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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mercredi 29 mai 2002 - Vol. 37 N° 69

Consultation générale sur le projet de loi n° 80 - Loi sur la tranparence et l'éthique en matière de lobbyisme


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Table des matières

Auditions (suite)

Autres intervenants

 
M. Jean-Guy Paré, président
M. Paul Bégin
M. André Pelletier
M. Jacques Chagnon
M. Gilles Labbé
M. Thomas J. Mulcair
* Mme Nicole Lacasse, Chaire Stephen-Jarislowsky en gestion des affaires internationales
* M. Julien Laplante, idem
* M. Paul-Arthur Huot, Manufacturiers et exportateurs du Québec
* M. Francis Lacombe, idem
* M. Pierre Hamel, ACQ
* M. Théo Demers, idem
* M. Michel Paré, idem
* M. Errol Fréchette, Communication Errol Fréchette
* M. Gaston Lafleur, CQCD
* M. Richard Fahey, FCEI
* Mme Marie Vaillant, idem
* Mme Martine Gaudreault, Gaudreault Belley inc.
* M. Gérald Belley, idem
* M. Gilles Laporte, ministère de la Justice
* M. Philippe Lamarre, Lamarre Consultants et Stratem DBC inc.
* M. Édouard Préfontaine, idem
* M. André Duchesne, AIFQ
* M. Benoît Massicotte, idem
* M. Patrick O'Hara, RPGTI
* M. Claude Lemieux, idem
* M. Gratien Côté, idem
* Témoins interrogés par les membres de la commission
 

Journal des débats

(Onze heures onze minutes)

Le Président (M. Paré): S'il vous plaît! Je prierais les gens de fermer leur cellulaire, s'il vous plaît, si vous en avez dans la salle.

La commission des finances publiques est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 80, Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Tranchemontagne (Mont-Royal) remplace Mme Houda-Pepin (La Pinière) et M. Chagnon (Westmount?Saint-Louis) remplace Mme Leblanc (Beauce-Sud).

Auditions (suite)

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup. Maintenant, l'ordre du jour: à 11 heures, nous recevons la Chaire Stephen-Jarislowsky en gestion des affaires internationales; les gens sont déjà ici. Par la suite, à 11 h 45, les Manufacturiers et exportateurs du Québec. À 12 h 30, nous aurons une suspension et de retour à 15 heures avec l'Association de la construction du Québec, suivie de Communication Errol Fréchette, du Conseil québécois du commerce de détail et la fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

Après la suspension pour le dîner, il y aura: à 20 heures, M. Pierre Châteauvert; 20 h 30, Gaudreault et Belley; 21 h 15, Lamarre Consultants et Stratem DBC, et, enfin, à 21 h 45, l'Association des industries forestières du Québec. Je m'excuse, donc, à 22 h 30, il y aura, à la fin, le Regroupement des partenaires du gouvernement en technologie de l'information, et, ensuite, l'ajournement. Donc, voici l'ordre du jour.

Chaire Stephen-Jarislowsky
en gestion des affaires internationales

Les gens ont pris place. Bienvenue, madame, bienvenue, monsieur, à cette consultation, et vous aurez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire; il est fort volumineux. Si vous pouvez en faire un résumé, et, par la suite, il y aura réactions et échanges avec les députés de cette commission. Merci, allez-y.

Mme Lacasse (Nicole): Alors, bonjour. Je me présente d'abord, Me Nicole Lacasse, professeure à la Faculté des sciences de l'administration à l'Université Laval et titulaire de la Chaire Stephen-Jarislowsky, et, à côté de moi, il y a Me Julien Laplante qui est un chercheur adjoint à la Chaire Stephen-Jarislowsky aussi.

Alors, on vous remercie de nous recevoir ce matin pour commenter le projet de loi n° 80. Il est certain que, par le volume du mémoire, dans les 15 minutes allouées, nous n'allons pas vous présenter l'ensemble de nos commentaires et de nos analyses mais simplement peut-être mettre l'accent sur nos principales critiques, je vous dirais, et recommandations surtout par rapport au projet de loi, tel qu'il existe.

Pour ce faire, les points essentiels qu'on a retenus et qu'on voudrait vous présenter ce matin vont concerner d'abord les personnes et les actes visés par le projet de loi, les obligations d'enregistrement, et là, c'est mon collègue Julien Laplante qui va à ce moment-là parler de cet aspect d'enregistrement et, je dirais, des améliorations que nous suggérons, à ce niveau-là; ensuite, on va revenir sur les actes interdits et sur le rôle du Commissaire au lobbyisme. On suit le plan du projet de loi, de façon à pouvoir assez simplement vous donner nos commentaires.

Avant d'entrer dans une analyse un peu plus, je dirais, article par article ou presque du projet de loi pour présenter des commentaires et des suggestions, je voudrais vous ramener la problématique du lobbying telle qu'on la voit, et je ne vais pas être très élaborée parce que je pense que vous avez déjà entendu beaucoup de gens sur ces questions-là, et les morceaux commencent quand même à être assez en place. Par contre, je pense qu'en préliminaire ça situe ensuite nos commentaires.

Alors, évidemment la légitimité du lobbying est admise. On l'a vu, c'est le sens du projet de loi. Et on parle de démocratie, de liberté d'expression. Mais, si on admet la légitimité du lobbying, le projet de loi vise un aspect particulier. Évidemment, c'est légitime dans la mesure où il y a transparence, et l'objectif premier du projet de loi, tel qu'il est défini à l'article premier, est justement cet objectif de transparence.

Par contre, si on veut avoir une vision plus large de ce que c'est le lobbying, la transparence n'est qu'un des points. Il y en a quand même deux autres essentiels qui sont l'accès au gouvernement, donc l'égalité d'accès des citoyens au gouvernement. Et là, quand on réfléchit au lobbying, il faut évidemment réfléchir à cette problématique de l'accès au gouvernement de l'ensemble des citoyens, puisque le principal reproche qu'on fait à la représentation, au lobbying, c'est de privilégier certains accès au gouvernement par ces processus-là et de ne pas le donner à d'autres. Donc, je pense ? et je vais y revenir plus loin ? que dans la problématique de base il y a l'aspect transparence qui est assez bien couvert par le projet, mais que l'aspect accès au gouvernement, la réflexion est moins poussée, et, en fait, le projet, je dirais, est peu élaboré sur cet aspect-là, et ça fait partie de la problématique globale.

L'autre aspect qui demande d'être renforcé dans une problématique générale, c'est l'aspect de l'intégrité du processus public de décision, de prise de décision, et cet aspect intégrité que d'autres sont venus présenter sous le nom d'éthique, de déontologie des élus, des officiers publics est quand même peu touché par le projet de loi. On parle ici vraiment de l'aspect lobbying, on vise surtout les lobbyistes. Mais l'autre côté, puisque le lobbying est une activité bidirectionnelle, il y a les acteurs, les lobbyistes tels qu'on va les définir plus loin, mais il y a ceux qui sont, je dirais, les fibres, là, les élus, les officiers publics, et ces gens-là ont quand même un rôle actif dans tout le processus, et l'aspect donc intégrité du processus de décision publique par le projet de loi actuel est comme mis à part. On va vous revenir. On sait qu'il y a d'autres règles, mais... ce qui fait que l'analyse qui est faite dans le projet de loi actuel du lobbying ne concentre que sur l'aspect transparence, et ces aspects d'accès au gouvernement dans le processus décisionnel et d'intégrité du processus décisionnel sont traités à part. Il faudrait peut-être avoir une vision un peu plus globale.

Donc, ces remarques préliminaires faites, j'entre comme tel dans l'analyse du projet de loi n° 80 qu'on a faite. Le document qu'on vous présente est assez volumineux. Mais vous avez, aux pages 4 et 5, le résumé de nos recommandations, et, à la toute fin aussi, nos recommandations, aux pages 22, 23, la liste des recommandations telles qu'on les a formalisées. Par ailleurs, vous avez une annexe plus élaborée qui est un texte qui parle vraiment de la légitimité et de l'encadrement du lobbying et qui en fait une analyse comparée par rapport à ce qui existe, notamment au fédéral mais aussi aux États-Unis. Je l'ai mis en annexe... on l'a mis en annexe mais c'est évidemment la première partie qui est la plus pertinente par rapport à votre travail de commission.

Alors, dans cette première partie, je vais d'abord aborder les personnes et les actes visés pour vous dire que le champ d'application de la loi nous semble assez restreint, O.K.? Beaucoup sont venus demander des exemptions complémentaires. Nous pensons, au contraire, que la loi présente déjà beaucoup trop d'exemptions, et que, si le but, c'est la transparence, bien, toutes les fois qu'on accorde une exemption on s'éloigne de l'objectif de la loi qui est de dire: Il faut que ce soit transparent, qu'on sache qui parle à qui au niveau du gouvernement pour assurer une certaine transparence dans le processus. Donc, dans la définition actuelle qui est donnée dans la loi, notamment de ce qu'est une activité de lobbying et de qui est considéré comme un lobbyiste au sens de la loi, il y a beaucoup d'échappatoires qui vont diminuer de beaucoup l'efficacité de la loi au niveau de la transparence, ce qui fait que, en l'état actuel, nous considérons que la transparence... il y aura apparence de transparence, peut-être illusion de transparence, mais qu'une réelle transparence ne sera pas amenée.

Quelles sont ces activités exclues? Je vais le faire en deux étapes. D'abord, la définition de ce qu'est une activité de lobbying, qui est vue dans la loi simplement comme une communication orale ou écrite avec un titulaire de charge publique, est assez restrictive par rapport à ce qu'est maintenant le lobbying en pratique, O.K.? On ne couvre pas par exemple toutes les activités préparatoires à la communication qui sont souvent ici ? on va parler de rémunération plus loin ? des activités beaucoup plus importantes des lobbyistes que le simple fait de communiquer. Ce qui fait que, si on fait ce qu'on appelle le «mapping», toute la préparation de l'activité de lobbying, et que, finalement, on donne le dossier à la personne qui va le présenter elle-même, on n'est pas couvert. On n'a pas à toucher, et c'est quand même une des parts importantes de ce qui se fait.

Toutes les techniques d'influence indirecte qui sont en évolution et qui prennent maintenant beaucoup de place ne sont pas couvertes par le projet de loi. Est-ce qu'elles doivent être couvertes de la même façon? La question est posée. Mais c'est sûr que les moyens de communication directs ou indirects qui sont employés maintenant pour viser les décideurs publics devraient être pris en compte, et, notamment quand on va parler de valeur des sommes reçues pour les activités de lobbying, si l'activité de lobbying est simplement définie comme l'activité de communication avec un dirigeant ou un représentant public, c'est sûr qu'il n'y aura pas beaucoup de frais attachés à cette activité-là.

n (11 h 20) n

Donc, la définition doit être concordante avec ce qu'on veut viser, et je ne pense pas qu'on veuille viser simplement des communications écrites ou orales faites avec un titulaire. On veut viser une activité beaucoup plus large qui est la préparation de tout ça et qui est l'activité principale normalement des cabinets de lobbyistes, qui est de préparer le terrain, de faire toutes ces choses-là et non pas simplement l'aspect communication.

Ensuite, évidemment, l'activité de lobbying ? toujours dans la définition qui en est donnée à l'article 2 du projet de loi ? est définie comme ce qu'on appelle le lobbying législatif pour influencer les projets de loi. Le lobbying, impact pécuniaire: On cherche des subventions ou des contrats ou le lobbying pour obtenir des permis, des autorisations.

Un des aspects qui est non couvert ? et c'est la même chose au fédéral, mais je pense que ça vaut la peine d'y réfléchir ? c'est tout l'aspect des représentations faites en vue d'influencer les nominations faites par le gouvernement. C'est une activité assez intense aussi. Les lobbyistes, ils jouent un rôle central, et le projet de loi ne vise pas ces activités-là. Je pense que ça vaut la peine d'y réfléchir. Ça, c'est pour les activités visées dans la définition de lobbyisme: Qu'est-ce que c'est le lobbyisme, selon le projet de loi.

Ensuite, le projet de loi vient nous définir ce qui est considéré comme un lobbyiste, au niveau de la loi. Et là, on a un certain décalage, c'est-à-dire qu'on donne trois catégories de lobbyistes; vous les connaissez aussi bien que moi, je ne les reprends pas. Par contre, on vient dire: Un lobbyiste, on peut être une personne qui fait une activité de lobbying sans être un lobbyiste au sens de la loi, puisqu'il y a trois catégories et elles ne couvrent pas l'ensemble.

Il y a comme une catégorie résiduaire. Les autres qui mènent des activités de lobbying mais qui n'entrent pas dans les trois définitions de lobbyiste, et ces autres-là échappent donc à la loi, n'ont pas à s'enregistrer, n'ont pas à faire les choses. Il y a une catégorie résiduaire où on ne prévoit pas la possibilité de s'enregistrer, ce qui veut dire qu'on peut faire des activités de lobbying sans être contraint à s'enregistrer, et c'est une des premières réflexions sur les activités visées.

Par ailleurs, pour les lobbyistes, on ne vise que le lobbying rémunéré. Or, on sait qu'il y a beaucoup de bénévolat dans le domaine, bénévolat étant: On n'est pas payé directement pour ça mais on en fait beaucoup. Et, dans le mémoire, je vous souligne l'exemple notamment de l'Association dentaire canadienne qui dit que 80 % de ses activités de lobbying sont prises en charge par des bénévoles. Ils ne sont pas les seuls, c'est la plupart des associations. Ce qui fait qu'en ne visant pas le lobbying non rémunéré je dirais qu'il faudrait au moins savoir s'il y a une personne qui consacre 80 % de son temps comme bénévole à faire du lobbying. C'est peut-être important de réfléchir à la question si on ne veut pas que les mailles du filet soient tellement larges, et toujours dans la perspective de dire: L'objectif, c'est la transparence, donc il faut viser l'ensemble des activités.

Il y a évidemment l'exclusion des groupes d'intérêts par rapport aux groupes de pression, c'est-à-dire qu'on vient dire que... Moi, je dis que ça crée finalement deux degrés de légitimité. Il y a comme... quand on dit que le Conseil du patronat devrait s'enregistrer puis les syndicats ? et ça, c'est une question qui vous a été soumise à plusieurs reprises déjà dans les présentations précédentes...

Mais on crée finalement deux degrés de légitimité. On dit: Il y a des groupes qui devront s'enregistrer parce qu'on veut qu'ils le soient, ceux qui représentent des entreprises à but lucratif et les autres qui on dit: Bon, ce n'est pas grave; elles n'ont pas nécessairement à s'enregistrer, ces associations-là qui représentent des intérêts autres qu'à but lucratif. Donc, on peut avoir de puissants groupes d'intérêts qui représentent des idéologies religieuses, des idéologies sociales, environnementales. Qu'on pense à Greenpeace. Bon. Si Greenpeace est sans but lucratif, qui est une association, ils n'ont pas à s'enregistrer, puisque, en principe, on dit: Ils ne rentrent pas.

Et on assiste dans la pratique à une démocratisation du lobbying. Ce n'est plus réservé aux grandes entreprises. C'est de loin... et de plus en plus, ces groupes-là prennent les mêmes techniques, font les mêmes approches vis-à-vis des élus, vis-à-vis des fonctionnaires, et cette exclusion-là ne nous semble pas souhaitable. Les exempter, c'est arriver encore une fois à miner l'objectif de transparence. S'ils font des représentations, oui, on sait quelle cause ils défendent mais on ne sait pas qui ils contactent, combien d'argent ils y mettent, où ils sont, et je pense que c'est important qu'ils soient aussi couverts par le projet de loi, toujours dans cet objectif de transparence.

Ce qui fait qu'on pense qu'il faudrait vraiment élargir le champ d'application pour maximiser la transparence désirée et octroyer et ne pas avoir des niveaux de légitimité différents en disant: Certains lobbyistes n'ont pas à s'enregistrer parce qu'on considère que c'est plus légitime ce qu'ils font, et les autres, c'est plus douteux. Alors, à ce niveau-là, sur les remarques préliminaires, les actes visés des personnes visées, c'est ce que nous voulions vous soulever.

Mon collègue Me Laplante va vous parler maintenant de la déclaration, telle qu'elle est demandée dans la loi.

Le Président (M. Paré): Me Laplante, la parole est à vous. Allez-y.

M. Laplante (Julien): Merci. Alors, je vais couvrir ça très rapidement parce que je suis conscient que le temps s'écoule rapidement. Alors, je voulais attirer votre attention, là, dans le chapitre II, sur la divulgation des activités de lobbyisme, sur l'article 7 qui, à notre avis, présente une incohérence parce qu'il fait peser une obligation d'inscription à l'ensemble des personnes qui exercent des activités de lobbyisme, mais le régime d'inscription qui suit cet article ne prévoit pas ou ne met pas en place une structure qui permet dans le fond à l'ensemble de ces personnes de s'inscrire, et, plutôt, se concentre sur les trois catégories de lobbyisme qui ont été ciblées.

Malgré que nous soyons favorables au maintien d'une obligation généralisée et une couverture plus large, on croit que, si, l'objectif du législateur, c'est de couvrir de façon large, il serait important de pourvoir des nouveaux modes d'inscription pour que les personnes qui ne sont pas concernées par les structures en place puissent procéder à une inscription en bonne et due forme. Alors, ce mode d'inscription là aussi pourrait être adapté au degré de contrôle et de surveillance qui serait désiré, mais, à défaut aussi, le législateur prenait comme position qu'il n'était pas nécessaire que ces personnes s'inscrivent en bonne et due forme. Il faudrait ajuster l'article 7 en ce sens-là et faire peser l'obligation d'inscription uniquement aux lobbyistes qui sont créés par le projet de loi.

Concernant la déclaration initiale, on va se limiter à des commentaires sur la divulgation de la contrepartie qui est exigée de la part des lobbyistes-conseils. Selon nous, cette divulgation n'est pas nécessairement pertinente en ce sens qu'il y a déjà un article qui vient interdire la rémunération à pourcentage. Et, selon nous, ce qui était ciblé en divulguant la nature de la contrepartie ou le montant de la contrepartie, c'était d'éveiller notre surveillance éventuellement si des montants disproportionnés étaient versés à des lobbyistes-conseils. Mais, avec l'interdiction de la rémunération en pourcentage, à notre avis, c'est suffisant, ça vient colmater le signal d'alarme qu'on pourrait nécessiter. Et, à notre avis, la rémunération qui a lieu entre un lobbyiste-conseil et son client n'est pas d'intérêt public.

Par contre, ce qui est d'intérêt public, c'est l'ensemble des dépenses globales qui sont engagées dans une campagne de lobbying. C'est d'intérêt public parce que ça vient vraiment dénoter la détermination qu'un lobby démontre finalement en vue d'influencer le gouvernement dans les décisions qu'il va prendre. Et, ultimement, ce que ça nous permettrait de faire, c'est de révéler un écart ? entre les moyens des différents types de lobby entre les groupes d'intérêts et les groupes de pression ? qui dans le fond pourrait traduire un certain déficit démocratique qui, dans un deuxième temps, pourrait être remédié par le législateur, selon les moyens qu'il jugera appropriés.

Alors, conséquemment, ce que l'on propose, c'est que, d'une part, les tranches de valeur qui sont prévues au dixième élément de la déclaration initiale soient augmentées afin de représenter les réels coûts d'une campagne de lobbying et que cette obligation soit étendue à l'ensemble des personnes qui devront s'inscrire au registre, de façon justement à pouvoir évaluer l'équilibre qui existe, là, au sein de l'activité du lobbyisme.

Finalement, toujours dans la déclaration initiale, il y a une mention qu'on pourrait faire, c'est vis-à-vis de la mise à jour et du renouvellement. On croit qu'il serait intéressant d'aménager une possibilité aux clients d'un lobbyiste-conseil, la possibilité de demander une correction au registre. Attendu que des fois la mise à jour relève d'un lobbyiste-conseil et que le lobbyiste-conseil pourrait être récalcitrant à procéder à cette mise à jour, on suggère qu'une demande pourrait être formulée directement par le client pour s'assurer que l'information soit correcte et juste.

Le Président (M. Paré): En terminant, Me Laplante.

M. Laplante (Julien): Pardon?

Le Président (M. Paré): En terminant, s'il vous plaît.

M. Laplante (Julien): Alors, je vais laisser les dernières...

Mme Lacasse (Nicole): Alors, nos dernières remarques, je passe rapidement sur... Bien, c'est le commissaire au lobbyisme qui, à notre sens, devrait être un commissaire à l'éthique, et il faudrait vraiment élargir son rôle qui nous semble beaucoup trop restreint. Ce n'est pas simplement la surveillance de l'enregistrement et des activités de lobbying, il doit aussi voir tout l'aspect... lui donner des fonctions ? on a dit que le lobbying était bidirectionnel ? donc de surveillance et de contrôle sur la déontologie, l'intégrité des titulaires d'une charge publique.

Il y a déjà des règles en place sur ces questions au Québec. Mais elles devraient être ramassées, je vous dirais, et mises sous le pouvoir de surveillance et de contrôle d'une même personne, qui serait le conseiller en éthique. Notre mémoire détaille plus cette question. Mais, finalement, on trouve que son mandat devrait être élargi pour avoir aussi un rôle préventif de conseiller, d'éducation, de sensibilisation dans ce domaine-là, autant auprès des élus que des lobbyistes, et non pas simplement être axé sur les lobbyistes. Ce sont nos commentaires de base.

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup, Mme Lacasse. Merci, M. Laplante. Maintenant, M. le ministre, vous avez 15 minutes pour vos réactions et vos questions.

n (11 h 30) n

M. Bégin: Merci, M. le Président. Mme Lacasse, M. Laplante, je vous remercie. J'ai pris connaissance, bien sûr, de votre mémoire, et je pense que, quand on lit bien vos recommandations aux pages 22, 23, on cerne bien l'objet principal de vos recommandations. Et je vais peut-être me limiter à celles que vous avez soulevées parce que, d'abord, elles rejoignent dans leur objectif ce qui a été mentionné hier par les 10 ou 11 groupes que nous avons entendus et je crois que ça va être aussi repris par d'autres.

Cependant, vous avez une caractéristique particulière, c'est que, hier, nous avons assisté au débat de la manière suivante: Vous devriez inclure certaines personnes; d'autres disaient: Vous devez exclure certaines personnes. Vous avez la position qui est différente un peu, vous dites: On devrait non seulement inclure tous ceux qui ne sont pas inclus qui ont été mentionnés hier, mais beaucoup plus largement à d'autres personnes.

Alors, ça m'amène à vous demander qu'est-ce que vous pensez de ce que nous avons entendu provenant de la part des syndicats à l'effet... Il y en a eu deux en fait, la FTQ et le Syndicat des fonctionnaires, qui nous ont dit: Ce que nous faisons, ce n'est pas du lobbying d'aucune manière, ce n'est pas du lobbying. Nous faisons autre chose, et ce n'est pas qualifié de lobbying. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

Le Président (M. Paré): Me Lacasse.

Mme Lacasse (Nicole): Moi, je considère qu'il faut appeler un chat un chat et que, si on prend les mêmes techniques, qu'on fait de la représentation d'intérêts, peu importe la cause que l'on défend et, je dirais, sa légitimité sociale, si on utilise les mêmes moyens, qu'on prend les mêmes contacts, qu'on fait les mêmes pressions, c'est du lobbying.

Les avocats ? je suis membre du Barreau ? vont aussi venir vous dire: On fait une relation client, on fait de la représentation d'intérêts de nos clients à tous les jours, c'est notre travail. Donc, ce n'est pas du lobbying. Je pense que, si on a une définition, oui, elle doit être inclusive, elle doit être très large et elle doit viser tous les gens qui prennent des contacts avec les élus et qui font des pressions pour faire passer un point de vue et influencer la décision publique.

M. Bégin: Alors, vous ne partagez pas leur point qui est à l'effet que le lobbying, c'est lorsque l'on veut obtenir de l'argent ou quelque chose qui tourne autour de l'argent, alors que vous dites: Influencer quelqu'un, par exemple sur le plan législatif... Et il y a deux façons, soit de venir ici, en commission parlementaire, et ça, c'est exempté, mais d'une autre manière, par des représentations qui sont de la même nature que celles que fait un lobbyiste pour obtenir quelque chose de monétaire. Alors, vous dites: C'est la même chose en ce qui me concerne.

Mme Lacasse (Nicole): Pour moi, c'est la même chose et c'est une définition très large du lobbying qui est admise pas juste ici, dans l'évolution de ce qui se passe ailleurs, je dirais, dans d'autres pays, parce que fais... surtout en gestion internationale. C'est une définition large. La réalité est beaucoup plus large qu'elle était. Si le lobbying était autrefois simplement, je dirais, ou législatif ou pour obtenir de l'argent, je pense que, dès qu'on veut influencer la décision publique, qu'on prend des moyens, qu'on fait des contacts, qu'on arrive... c'est une activité de représentation où on tente d'influencer une décision et c'est du lobbying, oui.

M. Bégin: Justement, hier, le Barreau, sur cette question d'«en vue» et de «susceptible» disait: Lorsque nous exerçons notre profession d'avocat, nous faisons notre travail, et ce n'est pas toujours en vue ou susceptible d'influencer le décideur. Alors, je comprends que vous ne partagez pas ce point de vue que ce n'est pas un travail de lobbyisme.

Mme Lacasse (Nicole): Bien, toutes les activités d'un avocat, ce n'est évidemment pas du lobbying, l'ensemble, mais je pense que, quand un avocat fait le même travail de venir chercher, je dirais... de venir influencer sur une décision qui soit d'obtention de contrat, de subvention, qu'on dise qu'il est mandaté pour négocier le contrat ou pour influencer, bien je pense qu'il faut avoir une définition large et ne pas y mettre des exceptions, puisque, après ça, vous allez avoir... Et, ils sont tous là d'ailleurs, ils sont tous à votre agenda. Tous les organismes vont venir dire: C'est beau, oui, encadrez bien le lobbying, sauf que nous, ce n'est pas ce qu'on fait. Et là il n'y aura plus aucun sens, puis vous allez avoir une belle définition dans la loi, très large, et avec une série d'exceptions qui vont venir dire: Mais il n'y a personne qui en fait. Et il y aura deux, trois cabinets de relations publiques qui seront pointés comme faisant du lobbying, et tous les autres qui sont les principaux démarcheurs auprès du gouvernement, je vous dirais, vont se trouver exclus.

M. Bégin: J'aborderais une autre question que vous avez soulevée, c'est celle de l'inclusion de la rémunération. Vous avez dit: Nous sommes, si je vous traduis bien... Nous ne sommes pas d'accord pour qu'on soit obligé d'indiquer les tranches de revenus parce que ce que nous visions par la loi, c'était d'éviter le paiement à pourcentage et que, vu que c'est interdit, on n'en a pas besoin.

De quelle manière pensez-vous qu'on pourrait vérifier si quelqu'un a été payé à pourcentage ou pas si nous n'avons pas un indicateur qui nous permet de le vérifier? Je donnais l'exemple, hier, au Barreau de la manière suivante. Quelqu'un obtient un montant de 10 millions de dollars. Il charge un pourcentage qui est relativement petit, 4 %. Ça fait 400 000 $. Il convenait que 1 000 $ de l'heure, par exemple, pour un avocat, c'était beaucoup et que, deuxièmement, mettons, 20 heures, pour obtenir le résultat, était suffisant. Alors, ça voulait dire que, dans un cas comme celui-ci, 20 000 $ serait très, très, très bien rémunéré. Mais, si on a le pourcentage, c'est 400 000 $. Alors, comment allons-nous pouvoir vérifier si, effectivement, il y a eu paiement au pourcentage si nous ne savons pas combien a été payé ou un ordre de grandeur?

Le Président (M. Paré): Me Laplante.

M. Laplante (Julien): Bien, la façon de contrôler le mode de paiement ou le paiement en pourcentage, je vous dirais que je n'ai pas nécessairement de solution à vous apporter. Ce que je voulais préciser par contre là-dedans, c'est que ce n'est pas nécessairement la rémunération qui est l'information la plus intéressante. Ça peut être une information qui permet de contrôler peut-être une autre disposition qui se trouve dans le projet de loi, mais ce qui est le plus important, c'est de savoir c'est quoi, les montants qui sont consacrés à l'ensemble des activités de lobbyisme. Puis là, comme Mme Lacasse le disait, ce n'est pas juste le fait de communiquer oralement ou par écrit avec un titulaire de charge publique, c'est toutes les activités préparatoires, que ce soient des activités indirectes ou directes ou que ce soient des campagnes publicitaires ou ces choses-là qui ont pour objectif ultime, finalement, de...

M. Bégin: En fait, vous parlez plus des dépenses si je comprends bien?

M. Laplante (Julien): Oui.

M. Bégin: O.K. Je fais un peu du butinage, mais je pense que ça me permet d'aborder quand même les questions. Et, ce sera la dernière, celle du commissaire à l'éthique et au lobbyisme, vous avez utilisé vers la fin de votre commentaire, Mme Lacasse, le fait que la personne pourrait à la fois jouer un rôle de conseil et... pourrait jouer un rôle de conseil. Si je vous disais que, au moment de choisir qui pourrait agir comme commissaire au lobbyisme, je me suis interrogé, vu qu'on voulait le faire par le biais de l'Assemblée nationale: Est-ce que nous ne pourrions pas utiliser quelqu'un qui est déjà, par exemple, le... Pas le jurisconsulte, mais je parle de la protectrice des citoyens, le Vérificateur général, le Directeur général des élections et également le jurisconsulte de l'Assemblée nationale. Et une des raisons pour laquelle j'ai exclu chacune de ces personnes-là pour dire que ce sera une autre personne et nommée par l'Assemblée nationale, c'est que partout il pouvait y avoir un conflit entre les fonctions qui seraient attribuées à cette personne-là d'avoir à conseiller un élu sur sa conduite ou un fonctionnaire sur sa conduite à l'égard d'un geste x qui impliquerait un lobbyiste éventuellement qui ferait le geste y, mais qui serait en contact... La personne serait en plus appelée, après avoir donné des conseils à ces deux personnes-là qui seraient peut-être en contradiction, à dire: Oh! Il y a quelqu'un qui a commis une infraction, et je le poursuis. Vous ne trouvez pas que ça devient un peu compliqué pour la même personne?

Mme Lacasse (Nicole): C'est une des réflexions que je m'étais faites aussi par ailleurs, en ce sens qu'il y a un rôle de conseil puis il y a un pouvoir d'enquête qui est réel, et est-ce que cette personne doit pouvoir, je vous dirais, commander une enquête à une autre? Je vous dirais: C'est peut-être une des voies de solution, ça ne veut pas dire... Je pense que les fonctions doivent être créées... Est-ce qu'elles doivent être cumulées toutes sur la même tête? Ça, c'est la question fondamentale.

Par contre, moi, je pense qu'il doit y avoir une vision globale, en ce sens que de couper ceux qui surveillent le lobbying et de couper de l'éthique gouvernementale, de ceux qui appliquent les dispositions en rapport avec l'éthique gouvernementale, l'éthique des élus, c'est d'avoir une vision partielle qui va faire qu'on va continuer en deux lignes parallèles, tel que ça existe actuellement, et que ça va demeurer deux mondes.

M. Bégin: Au moment où on se parle, vous êtes certainement au courant que, par exemple, les fonctionnaires, que les cadres supérieurs, que les administrateurs publics sont tous régis par des codes d'éthique et de déontologie et que toutes les actions qui sont faites actuellement par un lobbyiste auprès d'eux sont couvertes lorsqu'elles impliquent un aspect d'éthique et de déontologie. S'ils sont bien couverts... Si ces personnes-là sont bien couvertes à ce stade-ci par des codes d'éthique et des personnes chargées de leur application, pourquoi faudrait-il que, parce qu'on intervient au niveau du lobbyisme... il faudrait qu'on leur donne un nouveau surveillant, un nouveau contrôleur, une nouvelle personne chargée de l'application de leur code d'éthique et de déontologie?

Mme Lacasse (Nicole): O.K. Je pense, un, ils sont couverts. Maintenant, est-ce qu'ils sont bien et entièrement couverts, ce serait un autre débat, là. Est-ce que...

M. Bégin: J'ose croire que oui, puisque nous avons adopté la loi ici, à l'Assemblée nationale.

Mme Lacasse (Nicole): Oui, bien, exactement, mais j'ose croire que comme, je dirais, professeur d'université, on peut toujours critiquer et penser qu'il y a d'autres voies. Et c'est sûr qu'ils sont couverts, qu'il y a déjà un processus. Maintenant, est-ce qu'on doit garder tous ces processus-là en parallèle, de manière... Est-ce que l'éthique, ce n'est pas une vision globale, et la déontologie... Est-ce qu'on doit ramener... Vous, vous dites: Est-ce qu'on doit ramener ça vers le lobbying? Plutôt, est-ce qu'on doit ramener le lobbying vers ça et voir quelque chose de global? Ça peut être aussi dans l'autre sens. Vous me comprenez? Ce n'est pas nécessairement une nouvelle fonction où on dit: On ramène tout à lui. Mais est-ce qu'on doit essayer d'avoir une vision, je dirais, complète et centralisée de ce qu'est l'éthique des fonctionnaires, des élus? Et là vous avez toutes sortes de codes distincts. Est-ce que les règles sont complètes? Je pense qu'il y a assez de débat actuel là-dessus pour qu'on puisse s'interroger sur le besoin de renforcement ou non de ces règles-là autres que... Là, ce n'est plus juste le lobbying, c'est vraiment les règles d'éthique et de comportement des élus et des membres de la fonction publique.

n (11 h 40) n

Mais, par ailleurs, est-ce qu'une même personne... Je pense que, certainement, il faudrait qu'on se parle plus, que les institutions soient rapprochées si on veut les garder en parallèle et non pas qu'on garde vraiment deux voies parallèles intouchables, puisqu'on va arriver à un moyen où vous allez dire: On surveille les lobbyistes, mais on ne regarde pas ce qui se passe de l'autre côté de la clôture. Et, je le répète, c'est une activité bidirectionnelle, il faut, à tout le moins, envisager un rapprochement entre ces deux institutions-là si on veut les garder parallèles de manière à ce qu'on arrive vraiment à une réglementation cohérente et qui couvre les cas où on n'arrive pas à avoir des décisions qui viennent vous dire d'un côté: Ce qu'il soit fait au point de vue éthique est complètement parfait, puisque ça n'enfreint aucune règle, ce qui ne veut pas dire qu'au niveau moral c'est quand même acceptable, et, par ailleurs, venir dire au lobbyiste: Bien, toi, on te tape sur les doigts parce que ça ne respecte pas telle petite règle d'enregistrement. Et c'est la même activité qu'on parle, O.K.?

Le Président (M. Paré): Merci, Me Lacasse. Maintenant, M. le député d'Abitibi-Est, il nous reste trois minutes, et votre collègue de Masson aussi a demandé la parole. Allez-y, M. le député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Merci, M. le Président. Bonjour, madame, messieurs. J'aimerais avoir vos commentaires sur l'impression de la journée d'hier. Toute la journée, il a déroulé des groupes de pression jusqu'à minuit, hier au soir, pour nous dire... À peu près, dans l'ensemble, là... Ce n'était pas à 100 % de tout le monde, mais une bonne majorité nous ont dit à peu près ceci: On est d'accord avec les vertus ou les principes de cette loi-là. Et tout le monde a commencé de la même manière: On est d'accord avec les principes. Puis, plus qu'ils avançaient dans leur mémoire, plus qu'ils nous disaient: Repoussez le plus loin possible ce calice, réécrivez... Plusieurs nous ont dit: Réécrivez ça du début à la fin, même s'ils savent que 75 % de cette écriture est copié sur l'écriture de la loi qui existe à Ottawa. Ça donnait un message assez... Bien, en fait, le message que, moi, j'en ai retenu ? je remarque, ce matin, les manchettes des journaux, ils ont compris à peu près la même chose ? on est pour la vertu, mais, de grâce, ne l'écrivez pas.

Est-ce que vous ne seriez pas d'opinion qu'on aille de l'avant avec la loi telle qu'elle est devant nous autres quitte à y amener certains ajustements et quitte à l'améliorer au cours des prochaines années plutôt que de la traîner sur les tablettes, comme plusieurs nous l'ont suggéré?

Mme Lacasse (Nicole): C'est sûr que... Je vous dirais: Un, elle est partie d'un modèle fédéral, encore faut-il se demander si c'était le modèle approprié. Est-ce qu'on doit réécrire? Est-ce qu'on doit attendre? C'est évident qu'on peut toujours dire: Oui, elle doit être améliorée, et je ne sais pas dans quelle efficacité on peut le faire rapidement pour cette demande, et c'est ce que sont venus vous dire les autres. Ça demande quand même une réflexion de fond. Moi, je pense que c'est un morceau du casse-tête et qu'il est incomplet, ce que j'ai exposé plus avant, puisque les autres aspects, notamment l'aspect, je vous dirais, d'assurer, là, l'intégrité de la décision du processus de décision publique, ce n'est pas envisagé.

Maintenant, est-ce qu'il faut encadrer la vertu? C'est difficile. Oui, c'est difficile, encadrer la vertu, donner des règles. On est dans l'éthique, dans la déontologie, dans des choses... Est-ce qu'il faut reporter puis attendre, puis attendre que le jeu se calme? Puis, on l'a déjà fait d'ailleurs dans ce domaine-là, on a vu un projet antérieur au Québec qui... On a attendu puis, à la crise suivante, on a ressenti la nouvelle nécessité de se repencher sur la question au niveau législatif. Non, moi, je pense qu'il faut légiférer. Il faut légiférer assez rapidement.

Maintenant, oui, il y a des choses, je pense, qui doivent être réécrites rapidement, et ce qui ne veut pas dire que ça ne doit pas demeurer, par contre, à l'agenda du gouvernement de penser à reprendre les choses et à les compléter de façon plus globale et adéquate à un moment donné. C'est sûr qu'on préférerait que le projet soit complet, réfléchi, adéquat. Ça prend du temps. On est venu vous dire qu'il y a d'autres Parlements où ça a pris deux ans, trois ans à faire des projets de loi potables. Par contre, on a quand même une loi au fédéral qui est critiquable, mais qui fonctionne, qui doit être remise à jour, et moi, je suis plutôt en faveur de dire: il faut avancer.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Une dernière question, M. le Président...

Le Président (M. Paré): En terminant.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Personnellement, je suis un élu démocratiquement par tout le monde chez nous comme ailleurs. Moi, j'ai l'impression qu'aujourd'hui on a déjà beaucoup, beaucoup trop d'activités de lobbyisme. Pensez-vous que cette loi-là va accentuer l'activité de lobbyisme ou va la diminuer?

Mme Lacasse (Nicole): Une de mes, je dirais, interrogations de base, c'était de se dire: Si on encadre comme ça le lobbyisme, ça doit être un encadrement. Mais je vous disais: L'aspect accès doit être aussi réfléchi et mis de l'avant, puisqu'il ne faudrait pas qu'on arrive à penser que, maintenant qu'il y a un encadrement du lobbying, c'est comme un passage obligé d'accès au gouvernement, puisqu'on dit maintenant: C'est légitime, c'est affirmé. Et il ne faudrait pas que les citoyens commencent à penser que ça me prend absolument maintenant un lobbyiste pour aller au gouvernement. Je ne sais pas si c'est le sens de votre question. Il ne faudrait pas qu'on arrive à une situation comme on a, par exemple, aux États-Unis où, dans le même journal, hier, vous aviez le ministre Pettigrew qui va prendre de l'argent de nos taxes canadiennes, plusieurs millions, pour aller faire du lobbying sur le bois d'oeuvre aux États-Unis, puisque là-bas c'est le passage obligé, il faut, pour sensibiliser les congressistes, engager un lobbyiste et faire le travail. Et, quand ça se fait d'État en État, la situation, je pense, ne correspondrait pas du tout à nos valeurs sociales au Québec, ça, d'arriver à ça.

Donc, il faut faire attention que ce ne soit pas un passage obligé par rapport au projet de loi. Ça reconnaît une légitimité, et c'est pour ça que, dès le départ, nous disions: Il faut réfléchir à l'accès des citoyens en parallèle au lobbying. On doit reconnaître ça, l'encadrer, mais il faut continuer à réfléchir à des voies d'accès comme les commissions parlementaires, mais d'autres moyens pour dire aux citoyens: Ça existe, mais ce n'est pas obligé. Est-ce qu'on a parlé d'achat d'accès ou de n'importe quoi? C'est plus élaboré que ça, le travail qu'ils font dans la pratique, les lobbyistes. Mais, par ailleurs, il faut être sensible à ce fait-là et bien montrer en parallèle qu'il y a des voies d'accès et que ce n'est pas un passage obligé. Il ne faudrait pas ? et c'est un parallèle que je trouve intéressant ? qu'on arrive à dire comme devant les tribunaux: Oui, vous pouvez y aller sans avocat, mais, en pratique, essayer d'y aller sans avocat, c'est peu recommandé. O.K.?

Donc, le lobbying, il faut le reconnaître, il faut l'encadrer, mais il ne faudrait pas que ça devienne un passage obligé pour accéder. Et ça, il faut y être sensible. Et, quand je dis: Au départ, il faut réfléchir au lobbying, à la transparence, à l'accès aux élus, à l'égalité d'accès pour ne pas créer... Donc, reconnaître l'activité, mais penser aussi à bien montrer que ce n'est pas un passage obligé et, par ailleurs, réfléchir ? je l'ai dit plusieurs fois ? à l'éthique des élus et des fonctionnaires.

Le Président (M. Paré): Merci, Me Lacasse. M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci, M. le Président. M. le Président, c'est extrêmement intéressant, le travail et le mémoire que Mme Lacasse et que M. Laplante nous présentent ce matin. Mme Lacasse et M. Laplante ont l'avantage de nous amener une approche qui est différente de ce qu'on entend en général. Vous avez l'approche académique. Nous aurons un autre de vos collègues de l'Université Laval qui va venir nous rejoindre demain, fin d'après-midi, M. Hudon, qui a aussi écrit un document qui est intéressant dans ce dossier-là.

Document déposé

Préalablement au début de nos travaux, le ministre de la Justice et moi-même, nous discutions avec vous, et vous nous faisiez part d'une expérience que vous aviez tenue il y a quelques mois, c'est-à-dire un colloque sur la question justement du lobbying, et tant M. Bégin que moi-même souhaiterions, je pense ? nous vous le disions tout à l'heure ? que vous puissiez, si vous y agréez, déposer à la commission les actes de votre colloque de façon à ce que, dans le temps, le dossier puisse faire en sorte de conserver une pérennité qui permettra éventuellement, comme le prévoit le projet de loi, une clause grand-père... Enfin, ce n'est pas exactement une clause grand-père, mais une clause de révision dans quelques années. Eh bien, si nous sommes là, tant mieux. Si nous ne sommes pas là, nos successeurs auront au moins davantage de documentation pour se préparer et pour regarder comment ils devront envisager l'avenir ou, du moins, ce qu'on avait comme outil pour regarder ce qu'on fera, là, d'ici quelques mois, j'imagine, avec cette législation.

M. Bégin: Tout à fait d'accord.

Mme Lacasse (Nicole): Alors, il me fera plaisir de déposer à la commission, si on les a amenés, de toute façon, les actes de ce colloque.

M. Chagnon: Et, pour revenir à votre mémoire, sur le fond de votre mémoire, madame, je comprends que vous nous dites, et je suis d'accord avec vous... Puis, contrairement à ce que le député d'Abitibi-Est semble avoir compris, moi, je n'ai pas compris que les gens nous disaient: Envoyez ça dans le classeur puis mettez ça en dessous de la filière 92. Ce que j'ai compris généralement que les gens nous ont dit, c'est un peu tôt pour finir... Ce que j'ai compris, c'est que les gens nous ont dit: Pensez-y. Vous l'avez fait trop vite, votre projet de loi, mais réécrivez-le puis représentez-le, puis nous allons certainement faire en sorte de nous y accommoder.

Ce n'est pas un peu ce que vous dites, vous aussi, lorsque, en page 8, vous nous signalez, par exemple ? puis là je vous cite ? «À la lueur de cette loi ? 80 ? le scénario le plus prévisible est le statu quo pour ceux qui brassent des affaires douteuses et une tâche administrative fastidieuse pour des lobbies utiles au bon fonctionnement de nos institutions publiques.»? C'est un...

n (11 h 50) n

Mme Lacasse (Nicole): C'est sévère.

M. Chagnon: C'est assez sévère, oui, pour le moins. «Ce constat nous ramène à l'objectif de la loi. En suivant cette voie, le législateur risque de créer une apparence de transparence et un faux sentiment de contrôle, encore plus dangereux qu'un laisser-faire, car inévitablement il ébranlera la confiance de la population à l'égard de son gouvernement et de sa fonction publique.»

En fait, ce que vous dites, c'est: Brassez... La partie de puzzle que vous avez, complétez-la ou, du moins, améliorez-le de façon à ce qu'on puisse imaginer qu'éventuellement ce projet de loi là puisse éviter des choses comme celles qu'on a vues, par exemple, là, depuis le début de l'année. J'imagine, c'est ce qui est votre intention, mais je ne veux pas vous interpréter autrement.

Mme Lacasse (Nicole): Non, vous m'interprétez bien. Et, quand m'a été posée la question tantôt: «Est-ce qu'il faut le réécrire ou dire: Ça va prendre beaucoup de temps à y arriver?», ma réponse a été: Je ne connais pas votre efficacité au travail, mais je suppose que cette commission va faire son travail après et faire des recommandations. Je pense qu'il faut modifier. Dans l'état actuel, il y a beaucoup d'échappatoires, il y a beaucoup de choses non couvertes. Maintenant, est-ce qu'on doit tout refaire complètement et, comme on a dit, jeter ça, et reprendre une page blanche, et réécrire? Moi, je ne le crois pas, je pense qu'il y a des choses récupérables. Mais, il doit être amélioré, il est évident. Mais je pense qu'un des buts de votre travail de parlementaire, c'est de prendre un projet et ensuite de l'améliorer. Et je pense qu'il doit être amélioré clairement, mais, de là à dire: On met ça aux oubliettes et on ne fait rien parce que c'est trop difficile, là je ne suis pas d'accord.

M. Chagnon: O.K. Alors, si je reviens sur d'autres points plus précis, à l'article 2, «tel que défini à l'article 2, les activités de lobbyisme ne couvrent ni les techniques d'influence indirectes, ni les activités préparatoires aux activités de lobbyisme, ni les activités en vue d'influencer une nomination gouvernementale». Le lobbyisme indirect, c'est quoi, ça?

Mme Lacasse (Nicole): Le lobbyisme indirect, c'est toutes les techniques qui font que, sans vous envoyer un coup de téléphone, on tente de vous influencer. Si, par exemple... Et c'est surtout au niveau des frais de campagne de lobbying que je pense que c'est important. Le lobbying indirect, on va parler notamment de... Avec le courrier électronique, je vais vous prendre les cas les plus fréquents, là, nouveaux, de vous faire une belle campagne d'envois électroniques par le monde où on organise à travers tout le pays une chose et on tente de vous influencer. Est-ce que ça fait partie? Pour celui qui l'organise et qui est rémunéré pour le faire, très certainement, ça fait partie de sa campagne. Pour les citoyens qui les envoient, ça, je pense que c'est normal et que ce n'est pas ça qu'on vise du tout, là, on parle d'autre chose.

Donc, d'organiser des campagnes d'influence, d'organiser si je vous mets quelques millions de publicité... On a ces exemples-là dans certains programmes, là, qui sont sous la loupe actuellement pour tenter d'influencer votre opinion ou votre décision, mais qu'on vous vise particulièrement. Et on a vu, dans le domaine pharmaceutique, ce genre de campagne. On l'a vu sur certains... environnemental où on organise des campagnes beaucoup plus globales, et le but c'est d'amener l'élu à prendre une certaine décision. Et, ce n'est pas juste un coup de téléphone, une rencontre, on organise toutes sortes de moyens de pression. La personne qui est payée pour penser cette campagne globalement et d'arriver... je pense que ça fait partie de son activité de lobbying.

M. Chagnon: Est-ce que c'est cela, ce qu'on appelle le «grass-roots lobbying»?

Mme Lacasse (Nicole): Le «grass-roots lobbying», c'est le lobbying indirect. Ça fait partie du «grass-roots lobbying» où on va tenter que les citoyens... de faire agir les citoyens ou des associations de citoyens en faveur de notre position.

M. Chagnon: Mais comment on fait pour déterminer le début de ce qu'est... le début d'un lobbying indirect ou pas? On pourrait, à la rigueur, penser que l'annonce ? vous m'avez parlé du secteur pharmaceutique ? l'annonce de Viagra ? je l'ai choisie ? l'annonce de Viagra pourrait avoir une influence indirecte éventuellement sur le ministère de la Santé et plus particulièrement le service qui voit à l'autorisation ou à l'accréditation des nouveaux médicaments. À la rigueur, on pourrait inventer cette formule-là, mais comment pouvons-nous faire le procès à la compagnie Pfizer d'avoir mis une publicité sur les ondes en lui disant: Bien, ce que tu penses faire, c'est que dans six mois, ou dans un an, ou dans deux ans, ton produit soit accrédité comme étant un produit qui soit financé par l'État?

Mme Lacasse (Nicole): O.K. C'est très large. Permettez-moi de dire: Un, ce n'est pas inusité, ça existe dans certains États américains où on demande de déclarer des frais de campagne complets, y compris des... Vous avez l'exemple de la Californie qui est donné en note de bas de page, là, là-dessus, où on demande... On ne demande pas de tout prévoir, mais on dit: Quant on confie à une firme de lobbying dans un but précis, qui est, par exemple, l'accréditation d'un médicament et qu'on leur dit: Vous avez un budget de tant pour faire une telle chose, qu'on nous déclare le budget global, parce que, si on y met 20 millions, ce n'est pas la même chose que si on y met 200 000 $. O.K.? Et je peux vous dire que la machine est plus grosse et que d'être au courant, pour les cibles, je vous dirais, c'est quand même une donnée fondamentale importante. O.K.? Maintenant, oui, la définition de ça est difficile...

M. Chagnon: C'est difficile de faire le procès d'intention, de dire: Bien, si vous faites une publicité sur ça, c'est parce que vous avez derrière la tête l'idée. En tout cas, en droit, on ne fait pas de procès comme ça pour les gens.

Mme Lacasse (Nicole): Il n'y a pas de procès d'intention, mais je vous dis: Allez voir l'exemple de la législation californienne qui est quand même arrivée à encadrer ça d'une manière assez... où on arrive à demander au moins d'avoir des indicateurs sur l'ampleur de ces activités-là.

Le Président (M. Paré): Merci.

M. Chagnon: Autre point.

Le Président (M. Paré): M. le député de Westmount.

M. Chagnon: Oui. Vous avez suggéré dans la recommandation 8 l'idée de reformuler les interdictions afin qu'elles se rattachent à la notion de conflit d'intérêts et de relation avec d'ex-collègues de travail plutôt qu'à un délai de carence. Voulez-vous m'expliquer comment vous pourriez administrer ça?

Le Président (M. Paré): Mme Lacasse.

Mme Lacasse (Nicole): Oui. C'est sûr que l'administration avec un délai un an à deux ans est beaucoup plus facile que de penser au conflit d'intérêts. Cependant... Et là il y en a plusieurs qui vont venir vous dire que, notamment pour le personnel politique, c'est quelque chose qui est quand même assez difficile concrètement non pas à appliquer, là, mais à vivre dans la mesure où ils arrivent finalement à avoir peu... Je dirais, déçus en sortant des cabinets et pour... On va venir vous dire que, pour attirer des gens de valeur, en fait, ce n'est peut-être pas la meilleure solution. Il y a d'autres solutions auxquelles vous avez déjà réfléchi.

Par contre, je trouve que le délai, c'est une façon... Oui, c'est plus difficile à administrer en parlant de conflit d'intérêts, mais qu'un simple délai, c'est une façon un peu simple aussi de régler la chose dans la mesure où on arrive à dire que le nouveau travail n'est pas en rapport direct et ne le met pas en rapport direct avec d'ex-collègues de travail ou ces choses-là. Et pourquoi interdire et arriver à une mesure qui est simple d'administration, mais qui est humainement plus difficile, je vous dirais, et qui va amener des difficultés, qui ne sont déjà pas simples, à trouver du personnel politique de valeur pour les gens? Donc, moi, je considère que, en fait, le vrai problème, ce n'est pas le délai. Ce n'est pas que c'est du jour au lendemain, c'est le conflit d'intérêts, le vrai problème, qu'on soit un jour du côté de la table de négociations, que le lendemain on rentre dans le privé et qu'on se retrouve... et, comme ça s'est vu, que le haut fonctionnaire se retrouve ou l'ex-attaché de cabinet se retrouve sur la chaise voisine le lundi alors qu'il était sur l'autre chaise le vendredi précédent. C'est ça qu'il faut viser. Donc, c'est vraiment la notion de conflit d'intérêts. Qu'on donne un an, deux ans, est-ce que... Si le parti au pouvoir change et que toutes les cartes sont brassées, quel est le sens du deux ans? Ce qu'on achète, c'est l'expertise, la connaissance de la machine, je vous dirais, gouvernementale. Et ce qu'on veut éviter, c'est qu'on achète un réseau de contacts, qu'on vende un réseau de contacts qu'on a.

Alors, c'est la notion de relation avec d'ex-collègues qu'il faut viser, de conflit d'intérêts et non pas, je vous dirais, un simple délai plus facile, j'en conviens, d'administration. Mais je ne pense pas que l'objectif, c'est deux ans, puis, bravo, c'est fini, je peux faire ce que je veux. C'est vraiment une notion de conflit d'intérêts par rapport à des dossiers dans lesquels on a été impliqué.

M. Chagnon: Est-ce que ça ne vous apparaît pas devoir sembler... devoir être fait, ou pensé, ou conçu de façon semblable... Dans le marché privé, par exemple, lorsque vous êtes une entreprise et qu'on achète votre entreprise, il arrive généralement que vous avez une clause de non-compétitivité pendant un temps donné de façon à éviter justement, en vous donnant un délai de carence qui permette au nouveau propriétaire d'éviter d'avoir son ancien... le type qui l'a achetée de l'avoir comme compétiteur trois semaines avant avec l'argent qu'il lui a donné pour partir. Vous comprenez le principe?

Mme Lacasse (Nicole): Mais, en droit, vous savez, ces clauses de non-concurrence, une de leurs conditions de valeur, de validité, c'est de dire: Il faut bien définir l'activité interdite, et elle doit réellement être en concurrence avec l'entreprise. Si vous travaillez pour une entreprise de portes et fenêtres, le lendemain vous allez travailler pour un garage, vous faites ce que vous voulez, vous êtes dans le privé. Vous n'êtes pas en conflit d'intérêts, en concurrence avec votre ex-employeur.

M. Chagnon: Ça, je le comprends bien, mais, dans le projet de loi que nous avons devant nous, si vous êtes... Par exemple, prenez mon cas. Demain matin, je démissionne et, par exemple, si j'étais astreint à une des clauses qui me donnerait deux ans de délai de carence, je ne pourrais pas rentrer chez National, mais je pourrais devenir, comme je l'ai déjà signalé, disons... L'offre n'est pas encore faite, là, mais au cas où...

Le Président (M. Paré): ...vice-président de Vidéotron, que vous aviez dit, en communications.

M. Chagnon: Il faut rester dans la famille, là, vice-président de Vidéotron dans l'ex... Enfin, dans l'ex-Vidéotron et puis... Je serais vice-président en relations gouvernementales chez Vidéotron puis je n'aurais pas de problème. Mais ça infirme le sens que vous lui portez.

n(12 heures)n

Mme Lacasse (Nicole): Et c'est une des remarques qu'on faisait, cette incongruité où vous dites: Je ne peux pas aller chez National, mais je peux aller faire le même travail comme V.P. d'une entreprise privée, puisqu'on interdit simplement d'être lobbyiste-conseil, mais on n'interdit pas d'aller faire du lobbying pour une entreprise au bout de ça. Par ailleurs, bon, vous savez comme moi que, si votre mandat se termine, il faudra quand même que vous travailliez quelque part un jour aussi. Et, dans la mesure où vous arriveriez dans un poste où les dossiers que vous avez à traiter sont de nature tout à fait distincte de ce que vous aviez, moi, je ne vois pas fondamentalement la difficulté. La difficulté vient du réseau que vous avez utilisé.

M. Chagnon: Oui, mais c'est un peu aussi une difficulté. Quitter, par exemple, pour un sous-ministre... Quitter, pour un ministre, un cabinet ou, pour un sous-ministre, un ministère... Un sous-ministre qui a parfois fait plusieurs ministères, il a des amis. Il n'est toujours bien pas pour aller s'inscrire pour aller voir... pour aller souper, le samedi soir, chez son chum ou son ami.

Mme Lacasse (Nicole): Maintenant, on se pose la question avec tout ce qui se passe, là, mais... C'est en farce que je vous dis ça. Mais, finalement, c'est un peu le sens, puis on ne va pas restreindre les... On ne va pas dire: On n'a pas discuté de ça parce que, par ailleurs, ça va être difficile à croire.

Mais c'est pour ça que...

M. Chagnon: J'en ai déjà fumé, mais «I never inhaled». Ça ressemble à ça un peu.

Mme Lacasse (Nicole): C'est assez intéressant. Par ailleurs... Mais je vous dirais: Où est-ce que... Et, moi, je pense que la formule d'une année ou deux ans est un peu une formule qui a l'air magique. On pense qu'au bout d'un an c'est fini, au bout de deux ans, c'est fini. Pourquoi pas six mois? Pourquoi pas cinq ans? Pourquoi pas deux mois? C'est quoi, l'idée? On dit: Ah, c'est la pérennité des contacts puis... Ça a moins de sens, ces choses-là. Pourquoi un délai est magique comme ça? En quoi ça vous mettrait à l'abri des conflits d'intérêts que ça crée? En quoi ça vous mettrait à l'abri de cette question de conflit de créer un délai de carence ou un délai d'attente, je vous dirais, avant de pouvoir plonger? O.K.?

Alors, ce n'est pas magique. Dans un an, vous allez être le même homme avec le même réseau. Dans deux ans, vous allez être aussi... Votre réseau va peut-être être étiolé, vous ne les verrez pas à tous les matins. Donc, si on pense que c'est un délai magique... Et c'est pour ça que je pense que c'est la notion de conflit d'intérêts. Si le dossier dans lequel vous étiez, comme ministre, impliqué est encore là après que vous avez été battu aux élections, et que vous vous retrouvez l'autre bord, et que c'est vous qui avez monté le dossier, il y a un problème. O.K.? Si c'est un dossier que vous n'avez jamais été impliqué et que vous ne connaissez pas c'est quoi, le problème... Et c'est pour ça que j'ai dit: C'est la notion de conflit d'intérêts qui doit être prise en considération et non pas une espèce de délai magique qui dit: Oups! Le conflit d'intérêt disparaît après un an, il disparaît après deux ans. Ça dépend où en sont rendus les dossiers que vous traitiez.

M. Chagnon: ...un peu raison parce que j'ai remarqué que...

Le Président (M. Paré): En terminant, monsieur...

M. Chagnon: J'ai remarqué que, dans la vraie vie, lorsqu'on a été battu, c'est toujours un peu plus difficile de se retrouver un emploi.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le député de Westmount?Saint-Louis. Merci à Me Lacasse. Merci, Me Laplante, pour votre contribution à cette commission.

Et, en finissant, j'ai lu en page 54 de votre mémoire la boutade dans laquelle vous dites: «Le lobbying, c'est un peu de droit, beaucoup de passe-droit.» Je trouvais ça un peu...

Une voix: ...

Le Président (M. Paré): C'est un peu de droit, mais beaucoup de passe-droit. Merci beaucoup.

Je vais suspendre pour une minute et j'inviterais les manufacturiers exportateurs québécois à s'approcher, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 12 h 3)

 

(Reprise à 12 h 4)

Le Président (M. Paré): M. Huot et M. Lacombe, je présume? Oui. Donc, vous aurez 15 minutes de présentation. Vous aurez les réactions et les questions des parlementaires pendant 30 minutes. Je vous souhaite la bienvenue. Merci de votre contribution. Vous avez la parole.

Manufacturiers et exportateurs du Québec

M. Huot (Paul-Arthur): Alors, M. le Président de la commission, merci pour votre bienvenue. M. le ministre de la Justice et chers députés de l'Assemblée nationale, bien le bonjour et merci d'accorder du temps aux représentants des manufacturiers et exportateurs du Québec.

Notre mission d'association, c'est d'être le principal réseau d'affaires qui est voué à la promotion des intérêts des manufacturiers exportateurs du Québec. Et il y en a 10 000 au Québec qui emploient près de 640 000 travailleurs, et nous expédions ensemble collectivement des marchandises d'une valeur de plus de 120 milliards de dollars dans quelque 120 pays de par le monde chaque année. Et, dans le secteur manufacturier, pour vous dire à quel point c'est important, l'international, trois emplois sur quatre dépendent du commerce extérieur.

Et l'association intervient régulièrement au nom de la collectivité qu'elle représente et elle intervient régulièrement auprès de très nombreux acteurs gouvernementaux. Et nous agissons à la fois de notre propre initiative et également, à de très nombreuses reprises, lorsque nous sommes sollicités par l'une ou l'autre des autorités gouvernementales.

Nous croyons qu'il est très important d'inclure tous les acteurs de la société civile dans les débats publics et, d'entrée de jeu, nous voulons que la commission sache que nous sommes d'accord avec l'encadrement des activités de lobbyistes lorsque ceux-ci travaillent au nom d'intérêts individuels, qu'ils soient une personne morale ou une personne physique. Nous sommes toutefois en profond désaccord avec l'inclusion d'organismes dûment établis, redevables envers leurs membres et travaillant dans le sens de la collectivité qu'ils desservent. Et, d'ailleurs, c'est certainement dans cet esprit que le gouvernement a choisi d'exclure d'office le monde syndical et le milieu communautaire de son projet de loi. Nous croyons qu'une société civile vigoureuse et dynamique a également besoin de l'apport de ses organismes qui originent du milieu des affaires, et, pour cette raison, des associations comme les Manufacturiers et exportateurs du Québec doivent être exclues de cette loi.

La représentation d'intérêts collectifs est une pratique fort légitime, et, chez nous, les industriels, la coutume de faire valoir notre point de vue par l'entremise d'une association dûment représentative est plus que centenaire. En effet, la création des Manufacturiers et exportateurs du Canada remonte à 1872, et, bien que les sujets ne soient plus les mêmes qu'à l'aube du XXe siècle, les besoins fondamentaux restent sensiblement identiques. Premièrement, puisque les affaires publiques ne sont pas au coeur de la mission des industriels, ils font appel à des experts associatifs qui s'assureront de bien comprendre les projets de loi qui toucheront les manufacturiers et qui s'assureront d'articuler intelligemment le point de vue de ces derniers. Deuxièmement, puisque les industriels partagent souvent les mêmes idées sur les lois qui les régissent, il est naturel qu'ils s'unissent et se fassent entendre clairement. De plus, d'autres rôles associatifs comme la formation et l'information de ses membres sont très importants dans l'action d'une organisation comme la nôtre. Finalement, le gouvernement trouve aussi bien souvent plus facile de travailler avec une association représentative plutôt qu'avec chacune des entreprises prise individuellement et surtout lorsqu'il s'agit de prendre connaissance de considérations propres à un secteur économique.

Puisque la voix des Manufacturiers et exportateurs du Québec se fait entendre depuis si longtemps, nous sommes convaincus que l'intention du gouvernement n'est pas de la museler. D'ailleurs, l'association est énormément sollicitée par les instances gouvernementales elles-mêmes et souvent sur des sujets d'ordre sociétal plutôt qu'industriel. Pensons aux débats sur les questions de la jeunesse, sur les questions de la langue française, sur l'équité salariale et également sur la formation continue, pour ne nommer que ceux-là.

En plus de nos efforts de communication, nos dirigeants sont appelés également à siéger sur différents conseils d'administration d'organismes paritaires. À ce titre, il arrive que nous exercions une charge publique telle que définie à l'article 4.3 du projet de loi, et la question se pose donc: Comment concilier charge publique et obligation de représentation pour la collectivité que nous desservons? Encore une fois, force est de constater que le gouvernement a choisi d'éviter aux autres représentants de la société civile cette question épineuse en ne les soumettant pas à la loi.

Un encadrement nécessaire. On est parfaitement conscient que l'esprit du législateur dans ce dossier est en grande partie influencé par le désir de mettre fin à des pratiques de rémunération douteuses telles que celles conditionnelles à l'atteinte d'un résultat ? en fait, les commissions, hein? ? ou encore lorsque les lobbyistes ? en fait, ceux spécifiquement qui exerçaient les plus hautes charges publiques quelque temps auparavant ? sont impliqués. Nous sommes solidaires de cet effort d'assainissement au sein de la classe politique et nous croyons que le code d'éthique proposé par le projet de loi est, depuis très longtemps, attendu, et l'éventuel commissaire devra mettre ses priorités sur l'observance du code d'éthique.

Toutefois, nous sommes en profond désaccord avec le dérapage actuel qui risque de freiner une profession légitime et utile dans une démocratie moderne. Il nous faut des dirigeants accessibles. Il faut distinguer à cet effet l'effort louable de vouloir encadrer une profession... Il faut distinguer cet effort louable des conséquences dommageables d'une mesure législative qui pourrait engendrer la mise en place d'un climat de suspicion. À ce titre, notre association a été récemment visée par un article de La Presse lorsque l'organisation de notre journée parlementaire a été mise en cause, et cet événement offre une occasion privilégiée de contacts et d'échanges entre les représentants du gouvernement et les manufacturiers. Le simple fait d'avoir demandé un prix d'inscription pour les participants a soulevé des questions auprès de cette journaliste. Les explications nécessaires étant données ? en fait, un frais de participation pour payer les coûts de la salle, les coûts de repas et ces dépenses directes associées à l'événement ? bon, ça a satisfait la journaliste.

n(12 h 10)n

Mais, quand même, notre plus grande inquiétude à ce moment-là était qu'à la sortie de la nouvelle qu'il y ait un désengagement des dirigeants de l'État qui avaient auparavant confirmé leur présence à notre événement. Il est, en effet, à craindre que certaines personnes interpréteront de manière restrictive les obligations de la loi et, donc, refuseront de communiquer avec les responsables de relations gouvernementales au sein des entreprises ou des organismes comme le nôtre, comme ils le faisaient dans le passé, privant ainsi le gouvernement d'informations valables et nécessaires. Nous avons besoin de dirigeants accessibles, et des tours d'ivoire, à travers les âges, ont été réputées de tout temps pour leur inefficacité.

Il ne faut pas confondre les activités normales et légitimes de dialogue entre les membres de la société civile et leur gouvernement avec des abus de rétribution dans le cadre de l'octroi de contrats gouvernementaux. De plus, nous croyons que l'apport de la voix des industriels québécois dans les débats d'affaires publiques est nécessaire et recherché. Pour cette raison, nous voulons soumettre les propositions suivantes sur le projet de loi n° 80.

Première recommandation, nous croyons qu'il faut exclure du projet de loi les associations patronales comme les Manufacturiers et exportateurs du Québec au même titre que le sont les organisations syndicales et communautaires, puisque nous sommes tous voués aux intérêts collectifs de membres auprès desquels nous sommes redevables. Alors, deux principes importants, intérêts collectifs, intérêts de collectivités et également imputables auprès de nos membres. Dans bien des cas, les responsables organisationnels de nos associations sont également titulaires de charges publiques. Par exemple, je siège sur la Commission des partenaires du marché du travail, je suis également membre du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, et d'autres sont participants au conseil d'administration de la CSST et de bien d'autres organismes paritaires.

Si le gouvernement ne retenait pas cette première recommandation qui, je vous le rappelle, fait l'unanimité non seulement du monde patronal, mais également du monde syndical ? on l'a vu au cours de la dernière journée ? alors, à ce moment-là, au nom de l'équité, assurer l'application des règles du projet de loi à toutes les organisations de la société civile qui cherchent à influencer la politique publique au Québec, ce qui inclurait et les syndicats et les organisations communautaires. Au nom de l'équité et au nom de l'équilibre partenarial tant vanté par les autorités du Québec et qui, en même temps, est une qualité première du modèle québécois, alors une recommandation si la première n'était pas acceptée.

Deuxième, afin de concilier transparence et obligation de conformité raisonnable, bien on vous suggère d'arrimer les obligations d'enregistrement du système québécois avec celles qui prévalent actuellement au fédéral quant à la fréquence et aux types d'informations soumis pour rendre le système le moins onéreux possible, pour qu'il soit administrable. De plus, pour éviter les procès d'intention, éliminer les références face à l'obligation de déclarer les moyens de communication que les lobbyistes comptent utiliser, par exemple à l'article 9.11°. Je ne relève même pas la fréquence de 10 jours qui nous apparaît sortie tout droit de la fantaisie.

En troisième recommandation, exclure de l'application de la loi les membres du personnel associatif qui exercent des fonctions de soutien au sein de nos organisations et qui, dans les faits, n'influencent pas la politique publique en aucune façon. Vous savez, le fait de convenir, pour un tiers, d'une entrevue avec le titulaire d'une charge publique ne doit pas être assimilé à une activité de lobbyisme. Et ça, c'est notre personnel de soutien qui s'occupe de ces tâches-là, la vraie rencontre, la vraie discussion se tiendra, bien entendu, avec les responsables professionnels de l'association.

Quatrième recommandation, exclure les fournisseurs de biens et de services de la loi. Nous comprenons que le simple geste de répondre à un appel d'offres ne s'apparente pas à du lobbying tel que c'est défini à l'article 5.4° proposé. Par contre, les représentants des entreprises font beaucoup de travail de communication et de sensibilisation commerciale. Il y a eu des questions tout à l'heure à ce sujet-là. Nous croyons que les politiques d'achat du gouvernement sont suffisamment claires et consignées dans des procédures d'appel d'offres officielles pour que les vendeurs de biens et services ne soient pas assimilés à des lobbyistes. Leur travail n'est pas d'influencer la politique publique, mais bien de conclure une action commerciale. Et l'esprit qui les anime est clair et connu de tous et, donc, ne nécessite aucun encadrement additionnel.

J'ajouterais, sur une note finale, que nous demeurons perplexes face au dérapage possible actuel du projet de loi. Devant ce qui est manifestement un problème d'éthique au sein de la classe politique, on propose, pour y remédier, un remède qui vise à faire porter sur l'ensemble des individus, entreprises et organismes qui ont des relations avec l'appareil gouvernemental l'odieux de faire rapport de leurs démarches. Au lieu d'imposer un code d'éthique rigoureux à quelques centaines de gens de la classe politique, on s'apprête à embêter des milliers d'individus oeuvrant légitimement au développement de notre société et de son économie. D'un simple problème d'éthique, on s'apprête à créer un monstre bureaucratique, on s'apprête à traiter des montagnes de rapports. Voilà qui en sera fait et pour l'éthique et voilà qui en sera fait également pour la transparence. Je vous remercie.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Huot. M. le ministre, pour les 15 prochaines minutes.

M. Bégin: Alors, merci, messieurs. Je vais aller directement au but de vos recommandations, page 6. En ce qui concerne la première, nous avons assisté à des demandes qui étaient tout à fait à l'opposé l'une de l'autre sur la même question. Certains nous demandaient qu'on inclue un groupe, d'autres nous ont demandé d'exclure des groupes. Alors, dans celui que vous nous présentez ce matin, vous dites: Nous devrions, nous, les Manufacturiers et exportateurs du Québec, être exclus de l'application de la loi. Et vous avez cependant, je dois le dire, mentionné tout de suite que, si cette recommandation n'était pas retenue, qu'à ce moment-là vous demandiez... C'est une certaine cohérence dans votre raisonnement, vous dites: À ce moment-là, que tous ceux qui ont été exclus, comme syndicats, organisations communautaires ? j'ajouterais ordres professionnels pour être dans la même lignée ? devraient être inclus.

Votre choix premier, c'est d'être exclus, mais est-ce que vous considérez que d'être inclus ou pas exclu, c'est le fait qu'on fasse ou qu'on ne fasse pas du lobbying ou si c'est d'autres considérations? Est-ce que vous dites: Nous devrions être exclus parce que nous ne faisons pas de lobbyisme?

Le Président (M. Paré): M. Huot.

M. Huot (Paul-Arthur): J'aimerais revenir sur l'aspect des valeurs qui sont défendues, au-delà des mots «lobbying», au-delà des types d'organisations. Je pense qu'on a clairement établi dans notre mémoire deux principes, je pense, qui devraient guider les législateurs. Le premier principe, c'est celui d'organisations qui défendent des intérêts collectifs, des intérêts de groupes. Premier principe, et, là-dedans, bien évidemment, une association comme la nôtre, nous agissons, nous prenons des actions, nous développons des positions également au nom de l'intérêt collectif de l'ensemble du secteur manufacturier et non pas de manufacturiers pris individuellement, jamais.

Le deuxième principe, ce sont des organisations qui sont imputables, qui sont redevables à leur membership, qui rendent des comptes, par opposition à des individus qui se donnent une raison sociale, une association quelconque qui ne compte que son président et qui fait toutes sortes de déclarations sans être imputable à personne.

Alors, ces deux principes-là devraient guider les choix des législateurs plutôt que des définitions de plus en plus pointues et impossibles à administrer de qu'est-ce qu'est un lobbyiste ou qu'est-ce qui ne l'est pas.

M. Bégin: Donc, je veux être certain de bien vous comprendre, lorsque vous faites des représentations, vous considérez que vous ne les faites pas pour un membre. Donc, techniquement, vous considérez que, comme un syndicat, vous ne devriez pas être inclus et visés par la loi. Est-ce que je vous résume bien la chose?

M. Huot (Paul-Arthur): Clairement.

M. Bégin: Tout à fait. Bon.

Vous avez soulevé un point qui m'a étonné un petit peu, c'est votre point 2 concernant l'article 9.11°. Et vous dites ceci: «De plus, pour éviter les procès d'intention, éliminer les références face à l'obligation de déclarer les moyens de communication que les lobbyistes "comptent utiliser".»

n(12 h 20)n

C'est peut-être par inadvertance, mais vous avez pris l'article 9.11° qui concerne les lobbyistes d'organisations et d'entreprises, alors que nous retrouvons la même disposition à l'article 8.11° qui concerne les lobbyistes-conseils. Ce n'est pas tellement grave, sauf pour dire que, dans la loi fédérale, nous retrouvons exactement, mot à mot, les mêmes choses. Je vois ici, à l'article 7.2k: «Les moyens de communication qu'il a utilisés au cours de la période applicable au terme de... ou qu'il compte utiliser au cours de...» C'est mot à mot. Je me demande pourquoi ce qui est au fédéral n'est pas tatillon ou encore ne constitue pas un procès d'intention, alors que les mêmes mots dans la loi provinciale le constituent. J'essaie de comprendre la chose.

Le Président (M. Paré): M. Huot.

M. Huot (Paul-Arthur): Excusez-moi, M. le Président. Au moment des discussions qui ont entouré le projet de loi fédéral, je peux vous dire que notre association a été très conséquente et a fait la même représentation. Au niveau de la déclaration des moyens de communication, ces moyens-là sont variés. Avec le développement des technologies, en plus, ils évoluent encore très rapidement. Alors, on trouve que c'est une exigence qui, finalement, ne sert à rien, qui ne sert qu'à faire des rapports et à accumuler une masse d'informations inutilement.

M. Bégin: Je comprends que les moyens de communication évoluent et évoluent rapidement, mais, quand on dit «les moyens de communication qu'il a utilisés», c'est pour le passé. «Ou qu'il entend utiliser au cours des six prochains mois», les six prochains mois, je pense qu'on peut tous penser fax, courriel, satellite, etc. Je ne pense pas qu'on ait des trouvailles telles que, au bout de quelques mois, on se retrouve dépassé, on dise: On ne l'a pas inscrit, et qu'on aurait dû l'inscrire. Il me semble que ça ne bouge pas si vite, quand même, dans le monde des communications.

Le Président (M. Paré): M. Huot.

M. Lacombe (Francis): Avec votre permission, M. le ministre, je vais répondre un peu à cette précision-là.

Le Président (M. Paré): M. Lacombe.

M. Lacombe (Francis): Oui. Merci, M. le Président. Dans le «compte utiliser», notre inquiétude, ce sont justement les procès d'intention. Si on établit une stratégie de communication sur les x mois à venir et que, en cours de chemin, on change d'idée, on utilise un autre moyen, alors là quelle sera la position du législateur ou, à la limite, de l'autorité qui va faire respecter la loi par rapport à un changement de cap dans le cadre d'une orientation quelconque? Alors, notre inquiétude, c'est justement le procès d'intention.

M. Bégin: C'est pour ça que nous avons deux mots importants dans l'article, c'est «a utilisé» ou «compte utiliser». Donc, un, c'est qu'est-ce que je compte faire, mais «a utilisé», c'est que je comptais faire et... Pas malheureusement, mais j'ai changé de stratégie en cours de route et j'ai utilisé... Et je le dis tout simplement, et ça ne constitue pas un problème d'avoir changé de communication. Ce n'est pas tellement grave de changer, c'est simplement qu'on puisse suivre si, effectivement, de façon générale, on a bien respecté ce que l'on entendait faire. Alors, je ne crois pas que ce soit contraignant, en ce sens que n'importe qui qui a élaboré une stratégie a le droit d'en changer en cours de route, ce n'est pas un drame, mais, quand on est capable de prendre le temps de dire: Je change de stratégie, il me semble que ce n'est pas compliqué de dire, dans un document qui a à peu près cinq lignes: Dans le plan A que j'avais, je modifie ma stratégie pour faire telle autre chose. Parce que jamais je ne pense qu'on puisse faire un changement de stratégie sans avoir pensé qu'on changeait de stratégie et sans l'avoir élaborée, la nouvelle stratégie, et sans être capable de la résumer dans trois lignes. Vous ne pensez pas?

M. Huot (Paul-Arthur): Bien, on a de la difficulté à faire le lien entre qu'est-ce que ça va amener de plus à l'organisme de surveillance de savoir quels moyens spécifiques... L'important, c'est est-ce qu'il y a eu ou non communication et quelles sont les positions véhiculées.

M. Bégin: Bien, je pense que vous venez d'indiquer une incompréhension de la loi. Le commissaire au lobbying n'est pas du tout intéressé à cette inscription-là. Elle n'est pas faite pour le commissaire au lobbying, elle est faite pour la population. Le but, c'est la transparence. Quelle est la manière de vérifier s'il y a transparence? C'est d'indiquer ce que l'on veut faire dans une période de temps donnée et, si on en change en cours de route, de pouvoir indiquer à la place appropriée que la chose a été faite pour que quelqu'un qui est intéressé à dire... La compagnie X, Y, Z fait une campagne d'information, elle semble dépenser des millions de dollars par toutes sortes de manières possibles et inimaginables, je suis curieux, je dis: Allons donc voir au registre qu'est-ce qu'ils ont dit qu'ils feraient. Et là je peux dire: Ce n'est pas du tout, du tout la même chose, ils sont en train de faire quelque chose de tout à fait différent. Ils font ce qu'ils ont dit, mais ils font autre chose. Là, on peut se demander la question: Est-ce que le plan de match qu'on disait vouloir faire a été suivi? Est-ce qu'on a utilisé des moyens qu'on ne voulait pas dire qu'on utiliserait? C'est ça que ça fait, ça permet à quelqu'un de bonne foi d'aller vérifier si la transparence existe. C'est l'objectif visé, ce n'est pas le caractère tatillon de la vérification quotidienne pour voir si ça a été fait.

M. Lacombe (Francis): Encore là, la conclusion...

Le Président (M. Paré): M. Lacombe.

M. Lacombe (Francis): ... ? merci, M. le Président ? je pense que c'est un procès d'intention. Quel avantage aurait la population à être capable de critiquer ce qui aurait dû se passer? Ce qui doit être transparent, ce qui doit transparaître dans l'obligation de répondre, ce sont les gestes qui ont été posés, pas nécessairement la stratégie qui doit être déployée dans les mois qui viennent.

M. Bégin: Je comprends que, pour une rare fois peut-être, le fédéral et le Québec s'entendent sur quelque chose et on a les mêmes dispositions dans les deux lois.

Vous avez un autre point, exclure les fournisseurs de biens et de services de la loi, et vous dites: «Nous comprenons que le simple geste de répondre à un appel d'offres ne s'apparente pas à du lobbyisme.» Et j'interprète votre parenthèse, article 5.4°, comme voulant dire que le projet de loi le reconnaît également, puisque l'appel d'offres n'est pas couvert comme tel, ni ce qui se passe par la suite, c'est-à-dire qu'une fois que le contrat a été obtenu, qu'il y ait des discussions postérieures, ce n'est pas considéré comme étant du lobbying. Là-dessus, on s'entend.

Et vous nous dites: Je ne fais qu'offrir des biens et des services. Mais admettons que j'ai un vice-président à une entreprise relativement importante, IBM, que ce soit en ordinateurs, en communication téléphonique, tous les systèmes de communication aujourd'hui, et je fais des représentations pour un système complet gouvernemental qui représenterait, par exemple, je ne sais pas, moi, 200 millions de dollars. Techniquement, je suis en présence de vente de biens et services. Est-ce que vous ne pensez pas que celui ou celle qui fait des démarches... Hein?

Une voix: ...

M. Bégin: Je laisserai à l'opposition de parler d'un cas précis si elle veut bien par la suite, mais je donne un exemple général. Et qu'on fasse des représentations afin de convaincre le gouvernement d'acheter un bien, y compris même un service, est-ce que ça ne serait pas couvert si ça représente 200 millions de dollars?

Le Président (M. Paré): M. Huot.

M. Huot (Paul-Arthur): Il faut, je pense, distinguer les montants des contrats avec la question de politique publique, une politique publique qui va toucher l'ensemble de la population ou qui touche des aspects de la vie de notre société avec les contrats de fournitures. Avec la taille de la fonction publique, ici, au Québec, c'est plus de 42 %, 41 %, je pense, du PIB. Le gouvernement achète des fournitures de tous genres, que ce soient les crayons, que ce soit le papier, que ce soient des systèmes téléphoniques. Les fournisseurs de ces services-là ont une nécessité non seulement de promouvoir leurs biens et leurs services, mais également de transférer, de transmettre toute l'information nécessaire. Et, quand ce sont des systèmes un peu plus compliqués, bien il y a encore plus d'information. Maintenant, ceci étant dit, il demeure que, dans le processus même d'appels publics, les offres vont être ouvertes par un grand nombre de... par plusieurs, à la fois spécialistes et représentants de l'autorité gouvernementale, et ce processus-là est garant de la bonne conduite.

Le Président (M. Paré): Merci.

M. Bégin: Je vais laisser la parole à mon collègue, mais je voudrais juste remercier les gens qui sont venus ici écouter les travaux de la commission. Je pense que c'est intéressant de voir autant de personnes qui sont présentes pour voir et écouter nos travaux. Merci.

Le Président (M. Paré): M. le ministre, c'est un groupe de lobby de Jeanne-Mance qui veut son député à la présidence. M. le député de Masson, à votre tour.

M. Labbé: Alors, merci, M. le Président. Alors, messieurs, merci pour la présentation de votre mémoire. Je veux revenir sur un des aspects qui est toute la question des inscriptions au niveau du registre comme tel. Vous m'avez surpris un petit peu, je ne vous le cacherai pas, quand vous avez parlé des communications. En termes des moyens de communication au niveau du lobbyisme, vous aviez des réticences. Par contre, vous n'avez pas parlé, dans le point 9, là, l'article 9, le point 8° qui parle de l'objet des activités de lobbying exercées, là, en termes de renseignements qu'on doit y inscrire par rapport à ce fameux fichier là. Et, quand je regarde, là, à partir de la vocation que vous avez comme telle au niveau des exportations et manufacturiers, etc., toute la question de la concurrence, hein, des informations confidentielles, j'aimerais vous entendre un petit peu sur cet aspect-là. Autant vous étiez sensibles sur la question des communications, mais, sur la question de l'objet, des informations qu'on doit inscrire, pourquoi on fait du lobbying, pourquoi on s'inscrit, qu'est-ce qu'on a l'intention de faire dans une période donnée, ça, vous n'en avez pas parlé, alors que, moi, il me semble que je serais sensible à l'aspect, là, concurrence.

Le Président (M. Paré): M. Huot.

n(12 h 30)n

M. Huot (Paul-Arthur): Je vais vous répondre en quelques mots. On espère que le gouvernement aura la sagesse de tenir compte des aspects de défense d'intérêts collectifs et également d'organisations dûment établies et redevables envers leurs membres, et, dans un tel cas, bien, on sera exclu de ces obligations-là. Si on ne l'est pas et que le gouvernement, également par souci d'équité et de justice, inclut également les autres groupes qui ont les mêmes fonctions, bien, écoutez, c'est clair que, pour nous, si on respecte textuellement toutes les exigences actuelles du projet de loi, bien ça va devenir un bordel administratif. Il va y avoir tellement d'informations à livrer qu'il va y avoir un gros goulot d'étranglement. Si tous les syndicats, tous les organismes communautaires et tous les organismes représentant des entreprises, associations sectorielles ou horizontales comme la nôtre se mettent en frais de répondre à toutes les exigences de la loi en termes de fourniture d'information, bien là vous allez être obligés de faire appel à IBM pour acheter de gros, gros systèmes informatiques.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Huot. M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: M. le Président, je vous remercie beaucoup. Je tiens à saluer les gens de l'association des Manufacturiers et exportateurs du Québec, M. Huot et M. Lacombe. Et, en même temps, vous me permettrez évidemment de saluer, comme l'a fait le ministre un peu plus tôt, le club de l'âge d'or de Saint-Léonard ? le club Saint-Joseph, hein? ? le club Saint-Joseph de l'âge d'or de Saint-Léonard, qui, évidemment, est sous la houlette du vice-président de l'Assemblée nationale et député de Jeanne-Mance, M. Michel Bissonnet. Eh bien, justement, je pense que la présidente s'appelle Mme Rosa Cannariato. Comme quoi quand on disait tout à l'heure, là ? on a dit ça hier ? que la plus importante association de lobby aux États-Unis, c'est l'American Association of Retired Persons, 33 millions de membres, 22 lobbyistes en permanence à Washington... Alors, on vous souhaite évidemment un bon après-midi avec nous.

Mais ce dont nous discutons actuellement, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, c'est... Nous sommes à étudier un projet de loi que le gouvernement a déposé sur le lobbying, le démarchage auprès des élus ou auprès des hauts fonctionnaires. Aussi bien vous dire... (S'exprime en italien). Et nous allons continuer les débats.

Quand vous dites à la page 7 de votre document: «Le fait de convenir, pour un tiers, d'une entrevue avec le titulaire d'une charge publique ne doit pas être assimilé à une activité de lobbyisme», vous expliquez ça comment?

Le Président (M. Paré): M. Huot.

M. Huot (Paul-Arthur): Alors, écoutez, quand mon adjointe ou ma secrétaire prend rendez-vous, à ma demande, auprès d'un représentant du gouvernement, qu'il soit de niveau sous-ministre adjoint ou sous-ministre ou même au niveau d'un ministre, elle agit à ma demande et elle ne prend que le rendez-vous, elle ne transmet pas de position de quelque nature que ce soit. Alors, c'est une gestion d'agenda. Si, encore une fois, on lit le projet de loi et qu'on l'applique textuellement, bien on serait obligé d'inscrire cette personne-là. Je devrais inscrire ma secrétaire et je devrais également lui demander de faire rapport sur toutes les fois qu'elle a un contact avec un membre du gouvernement. C'est comme ça qu'on l'a vu.

M. Chagnon: Je comprends, mais, écrit comme vous l'avez fait, on pourrait aussi assimiler ça au fait qu'il fasse appel à une des personnes dont on a entendu parler depuis cinq, six mois pour avoir une entrevue avec, par exemple, M. Bégin. Je ne connais pas M. Bégin, disons, puis je veux avoir une entrevue avec M. Bégin, je fais appel à quelqu'un qui prétend qu'il connaît M. Bégin. C'est exactement ce qui est écrit: «Le fait de convenir, pour un tiers ? un tiers, quelqu'un ? d'une entrevue avec le titulaire d'une charge publique ne doit pas être assimilé à une activité de lobbyisme. Ça peut aussi être une activité de lobbying.

M. Huot (Paul-Arthur): Je vous demanderais de garder ces mots-là ou ce texte-là dans le contexte associatif dans lequel nous intervenons. Alors, dans notre association, il y a évidemment la présidence, que j'occupe, il y a également des analystes... Alors, il y a également des analystes et des recherchistes professionnels qui cherchent de l'information et qui en transmettent sans, encore une fois, entrer dans le domaine des prises de position et il y a la présidence qui, elle, transmet les positions prises et retenues par l'industrie. Alors, ce qu'on dit dans le cas du projet de loi: Si jamais vous mainteniez l'inclusion d'un organisme comme le nôtre, bien la personne qui devrait être inscrite finalement, c'est la présidence de l'organisme, et on devrait laisser de côté les secrétaires, le personnel de soutien administratif et également les analystes, recherchistes qui travaillent au niveau des informations.

M. Chagnon: M. Huot, votre définition du lobbying, ce serait quoi?

M. Huot (Paul-Arthur): J'ai bien vu que, dans le projet de loi, on ne se risque pas trop à donner des définitions à ce sujet-là. Ce qu'on en conçoit, c'est que les activités de lobbying sont à la fois légitimes... Certaines formes d'activité de lobbying deviennent douteuses, surtout s'il y a abus de rétribution et surtout s'il s'agit de personnes individuelles qui ont déjà assumé des charges publiques dans la haute direction, donc qui peuvent profiter indûment d'un réseau de contact privilégié ou de copinage ? pour dire le mot ? avec les autorités actuelles, et là influencer et obtenir des avantages indus suite à leur position. Alors, cette forme-là de lobbyisme, qui est au nom d'intérêts individuels et dont la rémunération aussi profite essentiellement à quelques individus... Cette forme-là, on est d'accord ? et on le dit dès le départ de notre mémoire ? on est d'accord qu'il est nécessaire de mieux l'encadrer et surtout ? et on l'a dit avec beaucoup d'insistance ? que notre classe politique se donne un code d'éthique, hein, un peu comme nos ordres professionnels.

M. Chagnon: Mais est-ce que vous considérez que, vous, votre organisme fait du lobbying?

M. Huot (Paul-Arthur): Notre organisme, définitivement, on fait du lobbying parce qu'on fournit au gouvernement des informations, on fournit également au gouvernement des positions prises par l'ensemble de notre secteur, et ce sont des activités légitimes, ce sont des activités qui permettent à notre société d'avancer.

M. Chagnon: On se souvient, évidemment, il y a quelques semaines, vous avez organisé la journée avec les membres de l'Assemblée nationale. Vous avez eu une période de temps... Vos membres ont rencontré les membres du gouvernement. Une autre période de temps, les membres ont rencontré les membres de l'opposition officielle puis, éventuellement, j'imagine, les membres de l'ADQ, d'un tiers parti. Et vous avez aussi eu une période de temps où vous avez rencontré les principaux officiers des ministères, c'est-à-dire des sous-ministres, etc. Évidemment, pendant ce temps-là, vous êtes en situation d'offrir ou d'avoir un échange avec des gens qui ont une charge publique ou encore qui sont des administrateurs supérieurs de l'État. Et, pendant ce temps-là, vous avez une possibilité de les influencer, ce que vous cherchez à faire d'ailleurs, vous ne vous en cachez pas, puis c'est correct, c'est normal, c'est la chose que vous devez faire. Mais, si c'est le cas, pourquoi n'estimez-vous pas que vous n'auriez pas dû être autrement qu'être inclus dans la liste des initiés de ce système de lobbying?

M. Huot (Paul-Arthur): Alors, je vais vous éclairer ça de la façon la plus simple possible. Pour ceux qui sont très familiers avec justement l'événement de la Journée parlementaire, le grand thème retenu, c'est: Productivité, le défi n° 1 du monde politique et du monde industriel. Et ce qu'on a tenté de faire pendant cette journée-là, au moyen de séminaires et de périodes d'échange, après les séminaires, sur les aspects de la productivité, on a effectivement tenté d'influencer les autorités politiques afin qu'elles fassent de la productivité le grand défi du Québec. Si on ne le fait pas, notre performance sur les marchés étrangers va continuer de diminuer, et le nombre d'emplois dans le secteur manufacturier va également tomber. Ce sont là des intérêts collectifs, ce sont là des intérêts qui dépassent de beaucoup l'intérêt individuel de manufacturiers individuels.

M. Chagnon: Eh, bien, M. le Président, je tiens à remercier M. Huot, et les membres de... Oui?

M. Bégin: Avec votre permission...

M. Chagnon: Oui, bien sûr.

M. Bégin: ...j'aimerais peut-être répondre à une des questions qui a été soulevée tantôt, parce qu'elle est importante, à savoir la question du téléphone. Plusieurs personnes se trompent sur le sens de cette disposition-là qui, de toute façon, est une même disposition qui existe dans la loi fédérale. Les gens pensent qu'on est obligé d'inscrire quelque part le téléphone dont vous avez parlé. Ce que dit la loi, c'est que le fait d'appeler pour prendre un rendez-vous, pour un tiers, ça constitue un acte de lobbyisme. Mais ça ne dit pas: Vous devez inscrire cet acte de lobbyisme, ça dit que, vu que, vous, vous prenez un rendez-vous dans le but de rencontrer quelqu'un et de faire un acte de lobbyisme, vous allez devoir, quelque part, dire: J'entreprends du lobbyisme, et vous allez indiquer auprès de qui vous allez le faire. Et, voilà que votre téléphone vient d'être complètement évacué, il n'existera pas, vous ne mettrez pas nulle part que vous avez fait du lobbying par le biais d'un téléphone fait par votre secrétaire. Ce n'est pas ça que vous allez dire, vous allez dire: J'entreprends du lobbying.

n(12 h 40)n

Alors, il faut faire la distinction entre ce qui vous permet de dire: C'est ou ce n'est pas du lobbying et ce que nous devons inscrire quand nous faisons du lobbying. Alors, la distinction est majeure, mais nous la retrouvons également au fédéral, et ce n'est pas... Comme j'ai dit hier, vous ne serez pas obligés de marquer tous les téléphones que vous avez faits, toutes les lettres que vous avez écrites, tous les fax que vous avez envoyés, tous les courriels que vous avez reçus, etc. Ce n'est pas ça, l'esprit. Vous allez dire: Je veux faire telle chose, un objet, et je vais le faire auprès de tel groupe, par exemple, de fonctionnaires de niveau sous-ministériel, merci, bonjour. Le reste, nous ne voulons pas le savoir, mais ça, vous devrez le dire. Alors, voilà pourquoi il ne faut pas confondre le geste quotidien que vous devrez poser et les inscriptions qui devront être portées au registre, parce que ça fait toute une différence. S'il fallait marquer tous les coups de téléphone, tous les gestes qu'il y a là, je serais d'accord avec vous, je l'enlèverais tout de suite moi-même. Mais ce n'est pas ça, le sens.

M. Huot (Paul-Arthur): On vous donnera notre coup de téléphone.

M. Bégin: Ha, ha, ha!

M. Huot (Paul-Arthur): Malgré les précisions que vous nous donnez là, il demeure qu'au sens strict de la définition nos secrétaires seront des lobbyistes parce qu'elles ont ces activités-là.

M. Bégin: Non. Non, non. C'est là que vous faites la confusion. En tout cas, vous avez des avocats, vous pourrez leur demander le sens, mais la loi ne dit pas ça, elle dit: Faire un téléphone, pour un tiers, dans le sens du lobbying, ça constitue une activité de lobbyisme, mais ça ne dit pas que votre secrétaire fait du lobbying.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le ministre. Merci, M. Huot. Merci, M. Lacombe. Merci de votre contribution. Il me reste à suspendre les travaux jusqu'à 15 heures. Bon appétit. Bon appetito... Comment vous dites ça, monsieur...

Une voix: ...

Le Président (M. Paré): Ha, ha, ha!

(Suspension de la séance à 12 h 42)

 

(Reprise à 15 h 6)

Le Président (M. Paré): ...messieurs, et bienvenue à la commission parlementaire sur le lobbyisme, donc la loi n° 80. Je demanderais aux gens dans la salle d'éteindre leur cellulaire, s'il vous plaît, nous allons commencer nos travaux.

Association de la construction du Québec (ACQ)

Donc, bienvenue à l'Association de la construction du Québec. Je crois comprendre que, M. Robert, vous êtes l'interlocuteur. Si vous voulez nous présenter les... M. Hamel, si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

M. Hamel (Pierre): Merci. Je vais demander à M. Demers de le faire, s'il vous plaît, notre président.

Le Président (M. Paré): M. Demers.

M. Demers (Théo): M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, alors, l'Association de la construction du Québec est représentée aujourd'hui, en commençant par ma gauche, par M. Claude Riendeau, vice-président de l'ACQ; à mon extrême droite, M. Dominic Robert, de l'ACQ; deuxième, après ça, M. Michel Paré, vice-président exécutif de l'ACQ; et, à ma droite immédiate, M. Pierre Hamel, de l'ACQ; moi-même, Théo Demers, qui est président de l'ACQ.

Le Président (M. Paré): Bienvenue. Et vous allez avoir 15 minutes pour présenter votre mémoire, et les parlementaires auront 30 minutes pour faire des échanges avec vous, poser des questions ou des réactions à votre mémoire. Merci.

M. Demers (Théo): Nous vous remercions de bien vouloir nous accorder quelques minutes aujourd'hui afin de nous permettre de vous transmettre notre point de vue sur le projet de loi ambitieux qui peut soit favoriser le développement des relations entre les représentants du gouvernement et de la population civile ou devenir une arme divisant les différents groupes de la société. Alors, sans plus tarder, je cède la parole à M. Hamel. Merci.

Le Président (M. Paré): M. Hamel.

M. Hamel (Pierre): Merci, M. le Président. Alors, M. le Président de la commission, M. le ministre, membres de la commission, comme l'a mentionné notre président, nous vous remercions de prendre quelques minutes pour nous écouter dans le cadre de l'étude d'un projet de loi aussi important que celui que nous avons devant nous aujourd'hui. Nous sommes conscients que plusieurs groupes ont déjà été entendus et que les recommandations sont souvent semblables les unes aux autres. Le mémoire que nous vous avons transmis traite sommairement des mêmes inquiétudes qui ont été largement exposées à la commission hier par plusieurs des groupes qui ont été entendus. Nous tenterons aujourd'hui d'aborder la question du lobbying sous un autre angle, et ce, de la façon la plus concrète possible et la plus brève que possible.

Comme vous le savez sans doute, l'Association de la construction du Québec est une organisation qui représente plus de 11 000 entreprises de construction dans les secteurs institutionnel, commercial et industriel. Ces entreprises génèrent plus de 70 % des heures travaillées dans l'industrie de la construction. On parle, pour 2001, de plus de 90 millions d'heures travaillées. L'ACQ les représente, ces entreprises-là, quotidiennement auprès de divers organismes, dont principalement la Commission de la construction du Québec, la CCQ, et la Commission de la santé et sécurité du travail, la CSST. Et on les représente non pas pour l'attribution de contrats, non pas pour l'obtention de subventions, mais à plusieurs niveaux pour l'obtention de permis, licences ou autres autorisations pouvant être obtenus aux termes de différents règlements en vigueur au sein de notre industrie ? et certains disent qu'ils sont très nombreux.

Alors, plusieurs de ces interventions seraient régies par la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme. Nous n'avons pu déterminer, par une première lecture du projet de loi, le nombre exact de ces interventions qui seraient visées, mais nous pouvons déjà comprendre qu'elles seront très nombreuses et impliqueront plusieurs de nos employés.

n(15 h 10)n

Pour arriver à servir ces entreprises uniquement dans le domaine des relations de travail et de la santé et sécurité du travail, environ 50 personnes, conseillers et conseillères en relations de travail, conseillers et conseillères en CSST, sillonnent le Québec quotidiennement afin d'intervenir lorsque le requièrent l'un ou l'autre des entrepreneurs qui travaillent tantôt sur un chantier industriel, tantôt sur un chantier commercial, tantôt sur un chantier institutionnel. Que ce soit au niveau des contraintes administratives, la mise en place de nouvelles politiques administratives, l'application abusive de certaines dispositions des conventions collectives, les demandes de certificats d'exemption, l'ouverture des bassins de main-d'oeuvre, ces représentations sont faites directement aux fonctionnaires en autorité et sont, pour la plupart, couvertes par les termes du projet de loi.

On parle donc d'interventions en matière de relations de travail, mais aussi en matière de mobilité de main-d'oeuvre et en matière de formation. On est donc très loin d'un simple contexte de négociation de décrets ou de conventions collectives, ça va beaucoup plus loin. Avec la venue du projet de loi et des obligations administratives qui en découlent pour notre organisation, tout ce que j'espère, c'est de ne pas avoir une volée de demandes d'augmentation de salaire en apprenant à nos gens, en revenant à Montréal, qu'ils ne sont pas uniquement d'excellents conseillers, mais également maintenant des lobbyistes. Pour la plupart, ils sont déjà d'habiles négociateurs, et j'espère que ça ne sera pas sur le tapis.

Si le nombre de conseillers et de conseillères à l'emploi uniquement de l'ACQ semble important et que le nombre d'interventions l'est tout autant, c'est pour une simple et bonne raison, comme toute association patronale, nous devons maintenir un certain rapport de force avec les organisations syndicales. Les représentants syndicaux, eux aussi, sillonnent le Québec, et c'est pour maintenir l'équilibre des représentations qui sont effectuées par plus de 250 représentants syndicaux et, dans certains cas, 250 délégués de chantier supplémentaires qui s'adressent quotidiennement aux mêmes intervenants qu'on doit maintenir les services actuels. Et là c'est plutôt une série de démissions en bloc qui m'attend lorsque je leur annoncerai que, pour une technicalité législative, leurs vis-à-vis syndicaux n'auront pas, eux, à rendre compte de leurs faits et gestes quotidiens lorsque les représentations qui seront faites tomberaient sous le sceau de la nouvelle loi.

En termes de nombre d'interventions, nous pouvons parler annuellement de plusieurs centaines, voire de milliers d'interventions de toutes sortes qui sont effectuées depuis plus de 30 ans dans notre industrie et qui devront toujours se faire même après l'adoption de la loi. Nous n'avons pas le choix, nous devons les faire. Nous allons assister alors soit à un nombre record d'infractions aux termes de la loi ou encore nous allons submerger le Commissaire d'activités de lobbying afin de se conformer tant à l'esprit qu'à la lettre de la loi. Ce qui était pratique courante et tout à fait légitime pour n'importe quel citoyen deviendra clandestin s'il a été fait sans avoir été déclaré maintenant, et l'activité légitime passera de légale à illégale et donc immorale. Et la loi, qui vise essentiellement la transparence en matière de lobbyisme, ne servira plus son maître et va devenir non pas un outil, mais une arme, une arme entre les mains des médias dans plusieurs cas et, pour les associations patronales, entre les mains de nos rivaux quels qu'ils soient, et, en certaines occasions, ils peuvent être nombreux, et ce n'est pas toujours ceux qu'on pense.

Donc, non seulement devrons-nous prévoir un responsable des déclarations reliées aux activités de lobbyisme au sein de notre organisation, mais, qui plus est, nous devrons être assistés d'un responsable interne pour gérer les demandes d'enquête du Commissaire. Nos propos ne relèvent pas du sarcasme, M. le ministre, loin de là. Pourquoi? Parce que l'adoption des lois, l'adoption de règlements, les décisions politiques, les décisions administratives qui s'adressent à nos membres ne cessent de s'accroître d'année en année parce que les besoins politiques en matière d'environnement, d'exportation, de commerce interprovincial, d'avancement technologique nous appellent à intervenir à tout moment et à tous les niveaux de l'appareil gouvernemental pour servir nos membres. Il n'y a pas que les relations du travail qui concernent l'industrie de la construction, il y a l'ouverture des marchés, les codes et normes, la formation, les nouveaux défis technologiques, les appels d'offres, les assurances, les cautionnements, et on en passe. Ce niveau d'intervention un peu plus traditionnel qui interpelle l'autre moitié de nos employés est en pleine explosion et en pleine croissance, tout comme le sont ceux du gouvernement.

Alors, oui, nos activités devront être particulièrement organisées, et nous allons prêter flanc aux poursuites statutaires ? 500 $, la première infraction; 1 000 $, la seconde infraction, une récidive ? pas pour avoir fait le travail de lobbyiste, M. le ministre, mais bien pour avoir représenté nos membres et ne pas l'avoir déclaré. Mais, si c'est le prix qu'on doit payer pour s'assurer d'un bon fonctionnement de nos institutions démocratiques ? et nous le croyons en partie ? notre Association est prête à s'y contraindre même si ce ne sont pas ses propres activités qui sont visées. Cependant, il serait inqualifiable que cet effort ne soit pas partagé par les organisations syndicales ou tout autre organisme d'importance qui pourrait bénéficier d'une définition restrictive de la loi.

Pour nous résumer, M. le ministre, l'ACQ est favorable à l'adoption d'une loi sur le lobbyisme. Le projet qui est sur la table va trop loin quant à la grandeur ou aux activités de lobbyisme et va toucher des activités qui ne sont pas, au premier aspect ou au deuxième aspect, réellement visées par la loi sur le lobbyisme. Et les infractions qui vont nous être reprochées, de ne pas avoir déclaré telle ou telle activité, sont disproportionnées par rapport à l'infraction réelle qui n'existe pas actuellement et qui ne choque pas l'opinion publique actuellement.

Le projet de loi, par ailleurs, ne va pas assez loin en ce qu'il exclut délibérément les syndicats et autres organismes qui font aussi du lobby ou peuvent être appelés à en faire à un moment ou à un autre. Une loi qui s'attaque au traitement de faveur, réel ou apparent, ne peut entretenir le doute de faire bénéficier certains groupes de la société de traitements de faveur réels ou apparents. Et, pour cette unique raison, la voie ne peut être l'exclusion, mais bien l'inclusion. C'étaient nos commentaires. Merci beaucoup.

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup. M. Hamel, est-ce qu'il y a d'autres personnes qui vous accompagnent qui ont d'autres commentaires? Non? M. le ministre, vous avez 15 minutes.

M. Bégin: Alors, merci infiniment, messieurs. Vous savez, d'être répétitif, ça dépend du choix qui a été fait de l'ordre dans lequel vous comparaîtriez. Si vous aviez été les premiers, ça aurait été tout à fait nouveau. Alors, il n'y a rien de mal à être au rang que vous occupez, on ne peut pas tous être le premier ni tous le dernier.

Par contre, il est évident que vous soulevez les mêmes points qui ont été soulevés. Je dirais qu'actuellement ça tourne principalement autour de deux éléments qui sont très près l'un de l'autre. Est-ce que, oui ou non, des personnes comme les ordres professionnels, les syndicats, les organismes sans but lucratif devraient être inclus ou pas inclus, d'une part? Et, d'autre part, dire: Est-ce qu'on va assez loin ou pas assez loin?

Ce matin, nous entendions la Chaire Jarislowsky, des professeurs, des gens qui travaillent à l'université en recherche dans ce domaine, et ils nous disaient que nous n'allions pas assez loin dans l'inclusion des actes qui étaient posés et qui constituaient, à leur point de vue, du lobbyisme. Donc, on voit que vous êtes en plein dedans. Et on a des gens qui sont pour, d'autres qui sont contre, et je pense que c'est un révélateur que le point essentiel, le focus est vraiment sur ces aspects-là. Alors, vous n'êtes pas hors d'ordre. Au contraire, vous êtes en plein dedans. Bon.

Alors, j'ai échangé avec les personnes qui représentent les différents points de vue. J'ai mentionné qu'à cet égard je ne voulais pas me prononcer à ce stade-ci, je voulais entendre les arguments, parce que les arguments sont... On peut plaider pour la même chose, mais pas avec les mêmes arguments. Et, effectivement, ça varie passablement des uns aux autres, aussi loin que de dire... Dans certains cas, on dit que ça ne devrait pas être inclus parce que ce n'est pas du lobbying, alors que d'autres disent: Ça devrait être maintenu parce que c'est du lobbying. Alors, vous voyez que ce n'est pas la même chose.

Vous, vous nous dites... Je ne qualifie pas le geste, je dis que, si vous mettez tel titre, vous devriez mettre tel autre titre. Alors, sans que vous l'ayez qualifié nécessairement comme étant un acte de lobbyisme. Alors, on voit qu'on a des facettes différentes, et c'est ça qui est intéressant. Parce que j'aurai à faire des recommandations au Conseil des ministres dans un avenir immédiat, et c'est important de connaître, là, ce qui vous anime. Je ferai donc ces recommandations.

n(15 h 20)n

Il y a des choses qui sont plus faciles à trancher, des recommandations plus techniques, spécifiques à des questions pointues. Alors, déjà j'ai dit à mes légistes de préparer pour... Si jamais le Conseil suit ma recommandation, on sera prêt avec un amendement. Il reste donc, je dirais, le point que vous soulevez à trancher. Alors, je vous entends bien à l'effet que, si on est pour vous conserver comme étant assujettis à la loi, vous exigez ? je pense que le terme n'est pas trop faible par rapport à ce que vous avez utilisé ? vous exigez que les syndicats ? et, sans l'avoir dit, mais j'ai compris que c'était le cas aussi pour les ordres professionnels ? soient inclus de la même manière.

Ce matin, on nous disait ? et c'est là que j'aimerais peut-être avoir votre commentaire, parce que, même si vous allez pour le rétrécissement, dans un sens, vous allez dans l'élargissement pour l'autre ? on nous disait qu'on n'était pas allés assez loin en général, parce que les actes de lobbyisme, ce n'était pas simplement les actes que l'on voyait, en ce sens que c'était une démarche qui était faite auprès du titulaire d'une charge publique, mais souvent c'était beaucoup de travail fait avant, en amont, et que même, des fois, on ne le voyait pas, sauf par son expression extérieure. Par exemple, on parlait de campagne de publicité qui aurait, mettons, 2 millions de budget et qu'on la lançait, puis c'est évident que, quand on reçoit le message, le but est d'influencer les gens qui occupent des postes de titulaire de charge publique. Alors, on disait: Voyez-vous, ils n'ont jamais eu de contact directement, mais ils ont tout préparé ça. Ils avaient un budget, ils avaient un objectif, ils ont vraiment le goût d'influencer et, pourtant, techniquement, ils ne sont pas considérés comme ayant fait du lobbying, alors que, disaient-ils, pour eux, c'était évident que c'était un acte de lobbyisme. Qu'est-ce que vous pensez de ça? Je le mets un peu comme grande catégorie pour voir si vous abondez ou si vous trouvez que ça va trop loin.

Le Président (M. Paré): M. Hamel.

M. Hamel (Pierre): Alors, M. le ministre, écoutez, les associations, les groupes de pression sont tous là pour représenter leurs membres. Dès qu'on touche au gouvernement ou on touche à un organisme qui est décisionnel, on fait du lobby. De près ou de loin, c'est le concept, c'est très clair. Ce n'est pas vraiment la question qui doit être débattue selon nous ? ou, enfin, selon moi, je dirais ? c'est plus qu'est-ce que le gouvernement veut atteindre et réaliser avec l'adoption de la loi. Est-ce que vous voulez, de façon systématique, encadrer toute discussion qui va intervenir avec n'importe quel fonctionnaire parce que c'est du lobby? Quant à moi, c'en est. D'autres vont dire qu'en matière de vendre, vivre, c'est vendre, et chaque geste qu'ils posent, c'est arriver à une vente éventuelle. D'autres vont dire: Tout n'est que séduction. Est-ce que c'est... Alors, effectivement, en matière gouvernementale, le lobby, c'est faire une représentation et s'assurer qu'on aura toujours l'écoute du gouvernement.

Mais là où les problèmes... Ce qui devient ponctuel, ce qui devient important, ce qui devient pressant pour le gouvernement, ce qui appelle le gouvernement à passer la présente législation, je ne pense pas que ce soient les activités qui sont de façon plus quotidienne, plus courante, dans l'aménagement, je dirais l'intendance de la gestion, mais plutôt dans les grandes influences de prise de décision et surtout ? et surtout ? tenter de déterminer ce qui est un acte de lobby pour interdire ce qui n'est pas du lobby. Et là ce qui n'est pas du lobby, il y a d'autres lois qui peuvent s'en occuper à bien des égards lorsque ça va trop loin comme tel.

Alors donc, essentiellement, ce que je dirais, c'est que, oui, c'est vrai, le lobby est très large, mais la loi ne doit pas nécessairement, parce qu'elle traite du lobby, s'attaquer à chacune des activités, et c'est ça qu'on... C'est un peu le message qu'on essayait de dire en disant: Moi, si j'ai un conseiller en relations de travail qui prend le téléphone puis qui appelle le directeur régional de la Commission de la construction du Québec pour lui expliquer que son inspecteur est allé beaucoup trop loin dans l'interprétation de l'article untel de la convention collective et qu'il devrait faire attention, et que là il y a une décision arbitraire qui est prise par le directeur et, moi, il faut que ça me soit rapporté parce que je dois l'annoncer au commissaire à l'éthique et, si ce n'est pas fait, il y a un syndicat qui me dit, lui: Telle démarche n'a pas été présentée, puis j'ai 500 piastres d'amende... Vous comprenez, là, ce n'est pas ça que la loi vise, j'en suis intimement convaincu. Ça ne fait pas de sens. Mais, en faisant de façon générale ou en le présentant de façon générale, ou très large, ou souple, je dirais, on inclut ce type d'activité là. Et c'est ce que je dis, et c'est ce qu'on essaie de dire: Ce n'est pas ce type d'activité là qui devrait être visé. Maintenant, en complément, je vais demander à Me Paré qui avait un commentaire.

Le Président (M. Paré): Me Paré.

M. Paré (Michel): M. le Président, si vous me le permettez, on a parlé tout à l'heure des associations sans but lucratif et des syndicats, l'exclusion ou l'inclusion. L'Association de la construction du Québec, les lois sur la construction au Québec font en sorte qu'on est dans une catégorie un peu particulière. Au niveau de l'Association, on reçoit... on a un mandat en fonction de la Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction ? dans notre jargon, la loi R-20 ? donc, on est reconnu comme étant le mandataire patronal pour représenter tous les employeurs du secteur institutionnel commercial aux fins de la négociation de conventions collectives. On a donc un mandat législatif, d'une part. D'autre part, on a aussi une compagnie filiale pour répondre à la réglementation gouvernementale pour desservir les entrepreneurs du secteur résidentiel qui doivent être qualifiés en fonction du règlement sur les bâtiments résidentiels neufs, selon la Loi sur le bâtiment gérée par la Régie du bâtiment du Québec.

Alors, on a deux situations: une situation d'une organisation sans but lucratif avec un mandat législatif, d'une part, où on est en constante relation avec les intervenants du monde du travail et, dans la construction, on l'a dit tout à l'heure, la CSST, la Commission de la construction, il y a d'autres instances... On fait au-delà de 20 000 interventions par année auprès des entreprises et on a développé une espèce de partenariat de travail avec la partie syndicale, avec aussi les fonctionnaires à tous les niveaux de la fonction publique. Alors, comment gérer tout ça aux fins de la loi? On a certaines difficultés. Lorsque vient le temps d'une négociation sur une convention collective, lorsqu'on parle de 11 000 employeurs, 65 000 travailleurs, c'est bien évident que le sous-ministre du Travail, que le ministère du Travail et le gouvernement, l'opposition sont intéressés à savoir ce qui se passe. Alors, nous, comme agent patronal, on serait assujetti à des règles, alors que nos vis-à-vis syndicaux seraient exclus des mêmes règles. Ça n'a pas de sens.

Quant à la définition de l'organisation sans but lucratif et l'organisation à but lucratif, on répond à une exigence gouvernementale en matière résidentielle. C'est le gouvernement, c'est ses instances administratives qui nous obligent à avoir une corporation à but lucratif pour desservir la clientèle résidentielle, et, là encore, on est en constante relation avec le pouvoir gouvernemental, avec les autorités de la Régie du bâtiment, avec les municipalités, avec la Société d'habitation du Québec. Et, encore là, on serait assujetti à cette règle-là? Écoutez, ça crée problème au niveau de la pratique, et on aurait trouvé une solution, nous. Et on ne dit pas ça pour... On a réellement un problème d'application, et il va falloir peut-être mettre le commissaire à l'éthique en copie conforme à toutes les correspondances. Écoutez, on a une centaine d'employés, on fait 20 000 interventions. Seulement qu'au niveau des tribunaux et avant d'arriver devant les tribunaux de toutes les instances administratives, on discute avec des fonctionnaires, on gère 700 poursuites annuelles contre la partie syndicale. Il n'y a personne d'autre dans le monde patronal au Québec qui a autant de dossiers contre la partie syndicale que nous. Alors, il faut en tenir compte, c'est notre particularité qu'on vit comme association et comme organisation patronale, qui nous est vraiment une particularité qui est vraiment particulière à l'ACQ. Il n'y en pas d'autres qui ont ça.

Le Président (M. Paré): Merci, Me Paré. M. le ministre.

M. Bégin: Permettez juste peut-être... Parce que vous avez tantôt répondu, M. Hamel, concernant les catégories de lobbyisme et vous avez utilisé un vendeur et «séduction», permettez-moi de conter une petite anecdote qui m'est arrivée ce midi. Je parlais avec quelqu'un concernant justement le lobbying. Vous comprenez que c'est un peu une marotte de ce temps-là. Alors, on me parlait de ça, la personne m'a dit: Oui, mais est-ce qu'Ève, au moment où elle offrait une pomme... Est-ce qu'elle faisait du lobbying? J'ai répondu spontanément, j'ai dit: Je ne pense pas, je pense qu'elle faisait de la séduction. Ha, ha, ha! Ça rejoint votre idée de tout à l'heure.

Le Président (M. Paré): M. le ministre, vous avez terminé?

M. Bégin: C'est tout.

Le Président (M. Paré): M. le député de Westmount?Saint-Louis.

n(15 h 30)n

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, je voudrais saluer les gens de l'Association de la construction du Québec. Je voudrais revenir peut-être à certains éléments de votre mémoire. Vous avez dit: Dans le fond ? c'est venu un peu à la fin ? nous ne sommes pas contre l'idée d'avoir une loi sur le lobbying. D'ailleurs, nous sommes des lobbyistes ? hein, je reviens à ça. Toutefois, comme vous dites, à la page 5 de votre document: «Pour cette raison, nous nous opposons sans réserve au projet de loi tel que rédigé.» Non pas pour les raisons qui sont mentionnées, la raison, en fait, la plus évidente ou celle que vous avez aussi mentionnée honnêtement, c'est que le projet de loi va trop loin ou ne va pas assez loin.

En ce qui concerne l'exclusion du syndicat, il est évident, elle semble être, dans votre cas effectivement, comme le souligne M. le ministre, l'os, le gros os qui est dans votre portrait. J'ai l'impression que ce dossier-là, on en a pas mal entendu parler effectivement depuis deux jours. Et je ne peux pas présumer de ce que pense le ministre, je ne peux pas lire dans ses pensées, mais, s'il se mettait un peu de côté, comme ça, je verrais mieux. Je vois que... J'ai bien l'impression que ça va être tout à fait difficile de défendre une exclusion à moyen ou à... continuer à essayer de défendre l'exclusion. À peu près tout le monde qui est passé ici est arrivé avec ça comme conclusion, y compris les académiciens et y compris le Protecteur du citoyen.

Mais il y a d'autres éléments dans le projet de loi qui ont fait aussi... qui ont créé des vagues. Il y a beaucoup de gens qui ont craint ou qui craignent l'approche bureaucratique que ce projet de loi peut amener en termes de problèmes dits administratifs. Lorsque, par exemple, l'article 2 du projet de loi spécifie que «constituent des activités de lobbyisme au sens de la présente loi toutes les communications orales ou écrites avec un titulaire d'une charge publique en vue d'influencer [...] la prise de décisions» qui devrait être annoncée, qui devrait être... C'est beaucoup, ça, c'est très large. Plusieurs personnes nous ont dit: Bon Dieu! Mon adjoint ou ma secrétaire... ou mon adjointe ou mon adjoint ne pourra plus prendre, par exemple, un rendez-vous avec M. le ministre sans qu'elle soit ou qu'il soit obligé de s'inscrire. Ils ont soulevé ça comme problème, entre autres petits problèmes d'ordre organisationnel qui pourraient amener une masse de bureaucratie. Alors, on ne sait pas encore exactement non plus ce que... Je n'ai pas vu dans le mémoire, en tout cas dans la partie publique, combien avait estimé le gouvernement en termes de coûts et d'ETC, le nombre de personnes qui viendraient à la charge soit de l'Assemblée nationale, soit de...

M. Bégin: ...comme tel, c'est l'Assemblée nationale qui va nommer la personne. Donc, c'est à l'Assemblée nationale de décider des ressources et des moyens dont disposera le Commissaire. Non, mais c'est toute la différence entre doter un nouveau poste que nous créons... Et là, à ce moment-là, c'est le gouvernement qui détermine les montants, alors que, dans l'autre cas, ça donne une indépendance et un pouvoir aussi à l'Assemblée nationale de dire: Les ressources requises pour l'opération ou l'opérationnalisation, c'est de tant. On a des petites idées sur ce que ça peut être, mais ce n'est pas une considération que nous devions mettre spécifiquement dans le rapport non plus.

M. Chagnon: Non, je comprends, mais le Bureau de l'Assemblée nationale doit être intéressé par avoir la petite idée en termes de grandeur puis d'estimé de coûts, parce que l'estimé des coûts vient donner la mesure un peu de la capacité bureaucratique de ce qu'on peut faire. Si on dit, par exemple: C'est 8 ETC, un commissaire au lobbying, plus cinq inspecteurs, plus, je ne sais pas quoi, moi, trois...

M. Bégin: ...

M. Chagnon: Oui, oui. Oui, oui, absolument.

M. Bégin: Je pense que c'est une question qui est importante, de divers intervenants, on a entendu exprimer l'idée que ça pourrait constituer une paperasse considérable. J'entendais tout à l'heure Me Paré mentionner envoyer ça, une copie conforme au Commissaire. Je pense que c'est une incompréhension de ce qui est là.

Le choix que nous avions à faire était le suivant: Est-ce que le Commissaire va devoir, par exemple, vérifier la conformité de chacune des inscriptions, si elles sont satisfaisantes, etc., et, par le fait même, avoir un contrôle tatillon, a priori complexe et évidemment dispendieux ou bien, tout simplement, recevoir sur des formules convenues, mais avec, mettons, 10 cases... En autant que les 10 cases sont remplies, la formule est complète, laissant au temps et aux personnes le soin de déterminer, quand on en aura besoin, si elle était effectivement satisfaisante. Quelqu'un qui aurait rempli les 10 cas en disant 10 conneries peut avoir très bien respecté l'idée de la loi à la lettre, mais ne pas avoir respecté l'esprit, et on le découvrirait en disant: Voyons donc, ces lobbyistes-là, ils n'étaient pas sérieux. Voici ce qu'ils ont dit, alors qu'ils ont fait telle autre chose. Et là il y aurait inadéquation. Alors, c'est a posteriori, et ça n'impliquera pas la chose.

Comment comprendre ces... Pour tout le monde, je pense qu'on ne voit pas bien la distinction. Dans les trois, quatre ou cinq premiers articles, on tente de décrire ce qu'est un acte de lobbyisme. Est-ce que, par exemple, prendre un rendez-vous... Comme disait le député de Westmount?Saint-Louis ce matin, quand on prend un rendez-vous avec une personne pour lui faire des représentations, c'est en vue de faire du lobbying. Ça, est-ce que c'est du lobbying? La réponse, c'est oui. Mais la vraie question qui nous intéresse par rapport à la gestion, c'est: Est-ce que je vais être obligé d'inscrire ce geste-là de la secrétaire ou d'un autre comme étant un acte de lobbyisme? La réponse, c'est non, parce que ce que vous avez à inscrire dans le registre, ce n'est pas les lettres que vous envoyez, les téléphones que vous faites, c'est simplement dire l'objet, modification de la Loi sur les relations de travail, qui allons-nous rencontrer, les sous-ministres de trois ministères concernés, Justice, Travail et un autre, n'importe lequel, imaginez-le, et c'est tout, vous avez respecté et très clairement ce que vous avez l'intention de faire. Et, après coup, vous faites vos opérations. Si vous dites: Ce n'est plus, par contre, les sous-ministres que nous voulons rencontrer, mais c'est le bureau du premier ministre et tel autre, tel autre organisme, là vous modifiez votre plan de match. À ce moment-là, après l'avoir décidé et conçu, vous allez devoir dire: Nous changeons notre plan de match. Mais ce n'est pas le détail. Ça n'intéresse pas personne que vous indiquiez ces choses-là. C'est pour ça que ce n'est pas une charge administrative lourde.

M. Chagnon: Sauf que la loi prévoit...

Le Président (M. Paré): M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Ça fait une animation un peu spéciale, M. le Président.

Le Président (M. Paré): ...

M. Chagnon: Oui, je comprends. Mais, sauf que la loi prévoit que chaque personne qui pose un acte qui, éventuellement, peut être considéré comme du lobbying... Et, si on considère que prendre le téléphone puis appeler le ministre de la Justice pour une raison ou une autre, c'est du lobbying, si je le fais, si mon adjointe le fait ou si quelqu'un d'autre le fait, elle devra s'inscrire parce qu'elle a posé un acte qui mène à faire du lobbying. Et, fatalement, on a éventuellement une autre question qui va se soulever, on n'a pas... Vous avez évidemment... C'est peut-être difficile... Ou vous avez, j'imagine, une idée de l'ampleur du nombre de personnes qui devront travailler à cela et des montants que l'Assemblée nationale devra y consacrer. J'imagine que vous avez ça dans vos cartons.

Mais, il y a aussi un autre facteur, c'est la réglementation qui va découler de ce projet de loi là, et qu'on ne connaît pas au moment où se parle, et qui viendra peut-être préciser ce que le ministre vient de souligner. Mais aussi la réglementation peut être aussi extrêmement pointilleuse et tatillonne et...

Le Président (M. Paré): M. Hamel.

M. Hamel (Pierre): Si vous permettez, à ce niveau-là, ce qui va devenir extrêmement complexe pour des organisations comme la nôtre et beaucoup d'associations patronales, c'est toutes les relations qu'on aura avec les organismes. Le ministère du Travail, ça va, on comprend très bien ce que M. le ministre nous dit. Que ce soit le Conseil du trésor, enfin les intervenants, le ministère de la Justice, qu'on rencontre, on peut fort bien maintenir un livre des rencontres ou enfin des gens qu'on doit rencontrer et ajuster le tout dans une formule relativement simple. Mais les interventions quotidiennes auprès de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, des interventions qui visent à satisfaire le patronat et non pas un patron ou qui visent les employés en général et non pas juste un employé, ces interventions-là deviennent quand même du lobby non pas pour une personne particulière, mais pour l'industrie, et elles, c'est elles qui sont quotidiennes, qui sont constantes, qui sont toujours, qui reviennent tout le temps et c'est elles qui vont être extrêmement difficiles à gérer, non pas à mettre sur papier, mais à détecter s'il n'en manque pas une, il n'y en a pas une qui a été oubliée ou il n'y a pas des interventions qui ont été faites à Chicoutimi, ou à Sherbrooke, ou à Trois-Rivières, ou à Québec par nos conseillers régionaux qui ne nous ont pas été déclarées. Parce qu'il va falloir centraliser ça.

M. Chagnon: Est-ce que vous êtes enregistrés au gouvernement fédéral, oui?

M. Hamel (Pierre): Oui, on est enregistré.

M. Chagnon: Et comment ça fonctionne?

M. Hamel (Pierre): C'est une déclaration annuelle, de mémoire, là. Il n'y a pas de... Remarquez qu'on ne fait pas de représentations particulières, là, au fédéral, c'est l'Association canadienne de la construction qui s'en occupe, là.

M. Chagnon: Vous avez un voisin qui est inscrit, je crois, hein? Vous, vous êtes inscrit?

M. Paré (Michel): Oui, moi, je suis... On est inscrit comme organisation, comme individus, mais je dois dire qu'au niveau fédéral on ne fait pas beaucoup d'interventions comme Association de la construction du Québec. Non pas que ça ne nous intéresse pas, mais l'industrie de la construction...

n(15 h 40)n

M. Chagnon: Mais vous êtes quand même inscrits.

M. Paré (Michel): ...est sous la juridiction québécoise. Alors, nous, on est en relation d'affaires très intense toujours avec le ministère du Travail, avec la Commission de la construction, évidemment, la Régie du bâtiment, la CSST. Alors, c'est plus une réglementation québécoise avec laquelle on doit faire face.

Et, comme le disait Me Hamel, M. le Président, les exemples du ministre de la Justice... Lorsque vient le temps de propositions, de représentations sur un projet de loi ou un projet de règlement... Un projet de règlement, ça va. Nous, la difficulté, elle est vraiment dans nos opérations quotidiennes. Elle est dans nos opérations quotidiennes. Quand vous représentez 11 000 employeurs de façon quotidienne sur l'interprétation de la convention collective, que vous avez des comités de résolution de conflits, vous avez... C'est là, le problème, ce n'est pas sur les grandes orientations. On intervient surtout sur les résolutions, sur les orientations, sur les programmes, sur les interprétations qu'on pourrait ajouter, sur tout. C'est notre mandat.

Et notre mandat vient de trois sources: évidemment, comme association sans but lucratif, de notre propre membership, mais il y a deux autres sources, une source législative, la loi R-20, et une source réglementaire, le règlement sur la construction des bâtiments résidentiels neufs. Alors, on a vraiment une difficulté, pour nous, qui nous est particulière. Lorsqu'on parle de projet de loi, lorsqu'on parle de commission parlementaire, de rencontre avant une commission parlementaire, d'intervention sur un projet de règlement, tout ça va bien, on peut facilement. Mais, dans nos opérations quotidiennes, ça devient vraiment problématique.

M. Chagnon: ...puis le ministre et nous tous ensemble avions un début de discussion tout à l'heure, l'article 7, «Inscription sur le registre des lobbyistes»... L'article 7 du projet de loi dit ceci: «Toute personne exerçant des activités de lobbyisme auprès d'un titulaire d'une charge publique doit être inscrite sur le registre des lobbyistes.»

L'article 2 prévoit ceci: «Constituent des activités de lobbyisme au sens de la présente loi toutes les communications ? toutes les communications ? orales ou écrites avec un titulaire d'une charge publique.»

M. Paré (Michel): Et notre président nous mentionnait tantôt...

M. Chagnon: Évidemment, c'est... Il me semble que le ministre...

M. Paré (Michel): En plus...

M. Chagnon: Peut-être que, moi aussi, je souffre d'incompréhension, remarquez, mais il me semble que l'association de l'article 7 avec l'article 2 fait en sorte que l'exemple que je donnais tout à l'heure, l'adjointe ou l'adjointe de l'adjointe qui prend le téléphone pour appeler le ministre Bégin et qui rejoint son cabinet, rejoint le ministre pour faire en sorte que vous ayez ou que j'aie un rendez-vous avec le ministre se trouve à... Et, c'est le ministre qui le disait lui-même, c'est un acte de lobbyisme de prendre un rendez-vous avec le ministre, elle doit être inscrite. Dans mon sens à moi, dans mon livre à moi, elle devrait être inscrite, et ça devient évidemment tatillonneux, et assez pointilleux, et bureaucratique comme approche.

M. Demers (Théo): Si on va dans l'esprit de ce que vous venez de dire, bien on a 450 bénévoles qui siègent au nom de l'ACQ sur différents comités, dans la province de Québec, puis qu'à tous les jours ils rencontrent des intervenants gouvernementaux ou des villes pour... Est-ce qu'il va falloir inscrire ces 450 bénévoles-là comme lobbyistes au sein de l'ACQ...

M. Chagnon: La même question...

M. Demers (Théo): ...en plus de tous les employés régionaux qui travaillent dans... On a 12 bureaux régionaux, l'ACQ. On est une fédération qui avons 12 bureaux régionaux, est-ce qu'il va falloir inscrire tous les employés qu'on a dans nos bureaux régionaux, en plus de tous les employés qu'on a à notre siège social, à Montréal?

M. Chagnon: Tous ceux qui font un traitement...

M. Demers (Théo): Ils sont tous aptes, à un moment donné, à faire un téléphone ou à rencontrer quelqu'un pour discuter un problème de l'ACQ.

M. Chagnon: C'est un argument qui était soulevé par, un, les chambres de commerce. Et c'est un argument, aussi, que les syndicats nous amèneraient éventuellement, parce que, eux autres aussi, ils sont organisés sur une base régionale. Et, s'il y avait une modification à la loi et que le terme d'«organisation» était défini et dans lequel... la définition du terme «organisation», on retrouvait justement, entre autres, les entités syndicales, comme on le retrouve dans toutes les autres législations sur le sujet, que ce soit la législation canadienne, la législation de la Nouvelle-Écosse, la législation de l'Ontario ou la législation de la Colombie-Britannique... Or, dans ces cas-là, évidemment, une fois que tous ces gens-là sont regroupés sous le parapluie énorme d'être lobbyistes ? et ils le sont, dans le fond ? ça fait bien du monde à la messe, au bureau du registraire, là, quand tout le monde vient pour s'inscrire, parce que tous ceux qui doivent avoir une communication orale ou écrite sont considérés comme lobbyistes.

Une voix: ...

Le Président (M. Paré): ...M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Oui. Bien, j'ai terminé, mais peut-être que le ministre ou...

Le Président (M. Paré): Oui. Vous aviez une réponse, Me Robert... M. Hamel?

M. Hamel (Pierre): Oui, si vous permettez, alors, juste pour dire que... Et, c'est pour ça, c'est un peu en fonction des 450 bénévoles, en fonction des 60 intervenants, en fonction des 20 000 interventions annuelles qu'on soumet au gouvernement, au ministère de la Justice: Ciblez spécifiquement les objectifs de cette loi-là pour ne pas créer un monstre de papier et qui va créer des infractions statutaires plutôt que de s'adresser vraiment, là, à ce qui est moralement inacceptable et qui va devenir légalement inacceptable dans le monde de la gestion. Et je pense que, si on est capable de bien circoncire... ou circonscrire plutôt...

M. Chagnon: Oui, ce serait mieux.

M. Hamel (Pierre): Ce serait mieux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: C'est moins douloureux.

M. Bégin: Ouf! Vous nous avez fait peur. Vous nous avez fait peur.

M. Hamel (Pierre): On était dans la séduction. Ha, ha, ha! Excusez-moi, un lapsus. Alors, si on peut circonscrire de façon plus précise l'objet de la loi, non seulement on va permettre de protéger ceux qui font du vrai lobby contre, justement, des fausses activités de lobby... Et la loi qui, à première vue, semble un peu créer des infractions va peut-être protéger un peu plus l'activité de lobby si elle est bien circonscrite. Si elle est trop large, elle va plutôt condamner toutes les activités qui ne sont pas dévoilées et qui deviennent donc secrètes, alors qu'elles ne le sont pas actuellement.

Le Président (M. Paré): Merci, Me Hamel. Mot de la fin, M. le député de Westmount?Saint-Louis?

M. Chagnon: Oui. M. Demers, est-ce que je vous interpréterais correctement si je disais que vous êtes d'accord avec le principe d'un projet de loi sur le lobbying, mais que vous demandez au gouvernement, finalement, de réécrire ce projet de loi, non seulement de lui ajouter l'espèce d'approche, l'espèce de... l'ajout que vous avez demandé, c'est-à-dire que les syndicats et les autres organismes soient inclus, mais aussi beaucoup d'autres aspects du projet de loi, comme ceux qu'on vient de mentionner et qui amènent une inflation bureaucratique importante?

Le Président (M. Paré): M. Demers.

M. Demers (Théo): Nos membres trouvent que l'industrie de la construction est déjà trop réglementée, trop régimentée, extraordinairement. Moi, je pense que... On n'est pas contre la loi, là, mais il faudrait qu'elle soit faite... qu'elle soit claire, nette et précise et que, nous autres, un délégué de chantier, on ne soit pas obligés de l'inscrire comme lobbyiste. Je pense que, à ce moment-là, si ça, c'est fait... Ou si, nous autres, on le fait, il faut que ça soit pour tout le monde, puis là ça va être la guerre. Moi, je pense, ça va être la pagaille extraordinaire si ce n'est pas plus clair que ça.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Demers. Il reste deux minutes, M. le ministre, à votre...

M. Bégin: Je pense qu'il faut prendre ces deux minutes-là pour clarifier la question. Vous êtes possiblement des lobbyistes d'organisations ou d'entreprises. Vous n'êtes pas des lobbyistes-conseils, on en convient. Donc, c'est l'article 9 qui s'applique: «L'inscription d'un lobbyiste d'entreprise ou d'un lobbyiste d'organisation est faite par la présentation au registre d'une déclaration contenant:

1° les nom et adresse du plus haut dirigeant de l'entreprise.»

Ce n'est pas l'ACQ qui serait inscrite, c'est les personnes qui travaillent chez l'ACQ qui font du lobbying. Donc, c'est ces personnes-là, et le personnel autre que ceux qui font du lobbying n'a pas à être inclus. Et c'est la même chose qu'au fédéral encore une fois, et je ne vois pas pourquoi un même texte, au fédéral, ne pose pas de problème puis pourquoi ici, il en poserait. Sincèrement, je n'arrive pas à comprendre la dynamique. Et ce que l'on fait, c'est: Paul Bégin, qui travaille à l'ACQ, s'inscrit. Si on est six à faire du lobbying là, on s'inscrit les six. Mais la secrétaire, les employés autres n'ont pas à être inscrits.

Je répète que ce que vous trouvez au deuxième alinéa de l'article 2, ça indique la mesure de ce qu'est un acte de lobbying. Le fait de prendre rendez-vous constitue un acte de lobbying, mais ça ne veut pas dire que la personne qui a fait le coup de téléphone est un lobbyiste. Comprenez-vous?

M. Hamel (Pierre): C'est très clair, M. le ministre. Mais ce qu'on veut préciser, si vous prenez l'article 13, «tout changement au contenu de la déclaration relative à un lobbyiste ? et ça, c'est tous les lobbyistes confondus ? y compris celui résultant de la fin de son engagement et celui résultant de l'exercice de nouvelles activités de lobbyisme»...

n(15 h 50)n

Or, ce qu'on vous dit, c'est que, parmi nos membres et parmi nos employés tantôt il y en a cinq, tantôt il y en a 25, tantôt il y en a 50 qui posent des gestes quotidiens qui sont maintenant définis par la loi comme étant des gestes de lobbyisme, et moi, je ne peux pas avoir un contrôle parfait là-dessus. Et, donc, est-ce que les interventions sont illégales? Est-ce que je n'aurai pas déclaré toutes mes personnes qui auront fait des actes de lobbyisme parce que j'aurai fait des représentations en CSST auprès d'un directeur régional? Est-ce que je... Et là on est vraiment, là, dans la limite... Ce n'est pas... Je comprends très bien qu'on a juste à dire que, si on fait des représentations auprès du ministère de la Justice ou du ministre de la Justice, que, de telle date à telle date, on a eu des rencontres relativement à la modification du projet de loi n° 80 oralement ou par écrit, etc., ce n'est pas plus compliqué que ça et que, nécessairement, ça ne veut pas dire que je dois faire part de tous les téléphones, mais nous, c'est ce qu'on ne sait pas, ce qu'on ne peut pas déclarer et qui est dans le quotidien de par la nature de nos activités qui nous inquiète.

Le Président (M. Paré): Merci, Me Hamel. Notre temps imparti est terminé. Je voudrais vous remercier, MM. Robert, Paré, Hamel, Demers et Riendeau pour votre contribution à cette commission.

M. Chagnon: ...

Le Président (M. Paré): Allez-y, là. Ha, ha, ha! Je pense qu'elle va être personnelle si ça continue, là.

Me Hamel...

Une voix: ...

M. Chagnon: Peut-être une dernière petite question avant que vous nous quittiez.

Une voix: ...

M. Chagnon: Oui, c'est ça. Mais j'ai improvisé sur le fait que je pouvais anticiper un consentement. Ha, ha, ha!

Une voix: ...

M. Chagnon: Oui, ça se peut. Ça se peut. Mais l'aspect pratico-pratique, là... Parce que je reprends la question que le ministre vient de nous soulever, et, dans le fond, si je suis un de vos gérants d'un chantier, par exemple l'autoroute de Beauport, les paquets de travaux qui se font là actuellement, et vous avez ce chantier de construction là, vous opérez ce chantier de construction là, votre gérant de chantier est là avec l'ingénieur ou le type en charge de la division du ministère des Transports qui s'occupe de ce dossier-là, ils vont luncher ensemble, ils regardent le chantier, votre type dit: Bien, j'ai tel, tel problème, éventuellement probablement un ajout ou deux et... Mais, ensuite, après ça, lorsqu'il pose... Jusque-là, tout va bien, je pense que ça rentre... On ne fait pas partie de la loi actuellement, sauf si votre ingénieur ou si votre gérant de chantier demande au divisionnaire du ministère des Transports: Est-ce qu'il y aura un ajout à ce contrat-là qui s'en vient? Là, on tombe dans l'application de ce projet de loi là.

M. Hamel (Pierre): Non, pas du tout. Nous n'engageons pas de gérants de chantier, ce sont nos membres qui ont des gérants de chantier. Mais nous, ce que nous avons ? et là je vais vous donner un exemple...

Le Président (M. Paré): Rapidement.

M. Hamel (Pierre): ...très rapidement ? nous avons un membre qui est un membre ICI en relations de travail et qui s'en va porter du gypse sur un chantier. Au lieu d'aller le porter à la clôture, il va le porter au cinquième étage. Est-ce que ça constitue ou pas des travaux de construction parce qu'il est maintenant sur le chantier ou à pied d'oeuvre et non pas en usine? Là, il y a un problème. Sauf qu'on se retrouve, on est à Chibougamau, et à Chibougamau il n'y en a pas, de «lift» pour monter ça, et c'est du matériel friable, et l'inspecteur est sur le dos de mon membre. Alors, moi, j'ai un conseiller ? lui, il est membre de l'ACQ ? qui est appelé par le membre. Il dit: J'ai un problème, il y a un inspecteur qui me harcèle. Alors, le conseiller va aller voir l'inspecteur et il va parler à son directeur régional, et son directeur, il va appeler un peu plus haut, il va même aller appeler à une vice-présidence, il va dire: Écoutez, faites de quoi, négociez ça, réparez ça ou assurez-vous que l'inspecteur ne fasse plus ces choses-là.

Le Président (M. Paré): Merci.

M. Hamel (Pierre): En faisant ça, il fait du lobby.

Le Président (M. Paré): Merci, messieurs. On va suspendre une minute. J'inviterais Communication Errol Fréchette à s'avancer, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 15 h 54)

(Reprise à 15 h 55)

Le Président (M. Paré): Bonjour, messieurs. Bienvenue à cette commission. M. Fréchette, j'aimerais que vous présentiez les gens qui vous accompagnent. Vous aurez 15 minutes pour votre présentation et des réactions et des questions de la part des parlementaires pour les 30 autres minutes. Merci. Bienvenue.

Communication Errol Fréchette

M. Fréchette (Errol): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, je vous remercie pour l'opportunité d'échanger avec vous. Mon nom est Errol Fréchette. Je suis accompagné aujourd'hui, à ma droite, de Jacques Lafrenière et, à ma gauche, de Gilbert L'Heureux, des amis et conseillers.

Il y a quelques années ? je crois que c'est en 1998 ? j'ai pris connaissance de la décision de votre commission d'entreprendre un mandat d'initiative pour étudier la question du lobbying. J'avais alors décidé de préparer et de vous transmettre une intervention; j'avais même commencé à la rédiger. La turbulence des mandats a vite fait de me distraire, et ma bonne intention a pris le même chemin que mes résolutions de bonne année.

Au début de cette année, quand il fut question du dépôt d'un projet de loi, mon intérêt fut de nouveau éveillé. Et, dès son dépôt, j'en ai fait la lecture, et ma première réaction, c'était de ne pas m'impliquer, de plutôt consacrer mon temps à mes clients, étant convaincu que les grosses boîtes, avec leur personnel, pourraient préparer des réactions, puis qu'est-ce que je pourrais contribuer, moi, de plus? Mais j'ai été hanté par le discours que je tiens à mes clients: Les absents ont toujours tort. Si vous n'intervenez pas, d'autres vont le faire à votre place. Si vous n'intervenez pas en temps opportun, venez pas vous plaindre après. J'ai tellement dit ça au monde que j'étais piégé. J'ai donc, entre deux mandats, préparé les commentaires que vous avez reçus.

L'invitation de Me Mignolet de me présenter aujourd'hui m'offrait une autre occasion de me défiler. Cette fois-ci, c'était le manque de temps, car, vous savez comme moi, les fins de session sont remplies, les clients poussent et, en tout cas, les excuses ne manquaient pas. Mais j'ai tellement demandé que des consultations soient tenues sur des projets de loi et j'ai tellement demandé que mes clients soient reçus en consultation que je ne pouvais pas décliner l'invitation.

Enfin, je voudrais souligner que je suis ici à titre personnel, je ne fais pas partie d'aucune alliance ou regroupement, et que mes propos ne sont pas nécessairement ceux de mes clients. En passant, précisons que mes clients sont et ont presque toujours été des associations professionnelles. C'est le préambule que je voulais faire. Oui?

Le Président (M. Paré): ...nous présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît?

M. Fréchette (Errol): Oui. M. Gilbert L'Heureux, à ma gauche. Gilbert L'Heureux et, à ma droite, Jacques Lafrenière. Je m'excuse.

Je ne vous ferai pas la lecture des commentaires que je vous ai transmis ? vous les avez eus, c'était court ? je me limiterai à en expliciter quelques-uns. Puis je voudrais m'excuser aussi pour les répétitions, parce que j'ai écouté, hier, la transmission, puis j'écoutais M. Dufour notamment, puis j'ai dit: Il a pris mon document ou je ne sais pas quoi, là, mais en tout cas.

Vous avez probablement compris, à la lecture du document, que je ne croyais pas que cette législation était nécessaire. Ce n'est pas que... Si on fait exception de quelques éléments comme la divulgation des honoraires, je pourrais vivre avec assez facilement. Mais je me demandais si l'objectif visé n'était pas mal servi, parce que, si l'objectif, c'est d'informer les titulaires de charge publique des motifs, des objectifs ou de l'origine de mes interventions, je n'en vois pas la nécessité. Les nombreux titulaires de charge publique que j'ai fréquentés à travers les ans, avec lesquels j'ai eu des rapports savaient dès le premier contact qui j'étais, qui je représentais, le ou les buts de mon intervention. Ils ne savaient pas le montant de mes honoraires ou, lorsque j'étais salarié à l'emploi d'un organisme, ils ne savaient pas que, dans mon contrat d'emploi, j'avais une clause de prime au rendement, mais ça n'avait pas de rapport.

Je comprends le but... veut atteindre, mais, à mon avis, il y aurait des amendements à lui apporter pour corriger et pour ne pas nuire à des entreprises ou des artisans comme moi qui mettent leurs connaissances, expérience à la disposition d'associations qui n'ont pas cette tradition de suivre de près les diverses législations. La vaste majorité de ce que je fais, moi, est du domaine des idées, et je ne fais pas de démarchage économique. Telle que décrite plus tôt, ma clientèle est presque exclusivement composée d'associations professionnelles. Je consacre beaucoup d'énergie à leur faire comprendre le système parlementaire, comment le processus se développe, puis ceci à l'avantage du gouvernement.

n(16 heures)n

Maintenant, concernant des éléments particuliers du projet de loi, l'article 3, surtout devant un ministre responsable de l'application des lois professionnelles et un ex-ministre responsable de l'application des lois professionnelles, je me permets de demander pourquoi la direction des ordres professionnels est exclue. Est-ce que c'est parce que les ordres professionnels ne font pas de lobbying? Je... Bon, la question est posée.

Le paragraphe 10° de l'article 8 prévoit la divulgation des honoraires reçus. Dans mon document, j'ai explicité pourquoi j'avais des problèmes avec ça, c'est parce que... Je suis certain aussi que je ne dois pas être le seul qui... Mais comment... Mes clients me le demandent toujours, c'est: Comment ça va coûter, le... Je fonctionne avec un tarif horaire, je ne pourrais pas leur dire d'avance comment ça va coûter. Ça dépend de bien des circonstances. Et qu'est-ce que vous faites des groupes ? et je sais que ça existe dans certaines boîtes ? qui ont des «retainers» ? je ne sais pas comment dire ça en français ? des avances d'un an pour suivre la législation, mettre en veille, et qu'il arrive des cas ad hoc? Est-ce qu'on soustrait du «retainer» dans la déclaration? Est-ce qu'on l'additionne?

Le paragraphe 7° de l'article 9, c'est toute une commande. On demande, à cet article, les nom et adresse de toute personne, société ou association qui contribue à des activités de lobbyisme. Parce que la formule s'est avérée efficace pour impliquer le plus de membres possible d'ordres professionnels ou d'associations puis pour utiliser un potentiel souventefois qui existe au sein de chaque groupe, je suggère à tous mes clients la constitution d'un comité d'action politique dès nos premières rencontres. Ces comités sont habituellement composés du président de l'organisme, du permanent senior puis de cinq à 10 membres de l'organisation. Le mandat de ce comité-là, c'est de conseiller et d'appuyer le président dans ses mesures et démarches politiques. Aussi, quand c'est approprié, je suggère la tenue de journées d'action politique. J'en organise fréquemment. Ces activités peuvent impliquer jusqu'à 100 membres d'associations ou d'ordres. Ça les mobilise, ça leur fait apprécier aussi la façon que... un changement dans une loi, ce que ça implique comme démarche.

Quand je les amène ici et que je les fais assister ou je leur fais assister à une présentation, par exemple, par Christian Comeau sur la façon qu'une commission parlementaire fonctionne ou une présentation, je ne sais pas, par le président du caucus d'un parti sur... et qu'ils voient aussi, pendant la période de discussion ou d'étude article par article, comment c'est laborieux, ils ne demanderont pas à leurs dirigeants ou à moi: Ah! Fais donc changer tel article de projet de loi, tu sais, comme si ça se faisait... Mais ce que je veux dire, c'est que ça implique le déplacement, mettons, d'une centaine de personnes, et on organise des rencontres avec les députés et un lunch au Parlementaire, etc. Est-ce que je devrais donner le nom de chacune de ces personnes-là dans la déclaration sur ça? J'ai des clients qui s'inquiètent de ça, avoir à faire ces déclarations-là.

Toujours en rapport avec cet article aussi, le dirigeant de la plupart de mes clients, parce qu'il participe à des activités avec moi, est-ce qu'on va devoir, chacun, faire une déclaration, lui comme lobbyiste d'organisme et moi comme lobbyiste-conseil?

Enfin, le paragraphe 5° de l'article 59: «Le gouvernement peut [...] prescrire, en fonction du support et du mode de transmission [...] les droits exigibles. Ce paragraphe prévoit, par règlement...» Bon, quel sera le coût de ces déclarations? Au fédéral, vous le savez probablement, ça coûte 150 $, chaque déclaration, si vous le faites sur format papier. Et, si vous le faites par Internet, il n'y a aucuns frais. Est-ce que, dans les projections face à ce projet de loi là, c'est la même formule que vous prévoyez?

Et, finalement, en guise de conclusion, je crois que la pratique du lobbyisme au Québec est complexe, et, à cet égard, les stipulations de toute législation ou réglementation, pour être efficaces, doivent avoir la souplesse requise. Il faut qu'elles soient acceptées aussi, parce que, si c'est inapplicable, il va y avoir toutes sortes de moyens d'essayer de ne pas l'appliquer. En tout cas, je vous remercie. Je suis disponible à vos questions.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Fréchette. Est-ce que les gens qui vous accompagnent ont des commentaires ou... Ça va? M. le ministre.

M. Bégin: Merci, messieurs. Je commencerai par là où vous avez terminé, cette question des coûts. Vous êtes les seuls à l'avoir abordée, alors on va au moins y consacrer quelques secondes. La crainte est que, effectivement, les coûts puissent être élevés. Ce que je peux vous dire, c'est que ça va être le coût minimum. La plupart des inscriptions vont se faire par Internet et pourront être consultées gratuitement par Internet. Il n'y aura donc pratiquement aucun coût, sauf les manipulations minimales, là, qu'il faut faire. Alors, on veut s'assurer qu'il n'y a rien. C'est le ? comment il s'appelle? ? le conservateur du registre des droits réels et personnels mobiliers qui va le faire. Alors, on a pris un registre qui existait, des gens qui avaient déjà un système, une organisation pour ne pas réinventer la roue. Alors, ça va être vraiment, là, le minimum de tout. Alors, ça ne sera pas très élevé, au contraire. Donc, là-dessus, je pense que c'est assez clair.

Dans votre mémoire... Vous ne l'avez peut-être pas repris comme tel, mais il y a un point que j'aimerais reprendre. Vous dites ? c'est à la page 2: «Le projet de loi peut être interprété comme une évaluation peu flatteuse à l'égard du jugement des femmes et des hommes titulaires d'une charge publique énumérée au deuxième paragraphe de l'article 25, leur personnel politique, les sous-ministres et les dirigeants ou les personnes responsables d'organismes d'État. Mon expérience des 30 dernières années m'amène à une conclusion tout autre.» Puis là vous faites la référence que ça aurait pu être atteint par une modification aux doubles rémunérations, ce que vous avez appelé le «double dipping».

Dans 25, 26 et 27, qui sont les articles concernant l'après-mandat ? c'est à ça que vous faites référence ? on dit, par exemple, qu'un ministre ? et j'en suis un ? pendant deux ans, ne pourra pas faire d'activité de lobbying. Moi, je ne le considère pas comme étant un point de vue peu flatteur à mon égard que de dire que, pendant x temps, je ne pourrai pas faire une telle activité, et ça m'apparaît, au contraire, aller dans le sens de la transparence et de la distance que nous devons avoir après avoir occupé des fonctions qui nous ont mis à même d'avoir une information extrêmement privilégiée, que ce soit par des connaissances de fonctionnement ou surtout de contenu, d'informations particulières, et que les autres n'ont pas, et qu'il serait, à mon point de vue, indu de profiter au détriment des autres alors que c'est ma fonction qui m'a permis d'acquérir ça. Alors, je ne penserais pas que c'est peu flatteur à mon égard de m'imposer... C'est le premier ministre qui l'a fait, mais qu'on m'impose que je ne puisse pas pendant deux ans exercer l'activité de lobbying. Pourriez-vous me dire pourquoi, vous, vous pensez le contraire?

M. Chagnon: Il vous trouve bon.

M. Bégin: Hein?

M. Chagnon: Il vous trouve bon.

Le Président (M. Paré): M. Fréchette.

M. Bégin: Qui, lui ou mon premier ministre?

M. Chagnon: Lui, il vous trouve bon.

M. Bégin: Ah bon. Ha, ha, ha!

M. Fréchette (Errol): M. le ministre, je suis content que vous l'abordiez, parce que ça veut dire que c'est mal écrit. Ce n'est pas du tout ce que j'avais à l'esprit. Malgré que, vu que vous êtes sur le sujet, je pense aussi, dans les commentaires, j'ai parlé... Mais il serait possible que quelqu'un qui a une charge publique agisse comme lobbyiste d'organisme ou lobbyiste en dedans de la période, hein, ou est-ce que j'ai mal compris? Ce qui est interdit, c'est d'être lobbyiste-conseil, mais vous pouvez être lobbyiste d'organisation.

Une voix: ...entreprise.

M. Fréchette (Errol): D'entreprise.

M. Bégin: Une entreprise. Mais, si j'ai eu des contacts avec... Si j'ai, à ce moment-là, des contacts avec des anciennes fonctions que j'occupais, à ce moment-là je ne pourrais pas.

M. Fréchette (Errol): Oui, mais je ne vois pas la raison de cette distinction-là. Mais, ce n'est pas ça, je veux répondre vite à votre... Ce que j'essayais de décrire, c'est que l'esprit du projet de loi obligeant les gens à s'inscrire à un endroit en disant qui ils allaient voir, tout ça, c'est comme si les gens qu'on allait voir ne le savaient pas. Tu sais, c'est pour l'utilité de qui, cette inscription-là?

M. Bégin: Tout à l'heure, je pensais que c'était un lapsus de votre part, mais, à mon point de vue, vous avez commis une petite erreur. C'est que ce n'est pas pour donner de l'information au titulaire. Vous avez dit: Informer les titulaires des charges publiques. Ce n'est pas du tout ça. Le registre n'est pas pour informer que M. Fréchette est ci et ça et il a pour objectif de faire telle chose. Le fonctionnaire ou le titulaire de la charge publique n'est pas concerné par ce que vous venez de dire.

Ce qui est intéressant, c'est, pour la population, de connaître que vous, vous êtes un lobbyiste, que vous vous êtes inscrit au registre parce que vous vous entendez faire tel objet, c'est-à-dire atteindre tel but, une modification de la réglementation dans tel domaine pour un client qui s'appelle X, Y, Z, que vous entendez utiliser les moyens a, b, c pour y arriver sur une période de temps, et voilà, et que vos honoraires sont de l'ordre de zéro à 10 000 $. Par exemple, c'est pour permettre à la population de savoir que votre client entend influencer correctement ? et c'est tout à fait légitime ? un titulaire ou éventuellement le gouvernement d'aller dans telle direction. Et c'est pour que quiconque est intéressé puisse aller le voir et le savoir. C'est ce qu'on appelle le phénomène de la transparence et c'est pour ça que c'est fait, non pas pour que le fonctionnaire dise: M. Fréchette, est-ce qu'il est inscrit au registre, lui? Il n'a pas à vérifier ça, ce n'est pas de ses affaires.

n(16 h 10)n

M. Fréchette (Errol): Alors, l'interprétation que j'avais, c'était ça et c'était ça que je me disais. Mais je n'ai jamais eu de problème. Les gens, en arrivant, savaient qui j'étais, qui je représentais et ce que je venais faire.

M. Bégin: C'est comme nous autres dans le métier d'avocat, on dit que l'avocat devrait être cru à sa parole. Alors, vous arrivez quelque part, vous représentez quelqu'un, il n'y a aucun titulaire qui doit dire: Est-ce que j'ai la preuve que vous avez un mandat? Est-ce que c'est bien M. Untel? Est-ce qu'on va commencer à questionner votre mandat? Pas du tout. Vous, vous faites votre travail, puis la population, si elle veut savoir que vous avez rencontré ces personnes-là pour tel objectif, par le registre, elle va être en mesure de vérifier si vous avez fait une dénonciation, une révélation suffisante. C'est tout. Ce n'est pas pour le titulaire. Sinon, ils deviendraient des gardiens de vos déclarations, et ça, on ne le veut pas.

Le Président (M. Paré): Ça va, M. le ministre?

M. Bégin: Oui.

Le Président (M. Paré): M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci beaucoup. Je voudrais saluer M. Fréchette et ses acolytes et, en même temps, signifier que, dans leur mémoire, on retrouve quelques questions qui nous sont posées... Enfin, qui sont posées, bon, évidemment, d'abord aux rédacteurs et aux présentateurs du projet de loi, mais je pense, entre autres, aux questions que vous soulevez à la page 2 lorsque vous dites qu'en vertu du décret 467-2002 du 24 avril 2002, le Secrétariat à l'allégement réglementaire a été consulté... En fait, vous posez la question: «Est-ce que [...] le Secrétariat à l'allégement réglementaire a été consulté sur cette nouvelle institution? Est-ce que, tel que prévu à l'article 4 de l'Annexe B, une étude d'impact a été produite? À combien estime-t-on le coût pour les PME? Qui en assumera le coût?»

Évidemment, la dernière question, je pense que je pourrais y répondre facilement, c'est toujours la même chose. Mais les trois premières, ça, c'est des questions qui relèvent évidemment de la charmante entreprise de notre collègue le député de Louis-Hébert, et, évidemment, nous attendons des réponses aussi. Éventuellement, nous les aurons peut-être.

M. Bégin: C'est simple, le projet de loi a suivi le sentier régulier. C'est-à-dire mémoire au Conseil des ministres; le Conseil des ministres ? le personnel du Conseil ? envoie dans les différents comités pour avis le projet de loi; ceux-ci sont communiqués au Secrétariat qui décide si c'est soumis à un comité en particulier pour considération et, par la suite, transmis au Conseil des ministres pour adoption. Alors, je ne sache pas que, dans ce cas-ci, nous ayons eu des commentaires particuliers du Secrétariat à l'allégement réglementaire.

Je profiterais peut-être de l'occasion, vu que ça se rejoint, pour répondre à votre question concernant les coûts de tout à l'heure, là. Ça me préoccupait déjà. Alors, il y avait différents scénarios comme celui, par exemple, de confier à quelqu'un qui occupait déjà... qui était déjà nommé par l'Assemblée nationale, par exemple, mettons, Protecteur du citoyen, et de voir si ce n'est pas la même chose quand il y a déjà une organisation existante par rapport à la création d'une nouvelle. Alors, le scénario dont je parle, les évaluations étaient entre 14 et 16 ETC et un coût annuel d'environ 1 400 000 $. C'est ce qui est là. Alors, ça peut aller en plus ou en moins, mais c'est l'ordre de grandeur que ça peut représenter.

M. Chagnon: O.K. Que vous aviez estimé à ce moment-ci. C'est important de le savoir.

M. Bégin: Oui, c'est ça, pour être conformes à ce que nous avons choisi comme scénario. Et, évidemment, si on change les paramètres, bien là on pourra avoir des choses différentes.

M. Chagnon: Bien sûr. Alors, M. Fréchette, dans la page 4, vous soulevez le problème de l'alinéa 10° de l'article 8 qui concerne les tranches de valeurs qui suivent et les montants que vous devriez annoncer. Vous avez spécifié que c'était pour des raisons horaires, d'autres avant vous ont spécifié que c'est pour des raisons strictement de relations interprofessionnelles que ce genre de question là ne devrait pas être public. Est-ce que vous partagez cette opinion-là?

M. Fréchette (Errol): Oui. Bien, c'est que c'est... Je me demande pourquoi. Dans la législation fédérale, on ne retrouve pas cette obligation, et qu'est-ce que ça donne? Qu'est-ce que ça donne? Je pense que c'est que les gens ont la perception que, plus vous dépensez d'argent, plus ça va être efficace. Et j'amène l'exemple de... Si c'était le cas, aujourd'hui on aurait la fusion de la Banque de Montréal et de la CIBC. Ce n'est pas... En tout cas, ce n'est pas mon expérience. Et, si le dossier est bon, vous allez réussir. Ce n'est pas le montant d'argent que vous dépensez. Alors, pourquoi indiquer des sommes d'argent?

M. Chagnon: Alors, je vais laisser mon collègue...

Le Président (M. Paré): Oui, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour, il me fait extrêmement plaisir de souhaiter la bienvenue au Dr Fréchette et aux deux personnes qui l'accompagnent. J'ai eu l'immense plaisir de le connaître pendant les six années que j'ai été le président de l'Office des professions du Québec et je dois vous dire que le mot «professionnel» lui colle très, très bien.

Et, effectivement, je décode dans son intervention une préoccupation qui va me permettre aussi de parler d'un autre professionnel qui est avec nous ici aujourd'hui. Je décode dans les interventions de Dr Fréchette qu'on a ici, devant nous, un projet de loi qui tient compte d'une préoccupation publique relativement récente, et il ne faudrait pas qu'on fasse la maximisation du soudain dans notre préoccupation. C'est-à-dire ce n'est pas parce que le lobbyisme est à l'avant-plan dans la préoccupation du public qu'il faut procéder hâtivement, parce qu'il y a des choses là-dedans qui ne collent pas à la réalité. La preuve, des gens comme ceux qui sont avec nous aujourd'hui font très correctement leur travail de lobbyisme au sens propre depuis, dans leur cas, une dizaine d'années. Et c'est important de le retenir. Le travail de lobbyisme bien fait, le travail correct n'est pas la source des problèmes qui sont dans les nouvelles depuis les six derniers mois.

Dr Fréchette peut demander une rencontre avec l'opposition ou avec le gouvernement pour dire: Voici les préoccupations des gens qui sont dans tel domaine spécifique, puis je dois vous avouer que notre temps dans l'opposition est aussi mesuré que votre temps au pouvoir, puis c'est de loin mieux pour nous de s'asseoir avec un expert, un professionnel, quelqu'un d'une vaste expérience comme Dr Fréchette que de s'asseoir avec quelqu'un qui débute dans un domaine, qui essaie d'amener un client. Et ce travail de lobbying n'a rien à voir avec des questions de prendre un pourcentage sur une subvention du gouvernement ou autres pratiques qui ont fait la manchette depuis le mois de janvier.

Ce qui me donne ouverture pour saluer la présence non seulement du ministre dans le dossier, mais la personne qui l'accompagne qui est un professionnel consommé, Me Pierre Charbonneau, du ministère de la Justice. Je tiens juste à dire que, lorsqu'on entend les intervenants venir dire souvent que la loi est mal rédigée, que même si elle est repiquée... Même si ça fait partie de notre vie comme élus de faire face à des critiques à l'occasion, je pense que ce n'est pas le propre... Sauf de très rares occasions, j'ai rarement vu une loi mal rédigée aboutir devant une commission parlementaire, très rarement. C'est arrivé, je pense, une fois en huit ans que j'ai eu l'occasion de dire: Cette loi-là est vraiment mal faite. Non, ce qui arrive souvent, c'est qu'il y a une préoccupation publique importante, une urgence, et déjà, pour arriver avec ça et passer à travers toutes les exigences de la rédaction législative au ministère de la Justice, Comité de législation, ainsi de suite, c'est une prouesse pour arriver avec quelque chose qui puisse au moins faire l'objet d'un débat.

Alors, je pense que c'est la même chose. Du côté des experts, des vrais lobbyistes, on nous dit: Peut-être que vous êtes en train de jeter le bébé avec l'eau du bain, faites attention, ne faites pas une intervention trop lourde. Puis je tiens juste à faire un coup de chapeau au professionnel du ministère qui peut parfois, à tort, se sentir visé lorsque les gens viennent ici, critiquent la rédaction du projet de loi. C'est peut-être le contexte qui fait que le projet de loi n'a pas pu tenir compte de toutes les obligations et toutes les implications, mais ce n'est certainement pas un manque de travail, de professionnalisme de la part de gens comme Me Charbonneau, et je tenais à le saluer. On a eu l'occasion de travailler ensemble, aux années soixante-dix, aux affaires législatives du ministère de la Justice, mais lui, il a toujours l'air beaucoup plus jeune que moi.

Je voudrais revenir sur la question du voyeurisme avec Dr Fréchette, parce que c'est l'article 8, 10e alinéa, qui le préoccupe. Et, je vous avoue, peut-être le ministre peut nous aider à comprendre l'article, parce que je ne suis pas sûr, moi non plus, d'avoir tout saisi. Je vais vous le lire, M. le Président: «L'inscription d'un lobbyiste-conseil est faite par la présentation au registre d'une déclaration concernant les renseignements suivants: [...]

«10° parmi les tranches de valeurs qui suivent, celle dans laquelle se situe le montant ou la valeur de ce qui a été reçu ou sera reçu en contrepartie de ses activités de lobbyisme.»

Et ce n'est pas clair si c'est par mandat, ou par année, ou peu importe. Est-ce que je peux demander à Dr Fréchette de nous dire qu'est-ce que, lui, il comprend par cette disposition-là?

Le Président (M. Paré): M. Fréchette.

M. Fréchette (Errol): Non, moi, je croyais que c'était par mandat. Et, c'est pour ça que j'ai emmené tout à l'heure l'allusion au «retainer», c'est que, si effectivement on est retenu sur une base annuelle par une association pour suivre toute la législation et les alerter, bien je me disais: Quelle partie de ce «retainer» là va aller dans le mandat spécifique que je vais déclarer?

Le Président (M. Paré): Merci.

n(16 h 20)n

M. Mulcair: Et quand vous dites... Et, M. le Président, lorsque Dr Fréchette nous explique qu'il pourrait s'agir de voyeurisme, il dit que ça peut avoir un impact sur le plan de la confidentialité, est-ce que c'est dans la relation professionnel-client qu'il voit cette difficulté-là?

M. Fréchette (Errol): Non, c'est ça. C'est que ce n'est réellement pas... Parce qu'on n'aime pas ça que les autres membres... Par exemple, j'ai des clients qui sont dans les mêmes secteurs, et comment un a payé pour les honoraires... Je ne savais pas à quoi ça pouvait servir, cette information-là.

M. Mulcair: Peut-être, le ministre peut nous aider avec une clarification. Je n'ai pas assisté à l'ensemble des travaux de cette commission et je m'excuse si c'est quelque chose qui a déjà été dit, mais est-ce qu'on pourrait avoir une clarification du côté ministériel sur le fait... Est-ce que 8, 10°, c'est mandat par mandat ou c'est annuel, la référence?

Le Président (M. Paré): M. le ministre.

M. Bégin: Pouvez-vous continuer? Je vais revenir dans deux secondes. C'est que j'étais en train de...

M. Mulcair: Quand vous dites aussi dans votre mémoire, Dr Fréchette, que «quantifier les dépenses des activités de lobbyisme est un processus très incertain qui risque autant d'induire en erreur que d'informer»... Pouvez-vous nous donner des exemples concrets? Parce que je pense que c'est à ça que ça sert le plus pour nous, pour aider dans nos travaux, que vous nous donniez des exemples concrets

Le Président (M. Paré): M. Fréchette.

M. Fréchette (Errol): Oui, je m'excuse. C'est que si, par exemple, on doit utiliser les services d'un spécialiste, d'un docimologue ou un expert pour aider à préparer une présentation, évidemment, les frais vont augmenter. S'il faut déplacer du monde... Je pense, organiser une journée d'action politique à Québec où vous avez 75 personnes qu'on doit loger, c'est... Ça ne donne pas une bonne idée, alors que, dans d'autres cas, c'est simplement la rédaction d'un mémoire. C'est comparer des choses qui seraient difficilement comparables.

M. Mulcair: En d'autres mots, si on dit dans ce registre: Bien, pour telle activité, c'était 100 000 $ de facture, mais que le 100 000 $ comprenait une expertise de 95 000 $ et que le lobbyiste, comme tel, a touché 5 000, ça donne une idée fausse qui risque et d'induire en erreur et peut-être d'éloigner des clients. Ha, ha, ha!

M. Fréchette (Errol): Et induire en erreur mes clients, c'est qu'un client va dire: Comment ça se fait que, moi, tu m'as chargé 100 000? Puis l'autre va me dire: Lui, tu lui as chargé seulement 5 000 ou 10 000.

M. Mulcair: Ça vous amènerait à être obligé de commencer à donner des détails du travail fait pour l'autre.

M. Fréchette (Errol): De charger 100 000 à tout le monde. Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Charger 100 000 à tout le monde. Ha, ha, ha! Le problème est réglé, alors. O.K. Merci.

Le Président (M. Paré): M. le ministre, vous avez les réponses.

M. Bégin: Alors, si vous me permettez, la question qui nous est posée, là, le sens que nous voulons donner au texte de l'article 8, paragraphe 10° qui se lit comme suit: «L'inscription d'un lobbyiste-conseil est faite par la présentation au registre d'une déclaration contenant les renseignements suivants»... Alors, il y a le paragraphe 10°, les valeurs, etc., mais il y a le paragraphe 7°, «l'objet de ses activités de lobbyisme, et les renseignements utiles à sa détermination». Donc, le lobbyiste devra avoir, mettons, 20 clients pour lesquels il va faire du lobbying durant l'année. Alors, il va avoir 20 inscriptions pour 20 clients différents. Bon. Alors, chacun va avoir la valeur qui en dépend. Imaginons qu'un même client a plusieurs dossiers, bon, bien il va falloir dire qu'il y a aussi quatre fiches, peut-être, dans la grande fiche de ce client, quatre objets pour lesquels vous allez travailler. Et, à l'égard de chacun, vous allez indiquer les tranches de rémunération qui sont là.

Alors, ce que nous visons à savoir, ce n'est pas ce que vous touchez dans votre poche, mais ce que le client investit pour atteindre l'objectif, pour répondre à votre question additionnelle du voyage que vous feriez ici, à Montréal, avec 200 personnes hébergement, et ce que vous touchez littéralement. Alors, c'est l'idée dans laquelle ça se situe. Il faut comprendre que l'écart entre chacun, c'est de zéro à 10. Ça laisse beaucoup de marge, hein? De 10 à 50, encore beaucoup plus, puis de 50 à 100 aussi. Bien sûr que, si votre rémunération était de 48 500 et que vous ajoutez des éléments importants, là vous allez charger de catégorie, parce que vous êtes en haut de 50 000. Mais, fondamentalement, la plupart du temps, que vous ayez un changement à l'intérieur de l'ensemble, ça n'aura pas d'effet sur le montant qui sera déclaré.

Le Président (M. Paré): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: ...

Le Président (M. Paré): M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Oui. Bien, je réfléchis tout haut. M. le ministre de la Justice, vous êtes d'abord avocat, vous n'avez pas déjà fait de la pratique...

M. Bégin: ...25 ans.

M. Chagnon: ...privée, connue, en droit municipal, je pense, beaucoup?

M. Bégin: Reconnue. Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Reconnue. Auriez-vous accepté que l'État vous demande de donner le montant des mandats que vous avez reçus, mandat par mandat, un peu ce que...

M. Bégin: J'ai fait ça pendant 25 ans. Dans toutes les municipalités que je représentais, mes honoraires étaient publics, connus par tout le monde. On a même fait, dans certains cas, des campagnes électorales, et les gens, après avoir été élus, m'ont réengagé. Alors, je n'ai jamais eu de problème avec ça.

M. Chagnon: Vous dites que vous avez fait l'objet de campagnes électorales.

M. Bégin: Oui, oui, parce qu'on disait que l'avocat coûtait cher, etc. Mais, quand on arrivait au conseil, les gens disaient: Oui, dans le fond, il faisait un bon travail, et ils me réengageaient, puis les honoraires étaient publics.

M. Chagnon: Bien sûr, parce que vous faisiez affaire avec un corps public.

M. Bégin: Non, mais c'est parce que vous m'avez demandé si ça me dérangeait. Alors, moi, ça ne me dérangeait pas du tout.

M. Chagnon: Oui, mais j'imagine que, dans votre bureau, ce n'est pas le cas de tous les autres associés que vous aviez.

M. Bégin: Tous les avocats, ou à peu près, de mon bureau faisaient partie... Non, pas tous, mais la grande partie représentaient soit des municipalités, des commissions scolaires, des CLSC, des corps publics où c'était connu. Et ce n'est pas un problème, en ce qui me concerne, que les honoraires soient connus parce que ça fait partie de la vie. Et, si on parle de transparence, bien savoir qu'on fait quoi auprès de qui, mais aussi combien ça coûte, c'est important.

Par exemple ? j'explique juste le sens global ? si l'American Rifle Association dépense 50 millions de dollars, par exemple, par année pour convaincre le gouvernement de ne pas adopter une loi sur les munitions, ça m'apparaît important que le public sache qu'on investit ça. Si on investit 200 000 $ pour arriver à la même fin, j'ai l'impression qu'on n'a pas le même poids de pression qui s'exerce dans la direction voulue. Alors, la population, à mon point de vue, a intérêt à savoir quelle a été l'ampleur de ce qui a été fait pour y arriver.

Vous vous rappelez qu'hier j'ai donné l'exemple de la question du pourcentage d'une subvention. Et, on parlait à ce moment-là avec les représentants du Barreau, on disait: Mettons qu'on a obtenu une subvention de 10 millions de dollars et qu'on met un pourcentage, qui est relativement modeste, de 4 %, ça fait 400 000 $. Et je disais au bâtonnier: Admettons que ça a pris 20 heures pour y arriver. Je lui disais: Mettons un salaire très respectable de 1 000 $ de l'heure ? et je pense qu'il ne touche pas cette rémunération-là ? à 1 000 $, ça fait 20 000 $. Alors, entre 20 000 piastres pour un travail qui est très bien rémunéré, puisque, à l'heure, c'est 1 000 piastres de l'heure, et 400 000 $, il y a un monde. Alors, ce n'est pas banal de savoir combien on a reçu. Pas à la cenne près, mais l'ordre de grandeur dans lequel on se situe, hein? Alors, moi, je ne vois pas de problème à ce qu'on indique que je gagne entre 50 et 100 000 $ pour faire des représentations. Je le dis, par rapport à nos barèmes, chez nous, c'est un montant important.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le ministre. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Mais je pense que le ministre vient de mettre le doigt sur le bobo, et c'est le point qui est soulevé par Dr Fréchette et les personnes qui l'accompagnent. Le ministre vient de dire: On va donner un ordre de grandeur de ce qu'on gagne. En fait, on donne un ordre de grandeur de ce qui est dépensé par le client, mais pas ce qu'on gagne. Et, je crois qu'il faut vraiment les écouter là-dessus, je pense que c'est un point qu'il va falloir essayer de creuser un petit peu plus. Ils sont en train de nous dire: Faites attention, un honoraire, comme un honoraire d'avocat, le ministre vient de l'évoquer... Je pratique encore le droit. Des fois, dans nos honoraires, il peut y avoir...

Une voix: ...

M. Mulcair: Non, vous n'avez pas le droit, moi, j'ai le droit. Ha, ha, ha! Mais, dans nos honoraires, on envoie une facture. Puis je suis conscient de ce qu'ils sont en train de dire. Admettons qu'il y a deux personnes qui avaient fait appel à nos services dans un domaine similaire, puis il y en a un justement où on avait besoin d'embaucher un expert en ingénierie, pour les fins de la discussion, puis il sait que, dans un débat de responsabilité civile, que vous avez chargé dans le «range» de 10 000 $ dans le cas de l'autre personne, mais, chez lui, c'était de l'ordre de 100 000 $. Ce n'est peut-être pas évident pour la personne de savoir que c'est parce que l'autre n'avait pas besoin d'une expertise. En d'autres mots, lorsqu'on est en train de dire que c'est ce que la personne a touché, ce n'est pas nécessairement vrai. C'est ce que l'autre a dépensé, mais ce n'est pas ce qui est resté comme honoraires pour travail professionnel, puis je pense que le point est bien mené, puis il va falloir qu'on en tienne compte lorsqu'on regarde la rédaction.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le député de Chomedey. M. Fréchette, vous avez...

M. Fréchette (Errol): Deux petites choses que je voulais rajouter.

Le Président (M. Paré): Allez-y, en terminant.

M. Fréchette (Errol): Vous savez, M. le ministre, l'American Rifle Association n'aurait pas à déclarer ça, parce que ça s'applique seulement pour les lobbyistes-conseils. Et, c'est une chose aussi que je voulais dire, hein, c'est que votre déclaration sur les 50 millions de l'American Rifle... Ils n'apparaîtraient pas nulle part.

M. Bégin: ...on en parlait pour les fins de la discussion, comment ça... quel est l'objectif qui est visé là.

n(16 h 30)n

M. Fréchette (Errol): Oui. L'autre chose que je voulais attirer votre attention et profiter que d'avoir un ministre responsable de l'application des lois professionnelles, je ne sais pas si vous avez remarqué que la définition d'«organisation» que vous avez, à savoir «une association ou groupement à but non lucratif dont les membres sont majoritairement des entreprises», depuis 169, vous pouvez, un jour, risquer d'avoir un ordre professionnel dont la majorité des membres vont être des entreprises.

Le Président (M. Paré): M. le ministre.

M. Bégin: Non, je comprends ce qui peut arriver, mais, à ce stade-ci de nos travaux, j'ai mentionné que j'étais à l'écoute des gens pour savoir pourquoi on devrait inclure et exclure. Alors, j'ai dit que la commission visait à nous informer des pour et des contre de chacun des points de vue afin, s'il y a lieu, de modifier le texte de loi afin de l'adapter, par exemple inclure un groupe ou ne pas inclure un autre groupe, et ainsi de suite. Et c'est ça, le but de l'opération.

Ce que vous avez actuellement sur la table, c'est la volonté gouvernementale qui représente des choix, c'est bien sûr. Je crois que nous avons déjà donné des explications sur ce que c'est. Alors, ce qu'on cherche à savoir aujourd'hui, ce n'est pas ce que je pense, c'est plutôt de savoir ce que les gens pensent, pourquoi on devrait changer, pourquoi le gouvernement devrait dire: Oui, après avoir entendu les représentations de huit, 10 groupes allant dans la même direction, notre choix premier n'est pas celui que nous devrions suivre et, en conséquence, apporter les modifications. C'est le sens de nos démarches. Si on avait fait... Si j'avais changé d'idée, il aurait été facile de le dire et de ne pas tenir de commission parlementaire. Mais là tout le monde aurait dit: Voyons! Ça n'a aucun sens. Alors, il faut respecter les gens qui viennent devant nous nous faire les représentations qu'ils jugent appropriées et, après ça, de donner suite ou pas à ce qu'ils auront dit.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le ministre. Merci, M. Fréchette. Sur ce, MM. Fréchette, Lafrenière et M. L'heureux, je vous remercie de votre contribution à cette commission.

Je suspends les travaux pour quelques minutes, le temps que le Conseil québécois du commerce de détail s'installe.

(Suspension de la séance à 16 h 32)

 

(Reprise à 16 h 34)

Le Président (M. Paré): ...s'il vous plaît. Donc, le Conseil québécois du commerce de détail, représenté par Me Gaston Lafleur, sauf erreur?

Une voix: ...

Le Président (M. Paré): Vous êtes seul. Donc, vous avez 15 minutes pour faire votre présentation. Bienvenue à cette commission. Merci de votre contribution. Et les parlementaires auront 30 minutes pour vous questionner et aussi échanger avec vous. Bonne présentation.

Conseil québécois du commerce de détail (CQCD)

M. Lafleur (Gaston): Alors, merci, M. le Président. M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, le Conseil québécois du commerce de détail tient à vous remercier d'avoir accepté d'écouter nos commentaires et nos préoccupations à l'égard du projet de loi à l'étude, soit la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme.

Rapidement, le Conseil québécois du commerce de détail, pour ceux qui n'ont pas l'occasion de nous connaître, regroupe au-delà de 5 000 établissements commerciaux au Québec et touche près de 70 % de l'activité économique reliée au commerce de détail.

D'entrée de jeu, le Conseil québécois tient à préciser clairement qu'il ne s'oppose pas à l'adoption d'un projet de loi, au Québec, portant sur l'encadrement des activités de lobbyisme. Toutefois, il est désaccord avec le projet de loi tel que présenté principalement parce qu'il a pour effet de restreindre le principe de la transparence recherchée, et ce, en accordant un traitement inéquitable entre les personnes qui exercent, au Québec, des activités dites de lobbyisme d'organisation. Les commentaires qui suivent porteront donc essentiellement sur la définition de «lobbyiste d'organisation» assujetti au projet de loi ainsi que sur les exigences rattachées à l'inscription et à la mise à jour du registre public des lobbyistes.

Le principal objectif du projet de loi, qui est présenté à l'article 1, rappelons-le, est de «rendre transparentes les activités de lobbyisme exercées auprès des titulaires de charges publiques et d'assurer, dans le respect de leur légitimité, le sain exercice de ces activités». Le CQCD partage entièrement cet objectif. Cependant, il est d'avis que la définition qui est donnée dans ce projet de loi au terme «lobbyiste d'organisation» a pour effet de diluer de façon inacceptable cet objectif fondamental de transparence que vise à encadrer le projet de loi.

L'article 3 du projet de loi actuel établit, en effet, trois catégories de lobbyistes qui devraient être assujettis à la nouvelle loi, soit les lobbyistes-conseils, les lobbyistes d'entreprise et les lobbyistes d'organisation. Le lobbyiste d'organisation est défini comme suit: «Toute personne dont l'emploi ou la fonction consiste, pour une partie importante, à exercer des activités de lobbyisme pour le compte d'une association ou d'un autre groupement à but non lucratif dont les membres sont majoritairement des entreprises à but lucratif ou des représentants de telles entreprises.» Fin de la citation.

Cette proposition équivaut, en quelque sorte, pour ce qui est des organisations, à encadrer uniquement les activités de lobbyisme qui sont exercées par les personnes qui travaillent au sein d'organisations dont les membres sont majoritairement à but lucratif. Nous comprenons également qu'une telle mesure, si elle était adoptée, aurait pour effet d'exclure d'un tel encadrement les personnes qui exercent les mêmes genres d'activités, mais qui travaillent pour des organisations notamment syndicales, professionnelles, bénévoles ainsi que des organismes communautaires et autres dont les membres sont majoritairement des personnes physiques ou morales à but non lucratif. Si le gouvernement souhaite vraiment régir avec transparence l'encadrement des activités de lobbyisme exercées auprès des titulaires de charges publiques, telles que définies à l'article 2 du projet de loi, il doit indéniablement le faire pour l'ensemble de ces activités. En d'autres mots, il doit s'assurer que l'ensemble des personnes, sans exception, qui exercent de telles activités au sein d'une organisation soient assujetties aux mêmes exigences prévues au projet de loi.

Le CQCD s'est notamment aussi questionné à savoir s'il existe ailleurs au Canada des législations visant l'encadrement d'activités de lobbyisme en y excluant des personnes exerçant de telles activités en fonction des personnes ou des groupes au nom desquels ils interviennent. Bien au contraire, les résultats de nos recherches nous ont démontré qu'il n'existe aucune législation ayant été adoptée en ce sens. La loi adoptée par le gouvernement fédéral, intitulée Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, nous est apparue comme étant beaucoup plus équitable et transparente quant à la notion de lobbyisme d'organisation.

Cette loi assujettit, en effet, l'ensemble des organisations qui ont des personnes qui effectuent des activités de lobbyisme, les organisations étant définies comme suit à l'article 2:

«"Organisation" Organisation commerciale, industrielle, professionnelle, syndicale ou bénévole, chambre de commerce, organisme de bienfaisance, société de personnes, association, coalition ou groupe d'intérêt, ainsi que tout gouvernement autre que celui du Canada. Y est en outre assimilée la personne morale sans capital-actions constituée aux fins de poursuivre, sans gain pécuniaire pour ses membres, des objectifs de caractère national, provincial, patriotique, religieux, philanthropique, charitable, scientifique, artistique, social, professionnel ou sportif, ou des objets analogues.» Fin de la citation.

On constate aussi que les deux provinces canadiennes qui ont adopté des législations sur l'enregistrement des lobbyistes, soit l'Ontario et la Colombie-Britannique, ont appliqué des définitions similaires.

Les articles 33 à 35 du projet de loi prévoient l'adoption éventuelle d'un code de déontologie régissant les activités des lobbyistes, dont les lobbyistes d'organisation. Le CQCD a donc jugé pertinent d'évaluer davantage l'objectif normalement visé par l'adoption d'un tel code. L'adoption de règles déontologiques est, en fait, un moyen important d'accroître la confiance du public en l'intégrité du processus décisionnel de l'État. La confiance que les Québécois accordent au titulaire d'une charge publique afin qu'il prenne des décisions favorables à l'intérêt public est indispensable à la légitimité d'un gouvernement en démocratie. Ces règles sont normalement rattachées à la fonction même du rôle de lobbyiste et non pas au type de clientèle dont le lobbyiste cherche à défendre les intérêts.

n(16 h 40)n

À titre d'exemple, au Québec, les membres de toute corporation professionnelle, avocats, ingénieurs, etc. se doivent de respecter un code de déontologie rattaché à l'exercice de leur profession. Un tel code dicte essentiellement les règles de conduite que doivent suivre l'ensemble des membres de la corporation dans l'exercice de leurs fonctions. Ces règles ont trait essentiellement à l'intégrité, à l'honnêteté, la franchise, le professionnalisme des membres de la corporation et visent tous les membres de la corporation sans exception. Aucune distinction n'est faite quant à leur milieu de travail ou les personnes qu'ils représentent, c'est l'exercice de la profession qui est encadré. Le même raisonnement devrait, à notre avis, s'appliquer en matière de lobbyisme. Ainsi, toute personne dont l'emploi ou la fonction consiste à exercer des activités de lobbyisme devrait agir dans le respect des règles déontologiques dictées et rattachées à ses fonctions, et ce, peu importe l'endroit où elle travaille ou la clientèle qu'elle représente.

Le concept de déontologie se définit par ailleurs dans le dictionnaire Le Petit Robert comme étant «l'ensemble des devoirs qu'impose à des professionnels l'exercice de leur métier». Il nous apparaît donc évident que ces devoirs sont rattachés à l'exercice d'un métier, lequel demeure le même, peu importe l'endroit et pour qui il est exercé. Qu'il s'agisse du milieu communautaire privé, public, universitaire, syndical, patronal, etc., le métier demeure toujours le même, et nous croyons sincèrement que tout encadrement devrait être rattaché en fonction de l'exercice de ce métier, en l'occurrence celui de lobbyiste.

À la lumière des principes et des commentaires émis précédemment, le Conseil recommande donc de modifier la définition de «lobbyiste d'organisation» prévue à l'article 3 du projet de loi afin d'y assujettir l'ensemble des personnes qui exercent des activités de lobbyisme telles que définies à l'article 2 sans tenir compte du statut de l'organisation pour laquelle elles travaillent ou du statut de la clientèle dont elles représentent les intérêts ou la composition du membership.

Au niveau des exigences rattachées au registre des lobbyistes, l'inscription et la mise à jour obligatoire des renseignements contenus au registre public des lobbyistes, voici quelques réserves que nous souhaitons émettre à l'attention de cette commission et des améliorations qui sont proposées. L'article 12 édicte que l'inscription d'un lobbyiste doit être faite au plus tard le 10e jour suivant celui où il commence à exercer son activité de lobbyiste pour le compte du client, ou de l'entreprise, ou du regroupement. Le Conseil estime ce délai beaucoup trop exigeant pour une organisation, en plus d'être susceptible, dans certains cas, d'alourdir inutilement le fardeau administratif autant pour l'employeur que pour le conservateur du registre.

Se basant sur les législations fédérale, de l'Ontario et de la Colombie-Britannique, le Conseil recommande plutôt à la commission de remplacer le délai de 10 jours prévu à l'article 12 du projet de loi, qu'il estime déraisonnable, par un délai minimal de 60 jours suivant celui où la nouvelle personne commence à exercer ses activités de lobbyisme.

Quant à la mise à jour du registre, qui est prévue à l'article 13 de la loi, on y indique que tout changement au contenu de la déclaration relative à un lobbyiste, y compris celui résultant de la fin de son engagement et résultant de l'exercice de ses nouvelles activités de lobbyisme, doit, au plus tard le 10e jour suivant ce changement, faire l'objet d'un avis de modification au registre.

Quant à l'article 14, le projet de loi prévoit que «l'inscription [...] d'un lobbyiste d'organisation doit l'être au plus tard le dixième jour suivant la fin de l'année financière [...] du groupement». Le Conseil, à nouveau, est d'avis que le délai de 10 jours prévu aux articles 13 et 14 est également déraisonnable pour les mêmes raisons qu'on vous a exprimées un peu plus tôt. Le fait d'endosser de telles propositions équivaudrait à accepter que toute modification pouvant survenir à tout moment à l'égard des renseignements contenus à la dernière déclaration déposée exigerait le dépôt d'un nouvel avis de modification au conservateur du registre pour chacun de ces changements. À titre d'exemple, pensons notamment à tout changement concernant le plus haut dirigeant de l'organisation, l'adresse de la filiale, la période couverte par les activités de lobbyisme exercées auprès d'un titulaire de charge, les moyens de communication utilisés, qui varient constamment, etc. Le Conseil croit sincèrement qu'une telle approche serait difficilement gérable.

La législation adoptée en Colombie-Britannique prévoit à cet égard le dépôt d'une déclaration obligatoire des activités de lobbyisme à tous les six mois et accorde un délai de deux mois suivant la date du dépôt de la déclaration pour le faire. Quant à la législation ontarienne et fédérale, elle prévoit également le dépôt d'une déclaration obligatoire à tous les six mois mais accorde plutôt un délai de 30 jours suivant cette période pour le dépôt de cette déclaration.

S'inspirant de la situation qui prévaut ailleurs au Canada et dans les provinces précitées et afin de favoriser une harmonisation entre les provinces canadiennes ayant adopté une législation similaire, le Conseil recommande à la commission de modifier les articles 13 et 14 du projet de loi de manière à prévoir le dépôt, de façon statutaire, d'une déclaration de mise à jour des activités de lobbyisme à tous les six mois et non pas aux 10 jours de chaque changement ou de n'importe quel changement dans la déclaration et de consentir un délai de deux mois suivant la date d'exigibilité du dépôt pour déposer celle-ci.

Autres commentaires. Le paragraphe 4° de l'article 5 du projet de loi prévoit que ce projet de loi ne s'applique pas aux activités suivantes, soit ? citation: «les représentations, faites par une personne qui n'est pas un lobbyiste-conseil, relativement à l'attribution d'avantages, d'autorisations ou d'autres formes de prestations visées au paragraphe 2° du premier alinéa de l'article 2, lorsque le titulaire d'une charge publique autorisé à prendre la décision ne dispose à cet égard que du pouvoir de s'assurer que sont remplies les conditions requises par la loi pour l'attribution de ces formes de prestations».

Afin d'éviter des malentendus et en croyant que nous avons bien compris l'intention du projet de loi, nous suggérons d'éliminer les mots «à l'attribution d'avantages, d'autorisations ou d'autres formes de prestations visées», car le paragraphe 2° couvre des situations supérieures à celle visée, et ceci, selon nous, amènerait une ambiguïté. Il y aurait donc lieu d'exclure totalement, en fait, les représentations faites par une personne qui n'est pas un lobbyiste-conseil relativement au paragraphe 2° du premier alinéa de l'article 2, etc.

En conclusion, l'encadrement des activités de lobbyisme nécessite avant tout l'adoption d'un cadre législatif approprié. Ce cadre doit nécessairement reposer sur le principe fondamental d'une véritable et pleine transparence de la part du gouvernement permettant d'assurer la confiance du public en l'intégrité du processus décisionnel de l'État. Il doit de plus déterminer les personnes assujetties à cet encadrement en fonction des activités qu'elles exercent et non pas à partir des clientèles ou du membership associatif dont elles représentent les intérêts. Ce cadre doit également prévoir l'adoption de règles de pratique déontologiques que ces personnes devront respecter dans l'exercice de leurs fonctions en tant que lobbyistes. Comment pourrions-nous honnêtement justifier qu'un code de déontologie peut s'appliquer à l'exercice d'un métier, à certaines personnes en excluant l'application du même code de déontologie à d'autres personnes qui exercent les mêmes activités, mais qui seraient exclues?

Le projet de loi présenté ne répond malheureusement pas à ces conditions que le Conseil juge essentielles. C'est pourquoi nous recommandons à la commission d'y apporter les modifications suivantes:

De remplacer la définition de «lobbyiste d'organisation» à l'article 3 par une définition qui indiquerait: «Toute personne dont l'emploi ou la fonction consiste, pour une partie importante, à exercer des activités de lobbyisme pour le compte d'une organisation»;

D'ajouter au projet de loi une définition du terme «organisation» qui pourrait être similaire à celle qui existe, par exemple, au fédéral et qui a été reprise par les autres provinces canadiennes où une législation existe;

De remplacer la question du délai de 10 jours pour la production pour un délai minimal de 30 jours lorsque l'on parle d'une nouvelle personne qui commence à exercer des activités de lobbyisme;

Et, quant au processus de modification de l'enregistrement, prévoir un dépôt statutaire aux six mois et non pas à chaque modification qui peut survenir sur quelque élément de la déclaration; aux six mois, en donnant un délai de deux mois, tel que pratiqué, entre autres, en Colombie-Britannique et qui permet de déposer la déclaration dans des délais raisonnables;

Et, finalement, d'éliminer le texte suivant du paragraphe 4° à l'article 5 du projet de loi, «à l'attribution d'avantages, d'autorisations ou d'autres formes de prestations visées», afin d'éliminer toute ambiguïté qui, selon nous, apparaît, puisqu'il ne mentionne pas l'ensemble des autres éléments prévus au paragraphe 2° de l'article 2. Merci.

Le Président (M. Paré): Merci, Me Lafleur. M. le ministre.

M. Bégin: Merci, Me Lafleur. Écoutez, je vais aller direct au but, je pense qu'il y a quelques éléments, là, que vous faites ressortir de manière plus évidente et qui n'ont pas été abordés de façon générale. Par exemple, on a parlé, oui, du délai de 30 jours par rapport au délai de 10 jours pour la correction, mais vous apportez l'élément de six mois qui serait le délai régulier pour faire les corrections et les changements. À la réflexion, je pense que vous avez un bon point. Nous avons modifié par rapport à ce que le fédéral fait à cet égard-là, et je ne suis pas sûr, après avoir entendu les arguments, que c'est nécessairement sage de maintenir cette chose-là, parce que, dans un délai statutaire de six mois, je pense qu'on va couvrir très rapidement à peu près toutes les situations qui ont pu se présenter. En tout cas, je vous informe que je vais regarder ça de près, et ma tentation serait de recommander d'en arriver à quelque chose qui ressemble à ce que vous venez de dire.

Deuxièmement, vous parlez de... Voyons! Des fois, on devient un peu fatigué à certains moments de la journée.

Une voix: ...

M. Bégin: Hein? Ah! Non, non, ce n'est pas ça, mais on a des petits creux. Ça arrive.

M. Chagnon: Le problème, c'est que ce n'est pas fini, on en a jusqu'à minuit, ce soir.

n(16 h 50)n

M. Bégin: Ah oui. Pas de problème, on va être en forme. Par contre, sur toute la question de l'élimination du... Non, je reviendrais plutôt sur... La première question que vous avez soulevée, c'est l'inclusion ou l'exclusion, bien sûr, de l'ensemble des gens qui exercent une activité. C'est la première fois qu'on dit ? et ça, je pense que c'est intéressant ? qu'il y aurait un code de déontologie qui s'appliquerait à des gens qui exercent un métier qui est celui de lobbyiste et, par le système de l'exclusion que nous faisons de certaines personnes comme ne faisant pas du lobbyisme, mais qu'on considère sous d'autres égard comme en faisant, on aurait deux personnes, l'une faisant du lobbying et étant assujettie à un code de déontologie et l'autre faisant, dans l'esprit de beaucoup, du lobbying et n'étant pas assujettie. Et ça, vous dites: Ça n'a pas de sens. Alors, ça repose la question de l'inclusion de certains groupes qui ont été exclus jusqu'à présent, et c'est un élément, je dirais, additionnel à l'ensemble de ceux qui ont été soulevés pour faire en sorte qu'il y ait inclusion, je pense, par exemple, des ordres professionnels, je pense aux syndicats ou aux autres organismes. Alors, je pense, c'est intéressant, l'apport que vous faites sous cet angle-là.

En ce qui concerne «l'attribution d'avantages, d'autorisations ou d'autres formes de prestations visées», je vous avoue que je ne suis pas sûr d'avoir bien suivi votre raisonnement. J'aimerais ça que vous le repreniez, parce que, écoutez, je ne sais pas si j'ai échappé un élément puis je perds le sens, mais ça ne m'apparaît pas aller de soi, ce que vous dites. Pourriez-vous... Et je me dis que, si je n'ai pas compris, peut-être qu'il y en a d'autres également qui ne l'ont pas fait. Pourriez-vous reprendre au départ votre argument pour qu'on le saisisse bien?

Le Président (M. Paré): Me Lafleur.

M. Lafleur (Gaston): Merci. Alors, M. le ministre, si on revient à l'article 5, paragraphe 4°, on dit: «La présente loi ne s'applique pas aux activités suivantes.» Bon. Donc, c'est une stipulation d'exclusion. Et on dit: Elle ne s'applique pas aux «représentations faites, par une personne qui n'est pas un lobbyiste-conseil, relativement à l'attribution d'avantages, d'autorisations ou d'autres formes de prestations visées au paragraphe 2° du premier alinéa de l'article 2».

Je m'arrête là, là. O.K.? Si on regarde le paragraphe 2° de l'article 2, on s'aperçoit que ce paragraphe s'applique à d'autres éléments nommés. Comme, entre autres, on parle de subventions qui ne sont pas stipulées dans le paragraphe 5°, on parle d'attribution de contrats, de subventions ou d'autres avantages pécuniaires, de permis, de licences, de certificats ou d'autres autorisations ou l'attribution de toute autre forme de prestation déterminée. En d'autres mots, si le législateur souhaite exclure de l'application les gestes liés ou les actes liés au paragraphe 2°, pourquoi ne pas les exclure totalement plutôt que de laisser un doute? À savoir, bien, si tu as un permis, bien, là, oups, c'est peut-être... Là, vous auriez peut-être régi...

M. Bégin: En fait, vous voudriez qu'on fasse appliquer en totalité les dispositions du deuxième alinéa du paragraphe 2° de l'article 2.

M. Lafleur (Gaston): Bien là c'est fondé sur notre interprétation que, dans le fond, c'est ça qu'on voulait.

M. Bégin: Non, je comprends, mais... Je vois quel problème vous soulevez et j'essaie de le verbaliser pour voir si on s'entend bien. Vous dites: Pourquoi ne faire référence qu'à trois éléments que l'on retrouve au deuxième alinéa de l'article 2, c'est-à-dire les avantages, les autorisations puis les formes de prestations, alors qu'à 2.2° on parle de subventions, de permis, de licences, de certificats? Donc, c'est plus global dans 2.2°, pourquoi ne pas dire simplement qu'on réfère à 2.2°? C'est ça

M. Lafleur (Gaston): Oui.

M. Bégin: Je pense que vous avez peut-être là un point de clarification qu'il pourrait être utile de regarder effectivement. Parce que j'essaie de comprendre en parlant quel avantage qu'on retrouve à écrire ça de cette manière-là, et ça ne vient pas à mon esprit. Je ne sais pas si mon légiste à côté peut me donner une réponse, mais, s'il n'y a pas de réponse, ça veut dire que vous avez probablement raison. Ha, ha, ha!

(Consultation)

M. Bégin: Alors, on me dit que c'est parce qu'on croyait que les trois termes englobants que l'on retrouve à 5.4°, c'est-à-dire avantages, autorisations ou autres formes de prestations, incluaient le reste. Alors, on pensait que ça allait sans le dire. On est peut-être mieux en le disant autrement. Alors, votre proposition semble bien fondée.

Le Président (M. Paré): M. Lafleur.

M. Lafleur (Gaston): Oui. Il y a un point que je n'ai pas mentionné, par contre...

M. Bégin: Ah, bien là si vous en demandez plus... Ha, ha, ha!

M. Lafleur (Gaston): Je dois vous dire qu'en le lisant on... Écoutez...

M. Bégin: Là vous dites: J'en ai gagné un bout, je vais en demander un autre. Ha, ha, ha!

M. Lafleur (Gaston): Bien, on ne l'a pas mentionné dans notre mémoire, mais je voulais le porter à votre attention, parce que, à la lecture des exigences d'inscription des informations de la déclaration initiale de lobbyiste-conseil à l'article 8, quand on la compare aux exigences d'inscription pour un lobbyiste d'entreprise ou d'un lobbyiste d'organisation, je porte votre attention, M. le ministre, au fait du... À l'article 8... Bon, attendez un instant que je le retrouve, là. Oui, c'est ça, c'est le... Mais c'est important, ce que je vais vous dire, là. Bon, c'est ça, le paragraphe 6°, M. le ministre, de l'article 8. O.K.? Bon. On dit que le lobbyiste-conseil, en plus, évidemment, de s'enregistrer lui-même, là, de s'identifier, doit donner «les nom et adresse de toute personne, société ou association qui contribue à ses activités de lobbyisme pour le compte de son client».

Et, quand on regarde le paragraphe 9, qui concerne les informations concernant le lobbyisme d'organisation ou d'entreprise, allez au paragraphe 7°, on fait référence aux «nom et adresse de toute personne, société ou association qui contribue à des activités de lobbyisme pour le compte de l'entreprise ou du groupement». Excusez-moi, là, je l'ai peut-être mal lu, mais où trouve-t-on l'identification du lobbyiste à l'emploi de l'organisation là-dedans?

M. Bégin: Il est probablement dans un paragraphe précédent, dans 1° où on dit: «Les nom et adresse du plus haut dirigeant de l'entreprise ou du groupement pour lequel le lobbyiste exerce ses activités, ainsi que les noms et adresses de l'entreprise ou du groupement et du lobbyiste.» Je crois que c'est la combinaison des deux qui nous donne le même résultat. La structure n'a pas été la même dans la rédaction des deux articles.

M. Lafleur (Gaston): O.K. Parce que, honnêtement, à la lecture, nous, on pensait que c'était le sous-paragraphe 7° qui venait...

M. Bégin: ...réponse?

M. Lafleur (Gaston): ...en fait, faire l'exigence de l'inscription. Mais on voit que ce n'est pas ça que vous voulez dire parce que le paragraphe 7° est identique au paragraphe 6° du lobbyiste-conseil. Alors, on parle de quelqu'un d'autre à ce moment-là. Et, quand on lit l'article 9, à moins qu'on l'ait mal lu, là, mais on n'a pas vu, nous, spécifiquement le nom des lobbyistes à l'emploi de l'organisation. Je ne le vois pas, là.

M. Bégin: C'est que, dans le cas du lobbyiste-conseil, c'est lui-même qui fait le lobbying, alors que, dans l'autre, il peut le faire pour l'association. Alors, on n'est pas tout à fait dans la même... On n'est pas du tout, disons, dans la même situation. C'est pour ça que ça nous amène à avoir des rédactions différentes un petit peu.

M. Lafleur (Gaston): Si vous permettez, M. le ministre, c'est le plus haut dirigeant de l'organisation qui doit faire l'enregistrement et non pas le lobbyiste à son emploi. Or, je vois le nom du haut dirigeant, mais je ne vois pas nécessairement, à l'intérieur de ça, le nom, hein, de la personne ou des personnes qui font du lobbyisme pour l'organisation.

Le Président (M. Paré): M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: ...qui est soulevé m'apparaît juste. C'est vrai qu'on n'a pas le nom du lobbyiste, le nom personnel. Par exemple, Paul Bégin qui devient vice-président affaires gouvernementales de Bell Canada, on va voir le dirigeant de Bell Canada, mais on n'aura pas le nom de Paul Bégin, le lobbyiste.

M. Bégin: Au paragraphe 1°.

M. Chagnon: Le paragraphe 1°, moi, j'ai: «Les nom et adresse du plus haut dirigeant de l'entreprise ou du groupement pour le compte duquel le lobbyiste exerce ses activités, ainsi que les noms et adresses de l'entreprise ou du groupement et du lobbyiste.»

M. Bégin:«Et du lobbyiste.» Il est là.

M. Chagnon:«Ainsi que les noms et adresses de l'entreprise ou du groupement.»

M. Bégin: Il faut aller jusqu'au bout, c'est les derniers mots.

M. Chagnon: Oui, je comprends, mais «et du lobbyiste», c'est «et/ou» ou bien donc c'est...

Une voix: C'est toujours «et».

M. Chagnon: C'est un ou l'autre.

M. Bégin:«Et.»

M. Chagnon: C'est les deux.

M. Bégin: Il n'y a pas de «ou».

M. Chagnon: Bien, il y a le «ou»: «L'entreprise ou du groupement et du lobbyiste.»

M. Bégin: ...le «ou» s'applique, c'est l'adresse de l'entreprise ou du groupement.

M. Chagnon: Et du lobbyiste.

M. Bégin: Et du lobbyiste. Donc, c'est tout à fait correct.

Le Président (M. Paré): Merci.

M. Chagnon: Moi aussi, j'avais une tendance à le lire avec le «ou/et», j'avoue.

Le Président (M. Paré): M. le ministre.

M. Bégin: Non, non, le «du [...] du...» s'applique à...

M. Chagnon: Là, ça va. Mais, une fois qu'on se comprend, ça aide.

M. Bégin: Mais remarquez que ce serait possible d'éviter la chose en mettant une virgule devant le «et». En termes de rédaction, ce ne serait pas parfait, mais ça éviterait la confusion dont vous faites état.

M. Chagnon: Oui. Ah oui.

M. Bégin: Ça, c'est le genre de chose où les légistes peuvent réfléchir et nous apporter une modification...

M. Chagnon: Ajouter les virgules.

M. Bégin: ...qui n'ait pas de style, mais qui ait de l'importance et qui est relativement facile. On s'entend sur le sens, là, ce qu'on veut avoir.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le ministre. M. le député de Westmount?Saint-Louis.

n(17 heures)n

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais saluer le représentant du CQCD et continuer un peu dans la recherche de ce qui l'a préoccupé. Premièrement, dans le préambule de votre mémoire, vous soulignez que le remplacement du délai de 10 jours prévu à l'article 12 pour ce qui est de l'inscription initiale au registre par un délai minimal de 60 jours suivant celui où la nouvelle personne commence à exercer ses activités de lobbyisme... Puis, dans le paragraphe 3 de la page 17, vous suggérez de remplacer le délai de 10 jours prévu à l'article 12 du projet de loi par un délai minimal de 30 jours. Je comprends que 60 jours, c'est plus que 30, là, mais c'est 30 ou 60 que vous voudriez avoir?

M. Lafleur (Gaston): Bien, c'est-à-dire qu'il faut faire attention entre un enregistrement initial... Parce que le 60 jours, en tout cas quand on regarde les législations applicables au Canada, c'est dans les délais suivant l'entrée en vigueur du projet de loi, dans un premier temps, ou d'un nouveau lobbyiste qui débute ses activités pour la première fois. Dans ces deux cas-là, on parle d'un délai de 60 jours. Dans le cadre de l'entrée en vigueur de la loi, ça c'est un délai... Et dans le cadre... Par contre, par la suite...

M. Chagnon: Si je regarde la législation canadienne, c'est 30 jours. Si je regarde la législation ontarienne, c'est 30 jours. Si je regarde les législations des autres provinces, c'est 30 jours, sauf j'ai 10 jours en Ontario, 10 jours en Ontario.

M. Bégin: 30 jours.

M. Lafleur (Gaston): Bien, c'est parce que là on parle de l'entrée en vigueur, là. Évidemment, il y a ça aussi, mais il y a une disposition... Attendez, voir, que je vous y réfère. Je pense qu'elle est notée en bas de marge de notre mémoire. Je pense qu'on l'a notée en bas de marge, attendez voir.

Bon. Alors, si on regarde au niveau de l'article 7.2 de la loi fédérale, on y stipule un délai de deux mois quand on fait référence à l'inscription au registre. O.K.? Alors, si vous regardez à la page 12 de notre mémoire, l'item 2.1, dans l'encadré, évidemment on fait la référence aux législations fédérales, et vous allez voir une note 4 qui fait référence à l'article spécifique de la législation fédérale qui serait le paragraphe 2 ou le sous-paragraphe 2 du paragraphe 7 de la loi fédérale qui... Je vais vous en faire lecture, là, je l'ai devant moi. En parlant du lobbyiste: Il transmet sa déclaration dans les deux mois suivant la date d'entrée en vigueur du paragraphe (1) ? donc, l'entrée en vigueur de l'article 7(1) ? si, à cette date, l'organisation affecte au moins une personne aux fonctions mentionnées à ce paragraphe, soit, dans le cas contraire, l'affectation d'une personne à ces fonctions. Par la suite, il en transmet une tous les six mois et dispose pour ce faire d'un délai de trente jours.» Donc, c'est l'inscription initiale par rapport au renouvellement de l'inscription.

Une voix: ...

M. Chagnon: Oui, bien sûr. Je comprends qu'on...

M. Bégin: Je pense qu'on peut discuter longuement, là. Ce qui compte, c'est: Est-ce que, oui ou non, on va tenter de...

M. Chagnon: Harmoniser.

M. Bégin: ...régler et de simplifier? La réponse, c'est oui. Alors, si c'est six mois, ou trois mois, ou 30 jours, on prendra le choix, mais les légistes vont faire le travail, et je suis d'accord avec le sens de votre proposition.

M. Chagnon: Est-ce que vous êtes d'accord avec l'idée d'harmoniser ces lois-là? En fait, l'idée, c'est...

M. Bégin: Bien, l'harmonisation... Dans un cas, je ne suis pas sûr que l'harmonisation est heureuse. Regardez la rédaction de l'article, là...

M. Chagnon: Non, je ne parle pas de l'harmonisation de l'article, je parle de l'harmonisation des délais.

M. Bégin: Ah oui, c'est ça, mais même le délai, là, dans le paragraphe 2°, je peux vous dire que... Je vous mets au défi de bien le décortiquer. Je le lis: «Il transmet sa déclaration dans les deux mois suivant la date d'entrée en vigueur du paragraphe (1) si, à cette date, l'organisation affecte au moins une personne aux fonctions mentionnées à ce paragraphe, soit, dans le cas contraire, l'affectation d'une personne à ces fonctions. Par la suite, il en transmet une tous les six mois et dispose pour ce faire d'un délai de trente jours.»

J'avoue que ce n'est pas ce que j'appelle le plus clair au monde. Alors, on va essayer de faire quelque chose, là, qui est simple. On aura l'occasion, là, au moment de l'étude article par article, de voir si on a réussi notre objectif.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le ministre. M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Ça va, je vous remercie. Je pense qu'on a fait le tour pas mal du mémoire.

Le Président (M. Paré): Merci, Me Lafleur, de votre participation et de votre contribution à cette commission. Je suspends quelques instants, le temps que la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante se présente.

(Suspension de la séance à 17 h 4)

 

(Reprise à 17 h 13)

Le Président (M. Paré): Bienvenue à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, plus particulièrement à Mme Vaillant et à M. Fahey. Vous aurez 15 minutes pour faire votre présentation. Il y aura des réactions et des questions de la part des parlementaires pour les 30 autres minutes. Bienvenue.

Fédération canadienne
de l'entreprise indépendante (FCEI)

M. Fahey (Richard): Merci, M. le Président. On va essayer d'être bref, parce que je pense que la plupart des points ont été couverts au cours de vos travaux. On a divisé notre présentation en cinq thèmes. D'abord et avant tout, vous présenter la FCEI, qui est une association patronale qui est particulière et qui a des caractéristiques qui font en sorte que le projet de loi sur le lobbying devrait prendre en considération, à notre sens; le deuxième point qu'on voudrait traiter, c'est les prémisses de la loi; troisième, son caractère inéquitable, à savoir qui est assujetti, qui ne l'est pas; et la bureaucratie qui y serait associée; et, finalement, on vous fera des recommandations spécifiques.

Marie Vaillant, qui a participé à la rédaction du mémoire, vous présentera la Fédération, et je me chargerai des autres sections. Merci.

Le Président (M. Paré): Mme Vaillant.

Mme Vaillant (Marie): Bonjour, messieurs, madame. Je vais être brève, parce que, fort probablement, vous connaissez la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Nous oeuvrons au Québec depuis 1971. À l'heure actuelle, la FCEI regroupe plus de 22 000 petites et moyennes entreprises qui oeuvrent dans autant de domaines d'activité qu'il peut en exister et qui est répartie sur l'ensemble du territoire québécois. Au Canada, nous comptons 102 000 petites et moyennes entreprises. Nous sommes un organisme de lobby et nous en sommes fiers. D'ailleurs, nous, le sens de notre démarche, la raison d'être de notre organisation, c'est de défendre leurs intérêts à tous les niveaux de gouvernement, soit au gouvernement du Québec, au gouvernement fédéral et dans les différentes municipalités.

Nous estimons à 8 000 contacts téléphoniques, personnels, électroniques, de correspondance par année. C'est un estimé, c'est probablement fort conservateur. 8 000 contacts, donc, que nous avons avec l'ensemble des intervenants gouvernementaux, tant du niveau fédéral que provincial, que municipal.

Un mot sur notre structure. La FCEI est une organisation qui ne fait pas de rencontres sociales, qui n'est pas dans le réseautage d'entreprises. Nous ne faisons aucun démarchage de financement individuel. Et nous avons aussi peut-être une petite particularité, c'est que comme organisation patronale nous avons, de par notre charte, l'obligation... Nous ne pouvons pas recevoir d'argent des gouvernements ni, en conséquence, de contrats d'affaires. Donc, c'est un peu... Nous sommes donc... Notre nom, c'est «indépendant». Le terme «indépendant» prend ici tout son sens, et c'est un peu notre caractéristique un peu différente, unique, disons.

Ceci dit, notre structure vise l'efficience économique. Ce sont les PME membres, chez nous, qui déterminent nos priorités, nos positions. Comme vous le savez sûrement, la FCEI travaille essentiellement sur la base de sondages auprès de nos membres et de recherche économique, forcément, qui en découle. Et c'est un autre des éléments qui font de nous une organisation sur laquelle les gouvernements quels qu'ils soient ont tendance à se référer, forcément parce que nous sommes en mesure de dégager les points de vue de ces dirigeants de PME sur tous les enjeux qui les touchent à tous les moments possibles et imaginables durant une année.

Finalement, en ce qui concerne le projet de loi sur le lobby, la Fédération, elle est enregistrée à Ottawa, elle est également enregistrée en Colombie-Britannique et en Ontario de par les lois inhérentes à ces juridictions, donc nous n'avons aucun problème avec la volonté d'encadrer les activités de lobbyisme. Ceci dit, nous croyons que les citoyens sont en droit de connaître les lobbys qui essaient d'influencer leurs décideurs tant au niveau politique qu'administratif. Donc, ceci dit, nous sommes d'accord avec le principe. Cependant, comme vous avez pu le constater à la lecture de notre mémoire, nous avons certaines réticences que nous allons vous faire part immédiatement. Alors, je cède la parole à M. Fahey.

M. Fahey (Richard): M. le Président, à la lecture des notes associées au projet de loi et au contexte dans lequel il a été déposé par le gouvernement, on pense que les prémisses du projet peuvent être incomplètes. On se rappelle, il y a eu les différents scandales associés à l'affaire Bréard, et ce qu'on critique ici, c'est, en quelque sorte, le problème d'éthique sous l'angle de l'entreprise qui a commis une faute en ayant cherché des subventions et en se prenant une ristourne, alors qu'on ne regarde pas le comportement de la personne de charge publique, qu'elle soit député, ministre ou fonctionnaire. Et donc, dans ce contexte-là, il y a tout un pan de l'interaction entreprises, organisations et gouvernement qui n'est pas adressé dans le projet de loi.

n(17 h 20)n

Donc, le projet de loi entretient un soupçon, un doute sur la nature des activités des entreprises, des organisations qui est un biais et qu'on considère un biais antilobbyisme qui se retrouve dans le projet de loi et principalement au niveau du commissaire qui est mis en place, qu'on appelle Commissaire au lobbyisme, alors qu'on pourrait très bien envisager un commissaire à l'éthique qui veillerait non seulement à l'interaction entreprises, organisations avec le gouvernement, mais aussi le comportement des détenteurs de charge publique qui sont élus et qui entrent en interaction, donc qu'il peut y avoir une faute éthique tant du côté de l'entreprise que du côté du détenteur de la charge publique. Donc, c'est le premier point au niveau de la prémisse, je pense que le projet de loi aurait tout avantage à englober non pas ce qui se passe à l'extérieur du gouvernement, mais aussi ce qui se passe à l'intérieur.

Un projet de loi inéquitable, on ne reviendra pas longtemps là-dessus parce que je pense qu'il y a une certaine unanimité, à tout le moins du côté des entreprises et des organisations patronales. Si on est pour...

M. Chagnon: Et même des associations syndicales.

M. Fahey (Richard): Et même des associations syndicales? Eh bien, tant mieux. Donc, on ne passera pas beaucoup de temps là-dessus, simplement pour dire que penser qu'une organisation syndicale ou communautaire ne tente pas d'influencer les politiques publiques, c'est de faire de l'aveuglement volontaire. Et dire que les PME n'aident pas à l'amélioration des conditions sociales, économiques et communautaires constitue un affront, une insulte qu'on ne pourrait pas laisser passer sans la noter. Par souci d'équité et par respect pour les créateurs d'emplois que sont les PME, la FCEI s'objecte à ce qu'on n'assujettisse que les groupes qui font des profits et qu'on laisse de côté tout un pan d'interventions de lobbying que font les organisations syndicales, communautaires ou dites humanitaires. Faire preuve de transparence, à notre sens, mériterait qu'on couvre toutes les organisations, toutes les entités qui sont en interaction avec le gouvernement.

On a décidé de vous proposer un cas type pour illustrer l'inéquité, la machinerie de production. Certains de vos collègues qui siègent à la commission de l'économie et du travail vont tenir une commission parlementaire et un débat public là-dessus. En supposant que le projet de loi n° 80 ait été adopté dans sa forme actuelle, les organisations syndicales auraient été à même de savoir toute démarche possible, susceptible... tout contact qu'une association patronale qui s'oppose, bien entendu, à l'assujettissement de la machinerie de production... et, donc, aurait été en mesure, à chaque 10 jours, d'aller interroger le registre puis de dire: Bon, où est-ce qu'ils ont cogné? Puis je vais faire la même démarche auprès de ce fonctionnaire, député, ministre pour contrer la démarche patronale, alors que l'inverse n'aurait pas été vrai. Donc, voilà un exemple de l'inéquité qui existe au sein du projet de loi.

Bureaucratie, qui est le quatrième thème qu'on aborde, la bureaucratie démesurée associée au projet de loi. 69 % des PME veulent voir le fardeau réglementaire et administratif réduit, le projet de loi amène une lourdeur administrative imposante, voire disproportionnée. On a parlé de l'inscription dans les 10 jours et, ensuite, une mise à jour à tous les 10 jours suivant les différentes rencontres qu'on pourrait avoir. Quand vous en avez 8 000 au courant d'une année, vous comprendrez la tâche phénoménale que ça peut représenter pour une organisation comme la FCEI. Donc, on vous suggère une harmonisation au niveau des délais au fédéral, donc inscription dans les 60 jours et mise à jour à tous les six mois. Et j'ai pris bonne note, M. le ministre, de votre intérêt d'aller dans ce sens-là.

En ce qui concerne la teneur de la déclaration, encore une fois, ici, le Québec fait figure de proue, là, par rapport au fédéral. On dit dans le projet de loi qu'il faut fournir la liste des organisations, des fonctions et de la personne... qu'elle détient au sein de l'organisation. Bien, M. le ministre, si le projet de loi était adopté tel quel, vous reconnaissez le bottin des fonctionnaires, voici ce que serait ma déclaration initiale, et je n'aurais pas besoin de la mettre à jour au-delà de vous fournir la mise à jour que le gouvernement en fait compte tenu de l'étendue et de tous les secteurs que touchent les PME au Québec. Et donc, dans ce contexte-là, afin d'éviter toute la nomenclature des interventions qu'on peut faire à tous les jours, vous auriez là notre déclaration qui couvre tous les secteurs et toutes les fonctions possibles au sein du gouvernement.

Dans un deuxième ordre ? et c'est l'intervention du Conseil du commerce de détail à 9.7°, et je pense qu'on pourrait s'y attarder dans la discussion ? une question qu'on soulève quand on dit que le lobbyiste d'organisation doit fournir «les nom et adresse de toute personne, société ou association qui contribue à des activités de lobbyisme pour le compte de l'entreprise ou du groupement». Je vous donne l'exemple, sur un projet de loi donné, on arrive au gouvernement, on dit: Je pense que ce projet de loi ne va pas dans le sens des intérêts des PME, et on donne des exemples. On donne des exemples, des vrais exemples qui nous viennent de la vraie vie, de sondages de nos membres en disant: Dans telle entreprise, voici ce que serait la conséquence. Or, est-ce que le membre qu'on cite en exemple devient à ce moment-là une personne qu'on devrait déclarer? Et auquel cas, à ce moment-là, il faudrait que je vous fournisse non seulement le bottin téléphonique du gouvernement, mais vous fournir la liste de mes 22 000 membres, auquel cas il y a des enjeux plus de compétitivité par rapport aux associations patronales à ce niveau-là. Mais on pourra en rediscuter.

La crainte qu'on a par rapport au projet de loi, c'est le climat que ça va créer. C'est que les gens vont être tellement réticents à parler à des entreprises, ou à des lobbyistes-conseils, ou même des organisations comme la nôtre que ça va diminuer l'interaction. Et, encore une fois, comme Marie le présentait d'entrée de jeu, la FCEI alimente le gouvernement avec les sondages qui sont faits auprès des PME. Donc, je ne suis qu'un messager de ce que les PME pensent d'un projet gouvernemental, d'un projet de règlement ou d'une politique gouvernementale. Et, donc, dans ce contexte-là, il y a un risque que le gouvernement se coupe de ces recherches, de ces études qu'on fait auprès des PME.

Le dernier élément ? et c'est au niveau de la couverture ou de l'étendue du projet de loi ? quand on parle des municipalités, il faut savoir que la Fédération a 40 représentants à travers le Québec qui représentent et qui rencontrent les membres au niveau du membership. C'est toutes des personnes influentes du milieu qui gravitent autour des activités sociales dans une région, et ce qui nous inquiète, c'est que dans un quelconque contexte notre gérant de district, qu'on l'appelle, notre représentant régional, arrive en contact avec un élu local, un député, même, et parle simplement de la FCEI, du fait qu'on défend les intérêts des PME, de l'importance que les PME peuvent avoir dans l'économie, et là on se dit: Est-ce que cette intervention-là ? je ne vous en cache pas, je ne suis pas au courant ? pourrait être considérée comme un manquement à la loi sur le lobbying?

Le Président (M. Paré): En terminant, M. Fahey.

M. Fahey (Richard): Oui. Et, je conclus là-dessus, il y a un problème, là, au niveau des sanctions pénales qui sont possibles dans la loi, les mesures disciplinaires, et qui est de bannir pendant un an une intervention d'un lobbyiste. Une organisation comme la nôtre, si vous nous bannissez d'intervention auprès du gouvernement, il n'y a plus aucune raison d'être, on ferme la porte, merci, bonsoir. Je pense que c'est une sanction qui est exagérée, disproportionnée, alors que le projet de loi fédéral ne fait que des interventions, des pénalités qui sont monétaires.

Vous avez la liste des recommandations plus spécifiques à la page 15 de notre mémoire, à savoir la première concernant l'équité; la deuxième, à savoir l'administration. La troisième ? et c'est à l'article 2 ? quand on définit l'activité de lobbying, parler de susceptibilité d'influencer, je pense c'est aller très loin. Je pense que, si on a vraiment une volonté d'influencer quelque chose, on devrait être couvert, mais «susceptible», ça peut prendre des proportions où on ne sait pas vraiment qu'est-ce qui influence la décision de notre interlocuteur qui est devant nous. Et ça, là-dessus, je pense que le projet de loi va un peu loin.

Et je passe sous silence les autres modifications, mais je vous invite à en prendre connaissance dans le cadre de vos travaux. Merci.

n(17 h 30)n

Le Président (M. Paré): Merci, M. Fahey. M. le ministre.

M. Bégin: Merci, Mme Vaillant, M. Fahey. Alors, je ne peux pas reprendre chacun des points, mais je vais quand même essayer de vous donner quelques réponses à ce que vous avez mentionné, parce qu'on a déjà eu à les discuter, et, souvent, je peux vous donner le point qui a été exprimé. Par exemple, «susceptibles» et «en vue d'influencer», le dernier point que vous avez soulevé, on a un rapport du gouvernement fédéral, du commissaire, à l'effet qu'«en vue d'influencer» est une proposition insuffisante parce qu'on est incapable d'établir, souvent, l'intention comme telle et que ça ne permet pas, donc, d'aller dans le sens de l'esprit de la loi, et que, en conséquence, il faut le modifier. Eux, ils veulent le modifier. Nous, nous profitons de leur expérience pour dire: On le modifie pour indiquer qu'«en vue», c'est avec une intention; «susceptible», c'est que c'est un résultat, un résultat et prouvable.

M. Chagnon: Puis, si on disait «qui a l'intention d'influencer» plutôt que...

M. Bégin: Non, mais c'est parce que... En tout cas, c'est ça, mais l'intention est parfois impossible à prouver.

M. Chagnon: Puis la susceptibilité?

M. Bégin: En tout cas, c'est... Non, mais la susceptibilité, c'est un résultat, ça se mesure, tandis que l'autre, l'intention, c'est difficile. Je vous donne la réponse là-dessus, «sanction grave». Ordinairement, quand c'est une sanction grave, c'est qu'il y a eu une contravention grave. Je ne pense pas qu'on puisse donner des contraventions, je ne sais pas, moi, de 1 000 $ parce que vous avez dépassé la vitesse de cinq points. Par contre, si vous l'avez dépassée de 200 %, là on peut dire: C'est grave, c'était très grave. Alors, la sanction est généralement proportionnée à la gravité de l'infraction.

«Mise à jour», là-dessus, on a eu une discussion avec les gens qui vous ont précédés. Je ne sais pas si vous étiez présents. Je crois qu'on y répond tout à fait. Brièvement, même si beaucoup, beaucoup l'ont pris, vous dites: Incluez ceux qui sont exclus. Sinon, excluez-nous. Et, je pense que le débat a été fait là-dessus en long et en large, vous ne semblez pas ajouter un élément additionnel. C'est très bien, vous avez repris les arguments que nous avons déjà entendus. C'est une décision que j'aurai à prendre, de recommander ou non de donner suite à votre proposition au gouvernement, après la fin des travaux de la commission parlementaire.

J'en arriverais peut-être au dernier point, celui sur lequel j'ai déjà eu à me prononcer et que j'aimerais reprendre avec vous, parce qu'il en a été question assez fréquemment, et je ne suis pas sûr qu'on s'est bien compris. C'est de confier à un commissaire au lobbying la fonction d'être également conseiller à l'éthique. Et non seulement cela, mais en plus appliquer aux titulaires de charges publiques l'autorité du commissaire.

Je vais essayer d'être très clair et de me faire comprendre. Actuellement, en vertu de quatre lois... À moins que je ne me trompe, il y a la Loi sur l'exécutif, la Loi sur l'Assemblée nationale, la Loi sur la fonction publique, la Loi sur le ministère du Conseil exécutif et la directive du premier ministre. Il y a donc... La Loi sur l'exécutif, c'est pour les membres de l'exécutif. La Loi sur l'Assemblée nationale, c'est pour les membres de l'Assemblée nationale. La Loi sur la fonction publique, c'est les fonctionnaires. La Loi sur le ministère du Conseil exécutif, c'est le règlement sur l'éthique et la déontologie des administrateurs publics. Et les directives du premier ministre s'appliquent aux cabinets, etc. Dans tous ces domaines, il y a des codes d'éthique et de déontologie et il y a des gens chargés d'appliquer la déontologie et l'éthique à ces gens-là. Et ça, ça concerne les titulaires de charges publiques. Ça existe déjà. S'il y avait un manquement d'un lobbyiste actuellement en fonction, sans le projet de loi, et que le fonctionnaire se comportait, ou l'élu, ou peu importe la personne, mais qui est un titulaire... se comportait incorrectement, contrevenait à l'éthique, il y aurait, à ce moment-là, possibilité de sanction, puisque et le code et les codes existent et les personnes chargées de l'application.

Deuxième volet, vous dites: Le Commissaire au lobbying, il a actuellement, dans la loi, un rôle qui est celui de s'assurer du respect de la loi. On remarque qu'il n'a pas officiellement la responsabilité de conseiller. Vous voyez que c'est... Bon, le conseil et la surveillance, c'est deux choses qui, généralement, ne vont pas ensemble. Si je vous conseille de faire quelque chose, je peux difficilement vous dire, si vous avez suivi mon conseil, que vous avez contrevenu à la loi. Vous comprenez ça. Alors, comment avons-nous découvert cette chose-là? C'est que quand on s'est interrogé pour savoir qui serait le personnage nommé par l'Assemblée nationale qui occuperait la fonction en question, on s'est dit: Pourquoi créer un nouveau poste quand il y en a peut-être un qui est en mesure de le faire? Alors, Protecteur du citoyen? Non, problème x. Directeur général des élections? Non, problème y. Et ainsi de suite. Mais c'est arrivé, avec le jurisconsulte de l'Assemblée nationale, que ça a ressorti plus ouvertement. Le jurisconsulte de l'Assemblée nationale, c'est celui qui est un ancien juge... Actuellement, c'est un ancien juge en chef de la Cour d'appel, le juge Bisson, qui occupe le poste. Si un député veut faire quelque chose et il a des doutes sur est-ce que c'est correct ou incorrect, est-ce que je respecte les lois ou je contreviens à l'éthique, etc., il peut le consulter. Et, lorsque le jurisconsulte donne un point de vue, le député est à l'abri, à toutes fins pratiques, de poursuite, puisqu'il l'a fait sur la foi d'une opinion et reconnue par un fonctionnaire indépendant, etc.

Alors, on s'est dit: On va lui donner... Pourquoi pas lui donner le rôle de Commissaire au lobbying? Mais là on s'est rendu compte que le titulaire qui recevrait un conseil du jurisconsulte ne pourrait pas se faire surveiller dans ses relations avec le lobbyiste qui viendrait le voir, et là il y aurait un conflit d'intérêts entre les deux chapeaux que porterait le même personnage. C'est pourquoi nous pensons que nous devons séparer les deux rôles, le lobbying... Pardon, l'éthique et la déontologie étant actuellement très bien réglementées et en dehors de tout projet de loi sur le lobbying, mais le lobbying, lui, il doit être fait. Et là on a eu à choisir: Est-ce que c'est un rôle conseil ou un rôle de surveillant? Et nous avons choisi le rôle de surveillant de l'application de la loi.

À mon humble avis, il va y avoir probablement aussi un rôle conseil. Par exemple, un lobbyiste va arriver à poser un geste, ça va être comme à la limite, qu'est-ce qu'il va faire? Il va peut-être lâcher un coup de téléphone au Commissaire en disant: Je m'apprête à faire tel geste, je ne suis pas très à l'aise. Je veux bien respecter la loi, mais je ne suis pas sûr que je la comprends bien. Qu'est-ce que vous en pensez? Je pense bien que le Commissaire va dire: Bon, regarde, fais ça comme ça. Ce ne sera pas un conseil au point de vue légal qui serait... qui mettrait à l'abri, mais je verrais bien mal que le Commissaire puisse, deux ans après, dire: Monsieur ou madame, vous avez commis une infraction. Quel serait le premier moyen de défense que la personne ferait? Écoutez, je vous ai appelé, je vous ai demandé, et vous m'avez dit que c'était correct, puis maintenant vous me poursuivez. Essayez de faire condamner quelqu'un sur cette base-là. Je vous mets au défi de le relever, hein? C'est impossible.

Donc, on voit tout de suite, là, que c'est des choses qui sont distinctes. Le titulaire d'une charge publique est surveillé ? surveillé dans le sens d'éthique, déontologie ? par le régime qui est applicable, le lobbyiste va avoir sa conduite. Et n'oublions pas que le Commissaire va établir un code de déontologie, hein? Il a un devoir, dans les six mois, d'établir son code de déontologie. Donc, on va avoir un équilibre dans les relations entre les deux. Alors, ma réponse... Des fois, on est... C'est l'article 33: «Le Commissaire doit, au plus tard le...» Et là c'est: «Indiquer ici la date qui suit de six mois la date de la sanction de la présente loi.» Donc, quand la loi entrera en vigueur, dans les six mois, le Commissaire devra établir son code.

Alors, je pense que, de cette façon-là, nous aurons l'équilibre nécessaire pour faire en sorte que chacun respecte son régime qui s'applique à lui. Et tout le monde, à ce moment-là, il me semble, va être correctement traité, et il n'y aura pas de déséquilibre, surveillance du lobbyiste et non du titulaire de la charge publique. Alors, je termine en disant ça, parce que vous êtes un parmi plusieurs à l'avoir soulevé, et on n'a pas toujours l'occasion de le redire, puis ça m'apparaît important de faire cette distinction-là.

Le Président (M. Paré): M. Fahey.

M. Fahey (Richard): M. le Président, trois très courts commentaires. Sur la notion de «susceptible», la crainte qu'on a par rapport à l'intention... Avoir l'intention d'une personne, c'est: Je veux influencer le ministre pour qu'il change d'idée, je veux influencer le député pour qu'il vote d'une façon x. «Susceptible d'influencer», c'est: Il faut se positionner dans la tête du ministre ou du député. Est-ce que pour une personne raisonnable, le bon père de famille qu'on utilise souvent... Est-ce que ça aurait pu influencer une personne tierce? Et ça, c'est extrêmement difficile à déterminer, qu'est-ce que... Parce qu'il a rencontré une personne sur la rue qui a dit: Aïe, les PME, c'est ce qui crée 80 % des nouveaux emplois au Québec, oui, il faudrait peut-être que je change mon projet de loi en conséquence. Est-ce que cet élément-là, qui est un élément de fait, peut avoir eu un impact sur la personne, sur l'interlocuteur à qui on fournit l'information? C'est là que le «susceptible», pour nous, est très large et suppose l'analyse de la personne qu'il y a devant vous, à savoir est-ce qu'une personne normale aurait réagi d'une façon ainsi. Et c'est là-dessus qu'on est inquiet.

Par rapport au bannissement d'un an, une sanction grave pour un acte grave, j'aimerais savoir l'intention du législateur, à savoir c'est quoi, une sanction grave, ou c'est quoi, un acte grave qui justifierait un bannissement d'un an, parce que je, vous dirais, personnellement, je suis inquiet...

n(17 h 40)n

M. Bégin: Je vais peut-être répondre... Prenons une hypothèse que la loi est adoptée et que nous interdisions le paiement au pourcentage. Admettons maintenant que, dans les faits, malgré cette disposition, on apprenait que quelqu'un a reçu 400 000 $ ou 500 000 $ à même une subvention qui a été accordée et que c'était interdit. Admettons cette hypothèse-là, est-ce que c'est une sanction grave qui serait requise ou bien une sanction légère? Si quelqu'un peut sortir indemne ou, à toutes fins pratiques, avec un blâme, une réprimande et empocher 400 000 $, est-ce que vous pensez que ça va être incitatif au respect de la loi ou bien si on considère ça comme étant une infraction sévère, dure à la loi qui va non seulement à l'encontre de l'esprit et de la lettre, mais qui détruit, à toutes fins pratiques, le sens même de la loi, que ça mérite une sanction? J'invente à l'instant même l'exemple, là, mais il me semble qu'on peut comprendre que les faits de la vie vont nous apprendre que peut-être très rarement, exceptionnellement, on devra avoir une sanction lourde. Le reste du temps, ça sera évalué selon les règles habituelles de sanction.

M. Fahey (Richard): L'exemple est bon, M. le ministre, et poursuivons-le, replaçons-nous dans le contexte d'Oxygène 9...

M. Bégin: Non, je ne veux pas rentrer dans ces cas-là.

M. Fahey (Richard): Bien non, mais prenons... Appelons-le X, Y, Z, là, qui vient de faire exactement la même chose, la ristourne sur la base d'une subvention obtenue qui est contraire au projet de loi n° 80 tel quel. L'entreprise X, Y, Z qui reçoit cette ristourne de 400 000 $, vous la bannissez pour un an, une entreprise qui a les caractéristiques d'être un lobbyiste-conseil, d'aider les entreprises à aller chercher des subventions au gouvernement. Vous venez de fermer la porte au gouvernement. Est-ce que ça ne pourrait pas être interprété comme une expropriation déguisée? Cette entreprise-là...

M. Bégin: Non. Non, pas du tout.

M. Fahey (Richard): ...n'est plus à même d'intervenir auprès de la personne publique du dirigeant, qui est essentiellement sa mission d'entreprise.

M. Bégin: Si l'effet était celui-là, je dis que non, ce n'est pas ce que vous pensez, parce que quelqu'un qui décide d'aller aussi ouvertement à l'encontre de la loi doit être capable ? et, s'il ne le fait pas, il ne mérite pas de continuer ? capable d'évaluer la conséquence de ses gestes. Et ce n'est pas vrai que quelqu'un peut dire: Je vais empocher 400 000 $ et, après ça, je vais me prémunir en disant: Vous savez, vous m'obligez à perdre mon gagne-pain. Là, ça, ça voudrait dire qu'à chaque fois que quelqu'un commet un acte criminel ou pénal sévère, parce que ça prive la famille, par exemple, de revenus, du gagne-pain de cette personne-là, qu'on ne la sanctionnera pas. Par exemple, un camionneur qui conduit en état d'ébriété et qui cause la mort d'une personne, est-ce qu'on va dire: On ne l'enverra pas en prison parce que... Et, en plus, mettons qu'il y a délit de fuite, là, pour vraiment mettre du crémage sur le gâteau, hein, vous avez un cas semblable, est-ce qu'on va dire, par sympathie, compréhension, qu'il n'y aura pas de sanction? On pourrait le faire sur cette base-là, mais ça veut dire quoi à tous les autres par la suite? Faites-le, ce n'est pas grave, il n'y a pas de sanction.

Alors, il faut penser que celui ou celle qui appliquera la sanction aura devant lui des faits graves et qu'il jugera en son âme et conscience que, compte tenu de ce qui a été commis, ça mérite une sanction grave. Alors, ça sera à ce moment-là qu'on mesurera comme à tous les jours... Moi, je suis ministre de la Justice et Procureur général, et, à tous les jours, partout à travers le Québec, il y a des gens qui rendent des décisions sur la foi de ce que je représente comme Procureur général, et, généralement, la décision est évaluée par chaque individu juge, et normalement c'est bon. Il y a des cas où on n'est pas d'accord, et il y a l'appel pour ça, d'un côté comme de l'autre. Mais, fondamentalement, l'application est faite selon le jugement et aussi des paramètres qui se sont développés, ce qu'on appelle la jurisprudence, qui nous indiquent quelle gravité, quelle sanction, et moi, je n'ai pas peur de ça.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le ministre. M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Oui, M. le Président. Merci beaucoup. Alors, je salue aussi M. Fahey et Mme Vaillant. Il y a déjà quelques heures que nous discutons de tous ces dossiers. Ça fait quelques jours, une journée et demie en fait.

Je dirais, dans le fond, que votre mémoire, qui est divisé en cinq parties... Je vais les prendre rapidement là. Bon, La profession de lobbyiste, vue par le FCEI, généralement je pense que c'est la vision qu'à peu près de plus en plus de monde ont. Il y a des exceptions, là, mais, en général, les gens comprennent que, dans une société moderne, on va retrouver des gens qui font du lobbying et que c'est une forme et un travail qui se conjuguent avec la démocratie. Ne serait-ce que les propos comme on retrouve dans le document du Protecteur du citoyen hier correspondaient exactement dans ce sens-là, et il est malheureux qu'à tout le moins dans notre première lecture, dans la lecture du projet de loi, nous ayons cru comprendre et senti qu'il y avait une espèce de charge à l'endroit du lobbying. Mais je pense, après les discussions qu'on a eues ici, que ce métier et cette forme de travail est de plus en plus comprise, tout simplement. Et non seulement comprise, mais admise, et on comprend mieux jusqu'à quel point le rôle du démarcheur peut faire en sorte d'améliorer non seulement la qualité de la vie démocratique, mais aussi tout ce qui s'ensuit, c'est-à-dire les projets de loi, les relations et la compréhension des gens qui ont des charges publiques à l'égard de certains problèmes, en ayant une connaissance complémentaire d'objet, et de sens, et d'intérêt qui sont évidemment parfois visés par des questions qui sont généralement... toujours, je devrais dire, d'ordre public. Alors, en ce qui concerne le premier point, c'est compris.

La prémisse de base ? qui est votre deuxième point ? du projet de loi: on se trompe de cible, en tout cas, de notre côté, ici, on pense que le projet de loi ne répondra pas à l'ensemble des questions qui ont fait l'objet des manchettes au Québec depuis cinq, six mois, pas plus que celui du fédéral ne le fait pour les manchettes du fédéral à l'heure actuelle. Il y a une intention, évidemment, qui est d'améliorer les choses, hein? Ce n'est pas une intention gouvernementale d'empironner la situation, là, c'est une intention de faire en sorte d'améliorer les choses. Il y a une compréhension globale d'à peu près tout le monde aussi ? à peu près tout le monde, je dirais ? de faire en sorte qu'il y ait un projet de loi sur le lobbying. Ce qu'on a vu des gens qui sont venus ici, ils nous ont dit, à peu près tout le monde: Oui, ce n'est pas une mauvaise idée qu'il y ait une inscription, qu'il y ait des processus d'inscription, etc.

Donc, la prémisse de base du projet de loi, on se trompe de cible, je dirais ? il faut être un peu schizophrène, là ? les événements que vous mentionnez dans votre mémoire qui ont eu lieu depuis cinq, six mois, ce n'est pas le projet de loi qui va les corriger. Le projet de loi a une autre fin, cherche à faire d'autres choses. Il ne faudra pas donner à ce projet de loi là le sens et l'intention de corriger ce qui s'est fait, mais de faire en sorte de nous assurer que, dans notre monde démocratique, le processus de lobbying, le processus du lobby soit mieux encadré.

Troisièmement, Un projet de loi inéquitable. Vous soulevez la problématique générale qu'on a entendu parler ici beaucoup entre la discrimination qui existait entre les gens qui étaient perçus ou compris dans le projet de loi comme étant des lobbyistes et ceux qui ne l'étaient pas. Je pense qu'on en a entendu suffisamment parler pour que le gouvernement puisse faire son lit sur cette question. Et je pense, je présume qu'il fera son lit dans le sens de ce que vous avez plaidé et, probablement plus particulièrement parce que ce serait la façon la plus simple, en prenant une définition du mot «organisation» comme on la retrouve dans les autres législations canadiennes, soit fédérale ou des trois provinces qui ont déjà une législation dans ce sens-là. Votre cas type, l'assujettissement de la machinerie production à la loi R-20, est un exemple pour votre chapitre précédent.

Quatrièmement ? et c'est ça qui m'intéresse, parce que cinquièmement, dans le fond, c'est votre conclusion ? Une bureaucratie démesurée, une méfiance assurée et de la confusion à volonté. Bon, c'est tout ça qui est peut-être le plus important. Vous avez commencé par, dans la première partie de votre quatrième point, soulever des éléments qui touchent des dates d'entrée en vigueur, de mise en vigueur. Le ministre, il y a quelques minutes, quand vos prédécesseurs ont passé, affirmait à M. Lafleur, du Conseil québécois du commerce de détail ? et je le salue pour cette ouverture ? il lui a dit: Oui, je vais faire en sorte de m'assurer qu'on s'organise pour qu'il y ait une harmonisation ou, du moins, une compréhension commune, là, des dates et puis que ce problème-là soit ressorti du dossier.

n(17 h 50)n

Donc, là on est avancé quand même. Et vous faites valoir que vous faites aussi affaire avec le gouvernement fédéral. Est-ce que vous pouvez nous dire, nous parler quelques minutes de votre expérience avec le gouvernement fédéral dans... Vous êtes enregistrés, j'imagine? Si vous êtes enregistrés, ça fonctionne comment? Est-ce que c'est compliqué, c'est simple? Est-ce que c'est vivable, ce n'est pas vivable? C'est quoi, l'expérience?

M. Fahey (Richard): Bien, en fait, écoutez, l'enregistrement se fait auprès d'Industrie Canada, sa division de l'enregistrement des lobbyistes, et ce qu'on demande, en quelque sorte, c'est l'organisation, le président et la liste, en quelque sorte, des personnes qui vont être en contact avec l'appareil gouvernemental fédéral. On décrit aussi l'organisation, c'est quoi, ses buts, c'est quoi, ses dossiers traditionnels, donc est-ce qu'on va traiter, par exemple... Par exemple, dans le processus budgétaire, les consultations prébudgétaires, la Fédération est toujours invitée, que ça soit au niveau de l'exportation, de l'énergie et, j'en passe, il y en a une liste de deux pages de sujets possibles et qu'on traite avec le gouvernement fédéral. Et, ensuite, on dit: Maintenant, pouvez-vous nous faire une liste des départements, des agences gouvernementales, ministères avec qui vous allez être en interaction au courant de l'année?

Et là, sur la liste qui est présente, il doit y avoir à peu près une soixantaine d'agences, ou de ministères, ou d'autres sociétés d'État. Bien, je vous dirais, sur la soixantaine, il y en a peut-être huit, neuf avec lesquelles la Fédération ne ferait pas affaire. Donc, compte tenu qu'on représente les PME dans tous les secteurs de l'économie dans toutes les régions du Canada et qu'on en représente 100 000, à chaque fois qu'un gouvernement, qu'il soit municipal, provincial ou fédéral, intervient ou émet une législation, une réglementation, par définition, ça va affecter un de nos membres, ça va affecter nos PME, et, dans ce contexte-là, on fait de la représentation au nom des PME.

Et, en introduction, vous disiez que le lobby est un élément de la démocratie, je pense que le lobby est aussi une conséquence de la complexité de l'État, et surtout au niveau d'une PME. Parce qu'il ne faut pas se leurrer, 75 % des entreprises au Québec ont moins de cinq employés, ils n'ont pas des lobbyistes à temps plein, et, dans ce contexte-là, elles ont décidé de canaliser leur pouvoir d'influence, leur pouvoir de représentation auprès des gouvernements par une organisation comme la CFEI.

Mme Vaillant (Marie): Peut-être pour rajouter un élément d'information pour le député, c'est une administration qui est, somme toute, assez légère et qui nous permet de procéder dans différents dossiers avec un minimum de... avec une transparence certaine, mais pas nécessairement avec un plan d'action aussi, là, qui nous permet également de pouvoir travailler à défendre nos membres dans un minimum, là, de respect mutuel, un respect de notre façon de procéder.

M. Chagnon: ...possible, M. le Président, de demander, si nos invités l'acceptent, de nous déposer le formulaire que vous avez du gouvernement fédéral? Il ne doit pas contenir... Évidemment, si vos collègues l'acceptent. Ce serait peut-être intéressant de regarder comment c'est fait.

M. Fahey (Richard): On pourrait...

Le Président (M. Paré): M. le député, je pensais que vous vouliez qu'il dépose le bottin.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Le bottin, on l'a déjà, M. le Président.

M. Fahey (Richard): C'est quand on sera... Quand la loi... Si la loi est adoptée.

M. Bégin: Ça sera objecté.

M. Chagnon: Vous vous seriez objecté à un dépôt du bottin, j'imagine.

Une voix: ...

M. Chagnon: Au poids.

Une voix: Oui.

M. Chagnon: Voilà. Mais, effectivement, en ayant la copie du formulaire que vous avez...

M. Fahey (Richard): J'ai la copie des années passées. Celle de 2001, je pourrais vous la fournir sans problème. Demain matin, vous l'aurez sur vos bureaux, je la transmettrai au Secrétariat.

Le Président (M. Paré): Merci. J'accepte le dépôt.

M. Chagnon: C'est bien gentil de votre part, un dépôt anticipé.

M. Fahey (Richard): Mais on pourrait même vous donner les années passées, là, pour voir comment ça a évolué.

M. Chagnon: C'est gentil. Je vous remercie beaucoup.

Dans la page 13 de votre mémoire, vous dites ceci: «La législation fédérale attribue des pouvoirs d'enquête au conseiller en éthique relativement à des manquements au code de déontologie ? ça semble être un problème pour vous, là ? mais précise que l'enquête est secrète.»

Est-ce que vous favorisez, vous, les enquêtes secrètes? Ça a l'air toujours un peu... C'est un peu dur comme question, parce que... C'est un peu piégé comme question, parce que qui pense que le secret et l'occultisme est une bonne chose dans notre société, évidemment, qui cherche la... La loi s'appelle la Loi de la transparence. C'est assez curieux de demander que les enquêtes soient secrètes dans ce cas-là. Mais quel est le bénéfice d'avoir une enquête secrète, selon vous?

M. Fahey (Richard): Bien, en fait, c'est l'article 10 de la loi fédérale ? ou 10.4, en fait, pour être plus précis ? où on dit que le conseiller peut faire enquête sur des manquements s'il y a des motifs raisonnables qu'il y a eu manquements. Les dépositions qui sont faites ou le fait de l'existence même d'une enquête doit demeurer secret. Et ça, c'est simplement qu'il y ait enquête, qu'on conclue à un manquement grave. Et, dans le cas ici, il y a une recommandation au gouvernement, à la Chambre des communes en l'occurrence, il doit faire rapport. Le processus d'enquête, le processus de recherche de documentation, lui, est secret. Pourquoi? En fait, je pense que c'est important, c'est que les entreprises qui sont sous enquête, on est sous enquête, on n'est pas condamné encore. Et d'autant plus que, dans le projet de loi, l'appel n'a pas d'effet suspensif. Donc, tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas de décision finale, l'entreprise est affectée.

Là-dessus, le fédéral a une approche plus diligente, à notre sens, dans le sens qu'il va faire l'enquête, que les propos, les documents, l'information qui est recueillie est gardée secrète jusqu'à temps que le rapport final est rendu public, et le fait même... le fait qu'il y ait enquête sur une organisation, que ce soit une entreprise ou un lobby en particulier, lui, demeure secret. Donc, c'est une protection de l'organisation durant le processus d'enquête. Bien entendu, lors du rapport final de l'enquête, à ce moment-là, il n'y a pas de protection, parce que, s'il y a eu manquement, on rend public ce manquement-là.

M. Chagnon: Comment vous réagissez à cette idée-là, M. le ministre? Oups!

M. Bégin: Excusez.

M. Chagnon: Excusez, c'est parce que je...

M. Bégin: J'ai été distrait deux secondes, je m'en excuse.

M. Chagnon: Bon, bien, je vais continuer. Vous dites aussi: «Les dépositions obtenues par le fédéral ne sont pas admissibles en preuve, sauf sous parjure, devant une cour de justice. Cette protection est aussi absente du projet de loi québécois.» Vous considérez qu'on devrait retrouver ça dans le projet de loi?

M. Fahey (Richard): En fait, s'il y a vraiment... C'est parce que c'est toute la documentation de l'enquête. C'est que s'il y a parjure, c'est un manquement criminel, et, à ce moment-là, toute cette information-là doit être rendue publique. On parle ici d'une enquête qui est administrative, et, dans ce contexte-là, il devrait y avoir des protections minimales, d'autant, encore une fois ? et je le spécifie ? que l'appel, au Québec, n'a pas d'effet suspensif. Donc, techniquement, pour un manquement grave, par exemple, on pourrait dire: L'entreprise ne peut plus agir, et, tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas de décision finale, et ce... En dépit du fait qu'on ait pu déposer un appel, l'organisation ne peut plus intervenir pendant cette période-là.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Fahey. Sur ce... Une dernière remarque?

M. Chagnon: Ah, peut-être un petit peu...

Le Président (M. Paré): M. le député de Westmount?Saint-Louis, allez-y, allez-y. Allez-y.

M. Chagnon: Quelques secondes, quelques minutes peut-être. Vous suggérez aussi de modifier l'article 50 afin de prévoir que l'appel d'une décision du Commissaire suspend l'exécution de cette dernière. C'est important, ça, quand même, parce que, si le processus d'appel ne fonctionne pas comme normalement il fonctionne, vous avez un problème. Ça fait que pourquoi vous suggérez que la décision de l'appel ne suspend pas l'exécution de la... Je n'ai pas compris ça comme ça, moi.

M. Fahey (Richard): En fait, c'est que dans le projet de loi ? puis c'est particulier, là, par rapport au fédéral ? le processus d'appel... Tu sais, par exemple, si on n'est pas d'accord avec la décision du Commissaire et que tu décides de la porter en appel, bien la commission du Commissaire demeure. Tu ne peux plus intervenir, tu dois payer la peine ou la pénalité et tu dois même, si tu es une organisation et que c'est un de tes employés... Parce que tu es solidaire de cette pénalité-là, tu dois la verser alors que tu es en processus d'appel. Donc, c'est là qu'on dit: Écoutez, s'il y a appel, ça devrait suspendre l'instance, un peu comme ça existe dans tous nos tribunaux de droit commun.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Fahey, merci, Mme Vaillant, pour votre présentation. Sur ce, je suspends nos travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 20 h 10)

Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous plaît! Bienvenue, M. Châteauvert. Pour votre présentation, vous aurez 10 minutes, et, par la suite, on aura 20 minutes d'échange et de questions avec les gens de la commission. Donc, bienvenue. On vous écoute.

M. Pierre Châteauvert

M. Châteauvert (Pierre): Merci, M. le Président. Je n'avais pas l'intention de lire le mémoire, mais il y a plusieurs personnes qui m'ont dit: Fais-le, lis-le. Donc, je vais lire rapidement.

Donc, ce mémoire a comme seul objectif d'exposer les impacts de ce projet de loi sur un groupe dont on ne parle pas souvent, soit ceux qu'on désigne parfois comme les travailleurs de l'ombre, les attachés politiques. Vous excuserez donc le fait que je passe sous silence les impacts de ce projet de loi sur les élus et les hauts fonctionnaires, qui sont également visés par ce projet de loi.

Qu'est-ce qu'un attaché politique? Poser cette question lorsqu'on s'adresse à des parlementaires peut paraître saugrenu, mais il s'agit d'un exercice primordial pour qui veut s'interroger sur les impacts de ce projet sur les membres des cabinets ministériels. Un attaché politique est nommé par un ministre sur la base d'au moins deux conditions: le lien de confiance entre le ministre et l'employé ainsi que la capacité de celui-ci à relever les défis qui lui sont confiés. La différence fondamentale entre un membre de cabinet...

M. Chagnon: ...plus lentement, ça va... Vous n'êtes pas à la presse ici, il n'y a pas de problème.

M. Châteauvert (Pierre): Bon, d'accord. D'accord, je vais prendre mon temps. Merci, M. le député. Donc, la différence entre un membre fondamental... La différence fondamentale entre un membre de cabinet et tout autre employé de l'État tient dans le lien qui le lie au ministre. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'État a accordé aux ministres toute la latitude nécessaire dans la gestion leur cabinet. Les employés de cabinets ministériels n'ont donc aucune sécurité d'emploi ni le droit de se regrouper. Le nombre d'heures de travail constitue une autre caractéristique du travail dans un cabinet. Un attaché politique doit être disponible en tout temps, tant que le ministre exprime le besoin de l'avoir à ses côtés. L'attaché politique doit également accorder toutes les heures nécessaires à l'accomplissement de sa tâche et des responsabilités qui lui sont confiées. Dans tous les cas, cela demande plus que les 35 ou 40 heures d'une semaine normale de travail. Ces conditions sont les mêmes pour les employés de l'opposition.

Souvent jeunes étant donné les exigences de la tâche, les membres des cabinets ministériels ont la chance d'acquérir, dans le cadre de leur fonction, une expérience unique et diversifiée. Dans mon cas, après avoir passé sept ans à l'UMRCQ, j'ai fait partie du cabinet du ministre Guy Chevrette d'octobre 1994 jusqu'à sa démission, le 30 janvier dernier. Je fus nommé directeur du cabinet au début de l'année 1999. J'ai donc pu observer le fonctionnement de l'État sous tous ses angles, assister à des réunions où d'importantes décisions furent arrêtées, traiter de dossiers dans des domaines d'activité plus diversifiés les uns que les autres, développer une rapidité de réflexion et de décision ainsi qu'un certain sens de ce qu'il est convenu d'appeler la débrouillardise.

J'ai beaucoup apprécié l'expérience acquise, notamment, en matière autochtone. Cela m'a permis de vivre de véritables crises, dont de me retrouver moi-même sur la 117 ? le comté du député de l'Abitibi ? avec à peu près 150 travailleurs forestiers qui levaient une barricade. À ce moment-là, la seule réflexion qui m'était venue à l'esprit, c'est: Pourquoi moi? Qu'est-ce que je fais là? Mais, après coup, on sait que rares sont les personnes qui peuvent vivre ce genre d'expérience, et c'est extraordinaire après. Ces quelques remarques démontrent le privilège que constitue un poste au sein d'un cabinet ministériel. Elles témoignent également du dévouement total des attachés politiques envers leur ministre, du véritable don de soi durant les années que dure l'emploi.

Au fil des ans, des personnes aujourd'hui reconnues dans la société ont jadis occupé un poste au sein d'un cabinet ministériel, ce qui confirme le caractère formateur de ces emplois. Ainsi, parmi cette Assemblée, notons le premier ministre, la vice-première ministre, le député de Saint-Laurent; d'autres aussi, le député de La Prairie, le député de Kamouraska-Témiscouata; ainsi que dans la société en général, dans le monde des affaires, M. Jean-Claude Scraire, qui est président démissionnaire de la Caisse de dépôt et placement; dans la haute fonction publique, Mme Tremblay, M. Roy, M. Jean; et d'autres non moins célèbres comme l'ancien maire de Québec, Jean Pelletier, et une journaliste comme Mme Sophie Langlois, à Radio-Canada.

Si j'ai choisi ces exemples, c'est pour démontrer qu'un attaché politique, avec l'expérience et la formation qu'il acquiert durant son emploi, peut faire de grandes choses dans la mesure où on lui permet de se mettre en valeur et on ne lui met pas de bâtons dans les roues. Et, c'est malheureusement ce que fait ce projet de loi, il risque d'occasionner d'importants problèmes à ces personnes lorsqu'elles choisiront de se chercher un emploi ou seront dans l'obligation de le faire.

M. Chagnon: Peut-être encore un peu plus lent.

M. Châteauvert (Pierre): Ha, ha, ha! D'accord. D'accord, mais j'ai tendance, plutôt, à faire les choses rapidement.

M. Chagnon: Oui, oui. C'est correct, c'est normal, mais...

M. Châteauvert (Pierre): J'ai été dans un cabinet, hein, donc... En janvier dernier, lorsque les informations provoquant tout ce brouhaha ont été rendues publiques, j'étais encore directeur de cabinet. Deux semaines plus tard, c'était une autre histoire, et ma peine de quitter le gouvernement fut amplifiée par les déclarations intempestives de certains de nos dirigeants. En fait, en promettant la meilleure loi sur le lobbying ? j'ai également entendu «la plus meilleure» ? on allait causer un tort important à tous ceux qui ont occupé, qui occupent ou qui occuperont un poste politique au Québec.

Voyons d'abord tout ce qui a provoqué tout ce brasse-camarades. Le 17 janvier 2002, le journal La Presse publiait, à sa une, un article intitulé Un lobbyiste monnaie grassement ses actions au ministre Baril. Cet article a déclenché une course à la révélation, chaque journaliste cherchant à dénicher une histoire sur les relations entre les politiques et les intervenants, dont les lobbyistes. On enquêtait sur l'histoire qui avait été publiée et on s'est lancé dans l'analyse des entourages des ministres sur les possibilités pour les intervenants d'avoir accès aux dirigeants politiques ou d'obtenir une faveur via leurs collaborateurs. Les politiques sont venus en ajouter. Les déclarations gouvernementales intempestives ont eu l'effet de donner une importance démesurée à un problème circonstanciel, et l'opposition s'en est donné à coeur joie. Après ces déclarations, le premier geste concret de la part du gouvernement fut la préparation d'une directive et d'un engagement à être signé par toutes les personnes visées.

Ces déclarations, cet engagement et surtout l'empressement à obtenir la signature des membres des différentes cabinets ont eu un effet catastrophique. Ainsi, pour faire oublier ce que deux personnes ont posé comme actes qui, bien que légaux, demeurent discutables, on a décidé d'appliquer la même médecine à tous les attachés politiques, et ce, sans discernement. Malgré le fait qu'une commission parlementaire, il y a quelques années à peine, n'avait pas conclu à la nécessité d'une loi en matière de lobbyisme, on a décidé qu'il y avait péril en la demeure, et le gouvernement a bougé de façon précipitée. Malheureusement ? et il s'agit du premier impact pour les attachés politiques ? cette façon de faire a associé tous les membres des cabinets aux événements survenus. Tout ce qu'on a réussi à faire, c'est de discréditer les employés politiques en les mettant dans le même bain.

Je l'ai mentionné précédemment, le lien de confiance entre le ministre et ses attachés ainsi que son autorité et sa responsabilité définissent le fonctionnement et les façons de faire au sein d'un cabinet. J'ai toujours cru que cela suffisait, constituait une garantie suffisante au fonctionnement et à l'intégrité du système. Or, le projet de loi chamboule cette réalité. Dans le mémoire au Conseil des ministres, le ministre de la Justice indique que «seule une intervention législative centrée sur les activités de lobbyisme permettrait de rétablir pleinement la confiance des citoyens et citoyennes quant à la capacité des institutions québécoises non seulement d'assurer l'égalité de représentation des intérêts de chacun auprès des pouvoirs publics, mais également de garantir l'intégrité et l'impartialité les plus élevées chez les titulaires de ces pouvoirs». Pour moi, cela est faux, et on s'attaque à un faux problème. Tout au long de mon service auprès de M. Chevrette, je n'ai jamais rencontré un élu, un attaché ou un officier qui avait besoin d'une loi pour assumer sa fonction de façon intègre.

Je le répète, parce que deux personnes ont posé les gestes que l'on connaît, en sachant parfaitement que la vie québécoise est particulièrement honnête et transparente depuis l'adoption de la Loi sur le financement des partis politiques ? et on a juste à regarder ce qui se passe à l'étranger pour le constater ? on met tout le monde dans le même bain et on affirme que seule la loi peut garantir l'honnêteté des politiques. Cela peut paraître un peu fort, mais cette façon de faire a jeté un discrédit sur tous ceux qui occupent ou qui ont occupé un poste dans les cabinets ministériels. En fait, je ne compte plus, depuis janvier dernier, le nombre de fois où on m'a demandé si j'avais connu ce genre de situation. De plus, un sondage de la firme Léger Marketing dont les résultats ont été publiés le 22 avril dernier est venu confirmer le discrédit sur la classe politique. Dans ce sondage, pour la première fois à ma connaissance, on a traité des entourages, et les résultats sont peu flatteurs: 37 % des Québécois les considèrent responsables de corruption. C'était le mot qui était utilisé. Avec toute cette histoire et la façon dont elle est gérée, la réputation du personnel politique a été sérieusement affectée.

Le deuxième impact de cet épisode et du projet de loi pour les attachés politiques est un accès plus difficile au marché du travail. J'en ai fait moi-même l'expérience. Malgré que je ne sois pas en recherche d'emploi ? j'ai d'autres projets ? certaines organisations m'ont contacté pour discuter de mon avenir. Toujours curieux dans ce genre de situation, bien je me suis prêté au petit jeu, mon objectif étant de savoir quelle opinion on avait de moi sur le marché ainsi que l'opinion qu'on avait des attachés politiques en général. La première question ? et ça, ça a été toujours la même ? c'est: Est-ce que tu es touché par la loi? Est-ce que tu es affecté par la loi? Est-ce que tu peux travailler pour nous? Ça a toujours été la même. Et, donc, j'ai aussi eu des discussions sur l'intérêt des employeurs envers les anciens membres de cabinets. À chaque fois, on me faisait la remarque qu'à la suite des événements et du projet de loi actuellement en discussion à l'Assemblée nationale les attachés politiques ne constituaient plus un bassin intéressant pour le recrutement. Déjà que la réputation des cabinets n'était pas à son meilleur, voilà qu'on en ajoutait. Vous conviendrez qu'il ne s'agit pas de la situation idéale pour la recherche d'une emploi et qu'après de bons et loyaux services les membres des cabinets ministériels méritent mieux que cela.

n(20 h 20)n

Aussi, imaginez un employeur qui, en ronde finale, a le choix entre quelques candidats, dont un fut attaché politique. Imaginez que l'employé recherché aura à prendre occasionnellement contact avec l'État dans le cadre de ses fonctions. Imaginez que, pour être choisi, un de ces candidats, en l'occurrence l'attaché politique, aura à fournir un avis juridique pour démontrer qu'il peut légalement occuper le poste convoité puis imaginez que ce candidat aura à convaincre cet employeur que son engagement n'occasionnera pas de questions à l'Assemblée nationale de la part de l'opposition. Il n'est donc pas difficile de comprendre que l'employeur ne retiendra pas un candidat présentant un tel risque. Et ne croyez pas qu'il s'agit de fabulation, puisque des employeurs me l'ont confirmé. Ils me l'ont affirmé. Ainsi, en plus de ce que je considère comme une blessure à la réputation des membres des cabinets ministériels, ce projet de loi vient carrément réduire leur accès au marché du travail.

Le troisième impact est particulièrement négatif pour l'État. Lorsqu'on connaît le rôle des attachés, on sait qu'une bonne équipe entourant un ministre peut faire la différence. Ainsi, comment feront les ministres pour recruter des éléments intéressants avec autant de bâtons dans les roues? À titre de directeur de cabinet, j'ai connu les difficultés de recrutement et constaté le peu d'attrait pour les postes dans les cabinets ministériels. En fait, à l'exception des changements de gouvernement, les bons candidats ne se bousculent pas aux portes des cabinets.

Qui soumettra maintenant sa candidature avec les nouvelles contraintes que vous introduisez par cette loi? Comment les ministres recruteront du personnel compétent et/ou spécialisé, les éventuels candidats sachant que l'exercice de leur profession sera affecté une fois leur mandat terminé? Encore une fois, imaginez un spécialiste tel un ingénieur forestier ou minier qui aimerait vivre l'expérience de cabinet, mais qui ne peut étant donné les restrictions trop importantes qui s'abattraient sur lui à la fin de son emploi. En effet, comme plus de 80 % de l'approvisionnement forestier est du domaine public et que le sous-sol est propriété de l'État, tous ces ingénieurs ? et j'ai eu le dossier forêt ? tous ces ingénieurs discutent avec l'État pour des contrats ou des approvisionnements. Ainsi, pour ces professionnels, un emploi d'attaché signifie beaucoup de problèmes à la sortie. Je crois fermement que, pour le gouvernement, ce projet de loi équivaut à se tirer une balle dans le pied.

Certains diront que c'est ce qui se fait au fédéral, qu'une personne qui a oeuvré au sein d'un ministère à titre d'attaché politique et qui a eu accès à certains renseignements stratégiques ne devrait pas utiliser cet avantage à son profit. Cela est vrai, mais, contrairement au Québec, le Parlement fédéral n'a pas étendu sa loi à tout ce qui bouge dans la société. Celui-ci ne gère pas non plus des éléments fondamentaux de notre économie et de notre vie sociale. L'effet de la loi fédérale, lorsqu'elle est appliquée, est donc marginal sur les carrières des attachés politiques et, toujours contrairement au Québec, celui qui a accumulé trois années d'expérience au sein d'un cabinet peut, à la fin de son emploi, occuper un poste dans la fonction publique fédérale. Cela diffère de ce que nous vivons ici.

Je conviens que des règles d'éthique doivent être définies et appliquées à tous les membres des cabinets ministériels, mais je m'oppose complètement au véhicule choisi par le gouvernement. En fait, je ne comprends pas qu'on interdise à une personne d'exercer une profession comme les affaires publiques quand cela constitue sa force. Pourquoi empêcher quelqu'un de mettre en valeur les qualités qu'il a développées? Lorsque le gouvernement choisit la loi pour interdire quelque chose, c'est qu'il est convaincu que c'est le seul moyen d'empêcher un acte d'être commis. Lorsque le gouvernement légifère en matière de moralité ou d'éthique, lorsqu'il légifère pour empêcher des ex-attachés de parler des ministères où ils ont oeuvré au cours de leur dernière année d'emploi, il présume de leur mauvaise foi, il présume qu'ils utiliseront leurs connaissances et leurs capacités à des fins inacceptables pour la société. Je suis certain que là n'était pas l'intention réelle du gouvernement, mais c'est bien l'effet de sa décision. J'ai appris que le législateur ne parlait pas pour rien dire et que la loi devait être utilisée avec parcimonie. En ce sens, j'aimerais vous demander de revoir le projet de loi pour en soustraire les membres des cabinets ministériels. Ils ne méritent pas le traitement qu'on leur fait subir.

Il y a quelques années, tous les membres des cabinets devaient prêter serment en débutant leur emploi. Pourquoi ne pas retourner à cette tradition qui fait place à l'honneur et à la bonne foi? En lien avec ce serment, pourquoi ne pas rédiger un code d'éthique qui, tout en ne réduisant pas les chances d'emploi à la sortie, indiquerait clairement les limites d'action et les principes à suivre en cas de cessation d'emploi? De plus, pourquoi ne pas demander aux attachés politiques de déposer une déclaration d'intérêts? Ces mesures auraient l'avantage de clarifier ce qui peut paraître nébuleux aux yeux de certains, de valoriser le statut de personnel de cabinet et, surtout, présumeraient de la bonne foi de tous.

Je souhaite vivement, pour tous ceux et pour toutes celles qui servent l'État de façon loyale, et leur ministre de façon loyale, et les députés aussi des deux côtés de la Chambre de façon loyale et sincère, que les membres de cette commission apportent les modifications nécessaires au projet de loi. Je vous remercie.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Châteauvert. M. le ministre.

M. Bégin: Merci, M. le Président. M. Châteauvert, j'ai lu avec attention le mémoire et j'ai réécouté avec attention ce que vous venez de dire qui est la lecture, effectivement, de votre mémoire, et je dégage deux points qui en ressortent. Premièrement, vous considérez que le fait d'être inclus aux articles 25 et/ou 26 de la loi équivaut à une dévalorisation soit de votre personne soit de vos qualités, et ce qui va entraîner sur la recherche d'un emploi un effet négatif au niveau des employeurs. J'essaie de comprendre en quoi le fait de se faire dire que, pendant x temps, on ne pourra pas exercer une fonction constitue une dévalorisation, parce que, si je suivais votre raisonnement, je serais obligé de dire que, parce que, comme ministre... j'ai occupé la fonction de ministre, je ne pourrai pas faire de lobbying, ma personne est dévalorisée. Et je vous avoue que ce n'est pas du tout, du tout l'impression que j'ai, puisque, de toute manière, déjà, sans qu'il y ait quelque directive que ce soit, il m'apparaissait que ça aurait été traité pour le moins comme étant un conflit d'intérêts que j'aurais pu avoir d'agir comme lobbyiste, ayant bénéficié d'informations privilégiées que je pourrais utiliser.

Alors, j'aimerais comprendre pourquoi il y a dévalorisation, parce que, dans les représentations que nous avons eues jusqu'à présent, à moins d'erreur de ma part, personne ne nous a dit que c'était cette perception-là qui prévalait. Les gens nous ont dit qu'ils étaient plutôt en faveur. Même une personne nous a demandé d'aller plus loin, et j'aimerais citer un passage de M. Henri Massé, de la FTQ, qui nous a dit ceci: «Il y a un phénomène, on ne se le cachera pas, là, où le monde qui ont déjà été dans le monde de la politique se recyclent dans l'industrie du lobbying. Puis je ne le dis pas de façon péjorative, là, puis je ne voudrais pas qu'on bannisse ceux qui sont dans le monde politique, autant les élus que ceux qui sont dans le cabinet, à vie parce que tu as fait une carrière politique. Il y a toujours bien des limites, là. Mais, en même temps, il y a peut-être une petite période de refroidissement.»

Alors, ceci étant dit, j'aimerais savoir si mon analyse de la question de la dévalorisation est bonne, avec la conséquence que j'ai dite au niveau des impacts financiers qui découleraient pour les personnes qui sont à la recherche d'emploi après avoir quitté le poste d'attaché politique.

M. Châteauvert (Pierre): En premier lieu, sur votre point, M. le ministre ? au fait, je crois que c'était le deuxième point ? sur le fait que personne n'était venu parler des attachés politiques, dans notre société, c'est peut-être malheureux, on ne parle pas des attachés politiques. De toute façon, c'est un peu méconnu, cet emploi, qu'est-ce que c'est, et ça ne me surprend pas du tout qu'il n'y ait aucun intervenant, excepté peut-être M. Massé, une personne à qui on parle régulièrement lorsqu'on est dans un cabinet... C'est rare que les gens discutent et viennent promouvoir, en fait, les conditions au niveau des attachés politiques.

Moi, quand j'ai vu le projet de loi, bien, le premier épisode, là, c'est-à-dire lorsque les articles sont sortis puis toute la problématique autour de la déclaration, le contexte, comme je l'ai dit dans mon mémoire, la façon de faire du gouvernement, en fait, on a mis tout le monde dans le même bain. Ça, ça a été le premier élément, je pense, qui a dévalorisé. Si deux personnes ont fait quelque chose de répréhensible et qui a occasionné tout ce qu'on vit, le projet de loi notamment, et là on vise l'ensemble du personnel politique et l'ensemble des politiques, le fait qu'on mette tout le monde dans le même bain, moi, bien je pense que ça a affecté... Et, on me l'a dit à l'extérieur, on me l'a dit. Parce que j'ai rencontré beaucoup de monde depuis ce temps, et on me l'a dit. Ce n'est peut-être pas ce qu'on veut nécessairement avoir comme image, comme analyse. On pense qu'effectivement on n'a pas cet effet en déposant un projet de loi, mais c'est la perception qu'on en a eu à l'extérieur. En fait, c'est ce que j'en ai perçu.

Mais il y a une différence... Le deuxième élément, sur le fait... Au niveau des informations stratégiques, vous me dites: Quel impact a le fait de ne pas pouvoir parler pendant un an au dernier ministère où est-ce que tu as oeuvré ou dans les ministères où tu as oeuvré au cours de la dernière année? Bien, ça peut avoir un impact énorme au niveau de quelqu'un qui veut continuer dans les affaires publiques, quelqu'un qui veut aller travailler pour une grande entreprise ou pour une firme de lobbying. Je vais vous dire que, moi, c'est aussi noble d'aller travailler pour une grande entreprise comme Bell Canada ou aller travailler pour une entreprise de lobbying. Moi, je n'ai aucun problème avec les entreprises de lobbying personnellement. Donc, là, en fait, ce que ça me dit, c'est qu'on empêche quelqu'un de mettre en valeur ce qu'il a appris puis ce qu'il a développé comme talents.

n(20 h 30)n

Il est évident qu'il y a un devoir de réserve et que, quelque part, il faut définir un peu les limites de l'action. Mais, au Québec, on est une société de 7 millions d'habitants, on est tissé serré, on est une petite société, et ce n'est pas évident lorsque, exemple, dans un cas de changement de gouvernement, il y a quelque 300 personnes dans le cabinet, dans le cabinet ministériel, que tout ce monde-là ? exemple ? arrive en même temps sur le marché du travail et auront à se replacer. Et là, ces gens-là, on vous dit: Ces 300 là... Et ça, s'il y a un changement de gouvernement, ça va arriver. C'est arrivé en 1994, ça va arriver quand il va y avoir d'autres changements de gouvernement. Ces 300 là, vous ne pouvez pas faire affaire avec l'État qui représente 35, 40 % de l'économie et qui est un élément fondamental de la société. Moi, il me semble que c'est démesuré. C'est démesuré.

Ces gens-là, les attachés politiques, les élus, les hauts fonctionnaires, moi, je n'en ai pas rencontré qui n'assumaient pas leur emploi, leurs tâches de façon loyale et qui n'avaient pas l'éthique dans la job. Les gens savent c'est quoi, un conflit d'intérêts. De toute façon, tu le vois à en discuter et tout ça. Et de dire que vous avez ? les attachés politiques... Donc, pendant un an, on est certain que... Si vous travaillez pour les ministres et tout ça pendant deux ans, mais, pendant un an, là, si vous travaillez puis vous venez parler avec... ? moi, je vais parler avec le ministère des Transports ? c'est certain que tu vas faire quelque chose de croche. Il ne faut pas que tu viennes parler au ministère des Transports parce que tu as été directeur de cabinet ou attaché politique. Moi, ça, ça ne fonctionne pas dans ma tête. Il me semble que c'est démesuré comme mesure.

Évidemment ? je l'ai dit tout à l'heure ? il faut trouver une forme de balise, mais là on empêche les gens de travailler, les gens de développer, puis les gens de continuer de mettre en valeur ce qu'ils ont, en fait, comme principal talent. Ça, c'est déraisonnable, mon homme. C'est déraisonnable et c'est pour ça que je suis venu le dire, parce que je peux le dire. Je sais que les attachés politiques, les membres de cabinets ne peuvent pas parler, ne peuvent pas le dire, et moi, j'ai dit: Bon, je ne suis plus à l'intérieur du gouvernement. Je suis venu vous présenter cette facette-là. Peut-être que je me trompe, mais c'est ce que j'ai perçu, parce que j'ai parlé avec bien des gens de l'extérieur, puis bien des employeurs potentiels, et le nombre d'appels que j'ai eus, simplement parce que peut-être que la loi ne me touche pas, moi... Ha, ha, ha! Tu sais, vite, vite, avant que... quelqu'un qui vient, qui me connaît un peu, puis vite, vite, vite. J'ai dit: Un instant, là, un instant, là. Je savais quand même que... J'ai dit: Un instant. Mais il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, et c'est pour ça que, moi, je suis venu vous le dire.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Châteauvert. M. le ministre.

M. Bégin: Oui. Vous nous dites que, du fait que, par exemple, pendant une année, on ne pourrait pas exercer de relations avec le ministère ? prenons le ministère des Transports où vous avez été pendant les dernières années, les deux ou trois dernières années... Vous dites: Je ne pourrais pas occuper d'emploi. Je regarde... peut-être ne suis-je pas un bon exemple, mais depuis que je suis ministre, le personnel de soutien et attachés, j'ai eu à en faire le compte l'autre jour, et on était un petit peu en haut de 50. Mettons qu'il y avait à peu près un tiers d'attachés politiques, deux tiers de personnel de soutien. Et je regarde ce qui est arrivé. Des personnes qui ont quitté mon cabinet, il y a une personne qui exerce des fonctions de la nature que vous décrivez, et tous les autres sont allés ailleurs. Et je n'ai jamais perçu chez eux le fait que d'aller ? puis c'était libre à ce moment-là ? ...ils ne l'ont pas exercé, ce métier, et il ne me semble pas qu'ils percevaient qu'ils étaient brimés dans la recherche d'un emploi, malgré la belle expérience qu'ils avaient acquise au ministère, qui était quand même limitée, dans un sens, mais diversifiée aussi, puisque j'étais à la Justice et à l'Environnement pendant presque quatre ans. Alors, ça donne quand même une bonne variété d'expertises et d'expériences. Alors, je n'ai pas senti ce que vous me dites là.

M. Châteauvert (Pierre): Donc, ça signifie que tu es attaché politique, tu termines ton emploi, puis il faut que... Va dans un autre domaine, mais ne continue pas les affaires publiques. C'est ça que ça signifie. Donc, va-t-en... Moi, je sors de la politique, je m'en vais dans un domaine... Ça, c'est un choix personnel. Mais il y a des gens du cabinet chez nous qui sont dans des firmes... Il y a même quelqu'un qui est passé dans une firme de relations publiques et a fait une très bonne job dans cette firme-là, et c'est son choix.

Donc, ça signifie que, parce que tu es attaché politique, nécessairement, si tu vas continuer à travailler dans le même domaine où tu oeuvrais avec ton ministre, ça signifie que tu ne peux pas, parce qu'on pense que ce n'est pas correct, ce que tu vas faire, parce que, nécessairement, là, les gestes que tu vas poser sont incorrects. Et, en plus, on fait le choix pour cet individu-là: Tu n'oeuvres plus dans les affaires publiques. Tu t'en vas épicier, tu t'en vas ailleurs.

Nous, dans le cabinet chez nous, ceux qui ont quitté, il y en a quelques-uns qui continuent autant pour des entreprises privées que dans les firmes de relations publiques, aux affaires publiques, et tout ça. Il y en a qui ont continué, ils ont fait le choix. Mais pourquoi on viendrait dire à cette personne-là: Vous n'avez pas le droit d'aller là-dedans? Il me semble que la démocratie, la bonne foi... Normalement, les gens sont de bonne foi, et, moi, je vous le répète: Les attachés politiques, les membres de cabinet, pour moi, ce sont des gens intègres, des gens loyaux, puis ils ont rendu de très bons services à leur ministre, aux députés des deux côtés. Les portes étaient ouvertes. En tout cas, chez nous les portes étaient ouvertes, puis je pense qu'on était reconnus comme tels. Puis je ne doute pas une seconde... Et en plus le ministre, lui, c'est un peu la garantie, parce que, quand il choisit une personne, normalement, cette personne-là, c'est quelqu'un d'intègre, d'intelligent, de droit, et tout ça. Il y a une forme de garantie là.

Cette personne-là, quand elle va sortir dans la société puis elle va s'en aller oeuvrer dans un autre... une entreprise ou un groupe, une organisation, moi, je n'ai aucun problème. Il est arrivé deux ou trois cas problématiques, mais il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Je veux dire, il me semble qu'il y a un problème là, et c'est pour ça, moi, que je diffère, M. le ministre, malgré tout le respect que je vous dois, je diffère totalement de votre opinion là-dessus.

Et ça m'a frappé, ça m'a frappé. Depuis qu'on a quitté, ça m'a frappé, puis j'en ai rencontré, du monde. Mais ça m'a frappé. Ce n'est pas l'opinion, ce n'est pas la perception dans la société en général.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Châteauvert. M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. M. Châteauvert, je vous félicite. C'est un témoignage tout à fait particulier que celui que vous nous amenez. Les attachés politiques qui viennent ici, évidemment, ils viennent dans une situation où ils sont libérés, comme vous l'avez souligné, et c'est normal.

Vous soulevez un problème très particulier et très à point. D'ailleurs, je sens que vous touchez un point qui est tellement sensible que vous avez des complicités, je dirais, de tous les côtés de cette Chambre, autour, qui sont ici dans cette salle et puis qui vous comprennent puis qui estiment le raisonnement que vous faites, je pense.

On en est, suite aux événements qui se sont passés, à avoir tenté de... puis le gouvernement a tenté de trouver un moyen pour faire en sorte de stabiliser une situation qui est politique, d'une part, puis qui, d'autre part... comme tout gouvernement chercherait à faire dans cette situation-là, essayer de restabiliser sa position dans l'opinion publique.

Maintenant, il n'est pas nécessaire qu'il y ait des gens qui portent les fardeaux de la preuve qui leur sont inutiles. Et, dans le cas que vous soulevez et qui est très... On se connaît un peu, on s'est rencontré particulièrement dans un dossier qui touchait une question relative au mode de scrutin puis aux modifications à la Loi électorale. Je ne vous avais jamais entendu plaider comme je vous ai entendu ce soir, mais je vous ai ralenti quelquefois.

Vous êtes sûrement le prototype que tout chef de cabinet ou que n'importe quel ministre, quel qu'il soit, chercherait à avoir et serait bien content d'avoir. Et vous nous dites: Votre projet de loi est un peu injuste parce qu'il m'empêche de faire une vie après ma vie en politique. J'ai eu une autre vie en politique. Dans votre cas, vous nous avez spécifié que vous avez passé quelques années, sept ans, je pense, à l'Union des municipalités, à l'Union des municipalités régionales, je ne sais pas quoi, à l'Union des municipalités régionales de comté. Et vous avez fait le saut ? le saut, s-a-u-t ? dans le monde politique. Puis ceux qui restent, ce n'est pas votre cas, mais ceux qui restent sont pris dans une situation où éventuellement, lorsque nous adopterions cette loi-là, et un jour nous l'adopterons, celle-là ou quelque chose de peut-être un peu différent... Pas peut-être un peu, probablement différent de ce que nous avons. Mais un jour nous adopterons une loi qui touchera le lobbyisme, et les gens qui sont dans les cabinets politiques devront penser à comment ils devront réagir à cela.

n(20 h 40)n

Il y a deux, trois questions qui doivent être posées à ce stade-ci. La première: M. Châteauvert, est-ce que vous pensez qu'il est juste qu'il y ait un délai de carence pour quelqu'un qui sort d'un cabinet avant de procéder... Par exemple, dans une situation où on pourrait faire un démarchage dans des cabinets ou dans un ministère où on vient de sortir?

Deuxièmement, ne suggéreriez-vous pas que, comme au fédéral, on permette après trois ans, je pense, au fédéral... de permettre aux gens dans les cabinets politiques d'occuper de façon, je dirais, avantagée les postes qui s'ouvriraient dans la fonction publique, de façon à rendre plus juste la situation qui touche les employés politiques des cabinets qui sont des employés... J'ai eu l'occasion d'en avoir 23 ou 24 dans les mois où j'étais ministre de l'Éducation et toutes sortes de choses, mais c'est des gens qui se dévouent littéralement pour d'abord la députation mais aussi l'ensemble du public.

Leur ministre... Bien sûr, il y a un niveau de loyauté qui doit se créer entre le cabinet et le ministre, mais au-delà de la loyauté entre le cabinet et le ministre, il y a une volonté de dévouement profond vis-à-vis les membres de l'Assemblée nationale et vis-à-vis la population en général. Et cela, je l'ai vécu, vous l'avez vécu, et il faut trouver des moyens d'assurer des conditions intelligentes pour assumer et protéger, je dirais, l'avenir des attachés politiques lorsqu'ils sortent d'un cabinet, que ce soit après une élection... C'est probablement la situation la plus difficile, après une élection, lorsque vous perdez une élection. On l'a vécu en 1994, ça a été très difficile pour les attachés politiques qui sortaient des ministères. Les gens n'ont pas les mains ouvertes ni les bras ouverts pour recevoir des attachés politiques qui viennent d'un parti qui vient de se faire défaire en Chambre. Vous comprenez ça assez bien.

Mais, au-delà de ça, ces gens-là n'étaient pas ni moins bons ni meilleurs que vous. Ils ont été dévoués, ils ont été absolument imperméables même à des situations politiques difficiles comme celle que vous avez dû vivre dans votre ministère de temps en temps. Et malgré tout, ils se sont retrouvés, le lendemain d'une défaite électorale ou le lendemain d'une situation comme celle que pourrait être l'adoption d'un projet de loi comme celui-là, dans des situations un peu désavantagées. Parlez-moi de ça un peu.

M. Châteauvert (Pierre): Sur le délai de carence, j'en ai parlé tout à l'heure, moi, je pense que ce n'est pas correct. Il y a peut-être des règles assorties à respecter, un code d'éthique, un serment, des choses, un devoir de réserve.

M. Chagnon: ...délai de carence, à votre avis.

M. Châteauvert (Pierre): Pour moi, non. Il y en a un au fédéral, mais il n'est pas appliqué. J'ai un ami, que je considère comme un ami, on a toujours eu de bonnes discussions, puis ça brassait, mais c'est devenu un ami. Il a quitté un cabinet fédéral. Une semaine après, il est passé dans une firme de relations publiques; il intervenait dans le secteur d'activité où est-ce qu'il était, puis je pense qu'il faisait ça correctement. Et là il est passé, trois ou quatre mois après, dans une municipalité et il s'occupait des dossiers où il oeuvrait au niveau du fédéral, et il parlait au fédéral puis il parlait au Québec. Puis ce gars-là a toujours été intègre, a toujours fait une job parfaite, correcte, et il était apprécié de tous. Moi, je pense que ça existe, ça, puis je pense que c'est comme ça que la majorité des gens oeuvrent. Ils sont fidèles à leur employeur de toute façon et à la cause qu'ils défendent.

Pour ce qui est de la contrepartie, en fait, pour continuer l'exemple du fédéral et de passer dans la fonction publique, je sais qu'il y a des gens qui y pensent, effectivement, à offrir une contrepartie à... la possibilité de passer dans la fonction. Pour ceux qui le veulent, je pense que ce serait quelque chose de bien. Peut-être qu'on a été trop loin en 1977, je crois, ça a été peut-être un peu trop loin. Parce que, actuellement, dans l'État, il y a des anciens attachés politiques, autant libéraux que péquistes, qui font d'excellents directeurs, et ça, je peux vous le dire. Aux Transports... Nous autres, on a fait les Ressources naturelles, les Régions, le Transport, en fait toutes les jobs que j'avais, et, là-dedans, on a rencontré des anciens attachés politiques, et c'étaient souvent les plus performants, qu'ils soient d'anciens attachés politiques libéraux ou péquistes, des gens très, très performants. Parce qu'il y a toujours une petite connotation puis une compréhension rapide au niveau de la chose politique, puis des objectifs, puis de la réalité, une lecture du terrain très intéressante. J'ai beaucoup apprécié de travailler avec ces gens-là.

Peut-être que, effectivement, il faut le faire. Mais, malheureusement, je crois que ça va prendre du temps avant de corriger ce qui est arrivé, tout le brouhaha autour des événements, le même bain que je parlais tantôt, et ça, je pense que c'est l'ensemble des politiques, là-dessus, qui en ont mis. Je pense que les attachés politiques, une bonne expression de chez nous, ils ont mangé la claque. Ça va prendre du temps. Est-ce que...

M. Chagnon: L'ouverture vers l'intégration de la fonction publique ne vous apparaîtrait-elle pas comme étant une possibilité ou une solution à ce problème?

M. Châteauvert (Pierre): Oui, moi, je crois, fondamentalement, que oui, que tous ceux qui désirent continuer dans l'État, parce qu'il y a de très belles carrières dans l'État, possibles, je crois qu'on devrait leur offrir quelque chose, la possibilité de... après des concours évidemment. Les concours, ça, c'est fondamental. Mais je pense que ce serait une option fort intéressante pour eux, pour ceux qui le veulent.

M. Chagnon: Mais, malgré cela, vous seriez quand même en désaccord avec un délai de carence même si, par exemple, je pense, vos conditions de travail vous permettent, après quelques années, six ans, de pouvoir avoir un an de répit ou un an de recherche d'emploi.

M. Châteauvert (Pierre): Moi, je pense que oui. Notre société, c'est une petite société et, dès que quelqu'un fait quelque chose de croche, tout le monde le sait. Et, si quelqu'un veut avoir une belle carrière, veut continuer, il n'a pas intérêt à faire ce qu'on peut dire, qu'on pourrait qualifier de cochonnerie. Et je ne vois pas pourquoi on empêcherait quelqu'un de mettre en valeur ce qu'il a développé comme qualités. Je le répète, on est une petite société, on a besoin de toutes nos forces. Et, là-dessus, le délai de carence, je l'ai dit tout à l'heure, ça me semble... c'est déraisonnable pour moi.

M. Chagnon: Évidemment, j'essaie de...

Le Président (M. Paré): ...le temps imparti vient de...

M. Chagnon: Juste une seconde, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Allez-y, en conclusion.

M. Chagnon: Évidemment, une des causes de la précipitation puis des choses qui font que nous sommes à étudier cette question-là, c'est le fait que quelques anciens chefs de cabinet, M. Bréard, M. Desroches, ont été... ? je cherche mes mots ? on les a... on a qualifié... Le fait qu'ils aient travaillé, par la suite, pour faire en sorte d'aider des sociétés, généralement OSBL, donc sans but lucratif, à utiliser des subventions, on a fait le lien avec ça et le lobbyisme. Est-ce que, dans votre esprit, il y a un rapport entre ce genre d'activité dont on a parlé abondamment depuis six mois et le véritable lobbyisme que vous avez connu comme chef de cabinet?

M. Châteauvert (Pierre): Moi, je ne pense pas qu'il y avait de rapport. De toute façon, je ne suis pas ici pour parler de ces deux cas-là; moi, c'est les attachés. Mais je ne crois pas que c'était du lobbyisme, ce qu'ils ont fait. En fait, c'était de la démarche. Et, dans au moins un cas sur deux, je suis certain que, même si la loi était en vigueur, il aurait pu le faire, parce que c'était dépassé, les délais étaient dépassés. Donc, c'est pour ça que, moi, un délai de carence, je trouve ça un peu ridicule. Même dans le deuxième cas aussi. Mais, moi, je pense que les gens sont de bonne foi au départ. Donc, merci.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Châteauvert. On vous remercie, au nom de la commission, de votre témoignage. Nous allons prendre une pause et inviter l'entreprise Gaudreault Belley à se présenter, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 20 h 49)

 

(Reprise à 20 h 50)

Le Président (M. Paré): Bienvenue, Mme Gaudreault, bienvenue, M. Belley, à cette commission. Nous aurons ensemble 45 minutes, vous aurez 15 minutes pour votre présentation, et 30 minutes de la part des parlementaires pour les échanges. Donc, vous pouvez débuter. Et, après votre témoignage, donc, et vos... Excusez, M. le député de Westmount?Saint-Louis. Nous allons débuter et, par la suite, on aura un témoignage, là, de 10 minutes, on prendra 10 minutes après votre présentation. Donc, c'est débuté. Bienvenue.

Gaudreault Belley inc.

Mme Gaudreault (Martine): Merci. Alors, Gaudreault Belley, c'est deux associés: Martine Gaudreault et Gérald Belley, qui est à ma droite.

L'intérêt à mieux définir et à encadrer la profession de lobbyiste est apparu aux yeux de Gaudreault Belley avant que le gouvernement ne dépose son projet de loi. Cependant, nous déplorons dès le départ les circonstances dans lesquelles s'est réalisée cette démarche. En effet, depuis plusieurs années déjà, le gouvernement se penche sur la question du lobby sans pour autant en arriver à trouver la justification pour proposer aux parlementaires des règles strictes pour mieux l'encadrer. Les règles particulières d'imputabilité de la fonction publique semblaient fournir l'encadrement sécuritaire nécessaire.

Il aura fallu des événements malheureux, qui relèvent davantage de nos moeurs politiques que de la nature de lobby, pour que les autorités gouvernementales décident d'agir dans le feu de l'urgence. Qu'importe! Le contexte dans lequel les médias se sont mis à pointer des noms de firmes, des dossiers, des politiciens a eu pour effet de braquer les yeux de la population sur un aspect méconnu de la politique: le lobby. Nous souhaitons malgré tout que la démarche ainsi entreprise servira à mieux définir cette profession et à faire en sorte que la population puisse mieux comprendre les agissements des acteurs en politique et en affaires publiques.

Comme tout spécialiste en affaires publiques et gouvernementales, Gaudreault Belley participe donc avec beaucoup d'intérêt à la réflexion et aux propos sur notre profession. Nous sommes des membres de la famille du lobby des plus faciles à identifier, puisque c'est écrit sur nos cartes d'affaires et même sur notre enseigne donnant sur la rue: Affaires publiques et gouvernementales. Nous ne sommes pas une grosse boîte de relations publiques, d'ingénieurs ou d'avocats. Pas de prétention à faire autre chose que ce que nous faisons: du lobby. Pourtant, et pour utiliser un euphémisme, voilà un métier qui en a pris pour son rhume!

Le ministre de la Justice a proposé son remède avec le projet de loi n° 80, la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme. Cette loi a été rédigée avec la prétention d'être la meilleure loi, comme l'avait annoncé le premier ministre, mais le mieux est l'ennemi du bien, selon l'adage. Les associés de Gaudreault Belley ont analysé tous les aspects de l'applicabilité de cette loi en se basant humblement sur leur expérience concrète.

Comme le disait Pascal: Voulez-vous qu'on croie du bien de vous? N'en dites pas. Toutefois, après tout le mal qu'on a dit des lobbyistes au cours des derniers mois, nous croyons qu'il est sage de faire valoir les côtés positifs de notre profession.

Le bureau a accepté l'invitation de Raymond Hudon de siéger au comité d'exploration et d'élaboration du D.E.S.S. en affaires publiques et représentation des intérêts. Nous savons maintenant que le programme débutera à l'Université Laval en septembre prochain. Au moment où l'opinion publique tendait à réduire le lobbyisme à de l'opportunisme et à une façon rapide de faire de l'argent, l'annonce de la mise sur pied du programme par le doyen des sciences sociales démontrait que des professionnels et des penseurs avaient une toute autre opinion de la profession.

En conversation, l'automne dernier, avec un ami lobbyiste américain sur la pertinence de la formation universitaire en lobby, il me pose la question synthèse: Si tu embauches un conseiller en relations gouvernementales dans ta boîte, est-ce que tu vas choisir quelqu'un qui a un diplôme universitaire en la matière ou préféreras-tu un candidat ou une candidate avec un bon réseau au gouvernement? La réponse ne peut pas être absolue, car le métier repose sur la qualité du réseau et sur l'intelligence de le mettre à profit pour les résolutions de problèmes. Ce n'est ni l'expérience, ni la connaissance, ni le réseau qui constituent la garantie d'un bon lobbyiste, mais une savante utilisation des trois éléments.

Les principales activités de Gaudreault Belley consistent essentiellement à conseiller les clients sur l'ensemble des actions gouvernementales, à proposer des stratégies d'intervention et à les aider dans leur positionnement plus large. Cette fonction-conseil nous amène à rédiger des plans d'intervention gouvernementale. Pour bien répondre aux attentes des clients, nous nous devons d'être en mesure de produire des analyses raffinées sur les politiques et orientations gouvernementales ainsi que sur leurs conséquences. Pour ce faire, la connaissance des méandres politiques et des individus qui la composent est essentielle.

Alors, nul ne doit s'offusquer si les lobbyistes connaissent les façons de faire du gouvernement ainsi que les décideurs eux-mêmes. Cela fait partie intégrante du travail. C'est par choix que Gaudreault Belley refuse systématiquement tout mandat de recherche de subventions ou de financement de projet, car il s'agit, selon nous, d'une tout autre catégorie de travail.

Même en étant préparés, nous avons été sous le choc pendant quelques heures après la lecture du projet de loi n° 80. Nous sommes vexés, car inutilement accusés, traités comme des suspects qu'il faut mettre sous la loupe de la justice. Tout d'un coup, le gouvernement a besoin de connaître nos moindres faits et gestes qui visent à l'influencer au nom du principe de la transparence. Comme le disait Diderot: «Je ne sais ce que c'est que des principes, sinon des règles qu'on prescrit aux autres pour soi.»

Qui doit-on encadrer avec les nouvelles règles d'éthique et de transparence: la classe politique, les fonctionnaires, les acteurs économiques, les différentes catégories de lobbyistes? Cette question nous amène à proposer de changer le titre de la loi pour que ça devienne la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de politique publique et de lobbyisme. Le processus demande de la vision de tous les aspects, et le projet de loi présenté rend compte des différents faisceaux de communication entre le milieu et le gouvernement. Ce n'est donc pas seulement le lobby qui est pris en considération mais bien la politique publique.

Notre côté politologue tient à remettre en relief la nécessité pour un gouvernement démocratique de connaître le mieux possible la portée et les embûches qui sont reliées à ses décisions. Avoir le point de vue des parties via les lobbyistes n'empêche pas le gouvernement de diriger. Au contraire, cela lui permet de gouverner en toute connaissance de cause. En bout de piste, c'est toujours le gouvernement qui a le dernier mot.

Isoler les titulaires de charges publiques derrière un registre trop compliqué ne les assignerait pas à la création de meilleures politiques. Il faut garder les portes ouvertes entre le milieu et le gouvernement pour que les communications s'établissent afin de créer les politiques les plus adéquates. Des conditions égales doivent également s'appliquer aux groupes de pression, aux organismes sans but lucratif, aux syndicats, etc., tout comme aux organisations à but lucratif.

L'intention de privilégier l'accès à certains groupes est socialement louable, mais l'effet est pernicieux. Notre expérience nous a maintes fois montré que la représentation de toutes les parties amène l'équilibre d'une position. Chaque intervenant constitue une matrice de la démocratie. L'influence ne corrompt pas les politiques, elle leur fournit un éclairage différent de la première connaissance qui a servi à jeter les balises des actes gouvernementaux. Ce serait bien dommage que des intervenants du secteur public s'abritent derrière un registre ou le regard d'un commissaire à l'éthique pour refuser d'entendre les avis de tous les groupes d'influence.

Paradoxalement au fait qu'il y ait peu de bureaux identifiés, le nombre de lobbyistes a beaucoup augmenté au cours des dernières années, et ce, si l'on se fie aux nombreux commentaires sur la tribune publique depuis le début de l'année 2002. Signe des temps ou changements bénéfiques dans la profession, les lobbyistes doivent maintenant se faire mieux connaître et, en ce sens, le projet de loi, malgré le fait que nous déplorions certains aspects, devrait aider à mieux situer le lobbyisme dans son ensemble. Après ces considérations générales, on veut se rapprocher du projet de loi, des commentaires sur le projet de loi lui-même. On a déjà fait le commentaire sur le titre même de la loi. Pour ce qui est du chapitre I, à l'article 2, nous recommandons de supprimer les mots «ou susceptibles d'influencer»... les actions des lobbyistes susceptibles d'influencer. Nous convenons que le lobbyisme a pour objet d'influencer la prise de décision. Toutefois, les activités d'influence doivent être nécessairement menées de façon intentionnelle, avec les moyens, les outils et les arguments orientés en ce sens.

Dans ce même article, il y a deux types d'activité de lobby qui sont proposés. Nous, on irait même jusqu'à un troisième type d'activité. Le premier type, ce serait l'élaboration, la présentation et la modification sur les lois et les règlements, puisque c'est un lobby qui se fait à différents niveaux d'un ministère, souvent sur plusieurs ministères, et qui se fait à long terme. La deuxième catégorie, ce serait davantage pour l'attribution de permis, de licences, de certificats ou d'autres dispositions qui sont davantage avec les fonctionnaires. Et le troisième type serait à l'attribution de contrats, de subventions ou d'autres avantages pécuniaires ainsi qu'à l'attribution de toute forme de prestation.

n(21 heures)n

Pour ce qui est de l'article 3, deux éléments nous préoccupent. Tout d'abord, lorsqu'on décrit des activités de lobbying pour une partie importante d'un travail, il est difficile... On se demande comment un fonctionnaire ou un commissaire va pouvoir calculer la partie importante du travail accordée au lobbying. On croit que ce n'est pratiquement pas réalisable. Et, si dans une organisation ou dans un organisme, il y a un mandataire du lobby qui fait majoritairement... qui est le responsable des activités de lobby dans l'organisation, ça pourrait faciliter grandement cette interprétation-là de «partie importante».

Le deuxième élément de l'article 3 qui nous préoccupe, c'est la caractéristique à but lucratif de l'organisation. Dans les milieux politiques, tous connaissent l'ampleur du lobbyisme des grandes organisations syndicales ou des groupements sociaux, environnementaux et autres. Exclure ces organisations, ces groupements et ces associations fait en sorte que le projet de loi rate une bonne partie de la cible.

Pour ce qui est de l'article 4, nous recommandons de supprimer le cinquième alinéa, soit le secteur municipal. Nous croyons que le projet de loi est déjà très ambitieux et que les organismes municipaux doivent être exclus pour le moment. Le lobby auprès des municipalités pourrait se faire dans une deuxième étape, mais maintenant ça nous semble une grosse bouchée à avaler.

Alors, pour faire le résumé de nos commentaires sur le chapitre I, les objectifs recherchés sont de rendre plus transparentes les activités des lobbyistes. Les effets obtenus, selon nous, sont de cibler davantage quelques types de lobbyistes et d'omettre des catégories très importantes.

Alors, nous proposons les correctifs suivants: d'inclure toutes les organisations qui font du lobby; d'exiger une inscription de toutes les personnes dont l'emploi consiste à faire des activités de lobbying, donc de l'influence; et d'exclure les organisations municipales jusqu'à ce que le système soit bien établi.

Gérald Belley va continuer.

M. Belley (Gérald): Alors, concernant le chapitre II, la divulgation des activités de lobbyisme, là, l'inscription sur le registre. Alors, à l'article 7, concernant l'inscription, nous recommandons de supprimer, dans le deuxième paragraphe, les mots «par le plus haut dirigeant de l'entreprise». L'article 7 pourrait alors se lire comme suit: «L'inscription est faite par le lobbyiste-conseil, ainsi que par le lobbyiste d'entreprise ou le lobbyiste d'association pour le compte duquel le lobbyiste exerce ses activités.»

Le premier alinéa de l'article 7 confirme donc nos propos précédents à l'effet que toute personne exerçant des activités de lobbyisme doive s'inscrire, que ce travail ne représente qu'une partie ou la majorité de son temps. Le qualificatif de «lobbyiste» s'applique alors pour tout le travail réalisé et non pas seulement en termes de pourcentage de charge de travail. Le lobbyiste-conseil s'inscrit au registre ainsi que la ou les personnes mandataires pour faire du lobby dans chaque organisation. Par ailleurs, il nous apparaît peu raisonnable d'exiger de la part d'un lobbyiste d'entreprise de demander au plus haut dirigeant de faire l'enregistrement.

Concernant l'article 8 sur la déclaration, d'abord nous recommandons de supprimer les alinéas 3°, 4°, 5° et 6°.

L'article 8, alinéa 2°, devrait se lire comme suit concernant les informations sur le client: «Nom, adresse, raison sociale du client qui donne le contrat.» En effet, nous considérons que le registre sert avant tout à identifier les activités des lobbyistes-conseils et non pas les activités des organisations qui donnent des contrats aux lobbyistes. Il revient à ces organisations de fournir, si nécessaire, les renseignements utiles dans le cadre d'une enquête, par exemple. Ce n'est donc pas de la responsabilité du lobbyiste-conseil de chercher à dévoiler toutes les activités de ses clients. Faut-il rappeler que le lobbyiste-conseil est en réponse par rapport à son client et que rien ne l'autorise à demander les informations exigées dans l'article 8?

Quant à l'alinéa 5°, où il faudrait réaliser une analyse des sources de financement du client, il revient aux organisations de divulguer ces renseignements, et certainement pas aux lobbyistes. Il n'est pas nécessaire de fournir toute cette information pour le registre.

L'alinéa 6°, quant à lui, voudrait que le lobbyiste-conseil identifie les autres consultants qui travaillent pour le client. Par cette mesure, on prête un rôle de délateur au lobbyiste-conseil et on l'oblige à chercher une information qu'il ne détient pas. Il n'est pas rare dans notre profession que des entreprises choisissent quelques firmes de consultants pour réaliser un travail en fonction des compétences propres à chacune des firmes. C'est un droit des plus légitimes de l'entreprise.

Par contre, chaque lobbyiste-conseil aura à s'enregistrer pour le mandat qui lui est confié, et cela est suffisant pour atteindre les objectifs fixés sur la reconnaissance des actions d'influence commandées par les organisations.

Nous recommandons également, à l'alinéa 7°, de supprimer les mots «ainsi que les renseignements utiles à sa détermination» et de conserver seulement «l'objet de ses activités de lobbyisme».

À l'alinéa 9°, quant à l'inscription, nous considérons... Là, il y a une petite erreur dans notre mémoire, je tiens à le préciser, là. L'identification des personnes titulaires d'une charge publique ne devrait pas apparaître à ce moment-ci dans le texte, seulement les institutions devraient être citées avec qui le lobbyiste communique, puisque ceci permet d'identifier l'organisation. Il est très difficile de prévoir, au début d'un mandat, les personnes et les services avec qui nous aurons à communiquer. Le système public est devenu d'une telle complexité, et les titulaires en place bougent régulièrement. Nous ne sommes pas devant un dossier de cour où les témoins sont appelés de façon prévisible. Nous pouvons donner un agenda approximatif pour le travail, mais le gouvernement doit être conscient d'une grande mouvance des actions. Nous sommes à la merci de l'actualité et de la conjoncture.

Nous recommandons de supprimer l'alinéa 10° concernant les honoraires. De quel droit un contrat entre deux parties doit être divulgué sous prétexte de transparence? Ce n'est pas de nature publique de connaître les honoraires des consultants qui travaillent pour un organisme indépendant. Il s'agit d'un contrat d'affaires convenu entre deux organisations autonomes. Que le lobbyiste-conseil ait à travailler en collaboration avec le titulaire d'une charge publique ne confère pas de droit de regard sur les honoraires qu'il touche. Les effets d'une telle législation pourraient même avoir des conséquences sur le marché en favorisant à la hausse certaines pratiques de lobby.

De plus, les organisations pour qui nous réalisons un mandat ne sont pas intéressées à ce que leurs concurrents et parfois même leurs membres ou leur personnel identifient les ressources financières qu'elles consacrent à certains dossiers. C'est de l'information confidentielle qui appartient aux gestionnaires qui doivent atteindre les objectifs. Il ne faut pas perdre de vue que nous sommes dans un système où la concurrence existe. Le régime public ne paie pas pour ça.

À l'article 9, nous recommandons, sur le lobbyiste d'entreprise et le lobbyiste d'organisation, de tenir compte des mêmes commentaires que ceux que nous avons émis pour les lobbyistes-conseils concernant l'inscription au registre.

Alors, en résumé, pour ce chapitre, selon nous, les objectifs recherchés sont de suivre à la trace les actions d'une certaine classe de lobbyistes et leurs effets. Nous croyons que les effets obtenus sont les suivants. C'est recueillir une quantité d'informations sur les entreprises qui font du lobby et qui utilisent les services de lobby, alors que l'objectif de transparence ne concerne pas les activités de l'entreprise, mais bien la transparence des activités de lobbying. Nous confions aux lobbyistes-conseils et à certains lobbyistes d'organisation et d'entreprise des responsabilités qui ne font pas partie de leur mandat.

Nous proposons les correctifs qui suivent: c'est de s'en tenir à la représentation des lobbyistes, de ne pas chercher à s'immiscer dans la gestion des organisations et de ne pas outrepasser les règles d'éthique de notre système et respecter la confidentialité des contrats entre entreprises et lobbyistes-conseils.

J'irais tout de suite...

Le Président (M. Paré): M. Belley, le temps imparti à votre présentation est terminé, mais soyez sûr que les membres de la commission ont lu votre mémoire. Donc, je demanderais au ministre et au député de Westmount?Saint-Louis de vous poser des questions maintenant pour leurs 15 minutes, mais ils vont aussi déborder sur la deuxième partie de votre... le chapitre III, et ainsi de suite. Donc, merci de votre présentation. Merci, Mme Gaudreault. M. le ministre.

M. Bégin: Merci, M. le Président. Merci, madame et monsieur, Mme Gaudreault et M. Belley. On est particulièrement avancé dans nos travaux, et il y a des choses qui reviennent. Alors, vous nous excuserez de ne peut-être pas les aborder autant qu'on l'aurait souhaité ou que vous l'auriez souhaité.

Mais, quelque chose m'a frappé dans votre document, c'est à la page 6 où vous dites: «Nous demandons au gouvernement de profiter de l'occasion pour sortir les lobbyistes des bancs des accusés où on nous a assignés depuis quelques mois et de se diriger vers la reconnaissance professionnelle du travail des lobbyistes en tâchant d'éliminer les mesures vexatoires du projet de loi.» Je vous avoue que ça m'étonne beaucoup de lire ça, parce que, de tous ceux et celles qui vous ont précédés et de toutes les déclarations que j'ai pu faire ou que j'ai entendues, en aucun temps des gens ont attaqué le travail de lobbyiste comme étant un travail qui n'était pas digne, qui ne devait pas être reconnu, qui ne devrait pas recevoir toute la reconnaissance. Et je me rappelle, au moment de l'énoncé des orientations que j'avais donné et la première conférence de presse que j'avais donnée avec le premier ministre, j'avais dit: Vous savez, faire du lobbyisme, ce n'est pas un péché. C'était une façon bien claire de dire que c'était une activité parfaitement légitime qui n'avait rien d'incorrect ou de... Et de se dire que vous êtes au banc des accusés et qu'il y a des mesures vexatoires, je vous avoue honnêtement que je suis surpris. J'aimerais ça, vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Paré): Mme Gaudreault.

n(21 h 10)n

Mme Gaudreault (Martine): Alors, il ne revient pas seulement au gouvernement d'avoir mis les lobbyistes sur le banc des accusés, je crois que ça a été une oeuvre de... dans l'opinion publique au point de départ. Et, quand on lit le sentiment d'être au banc des accusés, c'est tout ce qu'il faut donner comme information sur le travail qu'on fait, pourquoi on le fait, avec qui on le fait, alors que, selon nous, ce n'est pas... C'est d'accuser quelqu'un, c'est de demander le plus de choses possible qui ne serviront à pas grand-chose finalement, mais qui ont comme incidence de dire: Mais pourquoi est-ce qu'ils me demandent tout ça? Qu'est-ce que j'ai fait de mal pour fournir tous ces renseignements?

Toutefois, il ne faut pas oublier que, dans le mémoire, on dit bien que le projet de loi, il a un bon côté. Nous, on n'est pas prêt à le mettre tout à la poubelle. Il y a des aspects qui nous plaisent dans ce projet de loi là, ça va donner... Ça ouvre la porte à légitimiser une... ou donner la légitimité à une profession. Mais je crois qu'il faut y aller le plus simplement possible dans un premier temps. Et j'avais mis des crochets dans le projet de loi sur des éléments que je trouvais que ça allait très loin, puis il y en avait de nombreux. Moi, je crois qu'à vouloir aller très, très loin... Il y a un retour du balancier où on peut avoir quelque chose de plus simple et de plus fonctionnel.

Le Président (M. Paré): M. Belley, si vous voulez ajouter.

M. Belley (Gérald): Peut-être juste pour compléter l'information, je pense que, comme l'a dit notre prédécesseur, nous avons parlé à beaucoup de monde depuis que le projet de loi est sorti, et les réactions de gens qui ne connaissaient pas beaucoup les lobbyistes et le lobby ont été plutôt, pour nous, décevantes, parce qu'on trouve que, tout d'un coup, on a été mis devant la place publique comme si tout ce qui se passait était un peu de la responsabilité des lobbyistes, et c'est peut-être aussi dans ce sens-là que je pense qu'on tenait à dire ces propos.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Belley. M. le ministre.

M. Bégin: Ce que j'ai dit précédemment, je le mets en relation avec ce que vous demandez de supprimer dans le texte qui est là et je vous avoue que, si vous avez utilisé l'expression «vexatoire», moi, je dirais que vous faites l'excision de tout ce qui existe de mesures qui visent à atteindre la transparence. Vous parlez du paragraphe 10° de l'article, je crois, 9 concernant le dévoilement des honoraires. Vous demandez de supprimer l'article 25 qui parle des élus ou des détenteurs de charges publiques qui exercent une activité postérieurement. Même chose pour l'article 26. Vous demandez de supprimer l'article 29 qui parle de renseignements confidentiels dont il a pris connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions, de ne pas le divulguer. Vous dites, autrement dit, qu'on pourrait le divulguer. Je vous avoue que, après avoir dit ça, c'est comme si vous aviez dit: Nous sommes en faveur de la loi, mais sans aucune mesure qui va permettre d'atteindre l'objectif qui est celui de la transparence dans les relations qui existent entre des personnes qui, je le répète, je le mets entre guillemets, je le souligne, légitimement, font des représentations auprès des titulaires de charges publiques, mais dont le public a intérêt à savoir ce qu'elles sont, par qui, auprès de qui elles sont faites et moyennant quelles considérations, parce que ça donne une idée de ce qui a été fait. J'ai comme l'impression que vous dites: Oui, on est d'accord avec le principe, mais rien pour arriver à réaliser ce principe-là. Est-ce que je me trompe?

Le Président (M. Paré): Mme Gaudreault.

Mme Gaudreault (Martine): Moi, je ne comprends pas, d'autre part, le dévoilement des honoraires, à quel point, comment est-ce que ça donne une transparence sur l'élaboration des... sur les activités de lobbying. Quelle est la transparence qui est donnée là-dessus? Il n'y a pas d'honoraires de professionnels qui sont dévoilés sur la place publique parce que c'est un contrat qui s'établit entre des parties consentantes. Je ne peux pas voir en quoi ça ajoute au niveau de la transparence. Moi, je ne le comprends pas. Je le vois davantage comme un abus de pouvoir.

M. Bégin: Cet après-midi, l'opposition, avec un groupe, m'a demandé si, moi, comme avocat, j'avais des problèmes à dévoiler mes honoraires, et j'ai dit: J'ai fait ça toute ma vie, c'était public, tout le monde connaissait combien je chargeais, parce que c'était dans des municipalités, et mes honoraires étaient là. On m'a dit: Oui, mais tes associés? Bien, j'ai dit: C'était pareil, ils représentaient des corps publics, et tout était public, et on connaissait notre taux horaire, on connaissait le nombre d'heures qu'on avait faites, on savait combien de temps nous avions consacré à la chose, et le compte d'honoraires arrivait, et c'était public. Même le compte était détaillé au point d'inscrire le téléphone, l'entrevue, la lettre, la vacation. Tout ça était là, public, et je n'ai jamais senti qu'il y avait là quelque chose d'incorrect ou d'indécent. Pourtant, c'était moi, privé, en pratique privée, qui faisais affaire avec des organismes qui me payaient très correctement et qui, même, discutaient sur la place publique pour mon compte d'honoraires. Des fois, il était trop élevé, disaient-ils, etc., j'allais même devant eux pour en discuter. Moi, je vous avoue honnêtement que je n'ai jamais eu de problème.

Mais, quand vous nous demandez de supprimer l'article 24 ? «Aucun lobbyiste ne peut exercer ses activités moyennant une contrepartie conditionnelle à l'obtention d'un résultat ou subordonnée au degré de succès...» ? et que vous nous dites que le paragraphe 10° qui permet de dire quelle est ? je cherche toujours l'expression, là...

Une voix: La tranche.

M. Bégin: ... ? la tranche entre zéro et 10, 10 et 30, etc., qui est là, moi, je me dis... Vous m'avez demandé plus tôt à quoi ça servait, bien j'ai donné ici, en cette Chambre, avec le Barreau, l'exemple suivant. On dit qu'on n'a pas le droit de charger à pourcentage dans le projet de loi. Bon. Alors, quelqu'un doit indiquer combien il a gagné. Il marque 400 000 $, mais on est en présence d'une subvention obtenue de 15 millions. Mettons qu'on évalue le temps de 20 heures pour faire cette démarche. Et c'est un bureau d'avocats à qui je parlais, et je disais: Je vous donne 1 000 $ de l'heure. Personne n'a contesté la modestie de mon compte, on a tous trouvé que c'étaient des montants très raisonnables. Je le dis en badinant, parce qu'ils ont trouvé que c'était beaucoup trop. Donc, ça faisait 20 000 $. Mais, avec un pourcentage à 4 % sur 15 millions, ça donne 400 000... C'est ça, 400 000...

Une voix: 600 000.

M. Bégin: 600 000. Mais c'était donc 10 millions. Alors, ça donnait 400 000.

M. Chagnon: Vous n'êtes pas au Trésor...

M. Bégin: Pardon?

M. Chagnon: ...il n'y a pas de problème. Vous n'êtes pas au Trésor, vous êtes à la Justice.

M. Bégin: Ha, ha, ha! Oui, oui, là, mais, pour la comptabilité, je ne suis pas mauvais du tout. 400 000 $... Si vous indiquez que vous avez touché 20 000 $ puis que vous avez touché 400 000 $, vous faites un gros mensonge, hein, parce que c'est clair que vous avez touché 400 000. Mais, si vous marquez 400 000 puis que vous essayez de faire croire à quelqu'un que vous avez été payé au taux horaire, il n'y a pas personne qui va vous croire, hein, parce que a ça se mesure entre tel moment et tel moment, combien d'heures on peut faire. Si vous avez plus d'heures qu'il y en a dans la journée que vous avez travaillé, il y a un problème, hein?

Alors, c'est à ça que servent ces mesures-là. Il ne s'agit pas de savoir exactement ce que vous faites, mais d'être capable de dire: Oui, ça a du bon sens, c'est raisonnable, 40 000 $, six mois de travail, tel type de travail, etc. Sans connaître bien des détails, oui, c'est raisonnable entre 20 et 40, ça dépend de l'expérience, etc. Mais 400 000, vous n'êtes pas capable de l'expliquer. Alors, quand vous demandez d'enlever ces choses-là, en fait je dis que vous supprimez l'objectif de la transparence dans l'opération. Il ne s'agit pas de fustiger, d'écraser, d'accuser quelqu'un, il s'agit simplement de faire en sorte que le public sache ce qui se fait correctement dans un but légitime. Alors...

Le Président (M. Paré): M. Belley.

M. Belley (Gérald): Je voudrais juste réagir à votre premier commentaire. On n'a aucunement objection à dévoiler nos honoraires lorsqu'on a un contrat qui vient d'un organisme public. Et nous avons vécu l'expérience à deux reprises, et là n'est pas le problème. Nous, ce qu'on dit: Lorsque le contrat est passé entre une entreprise privée et Gaudreault Belley, on se demande pourquoi il faut divulguer cette information-là. Mais, lorsque c'est un contrat qui vient d'un organisme public, nous sommes entièrement d'accord.

M. Bégin: ...M. Belley, mais je pense que vous oubliez une petite donnée, c'est que si vous êtes en pure relation privée avec une firme privée, on n'en parle même pas, il ne s'agit pas de lobbying. C'est quand vous faites des représentations auprès d'un titulaire de l'État et que vous l'influencez, et qu'il y a donc quelque chose qui concerne l'État, et là vous n'êtes plus tout à fait dans votre hypothèse du caractère privé, là.

n(21 h 20)n

Le Président (M. Paré): M. le député de Westmount?Saint-Louis

M. Bégin: Pour enrichir notre...

M. Chagnon: Oui, oui, bien sûr. On reviendra plus tard, de toute façon. Mais il me semble qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans ce raisonnement-là. Quand la firme Belley fait affaire avec un client, elle ne fait pas affaire avec l'État. L'État devient le tiers de son client, elle fait affaire avec son client.

M. Bégin: Non, non. Je ne conteste qu'il fait affaire avec son client, mais je dis que ce n'est pas une affaire strictement privée, parce que les relations entre la firme de lobbyisme et celui qui lui donne le contrat, ce n'est pas pour s'arrêter là, c'est pour avoir une relation avec un titulaire d'une charge publique en vue de l'influencer. Et, dans ce sens-là, ce n'est pas aussi privé que quand je parle à un client et je lui dis: Mon compte d'honoraires, monsieur, c'est tant, ou madame, c'est tant. Et à la limite même... Parce que là on a souvent de l'argent de l'État qui est en cause ? même si vous dites, vous, personnellement, que vous ne voulez pas, que vous le faites pas, d'autres le font ? ou encore c'est pour obtenir des changements qui représentent des choses qui s'appellent de l'argent. Si je réussis à faire modifier une loi et de faire sauter, par exemple, une barrière qui existait dans une loi au bénéfice de mon client, ça peut représenter beaucoup d'argent pour lui. Et je peux vous dire que, quand j'étais ministre de l'Environnement, j'ai vu ça très souvent que modifier une loi, ça pouvait valoir des millions et des millions, et plusieurs dizaines de millions de dollars. Ce n'est pas anodin de faire sauter quelque chose. Vous me dites: C'est privé. Oui, mais le résultat, il n'est pas tellement privé, lui, parce que c'est l'État, en bout de piste, qui est en cause.

Alors, c'est ça qu'on ne peut pas... Et, à la limite, je dirais même, si c'est avec l'argent ou l'État, pourquoi y aurait-il quelque chose d'incorrect à savoir que c'est dans cette tranche-là que ça a représenté alors que l'objectif visé, c'est d'influencer un détenteur de charge publique? C'est carrément... Si on n'est pas dans cette hypothèse-là, on ne parle même pas, on n'est pas là. On n'est pas dans le lobbying, on n'est pas dans l'objet même de la loi. On est ailleurs, c'est autre chose.

Le Président (M. Paré): M. Belley ou Mme Gaudreault? Ça va?

Mme Gaudreault (Martine): Bien, je reste toujours surprise de voir le lien entre mes honoraires et la transparence d'un travail. Et, on se défend comme ça, ce n'est même pas parce qu'on est personnellement touché. Je donnerais mes honoraires demain matin, puis on les donne souvent, et on est... On est en deçà du marché. Et nous, ce qu'on dit, c'est que les gens vont regarder... Ils disent: Ah oui? Eux, ils ont chargé ça pour faire ce travail-là, et moi, je charge beaucoup moins. Et ça va créer une inflation. Comme toute chose, quand on connaît mieux les prix de nos compétiteurs... Ça va créer une inflation pour les activités de lobby, tant mieux pour les lobbyistes.

Et, pour ce qui est des bonus au rendement, notre bureau non plus ne veut... On ne demande jamais rien, on dit... Puis, même quand les clients l'offrent, on dit: Nous, on travaille pour que ça marche. Alors, si ça marche, tant mieux pour tout le monde. Et, c'est une règle d'éthique qu'on a à appliquer, c'est qu'on n'a pas besoin d'une loi pour se... On n'a pas besoin d'une loi pour appliquer ces règles-là, elles sont déjà appliquées. Et, moi, je ne suis pas capable de faire le lien entre la transparence et l'efficacité des politiques et des décrets et les honoraires qui sont versés. Je ne suis pas capable de faire le lien. Il manque un maillon dans ma compréhension pour dire: Oui, ça va être plus transparent de cette façon-là.

Le Président (M. Paré): Merci, Mme Gaudreault. M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. Je tiens à remercier la participation de Mme Gaudreault et de M. Belley. M. Belley, vous avez été membre d'un cabinet politique, on a eu... Juste les gens qui ont passé devant vous... Le témoignage que nous avons eu de M. Châteauvert avant vous venait nous expliquer qu'il y avait un problème pour les gens qui passaient d'un cabinet politique à la... finalement au rôle de lobbyiste. Vous, vous avez été dans un cabinet politique dans le début des années quatre-vingt-dix, que j'ai lu dans votre c.v. Est-ce que vous êtes d'avis, comme M. Châteauvert, qu'il ne devrait pas y avoir de délai de carence pour les personnels des cabinets politiques qui désireraient faire une carrière dans un rôle de démarchage auprès du... pour le public ou, du moins, pour des clients éventuels vis-à-vis le gouvernement?

M. Belley (Gérald): Moi, en fait, je suis du même avis que la personne qui a passé précédemment, c'est qu'il ne devrait pas y avoir de délai de carence et qu'on devrait laisser la possibilité aux attachés politiques de travailler, que ce soit dans un bureau de lobby ou dans un autre grande firme. Et il faut faire attention, parce qu'il ne faudrait pas faire en sorte que certaines personnes puissent devenir lobbyistes sans s'appeler des lobbyistes et de travailler finalement dans des grandes firmes de relations publiques ou des firmes d'avocats. Alors, je pense que le délai de carence n'est pas nécessaire. On doit permettre aux gens de travailler, et, s'ils peuvent travailler dans des secteurs où ils ont développé beaucoup d'expérience, bien tant mieux pour l'entreprise qui va pouvoir les embaucher.

Par contre ? et, à la fin du mémoire, on posait la question ? la possibilité de pouvoir faire le passage et devenir fonctionnaire, là, après un passage dans un cabinet, nous, on pense que ce n'est peut-être pas la meilleure mesure à prendre. Je pense qu'il faut considérer avant tout l'expérience et la qualité des candidats avant d'offrir le passage dans la fonction publique. Et ça, je ne voudrais pas revenir trop en arrière là-dessus, si les personnes sont qualifiées, il n'y a pas de problème.

M. Chagnon: M. Châteauvert lui-même disait, bien sûr...

Une voix: Après un concours.

M. Chagnon: Il était d'accord avec la suggestion que je faisais, mais après un concours. Seriez-vous d'accord...

M. Belley (Gérald): C'est bien important de mettre les qualificatifs...

M. Chagnon: D'accord, mais après un concours?

M. Belley (Gérald): Oui.

M. Chagnon: Vous seriez d'accord qu'il y ait une ouverture...

M. Belley (Gérald): Mais pas systématique.

M. Chagnon: ...avantagée pour les personnels des cabinets après trois ans de service, disons, dans la fonction publique, après concours?

M. Belley (Gérald): Oui. En tout cas, j'ai toujours de la misère un petit peu avec les concepts d'avantager ou... Mais je pense qu'on peut se présenter à tous les concours qui sont ouverts, et, si on passe les concours, bien on accède à ce moment-là à un poste permanent dans la fonction publique.

M. Chagnon: Mais vous seriez contre l'idée d'un délai de carence?

M. Belley (Gérald): Oui. Ça, le délai de carence, par contre, je considère qu'il ne doit pas exister.

M. Chagnon: Par contre, on remarque, une partie des problèmes qui sont survenus depuis quelques mois, souvent, découlaient de gens qui avaient travaillé dans des cabinets, qui sortaient de cabinets. D'ailleurs, c'est probablement une partie du problème qui crée la précipitation dans laquelle nous nous trouvons actuellement, et il n'y a pas un lien de cause à effet avec cela, non?

M. Belley (Gérald): Bien, là, nous aussi, je pense qu'on ne veut pas nécessairement parler des cas qui se sont présentés. Par contre, je pense qu'il n'y a aucune loi...

M. Chagnon: Non, ne parlons pas des cas, parlons de...

M. Belley (Gérald): En général, je pense qu'il n'y a aucune loi qui pourrait empêcher quiconque de vouloir utiliser certaines informations pour un bénéfice. Alors, je ne sais pas si...

Mme Gaudreault (Martine): Bien, dans la loi et dans le processus, il y a quand même quelqu'un qui va s'occuper de l'éthique, et peut-être de prévoir un contrat ou une assignation disant que, bon, les informations qui arrivent à la personne, lorsqu'elle détient des charges publiques, ne devront pas être utilisées à des fins strictement privées par la suite. Je ne sais pas quelle forme ça peut avoir. Puis il y a un commissaire à l'éthique. Bon. Et pourquoi est-ce que, bon, les bons attachés politiques, ou les bons chefs de cabinets, ou les bons députés qui sont intéressés à venir travailler dans un bureau de lobbyistes ou comme lobbyistes dans une association aussi, parce qu'il n'y a pas que des lobbyistes-conseils, il y a des associations qui sont très importantes et qui offrent des opportunités extrêmement intéressantes... Alors, pourquoi ne pas bénéficier de cette connaissance? Parce que là on parle de contacts, d'informations, d'argent, mais, avant tout, les gens ont des connaissances qu'ils peuvent... Eux, ils peuvent les utiliser pour propulser leur carrière et en faire bénéficier le milieu et le gouvernement aussi. Ce n'est pas que... Pierre Châteauvert, tout à l'heure, citait des exemples où les gens ont su bien faire fructifier leur expérience qu'ils ont acquise. Alors, moi, la carence...

M. Chagnon: ...enfin, vous suggérez de supprimer les articles 28 et 29 du projet de loi que nous avons devant nous. L'article 28 dit ceci: «Nul ne peut, dans l'exercice de ses activités de lobbyisme, tirer un avantage indu d'une charge publique dont il a antérieurement été titulaire.» Est-ce que ça ne règle pas un peu le problème que vous soulevez? L'article 29: «Nul ne peut, dans l'exercice de ses activités de lobbyisme, divulguer des renseignements confidentiels dont il a pris connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice d'une charge publique dont il a antérieurement été le titulaire.»

n(21 h 30)n

Mme Gaudreault (Martine): Ça, on a demandé de les supprimer, c'est parce que ça ne s'applique pas seulement au gouvernement. Tout titulaire qui est dans une compagnie, lorsqu'il change d'une compagnie, est soumis à un code d'éthique personnel ou professionnel et ne pas dévoiler les renseignements qu'il a eus dans l'autre compagnie. C'est dans cet esprit-là.

Là, vous le voyez dans le sens du secteur public, mais, en un sens, c'est vrai pour tout le monde. C'est vrai pour... Tu sais, on est dans une compagnie, une aluminerie par exemple, et on quitte pour l'autre aluminerie, bien, il y a une partie de secrets qu'on doit garder.

M. Chagnon: Mais là, il ne s'agit pas du marché des alumineries ou du marché du pétrole.

Mme Gaudreault (Martine): J'ai dit un exemple quelconque, là.

M. Chagnon: Généralement, on ne connaît pas beaucoup de lobbyistes qui font du lobbying auprès des alumineries mais...

Mme Gaudreault (Martine): Non, c'était une équivalence. Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Oui. On fait du lobbying généralement auprès des corps publics, hein?

Mme Gaudreault (Martine): Non, c'est un exemple de marché. O.K.? Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Oui, je comprends. Mais les articles qui sont là servent à protéger non pas des corps privés mais des corps publics.

Mme Gaudreault (Martine): Oui, je comprends. Mais je vous explique le motif de... pourquoi on proposait de supprimer cet article-là en se disant que ce n'était pas seulement pour le lobbyiste, c'était bon pour tout code d'éthique dans un cheminement professionnel. C'était le fond de la logique.

M. Chagnon: Oui. Quelles seraient les sanctions que vous suggéreriez pour faire en sorte de passer à côté du code de déontologie ou du code d'éthique que nous avons ou que nous aurions?

Mme Gaudreault (Martine): Les sanctions?

M. Chagnon: Oui. Est-ce qu'on devrait sanctionner des délits ou du moins des faits...

Mme Gaudreault (Martine): Qui est prévu dans la loi.

M. Chagnon: ...des événements qui feraient en sorte d'éviter de passer à côté du code d'éthique?

Mme Gaudreault (Martine): Évidemment, s'il y a un code d'éthique, c'est pour qu'il soit respecté. Il faut qu'il y ait des sanctions.

M. Chagnon: Alors, quels seraient les types de...

Mme Gaudreault (Martine): Bien, on n'a pas analysé en profondeur; il y en a qui sont prévus dans la loi. Alors, je crois qu'on peut s'en tenir à ce qui est prévu. On n'a pas analysé le côté sanction ou...

M. Chagnon: Est-ce que vous êtes d'accord avec des pénalités qui iraient jusqu'à la suspension d'une année de votre inscription comme lobbyistes auprès des corps publics?

Mme Gaudreault (Martine): Oui.

M. Chagnon: Dans quelles conditions?

Mme Gaudreault (Martine): Ah! là, on a fait un commentaire dans le mémoire. Puis les motifs raisonnables, ils sont à définir, là; il faut que ce soit grave.

M. Chagnon: Oui, mais c'est ça. Mais, moi, je voudrais savoir c'est quoi vos motifs raisonnables. Parce que, là, la partie est déjà définie, là, ni du côté du législateur ni du côté de...

Mme Gaudreault (Martine): Ha, ha, ha!

M. Bégin: Me permettez-vous?

M. Chagnon: Oui, oui.

M. Bégin: Motifs raisonnables: J'ai sorti la réponse parce que vous aviez posé la question dans votre mémoire; on n'a pas eu le temps de l'aborder. Mais c'est des motifs qui sont ? et ça, c'est basé non pas sur... subjectif, là, mais ça vient de l'interprétation des tribunaux ? alors, c'est des motifs objectivement crédibles, sérieux, objectivement crédibles et sérieux, plus que des soupçons mais pas hors de tout doute. Autrement dit, ce n'est pas comme au criminel où c'est hors de tout doute raisonnable, mais c'est plus que simplement soupçonner que, mais on a une preuve. Est-ce que cette preuve-là est absolument à toute épreuve? C'est une autre question. Alors, c'est ça, des motifs raisonnables: objectivement crédibles, sérieux, plus que des soupçons mais pas nécessairement hors de tout doute.

M. Chagnon: Sauf que ça pose un problème de ce point de vue là, M. le Président, et je prends à témoin nos invités.

Je reviens à l'article 2, lorsqu'on dit qu'un titulaire d'une charge publique... en vue d'influencer ou susceptibles d'influencer une prise de décisions relativement... Et là, on se souvient de la discussion qu'on a eue, M. le ministre, sur «susceptibles». Eh bien, «susceptibles» ne permet pas d'identifier le niveau de l'intention. Il n'y a pas d'intention. Enfin, essayer de déterminer, là, avec le mot «susceptibles» l'intention, le mens rea, l'intention coupable, ce n'est pas évident.

Et, enfin, il y a un problème, je pense, avec le mot «susceptibles», dont on a déjà parlé à l'article 2. Et je pense que, lorsqu'on cherche à déterminer le fait majeur qui permettrait ou qui ferait en sorte que vous perdiez votre permis ? pas permis, il ne s'agit pas d'un permis ? mais le fait d'être inscrit dans ce registre-là pour un an, bien, ni vous ni le législateur n'est capable de l'identifier clairement, n'est-ce pas?

Mme Gaudreault (Martine): Ça pose un problème. Ça peut poser...

M. Chagnon: Ça pose un problème. Ha, ha, ha!

Mme Gaudreault (Martine): Ça pose un problème. Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Et un gros problème.

Le Président (M. Paré): M. le député de Westmount?Saint-Louis, vous avez terminé?

M. Chagnon: Ça va aller. Merci beaucoup.

Le Président (M. Paré): Merci...

Mme Gaudreault (Martine): ...

M. Chagnon: Oui, oui, bien sûr. Peut-être. Non, non, continuons.

M. Bégin: Si vous me permettez, il y avait quelque chose qui avait été soulevé et vous l'abordez... C'était autour du motif raisonnable, mais c'était la question de certaines saisies, interventions du commissaire, et on avait prévu que peut-être un constitutionnaliste pourrait nous donner quelques renseignements...

M. Chagnon: Oui, oui, oui, bien sûr! Une bonne idée.

M. Bégin: ...qu'on pourrait partager tout le monde, et on amputera un peu sur le temps. Et j'ai demandé ici à Me Gilles Laporte...

Le Président (M. Paré): Me Gilles Laporte est à la Direction du droit constitutionnel au ministère de la Justice.

M. Bégin: C'est ça.

Le Président (M. Paré): Donc, il y a eu consentement. Donc...

M. Chagnon: Bien sûr.

M. Bégin: Alors, avec votre consentement, il pourrait peut-être dans maximum 10 minutes, là, couvrir le champ au complet.

Le Président (M. Paré): On vous écoute, Me Laporte.

M. Chagnon: Ah! Prenons notre temps. Nos amis, après, vont nous attendre un peu mais on va bien les recevoir pareil.

Une voix: Oui, oui, bien sûr.

M. Laporte (Gilles): Alors, c'est ça. Si je comprends bien, c'est que certaines personnes ont comme un peu soulevé la question: Est-ce qu'il faudrait un mandat de perquisition ou une autorisation d'un juge à l'article 38, là, de la loi?

Bon, là-dessus, je peux dire que, ce genre de disposition là qui est un pouvoir d'inspection, on retrouve ça dans au moins une cinquantaine de lois au Québec. On en a distribué certaines, je crois, à l'opposition. Je peux en nommer d'autres. Il y a dans la Loi sur les assurances, Loi sur le courtage immobilier, Loi sur le ministère du Revenu, Loi sur les normes du travail, Loi sur la santé et sécurité au travail, etc. Dans toutes ces lois-là, on a des pouvoirs pratiquement rédigés de façon identique ou très semblable à ce pouvoir-là.

S'est posée la question effectivement de savoir, bon: Est-ce que ces pouvoirs-là, c'était valide au plan constitutionnel, eu égard à la protection contre les fouilles, saisies, perquisitions abusives, donc qui protègent un peu la vie privée? La Cour suprême, dans plusieurs arrêts, dans les années quatre-vingt-dix, a examiné ça puis a dit: On n'a pas besoin de mandat de perquisition dans ces situations-là pour finalement la raison que ces dispositions-là portent beaucoup moins atteinte à la vie privée qu'une perquisition au sens traditionnel, une perquisition en matière criminelle, par exemple. Ainsi, bon, une perquisition en matière criminelle permet d'utiliser la force, de rentrer le jour ou la nuit alors que finalement un pouvoir d'inspection ici, c'est beaucoup plus limité. Ça permet d'aller d'abord seulement à des heures raisonnables, et puis on ne peut pas utiliser la force. Finalement, si quelqu'un refuse l'entrée, on peut simplement avoir une accusation d'entrave à la justice mais aucune force ne peut être utilisée. Et puis les endroits où on peut aller, bien, ce n'est pas n'importe où, c'est des endroits qui sont réglementés, et puis la raison pour laquelle il faut aller dans ces endroits-là, c'est d'appliquer la réglementation.

Donc, c'est des dispositions qui sont beaucoup mieux balisées puis qui portent beaucoup moins atteinte à la vie privée. C'est pour ça que la Cour suprême a conclu que, ces dispositions-là, c'était important qu'il y en ait dans les lois réglementaires et puis qu'on pouvait donc faire des inspections sans avoir à obtenir le mandat de perquisition qui vise une autre situation, là, où l'atteinte à la vie privée est plus grande.

M. Chagnon: Mais qu'est-ce que vous faites...

Le Président (M. Paré): Question, M. le député de...

M. Chagnon: M. Laporte, si j'ai bien saisi, sauf erreur, Mme Gaudreault, M. Belley travaillent de leur domicile, n'est-ce pas?

Mme Gaudreault (Martine): Non.

M. Chagnon: Non? Ah! Excusez-moi.

Mme Gaudreault (Martine): Non.

M. Chagnon: Alors, mais disons... Prenons le cas...

Mme Gaudreault (Martine): Ce n'est pas grave. Ha, ha, ha! Mais, si c'était le cas, oui.

M. Chagnon: ...où Mme Gaudreault et M. Belley ? ha, ha, ha! ? travaillaient de leur domicile, est-ce que ça ne pose pas un problème, particulièrement dans ce cas-là?

M. Laporte (Gilles): Là-dessus, finalement, la question, c'est de savoir si l'endroit est réglementé. La question, ce n'est pas de savoir est-ce que c'est le domicile ou si c'est, bon, un établissement public. C'est que, si la personne dans son domicile, par exemple, a un bureau d'affaire qui donc est réglementé, bien là, on peut aussi entrer mais évidemment à condition que ce soit à des heures raisonnables, etc., dans l'endroit réglementé.

M. Chagnon: O.K. Si Mme Gaudreault ou M. Belley ou les deux étaient avocats et avaient un bureau d'avocats, évidemment vous n'auriez pas la possibilité... enfin, pas vous, là, mais l'inspecteur ? ha, ha, ha! ? n'aurait pas la possibilité de pénétrer à toute heure raisonnable dans l'établissement de ce lobbyiste-avocat sans avoir au moins l'acceptation du syndic pour pouvoir pénétrer le bureau et définir avec le syndic quels sont les documents qu'on cherche à trouver.

M. Laporte (Gilles): Non. Bien là, si on parle de la situation de l'avocat...

M. Chagnon: Parce que ce n'est pas rare. Des avocats-lobbyistes, il y en a quelques-uns.

M. Laporte (Gilles): C'est ça, ça peut se présenter, j'imagine. Mais donc, pour ce qui est de la situation d'avocats, la Charte québécoise reconnaît, à l'article 9, le droit au secret professionnel pour toutes les corporations professionnelles.

M. Chagnon: Oui.

M. Laporte (Gilles): Donc, l'article précise finalement que le secret professionnel doit être respecté, à moins d'une disposition expresse de la loi. Or, ici, il n'y a pas de disposition expresse qui permet de passer outre au secret professionnel. Donc, les personnes qui font l'inspection doivent respecter le secret professionnel, à cause de l'article 9 de la Charte québécoise.

M. Bégin: Ce qui veut dire que le fait que le syndic soit présent ou nécessairement présent permettrait de respecter et l'article 9 et les autres règles constitutionnelles. C'est ça?

n(21 h 40)n

M. Laporte (Gilles): C'est-à-dire qu'en pratique par exemple, parce qu'il existe aussi, il y a ces pouvoirs-là évidemment, il y a des pouvoirs de perquisition qui sont applicables à toutes les lois provinciales en vertu du Code de procédure pénale puis le Code de procédure pénale prévoit le déroulement d'une perquisition dans un bureau d'avocats, et puis il y a une procédure assez élaborée qui est prévue dans ces situations-là.

M. Chagnon: Avec le syndic et puis.

M. Laporte (Gilles): En pratique, le syndic, je crois que ce n'est pas expressément prévu, mais, selon la jurisprudence et notamment un arrêt de la Cour d'appel ? l'affaire Maranda ? où on prévoit que le syndic doit être présent. C'est que le juge qui avait demandé une perquisition, dans l'émission du mandat de perquisition, il précise que le syndic sera présent et puis même le Procureur général, lorsqu'il est associé à ces mandats-là, le mentionne lui-même, là, parce qu'on sait que c'est l'étude du droit et puis on est d'accord avec ça, là.

Le Président (M. Paré): Merci. Ça va?

M. Chagnon: Oui, ça va. Bien, ça va.

M. Bégin: Bien moi, je pense qu'on a une information extrêmement pertinente.

M. Chagnon: Ah oui! c'est intéressant.

M. Bégin: Le débat a été amorcé hier par un ou deux groupes, et, finalement, en soirée, nous avions eu le Barreau et ils avaient fait les représentations. Alors, on a jugé à propos, le député de Westmount?Saint-Louis et moi, de faire venir quelqu'un qui viendrait objectivement présenter à la commission le point de vue constitutionnel, et, à ce moment-là, bien informer tout le monde.

M. Chagnon: Et il y a une grande question ? je pense que le ministre l'a constaté aussi ? qui tourne autour du secret professionnel, le secret professionnel qu'on constate chez les membres des ordres; tu peux être membre du Barreau, membre de l'Ordre des psychologues, du Collège des médecins, etc., vous avez un secret professionnel qui vous est attribué.

Le problème, c'est que les lobbyistes ne sont pas un ordre professionnel. Alors, est-ce qu'ils ne se trouvent pas dans une situation un peu handicapée?

M. Bégin: La demande n'est pas encore faite, je pense, hein? Ha, ha, ha! Je disais: La demande n'est pas encore faite. Ha, ha, ha!

Mme Gaudreault (Martine): Non, mais l'année prochaine. Ha, ha, ha! On va y aller par étapes. Ha, ha, ha!

M. Bégin: Envoyez-moi-la. Ha, ha, ha!

M. Chagnon: C'est ça. Mais je vous présente le responsable. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Gaudreault (Martine): On le connaît un peu. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Paré): Merci, Mme Gaudreault, merci, M. Belley.

M. Chagnon: Je le suis déjà.

Le Président (M. Paré): Donc, nous suspendons quelques minutes pour faire place maintenant à Lamarre Consultants et Stratem DBC.

(Suspension de la séance à 21 h 42)

(Reprise à 21 h 43)

Le Président (M. Paré): ...à cette commission. Nous aurons ensemble 45 minutes. Donc, vous avez 15 minutes de présentation, et, par la suite, les membres de la commission vont échanger avec vous sur votre mémoire, et quelques questions vous seront posées. Vous pouvez... Oh! On va attendre notre député de Westmount?Saint-Louis. Je m'excuse. Je le pensais ici.

Je suspens quelques minutes, le temps que M. le député de Westmount?Saint-Louis se joigne à nous.

(Suspension de la séance à 21 h 44)

 

(Reprise à 21 h 45)

Le Président (M. Paré): Merci. Donc, vous pouvez débuter.

Lamarre Consultants et Stratem DBC inc.

M. Lamarre (Philippe): M. le Président, MM. les membres de la commission, nous tenons tout d'abord à vous remercier pour l'opportunité de venir ce soir vous présenter brièvement notre position, dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 80, sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme.

M. Préfontaine et moi-même sommes ici respectivement à titre de présidents de Stratem DBC, firme de services-conseils en planification stratégique, plan d'affaires et recherche de financement, et d'associés chez Lamarre Consultants, firme de recherche de financement et de relations gouvernementales.

Le projet de loi n° 80 tente de régler un problème de pouvoir d'influence de personnes ou de groupes ayant développé des relations étroites avec les autorités décisionnelles qui ont pu être au détriment de la logique économique, de la logique d'affaires et de la logique propre au milieu du financement. Malheureusement, ce projet, par la largeur de la définition de l'activité du lobbyiste, touche beaucoup plus de monde que l'on ne l'imagine. De plus, le projet de loi, de par sa formulation, aura des incidences négatives pour la plupart des entreprises privées. Desservant majoritairement des PME et ayant discuté avec nombre d'entre elles, il est clair que le projet de loi aura des impacts sur le mode d'obtention de financement.

Le projet de loi n° 80, par sa trop grand généralisation, comporte un certain nombre de dispositions incompatibles avec la vision développée par le Québec au cours des 40 dernières années et certainement contraires à la réalité des financements à l'échelle planétaire. En effet, et ce, avec raison, le gouvernement du Québec s'est doté d'outils d'intervention économique et financière importants et indispensables. Les SGF, Caisse de dépôt, Investissement Québec et autres organisations antérieures ou parallèles ont joué et continuent à jouer un rôle essentiel dans le développement du Québec en se substituant ou en complétant les joueurs financiers du secteur privé. Par conséquent, si nous admettons la nécessité absolue de ces outils, force est de reconnaître que les SGF, CDPQ et IQ doivent oeuvrer à l'intérieur des mêmes paramètres que les autres joueurs. Si elles veulent intervenir dans les financements auprès des entreprises, elles doivent accepter de les rencontrer, de les écouter vendre leurs projets, d'analyser leur plan d'affaires. En somme, elles doivent laisser les entreprises leur faire leur «sales pitch», leurs représentations.

Or, pour que ces entreprises puissent faire leur travail et qu'elles puissent développer l'approche, l'argumentation, les documents et les plans d'affaires requis et négocier les meilleures conditions possibles pour leur financement, elles doivent compter sur des ressources aguerries et compétentes. Dans un contexte comme celui du Québec où plus de 75 % des sociétés sont des petites ou moyennes entreprises ne disposant que rarement de ressources à l'interne pour structurer un financement, cette ressource est beaucoup trop dispendieuse pour être considérée sur une autre base qu'à succès. À ce titre d'ailleurs, même les très grandes entreprises ne procèdent pas différemment et vont rémunérer leurs aviseurs financiers sur une base presque uniquement à succès.

La loi, en interdisant la rémunération contingente au succès ou provenant d'une partie des sommes reçues, ne va pas seulement à contre-courant face à un mode de rémunération mondialement reconnu mais également contre un mode de rémunération irremplaçable pour la petite et moyenne entreprise.

Du même coup, la loi, par ses obligations de divulgation publique, contrevient à la nature même du financement, soit de maintenir un maximum de compétition entre les différentes sources de fonds de façon à obtenir le meilleur coût de financement possible. Elle contrevient également à un des fondements du financement des sociétés publiques, soit la complète confidentialité avant une divulgation publique souvent prescrite par les lois et règlements lors des clôtures desdits financements.

C'est donc dans ce contexte que notre intervention se situe. Nous exerçons un métier honorable, celui d'aider les firmes à trouver le financement le plus abordable possible, ceci en incluant notre rémunération, pour poursuivre leur investissement et leur croissance, et, par le fait même, contribuer à l'essor de la société québécoise. En privant ces firmes des ressources qu'elles ne peuvent payer sur une base autre qu'à succès et en retirant la nécessaire confidentialité de leurs démarches de financement, le Québec ne fera que nuire aux firmes pour qui les organismes gouvernementaux sont une source essentielle de financement, qui sera désormais beaucoup plus difficile d'accès, voir inaccessible.

Nous comprenons que le gouvernement veuille s'assurer que les fonds publics soient bien utilisés et que l'attribution de ceux-ci ne soit pas liée à des pressions indues. Nous comprenons aussi la volonté du gouvernement à agir avec transparence et à voir à ce que ses partenaires agissent de même. Enfin, nous comprenons que le gouvernement veuille prévenir la tentation même de malversation, mais il ne peut faire ceci aux dépens des firmes québécoises qui n'ont pas commis de crime et qui contribuent à l'essor économique du Québec, et il ne peut faire ceci aux dépens d'individus dont le travail a toujours été fait avec intégrité et dans le respect des lois et règlements.

n(21 h 50)n

Partant de ces observations et afin de rendre la loi applicable et éviter les incidences négatives formulées dans notre mémoire, la Loi sur l'éthique devrait s'assurer des éléments suivants: des coûts minimums pour fournir l'information; une accessibilité financière des programmes aux PME par le truchement d'une rémunération sur résultats; une conformité avec les règles de fonctionnement du milieu du financement dont la rémunération est basée sur le succès; une confidentialité des dossiers.

Pour rencontrer ces objectifs, nous recommandons les modalités suivantes: un seul enregistrement des firmes de lobbyistes-conseils, suivi de mises à jour au besoin; une fiche de renseignements simple à remplir, en indiquant le nom du ministère ou de l'organisme mais pas celui des personnes rencontrées; le nom du client, le mode de rémunération mais non pas le montant, soit donc une description de la rémunération sur une base à succès, à un horaire plein tarif ou une combinaison des deux; finalement, la confidentialité des enregistrements, qui ne pourront être accessibles qu'au commissaire seulement, selon des règles préétablies, et qui pourra vérifier les faits sur demande.

Édouard Préfontaine, mon voisin, va ajouter quelques mots à ceci.

Le Président (M. Paré): M. Préfontaine.

M. Préfontaine (Édouard): Merci. Moi, j'aimerais ajouter quelques points par rapport au projet de loi, notamment au niveau de l'interprétation du point 2, où on dit: «Constituent des activités de lobbyisme au sens de la présente loi toutes les communications orales ou écrites avec un titulaire d'une charge publique en vue d'influencer ou susceptibles d'influencer la prise de décisions», bon, relativement aux différents alinéas.

On se pose une question, à savoir: Qu'est-ce qui arrive dans le cas où on travaille en fonction des entreprises pour lesquelles on offre des services-conseils, où ils ont accès à des programmes gouvernementaux? Et il s'agit pour nous de faire valoir le projet auprès des entités gouvernementales au niveau des critères d'admissibilité pour voir si ces entreprises-là sont admissibles ou non. Est-ce que cette considération-là est perçue comme un travail d'influence ou de faire valoir un dossier? Alors, il y a ce point-là qui mérite une réflexion.

On dit plus loin: «Le fait de convenir, pour un tiers, d'une entrevue avec le titulaire d'une charge publique est assimilé à une activité de lobbying.» Alors, ça veut dire que toute démarche dans le cadre de programmes normés, Impact PME ou autres, entre dans cet énoncé-là alors qu'il s'agit de programmes pour lesquels il s'agit simplement d'aider les entreprises à trouver du financement, et, donc, ce n'est pas dans un contexte d'influencer mais plutôt de s'assurer que l'entreprise rencontre bien les critères des différents programmes.

Un peu plus loin, on mentionne une clause qu'on doit enregistrer nos interventions auprès de toute nouvelle... Il y a quelqu'un qui l'a mentionné un petit peu plus tôt. Donc, ça veut dire que, quand on fait appel à des recherches de financement pour des entreprises, on rencontre ou on discute avec plusieurs personnes. Avant de trouver la bonne personne et le bon programme, ça prend quand même un certain nombre d'interventions. Est-ce que ça veut dire qu'il faut à ce moment-là contacter ou enregistrer tous les gens qui sont contactés? Donc, c'est pour ça qu'on indique dans notre texte qu'il s'agit de contacter plutôt ou d'enregistrer seulement que le ministère ou l'entité gouvernementale.

Au niveau de la confidentialité, vous savez que dans le domaine des entreprises, qu'elles soient d'ici ou étrangères, qui veulent s'implanter ici, au Québec, elles n'aiment pas que leurs informations soient dévoilées, à savoir si elles vont s'implanter entre telle et telle région. En fait, toute l'information qui peut être divulguée va devenir un point négatif par rapport à ces points de concurrence.

Ce sont les principaux éléments, qui sont dans notre mémoire, que je voulais ajouter aux points qui ont été mentionnés dans notre présentation. Merci.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Préfontaine. M. le ministre.

M. Bégin: Alors, merci, messieurs. Je vais commencer par ce sur quoi vous avez terminé, parce que je crois que vous êtes les seuls qui abordez directement la question et qui apportez surtout une réponse: celui de la concurrence, celui de la confidentialité du renseignement lors de l'installation d'un projet.

Je n'arrive pas à trouver les termes, mais mettons que c'est un projet venant de l'extérieur, comme vous avez mentionné, l'implantation d'un projet ici, au Québec. Et vous nous dites: Ce dévoilement qui va être fait, tout en respectant bien les règles minimales, pourrait avoir pour effet de mettre la puce à l'oreille à des concurrents et faire perdre le bénéfice concurrentiel que ça pourrait représenter.

M. Chagnon: L'Association des ingénieurs avait soulevé cette question-là.

M. Bégin: Pardon?

M. Chagnon: L'Association des ingénieurs avait soulevé cette question-là.

M. Bégin: Oui, on en a parlé, mais eux n'ont pas donné de solutions, alors que eux, qui sont devant nous, en ont une, et j'aimerais en parler parce qu'elle m'apparaît pleine d'intérêt.

Alors, vous dites: Dans certains cas. Imaginons que, en général, il y a des cas où ça peut se présenter, et vous nous suggérez qu'on puisse parler pas à celui qui détient le registre mais au commissaire, et vous dites, vous: L'information doit être divulguée ou communiquée au commissaire seul mais ne doit pas être une information publique.

Alors, j'ai interprété ça de la manière suivante. Il y aurait à ce moment-là possibilité pour le lobbyiste puis parlons que c'est un cas de lobbying et qu'il irait voir le commissaire et il dirait: Écoutez: Voici, nous avons un projet qui implique des renseignements hautement confidentiels qui mettraient en péril ce projet-là si jamais ils étaient dévoilés, et nous considérons qu'ils devraient être conservés confidentiels.

Voulez-vous nous dire si vous appréciez ce que nous vous exposons comme étant confidentiel, auquel cas nous serions disposés à vous faire connaître officiellement tous ces détails et que vous pourriez les garder, mettons, confidentiels pendant un an ou huit mois, peu importe la période, renouvelable ou non à discuter, et qu'en conséquence on respecterait la loi, puisque la divulgation aurait été faite, mais après un certain temps où le risque que vous craignez soit dépassé et qu'à ce moment-là on le rendrait public? Est-ce que j'ai compris votre mécanique comme il faut en la décrivant comme je viens de le faire?

Le Président (M. Paré): M. Lamarre.

M. Lamarre (Philippe): Bien, écoutez, moi, ce que je vous dirais, c'est la chose suivante. C'est: Effectivement, mais ça ne touche pas simplement les dossiers d'investissements de sociétés étrangères au Québec...

M. Bégin: Non, non, non. Mais je parlais de projets où ? prenons ça comme ça ? le caractère de confidentialité pourrait faire éclater le dossier ou le faire mourir prématurément.

M. Lamarre (Philippe): Règle générale, tous les dossiers de financement ont cette situation-là, ont ce contexte, et, nous, on n'a aucun problème à ce que, après, dans un délai d'un temps, il y ait une divulgation des données.

De toute façon, au niveau des travaux qu'on réalise, il y a toujours des annonces publiques des financements qui sont faits auprès des sociétés. Ça apparaît soit dans la Gazette officielle soit par les annonces publiques des élus ou des membres du gouvernement. Donc, il y a toujours une annonce subséquente qui est faite lorsqu'il y a un succès.

Évidemment, s'il n'y a pas de succès, bien, ça devient un peu immatériel, tout ça. Moi, je pense que le critère temps, c'est le critère de l'atteinte du but, c'est-à-dire l'implantation ou le succès d'un financement, au Québec.

M. Bégin: Moi, je le vois plutôt comme une modalité que l'objectif principal, l'objectif étant de garder confidentiel pendant le temps requis pour éviter qu'on ne mette en péril le projet.

Mais est-ce que dans votre esprit ça présuppose que la divulgation est faite au commissaire au tout début mais qu'il garde l'information confidentielle et qu'après coup au moment du dévoilement du projet, etc., comme vous le dites, on puisse vérifier s'il y a une adéquation entre ce qui avait été dit et ce qui a été le résultat pour voir s'il y a quand même eu cet objectif de transparence qui a été atteint?

Le Président (M. Paré): M. Lamarre.

M. Lamarre (Philippe): Oui. En fait, moi, je vous répondrais la chose suivante: Il n'y a pas de problème à ce niveau-là.

Je reviens juste sur un point qui a été fait un peu précédemment. Nous sommes, nous-mêmes, des PME. On n'est pas entourés d'une équipe de gens qui sont disponibles pour tenir à jour un paquet de registres. On contribue énormément de l'information, déjà, au gouvernement. On paie des comptables pour préparer des rapports, on a une batterie de documents déjà à fournir de façon très régulière au gouvernement. D'ailleurs, ma principale source de courrier vient du gouvernement.

Alors, ce qu'on veut également, c'est minimiser la demande. On est prêts à être transparents, ce n'est pas une question... mais il ne faut pas que ce soit une charge de travail qui...

M. Bégin: Non, mais je pense, M. Lamarre, permettez-moi, là...

M. Lamarre (Philippe): Oui, je confonds peut-être...

M. Bégin: ...on dépasse un peu le point très précis que vous souleviez.

M. Lamarre (Philippe): Oui.

M. Bégin: Vous êtes plus sur le général que sur le particulier, et, ce que je trouve d'intéressant dans votre projet, c'est que c'est une solution intermédiaire entre les inclure, les mettre là, puis au diable le reste, et/ou encore le silence total: là, on n'en parle pas parce qu'on les exclut. Et vous proposez quelque chose qui est entre les deux, et c'est dans ce sens-là que ça me plaît à première vue, et c'est sur ce que je voudrais consacrer. Quant au reste...

M. Chagnon: In medio stat virtus.

M. Bégin: Pardon?

M. Chagnon: In medio stat virtus.

M. Bégin: Oh! peut-être que c'est ça dans ce cas-ci, in medio stat virtus.

M. Chagnon: Ha, ha, ha!

n(22 heures)n

M. Bégin: Mais l'idée étant que ça apporte une réponse intéressante à une problématique qui n'est pas nécessairement facile, et c'est pour ça que j'aimais en parler. Quant au reste, c'est plus de savoir le degré d'information qu'on doit donner. Je trouve ça très intéressant, mais permettez-moi d'arriver sur les questions centrales que vous soulevez.

J'arriverais également ? ce serait mon dernier point ? à la même page, c'est toujours à la page 8.

Le Président (M. Paré): Je pense que M. Préfontaine avait une remarque.

M. Préfontaine (Édouard): Oui. J'avais un point sur votre...

M. Bégin: Ah! Excusez-moi, excusez-moi.

M. Préfontaine (Édouard): Excusez-moi. Au niveau des implantations par exemple, nous, on n'a pas de problème à le divulguer, mais reste à savoir si le client veut le faire.

M. Bégin: Ah! mais là, si c'est une obligation légale et que le client ne veut pas...

M. Préfontaine (Édouard): Oui, mais, mettons...

M. Bégin: ...il va y avoir un problème, là. C'est sûr.

M. Préfontaine (Édouard): Si on prend par exemple le dernier dossier où on parlait de Life Savers par exemple ? on n'a pas travaillé sur ce dossier-là, là, mais ? où est-ce que l'information était gardée d'une façon très confidentielle parce qu'ils ne voulaient pas justement alerter les gens, à savoir qu'ils déménageraient à Montréal par rapport aux États-Unis, donc, c'était un dossier qui était extrêmement confidentiel. Quelqu'un qui aurait retravaillé sur ce dossier-là ici aurait dû normalement divulguer cette information-là. Alors, je ne suis pas sûr que les gens de Life Savers auraient aimé ça.

M. Bégin: Mais on se comprend. La divulgation, elle est après coup. Parce que, si, effectivement, la demande de l'entreprise, c'est de dire: En aucune circonstance, on ne veut le dévoiler, bien, là, la réponse, c'est que, par rapport à la loi, ça ne peut pas fonctionner. Si on désire, nous ? je dis «nous» étant l'État ? on veut que ce soit transparent et que ce soit dévoilé, là, à ce moment-là, il y aura renonciation de la part de l'entreprise à vouloir bénéficier des avantages qui sont là. Je comprends que ce n'est peut-être pas ce qu'on souhaite...

M. Préfontaine (Édouard): Non.

M. Bégin: ...mais l'État choisit de rendre...

M. Préfontaine (Édouard): Mais, si on perd des investissements à cause de ça?

M. Bégin: Je comprends, mais ce sera le choix que l'État fera. Mais on ne peut pas arriver à dire: L'État fait le choix de divulguer, puis l'entreprise, elle, elle dit: Non, je ne divulgue pas. À ce moment-là, si l'État a fait le choix de divulguer, il faudra qu'il y ait divulgation. Les conséquences, vous savez...

M. Préfontaine (Édouard): Avec des conséquences importantes.

M. Bégin: C'est pour ça que votre solution m'apparaît intéressante, c'est qu'elle contourne les deux extrêmes. Elle permet une connaissance mais sans mettre en péril le projet, quitte à ne le savoir qu'après.

Le deuxième point, il est à la même page 8 de votre mémoire, et ça, je pense que... je ne suis pas sûr que ce soit bien compris.

Vous dites: «Le projet de loi est muet quant aux obligations de confidentialité qui lient les membres de plusieurs corporations professionnelles.» Et vous en avez traité.

Je crois que vous étiez là tout à l'heure lorsque Me Laporte a fait état de l'article 9 de la Charte des droits et libertés qui se lit comme suit:

«9. Chacun a droit au respect du secret professionnel.» Bon.

Évidemment: «Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre [...] ? etc. ? ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession», etc.

Bon. Donc, on a déjà dans la Charte cette disposition-là. Il est usuel ordinairement, lorsqu'une disposition le prévoit, de ne pas répéter dans chacune des lois... C'est comme si on disait: Vous connaissez l'état du droit, c'est la Charte qui s'applique. On n'a pas besoin de le redire. Est-ce que ça répond à votre inquiétude ou bien si j'ai manqué ce que vous vouliez dire?

Le Président (M. Paré): M. Lamarre.

M. Lamarre (Philippe): Bien, en fait, je pense que ça a été mentionné précédemment: Ça crée deux classes de citoyens. Il y a ceux qui agissent et qui sont protégés par le secret professionnel...

Une voix: ...

M. Lamarre (Philippe): Bien, exactement. Est-ce que les ingénieurs sont inclus?

M. Bégin: Oui, oui.

M. Lamarre (Philippe): ...protégée. Alors...

M. Bégin: Non, mais il faut comprendre, il y a 45 ordres professionnels au Québec et les ordres professionnels ont ce concept du secret.

M. Lamarre (Philippe): Donc, il y a un petit peu cette notion-là de deux vitesses. C'était le point qu'on soulevait pour nous...

M. Bégin: Vous avez raison, mais ça existe en dehors de notre discussion, c'est-à-dire que dans la société, telle que nous sommes organisés dans le cas des ordres professionnels, il y a le secret professionnel, mais, pour les autres qui ne le sont pas ou qui sont en voie de le devenir mais qui ne le sont pas encore, ça ne s'applique pas. Et ça, ce n'est pas le projet de loi lui-même, c'est un effet de nos lois en général. Merci.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le ministre. M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Je vous remercie. Je remercie les gens de... nos invités de chez Lamarre Consultants et Stratem.

Page 4, vous dites: «La loi, en interdisant la rémunération contingente au succès ou provenant d'une partie des sommes reçues, ne va pas seulement à contre-courant face à un mode de rémunération mondialement reconnu et apprécié mais également contre un mode de rémunération irremplaçable pour la petite et moyenne entreprise.»

Là, je voudrais vous entendre un peu là-dessus, parce qu'on a eu au moins quatre, peut-être cinq groupes qui sont venus ici, qui nous ont formulé le même genre de suggestion qui va à l'encontre un peu, bien, va à l'encontre beaucoup, de l'esprit du législateur qui dit, puis je le comprends: Je voudrais essayer de faire en sorte qu'on aille chercher des subventions en se fiant uniquement sur le pourcentage de subventions qu'on va aller chercher.

C'est bon puis c'est mauvais, remarquez. Même le Protecteur du citoyen nous a dit: Tss, tss, tss! Ça là, faites attention! Si vous refusez le fait que l'on puisse se servir de ce mode de financement là, il y a des gens, les plus petits de nos... des gens qui vont recourir aux services de lobbyiste vont probablement faire en sorte de se servir de la subvention que vous allez chercher pour financier le service du lobbyiste. C'était le point de vue du Protecteur du citoyen, hier. Quel est votre point de vue là-dessus?

Le Président (M. Paré): M. Lamarre ou monsieur... M. Lamarre.

M. Lamarre (Philippe): Écoutez, premièrement, il y a une distinction que je voudrais amener au financement. Il y a des subventions, oui, mais il y a des prêts. Alors, le gouvernement du Québec, et je l'ai mentionné, s'est doté d'outils d'intervention économique. Il les a créés, comme Investissement Québec, avec des comités de crédit, des conseils d'administration, des règles, des normes, un ensemble de balises.

Dans le domaine du financement, la structure est très, très simple. Les sociétés qui se financent, elles ont de bonnes raisons de se financier: elles ont besoin d'argent. Alors, elles sont totalement incapables de payer ces sommes-là avant; elles vivent au jour le jour en attendant ce fameux financement. Des dirigeants généraux ne se paient pas. Il y a vraiment... Tout le monde s'étire le cou.

Et pourquoi tout le monde s'étire le cou? C'est parce que ça amène un jour la chance d'avoir ce financement-là qui va permettre de développer l'entreprise. C'est sûr que un Alcan, un Bell Canada, écoutez, pfft! cette loi-là ne va pas les affecter dans ce sens-là. Mais une entreprise de 15 personnes, qui a un commis comptable qui tient à jour les livres, qui répond au courrier du gouvernement, cette personne-là... ils ne sont pas capables de le payer, je suis désolé, ils ne sont pas capables de monter les dossiers.

Alors, quand vous leur dites: Plus de rémunération contingente... quand vous me dites ça à moi, moi, je peux leur dire ça maintenant, bien, ils vont me dire: Bon, on va simplement oublier cet aspect-là, on n'ira pas se financer auprès du gouvernement. Et dans le contexte du Québec, où il y a très peu de financement hors du gouvernement, à tel point que le gouvernement du Québec a même créé lors du dernier budget La Financière pour se substituer encore à un manque criant de disponibilité de financement, bien, vous venez juste de faire quelque chose: vous avez pris le poussin puis vous lui avez mis la tête dans le cognac puis il est mort.

Alors, c'est un besoin essentiel qu'il a. La rémunération à succès existe partout dans le domaine du financement. C'est une très bonne recette pour faire du poussin.

Une voix: Ah oui?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Paré): On ne la connaissait pas, cher monsieur.

Une voix: ...vos partenaires.

M. Bégin: C'est une mort particulière.

M. Lamarre (Philippe): C'est excellent.

M. Bégin: Ah oui? Ha, ha, ha!

M. Lamarre (Philippe): C'est Rabelais qui nous recommande cette méthode.

M. Bégin: Quelle marque vous... Ha, ha, ha!

Une voix: Excusez!

M. Lamarre (Philippe): Je tiens juste à dire, c'est vraiment... il n'y a pas d'autre mode de rémunération disponible pour ces entreprises-là, aucun. Il n'y a pas de vision, il n'y a pas de ci... Or, vous allez faire plaisir à Alcan, mais il y a 75 % des sociétés du Québec qui vont en prendre tout un coup.

Le Président (M. Paré): M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Vous reprenez le même thème, à la page 10 de votre document, lorsqu'au chapitre III de l'article 24 vous dites ceci: «Cette clause va à l'encontre des règles de fonctionnement du milieu financier et cela à travers le monde. L'obtention de financement est généralement basée sur le résultat obtenu, "the success fee".»

Le Président (M. Paré): M. Lamarre.

M. Lamarre (Philippe): Oui, bien, écoutez, effectivement, c'est mondial. Que vous alliez ? bien, mondial, je vais faire un petit peu attention, là ? dans les pays développés, il est certain que les Merrill Lynch, les Goldman Sachs, les Wood Gundy, toutes ces organisations qui font du financement privé ? et d'ailleurs, j'insiste pour le dire, nous faisons également du financement privé ? toutes ces organisations-là sont rémunérées à succès. Alors, le gouvernement du Québec, quand il fait un placement d'obligation, paie à succès. Donc, c'est un mode de rémunération très reconnu, ça existe dans quantité de domaines ? dans le courtage immobilier, dans le «head-hunting» ? mais, dans le financement, c'est une règle de base.

Alors, si on fait du financement... et, encore une fois, je reviens, le gouvernement du Québec s'est doté... et puis, moi, j'étais très surpris d'être défini comme lobbyiste quand j'ai rencontré Investissement Québec. Je vais le dire honnêtement, j'étais un peu perplexe, parce que, quand on rencontre Investissement Québec ou la SGF ou quiconque de ces autres organismes là, on travaille avec des financiers.

Évidemment, pour rencontrer un financier, ce n'est pas le financier qui prépare votre plan d'affaires, c'est lui qui prête, hein? Lui, il regarde, il faut lui présenter le travail tout préparé. Il reçoit 200 dossiers par jour, il est épuisé. Alors, si on ne lui vend pas notre salade, si on ne lui explique pas ce qu'on veut, si ce n'est pas clair, bien, il va le prendre dans la pile puis il va le mettre à la poubelle, puis, le prochain bon dossier bien monté, il va le prendre. Évidemment, si je ne suis pas capable de me payer les ressources, les seuls bons dossiers qui vont arriver, bien, on les connaît.

n(22 h 10)n

Le Président (M. Paré): Merci.

M. Chagnon: À la page 11: «Le plus souvent, les PME n'ont pas les moyens de payer un consultant au plein tarif. Pour alléger le fardeau financier, plusieurs paient un frais de base ? un "retainer", probablement ? ...

M. Lamarre (Philippe): Oui.

M. Chagnon: ...et la différence des honoraires par rapport aux taux usuels lors de l'obtention du financement, qu'il soit public ou privé.»

M. Lamarre (Philippe): Bien, justement, ça me permet de répondre peut-être à un point qui a été soulevé par le ministre un peu plus tôt, en termes de rémunération à pourcentage, puis dire: Est-ce que je suis payé 400 000 sur 10 millions ou 40 000?

Il y a une notion de succès là-dedans, et le montant est attaché au risque qui est couvert. Évidemment, quand on part sur des dossiers de ce genre-là, le taux de succès dans le domaine du financement n'est pas de un sur un, il est probablement de un sur six, un sur sept, un sur huit. Alors, il est sûr qu'il faut que je recrée ma rémunération. Je travaille peut-être sur ce dossier-là cinq mois, six mois, c'est vrai, mais je travaille cinq, six mois sur 10 dossiers, puis il y en a deux qui passent, qui réussissent. Il faut que je compense ma rémunération sur ces deux-là, et c'est pour ça que tout le monde accepte cette règle du jeu.

Dans le domaine du financement, au niveau des sociétés publiques qui vont se financer par des émissions en Bourse, c'est de l'ordre de 7 % qui est collecté par les courtiers qui font cette mise en marché du produit. Bien, c'est normal qu'il y ait des pourcentages importants qui soient consacrés à cela.

M. Chagnon: ...pour cent qui font une prise ferme, c'est ça que vous voulez dire?

M. Lamarre (Philippe): Oui, ça dépend des cas, hein? Il y a toutes sortes de facteurs. Il y a des fois qu'il n'y a pas de prise ferme, c'est peut-être un peu moins; d'autres fois, c'est des prises fermes. Des fois, il y a quelques frais qui sont payés d'avance. Il y a un ensemble de contextes à cette rémunération-là.

M. Chagnon: Mais, bref...

Le Président (M. Paré): Oui, M. Préfontaine.

M. Préfontaine (Édouard): Moi, j'ajouterais là-dessus: Quand on travaille avec des PME, on présente un dossier dans le cadre d'un programme par exemple; l'entreprise, on ne sait pas si elle va être... on sait qu'elle est admissible en principe mais on ne sait pas par exemple s'il va rester des fonds au moment où le dossier va être présenté; on ne sait pas si tous les critères vont être acceptés. Enfin, il y a plusieurs facteurs qui peuvent faire en sorte que ça ne fonctionne pas. Alors, l'entreprise va avoir de la difficulté à dire: Je vais payer un 10 000 $ ou plus ou moins, dépendamment des dossiers, sans savoir si elle va avoir un succès sur son projet. Alors, ce qu'elle fait, quand on parlait de cette façon de procéder, elle va payer, mettons, un frais de base pour couvrir des coûts de base, des dépenses puis quelques honoraires de base, puis un succès mais sans aller vers le 400 000 dont on parlait tantôt, là, on ne parle pas de somme comme ça.

M. Chagnon: 400 000, ça, c'est le mode de financement, pas du ministre, mais c'est son exemple préféré.

M. Préfontaine (Édouard): C'est ça. Alors, on parle d'une différence des taux qui sont usuels, puis dire: On va le prendre à la fin du projet, s'il réussit.

Évidemment, l'entreprise... Ça, c'est dans le cadre souvent des actions qu'on fait au niveau des planifications stratégiques. On dit: Bon, voici, frais admissibles à tel programme, parce que ça cadre bien dans ton développement d'entreprise. Mais, bon, tu pourrais te présenter, mais il ne sait pas comment le monter, et tout ça; alors, il nous demande de l'aider là-dessus. Alors, c'est un peu sur cette base-là que c'est mentionné.

Le Président (M. Paré): ...M. Préfontaine. M. le député Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Finalement, en page 12, c'est peut-être la conclusion que vous...

Une voix: ...

M. Chagnon: Pardon? Page 12, la conclusion, c'est qu'au sens des groupes de pression en fait vous dites ceci: «La loi devrait concerner le lobbyisme au sens des groupes de pression et être harmonisée avec celle du gouvernement fédéral et elle ne devrait certainement pas viser les activités de financement d'entreprise.»

En somme, je cherchais à vous sortir du carcan que la loi pourrait... bien, du carcan, ce n'est pas un bon mot. Enfin, je cherchais à sortir du moule dans lequel la loi s'inscrit.

Le Président (M. Paré): M. Lamarre ou monsieur...

M. Lamarre (Philippe): Bien, je vous dirais franchement, quand je fais des... quand on travaille avec des organismes ? et je vais le nommer, mais il y en a plein d'autres ? comme Investissement Québec, c'est des organisations extrêmement bien structurées. Ils ont des gens qui sont aguerris. Ils ont des comités de crédit qui examinent les dossiers à la loupe. Toutes ces structures-là font qu'il y a un processus qui est suivi.

Lorsqu'il y a des prêts du gouvernement, ces prêts-là sont accompagnés de garanties, sont accompagnés de taux d'intérêt, sont accompagnés de ? d'ailleurs, je dois le dire ? dans beaucoup de cas, de primes au succès. Si l'entreprise va bien, le gouvernement du Québec récupère plus que sa mise, fait un profit supérieur. Donc, il y a une notion de succès qui existe là.

Alors, je vous dirais que, oui, il nous semble que ce n'est pas tout à fait une activité qui s'apparente au lobbyisme. Ceci étant dit, si le gouvernement le veut... bien, écoutez, c'est le gouvernement, vous êtes élus, vous prenez les décisions, on va vivre avec, hein? S'il faut se promener avec un boulet derrière nous, on va tirer le boulet puis on va monter, comme Sisyphe, notre roc, puis on va le laisser tomber, puis on va le remonter une autre fois. Mais je vous dirais: Il ne faut pas non plus que ça devienne une chose démente, et on pense que le gouvernement est raisonnable, on pense qu'on est tous des gens raisonnables.

M. Chagnon: Puisque vous faites allusion à l'harmonisation avec celle du gouvernement fédéral, est-ce que vous faites affaire avec des organismes du gouvernement fédéral?

Le Président (M. Paré): Monsieur.

M. Lamarre (Philippe): Bien, je vais répondre là-dessus. D'ailleurs, une des raisons pourquoi on a été mis au courant de la loi qui est en préparation, c'est qu'on fait, oui, du financement, mais, de temps en temps, on fait quelques interventions qui sont, elles, de nature beaucoup plus proche du lobbyisme. Et, effectivement, dans ces dossiers-là, les succès n'existent pas beaucoup, les clients n'aiment pas ça; il y a toutes sortes de choses qui militent dans ce sens-là. Et on fait également une certaine représentation auprès du gouvernement fédéral, dans ce cadre-là.

M. Chagnon: Est-ce que vous êtes enregistrés?

M. Lamarre (Philippe): Oui.

M. Chagnon: Alors, vous êtes enregistrés, ça ne deviendrait pas un inconvénient majeur que vous soyez enregistrés à Québec comme vous l'êtes à Ottawa.

M. Lamarre (Philippe): Non, non. Mais, comme je vous dis, là-bas, l'approche, c'est de s'enregistrer, de faire les modifications lorsqu'elles sont requises.

Le Président (M. Paré): O.K., M. Lamarre.

M. Chagnon: O.K. Moi, ça va.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Moi, je vous remercie.

Le Président (M. Paré): Je vous remercie de votre témoignage.

Maintenant, nous allons suspendre nos travaux quelques instants, le temps d'appeler l'Association des industries forestières du Québec.

(Suspension de la séance à 22 h 17)

 

(Reprise à 22 h 21)

Le Président (M. Paré): M. Duchesne, bienvenue, M. Massicotte, à cette consultation que nous faisons aux auditions particulières. Donc, vous avez 15 minutes pour nous présenter votre sujet et votre mémoire, et nous aurons 30 minutes d'échanges avec les parlementaires. Vous êtes un habitué de ce lieu et de ces commissions parlementaires. Donc, vous pouvez vous résumer, et, par la suite, nous allons échanger.

Association des industries
forestières du Québec (AIFQ)

M. Duchesne (André): Merci, M. le Président. Je m'en voudrais de ne pas vous représenter l'Association des industries forestières du Québec, en cette fin de soirée. Faire ma petite minute de publicité, M. le ministre. Ha, ha, ha!

Nous représentons une industrie qui... c'est presque la totalité de l'industrie forestière au Québec avec une valeur de production de 12 milliards en 2001 qui se fait dans toutes les régions du Québec à partir des intrants économiques puisés au Québec, ce qui fait qu'on a une balance, au niveau des exportations ? une balance commerciale nette pour notre industrie ? de presque 7 milliards de dollars, ce qui est l'équivalent de la balance commerciale nette totale du Québec.

C'est parfois difficile d'attirer la grande entreprise en région. Mais nous, on y est, par définition, dans 16 des 17 régions administratives du Québec. On emploie 34 000 personnes, on verse 1,7 milliard annuellement en salaires, et on y a investi, dans la période 1994-2000, au-delà de 6 milliards de dollars, à peu près 20 % de tous les investissements manufacturiers. Alors, inutile de vous dire, M. le Président, qu'on ne peut pas se cacher.

Une voix: Même pas en forêt.

M. Duchesne (André): Même pas en forêt.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Duchesne (André): Le projet de loi n° 80, on reconnaît qu'il y avait un problème, là. Il y a eu une crise, et le projet de loi a été préparé rapidement, dans ce contexte-là. Mais c'est sûr que, ce qu'on ne cherche pas à faire avec le projet de loi, c'est de réglementer les liens d'amitié qui peuvent exister entre un titulaire de charge publique puis un lobbyiste ou n'importe quelle autre personne qui intervient auprès des titulaires de charge publique. Ce n'est pas ça l'objectif, on en convient.

Mais on n'a pas fait, une fois qu'on convient de ça... je pense, je n'en ai pas vu en tout cas ? d'évaluation de l'impact qu'une loi comme ça pouvait avoir sur la fréquence et l'importance des relations douteuses ? je me permets de dire ? que les coûts d'application de la loi pourraient avoir, tant pour le gouvernement que pour les lobbyistes, puis des gains que son application pourrait donner. Et puis on me dit: Bien, il y en a une, loi comme ça, à Ottawa. Mais vous me permettrez de dire que son efficacité ne saute pas aux yeux.

Alors, on n'est pas ici, M. le Président, d'aucune façon, pour s'opposer au concept, au principe d'une telle loi. Je pense qu'il n'y a pas de questionnement là-dessus, on l'appuie comme la plupart de ceux qui sont venus. Ce qu'on croit par contre, c'est que ce projet-ci ne livre pas les résultats qu'on espère en récolter.

Alors, vous me permettrez de demander à M. Massicotte de vous décrire un petit peu le rôle d'une association d'affaires comme l'AIFQ.

M. Massicotte (Benoît): Donc, oui, quelques mots simples sur le rôle d'une association d'affaires. On le sait, le projet de loi, évidemment ? on en parle depuis... vous en parlez depuis quelques jours maintenant ? vise la transparence. Vous le dites clairement: «La présente loi a pour objet de rendre transparentes les activités de lobbyisme exercées auprès de titulaires de charge publique», etc. Donc, la transparence, c'est un mot qui revient régulièrement dans la conversation, et c'est un mot central.

On sait aussi par ailleurs que, lorsque des entreprises choisissent de se regrouper en association, que ce soit au sein de l'AIFQ ou de plein d'autres associations, c'est qu'elles veulent généralement ? je dis «généralement» pour ne pas dire «presque toujours» ? se doter d'un outil qui leur permet d'atteindre certains objectifs bien fondamentaux: définir les dossiers d'intérêts communs, les analyser et convenir d'actions collectives qui visent des résultats positifs pour leurs membres. Évidemment, c'est public, c'est connu, c'est normal.

Représenter les membres auprès de divers publics et faire valoir leurs réalisations, leurs opinions et leurs préoccupations; finalement, collaborer avec les autorités gouvernementales à un ou plusieurs niveaux pour que des décisions quant aux lois, règlements, programmes, etc., tiennent compte des réalisations, opinions et des préoccupations de leurs membres.

On pense qu'un tel rôle des associations, de tels objectifs d'association n'ont rien d'inattendu, n'ont rien de sournois. À preuve, si on va sur le site Internet de l'Association des industries forestières du Québec, on peut y lire concernant la mission de l'AIFQ: «Consiste à représenter ses sociétés ? et ça, c'est public, là, c'est sur Internet ? ses sociétés membres dans le cadre de dossiers d'intérêts communs, particulièrement auprès des instances gouvernementales. L'AIFQ a également le mandat d'informer le public des positions ? donc ce n'est pas juste du lobbyisme, ce n'est pas juste des relations gouvernementales, mais le mandat d'informer le public des positions ? des préoccupations, des engagements et des réalisations de l'industrie papetière québécoise.»

On lit également: «L'objectif sous-jacent ? toujours sur le site Internet ? à l'ensemble des activités des actions de l'AIFQ est de favoriser l'établissement d'un contexte permettant à l'industrie papetière québécoise d'être compétitive sur les marchés nationaux et internationaux.» Donc, tout ça, c'est clair, c'est sur Internet.

Qu'est-ce qu'on retrouve aussi sur Internet? Quel est le personnel de l'AIFQ? Quels sont les membres de l'AIFQ avec des hyperliens vers ces entreprises-là? Quelles sont les positions défendues par l'AIFQ? Quel est l'argumentaire défendu par l'AIFQ? On y voit les communiqués de presse, donc, pour élaborer sur l'argumentaire, et ça, dans des dossiers d'approvisionnement, d'environnement, d'énergie, fiscalité municipale, etc.

Donc, on considère que, pour ce qui est de nous à tout le moins, la transparence souhaitée par le gouvernement est respectée. Et je dis «pour nous, à tout le moins», mais je me suis amusé évidemment, au cours des derniers jours, à fouiller les sites Internet de diverses associations d'affaires, et c'est à peu près toujours le même: le même modèle, on retrouve les membres, les positions, puis les mémoires, les communiqués de presse, etc. Donc, voici pour ce qui est du rôle des associations d'affaires.

M. Duchesne (André): Dans ce contexte-là, M. le Président, l'article 3 du projet de loi qui définit le lobbyisme d'organisation, vous comprendrez qu'on pense que c'est une définition qui est inéquitable puis incomplète. Elle exclut en effet du processus d'enregistrement proposé les employés puis les représentants d'associations qui regroupent des individus. Je pense aux groupes verts, aux centrales syndicales. Je pense même à l'UPA, parce que je pense bien que la majorité des agriculteurs ne sont pas incorporés.

Le Président (M. Paré): On a posé cette question-là...

M. Chagnon: Il semble qu'ils soient incorporés.

Le Président (M. Paré): Ils sont incorporés.

M. Duchesne (André): La majorité. O.K., c'est correct.

Le Président (M. Paré): C'est des hommes d'affaires.

M. Duchesne (André): Mais nous, on pense que c'est parce qu'on est allé peut-être un petit peu trop vite en préparant le projet de loi, puisque, si cette définition était maintenue, ça voudrait dire que dans l'esprit du législateur les représentants de groupes comme Greenpeace ou la CSN n'ont pas pour intérêt premier, évidemment, les intérêts pécuniaires ou autres de leurs membres. Alors, il me semble que c'est un petit peu paradoxal, il doit y avoir eu un lapsus quelque part.

Ceci dit, les arguments, que vient de développer M. Massicotte, qui tendent à exclure les associations d'affaires du processus d'enregistrement, à notre avis s'appliquent tout autant aux organisations d'individus qui ont pignon sur rue, qui sont dûment enregistrés. C'est aussi transparent, leurs objectifs, les objectifs de la CSN que ceux de l'AIFQ. On n'a pas de...

Alors, pourquoi les enregistrer eux aussi? Ça nous apparaît que la solution équitable, c'est de laisser aller ces gens-là. Les gens que l'on veut enregistrer, dans le fond, ce sont les lobbyistes-conseils, et le projet de loi les encadre un petit peu trop à leur goût, si je comprends bien; mais là, ce n'est pas ma spécialité.

n(22 h 30)n

Vous me permettrez, M. le Président, de passer à côté de ça pour souligner, par contre, que le projet de loi semble laisser pour compte une fissure qui nous apparaît importante. Si un individu qui de se faire appeler lobbyiste intervient au nom de n'importe quelle circonstance ? d'amitié ou autre ? de façon indue auprès d'un titulaire de charge publique, lui, le projet de loi va l'échapper, et ça nous apparaît que cette fraction de pour cent de choses incorrectes que l'on veut éviter, le projet de loi reste muet là-dessus. Il nous semble qu'il devrait y avoir quelque chose pour couvrir cette situation-là et s'assurer qu'il n'y ait pas une fissure dans laquelle, évidemment, ceux qui ont des mauvaises intentions vont s'engouffrer. C'est la crédibilité même du projet de loi qui est en cause, à notre point de vue, et puis la crédibilité même de l'effort positif, puis qu'on supporte, que le gouvernement essaie de faire dans ce dossier-là.

Alors, ce qu'on pense, M. le Président, telle qu'elle est présentée, c'est que cette législation complique et rend plus onéreuses les activités des citoyens et des groupes qui respectent déjà l'éthique dans leurs relations avec les décideurs gouvernementaux, puis, malheureusement, avec une brèche où peut-être d'autres vont vouloir s'infiltrer, puis c'est ceux qu'on veut contrôler. La législation, évidemment, a l'avantage psychologique recherché, on ne le conteste pas, puis je pense que c'est correct que le gouvernement affiche ses intentions à cet effet-là.

Mais, si le législateur décidait d'aller de l'avant avec une loi comme ça, il devrait, à notre avis, en exempter toute association qui publie la liste de ses membres, qui est dûment enregistrée en vertu de la partie III de la Loi sur les compagnies ou encore, alternativement ? une moins bonne solution, mais encore acceptable ? exiger l'enregistrement de tout groupe de pression quel qu'il soit. Et le projet de loi devrait aussi préciser que toute personne qui ne se dit pas lobbyiste, mais qui s'adresse à un titulaire de charge publique de quelque façon que ce soit en dehors des activités prévues à l'article 5 doit aussi s'enregistrer comme individu exerçant une activité de lobbyisme temporaire. Alors, voilà, M. le Président. Je pense être en dedans de mon temps.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Duchesne. M. le ministre.

M. Bégin: Merci. Merci, messieurs. Nous avons déjà eu l'occasion de nous rencontrer dans d'autres forums. D'ailleurs, ça va m'être utile pour vous poser quelques questions. Si je comprends bien votre intervention, elle dit essentiellement ceci: Nous publions suffisamment d'informations qui indiquent ce que nous faisons pour que nous ne soyons pas considérés comme étant des lobbyistes, cette fonction étant réservée à ceux qui ont essentiellement comme fonction, mandat de faire du lobbying, et qu'en conséquence nous ne devrions pas être assujettis. Est-ce que je vous interprète bien?

Le Président (M. Paré): M. Duchesne.

M. Duchesne (André): Tout à fait, M. le ministre. Je pense qu'une association d'affaires comme l'AIFQ fait du lobbyisme par définition, et ce n'est pas son enregistrement qui va rendre ça plus transparent, plus visible ou plus compréhensible vis-à-vis la population. C'est là, c'est gros comme un nez dans le milieu du visage.

M. Bégin: Mais si elle décrit son objet spécifique... Et là je ne pense pas de dévoiler quelque chose qui est particulier, mais, quand l'AIFQ fait des représentations, par exemple, sur les sols contaminés, sur les parcs, sur les aires réservées, les CAAF, le papier recyclé, les sites de dépôt d'écorce, etc., là on n'est pas dans l'information très générale, là, on est spécifiquement sur un objet puis sur lequel vous êtes parfaitement justifiés ? il n'y a personne qui va mettre ça en doute ? parfaitement justifiés d'intervenir et de tenter d'influencer les prises de position dans le sens que vous jugez approprié...

Mais vous admettrez que ce n'est pas ça que vous donnez comme information quand vous faites votre descriptif, que M. Massicotte nous faisait tout à l'heure. On est loin de la transparence que nous visons par la loi qui est de dire: Telle personne, groupe, etc., fait des interventions auprès des titulaires de charges publiques, que l'on désigne, en vue de les influencer relativement ta, ta, ta, ta ? l'article 2, je ne le répéterai pas. Mais, à ce moment-là, c'est beaucoup plus précis tout en laissant un grand flou artistique autour de tout ça, puisque l'objet général, c'est, par exemple, de dire: Nous voulons intervenir pour influencer la position gouvernementale sur... Je vais parler, par exemple, du papier recyclé. Bien, vous êtes des producteurs, mais aussi vous êtes utilisateurs des fibres recyclées, etc. Alors, ça, là, c'est beaucoup plus pointu, et, pour un citoyen, de connaître ce que vous faites, dans quelle direction vous allez, auprès de qui vous faites une intervention, ça demande une inscription, ça demande aussi certains détails, certaines informations.

Le Président (M. Paré): M. Duchesne.

M. Duchesne (André): M. le ministre, bien, je m'excuse de vous contredire encore une fois, mais ce pointu-là est sur notre site Internet. Et c'est quand vous étiez ministre de l'Environnement qu'un groupe vert s'est adressé, en vertu de la loi d'accès à l'information, pour avoir des renseignements sur notre position sur les sols contaminés, et ces renseignements-là sont sur le site Internet, notre position. On pensait qu'on ne voudrait pas rendre publiques les opinions qu'on vous avait transmises et qu'on avait transmises à vos fonctionnaires. Ce n'est pas la façon d'opérer des associations d'affaires, pas plus que, dans le fond, de la CSN ou de Greenpeace. On a une plus-value à faire connaître nos positions et on n'a aucun intérêt à les garder secrètes. Alors, ce qu'on affirme, M. le ministre, c'est que dès le moment où ça, c'est transparent comme ça, même sur des points aussi pointus que ceux que vous relevez, il n'y a pas de gain de transparence vis-à-vis l'opinion publique que de faire un enregistrement supplémentaire.

M. Bégin: Admettons que, par hypothèse, ce soit si vrai. À ce moment-là, quel est le problème à ce que vous vous enregistriez? Vous avez déjà... Vous le mettez... Vous vous donnez la peine de mettre ça sur Internet, envoyez une copie au registraire, ce sera fait.

Le Président (M. Paré): M. Duchesne.

M. Duchesne (André): Écoutez, la raison pour laquelle on vous recommande de ne pas enregistrer les associations d'affaires ou les associations qui ont pignon sur rue et qui ont ce genre de visibilité et d'ouverture là, c'est tout simplement pour simplifier un processus qui va coûter de l'argent à tout le monde, parce que, pour nous, nous enregistrer, dépendant de la quantité puis de la formulation des détails que vous allez demander avec la réglementation qui va venir avec le projet de loi, ça peut être presque rien, comme vous mentionnez, une copie du site Internet, ou ça peut être une procédure qui, comme dans le cas du processus fédéral, demande une journée par mois sur le temps productif des employés de l'Association. Une journée par mois, je regrette, mais ce n'est pas non significatif, puis on pense que c'est inutile.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Duchesne. M. le ministre.

M. Bégin: Pourtant, votre deuxième recommandation, vous dites: Nous ? compte tenu de ce que vous venez de mentionner ? on n'a pas besoin d'être enregistrés. Mais vous dites: «Si le législateur décidait d'adopter une telle loi, il devrait: [...] 2. préciser que toute personne qui n'est pas un lobbyiste-conseil ou un lobbyiste d'entreprise et qui s'adresse à un titulaire de charge publique hors des activités prévues à l'article 5 du projet de loi doit aussi s'enregistrer dans une catégorie prévue à cet effet à l'article 3.»

Alors, vous me dites: Nous, on fait tous ces gestes-là et on n'aurait pas besoin d'être enregistrés. Mais vous dites: Un individu seul qui fait une activité de lobbying, lui, devrait s'enregistrer parce qu'il fait quelque chose qui pourrait ? et c'est les termes qui vous utilisez dans les pages précédentes ? faire ça de manière, à limite, frauduleuse en se servant des intérêts d'autres entreprises. Vous ne trouvez pas ça un petit peu contradictoire de dire que vous êtes des lobbyistes et que vous ne devriez pas être inscrits, puis un individu seul qui fait quelques activités de lobbying, lui, devrait l'être.

Le Président (M. Paré): M. Duchesne.

M. Duchesne (André): ...contradiction, M. le ministre. On s'entend, là, que 99 % des relations des élus puis des fonctionnaires ou plus... dans 99 % des cas, sont parfaitement légitimes puis conformes au code d'éthique. Le problème, il n'est pas là. C'est le pour cent qui reste qui nous achale, et le pour cent qui reste, c'est celui qui se fait de façon plus ou moins secrète. Et ce que l'on vous soumet respectueusement, c'est que si un individu, justement, travaille de façon secrète, il a plus de chances d'être dans une situation qui va l'amener à être contraire à l'éthique que quelqu'un qui travaille les mains sur la table, comme font les associations reconnues, les associations d'affaires et même comme font la grande majorité des lobbyistes qui s'affichent comme lobbyistes. Ces gens-là ne travaillent pas en secret, ils ont une carte d'affaires qui dit: Lobbyiste. Alors, c'est sûr qu'au départ il y a une ouverture puis une transparence qui n'existe pas dans le genre de personne que j'essaie de vous décrire.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Duchesne. M. le ministre, pour compléter.

n(22 h 40)n

M. Bégin: Et le dernier point qui a été soulevé ? c'est pour ça que je l'ai pris pour la fin ? vous reprenez la question de la redéfinition du lobbyiste d'organisation pour qu'il inclue... Vous dites qu'elle doit être corrigée, cette définition. Vous le dites à la page 10: «Une telle définition exclut en effet du processus d'enregistrement les employés et les représentants des associations regroupant des individus, comme les groupes verts, les centrales syndicales et peut-être même les agriculteurs», etc. Donc, vous dites que... Vous êtes gentils, vous dites: «Il s'agit certainement d'une erreur involontaire.» Je trouve ça bien comme formulation. Ha, ha, ha! Mais disons que vous demandez donc que ces gens-là soient inclus dans la définition de «lobbyiste d'organisation».

M. Duchesne (André): Vraiment, c'est consistant avec ce qu'on disait tantôt, M. le ministre, voici des gens qui ne se cachent pas pour dire leur point de vue, et, par conséquent, l'objectif de transparence des intentions de ces groupes-là est atteint sans même l'enregistrement. Alors, on peut faire un peu d'humour, mais il reste que l'objectif principal est déjà atteint sans l'enregistrement. Alors, pourquoi les enregistrer aussi? C'est...

M. Bégin: J'avais compris que vous demandiez leur inclusion.

M. Duchesne (André): Non, non, non.

M. Bégin: J'ai mal lu?

M. Duchesne (André): Non, non, c'est l'alternative. Si vous y tenez mordicus ? vous me permettrez le mot latin ? à inscrire tout le monde, alors inscrivez tout le monde. Mais notre recommandation, c'est de ne pas inscrire aucun des groupes de pression qui s'affichent comme étant des groupes de pression sur la place publique.

M. Bégin: En bref, c'est inclure le lobbyiste professionnel, les autres non. C'est ça?

M. Duchesne (André): Effectivement.

M. Bégin: O.K. Excusez-moi, j'avais mal saisi.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Duchesne. M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais saluer et remercier l'Association de l'industrie forestière du Québec de venir témoigner devant nous ce soir. M. Duchesne sera très... probablement surpris d'apprendre qu'il a une communauté d'esprit avec M. Henri Massé, de la FTQ, qui a exactement la même opinion que lui.

Des voix: ...

M. Chagnon: Peut-être y a-t-il quelque chose entre les deux.

M. Bégin: Tout à fait exact, c'est la même position hier que la... Vers cette heure-là, d'ailleurs...

M. Duchesne (André): ...spontané, là. Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Oui, je pensais que c'était le mémoire de la FTQ, mais... Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Je vous taquine. Je vous taquine. Mais, M. Duchesne, quelle est votre définition du lobbying?

M. Duchesne (André): Ah, je n'ai pas de définition substantiellement différente de celle qui est véhiculée, là, avec le projet de loi, c'est l'interaction pour influencer un décideur gouvernemental de quelque niveau que ce soit.

M. Chagnon: Est-ce que ce n'est pas le rôle de votre Association?

M. Duchesne (André): Oui, oui, par définition.

M. Chagnon: N'êtes-vous pas un lobbyiste?

M. Duchesne (André): Oui, oui, mais c'est ce que j'ai dit d'entrée de jeu. Alors, c'est...

M. Chagnon: Ha, ha, ha! Alors, si vous êtes... pourquoi vous ne voulez pas vous inscrire?

M. Duchesne (André): Bien, c'est parce que c'est impossible qu'une association d'affaires ne soit pas conçue dans cet esprit-là. Alors, qu'est-ce que ça donne de plus de l'enregistrer? On le sait en partant.

M. Chagnon: Bien, je comprends, mais c'est vrai aussi pour l'association des pétrolières ou l'association des banquiers, ou l'association des... Enfin, toutes ces associations.

M. Duchesne (André): C'est ce que je disais, M. Chagnon, ces gens-là ont tous pignon sur rue, sont tous reconnus, publient la liste de leurs membres puis indiquent clairement leurs intentions sur la place publique. Alors, on aura beau les enregistrer, on gagne quoi?

M. Chagnon: En fait, traduire de façon légale, traduire de façon plus organisée le fait, confirmer, je dirais... Confirmer légalement le fait que vous êtes un lobby, est-ce que ça va avancer beaucoup le sort des peuples dans le monde?

Une voix: Pas vraiment.

M. Chagnon: Pas vraiment. Mais est-ce que ça va régler les problèmes qu'on a vus depuis six mois? Probablement pas non plus. Mais il n'en demeure pas moins que pour le public... Puis, je pense que c'est là qu'est la question que voudrait soulever le législateur, je pense que, pour le public, il y a un problème un peu schizophrénique, là. Il y a une vision d'horreur, de dire: Bon, bien, il y a le gaspillage, puis les mains dans le pot, puis des gens qui se font des sous à même les fonds publics, et la volonté du gouvernement de dire: Bien, ce n'est pas ça, puis nous allons réglementer le lobbying.

Et puis ce n'est pas du lobbying dont on a souffert, dans le fond, depuis six mois, c'est d'autre chose, d'autre chose qui avait probablement davantage trait à... Enfin, le Code criminel prétend... parle de quoi? Parle pas de détournement de fonds, mais de... J'ai un blanc de mémoire. Mais, bref, je ne veux pas insister là-dessus davantage, on se comprend tous, mais une chose certaine, c'est que le législateur cherche à essayer de trouver le moyen de circonscrire la fonction du lobbyisme en général ou du lobbying en général. Vous en faites, on admet ça. Alors, si vous en faites, aussi bien vous inscrire puis faire comme tout le monde. Mais, les conditions que vous soulevez sont importantes, vous dites: Si, nous, on en fait, on n'est pas tout seuls à en faire, notez tout le monde. Je pense qu'au moment où on se parle, là, dans l'esprit du gouvernement, ça, s'est réglé. Je pense ça. Je prendrais une chance là-dessus, là, après tout ce que j'ai entendu et tout ce que j'ai vu, j'anticipe que ce soit réglé, ça, ce problème-là de discrimination, là, les uns qui font de l'argent puis les autres qui n'en font pas, là. C'est cette espèce de... ce que j'ai qualifié hier matin de vision de la première moitié du siècle passé, là, vision quasi religieuse, là, dans laquelle l'argent, c'était pour l'autre race, et puis, nous, on était les...

Le Président (M. Paré): M. le député de Westmount?Saint-Louis, en termes de forêt, on appelle ça du rendement accru, hein?

M. Chagnon: Pardon? Je m'excuse, on appelle ça un...

Le Président (M. Paré): Du rendement accru.

M. Chagnon: Du rendement accru. Ha, ha, ha! C'est bien. Et que, nous, bien, nous étions les enfants de Dieu, alors on ne devait pas toucher à ces objets de lucre comme l'argent et surtout le profit. Je pense que, ça, ce problème-là, là, c'est assez réglé.

Mais, d'autre part, vous, vous aurez, par exemple, à vous incorporer à un projet de loi comme ça. Vous dites que vous faites affaire avec le gouvernement fédéral et que ça prend une journée par mois pour vos employés.

M. Duchesne (André): J'ai dit que ça m'aurait pris une journée par mois et, par conséquent, je ne suis pas inscrit au fédéral.

M. Chagnon: Il y a des gens qui sont inscrits tout à l'heure, puis peut-être que ça ne va pas exactement...

M. Duchesne (André): J'ai testé le processus, M. le député.

M. Chagnon: On va recevoir les formulaires demain, là, puis on ne nous a pas dit que c'était aussi compliqué que ce vous dites, là. Je ne sais pas, moi... On n'est pas... Le ministre et moi ne sommes pas encore lobbyistes et...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Dans quelques mois. Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Dans quelques mois. Le ministre nous annonce qu'il sera bientôt un lobbyiste, mais il a deux ans... Ha, ha, ha! Il a deux ans...

M. Duchesne (André): M. Chagnon, j'ai testé le processus au début, au moment où il était encore facultatif, je dirais, et je peux vous assurer qu'à ce moment-là, pour nous, ça représentait pratiquement une journée de travail par mois.

M. Chagnon: ...Association?

M. Duchesne (André): C'est ça.

M. Chagnon: Puis vous êtes combien de monde dans votre Association?

M. Duchesne (André): Une dizaine, mais les objectifs de l'Association ont changé depuis ce temps-là en termes de responsabilité vis-à-vis de nos membres, là. Et les relations avec Ottawa ont changé de toute façon, et, aujourd'hui, probablement que ça serait beaucoup moins que ça, j'en conviens. Mais le processus est quand même lourd pour quelqu'un qui a pignon sur rue comme nous. Alors, si le législateur choisit, dans l'atteinte des objectifs que vous mentionnez puis qu'on respecte complètement, d'enregistrer tout le monde, bien, s'il vous plaît, assurons-nous que ce processus d'enregistrement là ne viendra pas causer des frais puis des lourdeurs administratives tant au niveau du gouvernement, M. le ministre, qu'au niveau des associations qui interviennent avec le gouvernement. Parce que, si nous, on passe une demi-journée à remplir des formulaires, il va y avoir au moins un fonctionnaire qui va passer une demi-journée à les lire, à les classer, à les rendre publics, puis ainsi de suite, alors...

M. Chagnon: La vision du gouvernement ? on peut le répéter, ça a été dit précédemment ? c'est une vision dans laquelle il y aura une quinzaine d'employés pour travailler sur ce dossier-là. Ça serait une quinzaine d'employés à temps complet avec à peu près 1,5 million de budget par année.

M. Duchesne (André): À peu près le budget d'une association d'affaires, quoi.

M. Chagnon: Oui, mais là ce serait le budget, là, pour tout le Québec.

M. Bégin: 1,4 million?

M. Chagnon: 1,5 million. 1,4 million, 1,5 million.

M. Bégin: Puis ça, c'est pour tout le Québec.

n(22 h 50)n

M. Chagnon: ...pour toutes les associations, là, c'est pour... Enfin, ça, c'est l'ordre de grandeur que le gouvernement nous fournit au moment où on se parle. C'est dans ses estimés. Bref, il y a deux éléments que vous avez soulevés dans votre mémoire, c'est les articles 3 et les articles 5 qui sont, semble-t-il, les articles qui vous agacent le plus. L'article 3, je pense bien que votre voeu sera récompensé. Et, dans le cas de l'article 5, il y a d'autres questions qui se posent là-dessus, toutes les questions concernant les lobbyistes d'entreprise. Un ministre qui, peut-être, un jour, voudra faire du lobbying n'aura pas à attendre deux ans pour... deux ans de carence pour devenir lobbyiste s'il choisit...

M. Bégin: Je vais aller à la pêche.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Oui, bien, on ira ensemble. Ha, ha, ha! On ira ensemble. C'est un sport que l'on privilégie tous les deux probablement, mais... Parce que, s'il devient, par exemple, vice-président des affaires gouvernementales d'une société comme Bell ou Vidéotron ou n'importe quelle société, il n'a pas besoin d'avoir deux ans de carence, il pourrait commencer le lendemain de la journée où il souhaiterait, après être allé à la pêche, faire cela. Et, il y a des différences, là, là-dedans qui sont questionnables, est-ce que vous vous êtes vous-mêmes questionnés là-dessus?

M. Duchesne (André): Oui, mais, encore une fois, M. le député, le cas comme celui que vous soulevez est très ouvert, est très facile à vérifier puis à contrôler par Jean Citoyen. C'est de notoriété publique, soudainement, que M. le ministre se retrouve vice-président développement affaires publiques d'une grande entreprise, il ne peut pas le cacher.

M. Chagnon: Il va venir en commission parlementaire comme vous, venir nous dire ce qu'il faut faire, ce qu'il ne faut pas faire.

M. Duchesne (André): Exactement. Ce que je vous signale comme danger ? puis vous me permettrez de prendre encore une fois M. le ministre, parce que, par l'absurde, on sait qu'il ne fera jamais quelque chose comme ça par définition ? s'il décidait d'avoir de l'influence indue comme individu sans s'annoncer comme lobbyiste, sans travailler pour une entreprise, le projet de loi, malheureusement, ne le contrôle... ne prévoit aucun filtre pour ça. Et, avec tout le respect que je vous dois, M. le ministre, on vous suggère de prévoir un filtre à cet effet-là, parce que c'est là où la fraction de pour cent de situations indélicates ou anormales pourraient se retrouver et non pas dans le fait qu'il se retrouve vice-président développement d'une grande entreprise.

M. Chagnon: Le filtre sera probablement à l'intérieur du code de déontologie que le Commissaire au lobbying devra...

M. Duchesne (André): Oui, mais encore faut-il que quelqu'un agisse comme surveillant régulier. C'est un peu comme le contrôle de la vitesse sur l'autoroute. Tout le monde sait qu'il risque d'y avoir un radar, alors ça tempère les ardeurs. Et il va falloir que quelqu'un applique, surveille l'application du code d'éthique.

M. Chagnon: Puis ma dernière question est au ministre, parce que vous soulevez un problème dans votre mémoire... Et puis je veux faire abstraction de ce qu'on a vu, mais vous dites, parce que c'est probablement le cas de bien du monde, c'est mon cas aussi: «Dans un premier temps, le projet de loi tel qu'il a été conçu et rédigé n'a sans doute pas pour objet d'interdire à deux amis de longue date, dont un est devenu ministre et l'autre lobbyiste-conseil, de se rencontrer, voire de passer quelques jours de vacances ensemble.»

Faisant abstraction de ce qu'on a vu, comment ça se vit, ça, avec le projet de loi qu'on a?

M. Bégin: Je ne le sais pas, je n'ai pas encore vécu ça.

M. Chagnon: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Je vais aller à la pêche tout seul.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Ça, c'est correct, là, mais il y en a d'autres qui ne le font pas tout seul.

M. Bégin: Peut-être avec vous, peut-être, là, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Oui, oui, mais je ne pêche qu'à la mouche.

M. Bégin: Moi, qu'à la mouche aussi.

M. Chagnon: Alors, on est correct. Alors, on sauve sur les vers, mais...

Une voix: ...dangereux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Merci beaucoup. Merci beaucoup.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Duchesne. Merci, M. Massicotte. Je suspends les travaux pour quelques minutes, le temps que notre autre groupe, le Regroupement des partenaires du gouvernement en technologie de l'information, nous arrive.

(Suspension de la séance à 22 h 54)

 

(Reprise à 22 h 56)

Le Président (M. Paré): ...M. O'Hara. Bienvenue à cette commission. On a hâte d'entendre votre témoignage sur cette commission. On va vous donner 15 minutes pour votre présentation, et nous aurons des échanges pendant 30 minutes et des questions relativement à votre mémoire. Merci encore, et on vous écoute.

Regroupement des partenaires
du gouvernement en technologie
de l'information (RPGTI)

M. O'Hara (Patrick): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés de la commission, bonsoir. On le souligne. Mon nom est Patrick O'Hara. Je suis secrétaire général du RPGTI, c'est-à-dire l'abréviation pour le Regroupement des partenaires du gouvernement en technologie de l'information. Je vous présente mes collègues: à votre droite, M. Claude Lemieux, vice-président du Groupe CGI; et, à votre gauche, Gratien Côté, directeur régional, IBM Canada; tous deux membres de notre regroupement.

Dans un premier temps, M. le Président, nous tenons à vous remercier pour l'occasion de présenter notre point de vue sur le projet de loi. Nous allons faire un survol des points majeurs de notre mémoire afin de respecter le 15 minutes.

Notre regroupement représente une vingtaine des plus importantes entreprises oeuvrant dans le secteur des technologies de l'information au Québec. Depuis la Révolution tranquille, ces entreprises ont très étroitement accompagné le gouvernement québécois en matière de développement et de modernisation de l'État québécois. Concrètement, ces entreprises représentent environ les trois quarts des 100 000 employés, et une partie importante de ces personnes travaillent en relation avec les ministères ou les organismes de l'État, sans contredit les plus grands acheteurs de produits et services en technologies de l'information.

M. le Président, d'entrée de jeu, nous tenons à indiquer que nous sommes en faveur des objectifs poursuivis par le gouvernement à l'égard du projet de loi. Nous tenons également à souligner que nous reconnaissons la légitimité de la pratique du lobbyisme, lequel contribue à assurer la circulation de l'information entre les entreprises et les instances décisionnelles, favorisant ainsi la prise de décision éclairée et la saine gestion des affaires de l'État. C'est précisément pour ces raisons que nous croyons qu'il est tout à fait légitime pour le gouvernement de mettre en place un processus qui favorisera la transparence et engendrera un meilleur encadrement de cette pratique légitime.

L'essentiel de nos propos portera sur la nature trop inclusive de ce que représente la définition des activités de lobbyisme et des impacts que cela pourrait entraîner sur les activités de nos membres. Bien que nous soyons tout à fait d'accord avec les objectifs du projet de loi, nous croyons qu'il est trop inclusif ou englobant en établissant à l'article 2.2 que les activités de lobbyisme sont constituées ? et je cite ? de «toutes les communications orales ou écrites avec un titulaire d'une charge publique en vue d'influencer ou susceptibles d'influencer la prise de décisions relativement [...] à l'attribution de contrats». Pour nous, M. le Président, la portée de cette définition est beaucoup trop large, car elle vise certaines activités qui, au départ, ne cherchent pas à influencer la prise de décision relativement à des contrats, mais qui peuvent finalement avoir cette conséquence. Nous sommes bien obligés de reconnaître que toutes les communications orales ou écrites ont un certain potentiel d'influence ou sont susceptibles d'influencer leur destinataire ou interlocuteur.

n(23 heures)n

Pour sa part, l'article 7 est également beaucoup trop inclusif. Il indique que ? et je cite: «Toute personne exerçant des activités de lobbyisme auprès d'un titulaire de charge publique doit être inscrite sur le registre des lobbyistes.» Nous avons de la difficulté à croire que c'est là l'intention réelle du législateur que d'inscrire au registre toute personne exerçant des activités de lobbyisme. Cet article aurait comme effet pervers d'obliger l'inscription d'une multitude de personnes dont la grande majorité des activités portent sur autre chose que sur des activités de lobbyisme.

Par ailleurs, M. le Président, si on fait des liens entre la définition des activités de lobbyisme, la définition de ce qu'est un lobbyiste et celle qui définit, à l'article 4.2°, qui est un titulaire d'une charge publique, soit, et je cite: «Sont considérés titulaires d'une charge publique aux fins de la présente loi: [...] les membres du personnel du gouvernement», nous devrons inscrire au registre une partie importante de nos employés qui oeuvrent auprès du gouvernement du Québec considérant la probabilité qu'ils ont d'avoir, un jour ou l'autre, une communication avec un employé de l'État susceptible d'éventuellement influencer l'attribution d'un contrat, ce qu'aucun de nos membres ne veut risquer. On veut respecter la loi et préserver notre intégrité à ce chapitre.

Alors, nous avons l'intime conviction que le législateur devrait apporter des distinctions claires à l'égard, d'une part, de ce que sont des activités corporatives de représentation qui constituent le lobbyisme et, d'autre part, des activités traditionnelles de vente et de consultation en technologies de l'information et en gestion.

Les activités corporatives de lobbyisme font référence aux rencontres formelles et informelles destinées à faire connaître les produits et les services en développement de même que les préoccupations d'une organisation à l'égard de la législation ou de la réglementation actuelle ou à venir. Les membres du RPGTI sont tout à fait d'accord avec le fait que ces personnes rémunérées pour exercer des activités de lobbyisme ou, plus globalement, des relations gouvernementales soient soumises au nouveau processus qu'instaurerait le projet de loi à l'étude.

Les activités de vente, quant à elles, sont effectuées par des personnes dont le mandat ne concerne que la vente. Pour le RPGTI, les activités commerciales et traditionnelles de vente sont réalisées par des employés travaillant à plein temps pour un employeur, qui rencontrent des titulaires de charges publiques dans le cadre de leurs connaissances spécifiques à l'égard de produits ou de services offerts par l'entreprise qui les emploie. Le caractère des interventions effectuées par ces ressources est essentiellement technique et s'inscrit dans une optique de résolution de problèmes. Enfin, ces personnes et les organisations auxquelles elles appartiennent ont toujours, et depuis longtemps, l'obligation de se soumettre au rigoureux processus d'acquisition du gouvernement.

M. le Président, à la lecture de la version actuelle de ce projet de loi, nous craignons que non seulement les ressources affectées aux représentations corporatives et aux ventes soient maintenant considérées comme des lobbyistes, mais également que le soient des milliers d'autres employés qui oeuvrent quotidiennement en technologies de l'information et en gestion dans les différents ministères et organismes du gouvernement. Notre analyse peut certes sembler un peu alarmiste, mais il n'en demeure pas moins que nos employés dont les services en technologies de l'information et en gestion sont fournis à des organismes gouvernementaux sont tous susceptibles d'influencer la prise de décision relativement à l'attribution de contrats, car leur compétence se traduit souvent par une influence dans leur champ d'activité respectif. La nature même des mandats qui leur sont confiés entraîne nécessairement des communications orales et écrites avec les membres du personnel du gouvernement. Dans la seule région de Québec, ces consultants en technologies de l'information représentent 2 000 lobbyistes potentiels au sens du projet de loi. Nous croyons que ce n'est pas l'intention du législateur d'assujettir toutes ces personnes-là à la loi.

Nous croyons donc que l'application du projet de loi sur le lobbyisme visant les communications susceptibles d'influencer l'attribution de contrats aurait comme conséquence d'encadrer un nombre imposant d'activités que le citoyen moyen associe difficilement à du lobbyisme. En effet, le processus gouvernemental d'acquisition actuel, pour bien fonctionner, doit être alimenté au départ d'informations concernant les alternatives possibles d'acquisition pour permettre un éventail le plus large possible de solutions de façon à assurer une saine concurrence. Cette information vient généralement de communications multiples avec les fournisseurs, consultants et experts d'un secteur donné. C'est pourquoi il est normal, voire nécessaire, que se déroulent sur une base continue, pour une multitude de produits que le gouvernement utilise, des activités de type promotionnel, des séances publiques d'information ou encore des rencontres avec des spécialistes de produits, souvent à l'emploi de fournisseurs.

Les activités de communication susceptibles d'influencer la prise de décision relative à l'attribution de contrats de consultation se retrouvent en nombre encore plus élevé que pour les produits à cause de la nature même du processus d'acquisition en place. En effet, le souci de transparence du processus d'acquisition amène généralement à découper chaque grand projet gouvernemental en un nombre élevé de composantes pour favoriser une concurrence maximale sur chaque élément qui sera acquis indépendamment des autres. Donc, chaque mandat de consultation s'exécute donc généralement en amont d'autres décisions d'attribution de contrats dans le cadre du même projet. Chaque consultant à un mandat se retrouve conséquemment dans la situation où il exerce, qu'il le veuille ou non, une influence sur des décisions d'attribution d'autres contrats de services à venir. Ainsi, la majorité des consultants pourraient être associés, sur une base au moins occasionnelle, à des activités de lobbyisme dans le cadre même de l'exécution des mandats pour lesquels les clients les rémunèrent.

Il importe de comprendre l'ampleur de la complexité que ces faits soulèvent. Le problème est provoqué par deux composantes qui se multiplient, soit le grand nombre de transactions effectuées par le gouvernement ainsi que le nombre élevé de personnes susceptibles d'être influencées pour chacune de ces transactions.

Chaque année, le gouvernement émet des centaines d'appels d'offres de biens et de services. La majorité de ces appels d'offres pourraient être reliés de près ou de loin à des activités en amont et que le projet de loi associerait à du lobbyisme. On parle aussi de milliers de décisions d'acquisition pour des produits via de multiples commandes ouvertes mises en place par le gouvernement où encore des activités de vente se tiennent auprès des acheteurs potentiels.

Dans la majorité des décisions d'attribution de contrats, un nombre élevé d'employés du gouvernement québécois participent au processus menant à la décision finale. C'est probablement pour cette raison que le processus d'appel d'offres, étape finale de la démarche, est exclu du projet de loi. En somme, la surveillance efficace de toutes les communications susceptibles d'influencer la décision avant les appels d'offres ne peut que paralyser le processus global d'attribution des contrats.

M. le Président, le RPGTI insiste pour rappeler que les processus relatifs aux appels d'offres, aux acquisitions et à l'octroi de contrats en vigueur au Québec sont pourtant parmi les plus rigoureux au monde et certainement les plus exigeants au Canada. On l'a bien expliqué dans notre mémoire.

Il nous semble évident qu'il y a des impacts majeurs à considérer avant l'adoption du projet de loi. L'inscription au registre et les mises à jour des dossiers de ces milliers de personnes contribueront, dès les premières semaines, à entraver le système et à désamorcer le souhait avoué du gouvernement québécois de mieux encadrer la pratique des vraies activités de lobbyisme. De plus, la multitude d'intervenions effectuées par nos consultants et par nos ressources affectées aux ventes, qui nécessiteront des mises à jour continues au registre, risque de nuire à notre productivité et, par le fait même, à nos clients, et c'est-à-dire aux ministères et aux organismes pour lesquels nous travaillons. Effectivement, un des effets pervers que risque de provoquer la loi dans sa forme actuelle serait de priver les gestionnaires du gouvernement d'information essentielle à la gestion optimale de leurs affaires.

Un autre volet du projet de loi qui inquiète le RPGTI concerne l'article 24 et nos représentants à commission. Dans la mesure où on considère comme activités de lobbyisme toutes les communications orales ou écrites susceptibles d'influencer la prise de décision relative à l'attribution d'un contrat, l'ensemble des représentants des ventes à l'emploi de nos membres deviennent des lobbyistes au sens de la loi. Et l'article 24 est explicite quant au mode de rémunération, en indiquant qu'«aucun lobbyiste ne peut exercer ses activités moyennant une contrepartie conditionnelle à l'obtention d'un résultat ou subordonnée au degré de succès de ses activités». En résumé, il ne sera désormais plus possible d'embaucher ces représentants à commission, alors que ce mode de rémunération est basé sur un modèle qui est très répandu tout partout ailleurs au monde. D'ailleurs, c'est la norme.

En guise de conclusion, M. le Président, nous espérons que notre mémoire fait la démonstration que le projet de loi est beaucoup trop inclusif dans sa formulation actuelle et que cette situation risque de complexifier de manière significative les relations de nos membres avec leurs partenaires gouvernementaux.

En assimilant vendeurs et consultants au lobbyisme, le gouvernement créerait un écran efficace pour masquer les vraies activités de lobbyisme. En effet, la multitude de nouveaux lobbyistes artificiellement créés par le projet de loi seraient obligés d'inonder le registre d'inscriptions et viendraient ainsi noyer l'information réellement pertinente pour le public.

n(23 h 10)n

Nous tenons à réitérer que le RPGTI ne s'oppose absolument pas au projet de loi, mais il estime que les nouvelles règles doivent se concentrer sur les bonnes clientèles. C'est pourquoi nous souhaitons vivement que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour exclure notre personnel affecté aux ventes et à la consultation. Maintenir les dispositions actuelles prévues à cet égard risquerait de provoquer des difficultés encore insoupçonnées.

Nous vous remercions de votre attention et nous serions évidemment heureux de répondre à vos questions.

Le Président (M. Paré): Merci, M. O'Hara. M. le ministre.

M. Bégin: Alors, bonsoir, messieurs. Merci pour votre présentation. Je ne crois pas trahir votre pensée en disant qu'à la page 4 vous exprimez l'essentiel de vos représentations, en ce sens que vous dites... Vous exposez deux situations et qui expriment le fond de votre pensée, en ce sens que, dans la première partie, vous dites: Oui, on reconnaît qu'il s'agit bien là d'activités de lobbyisme, et vous faites état des personnes qui ont des rencontres formelles et informelles destinées à faire connaître des produits, des services en développement de même que les préoccupations d'une organisation. Ces activités sont réalisées par les personnes oeuvrant à des niveaux assez élevés au sein de leurs organisations, et elles ont ? les représentations ? comme objectif de positionner l'entreprise à moyen et à long terme, et, généralement, l'interlocuteur auprès de qui ces représentations-là sont faites reconnaît qu'il s'agit bien de lobbyistes.

Vous dites donc... Cette catégorie-là, mettons le vice-président aux ventes d'une grosse entreprise, vous dites: C'est bien clair que ça, il s'agit d'une personne qui fait du lobbying. Mais là vous dites: Qu'en est-il des personnes qui procèdent à une vente? Et là vous dites: Une vente, simplement, on a un produit x, y qui est bien connu et qu'on veut vendre tout simplement, et on est en présence de ce que j'appellerais, mettons, un vendeur, pour bien qualifier les deux groupes, là, de lobbyistes. Et vous dites: Oui, mais le texte de loi n'est pas clair là-dessus. Il n'est pas évident qu'il n'y a pas confusion entre le rôle du... ce qu'on appelle un lobbyiste et celui d'un vendeur parce qu'il y a ces mots qui sont dans la loi de ce que c'est qu'une activité de lobbying, c'est en vue d'influencer ou susceptible d'influencer. Je crois que, par une règle d'interprétation, on peut arriver à éviter les inquiétudes que vous avez parce que la loi qui est là n'est pas une loi faite pour viser les vendeurs. Ce n'est pas ça, l'objet, c'est: On vise l'activité de lobbyisme, et c'est ça qui est visé. Donc, l'interprétation qui va être donnée ne doit pas atteindre des gens qui ne rentrent pas de façon évidente dans ce que c'est que la conception normale, naturelle, spontanée de ce que c'est qu'un lobbyiste dans une société.

Alors, nous pensons que le texte qui est là n'a pas pour objet d'influencer. C'est un peu ce que vous avez rencontré comme difficulté, puis qu'on partage un peu, avec l'article 7 quand on dit, dans les premiers mots, «toute personne exerçant des activités de lobbyisme», et là on fait référence, bien sûr... Qu'est-ce qui fait une activité de lobbyisme? C'est ceux qui sont énumérés à l'article 3, c'est les... Sont considérés comme lobbyistes ceux qui font des activités de lobbyisme. Alors, ça a l'air de vouloir dire... «Toute personne», ça veut dire qu'il y a une quatrième catégorie qui est en dehors du lobbyiste-conseil, du lobbyiste d'entreprise ou le lobbyiste d'organisation. Il y a aussi cette catégorie et qui s'appelle «toute personne exerçant des activités». Je pense que vous mettez le doigt sur un petit bobo, là. Il me semble que ce serait «tout lobbyiste exerçant des activités de lobbyisme». Je pense qu'on éviterait cette confusion.

Ce que je veux dire, j'ai compris de votre intervention qu'il y avait au moins des expressions qui étaient, sans jeu de mots, susceptibles de prêter à confusion et ? je prends l'exemple de l'article 7 ? que vous voudriez que ce soit éclairci. Sur l'article 7, c'est évident, on va faire la correction qui s'impose. Je ne sais pas si ce sera «tout lobbyiste». En tout cas, on va éviter de donner l'impression de créer une quatrième catégorie de lobbyistes.

En ce qui concerne l'autre partie, nous croyons que le texte, avec une interprétation qui serait faite devant un tribunal, là, avec l'objectif, définitivement on n'en arriverait pas à la conclusion qu'un vendeur, c'est un lobbyiste. Et, en conséquence, votre problème est résolu, y compris celui que votre vendeur est payé à commission, parce qu'un vendeur soit payé à commission, ce n'est pas notre objet, ce n'est pas notre discussion. Nous, ce qu'on ne veut pas, c'est que ce soit un lobbyiste qui soit payé à commission. Donc, la problématique double que vous soulevez, à mon point de vue, est résolue dans le texte de loi.

Vous allez me dire peut-être que ce n'est pas aussi clair que ce que je dis, et serait-il opportun de serrer ça un peu plus pour éviter la confusion? Il y a les légistes qui sont ici, à côté, qui pourront regarder ça et voir, s'il y a lieu, de faire des ajustements de formulation. Ce n'est pas une question de fond, il est évident que la loi ne vise pas les vendeurs. Bon, ce n'est pas ça qu'on veut. Parce que les vendeurs, ce n'est pas juste les vôtres, il y en a tout un paquet de vendeurs, hein? Alors, c'est bien clair que ce n'est pas ça qu'on vise. On vous fera en conséquence.

Alors, moi, je pense répondre, là, à l'essentiel de votre message ce soir en vous disant ce que je viens de dire là. Est-ce que ça vous satisfait ou si vous pensez que j'ai omis quelque chose d'important?

Le Président (M. Paré): M. O'Hara.

M. O'Hara (Patrick): M. le Président, j'aimerais inviter mes deux collègues à pouvoir répondre à cette question parce que c'est eux-mêmes qui sont impliqués dans ça. Est-ce que je pourrais passer la parole à M. Lemieux.

Le Président (M. Paré): M. Lemieux. Allez-y.

M. Lemieux (Claude): Oui. Regardez, je vais vous adresser surtout... On a parlé des ventes, là, mais, si on regarde les consultants en informatique, pour bien... Je vais essayer de vous expliquer un peu notre mode de fonctionnement au niveau des services en consultation. C'est que la plupart de nos consultants travaillent, premièrement, à l'intérieur des ministères et organismes, travaillent directement en interrelation constante avec les professionnels de la technologie de l'information au gouvernement. Donc, on a des consultants qui sont 365 jours par année à l'intérieur des ministères, qui travaillent à des mandats, et des mandats qu'on disait, tout à l'heure, des mandats morcelés, par étapes. Lorsqu'on développe un système informatique, on commence toujours par des études faisabilité, après ça, des analyses préliminaires, des architectures, et on passe finalement à la conception, la codification, réellement, du système.

Mais, à chacune de ces étapes-là, il y a des appels d'offres différents. Donc, le consultant qui travaille au niveau d'une étude de faisabilité ou d'une analyse préliminaire, c'est sûr que, nous, quand on lisait le texte de loi, pour nous, cette personne, étant donné qu'elle travaille directement toujours avec une personne du gouvernement, elle est sujette à influencer l'appel d'offres qui va suivre au niveau de la réalisation du système. Où le gouvernement est protégé, c'est par le processus d'acquisition parce que, à chaque fois que ça va en appel d'offres, c'est très, très contrôlé. Mais le consultant qui travaille dans une étude, qui rencontre constamment les gens du gouvernement dans son travail, c'est sûr qu'il est susceptible d'influencer la réalisation de la façon que le prochain contrat... les sortes d'outils de développement qui vont être utilisés. Donc, dans le cadre... Nos consultants ? puis je vous dirais la grande majorité ? ils sont toujours en interrelation comme ça avec le gouvernement. Ça, c'est les consultants.

Les vendeurs, eux, ils influencent également, parce que, lorsqu'ils viennent faire des présentations au niveau de leurs produits, ils informent les gens du gouvernement, puis c'est selon... Pour le fonctionnaire, quand il voit ces présentations-là, il se fait une idée, puis c'est de la façon qu'il va rédiger son cahier des charges pour dire: Bien, c'est ça qui existe sur le marché actuellement, c'est vers là qu'on s'en va. Donc, eux, ils prennent des décisions. Donc, ils ont eu une influence sur les prochains appels d'offres qui vont suivre. Puis il faut comprendre qu'il y en a énormément d'appels d'offres au niveau de la technologie de l'information. C'est toujours des appels d'offres qui se réalisent en partenariat avec les internes du gouvernement. Donc, quand on lisait le projet de loi, on se disait: Tel que c'est écrit là, c'est des gens qui communiquent constamment avec des gens de la fonction publique, puis je pense que, bien souvent, ils peuvent influencer des contrats subséquents qui vont se faire en réalisation.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Lemieux.

M. Bégin: M. Lemieux, est-ce que vous ne pensez pas que, pour la première partie, le paragraphe 5° de l'article 5 s'applique et, en ce qui concerne votre deuxième partie, le paragraphe 7° du même article s'applique? Pour le bénéfice des membres de la commission: «La présente loi ne s'applique pas aux activités suivantes:[...]

«5° les représentations faites dans le cadre de la négociation, postérieure à son attribution, des conditions d'exécution d'un contrat.»

Donc, un contrat a été accordé. Vous êtes rendu sur place, il y a des changements qui doivent surgir. On fait face à des difficultés, et, bon, on dit: Bien, là, écoutez, l'exécution du contrat ne peut pas être la même que celle qu'on avait initialement prévue et... En tout cas, on le vise ici comme ça. On avait dit, par exemple, hier, aux ingénieurs que c'est sûr qu'au moment où on adjuge un contrat... Je faisais référence à un contrat d'entreprise de quelques millions de dollars pour l'exécution de travaux de... d'aqueduc et d'égout, bien c'est sûr que, si vous regardez les travaux tels que réalisés par rapport à tels que, initialement, soumissionnés, vous allez souvent constater des variations importantes qui se sont négociées au fur et à mesure de l'exécution du contrat parce qu'on a rencontré des difficultés qu'il a fallu résoudre, à tel point que les firmes d'ingénieurs s'engagent, à la fin des travaux, à remettre des plans tels que réalisés par rapport à des plans tels que... les travaux tels qu'envisagés.

n(23 h 20)n

Deuxième partie, 5.7°: «Les représentations faites en réponse à une demande expresse d'un titulaire d'une charge publique, y compris les représentations faites dans le cadre d'appels d'offres émis sous l'autorité d'un tel titulaire.»

Donc, là, lorsque vous parliez de votre deuxième exemple, c'était le gouvernement qui vous invitait à faire des représentations pour essayer de faire un choix. Mais, quand c'est le gouvernement qui vous le demande, on considère que c'est tout à fait légitime et que vous n'avez pas à faire les déclarations de lobbying dont il est question, parce que c'est une réponse au gouvernement.

Je crois, moi, que la très grande majorité des cas que vous soulevez sont résolus par différents paragraphes de ces articles-là. Là, je viens de vous en donner deux spontanément. Peut-être n'ai-je pas couvert exactement tout ce que vous envisagez, mais cette disposition-là vise justement à tenir compte de l'objectif, comme je disais tantôt, de la loi, mais de la réalité quotidienne. Parce que ce n'est pas par hasard qu'on arrive à atteindre ces choses-là, c'est parce qu'on a essayé de décortiquer ce qui se passait réellement dans la vie quotidienne, puis on a dit: Bon, le Trésor, ça fait ça de telle façon. Je dis: Ça n'a pas de bon sens de couvrir. Telle autre affaire, ce n'était pas l'exécution du contrat, bien on ne le fera pas. Quand le gouvernement demande des avis à des gens, bien on n'est quand même pas pour dire: Vous êtes en train de faire du lobbying même si vous essayez de nous influencer. Bref, on a essayé d'être le plus terrain possible pour éviter de créer des enfarges là où on ne veut vraiment pas créer des enfarges.

Alors, je pense que, honnêtement, là, par rapport aux situations que vous exposez... Je crois que nous avons dans notre loi des réponses, et, dans ce cas-ci, c'est des réponses qui sont... ne s'appliquent pas. Donc, on ne peut pas considérer que c'est du lobbying à ce moment-là. Alors, j'espère vous convaincre de cela, parce que c'est l'intention que nous avons dans le texte de loi, et nous avons essayé de trouver les formulations qui rejoignent ces préoccupations-là.

Le Président (M. Paré): M. Lemieux.

M. Lemieux (Claude): Je pourrais céder la parole, passer la parole à mon autre collègue, M. Côté.

Le Président (M. Paré): M. Côté.

M. Côté (Gratien): Alors, bonsoir. M. le Président, je suis heureux de ce que j'entends et, je dirais, de la difficulté, quand on regarde auprès des membres du RPGTI, la plupart, c'est des grandes organisations ? je prends les CGI, IBM, Sun, HP, ainsi de suite ? et puis, normalement, ces gens-là, quand je parle de grandes entreprises, je pense, essaient d'être très respectueux des lois et de la réglementation, et puis, dans le doute, eh bien on essaie d'en faire plus que moins. Et je peux dire que chez nous, par exemple, quand le contentieux lit ce projet de loi là, l'interprétation qu'ils y ont trouvée est celle qui est reflétée dans notre mémoire. Alors, si l'intention est différente, on insisterait pour que ce soit clarifié pour que, quand notre contentieux ou nos gens de pratiques commerciales lisent ces projets de loi là, que ce soit clair pour eux, qu'il y ait le comportement dicté aux employés.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Côté. M. le ministre.

M. Bégin: Excusez-moi. Quelle est la façon que vous utilisez au fédéral? Comment vous comportez-vous? Parce que les dispositions, ce n'est quand même pas une invention, là, in abstracto, là, il y a quand même une corrélation entre les textes que nous avons et ceux du fédéral, alors comment faites-vous au fédéral?

Le Président (M. Paré): M. Côté.

M. Côté (Gratien): Au fédéral, M. le Président, les gens qui sont inscrits sont les gens du groupe pratiques commerciales. C'est un groupe qui, à l'occasion, a à intervenir avec des gens du côté des processus d'acquisition gouvernementaux soit pour conseiller comment on pourrait améliorer les processus pour supporter l'équité et la transparence, qui vont être impliqués aussi parfois dans la négociation contractuelle. Alors, on a peut-être sept ou huit personnes inscrites dans le registre fédéral présentement, mais, pour les gens au fédéral, c'est absolument clair que la portée du texte de loi fédéral ne touche pas les activités de vente et de consultation, alors qu'ils n'ont pas retrouvé cette clarté-là dans le projet de loi actuel.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Côté. M. le ministre.

M. Bégin: Ah, ça va. Je pense, je pourrais argumenter, vous dire que vous pourriez avoir une rencontre avec les gens, chez nous, qui ont travaillé sur ça. Là, vous me dites: Ce n'est peut-être pas ça que je veux, c'est un texte différent. J'aurais le goût de vous répondre: Mais nous ne voyons pas un texte aussi clair que ce que vous venez de dire au fédéral.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le ministre. M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. Je veux aussi remercier les gens du Regroupement des partenaires du gouvernement en technologie de l'information. C'est intéressant, la discussion qu'on a, parce que, moi, je suis porté à incliner du côté de la réserve que vous avez. Je comprends les arguments du ministre et les articles 5.3°, 5.5° et 5.7°, mais, dans le fond, ce n'est pas ça que vous faites, vous êtes intégrés à des équipes de dirigeants dans des ministères, vous êtes consultants, vous arrivez... Parce que c'est de vos opinions que vont découler des décisions qui vont faire en sorte qu'on va acheter, un, de l'équipement, mais aussi, deux, du software, des logiciels ou des progiciels qui vont faire en sorte qu'on va faire fonctionner le ministère dans un sens ou dans l'autre. C'est à peu près ce qu'il y a de plus important comme dépenses courantes dans les gouvernements. Puis les gens d'IBM doivent se souvenir avec effroi de l'année 1986 où on avait, au gouvernement du Québec, déclaré... J'étais au Conseil du trésor à ce moment-là, on avait fait un moratoire sur l'achat d'équipements informatiques. Vous regarderez vos statistiques de ventes d'équipements informatiques, il y a un trou en 1986.

Et vous êtes, me semble-t-il, des vrais lobbyistes, vous êtes à l'intérieur du... Vous êtes dans le coeur de la machine, dans le coeur du système. Ce n'est pas bien, bien du monde, là, qui peuvent se vanter d'être aussi près, en amont des possibilités de voir prendre des décisions qui vont refléter exactement ce que vous allez suggérer. Des mauvaises langues disaient que même l'organisation des éléments pour aller en soumissions publiques, là, des...

Une voix: Des appels d'offres.

M. Chagnon: ...appels d'offres pour aller en soumissions publiques étaient eux-mêmes bâtis par des consultants et risquaient de nous amener à acheter un équipement qui était déjà prévu parce qu'il n'y avait pas d'autres compétiteurs. Dans le fond, tu peux faire n'importe quoi quand tu es consultant en informatique, il n'y a à peu près pas personne d'autre qui te comprend. Alors, dans un monde comme le nôtre... En tout cas, si je regarde au Trésor, il y a les analystes du Trésor qui connaissaient le secteur de l'informatique, qui parlaient aux gens de l'informatique, mais ceux qui prenaient les décisions, qui étaient les élus autour de la table, comme moi, étaient pris, captifs des orientations informatiques qu'on leur suggérait, peu importent lesquelles, parce qu'il n'y a personne qui était capable de contester quoi que ce soit dans les suggestions qu'on nous faisait.

Mais, bref, on se retrouve dans une situation où... Qu'on soit consultant en informatique ou en environnement, on se retrouve inévitablement à être un lobbyiste. Et je serais porté à penser qu'on est bien plus un lobbyiste dans cette fonction-là qu'un vendeur. On n'est pas un vendeur, on est un consultant. Quand on est consultant à l'intérieur de l'administration publique, c'est clair qu'on fait du lobbying. À mon avis, en tout cas. Peut-être... Le ministre semble assimiler consultant et vendeur. Non? Parce qu'un vendeur...

M. Bégin: À mon point de vue, un consultant, il n'est pas un lobbyiste, parce que, par hypothèse, il travaille directement auprès de la personne qu'il cherche à influencer, et c'est ce que la personne demande comme service, c'est de l'aider à prendre une décision. Alors, il n'y a pas une troisième personne, là, au bénéfice de qui il travaille, c'est une relation directe entre celui qui fait la consultation et le client, alors que c'est au bénéfice d'un tiers qu'il faut que ce soit fait. Alors, le tiers, dans ce cas-ci, n'existe pas.

M. Chagnon: CGI, ce n'est toujours bien pas de l'équipement qu'il vend, il vend des concepts, il vend de l'organisation informatique.

M. Bégin: Alors, il y a trois... CGI peut avoir plusieurs façons d'être. Lorsque, tout à l'heure, je disais que, dans leur description, à la page 4, au début... Et ce que disait M. O'Hara, c'est qu'il exerçait une activité qui m'apparaissait carrément du lobbying, et je pense que, dans ce sens-là ? et c'est ce que vous avez commencé à dire ? c'est du lobbying, tout le monde l'admet. Mais le consultant qui agit à titre de consultant ne m'apparaît pas, moi, être un lobbyiste, on l'a engagé pour qu'il nous donne des conseils sur les façons de faire.

M. Chagnon: Pas évident.

M. Bégin: Et il n'y a pas de tiers, là. Ce n'est pas quelqu'un qui cherche à m'influencer pour le bénéfice d'un autre, c'est pour moi-même qu'il le fait.

M. Chagnon: CGI peut fort bien arriver dans le ministère de la Justice et tirer des conclusions que votre système informatique mériterait d'être modifié de façon à faire en sorte qu'IBM puisse avoir le contrat de...

n(23 h 30)n

M. Bégin: À ce moment-là, je ne le considérerais pas comme un consultant, je vais le considérer comme un lobbyiste, moi.

M. Chagnon: Bien, c'est ce que je vous dis. Ha, ha, ha!

M. Bégin: Oui. Mais, c'est parce que vous...

M. Chagnon: C'est exactement ce que je viens de démontrer. Merci. Ha, ha, ha!

M. Bégin: Oui. Mais vous utilisez le mot «consultant». Pour moi, consultant, c'est quelqu'un qu'on engage pour nous recommander des choses. On l'engage pour ça. Alors que vous êtes en train de me dire que quelqu'un qui vient me voir, il s'appelle consultant. Je pense que c'est sur la terminologie qu'on ne s'entend pas, là.

M. Chagnon: Peut-être.

M. Bégin: Parce que, pour moi, quelqu'un qui vient me voir, là, pour me vendre un produit, ce n'est pas un consultant, c'est quelqu'un qui me vend quelque chose ou qui est un lobbyiste de quelque chose.

M. Chagnon: Alors...

Le Président (M. Paré): M. Lemieux, vous voulez ajouter?

M. Chagnon: Prenons notre temps, parce que c'est important, je trouve.

Le Président (M. Paré): On vous écoute, M. Lemieux. Vous en êtes un, je présume, M. Lemieux, un consultant, hein? Êtes-vous un consultant?

M. Lemieux (Claude): Oui.

Le Président (M. Paré): Bon. O.K.

M. Lemieux (Claude): Le consultant, il va influencer dans le cadre de son travail, c'est sûr. Mais, au bout de la ligne, une fois son travail fait au niveau de son contrat, tout recommence en appel d'offres pour la phase subséquente. Il reprend le processus. On le voit même... On le voit régulièrement, celui qui fait l'étude de faisabilité, ce n'est pas nécessairement lui qui va faire l'analyse préliminaire, ce n'est pas lui qui va faire le développement du système par la suite, parce que le processus d'acquisition est très rigoureux, puis on doit se repasser les appels d'offres à chaque fois. Donc, dans le cadre de notre travail...

M. Bégin: ...passer par l'appel d'offres, vous dites par l'attribution d'un contrat, et c'est là qu'on tombe dans l'activité de lobbyisme, alors que, quand c'est dans l'exécution du contrat, il ne l'est pas.

M. Chagnon: ...c'est tellement près, tu sais, l'un et l'autre...

M. Bégin: C'est sûr, il faut prendre le temps de regarder, mais ça se fait, comme distinction, je pense.

M. Chagnon: Bien, ce n'est pas évident. J'imagine que, quand on a un contrat... Bien, faisons abstraction du dossier politique, là.

M. Bégin: Ah! oui.

M. Chagnon: ...de GIRES, par exemple. On part avec un programme comme GIRES, on décide qu'on va mettre 80 millions là-dedans. On s'aperçoit que c'est plus gros et que c'est plus important qu'on pensait comme problème puis on se ramasse à 100 millions, puis à 160 millions, puis à 200, puis à 300, puis à 350.

Inévitablement, il y a un tas de consultants qui ont été là-dedans, à quelque part, puis qui ont suggéré un jour que ça soit 60 millions ou à 80 millions. Il y a quelqu'un au Trésor ? puis vous étiez peut-être membre du Trésor à ce moment-là puis vous avez dit: Oui, c'est une bonne idée, on y va à 80 millions. Tout d'un coup, tu reviens au Trésor, six mois plus tard, puis c'est 120, puis un an plus tard, c'est 200 millions.

M. Bégin: Non. Mais c'est là que vous vous trompez, parce que, à ce moment-là... Admettons qu'on est à 80, tout le monde est de bonne foi, on a fait un plan...

M. Chagnon: Tout le monde est de bonne humeur, tout le monde est de bonne foi tout le temps. Tu sais, ce n'est pas...

M. Bégin: Non, non. C'est ça. Tout le monde a fait un plan, et on se dit qu'avec 80 millions, ça va. Mais, moi, j'ai compris... je ne connais pas grand-chose là-dedans, mais j'ai compris que...

M. Chagnon: On ne connaît, personne, grand-chose là-dedans, c'est ça, le problème.

M. Bégin: ...quand on imagine quelque chose comme ça, on est loin de ce que sera la chose en bout de piste, parce qu'on découvre en cours de route que ce qu'on avait pensé qui serait une voie privilégiée, oh! ça s'avère être un cul-de-sac, et il faut qu'on en change. Donc, on prend une autre technique et, en bout de piste...

M. Chagnon: Oui, oui, mais...

M. Bégin: ... ? excusez-moi ? en bout de piste, on arrive à des coûts supérieurs. Est-ce que la personne qui a participé à ce processus est un lobbyiste? La réponse, c'est non.

M. Chagnon: Bien, en tout cas, le consultant qu'on a eu...

M. Bégin: Pour moi, il est en train d'exécuter un contrat, il découvre des difficultés puis les solutionne.

Mais, si on dit en cours de route: On a un problème, et ça, oh! oh!, un instant, là, on va aller en appel d'offres pour ça, la même personne qui est dans la boîte en train d'aider, là, elle va être obligée de compétitionner sur le contrat, sur l'adjudication. Et là, si elle essaie de faire de l'information, il y aura un problème de lobbyisme pour elle.

M. Chagnon: Mais c'est parce que, à partir du moment où on est allé en appel d'offres une fois et qu'on a trouvé des consultants, en général, on reconduit le travail de nos consultants, sinon, bien...

M. Lemieux (Claude): On a des appels d'offres à chaque fois, à chaque étape, puis on a un autre appel d'offres, puis il faut se qualifier pour. Des fois, c'est qualité-prix, mais le prix joue beaucoup aussi.

M. Chagnon: Alors, un dossier comme GIRES, ça a été différents consultants?

M. Lemieux (Claude): Le dossier GIRES est plus global. C'était un des dossiers le plus global du gouvernement.

M. Chagnon: Oui. C'est évident.

M. Lemieux (Claude): Pour l'implantation, il a été intégré. Mais c'est très rare, des dossiers comme GIRES. La plupart des autres dossiers, c'est vraiment des étapes.

M. Côté (Gratien): Est-ce que je pourrais ajouter un commentaire?

M. Lemieux (Claude): Oui. Allez-y.

M. Côté (Gratien): Pour ajouter un commentaire, même pour le dossier GIRES, il y a eu deux... il y a eu trois décisions de prises, une pour le produit: c'est Oracle qui a gagné. Il y a eu deux attributions de contrats de services. La première phase, qui était pour la planification et la portée du projet, a été gagnée par LGS, et la deuxième phase a été gagnée par une firme différente, qui était EDS, pour la réalisation. Et c'est très, très fréquent de voir alterner des firmes dans un projet qui est découpé en plusieurs étapes.

Vous avez le processus d'acquisition... On critique le projet de loi, mais le processus d'acquisition, on trouve qu'il fonctionne bien. On n'aime pas ça quand on perd mais, en général, il fonctionne bien. Il donne, je dirais, à Québec, les tarifs les plus bas de loin en Amérique du Nord avec une qualité souvent de services exceptionnelle. Quand on pense... Au niveau des produits, ici, il se donne des excellents prix, et puis nos clients s'attendent qu'on alimente le processus d'acquisition pour qu'il fonctionne aussi bien, à savoir que les gens des ministères, qui ont un besoin de produits, d'acquisition de quelque chose qu'ils prévoient dans trois à six mois, vont volontairement rencontrer les fournisseurs potentiels, les consultants, les spécialistes pour connaître qu'est-ce qui se fait de mieux ailleurs, parce que nos entreprises souvent ont une portée beaucoup plus grande que le Québec. Alors, ils veulent savoir qu'est-ce qui se fait ailleurs, les tendances, les technologies, les meilleures pratiques pour s'assurer d'avoir un appel d'offres qui soit bien orienté, mais il va toujours y avoir au moins deux, trois, quatre, cinq firmes qui vont passer l'étape d'appel d'offres et qui vont finir en concurrence sur le rapport qualité-prix, et il va y avoir un gagnant. Mais ce processus-là fonctionne bien en autant, je pense, qu'il est bien alimenté au préalable.

M. Paré: Merci, M. Côté.

M. Chagnon: Maintenant, on se retrouve dans la situation où ? corrigez-moi, si je me trompe ? si un consultant travaille sur un dossier, à partir du moment où il voit venir la fin du dossier sur lequel il travaille, il ne peut pas s'interroger ou il ne peut pas interroger les gens autour de lui, qui sont des employés de l'État, pour savoir s'il y a une reconduction éventuelle ou une prolongation éventuelle de son contrat, sinon, là, il devient un lobbyiste.

M. Bégin: Je ferais des nuances là-dessus, parce que, d'abord, il faut donner une certaine, entre guillemets, intelligence au client, qu'il voit l'évolution du dossier et qu'il n'attendra pas à la dernière minute pour se dire: Qu'est-ce que je fais pour l'étape suivante? Généralement, ça aurait été perçu, planifié qu'il y aura une étape postérieure. On parle de trois avenues différentes, je ne connais rien là-dedans, mais on voit tout de suite qu'on avait organisé le fonctionnement. Il va arriver à des places, à des croisées de chemins, où il ne sera pas nécessaire d'aller en appel d'offres et où le consultant, qui est là, va dire: Bien, écoutez, il faudrait qu'on aille de cette façon-là, et ça va coûter 1 million de plus. Puis, moi, je ne suis pas mal à l'aise avec ça en me disant... La personne qui dit «on va aller là», qu'il fait du lobbying, il ne fait pas du lobbying, à mon point de vue.

Le Président (M. Paré): M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Bien, M. le député d'Abitibi-Est...

Le Président (M. Paré): M. le député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier (Abitibi-Est): La première étape, c'est de faire une proposition de consultant. En d'autres mots, là, ce que j'ai à l'idée, c'est que celui qui pourrait être considéré faire du lobbyisme dans votre domaine, ce serait celui qui vend l'idée au gouvernement de vous engager comme consultant.

M. Lemieux (Claude): Je dirais que les directions de systèmes à Québec sont importantes puis, eux, ils vont chercher de l'expertise supplémentaire. Ça fait longtemps que c'est rodé, puis ils savent quand aller en appel d'offres. Ce n'est pas nous qui avons à suggérer d'aller en appel d'offres. Il y a même eu dans la réglementation, si on remonte cinq, six ans en arrière, il y avait des propositions non sollicitées, mais même ça a été enlevé de la réglementation. Il n'y en a pas de proposition non sollicitée. Il faut que ce soit vraiment des cahiers des charges qui nous parviennent, puis on répond aux appels d'offres.

Le Président (M. Paré): M. le député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Mais vous entreriez, à ce moment-là, dans l'item 3 de l'article 5? Vous n'êtes pas considérés des lobbyistes en vertu de l'item 3 de l'article 5?

M. Chagnon: Dans leur mémoire, ils nous disent en page 5: «Il n'en demeure pas moins que nos employés, dont les services en technologie de l'information et en gestion sont fournis à des organismes gouvernementaux ? puis c'est marqué en noir foncé ? sont tous susceptibles d'influencer la prise de décision relativement à l'attribution de contrats.»

M. Pelletier (Abitibi-Est): C'est une soumission publique en vertu de l'article 3.

M. Chagnon: Je répète: «...dont les services en technologie de l'information et en gestion sont fournis à des organismes gouvernementaux, sont tous susceptibles d'influencer la prise de décision relativement à l'attribution de contrats.» Dans bien d'autres domaines, on a dit: Ce qui est susceptible d'influencer la prise de décision, on ajuste ça, on dit: Ça, c'est du lobbying. Pourquoi ça ne le serait plus, là?

M. Pelletier (Abitibi-Est): Oui, mais quand on relit, là, la présente loi ne s'applique pas aux représentations faites dans le cadre de procédures publiques. Le gouvernement demande, dans leur cas, toujours quelque chose. Donc, ça ne s'applique pas.

M. Chagnon: Oui, mais s'il influence la prise de décision relativement à l'attribution de contrats, ça va être vrai dans n'importe quel service, ça, ça va être vrai à l'environnement, ça va être vrai à n'importe quoi.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Non, mais dans le cas de procédures publiques, d'un appel d'offres public, c'est ce que dit l'article 3.

n(23 h 40)n

M. Chagnon: C'est une drôle de vision des choses. Moi, en tout cas, je pense que, à partir du moment où on cherche à influencer la prise de décision relativement à l'attribution de contrats, on fait du lobbying. C'est ça, l'idée, on cherche à influencer le gouvernement dans le sens de donner un service. Encore une fois, ce n'est pas antidémocratique, ce n'est pas du vol, ce n'est rien de malhonnête, mais on cherche à influencer le gouvernement de façon à donner, à vendre l'idée qu'on est capable d'offrir un service au meilleur coût possible, dans la meilleure qualité possible puis de la façon la plus performante possible. Mais c'est exactement ça, on influence la prise de décision relativement à l'attribution de contrats.

M. O'Hara (Patrick): M. le Président, est-ce qu'on pourrait avoir une dernière réaction de M. Côté sur ça, là, parce que...

Le Président (M. Paré): M. Côté.

M. Côté (Gratien): Écoutez, c'est une question de degré, à savoir: si on étire la définition de lobbyiste suffisamment loin, à un moment donné, les vendeurs de métier et les consultants vont tous y passer. Le principal problème qu'on voulait soulever, c'est, je crois, que ce projet de loi répond à des craintes légitimes dans la population par rapport à un lobbyisme obscur qui donne des résultats qui font les journaux. Si jamais l'intention était d'étirer l'application du projet de loi jusqu'à inclure nos consultants et vendeurs, il faut comprendre que c'est des milliers de personnes qui viendraient s'inscrire là-dedans et des gens qui passent leur vie sur le plancher gouvernemental à parler à plein de gens, parce qu'ils sont payés pour le faire, ils sont chacun un expert dans leur domaine et ils sont beaucoup consultés.

Ce serait une quantité phénoménale d'informations qui se retrouveraient dans les registres. Ça nous pose un problème, de notre côté, en termes de charge de travail et d'impacts sur la productivité, mais, de votre côté, moi, personnellement, je pense que ce serait un grand service à rendre aux vrais lobbyistes qui veulent continuer à travailler dans une zone grise, parce qu'ils deviendraient invisibles à travers cette montagne d'informations là. Et je ne crois pas que c'est ce que le public désire, que l'information existe mais qu'elle soit cachée.

Le Président (M. Paré): Je vous remercie, M. Côté, pour votre clarification. Merci, M. O'Hara, merci, M. Lemieux, pour votre présentation, votre contribution à cette commission. Bonne nuit. J'ajourne les travaux au jeudi, le 30 mai, à 15 h 30.

(Fin de la séance à 23 h 43)


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