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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 12 mars 1998 - Vol. 35 N° 39

Consultations particulières sur le projet de loi n° 188 - Loi sur la distribution de produits et services financiers


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Jacques Baril, président
M. Yvan Bordeleau, président suppléant
M. Bernard Landry
M. Cosmo Maciocia
M. François Gendron
M. Jean Campeau
M. Henri-François Gautrin
*M. Paul-André Simard, ACAPQ
*M. Serge Lyras, idem
*M. Robert Lagarde, idem
*Mme Chantal Doucet, AESIQ
*M. André Pageau, idem
*M. Guy P. Roy, Association québécoise des experts
en sinistre au service de l'assuré
*M. Paul Morissette, idem
*M. Normand Auger, idem
*M. Guy Duhaime, ACGCAPQ
*M. Réal Parent, idem
*M. Yves Michaud, APEIQ
*M. Richard Pelletier, idem
*M. Pierre Cléroux, FCEI
*M. Philippe Arnau, idem
*M. Richard E. Lemieux, ACCAF
*M. David J. Thibaudeau, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures quarante-neuf minutes)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Mesdames, messieurs, la commission des finances publiques est réunie afin de poursuivre la consultation particulière sur le projet de loi n° 188, Loi sur la distribution de produits et services financiers.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements qui vous ont été suggérés?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. J'informe les membres de la commission que M. Bergman (D'Arcy-McGee) va remplacer M. Bourbeau (Laporte).

Le Président (M. Baril, Arthabaska): On vous remercie. Également, ça me prendrait le consentement pour permettre au député de Verdun d'intervenir à cette commission.

(9 h 50)

Des voix: Consentement.


Auditions

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Le consentement est accepté. Sur ça, la commission va poursuivre ses travaux. D'abord, je souhaite la bienvenue à tous nos invités qui se sont déplacés de plusieurs régions du Québec pour venir entendre ou appuyer leur association, leur regroupement. Je souhaite également la bienvenue aux membres de la commission.

Et, sur ça, je vais souhaiter la bienvenue à l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec. Ils sont déjà arrivés. On va demander à M. Simard de présenter les personnes qui l'accompagnent et, par la suite, de nous faire part de leur mémoire, puis on échangera avec les parlementaires par la suite.


Association des courtiers d'assurances de la province de Québec inc. (ACAPQ)

M. Simard (Paul-André): M. le Président, M. le ministre, Mme et MM. les députés, au tout début, je voudrais vous remercier, au nom de l'Association des courtiers du Québec, de nous donner cette opportunité de venir vous faire part de commentaires sur le projet de loi n° 188.

Évidemment, je voudrais vous présenter – moi, j'appelle ça ma table d'honneur parce que c'est un honneur pour moi d'être accompagné de gens de prestige – d'abord, à ma droite, Serge Lyras. M. Lyras est président du conseil d'administration de l'Association, il est président du comité de législation de l'Association depuis huit ans, président et chef de la direction du Groupe Lyras, un important cabinet de courtage comptant une vingtaine de cabinets dans les régions Laurentides et de l'Outaouais. À mon extrême droite, Me Robert Lagarde, membre du comité de législation de l'Association, président et chef de la direction du cabinet de courtage Dale-Parizeau LM inc., le plus important cabinet de courtage au Québec avec 100 000 000 $ de chiffre d'affaires et 250 employés. À ma gauche, Me Richard Mongeau, procureur de l'Association. Après ça, me présenter, ce n'est pas facile. Mon nom est Paul-André Simard, président de l'Association des courtiers d'assurances du Québec, président et chef de direction de ma vie personnelle.

Il y a quelques années, avec mes problèmes de santé, j'ai dû quitter la direction de mon cabinet de courtage. Par contre, j'ai confié la direction à des courtiers qui se sont portés acquéreurs de mon cabinet de courtage. Alors, je voudrais que vous sachiez au tout début que la cause que je défends, je le fais par conviction et non par intérêt financier.

Depuis 42 ans que je suis courtier à Jonquière – c'est important peut-être de dire d'où je viens, un pays de l'autre bord des montagnes là-bas – j'ai été président de l'Association en 1985. En 1996, la présidente du comité de nomination m'a appelé et, avec la connivence de quelques anciens présidents, on m'a demandé de reprendre la présidence de l'Association, compte tenu du fait que j'étais peut-être un peu plus disponible, même si je travaille aujourd'hui pour un bureau de courtage. Alors, j'ai accepté avec plaisir d'être le porte-étendard des courtiers d'assurances du Québec et, connaissant la détermination des gens de chez nous, je vous dis que je porterai fièrement cet étendard et nous ferons les efforts nécessaires pour faire valoir nos points, dans le respect des gens et des choses.

Les courtiers d'assurances du Québec, nous sommes 5 200 et on dit qu'un courtier donne 1,4 emploi par courtier. Donc, nous sommes 13 000 au Québec qui couvrons tous les secteurs du Québec. Nous sommes 1 600 PME, partout dans le Québec, qui servons une clientèle de Québécois et de Québécoises qui ont décidé et qui ont choisi, à 70 %, de nous confier la responsabilité de couvrir, d'une façon adéquate, leur patrimoine.

Il est très important que vous sachiez que la différence au Québec est aussi dans le courtage d'assurances. Pour nous, le projet de loi n° 188 nécessite des changements importants. On se souvient, il y a deux ans, en septembre 1996, le président du conseil, M. Lyras, avait déposé un mémoire à la commission qui avait été créée à ce moment-là, et notre mémoire, c'était clair, c'était net, c'était précis, on était contre banque-assurance. Mais, après cette commission, il y a eu un rapport Baril et, avec discussion, avec réflexion, nous avons accepté le rapport Baril et nous avons accepté également banque-assurance, mais dans les conditions du rapport Baril.

Nous avons été fiers de voir 18 parlementaires dûment élus par une clientèle de Québécois être unanimes et déclarer exactement les raisons pour lesquelles la loi devrait se passer avec ces renseignements-là. Et je les félicite encore une fois parce que, en dehors de tout, on a fait la preuve que les parlementaires sont là pour faire des lois.

J'ai remarqué également, on m'a dit qu'à l'ouverture, le 24 février, M. le ministre a dit que le gouvernement allait permettre la caisse-assurance. Je voudrais, M. le Président, vous dire que, depuis 1987, ça fait 11 ans que nous vivons avec la caisse-assurance. Alors, permettez-moi de faire une nuance. Le gouvernement veut plutôt permettre l'essor de la caisse-assurance. Il se pose deux questions à ce moment-ci: Mais jusqu'où veut-on le faire? Et surtout: Jusqu'où il est raisonnable de le faire pour garantir une protection adéquate des renseignements personnels et une saine concurrence?

C'est ça, M. le Président, dont je pense qu'il faut parler ici, dans cette commission. Là-dessus, je cède la parole à mon collègue, M. Lyras, président du conseil d'administration de l'Association des courtiers d'assurances du Québec.

M. Lyras (Serge): Merci, M. le Président. M. le Président, M. le ministre, Mme, MM. les députés, si vous le permettez, j'irai droit au but. Le rapport de la commission du budget et de l'administration présenté en décembre 1996 et connu depuis sous le nom de rapport Baril contenait pour nous une vision beaucoup plus équilibrée que celle contenue dans le projet de loi n° 188.

Le rapport de la commission proposait à nos yeux une ouverture proportionnée pour la caisse-assurance. Les conditions qu'elle énonçait étaient de nature à garantir une lutte à armes égales entre les différents joueurs dans le marché. Deuxièmement, le rapport Baril proposait le maintien d'un organisme à caractère professionnel. Nous n'insisterons jamais assez sur l'importance d'avoir des organismes professionnels solides avec des pouvoirs d'inspection, de surveillance et de discipline étendus. La responsabilisation des professionnels de l'assurance constitue de loin la meilleure formule de protection des consommateurs. L'équilibre des forces qui existent entre les intérêts commerciaux, d'une part, et la culture professionnelle des intermédiaires, d'autre part, est la base même de la prévention et d'une protection moderne pour les consommateurs.

Troisièmement, le projet de loi n° 188 vient non seulement créer des conditions favorisant lourdement la caisse-assurance, mais il vient aussi nuire gravement, par d'autres dispositions, à la croissance, voire à l'existence même du courtage. Sur la caisse-assurance, le ministre a énoncé à plusieurs reprises que ce débat était terminé. Il l'est peut-être pour le ministre, mais il ne l'est pas pour nous. Nous sommes depuis toujours contre la caisse-assurance. Malgré tout, nous nous sommes ralliés aux recommandations du rapport Baril. En ce sens, nous avons fait notre bout de chemin.

Avant de conclure que le débat sur la caisse-assurance est terminé, il faudra voir si les conditions du rapport Baril seront respectées, ce qui est loin d'être le cas présentement. Le projet de loi met plutôt de l'avant des conditions qui feront de la caisse-assurance une activité inéquitable sur le plan commercial et dangereuse pour la protection des consommateurs.

(10 heures)

Premièrement, le projet de loi élimine l'obligation pour les caisses de vendre leurs produits d'assurance à travers une filiale dédiée, ce qui a plusieurs conséquences. Les représentants en assurance seront désormais subordonnés à l'autorité directe des directeurs de caisse, eux-mêmes dépositaires des renseignements des clients et responsables de la mise en marché. Elle ouvre la voie à l'intégration complète des systèmes informatiques et rend l'interdiction de transmettre des renseignements personnels entre employés extrêmement difficile à contrôler.

Finalement, l'abolition du principe de la filiale dédiée ouvre la voie à d'autres revendications, comme celle du double emploi et celle de la distribution sans représentant pour un nombre toujours plus grand de produits, direction que le projet de loi emprunte d'ailleurs. Il réduit l'interdiction du double emploi à sa plus simple expression en permettant à environ 70 % à 80 % du personnel d'une caisse d'agir comme représentant en assurance, il ne crée aucune barrière efficace contre la circulation et l'utilisation des renseignements personnels et il introduit de façon extrêmement timide une définition de la notion de local distinct qui équivaut à exiger que le représentant en assurance ait un espace où travailler.

Je vous avoue, M. le Président, que ce n'est pas ce que nous attendions. Honnêtement, nous nous attendions à quelque chose de plus raisonnable et de plus équilibré. Évidemment, si le projet de loi n° 188 est adopté tel quel, il provoquera immédiatement un puissant mouvement de concentration. Les banques exigeront sur le champ de distribuer de l'assurance dans leurs succursales et on ne voit pas comment le gouvernement fédéral pourrait résister à l'argument de l'équité. À la place d'une évolution graduelle du marché vers un nouvel équilibre laissant à tous les joueurs la chance de s'ajuster et de se battre à armes égales, nous aurons plutôt provoqué une révolution brutale du marché où les principaux perdants seront les PME et les consommateurs.

Je voudrais revenir point par point, maintenant, sur certaines des dispositions du projet de loi concernant les conditions de la caisse-assurance. Pour que la caisse-assurance ne soit pas préjudiciable au marché et au consommateur, il faut que des mesures efficaces protègent les consommateurs contre l'utilisation abusive des renseignements personnels.

Prenons l'exemple du double emploi. Il est difficile d'imaginer comment les renseignements peuvent être adéquatement protégés lorsque le double emploi est permis. Réfléchissons par l'absurde et demandons-nous comment un même employé peut se mettre des barrières mentales entre ce qu'il sait de la situation financière d'un client et ce qu'il sait, par ailleurs, de son état de santé ou de ses habitudes d'achat. Prenons aussi l'exemple des dispositions visant la protection des renseignements personnels. Le projet de loi, tel que rédigé actuellement, rend possible le transfert illimité de renseignements vers le représentant en assurance. Celui-ci aura accès, de cette façon, à tous les renseignements que la caisse peut détenir sur ses clients.

Avec le projet de loi n° 188, le représentant en assurance de la caisse disposera d'un accès facile et, par conséquent, alléchant à toute une variété d'informations uniques et très stratégiques que jamais un courtier d'assurances indépendant ou une compagnie d'assurances ne pourra détenir. À quel moment, par exemple, le client renouvelle-t-il sa police d'assurance-vie? Auprès de quelle compagnie? Combien paie-t-il? Quand renouvelle-t-il sa police d'assurance-habitation et son assurance auto? Avec quelle compagnie d'assurances, et combien paie-t-il?

Comme d'autres vous l'ont dit avant nous, la caisse-assurance, c'est l'équivalent de donner les listes de clients des assureurs aux représentants des caisses, avec les dates de renouvellement des polices et le montant des primes. Grâce au système de paiement, les caisses peuvent aussi savoir beaucoup d'autres choses sur les habitudes de vie et les habitudes de consommation des clients. Elles peuvent établir des profils de consommation extrêmement précis, établir des corrélations entre les risques selon les profils et, de cette façon, sélectionner les risques ou fixer le niveau de prime de manière extrêmement précise. On peut aussi connaître, via le système de paiement, certaines habitudes de vie d'un individu, comme sa consommation d'alcool ou de médicaments. Malheureusement, les protections offertes par la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé risquent d'être inopérantes contre ce genre de pratique. Nous savons tous que les clients sont systématiquement appelés, lors des ouvertures de comptes, à donner un consentement très large pour l'utilisation des renseignements personnels. Nous croyons savoir que M. Comeau vous a informés que la question des consentements demandés aux consommateurs posait beaucoup de problèmes.

En ce qui concerne maintenant la question du local distinct, j'ai déjà parlé de la faiblesse de la définition. Dans le projet de loi, seule la vente, et non pas l'offre des produits d'assurance, doit se faire dans un espace réservé. Le Service d'aide aux consommateurs a attiré votre attention sur cette lacune, et je le fais à mon tour, car cela signifie que l'offre peut être faite n'importe où dans la caisse. Nous pensons qu'il faut, là aussi, être plus clair et plus ferme. En matière de locaux, la règle générale est simple: plus c'est séparé, mieux c'est. Ça vaut aussi pour les systèmes informatiques et pour le double emploi.

Nous abordons maintenant un autre sujet très important pour les courtiers et les consommateurs, celui de la limite de propriété des cabinets de courtage. Comme vous le savez, le projet de loi n° 188 abolit la limite de 20 % imposée aux assureurs dans la propriété des cabinets. Or, cette limite existe pour garantir l'indépendance des courtiers d'assurances. En la faisant sauter, on se trouve à autoriser, en fait, une imposture à grande échelle, où les représentants vont se présenter comme courtiers en toute liberté, sans avoir aucun des attributs, et tromperont les consommateurs. Personne ici n'est assez dupe, j'en suis sûr, pour croire qu'un cabinet de courtage contrôlé par une institution financière aurait la liberté de choisir ses fournisseurs et de placer les risques de ses clients n'importe où dans le marché. L'assureur qui sera propriétaire d'un tel cabinet, on le sait, lui imposera de faire affaire avec lui massivement. M. le Président, pour le consommateur, faire affaire avec un courtier, c'est faire affaire avec un professionnel indépendant, libre de choisir le produit, et l'assureur qui convient le mieux à ses besoins. C'est aussi faire affaire avec quelqu'un qui apporte un volume d'affaires important à des assureurs et qui dispose, en conséquence, d'un rapport de force favorable au consommateur. Bien sûr, les courtiers doivent respecter leurs obligations contractuelles avec les assureurs, mais ils demeurent toujours libres de changer de fournisseurs et d'aller vers de meilleurs produits pour les consommateurs. Moi, par exemple, M. le Président, je fais affaire, en assurance des particuliers, avec cinq assureurs, ce qui me permet de choisir précisément le meilleur produit pour mes clients.

(10 h 10)

Pour justifier l'abolition de la règle du 20 %, on pourrait être tenté de comparer avec les cabinets en valeurs mobilières qui sont propriétés à 100 % de banques et qui agissent pourtant comme courtiers. Ce serait une erreur, toutefois, de comparer le marché des assurances et le marché des valeurs mobilières. Un cabinet de courtage en assurance peut parfaitement survivre en ne vendant que les produits de sa compagnie propriétaire. Un cabinet de courtage en valeurs mobilières ne survivra jamais s'il vend uniquement les titres de sa banque propriétaire. Il doit pouvoir vendre tous les types de valeurs mobilières à ses clients, sans quoi il cessera d'exister.

Avec l'élimination de la règle du 20 %, le mot «courtage», dans le domaine des assurances, n'aura plus aucune signification. Il sera un mot vide de sens, il sera devenu un synonyme d'agent. Encore une fois, le rapport Baril faisait preuve d'un meilleur équilibre en recommandant de maintenir la règle du 20 %, question de préserver l'indépendance du courtier. Cette formule garantit, au choix du consommateur, un accès à un vrai choix, à un conseiller indépendant et apporte une valeur ajoutée importante au moment des réclamations. Le courtier, je le répète, est un intermédiaire de poids auprès de la compagnie d'assurances à cause du volume qu'il lui apporte.

J'aborderai maintenant la question du mode de distribution dit sans représentant ou, si vous préférez, de distribution avec guide. Les dispositions du projet de loi portant là-dessus doivent être dénoncées. Elles pourraient ouvrir une brèche béante dans la protection des consommateurs. En effet, tel que proposé, ce nouveau mode de distribution pourrait permettre aux compagnies d'assurances ou à des fabricants de produits de vendre n'importe quelle assurance via des personnes non qualifiées, à condition que le produit en question soit un produit dit afférent à un bien.

Ainsi, un concessionnaire automobile pourrait éventuellement vendre de l'assurance automobile sans détenir aucun certificat de représentant en assurance ni aucune formation dans ce domaine, simplement parce qu'il vendrait un produit d'assurance afférent à un bien, le bien étant le véhicule. Même chose pour le promoteur immobilier qui pourrait vendre de l'assurance-habitation avec ses maisons sans aucune formation préalable. Il n'existe aucune façon, pour les consommateurs, de poursuivre en déontologie les personnes qui seront impliquées dans ce genre de transactions.

Cette brèche est si grande qu'on a de la difficulté à croire que c'est l'intention du gouvernement de permettre une distribution à ce point permissive. Pour nous, ce genre de distribution ne devrait être autorisée que pour la liste des produits énumérés aux articles 366 et 368 du projet de loi. Point à la ligne. Et encore, nous préférons, de façon générale, la règle du certificat restreint.

Nous aimerions aborder maintenant, de façon plus spécifique, la question de l'encadrement. Ce qu'on sait déjà, M. le Président, avant même d'aller plus loin, c'est que l'ACAPQ disparaîtra sous sa forme actuelle après plus de 80 ans d'histoire. Nous nous sentons d'autant plus à l'aise d'aborder ces questions avec franchise.

Premièrement, nous sommes étonnés de constater que le projet de loi fait table rase, ou presque, du système actuel d'encadrement des professionnels. On ne comprend pas très bien pourquoi, d'autant plus que le système actuel s'est montré très efficace et ne s'est pas attiré de critiques importantes, sauf pour le nombre d'organismes.

Deuxièmement, nous trouvons la mécanique proposée extrêmement complexe par rapport à la situation actuelle. La réduction du nombre d'organismes n'est pas un très gros progrès si la réglementation devient deux ou trois fois plus complexe que présentement.

Troisièmement, nous sommes contre le fait que des cabinets, donc des personnes morales, puissent assumer des responsabilités d'ordre déontologique. De toute façon, les dirigeants des cabinets sont déjà exposés à la discipline de leurs pairs et au risque de perdre leur droit de pratique. En termes déontologiques, cette mesure suffit. Aussi, les cabinets qui seraient placés dans l'obligation de veiller à la discipline de leurs employés seraient en situation de conflit d'intérêts. Cette responsabilité, M. le Président, doit demeurer celle d'un organisme professionnel indépendant.

Quatrièmement, nous sommes profondément convaincus que le meilleur mécanisme de protection des consommateurs réside dans l'existence d'une culture professionnelle forte chez les intermédiaires. Cette culture doit être toujours renforcée et doit s'incarner dans des organismes d'encadrement de type professionnel ayant des pouvoirs réels. À l'ACAPQ, nous avons toujours insisté et nous continuerons d'insister pour que la responsabilisation professionnelle des individus reste toujours le pivot de la protection du consommateur dans le domaine des produits d'assurance et des services financiers. Il faut donc que le projet de loi procure des pouvoirs réels aux chambres électives.

De façon générale, nous adhérons à la division des pouvoirs proposée par l'AIAPQ lors de sa comparution devant vous, avec deux chambres, tel que le projet le prévoit.

Avant de conclure, M. le Président, nous voulons répondre à certaines affirmations qui ont été faites devant cette commission ou dans les médias. Desjardins, par la voix de son président, a beaucoup insisté, ces derniers temps, pour dire que les intérêts de quelques courtiers ne devaient pas l'emporter sur l'intérêt général de Desjardins. Il estime que le gouvernement doit permettre à Desjardins d'augmenter sa part de marché dans le domaine des produits et services financiers au Québec, quitte à ce que cela se fasse au détriment des PME que sont les courtiers d'assurances.

M. le Président, tout le monde est fier de Desjardins et tout le monde au Québec souhaite son essor. J'ai été personnellement un bénévole de Desjardins pendant 15 ans, à titre de président d'une caisse populaire. Mais, malheureusement, l'avenir et la croissance du Mouvement Desjardins semblent toujours passer par une exploitation à l'infini du marché intérieur québécois. En ce qui nous concerne, il faudrait que cette façon de faire ait une limite et que le Mouvement s'organise pour trouver d'autres façons d'assurer sa croissance que par la revendication de privilèges par-dessus privilèges.

Desjardins compte déjà sur 5 400 000 sociétaires au Québec. C'est une concentration déjà très grande et c'est assez, nous semble-t-il, pour que le Mouvement puisse se projeter et réussir sur les marchés extérieurs au Québec et renonce à des opérations toujours plus ambitieuses de cannibalisation du marché québécois.

Un dernier point, M. le Président. Il y a quelques jours, un participant, devant cette commission, affirmait devant vous qu'il y avait peu ou pas de plaintes contre les agents d'assurance de dommages, alors que les courtiers, eux, font l'objet de plusieurs plaintes. Il parlait au nom des consommateurs. À notre connaissance, même s'il a une connaissance professionnelle de l'assurance, il ne représente aucune association de consommateurs. D'ailleurs, vous avez sûrement remarqué que les propos des représentants des associations de consommateurs sont très différents des siens.

(10 h 20)

Ce phénomène des plaintes moins nombreuses est normal et s'explique par le type de pratique qui est très différent entre l'agent et le courtier. L'agent en dommages, pour les consommateurs, n'est qu'un étoile filante. Une fois le produit vendu, il disparaît et les consommateurs ne le revoient plus. Au moment d'une réclamation, quand les problèmes surviennent, ce ne sont pas les agents qui règlent le sinistre, ce sont les employés affectés au service des réclamations ou le contentieux de la compagnie d'assurances. Il n'est pas étonnant, donc, qu'il y ait peu de plaintes contre les agents en dommages. Pour le courtier, c'est différent; c'est à lui qu'on s'adresse au moment des réclamations, c'est lui qu'on blâme. Devant les contentieux des compagnies d'assurances directes, les consommateurs n'ont pas d'autre recours que les tribunaux. Devant cette perspective, la plupart d'entre eux renoncent et se résignent à accepter le règlement imposé par les compagnies.

Le petit nombre de plaintes en déontologie vis-à-vis des agents ne nous surprend pas, mais il ne constitue en rien, pour les raisons que je viens d'expliquer, une indication de la qualité du service des compagnies d'assurances directes par rapport aux courtiers.

Voilà, M. le Président, c'était l'essentiel de ce que nous avons à dire sur le projet de loi n° 188. Nous estimons que le projet de loi n'aurait pas dû être déposé sous sa forme actuelle, qu'il est partial, qu'il est préjudiciable pour les consommateurs sous plusieurs aspects, qu'il soulève beaucoup de questions chez tous les intervenants et qu'il ne doit pas, par conséquent, être adopté, à moins d'une révision majeure. Le rapport Baril était beaucoup plus équilibré et mériterait d'être réhabilité.

Je passe maintenant la parole au président de l'Association.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Est-ce que vous allez terminer, M. le président?

M. Simard (Paul-André): Oui, je vais terminer. Je voulais remercier M. Lyras et vous dire que nous étions prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est parfait. On vous remercie beaucoup de cette présentation, et je laisse la parole tout de suite au ministre des Finances.

M. Landry (Verchères): M. le Président, quand notre Assemblée nationale aura terminé son travail quant à ce projet de loi et en aura fait une loi, personne ne pourra dire que l'Association des courtiers d'assurances n'a pas fait entendre son point de vue. C'est un reproche qui ne vous atteindra jamais. En effet, vous avez participé vigoureusement au débat, de diverses manières. C'est un signe de santé démocratique, d'ailleurs, que divers lobbys – et ce n'est pas péjoratif – fassent valoir leur point de vue. La grande démocratie américaine nous en donne l'exemple, avec une nuance importante, par ailleurs: aux États-Unis, il y a une loi pour régir l'action des lobbys, les rendre plus transparents, faire connaître leurs moyens et la façon dont ils dépensent leur argent.

Et il se peut que ce grand débat sur les assurances soit l'objet, au Québec, d'une réflexion sur la question des lobbys, pour baliser davantage leur action pour... Je pense que l'opposition, même, pourrait être intéressée à une telle réflexion, non pas pour...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le ministre, cette commission-ci est en train d'étudier la possibilité d'encadrer... de légiférer sur la pratique du lobby au Québec, voyez-vous?

M. Landry (Verchères): Voilà! C'est formidable. Le président, qui est un homme sage et souple, a même précédé ma pensée, ce qui me permet d'aller tout de suite au point suivant, M. le Président, qui met en lumière aussi vos vertus. Je veux vous parler du rapport, ce qu'on a appelé le rapport Baril.

Et c'est vraiment une commission exceptionnelle parce qu'on ne donne jamais le nom du président au rapport, puis là ça s'est fait spontanément. Puis ce n'est pas dans nos traditions, mais ça prouve que c'était important. Mais, si le rapport Baril devait ne pas être changé, M. le Président, on n'aurait pas fait ce simulacre d'audience. Si on devait revenir tout le monde ici – puis on s'est déjà vus sur cette question – c'est parce que le président Baril lui-même, qu'on appelle, dans le langage parlementaire, le député d'Arthabaska et président de notre commission, a changé d'avis sur le rapport Baril.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Moi-même, j'ai changé d'avis.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le ministre, je ne voudrais pas non plus que vous interprétiez mes positions, là. On voudrait être bien clair. Oui, on a évolué, mais on a dit, dès le début, que le rapport Baril était pour la caisse-assurance, hein, puis c'est marqué; c'est la recommandation 2. Maintenant, les discussions portent sur comment le faire.

M. Landry (Verchères): Ce n'est pas de ça que je veux parler, M. le Président. Comme vous venez de le dire, vous avez évolué. C'est bien ce que vous avez dit. Ça veut dire que le rapport Baril, qui est un document estimable, n'est plus la base absolue de nos travaux. C'est pour ça qu'on vous a fait venir. Alors, le président a évolué, et j'ai évolué moi-même, et mes collègues ont évolué, et peut-être ceux de l'opposition officielle aussi. En tout cas, je ne veux pas leur mettre de mots dans la bouche. Et, sur la caisse-assurance précisément, c'est le président Simard qui, en apportant une très belle nuance, d'ailleurs, à ce qu'on dit, démontre bien qu'elle existe, la caisse-assurance, et depuis plusieurs années. Les caisses vendent de l'assurance depuis plusieurs années et, comme vous l'avez dit très justement, M. le Président, il s'agit d'élargir la vente d'assurance dans les caisses.

Pourquoi nous prenons cette voie? Ce n'était pas dans le programme de ma formation politique qu'on élargisse la caisse-assurance, ni dans le programme du Parti libéral. Nous avons fait ça parce que, comme législateurs et comme élus de la population, nous avons le devoir de maintenir l'économie du Québec à son plus haut niveau possible de modernité. Ce n'est pas le Québec qui a inventé la globalisation des marchés. Ce n'aurait pas été, de toute façon, à la portée d'une société de 7 500 000 habitants de déclencher à elle seule ce grand mouvement qui est caractéristique de notre temps et qui est en train de bouleverser la conception des relations économiques internationales depuis la Deuxième Guerre mondiale. Mais le Québec a le devoir de tirer le meilleur parti possible de ce mouvement qu'il n'a pas créé et auquel il ne peut pas échapper.

Le président de L'Industrielle-Alliance était ici, hier. Lui, il est carrément contre la caisse-assurance. Il ne fait pas de nuance, il est contre. Mais, par ailleurs, dans son exposé et dans les discussions qu'on a eues, on s'est rendu compte que le plus beau fleuron, probablement, de la grande aventure de l'assurance au Québec, Le Groupe Commerce, qui était contrôlé à Saint-Hyacinthe, Québec, est contrôlé en Hollande, aujourd'hui. On s'est rendu compte, par les travaux du rapport de Rosaire Morin – dont je ne partage pas toujours les solutions préconisées, mais pour lequel j'ai beaucoup d'estime en raison de son aptitude à chercher et à fouiller les choses – qui nous a bien démontré que l'épargne des Québécois et la gestion de cette épargne, même dans le cas du Mouvement Desjardins, de plus en plus, s'étaient faites en dehors de nos frontières. Ce n'est pas par des méthodes autoritaires ou des replis protectionnistes qu'on va régler cette question, c'est en dynamisant au maximum notre secteur financier dont le monde de l'assurance est une composante majeure.

Le 1er janvier 1999, vous savez sans doute ce qui va arriver. Le Canada vient de signer une entente sur la libéralisation des services financiers à l'Organisation mondiale du commerce. Toutes les institutions financières de la terre auront le droit de venir dans notre marché pour les transactions d'au-delà de 150 000 $. Ça veut dire qu'on va avoir un bouleversement – à mon avis souhaitable, parce que la concentration des banques au Canada et au Québec n'a sûrement pas été une chose totalement positive pour les consommateurs en particulier – de toute façon.

(10 h 30)

C'est donc essentiellement les raisons qui poussent les parlementaires et le gouvernement à modifier la situation et à modifier la loi et votre statut, avec votre aide, d'ailleurs. On a eu de nombreuses conversations publiques et privées auxquelles j'ai participé moi-même. Ce phénomène des chambres, par exemple, il m'a été suggéré par le monde de l'assurance. Je n'en avais pas l'intention au début. Le gouvernement proposait un organisme unique, qui, soi-disant, d'ailleurs, faisait l'unanimité depuis le début. Un organisme unique. Mais, pour tenir compte de vos traditions, pour tenir compte de l'animation que vous faites dans le milieu des assurances, nous avons ajouté cette composante des chambres avec un processus électif pour que, justement, l'impulsion que vous avez donnée au débat puisse être continuée à travers ces chambres. Alors, ce que je veux vous dire, comme je l'ai dit à d'autres intervenants, c'est que nous ne sommes pas ici pour combattre tout ce que vous mettez de l'avant. Nous sommes ici pour intégrer ce que nous jugeons positif de vos remarques à un projet de loi pour qu'il soit le meilleur possible. Et, à cette fin, maintenant j'aimerais vous poser une série de questions, d'objections précises. Comme je l'ai fait avec les autres, je vais donner ma série. Ça vous donnera le temps de vous préparer. Vous êtes quatre, vous pouvez vous diviser les tâches comme vous l'entendez. Je vais dire tout ce que j'ai à dire d'une seule traite, et puis nous entendrons vos réponses, pour le plus grand bénéfice de notre commission.

D'abord, les renseignements personnels, dont vous avez beaucoup parlé. Est-ce que vous pensez que les exigences concernant les renseignements personnels, notamment de nature médicale, qui sont souvent les plus intimes, devaient s'appliquer à tous et non seulement aux institutions de dépôts, mais, par exemple, à une compagnie de finances qui serait inscrite comme cabinet.

Hier, M. Garneau nous a dit que, lui, il fait de l'assurance et il fait de l'hypothèque, mais il dit que jamais il y a une information qui passe d'un dossier d'assurance au dossier hypothécaire. Alors, si lui peut réussir à faire ça, ça doit être possible. Qu'est-ce que vous faites dans vos propres cabinets et qu'est-ce que vous préconisez comme réglementation générale?

Je voudrais vous dire aussi que nous avons entendu avec soin la Commission d'accès à l'information. M. Comeau est venu lui-même – c'est un des meilleurs experts au monde sur cette question – avec deux adjoints hautement qualifiés, nous dire qu'ils étaient satisfaits des dispositions du projet de loi relatives aux renseignements personnels, c'est à notre Journal des débats . La seule crainte qu'ils ont exprimée, c'est qu'on en fasse trop. Parce qu'ils disent: Si vous en faites trop dans cette loi-là, ça peut affaiblir le sens général de la loi de base de protection des renseignements personnels. Alors, la Commission nous a suggéré plutôt d'ajouter des articles dans la loi générale sur les renseignements personnels. Et la Commission vous donne raison sur la question des consentements. Vous avez évoqué la question du consentement; c'est vrai, la Commission a été insatisfaite, et nous aussi, de la question des consentements. Et nous allons baliser cette question du consentement du consommateur et nous allons calquer notre attitude sur celle que la Commission de M. Comeau nous suggérera. Alors, je vous remercie d'avoir de nouveau attiré notre attention sur ce point quand même assez crucial.

Certains ont également suggéré que la loi devrait énoncer que l'endroit prévu aux fins de la vente d'assurance puisse satisfaire aux exigences de confidentialité de la pratique. Certains suggéraient un mur physique, donc un ouvrage architectural. D'autres sont venus nous dire plus simplement: Arrangez-vous donc pour que dans la loi on assure la confidentialité auditive et de la paperasse. Alors, on cherche le meilleur moyen. C'est une manière de baliser la question de la caisse-assurance, une des manières – il y en a d'autres, il y a les ventes liées, il y a toutes sortes d'autres dispositions – et je veux vous entendre sur celle-là.

On veut également éviter que l'obtention d'un prêt soit conditionnelle à l'achat d'une assurance auprès du prêteur. Si M. Garneau disait, à L'Industrielle-Alliance: Nous, on ne te fait pas ton hypothèque si tu ne t'assures pas de nous. C'est un problème qui se pose dans le monde, décloisonner de l'assurance.

Mais nous ne voulons pas empêcher l'offre de rabais pour l'ensemble de produits. Vous voyez ce que je veux dire? Que pensez-vous de ça? Comment préserver la possibilité d'un accord global sur un ensemble de produits comportant des rabais?

Vous savez aussi – vous nous l'avez fait remarquer dans votre mémoire – que certaines assurances, actuellement, se vendent d'une façon assez artisanale et casuelle, l'assurance-voyage et d'autres types, sans aucune espèce de précaution. Nous vous donnons raison là-dessus, et le projet de loi implique des précautions. Je vais vous dire quelle est notre limite supérieure. On ne veut pas alourdir le processus puis augmenter le prix. On veut que quelqu'un qui achète de l'assurance chez son agent de voyages soit protégé, mais on ne veut pas que l'opération devienne à ce point complexe que le produit change de prix, surtout qu'il y a une telle concurrence mondiale là-dessus et que ça se vend par tous les moyens de télémarketing et d'Internet et de toutes espèces de façons que si on met un carcan trop rigide dans notre propre système, on va se faire sortir du marché, nos institutions vont se faire sortir du marché.

Sur le 20 %, vous faites bien d'attirer notre attention. On est tenté de donner raison. Mais j'aimerais quand même que vous commentiez un peu. Qu'on garde la limite de 20 %, est-ce que, dans le nouveau contexte de déréglementation, cette limite ne sera pas contournée en achetant de l'achalandage, en réengageant le personnel? En tout cas, j'aimerais avoir votre avis là-dessus. Mais on est plutôt porté à vous donner raison.

Sur la question du professionnalisme, je l'ai dit à vos collègues, représentés par d'autres associations, que je crois que vous êtes des professionnels très précieux pour la société. La meilleure preuve d'ailleurs, M. le président Simard nous disait qu'on a la caisse-assurance depuis 1989, ce qui est vrai. Ça n'a pas empêché le monde d'aller chez des courtiers et ça n'a pas concentré chez Desjardins l'essentiel, tant s'en faut, du marché de l'assurance IARD. Moi, j'habite dans un village, donc je suis membre de ma caisse, mais j'ai toujours acheté mes assurances d'un courtier. La fidélité à mon courtier n'a pas varié d'un iota parce que la caisse populaire avait le droit d'en vendre. Parce que le courtier – que je ne nommerai pas pour ne pas lui faire de publicité indue à l'encontre des autres – est une personne extrêmement efficace. C'est un cabinet d'une efficacité parfaite et qui a conservé ma fidélité, même si ça aurait pu être physiquement plus commode d'aller à la caisse populaire de Verchères.

Alors, vous êtes des professionnels, vous rendez de grands services. Et les professionnels que l'histoire a qualifiés ainsi depuis des siècles, les médecins, les avocats, les dentistes et un certain nombre d'autres, ont hérité pour des raisons historiques d'un statut professionnel total et blindé: Chambre des notaires, Barreau, Collège des médecins. Le législateur, tout en reconnaissant votre professionnalisme, n'a pas l'intention et ne croit pas que la population souhaite qu'on vous donne la même chose. Mais il y a une échelle en gradation, ou en dégradé, du statut professionnel qu'on peut vous donner. Nous allons tout faire pour que, dans le produit fini, c'est-à-dire le texte de loi qui sera adopté par notre Assemblée nationale, il soit reconnu de façon éclatante que vous êtes des professionnels, que vous en avez les droits et les devoirs. Parce que donner des droits à des professionnels et donner un statut, ça n'a aucun sens si ça n'est pas fait au nom de la protection du public. Alors, on va essayer de composer entre ces deux bornes. Et j'aimerais que vous nous aidiez à aller plus loin dans cette voie.

Je pense que je n'ai pas beaucoup d'autres choses. Non, ça va.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. Simard, M. Lyras, je ne sais pas lequel.

M. Simard (Paul-André): M. Lyras, s'il vous plaît.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. Lyras.

M. Lyras (Serge): Merci, M. le ministre. Concernant les renseignements personnels médicaux, effectivement, ou les autres renseignements personnels concernant les habitudes de vie des consommateurs, nous sommes d'accord que tout le monde devrait s'astreindre à ça, et nous sommes prêts, comme courtiers, à le faire, nous souhaitons le faire. C'est très important pour les consommateurs, la protection des renseignements personnels, ils insistent beaucoup là-dessus, et on va s'y conformer avec beaucoup de plaisir et d'enthousiasme.

Concernant la Commission d'accès à l'information, vous avez mentionné que M. Comeau disait que c'était étanche. Écoutez, actuellement, Desjardins fait de l'assurance dans les caisses avec une certaine forme de tolérance du gouvernement, parce qu'ils n'ont pas vraiment le droit de le faire. Mais en le faisant par une filiale dédiée, comme ils font, et en faisant le plus attention possible pour ne pas qu'il y ait de critiques de la part des consommateurs, on retrouve quand même à certaines occasions des clients qui nous disent: Écoutez, j'ai pris mon assurance à la caisse parce qu'ils m'ont fait un prêt. Dans les petits milieux, les petits villages où il y a juste une institution financière, qui est la caisse, le consommateur sait qu'il va devoir retourner demander un prêt et il a peur de déplaire à la caisse. Il se sent obligé de prendre l'assurance là, même dans le contexte actuel.

(10 h 40)

Avec la situation actuelle, Desjardins, en 10 ans, a quand même réussi à aller chercher 15 % du marché des assurances des particuliers au Québec. Imaginez si vous leur donnez tout ce qu'elle demande maintenant, ça va être épouvantable. Et, dans certains endroits, comme dans les petits milieux, les petits villages, ce qui risque d'arriver, c'est que le courtier va disparaître, il ne restera que Desjardins comme institution financière et comme vendeur d'assurances. Qu'est-ce qu'ils peuvent faire à ce moment-là, vous pensez? Ils peuvent contrôler les prix. Ils peuvent cibler ces localités-là en augmentant les tables de tarification; il n'y aura plus de compétition. Ce n'est pas sain pour le consommateur ce que vous êtes en train de leur donner comme privilèges additionnels concernant la vente d'assurance dans les caisses.

Concernant la vente d'assurance-voyage, vous savez, M. le ministre, on en a déjà parlé ensemble, vous connaissez ma position là-dessus: un consommateur qui achète une police d'assurance-voyage pense qu'avec ça il est couvert pour tout. Il s'en va à l'étranger, il arrive une maladie, il y a des frais importants à assumer par rapport à ça et il se retrouve devant des problèmes quand vient le temps de la réclamation parce qu'il n'était pas au courant de certaines exclusions, comme, par exemple, les maladies préexistantes, comme d'autres exclusions qui n'ont pas été portées à son attention lors de la vente du produit. L'assurance-voyage, c'est un produit qui est très important, c'est un marché important au Québec, actuellement, et il faut absolument que ça soit vendu par des gens compétents qui sont responsables par la suite, s'il arrive un problème.

La règle du 20 %, on pense que la façon de le régler – vous avez manifesté une belle ouverture, et on vous en remercie, de maintenir le 20 % – c'est de rédiger la loi en mentionnant les actions et les actifs. Il s'agit de couvrir l'achalandage par la règle du 20 %, puis, à ce moment-là, on pense qu'il n'y a pas de problème.

Le professionnalisme des courtiers est reconnu depuis très longtemps. Et évidemment quand vous mentionnez que vous continuez à faire affaire avec un courtier, on l'apprécie énormément. Par contre, on sait que les consommateurs, à l'occasion, vont être tentés par la facilité à court terme, mais qu'à moyen et long terme, s'il y a trop de concentration, ça va jouer contre eux. Et je dois vous dire que vous mentionniez...

M. Landry (Verchères): M. le Président, le paradoxe qui me hante depuis que je travaille ce dossier – je n'étais pas prédestiné, moi, je ne suis pas venu en politique pour m'occuper des questions d'assurance, même si mon père était courtier d'assurances, comme je vous l'ai déjà dit – c'est, il me semble, que vous vous minimisez vous-mêmes. Vous rendez d'énormes services à la population, vous êtes de grands spécialistes, vous avez fait vos preuves. Pourquoi avez-vous la moindre crainte vis-à-vis des caisses populaires de villes ou de villages? Les consommateurs ne sont pas fous, ils vont aller où est le meilleur service, ce que je crois faire moi-même.

Des voix: ...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): S'il vous plaît, s'il vous plaît, je demanderais à nos invités de respecter l'opinion de quelqu'un, et on n'a pas le droit de manifester notre opposition ou notre approbation dans cette salle. Mais j'ai une grande responsabilité: j'ai permis de pouvoir vous asseoir dans les galeries d'à côté parce qu'on dit que cette maison, c'est la maison du peuple et c'est votre maison. C'est notre maison, et vous savez, quand vous êtes chez vous, ça prend un maître d'hôtel, qu'on dit, qui doit maintenir un certain respect. Aujourd'hui, j'ai cette lourde responsabilité de maintenir ce respect dans cette salle. Donc, je vous demanderais, de préférence, de retenir vos manifestations. Merci.

Allez, M. Lyras.

M. Lyras (Serge): M. Landry, vous semblez vouer une grande admiration pour la démocratie américaine, pour le système capitaliste, mais je dois vous dire que, dans l'État de New York, qui est probablement la capitale financière mondiale, les banques ont le droit de vendre de l'assurance, mais le législateur, dans sa grande sagesse, a dit aux banquiers: Tu vas choisir, tu fais un prêt ou tu vends l'assurance à un client. La banque ne peut pas vendre d'assurance sur un produit qu'elle a financé. Pourquoi? Parce qu'ils savent très bien que c'est inévitable qu'il va y avoir du transfert d'information, qu'il va y avoir de la coercition, de l'interfinancement. Vous parliez de rabais tantôt qu'on peut accorder. À un moment donné, les banques peuvent aller jusqu'à donner l'assurance pour obtenir le client la première année, mais, par la suite, qu'est-ce qui va arriver? C'est ce qui nous inquiète pour le consommateur, au-delà du courtier, là. Quand la concentration va être tellement grande qu'il n'y en aura plus de compétition, qu'est-ce qui va arriver au consommateur? Il va être pris avec les institutions financières.

Vous sous-estimez aussi, je pense, l'effet boomerang que ça va créer. Je pense que l'Association des banquiers canadiens va vous aimer énormément – je ne suis pas sûr que c'est ce que vous souhaitez – si vous permettez à Desjardins de vendre de l'assurance, parce que c'est inévitable qu'elle va demander l'équivalent au gouvernement fédéral. Ça fait des années qu'elle le demande et ça lui est refusé à cause de la concentration au Canada et au Québec des épargnes parmi quelques institutions financières. Il y en a six, sept ici, tandis que dans les autres pays, comme aux États-Unis, il y a 12 000 banques. Ce n'est pas du tout le même contexte. C'est ça, il faut être conscient de ça: il y a une concentration à outrance. Elles ont des moyens financiers extraordinaires. Et Desjardins, même, va payer le prix si les banques entrent dans le domaine de l'assurance, parce qu'elles vont carrément entrer sur son marché aussi.

M. Lagarde (Robert): Pour compléter mon confrère, quand vous parliez de l'expansion au niveau de Desjardins dans les caisses de l'assurance de produits, que ce soit assurance automobile ou habitation, il faut reconnaître au Québec que le profil des 1 625 cabinets est à peu près de 65 % lignes personnelles, 35 % commerciales. Quand Desjardins, dans une localité, aura pris possession ou aura ramené le volume de lignes personnelles à un niveau où le courtier ne pourra plus vivre, comment les entreprises commerciales... Il faut comprendre que 90 % des PME au Québec ont 10 employés et moins et qu'elles ont besoin d'un conseiller professionnel indépendant en matière de protection.

Et l'assurance dont ont parle, parce que la loi 134 parlait des intermédiaires en général, et on l'a ramenée sur la distribution de produits. Mais il reste tout un créneau où le professionnel du courtage et de la protection agit en matière d'évaluation, d'analyses, de conseils, de réclamations, de prévention. Alors, à ce moment-là, ces cabinets-là vont disparaître. Et les PME au Québec, de quelque nature que ce soit – moi, j'en assure 15 000 au Québec – ces gens-là, dans toutes les régions, ont besoin d'un professionnel pour voir à maintenir leur développement. Et c'est quand même intimement relié avec les fabricants de produits. Alors, c'est pour ça que je prétends qu'il va y avoir un impact sérieux sur la profession, et les PME vont s'en ressentir énormément.

Une voix: M. Lyras.

M. Lyras (Serge): J'ai répondu, je pense, à la question du ministre, à moins que vous souhaitiez des précisions additionnelles, M. le ministre. On n'a pas parlé... peut-être juste ajouter une chose concernant toute la notion du double emploi où le danger de transfert d'information est éminent. Vous aurez beau faire les lois que vous voudrez, épaisses comme ça, dans la vie, dans le pratico-pratique, à partir du moment où toutes les informations se retrouvent à l'intérieur de la caisse plutôt qu'une filiale dédiée comme dans le moment, ils vont avoir accès à l'information. Le directeur de la caisse qui est responsable de la mise en marché possède cette information-là. Ça va transpirer, c'est inévitable. Il faut être réaliste, M. Landry.

M. Landry (Verchères): M. Lyras, je vous comprends très bien, mais, encore une fois, M. Paul-André Comeau, qui est un expert presque obsessionnel de ces questions – c'est le centre de sa vie depuis des années – est venu nous dire ici qu'il était satisfait des dispositions de cette loi, sous réserve que ça allait trop loin, et il nous a fait quelques observations sur le consentement. Je partage votre avis, et on va s'en occuper. Il me semble que vous avez une vue assez pessimiste des choses. Vous voulez dire: Faites les lois que vous voudrez, tout le monde fera ce qu'il voudra. Mais on ne peut pas, nous, comme législateurs, partager une telle vision. Actuellement, dans vos cabinets, vous me dites que vous préservez la confidentialité et que vous êtes capables de faire les murs qui s'imposent. Pourquoi est-ce que vous présumez qu'avec une loi renforcée et qui a l'approbation de la Commission d'accès à l'information on ne va pas sauvegarder ce qui est et améliorer? Il me semble que votre vision est un peu pessimiste, non?

(10 h 50)

M. Lyras (Serge): Si vous permettez, très rapidement. On n'est pas pessimiste, M. Landry, on est réaliste. L'information, c'est quelque chose d'extrêmement fluide, extrêmement difficile à contrôler. On n'a pas, dans nos banques de données, 5 400 000 clients, avec tous les chèques qui passent, qui disent: Qu'est-ce que les gens ont fait avec, qu'est-ce qu'ils ont acheté, leurs habitudes de vie, etc. C'est immense, comme pouvoir, d'avoir cette information-là. Avec ça, ils peuvent cibler la clientèle, établir le prix adéquat pour chacun, prendre les meilleurs clients. Et qu'est-ce qui va arriver par la suite? On est juste réaliste; on n'est pas pessimiste du tout.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Viger.

M. Maciocia: Oui, merci, M. le Président. Merci, M. Simard, M. Lyras, M. Mongeau et M. Lagarde d'être venus devant cette commission, et je pense que vous êtes un des groupes les plus touchés par ce projet de loi n° 188. Vous l'avez démontré avec votre mémoire, et vous nous suggérez justement des pistes qui sont très intéressantes pour les changements qu'il faudrait apporter au projet de loi n° 188.

Mais avant de rentrer dans ces détails-là, je pense que c'est très important que je fasse deux précisions, parce que le ministre a toujours le don de commenter ce qui fait son affaire; ce qui ne fait pas son affaire, il n'a pas le don de le commenter. La première, c'est la recommandation 2 du rapport Baril, et je pense que le président... On s'en est parlé encore aujourd'hui, et je pense qu'on est complètement d'accord avec la recommandation 2 du rapport Baril. On est d'accord avec la banque d'assurance mais aux conditions suivantes. Je voudrais que ça rentre, ça, dans la tête du ministre et dans la tête de tous les gens qui sont concernés par ça. On le dit très clairement: On est d'accord, mais à condition d'établir un encadrement uniforme, d'offrir des produits d'assurance par une filiale dédiée à ces activités, d'assurer la distribution de produits d'assurance par des intermédiaires dûment qualifiés, d'interdire le cumul des fonctions, le double emploi, de prévoir les dispositions régissant l'utilisation de renseignements personnels et d'utiliser les espaces réservés, locaux distincts, pour la vente des produits d'assurance. C'est ça, les résolutions du rapport Baril, et le président est d'accord avec ça, encore; il est encore et toujours d'accord avec ça.

M. le Président, cette mise au point faite, je pense que c'est une autre mise au point qu'il faut faire, toujours sur le...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Si vous permettez, M. le député de Viger...

M. Maciocia: Oui.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): ...je voudrais quand même spécifier des choses. Si le rapport porte mon nom, il ne faudrait pas que ce soit juste moi qui en porte toute la responsabilité, hein; c'était un consensus des membres de la commission.

M. Maciocia: Non, non, c'est bien clair. Oui, oui.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Parce que, là, c'est une lourde tâche que vous m'accordez, comprenez-vous?

M. Maciocia: Je comprends très bien.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je l'ai dit tout à l'heure, je le spécifie, c'est sûr que j'ai toujours défendu le rapport au nom des membres de la commission, je pense qu'il n'y a personne, en tout cas, qui me l'a reproché. J'ai dû le faire à leur convenance, probablement, et je continue à le faire. Mais, comme tout à l'heure j'ai dit que, oui, j'avais évolué, je pense que tous les membres de la commission ont évolué aussi, et en autant que, dans la loi, les conditions qu'on avait amincies, si on trouve une autre formule que celle-là, qui donne les mêmes garanties, je pense que les membres vont être d'accord avec cette nouvelle formule. Et c'est dans ce sens-là tout à l'heure que je disais que, oui, moi, personnellement, j'ai évolué comme les autres, parce que tout le monde sait que, si on n'évolue pas, bien, on recule. Et comme je n'aime pas tellement reculer, c'est dans ce sens-là que...

M. Maciocia: Vous l'aviez très bien dit, M. le Président, c'est le rapport de notre commission; je ne voulais pas vous faire porter ça sur vos épaules à vous. Et, deuxièmement, j'ai bien compris aussi votre spécification: si on trouve une autre formulation mais avec les mêmes garanties. C'est ça que j'ai compris. Alors, on s'est très bien compris, c'est très clair. Une autre formulation, moi, je suis d'accord avec ça, mais avec les mêmes protections. Ça, c'est très clair.

M. le Président, l'autre chose qu'il faut que le ministre comprenne... Parce qu'il revient toujours avec la question de la Commission d'accès à l'information en disant qu'elle est d'accord. Il dit même: C'est trop, ce que vous avez mis dans le projet de loi. M. le ministre, s'il vous plaît, vous prenez ce qui fait votre affaire. Tous les organismes de protection des consommateurs qui sont venus devant cette commission, tout le monde, à part Me Langlois, n'est pas d'accord, il faut apporter des changements sur ça, entre autres, hier – et je pense que cet organisme-là, vous devrez l'apprécier comme tous les autres – le Protecteur du citoyen. Le Protecteur du citoyen, hier – vous n'étiez pas ici, M. le ministre – l'a dit très clairement dans son rapport, qu'il faut absolument qu'on apporte des changements. Et, entre autres à l'article 22, le Protecteur du citoyen dit: «L'article 22 vient imposer certaines contraintes au cumul pour une même personne des fonctions d'employé d'une institution de dépôts et de représentant en assurance au sein de cette même institution. Toutefois, il ne répond pas aux inquiétudes naturelles soulevées par la concentration des renseignements dans une même institution.» Et il dit: «À cet égard, les dispositions du projet de loi sont nettement insuffisantes.» M. le ministre, c'est le Protecteur du citoyen qui dit ça, ce n'est pas moi.

Il y a le Service d'aide aux consommateurs, Mme Plamondon qui est venu ici et qui vous a dit clairement que le projet de loi, il ne satisfait pas les consommateurs de la façon dont il est libellé actuellement sur la question des renseignements personnels, sur la question des ventes liées, sur la question du double emploi, sur la question des locaux. Option consommateurs est venu nous dire la même chose, exactement la même chose. Le représentant des consommateurs sur le Conseil des assurances de personnes est venu nous dire la même chose. Hier, l'Association des consommateurs du Québec est venue nous dire encore la même chose, M. le ministre. Alors, c'est qui, qui représente le consommateur? Je ne pense pas que ce soit Me Langlois qui représente le consommateur, mais c'est plutôt ces organismes-là qui sont venus nous dire leurs craintes vis-à-vis des renseignements personnels, vis-à-vis des ventes liées, vis-à-vis des locaux et vis-à-vis, M. le Président, la responsabilisation de l'individu. Tous ces organismes-là sont unanimes vis-à-vis des changements qu'il faudrait apporter au projet de loi n° 188.

Alors, je voulais faire cette précision, parce qu'à un certain moment, le ministre parlait seulement de la Commission d'accès à l'information, qui avait dit: Oui, oui, oui, tout est beau. Quand ce n'est pas tout à fait vrai. Mais tous les organismes qui représentent des consommateurs, ils sont venus pour dire qu'il faut faire ces changements-là. Alors, je pense qu'il faut nuancer un peu ces choses-là.

M. le Président, j'aurais, disons, trois, quatre questions à poser aux responsables de l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec. Ma première question est à la page 15 de votre mémoire, où vous parlez d'«un concept réducteur et confondant: le représentant». C'est ça, le titre du deuxième paragraphe, où vous dites: «Un concept réducteur et confondant: le représentant». Vous dites que ce «concept s'accorde mal avec la pratique actuelle du courtier» et vous voudriez et vous souhaitez l'intégration de la notion de conseil, actuellement, à la définition actuelle du courtier. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous voudriez faire ce changement-là et que le mot «représentant» est un peu réducteur et confondant?

M. Simard (Paul-André): M. Lyras.

M. Lyras (Serge): Oui, M. Maciocia. On sait que le courtier d'assurances, au-delà de vendre des produits d'assurance, conseille son client. Le courtier d'assurances, contrairement à un agent, détient son mandat du consommateur et représente le consommateur auprès des compagnies d'assurances. Donc, la notion de conseil est extrêmement importante; elle doit être reflétée là-dedans.

Deuxième point. On sait qu'il existe actuellement au Québec de la pratique illégale, parce que des gens se présentent comme conseillers en assurance et conseillent à ce moment-là les consommateurs sans avoir aucun permis. Et on ne peut pas empêcher cette pratique illégale là, nous, parce que ce n'est pas un de nos membres. Ça fait que, si on englobe toute la notion de conseil, à ce moment-là, les conseillers, ceux qui se présentent comme conseillers, comme consultants auprès des consommateurs, gestionnaires de risques – appelez-les comme vous voulez – à ce moment-là, ils vont être couverts par la loi, ça va être beaucoup plus étanche.

M. Maciocia: M. le président, ma deuxième question, c'est que vous avez parlé tout à l'heure... Dans votre mémoire, vous avez dit qu'un intervenant – et on le sait, on va le nommer: c'est Me Langlois – avait dit lors de sa présentation que les courtiers ont fait l'objet de plus de plaintes que les agents. Vous en avez parlé un peu dans la présentation que vous avez faite, mais j'aimerais avoir un peu plus de précisions, parce qu'il faudrait quand même savoir si c'est réel, si c'est vrai. Qu'est-ce qui arrive avec ça, M. Lyras?

M. Simard (Paul-André): M. Lyras.

(11 heures)

M. Lyras (Serge): Écoutez, M. le Président, on peut faire dire ce qu'on veut à des chiffres. Les courtiers d'assurances contrôlent au Québec 70 % de la vente d'assurance. On a les vrais chiffres, pas ceux qui ont été donnés par M. Langlois. Les vrais chiffres, c'est au maximum, en moyenne, 50 plaintes par année au comité de discipline, chez nous, à l'Association des courtiers. Mais ça fait 80 ans qu'on existe comme association. Les consommateurs savent que, si un courtier donne un mauvais conseil ou fait une omission, ils peuvent se plaindre à l'Association des courtiers. Ça ne leur coûte rien pour le faire. C'est l'Association qui, après, mène la plainte et qui condamne, s'il y a lieu, les moutons noirs.

Maintenant, concernant les agents, c'est très différent, c'est ce qu'on disait tantôt. L'agent vend une police à un consommateur; deux semaines après, le consommateur ne sait plus son nom et il ne lui reparlera jamais. Donc, quand il arrive un problème, il fait face à l'assureur direct pour régler son sinistre.

Et, quand on dit qu'on peut faire dire ce qu'on veut aux chiffres... On peut en lancer, des chiffres. Voyez-vous, Desjardins, par exemple, qui contrôle 15 % des assurances de particuliers au Québec, les trois dernières années, ont eu au-delà de 300 poursuites au civil. Ça, ça veut dire qu'ils ont pris la peine de prendre un avocat, d'intenter des poursuites, de faire des frais avec 15 % du marché. Les courtiers, avec 70 % du marché, les trois dernières années – les chiffres d'hier – 136 plaintes contre des courtiers.

Il faut faire attention de ne pas faire de démagogie là-dedans. Le Conseil des assurances de dommages existe depuis peu de temps. À peu près aucun consommateur ne sait que ça existe, pour y loger une plainte contre un agent. Ils ne savent plus c'est qui, l'agent qui leur a vendu la police d'assurance. Pour eux, ils font affaire avec une institution financière, non pas avec un agent, tandis qu'avec un courtier ils savent avec qui ils font affaire. Il est responsabilisé, le courtier; il a conseillé son client puis il est encore là demain matin pour répondre.

Et on va plus loin que ça. Même nous, les courtiers, quand on sait qu'un consommateur, dans un dossier, aurait pu être lésé, on dépose une plainte contre un autre courtier ou on incite le consommateur à le faire. On n'essaie pas de se cacher de ça. Donc, je pense que les chiffres qui ont été avancés méritent d'être bien expliqués, et je voudrais que vous le fassiez avec beaucoup de parcimonie. Parce que, malheureusement, on avait l'impression que c'était plus une campagne de dénigrement qu'autre chose que de l'information qu'on voulait donner.

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Mon autre question, c'est que vous avez sans doute entendu M. Béland, le président du Mouvement Desjardins, qui est venu devant nous, nous dire qu'il y a beaucoup de profits qui se perdent, ici, au Québec, à cause des compagnies d'assurances de l'extérieur avec lesquelles les courtiers d'assurances font affaire. Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter? Parce que c'est quand même assez important, cette affirmation de la part de M. Béland.

M. Simard (Paul-André): M. Lyras.

M. Lyras (Serge): Oui. M. Maciocia, c'est une excellente question, parce qu'il y a un mythe en arrière de ça. M. Béland laisse entrevoir que les consommateurs qui paient leurs primes d'assurance au Québec, l'argent s'en va en France, en Hollande, etc. Je vais vous donner une image. Sur un dollar que le consommateur paie en prime d'assurance, il y a à peu près, en moyenne, les deux tiers qui retournent au consommateur sous forme d'indemnité, donc qui retournent à l'économie. Les compagnies d'assurances opèrent avec des frais d'opération de 30 % ou 35 %. Ça, ça veut dire que c'est des salaires qu'elles paient à leurs employés, les compagnies qui paient les commissions aux courtiers. Donc, au niveau salarial, on parle de 20 000 personnes, ici, à peu près, qui vivent de ça.

Il peut rester à l'occasion une marge bénéficiaire de 1 %, 2 %, 3 %. Qu'est-ce qu'elles font? Elles versent dans les réserves ici pour rencontrer les normes de l'Inspecteur général des institutions financières. Ce qui sort du Québec comme argent, c'est minime. Donc, encore là, il faut faire attention aux chiffres. Quand M. Béland mentionne que l'argent qui est payé à Desjardins reste tout ici et que le reste de l'argent s'en va à l'extérieur, c'est complètement faux.

M. Maciocia: M. le Président, je pense qu'il y a des collègues qui ont des questions à poser.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, certainement.

M. Maciocia: Je vais laisser...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Il faudrait que je respecte l'alternance. Il me reste M. le député de Crémazie, ou le député d'Abitibi-Ouest? M. le député d'Abitibi-Ouest, rapidement, s'il vous plaît, parce que le temps court.

M. Gendron: Oui, je vais aller très rapidement, mais c'est une question majeure. Les intervenants qui sont ici sont très concernés par le projet de loi. Moi, de toute façon, un commentaire, d'entrée de jeu, comme participant à cette commission, comme membre de l'équipe gouvernementale. Je ne remets pas en question ou en cause le principe de la caisse-assurance, mais pas plus les garanties légitimes, souhaitées, voulues et requises de plusieurs intermédiaires de marché au chapitre de questions aussi vitales que la circulation, la protection des renseignements personnels, toute la question de la responsabilisation professionnelle. Je pourrais continuer, les ventes liées, ainsi de suite. C'est là qu'il y a des inquiétudes et il faut, d'après moi, les contrer d'une façon ferme, avec des garanties normales.

Pour des questions de temps, une question très rapide, mais je trouve que c'est celle, en tout cas, moi, qui revient le plus souvent: toute la question de donner des garanties formelles que vous semblez ne pas avoir pour conserver votre responsabilité professionnelle. La responsabilisation professionnelle a l'air d'en inquiéter beaucoup. Moi pour un, ça ne me tente pas de remodeler le Québec, parce qu'il y a des réalités que je connais. Oui, je pense connaître un certain nombre de réalités, après 22 ans de vie politique, mais on ne remodèlera pas la géographie du Québec. On ne changera pas de réalité que, dans certains milieux, il est important, je pense, que les professionnels, qui ont développé des liens avec des gens pour offrir des services liés à ce qu'on discute, demeurent, ces professionnels, avec ce que j'appelle le même professionnalisme. Je voudrais vous entendre en termes de suggestions.

Là, vous nous avez dit – je vous lis, ça va être court: «La responsabilisation du cabinet aura l'effet de déresponsabiliser les professionnels.» Qu'est-ce qu'il faut faire pour vous donner la garantie de continuer à ce que vous soyez vous-mêmes responsables des gestes posés comme intermédiaires de marché?

M. Lyras (Serge): M. le Président, on est très fiers, au Québec, d'être les représentants des consommateurs, les courtiers d'assurances les mieux formés au Canada. On fait modèle au Canada, parce que, continuellement, les autres provinces regardent les normes de formation qu'on a chez nous, d'exigence de professionnalisme, et elles nous copient. Ça, ça s'est bâti depuis 80 ans.

Maintenant, vous allez comprendre qu'on est extrêmement inquiets quand on veut déresponsabiliser le professionnel ou la formation, la compétence; la notion conseil tend à diminuer, pour ne pas dire disparaître, pour donner libre cours à de la distribution de produits avec des formes beaucoup libérales comme, par exemple, la distribution des produits sans intermédiaire. C'est complètement s'en aller à reculons.

On souhaite, au contraire, un plus grand professionnalisme. Et, quand l'individu est responsabilisé, on sait qui est responsable au moment d'un problème. On peut l'emmener en déontologie, on peut lui donner des amendes, on peut suspendre son permis. Si on déresponsabilise le représentant, le courtier, et qu'on confie tout simplement au cabinet le soin de contrôler la déontologie, je pense qu'à ce moment-là on s'en va à reculons. Ce n'est pas le rôle du cabinet de contrôler la déontologie. Le rôle du cabinet, c'est d'établir des pratiques d'affaires saines et normales, et le professionnel, lui, qui agit à l'intérieur du cabinet, doit le faire avec beaucoup de professionnalisme. Et on ne peut pas imaginer que ça pourrait s'en aller en diminuant.

M. Gendron: Ça va.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: En fait, je voulais aborder le problème que mon collègue vient d'aborder. Alors, je pense que vous avez répondu clairement.

L'autre question, vous avez fait référence au 20 %, qui existait anciennement, de contrôle, dans les cabinets de courtage. À la page 14 de votre mémoire, vous en parlez encore. Quelle serait votre solution? Qu'est-ce que vous proposez concrètement, par rapport à ce problème-là de l'indépendance des cabinets de courtage, dans l'optique où le projet de loi abolit ce maximum de 20 %? Qu'est-ce que vous proposez de façon concrète?

(11 h 10)

M. Lyras (Serge): De façon concrète, il faut absolument maintenir la règle du 20 %. Il ne faut pas l'abolir. Ça existe actuellement, la règle du 20 %, au Québec, et ça protège l'indépendance des cabinets de courtage. Si on l'abolit, on a mentionné tantôt quel problème va exister. Les institutions financières ou les compagnies d'assurances vont acheter des cabinets de courtage, vont se présenter comme courtiers, puis, en réalité, ça va être des agents déguisés en courtiers. Au Québec, «courtier» signifie, pour le consommateur, offre d'un choix réel, de conseils, de faire affaire avec quelqu'un qui le représente, qui n'est pas un employé d'un assureur, et ça doit absolument être maintenu. Et, comme je mentionnais à M. Landry tantôt, en incluant les actifs et les actions, je pense qu'à ce moment-là c'est suffisamment étanche.

Il y a eu des compagnies d'assurances directes, ces dernières années, qui ont acheté des cabinets de courtiers, mais elles ont été obligées d'aviser les consommateurs qu'elles devenaient des agents, que le mandat changeait, qu'elles ne faisaient plus affaire avec un courtier indépendant. Donc, le consommateur est avisé à ce moment-là. Ça n'empêche pas la vente des cabinets de courtage, mais ça précise au consommateur le nouveau statut, à partir du moment où c'est fait.

Non, il ne faut absolument pas que la règle du 20 % soit enlevée. Ce serait extrêmement dommage.

M. Bordeleau: Ça va. Merci.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Crémazie.

M. Campeau: Merci, M. le Président. Bien, juste un commentaire d'abord puis, par la suite, je vais adresser ma question à M. Lagarde, si vous permettez.

Vous dites que, sur un dollar, M. Lyras, deux tiers va retourner dans l'économie, salaires ou indemnités, etc., 1 % ou 2 % qui est la marge bénéficiaire, puis elle reste même ici. Vous ne pensez pas que vous poussez un peu? Ce n'est pas des mécènes, ces compagnies-là, puis c'est normal. On est en affaires pour faire du profit. Juste un commentaire en passant: Je trouverais curieux que ces compagnies-là viennent au Québec parce qu'on est jolis, gentils, intelligents, mais qu'elles ne veuillent pas faire de profit. Puis le profit, bien, il faut que ça retourne à un moment donné.

Mon deuxième point, c'est pour M. Lagarde qui vient d'acquérir le Dale-Parizeau, une partie des affaires de Dale-Parizeau. Ici, ça va venir en continuité avec la question élaborée par mon collègue de l'Acadie, mon collègue d'en face, sur la limite de 20 % de la propriété de maisons de courtage. Moi aussi, ça me préoccupe beaucoup. Mais on dit qu'il y a tellement de moyens de contourner ce règlement-là qu'on est aussi bien de l'abolir. On entend ça, là. Est-ce que c'est vrai qu'il y a tellement de moyens de contourner ce règlement-là qu'on est obligé de l'abolir? Puis, en même temps, sur la même question, il y a aussi le moyen de contrôler un courtier par les escomptes de quantité. Alors, est-ce qu'un courtier est vraiment indépendant ou, du fait qu'il a un escompte de quantité s'il fait affaire avec un assureur, ça l'incite à diriger ses affaires avec cet assureur-là, pas nécessairement en ne rendant pas service à son client mais peut-être en ne lui donnant pas le meilleur des services, parce qu'il se trouve un peu attaché sur la commission d'escompte?

Alors, ça se résume: Le 20 %, bon ou pas bon? L'escompte, libre ou pas libre? Puis est-ce que l'intérêt du consommateur en est lésé? Je pensais vous adresser cette question-là, M. Lagarde, vu que vous venez de faire une acquisition, vous êtes dans ce milieu-là. Alors, je me demande quelle réponse vous pouvez me donner.

M. Simard (Paul-André): Je demanderais d'abord à M. Lyras de répondre à votre première question, et M. Lagarde va répondre à la deuxième. M. Lyras.

M. Lyras (Serge): M. Campeau, j'aimerais préciser ce que j'ai mentionné tantôt, avec plus de détails. Ce qu'on mentionne, c'est que les ratios de pertes des compagnies d'assurances tournent habituellement autour de 65 %. Ça veut dire que 65 $, pour chaque dollar payé en prime, retournent en indemnité au consommateur, au client en général. Il reste 35 %. Les compagnies d'assurances fonctionnent habituellement avec des frais d'opération qui tournent autour de 30 %. Ça dépend. Il y en a qui sont à 28 %, il y en a qui sont à 35 %. Des frais d'opération, c'est pour payer leurs employés, les loyers, les téléphones, les commissions aux courtiers, et le courtier avec sa commission, lui aussi, paie les salaires des employés. Donc, c'est de l'argent qui tourne dans l'économie. Les marges bénéficiaires sur ce qu'on appelle, dans notre jargon, les profits techniques, c'est-à-dire pour chaque dollar de prime qu'on a collecté, les pertes qu'on paie plus les dépenses, habituellement, c'est à peu près juste.

Pour vous donner un exemple, Le Groupe Commerce, en 1997, sur un chiffre d'affaires d'au-delà de 3 000 000 $ au Québec, a fait un profit de même pas 1 300 000 $ et quelques, de profit technique. À ce moment-là, il y a des sommes là-dedans qui doivent être réinjectées en réserves parce que, en augmentant leur chiffre d'affaires, ils doivent maintenir des réserves ici pour répondre aux normes de l'Inspecteur général des institutions financières.

Il y a, au-delà de ça, ce qu'on appelle les profits sur placements. C'est que, avant que les compagnies d'assurances paient les pertes, elles placent l'argent et là elles vont chercher un profit sur placements. Évidemment, les taux d'intérêt étant assez bas et devant faire des placements assez liquides, les profits sont plus minces là-dedans. Ça peut varier d'une compagnie à l'autre, 5 %, 6 %, 7 %, 8 %. Effectivement, sur la partie des profits de placements, il peut y en avoir une partie qui est versée ici en réserves ou utilisée pour acquérir d'autres compagnies d'assurances, ou quoi que ce soit, ou ils peuvent être envoyés, en partie ou en totalité, à la compagnie qui est propriétaire, effectivement, puis qui peut être à l'extérieur. Mais les argents que les consommateurs ont payés retournent dans l'économie en totalité, et c'est ça que je voulais vous souligner. Je pense que c'est très important de bien comprendre ça. J'espère que j'ai apporté suffisamment de précisions.

Une voix: M. Lagarde.

M. Lagarde (Robert): Alors, quant au financement d'une entreprise de courtage, vous allez comprendre que, étant un cabinet multidisciplinaire, une société privée, le financement d'une entreprise de la sorte a nécessité beaucoup d'imagination pour trouver les capitaux, compte tenu que la répartition du portefeuille de cette entreprise est à peu près dirigée 36 % en ligne personnelle, 30 % à 35 % au niveau de ce que j'appelle du commercial responsabilité professionnelle et un bon 30 % en vie.

On a pris le virage du décloisonnement et, à ce moment-là, il n'y a pas d'imposition, quand vous parlez d'escompte ou de... Nous, nos escomptes proviennent du fait qu'on est dans un marché niché. Alors, à ce moment-là, les assureurs peuvent, pour des raisons de souscription de risque moral ou de niche particulière, offrir une tarification qui tient compte de ces spécificités-là du plan d'affaires. Alors, dans cette approche-là, les escomptes peuvent également être assujettis à des modes opérationnels avec des dates d'anniversaire, etc., et aussi considérer des parrainages. Nous, 68 % de nos revenus proviennent de groupes-associations. Donc, avec des parrainages, il y a des éléments qui amènent cette approche-là.

M. Campeau: Très court.

Une voix: Oui.

M. Campeau: Le courtier, là, est-ce que c'est vrai que, à un moment donné, si son volume est plus élevé avec une compagnie d'assurances, il fait une plus grosse commission, et puis que, rendu au mois de décembre, bien, il envoie ces commissions là, parce que l'année va finir, puis il va aller chercher un peu d'argent de plus?

M. Lagarde (Robert): Écoutez, rendu au mois de décembre, vous savez comme nous que la répartition de nos portefeuilles... J'ai 80 000 clients...

M. Campeau: Mais je ne parle pas juste de vous, là. Vous avez de l'expérience dans l'assurance.

M. Lagarde (Robert): Non, non, non. Mais ce qui arrive, c'est... Est-ce que vous voulez parler des commissions contingentes ou vous voulez parler des commissions d'apport au niveau des volumes?

Ce qui arrive dans la concentration, c'est que, actuellement...

M. Campeau: Non, non. Répondez à ma question, là: Est-ce qu'un courtier d'assurances va plutôt faire affaire avec L'Industrielle-Alliance ou une autre compagnie à la fin de l'année, parce qu'il est rendu avec un tel chiffre d'affaires avec L'industrielle-Alliance et sa commission va être plus forte?

M. Lagarde (Robert): Oui. Moi, voyez-vous, je fais affaire avec environ 50 compagnies. Alors, la diversification des compagnies, j'en ai peut-être... Quand, en vie, on traite avec des compagnies en individuelle, en collectif, en groupes-associations, alors, en groupes-associations, j'en ai cinq; en individuelle, je peux en avoir une vingtaine. Dans les lignes personnelles, je traite avec 10 compagnies qui répondent à des profils bien précis. Alors, la concentration ne peut pas se faire comme ça. Elle se fait à partir de l'analyse puis du besoin du client.

Prenez le Barreau du Québec...

M. Campeau: Donc, vous, dans votre cas, vous êtes indépendant. Mais s'il y en a d'autres qui ne le sont pas?

M. Lagarde (Robert): Bien, écoutez, dans la majorité, et c'est ce qu'on avait suggéré au niveau de la loi 134, c'était de prévoir des mécanismes où il devait y avoir un minimum de compagnies. On disait: Pas plus de concentration de 70 % dans tel secteur avec un minimum de trois ou cinq compagnies. Est-ce que ça s'avère être un choix qui reflète, si vous voulez, la compétitivité puis la mondialisation des marchés?

M. Campeau: Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci. M. le député de Verdun, il vous resterait quatre ou cinq minutes.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Donc, je vais concentrer mes interventions sur une partie simplement de votre mémoire, celle qui touchait l'encadrement de votre profession. Vous avez plaidé pour le statut ou le respect du statut professionnel des gens de votre profession.

(11 h 20)

Cette commission chemine. Comprenez bien que, depuis le début du projet de loi, cette commission chemine et, je dirais même, le ministre chemine aussi à l'intérieur de sa réflexion, et un certain consensus commence à s'établir au sein de respecter le principe d'autoréglementation, d'autodiscipline de la profession. Le consensus qui serait... J'essaie de l'établir pour vous, pour arriver à ma question à la fin. Le consensus qui semble s'établir à ce moment-là, c'est que les chambres, qui ont déjà le rôle d'édicter les règles de déontologie – c'est les articles 320 et 314 – puissent avoir la responsabilité aussi d'en surveiller l'application.

Mais un élément à l'intérieur de ce qui a été dit, c'est de dire: Oui, mais, dans les gens qui agissent, il y a... et si, en particulier, on laisse les caisses ou les institutions financières pouvoir vendre des produits d'assurance, il y aura réellement deux types d'interventions: les gens qui sont des courtiers et les gens qui travaillent à l'intérieur des institutions.

Si on conçoit à ce moment-là que l'organisme réglementaire qui établit les règles de déontologie et qui en surveille aussi l'application soit ces fameuses chambres qui sont avec des gens élus, est-ce que vous seriez prêts à reconnaître qu'il faut qu'il y ait quand même un équilibre à l'intérieur des gens élus dans les chambres entre ce qu'on pourrait qualifier – parce que je n'ai pas d'autre terme pour le qualifier de manière simple – les courtiers dits autonomes et les gens qui sont employés à l'intérieur des institutions financières pour vendre de l'assurance, de manière qu'il y ait un équilibre à l'intérieur des chambres différentes? Vous comprenez bien que...

Et, pour terminer, pourquoi? Parce qu'une des réticences qu'il y a par rapport au principe de l'autodiscipline et de l'élection, c'est qu'aucun des deux secteurs ne voudrait, à cause du poids qu'un homme, un vote pourrait avoir, le poids qu'un des secteurs pourrait prendre comme contrôle, en quelque sorte, de la chambre. Comment vous réagiriez à ça? Est-ce que vous seriez prêts à faire une ouverture dans ce sens-là?

M. Lyras (Serge): M. le Président, premièrement, je voudrais profiter de l'occasion pour souligner à M. le ministre que nous apprécions énormément l'ouverture qu'il a manifestée concernant la création des chambres. Il a compris que c'était important que les professionnels aient à l'intérieur de l'organisme un endroit où ils puissent appliquer leur autogestion, autoréglementation, autodiscipline. C'est une très belle ouverture, sauf qu'actuellement les pouvoirs qu'on donne aux chambres sont insatisfaisants.

M. Gautrin: J'ai bien compris ça. Mais on a évolué. La commission évolue. Elle est d'accord avec vous là-dessus.

M. Lyras (Serge): Oui. À partir du moment où on reconnaît les pouvoirs qui ont été demandés, par exemple, par l'AIAPQ, devant cette chambre, on est d'accord avec les pouvoirs qui seraient donnés à ces chambres-là si c'est semblable à ce que l'AIAPQ a demandé. Maintenant, il est très important d'avoir deux chambres, une en dommages, une en personnes, parce que c'est deux modes de distribution complètement distincts. Et l'équilibre à l'intérieur des chambres, c'est évident qu'elles doivent refléter le marché, c'est-à-dire que si, par exemple, les courtiers représentent au Québec à peu près, actuellement, les deux tiers des intermédiaires en dommages, et les agents, le tiers, la chambre devrait être représentée par les deux tiers de courtiers et le tiers d'agents sous un mode électif, chaque mode de distribution – parce que c'est deux modes de distribution distincts: le courtage et le direct – élisant ses représentants à l'intérieur de la chambre.

M. Gautrin: Est-ce que je peux tester avec vous? Je comprends ce que vous m'avez dit. Je voudrais essayer de faire un tout petit pas de plus avec vous. Je comprends que vous préférez le rapport deux tiers-un tiers. Je me permets de vous dire néanmoins, et ce serait presque une des conditions pour que les chambres puissent avoir les pouvoirs que vous avez décrits et que je ne voudrais pas redécrire, compte tenu du temps, c'est qu'il n'y ait aucun des groupes qui ait un contrôle sur la chambre. Parce que si on respecte le poids – et je comprends parfaitement les deux tiers de courtiers et un tiers d'agents – le poids des courtiers va être assez important par strictement le jeu du nombre.

Si on essayait de cheminer, dans le cas où on aurait des chambres équilibrées entre ces deux tendances dans le marché, pour pouvoir avoir à ce moment-là les pouvoirs qui seraient transférés aux chambres, les pouvoirs d'autodiscipline, d'autoréglementation, de surveillance de la profession... Vous comprenez bien le problème où il se situe. Il y a une partie de la profession qui est, donc, les agents qui ne voudraient pas être dominés, entre guillemets, par les courtiers. Et autant je suis d'accord pour dire qu'il faut que les chambres puissent avoir un mécanisme d'autodiscipline, autant il ne faut pas qu'un groupe soit là à dominer l'autre.

Si on pouvait avoir l'équilibre à l'intérieur des chambres, même les représentants du Mouvement Desjardins, même si ce n'était pas leur premier choix – je n'essaie pas ici de leur dire que c'était leur premier choix – à l'extrême, ils pourraient même se rallier à cette position-là, si tant est qu'il y a un équilibre à l'intérieur des chambres.

M. Lyras (Serge): Écoutez, on est prêts à le regarder. C'est évident que, si vous avez...

Premièrement, j'aimerais préciser une chose, les courtiers d'assurances ont une culture d'autogestion, parce que ça fait depuis 1963 que la loi leur reconnaît un statut professionnel. En 1989, dans la loi 134, on a reconfirmé ce statut professionnel là. On a un mécanisme qui fonctionne, et qui fonctionne très bien, à la satisfaction des consommateurs. On a une culture.

Les agents n'ont malheureusement pas, actuellement, tout à fait cette culture-là, parce qu'ils sont des employés d'institutions financières.

M. Gautrin: J'ai compris ça aussi.

M. Lyras (Serge): Donc, on pense qu'on pourrait être, à l'intérieur de la chambre, un leader, d'autant plus qu'on représente 70 % de ce qui se vend au Québec.

Maintenant, écoutez, on est ouverts, là, quand il s'agira d'établir les modalités puis la représentation, mais je pense que...

M. Gautrin: Je prends note de votre ouverture. C'est ça qui est important pour moi. Merci.

M. Lyras (Serge): Bon.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ça va? C'est bien. Le temps était largement écoulé.

On vous remercie, MM. Simard et Lyras, ainsi que les deux personnes qui les accompagnent, d'avoir présenté votre mémoire et, sans contredit, d'avoir défendu avec beaucoup d'assurance les courtiers du Québec. On vous remercie.

Sur ce, j'invite l'Association des experts en sinistre indépendants du Québec, l'Association québécoise des experts en sinistre au service de l'assuré et le Bureau d'expertise des assureurs à prendre place, et je suspends pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 27)

(Reprise à 11 h 37)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): À l'ordre, s'il vous plaît! J'inviterais les membres de la commission à prendre place afin que nous poursuivions nos travaux.

J'informe tout de suite les membres de la commission qu'après entente avec les représentants de l'Association des cabinets gestionnaires en courtage d'assurance de personnes du Québec, ainsi que les membres de la commission, ce groupe serait entendu lors de l'ouverture de nos travaux cet après-midi, à 15 heures. Donc, cet avant-midi, on entendrait, dans les minutes qui suivent, les représentants des trois associations d'experts en sinistre et le Bureau d'expertise des assureurs. Nous pourrions terminer à 12 h 30, parce que chacun a des engagements à 12 h 30, qu'on ne peut pratiquement pas dépasser.

Donc, sur ça, madame, messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Je vous invite à vous présenter – je ne sais pas qui va présenter votre mémoire? C'est madame – et à présenter les personnes qui vous accompagnent.


Association des experts en sinistre indépendants du Québec (AESIQ), Association québécoise des experts en sinistre au service de l'assuré et Bureau d'expertise des assureurs ltée

Mme Doucet (Chantal): Bonjour. Je me présente. Je suis Chantal Doucet, expert en sinistre et présidente de l'Association des experts en sinistre indépendants du Québec. Je suis accompagnée de M. Georges Danis, vice-président de la même association et également représentant du Bureau d'expertise des assureurs; de M. André Pageau, membre de l'Association des experts en sinistre indépendants du Québec et conseiller dans l'élaboration de notre mémoire. Je vous présente aussi M. Guy P. Roy, président de l'Association québécoise des experts en sinistre au service de l'assuré, accompagné de M. Paul Morissette, de la même association.

Au nom des deux associations, je remercie la commission de nous permettre encore une fois de faire valoir notre point de vue. Quoique nous soyons dans l'ensemble d'accord avec le projet de loi n° 188, nous avons certaines petites spécifications à faire. Donc, je laisse la parole à M. André Pageau pour la lecture partielle de notre mémoire; par la suite, M. Guy Roy complétera pour certains commentaires concernant plus spécifiquement l'Association québécoise des experts en sinistre au service de l'assuré. M. Pageau.

M. Pageau (André): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, c'est avec plaisir que nous présentons ce mémoire devant vous. Nous allégerons la séance en escamotant quelques-uns des paragraphes qui apparaissent au document que vous avez déjà reçu et dont vous avez pris connaissance.

Nous irons d'abord à l'article 9 où nous vous avons déjà indiqué que cet article indique que l'expert en sinistre est la personne physique qui, en assurance de dommages, enquête sur un sinistre, en estime les dommages ou en négocie le règlement. Le changement est très mineur comparativement à ce qui existe actuellement. On se retrouve strictement aux mots «ou en négocie» versus «et en négocie», et il y a beaucoup d'importance, selon nous, à cette petite particularité.

(11 h 40)

L'Association des experts en sinistre indépendants du Québec est parfaitement d'accord avec les buts visés par la modification de la définition, soit d'empêcher les pratiques illicites de la part de toutes les personnes qui exercent l'une ou l'autre des trois fonctions qui sont mentionnées. Toutefois, nous ne croyons pas que cette modification mineure ait complètement l'effet souhaité. Nous proposerions la définition suivante qui correspond exactement au travail que nous effectuons quotidiennement, en plus d'englober certains employés d'assureurs qui échapperaient à une définition trop courte, tel qu'expliqué plus loin dans ce mémoire. Et nous vous référons à la page 6 de notre mémoire, les commentaires sur l'article 457 sur lesquels nous reviendrons tout à l'heure.

Donc, la proposition que nous faisons pour la définition de l'expert en sinistre est la suivante: La personne qui, dans le cadre d'un sinistre faisant l'objet d'une réclamation en assurance de dommages, enquête et/ou supervise celle qui enquête sur les circonstances entourant le sinistre, émet des opinions et/ou supervise celle qui émet des opinions sur la légitimité d'une réclamation ainsi que sur l'applicabilité des protections accordées par le contrat d'assurance, estime et apprécie et/ou supervise celle qui estime et apprécie les valeurs potentielles des différents aspects du sinistre, coordonne et/ou supervise celle qui coordonne les activités des différents intervenants dont les services sont requis en fonction du type de sinistre, contrôle et/ou supervise celle qui contrôle la restauration et/ou le remplacement des biens sinistrés et négocie et/ou supervise celle qui négocie le règlement en fonction de la limite d'autorité qui lui est consentie.

L'article 9 stipule également que ne sont pas des experts en sinistre: un, la personne qui, dans le cadre de ses activités qui ne sont pas du domaine de l'assurance, en exerce une fonction et, deuxièmement, la personne qui exerce l'activité d'estimateur au sens du titre VI de la Loi sur l'assurance automobile. Nous sommes entièrement d'accord avec le but visé par l'insertion dans la loi de ces deux cas d'exception, soit de contrer la pratique illégale. Par contre, nous sommes d'opinion que la première de ces exceptions ne permettra pas de contrer les pratiques illicites.

Précisons ici que, dans le cadre de son travail, l'expert en sinistre doit faire appel à divers spécialistes qui, par la nature de leur fonction propre, estiment ou enquêtent. À titre d'exemple, au niveau de la fonction d'estimer, l'expert en sinistre retiendra les services d'un spécialiste en rénovation domiciliaire, qu'il soit entrepreneur ou non, pour obtenir une évaluation détaillée du coût des réparations. Il pourra aussi obtenir d'un spécialiste en électronique le coût de remplacement de divers articles par des articles courants dont les caractéristiques correspondent à ceux devant être remplacés. L'expert en sinistre devra aussi faire appel à des firmes spécialisées qui enquêteront. Il s'agit habituellement de firmes oeuvrant dans le domaine du crédit ou encore se spécialisant dans la localisation des personnes.

Ces pratiques sont normales et la loi ne doit rien changer à cet égard. Il faut par contre que la loi proscrive les gestes posés par ces spécialistes ou autres qui empiètent sur le champ d'activité des experts en sinistre.

L'exemple suivant permettra de mieux saisir le but à atteindre. L'entrepreneur ou l'estimateur devra limiter son expertise à son champ d'activité normal. Dans le cadre du mandat qui lui sera confié en assurance de dommages, il ne devra pas enquêter ni commenter sur la cause du sinistre, ni régler ou offrir de régler le sinistre. Pour atteindre ce but, l'exception prévue devrait donc se lire comme suit: La personne qui, dans le domaine de l'expertise de sinistres, exerce une des fonctions qu'elle accomplit habituellement dans le cadre de ses activités professionnelles.

Nous allons sauter aux articles 35, 36 et 178, qui sont à la page 4 de notre mémoire. L'article 35 stipule qu'un expert en sinistre ne peut être autorisé à agir dans une autre discipline. Nous sommes en accord total avec cette disposition. Pour nous, l'expert en sinistre doit être impartial et indépendant, autrement il se retrouve quotidiennement en situation de conflit d'intérêts.

Par contre, l'article 36 du projet de loi contredit la philosophie de l'article précédent, puisqu'il indique:

«36. Malgré l'article 35, un courtier en assurance de dommages qui agit pour le compte d'un cabinet peut être autorisé par le Bureau, aux conditions qu'il détermine par règlement, à agir comme expert en sinistre à l'égard des polices souscrites par l'entremise de ce cabinet.

«Avant d'agir comme expert en sinistre, un tel courtier doit informer le client du fait que le cabinet représente l'assureur pour enquêter sur un sinistre.»

Nous sommes en désaccord avec les dispositions de l'article 36, qui avalisent les conflits d'intérêts et les conséquences néfastes qui en découlent.

Nous nous permettons de rappeler que la loi 134 a légalisé chez certains assureurs la pratique, évidemment illégale, qui s'était installée graduellement au fil des ans et qui consistait à permettre à des courtiers de régler des sinistres découlant de polices vendues par leur entremise. Bien qu'illégale, cette pratique avant la loi 134 ne concernait que des sinistres mineurs ne nécessitant pas toujours ni l'expertise ni l'impartialité d'un expert en sinistre indépendant.

L'article de la loi 134 qui cautionnait cette pratique était presque identique au présent article, c'est-à-dire que les paramètres d'application devaient être déterminés par voie de réglementation. Le résultat fut néfaste car la réglementation n'a pas imposé de limites monétaires aux sinistres pouvant être réglés par les courtiers. Certains ont donc obtenu de certains assureurs la permission de s'occuper de sinistres pour des montants atteignant 20 000 $. De plus, la lettre du règlement n'est pas respectée par la grande majorité de ces courtiers qui confient le mandat à des préposés. De plus, la divulgation prévue par la réglementation n'est pas faite. Ces deux points constituent l'essence même du règlement actuellement en vigueur.

Idéalement, ce droit devrait donc être aboli. Par contre, si des considérations monétaires font que l'on trouve trop onéreux pour les assureurs de confier les sinistres à des experts indépendants, que la loi, et non pas la réglementation, prévoie une limite monétaire aux sinistres pouvant être réglés par le courtier. Idéalement, cette limite ne devrait pas dépasser 2 000 $. Tout sinistre d'un potentiel supérieur devrait être réglé par un expert en sinistre indépendant ou encore à l'emploi de l'assureur même. Il ne devrait pas y avoir d'expert en sinistre à l'emploi d'un bureau de courtage ou encore opérant chez un courtier, même s'il n'est pas à son emploi. Finalement, la divulgation que doit faire le courtier, pour les sinistres de moins de 2 000 $ qu'il serait autorisé à régler, à l'effet qu'il est dès lors le mandataire de l'assureur devrait être faite par écrit, comme le prévoit l'article 30.

Pour des fins de transparence, nous n'aurions aucune objection à ce qu'un nouvel article soit introduit dans la loi exigeant de l'expert en sinistre qu'il révèle à l'assuré le fait qu'il est le mandataire de l'assureur et non pas le sien. Cette révélation fait de toute façon partie des habitudes de la très grande majorité des experts en sinistre.

Nous revenons à l'article 457 dont nous avons fait mention tout à l'heure. Cet article stipule – et nous sommes à la page 6 de notre mémoire – qu'une personne physique qui, à une date à déterminer, dans le cadre de son activité principale, exerce les fonctions d'expert en sinistre comme employé d'un assureur et qui possède une attestation de réussite des examens du programme d'associé, AIAC, ou du programme de fellow, F.I.A.C., de l'Institut d'assurance du Canada a droit à la délivrance d'un certificat l'autorisant à agir comme expert en sinistre. L'employé d'un assureur qui exerce de telles activités mais qui ne possède pas une telle attestation doit, pour obtenir tel certificat, réussir un examen du Bureau prévu à cette fin.

Nous sommes en accord avec la portée de cet article et suggérons même que l'on considère également les détenteurs d'un D.E.C., diplôme d'études collégiales, en assurance ou d'une attestation d'études collégiales en assurance de dommages au même titre que les associés et les fellows de l'Institut d'assurance du Canada.

En ce qui concerne les employés non détenteurs de l'un ou l'autre de ces diplômes, désignation ou attestation, mentionnés précédemment, ils devraient faire la preuve de leur expérience pour un minimum de cinq ans de façon continue ou autrement se soumettre à un examen approprié du Bureau. Il va de soi que le certificat ainsi décerné en serait un de classe II, les conditions actuellement prévues pour l'obtention d'un certificat de classe I devant continuer à s'appliquer.

Finalement, nous sommes d'avis que tous les employés du service des sinistres d'un assureur devraient obligatoirement détenir un certificat dès que leurs fonctions sont autres que cléricales. En plus des enquêteurs-régleurs, dont les fonctions sont semblables à celles des experts en sinistre, la loi devrait donc inclure les rédacteurs-sinistres, les réviseurs, les assistants-directeurs et les directeurs du service. La définition de l'expert en sinistre que nous suggérons en pages 1 et 2 de ce mémoire englobe toutes ces fonctions.

Vous nous permettrez sûrement également d'intervenir sur la question des chambres et de la représentation d'un expert en sinistre. Nous déplorons la création de deux chambres, lesquelles rendent la structure plus lourde et plus coûteuse, spécialement pour les experts en sinistre. Actuellement, en vertu de la loi 134, les experts en sinistre sont encadrés par un seul organisme: le Conseil des assurances de dommages. Avec l'arrivée de la Chambre de l'assurance de dommages, les experts en sinistre seront tenus de payer une cotisation additionnelle pour faire vivre cette chambre qui se voit confier des pouvoirs artificiels, lesquels pourraient fort bien être dévolus au Bureau des services financiers.

(11 h 50)

De plus, la structure proposée est telle que notre représentation au Bureau risque fort d'être très diluée. Il est en effet prévu que le président et le vice-président de la chambre siègent au conseil d'administration du Bureau – c'est à l'article 301. Toutefois, comme le conseil d'administration de la chambre serait composé de cinq courtiers, deux agents et deux experts, il est mathématiquement impossible à un expert en sinistre ou à un agent de se voir élire à l'un des deux postes donnant accès au conseil d'administration du Bureau, surtout si le droit d'exercer comme expert en sinistre n'est pas enlevé au courtier comme nous le préconisons au début de ce rapport. En effet, en vertu de l'article 297, un courtier autorisé à agir comme expert en sinistre par l'article 36 pourrait se faire élire au conseil d'administration comme expert en sinistre et se voir ensuite élire vice-président grâce à l'appui de ses confrères courtiers, pour ensuite accéder au conseil d'administration du Bureau.

Pour ces raisons, nous préconisons l'abolition pure et simple des deux chambres. Toutefois, si celles-ci devaient quand même voir le jour, nous souhaitons qu'une modification soit apportée à la composition du conseil d'administration afin de ne pas pénaliser les experts en sinistre. Enfin, nous sommes tout à fait d'accord avec l'article 129 qui prévoit que 10 des membres du conseil d'administration du Bureau soient nommés par le ministre qui saura, nous en sommes convaincus, faire un choix éclairé afin de s'assurer des motivations profondes des candidats qu'il choisira, permettant des décisions dans le meilleur intérêt de tous, y compris celui des consommateurs. En somme, nous sommes pour une indemnisation juste et raisonnable du consommateur par l'utilisation de personnes qualifiées et indépendantes qui ne seront guidées que par l'intérêt du consommateur.

Nous vous remercions, membres de la commission, de nous avoir permis, encore une fois, de nous faire entendre publiquement et nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. Pageau, M. le ministre, pour vos questions. Est-ce que c'était M. Pageau?

Ah! Est-ce que c'est ça? Excusez-moi.

M. Landry (Verchères): Vous avez d'autres intervenants?

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Excusez-moi, il y a un autre organisme. Excusez-moi. C'est vrai. Oui. C'est parce qu'ils sont trois organismes. Excusez-moi, monsieur...

M. Roy (Guy P.): Guy Roy.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Guy Roy. Oui. Allez, M. Roy.

M. Roy (Guy P.): M. le Président, M. le ministre, membres de la commission. Aujourd'hui, au cours du mois d'août 1996, notre association avait été invitée à participer aux consultations dirigées par la commission du budget et de l'administration concernant le rapport quinquennal sur la mise en oeuvre de la Loi sur les intermédiaires de marché. En réponse à l'invitation, nous avons produit notre mémoire et participé aux audiences publiques. Notre intervention visait essentiellement à appuyer la démarche du ministre dont l'objectif poursuivi était d'assurer la protection du consommateur dans ses relations avec un expert en sinistre. Particulièrement, nous avons traité du statut et du rôle de l'expert en sinistre, de son mode de rémunération, de même que de ses relations contractuelles avec le consommateur.

Considérant que les membres de notre association représentent exclusivement les assurés dans leurs rapports avec l'assureur, et ce, dans l'ordre d'un sinistre, il est apparu à notre association que les auditions devant la commission étaient un véhicule privilégié pour sensibiliser le ministre au fait qu'il était essentiel de favoriser l'équilibre entre l'assureur et l'assuré dans le cadre du règlement d'un sinistre.

Notre association est sensible au fait qu'elle a été invitée pour une seconde fois à faire connaître sa position devant cette commission. Nous vous en remercions.

Sachez en premier lieu que notre association accueille favorablement le projet de loi n° 188 relatif à la distribution de produits et services financiers, du moins en ce qui a trait à ses préoccupations. Qu'il nous soit toutefois permis de livrer quelques commentaires qui, nous le croyons, sont de nature à bonifier le projet de loi sous étude.

Si vous permettez, au lieu de lire complètement la partie du mémoire, je vais tout simplement soulever quelques points que nous considérons très importants.

Au niveau de la définition de l'article 9, concernant l'expert en sinistre, nous considérons que la définition est bonne. Nous considérons également qu'il serait important, lors de l'application au niveau de la définition, d'inclure des notions pour éviter qu'il y ait des illégaux qui puissent agir dans des sollicitations, sous des titres comme conseiller ou consultant, ou titre semblable.

Au niveau de l'article 36, nous sommes contre le fait qu'un courtier en assurance de dommages qui agit pour le compte d'un cabinet puisse être autorisé par le Bureau, aux conditions qu'il détermine par règlement, à agir comme expert en sinistre à l'égard des polices souscrites par l'entremise de ce cabinet. Nous considérons que cette position pourrait créer des conflits d'intérêts. Par contre, il nous apparaît toutefois justifié qu'un agent d'assurances, de par son mandat, au service de l'assureur, puisse être autorisé par le Bureau, aux conditions qu'il déterminera par règlement, à agir comme expert en sinistre à l'égard des polices souscrites par son employeur. Il n'y a là aucun risque de conflit d'intérêts.

Au niveau de l'article 37: «L'expert en sinistre qui offre ses services à un sinistré doit lui présenter deux contrats, dont l'un prévoit une rémunération sur une base horaire et l'autre une rémunération sur une base de pourcentage. Le client choisit le contrat qui lui convient.»

Notre association est d'avis qu'il y aurait lieu de maintenir la formule actuelle – celle qui est présentement en force – soit celle qui oblige l'expert en sinistre à présenter au sinistré un seul contrat à partir duquel ce dernier retient l'option de son choix, soit le paiement d'honoraires sur une base horaire ou sur une base de pourcentage. Cette mesure favorise essentiellement le consommateur, puisqu'on ne peut lui cacher qu'il a le choix entre deux options.

Concernant l'article 39 du projet de loi:

«Le sinistré peut, par avis transmis par courrier recommandé ou certifié, résoudre le contrat dans les cinq jours de sa réception.

«Le cabinet, le représentant ou la société autonome ne peut alors réclamer que les frais engagés pour éviter toute aggravation des dommages.»

Notre association est parfaitement en accord avec l'extension du délai de trois jours à cinq jours. D'ailleurs, lors de la présentation du mémoire, au cours du mois d'août dernier, nous avions affirmé que nous étions favorables à une telle mesure. Toutefois, la nouvelle disposition du deuxième alinéa de l'article 39 ne peut en aucun temps favoriser les intérêts du consommateur. Assurément, un expert en sinistre devra limiter son intervention au cours des cinq premiers jours du mandat qu'on lui aura confié aux mesures de protection des biens, afin d'éviter l'aggravation des dommages.

La réalité est bien différente, puisque c'est au cours des premiers jours qu'il est essentiel que l'expert en sinistre déploie tous les efforts pour assurer le mieux-être du sinistré. Au-delà des mesures de protection des biens, l'expert en sinistre au service de l'assuré doit réaliser les couvertures d'assurances, rencontrer les exigences des représentants de l'assureur, rechercher les sites d'hébergement, favoriser la reprise des activités normales des gens sinistrés ou encore la reprise des activités d'une entreprise s'il s'agit d'un sinistre dans un lieu commercial. Reporter à plus de cinq jours, généralement des besoins vitaux, est loin de favoriser l'intérêt du consommateur.

L'article 20 de la Loi sur les intermédiaires de marché prévoit une disposition beaucoup plus équitable pour chacune des parties et, assurément, dans l'intérêt du bénéficiaire des services de l'expert en sinistre. On dit: «Le sinistré peut résilier le contrat, par avis transmis par courrier recommandé ou certifié dans les trois jours francs de sa transmission, sans pénalité.» On pourrait lire: Dans les cinq jours francs de sa transmission, sans pénalité. «Dans ce cas, la rémunération de l'expert en sinistre s'établit sur une base horaire. Il a en outre droit aux débours qu'il a engagés.»

Nous sommes donc d'avis que le législateur devrait libeller l'article 39 du projet de loi de la façon reproduite au paragraphe précédent avec, bien sûr, l'amendement en ce qui a trait au nombre de jours nécessaires pour la transmission de l'avis d'annulation.

M. le Président, c'est tout pour les points que nous voulions soulever. Nous sommes à votre disposition pour des questions, s'il y en a.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. Roy. M. le ministre, à vous la parole.

M. Landry (Verchères): On a, en face de nous, des gens qui nous font des observations passionnantes et des mémoires bien rédigés. Cependant, on pourrait demander quelques précisions, et c'est ce que je vais faire par une série de questions auxquelles vous pourrez répondre en bloc. Ça vous donne le temps de vous partager la tâche puis de préparer vos réponses.

(12 heures)

D'abord, sur la question des cégeps, bien sûr, les cégeps doivent être reconnus, les diplômes des cégeps doivent être reconnus. C'est une omission pure et simple. Ça découle du bon sens. Alors, accepté d'emblée.

Certains mémoires proposent de ne pas soumettre à la loi les agents d'indemnisation à l'emploi des assureurs et de soumettre les experts en sinistre indépendants à des dispositions qui pourraient être placées dans la Loi de la protection du consommateur, pas dans celle-ci, mais dans la Loi de la protection du consommateur. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

Comme d'autres organismes, pour les experts en sinistre indépendants, vous proposez que les chambres soient abolies. Je vous rappelle que les chambres, c'est un compromis. On ne proposait pas de chambres au début; on proposait un organisme unique. Mais, pour préserver la tradition élective et d'animation dans les milieux de l'assurance, on a gardé ces chambres, qui permettront aux professionnels de l'assurance d'élire leurs représentants. Pourquoi est-ce que vous êtes contre les chambres à ce point?

Aux experts en sinistre vis-à-vis de l'assuré, maintenant. Certains organismes, comme la Corporation des assureurs directs de dommages du Québec, ont recommandé que les experts en sinistre ne soient pas régis par le projet de loi n° 188 parce qu'ils ne distribuent pas de produits financiers. Alors, à vous aussi, je pose la question: Est-ce que ça doit aller à la Protection du consommateur ou est-ce que ça doit être dans... Parce qu'il y a un point, c'est vrai: vous ne proposez pas de produits.

Autre question: vous n'êtes pas d'accord avec l'idée de permettre à un courtier qui est au service de l'assuré d'agir pour l'assureur à titre d'expert en sinistre. Mais, si jamais l'article 36 demeurait tel quel, quelles seraient, selon vous, les conditions? Parce que ça pourrait être accepté par le Bureau mais à certaines conditions. Si l'idée ne vous est pas totalement rébarbative, est-ce que vous pourriez me suggérer des conditions?

Et croyez-vous que les clients vont être suffisamment protégés contre les fautes des représentants et sociétés autonomes, avec notre projet, en ce qui concerne l'assurance-responsabilité et le Fonds d'indemnisation?

Vous dites également que vous êtes, vous, d'accord avec la création des deux chambres; d'autres ne le sont pas. Quels avantages y voyez-vous? Puis êtes-vous d'accord avec le partage proposé des pouvoirs entre le Bureau et les chambres? Enfin, en demandant qu'un des experts élus provienne des membres de votre Association, est-ce que vous nous dites que vous craignez que les élus vont surtout protéger les intérêts de ceux qui les ont élus, au lieu de participer objectivement à la réalisation de la mission du Bureau, qui est de veiller à la protection du public dans les domaines soumis à son autorité?

Et puis un point central: la divulgation. Je trouve que c'est une très bonne idée que le consommateur sache pour qui travaille celui avec qui il fait affaire. Je pense que ça doit, en tout cas à première vue, être clairement exprimé dans la loi. C'est une excellente suggestion qui, techniquement, ne poserait pas de problème non plus. Voilà.

M. Pageau (André): Alors, M. le ministre, vous avez amené le fait de la Loi sur la protection du consommateur, qui pourrait nous régir au lieu de la loi sur la distribution des produits financiers.

Pendant des années et des années, les experts en sinistre se sont dit, effectivement, ne pas être au même titre que les courtiers ou les agents, puis c'est un peu vrai. Mais, dans un contexte de protection du consommateur qui bénéficie du produit vendu, les années qu'on vient de passer, les 10 dernières années, ou à peu près, nous ont permis de démontrer qu'on a notre place dans le système de la chaîne d'assurance, d'assurance et d'assurance de dommages. Nous croyons sincèrement que l'expert en sinistre est la personne la mieux qualifiée pour régler des sinistres. Autrement dit, on revient au service après-vente. Si on fait le parallèle avec des vendeurs d'automobiles, le vendeur dans la salle de montre connaît son produit; ça, c'est un agent ou un courtier. Mais, pour la mécanique, c'est l'expert en sinistre qui fait le service après-vente; c'est l'expert en sinistre qui applique ce qui a été vendu. Alors, je pense que l'importance de la profession est là. Et l'importance qu'elle soit quand même dans la chaîne assurance et non pas protection du consommateur seulement. Moi, je la vois là, en tant que représentant de notre Association.

Vous avez posé une deuxième question concernant notre objection à la présence de deux chambres. Pourquoi? Parce que, d'abord, c'est un palier additionnel qui alourdit la structure, et, en surplus, ça vient en quelque sorte noyer notre profession. Tout à l'heure, le représentant des courtiers faisait des parallèles, et il y a M. Gautrin, je pense, qui disait: Il y a peut-être une ouverture possible d'équité. Il faudra peut-être que cette équité-là soit notée à quelque part aussi envers les experts en sinistre, parce qu'on risque, dans ce qui est présenté actuellement, de se retrouver où ce serait un courtier qui représenterait les experts en sinistre. On l'a soulevé dans le mémoire, et ce ne sont pas que des illusions; c'est une chose tout à fait prévisible actuellement avec la manière dont le projet de loi est rédigé.

Il y a eu une autre question – je ne sais pas si elle s'adressait à moi ou à mon confrère des experts au service de l'assuré – concernant le double emploi ou quelque chose du genre. Mais ça revient quand même encore à l'article 36, où les courtiers font le travail d'experts en sinistre. Le représentant de l'Association, dans le mémoire qui a été présenté auparavant, parlait du double emploi des employés de Desjardins, qui pourraient faire de l'institution financière et de l'assurance en même temps. Je pense que le même double emploi, on l'a là: le courtier, qui est un professionnel de la vente d'assurance, qui veut faire du service après-vente. Si le courtier fait son travail, le courtier ou l'agent, le représentant en vente d'assurance... Je reviens avec mon exemple de l'automobile: c'est un vendeur et c'est un mécanicien. Tout le monde va être heureux. Alors, je pense que c'est ça que ça vient cerner. S'il y a d'autres questions, je pourrai apporter des précisions, peut-être, mais...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ça convient, M. le ministre?

M. Landry (Verchères): Oui, oui, c'était bien le sens de ma question.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?

M. Roy (Guy P.): Oui.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. Roy.

M. Roy (Guy P.): M. le ministre, au niveau de la loi, concernant la Loi sur la protection du consommateur au lieu de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, je crois qu'il est bien important qu'on soit au niveau de la Loi de la distribution de produits et services financiers. Même si on n'offre pas de produits et de services financiers, on offre les règlements des produits qui sont vendus. Si on prend par exemple au niveau de l'assurance de dommages, nous sommes, nous, les gens qui assistent le consommateur à connaître son produit et à utiliser le produit qu'il a en main pour recouvrir les pertes qu'il subit lors de sinistres.

Pour ce qui est de l'autre point, au niveau de la divulgation des rôles, ça, je crois que c'est un point qui est bien important. Depuis longtemps, les consommateurs sont toujours un peu perdus quand on parle d'experts en sinistre, d'experts en sinistre pour l'assureur, d'experts en sinistre pour l'assuré ou on parle d'enquêteurs-régleurs. Les gens ont beaucoup de difficulté à démêler ces choses-là. Les gens, souvent, ils disent: Qui fait quoi? Qui représente qui? Et ça, c'est bien important que chaque personne, au niveau de l'expertise, qui se présente chez des consommateurs lors de sinistres puisse bien s'identifier au sinistré. Lorsque l'expert en sinistre qui représente l'assureur se présente sur les lieux d'un sinistre, il devrait nécessairement identifier qui l'emploie et quelles sont ses fonctions. Et c'est la même chose pour l'expert en sinistre au service de l'assuré.

Il y a quelque temps, on utilisait trois noms: l'enquêteur-régleur, l'expert en sinistre au service de l'assuré et l'expert en sinistre au service de l'assureur. Je crois ici qu'on devrait se limiter tout simplement à deux sections, parce que l'expert en sinistre au service de l'assureur et l'enquêteur-régleur font partie de l'expert qui représente l'assureur. Ça fait que, pour bien démêler le consommateur, on devrait parler de deux secteurs: l'expert en sinistre au service de l'assureur et l'expert en sinistre au service de l'assuré.

(12 h 10)

Quant au point soulevé concernant les courtiers qui peuvent offrir le service d'expert en sinistre, nous, on croit que le fait qu'un courtier qui agit à titre d'expert en sinistre... Même si le consommateur est informé de la situation, je crois qu'il peut créer un conflit dans certaines situations, et ce conflit-là peut créer un problème pour le consommateur. Donc, afin d'éviter tout conflit à ce niveau, je crois que les seules personnes qui pourraient agir, à titre d'expert en sinistre, sauf l'expert en sinistre, ce seraient les enquêteurs-régleurs et les agents des assureurs, c'est-à-dire que l'agent qui est déjà le mandataire de l'assureur, lui, a déjà un mandat de représenter l'assureur. Qu'il y en ait un autre pour le faire, à titre d'expert en sinistre, ne crée sûrement pas de conflit à ce niveau-là.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est bien, M. Roy.

M. Landry (Verchères): La divulgation est essentielle, par ailleurs, pour que tout le monde sache qui est qui et pour qui il travaille.

M. Roy (Guy P.): C'est primordial. Beaucoup de gens sont pris dans la situation en croyant, des fois, avoir un expert qui travaille pour lui, et, au cours des échanges, il se rend compte que, bien, l'expert, il peut y en avoir deux. S'il y en a un seul au dossier, bien, il faut qu'il sache que l'expert qui est là, il est envoyé par l'assureur. Il représente, bien entendu, les intérêts de l'assureur.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci.

M. Landry (Verchères): Question de détail, M. le Président. Quand j'étais jeune, ce qui remonte à un certain temps, on vous appelait «les ajusteurs». Vous vous rappelez de ça?

M. Roy (Guy P.): Oui.

M. Landry (Verchères): Bien, certains d'entre vous ont à peu près mon âge ou presque. Donc, on vous appelait «les ajusteurs». Et, quand on a voulu vous appeler les experts en sinistre, il y en a qui ont dit: Comment? On est des ajusteurs puis on va rester des ajusteurs. Est-ce que vous avez, en fin de compte, bien assimilé le nouveau nom? Est-ce que vous trouvez que c'est une aberration par rapport à l'ancien, d'abord ne serait-ce que sur le plan de la langue française? Parce qu'il y en a d'autres intervenants pour lesquels on propose des changements de nom. Ils ne veulent rien savoir. Puis peut-être qu'on ne changerait pas les noms non plus, s'ils résistent trop. Mais, dans votre cas, c'est quoi l'aventure du changement de nom?

Mme Doucet (Chantal): Moi, je suis un peu plus jeune que vous autres, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Doucet (Chantal): Puis quand j'ai commencé dans le domaine de... on nous appelait «les agents de réclamation». Et je pense que c'était un terme que les gens comprenaient. M. Pageau m'avait parlé ce matin d'agent d'indemnisation parce qu'on a eu une discussion. Je n'étais pas trop trop d'accord avec lui mais je pense qu'«agent de réclamation» était quand même un terme que les gens saisissaient bien. «Expert en sinistre», on a appris à vivre avec. Bon. «Ajusteur», c'est...

M. Landry (Verchères): Il y a eu un fameux film français entre temps qui s'appelait Expert en sinistre , qui a peut-être aidé à populariser l'expression.

Mme Doucet (Chantal): ...oui, c'est ça. Je pense qu'on peut vivre avec ce titre-là quand même. Ce n'est pas vraiment un problème.

M. Landry (Verchères): Ce n'est pas un problème. O.K.

Mme Doucet (Chantal): Ça dit quand même ce qu'on est, à moins que je me trompe.

M. Landry (Verchères): O.K. Je pense aux autres surtout.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. D'abord, je vous remercie de votre présentation. Il y a une chose. Je vais voir si je vous comprends bien. Vous avez des craintes par rapport aux chambres et à l'autoréglementation, parce que vous dites: Strictement par rapport au poids numérique des courtiers ou des agents, nous allons être tellement petits à l'intérieur, parce qu'on représente moins de personnes, que notre spécificité va être absolument noyée dans les problèmes des courtiers et les problèmes des agents, même si on essaie de trouver un équilibre entre les deux. Mais est-ce que c'est ça, essentiellement, votre crainte par rapport au principe électif?

M. Pageau (André): Essentiellement, M. Gautrin, c'est que nous avons actuellement, au Conseil des assurances de dommages, par la loi 134, des sièges réservés, c'est-à-dire deux sièges pour les experts en sinistre indépendants et un pour les experts en sinistre au service de l'assuré. Dans le contexte du projet de loi en discussion, si on se retrouve noyés, comme on a dit, si des courtiers, surtout si 36 passe, les courtiers, comme experts en sinistre, ils se font élire comme experts en sinistre, mais ils sont courtiers. Donc, c'est des courtiers de plus. C'est une possibilité dans la façon dont le projet est actuellement rédigé. Au surplus, il faut savoir que déjà le projet de loi prévoit que les enquêteurs-régleurs des assureurs deviennent assujettis à la loi, à titre d'experts en sinistre.

Bon, M. le ministre a fait une ouverture sur le nom. Ça, comme Mme la présidente disait: On vit avec le nom, maintenant. On a arrêté d'y penser parce qu'il y avait d'autres choses de plus important.

M. Gautrin: Je comprends, oui.

M. Pageau (André): Mais les enquêteurs-régleurs des assureurs qui seront des experts en sinistre seront également sujets à être nommés comme représentants des experts en sinistre. Il peut y avoir, encore là, du noyautage. Alors, nous, on prétend que c'est mieux d'avoir des... Quand on parlait d'équité, puis c'est vous qui l'avez soulevé ce matin...

M. Gautrin: Absolument. J'ai toujours ce problème-là. J'ai l'équité, mais j'ai aussi l'autoréglementation; les deux principes. Je comprends bien votre problème. Je ne l'avais pas perçu encore. Mais une fois que je réfléchis un peu, j'ai du mal à comprendre pourquoi vous ne voulez pas être exclus de la loi. Parce que ça a été l'ouverture que M. le ministre vous a soulevée, et vous intervenez aussi, chacun d'entre vous, dans chacun de vos mémoires, en disant: Attention, il ne faudrait pas qu'il y ait confusion de titres – et vous venez de le rappeler actuellement – il ne faudrait pas qu'un courtier joue le rôle d'expert et il ne faudrait pas, bien, qu'un expert joue le rôle d'un courtier. À ce moment-là, bien spécifier chacune de vos professions. Est-ce qu'une des manières de mieux spécifier votre profession, ça serait purement et simplement de vous retirer complètement, puisque, dans le fond, vous ne transigez pas des produits financiers, tant des polices d'assurance ni de dommages ou de personnes, mais vous êtes strictement là pour régler, après, un problème lorsqu'il y a un sinistre? Et j'ai mal compris, alors que vous insistez tous les deux dans vos mémoires sur l'importance de ne pas mélanger les choux et les carottes ou, si vous voulez, savoir qui est choux ou carottes entre les courtiers d'assurances et les experts en sinistre. Pourquoi ne pas purement et simplement vous extraire de la loi et vous soumettre à une loi comme la protection du consommateur, ce qui éviterait tous ces problèmes que vous semblez craindre, de la domination des courtiers sur les experts en sinistre?

M. Pageau (André): Bien, vous permettrez. La Loi de la protection du consommateur a, bien sûr, ses avantages, mais nous sommes partie d'un système qui s'appelle «assurance de dommages».

M. Gautrin: De l'industrie?

M. Pageau (André): Alors, il y a une chaîne dans l'assurance de dommages, une chaîne logique, il y a de la vente puis il y a du service après-vente. Alors, pourquoi ne pas tout englober au niveau du contrôle pour protéger le consommateur en matière d'assurance, et non pas que l'assurance de dommages, en quelque sorte, soit sujette à deux, trois organismes d'intervention au niveau de la réglementation et du contrôle.

M. Gautrin: O.K., ça marche, non, ça peut se défendre. Et si, à l'intérieur des chambres – et je réfléchis actuellement – le principe d'équité vous réservait, disons, une possibilité, c'est-à-dire, autrement dit, qu'il y ait des collèges électoraux différents, c'est-à dire qu'il y aurait un collège électoral de courtiers, un collège électoral d'agents, et, je m'excuse de ne pas l'avoir vu, il y aurait aussi un collège électoral d'experts en sinistre. Alors, vous allez me dire: Attention, il en faut deux, parce qu'il y a les experts en sinistre au service de l'assuré puis ceux au service de l'assureur. Mais s'il y avait ça, est-ce que vos réticences tomberaient? Parce qu'il y a toujours ce principe, voyez-vous... Le Bureau, on ne peut pas le faire purement électif, comprenez bien; donc, il faut des gens nommés. Mais ce que beaucoup de gens sont venus nous dire, c'est qu'il est important que la profession s'autoréglemente. Et la manière de s'autoréglementer, c'est par un corps qui ait une majorité d'élus de la profession avec des représentants des citoyens, des représentants des consommateurs. Et l'ouverture qui avait été faite par le ministre et sur laquelle on cheminait à l'heure actuelle, c'était que ces chambres-là, qui n'étaient pas dans le projet initial, je le reconnais, auraient ce rôle d'autorégulation.

M. Pageau (André): Actuellement, l'autoréglementation des intervenants en assurance de dommages se fait dans le cadre de la loi 134 par le Conseil des assurances de dommages.

M. Gautrin: Absolument.

M. Pageau (André): Le défaut, à mon avis, de la loi 134, c'est qu'il y a eu un autre organisme, à côté, qui est partiel. L'Association des courtiers a continué d'avoir certains privilèges – je ne dirai pas privilèges puis je me corrige – certaines obligations...

M. Gautrin: Certaines responsabilités, disons.

M. Pageau (André): ...au niveau déontologique, alors que l'émission du certificat puis le contrôle de la...

M. Gautrin: De la qualification.

M. Pageau (André): ...formation, etc., sont faits par l'autre. Alors, là, on avait deux organismes qui faisaient le même travail, ou on a actuellement. Ça, c'est peut-être mauvais. Mais que tout le monde soit dans un seul organisme, moi, je n'y vois pas d'objections, mais dans un seul. Plus on rajoute de paliers, plus on alourdit.

M. Gautrin: Ça, je comprends ça. Mais il y a toujours l'idée, voyez-vous, que cet organisme soit, avec une majorité, des gens qui sont élus de la profession. Et le problème – vous venez de le soulever à l'instant, enfin, il y a quelques minutes – quand on fait des élections sans préciser des collèges, vous risquez que des groupes minoritaires, si tant est que vous soyez minoritaires parmi... soient exclus, à ce moment-là, d'une représentation dans les différents collèges.

M. Pageau (André): Il y a sûrement des dangers, il n'y a pas de système parfait.

M. Gautrin: Mais c'est ça qu'on cherche, vous comprenez, on essaie de...

M. Pageau (André): Le législateur, dans sa grande sagesse, doit trouver la solution, justement.

M. Gautrin: ...on cherche.

M. Pageau (André): C'est ça.

M. Gautrin: Merci. Mais vous souscrivez au principe de l'auto...

M. Pageau (André): Ah, définitivement.

M. Gautrin: Merci.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Viger.

(12 h 20)

M. Maciocia: Merci, M. le Président, j'ai une petite question. Vous avez remis en discussion, si je puis dire, l'article 37 du projet de loi, où on dit que l'expert en sinistre doit présenter deux contrats – c'est libellé dans le 37 – un qui prévoit une rémunération sur la base horaire et l'autre, une rémunération sur la base de pourcentage. Vous dites: Nous ne sommes pas d'accord avec ça; nous aimerions garder le formulaire actuel. Quelle est la différence entre les deux?

M. Roy (Guy P.): La différence, c'est que le fait que l'expert en sinistre qui représente l'assuré se présente chez le sinistré ait deux mandats ne nous garantit pas que l'expert présentera les deux, alors que si, sur le même mandat, les deux options sont clairement identifiées, c'est sûr que le client ou l'assuré aura visiblement un choix à faire.

M. Morissette (Paul): Tandis que si c'est sur deux contrats, celui qui pense que le contrat qu'il peut aller chercher avec le sinistré est plus intéressant en pourcentage pourra dissimuler le contrat qui prévoit un tarif horaire et présenter strictement celui qui fait son affaire. Tandis que, si les deux options apparaissent sur le même contrat, le consommateur sera en mesure d'avoir les deux et de faire son choix, ou à pourcentage ou à tarif horaire, et être certain que les deux apparaissent sur le même contrat.

M. Maciocia: Ça veut dire que, actuellement, ce qu'on voudrait avoir dans le projet de loi, deux contrats séparés, vous les avez actuellement dans le même formulaire, si je comprends bien.

M. Morissette (Paul): Présentement, depuis l'avènement du Conseil des assurances de dommages, il a été décidé, dans la loi, que le consommateur avait le libre choix, et, sur le contrat actuel, les deux apparaissent sur le même contrat. Donc, le consommateur peut faire son choix.

M. Maciocia: Dois-je comprendre qu'il y a des raisons – je ne sais pas si le ministre, il peut répondre – pour lesquelles on voudrait avoir deux contrats, étant donné qu'on nous dit – moi, je ne suis pas au courant, je vous dis mon ignorance – que les deux options, ça se trouve sur le même contrat. C'est ça qu'ils nous disent, les experts. Puis l'article 37, il dit plutôt qu'il faudrait avoir deux contrats séparés. Est-ce qu'il y a une raison? Je ne sais pas, je pose la question parce qu'on me dit que, probablement, c'est plus intéressant pour le consommateur, à ce moment-là, de...

(Consultation)

M. Landry (Verchères): Parce qu'on veut être sûr qu'il va avoir le vrai choix. Les deux sont là.

M. Maciocia: Vous voyez, le ministre, il dit qu'il veut être sûr que le...

M. Landry (Verchères): Ils vont être sûrs qu'ils vont avoir un vrai choix. C'est un moyen d'information en même temps.

M. Roy (Guy P.): Parce que, sur le mandat existant, les deux options sont très clairement identifiées: le choix à taux horaire ou à pourcentage. En signant un mandat, l'assuré, lorsqu'il aura ce mandat-là, si les deux options sont clairement identifiées, pour lui, il est certain que les deux options lui seront montrées, alors que, si on a deux contrats différents, il est évident qu'on n'aura jamais la certitude que la personne qui a offert ses services aura montré les deux mandats.

M. Landry (Verchères): Alors, il y a une logique très simple mais implacable. Si c'est sur le même, ils ne peuvent pas ignorer une partie ou l'autre.

M. Roy (Guy P.): C'est ça.

M. Auger (Normand): M. le Président, si je peux amplifier sur la réponse. Notre Association avait rajouté une ligne dans son mémoire sur ce sujet du contretype. Un paquet de problèmes ont été réglés dans l'immobilier lorsqu'il y a eu un contrat type imposé à tous les courtiers ou agents immobiliers. Je pense que, autant pour nos confrères que pour le public, ce serait peut-être éventuellement la solution pour éviter un tas de choses, s'il y avait un contrat type de services d'experts en sinistre à l'assuré versus un sinistré. Il nous semble, à nous, que ça réglerait un paquet de problèmes, parce que ce problème, il s'est réglé, dans l'immobilier, avec ça, avec le contrat type.

M. Landry (Verchères): M. le Président, c'est purement procédural, je voudrais m'excuser auprès des comparants qui nous ont rendu d'abord un très grand service, je les en remercie, mais il faut répondre aux exigences des médias, et je dois aller faire de la radio en direct. Alors, veuillez ne pas prendre ombrage du fait que je vais quitter notre commission maintenant.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): De toute façon, M. le ministre, je crois bien qu'il n'y a pas d'autres membres de la commission qui ont des questions. C'était assez clair. Donc, on vous remercie d'être venus nous faire part de vos commentaires. Et j'informe qu'à la reprise de nos travaux, à 15 heures, ça sera l'Association des cabinets gestionnaires en courtage d'assurance des personnes du Québec qui seront nos invités. Et, sur ça, je suspends les travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 25)

(Reprise à 15 h 17)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): À l'ordre, mesdames, messieurs! La commission des finances publiques se réunit à nouveau afin de poursuivre la consultation particulière sur le projet de loi n° 188, Loi sur la distribution de produits et services financiers. Excusez. À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous avons, cet après-midi, quatre groupes. S'il vous plaît, à l'ordre! S'il vous plaît.

Cet après-midi, nous avons quatre groupes d'invités à recevoir. Nous devrons suspendre les travaux pour quelques minutes à au moins deux occasions, pour un vote en Chambre. Donc, si les membres en conviennent, je reconnais l'importance du projet de loi, je reconnais aussi l'importance que chaque groupe a mise à préparer... le temps qu'ils ont mis à préparer leur mémoire. Si nous pouvions convenir ensemble d'accorder environ 45 minutes par groupe, c'est possible qu'on puisse finir à une heure ou à une période respectable. Donc, si chacun des membres et nos invités, également, sont capables de faire un effort, je pense que chacun s'en porterait mieux, et nous ne serons pas obligés, le dernier groupe, de le reporter à demain, ce qui déplairait sans doute à chacun et chacune d'entre nous.

Donc, sur ça, j'invite, comme je l'avais dit avant l'heure du dîner, l'Association des cabinets gestionnaires en courtage d'assurance de personnes du Québec à prendre place et je demanderais à son président, M. Guy Duhaime, de nous présenter les personnes qui l'accompagnent ainsi que de nous faire part de leur mémoire.

On est venu me porter, tout à l'heure... Dans le mémoire qu'on nous a distribué au début, il y a, à la fin, des graphiques qui sont des photocopies qui sont difficiles à lire. Ça fait qu'on m'a remis, tout à l'heure, une douzaine de ces graphiques en couleurs, que je ferai distribuer immédiatement. Ça vous convient à chacun? Allez, monsieur.


Association des cabinets gestionnaires en courtage d'assurance de personnes du Québec (ACGCAPQ)

M. Duhaime (Guy): Alors, M. le Président, M. le ministre, MM. et Mme les députés et membres de cette commission, je voudrais vous présenter, à ma gauche, M. Réal Parent, qui est vice-président de l'Association des cabinets gestionnaires, et, à ma droite, M. Michel Kirouac, qui est membre du comité exécutif.

L'Association des cabinets gestionnaires en courtage d'assurance de personnes du Québec vous remercie de bien vouloir entendre ses représentations au sujet du projet de loi n° 188 refondant la Loi sur les intermédiaires de marché du Québec en une loi de distribution commerciale de produits et services financiers.

(15 h 20)

Notre association est toute récente, si récente qu'elle en est encore à peaufiner son organisation interne. Bien entendu, notre pouvoir de lobby n'est pas très étendu. Nos ressources humaines ne se composent, pour l'instant, que de gens d'affaires entrepreneurs, soucieux de conserver une place dans l'échiquier financier de demain tout en préservant les milliers d'emplois qui y sont reliés.

Le maintien de vastes réseaux d'agents exclusifs s'est avéré une activité fort coûteuse pour les assureurs. Certains se considèrent aujourd'hui exclusivement comme des fabricants de produits d'assurance. L'abandon par plusieurs d'entre eux de leur force de vente exclusive démontre avec truisme la nécessité croissante du rôle joué par les cabinets gestionnaires indépendants. D'ailleurs, cette formule essaime largement à partir du Québec pour s'implanter dans tous les coins du pays.

Les membres de notre association sont, par l'entremise de leurs cabinets gestionnaires indépendants, responsables d'une très grande part des activités du courtage d'assurance de personnes au Québec. Ces cabinets se sont mis en place graduellement au cours des 25 dernières années et représentent aujourd'hui un élément important dans la structure organisationnelle des services financiers du domaine de l'assurance de personnes. Ils sont si importants qu'environ 45 % de tous les nouveaux contrats d'assurance individuelle émis à chaque année transitent via l'un ou l'autre de ces cabinets.

La qualité des services financiers proposés aux consommateurs repose donc, dans une large part, sur ces cabinets gestionnaires indépendants. En plus des nombreuses tâches de gestion et d'administration qui libèrent les courtiers et les compagnies des tracasseries journalières, notre soutien, tant au niveau formation, développement informatique ou autres, procure aux courtiers une aide et une supervision propices à la prodigation de services de haute qualité.

On retrouve donc sous un même toit une panoplie de services en plus d'un choix important de produits et de compagnies différentes. Dans l'univers financier que vous proposez pour demain, M. le ministre, une incertitude et une vive inquiétude planent sur la tête de nos membres, membres qui sont – et j'insiste – des entreprises purement québécoises qui souhaitent continuer d'évoluer, de progresser et de créer des emplois comme seules les PME savent le faire.

Nous croyons, comme bien d'autres vous l'ont dit avant nous, que le gouvernement démontre une méconnaissance profonde du système de distribution actuel. La mise en jeu de gros joueurs jouissant de moyens financiers colossaux brisera à tout jamais l'univers financier moderne et déséquilibrera définitivement le pouvoir de contrôle des individus en créant une hégémonie oligopolistique de tout le secteur financier. Le cadre réglementaire proposé aux cabinets en général, sans tenir compte de leurs spécificités, rendra notre pratique inéquitable et impraticable et mettra en jeu la survie même des entreprises de nos membres et des milliers d'emplois s'y rattachant. Nous y reviendrons plus tard.

Bien que le gouvernement ait voulu simplifier le cadre réglementaire, si effort il y a eu, résultat il n'y a pas. La complexité des structures, la concentration de pouvoirs et l'ajout en assurance de personnes d'autonomes et de sociétés d'autonomes n'ajoutent pas à la simplicité alors que la familière distinction agent, courtier est, pour le commun des mortels, d'une évidence – et permettez-moi la redondance – évidente. Pourquoi cette disparition dans le domaine des assurances de personnes alors que M. le ministre la conserve dans le secteur des assurances de dommages? S'il y a des cabinets de courtage en assurance de personnes, il doit donc y avoir des courtiers.

L'Association croit que l'attribution à des institutions de dépôts du pouvoir de distribuer des produits d'assurance sera néfaste à toute l'industrie, surtout au réseau d'intermédiation en services financiers. D'ailleurs, si, pour M. le ministre, la caisse-assurance ou la banque-assurance, c'est une affaire réglée, je peux vous assurer qu'il n'en est pas de même pour les dizaines de milliers d'employés des secteurs privés de l'assurance. L'Association croit que le gouvernement s'illusionne en pensant donner à Desjardins une place prépondérante dans le secteur financier. C'est, en fait, aux banques et à leurs milliards que le gouvernement fait un cadeau. Le décloisonnement prévu ne le sera pas seulement en regard des institutions financières, mais, selon notre compréhension et d'après certaines réflexions du ministre, mardi dernier, ouvert à toute entreprise désirant oeuvrer dans le secteur financier.

Qu'en sera-t-il du professionnalisme? Verrons-nous bientôt le cabinet Wal-Mart au Québec? En ouvrant cette véritable boîte de Pandore, il nuira autant à l'institution coopérative qu'aux consommateurs et aux cabinets gestionnaires.

L'Association constate aussi que le législateur place la responsabilité légale, en cas de – et je cite – «service déficient au consommateur», directement aux cabinets. Cette responsabilité, portant sur l'acte professionnel lui-même, devrait demeurer, pour l'essentiel, liée à l'individu qui pratique la profession d'agent ou de courtier.

La responsabilité ultime quant à la qualité des produits eux-mêmes doit demeurer celle des compagnies d'assurances. Toutefois, nous sommes d'accord pour prendre les responsabilités qui sont liées à nos opérations. Nous ne voulons pas nous défiler en douce, mais nous voulons travailler avec le gouvernement dans l'élaboration des responsabilités respectives reliées au type d'opération des différents cabinets.

J'aborderai ici, maintenant, ce qu'on trouve être une distinction entre les cabinets de vente, les cabinets gestionnaires et les cabinets d'institutions. Pour nous, c'est trois réalités distinctes. Alors, le projet de loi n° 188 utilise le terme «cabinet» dans son acception la plus générale et il attribue aux cabinets des responsabilités sensiblement uniformes. Cette uniformité crée des iniquités, car elle applique un traitement identique à des organismes radicalement différents.

Selon la loi actuelle, le cabinet est une personne morale qui agit à titre d'intermédiaire en assurance. Le fonctionnement du cabinet est très différent selon qu'il s'agisse d'assurance de dommages ou d'assurance de personnes. D'ailleurs, M. Lyras, ce matin, démontrait la différence entre les deux systèmes.

La distinction que nous devons établir ici vise spécifiquement les cabinets en assurance de personnes. Il y a présentement deux types de cabinets, soit celui composé d'une ou deux personnes, qui, pour des raisons d'image, de mise en marché ou pour des raisons fiscales, fonctionne sous la forme corporative. Bien entendu, la notion de responsabilité, dans les faits, est la même pour ce cabinet que pour un simple courtier.

Pour les cabinets gestionnaires, il en est autrement. Ceux-ci s'occupent de différents aspects reliés à l'administration et à la mise en marché, sans toutefois effectuer directement des ventes aux consommateurs. Nous donnons plutôt des services à des courtiers professionnels. Il va de soi que les responsabilités sont donc fort différentes. Ces cabinets diffèrent par leur taille et leur structure, le plus petit comptant cinq ou six employés, alors que les plus grands comptent plus d'une centaine d'employés.

Le nombre de courtiers faisant affaire avec ces cabinets diffère aussi selon les entreprises. Actuellement, les courtiers indépendants peuvent souscrire leurs affaires soit par un seul cabinet ou par plusieurs d'entre eux. Dans le modèle proposé par le ministre, une seule sorte de cabinet fait place à cette réalité qui est la nôtre. En effet, le modèle de responsabilisation proposé et la nature d'exclusivité du représentant démontrent que ce modèle est taillé sur mesure pour une institution financière embauchant des commis recyclés.

Nous croyons que le législateur doit réaménager ces dispositions et faire place à la réalité. Nous sommes convaincus que le caractère distinctif des cabinets gestionnaires doit être reconnu par ce dernier. Le législateur québécois, par le projet de loi n° 188 et, du fait même, par le projet de loi n° 167 sur les caisses d'épargne et de crédit, ouvre la porte au Mouvement Desjardins afin de lui permettre de vendre de l'assurance dans ses succursales.

(15 h 30)

Nous croyons que, tout en tentant d'encadrer rigoureusement ce droit, notamment par des restrictions à la diffusion de renseignements confidentiels et aux ventes liées, le Québec ouvre trop largement la porte aux institutions du Mouvement Desjardins. Le libellé de l'article 51 – et je suis conscient que le ministre l'a entendu plusieurs fois cette semaine – n'est rien d'autre qu'un chèque en blanc, puisqu'il permet au Mouvement Desjardins d'exercer dans les caisses une activité qu'il considère utile pour l'intérêt du public et de ses membres, lorsque cette activité ne leur est pas interdite par la loi mais ne se rapporte pas à la réalisation de leurs objets. En effet, les caisses pourront décider de vendre tout produit intéressant pour le public et leurs membres et elles seront surtout les seuls juges de cette notion d'intérêt public.

On aborde maintenant le problème du courtage dans les institutions de dépôts. La loi n° 188 ouvre aussi la porte toute grande à la vente de produits provenant de plusieurs assureurs. Les institutions de dépôts pourraient donc établir dans leurs succursales des opérations de courtage auprès d'une panoplie d'assureurs. Si le législateur persiste dans cette voie, il doit faire en sorte que ce type de cabinets ne puisse vendre que les produits provenant directement de compagnies d'assurances détenues à part entière par ladite institution.

La porte n'est pas encore ouverte que certaines institutions fédérales de dépôts font déjà par voie détournée ce que la loi ne reconnaît pas. Pourtant, préservées de la concurrence des décennies durant, les banques canadiennes représentent déjà un oligopole et jouissent de privilèges particuliers comme le Système canadien de compensation et de paiement et la Société d'assurance-dépôts. La capacité financière des banques est telle que, chaque année, avec leurs profits courants, elles pourraient acheter les trois plus importantes compagnies d'assurances du pays, surtout si celles-ci se démutualisent toutes, comme le veut la tendance actuelle. Qu'adviendra-t-il de nos entreprises? Comment une industrie constituée de PME québécoises pourrait-elle concurrencer de tels monstres et leur multitude d'outils de marketing, incluant cadeaux, voyages gratuits, tirages, rabais – qui nous sont, en passant, interdits – et toute une kyrielle de récompenses qui cadrent mal avec le sérieux et le professionnalisme qui accompagnent normalement la planification des ressources financières et du patrimoine des individus?

Notre association s'inquiète très vivement de la protection du public et de la qualité des services. Puisque nous nuisons à l'expansion des institutions de dépôts, nous redoutons qu'elles ne se servent de leur notoriété, de leurs ressources financières et de leur pouvoir de marketing pour détruire notre réseau de distribution, lequel dessert d'une façon très efficace et compétente le consommateur québécois. L'Association est en outre convaincue que la vente d'assurance dans les succursales bancaires ne représente pas d'avantages pour le consommateur. Avec plus de 13 000 points de vente mobiles au Québec, le consommateur a-t-il vraiment besoin d'un réseau supplémentaire de distribution pour combler ses besoins?

Quant à la responsabilité des actes professionnels, nous croyons que les intermédiaires en assurance de personnes... Présentement, cette responsabilité est fixée par la loi actuelle et les gestes qui entourent la professionnalisation des intermédiaires sont posés par l'AIAPQ. Cette dernière assure l'encadrement, la certification et, si nécessaire, les mesures disciplinaires destinées aux intermédiaires, et nous croyons qu'elle s'est très bien acquittée de cette tâche. Et, depuis 1989, elle a constamment rehaussé les standards reliés à la profession. Nous croyons donc essentiel et plus logique que la responsabilité pour les conseils déficients ou des gestes frauduleux ou contraires à l'éthique des intermédiaires soit confiée à la personne civile, c'est-à-dire à l'intermédiaire lui-même, et ce, peu importe le cadre dans lequel il opère. L'attribution de toute responsabilité aux cabinets, indistinctement de leurs fonctions et de ce qu'ils représentent, est une erreur qui déresponsabilise à la fois les intermédiaires et les compagnies manufacturières de produits et services financiers. La reconnaissance des trois différents statuts de cabinets pourrait certainement remédier à cette faiblesse de la législation proposée.

Le projet de loi n° 188 efface toute distinction entre agent et courtier en assurance de personnes. Les deux appellations distinguent actuellement leur statut particulier: l'agent représente une institution, alors que le courtier représente le consommateur auprès de plusieurs fournisseurs de produits et services. Nous croyons que ces distinctions doivent être maintenues. En effet, l'agent est, par contrat, à la solde d'une seule institution, alors que le courtier peut avoir à sa disposition des centaines de produits provenant de nombreux assureurs, ce qui demande une expertise différente et une meilleure connaissance des marchés.

Advenant la création du Bureau des services financiers, une initiative à laquelle notre association souscrit, nous demandons au gouvernement d'inclure à cet organisme une représentation des cabinets gestionnaires. Notre fonction, proche de celle des compagnies d'assurances, est unique et distincte dans notre industrie. Que ce soit à titre de porte-parole de nos assureurs ou de nos propres entreprises, par qui transitent 45 % des contrats d'assurance de personnes, notre organisation doit être partie intégrante du Bureau, organisme qui régira l'avenir financier des Québécois.

Par ailleurs, nous suggérons que le gouvernement fasse des efforts soutenus afin de faire de cet organisme une structure administrative simple. La description actuelle de l'organisme et de l'ensemble des mécanismes prévus afin de faire respecter la loi nous apparaît d'une complexité inutile, voire néfaste.

Notre association, l'ACGCAPQ, croit également que le Bureau devrait être un organisme indépendant dont la crédibilité soit assurée par une relation – et permettez-moi l'expression, M. le ministre – «at arm's length» avec le gouvernement et les parties du secteur privé.

Les nominations ministérielles aux postes d'administrateurs devraient céder le pas aux représentants délégués par les différents secteurs. Mais surtout, au cours des deux premières années de mise en opération de la loi, il nous semble aberrant que tous les administrateurs soient nommés par le ministre et, donc, soupçonnés, durant cette délicate phase de mise en oeuvre, de formuler tout le cadre réglementaire en fonction de la vision politique de celui-ci.

Les organisations de courtage se doivent d'être indépendantes si elles veulent demeurer au service du consommateur avant tout. Un cabinet de courtage ne devrait donc pas appartenir à une institution de dépôts. Dans la loi actuelle, les institutions de dépôts ne peuvent détenir plus de 20 % d'un cabinet. Même si le projet de loi chamboule complètement ce principe, l'Association estime que, pour mieux protéger le consommateur, des limites devraient être précisées afin de conserver une distance éthique et professionnelle que le législateur avait jusqu'à ce jour privilégiée. Nous croyons que le ministre a avantage à ce que les consommateurs québécois puissent bénéficier d'un secteur de courtage indépendant en maintenant certaines règles de propriété.

D'autres points n'ont pas été abordés, telle la vente directe et les guides de distribution. Ces sujets pourraient être discutés lors de sessions de travail.

En conclusion, MM., Mme, membres de cette commission, l'ACGCAPQ croit somme toute que le projet de loi n° 188, dans sa forme actuelle, malgré les bonnes intentions du gouvernement, comporte des lacunes, voire des failles très graves. Nous croyons que la vision ministérielle en regard du décloisonnement est telle qu'elle mettra en péril la protection des consommateurs et la survie même d'une grande partie de l'industrie de l'assurance de personnes, dont les PME membres de notre association.

Il faut que les responsabilisations soient placées aux bons endroits, que la distinction agent et courtier demeure et qu'un réseau indépendant reste une force au sein de l'industrie des services financiers. Pour ce faire, l'ACGCAPQ est prête à fournir son entière collaboration et son expertise dans l'élaboration de modifications à ce projet de loi. Merci.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. Duhaime. Comme convenu au début, il resterait, pour le temps, 10 minutes à chaque groupe parlementaire. Ça vous convient?

M. Landry (Verchères): Je vais aller assez vite, moi, en tout cas.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je ne veux pas vous priver personne, mais je vous dis que, si on veut tout écouler la liste cet après-midi, il faudrait que je sois un peu plus sévère. Ça vous va?

M. Landry (Verchères): Très bien. Alors, sans vous bousculer, vous avez dit, dans une de vos dernières phrases, qu'il y avait des lacunes et des failles. Je suis prêt à l'admettre volontiers. On est ici pour bonifier ce projet et, avec votre aide, on devrait pouvoir y arriver. Pour gagner du temps, je ne redirai pas tout ce que j'ai dit pour la banque-assurance. Vous savez que notre idée est faite, la caisse-assurance... pour les raisons qu'on a dites: consommateur, globalisation, ne pas se singulariser, par rapport à notre continent, dans notre accord de libre-échange, ni par rapport à l'Europe, etc. Alors, je fais l'impasse là-dessus, en vous disant, par ailleurs, qu'on me rappelle que, quand Parizeau a fait le décloisonnement pour l'assurance IARD, les mêmes arguments sont venus de catastrophes annoncées qui ne se sont pas produites, que le monde de l'assurance IARD, en dehors de Desjardins, se porte très bien au Québec et que les gens ont continué à faire leur travail de façon très professionnelle. Et le consommateur a le choix.

(15 h 40)

Je vous l'ai dit, moi, personnellement, j'ai fait le choix du courtier parce que je trouve que c'est bien meilleur, puis c'est spécialisé, puis ils savent de quoi ils parlent, puis ils sont vite, puis ils sont rapides, et ils m'ont toujours donné un excellent service. Pourquoi ne pas laisser le consommateur arbitrer? Il y en a d'autres qui aimeront mieux aller à la caisse populaire de leur village. Le choix, c'est quand même souverain en matière de consommation.

Alors, ça, je ne reviens pas trop là-dessus. On va aller sur des choses plus précises que vous avez dites et qui sont assez convaincantes. Par exemple, vous nous dites qu'il ne faut pas abandonner des notions familières comme celle d'agent et de courtier en assurance de personnes alors qu'elle a été maintenue dans le domaine de l'assurance des dommages. C'est un argument qui me touche beaucoup, car c'est de vous qu'il s'agit. Que vous la désigniez d'une façon qui vous convienne, je pense que c'est la moindre des choses.

Des fois, il y a des changements qui ont été imposés par le gouvernement qui ont fini par être bons. On a eu les experts en sinistre, ce matin, qui, quand j'étais jeune, s'appelaient «ajusteurs d'assurances», ce qui est un anglicisme, etc. Eux sont experts en sinistre, ils ont l'air parfaitement heureux de ça. Mais là, le cas de l'anglicisme en particulier, on veut que nos lois parlent français, mais, dans le cas de représentant et courtier, je ne vois pas de telle objection, il y a une vingtaine d'articles qui seraient touchés. Alors, parlez-m'en un peu, dites-moi pourquoi vous voulez que ce soit maintenu. Et, comme je suis presque déjà convaincu, les chances sont grandes que ce sera maintenu. Et mes collègues vont sans doute avoir des réflexions dans le même sens. Je n'en connais pas ici qui soient prêts à faire de bataille politique contre ça.

Sur la responsabilité, vous en avez parlé, et aussi, ça m'impressionne énormément. Vous êtes des professionnels et vous voulez être responsables, vous voulez garder votre niveau de responsabilité, vos devoirs et vos droits. Généralement, ça va ensemble. Pourquoi on ne peut pas arriver – c'est ce qu'on voulait faire dans le projet de loi, je ne vous dis pas qu'on y est arrivé – comment pourrait-on arriver à garder le double niveau de responsabilité, cabinet responsable et professionnel responsable? Pour le consommateur, ça double sa capacité de défense ou d'attaque en cas de... Comment arriver au fait que la responsabilité qui est la vôtre présentement soit maintenue et que celle du cabinet vienne renforcer la protection du consommateur?

Pour les nominations ministérielles, bien là, on a une divergence majeure. Là, vous me parlez de «at arm's length». Bien, justement, nous autres, on considère qu'on n'a pas été élus pour être «at arm's length». La population entière choisit son gouvernement et le gouvernement gouverne. Et, dans des cas où il y a des arbitrages à faire entre divers groupes d'intérêts, tous légitimes, nous croyons que le gouvernement doit garder sa responsabilité et c'est pour laquelle les membres du Bureau sont nommés. Mais, à titre de compromis et avec une démonstration convaincante du monde de l'assurance que vos traditions associatives, vos traditions électives devraient être maintenues, on a créé les chambres. Mais la responsabilité, comme disait un ancien président des États-Unis: «It's where the buck stops.» Bien, le «buck», il stoppe ici, à notre Assemblée nationale et au gouvernement.

J'écourte, là. C'était passionnant, votre présentation. J'aurais d'autres remarques, mais, à cause de ce qu'a dit le président, je vais m'arrêter.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci. M. Duhaime.

M. Duhaime (Guy): Alors, au niveau de la distinction agent et courtier, pour nous, cette distinction-là est primordiale pour une raison très particulière. C'est que, dans le projet de loi, comme on mentionnait, vous faites part de ce qu'est un cabinet. Mais, comme on dit, c'est le cabinet dans son acception la plus simple. Nous, on voit qu'il y a vraiment trois niveaux d'intervention au niveau des cabinets, et ça, c'est probablement un des points majeurs. C'est-à-dire que le cabinet, qui est un cabinet d'institution qu'on verra possiblement chez Desjardins ou à la Banque Royale, et tout ça, est un cabinet dont les employés seront des employés un peu différents, ne seront peut-être pas des courtiers. Nous, on pense que ces employés-là devraient vendre des produits qui seraient des produits de compagnies détenues probablement par ces institutions financières là. Facilement, si on prend le Groupe Desjardins, Assurance vie Desjardins serait un des produits qui seraient vendus à la caisse populaire...

M. Landry (Verchères): Ceux-là, on les appellerait représentants.

M. Duhaime (Guy): Ceux-là, on les appellerait agents ou représentants, dépendant de la sémantique qu'on veut utiliser, mais, certainement, c'est un rôle campé. On dit: Ils représentent les intérêts d'un assureur particulier qui est détenu par le groupe financier.

Si on enlève cette dimension d'agent et de courtier et que toutes les entreprises sont décloisonnées vraiment complètement, ça veut dire que, demain matin, le cabinet de la Banque Royale qui, comme vous le savez, est un peu plus riche que la majorité des petites PME québécoises, ce cabinet-là pourrait offrir les produits d'une multitude de compagnies d'assurances. Nous, ce qu'on veut, c'est qu'il y ait un mur. Alors, la distinction pourquoi on demande vraiment agent, courtier, c'est que les gens qui seraient dans des institutions financières seraient des agents pour ces institutions-là et vendraient les produits que ces institutions financières là détiennent. Quant au cabinet gestionnaire qui est, pour nous, une autre bebelle, là, c'est un genre d'entreprise dont la spécialisation est d'offrir à des courtiers indépendants, donc des gens qui sont autonomes, des gens qui ne dépendent pas d'un assureur... On dit: Ces gens-là font affaire dans des cabinets comme les nôtres. Alors, on est une réalité qui n'est vraiment pas connue. Quand on a lu le projet de loi, on a dit: On se situe où, nous autres? On ne vend pas aux consommateurs, on donne des services de grossiste, on est une entreprise plus commerciale, si on veut. Alors, pourquoi on se ramasserait avec la totalité des responsabilités alors qu'on n'a pas de contrôle sur l'individu?

Puis vous avez l'autre cabinet qui, lui, est un cabinet de vente. Moi, j'ai un propre cabinet, dans lequel je suis le représentant ou le courtier de mon cabinet, mais je suis un client, si on veut, un courtier de mon entreprise de cabinet gestionnaire. Alors, c'est sur ces trois niveaux-là qu'on veut faire une distinction, et c'est pour ça que agent, courtier, ça devrait être, pour nous, primordial. Alors, il y aura des agents qui feront affaire avec une institution financière, que ce soit un assureur ou une institution de dépôts, ou des courtiers qui feront affaire avec une multitude d'assureurs différents.

M. Landry (Verchères): Je viens d'en revérifier la pertinence technique. C'est un conseiller juridique qui vient de me parler à l'oreille, que, sur le plan technique, ce que vous proposez est très facile à faire. Donc, il n'y a pas d'objection technique et, comme on est plutôt en accord sur le fond, on devrait trouver un bon terrain d'entente. Ça va prendre plus de papillons, par exemple. Bien, écoutez, c'est beau, des papillons.

M. Duhaime (Guy): On serait prêts à discuter avec les concepteurs de la loi aussi pour voir si la vraie technicité répond bien à la vraie réalité. J'aimerais demander à...

M. Landry (Verchères): Votre offre est acceptée.

M. Duhaime (Guy): ...M. Parent de nous parler du côté responsabilité.

M. Parent (Réal): Au niveau de la responsabilité, bien, on en a parlé un peu. C'est certain qu'il va falloir trouver, si on a trois sortes de cabinets... Il ne faudra pas non plus alourdir le système. Comme M. Duhaime l'a expliqué, pour nous, nous croyons que ce qui serait important, ce serait de faire un exercice rigoureux de l'ensemble des responsabilités qui peuvent incomber dans toute la chaîne de représentation des produits financiers. De cette façon-là, on pourrait vraiment mettre les choses à la bonne place. Tout comme l'AIAPQ, on est entièrement d'accord que la responsabilité initiale devrait rester une responsabilité professionnelle importante au niveau de l'intermédiaire, au niveau, vraiment, du premier distributeur. Tout individu devrait être responsable de ses actes. Il devrait aussi, dépendamment comment la loi va varier... De la façon dont c'est constitué actuellement, c'est qu'on ne laisse pratiquement pas le choix à l'intermédiaire de se constituer en cabinet. À ce moment-là, s'il se constitue en cabinet et que c'est un cabinet unique, il devrait y avoir, encore là, une responsabilité liée entre ce cabinet et l'individu.

Par la suite, nous, en tant que cabinet gestionnaire, notre responsabilité est principalement commerciale. Donc, c'est certain qu'on devrait avoir une bonne partie de toutes les responsabilités commerciales qui incombent, tout en ayant, nous croyons, une certaine responsabilité d'encadrement, de surveillance des représentants, des courtiers qui transigent avec nous. Donc, ce qu'on peut vous dire, c'est que c'est un travail qu'on ne peut pas faire ici, mais ça va nous faire plaisir de partager avec les gens de chez vous et toutes les personnes concernées la réalité qu'il y a lieu en assurance de personnes, pour qu'on puisse vraiment diviser, entre l'individu, le cabinet vendeur et le cabinet gestionnaire, les responsabilités.

(15 h 50)

Dernier petit point, monsieur... c'est votre premier point. Vous avez parlé qu'au niveau de l'IARD il n'y a pas de problème parce que Desjardins... Il n'y a pas, disons, de gros problème, au Québec, au niveau de l'IARD. C'est certain que Desjardins est seul. Si jamais, demain matin, les institutions financières, le gouvernement fédéral donnait aux banques la possibilité d'aller dans l'assurance de dommages et en assurance de personnes, nous croyons qu'il est très dangereux pour le Québec d'aller dans le même sens, car nous croyons que vous allez créer un préjudice très fort à Desjardins même et à l'ensemble des consommateurs. Parce que nous croyons que Desjardins, actuellement, n'a pas les moyens financiers de suivre les institutions financières dans le même chemin au niveau de la notoriété et du marketing et des différents points.

Autre chose, c'est qu'au niveau de Desjardins, ce qui a vraiment démarqué Desjardins dans le temps, ce n'est pas une stratégie de masse, c'est une stratégie de différenciation. Et cette stratégie... Desjardins, en quittant cette stratégie au cours des dernières années, a eu des problèmes. Actuellement, nous croyons que Desjardins n'a... Vous devriez regarder de très près la stratégie globale de Desjardins avant de leur donner ceci, car nous croyons que ça pourrait être un cadeau de Grec. C'est la raison pour laquelle nous allons dans ce sens-là.

M. Landry (Verchères): Ils sont sûrement ravis de voir avec quelle vigueur vous défendez leurs intérêts.

M. Parent (Réal): Oui. Bien, je pense qu'il faut regarder... On est, comme vous, fiers de cette organisation-là. On n'est pas d'accord avec la façon dont ils opèrent, très souvent, au niveau des ventes liées. Sauf que, tout comme vous, on n'est pas intéressés à voir strictement des organisations provenant de l'étranger.

M. Duhaime (Guy): Il y a aussi, M. le ministre, si vous permettez, une autre différenciation. Le changement de la loi, en 1989, n'a pas apporté la disparition de la règle du 20 %.

Dans cette loi-ci, on parle de la disparition de la règle de 20 % qui, pour nous... Il semble évident que les institutions de dépôts ou même les institutions financières d'assurance désireront acheter la totalité ou la presque totalité de nos cabinets. Bien, je dois vous dire qu'en ce qui nous concerne ça nous ferait prendre une retraite plus rapide. Mais, dans l'univers politique ou dans l'univers de demain, je vois mal que ce ne soient que des institutions financières qui soient propriétaires de cabinets. Donc...

M. Landry (Verchères): Êtes-vous pour le 20 %, soit dit en passant?

M. Duhaime (Guy): Bien oui, on est pour le 20 % ou quelque chose qui ressemble à ça. Ça peut être 30 %. Ça peut être 35 %.

M. Landry (Verchères): On y souscrit, à toutes fins pratiques. On en a parlé ce matin. Quant à la propension des fédéraux à adopter mes idées, elle est nulle, généralement.

M. Duhaime (Guy): Mais pas dans ce cas-là.

M. Landry (Verchères): Ce serait une exception historique.

M. Duhaime (Guy): D'ailleurs, M. Martin, je pense, en commission parlementaire, a dit que, si vous laissiez la place à Desjardins, lui, ça ne prendrait pas de temps, il ne laisserait pas distancer les institutions fédérales.

M. Landry (Verchères): C'est sûr. Il a tellement tendance à venir dans nos champs de juridiction, imaginez-vous ce que ça va être quand c'est les siens.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bon. O.K. Ça fait qu'on va laisser le temps aussi au parti de l'opposition. M. le député de Viger.

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Merci, M. Duhaime, du mémoire que vous avez présenté. Je pense que c'est très intéressant pour nous de lire ce mémoire vis-à-vis du projet de loi n° 188. Je pense que vous apportez des arguments très valables qui doivent se refléter, d'une certaine manière, à l'intérieur du projet de loi n° 188.

Vous défendez plus ou moins les mêmes... Comme on disait tout à l'heure, la question des ventes liées, la question des renseignements personnels, je pense que vous vous êtes beaucoup attachés à ça. La question aussi de la caisse-assurance. C'est clair que, quand on parle de la caisse-assurance, on parle aussi de la banque-assurance. Que ce soit bien clair, parce que, comme vous le dites, nous croyons, nous aussi, que, si on ouvre ça à quelques mois de distance, le gouvernement fédéral, il n'aura pas d'autre choix que d'ouvrir aussi aux banques.

L'importance dans ça, c'est aussi d'encadrer. S'il faut le faire, il faut l'encadrer d'une façon vraiment serrée, d'une façon vraiment correcte. Autrement, comme vous le dites dans votre mémoire, il va y avoir beaucoup de problèmes au niveau de la protection du consommateur avant tout. Et de cette manière, que vous dites, à la page 4 de votre mémoire – et là je vais directement avec deux ou trois questions; je vous les pose et vous allez répondre après – au point 2.2.1, vous parlez des conseillers moins professionnels. Vous nous signalez que le projet de loi va avoir pour effet de remplacer une catégorie de conseillers professionnels, qui sont les intermédiaires, par une nouvelle classe de commis recyclés – vous les appelez «commis recyclés» – par les banques qui vont s'improviser conseillers en assurance. Pouvez-vous nous expliquer un peu et donner un peu de détails sur comment vous voyez ces choses-là, vous? Ça, c'est ma première question, si vous voulez l'écrire.

Ma deuxième question – parce qu'on va y aller, étant donné qu'on n'a pas beaucoup de temps... Le président nous oblige, disons, à aller un peu plus vite – vous parlez aussi, dans votre mémoire – et c'est, je crois bien, à la page 11 – des produits d'assurance bancaire et spécialement du type assurance-crédit. Vous savez que l'assurance-crédit, vous avez bien compris, les banquiers nous disent que ces produits sont en marge, ils sont peu élevés, tandis que vous dites complètement le contraire, que ce n'est pas en marge, c'est des gros morceaux, l'assurance-crédit qui est vendue par les banques. Voulez-vous nous expliquer votre point de vue et si, aussi très important, ces produits sont vendus vraiment à prix avantageux pour le consommateur? Ça, c'est ma deuxième question.

Et ma troisième, M. le Président, est: Vous craignez, comme pas mal d'organismes qui sont venus devant nous, justement que l'ouverture à la caisse-assurance et à la banque-assurance, par conséquent, probablement permettrait la perte de beaucoup d'emplois dans ces niveaux-là et, deuxièmement aussi, je dirais quasiment une perte de concurrence à cause qu'on n'aura probablement plus la même quantité et qualité de joueurs, mais ça va être probablement très limité. Je suis d'accord avec vous quand vous dites, toujours dans cette direction-là, que probablement Desjardins aujourd'hui voudrait avoir ça, voudrait aller de l'avant avec ça, mais il ne perçoit pas ou n'envisage pas justement les possibilités qu'au moment où les banques vont arriver, probablement, le premier à souffrir des conséquences, ce serait justement Desjardins.

M. Duhaime (Guy): C'est ce que nous pensons, du moins. Quant à ce qu'on appelle les commis recyclés, c'est bien connu que Desjardins ainsi que les banques ont mécanisé leur système, on a déshumanisé les services au comptoir. D'ailleurs, lorsqu'on essaie de se faire servir par quelqu'un dans une banque ou dans une caisse, on nous dit souvent: Pourquoi vous n'allez pas au guichet n° 2? Vous pouvez faire les mêmes transactions, et tout ça. Alors, ça a amené ce qu'on appelle des commis en disponibilité, un peu comme on retrouve dans le système de l'éducation, lorsqu'on a des professeurs en disponibilité, on continue à les payer même s'ils ne travaillent pas. Étant administrateur dans un cégep, on a vu ce genre de gymnastique. Alors, dans les caisses, on ne veut pas non plus remercier ce personnel-là.

Alors, si on ne veut pas le remercier, on a des choix qui ne sont pas tellement compliqués. On demande de faire plus de services pour pouvoir recycler ces gens-là. Mais, comme deux et deux font quatre, si on prend 20 000 emplois puis on les met dans une industrie qui est, à toutes fins pratiques, depuis plusieurs années, sans progression – ça, il faut le comprendre qu'il n'y a pas de progression dans l'assurance de personnes depuis plusieurs années – ça veut dire qu'on va tout simplement prendre ces 20 000 emplois et les soutirer de notre secteur. Alors, mathématiquement, pour le gouvernement, c'est sûr qu'il n'y a pas de perte, mais, émotivement, pour nous, c'est probablement 20 000 emplois dans nos secteurs qui vont disparaître pour être, ce qu'on appelle, repris par des commis recyclés. Alors, on recommence la roue. La qualité du service, est-ce qu'elle va être aussi bonne? Ça, on en doute.

(16 heures)

Alors, ça répond peut-être à la première et à la troisième question. C'est sûr qu'il y aura une perte de concurrence, parce que les petits cabinets qui ne pourront pas survivre, il y aura moins de compétition; donc, s'il y a moins de compétition, il y aura plus de concentration d'un seul ou de quelques assureurs. Et on sait très bien ce que ça fait lorsqu'il y a une concentration. Il y a des décisions qui se font en déjeunant le matin. Même s'il y a des lois antimonopoles, on sait comment ça se passe. Et, finalement, le consommateur va finir par payer pour. Alors, on pense que restreindre le nombre d'entrepreneurs ou le nombre d'entreprises vendeuses va faire, à long terme – là, j'ai une vision dans 10, 15, 20 ans – pour le consommateur, qu'il va être un peu tenu en otage, il devra payer le prix qu'on lui demandera.

Quant à l'assurance de base reliée à des comptes de crédit, dans le mémoire, on ne parle pas nécessairement d'assurance-crédit, mais on parle surtout de produits de base. Ce qu'on voit dans les caisses populaires depuis plusieurs années, c'est des produits qui sont modelés pour un ensemble. Alors, lorsqu'on modèle un produit pour un ensemble, bien, on le modèle puis on lui donne une marge de profit qu'on trouve acceptable.

Si je peux comparer, un exemple pratico-pratique, là... Alors, si, nous, on vend une protection de 100 000 $ à quelqu'un, qui peut coûter 2 $ du 1 000 $, qui coûte 200 $, plus les frais de contrat, 50 $, ça fera 250 $. La même institution financière ne vendra pas ce 100 000 $ là mais va donner, probablement sur le compte de banque ou sur une autre disposition... On va lui dire: On vous vend un 10 000 $, ça ne vous coûte pas grand-chose, ça vous coûte 8 $ par mois. Alors, si vous faites le calcul qu'un 10 000 $ qui coûte 8 $ par mois, ça fait 96 $, et j'ai seulement un 10 000 $. Alors, c'est sûr, on va marcher avec des volumes plus petits, des produits qui sont un peu faciles à acheter, parce que c'est 1 $, 2 $ par semaine. C'est un peu la philosophie avec laquelle ça va, et ça donne des marges de profit. Et, finalement, si l'assureur qui vend 100 000 $ à 250 $ fait de l'argent, j'ai l'impression que 10 000 $ à 96 $ par année, on a une marge de profit assez forte. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on parlait de produits standardisés.

M. Maciocia: Je peux comprendre, M. le Président. C'est un peu comme les compagnies de cartes de crédit qui appellent le client pour lui dire: Si vous voulez payer plus tard, vous allez payer 2,9 % d'intérêt par mois.

M. Duhaime (Guy): Si ce n'était que ça. Parce que c'est plus un pourcentage par jour.

M. Maciocia: C'est ça. L'intérêt composé, ça revient à 35 %.

M. Duhaime (Guy): C'est ça.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ça va?

M. Maciocia: Oui.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): On vous remercie beaucoup de vous être déplacés pour faire entendre votre point de vue. Et j'invite immédiatement l'Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec à prendre place. Je suspends pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 3)

(Reprise à 16 h 4)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): À l'ordre, s'il vous plaît! J'inviterais les membres de la commission à prendre place parce que je crois que nos invités sont, eux et elles, prêts. Et j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos invités. Bienvenue, M. Michaud, et je vous inviterais à présenter les personnes qui vous accompagnent et ainsi nous faire part de votre mémoire.


Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec (APEIQ)

M. Michaud (Yves): M. le Président, c'est la troisième fois en quelques années que je reprends le chemin de Compostelle et que je viens comparaître devant vous...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est toujours intéressant pour nous.

M. Michaud (Yves): ...au nom de l'Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec. J'ai cependant constaté, à l'ordre du jour, avec un immense chagrin et une peine dont je resterai pour le restant de mes jours tout à fait inconsolable, que mon nom a été oblitéré dans la liste des représentants de l'Association. Regardez bien, est-ce que je suis à ce point non présentable que la commission ait décidé de ne pas faire figurer mon nom sur la liste de ceux qui vont vous parler dans quelques instants?

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Moi, M. Michaud, j'avais pensé que votre nom n'était pas là, parce qu'on pensait que vous seriez en route vers une banque, en quelque part, dans une assemblée générale. Je pensais que l'omission était due à ça.

M. Michaud (Yves): Bon, bien, écoutez, M. le Président, c'est...

M. Landry (Verchères): Il y a une autre raison, aussi. Avec ce qu'est devenu le nom d'Yves Michaud, ce n'est pas nécessaire de l'écrire partout pour que tout le monde sache qu'il est ici.

M. Michaud (Yves): ...bon. Alors, si vous êtes amené à résipiscence, je vous donne mon absolution.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): ...après-midi.

M. Michaud (Yves): M. le Président, il s'agit d'une loi extrêmement importante, la loi n° 188. Nous avons sué sang et eau, supportant le poids du jour et de la chaleur, pour étudier minutieusement point par point l'ensemble de la loi et les articles du projet de loi. Nous devons vous dire au départ que nous n'avons aucun intérêt, à titre d'Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec, aucun intérêt ni direct ou indirect, ni de loin ni de près, au projet de loi qui est devant l'étude de cette commission et, éventuellement, devant l'Assemblée nationale. Nous avons un énoncé général: notre Association souscrit d'emblée aux principes fondamentaux du projet de loi. Le législateur a fait preuve d'un souci, je crois, légitime et attendu de la protection du consommateur. Nous accueillons favorablement le regroupement 1° des organismes en un seul; 2° une réglementation et une discipline indépendantes des activités qu'elle supervise; 3° les améliorations à la protection des renseignements personnels; 4° l'élargissement du champ de réglementation, notamment pour les produits accessoires; et 5° la création d'un registre des assurances individuelles sur la vie.

L'APEIQ, l'Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec, je le répète, déplore cependant l'absence formelle de représentants des consommateurs au sein des organismes créés par la nouvelle loi. Nous espérons que cette lacune sera comblée dans la version définitive de la loi.

Si nous constatons une simplification des structures par la création d'un Bureau unique, nous nous interrogeons par contre sur la structure interne de ce Bureau. Les chambres de la sécurité financière et de l'assurance de dommages, telles que proposées, ont ou auront peu de pouvoirs réels. Leur raison d'être est de permettre une représentation élective au sein du Bureau.

En somme, nous avons regardé le problème et nous avons choisi des deux maux le moindre: entre la tentation corporatiste et la tentation étatique, nous avons choisi la deuxième voie. Pourquoi? Pour la bonne, unique et simple raison que nous croyons qu'il appartient aux élus du suffrage universel, que sont tous les membres de l'Assemblée nationale, suprême gardien du bien commun, de ne pas céder aux velléités des représentations de ceux qui ont des intérêts corporatistes et de promulguer une loi qui satisfasse l'intérêt général de tous les citoyens et les citoyennes du Québec.

L'autre volet qui soulève l'inquiétude de notre Association est la création de deux classes d'intermédiaires, c'est-à-dire 1° les autonomes et 2° les intermédiaires rattachés à un cabinet. Les mécanismes de compensation de victimes d'actes éventuellement frauduleux varient selon la classe, si vous étudiez bien la loi. Une telle situation ne pourrait, à notre avis, que causer confusion et sources d'inquiétude.

Nous passerons en revue, après cet énoncé général, un certain nombre d'articles pour lesquels nous avons des commentaires ou des suggestions. Bien que nous soyons conscients que plusieurs précisions seront apportées par la réglementation à venir, nous préférerions voir les protections dûment inscrites dans la loi même.

(16 h 10)

L'article 17: «Un client peut, par avis transmis par courrier recommandé ou certifié, résoudre, dans les dix jours de sa conclusion, un contrat signé à l'occasion de la conclusion d'un autre contrat.» Les avis que nous avons pris à l'extérieur et par les membres du conseil d'administration qui m'accompagnent et dont j'ai oublié la présentation tout à l'heure, dont Richard Pelletier est le secrétaire, Marie Rousseau, la vice-présidente de l'Association, Paul Lussier, membre du conseil d'administration, et Bernard Houde. Donc, nous souhaitons que soit enlevée la limitation «à l'occasion de la conclusion d'un autre contrat», parce que l'assurance vendue à domicile du consommateur est un des rares produits qui échappent aux articles de la Loi de la protection du consommateur accordant un droit de dédit dans un délai raisonnable. Cette protection devrait, ce nous semble, être étendue sans restriction à la vente des produits d'assurance.

Article 19: «Un représentant qui agit pour le compte d'un cabinet ou d'une société autonome ne peut recevoir un montant provenant d'un partage de commissions que par ce cabinet ou cette société.» Nous ajouterions: «Ne peut recevoir directement ou indirectement.» Il est aujourd'hui trop facile de contourner la loi en facturant les services professionnels qui ne sont pas déclarés comme partage de commissions.

Dans les articles 26 à 28: Interdiction à un représentant et à un assureur de communiquer des renseignements de nature médicale à un cabinet qui est une institution de dépôts, nous croyons que la loi ne va pas assez loin en restreignant l'interdit de divulgation aux seules données de nature médicale. Elle devrait établir une véritable muraille de Chine – je ne comprends pas pourquoi on dit une «muraille de Chine», d'ailleurs, parce qu'elle est poreuse, puisqu'elle est là depuis à peu près 3 000 ans – entre les activités de dépôt et de crédit et celles de l'assurance. Aucun renseignement relié à l'assurance, sauf les paiements par retrait, ne devrait être communiqué au personnel responsable de l'épargne et du crédit, et, inversement, aucune information relative à l'épargne et au crédit ne devrait être communiquée au représentant, sauf les renseignements essentiels à la transaction et autorisés par le client. Quant aux renseignements de nature médicale, nous sommes en accord avec les dispositions proposées, mais nous demandons à ce qu'elles soient étendues à tous les intermédiaires et non seulement aux employés des institutions de dépôts.

Article 91. «L'inspecteur peut vérifier les droits d'accès à tout système d'informatique.» Nous élargirions la définition de cet article: accès à tout système informatique et à toute autre forme de dossier. Ça peut être sous forme informatique; ça peut être sous forme aussi de dossier scriptural.

Article 129. «Les affaires du Bureau sont administrées par un conseil d'administration composé de 15 membres. Le ministre en nomme dix, dont le président et le vice-président, et les cinq autres membres sont désignés conformément aux articles 300 et 301.»

L'APEIQ propose que le ministre nomme les 15 membres du Bureau, dont au moins cinq représentants des consommateurs. Un représentant de consommateurs étant identifié comme n'ayant pas de lien direct avec un assureur, un cabinet, une société autonome ni tout autre organisme réglementé par la présente loi, sauf à titre de client. Il n'est pas non plus un représentant ni un titulaire de titre réglementé par la présente loi. Nous en faisons une représentation majeure de notre Association à l'effet que le ministre responsable du bien commun nomme, après consultation, bien sûr, les 15 membres du Bureau, dont cinq représentant les consommateurs.

Article 130. «Le mandat du président est d'au plus cinq ans. Celui des autres membres du conseil, de trois ans.» Nous jugeons ces mandats trop longs. Afin de permettre un renouvellement de personnes et d'idées, nous suggérons un mandat de trois ans pour le président et de deux ans pour les membres du conseil, renouvelable, bien sûr, sans limite.

Article 131. «Le président exerce ses fonctions à temps plein. Le Bureau fixe sa rémunération, ses avantages sociaux et ses autres conditions de travail.» Le Bureau, écrit-on dans la loi. Cet article ferait en sorte, comme on voit cela malheureusement dans les banques ou dans les grandes sociétés, que le président serait appelé à s'auto-évaluer directement ou indirectement et à présider le conseil qui détermine sa rémunération. Il y a là un certain parallélisme avec les combats ou les luttes que je mène dans d'autres secteurs de l'activité financière au Québec et au Canada. Nous jugeons une telle situation impropre et malsaine et proposons que la mesure transitoire énoncée à l'article 479... Nous proposons que le ministre fixe la rémunération, les avantages sociaux et autres conditions de travail du président du Bureau, que cela devienne un article permanent. Le ministre n'exerce-t-il pas ce droit dans le cas du président du comité de discipline prévu à l'article 240?

Nous sommes également d'avis que la rémunération du président de ce Bureau de devrait pas excéder – vous connaissez notre position radine sur les salaires pharaoniques et himalayens des institutions bancaires – celle du plus haut fonctionnaire de la fonction publique du Québec.

Articles 207 à 210. «Le Bureau peut, avec l'autorisation du gouvernement, tenir un registre des assurances individuelles sur la vie.» Nous sommes favorables à la création de ce registre en ce qu'il simplifiera la vie des consommateurs ayant droit à des indemnisations. Nous invitons cependant le gouvernement à une extrême prudence en matière de confidentialité des renseignements personnels devant une telle concentration d'information. Nous surveillerons également de très près la tarification qui sera établie par le Bureau pour l'accès à l'information. Il est peu utile de créer un outil destiné à venir en aide aux consommateurs s'il est financièrement inaccessible.

Article 227. «Le syndic ou le cosyndic – vous avez vu qu'on a fait un travail sérieux, hein – dépose une plainte contre le représentant devant le comité de discipline lorsqu'il est d'avis qu'il existe suffisamment de preuve de la commission d'une infraction.» C'est le texte de la loi. Ce pouvoir du syndic est très important en ce qu'il permet de disposer d'une plainte s'il juge les faits allégués insuffisants. Afin de mieux encadrer ce pouvoir décisionnel et surtout de le rendre plus transparent, nous suggérons de suivre le modèle du comité de surveillance de la l'Association des intermédiaires en assurance de personnes, qui s'est adjoint un représentant des consommateurs à titre d'observateur.

Articles 266 et 271. Il s'agit de la création du Fonds. Ce Fonds est un élément clé de la protection du consommateur. Il permet une réclamation simple de tous les citoyens du Québec qui s'estimeraient lésés et, nous l'espérons, un règlement rapide des réclamations, sans faire appel à l'appareil judiciaire ou en procédant par la procédure expéditive prévue par le nouveau Code civil du Québec. Nous sommes inquiets des plafonds des indemnités versées. Si d'autres solutions venaient remplacer ce Fonds, nous insistons pour que celles-ci rencontrent des critères importants de simplicité et de rapidité afin qu'il ne s'écoule pas des mois et des années avant que le plaignant lésé reçoive compensation. À cause de l'importance du Fonds pour la protection des consommateurs, nous estimons essentiel de voir au moins deux représentants des consommateurs siéger sur ce conseil d'administration du Fonds. De plus, nous demandons à ce que la protection offerte par le Fonds s'étende à tous les intermédiaires et non seulement aux autonomes.

Chapitre VI, Chambre de la sécurité financière et Chambre de l'assurance de dommages. Notre Association est en désaccord avec la création de ces deux Chambres, pour le principe de l'énoncé général que j'ai expliqué précédemment à l'effet que nous préférons la solution étatique à la solution corporatiste. Nous constatons d'ailleurs que ces Chambres sont dotées de peu de pouvoirs et que leur raison d'être est uniquement de permettre une représentation élective au sein du nouveau Bureau. Nous sommes d'avis que le ministre peut, à sa convenance, pour les nominations au conseil, mettre en place un processus de consultation qui assurera une représentation tout aussi adéquate de ces intermédiaires.

(16 h 20)

L'article 297, qui concerne le droit de se présenter comme candidat et de voter. Si jamais l'Assemblée nationale voulait conserver cette représentation des deux chambres que je qualifie, entre guillemets, de corporatistes, nous souhaiterions tout représentant autorisé à agir dans une discipline, qui n'a pas été trouvé coupable d'une faute disciplinaire dans les trois années précédant la nomination recherchée. Il me semble que cela va de soi et que ça offrirait une certaine garantie à l'effet que ce représentant de ces chambres serait, comme la femme de César, au-dessus de tout soupçon. Dans ce même esprit, nous sommes d'avis qu'un membre du conseil d'administration soit déchu de ce poste advenant une condamnation disciplinaire en vertu de la présente loi.

Articles 354 à 364. Il s'agit du guide de distribution. Le guide de distribution va dans le sens d'une plus grande protection du consommateur, et nous félicitons les rédacteurs du projet de loi et le ministre d'avoir inclus cette disposition. Nous déplorons qu'il soit difficile d'accès aux consommateurs; il devrait être disponible chez le distributeur même de produits financiers.

Article 372, et c'est le dernier, qui concerne la personne qui distribue le produit, qui doit le décrire au client et lui préciser la nature de sa garantie. Cet article précise bien les devoirs du distributeur. La loi ne prévoit cependant aucun recours disciplinaire advenant un manquement à ces devoirs. Un consommateur doit-il intenter une poursuite contre un distributeur qui a vendu une assurance- location automobile inutile, par exemple, de 25 $, 50 $, 75 $ ou 100 $? Nous suggérons que ces gestes soient considérés comme des gestes de vente d'assurance et que les personnes qui les posent s'exposent à des amendes devant le comité de discipline du Barreau, ce qui n'est pas prévu par la loi. Nous suggérons également que le Bureau soit habilité à assister le consommateur qui a une réclamation contre un distributeur et à l'assister de façon efficace, réelle, y compris les moyens financiers afférents.

Messieurs les députés, je vous remercie de votre bonne attention, et nous sommes disposés à répondre à vos questions, si tant est que nous ayons manqué, en quelque sorte, de limpidité, de clarté et de netteté.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. Michaud. Avec vos derniers propos, ça va peut-être limiter les questions; sinon, ça va montrer que vous n'avez pas été assez clair. Mais, de toute façon, c'est une boutade, une farce. M. le ministre.

M. Michaud (Yves): Vous savez, parler dans le désert, je fais ça depuis des années.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Non, non, c'était très clair. M. le ministre.

M. Michaud (Yves): Et si le grain de lait, la semence...

M. Landry (Verchères): M. le Président, même si le temps nous presse, je pense que personne ne m'en voudra de prendre quelques minutes pour féliciter chaleureusement Yves Michaud pour ce qu'il a fait au cours des dernières années au nom des consommateurs et des consommatrices, et pour mettre un peu plus de transparence et réveiller un peu les institutions qui avaient laissé s'accumuler sur elles une poussière qu'il était temps de faire lever. Ça a été fait avec un courage qui étonne tous ceux qui ont suivi ce qui est une quasi-épopée, puisque, là, maintenant, les banques commencent, en plus, à accepter les résolutions et, des fois, elles sont difficiles à convaincre. Mais, nous – et j'ai rapidement consulté mes collègues ici – nous ne sommes pas difficiles à convaincre, comme la Banque Royale, sur le salaire des dirigeants. On accepte votre proposition sur l'article 479, et nous allons faire en sorte que des exagérations que vous dénoncez ailleurs ne se reproduisent pas à la faveur de nos lois.

Pour le reste, votre mémoire est clair et fouillé, il y a beaucoup de convergences avec la loi, vous êtes d'accord avec le décloisonnement. Alors, je ne veux pas insister lourdement sur les points où nous sommes d'accord et où les décisions sont prises. Pour le décloisonnement, je dois le dire, autant nous sommes d'accord, autant nous croyons qu'il ne peut pas être fait sans soins. Alors, protection des renseignements personnels, médicaux et autres, interdiction des ventes liées, lieu physique assurant la discrétion des conversations et des écrits sont toutes des choses que nous avons mises dans le projet de loi et que nous sommes disposés à resserrer, s'il le faut. Le président de la Commission d'accès à l'information est venu nous parler; il est essentiellement d'accord avec nos dispositions. Même, il nous a reproché d'être allé un peu loin parce que ça déborde sur sa propre loi, risquant de l'affaiblir, dit-il. On va essayer de régler ça techniquement avec lui. Il nous a fait quelques suggestions sur les questions de consentement; on va aussi retravailler ça. Si vous avez des suggestions pratiques à nous faire, nous serions intéressés à les entendre.

Sur la question du Bureau, vous êtes très fermes. Et là nos pensées se recoupent jusqu'à un certain point, mais vous allez beaucoup plus loin que nous. Au début, nous avions pensé aussi qu'un organisme unique désigné par le gouvernement, qui est le garant de l'intérêt public, serait ce qui servirait le mieux les consommateurs et le monde de l'assurance. Nous avons reculé sur cette position à la demande précisément des intermédiaires eux-mêmes et de leurs associations, qui se sont mêlés vigoureusement du débat, comme vous le savez, et nous avons conçu ce projet d'ajouter des chambres pour préserver leurs traditions électives et leurs traditions d'animation concernant leur propre profession et leur propre métier. Alors, là, vous allez plus loin que nous. Bien qu'au Bureau la présence du gouvernement est claire et nette, vous nous suggérez en plus d'y assurer une place importante pour les consommateurs; nous sommes d'accord. Nous allons modifier la loi pour qu'il apparaisse que le gouvernement nomme mais tient compte d'une présence nécessaire des consommateurs, des intermédiaires et des institutions financières. Alors, le gouvernement balisera son propre pouvoir de nomination de façon à ce que ce Bureau soit aussi le plus représentatif possible.

Vous nous demandez des petites choses aussi de détail. Nous sommes d'accord. Le guide, qu'il soit disponible chez le distributeur même; il le sera. Vous avez, de façon très perspicace, relevé une petite erreur. La référence à l'article 396, nous dites-vous, semble erronée; oui, elle l'est, erronée. Nos juristes ont vérifié, et vous avez raison. Alors, on va corriger ça.

Voici en gros, quand le temps ne nous en permet pas plus, les remarques que nous avons à faire au sujet de cet impressionnant mémoire et de la forme dans laquelle il fut présenté.

M. Michaud (Yves): M. le Président, si vous permettez – j'allais dire à votre humble serviteur mais j'enlèverai le qualificatif humble, puisque cela ne correspond pas à ma nature profonde – je vais passer la parole au secrétaire de l'Association qui a passé au peigne fin, mais vraiment au peigne fin, pendant des semaines le projet de loi n° 188 et qui va vous expliquer le point de vue que nous soutenons et que nous soutenons encore sur le fait que l'élection qui ressemble un peu à l'ancien conseil municipal de Montréal où il y avait la représentation de corps intermédiaires au sein des élus de la nation ou de la ville de Montréal. C'est un peu passéiste. Et c'est pour ça, quand j'ai dit entre la tentation corporatiste et la tentation étatique, moi, j'aime mieux l'État responsable devant les citoyens que devant des groupes d'intérêts particuliers. Mais je demanderai au secrétaire, M. Richard Pelletier, de vouloir commenter sur cet aspect de la question.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. Michaud. Comme tout le monde entend les cloches sonner ou les clochettes, nous sommes obligés de suspendre nos travaux, puisque nous sommes appelés de l'autre côté pour un vote immédiatement. Donc, je suspends. On revient tout de suite après le vote.

M. Michaud (Yves): J'espère que nous pouvons nous estimer libérés. Si vous suspendez, est-ce que vous nous suspendez, nous aussi?

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Non. On suspend la commission, mais on revient dans cinq, 10 minutes, je n'ai pas le temps. Parce que l'opposition a des questions à vous poser, des commentaires à faire.

M. Michaud (Yves): Alors, on vous sonne, et vous répondez?

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ah! Qu'est-ce qu'il a dit? Donc, je suspends les travaux.

(Suspension de la séance à 16 h 30)

(Reprise à 16 h 45)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): À l'ordre, mesdames, messieurs. Nous allons reprendre nos travaux immédiatement parce qu'on risque d'être interrompus à nouveau pour un autre vote. Et la parole était maintenant au député de Viger.

M. Maciocia: Oui, merci, M. le Président. M. Michaud, mes compliments, toujours en regard de votre croisade vis-à-vis des banques. Je pense que vos efforts commencent à produire des fruits. On les a vus ce matin dans le journal, et on vous félicite pour ça.

Mais je voudrais faire une autre remarque, M. le président, si vous le permettez, à M. Pelletier, qui est avec vous, votre secrétaire, parce que j'ai eu l'occasion de lire ces jours-ci une entrevue qu'il a donnée à la revue Perspectives de février 1998 et je pense que c'est très intéressant, les remarques de M. Pelletier vis-à-vis, justement, d'un organisme qui est venu devant nous, et ça démontre la responsabilité, vraiment, de cet organisme vis-à-vis de la protection du consommateur. Et je pense que M. Pelletier disait à un certain moment, en parlant toujours de l'AIAPQ, et je le cite, et c'est très intéressant: «À l'époque, dit M. Pelletier, je ne connaissais pas grand-chose à l'industrie de l'assurance et j'avais une certaine méfiance à l'égard des agents et des courtiers. Le rôle d'un comité de surveillance, dans ce contexte, m'apparaissait très important. Quant à ces réserves face au processus de surveillance à l'AIAPQ, elles sont disparues dès ces premières rencontres au comité. Lorsque j'ai commencé à siéger au comité, j'ai été agréablement surpris et très impressionné de voir à quel point on avait à coeur la protection du consommateur et aussi de la sévérité témoignée envers les intermédiaires fautifs.»

Je suis agréablement surpris, je peux le dire, M. Pelletier, que c'est vraiment la constatation qu'on a faite, nous aussi, vis-à-vis de cet organisme, de la façon qu'il travaille vis-à-vis, justement, de la protection du consommateur. Et je pense que c'est très important, votre réquisition. Je pense aussi, dans ce comité-là de surveillance, qu'elle est très appréciée à l'intérieur de l'AIAPQ.

J'y vais, M. le Président, tout de suite aux questions parce que je pense que le temps est très limité. M. Michaud, vous dites que les dispositions relatives à la protection des renseignements confidentiels ne vont pas assez loin. Pourriez-vous élaborer un peu, dans le sens... Parce que vous n'êtes pas le seul qui dit justement que la protection sur les renseignements personnels ne va pas assez loin, tous les organismes qui sont venus devant nous – les organismes de protection du consommateur – ils nous ont fait la même remarque. Pourriez-vous élaborer un peu sur ça puis nous dire comment il faudrait, probablement, protéger ou encadrer encore plus cette disposition à l'intérieur du projet de loi?

M. Michaud (Yves): Nous souhaitons que la loi élargisse la protection des renseignements personnels. Ça, c'est notre énoncé général. De façon plus précise, je vais demander à M. Pelletier de répondre, qui, incidemment, est le représentant de notre Association, mais il agit intuitu personae, à titre personnel, à l'Association, justement, des intermédiaires de marché...

M. Maciocia: Oui, et c'est très bien apprécié.

M. Michaud (Yves): ...et nous sommes extrêmement heureux de l'avoir recommandé, comme Association, à ce bureau, et je pense qu'il rend un service éminemment utile à l'ensemble de nos concitoyens.

M. Maciocia: Magnifique.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. Pelletier.

M. Pelletier (Richard): Oui, merci. En passant je n'ai pas reçu copie de cet article, mais j'étais présent lors de la rencontre. Je n'ai pas reçu copie de l'article, alors...

(16 h 50)

Pour ce qui est de la confidentialité, puisque c'était une question qui était posée par le ministre Landry et par vous-même, en fait, il y a un volet... Si on parle d'un volet de confidentialité, dans le contexte des articles 26 à 28, ce qu'on retrouve principalement, c'est qu'il semble y avoir une relative protection de l'information ou des informations qui touchent à l'assurance qui ne doivent pas être divulguées à la section crédit et dépôt, en fait à la section traditionnelle des institutions de dépôts. À la section dépôt, on ne voit pas ou on n'a pas lu de protection à l'inverse, où les informations sur le dépôt doivent être cachées ou doivent être conservées confidentielles pour les gens de l'assurance qui oeuvrent dans une succursale de dépôts. C'est un exemple de... Et, évidemment, le fait qu'il y ait une telle promiscuité des lieux nous fait craindre qu'il y ait perméabilité de la confidentialité des informations, mais nous concevons également qu'il sera difficile au législateur ou même à l'Inspecteur d'aller s'assurer que les gens dans la caisse ne se parlent pas. On comprend les limites, en fait, de la loi, mais, par contre, on aimerait qu'il y ait une protection de l'information de dépôt, qu'elle ne soit pas divulguée aux gens d'assurance.

M. Maciocia: Est-ce que je pourrais aller jusqu'à dire, M. Pelletier ou M. Michaud, qu'il faudrait empêcher, d'une certaine manière, que – appelons-le entre guillemets – le représentant qui va vendre des produits d'assurance à l'intérieur des caisses ou des banques – parce que c'est clair que c'est les banques aussi qui vont s'en venir avec ça – il fasse uniquement ça pour ne pas avoir accès, justement, aux mégafichiers et à tous les renseignements qui sont à l'intérieur des caisses et des banques, des renseignements personnels, des renseignements financiers, toutes sortes de renseignements qui sont dévolus, justement, dans ces fichiers-là?

M. Pelletier (Richard): Bien, c'est notre compréhension parce qu'il me semble que la loi dit quelque part – je ne connais pas les articles par coeur, là, nous ne sommes pas avocats, nous sommes consommateurs – que la personne qui vend de l'assurance ne peut pas exercer des activités de dépôt et de crédit. Alors, on présume effectivement que cette personne ne doit faire que de l'assurance.

M. Maciocia: Uniquement de l'assurance. C'est ça?

M. Pelletier (Richard): C'est notre compréhension.

M. Michaud (Yves): Il serait inconcevable que celui qui vend de l'assurance dans une caisse puisse aller à la caisse faire des fonctions, remplir ces fonctions-là à mi-temps ou à quart-temps pour une économie de moyens. Il faut absolument que ce soit strictement limité à la vente des produits d'assurance et qu'il n'ait accès à aucune information à l'intérieur de la caisse autre que celles qui concernent strictement la fonction de l'assureur.

M. Maciocia: J'ai une autre question, M. le Président, si vous permettez. Toujours dans votre mémoire, vous vous inquiétez aussi de la protection des consommateurs lorsqu'il y a distribution sans représentant et vous dites à un certain moment: La loi ne prévoit aucun recours pour le consommateur. Étant donné qu'il y a de la distribution sans représentant, vous dites que, dans la loi, on ne voit aucun recours de la part du consommateur. D'après vous, quel recours souhaiteriez-vous que puisse avoir le consommateur? Parce que, là, vraiment, on se trouve en face d'une distribution, comme je le disais tout à l'heure, sans représentant. Quelle sorte de recours vous souhaiteriez qu'on puisse avoir dans ces circonstances-là?

M. Pelletier (Richard): Je présume que vous faites référence à la partie de notre mémoire qui traite de l'article 372?

M. Maciocia: Oui.

M. Pelletier (Richard): L'article dit bien: La personne qui distribue sans représentant. Bon, ce n'est peut-être pas des représentants au sens où ils ont les titres et toute la formation, mais il y a une personne qui distribue. La loi énumère des devoirs de cette personne. Cette personne-là doit donner les informations, doit agir d'une certaine façon, mais la loi ne prévoit aucune pénalité dans le cas où les exigences de la loi ne sont pas rencontrées. Alors, nous, on croit que cette personne qui vend un produit d'assurance pose un geste de distribution d'assurance, qu'elle ait ou non les diplômes, mais elle pose un geste de distribution et de vente d'assurance et que, ce faisant, ce geste soit régi par la même loi et qu'elle s'expose aux mêmes pénalités advenant que ça ne soit pas fait selon les règlements de la loi.

M. Maciocia: Et que, par conséquence, le consommateur, il devrait avoir le droit d'avoir recours vis-à-vis de cette personne-là...

M. Pelletier (Richard): Évidemment.

M. Maciocia: Pas seulement vis-à-vis de la compagnie, mais vis-à-vis aussi de cette personne-là.

M. Pelletier (Richard): Évidemment, oui. En fait, pour nous, c'est devenu un intermédiaire pour, au moins, le temps où le geste a été posé et la vente a été faite.

M. Maciocia: Parfait, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Alors, rapidement, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. J'ai seulement une question. Dans votre mémoire, vous faites référence à la question des chambres et vous dites que l'APEIQ est en désaccord avec la création de ces deux chambres. Nous constatons qu'elles sont dotées de peu de pouvoirs, bon, etc. Alors, vous suggérez la disparition de cette structure. Il y a eu quand même un certain nombre de représentants qui sont venus ici, à la commission, nous sensibiliser à la nécessité de responsabiliser les individus qui sont dans le secteur de l'assurance et aussi à toute la question de la professionnalisation des gens qui travaillent dans le secteur. C'est évident que, dans l'état actuel du projet de loi, les chambres ne satisferont pas ces gens-là, et ces gens-là souhaiteraient qu'il y ait plus de pouvoirs attribués aux chambres au niveau de l'autodiscipline, de l'autoréglementation, de la surveillance de la pratique et de l'inspection professionnelle.

Alors, eux autres souhaiteraient que ce soit attribué à ce niveau-là, et un des arguments qui avaient été présentés, entre autres, par une des associations d'assureurs, c'était le fait que... On nous donnait l'exemple: Est-ce que ça serait concevable que, par exemple, les pharmaciens soient régis par un code de déontologie, par des règles de comportement qui seraient dictées par un bureau dans lesquelles on retrouverait à la fois des manufacturiers de produits pharmaceutiques, des distributeurs et des pharmaciens, que ça serait ces gens-là qui établiraient la façon dont les professionnels devraient se comporter? Bon, ils faisaient un certain parallèle entre cette réalité-là et ce que serait éventuellement le Bureau tel qu'on l'entrevoit dans le projet de loi, un bureau représentatif des différents intervenants. Mais, dans l'optique où les chambres seraient dotées de plus de pouvoirs au niveau de l'autodiscipline, de l'autoréglementation, de la surveillance et de l'inspection professionnelle, est-ce que, à ce moment-là, votre position, que vous avez énumérée dans votre mémoire, qui a été faite à partir de la réalité que vous constatiez, que les chambres avaient peu de pouvoirs, serait modifiée?

M. Michaud (Yves): C'est-à-dire que je laisserai, dans le détail, M. Pelletier répondre, mais nous croyons que cela ajoute entre le consommateur et le vendeur de produits d'assurance, avec la représentation de ces chambres sur le Bureau, un élément qui m'apparaît superfétatoire. Vous avez mentionné le cas des pharmaciens. Or, les pharmaciens peuvent très bien, dans leur profession, adopter un code de déontologie, mais, au-dessus d'eux, il y a l'Office des professions du Québec qui les réglemente en vertu d'une loi qui chapeaute, et, si quelqu'un a à se plaindre d'un acte délictueux d'un pharmacien, il peut en saisir le comité de discipline ou de la pharmacie, mais il peut interjeter appel à l'Office des professions du Québec. Alors, le Bureau serait, en somme, le pendant, pour la distribution des produits d'assurance, de cette cour d'appel, si vous voulez, d'un client qui s'estimerait lésé. Alors, pourquoi passer par les méandres d'un bureau dans une première instance au lieu que le client... Nous, ce que nous voulons comme association, c'est que le citoyen qui se sent lésé s'adresse directement au Bureau. Alors, nous ne voyons pas très bien comment... Sans compter – l'homme étant humain, hein, c'est normal – tout le grenouillage qui pourrait se produire dans ces chambres électives représentées dans un bureau, etc. Je pense qu'il y a là une sorte de distorsion de la démocratie qui ne serait pas à l'avantage du citoyen.

M. Bordeleau: Est-ce que tout le système professionnel n'est pas basé sur le fait que, quand les gens ont des plaintes à faire, ils s'adressent d'abord au Barreau, au Collège des médecins, etc., et que la plainte se fait à ce niveau-là, ce qui arriverait si les chambres avaient plus de pouvoirs et contrôlaient plus la dimension autodiscipline et inspection professionnelle?

M. Michaud (Yves): Écoutez, pour avoir vécu cette expérience moi-même et pour avoir, de la part de nos membres, reçu beaucoup de doléances, il faut se méfier des jugements inter pares. Allez présenter une doléance au Comité de discipline du Barreau, j'aime autant vous dire que, avant que vous ayez raison, quel que soit le bien-fondé de votre droit, vous pourriez tomber de Charybde en Scylla et entreprendre une longue marche comme celle de Mao. Les jugements entre pairs, je me méfie de ça comme la peste. Je parle d'un citoyen ordinaire. J'aime mieux voir, moi, les représentants de l'État, qui sont comptables devant l'Assemblée nationale, devant l'opinion publique, exercer les pouvoirs, et qui sont censurés par à la fois l'opinion publique et par l'Assemblée nationale. J'aime mieux que les pouvoirs soient là plutôt que dans des chambres.

M. Bordeleau: Ça va contre la réalité actuelle où on a centré ces pouvoirs-là au niveau des professions comme telles, si je comprends bien.

(17 heures)

M. Michaud (Yves): C'est pour ça que, dans la loi, la création des chambres, nous, on n'est pas tellement pour ça.

M. Bordeleau: O.K. Alors, c'est un...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ça va? On vous remercie, M. Michaud, vos invités, les gens qui vous accompagnent de cette présentation. Et, sur ce...

M. Michaud (Yves): Un dernier point. Est-ce que nous avons l'assurance du ministre que, sur le conseil d'administration, des 15, il va y avoir cinq représentants des consommateurs?

M. Landry (Verchères): ...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Il y aura une répartition équitable que M. le ministre dit.

M. Michaud (Yves): Équitable. Bon, merci.

M. Landry (Verchères): ...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Sur ce, j'invite les représentants de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante à se présenter et je vais suspendre deux minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 1)

(Reprise à 17 h 3)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): À l'ordre. Mesdames, messieurs, bienvenue. «C'est-u» M. Cléroux? Oui. Bienvenue à M. Cléroux et à M. Arnau qui arrivent en vitesse. On vous bouscule un peu, mais, de toute façon, il faut en finir parce que le temps passe, et nous allons probablement être encore obligés de suspendre pour un autre vote. Donc, nous allons commencer immédiatement. Je veux vous souhaiter la bienvenue et inviter M. Cléroux à nous présenter son mémoire.


Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

M. Cléroux (Pierre): Merci. Je suis accompagné de Philippe Arnau, qui est économiste à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et qui va participer avec moi à la présentation. On m'indique que je dois vous indiquer qu'on vient de faire le dépôt d'un ajout à notre mémoire. C'est simplement un tableau qui fera partie de notre présentation, donc pour consultation un peu plus tard. D'abord, merci de l'invitation de la commission d'entendre la Fédération. Je vous rappelle que la Fédération regroupe 17 000 propriétaires de PME au Québec.

Des grandes institutions financières, notamment les caisses populaires Desjardins, demandent depuis plusieurs années d'élargir leurs champs de compétence afin d'être impliquées dans tous les services financiers. Il est compréhensible qu'une industrie mature qui désire continuer de croître veuille s'implanter dans d'autres secteurs d'activité. Aujourd'hui, les caisses populaires sont dans le secteur de l'assurance, des fiducies, des valeurs mobilières et de la planification financière, et la liste s'allonge de plus en plus. Les caisses populaires, comme les banques, prêchent le concept d'un endroit unique pour la vente de tous les services financiers. On prétend que ce guichet unique est voulu par le consommateur et est à l'avantage de celui-ci.

Mais qui va bénéficier de ce guichet unique? La FCEI n'a jamais été un chaud partisan que tous les services financiers soient vendus de façon intégrée, c'est plutôt le contraire. Au cours des dernières années, la FCEI a constamment obtenu l'opinion de ses membres sur la question de la vente des produits financiers par les institutions financières. Nos membres se sont toujours opposés à la vente d'assurance dans les institutions financières.

Dans le plus récent sondage, nous avons demandé à nos membres: Doit-on accorder la permission aux banques, aux caisses populaires et aux sociétés de fiducie de vendre de l'assurance dans leurs succursales? Eh bien, la réponse est claire: 26 % des propriétaires d'entreprises québécoises ont répondu oui; 62 % des propriétaires d'entreprises ont répondu non; et 12 % se sont déclarés indécis. Donc, les PME sont opposées à la vente d'assurance dans les succursales des institutions financières.

Les PME ont plusieurs raisons pour s'opposer à l'élargissement des pouvoirs des institutions financières. En fait, généralement, elles ont été bien servies par les distributeurs actuels des produits d'assurance. Les distributeurs actuels ont les connaissances nécessaires afin d'offrir un service professionnel. Il n'y a pas de garantie, selon nous, que les institutions financières offriront des meilleurs prix dans le futur pour les consommateurs. Ils ont beaucoup de difficultés à croire que les institutions financières pourront offrir un niveau aussi élevé de connaissances, d'information et de service. Ils ne veulent pas nécessairement avoir tous leurs services financiers avec la même institution. Ils sont également inquiets à propos de la confidentialité et des ventes liées. Ils sont inquiets de l'impact de ce projet de loi sur le secteur de l'assurance. Et, enfin, ils sont inquiets de la concentration de pouvoirs dans le secteur des services financiers.

Afin de bien comprendre les inquiétudes des PME, il est important d'observer leur relation avec les institutions financières relativement au financement des entreprises et aux frais de services bancaires. Donc, brièvement, nous allons faire un portrait du financement des PME vu par les propriétaires d'entreprises. Philippe.

M. Arnau (Philippe): Oui. Alors, je vais vous parler un tout petit peu, donc, de la concentration du marché des services financiers au Québec et puis de ce que ça fait ou quel est le point de vue des PME sur ça.

Alors, premièrement, on sait que, au Québec, bon, les institutions financières, ce marché-là est dominé essentiellement par un nombre limité d'institutions. Dans un sondage qu'on a fait tout récemment, on a trouvé que les trois plus gros joueurs au Québec, qui sont les caisses populaires, la Banque Nationale et la Banque Royale, ont 67 % du marché des PME, dont 32 % pour Desjardins. Donc, c'est un marché assez concentré.

Si on prend le cas des très petites entreprises, qui forment une grande part des entreprises au Québec – des entreprises de moins de cinq employés – bien, toujours les trois mêmes joueurs monopolisent 73 % du marché avec 47 % des parts pour Desjardins. Donc, c'est un marché, selon nous, très concentré. Bon. En plus d'être concentrés en nombre de joueurs, les services offerts par ces joueurs-là augmentent toujours, donc un nombre limité de personnes font de plus en plus de choses pour les petites entreprises. Et, par exemple, bon, il y a évidemment les services de comptes, de dépôts, prêts, marges de crédit, cartes de crédit, de plus en plus le service de paiement par cartes de guichet. Maintenant, il y a préparation de la paie, préparation des états financiers. Donc, les entreprises ont absolument besoin, évidemment, à toutes les étapes de leur fonctionnement, que ce soit le démarrage, les opérations courantes ou l'expansion, des institutions financières, et puis, dans ce sens-là, cette concentration du marché, tant au niveau des services que des parts de marché, crée un déséquilibre dans la relation, le rapport de force qu'il y a entre une PME qui va voir son institution financière et l'institution elle-même.

À ce titre-là, un seul exemple. Je vous ai distribué un petit tableau où on voit le taux de succès des entreprises à négocier leurs frais de service. Donc, parmi tous les services qu'offrent les institutions financières, il y a de nombreux services dans tout ça qui sont des frais qui sont les comptes de chèques, les marges de crédit, tout ça, les coûts fixes, des frais de services. Lorsqu'on regarde les dépliants des institutions financières, on nous dit toujours que certains arrangements, certains forfaits peuvent être faits selon les services utilisés par l'entreprise. Donc, les petites entreprises qui arrivent pour négocier ces frais-là – vous le voyez sur votre tableau, c'est un résultat de sondage – eh bien, on constate que le taux de succès varie beaucoup, beaucoup avec la taille de l'entreprise.

(17 h 10)

Donc, chez les très petites entreprises – zéro à quatre employés – à peu près une sur trois réussit à obtenir un forfait qui correspond à ses besoins, et, dans les plus de 50 employés, donc les entreprises plus importantes, on est à peu près à 60 %, un petit peu moins. Donc, c'est un exemple de cette concentration du marché puis comment elle est perçue par les PME. À date, c'est ça, leur expérience avec les institutions financières, et, selon nous, ajouter un nouveau produit à la gamme déjà offerte par les institutions financières du Québec serait d'accroître encore cette concentration-là et donc d'accentuer une situation déjà difficile.

M. Cléroux (Pierre): L'enjeu du projet de loi n° 188 est essentiellement de permettre aux institutions financières la distribution de produits d'assurance comme tout autre service financier. Nous pensons que la solution de libre choix de stratégie contenue dans le projet de loi va mener à un affaiblissement considérable de l'industrie de l'assurance au Québec et accorderait un pouvoir démesuré aux institutions financières. Notre expérience dans le financement des PME nous amène à craindre une trop grande concentration de la distribution des services financiers dans les mains des institutions financières. Nous sommes donc opposés à la distribution de produits d'assurance dans les institutions financières. Notre position a toujours été très ferme auprès du gouvernement fédéral en ce qui concerne la distribution de produits d'assurance dans les banques. Nous sommes donc opposés à ce que les banques vendent de l'assurance dans leurs succursales.

Au Québec, les caisses populaires, qui sont régies par une loi québécoise, distribuent déjà des produits d'assurance. Notre première option serait l'interdiction de la distribution des produits d'assurance dans leurs locaux, mais nous comprenons que le présent débat a déjà dépassé ce stade. Nous croyons donc que la vente de produits d'assurance dans les caisses populaires doit être très bien encadrée. Dans ce sens, les recommandations du rapport Baril offrent un encadrement souhaitable et protègent davantage les intérêts des consommateurs. Sans cet encadrement, le projet de loi n° 188 ne pourra être acceptable pour les membres de la Fédération.

Les principales recommandations du rapport Baril concernant la distribution des produits d'assurance, soit d'offrir des produits d'assurance par une filiale dédiée à ces activités, soit d'assurer la distribution des produits d'assurance par des intermédiaires dûment qualifiés, d'interdire le cumul des fonctions, d'utiliser des espaces réservés pour la vente de produits d'assurance, toutes ces conditions, d'après nous, sont essentielles et minimales afin de garantir la confidentialité des renseignements personnels et de prévenir les ventes liées.

Nous comprenons bien la volonté des institutions financières d'élargir leurs champs de compétence, mais leur croissance et leur développement doivent se faire aussi dans l'intérêt des consommateurs québécois. Notre expérience dans le financement des PME nous démontre que le rapport de force entre les institutions financières et les consommateurs doit être bien encadré. Il est clair que le projet de loi n° 188 n'offre pas ces garanties. Le projet de loi doit être modifié afin de mieux encadrer et délimiter la distribution des produits d'assurance dans les institutions financières, tel que le proposait le rapport Baril. Je vous remercie.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. Cléroux. Je vais laisser la parole au député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui. M. Cléroux, M. Arnau, on vous remercie d'avoir profité de l'occasion qui vous était offerte de venir donner votre point de vue. J'excuse l'absence du ministre, il a été retenu pour des raisons professionnelles. Alors, je ne peux pas faire les commentaires qu'il aurait faits, mais je peux vous garantir que les parlementaires vont faire rapport non seulement de votre présentation, mais également des échanges, puisque, en plus d'être inscrits, ça ne nous empêche pas, également, de parler directement avec le ministre concerné. Alors, merci d'être là. Je pense, très clairement, vous avez dit avec raison que, essentiellement, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante que vous représentez s'est toujours opposée à la distribution des produits d'assurance dans les banques et je pense qu'il y a une logique de dire: Bien, les caisses, eu égard à ce qu'on discute, ressemblent énormément aux institutions bancaires, et, en conséquence, vous n'êtes pas disposés à donner votre appui.

Cependant, vous avez eu l'honnêteté de reconnaître que le débat a franchi cette étape-là. Pas parce que je l'affirme, mais parce que le ministre a dit haut et fort, dès l'entrée des travaux de cette commission où on écoute les groupes, qu'il n'était pas question, selon nous, de reculer sur la banque-assurance. Mais, à ce moment-là, je pense que, là où il faut être très attentif, c'est dans les garanties qu'il y a lieu d'offrir pour s'assurer, comme vous venez de le réaffirmer, que les conditions qui avaient été posées par ce qu'on appelle le rapport Baril, soit avec beaucoup plus de fermeté ou de garanties, offrent les sécurités au chapitre de certains éléments. Puis là on les a entendus depuis le début, que ce soient le double emploi, ventes liées, confidentialité des renseignements personnels, ainsi de suite.

J'aurais quand même deux questions à vous poser. Vous affirmez dans votre mémoire que vous doutez énormément que les institutions financières soient en mesure d'offrir un niveau élevé de connaissances. Je voudrais juste que vous précisiez un peu sur quoi vous vous basez pour porter ce jugement-là, parce qu'il faut vous rappeler que les produits d'assurance, sauf certains qui sont déjà vendus sans permis, le seront vendus par l'entremise de représentants dûment qualifiés et certifiés, et ils devront s'inscrire comme cabinets, donc être assujettis eux aussi au Bureau des services financiers qui a le mandat de faire la surveillance par rapport aux compétences, à la connaissance puis aux qualifications. Est-ce que, tout en sachant ça, vous demeurez quand même inquiets? Et sur quoi portent vos inquiétudes fondamentales pour porter le jugement que vous avez porté, que vous ne croyez pas qu'ils pourront offrir un niveau élevé de connaissances?

M. Cléroux (Pierre): Oui. Eh bien, nous pensons ça pour deux raisons. La première, c'est qu'il sera difficile pour les institutions financières d'offrir le même niveau de connaissances et d'expertise qui est démontré chez les courtiers d'assurances. Je pense que les courtiers d'assurances, ce sont des experts, et il sera difficile de former les employés dans les institutions financières pour arriver à ce niveau-là. La deuxième chose, c'est que je pense que la vente d'assurance à l'intérieur des institutions financières, même si elle est voulue et demandée, demeurera toujours accessoire. Donc, je ne pense pas que les institutions financières vont développer une expertise aussi poussée dans la vente d'assurance que les courtiers d'assurances, par exemple, ou les agents qui représentent des compagnies d'assurances. Parce que, on l'a vu dans l'élargissement des compétences des institutions financières, que ce soient, par exemple, des services connexes au financement des PME, on s'est aperçu que la compétence laissait à désirer. Les institutions financières ont toujours eu comme créneau principal le financement des PME, et, même si elles ont étendu leurs services, on s'aperçoit que leur principale expertise est développée dans le financement. Lorsqu'on prend d'autres services, on est souvent moins bien servi.

M. Gendron: Mais, moi, je vous ai très bien compris, je pense. Mais est-ce que vous ne croyez pas qu'une des conséquences, si l'analyse que vous faites s'avère exacte, c'est que le consommateur saura quel geste poser et, en conséquence, ne retrouvant pas, si je prends le jugement que vous venez de porter, le niveau de qualification ou le niveau de connaissances assez élevé, il va faire le choix qu'il fait présentement et il va continuer à le faire, dépendamment de la qualité du service qu'il recevait des courtiers, ou des agents, ou de tous ces intermédiaires pour lequel il trouvait qu'il y avait un haut niveau de professionnalisme?

M. Cléroux (Pierre): En fait, on pense que plusieurs consommateurs n'auront pas le choix d'acheter de l'assurance dans une institution financière parce que c'est déjà le cas chez les PME, particulièrement les plus petites et les plus nouvelles. C'est sûr que les entreprises qui ont 100 employés, qui sont manufacturiers – on a plusieurs membres dans ce cas-là – qui existent depuis 25 ans, elles ont un bon rapport de force avec leur institution financière et, effectivement, un, elles peuvent choisir leur institution financière et elles peuvent aussi choisir les services qu'elles prennent chez leur institution financière. Mais ce dont on s'aperçoit dans nos recherches, c'est que les plus petites et les plus jeunes entreprises n'ont pas le choix.

Premièrement, juste pour obtenir du financement, tu n'as pas de rapport de force parce que ce que tu veux, c'est te faire financer. Une fois qu'on accepte de te financer, on te suggère fortement d'accepter une série de services que c'est très difficile de refuser, puisque tu as eu de la difficulté à obtenir ton financement. Donc, on pense que ça sera le même cas pour les consommateurs, évidemment pas les gens les plus nantis qui auront le choix, évidemment, de leur institution financière ou de choisir leur assurance, mais on pense que les consommateurs qui auront le moins le choix seront invités fortement à prendre leurs produits d'assurance au même endroit.

(17 h 20)

Et, des fois, les ventes liées, ça se fait d'une façon subtile. Je vais vous donner un exemple bien précis, il y a des institutions financières qui offrent un service qu'on appelle un service VIP, c'est-à-dire que, si vous êtes un propriétaire d'entreprise, une petite entreprise, on va vous offrir un service, un genre de package, là, et vous allez avoir, bon, un financement, une carte de crédit corporative, etc., mais, pour avoir accès à cet ensemble de services, vous devez prendre l'ensemble des services. Donc, vous voyez, ce n'est pas une vente liée forcée, mais, finalement, on n'a pas beaucoup le choix. Si vous voulez avoir un bon taux sur votre financement, vous devez aussi prendre la carte de crédit corporative et, dans quelques années, probablement aussi votre assurance à cet endroit-là.

M. Gendron: Oui, mais, regardez, puisque vous abordez la question des ventes liées – puis là uniquement pour avoir peut-être plus de précisions – vous, vous dites: Les membres de la Fédération – en parlant de l'organisme que vous représentez – ont des inquiétudes à l'égard des ventes liées. Vous n'êtes pas les seuls, il y en a plusieurs qui sont venus nous traduire les mêmes inquiétudes.

Nous, comme parlementaires, à moins que je me trompe, on voudrait rendre très hermétique ou fermer également cette alternative des ventes liées. On regarde les éléments contenus au projet de loi, on dit: Les articles 17, 378 et autres interdisent les ventes liées, interdisent les pressions indues, et on permet au consommateur de résilier le contrat après 10 jours. Question, puis, bien honnêtement, compte tenu de votre expérience: Est-ce que vous ne croyez pas que ces trois éléments-là viennent quand même atténuer beaucoup vos craintes? Et, supposons que ce ne serait pas le cas – puis c'est pour ça qu'on veut avoir votre éclairage – qu'est-ce qu'il faudrait ajouter? Moi, j'aimerais ça que vous me disiez quelles autres mesures concrètes vous pourriez nous proposer pour dire: Bien, nous autres, on veut être certains, certains que les ventes liées, ça, il n'en est pas question, et, pour ce faire, les éléments qu'il y a là, ce n'est pas suffisant. Alors, moi, je suis prêt à crayonner pas nécessairement les listes dont on parlait aujourd'hui, mais est-ce que vous avez des suggestions pour ajouter à la sécurité de ce que, je pense, plusieurs parlementaires ne veulent pas non plus?

M. Cléroux (Pierre): Oui. Deux éléments de réponse. Le premier, c'est que c'est vrai qu'il y a des éléments, vous avez raison, dans le projet de loi qui préviennent les ventes liées. On reconnaît ça. Deuxième chose, c'est que, d'après moi, personnellement, d'après l'expérience que j'ai avec le financement des PME, les ventes liées, il va y en avoir de toute façon. Qu'on fasse n'importe quoi, il va y en avoir. Donc, pour nous, la question, c'est de s'assurer qu'il y en ait le moins possible et qu'on les décourage le plus possible. Et, dans ce sens-là, on pense que le projet de loi peut être modifié pour décourager davantage les ventes liées. Et une des façons de faire, c'est ce que le rapport Baril proposait, c'est-à-dire que, si on a des locaux qui sont différents, si on interdit le double emploi, si on demande que ça soit une filiale distincte, on pense que ça va protéger davantage les consommateurs contre les ventes liées. Ce n'est pas évident qu'il n'y en aura pas de ventes liées à la fin du processus, mais, nous, on pense que ce seront des garanties supplémentaires qui n'existent pas dans le projet de loi qui feront en sorte que ça va prévenir davantage les ventes liées.

M. Gendron: J'ai cru entendre au début – puis je voudrais juste vérifier, là – que vous dites que ceux qui feront du prêt hypothécaire, ils ne devraient pas être dans les institutions... Autrement dit, les prêts hypothécaires devraient être aux banques et non aux assureurs. On s'accorde? C'est ça que vous avez dit au début, que vous ne croyez pas que les assureurs doivent faire du prêt hypothécaire.

M. Cléroux (Pierre): Je n'ai pas dit ça, mais...

M. Gendron: Vous n'avez pas dit ça?

M. Cléroux (Pierre): ...je tendrais à penser ça. Je ne l'ai pas dit, mais je serais assez d'accord avec ça.

M. Gendron: Bon, c'est ce que j'avais cru, en tout cas, dans le mémoire. Alors, êtes-vous au courant que beaucoup d'assureurs en offrent, bien peu en font la promotion, mais que le prêt hypothécaire représentait près de 50 000 000 000 $ d'actifs pour les assureurs de personnes avant même le projet de loi? Alors, ça signifie que, même si on ouvre avec la banque-assurance, si on décide de ne pas revenir là-dessus, il me semble que ça fait une preuve qu'il faut être plus sévère sur les conditions des uns et des autres pour que ça s'exerce à peu près sans avantage ni pour l'un ni pour l'autre. Et est-ce que vous seriez, supposons, d'accord – je ne vous demande pas de changer de point de vue – si vous aviez plus de certitude que les garanties prévues... Parce qu'il me semble que vous l'avez dit tantôt: Si j'étais certain qu'il y avait un cadre uniforme, ainsi de suite, parce que je ne reprendrai pas l'ensemble des conditions du rapport Baril... Est-ce que ça voudrait dire que vous changeriez de point de vue ou si vous dites: Non, même s'il y avait un renforcement d'un certain nombre de garanties, nos inquiétudes vont demeurer au chapitre de la confidentialité, de l'incapacité d'avoir le même niveau de formation, ainsi de suite?

M. Cléroux (Pierre): En fait, notre position a toujours été très claire, on est contre la vente d'assurance dans les institutions financières. Mais il faut bien reconnaître qu'au Québec c'est la situation depuis plusieurs années, donc on ne débattra pas sur quelque chose qui n'est pas débattable. Ce qu'on dit, c'est que ça nous paraît acceptable de le faire dans les institutions financières s'il y a des garanties nécessaires, et les garanties qu'on a énumérées par rapport au rapport Baril.

Notre première volonté demeurerait, encore une fois, l'interdiction dans les institutions financières. Et, on a le même message au gouvernement fédéral, à chaque fois qu'il y a révision de la Loi sur les banques, on a fait les études, et notre message est identique, on a une position très claire là-dessus. Mais, étant donné que la situation est différente dans notre coin, ici, bien, on le dit, on est prêt à accepter que ça se fasse comme ça se fait déjà, mais il faut y inclure un encadrement et des limites qui vont faire en sorte qu'on va décourager les ventes liées le plus possible et qu'on va protéger les renseignements personnels.

M. Gendron: Merci.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député d'Abitibi-Ouest. Maintenant, la parole est au député de Viger.

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Merci, M. Cléroux, du mémoire que vous avez présenté devant nous. Je pense que c'est un mémoire qui s'aligne dans la très grande majorité des gens qui sont venus devant nous, spécialement sur la question de baliser d'une manière vraiment très efficace la vente des produits d'assurance à l'intérieur des institutions de dépôts. Je pense que vous l'avez dit très clairement vous aussi, qu'il faut empêcher, de toute manière, qu'il y ait transmission de renseignements personnels, qu'il n'y ait pas de possibilité de ventes liées et qu'il n'y ait pas de double emploi, qu'il y ait des locaux distincts. Je pense que c'est un peu le portrait que beaucoup d'organismes... Et spécialement les organismes qui sont voués à la protection du consommateur, ils nous ont mis en garde vis-à-vis de cette situation, et encore M. Michaud, tout à l'heure, il disait la même chose.

M. le Président, moi, j'aurais une question. À la page 2 de votre mémoire, vous dites à un certain moment, au dernier paragraphe du premier chapitre: «Les caisses populaires, comme les banques, prêchent le concept d'un endroit unique pour la vente de tous les services financiers. On prétend que ce guichet unique est voulu par le consommateur et à l'avantage de celui-ci. La question que nous posons est: Qui va bénéficier de ce guichet unique?» Si je comprends bien, si je vous lis bien, sûrement, ce n'est pas le consommateur qui va bénéficier de ce guichet unique, c'est plutôt d'autres qui bénéficieraient de ce guichet unique. Pourriez-vous élaborer un peu dans ce sens-là, M. Cléroux, à savoir qu'est-ce que vous voulez dire exactement avec cette affirmation-là?

M. Cléroux (Pierre): Oui. Nous, on pense, d'après les études qu'on a faites sur le financement des PME, que, à chaque fois qu'il y a moins de concurrence dans une région ou qu'il y a moins d'institutions financières disponibles dans une région, les conditions de financement sont plus difficiles. Pour donner un exemple bien précis, les PME ont toujours bénéficié de la présence des caisses populaires au Québec. Le marché financier québécois pour les PME est plus concurrentiel que n'importe quel autre marché financier au Canada. Donc, le résultat, c'est que, si vous êtes une entreprise manufacturière de 50 employés à Montréal, vous allez avoir des meilleures conditions de crédit que si vous êtes la même entreprise à Toronto et que vous faites affaire avec la même banque parce que le marché québécois est plus concurrentiel. Et ça, la raison, c'est que les caisses populaires ont mis plus de concurrence sur le marché.

À l'inverse, on s'aperçoit que, dans des régions, par exemple le Saguenay–Lac-Saint-Jean, où il y a peu de présence d'institutions financières – c'est dominé essentiellement par les caisses et la Banque Nationale – il y a peu de compétition sur le marché, ça coûte plus cher de se financer là-bas. Donc, nous, on pense que, si on laisse faire les institutions financières, qui, essentiellement, demandent d'offrir l'ensemble des services financiers et aussi de se fusionner, d'ici cinq ans, il va y avoir, au Canada, deux ou trois grandes institutions financières qui vont offrir la gamme totale des services, et, à ce moment-là, la compétition va être réduite, et ce sont les consommateurs qui vont payer pour. Ils vont payer plus cher pour leurs services financiers, et ça va être beaucoup plus difficile de se financer pour les PME. Donc, on est conscient de ce que les institutions financières veulent faire, mais on dit: Il faut que ça se fasse aussi conjointement avec l'intérêt des consommateurs. Et, dans ce sens-là, nous, on pense que la seule solution, si on veut permettre aux institutions financières de vendre de l'assurance, c'est qu'il faut que ça soit vraiment très bien encadré pour s'assurer qu'on évite tous les problèmes qu'on a mentionnés tantôt.

(17 h 30)

M. Maciocia: Parce que, si je comprends bien, aussi vous craignez que, si ce n'est pas très bien encadré, on puisse avoir très facilement, si je puis dire, beaucoup de PME, entre guillemets... Parce que, vous savez, il y a beaucoup de bureaux de courtage ou de bureaux d'agent d'assurances à travers les régions du Québec, pas seulement à Montréal ou à Québec mais partout dans les régions, et que, par conséquence, vous craignez la disparition aussi de ces PME là qui travaillent aujourd'hui, disons, dans des conditions pas pénibles, mais disons de manière qu'ils puissent survivre. Et, avec la venue des caisses populaires, avec la vente totale, dans les caisses populaires, sans encadrement, à ce moment-là, vous craignez la disparition, justement, de ces bureaux-là.

M. Cléroux (Pierre): Pour nous, c'est clair que, s'il y avait la possibilité de la distribution d'assurance d'une façon totale dans les institutions financières, dans plusieurs régions, les cabinets de courtage vont disparaître, parce que les institutions financières ont un rapport de force qui n'est pas équitable. Et c'est ça qu'il faut comprendre dans la relation entre le consommateur et les institutions financières: les consommateurs n'ont pas de rapport de force face aux institutions financières, particulièrement les plus démunis.

Dans le cas des entreprises – ce sont les plus petites et les plus jeunes entreprises – le rapport de force est inexistant. Lorsqu'on obtient du financement, on est content, donc, on est prêt à accepter n'importe quoi, ou presque: des taux d'intérêt plus élevés, des garanties très élevées. Si on nous dit: Mais, écoutez, là, on serait prêt à vous prêter mais, bon, vous comprenez c'est un petit prêt, etc., vous devez prendre vos assurances ici. Qu'est-ce que vous pensez qu'un propriétaire d'entreprise qui veut avoir du financement va faire? Il va la prendre, son assurance, à cet endroit-là. Donc, ça va, d'après nous, causer préjudice important aux cabinets de courtage.

M. Maciocia: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): On vous remercie, MM. Cléroux et Arnau, de vous être déplacés pour présenter votre opinion.

Et j'invite les représentants de l'Association canadienne des conseillers en assurance et en finance à s'approcher et à prendre place. Je suspends pour une minute ou deux.

(Suspension de la séance à 17 h 33)

(Reprise à 17 h 34)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): À l'ordre, s'il vous plaît! J'inviterais les membres de la commission à reprendre leur place et souhaiter la bienvenue à MM. Thibaudeau, Lemieux et Morin. Et j'inviterais M. Thibaudeau à nous dire qui sont M. Lemieux et M. Morin. Oui, allez.


Association canadienne des conseillers en assurance et en finance (ACCAF)

M. Lemieux (Richard E.): Alors, merci, M. le Président.

Une voix: M. Lemieux.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ah, c'est M. Lemieux.

M. Lemieux (Richard E.): C'est ça. Je vais présenter tout le monde.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Démêlez-nous ça, là.

M. Lemieux (Richard E.): Alors, mon nom est Richard E. Lemieux, j'occupe le poste de membre de l'Association canadienne des conseillers en assurance et en finance, qui s'appelle l'ACCAF et non pas l'AGGAF, comme certains...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Lemieux (Richard E.): ...alors, avant janvier 1998, l'ACCAF s'appelait l'Association des assureurs-vie du Canada, l'AAVC. Devant vous, vous avez ce que je n'appelle plus des jeunes, parce que mon ami Thibaudeau a 36 ans d'expérience, mon ami Morin, 33, puis, moi, j'en ai 40.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est parce que vous avez tous commencé très jeunes.

M. Lemieux (Richard E.): On a commencé très jeunes, puis vous allez voir que ça a pris assez de temps que notre mémoire a été très bien réfléchi.

Alors, depuis 92 ans, l'ACCAF est l'association professionnelle des agents, des courtiers et des directeurs d'assurance-vie au Canada. Nous sommes une association libre qui regroupe environ 18 000 membres. L'ACCAF offre un programme de perfectionnement professionnel complet à ses membres et d'autres fournisseurs de services financiers. Elle possède aussi un code de déontologie qui lie tous ses membres. Nos membres sont les principaux distributeurs d'une variété de produits, y compris les assurances de personnes, les contrats de rentes, les régimes de retraite, les REER, les fonds enregistrés de revenus de retraite et les fonds de placements administrés par les compagnies d'assurances. Effectivement, 80 % de l'assurance vendue au Canada l'est par les 18 000 membres.

Notre travail nous permet d'acquérir une bonne compréhension des besoins et des circonstances économiques des Canadiennes et des Canadiens de tous les groupes sociaux et de toutes les catégories de revenu. Notre Association est déterminée à faire en sorte que les consommateurs canadiens aient accès en tout temps à un vaste éventail de produits d'assurance et d'autres produits et services financiers au sein du marché concurrentiel.

La composition et les services de l'ACCAF ont changé avec le temps. Nous nous sommes adaptés aux nouvelles réalités du marché; en fait, nous les avons souvent anticipées. Aujourd'hui, un nombre croissant de nos membres offrent aux consommateurs des solutions autres que des produits d'assurance pour répondre à leurs besoins financiers. En réalité, beaucoup de nos membres se spécialisent dans les services financiers autres que l'assurance, et c'est pour cette raison que l'Association a adopté le nom ACCAF en janvier de cette année. L'ACCAF s'intéresse aux propositions du projet de loi n° 188 qui visent la réglementation globale des produits et services financiers. L'ACCAF a participé activement aux débats qui ont débouché sur la réforme législative de 1992 concernant les institutions financières et les réglementations fédérales. Nous avons continué de participer aux activités subséquentes aussi bien sur le plan fédéral que provincial, notamment lorsque les provinces ont mis à jour leur cadre législatif respectif pour réglementer les services financiers.

Nous venons aujourd'hui vous présenter les vues de l'ACCAF sur le projet de loi n° 188. Il y a quelques semaines, nous avons présenté au ministre des Finances notre mémoire concernant le projet de loi. Des exemplaires de ce mémoire ont été également remis aux membres de votre commission.

Nous aimerions commencer par quelques observations générales. L'ACCAF reconnaît que, de plus en plus, les intermédiaires financiers travaillent dans une variété de disciplines. Par exemple, la plupart des membres de notre Association détiennent un permis de vendre des fonds communs de placement. Beaucoup de personnes qui sont devenues membres de notre association récemment sont principalement des planificateurs ou des intermédiaires financiers qui travaillent en dehors du secteur de l'assurance-vie. Tous les intervenants du secteur des services financiers s'intéressent vivement aux questions de réglementation et de surveillance du marché. Pour sa part, l'ACCAF a participé activement à la création des conseils autoréglementés dans plusieurs provinces.

Le moment est peut-être venu d'élargir le concept des conseils d'assurance autoréglementés pour englober l'ensemble des produits et services financiers. L'ACCAF appuie de façon générale le concept d'un bureau assurant une réglementation globale des services financiers, comme il est proposé dans la loi n° 188. Si le Bureau réussit, l'intermédiaire financier trouvera moins coûteux et moins onéreux d'offrir une gamme de services plus complète à sa clientèle, et il sera plus difficile au faible nombre de représentants incompétents ou malhonnêtes de passer inaperçus en se promenant d'une discipline à l'autre.

(17 h 40)

Dans le temps qui me reste, J'aimerais me concentrer sur deux questions qui touchent directement l'activité que les membres de notre Association et moi-même connaissons le mieux: le service aux consommateurs d'assurance-vie et les produits et services connexes. Ces deux questions sont les suivantes: les ventes liées de produits par les institutions financières au Québec et les mesures visant à protéger la vie privée des consommateurs de services financiers.

J'entends la cloche.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, effectivement, les parlementaires sont appelés pour un vote en Chambre. Alors, on va suspendre les travaux et on va recommencer immédiatement, aussitôt que le vote aura été pris. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 41)

(Reprise à 17 h 55)

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît. Alors, nous allons poursuivre les travaux de la commission. C'est-à-dire, nous en étions à l'audition du mémoire de l'Association canadienne des conseillers en assurance et en finance. Alors, M. Lemieux, il vous reste environ huit minutes pour votre présentation.

M. Lemieux (Richard E.): Alors, le projet de loi n° 188 envisage que les institutions de dépôts pourront s'inscrire à titre de cabinets de distribution pour faire souscrire de l'assurance. L'ACCAF est fermement convaincue que, pour protéger les consommateurs, le modèle adopté en 1992 pour la distribution des produits d'assurance par les institutions de dépôts à réglementation fédérale devrait aussi s'appliquer aux institutions de dépôts à réglementation provinciale. Selon ce modèle, les institutions de dépôts peuvent exercer des activités en assurance en faisant l'acquisition de sociétés d'assurance. Cependant, elles ne peuvent pas utiliser leurs succursales ni l'information qu'elles possèdent au sujet de leurs clients pour promouvoir une société, un agent ou un courtier en particulier.

À notre avis, il est important de distinguer le crédit de la commercialisation d'assurances, peu importe si l'établissement de crédit est une compagnie d'assurances, une banque ou une caisse populaire. La raison est que le besoin de crédit peut placer les clients des institutions de crédit en face de pressions coercitives. L'assurance protège l'individu et la société contre les fardeaux associés à l'âge, à l'invalidité et au décès. L'assurance est d'une telle importance que les personnes qui en souscrivent devraient être protégées contre des pressions coercitives explicites ou subtiles qui seraient autrement difficiles à contrôler.

À notre avis, les mesures proposées dans le projet de loi n° 188 ne protègent pas suffisamment les consommateurs. Il ne suffit pas d'exiger que l'agent d'assurances s'assoie à un bout de la table et le préposé au prêt à l'autre. Dans le même ordre d'idées, le droit d'annuler un contrat d'assurance qui est lié à la mise à la disposition de crédit n'aidera pas un client qui sait qu'il aura besoin de renouveler le prêt ou la marge de crédit. Les mesures proposées par le projet n° 188 ne peuvent garantir qu'un consommateur qui accepte de souscrire de l'assurance auprès d'une institution de crédit ou sur la recommandation d'une telle institution le fera librement, sans pression ni influence indue. Il n'existe pas non plus de procédure fiable dans le projet de loi pour garantir que le consommateur accepte librement de divulguer des renseignements personnels qui seront utilisés pour lui faire souscrire de l'assurance.

Plus le besoin de crédit est grand, plus le consommateur est vulnérable, et les plus vulnérables seront les personnes qui désirent obtenir un prêt relativement petit pour résoudre les problèmes qui les empêchent de dormir la nuit. La raison est que le consommateur qui désire un prêt peu élevé a beaucoup plus besoin de l'institution de crédit que l'institution n'a besoin de lui. Après tout, un prêt peu élevé ne représente qu'un actif modeste pour le prêteur, mais il entraîne souvent les mêmes frais qu'un prêt beaucoup plus important.

Le Président (M. Bordeleau): Juste un instant. C'est qu'on est maintenant 18 heures, et je dois avoir le consentement des parlementaires pour poursuivre après 18 heures. Ça va?

M. Gautrin: Vu qu'on est en viol de démocratie, M. le Président, et que la Chambre doit siéger actuellement sur une loi spéciale, nous consentons actuellement à siéger ici, en commission.

Le Président (M. Bordeleau): Alors...

M. Gendron: C'est pour ça que nous consentons, M. le Président. C'est parce que...

Le Président (M. Bordeleau): Alors, si vous voulez, on va poursuivre...

M. Gendron: ...on veut avoir la décence de vous entendre.

Le Président (M. Bordeleau): ...les travaux pour écouter les représentants de l'Association.

M. Gendron: Le viol est de l'autre bord; il n'est pas ici.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, je vous demande de poursuivre, M. Lemieux, s'il vous plaît.

M. Gautrin: Le viol, d'abord, il est général dans la maison aujourd'hui.

Le Président (M. Bordeleau): M. Lemieux, s'il vous plaît.

(18 heures)

M. Lemieux (Richard E.): Je vous remercie de respecter – comment est-ce qu'on pourrait dire ça – enfin, l'âge, mais c'est autre chose.

Lorsque les institutions de crédit disent que les pressions coercitives ne représentent plus un problème dans le marché, parce que les prêteurs doivent maintenant se faire concurrence, il faut songer aux Québécoises et aux Québécois qui ne font pas l'objet de cette concurrence: les familles à deux revenus qui doivent travailler fort pour rejoindre les deux bouts, les familles où l'un des soutiens a perdu son emploi ou encore les propriétaires de petites entreprises situées dans les villes où des industries principales ont fermé leurs portes.

Il faut aussi songer aux centres où il n'existe qu'une source de crédit. Dans ces institutions, le prêteur n'a même pas besoin de savoir épeler le mot coercition. En laissant entendre à la personne qui demande du crédit qu'elle aurait avantage à se procurer une assurance-prêt, le prêteur peut clôturer l'affaire lui-même ou obtenir le consentement de la personne pour adresser son dossier à un distributeur d'assurances qui lui est lié. De toute façon, cette politique n'est pas nouvelle: elle existe depuis que les caisses vendent de l'assurance. Et, même si les règlements et la loi défendent l'échange de renseignements, c'est quelque chose qui se fait de façon courante.

J'ai mentionné plus tôt que nous nous intéressons à la protection de la vie privée des consommateurs de services financiers. Nos membres ont l'habitude de recueillir des renseignements personnels extrêmement confidentiels sur les affaires financières, la santé et la situation familiale de leurs clients. Nous obtenons ces renseignements afin de pouvoir donner de bons conseils à nos clients et afin que les assureurs soient en mesure d'évaluer les risques et d'administrer les demandes de règlement d'une manière convenable. Nous constatons tous les jours que nos clients attachent beaucoup d'importance au respect de la vie privée et s'attendent à ce que les renseignements qu'ils nous divulguent soient traités d'une manière équitable et confidentielle.

Le premier article de notre Code de déontologie stipule que le membre doit faire passer l'intérêt des clients et des clientes en perspective avant le sien.

Le deuxième article, qui traite des renseignements confidentiels, oblige le membre à respecter le caractère confidentiel de tous les renseignements qu'il obtient sur la vie privée et les affaires des personnes à qui il offre des services financiers.

La croissance rapide de la technologie de l'information et une certaine inquiétude face aux pouvoirs des grandes institutions ont amené les particuliers et les gouvernements, partout dans le monde, à reconnaître la nécessité d'améliorer les mesures visant à protéger les renseignements personnels. Le Québec est reconnu, au Canada, pour son projet de loi 68 qui protège ce type de renseignements. On n'a pas tort de se préoccuper de ces questions. Par exemple, si quelqu'un avait accès à mon compte de chèques, aux relevés de paiements que j'effectue par l'entremise d'Interac et à mon relevé de cartes de crédit, il serait facile d'établir un profil détaillé à mon sujet à des fins de commercialisation. Avec ces renseignements, on pourrait connaître le prochain achat que je vais faire avant que je le sache moi-même.

Il y a deux ans, la presse de Vancouver a révélé que la Banque Royale du Canada avait développé un logiciel de 15 000 000 $ pour suivre de près les achats effectués au moyen de cartes de crédit ou du système Interac par ses 9 000 000 de clients. Ainsi, les dossiers personnels des clients sont constamment tenus à jour. Ces renseignements sont ensuite confrontés aux données que la banque possède sur les comptes de banque, les prêts, les cartes de crédit, les placements et les demandes de crédit des clients. Ce système est utilisé pour cibler les clients en perspective lorsque la banque lance une campagne publicitaire axée sur ces produits.

L'un des principes fondamentaux du respect de la vie privée est la nécessité d'obtenir le consentement des consommatrices et des consommateurs. Les personnes qui obtiennent des renseignements personnels sur les consommateurs n'ont pas le droit d'utiliser ces renseignements à des fins non rattachées au but original sans le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il semble, toutefois, que certaines institutions utilisent des moyens douteux pour obtenir le consentement des clients. Nous connaissons tous les formulaires qui indiquent en caractères discrets que les renseignements fournis par la cliente ou le client pourraient être transférés à d'autres parties et servir à d'autres fins. Tant qu'il sera possible de tirer profit des renseignements sur les consommateurs, certains chercheront à contourner les règlements. Il est important de comprendre dans le secteur que nos membres connaissent le mieux, c'est-à-dire la commercialisation de l'assurance, que les règlements sur le commerce de l'assurance, établis en 1992 à l'intention des banques et des compagnies de fiducie, et la réglementation fédérale fournissent une importante protection pour la vie privée des consommateurs.

Cette protection découle des règles sur le commerce de l'assurance qui interdisent aux institutions de dépôts de transférer les renseignements sur les consommateurs à une compagnie, un agent ou un courtier d'assurances. Cette règle empêche les institutions financières d'utiliser des pratiques trompeuses pour obtenir le consentement des consommateurs et, ce qui est encore plus important pour les clients des institutions de crédit, d'utiliser des pressions subtiles pour obtenir le consentement de leurs clients. Certaines provinces, comme la Nouvelle-Écosse, l'Ontario, l'Alberta, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique, ont adopté ce principe dans leur règlement concernant les institutions financières. Si vous pensez que les problèmes que je viens de mentionner concernent seulement les grandes institutions à réglementation fédérale et n'ont rien à voir avec les institutions provinciales, je vous invite à considérer une chose. Depuis qu'il a été proposé de décloisonner les services financiers, vers le milieu des années quatre-vingt, les institutions fédérales cherchent à obtenir le droit d'utiliser leurs succursales et leurs dossiers sur les clients à des fins de commercialisation d'assurance. Si l'on permet aux caisses populaires d'agir comme cabinets de distribution, les banques demanderont au gouvernement fédéral de leur accorder le même droit.

Le Président (M. Bordeleau): Je m'excuse. C'est parce que ça fait 20 minutes que vous avez commencé. Est-ce qu'il vous faut encore quelques minutes pour terminer?

M. Lemieux (Richard E.): J'ai terminé.

Le Président (M. Bordeleau): Vous avez terminé? Alors, allez-y.

M. Lemieux (Richard E.): Alors, pour toutes ces raisons, l'ACCAF recommande que le projet de loi n° 188 soit modifié afin de prévoir qu'une institution de dépôts ne puisse pas s'inscrire comme cabinet pour exercer des activités dans le secteur des assurances de personnes ou celui de l'assurance de dommages et soit modifié d'une façon générale pour s'harmoniser avec les règlements du commerce des assurances. Nos vues sur l'assurance-responsabilité des intermédiaires en assurance, sur la réglementation des intermédiaires en assurance collective et sur d'autres questions sont énoncées dans notre mémoire.

M. le Président, je vous remercie ainsi que tous les membres de votre commission pour nous avoir donné l'occasion de présenter nos vues sur le projet de loi n° 188.

Le Président (M. Bordeleau): Parfait. Alors, maintenant, je vais laisser la parole aux députés des deux côtés de la table. Alors, vous avez à peu près 13 minutes chacun pour les questions. Alors, M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier M. Lemieux, M. Thibaudeau et M. Morin d'avoir répondu à l'invitation qui vous était faite de venir donner votre point de vue sur un projet de loi très important. Je ne peux pas, comme je vous l'ai mentionné à quelques reprises, au nom du ministre prendre des engagements, mais je peux vous dire d'entrée de jeu, puisque c'est un peu votre conclusion que vous souhaitiez que des modifications soient apportées au projet de loi n° 188, que je crois objectivement qu'il y en aura, compte tenu des dispositions d'ouverture que le ministre a signalées, qu'il y avait un certain nombre de choses sur lesquelles il y avait lieu parfois d'aller offrir un certain nombre de garanties additionnelles, parfois carrément à l'audition des mémoires, puisqu'ils étaient dans un mode d'écoute depuis qu'on a commencé ces audiences-là. Je ne crois pas que les parlementaires auraient souhaité refaire cette opération nécessaire, compte tenu de l'importance du projet de loi, et ne pas tenter d'être très attentifs aux nombreuses suggestions que nous avons reçues. On vous remercie de l'avoir fait.

(18 h 10)

À titre d'exemple, je donne tout de suite deux orientations. Lorsque, vous, dans votre mémoire, vous indiquiez de permettre aux cabinets, représentants indépendants et sociétés autonomes de souscrire à une assurance-responsabilité auprès de n'importe quel fournisseur, à condition que l'assurance et le fournisseur satisfassent aux exigences du Bureau, vous n'êtes pas les seuls qui ont parlé de ça. Plusieurs intervenants ont fait valoir leurs réticences dans le même sens que vous à ce que le Bureau se substitue à des assureurs privés qui sont en mesure d'offrir ce produit. Le ministre a indiqué que cette proposition que vous faites et que d'autres ont faite sera prise en considération, sera évaluée. Je ne suis pas en mesure de vous dire tout de suite aujourd'hui le libellé, mais c'est quelque chose qui correspond à un point de vue qui a été retenu par le ministre.

Il en est de même quand vous indiquez que le projet stipule clairement que les renseignements contenus dans les dossiers des clients que le Bureau pourrait obtenir, examiner ou copier sont confidentiels et sujets à la même protection juridique que les renseignements recueillis par une société. Il y a des organismes de consommateurs qui sont venus nous dire la même chose. Option consommateurs a mentionné le flou juridique quant aux lois qui s'appliqueraient au Bureau, particulièrement en matière de confidentialité de l'information qui y circule là. Le ministre a indiqué que, compte tenu de ce qu'on a entendu, c'est aussi là une question qui sera examinée. Et il y en a d'autres comme ça. Je ne veux pas aller plus loin, mais c'était pour vous indiquer qu'effectivement, si on a tenu à faire ces audiences que nous allons poursuivre demain, c'est sûrement pour envisager un certain nombre de modifications. Quant au principe de la banque-assurance, je pense que vous savez la position du gouvernement. Donc, moi, je ne la commente pas d'une façon additionnelle.

J'aurais deux questions rapides. Vous avez proposé que le conseil d'administration du Bureau des services financiers soit formé comme d'autres, là, tiers-tiers-tiers à peu près, mais vous n'avez pas d'opinion sur électif ou nominatif. Et aujourd'hui, en particulier, il y en a plusieurs qui souhaitaient que ça soit purement nominatif. Est-ce que, dans votre réflexion, vous avez une indication à nous donner là-dessus? Entre le caractère électif ou nominatif, avez-vous une préférence? Parce que vous n'en avez pas parlé.

M. Lemieux (Richard E.): Bien, on a une préférence, oui: on préfère que ça soit nominatif, après consultation. Et les raisons pour ça, c'est que ça peut éviter ce que M. Michaud a mentionné: la question du grenouillage. Je pense que, lorsqu'on regarde la loi 34, on vivait un petit peu la même situation. C'étaient des postes nominatifs, après consultation avec les différentes associations.

M. Gendron: Merci. Vous avez suggéré que les pouvoirs des institutions de dépôts en matière d'assurance soient harmonisés, les pouvoirs des institutions de dépôts à charte fédérale. J'aimerais avoir plus d'éclaircissements, parce que je l'ai déjà dit à d'autres groupes, puis il nous semble, à nous, en tout cas, parlementaires de ce côté-ci à tout le moins – parce que je ne l'ai pas vérifié avec l'autre bord, mais peut-être que c'est la même opinion... L'assurance étant de la juridiction du Québec, nous, on pense qu'on doit conserver notre juridiction. Donc, on aimerait savoir les raisons pour lesquelles vous souhaitez une harmonisation, là, davantage, eu égard à ce qui est prévu par le gouvernement fédéral en matière d'assurance. Y a-t-il des raisons particulières? Ça «crée-t-y» des problèmes qu'on ne voit pas, compte tenu de votre expérience? À vous trois, ça doit faire au-dessus de 100 ans d'expérience; donc, il serait intéressant de vous entendre. Est-ce qu'il y a des choses qu'on n'a pas vues puis que c'est pour ça que vous suggérez que Québec s'harmonise avec le fédéral?

M. Lemieux (Richard E.): Je pense que toute cette question-là tourne autour de la coercition.

M. Gendron: De la? Je n'ai pas compris.

M. Lemieux (Richard E.): Des ventes liées. C'est certain que l'approche du gouvernement fédéral, jusqu'à maintenant, c'est de ne pas permettre aux banques de vendre de l'assurance à l'intérieur de leurs succursales. Puis les raisons principales, c'est la question des ventes liées.

Au Québec, c'est une situation qui est un petit peu différente: c'est déjà un fait accompli. Sauf que, la recommandation qu'on fait, c'est l'idéal, on pense que c'est l'idéal. On ne croit pas que, dû au fait que les banques, si jamais elles avaient le droit de vendre de l'assurance en dehors de leurs succursales, les ventes liées n'auront pas lieu. On le sait fort bien que ça va se faire quand même. Ça va peut-être être plus facile à superviser, mais, ça, ça reste à voir. C'est que c'est comme ce que vous proposez dans la loi actuelle: vous allez défendre les ventes liées. Il reste à voir comment vous allez superviser ça.

M. Gendron: Vous proposez également, dans une autre disposition, là, par rapport aux représentants d'assurance de personnes et à la personne physique qui offre directement au public, là... Je ne continuerai pas à lire l'article, mais, vous, vous dites d'inclure parmi les représentants en assurance de personnes celui qui, pour le compte d'un employeur, fait adhérer un employé à un contrat d'assurances collectives de personnes, lorsque l'adhésion à ce contrat n'est pas obligatoire. Pourquoi faites-vous cette distinction, surtout lorsqu'on considère qu'un régime obligatoire peut présenter plusieurs options? Autrement dit, sur quelles raisons vous vous appuyez pour faire cette distinction?

M. Lemieux (Richard E.): C'est parce que, généralement, l'adhésion à l'assurance collective, lorsqu'elle n'est pas obligatoire, exige de la part de celui qui présente le produit une connaissance un petit peu plus élaborée de l'assurance. On demande aussi généralement à ces clients-là des questions sur leur état de santé, par exemple, souvent aussi sur leur situation financière. Effectivement, la personne qui fait ce genre de vente là joue exactement le rôle d'un conseiller en assurance ou d'un professionnel en assurance.

M. Gendron: Vous êtes, l'Association canadienne des conseillers en assurance et en finance, le regroupement des assureurs-vie du Canada. On s'accorde? Alors, vous êtes probablement familiers et vous avez peut-être plus de contacts que d'autres. J'aimerais ça savoir si vous avez une opinion sur quand le fédéral serait tenté de permettre la banque-assurance pour ses banques. Avez-vous une opinion là-dessus? J'aimerais ça savoir si, vous, par rapport à vos alliés naturels, il y a des échanges, il y a des discussions, puis si vous croyez que, de toute façon, dans peu de temps, effectivement, le gouvernement fédéral aura l'intention d'offrir aux banques à charte fédérale la même ouverture qu'on leur offre en termes de décloisonnement. Avez-vous une opinion là-dessus?

M. Thibaudeau (David J.): On n'a pas d'opinion de...

Le Président (M. Bordeleau): C'est M. Thibaudeau?

M. Thibaudeau (David J.): ...M. Thibaudeau.

Le Président (M. Bordeleau): O.K. Pour les fins du Journal .

M. Thibaudeau (David J.): On n'a pas d'opinion de quand ça pourrait se faire. Est-ce qu'il y aura un changement, est-ce qu'on peut voir dans l'avenir de quelle façon ça s'en va? La réponse, c'est: Aucune opinion.

M. Gendron: Vous n'avez pas d'opinion là-dessus, sur la possibilité que des compagnies d'assurances puissent recevoir des dépôts... Parce qu'il y a du monde qui prétend ça, que la Loi des intermédiaires de marché permet que tout le secteur des assurances lui aussi développe les créneaux occupés traditionnellement par les institutions bancaires ou les caisses populaires chez nous. Est-ce que vous croyez que ce danger-là est réel, que beaucoup de cabinets d'assurances élargissent la plage de services qu'ils offrent et qui entrent dans le secteur qui était traditionnellement uniquement aux institutions bancaires, ce qu'on appelle «le dépôt traditionnel» ou les transactions de même nature, recevoir de l'argent puis en donner de temps en temps?

M. Lemieux (Richard E.): Moi, je pense qu'éventuellement il va se faire une négociation entre les compagnies d'assurances et les banques – c'est une opinion personnelle...

M. Gendron: Oui.

M. Lemieux (Richard E.): ...et que les compagnies d'assurances vont probablement pouvoir recevoir des dépôts et distribuer leur argent, le donner, même, puis que les banques font faire de l'assurance.

M. Gendron: Merci.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. J'aurai deux types de questions. Une, d'abord, très courte – et je vous remercie, vous êtes probablement le premier qui nous signale ça – sur les questions d'assurance de compagnies et les régimes collectifs. Vous avez bien distingué qu'il existait des régimes collectifs à adhésion obligatoire, des régimes collectifs à adhésion volontaire. Et vous voulez que les gens dans les régimes collectifs à adhésion volontaire – c'est-à-dire au niveau des différentes compagnies – soient régis par les mêmes normes que ce qui caractérise les représentants. Est-ce que je vous ai bien compris? J'avoue un peu mon ignorance. Est-ce qu'il y a beaucoup – vous qui connaissez bien le milieu – de ces régimes collectifs à adhésion volontaire, actuellement? Ça se multiplie?

M. Lemieux (Richard E.): Il y en a passablement. Vous avez, par exemple, le Barreau, les dentistes, les médecins. Alors, la plupart des associations professionnelles...

M. Gautrin: Oui, je comprends.

M. Lemieux (Richard E.): ...ont un régime collectif à adhésion volontaire.

M. Gautrin: À adhésion volontaire. Parce que je pensais que c'était au niveau des employeurs, des choses comme ça.

(18 h 20)

J'ai une deuxième question, si vous me permettez, M. le Président. Je vais être assez bref parce que le temps court. Vous êtes en faveur d'un principe de l'autoréglementation de la profession. D'ailleurs, si je vois votre argument – c'est à la page 9 et suivantes de votre mémoire – vous suggérez d'ailleurs que le Bureau soit composé de représentants, c'est le terme que vous avez utilisé. Un tiers des membres devrait représenter les personnes régies par le Bureau, un tiers représenter les sociétés et, une fois qu'on utilise ce terme «représentant», après, vous vous êtes prononcés contre le mode électif, et ça, j'ai du mal à comprendre ça.

Si on représente un groupe, on se fait élire par le groupe que l'on représente, et vous préférez la réponse de mon collègue d'Abitibi-Ouest. Vous préférez le mode nominatif et je ne comprends pas pourquoi, alors que vous cherchez l'autoréglementation, vous cherchez... Comprenez bien que je partage tout à fait votre point de vue sur l'autoréglementation, mais, pour moi, autoréglementation était lié à un concept de forme qu'un représentant est quelqu'un qui représente réellement et qui est élu, à ce moment-là.

M. Lemieux (Richard E.): Alors, ce qui arrive en réalité, on vit toujours avec la loi 34 dans le moment. Alors, lorsque le ministre demande à l'AIAPQ, par exemple, de lui suggérer trois, ou quatre, ou 10 personnes pour que ces gens-là représentent l'industrie des intermédiaires au Conseil des assurances de personnes, bien, je veux dire, il y a une sélection qui se fait au niveau de l'AIAPQ ou au niveau de l'association en question; il y a déjà une sélection qui est faite. Les recommandations sont faites au ministre qui, généralement, adhère aux suggestions.

M. Gautrin: Sauf que – et vous me permettrez, sans vouloir faire de partisanerie inutile – on a vu parfois aussi des situations où, lorsqu'il y avait des nominations, ça devenait des nominations purement partisanes et non pas des nominations qui veulent représenter l'industrie. Et vous comprenez qu'on a une certaine crainte que, lorsqu'on procède par mode nominatif, ça devienne, à ce moment-là, des nominations partisanes et indépendamment du parti qui est au pouvoir. Et ça existait, peut-être pas dans le domaine de l'assurance mais dans d'autres domaines. Et ça, c'est la crainte que, moi, je verrais.

M. Lemieux (Richard E.): Écoutez, si on se base sur l'expérience vécue jusqu'à maintenant avec la loi 34, ça n'a pas été un problème. Au contraire, le problème a été à l'inverse.

M. Gautrin: Je comprends. Mais il y a eu beaucoup de nominations récentes dans le cas de la loi 34?

M. Lemieux (Richard E.): Non, pas à ma connaissance.

M. Gautrin: C'étaient des nominations qui avaient été faites par l'ancien gouvernement.

M. Lemieux (Richard E.): Non, non plus.

M. Gautrin: C'était des nominations...

M. Lemieux (Richard E.): Ce n'est pas des nominations qui ont été faites par l'ancien gouvernement.

M. Gautrin: ...bon. Mais par celui-ci, alors?

M. Lemieux (Richard E.): Puis je peux vous dire que les nominations qui ont été faites par le présent gouvernement n'ont rien eu à voir avec la couleur politique de ces gens-là, au contraire.

M. Gautrin: C'est bon. Ça nous sécurise en partie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, il reste deux minutes de l'autre côté.

M. Gendron: On va vous remercier très sincèrement d'être venus.

Le Président (M. Bordeleau): O.K. Le député de Viger aussi, juste pour respecter l'alternance, là.

M. Gendron: Oui, oui, je n'ai pas de problème. On n'a pas d'autres commentaires.

M. Maciocia: Oui, M. le Président, je serai très bref moi aussi. À la page 16 de votre mémoire, à l'annexe, à la page 16, au point 35 de l'annexe A, vous dites qu'avec la masse d'information qu'elles obtiennent – vous parlez des institutions de dépôts, là – via leurs activités de dépôts, les banques et les caisses auront un avantage concurrentiel injuste qui va leur permettre de déstabiliser le système actuel de distribution dans l'assurance. Ma question est très simple: d'après vous, vous craignez qu'à moyenne et longue échéance, probablement un recul, la même concurrence qu'on peut avoir aujourd'hui, j'imagine bien, d'après vos propos.

M. Lemieux (Richard E.): De toute façon, c'est un fait aujourd'hui, O.K.? Vous avez, au Québec, des institutions de dépôts qui se servent de l'information qu'ils ont déjà pour solliciter les clients et les amener, dans le domaine de l'assurance, à la banque ou à la caisse. C'est surtout très fréquent dans le domaine de l'épargne-retraite. J'ai vécu, il y a à peu près deux semaines, une expérience qui m'a fait sourire un petit peu, parce qu'on parle souvent d'échange de renseignements. On demande, par la formule, la fameuse formule T-2033 – je suis certain que vous connaissez un petit peu – un roulement d'épargne-retraite d'une caisse à une compagnie d'assurances. Au bout de trois semaines, un mois, le courtier reçoit un appel de son client, qui lui dit: Écoute, la caisse m'a appelé puis ils m'ont fait miroiter que ça pourrait affecter ma marge de crédit si j'envoyais le 230 000 $ et quelques que j'ai à la caisse dans mon épargne-retraite à une compagnie d'assurances. Alors, si tu n'as pas d'objection, on va canceller la transaction.

Le fait que la caisse fasse ce qu'elle a à faire pour conserver son client, ça, personne ne va s'opposer à ça; on va faire pareil. Mais le fait que la caisse utilise l'argument que la marge de crédit est en danger, ça, ce n'est pas correct, puis ça, c'en est, de la concurrence déloyale. Puis ce qu'on ne sait pas, c'est comment la loi va surveiller ces transactions-là; il n'y a rien de prévu. Dans la loi, on dit que c'est défendu. Ça me fait penser un petit peu aux pesées obligatoires: dans le moment, les lumières clignotent, on vous suggère d'arrêter, mais, si vous passez tout droit, il n'y a rien qui se passe.

M. Maciocia: M. le Président, à la page 6, toujours à la même annexe, vous abordez les enjeux des ventes croisées et des pressions coercitives des institutions financières. Dans la mesure où vous savez que le gouvernement, d'une certaine manière, a déjà décidé que la vente va se faire dans les caisses et dans les banques, c'est sûr qu'il faut regarder, comme on le disait tout à l'heure, la question de l'encadrement de ces ventes-là. Comment, d'après vous, on pourrait éviter ces pressions coercitives de la part des institutions financières?

M. Lemieux (Richard E.): La suggestion qu'on a faite, c'est l'harmonisation avec la loi fédérale dans le moment, c'est que les institutions de dépôts n'aient pas le droit d'offrir des produits d'assurance dans leurs succursales. Alors, ça, c'est...

M. Maciocia: Si je comprends bien, ça devrait être des filiales dédiées.

M. Lemieux (Richard E.): ...ça pourrait être une filiale dédiée. Mais, même si ce n'est pas une filiale dédiée, on pense que ce serait beaucoup plus facile à surveiller et à légiférer si c'était fait dans un local différent. Premièrement, on peut penser que le client va être moins intimidé s'il est obligé de passer à la bâtisse voisine ou dans un appartement voisin, mais, ça, ça reste de la théorie. Je ne peux pas vous dire si, en pratique, c'est réellement ce qui va arriver. On vit aujourd'hui une situation où les caisses le font de façon régulière, l'échange de renseignements, pour tenter d'influencer le client. Ça se fait à l'intérieur des caisses. Le fait que ces transactions-là n'auront pas lieu dans la caisse mais à côté, est-ce que ça va changer quelque chose? Je ne suis pas certain, mais ça va peut-être être plus facile à légiférer, à surveiller.

M. Maciocia: Dois-je comprendre que vous êtes d'accord avec les recommandations du rapport de la commission, qui disait justement à la recommandation 2, que, s'il fallait vendre de l'assurance à l'intérieur des caisses ou des banques, il fallait avoir des locaux distincts, c'est-à-dire qu'il ne fallait pas avoir du double emploi, qu'il faudrait avoir des représentants dûment qualifiés et qu'il fallait voir à empêcher justement les ventes liées et les ventes croisées?

M. Lemieux (Richard E.): Définitivement que, ça, c'est la formule idéale, s'il y en a une, parce que ça va peut-être être plus facile à surveiller. Mais il faut aussi que la loi prévoie des sanctions aux ventes liées...

M. Maciocia: Oui.

M. Lemieux (Richard E.): ...ce qu'on ne voit pas dans le moment.

M. Maciocia: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Ça va? Alors, merci, MM. Lemieux, Thibaudeau et Morin, pour la présentation de votre mémoire.

Alors, la commission parlementaire ajourne ses travaux à vendredi, 13 mars, 9 h 30.

(Fin de la séance à 18 h 30)


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