation s'applique à elles aussi. Sauf qu'où j'attire l'attention des parlementaires c'est que, quand on parle de besoins de personnes handicapées, il y a quand même des programmes et des mesures qui existent pour les personnes handicapées qui ont des besoins plus grands que d'autres personnes qui ne seront pas handicapées, comme, par exemple, l'aide à domicile, le transport adapté, les services éducatifs. Donc, il y a plein de besoins comme ça qui ne sont pas comblés. Donc, il ne faut pas penser que le revenu de base va venir régler tous les problèmes des personnes handicapées pour lesquelles il y a des besoins qui sont non comblés.

D'ailleurs, à presque pareille date à l'année passée, je peux vous dire qu'à l'AQRIPH on avait le taquet ou le «taquette» pas mal plus à terre parce que l'Office des personnes handicapées s'apprêtait à publier quatre rapports sur l'évaluation de la politique À part entière, et c'est là qu'on a comme eu des statistiques à l'effet qu'il y avait 280 000 personnes handicapées qui n'avaient pas une réponse complète ou qui n'avaient pas de réponse du tout, là, à leurs besoins au niveau des aides à la vie domestique et à la vie quotidienne. Donc, c'est évident que, cette année, pour nous, c'est vraiment une bonne nouvelle.

Ça fait d'ailleurs longtemps, moi, ça fait 20 ans que je suis à l'AQRIPH, ça fait 20 ans que je viens en commission parlementaire à l'occasion, et c'est la première fois que je n'ai pas de recommandation claire et que j'endosse comme ça l'instauration d'une mécanique au Québec.

M. Schneeberger : On dit des fois que le travail, c'est la santé, mais il y a aussi l'expression «se tuer au travail». Alors, à un moment donné, je pense qu'il y a un entredeux et je pense que vous avez une clientèle, justement, qui sont jugées inaptes au travail, par contre, surtout au niveau de la maladie mentale, et qui veulent intégrer le travail. Pourquoi? Pour l'échange humain qu'il y a. Et c'est ça qui est important, et surtout quand on parle de maladie mentale. À rester chez vous, seul, pas d'échange avec d'autres personnes, ça n'aide pas du tout. C'est ça qui est important de savoir, là.

Moi, ce que je voudrais savoir de vous : Comment on pourrait améliorer l'accessibilité au travail de ces gens-là? Parce que, bon, on parle des problématiques de transport, souvent, pour se rendre au travail. Il y a déjà beaucoup de choses qui se font, mais on voit qu'il y a encore du chemin à faire. Et puis on regarde aussi maintenant, avec les besoins de main-d'oeuvre, on parle des fois des personnes qui sont retraitées qui retournent au travail pour des besoins x. Et moi, des fois, je vois là-dedans... il pourrait y avoir des jumelages, tu sais, parce qu'on parle de personnes qui sont très compétentes, qui ont beaucoup d'expérience de travail et qui voudraient peut-être aider une autre personne qui a des problématiques. Et ça fait des fois des beaux jumelages au niveau du plan humain et c'est là que ça peut aider. Et on pourrait avoir des groupes de travail de deux personnes dans des étalages de magasins pour placer les produits, et autres. Tu sais, c'est toutes des choses qui pourraient... Je ne sais pas, puis ça se fait déjà peut-être, tant mieux. Mais est-ce que ça serait des choses qui pourraient être faites avec justement une souplesse du système qui pourrait être... améliorer ça? Parce que souvent, des fois, ce n'est pas l'initiative qui n'est pas là, c'est que les règlements ne le permettent pas très bien.

Mme Tremblay (Isabelle) : C'est évident que, lorsqu'il y a eu l'adoption de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, en 2004 ou 2005, le législateur avait prévu que le gouvernement adopte une stratégie pour l'intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées. Il y a eu une première phase de cette stratégie-là de 2008 à 2013. Il devait avoir une deuxième phase de 2013 à 2018. Bon, il y a eu des ratés au niveau de la stratégie, puis on l'attend encore, mais elle devrait sortir incessamment. Et le travail des personnes handicapées va passer beaucoup par la stratégie.

Il y a des mesures concrètes, des actions qui ont mises dans la première stratégie qui ont quand même permis, là, d'améliorer l'intégration et le maintien au travail des personnes handicapées. On a eu des rencontres avec le cabinet et on leur a parlé aussi de l'accompagnement qui est nécessaire, là, des personnes handicapées, ce qui a peut-être manqué aussi dans les années passées.

Vous savez, les personnes handicapées qui sont contraintes sévères, il y en a quand même 66 % qui ont 45 ans et plus. Donc, c'est évident qu'on a échappé plusieurs personnes handicapées qui n'ont pas pu avoir accès à la scolarisation puis qui n'ont pas pu avoir accès au marché du travail parce qu'on n'avait pas ce genre de programme là. L'idée maintenant, c'est d'avoir ce genre de politique là pour éviter que ces personnes se retrouvent à la sécurité du revenu et qu'on puisse les intégrer dans le marché du travail. Donc, la stratégie est vraiment la solution pour inscrire des actions et des modalités pour intégrer les personnes.

M. Schneeberger : O.K. J'ai encore du temps?

Le Président (M. Reid) : Encore 30 secondes.

M. Schneeberger : 30 secondes? Oh! O.K. Bon, bien, en tout cas, si, des fois, vous avez d'autres recommandations, des fois, des... tu sais, des fois, c'est dans la vie, le concret de tous les jours, des fois, qu'on apprend puis qu'on voit peut-être que, là, il y a des... que le filet a... on a échappé quelques personnes. Alors, merci pour vos commentaires.

Le Président (M. Reid) : Merci, M. le député de Drummond—Bois-Francs. Je voudrais vous remercier, Mme Forest, Mme Tremblay, Mme Fréchette, pour votre contribution aux travaux de la commission.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 h 30.

(Suspension de la séance à 11 h 37)

(Reprise à 15 h 34)

La Présidente (Mme Richard) : Bonjour. Nous allons débuter nos travaux. La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux, et je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de tous leurs appareils électroniques.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 173, Loi visant principalement à instaurer un revenu de base pour des personnes qui présentent des contraintes sévères à l'emploi.

Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association du Québec pour l'intégration sociale. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Je vous rappelle que vous disposez d'un temps maximal de 10 minutes pour faire votre exposé. Par la suite suivra un échange avec les parlementaires. Donc, je vous invite à prendre la parole.

Association du Québec pour l'intégration sociale (AQIS)

M. Duchesneau (Roger) : Merci. Mme la Présidente, M. Blais, MM. et Mmes les parlementaires, mesdames et messieurs, je me présente, Roger Duchesneau. Je suis président de l'association québécoise pour l'intégration sociale des personnes qui vivent avec une déficience intellectuelle. Je vous présente Mme Anik Larose, qui en est la directrice, qui est aussi parent d'une jeune dame de 23 ans, et je vous présente Samuel Ragot, qui se trouve être conseiller à la promotion et la défense des droits. Merci.

De façon générale, le projet de loi n° 173 est un bon projet de loi à nos yeux. Il s'agit d'une bouffée d'air que l'on n'attendait plus dans les groupes. Rappelons que les groupes de défense de droits des personnes handicapées, dont l'association québécoise pour l'intégration sociale fait partie, sont des représentants des plus vulnérables parmi les plus vulnérables de la société. Ces personnes vivent souvent dans une extrême pauvreté et sont exclues de toute participation sociale et économique. Un tel projet de loi est extrêmement bénéfique pour ces personnes puisqu'il leur permettra de sortir de la pauvreté, d'alléger la tâche pour leurs familles et favorisera la participation sociale et économique des personnes en rendant la participation au marché du travail plus facile et plus flexible.

L'AQIS représente les personnes ayant une déficience intellectuelle et leurs familles. En tant qu'organisme provincial, nous avons plus de 80 associations membres partout au Québec. Les personnes présentant une déficience intellectuelle représentent, selon les études, entre 1 % et 2 % de la population au Canada. On parle ici de plus de 85 000 personnes. Parmi ces personnes, 80 % des personnes qui ont une déficience intellectuelle légère ne se qualifient pas au revenu de base. Rappelons que, malgré tout, les personnes ayant une déficience intellectuelle ont les mêmes droits que tous les autres citoyens, à l'exception des personnes faisant l'objet d'un régime de protection, et qu'elles sont très majoritairement aptes à travailler et à développer un potentiel humain, social et intellectuel.

Le reste des personnes, celles ayant une déficience intellectuelle moyenne, sévère ou profonde, sont diagnostiquées à la naissance. Elles n'ont aucune possibilité de voir la déficience intellectuelle disparaître. Ces personnes auront assurément des contraintes sévères et besoin d'accompagnement. Une partie sera apte à travailler à temps partiel ou dans des emplois adaptés, mais ces personnes ne pourront jamais travailler à temps plein pour couvrir leurs besoins.

Mme Larose (Anik) : Pour l'AQIS, la création d'un revenu de base couvrant le panier de consommation est une avancée majeure. D'une part, les personnes handicapées sont souvent dans les situations plus précaires et sont plus exclues socialement et économiquement. D'autre part, le fait de bénéficier d'un revenu de base devrait les aider à voir leur niveau de vie s'améliorer. La création du revenu de base semble être un excellent début pour aider ces personnes à vivre plus dignement. Le revenu de base, couplé à une indexation à l'inflation, devrait permettre aux personnes handicapées admissibles de voir leur qualité de vie augmenter.

En ce sens, l'AQIS demande aux parlementaires de bien vouloir adopter le projet de loi et de rendre cette mesure permanente et pérenne pour les personnes les plus vulnérables de la société.

• (15 h 40) •

M. Ragot (Samuel) : Concernant les montants accordés dans la loi, ceci couvre la mesure du panier de consommation. Nous considérons que c'est un très bon début. Évidemment, il faudra veiller à ce que ce montant-là soit indexé à l'inflation et qu'il suive aussi la mesure du panier de consommation fixée par Statistique Canada.

Notons aussi, dans les points positifs, que les personnes bénéficiant du revenu de base pourront travailler autant qu'elles le voudront sans voir leurs prestations diminuer. Il s'agit, pour nous, d'un réel gain permettant aux personnes de se tirer de la pauvreté. Rappelons que l'augmentation des revenus de travail autorisés est une revendication de longue date pour l'AQIS. Une telle mesure devrait être toutefois étendue au Programme de solidarité sociale, puisque bon nombre de personnes en bénéficieraient également.

Soulignons également que le projet de loi augmente de façon considérable les biens et avoirs liquides que les personnes peuvent détenir, ce qui est excellent pour les personnes qui ont une déficience intellectuelle, tout en excluant un ensemble de revenus du calcul du montant de la prestation de revenu de base. C'est une avancée qui est très satisfaisante et que demandions depuis longtemps.

Toutefois, évidemment, il faudra faire plus. Favoriser une inclusion sociale et sortir de la pauvreté les personnes handicapées inclut notamment d'autres mesures. Par exemple, le chèque emploi-services est loin de couvrir les besoins réels des personnes handicapées en soutien à domicile. Mentionnons également que le crédit d'impôt pour personnes handicapées est de plus en plus difficile d'accès.

De plus, bien que l'AQIS comprenne les impératifs budgétaires du gouvernement du Québec, nous aurions aimé voir les personnes sortir plus rapidement de la pauvreté. L'échéance prévue au plan de lutte à la pauvreté et au projet de loi semble encore loin pour bien des familles et des personnes qui devront probablement en arracher d'ici là.

Malgré tout, le revenu de base reste une mesure fiscale fondamentale et progressiste, mais il en faudra d'autres afin d'arriver à réellement sortir de la pauvreté les personnes handicapées présentant des contraintes sévères à l'emploi.

Par ailleurs, en ce qui concerne le délai d'accès au revenu de base, l'AQIS représente majoritairement des personnes ayant des contraintes légères à l'emploi. Alors, elles ne seront pas concernées par le revenu de base, mais elles devraient toutefois bénéficier de mesures d'accompagnement et d'aide, comme c'est le cas, par exemple, avec le programme Objectif emploi.

Toutefois, une partie de la population ayant une déficience intellectuelle présente, dès la naissance, un diagnostic clair de déficience intellectuelle. Pour ces personnes, il n'y a aucune possibilité de voir la déficience intellectuelle disparaître au fil de la vie. Il est également clair que ces personnes présenteront toujours des contraintes sévères à l'emploi et auront besoin d'aide tout au long de leur vie. Ces personnes devraient, pour l'AQIS, avoir accès dès leur majorité, dès l'âge de la majorité, au Programme de revenu de base. Pour le reste des personnes présentant des contraintes sévères, le calcul de 66 mois sur 72 semble être basé sur des études statistiques fiables, et l'AQIS ne compte pas demander un abaissement du seuil d'admissibilité.

Enfin, concernant l'individualisation des montants du revenu de base, l'AQIS est très satisfaite. Le fait que le calcul de la prime se fasse sur une base individuelle va grandement améliorer la qualité de vie des foyers à faibles revenus qui se voyaient parfois pénalisés par le mode de calcul actuel. L'AQIS aurait souhaité que l'approche individuelle soit étendue à tous les autres programmes compris dans la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles et appelle les parlementaires à évaluer cette possibilité dans une loi future.

Mme Larose (Anik) : Nous aimerions maintenant vous entretenir de la situation des personnes hébergées en ressources intermédiaires et en ressources de type familiales, ce qu'on appelle les RI et les RTF. L'AQIS a reçu un grand nombre de plaintes suite à l'augmentation de la contribution demandée aux personnes hébergées en ressources intermédiaires et en ressources de type familiales du même montant que l'augmentation de la prestation de solidarité sociale. Au centre du problème se trouve le calcul de l'allocation de dépenses personnelles. Ce calcul vient pénaliser tous les prestataires du Programme de solidarité sociale qui sont hébergés en RIRTF puisqu'il fixe à 73 $ par mois l'allocation de dépenses personnelles, nonobstant l'augmentation des prestations de solidarité sociale. L'engagement pris dans les intentions réglementaires de revoir le calcul de ce montant et de permettre une augmentation de l'allocation satisfait l'AQIS.

M. Ragot (Samuel) : Concernant les autres dispositions réglementaires, la fixation par règlement des critères d'admissibilité est très pertinente et satisfaisante pour l'AQIS, puisque cela permettra un assouplissement des règles au besoin. Également, concernant le maintien des programmes d'accompagnement et d'aide, l'AQIS est satisfaite, puisque de telles aides aident de façon concrète les personnes qui bénéficient du Programme de solidarité sociale ou du Programme de revenu de base quand il existera.

Enfin, concernant le revenu de travail admissible, il aurait été plus pertinent d'augmenter de façon importante le travail admis. L'AQIS demandait une augmentation substantielle afin de permettre aux personnes prestataires du programme de sortir des trappes à pauvreté, mais la modification actuelle va déjà dans le bon sens.

Mme Larose (Anik) : J'aimerais également vous entretenir, et là je mets mon chapeau de parent, des contrôles du ministère. La question des contrôles effectués par les agents du ministère a généralement été exclue. Si l'AQIS est satisfaite de la modalité de contrôle annuel de la situation financière de la personne, il serait intéressant de veiller à ce que les personnes bénéficiant du revenu de base ne soient pas harcelées de questions et de vérifications comme cela peut être le cas pour les prestations du Programme de solidarité sociale.

Maintenant, sur les suites à donner, l'AQIS participera aux travaux du comité de travail annoncé par M. le ministre Blais. Nous serons présents afin de favoriser un accès plus rapide au revenu de base pour les personnes démontrant un diagnostic clair de déficience intellectuelle moyenne, sévère ou profonde. L'AQIS s'est également engagée auprès du ministre à réfléchir à la question du statut des personnes hébergées et aux allocations de dépenses personnelles qui leur sont accordées.

Nous souhaitons que la loi soit adoptée dans les plus brefs délais afin d'aider les personnes les plus vulnérables de la société à sortir le plus rapidement possible de la pauvreté. L'AQIS se tient à la disposition des parlementaires et du ministre afin de participer à tous les travaux que ceux-ci trouveraient pertinents.

Enfin, nous participons également aux travaux entourant l'élaboration de la Stratégie nationale pour l'intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées. Nous pensons que la stratégie pourrait être un complément intéressant au plan de lutte à la pauvreté. Le contexte des dernières semaines a prouvé que l'intégration économique des personnes handicapées est un sujet sociétal faisant réagir. Je vous remercie de votre attention.

La Présidente (Mme Richard) : Madame messieurs, merci pour votre exposé. Nous allons débuter les échanges, et, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Blais : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, merci beaucoup pour l'exposé, la clarté. Je veux commencer peut-être avec la fin de vos remarques. Donc, vous avez rappelé les derniers événements malheureux, là, avec bien sûr les congédiements de Walmart et la réaction très, très vive que ça a suscitée et, à mon avis, très juste. Ce qui est plus difficile à comprendre pour la population, peut-être, qui ne vit pas au jour le jour avec ces réalités-là, c'est quel est le lien que l'on fait entre l'emploi et le revenu de base. Parce que je pense que, pour plusieurs, le revenu de base, ça peut être comme une forme de pension qui éloigne les gens du marché du travail. Vous autres, vous êtes sur le terrain. Vous avez parfois des proches aussi. Quel lien peut-on faire et quels sont peut-être aussi les limites du revenu de base par rapport à l'intégration sur le marché du travail des personnes handicapées?

Mme Larose (Anik) : Moi, je peux vous dire que je trouve que c'est une excellente mesure. Il ne faudrait pas oublier par contre qu'une personne qui vit avec une déficience intellectuelle, très souvent, ce n'est pas parce qu'elle ne veut pas travailler, c'est que c'est le milieu de l'emploi qui ne veut pas d'elle. Donc, c'est sûr que c'est une aide qui est considérable, c'est une aide importante, sauf que ce n'est pas... il ne faut pas que ça devienne une niche confortable sur laquelle on va installer ces personnes-là, et puis qu'elles ne pourront pas avoir un travail, avoir une occupation valorisante, avoir une participation pleine et entière dans la société.

M. Blais : ...une niche confortable. Comment vous voyez ça?

Mme Larose (Anik) : Bien, c'est sûr qu'il y a toujours ce risque-là parce que, si, dans les décisions qu'on va prendre... et qu'on se dit : Bien, de toute façon, on n'a pas à s'en occuper, ils reçoivent un certain montant, on les oublie, on passe à un autre dossier. Mais c'est plus fondamental que ça. L'emploi, le travail, bon, la façon qu'on le nommera, c'est la meilleure façon d'être intégré dans la société. C'est une façon aussi de se soustraire à l'isolement. Au niveau de la santé, ça va coûter beaucoup moins cher à une société d'avoir des gens qui sont actifs, qui veulent se lever le matin, qui veulent aller contribuer à la société.

Nous, le travail qu'on fait, c'est vraiment pour ça. Si on veut intégrer nos enfants à la garderie, à l'école, le noeud qui reste, je l'ai dit dans Le Devoir de samedi passé, le noeud qui reste, c'est l'emploi. Donc, il faut essayer de défaire ces noeuds-là et trouver des façons pour que ces personnes-là puissent avoir une place, une place qui leur ressemble, qui n'est pas nécessairement calquée sur peut-être ce que vous et moi, on fait, mais qui répond à leurs besoins et selon également leurs capacités, puis leurs talents, et leurs désirs.

M. Blais : Vous comprenez que je fais l'avocat du diable en ce moment parce que c'est une perception que, dans le fond, on ne parle plus d'intégration au travail, on va leur donner des sous, ils vont rester à la maison. Et vous, vous trouvez ça comme complémentaire. Mais de quelle façon ça peut être complémentaire, là, pour la personne qui le reçoit?

Mme Larose (Anik) : On va se partager la réponse.

La Présidente (Mme Richard) : M. Ragot.

M. Ragot (Samuel) : Bien, au plan législatif et au niveau des règles d'encadrement du travail, le projet de loi est très intéressant puisqu'il permet d'avoir un revenu quasiment illimité. Il n'y a pas de limite en tant que telle au revenu de travail qui est admissible. Ça va être sur les impôts, comme tout le monde, comme n'importe quel contribuable. Ça, c'est quelque chose qui, à notre avis, est un levier absolument fondamental pour sortir les personnes et pour les intégrer au marché du travail parce qu'actuellement dans le Programme de solidarité sociale il y a une limite à ce qu'on peut gagner par mois. Après cette limite-là, chaque dollar est enlevé pour chaque dollar gagné. Le fait de ne plus avoir...

M. Blais : ...préférez que les gens paient de l'impôt, vous préférez que les personnes handicapées paient de l'impôt.

M. Ragot (Samuel) : Oui. Absolument. C'est sûr.

M. Duchesneau (Roger) : Bien, ça fait partie de la participation sociale, ça, là.

M. Blais : Voilà.

• (15 h 50) •

M. Ragot (Samuel) : C'est donc dans cette optique-là que ça va devenir une mesure, si elle est adoptée, qui est une mesure très importante, puisque les personnes ne vont plus se sentir prises dans une trappe à pauvreté. C'est comme ça qu'actuellement dans beaucoup de groupes on appelle le Programme de solidarité sociale, une trappe à pauvreté, puisque les gens ne peuvent pas travailler tout en étant prestataires de ces programmes-là.

Un revenu de base, tel qu'il est présenté actuellement, permettrait justement aux personnes d'avoir accès au marché du travail, d'avoir accès et de participer socialement. C'est donc, à notre sens, l'inverse d'une niche. C'est leur ouvrir la porte toute grande pour qu'ils puissent, après ça, aller s'épanouir puis participer à la vie sociale.

M. Blais : ...

La Présidente (Mme Richard) : Merci, M. le ministre. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de Rimouski, vous avez la parole.

M. LeBel : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue. Bien, bienvenue à vous autres.

Je connais un peu l'organisme, je connais l'organisme probablement membre avec vous à Rimouski, là, l'ADIRR. Avec les gens de l'ADIRR, l'année passée ou l'année d'avant, j'ai fait une expérience qui a été, pour moi, une expérience... une des plus enrichissantes comme député dans mon mandat. C'est qu'il y a un des jeunes qui vit avec la trisomie, Joël, que vous connaissez peut-être, Joël Potvin. Joël, il est venu ici, puis je lui ai laissé mon siège. Il a été le député d'un jour. Je pense que ça a été la journée où il y a eu le meilleur député de Rimouski, probablement.

Mais Joël a été fantastique. Le message qu'il a donné, et puis je suis ému quand j'en parle, qu'il a donné à mon caucus, l'ouverture que le premier ministre avait eue avec lui, il est allé rencontrer le premier ministre à son bureau, il s'est assis au bureau du premier ministre, puis le message d'intégration qu'il a passé, c'était très riche. Je pense que personne d'autre n'aurait pu passer un aussi beau message et dire qu'à 21 ans vivre avec la trisomie... il sortait de l'école, c'est compliqué, là, il y a un bout, là, vous savez ce que c'est, et il se disait que lui, il voulait travailler. Il voulait travailler, il voulait s'intégrer. Puis aujourd'hui il travaille, puis c'est un bon ami.

Ça fait que je suis pour... Je veux... Ces gens-là, il faut les aider, puis il faut les soutenir, puis il faut adapter notre réalité, notre société. Puis ça, il faut travailler dans le sens que vous faites, c'est certain.

Aussi, en 2014, une première fois que j'ai déposé une pétition ici, à l'Assemblée nationale, c'était une pétition des personnes handicapées qui demandaient une rente d'invalidité. Mais l'objectif, c'était de leur permettre d'avoir un revenu décent, et je pense que le projet de loi qui est proposé là actuellement répond en grande partie à cette pétition-là, qui a été... en 2014. Bon, mieux vaut tard que jamais, puis, je pense que je l'ai dit au ministre, mon appui sera là pour faire avancer le projet de loi.

Mais sauf, quand même, il faut dire que ce projet de loi là, il s'inscrit dans un processus de lutte à la pauvreté générale. Là, on va répondre à des gens qui vivent des handicaps qui leur empêchent de travailler à temps plein, mais on laisse tomber beaucoup d'autre monde, des gens qui ont des handicaps moins visibles, peut-être, puis au niveau de la santé mentale, ou on a vu ce matin des gens qui sont aux prises avec une complexité dans le système pour faire reconnaître leurs maux de dos. J'ai l'impression qu'on fait des avancées, on fait un pas, mais, en même temps, on oublie une grande partie, parce que, moi, un bon revenu de base devrait être un revenu de base qui est universel puis inconditionnel pour l'ensemble des citoyens. Ça serait ça, un vrai revenu de base qui sortirait de la pauvreté. Il ne faut pas oublier l'objectif qu'on a ici à travailler ensemble, c'est aussi sortir les gens, tous les gens qui peuvent vivre de la pauvreté, de les sortir de la trappe de la pauvreté.

Ça fait que je voudrais voir si vous avez une réflexion là-dessus, un peu sur... pas que sur la clientèle que vous avez, mais sur l'ensemble du projet social qu'on devrait avoir, c'est de sortir le Québec de la pauvreté.

M. Duchesneau (Roger) : Bon, nous autres, avec notre association, on a un mandat assez précis, là, qui roule autour de la déficience intellectuelle. Puis je pense que vous allez recevoir d'autres groupes qui représentent les autres secteurs de la société. Ça fait que c'est difficile pour nous autres de répondre pour d'autres.

Mais par contre, sur l'ensemble, c'est toujours bien un premier pas dans la bonne direction. C'est pour ça qu'on considère que le revenu de base qu'on considère pour les personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi est bon, leur permet possiblement d'avoir accès au marché du travail, parce qu'on ne les limitera pas dans leurs possibilités. Mais, pour les autres, là, on s'en tient à notre secteur puis on va laisser le soin aux personnes qui représentent les autres secteurs de répondre à votre question.

M. LeBel : Mais j'aime ça le dire puis je suis content de votre réponse, mais je pense qu'il faudrait qu'on travaille tout le monde ensemble, qu'on n'arrête pas le mouvement vers un revenu décent pour les gens, un revenu décent qui, selon le mode de calcul, là, du panier de consommation, que les gens, éventuellement, pourront avoir avec ça, ça va laisser quand même en plan plein d'autre monde qui ont des contraintes temporaires, qui ont des contraintes sévères, mais qu'ils n'auront pas fait leur cinq ans ou cinq ans et demi de misère noire avant d'avoir le revenu de base. Ces gens-là vont continuer à vivre avec des montants d'argent qui n'ont pas d'allure, des gens qui arrivent à l'aide sociale, qui ont des problèmes de... vous savez, là, qu'il peut y avoir des problèmes de santé mentale, de dépression, que ce n'est pas évident, là, et puis qui se sont ramassés à faire des parcours, puis qu'on pousse à faire des parcours, sinon il y aura des coupures, puis on va leur enlever de l'argent. Moi, je pense que c'est un débat qu'il faut continuer à avoir aussi à travers ce projet de loi de là.

Ça fait que ce que je veux vous dire, c'est qu'on va le porter, on va le supporter puis on va essayer de l'améliorer, mais le délai, ça me fatigue. Je ne comprends pas qu'on puisse... Puis là on parle d'un comité. J'aimerais ça voir un peu comment vous voyez ce comité-là. Mais le délai de cinq ans et demi avant d'être reconnu pour de vrai contraintes sévères, c'est bien trop long.

M. Duchesneau (Roger) : Avant de passer à ce point-là, je n'ai pas permis à Samuel de rajouter un point à votre question.

M. Ragot (Samuel) : Une des choses aussi qu'il faut retenir, c'est que la politique À part entière : pour l'exercice d'un véritable droit à l'égalité incluait le fait qu'il y ait des clauses d'impact, une clause d'impact qui disait essentiellement : Toute mesure gouvernementale devrait prendre en compte l'impact sur les personnes handicapées. Cette clause d'impact là, on l'a rarement vue appliquée. Mais, actuellement dans le revenu de base, on la voit, et elle s'adresse aux personnes handicapées.

Ça fait que, oui, il y aurait d'autres personnes qu'on aurait pu, que le ministre aurait pu considérer. Cela dit, c'est un bon début, puis, en tant que groupe de personnes handicapées, on considère que c'est déjà assez exceptionnel que ça nous arrive d'être concernés puis d'être interpelés. Donc, essentiellement, en ce qui nous concerne, c'est une bonne chose. On est satisfaits de voir que, ah! tiens, les personnes handicapées n'ont pas été oubliées puis elles font l'objet d'un projet de loi en tant que tel, ce qui est assez rare et qui est quand même remarquable, au final.

M. LeBel : Mais, pour le cinq ans et demi, le délai, qu'est-ce que vous en pensez?

M. Duchesneau (Roger) : Alors, je pense que M. le ministre a permis qu'il y ait un comité qui se développe là-dessus puis qui va se pencher sur la question. Dans un premier temps, c'est certain que cinq ans et demi, c'est long, mais par contre je pense qu'il y a une ouverture de la part du ministre pour travailler sur le sujet.

M. LeBel : Vous savez que, souvent en politique, les comités, c'est pratique, tu sais. On dit : On met un comité, on va analyser la situation et on fera un rapport, on prendra les mesures qui s'imposent au moment opportun. À quelques mois des élections, je trouve qu'il est un peu tard. Mais travaillons là-dessus, sur le pas en avant.

Mais je ne peux pas faire autrement que voir qu'on arrive avec un revenu de base pour certaines personnes, puis il faut le mentionner, puis vous faites bien, là, ce n'est pas un revenu de base universel, c'est un revenu de base pour les personnes qui présentent des contraintes sévères à l'emploi. On dit qu'on trouve, tout le monde ensemble, que cinq ans et demi, c'est un peu long, ça fait qu'on va mettre en place un comité, on ne sait pas quand est-ce que ça va aboutir. Il y a une stratégie d'intégration des personnes handicapées à l'emploi qui retarde, qu'on va peut-être déposer... on parle d'ici juin, une nouvelle stratégie. Je trouve qu'il y a beaucoup de choses faites à la vitesse avant la campagne électorale. Tout ce que j'espère, c'est que ça va donner des réponses à vos revendications. Puis ce que j'espère aussi, c'est qu'à travers tout ça on reste solidaires avec l'ensemble des gens qui vivent de la pauvreté, pas que les personnes handicapées, mais l'ensemble des gens qui vivent de la pauvreté au Québec puis qui ont besoin d'une vraie stratégie nationale de lutte à la pauvreté.

M. Duchesneau (Roger) : Je veux juste dire...

La Présidente (Mme Richard) : M. Duchesneau.

M. Duchesneau (Roger) : Excusez-moi. Le prochain gouvernement qui sera en place aura toujours la possibilité de le bonifier. C'est certain que les délais sont courts, les élections sont à l'automne. Si on passe tout droit, quand est-ce que ça va aller? Hein, c'est-u une question qu'on peut se poser, ça? Je vais laisser Samuel répondre à votre question.

M. Ragot (Samuel) : Il est évident que le délai est effectivement long, et, pour des personnes, par exemple, qui ont un diagnostic, là, clair de déficience intellectuelle, qui auront des contraintes sévères à l'emploi dès leur sortie, dans le fond, de l'école, oui, c'est long, c'est un long délai.

La question du comité avant des élections, est-ce que c'est une manoeuvre quelconque? On ne présupposera pas de ces intentions-là, et, en fait, même, ce qu'on va présupposer, c'est que tous les partis politiques présents à l'Assemblée nationale, qu'ils gagnent ou non leurs élections, vont maintenir ce comité-là, et vont vouloir travailler avec les groupes de personnes handicapées, et vont vouloir travailler sur cette question-là, et pourront, grâce au fait que ce soit par voie réglementaire, pourront élargir l'accès, et voire écourter le délai qui est demandé. C'est ce, en fait, en quoi on croit actuellement puis c'est ce qu'on espère de la collaboration de tous les partis politiques.

La Présidente (Mme Richard) : Il vous reste encore une minute.

M. LeBel : Vous pouvez compter sur moi, je vais aider à ce que ce projet de loi soit adopté le plus rapidement possible. Mais je dois quand même dire les vraies choses, à mon avis, c'est qu'il y a beaucoup de délais, de plus en plus, puis là on rajoute un comité. Puis les gens, ils vont avoir le revenu de base éventuel, là, quand qu'on va être bien sûr qu'ils sont vraiment contraintes sévères. On parle de 2023, 2000 je ne sais pas quoi, là.

Ça fait qu'il y a beaucoup de délais, mais, comme vous dites, il y a un pas, on va embarquer dans le mouvement, et vous pouvez compter sur moi. Ça fait que merci pour votre présentation.

• (16 heures) •

La Présidente (Mme Richard) : Merci, M. le député de Rimouski. Nous allons maintenant vers le deuxième groupe d'opposition. M. le député de Drummond—Bois-Francs, vous avez la parole.

M. Schneeberger : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, bonjour à vous trois. Dans un premier temps, on parle d'exclusion, là, au montant de 500 000 $, puis vous dites que c'est bien parce que... peu importe. C'est sûr que l'approche, ici, a été faite surtout en cas d'héritage, des choses comme ça, parce que, des fois, tu sais, on n'est même pas capable d'accepter un héritage parce que, là, on se disqualifie. Puis ça ne veut pas dire que l'héritage, ça nous donne de l'argent nécessairement, là. Des fois, c'est plus des valeurs sentimentales.

Mais, dans votre cas à vous, outre l'héritage, pouvez-vous me donner le genre d'exemple qui serait un bénéfice, étant donné que l'augmentation est quand même substantielle, là, avec le règlement actuel? C'est-u par... Parce que, mettons... ici, on parle de personne handicapée, j'imagine, d'installation, une maison qui est déjà installée, mais qui vaut plus que le prix qu'on a ici, quelque chose comme ça?

M. Duchesneau (Roger) : Excusez-moi. Il y a une réponse assez simple, là. De base, là, une personne ne peut pas avoir plus que 2 500 $ dans son compte de banque, là, présentement, qui est sur l'aide sociale, sur la solidarité sociale. Des fois, on a des enfants. Je suis père, moi-même, d'une charmante jeune dame de 28 ans. Bien, on l'aide bien souvent pour payer ses affaires parce qu'elle n'en aurait pas assez pour payer son linge puis tout payer, si on se fie à la limitation des dépenses personnelles, là. Mais la... Excusez-moi, là, c'est un peu émotionnel, là. Mais on essaie de lui faire mettre de l'argent un peu de côté, mais, quand tu arrives à 2 500 $, si elle a 2 501 $, bien, on va lui enlever 1 $ de l'autre bord. Ça fait que nous autres, on pense ça.

Puis dans les personnes qui ont une déficience intellectuelle, là, ça ne veut pas dire qu'elles sont limitées à rester à la maison, dans le fond d'une garde-robe, là. Ils peuvent s'acheter une maison. S'ils s'achètent une maison, bien, à ce moment-là, c'est de l'actif, ça. Ça fait que, tu sais, s'ils ont un trop gros actif, bien, ils risquent de se faire couper.

M. Schneeberger : La valeur des maisons augmente aussi. Ça fait qu'à un moment donné, si tu dépasses la valeur, bien là, tu es pénalisé, alors qu'on sait très bien qu'aujourd'hui une maison à 200 000 $, là, à part que dans un petit village, c'est... on a vite atteint cette somme-là. Puis ce n'est pas un château, on s'entend, là.

M. Duchesneau (Roger) : Je vais laisser Samuel répondre.

M. Ragot (Samuel) : Une autre chose, en fait, qui est importante à savoir, c'est que beaucoup de familles qui laissent un héritage sont obligées souvent de passer par des stratagèmes de fiducie. Puis ça, c'est complexe. Ça demande des connaissances. Ça demande des ressources aussi, un notaire, accès à un avocat et potentiellement des régimes de protection, etc., ce qui est complexe à gérer. C'est quelque chose qui est difficile, et un assouplissement de la limite va permettre à certaines familles de ne pas avoir à passer par ce genre de stratagèmes là pour ne pas dépasser les limites.

Ça n'a l'air de rien comme ça, mais, quand on rajoute ça par-dessus le fait d'avoir un enfant handicapé ou qui a une déficience intellectuelle, bien, ça peut devenir un obstacle de plus, ça peut devenir une inquiétude de plus pour les parents, et c'est des frais qui vont essentiellement être encourus. Cette modification-là est quand même intéressante.

Puis, si on va voir dans les intentions réglementaires, on voit aussi que ce 500 000 $ là est prévu par règlement. Et un règlement, ça se modifie facilement. C'est tout à l'avantage, en fait, du gouvernement et des personnes, ultimement, de l'avoir dans un règlement qui va pouvoir être bonifié, peu importe le gouvernement en place.

Ça fait que nous, on pense que cette mesure-là est pertinente, qu'elle va dans le bon sens puis qu'elle va enlever de la pression et du stress aux familles, ultimement.

La Présidente (Mme Richard) : Encore 2 min 45 s

M. Schneeberger : Oui, O.K. Je vous écoutais tantôt puis j'aime beaucoup l'approche que vous dites. Tu sais, l'augmentation du revenu de base, c'est parfait, mais, en même temps, on ne veut pas être laissé de côté. On veut participer à la société, faire partie intégrante de la société. Puis moi, je trouve ça bien parce que, justement, souvent, tu sais, l'aide sociale, malheureusement, là, des fois, il y a eu une mauvaise image, alors que, dans le fond, ce que moi, je disais au ministre... Puis ça, l'aide sociale, pour un pays noble, c'est d'aider nos plus défavorisés puis de les aider correctement, qu'ils ne soient pas toujours dans un sens de quêter ou de se sentir redevables pour peu importe ce qu'ils font parce qu'à un moment donné, malheureusement, ils ont des malchances dans leur vie puis ils sont dans un état actuel.

Alors, est-ce que justement, dans le fond, cette mesure-là devrait être pour tous les bénéficiaires de la solidarité sociale, tu sais? Parce que, là, des fois, on parle de handicapés physiques, intellectuels, et autres, mais, tu sais, je veux dire, regardez, comment on pourrait... parce qu'être... des contraintes sévères à l'emploi, ça ne veut pas dire que tu es inapte au travail. Tu peux peut-être faire quelque chose pour te rendre utile, pour aussi la valorisation de la personne. Puis je pense que ça, ça devrait être élargi beaucoup plus, pas juste, admettons, vous... bien, vous, vous êtes là pour défendre les personnes qui ont des handicaps, mais chaque personne... parce que c'est ça, quand on est rendu là, on a tous un handicap en quelque part.

M. Duchesneau (Roger) : On le crie sur les toits depuis qu'on existe, hein?

Mme Larose (Anik) : Qu'on a tous des différences?

M. Duchesneau (Roger) : Qu'on a tous des différences puis qu'on devrait tous avoir accès au marché du travail. On est d'ailleurs membres d'une association canadienne où est-ce qu'il y a un programme qui s'appelle Prêts, disponibles et capables, puis ça ne représente pas juste... ce programme-là, c'est parce que les gens sont prêts, disponibles et capables de travailler. Puis ce n'est pas juste pour les personnes qui ont une déficience intellectuelle, c'est pour toutes les personnes qui sont capables de travailler, là, que ce programme-là existe, toutes les personnes qui ont un handicap.

Mme Larose (Anik) : Mais c'est important de les supporter, ces personnes-là. Il ne s'agit pas de mettre quelqu'un dans une situation puis de dire : Bien, tu vas aller travailler. Ça demande une adaptation, ça demande un accompagnement. Ça demande également un accompagnement en continu, là. Donc, ce n'est pas nécessairement juste au début avec une intensité, parce que par après, quand la personne, elle peut... il y a une espèce de confort qui s'installe, mais, oups! s'il n'y a plus d'accompagnement, il peut se développer certaines difficultés avec les collègues de travail, et ainsi de suite. Donc, il ne faut pas laisser les personnes à elles-mêmes non plus. Il y a un accompagnement de base important à faire, et il faut le garder en tête, là. C'est certain, ça ne se fait pas de manière magique et instantanée, là.

La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup. Merci pour votre contribution à nos travaux.

Et je vais suspendre les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension à 16 h 7)

(Reprise à 16 h 10)

La Présidente (Mme Richard) : Donc, nous allons reprendre nos travaux. Nous recevons maintenant l'Office des personnes handicapées du Québec. Bonjour, bienvenue à l'Assemblée nationale. M. Trépanier, je vais vous céder la parole. Je vais vous demander de nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Et vous disposez d'un temps de 10 minutes pour faire votre exposé. Par la suite suivra un échange avec les parlementaires. Donc, M. Trépanier, je vous cède la parole.

Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ)

M. Trépanier (Martin) : Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes, MM. membres de la commission. Je suis, à mes côtés aujourd'hui, accompagné de Mme Anne Hébert, directrice générale de l'Office des personnes handicapées du Québec, et également, de la direction des projets interministériels chez nous, M. Martin Bourgeois, directeur, et Mme Céline Marchand, conseillère experte.

L'Office des personnes handicapées... La Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, la première loi, loi constitutive de l'office, aura 40 ans cette année. Donc, ça fait 40 ans qu'on se présente devant vous pour ce genre d'exercice. Vous comprendrez que je serai relativement succinct sur la présentation de notre organisation. Mais, quand même, je vous rappelle que l'office a pour mandat de soutenir et de conseiller le gouvernement sur toute question qui pourrait avoir un impact majeur sur la participation sociale des personnes handicapées.

Donc, pour ce faire, il tire son expertise de différentes façons : d'abord, des interventions auprès des personnes handicapées elles-mêmes et de leur famille, également de ses travaux de recherche et d'évaluation, également de toute son action qu'il fait en collaboration, en partenariat avec des organismes tant au niveau ministériel, gouvernementaux, publics, privés, communautaires. Et également il tire son expertise de son conseil d'administration, de sa composition, 16 membres nommés par le gouvernement, majoritairement des personnes handicapées, de différentes déficiences, en provenance de différentes régions également. Quatre des membres également votant de l'Office des personnes handicapées sont issus du monde associatif des personnes handicapées, du milieu syndical, du milieu patronal et des principaux ordres professionnels concernés par la participation sociale des personnes handicapées.

Aujourd'hui, donc, très rapidement, on est venus vous porter un message clair, très court, précis : Nous sommes en faveur du Programme de revenu de base et nous souhaitons ardemment qu'il soit adopté dans cette session parlementaire. Vous savez, on dit souvent que le chemin le plus court pour tendre vers une plus grande justice sociale est de faire des choix équitables. Bien, nous sommes convaincus que le revenu de base est un choix qui va dans cette direction. Et je vais laisser Mme Hébert poursuivre là-dessus et vous en faire la démonstration.

Mme Hébert (Anne) : Merci. Comme mentionné par M. Trépanier, l'office est ici pour une raison claire, soit celle d'exprimer son appui ferme au projet de loi présentement à l'étude. Ce projet de loi propose une des mesures gouvernementales les plus porteuses et ambitieuses des dernières années en matière de soutien au revenu, soit l'instauration d'un revenu de base pour certaines personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi. Cette mesure, qui vise des personnes qui sont dans une situation d'extrême vulnérabilité financière, constitue une avancée majeure. Il importe de ne pas laisser passer une telle opportunité.

Depuis les 40 dernières années, il faut se rappeler que des initiatives gouvernementales ont été mises en place afin de favoriser la participation des personnes handicapées dans les milieux de l'éducation, de l'emploi et des autres sphères de la vie sociale. Or, malgré tout, force est de constater qu'il y a, encore aujourd'hui, des personnes qui sont confrontées à plusieurs obstacles, que ce soit sur le plan de l'instruction, de la socialisation ou de la qualification professionnelle. Elles n'ont jamais pu intégrer un emploi rémunéré de façon stable de sorte de s'y maintenir. Elles n'ont pas pu accroître par elles-mêmes leur autonomie financière, d'autant plus que les personnes handicapées, comparativement aux personnes qui n'ont pas d'incapacités, ont historiquement plus de difficultés à obtenir un emploi.

Selon les cas, les personnes visées par le projet de loi bénéficient du Programme de solidarité sociale depuis plusieurs années. En 2017, le revenu était d'un peu moins de 13 000 $, ce qui constitue bien le dessous du seuil de la pauvreté. Avec ce mince revenu qui leur procure près de 1 100 $ par mois, elles doivent, comme tous les autres, payer leur loyer, elles doivent, comme toutes les autres, parvenir à se nourrir et à se déplacer.

Par contre, comparativement aux personnes sans incapacité, elles doivent aussi composer avec des dépenses supplémentaires liées aux conséquences de leurs incapacités qui, souvent, ne sont que partiellement couvertes par des allocations financières ou autres programmes publics. Ces coûts supplémentaires, qui ne découlent pas des besoins habituels de consommation, viennent aussi diminuer leur revenu disponible. Cette situation leur demande, encore plus que toute autre personne, de mieux prévoir, de mieux rationaliser leurs dépenses. Concrètement, cela se traduit pour elles par des sacrifices sur des besoins essentiels : logement, nourriture, soins de santé, déplacements. Concrètement, ces personnes renoncent souvent à combler certains besoins dans le but d'en privilégier d'autres tout aussi importants, voire essentiels. Elles vont accepter de louer un logement moins cher, mais moins adapté à leur condition, par exemple — on connaît des situations où des personnes vivent dans des conditions, là, où c'est très difficile pour elles de se déplacer au sein de leur logement — ou, au contraire, elles vont choisir de vivre dans un logement plus dispendieux, mieux situé des services essentiels, à proximité de ceux-ci, quitte à sacrifier, à renoncer à une partie de leurs besoins d'aide à domicile, d'accompagnement et de traitement.

L'instauration d'un revenu de base permettra à ces personnes de bénéficier, à terme, d'un revenu de plus de 18 000 $, soit la valeur actuelle du panier de consommation. La somme supplémentaire qui leur sera versée alors ne les rendra pas riches, loin de là, ça, je pense que c'est important de le souligner, là, toutefois, elle leur permettra par contre d'obtenir une sécurité financière minimale, d'accéder à des conditions de vie beaucoup plus décentes qu'aujourd'hui. C'est ça, l'impact concret qu'aura l'instauration d'un revenu de base pour la plupart des personnes admissibles.

Bien sûr, nous croyons qu'il demeure important de continuer nos efforts afin que les personnes handicapées puissent, en toute égalité, avoir accès à une formation adaptée, mieux intégrer le marché de l'emploi et s'y maintenir. Nous sommes persuadés que l'emploi constitue le meilleur vecteur qui leur permettra d'améliorer leur situation et leur autonomie financière. Nous comptons d'ailleurs sur la future Stratégie nationale sur l'intégration et le maintien en emploi pour personnes handicapées afin de répondre à ces enjeux. Il est important que les personnes handicapées puissent suivre et avoir accès à des parcours appropriés leur permettant d'intégrer le marché du travail et de s'y maintenir. Cela fera en sorte d'éviter que la situation des personnes à risque s'aggrave au point que celles-ci aient recours au revenu de base. Donc, c'est important d'avoir... on ne cherche pas un parcours... d'amener les personnes vers le revenu de base, on cherche à éviter qu'elles n'aient à se rendre au revenu de base. Ça, c'est extrêmement important.

Cela étant dit, il est nécessaire de ne pas laisser de côté les personnes qui ne parviendront pas à emprunter de parcours menant vers l'emploi, et ce, pour différentes raisons liées à leurs incapacités, à leur situation socio-économique ou à leurs parcours personnel et professionnel. Il importe de réaliser qu'aujourd'hui, malgré l'effort collectif et gouvernemental qui a été fait, il y a encore des personnes qui se trouvent dans une situation financière plus que précaire et qui n'ont actuellement pas d'autre issue. Cet état de fait perdure depuis maintenant trop longtemps, un changement s'impose.

Vous le savez peut-être, mais une des trois priorités de la politique gouvernementale À part entière, qui a été adoptée en 2009, est d'agir contre la pauvreté des personnes handicapées et de leurs familles. Pour ce faire, la bonification du soutien au revenu est l'une des voies privilégiées, avec l'emploi. C'est inscrit mot pour mot dans cette politique, qui, à l'époque, a fait largement consensus, qu'il faut bonifier le soutien au revenu. Aujourd'hui, vous êtes appelés à statuer sur un projet de loi qui s'inscrit pleinement en cohérence avec cette politique. Ne laissons pas passer cette opportunité. Offrons aux personnes concernées la possibilité de vivre dignement dans des conditions de vie décentes.

Ce projet de loi, pour nous, nous le voyons comme une façon de dire à ces personnes, dans le Québec en tant que société, qu'on ne les laisse pas tomber. C'est une façon de reconnaître la situation particulièrement difficile dans laquelle se trouvent les personnes qui y seront admissibles. C'est l'occasion de reconnaître notre rôle collectif et celui incontournable de l'État en matière de solidarité sociale. C'est surtout un moment important qui nous fait réaliser l'impact que nous pouvons avoir pour soutenir l'autonomie financière et la dignité des personnes figurant parmi les plus démunies de notre société.

Bien sûr, nous sommes conscients que certains éléments de mise en oeuvre méritent d'être examinés. Vous avez lu nos commentaires et suggestions à cet effet dans notre mémoire. Mais, pour nous, en aucun cas ces considérations — je pense, entre autres, au délai de carence et à l'échéancier de 2023 — ne doivent remettre en question le revenu de base, son instauration.

L'office offre sa collaboration afin de travailler avec les parties concernées à l'identification de solutions à ces enjeux dans le cadre de l'opérationnalisation du revenu de base. Il importe que ce projet de loi soit adopté rapidement dans le cadre de la présente session parlementaire. C'est notre responsabilité collective, et nous vous demandons de la saisir. Merci.

• (16 h 20) •

La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup de votre présentation. Nous allons débuter les échanges. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Blais : Je veux d'abord vous remercier de la présentation, de sa clarté. Je voudrais aller sur deux éléments assez distincts. On en a peu parlé, mais la question de l'individualisation. Dans le fond, c'est une mesure qui est individualisée, il y a différentes compréhensions possibles de l'individualisation. Quand on regarde en ce moment les bénéficiaires de la solidarité sociale, la forte majorité vivent seuls, hein, et donc très peu en couple, là. Alors, comment vous voyez les bénéfices ou peut-être même des inconvénients par rapport à l'individualisation d'une mesure de transfert comme celle-là?

Mme Hébert (Anne) : Je disais tout à l'heure que le projet de loi s'inscrit avec très grande cohérence avec la politique À part entière. Dans la politique À part entière, on invitait, là... une des priorités, c'était la considération, le maintien des liens conjugaux et familiaux, tu sais, dans la perspective du soutien au revenu. Et l'approche individuelle qui est proposée dans le soutien au revenu, mais vient de permettre aux gens de ne pas... de permettre d'avoir des liens conjugaux et de vivre en famille. C'est le premier impact, là. Nous, on ne l'a peut-être pas dit assez fortement dans le... parce qu'on le prenait comme pour acquis, là, on voulait surtout défendre l'instauration du revenu de base, mais ça va permettre aux gens de vivre en couple, et puis de garder des liens familiaux.

Puis c'est souvent, là, il faut penser, là, un impact très concret que le conjoint est souvent le proche aidant. Puis là on pénalisait la personne quand il y avait un conjoint qui avait un revenu, puis il n'y avait pas d'avantage nécessairement financier à être en couple. Puis on ne tenait pas compte du fait que le proche aidant, il y a un investissement personnel dans le soutien aux personnes. Donc, c'est un gain énorme, l'approche individuelle, pour maintenir ces liens conjugaux et familiaux puis, pour nous, là, c'est en pleine cohérence avec la politique À part entière.

M. Blais : Donc, vous voyez que ça peut avoir des conséquences pratiques importantes. On pourrait imaginer que, dans les prochaines années, on va avoir des couples qui vont se former ou qui vont résister plus facilement. Ça peut avoir des conséquences aussi pratiques que ça.

Mme Hébert (Anne) : Oui, tout à fait. Ça veut dire que ça ne va pas nuire à, justement, l'établissement... Il y a des gens, là, qui ne vivent pas ensemble parce que ça a des conséquences financières ou s'appauvrissent. Actuellement, ce qu'on constate plus, c'est l'appauvrissement quand les gens maintiennent des liens conjugaux avec des personnes qui ont des contraintes sévères à un emploi. Donc, c'est un impact très important. Puis il ne faut pas... Puis la question de la participation sociale au Québec, là, est en progrès. Il y a des avancées importantes. Il reste encore beaucoup de choses à faire, puis il ne faut pas sous-estimer l'importance pour ces personnes-là de vivre dans une famille, d'établir des liens conjugaux puis le rôle que la famille joue en termes de soutien. Ça fait que c'est aussi une... l'approche individuelle, même si c'est individuel, c'est aussi une approche de soutien à la famille intéressante.

M. Blais : Dans les politiques sociales, il y a toujours deux véhicules : ou bien on offre des services à des populations en gage de solidarité ou on offre aussi des revenus, hein, on augmente leurs revenus, puis là, bon, il y a un équilibre à avoir dans tout ça, hein? Vous vous êtes battus beaucoup pour l'offre de services que... Et là on parle davantage de revenus ici, dans ce projet de loi là, que de services, disons.

Comment vous voyez ça, cette intégration-là? Est-ce qu'aujourd'hui en 2018 on était davantage dus pour donner un coup de barre au niveau de l'augmentation des revenus? Quand on voit les... hein, il y a tellement de choses à faire en termes de priorités, là.

M. Trépanier (Martin) : Vous savez, lorsqu'on réclame des mesures et des programmes adaptés pour les personnes handicapées, il faut bien que les parlementaires se mettent en tête que ce n'est pas leur réclamer une vie de luxe. C'est leur réclamer une vie d'abondance en termes de possibilités de s'épanouir collectivement. Et le message fondamental qu'on veut vraiment vous passer aujourd'hui, c'est : Pour nous, le revenu de base, là, ce n'est pas un marathon, puis on dit : La ligne d'arrivée, toutes les personnes handicapées s'en vont là. Ça va être une minorité de personnes handicapées qui veulent... Nous, on veut qu'une majorité de personnes handicapées acquièrent des connaissances, développent des compétences, accèdent à un emploi régulier ou adapté et, ensuite, s'épanouissent dans la société, mais également contribuent économiquement. On l'oublie souvent, que les personnes handicapées contribuent, hein? Les entreprises adaptées ont sûrement un chiffre d'affaires qui doit avoisiner les 150 millions par année.

Mais on dit : Tous les efforts... Mme Hébert a parlé tantôt de la stratégie nationale, ça va être très important parce que tous les efforts doivent être faits pour se diriger vers l'emploi. On dit toujours que la récompense suprême du travail, ce n'est pas ce que ça nous permet de gagner, mais ce que ça nous permet de devenir. Mais malheureusement il y a des personnes qui ne pourront jamais accéder à l'emploi. Et, pour ces personnes-là, on n'embarque pas dans la rhétorique de bon pauvre ou de mauvais pauvre, mais on dit : Il y a des personnes défavorisées puis il y en a des plus défavorisées que d'autres. Je crois que le revenu de base, bien, va répondre à ces personnes-là.

Mais c'est sûr que le projet de loi n° 173 n'est pas une réponse complète à tous les démunis de la province, mais je crois qu'il est une réponse complète aux plus démunis des démunis. Et, en ce sens-là, j'étais très heureux d'entendre le représentant du comté de Rimouski, moi qui viens d'un petit peu plus loin, en Gaspésie, dire qu'ils vont appuyer ce projet de loi parce que c'est très important, je pense qu'on va apporter le Québec ailleurs, un Québec plus humain et un Québec qui... Bien, justement, on ne demande pas au gouvernement de s'appauvrir, on demande de répartir un peu plus équitablement sa richesse. Puis je pense que vous avez choisi une bonne cible.

La Présidente (Mme Richard) : Merci, M. Trépanier. M. le ministre. Nous allons continuer. M. le député de Rimouski, vous avez la parole.

M. LeBel : Merci, madame. Bienvenue. Effectivement, moi, je répète toujours, le titre, c'est : Instaurer un revenu de base pour des personnes qui présentent des contraintes sévères à l'emploi. Ce n'est pas un revenu de base national, universel, inconditionnel, c'est un revenu de base pour une clientèle, une partie de la population qui vit des contraintes sévères. Mais il faut voir aussi que ce projet de loi là, il s'inscrit dans le processus de l'adoption, il y a une quinzaine d'années, d'une loi-cadre qui est là pour lutter contre la pauvreté. Ça fait qu'il faut garder ça en vision, même si, on sait, on ne pourra pas tout régler demain matin, la vision d'un Québec qui aura moins de pauvreté, il faut garder ça. Si on fait un pas de plus, un pas d'avance pour aider les personnes qui ont des contraintes sévères, il faut regarder le portrait plus global.

Puis le portrait global, ça fait en sorte qu'aujourd'hui avec l'instauration du revenu de base on vient de créer un troisième palier. Il y a les prestations d'aide sociale puis il y a des gens qui vivent sur la pauvreté à 648 $ pour un adulte sans contrainte, 782 $ pour un adulte contrainte temporaire, les prestations de solidarité sociale, un autre niveau, 1 035 $ pour un adulte avec des contraintes sévères à l'emploi, et là on introduit un troisième niveau, ce qui fait en sorte que le délai de carence pour pouvoir atteindre le revenu de base, il faudra passer au moins cinq ans dans l'autre avant, là, dans la solidarité sociale, la pauvreté, avant d'arriver. Le délai de carence fait en sorte que, si on veut avoir un soutien familial, comme vous dites, avec une conjointe ou un conjoint, bien, il va falloir que le conjoint ou la conjointe fasse son délai de carence aussi parce qu'il ne pourra pas parce que, dans la prestation de solidarité sociale, tu n'as pas le droit d'avoir un conjoint ou tu es coupé, tu sais.

Bref, je veux qu'on voie ça dans... on fait un pas en avant, puis je vais appuyer le projet de loi, on va faire en sorte que ça avance, mais je veux qu'on continue à avoir la réflexion sur comment on lutte contre la pauvreté dans l'ensemble de la problématique au Québec.

Dans votre mémoire, vous dites... puis l'exemple, c'est ça, c'est qu'on sort 84 000 personnes, on veut sortir 84 000 en 2023, mais, si on calcule l'ensemble des personnes qui vivent sous le seuil du panier de consommation, là, c'est 780 000. Ça fait qu'on va en sortir un huitième. C'est un bout de fait, mais c'est quand même un huitième puis c'est en 2023.

Dans votre mémoire, vous revenez sur le délai de carence à la page 17, et là vous dites : «...l'office est d'avis qu'il y aurait lieu d'abolir la période de carence afin de pouvoir bénéficier du revenu de base pour les personnes dont l'impossibilité à intégrer [au] marché du travail est manifeste en raison de leurs incapacités...» Là, vous dites d'abolir. Il n'y en aurait pas pantoute, là, de délai de carence.

J'aimerais ça que vous m'expliquiez cette position-là, puis c'est probablement cette position-là que vous allez travailler dans le comité du ministre, j'ai bien l'impression.

La Présidente (Mme Richard) : Mme Hébert.

• (16 h 30) •

Mme Hébert (Anne) : Oui. D'abord, peut-être quelque chose d'important sur le revenu de base. Effectivement, ce n'est pas un revenu de base, ce n'est pas la prétention du projet de loi, mais, nous, qu'est-ce qu'on trouve intéressant, là, puis qui est cohérent avec ce que la politique À part entière dit puis ce qu'on a déjà plaidé par rapport au revenu minimum garanti, c'est qu'il fallait une modulation de l'aide selon la gravité des situations des personnes. Et ce qu'on trouve intéressant avec l'approche qui est retenue, c'est qu'on commence par s'intéresser à ceux qui sont dans des situations les plus difficiles, on commence... donc on priorise ça. Puis c'est dans cette logique-là qu'on dit, dans notre mémoire, qu'il y a certaines personnes qui ont des incapacités graves et multiples, ne pourront peut-être jamais travailler, qu'il faudrait peut-être regarder pour elles comment elles pourraient accéder plus rapidement. Puis on est prêts à le faire dans le cadre des travaux du comité de travail. Mais, pour nous, ces questions-là, là, ça n'empêche pas qu'il faut adopter le principe du revenu de base rapidement.

Mais, sur ce, j'aimerais... pourquoi ça demande un certain temps de réflexion, là, on craint une adéquation personne handicapée égale inapte au travail. On a toujours plaidé pour ne pas qu'on se base... qu'on ne fait pas cette adéquation-là. Ça prend une complémentarité des actions. Il faut travailler sur l'emploi, il faut travailler sur la scolarisation. Le revenu de base, c'est juste un des éléments de la lutte à la pauvreté. Ça vient améliorer les conditions. Mais un plan de lutte, là, c'est qu'il faut agir sur plusieurs fronts. C'est ça, ce que nous invite le plan de lutte, puis c'est à ça que nous invite aussi la politique À part entière. Il faut agir sur le logement, il faut agir sur l'emploi, il faut agir sur les capacités de déplacement, le transport adapté, par exemple, l'accessibilité physique de l'environnement. Donc, c'est complémentaire à une action.

Mais ce qu'on appuie beaucoup, c'est de dire : On commence par ceux qui sont dans des situations de plus grande précarité. Et c'est sûr qu'on va participer, dans les travaux, à essayer de voir comment on peut assouplir ça, améliorer ça, l'instaurer, mais ça demande une certaine réflexion. Mais nous, on est très contents qu'il y ait une priorisation pour les personnes qui sont en plus grande difficulté parce que je vous dirais que... M. Trépanier disait que ça fait 40 ans, de la loi, mais on a été souvent confrontés aux grandes politiques sociales qui s'occupent du groupe général puis ne voient pas trop comment ils peuvent adapter ça pour les personnes handicapées. Puis on vient souvent en commission parlementaire pour dire : Oups! N'oubliez pas les personnes handicapées. Ça prend des mesures adaptées si vous voulez atteindre l'impact. Et là on est dans une situation où cette préoccupation-là est au premier plan. Ça fait que, pour nous, c'est intéressant.

M. LeBel : Et je vais vous dire le problème que j'ai, là, vous allez peut-être m'aider. Je comprends ce que vous dites, puis je comprends ce que tous les groupes de personnes handicapées sont venus nous dire, puis je comprends que vous êtes contents, puis je suis content avec vous autres. Mais ce que j'ai de la misère, c'est que j'ai l'impression qu'on parle beaucoup, là, de la politique À part entière, de tous les gains, le travail que vous avez fait pendant des années, mais en même temps on travaille sur un projet de loi qui vient lutter contre la pauvreté puis qui vient aussi intégrer des choses sur l'ensemble de la société, l'ensemble de la problématique de la pauvreté dans la société. Puis moi, je ne veux juste pas qu'on oublie le reste.

Puis j'essaie de faire en sorte de dire que c'est bien difficile, ça, mettre la ligne : Tu es-tu vraiment... Tu es-tu... Puis je ne veux pas dire que c'est juste les personnes handicapées qui ont des contraintes sévères, je suis d'accord avec vous. Mais c'est bien difficile, mettre la ligne. Puis je trouve que dire à des personnes que toi, tu n'es pas vraiment en contraintes sévères, tu n'es pas vraiment assez handicapé, là, pour avoir le revenu de base, il faut que tu restes dans l'autre programme de solidarité puis que tu te fasses écoeurer par l'aide sociale à tout bout de champ parce que tu as une conjointe, ou tu as ci, ou tu as ça, puis tu as des règles à respecter, tu as gagné trop cher ou tu as fait un héritage, ça, là, c'est un débat que je voudrais continuer à avoir. Mais, quand je le fais, ce n'est pas contre vos gains que vous avez faits, mais j'aimerais ça qu'on ait tous une solidarité autour de ça, qu'il faut vraiment, au Québec, lutter contre la pauvreté puis pour ceux qui sont plus vulnérables, probablement. Mais on parle de 80 000 sur 800 000, tu sais, c'est quand même... Mais on a de l'ouvrage à faire.

La Présidente (Mme Richard) : Mme Hébert.

Mme Hébert (Anne) : On va être solidaires de la poursuite du débat, mais ce qu'on est venus vous dire, c'est : On tient absolument que le principe soit retenu puis enchâssé si on veut qu'il y ait un débat parce qu'on ne voudrait pas que le débat remette en question ça, là. C'est un acquis extrêmement important, puis on veut que...

M. LeBel : ...

Mme Hébert (Anne) : C'est ça. Mais donc, oui, on va être solidaires de la poursuite du débat. N'oubliez pas qu'il y a des personnes, là, handicapées qui n'ont pas de contrainte, qui ne vont pas se qualifier nécessairement, puis il faut aussi améliorer leur situation. C'est pour ça qu'on a aussi beaucoup d'espoir, d'attentes, qu'on travaille de très près avec le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale à l'élaboration de la stratégie pour l'intégration et le maintien en emploi. Oui, cette stratégie-là parle d'emploi, mais elle va aussi aborder les questions de, tu sais, comment mieux préparer ces personnes-là vers un parcours. Il faut soutenir les personnes handicapées dans l'ensemble de leur parcours qui mène vers l'emploi. Et là ça, ça touche beaucoup de personnes. C'est vrai pour les autres personnes...

La Présidente (Mme Richard) : Si je peux me permettre, Mme Hébert, il ne reste pas beaucoup de temps au député de Rimouski, et je pense qu'il veut...

M. LeBel : Juste pour dire que je suis d'accord avec vous puis qu'il y a une grande réflexion que vous avez... vous semblez avoir cette réflexion-là, puis je pense qu'on pourrait continuer à travailler ensemble. Mais, il y a une quinzaine d'années, moi, j'ai fait la tournée du Québec pour adopter la loi pour lutter contre la pauvreté, j'ai refait une tournée, là, comme député de l'opposition récemment et j'ai vu des choses que je n'avais pas vues dans le temps. Être personne handicapée ou vivre dans la pauvreté dans un village en Gaspésie, loin des dépanneurs, loin... pas des dépanneurs, mais des marchés, c'est compliqué, c'est de plus en plus compliqué. Vivre de la pauvreté dans les milieux ruraux, c'est compliqué. Vivre de la pauvreté quand tu es devenu plus aîné, c'est compliqué. Il y a une grande réflexion à avoir, et c'est ça que j'aimerais faire à un moment donné, un jour. Merci.

M. Trépanier (Martin) : La recette à appliquer est la même pour les personnes handicapées que pour les autres citoyens, c'est d'y aller vers l'emploi. On a toujours dit que le revenu de base, c'était pour une minorité de... ceux qui ne pourront jamais travailler.

M. LeBel : ...

M. Trépanier (Martin) : Donc, et je connais bien la situation de la Gaspésie, je viens de là, mais c'est donc... L'État a mis vraiment de très bons outils en place présentement, il ne faut pas tout refaire. On a des services spécialisés pour les aider, on a des entreprises adaptées, on a des programmes d'employabilité. On demande aux personnes handicapées également d'avoir accès au programme d'employabilité qui est offert à tous les autres citoyens. Vous voyez à quel point les personnes handicapées veulent être considérées comme des citoyens à part entière, donc, et d'en bénéficier.

Mais c'est la même lutte. Vous avez raison dans ce sens, c'est la même lutte pour les personnes handicapées que pour les autres personnes qui veulent se sortir de la pauvreté, se donner un meilleur sort. Mais on a un devoir quand même, je crois, moral, en tant que société qui est en moyens, d'aider les plus pauvres et les plus démunis.

M. LeBel : Je suis d'accord avec vous.

La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Drummond—Bois-Francs, vous avez la parole.

M. Schneeberger : Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour à vous quatre. Dans votre mémoire, je pense que tout le monde autour de la table... je pense qu'au niveau du projet de loi, ça fait assez l'unanimité. Par contre, vous, ici, vous êtes en une enceinte gouvernementale, vous représentez les handicapés. On parle de handicapés, c'est sûr qu'il y a des handicapés de plusieurs niveaux. Il y a des handicapés légers, il y a des handicapés très sévères, et que soit... surtout physique, mais mental aussi.

Malheureusement, je trouve, votre mémoire fait un peu «too much». Je m'explique. C'est que, bon, ici, on s'entend, vous venez présenter votre idée face... au niveau du projet de loi, c'est correct. Mais on s'entend que les handicapés, là, il y a plusieurs ministères qui sont touchés, là, on parle de la santé. Mais malheureusement, pour connaître pas mal bien les procédures, pour les handicapés plus sévères qui ont encore la chance de pouvoir rester à la maison avec leur conjoint, conjointe, c'est un combat à tous les jours pour arriver à avoir des services. Et ce que je peux vous dire, par connaissance de cause, c'est : Ces derniers temps, avec la réforme, ces gens-là, là, ils mangent un coup, là, parce que moi, j'ai eu des cas, là, les aides à domicile, là, qu'on appelle, là, ont diminué drastiquement. Alors, quand on vient nous dire que, là, c'est bien, mais c'est bien beau, là, mais le handicapé, là, ça touche plus large. Puis, tu sais, j'aurais aimé ça au moins que vous le mentionniez là-dedans que... je veux dire, regardez, là, on a fait un bon bout, mais il y a encore des choses.

Alors, on peut bien en sourire, mais il ne faudrait pas oublier certaines personnes qui ne sont pas tenues... Puis je sais que le député de Rimouski... je pense que ses commentaires, c'est ça aussi qu'il voulait dire, il ne faut pas les oublier, ces gens-là. Puis c'est des gens qui se battent, se battent contre... on peut dire contre le CLSC parce qu'on vient les interroger pour savoir si leur situation a changé, alors qu'on sait très bien que la situation n'a pas changé du tout, pour finalement se faire dire : Bien, finalement, regardez, nous, avec nos nouvelles mesures, là, bien, votre aide à domicile est coupée de tant. Ça fait que, là, celui qui vient ou celle qui vient vous aider dans le jour, là, bien, arrangez-vous avec, là. Payez-le moins, alors qu'il est déjà payé pas loin du salaire minimum. Ça, c'est toutes des choses que j'aurais aimé ça, en tant qu'office des handicapés, que vous mentionniez également. Voilà.

La Présidente (Mme Richard) : Mme Hébert.

• (16 h 40) •

Mme Hébert (Anne) : C'est sûr qu'on a centré notre propos sur le revenu de base. Il n'y a pas eu d'occasion, dans les 10 dernières années, de parler de soutien au revenu, de l'amélioration au revenu. Puis, nous, c'était vraiment une question prioritaire, cet aspect-là.

Mais vous avez raison de dire qu'il y a plein d'autres... le revenu de base, ça ne réglera pas toute la question de la réelle possibilité pour les personnes handicapées d'exercer leur droit à l'égalité dans tous les domaines, là, d'exercer... d'atteindre la pleine participation sociale. Ça, on est bien conscients de ça, mais ce n'était pas le propos du mémoire.

Mais je vous invite à lire... on a publié, au mois de juin dernier, quatre rapports sur l'efficacité de la politique À part entière. Ces rapports-là sont publics, sont disponibles, et on fait le point... on répond à la question : Est-ce que, depuis l'adoption de la politique À part entière, est-ce que ça a amélioré... est-ce que ça a réduit les obstacles? On parle du soutien à domicile, des déplacements, des communications. On a fait certains constats, et vous allez retrouver, dans ces rapports-là, à la fois des données administratives, des données d'enquêtes et des recommandations qu'on a faites au gouvernement pour continuer d'améliorer la situation.

Donc, l'office, là, se préoccupe de fournir des données puis d'avoir une lecture précise des avancements. Je vous invite à lire ces rapports-là. Et, si vous le souhaitez, on est prêts à venir faire une présentation des rapports parce que ça va vous donner, dans quatre grands domaines, vraiment le portrait de la situation actuelle. Et nous sommes déjà, là, nous sommes mandatés pour faire un suivi des recommandations qu'on a faites. On est déjà, donc, actifs à la mise en oeuvre, là, de certaines des recommandations qui touchent le soutien à domicile, les déplacements, la communication, et nous sommes actuellement à préparer d'autres rapports sur l'efficacité de la politique, qui va toucher les questions de l'emploi, des services de garde, de l'éducation et j'en oublie un autre... des loisirs et sports et l'habitation. Bien, l'habitation, on l'a fait dans le premier cas, là. Donc, ces secteurs-là vont être couverts.

Vous pouvez avoir, avec ces rapports-là, publics, qu'on a diffusés largement... puis qu'on est très intéressés à continuer à faire connaître la situation plus précise. Mais on trouvait que c'était... On voulait avoir un propos très précis pour la présente commission parlementaire parce qu'au sujet du soutien au revenu il n'y a pas eu beaucoup d'occasions pour faire progresser la situation.

M. Schneeberger : ...peut-être encore, oui?

La Présidente (Mme Richard) : Oui, il vous reste 1 min 16 s.

M. Schneeberger : Oui. Est-ce que vous avez des membres qui sont chez vous qui font partie des tables de discussion avec les six... bien, moi, je veux parler du Centre-du-Québec parce que je viens de cette région-là, mais aussi partout ailleurs pour justement, avec les... en cas qu'il y ait des mesures au niveau des soins de santé, l'accompagnement, des choses comme ça? Êtes-vous sur la table pour dire : Regardez, nous, c'est ça qu'il a besoin? Parce que moi, je regarde actuellement ce qui se passe, là, puis je n'ai pas l'impression qu'il y a de l'écoute beaucoup, là, de la part des six, là.

Mme Hébert (Anne) : Bien, l'office agit par différents moyens. Un des premiers... On a des services directs à la population. C'est-à-dire que les personnes peuvent appeler à l'office pour avoir des informations sur les programmes qui existent, on les réfère au bon endroit puis on leur donne les informations de base sur les programmes sur lesquels... ont droit. Puis on accompagne également les personnes quand ils rencontrent des difficultés, là, d'accès aux programmes. Et on a beaucoup, beaucoup, beaucoup de demandes, là. C'est en augmentation constante depuis les cinq dernières années, là. On est très sollicités, puis c'est un service qui est très apprécié. Et ces interactions-là, qu'on a avec les personnes qui sont en difficultés, nous donnent aussi une lecture des difficultés rencontrées par les personnes handicapées.

La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup. C'est malheureusement tout le temps qui était à la disposition du deuxième groupe d'opposition. Je vous remercie pour votre contribution.

Et je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 44)

(Reprise à 16 h 51)

La Présidente (Mme Richard) : Donc...

Une voix : ...

La Présidente (Mme Richard) : Nous allons attendre quelques instants pour que les personnes qui accompagnent Mme Bouchard puissent prendre place.

Donc, on va resuspendre à nouveau.

(Suspension de la séance à 16 h 52)

(Reprise à 16 h 53)

La Présidente (Mme Richard) : Donc à l'ordre, s'il vous plaît! On va reprendre nos travaux.

Une voix : ...

La Présidente (Mme Richard) : Je pense qu'elle arrive, là, la personne. Donc, est-ce que, Mme Bouchard, vous avez toutes les personnes...

Mme Bouchard (Marielle) : Non, il m'en manque une encore. On est quatre.

La Présidente (Mme Richard) : On va resuspendre à nouveau.

(Suspension de la séance à 16 h 54)

(Reprise à 16 h 58)

La Présidente (Mme Richard) : Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Je pense que toutes les personnes sont arrivées. On peut débuter.

Donc, la commission reprend ses travaux, et nous recevons le Front commun des personnes assistées sociales du Québec. Mme Bouchard, je vais demander de présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez un temps de 10 minutes pour faire votre exposé. Par la suite suivra un échange avec les parlementaires. Donc, vous avez la parole, Mme Bouchard.

Front commun des personnes assistées
sociales du Québec (FCPASQ)

Mme Bouchard (Marielle) : Merci. Bien, en fait, je commence à ma droite. Yann Tremblay-Marcotte, du Front commun des personnes assistées sociales, moi-même, Marielle Bouchard, du Regroupement des femmes sans emploi du Nord de Québec, Denyse Thériault, également du Regroupement des femmes sans emploi du Nord de Québec, et Stéphane Bouchard — Stéphane, ton groupe, excuse-moi, là.

M. Bouchard (Stéphane) : Regroupement des assistés sociaux du Bas-Richelieu.

Mme Bouchard (Marielle) : Bas-Richelieu. Voilà. Donc, tous membres du front commun.

M. Tremblay-Marcotte (Yann) : Donc, oui, on va présenter en 10 minutes. Tout d'abord, essentiellement, le message qu'on va passer aujourd'hui, c'est que, pour nous, ce n'est pas un véritable revenu de base. Pour nous, il s'agit plutôt d'une solidarité sociale qu'on se voit très sélective envers une partie de la population. Donc, vraiment, on va alterner nos tours de parole, puis je passe déjà la parole à Stéphane.

• (17 heures) •

M. Bouchard (Stéphane) : Effectivement, ce programme n'est pas un revenu de base. Une base, c'est un soutien, c'est une fondation, c'est un minimum. Or, les autres programmes de dernier recours sont en dessous de cette soi-disant base. Si l'on prend, selon le principe de ce programme, que la base soit l'équivalent de la mesure du panier de consommation, on voit que les personnes sur la solidarité sociale n'en ont que 75 %, les personnes à l'aide sociale, 52 %, et les personnes ayant à subir des coupures d'Objectif emploi, 38 %. Ce prétendu revenu de base n'est en fait qu'une majoration de la solidarité sociale. Le vrai revenu de base devrait être universel et inconditionnel et s'appliquer à toutes les personnes dans le besoin parce que vivre la pauvreté, ça fait mal.

Mme Thériault (Denyse) : Oui, moi, j'en vis, les conséquences de la pauvreté, et je vous en parle. Mon nom, c'est Denyse, et j'ai été chef de famille monoparentale. En étant sur l'aide sociale, on m'a classée alors comme étant sans contrainte à l'emploi. Mon chèque n'était pas suffisant pour faire vivre mon fils et moi. Pour améliorer le montant de mon chèque, on m'a imposé de participer à un programme d'EXTRA en même temps que je faisais un programme d'études insertion en milieu de travail. C'est à partir de là que ma santé est déclenchée. Le stress causé par le programme, d'aller à l'école, de m'occuper de mon fils et de ne pas arriver financièrement, tout ce stress a fait exploser le nombre de crises d'épilepsie que je vivais par jour. Le fait de passer à cinq crises à 30 crises par jour, ma qualité de vie a pris un large détour, et j'ai dû placer mon enfant au fait de ne pas... que mon enfant ne soit pas en sécurité à la maison.

La pauvreté impose souvent de faire des choix déchirants. Placer mon enfant en fut un. Ne pas avoir assez d'argent pour couvrir nos besoins quotidiens, c'est la dure réalité qu'on impose aux personnes à l'aide sociale. Il n'y a aucune place pour les imprévus dans notre budget. Ce n'est pas vraiment par un choix d'être à l'aide sociale et ce n'est pas vrai qu'on y reste en santé. On juge et on dit à tort qu'on n'a pas de contraintes à l'emploi. Personne n'est à l'abri de tomber à l'aide sociale. En tant qu'un vrai revenu de base n'est pas garanti à tout le monde, on passe à côté de la solidarité sociale.

Mme Bouchard (Marielle) : Effectivement, pour nous, la vraie solidarité sociale, ça devrait garantir les droits fondamentaux à tout le monde. En vertu de la charte québécoise des droits de la personne, toute personne a droit à un revenu suffisant pour vivre dans la dignité.

Ce qui est positif avec le projet de loi n° 173, c'est de faire, dans le fond, un vrai pas vers la mesure du panier de consommation pour 2023. On se demande pourquoi attendre aussi longtemps. Souvent, quand c'est pour soutenir des compagnies privées, quand c'est le temps de donner les crédits d'impôt, c'est immédiat et même rétroactif. On s'entend, tous les individus ont les mêmes besoins de base, tous les citoyens ont droit d'avoir des conditions de vie qui ne mettent pas en péril leur santé. Vivre à l'aide sociale au Québec aujourd'hui, ça met en péril la santé physique, mentale et sociale.

Le point négatif, surtout, du projet de loi n° 173, c'est l'exclusion, c'est vraiment le fait d'exclure certaines personnes à ce droit à une vie décente. On les exclut essentiellement sur la base de préjugés. Puis la multiplication des différents programmes dans la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, ça garantit de moins en moins, en fait, un accès équitable aux ressources financières puis dans l'accès aux programmes également. D'un côté, on a Objectif emploi puis, de l'autre, on a le revenu minimum qu'on crée maintenant. Donc, on accentue avec ça la distinction entre le bon pauvre et le mauvais pauvre. Puis c'est vraiment discriminatoire et ça nie complètement les causes systémiques de la pauvreté. Il n'y a personne qui mérite de crever de faim, indépendamment des préjugés qu'une personne ou l'autre pourrait avoir à son sujet.

Maintenir une partie de la population dans la pauvreté, ça engendre des coûts sociaux et humains qui sont dramatiques. Permettre à des personnes d'arriver au niveau de la MPC, c'est vraiment bien puis c'est moins discriminatoire pour ces personnes-là, c'est meilleur pour leur dignité, c'est meilleur pour leur santé puis c'est moins coûteux pour la société. Donc, pourquoi est-ce que ce ne serait pas valable pour tout le monde? Donc, ça, c'est vraiment la question qu'on se pose. Il y a plusieurs autres injustices qui perdurent malgré le projet de loi n° 173. On peut penser aux pensions alimentaires pour enfants ou encore la coupure de vie maritale qui touche les couples.

Mme Thériault (Denyse) : Ah oui! La vie maritale. Le ministre avouait que la coupure pour la vie maritale est un problème. Effectivement, cette coupure fait perdre l'autonomie économique et crée une dépendance envers l'autre conjoint à l'aide sociale. Pourtant, il n'y a rien de réglé là, la coupure est encore là. Je ne comprends pas ce que ça nous donne socialement.

M. Tremblay-Marcotte (Yann) : Aussi, une chose qu'on ne comprend pas aussi, c'est toute la notion des gains de travail permis. On voit qu'il y a un pas qui est fait au niveau du revenu de base, que les personnes qui travaillent pourront conserver l'ensemble de leurs revenus. Par contre, quand on voit les autres programmes, que ce soit Objectif emploi, aide sociale ou solidarité sociale, les gens pourront travailler pour 200 $ et après ça, selon le programme, pourront garder 20 % ou 10 % des revenus supplémentaires. En d'autres mots, on pourrait aussi dire que les personnes assistées sociales se voient imposer à 90 % ou 80 % de leurs revenus. Pourquoi l'histoire des gains de travail permis, ce n'est pas généralisé à l'ensemble des programmes? Souvent, on entend beaucoup, dans la population, que c'est les personnes assistées sociales qui ne veulent pas travailler, mais, nous, ce qu'on voit, c'est qu'il y a des obstacles, et on empêche les personnes assistées sociales de travailler et on les empêche de conserver leurs revenus de travail. Ça, c'est une chose qu'on ne comprend pas, pourquoi ça n'a pas été généralisé à l'autre programme.

Ensuite, on veut aussi parler des pensions alimentaires pour enfants. On se rappelle que, le 29 novembre 2012, les quatre partis politiques — il y avait unanimité — ont adopté une motion qui disait : «Que [le] gouvernement du Québec [...] agisse avec diligence et équité afin que les pensions alimentaires pour enfants cessent d'être traitées comme un revenu pour le parent créancier...» Et on se rappelle que, récemment, l'ex-ministre libérale Marguerite Blais réagissait le 15 décembre 2017, c'est très récemment, et se demandait : Que valent les motions si elles ne finissent pas en projets de loi? À quoi ça sert de se voter des motions si, au final, on finit par ne rien faire à propos de ça?

2012, la motion. On est rendus en 2018. Comment ça se fait qu'il y a eu encore une inaction par rapport à ça? Puis cette injustice-là, ce détournement de la pension alimentaire, de l'argent qui passe directement du parent payeur à l'État, comment ça se fait que c'est encore détourné de nos jours?

M. Bouchard (Stéphane) : ...que fait-on pour les personnes travailleurs précaires? Les personnes assistées sociales et les travailleurs pauvres sont souvent, en réalité, les mêmes personnes. Beaucoup ont un emploi précaire, alternent les petits boulots et font des allers-retours à l'aide sociale. Il y a une forte précarisation du travail, de plus en plus temporaire et à temps partiel, qui se joint au refus de mettre le salaire minimum à un niveau suffisant. Les travailleurs doivent souvent se tourner vers l'aide sociale pour combler leurs revenus.

Travailler ne permet donc pas toujours de sortir de la pauvreté, et les travailleurs précaires méritent, eux aussi, une sécurité pour assurer leurs besoins essentiels. Alors, pourquoi limiter le revenu de base seulement aux personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi depuis plus de cinq ans et demi?

M. Tremblay-Marcotte (Yann) : Donc, si — on a essayé de faire vite en l'espace du 10 minutes — on avait comme conclusion... en fait, c'est vraiment ça. Pour nous, le revenu de base, ce n'est qu'un nom. Ce n'est pas ce qui se passe, en fait, avec l'idée de ce programme-là. Comme on le rappelle, c'est vraiment une solidarité sociale qui devient très sélective envers une partie de la population, qui, de fait, continue à en mettre beaucoup de côté, qui maintient dans la pauvreté beaucoup de personnes que l'on pourrait aider. On en a proposé, différentes solutions qui pourraient être étendues. On n'aide, en fait, qu'une partie de la population avec ce programme-là. On croit qu'il doit être modifié encore. C'est encore possible de modifier ce revenu de base là pour que ça soit un véritable revenu de base. Évidemment, c'est une question de volonté politique. Merci.

La Présidente (Mme Richard) : Merci. Nous allons débuter les échanges. M. le ministre, vous avez la parole.

• (17 h 10) •

M. Blais : Alors, merci beaucoup pour l'exposé. Peut-être sur la question de l'utilisation du terme «revenu de base», on peut changer le mot, hein? C'est le mot. Chien ne mord pas, hein? Donc, on peut changer l'expression. Ce qui était utile et intéressant dans l'expression «revenu de base», c'est l'idée d'un socle, c'est-à-dire d'un socle à partir duquel il peut essayer d'aller chercher d'autres revenus sans être pénalisé. Et donc, si vous voulez, on peut appeler ça le revenu de base catégoriel parce que c'est un revenu de base qui... donc, une allocation universelle qui s'adresse à une catégorie, comme la sécurité de la vieillesse, au Canada, est une allocation universelle catégorielle, elle s'adresse à une catégorie. Puis on peut débattre ensemble : Est-ce qu'on veut que l'allocation... la sécurité de la vieillesse demeure universelle ou pas, là? Moi, j'ai des idées là-dessus. Peut-être que vous en avez aussi. Le supplément de revenu garanti au Canada est un impôt négatif. Donc, ce revenu de base là n'est pas un impôt négatif, ça, très clairement. Donc, il est beaucoup plus près d'une allocation universelle catégorielle.

Ce qui m'intéresserait un petit peu de mieux comprendre dans votre propos, c'est, je pense, les réticences, le malaise, le désaccord qu'il y a autour de l'idée d'accorder, disons, des revenus plus importants à une catégorie, qui sont les personnes handicapées, en particulier lourdement handicapées. Est-ce qu'il y a un malaise avec ça dans votre approche, votre philosophie, que, hein, j'ai cru entendre : Tout le monde devrait être traité de la même façon. Mais, en même temps, les réalités sont bien différentes, hein? Si vous êtes lourdement handicapé, je peux vous dire, ce n'est pas facile, la vie, là, notamment pour avoir accès au travail.

Donc, comment vous voyez cet arbitrage-là? Est-ce que vous reconnaissez qu'il y a des personnes lourdement handicapées, qu'elles doivent être traitées différemment, avoir les revenus plus importants, là? Comment vous voyez les choses?

La Présidente (Mme Richard) : M. Marcotte.

M. Tremblay-Marcotte (Yann) : Oui. Bien, effectivement, on reconnaît que les personnes handicapées ont des besoins spéciaux du fait de la situation de handicap dans laquelle elles sont. Par contre, il y a quand même un indicateur, je pense, qui est mis de l'avant avec le revenu de base, hein, qui est la mesure du panier de la consommation. Puis ce qu'on ne comprend vraiment pas dans tout ça, c'est, si on considère que c'est une base, en fait, que ça permet de remplir aux besoins essentiels, pourquoi, si les personnes handicapées en méritent 100 %, pourquoi qu'il y en a que c'est 55 %, 75 % et d'autres 38 %? Donc, c'est à partir de là qu'on ne comprend pas, mais on reconnaît effectivement que... puis c'est ça, notre position, c'est-à-dire que les personnes handicapées ont des besoins spéciaux supplémentaires à cette mesure du panier de la consommation, en fait.

M. Blais : Donc, ça justifie qu'il y ait un montant plus important pour eux? C'est ça que je veux... Dans votre approche, là, c'est : Tout le monde devrait avoir le même montant ou on devrait reconnaître cette catégorie-là, quelle que soit la façon dont on va le définir, parce qu'ensuite il faut l'opérationnaliser? C'est ce bout-là que je veux essayer de saisir dans votre approche.

M. Tremblay-Marcotte (Yann) : On n'a pas le débat à savoir si c'est un montant ou si c'est davantage de services, mais ça doit être les deux, en tout cas. Mais, pour nous, c'est vraiment... il y a une base qui doit être disponible à tout le monde, qui doit être égale, et ensuite il y aurait, oui, effectivement un supplément en raison de la situation de handicap, en raison des difficultés supplémentaires, les défis supplémentaires que vivent les personnes handicapées. Donc, pour nous, effectivement, c'est une reconnaissance de ces difficultés-là.

M. Blais : Pas de difficulté de principe. De votre côté, est-ce qu'on dit : Bien, voilà, il faut faire un effort financier supplémentaire pour eux, là? À la limite, par exemple, dans votre modèle, moi, j'ai l'impression qu'il y aurait... tout le monde devrait être à la MPC, hein, donc que... quelqu'un qui ait une contrainte ou qu'il n'en ait pas, tout le monde devrait être à la MPC au moins, minimal, et, bien sûr, quelqu'un qui a une contrainte devrait avoir plus que la MPC. Est-ce que c'est un peu votre approche?

M. Tremblay-Marcotte (Yann) : C'est-à-dire qu'il y a précisément une situation de handicap qui exige, de fait, d'avoir une compensation, tu sais. Pour nous, la notion de contrainte a toujours été problématique, la contrainte à l'emploi, parce qu'il y a plusieurs personnes qu'il n'y a pas de contraintes qui sont reconnues. Puis, pour nous, c'est l'ensemble des personnes qui ont les besoins similaires. Mais la situation d'un handicap, c'est une autre chose, en fait, ce n'est pas nécessairement la contrainte. Donc, c'est là que ça mérite, en fait, compensation.

M. Blais : Très bien.

Une voix : C'est clair?

M. Blais : Bien oui. Je pense que vous êtes favorables pas nécessairement au projet de loi, mais vous êtes favorables au principe qu'il devrait y avoir des montants, donc, supplémentaires reconnus, là, pour les personnes qui ont des contraintes. Vous n'êtes peut-être pas d'accord avec la façon dont on définit les contraintes, mais vous ne dites pas que tout le monde a les mêmes contraintes, là. C'est ça que j'essaie de voir, là, si, pour vous, cette catégorisation-là, parce que c'est vous qui avez utilisé l'expression, je pense, elle est utile, nécessaire. Alors, ça nous permet de... ou bien c'est une erreur de catégoriser entre contrainte et sans contrainte. C'est quand même assez fondamental dans ce projet de loi là.

M. Tremblay-Marcotte (Yann) : Mais je pense que la différence, c'est : on parle de handicap et non pas de contrainte. Tu sais, c'est un peu une distinction, dans le fond. Une contrainte à l'emploi, c'est différent d'un handicap, tu sais. Puis c'est un handicap qui, après ça, amène une compensation financière, tu sais.

M. Blais : O.K.

La Présidente (Mme Richard) : Ça va, M. le ministre?

M. Blais : Oui.

La Présidente (Mme Richard) : Merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de Rimouski, vous avez la parole.

M. LeBel : Oui, merci. Je pense que ce qu'on vient de vivre là, c'est exactement ça, le malaise que je parlais tantôt. Là, si on veut lutter contre la pauvreté, puis lutter contre la pauvreté de tout le monde aussi, puis qu'on veut couvrir la pauvreté de ceux qui ont des contraintes sévères, qui peuvent vivre des situations particulières personnelles difficiles... Mais l'objectif, ce n'est pas de... l'idée, ce n'est pas de savoir : Il y en a-tu un qui a plus de problèmes que l'autre? L'idée, c'est de savoir : Est-ce qu'on peut donner un revenu qui est humain, qui est permet aux gens de vivre? Puis, à partir de là, quand on... si on a... puis que c'est... dépendamment de leur situation, un revenu qui permet d'être digne. À partir de là, si tu as des problématiques plus particulières, là, il y a des mesures qui viennent compléter l'intégration, comme les personnes handicapées disaient tantôt. Mais la base, ce n'est pas de commencer par diviser le monde en catégories pour savoir : Bien, lui, il mérite ça, il mérite moins ça, il mérite ça, c'est de dire : Quand tu es pauvre, comment tu fais pour sortir de la pauvreté? Puis, quand tu as réglé ça, l'autre bout devrait suivre. Puis c'est ça, le danger d'ici, puis moi, je vais faire attention, là, de plus en plus c'est... Les groupes de personnes handicapées sont contents dans des gains qu'ils ont obtenus, puis, en même temps, moi, j'amène qu'il faut être content de ces gains-là, mais il faut voir encore l'ensemble de la situation de la pauvreté.

Puis vous avez raison, monsieur, quand vous dites : Là, on s'enligne dans des affaires, il y a des bons pauvres puis il y a des mauvais pauvres. Et ça, il ne faut pas sortir de la commission comme ça. Il faut être solidaires, tout le monde ensemble, puis dire : Il faut lutter ensemble, tout le monde, contre la pauvreté.

Puis, moi, ce que je vois, comme député, là, quand je regarde, là, vous avez les trois paliers, là : aide sociale, solidarité sociale, puis là on rajoute revenu de base, puis vous, vous avez rajouté le quatrième, qui est Objectif emploi, vous n'avez pas tort. Et là, là, il faut se démêler là-dedans, là. Tu as droit à quoi là, puis tu as droit à quoi là-dedans, puis, si ça, tu n'es pas dans le bon niveau, puis tu n'as pas le droit à cette patente-là, puis là, là, tu aurais le droit, puis là il faut que tu appelles la bonne personne, puis qu'il comprenne... Puis ce que ça amène, c'est, quand tu es à la solidarité sociale puis tu fais ton calvaire de cinq ou six ans de misère avant d'arriver au revenu de base, là, tu as plein de contraintes. Tu sais, tu ne peux pas avoir de vie maritale, tu ne peux pas avoir ci... Et là tu arrives au revenu de base, pouf! ça vient de se régler, ces affaires-là.

Comment vous pensez que ça peut se faire, ça? La personne, du jour au lendemain, sort de la solidarité sociale parce qu'on vient de lui détecter un gros problème de, tu sais, de... une contrainte sévère, et là, paf! là, il peut se marier, il peut avoir... Comment vous voyez ça? Parce que, tantôt, les gens de l'office disaient que c'était important, avoir un soutien familial. Mais c'est-u plus important pour les revenus de base que prestation de solidarité sociale quand tu es... C'est aussi important pour l'un puis l'autre, il me semble.

Une voix : Pas sûre de comprendre la question.

M. LeBel : C'est qu'il y a des mesures, dans la solidarité sociale, que c'est des mesures qu'on connaît, qu'on aimerait ça que ça change, entre autres la vie maritale. Mais, quand tu arrives à revenu de base, ces mesures-là viennent de sauter, n'existent plus. Mais comment qu'on fait? C'est quoi, c'est-u... ça arrive... Tu sais, je me dis : Si tu as besoin d'un soutien familial dans le revenu de base, tu devrais en avoir aussi besoin dans la solidarité sociale. Moi, c'est le débat que j'ai envie de faire quand on fera l'étude article par article.

La Présidente (Mme Richard) : Mme Bouchard.

Mme Bouchard (Marielle) : Bien, les besoins des gens sont les mêmes pour tout le monde. Tu sais, je veux dire, la pinte de lait coûte le même prix pour tout le monde. Donc, couvrir ses besoins de base, c'est, à la base, là, pour atteindre ce niveau-là, c'est pareil pour tout le monde. Puis là, comme on disait, s'il y a un handicap, bien là, selon les besoins, les nécessités, bon, il y a des prestations spéciales qui sont disponibles pour ça. Puis effectivement... bien, en fait, comme on a pas mal tout exposé ça, là, tu sais. Puis le but aussi, quand on veut que les gens aient suffisamment, c'est, entre autres, pour éviter que leur situation se dégrade, hein, leur santé, leur situation socioéconomique.

Denyse l'a vraiment bien expliqué, là, en quoi, là, ça affecte la santé. Ça a brisé sa famille, ça a affecté sa santé physique, puis elle a fini par avoir sa contrainte sévère puis elle est assez scrap pour y avoir droit. Puis effectivement aussi il reste des injustices dans la Loi d'aide sociale. Il y en a certaines qu'on a tenté de soulager un peu avec ce projet de loi là, mais pourquoi on les laisse pour les autres? C'est la question aussi qu'on se pose, effectivement. Il y en a plusieurs dans la Loi d'aide sociale.

M. LeBel : Et je pense que le projet de loi va nous permettre d'ouvrir là-dessus, là. En tout cas, dans les discussions, si tu dis... Si tu ouvres pour le revenu de base, pourquoi tu n'ouvres pas sur la solidarité sociale? C'est les mêmes besoins parce que tu parles des mêmes personnes, à peu près, là, qui ont à traverser les cinq ans en solidarité sociale avant d'arriver au revenu de base. C'est ça que j'ai voulu expliquer tantôt. Puis la même chose pour les pensions alimentaires. Moi, je suis d'accord avec vous. Ce matin, j'en ai parlé en ouverture. On n'aura pas d'occasion souvent d'ouvrir la loi. Il y a une opportunité là, je pense qu'il faut y aller, effectivement, là-dessus.

Peut-être une dernière chose aussi sur... Si on parle des contraintes sévères, mais j'en vois souvent à mon bureau aussi, là, des gens qui arrivent... Tout le monde peut arriver sur l'aide sociale, ça peut arriver à tout le monde. On peut avoir une «bad luck», une dépression, n'importe quoi, puis que tu perds ton emploi. Et là les problèmes de santé mentale, c'est dur à détecter puis ce n'est pas... Avant d'arriver à convaincre que tu es contraintes sévères, tu passes par différents dédales puis tu appelles d'un bord puis de l'autre.

Comment vous voyez ça, vous autres, là? Quand on dit «contraintes sévères», comment qu'on pourrait faire pour mieux comprendre, ou mieux détecter, ou mieux connaître les problèmes de santé mentale?

Mme Bouchard (Marielle) : Bien, en fait, notre position à nous, c'est que... L'idéal, ça serait d'abolir les catégories à l'aide sociale. Donc, la question de est-ce qu'il est assez malade, est-ce qu'il a assez un trouble de personnalité limite, est-ce qu'il a assez de quatre différents syndromes ou de problèmes de santé mentale, est-ce qu'on les compile, c'est-u plus, c'est-u moins, c'est... Tu sais, la question, en fait, ce n'est pas vraiment : Est-ce qu'il fait assez pitié puis est-ce que ça paraît assez, hein? Le gars, il est sorti, il marchait sur ses deux jambes, bien, c'était peut-être la bonne journée dans sa semaine ou dans son mois, bon. Ça fait que c'est ça.

Ça fait que la question, ce n'est pas tant ça. Tout le monde a droit à un revenu digne pour vivre. Puis, à partir de là, on donne les moyens aux gens de trouver eux-mêmes les solutions et de prendre le temps qu'ils ont besoin aussi pour passer par-dessus leurs difficultés familiales, leurs traumatismes, toutes sortes de choses qu'ils ont vécus, qui n'est peut-être pas sur un billet du médecin aussi, mais qui fait partie de toutes sortes de contraintes à l'emploi. Puis, bien, le système actuel ne reconnaît pas toutes ces réalités-là. Puis, en ne respectant pas les limites puis le rythme des gens, on aggrave leur situation, et ce n'est pas constructif.

Donc, la vraie question, pour nous, ça serait plutôt d'abolir les catégories. Donc, si on améliore l'aide sociale avec ce... En fait, si on crée ce nouveau projet de loi là, bien, pourquoi on n'abolirait pas l'aide sociale puis qu'on ne partirait pas sur un revenu de base?

• (17 h 20) •

M. LeBel : Un vrai débat. Peut-être une dernière chose. Un vrai débat, puis je pense qu'on est rendus là. L'aide sociale, c'est tellement compliqué, c'est devenu fou. Moi, j'en vire fou des fois, puis une chance que j'ai un bon personnel qui finissent par comprendre toutes ces affaires-là. Mais vous autres, vous êtes des groupes qui accompagnent les personnes. Puis, on le sait, là, quand tu as différents problèmes, puis tu arrives à l'aide sociale, puis là tu vois... puis là on vient de rajouter une catégorie, puis, avec Objectif emploi qui est là, les gens ont besoin d'être aidés, ils ont besoin d'être informés de leurs droits, et tout ça. Vous, vous êtes des groupes qui aidez les personnes. Est-ce que vous pensez que l'instauration de tout ça, là, puis un autre programme va venir aider votre tâche ou va venir encore compliquer votre tâche de bien conseiller les personnes? Moi, je trouve qu'on vient compliquer l'affaire, là.

La Présidente (Mme Richard) : Mme Thériault.

Mme Thériault (Denyse) : Oui, tout à fait, on vient compliquer les affaires parce qu'à quelque part on veut abolir toutes les catégories dans le sens que vous autant que vous, vous travaillez ensemble, mais on ne vous pénalise pas parce que vous travaillez ensemble. Mais nous, si nous, on décide de vouloir travailler ensemble puis faire des choses ensemble pour mieux s'en sortir, bien, on a des pénalités à vivre. Puis, je pense, en mettant tout le monde dans... bien, je ne veux pas les mettre tous dans le même panier, mais sur la même ligne de partant, je pense, ça donne la chance à tout le monde de pouvoir exprimer la façon qu'ils vivent puis se donner des propres outils parce que, si on dit : Bien, vous, vous mettez des catégories, vous mettez des préjugés, puis les préjugés, bien, c'est ça qui continue sur notre terrain à nous... puis c'est ça qu'il faut débattre à tous les jours puis dans notre quotidien de tous les jours. Et c'est ça qui n'est pas facile parce que les gens voient... les gens d'en haut qui parlent de haut puis ceux d'en bas, bien, ils ne les écoutent plus, là. Mais les jugements sont déjà placés. Il faut démolir ça.

M. LeBel : Moi, je pense que ce projet de loi là vient ajouter un argument de mieux financer les groupes de défense de droits des personnes assistées sociales.

Mme Bouchard (Marielle) : Mais, pour répondre à votre question aussi, effectivement, il y a toute cette inquiétude-là. Il y a toujours des coupures, les gens ne savent pas d'où ça sort, ces coupures-là, n'ont pas l'information. Donc, il y a un stress constant avec l'aide sociale. Ça fait qu'effectivement le fait de ne jamais savoir ce qu'ils ont droit puis comment ça se passe, bien, ça, c'est une complication. Tu sais, il y a Objectif emploi qui vient de sortir, il y a ça qui vient de sortir. Qu'est-ce qui me concerne? Quand est-ce que je vais l'apprendre? Il y a-tu quelque chose qu'il ne faut pas que je fasse? Tu sais, évidemment, il y a beaucoup de flou pour les personnes à ce sujet-là, là. Ça vient complexifier une loi qui est déjà compliquée, effectivement.

M. LeBel : Merci.

La Présidente (Mme Richard) : Merci. Nous allons maintenant vers le deuxième groupe d'opposition. M. le député de Drummond—Bois-Francs.

M. Schneeberger : Oui, bonjour. Bonjour à vous. Je vous écoutais tantôt et j'ai l'impression que ce que vous reprochez aussi, c'est peut-être les délais, c'est qu'il y a trop de délais avant de pouvoir accéder ou, quand vous arrivez, on dirait qu'on attend à être au fond du baril avant de pouvoir vraiment vous aider. Et surtout dans votre cas, madame, je vous écoutais, vous êtes, je pense, un des cas nombreux souvent, des fois, des mères monoparentales qui ont une maladie, ou un accident, ou peu importe, et se retrouvent... Et puis, veux veux pas, quand on a un jeune enfant, tu sais, on veut son mieux, puis on vit dans la société, puis là on n'est pas capable de l'habiller comme il faut, et autre. Ça fait que c'est... Même, on a beau dire qu'il y a plein d'organismes, et autres, mais ça reste qu'à un moment donné, tu sais, c'est dur, je pense, au niveau... l'émotion puis de la personne de dire : Bon, bien, je suis rendu là, puis il faut que j'y aille, ces aides-là.

Est-ce que, justement... vous parliez justement que vous avez des personnes qui n'étaient pas incluses. Là, il y a un peu deux questions, mais, bon, premièrement, est-ce que, justement... est-ce que les délais, il y aurait-u une meilleure façon de... on parlait de classification, mais, au niveau des délais, qu'ils soient plus rapides, qu'il y ait une autre manière, auriez-vous des idées à nous donner? Est-ce qu'il faudrait leur dire : Regardez... Là, vous dites : Bon, il n'y aurait pas de classification, mais je pense qu'on n'est pas rendus là. Est-ce qu'il y aurait des choses concrètes que vous pourriez nous dire, admettons, comme vous parliez des personnes qui n'étaient pas incluses? Auriez-vous des exemples à nous mentionner?

M. Tremblay-Marcotte (Yann) : Vous avez posé plusieurs questions en même temps.

M. Schneeberger : Oui, bien, en tout cas, c'est assez large, mais, tu sais...

M. Tremblay-Marcotte (Yann) : Oui, mais elles sont toutes pertinentes, évidemment. Nous, on va le lancer, le débat au niveau de l'abolition des catégories. Après ça, bon, on l'affirme, puis, nous, c'est notre position. Je pense que... Denyse, moi, je suis vraiment content de connaître cette personne-là. Je la côtoie depuis des années. C'est vraiment une personne qui a été très résiliente, c'est une personne qui a réussi à être active dans le milieu communautaire, en tout cas, à occuper toutes sortes de choses, mais c'est vrai que son passage à l'aide sociale... Denyse est encore à l'aide sociale, c'est ça qui a nui à sa santé. Puis ça, quand on parle des différents visages qui existent à l'aide sociale, des différentes personnes, il y a beaucoup de personnes qui, parce qu'elles n'arrivent pas à combler leurs besoins essentiels, hein, parce qu'on les maintient dans la pauvreté, vont finir par détruire leur santé et se retrouver avec beaucoup plus de problèmes de santé physique ou mentale.

Ça fait qu'effectivement quand vous me parlez de délai, tu sais, le délai, c'est combien de temps que la personne va être sur l'aide sociale et combien de temps ça va prendre à la personne pour se retrouver avec un revenu décent, tu sais. Si on prend une personne qui est à l'aide sociale actuellement, là, il faut qu'elle se fasse reconnaître sa contrainte à l'emploi et ensuite, quand elle a fait reconnaître sa contrainte sévère à l'emploi, il faut qu'elle attende un autre cinq ans avant d'avoir le revenu de base. Et il y a tout ce moment-là que... c'est un moment que la personne va handicaper sa santé parce que c'est impossible de répondre à l'ensemble des besoins de base avec les montants actuels à l'aide sociale. Si je n'ai pas répondu à toutes vos questions, reposez-les.

M. Schneeberger : J'ai pas mal... on fait quand même le tour. J'ai bien compris, on s'était vus la dernière fois. Les pensions alimentaires, alors, c'est un point que je retiens, je retiens fortement, et puis j'aurai sûrement l'occasion d'en parler avec le ministre et son équipe au niveau des pensions alimentaires, là. Je pense que ce serait une belle avancée. Merci.

La Présidente (Mme Richard) : Ça va? Merci beaucoup, mesdames messieurs, pour votre contribution à nos travaux.

Et, sur ce, la commission ajourne ses... suspend ses travaux, c'est-à-dire, jusqu'à 19 h 30 ce soir. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 27)

(Reprise à 19 h 31)

La Présidente (Mme Richard) : Ça va, chers collègues? Donc, bonsoir. Nous allons poursuivre nos travaux. Donc, la Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux, et je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 173, Loi visant principalement à instaurer un revenu de base pour des personnes qui présentent des contraintes sévères à l'emploi.

Et nous avons ce soir parmi nous Mme Vivian Labrie. Bienvenue à l'Assemblée nationale, Mme Labrie. Vous allez avoir 10 minutes pour nous faire votre exposé. Par la suite va suivre un échange avec les parlementaires. Et je vous cède la parole.

Mme Vivian Labrie

Mme Labrie (Vivian) : Je vous remercie. Alors, bonsoir à vous. L'intention de ma présentation ce soir est d'introduire le mémoire plus détaillé, que vous avez sûrement reçu déjà, dans lequel vous trouverez toutes les références à ce que je vais apporter. Puis, dans le fond, je vais me contenter de poser une question, la question étant : Le projet de loi n° 173 nous fait-il avancer vers un Québec sans pauvreté, riche pour tout le monde et riche de tout son monde?

Alors, c'est un point de vue qui est situé en raison du parcours qui est le mien. Je vous indique qu'il est endossé par l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques, qu'on appelle communément aussi l'IRIS, et il est appuyé par plusieurs publications de l'IRIS. Il invite à continuer de porter la question que je vais poser à partir de 12 recommandations. Alors, ma présentation est vraiment comme pour mettre ces recommandations-là sur la table, si vous voulez. Si jamais vous voyez que je n'y arrive pas en 10 minutes, je vous invite à m'aider à le faire dans l'échange qu'on aura ensuite.

Alors, en gros, le projet de loi... Alors, comme vous allez voir, je vais décortiquer ma question. Le projet de loi n° 173, on le sait, il vient changer la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles. Je mentionnerais qu'en passant les derniers changements avec le programme Objectif emploi, il faut travailler fort pour les intégrer parce qu'on ne les retrouve pas sur le site Internet où on trouve la loi. Alors, il y a tout un travail pour mettre tout ça ensemble. Il instaure une amélioration, qui est substantielle, de la protection du revenu pour les personnes qui présentent des contraintes à l'emploi de longue durée. C'est une bonne nouvelle. Je laisse l'analyse détaillée du projet de loi à ce sujet aux organisations qui représentent les personnes en situation de pauvreté. Et mon intervention ne vise certainement pas... En fait, mon intervention est simplement pour présenter tout ça dans un cadre plus large. C'est sûr que j'appuierai toujours l'augmentation des revenus des gens qui vivent des situations de pauvreté.

Ceci étant dit, on ne peut pas prendre isolément le troisième plan d'action... pardon, le projet de loi n° 173 du troisième plan d'action gouvernemental, et aussi des deux premiers plans d'action, puis de l'application de la Loi visant à lutter contre la pauvreté, qui a conduit à ces plans d'action là, et, allons plus loin, du chemin citoyen parcouru depuis 20 ans, depuis qu'il y a eu cette proposition de loi citoyenne, que vous connaissez aussi. Alors, mon invitation est d'aller prendre ça plus largement.

Et là ça pose une question. Dans le fond, vous savez, il y a 100 ans, on ne reconnaissait pas le droit des gens à la couverture de leurs besoins, et ce n'était pas nécessairement normal de s'assurer que tout le monde couvre ses besoins. Au cours des dernières décennies, on a réussi à le faire assez bien pour les moins de 18 ans, pour les 65 ans et plus, pour les familles, dans la période entre 18 et 65 ans. Et là la question qui se pose, c'est, pour moi, en tout cas, et pour d'autres aussi : Est-ce que le projet de loi n° 173, il vient continuer de nous habituer à ce que, dans notre société, on ait la solidarité nécessaire pour couvrir les besoins de base de tout le monde ou si c'est un pas qui laisse les autres de côté?

Alors, il n'y a pas de réponse avant à cette question-là, d'où l'idée des recommandations qui vont venir... (Interruption) Excusez-moi, je vais prendre un peu d'eau parce que j'ai la bouche sèche. Est-ce que ça peut devenir normal, dans notre société, que les besoins de base de tout le monde soient couverts et qu'éventuellement tout le monde sorte de la pauvreté, ce qui est une autre chose?

On peut penser à l'histoire du droit de vote où, par exemple, au début c'étaient les propriétaires fonciers qui votaient, et ensuite il y a eu les hommes, mais pas tous les hommes, dépendant de certaines conditions de religion ou d'appartenance. Un jour, il y a eu les femmes, et c'est devenu normal que tout le monde en haut de 18 ans aujourd'hui vote dans notre société. Est-ce qu'on est sur ce chemin-là ou pas? Ça vous appartient, la réponse à la question.

Alors, j'amène, premièrement, deux recommandations. Un, la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale invite à un examen d'impacts. Est-ce que c'est possible d'obtenir cet examen d'impacts ou de le produire pour le projet de loi? Alors, c'est une première recommandation. Puis aussi l'autre invitation, c'est d'adosser la proposition qui est faite au cadre de transformation qui est préconisé dans la proposition citoyenne de 2000 pour une loi sur l'élimination de la pauvreté en matière de garantie de revenu. C'est ce que vous allez trouver dans le mémoire que je vous ai déposé, qu'on vous a déposé.

Alors, deuxième recommandation qui a son importance : si on veut avancer vers un Québec sans pauvreté, riche pour tout le monde et riche de tout son monde, bien, ça suppose d'inscrire le projet de loi dans une perspective plus large, où on n'appauvrit pas le cinquième le plus pauvre de la population, ça semble aller de soi, où on vise l'accès de toute la population à la couverture des besoins de base et la sortie de la pauvreté quand on travaille en posant la question de ce qui doit prévaloir entre ces deux critères, à la retraite ou quand le travail rémunéré ne peut pas être envisagé, et où on prépare, en même temps, les transformations nécessaires à un Québec qui serait éventuellement sans pauvreté, riche pour tout le monde et riche de tout son monde.

Je passe à la partie suivante de ma question : Est-ce que ça nous fait avancer vers un Québec sans pauvreté? Ici, il y a trois parties dans mon questionnement, dans le questionnement ici. D'abord, la première partie, il faut faire un point sur les indicateurs parce qu'il est beaucoup question de la mesure du panier de consommation. J'ai été membre du comité de direction du Centre d'étude sur la pauvreté et l'exclusion. Quand la MPC a été recommandée, elle a été recommandée pour suivre les situations de pauvreté du point de vue de la couverture des besoins de base et non pour la sortie de la pauvreté, la sortie de la pauvreté supposant une meilleure couverture parce que la MPC ne répond pas à tous les critères de la définition de la pauvreté qui est donnée dans la loi.

Alors, autrement dit, il faut comprendre ceci, la MPC ne se compare pas à un revenu après impôt. Il faut, en moyenne, ajouter 7 % à ses seuils si on ne compense pas autrement les dépenses non discrétionnaires, comme les frais de santé non assurés, les frais de garde, les frais professionnels et pensions alimentaires. Elle ne sert pas à évaluer la sortie de la pauvreté. Et c'est un indicateur qui manque et pour lequel on devrait avoir éventuellement des travaux.

Alors, il y a trois recommandations qui suivent ici, qui seraient très aidantes pour garder la rigueur dans notre compréhension de ce dont il est question. Premièrement, donc, c'est la recommandation 3, garder la MPC comme un indicateur de couverture de base, et non de sortie de la pauvreté. On ne peut pas prétendre que quelqu'un sort de la pauvreté quand son revenu atteint le seuil de la MPC. J'irai plus loin.

Alors, on peut tourner la page, si vous êtes en train de suivre le sommaire qui vous a été distribué. La recommandation 4, viser un revenu après impôt qui correspond à la MPC plus 7 % ou l'équivalent quand on veut que les gens atteignent la MPC. Ce qui revient à dire, dans le fond, que soit que... Alors, en moyenne, le CEPE a évalué qu'il fallait 7 % de plus que la MPC pour produire le revenu après impôt équivalent. Alors, soit le prévoir dans les cibles, soit expliquer comment les dépenses non discrétionnaires qui sont exclues du calcul aux fins de la MPC sont prises en compte ou couvertes autrement.

Recommandation 5, établir un indicateur de sortie de la pauvreté, lancer des travaux pour ça. Alors, vous trouverez toutes les citations utiles dans le mémoire et dans l'avis du CEPE de 2009 pour justifier ça. Je viens dire ici que le ministère lui-même utilise un autre seuil quand il fait les comparaisons internationales, qui est la MFR-60. Vous m'excuserez, je n'entrerai pas dans les détails techniques, si ça ne vous dérange pas, mais ce qui nous importe ici, c'est que la MPC à 18 012 $, en 2017, plus 7 %, ça fait 19 273 $, et la MFR-60, qui sert aux comparaisons internationales, c'est 24 000 $. Il y a probablement là une porte de sortie aux incongruités qu'on a entendues aujourd'hui quant à la manière de couvrir ou pas le seuil, ou de sortir de la pauvreté, ou d'aller vers l'emploi.

Alors, si on avait un deuxième indicateur... et, en attendant, le ministère pourrait très bien utiliser la MFR-60, il l'a fait dans le plan d'action, et il pourrait aussi s'intéresser aux salaires viables de l'IRIS, qui a aussi évalué ce que ça pourrait vouloir dire, un salaire décent qui fait avancer, qui permet vraiment de se dire : On est dégagés de la pauvreté.

Dans mon b, et je vous amène à un autre point ici, c'est qu'au Québec quand les citoyens ont voulu une loi sur la pauvreté, en 1998, la question n'était pas de viser un Québec sans pauvreté, mais plutôt d'arriver à un Québec sans pauvreté en dedans de 10 ans. Pour arriver à un Québec sans pauvreté en dedans de 10 ans, inévitablement, il faut quelque part que tout le monde couvre ses besoins de base et, comme ce n'est pas assez, il faut aussi un jour que tout le monde sorte de la pauvreté.

Alors, quelle feuille de route pourrait nous amener à faire ça au Québec? La question est posée. Et, dans ce sens-là, le projet de loi n° 173 vient agrandir le nombre de personnes qui couvriront mieux leurs besoins. On ne pourra pas dire que ces personnes-là vont sortir de la pauvreté.

Vous me faites un signe voulant dire qu'on approche des 10 minutes déjà, on les a dépassées. Alors, j'ai eu le temps de vous amener cinq recommandations, il en reste donc sept à vous présenter. On pourra y aller peut-être par les échanges. Je vais essayer de trouver le chemin pour me rendre là avec vous, d'accord?

• (19 h 40) •

La Présidente (Mme Richard) : Parfait. Merci beaucoup, Mme Labrie. On va débuter les échanges. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Blais : Oui, oui. Merci. Alors, je ne veux pas aller dans les considérations trop techniques, mais ça nous permet de revenir un peu sur la loi puis ses objectifs, là. C'est quand même un objectif qui était assez ambitieux, là, c'est que le Québec se situe parmi les meilleures sociétés industrialisées dans le monde. Ce n'est pas rien. On est quand même en Amérique du Nord, bon, il y a une réalité. Et donc il faut faire des comparaisons internationales si on veut savoir où est-ce qu'on se situe.

Moi, ce que je trouve très bien, vous avez raison, là, ce qui est utilisé, c'est la mesure de faible revenu, là, au niveau international, 60 % de la médiane, c'est bien ça, je pense. Alors, on sait bien que le problème avec cette mesure-là, bien, elle est intéressante, mais le problème avec cette mesure-là, c'est que changer la configuration des dotations... puis là vous avez diminué la pauvreté, changé la configuration, vous avez augmenté la pauvreté, mais, finalement, c'est simplement une configuration qui a changé, là.

L'avantage de la MPC, la mesure, c'est, bon, des chercheurs quand même assez proches de moi à l'époque... moi, je ne travaillais pas du tout là-dessus, mais qui avaient travaillé pour montrer que, si... on voit c'est quoi, un panier de biens, qu'est-ce que ça prend. Puis je trouve qu'il y avait une certaine objectivité là-dedans pour penser que ce n'est pas suffisant.

Donc, on a une loi qui nous dit : Faites des comparaisons internationales. Je pense que vous êtes d'accord avec ça. Je pense que vous aimez... la mesure de faible revenu au niveau international, vous l'appréciez, même si vous reconnaissez qu'elle a les défauts, donc, que j'ai parlé, là, c'est qu'elle est très, très précaire, là, hein? Elle est liée à la configuration des revenus plus que la situation réelle des revenus. Et là, bon, j'arrive à ma question, là. Dans le fond, dans le plan de lutte, il y a eu la volonté de faire... faisons un bilan. Bon, et le bilan, puis j'aimerais vous entendre là-dessus, les deux premiers plans de lutte ont eu un impact positif sur les familles.

Je ne pense pas que ce bilan-là, il a été très connu. Le bilan est fait, et là il y a une décision politique au sens noble du terme, faisons donc maintenant un coup, là, un travail plus fort sur les isolés. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette priorisation qu'on a entendue beaucoup, là, autour de nous, même du Centre d'étude sur la pauvreté, qu'il fallait que le troisième plan de lutte fasse un effort, là, sur la situation des personnes seules?

Mme Labrie (Vivian) : Les personnes seules et les couples sans enfants n'ont pas vu leurs revenus s'améliorer aussi bien que les familles. Et donc, si on veut progresser vers un Québec où les besoins de base sont couverts pour tout le monde, c'est sûr que ça fait partie des choix à faire, sauf qu'il y a des personnes seules qui ont... Ce n'est pas toutes les personnes seules qui présentent des contraintes avérées à l'emploi. En fait, le problème qu'il y a, c'est que, sous la MPC, une personne est en déficit humain, et quelque part ça vous a été dit cet après-midi, vous pouvez le constater, ce n'est pas un seuil... En dessous de ça, c'est pratiquement comme si c'était notre société qui était en dette vis-à-vis des autres, en dette de services, en dette de mesures, en dette de formation, en dette de toutes sortes de moyens. Et c'est là, je pense, qu'on doit bouger pour avancer vers une meilleure couverture de tout le monde. Et il y a un enjeu dans le plan d'action, c'est que, si 55 % de la MPC, c'est un plafond, ça bloque le chemin vers un Québec où les besoins essentiels pourraient être couverts pour tout le monde. Si c'est une étape, mais qu'on l'améliore peu à peu, c'est assez différent. Et ce n'est pas un problème de moyens, je vais le dire tout de suite, parce qu'avec un collègue, Simon Tremblay-Pepin, on a regardé, par exemple, de 2002 à 2011, où se situaient les ménages au Québec par rapport à la MPC. Ce qu'on a aperçu, c'est qu'en 2011, par exemple, il manquait 3,6 milliards pour que tout le monde voie ses besoins essentiels couverts au Québec, ses besoins de base. Ce montant-là, en fait, dans l'amélioration du revenu au-dessus de la MPC, il s'était produit, c'est-à-dire que la croissance, au Québec, du revenu au-dessus de la MPC en dollars constants avait été plus grande que le montant qu'il manquait pour couvrir les besoins.

Ce qui m'amène, d'une certaine manière, à mon deuxième point aussi, c'est : il faut regarder la question des inégalités dans notre société. Et quelque part, je ne vais pas dans l'ordre, si vous voulez, mais une autre des recommandations, c'est faire primer l'amélioration des revenus du cinquième le plus pauvre sur l'amélioration des revenus du cinquième le plus riche. Au Québec depuis 2002, on a fait le contraire, au total, si vous voulez. Et, dans ce contexte-là... Et même les dernières baisses d'impôt avant Noël vont en ce sens-là. Au lieu, par exemple, d'avoir misé sur le crédit pour la solidarité, pour la baisse d'impôt de 971 millions, on a plutôt choisi de baisser le seuil d'imposition... pas le seuil d'imposition, mais le taux d'imposition de 16 % à 15 %. Ça va avantager davantage les ménages qui ont de plus hauts revenus, alors qu'on aurait pu utiliser le crédit pour la solidarité, par exemple, et donner une...

La Présidente (Mme Richard) : Madame... Je veux juste vous interrompre, Mme Labrie, pour vous demander d'avoir des réponses plus brèves...

Mme Labrie (Vivian) : Plus courtes? D'accord.

La Présidente (Mme Richard) : ...pour permettre plus d'échanges avec le ministre et les autres parlementaires.

Mme Labrie (Vivian) : Je m'excuse aussi, j'essayais de répondre à M. le ministre là-dessus. Mais tout ça pour dire : il faut regarder ça dans un ensemble. Et c'est dans ce sens-là qu'il faut regarder la couverture des besoins de base comme un objectif à atteindre pour tout le monde, par tous les moyens fiscaux dont on dispose.

La Présidente (Mme Richard) : M. le ministre.

M. Blais : Oui. Deux questions brèves. La première : Dans le plan de lutte, l'évaluation qui est faite, par les économistes, de la pauvreté, là, c'est que le Québec se situerait à peu près dans le deuxième groupe, là, de pays qui font le mieux et que le plan, tel qu'il est présenté, ceteris paribus, on ne sait pas ce qu'il va arriver dans l'avenir, mais pourrait nous conduire dans le premier groupe, dans les cinq ou six premiers pays, là, en matière de lutte contre la pauvreté. Est-ce que vous faites les mêmes calculs qu'eux?

Mme Labrie (Vivian) : Non. Je pense qu'il y a une erreur de calcul ici. Je n'entrerai pas dans des détails techniques, mais on ne peut pas comparer une borne inférieure avec une borne supérieure. Et, si on fait ce calcul-là, ça veut dire que tous les pays qui sont au-dessus du Québec dans leur taux actuel pour la mesure en question seraient déjà dans le peloton de tête. Alors, ça me ferait très plaisir d'en discuter plus longuement, mais je suis portée à penser qu'on devrait rester sur notre sujet de ce soir. Mais voilà ma réponse, M. le ministre, à ce sujet-là. Ça me ferait très plaisir d'en parler parce que c'est une question technique, par ailleurs, mais ça ne le fera pas comme ça, si vous voulez.

La Présidente (Mme Richard) : Merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de Rimouski, vous avez la parole.

• (19 h 50) •

M. LeBel : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, Mme Labrie. Comme je disais tantôt, on était hors d'ondes, ça fait longtemps que je vous vois aller dans ce milieu-là. Puis, je veux juste témoigner, à l'époque, quand la loi sur la pauvreté a été adoptée, ça faisait déjà quelques années que vous revendiquiez avec les groupes. Et j'ai toujours dit que cette loi-là, même si elle a été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, c'est une loi qui vient des citoyens. Puis c'est ça un peu sa force, cette mobilisation citoyenne qui a mené à la loi. Et c'est pour ça que je pense que la loi avait porté ça, mais, 15 ans après, ça s'est comme effrité. Puis je me souviens du temps, c'était comme un deal entre le gouvernement et le milieu populaire. Des fois, je regarde : Est-ce que le deal a été bon au bout de la ligne? Des fois, je me pose des questions, mais il faut poursuivre la réflexion, ça, c'est certain. Je voulais témoigner de votre présence depuis tout ce temps-là à faire le suivi de la loi.

Je vais aller... deux, trois questions, puis je vous laisse aller après parce que vous avez parlé de clause d'impact, parce que la loi pour lutter contre la pauvreté a une clause d'impact. Moi, je ne me suis pas posé la question, mais j'ai l'impression que cette loi-là avait passé par la clause d'impact, là, qui avait été évaluée... on avait évalué la clause d'impact sur la pauvreté. Vous semblez en douter. En tout cas, je sais que les groupes qui représentent les personnes handicapées, il y a une clause d'impact aussi sur la vie, là, des personnes handicapées qui semble avoir été prise en considération. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, pourquoi vous doutez.

L'autre élément, ce que je voudrais vous entendre, c'est : Le gouvernement veut sortir 100 000 personnes de la pauvreté sur 800 000. Moi, je dis souvent... je dis que c'est un sur huit, ce n'est pas beaucoup. Mais ce que je vous entends, c'est que la situation, selon vous, c'est encore pire, là, ce n'est vraiment pas beaucoup de monde de la vraie pauvreté qu'on va sortir.

Et dernier élément, c'est votre recommandation 8. Peut-être que c'est une recommandation qui — je vais vous entendre l'expliquer — peut-être qui pourrait nous aider, là, parce que, vous voyez, depuis le début de la journée, vous avez été là, vous avez assisté, il y a des gains pour les groupes de personnes handicapées, des gains importants, puis je suis content pour eux autres, puis on va appuyer la loi pour ça. Mais, en même temps, il ne faut pas éviter le vrai débat sur la pauvreté en général. Et peut-être que votre recommandation 8 pourrait nous donner des pistes de solution. Ça fait que je vous laisse avec ces questions-là.

Mme Labrie (Vivian) : Je vous remercie beaucoup. Pour la clause d'impact, bien, ce qui est compliqué, c'est qu'elle n'est pas rendue souvent publique. On avancerait beaucoup au Québec, ça serait très aidant, si, à chaque fois qu'il y a une modification réglementaire ou une modification législative, qu'on y ait accès. C'est arrivé dans quelques cas que le ministère en a publié une. Puis je n'entrerai pas à nouveau dans les détails parce qu'il y a déjà eu une contestation sur la façon d'interpréter la loi, mais, dans l'esprit de la loi, ça serait très utile de toujours voir l'impact des mesures sur les revenus des personnes qui vivent la pauvreté.

J'apprends à faire des réponses plus courtes. Pour la question sur...

La Présidente (Mme Richard) : Ça va très bien, Mme Labrie, vous avez encore près de sept minutes, là.

Mme Labrie (Vivian) : C'est bon. Alors, pour la question de sortir 100 000 personnes de la pauvreté, d'abord ce n'est pas ça qui va se passer. Ce qui va se passer, c'est qu'éventuellement il pourrait y avoir 100 000 personnes qui couvrent leurs besoins de base, ce qui est déjà un chemin intéressant et important, mais, pour sortir de la pauvreté, il va falloir qu'on se donne un indicateur qui fasse du sens. Et logiquement, au Québec, on devrait couvrir les besoins de base dans les protections sociales de base, et le salaire minimum à temps plein devrait faire sortir de la pauvreté. Alors, est-ce qu'on en est là? Non. En ce moment, le salaire minimum tient les gens à peu près au niveau du seuil de la MPC, du revenu après impôt qu'il faut pour ça. Et, quelque part, on est capables de mieux que ça au Québec, comme société.

Alors, il y a comme un enjeu qui me conduit ensuite peut-être un peu à la recommandation 8. Et donc il faut faire attention avec les chiffres. C'est sûr que c'est intéressant d'amener des chiffres importants, mais la réalité, elle est différente, et puis ça va être plus facile de discuter si on reste sur les choses telles qu'elles sont. En fait, il y a à peu près 17 % de la population qui est sous le seuil de la mesure de faible... la MFR-60 dont on parlait tout à l'heure. Alors, si c'est ça, notre indicateur, qui est plus haut que la MPC, pour parler de sortie de la pauvreté, on a 17 point quelques pour cent des gens à qui il faut porter attention. C'est pour ça l'idée de porter attention tout le temps au cinquième le plus pauvre de la population. On peut avancer. On a avancé déjà, on peut continuer, puis là ça dépend de la volonté de l'Assemblée nationale, si on est pour avancer un peu dans ce sens-là.

La recommandation 8, c'est une revendication qui était là quand on a voulu la loi sur la pauvreté. Alors, l'explication est la suivante et elle vous a été donnée par morceaux aujourd'hui, mais c'est vrai que les besoins de base, la pinte de lait coûte la même chose pour tout le monde. Donc, je suis un petit peu à l'ancienne avec ma pinte de lait, là, je devrais parler du litre de lait, mais, autrement dit, les aliments, tout ça, ça coûte la même chose pour tout le monde, mais il y a des coûts de plus pour les gens qui présentent des limitations fonctionnelles. Et parfois ce n'est pas les mêmes coûts, selon les limitations qu'on présente.

Alors, l'idée a été de se dire : Quel moyen on pourrait se donner pour assurer que, dans notre protection du revenu, on complète le revenu au besoin jusqu'à la hauteur des besoins de base et puis que, par ailleurs, pour les personnes qui ont des limitations fonctionnelles, on s'assure, en services, en revenus, et tout ça, de couvrir ce qui est en plus? Vers un Québec sans pauvreté, il y aurait une logique dans ça, si vous voulez. Alors c'est ça, le sens de cette recommandation-là ici. Et il y a peut-être...

Ici, j'en profite pour vous parler du crédit pour la solidarité, la recommandation 7 et la recommandation 6 aussi, parce que, quelque part, l'endroit où on est tous contenus avec nos revenus depuis 2016, et c'est quand même intéressant, c'est le régime québécois de soutien du revenu. C'est là qu'on a, dans le fond, l'explication de comment on se garantit une base de revenu pour tout le monde. On y sépare la couverture... l'aide financière de base de l'aide à l'emploi de l'aide à la famille. Alors, éventuellement, vers un Québec sans pauvreté, c'est possiblement une belle base pour travailler. Et l'autre base qui n'a pas été mise en discussion dans les derniers mois, bien, elle est amenée dans le deuxième plan d'action, c'est le crédit pour la solidarité. Il est intéressant, ce crédit-là, parce qu'il s'adresse à une variété de... disons une gamme de personnes assez grande à faibles revenus, et, quelque part, on pourrait aller vers des approches avec des crédits d'impôt remboursables.

Je vous donne un exemple qui pourrait être mis de l'avant. Il y a un crédit pour déficience grave et prolongée dans notre système fiscal. Mais c'est un crédit non remboursable. Imaginez la différence si ça devenait un crédit remboursable, parce qu'à ce moment-là il y a plusieurs personnes qu'on a vues aujourd'hui qui pourraient en bénéficier. L'idée, c'est de penser large quand on veut protéger nos concitoyens et concitoyennes au niveau de leur revenu et de leurs besoins. Et, quelque part, n'y aller que par la Loi sur l'aide sociale ne suffit pas pour couvrir toutes les situations, comme vous l'avez vu aujourd'hui par tous les cas d'exception qui vont se présenter.

Une façon d'aborder le projet de loi n° 173, c'est de le vivre en se disant : Qu'est-ce qu'il faudrait qu'on fasse pour qu'on devienne plus largement équitables dans notre approche de la couverture des besoins de base et de la sortie de la pauvreté? Je ne sais pas si je réponds bien à la question, mais voilà.

La Présidente (Mme Richard) : Oui. M. le député de Rimouski.

M. LeBel : Combien de temps?

La Présidente (Mme Richard) : 1 min 50 s.

M. LeBel : O.K. Mais rapidement sur la loi, moi, je... On vient de rajouter une strate, là, l'aide sociale, sécurité sociale, revenu de base, avec différentes règles pour chacune des strates. J'expliquais tantôt que les groupes communautaires des défenses de droits vont devenir de plus en plus importants pour essayer d'accompagner des gens qui sont... tu sais, je parle des fois des gens qui ont... des analphabètes qui ont de la difficulté à... tu sais, ils vont avoir besoin d'être accompagnés, ça, c'est certain.

Vous connaissez la loi. Est-ce que, pour vous, par 173 on vient de simplifier les choses ou on vient de compliquer davantage les choses?

Mme Labrie (Vivian) : Bon, ça m'amène à la question de riche pour tout le monde. Il y a une situation... C'est sûr que c'est très bien pour les personnes qui vont améliorer leur revenu. Mais il y a toutes sortes d'effets connexes qui sont liés au fait, à mon sens, qu'on ne sépare pas suffisamment le droit à un revenu décent, et le droit à des mesures d'aide à l'emploi, et le droit au travail. Je ne sais pas si je m'explique bien.

Ça, c'était aussi une revendication qui était présente dans la proposition de loi citoyenne de 2000. Je vous invite sérieusement à la lire parce qu'elle est un peu oubliée, puis il y a de quoi au plan historique à aller voir qu'est-ce que des centaines de personnes, des milliers de personnes ont voulu à ce moment-là. C'est quand même une expertise dont la société peut profiter, dont l'Assemblée nationale peut profiter, le gouvernement aussi.

Alors donc, l'idée était que, quand on relie les deux et qu'on conditionne la supplémentation des revenus à la question de l'emploi, on vient mêler les choses. Et c'est ça, je pense, qui va se présenter tout au long de la commission ou de votre étude. Ce serait très possible d'installer à la fois le droit à un revenu qui couvre les besoins de base, qui complète, et en même temps le droit à des mesures qui n'existent pas...

• (20 heures) •

La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme Labrie. Malheureusement, c'était tout le temps qui était alloué pour l'opposition officielle. Nous allons maintenant vers le deuxième groupe d'opposition. M. le député de Drummond—Bois-Francs.

M. Schneeberger : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, Mme Labrie.

Bon, votre mémoire est complexe, mais très détaillé, très technique quand même. Vous avez une approche quand même très macro, là, au niveau de l'ensemble. Je pense que vous, vous avez vraiment... Vous avez un mémoire qui englobe vraiment beaucoup plus large. Par contre, au niveau du projet de loi actuel, est-ce qu'il y a des recommandations précises que vous mettriez ou que vous dites : Regardez, ça, c'est bien, mais il faudrait que ce soit comme ça? Il y a-tu des points? Admettons, je vous dis un exemple. Tout à l'heure, on a parlé d'où est-ce qu'on a... ou on prend en compte les pensions familiales. Est-ce que ça, c'est des points qu'on pourrait mettre...

Une voix : ...

M. Schneeberger : Comment? Qu'est-ce que... Pensions alimentaires. Excusez-moi. Excusez-moi. Les pensions alimentaires. Est-ce que ça, c'est des points que vous... J'imagine que vous êtes en accord, mais, je veux dire, il y a-tu des points comme ça, plus précis, que vous pouvez dire : Regarde, ça, on aimerait que ça soit modifié?

Mme Labrie (Vivian) : Oui. Bien, je pense qu'il y a une piste qui s'est ouverte aujourd'hui, qui est très intéressante, c'est l'idée que c'est un projet de loi de dispositions modificatives qui s'adresse principalement à la question des personnes avec contraintes sévères à l'emploi, mais pas uniquement, de sorte qu'il serait tout à fait possible, si vous étiez d'accord pour le faire, d'ajouter cette question-là, des pensions alimentaires, parce qu'il n'est pas très logique de conserver ça. Ça fait partie aussi de ce qui était présent dans la proposition de loi citoyenne. Et, dans ce sens-là, on ferait vraiment un pas en avant au Québec si on réglait enfin cette question-là, des pensions alimentaires.

Alors, je vous réponds comme ça. Je pense que c'est une très bonne idée. Vous avez été quelques-uns à en parler aujourd'hui, et ça suppose que quelqu'un amène... et je suppose que ça doit venir du gouvernement puisqu'il y a des enjeux monétaires, si je connais bien comment ça marche, le chemin des lois, mais pourquoi ne pas le faire? Pourquoi ne pas en profiter pour dire : Écoutez, on avance, là, on va régler aussi ce point-là, tant qu'à avancer. En tout cas, ça serait un peu une réponse que je ferais.

J'amènerais aussi, j'étais un peu là-dessus, je me permets de poursuivre sur ce que je disais avec votre collègue, l'instauration du droit à des mesures qualifiantes. J'étais en train de vous dire qu'au Québec on impose à des gens, par exemple, au programme Objectif emploi maintenant, on revient à une approche coercitive, ce qui est très dommage parce que ce n'est pas nécessairement productif, et on perd des gains citoyens qu'on a faits avec la Loi visant à lutter contre la pauvreté et la loi de 2005 où les pénalités ont été abolies. Au lieu de pénalités, pourquoi ne pas instaurer le droit à des mesures à toute personne qui en demande, que ce soit au Programme de solidarité sociale, ou que ce soit à l'aide sociale, ou que ce soit pour le revenu de base? Ça n'a jamais été implanté au Québec. Il y a des coûts associés à ça, mais la logique voudrait que, si on détermine que l'emploi est important, bien, on doit aider les gens à s'y rendre.

Et en fait, au Québec, on a désinvesti dans les mesures d'aide à l'emploi. J'ai discuté avec des gens, aujourd'hui, qui étaient présents à la table, ici, puis qui m'expliquaient que, dans leur milieu, il y avait des personnes avec des handicaps qui n'avaient pas accès à des mesures d'aide à l'emploi. Alors, que le Québec se fasse un point d'honneur d'offrir à toute personne qui en demande de telles mesures, ce serait intéressant. Peut-être qu'il y a des chemins que vous saurez trouver pour intégrer ça dans la loi, parce que ce n'est pas normal de parler tant d'incitation à l'emploi et de ne pas donner le soutien nécessaire.

Le deuxième point que j'amènerais là-dessus, c'est ma recommandation 12, je vais y arriver, à le tricoter, c'est pauvreté zéro au travail et responsabilité sociale des entreprises. Quelque part, le gouvernement peut faire une chose, mais il peut aussi insister... et là c'est la loi même visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale qui parle de la responsabilité sociale des entreprises. Est-ce qu'il n'y aurait pas matière à intégrer quelques articles à propos de la responsabilité sociale des entreprises dans le projet de loi pour faire en sorte qu'on se donne des objectifs un peu plus exigeants en matière d'intégration à l'emploi au Québec? Ça pourrait être imaginé, ça, et ça ferait du bien à tout le monde. Quelque part, il n'est pas logique qu'une personne qui met son temps dans une production, dans une présence qui nous rend plus riches collectivement, que cette personne-là vive en bas du salaire minimum, par exemple, ce qui se produit parfois sur des plateaux de travail. Est-ce que ça ne serait pas logique qu'on se dise, si on tient tant à l'emploi : Bien, assurons pauvreté zéro au travail par tous les moyens? Et là je ne parle pas de la MPC, vous m'avez bien comprise, je parle d'un critère qui correspondrait à un salaire viable. Alors, on a les moyens de faire ça.

En fait, au Québec, autre calcul qu'on a pu faire avec mon collègue Simon Tremblay-Pepin, on a pu voir qu'on a les moyens, au Québec, de deux fois le seuil de la mesure du panier de consommation. En laissant les ménages dans leur configuration actuelle, ce serait tout à fait possible de diminuer un peu les écarts, de s'assurer... Vous savez, les médecins qui vont évaluer les personnes pour les contraintes sévères à l'emploi sont allés se chercher... en disant plus que ce que ça prendrait pour couvrir les... pour compléter la couverture des besoins essentiels de tout le monde au Québec. C'est un peu un problème. Est-ce qu'on a discuté autant pour l'amélioration du salaire, de la rémunération des médecins, qu'on a discuté, depuis quelques années, avec le projet de loi n° 170 et qu'on va discuter avec celui-ci pour assurer la couverture des besoins de base? Et, entre les deux, dites-moi, qu'est-ce qui améliore le mieux la santé? Améliorer la rémunération des médecins ou améliorer le revenu de base des gens pour qu'ils puissent couvrir leurs besoins de base?

La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup, Mme Labrie, pour votre contribution à nos travaux.

Et je suspends la commission pour permettre aux représentants du Réseau communautaire en santé mentale de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 20 h 7)

(Reprise à 20 h 8)

La Présidente (Mme Richard) : ...nos travaux. Donc, bonsoir, bienvenue à l'Assemblée nationale. Nous reprenons nos travaux. M. Rice, bienvenue à l'Assemblée. Je vais vous donner un temps de 10 minutes pour faire votre exposé et nous présenter également la personne qui vous accompagne. Et par la suite, après votre exposé, suivra un échange avec les parlementaires. Je vous cède la parole, M. Rice.

Réseau communautaire en santé mentale (COSME)

M. Rice (Charles) : Oui, bien sûr. Merci de nous inviter, M. le ministre, messieurs dames les députés. Je suis accompagné de Claude Saint-Georges, qui est personne-ressource au Réseau communautaire en santé mentale.

Peut-être vous présenter brièvement c'est quoi, le Réseau communautaire en santé mentale. En fait, on fédère neuf regroupements régionaux en santé mentale au Québec. En font partie les regroupements en santé mentale de l'Estrie, de la Mauricie—Centre-du-Québec, de la Capitale-Nationale, de Montréal, de la Montérégie, de l'Outaouais, du Saguenay—Lac-Saint-Jean, de Laval et de Lanaudière. Les regroupements membres du COSME représentent 255 organismes communautaires, soit plus des deux tiers des organismes reconnus par le ministère de la Santé et des Services sociaux.

En fait, on poursuit deux objectifs ici aujourd'hui. En fait, dans un premier temps, on aimerait signifier notre appui au projet de loi et en particulier la création du revenu de base. Et, dans un deuxième temps, on aimerait profiter de la tenue de cette commission pour sensibiliser les parlementaires aux enjeux et à l'importance que représente la santé mentale au Québec et dans la société en général.

Donc, voilà, le projet de loi vise 84 000 personnes. De ces 84 000 personnes, 36 000 ont des contraintes sévères à l'emploi en raison de la santé mentale. Donc, c'est le groupe le plus important parmi les gens, là, qui sont visés par le projet de loi. Selon nous, c'est une avancée considérable qui est amenée. Ça représente pour nous un changement de paradigme important.

On apprécie en particulier un certain nombre de clarifications qui nous ont été données, entre autres, notamment, que les prestataires de la nouvelle catégorie Revenu de base pourront conserver leur revenu de travail et l'aide financière de leurs proches sans déduction. Les personnes actuellement au Programme de solidarité sociale depuis plus de cinq ans seront admises immédiatement à ce nouveau programme de revenu de base. Les prestations pour les personnes admises à ce programme seront individualisées. C'est-à-dire que les revenus de leurs conjoint ou parents ne seront pas pris en compte dans le calcul de la rémunération. Les prestataires du revenu de base pourront conserver leurs prestations spéciales. Les personnes hébergées en ressources intermédiaires ou en CHLD verront leur allocation pour dépenses personnelles haussée d'un pourcentage similaire aux prestations non hébergées.

Je cède la parole à mon collègue.

• (20 h 10) •

M. Saint-Georges (Claude) : Alors, oui. Alors, le prochain sujet qu'on voudrait aborder, c'est celui de l'attente de six ans. Alors, je pense que, écoutez, la commission a été sensibilisée passablement durant la journée à ce point, cette question-là. L'explication, qu'on ne trouve pas très convaincante, finalement, c'est que, pendant cette période-là, on va évaluer la persistance des limitations des personnes et voir leur capacité d'intégrer au marché du travail. Ce qu'on conçoit, c'est que, dans le système actuel du dispositif d'intégration au travail, cette prétention est plutôt une illusion, puisqu'il y a beaucoup de travail à faire pour développer les parcours d'emploi pour les personnes qui sont à la solidarité sociale. Alors, je pense qu'on est un peu optimistes en disant que, pendant les six années d'attente, il y aura des occasions de développer les occasions d'emploi.

Maintenant, on est, par ailleurs... des échanges qu'on a pu avoir avec le ministère, on a un certain espoir du côté du fait qu'il y a des travaux qui seront entrepris avec nos collègues du milieu des personnes handicapées, la COPHAN, l'AQIS et l'AQRIPH, où on pourra examiner s'il n'y a pas des catégories de personnes dont l'admission pourrait être plus rapide, immédiate, sans l'attente de six ans. On a plusieurs types, là, de situations qui ont pu déjà vous être illustrées. Nous, on pense qu'en matière de santé mentale souvent les problèmes de santé mentale sont associés à des problèmes de santé physique importants qui rendent, pour plusieurs personnes, très improbable le retour au travail. Donc, on pourrait considérer qu'il y aura, parmi cette catégorie de personnes, des gens qui pourraient accéder plus rapidement au programme suite aux travaux dont je viens de faire mention.

M. Rice (Charles) : L'autre élément sur lequel on voudrait vous sensibiliser, c'est toute la question du revenu de travail permis pour les personnes qui présentent des contraintes sévères, en particulier les gens qui sont dans le Programme de solidarité sociale. On a fait des représentations auprès du ministre et aussi du premier ministre en collaboration avec les associations de personnes handicapées que sont l'AQRIPH, et la COPHAN, et l'AQIS.

Quand on compare le... On a augmenté, quand même le revenu de travail permis de 100 $ à 200 $. Il y a quand même un pas qui a été fait, mais on reste, au Québec, parmi les derniers quand on compare à d'autres provinces. Pour vous donner un exemple, le Nouveau-Brunswick permet aux gens qui présentent des contraintes à l'emploi de toucher 500 $ par mois de revenus de travail sans être coupé. L'Ontario aussi... c'est 200 $ pour l'Ontario, mais elle permet aux gens de conserver 50 % des revenus excédentaires de ce 200 $ là. La Colombie-Britannique permet 800 $ par mois de revenus, de gains de travail, là, sans être coupé.

Pour nous, ce seraient des incitatifs extrêmement importants pour mettre les gens en mouvement. Et l'enjeu auquel ça soulève, puis c'est particulièrement vrai pour les gens en santé mentale, c'est de permettre le travail à temps partiel pour les personnes qui présentent des contraintes importantes, qui ne peuvent peut-être pas travailler 35 heures-semaine. La barre est peut-être un peu trop haute pour eux. Mais nous, on fait le pari que, si on donne la possibilité aux gens de travailler à temps partiel et de conserver une partie des revenus qu'ils pourraient toucher, ce serait un incitatif important pour eux, ça nous permettrait de mettre ces personnes-là en mouvement. Je pense qu'un des objectifs du projet de loi, c'est de mettre les gens en mouvement comme ça, puis on pense que ça, vous pouvez y arriver, on pense que ça pourrait être une mesure très importante.

D'ailleurs, on salue, dans le projet de loi, l'inclusion ou l'addition d'un objectif qui touche la participation sociale. Pour nous, c'est un élément extrêmement important. Il reste à voir qu'est-ce que ça va vouloir dire, comment ça va se traduire en termes de mesures puis en termes de réglementation. Mais, pour nous, que la Loi de l'aide sociale poursuive comme objectif la participation sociale, là, pour nous, c'est un gain, une avancée importante.

M. Saint-Georges (Claude) : On a, depuis notre création comme réseau communautaire, qui est assez récente, en fait, c'est depuis 2012 qu'on existe, on a cherché beaucoup à illustrer le fait que... les liens importants qui existent entre les problèmes de santé mentale et la pauvreté. À la fois les problèmes de santé mentale génèrent des situations de pauvreté, et la pauvreté, à l'inverse, crée des problèmes de santé mentale parmi la population. Et la prévalence des problèmes de santé mentale, là, c'est quand même énorme. L'OCDE évalue qu'il y a à peu près 5 % de la population qui a des problèmes... qui vivent des problèmes importants de santé mentale et 15 autres pour cent, des problèmes moins sévères. Alors, on est en face d'un défi colossal : comment soutenir, avoir une politique vis-à-vis la santé mentale qui prend en compte cette importante réalité là.

Et, quand on regarde les grands programmes du gouvernement, que ce soit la lutte à la pauvreté, que ce soit le plan d'action sur la santé publique ou la prévention, ou la stratégie d'intégration au travail des personnes handicapées, c'est très rare qu'on a des mentions ou on a une attention particulière pour la santé mentale. Je pense que...

Et nous, depuis qu'on existe, on a mis de l'avant le fait que le gouvernement du Québec, à l'invitation de l'Organisation mondiale de la santé, de l'OCDE, par exemple... que la politique de santé mentale d'un gouvernement devrait être interministérielle, en fait. Et là, pour l'instant, elle n'est confinée qu'au ministère de la Santé et des Services sociaux, qui n'alloue qu'une partie très minime de son budget à la santé mentale. Donc, il y a énormément d'étapes ou d'actions à entreprendre pour que la santé mentale devienne un sujet d'importance collective, et dans tellement d'aspects, là, que... Et, bon, on pourra y revenir, mais ça, je dirais que c'est un de nos souhaits. C'est qu'en fait on puisse sensibiliser les parlementaires au fait que la santé mentale, il y a des efforts importants à réaliser sur l'ensemble.

M. Rice (Charles) : On aimerait aussi conclure aussi... vous parler au niveau de l'intégration au travail. En fait, le Commissaire à la santé et au bien-être, dans son rapport très bien étoffé, là, qu'il avait produit sur la santé mentale, disait que 80 % à 90 % des personnes qui présentent des troubles graves de santé mentale ne sont pas sur le marché du travail, alors que la moitié d'entre eux, 50 %, souhaiteraient retourner sur le marché du travail. Donc, je pense que, tu sais, il y a un écart là qu'il faut essayer de voir comment qu'on ne pourrait pas le combler. On est toujours en attente de la stratégie nationale pour l'intégration en emploi des personnes handicapées. C'est un peu le chaînon manquant, ça, selon nous, dans la politique qui est là.

Je sais qu'on a eu des discussions, entre autres, mais, tu sais, on espère que bientôt des travaux s'amorcent pour mettre en place cette stratégie-là. Puis on souhaiterait aussi que, dans le cadre de cette stratégie-là, il y ait des mesures spécifiques pour la santé mentale, d'abord de par le nombre de personnes que ça touche, puis c'est sûr qu'on s'entend que, quand on parle d'adaptation, là, pour nous, ce n'est pas des adaptations physiques que ça prend, c'est de l'accompagnement. C'est beaucoup de l'accompagnement.

Il y a des modèles qui ont été testés ailleurs dans le monde, mais ici, au Québec, je pense, entre autres, à nos collègues du Saguenay—Lac-Saint-Jean qui ont mis en place un programme d'emploi accompagné qui fait ses preuves. 50 % des gens, puis on parle de gens qui ont des troubles graves de santé mentale, là, 50 % se maintiennent en emploi. Donc, je pense qu'il y a des modèles qui existent. C'est assez inégal d'une région à l'autre. Il faudrait voir comment qu'on ne pourrait pas étendre ces modèles-là plus largement dans d'autres régions du Québec. Et ça, là-dessus, nous, on est très prêts à collaborer avec vous, là, pour mettre en place des programmes, là, pour faciliter le retour à l'emploi des personnes qui sont loin du marché du travail.

• (20 h 20) •

La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup, monsieur, pour votre présentation. On va débuter les échanges. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Blais : Oui. Alors, à mon tour de vous remercier. Donc, récemment, on a vu un élan de solidarité à l'endroit, là, des travailleurs qui ont été congédiés, les employés... les stagiaires, si vous préférez, qui ont été congédiés chez Walmart. Ce qui m'interpelle dans ce qui est arrivé, donc, l'élan de solidarité était très clair, très fort, puis on a eu des très, très beaux témoignages aussi, là, puis on a un contexte, je pense, qui est exceptionnel pour parler de ce sujet-là.

Ce qui n'est pas clair pour moi, j'aimerais vous entendre là-dessus, c'est... il n'y a pas eu... des organismes comme le vôtre, il n'y a pas eu, disons, un message fort par rapport au programme, là, dans lequel sont encore ces personnes-là. C'est-à-dire, c'est un programme, donc, administré par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Bon, on sait comment ça fonctionne, c'est un stage, les stages se prolongent aussi, ça peut durer longtemps.

Comment voyez-vous la maturité de ce programme-là? Est-ce qu'il est nécessaire sous sa forme actuelle, on pourrait l'améliorer, et le lien que l'on peut faire avec ce type d'aide là et, bien sûr, l'instauration d'un revenu de base pour les personnes handicapées?

M. Rice (Charles) : Oui. En fait, c'est sûr que l'arrivée d'un revenu de base change un peu les perspectives puis les possibilités pour les personnes. Puis je vous dirais qu'historiquement ce que je comprends, parce qu'on est plus dans le domaine de la déficience intellectuelle, avec laquelle je suis un peu moins familier, mais ça m'apparaît comme étant des plateaux de travail. On a un peu la même chose en santé mentale. Puis je vous dirais que c'est des modèles qui existent encore aujourd'hui, qui répondent à certaines clientèles, mais, tu sais, qu'on a tendance à s'éloigner de ces modèles-là puis on souhaite davantage s'approcher du marché régulier du travail. Je te dirais que ce n'est pas le genre de truc qu'on va faire du jour au lendemain.

Tu sais, il y a des raisons historiques dans tout ça, hein? C'est qu'on est parti d'un contexte de désinstitutionnalisation. Donc, il y a des gens qu'on a sortis des hôpitaux, qui avaient été hospitalisés pendant 20 ans, 30 ans. On a mis en place des structures dans la communauté pour les accueillir. Ces plateaux de travail là faisaient partie des structures qu'on a mises, puis c'est correct, là, je pense, tu sais, il fallait mettre en place des choses. Sauf que, présentement, les gens qui sortent des hôpitaux comme ça, avec un long passé institutionnel, il y en a de moins en moins. C'est une bonne chose. Je pense que c'est une avancée sociale extrêmement importante. Ce qu'on voit arriver, c'est des jeunes, O.K., qui ont des problématiques importantes de santé mentale, mais ils n'ont pas ce lourd passé institutionnel là, ce qui fait que moi, je pense qu'il faut adapter notre offre de services en fonction de cette nouvelle réalité là.

Puis, en ce qui concerne l'emploi, c'est-à-dire que ces jeunes-là ne veulent pas aller dans des plateaux de travail puis être dans un stage à vie, moi, je pense qu'il faut essayer de leur offrir des parcours qui les rapprochent davantage du milieu du travail, des parcours aussi qui les ramènent aux études. Et ce qui a fait ses preuves présentement, c'est beaucoup les approches d'emploi accompagné ou retour aux études accompagné. Même ici, à Québec, on a, nous, développé des programmes, là, avec un organisme, là, pour le retour aux études, puis, évidemment, je pense que ça, c'est beaucoup plus porteur et beaucoup plus prometteur, ce genre d'approche là, je dirais, surtout avec la nouvelle génération, que les plateaux qu'on avait anciennement, même si, je pense, ça répond encore à un certain nombre de personnes, mais de moins en moins.

Donc, on est dans un domaine qui est évolutif, hein, qui évolue dans le temps, qui est beaucoup lié à l'évolution des services en santé mentale au cours des 30 dernières années. Et moi, je pense qu'il faut un peu s'ajuster par rapport à cette nouvelle réalité là.

M. Blais : On disait, ce matin, que 43 % des personnes à la solidarité sociale, au Québec, sont, disons, dans des problèmes de santé mentale. Donc, c'est beaucoup, là, comme vous le disiez tout à l'heure.

Alors, moi, j'aimerais tester une idée avec vous, là. Mon impression, c'était que... Bon, le débat sur le délai de carence, hein, six ans, est-ce qu'on peut définir une catégorie pour avoir un accès plus rapide, tout ça, on va examiner ça, mais mon impression toute bête, c'était que ceux qui pouvaient le moins facilement faire la démonstration qu'eux devraient finalement faire partie des catégories qui devraient, de façon urgence, intégrer le revenu de base, c'était en santé mentale. Alors, je vais vous dire pourquoi, là, parce que je pense qu'en santé mentale il y a notamment des sérieuses et graves dépressions, hein, qui ne se règlent pas avec le temps, mais qu'il y a un réflexe normal de penser, d'espérer qu'une partie de ces dépressions-là peuvent se régler. Et ce qu'on voit, là, concrètement, là, quand on voit qu'il y a un certain nombre de personnes qui sortent de la solidarité sociale, c'est notamment parce qu'ils ont réglé ces problèmes-là, partiellement du moins, de santé mentale.

Donc, je pars de cette impression-là, là, je ne connais pas le milieu comme vous, mais... alors que, quand il s'agit d'un diagnostic clinique rattaché à des problèmes physiques, là, le consensus émerge plus facilement. Voilà. C'est peut-être un biais, mais j'aimerais vous entendre là-dessus, c'est important.

M. Rice (Charles) : Oui. C'est un peu particulier à la santé mentale. Il faut dire que, tu sais, ce qui est particulier à la santé mentale, contrairement aux personnes handicapées physiques, c'est qu'on est devant une problématique qui se manifeste de façon épisodique, O.K.? Donc, la personne peut aller bien pendant un certain temps, puis après ça, pouf! Une personne bipolaire, par exemple, va tomber en pleine dépression puis, à une autre période, elle va être plus en manie.

Donc, comment qu'on fait pour aménager un environnement qui tient compte de ces réalités-là? Puis il faut sortir un peu de la logique binaire apte, inapte. Tu sais, il y a une zone grise entre les deux, là, qui est énorme. Puis je me dis : Il faut aménager un environnement où est-ce que... tu sais, qui est beaucoup plus compatible et propice au rétablissement des personnes. Donc, ça prend énormément de souplesse au niveau des programmes, puis éviter que les gens tombent dans le piège, là, tu sais : c'est soit que tu es apte ou tu es inapte, puis il n'y a aucun espace entre les deux où est-ce que les personnes peuvent se réaliser, puis peuvent évoluer, puis peuvent progresser. Donc, ça, il faut tenir ça en tête quand on met en place des programmes puis quand on arrive avec...

Puis je ne veux pas occulter la réalité des gens qui sont hypothéqués au niveau de leur santé. Ça existe, là. Je ne dis pas que ça n'existe pas, mais il faut aussi être conscient que, dans le temps, tout ça peut évoluer. Une personne, là, handicapée physique lourd va probablement plafonner. En santé mentale, ce n'est pas tout à fait comme ça. Donc, il y a une évolution qui peut se faire. Puis, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut mettre en place un environnement qui est favorable au rétablissement des personnes. Je ne sais pas si ça vous éclaire.

M. Blais : Oui, oui, ça m'éclaire. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Richard) : C'est bon? Merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de Rimouski.

M. LeBel : Là, c'est intéressant, ça. Je vais continuer un peu là-dessus. À la page 10, vous dites : «En comparaison avec l'Ontario, le Québec apparaît plus rigide à admettre dans son Programme de solidarité sociale des personnes [ayant des contraintes d'incapacités] physiques, [...]ou de santé mentale...»

Si on prend quelqu'un qui arrive à l'aide sociale parce qu'il a un choc dans sa vie, puis là il fait une grande dépression, quelque chose du genre, il arrive à l'aide sociale. Là, l'expérience que j'ai dans mon bureau de comté, ce n'est pas évident de faire reconnaître que tu as une dépression. Il faut que tu te débattes avec la machine puis faire reconnaître ça. Et là, en plus, maintenant, si tu es primodemandeur, bien, il faut que tu essaies de t'inscrire dans un parcours que tu vas probablement abandonner, puis là, si tu abandonnes, tu as des pénalités parce que tu n'as pas réussi à... Et là tu vas vivre ça pendant, quoi, un an, deux ans, trois ans, puis là ta santé ne va pas beaucoup mieux. À un moment donné, le médecin, on finit par comprendre qu'il est mieux d'aller à la solidarité sociale parce que, là, il y a des... Là, il arrive à la solidarité sociale après plein de démarches, puis de démarches où on a réussi par reconnaître qu'il avait une contrainte, et là il faut qu'il attende cinq à six ans pour arriver au revenu de base. Et là, si, pendant ces six ans-là, sa condition s'est améliorée ou elle a recommencé, bien, tout est...

Comment on pourrait faire... C'est un peu ça quand je dis que le revenu de base, ça peut être intéressant, mais on vient complexifier les affaires, là. Comment on peut faire pour améliorer ça? Comment, selon votre expérience, on pourrait faire pour faire en sorte de ne pas échapper personne puis ne pas obliger toutes ces personnes-là à confronter une machine gouvernementale qui est souvent lourde et inhumaine?

La Présidente (Mme Richard) : M. Saint-Georges.

• (20 h 30) •

M. Saint-Georges (Claude) : Il y a quand même... Quand on regarde les chiffres bruts, il y a un déclin du recours à l'aide sociale. On est rendu à 6 % de la population active actuellement qui est... qui a accès... qui bénéficie de l'aide sociale ou de la solidarité sociale. Il y a aussi, même, un déclin chez les personnes qui ont des... à la solidarité sociale, reconnues avec des contraintes sévères. Le nombre diminue d'année en année.

Le regard qu'on a fait sur l'Ontario, il semble que la province de l'Ontario a un mécanisme d'accès plus favorisant, et il y a une proportion de la population... Et cette question-là a été un peu soulevée dans le rapport des experts sur le revenu minimum garanti. Ils parlent du non-recours. On a parlé ce matin aussi peut-être des embûches bureaucratiques, là, la lourdeur du système, le fait que des gens auraient des droits et auxquels... qui ne sont pas répondus. Je pense, là, il y a... Et l'accès aux différentes catégories, le problème des diagnostics, et tout ça, le fait que certains médecins peuvent être réfractaires, même, à donner des diagnostics qui donnent accès, je pense que ça doit ouvrir une réflexion à des études sur pourquoi notre système couvre de moins en moins de personnes, et pourquoi il y a des lourdeurs dans l'accès, et pourquoi il y a des droits de personnes qui ne sont pas comblés par l'état du système.

M. LeBel : En tout cas, moi, je suis content du feeling de M. le ministre. Je pense qu'il a une bonne observation. Effectivement, il y a quelque chose à voir là. Il a peut-être trouvé une solution pour ne pas échapper ces gens-là puis essayer de se connecter à des réalités qui sont un peu différentes que quelqu'un qui a des handicaps physiques, là. Effectivement, ça peut être compliqué, mais c'est quand même des gens, là, qui sont au bout de ça, qui ont besoin...

J'aimerais ça que vous me parliez aussi de votre recommandation 5. Vous en avez parlé un peu, là, mais j'essaie de comprendre c'est quoi, votre affaire d'exclusion zéro puis comment ça fonctionne. Puis là, en plus, vous parlez dans toutes les régions du Québec. C'est le genre de chose qui m'intéresse.

M. Rice (Charles) : En fait, c'est une recommandation qu'on a recycle d'un autre rapport qu'on a présenté, mais elle toujours aussi actuelle. En fait, nous...

Une voix : Elle est encore bonne.

M. Rice (Charles) : Elle est encore bonne. Mais, en fait, tu sais, la question de l'intégration au travail... On a parlé tantôt de la stratégie, puis je pense que ça, c'est un morceau important. C'est le chaînon manquant, selon nous, c'est un morceau important.

Mais, au-delà de ça, mettons qu'il y a des gens qui ne pourront pas... ils ne peuvent pas immédiatement intégrer le marché du travail, ça ne veut pas dire qu'on ne peut rien faire. Tu sais, vous parliez tantôt... comme objectif du projet de loi, vous avez souligné la participation sociale. Moi, je pense que c'est un élément important. Et d'ailleurs je vous réfère à un avis qui a été produit par le Comité consultatif de lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale, qui portait là-dessus. Le titre, c'était : Au-delà de l'emploi, reconnaître la participation citoyenne et le droit à la dignité. Je vous invite à le lire. Je pense qu'il y a des idées intéressantes là-dedans. Et, quand je vous parlais de mettre en place un environnement qui est favorable au rétablissement, c'est mettre en place des trucs comme ça, qui comprend bien sûr l'intégration au travail, mais qui va au-delà de ça aussi. L'idée, c'est de mettre les gens en mouvement puis de donner une possibilité aux gens de se réaliser. Puis, à partir de là, on construit, puis c'est là...

Tu sais, il faut reconnaître que la santé mentale, tout ça est évolutif et peut changer dans le temps aussi. Donc, peut-on aménager un environnement qui est beaucoup plus propice et favorable au rétablissement des personnes? Ce qui est défavorable au rétablissement des personnes, c'est l'exclusion sociale, l'isolement. Ça, c'est des trucs... c'est des déterminants importants sur lesquels il faut combattre. Donc, voilà.

M. LeBel : Ça fait que ça, c'est un programme qui... il faut mettre de l'argent là-dedans, là, pour créer ce programme-là, là. Il faut que ça soit présent dans toutes les régions.

M. Rice (Charles) : Bien, c'est-à-dire que, oui, il faut... Il y en avait un, programme, qui s'appelait PAAS Action, hein, qui visait beaucoup cette clientèle-là qui était très loin du marché du travail. Avec le temps, PAAS Action s'est collé beaucoup avec les programmes d'employabilité. Mais je me dis : Peut-on avoir un programme... Moi, la compréhension que j'avais avec PAAS Action, la compréhension que j'avais quand PAAS Action a été créé, ça s'adressait vraiment à des gens qui étaient complètement loin du marché du travail. Une personne qui est sans abri, là tout de suite, demain matin, on ne pense pas l'intégrer sur le marché du travail tout de suite, mais il faut commencer à faire des pas avec, il faut commencer... puis peut-être, éventuellement, on va se rendre jusque-là. Mais c'est sûr que, si on arrive à un programme puis on dit : Écoute, là, là, tu as cinq ans, puis, si... cinq ans, tu n'as pas trouvé de job, bye-bye, c'est fini, je pense qu'on fait fausse route en faisant ça.

Il faut mettre en place... Il existe quand même un certain nombre de choses présentement. Le milieu communautaire, pas juste en santé mentale, le milieu communautaire «at large», je pense que ça, c'est des laboratoires extrêmement extraordinaires pour les personnes où est-ce qu'elles peuvent se réaliser. On l'a déjà ici, au Québec, tu sais. Comment qu'on fait pour bonifier ça, reconnaître ça, bon, là, on peut embarquer dans tout l'enjeu du financement du milieu communautaire, mais on dispose, au Québec, quand même d'un réseau qui est là, qui n'existe peut-être pas ailleurs non plus, là. Puis je pense qu'il y a une richesse, je pense, qui est à regarder, là.

M. LeBel : Bien, moi, je suis complètement d'accord avec vous. Je pense que la meilleure façon pour rejoindre des personnes dans des communautés qu'on voit qu'ils vivent des situations difficiles, puis qu'on ne veut pas échapper, puis on ne veut pas laisser partir dans des dédales bureaucratiques, la meilleure chose, c'est qu'ils soient aidés par un groupe communautaire de la place, de la communauté, qui connaît puis qui est capable de lui offrir un accompagnement qui est collé à sa réalité. Moi, je pense que c'est encore la meilleure chose, c'est encore la meilleure affaire qu'il faut faire, mais, pour ça, il faut mieux financer nos organisations communautaires puis leur permettre d'avoir un peu plus de latitude, arrêter de les financer par programme ou par objectif bien précis, mais avoir la latitude pour adapter leurs interventions, parce que les régions ne sont pas toutes pareilles.

Je dirais aussi, tantôt, parce qu'on revient à ça souvent, à l'arrivée d'un revenu de base, je vais toujours répéter que c'est l'arrivée d'un revenu de base pour une certaine catégorie de personnes, ce n'est pas un revenu de base universel pour tout le monde. Dans le discours, il faut le rappeler. Mais, en terminant, j'aimerais ça juste que vous m'expliquiez, là, parce que ça n'a pas vraiment rapport au projet de loi, mais vous avez pris le temps de l'écrire dans votre mémoire puis vous en avez parlé un peu tantôt, quand vous disiez que le MSSS n'alloue que 6 % des dépenses au programme de santé mentale, ça me surprend. 6 %, c'est...

M. Rice (Charles) : La Grande-Bretagne alloue 12 % de son programme de santé à la santé mentale. Ça vous donne un ordre de grandeur. On parle du simple au double, là, tu sais. Et l'Organisation mondiale de la santé encourage évidemment... Je pense qu'il y a eu comme un éveil qui se fait depuis une dizaine d'années. Puis il n'y a pas juste l'Organisation mondiale de la santé, l'OCDE aussi a produit un avis récemment. Mais je pense que les gens sont de plus en plus conscients de l'importance que ça représente dans nos sociétés puis que, finalement, il faudrait investir de façon beaucoup plus considérable... ce qu'on fait. Mais le Québec ne se démarque pas par rapport à ses investissements en santé mentale. Ça, c'est un fait. Oui.

M. Saint-Georges (Claude) : Un peu pour illustrer, je pense que d'autres juridictions prennent plus en charge la question de santé mentale. Puis je pense qu'il y a un éveil à faire au Québec. Par exemple, la Colombie-Britannique maintenant a une ministre de la Santé et des Dépendances, alors, en titre...

M. Rice (Charles) : La santé mentale.

M. Saint-Georges (Claude) : Santé mentale, pardon.

M. LeBel : Je vois que ce n'est... je n'ai pas beaucoup de temps, mais je vois que ce n'est pas beaucoup d'argent qui est consacré à la santé mentale. Je pensais que c'était plus que ça. Je suis un peu surpris. Mais aussi est-ce que le ministère de la Santé... c'est le ministère de la Santé qui a un peu le rôle de faire l'interministériel, de s'assurer que les problématiques de santé mentale soient bien comprises par les autres ministères? C'est-u la même chose?

La Présidente (Mme Richard) : En quelques secondes, s'il vous plaît.

M. Saint-Georges (Claude) : Bien, rapidement, je pense que les interfaces entre les différents ministères, ce n'est pas ce qu'on voit de plus profitable actuellement. Par exemple, le plan d'action, le troisième plan d'action, on voit très, très peu la contribution du ministère de la Santé dans ce plan-là. Alors, il y a beaucoup de choses à faire entre les ministères pour faire avancer la cause de la santé mentale. Pour l'instant, c'est au ministère de la Santé et des Services sociaux, avec peu de moyens.

M. Rice (Charles) : Et si on regarde, par exemple, l'intégration au travail, tu sais, là, on a vraiment une jonction là. La partie travail relève de votre ministère, la partie...

La Présidente (Mme Richard) : C'est malheureusement...

M. Rice (Charles) : ...il y a une partie santé et services sociaux qu'il faut attacher...

La Présidente (Mme Richard) : Je suis désolée, M. Rice. C'est malheureusement tout le temps qui était alloué à l'opposition officielle. Nous allons maintenant vers le deuxième groupe d'opposition. M. le député de Drummond—Bois-Francs, vous avez la parole.

M. Schneeberger : Parfait. Bien, peut-être juste... Je vous laisse juste finir ce que vous vouliez dire, là, si vous avez encore d'autres choses à...

M. Rice (Charles) : O.K. Oui. Non, ce que je disais, c'est que le maillage entre Santé et Services sociaux et Emploi et Solidarité sociale, ça, c'est à retravailler, je pense.

M. Blais : ...dans la stratégie.

M. Rice (Charles) : Mais, tu sais, comme on vous parlait tantôt, surtout les gens qui sont très éloignés du marché du travail, je pense qu'il existe des programmes... Tu sais, on parlait tantôt de l'emploi accompagné, mais, tu sais, il y a une partie de ça qui relève de la Santé puis une autre partie qui... Comment qu'on démêle les affaires là-dedans? Tu sais, il y a un enjeu important.

• (20 h 40) •

M. Schneeberger : Bien, en tout cas, moi, je vous écoute, puis là on ne parle pas juste de la solidarité, on parle de toute l'aide sociale au complet parce que, là, le nouveau programme qui vient d'être mis en place, il y a aussi beaucoup de travail à faire là-dessus, là, au niveau des nouveaux demandeurs, des jeunes. Vous parliez des jeunes tantôt. Je pense que c'est un gros fléau. Puis, oui, c'est vrai, vous avez tout à fait raison quand vous dites qu'on manque d'argent au niveau de la santé mentale. Puis, de toute manière, on le dépense pareil parce qu'on le dépense d'une autre manière, par la Sécurité publique. J'ai des bonnes connaissances dans le milieu policier, puis souvent ils me disent : Regardez, la nuit, souvent, la fin de semaine, on a des interventions qu'on fait, puis des personnes qui ont des problèmes de santé mentale, on les amène à l'urgence, puis, deux semaines après, bien, on les récupère encore, puis on les retourne à l'urgence. Ça fait que c'est des portes tournantes. Pourquoi? Parce que c'est des gens, malheureusement, qui ne sont pas suivis et qui coûtent au système pour rien, alors que, s'il y avait un suivi adéquat, ils seraient beaucoup mieux. Puis justement... Alors, là-dessus, c'est pour ça que... ma question, un peu.

On parlait des personnes qui ont des handicaps physiques. Ça, ça paraît beaucoup plus, c'est visuel. En santé mentale, ça ne paraît pas toujours, tu sais, à part des fois avec une personne... Est-ce que vous trouvez que, justement, là-dessus, il peut y avoir une sorte de discrimination, là, un peu technique, je dirais, parce que, justement, il manque de ressources? Et puis ces gens-là manquent d'encadrement, et puis ça se retrouve finalement au niveau de la solidarité, où est-ce que les gens sont là-dessus. Mais moi, je dis... Encore là, tu sais, je fais un exemple. Des fois, vous avez un jeune qui a des problèmes à l'école, le parent va avec puis il dit devant le professeur : Ah! de toute façon, mon jeune, il n'est pas bon. Imagine-toi! Ça puis une claque en arrière de la tête, c'est la même affaire, là, tu sais?

Alors, quand tu as déjà des problèmes de santé mentale, puis, des fois, des... tu sais, les gens, des fois, ils le savent, mais pas tout à fait, puis, quand on vient leur dire : Bien là, tu es inapte au travail, tu sais, c'est encore un autre coup, alors que peut-être que, comme vous dites... quand vous dites, tu sais, apte ou pas apte, bien, regarde, on peut t'aider, je pense qu'on... tu es capable de faire un cheminement de retour au travail, mais on va t'aider. Tu sais, c'est plus positif que dire : Tu es inapte, mais après ça on va regarder si tu es crédible pour un programme. C'est tout là que se joue un peu l'approche. Et puis moi, je pense qu'au niveau de la santé mentale l'encadrement puis la classification ne devraient pas être la même chose que d'autres personnes parce que, justement, il y a un besoin d'un suivi avec le ministère de la Santé, qui fait très défaut.

M. Rice (Charles) : Oui, puis ça commande beaucoup de souplesse. Je vous dis, je connais des personnes, moi, qui sont dans des programmes... On parlait des stages à vie, là, tu sais. Ils participent parce qu'ils veulent être actifs, ces personnes-là, là, pas parce que... ils ne font pas ça parce qu'ils sont obligés de le faire, mais ils sont très hésitants à embarquer sur le marché du travail parce qu'ils se sont déjà pété la face en le faisant. Comment qu'on fait pour mettre en place un environnement qui soit beaucoup plus favorable puis que les gens disent : O.K., correct, je vais m'essayer, tu sais? Mais il y a des gens qui... tu sais, pas parce qu'ils sont lâches, là. C'est à cause que, tu sais, ils ont connu des échecs, ils se sont pété la gueule en essayant d'intégrer...

Puis la marche, elle est souvent trop haute. Puis on s'entend aussi que le marché du travail devient de plus en plus difficile. Il y a de plus en plus de monde qui tombe au combat, là, tu sais. Regardez les primes d'assurance, là, ils vont vous en parler, des gens, là, qui... On ne voyait pas ça 20 ans passés. Donc, c'est tout ça qu'il faut regarder, tu sais, à la fois comment qu'on fait pour intégrer les gens qui ont des problèmes de santé mentale au marché régulier et comment qu'on fait pour rendre ce marché régulier là un peu plus, comment dire, un peu plus...

Une voix : ...

M. Rice (Charles) : Oui, voilà.

M. Saint-Georges (Claude) : Brièvement, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Richard) : ...M. Saint-Georges.

M. Saint-Georges (Claude) : Oui. Mais il y a aussi la forte présence de la stigmatisation. Ça, je pense qu'il y avait tellement de travail à faire de ce côté-là. Ce n'est pas étonnant, dans le cadre de la culture actuelle, que des employeurs soient si réfractaires à embaucher des personnes qui ont des problèmes de santé mentale. Puis je dirais en passant que l'employeur qui n'est pas le plus exemplaire, mais qui est pourtant le plus important employeur au Québec, c'est le gouvernement du Québec, c'est la fonction publique, c'est le réseau de la santé avec 400 000 personnes. Et les efforts qu'on fait pour intégrer des personnes qui ont des incapacités, des handicaps ou des problèmes de santé mentale, je pense qu'on ne prêche pas par l'exemple, là.

La Présidente (Mme Richard) : M. le député de Drummond—Bois-Francs, ça va?

M. Schneeberger : Non, ça va. Merci.

La Présidente (Mme Richard) : Je veux vous remercier beaucoup, messieurs, pour votre contribution à nos travaux.

Et la commission ajourne ses travaux au mercredi 11 avril 2018, à 11 h 30, afin de poursuivre les auditions.

Merci, bonne fin de soirée.

(Fin de la séance à 20 h 43)

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