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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le jeudi 30 mai 2002 - Vol. 37 N° 70

Consultation générale sur le projet de loi n° 80 - Loi sur la tranparence et l'éthique en matière de lobbyisme


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Table des matières

Journal des débats

(Quinze heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Paré): La commission des finances publiques est réunie afin de poursuivre et compléter les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 80, Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Chagnon (Westmount?Saint-Louis) remplace Mme Leblanc (Beauce-Sud).

Auditions (suite)

Le Président (M. Paré): Maintenant, voici l'ordre du jour. Le premier groupe que nous allons entendre cet après-midi, c'est l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, représentée par Mme Solange Drouin qui est ici ? bienvenue, madame; à 16 h 15, c'est l'Association des constructeurs de routes et de grands travaux du Québec; à 17 heures, M. Raymond Hudon; à 17 h 30, les remarques finales du groupe parlementaire formant l'opposition officielle; à 17 h 45, les remarques finales du groupe parlementaire formant le gouvernement. Donc, à 18 heures, il y aura ajournement.

Maintenant, merci, madame, au nom de la commission, bienvenue. On va consacrer 45 minutes à votre mémoire. Vous avez 15 minutes pour le présenter, et il y aura échange avec les députés de la commission pendant 30 minutes. Bienvenue, allez-y.

Association québécoise de l'industrie du disque,
du spectacle et de la vidéo (ADISQ)

Mme Drouin (Solange): Merci, M. le Président. MM. les membres de la commission ? j'allais dire mesdames, mais messieurs, pour l'instant. Je suis donc Solange Drouin, vice-présidente aux affaires publiques et directrice générale de l'Association québécoise de l'industrie du spectacle et de la vidéo, l'ADISQ. Au nom du conseil d'administration de l'ADISQ et des membres, merci beaucoup, premièrement, de nous avoir invités à témoigner dans le cadre de cet important dossier de consultation, surtout, aussi, d'avoir été sensibles à nos nombreux changements d'horaire.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais brièvement vous dresser un portrait assez juste, aussi juste que possible, des visées qui animent l'ADISQ afin de vous permettre de bien saisir le contexte dans lequel évoluent l'ADISQ et ses membres et qui ont sous-tendu nos recommandations à l'égard du projet de loi n° 80. En tant qu'association professionnelle, l'ADISQ regroupe pratiquement tous ceux et celles qui rendent accessibles au public québécois les oeuvres d'artistes québécois. En effet, les petites entreprises indépendantes que nous représentons contribuent à près de 95 % de la production de disques d'artistes québécois dont la part de marché oscille aux alentours de 20 %. Cette situation se veut exceptionnelle et unique en son genre à travers le monde, qui, pour bien la saisir, m'oblige ici à vous signaler quelques faits saillants de l'histoire de l'industrie musicale du Québec.

La présence d'une véritable industrie locale du disque est un phénomène récent au Québec. Dans les années soixante et soixante-dix, le marché québécois du disque est dominé ? vous vous en rappelez peut-être ? à cette époque, par les disques d'artistes étrangers, lancés par les filiales canadiennes des multinationales. Bien sûr, à cette époque-là, dans les années soixante et soixante-dix, il y avait déjà des artistes québécois, bien sûr; il y avait déjà des producteurs québécois aussi, mais on ne pouvait pas parler d'une structure industrielle pour soutenir ces artistes-là. À cette époque-là, ce sont surtout, et de façon très majoritaire, les filiales canadiennes des multinationales, qui sont installées à Montréal, qui distribuent à la fois les disques, de leur maison mère, des artistes étrangers, et les produits québécois. Qu'on se rappelle, même des noms tels que Félix Leclerc ou Beau Dommage, dans les années soixante-dix, étaient sous étiquette des multinationales.

De 1973 à 1978, le marché du disque est marqué par une croissance forte et soutenue. Mais, à partir de 1979, l'industrie du disque est confrontée à sa pire crise. Parmi les éléments déclencheurs de cette crise, je vous signale la sévère récession de 1981-1982, la hausse rapide du prix des microsillons vinyles, à l'époque, l'augmentation de la copie privée résultant de la pénétration rapide de la cassette, favorisée par la mise en place d'un nouveau support qu'était le CD, et l'étiolement de la vague du disco qui avait vraiment porté l'industrie à des sommets en 1978.

n (15 h 40) n

L'ensemble de ces facteurs frappe l'industrie musicale de plein fouet, la mettant littéralement en péril. Les filiales des grandes multinationales, à cette époque-là, adoptent alors des stratégies similaires à celles de leur siège social, c'est-à-dire une restructuration et mise à pied de leur personnel et, surtout, une réduction significative du nombre de nouveautés mises en marché et concentration de leurs ressources de production et de marketing sur des artistes et des produits bien établis à l'époque et, bien sûr, étrangers. La réduction du nombre d'albums mis en marché au Québec à cette époque-là, donc au tournant des années quatre-vingt, par les filiales des multinationales est extrêmement sévère, et le peu de productions locales que nous avions par les entreprises indépendantes de l'époque baissent, elles aussi, dramatiquement, qui fait en sorte que ces deux facteurs combinés, la part de marché des artistes locaux de l'époque, qui oscillait aux alentours de 18 ou 20 %, s'effondre à 10 % entre 1980 et 1985.

C'est donc vers 1986 que l'industrie québécoise montre des signes d'une certaine récupération. La production de disques québécois assumée à partir de là par des entreprises locales québécoises progresse à partir de ce moment. Avec le retrait des filiales des multinationales, on voit éclore une nouvelle structure de l'industrie; on peut même parler d'un réalignement complet de la production, de la distribution et de la consommation de disques populaires au Québec. D'une part, on assiste à un renforcement des structures économiques et commerciales de l'industrie qui s'appuie tout à la fois sur l'émergence des nouvelles maisons québécoises, typiquement québécoises, sur la structuration et le développement d'un réseau indépendant de distribution et aussi, bien sûr, sur un appui gouvernemental croissant. D'autre part, les intérêts corporatifs de cette industrie émergente, qui étaient jusqu'alors éparpillés et conflictuels, se sont progressivement constitués en un amalgame mieux structuré, d'où la création de l'ADISQ il y a 20 ans, depuis un peu plus de 20 ans, offrant un front homogène dans la défense des intérêts de l'industrie. Le vide créé par les multinationales au début des années quatre-vingt est progressivement comblé par les maisons de disques indépendantes qui ont émergé de la crise. Ajoutées aux quelques entreprises plus anciennes qui étaient déjà là et qui ont su passer le cap des années quatre-vingt, les maisons de disques québécoises sont au centre de la renaissance de l'industrie locale, tant et si bien que leur part de marché atteint, en 1993, un sommet qui n'a jamais été atteint après, donc 30 % de part de marché, qui a décliné pour osciller, ces jours-ci, aux alentours de 20 %.

Leur développement, le développement des entreprises québécoises a provoqué une redistribution entre les firmes locales et les multinationales du disque. Le succès de ces maisons de disques n'a pas seulement reposé sur le fait du retrait des multinationales, mais bien sûr aussi sur leurs stratégies, qu'elles ont elles-mêmes développées, efficaces considérant leur très petite taille ? ce qui est encore vrai aujourd'hui ? leur sous-capitalisation ? ce qui est encore vrai aujourd'hui ? et leur sous-financement toujours chronique. Car, ne nous leurrons pas, les beaux succès dont on peut être fier dans le domaine du disque québécois demeurent encore extrêmement fragiles. On est confronté constamment à de sérieux problèmes qui affectent notre possibilité de croissance. Par exemple, la difficulté de mettre en place et de maintenir un personnel qualifié et nombreux représente un obstacle majeur à la croissance et, évidemment, au développement à long terme, problèmes qui, peut-on le dire sans ironie, ne sont pas le lot quotidien des multinationales qui sont encore très présentes sur le marché. En fait, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, bien que les entreprises contribuent à plus de 95 % des disques québécois, les entreprises de production au Québec et les artistes qui y sont associés, donc la majorité des artistes québécois, n'accèdent actuellement qu'à une part de marché oscillant autour de 20 %.

C'est pourquoi, aujourd'hui, on peut parler d'un effort concerté de l'industrie pour sécuriser certaines de ses fondations encore très fragiles. Ainsi, en quelques années, d'une image publique qui était, au début des années quatre-vingt, celle d'un groupe de semi-professionnels hautement divisés, l'industrie québécoise du disque en est venue à se présenter comme un groupe uni composé d'hommes et de femmes d'affaires dynamiques, accomplis et professionnels qui, par l'entremise de l'ADISQ, créée comme je le disais il y a à peu près 20 ans, interviennent sur les questions qui les touchent de près ou de loin pour défendre leurs intérêts et leurs positions. Nous sommes donc plus que vivement intéressés par vos travaux, étant donné que nous sommes convaincus que cette cohésion de notre secteur dans notre milieu, qui nous a permis d'engager le dialogue fructueux avec les pouvoirs publics, n'est pas étranger à l'essor de notre milieu.

Les positions que nous avons développées relativement au projet de loi n° 80 reflètent un consensus profond et enthousiaste de l'ensemble de l'industrie qui rallie l'ensemble de nos membres autour d'une vision commune et positive de l'avenir des relations avec les représentants du gouvernement du Québec. Au fil des ans et dans l'exercice des mandats qui nous sont confiés par le conseil d'administration, l'ADISQ a pris conscience de l'importance des échanges avec les titulaires de charges publiques, dont dépendent pour une large part les conditions d'épanouissement de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo québécoise.

L'ADISQ tient à souligner l'aspect positif ? comme on l'a fait dans notre mémoire ? et bénéfique de la grande majorité de ses échanges avec les titulaires de charges publiques. L'ensemble des interventions gouvernementales dans un champ d'activité industrielle ou culturelle requiert une communication et des échanges constants avec le milieu en cause. C'est un aspect du fonctionnement au quotidien d'une démocratie soucieuse des intérêts de ses diverses composantes. L'ADISQ est d'avis qu'un meilleur encadrement de tels échanges est parfaitement compatible avec leur exercice responsable, légitime et équitable. L'ADISQ souscrit donc entièrement aux objectifs de transparence et de saine gestion des relations avec les titulaires de charge publique qui font l'objet évidemment du projet de loi n° 80.

Il y a cependant quelques aspects du projet de loi qui soulèvent des préoccupations majeures. Et, d'après les travaux que j'ai pu suivre... vos travaux, je vois que nous allons ajouter notre voix à celles qui ont déjà été exprimées devant vous. D'abord, l'ADISQ est d'avis qu'une limitation aux seules entreprises à but lucratif renforce malheureusement la fausse perception voulant que les activités de lobbyisme pour le compte de ces entreprises à but lucratif doivent, de par leur nature même, faire l'objet d'un contrôle particulier.

À titre d'exemple, dans notre secteur, dans le seul secteur, par exemple, de la production de spectacles, on retrouve des entreprises à but lucratif et des entreprises sans but lucratif, par exemple, les festivals, qui accomplissent sensiblement les mêmes activités et les mêmes fonctions. Alors que les représentants des premières pourraient être tenus de s'inscrire au registre des lobbyistes et avoir à assumer toutes les obligations découlant de la loi, du projet de loi, les représentations des entreprises sans but lucratif en seraient exemptées. Des personnes donc poursuivant les mêmes buts et utilisant les mêmes moyens auraient des statuts différents devant la loi. L'ADISQ estime donc qu'une telle distinction est inéquitable. Pour ces motifs, nous proposons donc que la loi s'applique de la même façon aux lobbyistes d'entreprises à but lucratif et ceux des entreprises sans but lucratif.

Les mêmes arguments s'appliquent à la définition de lobbyistes d'organisation. Rappelons, en effet, que la définition de lobbyistes d'organisation est limitée aux personnes qui exercent des activités de lobbyisme pour le compte d'associations ? vous la connaissez ? dont les membres sont majoritairement des entreprises à but lucratif. Dans le milieu culturel, les associations et les syndicats professionnels se regroupent souvent avec des organisations telles que l'ADISQ, une organisation qui représente essentiellement des entreprises à but lucratif, pour travailler de concert à des activités de lobbyisme au sens prévu du projet de loi. Ce type de coalition est la norme dans notre secteur plutôt que l'exception. Je vous rappellerai seulement, peut-être que ça dira à quelques personnes ici, la Coalition des arts de la scène. Depuis deux ans, on est tous regroupés au sein d'une coalition qui s'appelle la Coalition pour la diversité culturelle. Donc, c'est vraiment chose courante, dans le secteur culturel, de se regrouper, différentes associations, différents statuts, pour défendre une cause commune. Or, du libellé de la définition de lobbyiste d'organisation, les personnes poursuivant les mêmes buts et utilisant les mêmes moyens auraient encore des statuts différents devant la loi, les unes étant tenues de s'inscrire sur le registre des lobbyistes mais pas les autres. L'ADISQ propose donc que la loi soit modifiée de façon à ce qu'elle s'applique à tous les lobbyistes d'organisation.

Dans un autre ordre d'idées, un aspect particulier du projet de loi nous pose problème, et qui touche principalement la fonction de producteur, au sens producteur dans le domaine culturel que nous connaissons. Le travail d'un producteur de disques, de spectacles ou encore de vidéoclips consiste notamment à monter les structures financières pour mener à bien un projet. Les démarches usuelles d'un producteur, et nécessaires à l'élaboration de la présentation et de la défense d'un dossier de financement, ne devraient pas être assimilées à des activités de lobbyisme, pas plus que ne le sont les représentations faites dans le cadre de la négociation des conditions d'exécution d'un contrat ou appel d'offres déjà exemptée du projet de loi.

D'après le libellé actuel du projet de loi, de telles activités seraient assimilées à des activités de lobbyisme et donc tous les producteurs de disques, de spectacles, de vidéos et même les producteurs de télévision et de cinéma seraient, demain matin, en fonction du libellé actuel du projet de loi, seraient considérés comme des lobbyistes. Je suis certaine que ce n'est pas le but que vous poursuivez. C'est donc pourquoi nous considérons que le projet de loi devrait être modifié de façon à clairement exclure ces activités qui s'exercent dans le cours normal des affaires, qu'elles soient exclues des activités visées comme étant des activités de lobbyisme.

n (15 h 50) n

Par ailleurs, dans le projet de loi n° 80, on peut lire: «Aucun lobbyiste ne peut, non plus, exercer ses activités moyennant une contrepartie provenant d'une subvention ou d'un prêt du gouvernement, d'une municipalité ou d'un de leurs organismes.» L'ADISQ comprend de cet extrait qu'une entreprise ou une association comme l'ADISQ qui répondrait à la définition pertinente du projet de loi n° 80 ne pourrait plus compter, pour exercer certaines de ses activités, sur une contribution gouvernementale. Pour nous, cette perspective est tout à fait contraire à l'esprit de collaboration qui anime les relations entre le gouvernement et les entreprises ou associations culturelles depuis au moins 20 ans. C'est grâce à une communication constante, ouverte et critique avec les milieux en cause que le gouvernement s'assure de la justesse et de la pertinence de ses interventions dans un secteur en regard de l'intérêt public. Cette voie des milieux culturels qui, des fois, doit compter sur une contribution gouvernementale pour s'exercer, se fait entendre bien sûr par les entreprises elles-mêmes, à but lucratif ou sans but lucratif, mais aussi collectivement par l'entremise des associations ou regroupements qui les représentent. Priver ces entreprises-là et les associations qui les représentent des moyens pour se faire entendre auprès du gouvernement, pour nous, c'est les condamner au silence et laisser au plus fort ? et dans notre secteur, les multinationales étrangères ? le champ libre pour faire valoir leurs intérêts au détriment des nôtres.

En terminant, dans le processus de consultation en cours, il importe que tous les efforts soient faits pour protéger les mesures qui favorisent la création, le financement, la présentation et la promotion d'une production culturelle de grande qualité qui répondent aux besoins diversifiés des Québécois. Cette commission dispose d'une occasion exceptionnelle de reconnaître clairement que toutes les entreprises à but non lucratif et les organisations qui les représentent, quelle que soit leur plateforme, doivent être traitées équitablement parce qu'elles contribuent toutes à leur manière au développement de cet important secteur de l'économie québécoise. À impact égal, obligation égale.

Pour conclure, M. le Président, je voudrais rappeler que bien que l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo jouit d'un certain succès, elle demeure toujours extrêmement fragile, et ce, en grande partie à cause de la présence de la concurrence étrangère de plus en plus pressante. Nous pouvons compter sur des acquis précieux qu'il ne faut pas risquer de perdre ou de compromettre. Cependant, l'évolution des marchés nous force à revoir de plus en plus fréquemment la nature, l'étendue et l'efficacité des politiques et l'encadrement réglementaire et des mesures de soutien qui nous permettent de maintenir ce niveau de succès. La tâche à laquelle vous avez décidé de vous atteler est d'une importance capitale pour nous, les résultats peuvent faire la différence entre poursuivre sur notre lancée et évoluer avec le nouvel environnement ou régresser. Nous sommes convaincus que vous aurez à coeur de vous assurer que les changements que nous proposons pourraient avoir des effets positifs pour les entrepreneurs et les organisations qui oeuvrent à promouvoir et développer l'expression culturelle québécoise, changements, je le rappelle, qui ont été appuyés par l'Association professionnelle des producteurs de films de télévision du Québec qui nous a signifié son appui dans une lettre que nous avons jointe à notre mémoire.

Alors, M. le Président, je suis maintenant heureuse de répondre à vos questions.

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup, Mme Drouin. M. le ministre.

M. Bégin: Alors, merci, Mme Drouin. Je comprends, par vos commentaires qui visent à corriger ponctuellement certaines positions, que vous êtes favorables à l'esprit général du projet de loi, donc l'encadrement de l'activité de lobbyisme. Vous nous demandez d'élargir l'application de la loi à toutes les personnes qui font du lobbyisme, qu'elles soient dans le lobbyisme d'entreprises ou encore lobbyisme d'organisation, toute forme de lobbying devant être couverte. C'est, je pense, votre position.

Fondamentalement, je pense que la principale divergence qu'il y a, je dis bien divergence parce que je considère que, par exemple, l'article 7 n'est pas une véritable divergence mais plutôt une mauvaise formulation du texte que d'autres ont fait ressortir, en ce sens que, quand on regarde l'article 7, par sa formulation, on a l'impression qu'il y a une quatrième catégorie de lobbyistes, alors que le texte vise ? c'est l'intention, en tout cas ? à référer aux trois types de lobbyistes que nous avions.

Alors, comme vous êtes plusieurs à l'avoir lu d'une autre manière, c'est signe qu'il y a là un problème, et, comme il est souligné, on va devoir le corriger. Mais, essentiellement, sur le fond, je croirais que c'est la rémunération en pourcentage ou... la subvention qui représente peut-être la principale difficulté quand vous référez à l'article 24, paragraphe ? je ne sais plus lequel, 2 ? paragraphe 2° qu'on devrait relire peut-être pour le bénéfice des gens qui nous écoutent pour comprendre le sens de votre démarche. Je lis l'article 24 lui-même, premier alinéa. «Aucun lobbyiste ne peut exercer ses activités moyennant une contrepartie conditionnelle à l'obtention d'un résultat ou subordonnée au degré de succès de ses activités.» Ça, je pense, que vous êtes d'accord avec ça.

Par contre, le deuxième qui se lit: «Aucun lobbyiste ne peut, non plus, exercer ses activités moyennant une contrepartie provenant d'une subvention ou d'un prêt du gouvernement, d'une municipalité ou d'un de leurs organismes.», ça, c'est le texte que vous ne voudriez pas. Au moment où le premier ministre a annoncé ? j'étais en sa compagnie à ce moment-là ? qu'il y aura un projet de loi, c'était un des éléments qui étaient, je dirais, mis en évidence par le premier ministre comme étant extrêmement important. Ça s'exprimait un peu comme ceci: Les argents destinés pour une fin donnée, à même une subvention, devraient servir exclusivement à la fin pour laquelle il est donné, étant donné que c'est une fin publique. Or, par l'absence du deuxième paragraphe, il arriverait que, à ce moment-là, le lobbyiste serait payé à même cette subvention-là ou une partie de celle-ci, bien sûr, et que, en conséquence, l'objectif visé ne pourrait pas être atteint.

Comment conciliez-vous ces deux questions? Je ne dis pas que c'est illégitime, ce que vous nous dites là, mais comment concilier cet objectif avec la demande que vous formulez de l'enlever?

Le Président (M. Paré): Mme Drouin.

Mme Drouin (Solange): Oui. Avant de répondre spécifiquement à votre question, M. le ministre, j'aimerais revenir à quand vous dites que, l'ADISQ, on appuie le projet de loi dans son ensemble. L'esprit du projet de loi, oui, c'est vrai, on considère que... on est pour la transparence, on est pour l'éthique... Évidemment, qui ne le serait pas? Alors qu'un projet de loi encadre de façon plus claire, de façon à offrir au public québécois une sécurité et une transparence, bien sûr, nous en sommes.

Quant aux catégories de personnes ou d'organisations touchées, pour nous, c'est... Quand vous dites qu'il y a un... que vous soulignez le deuxième point sur les subventions comme étant le point le plus fondamental dans notre mémoire, là-dessus, je ne suis pas d'accord avec vous. Pour nous, ils sont tous très importants, donc, les catégories de lobbyistes aussi, parce que nous considérons que ? bon, je ne reprendrai pas tout ce que je vous ai dit ? mais pour nous, ça attache comme une connotation très négative sur le fait qu'il y a des entreprises à but lucratif. On associe comme lucratif, avec nécessité de transparence. Quand les activités de... On n'est pas moins fier du Festival de Jazz parce que c'est une entreprise plus fière, c'est une entreprise à but lucratif.

M. Bégin: Non, non, je pense qu'il y a eu méprise. Je n'ai pas voulu dire d'aucune manière... En fait, c'est parce que je n'en ai pas parlé mais c'est une question qui a été soulevée tellement de fois ici devant la commission, je dirais peut-être une quinzaine de fois, que, disons que, dans notre esprit, à première vue, c'est un peu banalisé quand on le redit. Et ce n'est pas l'esprit dans lequel on travaille, mais c'est un effet.

Alors, on considère que votre demande est importante quand vous dites: Nous voudrions qu'ils soient inclus, qu'ils soient ou non à but lucratif. Je considère ça comme étant une demande importante. Nous avons passé, je dirais, quelques heures à en parler ici. J'ai dit cependant que je ne me prononcerais pas mais que c'est par le biais de recommandations que je ferai au Conseil des ministres qu'on verrait si, oui ou non, j'adhère ou je n'adhère pas à ce point de vue. Donc, je ne voudrais surtout pas minimiser l'importance de votre texte.

Mme Drouin (Solange): O.K. D'accord. Quant à l'autre point que vous avez soulevé, plus spécifiquement, bien sûr... Moi, je ne peux que parler du secteur culturel que je connais. Je ne connais pas les autres secteurs, alors, évidemment, je vais parler de ce que je connais. Le secteur culturel, quand la SODEC, par exemple, que vous connaissez, la Société de développement des entreprises culturelles... Nous avons une subvention ? je peux parler de notre cas encore plus précis que je connais, encore mieux ? une subvention au fonctionnement, c'est plus l'ensemble des activités de l'ADISQ qui peuvent comprendre des activités de lobbyisme ou pas. C'est pour l'ensemble de nos activités alors, quand vous dites que les subventions... Mais si la SODEC ? ailleurs ? peut donner une subvention pour la production d'un disque, bien sûr, cette subvention-là doit être utilisée pour ces fins-là. Mais quand une subvention est donnée dans un cadre très large pour un ensemble d'activités qui soutiennent l'ensemble des activités de l'ADISQ, je verrais mal... La subvention est utilisée à bon escient aussi. Elle est utilisée pour les buts visés au moment de son octroi. C'est pour l'ensemble des activités de l'ADISQ.

Et dans notre secteur... Je ne sais pas, comme je vous dis, dans les autres secteurs autres que culturels, une organisation comme l'ADISQ qui est, comparativement à d'autres organisations du secteur culturel, peuvent même être considérées comme une organisation qui a plus de moyens. Pour financer toutes les activités de l'ADISQ, c'est très clair que la contribution des membres n'est pas suffisante pour soutenir l'ensemble des activités de l'ADISQ, c'est très clair. On n'a pas une industrie qui peut verser des cotisations à coût de dizaines de milliers de dollars pour soutenir l'ensemble des activités de l'ADISQ. On a toujours su compter, on a toujours pu compter, pour l'ensemble des activités de l'ADISQ, sur une contribution gouvernementale qui soutenait, qui contribuait et qui appuyait finalement l'effort individuel des membres. Si du fait du projet de loi, cela n'était plus possible, il y a une foule d'activités que l'ADISQ développe, non seulement pour exercer du lobbying, mais aussi pour être un partenaire valable. Quand le gouvernement nous demande notre avis sur plein de sujets, je pense que le gouvernement du Québec a intérêt à avoir des organisations, dans n'importe quel secteur, fortes pour avoir un intervenant sur qui il peut compter et pour tester justement ses interventions. Je pense qu'on a tout intérêt à voir des organisations fortes. Dans le secteur culturel, malheureusement, ces organisations-là ne pourraient pas développer l'ensemble de leurs activités sans une contribution gouvernementale; la contribution des membres ne sera jamais suffisante. Et, ça, c'est...

M. Bégin: Dernier point, madame, vous avez soulevé un point qui n'a pas été soulevé fréquemment devant... chez nous, au moins une fois, ça, c'est sûr, c'est à l'article 46, qui parle de la sanction qui peut être imposée. Vous semblez dire que, peut-être, est-elle trop sévère ? est-ce que c'est 46? Excusez-moi là. Oui, c'est 46, c'est ça.

Mme Drouin (Solange): Bien, 46, c'est dans cette section-là. C'est que nous croyons que le fait de... Lorsqu'on le lit: «Lorsqu'il constate qu'un lobbyiste manque de façon grave ou répétée aux obligations», donc c'est un ou l'autre. Quand il y a des obligations, là, pour l'instant, elles sont de 10 jours d'inscription, si... Et se rattachent à ces effractions-là des sanctions importantes là, quand même très importantes, même des sanctions pénales. On se dit que quelqu'un qui est maladivement en retard d'une journée pour faire cette déclaration au registre des lobbyistes, je pense... On pense qu'il devrait y avoir une gradation dans les sanctions.

n (16 heures) n

Et le fait de la répétition, le fait de limiter aux infractions qui sont graves, je pense que ça atteint le but que vous souhaitez. Et c'est sûr que, du fait qu'elles soient répétées, ça peut devenir... ça peut engendrer... ça peut aggraver la situation. Mais, seulement le fait de répéter une infraction qui est plus ou moins grave plusieurs fois, étant donné les sanctions qui sont rattachées à ça, on trouve un petit peu ça trop excessif.

M. Bégin: Vous avez sans doute noté qu'il y a deux sections qui se suivent dans le chapitre, l'une étant la mesure disciplinaire et l'autre étant la sanction pénale. Dans la sanction pénale, vous avez, je crois, cette gradation des sanctions. Parce qu'on peut aller de 500 à 25 000 $, de 1 000 à 25 000, donc on revient... On tient compte de la gravité.

Ce qu'on retrouve par ailleurs dans deux articles, 46 et 51, c'est des situations très particulières. On dit: On «manque de façon grave» et, surtout, «ou répétée». Donc, à ce moment-là, on n'est pas au niveau nécessairement d'une sanction pénale, mais on atteint à l'esprit, à la lettre de la loi de manière grave et répétée... ou répétée, pardon.

Mme Drouin (Solange): Ou répétée; oui, c'est là.

M. Bégin: Alors, le commissaire a quand même un pouvoir d'intervention. Et nous croyons qu'il doit avoir une possibilité d'intervention proportionnelle à ce qui se produit. Alors, une sanction pénale de 500 $ peut être une sanction correcte, mais elle peut être tout à fait disproportionnée par rapport à la nature de la chose sur le plan disciplinaire. De la même manière qu'il peut même aller jusqu'à envoyer... manque de quelque façon aux obligations qui lui sont imposées, de transmettre ça au Procureur général. Vous admettez que c'est quand même quelque chose d'assez important. Donc, vous ne trouvez pas que c'est normal que le commissaire, qui est un homme indépendant, nommé par l'Assemblée nationale, qui ? je l'espère, j'en suis convaincu ? sera une personne de bon jugement, qui utilisera ce moyen-là, sera placé devant une situation tout à fait particulière? Non?

Mme Drouin (Solange): Mais, écoutez, je pense que, quand vous l'avez recité, vous avez... Bon, vous avez plutôt cité «grave et répétée» au lieu de «grave ou répétée».

M. Bégin: Je me suis corrigé tout de suite.

Mme Drouin (Solange): Non, non, je sais. Mais, pour moi, c'est quand même... Si c'était «grave et répétée», je n'aurais pas de problème.

M. Bégin: Non, non, c'est «grave ou répétée». Je me suis corrigé immédiatement.

Mme Drouin (Solange): Oui, je sais, je sais, vous vous êtes corrigé. Mais, pour moi, c'est... Mais, si c'était ça, c'était «grave et répétée», je n'aurais pas... L'ADISQ, on n'aurait pas de problème ? pas je, personnellement. Mais le fait que ce soit répété, on se dit quand même: Il doit y avoir des balises dans lesquelles doit s'exercer aussi la discrétion du commissaire au lobbyisme. Et avoir des règles claires ne peut que faciliter son travail.

Le Président (M. Paré): Merci, Mme Drouin. M. le ministre.

M. Bégin: Mais, dans le fait que l'interdiction ou la radiation ne peut excéder un an, est-ce que vous n'y voyez pas la capacité de la rendre proportionnelle? Par exemple, 15 jours de radiation n'a pas le même poids qu'un an d'interdiction.

Mme Drouin (Solange): Bien sûr.

M. Bégin: Donc, cette nuance que vous recherchez me semblait-il qu'elle se retrouve dans le paragraphe qui suit là.

Mme Drouin (Solange): Bien, écoutez, pour plus de confort, on souhaiterait que ce soit plus clair, de façon, comme je vous dis, à encadrer le travail du commissaire au lobbyisme, pour être sûrs... Parce que je connais, et vous en connaissez, je suis certaine, des gens qui sont chroniquement en retard sur plein de dossiers. Est-ce que des sanctions telles que réclamer de ce lobbyiste la valeur de toute contrepartie qu'il a reçue n'est pas une sanction...

M. Bégin: Vous savez que...

Mme Drouin (Solange): ...qui est un petit peu excessive pour des retards évidemment...

M. Bégin: Il y a des retards qui sont sans conséquence, mais il y en a d'autres qui ont des conséquences. Moi, dans mon métier, quand j'étais avocat, un retard qui était équivalent à un délai de prescription, c'était la perte du recours et avec ce que ça représente. Alors, une prescription, c'est un retard. Si on le fait répéter, on se retrouve avec un grave problème.

Mme Drouin (Solange): Oui, tout à fait.

M. Bégin: Donc, il y a une sanction qui est proportionnée. Moi, je pense sincèrement qu'un commissaire nommé par l'Assemblée nationale pour ce qu'il est devrait être en mesure de doser la sanction à ce qu'il constate. Il y a des retards qui sont insignifiants de deux jours pour ne pas avoir produit, je ne sais pas, moi, le rapport x, y, z. C'est sûr qu'on ne commencera pas par une infraction de cette nature-là.

Mais, si, à toutes les fois, c'est six mois puis un an et que, à toutes fins pratiques, l'esprit de la loi est complètement bafoué, là, on est devant une autre situation et il faut qu'il y ait une sanction proportionnée à cette situation-là. C'est pour ça que nous pensons qu'il y a un équilibre et qu'on a un homme ou une femme chargé de l'appliquer qui a, elle-même, un équilibre et qu'à ce moment-là il n'y a pas de risque de dépassement du gros bon sens.

Mme Drouin (Solange): Bien écoutez, dans ce que vous me présentez, le fait d'avoir... Il n'y a pas... à ce que je sache, il n'y a pas de délai de prescription dans ce projet de loi là, mais quand même, si les délais sont à ce point... il y a un retard à ce point aggravant à chaque fois, selon moi de toute façon on en est à une situation grave. C'est la répétition qui fait que la gravité, c'est... il y a une gravité.

Alors, pour moi, on arriverait au même résultat en enlevant «ou répétée» parce que la gravité serait du fait d'un retard chronique. Alors, le «ou répétée» ne rajoute pas nécessairement... donnerait probablement la même discrétion au commissaire au lobbyisme.

Le Président (M. Paré): Merci, Mme Drouin. M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais d'abord saluer Mme Drouin et la remercier de sa visite auprès de nous. En fait, ce qui est particulièrement intéressant, c'est que vous représentez un secteur d'industrie, l'industrie culturelle, que nous n'avions pas entendu évidemment depuis le début de nos auditions avant-hier.

Et, sur les points que vous soulevez, il y en a quelques-uns évidemment qui ont été, comme on l'a souligné un peu avant, qui ont déjà été soulevés, soit ce qui a trait à l'article 3, la reconnaissance ou la discrimination qui existe dans le projet de loi à l'égard des groupes qui sont soit sans but lucratif ou encore à d'autres fins que celles prévues par le projet de loi.

Vous avez soulevé avec, je dirais... Le ministre a touché plusieurs des points de votre mémoire. L'article 46, lorsque vous le soulevez, le ministre nous disait que le premier ministre avait une autre opinion lorsqu'il a émis l'intention de faire en sorte qu'il y ait un projet de loi sur cette question-là. Mais je peux vous dire que vous n'êtes pas la seule qui avez soulevé cette question-là. Vous êtes probablement la huitième ou la neuvième membre d'un groupe qui l'avez soulevé, comme le Protecteur du citoyen pour des raisons qui sont très semblables à celles que vous avez mentionnées, très semblables. La vision du Protecteur du citoyen, très près de la vôtre, c'est... Vous, vous dites: «Priver ces entreprises et associations québécoises des moyens pour se faire entendre auprès du gouvernement, c'est les condamner au silence et laisser aux plus forts ? donc, on parle des entreprises plus petites ? y compris les lobbys étrangers qui disposent de ressources considérables, le champ libre pour faire valoir leurs intérêts.»

Or, le Protecteur du citoyen, Mme la Protecteur du citoyen, disait à peu près ceci: Chez les gens qui demandent des subventions ou qui sont à la recherche de subventions, ceux qui seraient susceptibles d'utiliser une partie de leur subvention pour rembourser ou pour payer des frais de leur démarcheur sont évidemment les plus petits, les gens qui sont les plus en besoin et en demande auprès des subventions qu'ils recherchent. Et ça m'apparaît aller exactement dans le sens de vos propos qui confirment dans le fond le jugement déjà donné par le bureau du Protecteur du citoyen.

Quant au deuxième point que vous soulevez, toutes les questions concernant les articles 11, 12, 13 et 14 et qui concernent particulièrement les délais de prescription, etc., nous avons discuté de ça encore hier soir, et je pense que le gouvernement est prêt à bouger là-dessus, faire en sorte de s'enligner probablement avec les législations canadiennes qui sont généralement porteuses d'un délai qui est semblable à celui que vous demandez, soit généralement 30 jours ou 60 jours pour les délais d'inscription.

Et tant qu'à la partie...

Donc, je vous questionnerai sur l'article 51 et 59 que vous avez... Finalement, ce sont les deux seuls articles qui nous restent dans le mémoire, que vous avez soulevés. J'aimerais effectivement entendre davantage ce que vous voulez dire ou préciser en ce qui concerne les modifications que vous réclamez à l'article 51: paiement de la valeur d'une contrepartie; et, à l'article 59, la modification que vous suggérez pour faire en sorte que les amendes pénales soient incorporées dans le projet de loi.

n(16 h 10)n

Le Président (M. Paré): Mme Drouin.

Mme Drouin (Solange): Oui. Écoutez, concernant l'article 51, c'est un peu dans le même sens, là, notre échange, l'échange que j'ai eu avec M. le ministre: le projet de loi précise que le Procureur général pourra réclamer la valeur de la contrepartie s'il y a un manquement de quelque façon que ce soit. On trouve que c'est un peu trop large comme discrétion. Il faudrait qu'évidemment le fait de demander le retour de la contrepartie, ce qui est une sanction grave, qu'elle soit motivée par un manquement grave. Donc, remplacer «manque de quelque façon» par «manque de façon grave».

Et l'autre interrogation finalement, l'autre portion de notre mémoire sur l'article 59, c'est qu'on est plus d'avis qu'une telle sanction du retour de la contrepartie, de la demande de retourner la contrepartie, bon, c'est dans la portion Mesures disciplinaires mais, selon nous, bien humblement, ça relèverait peut-être plutôt d'une sanction pénale, parce qu'on trouve que c'est une sanction très grave que de demander finalement le retour des sommes qui auraient pu être versées pour ce travail-là. Alors, c'est pour ça que nous proposons que l'article 51 finalement, l'esprit de l'article 51 se retrouve plutôt dans les sanctions pénales que dans les mesures disciplinaires. Voilà.

Le Président (M. Paré): Merci, Mme Drouin.

M. Chagnon: Je comprends.

Le Président (M. Paré): M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Ça va aller, moi, M. le Président. Je vous remercie beaucoup.

Mme Drouin (Solange): ...rajouter quelque chose.

Le Président (M. Paré): Bien sûr.

M. Chagnon: Oui, bien sûr, on a tout notre temps.

Mme Drouin (Solange): Quant aux autres commentaires que vous avez faits plus avant, pour nous, c'est très clair. C'est sûr que c'est difficile. La tâche n'est pas facile de faire un projet de loi qui s'applique à l'ensemble des secteurs d'activité de la société québécoise. C'est un grand défi et on en est bien conscient. Mais je pense qu'il y a certains secteurs que je vous présente aujourd'hui, moi, le secteur culturel qu'on connaît, mais il y en a peut-être d'autres aussi qui ne se sont pas présentés devant vous qui... il y a certaines dispositions du projet de loi qui ne s'adaptent pas du tout à leur secteur. Et le fait de ne plus pouvoir compter sur des contributions financières du gouvernement pour exercer leurs simples activités, c'est un problème. Et il y a plusieurs associations qui sont des bons intervenants pour le gouvernement, qui risquent, s'ils ne comptent plus sur cette portion-là gouvernementale pour exercer leurs activités, ce sera un réel problème. Et après, le gouvernement se retrouvera avec des intervenants qui ne seront pas... qui ne pourront pas soutenir leur dialogue, là. Et c'est pour ça... J'espère que, par le projet de loi n° 80, on ne veut pas faire taire les gens. On veut peut-être encadrer mais on ne veut surtout pas les réduire au silence. Et on pense que ça, c'est réduire au silence certaines associations.

M. Chagnon: Tout à fait raison au point que, au départ, je pense que tout le monde professe la même attitude et la même volonté de faire en sorte qu'il y ait plus de transparence, une éthique et une déontologie plus grandes, comme vous l'avez souligné, et c'est tout à fait normal. Mais il faut éviter de faire en sorte que le projet de loi nuise plus qu'il aide. Il faut faire en sorte qu'il aide. Alors, la recherche du bon sens et de la bonne voie... de bonnes solutions à trouver doit être celle qui nous guide.

Hier soir, par exemple, nous avons eu une discussion avec un autre type d'industrie, l'industrie de l'informatique, et puis là, on avait une discussion, à onze heures et demi, minuit, hier soir, à déterminer, savoir si les consultants en informatique qui travaillent à l'intérieur des ministères, dans des groupes, qui sont susceptibles de suggérer l'émission de contrats, sont des... doit-on les considérer comme des lobbyistes ou comme des vendeurs? On a eu une discussion intéressante là-dessus hier soir avec le ministre sur cette question-là, mais probablement c'est plus rien que la cour qui pourrait, finalement, au bout de la ligne, faire la distinction entre les deux. Les avis juridiques des sociétés qui étaient représentées ici hier disaient: Nous serons considérés comme des lobbyistes. Le ministre prétendait que non. À un moment donné, ça devient un peu difficile.

Et dans le cas de votre industrie évidemment, la grande majorité... enfin, il y a beaucoup, beaucoup d'organismes, pensons au Conseil... si on sort de l'ADISQ, là, le Conseil des médiévales du Québec, etc., c'est un organisme qui voit au bien-être de ses membres. Mais s'il n'est pas subventionné, cet organisme-là, le bien-être de ses membres tombe mort raide et...

Mme Drouin (Solange): On ne devient plus un interlocuteur valable pour le gouvernement. Et je pense que l'ensemble du secteur en pâtirait, là. Ce n'est pas juste... Bon, écoutez, on ne défend pas notre job, là. Lorsqu'on ne travaille pas à l'ADISQ, on peut travailler ailleurs. Mais c'est vraiment, c'est que l'interlocuteur, on ne devient plus... Je pense que ce qui fait la justesse des interventions d'un gouvernement, c'est la prime, d'avoir testé avec un milieu, et un milieu qui est capable justement d'avoir les outils pour donner des avis éclairés. Et ça, c'est du monde, c'est des femmes et des hommes qui travaillent, et il faut les payer. Alors, c'est aussi simple que ça.

Et je vous avoue que, dans le projet de loi, le fait de focusser sur les entreprises à but lucratif seulement, pour nous, c'est comme rajouter à la connotation un peu négative que ce n'est pas un mal d'avoir une entreprise à but lucratif qui, ultimement, peut, oui, peut-être, faire du profit. Est-ce qu'on est plus ou moins fiers de l'OSM parce que c'est une entreprise sans but lucratif? Si elle était une entreprise à but lucratif, on serait moins fiers de l'OSM? On serait plus fiers du Cirque du soleil si c'était une entreprise sans but lucratif? Voyons donc! Ce n'est pas la nature de l'entreprise qu'on regarde. Et, dans d'autres secteurs d'activité, le gouvernement est très fier de montrer ces entreprises qui sont performantes. Alors, n'attachons pas une valeur discriminatoire et négative sur ces entreprises-là, et notre fierté ne tient pas à l'incorporation à l'Inspecteur des institutions financières. Ce n'est pas là qu'on regarde si une entreprise est bonne pour l'ensemble de la société québécoise. Ce n'est pas ça qui fait la différence, il me semble.

M. Chagnon: C'est un vieux complexe historico-religieux.

Mme Drouin (Solange): C'est ça. C'est religieux.

M. Chagnon: La première moitié du siècle passé qui remonte à la surface et qui fait de nous des gens pour qui le profit est vil et l'argent est méchant et pour qui c'est pour l'autre race, ça.

Mme Drouin (Solange): Il ne faudrait pas concrétiser ça. Il ne faudrait surtout pas encourager cette fausse perception-là.

M. Chagnon: J'en conviens avec vous.

Mme Drouin (Solange): D'accord.

Le Président (M. Paré): Il me reste à vous remercier, Mme Drouin, pour votre contribution à cette commission. Et je suspens quelques instants, mais auparavant je demanderais à l'Association des constructeurs de routes et de grands travaux de s'avancer.

(Suspension de la séance à 16 h 17)

 

(Reprise à 16 h 19)

Le Président (M. Paré): Bienvenue, Mme Bourque, à cette commission. Si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent. Vous aurez 15 minutes pour faire votre présentation et il y aura échange avec les membres de la commission pendant 30 minutes.

Association des constructeurs de routes
et grands travaux du Québec (ACRGTQ)

Mme Bourque (Gisèle): C'est bien. Alors, je suis Gisèle Bourque, directrice générale de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec. J'ai, à ma droite, Mme Nelly Rodrigue qui est avocate et, à ma gauche, Me Stéphane Beauchamp.

Le Président (M. Paré): Merci. Vous pouvez procéder.

Mme Bourque (Gisèle): Partenaires des donneurs d'ouvrage dans la modernisation du Québec depuis 1944, l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec représente la majorité des principaux entrepreneurs et fournisseurs oeuvrant dans la construction de routes, d'ouvrages de génie civil et de grands travaux. Elle est la seule association québécoise représentative de l'industrie du génie civil.

Le rôle de l'Association est de promouvoir les intérêts de l'industrie de la construction en génie civil et voirie en général et ceux de ses membres en particulier, tout en tenant compte de la sécurité du public.

n(16 h 20)n

Par ailleurs, l'ACRGTQ prend position et informe ses membres sur les principaux enjeux de domaines aussi divers que la formation, la santé et la sécurité du travail, l'environnement et les relations du travail. Elle est aussi l'interlocutrice privilégiée du ministère des Transports du Québec, de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec et de la Commission de la construction du Québec. C'est d'ailleurs l'Association qui négocie et applique la convention collective du secteur de génie civil et voirie en vertu de la loi R-20. À ce titre, elle représente les intérêts de plus de 1 500 employeurs de l'industrie de la construction qui compte plus de 20 000 salariés.

Dans l'exercice de son rôle, l'Association veille à ce que ses membres demeurent, auprès des donneurs d'ouvrage, des bâtisseurs renseignés, compétents et fiables en leur offrant notamment divers services de recherche et d'information sur les aspects techniques, administratifs et juridiques. De plus, l'Association est présente auprès de plusieurs regroupements et comités de concertation ayant pour but d'améliorer les pratiques de l'industrie pour le bénéfice de ses membres et de la communauté.

Les activités de lobbyisme sont essentielles au fonctionnement d'une société, plus particulièrement dans une société démocratique ouverte comme la nôtre. En effet, le Québec, de par ses différentes institutions autant provinciales que municipales, est un modèle envié de plusieurs. À cet égard, l'accès des citoyens à nos différentes institutions est essentiel afin de conserver et entretenir ce système démocratique. Il est important, pour ne pas dire primordial, de préserver cette accessibilité ainsi que de la favoriser. Cette accessibilité doit pouvoir s'exécuter dans le respect des citoyens ainsi que des titulaires d'une charge publique qui sont les commettants de l'appareil gouvernemental.

Les titulaires de charge publique ont de lourdes responsabilités. Ils doivent gérer, administrer et guider nos institutions dans le meilleur intérêt du Québec ou de leur ville, municipalité respective. Afin de bien s'acquitter de cette lourde tâche, il est important que les différentes décisions soient prises en toute connaissance de cause. Par ailleurs, les citoyens, d'une façon individuelle ou concertée, doivent interagir avec ces derniers, puisque les décisions qui sont prises influencent leur vie.

Le citoyen, qu'il soit individuel ou corporatif, parfois dérouté devant la complexité de l'appareil gouvernemental, peut recourir à des spécialistes internes ou externes, que l'on appelle lobbyistes, afin de communiquer avec les institutions gouvernementales pour faire valoir son opinion. Le travail d'un lobbyiste est essentiel. Il permet non seulement au citoyen de faire valoir ses idées, mais aussi aux différents représentants de l'État de comprendre rapidement les enjeux. Ainsi, les décideurs sont en meilleure position pour prendre des décisions. Bref, tout le monde y gagne dans une société libre et démocratique.

Le lobbyisme existe depuis toujours, et le gouvernement doit en prendre acte en facilitant cette activité et non en limitant ses champs d'exécution. Un encadrement malsain créant un doute sur la légitimité du lobbyisme, sur ceux qui le pratiquent ne répondra pas aux intérêts des citoyens ni à ceux de nos titulaires de charge publique qui ont besoin d'informations, d'opinions et de positions dans l'élaboration des différentes politiques, programmes ou autres. De plus, la simplicité du processus d'encadrement est primordiale afin de s'assurer de la transparence et de l'efficacité du système gouvernemental. Limiter la pratique du lobbyisme d'une façon directe ou indirecte par des entraves réglementaires ou administratives ne servira pas l'intérêt public. L'encadrement du lobbyisme proposé doit être souple et respecter les valeurs fondamentales de notre société. Ces valeurs essentielles sont l'équité, la transparence, la légitimité, l'intégrité et l'accessibilité à nos institutions.

Donc, c'est en s'inspirant de ces principes que l'ACRGTQ commente le projet de loi n° 80, Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme, et formule des recommandations.

Les objets et les champs d'application concernant les articles 1 à 6. L'Association considère légitime d'encadrer, dans un objectif de transparence et de libre accès aux institutions du gouvernement, les activités de lobbyisme. Toutefois, il s'avère essentiel que le tout soit fait dans l'équité et le respect de notre société démocratique. Cependant, nous regrettons le contexte dans lequel ce projet de loi a été rédigé de même que la tangente qui lui est donnée.

La définition d'activités de lobbyisme, à l'article 2, nous laisse un goût amer sur les véritables intentions du gouvernement du Québec dans sa démarche d'adopter une loi sur la transparence et l'éthique. À la lumière de la définition donnée, nous croyons qu'il cherche plutôt à refermer le canal de communication entre les citoyens et l'appareil gouvernemental. La portée donnée au projet de loi par cette définition outrepasse la transparence. Nous estimons nécessaire qu'une nouvelle définition d'activités de lobbyisme soit présentée. Elle doit être simple, claire et laisser place le moins possible à de l'interprétation. Elle doit aussi circonscrire les véritables intentions du gouvernement en adoptant une telle loi.

Le projet de loi exige dans sa notion de lobbyiste-conseil l'élément contrepartie, tout comme il exige la notion de lucratif pour le lobbyiste d'entreprise et d'organisation. Ces conditions de contrepartie et de lucratif éliminent un grand nombre de représentations qualifiées d'activités de lobbyisme faites auprès des titulaires de charge publique. Mentionnons, entre autres, les syndicats et les organismes de bienfaisance sous quelque forme que ce soit. Nous considérons inéquitable, inappropriée et littéralement biaisée la portée de ce projet de loi en ce qui a trait aux définitions de ce qui est considéré comme lobbyiste. Si nous n'avions qu'un seul point à faire valoir, ce serait celui-ci. Il est inconcevable dans une société comme la nôtre, c'est-à-dire dont le taux de syndicalisation est l'un des plus élevés parmi les pays industrialisés, que le gouvernement soustraie volontairement les syndicats de l'obligation de transparence et d'éthique dans le cadre de leurs fonctions auprès des titulaires de charge publique. Nous espérons que les Québécois et les Québécoises s'opposeront fortement à cette exclusion à peine voilée. Le gouvernement doit lui-même faire preuve de transparence et d'équité dans ses propres actions et ses décisions.

Si le gouvernement du Québec décidait, malgré ce manque flagrant d'impartialité, de maintenir l'exclusion des syndicats, il doit aussi exclure toutes les associations patronales qui bénéficient de pouvoirs particuliers à la suite d'une délégation de compétences législatives, dont, par exemple, une association comme la nôtre. Le projet de loi permet une telle exclusion par son article 59. Tous les représentants patronaux, indépendamment du secteur d'activité dans lequel ils exercent, déplorent depuis des années le déséquilibre entre les parties syndicales et patronales. De plus, le projet de loi évacue complètement le lobbyiste bénévole qui tente de faire avancer une cause qui lui tient à coeur. Le fait de s'inscrire au registre n'empêche personne de faire ses représentations mais rend le processus accessible à l'ensemble de la population et évite de prendre les opposants par surprise.

La divulgation des activités de lobbyisme, aux article 7 à 22. Nous déplorons la nature et la quantité de renseignements exigés dans le cadre de l'inscription au registre. Il est fondamental de maintenir l'équilibre entre ce qui est pertinent pour atteindre les objectifs de la loi, le respect de la vie privée et le traitement des informations elles-mêmes. Nous considérons non pertinente l'exigence d'inscrire les adresses personnelles des individus dans le registre des lobbyistes. De plus, nous recommandons au gouvernement de retirer tout renseignement de nature privée et confidentielle qui ne sert en rien la cause de la transparence dans les interactions entre les lobbyistes et les titulaires de charge publique.

Nature ministérielle, sous-ministérielle, d'encadrement, professionnelle ou autre de ces fonctions, aux articles 8, 9 et 10. Les systèmes mis sur pied jusqu'à maintenant par d'autres gouvernements ont conclu que le fait que le lobbyiste indique avec quel ministère il a des contacts et l'objet des discussions sont suffisants pour atteindre les objectifs de leur loi. Il faut évaluer l'accessibilité à un gouvernement dans son ensemble et non considérer que la seule manière d'obtenir de l'information est par le registre que le gouvernement entend constituer. Le gouvernement a déjà mis sur pied des procédures d'accès à des informations. La Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels à l'information est un bon exemple. Le gouvernement a élaboré une procédure permettant à toute personne qui en fait la demande d'avoir accès aux documents d'un organisme public. Ainsi, la personne qui est intéressée à un sujet particulier dispose de moyens pour accéder à cette information.

Nous ne pouvons parler d'accessibilité à l'information sans parler de l'Internet, qui est une source inépuisable d'informations. Considérant que le citoyen dispose d'une panoplie de sources d'information, comment l'intérêt public sera mieux préservé en contraignant le lobbyiste à déclarer non seulement l'institution où le titulaire d'une charge publique exerce ses fonctions, mais aussi la nature de ses fonctions? Ce degré de détail servira véritablement à qui? À ceux qui exercent des activités de lobbyisme et qui ne sont pas contraints de s'inscrire au registre. Nous sommes persuadés que cette exigence démesurée de détail dans la déclaration nuira aux échanges d'information entre le titulaire de charge publique et le lobbyiste. Rappelons que ces discussions s'avèrent parfois aussi importantes d'un côté comme de l'autre. Il faut également ajouter les coûts supplémentaires pour l'administration de telles informations, tant pour ceux qui doivent la traiter que ceux qui doivent la déclarer.

En conclusion, le lobbyisme existe depuis toujours, et le gouvernement doit en prendre acte en facilitant cette activité et non en limitant ses champs d'exécution. Un encadrement malsain créant un doute sur la légitimité du lobbyisme et ceux qui le pratiquent ne répondra pas aux intérêts des citoyens ni à ceux de nos titulaires de charges publiques qui ont besoin d'informations, d'opinions et de positions dans l'élaboration des différentes politiques, programmes ou autres. De plus, la simplicité du processus d'encadrement est primordiale afin de s'assurer de la transparence ainsi que l'efficacité du système gouvernemental. Limiter la pratique du lobbyisme d'une façon directe ou indirecte par des entraves réglementaires ou administratives ne servira pas l'intérêt collectif.

Le plus grand défaut du projet de loi, à notre sens, est l'iniquité. Nous réitérons que toute personne a droit à l'équité, puisque ce principe permet à tous d'être égaux devant nos différentes institutions, et les différentes institutions doivent traiter également les différents citoyens. En conséquence, toutes les personnes, corporations, organisations, coalitions, groupes d'intérêt et syndicats doivent être traités également dans une réglementation encadrant le lobbyisme. Aucun ne doit être favorisé ou défavorisé dans son accès à nos institutions publiques à cause de son statut, de faits objectifs ou autres. Le gouvernement se doit de réviser son projet de loi en ce sens.

n(16 h 30)n

Le Commissaire au lobbyisme est un acteur important de ce projet de loi. Il supervise l'application de la loi et doit rédiger un code de déontologie. Les pouvoirs attribués à ce commissaire doivent être élargis et non pas se limiter à la surveillance des lobbyistes seulement, mais bien à tout l'appareil gouvernemental.

Quant au code de déontologie, il doit être simple, transparent et clair afin que tous les intervenants comprennent bien les règles du jeu et qu'aucune ambiguïté ne s'infiltre entre les différents intervenants. Il en va de l'intégrité du lobbyiste.

Le dernier élément majeur de ce projet de loi nécessitant des modifications importantes concerne les mesures disciplinaires, plus particulièrement le processus d'imposition de ces mesures disciplinaires. Le processus est arbitraire, exempt de toute transparence, transparence si importante dans ce projet de loi. Mais surtout, le processus défie les règles de justice naturelle qui sont des valeurs essentielles de notre société, gages de la démocratie et instruments contre l'arbitraire.

Finalement, nous vous suggérons de bien prendre votre temps avant de proclamer ce projet de loi. Le lobbyisme est trop essentiel au bon fonctionnement de notre société pour que l'on adopte une législation dans un contexte non propice. Il est important que la société québécoise puisse avoir l'occasion d'avoir un débat de fond sur le lobbyisme et son rôle dans la société québécoise. L'ACRGTQ milite en faveur d'une loi qui régirait le lobbyisme, mais il faut bien faire les choses car il en va de l'intérêt public d'avoir libre accès aux institutions de l'État. Le lobbyisme existe, existera et il est parfaitement légitime.

Le Président (M. Paré): Merci, Mme Bourque. Avez-vous terminé ou...

Mme Bourque (Gisèle): Terminé.

Le Président (M. Paré): Est-ce que les gens qui vous accompagnent ont d'autres remarques? Ça va.

Mme Bourque (Gisèle): Vous comprendrez que c'est un résumé du mémoire qu'on a lu bien sûr.

Le Président (M. Paré): Bien sûr, parce qu'il y a d'autres articles que nous avons vus tout à l'heure à la lecture. M. le ministre.

M. Bégin: Merci, mesdames, monsieur. Effectivement, c'est un résumé, puisque vous n'avez pas moins que 18 recommandations très pointues. Alors, ce n'est pas rendre justice à votre mémoire que de prétendre que ce que vous venez de dire le couvre en entier.

Alors, merci de votre mémoire. Avec votre permission, je prendrais vos recommandations, parce qu'elles sont nombreuses, pour être capable de peut-être, dans certains cas, donner une réaction immédiate et, dans d'autres, peut-être avoir une certaine discussion.

Je passerais pour le moment la première, «en vue d'influencer» ou l'autre, c'est «susceptibles d'influencer». Je reviendrai.

Je prendrai le deuxième point parce que c'est la première fois que nous entendons cette remarque. Avec plusieurs, vous demandez qu'on inclue dans l'application de la loi les organisations commerciales, industrielles, professionnelles, syndicales, les chambres de commerce, organismes de bienfaisance. Donc, là-dessus vous êtes en bonne compagnie, sauf que vous ajoutez une petite phrase que nous n'avons pas vue ailleurs: «Cette recommandation prend davantage d'importance en ce qui a trait aux syndicats.»

Est-ce que j'interprète bien le fait qu'actuellement il y aurait deux grands groupes qui seraient exclus de la loi, à savoir, mettons, les ordres professionnels et les syndicats, je les mettrais comme étant un groupe, et l'autre, c'est les organismes communautaires sans but lucratif qui n'ont pas du tout la même nature? Est-ce que c'est ça que vous voulez, souligné par le fait que c'est principalement les syndicats qui seraient visés? Est-ce que c'est ça?

Le Président (M. Paré): Mme Bourque. Ou M. Beauchamp? M. Beauchamp.

M. Beauchamp (Stéphane): Il faut comprendre que, dans les activités qui sont définies à l'ACRGTQ, les syndicats sont une partie importante de la contrepartie dans nos activités. C'est-à-dire que, quand on parle de la convention collective, qui est un pan important de nos activités, les syndicats sont omniprésents. Donc, pour nous, contrairement, par exemple, aux oeuvres de bienfaisance, qui nous touchent moins, c'est bien évident que les syndicats sont une partie importante de nos partenaires et, je dirais, bien, entre guillemets, nos adversaires dans certains dossiers.

Donc, c'est dans ce sens-là qu'effectivement on met l'accent plus sur les syndicats. C'est évident, quand on parle de fondations, ce sont moins des organismes qui nous touchent en tant qu'association. Je pense c'est surtout sur ce point-là...

M. Bégin: Cet angle-là.

M. Beauchamp (Stéphane): ...qu'on a axé notre mémoire, en fonction de la réalité de l'Association des constructeurs de routes.

M. Bégin: Merci. Est-ce que j'interprète bien votre paragraphe 3 en disant qu'en demandant qu'on inclue les organismes à but lucratif ou sans but lucratif, on rejoint le paragraphe précédent à toutes fins pratiques? C'est que, si, par exemple, on incluait les organismes sans but lucratif, évidemment automatiquement cette expression de «sans but lucratif» disparaîtrait.

M. Beauchamp (Stéphane): Tout à fait.

M. Bégin: Donc, ce n'est pas redondant, mais c'est une autre façon de dire la même chose. On s'entend bien.

Dans le point 4, vous nous demandez de définir ce qu'est une «partie importante». Au fédéral, on a les mêmes expressions. Ça n'a pas été défini dans la loi, mais, par bulletin d'interprétation, on en est arrivé à dire que c'est, je pense, 20 %. Est-ce qu'il est absolument essentiel de marquer le chiffre ou de le laisser, à l'usage, s'établir et, si besoin, un jour de définir ce qu'est cette partie importante?

Le Président (M. Paré): M. Beauchamp.

M. Beauchamp (Stéphane): Je pense que c'est important. Peut-être pas nécessairement dans la loi, mais que ça soit dans les règles d'interprétation ou dans la réglementation. Pour une raison qui est très simple, prenez, par exemple, l'Association, où est-ce que nous évoluons avec plusieurs partenaires, que ce soit le ministère des Transports ? on les a énumérés, vous avez la liste des principaux partenaires gouvernementaux et paragouvernementaux au niveau de l'Association ? c'est bien évident que le moment où est-ce qu'on arrive à ne pas avoir un ordre de grandeur et qu'effectivement on commet ce que le Commissaire au lobbyisme pourrait appeler un impair, donc une dérogation à la loi, il y a des conséquences, comme vous avez pu constater ? et ça a été déjà discuté ? qui sont très, très, très importantes et très préjudiciables pour l'organisation.

Donc, c'est bien évident qu'en définissant, que ce soit, comme je disais, par biais de réglementation, d'interprétation, je pense que ça serait important. Oui, au fédéral, on parle d'ordre de grandeur de 20 %. Donc, il y a quand même... Même si c'est une règle d'interprétation, ce serait quand même une balise qui est importante. Je comprends que les lois s'interprètent une par l'autre, et on va chercher des exemples à l'extérieur naturellement de la législation immédiate, quand on a des comparatifs ailleurs, comme c'est le cas au fédéral, mais ce serait dommage, je pense qu'il est important de le préciser, peut-être que l'intention du gouvernement sera à 25 %, elle sera peut-être à 10 %, et qu'on arrive avec une importante... importante, ça peut être 50 % plus un également.

Donc, c'est pour ça que je pense qu'il est important parce que, pour nous, effectivement, si on est sanctionné à cause de cet aspect-là, je veux dire, je pense que les conséquences sont très, très importantes. Donc, il faut savoir dans quoi qu'on s'embarque et à partir de quand on s'inscrit et à partir de quand on n'a pas à s'inscrire pour certaines activités.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Beauchamp. M. le ministre.

M. Bégin: Bien. À l'article 5, là, vous dites: Attendre d'appliquer le projet de loi à la réalité municipale, en attendant de mieux évaluer la réalité municipale. Est-ce que vous pensez que nous avons une méconnaissance du monde municipal qui nous obligerait à étudier à nouveau cette question ou bien si c'est une manière élégante de dire: Prenez une première bouchée, appliquez-la au monde du gouvernement, puis, dans une deuxième bouchée, par exemple dans six mois, dans un an, le temps qu'on s'habitue tout le monde au registre, etc., l'appliquer au monde municipal? Laquelle des deux options que je dois choisir? Ha, ha, ha!

Le Président (M. Paré): M. Beauchamp ou Mme Bourque.

Mme Bourque (Gisèle): Écoutez, je ne crois pas que... On n'a pas la prétention de dire que le gouvernement méconnaît le monde municipal, bien au contraire. C'est tout simplement qu'il s'agit d'une loi nouvelle et peut-être que ce serait plus prudent d'évaluer la situation.

M. Bégin: Et quand pensez-vous qu'on devrait évaluer ça?

Mme Bourque (Gisèle): Écoutez, c'est difficile d'y répondre. Vous êtes le meilleur juge en la matière. Nous, c'est une recommandation qu'on formule. Bien évidemment, vous verrez, au bout de six mois, au bout d'un an, comment ça se déroule dans les faits. Je pense que, avant un an, c'est peut-être un peu tôt.

M. Chagnon: ...de promulgation sur cet article-là.

M. Bégin: Oui, je comprends, mais ça, c'est relativement court. Mais, quand le premier ministre et moi-même avons annoncé les grandes orientations, une des caractéristiques qui nous différenciaient de la loi fédérale était, entre autres, l'application au monde municipal de ces règles. Et là vous nous dites: Attendez donc.

M. Chagnon: ...que le gouvernement fédéral impose dans sa loi une application du monde municipal, s'il vous plaît.

M. Bégin: C'est sûr, c'est sûr. Jamais nous n'aurions... Nous nous entendons là-dessus.

M. Chagnon: Alors, ne reprochons pas au gouvernement fédéral de ne pas l'avoir fait. Ha, ha, ha!

M. Bégin: Ha, ha, ha! Bon, je comprends le sens de votre remarque. Oui, madame.

M. Beauchamp (Stéphane): Si vous me permettez, M. le ministre...

Le Président (M. Paré): M. Beauchamp.

M. Beauchamp (Stéphane): Excusez-moi. Je pense qu'il est important également, avec le nombre de municipalités, de villes et de municipalités qu'on a au Québec, avec naturellement des municipalités où est-ce qu'il y a 1 000 habitants, qu'il y en a d'autres qui ont maintenant plusieurs millions, je pense qu'il y a quand même une question administrative également qui rentre en ligne de compte. Donc, quand on parle de monde municipal, on pourrait y aller par application en fonction de tranches de nombre d'habitants. Parce que je sais que certaines villes où c'est que tu as 1 000 ou 1 500 personnes, l'application de la loi, ça va être, je ne dirais pas une bombe, mais ça va être une problématique importante, quand on a du personnel qui n'est pas à temps plein, comment ça fonctionne et tout ça dans ces différentes... Alors que vous avez des villes comme Montréal où est-ce que, là, on parle d'une dynamique qui est complètement différente.

Donc, quand vous parlez... Je pense qu'il y a cette réalité-là municipale qui est particulière et que je pense qu'on devrait y aller soit par gradation ou d'exclure une partie dépendant justement de la grandeur des villes et municipalités. Je pense que c'est plus à ce niveau-là, pour compléter le commentaire.

M. Bégin: Merci. Je saute le paragraphe 6, je vais revenir tout de suite. Le paragraphe 7, je crois qu'on l'a déjà parlé de plusieurs façons, l'écriture va être reprise. Il y a confusion au niveau de la rédaction, alors, je vous le dis tout de suite: Ça va être repris.

n(16 h 40)n

Le 6, j'essaie de voir... Dans ma tête, je vois une nuance, mais je ne suis pas sûr que je comprends bien ce que vous recherchez en demandant de remplacer «connues du public» par «qui peuvent être connues du public», parce qu'une audience du BAPE, par exemple, bien, il y a bien des gens qui ne savent pas, mais de façon générale, c'est connu du public. «Qui peuvent être connues», c'est que ce n'est pas public mais ça peut être connu par le public. Il y a quand même une nuance, là, qui peut revêtir quelque chose qu'on ne vise pas. J'essaie de comprendre pourquoi on ne devrait pas prendre «connues du public».

La commission parlementaire, là, c'est connu du public, hein, mais ça ne peut être connu du public, c'est connu. Parce que ce qui peut être connu, c'est ce qui n'est pas évident du tout et ce n'est pas officiel mais, si on fait une démarche x, y, z, peut-être qu'on va le découvrir. Ce n'est pas la même chose. J'essaie de voir pourquoi il faudrait changer ça.

Le Président (M. Paré): Mme Bourque.

Mme Bourque (Gisèle): Bon, écoutez, je vais passer la parole à Me Rodrigue, parce que ce sont ces deux avocats qui ont participé à la rédaction. Alors, je... les détails, là...

M. Bégin: Ha, ha, ha! Mais faites-vous-z-en pas, madame, je comprends bien ça, je suis avocat, et Me Chagnon, alors on est en famille là-dessus, pas de problème.

Le Président (M. Paré): Me Rodrigue.

Mme Rodrigue (Nelly): L'objet était réellement de sensibiliser le citoyen à son devoir lui aussi de s'informer. Puisqu'on parle de transparence, on parle d'accessibilité du citoyen, que le citoyen se sente en confiance vis-à-vis l'appareil gouvernemental, on disait: oui, d'accord, mais il se doit lui aussi de prendre la peine d'aller se chercher de l'information, l'information qui est disponible. Mais, s'il se contente, par exemple, de ne regarder que les bulletins de nouvelles télévisés, ça, c'est une chose, il y a des sources d'information, mais il peut en avoir ailleurs aussi: auprès de son conseil municipal, auprès... bon, on parlait d'Internet, qui, veux veux pas, qui est l'ère de l'informatique, on ne peut pas bannir cette source d'information là. Je vais sur les sites du gouvernement, écoutez, on retrouve une panoplie d'informations très diverses. Donc, un citoyen qui veut obtenir une information peut assez facilement en obtenir.

Donc, notre objectif était de dire: Écoutez, il faut que le citoyen, ou l'autre partie qui a une idée opposée à la mienne ou à mon association, qu'il utilise tout ce qui est à sa disposition pour avoir cette information-là. Et cet article-là est aussi vu avec la panoplie d'informations qui est exigée lors de l'inscription. Elles sont vraiment en parallèle, là, de dire connues, et tout ce qui va être demandé à l'intérieur du registre, via le projet de loi, on les a soupesés. C'est dans ce sens-là qu'elles peuvent être connues.

M. Bégin: Oui, mais est-ce que, par le fait qu'on parle d'une activité qui doit être connue... On dit: «La présente loi ne s'applique pas aux activités suivantes: les représentations faites dans le cadre de procédures publiques.» On en est aujourd'hui exactement dans ça, c'est une activité dans le cadre d'une procédure publique ou connue du public. Alors, ce n'est pas une démarche que le citoyen doit faire pour essayer de trouver, là, en fouillant, puis s'informer, C'est que c'est l'activité elle-même qui est publique. Comme aujourd'hui la commission parlementaire, c'est une activité publique. Il n'y a personne qui a besoin de chercher pour savoir si ça existe, qu'est-ce que ça peut comprendre. S'il veut suivre les galées, on va lui fournir les textes et puis il peut même écouter à la télévision. Il n'a pas à faire des démarches pour aller rechercher: Ah! je ne savais pas que ça existait. C'est connu du public. En tout cas, je comprends ce que vous voulez apporter.

Vous permettez que je passe au point suivant, l'adresse personnelle. En fait, vous en parlez au point 8 et point 9, à moins d'erreur de ma part. C'est ça. Alors, vous dites qu'on ne devrait pas mettre les nom et adresse de toute personne, société ou association qui contribue à ces activités de lobbyisme. Est-ce que vous ne pensez pas que c'est important de connaître les noms des personnes? Les adresses, j'ajoute peut-être que c'est autre chose, mais le nom de la personne qui travaille dans une organisation, de savoir qui elle est, bien, si on veut savoir qui fait quoi et qu'on puisse le vérifier, si on en sent le besoin et que ça soit utile, bien, à ce moment-là, il faut au moins avoir un repère. Si on dit: C'est l'association X, il y a 23 lobbyistes. Qui? On ne le sait pas. Il y a 75, 100, 150 employés, est-ce qu'on va dire: C'est n'importe qui dans le... tiré au hasard? Ça peut être extrêmement complexe.

Le Président (M. Paré): Mme Bourque.

Mme Bourque (Gisèle): Je conviens, M. le ministre, que peut-être ne pas indiquer de nom, c'est peut-être aller trop loin dans nos recommandations. Par ailleurs, l'adresse privée, personnelle, ça va peut-être un peu loin.

M. Bégin: Mais l'adresse, je suis assez d'accord avec vous. Parce que, là, on est rendu que... C'est que, pour d'autres fins que des fins légitimes, on pourrait utiliser cette information-là pour avoir accès à une personne. Alors, le nom, si on s'appelle Gilles Tremblay puis qu'il y en a 43 dans l'annuaire, ce n'est pas un gros problème.

Mme Bourque (Gisèle): C'est moins compromettant.

M. Bégin: Oui. Mais, si c'est Gilles Tremblay demeurant sur la rue Simard, oh la! là, je commence à être capable de le rejoindre, là.

Mme Bourque (Gisèle): Ça va un peu loin, effectivement.

M. Chagnon: ...l'adresse du bureau de cette personne?

M. Bégin: Oui, on pourrait mettre l'adresse du bureau, par exemple, le nom et l'adresse du bureau.

M. Chagnon: Bien, oui, c'est ça.

M. Bégin: Alors, ce serait... quoi? Les avocats... Il y a une autre organisation qui nous avait demandé ça. Je pense que c'est dans le cas...

Une voix: ...

M. Bégin: Non, c'était dans le cadre du Code de procédure civile. On nous avait fait une demande semblable, et j'avais trouvé que c'était plein d'allure. Alors, là-dessus, ça ira, définitivement.

Point 10, là, par exemple, vous dites: «Conséquemment, l'exigence relative à la déclaration de la nature ministérielle, sous-ministérielle, d'encadrement, professionnelle ou autre de ces fonctions doit être retirée.»

Pour que les gens comprennent bien, c'est qu'on dit dans la déclaration, celui qui va faire du lobbying dit: Je vais tenter d'influencer dans tel sens, par exemple pour modifier une loi, un règlement, et j'entends pour ce faire m'adresser à. Et là la question est de dire auprès de qui. Certains, et je pense que vous dites ça, ce serait de dire: Auprès du ministère de la Justice, par exemple, alors que, nous, nous avons dit: Non, vous allez marquer à quel niveau dans le ministère de la Justice vous allez vous adresser: ministériel, sous-ministériel, professionnel, et ainsi de suite. Évidemment, la Justice, ça peut ne pas signifier grand-chose, mais, vous autres, avec vos relations, ça va être aux Transports, par exemple. On peut savoir à quel niveau vous vous adressez, et c'est parlant, si vous voulez.

Alors, ne croyez-vous pas que c'est important qu'on sache, justement, pas le nom de la personne, c'est sûr, mais que c'est à un tel niveau que vous vous adressez puis que le public, parce qu'on parle de transparence, il veut s'informer, puisse savoir de quoi il s'agit?

Le Président (M. Paré): Mme Bourque.

Mme Bourque (Gisèle): Bon. Évidemment, je comprends très bien votre intervention. Ce que vous dites, c'est que c'est important pour le gouvernement de savoir à quel niveau on s'adresse.

M. Bégin: Pas pour le gouvernement.

Mme Bourque (Gisèle): Pour le citoyen. Pour le citoyen, j'entends.

M. Bégin: Je vous reprends, parce que ce n'est pas pour le gouvernement. Ce n'est pas pour les titulaires de charge publique. Le titulaire que vous allez voir, lui, il n'a pas à aller vérifier si vous êtes inscrit au registre, si vous avez fait une bonne déclaration.

C'est bien important, ça, parce que les gens ont fait la confusion. C'est que quelqu'un de l'extérieur qui va au registre dit: Bon, tel lobbyiste s'est adressé auprès de x ministères, à tel niveau, en vue de faire telle chose. Alors, par hypothèse, quand il va faire une démarche comme ça, ça va être après coup normalement, il va s'interroger sur ce que vous avez bien pu faire dans tel dossier. Alors, il va aller vérifier ce qui est inscrit au registre puis il va dire: Ah! il l'avait bien dit qu'il allait faire ça, donc c'est tout à fait correct, ou bien il va dire: Oh là là! ils avaient dit qu'ils allaient voir tels groupes, mais ce n'est pas ça du tout qu'ils ont fait. Je sais qu'ils ont fait ça, ça, ça. Et là, à ce moment-là, on verrait qu'il y a non-conformité de la déclaration à ce qui a été réellement fait.

Alors, ce n'est pas pour qu'on sache, le gouvernement n'est pas du tout intéressé à savoir ça, ni pour le gouvernement comme entité ou pour ses titulaires de charge publique auprès de qui vous allez. Ce n'est pas une chasse aux sorcières. Je sais que j'ai fait un long discours, mais c'est majeur comme point de vue.

Mme Bourque (Gisèle): Voyez-vous, nous, dans le cadre de nos activités au sein de l'Association des constructeurs de routes, c'est que nous sommes, je dirais, en contact quotidien avec les bureaux de... avec les sous-ministres, les sous-ministres adjoints, et bien sûr ça fait partie de nos activités, ça fait partie intrinsèque de nos activités, de l'existence même de l'Association. Alors, bien sûr, il s'agit d'une lourdeur incroyable, parce que, à chaque fois qu'on adresse la parole à un sous-ministre ou à un sous-ministre adjoint, bien souvent c'est pour savoir, pour connaître l'état d'avancement du dossier et non pas pour tenter d'influencer.

M. Bégin: Je pense, encore une fois, qu'il y a méprise. Le but de l'opération, c'est que vous êtes dans un domaine spécialisé, bon, et vous avez un cadre général à l'intérieur duquel vous allez, dans 80, 85 %, bon an mal an, reprendre les mêmes affaires. Bon. Les noms des lois vont changer, les fonctionnaires vont changer mais vous allez toujours travailler dans le but de faire ça. Alors, quand vous allez étudier votre plan de match pour l'année qui s'en vient, comme vous le faites déjà de toute façon mais pour les fins internes, vous allez dire: Bon, bien là ils annoncent qu'ils vont faire telles modifications puis ça ne fait pas notre bonheur, mais absolument pas, ou bien: Il y a telles dispositions qui existent depuis tant d'années qui créent tant de problèmes, il va bien falloir qu'on fasse changer ça. Alors, dans votre plan de match, vous allez prévoir ça et vous allez l'indiquer.

n(16 h 50)n

Je comprends, au jour le jour, là, il y a des fois où vous avez des réactions à voir. Mais on ne veut pas savoir ça. On ne veut pas savoir que vous avez rencontré Jean, Pierre, Jacques. On veut que vous disiez: J'ai l'intention de travailler au niveau sous-ministériel. En principe, à 99 % des cas, il n'y a personne qui va aller vérifier ça. Mais, si, un jour, quelqu'un veut vérifier que vous avez bien travaillé, conformément à ce que vous aviez dit qu'il a fait, c'est ça, la transparence, qu'il puisse vérifier: Y a-t-il conformité entre ce qu'il a dit qu'il ferait et ce qu'il a réellement fait? Et là on verra s'il y a adéquation. C'est juste dans ce sens-là. Donc, les lettres que vous écrivez, les téléphones que vous faites, les rencontres que vous avez, il n'est pas question de marquer ça. C'est la vie quotidienne, ça.

Mme Bourque (Gisèle): ...oui, c'est ça.

M. Bégin: Alors, vous voyez que c'est beaucoup moins lourd que ce que vous me représentez, me semble-t-il.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le ministre. M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais aussi saluer la présence de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec et vous souhaiter la bienvenue en cette commission parlementaire. Je dois dire que vous avez fourni effectivement, comme on l'a souligné préalablement, un mémoire très intéressant parce qu'il touche plusieurs aspects de la loi, du projet de loi n° 80. Et puisqu'on a commencé... Vous allez voir, on a une drôle de chimie dans cette commission parlementaire là. Moi, j'ai toujours pensé que j'aimais mieux faire partie de la solution que du problème.

Et vous avez 18 points dans vos points. On en a vu 10 avec le ministre et on va voir les huit autres maintenant ou les neuf autres, là, qui vous restent. On va continuer l'exercice jusqu'à la fin, comme ça, on aura passé à travers votre mémoire complètement. Mais un petit point, un petit détail en commençant. S'il faut croire tout ce que le ministre dit, probablement qu'il le croit, il y a une chose, un petit détail, je ne suis pas avocat, ha, ha, ha! Alors, je ne suis pas membre du Barreau.

M. Bégin: Ce n'est pas par la sagesse qu'il manifestait, c'est vraiment une opinion que je pensais qu'il avait là-dessus.

M. Chagnon: Et voilà!

M. Bégin: Mais là je comprends mieux maintenant. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Paré): ...M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Je vous en remercie, M. le Président. C'est au moins une qualité que nous partageons peut-être. Voilà! Ha, ha, ha! Alors, pour continuer dans la même veine et pour continuer dans votre mémoire avec l'article 11: «Nous recommandons que le gouvernement renonce à assujettir le lobbyisme à déclarer la tranche de valeur de sa contrepartie dans sa déclaration afin que celle-ci soit inscrite au registre. Ainsi, l'article 8, 10e alinéa, du projet de loi doit être retiré.»

Ça, c'est l'article qui dit qu'il doit y avoir des tranches de valeur: «Parmi les tranches de valeur qui suivent, celle dans laquelle se situe le montant ou la valeur de ce qui a été reçu ou sera reçu en contrepartie de ses activités de lobbyisme: moins de 10 000, 10 000 à 50 000, 50 000 à 100 000.» En fait, c'est le montant du lobby... le montant que la firme de lobbyistes, de lobbying, je devrais dire, excusez, reçoit que vous... Vous manifestez, en tout cas, l'intention, comme d'autres l'ont fait... Et vous n'êtes pas les seuls, vous n'êtes pas les premiers. Il y a au moins trois ou quatre groupes qui ont demandé ça aussi, qu'on retire cela pour des raisons d'ordre privé. Mais quelle est la raison qui manifeste? Quelle est la raison qui vous a fait écrire cette orientation?

Mme Bourque (Gisèle): Nous trouvons que ce n'est pas nécessaire dans l'esprit de la loi, cette immixtion, si on veut, dans le monde des affaires. En fait, tous les principes qui régissent la façon de fonctionner d'un lobbyiste ou les honoraires qu'il réclame, ça, ça demeure du domaine privé.

M. Chagnon: Le ministre plaidait, dans ces conditions-là, que, par exemple, lui, ce qui l'intéresse de savoir, c'est que, si, par exemple, la National Rifle Association... Prenez un gros organisme, un grand lobby américain, s'il dépense 50 millions par année, il veut savoir que c'est 50 millions par année et pas 500 000 ou 100 000. C'est ça qui est l'orientation, le point de vue du gouvernement sur cette question.

Mme Bourque (Gisèle): Quelle est la valeur ajoutée de cette exigence... ou but recherché par la loi?

M. Chagnon: Je ne le sais pas vraiment parce que, dans le fond, la National Rifle Association est un organisme qui est incorporé, par exemple, si je prends celui-là ou n'importe quel autre organisme, qui a un rapport annuel dans lequel on sait exactement c'est quoi, son budget, c'est quoi, ses activités, puis combien il a dépensé. Alors, je ne suis pas certain que c'est par le biais du financement d'une ou des maisons de lobby qu'on peut retrouver ce montant-là ou, du moins, je ne vois pas en quoi c'est nécessaire d'avoir cette information-là.

Mme Bourque (Gisèle): Enfin, nous, nous ne voyons pas la pertinence d'exiger une telle inscription.

M. Chagnon: Point 12: «Nous recommandons que le lobbyisme d'entreprise ou d'organisation dispose d'un délai de soixante jours pour déposer sa déclaration initiale.» Je pense qu'au moment où on se parle, le gouvernement a déjà fait son nid là-dessus est d'accord avec ce principe-là. Je ne veux pas parler au nom du gouvernement, mais...

Le Président (M. Paré): ...c'est ce qui a été dit.

M. Chagnon: Mais le président peut confirmer ce qu'on a déjà dit. Point 13, étonnant: «Nous recommandons que l'Inspecteur général ? donc l'IGIF ? soit chargé, à titre de conservateur du registre des lobbyistes.» Vous êtes les seuls à avoir cette... Hein? C'est les premiers puis c'est les seuls à avoir eu cette idée-là. Pas bête. Déjà qu'on retrouve une tonne d'informations par le biais de l'IGIF, qui doivent vous servir comme ils nous servent régulièrement. Maintenant, il y a des petits problèmes. Le projet de loi n° 107 qui est sur la table au moment où on se parle cherche à faire un regroupement des associations qui sont dites réglementaires, comme, par exemple, la Commission des valeurs mobilières, l'IGIF, l'Inspecteur des assurances, et, si ce projet de loi là était adopté... Il le sera probablement d'ici à... peut-être d'ici à un an. Sûrement pas durant cette session-ci mais sûrement dans la session prochaine ou l'autre après, parce que ça m'apparaît être une voie qui risque de faire en sorte d'avancer, compte tenu du fait qu'on retrouve cette même approche dans à peu près tous les gouvernements qui essaient de concentrer les organismes de régulation dans une espèce de guichet unique. Mais, à partir de ce moment-là, l'IGIF n'existera plus. Comment on fonctionne avec votre recommandation?

M. Bégin: ...une réponse.

M. Chagnon: Oui, bien sûr.

M. Bégin: C'est que nous avons envisagé de l'envoyer à l'IGIF et, pour les raisons qu'il vient de mentionner, ça ne fonctionnait pas. On se retrouverait avec un problème d'organisation. C'est pour ça que nous avons choisi une autre institution, qui est le Registre... personnels et réels mobiliers et qui offre les mêmes facilités d'être détenteur d'un registre, de connaître bien le fonctionnement d'un tel processus. Donc, on l'a envoyé ailleurs. Mais notre idée première était d'aller à l'IGIF.

M. Chagnon: On demande aussi, ici, d'avoir une capacité d'être accessible par Internet, par exemple, 24 heures sur 24.

M. Bégin: J'en profite... Ça va tout être accessible par Internet 24 heures par jour, sept jours par semaine, et il y aura des facilitations qui vont être faites pour que... Vous avez appelé ça «personnalisation de clients ou de services». En tout cas, ça va être quelque chose et gratuit. On se comprend, là, il n'y aura pas de chichi là-dessus. Donc, c'est oui pour ça, là. Il n'y a aucun problème.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le ministre. M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Alors: «14. Nous recommandons que le gouvernement élargisse le mandat du Commissaire afin qu'il exerce une surveillance non seulement sur les lobbyistes mais aussi auprès des titulaires de charge publique afin qu'un véritable code d'éthique pour l'ensemble des intervenants soit défini.»

En fait, c'est une proposition que vous faites et que j'ai moi-même avancée. J'appelais ça un conseiller à l'éthique, mais vous proposez d'avoir, plutôt qu'un commissaire au lobbying, une personne dont le mandat serait plus large. Le mandat serait commissaire à l'éthique, donc qui n'aurait pas uniquement les lobbyistes comme objets de perspective mais aussi l'ensemble des parlementaires et aussi, pas rien que les parlementaires, mais hauts-fonctionnaires et tout ce que le programme déontologique, le cadre déontologique qui serait subséquemment adopté pourrait faire en sorte de faire valoir. C'est ça que vous cherchez?

Le Président (M. Paré): Mme Rodrigue.

Mme Rodrigue (Nelly): Avoir les deux côtés finalement, de non seulement axer la surveillance sur le lobbyisme, mais bien sur l'ensemble de l'appareil, puisqu'il y a des interrelations. Donc, en ayant des interrelations, on a nécessairement deux individus ou deux entités qui...

M. Chagnon:«Two to tango.»«15. Des délais pour produire des documents doivent être prévus ainsi qu'une justification écrite du Commissaire pour le rejet d'une demande d'enquête qu'il estime frivole ou manifestement mal fondée.» Je voudrais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Paré): Mme Rodrigue.

Mme Rodrigue (Nelly) : À la lumière des démesures disciplinaires et pénales qui étaient prévues et aux pouvoirs qui sont accordés au Commissaire, qui peut, pour des raisons quelconque, débarquer auprès d'une association ou auprès d'une compagnie de lobbyistes et là vérifier les documents, rentrer dans les dossiers, et tout ça, on a pensé que, bon, la Loi sur l'accès aux documents a fait ses preuves depuis quelques années et que, même à l'intérieur de ça, il y a des délais de prévus de 20 jours pour permettre à l'entité de regarder qu'est-ce qu'elle doit donner comme information, considérant les renseignements personnels et privés. On trouvait que les pouvoirs allaient très loin, et, à tout le moins, si le Commissaire pouvait exiger un délai de production de documents comme on retrouve généralement dans l'ensemble des procédures, bien, on trouvait ça un petit peu plus normal que devoir les émettre instantanément ou rien prévoir. Mieux vaut prévoir que rien prévoir.

Le Président (M. Paré): Merci, Mme Rodrigue. M. le ministre.

n(17 heures)n

M. Bégin: Deux points, là. Vous dites: «Ainsi qu'une justification écrite du Commissaire pour le rejet d'une demande d'enquête qu'il estime frivole.» Ça m'apparaît tout à fait légitime de l'inscrire. Par contre, des délais pour produire des documents, si je comprends bien ce que vous dites, c'est que l'enquêteur est sur place et il veut prendre connaissance des documents. Et là, vous nous dites: Donnez-nous un délai. Je ne crois pas que ça puisse rencontrer les critères d'une enquête qui se fait et où un groupe de travail arrive sur place et que, là, on se mette à faire des délais. Ça va à l'encontre de l'esprit.

C'est un peu comme l'idée d'une perquisition, si vous voulez. On ne peut pas dire: Un instant, je vais regarder ça et je reviendrai dans trois jours. L'idée, c'est d'être tout de suite sur place et, avec les moyens modernes que nous avons, photocopieur, fax, etc., ça peut se résoudre.

Et nous avons discuté ensemble hier, et nous avons eu un expert constitutionnaliste qui est venu nous parler de toutes ces questions de saisie, de respect des droits, etc. Et je pense que nous avons convenu ? hein? je pense qu'on a convenu ? que, avec les dispositions qui sont là et les amendements qui pourraient être apportés, la protection la plus complète serait accordée et qu'on agirait selon les règles usuelles et en conformité, pas des informations, mais des indications que la Cour suprême nous a données en ce genre de situation.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le ministre. M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: J'admets une grande partie de ce qui vient d'être dit. J'avais toutefois compris que, quand même, on rechercherait la possibilité d'avoir un tiers pour regarder cette question-là.

M. Bégin: Oui, oui. C'est pour ça que j'ai parlé d'amendement qui serait nécessaire.

M. Chagnon: Pour trouver...

M. Bégin: Je n'ai pas la formulation, mais...

M. Chagnon: C'est ça. Il y a un travail.

M. Bégin: ...pour bien se comprendre, on a dit: Est-ce que le syndic du Barreau ne pourrait pas être présent, par exemple, au moment ? quand c'est un avocat qui est en cause, bien sûr ? pour assister et voir que le secret professionnel soit bien protégé, exemple?

M. Chagnon: Je comprendrais mieux le fait que... N'ayant pas l'attribut d'avocat, comme m'étant moi-même dénoncé à ce sujet, je pense qu'on doit éviter de faire en sorte que les membres du Barreau aient un statut tout à fait spécial par rapport...

M. Bégin: Je donne ça pour fins d'exemple.

M. Chagnon: Non, je le sais, mais vous avez raison. Mais qu'ils aient un statut spécial créant une obligation d'avoir le syndic avec eux quand on fait une perquisition ou une descente ? c'est un grand mot ? une opération dans leur bureau, je pense que les autres lobbyistes ou les autres groupes qui ne sont pas nécessairement membres d'un ordre professionnel, que ce soit celui du Barreau ou d'un autre, doivent aussi avoir une protection.

Mme Rodrigue (Nelly): L'objectif de cet article-là était réellement dans le cadre de l'ensemble des pouvoirs. On trouvait que, au départ, le commissaire avait énormément de pouvoirs pour ne pas dire trop de pouvoirs à nos yeux. Alors, le délai et la procédure de production de documents, tout a trait dans ce cadre-là, c'était vraiment...

M. Chagnon: J'ai vu ça beaucoup.

Le Président (M. Paré): Merci, Mme Rodrigue. M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon:«16. Nous recommandons que le lobbyiste faisant l'objet d'une enquête pour dérogations à la loi et passible de mesures disciplinaires puisse avoir le droit à une audience devant un décideur impartial et indépendant où toutes les parties, à savoir le Commissaire et le lobbyiste puissent y exposer leurs preuves...»

Votre texte à l'intérieur, il est plus suave un peu. «Dans ce projet de loi ? vous dites, à la page 18 ? le Commissaire joue tous les rôles: il rédige le code de déontologie, fait l'enquête, rédige un rapport, conclut et rend sa décision exécutoire sur-le-champ. Il est donc juge et parti ? ça prend un e à partie, par exemple, là. Les décisions prises par le Commissaire étant exécutoires (article 50), elles peuvent contraindre un lobbyiste à ne pouvoir exercer ses fonctions pendant plus d'un an sans qu'il ait pu s'expliquer ou se défendre. Il est difficile de croire que dans une société comme la nôtre, une telle pratique digne du Moyen Âge puisse exister.» Un jugement sévère, mais à propos. Et j'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Paré): Me Beauchamp.

M. Beauchamp (Stéphane): Nous pensons que peu importe les lois ou les règlements, peu importe, il y a toujours, on donne toujours, il y a toujours une sorte de présomption d'innocence. On donne toujours la chance au coureur, sauf dans des cas extrêmement graves effectivement, de pouvoir se défendre et de faire valoir ses points. Là, on a un commissaire qui a des pouvoirs d'enquête qui sont tout à fait normaux, qui sont tout à fait légitimes dans le cadre de l'application d'une loi, qui puisse enquêter, qui puisse juste évoquer ses motifs sans naturellement évoquer sur quoi il se base pour arriver à ces motifs-là et de dire: On vous suspend de votre droit de pratique, avec le résultat qu'une personne pourrait effectivement ne pas pouvoir gagner sa vie dans ce qu'elle faisait pendant une période d'un an.

C'est sûr qu'il y a le recours devant la Cour du Québec sauf que, naturellement, il y a un certain délai qui peut s'écouler et, comme on le sait, il y a beaucoup d'interventions qui se font en matière de lobbyisme, qui sont dans des courtes périodes de temps, qui ne sont pas nécessairement dans des périodes qui sont trois, six, 12, 18 mois, peu importe, naturellement dépendant de la nature du dossier.

Donc, je pense qu'il était important de donner la chance à la personne qu'on veut sanctionner de pouvoir démontrer que, peut-être, sur quoi se base le commissaire pour la sanctionner, c'est peut-être dénué de toute vérité ou peut-être que l'interprétation qui est donnée par le commissaire, des faits, n'est peut-être pas la bonne ou c'est peut-être tout simplement basé sur des fausses allégations ou des mauvaises allégations. Donc, je pense que le but, c'est de dire: Oui, effectivement, on doit sanctionner quelqu'un qui déroge à toute loi ? je pense que c'est normal ? mais qu'on puisse avoir naturellement, la personne, l'occasion de se défendre...

M. Chagnon: Je partage ce point de vue là.

M. Beauchamp (Stéphane): ...l'occasion de faire valoir son point, je pense que c'est tout à fait légitime dans une société libre et démocratique, surtout quand on parle en plus de transparence. Je pense que c'est tout à fait normal.

Le Président (M. Paré): M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Je partage ce point de vue là, d'autant plus qu'il y a une pénalité au bout de la ligne, qui est importante.

M. Beauchamp (Stéphane): Exactement.

M. Chagnon: Donc, risquer de perdre, dans ce cas-là, pas un permis de pratique mais sa capacité de représenter pendant un an de temps, c'est grand.

M. Beauchamp (Stéphane): Et, si vous me permettez, rajoutez par-dessus le fait que l'article 51 si je ne m'abuse, où on peut effectivement réclamer une contrepartie... Donc, on rajoute une deuxième sanction qui est possible. Donc, on ne parle pas juste du droit de pratique, on parle en plus du gain qui aurait pu être fait, qui naturellement... Donc, en plus de pénaliser le futur, on peut pénaliser l'actuel ou le passé, et je pense que c'est peut-être un petit peu exagéré dans ce cadre-là. On ne dit pas que ce n'est pas possible, mais je pense qu'il faut quand même prévoir un tampon ou quelque chose pour permettre effectivement d'éviter des situations qui pourraient devenir effectivement excessivement problématiques et dangereuses.

Le Président (M. Paré): Sur ce, je voudrais vous remercier pour votre contribution à cette...

M. Chagnon: Juste une seconde, là. Par consentement, on va continuer. Il nous reste deux petits points.

Le Président (M. Paré): Ah! Alors, est-ce qu'il y a consentement pour...

Des voix: Oui, oui.

M. Chagnon: Il nous reste deux petits points.

Le Président (M. Paré): Nous allons terminer notre...

M. Chagnon:«17. Nous recommandons que le ministre responsable de l'Inspecteur général des institutions financières doit aussi être responsable des lobbyistes.» J'imagine que ce n'est pas parce que vous n'aimez pas le ministre de la Justice mais parce que vous aviez référé à l'IGIF, tout à l'heure.

Mme Rodrigue (Nelly): Toute logique.

M. Chagnon: Ça va. Alors, point 18: «Nous recommandons au gouvernement de prendre le temps de bien analyser la situation ainsi que de cerner les problématiques, les enjeux et le rôle du lobbyisme dans notre société, notamment à la lumière de nos observations.» Alors, ça va bien.

Je pense que, évidemment, on a fait le tour de votre mémoire d'un côté comme de l'autre, et je voudrais vous remercier de votre participation à ces travaux. Ce sera certainement fructueux.

Le Président (M. Paré): Merci, mesdames, pour votre contribution, merci, messieurs. Et nous invitons... nous allons prendre un petit moment de pause et inviter M. Raymond Hudon à s'avancer, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 17 h 7)

(Reprise à 17 h 25)

Le Président (M. Paré): Nous reprenons nos travaux. Nous invitons M. Raymond Hudon à s'avancer. Nous avons 30 minutes avec M. Hudon: 10 minutes pour votre présentation, M. Hudon, et 20 minutes d'interaction avec les parlementaires. Bienvenue, M. Hudon. Nous débutons.

M. Raymond Hudon

M. Hudon (Raymond): Merci, M. le Président. Tout d'abord, merci de m'avoir invité à présenter oralement le point de vue que j'ai exprimé par écrit. Je devrai y aller de façon très condensée en disant, bien sûr, en entrée, que, dès le départ, ce projet-là qu'on discute aujourd'hui et que vous discutez depuis quelques jours, c'est un projet de loi souhaitable, je dirais, qui était souhaité aussi par à peu près tout le monde. J'oserais dire: Il aurait été préférable que ce soit en dehors de toute crise, de façon lucide et sereine, mais, voilà, il y a un contexte de crise qui a provoqué le dépôt de ce projet de loi. Idéalement, donc, on devrait se retrouver dans un autre climat, mais nous sommes là.

Ce projet de loi, il est souhaité parce qu'il vise ? c'est notre compréhension commune, je suppose ? à améliorer les processus démocratiques, entre autres en les rendant plus transparents. Là-dessus, je pense que ? comme j'ai vu un titre tout récemment: Tout le monde est pour la vertu sauf que, pour les moyens, il y a quelques discussions ? oui, nous cherchons la transparence et je pense même que c'est un des gains les plus importants dans nos processus démocratiques au cours des quelques dernières décennies. Si la démocratie s'est améliorée au cours de la période récente, c'est par ces gains de transparence, même si on trouve que c'est encore, parfois, insuffisant. Donc, quand on dit «gains de transparence», ça implique qu'il y aura des règles, qu'il y aura des obligations et, évidemment, des droits. On ira plus loin que l'Australie, je crois bien, hein! Vous savez que l'Australie avait créé un registre des lobbyistes en 1984 pour le fermer en 1996 parce qu'ils ont estimé qu'il était inutile, et pour une bonne raison: c'est qu'il n'était pas public. Alors, ce n'était d'aucune utilité, effectivement.

Donc, ce que je propose dans le mémoire et ce que je veux rappeler ici: C'est important de mettre ce projet de loi en perspective, non pas pour faire la leçon ? je m'en garderai parce que ce serait prétentieux ? mais peut-être pour éclairer le contexte de cette loi. Une bonne législation, de toute façon, souffre rarement d'être mise en perspective, en contexte, même si cela nous porte parfois à un certain niveau de généralité. Donc, deux mises en contexte importantes, selon moi, d'abord touchant les interventions qu'on peut observer déjà sur ce sujet. En Amérique du Nord, c'est plus courant: les États-Unis, les 50 États américains, les grandes agglomérations urbaines ont leurs réglementations ou lois sur le lobbying. Au Canada, il y a le gouvernement fédéral, le gouvernement ontarien, depuis 1998, et le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, depuis novembre 2001. Donc, nous nous inscrivons dans un courant, à l'Assemblée nationale du Québec.

n(17 h 30)n

En Europe, c'est beaucoup plus rare. De fait, il y a la proposition écossaise dont je parle dans le mémoire, qui a fait l'objet d'une recommandation du Standards Committee, un comité du Parlement écossais, après presque deux ans d'études. C'était parti d'un contexte de crise comme celui qu'on a connu au début de l'hiver, et on a mis deux ans pour arriver à quelque chose que je qualifierais tout au moins de minimal, pour ne pas dire quasi ? permettez-moi ? insignifiant, en ce sens que la seule déclaration qui est proposée, c'est celle de s'identifier comme lobbyiste et, ensuite, d'identifier le nom de son client, point à la ligne. Ce seraient toutes les exigences que comporterait le nouveau registre proposé le 12 février 2002 par le comité parlementaire écossais.

Autrement, en Europe, il y a seulement le Bundestag allemand qui, dans l'annexe 2 de son règlement ? pas d'une loi, de son règlement ? établit un registre des lobbyistes qui est publié ? je vous fais grâce des détails, on pourra y revenir si ça vous intéresse ? annuellement. C'est la seule autre intervention existante sur le sujet en Europe. La Grande-Bretagne s'est penchée sur le sujet, le Royaume-Uni, le Parlement de Westminster, et il y avait une proposition en ce sens en 1995. On y a renoncé, et pour cause, quand on a réalisé que plus de la moitié des députés tiraient des revenus de consultants déjà au moment même où ils siégeaient à la Chambre des communes. En 2000, il y a eu un autre rapport, une mise à jour du rapport Nolan de 1995, le rapport Neill de 2000. On ne propose pas une intervention comme en 1995, on a pris sa leçon. Par contre, on propose de hausser ? «Standards in public life», pour prendre le nom du comité... on a proposé de hausser les règles déontologiques pour les parlementaires. Et ça, on retrouve ça dans l'ensemble, dans la plupart des parlements ou des assemblées en Europe.

Donc, voilà. Je pourrais faire état aussi de l'Union européenne, qui a plutôt fait le choix d'un partenariat et qui a tout simplement formulé des règles minimales de conduite qu'on aimerait voir respectées par les parlementaires et les représentants d'intérêts. On pourra y revenir encore si le temps nous le permet.

Deuxième mise en contexte qu'il m'apparaît pertinent de faire, c'est: À quoi ça se rattache, cette pratique du lobbying qu'on vise par ce projet de loi? Ça se rattache à l'évolution de nos sociétés. Nos sociétés fonctionnent différemment aujourd'hui de ce qu'elles fonctionnaient il y a 20 ans, surtout, sûrement, il y a 40 ans. Je pense que vous êtes encore mieux placés que moi pour savoir la mauvaise réputation que, parfois, on fait aux politiciens. Vous êtes aussi bien placés que moi pour savoir, pour noter le déclin de la participation électorale. Vous êtes aussi bien placés que moi pour noter le mépris, donc, qui vous est parfois adressé comme parlementaires et comme dirigeants politiques. Je dirais que ce n'est pas nouveau. Je signale que, déjà chez les Grecs, Démosthène et Périclès notaient les mêmes phénomènes. Dans un texte que je lisais, daté de 1899, publié à Paris, on notait exactement le même phénomène, et je lisais il y a deux jours un texte de Vincent Lemieux publié il y a exactement 40 ans, en 1962, qui notait encore le même phénomène. Donc, c'est un procès qui est vieux comme le monde et, enfin, ce n'est pas ça qui est nouveau.

Ce qui est nouveau, c'est que la société civile se mobilise à un degré sans précédent. Les représentants d'intérêts, les groupes, les associations se mobilisent comme jamais on ne l'a vu historiquement. Il se crée 60 000 associations nouvelles par année en France. Simplement enregistrer ça, ça fait un job d'abord, déjà. 60 000 nouvelles associations par année en France! Et, dans son prolongement fonctionnel, cette mobilisation de la société civile, elle prend la forme du lobbying. On voit, mais une croissance démographique ? pour parler en ces termes ? une croissance phénoménale de la population des lobbyistes au cours des 15, 20 dernières années, particulièrement des 10, 12 dernières années. Et vous remarquez, c'est très intéressant: parallèlement, on voit le déclin de la participation électorale, ça date aussi de la même période. Ce n'est pas des temps très anciens, le déclin de la participation électorale. On constate même que, dans l'après-guerre jusqu'à la toute fin des années quatre-vingt, dans l'ensemble des démocraties occidentales, la participation électorale est en croissance constante. C'est depuis 12 ans, 13 ans qu'elle recule. Mais, parallèlement à cela, on voit la multiplication des associations et, d'autre part, la multiplication dans leur prolongement fonctionnel, aujourd'hui, des lobbyistes.

Le Président (M. Paré): En terminant, monsieur.

M. Hudon (Raymond): En résultante, il y a une multiplication et, de fait. Alors, dans ce contexte-là, qu'est-ce qu'on fait avec le projet de loi? J'ai quelques remarques à faire très rapidement sur le projet de loi. Il me semble que ce projet de loi serait mieux reçu et atteindrait mieux son objectif s'il reconnaissait d'entrée plus explicitement la légitimité de l'activité dont on parle ici. Vous allez me dire: Il y a un terme dans l'article 1 déjà, mais les notes explicatives pourraient aussi comprendre, parce qu'on s'y réfère parfois aux notes explicatives pour comprendre l'esprit d'une loi, pourraient être plus explicites sur ce point.

Deuxième point, je signale, et très rapidement: J'ai un problème avec la notion de susceptible d'influencer. L'intention d'influencer, je suis tout à fait d'accord, mais susceptible d'influencer, qui interprète, qu'est-ce que ça veut dire précisément? Je ne suis pas sûr que les intervenants, les lobbyistes, quels qu'ils soient, sauront très, très bien à quoi s'en tenir à ce sujet.

Mais ma remarque fondamentale ? là je n'innove pas, je regrette, je suis le dernier, alors je ne suis pas le premier à le dire ? mais ce que je déplore, c'est que ce projet de loi crée des classes de lobbyistes et particulièrement au niveau des lobbyistes d'organisation. Je crois que le phénomène dont je viens de parler en termes généraux, on pourrait le traduire autrement. Le lobbying n'est plus une affaire de grandes entreprises ou d'associations d'affaires.

Le Nouvel Observateur, septembre 2000, Les nouveaux visages du lobbying, au premier chef, ils citent ATTAC. Vous connaissez, la loi, la taxe Tobin, bon, etc. Un des meilleurs guides tout récent publié sur le lobbying Advocacy for Social Justice, c'est publié par OXFAM-America. Un mémoire très récent, mars 2002, de IMPACS, Institute for Media, Policy and Civil Society de Vancouver publie un mémoire réclamant ? le terme n'est pas utilisé de façon aussi crue ? mais réclamant le droit de faire du lobbying, parce que la Loi sur les organismes de bienfaisance défend d'aller au-delà d'un certain pourcentage de leurs activités s'ils veulent continuer à être reconnus, s'ils veulent toujours être reconnus comme organisme de bienfaisance. Et les recommandations à la fin de leur mémoire sont extrêmement intéressantes. Ils réclament justement d'être contrôlés et qu'il y ait des gens qui enquêtent sur leurs activités. On pourra y revenir, parce que le temps presse, mais les recommandations sont là très explicites.

Quand je parle de lobbying aussi et pourquoi ça m'agace de voir qu'il y a deux classes de lobbyistes aussi discriminées, aussi distinctes dans le projet de loi, bien, je pense aussi aux sessions de formation à l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées. Je pense aux demandes de formation en lobbying qui sont faites par les centres-femmes. Donc, on n'est pas là... on a une pratique qui est généralisée, et ça ne crée pas problème, je vous prie de me croire.

Alors, on pourrait se référer aux lois ontariennes et néo-écossaises qui sont beaucoup plus inclusives. La question est donc: Qui inclure? Je n'ai pas eu vraiment l'occasion de suivre vos débats mais, hier soir, j'ai pris la dernière intervention, mais, oui, un vendeur, un lobbyiste, bien, s'il y a un contrat qui en résulte, moi, je crois qu'un contrat de vente c'est un contrat. Mais, enfin, ça nous ramène à l'article 2. Donc, l'article 3 me fait problème pour les raisons que je viens de citer.

Et un autre cas. Il me semble que ce projet de loi, c'est peut-être une impression, une fausse impression, mais il stigmatise aussi ou il propose une transparence sélective, pour reprendre l'expression que j'utilise dans le mémoire, du fait que, à l'article 25, seuls les lobbyistes-conseils sont visés. On y reviendra. Vous allez me dire: oui, mais, dans le cas écossais, c'est seuls les lobbyistes-conseil qui sont visés aussi; je suis tout à fait d'accord. Mais, vous savez, c'est tellement peu exigeant dans ce qui est proposé au Parlement écossais que je crois que, cette discrimination, elle n'a pas trop, trop, trop d'impact, pas trop d'effet.

n(17 h 40)n

La question que je pose, moi: Si, en 1977, lorsqu'on a adopté la loi 2, la Loi sur le financement des partis politiques, si on avait fait des distinctions entre partis puis pour les soumettre aux règles qui ont été adoptées en 1977, comment aurait-on réagi?

Cinquième, je crois, remarque, et, cette fois-ci, je me réfère à l'article 61: je ne suis pas sûr qu'on donne toute la place qui reviendrait à l'Assemblée nationale, qui devrait revenir à l'Assemblée nationale. Je n'en ai pas contre qui que ce soit, absolument pas, mais il me semble que le Commissaire au lobbyisme doit faire rapport à l'Assemblée nationale. L'évaluation qui va être faite au bout de cinq ans, au bout d'une période de cinq ans, de cette loi, il me semble, devrait donner une plus grande place à l'Assemblée nationale, à l'ensemble des élus. Parce que le ministre, tel que c'est prévu dans le projet de loi, fait rapport au gouvernement qui, ensuite, informera l'Assemblée nationale. Il me semble qu'il y aurait moyen de changer un petit peu l'article 61. Si ma lecture est correcte.

Sixième point ? j'ai vu que le ministre avait une idée de faite là-dessus ce matin ? mais le conseiller en éthique, c'est un titre que j'ai vu dans les médias de ce matin, je me permets quand même de rappeler que ce serait peut-être souhaitable qu'on profite de l'occasion pour revenir et mettre ça en valeur. Je crois que je ne suis pas le seul à faire cette invitation, à formuler cette invitation.

Et, d'ailleurs, c'est vrai qu'il y a déjà plein de mesures qui existent dans la réglementation et la législation québécoise. Par ailleurs, ont-elles été suffisantes, ces législations et mesures, pour prévenir ce qui, à mon avis, a été grandement et très grandement exagéré, prévenir certaines conduites que certains ont vues comme scandaleuses au début de l'année?

Finalement et dernière remarque, et là, vraiment, ce n'est pas contre le ministre de la Justice, c'est tout simplement que je me dis: Si l'esprit de la loi vise vraiment une amélioration de nos processus démocratiques et une plus grande transparence, est-ce qu'il n'y aurait pas un autre lieu qui réduirait peut-être le caractère punitif qui ressort de la lecture que certains font de ce projet de loi? Est-ce que le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques... Et je m'inspire pour ça... Si vous voulez, je m'inspire pour faire cette remarque du fait que, aux États-Unis, le registre, les lobbyistes s'enregistrent auprès du greffier de la Chambre des représentants et auprès du secrétaire du Sénat.

Ce ne sont que des remarques qui... Je ne prétends pas avoir raison sur le sujet. Je dis tout simplement: Ça mérite peut-être quelques secondes de réflexion tout simplement...

Le Président (M. Paré): Merci, M. le professeur Hudon. Vous avez pris 20 minutes, vous deviez en prendre 10, donc il nous reste... Il reste 10 minutes aux parlementaires. M. le ministre, pour...

M. Bégin: Merci, M. Hudon. Je vais être précis. Je vais commencer par la fin de votre intervention ? voyons, tout à coup j'ai un blanc. Je vais prendre l'avant-dernière dans ce cas-là. Vous avez parlé du commissaire à l'éthique ou du conseiller à l'éthique versus le commissaire au lobbyisme. Puis c'est une question qui est importante et qui a fait l'objet d'une appréciation de notre côté. Mais nous avons conclu qu'il y avait effectivement une possibilité de conflit d'intérêts entre les fonctions qu'on pourrait attribuer à la personne.

Et j'ai ici, devant moi, une demande qui a été faite dans un dossier, qui est connu, qui est celui de cette occasion où le premier ministre Jean Chrétien a joué au golf avec Tiger Woods, et c'est Bell Canada qui payait la participation; et ce n'était pas banal, c'était plusieurs milliers de dollars. Et il y a eu une demande qui a été faite au conseiller en éthique voir si tout était correct. Et, effectivement, le conseiller en éthique a répondu qu'il n'y avait aucun problème, comme il n'y en avait aucun pour la compagnie qui avait contribué au financement. Or, on se retrouve devant la cour avec une requête pour faire déclarer que les commissaires étaient en conflit d'intérêt en disant à l'un et à l'autre ce qu'ils pouvaient ou ne pouvaient pas faire. Et je crois que c'est justement ce genre de situation-là qu'il faut éviter.

Nous avons des institutions qui existent depuis longtemps: députés, fonctionnaires, cadres, administrateurs, et qui sont régies par des codes d'éthique et de déontologie applicables à l'ensemble des fonctions qu'ils exercent sans référence à un vis-à-vis quelconque. C'est: en tant que titulaires d'une charge publique, comment doivent-ils se comporter? Il y a des sanctions puis il y a généralement des personnes qui s'occupent de s'assurer de l'observance de ces règles-là.

Nous faisons maintenant une règle particulière pour les lobbyistes, et il y a quelqu'un qui est chargé de l'application de la loi et de rédiger un code d'éthique applicable à ces personnes-là. Et nous pensons qu'il est tout à fait normal, légitime que cette personne-là puisse, une seule personne dépendant de l'Assemblée nationale, soit chargée de gérer, de surveiller, d'appliquer ce régime que nous instaurons.

Et il n'y a pas ? en tout cas, c'est vraiment le choix que nous avons fait ? lieu que le commissaire dise: Je fais une analyse sur un acte de lobbyisme que je considère dérogatoire ou peu importe le mot que l'on choisira et qu'il ait à sanctionner, par exemple, le fonctionnaire qui était le vis-à-vis ou la personne auprès de qui on a fait une telle démarche qui, de toute façon, dans bien des cas, ne sera absolument pas concernée, dans ce sens que le fonctionnaire n'a pas à demander au lobbyiste s'il est lobbyiste. L'autre l'affirme et il doit le prendre pour ce qu'il est. Il ne doit pas vérifier s'il est inscrit au registre, il ne doit pas demander combien il gagne. Il n'a pas à s'occuper de ça. Lui, il a à répondre à une action qui lui est proposée, et c'est sa fonction qui est là. En principe, donc, il n'y a même pas possibilité d'une implication de l'autre partie.

Alors, c'est vraiment, pour nous, deux questions séparées et on y a réfléchi parce que nous avons cherché à dire, par exemple: ? vous allez reprendre l'autre point par ce biais-là. Nous nous sommes demandés: Allons-nous créer un nouveau poste ou devrions-nous confier l'application de cette loi-là à un titulaire nommé par l'Assemblée nationale qui existe déjà: Protecteur du citoyen, l'Inspecteur général des finances, le Vérificateur général, le jurisconsulte de l'Assemblée nationale, toute personne nommée par l'Assemblée nationale qui aurait pu occuper cette fonction-là? Et particulièrement ? et c'est là qu'on a frappé notre os, si je le disais de manière claire ? quand on est arrivé pour le jurisconsulte de l'Assemblée nationale, on l'a vu très clairement, le conflit d'intérêt qui pouvait surgir, parce que le jurisconsulte pourrait dire au titulaire de la charge publique, le député ou le ministre: Il n'y a aucun problème dans ce que tu fais là, et y aller de... et tout à coup le lobbyiste, lui, commettrait une infraction, il serait en conflit et il serait obligé de juger alors qu'il vient de dire que c'est correct dans un côté. Il y a vraiment un conflit.

Donc, on s'est posé qui pouvait le faire. On a répondu: Non, aucun de ceux qui occupent une telle fonction ne peut. Alors, ça coûte plus cher, mais nous avons dit: Prenons une autre personne. Ce qui nous a amenés aussi, par exemple pour le registre, à nous dire: Pourquoi devrions-nous faire encore un nouveau registre à confier? On s'est dit: Y a-t-il quelqu'un qui peut le faire? Notre premier réflexe, ça a été l'IGIF, puisqu'il a déjà toute une série de données, de paramètres, de connaissances, etc. Sauf que, en raison de circonstances particulières, l'IGIF va connaître un sort différent qu'on ne connaît pas, et ça s'est avéré impossible.

On s'est dit: Y a-t-il une expertise analogue qui existe quelque part? Oui, le registre des droits réels, personnels, mobiliers. C'est un enregistrement, c'est un acte relativement mécanique. Il n'y a pas de vérification, il n'y a pas de jugement à porter. Pourquoi pas? Ce sont des experts dans ce genre de choses là. Le voilà, et il se retrouve où, ce registre-là? Au ministère de la Justice. Qui a fait la loi? Le ministre de la Justice.

Je sais que vous en faites un peu. Remarquez que ça aurait dû aller par exemple à... Hein?

M. Chagnon: Il vous a fait cette remarque-là aussi?

n(17 h 50)n

M. Bégin: Oui, mais comme je lui parle... Alors, il est...

Le Président (M. Paré): En terminant, M. le ministre.

M. Bégin: Oui, je termine. Il a fait la loi, pour des raisons que j'ai expliquées en long et en large ici, sur une démarche qui s'est amorcée en 1995, du ministre de la Justice qui était moi-même en l'occurrence, où j'ai demandé et j'ai réussi à faire une loi sur l'éthique et la probité des administrateurs publics et qui comprenait à l'époque, dans son envergure, de regarder le lobbying et qui avait envisagé aussi le «whistle-blowing», la délation. Nous avons écarté le «whistle-blowing» après en avoir longuement discuté et, quant au lobbying, on a dit: Nous ne sommes pas prêts, il faudrait faire d'autres travaux. Et vous connaissez, à la suite de l'histoire, ce qui a été fait.

Voilà pourquoi c'est le ministre de la Justice qui a fait cette loi puisqu'il l'avait déjà, cette préoccupation-là, il s'en était déjà occupé et il n'y a absolument rien de policier là-dedans. Ce que vous retrouvez comme surveillance, c'est ce que vous auriez dans n'importe quelle loi qui serait faite par un autre, c'est-à-dire que, à un moment donné, quand il y a des sanctions... des fautes qui sont commises, il faut des sanctions. Mais il n'y en a pas plus ni moins qu'il n'y en aurait si ça avait été le ministre ? je ne sais pas, moi ? des Institutions politiques qui l'avait fait. Ça aurait été parfaitement de la même manière et... Voilà! Merci.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le ministre. M. le député de Westmount?Saint-Louis, pour vos cinq minutes.

M. Chagnon: Alors M. le Président, je vous remercie et je remercie M. Hudon. Puis c'est agréable d'avoir M. Hudon qui arrive à la fin de nos travaux parce que, dans le fond, il vient faire un peu un ? passez-moi l'expression ? un «wrap-up» de la situation du lobbyisme. On aurait pu vous avoir au début aussi; dans le fond, ça aurait pu partir; là, vous concluez. Mais on a eu deux académiciens. On a eu Mme Lacasse de la Chaire Stephen-Jarislowsky, et vous-même qui êtes venu pour nous parler d'un point de vue académique sur cette situation-là.

Le ministre a failli... vous a posé une question. Vous n'avez pas eu la chance de répondre mais je vais vous la reposer. Conseiller à l'éthique, commissaire au lobbying, est-ce qu'un conseiller à l'éthique serait en situation de conflit d'intérêts, selon vous? Puisque notre commissaire au lobbying, il a un pouvoir d'enquête, il fait le... D'une part, il établit le pacte déontologique et ensuite il a des pouvoirs d'enquête. Est-ce qu'un conseiller ne peut pas être celui qui conseille et qui fait des enquêtes après? C'est un peu l'esprit qui prévaut chez M. le ministre.

Le Président (M. Paré): M. Hudon.

M. Hudon (Raymond): Dans mon esprit, il s'agirait de deux personnes distinctes.

M. Chagnon: Ah! Vous auriez un commissaire au lobbying puis un...

M. Hudon (Raymond): J'aurais un commissaire en éthique et... Comme vous avez au fédéral, par exemple. Il y a le conseiller en éthique dont le rôle est fortement critiqué...

M. Chagnon: Non, bien évidemment à cause du fait qu'il est nommé... son mode de nomination crée la critique.

M. Bégin: C'est le même pour les deux. C'est ça, le problème.

M. Hudon (Raymond): Pardon?

M. Bégin: Excusez, permettez, c'est que, au fédéral, il y en a deux mais c'est le même, c'est-à-dire il y a deux chapeaux, il y a deux commissaires mais...

M. Hudon (Raymond): Au fédéral?

M. Bégin: Oui.

M. Hudon (Raymond): Non, non. Il y a la directrice du bureau d'enregistrement des lobbyistes puis il y a le conseiller en éthique. Et... Ah non! Ce sont deux postes distincts et le rôle du conseiller en éthique... Bon, il y a des annonces qui ont été faites mais c'était prévu déjà dans la révision de la loi qui est en cours depuis deux ans...

M. Chagnon: Mais...

M. Hudon (Raymond): ...à savoir que ce rôle-là va être accru.

M. Chagnon: Mais, commissaire au lobbying, c'est un modèle qui vous va, ça, c'est un modèle que vous trouvez correct. Est-ce que c'est un modèle qu'on retrouve à l'extérieur?

M. Hudon (Raymond): Ce n'est pas la fonction et le rôle du commissaire au lobbyisme que je remets en question, absolument pas. Je grefferais à cela un autre poste, le conseiller en éthique, un peu sur le modèle... Parce que c'est intéressant. Vous allez trouvez que j'y réfère même si... C'est un cas que j'ai étudié un petit peu plus. Le Parlement écossais a un projet de loi... Il y a un projet de loi devant le Parlement écossais actuellement sur le Scottish Parliamentary Standards Commissionner Bill. Alors, le commissaire au... à l'éthique, si vous voulez, aux standards, là, en anglais, il va être créé, indépendamment d'un commissaire au lobbyisme et du bureau d'enregistrement qui est prévu dans une autre proposition de loi. Ça donne une visibilité, selon moi, et... Vous savez, pour moi, l'enjeu fondamental, c'est de redonner confiance aux citoyens et aux citoyennes aux processus politiques qui les gouvernent.

M. Chagnon: Vous savez qu'on a déjà un jurisconsulte à l'Assemblée nationale qui voit à faire en sorte de répondre aux demandes des membres de l'Assemblée nationale sur des sujets qui pourraient toucher des objets relatifs au code déontologique ou, plus particulièrement, des problèmes de conflits d'intérêts. Est-ce que ça ne pourrait pas être ce personnage qui puisse être le conseiller en éthique, puisqu'il est déjà le conseiller en éthique des parlementaires?

M. Hudon (Raymond): On pourrait lui donner plus de visibilité peut-être. Mais enfin.

M. Chagnon: Peut-être. Une dernière question parce que le temps file et le président me pousse. Est-ce que les députés devraient être assujettis à ce projet de loi là?

M. Hudon (Raymond): S'ils devraient tous?

M. Chagnon: ...devraient être assujettis? Ce projet de loi prévoit qu'il y a une partie de l'aile parlementaire ministérielle qui est assujettie, c'est-à-dire les membres du Conseil des ministres, les membres assermentés au Conseil des ministres. D'ailleurs, ce projet de loi devrait être ? je vous le dis pendant que j'y pense, là ? ce projet de loi devrait être réécrit à cet effet-là; on devrait strictement stipuler «les membres assermentés au Conseil des ministres» plutôt que de faire la mention des secrétaires d'État, les ci, les ça; ça pourrait changer la semaine prochaine, ça, puis on aurait un problème. Mais les membres assujettis... les membres du Conseil des ministres ou les membres qui sont assermentés pour assister aux réunions du Conseil des ministres sont les seuls assujettis à une règle de deux ans de délai de carence. Est-ce que les députés... les autres députés devraient être assujettis à ce projet de loi là?

M. Hudon (Raymond): Moi, je crois qu'ils devraient... Enfin, vous me demandez de me prononcer sur une question qui, de fait, est une question d'opinion purement et simplement, hein!

M. Chagnon: C'est pour ça qu'on vous invite. Ha, ha, ha!

M. Hudon (Raymond): Il faut être bien conscient que je peux émettre une opinion, mais la valeur est la valeur tout simplement d'opinions personnelles. Moi, je crois que tous les parlementaires devraient être soumis, quoique la période de carence pourrait être graduée selon les niveaux de responsabilités. Et la période de carence, si vous voulez, elle répond à des cas tout à fait... Ça a commencé, ce débat-là, avec le cas Deever aux États-Unis, l'ancien conseiller de Reagan qui s'est mis multimillionnaire en l'espace...

Le Président (M. Paré): M. Hudon...

M. Hudon (Raymond): ...de moins d'une année après avoir quitté le bureau de Reagan en devenant justement conseiller et en monnayant à gros prix ses contacts privilégiés.

Le Président (M. Paré): Il me reste à vous remercier, M. Hudon, pour votre témoignage et aussi votre mémoire et votre contribution à cette commission. Merci.

Mémoires déposés

Avant de passer à l'étape des remarques finales, je dépose les mémoires des personnes et organismes qui n'ont pas été entendus lors de nos auditions, mais qui ont, par l'envoi de leur opinion, contribué aux travaux de cette commission. Je nomme M. Bernard Viau, M. Martin Laperrière, M. Patrice Fortin, le Mouvement des caisses Desjardins du Québec dont je dépose les mémoires.

Remarques finales

Maintenant, les remarques finales. Nous allons débuter par M. le député de Westmount?Saint-Louis pour ses remarques finales.

M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: M. le Président, nous sommes, depuis au-delà de 20 heures, à écouter des rapports et écouter les auditions des gens qui ont manifesté leur intérêt de nous transmettre leur opinion sur le projet de loi n° 80 qui concerne la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme. Il a été dit souvent, puis nous l'avons dit nous-mêmes de ce côté-ci, puis je pense que ce n'est pas une cachette pour personne, le projet de loi découle de problèmes assez particuliers que nous avons connus en début d'année puis depuis le début de l'année et qui ont fait en sorte de créer une certaine précipitation en termes de demandes politiques pour apporter un projet de loi qui couvrirait justement la question de transparence ou d'éthique en matière de lobbyisme.

Les sept ou huit premiers intervenants que nous avons entendus, particulièrement la première journée, M. le Président, vous vous en rappellerez, je leur ai posé une question commune à chacun d'entre eux pour déterminer à peu près, grosso modo, quelle était l'orientation qu'ils suggéraient que nous fassions avec ce projet de loi. Je dois dire qu'on a trouvé, chez tous les... à peu près tous les gens qui sont venus ici aux auditions, des gens qui sont venus nous dire qu'ils étaient d'accord avec le principe d'une législation concernant le lobbying, mais qui demandaient, dans les cas des sept ou huit premiers groupes que nous avons reçus, une réécriture du projet de loi.

n(18 heures)n

Il y a des morceaux qui sont devenus, parce qu'on les a questionnés davantage au début puis parce qu'ils ont une importance aussi dans le projet de loi, la question de la discrimination, par exemple, a fait l'objet de plusieurs commentaires de plusieurs groupes, discrimination entre les groupes de lobbying et qui a, je pense, évolué et fait évoluer peut-être l'esprit gouvernemental, l'esprit du gouvernement; on entendra le ministre un peu plus tard sur cette question-là. Mais il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup d'autres morceaux dans le projet de loi qui doivent être réexaminés suite aux auditions que nous avons eues. À peu près tous les articles demandent... on a suggéré des modifications ou des amendements qui sont parfois recevables, parfois moins recevables mais toujours questionnables et devant toujours être débattus, tant qu'à moi qui ai fait la liste de chacun de ces amendements-là qui nous ont été suggérés par chacun des groupes que nous avons reçus et qui éventuellement nous permettra de débattre au moins de la légitimité et du bon sens de chacun de ces amendements-là.

Il y a des amendements qui ont une certaine importance. À l'article 2, lorsqu'on soumet... On a déjà commencé à en discuter. On dit ici, dans l'article: «Constituent des activités de lobbyisme au sens de la présente loi toutes les communications orales ou écrites avec un titulaire d'une charge publique en vue d'influencer ou susceptibles d'influencer la prise de décision relativement...» Déjà, pour plusieurs personnes, ce libellé devait être partiellement remis en question à cause de l'immense difficulté qui existe à comprendre et donner un sens aux mots «susceptibles d'influencer». Voilà un exemple qui risque de revenir dans les semaines ou les mois, qui feront en sorte... qui nous permettront de revenir sur cette question-là.

Et l'article 2, 2°, «l'attribution des contrats, de subventions ou d'autres avantages pécuniaires», on a vu hier soir la difficulté de compréhension, qui vient de nous être reformulée par M. Hudon qui a écouté les auditions hier soir. Hier soir, le ministre et moi, nous discutions de la compréhension de ce que devait être un vendeur pour l'État ou un acheteur pour l'État puis un consultant et un lobbyiste. Il semble que le citoyen Hudon m'ait donné raison a posteriori ce soir, mais, de toute façon, c'est des questions qu'il nous faudra discuter.

Les articles 3, c'est énorme. L'article 5... Enfin, à peu près la majorité des articles du projet de loi méritent, à mon avis, une réflexion qui devra être faite par le gouvernement. Il y a des grands objets évidemment, à savoir si nous devrions faire en sorte de cesser la discrimination en ne conservant que les sociétés qui sont à but lucratif et non pas les sociétés qui sont à but non lucratif. C'est une partie du projet de loi, ça, c'est l'article 3. Toute la question concernant le rôle du commissaire au lobbying, sa façon de fonctionner, les suggestions que nous avons eues éventuellement de transmettre peut-être non pas, comme le suggère le ministre, aux droits réels, mais plutôt un registre qui pourrait être tenu par le secrétaire de l'Assemblée nationale, comme c'est le cas dans la plupart des Parlements, entre autres, américains. Enfin, c'est des questions sur lesquelles nous devrons réfléchir.

Il y a certainement d'autres points qui doivent être étudiés concernant les aspects pénaux, l'organisation de cette nouvelle structure dans notre Parlement et le rôle de notre Parlement et même l'assujettissement des membres de notre Parlement par rapport à cette loi. Voilà un cocktail de réflexions qui devront être faites par le gouvernement et qui mériteraient, à mon avis, une approche qui, sur le plan méthodologique, est à peu près la suivante. Je pense que le gouvernement a suffisamment d'éléments dans ses mains pour être capable de fournir une réécriture de ce projet de loi dans les semaines qui suivent, avec laquelle nous pourrions faire en sorte d'adopter le principe du projet de loi et, pour éviter évidemment que jamais on pense qu'il s'agisse de mesures dilatoires, là, que tout de suite nous accordions... pour que, dans l'intersession, nous faisions l'étude article par article du nouveau projet de loi que nous fournirait le gouvernement, de façon à l'apporter à la nouvelle session et d'éviter la précipitation qui trop souvent, M. le Président, est coutumière chez nous et chez nos façons de procéder.

Et nous l'adopterions comme ça en début de la prochaine session, ce qui n'est pas au bout du monde, ce qui n'est pas à la fin des jours pour nous et ce qui nous permettrait de faire un travail complet sur le plan du contenu et sur le plan de la réflexion profonde que nous devons mettre sur ce genre de projet de loi, parce qu'il est non seulement... C'est vrai qu'il est dans une mouvance actuellement, dans le genre de Parlement que nous formons, mais c'est un projet de loi qui a une importance psychologique et symbolique, au moment où on se parle, et c'est pour cela, M. le Président, que je pense qu'on doit y mettre le temps et l'attention qu'il mérite. Merci.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le député de Westmount?Saint-Louis. M. le ministre.

M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. Je voudrais dire que nous avons eu des travaux extrêmement positifs. Nous avons entendu de très nombreux groupes. Nous avons travaillé pendant plus de 20 heures à entendre les gens et ça a été un exercice de qualité, puisque les mémoires qui nous ont été présentés vraiment étaient le signal d'un travail considérable fait par les groupes ou les individus pour faire en sorte que la meilleure appréciation soit faite du projet de loi. Alors, je voudrais remercier tous les gens qui sont venus. Ils ont vraiment contribué, ils vont contribuer à l'amélioration du texte que nous avons soumis... que nous leur avons soumis.

Alors, on est rendu à la fin des travaux. Il faut se demander: Que faisons-nous, suite à ce que nous avons entendu? Le projet de loi, et c'est un projet ? le terme le dit lui-même ? qui est une façon de regarder, d'organiser ce que nous voulons faire, et les critiques viennent nous dire: Vous avez réussi parfaitement, vous avez moyennement réussi ou pas du tout à certains égards, et il faudrait en conséquence faire quelque chose.

Mon collègue vient de parler de réécriture. Il a soulevé cette opportunité à chacun des groupes au début. Je pense que les groupes disaient: Oui, nous pensons qu'il doit y avoir amendements, mais pas réécriture au sens où l'entend mon collègue. Ça a été dit de manière très habile, c'était correct aussi, mais ce n'est pas ce que les gens pensaient. Parce qu'effectivement, M. le Président, il n'y a pas lieu, je crois, à réécriture mais il y a lieu à des amendements, et ça, c'est tout à fait correct et c'est le sens de la démarche que nous faisons, c'est nous amener à améliorer le projet de loi. Et c'est dans ce sens-là que je vais faire quelques représentations très courtes pour indiquer: Dans certains cas, oui, ce sera inclus comme amendement; dans d'autres cas, ce sera non; et, dans quelques cas limités, je vais garder ma recommandation pour le Conseil des ministres, ayant été enrichi cependant fortement, pour ma recommandation, par ce que les gens nous ont dit ici.

Alors, dans un premier ordre d'idées, ce qui devrait être changé ou amélioré. Entre autres, introduire une disposition reconnaissant clairement le principe de la légitimité des activités de lobbyisme dans notre société. Plusieurs personnes nous ont signalé qu'il fallait donner cette stature, et ce sera bien reçu, et les gens sont fiers du métier qu'ils exercent, et je pense que nous devons aller aussi loin qu'il est possible de le faire pour leur donner ce sentiment de fierté, parce que nous considérons que c'est une profession parfaitement légitime dans une société comme la nôtre. Donc, première chose.

Deuxièmement, là, on arrive peut-être au coeur de la question. Je vais donc le reporter un peu plus loin pour mes représentations.

Troisièmement, clarifier la loi pour ne pas confondre les vendeurs et les lobbyistes. C'est l'objet de la discussion que nous avons eue hier, qui est reprise un peu par M. Hudon, le dernier intervenant. Je pense que nous avons à éviter qu'il y ait confusion dans l'esprit des lecteurs de la loi et surtout dans les acteurs sur le terrain entre ce qui est possible ou pas possible. On ne peut pas garder l'imprécision à cet égard et ce sera donc clarifié.

Il faut aussi, je pense, regarder attentivement la possibilité de garder confidentiels certains renseignements relativement, par exemple, à des projets d'investissement et suite à une décision qui serait prise par le Commissaire à qui on soumettrait ce caractère de confidentialité extrême dû au fait que ce soit un investisseur étranger, par exemple, ou encore un investisseur qui dévoilerait toute sa stratégie et qui le mettrait en péril par rapport à ses concurrents s'il devait y répondre. Il devrait donc... À ce moment-là, si le Commissaire était d'accord, il soumettrait les renseignements au Commissaire, mais qui les garderait confidentiels pendant six mois, un an, qui pourrait peut-être le renouveler. Ça, je pense qu'il faut définitivement regarder cette question de très près pour y apporter les amendements qui s'imposent en bout de piste, si nous le croyons opportun. Mais je pense qu'il faut regarder ça de très près.

Un point qui est très clair ? et je pense qu'il y a au moins quatre personnes qui l'ont soulevé: préciser l'article 7 de façon à ce que seules les catégories de lobbyistes visées par l'article 3 aient l'obligation de s'inscrire. Je pense que le texte, l'écriture technique est fautive. Plusieurs ont trouvé qu'il y avait différentes interprétations, ce n'est pas bon signe, nous convenons qu'il faut le changer.

n(18 h 10)n

Rendre aussi plus clair quelles sont les personnes qui doivent s'inscrire. Alors, ça, là, c'est un peu l'effet secondaire d'amendements qui pourraient être apportés, mais il faut que ce soit sans équivoque à cet égard. Et aussi éviter que des gens pensent que 56 000 personnes doivent être inscrites, de la même manière que des gens pensaient que chaque téléphone, chaque lettre, chaque rencontre devait être consignée, ce qui n'est absolument pas le cas. Mais je ne blâme pas les gens de l'avoir interprété. Vu comme ça, c'est une indication que le texte ne dit pas exactement ce que nous voulons qu'il dise. Donc, c'est des modifications techniques qu'il faut aborder.

La question de la mise à jour et des délais pour changement au contenu de la déclaration. Je conviens que les délais devraient être clarifiés pour éviter l'ambiguïté à cet égard et faire en sorte que ce soit facile d'application et non pas tatillon, parce que, aux commentaires que nous avons entendus, il est clair que ceci pose des problèmes techniques. Et ce n'est pas le but que nous visons mais plutôt de bien savoir que telle chose s'est produite. Mais de le savoir trois jours après ou 27 jours après ne change pas le fond des choses. Donc, toucher à cela.

Par contre, il ne me semble pas opportun de modifier le projet de loi sur les points suivants. D'exclure davantage de lobbyistes, je pense que ce serait vraiment aller à l'encontre de tout ce que nous avons entendu parce qu'on nous a dit non pas: Mettez-en moins, ça a été plutôt d'en ajouter. Mais, quand même, des gens nous ont suggéré de le faire et je dis non.

Nous devons aussi rejeter l'exclusion des membres du cabinet de l'obligation de respecter un purgatoire d'un an. Par ailleurs, non aussi au fait de transformer le rôle du Commissaire au lobbyisme en celui d'un conseiller en éthique. En fait, les représentations et la discussion que nous avons eues, j'avais déjà donné mon opinion hier à cet égard et je n'ai pas changé d'opinion, je crois que nous devons continuer dans la voie que nous avons entreprise.

Question qui reste à être tranchée par le Conseil des ministres, sur laquelle j'aurai à faire des recommandations qui sont de taille, c'est d'inclure dans la définition de lobbyiste, de lobbyiste d'organisation, les syndicats, les ordres professionnels, les groupes communautaires, autrement dit extensionner au maximum les gens qui sont des lobbyistes ou garder la situation actuelle. C'est, je pense, le plus gros débat que nous avons eu ici. Je pense que 90 % des groupes nous ont parlé dans un sens ou dans l'autre. Certains allaient à l'encontre totalement de l'autre mais au moins ça positionne le problème. Il y a quelque chose à trancher de ce côté-là.

Je dirais aussi: Est-ce que la rémunération à même une subvention ou selon l'obtention d'un résultat doit être reconsidérée pour savoir si on maintient tel quel ou si on doit changer légèrement la façon de faire les choses? Je crois que nous avons entendu suffisamment de représentations pour questionner si nous maintenons telle quelle ou pas cette chose-là. Ça pourrait être tel quel mais il faut, je pense, le regarder à nouveau et décider d'aller de l'avant ou pas.

Alors, voilà, je pense que ceci représente l'essentiel de ce que nous avons entendu. Je soumets respectueusement qu'à part deux ou trois questions, que j'ai gardées d'ailleurs en suspens, ce sont toutes des modifications qui sont pas de style, mais qui sont aisément solutionnables par nos légistes parce que la direction est donnée, c'est: Oui, vous clarifiez. Alors, le texte est facile. Par exemple, je vais prendre, pour me faciliter la tâche, «introduire une disposition reconnaissant clairement le principe de la légitimité des lobbyistes». Bon, bien on ne travaillera pas des siècles là-dessus. Ça s'écrit rapidement. On sait ce qu'on veut. Une modification à l'article 7, c'est également pareil.

Alors, il y a toutes ces questions-là qui ont été soulevées, auxquelles j'ai dit oui. Elles m'apparaissent, pour un légiste, des question d'heures, mettons peut-être quelques jours maximum, et ça peut se faire. Les autres, c'est des questions de principe à trancher qui vont faire l'objet de décisions par le Conseil des ministres. Et je serai prêt à faire ma recommandation au prochain Conseil des ministres, qui décidera de la suite des choses.

Alors, quant à la dernière proposition du député de Westmount?Saint-Louis, nous ne partageons pas l'avis que c'est un projet de loi qui découle d'événements. J'ai déjà expliqué comment il a évolué, ce projet de loi, comment beaucoup de gens se sont prononcés, comment il s'inscrit dans la foulée de ce qui se passe ailleurs et que c'est souhaitable que ça soit fait.

Alors, nous sommes prêts, je pense. Si le Conseil des ministres est prêt à aller de l'avant, je suis persuadé que, dans les prochains jours, nous pourrions avoir devant nous, devant l'Assemblée, un texte qui pourrait être adopté sans précipitation, en bonne connaissance de cause, éclairés que nous sommes par tout ce qui s'est dit d'enrichissant ici et qui ne remet pas en cause le principe même du projet de loi.

Donc, je fournirai la possibilité au gouvernement d'agir immédiatement. Ce sera au gouvernement de décider si, oui ou non, il veut le faire maintenant ou encore en prenant une autre voie. Mais ça, ça appartient... la décision appartient au gouvernement. Alors, voilà, M. le Président, ce que je voulais faire.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le ministre. En terminant.

M. Bégin: Mais je voudrais terminer en disant que j'ai beaucoup apprécié la collaboration de mes collègues mais également du député de Westmount? Saint-Louis qui a permis de faire un travail d'approfondissement du projet de loi et des qualités et de ses faiblesses pour faire en sorte qu'on ait ultérieurement un texte de loi qui soit le plus complet possible.

C'est intéressant de travailler dans ces conditions-là. Ça bonifie le projet de loi, et je voudrais le remercier, et ses collègues qui à l'occasion l'ont accompagné au cours de nos travaux. Il y a tout le personnel aussi qui nous ont aidé à faire en sorte que cette commission se tienne dans un décorum, mais dans une situation agréable pour tout le monde. Alors, merci, M. le Président. Merci à tout le monde.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le ministre. Il me reste à remercier les membres de la commission, particulièrement M. le député de Westmount?Saint-Louis et vous, M. le ministre, pour votre collaboration et aussi tous les membres et le personnel de cette commission pour leur collaboration.

Donc, je vais ajourner les travaux sine die, la commission ayant accompli son mandat.

(Fin de la séance à 18 h 17)

 

 


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