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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 26 octobre 1999 - Vol. 36 N° 30

Consultation générale sur la réduction de l'impôt des particuliers


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Table des matières

Auditions


Autres intervenants
M. Sylvain Simard, président
M. Normand Duguay, président suppléant
M. Bernard Landry
Mme Monique Jérôme-Forget
Mme Diane Leblanc
Mme Fatima Houda-Pepin
M. François Gendron
M. Serge Geoffrion
M. Michel Côté
*M. Marc Laviolette, CSN
*Mme Claudette Carbonneau, idem
*M. Peter Bakvis, idem
* M. Gilles Fournier, Front commun sur la fiscalité des associations des personnes
retraitées du Québec et région de la Montérégie de l'Association québécoise
des retraité(es) des secteurs public et parapublic
*M. Jean-Marie St-Jacques, idem
*M. Philippe Bégin, idem
*M. Claude Baril, idem
*M. Joseph Leblanc, idem
*M. Jean Faille, idem
*M. Claude Faucher, idem
*M. François Vaudreuil, CSD
*M. Pierre Lefebvre, idem
*M. François Saillant, FRAPRU et Projet Genèse
*Mme Marie-Josée Corriveau, idem
*Mme Aouicha Modrika, idem
*M. Gary Saxe, idem
*M. Jean Houde, CCQ
*M. Michel Audet, idem
*M. Maurice Turgeon, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures treize minutes)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Nous allons commencer nos travaux. J'invite les représentants de la Confédération des syndicats nationaux à venir s'installer devant nous.

M. le secrétaire, nous sommes réunis aujourd'hui pour poursuivre les auditions publiques sur la baisse des impôts et nous entendrons les représentants de la Confédération des syndicats nationaux, du Front commun sur la fiscalité des associations des personnes retraitées du Québec, la région de la Montérégie de l'Association québécoise des retraité(es) des secteurs public et parapublic, la Centrale des syndicats démocratiques, M. Pascal Gagné et, cet après-midi, le Front d'action populaire en réaménagement urbain, le Projet Genèse et la Chambre de commerce du Québec.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a aucun remplacement pour la séance.


Auditions

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci. Alors, j'inviterais le président de la Confédération des syndicats nationaux, M. Laviolette, à qui je souhaite la bienvenue – Mme Carbonneau, à qui je souhaite la bienvenue – à identifier les gens qui l'accompagnent et à nous présenter l'essentiel de son mémoire. Vous disposez d'une vingtaine de minutes.


Confédération des syndicats nationaux (CSN)

M. Laviolette (Marc): Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais peut-être présenter les gens qui sont à ma droite, à votre gauche, Peter Bakvis, qui est adjoint à l'exécutif de la CSN, et François Bélanger, qui est économiste au Service de recherche de la CSN.

D'abord, pour vous dire que, la CSN représente 245 000 membres, composés majoritairement de femmes, et qu'elle représente 45 %, grosso modo, des syndicats du secteur privé et 55 % des gens du secteur public. C'est un peu un microcosme de la société québécoise que la CSN. Et le débat qui est porté par la commission nous intéresse au plus haut point. Même que le débat, dans nos rangs, je dirais, sur les questions de fiscalité, est porté depuis plusieurs années.

Je pense que, dans un premier temps, il faut bien se le dire, le problème qu'on a à gérer est un problème intéressant, du moins plus intéressant que celui des dernières années, où on faisait face à des déficits récurrents. Maintenant que l'État québécois a une marge qui peut être plus ou moins grande, dépendant de qui l'évalue, il y a quand même des revenus supplémentaires, et la question qui, selon nous, devrait être posée, c'est: Comment on va utiliser cette marge-là pour, oui, traiter de la question du fardeau fiscal, mais traiter aussi de la question du maintien et de la restauration de nos services publics, qui se sont dégradés de façon quand même assez importante au cours des dernières années?

Mais on trouve un peu réductrice l'approche de la consultation actuelle, puisqu'elle consulte seulement sur cinq scénarios, et cinq scénarios de baisse d'impôts. Ça fait qu'on a voulu être créatifs. Il y en a cinq. C'est un peu comme dans un examen objectif, il manque une case, c'est: Aucune de ces réponses. Ça fait que nous ajoutons cette question-là à l'examen, si je peux m'exprimer ainsi, pas parce qu'on n'a pas de réponse à donner sur les cinq scénarios, mais on a une approche qui se veut constructive et créatrice, qu'on va exposer devant vous.

Parce que loin de nous de penser qu'on est contre les baisses d'impôts, ce n'est pas ça, la question. Même qu'on suggère une façon de le faire qui prend en compte les intérêts des gens qui sont moins en moyens et la classe moyenne. D'abord, je pense que la CSN l'a dit dans le passé, c'est que l'accumulation des déficits récurrents plaçait l'État dans une position qui était intenable. Mais il ne faut pas perdre de vue quelle était la cause de ces déficits-là. C'est, selon nous, la politique monétaire restrictive de la Banque du Canada.

Le fardeau de la dette a augmenté non pas en raison du déficit du solde des opérations, qui a été généralement positif, mais parce que les taux d'intérêt dépassaient le taux de croissance du produit intérieur brut. Nous, comme les autres centrales, la CSN, on pense qu'une politique monétaire plus expansionniste et d'autres interventions en faveur de la création d'emplois sont des facteurs qui peuvent rééquilibrer les finances publiques. C'est d'ailleurs la position qu'on a tenue lors des deux sommets.

Mais le gouvernement a plutôt choisi de retrouver l'équilibre budgétaire en comprimant dans les dépenses. Et, si les dépenses avaient été maintenues, depuis 1996-1997, elles seraient aujourd'hui de 5 500 000 000 $ supérieures à ce qu'elles étaient en 1996-1997. Et on estime qu'on a pompé des dépenses publiques une somme de 14 000 000 000 $, depuis 1996, avec les constats qu'on peut faire aujourd'hui dans nos grands réseaux de la santé et de l'éducation.

Mais l'élimination du déficit et la croissance économique font qu'aujourd'hui il y a des marges de manoeuvre qui sont importantes, et puis il s'agit pour nous de déterminer comment on va les utiliser. Et la façon première de les utiliser, pour la CSN, c'est une question de projet de société. On pense que les dépenses publiques doivent être restaurées justement parce qu'on est le Québec. Le danger, par des baisses d'impôts trop importantes, ça risque d'affaiblir la spécificité du Québec.

(9 h 20)

Nos dépenses publiques... Puis là, je ne parle pas de la santé et de l'éducation. Mais, par exemple, au Québec, dans la fonction publique, on a une Régie des rentes, on a un ministère du Revenu, il y a un ministère de la Famille, il y a des fonctions culturelles. Au niveau de l'éducation, on a un système qui est garanti dans les deux langues. On a un ministère de l'Immigration et de la Citoyenneté et on a aussi un Office de la langue française qui fait respecter notre langue, au Québec, en plus d'avoir un système de santé et d'éducation, je pense, qui est très important pour le Québec. Si on affaiblit la capacité de l'État d'intervenir dans ces champs-là en diminuant les revenus de l'État... Parce que c'est un peu ça, hein, baisser les impôts. Les impôts, c'est des revenus pour l'État qui retournent normalement en services publics. Les affaiblir, c'est s'affaiblir, comme Québec, au Canada. Et on pense qu'on n'a pas les moyens, comme société, de se payer ça.

C'est pour ça que ce qu'on dit, c'est que, puis les résultats actuels le prouvent, en réduisant nos dépenses comme on l'a fait dans les dernières années, ça fait que le Québec se ramasse, en santé, en termes de dépenses publiques, au dernier rang des provinces pour ce qui est des dépenses publiques par habitant. Les dépenses publiques en santé sont passées de 6,6 % du produit intérieur brut à 8,2 %. Pourtant, le ministère de la Santé estime qu'avec le vieillissement de la population ça va prendre une croissance des dépenses en santé de 1,8 % au-dessus de l'inflation.

Ces coupures-là, puis on a été à même de le vérifier, ont augmenté de façon sensible la pression des dépenses privées en santé au Québec. Nous sommes à la hauteur de 30 % des dépenses privées, et, le débat social autour de cette question-là, il y a énormément de pression pour que ça augmente. Mais pourtant c'est prouvé, lorsque les dépenses privées en santé augmentent, les dépenses globales de santé augmentent. Ça veut dire que le citoyen ordinaire, il est obligé de fouiller plus dans ses poches pour se payer ce qu'avant les services publiques payaient – je pense que le meilleur exemple de ça, c'est aux États-Unis. Et en faisant ça, ça nuit même à l'économie parce que ça a pour effet d'augmenter les coûts de production des entreprises.

Je vous donne un exemple bien concret. Les travailleurs de Bridgestone-Firestone ont été en mesure de vérifier ça à Joliette. Les coûts en assurances collectives de Bridgestone-Firestone, c'est 800 $ par mois par travailleur en coûts d'assurances collectives. Aux États-Unis, c'est 800 $, tandis qu'au Québec on est a 111 $ par mois. GM évaluait qu'en 1995 il y avait pour 1 200 $ par automobile en coûts d'assurances collectives. Donc, les coûts privés, les entreprises sont obligées de compenser ça par des assurances collectives; ça augmente les coûts de production.

C'est d'ailleurs une des raisons pourquoi l'économie Ontarienne performe plus, parce qu'elle est beaucoup, entre autres, basée sur l'industrie automobile. Il y a eu des investissements massifs qui se sont faits en Ontario dans l'industrie automobile et justement pour deux raisons, à cause du dollar canadien et des régimes publics. Ça fait que c'est pour ça qu'on dit qu'il faut se servir de nos marges de manoeuvre, dans un premier temps, pour restaurer nos régimes publics, compte tenu, entre autres, en santé, du vieillissement de la population.

Et, au niveau de l'éducation, d'abord, les études du ministère de l'Éducation démontrent que c'est rentable pour l'État et l'ensemble de la société d'investir dans l'éducation. D'abord, les personnes sont plus productives, en meilleure santé et moins utilisatrices des programmes de soutien du revenu. Mais, les coupures qu'on a faites, on se ramasse avec des situations où on a un accès réduit à la formation professionnelle, les diplômes secondaires atteints avant l'âge de 20 ans sont en trop faible proportion, et ce qui est encore plus inquiétant, c'est que nos universités québécoises ont de la difficulté à concurrencer les autres institutions nord-américaines. Et on sait que dans les universités, bien, on forme les dirigeants de demain, les cadres de demain. Bien entendu, ça prend un bon système, à la base, pour te rendre jusqu'à l'université, mais, quand nos universités rencontrent ces problèmes-là, on a des problèmes.

Pour ce qui est du soutien du revenu, c'est un fait que les ménages qui sont considérés comme aptes au travail ont subit des pertes de revenus réelles à cause des coupures qu'on a faites: entre 1 000 $ et 2 000 $, depuis 1994. Puis les difficultés qu'on a à Emploi-Québec présentement, qui diminue l'accès aux programmes pour intégrer le marché du travail, ce n'est rien pour aider.

Il y a une thèse. Et puis la thèse qu'on entend et qui sous-tend les baisses d'impôts, c'est que, si on baisse les impôts, ça fait un revenu net ou un revenu disponible plus grand, et, par le fait même, on va le dépenser. Ça va stimuler la croissance économique et, par le fait même, amener des revenus à l'État, nous permettre de supporter les programmes publics puis d'augmenter la croissance économique.

Mais, je veux dire, si on regarde les argents, en tout cas, selon la firme Informetrica, 1 000 000 000 $ en baisse d'impôts vont générer à court terme une croissance du PIB de 0,07 % et vont générer 9 000 emplois, tandis que 1 000 000 000 $ en dépenses de santé vont générer une croissance du PIB de 0,14 % et 25 000 emplois. Moi, je pense qu'il faut cesser de considérer des emplois publics comme des dépenses. C'est des emplois au même titre que les emplois dans le secteur privé. Et on doit se préoccuper de ces emplois-là avec le même souci qu'on le fait par rapport aux emplois du secteur privé.

L'autre différence. Parce que souvent, on se compare avec l'Ontario, Québec-Ontario par rapport à l'impôt. Il faut voir qu'au Québec on a un impôt qui favorise beaucoup plus la famille, et je pense que c'est une bonne chose. Puis c'est aussi une nécessité pour le Québec de favoriser la famille, ce qui fait que les familles qui ont un revenu, deux enfants vont payer moins d'impôts qu'en Ontario jusqu'à un seuil de 42 672 $. Et ça, c'est parce qu'on favorise la famille, puis c'est une très bonne chose.

D'ailleurs, les mesures qui favorisent la famille au Québec, que ce soit ces mesures-là ou les garderies à 5 $, sont extrêmement progressistes. Et c'est de l'argent net dans tes poches, ces programmes-là. Si tu paies, par exemple – je ne sais pas, moi – 25 $ par jour pour faire garder un enfant et qu'avec la politique québécoise ça t'en coûte 5 $, ça t'en fait 20 $ par jour net dans tes poches pour faire d'autres choses. Il faut aussi tenir compte de ces aspects-là, quand on compare la compétitivité du Québec par rapport à l'impôt, entre autres, en Ontario.

Puis il y a des différences aussi par rapport à l'Ontario. Je vais vous en lister une série que vous retrouvez dans notre mémoire. D'abord, l'Ontario n'a aucun équivalent en termes de cliniques de santé publiques que sont les CLSC. L'Ontario n'a pas de régime d'assurance dentaire pour les jeunes enfants, n'a pas de régime d'assurance-médicaments, aucun équivalent de garde subventionnée comme on a avec nos politiques de garde à 5 $. L'équivalent du cégep, en Ontario... bien, il y a des frais de scolarité qu'il faut que tu paies. L'Ontario ne subventionne pas les écoles privées. Les frais dans les universités en Ontario, comparativement au Québec, ça ne se compare pas. Et puis il n'y a pas de régime de bourses d'études, en Ontario, ni aucun système de perception automatique des pensions alimentaires.

Ça fait que, quand on se compare à l'Ontario, je veux dire... puis si on veut se ramener au niveau de l'impôt, puis si ça a pour effet de tout enlever ces mesures-là, je pense qu'on ferait une erreur importante. Puis, les baisses d'impôts de Mike Harris, il ne faut pas oublier qu'il les finance par son déficit, qui n'est pas réglé, lui non plus.

Sur l'argument économique des baisses d'impôts par rapport à la stimulation économique, le dernier qui a essayé ça, il s'appelait Ronald Reagan, dans les années quatre-vingt. Son déficit a triplé en deux ans. Puis c'était justement pour faire face à la récession. Ces mesures-là étaient supposées compenser et stimuler l'économie. Ce n'est pas ça qui s'est passé tout à fait aux États-Unis.

Et l'autre argument, c'est les réductions d'impôts, comme quoi ça favorise une plus grande participation au marché du travail parce que tu travailles pour plus d'argent net. On pense que des programmes comme les garderies favorisent encore plus la participation au marché du travail, entre autres, au niveau des femmes.

(9 h 30)

Il y a l'argument de l'exode des cerveaux. Ça, je veux dire, nos cerveaux... D'ailleurs, Statistique Canada, dans son étude, dément ça, sauf dans le secteur de la santé. Puis, là-dessus, je suis assez bien placé pour en parler, moi-même participant au conseil d'administration du plus grand centre hospitalier universitaire au Québec. Le problème de l'exode des cerveaux en santé, c'est tout simplement que les moyens, on ne se les donne pas au Québec, parce que les compressions ont grandement affecté nos fonctionnements dans nos établissements de santé, et les gens s'en vont ailleurs à ce niveau-là. Ça fait qu'il me semble que, si on investissait dans nos réseaux en les modernisant, en donnant accès à la technologie... Au CHUM, il nous manque 30 000 000 $ en budget de fonctionnement par année. Ça fait que le monde est tanné de se chicaner pour la galette. On en perd plusieurs qui s'en vont ailleurs, et c'est malheureux. Mais ça n'a rien à voir avec les impôts, ça a tout à voir avec les moyens. D'ailleurs, les Québécois, la mobilité des Québécois – je veux dire, on est francophone dans un espace nord-américain anglophone – a ses limites aussi. Je veux dire, le monde, aller travailler aux États-Unis, il y en a qui y vont pour l'argent, mais le coût de la vie aux États-Unis... Ah! peut-être dans les nouveaux créneaux comme au niveau... Silicon Valley, on n'en a pas encore au Québec. Donc, dans ces domaines-là, les gens vont aller là pour être capables de se développer. Mais je pense qu'aussi on intervient ou, du moins, on veut contrebalancer ces phénomènes-là en créant des espaces à Montréal, au niveau de la Cité du multimédia. Je pense que ça, c'est des bonnes initiatives. C'est la façon de garder nos cerveaux au Québec beaucoup plus que de réduire ça à des baisses d'impôts tous azimuts.

La question, parce qu'on s'est posé la question à la CSN, les milieux patronaux poussent beaucoup pour baisser les impôts... On s'est dit: Voyons, qu'est-ce que c'est qui se passe? Ils ont, d'abord, eux autres, une fiscalité très compétitive pour les entreprises; pourquoi, tout d'un coup, ils défendent le citoyen ordinaire comme ça? Je veux dire, on n'est pas habitué à voir le patronat défendre le peuple. En tout cas, on a peut-être nos stéréotypes, mais, je veux dire, on s'est posé quelques questions. Et, quand on regarde les pressions pour que l'État se désengage, entre autres dans la santé ou dans l'éducation... tu sais, moi, ça m'inquiète de voir Coke dans les écoles, parce que c'est des gros marchés potentiels pour qu'ils puissent se développer. Mais, à part de ca, on ne comprend pas c'est quoi, l'argument, là. Tu sais, la population du Québec, parce qu'elle paie de l'impôt, elle ne s'en ira pas toute aux États-Unis. Je veux dire, on ne déménagera pas nos maisons en Ontario parce que, soi-disant, on paie plus d'impôts au Québec. Mais on pense que c'est parce qu'il y a des marchés à aller chercher et ces marchés-là, ils veulent les conquérir, entre autres dans la santé. C'est une grosse business aux États-Unis. Aux États-Unis, la fraude, seulement la fraude qui est 10 % du budget américain... c'est gros, le budget américain de la santé, c'est 110 000 000 000 $. Je veux dire, au Québec, on en dépense 13 000 000 000 $. Tu sais, on n'est pas sur les mêmes échelles. Mais la business de la santé est très, très importante. Et on les regarde pousser dans la santé ici, puis des porte-parole de compagnies d'assurances, puis tout, il y a de la business à faire là. Donc, on dit: Il faut se méfier là-dedans.

Pour nous, parce qu'il y a quand même un problème au niveau de l'impôt, quand 54 % de la population a un revenu de moins de 20 000 $, je veux dire, ça ne fait pas des grosses entrées pour le gouvernement, ça fait qu'effectivement ceux de la classe moyenne qui ont plus de revenus supportent une part importante du fardeau fiscal. Si on veut régler ça, il faut vraiment régler la question de l'emploi puis s'attaquer à ces questions-là.

Donc, je termine. Ce qu'on dit, en gros notre ligne, c'est, avec la marge de manoeuvre, restaurer les services publics. Ensuite de ça, au niveau fiscal, ce qu'on propose, de réduction d'impôts, c'est l'indexation des tables d'impôts et des crédits personnels à partir du 1er janvier 2000 et le relèvement de l'exemption personnelle de 5 900 $ à 6 250 $ à partir du 1er juillet 2000. On pense que ces mesures-là vont permettre à la classe moyenne de s'alléger, et les coûts de ces mesures-là, on est capable de se les payer, on est capable aussi, avec le reste de la marge de manoeuvre qu'on a, de restaurer nos services publics qui devraient croître les dépenses au rythme du produit intérieur brut. Et toutes les autres marges de manoeuvre supplémentaires qui s'additionneraient pourraient être appliquées en réduction d'impôts. Mais on pense qu'il faut absolument préserver ce qui fait qu'on est Québécois, puis notre type de société qu'on vit, qui est une société sociale-démocrate, devrait être préservé pour l'essentiel. Ça fait qu'en gros, c'est comme ça qu'on voit ça. Puis, avec les marges de manoeuvre que le ministre annonçait, qui sont moins grandes, comme je disais, je pense qu'on ne peut pas se permettre des baisses d'impôts tous azimuts. Mais la croissance des dépenses à 2 % par année, nous, on voudrait plus s'accoter sur la croissance du produit intérieur brut pour le financement de nos réseaux publics. Ça fait qu'en gros, c'est...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup, M. Laviolette. Ceux qui vous accompagnent, Mme Carbonneau, vous aurez l'occasion probablement de participer aux échanges dans les prochaines minutes. J'invite d'abord la partie ministérielle, et le ministre des Finances en premier, à poser des questions.

M. Landry: D'abord, M. le Président, je dois vous dire que je suis très impressionné par le mémoire de la CSN et je n'en suis pas surpris. C'est une grande centrale syndicale qui a une longue expérience historique, qui a une bonne connaissance du Québec, et à laquelle on doit plusieurs de nos réalisations sociales. Sans le combat de la CSN, il n'y aurait pas d'assurance automobile au Québec, il n'y aurait pas de régime public. On voit aussi – et je vise évidemment directement Peter Bakvis – que la CSN est capable d'embaucher de bons économistes sérieux pour étayer les présentations qu'elle nous fait. Je ne suis pas en train de vous dire que je souscris à toutes vos conclusions, mais, dans l'analyse, je ne trouve pas beaucoup de failles.

D'abord, c'est vrai qu'on a un système social avancé, peut-être le plus avancé de notre continent, et ça ne doit pas être pour nous un sujet de honte, ça doit être pour nous un sujet de fierté. Il y en a qui, dans une certaine dérive intellectuelle, commence à blâmer le Québec pour ce qu'il fait de bien. Or, il y a une limite. Un des endroits où ça ressort le plus, c'est quand on analyse les taux de pauvreté au Canada à partir des chiffres de StatCan, on le fait avant impôts, alors ça donne au Québec un taux de pauvreté assez spectaculaire, alors que la générosité de notre système fiscal fait que ce n'est pas ça du tout. Ce n'est pas le Québec qui a le plus de pauvres au Canada. C'est même des provinces beaucoup plus riches que nous nominalement, mais qui ont des programmes de distribution moins importants que les nôtres. Donc, ceux qui pensent qu'on va rejoindre, en termes fiscaux, les États-Unis d'Amérique se trompent. On ne veut pas de leur régime de santé, on veut un régime universel, ouvert à tout le monde. Que ce soit Pierre Péladeau qui fait une crise cardiaque ou un pensionnaire de l'Accueil Bonneau, il faut que ça soit la même ambulance, les mêmes traitements, les mêmes... C'est ça, une société avancée. Et ça, la CSN n'a pas à nous convaincre. Notre gouvernement partage totalement ces positions.

Il y a aussi un réalisme économique, dans votre mémoire, que Pierre Fortin ne renierait pas, c'est-à-dire que prétendre que les baisses d'impôts relancent de façon spectaculaire l'économie, la demande globale, ce n'est pas mathématiquement vrai. Ce n'est pas mathématiquement vrai parce que, d'abord, le produit national brut du Québec, c'est 200 000 000 000 $. Si on baisse les impôts de 1 000 000 000 $, même de 2 000 000 000 $, les chiffres ne sont juste pas là. Puis ce n'est pas parce qu'on baisse l'impôt que c'est 100 % de dépenses de plus, parce que l'État les dépense avant, lui. Même que Fortin a calculé – ça confirme un peu ce que vous avez dit – que la demande globale peut légèrement baisser par la baisse d'impôts, comparée à la dépense publique.

(9 h 40)

Alors, pourquoi est-ce qu'il faut baisser les impôts? Il faut baisser les impôts d'abord parce que, pour diverses raisons, nos contribuables sont les plus taxés de notre continent. Ils n'ont pas juste l'impression, c'est vrai. Nos voisins, pour diverses raisons aussi, sont en mesure de baisser leurs impôts. Dans ces raisons-là, bien, il y a les 400 000 emplois de l'automobile en Ontario – vous avez même analysé la question – il y a le fait que le gouvernement fédéral aussi ristourne au gouvernement de l'Ontario 5 000 000 000 $ en cinq ans, alors que le gouvernement du Québec aura eu 190 000 000 $. Alors, tout ça fait que l'Ontario a une marge de manoeuvre beaucoup plus grande que la nôtre. On est en contexte de libre circulation, là. Alors, on a des interfaces de plus en plus libres entre notre économie et toutes les économies de la terre, mais celle de l'Ontario, celle du Nouveau-Brunswick et aussi celle des États-Unis d'Amérique. Alors, ce n'est pas sain d'être plus taxé que les autres et l'être à un niveau aussi élevé. Donc, nos compatriotes, ils ne sont pas contents de la fiscalité. Il faut le reconnaître, tous les sondages, plusieurs mémoires qui sont présentés devant nous, pas forcément par des grandes sociétés capitalistes, mais des associations de retraités – on va en avoir encore aujourd'hui – il y a une espèce de consensus, là.

Il y a aussi, et c'est la question que je voudrais vous poser, c'est le dilemme dans lequel on se trouve, une question de justice distributive. Et je m'explique. Une travailleuse du complexe pétrochimique de Varennes, elle paie des impôts élevés. Elle a souffert des compressions, comme n'importe quel autre citoyen, membre de la CSN ou non, et, en plus, elle ne sait pas quelle sera son augmentation de salaire. Elle pense que ce sera 1 %-2 %-2 %. Ça peut être plus, ça peut être moins. Voyez-vous?

M. Laviolette (Marc): Dans la pétrochimie, ça devrait être plus que ça. Dans le secteur privé...

M. Landry: Ce n'est pas toutes les entreprises qui vont bien. Ce n'est pas tous des modèles comme Expro...

M. Laviolette (Marc): Ah bien là!

M. Landry: ...coopérative de travailleurs, jointe à la formule capitaliste, dont l'actuel président de la CSN a été un des promoteurs.

M. Laviolette (Marc): Ha, ha, ha!

M. Landry: Bon. Ce que je veux vous dire, c'est que la travailleuse de mon comté, à Varennes, elle se dit: Moi aussi, je veux ma part. Et le travailleur du secteur public, lui, il veut avoir une baisse d'impôts plus une hausse de salaire. Moi, je vais peut-être avoir une hausse de salaire, je veux une baisse d'impôts. Je veux qu'on soit à égalité. Ce n'est pas loin du coeur de la question, là, ça.

M. Laviolette (Marc): Mais c'est une bonne question. D'abord, pour revenir sur la question des contribuables, on est les plus taxés puis... Lors de votre budget, en 1998, il y a eu une étude qui était extrêmement intéressante sur le niveau global de fiscalité, le coût de la vie, puis on comparait des villes comme Montréal par rapport aux autres, aux États-Unis ou en Ontario, et on constatait qu'un dans l'autre – d'ailleurs, même pendant le référendum, ces questions-là étaient sorties sur la fiscalité des entreprises – ça coûtait encore moins cher demeurer à Montréal pour les familles.

M. Landry: Je suis d'accord avec vous. Pour beaucoup de monde, vous avez raison.

M. Laviolette (Marc): Oui. Exact.

M. Landry: D'ailleurs, je vous remercie de le dire, puis il faut le dire et le redire, parce que, autrement, ça vire au misérabilisme. On est accusé d'être généreux socialement, c'est un peu ce que j'ai dit là sur... Quand le budget est sorti, il y a au moins deux journalistes qui ont fait de très bonnes études. Il y a le journaliste du Devoir , M. Dutrisac, qui avait des comparaisons très simples, pas scientifiques – je pense que c'est son beau-frère qui est à Toronto. Il a fait un peu la litanie que vous avez faite, que c'était mieux à Montréal. Alors, il faut le dire et le redire. Mais ça n'enlève pas qu'à partir d'un certain niveau, et ça, vous l'avez souligné aussi, les classes moyennes trouvent qu'elles en ont beaucoup sur le dos, beaucoup sur le dos.

M. Laviolette (Marc): O.K. C'est pour ça la mesure qu'on suggère, qui consiste à indexer les tables d'impôts, ça va venir soulager. Parce que, là, le problème, c'est que tout ce qui est ce que tu vas chercher en augmentation de salaire qui est en bas de l'inflation, tu te fais manger. Et d'ailleurs, Ottawa, c'est la première mesure qu'ils ont prise, ça, pour faire face au déficit, ils ont désindexé les tables d'impôts. C'est une augmentation déguisée. Mais je crois que Mme Carbonneau veut répondre aussi.

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, peut-être parce que vous rameniez toute une série d'études. Il y a quand même, et ça, on voit réapparaître ça régulièrement dans la société québécoise, des sondages d'opinion. Et c'est clair, puis c'est la même chose dans notre membership, le premier cri du coeur, c'est: Oui, je constate que mon fardeau fiscal est élevé puis j'aimerais ça que ça diminue un peu. Par ailleurs, la population, quand elle est confrontée à des choix, elle fait régulièrement le même choix. Et là le grand cri du coeur, c'est: Réinvestissez santé, réinvestissez éducation. Alors, en ce sens-là, on ne peut pas strictement se contenter du constat de la hauteur du fardeau fiscal sans aussi poser la question des bénéfices qu'on a à travers les services publics et les programmes sociaux.

Et je ne voudrais pas m'allonger sur un volet de la réalité que vous souleviez à l'intérieur de votre question quand vous évoquiez, au fond, le 5 % du secteur public, il y a d'autres lieux pour faire ça, mais je voudrais strictement rappeler que, depuis 1991, l'IPC et la croissance de la rémunération hebdomadaire moyenne ont été plus élevés que la croissance des salaires dans le secteur public. Alors, en ce sens-là, il y a plein de références dans la société civile qui nous amènent à penser qu'il y a aussi de la place pour ce débat-là. Et, quand on regarde les grands règlements, notamment dans le secteur privé, disons que les pourcentages sont particulièrement élevés ces temps-ci, et c'est correct, ça correspond à une période de croissance.

Le Président (M. Simard, Richelieu): J'inviterais le député de Duplessis, si M. le ministre a terminé, à poser la prochaine question.

M. Duguay: Merci, M. le Président. Moi également, je désire souhaiter la bienvenue aux représentants de la CSN. J'ai eu aussi l'occasion de connaître très bien cette structure dans mon autre vie, puisque j'ai appartenu également aux effectifs de la CSN, et, par la suite, au Syndicat de la fonction publique. J'ai bien sûr eu l'occasion de prendre connaissance de votre mémoire dans lequel vous relatez quand même des réalités sur la fiscalité québécoise. J'aurais peut-être quelques petites questions plus techniques ou, en tout cas... pour voir un peu de quelle façon on peut gérer le questionnement qui peut en ressortir.

Quand, à la page 3 de votre mémoire, vous faites référence... qu'il aurait été opportun – au deuxième alinéa, au milieu – de consulter les Québécoises et les Québécois sur leurs attentes face aux services et aux programmes, est-ce qu'on pourrait un peu vous entendre, à savoir en quoi consisterait cette consultation, puisque, en tout cas, dans un premier temps, la commission sur laquelle on siège permet aux organismes et aux groupes de se faire entendre? Alors, est-ce que c'est une autre consultation que vous auriez aimée au sein de la population?

M. Laviolette (Marc): Bien, c'est un peu le vice, si je peux m'exprimer ainsi, entre guillemets, de la commission. C'est que, nous, on aurait aimé que la consultation porte sur: Il y a une marge de manoeuvre, qu'est-ce qu'on fait avec? Est-ce qu'on réhabilite les services publics? Est-ce qu'on rembourse la dette? Est-ce qu'on baisse les impôts? Il y a comme trois options. Nous, pour ce qui est du remboursement de la dette, ce qu'on dit, c'est que le poids de la dette par rapport au produit intérieur brut, à partir du moment où on ne génère plus de déficit, va décroître, parce que la croissance... tant que la croissance économique est là, c'est une question de proportion simple, je veux dire, ça va diminuer. Donc, ce n'est pas un problème. Il y en a qui en font un problème, mais, pour nous, c'est moins un problème que de réinvestir dans les services. Parce que, si on s'en tient au mandat strict de la commission, on doit se prononcer sur les cinq options. On a été créatif, on a dit: Aucune de ces réponses, en indiquant qu'il y a quand même des mesures qu'on peut adapter, et c'est l'indexation et le relèvement du seuil d'exemption.

M. Landry: Le gouvernement aurait pu choisir de faire le débat sur l'utilisation des éventuelles marges de manoeuvre s'il ne s'était déjà engagé, à l'occasion de sa réélection, à investir en santé et en éducation, oui, mais consacrer la moitié de la marge de manoeuvre à la baisse d'impôts. La population nous a déjà élus pour ça, une grande partie du débat électoral s'est fait autour de ça. Et nos amis d'en face, eux, ils veulent aussi baisser les impôts, plus que nous autres – d'ailleurs, à les entendre parler, il n'y a plus de fin aux baisses d'impôts – puis ils veulent par ailleurs aussi monter les dépenses, ce qui leur a causé un gros problème de cohérence et de crédibilité, par conséquent, ils se le sont fait dire même dans leurs propres instances partisanes. Alors, c'est pour ça qu'on vous a...

M. Laviolette (Marc): Vous voulez dire que vous êtes pris avec votre élection? C'est ça? Ha, ha, ha!

M. Landry: Pardon?

M. Laviolette (Marc): Vous voulez me dire que vous êtes pris avec votre élection?

M. Landry: Oui, mais on aime mieux être pris avec la victoire qu'avec la défaite.

(9 h 50)

Le Président (M. Simard, Richelieu): ...mandat, M. Laviolette.

M. Laviolette (Marc): Ha, ha, ha! Oui, mais, si ça a pour conséquence... Puis là ça dépend toujours de la marge de manoeuvre. C'est pour ça que, nous, l'approche qu'on prend, c'est qu'on dit: croissance des dépenses dans nos réseaux publics selon le PIB, immédiatement une mesure court terme pour réduire les impôts, et la balance des marges de manoeuvre qui se dégagent en réduction d'impôts. Mais là c'est difficile. En d'autres mots, on ferme le cycle du déficit zéro, en restaurant, on baisse de façon immédiate par une mesure qui affecte effectivement la classe moyenne et les moins bien nantis et, la balance de la marge de manoeuvre, on y va en baisse d'impôts. Mais ça ne réglera pas notre problème qu'il y a 54 % des contribuables qui ont des revenus de moins de 20 000 $ par année. Là-dessus, il faut s'attaquer à ça. Ça ne serait pas bête de réformer le Code du travail puis donner un accès plus grand à la syndicalisation, les syndicats étant des organisations qui contribuent à repartager la richesse. Je pense que ça pourrait relever les salaires. C'est une façon de voir ça. D'ailleurs, en Suède, ils n'ont pas l'air d'avoir trop de problèmes avec ça parce qu'ils sont hautement productifs et hautement syndiqués, à hauteur de 91 %, puis ils réussissent très bien. Mais, je vous dis ça en passant, l'accès à la syndicalisation, ça a aussi des incidences économiques...

M. Landry: Sans doute.

M. Laviolette (Marc): ...ce n'est pas seulement pour organiser le trouble là, pour reprendre des expressions consacrées. Peter.

M. Bakvis (Peter): Seulement un détail. Les deux mesures que nous proposons dans le mémoire, enfin on respecte à peu près le même ordre d'engagement selon l'évaluation qu'on fait des coûts de ces deux mesures-là, de ce qui est proposé par le gouvernement. Par contre, il s'agit de mesures qui, comme M. Laviolette a expliqué, sont plus ciblées vers les bas et moyens revenus, au moins pour ce qui est de l'année 1999-2000, parce qu'il y a une partie de notre mesure qui entrera en vigueur dès le 1er janvier, et l'année 2000-2001, on est pas mal près de la marge de manoeuvre que le gouvernement a prévue pour une réduction d'impôts.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Mme Carbonneau.

Mme Carbonneau (Claudette): Très rapidement. Quand, M. Landry, vous faites référence à la dernière campagne électorale, ou bien j'ai été bien distraite effectivement, mais je pense qu'à peu près tous les grands partis préconisaient effectivement des baisses d'impôts sans déterminer pour autant un niveau pour ce faire. Au même moment, les sondages d'opinion que je relatais tantôt, eux témoignaient de leur attachement aux services publics. Et à moins que j'aie été vraiment très distraite, je ne crois pas qu'en campagne électorale votre parti ait fixé, plafonné la croissance des dépenses de santé ou d'éducation à 2 %, là. Ça, c'est des décisions qui ont été prises par après, à la faveur du prochain budget. Or, en ce sens-là...

M. Landry: Notre engagement, Mme Carbonneau, c'est de consacrer l'essentiel de la marge de manoeuvre à la baisse d'impôts, mais l'essentiel du reste, c'est à la santé et à l'éducation. C'est ça que la population veut aussi. C'est pour ça qu'au dernier budget, vous avez vu, on a fait un effort tout à fait... le dernier budget qu'on a fait, un effort tout à fait spécial santé, éducation: santé, 1 000 000 000 $ et quelques centaines de millions, et éducation, 800 000 000 $. Donc, on a entendu votre appel avant que vous ne le fassiez, mais dans la mesure de nos moyens.

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. Duguay, dernière question.

M. Duguay: O.K. À la page 13, également de votre mémoire, le troisième alinéa, là vous faites référence, à l'effet que le gouvernement aurait dû prioriser de réinvestir dans les services et dans les programmes sociaux. Vous avez sûrement pris connaissance aussi des discussions qui ont eu lieu, notamment lorsque le professeur Pierre Fortin s'est présenté, et, à l'intérieur de son mémoire, on retrouvait beaucoup plus une orientation à l'effet que le gouvernement devrait baisser les impôts. Alors, comment conciliez-vous votre position par rapport à celle de Pierre Fortin?

M. Bakvis (Peter): Bien, on a pris connaissance effectivement du mémoire de M. Fortin. En fait, il se donne un objectif à long terme de réduire le fardeau fiscal des Québécois pour des motifs, d'ailleurs, qui semblent être beaucoup plus politiques qu'en fonction d'un raisonnement économique. D'ailleurs, il n'aborde aucune des questions – avec tout le respect qu'on a pour M. Fortin – aucun des aspects qu'on aborde quant à l'impact réel sur la performance économique des baisses d'impôts. On traite de chacun des arguments qui sont soulevés et on y répond en détail dans le mémoire.

Je pense qu'il y a une autre chose aussi dont M. Fortin, malheureusement, fait abstraction, et je pense qu'on tente de bien le souligner dans le mémoire, c'est qu'on compare deux situations qui ne sont pas parfaitement assimilables. M. Laviolette a fait un listing partiel des services qu'on finance ici par l'impôt central de la province, qui, en Ontario, sont financés autrement. J'ai moi-même eu l'honneur de participer à une commission sur la fiscalité, il y a trois ans, et, lorsqu'on commençait à décortiquer un peu l'Ontario, on découvrait par exemple que l'impôt local est beaucoup plus fort, assume une part plus importante. D'ailleurs, les études du gouvernement du Québec confirment ça, que ce soit au niveau des entreprises ou des particuliers. Et d'ailleurs ceci s'est accentué depuis. On a même transféré une partie de l'administration du financement de l'aide sociale aux municipalités. Alors, lorsqu'on regarde simplement le niveau d'impôt des particuliers et qu'on oublie le reste, ça peut amener à faire des jugements un peu rapides.

Alors, je pense que c'est pour ça qu'on dit que, oui, lorsque la marge de manoeuvre existe pour alléger le fardeau fiscal, on est d'accord, mais – et peut-être que c'est l'autre élément aussi qu'on trouve tant dans le mémoire de M. Fortin et de beaucoup d'autres – on oublie aussi que les services qu'on a beaucoup réduits jouent un rôle important dans la compétitivité de l'économie québécoise. C'est vrai pour la santé, c'est vrai pour l'éducation. Et ce n'est peut-être pas l'année suivante que les coupures vont se refléter au niveau de la compétitivité, mais, à long terme, ce serait certainement le cas. Alors, c'est pour ça qu'on n'a pas pris les mêmes orientations que M. Fortin à l'effet de dire qu'il faut baisser rapidement et de façon massive. Je pense qu'il parle de l'ordre de deux ou trois fois ce qui est contenu dans le projet gouvernemental.

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. Bakvis, merci. Maintenant, nous allons passer aux questions de l'opposition, et j'invite la critique et porte-parole officielle de l'opposition sur les questions économiques et financières à poser des questions.

(10 heures)

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs et madame. D'abord, je voulais vous dire que c'est un très bon mémoire. Il y a beaucoup de recherche, il y a une grande érudition dans ce mémoire. Alors, quiconque a travaillé sur ce mémoire a fait un excellent travail.

Je voudrais commencer par faire un point que j'ai fait antérieurement, à l'effet que je supporte tout à fait le plaidoyer que vous avez fait, qu'il aurait été souhaitable d'élargir le débat, élargir le débat parce que nous avons actuellement une opportunité, une ouverture – vous l'avez mentionné, M. Laviolette – et donc, c'est une situation, dans le fond, privilégiée que nous connaissons, parce que le dividende fiscal ou le surplus cette année, selon à peu près tous les experts, sera entre 700 000 000 $ et 1 000 000 000 $. Au niveau des cinq prochaines années, il devrait s'élever à 5 000 000 000 $, ce que Pierre Fortin évalue à 4 400 000 000 $, l'Association des économistes aussi, à peu près à 4 400 000 000 $, la Banque Royale le met à 5 000 000 000 $, et, au bout de huit ans, c'est encore plus. Bon.

Bien sûr, il peut y avoir une récession, et il faut mettre un coussin pour ça. Mais il y avait une occasion de pouvoir examiner l'envergure du débat et de voir la ponction à faire au niveau de baisser les impôts versus augmenter les services. Bon. Alors, on n'a pas ce choix-là, mais on peut le faire pareil. On peut le faire. Même si les documents n'ont pas ouvert cette porte-là, il n'y a rien qui empêche tout le monde de trouver d'autres hypothèses et de partir avec d'autres hypothèses.

Alors, moi, je trouve ça très dommage qu'on n'ait pas eu les vrais chiffres – parce que je suis sûre que le ministère des Finances a fait des analyses, parce qu'ils font ça toute la journée – pour nous donner la situation du Québec actuellement et les projections à faire durant les prochains cinq ans. Alors, je suis tout à fait d'accord avec vous.

Maintenant, vous exprimez... d'ailleurs vous encouragez une baisse des impôts, parce que vous dites: Il faut indexer les tables d'impôts. Puis vous voulez augmenter le déductible à 6 000 $ et quelques au lieu de 5 000 $ et quelques. Alors, déjà, vous favorisez une baisse d'impôts. Mais vous faites appel à l'occasion à des auteurs – vous avez mentionné Philip Gerson, Informetrica – qui concluent que des investissements publics peuvent être parfois et souvent préférables pour la création d'emplois que des coupures d'impôts. D'accord?

Le danger, dans tout ça – et vous avez parfaitement raison, et ils ont parfaitement raison – c'est de trouver l'endroit où il faut investir cet argent-là. Vous avez mentionné l'éducation. La majorité des études en éducation qui ont été faites, notamment beaucoup aux États-Unis, ont démontré qu'un investissement... ce n'est pas nécessairement dû à l'argent si on va voir des succès scolaires dans une école. Il y a eu des expériences poussées démontrant que ça n'avait rien à voir avec l'argent. Il y avait une espèce d'implication du corps professoral, il y avait des enseignants. D'ailleurs, l'expression qu'on utilisait pour expliquer ce phénomène, c'était «l'ethos d'une école», c'est-à-dire une espèce de climat, un environnement. Alors, ce n'est pas écrit dans le ciel que dépenser plus d'argent nécessairement donne de meilleurs rendements. C'est clair qu'évidemment il y a un seuil où on ne peut pas descendre plus bas que ça, mais, ça aussi, ce n'est pas...

Au niveau de la santé également, est-ce que c'est de seulement remettre de l'argent comme ça? C'est clair que le système manque de fonds. Il y a trop de cris d'alarme. Ça, tout le monde est conscient de ça. Mais est-ce que vous avez pensé à des façons plus ciblées ou d'autres façons de faire, plutôt que de seulement réinvestir de l'argent dans le domaine de la santé, le faire de façon... Est-ce que vous avez des hypothèses sur la façon de le faire? Est-ce que vous avez réfléchi à la façon d'obtenir le maximum? Parce que, si Informetrica et Gerson ont raison, il faut bien être pointu dans le réinvestissement, il faut savoir où on le met parce que, autrement, on peut avoir des rendements décroissants. Est-ce que vous avez pensé à ça? Est-ce que vous avez réfléchi à ça, plutôt que de mettre l'argent partout de façon uniforme? Parfois, les centrales syndicales diluent peut-être leur impact en le mettant généralement. Et peut-être que, là, c'est le temps de réfléchir pour le mettre de façon plus pointue.

M. Laviolette (Marc): Je pense que c'est une bonne question. Oui, on réfléchit à ça tous les jours. D'abord, dans les réseaux publics de santé et d'éducation, il faut d'abord comprendre que c'est des hommes et des femmes, principalement des femmes, qui donnent les services, c'est du monde qui s'occupe du monde. Et l'investissement doit se faire beaucoup dans les ressources humaines. En éducation, quand les bibliothèques sont dans l'état où elles sont présentement, quand on a de la difficulté à fournir des livres, quand les groupes sont trop gros...

Je pense que, pour bien comprendre la dynamique que les professeurs se retrouvent dans des périodes de compressions budgétaires, je vous conseillerais d'aller voir le dernier film de Bertrand Tavernier, qui s'appelle Ça commence aujourd'hui . Tout est là-dedans. Et les professeurs de maternelle, dans ce cas-là, se font répondre par les fonctionnaires et les bureaucrates que déjà on leur accorde 35 % de leur budget, puis etc. Pendant ce temps-là, la pauvreté continue de monter, parce que c'est dans une région plutôt défavorisée.

C'est vrai que ce n'est pas l'argent qui achète tout, mais il faut d'abord qu'il y ait suffisamment de ressources. Dans la santé, on a trop coupé de ressources. Les gens sont débordés, les fardeaux de tâches sont là, le personnel est épuisé. Qu'on regarde les coûts que ça entraîne en termes d'assurances collectives pour ce qui est des problèmes de santé mentale des personnels, c'est à des niveaux dramatiques. On lisait dans les journaux que, pour un établissement comme Maisonneuve-Rosemont, c'était 3 000 000 $ par année qui allaient dans ce type de dépenses-là. On a un problème, là. C'est pour ça que le réinvestissement dans les réseaux, oui, dans de la technologie puis de l'équipement moderne puis une façon moderne de faire les choses, c'est vrai.

On a parlé du virage ambulatoire, on a dit: On va réduire le nombre de lits et, avec les sommes économisées, on va mettre ça dans le maintien à domicile. Mais, si on regarde le nombre de postes qui ont été coupés dans les hôpitaux versus le nombre d'auxiliaires familiales – on a ça dans le mémoire, je n'ai pas le chiffre par coeur – en tout cas, ça jure, là, comme... Il y a quelqu'un qui a pompé l'air quelque part dans les réseaux, et c'est allé au Conseil du trésor. C'est pour ça qu'on dit: Il faut les réhabiliter, nos réseaux. Puis ça, c'est des ressources, c'est la diminution du fardeau de tâches.

Il y a eu, dans les façons de faire... À un moment donné, on est parti, dans le réseau de la santé, on disait: Bon, les services auxiliaires, là, on va privatiser ça, de toute façon ce n'est pas la mission des hôpitaux de faire le ménage, c'est de soigner le monde. D'abord, s'il n'y a personne qui désinfecte, il n'y a personne qui est capable d'opérer, ça fait partie du traitement; la même chose avec les gens qui sont aux cuisines. Ça fait qu'il faut voir ça de façon globale. Mais on a réorganisé le travail parce qu'on faisait face à des propositions d'entreprises privées pour sous-contracter ces services-là. Et, à chaque fois qu'on s'est appuyé sur l'expertise des travailleurs puis des travailleuses, dans les réseaux de la santé, par rapport à ce qu'ils faisaient, on arrivait à des réductions de coûts, on maintenait grosso modo les emplois puis on gardait ça public, à chaque fois qu'on a donné l'occasion à ces travailleurs et travailleuses là de proposer des alternatives. On l'a fait dans le Pontiac, on l'a fait dans le CHUM, on l'a fait en Montérégie. À chaque fois, on a été capable de livrer la marchandise. Donc, si on fait ça, je pense que, oui, on va être capable de mieux faire les choses de façon différente et moderne en s'appuyant sur nos ressources humaines. Mais, dans les réseaux publics, 80 % de la dépense, c'est des ressources humaines. Il y a peut-être Claudette qui...

Mme Carbonneau (Claudette): Juste un petit détail de plus pour compléter le portrait. Je dirais, au niveau des ressources humaines, il faut régler des problèmes au niveau de la précarité. Plus d'une personne sur deux, dans les services publics, est à statut précaire. Ça n'a plus de sens. On veut des services de pointe et on est à peu près organisé comme un McDonald, en termes d'organisation. Et, quand vous faites référence précisément à la nécessité d'un milieu qui est convergent dans les efforts qu'il fournit en termes de qualité de services, je pense qu'une certaine stabilisation de la main-d'oeuvre, qui est le facteur humain déterminant là-dedans, c'est sûrement un plus aussi pour la population usagère de ces services-là.

Quand vous dites: Investissements ciblés dans les grands réseaux, bon, Marc soulignait, oui, le maintien à domicile, j'ajouterais: dans le réseau de la santé, très certainement, toutes les questions d'hébergement pour les personnes âgées là où ça se pose. Il y a des manques flagrants dans ce secteur-là. En éducation, il y a plein de ressources spécialisées qui ont été coupées et qui viennent en appui aux services d'enseignement directs, qui méritent d'être réhabilités, tout le secteur de la formation professionnelle, la formation aux adultes. On a manifestement des problèmes d'accessibilité dans ce réseau-là.

(10 h 10)

Alors, toute notre argumentation ne vise pas du mur-à-mur et n'appelle pas que des interventions généralisées. Il peut y avoir des choses ciblées. On pense qu'il y a quand même, au niveau de la main-d'oeuvre, des problèmes qui, eux, sont assez généralisés et qui méritent d'être traités. Alors, à ce chapitre-là, oui, précarité, surcharge, manifestement toutes les questions de sous-traitance posées presque sous un ton idéologique plus que pratico-pratique, les questions d'organisation du travail, oui, mais, pour ce qui est du développement des services, c'est sûr qu'il y a des cibles à se donner. Et ça aurait été d'ailleurs intéressant d'avoir un débat public à cet égard-là.

Mme Jérôme-Forget: Maintenant, je voudrais faire un autre point. Est-ce que je peux... Bonjour, M. le président.

Le Président (M. Duguay): Bonjour!

Mme Jérôme-Forget: Au niveau des coupures de postes dans les hôpitaux, il y a eu une offre qui a été offerte à tous les employés des hôpitaux de pouvoir prendre une retraite anticipée. Et un des problèmes des hôpitaux, ce n'est pas simplement qu'on a diminué le nombre de postes, c'est qu'il y a certains postes qu'on ne peut plus combler parce que ce sont des postes qui requièrent une très grande expertise. Est-ce que vous avez supporté cette approche-là, de retraite anticipée, d'offre à tout le monde?

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, je dois vous dire que ça a été, oui, fait dans le cadre d'une réouverture de conventions collectives, disons, quelque chose d'assez difficile, avec aussi une perspective de loi spéciale qui nous pendait au bout du nez. Je vous dirais que, jusqu'à la dernière minute, oui, on était en faveur d'une bonification du régime de retraite. Ce n'est pas un des régimes les plus généreux. On ne peut pas faire n'importe quoi avec des fonds qui proviennent d'un régime de retraite. On ne peut pas, en fonction du type d'emploi que les individus exercent ou n'exercent pas, déterminer qui partira ou ne partira pas à sa retraite. Par ailleurs, jusqu'à la dernière minute, la CSN a soutenu la position que ça devait être davantage étalé dans le temps. Je pense qu'on a conclu cette négociation-là en mars, et le départ des effectifs devait être réalisé pour le 2 juillet. Alors, c'est bien évident que ça ne permet pas, une période aussi rapide, de pourvoir à la formation et au remplacement de la main-d'oeuvre.

Par ailleurs, je pense que, dans les réseaux publics, on devrait mettre aussi une insistance sur la formation en cours d'emploi et sur la formation professionnelle. Je viens moi-même du réseau hospitalier, et on ne me fera pas croire que, dans un délai de huit, 10 mois ou un an, on n'arrive pas, par exemple, à former adéquatement des infirmières pour aller en salle d'opération. Il faut avoir un délai pour le faire, mais il y a sûrement un investissement et des efforts à faire pour mieux planifier la main-d'oeuvre dans le temps. Et c'est triste, oui, de constater que ce programme de départs... à mon sens, il n'était pas à mettre au pilori si on s'était donné le temps pour réaliser la planification nécessaire.

Le Président (M. Duguay): Merci, madame. Mme la députée de Beauce-Sud.

Mme Leblanc: Alors, bonjour, madame et messieurs de la CSN. Alors, tout comme ma collègue de Marguerite-Bourgeoys, je constate que dans votre mémoire il y a beaucoup, justement, de constats de société qui ont été faits, et ils sont très intéressants. Vous savez, on a au Québec de moins en moins de gens qui paient d'impôts. Ça a augmenté. Par rapport à 1982, où il y avait 27,9 % de gens qui ne payaient pas d'impôts, on est rendu à 39,2 % en 1996. Donc, près de 40 % des citoyens du Québec ne paient pas d'impôts. Et, dans la tranche qu'on disait, de 54 %, donc, il y a 14 % de gens qui gagnent entre 20 000 $ et le minimum imposable.

Donc, c'est vrai, vous avez raison de dire qu'on ne peut pas régler tous les problèmes par la fiscalité parce que la pauvreté est croissante, chez nous. On le sent, dans nos écoles. Les enfants arrivent à l'école le ventre vide, les commissions scolaires ne savent pas comment s'y prendre, où prendre l'argent pour leur donner à manger, leur donner à boire. On le constate aussi chez la population à moyens revenus ou à revenus peu élevés, qui, des fois, doit faire le choix d'acheter des médicaments ou encore de payer l'épicerie.

Alors, vous avez raison, on ne peut pas tout régler. Ça va nous prendre un équilibre entre un réinvestissement dans nos programmes sociaux, dans nos services à la société. Mais on ne peut pas non plus tout régler, il faudrait aussi donner une marge de manoeuvre, permettre aux gens qui paient de l'impôt, justement, de pouvoir souffler un peu.

Et vous avez fait un constat qui dit qu'il ne faudrait pas seulement s'attarder aux scénarios proposés, mais réformer globalement la fiscalité. Et, là-dessus, je pense que Chartrand-Laferrière a amplement démontré que les taux marginaux d'impôts sont très pervers, au Québec, et il faudra s'y attaquer.

C'est ce qui fait, par exemple, qu'au niveau des services de garde... Vous avez mentionné, à la page 12 de votre mémoire, que le service de garde était quand même quelque chose de bon, que c'est un pas dans la bonne direction pour le gouvernement. Toutefois, quand on constate que, pour une famille, il peut devenir plus rentable de payer un service de garde à 20 $ par jour avec reçus d'impôts qu'à 5 $, là, on peut voir que, vraiment, il y a quelque chose qui ne va pas dans le système. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. Parce que vous avez soulevé la question des services de garde à 5 $. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Laviolette (Marc): Oui. D'abord, sur la portion de 54 % de la population qui ont des revenus de 20 000 $, ça, je pense que c'est dramatique. Nous, ce qu'on trouve plate, c'est que... Au sommet socioéconomique sur l'emploi, on s'était donné comme objectif de rattraper, pour 1999, le taux de création d'emplois du Canada, et on aurait aimé que le gouvernement soit plus sévère, au moins tout aussi sévère sur cet objectif-là que sur celui du déficit zéro. Parce que ça n'a fondamentalement pas bougé. On est à un différentiel de 0,9 %, c'est-à-dire, mettons – arrondissons – 1 % entre le taux de création d'emplois au Québec et celui du Canada.

Puis je regarde encore, là... Puis je sais que le ministre est préoccupé par ces questions-là. Prenons GM. Ils viennent de régler. Ils investissent 1 000 000 000 $ dans l'industrie automobile en Ontario. Nous autres, on a une lettre d'entente, au Québec. Je veux dire, je ne sais pas comment on pourrait se servir... Puis il faut relever notre taux d'emplois, au Québec, et les emplois qui sont là, des emplois de qualité. Ça, c'est le défi sur la moyenne et longue portée, bien plus que la question des impôts. Parce que, quand le monde va avoir de meilleurs revenus...

Parce que le principe de la progressivité de l'impôt, c'est que les gens les plus riches paient pour les plus pauvres. C'est ça, le mécanisme de redistribution. Mais, quand il y a 54 % de la population qui ont des revenus de 20 000 $ par année, ça ne fait pas une société, en tout cas, riche, riche, riche, même si on n'est pas le tiers-monde, au Québec. Et ça, cet objectif-là, il me semble qu'on devrait l'attaquer de façon plus ferme encore. Et le but du Sommet sur l'emploi, c'était de faire ça, et cette cible-là n'a pas été atteinte. En termes de statistiques, il n'y a rien qui a bougé.

Pour ce qui est de nos taux marginaux, au Québec, oui, il y a des problèmes, mais on a quand même le système d'impôts qui est le plus progressif, si on se compare aux autres à ce niveau-là.

Pour ce qui est des services de garde, à notre avis, la mesure la plus progressiste que le gouvernement a faite, c'est bien celle des services de garde à 5 $. C'était un objectif. Il y a des problèmes. C'est des problèmes de croissance, de développement des places. Mais, pour ce qui est de la CSN, nous, cet objectif-là, on le partage à 300 % et on est très inquiets de ceux qui veulent nous ramener en arrière sur ces questions-là. Mais je pense que Mme Carbonneau, qui est responsable de ces questions-là à la CSN, a sûrement des arguments convaincants.

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, très, très brièvement, là-dessus, je pense qu'il ne s'agit pas juste d'évoquer les mots «service de garde» pour dire qu'on parle des mêmes réalités. La politique du 5 $, elle cible des services particuliers, des services qui doivent avoir un programme éducatif. Et toute étude longitudinale démontre les effets bénéfiques sur la baisse du taux de criminalité, les succès scolaires, le développement de la personne. Alors donc, il faut savoir qu'est-ce qu'on compare, quand on compare des choses.

Par ailleurs, j'ai beaucoup entendu parler de ces cas-là. Cependant, c'est souvent des cas très théoriques. Qui, à 20 000 $ par année, avait les moyens de fréquenter des services de garde quand ils étaient à 125 $ par semaine? À peu près personne. Alors, je trouve qu'il y a eu beaucoup de millage de fait sur un nombre tout à fait théorique de personnes qui, à mon sens, étaient beaucoup plus exclues de l'accès à ces services-là.

Les cas où par ailleurs il y a manifestement des problèmes, c'est précisément parce qu'il y a toujours une intervention du gouvernement fédéral qui, lui, a une toute autre orientation. Et, lui, on l'a vu, à travers des impôts qu'on finance, remonter le crédit d'impôt au fédéral. On sait que nous, à même nos taxes comme Québécoises et comme Québécois, on se finance un service qui est beaucoup plus adéquat, qui correspond beaucoup plus à nos attentes et à nos besoins, et on se trouve brimés du remboursement qu'on pourrait avoir par le crédit d'impôt au fédéral. Et, de ce côté-là, s'il y a une chose à faire, je trouve que c'est l'illustration des dédoublements en matière de politique sociale, les aberrations dans lesquelles on se trouve, là.

(10 h 20)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je suis obligé... C'est une piste qui pourrait nous mener très loin, vous le savez, on a fait ensemble des débats importants là-dessus. Je pense que tout le monde sera d'accord pour accorder à M. Bakvis une petite minute, vu qu'il l'a demandée depuis longtemps.

M. Bakvis (Peter): C'est très gentil. Je pense qu'il y a deux nuances à apporter. Les questions étaient justes, mais... Lorsqu'on baisse l'impôt, comme on a fait en 1998, au Québec, de 6 %, c'est vrai qu'il y a un peu moins de gens qui paient l'impôt sur le revenu, mais lorsqu'on le finance par une augmentation de la TVQ, bon, il y a des gens qui le paient d'un autre moyen, et c'est par une taxation plus régressive. C'est d'ailleurs pourquoi on s'inscrit en opposition aux deux scénarios qui proposent justement des baisses encore plus importantes que les autres de l'impôt sur le revenu mais en cherchant compensation par la TVQ.

Sur la question des taux implicites, enfin, on a pris connaissance de la transcription des débats avec M. Laferrière. On a quand même fait beaucoup de millage avec cette question-là. Mais je pense que c'est le ministre des Finances qui a demandé de proposer des solutions, et il n'y en avait pas. Nous, on souligne que c'est un point important et on pense que notre mesure d'indexation des tables d'impôts et des déductions personnelles va contribuer en partie à solutionner le problème. Mais c'est complexe, parce que...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je dois vous arrêter sur votre complexité, vous savez.

M. Bakvis (Peter): Voilà. O.K.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Ces débats sont tellement complexes que nous y consacrons des semaines de travail. Je veux remercier M. Laviolette, Mme Carbonneau et vous dire que votre mémoire a été lu très attentivement et discuté non moins sérieusement par la commission. Au plaisir de vous revoir!

Alors, j'invite tout de suite le Front commun sur la fiscalité des associations des personnes retraitées et la région Montérégie de l'Association québécoise des retraités(es) du public et parapublic à prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, nous allons reprendre nos travaux. Je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants de... En fait, c'est une coalition de deux associations, je pense, qui viennent ensemble nous présenter... Vous vous êtes unis pour présenter votre mémoire, le Front commun sur la fiscalité des associations des personnes retraitées du Québec et l'Association... plus précisément la région de la Montérégie de l'Association québécoise des retraités des secteurs public et parapublic.

Alors, messieurs, bienvenue parmi nous. Nous avons reçu évidemment votre mémoire. Nous allons vous poser des questions, dialoguer avec vous, mais, d'ici là, je vous invite à vous présenter et à présenter votre mémoire pendant au plus une vingtaine de minutes.


Front commun sur la fiscalité des associations des personnes retraitées du Québec et région de la Montérégie de l'Association québécoise des retraité(es) des secteurs public et parapublic

M. Fournier (Gilles): M. le Président, est-ce que nous pourrions diviser la présentation en deux? Étant donné que le Front commun a un mémoire distinct de celui de l'autre association, ça serait peut-être plus facile.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, on est bien d'accord, mais ce sera une dizaine de minutes chacun. Ça vous va?

M. Fournier (Gilles): Est-ce qu'on pourrait faire 30 minutes de part et d'autre?

Le Président (M. Simard, Richelieu): Non, c'est tout le temps qu'on a pour la commission. Alors, je suis convaincu que mes collègues seraient d'accord si vous preniez 15 minutes chacun, et nous vous interrogerons pour le reste. Mais la règle, c'est vraiment un temps égal qu'il nous faut partager. Donc, nous nous entendons, 10 à 15 minutes pour chacune de vos associations, et ensuite le dialogue. Merci beaucoup.

M. Fournier (Gilles): Je me présente, mon nom est Gilles Fournier, je suis vice-président de l'AQDR, l'Association pour la défense des droits des retraités. Je suis également délégué de la Coalition des aînés du Québec auprès du Front commun sur la fiscalité, de même que mon savant et imminent confrère, Jean-Marie St-Jacques, qui est également président de l'Association québécoise des retraités du public et du parapublic, section Québec-Ouest.

Le Front commun sur la fiscalité accueille favorablement la consultation lancée par le gouvernement concernant la réduction des impôts. Nous profitons alors de cette occasion pour vous exprimer notre opinion et l'opinion de quelque 60 associations, qui sont mentionnées de toute façon en annexe de notre rapport et qui regroupent 700 000 aînés du Québec, c'est-à-dire presque la moitié des personnes de plus de 55 ans.

Bien que le présent mémoire vise principalement à mettre en relief la situation des aînés par rapport aux taxes et impôts, il importe de préciser que plusieurs de nos demandes concernent l'ensemble des Québécois et les aspects qui touchent à la pauvreté, c'est-à-dire aux personnes qui vivent sous le seuil de faibles revenus. Évidemment, nous avons pris acte de l'importance pour le gouvernement du déficit zéro ainsi que du remboursement de la dette pour ne pas laisser aux générations futures un fardeau fiscal qui leur préjudicierait.

Tout notre mémoire, messieurs et mesdames, porte sur l'approche suivante, c'est-à-dire que, contrairement à la perception souvent véhiculée, la situation financière des aînés demeure précaire. Et la majorité d'entre nous est loin de rouler sur l'or, contrairement évidemment – je le souligne encore – à ce que j'ai souvent entendu. Tel que mentionné dans la publication du Conseil des aînés du Québec – je dis bien du Conseil des aînés du Québec – novembre 1998, 50 % des aînés reçoivent le supplément de revenu garanti. Alors, vous admettrez avec moi que 11 000 $ par année, ce n'est pas tellement fort.

M. Landry: Ça veut dire qu'ils ne paient pas d'impôts.

M. Fournier (Gilles): Le taux de pauvreté, en 1996, au Québec, est le plus élevé de tous les groupes – et c'est encore le Conseil des aînés qui le dit – d'âge, c'est-à-dire 28,8 %. Pour cette période, 37,4 % des femmes et 20,2 % des hommes âgés étaient en situation de pauvreté, 61,8 % avaient un revenu de moins de 15 000 $ – vous allez me dire: Ils ne paient pas d'impôts; ils paient certaines taxes, par exemple – et 5,4 % seulement avaient un revenu supérieur à 40 000 $. Donc, quand on parle de pauvreté, ces chiffres-là indiquent que les aînés ne sont pas riches.

(10 h 30)

J'ajouterais un autre fait. De 1986 à 1987, les prix à la consommation se sont accrus de plus de 30 %. Et si on ajoute à cela 16 % pour l'augmentation des taxes et des impôts, nous sommes rendus à près de 50 % de perte de pouvoir d'achat. Or, contrairement aux travailleurs qui, eux, peuvent avoir des augmentations de salaire, la majorité des aînés, eux, n'ont pas la possibilité de se rattraper. C'est malheureux mais c'est un fait, un fait criant, et je pense que les jeunes à l'heure actuelle sont dans la même situation. Il ne faudrait pas oublier qu'il y a plus de 40 % des travailleurs actuels qui n'ont pas de régime complémentaire de retraite.

Dans le secteur public – on dit que le secteur public est bien engraissé, c'est totalement faux – savez vous qu'il y a seulement 26 % qui jouissent de la pleine indexation? Et ça, ça comprend les employés fédéraux. Dans le secteur privé, c'est encore pire, il y en a 81 % qui n'ont aucune indexation. Donc, en autres termes, les aînés qui avaient rêvé de prendre une belle retraite, une retraite décente, une retraite confortable, ont été frappés par l'inflation et par les ponctions fiscales directes et indirectes. Il est donc facile de comprendre que les aînés se sont appauvris et que d'un budget gouvernemental à l'autre – et que ce soit fédéral ou provincial – rien n'a été offert aux aînés sauf des ponctions répétitives et systématiques dans les crédits qui nous étaient dévolus.

Alors, nous allons procéder au sommaire dans lequel nous vous disons que nos demandes, au nom des Québécois et des personnes âgées, sont les suivantes. Premièrement, nous recommandons l'application du scénario 1 proposé au document de consultation sous réserve – et ici je le souligne – des ajouts que nous allons vous présenter afin de corriger les ponctions fiscales que l'on considère discriminatoires et dont nous avons été victimes en tant que citoyens et personnes âgées. Évidemment, si nous avons choisi le n° 1, c'est aussi parce que nous trouvons que le scénario 1 favorise davantage la classe moyenne tout en protégeant les démunis, c'est-à-dire ceux qui vivent sous le seuil de faibles revenus.

Nous rejetons toute hausse de la TVQ car il s'agit, comme d'autres l'on dit, d'une taxe régressive. D'ailleurs, elle a atteint, au Québec, le plus haut seuil de tout le Canada et elle favorise la concurrence que nous livrent nos partenaires économiques. Pour l'instant, je laisserais la parole à M. Jean-Marie St-Jacques.

M. St-Jacques (Jean-Marie): Lorsque nous réclamons le rétablissement de certains crédits pour le bénéfice des personnes dont les revenus sont supérieurs aux 18 000 $, c'est que dans notre dépôt nous indiquons à ce moment-là qu'il ne devrait pas y avoir de taxation pour les personnes dont les revenus bruts sont inférieurs à 18 000 $, le but étant que Statistique Canada reconnaît que le seuil de pauvreté est établi à 16 000 $ pour les besoins essentiels de la nourriture, le vêtement et le logement. Nous invoquons qu'au delà de ces trois besoins essentiels, il serait peut-être normal de pourvoir au téléphone, aux assurances, aux frais de déplacement, ce qui nous amène à suggérer qu'il n'y ait aucune participation pour les personnes dont le revenu brut est supérieur à 18 000 $. Mais pour les personnes qui ont des revenus supérieurs à 18 000 $, nous demandons le rétablissement de la planification de retraite que les personnes ont pu prévoir en vue de leur avancement en âge. Est-ce que c'est trop demander? Nous invoquons que ça n'est qu'un retour normal de la participation des personnes de 70 ans et plus à la société d'aujourd'hui.

Si on revient en arrière, on considère que la mise en place de l'assurance-médicament, en 1966, a fait que pour les personnes de 70 ans et plus, la venue des enfants était terminée. Donc, ils ont dû supporter, à ce moment-là, les frais d'hospitalisation reliés à la création de la famille.

Le régime de prêts et bourses est arrivé en 1967. La Régie des rentes du Québec a été implantée en 1967, alors nous disons que ces personnes-là ont contribué à l'établissement de la société mais avec beaucoup de sacrifices, alors qu'elles étaient en situation comparable, et de ce fait, la planification de la retraite s'est faite en fonction des règles d'impôts, des règles d'impôts fonciers qui prévalaient.

Il était prévu que l'allocation, le crédit en fonction de l'âge était une mesure existante compte tenu que le crédit en fonction de l'âge a originé en 1956, au moment de la mise en application de la pension de la sécurité de la vieillesse. Pour ceux qui payaient des impôts dans les années 1954-1955 aller jusqu'en 1960, ils se souviendront qu'ils avaient un impôt particulier qui venait s'ajouter à l'impôt prélevé sur le revenu imposable pour un pourcentage de 3 % qui a varié jusqu'à 6 % dans le temps. Et compte tenu qu'il n'y avait aucune allocation de crédit pour la contribution à ce régime de retraite, il y a eu l'introduction de l'allocation pour l'âge qui, dans les premières années, correspondait au montant de la pension de sécurité de vieillesse payé. Avec le temps, la pension de sécurité de la vieillesse s'est bonifiée mais l'allocation pour le crédit a diminué.

Mais, au pire, c'est que, depuis les dernières années, l'allocation pour l'âge est complètement retirée. L'allocation pour les revenus de retraite de 1 000 $ a été retirée. L'allocation pour les revenus d'intérêt a été retirée. Quand on fait le total de ça, c'est 4 200 $. Nous disons que le retrait de ces crédits d'impôt a eu pour effet de diminuer le pouvoir d'achat et la capacité de vivre des personnes de 65 ans et plus. Alors, nous demandons le rétablissement de ces mesures-là.

Il faut penser que les régimes de mise en application des REER ont été élaborés dans les années soixante-dix. Les personnes de ces âges-là qui voulaient préparer une retraite valable se sont rabattues sur la possibilité d'acheter une maison, une maison à logements, avec la prétention ou l'espérance que le revenu ou le bien qui était ainsi accumulé constituerait leur fonds de retraite. Aujourd'hui, on constate que le profit de capital, l'exemption du profit de capital individuel de 100 000 $ a été aboli, de sorte qu'au moment où les gens se départissent de leur maison, de leur fonds, le fonds est taxé avant même de commencer à être utilisé. Alors, encore là, c'est une planification qui a été revirée complètement et nous disons que c'est comparable à des joueurs qui s'attaqueraient dans une compétition mais qui, avant de la fin de la partie, se feraient dire: On change les règles du jeu. Le gagnant, à ce moment-là, ne subira plus les mêmes règles de jeu en cours de route.

(10 h 40)

Notre prétention, elle est basée sur ça. C'est ce qui explique à ce moment-là que nous demandons le rétablissement du revenu disponible. Je pense que de dire que les personnes avec un revenu brut de 18 000 $ devraient être exemptes de toute participation s'applique aussi au fait qu'en cours de période, au-delà de la perte de ces crédits d'impôt, on a vu se rajouter des contributions pour le fonds de santé, la mise en application de la pension de sécurité de la vieillesse qui, dans la planification de retraite, était basée sur le fait qu'à partir de 65 ans les médicaments étaient gratuits pour les personnes de 65 ans. Alors, je pense que pour le moment c'est en résumé l'objectif de nos demandes.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Voilà. Merci beaucoup. Je vais inviter l'autre groupe à faire aussi bien, de façon aussi disciplinée, donc une douzaine de minutes, s'il vous plaît.

M. Bégin (Philippe): M. le Président, mesdames, messieurs, mon nom est Philippe Bégin, de l'Association québécoise des secteurs public et parapublic. Afin de mieux connaître les attentes et le profil des 1 300 membres de la Montérégie, nous avons, le comité d'action et moi-même, fait la tournée de nos huit secteurs et avons échangé avec eux quant à leurs préoccupations financières. Cette démarche nous a permis de rédiger un mémoire basé sur les besoins et les attentes de nos membres, que mes trois collègues souligneront.

Je vous présente donc, à l'extrême droite, M. Claude Baril, M. Joseph Leblanc, et mon autre collègue M. Jean Faille, à ma gauche. M. Baril, à vous la parole.

M. Baril (Claude): Merci, M. Bégin. M. le Président, comment se prononcer sur une baisse d'impôts quand on ne sait pas la part respective que paient, dans les recettes fiscales de l'État, les particuliers et les corporations? Car l'équité verticale reflète la capacité de payer des personnes soumises à l'impôt. «Sacrifice équivalent pour chaque contribuable», disait Stewart Mill.

À la page 14 de votre document, vous montrez que sur 32 000 000 000 $ de recettes fiscales, les corporations n'en paient que 5 700 000 000 $; le reste, 26 300 000 000 $, étant payé par les particuliers. Les scénarios 3 et 5 amplifient ce déséquilibre puisqu'ils exigent une augmentation de la taxe de vente qui s'applique surtout aux particuliers. Ça incite au travail au noir.

En 1951, les corporations payaient 51 % des recettes fiscales et les particuliers 41 %. Malheureusement, en 1994, les corporations ne paient plus qu'un maigre 8 % tandis que tout le fardeau fiscal a été reporté sur les particuliers au niveau de 90 %. Pourquoi ne cessez-vous pas d'harceler les particuliers quand vous pouvez faire autrement?

L'équité horizontale coïncide avec les bénéfices reçus par les contribuables. Il est donc équitable et légitime que les corporations paient 50 % des recettes fiscales puisque, selon l'ex-ministre Séguin, la moitié des fonds publics dépensés va en services aux entreprises.

Voici deux exemples de marge de manoeuvre: le Vérificateur général du Canada dit qu'on peut récupérer 10 000 000 000 $ d'impôts qui fuient dans les échappatoires fiscales des corporations par le biais des paradis fiscaux; deuxièmement, les dépenses personnelles passées dans les comptes de dépenses individuels représentent fort probablement au moins 100 000 000 000 $ par année. Ça dépasse en importance et en manque à gagner fiscal le travail au noir.

Avant de passer la parole à mon collègue Leblanc, au nom du comité d'action, je demande: Quand le gouvernement mettra-t-il autant d'acharnement à récupérer les sommes considérables que les corporations dissimulent au fisc qu'il en met à débusquer le travail au noir, notre quatorzième recommandation? Et, en conséquence, quand et comment le gouvernement appliquera une programmation semblable à celle du travail au noir à l'égard des corporations qui pratiquent l'évasion fiscale à grande échelle? Seizième recommandation. M. Leblanc. Merci.

M. Leblanc (Joseph): La globalisation mondiale, quel phénomène extraordinaire! D'autre part, les corporations qui en ont créé les règles compétitionnent entre elles pour se partager le plus de richesse possible. D'autre part, les particuliers doivent réduire leur train de vie au nom de la compétitivité. Et le cauchemar n'est pas fini. Les gouvernants ont joué le jeu mais n'ont pas su tirer leur épingle du jeu en ne rétablissant pas l'équilibre des charges fiscales, comme M. Baril vient de le souligner.

Dans votre document de consultation, à la page 44, vous écrivez que le régime de taxation devrait taxer de manière neutre ou identique les activités des agents économiques afin d'éviter le plus possible de modifier leur comportement. Pour cette raison, il y a nécessité absolue de réduire l'impôt des particuliers, d'autant que le revenu familial des Canadiens est moindre qu'il y a 20 ans. Nos membres l'ont vivement ressenti.

Le principe de l'universalité devrait inspirer également la démarche de la réduction d'impôts. Quelle que soit leur tranche de revenu imposable, tous les contribuables ont été mis à contribution au cours des dernières années pour financer les dépenses de l'État, des villes et des commissions scolaires. La vraie façon de se souvenir de l'effort consenti par tous et de penser en plus aux plus démunis serait d'accorder une réduction fiscale réelle et progressive de 2 000 $ pour chaque particulier.

Beaucoup de retraités que nous avons consultés se plaignent amèrement que parmi vos objectifs vous n'ayez pas inscrit la prévisibilité, critère essentiel pour bien gérer son avenir. Les modifications constantes au régime de taxation et d'impôts, les diverses non-indexations, les modifications genre revenu familial et les taxes en cascade rendent l'avenir de nos membres très incertain, et beaucoup sont fort mécontents.

Certes, il est reconnu qu'en raison de l'âge la personne âgée a plus besoin de soins médicaux que l'ensemble de la population. Mais pourquoi alors être discriminatoire à son égard? Est-ce pire que les garderies? Est-ce pire que les bourses d'études, les congés parentaux, etc.? M. le Président, serions-nous en train de rejouer Les animaux malades de la peste ?

La non-indexation de la pension de nos retraités appauvrit d'année en année les aînés de notre Association qui ont vu leur pouvoir d'achat fondre d'au moins 2 % par année. Ça n'a l'air de rien, comme ça, cette question de non-indexation, c'est tout de même assez préoccupant pour que l'OCDE y consacre toute une étude. Le gouvernement ne contribue pas à bâtir notre fonds de retraite; nous, les retraités, avons grandement contribué à ce fonds. Les syndicats et le gouvernement pigent allègrement dans les surplus de nos caisses de retraite. M. le Président, c'est aussi notre fonds de retraite. La consultation? Connaît pas. La participation? Connaît pas.

En cette Année internationale des aînés, au lieu de voir les aînés comme des malades en puissance, ne conviendrait-il pas de dire aux aînés un merci tangible pour leur contribution passée et présente en indexant leur pension pour qu'ils se sentent partie entière de cette société que nous voulons contribuer à bâtir avec les travailleurs et les jeunes que nous aimons. D'autant plus que ce réajustement d'indexation des pensions ne demande pas d'argent au gouvernement, il suffit d'employer à bon escient les surplus de nos caisses de retraite. Merci. Je cède maintenant la parole à M. Jean Faille pour la conclusion.

(10 h 50)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Juste pour la conclusion parce qu'on n'a que quelques minutes.

M. Faille (Jean): Ce sera rapide, M. le Président. Pour nous, l'impôt cible, c'est donner un visage humain à cette démarche. Il y a un courant insidieux dans cette société qui regarde la personne âgée comme une nuisance. Les valeurs dominantes de notre société sont plus que jamais la promotion de la jeunesse et la productivité. En effet, pour plusieurs, vieillesse rime encore avec dépendance, improductivité, maladies, confusion, fragilité, et j'en passe. On compte l'alourdissement des urgences en pourcentage de personnes âgées mais non le nombre de personnes âgées qui font du bénévolat à l'intérieur de ce même hôpital ou dans le réseau de la santé.

«Il est urgent – dit Mme Monique Vézina, présidente du bureau québécois de l'Association internationale pour personnes âgées – pour toute société de démystifier certains préjugés sur la vieillesse. Il faut savoir que la majorité des aînés sont actifs, autonomes et en bonne santé. Ils doivent prendre la parole, revendiquer leur place dans cette société qu'ils ont contribué à bâtir et à laquelle la plupart d'entre nous continuent de contribuer.

«Vous avez la responsabilité de donner un visage humain aux réductions fiscales et de la dignité humaine à la personne âgée, sinon l'exclusion, le désengagement et la démobilisation augmenteront. Car la surtaxation à long terme crée un effet pernicieux, un ras-le-bol, une compression sur le bénévolat. Nombre de retraités – vous avez ça dans notre mémoire – contribuent activement à la vie sociale de leur communauté par le bénévolat – ça a été évalué par les économistes à 10 000 000 000 $. Il y a et il y aura compression.»

«L'avenir d'une société – c'est Monseigneur l'évêque de Partenia, Jacques Gaillot – se fera à l'image du sort que nous réservons aux personnes âgées. Si elles ont la possibilité de vivre, d'aimer, d'échanger, nous allons vers une société à visage humain; si elles sont à part comme une catégorie improductive, nous allons vers une société inhumaine.» Vous êtes capables de redonner un visage humain à l'argent en tenant compte de nos apports, tant du passé que du présent. Parce que l'argent n'a pas de mémoire et l'immédiateté seule lui profite.

Enfin, ce n'est pas parce qu'on est un vieux pommier qu'on donne de vieilles pommes, n'est-ce pas, M. le ministre? J'ai le même âge...

M. Landry: ...nous donne des pommes n° 1.

M. Faille (Jean): C'est ça.

M. Landry: Peut-être que ça va durer éternellement.

M. Faille (Jean): En guise de conclusion, je citerai Albert Jacquard: «Il faut une société dans laquelle en face de quiconque on puisse dire: Merci.»

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci, messieurs. Nous avons écouté vos présentations bien coordonnées, avec beaucoup d'attention. Alors, il faut gérer le temps et je vais demander à mes collègues de part et d'autre d'être avares de leur temps, donc un douzaine de minutes de chaque côté. M. le ministre.

M. Landry: Bon. D'abord, j'ai écouté avec d'autant plus d'attention les deux mémoires, mais celui de la Montérégie parce que, moi, j'habite la Montérégie, je suis dans le secteur public, j'ai plus de 60 ans. Je serai éventuellement un de vos membres avant longtemps, alors je commence déjà à écouter très attentivement ce que vous dites. Et vous pouvez être sûrs que les deux mémoires seront scrutés d'abord par nos techniciens, par nos fonctionnaires. Il y a sûrement des suggestions d'ordre pratique qui pourraient être intéressantes en termes d'amélioration de notre fiscalité.

Par ailleurs, je dois vous dire que j'ai subi certains déchirements à vous écouter et certaines consolations. S'il est vrai qu'une société se juge par le traitement qu'elle réserve à ses personnes âgées, en termes fiscaux, la société québécoise est une société admirable et exemplaire.

Vous avez parlé de discrimination. Bien, en effet, il y en a de la discrimination: en faveur des personnes âgées. En faveur des personnes âgées. Et je vais essayer de vous en faire une petite démonstration chiffrée. Les personnes âgées de 65 ans et plus représentent 15 % des contribuables et paient 10,6 % des impôts. De là une discrimination. Les personnes âgées de 65 ans et plus ont obtenu 19 % des gains découlant de la dernière réforme fiscale alors qu'elles ne sont que 15,9 % des contribuables. C'est ça qui est un peu décevant. Nous autres, on essaie de faire mieux puis vous avez l'air de dire qu'on fait de moins en moins bien. Entre 1994 et 1998, les couples de personnes âgées de 65 ans ou plus avec un revenu privé ont tous gagné de la réforme. Ceux qui sont à 25 000 $ de revenus ont gagné 1 200 $. Puis pour les personnes âgées vivant seules, de 65 ans et plus, elles ont toutes gagné, sauf à partir de 50 000 $, où ça leur a coûté 104 $ de plus, et 100 000 $, 261 $ de plus.

Les personnes âgées au Québec, pour la moitié d'entre elles, ne paient pas d'impôts. La moitié d'entre elles. Quand vous me dites: Oui, elles paient des taxes de vente, la même proportion à peu près ne paie pas de taxes de vente parce qu'on rembourse la taxe de vente. On envoie deux chèques par année. Tout ça pour vous dire que c'est un peu décevant. Mais vous êtes là pour représenter vos membres, ce n'est pas moi qui vais vous en faire le reproche. Et dans vos membres d'ailleurs il doit y en avoir une grande proportion qui sont plus jeunes que moi. Parce que dans le secteur public en particulier, les retraites se prennent assez tôt. La moyenne d'âge de vos membres doit être en bas de 60 ans ou autour. On a eu une association des retraités d'Hydro-Québec, la semaine passée, je pense, dont la moyenne était à peu près 58. C'est ça, 58? Alors, c'est une question que je vous pose aussi en même temps, une question accessoire.

Ce que je voudrais vous faire remarquer aussi, c'est, quand vous parlez de la pauvreté, ça m'a aussi un peu perturbé que vous preniez une méthode qui est dénoncée par tout le monde. Vous prenez Statistique Canada sur le seuil de faibles revenus. Statistique Canada eux-mêmes disent qu'il ne faut pas faire ça. Puis je vais vous dire pourquoi il ne faut pas faire ça: c'est parce que c'est fait avant impôts. Les impôts québécois sont calculés justement pour favoriser les personnes avec les revenus les plus bas. Alors, si on prend votre méthode, le taux de pauvreté au Québec est le plus haut du Canada, mais cette méthode est dénoncée par Statistique Canada et par les analystes – M. Sansfaçon du Devoir l'écrit à chaque fois que ça sort, et M. Picher de La Presse – parce que, si on considère la générosité, entre guillemets, des impôts québécois pour les personnes à faibles revenus, là le Québec monte au troisième rang du Canada pour la meilleure performance. Alors, il faut se plaindre, mais il faut se plaindre des bonnes choses, il faut viser les bonnes cibles.

Quand vous parlez de non-discrimination et d'abolition de crédits d'impôt, ça m'inquiète aussi un peu parce qu'il y en a beaucoup de crédits d'impôt qui sont adressés directement aux personnes âgées: crédit d'impôt en raison de l'âge, c'est 162 000 000 $ que ça nous coûte par année; crédit d'impôt pour revenus de retraite, 61 000 000 $; crédit d'impôt pour hébergement d'un parent, 15 000 000 $; et le dernier là – j'espère qu'il est apprécié par vos membres qui ont un certain âge – le crédit d'impôt pour soutien à domicile qu'on a mis au dernier... Si vous me dites égalité puis nivellement des crédits d'impôt, j'ai peur que ça joue contre vos membres. J'aimerais avoir vos...

Tiens, un dernier commentaire. J'ai des discussions avec mon fils, souvent très amicales. Mais lui, il est dans le groupe des 30 ans. Puis il est assez articulé. Il pose des bonnes questions, comme vous, d'ailleurs. Et il dit: Comment ça se fait que vous nous laissez 600 000 000 000 $ de dettes à payer à Ottawa puis 100 000 000 000 $ de dettes à payer à Québec, vous, votre génération? Vous – les gens de mon âge, dit-il – est-ce que vous n'y êtes pas allés un peu fort sur la dépense puis vous avez repoussé ça sur nous et sur nos petits-enfants? Moi, j'essaie de répondre du mieux que je peux, mais que répondriez-vous pour défendre le groupe d'âge dont je fais partie vis-à-vis de quelqu'un qui a 30 ans?

M. Fournier (Gilles): Il y aurait peut-être, M. le ministre, des...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je m'excuse, tout le monde a demandé en même temps la parole. Alors, je vais vous indiquer qui répond et je vais vous demander de vous identifier à chaque fois.

(11 heures)

M. Fournier (Gilles): Bien, mon nom est Gilles Fournier. Je trouve ça intéressant, vos chiffres, M. le ministre, quand vous dites qu'il y a 15 % des personnes de plus de 65 ans et que 10,6 % seulement contribuent aux impôts. Bon. Dans le fond, je suis d'accord avec vous parce que vous vous trouvez à appuyer notre hypothèse à l'effet que les aînés ne sont pas riches.

Je veux bien croire que les aînés, il y en a peut-être quelques-uns qui ont toute la richesse, mais c'est peut-être dans le 5,4 % dont je vous ai parlé tantôt qui se trouve à référer aux gens qui gagnent plus de 40 000 $. Maintenant, en ce qui concerne les impôts, je suis d'accord qu'au Québec il y a une tranche importante de retraités qui ne paient pas d'impôts.

M. Landry: La moitié.

M. Faucher (Claude): Je ne le sais pas, si c'est la moitié, parce qu'on n'a pas un service de recherche, nous, nous permettant de fouiller un peu partout. Mais il y a une chose, par exemple, il y a des gens qui ne paient pas d'impôts mais qui paient le FSS et puis qui paient quand même à la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Et vous savez que le 175 $ de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, ce n'est pas tout, ça. Si on ajoute à cela, par exemple, la franchise et si on regarde, par exemple, que les aînés, passé un certain âge, ont beaucoup plus besoin de soins dentaires, de lunettes et de services qui ne sont pas couverts, ça peut représenter des montants faramineux, et il y a certaines personnes qui sont drôlement mal prises.

Et, moi, quand je m'en vais dans des réunions, dans des conseils d'administration de certaines de nos sections de l'AQDR, je réalise, par exemple, que la moitié des membres qui sont autour de la table vivent du supplément de revenu garanti. Je peux vous dire que ça fait des gens qui ne sont pas riches. Et, quand vous dites, par exemple, que de 1994 à 1998 il y a eu une baisse d'impôts, il y a une chose qui me tracasse énormément: Comment il se fait que, maintenant que vous faites la récupération du crédit en fonction de l'âge, du crédit en fonction du revenu de retraite, du crédit pour personne seule en haut de 26 000 $, personne n'a pensé que, lorsque ça nous arrive en haut de 26 000 $, avec le taux marginal, on est rendu à payer 60 % d'impôts alors qu'une personne, un travailleur qui gagne 120 000 $ par année paie 56 %? C'est quand même assez lourd.

Et, quand M. St-Jacques demande qu'il y ait un changement à ce niveau-là, c'est que, maintenant qu'on a le revenu familial additionné à ça, on se retrouve avec une seule personne qui a le droit à la récupération, c'est-à-dire que les deux se retrouvent avec 26 000 $ pour la récupération alors qu'autrefois chacun avait le droit au 26 000 $. Alors, ça crée un dérangement assez considérable. Je vous remercie.

M. Landry: Je veux juste commenter. M. Chartrand, qui travaille avec Laferrière, il était assis à la place où vous êtes la semaine dernière, puis lui, il disait d'abolir ça, le crédit d'impôt en raison de l'âge. Si je l'écoutais, ça ferait perdre 162 000 000 $ aux aînés.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Vous pouvez vous identifier, s'il vous plaît?

M. Landry: Et, sur la question de la contribution aux services de santé, je pense que vous aviez plus raison avant le dernier budget que depuis le dernier budget parce qu'on a doublé le montant seuil, on l'a fait passer de 5 000 $ à 11 000 $, puis c'est 90 % des personnes âgées qui ont profité de ça. Alors, je pense que vous auriez eu plus raison si on s'était vu il y a un an qu'aujourd'hui. On en règle des choses, de temps en temps, à travers ça.

Et aussi, on est dans une commission fiscale. Je ne suis pas en train de dire que la condition de vos membres est triomphante et glorieuse, je dis que l'objet de notre commission, la fiscalité au Québec, favorise plutôt les gens de 65 ans et plus et les favorise assez largement, selon moi. Si vous me démontrez le contraire, on va étudier tous vos documents à fond, on modifiera notre attitude.

M. Faille (Jean): Deux réponses à M. Landry. La première, c'est que j'ai des données ici. On avait fait les huit secteurs, j'ai des données ici. Dans les personnes seules, il y a 12 personnes su 60 qui ont en bas de 60 ans, donc 20 %. Et, sur 200 personnes, il y en a 42, soit environ 21 %. Alors, ça vous donne une idée des personnes qu'on a rencontrées lors de déjeunes ou de dîners.

Deuxième réponse, M. Landry. Vous êtes déçu de notre mémoire, mais, si vous avez vu le sondage en fin de semaine – certainement que vous l'avez lu – vous voyez: 72 % des répondants pensent que le gouvernement n'en fait pas assez pour améliorer les conditions de vie des personnes âgées. Et, puisqu'il faut être très alerte, je ne vous citerai pas – un blanc de mémoire – Mme Vézina. Merci, M. le Président. Mme Vézina, elle le dit et elle le répète: Ce qui est important, ne refaisons pas la même erreur avec notre population vieillissante qu'on a faite avec les femmes. Les femmes ont dit, dans les années soixante-dix, qu'elles voulaient des enfants, mais demandaient aussi à la société de leur donner accès à l'éducation, à une profession. Nous n'avons pas écouté suffisamment, à l'époque. Alors, actuellement, le vieillissement de la population n'appartient pas aux aînés mais bien à la société toute entière qui doit apprendre à gérer cette réalité.

Puis actuellement, la seule chose – puisqu'on est de la base – qu'on vient vous dire, on vient vous dire notre petit son de cloche, de façon démocratique.

M. Landry: Non, non, ce n'est pas un petit son de cloche, on est très content de l'entendre. Comme je vous dis, on va analyser ça en détail, mais, par respect pour vous, on entretient avec vous un dialogue. Si vous dites une chose qui ne nous apparaît pas factuelle, on le dit. Puis, en plus, je vous offre les services des experts du ministère des Finances pour raffiner votre pensée. Vous pourrez venir nous revoir, on pourra discuter puis mettre plus de chiffres sur la table encore.

M. Faille (Jean): Parce que le revenu familial, M. le Président – une dernière intervention – on l'a calculé hier soir, tel que vous l'avez indiqué cette année dans nos impôts, il y a six personnes en bas de 26 000 $ en couple, six, tandis que, si vous preniez le 26 000 $, nécessairement, nous aurions 103 personnes qui en bénéficieraient, qui bénéficiaient jadis de ça. Alors, le revenu familial, actuellement, tel que conçu, fait très mal.

M. Baril (Claude): Je suis Claude Baril...

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. Baril, la dernière question avant de passer à l'opposition.

M. Baril (Claude): ...du comité d'action. C'est une réponse, ce n'est pas une question, c'est pour répondre à M. Landry. Actuellement, tant et aussi longtemps qu'on va se faire battre, les vieux, contre la classe moyenne qui paie tout, il n'y a rien à faire. Nous, dans le mémoire, on a ouvert la porte pour que les corporations paient leur juste part puis surtout là où elles fuient, comme elles fuient dans le travail au noir. Il y a peut-être même la taxe Tobin qui peut être invoquée.

Par ailleurs, personnellement, moi, je n'ai pas vu de différence, de baisse d'impôts sur mon revenu, puis je n'ai pas un gros revenu. J'ai travaillé pour l'État, ils nous ont coupé depuis 1982, puis, à un moment donné, je n'ai pas senti la supposée baisse d'impôts. De toute façon, moi, je souhaite, personnellement puis d'autres membres, ça baisse, mon impôt, et de beaucoup, d'au moins 2 000 $ par année. Et je termine par les 600 000 000 000 $ de dette au Canada puis 100 000 000 000 $ au Québec. Ces argents-là, ce n'est pas parce qu'on a dépensé plus qu'on en a fait, c'est parce qu'à un moment donné la Banque du Canada, qui a changé de statut au cours des années, a autorisé des taux d'intérêt supposément pour combattre l'inflation et d'autres manières, de telle sorte qu'à un moment donné – je pense que c'est en 1974 – le gouvernement du Canada empruntait à 19 %. Regardez où est allé l'argent, quelles banques, à Toronto entre autres, ont eu l'argent. Ce n'est pas parce qu'on a trop dépensé, nous autres, les citoyens. Merci.

M. Landry: C'est un peu ça que je réponds à mon fils, mais il me refait d'autres objections, parce qu'il dit: Oui, peut-être que tu as raison, mais j'ai quand même 700 000 000 000 $ de dette sur le dos avec mon groupe d'âge, puis comment est-ce qu'on va faire pour s'en sortir.

M. Baril (Claude): Les corporations aussi l'ont cette dette-là!

M. Landry: Oui.

M. Baril (Claude): Moins que les particuliers.

M. Landry: Ah bien! pour les corporations, je vais vous dire qu'au Québec on taxe le capital, comme vous le savez, hein, ce qui n'est pas le cas ailleurs. Alors, il faut ajouter l'impôt sur le revenu, taxe sur le capital.

Le Président (M. Simard, Richelieu): On arrête là-dessus pour permettre une répartition équitable dans ce dialogue. Alors, j'invite la députée de La Pinière à poser la question.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais d'abord, comme députée montérégienne et présidente du caucus libéral de la Montérégie, vous saluer, vous remercier de vous être déplacés pour partager avec nous votre réflexion et surtout votre expérience, comment vous vivez ce débat-là sur la fiscalité. Je voudrais aussi saluer en vous et à travers vous la contribution des aînés à notre société. J'ai eu l'occasion de participer à un certain nombre d'événements dans différentes sous-régions de la Montérégie – soulignons la contribution des aînés; vous l'avez mentionné vous-même, dans le cadre de l'Année internationale des personnes âgées – d'organiser également un événement, une soirée hommage aux aînés de mon propre comté, à Brossard.

Alors, je pense que les réflexions que vous avez faites sont très pertinentes. On peut ne pas les partager mais vous avez fait votre travail et vous êtes venus ici pour nous dire qu'au-delà des statistiques il y a une réalité, et une réalité qui est vraie, qui est celle que les aînés s'appauvrissent et s'appauvrissent de plus en plus. Les mesures du gouvernement n'aident pas. On peut rappeler qu'en 1996 le gouvernement a décidé de récupérer une partie des crédits d'impôt, entre autres 15 % de l'excédent de 26 000 $ de revenus pour les crédits en fonction de l'âge, pour les revenus de retraite et pour les personnes vivant seules.

(11 h 10)

Mais, pour revenir à votre mémoire et à votre présentation, vous avez mentionné qu'il faudrait cesser de couper dans les services de santé et services sociaux. Vous avez aussi dit qu'il faudrait cesser de transférer le déficit du gouvernement aux municipalités, aux commissions scolaires et aux autres niveaux institutionnels parce que, ultimement, cela se traduit – et inévitablement – soit par une augmentation de taxes, soit par une coupure de services. Donc, le déficit, en fait, il est dans la poche des contribuables, de la manière où le gouvernement traite tout ça.

Et cela démontre aussi votre sensibilité par rapport non seulement à ce que vous défendez comme étant un intérêt pour les retraités que vous représentez, mais aussi au niveau de la solidarité sociale. Moi, je voudrais vous entendre sur l'idée de réduire la contribution fiscale des aînés. Quel impact cela peut avoir sur les revenus du gouvernement et comment est-ce que le gouvernement peut compenser cette perte de revenus?

M. Fournier (Gilles): Il y a une chose que je trouve qu'on ne traite pas assez, c'est le maintien à domicile des aînés. C'est facile d'en parler. C'est drôlement intéressant dans un sens parce que, au niveau social, c'est une mesure qui est positive, mais au niveau économique aussi, parce que plus on va les maintenir à domicile, moins ça va coûter cher dans notre réseau hospitalier. On dit parfois: Bon, il y a des subventions, il y a de l'aide de donnée pour le maintien à domicile. Mais savez-vous que maintenir une personne qui est obligée d'avoir des couches à tous les jours, ça peut aller jusqu'à 4 000 $ de dépenses? Alors, quand on crie pour avoir le rétablissement de certains crédits, c'est pour aider les aînés à demeurer à domicile, à se dégager de l'État aussi dans certaines choses.

Comme je vous disais tantôt, vous savez qu'entre 26 000 $ et 40 000 $, il y a des personnes qui payent 60 % d'impôts parce qu'on leur récupère leurs crédits. Imaginez-vous tous ceux qui ont planifié, les jeunes retraités maintenant qui ont planifié leur retraite et qui se trouvent assez bien dans leur peau; ils n'ont pas peut-être calculé l'indexation et l'inflation. Et quand, dans une dizaine années, ils vont se retrouver un petit peu démunis, nous allons les recevoir dans nos mouvements, ils vont venir crier après l'État. Le gouvernement qui sera au pouvoir à ce moment-là aura probablement le même langage, les mêmes problèmes, si on ne fait pas un changement, comme mes confrères l'ont expliqué, parce que l'appauvrissement, il est là. Je veux bien croire que c'est un appauvrissement qui est peut-être relatif, mais il est là quand même.

Mme Houda-Pepin: C'est très vrai, ce que vous dites par rapport à la problématique du maintien à domicile. Pour votre information, j'ai eu l'occasion d'intervenir sur ce dossier, pour avoir rencontré la Table de concertation des organismes communautaires oeuvrant dans le domaine de la santé et services sociaux. Il y en a 188 en Montérégie qui se préoccupent au plus haut point de ce dossier-là et qui ont réclamé du gouvernement un maigre 2 000 000 $, qui leur a été promis d'ailleurs dans le cadre de l'entente de gestion de la Régie régionale de la santé et services sociaux. Et c'est un problème réel, parce que les coupures ont heurté de plein fouet les citoyens de la Montérégie, d'autant plus que, en plus des coupures, il faut vivre avec un déficit au niveau du financement de la santé et services sociaux en Montérégie de l'ordre de 200 000 000 $, au niveau de l'équité interrégionale, c'est-à-dire avoir le même niveau de ressources pour soigner les malades, les aînés en Montérégie par rapport aux autres régions.

Je voudrais revenir sur le scénario 4. Vous avez commencé par dire que les scénarios n'étaient pas nécessairement ce que vous souhaitiez, mais, entre les maux, on choisit le moindre. Et vous avez choisi le scénario 4 avec des modifications que vous avez apportées. Je suis à la page 14 de votre mémoire. Comment cette proposition de modification que vous apportez va-t-elle sauvegarder le principe de l'équité? Parce que la fiscalité, c'est aussi ça. Elle repose sur un certain nombre de principes, notamment le principe de l'équité. Est-ce que vous pouvez élaborer et nous éclairer là-dessus?

M. Baril (Claude): J'espère que j'ai bien compris parce que j'ai une difficulté d'audition. Vous parlez d'équité par rapport au scénario 4. Est-ce que c'est bien ça?

Mme Houda-Pepin: Pardon?

M. Baril (Claude): Vous avez parlé d'équité par rapport au scénario 4?

Mme Houda-Pepin: C'est ça, exactement.

M. Baril (Claude): Voici. C'est qu'actuellement, nous, on pense que simplement avec la nature de la fiscalité actuelle qui touche d'une manière extraordinaire les particuliers, il n'y a rien à faire. Vous n'arriverez à absolument rien avec ce qu'il y a là, vous allez simplement en priver certains et en favoriser d'autres. C'est tout. Quelle que soit la façon, tant et aussi longtemps que vous ne regarderez pas la question de ce que paient les corporations en équilibre avec les particuliers, je pense qu'il n'y a pas de solution du tout, du tout. Puis nous, au lieu de dire tout de suite: Taxez à 50 % – même si on le mentionne dans le mémoire – les corporations, on vous dit: Commencez par là où ça fait mal, comme on dit dans l'annonce. On le sait. Nous-mêmes, on a fait des travaux à la maison et on a évité, dans la mesure du possible, le travail au noir.

Il y a un genre de travail au noir. Les îles Cayman, les Antilles, tout ce que vous voulez, c'est du travail au noir pour les corporations. Allez d'abord chercher où ça fait mal là, puis vous allez avoir assez d'argent pour faire les équilibres qu'il faut avec le scénario 4. D'ailleurs, on l'a juste mentionné. Quant à nous, on préfère que tous les niveaux aient 2 000 $ par niveau de revenus et qu'effectivement ceux qui ne paient pas d'impôts aient droit à un impôt négatif du même montant.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, une dernière question, puisque le temps presse. Mme la porte-parole officielle de l'opposition et députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Jérôme-Forget: Bonjour, messieurs. D'abord, j'ai un commentaire à faire. Peut-être deux commentaires et une petite question. Quand vous vous êtes interrogés sur comment se fait-il que ça n'avait pas paru sur votre chèque, votre baisse d'impôts, bien, vous n'avez pas rêvé en couleur, les hausses d'impôts des particuliers depuis 1995 ont été de 2 200 000 000 $. Et donc, ça, ça fait en moyenne par payeur d'impôts – j'ai enlevé la croissance économique, mais ça, c'est un peu compliqué – ça fait 800 $ de moins dans nos poches, ceux qui paient de l'impôt, à la fin de l'année. Alors, c'est donc dire qu'effectivement, en dépit du fait qu'on nous laisse croire qu'il y a eu une baisse d'impôts, au niveau de l'impôt des particuliers, le gouvernement est allé chercher 2 200 000 000 $ de plus depuis quatre ans.

Le deuxième point que je voudrais faire, par ailleurs – et celui-là, c'est un problème de société – peut-être que vous avez des commentaires avec ça. Je lisais en fin de semaine – c'était très intéressant – que l'espérance de vie, en 1850, était de 40 ans pour les hommes et de 41 ans pour les femmes. Aujourd'hui, on a une espérance de vie de 78 ans pour les hommes et de 84 ou 85 ans pour les femmes. Alors, c'est donc dire qu'on vit beaucoup plus vieux. Et là où il y a un paradoxe, c'est que les gens veulent prendre leur retraite de plus en plus jeunes. Donc, on a peu d'années à travailler pour les années où on ne travaille pas. On ne travaille pas quand on est jeune puis qu'on va à l'école. On travaille pendant une période de temps puis après ça on arrête. Alors, on est rendu que la période de temps où on ne travaille pas, elle est très, très longue et elle s'allonge. Et ça, ça revient à votre problème que vous avez soulevé au départ, la prévisibilité.

Vous avez dit: On prend notre retraite, on fait des calculs, on pense qu'on va être correct pendant 15, 20 ou 30 ans, puis là, on se rend compte finalement qu'à un moment donné les règles du jeu changent, que ce soit la maison que vous avez achetée à revenu pour effectivement vous aider à avoir un supplément de revenu quand ce sera le temps, et là, évidemment, c'est difficile de faire des prévisions quand il nous reste encore 30, 35 ans à planifier d'avoir à vivre sur ses revenus. Vous comprenez ce que je veux dire? Comme on travaille moins longtemps puis qu'on vit plus vieux, là, évidemment que ça pose des problèmes. Alors, qu'est-ce que vous avez à dire à ça?

M. Fournier (Gilles): Il y a eu plusieurs études qui ont été faites par nos associations dans le domaine et on a noté une chose: C'est que si on ne baisse pas la taxation, la génération qui s'en vient n'aura pas les moyens de se payer des régimes complémentaires de retraite. Vous savez, quand je regarde les jeunes, les miens, qui commencent à économiser vers l'âge de 40 ans – parce qu'ils doivent élever des enfants, ça prend deux salaires, comme disait l'Institut Vanier, pour élever une famille de deux enfants de nos jours – avec toute cette précarité de l'emploi, je pense qu'il y a un problème qui s'en vient. Avec la statistique que je vous donnais, qu'il y avait 40,1 % des gens, des travailleurs, à l'heure actuelle, qui n'ont même pas de régime complémentaire...

(11 h 20)

Je regarde notre situation qui, à cause d'un manque d'indexation de nos pensions, à long terme va devenir de plus en plus précaire. Alors, je les vois venir, eux, et je me dis: Comment est-ce qu'on va se tirer de cette chose-là? Alors, je pense que la taxation peut être organisée de façon à inciter davantage les gens à économiser. Que nos REER et que les fonds de pension aient un peu plus de charisme, qu'on leur donne une place un peu plus forte. Les gouvernements font bien leur possible mais je pense que ce n'est pas encore assez. Je me rappelle, quand j'ai pris ma pension, j'avais planifié. À un moment donné, sont arrivées 1994 et 1996; chacun des gouvernements a fait son effort pour venir chercher dans ma poche. Alors, tout mon beau plan s'est retrouvé complètement foutu. Ce n'est pas un cas particulier, c'est un cas général.

Je comprends les difficultés des ministres des Finances, puis je ne voudrais pas être à leur place, mais, d'autre part, je trouve qu'il y a des choses qui se sont faites trop drastiquement et trop rapidement, de sorte qu'on en souffre tous énormément. Et quand vous demandez: Quelle serait la solution? Elle n'est pas facile à trouver. Je vous donne tout simplement un aspect, c'est l'économie.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je suis conscient que tout le monde a levé sa main tout à l'heure et que nous pourrions tous poursuivre ce débat pendant des heures et des heures. Vous savez, vous avez une chance par rapport à nous, vous pouvez, vous, le poursuivre, le débat, pendant des heures et des heures. Mais, nous, nous sommes extrêmement limités dans le temps. Alors, je vous remercie beaucoup de votre contribution, et j'invite tout de suite les représentants de la Confédération des syndicats démocratiques à se joindre à nous.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, je vais inviter nos aînés, qui sont des gens en général très disciplinés, à bien vouloir nous permettre de poursuivre nos débats. J'invite les représentants de la Confédération des syndicats démocratiques à prendre la parole. D'abord, vous identifier.

Je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes évidemment très heureux de votre contribution. Une force syndicale majeure au Québec se doit, je pense, de participer aux grands débats de société, et c'en est un important. Nous vous remercions d'avoir pris la peine de préparer ce mémoire et de nous le livrer aujourd'hui. Vous avez donc une vingtaine de minutes. On va essayer de terminer... On commence en retard, mais on va essayer d'être avare de commentaires et de vous laisser le plus de temps possible. Alors, la parole est à vous.


Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

M. Vaudreuil (François): Je vous remercie, M. le Président. Mesdames, messieurs, bonjour. Je voudrais vous dire que je suis accompagné aujourd'hui, à votre gauche, de Claude Faucher, qui est vice-président de la CSD; de Pierre Lefebvre, qui est économiste, professeur à l'UQAM, qui travaille en collaboration avec la CSD; et de Normand Pépin, qui est responsable du service de la recherche de la CSD. Quant à moi, mon nom est François Vaudreuil, président de la CSD.

Alors, évidemment, comme vous l'avez dit, M. le Président, c'est un débat de société très intéressant auquel la CSD veut apporter sa contribution à partir des expériences que nous avons vécues et des remarques qui nous ont été apportées par nos membres. La CSD, qui représente environ 60 000 personnes au Québec, est présente surtout dans le secteur privé. Son membership est composé environ de 85 % de gens qui travaillent dans le secteur privé et est très présent dans le secteur des petites et des moyennes entreprises. Donc, notre membership se compose de gens qui sont de classe moyenne, moyenne élevée, et donc les remarques que nous allons vous apporter, la contribution au débat tiendra compte de la volonté des membres que nous représentons ici, ce matin.

Dans un premier temps, d'entrée de jeu, je voudrais vous indiquer que la CSD n'appuie aucun des cinq scénarios qui ont été présentés dans le document de la réduction d'impôts des particuliers parce qu'on croit que le débat devrait être beaucoup plus large, il devrait être regardé dans sa globalité. C'est-à-dire qu'on devrait plutôt traiter du régime fiscal touchant les particuliers plutôt que de s'en tenir uniquement à la question de la réduction d'impôts. Alors, on est bien conscient aussi qu'on est actuellement dans une période de croissance économique assez vigoureuse et que cette croissance économique dégage des marges de manoeuvre au gouvernement qui sont nettement supérieures au taux de croissance qui avait été retenu lors de l'adoption du dernier budget.

La pièce maîtresse de notre intervention repose avant tout – et on aimerait échanger sur cet élément-là – sur la crédibilité de notre régime fiscal au Québec. Un régime fiscal, dans une société démocratique, c'est comme très important, c'est en quelque sorte un pacte de solidarité qui nous unit tous en fonction de choix sociaux que nous faisons. Ce qu'on sent par différentes remarques qui viennent des gens de la base, c'est que la crédibilité de notre régime fiscal est entachée. Je vais vous donner des exemples. Des gens vont nous citer, par exemple, dans l'industrie du vêtement, des gens qui n'ont pas la chance de travailler 52 semaines par année et qui vont obtenir des revenus annuels de 15 000 $, 16 000 $, 18 000 $ par année; ils vont faire des comparaisons avec les gens qui sont sur l'assistance sociale. Ils se demandent, par exemple, pourquoi ils devraient travailler – ils comparent – alors que les gens sur l'assistance sociale sont mieux qu'eux. Bon. Ça, c'est une réalité qu'on a.

L'autre réalité qu'on a, c'est les gens qui vont gagner entre 25 000 $ et 30 000 $ et qui, eux, vont critiquer de façon très importante le régime fiscal en ayant recours au travail au noir. Une des stratégies et une des recommandations qui est faite actuellement, c'est qu'on se responsabilise et qu'on trouve des stratégies individuelles pour s'en sortir. Le travail au noir fait partie de ça.

Il y a aussi tout le développement du travail autonome, où il y a une facilité aussi de dévier le régime fiscal. Donc, autant d'éléments, de remarques qui nous sont apportées par nos membres, nous portent à la conclusion qu'il faut travailler sur la crédibilité de notre régime fiscal. Ça, c'est le fondement de notre raisonnement. Et, dans les exemples que je vous donnais, il y a deux éléments, qu'on appelle la «trappe d'inactivité» et la «trappe de pauvreté» dans notre régime fiscal – dont Pierre vous fera une présentation un peu plus tard – pour laquelle il y a, selon nous, une urgence d'agir.

(11 h 30)

Un piège dans lequel il ne faut pas sombrer – et il y a beaucoup d'intervenants au Québec qui le font actuellement – c'est de calquer le modèle ontarien ou de s'inspirer des réductions d'impôts qui ont été faites aux États-Unis. Alors, je voudrais vous rappeler que, selon une étude qui a été faite, à Harvard, par un professeur qui s'appelle Richard Freeman, ce dernier, lui, en vient à la conclusion que seules les familles les plus riches aux États-Unis ont bénéficié des réductions d'impôts adoptées par le Congrès, alors que toutes les autres ont dû travailler en moyenne 247 heures de plus en 1996 pour non pas améliorer leur situation, mais simplement la maintenir au niveau de 1989. Alors, vous comprendrez qu'on s'oppose à ce qu'on prenne pour modèle ce que cet économiste appelle l'«économie de l'apartheid», qui ne présente d'attrait que pour ceux qui sont sur l'autoroute du succès, laissant les autres empêtrés dans la poussière des retombées lors de leur passage. Donc, c'est évident que ça, ce n'est pas le genre de modèle de société qu'on veut. On est hanté par une chose, c'est d'avoir une société plus juste, une société plus égalitaire et, dans ce cadre-là, on est bien conscient que toute la question de l'efficacité et de l'équité du régime fiscal est un élément très important dans notre société.

Donc, avant de parler de réductions d'impôts comme telles, il faut tenir compte des besoins qui sont très importants et urgents actuellement dans la société, dans le réseau de la santé, dans le réseau de l'éducation. Tous les efforts qui sont faits à Emploi-Québec, il y aura possiblement des sommes aussi à investir pour permettre par exemple aux bénéficiaires de la sécurité du revenu de se servir de ce tremplin pour intégrer le marché du travail. Alors, ce qu'on dit, c'est que, avant de réduire les impôts, il y a ces éléments-là dont il faut tenir compte.

Et pour redonner la crédibilité qui est absolument nécessaire à notre régime fiscal, il faut travailler sur trois principaux éléments. Le premier, c'est l'indexation qui est très importante, qui est fondamentale. Le deuxième, c'est de tenter de corriger ce qu'on appelle la trappe d'inactivité. Et le troisième élément, c'est de tenter de casser ce qu'on appelle la trappe de la pauvreté. À cet égard, en termes de complément, je demanderais à Pierre de vous faire la présentation de ce qu'on appelle la trappe d'inactivité, la trappe de pauvreté et ainsi de parler de l'indexation. Pierre.

M. Lefebvre (Pierre): Pierre Lefebvre, UQAM. Bien sûr, mon rôle ici a été, vis-à-vis de la CSD, beaucoup plus, puisqu'elle voulait être critiquée, à la fois, disons, de voir quels étaient les enjeux des changements fiscaux et quels sont les arbitrages qu'on doit faire. Alors, évidemment, disons qu'on s'est rendu compte rapidement que les arbitrages sont complexes, premièrement.

Deuxièmement, lorsqu'on regarde le poids de l'ensemble des impôts, tant la fiscalité personnelle que la fiscalité qui concerne la consommation, on se rend compte qu'il y a beaucoup plus de liens maintenant qu'il y en avait autrefois entre les programmes sociaux et la fiscalité. C'est-à-dire, en d'autres mots, on a fiscalisé un grand nombre de prestations sociales, ce qui accroît, premièrement, la complexité de l'ensemble de la fiscalité, et ça devient difficile à comprendre ce que ça fait exactement, tant la fiscalité que les programmes sociaux. Et, deuxièmement, le fait que certaines prestations sociales sont livrées par le régime fiscal, on se retrouve, dans le fond, avec des taux de taxation. Lorsqu'on regarde ça de façon, disons, globale, on se rend compte qu'il y a des taux de taxation, dans le fond, qui sont très élevés et qui sont élevés pour l'ensemble des contribuables. Qu'on soit à faibles revenus, qu'on ne travaille pas, qu'on soit un travailleur ou une travailleuse à revenus modestes ou une personne à revenus très élevés qui travaille dans le domaine de la haute technologie, on se rend compte que, dans le fond, l'ensemble des contribuables sont soumis à des taux très élevés, de sorte que, si on tourne ça à l'envers, les pénalités financières à essayer d'avoir plus de revenus, à essayer de mettre de l'argent de côté pour son épargne à la retraite... on se rend compte que, dans le fond, il y a des pénalité financières très fortes à essayer d'améliorer son sort, et c'est vrai sur toute la gamme des contribuables, que les contribuables soient effectivement sans payer d'impôts, mais ils se retrouvent à perdre des prestations lorsqu'ils décident d'essayer de gagner un peu plus ou de réintégrer le marché du travail, de sorte que le problème est relativement complexe. Ce que ça dit finalement, ça dit aussi que notre régime a des effets pervers, et ces effets pervers, d'une certaine façon, on les retrouve sur toute la gamme de l'échelle des revenus.

Alors, je ne vais pas insister particulièrement, mais disons que, évidemment, je pense que... enfin, l'ensemble des fonctionnaires, les documents qui viennent du ministère des Finances montrent très bien, de façon générale, qu'on a, bien sûr, un problème de fardeau fiscal élevé chez les personnes qui sont plus mobiles au Québec, mais on a un problème également de fardeau fiscal excessif chez les personnes qui ne travaillent pas. Et, enfin, disons que les plus faibles taux d'activité dans l'économie québécoise par rapport au Canada ou par rapport à d'autres pays, je pense qu'ils tiennent en partie au fait que la fiscalité globale, si on veut, programme de transferts et fiscalité, fiscalité au sens de l'impôt des particuliers, est extrêmement pénalisante et conduit à des distorsions qui sont très importantes en termes des décisions de travailler. Alors, je terminerai ici.

M. Vaudreuil (François): Alors, ça complète notre présentation, M. le Président.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je vous remercie beaucoup pour votre discipline et pour le contenu de votre exposé et j'invite tout de suite le ministre des Finances à poser la première question.

M. Landry: On a eu deux présentations syndicales ce matin et toutes les deux de grande qualité. J'ai remercié vos collègues de la CSN. Il fut une époque où la CSN et vous ne faisiez qu'un et puis, il y a une quinzaine de jours, on a eu l'impression que, de nouveau, vous recommenciez à ne faire qu'un, au moins pour certaines causes. En tout cas, il y a quelque chose de commun entre votre mémoire et le leur, c'est sa qualité.

Vous mettez par ailleurs l'accent sur un problème grave qui est celui de la distorsion, grave et très difficile à régler. Vous connaissez – vous avez un professeur de l'UQAM avec vous, une excellente maison, comme chacun sait – les deux professeurs de l'UQAM, Laferrière et Chartrand, qui ont creusé ça, et l'un d'entre eux est venu nous parler ici. Il attribue l'essentiel de la distorsion et du piège à la trop grande générosité de notre régime fiscal. Alors, si on attaquait, de la façon dont il le dit, les distorsions, c'est les gens à faibles revenus qui seraient pénalisés, ce qui, pour le gouvernement, est inadmissible. Parce que, là, j'ai cru comprendre qu'on s'entend: vous êtes pour un régime fiscal social-démocrate, répartiteur de richesse et compensateur de pauvreté, si c'est possible, et vous n'avez pas à nous convaincre que nous ne rêvons ni des États-Unis d'Amérique ni de l'Ontario. Parce que, si on rêve des États-Unis d'Amérique, on va avoir leur programme de répartition, c'est-à-dire qu'on va se débrouiller de façon privée avec la santé. Si on rêve de l'Ontario, on va dire adieu à un très grand nombre de programmes québécois, dont celui des garderies à 5 $ et plusieurs autres, qui font que la vie est plus solidaire au Québec. Alors, comment est-ce qu'on concilie toutes ces contraintes? Avez-vous une idée de comment on peut en sortir, des distorsions sur le plan technique? C'est Parizeau qui les a mises en lumière au cours des années soixante-dix, quand il était ministre des Finances. Il a appelé ça le «piège de la pauvreté», «the poverty trap». Comment on fait pour se débarrasser de ça en restant juste?

M. Lefebvre (Pierre): Je pense que, d'une certaine façon, on a perdu un peu les objectifs de la fiscalité, l'objectif de base de la fiscalité et l'objectif de base de programmes sociaux. Ce que peut bien faire la fiscalité de façon générale, la fiscalité des particuliers, la fiscalité corporative ou la fiscalité des taxes sur la consommation, dans la mesure où les taxes sont appuyées sur les assiettes largement définies, très larges, ce qui va impliquer bien sûr des taux moins élevés, c'est d'aller chercher les impôts et de financer l'ensemble des activités de l'État. Ça, la fiscalité bien conçue peut faire ça.

Est-ce que la fiscalité, c'est le bon mécanisme pour régler des problèmes de pauvreté? C'est moins clair dans mon esprit. Bien sûr, il y a beaucoup de programmes sociaux, il y a des objectifs qui sont différenciés. Les programmes sociaux poursuivent des objectifs qui ne sont pas vraiment ceux de la fiscalité. Une bonne fiscalité, bien assise, avec des taux, peut rencontrer ce qu'on appelle les objectifs... enfin, disons, respecter les principes d'équité et d'efficacité. Les objectifs qu'on peut poursuivre par les programmes sociaux, je pense qu'il y a un certain intérêt à les poursuivre non pas par la fiscalité, par les programmes sociaux. Je vais donner un exemple que je connais mieux. Je pourrais parler aussi, disons, actuellement... enfin, non, je vais reprendre ça de la façon suivante.

(11 h 40)

Ça fait 10 ans que le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec bricolent des aides à la famille, et c'est devenu... Regardez le résultat final de ceci tant au fédéral qu'au niveau du Québec: il n'y a personne qui comprend pourquoi, qu'est-ce qu'on fait exactement, il n'y a personne qui sait pourquoi il reçoit tel montant. Il y a une dizaine de spécialistes qui peuvent faire l'histoire, suivre les mesures, les changements de cap depuis 10 ans, et il y a peut-être un peu plus de personnes qui peuvent comprendre le fonctionnement des programmes actuels, fédéral et provincial. Mais, pour 99,9 % des familles, elles ne comprennent absolument et strictement rien. On a bricolé pour essayer de poursuivre différents objectifs et c'est devenu des programmes très complexes qui sont imbriqués dans la fiscalité personnelle, et il n'est pas clair vraiment ce qu'ils font exactement. Dans le fond, l'objectif est le suivant: Un jour ou l'autre de notre vie, on est enfant, ensuite on devient plus vieux, on quitte ses parents, on décide d'avoir des enfants, on les a pendant plusieurs années, puis ils nous quittent. Alors, dans le fond, c'est reconnaître que, lorsque les parents ou les familles ont des enfants, ils ont des responsabilités supplémentaires, et donc leur capacité à payer des impôts est probablement différente et donc ça demande un certain support.

Regardons quelle est l'approche générale dans la plupart des pays, et, moi, j'aime bien l'approche – c'est toujours un peu délicat de citer une approche en particulier – l'approche suédoise... pas l'approche suédoise, mais l'ensemble des pays nordiques. C'est quoi? C'est de dire: Bien, c'est clair; calculé en termes de ce qu'on appelle la parité et le pouvoir d'achat, c'est 1 000 $ par enfant qu'on donne à toutes les familles, et les problèmes d'incitation au travail, les problèmes de pauvreté qui ne sont pas des problèmes de pauvreté strictement chez les enfants... le problème de pauvreté, ce sont les parents qui ont un problème à gagner des revenus, on va le régler d'une autre façon plutôt que de dire: Bien, si les parents ont moins de revenus, on va donner; s'ils ont des enfants, on va leur donner un peu plus.

Alors, je pense qu'on a intérêt à revenir à des programmes sociaux qui poursuivent des objectifs clairs, certains programmes beaucoup plus universels, et pour les problèmes spécifiques... Et c'est quoi, le problème, dans le fond? Le problème de la pauvreté, le problème d'inactivité, le problème de travailleurs qui sont à faibles revenus, mais qui sont sur le marché du travail, c'est un problème général de difficulté ou d'incapacité grave ou légère à gagner des revenus. Et donc, dans ce sens-là, ça demande des programmes qui sont beaucoup plus orientés, destinés à rencontrer ces problèmes-là que de dire: Bien, on va moduler vos impôts, on va vous donner des prestations, mais qu'on va récupérer si vous dépassez tel cap, tel cap. Donc, dans le fond, on se retrouve devant... enfin, c'est un cul-de-sac, la façon dont ça fonctionne, je pense. On essaie de rencontrer nos objectifs de financement correct des activités de l'État et la façon dont on essaie de régler un certain nombre de problèmes sociaux.

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Bonjour aux gens de la CSD. Je veux vous remercier d'être là. Je pense que c'est important d'avoir votre point de vue et, effectivement, vous avez un mémoire assez élaboré, fouillé.

Moi, je voudrais faire deux remarques. Une première. Lorsque des intervenants nous indiquent qu'il est très important de tout faire comme État pour améliorer la crédibilité d'un régime fiscal, je pense que vous êtes sur une piste, en tout cas que je partage et qui est exacte. C'est important et on ne peut pas jouer dans un régime fiscal sans avoir le souci de lui donner plus de crédibilité, compte tenu des effets négatifs que le système a quand il perd toute sa crédibilité, et je pense, M. Vaudreuil, que vous avez raison d'attirer notre attention là-dessus.

Deuxième commentaire que je voudrais faire. De réinsister, comme d'autres l'ont fait, sur ce qu'on appelle des distorsions pénalisantes avec des effets malheureux et graves sur certains citoyens et familles, je pense qu'il y en a d'autres qui l'ont fait. Vous aviez raison de réinsister là-dessus parce que ça discrédite, ça mine, et les effets sont un peu dévastateurs quand on les applique sur des cas précis. Le ministre, à plusieurs reprises, a indiqué que ce n'est pas un problème facile. Même si on arrivait à la conclusion que le constat de ça, c'est un peu qu'on a un régime pour les plus démunis avec beaucoup d'avantages fiscaux, il ne faudrait pas justement les perdre avec uniquement une petite augmentation de rien puis qu'on soit obligé de réduire tous les avantages. Moi, en tout cas, je pense que c'est important d'insister là-dessus pour, si jamais on retouche à la fiscalité, ne pas faire d'autres erreurs, entre guillemets.

Deux questions précises, parce que, quand on a la chance de vous avoir, il vaut mieux discuter avec vous. Vous insistez énormément sur les effets bénéfiques de l'indexation des montants de base. Vous, ça a été plus ça; d'autres, ils souhaitent qu'on revienne à un régime d'indexation des montants prévus à notre fiscalité. Et vous dites: Dans aucun des scénarios, on ne voit ça, dans ce qui est proposé. Moi, ma question, bien précise, c'est: C'est quoi, concrètement, que vous pensez que ça aurait comme effet sur l'économie, sur la création d'emplois, sur possiblement la réduction des poches de pauvreté si je peux avoir... Parce que, quand on énonce un principe comme ça, ça suppose qu'on y a réfléchi un peu et que les effets seraient plus bénéfiques que de tenter de trouver toute autre mesure. Alors, ma question précise, la première, c'est: Êtes-vous capable de nous visualiser un peu mieux les effets très précis et bénéfiques qu'aurait une indexation, pas uniquement sur les montants de base, mais sur ce qu'on appelle communément un régime d'indexation qui tient compte de la dimension inflationniste que des citoyens peuvent vivre au cours des ans?

M. Lefebvre (Pierre): Pas nécessairement par ordre d'importance, mais un premier avantage, c'est la transparence. C'est-à-dire qu'on ne va pas chercher... les gouvernements ne vont pas chercher des augmentations d'impôts de façon déguisée ou d'une façon cachée. C'est un premier objectif que permet de rencontrer l'indexation systématique de l'impôt des particuliers et de l'ensemble des programmes de transfert.

Le deuxième bénéfice, c'est que les contribuables, de façon, disons, non automatique, enfin de façon non voulue, ne passent pas d'une tranche d'imposition à l'autre. Dans la mesure où le régime d'imposition a plusieurs taux de taxation, alors si on n'indexe pas le régime fiscal des particuliers, automatiquement les contribuables se déplacent d'une tranche d'imposition à une autre. C'est une critique que faisait l'OCDE. Particulièrement au Canada, au gouvernement fédéral canadien, la non-indexation depuis plusieurs années, depuis une quinzaine d'années, du régime fiscal fédéral faisait en sorte que des personnes, dans le fond, qui ont des revenus, disons, à la moitié du revenu gagné moyen dans l'ensemble des industries, se retrouvent, juste par le jeu de l'inflation, dans des classes d'imposition, passent de taux nul à un taux positif ou passent de la première classe à la deuxième tranche d'imposition, alors que les revenus, comme contribuables – ils restent des contribuables à revenus moyens ou modestes – ils n'ont pas augmenté, et les contribuables se mettent à payer plus d'impôts à cause de la non-indexation. Donc, le deuxième bénéfice, si on veut, c'est de faire en sorte que, de façon un peu arbitraire, à cause de la non-indexation, des contribuables se trouvent à être dérivés dans l'échelle d'imposition.

M. Vaudreuil (François): À titre de complément, M. Gendron. Le fond de notre raisonnement, c'est qu'on dit: Il faut faire un ménage. Il y a un ménage à faire là pour régler le problème de la trappe de pauvreté, de la trappe d'inactivité. Et le fait qu'on priorise l'indexation à la base, c'est pour faire en sorte que la progressivité s'inscrive d'une façon plus graduelle dans notre régime fiscal, dans un premier temps, et faire en sorte aussi de dégager des familles à moyens et à bas revenus, et le fait qu'on ait aidé les gens à faibles revenus, ça, c'est louable, c'est souhaitable, mais, nous, ce qu'on dit, à la CSD, c'est qu'il faut l'intensifier et l'accompagner d'une progressivité plus graduelle, et ça, ça contribuerait énormément à régler le problème de crédibilité. En termes de crédibilité, je me souviens d'avoir travaillé... et ça, il y a un danger, là, quand on se retrouve dans des situations comme ça. En 1994, moi, j'avais été élu au C.A. de la CCQ. Quand je suis arrivé là, c'était en crise. Puis là on avait décidé d'entreprendre une lutte contre le travail au noir dans l'industrie de la construction. Et, quand on faisait les paramètres, il y avait des gens qui jugeaient les travailleurs qui faisaient du travail au noir de délinquants, d'autres... Et il y avait des risques de fouiller dans la vie privée, des risques d'encadrer ça avec un régime totalitaire. Il faut donc faire attention, là. Pour que ce soit vraiment démocratique, il faut donc travailler énormément sur la crédibilité, et ça, je pense que... En tout cas, vous pouvez compter sur la CSD comme partenaire à cet égard-là, mais en favorisant un régime beaucoup plus équitable.

(11 h 50)

M. Gendron: Merci, M. Vaudreuil. Deuxième question. Comme d'autres, vous n'êtes pas les premiers à insister que, dans une société qui ressemble à celle que le Québec connaît et avec les coupures réelles... parce que, moi, je n'ai jamais voulu cacher ça, c'est évident qu'il y a eu des coupures réelles, drastiques, rapides, en santé et en éducation, j'ai déjà eu l'occasion de l'expliquer. Ce n'est pas nécessairement parce qu'on aimait ça, aller plus vite que les autres, mais on a hérité d'une situation qui nous obligeait à aller plus vite que les autres, à prendre les bouchées plus double dans un délai plus court. Est-ce que dans ce temps-là ça crée plus de conséquences négatives? La réponse, c'est oui. Il ne faut pas se cacher devant des faits.

À la dernière campagne électorale, moi, j'étais un de ceux qui, avec d'autres, a martelé la nécessité de réinvestir. Je sais, probablement que vous savez à quelle hauteur le Québec, quand on compare avec les États-Unis puis l'Ontario, tout en ne voulant pas être ces modèles-là... il faut être clair, là, M. le ministre des Finances l'a dit, puis, en tout cas, moi, avec ma petite personne, je l'ajoute: Moi non plus, le modèle de l'Ontario, je ne veux pas l'embrasser dans toutes ses configurations, et encore moins les États-Unis pour moult raisons. Mais j'aimerais avoir votre avis là-dessus. Parce que, quand on parle de ça, qu'il faut remettre plus d'argent, il faut être sûr que l'interlocuteur qui nous dit ça, est-ce qu'il lit la même chose qu'on lit? Le «on» étant des données du ministère des Finances puis du gouvernement actuel: 38 % au Québec du produit intérieur brut, 30 % en Ontario, 29 % aux États-Unis. Première question rapide: Est-ce que vous partagez ces chiffres-là? Puis, deuxièmement, peut-être pas juste en termes de chiffres, mais, quand on parle de remettre de l'argent en éducation puis en santé, moi, j'aimerais ça avoir un petit peu de bornes, de paramètres. Il faut remettre 2 % du produit intérieur brut? Il faut en remettre 5 %? Parce que, dans la santé, on a vécu des problèmes réels, puis je ne suis pas sûr qu'en réinjectant de l'argent, puis on l'a fait... en tout cas, moi, j'ai pas mal d'informations à ce sujet-là, mais je suis inquiet des résultats que je ne sens pas encore. Alors, une réinjection d'argent massivement dans la santé qui ne donne pas d'effet, il faut regarder ça sérieusement. Alors, j'aimerais ça avoir un peu plus de... excusez, de volubilité à ce sujet-là – c'est un problème qui va se régler en ce qui me concerne, dans quelques jours, je m'excuse. Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Vaudreuil (François): Bon. Évidemment, on partage le même constat que vous, il y a une réforme qui a été effectuée en même temps que des compressions budgétaires. Les objectifs de la réforme étaient fort louables. On a été obligé d'accélérer le processus de la réforme avec ce qu'on connaît et ça a bousculé beaucoup de choses. Mais le dossier de la santé, c'est une priorité. Il y a des situations qui sont, je ne dirais peut-être pas... qui frisent la catastrophe. Et, dans les milieux, parce qu'on a des syndicats qui travaillent dans le réseau de la santé, ce qu'on peut vous dire, c'est que c'est l'épuisement, les gens sont épuisés. Il y a donc un travail à faire et il faut réinjecter de l'argent. Tu sais, ça n'a pas de bon sens que, dans certains quarts, par exemple, on oblige les gens à faire du temps supplémentaire. Bon. Je prenais par exemple...

M. Gendron: Rapidement...

M. Vaudreuil (François): Oui.

M. Gendron: ...c'est de l'argent, mais pas tellement dans le système comme les personnels, c'est plus ça que vous privilégiez.

M. Vaudreuil (François): Moi, je pense qu'il faut agir aux deux niveaux. Il faut agir aux deux niveaux parce que, quand on a fait le virage dans la santé, puis je me souviens, en 1993, à la Centrale, on avait fait une grande réflexion là-dessus, avec les gens qui l'avaient réfléchi, c'est sûr que c'était louable, c'était noble, ce projet-là. Mais on n'injecte pas nécessairement tous les argents, par exemple, dans la haute technologie qui est nécessaire pour faire ce virage-là. Donc, oui, il y a des besoins. Il y a des besoins en termes de ressources physiques, en termes de ressources matérielles, en termes de personnel. Il faut réinjecter de l'argent dans la santé, ça, c'est évident. Et l'éducation aussi. Puis Emploi-Québec. Puis Emploi-Québec, le problème qu'on a – et j'utilise une image qu'une de mes compagnes avait utilisée – c'est qu'on souffre du syndrome d'Hygrade. À tout le monde on a fait la promotion qu'il fallait se former pour s'en sortir. Aujourd'hui, au Québec, on forme 45 000 personnes, c'est incroyable, à Emploi-Québec. Alors, c'est sûr que, comme plus de gens se forment, plus de gens veulent se former, puis, comme plus de gens veulent se former, plus... Alors, c'est le syndrome de la saucisse Hygrade. Je veux dire, ça aussi, il faut regarder ça. Bon, il y a un recentrage actuellement qui se discute à Emploi-Québec, et tout ça, mais il faudra injecter des argents là-dedans.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je passe maintenant la parole à l'opposition, à qui je demande d'être la plus rapide possible.

Mme Jérôme-Forget: D'accord. Parce qu'on a quelqu'un à midi, c'est ça?

Le Président (M. Simard, Richelieu): Oui, c'est ça.

Mme Jérôme-Forget: D'accord. Alors, je vais passer très rapidement. Bonjour, messieurs. Je veux saluer en particulier Pierre Lefebvre avec qui je travaille dans un autre comité.

Vous avez raison de dire que... d'ailleurs, c'est le premier paragraphe, je pense, de votre mémoire, à l'effet que vous soupçonnez que les recettes de l'État seront plus élevées. Et pour toutes sortes de raisons, peut-être par calcul politique, le gouvernement et le ministre des Finances ont décidé de ne pas nous donner les vrais chiffres, et ça, je trouve ça dommageable, dommage et dommageable dans la discussion, parce que nous avions une occasion rêvée d'examiner toutes sortes d'alternatives et d'examiner toute une problématique qui nous permettait, parce qu'on a cette ouverture, d'ouvrir le débat plus largement. Notamment, ce que disait, par exemple, Pierre Lefebvre: Est-ce qu'on doit utiliser le système de taxation pour offrir des programmes sociaux? c'est une question. Le support aux familles, par exemple, est-ce qu'on doit faire une... Est-ce qu'il doit y avoir une différence, dans notre société, entre un couple qui décide d'avoir des enfants puis un couple qui décide de ne pas avoir d'enfants, quel que soit le revenu? C'est une question fondamentale à se poser parce qu'il y a des gens, effectivement, qui peuvent faire ce choix-là. Et ce sont des questions de fond qu'on aurait pu examiner.

Vous parlez également de la confiance dans le système d'impôts. Vous avez noté, vous avez parlé à un moment donné qu'on était rendu à une question de bricolage, que ce soit la confusion entre ce qui se passe au fédéral puis au provincial. Il est clair que pour le citoyen, et même le citoyen informé, il est à peine capable de s'y retrouver, tellement que les experts aujourd'hui sont incapables de nous dire la solution au problème d'une taxation à plus de 100 % dans certains cas. Un dollar additionnel à certaines échelles, bien, vous êtes taxé parfois à 100 % et parfois même à plus de 100 %. Alors, c'est clair qu'il y a beaucoup de confusion dans le régime.

Vous avez mentionné également, à la page 28, l'indexation des exemptions de base, et je pense que c'est là que le bât blesse, parce que, en dépit du fait qu'on nous a annoncé une baisse des impôts, le revenu, à travers l'impôt des particuliers, a augmenté de 2 200 000 000 $ durant les derniers quatre ans. Or, 2 200 000 000 $, ce n'est pas négligeable comme somme, c'est énorme. Moi, j'ai fait une petite division, j'ai pris moins que le 2 200 000 000 $, pour enlever la croissance économique, et je l'ai divisé par les payeurs d'impôts, 2 500 000 de citoyens; ça voulait dire 800 $ de plus d'impôts, ça, qu'on payait. Donc, ce sont des sommes importantes.

Maintenant, le gouvernement a investi 1 300 000 000 $ de plus dans les services de santé l'an dernier, lors du budget. On voit encore les problèmes incroyables surgir. Vous qui êtes près de cette clientèle-là, êtes-vous capable de nous dire comment est-ce qu'on pourrait remédier aux problèmes des établissements de santé? Est-ce que c'est une question d'argent? Est-ce que c'est une question de réorganisation? Est-ce que c'est une question d'impôts, puisque c'est de ça qu'on parle aujourd'hui? Alors, qu'est-ce qu'on pourrait faire pour amener un correctif dans les établissements de santé notamment?

M. Vaudreuil (François): Écoutez, concernant le correctif pour le réseau de la santé, je pense que, ça, ça pourrait faire l'objet d'une commission parlementaire bien particulière. Mais je pense qu'on ne peut pas identifier les problèmes dans le réseau de la santé comme étant des problèmes à un seul niveau. C'est une question très complexe, puis je pense qu'on ne peut pas, dans l'espace de 30 secondes ou une minute, trouver des solutions. Mais il y a différents problèmes. Puis je ne veux pas commencer, parce qu'on va en oublier.

Mme Jérôme-Forget: Vous mentionnez ça comme étant une priorité dans votre programme.

M. Vaudreuil (François): Oui, oui.

Mme Jérôme-Forget: D'accord? Alors, j'imagine que vous l'avez examinée attentivement.

M. Vaudreuil (François): Bien, écoutez. Quand on dit: C'est une priorité, c'est que, comme tout le monde dans la population, tous nos membres observent que le réseau ne fonctionne pas, et nos syndicats qui font partie du réseau de la santé, eux aussi, s'aperçoivent que ça ne fonctionne pas. Le virage ambulatoire s'est fait beaucoup trop rapidement, il a été accompagné de coupures. Et ce qu'on prétend, c'est que, si on réinvestit des sommes dans le réseau de la santé, ça, additionné avec un autre exercice de démocratisation où on va rapprocher les décisions des centres et non pas par des bureaucraties régionales comme sont les régies régionales, on pourrait régler un ensemble de problèmes, entre autres. Mais il faut que ça soit jumelé à d'autres actions.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Mme la députée de Beauce-Sud.

(12 heures)

Mme Leblanc: Merci. Bonjour, messieurs de la CSD. Je vais essayer de faire vite, vu qu'on manque de temps. Alors, je voulais d'abord mettre un peu en contexte votre mémoire que je trouve tout à fait admirable. Je pense que vous avez consacré sûrement d'énormes heures là-dedans.

Vous savez, notre régime fiscal doit, je pense, reposer sur des principes d'équité et de répartition de la richesse. Vous ne mettez pas ça en doute et je suis assurée que les problèmes de justice et d'équité sont justement au coeur des préoccupations de votre mémoire. Toutefois, l'exercice auquel on est confronté à cette commission des finances publiques, auquel on se livre depuis quelques jours, est basé sur cinq scénarios et il ne s'arrête pas vraiment à notre façon de taxer.

Vous dites: «Rien n'est prévu pour éliminer du régime fiscal les trappes de la pauvreté et d'inactivité qui piègent les contribuables à faibles revenus.» Or, aucun des scénarios proposés ne s'est arrêté à notre fameuse façon de taxer, c'est-à-dire nos taux implicites d'impôts qui ont des effets très pervers sur les contribuables, la capacité des contribuables de payer et d'être capables d'assumer leur qualité de vie.

Vous dites aussi, à la page 8 de votre mémoire: «Peut-on parler d'une répartition équitable des fruits de la croissance quand 2 000 000 de personnes sont exclues dès le départ des scénarios proposés?» Je peux vous dire qu'au Parti libéral du Québec, nous aussi, nous croyons, comme vous, qu'il faut réinvestir dans nos programmes sociaux, dans la santé et l'éducation, et ça doit être combiné également à une réduction des impôts.

Vous dites, par exemple, à la page 12 de votre mémoire, vous avez soulevé le fait qu'avec les surplus budgétaires de 1 200 000 000 $ de la dernière année on a pu effacer une partie des dettes des universités et des hôpitaux mais que cet effacement de la dette ne doit pas s'arrêter là, c'est-à-dire qu'on doit aussi réinvestir dans les programmes de santé. Je dois vous donner raison parce que je lisais hier le rapport du centre hospitalier Beauce-Etchemin, chez nous, dans lequel on découvre qu'il y a déjà, pour la présente année financière, un manque à gagner de 500 000 $. On voit que le scénario est en train de se répéter encore.

Vous avez pris la peine de mentionner qu'il ne faut pas confondre donc l'effacement des dettes avec la réinjection de fonds. Vous avez aussi mentionné qu'il y avait d'autres moyens de stimuler la création d'emplois que par des réductions d'impôts. Vous avez mentionné, à la page 14 de votre mémoire, les cours de formation justement d'Emploi-Québec qui permettent aux gens de réintégrer le marché du travail ou encore de se procurer un emploi selon leurs capacités, beaucoup mieux. Donc, on est du même avis, qu'il faut non seulement un réinvestissement dans nos programmes sociaux, dans la santé, dans l'éducation, mais qu'il nous faut aussi une réduction des impôts.

Et je veux faire référence, en 1996, au rapport de la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics, le fameux rapport Alban D'Amours, et je le cite, il dit: «Lors des travaux de la commission, nous avions reçu un message très clair à ce sujet: Des sacrifices devaient être consentis pour rééquilibrer les finances publiques et les citoyens étaient prêts à les endosser. Cependant, une fois le déficit zéro atteint, un effort prioritaire devait être consacré à la baisse des impôts.» Moi, je voudrais savoir dans quelle proportion vous aimeriez qu'on affecte les surplus budgétaires entre, par exemple, un réinvestissement dans les programmes sociaux, santé, éducation, et une réduction des impôts.

M. Lefebvre (Pierre): J'aurais une réponse qui n'est peut-être pas aussi franche, enfin qui serait peut-être plus générale. Compte tenu de ce que vous avez dit, dans le fond, le reproche qu'on peut faire aux documents et consultations, c'est qu'il n'y a pas de plan dans le sens suivant, c'est-à-dire: Voilà, il y a cinq scénarios, et voilà tel montant qu'on voudrait consacrer à la réduction des impôts. Dans le fond, il faut raisonner, voir que les problèmes, certains peuvent se régler à court terme, d'autres demandent des mesures qui demandent une mise en place qui est beaucoup plus longue.

Alors donc, ce qu'on pourrait dire, c'est qu'il manque un plan, enfin une vision de trois ans pour dire: Voilà l'ensemble des problèmes, voilà ce qu'on peut faire et voilà les voies qu'on peut suivre. Parce qu'il faut suivre plusieurs voies. Il n'y a pas juste une seule voie qui est de dire: Il y a x centaines de millions de dollars et, voilà, on va consacrer la moitié à ceci et l'autre moitié à cela. Je pense qu'il faut avoir une vision beaucoup plus large, raisonner sur un horizon de trois ans et dire: Sur trois ans, les surplus budgétaires vont être environ de tel ordre, et voilà ce qu'on peut concevoir, ce qu'on peut mettre en place sur un horizon de trois ans. Et, sur un horizon de trois ans, ça permet aussi un peu de toucher à tout. Le mémoire ne le mentionne pas vraiment de façon très explicite mais il y a intérêt aussi à se préoccuper de la dette, c'est-à-dire que c'est certainement défendable de dire qu'une partie – puis je ne veux pas avancer un pourcentage – devrait être consacrée aussi à la réduction de la dette, puisque les paiements d'intérêts sur la dette viennent contraindre la marge de manoeuvre financière, à chaque année, du gouvernement.

Alors donc, la dette a une certaine importance. Le hissement des taux de taxation, c'est-à-dire d'avoir une fiscalité... Actuellement, elle est trop progressive. Elle pourrait être... mais elle est trop progressive. D'avoir une fiscalité qui est moins progressive, ça demande des changements dans la fiscalité des particuliers, ça demande des changements aussi dans la façon dont on donne des bénéfices sociaux. Les programmes santé en éducation, certainement en partie, ça demande des sommes supplémentaires, mais en partie ça demande des réorganisations. Le président l'a mentionné, le problème est complexe. Parfois, on a besoin d'argent; dans d'autres cas, il faut faire les choses de façon différente.

Donc, c'est difficile de vous dire une réponse. En tout cas, personnellement, moi, je ne suis pas porté à donner une réponse en termes des proportions qui devraient être consacrées aux programmes, à la réduction de la dette et à la réduction des impôts, mais je pense qu'il faut regarder ça de façon intégrée et avoir un plan sur plusieurs années. Autrement, si on n'est pas capable de régler vraiment les problèmes, on va saupoudrer en quelque sorte. Il faut vraiment regarder ça sur plusieurs années, et sur plusieurs années on peut faire des choses plus intéressantes en termes de fiscalité et en termes de l'idée de rendre nos programmes plus intéressants et qui concourent plus à la création d'emplois, à l'augmentation du revenu de l'ensemble des Québécois.

M. Vaudreuil (François): À la Centrale, on n'a pas rendu le débat politique à l'interne à ce niveau-là, mais on a plutôt tenté de prioriser les éléments et de les inscrire de la façon que Pierre vient de vous soumettre et que je vous ai présentée tantôt, avec les préoccupations énoncées.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je m'excuse de presser les gens, je peux bien accorder une dernière petite question et une courte réponse. Nous avons encore à entendre quelqu'un avant 12 h 30.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Dans votre présentation, M. Vaudreuil, vous avez parlé des irritants, notamment le dossier des travailleurs autonomes, et vous avez dit qu'il y avait une certaine facilité à dévier le régime fiscal chez cette catégorie de travailleurs. Je voudrais savoir si vous visez les travailleurs autonomes en général ou une catégorie, un secteur en particulier, des travailleurs autonomes.

Et ma dernière question, c'est en rapport avec le rapport entre la fiscalité et l'exode des cerveaux. Vous dites, à la page 27 de votre mémoire, qu'il s'agit quasiment d'une opération organisée par des groupes de pression qui nous font croire que la fiscalité joue un rôle déterminant dans l'exode de cerveaux alors que, pour vous, c'est un phénomène de compétitivité des salaires, tout simplement. Quels sont les groupes de pression qui sont derrière ce phénomène de rapport entre la fiscalité et l'exode des cerveaux?

M. Vaudreuil (François): Premier élément, quand on parle des travailleurs autonomes, je ne vous dirai pas que c'est dans des secteurs d'activité économique bien particuliers, je pense que c'est des phénomènes qui sont en émergence. Et, tout simplement pour vous rappeler l'importance d'assurer une crédibilité très grande à notre régime fiscal, je disais que tout ça arrive à un moment, dans notre société, où les tenants de politiques de droite ou néo-libérales mettent l'emphase sur la responsabilisation et chacun peut s'en sortir par des stratégies individuelles, comme si on n'était pas capable de s'organiser des responsabilités collectives. Je pense qu'on l'a fait par le passé, ça nous a bien servi, il faut maintenant adapter nos stratégies à la mondialisation mais il ne faut pas perdre de vue ces principes de base dans notre société parce que c'est des glissements fondamentaux qui nous agacent profondément, à la Centrale. L'inégalité nous horripile. Ça, c'est le premier élément.

(12 h 10)

Concernant l'exode des cerveaux, on sent une tendance. Je ne dirais pas qu'il y a un discours démagogique mais on sent en tout cas qu'on pousse très fort pour justement faire en sorte qu'on puisse réduire les impôts des salariés les plus élevés dans notre société, alors que nous, on prétend qu'à quelque part il y a sûrement des pondérations qu'il faut faire. Quand on regarde, par exemple, dans des domaines de recherche, c'est bien plus les salaires, c'est bien plus les équipements, les équipes qui sont mises en place qui font en sorte que les gens vont quitter le pays, plus que notre régime fiscal comme tel.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Oui, et c'est là-dessus que je dois vous demander de conclure et de terminer.

M. Vaudreuil (François): Très bien.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup de votre présentation. J'invite tout de suite – le député de La Prairie me le faisait remarquer – notre premier contribuable à venir présenter un mémoire.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup. J'invite M. Pascal Gagné à nous présenter, malheureusement très rapidement, son mémoire. Je le félicite, en tout cas, pour un aspect d'originalité. Le député de La Prairie le faisait remarquer tout à l'heure, vous êtes notre premier contribuable unique, seul et solitaire, alors qu'on sait très bien que l'action, chaque année, de remplir notre rapport d'impôts est un acte... et vous n'êtes pas seul, à ce moment-là.


M. Pascal Gagné

M. Gagné (Pascal): Merci beaucoup. C'est tout à mon honneur d'être le seul particulier ici.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Nous sommes tous des particuliers, mais les particuliers qui sont venus ici représentaient des groupes. Alors, je vous écoute. Nous vous écoutons.

M. Gagné (Pascal): Donc, M. le Président de la commission des finances publiques, Mmes, MM. les députés, mon nom est Pascal Gagné, je suis un contribuable au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu du Québec et je suis seul aujourd'hui dans le but de vous présenter un sommaire de mon mémoire portant sur la réduction d'impôts des particuliers. Je vous remercie avant tout de m'avoir accordé une audience ce matin, dans le cadre de cette commission.

Bien avant aujourd'hui, j'ai compris que l'impôt, même si dans les faits, lors de sa création en 1917, du moins au fédéral, était supposée être une mesure temporaire pour financer les dépenses extraordinaires occasionnées par la guerre, est et demeurera une source privilégiée de revenus pour le gouvernement afin de faire fonctionner l'État de façon à convenable.

Actuellement, l'État québécois n'hésite pas à être imaginatif pour trouver de nouvelles formes de taxation. Le Fonds de lutte contre la pauvreté et la réinsertion au travail en est un exemple assez récent. À mon avis, il y a trop de formes de taxation pour les particuliers. Le fait de compléter sa déclaration annuelle de revenus nous le rappelle assez bien. Cela complique l'administration de ceux qui les perçoivent et entraîne malheureusement la création d'un nouveau formulaire, une nouvelle loi, de nouveaux règlements et organismes gouvernementaux pour l'État. Les résultats, en termes de valeur ajoutée ou de création de richesse, sont souvent négatifs. Aujourd'hui, notre économie se porte bien, demain elle dépendra des choix que nous oserons prendre.

Le temps est maintenant venu d'exercer avec sagesse nos choix pour le futur. Le choix de réduire l'impôt des particuliers ne se fera cependant pas sans conséquence, et j'y reviendrai plus tard. Les particuliers ou ménages dont les revenus sont moyens devraient quant à moi bénéficier de la réduction proposée. J'invoque ma proposition sur les faits suivants: c'est cette catégorie de contribuables qui, depuis plusieurs années, supportent les fardeaux fiscaux élevés, qui effectuent en masse l'achat de biens et services, qui, de par leur emploi, permettent à l'État d'obtenir des recettes additionnelles de leurs employeurs, qui, pour certains, commencent à évaluer la possibilité de s'établir ailleurs qu'au Québec, et enfin, qui, avec plus d'argent dans leurs poches, l'utiliseraient pour des fins supplémentaires de consommation, d'investissement et d'épargne, ce qui favoriserait, entre autres, la production, le niveau d'emploi et l'investissement, et qui aurait comme conséquence une diminution de chômeurs et d'assistés sociaux, une augmentation de notre paix sociale et un stimulant pour ces contribuables.

Les choix que nous prendrons auront aussi des conséquences; ces conséquences se traduiront par d'autres choix. À cet égard, le temps est peut-être venu d'évaluer certains de nos organismes publics qui sont au nombre d'environ 175 et la façon dont ils effectuent la prestation de leurs services. On parlera alors d'économie, d'efficacité et d'efficience.

Par exemple, l'État pourrait, dans les soins de santé, demander une somme forfaitaire pour chaque visite dans un établissement, mettre en place un régime de santé offert par des cliniques privées. Dans le système judiciaire, modifier la façon dont l'aide juridique est actuellement accordée; aider à la création d'une Cour de médiation afin d'éliminer les délais des causes les plus simples et de réduire les coûts de telles procédures.

Dans les services sociaux, réduire à un maximum de cinq ans le temps qu'un citoyen peut vivre aux dépens de l'État, et ce, avec une première période maximale de 12 mois consécutifs. Dans la fonction publique, favoriser l'utilisation maximale des biens publics et l'élargissement du service à la clientèle.

Pour poursuivre, j'aimerais bien voir la possibilité de pouvoir contribuer volontairement à certains programmes. Je parle, entre autres, de la contribution à la Régie des rentes du Québec et, au fédéral, à celle de l'assurance-emploi. Je suis convaincu que plusieurs contribuables comme moi pratiquent l'auto-assurance – pensons aux REER. De plus, il ne faut pas faire en sorte que le mode de taxation enrichisse les moins nantis et qu'il démunisse la classe moyenne.

Enfin, comme je l'ai précédemment mentionné, le régime fiscal est complexe, et ce, de la déclaration d'impôts jusqu'aux crédits et déductions, en passant par leur admissibilité et leur compréhension. Il faut faire en sorte de faciliter la vie des contribuables. Il faut que ça ait du gros bon sens. Une déclaration d'impôts sur deux pages, moi, j'y crois.

En conclusion, l'impôt est nécessaire pour le fonctionnement de notre société et le financement de nos dépenses de l'État. Par contre, nous sommes tous conscients qu'il faut les réduire. Cela implique de revoir avant tout la façon de gérer notre province et nos dépenses publiques. Ainsi, quant aux scénarios à favoriser pour répartir l'allégement fiscal proposé, il n'y en a aucun qui ait du sens, et je veux dire du gros bon sens. Des efforts plus sérieux doivent être envisagés et ces efforts se font attendre depuis déjà plusieurs années.

Enfin, puis-je vous dire que je suis volontaire afin de pouvoir trouver une solution fiscale tout aussi intéressante pour nous, les contribuables, que pour le gouvernement. Merci de votre attention.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup, M. Gagné. Il nous reste une dizaine de minutes. Je vais demander donc, en étant équitable, au ministre, aux représentants ministériels, de prendre pas plus de cinq minutes.

M. Landry: Bien, d'abord, je pense qu'on doit rendre hommage à un citoyen qui vient devant l'Assemblée nationale, seul, avec ses moyens qui ne sont pas négligeables. Il y a une bonne réflexion là-dedans.

Vous avez parlé d'un mémoire. J'espère que c'est un mémoire qui vous conduira à la maîtrise, peut-être au doctorat. C'est un mémoire de quoi?

M. Gagné (Pascal): Pardon?

M. Landry: C'est un mémoire de quoi, donc?

M. Gagné (Pascal): Ah! c'est un mémoire tout simplement pour... J'ai vu l'occasion, dans le journal Les Affaires , de publier mes commentaires à propos d'une réduction...

M. Landry: Ah, bon! Il parlait de son mémoire. O.K., très bien. En tout cas, c'est plus que de la fiscalité, vous l'admettrez, c'est aussi une philosophie. Vous débordez beaucoup. Vous n'avez pas tout lu. Vous dites que tout ce qu'on propose, que tous les scénarios qu'on propose sont insatisfaisants, puis même, vous aimeriez mieux qu'on ne le fasse pas tout de suite et qu'on réfléchisse davantage. Est-ce que vous avez une intuition qui pourrait nous conduire vers des voies royales qu'on n'a pas trouvées tout seuls?

M. Gagné (Pascal): Je suggère, dans la fonction publique, de faire, un peu comme certains autres organismes qui sont passés avant moi, le ménage dans certaines de nos dépenses publiques. Il y a aussi d'autres façons pour l'État de recueillir des recettes fiscales, un petit peu dans certains domaines, par l'utilisateur-payeur.

Quant à la réduction proposée, personnellement, si j'ai seulement quelques centaines de dollars par année de plus pour des fins de consommation, d'épargne ou d'investissement, pour moi, ça ne changera pas mon rythme de vie, ça ne changera pas mon rythme de consommation, ce qui, par la suite, créera d'autres emplois parce que les entreprises vont avoir à produire davantage de biens et services.

Pour ma part, une réduction, il faudrait faire en sorte, du moins, que dans nos poches il nous reste un 4 % ou 5 % supplémentaire sur notre revenu d'emploi.

(12 h 20)

Le Président (M. Simard, Richelieu): D'autres questions de ce côté-ci?

M. Geoffrion: Bien, une petite question, merci. Effectivement, après 20 mémoires de groupes et d'associations, ça nous fait plaisir de vous accueillir à titre, comme vous le dites vous-même, de simple contribuable, comme vous le dites dans votre mémoire. Bon, c'est un mémoire assez éclaté, il y en a pour tout le monde, hein!

M. Gagné (Pascal): Effectivement.

M. Geoffrion: Vous allez dans plusieurs pistes. Il y a une phrase quand même qui est plutôt dure à prendre, quand vous dites, bon, avec le taux de taxation, etc., à la page 2: «Dans un autre ordre d'idées, pourquoi continuer d'élire domicile au Québec?», suggérant qu'ailleurs, notamment aux États-Unis, vous semblez avoir un certain, comment dire... Le modèle de société américaine vous plaît manifestement. Vous l'avez expliqué au niveau de la justice et d'un certain nombre d'éléments sociaux là-bas.

D'autre part, est-ce que la fiscalité doit être considérée comme un élément déterminant de la qualité de vie qui puisse conduire quelqu'un à rester ou à quitter ou à même se poser la question sur est-ce que, comme habitant du Québec, on est si mal traité qu'on puisse penser aller ailleurs sur le simple fait de la fiscalité? C'est ce que vous dites dans notre mémoire, j'ai trouvé ça un petit peu dur. Je vous écoute.

M. Gagné (Pascal): Je ne souhaite pas que la fiscalité québécoise ou la fiscalité au Canada fasse en sorte que des gens comme moi un jour pensent d'aller s'établir ailleurs, on a d'autres belles choses au Québec. Mais enfin, le modèle des États-Unis, oui, il y a le modèle de vie, il y a le modèle de taxation aussi. C'est qu'il faut faire en sorte, en fin de compte, qu'on soit aussi compétitif au Québec en tant que gouvernement, ou que, pour nous, en tant que consommateurs, il nous reste au moins, malgré le fait qu'on a certainement une des provinces avec le plus de programmes sociaux, aussi de l'argent dans nos poches pour dépenser à notre guise à des fins de consommation et à d'autres fins. Et, à ce sujet-là, la référence que je faisais, c'est que, oui, effectivement, il y a quand même une grosse marge de manoeuvre au niveau de la taxation entre la fiscalité américaine puis la fiscalité au Québec. Et je ne crois pas que, dans mon cas, l'avantage des programmes sociaux qu'on a au Québec ferait en sorte que ça serait plus avantageux de vivre au Québec. Ça, c'est ma propre réflexion.

M. Geoffrion: Merci.

Le Président (M. Simard, Richelieu): C'est tout, malheureusement. Je passe la parole à Mme la députée de La Pinière pour les cinq prochaines minutes.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, M. Gagné, je vous remercie d'avoir pris la peine de rédiger un mémoire et de venir partager avec nous votre réflexion sur ce dossier assez important qui consiste à regarder la fiscalité des particuliers. Et, en effet, votre mémoire, bien qu'il ne soit pas très volumineux en termes de nombre de pages – je pense que c'est cinq pages – en termes d'ampleur, vous avez embrassé beaucoup de secteurs, certains relevant du fédéral, d'autres du Québec: les soins de santé, la justice, les services sociaux, avec le volet sur les prestataires de sécurité du revenu. Vous avez aussi proposé des modifications concernant l'état civil, le numéro de citoyen, les Forces armées canadiennes, le Sénat, la fonction publique, l'universalité des programmes versus les contributions obligatoires des citoyens. Et puis vous avez terminé avec les scénarios qui sont soumis dans le cadre du document de la consultation qui porte sur les moyens mis de l'avant, proposés par le gouvernement pour réduire la fiscalité.

Ce que j'ai trouvé d'intéressant dans votre mémoire, c'est que vous commencez votre mémoire en disant que «la fiscalité – d'après ce que vous avez appris de votre professeur et qui est vrai – était une mesure temporaire introduite par le gouvernement fédéral en temps de guerre». Et puis, à la fin, à la page 5, vous dites: «En conclusion, l'impôt est nécessaire pour le fonctionnement de notre société et le financement des dépenses de l'État.» Donc, même si cette mesure était temporaire initialement, vous avez cheminé avec tout ça pour arriver à la conclusion qu'effectivement, c'est une source de revenu indispensable à l'État.

Moi, je voudrais vous remercier, vous féliciter. En tout cas, c'est assez clair, ce que vous proposez. On peut ne pas être d'accord avec vous, cela va de soi, parce qu'il y a beaucoup de choses qui sont soumises, qui méritent une réflexion. Ça dépasse même le cadre de la commission qui siège actuellement, puisque, nous, notre mandat, c'est de discuter de la réduction de l'impôt des particuliers et votre mémoire embrasse trop large.

Je voudrais vous demander une précision concernant la mise en place d'un régime de santé offert par des cliniques privées. Il existe déjà actuellement dans notre système de santé des cliniques privées. Qu'est-ce que vous voulez entendre par là? Est-ce que c'est une autre forme de privatisation à laquelle vous pensez ou est-ce que c'est l'élargissement à des zones qui ne sont pas couvertes par les cliniques privées? Voulez-vous élaborer sur ce point-là?

M. Gagné (Pascal): Je n'ai pas vraiment eu le temps d'élaborer davantage. Ce que je voulais dire par ceci, c'est que, effectivement, on devrait quand même favoriser, pour les gens qui peuvent se le permettre, la création de nouvelles cliniques privées de façon à assurer un service plus rapide dans les centres hospitaliers réguliers, de sorte que, les contribuables qui, eux, ont les moyens d'aller dans ces cliniques-là, eh bien, ils ne soient pas sur des listes d'attente dans nos établissements et que, finalement, ils paient pour obtenir des services, pour augmenter la rapidité des soins de la santé.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Merci beaucoup.

M. Gagné (Pascal): Merci.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. Gagné, je vous remercie beaucoup. Je répète à nouveau, sans doute pour saluer votre courage, que nous vous remercions de votre présentation, et nous suspendons nos travaux. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 29)

(Reprise à 15 h 13)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Nous allons, conformément à l'ordre de la Chambre, reprendre nos travaux. Cet après-midi, nous entendrons deux groupes, le Front d'action populaire en réaménagement urbain et le Projet Genèse, dans un premier temps, et ensuite la Chambre de commerce du Québec.

Alors, j'invite les porte-parole du Front d'action populaire en réaménagement urbain et le Projet Genèse à venir prendre place et, même si on les connaît à peu près tous, à s'identifier.

Alors, vous connaissez nos règles du jeu, qui sont celles du fonctionnement de cette commission et de toutes les commissions. Vous disposez d'une vingtaine de minutes pour essayer de faire une synthèse, dans le fond – on pourrait vous écouter sans doute pendant des heures, et tout le monde a beaucoup à dire. Et, après cet exercice de brièveté, les députés de la partie ministérielle et de l'opposition, à tour de rôle, vous poseront des questions et entreprendront ce que nous souhaitons être, avec vous, un dialogue constructif. Alors, c'est M. Saillant, je pense, qui sera le premier. Alors, vous identifier pour fins d'enregistrement et présenter ceux qui vous accompagnent, s'il vous plaît.


Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) et Projet Genèse

M. Saillant (François): Mon nom est François Saillant, je suis coordonnateur du FRAPRU; à ma gauche, Marie-Josée Corriveau, qui est intervenante dans le quartier Pointe Saint-Charles à Montréal et qui est présidente du conseil d'administration du FRAPRU; à mon extrême droite, Gary Saxe, qui est animateur au Projet Genèse, qui avait aussi présenté un mémoire, mais finalement on va faire une présentation commune. Pardon?

Le Président (M. Simard, Richelieu): C'est une extrême droite physique, hein?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Saillant (François): Tout à fait. Et, immédiatement à côté, Mme Aouicha Modrika, qui est résidente du quartier Saint-Henri–Petite Bourgogne, à Montréal.

Le Président (M. Simard, Richelieu): ...d'avoir le président qui nous traverse actuellement.

M. Saillant (François): D'abord, juste vous dire que le FRAPRU déplore fortement que la consultation d'aujourd'hui ne soit pas une consultation d'ensemble sur les surplus budgétaires mais uniquement sur les moyens de réduire les impôts. On aurait aimé que le débat soit plus large que ça. Pour nous autres, c'est d'autant plus contestable, cette décision-là, que le déficit zéro, à notre avis, a fait des victimes, que l'atteinte du déficit zéro a fait des dégâts.

Je vais juste donner un exemple – on pourrait en donner beaucoup. Le revenu des personnes assistées sociales, qui représentent les gens les plus pauvres de notre société, n'a pas augmenté depuis le déficit zéro. Au contraire, ce revenu-là a baissé. Et, dans le cas de certaines personnes, la baisse est carrément dramatique, là. Quand on parle qu'il y a des gens qui ont 100 $ à 150 $ de moins dans leurs poches maintenant qu'elles avaient auparavant, on parle de baisse dramatique. Une personne assistée sociale, ça ne gagne pas des millions de dollars, bien au contraire.

On pense que les surplus budgétaires devraient nous amener à nous interroger sur nos choix de société parce que, pour nous autres, derrière le déficit zéro, derrière maintenant la réduction des impôts, se cache une révision fondamentale du rôle de l'État, et on pense qu'il faut s'interroger comme société là-dessus. Est-ce qu'on accepte le désengagement du gouvernement de ses politiques sociales? Est-ce qu'on accepte la déresponsabilisation du problème de la pauvreté, le fait qu'on responsabilise plutôt d'autres champs pour ça? Notamment, on revient à la charité publique, on responsabilise les organismes communautaires, mais le gouvernement, lui, se déresponsabilise. Est-ce qu'on accepte un système de santé et d'éducation à deux vitesses? Et finalement, ça devrait être quoi, nos priorités? Est-ce que ça devrait être la diminution des impôts, comme malheureusement c'est le projet du gouvernement, ou si ça devrait être la lutte à la pauvreté? Donc, on va se permettre d'élargir, au moins pour nous autres, le débat.

Mme Corriveau (Marie-Josée): Pour nous autres, la priorité du gouvernement devrait être la lutte à la pauvreté, dans un contexte de surplus budgétaires évidemment et surtout en regard, comme François le disait, de l'appauvrissement important qu'ont subi les ménages les plus mal pris au Québec.

On ne veut pas entreprendre avec les membres de la commission une guerre sur les chiffres. On sait qu'on ne s'entend pas nécessairement sur les définitions des seuils de pauvreté. Mais on va prendre des chiffres sur lesquels on s'entend, tout le monde, c'est ceux qui ont trait à la situation des ménages locataires mal logés, les chiffres des deux derniers recensements de Statistique Canada. Ce sont des faits et des chiffres qui sont reconnus autant par la Société d'habitation du Québec, par la Société canadienne d'hypothèques et de logement à Ottawa que par l'ensemble de la population.

Depuis 1991 jusqu'en 1996, entre les deux derniers recensements, le nombre de ménages qui doivent consacrer au moins le tiers de leurs revenus pour se loger et se chauffer a augmenté de 28 %. À l'heure actuelle, ça veut dire qu'il y a un demi-million de ménages québécois qui doivent consacrer plus du tiers de leurs revenus pour se loger, ce qui est considéré comme une norme à l'échelle du Canada et du Québec, une norme maximale, raisonnable, entre guillemets. Ce demi-million de ménages là, c'est, dans les faits, 1 000 000 de personnes, des femmes, des hommes et des enfants, qui, pour payer leur loyer, leur chauffage, doivent couper sur d'autres biens essentiels.

La situation s'est encore plus sévèrement aggravée dans le cas des ménages qui doivent consacrer plus de la moitié de leurs revenus pour se loger. Dans ces cas-là, il y a, à l'heure actuelle, 275 000 ménages qui doivent donc prendre la moitié de leurs revenus et les consacrer simplement pour avoir un toit à peu près décent au-dessus de la tête. C'est une augmentation de 41 % entre 1991 et 1996. Et on se retrouve, avec cette triste situation là, au troisième rang parmi les provinces canadiennes, après la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse, avant l'Ontario, où il y a le plus de ménages qui doivent consacrer au moins la moitié de leurs revenus pour se loger. Tout ça s'est passé dans un contexte où les loyers sont restés relativement stables entre 1991 et 1996. Donc, la situation des ménages locataires s'est détériorée essentiellement parce que les revenus des personnes et des ménages ont diminué.

Cette diminution-là, on l'a dit tantôt, est attribuable aux luttes au déficit qu'ont menées les deux paliers de gouvernement. Elle est attribuable aussi au taux de chômage qui n'a pas arrêté de progresser malgré les promesses qui ont été faites de création d'emplois – ça n'a pas donné de résultats – et au fait qu'il y a de plus en plus de services qui sont tarifés. À titre d'exemple, les personnes assistées sociales avaient la gratuité des médicaments; elles ne l'ont plus. C'est un exemple de leurs revenus qui ont diminué. La proportion de leurs revenus, donc, est de plus en plus soumise à toutes sortes de pressions.

(15 h 20)

Dans un contexte comme celui-là, on trouve que le gouvernement, en fait, ferait le pire des choix. Déjà, il y a un taux de chômage important, il y a une coupure dans les programmes sociaux, les ménages les plus mal pris n'ont pas cessé de s'appauvrir; tout ça, dans un contexte où le Québec est censé s'enrichir. Décider de réduire les impôts, dans un contexte comme celui-là, ce serait le pire des choix stratégiques, puisque ça serait sur le dos des ménages les plus mal pris et ça serait, on l'anticipe bien, au détriment des programmes sociaux existants.

On voudrait d'ailleurs, à ce chapitre-là, rappeler une citation qui était pour le moins cynique, il faut bien le dire, qui a été faite par le représentant du gouvernement québécois au Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels de l'ONU, lors des audiences pour vérifier de quelle façon les gouvernements respectaient ou pas leurs engagements face aux différents pactes internationaux. Et le fameux comité de l'ONU s'inquiétait du fait qu'il y avait une fréquentation de plus en plus grande des banques alimentaires au Québec. La réponse pour le moins cynique des représentants du gouvernement du Québec avait été alors de dire que «loin d'être négative, l'existence des banques alimentaires démontre la volonté d'une société de partager ses ressources avec ses membres les plus démunis». On trouve ça cynique de penser qu'on va inviter les gens à référer à la charité publique, aux banques alimentaires pour essayer d'avoir des conditions de vie à peu près décentes puis qu'on va compter sur la charité publique au lieu de l'État pour assurer un minimum de redistribution de la richesse dans une société qui, je le rappelle, n'a pas arrêté de s'enrichir au cours des dernières années.

Le gouvernement du Québec, en réduisant les impôts, en retraitant sur ses responsabilités dans les programmes sociaux, selon nous, abandonne non seulement les personnes les plus vulnérables, les plus mal prises, mais abandonne un projet de développement d'une société moderne et dynamique où tout le monde devrait pouvoir vivre dans la dignité avec des revenus suffisants pour pouvoir couvrir ses besoins essentiels. La pauvreté, l'appauvrissement grandissant doit être traité comme le problème numéro un par le gouvernement du Québec comme par l'ensemble de l'État canadien. Ils doivent assumer pleinement leurs responsabilités de redistribuer la richesse. À titre d'exemple...

Mme Modrika (Aouicha): Moi, je suis ici pour témoigner d'un exemple vivant qui vit cette situation-là. Et je suis venue parce que je n'ai pas encore atteint la résignation. Donc, moi, j'ai un revenu de 726 $ par mois. J'ai été monoparentale pendant des années. J'avais une allocation-logement, qui m'a été coupée parce que mon enfant est parti – il est majeur. Je paie 580 $ de loyer, 32 $ d'Hydro-Québec, 25 $ de téléphone, 22 $ de médicaments non couverts, alors il me reste à peu près 57 $ par mois. Ça, c'est une situation récente, qui date du mois d'octobre. Et je suis dans une situation... Je ne sais pas quoi faire. Alors, comment je vais manger, comment je vais m'habiller, comment...

Et c'est très gênant pour moi d'être ici aujourd'hui et de dévoiler ça parce que, beaucoup de gens comme moi, on a honte de la pauvreté. C'est pour ça qu'on ne crie pas haut et fort qu'on est pauvres. Et j'ai un exemple d'une personne, qui est dans la salle, qui, si elle n'avait pas eu son HLM, ne serait pas en vie aujourd'hui. Parce qu'elle a passé ces étapes-là.

Moi, la réduction des impôts, c'est un revenu zéro pour moi. Donc, je ne vois aucun intérêt pour moi à avoir une baisse d'impôts quand je n'en paie pas. Ce dont j'ai besoin, c'est d'un toit sur ma tête, de la nourriture pour manger, des vêtements pour m'habiller et aussi combattre l'insécurité, l'angoisse, l'incertitude qui vont avec tout ça.

(Applaudissements)

Le Président (M. Simard, Richelieu): N'y voyez aucun sentiment de ma part de critique à votre égard, mais j'avertis le public que, dans nos pratiques parlementaires, il n'y a pas d'applaudissements de la salle lorsque vous participez à nos travaux. Mais ce n'est pas plus grave que ça. Continuez, M. Saillant.

M. Saillant (François): Il est peut-être bon, avant de discuter de l'opportunité de baisser les impôts, d'abord de se rappeler à quoi ça sert, les impôts. Il y a 75 % du budget de dépenses du Québec qui va à la santé, à l'éducation, à la sécurité du revenu. Essentiellement, toute société moderne a besoin d'un certain nombre de services, d'un certain nombre de programmes. La question, c'est de savoir qui paie pour ces services et ces programmes-là. Est-ce que c'est l'État, donc l'ensemble des contribuables, et ça, ça assure un accès universel, un accès général, ou si c'est les individus eux-mêmes par le biais d'assurances que les gens doivent prendre, par le biais de frais supplémentaires qu'ils doivent payer pour la santé, l'éducation, etc.? Et là ce que ça fait, c'est qu'il y a des gens qui peuvent se payer ça et qui y ont accès, et il y a d'autres gens qui ne peuvent pas se les payer et qui n'y ont pas accès ou qui ont un accès limité ou secondaire à ça.

Pour nous autres, la réduction des impôts, c'est un mauvais choix social. Comme madame disait, d'abord, ça ne profite pas aux plus pauvres. Il y a un tiers des contribuables qui ont fait une déclaration d'impôts qui ne paient pas d'impôts comme tel. Ces gens-là, une réduction des impôts, pour eux autres, ça ne veut rien dire, c'est un gros zéro. Il y a un tableau à la page 95 du document de consultation, où on nous laisse voir qu'une personne seule qui gagne 10 000 $ et moins ne bénéficiera pas d'un seul sous, ne gagnera pas un sous avec la réduction des impôts, alors qu'une personne seule qui gagnerait 100 000 $ et plus, si on additionne le gain de cette année avec celui de la révision précédente de 1998, le gain, selon les cinq scénarios, irait de 1 255 $ à 4 249 $; donc, d'un côté, zéro, de l'autre côté, 1 200 $ à 4 200 $.

Le mot va peut-être vous sembler fort, mais, pour moi, c'est une situation d'apartheid fiscal, ce truc-là. Quand on exclut une partie de la population d'une dépense – parce que c'est une dépense – aussi considérable que 1 300 000 000 $, qu'on dit à des gens: Vous n'aurez pas accès à ça, pour moi, c'est une forme d'apartheid que j'appelle un apartheid fiscal.

Ensuite, pour nous autres, c'est un mauvais choix social parce que la baisse des impôts signifie la poursuite des compressions budgétaires. Ça ne s'est malheureusement pas terminé avec le déficit zéro, on va devoir continuer à vivre des compressions. Et déjà on sait qu'il y a des ministères ou des sociétés qui ont reçu leur commande pour l'année prochaine sur des compressions budgétaires.

Ça va priver le gouvernement de revenus suffisants pour avoir une politique ambitieuse de lutte à la pauvreté. On pourra toujours adopter des mesures, comme on l'a fait la semaine dernière au cabinet en redonnant une partie de l'allocation-logement qu'on avait coupée aux gens, une nouvelle qu'on a saluée mais qui veut dire 4 200 000 000 $. Tout ce que ça empêche, c'est que les gens s'appauvrissent encore davantage. Mais une vraie politique de lutte contre la pauvreté, ça va demander plus que 4 200 000 000 $, ça va demander des sommes plus importantes que ça.

Finalement, du point de vue du mauvais coût social, ça va entraîner un alourdissement, pour nous autres, du fardeau social. On parle beaucoup du fardeau fiscal. Parlons un peu du fardeau social. L'exemple de l'Ontario, là-dessus, il est éloquent. On a baissé les impôts de 30 %, sauf qu'on a aussi baissé les prestations d'aide sociale de 21 %; sauf qu'il y a près de 300 000 personnes qui ont recours à des banques alimentaires, dont 40 % sont des enfants de moins de 18 ans; sauf qu'il y a 4 000 personnes par nuit qui vont dans des refuges à Toronto, à chaque nuit, 4 000 personnes. Ce n'est pas un exemple à imiter pour nous autres, vraiment pas. Bon. Donc, pour nous autres, c'est un mauvais choix social.

Est-ce que c'est pour autant un bon choix économique? On n'en est pas du tout convaincus. On semble prendre pour acquis qu'une baisse des impôts signifie automatiquement une hausse des revenus disponibles pour les ménages et signifie automatiquement une hausse des dépenses de ces ménages-là et, donc, que ça va augmenter la demande interne. Est-ce que c'est vrai que le revenu réel des ménages va augmenter tant que ça?

L'exemple de l'Ontario, encore là, est éloquent. Pour un ménage traditionnel ontarien de trois personnes, de classe moyenne, on a gagné, d'un côté, 738 $ en impôts, de l'autre côté, en frais supplémentaires qu'on doit assumer ou en hausse de taxes foncières parce qu'on a refilé des responsabilités aux villes, on a une facture qui est de 766 $. Donc, d'un côté, les ménages ont gagné 738 $; de l'autre côté, ils ont perdu 766 $. Est-ce que les gens à revenus modestes ou de classe moyenne ont gagné, avec ça? On n'en est pas sûrs.

(15 h 30)

Par ailleurs, pour les gens qui vont gagner, qui, pour nous autres, sont des contribuables à revenus plus élevés, qu'est ce qui nous garanti que cet argent-là d'abord va être dépensé ici? Qu'est-ce qui nous garanti là-dessus? Quand tu as des revenus supérieurs à 100 000 $, qu'est-ce qui t'oblige à dépenser ici ce que tu vas gagner avec la réduction des impôts? Et qu'est-ce qui t'oblige à ce que ton investissement soit productif et non pas purement spéculatif? On est loin d'être convaincu de ça. Donc, pour nous autres, c'est un mauvais choix social et c'est aussi, à notre avis, un mauvais choix économique.

M. Saxe (Gary): Ce n'est pas assez de dire que nous sommes contre les réductions d'impôts dans ces périodes de grande pauvreté. Une révision en profondeur de la fiscalité est nécessaire, avec des buts d'augmentation des revenus de l'État pour qu'il soit plus en mesure d'amorcer la lutte à la pauvreté. Dans les mémoires du FRAPRU et du Projet Genèse, il y a plusieurs suggestions sur comment assurer un régime fiscal juste qui permette de supporter un filet de sécurité sociale adéquat.

Selon le document de consultation, le gouvernement veut mettre en place des réductions de 1 300 000 000 $ en impôts des particuliers. Ce montant peut faire beaucoup pour réparer les problèmes dus aux coupures dans les programmes sociaux des dernières années. Voici quelques-unes des suggestions, si le gouvernement veut vraiment contrer la pauvreté.

Pour l'aide sociale, nous suggérons que le gouvernement commence cette année par abolir totalement les coupures pour le partage de logement et toute forme de pénalité pour la non-participation aux mesures d'employabilité. Aussi, au cours des dernières années, l'aide sociale a été coupée à plusieurs reprises. Nous pensons que l'annulation de toutes ces coupures est essentielle. Dans le mémoire du Projet Genèse, il y a la liste de toutes les coupures des dernières années. Je peux en nommer juste quelques-unes: l'abolition du barème de disponibilité; la réduction de 30 $ du barème de participation; l'obligation de dépenser toutes les épargnes avant d'être admissible à l'aide sociale, et la liste continue. L'abolition de ces coupures et pénalités coûterait 583 100 000 $.

Dans le programme d'assurance-médicament, nous trouvons déplorable que les membres les plus pauvres de notre société soient forcés de choisir entre payer leurs médicaments, leur loyer ou leur nourriture. Avec l'objectif d'exempter toutes les personnes à faibles revenus du paiement de leurs médicaments, le gouvernement peut dès maintenant exempter tous les prestataires de l'aide sociale et tous les aînés qui reçoivent le supplément de revenu garanti de payer leurs médicaments pour un coût total de 100 000 000 $.

Pour le logement social, le FRAPRU estime que la réalisation de 8 000 unités, un grand chantier de logements sociaux, coûterait un maximum de 400 000 000 $. Advenant que le gouvernement du Québec aille chercher la part qui lui revient du côté du gouvernement fédéral, sa contribution propre serait ramenée à 160 000 000 $. Toutes ces mesures coûteraient un total de 853 000 000 $, qui laisse un autre 446 000 000 $ pour les services de santé, de l'éducation, deux autres grandes cibles des coupures des dernières années.

Si le choix du gouvernement est de réinvestir dans les programmes sociaux, on sait qu'il y aura des bénéfices pour notre société. Les assistés sociaux n'ont pas de comptes dans les banques suisses, les augmentations des chèques d'aide sociale seraient dépensées dans l'économie. La création d'un grand chantier de logements sociaux va créer des emplois dans la construction. Les personnes qui maintenant paient plus de 50 % de leurs revenus pour se loger vont avoir un autre 25 % de leurs revenus disponibles après avoir été acceptées dans un HLM.

Le Président (M. Simard, Richelieu): S'il vous plaît, conclure.

M. Saxe (Gary): Ces dépenses additionnelles de l'économie vont aussi créer des emplois.

Mme Corriveau (Marie-Josée): Oui. Pour conclure, vous rappeler donc qu'au FRAPRU on est contre le fait que le gouvernement ait recours aux réductions d'impôts. Au moment où se sont faites les grandes coupures dans les programmes sociaux, on a dit aux gens les plus mal pris: Inquiétez-vous pas, ça va bientôt être votre tour. Bien, le tour, jusqu'à présent, ça a été simplement de perdre de plus en plus d'argent. Au moment où le gouvernement a des surplus, on souhaiterait que ça paraisse, que le gouvernement non seulement ne perde pas les moyens pour conserver les programmes mais puisse récupérer ce qu'il faut pour que les gens puissent vivre dans la dignité et puisse aussi nous permettre de développer des nouveaux projets d'habitation sociale, comme on le demande avec le grand chantier. À ce jour, si on avait maintenu le même rythme de développement de logements sociaux que celui qu'on avait à la fin des années quatre-vingt ou au début des années quatre-vingt-dix, on aurait 30 000 nouveaux logements sociaux de plus au Québec. Ça n'a pas de bon sens, de continuer de cette façon-là.

Pour conclure, vous rappeler qu'en 1976, quand le gouvernement du Québec, qui était alors dirigé par René Lévesque, a endossé le pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels, le gouvernement s'était alors engagé à travailler activement au respect de tous les articles qui sont dans ce pacte-là, incluant son article 11 qui se lit comme suit: «Les États parties au présent pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement, un logement suffisants ainsi qu'à une amélioration constante de ses conditions d'existence.» On s'attend à ce que le gouvernement du Québec assume ses responsabilités.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup. Avant de passer la parole aux deux partis, je veux simplement solliciter – je suis sûr que ce sera fait en une seconde – l'autorisation des membres de la commission pour que notre collègue d'Outremont siège avec nous cet après-midi, sachant que, tous, nous apprécions ses lumières. M. le ministre des Finances.

M. Landry: Bon. D'abord, le gouvernement écoute toujours avec beaucoup d'attention ce que dit le FRAPRU. Et des fois il le fait. J'avais été très honoré et ému de recevoir vos félicitations à l'occasion d'un budget où nous avions lancé un plan triennal d'investissement justement renouant avec la tradition de René Lévesque. On avait été absent du pouvoir pendant 10 ans et il ne s'était pas passé autant de choses sur ce front que vous l'auriez souhaité et que nous l'aurions souhaité.

Alors, aujourd'hui, moi, je veux vous féliciter à mon tour parce que, si ce que vous faites, vous n'étiez pas là pour le faire, qui le ferait? Vous êtes peut-être dans les hommes et les femmes les plus solidaires de notre société. Vous y êtes un peu obligés par le destin. Le discours qu'on entend, vous le savez largement, c'est un discours de pensée unique, c'est un discours de libre marché, de libre entreprise et de chacun pour soi. Vous faites un contrepoids utile dans nos sociétés et j'aime mieux vous dire tout de suite que vous n'avez pas à convaincre le gouvernement d'un certain nombre de choses. La répartition sociale, elle est nécessaire, 80 % des dépenses du gouvernement du Québec sont des dépenses sociales d'un ordre ou de l'autre: santé, éducation, transferts sociaux.

Vous n'avez pas à nous convaincre non plus que l'Ontario n'est pas un modèle. L'Ontario n'est pas un modèle, les États-Unis d'Amérique encore moins. Alors, on n'a pas l'intention de baisser les impôts au niveau des États-Unis pour avoir les services au niveau des États-Unis. Et vous faites bien de le remarquer parce que, ça, j'aimerais vous poser une petite question, par ailleurs. On n'est pas pour faire des batailles de chiffres, là, mais les chiffres de pauvreté, qui sont tellement désolants et qui sortent régulièrement, basés sur Statistique Canada, ce qui est appelé «seuil de faibles revenus», Statistique Canada dit à chaque fois: Il ne faut pas prendre ça comme les chiffres de la pauvreté. Et c'est repris par l'éditorialiste du Devoir , M. Sansfaçon, qui n'est pas un réactionnaire de droite. Je pense que ces chiffres-là ne sont pas bons.

Si on prend ces chiffres-là, c'est toujours le Québec qui est le plus pauvre du Canada. Savez-vous pourquoi les chiffres ne sont pas bons? Pour deux raisons, et j'aimerais vous entendre les commenter. Premièrement, c'est fait avant impôts. Or, les impôts, au Québec, pour les plus démunis, sont les plus sociodémocrates de notre continent. Notre système fiscal – et nous en sommes fiers, et ça doit rester comme ça – est le plus généreux pour les personnes à faibles revenus. Vous l'avez dit vous-même, 40 % des contribuables ne paient pas d'impôts. Avant, ils en payaient. Nous-mêmes, depuis qu'on est au pouvoir, on en a sorti 125 000, je pense. Donc, 125 000 contribuables qui ne paient plus d'impôts et qui en payaient avant qu'on revienne au pouvoir.

Alors, quand on regarde ça comme il faut, le Québec n'est pas la province la plus pauvre du Canada, il arrive environ au troisième rang, dans un pays, quand même, qui n'est pas marqué par la plus grande pauvreté de la terre. Ça n'enlève pas votre drame et les drames individuels qu'il peut y avoir ici, dans cette salle, mais je voudrais simplement que vous fassiez attention, au nom de la solidarité québécoise, de ne pas nous mettre pires que nous sommes et de reconnaître que nos programmes sociaux aussi, comme notre système fiscal, sont dans les plus généreux du Canada et qu'ils n'ont pas régressé depuis 1989.

Là aussi, on va peut-être avoir une petite divergence de chiffres, mais, moi, les chiffres que j'ai ici, c'est que les revenus d'assistance sociale, de 1989 à 1996, au Québec, pour monoparentale avec un enfant, ont augmenté de 14 %. Pour un couple ayant deux enfants, ont augmenté de 2 % alors que la plupart des provinces diminuent, y compris la riche Ontario qui a baissé de 9 %. L'Ontario de Mike Harris a baissé de 9 %, on a monté de 2 %. Personne seule inapte au travail, on a monté de 10 %; l'Ontario de Mike Harris, beaucoup plus riche que nous, a monté de 6 %. Personne seule apte au travail, Québec a monté de 44 % et pratiquement toutes les provinces ont baissé; l'Ontario de Mike Harris a baissé de 12 %.

(15 h 40)

Alors, encore une fois, là, j'ai de l'admiration pour votre travail, vous nous rendez service en venant ici, on va analyser toutes les suggestions que vous nous faites, mais, si on veut baisser les impôts – et nous, on veut les baisser d'à peu près 1 500 000 000 $, comme vous le savez, c'est notre engagement; eux, en face, ils veulent baisser ça de 3 000 000 000 $, alors vous êtes en face de gens qui, de toute façon, veulent baisser les impôts. Si on le fait, c'est parce que la classe moyenne, qui est la plus lourdement taxée d'Amérique, commence à être essoufflée un peu. Ce n'est parce qu'ils manquent de générosité, ils paient leurs impôts et taxes; ils trouvent qu'ils en paient trop. Alors, la solution, vous savez, c'est dans l'emploi puis c'est dans la prospérité.

Et, pour l'emploi, bien, vous savez que quand on s'est rencontré pour la première fois, M. Saillant, le taux de chômage au Québec était à 14 %; aujourd'hui, il est à 9 %. Il est encore trop haut, mais on l'a baissé de 5 %. Quand on s'est rencontré pour la première fois, M. Saillant, le nombre des assistés sociaux, il était à peu près de 80 000 plus élevé qu'il ne l'est aujourd'hui. Alors, on est loin de la perfection, on attend vos suggestions, mais on veut vous signaler qu'on fait notre possible.

M. Saillant (François): Si je peux répondre. Bien, d'abord, c'est vrai qu'on vous avait félicité pour la remise sur pied d'un programme de logement social au Québec. Le Québec est la seule province, avec la Colombie-Britannique, à avoir un programme de logement social. On aurait aimé vous féliciter pour l'ensemble de votre oeuvre, mais ce n'est malheureusement pas le cas. Parce que dans le même budget, il y avait des choses qui étaient pas mal moins intéressantes. On vous avait félicité là-dessus.

Sur les chiffres de pauvreté, on ne veut pas faire de guerre de chiffres. On pense, d'abord, que la pauvreté, c'est un phénomène humain. C'est des humains qui vivent la pauvreté. Il faut dire que les seuils de pauvreté, comme société, on ne s'est jamais entendu là-dessus. Et d'ailleurs, l'ONU, à tout bout de champ, nous en fait le blâme en disant: Bien, y a-tu moyen que le Canada ait, à un moment donné, un seuil de pauvreté pour qu'on puisse mesurer? Pour moi, ce seuil-là qu'on utilise, qui est le seuil effectivement de faibles revenus, vaut bien d'autres seuils. Et on ne nous a pas démontré en quoi les autres seuils sont plus valables pour moi. Mais, au-delà de ça, je pense qu'il y a des faits qui sont là. Et quand on prend les données du recensement et qu'on regarde la situation du logement, là on ne peut pas nous dire que c'est des chiffres qu'on joue en l'air.

Quand on dit que le nombre de ménages locataires qui paient plus de la moitié de leurs revenus en loyer a augmenté de 41 %, c'est un fait. C'est un fait. Quand on dit que les ménages locataires ont 1 000 $ de moins de revenus en moyenne, on ne l'invente pas, c'est un fait que démontre le recensement. Donc, quand on parle qu'il y a un appauvrissement, je pense que ce n'est pas quelque chose qu'on exagère, c'est quelque chose qui s'appuie sur des chiffres du recensement. Donc, là-dessus, on ne peut pas discuter beaucoup. C'est-u différent, c'est-u parce que les seuils tiennent compte de revenus, de coûts de loyer trop élevés qui sont ceux en Ontario? Ce n'est pas le cas, là. On prend les vrais revenus des gens, les vrais loyers que les gens paient et on se rend compte que la situation s'est aggravée.

Sur la question de l'aide sociale, là où, nous autres, on pense qu'il faut calculer, c'est depuis qu'on a adopté le déficit zéro ou dans les mois qui ont précédé l'adoption du déficit zéro comme objectif. Qu'on se souvienne de la loi n° 115, présentée en décembre 1995, qui coupait, entre autres, des prestations auparavant aux gens qu'on considérait disponibles au travail, qui s'inscrivaient sur des mesures d'employabilité. On leur a enlevé 50 $. On a coupé dans les allocations-logement pour les familles assistées sociales, de l'argent qu'on n'a pas redonné au complet depuis ce temps-là. On a coupé des sommes qui allaient de 30 $ à 70 $. Ensuite, on a coupé dans les crédits d'impôt foncier pour les gens sur l'aide sociale.

Au total, c'est ce qui nous amène à dire: Il y a des gens, des familles qui ont perdu entre 120 $ et 150 $ par mois. Quand votre prestation est de 700 $ à 800 $, là, ce n'est pas rien perdre 120 $ ou 150 $. Donc, là-dessus, pour nous autres, dans les dernières années, malheureusement, il y a eu un coût pour les personnes assistées sociales. Donc, on ne peut pas partager le fait qu'au Québec on a fait mieux. On a peut-être fait mieux que l'Ontario, mais maudit que ce n'est pas un modèle!

M. Landry: Non, mais je vais vous dire, M. Saillant, pourquoi j'insiste pour qu'on essaie de s'entendre sur les chiffres. Il faudra qu'on se revoie. C'est parce que notre société, elle est généreuse. Fiscalement, les plus démunis sont ceux qui paient le moins d'impôts au Canada et en Amérique. En plus, nos transferts sociaux sont très élevés. Si j'insiste pour qu'on s'entende sur les chiffres, c'est pour ne pas décourager le payeur de taxes, l'honnête travailleur ou travailleuse de Contrecoeur ou de Varennes. Il paie des impôts et des taxes puis il est fier de le faire parce que ça sert à combattre la pauvreté. Mais si, avec des faux chiffres, on lui dit que la pauvreté augmente, bien là, il déchire sa chemise, tu sais! Voyez-vous pourquoi il faut trouver des bons chiffres? Parce que, autrement, c'est trop décourageant. Il va dire: Ça ne me sert à rien de payer des impôts, il y a de plus en plus de pauvres! Ou: Que le diable l'emporte, je vais essayer de travailler au noir, je vais faire quelque chose. Vous voyez mon point, ce n'est pas pour vous blâmer de quoi que ce soit.

M. Saillant (François): Au moins, qu'on ait des seuils sur lesquels on s'entend et qu'on mesure les progrès ou les reculs qu'on fait comme société, je suis tout à fait d'accord avec ça. Ce que je n'accepterai pas et ce que, je pense, bien du monde n'accepterait pas, c'est qu'on se serve du jeu des seuils pour nier le problème de pauvreté, pour dire: Ça n'existe pas.

M. Landry: Ah, non.

M. Saillant (François): Ou encore, pour nier la progression du phénomène de la pauvreté.

M. Landry: Non. Qu'il n'y ait pas d'équivoque entre nous, je pense que personne autour de cette table ne nie le problème de la pauvreté, ni son ampleur ni la tragédie personnelle qu'il représente pour ceux et celles qui en sont frappés. La question n'est pas là. Mais on veut organiser la bataille contre la pauvreté. On a un Fonds de lutte à la pauvreté, on a une fiscalité généreuse, de bons transferts sociaux puis on voudrait savoir si on est en train de gagner un peu. Et les contribuables qui paient voudraient savoir s'ils paient pour rien ou s'ils paient pour quelque chose.

Mme Corriveau (Marie-Josée): Bien, au nom des gens qui n'arrivent pas à payer leur loyer à tous les mois, qui n'arrivent pas à payer leur chauffage à tous les mois, qui n'arrivent pas à manger, à faire manger leurs enfants tous les jours du mois, non, on ne progresse pas, on recule. Et la situation est de plus en plus dramatique.

Il n'y a pas beaucoup de gens de Pointe Saint-Charles cet après-midi dans la salle malheureusement, je vais vous dire pourquoi, il y a de la distribution alimentaire dans le quartier. Les gens ont choisi de rester à Pointe Saint-Charles pour être sûrs d'avoir un panier d'épicerie à la mission du Bon Berger plutôt que de venir ici, malheureusement. Et ça, c'est un phénomène... Ce n'est pas un phénomène, c'est une réalité qui prend de plus en plus d'ampleur. Les gens, si vous les interrogez, vont vous dire qu'ils ne sont pas en état de bien élever leurs enfants, ils sont en état de survie. Alors, non, on ne progresse pas, malheureusement, M. Landry. Ça régresse.

Et les preuves que le gouvernement doit donner pour dire que ça progresse, c'est qu'il y a un plan de match. Il ne les a pas faites. Et s'il s'enlève des moyens en réduisant les impôts, alors le signal sera malheureusement clair, c'est qu'il abandonne la lutte. Si ce n'est pas le cas...

M. Landry: Bien, je vais vous poser une sous-question.

Mme Corriveau (Marie-Josée): ...il ne faut pas perdre des armes.

M. Landry: Je vais vous poser une sous-question plus claire. Est-ce que c'est une bonne nouvelle qu'il y ait 80 000 personnes de moins à l'aide sociale au Québec? Est-ce que c'est une bonne nouvelle que le chômage soit passé de 14 % à 9 %? Est-ce que c'est une bonne nouvelle que votre gouvernement, au lieu de sabrer dans les programmes sociaux comme la plupart des provinces du Canada, les a augmentés depuis 1989? C'est simplement ça que je veux vous faire dire, je ne veux pas vous faire dire qu'on est au paradis puis qu'il n'y a pas de souffrance puis qu'il n'y a pas de détresse.

M. Saillant (François): C'est une bonne nouvelle effectivement que le nombre de personnes, entre autres, sur l'aide sociale ait diminué, sauf qu'il faut se souvenir que ce recul-là se produit dans une période à l'heure actuelle de croissance économique.

M. Landry: Oui.

M. Saillant (François): Et on sait fort bien qu'il y a une situation beaucoup moins drôle qui va venir éventuellement, dans deux ans, dans cinq ans, dans 10 ans. Je ne suis pas prophète, je ne le sais pas. Et c'est ce que je sais, c'est qu'à chaque fois que ça arrive, à ce moment-là le nombre de personnes assistées sociales augmente plus que le dernier... Le 800 000 personnes qu'on a eu, le prochain coup, il va être à 900 000. Et ça, ça arrive, c'est cyclique. Et cette augmentation-là, de plus en plus, elle est grave.

M. Landry: Oui.

M. Saillant (François): Donc, dans ce sens-là, on se réjouit de la baisse conjoncturelle à l'heure actuelle, mais on pense que le jour où le pendule va jouer de l'autre bord, où on va se retrouver en situation de récession économique, à ce moment-là le problème va être plus grave encore. Quand on dit que la quantité de nourriture distribuée par les Moisson – Moisson Québec, Moisson Montréal, tout ça – a augmenté de 600 % depuis 1989, moi, je ne considère pas que c'est une bonne nouvelle. Que le monde n'ait pas assez d'argent pour se payer leur propre nourriture, je ne considère pas que c'est une fierté comme société. Les guignolées, au mois de décembre, ça ne me réjouit pas du tout. Je ne trouve pas qu'il y a de quoi être fier. On peut y trouver un signe de solidarité. Mais je trouve, pour moi, que le plus beau signe de solidarité qu'on peut avoir, c'est qu'une société se donne les moyens de lutter contre la pauvreté. Et ça, malheureusement, à l'heure actuelle, ce n'est pas ce qu'on constate.

Le Fonds de lutte à la pauvreté, ce n'est pas un Fonds de lutte à la pauvreté, il y a un fonds là pour créer des emplois provisoires d'un an mais ce n'est pas un fonds véritablement pour s'attaquer en profondeur au phénomène de la pauvreté. Il va falloir faire plus que ça. Il va falloir se donner des moyens plus structurels que ça pour lutter contre la pauvreté.

M. Landry: Sans minimiser, loin de là, les efforts de charité, la solidarité – les gens qui font de la guignolée ont tous mon admiration, etc. – je suis d'accord avec vous que la vraie solidarité d'une société, c'est l'impôt qui l'établit. Et c'est pour ça que notre impôt est le plus social-démocrate d'Amérique, puis on est fier de ça. Mais, encore une fois, il faut penser à ceux qui en paient des impôts et qui, là, sont un peu essoufflés.

M. Saillant (François): Mais est-ce qu'ils vont être gagnants avec la réduction que vous proposez? Est-ce que vraiment les gens vont être gagnants? Le petit travailleur, le travailleur à revenus modestes ou moyens, est-ce qu'il va être vraiment gagnant avec une réduction des impôts, si ça veut dire en même temps qu'il va devoir payer un petit peu plus pour la santé, qu'il va devoir payer pour l'utilisation de différents services publics, ou encore qu'il ait des services de moins bonne qualité, ou encore qu'il paie plus de taxes foncières parce qu'on va s'être délesté de responsabilités sur le dos des villes? Est-ce que vraiment vous êtes capable de nous faire la preuve que les gens à revenus modestes et moyens vont vraiment gagner avec ça? Nous autres, on est sûrs que les pauvres vont perdre, mais on est loin d'être convaincus que les gens à revenus modestes ou moyens vont gagner. Ceux qui vont gagner, c'est les gens à plus hauts revenus.

(15 h 50)

M. Landry: Si un travailleur de la sidérurgie paie moins d'impôts, en quoi est-ce que ça fait perdre quelque chose aux pauvres?

M. Saillant (François): Bien, moi, quand le gouvernement décide qu'il se prive d'un revenu de 1 300 000 000 $, ce qui est l'objectif du gouvernement, et qu'il n'a pas une cenne là-dedans qui va profiter aux gens qui sont pauvres, je dis: Oui, ça les prive.

M. Landry: Attention, il y a la croissance économique.

M. Saillant (François): Si on avait une autre dépense de 1 300 000 000 $ qui ne profite pas à une partie de la population, on crierait au meurtre, il me semble.

M. Landry: Il y a la croissance économique, M. Saillant. On peut très bien baisser les impôts de la classe moyenne et maintenir les transferts vers les plus démunis parce qu'il y a une croissance économique. Peut-être de 2 %, peut-être de 3 %. Et que j'ai aimé vous entendre dire que ça peut arrêter aussi, un jour, ça. C'est ce qui justifie une certaine prudence de notre part parce qu'il y a les cycles de l'économie. Puis vous vous souvenez du dernier mauvais qu'on a eu, hein? Ce n'était pas beau à voir. Alors, il faut être prudent puis il faut voir l'avenir aussi.

Mme Corriveau (Marie-Josée): La croissance économique n'a pas permis, à ce jour, au cours de la dernière décennie – prenons plus récemment – d'améliorer les conditions de vie des ménages les plus mal pris; leurs conditions de vie se sont détériorées. Alors, comment on devrait vous croire, à ce chapitre-là?

Que le gouvernement souhaite réviser la fiscalité parce qu'il y a un sentiment d'injustice parmi les contribuables, ça, on est capable de le concevoir. Effectivement, il y a quelque chose de profondément scandaleux quand on constate que les gens les plus mal pris n'ont pas arrêté de s'appauvrir au nom des luttes au déficit, que, par ailleurs, le fardeau fiscal des contribuables de la classe moyenne est resté semblable mais que, par ailleurs, il y a des grandes entreprises, des contribuables à hauts revenus qui, eux, continuent à ne pas payer leurs impôts, à reporter leurs impôts et à avoir accès à des abris fiscaux auxquels les ménages les moins fortunés ont accès. Et l'exemple qu'on donnait dans notre mémoire, c'est sur les REER, par exemple. Les ménages les moins bien nantis sont ceux qui contribuent le moins aux REER et ceux qui en profitent le moins, en bout de ligne.

M. Landry: D'abord, encore une fois, il ne faut pas être trop pessimiste, là. Quand on était à 14 % de chômage, comparé à 9 % aujourd'hui, il y avait beaucoup de souffrance, entre 9 % et 14 %, parce qu'une des plus grandes souffrances, c'est de ne pas travailler, ne pas être capable de gagner sa vie. Alors, là, la conjoncture économique nous a fait faire un progrès considérable.

Et vous parlez des dépenses fiscales. On a publié – j'espère que vous l'avez eu – un cahier complet pour les fameuses déductions, puis il a été bien analysé par M. Claude Picher, le jeudi 21 octobre, dans La Presse . Il a démontré que ces fameux crédits d'impôt, ces fameuses dépenses fiscales profitaient surtout aux plus démunis. Vous verrez l'article à un moment donné, si vous ne l'avez pas déjà vu.

Les autres dépenses importantes fiscales, là, 500 000 000 $ ou plus, concernent le crédit d'impôt pour TVQ – bénéficiaires: les démunis. Le transfert entre conjoints de crédits non utilisables – bénéficiaires: tous les contribuables, mais plus vos revenus montent, moins c'est avantageux. Non-imposition des cotisations à l'assurance-emploi et au Régime des rentes – bénéficiaires: tous les travailleurs. Non-imposition de la TVQ sur les produits alimentaires – bénéficiaires: tous les consommateurs, mais là aussi la mesure profite davantage aux ménages à faibles revenus.

Alors, c'est faux que les crédits d'impôt, c'est pour aller engraisser les grosses compagnies. Le gros bloc de crédits d'impôt pour les compagnies, c'est la recherche et le développement, et c'est ça qui a permis au chômage de baisser puis au nombre d'assistés sociaux de baisser.

M. Saillant (François): Si vous permettez, juste là-dessus, les REER, qui c'est qui met 13 500 $ dans un REER? En tout cas, dans le monde qu'il y a en arrière, je n'en connais pas.

M. Landry: Non.

M. Saillant (François): Il faut que tu aies des bons revenus pour faire ça.

M. Landry: Mais dans le monde qu'il y a ici, tout le monde!

M. Saillant (François): Les gains de capital, le fait qu'ils ne soient pas imposés à 100 % – ce n'est pas 100 % des gains de capital qui sont imposés mais 75 % – ça ne profite pas non plus aux gens qu'il y a dans la salle. Les gens qui ont des gains de capital, dans une proportion de 65 %, c'est des gens qui ont des revenus supérieurs à 100 000 $ par année.

Les exemptions fiscales totales de 500 000 $ à vie sur gains de capital pour les petites entreprises ou les entreprises agricoles, encore là, sur 590 000 000 $, il y en a 492 000 000 $ qui profitent à des contribuables qui ont des revenus supérieurs à 100 000 $.

Tout ça. On ne dit pas que l'ensemble des déductions fiscales sont honteuses, mais il y a quand même des privilèges, là-dedans, dont ne profite pas le contribuable ordinaire. Les reports d'impôts. Moi, une compagnie comme BCE ou comme Alcan qui reporte ses impôts pendant des années, là, je ne trouve pas qu'il y a matière à réjouissance. Je pense que c'est un privilège dont profite une poignée de privilégiés.

Donc, pour moi, il y a moyen, quand on dit – c'est ce que Gary disait tout à l'heure – que pour nous autres il y a encore lieu de réviser la fiscalité. On pense que la commission sur la fiscalité, en 1996, a un petit peu manqué le bateau, est passée à côté d'un certain nombre de choses, à notre avis, et il y a encore lieu de réviser la fiscalité pour que des gens qui échappent à l'heure actuelle à l'impôt au moins arrêtent d'y échapper, qu'au moins ceux qui ont le plus d'argent mettent leur juste part, parce que le travailleur à petits revenus, il la met, sa part.

M. Landry: Pourtant, la commission de 1996 à laquelle vous faites allusion, on l'avait choisie soigneusement pour qu'elle représente tout l'éventail social. Alors, les travailleurs étaient là, les plus démunis étaient représentés, et ils nous ont fait, sous la direction de M. Alban D'Amours – qui est venu aussi témoigner, il était assis où vous êtes là – un rapport unanime. Alors, tout le monde ne peut pas se tromper quand même, et tout ça allait dans le sens de baisse de l'impôt des personnes physiques et des ménages. Ce 1 %, là, 100 000 $ et plus, c'est 1 % de notre société seulement, vous savez.

M. Saillant (François): Oui, mais qui profite largement de la fiscalité.

M. Landry: Il n'y a que 1 % de la société québécoise qui gagne 100 000 $ et plus.

M. Saillant (François): Qui profite largement des ces exemptions-là.

M. Landry: Oui.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, le temps est venu de permettre...

M. Landry: On voit dans la salle des gens qui vont dire très largement le contraire, lorsque vous avez dit: C'est ça le contrepoids social.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je m'excuse, peut-être que l'opposition vous posera une question, c'est maintenant leur tour dans la répartition équitable du temps. Alors, Mme la députée de Beauce-Sud.

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Bonjour à vous tous. Je pense qu'il y a un principe qui dit que notre régime fiscal doit reposer sur des principes d'équité de la répartition de la richesse, je pense que vous êtes d'accord avec ça. Toutefois, vous dites être contre toute réduction d'impôts et pour une hausse des dépenses publiques. On rencontre, vous savez, de plus en plus de pauvreté non seulement chez les familles à faibles revenus, mais on est rendu à en voir aussi chez les familles à revenus moyens. Et pourquoi, ça? C'est simplement parce que c'est dû au taux implicite d'imposition qui fait qu'une personne qui a des revenus moyens subit une augmentation de son taux d'imposition mais aussi une régressivité des transferts sociaux.

Et je fais référence ici à un document, qui nous a été remis par le ministère des Finances au début de la commission des finances publiques, pour vous démontrer qu'une personne qui gagne 5 000 $ de revenus reçoit en aide de l'État 4 099 $, combiné fédéral-provincial, pour un taux d'imposition nul et un revenu disponible de 9 099 $. Vous prenez, à côté de ça, une personne de moins de 65 ans qui a 10 000 $ de revenus. Alors, à ce moment-là, les transferts sociaux diminuent radicalement, ce qui fait qu'elle se ramasse, en bout de ligne, non pas avec 10 000 $ de revenus, mais avec 9 812 $ de revenus. Et la différence de ce 5 000 $, nette, dans les poches du contribuable, égale 713 $. Alors, ça, je pense que c'est dramatique.

On ne peut pas dire qu'on va régler tous les problèmes de la société seulement en réinvestissant dans les programmes sociaux. Mais vous avez raison de dire que, oui, il faut quand même investir dans les programmes sociaux parce qu'on ne réglera pas tout. Et ça, c'est facile à comprendre quand on voit qu'en 1982 27,9 % de la population ne payaient pas d'impôts, alors qu'en 1996 c'est 39,2 % qui ne paient pas d'impôts. Et malgré qu'il y ait plus de gens qui ne paient pas d'impôts, la pauvreté est grandissante au Québec. Alors, on s'entend tous là-dessus.

Alors, quand on regarde tout ça, on voit que, pour être capable de ramener le déficit à zéro, on a dû être mis à contribution. Pas seulement les personnes à faibles revenus ou ceux ne payant pas d'impôts, mais tout le monde. On parle que pour ramener le déficit à zéro on a dû percevoir près de 15 000 000 000 $ de plus auprès des contribuables, pendant qu'on a comprimé les dépenses de 4 000 000 000 $. Ça veut dire finalement 19 000 000 000 $ de compressions, d'effort fiscal qui a été fait. Ce sont principalement les nouvelles taxes et les nouveaux impôts qui ont servi à financer cette opération-là.

(16 heures)

Depuis 1995, on parle d'une augmentation de la taxation de 1 400 000 000 $ chez la population qui paie de l'impôt, et je vous rappelle qu'il y a seulement 60 % de la population qui paie de l'impôt – 40 % n'en paie pas – ce qui équivaut à environ 800 $ par personne. Dans ce contexte-là, pourquoi ne reconnaissez-vous pas que les familles ont besoin aussi d'un répit fiscal mais pas seulement de transferts sociaux?

M. Saillant (François): Oui. C'est d'ailleurs une chose qu'on a dite. On ne l'a peut-être pas dit assez clairement. C'est sûr que, pour nous autres, la réforme de la fiscalité qu'on aurait souhaitée, suite à la commission, il faut la faire, entre autres, pour atteindre une plus grande progressivité, pour atteindre une plus grande équité et pour faire un certain rééquilibrage. Ça, pour moi, cet exercice-là, on ne dit pas non à ça, au FRAPRU. Et je pense que le Projet Genèse, qui défend le mémoire, ne dit pas non à un rééquilibrage des impôts. Bien au contraire, il faut le faire.

Mais pourquoi, pour faire ça, on va priver l'État de moyens indispensables, à l'heure actuelle, pour restaurer les programmes, restaurer les services publics et lutter contre la pauvreté? Parce que c'est ça, pour nous autres, la conséquence qu'il y a, à l'heure actuelle. Si on enlève 1 300 000 000 $ de capacité d'intervention du gouvernement, à notre avis, on va se priver de moyens pour intervenir dans ces secteurs-là. Et la classe moyenne, quand on lui pose la question: Est-ce que vous préférez une réduction des impôts ou un réinvestissement dans la santé et dans l'éducation? sa réponse ne va pas automatiquement du côté de la réduction des impôts, bien au contraire. Donc, pour nous autres, il faut absolument, à l'heure actuelle, étudier la question de la diminution des impôts en ayant en tête: Est-ce que, par ce biais-là, on peut réinvestir dans les programmes sociaux? Est-ce que, par ce biais-là, on peut lutter contre la pauvreté?

Ce matin, je lisais M. Claude Ryan – c'est rare qu'on va se permettre de citer Claude Ryan, mais je vais me permettre – qui a parlé hier en disant: «Les projets de loi – et je pense qu'il dirait la même chose de discussions comme celle qu'on a aujourd'hui – déposés devant les Parlements devraient être examinés sous l'angle de leurs implications sociales, en particulier sous l'angle de leur impact possible sur l'aggravation ou la diminution de la pauvreté.» Selon moi, c'est comme ça aussi qu'on doit juger de l'opportunité ou non de diminuer les impôts. Est-ce que ça va aider à diminuer ou à augmenter la pauvreté? Notre réponse, à l'heure actuelle, c'est que ça n'aidera pas à la diminuer. Bien au contraire, ça va aider à l'augmenter.

Mme Leblanc: Vous savez, la réduction d'impôts de 1 300 000 000 $, comme quoi ça va affecter les ressources dans les programmes sociaux, c'est très théorique. Parce que le 1 300 000 000 $, finalement, il va rapporter à l'État en création d'emplois, en taxe de vente du Québec qui va rapporter. Alors, on ne peut pas dire que ça va être une ponction nette de 1 300 000 000 $ dans les programmes. D'autant plus qu'il faut savoir aussi que le gouvernement a aussi sur sa planche de travail un transfert de responsabilités aux municipalités qui va être de l'ordre d'à peu près 350 000 000 $ par année. Alors, si on fait le calcul, fois quatre, ça équivaut finalement à cette réduction d'impôts de 1 300 000 000 $.

Et, je ne sais pas si vous vous souvenez, mais l'année dernière, le budget 1998-1999, on ne s'attendait pas à avoir un déficit zéro et, surprise, on a généré 1 200 000 000 $ de surplus parce que les prévisions de croissance économique avaient été basées sur un pourcentage de 2,3 %. Or, on s'est ramassé à 2,9 %, c'est ce qui a libéré le 1 200 000 000 $ pour un an, pour un an seulement, alors que les économistes nous disent tous que ça ne sera pas 2,3 % cette année, ça devrait être beaucoup plus, et on parle plus de l'ordre de 3,2 % cette année. Alors, je ne veux pas extrapoler, mais le 1 200 000 000 $, il est dépassé depuis longtemps en recettes qu'on pourrait obtenir. Alors, je pense qu'on est rendu à l'heure, au Québec, où on peut se permettre de penser à une réduction des impôts en même temps qu'à un réinvestissement dans les programmes sociaux. Et c'est ce que, nous, au Parti libéral du Québec, on préconise. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Saillant (François): Oui. Je pense que le président de la commission politique du Parti libéral vous disait le message. Et, moi, je l'ai compris, ce message-là, pas tout à fait de la même façon qu'il voulait le dire, mais en disant: À un moment donné, le Parti libéral va devoir faire son nid. Est-ce qu'il favorise la réduction des impôts ou s'il favorise les programmes sociaux? Moi, je pense que ce n'est pas possible, faire les deux. Tant mieux, si on peut faire les deux. Mais je pense que la preuve est à faire qu'on peut faire les deux. Et, selon moi, cette preuve-là n'est pas faite.

Je regarde juste... Il y a une petite mesure qui venait pénaliser les gens parmi les plus pauvres de la société, qui était les coupures à l'allocation-logement pour des personnes entre 55 et 65 ans. Ça a pris deux mois de bataille pour que le gouvernement finalement décide de restaurer cette aide-là pour les gens entre 59 et 64 ans, alors que c'était 4 200 000 $. 4 200 000 $, on est loin du 1 300 000 000 $. Pourtant, on avait l'air d'égorger le gouvernement en lui 4 200 000 $.

Ça reste à prouver, pour moi, que tu peux faire les deux. Jusqu'à preuve du contraire, je me dis, d'abord, investissons pour rétablir les programmes sociaux. On ne peut pas, d'un côté... Le Parti libéral, à mon avis, ne peut pas continuer à crier au meurtre sur l'état de la santé et en même temps dire: Ça prend une baisse des impôts. En tout cas, il va falloir qu'il prouve que c'est possible de faire les deux. Selon moi, cette preuve-là reste à faire. Et il va falloir en convaincre aussi le président de la commission politique du Parti libéral.

Mme Leblanc: Ah! Je peux vous dire qu'il y a d'éminents économistes, dont Pierre Fortin, qui, eux, croient que, finalement, en sept ans, on devrait générer une affaire comme 7 000 000 000 $ à 8 000 000 000 $ en surplus budgétaires. Alors, le 1 300 000 000 $ en réduction des impôts, ce n'est pas beaucoup par rapport à qu'est-ce qu'on pense qu'on peut générer selon la croissance actuelle et si elle est soutenue pendant quelques années. Alors, c'est la raison sur laquelle on s'appuie pour dire qu'on peut et à la fois réinvestir dans les programmes sociaux, en santé et en éducation particulièrement, et en même temps faire profiter les citoyens qui ont été étouffés finalement par le fisc depuis quelques années d'un peu de répit. Alors, on pense que c'est possible. Là-dessus, je vais passer la parole à ma collègue de La Pinière pour les questions additionnelles.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Oui, je veux bien. Je veux bien, madame.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Merci, mesdames et messieurs du FRAPRU. J'ai lu votre mémoire avec grand intérêt et écouté les témoignages qui ont été faits. Je dois vous dire que vous êtes fidèles à votre tradition de toujours arriver avec des mémoires bien documentés, des positions bien arrêtées aussi sur des enjeux de société qui sont fondamentaux. Alors, on peut être d'accord ou pas d'accord avec vote analyse, mais on doit reconnaître qu'à chaque fois que vous vous présentez vous êtes suffisamment bien préparés au niveau de votre argumentation.

Et je dois dire qu'au-delà des statistiques la réalité demeure, qui est le phénomène de la pauvreté. Quand le ministre dit: Il y a 80 000 personnes sur le bien-être social de moins, on doit s'en réjouir, oui, on doit s'en réjouir, mais il y a des nouveaux visages de la pauvreté. Et puis ce qui m'inquiète personnellement aussi, ce n'est pas seulement la pauvreté dans le sens qu'on connaît, mais c'est aussi l'appauvrissement, l'appauvrissement de gens, de jeunes familles, qui sont frappés durement par la réalité et de la fiscalité et du coût de la vie.

Vous avez très bien décrit dans votre mémoire le fardeau qui pèse sur les plus démunis, sur les citoyens aussi en général – je me permettrai d'aller au-delà – suite au déficit zéro, qui, en fait, est un déficit au niveau de l'écriture comptable, mais au niveau de la consolidation des comptes publics, le déficit est toujours là. Il est transféré à d'autres niveaux. Il est transféré aux municipalités. Il est transféré aux commissions scolaires. Il est transféré aux hôpitaux. Il est transféré aux universités et aux cégeps. Et, par conséquent, les citoyens, les contribuables sont encore en train de payer pour le déficit d'une manière ou d'une autre.

Mais vous avez très bien souligné que la santé, l'éducation et les services sociaux ont durement été éprouvés par cette opération de déficit zéro et, logiquement, vous concluez qu'il est temps que l'on réinvestisse dans ces services-là. Et votre choix est fait, vous n'hésitez pas, vous. Vous dites que la réduction des impôts, on laissera ça pour plus tard peut-être, mais que, pour le moment, il y a une priorité. La réduction de l'impôt n'est pas une priorité, pour vous.

Vous basez toute votre analyse sur le chiffre de 1 300 000 000 $. Et c'est vrai qu'une des difficultés que nous avons à traiter de cette question, c'est qu'on ne connaît pas réellement les montants en jeu, on ne connaît pas le surplus. Alors, évidemment on se base sur les hypothèses qui nous sont fournies par des économistes. Le ministre ne nous a pas donné d'indications plus précises que ça. Sachant que vous basez votre analyse sur le 1 300 000 000 $ et que vous priorisez la santé, prioritairement l'éducation, si le surplus était plus élevé, de l'ordre de ce qu'on a aussi entendu, 5 000 000 000 $ dans trois ans, est-ce que vous trouvez qu'il y a quand même une place pour l'investissement dans les services de santé et les services sociaux, mais aussi dans la réduction des impôts?

(16 h 10)

M. Saillant (François): Assurons-nous d'abord que tout le monde au Québec a un toit, a de la nourriture, a des vêtements, assurons-nous des besoins essentiels, et, après ça, on pensera à la baisse des impôts. Pour moi, à l'heure actuelle, c'est sûr qu'il faut au moins remettre les choses au niveau où elles étaient avant le déficit zéro. Je pense à la santé et à l'éducation. Mais la lutte à la pauvreté, à mon avis, elle ne se menait pas fortement.

Juste le fait qu'à l'heure actuelle les personnes assistées sociales aient des prestations si éloignées que ça des seuils de besoins qui sont reconnus par le ministère de la Solidarité sociale lui-même... On dit: Tout le monde devrait avoir 667 $ – c'est des chiffres de 1996 – pour vivre, et les prestations sont à 502 $. Juste cet écart-là, combler cet écart-là, qui pourtant est essentiel pour que tout le monde ait au moins de quoi se nourrir, se loger, se vêtir, se soigner, ça coûterait à peu près 800 000 000 $ par année, juste ça. Et, pour nous autres, c'est une nécessité, ce n'est pas quelque chose qu'on peut attendre, il y a une urgence, là. Même chose, des investissements plus consistants dans le logement, c'est une urgence, si on ne veut pas que la situation s'aggrave encore plus.

Donc, il va falloir aller plus loin qu'on allait dans les investissements dans la lutte à la pauvreté. Ça n'a jamais été quelque chose qui a été priorisé, la lutte à la pauvreté, et, à mon avis, ça devrait l'être, prioriser la lutte. Et ça demande des investissements importants. Donc, assurons-nous d'abord de ça, et ensuite on pensera aux réductions d'impôts.

Mme Corriveau (Marie-Josée): On est sceptiques, madame...

Mme Houda-Pepin: Je...

Mme Corriveau (Marie-Josée): Je m'excuse. On est sceptiques, puis il faut bien nous comprendre. Quand les gouvernements, autant à Ottawa qu'à Québec, ont commencé leur lutte au déficit, on a dit aux personnes les plus vulnérables: Ne vous inquiétez pas, ça va créer de la richesse, puis vous allez vous enrichir. On attend toujours. Non seulement cette richesse-là n'est jamais venue, mais la situation s'est détériorée. Moi, j'aurais comme le goût de renvoyer à tout le monde, ici, qui siège à l'Assemblée nationale, la question suivante: Si vous y croyez tant, aux résultats positifs de la baisse d'impôts, pourquoi, d'abord, pour nous rassurer, vous ne votez pas le retour aux prestations d'aide sociale à 675 $, c'est-à-dire en regard des besoins essentiels qui sont chiffrés par le ministère lui-même, puis ensuite on passera à la baisse d'impôts? Si vous êtes si sûrs de votre coup, pourquoi vous ne le faites pas? Je m'excuse, je ne suis pas supposée vous poser des questions, mais je vous la pose. Elle est évidente.

Mme Houda-Pepin: Très bien. Alors, je vous remercie pour votre question, parce que nous sommes ici pour vous entendre évidemment, et on aura d'autres forums à nous pour faire la synthèse de toutes les présentations qui nous ont été faites. Et vous êtes libres de poser aussi vos questions, cela va de soi. Ce n'est pas tous les députés qui vont répondre, mais on a bien entendu, ça, c'est sûr et certain.

Mais je veux revenir à cette question de pauvreté et d'appauvrissement. Et vous avez dit, en soulignant d'ailleurs un commentaire concernant le représentant du Québec aux Nations unies, qui se réjouissait de la solidarité, des manifestations de solidarité parce que les banques alimentaires étaient florissantes... C'est déplorable, en effet, que cette réalité existe, mais c'est aussi un constat qu'on peut faire. Dans mon propre comté, je la vois, cette réalité. La seule enveloppe, dans le budget, que je gère, de support à l'action bénévole, qui augmente chaque année, c'est l'enveloppe pour les paniers de Noël et pour les banques alimentaires, malheureusement, parce que les besoins sont de plus en plus criants.

Mais il n'en demeure pas moins que, pour partager la richesse, il faut la créer. Vous me voyez revenir, là, vous relancer à nouveau. Il faut la créer, la richesse. Alors, est-ce que vous êtes de façon définitive contre le fait qu'on envisage la réduction de l'impôt des particuliers ou est-ce que c'est pour vous une question d'ordre de priorité?

M. Saillant (François): Bien, créer la richesse, en autant qu'elle se répartisse, je n'ai rien contre. Créer la richesse pour engraisser du monde sans qu'il y ait de retombées sur les gens les plus pauvres, ça, je suis profondément contre. Et je n'ai aucune démonstration, à l'heure actuelle, que la richesse qu'on créerait supposément... Parce que, encore là, il y a des preuves à faire. En quoi une réduction des impôts va être si rentable économiquement que ça? Mais, mettons qu'on crée de la richesse, en quoi on va garantir plus que cette richesse-là va être répartie? Ça, il n'y a aucune démonstration de ça.

Moi, je pense, effectivement, comme Marie-Josée, assurons-nous d'abord qu'on va répartir la richesse existante. Et, par ce biais-là, tu vas en créer aussi. C'est bien de valeur, mais un investissement dans le logement social, pour prendre cet exemple-là, ce n'est pas une dépense, c'est un investissement qui est rentable. Quand tu crées des emplois, d'abord, tu améliores les conditions de logement du monde, ce n'est pas rien; deuxièmement, à chaque logement que tu crées, soit par la rénovation ou par la construction neuve, tu crées un emploi, tu achètes des produits ici, tu favorises l'économie d'ici. Ça, pour moi, c'est un investissement qui est rentable, et les preuves sont faites. En quoi le fait qu'un contribuable qui gagne déjà plus que 100 000 $ puis qui va bénéficier d'une réduction d'impôts on a quelque garantie que ce soit que ça va avoir des retombées économiques ici? Selon moi, la preuve est à faire et elle n'est pas faite encore.

Mme Houda-Pepin: Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, notre temps est écoulé. Je vais donc remercier les participants, M. Saillant...

M. Saillant (François): Si vous me permettez, juste une petite minute?

Le Président (M. Simard, Richelieu): Oui, absolument.

M. Saillant (François): Oui. Bien, tout à l'heure, on est allés au ministère des Finances, au bureau de M. Landry, poser un geste symbolique qui disait: Avec le déficit zéro, vous nous avez laissé une seule chemise et, avec la réduction des impôts, vous nous l'enlevez. On veut poser le même geste ici.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Vous savez ce que ça veut dire? Vous vous reconnaissez?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard, Richelieu): Mais n'oubliez pas de les rapporter avec vous.

Une voix: Vous l'avez déjà donné...

Des voix: Si vous baissez les impôts, on n'aura plus de chemise sur le dos! Si vous baissez les impôts, on n'aura plus de chemise sur le dos! Si vous baissez les impôts, on n'aura plus de chemise sur le dos! Si vous baissez les...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, nous suspendons pendant cinq minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 16)

(Reprise à 16 h 18)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Nous allons donc reprendre nos travaux. Alors, j'invite tout le monde à reprendre sa place. J'invite les représentants de la Chambre de commerce du Québec à venir nous retrouver. Puisque nous avons lu et étudié attentivement tous les mémoires et, donc, le vôtre, nous savons d'ores et déjà que le contenu en sera très différent du dernier organisme. Et ça m'étonnerait qu'on fasse une cueillette de chemises à la fin de votre exposé; en tout cas, elle serait sans doute intéressante.

M. Audet, bienvenue parmi nous. Vous connaissez, puisque vous fréquentez ces murs assez souvent, les règles du jeu, donc nous vous écoutons après que vous vous serez présentés.


Chambre de commerce du Québec (CCQ)

M. Houde (Jean): Merci. Alors, dans un premier temps, si vous le permettez, je vais me permettre de me présenter et de présenter mes collègues. Je suis Jean Houde, le nouveau président du conseil d'administration de la Chambre de commerce du Québec et, à temps partiel, banquier à la Banque nationale. Alors, également, mes collègues, trois économistes, qui sont avec moi: le président de la Chambre, Michel Audet, qui est connu dans cette enceinte...

Le Président (M. Simard, Richelieu): ...

M. Houde (Jean): Exactement, exactement. M. Martin Comeau, qui est économiste à la Chambre, et Maurice Turgeon, qui est connu aussi de plusieurs d'entre vous, qui est à ma droite, qui est conseiller économique à la Chambre.

(16 h 20)

Alors, comme vous l'avez dit d'entrée de jeu, vous avez pris connaissance du mémoire, les membres ont pris connaissance du mémoire. Je voudrais d'abord remercier le ministre des Finances et les membres de la commission de nous avoir invités à présenter notre point de vue. Et je voudrais saluer les efforts que le gouvernement du Québec a faits au cours des dernières années pour assainir les finances publiques.

Pour ce qui me concerne, ça fait maintenant cinq ans que je siège au conseil d'administration, au comité de direction et, finalement, devenu président du conseil de la Chambre. Et nous avons martelé de façon presque obsessive la nécessité de réduire le déficit à zéro. Et on a atteint ce niveau-là. Et je pense que, quand on regarde ce qu'on a devant nous, vous l'avez vu dans notre mémoire, l'obsession qui succède à la première, c'est celle d'avoir une fiscalité plus compétitive.

Je veux rappeler aux membres de la commission que la Chambre de commerce peut se targuer d'une représentation qui est peu commune dans le milieu des affaires. La Chambre existe depuis 90 ans. Elle regroupe 205 chambres locales, compte au-delà de 50 000 membres, et 4 000 entreprises y adhèrent directement. Toutes les entreprises membres de la Chambre embauchent plus de 800 000 travailleurs et travailleuses au Québec. Vous avez, parmi nos membres, des gens qui représentent des secteurs d'activité de l'ensemble des régions. Et des sondages nous indiquent qu'au fond la moitié des dirigeants d'entreprises sont membres d'au moins une chambre de commerce. Nous avons donc, prétendons-nous, un caractère représentatif du milieu des affaires.

Notre position, elle est assez simple, au fond – et on reviendra sur les recommandations précises un peu plus tard. Ce que l'on souhaite, c'est que le gouvernement du Québec baisse les impôts de ceux qui en paient. On estime que, pour rendre le Québec plus compétitif, nous avons besoin d'une baisse d'impôts, non pas d'une baisse d'impôts dans trois ans, dans quatre ans mais maintenant. On pense que, le niveau de taxation, quand on regarde nos concurrents canadiens puis sans oublier ceux qui sont dans notre cour immédiate, les concurrents américains, ils ont des niveaux de taxation beaucoup plus bas que nous, et on ne peut plus, si on veut continuer à développer, si on veut continuer à créer de la richesse... Parce qu'il faut tous se rappeler que, pour distribuer, il faut créer de la richesse. Et, pour créer de la richesse, il faut avoir une fiscalité compétitive. Pour le moment, je vais limiter à cela mon intervention d'entrée de jeu et je vais passer la parole à Michel Audet.

M. Audet (Michel): M. le Président, alors, je vais faire une brève présentation, même si le mémoire est supposé avoir été lu, pour aller à l'essentiel et puis par la suite pouvoir répondre aux questions. Alors, dès le dépôt du budget 1999-2000 et au moment où on annonçait cette consultation, la Chambre de commerce du Québec s'interrogeait sur justement l'opportunité d'une consultation publique où l'on craignait que soit débattue l'opportunité de baisser les impôts. Et je me permets de dire que, quand j'assistais au débat tantôt, je me disais: C'est malheureusement... on avait peut-être un peu raison quand... Heureusement, ce n'est pas cependant le ton général. Et j'ai lu les déclarations, à date, et je pense qu'il semble y avoir une unanimité sur le thème. Mais c'était notre crainte. Ayant moi-même participé à la commission de la fiscalité, ce débat-là avait été fait, et, donc, je croyais qu'il fallait justement immédiatement débattre du niveau de la baisse d'impôts, donc de la compétitivité du régime fiscal. Et c'est de ça dont on va parler.

Nous avions donc proposé, à cet égard, en janvier dernier, que le gouvernement mette au point un plan pour aligner à tout le moins la fiscalité des particuliers du Québec sur la fiscalité moyenne des provinces canadiennes, à défaut de le faire sur la fiscalité ontarienne. C'est un thème qui est revenu assez fréquemment d'ailleurs, au cours des rencontres, au cours de la commission parlementaire. Tout en reconnaissant qu'il s'agit d'une cible mouvante et qu'il peut être compliqué de s'ajuster tous les ans, la Chambre estime qu'il est de la plus haute importance pour le gouvernement de se donner de tels objectifs et de s'y tenir.

La stratégie pour atteindre le déficit zéro est un modèle à cet égard, et il ne faut pas hésiter à la transposer au cas de la fiscalité des particuliers. Ça nous a d'ailleurs servi d'inspiration. Donc, le milieu des affaires attend à cet égard un message clair de la part du gouvernement du Québec. Lors de la dernière conférence des premiers ministres, le premier ministre du Québec avait mis en évidence que l'enjeu fondamental de la réduction d'impôts, dont il se faisait le champion, était: Plus d'emplois, plus d'investissements, plus de richesse et une plus grande capacité de répondre aux besoins de la population. La Chambre n'a pas hésité à appuyer fermement cette position du gouvernement et a demandé au gouvernement fédéral de diminuer ses impôts.

Ce que nous disons aujourd'hui, c'est que, s'il veut accélérer substantiellement l'emploi, l'investissement et la croissance économique, le gouvernement du Québec doit s'engager lui-même bien au-delà de la réduction annoncée d'ici la fin de son mandat, même en prenant pour acquis que le gouvernement fédéral se rendra aux arguments des provinces et baissera aussi ses impôts. Il est important de reconnaître qu'une réduction d'impôts peut aider à stimuler l'économie et à créer des emplois.

Qu'en est-il du fardeau fiscal? Évidemment, il y a eu beaucoup de chiffres qui ont été cités là-dessus, je vais juste aller à l'essentiel. Donc, l'écart, c'est connu, du fardeau fiscal... Et je dois souligner là-dessus la qualité des documents qui ont été rendus publics par le ministère des Finances encore récemment. Je pense que c'est très éclairant pour, justement, ce débat. Donc, on y dit clairement que l'écart par rapport à la moyenne canadienne de la fiscalité est de 5,6 % du PIB, soit quelque chose comme 1 300 $ par habitant. Pour les provinces canadiennes sans le Québec, l'écart serait encore plus élevé, donc de 6,8 % ou 12 000 000 000 $, et aussi 1 600 $ par habitant. Au seul titre de l'impôt sur le revenu des particuliers, l'écart du fardeau fiscal par rapport à la moyenne canadienne était, en 1996, de 1,8 % du PIB, soit 3 200 000 000 $.

C'est un peu ce qui nous a guidé dans notre proposition, M. le Président. C'est que nous demandons au gouvernement de procéder à une baisse d'impôts de 20 %, qui pourrait être démarrée par un 5 % dès janvier de l'an 2000, pour atteindre, sur une période de trois ou quatre ans – parce que nous sommes conscients que nous couvrons une partie de l'année fiscale actuelle – donc, le chiffre d'environ 3 200 000 000 $, qui est l'écart qu'on a actuellement avec la moyenne canadienne.

Autre élément qui nous préoccupe beaucoup, c'est le niveau. Mais bien sûr également la moitié du fardeau fiscal s'abat sur 10 % des contribuables. En effet, comme l'illustrent des tableaux qui sont aussi déposés par le ministère des Finances, les contribuables ayant un revenu supérieur à 50 000 $ doivent payer 48,5 % des impôts alors qu'ils ne reçoivent que 32 % des revenus. Donc, en définitive, au fond, 10 % des contribuables paient près de la moitié des impôts du Québec. Je pense que c'est un chiffre qu'il faut quand même tenir toujours en mémoire.

C'est un des systèmes les plus progressifs au monde, à n'en pas douter. Cette forte progressivité de notre système fiscal s'explique aussi par des taux marginaux plus élevés qu'ailleurs au Canada. À ce titre, on constate justement que l'écart entre le Québec et l'Ontario ne cesse de croître depuis au moins cinq ans, puisque l'Ontario, en baissant ses impôts, a baissé également ses taux maximums.

Alors qu'en 1995 les contribuables québécois jouissaient même d'un léger avantage de 0,3 %, l'an prochain, le taux marginal d'imposition le plus élevé sera supérieur de 3,8 %, soit 51,7 % versus 47,9 %, comparativement à l'Ontario. Ajoutons que ce taux marginal évidemment commence à s'appliquer, au Québec, comme d'ailleurs dans plusieurs provinces canadiennes, à un taux de 30 %, à 63 500 $, alors qu'aux États-Unis ce taux marginal, donc, il est d'un maximum de 41 % ou de 43 %, dépendamment des États, et qu'il commence à s'appliquer à 425 000 $CAN. Donc, ce n'est pas seulement le taux marginal, mais le niveau où il commence à s'appliquer qui frappe très fort.

Donc, ces informations démontrent clairement que le Québec a un déficit concurrentiel majeur avec les autres provinces canadiennes et avec les États américains, et ce, aussi bien en termes de fardeau fiscal global qu'au titre de l'impôt sur le revenu des particuliers.

Donc, lors de la conférence de presse de janvier dernier, la Chambre rendait publics les résultats d'une analyse comparative qu'on avait faite avec l'aide de bureaux de comptables, justement pour évaluer l'impôt combiné Québec et Ontario. L'écart se situait, à ce moment-là, selon le niveau des revenus, entre 15 % et 39 %. On vient de mettre à jour ce tableau-là – ce sont les mêmes données certainement que vous avez – et l'écart variera, en l'an 2000, entre 18 % et 33 % si rien n'est fait, donc selon les niveaux de revenus, encore une fois. À titre d'illustration, pour quelqu'un dans 60 000 $, l'écart sera de 29 % entre le Québec et l'Ontario. Et on parle de l'effet combiné fédéral et provincial, bien sûr.

Devant cet écart aussi considérable et grandissant en faveur de l'Ontario, la Chambre demandait en janvier dernier au ministre des Finances de se donner comme objectif de ramener les prélèvements fiscaux au moins à la moyenne canadienne. On proposait un plan de trois ou quatre ans. Cette proposition nous apparaît toujours d'actualité, et on la répète aujourd'hui.

(16 h 30)

On a lu bien sûr la proposition qui est déposée, l'hypothèse qui a été mentionnée dans le dernier discours du budget. Nous croyons, sans être critiques, que la proposition de 1 300 000 000 $ annoncée manque d'ambition. Selon nous, il faut être plus ambitieux.

Je me permets de faire une parenthèse là-dessus pour vous dire que, comme on l'a vu avec la lutte au déficit – et je pense que, là-dessus, certains collègues ne sont pas d'accord, mais d'autres certainement le seront – les gouvernements s'habituent, au fond, à dépenser l'argent qui est disponible. Et si, à l'avance, on sait que le gouvernement aura 800 000 000 $ de moins par année à dépenser, parce que, déjà, c'est déterminé que ça va aller en baisse d'impôts, je suis sûr que la gestion va se faire de façon à redistribuer à peu près ce qu'on évalue être environ le 700 000 000 $, 800 000 000 $ ou 1 000 000 000 $ additionnel qui va se dégager de la croissance normale. Bien sûr, s'il y a des catastrophes, si les situations économiques changent, toutes les choses peuvent être éventuellement revues, comme c'est normal dans toute société, mais il faut se faire un plan à croissance économique constante. Et, nous, on croit que, si déjà on détermine, comme on l'a fait pour le déficit zéro, qu'on met de côté un montant de 800 000 000 $ par année comme n'étant pas disponible pour dépenser, bien, moi, j'ai toujours cru que... pour parler de l'expérience du passé où aussi on a déjà dépensé beaucoup, j'ai déjà été dans la fonction publique et je disais souvent qu'on dépense l'argent qu'on a. Alors, si on décide que cet argent-là, on ne l'a pas parce qu'on le redonne aux contribuables, bien, on va dépenser moins. C'est ma thèse, peut-être un peu simpliste, mais je crois qu'elle est largement fondée sur les faits.

Donc, ce que nous proposons. Le gouvernement actuel, selon nous, a les moyens de faire plus et il a la crédibilité nécessaire également pour engendrer un vent d'optimisme chez les contribuables et les gens d'affaires en annonçant justement un plan ambitieux de réduction d'impôts. À l'analyse des données des derniers budgets, la Chambre estime que le ministre des Finances pourrait se permettre d'annoncer, donc dès janvier 2000, une baisse d'impôts de 5 % pour l'année financière en cours. Cette mesure coûterait 800 000 000 $ sur une base annuelle. Cette baisse de 20 % sur, encore une fois, trois ou quatre ans permettrait de rapprocher le fardeau fiscal du Québec de la moyenne canadienne et réduirait d'autant l'écart avec l'Ontario. On ne prétend pas qu'il sera rattrapé, cet écart-là, puisqu'il est maintenant de plus de 5 000 000 000 $, comme on le sait. La Chambre suggère que le 5 % annuel s'applique en réduction des taux actuels. Cette formule a plusieurs avantages. En plus de sa simplicité, de sa visibilité, elle permet à tous ceux qui ont contribué aux efforts pour le déficit zéro de profiter d'un allégement du fardeau fiscal.

À plus long terme, même si la réduction d'impôts des particuliers doit demeurer prioritaire, le gouvernement doit penser à planifier ses finances en se fixant des objectifs non seulement de revenus, bien sûr, mais en pensant également à la dette, et on en est conscient. La Chambre souhaite que le discours du budget contienne chaque année une planification triennale qui va au-delà de la simple prévision et qui, dans ses grandes lignes, engage en quelque sorte le gouvernement, et que cette planification fasse l'objet d'une consultation assez large, comme un peu du type de celle que l'on a aujourd'hui.

Si le ministre veut s'en tenir à ses scénarios, la Chambre veut être claire sur deux points. Elle s'oppose fermement à tout scénario qui impliquerait une hausse de la TVQ, soit les scénarios 3 et 5. Nous avons beaucoup de sympathie pour la réduction des taux marginaux maximums que comportent ces scénarios, mais nous croyons que le thème étant la réduction des impôts, on voit mal comment on peut annoncer une baisse des impôts et, en même temps, une hausse d'autres types d'impôts, c'est-à-dire une taxe de vente. Le Québec a déjà une taxe de vente, l'une des plus élevées, sinon la plus élevée au Canada.

Deuxièmement, la Chambre trouve intolérable que le gouvernement approuve un scénario qui ajouterait à la progressivité du régime d'impôt actuel. C'est le cas notamment du scénario 1, selon nous. Donc, on croit que le gouvernement, même dans la révision du régime... donc, c'est pour ça qu'on ne veut pas se pencher sur un scénario, puisque, selon nous, il y a des combinaisons à trouver à la fois au niveau et au type de scénario qu'il faudrait retenir, mais il faudrait un régime qui réduise donc la progressivité de notre régime fiscal. On juge en effet que, actuellement, la progressivité, elle est non concurrentielle. Et le gouvernement doit chercher à la réduire pour la ramener à des niveaux plus comparables à l'Ontario. Je pense que l'on pourrait s'appuyer d'ailleurs sur les principes énoncés dans le document déposé par le gouvernement, sur, justement, la mobilité des facteurs de production pour dire qu'on ne peut pas supporter un écart aussi important que celui qu'on a actuellement.

Pour le mot de la fin, je vais passer la parole au président du conseil, M. Jean Houde.

M. Houde (Jean): Au fond, ce que nous souhaiterions que vous reteniez, c'est qu'on est très sympathique à la proposition faite par le ministre des Finances de réduire les impôts à compter de juillet prochain, mais on voudrait qu'il soit plus ambitieux et qu'il commence la réduction d'impôts le 1er janvier et qu'on le fasse sur les taux d'imposition actuels pour rendre ça le plus simple possible, à compter du 1er janvier 2000, et ça, pour totaliser 20 % au cours des prochaines années.

La deuxième recommandation que la Chambre souhaiterait que vous reteniez, c'est que nous souhaiterions que le ministère des Finances nous donne une idée trois ans d'avance de la planification de l'état des finances du Québec et soumette cette planification à une consultation sous forme de commission parlementaire ou autres.

Finalement, on s'oppose vivement à ce qu'une baisse d'impôts soit financée par quelque augmentation de taxe que ce soit, TVQ ou autres formes d'imposition de taxes.

Au fond, il faut tous retenir que, si on veut demeurer concurrentiel, si on veut que notre économie demeure concurrentielle, il faut alléger le fardeau de ceux qui sont des créateurs de richesse. On peut faire de longs discours en disant qu'on devrait baisser les impôts des entreprises, mais, vous le savez comme moi, dans un contexte de mobilité des personnes, il faut penser à ceux qui sont des créateurs de richesse, à ceux qui dirigent, à ceux qui investissent dans les entreprises, et c'est au niveau de l'impôt des particuliers qu'il faut intervenir. Et je pense que la cible poursuivie, elle est la bonne, mais il faut accélérer le mouvement qui est enclenché, il faut continuer à demander au ministre des Finances d'aller plus vite dans son intention de baisser les impôts si on veut créer davantage de richesse rapidement. C'est la position de la Chambre.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup. Je suis convaincu que le ministre des Finances a hâte d'entreprendre ce dialogue avec vous, ainsi que tous les membres de la commission, des deux côtés de la Chambre. Alors, je l'invite à poser la première question.

M. Landry: Oui. Moi, je voudrais qu'on aille un peu plus loin avec une divergence et une convergence. La divergence, c'est que – vous l'avez dit à plusieurs reprises – nous n'étions pas assez ambitieux et qu'il aurait fallu, disons, annoncer 3 000 000 000 $. Votre président-directeur général, qui a eu l'honneur, comme moi, d'être dans la fonction publique aux grandes années de dépenses, se souvient que ces années-là, 40 en ligne, ont conduit à un déficit.

Et la divergence que j'ai avec vous, c'est que, pour arriver au déficit zéro, nous avons plutôt pratiqué une doctrine de prudence qui consistait à faire ce que nous avions dit que nous ferions ou mieux. Donc, on est allés un peu plus vite. On a fait mieux que ce qu'on avait dit qu'on ferait. Et je trouverais imprudent d'annoncer des baisses d'impôts d'avance avec l'argent que je n'ai pas la conviction d'avoir. Si je l'ai, il n'y a pas de problème. Vous serez ravis et moi aussi, et l'ensemble de la population se réjouira de baisses d'impôts plus rapides que prévues. Mais je ne peux pas faire ça parce que je crois m'être peut-être trompé, dans le bon sens, de 1 % de croissance de PNB. 1 % de croissance de PNB, ça donne 300 000 000 $ au gouvernement du Québec, dont le gouvernement du Canada soustrait 150 000 000 $ par baisse des transferts. On est loin du compte de ce que vous me demandez. J'ai promis 400 000 000 $ de baisse pour le 1er juillet prochain et, si la conjoncture me donnait 150 000 000 $ de plus et que j'en mettais la majorité à la baisse d'impôts, on est encore loin de ce que vous souhaitez. Et, en tout respect, j'aime mieux notre doctrine prudente que celle qui nous forcerait à dire à la population: On vous a dit blanc et puis ça va être blanc moins x, y, z parce qu'on n'a pas pu tenir. Première chose qui est une divergence.

Deuxième qui est une convergence. Vous avez mentionné le gouvernement du Canada qui, selon moi, n'est plus d'ailleurs un gouvernement fédéral, mais un gouvernement central, et un gouvernement central, comme le qualifiait mon prédécesseur Gérard D. Levesque, prédateur, et il s'est comporté de façon telle plusieurs années de suite, ce qui fait que ces déprédations successives, pour cette année seulement, privent le gouvernement du Québec de 5 000 000 000 $. C'est-à-dire que, si le gouvernement central n'avait pas agi avec la brutalité qui l'a caractérisé, non seulement je pourrais vous donner satisfaction dès la première année, avec un premier 3 000 000 000 $, mais il me resterait 2 000 000 000 $ pour faire face à de nouvelles dépenses éventuelles en santé et en éducation. Pour compliquer un peu le tout, le gouvernement du Canada, après avoir agi de cette façon, se lance dans des programmes de dépenses – vous avez vu ça comme moi dans le discours du trône.

Est-ce que vous, qui faites porter votre voix haut et fort à Québec – et nous avons beaucoup d'estime et vous avez beaucoup de crédibilité auprès de nous – allez faire porter votre voix avec autant de force chez ceux qui nous ont privés des moyens dont nous avons besoin, qui ont enlevé l'argent du lieu où étaient les besoins, qui l'ont concentré dans un lieu où il n'y avait pas de besoins particuliers et qui ont créé des besoins artificiels dans nos champs de juridiction?

(16 h 40)

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. le président.

M. Houde (Jean): Sur le point de convergence, la Chambre de commerce du Canada, dont nous sommes membres, a eu comme thème principal au cours des dernières années, tout comme le nôtre, d'abord le déficit zéro, et nous avons exactement le même thème... ils ont maintenant exactement le même thème que nous, la baisse des impôts. Alors, par l'intermédiaire de la Chambre de commerce du Canada et directement aussi par les contacts que l'on a auprès du gouvernement fédéral, nous tenons exactement le même discours que nous tenons aujourd'hui ici: nous voulons que le gouvernement fédéral baisse les impôts et plus rapidement que ce qu'il prévoit. Sur le point de convergence, je pense qu'on s'entend rapidement et nous faisons porter nos efforts exactement là où nous pensons qu'ils porteront.

Maintenant, les ministres des Finances ont en commun d'être des personnes prudentes, parce que votre discours sur le point de divergence, on entend le même de la part de M. Martin qui, dit-il, veut être aussi prudent. Alors, sur le point de divergence, mon objectif aujourd'hui, c'est d'essayer de vous convaincre, pas essayer d'avoir un consensus pour dire: La prudence est une vertu qui va nous aider, qui nous a guidés dans le passé et peut nous guider au cours des prochaines années. Je pense qu'on veut tous être prudents. Mais, comme l'a mentionné Michel Audet tout à l'heure, je suis convaincu, pour avoir été aussi fonctionnaire pendant un certain nombre d'années, qu'on dépense l'argent que l'on a et, si on décide que collectivement on a moins d'argent parce qu'on redistribue en baisse d'impôts cet argent-là, on va être capable de le faire.

Le débat que l'on a, au fond, il est plus sur la rapidité avec laquelle on doit baisser les impôts. C'est ce que je comprends. Donc, on a dans le point de divergence un élément de convergence: on est tous d'accord pour baisser les impôts. Nous, ce qu'on dit, c'est que c'est long, la période envisagée au rythme où vous l'envisagez. Si on veut que ça ait un impact... Quand on regarde ce qui se passe au Canada actuellement, et j'ai été particulièrement heureux de constater – je pense que c'était hier ou avant-hier, au Téléjournal – que vous étiez en discussion avec le ministre des Finances de l'Alberta et le ministre des Finances de l'Ontario pour essayer de tirer dans le même sens pour convaincre le gouvernement fédéral. Mais, à supposer que vous réussissiez, ça supposerait à mon sens que vous alliez plus loin aussi.

M. Audet (Michel): Si vous permettez, juste en complément au sujet des relations avec le gouvernement fédéral. Chaque année, nous rencontrons le ministre des Finances, comme nous le faisons avec vous, et nous avons eu des rencontres – je me souviens, il y a quelques années – qui ont été assez houleuses là-dessus, parce que nous avons justement, à chaque fois, martelé l'idée qu'il fallait notamment non seulement abolir les surtaxes, mais réduire les cotisations de l'assurance-emploi. On a même fait un front commun avec les syndicats sur ce sujet-là auprès du gouvernement fédéral. Donc, je pense que nous avons fait la démarche et nous continuons de la faire.

Pour ce qui a trait à la divergence, pour juste compléter un tout petit peu...

M. Landry: Je veux vous dire aussi que votre gouvernement national du Québec, il doit se battre, lui, pour que les urgences fonctionnent puis que l'oncologie fonctionne...

M. Audet (Michel): C'est ça, tout à fait.

M. Landry: ...et la radio, et l'Université de Montréal, et les cégeps, et qu'il y ait un front commun de 400 000 personnes devant lui, puis ils font des surplus là-bas, puis ils nous coupent 5 000 000 000 $ par année. La vie serait différente au Québec si ces gens-là n'avaient pas agi en prédateurs.

M. Audet (Michel): Alors, je veux dire, ce discours-là, ça a été précisément un discours que nous avons tenu.

M. Landry: Est-ce que vous le faites de façon aussi énergique que moi?

M. Audet (Michel): Oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Audet (Michel): Nous ne sommes pas, évidemment, des hommes politiques, donc nous le faisons avec les moyens que nous avons. Évidemment, nous n'avons pas votre éloquence. Mais le point, le diagnostic sur lequel, nous, on part, c'est que la situation actuelle est urgente. C'est peut-être là justement qu'on dit: Annoncer 400 000 000 $ à compter de juillet prochain, ça donne une image que, finalement, ça ne presse pas. Nous, on dit: Il faut donner un signal rapide et clair, parce que les gens, vous savez, les contribuables votent avec leurs pieds, hein, et, s'ils décident qu'effectivement... si l'écart est tellement important entre l'Ontario ou avec l'Alberta, au Canada ils peuvent payer leurs impôts au Canada puis payer beaucoup moins d'impôts, et ça, ça affecte votre assiette fiscale, donc ça produit des rendements décroissants à la longue. Alors, c'est cet aspect-là, je pense, d'urgence de signal que je pense qu'il faut donner justement parce que ça produit à long terme un rendement décroissant qui va vous nuire dans le financement des services publics. Et ça, c'est peut-être un élément de convergence, je pense, qu'on pourrait, nous... un élément de convergence qu'on pourrait avoir.

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. le député de La Peltrie.

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Messieurs, merci de votre présentation. Là, vous nous recommandez une réduction d'impôts de 3 000 000 000 $ puis vous démontrez l'urgence d'aller rapidement. En septembre, j'ai lu dans La Presse de Montréal une analyse qui avait été faite aux États-Unis par rapport... bon, il y a une croissance aux États-Unis depuis déjà plusieurs années, le taux de chômage est autour de 5 %, plus ou moins. Alors, nous, on a aussi depuis déjà quelques années... bon, je pense qu'il y a une croissance constante au niveau économique qui se manifeste. Mais, aux États-Unis, l'étude démontre que le cinquième supérieur de la population, le premier cinquième, ceux qui gagnent les plus gros salaires, en termes de revenus après impôts, touchent 43 % plus de revenus qu'en 1977, aujourd'hui. Alors, vous l'avez sûrement vu, cet article-là, ça vient d'ailleurs du Monde des affaires . Alors, le deuxième tiers qui suit, il y a une baisse de 9 % de leurs revenus, quant à eux, au cours des 20 dernières années. Puis la classe moyenne qui forme les trois cinquièmes de la population a vu ses revenus décroître de 8 %. Et autre façon de voir la situation, un P.D.G. d'entreprise gagnait 42 fois plus qu'un travailleur d'usine en 1980, alors qu'aujourd'hui il en gagne 419 fois plus.

Lorsque vous recommandez une réduction d'impôts de 3 000 000 000 $, donc une réduction massive, il n'y a pas un danger qu'une baisse d'impôts aussi importante crée un écart de plus en plus grand entre ceux qui ont plus de revenus, donc les plus riches, et les plus pauvres de notre société? J'aimerais vous entendre un peu sur cette avenue-là.

M. Audet (Michel): Écoutez, vous avez remarqué que nous ne proposons pas d'abolir la progressivité de l'impôt, et ce à quoi vous faites référence, c'est justement pour ça qu'existe la progressivité de l'impôt, justement, qu'elle frappe davantage les gens qui ont un niveau de revenus plus élevés. Donc, nous ne sommes pas venus pour vous dire qu'il faut justement réduire la progressivité des impôts. Nous disons que la progressivité des impôts actuellement au Québec n'est plus tenable, compte tenu de ce qui se passe chez nos voisins. Je veux dire, on peut critiquer nos voisins en disant: Vous avez une mauvaise politique. Mais les faits sont là, les faits sont durs, l'écart est brutal, c'est qu'il y a un écart de 4 % actuellement au taux maximum entre l'Ontario et le Québec. Pour prendre votre exemple, quelqu'un qui gagne 400 000 $ ou 500 000 $, il y en a dans notre société, quelques-uns, effectivement; imaginez 4 % sur 500 000 $, ce que ça veut dire à chaque année. Il y a moyen d'avoir une adresse ailleurs au Canada, hein. Alors, c'est ça qu'il faut regarder, il faut regarder l'impact sur les facteurs de production, sur le déplacement des revenus. On ne veut pas porter de jugement moral, on ne veut pas dire: Est-ce qu'il s'est enrichi trop? Ça, ça fait partie de notre système, ça fait partie de la débrouillardise, ça fait partie de la chance, ça fait partie de beaucoup de facteurs. Et je pense que notre système a démontré qu'il avait des qualités sur ce plan-là. Il a peut-être des travers aussi. Mais le régime fiscal est là, lui, justement, pour ramener cette situation-là, corriger cette situation-là, et il le fait bien. Et aujourd'hui, au Québec, il le fait tellement bien que, finalement, il est en train d'écraser l'assiette de plus en plus, et c'est à ça qu'on s'en prend, ce n'est pas au fait que... On ne propose pas d'abolir la progressivité de l'impôt.

(16 h 50)

M. Côté (La Peltrie): Merci.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Si vous me permettez une question. On a beaucoup abordé cette question-là depuis le début, le ministre des Finances y est revenu régulièrement: Pouvez-vous essayer de me convaincre, et, par mon intermédiaire, j'imagine, la population, de l'effet réel des baisses d'impôts sur la relance économique, sur la création d'emplois, puisque c'est votre objectif et c'est notre objectif à tous? Comment une baisse relativement minime dans l'ensemble du PIB peut-elle avoir cet effet? Et essayez de me décrire comment vous envisagez, en suivant le plan que vous nous proposez... quels effets vous en attendez, en fait, et comment cela agirait-il?

M. Audet (Michel): Écoutez, j'ai retracé d'ailleurs, dans le document qui a été rendu public par le gouvernement, le ministère des Finances, un excellent document sur les objectifs, justement, de la baisse des impôts et pourquoi il faut baisser les impôts... j'ai trouvé que c'est la meilleure réponse. On dit: Les effets lorsque l'impôt sur le revenu est trop élevé: ça affecte la situation des ménages en réduisant le revenu disponible après impôts, ça réduit l'incitation à travailler. En effet, les taux d'imposition marginaux, trop élevés influencent les choix des travailleurs, entre le loisir et le travail, entre le travail rémunéré et le travail domestique, le travail officiel et le travail au noir, réduisent l'épargne, et ça a de l'effet également sur l'entreprise. Donc, le document est très bien fait, et je ne veux pas le répéter. Mais ce que, encore une fois, l'on a noté, ce que l'on dit dans notre mémoire, c'est que – et là je rejoins tout à fait ce que vous dites – la baisse annoncée de 400 000 000 $ sur un PNB de 175 000 000 000 $, c'est évident que l'effet est...

Une voix: 200 000 000 000 $.

M. Audet (Michel): 200 000 000 000 $... disons que ce n'est pas quand même très significatif, et vous avez raison, nous autres, c'est pour ça que, là-dessus, on dit qu'il faut être ambitieux, donc on propose une baisse beaucoup plus importante qui pourrait avoir justement des effets économiques plus significatifs. Mais je pense qu'il faut comprendre que la discussion qu'on a dans notre document, parce que la situation économique actuelle n'est pas mauvaise, ça, il faut le reconnaître, elle est même très bonne au Canada, aux États-Unis, au Québec... La question qui se pose, c'est que, dans cette situation économique là, si on ne profite pas de cette situation économique là pour corriger l'écart actuel, ce n'est pas lorsqu'on sera en récession qu'on pourra le faire. On sait très bien ça. Donc, les décisions doivent être prises maintenant parce que l'écart s'est développé. Il s'est développé, et les agents économiques l'ont accepté au Sommet économique. On y était, plusieurs d'entre nous étions là, on a accepté justement de ne pas toucher aux impôts tant qu'on n'aurait pas atteint le déficit zéro. Mais – c'était écrit noir sur blanc dans le rapport de la Commission de la fiscalité aussi – dès qu'on aurait atteint le déficit zéro, et on a réussi à faire signer ce rapport-là – j'y étais – par tous les représentants syndicaux, aussitôt qu'on l'aurait atteint, le déficit zéro, il faudrait réduire les impôts pour rendre notre fiscalité plus concurrentielle. C'est écrit noir sur blanc, et c'est signé par tous les représentants, y compris les représentants syndicaux. C'est ça qui est en cause actuellement, c'est qu'il faut ramener notre fiscalité de façon plus concurrentielle, plus que l'impact économique, qui est réel bien sûr, mais la situation économique actuellement... Ce n'est pas pour des raisons, je pense, strictement, ou à prime abord en tout cas, de stimuler davantage l'économie, c'est de profiter de la situation actuelle, où l'économie va bien, pour justement donner, en quelque sorte rendre notre fiscalité plus compétitive, parce qu'on va, à long terme, affecter notre capacité de produire, notre productivité.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Il nous reste deux minutes, juste pour vous demander une précision dans votre réponse. 3 000 000 000 $ dans le circuit économique, qu'ils soient donnés par baisse d'impôts directement aux particuliers ou dépensés par le gouvernement, Fortin nous dit que ça revient, en gros, au même, donc l'argent sera dans le circuit économique de toute façon. En quoi la baisse d'impôts – c'est ça que j'aimerais vous faire préciser – va contribuer concrètement à la relance économique? Il y a votre collègue, à gauche, qui voudrait vraiment vous aider dans sa réponse, M. Audet.

M. Audet (Michel): Encore une fois... je vais demander à mon collègue Turgeon peut-être de compléter, mais il y a une chose qui est importante, c'est que le Québec collecte déjà 43 %, hein... ce qu'on collecte dans le secteur public, c'est 43 % du PIB – les chiffres, en gros, 42,8 %. On a la ponction fiscale la plus élevée non seulement au Canada, mais parmi tous les pays développés. Donc, c'est ça, la différence. C'est que, si vous prenez le biais effectivement que le gouvernement va le dépenser, votre ponction fiscale, vous allez l'augmenter encore relativement par rapport aux autres. Je pense qu'il faut, là aussi – c'est un des facteurs importants – c'est justement de redonner aux agents du secteur privé un peu plus d'argent pour respirer.

Maintenant, Maurice, est-ce que tu aurais quelque chose à ajouter?

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. Turgeon.

M. Turgeon (Maurice): Bien, c'est-à-dire, ce que je voulais ajouter, c'est que je ne pense pas qu'on puisse, de façon rigoureuse, démontrer qu'il y a un écart, surtout sur un montant relativement minime – il s'agit finalement de 300 000 000 $ pour la première année – que ça change beaucoup de choses dans l'économie. Cependant, ce pourquoi peut-être la Chambre avait insisté pour qu'on aille plus loin qu'une année ou qu'on aille plus loin que 1 300 000 000 $, c'est le message.

Dans le climat économique actuel en Amérique du Nord, mais pas seulement en Amérique du Nord, au Canada et dans l'ensemble de l'Amérique du Nord, la perception, je pense, du milieu d'affaires québécois vis-à-vis le système fiscal des particuliers est à l'effet que ça nuit, ça leur nuit, ça nuit à la croissance. Et il y a un message à donner là-dedans qui est très important, à mon avis, et qui est psychologiquement aussi important, peut-être, que celui du déficit zéro, parce qu'on ne connaît pas l'impact que le message du déficit zéro a eu sur les entreprises québécoises, on ne peut peut-être pas le mesurer, mais on sait qu'il a été très positif pour la croissance économique, et je ne serais pas étonné que celui-ci le soit aussi. À mon avis, c'est le meilleur effet qu'on puisse identifier, parce que identifier de façon très précise l'impact, ça m'étonnerait qu'on puisse y arriver.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je vous remercie beaucoup. Je donne maintenant la parole à la porte-parole de l'opposition officielle et députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. J'étais très heureuse de lire votre mémoire. Je suis parfaitement en accord avec plusieurs des propos que vous tenez, et en particulier votre soin qu'on ait un plan d'action année après année. Vous avez mentionné trois ans, ça pourrait être effectivement quatre ans ou cinq ans, dépendant de l'objectif qu'on veut rencontrer, et je pense que ça, c'est vital pour savoir où on s'en va, en particulier dans le moment. En particulier dans le moment à cause des surplus importants qu'il va y avoir au Québec, surplus de probablement 1 000 000 000 $ cette année, en tout cas 700 000 000 $, pas loin de 700 000 000 $, probablement 1 000 000 000 $, moi, j'estime que ça va être 1 000 000 000 $; en plus de ça, 5 000 000 000 $ d'ici cinq ans, et il y en a même qui ont poussé l'analyse jusqu'à 8 000 000 000 $ dans huit ans. Alors, c'est donc dire qu'on a une opportunité, une fenêtre, une occasion rêvée d'examiner l'ensemble des différents scénarios qu'on aurait pu choisir d'inclure dans la proposition qui nous a été faite.

Moi, je me suis plainte à l'effet que les cinq scénarios étaient très réducteurs, avec une réduction d'impôts de 1 300 000 000 $ sur quatre ans à compter de juillet l'an prochain, et c'est la raison pour laquelle je pense qu'il aurait fallu qu'on regarde, et qu'on regarde à plus long terme, des objectifs à rencontrer. Vous avez mentionné de baisser les impôts de 3 000 000 000 $, vous auriez pu dire que... évidemment, c'était sur trois ans, alors c'est une période courte. Qu'est-ce que vous pensez que le ministère des Finances prévoie, surtout quand il est en situation de surplus, une réserve, et qu'elle soit reconnue publiquement, affichée, pour les temps où ça pourrait aller moins bien? C'est un peu la théorie de Keynes, n'est-ce pas, John Maynard Keynes qui avait dit que non seulement on pouvait emprunter pour générer de l'emploi puis de l'activité économique, mais, à un moment donné, il faut remettre cet argent-là. Alors, qu'est-ce que vous pensez, par exemple, qu'on donne un pourcentage du PIB ou de la croissance économique, de sorte que, si arrive une période où il n'y a pas de croissance ou, au contraire, il y a une récession, à ce moment-là on soit capable de palier à ces difficultés-là?

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. Houde.

(17 heures)

M. Houde (Jean): Écoutez, je ne voudrais pas répondre à la place du ministre des Finances, mais l'idée d'avoir une réserve, je pense que tous les ministres des Finances en ont; elle est parfois petite, elle est parfois grande. Ce que vous soulevez comme question: Est-ce qu'on devrait la publiciser? Est-ce qu'on devrait la bâtir année après année? Si je me réfère à ce qui se passe dans l'entreprise, la plupart des dirigeants d'entreprises finissent par avoir une certaine réserve lorsqu'ils dirigent l'entreprise pendant un certain nombre d'années, pour être capables... et ce n'est pas nécessairement toujours des réserves publiées, tout en respectant les règles comptables généralement reconnues. Donc, un bon gestionnaire – puis je suis convaincu que le ministre des Finances en est un – a sûrement une réserve. La question que vous me posez, j'ai presque envie de la lui retourner: Est-ce qu'on doit la rendre publique? Est-ce qu'on doit avoir un débat sur la hauteur de cette réserve-là? Mais l'idée de bâtir une réserve, d'en avoir une, moi, je suis très à l'aise avec ce concept-là.

Maintenant, vous savez que, à partir du moment où vous faites ça, il faut aller un petit peu au-delà de ça, faire un peu d'analyse. Il y a, dans notre société, des intérêts multiples, et un gouvernement est assailli de toutes parts, et, vous le voyez dans le cadre de cette commission parlementaire et dans d'autres, dans la mesure où vous laisseriez entendre ou que vous publieriez une réserve, même si on convenait tous que c'est une bonne procédure à avoir, imaginez-vous les débats sur l'utilisation de la réserve qu'on aurait. Et, moi, personnellement, je préfère avoir des baisses d'impôts que de voir constituer une réserve qui va être une tentation permanente à la dépense. C'est mon point de vue.

Mme Jérôme-Forget: D'accord. Ce pourquoi je voulais la rendre publique et la rendre mathématique, c'était précisément pour éviter la tendance à ce que les gens voient cette réserve comme un surplus capable d'être utilisé une fois qu'on l'a planifié comme étant une réserve. Mais je peux imaginer effectivement que ça pourrait représenter certains problèmes.

Un des points... On vous a posé la question plus tôt: Une baisse d'impôts s'accompagne par plus de croissance économique, plus d'emplois, il y a un débat à l'effet: il y a combien de cette croissance économique qui crée de l'emploi? Il y en a combien qui retourne finalement au ministère des Finances? Est-ce que vous avez fait des études sur ça?

M. Audet (Michel): Écoutez, je regardais justement aujourd'hui même les dernières données du Bureau de la statistique du Québec et je pense que c'est un indice assez intéressant. C'est, au fond, la croissance entre le revenu total et la croissance du revenu disponible, hein, le revenu, le «take-home pay» des gens. Et, quand on regarde ces données-là, depuis trois ans, au Québec, le revenu personnel a augmenté, si ma mémoire est bonne, d'un peu plus de 2,5 % en moyenne au cours des trois dernières années. Le revenu personnel disponible, lui, a augmenté de moins de 0,5 %. Donc, en réalité, l'augmentation du revenu a été véritablement plus ou moins confisquée par la fiscalité. Donc, le «take-home pay» a été réduit.

Les chiffres sont un peu différents pour l'ensemble du Canada. Je crois que les chiffres, c'est environ 3 % pour le revenu personnel, la croissance moyenne des trois dernières années, et environ 1,5 %, donc la moitié, de croissance du revenu personnel disponible. Donc, la ponction a été moins forte, principalement à cause des baisses d'impôts en Ontario, je pense. Les chiffres ne sont pas donnés, mais on pourrait imaginer ça.

Donc, ce qu'on observe – et je pense que c'est quelque chose dont les gens se rendent compte, c'est pour ça qu'on prétend, nous, qu'il y a urgence – c'est qu'effectivement, même quand les gens ont des augmentations de salaire, ils ne les voient pas sur leur chèque de paie, puisque précisément, avec le niveau actuel des impôts, le système est, à notre avis, trop gourmand. Donc, il faut donner un signal très clair qu'il y a avantage, en quelque sorte, à avoir des promotions et qu'il y a avantage à prendre plus de responsabilités.

J'entendais hier un dirigeant d'entreprise qui me disait: J'ai fait une offre à un employé pour avoir plus de responsabilités. Il augmentait son salaire. Il a calculé ça après impôts et il a dit: Ça ne vaut pas la peine. Quand on en est rendu à faire ces calculs-là dans une organisation, c'est un problème, tu sais. C'est pour ça que je pense qu'il faut donner un signal qu'on veut récompenser effectivement l'effort et le travail.

Le Président (M. Duguay): Merci. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, messieurs de la Chambre de commerce, merci encore une fois pour la présentation du mémoire. Vous avez été très éloquents et très clairs: le Québec est trop taxé, les Québécois sont trop taxés, les dépenses publiques sont trop élevées par rapport à la capacité de payer des contribuables.

Vous vous êtes interrogés – j'ai trouvé ça pertinent – sur la pertinence, en fait, de cette consultation en commission parlementaire compte tenu qu'on a déjà eu une commission sur la fiscalité et le financement des services publics et, dans votre mémoire à la page 10, vous soulevez une question après avoir, en quelque sorte, rejeté les scénarios que vous trouvez un peu limitatifs parce qu'ils ne prennent pas compte de l'ensemble des paramètres financiers que vous auriez aimé voir traiter par la documentation du ministère des Finances et faisant l'objet du débat en commission parlementaire, et je fais ici référence à la question de la dette. Vous n'élaborez pas beaucoup là-dessus dans votre mémoire, et je voudrais savoir, compte tenu du scénario, en fait, de remplacement que vous proposez et qui est en recommandation dans votre mémoire, à savoir une baisse d'impôts de 5 % en 2000-2001 de l'ordre de 800 000 000 $, des baisses annuelles de 5 % pour chacune des trois autres années consécutives et une réduction générale des taux d'imposition actuels, quelle est la place que prend la dette dans ce scénario de remplacement que vous proposez?

M. Audet (Michel): Si vous permettez, récemment, juste il y a environ un mois, nous avons fait une conférence de presse conjointe avec l'Ordre des comptables agréés et justement sur une analyse comparative de la dette, et c'est un sujet qu'on a à ce moment-là ciblé plus particulièrement, la préoccupation, et je pense qu'on reprenait les propos, d'ailleurs, qu'on a entendus au début de la commission parlementaire par les représentants du ministère des Finances, que le niveau de la dette actuel, de 100 000 000 000 $, est préoccupant et que, effectivement, il y a lieu d'être extrêmement vigilant, et là-dessus je rejoins tout à fait les propos tenus, encore une fois, à ce sujet en commission parlementaire. Mais je pense que là aussi ce débat qu'il faudrait avoir, précisément, fait partie d'un des éléments, parce que, au fond, il y a les recettes, les dépenses, évidemment, et la dette qui sont trois éléments importants qui sont assez indissociables, je le reconnais, mais pour lesquels on a besoin d'avoir une meilleure pédagogie populaire.

Les gens ont l'impression que, quand tu as atteint le déficit zéro, tu n'as plus de dette. En fait, pour beaucoup de gens, là, c'est fini. Tu sais, je veux dire, ils confondent, je le dis sans aucune... parce que j'ai déjà, moi-même, été obligé d'expliquer la différence entre, justement, un déficit puis une dette. Ah, Il n'y en a plus de dette, là, le déficit est zéro, alors qu'on oublie le 100 000 000 000 $, évidemment, et les 7 000 000 000 $ qui passent dans le service de la dette à chaque année. Je pense que là-dessus – et je pense que le ministre des Finances le dit régulièrement – il est nécessaire... Et c'est pourquoi, dans un plan triennal, ça fait partie, ça aussi, d'une pédagogie populaire à reprendre à chaque fois, qu'on a un fardeau de 100 000 000 000 $ de dette qu'il faut assumer. Et je pense, même, que c'est la dette directe, ça ne comprend même pas, je pense, Hydro-Québec.

Alors donc, il faut, là-dedans, à chaque fois le marteler, et ce qu'on a dit en commission parlementaire, c'est que ça fait partie, ça aussi, d'un plan, c'est-à-dire de dire: On met de côté un montant justement pour la réduction des impôts, et puis dans cette réserve... Et je pense que là-dessus on l'a évoqué, M. Houde le mentionnait tantôt, quand il y a une réserve de mise de côté qui... Je pense que le ministre des Finances du Canada, on peut reconnaître, sur ce plan-là, qu'il a quand même eu... On peut appeler ça être habile ou astucieux, il s'est donné à chaque année une réserve, et, quand il ne l'utilise pas, comme l'année dernière, il réduit sa dette de 3 000 000 000 $. C'est peut-être la seule façon de pouvoir le faire, mais je pense que c'est peut-être une des façons que pourrait utiliser le Québec justement avec la réserve dont parlait tantôt Mme la députée, c'est-à-dire que, lorsque la réserve n'est pas utilisée, elle soit affectée au remboursement de la dette.

Je pense qu'il est difficile d'imaginer actuellement... Entre la priorité à baisser les impôts et la priorité à baisser la dette, si vous faites le choix actuellement à court terme, je pense que la pression, à mon avis, elle est très forte sur les contribuables, et le risque, c'est que, s'il n'y a pas un peu, encore une fois, d'oxygène de donné aux contribuables, c'est que les recettes vont diminuer, puis on risque de repartir dans une spirale de dette. Et l'argent, les gens l'auront dans leurs poches. Si jamais il y a une urgence nationale – pour répondre à votre préoccupation – bien, les gouvernements auront l'odieux et prendront la décision de l'augmenter, le... Parce que ça s'est déjà fait, des augmentations d'impôts quand il le faut, quand on n'a pas le choix. Mais, nous, on dit justement qu'il faut éviter ça. C'est pourquoi il faut avoir quelque chose de prévisible, et ça fait partie du plan, ça, précisément dont on parlait tout à l'heure qui devrait être débattu publiquement et pour lequel, à mon avis, il y a lieu de donner plus d'explications aux gens, encore une fois, parce qu'il y a beaucoup de confusion, je le reconnais avec vous, à ce sujet.

(17 h 10)

Mme Houda-Pepin: D'accord. Vous soulignez à juste titre à la page 14 que la société québécoise jouit d'un régime d'imposition des plus progressifs en Amérique du Nord et vous vous prononcez contre la progressivité du régime fiscal. Également, vous êtes contre la hausse de la TVQ et de toute autre taxe, ce qui est tout à fait dans la lignée, en tout cas, de la plupart des contribuables qui sont lourdement taxés. Et vous dites qu'il faut s'aligner sur la moyenne canadienne au lieu de s'aligner sur l'Ontario. Ce n'est pas la première fois qu'on entend ce genre de proposition parmi les groupes qui se sont présentés devant nous. Pourquoi, à votre avis, faut-il que le Québec s'aligne sur la moyenne canadienne plutôt que sur l'Ontario? Est-ce parce que les mesures fiscales sont incapables par elles-mêmes d'avoir un impact réel ou est-ce parce que, structurellement, l'économie du Québec ne pourra pratiquement jamais rattraper celle de l'Ontario?

M. Audet (Michel): Si vous permettez, mon président me fait remarquer qu'on manque, nous aussi, peut-être d'ambition. Ha, ha, ha! Effectivement, ce qui se passe, c'est que, évidemment, on est conscient que viser à rattraper l'Ontario... Et, je pense que le ministre des Finances le disait justement, avec l'écart de la richesse, il y a toujours eu un écart de fiscalité entre l'Ontario et le Québec. Ça, je pense que ce n'est pas d'hier que ça existe, mais, quand l'écart n'est qu'entre la moyenne canadienne et l'Ontario, il est, à mon avis, peut-être supportable. Actuellement, c'est qu'on a un écart important avec la moyenne canadienne.

Pourquoi la moyenne canadienne? Parce que, en théorie en tout cas, les recettes du Québec, en tenant compte de la péréquation, sont à peu près au niveau de la moyenne canadienne. Donc, il n'y a pas de raison, à ce moment-là, que notre fiscalité soit beaucoup plus élevée que la moyenne canadienne. Donc, il y a une cohérence, il y a une logique, je pense, là-dedans. Si on vise l'Ontario, je vais dire: L'Ontario est beaucoup plus élevé que la moyenne canadienne, incluant la péréquation. Ce n'est pas le cas lorsqu'on prend la moyenne canadienne, puisque ça ramène à peu près toutes les provinces, y compris le Québec, à peu près à la moyenne sur le plan des recettes. Donc, ça serait logique, normalement, que notre fiscalité ne soit pas plus élevée que la moyenne. C'est pourquoi on a pris cette approche-là, justement dans un souci de cohérence.

Mme Houda-Pepin: Très bien. Merci.

Le Président (M. Duguay): Mme la députée de Beauce-Sud.

Mme Leblanc: Bonjour, messieurs. Dans votre mémoire, vous parlez beaucoup de la réduction des impôts, vous ne parlez pas nécessairement de la façon que l'on a, au Québec, de taxer. Vous ne vous êtes pas attardés à cette question-là, par exemple, de taux implicite d'impôts ou encore de la non-indexation des tables d'impôts et des transferts qui ont coûté finalement beaucoup plus cher aux contribuables que la hausse en tant que telle des impôts aux Québécois. Alors, j'aimerais vous entendre un peu là-dessus. Est-ce que vous avez une position?

M. Audet (Michel): Écoutez, ce à quoi vous faites référence, c'est la structure au niveau des catégories de revenus qui sont exonérées d'impôts, là, en bas de 20 000 $. C'est un peu ce qu'on attendait. C'est un grand débat. Moi, je vais vous dire que c'est, à mon avis, un débat insoluble. La seule façon de résoudre ce problème-là, c'est de transformer les exonérations en exemptions. Fondamentalement, à partir du moment où on exonère des gens à des niveaux donnés, un jour ou l'autre, il faut qu'ils rentrent dans les tables d'impôts. Et on peut s'assurer qu'ils y rentrent progressivement, mais c'est évident que, si le taux n'est pas plus élevé que le taux des autres, bien, ils ne rentreront jamais au niveau de la moyenne. Donc, on peut toujours élargir l'échelle, mais il y a un problème fondamental qui est lié au fait que – et je me souviens très bien que ça a été introduit par l'Union nationale en 1967, je crois, 1967, 1968, dans ce bout-là – parce qu'on n'avait pas les moyens d'annoncer des baisses d'impôts, on a commencé par dire: Ça va être 2 000 $ pour les célibataires, 4 000 $ pour les couples. Puis, après ça, tous les gouvernements successifs ont trouvé ça le fun, alors on monte le taux, on monte le taux, et maintenant c'est rendu de l'ordre de 20 000 $.

Mais là on rejoint à ce niveau-là un taux – le taux normal d'imposition – qui, lui, est très élevé, et, moi, je pense qu'il y a une réflexion profonde à faire sur notre système fiscal. Et on n'a pas voulu le faire là parce qu'on dit: Si on embarque dans ce débat-là, on va oublier qu'il faut baisser les impôts. Et, donc, on dit: Appliquons les baisses d'impôts sur le système actuel pour ceux qui en payent, puis réfléchissons à cet aspect-là. Mais, à mon avis – je vous donne mon avis très simple et, je veux dire, sans avoir fait de thèse là-dessus, là – je crois personnellement que, un jour ou l'autre, il va falloir repenser à ça et ramener le régime des exemptions applicables à tout le monde et, à ce moment-là, quitte à avoir des crédits d'impôt remboursables. Mais on ne peut pas avoir un système combiné d'exonérations et un système, à mon avis, avec les échelles actuelles. Quand on entre dans le régime d'imposition, il est inévitable qu'on a des taux très vexatoires, c'est un fait. Mais si...

Mme Leblanc: Ça devient non transparent parce que, finalement, on ne sait plus quel taux d'imposition on a avec toutes ces choses-là.

M. Houde (Jean): Le seul élément, c'est de vous faire réaliser jusqu'à quel point experts après experts se sont penchés au Québec sur la réforme de la fiscalité. Et M. Audet a été un membre actif de la dernière commission. Je ne dis pas qu'il ne faut pas essayer de nouveau, je ne dis pas qu'il ne faut pas examiner, mais, nous, on en est arrivé à la conclusion que l'objet de la commission, c'était la baisse des impôts et non pas une réforme de la fiscalité. Parce qu'une réforme de la fiscalité, c'est la plus belle façon de reporter aux calendes grecques toute baisse d'impôts, parce que, quand on regarde la fiscalité... Même, regardez celle de l'Ontario aujourd'hui, vous allez trouver matière à analyse, matière à débats, ce qui va faire que vous n'en prendrez pas de décision.

Alors, moi, je ne souhaiterais pas que l'on commence à étudier et qu'on veuille refaire la fiscalité du Québec. Elle a beaucoup de lacunes, mais je pense qu'on peut poser un geste aujourd'hui, ou à compter de très bientôt, pour diminuer nos impôts, et c'est ça qu'il faut faire comme priorité. Rappelons-nous que, s'il avait fallu faire des analyses ad nauseam sur le déficit zéro, on serait encore là à en parler. Et, à un moment donné, il y a des gens qui se sont levés puis qui ont dit: L'objectif, c'est le déficit zéro. C'est la même chose, à mon avis, à l'égard des baisses d'impôts.

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. le président de la Chambre commerce du Québec, merci. Merci à ceux qui vous ont accompagné. Et je vous dis presque à la prochaine, convaincu qu'on vous reverra bientôt.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Merci.

(Fin de la séance à 17 h 17)


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