L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des finances publiques

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des finances publiques

Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le jeudi 26 février 2004 - Vol. 38 N° 28

Consultation générale sur le document intitulé Rapport du groupe de travail sur le rôle de l'État québécois dans le capital de risque


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Intervenants

M. Alain Paquet, président

M. Rosaire Bertrand, vice-président

M. Jean-Pierre Paquin, président suppléant

M. Michel Audet

M. Claude Boucher

M. François Legault

M. Raymond Bernier

M. Karl Blackburn

M. Jean Rioux

M. Guy Lelièvre

M. Henri-François Gautrin

* Mme Françoise Bertrand, FCCQ

* M. André Tremblay, idem

* M. Patrick Simard, CCQ

* M. Gilbert Samson, CCEQ

* Mme Suzanne Delisle, idem

* M. Luc Borduas, Chambre de commerce de la région sherbrookoise

* M. René Rouleau, Gestion Sovar inc.

* M. Raymond Leblanc, idem

* M. Pierre Pedneau, idem

* M. Bernard Coupal, Gestion T2C2/Bio inc., Gestion T2C2/Info inc.

* M. Michel Lessard, CSN

* M. Marcel Pepin, idem

* M. Léopold Beaulieu, Fondaction

* Mme Nancy Neamtan, Chantier de l'économie sociale

* M. Charles Guindon, idem

* Mme Élise Tessier, RISQ

* Mme Odette Dallaire, idem

* M. René Roy, FTQ

* M. Yvon Bolduc, idem

* M. Marc Bellemare, idem

* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-six minutes)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Avant de débuter, je demanderais à tous ceux et celles qui ont un téléphone cellulaire de bien vouloir éteindre leur sonnerie afin de ne pas gêner les travaux de la commission.

Alors, je vous rappelle ce matin que la Commission des finances publiques est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le Rapport du groupe de travail sur le rôle de l'État québécois dans le capital de risque.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Outre le remplacement de Mme Beaudoin (Mirabel) par M. Boucher (Johnson) pour la durée du mandat, M. Cholette (Hull) est remplacé par M. Blackburn (Roberval).

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, Mme la secrétaire. Alors, je vous fais part de l'ordre du jour pour la journée. Donc, ce matin, nous entendrons les représentants de la Fédération des chambres de commerce du Québec; de la Chambre de commerce de Québec; de la Chambre de commerce des entrepreneurs de Québec; et de la Chambre de commerce de la région sherbrookoise, pour le premier bloc d'une heure; par la suite, ce sera suivi par les auditions du groupe de Gestion Sovar inc., suivi par la suite de Gestion T²C²/Bio inc..

Et cet après-midi et donc avec consentement ? je présume qu'il y aura consentement ? nous allons poursuivre au-delà de 12 h 30, étant donné l'horaire qu'on a ce matin. Donc, il y a consentement là-dessus?

Une voix: Consentement.

Le Président (M. Paquet): Merci. Cet après-midi, donc nous entendrons d'abord, à 14 heures, la Confédération des syndicats nationaux jumelée avec le Fondaction et Fonds de développement de la CSN pour la coopération et l'emploi; suivis par la suite des représentants du Chantier de l'économie sociale et du Réseau d'investissement social du Québec; et enfin nous terminerons la journée avec la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. C'est donc l'ordre du jour pour ce jeudi 26 février.

Auditions (suite)

Alors, j'en profite maintenant pour souhaiter la bienvenue aux représentants de la Fédération des chambres de commerce du Québec, la Chambre de commerce du Québec, et la Chambre de commerce des entrepreneurs du Québec et de la région sherbrookoise ? ça fait plusieurs chambres de commerce ? nous souhaitons la bienvenue à votre participation aux travaux qui est représentée par M. Raymond Leblanc, vice-recteur à la recherche de l'Université Laval.

La Secrétaire: Non.

Le Président (M. Paquet): Non. Il y a un changement... Excusez. Non, alors il y a un changement, pardon.

La Secrétaire: ...

Le Président (M. Paquet): Oui, excusez. Je lisais le mauvais bloc. Désolé. Pardon. Alors, je m'excuse. Donc, Mme Françoise Bertrand, bonjour, présidente-directrice générale de la Fédération des chambres de commerce du Québec; Me André Tremblay, président du conseil d'administration de la Fédération des chambres de commerce du Québec; M. Steeve Demers, que je retrouve comme un ancien étudiant, économiste de la Fédération des chambres de commerce du Québec; M. Alain Kirouac, vice-président exécutif et directeur général de la Chambre de commerce de Québec; et Me Luc Borduas de la Chambre de commerce de la région de Sherbrooke; et d'autres gens qui accompagnent, M. Patrick Simard, Mme Delisle, et M. Gilbert Samson, qui sont aussi présents. Alors, je vous souhaite la bienvenue au nom des membres de la commission.

Je vous rappelle que la présentation peut durer jusqu'à 35 minutes, qui sera suivie d'une période d'échange de deux blocs qui totalisera 40 minutes au total, avec 20 minutes de la part du côté ministériel et 20 minutes du côté des membres de l'opposition, en alternance, par bloc de 10 minutes.

Alors donc, sans plus tarder, je vous cède la parole. Mme Bertrand.

Fédération des chambres de commerce
du Québec (FCCQ), Chambre de commerce
de Québec (CCQ), Chambre de commerce
des entrepreneurs de Québec (CCEQ) et
Chambre de commerce de la région sherbrookoise

Mme Bertrand (Françoise): Bonjour. Merci beaucoup. La Fédération des chambres de commerce du Québec souhaite remercier les membres de l'Assemblée nationale du Québec de cette opportunité qui nous est offerte de commenter le Rapport du groupe de travail sur le rôle de l'État québécois dans le capital de risque et de présenter quelques éléments de notre réflexion quant à la manière d'accroître les retombées positives de cette industrie par le biais des mesures proposées dans ce rapport.

On apprécie particulièrement, puis on tient à le souligner, de pouvoir se présenter en réseau des réseaux ? c'est souvent comme ça qu'on s'identifie. Et je pense que l'invitation qui nous a été faite de mettre de l'avant ce qui est notre tronc commun d'opinions et de laisser l'expérience terrain et les gens qui vivent dans chacun des milieux des chambres locales présenter leur point de vue et concrètement ce qui se passe, c'est une opportunité qu'on apprécie énormément. Et chaque fois que vous souhaiterez qu'on récidive, ça nous fera plaisir.

n (9 h 40) n

Alors, nous débuterons, par la suite on demandera à la Chambre de commerce de Québec, car le président et le vice-président exécutif, directeur général ont un agenda chargé de commissions parlementaires, ils doivent s'absenter pour aller immédiatement à celle sur l'immigration en région. Alors, si vous vouliez les excuser, là, tout de suite, ils devront quitter à 10 h 45. C'est ça?

Une voix: Oui. Avant ça, même.

Mme Bertrand (Françoise): Avant ça. Et par la suite ce sera la Chambre de commerce régionale des entrepreneurs de Québec et par la suite le dessert et qui ouvrira, j'en suis certaine, la période des questions, la Chambre de commerce de la région de Sherbrooke.

Alors, ce que nous avons fait, c'est que la fédération va vous parler de ce qui était vraiment au niveau des comités de la fédération et aussi des mémoires qui vous ont été présentés, ce qui est un peu l'évaluation générale quant au rapport Brunet, là où les coeurs et les têtes se rejoignent, donc notre consensus, et nous allons par la suite laisser la parole aux chambres.

Ainsi, je pense qu'il est inutile de redire que la fédération, c'est un réseau fort: 170 chambres mais 56 000 employeurs à travers le Québec. Et on voit notre rôle un peu comme celui d'un intermédiaire crédible entre les besoins des entreprises et la volonté des gouvernements de les satisfaire. Et nous tirons notre origine, en termes de nos positions, dans une vision économique du développement québécois qui s'articule bien sûr autour de la liberté d'entreprendre mais qui a comme trois piliers fondamentaux, soit l'entrepreneurship, la relève ? c'est une question, surtout avec le vieillissement de notre population, qui est de plus en plus cruciale ? et la pérennité des entreprises parce qu'il faut se préoccuper aussi non seulement de la création des entreprises mais de sa durée et de sa capacité de croître.

Alors, tout d'abord mentionnons que nous sommes en accord avec les orientations proposées par le rapport Brunet qui visent à accroître la place du secteur privé et à donner une plus grande mainmise de la communauté des affaires sur le financement en capital de risque. Ces orientations et recommandations reposent sur un constat de l'industrie du capital de risque québécois et du rôle de l'État qui nous apparaissent juste. Toutefois, la qualité de ces orientations ne saurait assurer seule la réussite des mesures proposées. Nous croyons en effet que le succès des mesures proposées par le rapport Brunet et la croissance de l'industrie du capital de risque ne seront possibles que si la mise en place de ces mesures s'accompagnent d'une période de transition adéquate, du maintien et l'accroissement de l'expertise en région, et d'un assouplissement réglementaire et fiscal approprié.

Au fil des ans, le gouvernement et les organismes qu'il contrôle ont graduellement occupé une place de plus en plus importante et nécessaire au sein de l'industrie du capital de risque. Bien qu'une présence ciblée du secteur public soit toujours requise et cruciale, nous croyons, à ce moment-ci de notre développement économique, que la santé de l'industrie du capital de risque et celle des entreprises qui en dépendent passe désormais par un accroissement de la place et du rôle du secteur privé. Dans cet esprit, il nous apparaît nécessaire de mettre en place les outils qui permettront aux capitaux privés, celui des investisseurs providentiels, des caisses de retraite et des investisseurs étrangers, de prendre part plus activement au financement des projets d'innovation et de création mis de l'avant par nos entrepreneurs et nos entreprises.

Nous reconnaissons que cette présence est actuellement dans l'ensemble du territoire québécois, mais nous souhaitons que la vision future soit une vision plus modulée. En fait, on voudrait s'éloigner de la mesure universelle ou du mur-à-mur. Et ce que nous souhaitions ou ce que nous proposons, c'est que, dépendant de la phase de croissance d'une entreprise, qu'elle puisse accueillir des proportions variables de fonds privés et publics. Donc, ce n'est pas une mesure ou une manière qui soit pour l'ensemble des entreprises ou des territoires, ni non plus une mesure qui soit identique pour chaque phase de croissance. L'amorçage, ou le démarrage d'une entreprise, ou une troisième ronde ne requiert pas le même équilibre.

Malgré la justesse du constat posé sur l'industrie du capital de risque et la participation actuelle de l'État québécois, plusieurs de nos membres expriment leur inquiétude vis-à-vis de nouvelles orientations qui pourraient avoir pour effet de dissiper ou d'éloigner l'expertise acquise depuis plusieurs années par les organisations gouvernementales en matière de capital de risque, notamment les Innovatech, dont on va vous parler plus tard. Par conséquent, il nous apparaît donc important que le gouvernement maintienne en région un haut niveau d'expertise en matière de recherche et d'évaluation de projets. Ce maintien de l'expertise en région pourrait s'effectuer, par exemple, par la création de plus d'un fonds mixte agissant plus précisément en région.

La création dans toutes les régions du Québec de fonds d'initiatives régionales est certainement pour nous l'une des recommandations très intéressantes du rapport Brunet. Mais cette nouvelle créature, si on peut dire, d'initiatives doit s'inscrire en complémentarité avec d'autres mesures déjà existantes qui certainement ont besoin d'être redéfinies, mais il ne s'agit pas de remplacement strict et bien d'avoir un ensemble d'outils, une boîte à outils qui soit capable justement de la modulation à géométrie variable dont je parlais tantôt.

Nous croyons que les besoins du financement et l'engouement pour la création de ces fonds pourraient même se traduire par la création de plusieurs FIR pour une même région, et on croit que certainement cette situation pourrait être plus vivante dans certaines régions que dans d'autres. Le gouvernement doit par conséquent prévoir éventuellement des budgets nécessaires à la reconnaissance de plusieurs FIR dans chacune des régions sans que la reconnaissance dans une région ne restreigne la reconnaissance de FIR dans une autre région. Donc, il ne s'agit pas de dire: Il y a 17 FIR, point à la ligne. Et peut-être qu'on peut songer à des formules qui permettraient même des investissements au-delà des zones immédiates de la région concernée.

De manière à favoriser la réussite de ces FIR, nous avons proposé dans notre mémoire que soit modifié le niveau de la contribution maximale à 10 % plutôt que 300 000 $ et que soit élargie la portée géographique des investissements en permettant un certain niveau de financement hors région. Nous croyons que le succès de cette initiative repose également sur la capacité du milieu des affaires à se mobiliser afin de réunir les capitaux nécessaires au financement des projets d'affaires et d'en assumer la gestion. À ce niveau, le réseau des chambres de commerce peut contribuer et souhaite contribuer significativement au développement du capital de risque, compte tenu de sa mission et de sa vision économique. La fédération entend donc mettre à contribution la force de son réseau pour appuyer le développement et la formation de FIR dans chacune des régions du Québec en mobilisant les forces vives de la communauté d'affaires. M. le président.

M. Tremblay (André): Merci, Mme Bertrand. À l'instar du groupe de travail, nous convenons qu'il importe pour le gouvernement de revoir et d'identifier les incitatifs fiscaux et les assouplissements réglementaires qui permettront une plus grande participation des investisseurs privés et étrangers au financement des entreprises québécoises. Nous joignons par conséquent notre voix à celle du rapport Brunet pour que soit créé un comité de travail composé de représentants du gouvernement et du milieu des affaires ainsi que de l'industrie du capital de risque, chargé d'identifier les mesures fiscales et réglementaires essentielles afin de stimuler cette participation. La fédération offre au gouvernement toute sa collaboration dans la formation et la mise en place de ce comité.

Une fois formé, ce comité devra rapidement identifier les avenues fiscales, notamment en ce qui a trait à l'imposition du gain en capital, et réglementaires susceptibles de favoriser l'épanouissement de l'industrie du capital de risque. À l'instar de certains pays, le Québec pourrait songer à ne pas imposer le gain en capital à certaines conditions, en fonction des types d'investissement, de la durée de détention de l'investissement. Compte tenu de ses effets structurants, nous croyons qu'une telle approche mérite d'être examinée de plus près par le gouvernement et le comité ad hoc.

Certains aspects de la réglementation méritent aussi à notre avis d'être revus de manière à ne pas constituer un frein au financement et au développement des PME. Parmi ces aspects, qui, nous l'espérons, feront l'objet d'une analyse de la part du comité ad hoc, soulignons notamment la contrainte sur l'investissement privé qu'impose la Loi sur les valeurs mobilières du Québec.

Aux recommandations du rapport Brunet qui, nous le croyons, sont de nature à stimuler l'industrie du capital de risque, nous souhaitons ajouter quelques recommandations ou plutôt des pistes de réflexion qui sont susceptibles d'accroître davantage la réussite des mesures proposées. Nous croyons en effet que l'épanouissement du capital de risque, la création d'une culture de capital de risque passe par le développement justement de cette culture-là et de l'investissement dans la petite entreprise, et par un meilleur arrimage entre les entrepreneurs et les investisseurs. Le développement de cette culture requiert également un effort de mobilisation, de concertation et d'éducation du milieu des affaires.

Dans cette transformation, il est clair que le réseau des chambres peut et se doit de jouer un rôle d'accompagnateur et de facilitateur à travers le processus de changement de culture et de développement des entreprises. Déjà, la fédération intervient et agit au niveau de l'entrepreneurship, de la relève et de la pérennité des entreprises, comme le soulignait Mme Bertrand tout à l'heure, et ce, afin de favoriser les conditions de productivité et de compétitivité des entreprises québécoises. C'est dans le respect de cette vision économique que nous participerons à soutenir l'émergence d'une nouvelle culture de capital de risque.

Une fois les structures et les incitatifs fiscaux mis en place, nous croyons que la communauté d'affaires doit ensuite se doter des instruments permettant de mieux arrimer les besoins et les demandes de financement à l'offre de fonds de capital de risque. À notre avis, cet arrimage peut s'effectuer de diverses manières, soit par une meilleure formation de l'entrepreneur et du milieu des affaires à l'investissement en capital de risque, soit en réunissant et en informant davantage les investisseurs privés des véhicules de placement mis à leur disposition; le FIR en est un exemple. Le réseau des chambres peut encore là jouer un rôle de première importance.

n (9 h 50) n

Au niveau de la formation, de toute évidence la pleine connaissance du capital de risque et de ses règles par les entrepreneurs se traduit par des besoins de financement non comblés et, le cas échéant, par la mise au rancart de projets potentiellement viables et créateurs de richesse. Dans ce contexte, nous recommandons au gouvernement de mieux soutenir les initiatives de la communauté des affaires visant à accroître l'aide et la formation des entrepreneurs vis-à-vis du fonctionnement et des attentes des investisseurs en capital de risque. Mieux préparées et encadrées, nous croyons que les PME verront leurs demandes de fonds moins fréquemment refusées et qu'elles obtiendront davantage de fonds.

Nous croyons aussi que la communauté d'affaires et le gouvernement doivent également appuyer le développement et le soutien de l'investisseur privé, plus précisément celui qui agit à titre d'investisseur providentiel. Au-delà des conditions du marché et malgré les qualités des incitatifs fiscaux, l'investisseur providentiel peut parfois se montrer hésitant à investir d'importantes sommes dans un projet ou dans une communauté s'il n'anticipe aucun potentiel de rendement ou s'il se sent seul dans une démarche d'investissement. De par leur réseau, les chambres locales sont en mesure de jouer un rôle important en rejoignant et réunissant les investisseurs autour de projets d'investissement.

Appuyées par la fédération, elles sont également en mesure d'élaborer et de mettre sur pied, en collaboration avec d'autres organismes, des programmes initiatives destinés à informer la communauté d'investisseurs et le milieu des affaires des véhicules d'investissement disponibles et, le cas échéant, à soutenir l'investisseur privé dans ses démarches visant à participer financièrement au développement de notre génie créatif.

J'aimerais maintenant donner la parole aux chambres locales pour qu'elles soient en mesure de nous faire part de leur expérience et du vécu qu'elles ont chacune dans leur milieu, en commençant par M. Simard, président de la Chambre de commerce de Québec.

Le Président (M. Paquet): M. Simard, vous avez la parole.

M. Simard (Patrick): Merci, André. Alors, j'ose espérer que vous m'entendez suffisamment compte tenu que je suis entre deux chaises, semble-t-il. Alors, bon matin à vous tous et à vous toutes. Alors, d'entrée de jeu je devrai m'excuser de quitter vers 10 h 20, mais la deuxième note d'entrée de jeu, ce serait de souscrire aux positions évidemment de notre fédération. Et la présentation de la Chambre de commerce de Québec particulièrement sera plutôt ciblée sur une préoccupation que nous avons, fondamentale, compte tenu que nous sommes dans la Capitale-Nationale et que nous tenons à ce que le centre décisionnel du gouvernement soit toujours maintenu dans la région de la Capitale.

Alors, permettez-moi en quelques mots de vous présenter notre organisation. La Chambre de commerce de Québec a 4 000 membres qui proviennent de tous les secteurs de l'économie. Elle constitue le plus grand regroupement de gens d'affaires de l'Est du Québec. Que ce soit dans les dossiers qui touchent l'économie, la main-d'oeuvre, l'immigration ? là où je serai d'ailleurs devant vos collègues tout à l'heure ? la réglementation, la chambre se fait toujours un devoir d'intervenir là où elle juge bon d'intervenir au bénéfice de ses membres. Et aujourd'hui, dans le cadre du Rapport du groupe de travail sur le rôle de l'État dans le capital de risque, nous jugeons qu'il est opportun d'intervenir sur un aspect particulier.

La chambre a toujours été extrêmement vigilante quant au respect du rôle de Québec comme capitale dans le but d'assumer le maintien à Québec et d'assurer surtout les fonctions liées à l'exercice du pouvoir gouvernemental dans la capitale. À titre d'exemple, c'est la Chambre de commerce de Québec qui est à l'origine d'initiatives des gens d'affaires de créer le Comité Québec-Capitale, ce qui a amené le gouvernement à établir une clause Québec-Capitale. C'est précisément à l'intention du gouvernement du Parti québécois, en 1998, qui a fait en sorte que le Comité Québec-Capitale a vu le jour, une réaction particulièrement vive, puisqu'on jugeait qu'il y avait là une possibilité d'érosion de l'exercice des fonctions gouvernementales à Québec au profit de la métropole. Et l'action du Comité Québec-Capitale, à laquelle nous avons souscrit, a maintenant contribué, on le reconnaît aujourd'hui, à maintenir à Québec les sièges sociaux des quatre sociétés d'État qui sont devenues des filiales de la SGF. Mais, aujourd'hui, six ans plus tard, on propose à nouveau d'affaiblir la capacité décisionnelle de la région en suggérant de faire tout simplement disparaître ces mêmes quatre sociétés d'État en les intégrant complètement à la SGF. Pour nous, ça semble être un peu le jour de la marmotte, pour ceux qui s'y connaissent en cinéma.

Si d'emblée on souscrit à l'initiative du gouvernement de laisser plus de place aux investissements privés dans le domaine du capital de risque, on craint cependant que, si toutes les recommandations du rapport Brunet qui sont maintenant sur la table doivent être suivies, ça aurait des conséquences désastreuses pour l'économie de la région de Québec. Après 15 ans maintenant, la région de Québec a réussi à relever le pari de sa diversification économique en devenant un pôle d'excellence dans plusieurs domaines de haute technologie. Elle y est parvenue parce qu'elle a misé sur le savoir notamment, l'entrepreneurship, sa capacité d'innovation, la mise en commun de ses ressources intellectuelles, ses ressources financières en multipliant les échanges entre les entreprises, les centres de recherche ? Dieu sait qu'ils sont nombreux dans la région ? et nos universités. On craint cependant que les conclusions du rapport Brunet, si elles devaient être mises en application, ne viennent annihiler 15 ans d'efforts soutenus des acteurs de la région pour dynamiser et diversifier l'économie de la région de la Capitale.

Dans le rapport du groupe de travail qui a été mandaté pour examiner le rôle de l'État dans le capital de risque, on peut lire ? et je vais faire une courte citation ? que «depuis 1998, les sociétés d'État sectorielles, [la] SOQUIA, [la] SOQUEM, REXFOR, SOQUIP sont des filiales de la SGF. Ces sociétés d'État interviennent dans les domaines de l'agroalimentaire, des mines, de la foresterie et du pétrole[...]. Le groupe de travail ? c'est toujours la citation ? considère que les motifs de base justifiant le regroupement effectué en 1998 prévalent toujours et qu'il n'y a pas lieu de revenir sur cette décision. Il paraît même opportun au groupe de travail qu'un pas de plus soit franchi dans cette direction en [les] intégrant pleinement [...] à la structure de la SGF, de manière à alléger et simplifier les structures en place. Cette intégration permettrait d'éliminer les 12 filiales, incluant [les sociétés telles que] la SOQUIA, la SOQUEM, REXFOR et la SOQUIP, [afin] d'alléger l'administration de la SGF.»

Et c'est là pour nous que le bât blesse. Ça nous apparaît inacceptable, compte tenu de la conséquence que nous risquons de vivre dans la région de Québec. Sans tenir compte du fait que l'expertise scientifique nécessaire dans au moins un des trois secteurs couverts par ces trois sociétés d'État est concentrée à l'Université Laval, SOQUIA pour l'agriculture, SOQUEM pour les mines aussi ? on aurait pu en parler, ça ? et REXFOR pour la foresterie, le Comité Québec-Capitale, auquel nous souscrivons, et la Chambre de commerce jugent contraire aux intérêts de la région cette position de faire disparaître complètement ces sociétés d'État en les intégrant à une SGF dont le siège social est évidemment à Montréal. De plus, dans le cas de la SOQUIP, le rapport Brunet semble ignorer une décision d'Hydro-Québec d'établir sous peu sa vice-présidence spécialisée en énergie pétrolifère et gazière à Québec. Alors, on semble ne pas tenir compte des autres enjeux.

Mais la chambre, à l'instar du Comité Québec-Capitale, trouve aussi regrettable qu'une fois de plus un rapport commandé par un ministère québécois propose d'éliminer de facto un centre de décision financière pour la région de Québec. Pour la chambre, cette position a pour effet de faire disparaître de la région un des trop peu nombreux centres de décision financière qui y sont présents. Si le passé est garant de l'avenir, le fonds mixte proposé, bien que nous souscrivons à l'idée, sera établi à Montréal et tous ceux et celles qui, dans notre région, voudront obtenir un financement pour des projets de haute technologie ? et Dieu sait qu'ils sont nombreux ? devront obligatoirement aller présenter leurs projets à Montréal.

Il faut rappeler que les investissements d'Innovatech ont accéléré le développement de la culture d'entreprise dans la région de la Capitale, et il semble clair que le centre de décision à Québec fait toute une différence. Comme le Comité Québec-Capitale, la chambre est persuadée que beaucoup de projets financés par Innovatech n'auraient pas vu le jour s'il aurait fallu que nos entrepreneurs fassent constamment l'aller-retour sur Montréal. De plus, Innovatech aura été dans plusieurs cas un catalyseur d'investissements, exception faite d'une entreprise de taille moyenne comme EXFO. Les quelques grandes entreprises industrielles n'ont pas de centre de décision à Québec et encore moins un centre en recherche et développement. La région de Québec doit donc par conséquent développer une industrie endogène. Il nous faut miser sur la recherche et adapter les programmes gouvernementaux à justement cette grande réalité.

Le rapatriement à Montréal des centres de décision spécialisés en financement d'entreprises de haute technologie menace, quant à nous ? et il nous apparaît bien clair ? directement la poursuite de la diversification économique de la région de la Capitale. La masse critique industrielle de la métropole n'existe pas à Québec, et la capitale doit donc pouvoir continuer de compter sur les retombées du transfert de la recherche universitaire qui se fait à l'Université Laval et à l'INRS pour créer de nouvelles entreprises. Ainsi, sans s'opposer à la création d'un seul fonds mixte pour des projets de haute technologie, la chambre estime cependant, à l'instar du Comité Québec-Capitale, qu'il faut absolument maintenir un centre de décision autonome à Québec.

Dans ce contexte, la Chambre de commerce de Québec demande que toute décision prise dans la foulée de ce rapport respecte la politique de la Capitale-Nationale, maintienne dans la capitale un centre effectif de décision en matière d'investissement en haute technologie et oblige la SGF, le cas échéant, à maintenir dans la capitale les centres de décision de ses filières spécialisées. Alors, on recommande au gouvernement de maintenir dans la région finalement un centre de décision, une structure décisionnelle de financement à caractère régional disposant des ressources nécessaires, qui tiendra compte de l'objectif de la diversification de la région de la Capitale, ce qui est encore un objectif bien présent et bien essentiel à poursuivre encore de nos jours.

Le Président (M. Paquet): Mme Bertrand.

Mme Bertrand (Françoise): Merci. Je passerais maintenant la parole au président de la Chambre de commerce régionale des entrepreneurs du Québec, M. Gilbert Samson.

Le Président (M. Paquet): M. Samson.

n(10 heures)n

M. Samson (Gilbert): M. le Président de la commission parlementaire, M. le ministre du Développement économique et régional, Mmes et MM. les députés membres de cette commission, au nom de ses membres et forte de cet important réseau de près de 1 800 hommes et femmes d'affaires, la Chambre de commerce des entrepreneurs de Québec, je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui et de nous entendre dans le cadre de la consultation générale à l'égard du rapport du groupe de travail sur le rôle de l'État québécois dans le capital de risque.

Je suis accompagné de Mme Suzanne Delisle, vice-présidente de la Chambre de commerce des entrepreneurs de Québec, qui m'accompagne ce matin.

D'abord, je veux vous dire que la Chambre de commerce des entrepreneurs appuie les orientations proposées visant à accroître la place du secteur privé et à créer des opportunités intéressantes pour la communauté d'affaires sur le financement et ainsi mieux répondre aux besoins là où des déficiences de l'offre ont été identifiées. Aussi, le champ d'intervention de ce fonds est circonscrit de manière à lui assurer un rôle complémentaire à celui des sociétés de valorisation universitaire qui interviennent au niveau de la valorisation dont la preuve de concept est un élément clé. Ça, c'est le quoi.

Maintenant, nous aimerions discuter du comment. Le but poursuivi ici est de réussir à augmenter l'efficacité globale des mesures proposées. Au début des années 1990, grâce à des acteurs visionnaires et à une culture d'entreprise très distincte, la ville de Québec et sa région décidaient de prendre le virage technologique. La capitale s'est efforcée, et avec succès, de développer le créneau technologique afin de diversifier son économie qui repose en partie sur l'industrie touristique et sur la fonction publique. On réalise aujourd'hui que ce tournant fut d'autant plus important compte tenu que plusieurs ministères basés à Québec subissent actuellement des coupures considérables de plusieurs centaines de postes, sans compter tous les postes transférés dans la métropole.

La Chambre de commerce des entrepreneurs de Québec appuie fortement le gouvernement dans sa volonté d'octroyer aux régions des instruments nécessaires à son développement. À Québec, ces instruments sont déjà là, et il est indispensable de laisser ces outils bien intégrés en place, ceci inclus, et j'insiste, des centres de décision de financement. Ainsi, pour en assurer un succès, la présence des décideurs locaux expérimentés est requise.

La connaissance des besoins de la région de Québec qu'on retrouve actuellement chez Innovatech Québec Chaudières-Appalaches, le CLD de Québec et SOVAR doit obligatoirement être maintenue. Ce levier et cette complémentarité sont indispensables au développement de la deuxième plus grande région du Québec. Plusieurs micro-entreprises devenues des PME innovantes ont pu voir le jour grâce aux efforts de l'un et l'autre de ces instruments, contribuant également à diminuer l'exode des cerveaux de la région.

Ainsi, lorsqu'on mentionne que le rôle de l'État québécois dans le capital de risque spécialisé doit être plus ciblé et complémentaire au secteur privé, alors l'État doit viser obligatoirement la phase valorisation. Toutefois, cette phase, quoiqu'elle devra être financée entièrement et adéquatement par l'État, pourra, dans son objectif de complémentarité, envisager d'inviter le secteur du capital de risque privé à s'asseoir à la table et à participer à l'évaluation du potentiel des technologies plus matures au partage d'expertises et également à des regroupements de technologies.

Deuxièmement, toujours dans le comment, j'aimerais ici construire sur des propos de madame la ministre déléguée, Nathalie Normandeau, et je cite: «Notre gouvernement doit créer des conditions afin d'assurer une meilleure accessibilité au capital de risque pour les entreprises en région, c'est une question d'équité.» La seule façon de répondre à la question d'équité et d'accessibilité, c'est de passer par des centres de décision régionaux, autonomes et intégrés, avec des enveloppes financières indépendantes et substantielles. Comme il a été mentionné lors des premières heures de débat, la diversité territoriale est une réalité incontournable et même une opportunité. Le temps est l'ennemi numéro un. Il faut renverser le vieux dicton: Trop peu, trop long, trop tard. Il faut faire place à une saine compétitivité, laquelle propulsera la province sur le plan international.

Ainsi, la proposition d'un seul fonds mixte de capital de risque spécialisé et éloigné, possiblement à Montréal, n'annonce rien de positif pour la région. Nous proposons que ce fonds soit fractionné, et une partie devra être réservée pour la région de Québec?Chaudières-Appalaches, un genre de péréquation basée sur les performances identifiées à l'aide d'un tableau de bord et d'une unité de mesure. Voilà, je vous remercie.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Mme Bertrand.

Mme Bertrand (Françoise): Merci. Alors, maintenant, Me Luc Borduas, de la Chambre de commerce de la région de Sherbrooke. Il est membre du conseil d'administration.

Le Président (M. Paquet): M. Borduas.

M. Borduas (Luc): Merci, Mme Bertrand. Écoutez, pour comprendre l'impact qu'ont les conclusions du rapport Brunet sur une région comme la nôtre qui représente 1 % du capital de risque, j'aimerais ça juste faire un petit bout d'histoire puis vous présenter un peu la région, très brièvement, pour vous dire que ce qui est recommandé dans le rapport Brunet a un impact majeur et considérable sur le développement de notre région.

En Estrie, le nombre de publications scientifiques par 100 000 habitants est supérieur à la moyenne québécoise. La part de recherche réalisée dans les universités de l'Estrie qui est financée par le secteur privé est supérieure à la moyenne provinciale. Les sommes versées par l'entreprise privée pour financer la recherche universitaire réalisée en Estrie ont connu une hausse importante, de 4,6 millions, en 1995, à 12,6 millions, en 2002, et ce n'est pas étranger à la présence d'Innovatech. J'y reviendrai. 24 % des entreprises dérivées ? «spin-offs» ? provenant du monde universitaire québécois sont liées à des découvertes réalisées en Estrie et près de la moitié sont localisées dans la région. Enfin, 35 % des accords de licence signés par des universités québécoises proviennent de l'Estrie, et l'Estrie représente 4 % de la population du Québec.

Le milieu des affaires et le milieu universitaire, le milieu de la recherche et des entreprises se sont concertés en région, en Estrie. Il nous manquait un bras financier, et, en 1995, on s'est battus pour avoir notre Société Innovatech du sud du Québec, et ça, je vous rappelle que dans le projet initial on n'était pas là. On s'est battus pour l'avoir, comme on va se battre pour garder en région des mesures qui vont nous permettre de continuer d'assumer nous-mêmes notre développement et la création d'entreprises. Société Innovatech du sud du Québec a, depuis sa création, investi 49 millions de dollars en 45 entreprises, dont 20 nouvelles entreprises innovantes. Et là je ne vous parlerai pas du nombre d'emplois. Évidemment, le rapport Brunet n'en parle pas beaucoup non plus. 98 millions de dollars additionnels se sont ajoutés puis qui ont créé un effet de levier.

Page 38, rapport Brunet, on nous dit: La présence du public évacue le privé. Je m'excuse, mais, dans la région sud du Québec, ce n'est pas la constatation qu'on a. Dans le 98 millions, il y a près de 50 % qui vient du privé, et c'est d'autant plus significatif que la majeure partie de notre portefeuille, à 80 %, est dans la valorisation, l'amorçage et le démarrage, ce qui, par nature, éloigne le privé, compte tenu que ces premières phases de développement d'une entreprise est la phase la plus élevée. Et, malgré ça, on va quand même chercher près de 50 % de partenaires privés.

Quatrième constatation, 80 % du portefeuille de l'Innovatech se situe dans les premières phases de développement, 80 %, 79 %, pour être exact, du portefeuille d'Innovatech a moins de cinq ans, 67 % a moins de trois ans, dont 43 % est dans les secteurs des biotechnologies. Et, sur la base de ces faits-là et malgré ça, la condamnation prononcée par le rapport Brunet, c'est de retrancher Innovatech, de créer un fonds mixte qui inévitablement est centré dans les grands centres, donc ce qui enlève notre centre de décision, et de créer des fonds d'investissement régionaux, fonds d'investissement régionaux dont le plafonnement par investissement est de 300 000 $.

Je ne sais pas comment on va faire parce que la moyenne d'investissement dans la phase d'amorçage, à l'heure actuelle, et je ne parle que de la contribution d'Innovatech, c'est de 900 000 $. En démarrage, c'est 1,6 million de dollars. Comment on va réussir, avec un plafonnement de 300 000 $, à continuer de créer des entreprises innovantes ou dérivées, à partir de la recherche qui se fait dans nos entreprises, dans nos universités? C'est tout un défi.

Au 31 décembre 2003, il y avait encore 33 entreprises qui étaient en opération, dont 80 % des investissements ont moins de cinq ans, ce qui signifie qu'elles ont toujours besoin d'accompagnement. Quand il a été question que, effectivement, le gouvernement remette en question, ou remette en cause, ou questionne ? c'est peut-être plus ça, questionne ? l'implication du capital de risque, la chambre de commerce a repris de flambeau et a demandé à être consultée ou à être associée au processus de consultation compte tenu de l'impact majeur que ça comporte pour notre région.

La constitution d'un fonds mixte. Je comprends ? j'entendais M. Brunet l'autre matin ? qu'il peut répondre à certains impératifs de gestion, mais, pris du point de vue régional, inévitablement entraîne à l'extérieur de la région l'équipe d'analyse et le centre de décision pour être capable de prendre les décisions d'investissement. Si on a réussi à performer en Estrie, en région, c'est parce que les décideurs se situaient localement et les dossiers étaient analysés localement. Avec un fonds d'investissement ou des fonds d'investissement régionaux ? parce que j'apprenais l'autre matin qu'il pouvait y en avoir plusieurs par région ? comment on pouvait... Ça, c'est quatre minutes qu'il me reste? Voilà. O.K. Alors, comment pouvait-on... Je pensais que c'était le quatrième intervenant. Alors, comment pouvait-on maintenir en région une équipe capable d'analyser les dossiers? Parce que, en phase d'amorçage ou en phase de validation, ça nous prend une équipe en mesure de faire cette analyse-là avant d'aller à l'investissement, en phase d'amorçage, même chose, et là le privé, là, n'est pas présent.

n(10 h 10)n

On est d'accord, on n'est pas contre, on est d'accord à ce qu'il y ait une plus grande participation du privé dans la gestion et dans la décision d'investissement. Rappelez-vous, là, je vous rappelle, Innovatech, c'est une créature qui émane de la communauté des affaires de la région sherbrookoise, ce n'est pas une créature gouvernementale, c'est le milieu des affaires. Mais, il faut être réaliste, en amorçage, en démarrage, le privé, à moins que vous créiez des incitatifs fiscaux style actions accréditives, là, pour les mines, etc., le privé n'est pas présent pour des raisons évidentes, la proximité de revenus est trop éloignée, surtout si vous parlez de biotechnologies, c'est encore plus éloigné. Donc, il faut garder cette perspective-là, il faut garder les pieds rivés sur la réalité à cet égard-là.

Dans les autres phases, c'est une autre histoire. Je pense que c'est une question de modulation, dans les différentes phases, la présence du public versus le privé. Parce que je suis d'accord avec le rapport Brunet qu'en phase d'expansion par exemple le public ne devrait pas occuper une place prépondérante, ça, on est d'accord avec ça, c'est le privé qui devrait l'occuper, puis largement ? d'accord? ? mais, dans les phases d'amorçage et de démarrage, non. Puis c'est important de retenir ce principe-là, c'est d'autant plus important que les investissements réalisés par Innovatech ont été un élément catalyseur. Le privé n'embarque pas au tout début, mais il embarque par la suite. Mais, sans l'élément déclencheur ou catalyseur, il est peu réaliste de parler d'investissement privé, hormis certaines choses très, très pointues. Si on découvre une molécule qui guérit le cancer demain matin, on n'aura pas de problème à lever des fonds. Malheureusement, la réalité n'est pas comme ça, la réalité est beaucoup plus sophistiquée que ça, en capital de risque.

Autre élément, on trouve un petit peu sévère le jugement prononcé sur notre portefeuille puis on a l'impression un peu, en région, et j'espère que cette impression-là va se dissiper, mais on a l'impression d'être un peu emportés par le tourbillon autour d'autres sociétés ou grandes sociétés, alors que, nous, on a un portefeuille relativement jeune. Ce qu'on recommande à la commission, c'est de créer un fonds mixte régional suffisamment capitalisé. Parce que, n'oubliez pas, on part d'une société ? ça aussi, c'est difficile à absorber ? on part d'une société de capital de risque, Innovatech sud du Québec, capitalisée avec un fonds social de 100 millions, on nous propose en échange une participation au fonds mixte provincial ? je dis bien une participation, parce que, là, ça sort de la région ? et des fonds d'investissement régionaux de... capitalisation minimum, 3 millions ? mais on passe de 100, on tombe à 3, peut-être 5, peut-être 6, etc. ? mais avec des plafonnements de 300 000 $. La marche est très haute, et, pour nous, ça représente un recul majeur si ça devait aller dans cette... maintenu dans cette direction-là.

Si l'idée, c'est de moduler et de créer des balises pour créer une meilleure modulation au niveau des investissements aux différentes phases, oui, on est d'accord. Si l'idée, c'est de créer des incitatifs pour favoriser la participation du privé de façon toujours prépondérante vers les autres phases, oui, on est d'accord. Mais, tel que c'est présenté là, tel que ça existe, pour nous, c'est extrêmement difficile. Voilà.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. Borduas. Alors, juste pour clarifier dans les procédures, d'abord évidemment ce n'est pas des notes que j'attribue aux prestations des gens qui témoignent, pour bien clarifier, c'est juste pour aider les gens à indiquer le temps qu'il reste. Malgré ma déformation de professeur, là, je n'en suis pas là. Et par ailleurs une des choses sur la procédure qui peut vous surprendre, c'est qu'avant que chacun réponde à des questions... à l'échange, je vais nommer les noms. Ça facilite ? parce qu'il y a beaucoup de gens ? ça facilite la transcription des travaux et l'identification des témoignages de chacun, de chacune.

Alors donc, sans plus tarder, maintenant je cède la parole au ministre du Développement économique et régional et de la Recherche. M. le ministre.

M. Audet: Alors, merci, M. le Président. Alors, mes premiers mots seront évidemment pour remercier les représentants de la Fédération des chambres de commerce du Québec et des Chambres de commerce de Québec, des entrepreneurs de Québec et de Sherbrooke de leur présentation. J'y reconnais évidemment la qualité proverbiale des présentations de la Chambre de commerce du Québec et évidemment également, je dois dire, sa modulation régionale et locale.

Je pense qu'on voit bien, dans les présentations, qu'il y a beaucoup de nuances qui sont apportées, évidemment en tenant compte évidemment de la préoccupation des milieux. Et au fond ça rejoint d'ailleurs beaucoup des préoccupations qu'on vit beaucoup lorsqu'on est député ou qu'on est ministre et qu'on représente... On est à l'Assemblée nationale, on vit des préoccupations et des objectifs généraux puis on voit évidemment les impacts locaux. Et je pense que votre présentation a bien reflété ces préoccupations-là précisément.

J'avais peut-être quand même à poser une couple de questions qui touchent un peu, là, deux points, une qui va toucher peut-être la question de la présentation de la Fédération des Chambres de commerce, puis l'autre peut-être des chambres locales.

Pour ce qui a trait à la présentation de la Fédération des chambres, j'ai trouvé évidemment... vous avez fait d'excellentes suggestions relativement précisément à la nécessité de la sensibilisation de l'information, du rôle de l'entrepreneurship, d'abord évidemment en matière d'entrepreneurship et évidemment en matière aussi de capitalisation de l'entreprise et du capital de risque. Je pense que c'est une chose dont on ne mesure pas jusqu'à quel point à mon avis elle hypothèque un peu actuellement souvent le lancement de l'entreprise. Je pense qu'il faut être évidemment beaucoup plus agressif sur ce plan-là. Et vous offrez votre collaboration, et j'ai compris que c'était votre proposition évidemment, et on en prend bonne note, et on aura certainement l'occasion de se reparler là-dessus.

Ce que je voudrais peut-être que vous m'expliquiez un peu, c'est comment justement vous envisageriez de travailler ce volet-là, en d'autres termes. Vous offrez une collaboration pour peut-être faire des regroupements, d'intéresser des gens à bâtir peut-être des dossiers d'affaires et éventuellement, au niveau local ou au niveau peut-être... et bâtir davantage, donc de structurer, au fond, une présentation qui pourrait être intéressante à la fois pour des organismes de financement public ou privé ou pour faire des montages de projets. Est-ce que vous pouvez expliquer un peu plus ce volet de votre présentation qui nous intéresse au plus haut point mais, en même temps, pour lequel on aurait besoin peut-être de clarification?

Le Président (M. Paquet): Mme Bertrand.

Mme Bertrand (Françoise): Merci. Alors, oui, je vais partager la réponse avec mon président du conseil. Sur l'aspect... là où on voit le rôle à la fois de la fédération et des chambres locales, il faut dire que déjà plusieurs chambres sont actives dans le milieu en termes de sensibilisation. Le réseautage, ce n'est pas simplement un échange de cartes d'affaires, c'est aussi du maillage, faire en sorte que des projets soient soutenus, et qu'ils soient mieux étoffés, et qu'ils reçoivent plus d'appui. Ce qu'on a connu, dans une culture de croissance de l'entrepreneurship au Québec, c'était davantage une structuration alentour d'aller cogner à la porte gouvernementale. Et tout le monde qui est ici a eu beaucoup de visiteurs de la sorte.

Je pense que ce qu'on propose ici... Parce qu'on comprend que ce qui est proposé dans le rapport Brunet, c'est un changement assez important pour parler davantage de culture du rendement et que ça ne se fera pas du jour au lendemain. Alors, on dit: De la même manière, la fédération et les chambres locales peuvent mettre leur expertise et faire en sorte que le maillage se fasse en occasions d'affaires et en initiatives d'affaires. Et à cet égard-là M. Tremblay voyait même qu'on pouvait aller sur le fond des investissements régionaux et de créer l'embryon. Vas-y...

M. Tremblay (André): Au fait, je pense que même les...

Le Président (M. Paquet): M. Tremblay.

M. Tremblay (André): Oui, merci. Excusez. M. le ministre, merci de nous donner l'opportunité, là, d'essayer de préciser un peu quelle est notre pensée là-dessus. On pense qu'avec le réseau dont les chambres disposent ça pourrait même aller, dans le cadre de la création des FIR, à ce que les chambres soient, dans leurs milieux respectifs, une espèce d'élément dynamiseur, rassembleur, autant des investisseurs... d'abord des investisseurs, pour permettre la mise sur pied de ces FIR là, de ces fonds d'investissement là, donc de susciter l'intérêt auprès des gens, auprès des gens d'affaires, dans un premier temps.

Et je dois vous dire que déjà, dans certaines régions, il y a des chambres qui ont pris des initiatives et qui attendent les conclusions de la commission parlementaire, enfin la direction que le gouvernement va prendre, pour déjà aller de l'avant. Il y a déjà de la sensibilisation qui s'est faite auprès des investisseurs, évidemment. Puis je pense que la problématique et la nécessité des gens d'affaires de se prendre en main et d'investir dans le développement de leur propre région est plus... c'est une cause, là, que les gens connaissent bien et à laquelle ils sont très sensibles.

Donc, dans un premier temps, un rôle de dynamiseur, de rassembleur, de catalyseur et, dans un deuxième temps, comme le soulignait Françoise, à partir de là, d'arrimage avec les besoins des gens. Donc, les entreprises qui ont besoin, essayer de faire en sorte qu'on puisse créer un réseau d'information qui va arrimer les besoins des investisseurs, enfin les besoins des gens qui veulent partir des entreprises avec ce réseau d'investisseurs là. Donc, à deux niveaux. Premier, on s'assoit puis on dit: Il est important de se prendre en main, donc on catalyse les énergies de tout le monde. Et, deuxièmement, on crée une espèce, je dirais, là, d'information ou de comptoir ? en tout cas, j'essaie d'imager, là ? qui permet que l'information soit transmise et que les besoins des gens, de ceux qui ont besoin de capital puissent être transmis aux investisseurs.

n(10 h 20)n

Le Président (M. Paquet): M. le ministre.

M. Audet: D'abord, vous me permettrez, avant que les gens de Québec quittent ou au moment où ils quittent, de les informer qu'il y aura une session, une session complète qui va être consacrée aux intervenants de la région de Québec. Donc, on aura l'occasion de revenir sur les préoccupations qui ont été exprimées justement par les représentants de la région... de la Chambre de commerce de Québec, qui doivent quitter.

Ma deuxième question a trait justement un peu... par contre touche davantage peut-être celle qui a été faite, la présentation qui a été faite par Sherbrooke et également par les autres chambres locales. Mais particulièrement, ça m'a frappé, la présentation du président de la Chambre de Sherbrooke, qui disait effectivement: Les Innovatech constituent une... c'est une initiative des gens de la région. Ça a germé par les gens de la région, oui, mais les fonds qui ont été investis sont les fonds publics, il faut le reconnaître, et ça, c'est très...

Et le but, là, maintenant ? et c'est un peu la question que je vais... vous me voyez venir ? c'est que, oui, c'est une initiative du secteur privé, puis je comprends qu'on aime beaucoup avoir du capital disponible, là, mais, on l'a dit, et je crois que le président d'ailleurs d'Innovatech sud de Québec est là, il en est témoin, quand on est dans une entreprise et qu'on est seul actionnaire en quelque sorte et qu'il faut faire du développement chaque fois, vous êtes le seul sollicité à chaque fois puis vous avez déjà investi 2, 3, 4 millions dans une entreprise, on vous dit: Maintenant, ça en prend 2 autres peut-être pour rendre ce projet au bout du projet puis peut-être éventuellement 2 autres, là, vous êtes, comme on dit, là, vous êtes... vous vous posez la question: Jusqu'où on va aller, comme gouvernement, dans cette opération-là, puis, à la fin, eh bien, est-ce qu'on va évidemment... est-ce que c'est le rôle de l'État d'aller là tout seul et directement? Je comprends qu'il y a des partenaires privés, mais finalement le seul qui à la fin allonge, qui a les poches profondes, c'est souvent la société publique qui y est associée.

Alors comment voyez-vous cette dichotomie, là, le fait effectivement qu'il y a un besoin des gens d'affaires? Et je n'ai pas... vous dites qu'effectivement il y a peut-être moyen d'aménager des formules intermédiaires. Mais comment voyez-vous justement ce passage qu'on cherche et sur lequel... que vous partagez, là, d'associer plus de capital privé, comment voyez-vous ce passage qui pourrait se faire justement pour faire en sorte que des partenaires privés, les gens d'affaires, que, vous dites, ce qui est à la base du projet, s'y associent également non pas strictement en moyen de pression, mais en argent aussi?

Le Président (M. Paquet): Environ une minute et demie dans le bloc. M. Simard.

M. Borduas (Luc): Borduas.

Le Président (M. Paquet): Borduas, pardon, excusez-moi. Il y a eu un changement de places, pardon. M. Borduas, pardon.

M. Borduas (Luc): Alors, bien, je suis content que vous me posiez la question. D'abord, je veux juste peut-être rectifier dans le propos. Ce que j'ai mentionné, c'est qu'il y a eu des investissements de l'ordre de 49 millions qui ont été faits par Innovatech et qui ont été rencontrés par d'autres investissements de l'ordre de 98 millions de dollars. Donc, déjà à l'heure actuelle il y a une présence du privé. Bon.

Maintenant, moi, je pense que c'est une question de balises et de modulation. Il y a des phases, vous avez différentes phases, vous les connaissez très bien, il y a différentes phases au niveau de la naissance d'une entreprise, phase de valorisation, phase d'amorçage. Susciter la participation du privé, oui, définitivement, mais il faut regarder ça de façon réaliste, à ce niveau-là, c'est que le risque est très élevé pour le privé, c'est assez peu intéressant et c'est vraiment... d'aller s'investir là-dedans. D'ailleurs, je pense que l'expérience étrangère là-dedans démontre que c'est le public, dans ces premières phases là, qui est prépondérant.

Évidemment, si on crée des allégements fiscaux, je prends par exemple un crédit d'impôt à l'investissement, un peu comme sur le principe des actions accréditées, bien là ça va peut-être favoriser une plus grande participation du privé, mais ça demeure que ça devient de l'argent public, compte tenu de l'allégement fiscal. Mais, dans les autres phases ? et c'est là, quand je vous dis que vous allongez, attention ? dans les autres phases, les phases de croissance, de développement ou même de démarrage, je pense qu'on peut baliser ou moduler la présence du public en relation avec le privé.

D'ailleurs, quand on regarde dans les phases subséquentes, si vous regardez dans les phases... parce qu'on regarde toujours le premier maillon de la chaîne, mais regardons l'autre bout, vous allez vous apercevoir que, là, le privé est beaucoup plus présent. On a une expérience en Estrie qui s'appelle NéoKimia, qui est dans la biotechnologie puis qui vient d'aller chercher tout récemment, cet automne, après plusieurs rondes de financement où, au début, c'était le public, mais maintenant c'est le privé, même on a des investisseurs américains... Alors, tout dernièrement il y a eu une transaction où les Américains occupent une place prépondérante dans le financement de cette société-là qui est en biotechnologie. Je pense que ça en fait un peu la démonstration. On est ouverts ? il faut que je termine ? alors on est ouverts à une modulation, mais c'est plus une question de modulation et de balises.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. Borduas. Alors, je vais céder maintenant la parole au député de Johnson qui est porte-parole de l'opposition officielle en matière d'industrie et de commerce. M. le député.

M. Boucher: Merci, M. le Président. Alors, ma question va s'adresser naturellement à Luc Borduas, qui vient de terminer son intervention alors qu'il avait encore des choses à dire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boucher: Effectivement, c'est le milieu sherbrookois qui a été à l'origine de Société Innovatech sud du Québec avec le GATE. Et j'étais heureusement le porte-parole de la région, à ce moment-là, au gouvernement quand on a créé la Société Innovatech, c'était avec M. Borduas, d'ailleurs. Et ça a été pour la région de l'Estrie un espoir formidable de développement économique et de participation dans les nouvelles technologies. Et l'Estrie d'ailleurs a pris son envol à tous les niveaux, biotechnologie, nanotechnologie, etc., de sorte que, aujourd'hui, l'Estrie est fière de ce qu'elle a fait. M. Borduas, vous l'aviez très bien traduit avec des exemples appropriés. Et j'aimerais vous poser à cet effet-là quelques questions.

Vous faites allusion dans votre intervention que l'Estrie s'est donnée des structures propres, elle-même, et sur lesquelles elle a un pouvoir de décision d'ailleurs et qui ont porté des fruits formidables ? il y a eu des pertes, on le sait, mais... ? qui ont porté des fruits extraordinaires. Vous avez fait allusion aussi au fait que c'est une moyenne de 900 000 $ que ça prend d'argent dans un démarrage, 1,6 dans le démarrage... d'ailleurs dans l'amorçage, 900 000 $. Et vous dites que ce qu'on nous propose là, c'est un fonds d'un maximum de 300 000 $, en plus un fonds mixte. Donc, vous avez même dit que la barre était haute. Elle est probablement trop haute, d'ailleurs.

Alors, moi, j'aimerais que vous me disiez, là, compte tenu de ce que vous avez dit... Et vous plaidez très bien, vous êtes un avocat, hein, vous connaissez ça. Dites-moi, quelles seraient les conséquences que pourrait avoir le rapport Brunet, là, sur le développement technologique de notre région s'il était appliqué tel quel?

Le Président (M. Paquet): M. Borduas.

M. Borduas (Luc): Deux observations. D'abord, je ne voudrais pas laisser l'impression que le milieu d'affaires sherbrookois compte strictement sur des fonds publics pour assumer son développement. Si c'est l'impression que je laisse, je vais la corriger immédiatement parce que ce n'est pas le cas. Et, dans la recommandation de la chambre, on parle de créer un fonds mixte mais un fonds mixte régional à l'image de ce qui est proposé pour l'ensemble du Québec. Donc, il y a une participation du privé au financement du fonds. Donc, ça, je veux que ce soit clair là-dessus, là, pour ne pas qu'on parte sur une mauvaise impression.

L'autre chose, quand... pourquoi, si on appliquait les conclusions telles quelles, pour répondre spécifiquement à ça, c'est que le rapport Brunet recommande la création d'un seul fonds mixte à l'échelle provinciale et des fonds d'investissement régionaux à l'échelle régionale, ce qui veut dire que, mon fonds mixte à l'échelle provinciale, dont la contribution est plafonnée, celle-ci, à 2,5 millions, selon le rapport Brunet, bien, nécessairement je conçois mal que l'analyse des dossiers, la prise de décision soient faites à Sherbrooke. De façon évidente, ça va se faire à l'extérieur de notre région, O.K.? À moins que les gens de Montréal préfèrent venir à Sherbrooke plaider leurs dossiers. On va les recevoir convenablement. Mais ça m'étonnerait. O.K.? Donc, on vient d'évacuer cette chose-là. Ce qu'il nous reste, de l'autre côté, c'est de créer des fonds d'investissement régionaux, un ou des fonds d'investissement régionaux mais dont l'investissement est plafonné à 300 000 $. En valorisation, vous avez à peu près ça, un investissement de 300 000 $, en phase valorisation. D'accord? Je pense que les montants sont insuffisants. Seulement les fonds d'investissement régionaux, c'est insuffisant.

Moi, je le vois bien en complémentarité. Ça, je le vois bien. Ça, ça peut avoir du sens. Mais ça a du sens dans la mesure suivante, c'est que le privé qui serait prépondérant dans les fonds d'investissement régionaux, il ne faut pas se leurrer, ce n'est pas les hommes d'affaires qui bénévolement vont commencer à analyser les dossiers qui sortent, je ne sais pas, moi, de la Faculté de génie ou de la Faculté de médecine pour dire: Bien, il y a la molécule 714, elle fait telle, telle, telle chose, etc. Ça prend une équipe pour ça. Pour garder une équipe, ça me prend une masse critique. Si je ne l'ai pas, cette masse critique là, c'est un exercice purement théorique, là, ça ne donne rien. C'est pour ça que fonds mixte régional, un peu à l'image du principe des Innovatech mais avec une participation du privé au financement du fonds complété par des fonds d'investissement régionaux, je pense que ça a du sens.

n(10 h 30)n

Si je peux juste me permettre, je ne sais pas combien de temps il me reste, mais, si je peux juste me permettre, on a mis sur pied, puis ça, c'est une première au Québec, en région, on a mis sur pied le projet Novare. Novare, c'est précisément un projet qui a pour but de concerter le milieu de la recherche, des institutions, le milieu des affaires, qui, soit dit en passant, occupe une place prépondérante, et les sociétés de capital de risque, qu'elles soient publiques ou privées. Ça, ça a été quelque chose qu'on a réalisé chez nous puis c'est quelque chose qu'on a fait, qu'on a mis sur pied récemment et, là, qui est en processus de mise en chantier. Donc, si on l'appliquait ? alors, je pense, ça répond à la question ? si on l'appliquait tel quel, évidemment on aurait un recul fort important pour la région.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. M. le député de Rousseau et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'économie et de finances.

M. Legault: Oui. Mme Bertrand, Me Borduas, Me Tremblay, M. Demers, M. Samson, bref tous les représentants des chambres de commerce, ça me fait plaisir de pouvoir discuter avec vous, ce matin, d'un sujet important, le capital de risque au Québec. Je pense qu'on va tous convenir qu'au Québec il n'y a pas trop de capital de risque, mais on souhaiterait que le privé prenne plus sa place.

Maintenant, la question qui se pose, c'est: Quel rôle le privé peut-il jouer et est-ce que c'est réaliste de penser, là, avec les délais qu'on a, de remplacer en partie le secteur public? Ma première question serait au niveau des objectifs qui, dans certains cas, peuvent être difficilement conciliables entre le secteur public et le secteur privé. Je m'explique.

Dans un dossier de développement économique, surtout dans les régions ou surtout dans des secteurs qui ont des rentabilités à plus long terme, il peut arriver que les retombées économiques en termes de création d'emplois soient importantes pour le secteur public, mais moins évidemment pour le secteur privé. Est-ce que vous pensez et comment, pensez-vous, c'est possible de concilier ces objectifs différents? Dans les fonds public-privé qui sont proposés dans le rapport Brunet, est-ce que vous pensez qu'on devrait tenir compte des retombées économiques ou si c'est une partie dont on ne devrait plus tenir compte quand il s'agit de parler de capital de risque au Québec?

Le Président (M. Paquet): M. Tremblay.

M. Tremblay (André): Je peux peut-être donner une partie de réponse et Mme Bertrand pourra compléter. Écoutez, dans un premier temps, je pense que, là où on applaudit le rapport Brunet, on dit: Je pense qu'il est important qu'il y ait une participation du privé dans les fonds de développement de capital de risque dorénavant. Le bémol qu'on met, puis je pense que M. Borduas l'a souligné, il y a... Puis vous avez raison qu'il faut se donner une perspective, quand on parle de capital de risque, plus que court terme. Et souvent c'est cette perspective-là que l'État a quand il investit et quand... historiquement.

C'est donc une perspective à moyen et à long terme. Et, pour ça, il faut se donner une masse critique nécessaire, d'avoir cette... Il faut que, dans le temps, le fonds ait la capacité de se donner cette perspective à moyen et à long terme ? parlons d'un... ? pour finalement récupérer une partie de l'investissement qu'il aura fait en amorçage ou en démarrage lorsqu'on arrivera à des phases où l'entreprise sera plus rentable et nous permettra d'aller plus loin.

Donc, c'est là qu'on dit qu'il faut une masse critique minimum. Et le 3 millions nous apparaît, à un moment donné, insuffisant pour dire: Le fonds ne pourra pas supporter pendant 10, 12, 15 ans l'investissement qu'il aura fait. Ça fait qu'il faut trouver une façon ? puis je pense que la commission est ici pour ça ? pour essayer de voir comment on peut se définir cet outil-là ensemble qui va nous donner cette perspective de temps là.

Je vais vous dire qu'au Saguenay?Lac-Saint-Jean, par exemple, on a une société de capital de risque qui s'appelle Soccrent et qui existe depuis une quinzaine d'années, où les grandes compagnies avaient mis un certain montant d'argent pour justement pallier à la diminution des emplois chez Alcan et chez Abitibi, à l'époque, là. Et, quand on entend raconter l'histoire de Soccrent, c'est que, pendant 15 ans, dans son portefeuille d'entreprises qu'elle a guidées tout au long de leur évolution, il n'y a pas une entreprise qui n'a pas été en difficulté financière un certain nombre de fois dans laquelle elle n'a pas dû réinvestir à plusieurs reprises. Donc, si ça n'avait pas été une société régionale, ancrée au niveau de la région, consciente des difficultés mais aussi des objectifs régionaux, un peu comme le soulignait M. Borduas, probablement que, l'ensemble du portefeuille d'entreprises que Soccrent a aujourd'hui, il n'y en aurait pas 50 % qui existeraient encore. Donc, l'importance de dire: Il faut se donner...

Et, là-dessus, une fois qu'on... si on a un fonds qui a des moyens relativement importants, je pense, on va être capable de concilier les objectifs public-privé, qui sont souvent plus qu'à court terme, qui sont... qui vont être à moyen et à long terme. Donc, je comprends que ça ne répond pas nécessairement à votre question, dire... Mais, moi, je n'en fais pas... ça fait que je ne les mets pas... je ne pense pas que les objectifs soient nécessairement incompatibles. Je pense qu'ils peuvent être compatibles, mais dans un véhicule qui donne une perspective à un investisseur.

Le Président (M. Paquet): Merci. On reviendra tout à l'heure, au prochain bloc, de l'autre côté, si vous permettez. Alors, M. le ministre du Développement économique et régional.

M. Audet: Oui. Je voudrais quand même un peu reprendre un petit peu ce que vient de dire mon collègue de Rousseau. Effectivement, ça fait plusieurs fois que je l'entends dire qu'il faut tenir compte des retombées économiques, et j'en suis tout à fait. D'ailleurs, c'est tout à la base de toutes les interventions. Et on vit justement, ce matin, une situation où des institutions qui sont très sensibilisées aux retombées économiques, comme le Fonds de solidarité, la Société générale de financement et Tembec, vivent justement un dépassement, 265 millions.

M. le ministre... M. le député, pardon, vous me permettrez de... Malheureusement, cette décision, elle a été prise au moment où vous étiez ministre, que j'aurais dû dire. Cette décision prise au moment où vous étiez ministre nous amène à un dépassement de 265 millions. Si on ne regarde que le côté des retombées économiques ? et c'est d'actualité par rapport au débat actuel ? on pourrait dire que, effectivement, ce 265 millions, il a des retombées économiques, c'est un fait. Donc, on pourrait se réjouir qu'il y ait 265 millions de dépenses de plus. Donc, ça va être 700 travailleurs de plus pendant une année. Mais les investisseurs, qui sont patients, qui prévoient, mais qui ne prévoyaient même pas de rendement à cet investissement-là que vous aviez annoncé, bien ils disent: Écoute, nous, ça dépasse l'entendement, on ne peut pas supporter parce qu'on doit financer par justement des pertes et des levées de fonds publics.

Donc, je pense qu'il faut arrêter de raconter un peu n'importe quoi et je pense qu'il faut un peu plus de rigueur encore une fois là-dessus, en matière de retombées économiques, parce que, à la fin, ce sont les payeurs de taxes qui le paient. Donc, je voudrais juste vous rappeler que nous avons une discussion qui requiert une certaine rigueur, et, chaque fois, on nous revient, on dit: Le gouvernement ne tient pas compte des retombées économiques. Dans ce dossier-là particulièrement, le but, c'est précisément de balancer les deux, de trouver comment on peut à la fois tenir compte des retombées économiques mais y intégrer plus le secteur privé. Or, on a déjà mis, on a rajouté 20 millions de capital de risque actuellement dans les Innovatech, on a donc 580 millions d'investis dans les Innovatech ? la question est pertinente ? puis il y en a pour lesquelles la souscription a été complètement versée.

Donc, la question, c'est: Quelle est l'étape suivante? C'est ça, la question, ce n'est pas de dire... On est conscient de ça, il y a eu... les Innovatech ont été créées, je vous signale, les premières par les libéraux, donc on partage l'objectif. On est maintenant à l'étape de se dire: Qu'est-ce qu'on fait à l'étape suivante? Donc, à chaque fois, qu'on ne nous dise pas: Le gouvernement, et strictement, regarde juste sur un côté de la colonne. Ce n'est pas le cas. On est tous en train de se poser la question: Comment on peut faire l'étape suivante? Et c'est ça qu'on est en train de regarder. Et je tiens à faire cette mise au point parce que, à chaque fois, on nous revient justement avec cette vision un peu simpliste des choses.

Et justement, moi, je ramène la question. On l'a soulevée tantôt, vous avez ouvert tantôt une perspective en matière d'ouverture, d'appui justement avec les réseaux régionaux, avec les chambres. Je reviens là-dessus: Est-ce que vous pouvez soumettre une proposition assez rapide pour qu'on puisse voir comment on pourrait associer justement davantage, via votre réseau, via d'autres réseaux également, la participation d'entrepreneurs privés et d'entreprises privées pour sensibiliser et impliquer le secteur privé au capital de risque justement, comme on cherche à le faire?

Le Président (M. Paquet): Mme Bertrand.

Mme Bertrand (Françoise): C'est tout à fait ce à quoi on a commencé à travailler et en termes à la fois... Puis je reviens sur ça. Bien, peut-être que l'économiste de la fédération pourrait en parler, mais il y a des études qui démontrent que les entrepreneurs, au Québec, sont assez ignorants de l'industrie du capital de risque et puis la question de l'investissement. Donc, on ne peut pas se dire: On va faire du jour au lendemain, mais on peut faire cheminer les uns et les autres.

Et je voudrais aussi dire que la contradiction des objectifs, nous, on ne la voit pas. Les chambres de commerce, elles vivent en région, dans les localités. Et, quand il y a de l'emploi, il y a du commerce davantage, et donc la santé d'une région s'en ressent, et éventuellement ça crée la possibilité d'avoir des investisseurs dans des projets. Alors, on ne voit pas, comme semblent certains le voir, une espèce de dichotomie totale entre les intérêts de l'économie et les intérêts de l'investisseur, qui sont le rendement. Si on regarde à moyen et long terme, ce sont des intérêts convergents, et on doit travailler en ce sens-là. Puis c'est en ce sens-là que la Fédération des chambres de commerce et les chambres, dans leurs milieux, veulent travailler aussi.

n(10 h 40)n

Je pense que ce qu'on dit, M. le ministre, à votre question plus précisément, puis je pense que Me Borduas l'expliquait très bien, c'est qu'on ne voit pas qu'on peut passer des FLI, des Innovatech puis s'en aller immédiatement dans les FIR puis le fonds mixte. Ce qu'on dit, c'est: Est-ce qu'on peut avoir quelque chose à géométrie variable qui va faire en sorte qu'on va progresser, on va grandir? Et justement l'alliance des intérêts économiques et du rendement de l'actionnaire ou de l'investisseur vont apprendre à vivre ensemble pour faire grandir les uns et les autres. Et peut-être qu'à ce moment-là les fonds d'investissement régionaux, nous, on peut mettre des modèles en marche pour aider l'information ? je n'ose pas dire l'éducation, c'est plus une question de formation ? avec d'autres intervenants plus habilités que nous en matière de formation de façon précise. Je suis certaine qu'on pourrait avoir, là, du côté d'Emploi-Québec, de l'intérêt de ce côté-là. Et on voit, nous, comme fédération, un rôle d'aider les chambres à animer leur milieu en ce sens. Après ça, c'est vraiment chacune des chambres, avec leur conseil d'administration, les membres d'une chambre donnée qui vont avoir à prendre le pouls des besoins de leur milieu.

Il n'y a même pas un recensement des besoins qui est fait, on ne sait pas exactement de quelle sorte. Et on parle beaucoup d'innovation technologique, et c'est important. Puis on sait que l'économie dans laquelle nous sommes, surtout avec les économies émergentes, dans les processus manufacturiers, on est de plus en plus talonnés en termes de coûts. Donc, il faut penser à des choses innovatrices à valeur ajoutée. Mais il y a d'autres besoins d'investissement aussi, il n'y a pas que l'innovation technologique. Il y a des besoins en région, où certainement les FIR vont être une bouffée d'air frais et vont permettre des initiatives qui présentement ne trouvent pas leur créneau. Et c'est beaucoup en ce sens-là, je pense, que Me Tremblay parlait tantôt, et, on voit, je sais que vous avez rencontré Innovatech Régions ressources qui parlait tout à fait en ce sens. Et je ne veux pas, absolument pas diminuer l'importance de l'innovation technologique, mais il y a des innovations dans d'autres manières de faire qui vont permettre que l'économie au sens large... M. Samson, vous me regardez, est-ce que vous vouliez ajouter quelque chose de votre côté?

Le Président (M. Paquet): M. Samson.

M. Samson (Gilbert): En fait, si on le regarde dans une perspective de maximiser les rôles et les investissements de chacun, tout le volet de valorisation-amorçage, tant qu'à nous, le rôle de l'État est prépondérant, et on le voit un peu partout dans le monde, là, c'est dans cette perspective-là. Si on veut maximiser, à notre sens, le rôle du privé, il doit être associé très étroitement dans les premières phases, parce que très souvent, et on le voit dans certains dossiers, là, où notamment la BDC est partenaire, dès qu'ils sont intégrés aux premières phases de valorisation-amorçage, ils savent à plusieurs égards, de par leur spécialisation, pouvoir dire: Nous serons présents de façon financière dans les prochaines étapes.

Et c'est ce qui m'apparaît important, cette association-là du privé dans les phases premières, dans la perspective, bien sûr, où les gens ont une forte spécialisation et ont des affinités dans les secteurs. Et à mon avis on maximiserait les investissements de l'État, qui est très présent dans les phases de valorisation-amorçage, dans la mesure où le privé est très étroit. Donc, ça ferait en sorte que l'État serait présent ou non dépendamment dans la perspective où les intervenants privés seront aussi intéressés par la suite. Et humblement je pense que, dans cette perspective-là, on maximiserait la performance.

Le Président (M. Paquet): Il n'y a plus de temps malheureusement sur le bloc, ici, présentement... une minute, M. le ministre, tout à l'heure.

M. Audet: Je veux juste remercier, mais en fait je pourrais peut-être laisser 30 secondes à mon collègue. Je veux juste, en terminant, moi, vous remercier évidemment de votre participation et de votre collaboration. Je trouve, vos présentations ont été très constructives, et on en prend note. Et je vais laisser à la fin peut-être mon collègue qui avait une petite question à poser en finale.

Le Président (M. Paquet): En 50 secondes, réponse et question. M. le député de Montmorency.

M. Bernier: Ce que j'aimerais... Votre discussion et votre présentation étaient intéressantes, là. Ce que vous nous dites, somme toute, c'est qu'au niveau amorçage, O.K., que la présence du privé, même s'il n'est pas là financièrement, mais qu'il soit là au niveau de ses connaissances et de son expertise, ce serait un élément important de participation du secteur privé au démarrage pour être capable de guider les actions subséquentes. C'est ce que vous mentionnez?

Le Président (M. Paquet): M. Samson.

M. Samson (Gilbert): Tout à fait. Et je permettrais peut-être à Suzanne, qui est très près du domaine, de peut-être s'exprimer à ce niveau-là.

Mme Delisle (Suzanne): Oui. Ce qui est important, c'est que le privé soit là dès le début.

Le Président (M. Paquet): Mme Borduas... Mme Delisle, pardon.

Mme Delisle (Suzanne): Mme Delisle. Pour son expertise...

Le Président (M. Paquet): Mme Delisle, malheureusement, le bloc de temps est terminé du côté du gouvernement. À moins que l'opposition veuille laisser du temps. Est-ce qu'il y a consentement?

Une voix: ...

Le Président (M. Paquet): Il y a consentement pour une brève réponse. Alors, Mme Delisle.

Mme Delisle (Suzanne): Alors, eux aussi, ils ont un réseau, souvent qu'ils peuvent aider dès le début, sans mettre l'argent, dire: Bon, cette technologie-là, moi, elle m'intéresse, je peux aller voir auprès de mes collègues et mon réseau, voir s'il ne peut pas aussi y avoir du maillage ou du... valoriser ou du levier à faire sur ça. Donc, ils sont importants, nous, c'est ce qu'on dit, on les voit là à la table, assis. Puis, quand vient le temps d'investir, ils peuvent être même là à 100 %. Le partenariat public-privé, quand on parle d'amorçage, le public peut être là et par la suite passer la pôle et rester passif à la rigueur si la technologie a atteint le niveau voulu.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors, M. le député de Rousseau, il reste 9 minutes 45 s à votre bloc. J'ai pris le temps de réponse sur le temps de la présidence, alors...

M. Legault: Oui. Peut-être une question générale à Mme Bertrand, là, qui représente toutes les chambres de commerce du Québec. Je voudrais revenir sur le rapport Brunet et sur le réalisme des recommandations dans leur ensemble. Lorsqu'on additionne ce qui est proposé par M. Brunet et son équipe, on voit qu'on propose de retirer en partie les interventions de la SGF, réduire les participations aussi en resserrant les conditions d'admission chez Investissement Québec, liquider les Innovatech, ce qui fait que, au total, là, on compte à peu près, de façon nette, réduire de 100 millions de dollars par année les interventions du public. On compte sur à peu près 80 millions d'ajout par année qui viendraient du secteur privé.

Moi, je voudrais savoir, là. Je comprends que vous avez fait, dans votre mémoire, des propositions, entre autres, qui étaient différentes de M. Brunet, de dire: On devrait plutôt avoir un fonds de fonds et donc certaines autres propositions. Moi, je voudrais savoir de votre part, là: Est-ce que c'est réaliste de penser qu'on peut ? parce que je le disais tantôt, là, je ne pense pas qu'il y ait trop de capital de risque au Québec ? retirer, d'un côté, 100 millions et espérer que le privé va y ajouter 80 millions par année, avec ce que vous connaissez du marché actuellement?

Le Président (M. Paquet): Mme Bertrand.

Mme Bertrand (Françoise): Oui, merci. Écoutez, nous n'avons pas pris le rapport Brunet, nous, dans une approche détaillée et fouillée au sens, je dirais, comptable. Ce qu'on a fait, c'est: Quel est l'esprit qui est véhiculé ici? Et quels sont les objectifs recherchés? Quels sont les outils qui sont en place et quels sont ceux qu'on nous propose? Et est-ce que c'est réaliste compte tenu de la situation économique qui prévaut au Québec et le stade d'entrepreneurship aussi qu'on peut palper dans l'ensemble des chambres et qui sont les membres... qui sont membres des chambres locales? C'est plus comme ça qu'on a abordé la question. Et ça nous amène à dire: Il est certain qu'on ne peut pas prendre le système qui est en place aujourd'hui puis, là, faire un sceau de foi et dire: Demain matin, on met ça.

Et c'est pour ça qu'on parle de mesures transitoires, on parle de nécessité de soutenir le maillage, et l'éducation, et l'information pour faire en sorte qu'on va créer la passerelle, qu'on va créer le pont. Et c'est un peu à ça où on dit: Écoutez, on n'a pas la prétention que seuls on va pouvoir le faire, mais on lève la main pour dire: On veut aider et on peut aider parce qu'on croit essentiel par ailleurs... Et je pense que c'est ça. C'est que, si on ne va pas vers des changements de ce type-là, nous pensons que l'essor extraordinaire qu'il y a eu au Québec, là, si on passe des années soixante, quatre-vingt à 2004, aujourd'hui, ne se reproduira pas de la même manière, avec la même ampleur, compte tenu le contexte dans lequel on vit. Il faut absolument qu'on intègre une culture différente, évolutive, disons. Ce n'est pas de jeter celle qu'on a puis en prendre une autre, mais il faut absolument qu'on soit davantage des entrepreneurs au véritable sens du mot. Et ça, on a besoin absolument de sortir d'une approche...

J'ai connu, moi, un monde davantage de télévision, comme entrepreneur. Ils disaient toujours: Les producteurs indépendants, il n'y a rien de moins indépendant que les producteurs. Alors, je pense, c'est la même chose. Les entrepreneurs, si on veut qu'ils soient pleinement entrepreneurs puis si on veut que les investisseurs soient pleinement investisseurs, il faut amener et créer des outils, une boîte à outils qui va faire que les uns et les autres vont travailler ensemble pour apprendre à prendre davantage de risques et à prendre bien sûr soin de la nécessité de garder une main-d'oeuvre d'appoint qualifiée et qui se multiplie mais, en même temps, que tout le monde soit préoccupé ensemble du rendement.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Rousseau, ça va? O.K. M. le député de Charlevoix et vice-président de la commission, porte-parole de l'opposition officielle en matière de d'institutions financières.

n(10 h 50)n

M. Bertrand: Merci, M. le Président. Mes premiers mots vont être d'abord pour faire une petite mise au point. Quand on parle... Disons, on a tous la volonté d'améliorer le système. Aujourd'hui, si on est ici puis pour les prochaines semaines, c'est: Quelle est la meilleure façon d'améliorer le système? Quand on parle du rapport Brunet, on ne parle pas du gouvernement actuel du Québec, on parle du rapport Brunet. Et, pour mon collègue, quand on parle du gouvernement, on ne parle pas toujours nécessairement du gouvernement qui dirige, on est... Moi, je considère que, comme député, je suis du gouvernement, je ne suis pas sur la partie dirigeante. Parce que parfois on a l'épiderme sensible et on se sent visé, puis je suis persuadé que ce n'était pas ça que visait mon collègue député de Rousseau. Puis j'essaie autant que possible qu'on discute en commission le plus large possible justement pour atteindre les objectifs.

Ceci dit, j'ai été un membre fondateur d'une chambre de commerce, donc j'ai une affinité avec le mouvement, je connais comment ça fonctionne. Et je dois vous dire que je suis un peu déçu, contrairement à mon collègue le ministre, je suis un peu déçu, dans le sens que je m'attendais à un appui très fort, très formel sur Québec, Capitale-Nationale, ce qui doit vraiment se faire alentour d'ici. S'il y a un mouvement qui peut appuyer cette démarche-là ? et ça a été souligné par les autres chambres de Québec ? à mon sens, c'est le mouvement de la Chambre de commerce du Québec.

Même chose, je m'attendais à un mouvement beaucoup plus fort, dans votre mémoire, sur le développement en région, parce qu'on sait que le rapport Brunet, il en parle, mais il n'insiste pas beaucoup, et jusqu'à maintenant tous ceux qui sont venus devant nous soulignent cette préoccupation-là. Si le fonds est global, les gens vont même jusqu'à dire que ça ne sera pas administré à Québec, ça va être administré à Montréal. Et tout à l'heure ça a passé à deux cheveux que c'est ça que vous disiez, monsieur de Sherbrooke.

M. Borduas (Luc): ...je l'ai dit.

M. Bertrand: Vous l'avez dit. Alors, tout ça pour vous dire que déjà on a quelques groupes, là, on en a quatre ou cinq, déjà on sent la préoccupation des gens de dire: Bon, ça va être dirigé en haut, et en haut sera à Montréal. Nous, en région, on fait quoi?

Je me serais attendu de votre part vraiment à quelque chose de très, très fort dans ce sens-là. Ceci dit, je dis la même chose à mes amis de Québec, j'aurais aimé voir un mémoire parler de 5 800 par deux chambres ? moi, je respecte leur décision, là ? mais j'aurais aimé avoir un mémoire qui aurait été solidaire, très fort pour la région de Québec. Parce que je vois des petites différences dans les deux mémoires et je n'aime pas ça. Ça aurait été beaucoup plus fort si on était arrivé puis on dit: On représente, à nous deux, 5 800 membres. Pour moi, vous devez être des modèles. Puis ça, là, ce n'est pas un modèle aujourd'hui que j'ai devant moi. Je m'excuse de le dire aussi brutal que ça.

Ceci dit, on entend, depuis avant-hier: Le privé, il faut qu'il soit là, on est d'accord qu'il soit plus impliqué, mais c'est trop risqué. Hein, on a entendu ça depuis avant-hier, particulièrement dans des domaines plus précis que d'autres, mais de façon générale. Puis pense que, avec raison, on dit ça. Alors, moi, j'aimerais ça que quelqu'un... Parce que la volonté que je sens, c'est de diminuer la partie des subventions, faire... intéresser davantage le privé à remplacer. Alors, moi, j'aimerais ça que quelqu'un de vous autres ? parce que vous êtes très impliqués ? que quelqu'un m'explique: Si on diminue les subventions ? parce que personne ne l'a fait encore ? puis que le risque est trop élevé, c'est quoi qu'on va faire pour intéresser le privé à investir?

Je le sais très bien, vous allez m'arriver sur les crédits d'impôt. On a déjà mentionné que les crédits d'impôt, ça va être difficile de les augmenter. Alors, tout le monde parle qu'il faut intéresser le privé, tout le monde dit: C'est le capital de risque. C'est quoi, de façon très, très précise? Et, si vous ne pouvez pas le faire aujourd'hui, moi, ce que j'apprécierais, M. le ministre, c'est qu'on leur donne un peu de temps puis qu'ils nous envoient quelque chose dans ce sens-là.

Le Président (M. Paquet): Il reste 1 min 30 s pour aborder la réponse. M. Tremblay.

M. Tremblay (André): Bon, écoutez, d'abord, M. le député, premier point, je pense que notre mémoire est très sensible à la dimension régionale. Étant moi-même d'une région, d'une région ressource, vous comprendrez qu'on est très préoccupé par cette dimension-là. Je pense qu'on l'a mentionné, M. Borduas l'a mentionné, je l'ai mentionné, et il est évident pour nous. Puis je comprends qu'ici on est en train de parler d'outils qui ont été proposés par le rapport Brunet, ces outils-là ? on a amené des bémols dans notre rapport ? ont à être peaufinés, à être, je pense, améliorés. Mais c'est évident et là-dessus je pense qu'il est clair qu'il faut que les fonds, le fonds qui va... ces sommes-là soient administrées en région en fonction des besoins des régionaux et en fonction des réalités que les gens qui sont dans les régions connaissent et avec lesquelles ils vivent.

Et je peux vous dire qu'il y a des entrepreneurs qui sont prêts à prendre des risques, qui veulent prendre des risques, qui veulent s'impliquer, il y en a plein. J'en rencontrais... Vous allez en voir au cours des prochaines semaines, entre autres du Saguenay?Lac-Saint-Jean, j'en ai rencontré un groupe dernièrement qui vont venir ici dire: Nous autres, on est prêts à s'impliquer dans le développement, dans nos entreprises...

Une voix: ...

M. Tremblay (André): Pardon?

M. Bertrand: ...quelles conditions?

Le Président (M. Paquet): ...35 secondes du temps de la présidence, comme je l'ai fait tout à l'heure, pour permettre de compléter votre réponse. Alors, M. Tremblay.

M. Tremblay (André): O.K. Vraiment, on comprend que ce n'est pas à fonds perdus. Ce sont des entrepreneurs, ils veulent du rendement. Mais, dans la mesure... nous, on est persuadés que si ces gens-là... Puis l'outil, comme je vous dis, reste à définir. Est-ce que c'est des crédits d'impôt? Tout à l'heure, M. Borduas a parlé de modulation. Est-ce que, dans un même fonds, pour un investissement d'amorçage, mettons, un fonds plus global, un investissement d'amorçage, un investissement de démarrage ou un investissement dans une phase subséquente, est-ce qu'on pourrait penser à des incitatifs fiscaux modulés, c'est-à-dire qu'un investisseur... ce qui permettrait à un fonds de placer un pourcentage de ses avoirs en amorçage, un pourcentage en développement puis un pourcentage en phase plus mature pour avoir un rendement pondéré, acceptable pour le fonds? C'est peut-être une idée qu'on peut envisager.

Brunet l'a pris par l'autre côté en disant: L'État va investir 2 $ pour 1 $ dans les FIR. Bon, c'est une autre façon de voir les choses. Ce n'est pas la seule, je pense. L'idée du fonds, il y a quelqu'un qui va venir vous en parler, c'est peut-être une autre idée intéressante à regarder toujours à l'intérieur... Et ça, ça peut aussi avoir comme intérêt de mettre en compétition des fonds. Ça, c'est une autre dimension qu'on n'a pas soulevée, mais, nous, on pense profondément que, s'il y a plusieurs outils de financement de capital de risque, si l'État est capable de contribuer à la mise sur pied de plusieurs outils de financement, ça va faire en sorte qu'il va y avoir une compétition entre les fonds, et cette compétition-là va être salutaire pour les gens. Tu n'auras pas juste un ou deux investisseurs, une ou deux institutions qui vont être en mesure de prêter. Et là, bien, quand tu te fais dire non à une place, tu te fais dire non partout puis... Donc, d'essayer de voir comment on peut encourager une compétition entre trois, quatre ou cinq fonds, je pense que, ça aussi, c'est une dimension importante dans la réflexion qu'on a à faire pour la mise en place des outils qu'on veut mettre en place.

Le Président (M. Paquet): Alors, merci beaucoup. Mme Bertrand...

Une voix: ...

Le Président (M. Paquet): Malheureusement, le temps est écoulé. On a un horaire très chargé ce matin, je m'excuse de...

Une voix: ...

Le Président (M. Paquet): Merci, M. Borduas, d'appuyer, c'est pris en note. Alors donc, Mme Bertrand, M. Tremblay, MM. Demers, Samson, Borduas et Mme Delisle, ainsi que M. Simard, qui était présent plus tôt, nous vous remercions d'avoir participé à nos travaux.

Je suspends les travaux pour une minute et demie, pas plus, pour pouvoir reprendre tout de suite par la suite. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 58)

 

(Reprise à 11 h 1)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, il me fait plaisir, au nom de la commission, de souhaiter la bienvenue aux représentants de Gestion Sovar inc. M. Raymond Leblanc, vice-recteur à la recherche de l'Université Laval, M. René Rouleau, directeur général du CHUQ, et M. Pierre Pedneau, président-directeur général de Gestion Sovar, au nom de la commission, nous vous remercions. Et il y a une quatrième personne qui se joint à nous. Si vous voulez nous la présenter, s'il vous plaît.

Gestion Sovar inc.

Une voix: Il s'agit de M. André Van Neste, qui est président de Nanox, une entreprise dérivée. Ça pour-rait être un exemple qu'on pourra souligner, si nécessaire, dans les présentations.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors donc, au nom de la commission, nous vous remercions. Et, sans plus tarder, nous vous laissons la parole. Vous avez une période de 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie d'un échange de 40 minutes, au total, avec les membres de la commission. Alors, M. Leblanc? C'est M. Leblanc qui fait la présentation principale?

M. Rouleau (René): M. Rouleau. Je vais faire l'introduction.

Le Président (M. Paquet): M. Rouleau. D'accord. Alors, M. Rouleau, vous avez la parole.

M. Rouleau (René): Merci, M. le Président. M. le ministre, membres de l'Assemblée nationale, merci beaucoup de nous donner la chance de vous présenter notre mémoire.

Pour vous faire une mise en contexte, on va vous parler un peu de l'environnement, parce qu'on a parlé beaucoup de la technicité, on a parlé des stratégies, mais on n'a pas beaucoup parlé de l'environnement, de la recherche. Et j'écoutais tantôt vos échanges, à savoir la perspective de la grande capitale, ici. On va donner un peu les enjeux, de quoi on parle, et vous allez voir un peu avec nous pourquoi c'est si important selon nous de bien investir, au bon niveau, avec des bonnes stratégies dans la recherche au Québec et à Québec.

Mais, vous savez, le CHUQ, c'est un centre universitaire, un centre hospitalier universitaire issu de la fusion de trois grands hôpitaux de la région de Québec, qui sont l'Hôtel-Dieu de Québec, l'Hôpital Saint-François d'Assise et le CHUL, le Centre hospitalier de l'Université Laval. On ignore souvent la mission de ces centres hospitaliers universitaires. Juste à titre de rappel: la grande mission des soins, des soins à tous les niveaux, les soins primaires, secondaires, tertiaires, et on parle déjà un peu de quaternaires dans le domaine des CHU; la mission d'enseignement ? vous savez, la plupart des médecins de l'Est du Québec passent un jour ou l'autre par l'Université Laval ? et ça, c'est encore une fois une mission méconnue des CHU; l'évaluation des technologies, pas autant d'évaluer les machines complexes, mais les modes d'intervention, les nouvelles technologies, la pharmacoéconomie, c'est une responsabilité des CHU aussi; et bien entendu la recherche. Donc, on mérite le titre de CHU quand on est capable de performer dans ces quatre missions.

La clientèle du CHU, du CHUQ de Québec, c'est la clientèle régionale, suprarégionale de tout l'Est du Québec, et c'est 1,5 million de personnes, sur un territoire très, très, très vaste, qui comptent sur la performance dans tous les domaines du CHUQ pour recevoir des services de haute qualité. Nous sommes en partenariat bien sûr avec d'autres grands CHU, que ce soit en Europe, le CHU de Bordeaux ou de Grenoble est un partenaire direct avec l'Université Laval.

Quels sont les points d'excellence pour lesquels on parle aujourd'hui pour valoriser la recherche, avoir des stratégies? C'est quoi, les grands points d'excellence du CHUQ de Québec? Bien, il faut savoir que le CHUQ de Québec est un centre de référence en néphrologie de très haut niveau, un centre majeur en radiothérapie et un centre de recherche en cancérologie, un des plus grands au Canada. On est un centre majeur en soins tertiaires en obstétrique, en néonatalogie et en pédiatrie. On est le plus important centre de prélèvements multiorganes au Québec ? on dépasse les hôpitaux de Montréal à ce chapitre ? et aussi un des plus grands centres de greffes au Canada, si on prend les greffes du rein, de la cornée et la greffe de moelle osseuse. Donc, ce sont des pointes d'excellence, pour notre région, extrêmement importantes et pour lesquelles des pionniers se sont battus avant nous.

On a aussi la responsabilité d'être le centre responsable du Programme national d'implants cochléaires, qui est un programme à très haut succès, avec des résultats très, très, très forts. On est un chef de file au Canada en télémédecine, un leader en télésanté de l'enfant, ça se comprend par la géomorphologie du territoire, les grandes distances qu'on a à couvrir. On est le centre le plus important au Canada en infectiologie ? alors ça, c'est vraiment dans le domaine de la recherche ? et un des principaux centres de recherche en santé au Canada. On se classe parmi le «Big 10», pour s'exprimer en bon français. Bon.

Maintenant, l'activité. Toutes personnes connaissent l'activité réelle du Centre universitaire de Québec. Sur une base annuelle, nous faisons plus de 42 000 opérations dans nos blocs opératoires, presque 20 000 chirurgies d'un jour sur une base annuelle. Nous avons 8 227 employés, ce qui nous qualifie comme le deuxième plus grand employeur... si on fait fi du gouvernement du Québec, le deuxième plus grand employeur de la région de Québec, et ce sont des emplois de très haute qualité. Nous avons, par exemple, 2 400 infirmières. Plus de 1 000 personnes à Québec dépendent de la recherche ou travaillent dans le domaine de la recherche, si on inclut les chercheurs, les techniciens, les gens qui travaillent dans ce domaine-là. 844 médecins travaillent en nos murs, 78 pharmaciens, une quinzaine de dentistes, et tout près de 500 bénévoles viennent travailler avec nous dans toutes sortes de domaines. Nous avons des dépenses d'opérations, pour le CHUQ, de 378 millions, base annuelle. S'ajoutent à ça 92 millions pour la recherche. Donc, vous voyez un peu l'envergure du centre de recherche... des centres de recherche du CHUQ et de l'opération du CHUQ en général.

Nous présentons aujourd'hui un mémoire abrégé qui présente sans détour des recommandations susceptibles de bonifier les orientations suggérées dans le Rapport du groupe de travail sur le rôle de l'État québécois dans le capital de risque. Bien que le groupe de travail ait porté son attention sur le volet capital de risque spécifiquement, nous sommes d'avis que la valorisation des résultats de la recherche doit être incluse à la réflexion, car elle est l'amorce du processus de création de valeurs technologiques lorsqu'il est question d'investissement dans des entreprises technologiques issues des universités, des centres de recherche ou de démonstration de faisabilité technico-économique des technologies préalablement à leur transfert à des entreprises existantes.

Les recommandations et adaptations suggérées dans le présent mémoire ont aussi pour but d'articuler certaines des orientations suggérées dans ce rapport en regard des besoins des régions où l'importance et le niveau des activités de recherche sont reconnus et ancrés dans le tissu socioéconomique tel qu'il l'est pour la grande région de Québec.

Juste avant la présentation détaillée du mémoire par M. Pedneau, je vous demanderais d'entendre le Dr Raymond Leblanc, vice-recteur à la recherche de l'Université Laval, afin qu'il vous présente les enjeux importants de l'université en matière de valorisation de la recherche.

Le Président (M. Paquet): M. Leblanc.

M. Leblanc (Raymond): Alors, merci, M. le Président. Je voudrais, en fait, faire un exercice un peu périlleux puis essayer de vous décrire en moins de 100 mots ce que c'est, l'Université Laval. Essentiellement, l'Université Laval, c'est 1 400 professeurs-chercheurs. Cette année, c'est un budget de subventions de recherche de 275 millions. Ça regroupe, l'Université Laval, 35 centres de recherche reconnus dans toutes sortes de domaines. Il y a grosso modo 6 000 étudiants au niveau des cycles supérieurs, un bon nombre de ces étudiants-là viennent de l'extérieur du Québec et du Canada. L'Université Laval, en fait, c'est la sixième... et, à 100 000 $ près, c'est la cinquième université en termes d'importance de recherche au Canada. On compte, mettons, 35 000 étudiants sur le campus. C'est donc, en soi, pratiquement une ville. C'est en fait la seule université au Canada qui accueille, comme centre hôte, là, trois réseaux d'excellence et donc, à certains égards, c'est une reconnaissance qui dépasse celle de Toronto quant à la performance de certains créneaux de recherche dans la région de Québec.

M. Rouleau a mentionné, disons, le domaine de la santé, où on a les plus grands centres de recherche au Canada en infectiologie. J'ajouterais, par exemple, que l'Université Laval, à travers ses équipes de recherche sur l'obésité, qui est un domaine extrêmement important par les temps qui courent, est la seule université canadienne qui se classe parmi les 25 premières universités en Amérique du Nord. C'est donc, à cet égard, une reconnaissance que les chercheurs dans ce domaine-là excellent au niveau international.

n(11 h 10)n

L'Université Laval, c'est une championne canadienne dans le domaine, par exemple, de la photonique, c'est en fait un leader aux niveaux canadien et nord-américain dans le domaine des aliments nutraceutiques, nutraceutiques et fonctionnels. C'est la seule université à l'est de Toronto qui a vraiment une Faculté de foresterie importante. L'Université Laval, ça repose sur la tradition, ça repose sur l'excellence. L'Université Laval a la prétention d'être de toutes les révolutions, et on pourrait dire que, dans le fond, à travers les travaux qui sont faits dans le domaine des sciences sociales, l'Université Laval est peut-être à l'origine de toute la transformation que le Québec a connue dans les 50 dernières années avec l'école du père Lévesque et tous ses disciples qui ont en fait généré des leaders dans tous les domaines où le Québec est maintenant un joueur important.

Bien sûr, à travers ça, l'Université Laval s'est aussi engagée dans la valorisation. Depuis 1972, il y a des politiques qui gèrent la valorisation à l'université. Et, à cet égard-là, en tant que commanditaire, au même titre que le CHUQ, qui est un hôpital affilié extrêmement important pour l'université, je passe la parole à M. Pedneau qui va prendre le bâton pour vous expliquer comment en fait ces deux partenaires-là ont envisagé de fonctionner dans le contexte de la valorisation et du nouveau mandat qui est accordé à l'université dans ce sens-là.

Le Président (M. Paquet): M. Pedneau.

M. Pedneau (Pierre): Merci, M. le Président. Je vais m'appuyer un peu sur les documents que je vous ai remis. Bien entendu, je ne passerai pas à travers chacun d'eux parce qu'on va manquer de temps et je veux essayer de respecter l'horaire. Donc, j'en fais un survol rapide et, s'il y a des questions, j'y répondrai par la suite.

Simplement pour signaler au départ que la question du transfert de technologie et de la valorisation de résultats de recherche, ce n'est pas un phénomène nouveau. Quand, en 1986, on avait créé le Bureau de valorisation de la recherche, l'objectif à ce moment-là était plutôt de développer les partenariats avec l'industrie à travers lesquels évidemment il se fait de la valorisation et il se fait aussi du transfert de technologie. Le résultat aujourd'hui, c'est qu'à peu près 20 % de la recherche subventionnée à Laval vient de partenariats avec l'industrie, ce qui n'est quand même pas rien quand on compare ces données-là aux universités américaines, où le pourcentage est généralement plus bas. Évidemment, les financements sont en conséquence aux États-Unis, on le reconnaît par ailleurs.

Nous avons aussi, en 1995, adopté à l'époque une politique qui est spécifique au transfert de connaissance et technologie et qui va au-delà des politiques de propriété intellectuelle. Donc, l'accent avait été nettement mis sur la mission complémentaire et, je dirais, la prolongation de la mission universitaire par le transfert de technologie.

Alors, dans la suite ? je vais sauter assez rapidement ? si on va au deuxième acétate, bon, en 2000, 1999-2000, on avait décidé de créer une société de valorisation externe, là, bon, et est arrivée la création de Valorisation-Recherche Québec qui a permis le financement de démarrage. Ça a été le lancement.

Je veux juste rappeler, dans le plan d'affaires déposé à VRQ, comment se situait le rôle de SOVAR et je cite deux courts paragraphes. On disait: «L'enthousiasme des milieux financiers pour l'esprit d'entreprise professorale dans les universités et les centres de recherche crée une forte pression en faveur de la création de compagnies par les chercheurs dès qu'une technologie annonce un potentiel d'application commerciale. Pourtant, avant de donner à une technologie la maturité qui la rendra véritablement transférable, c'est-à-dire suffisamment développée pour justifier la création d'une nouvelle compagnie commerciale ou pour être adéquatement prise en charge par une compagnie existante, il faudrait y consacrer encore une période de un à trois ans.»

Donc, ça situe assez bien, je pense, dès le départ le rôle que SOVAR avait. C'est de la valorisation que nous faisons, c'est préalable à l'incubation d'entreprise. Et le terme clé dans la mission, à la page 2, c'est «accélérer». Ce qu'on cherche essentiellement, c'est de développer plus rapidement les technologies pour les rendre davantage matures et prêtes à un transfert.

À la page 3, vous avez un schéma qui positionne SOVAR et ses activités dans la chaîne de création de valeurs, partant de la recherche universitaire en passant par toutes les étapes d'un processus de valorisation qui inclut la démonstration de faisabilité technico-économique, c'est-à-dire certains appellent ça la preuve de concept, qui est une adaptation de l'anglais «proof of concept». Mais les éléments clés chez SOVAR, c'est la planification des projets, le montage du financement et l'accompagnement. C'est bien de penser à financer la valorisation, mais c'est aussi important de penser à l'encadrement de cette valorisation-là, si on veut qu'elle soit efficace. L'argent seul n'est pas suffisant. Donc, le résultat, c'est de créer de la valeur, créer de la valeur à une technologie de façon à ce qu'elle attire davantage d'investissements ou qu'elle intéresse davantage les partenaires industriels. C'est là le positionnement de notre rôle, exprimé aussi en dollars qui croissent, ça, évidemment, c'est ce qui nous intéresse, on espère en bénéficier d'une certaine partie à un moment donné.

Plus loin ? et je passe rapidement par-dessus les autres étapes ? vous avez le processus d'analyse et de gestion qui est décrit. Je ne prends pas de temps là-dessus.

En ce qui a trait aux compétences... Parce qu'on se demande: Est-ce que les sociétés de valorisation ont les compétences pour faire l'évaluation des projets? Bien, vous avez l'équipe-projets qui est composée de personnes qui ont au moins des maîtrises, sinon des doctorats. Toutes ont été exposées ou ont vécu dans l'industrie. Donc, ce sont des gens qui connaissent ce que c'est, le développement de produits et comment planifier des projets. Donc, on a bâti une assez belle équipe et on va chercher au besoin des expertises externes.

On a également un comité consultatif d'investissement et un conseil d'administration. Vous voyez que la dominante vient des gens du secteur privé. Alors, comme je l'ai mentionné, au besoin et pour chaque dossier qui est évalué chez nous, on demande deux avis d'experts externes, généralement les gens qui sont dans le secteur industriel concerné. Et nous avons signé récemment un accord avec le réseau PARI du Conseil national de recherches pour avoir accès à une expertise nationale encore plus étendue. La question qui avait été posée lorsque SOVAR a été créée, c'est: Comment est-ce que les sociétés... Comment pouvez-vous faire pour transférer davantage de technologies universitaires ? bon, les technologies qui sont dites orphelines ? vers les milieux d'application? Bien, la réponse à cette question-là, pour nous, elle se situe dans la courbe de la page 8. Il faut garder le profil de chercheurs, d'individus avec lesquels on travaille. Des chercheurs entrepreneurs qui ont les deux... je dirais, les deux fibres et qui sont prêts à créer des entreprises, même à quitter l'université, il n'y en a pas beaucoup, il y en a très peu.

Et, nous, la logique qu'on a suivie lorsqu'on a démarré, on s'est dit: Est-ce qu'on essaie de créer davantage d'entrepreneurs, sachant qu'on travaille dans le 10 % supérieur de la courbe, donc le nombre de personnes, le nombre d'individus est minimum, ou est-ce qu'on essaie plutôt d'intervenir auprès d'une cohorte beaucoup plus importante de gens qui sont très actifs en recherche, qui veulent faire du transfert de technologie mais qui ne voudront pas avoir ? excusez l'expression ? le singe sur le dos, à savoir de monter des plans d'affaires, d'essayer de démarrer des entreprises ou de s'impliquer dans les montages financiers assez complexes auxquels évidemment on doit s'astreindre? Alors donc la clientèle, c'est celle-là qui est visée, et je pense que c'est là où il y a le plus d'activités. Si on parle en termes de croissance, c'est là où il y a le plus grand potentiel de croissance.

On a analysé, en trois ans et demi, à peu près 110 technologies. Il y en a à peu près 50 % qui tombent dès l'étape d'analyse préliminaire. Donc, on dépense un peu moins de 5 000 $ pour ces projets-là en moyenne, ce qui montre qu'on a un processus de tamisage qui est assez serré, tout étant évidemment perfectible, mais néanmoins quand même on a ce résultat-là. On a une quinzaine de licences, si on inclut les entreprises dérivées qui ont été créées, et on a créé une dizaine d'entreprises à travers ce processus-là et, je le rappelle, dans un contexte économique qui a été particulièrement difficile pour les dossiers technologiques.

L'investissement dans les projets, 4,25 millions plus ou moins ? en tout cas, les chiffres grosso modo ? dont 2,5 millions dans les entreprises dérivées. Donc, on ne fait pas qu'investir dans les entreprises privées, on investit dans des entreprises en démarrage, on investit aussi dans les projets technologiques qui peuvent conduire à des licences. Ceci a attiré dans les entreprises dérivées 11 millions de dollars d'investissements. Donc, si on calcule le ratio sur nos investissements dans les entreprises dérivées, c'est plus de 4,4...

Les investisseurs qui ont été nos partenaires sont dans la présentation, je ne prends pas plus de temps là-dessus. Vous avez des exemples de réalisation d'entreprises dérivées. Encore là, le temps file, et je vais aller au plus court pour y revenir si nécessaire.

Nous sommes en voie, en termes de potentiel de développement, de discuter avec d'autres centres de recherche affiliés à l'université, dont le Centre Robert-Giffard qui a déjà une résolution pour intégrer les rangs de SOVAR. Nous regardons aussi non seulement la valorisation de technologies qui peuvent se transformer en produits autonomes, mais les besoins de l'industrie, donc développer aussi la filière des partenariats avec des entreprises pour des projets structurants, donc dans les filières technologiques porteuses pour une région comme celle de Québec, mais surtout des partenariats avec des investisseurs surtout institutionnels, des grands fonds, pour mettre en parallèle nos processus d'évaluation de dossiers. Et nous sommes, je dirai, très près d'ententes ? on parle de semaines ici ? pour conclure des accords avec certains d'entre eux, où on a évalué nos processus, on a regardé les leurs, on les a mis en parallèle. Et on va travailler sur l'évaluation en continu des dossiers de façon à ce que, au lieu d'être en série et lorsqu'on est convaincus qu'on a un bon projet et que le processus recommence chez les investisseurs, qu'on ait franchi à peu près les mêmes étapes en même temps de façon à accélérer, je le rappelle, le processus, le problème du transfert des technologies étant le temps. Je dis souvent qu'on est encore victimes du syndrome trop peu, trop long, trop tard, pas assez d'argent en valorisation, trop long pour attacher le financement, et on arrive trop tard dans les fenêtres de marché. Deux minutes?

Alors, je vais sauter aux conclusions. Vous avez plusieurs éléments qui sont assez, je dirais, en ligne avec ce qui est dans le rapport Brunet concernant les lacunes de financement.

n(11 h 20)n

Les constats. Nous sommes d'accord avec le fait qu'il manque de l'argent dans la valorisation. La question qui est la plus importante, c'est le découpage qu'il nous apparaît important de faire et nécessaire, qui est à la page 14. Notre vision là-dessus, c'est que, si on regarde les fonctions qui précèdent l'amorçage tel que décrit dans le rapport Brunet, tout le repérage, le tamisage, la sélection des dossiers et le montage préliminaire, moi, je suis d'avis que les investisseurs privés et même institutionnels n'iront jamais dans ça. Il faut que l'État continue à supporter cette fonction-là.

Ensuite, l'étape de démonstration pour les projets majeurs, il est possible de faire des partenariats avec des investisseurs institutionnels, et c'est ce que nous sommes en voie de conclure. Il est très important de comprendre que l'État a le choix d'intervenir dans la réduction du risque d'investissement. Les formules, par exemple, où l'État dit: Le privé ou les institutionnels, vous mettez 2 $ et, nous, on met 1 $, ou l'inverse, ça diminue le risque financier de l'investissement. Nous, ce qu'on prétend, c'est qu'il faut diminuer d'abord le risque technologique de l'investissement par un meilleur tamisage, une meilleure préparation des dossiers de sorte que les investisseurs soient moins frileux lorsqu'on leur demande d'intervenir avec nous.

Et le découpage qu'on propose, c'est: les premières étapes, l'État doit intervenir d'abord pour déclencher le processus; les partenariats avec certains grands fonds sont possibles dès qu'on commence à avoir des projets qui... même à l'étape valorisation, même avant la création d'entreprises dérivées; et par la suite bien c'est le processus normal qui se continue, les grands fonds et le capital de risque, et le capital de risque et le privé éventuellement.

Ce que je vous... Pour conclure, parce que je sais que le temps est terminé, on vit une période d'incertitude difficile actuellement qui cause beaucoup de problèmes aux entreprises dérivées, et, quand on a perdu un dossier, le récupérer, c'est très difficile. Nous, ce qu'on propose, compte tenu des réflexions qui sont en cours, c'est d'avoir des mesures transitoires qui nous permettent de poursuivre notre action, de conclure ce qu'on est en train de faire avec les partenaires majeurs et de se donner le temps de voir venir. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. Pedneau. M. le ministre du Développement économique et régional.

M. Audet: Merci, messieurs. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt votre présentation et évidemment je sais que vous jouez un rôle crucial dans le lien entre la découverte précisément, et la valorisation, et la mise en marché éventuelle. C'est le coeur même de votre mission. Avant-hier, le Dr Labrie est venu nous dire que, avant de commercialiser justement une découverte universitaire, il fallait que cette découverte traverse ce qu'il appelle la preuve de concept, précisément. Et j'ai remarqué qu'à la page 3 vous en faites état dans votre mission. Il soutient que cette étape importante doit être financée donc par les fonds publics et que ce n'est qu'après que cette preuve est faite que l'on devrait chercher du capital privé. C'est un peu, je pense, aussi votre propos.

Ça m'amène quand même à une question. Moi, je croyais que les sociétés de valorisation faisaient justement un peu ce travail-là et j'ai été un peu surpris de voir, dans sa présentation, qu'il disait que c'était une lacune importante, cette preuve de concept. Alors, la question que je vous pose, c'est: Quelle est la part de vos activités et de vos budgets, de votre budget, que vous consacrez justement à cette preuve de concept, en ce moment?

Le Président (M. Paquet): M. Pedneau.

M. Pedneau (Pierre): Merci, M. le Président. La majorité de nos fonds disponibles pour investir dans les projets vise l'étape de valorisation et de démonstration de faisabilité technico-économique. Quand on dit que les sociétés de valorisation font de l'incubation d'entreprises, nous ne faisons pas d'incubation d'entreprises. Nous avions conclu des protocoles avec Émergence Entrepreneur. Il y a d'autres centres qu'on connaît, comme Inno-Centre, qui font ce travail-là.

Notre objectif, nous, c'est, quand on monte un dossier... Et j'ai ces dossiers-là ici, avec moi, et je vous les montrerai, si vous voulez. C'est quand même des documents qui ressemblent étrangement, quand on fait approuver un projet d'investissement dans un dossier de valorisation, à un plan d'affaires. D'ailleurs, les gens nous disent: À ton plan d'affaires, il manque ci, il manque ça. Nous, on dit: C'est un plan de valorisation.

C'est un plan par lequel on établit une stratégie qui est basée sur le positionnement technologique qu'on fait d'abord: Est-ce que la technologie a un avantage concurrentiel? Est-ce qu'il y a un potentiel de marché perceptible? On est dans un élément, une zone d'incertitude quand même assez importante. Et, si oui et s'il n'y a pas évidemment de technologie concurrente sur le marché... Parce qu'il est arrivé qu'on trouve les brevets; on s'était fait voler notre idée avant même de l'avoir eue. Dans certains cas, c'est malheureux, mais ça arrive. Et, dans certains cas, ça prend trois heures pour se rendre compte que l'idée est bonne, mais il y a quelqu'un qui l'a déjà brevetée.

Ensuite, notre stratégie, c'est de dire: Comment fait-on pour faire la démonstration suffisante de l'applicabilité de la technologie pour intéresser d'autres investisseurs à embarquer avec nous ou des entreprises existantes à dire: Oui, maintenant, on a un prototype de base, ça nous intéresse d'aller de l'avant? Alors, on est dans... La démonstration fait partie de la valorisation, mais l'accompagnement, je le répète, de cette étape-là est extrêmement important.

Je vous donnerais comme exemple le programme PDIR d'Innovatech, qui est un excellent programme qui visait exactement cette phase de valorisation. Les chercheurs, encore même récemment, nous disaient: Je vais faire une demande de subvention à Innovatech. Mais le programme d'Innovatech, c'est un programme d'investissement. Alors, voyez-vous, il y a confusion souvent, chez les chercheurs, entre une subvention et un investissement.

Et, nous, ce qu'on essaie de faire avec eux, la première chose qu'on fait, c'est la courbe de distribution ? vous l'avez vue tout à l'heure ? on leur demande de se positionner là-dedans: Voulez-vous sortir de l'université et devenir entrepreneurs, ou voulez-vous rester à l'université et faire du développement puis être accompagnés dans le processus? Alors, la réponse, c'est une longue réponse, là, mais je veux simplement vous dire que notre travail, c'est de faire de la valorisation. Si on fait de l'investissement de capital de risque, laissons la place aux autres puis arrêtons de travailler là-dedans, on est en compétition avec d'autres.

Le Président (M. Paquet): Alors, M. le député de Roberval, adjoint parlementaire du ministre du Développement économique et régional.

M. Blackburn: Merci, M. le Président. Alors, bonjour, messieurs, bienvenue à cette commission parlementaire. Vous savez, à la page 13 de votre mémoire, effectivement vous mentionnez qu'avant de remplacer ce qui a exigé tant d'efforts et tant de travail bien on doit se poser des questions. C'est exactement le but de cette commission parlementaire là. Et je pense que tout à l'heure nous avons eu l'occasion d'en discuter. On veut trouver des manières et des façons d'être plus efficaces. Et j'ai aimé tout à l'heure, avec les intervenants qui vous précédaient, avec Mme Bertrand, entre autres, au niveau des chambres de commerce... Comment peut-on arriver à faire en sorte que les entrepreneurs, qui sont des bijoux, à mon sens, comment peut-on arriver à les aider justement à peaufiner leurs facettes, à peaufiner leur travail pour leur permettre de faire ce qu'ils font de mieux, c'est-à-dire créer des jobs? Et, dans ce contexte-là, bien sûr qu'il y a des outils qui sont en place, il y a des mécanismes qui existent déjà, mais comment peut-on arriver à les améliorer? Il y en a qui prétendent qu'on peut diminuer des structures parce que c'est effectivement compliqué pour un entrepreneur de faire le chemin ? souvent, on dit le chemin de croix ? pour arriver... Entre l'idée et la réalisation de son entreprise, souvent ce n'est pas nécessairement efficace et évident.

Vous mentionnez dans votre rapport que vous voulez créer un fonds d'amorçage. Lorsque je regarde ce qui existe déjà avec entre autres beaucoup de sociétés d'État, avec beaucoup de sociétés parallèles d'investissement qui ne font que compliquer, à mon sens, le travail ou le chemin qu'un entrepreneur veut prendre, comment faites-vous pour arriver à proposer la création d'un nouveau fonds, alors que ce qu'on veut, nous, c'est simplifier les moyens pour arriver à faire de la création d'emplois?

Le Président (M. Paquet): M. Pedneau.

M. Pedneau (Pierre): M. le Président, écoutez, on parle de création de nouveaux fonds, mais, dans le rapport Brunet, on parle aussi de fonds d'initiatives régionales. Alors, je pense que la reconnaissance qu'il doit y avoir peut-être de plus petits fonds spécialisés, plus près de l'action, moi, je la comprends comme étant un peu intrinsèque au rapport, en même temps. Donc, je ne pense pas que ce soit incompatible.

Ce qu'il faut comprendre, c'est que, nous, on ne veut pas partir tout seuls, là, avec notre affaire, puis dire: On veut créer un fonds d'amorçage, puis commencer à aller à la quête un peu auprès de tout le monde. C'est certain que ce qu'on vise, c'est de faire des partenariats avec des fonds institutionnels bien établis et particulièrement ceux qui ont des pratiques d'affaires qui sont les plus intéressantes pour les entrepreneurs.

Vous parlez aussi de l'entrepreneur, comment le motiver. Nous, on a deux préoccupations. Le chercheur qui, par exemple, est un promoteur d'entreprise ? qui ne restera peut-être pas le promoteur ad vitam aeternam parce qu'on peut penser, à certains moments, que d'autres dirigeants d'entreprises devront embarquer ? il faut qu'il soit respecté. Et ce qu'on a vécu, dans le passé, souvent, c'est des offres de financement qui sont très complexes, très contraignantes et qui font que, dès qu'il arrive un problème, le chercheur se fait tout simplement écarter du système et la motivation se perd. Ça, c'est un premier problème.

La deuxième chose, c'est: Est-ce qu'on a créé des conditions de financement qui font que, si on prend la peine de démarrer une entreprise, elle va pouvoir poursuivre dans le cycle de financement vers les autres rondes et être recevable? Une ronde A ou une ronde B. Et ça, on a travaillé beaucoup avec des investisseurs pour établir ces modèles-là.

Donc, je vous dirais, si on travaille avec des partenaires existants, des partenaires qui ont l'expérience et qui sont prêts à transférer une partie de leurs fonds dans un fonds plus spécialisé, plus près de l'action, je n'ai pas l'impression qu'on recrée une multiplicité de choses. C'est une forme de partenariat avec des investisseurs existants qu'on vise et non pas une nouvelle chose complètement.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Roberval.

M. Blackburn: Dans chacune des régions du Québec, particulièrement, nous avons bien sûr des... je pense, des universités qui sont regroupées dans chacune de ces régions-là qui ont des noyaux de chercheurs ou qui sont acolytes de très près dans ces différentes institutions de recherche là. Quel est le rôle que vous voyez justement pour ces chercheurs-là dans les régions du Québec par rapport à d'éventuels nouveaux fonds d'amorçage, de création de nouvelles méthodes pour être encore plus dynamiques?

Le Président (M. Paquet): M. Rouleau.

n(11 h 30)n

M. Rouleau (René): Écoutez, assez souvent, on est en réseau, hein, on est rarement isolés, dans le domaine de la recherche, c'est-à-dire qu'il y a des réseaux de chercheurs dans des thèmes précis, dans des domaines où on a des percées, et c'est très rare que des chercheurs travaillent en solo, travaillent dans des approches... Ils ont été formés aussi à travailler dans différents domaines.

Le principe derrière tout ça pour aider la recherche ? je considère Québec en région, là, je considère la région de Québec comme étant, elle aussi, dans une dynamique de région ? donc, nous, on a créé des réseaux avec l'université, avec le CHUQ, pour les soins, pour l'enseignement et pour la recherche. Donc, le réseautage, là, c'est majeur pour être capable de supporter la recherche en région. Puis le principe le plus important qu'on a réalisé, c'est un principe de subsidiarité, c'est-à-dire il faut rapprocher la décision de l'action. Et ça, c'est très difficile parce que la tendance est de centraliser, dans des domaines aussi exigeants. Mais on peut réussir à faire des choses assez intéressantes avec le réseautage quand on respecte, là, cette approche-là de subsidiarité.

Donc, pour nous, au CHUQ, dans notre planification stratégique, on a à coeur d'aller consulter tantôt l'Université de Chicoutimi, tantôt les institutions du Bas-Saint-Laurent et même on va jusqu'à Trois-Rivières dans le rayonnement pour avoir une stratégie d'intervention en réseau. Et on ne peut pas travailler en solo dans ces domaines-là. Et, quand il y a des pointes d'excellence, comme il y en a dans les régions, notre rôle, ce n'est pas de rentrer en compétition puis d'aller aspirer le talent régional, mais c'est bien plus de faire une alliance puis essayer de faire développer le modèle régional. Mais c'est un grand défi parce que, assez souvent, les chercheurs ont besoin de la synergie des grandes équipes, puis la tendance est de venir travailler dans des gros centres de recherche.

Le Président (M. Paquet): Merci. Ça termine le bloc. M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui. M. Pedneau, M. Rouleau, M. Leblanc, M. Van Neste, merci d'être ici, ce matin. Bon, quand on regarde votre mémoire et puis quand on regarde aussi les activités de votre société, SOVAR, vous dites que non seulement il ne faut pas réduire les travaux que vous faites, mais il faut accélérer. Donc, vous proposez, entre autres, de créer un fonds d'amorçage pour le financement des projets de valorisation.

Or, comme vous le savez, le nouveau gouvernement libéral ? puis, entre autres, on le voit aussi dans le rapport Brunet ? n'est pas dans une tendance de développement, mais plutôt de retrait. Et j'aimerais ça vous entendre sur ce qui est recommandé dans le rapport Brunet. Dans le rapport Brunet, non seulement on ne propose pas de créer de nouveaux fonds d'amorçage, mais ce qu'on propose, c'est d'éliminer les FLI, les fonds locaux d'investissement, de fermer les sociétés Innovatech, incluant Innovatech Québec?Chaudière-Appalaches, et de remplacer tout ça par 17 FIR, ça veut dire incluant un FIR à Québec qui aurait 3 millions de dollars. C'est-à-dire que le gouvernement serait prêt à mettre 2 millions en autant que le privé en mette 1 million. O.K.? Et ce fonds-là ne pourrait plus investir plus de 300 000 $ par projet.

Bien, on sait qu'Innovatech Québec?Chaudière-Appalaches est un de vos partenaires, là. Moi, j'aimerais ça vous entendre à savoir, là, pour SOVAR et pour la région de la Capitale-Nationale, là, quels seraient les impacts, là, si demain matin le ministre du Développement économique et régional écoutait M. Brunet et son rapport.

Le Président (M. Paquet): M. Pedneau.

M. Pedneau (Pierre): O.K. M. le Président, moi, ce qui m'inquiète dans la formulation actuelle du rapport Brunet ? et ça a été soulevé par d'autres personnes avant ? c'est qu'à partir du moment où on parle de créer un seul fonds... On va prendre, par exemple, le fonds qui nous paraît le plus pertinent pour nos activités, qui est le fonds d'amorçage spécialisé. Encore faut-il s'entendre sur ce qu'on entend par «amorçage», parce que, nous, on parle d'amorçage un petit peu en amont de ça aussi, là. Alors, on a deux définitions d'«amorçage». C'est que, s'il y a un seul fonds, la tendance ? si la tendance se maintient, comme disaient certains ? les centres de décision vont être à Montréal, c'est certain, et ça, ça nous pose un problème.

J'ai eu l'occasion déjà de donner mon opinion sur Innovatech. Je pense que, si on n'avait pas eu Innovatech, par exemple, dans la région de Québec, il y a plusieurs projets qui n'auraient pas vu le jour et qui n'auraient pas, par conséquent, généré ou attiré d'autres investisseurs par la suite et créé finalement un environnement économique où il y a une culture entrepreneuriale qui se développe. Ça, ça m'inquiète. Et je demeure persuadé, pour ma part, qu'il y ait des centres de décision d'investissement près de l'activité, c'est essentiel, on ne peut pas se soustraire à ça, là où la masse critique le justifie. Et, bon, je vis dans la région de Québec. Quand je regarde l'environnement qui se fait, on a parlé tout à l'heure des composantes importantes de recherche d'établissements comme l'université et le CHUQ, on ne peut pas dire qu'il n'y a pas une masse critique suffisante. Alors, ça, c'est ma première préoccupation. S'il y avait une distribution éventuellement de fonds dans les régions selon certains critères, déjà ce serait un premier pas.

Maintenant, moi, je répète que, pour la phase valorisation, qu'on parle d'un fonds d'amorçage complètement autonome ou qu'on parle d'une formule de fonds d'amorçage qui est un partenariat avec des investisseurs, écoutez, on a beaucoup d'imagination, on peut passer par des sociétés en commandite, ça peut être un partenariat plus large, mais il est important d'amener les grands investisseurs institutionnels à participer à la vie active des sociétés comme les nôtres dans le traitement, l'analyse des dossiers. S'il n'y a pas, je dirais, un drapeau, quelque part, qui est mis de l'avant... Bien, encore là, on va nous dire: Bien, écoutez, quand vous aurez des bons projets, venez nous voir à Montréal, ça va nous faire plaisir. La 20 est toujours plus courte de Québec à Montréal que de Montréal à Québec, hein? Ça, il faut le savoir, là. Et donc cette notion de centralisation, je dirais, c'est la préoccupation dominante que, moi, je pourrais mettre sur la table.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Charlevoix et vice-président de la commission.

M. Bertrand: Merci. Je vais m'adresser particulièrement à M. Pedneau que je connais mieux et que je connais surtout pour son dévouement et sa compétence. Je n'hésite pas à vous dire que j'ai une affection particulière pour le groupe SOVAR parce que je pense que vous avez fait jusqu'à maintenant un travail assez extraordinaire dans la région de Québec. Et, à mon sens, vous n'avez pas terminé, et loin de là, le développement que vous pouvez faire dans la région de Québec.

Une chose que j'aurais aimé que vous élaboriez un petit peu, vous avez parlé tout à l'heure du nombre de chercheurs, mais j'aurais aimé que vous élaboriez sur les emplois directs et indirects que votre groupe jusqu'à maintenant a développés.

Le Président (M. Paquet): M. Pedneau.

M. Pedneau (Pierre): Alors, M. le Président, il y a eu un départ en lion au moment où évidemment on a commencé nos activités. Il faut reconnaître que la conjoncture économique était plutôt favorable au développement technologique, et je dirais qu'on a passé par un moment où on avait à peu près à notre actif environ 65 à 70 emplois nouveaux qui avaient été créés, si on inclut les nôtres.

Il y a eu toute une épopée malheureuse évidemment de saga de crédits d'impôt qui nous ont beaucoup nui, là, les positions n'étaient pas claires, ça a été difficile, mais surtout la déconfiture des titres technologiques qui, là, à ce moment-là, a fait disparaître l'intérêt du capital de risque pour les projets. Alors, pour les dossiers qui étaient en montage, évidemment ça a créé un problème.

Je vous dirais qu'actuellement, bon an, mal an, il doit rester pour l'instant à peu près une cinquantaine d'emplois, globalement. On en a perdu à peu près une quinzaine à cause de ces difficultés-là. Par contre, même dans des dossiers qu'on estimait être, à toutes fins pratiques, décédés, si je peux dire, on voit actuellement une certaine reprise. Donc, j'ai l'impression que, si on repart de la bonne manière, les emplois vont revenir et on va continuer la progression.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Charlevoix.

M. Bertrand: Je voudrais continuer dans les questions que mon collègue député de Rousseau a entreprises. Et vous avez commencé là-dessus, votre crainte, et ça, vous n'êtes pas le premier, là, depuis qu'on a commencé, à peu près tout le monde l'a dit, la crainte, s'il y a un fonds, c'est de voir que ce soit dirigé à partir de Montréal. Puis ce n'est pas le fait de Montréal, c'est le fait que c'est à partir d'un endroit central et où les régions ont peur de ne pas s'y retrouver et surtout de ne pas s'y retrouver en fonction de leurs projets qui sont typiques à une région, soit territoriale ou de secteur.

J'aimerais ça que vous élaboriez encore là davantage sur la crainte que vous avez ? parce que vous connaissez très bien la région de Québec ? et par rapport à la région de Québec, par rapport aux groupes existants. Parce qu'il faut admettre que, si j'étais... Nous autres, on veut travailler pour améliorer tout le système, puis une des questions qu'on doit se poser aussi, c'est: Est-ce qu'on garde ce qui existe? Sinon, comment on le modifie? Si je prends, dans la région de Québec, il y a quand même beaucoup de groupes. Le Dr Labrie est venu ici; vous, aujourd'hui; dans deux semaines on va en avoir encore pas mal de groupes; puis les chambres de commerce, tout à l'heure.

Quelle serait pour la région de Québec... Moi, je me préoccupe, là, avec vous de façon très, très, très particulière. Parce que je sais que le ministre est très sensible aussi à ça. Qu'est-ce que ce serait, pour vous, la meilleure structure dans la région de Québec pour atteindre les objectifs non seulement de votre groupe... Parce que vous avez des objectifs très, très pointus ? j'écoutais le Dr Labrie avant-hier ? des objectifs très, très pointus. Je suis un fervent croyant qu'Innovatech, dans la région de Québec, rend des services absolument incroyables. J'ai beaucoup de misère à m'imaginer qu'on doit laisser partir ça. Je ne pense pas. Mais qu'est-ce qu'on pourrait faire pour se donner une structure beaucoup plus forte?

n(11 h 40)n

Moi, je déplore et, vous le savez, vous me connaissez, j'ai toujours déploré comment, à Québec, on est réparti. Vous m'avez vu tantôt blâmer un petit peu, entre guillemets, les deux chambres de commerce de ne pas avoir réussi à mettre ça ensemble. Comment, dans la région de Québec, on peut avoir quelque chose puis des fonds qui vont vraiment atteindre l'objectif que vous et les autres visez, parce que... à des secteurs, des domaines différents?

Le Président (M. Paquet): En une minute...

M. Bertrand: Je sais que ma question est large.

Le Président (M. Paquet): En 1 min 20 s, M. Pedneau.

M. Pedneau (Pierre): Ma réponse, pour commencer, serait... D'abord, si on accepte de regarder ce qui existe et d'essayer de le bonifier, c'est l'interaction entre les partenaires qu'il faut améliorer. Moi, je pense que le travail qu'on fait, il est tout à fait préliminaire et complémentaire à ce qu'Innovatech faisait et on peut resserrer davantage ce partenariat-là à l'étape de démarrage. Ensuite, il faut prévoir, mais dès le début du traitement de nos dossiers, comment les dossiers vont cheminer dans les autres phases de financement et associer de plus gros investisseurs avec nous.

Et ça, si on crée un centre d'attraction, par exemple, je reviens sur la question de fonds d'amorçage, si Innovatech poursuit ses activités et qu'on a une dynamique qui fait qu'on peut compter sur la présence de centres de décision des autres gros fonds à Québec ? et je pense qu'on a la masse critique pour se permettre de demander qu'il y ait des représentants de ces fonds-là ici, à Québec, pour la technologie, ce qui n'est pas le cas actuellement, sauf Innovatech, il n'y en a pas ? on pourrait, à mon avis, bonifier beaucoup cette question-là.

Je rappelle quand même qu'il y a des crédits d'impôt importants qui sont donnés aux grands fonds pour solliciter finalement des souscripteurs, mais tout ce capital-là se ramasse sous gestion à Montréal, il faut bien le reconnaître, là. Alors, je pense qu'on devrait avoir une meilleure redistribution des centres de décision du capital qui est ramassé à la grandeur de la province, mais qui se ramasse sous gestion tout à la même place.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. Pedneau. Alors, M. le député de Roberval.

M. Blackburn: Merci, M. le Président. Comme le mentionnait tout à l'heure le député de Charlevoix, souvent, dans ce genre de commission parlementaire là, on peut avoir un peu l'épiderme un peu fragile. Ce matin, j'étais inquiet d'entendre, moi, mon collègue le député de Rousseau. Je savais qu'il avait eu une grippe cette semaine et que, là, il était affaibli par la maladie, mais je me rends compte tout de suite à son dernier commentaire que, là, la grippe est passée, et on le reconnaît bien avec ses propos souvent d'État paternaliste et de gestion d'une manière vraiment centrée sur l'intervention de l'État, et personne d'autre que l'État ne peut le faire d'une manière aussi bien que ce qu'ils font actuellement.

Nous, ce qu'on propose, c'est de faire des choses différentes, c'est de faire des choses différentes pour arriver à créer plus de richesse, plus d'activité économique. Et, dans ce contexte-là, la commission parlementaire, elle a justement été établie pour qu'on puisse arriver, avec les gens qu'on rencontre, avec les échanges que nous avons, souvent constructifs, souvent évasifs, mais qu'on puisse arriver à trouver des solutions pour faire du Québec une société qui va prospérer économiquement, comme elle se doit de le faire.

Ceci étant dit, vous proposez dans votre mémoire de plafonner les FIR de 300 000 $ à 1 million. Pourquoi qu'on serait obligé de plafonner le montant des FIR qui pourraient être créés, ce qui est proposé dans le rapport Brunet?

Le Président (M. Paquet): M. Pedneau.

M. Pedneau (Pierre): Oui, M. le Président. Ma suggestion, à la lecture du rapport Brunet, c'était que les FIR à 300 000 $ étaient insuffisants, c'était plus, le commentaire touchait plus le niveau inférieur d'investissement que le niveau supérieur. Et j'avais cru sentir qu'on voulait plafonner ces fonds-là, alors j'ai tout simplement suggéré un montant plus haut.

Et, au passage, parce que vous me donnez l'occasion de le faire, je veux quand même mentionner que, quand on a commencé en valorisation, en 1997-1998, entre autres avec des programmes comme celui du PDIR d'Innovatech, on voyait la valorisation comme nécessitant des investissements de l'ordre, mettons, du 100 000 $. Aujourd'hui, on parle de projets... quand on parle de projets structurants, on parle de 500 000 $ à 1 million de dollars. Alors, toute la dynamique a changé, et c'est pour ça qu'il faut que la dynamique financière suive le problème. Mais le million, pour répondre à votre question, ça venait plus du fait de hausser le plancher... enfin, ce plafond-là à 1 million que de le laisser à 300 000 $.

M. Blackburn: O.K. Ce n'est un montant qui résulte d'une étude poussée, là?

M. Pedneau (Pierre): Non.

M. Blackburn: O.K. C'est beau. Merci.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Montmorency.

M. Bernier: Alors, merci. Alors, comme le député de Charlevoix, je suis de la région de Québec, donc on va se parler des choses de Québec. Il y a des belles choses qui se font effectivement à l'Université Laval et en ce qui regarde la recherche. Moi, j'aimerais, au niveau des chercheurs... J'ai eu l'occasion de siéger également sur la commission en ce qui regarde le financement des universités, hein, et l'importance de la recherche au niveau de l'Université Laval.

Donc, présentement, est-ce que vous trouvez, là, que les outils qui ont été mis en place, là, à venir jusqu'à maintenant, ont répondu aux attentes, là, de l'université ou des chercheurs? Est-ce qu'on a conservé nos chercheurs? Est-ce qu'on peut poursuivre leur valorisation? Quelles sont les mesures qu'on pourrait prendre, là, pour être capables de les accompagner, que ces gens-là puissent poursuivre leurs travaux de façon à donner toute l'importance qu'il faut et leur participation aussi au niveau de la grande région de Québec dans son développement économique?

Le Président (M. Paquet): M. Leblanc.

M. Leblanc (Raymond): Alors, M. le Président, enfin je verrais deux volets comme réponse à votre question. Le premier est un petit peu relié au financement des universités, mais ce n'est pas l'objet, j'imagine, des préoccupations de la commission aujourd'hui. Il est clair que, sur ce plan-là, disons, je pense que tout le potentiel qui se retrouve dans le milieu universitaire en termes de sa capacité à générer des nouvelles connaissances puis à produire des nouvelles technologies est un petit peu handicapé par un sous-financement que tout le monde reconnaît. Il faut comprendre que...

Dans le fond, un professeur d'université, moi, souvent je compare à une Ferrari. C'est quelque chose qui a été développé, ça a fait un bac, une maîtrise, un doctorat, cinq ans de postdoc. Il y en a 40 qui ont postulé sur un poste, puis les vieux sages de la place ont regardé, puis ils ont dit: C'est celui-là, le meilleur, puis on le prend. Puis, après ça, on le met dans un système où il y en a un sur cinq qui est financé au niveau de recherche. Et ça, je pense qu'il y a un coût, là, sociétal important qu'on ne voit pas souvent mais qui est là.

Maintenant, une fois que ces gens-là, là, arrivent à produire des choses intéressantes puis qui méritent possiblement, là, d'être commercialisées ou protégées, il est clair que le rôle de l'université, il est un petit peu limité, dans un sens, parce que sa mission essentiellement, c'est de s'assurer que, s'il y a des découvertes intéressantes, qu'éventuellement elles pourront être transférées dans la région immédiate, au Québec et au Canada. Et, nous, on intervient, dans le fond, pour essayer de s'assurer que les découvertes qui sont faites et qui peuvent présenter un intérêt seront protégées. Alors, on sollicite les chercheurs, on les sensibilise à l'idée de protéger ces choses-là à travers des copyright, à travers des brevets. Mais, une fois qu'on a fait ça, notre rôle est un petit peu comme partiellement complété, dans le sens qu'on ne veut pas, à l'université ? puis je ne pense pas que je déborde, là, du mandat de l'université dans ce sens-là ? se lancer dans la partie qui serait davantage celle de mettre sur pied des entreprises, puis de chercher du capital, puis de financer ces opérations-là.

Et c'est dans ce contexte-là qu'une société comme SOVAR vient un peu à notre secours. Une fois que l'idée est protégée puis qu'on a estimé qu'il y avait un potentiel, on essaie de transférer le dossier à SOVAR pour qu'il prenne le relais et pousse plus loin pour voir si effectivement on peut vendre ce produit-là puis il y a un intérêt pour une certaine entreprise à le développer puis à l'utiliser.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. Leblanc. M. Rouleau, vous voulez compléter?

M. Rouleau (René): Peut-être un complément pour M. Bernier, c'est que, s'il y a une chose qui est primordiale pour votre gouvernement, pour le gouvernement, c'est de ne jamais oublier de financer la base, c'est-à-dire, via les fonds, par exemple, du FRSQ, en santé, ne jamais perdre de vue qu'il faut financer à la base, préparer la relève, les chercheurs, toujours maintenir une continuité d'action parce que, si, par exemple, pour des raisons...

Vous allez avoir des choix budgétaires importants à faire dans les prochaines semaines. Si, pour des raisons particulières, vous devez faire une rupture dans les investissements à la base auprès des jeunes chercheurs, ça va avoir des répercussions sur de nombreuses années. C'est quasiment un programme de départs involontaires, ça, de ne pas subventionner la base des chercheurs. Et ça, ce sont des jeunes qu'on développe sur des très longues périodes de temps. Quand on arrive pour recueillir les fruits, les programmes de chercheurs-boursiers, les programmes du FRSQ ne sont plus présents, et là on a une cohorte, on a une rupture qui vont faire en sorte qu'on va souffrir pendant quatre, cinq ans. Et ça, je vous dirais, c'est très, très, très pour le gouvernement d'investir à ce niveau-là.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Montmorency.

M. Bernier: D'où l'importance de maintenir nos entreprises de développement économique, là, d'une façon... avec un pouvoir régional dans ce sens-là tout en étant ouverts au niveau des échanges technologiques, ou de connaissances, ou d'expertises avec l'extérieur. C'est ce volet-là que vous voulez faire ressortir.

M. Rouleau (René): Tout à fait.

M. Bernier: Et maintenir nos outils de développement économique, là, régionalement. Et, que ce soit la région de Québec, ou que ce soit la région de Sherbrooke, ou ces choses-là, à ce moment-là ça devient ce que j'appellerais des ponts d'ancrage par rapport aux autres organisations.

M. Rouleau (René): Exactement.

M. Bernier: Merci.

Le Président (M. Paquet): Il reste une minute sur le bloc. On pourra la reporter tout à l'heure, si vous préférez. Il y a un autre deux minutes tantôt. Ça fait qu'on l'ajoutera tout à l'heure, alors. M. le député Charlevoix.

M. Bertrand: Merci. Vous dites, à la page 11: «Nous partageons l'avis soulevé par plusieurs à l'effet que le soutien à la valorisation... la démonstration de faisabilité technico-économique doit continuer à être soutenu par l'État. Ce soutien devrait même être accru.» J'aimerais ça que vous en parliez un petit peu plus.

Le Président (M. Paquet): M. Pedneau.

M. Pedneau (Pierre): Oui. Merci, M. le Président. Ce que j'ai en tête ici, c'est qu'on avait, si vous regardez... D'abord, première chose, il y a 50 millions qui ont été mis par VRQ dans les quatre sociétés pour cinq ans. En ce qui a trait à SOVAR, ça donne 2 millions par année. C'est déjà beaucoup mieux que rien, je pense que ça a été un bon point de départ, puis mon impression, c'est qu'on a quand même bien utilisé ces argents-là.

n(11 h 50)n

Je pense qu'il faut envoyer un signal aussi aux investisseurs privés institutionnels parce que, à l'étape où on est, je ne pense pas qu'il soit réaliste de penser que des individus vont s'impliquer. Il faut donc assurer d'abord à ces gens-là que, s'ils s'investissent avec nous, ils s'impliquent dans la phase valorisation, pas le tamisage, le départ, mais à partir du moment où on a un projet qui commence à avoir une certaine allure, que la continuité du service offert par la société va être là. Et ça, c'est la question qu'on nous pose. Quand je regarde, par exemple, les grands fonds avec lesquels on est en discussion, on nous dit: Oui, on veut bien faire partenariat avec vous, mais comment allez-vous nous assurer que vous allez encore là dans deux ans, dans trois ans, dans cinq ans? Et je pense que... Ça, c'est un premier point.

La deuxième chose, leur façon de voir les choses, c'est de dire: On veut être coinvestisseurs avec vous. Alors, ce que je dis, c'est que, si on veut augmenter la cadence, si on veut aller chercher des fonds et se servir des argents que l'État peut contribuer à cette fonction-là comme effet de levier, il faut que nos aspirations, telles que présentées aux investisseurs, suivent. Et ce n'est pas trois fois le budget dont on a disposé dont je parle mais au moins l'équivalent ou peut-être un peu plus, et je pense qu'avec ça on peut faire un bon bout de chemin pour quelques années.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Charlevoix.

M. Bertrand: Je lisais... J'essaie de le retrouver, là, mais je lisais à quelque part que, quant au démarrage... Et ça, encore là, depuis deux jours, ça nous revient, et à peu près tout le monde s'entend pour dire que, sur le démarrage, l'État doit soit demeurer ou être encore là davantage. C'est quoi, votre opinion, de façon un peu plus précise là-dessus, là? Parce qu'on sait qu'on l'a, nous autres, la problématique, comme État, là: Qu'est-ce qu'on fait avec ça?

Le Président (M. Paquet): M. Pedneau.

M. Pedneau (Pierre): Merci, M. le Président. Si on a des partenariats qui sont mieux articulés avec des investisseurs institutionnels, les discussions qu'on a avec certains actuellement sont que, dès lors qu'on investirait dans la valorisation, l'étape de valorisation d'un projet, certains d'entre eux ont comme politique de mettre en réserve un certain montant d'argent pour le démarrage, pour les investissements... ils appellent ça les investissements de suite, là, qui précèdent une ronde A. Et, nous, ce qu'on veut, c'est établir des partenariats avec ce type d'investisseur là qui a, je dirais, une culture d'investissement dans des entreprises en démarrage et qui prévoit que, oui, probablement qu'on va manquer d'argent tantôt.

Et la réponse à votre question, ce serait que, si on bâtit ce type de partenariat adéquatement et qu'on établit les bons modèles, peut-être qu'à ce moment-là l'intervention de l'État à l'étape démarrage d'entreprise, même si c'est important qu'il demeure, peut être moindre. Donc, c'est le dosage entre: Est-ce qu'on est mieux de mettre l'argent dans la préparation de meilleurs dossiers, qui diminue le risque de l'investisseur, et il va accepter à ce moment-là d'embarquer plus tôt dans le processus, ou on essaie de compenser le risque financier? Ça revient un peu à l'équilibre dont je parlais tout à l'heure.

M. Bertrand: Et vous êtes conscients...

Le Président (M. Paquet): M. le député de Charlevoix.

M. Bertrand: Vous êtes conscients qu'entre ce que vous faites, qui est dans un domaine très, très pointu, et ce que d'autres domaines font ? je pense à la petite et moyenne entreprise ? qu'il y a toute une marge. Est-ce que le besoin demeure quand même dans la petite et moyenne entreprise? On ne parle pas des mêmes montants, mais auriez-vous la même façon de voir?

Le Président (M. Paquet): M. Pedneau.

M. Pedneau (Pierre): Bien, si on regarde dans le rapport Brunet, il y a essentiellement deux ratios qui sont proposés, là. Bon, on peut les discuter, ça peut être 50-50, deux tiers-un tiers, un tiers-deux tiers. Mais c'est certain que, si on veut que les investisseurs mettent plus d'argent dans les premières étapes de démarrage d'entreprises, tous dossiers confondus, là, certains incitatifs sont nécessaires, ça, je crois que oui. Il s'agit de savoir c'est quoi, le dosage de l'incitatif, c'est quoi, le niveau de l'incitatif. Alors, est-ce que c'est un crédit d'impôt? Est-ce que c'est une contribution monétaire? Mais je pense que les deux vont avec l'autre. Dans le domaine technologique, nous, notre thèse, c'est de dire: Il faut vraiment réduire le risque. Et, dans les autres types d'entreprises, si on veut en créer plus, qu'il y ait des incitatifs, ça me paraît bien logique aussi.

M. Bertrand: Je reviens sur ma question de tout à l'heure, vous avez manqué de temps. Puis là il nous reste à peu près quatre minutes, si je comprends bien, à peu près.

Le Président (M. Paquet): 4 min 44 s.

M. Bertrand: J'aimerais ça revenir sur ça. Dans la région de Québec, on sait qu'il y a beaucoup d'organismes qui sont impliqués. Les dirigeants gouvernementaux ont à regarder aussi, puis, nous, on insiste, à peu près tout le monde, pour dire: On se préoccupe ? quand on est avec des groupes de Québec, en tout cas ? de la région de Québec. Vous avez Innovatech que vous dites carrément dans votre rapport que vous voulez voir rester. J'imagine que vous voulez le voir développer. J'aimerais ça que vous en reparliez davantage. Vous avez Pôle Québec. Pour faire plaisir au maire de Lévis, je ne parlerai pas de Pôle Québec Chaudière-Appalaches, je vais parler uniquement de Pôle Québec. Et vous avez d'autres groupes. Et puis vous avez aussi évidemment l'économie sociale, vous avez la petite et moyenne entreprise qui... des besoins différents. Ça veut dire qu'il y a beaucoup de domaines, puis ils ont tous leur place, on s'entend, parce que, moi aussi, je suis très, très favorable au développement de l'entrepreneurship.

D'abord, sur Innovatech, est-ce que, si jamais le gouvernement décidait de les maintenir en place, ils devraient être limités à ce qu'ils font actuellement ou avoir quelque chose d'un peu plus élargi pour créer le moins possible de nouveaux organismes, de nouvelles structures? Est-ce que, selon votre connaissance d'Innovatech, il y a quelque chose à travailler là? Est-ce que Pôle Québec, selon votre connaissance ? parce que je sais que vous savez aussi ce que Pôle Québec fait ? selon votre connaissance, est-ce que là aussi il y a quelque chose à faire? En particulier ces deux domaines-là, là.

Le Président (M. Paquet): M. Pedneau.

M. Pedneau (Pierre): Oui. Merci, M. le Président. Sur la question des Innovatech, évidemment, je ne suis pas l'expert du capital de risque universel, mais on s'est concentré, en ce qui nous concerne, beaucoup sur notre mission et ce qui l'entoure, moi, je maintiens qu'Innovatech ou un équivalent doit être maintenu dans la région de Québec puis que, quand on a quelque chose, avant de le défaire puis recommencer, ma recommandation serait de dire: Regardons donc comment ça fonctionne puis, s'il y a des améliorations à apporter, apportons-les. Et c'est de bien consolider, de bien consacrer le rôle, je pense, de l'organisme.

Pôle, je le vois comme un animateur du milieu, comme un organisme qui a un survol évidemment et qui voit qui sont les joueurs en place et qui peut faire le meilleur travail pour que... Mais c'est ma lecture à moi, là, je vous donne mon opinion. Et je pense que, si Pôle joue son rôle d'animateur et sait bien délimiter les rôles de chacun, susciter des complémentarités, il peut faire beaucoup pour la région. Il y a tout le volet international, il y a le volet également, là, de... qu'il faut qu'il soit fait. C'est peut-être moins à une société de capital de risque de se promener partout dans le monde, sauf peut-être pour des dossiers spécifiques, et je vois Pôle plus dans une mission comme celle-là. Maintenant, je n'ai pas fait, là, d'analyse macroéconomique de la région, je ne voudrais pas me mêler des affaires qui sont celles des autres, mais c'est un peu ma réaction, là, à votre commentaire, à votre question.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Charlevoix, il reste encore deux minutes et demie.

M. Bertrand: Dans une vie antérieure, on s'était rencontré, puis vous sembliez me dire que ? parce que je sais que vous frappez à beaucoup, beaucoup de portes pour financer votre groupe ? vous sembliez me dire que c'était loin d'être facile. Et là je laisse de côté toute la question des crédits d'impôt qui sont arrivés à un moment donné, la problématique qu'on connaît, vous et moi, là. Mais, dans cette recherche-là d'argent, si vous étiez au gouvernement puis que vous aviez à pointer de façon particulière ceux qui montrent de l'intérêt ? on a eu quelqu'un qui est venu parler des fonds de pension, entre autres ? vous diriez qu'on devrait aller vers quelle forme d'investisseurs où ce serait le plus facile d'encourager à faire du...

Le Président (M. Paquet): M. Pedneau.

M. Pedneau (Pierre): Si je regarde ce qui nous intéresse, là, quand on parle de la notion d'un fonds d'amorçage en valorisation, là, de technologie et pas d'amorçage d'entreprise, là, on est tellement en amont que je serais très étonné qu'on puisse vraiment susciter l'intérêt de d'autres groupes que des investisseurs institutionnels de grande taille et, enfin, les grands fonds qu'on connaît au Québec et au Canada parce que ça demande une expertise. Et on voit même qu'au niveau de certains grands fonds, là, il y a une certaine crainte, hein, on dit: Oui, on en a fait, mais on n'est pas vraiment si experts que ça, puis, si on pouvait s'associer à quelqu'un d'autre qui a une bonne expertise, ça nous aiderait à nous convaincre d'embarquer là-dedans. Et c'est déjà assez difficile au niveau de ces grands fonds là. Les fonds de pension, je les vois plus conservateurs, je ne pense pas qu'ils viendraient aussi en amont. Peut-être dans les phases subséquentes, là, on parle de d'autres types d'entreprises où, là, le risque technologique est peut-être moins grand, ça, c'est peut-être possible, mais je n'ai pas vraiment approfondi la question, encore là, vous comprenez.

Le Président (M. Paquet): M. le député, ça va? O.K. Merci. Donc, M. le ministre du Développement économique et régional.

M. Audet: Alors, MM. Leblanc, Rouleau, Pedneau et donc Van Neste, je voudrais vous remercier pour votre présentation mais, en terminant, peut-être vous poser une question qui fait le lien en quelque sorte entre ce que vous faites et évidemment la tâche qu'on a au gouvernement d'essayer d'appuyer l'industrie. Je rencontrais, l'autre jour, l'Association des industries de biotechnologie, qu'on a vue d'ailleurs hier avec BIOQuébec, et je leur posais la question comment justement étaient leurs relations avec les sociétés de valorisation. Et on m'a fait part ? je vous le dis un peu comme ça m'a été mentionné ? que ce n'était pas facile de faire le lien, dans leurs entreprises, le pont entre... de négociation en quelque sorte, de valoriser, en fait, un concept, une preuve de concept, puis... pour lancer une entreprise, c'était compliqué. Et ils attribuaient ça parfois évidemment au fait que ça avait des cultures, mais aussi le fait qu'il y a une négociation, il y a des approches qui sont différentes.

n(12 heures)n

Quelle est votre évaluation, à vous, vu du côté des sociétés de valorisation? Comment se fait l'interface avec les entreprises quand vous avez des négociations? Vous avez fait plusieurs... Justement, je vois que vous avez contribué à lancer des entreprises là-dedans. Comment se fait ce pont-là? Et, au-delà de l'aspect financier, est-ce qu'il y a deux cultures qui se rencontrent facilement? Cet aspect-là est très important aussi parce que, quand on parle d'entrepreneurship, c'est ce pont-là qu'il faut faire aussi. Alors, j'apprécierais avoir votre avis là-dessus.

Le Président (M. Paquet): M. Pedneau.

M. Pedneau (Pierre): Oui, merci. Écoutez, si on parle... Évidemment, là, on parle plus spécifiquement du démarrage d'entreprises dérivées. Bon. Quand on parle de négociations difficiles, souvent on va référer à quelle est la part que les chercheurs ont dans l'entreprise, qu'est-ce que, par exemple, au nom de ces commanditaires, la Société de valorisation demande. Je répète que c'est au nom des commanditaires, ce n'est pas juste la société qui décide toute seule, et ça, il y a beaucoup d'éléments culturels dans ça.

Il faut comprendre une chose, c'est que les gens comprennent assez mal au départ ce qui se passe lorsque des investisseurs successifs entrent dans une entreprise, les effets de dilution, et tout ça. Et, quand ? supposons, je vous donne des chiffres ? on dit aux chercheurs: On veut démarrer une entreprise, nous, pour les commanditaires, les droits d'exploitation, on prend, supposons, 40 % de l'entreprise et le chercheur a 60 %. Certains vont crier au scandale: Ça n'a pas de bon sens, c'est trop. Mais, quand on regarde, si on démarre l'entreprise de cette manière-là, ce qui se passe rendu à une ronde A, par exemple, la part qui reste pour les commanditaires et SOVAR, elle est relativement réduite et souvent, à cause de programmes d'option, si on leur montre le bon modèle d'investissement et le bon modèle de financement, si les chercheurs sont actifs dans la croissance de la valeur, ils vont se repositionner. Ça, c'est un élément, je dirais, de culture. Il faut que les gens apprennent à se comprendre pour bien expliquer les modèles.

L'autre difficulté, c'est lorsque les investisseurs commencent à rentrer, et là il y a toute une négociation. Je ne dis pas que c'est simple, hein. C'est compliqué. C'est vrai, ça l'est, il ne faut pas se le cacher. Mais ce qu'on essaie de faire justement avec les investisseurs qu'on estime être les plus compétents dans le domaine, c'est d'établir des modèles d'investissement qui font que tout est connu d'avance. Alors, s'il faut mettre en place des régimes d'option de ci, de ça, on le sait à l'avance et surtout négocier des conditions de financement qui font qu'il n'y a pas de cachette. On peut...

Parce que, quand arrive un premier investisseur ? ça, c'est un autre élément de frustration ? l'investisseur va dire: Bien, moi, je mets 1 million, mais ça me prend 30 % de la compagnie ou 40 %. Ça, ça fait sauter évidemment la marmite, des fois. Sauf que le 30 % en question, il est aussi assorti d'une lettre d'offre ou d'une convention d'actionnaires et dans certains cas les investisseurs sont moins gourmands, mais vous avez des «ratchets», vous avez ci, vous avez ça, et puis là ça cause des problèmes. Ça fait qu'il y a tout ça à bâtir.

Mais la réponse à votre question, écoutez, il y a un apprentissage actuellement, on n'est jamais allé aussi en amont de façon proactive dans la valorisation, dans le démarrage d'entreprise à une étape où il n'y a pas encore de valeur dans l'entreprise, alors nécessairement les pourcentages ne sont pas les mêmes, puis les gens comparent un dossier dans lequel il y a déjà 3 millions de financement à un dossier dans lequel il n'y a rien. Alors, évidemment, ça explique un peu les écarts.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Malheureusement, le temps est écoulé. Alors donc je remercie M. Pedneau, M. Leblanc, M. Rouleau et M. Van Neste pour votre participation à nos travaux, au nom de la commission.

Je suspends pour une minute et demie, pour permettre au prochain intervenant, Gestion T2C2/Bio, de venir nous rejoindre à la table. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 3)

 

(Reprise à 12 h 8)

Le Président (M. Bertrand): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, de façon à ne pas retarder trop, trop nos travaux, nous allons commencer immédiatement. M. le ministre s'excuse, il avait une petite urgence, si je comprends bien. Alors, M. Coupal, vous faites votre présentation, s'il vous plaît.

Gestion T2C2/Bio inc., Gestion T2C2/Info inc.

M. Coupal (Bernard): Alors, M. le Président de la commission, mesdames et messieurs, je tiens, en premier lieu, à remercier le gouvernement du Québec de me donner l'occasion d'exprimer mes vues sur le Rapport du groupe de travail sur le rôle de l'État québécois dans le capital de risque.

n(12 h 10)n

T²C², qui, en premier lieu, signifie transfert, technologie, commercialisation, capital, regroupe trois sociétés en commandite, deux dans le secteur de la biotechnologie et une dans le domaine des technologies de l'information. Je suis le président commandité de ces trois sociétés, et nous avons sous gestion un total de 165 millions de dollars investis par huit commanditaires, à savoir la Caisse de dépôt et placement, Bombardier Trust, le Fonds de solidarité FTQ, la Banque de développement du Canada, la Caisse des dépôts et des consignations de France, la Banque Royale, la Société Innovatech du Grand Montréal et finalement un groupe de Toronto, le Canadian Medical Discoveries Fund. T2C2 détient actuellement dans son portefeuille 26 sociétés en biotechnologie et neuf en technologie de l'information et oeuvre dans le démarrage d'entreprises. La très grande majorité de ces sociétés sont situées dans la région de Montréal, mais nous avons également des sociétés ici, à Québec, et à Sherbrooke.

Le gouvernement du Québec, au cours des 15 dernières années en particulier, a joué un rôle déterminant dans le développement du secteur en mettant en place un train de mesures directes et indirectes. On peut certes affirmer que, sans la contribution gouvernementale, la biotechnologie, pour utiliser un secteur en particulier, n'aurait pas connu le niveau de développement qu'elle possède actuellement. En 2003, le nouveau gouvernement libéral, dans un geste fort compréhensible, s'interroge sur son rôle de bailleur de fonds de capital de risque et a mis en place un groupe de travail chargé d'examiner le secteur et de proposer des pistes de solution. On ne peut qu'être d'accord avec cette décision.

J'aimerais maintenant prendre le temps qui m'est alloué pour commenter certaines recommandations mises de l'avant par le rapport Brunet et apporter mes suggestions qui proviennent essentiellement de mes années d'expérience dans le secteur du capital de risque. Le rapport Brunet établit comme toile de fond que le capital de risque québécois est composé de façon trop importante de fonds publics et que le secteur privé n'est pas assez présent. La conclusion qui s'impose est donc de trouver des façons appropriées de diminuer la part de l'État québécois au bénéfice du secteur privé. Personne ne va contester cette recommandation, et elle va recevoir l'unanimité. Cependant, il s'agit d'une transformation d'envergure et d'un changement de culture qui vont demander une période de transition importante. Il faudra procéder avec vision, patience et continuité.

Vision, d'abord pour reconnaître que le secteur de la haute technologie en général et de la biotechnologie en particulier constitue un actif significatif du paysage technologique québécois et qu'il regroupe une industrie qui est jeune, fragile et morcelée. Vision, également pour reconnaître que la biotechnologie constitue une porte de sortie pour amener au milieu commercial les résultats issus de la recherche universitaire et, par le fait même, rentabiliser les efforts financiers consentis par le gouvernement pour soutenir ces efforts de recherche. Vision, finalement pour reconnaître aussi que le secteur des technologies de l'information a besoin de ressources pour assurer la commercialisation de ses produits et que cette phase de développement est coûteuse mais essentielle.

En second lieu, il faudra faire preuve de patience pour reconnaître que le secteur de la haute technologie inclut toujours, en plus du risque commercial, un risque technologique élevé et que ce risque technologique est d'autant plus élevé que le projet est éloigné de la commercialisation. Patience, pour admettre que le secteur privé, dont on recherche la participation, va nécessairement demander au secteur public d'assumer une partie des risques technologiques avec lui et que cette transformation prendra du temps. Patience, pour également accepter que le secteur de la biotechnologie en particulier nécessite des périodes de développement qui sont longues et que la majorité du parc biotechnologique québécois est composé de compagnies encore dans ce que j'appellerais le devenir commercial mais indéniablement susceptibles de participer à moyen et à long terme au développement de la richesse collective du Québec.

Finalement, continuité, pour résister à la tentation de gaspiller les efforts déjà consentis, efforts qui ont d'ailleurs commencé à générer des résultats importants. Et finalement, continuité, pour consentir les sacrifices requis pour poursuivre le développement de ce secteur et éviter de céder à la tentation de jeter le bébé avec l'eau du bain sous prétexte qu'il y a urgence dans d'autres secteurs.

Dans ce contexte, examinons les principales recommandations du rapport Brunet en ce qui a trait au capital de risque. La première recommandation est la création d'un fonds mixte public-privé pour participer au financement du démarrage des sociétés. Nous prenons pour acquis que le terme «démarrage» inclut non seulement la toute première ronde de financement, mais également les deux ou trois rondes qui suivent et qui permettent aux compagnies d'avoir atteint, dans le cas de la biotechnologie, le droit d'initier leurs essais cliniques et, dans le cas des technologies de l'information et des technologies industrielles, d'avoir complété leur prototype et leur logiciel.

Identifier le démarrage comme étape qui inclut uniquement le premier investissement est une grave erreur et une méconnaissance complète du secteur. En effet, après ce premier investissement, totalisant ordinairement quelques centaines de milliers de dollars, sommes qui ont souvent permis la validation d'un concept, la compagnie ainsi financée est encore beaucoup trop éloignée des marchés pour intéresser les investisseurs de capital de risque plus traditionnels et non impliqués dans le démarrage d'entreprises. Sans la présence des mêmes investisseurs que ceux du départ, dans les deux ou trois rondes successives, la compagnie ne pourra pas se financer et, si elle le peut, les conditions qui lui seront offertes entraîneront des dilutions excessives autant pour les fondateurs que pour les investisseurs de départ. Il faut donc garder cet aspect à l'esprit lorsqu'on parle de capital de démarrage.

Nous souscrivons à une telle recommandation de la création d'un fonds mixte en autant que la notion de démarrage est celle que nous avons brièvement établie. Il se pourra cependant que la participation du privé n'atteigne pas dès le départ le ratio proposé de un tiers- deux tiers. Le gouvernement devrait pouvoir trouver une approche lui permettant de participer au départ à des pourcentages plus élevés avec la possibilité de vendre sa participation au secteur privé au fur et à mesure que ce dernier se manifeste. Pour assurer la meilleure flexibilité à ce fonds, la structure légale devrait être celle de la société en commandite, véhicule normalement utilisé pour les fonds de capital de risque. Pour assurer le meilleur choix possible du commandité de ce fonds, ce même commandité devrait être identifié et choisi par les commanditaires par le truchement d'appels d'offres, selon des critères préétablis et connus de tous.

Il y a cependant un addendum à cette recommandation qui apparaît dans le rapport Brunet, addendum qui à mon avis va nuire considérablement à la présence du secteur privé dans ce fonds mixte, et il s'agit de la limite de 2,5 millions de dollars imposée au fonds mixte pour ses investissements dans chacune des sociétés. Nous comprenons l'objectif que poursuit une telle recommandation, soit celui de prévenir que ce fonds mixte devienne un fonds d'investissement de projets qui se situent plus en aval et diluent sa mission première au soutien du démarrage. Cependant, un partenaire privé n'acceptera jamais de se voir empêcher de réinvestir dans une ou deux rondes successives, et ce commentaire reprend en quelque sorte ce que nous avons énoncé précédemment. S'il est empêché de le faire, ce fonds mixte se verra énormément dilué par les nouveaux investisseurs. Il faudrait, par exemple, établir la limite non pas au niveau de 2,5 millions, mais aux environs de 10 millions, comme nous faisons chez T²C².

n(12 h 20)n

Une autre recommandation a trait à la mise en place d'un fonds privé pour participer au soutien des essais cliniques dans le secteur de la biotechnologie ou pour soutenir l'expansion des sociétés oeuvrant en haute technologie. Nous souscrivons également à cette mesure, mais il nous apparaît que la mise en place d'un tel fonds serait grandement facilitée par une participation active du gouvernement comme commanditaire ayant des lois identiques aux autres commanditaires. S'il le désire, le gouvernement pourrait avoir des conditions de sortie au fur et à mesure que les investisseurs privés se manifestent. Encore une fois, le commandité serait identifié par le truchement d'appels d'offres.

Le rapport suggère également la dissolution des sociétés Innovatech. Ces dernières ont joué un rôle crucial dans le développement du capital de risque au Québec. Et je ne partage pas l'opinion exprimée dans le rapport Brunet que les sociétés Innovatech ont empêché le capital privé de prendre sa place. La place était libre depuis fort longtemps, et pourtant le capital privé se laissait désirer. L'arrivée des sociétés Innovatech sur le marché de l'investissement technologique a au contraire accéléré la syndication des investisseurs provenant en grande majorité des institutions financières. Je peux personnellement en témoigner, car j'ai été président-directeur général de la Société Innovatech du Grand Montréal de 1992 à 1997, c'est-à-dire au tout début de la société.

Il y a, chez les sociétés Innovatech, un ensemble de qualité fait d'expertise, d'engagement, de crédibilité et de réseaux de contacts. Il faudrait veiller à conserver ces actifs d'une façon ou d'une autre. Les sociétés Innovatech opèrent actuellement avec un seul actionnaire, soit le gouvernement du Québec. Y aurait-il lieu de demander à ces sociétés Innovatech, durant une phase de transition de deux ans, disons, d'élargir la base de leur actionnariat avant de signer leur dissolution? C'est à mon avis un aspect qu'il faudrait examiner, et cet aspect serait encore plus important pour les sociétés Innovatech qui opèrent en région, comme à Québec et à Sherbrooke.

Je voudrais, avant de terminer, souligner un point qui m'apparaît important et qui a trait à la continuité que toute politique d'investissement doit avoir. Le développement de la haute technologie se fait par le truchement de phases intermédiaires qui rapprochent de façon constante la technologie à la commercialisation. Chacune de ces phases possède ses niveaux de risque, ses perspectives de rendement et ses adeptes intéressés au financement. Pour prendre l'exemple de la biotechnologie, le développement sous-tend plusieurs années allant de la validation de cibles thérapeutiques à l'apparition du médicament sur le marché, en passant par les différentes phases d'essai clinique chez les humains. Il faut éviter qu'il y ait carence d'investisseurs dans certaines de ces phases et veiller à la continuité dans le financement. C'est là à mon avis un des rôles du gouvernement.

Quelles que soient les mesures nouvelles mises en place, il y aura une période de transition. Et je suis heureux de constater que le rapport Brunet reconnaît cet élément et qu'en quelque endroit du rapport il mentionne une période pouvant aller jusqu'à trois ans. On doit cependant, pendant cette période, s'assurer qu'une certaine continuité s'installe pour préserver et même continuer à développer les actifs que notre société a mis tant d'efforts à construire depuis 15 ans. Merci beaucoup.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. Coupal. Alors, M. le ministre, est-ce que vous voulez prendre la parole ou... M. le député de Roberval, adjoint parlementaire du ministre du Développement économique et régional, vous avez la parole.

M. Blackburn: Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, M. Coupal, ça a été une présentation très intéressante. Je pense que vous apportez des pistes de solution qui peuvent être très utiles à la commission parlementaire dans laquelle nous nous trouvons justement pour arriver à être en mesure de faire des choses différemment pour pouvoir créer une activité économique encore plus importante.

Dans votre mémoire, M. Coupal, vous mentionnez bien sûr qu'au niveau des Innovatech il doit y avoir une participation ou des moyens mis de l'avant pour favoriser l'implication du privé. Cette semaine, on avait l'occasion d'entendre des gens ? mardi ? qui venaient nous dire, entre autres, pour pouvoir permettre aux sociétés Innovatech de faire une place au privé, de faire un genre de transformation en société en commandite en roulant les actifs de la société Innovatech dans cette nouvelle société là en commandite qui serait formée pour permettre l'intégration du privé à l'intérieur de ces différentes sociétés là.

D'après vous, quelle mesure ou quel incitatif devrait-on mettre de l'avant pour justement favoriser la pénétration des investissements privés dans le domaine du financement de capital de risque?

Le Président (M. Paquet): M. Coupal.

M. Coupal (Bernard): Bien, il faut évidemment créer une société en commandite. Et rouler les actifs des sociétés Innovatech, ça, c'est le premier élément. Mais le deuxième élément encore, je dirais, plus important, c'est de convaincre certains acteurs du secteur privé dans les régions, par exemple, de participer au financement. Il faut absolument diluer la présence du gouvernement dans les Innovatech. Parce que le gouvernement ne peut pas être partout à la fois, bon, tout le monde comprend ça. Alors, il faut donc que des acteurs privés puissent investir.

Maintenant, ils vont investir évidemment s'il y a des conditions intéressantes. Et c'est dans ce sens que mon intervention incorporait plusieurs rondes de financement dans le cadre du démarrage. Vous allez avoir beaucoup de difficultés à convaincre les investisseurs privés d'investir uniquement dans la première ronde de financement, alors que le projet est à un risque technologique excessivement élevé. Le privé ne voudra pas investir dans une telle aventure. Mais, si, dans le cadre des Innovatech, elles peuvent non seulement participer au démarrage des sociétés, mais également continuer d'investir dans les rondes qui suivent alors que le risque technologique diminue dans le temps au fur et à mesure que la société développe de la valeur, bien là il sera plus possible à mon avis de convaincre des investisseurs de la région de participer financièrement, comme commanditaires, à cette société en commandite qui pourrait éventuellement remplacer les Innovatech.

Je vais vous donner un exemple. Je prends la région de Sherbrooke que je connais bien parce que j'ai passé plusieurs années à Sherbrooke. La région compte une université excessivement dynamique, une université où l'innovation technologique a connu énormément de succès. Je ne vois pas pourquoi le fonds de pension des employés de l'Université de Sherbrooke n'investirait pas une partie de son capital dans une société en commandite qui précisément contribue à développer les inventions qui viennent de l'Université de Sherbrooke. Alors, je pense qu'il faudrait examiner cette possibilité-là. Nous avons, chez T2C2, des investissements dans la région de Sherbrooke que nous avons faits conjointement avec Innovatech sud du Québec d'inventions de haute qualité, à haut potentiel commercial qui viennent de l'université. Alors, si la région veut absolument conserver la Société Innovatech ? et je pense qu'elle devrait le faire ? bien, c'est à elle de prendre les mesures appropriées pour relaxer un petit peu la position gouvernementale comme commanditaire.

Le Président (M. Paquet): M. le ministre du Développement économique et régional.

M. Audet: Oui. Je m'excuse, M. Coupal, comme vous avez vu, tantôt, j'ai dû m'absenter quelques minutes. Alors, j'ai évalué votre mémoire et je voudrais d'abord évidemment souligner non seulement sa qualité, mais votre expérience. Évidemment, je vous connais depuis un bon moment, on a eu à collaborer à plusieurs reprises sur plusieurs sujets justement touchant le capital de risque, et vous avez participé à des tables rondes d'ailleurs là-dessus à plusieurs reprises, donc je pense que vous êtes une autorité en la matière et je pense que votre présentation en témoigne largement. Et vous avez justement soumis des recommandations qui sont très constructives, je dois dire. Évidemment, vous connaissez bien le domaine, donc vous avez abordé le sujet en disant: Oui, il faut trouver des façons justement de le faire, mais il faut le faire correctement. Il ne faut pas effectivement perdre en quelque sorte nos acquis. Et vous en faites des propositions qui sont très concrètes. Je voudrais peut-être...

n(12 h 30)n

Justement, vous avez eu à travailler beaucoup avec notamment Innovatech dans la région de Montréal et d'autres Innovatech, vous venez de l'évoquer, évidemment il y a, comme vous le savez... Comme je l'ai dit dès le début, le gouvernement n'agira pas dans la précipitation là-dedans, c'est très clair. D'ailleurs, ce serait contre-indiqué, puisque, si on voulait faire des ventes rapides, vous savez qu'en affaires ce n'est jamais une bonne affaire. Donc, il faut laisser le temps au temps et justement au contraire profiter de la valorisation des placements justement pour essayer d'en tirer partie le plus possible. Donc, c'est une question même de bonne gestion que de prendre son temps là-dedans. Donc, même la période qui était prévue, la transition, c'est des choses qui vont être regardées avec toute l'attention justement et le jugement qu'on peut, qu'on doit y apporter.

Ma question justement a trait à cette... Vous dites: Oui, il faut effectivement intégrer cette opération... plus de capital privé. Il y avait des propositions dans le rapport qui concernaient, qui visaient la création de fonds spécialisés justement, c'est une hypothèse. Il y a aussi l'hypothèse d'utiliser la base même que constitue le portefeuille d'investissement d'Innovatech. Il y a quand même... Le gouvernement y a mis du capital jusqu'à présent, dans le cas d'Innovatech Montréal, de 342 millions et 580 millions au total. La valeur aux livres n'est pas ça, mais ça a quand même une valeur importante, il y a des placements importants là-dedans.

C'est quoi, le... Vous qui regardez ça comme observateur justement attentif depuis longtemps, quel conseil donneriez-vous au gouvernement dans cette approche-là? Est-ce que c'est plus prometteur d'utiliser la base des Innovatech actuelles, particulièrement Montréal, pour aller chercher du capital ou de travailler sur la base d'un nouveau concept qui amènerait le capital privé? Parce que c'est, au fond, ces deux scénarios-là. Tout le monde partage les mêmes objectifs. Il s'agit de savoir quelle est la meilleure façon de faire le passage, au fond, de l'un à l'autre. C'est quoi, votre vision là-dessus?

Le Président (M. Paquet): M. Coupal.

M. Coupal (Bernard): Si j'étais le gouvernement ? ce que je ne serai jamais, là ? je ferais trois choses. Je commencerais par définir une enveloppe que je consacrerais au capital de risque technologique ? il faut bien comprendre, on parle de capital de risque technologique ici, là. Je définirais une enveloppe. Évidemment, on aimerait l'avoir la plus grande possible, mais je conçois que le gouvernement doit gérer les fonds publics avec des intérêts divers, je comprends ça.

Mais je définirais une enveloppe. Et je mettrais cette enveloppe à trois endroits. Je créerais ce fonds mixte qui est recommandé par le rapport Brunet en respectant la définition que j'ai donnée au démarrage tantôt. En deuxième lieu, je participerais comme commanditaire à ce fonds spécialisé que le rapport Brunet recommande comme étant strictement privé. Bravo si on est capable de le trouver, uniquement privé, mais je pense qu'on peut inciter les privés à se joindre comme commanditaires dans un tel fonds si le gouvernement y participe. Ça, ce serait la deuxième chose. Et, le troisième élément, avec cette enveloppe, j'essaierais de donner aux Innovatech l'occasion d'utiliser les actifs qu'ils ont développés, les actifs humains, les actifs technologiques, leur savoir-faire, et je les mettrais en défi dans leur région respective d'élargir la base de leur actionnariat pour inciter les régions à participer activement.

Maintenant, comment je modulerais cette enveloppe à l'intérieur des trois éléments? Bien, ça dépend d'un certain nombre de facteurs. Ça dépend, par exemple, là, de la nécessité absolue pour le gouvernement de participer au risque technologique, d'assumer une partie du risque technologique, parce que le secteur privé ne le prendra pas seul. Alors, ça, c'est un premier point. Le deuxième point, bien, il faut évidemment qu'au niveau gouvernemental il puisse tenir compte des régions. C'est important, hein? C'est un deuxième point dont il faudrait tenir compte dans l'allocation ou la répartition de cette enveloppe que j'aurais mise sur pied.

Le Président (M. Paquet): C'est bien. Merci. C'est votre 10 minutes exactement. Donc, on pourra reprendre à un prochain bloc, si vous permettez. M. le député de Johnson.

M. Boucher: Alors, bonjour, M. Coupal, et bienvenu ici, à notre commission. Je vous ai connu justement à Sherbrooke comme étant le père du capital de risque au Québec, ou un des pères, et surtout le parrain de notre Société Innovatech. Et, grâce à vous, elle a pu démarrer correctement. Vous avez été un peu notre gourou, quoi. Vous l'êtes d'ailleurs pour plusieurs sociétés et plusieurs personnes au Québec.

J'ai une série de questions à vous poser, M. Coupal. Et je commencerai par la première, en l'absence de mon collègue le député de Rousseau qui a dû aller à un point de presse, là, à Radio-Canada, Maisonneuve à l'écoute, mais qui va probablement revenir, s'il le peut.

Dès le départ, dans votre mémoire, là, vous expliquez que le gouvernement du Québec a été un acteur de premier rang dans la mise en place d'un secteur des hautes technologies et vous insistez sur ça. Alors, qu'est-ce que vous pensez des décisions du gouvernement comme la réduction du crédit d'impôt à la recherche et développement, la diminution du crédit d'impôt pour la production de titres multimédias et l'abandon des titres désignés tels les carrefours de la nouvelle économie en région, carrefour, d'ailleurs, en Estrie, que le premier ministre actuel avait hautement salué lorsqu'on l'a créé? Alors, qu'est-ce que vous pensez de ces décisions-là, compte tenu que vous... vous mettez comme le gouvernement au premier rang au niveau de la mise en place des secteurs de haute technologie?

Le Président (M. Paquet): M. Coupal.

M. Coupal (Bernard): Je pense qu'il faut faire un petit peu d'histoire, là, pour nous placer dans le contexte. Le capital de risque technologique a commencé, au Québec, en 1987, avec la création d'IAF BioChem, qui est devenue BioChem Pharma et maintenant Shire, avec un REA, en 1987. Et, en 1990, on a créé le premier fonds technologique, qui était Biocapital, avec le Fonds de solidarité, un fonds de 10 millions de dollars. Alors, ce n'était pas énorme, quand on y pense.

Mais ce n'est véritablement qu'en 1992 qu'il y a un apport significatif lorsque le gouvernement de l'époque a créé la Société Innovatech du Grand Montréal, avec un capital de 300 millions. Et la Société Innovatech a véritablement lancé le capital de risque. Et on a vu à ce moment-là les grandes institutions financières comme la caisse créer Sofinov, en 1996, par exemple, on a vu le Fonds de solidarité s'impliquer de plus en plus, le Groupe Desjardins, la BDC, etc. Bon. Alors, c'est dans ce sens-là que je dis que le gouvernement a joué un grand rôle dans la création de sociétés de biotechnologie et de haute technologie en général. Bon.

Maintenant, tant qu'à la réduction des crédits d'impôt à la R & D, il est évident qu'on n'a pas aimé ça, mais il reste quand même ? il faut rendre à César ce qui appartient à César ? il reste que, malgré cette réduction, le Québec est encore en meilleure posture que toutes les autres provinces. Alors, il faut dire les choses comme elles sont. Alors, c'est vrai qu'on aurait bien aimé que ce pourcentage-là ne change pas, mais je peux comprendre qu'il y a des décisions qui sont assez difficiles à prendre compte tenu qu'il faut répartir le gâteau. Mais encore une fois, au niveau des crédits d'impôt à la R & D, c'est encore significatif au Québec.

Quant aux carrefours, j'ai peu travaillé avec les carrefours, si ce n'est qu'on a été... on a des sociétés qui ont loué des espaces dans certains de ces carrefours-là.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. Coupal. M. le député de Johnson.

M. Boucher: Merci. Vous dites aussi, dans votre mémoire, qu'il y a eu une accélération de l'innovation technologique au Québec; on le constate, pas juste au Québec, mais il y a une accélération de l'innovation. Et vous dites qu'il est illusoire de penser que le secteur de la haute technologie puisse se développer uniquement par l'apport du secteur privé sans l'aide gouvernementale à cause de la présence des risques technologiques qui sont énormes et qui s'ajoutent évidemment aux risques commerciaux traditionnels. Et cela provoque d'ailleurs chez les investisseurs privés beaucoup de réticence et de crainte à investir, particulièrement dans la phase, comme on l'a dit, d'amorçage. Alors, croyez-vous que le gouvernement devrait diminuer son aide, comme le propose le rapport Brunet et comme semble le vouloir le gouvernement Charest, ou au contraire accroître son aide?

Le Président (M. Paquet): M. Coupal.

M. Coupal (Bernard): Moi, je pense que le gouvernement doit mettre en place une politique pour ultimement diminuer son intervention en autant que le privé est là. Il n'est pas question d'interrompre brusquement en espérant que le privé prenne la place. Ce n'est pas comme ça que ça va se faire. Il y a une période de transition qui est importante. Il y a une période de transition au cours de laquelle le gouvernement doit continuer d'être présent dans l'investissement en technologie mais en incitant le secteur privé à être présent.

n(12 h 40)n

Et je vous rappelle que, chez T²C², on a des partenaires privés, Bombardier Trust, la Banque Royale, la Caisse des dépôts et des consignations de France, c'est une institution parapublique, il reste quand même que ce n'est pas canadien. Ces gens-là sont venus chez nous, mais ils sont venus chez nous parce qu'il y avait déjà des partenaires importants comme la caisse, comme le Fonds de solidarité, comme la Société Innovatech.

Alors, il est possible, il est possible de convaincre le secteur privé de participer à cet exercice-là, mais il y a toute une transition à respecter. Et c'est ce qui me réconforte dans le rapport Brunet, c'est de voir qu'on constate qu'il y aura une période de transition et qu'il faudra que le gouvernement en tienne compte.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Johnson.

M. Boucher: Oui, je vous remercie. Justement, parlant du Fonds de solidarité, là, vous avez participé à la création du premier fonds ? vous l'avez dit tout à l'heure ? au Québec, en 1990, avec le Fonds de la FTQ. Et vous expliquez par la suite que le climat économique morose qui prévalait à Montréal, en 1992, c'est dans ce contexte-là que la Société Innovatech, dont vous avez été le premier président d'ailleurs, a été créée. Et, en 1995, c'est la Caisse de dépôt qui décide de créer Sofinov, vous l'avez dit. Enfin, vous démontrez, là, dans votre mémoire qu'au cours de la dernière décennie les institutions financières du Québec et le gouvernement du Québec se sont donné des structures d'investissement en haute technologie.

Alors, ma question est la suivante: Pourquoi, selon vous, qui êtes, je l'ai dit tout à l'heure, un des pères du capital de risque au Québec, le secteur privé n'a pas pris sa place sur le marché? Pourquoi?

Le Président (M. Paquet): M. Coupal.

M. Coupal (Bernard): Le secteur privé n'a pas pris sa place au début des années 1992 parce que... plusieurs raisons, méconnaissance du secteur, parce que vous investissez dans un domaine technologique où les connaissances financières sont importantes mais pas suffisantes. Il faut quand même que vous compreniez le secteur dans lequel vous voulez investir. Alors, c'est un secteur ultraspécialisé, un secteur qui pouvait effrayer les investisseurs. Bon.

Alors, deuxièmement, bien, le secteur de la haute technologie est un secteur largement méconnu. Il faut se rappeler qu'au Québec ça date du début des années quatre-vingt-dix, là, le secteur de la haute technologie. Bon. Alors, ça fait 14 ans de ça, là. Il faut quand même constater que, au début des années quatre-vingt-dix, le secteur privé ne connaissait pas trop le secteur de la haute technologie, il était inquiet devant le risque technologique énorme. Et c'est à ce moment-là que le gouvernement a pris l'initiative de s'impliquer comme investisseur par le truchement des sociétés Innovatech en particulier. Et c'est ce qui a permis véritablement, quand vous regardez l'historique du capital de risque au Québec, ça a permis de travailler en syndication. Parce que, si vous regardez les investissements qui sont faits dans le capital de risque, c'est très rare que vous allez avoir un seul investisseur, ils sont trois, quatre, cinq investisseurs ensemble. Alors, les sociétés Innovatech ont lancé le processus, et les grandes institutions financières ont joué un rôle excessivement important. Alors, vous vous retrouvez aujourd'hui avec un certain nombre d'investisseurs qui sont plus aguerris qu'ils ne l'étaient au début des années quatre-vingt-dix, tout le monde a appris son métier, hein. Et aujourd'hui, bien, de façon relative, il est possible d'imaginer que le secteur privé prenne une place plus grande que ce ne l'était au début des années quatre-vingt-dix, quatre-vingt-onze.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Montmorency.

M. Bernier: Alors, merci, M. Coupal, merci de votre présence. Justement, vous êtes un investisseur privé, de fonds privé. Tout à l'heure, au niveau des chambres de commerce, on a mentionné la participation justement du privé par rapport, si on veut, même... dans le secteur, même au niveau de l'amorçage. Même si on ne contribue pas financièrement, il reste qu'on mentionnait que ces gens-là devraient être présents au moment de l'analyse première, et ils devraient y participer, et qu'à ce moment-là ça pourrait faciliter par la suite les connaissances et faciliter également l'incitation au niveau de l'investissement privé.

J'aimerais vous entendre sur ce point-là, le fait, là, que c'était quand même un peu clos, là, par rapport à l'arrivée de ces gestionnaires privés là dans les sociétés publiques et de participer au point de départ dans le démarrage des entreprises, que ce soit sur le plan connaissance, sur le plan technique, puis par la suite de prendre le relais. Est-ce que ça faciliterait l'introduction d'investissements privés?

Le Président (M. Paquet): M. Coupal.

M. Coupal (Bernard): Lorsqu'on démarre une société, on se lance dans une opération de plusieurs années ? lorsqu'on démarre une société en technologie, j'entends ? une opération qui va évoluer dans le temps. Et, faire le premier investissement, comme je le mentionnais dans ma présentation, investir 500 000 $ pour démarrer une société, c'est la partie facile, ça, parce que vous allez avoir une tâche très précise à faire, comme, par exemple, valider les cibles thérapeutiques, mais ce sont les rondes successives à ce 500 000 $ qui peuvent devenir plus difficiles, et, à ce moment-là, vous allez avoir besoin de trouver d'autres investisseurs. Alors, si la communauté s'intéresse dès le départ à ces investissements-là, bien, peut-être qu'on pourra penser à des investisseurs additionnels qui vont se joindre à ce financement-là.

Nous avons connu, chez T2C2, deux sortes d'investisseurs, des investisseurs institutionnels pour la très grande majorité des cas, mais il nous est arrivé également d'avoir ce qu'on appelle dans le langage des anges financiers, surtout en technologie de l'information, nous avons eu des anges financiers, et ces anges financiers là étaient très présents au tout début de l'entreprise. Alors, dans ce sens-là, ce que la Chambre de commerce de Sherbrooke mentionnait pourrait avoir un effet positif, mais il reste que l'évaluation financière et technique du projet doit être faite par des spécialistes.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Montmorency.

M. Bernier: Dans un autre ordre d'idées, tout à l'heure on a entendu la société de valorisation SOVAR, O.K., qui propose la création d'un fonds d'amorçage dans les sociétés de valorisation en tant que telles, hein? Vous, vous êtes au niveau de l'entreprise privée qui agit dans l'amorçage et le démarrage, qu'est-ce que vous pensez de ça?

Le Président (M. Paquet): M. Coupal.

M. Coupal (Bernard): J'ai l'impression que je ne me ferai pas des amis en répondant à cette question-là, mais je vais y répondre quand même.

M. Bernier: Je vous la pose pour obtenir votre opinion, étant donné que vous êtes du secteur privé.

M. Coupal (Bernard): Je vais y répondre quand même. Il y a, au Québec, un certain nombre d'universités puis un certain nombre de centres de recherche qui sont très actifs dans la recherche. On me dit qu'en 2002 on a investi en recherche, au Québec, 1 milliard de dollars dans nos universités, à peu près. C'est une somme substantielle, ça, qui a généré des résultats, les recherches. Mais il reste quand même que ce qu'on appelle dans notre langage ? je m'excuse de l'expression anglaise, là ? le «deal flow», c'est-à-dire le nombre de projets issus de la recherche universitaire susceptibles de devenir un potentiel commercial... Parce que ce n'est pas toutes les recherches universitaires, quelque excellentes qu'elles soient, qui ont ce potentiel commercial à court ou moyen terme, hein, on n'est pas dans... Chez T2C2, on ne fait pas des investissements en espérant faire de l'argent dans 20 ans, là, hein. Je ne serai plus là, moi, dans 20 ans, là, hein. Bon.

Alors, le «deal flow» à mon avis n'est pas suffisant pour qu'il y ait une société de valorisation pour chacune des universités. Je peux me tromper, là, hein, mais c'est mon avis. Bon. Je pense que le «deal flow» doit être occupé, utilisé par un fonds, le fonds mixte auquel on pensait tantôt, et les universités... les entrepreneurs peuvent faire appel à ce fonds-là. Mais, ceci étant dit, il faut que les universités puissent avoir les fonds requis pour préparer les occasions d'affaires. Il faut que les universités aient les ressources financières nécessaires pour pouvoir faire le relevé de ce qu'elles ont dans leurs murs. Parce qu'il y a beaucoup de recherches qui sont effectuées. Il faut qu'elles connaissent ce que leurs chercheurs font, il faut qu'elles puissent pouvoir protéger par des demandes de brevet la propriété intellectuelle, c'est fondamental.

n(12 h 50)n

Et on pourrait même aller un peu plus loin que ça, il faudrait que les universités puissent préparer des plans d'affaires sur des technologies qui ont un potentiel commercial, préparer ça pour les investisseurs du secteur de capital de risque qui auront à prendre la dernière décision. La décision d'investir ou pas, de démarrer une compagnie ou pas, ça doit être pris par les financiers, par les gens de capital de risque, qui disent: Oui, on va démarrer cette entreprise pour telle, telle, telle raison. Mais les universités y gagneraient énormément, les sociétés de capital de risque y gagneraient énormément si le taux était organisé un peu mieux que ce ne l'est actuellement.

Et les universités, avec les ressources financières appropriées, pourraient, si vous voulez, faire un pas considérable dans cette direction-là. Et, lorsqu'elles viennent voir une société de capital de risque comme T2C2, par exemple, bien, si elles arrivent avec un dossier étoffé, préparé, un plan d'affaires structuré, bien, au lieu de demander 5 % de capital-actions dans la nouvelle société, elles pourraient peut-être bien en demander 10 %. Pourquoi? Parce qu'elles ont fait un travail qui vaut, qui a une valeur. Alors, dans ce sens-là, les universités ont besoin de ressources financières.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. M. le député de Johnson.

M. Boucher: Alors, M. Coupal, au sujet de la recommandation du rapport Brunet de créer un fonds mixte, là, vous dites que le gouvernement devrait participer à des niveaux plus élevés, dans votre rapport. Pourquoi vous dites que le gouvernement devrait avoir un apport supplémentaire, là, en termes de participation?

Le Président (M. Paquet): M. Coupal.

M. Coupal (Bernard): Bien, je dis que c'est une question de transition. Si, le fonds mixte, on est capables immédiatement de convaincre des investisseurs privés d'y mettre le deux tiers qui est recommandé et le gouvernement un tiers, bien, c'est magnifique. Mais je pense que ça va prendre un petit peu plus de temps que ça. Et je pense que ça va... C'est dans ce sens-là que je dis que le gouvernement devrait peut-être au départ consentir à mettre un petit peu plus que le tiers, avec des technicalités lui permettant de sortir, de retrouver sa mise lorsque le secteur privé se manifeste de plus en plus. C'est dans ce sens-là que je dis que le gouvernement devrait participer plus.

M. Boucher: Vous dites aussi, dans le secteur des biotechnologies, là, que ça va prendre de plus en plus de fonds. Alors, est-ce que vous croyez que le secteur privé va être capable de répondre à ce défi-là? Il me semble qu'il y a des contradictions, là, parce que, là, on parle de changer la culture, mais changer la culture, tu sais... La culture d'un peuple ou la culture d'investisseurs, ça ne se change pas de même, là. Et puis il y a des données factuelles, là. Je veux dire, une piastre, c'est une piastre, là, tu sais. Puis, quand tu investis dans le privé, tu veux faire de l'argent, là. Alors, croyez-vous sérieusement que le secteur privé va être capable de répondre à ce défi-là dans les biotechnologies, notamment?

Le Président (M. Paquet): M. Coupal.

M. Coupal (Bernard): Bien, il faut se rappeler que le secteur vieillit. Vieillir, ça veut dire que plusieurs sociétés se rapprochent de plus en plus des aspects commerciaux. Dans le secteur de la biotechnologie, il existe une frontière qu'on appelle le IND, qui veut dire Investigation New Drug. À cause de cette frontière, vous êtes encore dans la validation de cibles, dans les essais de toxicologie et les essais sur animaux, et, à droite de cette frontière, vous commencez vos essais cliniques chez les humains.

La compagnie qui obtient cette permission de débuter ses essais cliniques chez les humains vient de monter sa valeur. Même si elle n'a pas de vente encore, sa valeur a augmenté. Le risque technologique a diminué parce que vous avez fait toute une série d'essais qui se sont avérés positifs. Ça veut dire que, au fur et à mesure que vous vous éloignez vers l'endroit du IND pour vous rapprocher de la commercialisation, il est possible de trouver des investisseurs ? qui ne sont pas intéressés avant cette phase ? de trouver des investisseurs qui vont investir, hein, et de trouver également de grandes sociétés pharmaceutiques qui vont accepter de signer des alliances avec ces firmes pour continuer le développement. Alors, le secteur vieillit. Alors, il est possible de trouver de plus en plus d'investisseurs qui vont accepter d'investir dans ces sociétés qui se rapprochent du marché. Bon.

Maintenant, la présence du secteur public, le gouvernement, doit être de deux natures, à mon avis. Il doit actuellement, en 2004, inciter le secteur privé à participer en participant activement puis en essayant de se retirer au fur et à mesure que les autres secteurs se manifestent. Et, deuxièmement, il doit être présent au tout début, lors du démarrage des sociétés, alors que le risque technologique ne peut pas être assumé uniquement par le secteur privé. Mais, au fur et à mesure que les sociétés vont vieillir, elles vont se regrouper, elles vont s'acheter les unes, les autres, elles vont développer leur plateforme technologique, elles vont avoir un portefeuille de brevets plus important, elles vont créer de la valeur en réussissant leurs essais cliniques. Alors, à ce moment-là, il est possible d'envisager leur financement de deux natures: capital de risque, plus traditionnel, et également des alliances avec de grands groupes.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Johnson.

M. Boucher: Vous avez participé tout à l'heure, M. Coupal, à la prestation de la Chambre de commerce de Sherbrooke, représentée par notre avocat, Luc Borduas, et vous savez mieux que tout le monde, vous, jusqu'à quel point la communauté des affaires de l'Estrie tient à sa société Innovatech et elle ne veut pas la voir disparaître; peut-être ouverte à des améliorations ? qui ne l'est pas ? mais elle ne veut pas la voir disparaître. Et il va se battre, c'est ce qu'on m'a dit tout à l'heure, il va se battre. C'est un lieu de combat intéressant, d'ailleurs, l'Estrie, hein? Je suis le seul, moi, de l'opposition, en Estrie, hein, je suis le seul depuis longtemps, d'ailleurs.

Alors, qu'est-ce que vous pensez, là, de cette volonté-là du gouvernement de remplacer la société Innovatech par la création d'un FIR et puis où le privé contribuerait de 1 $ pour chaque 2 $ fournis par le gouvernement? Puis est-ce que vous croyez que la formule va répondre aux besoins des régions? Parce que les gens de l'Estrie, ce qu'ils disent, c'est: Bon, on est prêts à des changements, mais on n'est pas prêts à laisser partir le siège social de la Société Innovatech du sud du Québec parce que ce sont des acteurs régionaux qui connaissent la région, qui veulent prendre les décisions chez eux, pour eux et surtout en liaison avec l'Université de Sherbrooke, que vous avez tout à l'heure bien décrite. Alors, qu'est-ce que vous pensez de cette volonté-là, là, du rapport Brunet, de faire disparaître la Société Innovatech puis la remplacer par le FIR et puis par un fonds qui d'ailleurs ne pourrait pas aller à une hauteur plus élevée que 300 000 $, ce qui est nettement insuffisant, tout le monde le dit, là, pour le démarrage ou l'amorçage d'une entreprise?

Le Président (M. Paquet): M. Coupal.

M. Coupal (Bernard): Moi, je pense que les sociétés Innovatech, dans les régions, ont un rôle à jouer et je pense qu'on devrait trouver des mécanismes pour les conserver. Et le mécanisme que je proposais, c'était que, si les régions veulent véritablement conserver leurs outils, bien, qu'elles prennent les mesures appropriées en relaxant la position du gouvernement comme commanditaire, parce que le gouvernement ne peut pas être partout. Bon. Alors, c'est dans ce sens-là que la suggestion que je faisais, c'était que les régions s'organisent et démontrent que non seulement elles tiennent à leurs sociétés, mais qu'elles prennent les moyens pour les conserver.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Johnson.

M. Boucher: Dans un autre ordre d'idées, là, vous êtes membre, vous, du comité aviseur de la SGF Santé. Qu'est-ce que vous pensez de la recommandation du rapport Brunet qui veut s'orienter envers le fait de retirer la Société générale de financement, les dossiers de haute technologie, à moins de 20 millions?

n(13 heures)n

Le Président (M. Paquet): M. Coupal.

M. Coupal (Bernard): Quand on fait l'historique de la SGF, on s'aperçoit que la mission de la SGF était d'agir comme investisseur en autant qu'il y avait des partenaires stratégiques, «stratégique» voulant dire un partenaire qui met non seulement de l'argent, mais qui met également des connaissances. Si vous regardez les investissements que la SGF a faits dans plusieurs secteurs ? je pense en particulier à la métallurgie et à la chimie ? c'est ce qui a été fait. Lorsqu'ils ont commencé leurs investissements dans le domaine de la santé, il y a... C'est assez jeune, ça, la présence de la SGF dans le domaine de la santé, ça date de, je ne sais pas, moi, quatre, cinq ans au maximum. Je pense que l'investissement le plus important ou le premier investissement qu'ils ont fait, c'était dans DSM Biologics alors que j'étais à Innovatech, en 1994. Bon, ça fait 10 ans.

Et la SGF s'est retrouvée un investisseur en conservant son ancienne mission d'avoir comme partenaires stratégiques des gens qui mettaient de l'argent et des connaissances, mais ils ont un peu oublié ça, à mon avis, en cours de route, et ils se sont mis à investir dans les sciences de la santé en jouant un rôle de capital de risque, tout simplement. Ils se retrouvent actuellement avec... Je pense qu'ils ont 19 sociétés dans leur portefeuille. Bon. Bien, il va falloir faire quelque chose avec ça.

Moi, le commentaire que j'ai à faire sur la SGF, c'est que c'est une organisation absolument essentielle. Mais peut-être que la SGF était un peu large, à mon humble avis, elle touchait énormément de domaines. Un recentrage de la SGF vers les secteurs plus traditionnels comme l'industrie en particulier, bien, moi, personnellement, je serais favorable à ça. Et qu'est-ce qui va arriver au portefeuille de la SGF dans le domaine de la santé? Je l'ignore. Et est-ce que ce portefeuille-là pourrait être regroupé avec celui d'Innovatech? C'est une possibilité. Est-ce que ce portefeuille-là pourrait continuer d'être administré uniquement par la SGF? Ça, c'est une autre possibilité. Mais c'est au gouvernement évidemment à examiner tout ça.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. Coupal. Alors, M. le ministre du Développement économique et régional.

M. Audet: Alors, M. Coupal, écoutez, je pense qu'il me reste un petit peu de moments pour vous remercier. Je pense que vous venez même, dans la dernière partie, à la question de mon collègue de Johnson, je pense, faire également oeuvre utile non seulement dans le dossier général du capital de risque, mais également des orientations de la SGF, ça va nous être très précieux. Je pense qu'on a pris bonne note non seulement de votre mémoire, mais de vos interventions. Et j'apprécie au plus haut point.

Je me souviens qu'on s'est rencontrés à une table, au dîner justement du conseil de BIOQuébec, lorsque j'étais allé rencontrer l'industrie des biotechnologies. Vous m'aviez posé la question: Est-ce que c'est utile qu'on aille faire là une présentation? Bien, je peux vous dire que non seulement c'est utile, mais c'est essentiel. Vous avez fait, je pense, vous nous avez présenté une... Vous nous avez fait part de votre expérience, de votre sagesse et vous pouvez être assuré que ce que vous nous avez dit aujourd'hui, ça va être pris en très haute considération. Et, au nom de tous les membres de la commission, on vous en remercie beaucoup puis on vous remercie de ce que vous avez fait pour le Québec au cours des 15 dernières années, dans le domaine du capital de risque. Merci, M. Coupal.

Le Président (M. Paquet): Alors, M. Coupal, merci beaucoup. Au nom de la commission, je joins ma voix à celles du ministre et de l'ensemble des membres pour vous remercier de votre participation extrêmement constructive à nos travaux.

Alors, je suspends les travaux de la commission pour une brève période, jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 4)

 

(Reprise à 14 h 11)

Le Président (M. Bertrand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recommençons nos travaux et nous débutons avec la Confédération des syndicats nationaux et Fondaction, Fonds de développement de la CSN pour la coopération et l'emploi. J'imagine, M. Michel, que c'est vous qui allez faire la présentation. J'apprécierais que vous présentiez d'abord les gens qui sont avec vous pour fins d'enregistrement.

Confédération des syndicats
nationaux (CSN) et Fondaction

M. Lessard (Michel): Tout à fait. Alors, merci, M. le Président. D'abord, on va présenter chacun notre mémoire, mais en même temps c'est des mémoires qui sont en complémentarité. Donc, à ma gauche, il y a Marcel Pepin, qui est adjoint au comité exécutif de la CSN; à ma droite, il y a M. Léopold Beaulieu, qui est président-directeur général de Fondaction, qui est le Fonds de développement CSN pour la coopération et l'emploi; et Mme Geneviève Morin, qui est aussi de Fondaction et qui est directrice, finances et développement corporatif.

Le Président (M. Bertrand): Et M. Michel, son nom de famille c'est?

M. Lessard (Michel): Lessard.

Le Président (M. Bertrand): Toujours pour fins d'enregistrement.

M. Lessard (Michel): Qui est lui-même trésorier de la CSN.

Le Président (M. Bertrand): Vous pouvez y aller.

M. Lessard (Michel): Donc, M. le Président, on vous remercie d'abord de l'invitation que nous a faite la commission et de nous donner la chance de s'exprimer et d'émettre notre point de vue sur l'intervention du gouvernement du Québec dans le capital de risque.

D'abord, d'entrée de jeu, M. le Président, la tenue d'une commission parlementaire est un exercice excessivement important dans notre système parlementaire, et la présente commission n'y fait pas abstraction. Et à cet égard la présente consultation sur le rapport Brunet sur le rôle de l'État québécois dans le capital de risque prend tout son sens dans la mesure où les décisions éventuelles que prendront les parlementaires sont lourdes de conséquences pour la société québécoise, notamment sur l'évolution de la structure économique du Québec dans toutes ses dimensions ainsi que les conséquences sociales de ces pareilles décisions. En ce sens, les parlementaires doivent détenir toutes les analyses nécessaires, pertinentes et crédibles afin de mieux éclairer leur choix. Compte tenu de la complexité des enjeux économiques déterminés par le capital de risque, il nous apparaît que le rapport Brunet ne peut d'aucune façon servir de base à une réflexion sérieuse et éclairée.

La CSN considère que les prémisses mêmes du rapport nous apparaissent douteuses, puisqu'elles reposent sur des prétentions strictement d'ordre budgétaire, idéologique, sans tenir compte de dimensions essentielles que sont les dimensions sociales pour une société et qu'on retrouve... et que les différentes prémisses qu'on retrouve dans ce rapport sont les suivantes: d'abord, une réduction du financement de l'État dans le développement des entreprises et des régions du Québec et éventuellement la disparition de la volatilité des résultats annuels, par exemple, qui peuvent se traduire, dans le rapport, dans une proposition d'autofinancement de la SGF et d'Investissement Québec.

Le gouvernement du Québec ne peut considérer que son appui et sa contribution au développement économique du Québec comme strictement des dépenses gouvernementales. On doit les considérer comme des investissements dont les effets se mesurent non seulement au rendement financier, mais aussi, et de manière importante, au nombre d'emplois créés, maintenus, à son effet multiplicateur de ces investissements dans tous les secteurs d'activité en région ou dans les secteurs d'activité professionnelle.

Le rapport toujours évoque des critères de rendement minimum. Quand on parle de rendement minimum, on parle de quoi? Le rapport ne fait aucunement mention du rendement social non plus que des rendements économiques indirects de ces investissements. C'est là la différence fondamentale qui démarque les critères de l'investissement public et ceux du privé. Et ça, le rapport Brunet est totalement muet.

Le rapport aurait dû élargir son analyse à des considérations plus vastes que les seules considérations économiques des coûts et de rendement et ouvrir des finalités plus larges, telles la solidarité et la compassion envers les régions, la création d'emplois, le développement régional et le développement durable. Quand on prend en considération ces éléments, là on peut commencer à parler d'un rapport qui se veut sérieux.

Même chose pour certains postulats où le rapport fait état de clichés non soutenus à l'effet, par exemple ? deux principales ? que le privé est plus efficace que le public et que l'investissement public évacue l'investissement privé et étranger. Concernant le premier postulat à l'effet que le privé est plus efficace que le public, d'abord, le rapport, intentionnellement ou pas, dénigre injustement notre capacité collective de faire les choses et vise essentiellement en ce sens à soutenir une certaine idéologie. Coïncidence sans doute, mais le rapport Brunet n'apprécie d'aucune façon, dans son rapport, par exemple, la caisse de dépôt et de développement du Québec avec ses 8 milliards d'investissements en capital de risque et de ses rendements historiques qui n'ont rien à envier à personne. Ça ajoute à notre avis au manque de crédibilité du rapport. Si les rendements de ces investissements étaient mesurés à l'ensemble des retombées sociales et économiques du Québec et s'il n'y avait pas de dénigrement de la gestion publique collective et d'intérêt général, le rapport ne pourrait tirer les mêmes conclusions.

Quant au deuxième postulat, qui est un postulat quant aux vertus de l'investissement privé qui sert de base pour qualifier le niveau d'investissement public au Québec que le rapport juge trop élevé, par exemple, comparativement à d'autres comme l'Ontario ou les États-Unis d'Amérique, le corollaire de cette affirmation est qu'il suffit que le gouvernement se désengage pour que l'investissement privé afflue. Le rapport ne fait aucune démonstration à cet égard. Les rédacteurs du rapport devraient considérer, tel que le rappelle Benoît Lévesque, qu'au début des années quatre-vingt le capital de risque était presque inexistant au Québec et représentait à peine 10 % de l'ensemble canadien. Rien ne permet au rapport Brunet de conclure comme par enchantement que les fonds privés vont combler les besoins de financement des entreprises après un éventuel retrait des fonds publics.

Autre... D'ailleurs, le rapport aussi ne fait ? quelques remarques ? ne fait aucun rapport... aucune différence entre le capital de risque et le capital de développement, capital de développement fortement présent au Québec notamment. De plus, le rapport inclut dans le financement public les fonds de travailleurs CSN et FTQ et le fonds coopératif Desjardins. Pourtant, ces mêmes fonds sont constitués d'investissements privés qui ne sont pas de source gouvernementale. Les conclusions du rapport Brunet sur l'investissement étranger reposent sur le même type d'analyse non sérieuse et n'a pas donc fait de démonstration de ce qu'il avance, comme partout pour le reste, d'ailleurs.

Sur différentes recommandations, la CSN désire indiquer à la commission qu'elle souhaite que le gouvernement du Québec maintienne la SGF et Investissement Québec dans ses missions fondamentales, dont le maintien et le soutien au financement de l'économie sociale ou solidaire par ce dernier, soit Investissement Québec, et aussi la reconnaissance d'une économie plurielle; que le gouvernement du Québec réaffirme la pertinence des fonds de travailleurs et s'assure des moyens nécessaires à leur croissance; que le gouvernement du Québec maintienne les Innovatech dans le respect de la gestion publique; que le gouvernement du Québec préserve le mandat actuel des CLD plutôt que d'en privatiser sa gestion en créant les fonds d'investissement régionaux.

Et, avant de transmettre la parole à M. Beaulieu, je conclurais que la CSN croit toujours en la pertinence des institutions qui nous ont permis d'acquérir une plus grande souveraineté économique. Quant au rapport lui-même, il ne s'est pas départi du fardeau de la preuve et ne nous convainc certainement pas de l'obligation d'adopter des changements fondamentaux à ces mêmes institutions sans autre analyse si ce n'est que d'apporter des modifications justifiées par une idéologie, à savoir l'intérêt du privé avant l'intérêt général. Donc, moi, ce que je suggérerais à la commission bien humblement, c'est qu'il faudrait peut-être mettre les gens à l'oeuvre et faire un tour de dossiers puis un tour d'analyse, des analyses plus complètes. Et, en ça, je céderais la parole à M. Beaulieu pour...

Le Président (M. Bertrand): Je vous remercie. M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Léopold): Merci, M. le Président, merci au gouvernement, à la direction de la commission de nous avoir invités à partager avec vous quelques considérations concernant le rôle de l'État québécois et l'état aussi du capital de risque au Québec.

n(14 h 20)n

Deux petits mots sur Fondaction. Fondaction, c'est 300 millions d'actifs, c'est démarré depuis... les premières activités datent de janvier 1996. Et nous sommes investis dans une centaine d'entreprises tout autant... une centaine d'entreprises, de fonds partenaires, de fonds privés spécialisés, pour un investissement moyen de 1 million par entreprise. Et les investissements recherchés, à ce stade-ci, se situent entre 1 et 3 millions. Au 31 mai dernier, Fondaction était investi dans près de 70 % de... ses investissements étaient situés dans des entreprises qui sont à l'extérieur de la grande région de Montréal et de Laval.

Donc, quelques considérations sur la situation. Pour nous, il y a des enjeux importants qui se posent au Québec, que ce soit à l'égard des technologies, que ce soit le développement économique des régions. La productivité de l'économie québécoise, des entreprises québécoises est un enjeu. Le vieillissement de la main-d'oeuvre, sa diminution en nombre, la sécurité financière à la retraite sont devenus des enjeux tant du point de vue de l'évolution du pouvoir de consommer que sur les autres considérations de l'activité économique. Finalement, l'enjeu des changements climatiques, en particulier la production de gaz à effet de serre, fait partie de ces enjeux-là.

Et on doit pouvoir consolider des conditions pour un développement plus durable de l'économie, qu'elle soit efficace économiquement, financièrement, équitable socialement, soutenable écologiquement. Et donc c'est par l'innovation, par des investissements dans des équipements plus modernes, par la formation professionnelle, par une organisation du travail à plus haut degré d'engagement que nous allons parvenir à donner un nouvel élan à la croissance de la productivité de nos entreprises. Et, concernant leur financement, les difficultés rencontrées de financement par les PME découlent en grande partie d'un manque de capitaux propres. Et c'est vrai que l'industrie du capital de risque peut apporter des solutions adaptées.

Fondaction se reconnaît comme une société de capital de risque et que ce soit... Nous, on considère que les fonds de travailleurs et le CRCD sont des fonds privés, puisque la provenance de leurs actifs, elle n'est pas gouvernementale. Ils peuvent être qualifiés de fonds collectifs parce qu'ils relèvent d'initiatives des mouvements associatifs, syndical ou coopératif, avec une mission d'intérêt général mais définitivement pas de fonds gouvernementaux. Grâce à sa diversification, d'ailleurs plus grande qu'ailleurs, l'industrie québécoise du capital de risque s'est finalement pas si mal tirée d'affaire lors de l'éclatement de la bulle spéculative des dernières années.

Et, comme le mentionnait avec justesse le rapport Brunet, le capital de risque favorise l'émergence et la croissance des entreprises, celles des secteurs de la haute technologie, et apporte une contribution à la modernisation de l'économie, à l'amélioration de sa productivité globale et à la création d'emplois. Mais c'est justement en raison du fait que l'industrie de la finance détient une influence importante sur les orientations et les pratiques d'affaires des entreprises que la seule recherche du rendement ne peut pas, à tous les stades de l'offre de financement, venir rencontrer les besoins de développement. Ce n'est qu'une fois que les fonds locaux, gouvernementaux, mixtes et le capital de développement ont pu créer la masse critique qui est requise, hein, et amener les entreprises à un stade de développement qu'ils permettent que les fonds privés s'intéressent à un secteur d'activité. Et je trouve qu'on peut mentionner à titre d'exemple le secteur des biotechnologies au Québec.

Et le rapport Brunet, s'il s'appuie sur de vrais enjeux, tels que les carences dans les fonds d'amorçage, d'expansion ou d'accès au capital, à l'exercice et à l'expertise des fonds étrangers, par contre plusieurs considérations importantes sont absentes du discours. Et, pour nous, l'explication des problèmes de l'industrie du capital de risque ne s'explique pas par une trop grande présence de capital de développement ni non plus parce que la faiblesse de la moyenne des investissements et de la présence... étranger.

On tient responsable de cette situation la trop grande présence de fonds ayant des objectifs multiples. Et on fait aussi l'hypothèse que le rendement financier et le rendement socioéconomique seraient incompatibles. Nous, nous pensons que les raisons de ces difficultés-là relèvent aussi et particulièrement d'un phénomène de structure industrielle qui a été aggravé par des inégalités de dépenses fédérales en recherche et développement. On peut comparer les technologies de l'information avec les biotechnologies, les technologies de l'information concentrées vers Ottawa. Bon.

La place des fonds de travailleurs dans l'industrie du capital de risque, en 2002, c'était 48 %. Bien, la même année, pour les fonds de travailleurs au Québec, les statistiques nous indiquent que c'était 25 % de l'industrie du capital de risque.

Et on les plafonne. Alors, nous, on a quelques difficultés avec ça. Et je voudrais qu'on souhaite continuer à travailler en complémentarité avec les fonds de capital de développement ainsi que les fonds privés spécialisés, les fonds gouvernementaux, et les acteurs de la finance solidaires, et les acteurs du développement local et de l'économie sociale. Fondaction est déjà associé à différents fonds privés spécialisés dont les mandants sont bien définis. Et notre engagement, il est de participer au développement de l'industrie diversifiée où la présence d'acteurs différents favorise une complémentarité et une meilleure profondeur de l'offre de financement. Et en conséquence, nous, on ne serait pas d'accord avec toute proposition qui imposerait une canalisation d'épargne de nos actionnaires vers d'autres fonds.

Concernant les remarques et les propositions du rapport Brunet, en ce qui concerne la SGF et Investissement Québec, on est contents du choix de confirmer leur mission et leur rôle dans le développement économique. Concernant maintenant la SGF, on souhaite que le gouvernement maintienne ses engagements financiers pour lui permettre de respecter les engagements puis de jouer son rôle.

Dans le cas d'Investissement Québec, on convient que la mission générale passe par une concentration auprès des PME par l'entremise particulièrement du prêt et de la garantie de prêt. Les préoccupations reliées à la rentabilité nous inquiètent un petit peu, elles sont légitimes mais ne doivent pas compromettre sa mission d'appui au développement. Et, nous, on serait en désaccord avec un objectif absolu d'autofinancement parce que... à cause de ses conséquences sur les choix de risque et également sur les tarifications. Il apparaît nécessaire que cette institution conserve sa capacité d'intervenir aussi auprès des entreprises d'économie sociale, des entreprises collectives.

En ce qui touche les Innovatech, nous recommandons, parce que, déjà ancrées dans le tissu du développement régional, nous recommandons plutôt que, pour continuer à décapitaliser, d'ouvrir à des fonds privés qui le souhaiteraient la possibilité d'investir dedans. Pour les fonds mixtes, il nous semble que l'amorçage, les sociétés de valorisation avec les universités, ça devrait être ça qui devrait être supporté.

Nous sommes d'accord avec le fonds privé spécialisé en haute technologie qui est proposé. Et les incitatifs fiscaux permettant d'alimenter ou d'encourager les institutions à approvisionner ces fonds-là devraient s'apparenter à des mesures d'exemption de gains de capitaux placés pour une durée... à condition qu'ils soient placés pour une durée minimale d'au moins trois ans. Et bien entendu, il y a aussi des mécanismes de contrôle gouvernemental qui devraient être installés et de surveillance, comme c'est le cas concernant les fonds de travailleurs et le fonds de Desjardins.

On ne peut pas être... Nous, on est d'accord avec le développement régional, mais les FIR on trouve que la solution est mal appropriée. Les parties prenantes les plus intéressées par le développement des régions, ce sont les communautés, ils y vivent, dont les gens d'affaires font partie, et ces communautés-là se sont données un ensemble de réseaux associatifs qui leur permettent de participer pleinement à la formulation puis à la mise en oeuvre de stratégies. Et il y a une inquiétude aussi sur comment est-ce qu'ils vont arriver à se financer, ces FIR-là. 3 millions par fonds, ce n'est pas facile d'arriver à s'autofinancer.

On encourage le maintien du support aux CLD, il nous semble que c'est important, au Réseau d'investissement social du Québec ou au réseau des fonds d'emprunt économique communautaire. On souhaite que le gouvernement consacre plus de ressources au développement de l'expertise en région partout pour assurer l'accès à des créneaux porteurs, des stratégies de développement, des projets locaux, des plans d'affaires. On souhaiterait que le MDER continue l'initiative des collaborations autour d'analyses et de diagnostics, mise en oeuvre de filières industrielles, montage, avec la proposition qui avait été faite autour du projet ACCORD.

Et concernant la contribution du capital de développement, je le mentionnais tantôt, il nous semble à nous qu'on a plus de chance, quelles que soient les périodes du cycle que l'on traverse, avec une industrie du capital de risque à multiples objectifs, bien diversifiée et capable de répondre à sa façon, selon les conjonctures qu'on traverse, à différents types de besoins.

Et je terminerais en disant que notre intention et ce qu'on souhaite du gouvernement, c'est qu'il renouvelle son appui aux hommes et aux femmes qui contribuent aux fonds de travailleurs. Et les fonds gouvernementaux, il nous semble qu'ils doivent aussi pouvoir continuer à jouer un rôle qui est incontournable à eux autres aussi pour la mise en oeuvre de solutions qui sont adaptées à ces défis-là. Leur rentabilité sociale, leur accessibilité, leur flexibilité, leur expertise, ça figure parmi des gages de réussite à l'intérieur de l'industrie encore une fois, comme je le dis, où il y a une place pour le privé, pour les fonds privés, où il y a une place pour les fonds gouvernementaux, puis il y a une place pour les fonds de travailleurs. Et, si l'exemple de l'Ontario est à prendre au pied de la lettre, nous, on n'est pas d'accord avec ça, Mais, pour ceux pour qui ce serait ça, la bible, bien je vous dis que c'est 48 % des fonds de l'industrie du capital de risque, en Ontario, les fonds de travailleurs; ici, c'est 25 % en 2002. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): M. Beaulieu, vous m'avez épaté. Vous avez le droit à un bon verre d'eau et une grande respiration. M. le député de Laval-des-Rapides.

n(14 h 30)n

M. Paquet: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je veux souhaiter la bienvenue d'abord à M. Lessard, M. Beaulieu, M. Pepin et Mme Morin. Merci de votre participation à nos travaux. Et certainement je veux d'abord partager avec vous... Je pense qu'il y a une préoccupation commune que nous partageons. Quand on parle d'intérêt général, les Québécois et les Québécoises, de l'économie québécoise, d'intérêt social aussi, certainement on partage les mêmes objectifs, et ça, c'est un élément qui est très clair et important. Et j'imagine que vous serez d'accord avec le fait que le diagnostic, quand même... Et là, quand on regarde la réalité québécoise et lorsqu'on parle de retard en termes de niveau de vie, quand on parle de retard... qu'on n'a pas la part des investissements privés au Québec par rapport à la taille de notre population ou la taille de notre économie à l'intérieur du Canada, et un retard qui est considérable à cet égard-là, et un retard de productivité, ça veut dire quoi? Ça veut dire des retards pour les salaires des travailleurs, des retards dans les conditions de travail et des retards donc aussi en termes de niveau de vie de l'ensemble des Québécois et des Québécoises.

Et ce constat-là, on n'est pas les seuls à le faire. Nous, du côté du gouvernement, ça fait plusieurs années qu'on en parlait, du côté de notre formation politique, mais même, encore jusqu'à la fin de semaine dernière, MM. Joseph Facal, Clément Godbout, Robert Lacroix, Jean-Yves Duclos, Raymond Royer faisaient le même genre de constat de retard à ce niveau-là et que l'intérêt général donc dans le fond on ne l'a pas atteint encore complètement, il y a encore beaucoup de travail à faire et que le statu quo est clairement inacceptable, dans le sens que, si on continue dans les mêmes façons de faire, ce qu'on garantit, c'est les mêmes genres de pertes qu'on a connues ? je parle globalement ? au niveau de rendement. Et ce rendement économique là qui est... le rendement qui n'y est pas veut dire des retombées économiques et sociales négatives pour les travailleurs et pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises.

Et donc il ne faut pas prétendre ? et ce n'est pas ce que vous faites, là, j'en conviens ? que les retombées économiques et que le rendement économique, c'est quelque chose qui s'oppose; ça va ensemble. On peut bien, à court terme, dire: Bien là on a créé quelques emplois ici, on en a déménagé quelques-uns, mais qu'en bout de piste que, au bout d'un an, deux ans, trois ans, quatre ans, si le rendement n'y est pas, les retombées ne seront pas là, parce que ce seront des emplois qui ne seront plus là, c'est des salaires qui seront plus bas. Et l'effort qu'on met là, qu'on met à ce niveau-là pour maintenir à court terme des annonces pour les emplois vont d'abord se terminer, comme on a vu dans le passé ? l'histoire est garante du résultat ? des rendements négatifs, et ça veut dire... Et les argents qu'on a mis là, ils n'étaient pas ailleurs dans l'économie. C'est des salaires qui sont plus bas ailleurs dans l'économie, les autres travailleurs qui ne font pas la première page des journaux, mais qui eux ont été pénalisés par cela.

Alors, dans ce contexte-là donc aussi, quand on parle de l'état du capital de risque, on a environ 50 % du capital de risque, bon an, mal an, au Canada, qui est au Québec. Pourtant, au même moment, on voit la part des investissements dans le capital de risque qui ont chuté aux alentours de 27 % en 1999, un peu plus, au-dessus de 20 %, en tout cas, en l'an 2000. Et je n'ai pas les chiffres les plus récents, mais c'est autour d'un peu 20 %, 21 %. Alors donc ça aussi, c'est un constat que l'on fait. Et donc, quand on regarde... Et je comprends le travail, le beau travail qui se fait avec le fonds CSN, aussi l'autre fonds, le fonds FTQ, le fonds Desjardins, mais, en même temps, on constate la réalité, que, depuis 1993, le gouvernement du Québec a mis 976 millions de dollars, pratiquement un milliard de dollars ? on parle du coût des mesures fiscales ? pour ces fonds-là. Et l'idée n'est pas de dire que ce n'est pas utile, mais seulement dire que c'est une constatation. Le milliard qui est là, bien il est pris d'ailleurs dans l'économie, et il y a des impacts ailleurs.

Donc, il faut s'assurer d'avoir les rendements autant là qu'ailleurs dans les autres interventions de l'État québécois et qui n'ont pas donné les résultats qu'ils auraient dû donner. En tout cas, ce n'était pas l'intention, j'imagine, du gouvernement précédent de dire... D'abord, les résultats qu'on a eus là, j'imagine qu'ils n'ont pas souhaité ça. Ils ne veulent pas maximiser les pertes non plus, mais le résultat, ça a été cela.

Alors, dans ce contexte-là, une première question, et j'aurai deux questions, mais la première, c'est que, d'ici quelques années, le fonds CSN, et les autres fonds de travailleurs, et le fonds Desjardins vont se retrouver avec peut-être plus de sorties de fonds que d'entrées de fonds. Alors, ma première question: Comment vous envisagez répondre à cette problématique-là, ce défi-là? Est-ce que donc vous allez donc essayer de trouver des meilleurs rendements ailleurs ou est-ce que vous allez vous revirer devant le gouvernement et dire: Pourriez-vous nous donner plus de mise de fonds ou d'autres crédits d'impôt? C'est ma première question.

Le Président (M. Bertrand): M. Lessard.

Une voix: M. Beaulieu.

Le Président (M. Bertrand): M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Léopold): Écoutez, Fondaction est un fonds qui est en croissance. On suit l'évolution de notre pyramide d'âge, et il y a au total une croissance des actionnaires plus grande une année sur l'autre, de telle sorte que, à l'égard de l'importance du crédit d'impôt existant, nous ne sommes pas en demande pour un crédit d'impôt plus important. Ce que nous disons, c'est qu'il est correctement consacré aux fonds de travailleurs. Et le choix qui a été fait par le gouvernement du Québec et par les autres gouvernements au Canada de soutenir la formule des fonds de travailleurs en s'assurant que, d'une part, l'offre serait suffisante pour une proportion de besoins de l'industrie, mais que, d'autre part, ils puissent répondre à ces besoins-là... Donc, nous sommes...

Ensuite, il y a ce que nous avons à investir à chaque année. Il y a des rentrées qui proviennent des nouveaux actionnaires, il y a des entrées et il y a aussi, en fonction d'une pyramide d'âge, oui, des retraits. Donc, il y a là une formule qui est durable, il nous semble, en ce qui concerne les fonds de travailleurs. Et la situation d'un fonds qui est rendu à maturité peut être différente de celle aussi d'un fonds qui est encore en plein développement, en pleine croissance. Donc, ce serait... moi, c'est mon... ce serait une partie de réponse que je voudrais vous donner.

Le Président (M. Bertrand): Merci, M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Léopold): D'autre part, pour les coûts, là...

Le Président (M. Bertrand): Oui.

M. Beaulieu (Léopold): ...par rapport aux crédits d'impôt, je veux juste... On a regardé rapidement quels sont pour nous nos résultats, il y a pour un dollar de crédit d'impôt qui a été consenti à nos actionnaires... Ce n'est pas à Fondaction qu'il l'a été, c'est à nos actionnaires. Nous ne sommes pas un fonds gouvernemental, nous sommes un fonds privé mais avec des préoccupations collectives de développement. Les crédits d'impôt ont coûté... Pour chaque dollar de crédit d'impôt, il y a eu 4,20 $ qui ont été investis directement, là, dans des investissements pour le développement du Québec et il y a eu aussi, en plus, 109 millions de placements en obligations qui participent aussi à du développement de sociétés qui sont plus publiques, dans ces cas-là.

Le Président (M. Bertrand): Merci. M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Paquet: Merci, M. le Président. Donc, effectivement, il y a eu des placements qui ont été faits avec l'argent qui a été mis, consenti, mais les mesures fiscales, quand même, elles auraient été ailleurs, l'argent qui a été mis là aurait été investi peut-être ailleurs, peut-être moins bien, pas avec les mêmes préoccupations, mais on peut... Il y a quand même un coût pareil. Et on ne dit pas qu'il n'y a pas de bénéfices, mais, si on a 976 millions ? je parle pour l'ensemble des fonds ? c'est quand même là de l'argent qu'on prend ailleurs dans l'économie. Parce que, à la limite, si on prenait l'argument ? et ce n'est pas ce que vous dites ? des retombées, on pourrait dire: Bon, à ce moment-là, on aurait dû en donner encore plus, peut-être qu'il s'en serait investi encore plus. Mais donc c'est la même chose ailleurs aussi. Donc, dans ce contexte-là, il faut faire attention aux retombées dont on parle.

M. Beaulieu (Léopold): Je vous soumets que les résultats, s'ils étaient investis... Parce qu'il y a la dépense puis il y a les retombées fiscales. Les retombées de l'investissement des entreprises dans lesquelles Fondaction est investi sont importantes. Je vous dirai qu'il y a eu des études qui ont été faites au Québec, là, sur ces questions-là. Je sais que nos amis du Fonds de solidarité en ont fait un certain nombre récemment. Nous, je vous dirai que, l'an dernier, c'est autour de 80 millions de retour de revenus fiscaux pour le Québec et le Canada qui sont provenus des entreprises auprès desquelles on a été investis. Et, ces entreprises-là, je ne prétends pas que les 7 000 emplois créés l'ont été uniquement à cause de Fondaction, mais je dis qu'il y a un impact certain sur leur existence du fait de nos investissements qui ont permis que d'autres investissements viennent. Et c'est cette gradation, cette diversification d'une offre de financement qui est extrêmement importante. Et, y compris, il y a un espace pour que les fonds privés interviennent, mais lorsque les entreprises sont prêtes.

Le Président (M. Bertrand): M. le député, il vous reste deux minutes, question et réponse.

M. Paquet: Bien sûr, je ne remets pas en cause qu'il y ait des retombées, mais la question évidemment... Les études de retombées, il faut leur faire très attention parce qu'on manquerait de Québécois pour toutes les retombées supposées que ces études-là ont faites. On pourrait en parler en tant que...

M. Beaulieu (Léopold): ...supposition.

M. Paquet: Non, effectivement.

M. Beaulieu (Léopold): Merci.

M. Paquet: Une dernière question: Est-ce que vous seriez prêts à examiner des assouplissements aux règles qui régissent le Fondaction de sorte à faciliter les investissements indirects en capital de risque, comme le suggère, par exemple, Innovatech Régions ressources? Et on a eu d'autres intervenants qui ont ouvert cette piste-là. J'aimerais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.

Le Président (M. Bertrand): M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Léopold): Bien, effectivement, nous sommes investis dans plusieurs fonds spécialisés, y compris à côté de d'autres fonds comme les Innovatech mais au sein de fonds privés. Et, s'il y avait un espace dans la loi qui nous permette d'en mettre plus ? et j'ai dit «nous permette d'en mettre plus» ? selon nos choix, à nous, de diversification, et de transfert de connaissances, et également de perspective aussi pour nos entreprises d'avoir accès à du financement lors de rondes supérieures, ça pourrait se regarder, mais il faut que ça reste à l'intérieur d'une proportion relativement raisonnable, là, qui n'est pas si... On ne vous demanderait pas de tripler ce qui nous est permis présentement.

Le Président (M. Bertrand): M. le député d'Iberville, en 40 secondes, question et réponse.

M. Rioux: Bon, c'est court. Bien, je vais y aller rapidement. Moi, j'ai de la misère avec l'intervention... le développement économique tous azimuts, là, où est-ce qu'on veut créer des emplois pour créer des emplois. Vous nous dites que vous voulez garder le FLI tel quel. Est-ce que ça pourrait être pensable, si c'est le nom que vous voulez garder, de le modifier et qu'il puisse avoir une partie d'investissements privés qu'on ait et qui soient aussi garants des investissements et des entreprises qu'on va choisir, que ces entreprises-là vont être efficientes, vont être productives puis elles vont être performantes dans le temps, que ce ne soit pas seulement des entreprises qu'on a créées pour créer, pour faire un geste politique pour créer l'impression qu'on a créé des emplois?

n(14 h 40)n

Le Président (M. Bertrand): M. le député d'Iberville, on va permettre à M. Beaulieu de répondre, d'organiser sa réponse sur la question du député de Rousseau, parce que votre temps est écoulé.

M. Rioux: Merci.

Le Président (M. Bertrand): M. Beaulieu est un homme très expérimenté, il va trouver le moyen de répondre. M. le député de Rousseau.

M. Legault: Bien, écoutez, d'abord, je voudrais remercier M. Beaulieu, M. Lessard, Mme Morin puis M. Pepin pour être ici, cet après-midi. Je pense que vous avez une expérience terrain chez Fondaction puis, à la CSN, bien vous avez beaucoup de travailleurs évidemment que vous représentez. Bien, je pense que vous venez d'avoir une démonstration de l'approche du nouveau gouvernement libéral, là, un député qui nous dit que, si on calculait toutes les retombées, qu'il manquerait de Québécois, puis l'autre qui nous dit de faire de la création d'emplois pour de la création d'emplois, là... En tout cas, je pense que ça montre justement tout le sérieux qui a été mis dans l'analyse de ce rapport sur le capital de risque.

Je pense, vous le dites très bien dans votre mémoire, entre autres, M. Lessard, quand vous nous dites que, dans le rapport Brunet, bien, on a une conception, là, le moins qu'on puisse dire, là, incomplète dans l'analyse justement de l'aide aux entreprises. Et vous nous dites dans votre rapport: «Nous sommes portés à croire que l'exercice auquel nous convie ce rapport est motivé par des considérations purement comptables visant [...] la réduction du financement de l'État.» Et vous nous dites un petit peu plus loin, à la page 7: «Si les rendements de ces investissements étaient mesurés à l'ensemble des retombées sociales et économiques», eh bien il n'y aurait peut-être pas autant de «dénigrement de la gestion publique».

Je pense, ça résume bien tout ce qu'on retrouve dans le rapport Brunet. D'ailleurs, M. Brunet nous a dit mardi, quand on lui a demandé où étaient les retombées économiques et sociales, il nous a dit que, lui, il était bénévole et puis qu'il n'avait pas eu le temps puis ni le mandat pour faire ça. Donc, ça montre tout le sérieux du rapport qu'on a devant nous. Mais ce qui est inquiétant, c'est qu'à partir de ce rapport on fait des recommandations. Et je voudrais vous entendre un petit peu sur ces recommandations de façon peut-être, dans un premier temps, générale. Après, on reviendra un petit peu surtout peut-être sur l'impact en région.

Évidemment que tout le monde souhaiterait avoir plus de présence du privé; ça ne coûte pas d'argent des contribuables. Mais, en même temps, comme je le disais à M. Brunet, on peut bien allumer des lampions, mais on souhaite tous y arriver. Puis il y a peut-être des mesures qui sont proposées, mais il s'agit de voir si elles sont réalistes, ces mesures. Je l'ai dit à plusieurs reprises, quand on additionne les sommes qui sont prévues dans les recommandations de M. Brunet, on voit qu'on propose d'enlever 100 millions de dollars par année de l'argent qui vient du gouvernement du Québec et on espère que le privé viendra ajouter 100 millions de dollars par année. Sauf que, dans le capital de risque, dans tout le capital de risque au Québec, l'année dernière, en 2003, le secteur privé a investi 49 millions. Donc, on veut passer de 49 millions à 149 millions.

Moi, je voudrais un petit peu avoir votre opinion, là, à savoir: Est-ce que vous pensez que c'est réaliste, est-ce que vous pensez que c'est réaliste, là, de tripler la présence du secteur privé dans le capital de risque au Québec?

Le Président (M. Paquet): M. Lessard.

M. Lessard (Michel): Nous, on n'est, si vous me permettez, pas contre l'intervention du privé dans le capital de risque. Ça, première affirmation. Cependant, quand il y a du financement qui devient d'ordre public, nous considérons que ces investissements ou ce capital de risque là doit demeurer sous la gestion et sous l'emprise du public. Pourquoi? Parce que, quand tu gères et que c'est des publics, tu gères dans l'intérêt général. On a des notions probablement différentes maintenant avec le président de la commission sur l'intérêt général, mais ce qu'il est important de savoir, c'est que l'intérêt général ne peut être porté que par les intervenants qui ont cette responsabilité-là. Dans la mesure où tu sectorialises ou bien donc que tu privatises les choses, les centres d'intérêt sont différents.

Donc, si ce n'est pas pour de la création d'emplois, si ce n'est pas pour de la retombée économique, c'est quoi, l'avis? On privatiserait ou on rendrait ça privé pour quelle raison? Le profit immédiat? Notre prétention à nous, c'est que, tout en ayant des objectifs bien sûr de rentabilité, il faut que tu aies des mesures, des préoccupations sociales, des préoccupations territoriales, des préoccupations, etc. Et ça, là, il n'y a pas personne autre que le milieu, de façon générale, et les institutions publiques qui peuvent défendre ça, prendre ça en considération, y inclus le développement durable, y inclus l'environnement.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. Pepin, qui voudrait rajouter quelque chose, je crois.

M. Pepin (Marcel): Un élément sur la qualité du rapport, effectivement. C'est une question qui nous préoccupe pas mal. Je ne doute pas que les membres du groupe de travail connaissent bien la problématique du capital de risque, auquel ils se sont attaqués, mais encore faudrait-il qu'ils en fassent la démonstration. Et, nous, on considère qu'il n'y a pas eu d'examen vraiment, ici, de la nature de la bête. On nous émet rapidement un bon nombre de conclusions ou d'opinions mais qui ne sont pas soutenues de façon spécifique. Vous me permettrez, M. le Président, d'indiquer tantôt que vous nous avez dit: Les résultats ne sont pas là. Où est-ce qu'on trouve ça à l'intérieur du rapport, l'analyse qui nous vient... qui nous apporte à la conclusion que les résultats ne sont pas là? Ça ne se retrouve pas à l'intérieur de ça.

Alors, lorsqu'on fait état du contexte du capital de risque au Québec, à l'intérieur du rapport, en page 17, l'analyse est tellement sommaire qu'on... Dans le sommaire du rapport, on reprend mot pour mot le rapport lui-même. Et, en quelques paragraphes, dans chaque cas, on en vient à nombre de conclusions de fond sur la lourdeur des structures actuelles, sur le coût des approches actuelles. On conclut avec peu de choses, simplement que les fonds de travailleurs font partie de l'arsenal public, ce qui est à notre avis tout à fait contestable.

On ignore totalement la Caisse de dépôt. J'ai réexaminé un peu les choses de la Caisse de dépôt, qui est quand même une institution publique, même si les fonds qu'elle gère sont largement privés, faisant partie de caisses de retraite. La Caisse de dépôt a 9 milliards de placements en capital de risque. Ce n'est pas tout fait au Québec, mais c'est largement au Québec. Et là-dedans il y a 1 milliard de dollars qui est en capital de risque dans les technologies. Quelle est l'analyse que fait le groupe de travail de cette contribution-là au capital de risque au Québec? Dans quels créneaux sont-ils installés? Où est-ce qu'il y a des manques? Où est-ce qu'il y a des surplus d'offre de capital? C'est des choses qu'on ne retrouve pas là.

Comment est-ce que vous allez faire, comme parlementaires, pour pouvoir examiner cette situation-là puis prendre des décisions de fond pour l'économie du Québec à partir de ça? Il y a peut-être... Il y a beaucoup de choses qui vont vous être transmises, j'espère que ça vous permettra de vous éclairer, d'avoir des positions claires. Mais, à partir de ça, comment vous allez faire pour déterminer l'avenir de l'économie du Québec? Il nous semble que c'est assez périlleux.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui. Bien, je vais peut-être donner l'occasion à M. Beaulieu, en même temps, d'ajouter, mais aussi de répondre à une autre question, lui qui vit à tous les jours des expériences sur le terrain. La problématique, de l'autre côté, semble être que, quand on parle de résultats, on ne parle que de rentabilité, comme s'il ne pouvait pas y avoir d'autres retombées que des profits. Je voudrais peut-être, avec votre expérience, que vous nous donniez quelques exemples où il y a des projets qui n'avaient peut-être pas, a priori, le taux de rentabilité souhaité, par exemple, par un partenaire privé éventuellement mais qui étaient intéressants pour le Québec, c'est-à-dire qui créaient des emplois, qui permettaient de développer à plus long terme un nouveau secteur, une nouvelle technologie. Je suis certain que vous en avez rencontré. J'aimerais ça peut-être que vous nous parliez de vos expériences, M. Beaulieu, là, surtout pour le bénéfice des libéraux, pour nous dire un peu que ça peut exister, un dossier qui n'a peut-être pas tout ce qu'on souhaiterait au niveau de la rentabilité mais qui a d'autres retombées sociales et même économiques et puis, surtout en région, très importantes pour notre société.

Le Président (M. Paquet): En une minute et demie, M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Léopold): Oui. O.K. Alors, oui, deux cas, deux cas. Par exemple, l'industrie de la crevette au Québec, majoritairement, au plan canadien, elle est du côté des Maritimes. Et quand on sait que souvent ça se développe dans des endroits plutôt monoindustriels ou presque, hein... Quand on est à Rivière-au-Renard, quand on est à Matane, ça compte, Fruits de mer de l'Est, Marinard, et aussi tout le développement de nouvelles technologies à partir de ce qui peut être utilisé à partir de la coquille de la crevette.

Alors, on est en train... on a participé avec le MAPAQ, avec les intervenants régionaux à restructurer cette industrie-là. C'est ce qu'on est en train de réussir, à regrouper, les regrouper pour fins de commercialisation. D'abord, leur redonner une viabilité financière, éviter que les installations soient déplacées vers une province maritime. Ça a commencé comme ça, un téléphone de la municipalité de Matane qui nous a demandé si on était disposé à examiner avec eux, avec la SADC du coin, le CLD, à réunir le capital requis, les hommes d'affaires de la région, pour redémarrer ça.

n(14 h 50)n

Alors, je pourrais aussi vous parler d'un processus en cours actuellement de regroupement de petites boulangeries très complémentaires entre elles, qui sont des fournisseurs de grandes chaînes, et qui sont en train d'être délogées, et qui vont, par leur consolidation, multiplier au moins par deux leurs chiffres d'affaires réunis par rapport à actuellement. Bon. Alors, c'est des cas. J'en aurais d'autres, mais une minute et demie, c'est vite, et je veux revenir sur la question du député sur les CLD et puis sur les FLI, vous dire que...

Le Président (M. Paquet): Pardon, M. Beaulieu, le temps du bloc est écoulé. À moins qu'il y ait consentement...

M. Beaulieu (Léopold): C'est parce que la question...

Le Président (M. Paquet): On va revenir tout à l'heure, si vous permettez. Merci. M. le ministre du Développement économique et régional.

M. Audet: Alors, oui, on aura l'occasion de vous réécouter, vous allez intégrer votre réponse. Alors, Mme Morin, M. Beaulieu, M. Lessard, M. Pepin, alors effectivement j'ai eu le plaisir, l'autre jour, d'avoir une discussion avec vous sur justement, là, l'historique et le développement du Fondaction. Je pense qu'il y a des choses intéressantes, très intéressantes qui ont été réalisées et je pense qu'on reconnaît, là, le travail important que réalise le fonds à travers ses placements.

Mais il y a quand même un certain nombre d'affirmations, en fait, particulièrement, là, de votre collègue de la CSN qui m'ont un peu surpris parce que, effectivement, on parle d'une approche idéologique du gouvernement, j'ai plus l'impression d'avoir une approche idéologique quand je lis ce mémoire-là que... du gouvernement, puisque notre approche, à date, à l'égard de ce dossier-là, est extrêmement pragmatique. On dit tout simplement: On a investi beaucoup d'argent dans le secteur du capital de risque, ces dernières années ? je le rappelle, et c'est important de le dire ? on a mis 580 millions, quand on inclut les fonds mis l'année dernière dans les Innovatech, on a mis... Je pense qu'il y a un montant de 3 milliards pratiquement dans la Société générale de financement. Donc, il y a beaucoup d'argent qui a été investi dans le capital de risque et bien sûr dans Investissement Québec, qui n'a pas un mandat de capital de risque. Donc, il y en a beaucoup.

Et le but de la commission parlementaire, ce n'est pas, contrairement à ce qui a été mentionné, de dire comment le secteur privé peut prendre la place du secteur public carrément, c'est de dire comment il peut s'associer au secteur public dans des nouveaux fonds, ou dans des fonds parallèles, ou complémentaires, ou... On l'a cherché, on cherche des façons de faire, et c'est pour ça qu'on écoute les gens, pour justement augmenter la tarte en quelque sorte effectivement puis permettre peut-être au gouvernement de prendre un peu de repli, oui, mais non pas pour se retirer complètement. On est conscient qu'il va rester là. Et, ce matin, d'ailleurs M. Coupal... Et j'aurais apprécié que le député de Rousseau écoute l'intervention sage de M. Coupal parce qu'il nous a donné une belle leçon de faire, je pense, dans l'approche qu'on devrait avoir justement à l'égard de la révision justement du rôle du gouvernement dans le secteur du capital de risque.

Moi, ce qui me préoccupe un peu dans votre intervention, c'est le fait que... la crainte que vous manifestez à l'égard des fonds d'initiatives régionales. Vous semblez très... Vous craignez beaucoup la présence... Je ne parle pas du niveau, je ne parle pas des conditions, c'est des choses qui pourront être précisées ultérieurement. Le monde s'inquiète, 3 millions, ce n'est peut-être pas assez. C'est le genre de chose... Les gens pourront faire un capital de 5 millions ou de 10 millions s'ils veulent, les régions. C'est le minimum, 3 millions, pour décoller ? c'est clair ? qui était proposé dans le rapport Brunet. Je rappelle que c'est une proposition qui est devant nous, qui n'est pas celle du gouvernement. Donc, je voudrais vous poser la question parce qu'on sent que vous semblez très inquiets de la participation ou du démarrage de ces fonds-là. Qu'est-ce qui vous inquiète particulièrement, alors que ça pourrait être un complément à ce que vous faites? Non?

Le Président (M. Paquet): M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Léopold): C'est que, avec le temps, il est arrivé que les communautés locales, y compris avec la communauté des gens d'affaires, se sont donné, ils se sont développé un certain nombre d'instruments de développement qui sont adaptés, qui leur ressemblent, et ce qu'il faudrait plutôt, c'est soutenir et davantage inviter le capital privé s'il en a de l'intérêt. Mais je répète que, dans les fonds d'amorçage, il faut qu'un certain nombre de conditions soient réunies pour que le privé y tire les revenus qu'il souhaite en tirer et qu'on ne peut pas l'amener là où il ne veut pas aller, et que... Je trouve que c'est utile que de faire l'effort de soutenir en respectant les structures que les régions puis les localités se sont données pour se donner du développement. Et les autres composantes de la société civile font aussi partie de ceux qui ont intérêt, dans leur région, dans leur localité, à ce que le développement économique et social réussisse, qu'il soit fructueux, et c'est ça qui nous semble un peu trop écarté dans ce qu'on a lu et compris du rapport.

Autre chose aussi qui n'est pas de l'idéologie, vous savez, le caractère public, là, par exemple, quand on parle de... La National Venture Capital Association précise que la performance du capital de risque aux États-Unis était de moins 27,4 au 30 juin 2003 dernier et de moins 20 sur trois ans. Bon. Les sociétés Innovatech, dans une période difficile, ne s'en sont pas si mal tirées que ça.

Par ailleurs, ce que je voudrais vous soumettre aussi là-dessus, c'est que, si l'offre est trop concentrée sur le secteur privé, sur les fonds privés, ils sont plutôt frileux en période de récession et ce n'est pas les premiers à assurer la relance, hein? Donc, il y a nécessité de la présence de fonds privés et de fonds de développement comme les fonds de travailleurs pour que, selon les conjonctures et les cycles, il puisse y avoir une réponse la plus adéquate possible pour donner le plus de chances possible au développement, parce qu'une industrie du capital de risque en santé pour elle-même, vous savez, ça ne conduit pas aux retombées puis au développement qu'on cherche, hein?

Donc, oui, il faut que ce soit rentable et, oui, il faut que ça ait les retombées pour les entreprises, pour qu'elles-mêmes soient rentables et puis que le développement économique et social aussi en tire avantage. Et, nous, on n'est pas de ceux qui vont vous mettre... si vous en connaissez, qui vous disent que tout est économique ou qu'on sépare l'économique du social. Il y a une dimension du social dans l'économique et de l'économique dans le social. C'est nécessaire, ça fait partie de nos vies. Maintenant, pour un petit échantillon, sur 86 entreprises dans lesquelles on était investis ? ça date d'il y a quelque temps ? on en avait 25 où il y avait... l'investissement avait été fait en collaboration avec des organismes de développement économique locaux ou régionaux, puis, pour la moitié d'entre eux, c'étaient des CLD.

Donc, pour ce qui est de cette question, préserver le mode de gestion, c'est important, comme je le mentionnais tantôt. Et également les investissements que les FLI font sont des investissements en syndication, hein, ils sont rarement les seuls. Et, parce qu'ils apportent leur contribution, ça peut permettre de réunir un certain nombre d'autres intervenants qui ont intérêt à apporter leur complément et leur expertise aussi pour s'assurer des meilleures chances de réussite, là, de l'entreprise, comme on est en collaboration, par exemple, avec le Réseau d'investissement social du Québec, hein, le RISQ, comme on a participé avec eux et Filaction à mettre en place un fonds de financement pour les coopératives et les entreprises d'économie sociale. Et on le fait en complémentarité plutôt qu'en concurrence et on se voit mieux placés comme ça.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. M. le député de Rousseau... M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. C'est à mon tour de vous saluer, vous souhaiter la bienvenue à cette commission. Alors, M. Beaulieu, quand vous parliez tout à l'heure de la carapace de la crevette, on pense à la chitine puis au chitosane, donc un secteur d'activité que Matane et Rivière-au-Renard connaissent très bien. Et malheureusement, au cours des dernières années, on a perdu beaucoup de nos approvisionnements qui ont dévié vers Terre-Neuve suite à des décisions gouvernementales fédérales, ce qui a fait en sorte que ça a fragilisé l'industrie de cette... Ce n'est pas tellement la crevette qui va être rentable, dans les prochaines années, comme le produit que l'on fait avec la carapace. On a un bel exemple, là, d'entreprises qui sont des acteurs dans les biotechnologies puis de la recherche qui se fait en région avec un support de comités de recherche, de scientifiques à l'extérieur de la région.

Dans votre mémoire, vous avez parlé des FLI, des fonds locaux d'investissement, et j'aimerais ça qu'on le regarde un petit peu plus près, parce que les centres locaux de développement sont très inquiets, ils pensent que le gouvernement, pour économiser 22 ou 24 millions, va couper ces fonds-là. Et il y a des résultats en région. Et j'aimerais connaître la position plus spécifique de la CSN parce que, au niveau du gouvernement puis du rapport Brunet, ils semblent ne pas prendre en considération les retombées secondaires. Les gens travaillent, paient des impôts, etc. Et le fait aussi qu'on associe les fonds d'action ou le Fonds de la FTQ à du capital public, ça m'a surpris énormément parce qu'il y avait les crédits d'impôt qu'ils donnaient. Mais le même privé va en demander des crédits d'impôt aussi, là, qui vont être entièrement privés. Alors, j'aimerais ça, vous entendre sur ces aspects-là.

n(15 heures)n

Le Président (M. Paquet): M. Lessard.

M. Lessard (Michel): Oui. Bien, pour la CSN, ce qui est important et ce qu'on relève dans notre mémoire, c'est que notre principale préoccupation, c'est qu'on remet en question, par exemple, une structure de partenariat qui existe dans les régions notamment par l'implication du milieu dans les CLD, dans les conseils d'administration des CLD, et faire en sorte qu'on souhaite... d'après ce qu'on lit du document, c'est qu'on veut effectivement sortir les gens du milieu, ceux qui sont concernés par la question des CLD.

Les FLI, effectivement, ce sont des fonds d'investissement. Et encore une fois, on l'a dit puis on va le répéter, on ne fait pas la démonstration que les CLD... dans le rapport Brunet, on ne fait pas la démonstration que les CLD, que les FLI n'ont pas rempli leur mission pour laquelle ils ont été créés. On les substitue pour quoi? Il n'y a pas d'analyse, il n'y a rien qui soutient ça dans le rapport Brunet, et, nous, c'est ce qui nous inquiète. On remplace pour quoi, si ce n'est que d'avoir des intérêts autres que ceux qui sont là actuellement.

Donc, pour la CSN, il est important de garder sous le couvercle du CLD du milieu ? la prise en charge par le milieu ? les fonds qui sont là. Et, si le gouvernement souhaite investir sur des modalités, bon, il investira, bon, mais qu'il laisse le milieu décider ce qui est bon pour lui et faire en sorte qu'il prenne en charge cette gestion-là et non pas, encore une fois, par des intérêts particuliers qui vont aller contre l'intérêt général. Pour la CSN, du point de vue, je dirais, de nos régions, parce qu'on est dans l'ensemble des régions, la CSN est sur l'ensemble des territoires de toutes les régions, on participe en partenariat souvent dans les CLD notamment, avec le milieu, le milieu des affaires aussi est là, le milieu social et tout l'ensemble des milieux, puis on est là présents, puis on soutient le milieu, donc c'est notre principale préoccupation.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. Lessard. M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. J'aimerais qu'on parle des projets ACCORD. Dans votre mémoire, vous soulignez que vous espérez que le MDER ne soit pas le promoteur du projet ACCORD qui avait permis d'identifier des créneaux d'excellence en partenariat avec des communautés régionales. Effectivement, dans plusieurs régions et particulièrement les régions ressources, ça a été fait. J'aimerais ça, vous entendre, si vous avez des commentaires à faire sur les bénéfices qui ont été rattachés à ces projets ACCORD là.

Le Président (M. Paquet): M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Léopold): Ce qu'on a essayé de faire valoir, c'est l'importance d'intervenir en réunissant les meilleures conditions possible pour que l'investissement puisse être accueilli sur l'ensemble du territoire. Alors, que le nom change, ce n'est pas notre propos à nous, ça, ça peut être autrement qu'ACCORD que ça s'appelle, mais l'important, c'est ce qui était recherché, au sortir du Forum des régions, sur les conditions de développement, ce que comprenait le projet ACCORD, tu sais. Pour être bref, c'est ce que je veux vous soumettre.

Parce que, quand on parlait tantôt, il y a... Il faut assurer les conditions pour que le privé soit efficace dans ses efforts d'investissement. Et, pour nous, des préoccupations de rentabilité financière, oui, oui, mais d'efficacité économique, c'est-à-dire de faire en sorte qu'on essaie d'investir dans des régions où l'écart de croissance de productivité, par exemple, quand on pense aux entreprises, essayer de le faire pour rendre plus facilement les entreprises capables d'accueillir les nouvelles technologies dans les équipements, dans les installations, d'être capable... d'avoir le souci aussi d'intervenir pour agir pour que les conséquences de nos investissements aient un impact sur le développement local puis régional, qu'on essaie de faire nos interventions de manière à inciter les entreprises à prendre en compte les risques environnementaux puis les enjeux qui sont reliés aux organismes vivants.

Pour nous, ce n'est pas opposer le social à l'économique, c'est au contraire, avec une préoccupation économique, induire des préoccupations sociales qui assurent un développement plus durable. Ça nous semble important d'avoir, dans l'offre, dans le corpus de l'offre globale de capital de risque et de financement aux entreprises ou de participation et de capitalisation des entreprises, une part importante de cette offre de financement qui soit sensible à ces préoccupations-là. Et c'est ça qu'on essaie de faire valoir, là, quand on exprime notre position à l'égard du rapport Brunet, à Fondaction, et qu'on exprime notre disponibilité aussi pour investir et à côté et dedans les fonds spécialisés, les fonds privés. C'est comme ça que je souhaiterais qu'on soit compris en rapport avec nos convictions, nos convictions qu'il y a une utilité pas seulement financière mais... oui, financière et aussi économique et aussi sociale, et c'est important. Et l'histoire de nos... Nos savoirs mesurés sont déficitaires par rapport aux enjeux qui se posent aujourd'hui sur les questions du développement.

Et il est intéressant d'aller voir au PNUD, la recherche ? aux Nations Unies ? la recherche qui se fait en termes de découverte de nouveaux indicateurs pour qualifier la richesse, pour qualifier le développement social, pour qualifier et pour mesurer aussi l'impact sur le développement économique, c'est autour de ces questions-là. On ne prétend pas avoir la vérité, mais on dit que, comme le trésorier de la CSN le mentionnait, une économie qui est plurielle, où il y a une place pour le privé, il y a une place pour l'État et il y a une place pour un secteur d'économie sociale préoccupé aussi globalement, une société qui se préoccupe des conditions de développement durable, on ne peut pas faire autrement que d'aller mieux en toute saison que ceux qui seraient dans le tout à l'État ou dans le tout au privé. C'est ça qu'on essaie de soumettre.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. Beaulieu. Moins d'une minute pour question et réponse. M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Moins d'une minute, peut-être pour... Un commentaire rapidement concernant des affirmations qui sont souvent galvaudées à l'effet qu'on compare le Québec à l'Ontario puis qu'on dit qu'on est moins performants. Vous avez des commentaires rapides à faire là-dessus? Dans votre mémoire, vous en parlez.

M. Beaulieu (Léopold): Oui, oui, bien, c'est...

Le Président (M. Paquet): M. Beaulieu, en 35 secondes.

M. Pepin (Marcel): Je peux bien dire un mot, mais...

Le Président (M. Paquet): M. Pepin.

M. Pepin (Marcel): Écoutez. On parlait tantôt des retards de productivité, puis c'est un peu la même chose dont on parle là. Il faut parler de structure économique. Et la structure économique du Québec n'est pas la même que celle de l'Ontario. Et il faut voir comment on veut intervenir pour la changer, cette structure économique là. Ça veut dire des mesures de transition pour les personnes qui y vivent, qui doivent passer d'un type d'emploi à un autre, mais ça veut dire aussi, quand on mesure notre intervention dans l'économie, qu'on ne fait pas juste mesurer si on a dépensé 42 000 $ pour un emploi, mais aussi qu'est-ce que ça a rapporté puis qu'est-ce que ça a créé comme synergie pour le futur. Et ça, ça nous apparaît essentiel. Je suis pas pire, pour le temps?

Le Président (M. Paquet): ...M. Pepin.

Une voix: ...

Le Président (M. Paquet): M. le député de Roberval.

M. Blackburn: C'est quasiment stressant, M. le Président, votre sonnette.

Le Président (M. Paquet): Je ne savais pas qu'il y avait une sonnette sur le cadran. Désolé.

M. Blackburn: Alors, merci, M. le Président. Mme Morin, M. Beaulieu, MM. Lessard et Pepin, bonjour, merci beaucoup d'être ici. Je savais qu'on avait une différence entre les gens du Parti libéral et bien sûr les gens du Parti québécois, mais je constate une chose, c'est que cette différence-là continue de s'élargir, et de manière assez importante. D'abord, d'un côté, on a une obsession maladive à certaines retombées économiques, et force est de constater que cette notion maladive là de certaines retombées économiques a réussi par atteindre son but. Effectivement, on est tombés dans le trou. Nous, ce qu'on veut faire, on veut s'en sortir. C'est pour ça qu'on est en commission parlementaire et c'est pour ça qu'on vous écoute ce matin et qu'on a la chance de pouvoir avoir des échanges qui sont importants.

M. Lessard, tantôt, vous avez dit quelque chose qui m'a fait un peu réagir. Vous mentionnez que vous êtes pour effectivement qu'il y ait de l'investissement privé qui s'en vienne se mêler avec du public. C'est ce que vous avez dit tantôt, vous étiez prêts à avoir des capitaux privés pour faire du capital de risque. Par contre, la gestion va rester entre les mains du public. Donc, si je comprends bien ce que vous me dites, c'est: Amène-moi ton argent, mais tu n'as pas un mot à dire sur la manière que je le gère. C'est ce que je comprends.

Le Président (M. Paquet): Il reste 10 secondes. M. Lessard.

Une voix: ...

M. Blackburn: Oui, hein?

M. Lessard (Michel): Vous avez mal compris. Il me reste-tu du temps?

M. Blackburn: Rassurez-moi.

M. Lessard (Michel): Bon, bien, je vous le dirai tantôt, là, puis...

Le Président (M. Paquet): Bien, merci beaucoup.

Une voix: ...

M. Lessard (Michel): Non, non, mais ce que je dis, c'est que, quand...

Le Président (M. Paquet): Rapidement, s'il vous plaît.

M. Lessard (Michel): Est-ce que vous me donnez la permission, M. le Président?

Le Président (M. Paquet): Sur le temps de la présidence, allez-y, M. Lessard.

n(15 h 10)n

M. Lessard (Michel): Ce que la CSN dit, c'est: Lorsqu'il y a des fonds qui sont de nature publique, elle doit conserver la mainmise sur le cadre et sur l'ensemble de l'opération, et ça ne veut pas dire de ne pas avoir des partenariats, on le sait, mais ça veut donc dire que, quand il y a des fonds publics, nous, ce qu'on veut s'assurer, hein, on veut s'assurer que l'État, le public, garde la gestion par ses propres moyens ou par des structures publiques qu'il aura sous sa responsabilité. Mais on ne veut pas confier l'argent de l'État au privé, tout simplement. Est-ce que c'est plus clair ou...

M. Blackburn: Ça revient au même.

M. Lessard (Michel): Bon. Voilà.

Le Président (M. Paquet): Il ne reste plus de temps, M. le député de Verdun. Alors donc, au nom de la commission parlementaire, au nom de l'ensemble des membres de la commission, nous vous remercions sincèrement pour votre participation, M. Lessard, M. Pepin, M. Beaulieu, Mme Morin, donc qui représentaient la CSN et le Fondaction de la CSN. Merci. Alors, je suspends les travaux pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 11)

(Reprise à 15 h 14)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la commission reprend ses travaux. Il me fait plaisir d'accueillir maintenant les représentants du Chantier de l'économie sociale et du Réseau d'investissement social du Québec, qui sont représentés par Mme Nancy Neamtan, présidente-directrice générale du Chantier de l'économie sociale. Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, présenter les gens qui vous accompagnent pour qu'on puisse prendre note et inscrire... C'est plus facile pour les échanges par la suite, de vous identifier.

Chantier de l'économie sociale et
Réseau d'investissement social du Québec (RISQ)

Mme Neamtan (Nancy): Oui. Alors, je vous présente M. Charles Guindon, qui est chargé de développement au Chantier de l'économie sociale, Élise Tessier, qui est directrice générale du RISQ, et Odette Dallaire, qui est membre du conseil d'administration du RISQ comme représentante de la Caisse d'économie des travailleurs et travailleuses du Québec.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, Mme Neamtan. Donc, avec plaisir, maintenant, nous vous cédons les 20 prochaines minutes pour pouvoir faire vos présentations et qui seront suivies d'une période d'échange avec nous.

Mme Neamtan (Nancy): Alors, je partagerais la présentation avec Mme Tessier, qui représente le RISQ. Peut-être juste pour vous rappeler rapidement que le Chantier de l'économie sociale est un organisme autonome, un organisme sans but lucratif, administré par un conseil d'administration de 29 personnes qui représentent tout un réseau de... le Chantier étant un réseau de réseaux, donc toute une série de réseaux d'entreprises collectives, coopératives et sans but lucratif, des réseaux aussi d'organisations qui travaillent au niveau du développement économique et social de leur communauté locale, puis des grands mouvements sociaux qui adhèrent à la vision que nous défendons, de développement économique et social du Québec.

Alors, pour aller rapidement ? il y a tant de choses à dire sur un sujet aussi important ? c'est de dire que nous avons été assez, je dirais, déçus, pour ne pas dire en colère, de lire le rapport Brunet sur l'avenir du capital de risque au Québec. Déçus et en colère parce qu'on pensait qu'on avait quand même avancé assez au Québec pour que les gens sachent et reconnaissent ce que nous aimons appeler la pluralité de notre économie et que, sur le territoire du Québec, autant dans son histoire que dans son développement, il y a bien sûr les entreprises privées qui jouent un rôle moteur et important dans le développement économique, il y a bien sûr l'État qui a une fonction importante à jouer dans le développement, mais aussi qu'il y a la société civile, les actions collectives et surtout des entreprises collectives qui, depuis plus d'une centaine d'années, ont contribué à l'essor du Québec puis, dans bien des cas, ont sauvé, ont été à la source de la sauvegarde de beaucoup d'activités économiques dans toutes les régions du Québec et notamment dans le milieu rural.

Alors, notre surprise de lire un rapport où on ne tient pas compte de cette réalité-là quand, pour nous, comme dans n'importe quel développement d'entreprise, l'enjeu de l'investissement, du capital de développement est au coeur de nos préoccupations et, on peut dire, le nerf de la guerre, d'ignorer plus de 7 000 entreprises avec un chiffre d'affaires de plus de 17 milliards, qui est en rapide progression ici, au Québec, pour nous, effectivement ce rapport-là nous a déçus fortement, d'où notre présence ici, aujourd'hui.

Alors, notre mémoire effectivement donc prend la peine de rappeler l'importance de l'économie sociale au Québec, comme je l'ai mentionné, les chiffres qui sont là et qui continuent à progresser d'une façon importante, de rappeler aussi que ce développement-là s'est fait sans outil. En tout cas, on regarde le développement du capital de risque au Québec et l'implication des grandes sociétés d'investissement comme des plus petites pour vous rappeler que l'économie sociale a eu accès à à peu près pas d'outils ou très, très peu d'outils pour soutenir son développement et que, malgré ça, cet entrepreneurship collectif et social est en pleine émergence et de plus en plus présent dans toutes les régions du Québec et que cette reconnaissance, elle est présente ici, au Québec, mais que c'est loin d'être une invention strictement québécoise, bien qu'on en est très fiers de son développement au Québec, mais cette reconnaissance de l'importance de ce type d'entreprise là dans le développement économique et social de notre société moderne, elle est réelle et elle est reconnue de plus en plus, que ce soit par le gouvernement du Canada, tout récemment, dans le discours du trône, mais aussi au niveau international, que ce soit en Europe ou dans les pays en voie de développement.

Alors, simplement de vous rappeler que l'économie sociale, si on parle de cela avec autant d'importance et on insiste sur l'importance de reconnaître l'importance des outils financiers spécifiques, c'est parce que l'économie sociale et les entreprises d'économie sociale ont une contribution spécifique au développement du Québec. Ce sont des entreprises qui sont collées sur les besoins et qui souvent identifient des nouveaux besoins dans les communautés et répondent d'une façon concrète à ces besoins-là. Ce sont des lieux d'innovation et souvent qui jouent un rôle à structurer des marchés qu'aucune entreprise privée et qu'aucun État n'est en mesure de structurer comme marchés, que ce soit dans le domaine des services de proximité, que ce soit dans le domaine de l'environnement ou dans bien d'autres.

Ce sont des entreprises qui ont une rentabilité sociale importante et qui contribuent donc au développement des... mais qui fonctionnent avec un autre type de rationalité que l'entreprise privée, tout en sachant évidemment l'importance d'une viabilité financière et d'une bonne gestion. Ce sont des entreprises... Et je pense qu'au moment où on n'arrête pas de prêcher la rareté des ressources, ce qui est innovateur et important dans les entreprises d'économie sociale, c'est leur capacité de marier autant les ressources bénévoles avec des ressources du marché et des contributions du public pour arriver à répondre à un ensemble de besoins auxquels ni le privé ni le public peuvent répondre.

Et finalement je voudrais rappeler que ce sont des entreprises durables. Malgré une image qui est souvent vue comme étant des choses éphémères, on dit souvent dans le domaine de l'économie sociale: C'est peut-être plus difficile de partir une entreprise collective, mais, une fois partie, on n'est pas tuables. Et d'ailleurs on a des études qui démontrent de plus en plus la longévité, notamment une étude faite par le MIC sur la longévité des coopératives. Mais Mme Tessier aura l'occasion de vous expliquer comment aussi, dans nos investissements, au RISQ, on est en mesure de prouver que le risque, le vrai risque financier est beaucoup moindre quand on parle de l'entreprise collective.

n(15 h 20)n

Alors, tout ça pour vous dire que, pour nous, quand on parle de l'importance et des enjeux du développement régional au Québec, d'oublier l'économie sociale au moment où on se parle est de vraiment priver les régions d'un instrument de développement extrêmement important, et non seulement important à court terme, mais aussi d'une façon non aliénable. Parce qu'on vous rappelle que l'entreprise collective, il n'y a personne qui peut venir acheter ça, en tout cas ça appartient à la collectivité, les rendements, les profits sont réinvestis dans la communauté. Alors, pour l'État québécois qui cherche le bien-être de l'ensemble de la collectivité québécoise, il nous semble que se soucier des outils financiers orientés vers les entreprises d'économie sociale devrait être une priorité plutôt qu'un oubli, comme on a vu dans le rapport Brunet.

Je vous rappelle simplement un exemple. Et c'est un peu pertinent, très pertinent aujourd'hui, au moment où est-ce qu'on vit la crise en Gaspésie de façon aiguë, de vous rappeler, par exemple, juste quelques exemples qu'on avait pris au hasard. Mais, en Gaspésie, on a aujourd'hui, par exemple, parmi les plus gros employeurs en Gaspésie, on a une entreprise adaptée qui est dans le domaine de l'impression, qui est un centre de travail adapté, un organisme sans but lucratif qui offre de l'emploi à 115 employés, dont une bonne partie, ce sont des gens qui vivent des handicaps intellectuels. Et je vous invite à la visiter, cette entreprise, à Amqui, c'est assez impressionnant. Une autre qui est une entreprise en aide domestique qui offre de l'emploi à 185 personnes à Grande-Vallée. Donc, juste pour vous donner un exemple du fait qu'on ne parle pas juste de petites entreprises, bien que les petites entreprises sont importantes, mais des entreprises qui ont aussi... de plus en plus qui offrent des emplois à de plus en plus de monde et donc jouent un rôle extrêmement important. Alors, voilà un peu le... Et malheureusement, on va le faire et on va le refaire, et vous n'avez pas fini de nous entendre parler de l'importance de l'économie sociale.

Mais, pour aller spécifiquement sur le rapport Brunet, il nous semble qu'il y avait beaucoup de choses qui nous ont inquiétés dans ce rapport-là. Premièrement, on trouve qu'on a parlé de l'importance du privé dans le capital de risque. Nous, on n'a aucun problème avec ça, qu'on puisse trouver des moyens de le faire, mais on veut rappeler aussi que ? et d'ailleurs on vous parlerait tout à l'heure du risque ? on a été peut-être précurseurs et même avant-gardistes parce que, en 1996, quand on a identifié un besoin de financement, on est allés justement voir le privé et on a demandé au gouvernement de coter ça un pour un, alors que le rapport Brunet propose deux pour un pour l'argent du privé. Alors, on vous dit un peu en boutade: Vous nous en devrez quelques millions pour ça. Mais ce n'est pas nos propos aujourd'hui.

Mais de dire qu'on croit dans la question des partenariats avec le privé, certainement, mais ce qu'on croit surtout, c'est que le rôle de l'État, qui offre des mesures fiscales, qui offre des mesures de contribution directe, doit se soucier du rendement à la collectivité, que ce soit un rendement économique en termes de création d'emplois, que ce soit un rendement social, un rendement environnemental. Mais, pour nous, le rôle que l'État doit jouer quand il arrive, ce n'est pas simplement de dire au privé: Allez-y, ciblez simplement les entreprises à haut rendement de potentiel, mais au contraire de s'assurer que toute utilisation de l'argent public, que ce soit par des mesures fiscales ou des mesures de contribution directe, ait un bénéfice pour l'ensemble de la collectivité québécoise.

Et il me semble... Si on dit ça, c'est parce qu'on est convaincus et je pense qu'on n'a pas besoin de... Bien, on a besoin encore de le répéter, c'est que ce n'est pas vrai que la croissance économique basée juste sur les entreprises à haut rendement règle l'ensemble des problèmes du développement du Québec. Si c'était le cas, il y aurait des pays, beaucoup de pays où est-ce qu'il n'y aurait plus de problèmes sociaux. Il faut absolument arriver à équilibrer le développement économique, social et environnemental, et, dans ce contexte-là, on pense que la contribution de l'État, même dans le domaine du capital de risque, doit tenir compte de cette question-là.

On pense aussi que, dans le domaine de l'économie sociale, il y a moyen d'aller plus loin pour lever de l'argent privé parce qu'on sent auprès des Québécoises et des Québécois, comme c'est le cas à travers, bon, l'Amérique du Nord puis, je pourrais dire, les pays occidentaux, qu'il y a de plus en plus une volonté d'investisseurs privés, individuellement ou en entreprise, pour regarder davantage la question de l'investissement socialement responsable, et certainement l'économie sociale se situe là-dedans.

En ce qui concerne les propositions des fonds d'investissement régional, on a beaucoup d'inquiétude par rapport à ça effectivement pour les raisons que je viens de donner et particulièrement dans la définition de dire qu'on doit donner au privé le contrôle de ces fonds-là; bon, dépendant de comment on définit le privé, mais notre compréhension était vraiment les actionnaires privés qui cherchent des rendements financiers. Nous, on est d'accord encore une fois à des partenariats, mais on pense qu'il faut avoir d'autres acteurs de la société civile et notamment les entreprises... les acteurs de l'économie sociale. Et c'est pour ça qu'on pense que le modèle qui a été développé avec les fonds d'investissement locaux dans les CLD ont déjà fait leurs preuves, et on encourage le gouvernement de continuer à soutenir ces fonds-là. Je pense que ce sont des façons pour les communautés de se prendre en charge et de continuer à être responsabilisées par rapport à leur développement.

Bon. Rapidement, donc. En tout cas, je vais finir, je pense que je...

Le Président (M. Paquet): Neuf minutes.

Mme Neamtan (Nancy): Pardon?

Le Président (M. Paquet): Vous avez neuf minutes au total.

Mme Neamtan (Nancy): O.K. Alors, j'irai rapidement, avant de passer la parole à Mme Tessier. Mais dire simplement que c'est vrai qu'il y a déjà eu un certain nombre d'expériences au niveau du développement des outils pour l'économie sociale. Mme Tessier en parlerait, de l'expérience du RISQ. On a évidemment... Et on souhaite qu'Invest-Québec continue à jouer un rôle avec Garantie COOP et Garantie OBNL, qui ont été importants. On pense qu'il y a des améliorations à faire par ailleurs dans le projet qui devait être un projet de quasi-équité pour l'économie sociale, dans le sens qu'on pense qu'on peut aller plus loin dans la façon de vraiment mettre... soutenir les entreprises d'économie sociale avec les fonds qui sont déjà à Invest-Québec, mais aussi de respecter le fait que le RISQ a déjà une expertise dans les montants autour de 50 000 $ et donc qu'il ne devrait pas y avoir de dédoublement dans ce contexte-là.

Et finalement vous dire que, pour nous, la prochaine étape ? parce que, nous, on est des entrepreneurs, on soutient des entrepreneurs à travers le Québec ? pour nous, la prochaine étape qu'il faut absolument passer, c'est d'arriver à avoir un nouveau produit, de nouveaux produits et notamment un produit qu'on appelle de l'équité, de l'avoir propre. Nos entreprises présentement ont accès uniquement à du prêt. Du prêt, c'est du passif tout de suite, ce n'est pas de l'argent qui travaille pour l'entreprise, c'est de l'argent qui devient tout de suite une obligation de rembourser. On est convaincus qu'il y a des partenariats à faire avec des fonds de travailleurs et avec des fonds privés de différents types et que la contribution du gouvernement qui serait importante, c'est de travailler avec nous pour pouvoir sécuriser certains de ces fonds-là, pour pouvoir investir davantage dans l'avoir propre et dans l'équité dans les entreprises d'économie sociale qui sont en plein développement, qui ont un potentiel de création d'emplois, de développement de nouveaux marchés, de structuration de marchés qui est absolument formidable dans une foule de secteurs, et finalement aussi de reconnaître l'importance des partenaires de finances solidaires, que ce soit du crédit communautaire, que ce soit le Réseau d'investissement social du Québec et d'autres. Et, dans ce sens-là, je laisserais la parole à Mme Tessier qui vous parlerait plus des acquis du RISQ et les besoins aussi pour son développement.

Le Président (M. Paquet): Alors, Mme Tessier, vous avez six minutes et demie, environ.

Mme Tessier (Élise): D'accord. Alors, je vais y aller rapidement, d'abord pour vous dire que les carences qui ont été identifiées dans le rapport Brunet, on est d'accord avec certaines de ces carences-là. Notamment, le manque de fonds aux niveaux d'amorçage et démarrage, on le vit au quotidien. Les tailles importantes, la deuxième carence que vous avez notée, on n'est pas encore rendus là, quoiqu'on est en train de travailler à ce qu'on appelle le développement de l'escalier de la finance solidaire, mais on n'a pas encore des projets qui nécessitent des investissements de 20 millions et plus. Mais, avec la troisième carence que vous avez notée, l'importance d'avoir une accessibilité au niveau des petits investissements dans les régions, ça aussi, on est à même de le constater parce que notre portefeuille est vraiment diversifié dans toutes les régions du Québec.

Toutefois, on note une quatrième carence, et c'est là-dessus qu'on a été vraiment déçus, dans le rapport Brunet, il y a une autre carence à notre avis qui doit être notée, l'accessibilité au financement pour les entreprises d'économie solidaire, qui se confrontent à vraiment une difficulté importante quand elles arrivent à soumettre leurs projets au niveau des institutions financières dites traditionnelles. Là, on ne les fait pas passer au comptoir des services aux entreprises. Et pourtant l'expérience du RISQ démontre que ces entreprises-là, quand on leur offre un financement adapté, sont capables d'utiliser le financement et les leviers traditionnels et permettre aux entreprises de financement de pouvoir jouer leur rôle.

n(15 h 30)n

Le RISQ, on est un fonds doté d'un capital de 10 millions de dollars, souscrit, comme Mme Neamtan le disait, en partenariat public-privé. Alors, on a 4,3 millions de dollars qui proviennent des entreprises, de dons, de souscriptions sous forme de dons, d'entreprises comme Jean Coutu, comme Alcan, comme récemment le Cirque du Soleil. Les grandes banques ont souscrit sous forme de dons, les banques Royale, Nationale, de Montréal. Le Mouvement Desjardins est un de nos partenaires, et les cofinancements se font aussi majoritairement avec les caisses locales du Mouvement Desjardins.

Non seulement ces entrepreneurs-là du privé ont souscrit, mais participent à la gouvernance du risque. Donc, c'est une gouvernance mixte, non pas confiée juste au privé, qui comprend les souscripteurs, et qui comprend des représentants de l'économie sociale autour de la table, et qui fait qu'on a aussi des acquis de part et d'autre. Les banquiers nous disaient que jamais ils n'avaient analysé des dossiers de la façon dont on le faisait, avec tous les impacts, en prenant compte de tous les impacts sociaux, et que ça change quelque peu leur façon de voir.

On a depuis ? on est dans notre sixième année d'opération, donc un très jeune fonds ? investi à peu près 6,5 millions de dollars et, jusqu'à présent, on a 1,2 % de perte au volet capitalisation. Donc, c'est la preuve que ces entreprises-là ont tellement besoin de financement, se sont tellement fait fermer les portes, et ont fait la démonstration qu'elles sont capables d'emprunter, capables d'utiliser ces leviers-là, et ont une très grande fierté au niveau des remboursements. Ces résultats-là, on peut les voir aussi dans les portefeuilles des autres fonds. Ceux du crédit communautaire, les taux de remboursement sont aussi élevés, et on a la même chose dans les centres locaux de développement. L'ancrage est garant du risque dans nos façons à nous d'analyser. On a développé aussi, étant donné les caractéristiques spécifiques des entreprises, des modèles d'analyse de ces entreprises-là, donc un volet de recherche et développement assez important.

Vous parlez, dans la rapport Brunet, aussi de la multiplicité des structures et vous souhaitez une approche qui soit moins coûteuse. On ne peut pas être contre ça. Mais on a des réticences quand on propose la mise en place de 17 FIR dotés de fonds minimums, comme vous le disiez, de 54 millions, un peu en levant les fonds qui sont destinés aux... qui étaient déjà dans les mains des CLD, 118 FLI pour 117 millions de dollars. Alors, comment penser de pouvoir faire les mêmes activités de levier avec beaucoup moins d'argent? Alors, c'est déjà un enjeu important. Non seulement la taille... le montant est diminué, mais aussi on change la taille des investissements. Majoritairement, les FLI étaient dans des projets plus petits, et là on s'en va vers des projets de 300 000 $. Ça veut dire aussi qu'on modifie la clientèle cible des ces projets-là. Alors, simplifier les structures, on dit: C'est O.K., mais conserver le rôle du capital au niveau du développement des communautés. Alors, on se demande, chez nous, comment le gouvernement comblera le vide qu'il va créer en déviant ces sources d'investissement là.

Vous parlez de mesures incitatives aussi, avec des modèles de la Nouvelle-Zélande, des États-Unis et du Royaume-Uni, une approche de levier, en faisant un rapport au niveau de l'approche des investisseurs privés pour développer des mesures incitatives pour attirer l'entreprise privée. On sait que, dans les projets d'amorçage ? et vous le mentionnez dans le rapport ? ça nécessite beaucoup d'encadrement. Et on le vit au quotidien aussi. Ça veut dire aussi une forte hausse des coûts par transaction. Alors, chez nous, on se demande... Aussi, on a déjà déposé au ministre Séguin un avis comme quoi la mesure... On a un incitatif fiscal qui avait été accordé en 1996 mais qui est inutilisable comme il est présentement parce qu'il ne tient pas compte d'un investissement solidaire, il tient compte de dons gagnés pour... d'une mesure fiscale additionnelle pour gagner des revenus. Alors, on demande de réviser la mesure fiscale qui est accordée au RISQ et de voir aussi à avoir une mesure fiscale pour l'ensemble des fonds gouvernementaux. Dans ce qui est partenariat public-privé...

Le Président (M. Paquet): Vous pouvez conclure, s'il vous plaît?

Mme Tessier (Élise): Oui? De couper?

Le Président (M. Paquet): Le temps est écoulé, mais je peux vous laisser peut-être une phrase, là, peut-être pour conclure, si vous permettez.

Mme Tessier (Élise): Bon. D'accord. Alors, bien peut-être pour résumer, c'est de vous indiquer que dans le fond l'investissement est aussi rentable socialement, et on se demande, avec les fonds qui sont développés au niveau des FIR, comment est-ce que... Avec notre expérience des fonds de 3 millions, nous, on a 10 millions et on n'arrive pas à couvrir les frais d'opération. Alors, on se demande comment ça va pouvoir se produire à l'échelle des régions.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, Mme Tessier. Alors, M. le ministre au Développement économique et régional.

M. Audet: Merci. Merci, Mme Neamtan. Merci à vos collaborateurs, que ça me fait plaisir de rencontrer. Et disons que je vais faire peut-être une petite mise au point au départ parce que je vois effectivement dans les propos qui ont été tenus une certaine confusion. Sans vouloir faire un jeu de mots, on ne voulait pas confondre capital de risque et le RISQ qu'est le Réseau d'investissement, donc qui est votre nom. Parce que j'ai l'impression des fois que, en vous écoutant, on a l'impression... le Réseau, donc, d'investissement social du Québec, c'est qu'on a l'impression qu'on... vous avez... l'impression qu'on a voulu éviter ou ignorer l'importance de l'investissement social parce que le mandat portait sur le capital de risque. C'est, je dois le dire, là, peut-être une approche tout à fait différente.

Vous savez que notre ministère appuie, et va continuer de le faire, votre réseau donc et les entreprises d'économie sociale par d'autres moyens. Et je ne pense pas que ça aurait été nécessairement une bonne idée de placer... d'intégrer, disons, de considérer le capital de risque des investissements qu'on fait dans l'économie sociale sur le même pied que les autres. Là, vous auriez été encore plus justifiés de dire effectivement: On n'a pas la même mission, on ne fait pas les mêmes choses. Donc, au fond, je ne vous le reproche pas, mais je vois la critique comme étant peut-être le fait que le rapport Brunet n'a pas mentionné effectivement, n'a pas traité de cet aspect-là, et non pas le fait qu'il y a une contradiction. Parce que c'est deux choses complètement différentes, je pense, que d'aborder l'analyse des investissements ou du rôle de l'État dans le capital de risque et donc dans des investissements qui sont dans le secteur privé, et l'économie sociale comme évidemment on l'entend et qu'on la connaît.

D'ailleurs, j'ai eu l'occasion de travailler assez étroitement avec Nancy Neamtan dans mes fonctions antérieures, et même, à l'occasion du Sommet économique, on a travaillé pour justement essayer de convaincre quelques entreprises et partenaires privés importants à s'impliquer dans le RISQ. Donc, je connais très bien l'importance de votre organisation et son rôle social, particulièrement dans beaucoup de régions mais, je dois le noter, particulièrement à Montréal, où son intervention est reconnue beaucoup, particulièrement dans le Sud-Ouest, où, je pense, Mme Neamtan a travaillé beaucoup dans le passé. Donc, je voulais juste faire un point là-dessus pour bien indiquer que ce n'était pas son mandat de traiter ça. Je ne veux pas justifier le rapport Brunet de ne pas l'avoir traité, mais je veux dire que ce n'était pas le sens du mandat qui lui était donné.

Deuxième commentaire que je veux faire, c'est que j'ai entendu mentionner toutefois qu'à beaucoup d'endroits vous dites, dans le rapport Brunet, vous dites... Il faut comprendre que c'est le rapport d'un groupe de travail qui soumet un document à l'attention d'une commission parlementaire qui pose des questions de part et d'autre et qui peut d'ailleurs avoir de très grandes réserves sur un aspect ou l'autre de la recommandation d'un côté ou de l'autre. De ce côté-ci, donc, on n'est pas liés, au fond, aux recommandations. Donc, c'est vraiment un document de travail qui donne des pistes pour encore une fois le mandat du capital de risque. Donc, ça aussi, je pense que c'est important. Donc, le gouvernement n'a pas statué, ce n'est pas la politique du gouvernement. Il faut quand même le répéter, c'est très important de le dire.

Ceci dit, en partant du travail qui se fait actuellement avec le groupe d'économie sociale et le réseau d'économie sociale, encore une fois, moi, j'aurais peut-être une question à poser à Mme Neamtan. Dans quelle mesure justement... Depuis maintenant, quoi, sept ans, huit ans, depuis 1996... vous aviez commencé avant, mais qu'il y a eu de l'implication du secteur privé dans son groupe, il y a des partenaires, je pense, il y a des membres du conseil d'administration dans le secteur privé qui oeuvrent. Est-ce qu'il n'y a pas eu un effort et une sensibilisation beaucoup plus grande de certains hommes d'affaires ou des gens des entreprises, des grandes entreprises à l'oeuvre et au travail que vous avez fait? En fait, je ne vous demande pas d'écrire vos mémoires, là, c'est encore trop jeune pour ça, mais vous avez quand même connu une évolution, vous avez vu un aspect important, la société a évolué beaucoup et particulièrement le milieu des affaires, ces dernières années. Dans quelle mesure l'avez-vous observé? Et est-ce qu'actuellement vous avez encore le support de gens d'affaires pour justement appuyer vos projets même parfois, là, de façon ponctuelle ou au niveau du groupe comme tel de l'économie sociale?

Le Président (M. Paquet): Mme Neamtan.

n(15 h 40)n

Mme Neamtan (Nancy): Oui. Bien, effectivement, moi, je dirais que ça continue à progresser. Et ce n'est pas juste le travail du Chantier de l'économie sociale, je dois le dire, ni du RISQ, mais c'est aussi, je veux dire, dans la communauté des affaires, que ce soit au Québec ou ailleurs, une reconnaissance de plus en plus de leur responsabilité dans le développement de leur communauté. Je lisais, hier, un article dans Harvard Business Review qui disait: Il ne fallait pas... Le titre, c'était From Spare Change to Real Change.

Alors, moi, je dirais que l'enjeu, pour nous, au niveau du RISQ, c'est de ne pas avoir deux poids, deux mesures. Ce qu'on a trouvé... Je peux comprendre que le mandat du rapport Brunet, c'était de garder la SGF et les grosses affaires. Mais, à partir du moment où il s'est mêlé de ce qui se passe au niveau des outils, des instruments de développement régional, je peux vous dire qu'on se sent préoccupés par ça, préoccupés parce que les entreprises sont sur les territoires et ils ont de plus en plus bénéficié des soutiens. Parce que les gens, ils voient qu'on parle d'entreprises, on ne parle pas, tu sais... Et c'est la fonction de l'entreprise, c'est la fonction... l'accès du capital pour nous est important et que, par exemple, au RISQ, on a ramassé de l'argent du privé mais sans aucune mesure fiscale efficace, pas reconnaissance de charité parce que ce ne sont pas des organismes de charité, ce sont des entreprises. Alors, on avait à faire la preuve.

Mais, quand vous revenez avec les FIR et vous dites: On va matcher 2 pour 1... bien, pas vous. Quand M. Brunet dit et ceux qui l'ont signé, quand le rapport dit: On va matcher 1 $ du privé pour 2 $ et qu'on regarde... En plus, il y a des mesures fiscales dont on n'a pas évalué les coûts pour l'État, qu'on dit qu'on va juste chercher les projets, c'est un financement... rendement financier important pour... parce que c'est ce que cet argent privé va chercher, vous pouvez comprendre notre indignation, jusqu'à un certain point. Puis M. Pronovost ? je ne sais pas, il est parti ? il y a goûté. Aussitôt que...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Neamtan (Nancy): Parce qu'on fait justement ça, de dire: On veut pouvoir avoir des mesures pour permettre à l'argent, à des investisseurs privés, dont il y en a beaucoup qui sont dans les... des fois c'est à travers le capital institutionnel, les fonds de pensions, des fonds de travailleurs, le Fonds Desjardins, etc., qui auraient le goût mais qui ont besoin de quelques instruments, que ce soit soit par la fiscalité, soit par les fonds garantis, de pouvoir aller... D'autant plus qu'on est capables de donner un rendement, on est capables de... Mais on ne donnerait pas un rendement de 20 %, on n'irait jamais en Bourse, mais on peut donner un certain rendement, l'expérience du RISQ le prouve et beaucoup d'autres expériences. Mais le rendement, il va être aussi en mesures sociales. Et donc il nous semble encore plus logique que l'État mette des instruments à notre disposition pour lever du capital privé, ce qui était le cas jusqu'à présent. Et donc la logique qu'il y avait dans le rapport Brunet nous confronte en pleine face parce qu'il va complètement dans un autre type de logique. Mais toujours on demande à l'État d'intervenir. Aïe! ce n'est pas... Ce rapport Brunet là, il demande une contribution généreuse de votre part, mais, quand il y a des retombées, bien, c'est privatisé. C'est là où est-ce qu'on a eu une réaction assez forte.

Le Président (M. Paquet): Merci, Mme Neamtan. M. le ministre.

M. Audet: Non, je vais laisser ma... à mon collègue.

Le Président (M. Paquet): D'accord. Il y avait M. le député de Saint-Jean. Deux minutes, question et réponse.

M. Paquin: Oui, avec la réponse? Oui, merci, M. le Président, je vais aller très, très, très vite. J'ai une question pour nos invités sur l'économie sociale. Mais avant j'ai une petite interrogation, je vais essayer d'aller rapidement. Mais depuis mardi que ça me trotte dans la tête, ça, quand j'entends mon ami d'en face, le député de Rousseau, nous parler de retombées économiques...

Une voix: ...

M. Paquin: Bien, il ne faut pas l'oublier dans nos pensées, parce qu'il ne nous oublie pas, lui. Il parle de retombées économiques. Je veux lui dire que je suis favorable à la retombée économique au Québec et le Parti libéral aussi, de façon majeure. Mais, lui, lorsqu'il parle de retombées économiques, je me demande s'il ne fait pas par hasard ? je dis bien par hasard ? allusion lorsqu'il était au pouvoir avec le gouvernement qui nous a précédés. En parlant de retombées économiques, est-ce qu'il fait allusion par hasard aux pertes que la Caisse de dépôt a subies de façon majeure, qui ont marqué l'histoire du Québec de façon honteuse, ou bien est-ce qu'il fait plutôt allusion à la SGF, la Société de financement du Québec, qui a perdu, je pense, environ 200 milliards? Ou peut-être fait-il allusion ou il se rappelle tous ces beaux souvenirs-là, à la mise à la retraite forcée des employés de l'État qui a coûté 1,5 milliard, quelque chose du genre. Je pourrais continuer, M. le Président, mais ce n'est pas vraiment le genre de retombées économiques que nous visons, nous.

Ma question à nos invités...

Le Président (M. Paquet): Il reste 30 secondes, question et réponse.

M. Paquin: Bon, bien, je vais la poser. Vous avez une chance... Je vais la poser, vous répondrez tantôt. Comment évaluez-vous la contribution des CLC dans le développement des entreprises d'économie sociale au Québec? Comment voyez-vous leur rôle?

Mme Neamtan (Nancy): Les CLD?

M. Paquin: CLD, excusez-moi.

Mme Neamtan (Nancy): Bien, écoutez, pour nous, ça a été...

Le Président (M. Paquet): Mme Neamtan.

Mme Neamtan (Nancy): La fonction des CLD dans le développement de l'économie sociale a été extrêmement importante, dans les dernières années, notamment parce qu'il y avait des fonds, des petits fonds, mais des fonds dédiés au développement de l'économie sociale, ce qui a permis... je pense qu'on avait calculé à peu près 1 000 entreprises avec peut-être 16 ou 17 millions à travers le Québec à voir le jour, à naître, à se développer puis utiliser, après, d'autres partenariats, d'autres montages financiers. Alors, pour nous, ça a été extrêmement important parce que ce sont les acteurs locaux qui ont pu reconnaître, en collaboration avec les milieux municipaux puis avec toutes sortes d'acteurs, le potentiel des besoins dans leur communauté, et ça va de...

Je vous parle du milieu rural. Il y a maintenant des coopératives de solidarité. Quand il ne restait plus rien dans le village et que même le dépanneur puis, tu sais, quelques services de proximité étaient en train de tomber parce que... le monde se sont mis ensemble, ont créé des coopératives. C'est l'histoire du mouvement coopératif au Québec. Dans les années trente, là, si ça n'avait pas été des coopératives agricoles, il n'y en avait plus d'agriculture, au Québec. Les coopératives forestières, etc., c'est la même fonction des caisses Desjardins. Ils ont été créés au moment où est-ce que les banques n'étaient pas intéressées à aller prêter de l'argent à Lévis ou ailleurs, et c'était le début de Desjardins. La Société d'économie sociale de Montréal, Alphonse, il faisait partie de ça. Donc, ce n'est même pas une nouveauté dans la terminologie.

Mais tout ça pour dire que les CLD, parce qu'ils sont proches et ancrés dans un milieu, ont été et ont porté beaucoup, beaucoup de projets d'économie sociale et de plus en plus. Ça prenait des changements de culture, notamment dans les milieux sociaux de dire: On peut devenir des entrepreneurs. Mais on a passé ce cap-là, et c'est pour ça qu'on est devant une réalité où est-ce que le RISQ, il ne suffit plus. On a des projets qui sont de plus en plus porteurs et on a besoin maintenant des instruments, d'autres instruments. Comme Mme Tessier dit, il faut continuer à monter l'escalier du financement et de l'investissement en économie sociale, ça va être rentable pour tout le monde. Ça va être rentable financièrement mais pas à la hauteur de ce qu'on cherche dans le rapport Brunet. Ça va peut-être être un 4 %, un 5 %, mais ce que ça va apporter à la collectivité québécoise, par exemple, c'est absolument extraordinaire, et ce que ça fait déjà.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, Mme Neamtan. Donc, je vais maintenant à M. le député de Rousseau.

M. Legault: Bien, écoutez, d'abord, Mme Neamtan, Mme Tessier, Mme Dallaire puis M. Guindon, merci pour votre présence, vos rapports. Et puis, écoutez, je pense que vous avez entendu comme moi, là... Puis je comprends que vous soyez déçus quand vous avez lu le rapport Brunet. Je comprends que le ministre du Développement économique et régional vient de nous dire que ce n'est pas le rapport du gouvernement, sauf que je veux quand même lui rappeler que, depuis que M. Brunet a déposé son rapport, le ministre n'a pas cessé de louanger ce rapport et de dire comment c'était un rapport qui était bien fait et avec lequel il était d'accord. Donc, il faudrait quand même qu'il soit clair. Est-ce qu'il est d'accord ou non avec le rapport Brunet?

Maintenant, il nous dit... Et puis je pense que c'est là peut-être qu'on a un gros problème, là. Quel est le mandat qui a été donné à M. Brunet et à son groupe? Là, on vient... Ce que j'ai compris, là, des propos du ministre du Développement économique et régional, c'est que ce n'était pas dans son mandat de parler du développement régional, de regarder les retombées économiques et sociales des interventions qui sont faites, entre autres, en économie sociale.

Et pourtant, dans le rapport Brunet, on nous dit par exemple: Investissement Québec... Puis je rappelle au ministre, au cas où peut-être il ne s'en rappelle pas, mais qu'il y a des programmes qui touchent à l'économie sociale chez Investissement Québec. Mais, quand on dit: Investissement Québec doit autofinancer ses coûts d'exploitation, bien, écoutez, là, on ne peut pas dire: On met un objectif comme celui-là, mais, en même temps, on ne s'occupe pas des programmes, entre autres, en économie sociale qu'il peut y avoir à Investissement Québec. Évidemment, là, qu'un rapport qui ne tient pas compte des retombées économiques et sociales... Je comprends que nos amis, là, du patronat aient oublié l'économie sociale, sauf que, comme le disait Mme Neamtan tantôt, il faut avoir visité, là, une entreprise, par exemple, qui embauche des personnes handicapées pour comprendre comment on peut être choqué quand on voit un rapport qui nous parle seulement de rentabilité.

Moi, je pense que le problème qu'on a, là, c'est que le gouvernement libéral a de la difficulté à définir c'est quoi, la rentabilité, pour une société, des interventions qui sont faites dans l'économie, incluant l'économie sociale. Donc, je voudrais donner la chance, là, que le ministre écoute ce que les personnes qui sont ici ont à nous dire pour expliquer peut-être au gouvernement puis aux députés du gouvernement libéral votre définition de ce qui est rentable. Et puis je pense que ce qui a été fait par le RISQ puis par les entreprises d'économie sociale, c'est rentable pour le Québec, en tout cas, dans ma définition à moi, sûrement dans votre définition à vous autres, mais pas dans la définition du gouvernement libéral. Donc, je voudrais que vous nous parliez un peu justement, là, de votre définition de ce qui est rentable pour la société.

n(15 h 50)n

Le Président (M. Paquet): Mme Neamtan.

Mme Neamtan (Nancy): Écoutez, Mme Tessier va vous donner... On a fait faire une étude sur juste les retombées fiscales, mais, avant d'aller... C'est sûr que le problème est toujours la notion de comment on peut... parce que c'est moins tangible, là, de pouvoir mettre des chiffres, et, bon, c'est sûr, quand on fait un rapport... un comptable, il veut voir les chiffres très clairs. Ça fait que c'est la qualité et le défaut du métier, donc.

Mais, par exemple, quand on regarde, bon, les études qui ont été faites sur les centres de travail adapté, qui sont des entreprises très performantes ? il y en a beaucoup dans la Beauce, etc. ? des études démontrent clairement que, où est-ce que le gouvernement intervient là-dedans, c'est pour compenser la perte de productivité des personnes. Mais ça coûte beaucoup plus cher à l'État pour que ce monde-là, il soit à la maison, par exemple; ça, c'est clair. Et donc l'entreprise, elle s'appuie sur beaucoup de bénévoles, donc beaucoup de milieux d'affaires.

Je parle du réseau des centres de travail adapté. C'est des entreprises qui existent depuis une vingtaine d'années, qui emploient près de 4 000 personnes, dont 3 000 sont des personnes handicapées surtout intellectuelles. L'État intervient pour compenser la perte de productivité, mais, pour le reste, ils sont sur le marché, donc ils ont des ressources bénévoles qui est l'expertise de beaucoup de gens d'affaires. Ils vendent sur le marché dans les domaines manufacturiers. Celui de l'impression, en Gaspésie, ils font... en tout cas, ils faisaient... Alors, il y a beaucoup de possibilités, donc. Mais c'est ça qu'on n'analyse jamais: C'est quoi, les coûts qu'on a sauvés à l'État, maintenir les personnes plus longtemps chez eux ? là, on parle des domestiques ? en environnement, les coûts d'environnement, etc.? Mais, sur les retombées fiscales, peut-être, Élise, vas-y.

Le Président (M. Paquet): Mme Tessier.

Mme Tessier (Élise): Oui. Alors, au niveau des retombées fiscales, nous, à l'an 2000, on avait approché des grandes entreprises pour de la souscription, et elles nous avaient posé cette question-là. On a eu la chance de faire faire une étude par SECOR qui disait, seulement au niveau de notre portefeuille, seulement au niveau de la contribution en déductions à la source... Parce que ces entreprises-là créent des emplois, bon, la moitié des entreprises en économie sociale sont des entreprises en démarrage; d'autres, c'est consolidation ou de l'expansion. Et il y avait, pour chaque dollar qui était investi par le RISQ, il y avait 5 $ qui rentraient dans les coffres de l'État au niveau des DAS et au niveau aussi de la TPS et de la TVQ qui étaient produites. Parce que plusieurs de ces entreprises-là sont dans le secteur aussi secondaire, beaucoup dans le tertiaire, mais il y en a plusieurs qui sont dans le manufacturier. Donc, ce sont des retombées importantes. Mais d'autres retombées aussi, c'est au niveau du tissu social, c'est au niveau de l'offre de services à l'échelle locale, c'est au niveau de l'offre aussi de produits culturels, tout ça. Donc, on parle d'accessibilité, on parle de climat aussi intéressant.

Hier, on était à Ottawa, il y avait une grande conférence sur le développement économique communautaire. Et il y avait des représentants de Bell, et d'Alcan, et de Cisco Systems qui disaient que c'est très important de soutenir aussi le développement des petites entreprises d'économie sociale parce que, même pour leur siège social et pour la qualité de vie de leurs propres employés, c'est important qu'ils vivent dans ces climats-là où l'offre de services est offerte et elle est offerte majoritairement par les milieux de l'économie sociale. Et on en voit... Il y a peut-être Mme Dallaire qui peut présenter un projet qu'on a dans une communauté.

Le Président (M. Paquet): Mme Dallaire.

Mme Dallaire (Odette): Oui. Alors, effectivement, en termes de retombées, comme disaient mes collègues, on ne peut pas toujours quantifier monétairement. Et, moi, je connais un petit village qui est dans une communauté, dans un territoire non organisé qui est en Abitibi. C'est Guyenne, qui est un exemple que beaucoup connaissent parce que c'est un petit village qui s'est bâti sur la coopération. Ils ont eu, dans les années quatre-vingt-dix, des problèmes énormes. Ils ont perdu leur école, ils ont perdu leur épicerie, tout était en train de partir et même leur entreprise. Et le RISQ est intervenu dans l'entreprise, qui s'appelle Les Serres coopératives de Guyenne, pour sauver 160 emplois, pour leur permettre de continuer à grandir. Et, bon an mal an, c'est des femmes surtout qui travaillent aux Serres de Guyenne et qui permet à un village de 200 personnes de se maintenir. Un village où maintenant on nous a interpellés parce qu'il y a 24 enfants qui ont besoin d'un terrain de jeu.

Alors, je pense que, ça, ce n'est pas des choses qui sont quantifiables monétairement, mais humainement c'est important de pouvoir permettre aux gens de rester dans leur milieu et d'y faire un travail qui est digne et de ne pas faire constamment la valse entre l'aide sociale et le chômage. Et ils sont responsables de leur entreprise et ils nous ont montré qu'ils étaient capables de la redresser alors qu'ils avaient des pertes accumulées de plus de 1,5 million.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Mme Neamtan, vous vouliez ajouter? Ça va? O.K. M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui. J'espère que le ministre du Développement économique et régional a bien écouté et qu'il va demander peut-être à M. Brunet de compléter son rapport et de tenir compte des retombées qui ne sont pas seulement la stricte rentabilité dans le sens du profit par action pour le prochain trimestre.

Peut-être pour donner la chance aux personnes qui sont avec nous, dans le rapport qui nous est présenté, pour être capables d'aller encore plus loin dans votre action, vous proposez de créer un fonds mixte dédié à la création d'équité. Et tantôt vous nous disiez aussi que vous vouliez réviser une mesure qui est au RISQ. J'aimerais ça peut-être que vous nous l'expliquiez rapidement, ce que vous proposez, pour être capables de vous donner des outils additionnels pour aller plus loin.

Le Président (M. Paquet): M. Guindon?

Mme Neamtan (Nancy): M. Guindon va aller sur l'équité puis Mme Tessier sur les...

Le Président (M. Paquet): Alors, M. Guindon.

M. Guindon (Charles): D'abord, pour dire qu'on faisait un petit relevé, ces derniers mois, juste pour voir les besoins en capitalisation des entreprises actuellement et les projets de développement qu'elles ont dans tous les territoires du Québec, et on en avait pour 80 millions. Juste pour dire qu'on est rendus à un certain niveau de développement, alors qu'on était dans un niveau de démarrage, à un certain niveau de développement qui implique, comme dans tout type d'entreprise, qu'elle soit privée ou collective, d'ajuster... de pouvoir intervenir en capitalisation, donc en capital permanent dans l'entreprise, hein? À un moment donné, quand tu as des besoins qui touchent le million, 2 millions, ce n'est pas évident. Tu ne peux pas, puis personne, même l'entreprise privée, ne va rembourser sur cinq ans avec 8 % de rendement. Bon.

Alors donc un des enjeux actuellement, c'est justement de développer ce capital permanent là et qui va permettre, parce que c'est déjà dans les différentes régions qui disent... Il y a des gens qui... il y a le maire de Saint-Fabien-de-Panet qui disait: Nous autres, là, on s'affirme sur notre territoire, puis, quand je fais un projet de logement, il n'y a pas un privé qui accepte de construire une maison puis qu'elle soit dévaluée, le lendemain matin, de 30 % parce que c'est dans le village. Donc, on fait des projets collectifs, on fait des projets pour nos personnes âgées, puis on travaille, puis on est là, et on occupe notre territoire.

Donc, c'est des exemples pour dire qu'effectivement on est à une étape où il faut développer le capital permanent des entreprises. On a des solutions, on les a proposées au ministre et on pense que c'est le temps. C'est le temps pour le développement des régions, c'est le temps parce que, derrière ça, c'est toujours des gens qui s'affirment dans leur région et qui veulent développer leur coin.

Le Président (M. Paquet): O.K. Mme Tessier, vous voulez compléter, mais ce serait, soit sur le temps de l'opposition. On entamerait le prochain bloc pour finir la réponse. Ça va? Il y a consentement? Alors, Mme Tessier.

Mme Tessier (Élise): Oui, merci. Alors, au niveau de la mesure fiscale, ce qu'on avait eu comme avantage mais qui n'est pas applicable, c'est 50 % de déduction fiscale additionnelle, mais cette déduction-là doit nécessairement être appliquée par l'entreprise privée pour gagner un revenu, ce qui n'est pas le cas. Les entreprises qui font des dons au RISQ le font par responsabilité sociale.

On est en levée de fonds, présentement. On cherche à obtenir 8 millions additionnels de l'entreprise privée, mais on n'est confrontés à aucun avantage fiscal, on ne peut pas utiliser ça. Et on ne peut pas non plus offrir un reçu de charité parce qu'on n'est pas catégorisés dans cette section-là, parce que ça nous limiterait à ne soutenir que des entreprises charitables.

Alors, ce qu'on demande, c'est de réviser l'avantage fiscal pour qu'on puisse à tout le moins l'appliquer au provincial. Idéalement, ce serait bien qu'on ait la parité aussi au fédéral, mais ce serait bien qu'on ait cet avantage-là qui soit rétabli et applicable parce que plusieurs entreprises, des grandes mais aussi des plus petits investisseurs sont très sensibles à l'action qu'on fait dans les communautés et souhaitent contribuer sous forme de souscription. Mais on n'a pas d'écho.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, Mme Tessier. Alors, M. le député d'Iberville.

M. Rioux: Merci, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue. Il y a une notion que vous avez amenée qui m'a bien plu, vous avez parlé d'emploi durable, et ça, je pense que c'est une notion qui est importante. On parlait tout à l'heure, je disais: Il ne faut pas créer des emplois pour créer des emplois. Il ne faut pas créer des emplois qui sont à court terme, des emplois qui créent une illusion, là, où, les gens, ça amène plus de désespoir que d'espoir. Je pense que, quand on parle d'emploi durable, on parle de dignité humaine, et c'est de ce que vous nous parlez aujourd'hui, et c'est important. De créer des Gaspésia à 3 millions l'emploi, et ces emplois-là n'existent pas parce que c'est un projet qui a été mal ficelé, je pense que, là, on passe à côté de créer de l'espoir et de créer... On aurait été mieux de prendre cet argent-là puis faire un paquet de petits projets et d'avoir des emplois durables. Je pense que c'est ce que vous nous parlez.

n(16 heures)n

Est-ce que vous pouvez nous parler du taux de survie de vos entreprises? Et du FIR, tout à l'heure, de votre perception, est-ce que... La compréhension que j'ai, la partie que vous avez de capitalisation est en bonne partie des dons, vos souscriptions que vous faites. Est-ce que, si ces dons-là faisaient partie de la part du capital... on pourrait appeler un capital social au lieu d'un capital de risque et que la part du gouvernement soit comprise... L'argent que vous pourriez générer pourrait rester dans votre organisation, à ce moment-là. Vous n'avez pas à aller chercher de rentabilité sur votre capital social, vous auriez juste à aller le chercher sur la partie du gouvernement à un... le taux du marché, comme c'est bien... dans le rapport Brunet a été exprimé.

Le Président (M. Paquet): Mme Neamtan.

Mme Neamtan (Nancy): Bien, je pense qu'il y a deux choses. Sur le taux de survie, bon, Mme Tessier peut vous en parler, mais on a... en tout cas, je pense que l'entreprise privée, dans le créneau dans lequel on est, on bat beaucoup de records. Mais, une fois cela dit, l'enjeu, pour nous... C'est vrai qu'on est allés avec le bâton de pèlerin chercher de l'argent des entreprises, Mme Tessier le soulève, sans aucune mesure de récompense. Alors, on est de concurrence avec les organismes charitables et les crédits d'impôt miniers, là, à 150 %, là, on est entre les deux. Alors, déjà, on pourrait améliorer ça. Mais l'enjeu maintenant, c'est d'aller beaucoup plus... Comme dit M. Guindon, on a... les entreprises, elles ont besoin de se développer, on a besoin d'un capital de développement et on reconnaît que les gens doivent, quand ils mettent des montants plus importants, avoir un besoin de rendement. Ce qu'on dit, c'est que, le rendement, on n'est pas capables d'aller au rendement qui est...

Une voix: Du marché.

Mme Neamtan (Nancy): Bien, du marché, c'est-à-dire que... On parle, tu sais, l'année dernière... Ça dépend, le marché, des fois, c'est moins. Tu sais, il y a un risque là-dedans. Des fois, c'est plus. Mais c'est sûr que tout le monde analyse toujours des projets en disant: Ça va être mon Microsoft, tu sais, ça, celui-là, on va faire une fortune. Nous, nos entreprises, si on prend cette analyse-là, jamais elles ne vont l'être. Par contre, on va en perdre beaucoup, beaucoup moins et on va donner un certain rendement, retour sur l'investissement.

Alors, c'est pour ça qu'on a... les besoins sont plus importants. On ne peut pas juste se fier sur le don. On peut pour le petit montant, mais, quand on commence à dire qu'on a des entreprises qui ont des besoins de capitalisation de, tu sais, 350 000 $, de 1 million, etc., parce qu'ils ont du développement, ça, on n'ira pas chercher du don de capital social, ça prend des mesures. C'est là où je dis: Si vous êtes en train de considérer des mesures fiscales ou des contributions gouvernementales pour l'investissement dans les entreprises, nous, on ne veut pas passer en dernière rangée après que les autres sont servis. Il faut qu'on soit là en même temps puis que vous regardiez l'ensemble du portrait, c'est d'où notre présence ici. Alors, peut-être sur la question du risque...

Le Président (M. Paquet): Mme Tessier.

Mme Tessier (Élise): Oui. Sur le taux de survie, bon, dans notre portefeuille, d'où on a perdu... on a radié trois dossiers et on est rendu à 300 dossiers d'entreprises présentement. Évidemment, on est dans le démarrage et on prévoit en perdre plus que ça parce qu'on se dit qu'on prend quand même un peu plus de risques. Par contre, si on regarde les statistiques, au niveau des coopératives, du MIQ, le taux de survie des entreprises coopératives est deux fois plus grand que le taux de survie dans les entreprises à capital-actions traditionnelles. Donc, c'est déjà garant.

Au niveau de l'accessibilité, même si on reçoit du don, tout ça, il faut toujours tenir en compte la capacité de payer. On ne peut pas exercer un loyer de l'argent très élevé parce que ces entreprises-là ont la capacité de remboursement mais n'ont pas la capacité de payer un loyer très élevé de cet argent-là. Donc, il faut maintenir une accessibilité, et le revenu qu'on fait couvre à peine 50 % des frais d'exploitation de l'organisme. Donc, il y a une limite à ce qu'on peut faire comme rendement dans ce genre de clientèle là.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Roberval.

M. Blackburn: Oui. Merci, M. le Président. Mme Neamtan, Mme Tessier, Mme Dallaire, M. Guindon, alors, vous savez, la commission parlementaire nous permet de pouvoir rétablir certains faits qui sont véhiculés de temps à autre par l'opposition officielle. Bien sûr qu'au niveau de l'économie sociale c'est extrêmement important pour le Parti libéral. Et une des grandes valeurs du Parti libéral justement, c'est la justice sociale. Et, dans ce contexte-là, je vous avouerai que je suis très fier, au niveau du ministère du Développement économique et régional, d'être associé de très près à tout ce qui touche le Chantier de l'économie sociale.

J'ai d'abord, dans ma famille, deux de mes cousines qui ont un emploi grâce au travail de l'économie sociale, et ça leur permet de pouvoir grandir d'une manière importante. Et, dans ce contexte-là, nous reconnaissons le travail que vous faites et effectivement nous accordons une grande importance à toutes les démarches que vous faites. Et je peux vous assurer d'une chose, comme M. le ministre l'a fait tout à l'heure, effectivement le Chantier d'économie sociale, le développement communautaire va recevoir une écoute attentive du gouvernement libéral.

Le Président (M. Paquet): Merci. Alors, c'est... pour le bloc, présentement. Alors, je présente... Le député de Rousseau. Ça va? Vous avez encore du temps. Ou M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Alors, Mme Neamtan, Mme Tessier ? excusez-moi ? Mme Dallaire et M. Guindon, bonjour. Je pense que le député d'Iberville a certains problèmes pour chercher des éléments d'intervention aujourd'hui. Quand il parle du dossier de la Gaspésia, je ne suis pas sûr que la députée de Bonaventure, qui est ministre du Développement régional, aurait été heureuse d'entendre vos propos concernant le dossier mal ficelé et que les emplois de la Gaspésia, dans le fond... Les gens de la Gaspésie vont vous retourner certainement quelques appels.

En ce qui concerne le mémoire que vous avez soumis, je pense que le même député de... le même député qui avait critiqué vertement les CLD dans sa circonscription comme quoi qu'ils n'étaient pas tellement rentables... Chez nous, les CLD, je peux vous dire qu'ils jouent un rôle majeur. L'entreprise d'économie sociale Grande-Vallée, c'est dans la circonscription de Gaspé, et j'en suis très fier, je les ai rencontrés à quelques reprises. Oui, il y a des choses à corriger aussi au niveau du gouvernement en ce qui a trait à certaines localités, là, qui sont mal classifiées, mais ils occupent tout le territoire et donnent des services à la population, et ce sont des emplois, et les gens sont fiers de travailler.

Quand vous parlez d'investissement, les CTA aussi, hein? Il y en a dans la circonscription de Gaspé. Et il y a tous les coûts sociaux aussi. Une personne qui ne travaille pas, on sait qu'est-ce qui arrive avec cette personne-là. Ce n'est pas pris en compte, mais ça fait partie des retombées positives lorsqu'elle travaille. Il faut en être conscient.

J'aimerais... Concernant le fonds dédié, bon, vous parlez... vous demandez au gouvernement d'assurer les frais de fonctionnement. Je regarde le rapport Brunet qui dit: Oui, on va aider les gens dans l'entreprise privée à créer des fonds privés, on va leur... Ils demandent des déductions fiscales, mais par ailleurs ils voudraient qu'on se retire. Moi, ce que je retiens de vos interventions, c'est un secteur de l'économie qui est en croissance, qui va davantage se développer et qu'il y a encore de la place au développement, hein, dans des communautés. Il y a plein de communautés qui auraient besoin de services puis qui n'en ont pas.

Alors, moi, sur le fonds en tant que tel, comment vous voyez la gestion de ce fonds-là? Parce que vous demandez au gouvernement du Québec de s'associer avec vous pour la mise sur pied d'un fonds dédié. Alors, comment ça pourrait opérer à l'égard des régions également? Comment est-ce que ça pourrait fonctionner? Parce que les besoins sont immenses. Vous parlez de... Vous avez parlé tout à l'heure que vous avez besoin de capitalisation de 80 millions.

Mme Neamtan (Nancy): Bien, écoutez...

Le Président (M. Paquet): Mme Neamtan.

Mme Neamtan (Nancy): Bon, je pense que, sur cette question-là, bon, on n'est pas rendu dans la mécanique en détail, mais c'est clair, peut-être pour comprendre, que le Chantier d'économie sociale, il fait la même chose qu'au niveau du RISQ. On est un réseau de réseaux, et notre conseil d'administration, par exemple, au chantier, est composé de beaucoup de gens des régions. On a des sièges, on a des partenariats dans chacune des régions où est-ce que les acteurs d'économie sociale sont regroupés. Alors, c'est clair que, pour nous, même... Et c'était le cas avec le RISQ aussi, c'est qu'on ne peut pas simplement analyser des projets du point de vue de... tu sais, au niveau central. Il faut toujours être en partenariat avec les gens du milieu, et c'est la façon que le RISQ a pris, développer des partenariats où est-ce que des fois on confie les analyses aux gens localement, etc.

Alors, je pense qu'il y a de l'innovation à faire, mais, pour nous, c'est clair qu'il faut que les acteurs d'économie sociale qui représentent aussi toutes les réalités des régions soient autour de la table. Mais aussi un des critères qu'on prend toujours pour la reconnaissance, et c'est un des premiers critères pour savoir si l'entreprise, elle va être viable et durable, c'est l'implication des gens de la communauté. Alors, il n'y a aucun projet d'économie sociale qu'on ait financé au RISQ qui s'est fait par-dessus la communauté locale. Alors, ça peut prendre différentes formes, mais, pour nous, la forme de gouvernance va toujours appuyer les partenariats avec les gens au niveau local et régional. Je ne sais pas si ça répond à votre question, là, mais...

n(16 h 10)n

M. Lelièvre: Oui, ça m'éclaire pour voir comment ça peut fonctionner. En ce qui a trait aux CLD puis les FLI, les fonds locaux d'investissement, je pense que vous avez une très bonne connaissance de ce secteur-là. Et il apparaît qu'il y a une recommandation, à tout le moins, de les faire disparaître, alors qu'on a un outil qui permet à des entreprises de naître, hein? Parce qu'on parle d'un fonds d'investissement, fonds de démarrage, mais, en même temps, c'est aussi un fonds de développement. Si on regarde tous les résultats chez nous, ça a été probant à l'échelle du Québec aussi.

Alors, j'essaie de comprendre. Moi, j'aimerais ça connaître votre position. Parce que je ne comprends pas la position du gouvernement qui veut... qui défait des outils qui fonctionnent bien. La même chose au niveau des CRCD, qu'on avait une concertation régionale et que là maintenant il n'y aura pratiquement plus de concertation régionale parce qu'on a mis de côté tout l'aspect concertation pour confier la gestion... de quoi, on ne le sait pas encore. Mais les maires sont assis autour des tables, et les députés vont être assis autour des tables au niveau du Québec, et on se demande qu'est-ce qu'ils vont gérer, ça va être quoi qu'on va gérer. Je croyais qu'un fonds régional, le FIR, aurait peut-être rentré là-dedans, mais le privé veut l'avoir. Alors, qu'est-ce qu'ils vont donner à gérer aux régions? On ne le sait pas encore. Alors, j'aimerais ça voir avec vous, là, qu'est-ce qu'il en est exactement, là, et si ces fonds-là suffisent à la tâche, parce que...

Le Président (M. Paquet): Mme Neamtan.

Mme Neamtan (Nancy): Je pense que notre position est très claire dans notre dossier, où est-ce qu'on dit clairement qu'on demande d'assurer le maintien des FLI. Et on va plus loin aussi, on dit que, dans les fonds qui étaient là, des fonds locaux qui étaient dédiés à l'économie sociale dans les CLD, malgré la transformation des formes de gouvernance des CLD, on demande aussi que ces fonds-là, ils restent dédiés, pour la raison suivante, c'est que c'est facile... Et, bien qu'on pense qu'il y a de plus en plus du monde à travers le Québec qui comprennent l'importance de l'économie sociale, on a encore des réflexes, avec des gens qui sont des commissaires industriels, etc., à ne pas voir cette importance-là, et, en les dédiant, c'est un peu comme l'action positive pour faire en sorte que ces entreprises puissent vraiment se développer et faire leurs preuves. Alors, peut-être, la moitié des collectivités au Québec, on n'aurait pas d'inquiétude; d'autres, où est-ce qu'on a encore des preuves à faire.

Nous, notre préoccupation, donc: que les FLI restent là effectivement comme des instruments de développement et qui ont aidé l'économie sociale comme de l'entreprise privée, mais aussi que les fonds, ils soient dédiés. Donc, nous, on croit que c'est extrêmement important. Et d'où notre inquiétude par rapport à la proposition des FIR qui semblaient venir en remplacement de tout ça. Si c'est en complément, c'est une autre chose. Après ça, c'est sûr que ça ne suffit pas à la demande. Et c'est là où est-ce qu'arrive notre proposition d'avoir un outil pour les projets plus importants au niveau de la capitalisation, dont M. Guindon a parlé.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Donc, un fonds national qui serait créé...

Mme Neamtan (Nancy): Bien, toujours en partenariat avec les régions, comme j'ai dit.

Le Président (M. Paquet): D'accord.

M. Lelièvre: Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Paquet): 20 secondes.

M. Lelièvre: 20 secondes. Ah, bien j'espère que le ministre du Développement économique et régional est fâché contre le député de... qui a mentionné tout à l'heure une telle énormité parce que...

Le Président (M. Paquet): O.K. Le temps est écoulé. Merci beaucoup.

M. Lelièvre: J'espère que le ministre va le ramener à l'ordre...

Le Président (M. Paquet): Alors, M. le ministre...

M. Lelièvre: ...à l'entracte.

Le Président (M. Paquet): À l'ordre! M. le ministre du Développement économique et régional.

M. Audet: Excusez, oui. J'espérais que mon collègue justement, le député de Gaspé, prendrait la parole pour moi pour vous remercier, vous tous, justement pour votre présentation. On a beaucoup apprécié le travail, encore une fois. Ce n'est pas parce que votre rôle n'est pas important que vous n'étiez pas dans le mandat, mais je peux vous assurer à l'avance que, s'il y a des avantages qui sont donnés à des groupes, on va penser... Et on a bien compris le message que le groupe d'économie sociale ne serait pas oublié. Merci.

Mme Neamtan (Nancy): Merci.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Au nom de la commission je vous remercie donc, Mme Neamtan, Mme Tessier, M. Guindon, Mme Dallaire, pour votre participation à nos travaux. Merci. Je suspends les travaux pour une minute et demie. Et j'inviterais les prochains invités, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, à s'approcher. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 14)

 

(Reprise à 16 h 17)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors donc, au nom de la commission, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Et donc j'inviterais peut-être M. Roy ? je vous souhaite la bienvenue ? peut-être à présenter les gens qui l'accompagnent pour qu'on puisse l'inscrire pour nos procédures. Alors, M. Roy.

Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec (FTQ)

M. Roy (René): Bonjour. Merci. Alors, à mon extrême droite, mais il n'est pas un gars de droite, Denis Courteau, conseiller régional de la FTQ à Québec, ici; Pierre Blaising, qui est conseiller au développement stratégique aux investissements du Fonds de solidarité; immédiatement à côté de moi, c'est Yvon Bolduc, le premier vice-président à l'investissement du Fonds de solidarité; et, à ma gauche, et c'est un gauchiste, Marc Bellemare, de la FTQ, conseiller économique de la FTQ.

Le Président (M. Paquet): Alors, merci, M. Roy. Donc, vous avez 20 minutes pour faire votre présentation.

M. Roy (René): Ça va. Alors, la FTQ tient à vous remercier, M. le Président, et le Fonds de solidarité en même temps, de bien vouloir nous recevoir. La FTQ, je vous la présente rapidement: 500 000 membres, un peu plus, représentés à la grandeur du Québec; 70 % dans le secteur privé. Fonds de solidarité: 550 000 actionnaires; 4,6 milliards d'actif investi dans 2 100 entreprises; 100 000 emplois créés; 50 % de ces actionnaires, c'est leur seul revenu de retraite. Et on est fiers aussi de dire qu'on réussit à gérer le fonds avec des coûts d'opération de 1,8, on essaie toujours de baisser.

Un nouveau gouvernement, revoir son rôle, revoir la manière d'intervenir dans l'économie, on est d'accord avec ça, d'autant plus que, dans certaines des actions qui avaient été prises auparavant au développement ou à l'investissement, l'intervention du gouvernement, nous, nous inquiétait, nous faisait questionner. La multiplication des fonds, on l'avait mentionnée au Sommet des régions de l'automne 2003, on comprend... de comprendre ou en tout cas de fusionner nos activités, à ce moment-là, avec les CLD. Il y avait les FLI versus nos SOLIDE des MRC. Ça nous avait créé un paquet de problèmes avec une chute de projets majeurs dans nos SOLIDE, et ce qui avait mis en question toute leur rentabilité. On avait, à ce moment-là, aussi évidemment questionné... ou tenté d'en venir à une entente avec le gouvernement en ce qui concernait les opérations des CLD, des FLI et nos SOLIDE ensemble, et on espère bien remettre ça sur la table.

Peut-être un peu de statistiques, vous dire que, dans nos FLI... dans nos SOLIDE, c'est 47 millions d'investis, et avec l'argent des régions aussi, là, l'argent local, c'est de l'investissement local, pour un actif de 537 millions, création de 14 000 emplois. Et on réussit à créer de l'emploi à très bas prix, là, à 3 000 $ par emploi, plus ou moins 3 000 $ par emploi. Alors, c'est un succès au niveau de la création d'emplois. Ce n'est pas nécessairement un succès au niveau de la rentabilité. Il y a l'économie sociale, on tient à en dire un mot, l'économie sociale qui réussit à faire mieux que nous. J'étais à ? comment tu l'appelais à Trois-Rivières? ? ...

n(16 h 20)n

Une voix: Concept.

M. Roy (René): ...Concept, à Trois-Rivières, la compagnie d'économie sociale de Trois-Rivières qui a eu le malheur de passer au feu au début de janvier, et vraiment ces gens-là réussissent à faire un peu ce que cherche à faire le gouvernement au niveau de replacer les gens les plus mal pris de notre société, c'est-à-dire ceux qui sont à la sécurité sociale et qui ont besoin d'être replacés. Le ministre de l'Emploi, M. Béchard, qui voulait replacer 25 000 personnes de l'assistance-emploi au niveau du travail, bien c'est là que ça se fait. Et ce n'est pas si évident que ça, et ce n'est pas si facile que ça. Alors, j'aimerais, M. le ministre, souligner que ce groupe-là, ce n'est pas de l'investissement, mais c'est de l'intervention de subvention directe que ce groupe-là mériterait qu'on regarde d'une façon spéciale. Et j'imagine que les députés de Trois-Rivières vont vous en parler, de la région, pour donner un coup de main à ces gens-là.

On était inquiets aussi du développement qui se faisait au niveau national et régional. Il y avait une compétition entre la SGF et Investissement Québec qui... On était rendus qu'ils occupaient le même terrain et, le terrain, on était là, nous aussi, le terrain régional, on était là, avec 16 fonds régionaux. On a rencontré le gouvernement précédent et on vous a rencontré, M. le ministre, pour vous dire qu'on était pour refaire nos devoirs au niveau des fonds régionaux. On les a refaits, on a restructuré. La nouvelle structuration a commencé en 2004, au début de 2004. On a maintenu 16 fonds régionaux. Maintenant, on a élargi leur capacité d'investissement, on leur a facilité la manière d'investir dans les régions. Bref, on espère que ça va les relancer vers la rentabilité.

Maintenant, dans ce terrain des fonds régionaux, au régional, il y a beaucoup d'acteurs, Desjardins est là, la BDC est là. Y en a-t-il suffisamment? Y en a-t-il trop? À un moment donné, il y en a assez, en tout cas. Surtout dans les régions ressources, ce n'est pas une question, à un moment donné, d'avoir... de capital de risque. On parle de capital de risque. Le capital de développement, c'est une autre affaire. Du capital de risque, il y a bien beau en avoir, mais ça prend des projets. Et là-dessus on n'est pas, à un moment donné, sans savoir que la rentabilité, ça va avec les projets qui existent. Et il était assez clair que, dans nos fonds régionaux, il y avait trop de monde, il y avait trop de monde de capital de risque dans les régions, et ça nous a obligés à restructurer. Et ça va nous obliger, si le gouvernement met beaucoup de fonds dans les régions, ça va nous obliger à repenser toute notre implication dans le capital de risque régional.

Au niveau local, au niveau du capital de risque local, je l'ai mentionné, on veut continuer. On propose au gouvernement, on repropose au gouvernement notre accord entre les MRC, FLI, CLD, SOLIDE. Je pense qu'on est capables, au niveau local, de faire une entente, de fonctionner, M. le ministre, on est capables de fonctionner pour que les deux y trouvent son compte et sans que les fonds locaux du gouvernement viennent amoindrir ou tuer carrément nos SOLIDE.

Dans le régional, on veut faire nos frais, on l'a déjà dit. On a été subventionnés jusqu'à ce jour pour fonctionner en 2004; on ne l'est plus. La loi n° 34 vient un peu compliquer nos affaires, mais on va en parler un peu plus tard.

Le rapport Brunet part de certaines prémisses avec lesquelles on n'est pas d'accord. On dit: Il est un peu tendancieux de ce côté-là, il est trop... l'État est trop présent. Le public fait fuir le privé. On a pris des... Depuis une quarantaine d'années, on a fait des choix au Québec, et, à bien des égards, ce furent des bons choix, ne serait-ce que pour Investissement Québec qui est un grand succès. La SGF, jusqu'à récemment, en était un aussi. Alors, on a rattrapé ? et je vais en parler un peu ? l'Ontario, en l'occurrence, nos concurrents les plus près, l'Ontario en concurrence. Il reste du chemin à faire, je le sais. Je regardais, un économiste, en 1999, nous disait: Si on plaçait l'économie du Québec en 1960, on la mettait à zéro, l'Ontario serait à 100. En 1999, il nous dit qu'on était rendu à 60 versus 100. Alors, on a gagné une bonne étape, mais il faut être bien clair, lorsqu'on nous donne des statistiques comparées à l'Ontario, qu'il en reste encore du chemin à faire.

Taux d'activité, on est à 66 %. On n'a jamais été... Du jamais vu dans la province de Québec, 66 % d'activité. Création d'emplois, en 2002, on était à 120 000; l'année passée, on était autour de 60 000. Les premiers chiffres de l'année 2003 ne sont pas très encourageants à cause du secteur manufacturier, j'y reviens. Taux de productivité, égal à l'Ontario et à l'Europe, on est 12 % un peu en arrière avec les États-Unis.

Et, nous, la question de compter le taux de productivité par le PIB divisé par les heures travaillées, bien, écoutez, ça a ses limites puis ça donne des chiffres, à un moment donné, qui sont imbéciles, qui sont idiots. On regarde Shermag. Si on compare Shermag à Domtar, les travailleurs de Domtar sont quatre fois plus productifs que Shermag. Et, si on les compare à Gaz Métropolitain, Gaz Métropolitain sont 87 fois plus productifs que ceux de Shermag. Ça n'a aucun sens parce que, à moment donné, ce n'est pas une vraie mesure de productivité. Le BIT en fait une par création de US dollars par heure travaillée qui est peut-être un peu plus réelle, mais elle revient un peu au même, c'est la France qui arrive en tête avec 35 $US par heure travaillée, les US sont à 31 $ et le Canada est à 26 $. Mais il faut savoir que, dans un pays comme la France et les États-Unis, qui se comparent plus qu'avec le Canada, c'est toute l'industrie militaire qui fait une grande différence dans cette productivité-là.

Les études démontrent que... Nos études et les vôtres démontrent que tous les États interviennent dans leur économie. Le FMI ? puis allez voir notre mémoire à la page 11 ? a dit que les mesures actives de subvention directe sont les meilleurs moyens d'intervention, les plus créateurs d'emplois et les meilleurs pour l'économie qui ne puissent pas être. Et c'est le FMI qui le dit, c'est pour ça que je tiens à le dire. Le FMI, ce n'est pas une organisation syndicale. Les États-Unis, à part de ça, dans bien des cas, sont les champions, avec leur budget de défense de l'ordre de 300 milliards de dollars, et ils interviennent d'une façon très précise à la grandeur de l'économie.

Alors, on peut repenser nos interventions, mais il ne faut sûrement pas les arrêter. La compagnie Bauer Nike, M. le ministre, vient d'annoncer une perte de 1 200 emplois. On passe de zéro, là, en 1999, à 1 200 emplois ? ce n'est pas loin de votre comté, M. le député de Rousseau ? et on va tomber à zéro emploi. Ces emplois-là s'en vont en Chine. Alors là on est rendu, au Québec, là, les patins des joueurs de hockey, les patins des enfants qui vont sur les patinoires vont être faits en Chine. On n'est même plus capable d'avoir une sacrament paire de bottes qui ne soit pas faite au Vietnam, en Inde, en Asie ou en Chine. Nos manteaux, nos skis, on est obligés de les acheter... C'est difficile de trouver quelque chose qui est fait au Québec. Bien vite, la Chine n'aura même pas besoin de faire la guerre, ils auront juste besoin d'arrêter de produire, puis on va se ramasser le cul à l'air en plein hiver.

L'intervention des tarifs, puis ça, vous êtes capables d'intervenir au niveau du Canada, à un moment donné, il faut faire des barrages puis bloquer ce maudit dumping là qui est fait avec des travailleurs qui ne gagnent pas de salaire, qui n'ont pas de syndicalisme libre. Là, la Chine, il faut, à un moment donné, que ça arrête, que ça arrête. Puis même la droite américaine, même les gens de la droite américaine dénoncent cette question-là. On regarde le Japon qui protège son industrie du riz avec des tarifs de 500 %. Ici, au Canada, on protège notre poulet avec des tarifs de 350 %. Si on le baisse de 15 %, il n'y a plus d'industrie du poulet au Canada, c'est fini, c'est terminé, le Brésil va la prendre. Vous le baissez encore d'un autre 15 %, c'est des poulets de la Chine qui vont rentrer, en autant qu'il leur en reste parce qu'ils en ont tué une maudite gang dernièrement.

Les produits manufacturiers, 30 %, M. le ministre, dernièrement, vous le savez très bien, vous avez siégé avec nous en Commission des partenaires. Ça frôle le désastre un peu partout en Amérique, les pertes sont énormes du côté manufacturier, il faut arrêter cette saignée-là. Alors, vous devez intervenir, vous devez intervenir avec le Canada pour protéger les emplois du manufacturier.

Sur la création des FIR, un privé, deux pour les régions, deux gouvernementaux, deux privés, un pour le gouvernement pour la technologie, bon, écoutez, je ne suis pas nécessairement contre, mais, dans le fonds dans les technologies, pour nous autres, ce qui manque au Québec là-dedans, c'est des fonds de... de très gros fonds, ce n'est pas des petits fonds, ce sont des fonds de l'ordre de 400 à 500 millions qui sont capables de faire le troisième, et quatrième, et cinquième investissement. Il n'y a personne au Québec, à peu près, qui est capable de faire des chèques de 100 millions. Aux États-Unis, ça existe; au Québec, ça n'existe pas. Alors, c'est ce genre de fonds là qu'on a besoin actuellement. Et, trouver des fonds privés, en tout cas, ce ne sera sûrement pas facile. Je sais que ça a été... vous le savez, M. le ministre, l'opposition le sait aussi, ça a été essayé dans le passé, trouver des fonds privés là-dedans. En tout cas, nous autres, on pense que des exemptions d'impôts sur les gains en capital seraient souhaitables aux crédits d'impôt dans ce cas-là parce que c'est des fortunes et non des besoins de crédits d'impôt qu'ils ont besoin. Encore faut-il, avec le rapport Brunet, qu'on soit équitable pour tout le monde. On rappellera que le fonds rapporte, pour 1 $ du gouvernement, 4,3 $.

n(16 h 30)n

Des crédits d'impôt mais des obligations aussi. Si on donne des crédits d'impôt, rappelez-vous que le Fonds de solidarité a des obligations. 60 % au Québec dans la PME de 50 millions à 20 millions, il faut être équitable avec l'ensemble de ça. Je me dépêche un peu pour laisser à mon confrère, du fonds, un peu de place.

SGF, on veut recentrer... on est d'accord à recentrer sur son rôle du début: grands projets structurants, démarchage avec Investissement Québec pour amener des entreprises au Québec. Investissement Québec, on a déjà soumis: d'accord avec son rôle. On est contents de l'histoire d'Investissement Québec. On a fait trois recommandations très rapidement: ne jamais travailler dans le volume avec Investissement Québec; une constance dans ses politiques; et ne pas racheter d'actions de dirigeants.

Innovatech. Bon, je pense qu'ils ont joué leur rôle, ils ont accompagné les investissements privés, ils ont pris des risques où personne ne voulait les prendre, alors, avant de les remplacer, je pense qu'il faudrait prendre le temps, M. le ministre, de regarder s'il y a d'autres véhicules qui peuvent faire le même travail.

Pour les régions, il faut régler rapidement l'incertitude créée par le projet de loi n° 34. On vient d'avoir une réunion de nos régions et il y a beaucoup d'incertitude, là, à savoir comment ça va fonctionner, qui va siéger là.

Alors, je conclus en disant que le Québec est sur la bonne voie. Il y a un problème à régler, c'est le déséquilibre fiscal avec le fédéral. C'est un gros problème à régler pour permettre au Québec de disposer d'argent pour pouvoir continuer à intervenir dans l'économie. Yvon.

M. Bolduc (Yvon): Très éloquent. Je peux ajouter quelques précisions. Sur la mission du fonds, alors la mission du fonds, qui a été créé en 1983, ça a été de créer, maintenir, sauvegarder des emplois au Québec en investissant dans des PME. Mais il y avait aussi un autre volet qui est le volet de faire fructifier les épargnes confiées par les actionnaires du fonds. Alors, René a mentionné tantôt qu'il y a 550 000 actionnaires au Fonds de solidarité, c'est un chiffre qui est peut-être méconnu, mais ça a une importance au niveau social, je pense, qui est majeure. Je vais y revenir.

On a aussi, au Fonds de solidarité, qui est un fonds de capital de risque, une valeur ajoutée qui est unique par rapport aux autres offres de capital de risque au Québec, c'est ce qu'on appelle la formation économique à l'entreprise. Et le but de cette formation économique, c'est de briser le clivage employé-employeur. Alors, qu'est-ce qu'on tente de faire ici, c'est de transformer la méfiance en confiance par la transparence, par la formation économique, et ça, sur le plan de l'économie au Québec, c'est une petite révolution entre employé et employeur, dans les relations employé-employeur. Ce qu'on vise, on mise sur l'intelligence des salariés pour leur permettre d'intervenir de façon positive à la croissance de leur entreprise par une meilleure compréhension de leur situation financière, de la stratégie d'entreprise pour prendre des décisions de façon cohérente.

Un autre aspect d'utilité du Fonds de solidarité pour l'économie du Québec, c'est les 550 000 actionnaires. Ce que le fonds a réussi à faire, c'est de convaincre une multitude d'employés à petits revenus de faire des économies pour leur retraite. Quand on... Je lisais récemment que présentement il y a cinq travailleurs pour un retraité. Bien, dans 20 ans, cette proportion-là sera de deux travailleurs pour un retraité. Alors, le rôle du Fonds de solidarité, au niveau de l'économie, de forcer l'économie auprès des petits employés, est un rôle très important pour l'économie du Québec dans le futur. Alors, c'est souvent...

On est porté à oublier cette composante-là du Fonds de solidarité en pensant que le rendement devrait être la seule composante d'un groupe de capital de risque. Bien, je pense que non seulement le Fonds de solidarité donne un rendement qui est acceptable, qui historiquement se situe à 4,1 %, et, si on compare aux organismes de capital de risque dans lesquels nous avons investi, les fonds de fonds, ils nous ont donné un retour de 2,9 %, donc on se compare avantageusement au fameux fonds de capital de risque privé. Alors, si on combine l'effet rendement, l'effet impact sur l'économie du Québec, l'effet impact sur les individus qui sont actionnaires au Fonds de solidarité, je pense que le gouvernement du Québec, l'État du Québec s'est donné un outil extraordinaire et qu'il devrait servir de tremplin, il devrait servir de levier au gouvernement pour faciliter la transition vers une nouvelle composante en capital de risque.

M. Roy (René): Alors, je conclus en vous disant que vous avez eu la chance de souvent voir nos positions là-dessus. Notre mémoire contient beaucoup d'informations, de statistiques qui démontrent un peu ce qu'on avance ici. Voilà, merci.

Le Président (M. Paquin): M. Roy, merci. M. le ministre.

M. Audet: Alors, merci beaucoup, MM. Courteau, Blaising, Bolduc, René Roy ? que je salue effectivement, avec qui j'ai siégé longtemps, il y a plusieurs années, à la Commission des partenaires ? et M. Bellemare. Je suis très heureux de votre présentation et qui est à la fois présentée de façon franche, directe. Je dois dire que vous n'avez pas l'habitude de mâcher vos mots. Et je pense que le moins qu'on puisse dire, c'est que vous ne l'avez pas fait encore aujourd'hui. Je pense que ça vous honore.

Mais ce qui me frappe, c'est que finalement il y a des convergences beaucoup ? il y a des divergences aussi, on y reviendra ? il y a des convergences importantes dans la perception que vous avez précisément de l'industrie du capital de risque et du rôle que doit jouer le gouvernement dans cette industrie. Votre évaluation est celle qui était quand même dans le rapport Brunet, que le gouvernement n'a pas encore approuvée mais qui donne des pistes quand même. Et je retiens un certain nombre de points qui sont importants. Parce que j'ai même entendu de votre bouche la notion de rentabilité, qui a l'air à faire peur à nos collègues de l'opposition, mais c'est très important, effectivement.

Quand on parle notamment de la Société générale de financement, vous l'avez mentionné, la recentrer sur sa mission de base. C'est notre intention effectivement de la maintenir. Elle va rester, elle est là pour rester, on l'a dit clairement, le premier ministre l'a mentionné, il l'a mentionné à plusieurs reprises. Elle va recentrer son rôle vers des projets structurants, justement. Investissement Québec, vous l'avez dit, il y a beaucoup de travail qui se fait actuellement, et ils sont très présents, ils ont appuyé plus de 1 000 projets en 2003.

Les Innovatech, qui ont joué leur rôle, mais vous avez dit effectivement qu'il faut être prudent avant de trouver une relève, puisqu'il ne faut pas enlever un instrument, et on en est très conscients. Il faut que ça se fasse. Et c'est ça qu'on cherche actuellement d'ailleurs, comment intégrer du capital de risque sans justement nuire aux entreprises. Alors, on est très conscients de cette préoccupation-là. Vous avez raison là-dessus largement. Vous avez mentionné ? et j'y reviendrai plus loin ? aussi l'importance du capital de risque en région, particulièrement dans les régions ressources, et ce sera l'objet d'une question que je vous poserai.

Pour ce qui a trait à la partie économique ? je pense, c'est très important de le mentionner parce que je pense que le côté de l'opposition broie beaucoup de noir, de ce temps-ci, on essaie d'en broyer plus qu'il y en a ? notamment au chapitre de l'emploi, vous avez mentionné effectivement que c'est près de 60 000 emplois qui ont été créés en 2003 contre 55 000 en moyenne au cours des 10 dernières années; 120 000, c'est vrai, en 2002, qui était une année exceptionnelle. Mais c'est une très bonne année, en 2003.

Donc, les investissements. Et là je suis très content d'annoncer à mon collègue le député de Rousseau les intentions d'investissements en 2004 qui viennent d'être rendues publiques aujourd'hui, donc une hausse au Québec de 5,2 % des investissements, alors que c'est 2,6 % en Ontario, 3,1 % pour la moyenne canadienne. Et cette hausse donc dépasse la hausse des investissements du secteur privé, dépasse celle du secteur public pour la première fois depuis longtemps. Et, fait également très important pour le secteur manufacturier, il y a une augmentation de 16,3 % donc, dans le secteur de la fabrication, du niveau des investissements en 2004. C'est très important et très encourageant. Et c'est concentré principalement dans le secteur de la machinerie, de l'achat de machinerie et d'équipement. C'est un sujet qu'on aura l'occasion de rediscuter prochainement d'ailleurs, puisque c'est la base de l'augmentation de la productivité. Donc, je pense que c'est un point important qu'il faut souligner. Il faut replacer les choses dans leur juste perspective. Quand on parle d'avenir, il y a des secteurs qui sont en difficulté, oui, mais tout ne va pas mal.

Vous avez évoqué, M. Roy, et je veux le noter, c'est très important, il y a actuellement des secteurs qui sont en difficulté du côté de l'industrie. Et, comme vous, je regrette l'absence et à mon avis l'insuffisance d'intervention du côté du gouvernement fédéral. Au niveau du gouvernement fédéral, on se lave les mains facilement, notamment dans l'Accord multifibres, dans des dossiers qui ont donné lieu à des ententes au niveau international. Et il y a des entreprises qui ont besoin d'accompagnement. J'ai déjà rencontré ma collègue Mme Robillard pour lui en faire part, j'ai dit la même chose à Allan Rock. Je pense que c'est très important, il va falloir s'attaquer aux impacts et aux effets de transition. Et j'appuie tout à fait ce que vous venez de dire à ce sujet.

n(16 h 40)n

Là où il y a peut-être un point que... C'est là-dessus que je poserais ma question. Vous avez dit en même temps que vous n'étiez pas d'accord avec certaines perspectives du rapport Brunet qui faisaient un peu, là... puisque... sur le rôle de l'État notamment. Mais vous dites en même temps qu'il y a trop de fonds, qu'il y a beaucoup de fonds, qu'en région il y avait beaucoup de fonds ? et d'ailleurs vous avez mentionné que vous aviez déjà noté ça au gouvernement précédent justement à cet égard ? et particulièrement dans les régions ressources. Et là-dessus on a entendu beaucoup de choses, au cours des deux jours déjà qu'on siège, et il y a beaucoup d'autres mémoires qui nous disent qu'il n'y a pas suffisamment encore de fonds en région. Beaucoup de gens nous demandent de nouveaux fonds. Et la question, et d'autres le disent ? et je pense que c'est votre cas parce que vous êtes sur le terrain ? que le problème, c'est d'avoir des bons projets, des projets qui sont justement viables aussi. Alors ça, c'était la question que je voulais vous poser: Comment vous mettez en relation un peu cet aspect-là, puisque vous dites que... Au fond, vous reprenez un peu l'idée qu'il y a peut-être trop de fonds mais en même temps que ça manque de projets. Comment vous vous situez en regard des autres intervenants dans le milieu qui disent qu'il faudrait peut-être en ajouter?

Le Président (M. Paquin): M. Roy.

M. Roy (René): Oui. C'est difficile pour nous de saisir pourquoi les gens veulent avoir tant de fonds que ça. À un moment donné, dans les régions ressources, on peut comprendre que ces gens-là veulent avoir du capital de développement. On peut comprendre, par exemple, que la Gaspésie, ils veulent avoir du capital de développement. On avait donné notre accord, dans les dernières discussions, pour que, effectivement, il se crée des fonds, qui n'avaient rien à voir avec le capital de risque, c'était du démarrage, du prédémarrage et du démarrage d'entreprises. Et là-dessus je pense qu'Investissement Québec est en train d'enligner un peu son action pour qu'on en fasse du prédémarrage et du démarrage d'industries un peu plus. Là-dessus, sur ce point-là en particulier, on n'a pas de problème d'être en complémentarité avec le gouvernement, si le gouvernement veut entrer dans le prédémarrage et le démarrage du Fonds de développement, mais ce n'est pas le capital de risque qui va aller là.

Mais là ça va peut-être même plus créer des projets. Ça va même peut-être créer des projets. Mais, si on reste directement comme c'est là puis si le gouvernement crée d'autres fonds... Il y a Desjardins, il y a la BDC, la SADC sont là, il y a certains fonds privés qui existent déjà et qui sont là. À un moment donné, s'il en arrive trop, c'est évident que, nous autres, on va être obligés de s'en aller. On a fait fonctionner nos fonds. Je l'ai dit, on ne veut pas... Nos fonds régionaux, on ne veut pas nécessairement la rentabilité là-dedans, mais on ne veut pas que les fonds régionaux viennent caler le rendement du fonds de 2 %. On veut arriver et réussir à surnager là-dedans. C'est la première année qu'on va fonctionner sans subvention. Depuis 1996, on avait une subvention d'opération, comme vous le savez très bien des deux côtés de la Chambre, on avait une subvention pour décoller les 16 fonds régionaux qu'on avait. Alors, on a réussi à maintenir un peu notre rendement. On est à perte, mais on a réussi à couvrir un peu notre rendement là-dedans.

Alors, on s'était prononcés au Sommet des régions, il y a bien des gens qui n'étaient pas très, très heureux de notre sortie, mais on s'était prononcé contre un peu la création de tous ces fonds-là, de tous ces fonds-là, de tous ces fonds-là. On n'a pas changé d'opinion. Si c'est des fonds qui doivent être créés, M. le ministre, ça doit être des fonds en démarrage ? je me répète ? mais en complémentarité avec ce qui existe déjà.

Le Président (M. Paquet): Merci. Alors, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je vous remercie. Ça me fait plaisir de saluer ici le fonds de la FTQ. Vous l'avez signalé avec importance, si vous avez permis à de nombreuses personnes qui n'ont pas accès aux régimes complémentaires de retraite de pouvoir être en mesure de se créer un régime de retraite... Alors, ce n'est pas seulement un fonds d'investissement. Moi, je l'ai toujours vu comme un fonds de retraite d'abord et avant tout.

Je vais poser ma question sur une autre dimension qui est la dimension de l'investissement dans le secteur technologique. Si j'ai compris votre rapport, vous n'êtes pas opposés à la création, à l'heure actuelle, de ce qui est du rapport Brunet, c'est-à-dire d'un fonds mixte, partenaires privé et public, pour le démarrage dans le secteur technologique. Mais vous dites: Faites attention, c'est un secteur vulnérable, et il faudrait que vous prévoyiez une période de transition, c'est-à-dire n'abolissez pas tout de suite les Innovatech et prévoyez une période de transition. Est-ce que je comprends bien votre position à cet effet-là?

Donc, moi, je vous pose aussi la question. Vous êtes perçu aussi comme un investisseur privé, d'une certaine manière. Seriez-vous prêt à l'heure actuelle d'être un partenaire privé dans ces fonds mixtes de démarrage dans le secteur technologique, tel qu'il est contenu à l'intérieur du rapport Brunet?

Le Président (M. Paquet): ...

M. Bolduc (Yvon): M. le député de Verdun, merci pour la question. Merci surtout de nous avoir traités de fonds privé. Alors, on apprécie parce qu'on se considère comme un fonds privé, effectivement.

Deuxièmement, est-ce qu'on est intéressés à participer à la formation de fonds mixtes? Absolument, surtout si, comme impact, c'est un impact de complémentarité. Évidemment, le démarrage, ça coûte cher, c'est très risqué. Le fonds a une infrastructure lourde. Et, d'investir dans le démarrage, il faut trouver vraiment les meilleurs projets. Donc, pour le fonds, de participer dans un fonds de fonds de démarrage, un fonds mixte, c'est une bonne solution. Particulièrement, si je me réfère au mémoire qui a été déposé par Réseau Capital hier, on suggérait, dans ce mémoire-là, de donner un incitatif pour permettre aux fonds comme le Fonds de solidarité d'avoir une motivation à investir dans ces fonds-là. Évidemment, on veut avoir le choix de les choisir, on veut s'assurer que ce sont des bons fonds, on veut s'assurer qu'on va y retirer notre compte au niveau du rendement. Bien, s'il y a un incitatif additionnel qui va nous permettre de qualifier des dollars supplémentaires ? par exemple, pour chaque dollar investi dans ce fonds-là, deux pourraient aller à l'admissibilité pour la règle du 60 % ? c'est évident que je pense que là on parle de solution complémentaire, on parle d'utiliser le fonds comme un levier, le fonds, qui est un instrument très utile, comme je disais tantôt, efficace, comme un levier pour rencontrer les objectifs que le gouvernement tente de se donner au niveau de la participation du gouvernement et de l'État dans le financement du capital de risque.

M. Gautrin: Donc, vous pourriez être...

Le Président (M. Paquet): M. le député de Verdun, je m'excuse, le temps est écoulé présentement. Donc, c'est M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui. M. Roy, M. Bolduc, M. Bellemare, M. Courteau, M. Blaising, ça fait plaisir de vous revoir. Je vais peut-être tout de suite déclarer mon ancien conflit d'intérêts, là, parce que, bon, dans une autre vie effectivement, là, quand j'étais président d'Air Transat, un de nos partenaires importants, c'était le Fonds de solidarité. Puis j'ai été aussi pendant deux ans président du Fonds régional de solidarité des Laurentides. Donc, je vous dis tout de suite, là, que je comprends un peu les positions, entre autres, exprimées par M. Roy.

Puis je voudrais peut-être élaborer un peu justement sur les enjeux qui ont été mentionnés par M. Roy. Parce que je me souviens, justement quand j'étais président d'un fonds régional, que, effectivement, c'était difficile de rentabiliser. Puis c'était au moment où on avait en plus la subvention, là, qui vient de se terminer. C'est pour ça que je suis absolument d'accord avec votre commentaire pour dire que ce qui est proposé au niveau des FIR, d'abord, ce n'est pas réaliste de penser que, dans les régions, il va y avoir des privés, des vrais privés qui vont investir un pour deux, ce n'est pas réaliste. En pratique, là, ce n'est pas vrai qu'on va ramasser l'argent qui est prévu ici. Sauf s'il y a des avantages fiscaux très avantageux.

Et c'est là qu'il y a un autre problème, puis vous le mentionnez dans votre rapport, c'est qu'il y a un problème potentiel d'équité pour le Fonds de solidarité et les autres aussi, dépendamment de ce qui est offert aux partenaires privés. Et c'est là que ça pourrait finalement... Si on remplaçait les FLI, qui sont des fonds locaux, par ces FIR là, qui sont régionaux, je pense que ça viendrait juste foutre le bordel, quant à moi, au niveau des régions, ça ne viendrait pas aider du tout ce que fait le Fonds de solidarité avec ces fonds régionaux là qui sont en train d'être regroupés.

Donc, peut-être donner l'occasion, là, à M. Roy, M. Bolduc, d'élaborer de ce côté-là. Mais, à mon avis, là, il faut être très prudent puis il ne faut pas aller de l'avant avec les FIR. Et il faut, c'est bien sûr, là, continuer à essayer de convaincre des entreprises... des entrepreneurs, c'est-à-dire, privés d'investir dans le capital de risque. Mais je pense que l'approche qui est prise ici, là, n'est clairement pas la bonne dans le rapport Brunet.

M. Roy (René): On a été surpris d'ailleurs...

Le Président (M. Paquet): M. Roy.

M. Roy (René): Excusez. On a été surpris d'abord de retrouver ça dans le rapport Brunet parce qu'on ne pensait vraiment pas que le rapport Brunet irait dans cette direction-là, considérant, là, ce qu'on pensait qu'il pensait puis ce qu'on pensait qu'il avait entendu de nous autres. On ne pensait pas qu'il nous proposerait de nouvelles interventions régionales, en tout cas, de nouvelles créations d'un nouveau fonds régional.

n(16 h 50)n

Au niveau des SOLIDE. Moi, je pense que le gouvernement là-dedans connaît bien notre position au niveau des SOLIDE, au niveau de l'intervention locale. J'ai l'impression... Puis on a déposé une proposition de coopération avec les FLI, et le gouvernement... l'ancien gouvernement l'a eue, le nouveau gouvernement l'a encore. On espère en tout cas en arriver à une entente là-dessus. Puis, au niveau local, si on réussit ça au niveau des MRC, là, on n'aura pas de problème. Les CLD, on connaît bien ça, c'est du monde qui nous connaissent. Les MRC nous connaissent. Les élus nous connaissent. Là-dessus... Puis les gens apprécient les SOLIDE puis le fonds est après faire un autre bout avec les SOLIDE.

Au niveau des fonds régionaux, là, au niveau des fonds régionaux, c'est vraiment difficile. Si on nous arrive avec des FIR, à un pour deux, on ne sait pas encore comment est-ce qu'ils vont... Qui du capital privé va aller là-dedans? En tout cas, moi, je n'en ai pas de capital, donc ça ne risque pas d'être moi. Mais je ne sais pas qui, là, qui a de l'argent qui va vouloir mettre de l'argent dans un fonds régional dans ce style-là. En tout cas, nous, on pense qu'il n'y en a pas. Et, si on réussit à le faire, bien là ça devient du deux pour un, alors qu'on est dans le un pour quatre, nous, là, on est dans le double, là. Et puis, si jamais on va de l'avant avec un FIR régional, bien, en tout cas, on demande au gouvernement de ne pas être inéquitable. Il faut absolument être équitable avec les autres. Parce que, là, on est un peu en mission, hein, on est un peu en mission. Vous en avez géré un fonds régional, c'est vraiment du capital qu'on met à la disposition de... Pourquoi? Pour développer l'entreprise régionale, pour soutenir l'entreprise régionale sans vouloir faire du rendement à tout prix là-dessus.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui. J'espère que le ministre a pris bonne note des remarques de M. Roy, là, qui a de l'expérience pratique sur le terrain. Je voudrais peut-être parler un peu d'Investissement Québec. Bon. Vous nous faites certaines recommandations, des améliorations à apporter au niveau d'Investissement Québec. Mais juste peut-être pour le bénéfice de tout le monde, en pratique, il y a des investissements en région, entre autres, ou dans des secteurs qui sont un peu plus risqués ou qui ont une rentabilité à plus long terme où on a besoin, si on veut compléter une ronde de financement, d'avoir Investissement Québec, qui vient prendre un risque un peu plus grand que les autres partenaires, incluant le Fonds de solidarité.

Et c'est là ? puis vous le dites d'ailleurs dans votre mémoire ? que, selon moi, on ne peut pas fixer comme objectif qu'Investissement Québec s'autofinance au niveau de ses coûts d'exploitation, parce que ce que ça voudrait dire, là, ce serait comme de fixer des objectifs à Investissement Québec comme si c'était un fonds de capital de risque comme les autres, alors que, Investissement Québec, c'est souvent eux autres qui viennent faire la différence pour que, comme on dit en bon québécois, le deal se fasse. Et, je ne sais pas, là, j'aimerais ça avoir votre point de vue de ce côté-là. Mais, selon moi, là, c'est très important de garder Investissement Québec, qui vient compléter le financement, peut-être à des conditions moins avantageuses, si on le regarde d'un point de vue privé, mais avantageuses pour le gouvernement, si on inclut toutes les retombées, par exemple, retombées fiscales puis retombées sociales.

Et encore là je veux revenir au rapport Brunet. Je pense que la plus importante erreur qu'on retrouve dans le rapport Brunet, c'est de prendre une approche strictement de rentabilité sans tenir compte des retombées fiscales, sociales, des retombées aussi à long terme dans certains secteurs et de l'importance de garder nos outils comme Investissement Québec et de ne pas réduire les conditions d'admission pour... parce que ça aurait un impact, malheureusement qui n'est pas évalué ici, sur les retombées surtout dans les régions. Mais j'aimerais ça vous entendre, là, sur comment vous voyez le rôle d'Investissement Québec.

Le Président (M. Paquet): M. Roy.

M. Roy (René): Bien, on était d'accord avec une action qui a été prise jusqu'à date, celle de refondre les actions de La Financière dans les actions d'Investissement Québec. On ne pense pas qu'Investissement Québec avait besoin d'être bicéphale, là. Et ça, là-dessus, cette étape-là a été faite, puis on est contents.

Sur la question des frais d'exploitation, on est d'accord avec vous là-dessus, on l'a mis dans notre mémoire, Investissement Québec reçoit directement des commandes du gouvernement du Québec, et là-dessus on est en accord, puis on le dit d'ailleurs, que ça continue avec le programme FAIRE, l'article 28, on est d'accord pour que ça continue parce que, à un moment donné, le gouvernement doit intervenir dans l'économie, et on le dit d'ailleurs dans notre mémoire au départ. Si on voulu, dans notre mémoire, renverser un peu la vapeur, c'est que le constat un peu du rapport Brunet est un peu noir sur la situation qu'il y avait au Québec. Alors, on a voulu donner les points plus positifs un peu.

Mais recevoir les mandats, Investissement Québec a une expérience de 40 ans, ils l'ont bien fait. Ils reçoivent ces mandats-là du programme FAIRE, ils reçoivent les... et ils l'administrent. Alors, s'ils reçoivent des mandats du gouvernement du Québec dans des très grands dossiers qui sont dispendieux pour Investissement Québec, je pense que c'est un peu normal que les frais d'exploitation soient assumés par le gouvernement du Québec. Et là-dessus on est d'accord avec vous, il faut que ce soit maintenu. On n'est pas d'accord avec la recommandation du rapport Brunet.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui. Peut-être une dernière question sur pourquoi le privé n'est pas plus présent au Québec. Bon. Vous voyez, encore là, une des prémisses qui est importante dans tout le rapport Brunet, c'est qu'on y dit que la raison pourquoi le privé n'est pas assez présent, c'est parce que le public serait trop présent au Québec. Bon. D'abord, comme le disait M. Bolduc tantôt, il faudrait s'entendre sur ce qui est public et privé. Puis je suis d'accord pour dire que le Fonds de solidarité est privé. Donc, je voudrais savoir: Est-ce que, selon vous, là... Qu'est-ce qui freine la présence du privé au Québec? Est-ce que c'est plus une tradition d'investissement qui n'est pas là ou si c'est parce que le public est trop présent?

M. Roy (René): On a fait une étude là-dessus. Les fonds privés canadiens sont relativement jeunes, et leur histoire de rendement n'est pas suffisamment longue pour inspirer la confiance des investisseurs. Les fonds privés canadiens offrent une gamme de produits de placement moins variée que les fonds américains. L'information concernant les fonds privés canadiens est difficilement accessible. Ce manque de transparence n'est pas fait pour rassurer les investisseurs étrangers. Au Canada, il existe peu de fonds de fonds, on l'a mentionné tout à l'heure. Certaines politiques gouvernementales ont pu avoir pour effet de restreindre l'attrait d'un investissement au Canada. Il apparaît donc que la rareté d'investissements étrangers au Québec tient plus de la petitesse de notre économie et de nos entreprises qu'à l'absence d'opportunités d'investissement.

Alors, c'est les raisons que, nous, on a trouvées qui font en sorte qu'il y a moins de capital privé. On le sait, le Fonds de solidarité ? puis Yvon pourrait en parler peut-être plus que moi ? on essaie, comme fonds privé, d'aller générer l'arrivée de fonds de fonds au Québec. Tout à l'heure, sur la question, ici... dans les technologies, on est d'accord pour du démarrage, prédémarrage mais, dans la biotechnologie puis dans la technologie, ce qui manque au Québec maintenant, c'est des fonds de 300 millions, 400 millions, 500 millions de dollars, beaucoup plus. Pas «des», mais au moins un, disons. Oui, pas «des». Veux-tu rajouter quelque chose?

Le Président (M. Paquet): Alors, M. Bolduc.

M. Bolduc (Yvon): Je pense que, pour expliquer l'absence d'intérêt, il faut dire que, au Québec, il faut avoir... Ce qui va attirer les étrangers, c'est le succès. Alors, quand on aura une série de succès, c'est évident qu'on va attirer l'attention. Mais on le vit aujourd'hui. Dans notre portefeuille, au Fonds de solidarité, on a une compagnie qui a un marché... qui a un produit qui peut occuper un marché très important sur le plan mondial. On va commencer par l'Amérique du Nord. Mais on a intéressé trois fonds américains. On a reçu deux offres et on en a choisi une, on est en train de finaliser.

Donc, en ce qui me concerne, ce n'est pas nécessairement relié au fait que l'État est présent ou qu'on a des fonds qui proviennent du gouvernement, c'est lié au fait qu'on n'est soit pas capables de vendre nos produits à l'étranger comme il faut, de les présenter comme il faut ou de développer les réseaux pour nous permettre d'aller chercher ces contacts-là, ou soit qu'on n'a carrément pas le produit intéressant pour les intéresser. Et je pense que ça fait partie de la responsabilité des fonds de capital de risque du Québec de trouver les canaux, de développer les canaux, de s'ouvrir à l'étranger, de maintenir des contacts. Et c'est comme ça qu'on va développer un intérêt pour l'étranger pour nos produits, nos compagnies canadiennes et québécoises.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Non...

Le Président (M. Paquet): Non? Vous n'aviez pas une question tout à l'heure?

M. Gautrin: Non. Bien, j'aurais pu continuer, mais...

Le Président (M. Paquet): D'accord. Alors, M. le ministre du Développement économique et régional.

M. Audet: Alors, merci. D'abord, évidemment, je veux, là-dedans, au départ, reprendre un peu ou faire un peu certaines... rendre justice quand même aux présentations du rapport Brunet en ce qui a trait à Investissement Québec et même à la Société générale de financement lorsque... Je suis étonné d'ailleurs de voir que le député de Rousseau lui-même ne se soit pas scandalisé avant, pendant qu'il était au gouvernement, que, par exemple, les frais d'exploitation de la SGF soient de plus de 50 millions de dollars par année, hein, et que ceux même d'Investissement Québec soient de plus de 25 millions de dollars par année. Donc, la première chose, la première mission qu'on a donnée à ces deux sociétés-là, c'est de réduire leurs propres frais gestion, de réduire donc les frais d'exploitation eux-mêmes.

n(17 heures)n

Donc, il y a deux façons de réduire la part du gouvernement. C'est d'abord évidemment de gérer plus serré, ce que, actuellement, les deux organismes sont en train de faire. Et je pense que c'est la première mission qui leur est donnée. Deuxièmement, c'est évident qu'il y a aussi des frais de gestion qui sont chargés, qui sont tout à fait normaux dans certains dossiers qui sont utilisés. Mais le gouvernement prend à sa charge ? et ça, je pense que M. Roy siège à Investissement Québec, il le sait très bien ? tous les mandats spéciaux qui sont donnés par le gouvernement, les programmes FAIRE, les projets qui sont donc d'intérêt, etc. Et, cette année, c'est de l'ordre de 250 millions qui est investi dans Investissement Québec. Donc, là-dessus, là, il faut mettre les choses dans leur perspective.

Il y a une réduction, il y a une compression, il y a une demande qui est tout à fait légitime, puisqu'elle est demandée à l'administration publique en général, elle touche aussi les sociétés d'État. Et je signale, pour l'information, que la Société générale de financement est passée de 250 personnes environ, il y a un an à peu près, à 150 et qu'elle fonctionne encore. Donc, je pense que... Et je ne vois pas, là, de grand problème à avoir 10 présidents de moins, payés à des salaires et avec des primes faramineuses. Donc, je pense que, là-dessus, il faut ramener les choses dans leur juste perspective et ne pas faire croire aux gens que le gouvernement demande des choses qui sont absolument inatteignables.

Ma question se pose cependant à ce sujet-là aux gens du Fonds de solidarité. Vous êtes impliqués à deux titres. Vous êtes impliqués bien sûr dans les régions, on l'a mentionné tantôt. Vous êtes impliqués beaucoup aussi dans des projets majeurs, au Québec. Quel est le poids relatif des investissements que vous faites comme capital de risque majeur, justement, au Québec? Et sur quelles bases justement vous... Est-ce qu'on peut connaître un peu l'analyse des critères qui vous amènent à prendre une décision dans ces projets d'investissement majeurs? Évidemment, les deux partenaires, la Société générale de financement et le Fonds de solidarité, vivent actuellement une période difficile à Gaspé, mais je ne veux pas parler de ce projet-là, je veux parler de façon générale. Comment vous approchez l'analyse de ces projets-là et quelle sorte d'évaluation que vous faites avant de prendre des décisions semblables?

Le Président (M. Paquet): M. Bolduc.

M. Bolduc (Yvon): Merci. Peut-être quelques statistiques auparavant pour bien situer sur quel terrain le Fonds de solidarité opère. Premièrement, le Fonds de solidarité a été souvent considéré comme un financier de dernier recours; ce n'est plus vrai. Ça a peut-être été vrai au début, mais quelques chiffres: le redressement représente chez nous 36 % de nos investissements; l'expansion, les projets d'expansion, de croissance, 33 %; fusions et acquisitions, 11 %; et le démarrage comme tel, plus dans les technologies et les sciences de la vie, un 20 %.

Une autre statistique, c'est que nous sommes diversifiés dans tous les secteurs économiques du Québec: 26 % dans industries et services; 23 % ressources naturelles, consommation; 11 % dans les fonds locaux et régionaux; 20 % en immobilier, exportation, construction; et finalement un 20 % dans les investissements technologiques.

Les projets qu'on appelle structurants pour le Québec, évidemment, pour le Fonds de solidarité, c'est nouveau. Notre participation dans des projets de grande envergure, c'est une exception parce que la règle du 60 % nous oblige de faire des investissements dans des compagnies qui sont définies comme étant les PME, c'est-à-dire un maximum de 50 millions d'actif ou un maximum de 20 millions en équité, en avoir net. Donc, quand on regarde le type d'investissements dans lesquels le Fonds peut faire un placement, ce sont généralement de petites et moyennes entreprises.

Pour participer dans des projets d'envergure, évidemment il faut avoir une exception, il faut avoir une entente, si on peut appeler, avec le gouvernement et des organismes comme la SGF ou Investissement Québec, sinon c'est très difficile d'entrer dans ce domaine-là, sauf lorsque la compagnie dans laquelle nous avons investi, qui était admissible, a grossi et nous a permis... on a pu la suivre.

Ceci étant dit, l'ancien gouvernement avait, dans un des budgets qui avaient été déposés, permis essentiellement ce qu'on appelle des investissements de nature stratégique. Alors là la limite est beaucoup plus grande. Et nous sommes présentement à examiner des dossiers qui pourraient être de nature stratégique. Par contre, malheureusement, la définition de qu'est-ce qui est investissements stratégiques est toujours en discussion avec des représentants du gouvernement. Évidemment, on a bien hâte de régler ça.

Mais, pour vous donner un exemple, nous travaillons présentement sur une entreprise qui se qualifie en vertu de ces nouveaux termes-là, qui est dans un domaine manufacturier, qui nous permettrait de prendre une participation minoritaire dans le capital, mais par contre qui permettrait à l'entreprise, par voie d'une... que le fonds injecterait dans cette entreprise-là, de s'étendre significativement, de faire une acquisition, et ça amènerait une masse critique, au Québec, dans un domaine qui... bon, je ne veux pas nommer l'entreprise parce que c'est encore confidentiel, mais qui serait très structurant. Et comment on prend nos décisions? On veut effectivement que ce soit bon pour l'économie du Québec et aussi rentable pour les actionnaires du Fonds de solidarité. On veut que le projet rapporte des sous pour les actionnaires. Donc, rentabilité et développement économique, ce sont les deux principales considérations que nous prenons en ligne de compte.

M. Roy (René): Et création d'emplois, M. Bolduc.

Le Président (M. Paquet): M. Roy.

M. Bolduc (Yvon): Oui, absolument.

M. Roy (René): Et création d'emplois. Puis je voudrais revenir, juste un point, M. le ministre, là, sur les frais d'exploitation d'Investissement Québec. On n'a pas dit de ne pas les baisser, hein?

M. Audet: Oui, c'est ça. Oui, oui.

Le Président (M. Paquet): O.K. Merci. M. le député de Gaspé.

M. Roy (René): ...ce n'est pas notre point...

Le Président (M. Paquet): Oui, pardon, M. Roy.

M. Roy (René): ...on n'est pas en désaccord avec une meilleure gestion.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. Roy. M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Oui, merci, M. le Président. Bonjour messieurs. Tout d'abord, je voudrais aborder la question concernant le développement des régions et particulièrement le projet de loi n° 34, auquel vous faites référence dans votre mémoire.

Si je prends la région de la Gaspésie?Les Îles, où on s'était donné un modèle de développement mais aussi de concertation, hein, et ce modèle de concertation faisait l'unanimité parce que les tables sectorielles mises en place avec des centaines de bénévoles nous permettaient de mieux planifier notre développement, mieux analyser les situations problématiques et de proposer des solutions à l'État.

Dans votre mémoire, vous y revenez à deux endroits. Vous y revenez à la page 29, au point 2.6, puis vous parlez également, à un autre endroit, je pense que c'est à la page 30 également, de l'intervention économique de l'État. J'aimerais ça que vous nous expliquiez quelles sont vos appréhensions à la suite de cette réorganisation. Parce qu'on sait que les CRE, les conférences régionales des élus, sont à se mettre en place, qu'à certains endroits ça dérape, d'autres, l'accouchement se fait dans la douleur, d'autres endroits, bien, il y a des problèmes de toutes natures. J'aimerais ça que vous nous disiez, vous, par rapport au fonds ? parce que vous le mettez dans votre mémoire ? qu'est-ce que ça vous crée comme problèmes?

Le Président (M. Paquet): M. Roy.

M. Roy (René): Oui. Bien, les CRE, on ne voulait pas trop s'étendre là-dessus aujourd'hui parce que ce n'est pas...

M. Lelièvre: Bien, en tout cas, vous parlez de la... du projet de loi n° 34.

M. Roy (René): Ah, bien oui! On va en parler, on va en parler un peu. C'est parce qu'on vient de faire deux réunions régionales de deux jours avec nos gens de région, puis c'était un peu un constat de colère qu'on a ramassé et puis on n'avait pas fini de faire nos devoirs là-dessus. Mais ce qu'on a vu, c'est que la société civile est un terme qui est mal défini. Pour nous, c'est la première fois, je pense, qu'on retrouve ça dans un projet de loi. Puis je n'ai pas fait d'étude exhaustive, peut-être que ça se retrouve ailleurs.

Le tiers de la société civile, ça ne tient pas compte d'une représentation, selon nous autres, du monde syndical, on ne retrouve pas le monde syndical. En tout cas, on ne retrouve pas la FTQ. La FTQ était là sur les CRD, auparavant. On était sur les CLD, puis là il faut attendre que les maires veuillent bien choisir les gens de la société civile. Là, nous autres, on avait dans l'idée que la loi n° 34 était pour être promulguée au mois de février; elle ne l'est pas.

Mais, en même temps, ce qui se passe dans le champ, c'est que les gens, les maires des municipalités sont en train de créer les CRE. On nous dit que les CRD, les budgets des CRD sont gelés. Les CRE sont en train de se bâtir. On nous dit qu'à des endroits le monde sont assis là, beaucoup de villes, beaucoup de maires de villes. Donc, il n'y a pas vraiment de personnes pour être capables de gérer leurs différends, leur compétition. Alors, ça vire un peu à l'affrontement. Et alors ça crée énormément d'inquiétude dans nos rangs, à savoir comment est-ce qu'on va faire la concertation régionale comme on le faisait dans le passé. Alors, on est à ce niveau-là, au niveau des CLE. On n'a pas conclu, là, on est en réflexion.

M. Lelièvre: J'espère que...

Le Président (M. Paquet): M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: J'espère qu'on aura l'occasion...

M. Roy (René): Marc Bellemare veut rajouter un mot.

M. Lelièvre: Oui.

Le Président (M. Paquet): Ah! M. Bellemare.

n(17 h 10)n

M. Bellemare (Marc): Merci. On a plus de 400 travailleurs et travailleuses impliqués dans ce qui s'appelle le développement socioéconomique de leur région. C'est une orientation que la FTQ s'est donnée depuis une vingtaine d'années. O.K.? Puis nos gens croient que, pour développer une région, bien, tu as besoin de toutes les forces vives de la région, bien entendu la force politique, qui s'appelle les maires, les préfets, mais aussi tous ceux qui ont à coeur leur propre région. On ne peut pas concevoir que l'aspect du développement ou que les décisions majeures qui peuvent faire en sorte qu'une région subsiste ou ne subsiste pas ne soient prises qu'en une forme de vase clos.

On a des gens compétents puis ils ont à coeur leur région. On a des gens qui étaient impliqués sur les CLD; du jour au lendemain, on leur montre la porte. On a des gens qui étaient impliqués dans les CRD où il se faisait de bons débats. On s'entend que, du choc des idées, peut naître un projet plus valable, plus durable, mais, en vase clos, strictement avec des gens que nous respectons mais qui n'ont pas nécessairement tout le temps la voie, la vérité et la vie...

Le Président (M. Paquet): M. Roy.

M. Roy (René): On peut dire, entre autres, pour conclure, il va y avoir des forums... On nous a dit qu'il y aurait un forum socioéconomique, là, sur le développement socioéconomique. J'imagine qu'on va être prêts à ce moment-là pour développer.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Bien. C'est toute la question... On sait qu'une des raisons majeures qui ont été avancées continuellement pour confier les destinées de développement économique régional aux maires, c'est l'imputabilité. Alors, mais, l'imputabilité, est-ce qu'on va leur donner des fonds à gérer? S'ils n'ont pas de fonds, ils vont faire quoi? Alors là, à l'heure actuelle, moi, je regarde le rapport Brunet, le rapport Brunet dit: Bien, écoutez, donnez-nous... on va mettre sur pied des fonds, le privé va gérer et on va gérer l'argent de l'État. Je ne sais pas si vous avez déjà également vu ça là-dedans.

Alors, c'est quoi, le discours, là? D'un côté, ceux qui étaient dans les conseils régionaux n'étaient pas imputables, donc on a dit: On vous met dehors puis on vous remplace par des élus au niveau local. Puis, d'un autre côté, on a des gens qui sont dans les affaires, puis on va leur dire: On va vous confier l'argent de l'État puis vous allez le gérer. Alors, il y a ça, aussi, là, qui rentre en ligne de compte. Puis j'aimerais... Parce que le temps passe vite. Il reste combien de temps?

Le Président (M. Paquet): Il vous reste 1 min 40 s.

M. Lelièvre: Les Innovatech. Les Innovatech, entre autres, Régions ressources, c'est... Bon. Il y a une proposition de faire en sorte que, les Innovatech, soit qu'elles disparaissent ou qu'on leur donne une nouvelle forme, qu'on crée... puis qu'on les privatise, etc. Dans votre mémoire, vous êtes loin d'être convaincus qu'il faille les abolir. Ça, vous le dites. Bon. Mais, pour les régions, par exemple, si on prend Innovatech Régions ressources qui est impliquée dans tout l'Est du Québec puis d'autres régions ressources du Québec, ça a été mis sur pied justement pour les desservir. Avez-vous l'impression qu'ils seraient en compétition avec le fonds ou qu'ils sont en compétition avec le fonds et qu'il faut les abolir?

Le Président (M. Paquet): En 50 secondes?

M. Lelièvre: Ou les autres fonds?

Le Président (M. Paquet): M. Bolduc.

M. Bolduc (Yvon): Merci. En ce qui concerne Régions ressources, carrément nous estimons qu'ils sont en compétition, mais on pourrait appeler ça de la coopétition parce que souvent on va investir conjointement avec un fonds. Mais je dois admettre que, dans les fonds régionaux, surtout en régions ressources, souvent le prix qu'on offrait aux entrepreneurs était beaucoup plus élevé que qu'est-ce qu'on était prêts à offrir. Donc, une rationalisation en région, pour reprendre ce que René disait tantôt, je pense qu'il faut la considérer. On estime, nous, qu'il y a trop de fonds en région, qu'il faut rationaliser la disponibilité des fonds en région.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. M. le ministre du Développement économique et régional.

M. Audet: Combien de temps?

Le Président (M. Paquet): 1 min 57 s.

M. Audet: Une minute? Ah bien, merci. Alors, écoutez, un petit mot pour d'abord effectivement vous remercier de votre présentation. Je pense que ça a été fort utile pour tout le monde de vous entendre justement faire la présentation. Encore une fois, j'ai apprécié votre langage direct et votre évaluation.

Peut-être un tout petit mot pour référer à la discussion qu'on vient d'avoir. Je rappelle que les CRD, donc évidemment la transition se fait actuellement, donc c'est normal qu'il y ait des discussions entre les CRD et donc la Conférence régionale des élus. En gros, c'est comme une courbe moyenne, il y en a à peu près, on m'a dit, un tiers où ça va très bien, un tiers où la discussion se fait, puis il y en a un tiers où ça se brasse un peu plus. Mais ça va tomber, je pense, un peu en place, comme on a prévu, au mois d'avril.

Pour ce qui a trait aux CLD, là, je suis un peu plus surpris parce que la loi prévoit, je le mentionne, puis c'est très important: il n'y a pas de changement de base dans le conseil d'administration. Bien sûr que les maires et les élus peuvent décider de changer, mais théoriquement ils peuvent reconduire tout le monde. Donc, effectivement je pense que vos gens qui sont impliqués, je suis tout à fait d'accord, doivent simplement démontrer qu'ils ont un rôle à jouer, et là-dessus on est tout à fait d'accord. Et il n'y a pas de limite dans ce cas-là, d'ailleurs vous avez remarqué, pour une participation dans le cas des CLD. Donc, je pense que l'ouverture est complète. Et on pourrait théoriquement, dans beaucoup de CLD, et c'est ce qu'on fait d'ailleurs, reconduire les conseils tels qu'ils sont lorsque les gens sont satisfaits. Donc, il n'y a pas aucun... je ne vois pas de grandes difficultés.

Et les budgets ? je le mentionne parce que ça a été évoqué ? ont été confirmés à la fois pour les CLD et pour les conférences régionales des élus. On devra même en ajouter un peu, puisqu'il y a deux conférences régionales des élus de plus et donc on doit... je dois gratter mes fonds de tiroir pour éviter que les autres en paient le prix. Donc, pour vous confirmer qu'on est bien conscients de la situation, et on aura l'occasion certainement d'en parler dans les prochaines semaines. Merci beaucoup à tous, et encore une fois on va tenir compte très certainement de vos recommandations. Merci.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. le ministre. Et donc, au nom de la commission, je vous remercie, MM. Roy, Bolduc, Bellemare, Blaising et Courteau, pour votre participation à nos travaux au nom de la Fédération des travailleurs du Québec. Merci.

Et la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 17)


Document(s) associé(s) à la séance