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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mardi 9 mars 2004 - Vol. 38 N° 29

Consultation générale sur le document intitulé Rapport du groupe de travail sur le rôle de l'État québécois dans le capital de risque


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Table des matières

Journal des débats

(Seize heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Paquet): S'il vous plaît! Avant de débuter, je demanderais à tous ceux et celles qui ont un téléphone cellulaire de bien vouloir en éteindre la sonnerie, s'il vous plaît, afin de ne pas gêner nos travaux.

Alors donc, je rappelle le mandat de la commission. La Commission des finances publiques est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le Rapport du groupe de travail sur le rôle de l'État dans le capital de risque.

D'abord, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Outre le remplacement de Mme Beaudoin (Mirabel) par M. Boucher (Johnson) pour la durée du mandat, M. Cholette (Hull) est remplacé par M. Blackburn (Roberval).

Le Président (M. Paquet): Merci, Mme la secrétaire. Alors, sans plus tarder, je vais d'abord commencer par lire l'ordre du jour. Alors, nous allons entendre cet après-midi deux groupes: d'abord, le Conseil de la science et de la technologie, CST, qui sera suivi par la suite par le Groupement pour la commercialisation de la recherche universitaire.

Donc, la commission consacrera 45 minutes, après consentement des deux côtés de la Chambre... des membres, pardon, des deux côtés, du côté ministériel et du gouvernement de la commission. Nous consacrerons 45 minutes pour l'audition de votre organisme, soit 15 à 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, et le reste du temps, pour les échanges répartis équitablement avec les membres de la commission de chaque côté de la Chambre.

Auditions (suite)

Alors donc, sans plus tarder, je vous souhaite la bienvenue, aux gens du Conseil de la science et de la technologie, Mme Hélène Tremblay, la présidente, qui est accompagnée de M. Jean-Marc Proulx, M. Martin Godbout, Mme Suzanne D'Annunzio et M. Daniel Lebeau. Alors, bienvenue à la commission, et merci de participer à nos travaux.

Conseil de la science et de la technologie (CST)

Mme Tremblay (Hélène P.): Merci de nous recevoir. Alors, Mme D'Annunzio a apporté à votre intention des copies d'un article paru récemment dans la revue Futuribles et qui présente le conseil, son mandat, sa mission, ses préoccupations. Alors, il me suffira, cet après-midi, de préciser que le Conseil de la science et de la technologie a été créé en 1983 en vertu d'une loi qui lui confère le mandat de conseiller son ministre, en l'occurrence M. Audet, sur toute question relative à la science et à la technologie. Il est composé de 15 membres qui sont nommés par le gouvernement et qui proviennent des milieux de la recherche et de l'enseignement supérieur, des affaires, du travail, de l'information scientifique et technique et des milieux public et parapublic. Ils proviennent des milieux en question mais ne sont pas délégués par lesdits milieux, ce qui leur laisse une indépendance morale très utile pour un sujet comme celui de cet après-midi. Il comprend également trois observateurs gouvernementaux.

Je suis ainsi accompagnée aujourd'hui par, en commençant par ma gauche, M. Jean-Marc Proulx, qui est directeur général de Gestion Valeo et également président du conseil d'administration de Génome Québec; M. Martin Godbout, qui est P.D.G. de la firme Hodran, et qui est aussi P.D.G. de Génome Canada, et participe à de nombreux conseils d'administration reliés à notre propos; et, à ma droite, Mme Suzanne D'Annunzio, qui est la secrétaire générale du conseil; et Daniel Lebeau, qui est chercheur rattaché au secrétariat du conseil et qui a été responsable de la recherche et de la rédaction du présent mémoire. J'aimerais ajouter que, comme le veut la coutume au conseil, nous avons consulté un certain nombre d'experts lors de la préparation du mémoire en question, et leurs noms apparaissent effectivement en annexe au document que vous avez en votre possession.

Mon intention, cet après-midi, n'est pas de résumer l'ensemble de notre mémoire. Cela sera possible d'aborder les sections qui ouvrent notre mémoire durant la période de questions. Et donc je mettrai plutôt l'accent sur le coeur de notre sujet, à savoir sur les constats que le conseil dégage de l'analyse effectuée dans la première partie du mémoire, de même que sur les cinq recommandations qu'il vous adresse, et qui tentent de résoudre les problèmes soulevés par le rapport SECOR, et qui sont repris par le rapport Brunet de même que par certains éléments du discours prononcé par M. Audet lors de l'ouverture des travaux de la commission.

Donc, nos premiers constats concernent les caractéristiques du capital de risque québécois. Par exemple, nous avons remarqué que la situation du Québec est encore exceptionnelle puisqu'il détient plus de 50 % des fonds canadiens sous gestion; que sa part des investissements en capital de risque inférieure à 2,5 millions a été supérieure, entre 1999 et 2001, à celle de l'ensemble du reste du Canada réuni; que sa part des investissements situés entre 2,5 et 20 millions dépasse son poids démographique; et que le problème surgit au niveau des investissements supérieurs à 20 millions, puisque le Québec récolte moins que son poids démographique.

Notre analyse à ce propos nous pousse à trouver une explication, au sujet des investissements supérieurs à 20 millions, dans le fait que les investissements de grande taille se retrouvent essentiellement dans les TIC, à Ottawa, puisque cette ville a recueilli six des 10 plus grosses transactions canadiennes en 2002.

Par ailleurs, les investissements totaux varient sensiblement d'une année à l'autre au Québec, mais ils varient moins qu'en Ontario, ce qui fait que le capital de risque québécois a compté pour 20 % du total canadien en 2000, année du pic boursier. Il a compté pour 39 % en 2003, une année particulièrement déprimée au Canada puisqu'on y a investi 1,5 milliard contre 575 millions au Québec. Le conseil explique ces variations plus faibles en territoire québécois notamment par une distribution plus équilibrée des investissements entre secteurs de haute technologie et, deux, par une présence gouvernementale plus grande, qui amoindrit les chocs en période baissière.

n (16 h 40) n

La deuxième série de constats porte sur les besoins du Québec en capital de risque au cours des prochaines années. Le rapport Brunet, à ce propos, reprend le diagnostic de la firme SECOR. Or, le conseil ne se prononce pas sur une offre qui serait selon elle suffisante pour satisfaire la demande entre 2004 et 2006. Mais nous sommes d'accord, au conseil, pour dire qu'il faut assurer un financement adéquat et adapté en phase d'amorçage de même qu'une présence plus forte des sociétés privées indépendantes, locales et étrangères dans les phases de démarrage et de croissance des entreprises. De plus, cette présence ne peut s'accroître qu'en minimisant la concurrence exercée par les fonds gouvernementaux.

En revanche, grâce à nos consultations et à nos propres travaux, nous pensons qu'il sera très difficile d'attirer du capital de risque privé en phase d'amorçage, et ce, pour au moins trois motifs. Le premier: le risque financier est effectivement trop grand à cette étape. On souligne que seulement 2 % aux États-Unis des fonds destinés au développement des technologies provient des sociétés de capital de risque privées ? aux États-Unis donc, seulement 2 %. Deuxième motif: même aux États-Unis, un pays souvent utilisé comme référence, le gouvernement fédéral intervient à hauteur de 30 % des montants investis dans le développement des technologies. On est toujours en amorçage. Et troisième argument: les grandes entreprises manufacturières et les investisseurs informels sont très peu présents à ce stade au Canada et au Québec, contrairement aux États-Unis, où ils ont fourni 75 % des fonds alloués en 1998.

Nous nous distancions également du rapport Brunet au sujet des financements supérieurs à 20 millions. Seule la CDP, la SGF et les fonds de travailleurs selon nous sont à l'heure actuelle d'assez grande taille pour intervenir. Les grandes entreprises privées sont très rares, on vient de le dire. Les fonds de pension sont encore peu portés à se compromettre. Il faudra miser sur le capital étranger, ce qui est théoriquement possible mais non évident dans la pratique. Les banques pourraient se doter de fonds, comme la Banque Royale et Toronto-Dominion le font, mais elles sont de juridiction fédérale. Et pratiquement aucun des placements détenus par la SGF dans les hautes technologies n'aurait passé la barre imposée par le rapport Brunet. De plus, un fonds entièrement privé devra compter sur des avantages fiscaux qui feront partie des dépenses courantes du gouvernement et qui peuvent atteindre des montants substantiels, contrairement à des formules qui favorisent un apport financier du gouvernement sous forme d'investissement. Nous reviendrons plus loin sur la question des fonds régionaux abordée par le rapport Brunet.

Une autre série de constats formulés par le conseil traite du retrait partiel du gouvernement. Un argument souvent entendu porte sur les rendements des sociétés de capital de risque au Québec et au Canada qui sont beaucoup plus faibles qu'aux États-Unis. Nous admettons que les fonds gouvernementaux et ceux soutenus par les gouvernements poursuivent également des objectifs de développement économique et que cela fausse les règles du jeu, mais l'argument ne nous semble pas suffisant pour expliquer les rendements plus faibles des sociétés en terre québécoise. Il faudrait ici ajouter que nos rendements sont assez semblables à ceux observés en Europe; qu'ils peuvent s'expliquer par l'inexpérience des gestionnaires, puisque les fonds sont plus jeunes qu'aux États-Unis et que, si cela est vrai, le problème se résorbera de lui-même avec le temps; que les sociétés de capital de risque américaines étaient assez matures dans la deuxième moitié des années quatre-vingt-dix pour retirer leurs fonds par la voie de... avant la débâcle boursière, ce qui n'était pas le cas ici; que le marché des... nous apparaît moins dynamique au Canada qu'aux États-Unis; et surtout que les demandes adressées par les entreprises aux sociétés de capital de risque arrivent vraisemblablement avant que les projets aient acquis une maturité suffisante, contrairement aux États-Unis où le financement de la recherche et du développement s'effectue selon un modèle différent et adapté au contexte.

Par ailleurs, la présence massive des fonds gouvernementaux jusqu'à maintenant au Québec aura permis l'émergence d'une industrie du capital de risque plus rapide qu'ailleurs au Canada et la création de PME technologiques vraisemblablement en plus grand nombre, justement parce que les critères d'intervention étaient plus souples et que les modalités étaient plus conformes aux désirs des entrepreneurs.

À propos maintenant des régions ressources, le conseil attire votre attention sur les points suivants. Les régions ressources ont besoin de capital de risque pour innover dans les secteurs traditionnels. Des fonds de capital de risque de 3 millions ne seront pas rentables, de l'avis de toutes les personnes que nous avons consultées, à cause des coûts trop élevés de gestion et ils ne permettront pas de développer une expertise pointue capable de soutenir les entrepreneurs dans leur développement.

Or, la qualité de la gouvernance constitue à nos yeux la clé de voûte pour asseoir le succès de la restructuration envisagée, et cela est vrai pour toutes les régions, incluant Montréal, évidemment. Plusieurs experts consultés nous ont fait remarquer à ce propos que la règle du 2-6-2 n'était pas une règle immuable et qu'il fallait au contraire agir de manière proactive pour accroître le succès... le nombre d'entreprises qui se transforment en succès. De plus, nous pensons que plus la valeur d'une ronde de financement augmente, plus l'entrepreneur tirera avantage à faire affaire avec un fonds spécialisé plutôt qu'avec un fonds régional généraliste.

Cela étant dit, nous vous invitons maintenant à vous rendre à la page 62 de notre mémoire, puisqu'elle contient, sous forme de tableau, trois des éléments de notre proposition globale. Alors, à la page 62, nous recommandons, à la deuxième ligne du tableau, que la phase d'amorçage et de valorisation reconnaisse explicitement les besoins de valorisation de la recherche universitaire, une priorité actuellement défendue par les deux ordres de gouvernement. Et cette intervention se ferait grâce à un financement de 50 millions dans les quatre sociétés de valorisation de la recherche universitaire. Ce faisant, on satisfait les besoins de capital aux étapes de recherche appliquée et de développement des nouvelles technologies dans toutes les grandes régions du Québec, mais en retour il serait demandé aux sociétés de valorisation de partager leur expertise entre elles et d'effectuer du groupement de technologies afin d'accroître leur synergie et leur efficacité globale.

Par ailleurs, le conseil insiste lui aussi pour que la période de transition concernant les Innovatech, sauf Innovatech Régions ressources, soit gérée avec précaution et que la proposition du rapport Brunet de leur verser 80 millions au cours des trois prochaines années soit retenue, de telle sorte que les entreprises financées par les Innovatech ne perdent pas de valeur mais au contraire puissent en acquérir. C'est cette hypothèse qui apparaît à la dernière ligne du tableau.

Les troisième et quatrième lignes du tableau sont consacrées aux phases de démarrage et d'expansion. Nous proposons ici de créer un fonds de fonds permettant de canaliser les capitaux gouvernementaux dans un modèle qui devrait, un, effectivement réduire le risque encouru par le gouvernement; deux, réduire la concurrence entre les fonds gouvernementaux et les fonds indépendants, comme cela est demandé; trois, maximiser la qualité de la gestion dudit fonds de fonds grâce au recours à une équipe de gestionnaires qui serait recrutée par appel d'offres pour une durée déterminée et dont le renouvellement de contrat serait fonction de sa performance.

Le fonds de fonds susciterait la création d'environ huit fonds spécialisés disposant d'un capital de 60 millions pour celles vouées au démarrage et de 90 millions pour celles vouées à l'expansion des entreprises. Chaque fonds se spécialiserait dans des secteurs comme les biotechs, les logiciels, les téléphones, les sciences de la santé, les secteurs traditionnels. L'effet levier du fonds de fonds s'appliquerait grâce au versement aux fonds spécialisés de 1 $ pour chaque 2 $ obtenu auprès d'investisseurs privés, ces derniers étant plus faciles à recruter, puisque chaque société de capital de risque indépendante pourrait plaider qu'elle dispose déjà du tiers du capital requis. Les sociétés de capital de risque indépendantes étant sous gestion privée, nous respectons ainsi l'argument du rapport Brunet voulant que les investisseurs, notamment ceux étrangers, seraient plus faciles à attirer dans un contexte semblable.

Enfin, le Conseil de la science et de la technologie recommande de maintenir Innovatech Régions ressources pour assurer le financement des projets dans les secteurs traditionnels de ces régions. Pour un montant de 35 millions sur trois ans, il faut se rappeler ici qu'Innovatech Régions ressources a fait ses frais depuis 1999. L'intervention des anges financiers semble à ce niveau, à nos yeux, plausible et pourrait représenter 15 millions additionnels sur trois ans. Ce scénario apparaît à la première ligne du tableau.

n (16 h 50) n

Le conseil ajoute deux autres recommandations aux trois précédentes. L'une d'entre elles concerne les offres supérieures à 20 millions. À cette échelle, nous croyons qu'il faut maintenir le rôle de la SGF parce que ne compter que sur le capital privé semble risqué par rapport aux habitudes actuelles, que le retrait de la SGF exigera de toute façon une présence gouvernementale, mais sous forme de déductions fiscales auprès des investisseurs, et donc d'une dépense courante sans espoir de retour direct, contrairement à une intervention sous forme d'investissement.

Et notre dernière recommandation porte sur nos connaissances quant aux impacts des investissements en capital de risque. Il faudrait pouvoir effectivement compter sur des études publiques en nombre et en qualité suffisants pour comprendre de façon plus fine et de manière continue la situation dans l'industrie. J'en profite pour dire que les études offriraient l'avantage de normaliser le vocabulaire de telle sorte que les données soient comparables entre elles et que nous puissions nous comprendre aisément.

Le conseil ne prétend offrir ni une solution miracle ni même une solution détaillée, mais son scénario présente plusieurs avantages. De un, même s'il exige des fonds gouvernementaux un peu plus élevés que le rapport Brunet, l'effet levier sur le total du capital direct disponible serait significativement plus grand, et je m'explique: il nous faut effectivement avant préciser que nous allons comparer des comparables et donc considérer les effets attendus aux phases d'amorçage, de démarrage et d'expansion, ce qui exclut en clair les rondes de plus de 20 millions.

Or, les investissements gouvernementaux demandés par le rapport Brunet se chiffrent au total à 67 millions par année, c'est-à-dire 33 pour le fonds mixte et 34 pour les FIR. Notre scénario exigerait en revanche 88 millions par an: 66 millions pour le fonds de fonds, 10 pour l'amorçage et 11,6 pour l'Innovatech Régions ressources. En revanche, le modèle du rapport Brunet générerait des fonds totaux de 151 millions par année à cause des entrées de capital privé, tandis que celui du conseil entraînerait un total de 227 millions par année lorsqu'on le calcule sur la même base. L'effet mobilisateur serait donc de 2,3 dans le cas du rapport Brunet et de 2,6 dans le nôtre.

Deuxième avantage, à nos yeux: le scénario du conseil propose une gestion intégrée de l'ensemble de l'industrie qui tient compte des caractéristiques propres à chacune des phases de financement. Trois, notre modèle permet de développer une gouvernance de qualité avec un double niveau de contrôle et surtout des compétences spécialisées par secteur, ce qui constitue, on l'a dit, la clé de voûte de la réorganisation. Ensuite, notre scénario permet effectivement de réduire la concurrence entre fonds gouvernementaux et fonds privés, comme c'est demandé. Et enfin il nous semble moins risqué, car il s'inspire d'expériences réussies à l'étranger, notamment celle des SBIC américaines, en particulier. Et il exige, ce modèle, des changements de comportement qui nous semblent moins drastiques que ceux demandés par le rapport Brunet. Nous vous remercions de votre attention.

Le Président (M. Paquet): Merci, Mme Tremblay. Alors, sans plus tarder, je cède la parole maintenant au ministre du Développement économique et régional. M. le ministre.

M. Audet: Merci. Alors, Mme Tremblay, je souhaite vous saluer, avec vos collègues, M. Proulx, M. Godbout, Mme D'Annunzio et M. Lebeau. Donc, bienvenue parmi nous aujourd'hui. Alors, écoutez, j'avais lu évidemment votre mémoire, auparavant, et vous en avez fait une bonne synthèse. Je pense que je vais peut-être faire tout simplement, comme remarque préliminaire... dire effectivement qu'il y a un certain nombre de points de convergence au niveau du constat, des constats que vous faites par rapport au rapport Brunet, mais vous amenez des propositions qui en diffèrent à certains égards et d'autres qui en diffèrent beaucoup, notamment quant à l'impact peut-être sur les dépenses publiques, sur les fonds publics. Je pense que c'est évident qu'il y a ? vous l'avez noté vous-même ? un écart assez important à ce niveau-là.

Ma question porterait... ? puisque je pense que, comme on a un temps un peu plus court, je vais passer directement à la période de questions pour vous permettre d'expliquer un peu mieux le sens de vos recommandations ? a trait à la première recommandation que vous faites concernant la phase d'amorçage. C'est effectivement une question importante et c'est là effectivement où il y a... un ton est important à établir entre justement la recherche, finalement, la mise au point d'un produit, la preuve de concept, comme l'a noté Thomas Labrie longuement l'autre jour, évidemment, et le démarrage du projet. Donc, c'est un peu cette cheville qui n'est pas toujours facile. Également, c'est là qu'entre en scène souvent quelqu'un du secteur privé, donc qui fait le lien avec la recherche qui a été faite elle-même dans des institutions universitaires ou dans des instituts spécialisés.

Donc, vous notez, vous dites là-dedans évidemment que... vous vous demandez... : «...recommande donc au gouvernement de confier aux quatre sociétés de valorisation universitaire déjà existantes le mandat d'investir [donc] dans des entreprises issues [...] de recherche des universités. À cette fin, un montant de 50 millions sur une période de trois ans serait alloué à l'ensemble de quatre sociétés de valorisation.»

Dans son évaluation, l'autre jour justement, le Dr Labrie a noté et reproché même à certains égards au gouvernement puis aux gouvernements successifs, mais particulièrement au gouvernement qui avait mis en place la politique à l'égard des sociétés de valorisation, d'avoir peut-être trop insisté sur justement l'amorçage et pas assez sur la preuve de concept, qui est très importante avant de se lancer dans une opération. Je pense qu'il en a fait l'objet, d'ailleurs, d'une partie de sa présentation, en disant effectivement qu'il fallait mettre l'accent là-dessus.

Comment est-ce que vous avez évalué cet impact-là? Est-ce qu'on ne risque pas de tomber un peu dans le même piège en se lançant trop rapidement dans des concepts précisément qui n'ont pas été... dont la preuve n'a pas été faite et qui n'ont pas... qui finalement ne déboucheront pas sur quelque chose de commercialement rentable ou soutenable si cet exercice-là n'est pas fait? Parce que, dans sa démarche, je rappelle qu'il y avait, dans les carences... il notait une carence importante au niveau de la preuve de concept. Le Dr Labrie disait que l'offre était inexistante pratiquement; elle était déficiente dans l'amorçage, mais qu'elle était beaucoup plus présente évidemment, satisfaisante dans le démarrage, croissance et expansion. Et là il notait effectivement là aussi que c'était insatisfaisant pour les grands... de plus de 20 millions, ce que vous notez également.

Donc, comment vous positionnez votre... Comment vous réagissez à l'égard, disons, de ce commentaire du Dr Labrie et situez votre proposition en regard de ça? Vous ou vos collègues, parce que je sais que vous avez certainement des collègues qui ont touché à cette question-là.

Le Président (M. Paquet): Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Hélène P.): O.K. Donc, oui, nous savons que d'autres présentateurs de mémoire aborderont aussi cette question-là, je n'en doute pas, mais on avait déjà prévu que vous pourriez nous la poser et on s'était entendus que M. Jean-Marc Proulx répondrait à votre question.

Le Président (M. Paquet): M. Proulx, vous avez la parole.

M. Proulx (Jean-Marc): Alors, oui, je pense que c'est l'inverse qui va arriver. Un des problèmes qui existent actuellement, c'est que les technologies sont sorties trop vite de l'université. Elles manquent de maturité lorsqu'elles sont présentées aux investisseurs, et c'est cette preuve de concept qui manque. Souvent, vous savez, c'est... une idée ne se vend pas très bien; c'est son incarnation qui se vend mieux. Son incarnation se vend mieux. Il faut prouver son idée. Alors, ce fonds permettrait justement de faire cette preuve.

Et ce que le Dr Labrie voulait dire aussi sûrement, c'est que dernièrement, dans la valorisation, on a créé beaucoup de sociétés dérivées, mais il y a une autre chose qu'on peut faire pour le développement économique et pour la valorisation, c'est de négocier des licences avec des compagnies existantes pour renforcer l'infrastructure de compagnies qui sont déjà démarrées. Et c'est dans ce sens-là qu'une preuve de concept peut aider à négocier une licence avec une compagnie existante.

Alors, je crois que c'est reconnu maintenant qu'un des problèmes dans la valorisation, c'est justement que les technologies sont sorties trop vite. Elles ont besoin de maturer davantage en milieu universitaire. Et notre recommandation... quand je dis en milieu universitaire, je veux dire dans le laboratoire, là, de recherche. Et notre première recommandation s'adresserait spécifiquement à ce problème-là.

Mme Tremblay (Hélène P.): Est-ce que je pourrais aussi ajouter?

Le Président (M. Paquet): Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Hélène P.): De façon... une réponse plus générale vraisemblablement. Mais ce qui nous a frappés au moment de la recherche, c'est de constater qu'aux États-Unis, qui nous sont souvent... qui nous servent de modèle, en réalité, les sociétés de capital de risque n'interviennent pas au moment de l'amorçage. C'est vraiment confié essentiellement au gouvernement qui intervient de façon majeure, malheureusement pour le gouvernement du Québec actuellement. Mais, comme c'est très risqué, on n'a pratiquement pas le choix. Aux États-Unis, c'est essentiellement le gouvernement qui intervient. Les très grandes entreprises, et les anges financiers, et nous des deux autres portions, les deux autres groupes potentiels, ne sont pas très puissants au Québec. Et donc on s'attend à ce qu'il y ait vraiment une intervention structurée systématique pour cette étape particulière là qui est donc, dans la chaîne, la première étape, l'incontournable si on veut effectivement que les autres puissent se développer par la suite.

Le Président (M. Paquet): M. le ministre, brièvement, en une minute pour finir ce bloc.

M. Audet: Oui. Juste pour souligner, comme vous dites, que le gouvernement intervient. Effectivement, aujourd'hui même en fait, on vient d'annoncer justement cet après-midi, mon collègue Reid et moi, une série de projets dans le cadre du Fonds canadien de l'innovation pour des projets justement qui démarrent et avaient, bon, évidemment... et sur lesquels on va financer des équipements.

n(17 heures)n

Ma question déborderait donc un petit peu cet aspect-là: Pouvez-vous... Comment, au Conseil de la science ? vous avez fait une analyse là-dessus; on finance là donc pour 300 millions de dollars et quelques de projets, donc 315 millions de dollars qui vont être financés dans le cadre de l'annonce faite aujourd'hui à travers 10 régions du Québec ? comment vous évaluez justement le cheminement? Est-ce qu'il y a... Dans le passé, dans certains de ces projets-là, notamment en génomique ? puis vous êtes bien placés pour le savoir ? on constitue du travail important de recherche, mais on constitue également un travail par la suite au niveau d'avantages industriels et des «spin-offs» éventuels. Est-ce que le Conseil comme tel a fait une analyse sur ce plan-là pour justement faire la... ? parce que vous disiez tantôt qu'il faut faire l'évaluation effectivement du capital de risque ? est-ce que vous avez fait une évaluation des investissements qui sont faits dans le domaine de la recherche et de la... ? c'est le grand drame qu'on a quand on prend des décisions semblables ? est-ce qu'on va répéter une recherche qui a été faite ailleurs et qui va peut-être... ou encore une découverte qui est en train d'être faite et puis qui va peut-être... où on est devancé de quelque temps? Quelle est la veille que vous faites là-dessus et qui permet, parce que c'est un peu la même chose pour le «spin-off», c'est d'être le premier et d'avoir un produit monnayable... Est-ce que vous avez fait une analyse de ça? Ça déborde un peu le cadre, mais ça m'intéresse beaucoup de vous poser la question, puisque vous êtes tous impliqués dans ce domaine-là.

Le Président (M. Paquet): M. le ministre, le temps pour un bloc de huit minutes, comme vous avez dit, est épuisé. À moins qu'il y ait consentement, si vous voulez continuer, pour donner le temps, soit une partie du reste du temps du gouvernement qui serait utilisée à ce moment-ci.

M. Audet: Oui, je pense qu'on peut...

Le Président (M. Paquet): Brièvement, s'il vous plaît, Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Hélène P.): Très brièvement, M. Audet, en termes très clairs, non, on n'a pas fait l'étude, sauf que je vous dirais, de façon plus humoristique, notre ministre peut nous donner des mandats.

M. Audet: Vous allez en avoir un.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Audet: Ça va être un beau mandat.

Mme Tremblay (Hélène P.): Parfait.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Rousseau et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'économie et de finances.

M. Legault: Oui, Mme Tremblay et les gens qui vous accompagnent, merci pour ce rapport que vous nous avez déposé du Conseil de la science et de la technologie. Écoutez, je pense, c'est un des meilleurs rapports qu'on a eus jusqu'à présent puis c'est un rapport qui est, je dirais, fait d'une façon indépendante. Et, bon, vous avez comme rôle évidemment de conseiller le ministre, et j'invite le ministre, là, s'il avait un rapport à relire, à relire celui-là parce qu'il y a des rapports qu'on a reçus évidemment de certains groupes, et puis vous le mentionnez un peu dans votre rapport, qui sont un peu en conflit d'intérêts quand ils viennent nous voir. Si on prend, par exemple, tout le secteur privé ? vous l'expliquez dans votre rapport ? le secteur privé nous demande que le secteur public se retire, mais évidemment il y a un intérêt pour le secteur privé d'avoir moins de compétition. Ce que ça veut dire, entre autres, c'est qu'il pourrait demander plus d'actions ou des meilleurs rendements sur les placements qu'ils peuvent faire dans les sociétés. Les sociétés publiques qui sont venues nous voir sont aussi un petit peu en conflit d'intérêts parce qu'actuellement elles se sont vu un peu couper les fonds par le gouvernement puis elles se disent: On a le choix entre rien ou un partenariat public-privé. Donc, ils se disent: Peut-être qu'on serait mieux d'essayer le partenariat public-privé. Donc, vous, vous n'avez pas de problème de conflit d'intérêts, puis ce que vous venez nous dire ici, première chose importante.

Puis j'aimerais ça vous entendre sur ce sujet-là, c'est de dire: Il n'y a pas personne qui a évalué les impacts, les vrais impacts de ce qui est fait, là, entre autres, par les Innovatech, par les sociétés publiques ou parapubliques, et vous nous dites d'ailleurs à la page 59 non seulement il n'existe pas en ce moment de véritable analyse de l'impact des investissements en capital de risque au Québec, mais vous dites: Il est important de distinguer que le rendement privé puis le rendement social, ce n'est pas la même chose. Puis, du côté du rendement privé, bien, les sociétés privées recherchent juste de la rentabilité tandis que, les sociétés publiques, vous le dites très bien, on doit prendre en considération les emplois créés, les retombées sur la recherche, les retombées sur les autres entreprises, les retombées fiscales pour les différents gouvernements. Et tout ça, on ne le retrouve pas nulle part dans le rapport Brunet. Donc, M. Brunet vient faire le pari ? puis vous appelez ça un pari vous-mêmes ? où on dit: On va remplacer une partie du public, une centaine de millions, par le privé qui va avoir des objectifs différents. J'aimerais ça vous entendre, là, sur...

Je comprends que vous n'êtes pas en mesure, vous non plus, de nous dire quels seraient les impacts, mais étant donné qu'on n'a pas évalué les impacts actuels, c'est évidemment difficile d'évaluer les impacts, les recommandations du rapport Brunet, mais, bon, en tout cas, moi, de mon côté, là, j'ai beaucoup d'inquiétudes. Puis j'aimerais vous entendre: Si, demain matin, on appliquait les recommandations du rapport Brunet, quels seraient selon vous les impacts qu'on pourrait voir, entre autres, là, sur la création d'emplois, entre autres, dans les régions, sur... ou si évidemment, là, toutes les phases d'amorçage et de démarrage qui sont plus difficiles au niveau des hautes technologies... J'aimerais ça vous entendre de ce côté-là. Je sais qu'on n'a pas beaucoup de temps, là.

Mme Tremblay (Hélène P.): Merci, M. Legault. Martin?

Le Président (M. Paquet): M. Godbout.

M. Godbout (Martin): Merci, M. le Président. C'est une très bonne question; on l'a soulevée, et tout fonds de capital de risque ou toute société d'État qui se respecte doit passer à travers cette évaluation-là, à travers ce cadre d'évaluation là. Et Mme Fraser à Ottawa dit souvent: «The value for money»: J'en ai combien pour mon argent que j'investis? Quels sont les indicateurs de performance qu'on doit avoir au fil des années, au cours des cinq prochaines années, dans le capital de risque québécois à cet égard? C'est un peu ça, votre question.

Si on regarde les impacts économiques dans les différents stades, donc on a un stade de valorisation et d'amorçage. Il faut bien sûr ne pas demander la rentabilité; le retour sur ton investissement n'est pas là à ce stade-là. Donc, il y a un impact de développement économique, valoriser la recherche, d'augmenter la preuve du concept, comme le Dr Labrie le proposait, d'améliorer la brevetabilité, s'assurer que les universités ont assez de fonds pour bien préparer le dossier pour que le capital de risque privé-public le prenne en main. Donc, les indicateurs de performance sont beaucoup plus qualitatifs au stade de valorisation et d'amorçage que quantitatifs.

Mais plus on se déplace dans la chaîne de valeurs comme telle, démarrage, expansion, à ce moment-là il y a des indicateurs de performance très précis. Pour avoir été gestionnaire de portefeuille moi-même, la rentabilité en devient un très, très, très sérieux, et une des recommandations que le Conseil de la science fait, c'est au niveau de la gestion des portefeuilles. La question qu'on se pose au Québec est: Est-ce que... Nos gestionnaires de portefeuille sont-ils vraiment à risque, à risque dans le sens personnel? Je ne vous demande pas d'investir personnellement. Mais ont-ils l'obligation annuelle, biannuelle ou à tous les trois ans d'aller chercher du financement? Et, pour avoir géré des sociétés de capital de risque privées, une fois que votre fonds est investi, vous êtes à risque parce que, si vous ne réussissez pas à aller chercher d'autres investissements, on cherche un emploi ailleurs. Et c'est un indicateur de performance qui est numéro un plus on avance dans la chaîne d'évaluation.

Ça n'a pas été fait; ce n'est pas un mandat pour le Conseil des sciences, mais ça prend un organisme très indépendant qui va procéder à cette évaluation-là. Et il y a beaucoup d'argent d'impliqué ici. On parle de milliards de dollars. Ça devient une responsabilité des sociétés et du gouvernement qui investit de procéder à cet effet. C'est pour ça qu'on en fait une recommandation très importante.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Rousseau, une courte question pour une courte réponse? M. le député de Blainville.

M. Legendre: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour de vous saluer, Mme Tremblay, ainsi que vos collègues. Votre quatrième recommandation est assez claire à l'effet de maintenir la Société Innovatech Régions ressources. Alors, j'aimerais ça que vous élaboriez un petit peu là-dessus, surtout en regard, je dirais, de deux choses. Dans votre présentation, vous avez fait référence à ce que vous disiez qui était absolument essentiel, c'est-à-dire la qualité de la gouvernance. Alors, j'aimerais ça que vous nous parliez de ça un petit peu plus et que vous nous parliez aussi si votre analyse du ciel des régions ressources vous permet de voir beaucoup d'anges financiers, parce que, quand vous me parlez de 15 millions sur trois ans, régions ressources, donc 5 millions par année... Est-ce faisable? J'imagine que, si vous le proposez, vous allez me dire que oui, mais j'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Bertrand): Mme la présidente, avant que vous répondiez ? je m'excuse ? j'avais le consentement à demander parce que le député de Blainville n'est pas membre de la commission. Alors, est-ce qu'il y a consentement? Consentement accordé. Allez-y, madame. Je m'excuse.

n(17 h 10)n

Mme Tremblay (Hélène P.): Merci. En ce qui concerne la SGF, probablement que j'aurai personnellement à faire un aveu de modestie au début. C'est qu'en tout cas on n'a pas fouillé la question de la SGF autant que des experts qui vont paraître devant vous, et donc vous pourrez reposer la question. Ce qu'il nous apparaissait essentiel de vous faire remarquer, c'était que la proposition de contrepartie, à savoir un fonds privé, entièrement privé, nous semblait, disons, peu réaliste. Et donc, à ce moment-là, entre deux situations possibles, une actuelle et une plausible à mettre en place, prévue à mettre en place, qui nous semble très peu plausible, on dit: Dans le moment, probablement que la solution qui nous semble à nous la plus évidente, vu qu'on n'a pas exploré d'autres options pour le financement de 20 et 100 millions, entre un fonds privé puis la SGF, probablement que la SGF est capable de fournir des rendements, est capable d'intervenir de façon efficiente. Et donc peut-être qu'il y a d'autres solutions, mais qu'on n'a pas explorées pour cette frange-là de capitaux.

Deuxièmement, en ce qui concerne les anges, on nous a dit qu'effectivement dans les régions ? puis M. Godbout, si on avait un petit peu plus de temps, pourrait aussi vous le confirmer parce qu'il en connaît ? dans les régions, il existe des anges effectivement, c'est possible. Je sais que, dans différentes régions, on nous l'a dit de façon très formelle et... C'est parce que les anges sont surtout disponibles quand on parle de secteurs traditionnels, et c'est moins évident probablement pour les secteurs technologiques.

Et je reviendrais, si vous me le permettez, à l'intervention de M. Legault. Je le dirais peut-être dans des mots plus personnels, mais, quand le gouvernement fait face, au cours des prochaines années, d'une disponibilité de fonds qu'il juge ou que le milieu juge insuffisants par rapport aux besoins et qu'en même temps on regarde les secteurs en opération et on dit que leurs besoins, avec la maturité, dans nos secteurs «high tech»... la maturité augmente de plus en plus, il faut trouver des solutions de compromis entre l'offreur majeur de fonds jusqu'à maintenant et les demandeurs qui considèrent que la disponibilité devient capitale pour leur développement ultérieur. Or, à ce moment-là, nous, ce qu'on essaie ? excusez-moi ? ce qu'on essaie, c'est de faire une proposition qu'on pense la plus rationnelle possible dans cet environnement-là.

Le Président (M. Bertrand): Je vous remercie, Mme Tremblay. M. le député de Laval-des-Rapides, vous avez 4 min 30 s, questions-réponses.

M. Paquet: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): 4 min 50 s.

M. Paquet: Merci. Alors donc, juste quelques éléments par rapport à la réflexion que vous avez menée dans votre mémoire. Les seuls éléments que... seules conclusions qui me semblent être un petit peu rapides, et j'aimerais peut-être discuter un petit peu avec vous... et certaines des pistes que vous avez constatées vous aussi, qu'il y a une très grande disponibilité du capital de risque au Québec et qu'en même temps l'apport des investissements généralement n'est pas dans la même proportion... une proportion identique, mais qui est relativement insuffisante... Et c'est vrai pour l'ensemble des investissements québécois. Souvent, on a documenté le fait que le Québec n'a pas une part suffisamment grande d'investissements privés par rapport à l'apport de l'ensemble de l'économie canadienne ou à la taille des populations.

Et vous dites, dans votre mémoire... Vous constatez, vous dites: Mais, écoutez, peut-être un des éléments qui arrivent là-dedans, c'est le fait que, par exemple, c'est plus fragile un peu au niveau de la place d'investissements étrangers. Et vous dites: C'est une explication potentielle. C'est une hypothèse que vous soulevez, scientifiquement parlant, votre hypothèse, et c'est que peut-être que l'investissement étranger est plus intéressant à aller dans les technologies de l'information et des communications ? puis qui se retrouve un peu plus à l'extérieur du Québec, hein, comme en Ontario en particulier et moins au Québec ? que ce serait le cas pour les sciences, pour la biotechnologie. Mais il me semble, si je regarde les investissements privés aux États-Unis...

Je n'ai pas les chiffres devant moi, mais l'impression que j'ai, c'est que ? qui serait à vérifier, là, avec des données ? c'est qu'il y en a, des investissements privés en biotechnologie, aux États-Unis. Alors, pourquoi ils ne viendraient pas au Québec? Il me semble que c'est une hypothèse que vous n'évoquez pas dans votre mémoire. Mais de conclure de cela, peut-être... ? et je ne veux pas vous mettre de conclusions dans vos propos ? mais l'hypothèse que vous soulevez... n'est peut-être pas rejetée parce que c'est une hypothèse mais n'est pas non plus validée ou n'est pas... lorsqu'on regarde, là, la réalité ailleurs.

Il serait donc intéressant de se poser la question: Pourquoi, étant donné l'abondance de capital de risque, pourquoi est-ce qu'on ne réussit pas à attirer une part de capital d'investissements étrangers. Et là il y a un aspect de complémentarité. Il semble qu'il y a une insuffisance. C'est peut-être un peu une compétition qui se fait entre les fonds peut-être à cause de la gouvernance, des organismes et qui a pu avoir lieu à certains égards, peut-être aussi en termes de directions qui sont données, donc...

Un des constats qui étaient faits par une étude de Mackenzie, si je ne m'abuse, disait qu'il y avait peut-être trop peu de projets qui étaient évidemment présentés, qui étaient amenés en développement par rapport au capital qui était disponible. Et à cet égard-là, donc, là, une partie du problème, c'est les projets, c'est... Je ne veux pas dire qu'il n'y a de bons projets, mais qu'il y a une insuffisance de projets et peut-être une espèce d'amorçage. On parlait de preuve de concept, des différents éléments qui sont là, mais de là peut-être que c'est une conclusion qu'on aurait pu être porté à tirer de vos hypothèses, vos propos, que peut-être mon collègue député de Rousseau semblait vouloir tirer; c'était un petit peu trop rapide lorsqu'on en concluait que: Attention, donc, finalement, faudrait peut-être pas trop... faudrait changer telle chose, mais il ne faudrait pas trop remettre en question... essayer d'attirer de l'investissement étranger ou de l'investissement privé, puisque dans le fond il ne viendra pas. C'est un peu le constat qu'on pourrait être porté à faire de votre conclusion, qui me semble un peu rapide, là, si...

Le Président (M. Bertrand): En deux minutes maximum.

Mme Tremblay (Hélène P.): Alors, effectivement, on considère qu'avec la création des huit fonds spécialisés, qui seraient gérés de façon totalement autonome, que ce serait un excellent levier pour attirer... en tout cas un des meilleurs leviers auxquels on a pensé pour attirer les investisseurs étrangers, parce que les arguments qui sont invoqués dans les milieux... Parce que c'est une question pour experts, on se comprend bien, votre question, là...

Le Président (M. Bertrand): M. Proulx avait l'air à vouloir rajouter quelque chose, là. En tout cas, il faisait des gros signes de...

M. Proulx (Jean-Marc): Je veux simplement... J'approuvais.

Le Président (M. Bertrand): Vous approuviez.

Mme Tremblay (Hélène P.): Oui?

M. Proulx (Jean-Marc): Totalement.

Le Président (M. Bertrand): Il vous reste un petit peu de temps.

Mme Tremblay (Hélène P.): Et donc l'argument essentiel qu'on a entendu continuellement, c'est dire: Pour attirer les capitaux étrangers, il faut leur donner une garantie de gestion en fonction des règles de rendement qui sont les leurs. Et les huit fonds qu'on suggère de créer, et soutenus par le fonds de fonds, devraient avoir un modèle de gestion qui devrait être le meilleur possible pour les convaincre.

Le Président (M. Bertrand): M. Godbout, complément de réponse?

Mme Tremblay (Hélène P.): Oui.

M. Godbout (Martin): Très rapidement. Il y a un historique à tout ça. Le capital de risque, au Québec, date d'environ 10, 12 ans. Dr Coupal, qui est venu vous présenter devant la commission, il y a deux semaines... vous l'a très bien expliqué. En 1992, on était dans les balbutiements du capital de risque. Et il y a eu effectivement, je n'appelle pas ça une abondance, mais il y a eu une quantité de capital de risque disponible, ce qui a fait que les investisseurs québécois ont investi entre eux. Et l'effet secondaire de tout ça, c'est que, lorsqu'on regarde nos collègues à l'extérieur du Québec, au Canada et aux États-Unis, bien, il n'y avait comme pas de besoin essentiel nécessairement dans les années 1995, 1996, 1997, et tout d'un coup on s'est mis à aller chercher du capital étranger. Et ça prend un certain temps et, comme Mme Tremblay l'expliquait, une spécialisation du capital de risque. L'investisseur étranger ne viendra pas si vous n'êtes pas bon uniquement dans votre secteur. Et ça s'en vient; il y a des précédents qui se font présentement, et on va y arriver.

Le Président (M. Bertrand): Merci. Court commentaire, M. le député de Laval-des-Rapides, en 10 secondes.

M. Paquet: Merci. Et un élément sur l'aspect de rentabilité économique, rentabilité de rendement, là, ça va ensemble. Alors donc, ce n'est pas à l'opposé l'un de l'autre. Il faut faire attention aussi. Parfois, dans les études sur les emplois, là, les modèles intersectoriels, «input-output», c'est souvent abusé, d'un point de vue scientifique, en termes des conclusions qu'on en a tirées. On a souvent dit que... ça fait longtemps qu'on manquerait de monde au Québec pour tous les emplois qui ont été créés ? supposément, par toutes ces études-là ? et tels qu'ils étaient conçus. Alors donc, c'est un élément où est-ce que, du point de vue scientifique, il faut faire attention de ne pas mal utiliser les contenus de ces...

Le Président (M. Bertrand): Merci, M. le député de Laval-des-Rapides. M. le député de Gaspé, il vous reste 4 min 30 s, à la formation politique.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Mesdames, bonjour. Messieurs, bonjour. Dans votre mémoire, où vous nous parlez du rapport Brunet, vous parlez des FIR. Lorsqu'on a rencontré M. Brunet, il disait que la possibilité de mettre sur pied les FIR n'était pas limitée à un FIR par région, vous pouvez en avoir une multitude, etc. Pour certaines régions, je pense que c'est un peu idéaliste de penser que ça peut se faire. Vous êtes très critiques à l'égard des FIR en disant qu'ils sont voués à une mort certaine. Par ailleurs, on entend dans les régions des commentaires que, oui, ça pourrait être intéressant.

J'aimerais ça vous entendre là-dessus parce que vous dites: Maintenons Innovatech Régions ressources et, parce qu'il y a de l'expertise, donnons-leur les capitaux nécessaires, supportons les régions. Le financement, en bas même d'un demi-million... je pense que vous dites que le gouvernement doit intervenir parce qu'un peu partout dans le monde le gouvernement a cette responsabilité-là. Puis les banques s'excluent parce qu'elles n'y trouvent pas leur compte. Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, là, parce que je pense... c'est quand même assez précis, votre prise de position, là.

Le Président (M. Paquet): Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Hélène P.): Si vous avez utilisé aussi des mots qui reflètent exactement ce que vous avez entendu, je suis sûre que les gens disent que c'est intéressant. Nous, on ne parle pas de l'intérêt des fonds des FIR, on dit que ce seraient des fonds qui ne seraient pas rentables: à 3 millions, c'est impossible à cause des coûts de gestion extrêmement élevés. Et puis, nous, en plus, on plaide pour la qualité de l'accompagnement en termes d'expertise auprès des entrepreneurs, ce qui fait qu'à notre avis les coûts seraient encore plus grands. Alors, nous, tous les arguments qu'on utilise plaident pour dire que c'est extrêmement difficile. Et c'est une nouvelle créature qui s'ajouterait à un bon nombre de créatures existantes quand il nous apparaît simple d'ajouter qu'Innovatech Régions ressources fait ses frais et semble avoir fait ses preuves sous toutes sortes d'angles avec des montants quand même qui ne sont pas très élevés. Puis on rappellera qu'on ferait intervenir Innovatech Régions ressources dans le secteur manufacturier traditionnel pour qu'il puisse innover.

Le conseil a publié énormément d'avis pour plaider en faveur de l'innovation dans les secteurs traditionnels. Ça prend donc un outil approprié pour le faire, et on pense qu'Innovatech serait un statu quo parfaitement économique, parfaitement... peu coûteux et donc sans grand risque non plus.

n(17 h 20)n

Le Président (M. Paquet): M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci. Dans votre mémoire, vous parlez également qu'il est absolument nécessaire d'encadrer davantage les nouveaux entrepreneurs et vous dites: Le gouvernement devrait explorer plusieurs avenues. Pourquoi confier au gouvernement cette responsabilité plutôt qu'à un autre organisme?

Le Président (M. Paquet): En 1 min 20 s à peu près, M. Godbout.

M. Godbout (Martin): Oui. Alors, il y a plusieurs avenues, et je pense qu'il y en a une qui est la principale: celle à laquelle je faisais référence antérieurement. Les gestionnaires de ces sociétés de capital de risque, de fonds doivent être très spécialisés et compétents versus à être généralistes et très proches de la communauté comme telle. Donc, nous, on favorise plus la spécialisation, la compétence que le fait d'avoir un FIR ou une société dans une région donnée.

Il ne faut jamais oublier que le mémoire qui vous est présenté ici est en capital de risque technologique, l'innovation. Alors, ça prend des gens qui connaissent ça, et il n'y en a pas beaucoup; on n'en a pas formé énormément. Et c'est pour ça qu'on favorise, au lieu d'avoir 17 FIR à 3 millions de dollars chacun, avec des frais de gestion qui... ? ce ne serait pas rentable, de toute façon ? d'en avoir une qui existe, qui fonctionne et qui a les compétences, et les compétences surtout spécialisées dans le secteur.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors, ça termine le bloc de temps que nous avions pour entendre le Conseil de la science et de la technologie. Nous vous remercions. Au nom du ministre, au nom de l'ensemble des membres de la commission, nous vous remercions pour votre participation à nos travaux. Je suspends les travaux pour environ 1 min 30 s pour permettre au prochain intervenant de se joindre à nous.

(Suspension de la séance à 17 h 22)

 

(Reprise à 17 h 24)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux. Il me fait plaisir d'accueillir parmi nous maintenant le Groupement pour la commercialisation de la recherche universitaire, présenté par M. Pierre Fortier, ancien membre de l'Assemblée nationale. Ça fait plaisir de vous retrouver ici avec nous. Et vous pouvez nous présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît?

Groupement pour la commercialisation
de la recherche universitaire

M. Fortier (Pierre): Alors, qui m'accompagne? Deux experts dans le domaine de la commercialisation ? alors, on peut vous en parler pendant longtemps, mais je vois qu'on a seulement 45 minutes. Denis Beaudry, qui a été directeur du BLEU à l'École polytechnique pendant 15 à 20 ans et qui ensuite a créé Polyvalor avec de l'argent du secteur privé, qui en a fait une réussite et qui par la suite a créé Univalor avec l'argent qui venait de VRQ. Donc, Denis a une très grande expérience de la commercialisation de la recherche universitaire. Et Gilbert Drouin, qui a été directeur de la recherche à Polytechnique, qui est allé dans le secteur privé après ça et qui maintenant est président de VRQ. J'ajoute que nous ne représentons pas les sociétés avec lesquelles nous sommes associés ? puis, moi-même, je suis membre du conseil d'Univalor ? mais nous sommes ici en tant que groupe qui représente un ensemble de personnes qui s'intéressent à ce domaine en particulier.

Le Président (M. Paquet): D'accord. M. Fortier, donc, vous avez environ 15 minutes pour votre présentation.

M. Fortier (Pierre): Oui, d'accord. Alors, notre intervention, M. le Président, est très focussée sur la commercialisation de la recherche universitaire. Et, quand on parle de commercialisation de la recherche universitaire, on parle de haute technologie et on parle de compétition internationale. Alors, pour nous, bien sûr on ne parle pas de compétition entre Chicoutimi et Montréal, Montréal et Québec. Dans ce domaine-là de la haute technologie, la compétition est internationale, et il faut le souligner.

Nous vous présentons sommairement deux recommandations, puisque le rapport Brunet... ? et je n'en fais pas offense à M. Brunet ? nous faisons deux recommandations puisqu'il ne parlait pas tellement de valorisation. Il a souligné la très grande importance de maintenir cette fonction essentielle dans le processus de la commercialisation des résultats de la recherche universitaire et d'assurer un financement adéquat dans l'avenir. Quand on dit «dans l'avenir», c'est que VRQ existe avec un terme limité, et le financement des sociétés de valorisation, dépendamment du moment où ils ont commencé, va se terminer dans un an ou dans deux ans. Donc, nous aimerions bien que la commission, que le ministre et que le gouvernement pensent à une stratégie parce qu'il faut absolument continuer le financement.

Et notre deuxième recommandation ? et je vais laisser à M. Beaudry immédiatement après d'en parler ? c'est d'établir une stratégie parce que nous pensons que nous n'avons pas besoin de quatre sociétés de valorisation; nous pourrions travailler très bien au Québec avec une seule société de valorisation pour l'ensemble des universités, avec des antennes régionales, bien sûr. Et nous croyons qu'il y aurait une plus grande efficacité et un moindre coût pour l'État québécois, et Denis va nous en parler.

L'objectif de la commercialisation, il faut être très clair, l'objectif de la commercialisation, ce n'est pas d'apporter des revenus aux universités, c'est d'aider au développement économique du Québec et du Canada par la création de nouvelles entreprises. Alors ça, des fois, certaines personnes croient qu'il s'agit d'un intérêt pour l'université dans ce domaine-là. Les universités se sont donné récemment ce que j'appellerais une quatrième mission après l'enseignement, la recherche, le service à la société; la quatrième mission désormais est l'innovation, surtout dans notre économie du savoir.

Avec plaisir, nous avons noté que plusieurs groupes qui sont venus en commission parlementaire ont parlé avec beaucoup de bons mots pour le travail qui est fait par les sociétés de valorisation: quand je pense à Luc Chabot, qui est venu avec Pierre Brunet, Réseau Capital, BIOQuébec d'ailleurs qui fait une recommandation sans nous avoir parlé, qui parle justement de la nécessité de créer un guichet unique dans le domaine de la valorisation et de la recherche universitaire, Fernand Labrie et le Conseil de la science et de la technologie. Alors donc, il y a un certain, je crois, consensus pour dire que le travail qui a été fait a été bien fait et qu'il faut le continuer.

Cependant, il faut noter que le Québec était très en retard lorsqu'il a commencé récemment. Vous savez, quand on parle des Américains, qui sont les meilleurs en commercialisation de la recherche universitaire, il faut savoir que la University of California s'est dotée d'une politique de divulgation et d'une politique de commercialisation en 1926, que d'autres universités américaines, dans les années soixante, ont bénéficié de programmes dans le domaine de la santé pour aller dans le sens de la commercialisation. En 1980, les Américains ont passé au Congrès le Bayh-Dole Act, qui donnait la propriété intellectuelle de toute recherche universitaire qu'il a donnée aux universités avec mission de commercialiser.

Alors, quand on parle du fait que les Américains sont en avant de la parade, c'est qu'ils ont commencé bien avant nous, qu'ils ont commencé en 1920, en 1930, en 1940 et en 1980, surtout avec le Bayh-Dole Act. Et, malgré les progrès qu'on a faits récemment, nous sommes encore en arrière de la parade américaine, ça, c'est certain. Au Canada même, en 1985-1990, il y a deux provinces qui ont aidé les universités, c'étaient le gouvernement de la Colombie-Britannique et le gouvernement de l'Alberta; au Québec, ça a commencé un peu avec Innovatech, mais surtout avec VRQ en 1999 et surtout avec la politique québécoise touchant la propriété intellectuelle dans les universités et les centres de recherche en l'an 2002.

Alors, ce que nous avons fait récemment, nous en sommes très fiers, mais, comme vous pouvez le voir par les quelques statistiques que j'ai données, nous avons quand même une côte à remonter. Et le potentiel de développement est considérable. Vous savez, dans notre rapport, on note une conclusion du rapport de l'OCDE sur la nouvelle économie et qui dit que, n'eût été du Bayh-Dole Act en 1980 et de d'autres politiques qui ont été mises de l'avant par les États-Unis, le développement économique des États-Unis n'aurait pas été si grand de 1980 à 1995. Alors, c'est donc dire tout le potentiel économique dont le Québec pourrait prendre avantage.

Et je demanderais à Denis de préciser nos deux recommandations en particulier.

Le Président (M. Paquet): M. Beaudry.

M. Beaudry (Denis N.): Merci beaucoup, Pierre. Merci, M. le Président. J'aimerais peut-être faire une petite mise en contexte pour nous positionner les sociétés de valorisation. En fait, on constate au Québec environ 1 million de dollars de recherche qui est dépensé dans les universités par année, à chaque année, O.K.

M. Fortier (Pierre): 1 milliard.

M. Beaudry (Denis N.): 1 milliard. J'ai dit 1 million?

M. Fortier (Pierre): 1 milliard. Sans les frais indirects.

n(17 h 30)n

M. Beaudry (Denis N.): 1 milliard de financement de recherche dans les universités du Québec. Les recherches conduisent à quelques milliers d'articles scientifiques dans des revues prestigieuses. Évidemment, au niveau des inventions qui découlent de ces recherches-là, c'est beaucoup moins nombreux. On parle finalement d'environ 250 déclarations d'invention par année au Québec qui découlent de 1 milliard de dollars de financement de la recherche. Et c'est là que les sociétés de valorisation interviennent, c'est au niveau des déclarations d'invention. On doit traiter environ 250 dossiers de déclaration d'invention dans nos universités du Québec.

Quel est le rôle maintenant des sociétés? Le rôle des sociétés se divise en cinq grands secteurs, il me semble. On a un rôle de prospection, essayer d'inciter les chercheurs à déclarer des inventions qui, à leurs yeux, recèlent un potentiel commercial. On a un rôle de tamisage. Évidemment, quand on reçoit une déclaration d'invention, avant même de faire une évaluation en profondeur, on veut s'assurer que le professeur nous déclare une invention et non pas vient nous demander de l'argent pour son futur projet de recherche. Donc, il y a un certain tamisage à faire finalement. Et ensuite il y a une évaluation à faire des inventions. L'évaluation comporte habituellement deux volets: l'évaluation scientifique... Et je vous dirai que, de ce côté-là, ça se passe assez bien. Habituellement, si un chercheur fait une déclaration au plan scientifique, ça tient la route, mais où c'est beaucoup moins évident, c'est: Quel est le potentiel commercial d'une invention qui nous est déclarée? En peu de mots, est-ce qu'on peut faire de l'argent avec une déclaration d'invention, O.K.? Donc, c'est là qu'on intervient, premier rôle.

Deuxième rôle, c'est la protection de la propriété intellectuelle. Très souvent, les déclarations d'invention sont faites, et le chercheur dit: J'ai trois jours avant de publier dans telle revue, donc dis-moi si mon invention a un potentiel commercial. Il faut réagir extrêmement rapidement. C'est bien évident qu'on ne peut pas engager des dépenses de brevet de 50 000 $, 100 000 $ à trois jours d'avis et c'est la raison pour laquelle on fait beaucoup de dépôts provisoires. Sur les 250 inventions par année, je dirais qu'on dépose environ 125 brevets provisoires. Ça coûte 2 000 $ à 5 000 $, un brevet provisoire, mais ça nous donne une année avant de prendre une décision, à savoir: Est-ce qu'on va aller de l'avant pour faire des demandes de brevet formelles qui peuvent engager des fonds de 100 000 $, 150 000 $ par technologie.

Troisième activité des sociétés de valorisation: on investit en maturation commerciale. Je pense que le terme a été utilisé tantôt autant par les membres du conseil, par Fernand Labrie, par beaucoup de personnes, finalement. En fait, qu'est-ce que c'est que la maturation commerciale? C'est de prendre un résultat de recherche en disant: Ça marche de façon conceptuelle, mais, dans les faits, est-ce qu'on est capable de faire un prototype? Est-ce qu'on est capable de faire une preuve de concept que ça peut marcher dans un mode industriel? Est-ce qu'on peut faire une preuve de démonstration? Est-ce qu'on peut faire un prototype? Et, de financer cette activité-là, c'est extrêmement difficile. Pourquoi? Évidemment, les risques sont très, très élevés; on parle encore au niveau de la recherche. Les organismes de subvention cessent de financer au moment où on arrive aux résultats de recherche, et les sociétés de capital de risque prennent le relais quand on a une technologie éprouvée. Puis je vous dirais même, depuis quelques années, quand on a une entreprise qui a commencé à faire des ventes, à ce moment-là, ça intéresse le capital de risque, à moins d'être en biotechnologie, où l'intérêt est un peu plus en amont.

Donc, les sociétés de valorisation présentement disposent de fonds pour investir en maturation commerciale. Et, au Québec, présentement on finance, je dirais, 35, 40 projets par année de maturation commerciale. Et les fonds dont disposent les sociétés, une grande partie, je dirais 40 % des fonds utilisés par les sociétés, c'est pour financer la maturation commerciale; et on est à peu près les seuls joueurs au Québec qui puissions financer ce volet-là. Les anges financiers au Québec ? moi, je fais ce métier-là depuis 25, 30 ans ? j'en connais peut-être 10; je n'en connais pas, d'ange financier, c'est sûr. Mais en fait c'est un phénomène très différent aux États-Unis où, en 2001 par exemple, il y a eu 350 000 anges financiers accrédités qui ont investi dans des projets...

Une voix: Aux États-Unis.

M. Beaudry (Denis N.): Aux États-Unis, je m'excuse. Alors finalement, en fait... Donc, on occupe un créneau là où il n'y a pas d'autre joueur sur le marché. Et, quand on réussit à partir la pompe, bien là on va au CQVB puis on va à d'autres endroits pour essayer d'aller un peu plus loin. Mais, au moment où on investit, on est à peu près seuls.

Quatrième secteur d'activité ? on en a parlé tantôt: c'est de licencier des technologies à des entreprises existantes. C'est bien évident qu'on aimerait renforcir la base des entreprises existantes en leur licenciant, en leur donnant des technologies à exploiter, mais ce n'est pas si facile que ça de faire. Pourquoi ce n'est pas facile? Bien, d'abord, c'est de trouver un partenaire intéressé. Qui est-ce qui serait intéressé de prendre un résultat de recherche et de l'incorporer dans sa ligne de produits en investissant dans le développement? Et très souvent on est en concurrence avec les propres projets des entreprises qui ont déjà trois, quatre, cinq projets en développement. Pourquoi prendraient-ils un autre projet de l'extérieur qui n'est pas encore démontré dans le but finalement d'en faire une technologie exploitée? Or, il est difficile de trouver un partenaire industriel à qui licencier une technologie. Et, si on avait plus de temps, je dirais: c'est beaucoup plus facile aux États-Unis parce que le mécanisme de la recherche par les entreprises est totalement différent que ça existe au Canada.

Malgré tout, on pense à chaque année conclure entre 15 et 20 licences d'exploitation au Québec. Ensuite de ça, évidemment, le dernier volet d'activité, et non le moindre, c'est le démarrage d'entreprise de haute technologie pour exploiter des résultats de recherche. Et on pense au Québec pouvoir démarrer entre 10 et 15 entreprises de haute technologie à chaque année; je dirais les deux tiers dans le domaine des sciences de la santé et dans le domaine des biotechnologies et l'autre tiers dans les autres domaines de haute technologie, qu'on parle de nano ou bien de nouveaux matériaux, robotique et des trucs semblables. Donc, j'insiste sur le fait que les sociétés sont les seuls intervenants au niveau de l'amorçage pour ce qui est des projets de recherche universitaire.

J'en reviens maintenant aux recommandations du groupement. Le groupement préconise de maintenir le financement des sociétés de valorisation, qui est de 10 millions par année pendant cinq ans ? c'était le financement que nous octroyait VRQ ? mais dans un mode d'appariement. Ce qu'on veut dire, c'est qu'on aimerait que le gouvernement continue, maintienne son financement, pas plus pas moins qu'avant: 50 millions de dollars pour cinq ans, mais dans un mode d'appariement où on dirait à la société: On va mettre 1 $ si tu es capable de chercher 1 $, ce qui ferait en sorte que les sociétés pourraient avoir jusqu'à 100 millions de dollars de disponibles sur un horizon de cinq ans et aller beaucoup plus loin dans les projets pour les faire avancer et les amener au capital de risque. Autrement dit, mieux performer pour remplir le pipeline de projets pour le capital de risque.

La deuxième recommandation de notre groupement, c'est évidemment... en fait, c'est de favoriser justement le regroupement des sociétés avec le maintien des activités de valorisation à proximité des foyers de recherche, donc près des chercheurs. Et je vais terminer peut-être en disant: Voici pourquoi nous pensons qu'effectivement il y aurait lieu de regrouper les quatre sociétés de valorisation. Premièrement, pour faire ce qu'on appelle en anglais du «bundling» de technologies, de l'agrégation de technologies. Puis il y a des grandes universités américaines qui ont fait beaucoup d'argent en commercialisation parce qu'elles ont été capables de prendre des technologies et les mettre ensemble pour les exploiter commercialement. Je pense qu'un autre mérite, c'est de faire la promotion des technologies au Québec et à l'extérieur de façon à ce qu'on ait une masse critique représentative. Quand on est fragmenté, c'est difficile de faire... C'est aussi difficile d'intéresser des investisseurs étrangers quand on est trop fragmenté.

En fait, au cours des dernières années, j'ai rencontré des gens d'Israël, puis de l'Allemagne, puis des États-Unis, puis ainsi de suite, puis, quand on nous dit: Bien, on a peut-être, dans notre cas, 50, 60 déclarations d'invention par année, mais on est trop petit pour intéresser ces gens-là. Alors, moi, je me dis: La consolidation des sociétés ? on parle de 250 technologies par année ? qui devient beaucoup plus importante... Une autre chose également, un autre avantage, c'est l'optimisation des négociations qu'on a avec les investisseurs, et je dirais même locaux. On pourrait prendre une bien meilleure position en négociant pour nos entreprises dérivées dans des projets d'entreprises dérivées avec les investisseurs locaux et étrangers ? tant mieux s'ils se présentent ? si on était un bassin récurrent de projets pour ces investisseurs-là de façon significative. M. Proulx a mentionné tantôt également que ce serait très important d'élargir la base de spécialistes en valorisation. Au sein d'une même société, on pourrait recourir à 20, 25 spécialistes en valorisation et confier un projet aux meilleurs du domaine, et non pas à une société donnée parce que la personne travaille pour une société.

Deux autres points pour terminer. Simplification des ententes interinstitutionnelles. La recherche est financée de plus en plus par des regroupements de chercheurs, par des regroupements d'établissements. Puis, quand il y a une invention, c'est deux, trois, quatre, cinq chercheurs qui sont les inventeurs, et, simplement négocier les droits entre McGill, Laval, Penn State aux États-Unis à savoir qui a des droits, dans quelle proportion, ça prend une éternité et c'est de l'énergie négative.

M. Fortier (Pierre): Les avocats en bénéficient.

n(17 h 40)n

M. Beaudry (Denis N.): Et les avocats en bénéficient, et je pense que ce serait un net avantage d'avoir au Québec une seule société de valorisation pour négocier ces trucs-là. Et évidemment, en terminant, évidemment c'est... je pense qu'il faudrait aussi un interlocuteur unique. Il y a des initiatives au fédéral qui se passent présentement pour financer la commercialisation de la recherche universitaire, et je pense qu'on serait beaucoup mieux servis si le Québec avait un interlocuteur en valorisation pour définir un modèle qui convienne au Québec.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors donc, je cède maintenant la parole au ministre du Développement économique et régional. M. le ministre.

M. Audet: Merci, M. Fortier, M. Beaudry, M. Drouin, alors... ? juste pour saluer mon ami Pierre Fortier qu'on n'a pas vu depuis un petit moment, et je me rends compte qu'effectivement il n'a pas perdu la touche sur ces sujets-là.

M. Fortier (Pierre): ...plusieurs heures en commission parlementaire.

M. Audet: Oui, en effet, oui. Alors, mes commentaires, bref, portent sur effectivement ce qui m'apparaît... recommandation... En fait, on va passer à vos recommandations qui semblent effectivement relever du gros bon sens, mais tellement qu'on est en train de reprendre un peu, de faire un peu la quadrature du cercle. Je cite, et là c'est le gouvernement précédent quand il avait créé Valorisation-Recherche Québec... En fait, si je présente ce qui était marqué dans le plan d'affaires, c'était libellé comme suit ? je le dis à l'intention du député de Rousseau, parce que c'était très clair qu'il y avait une volonté que ces organismes-là s'autofinancent, donc qu'il y ait des retombées économiques et sociales mais qu'ils s'autofinancent ? et c'était écrit comme ça, je vais le lire: «La société doit prévoir un financement [entre] contrepartie de 50 % pour la durée de financement de Valorisation-Recherche Québec et s'autofinancer d'ici une période de cinq ans.» Donc, c'était le mandat initial qui était donné.

Évidemment, à l'usage, et on le voit ? vous en faites le constat aujourd'hui ? on est loin du compte évidemment, actuellement, puisque vous dites vous-même: Il va prévoir et continuer de mettre du financement, là; il faudrait continuer d'avoir un financement public. Et même vous proposez même un regroupement, ce qui peut aussi paraître du bon sens. J'aurais deux questions à ce sujet-là.

La première, c'est que: Qu'est-ce qui fait que c'est le plan d'origine, là, qui était fixé au début, n'a pas atteint... ne s'est pas réalisé, d'après votre évaluation? Et, deuxièmement, l'idée du regroupement que vous venez de décrire par des statistiques très évidentes ? 250 dossiers, 125 brevets ? comment ça se fait que ça ne s'est pas imposé lorsqu'on a créé, qu'on a mis en place justement la société de valorisation?

Le Président (M. Paquet): M. Fortier.

M. Fortier (Pierre): Je vais demander à M. Drouin, qui est président de VRQ, de répondre à la question. C'est lui qui est le mieux placé pour le faire.

Le Président (M. Paquet): D'accord. M. Drouin.

M. Drouin (Gilbert): M. le Président, c'est... lorsque j'ai présenté Valorisation-Recherche Québec pour la première fois, dont en public, les gens m'ont dit: Cinq ans, ce n'est pas raisonnable. Je pense que c'était correct de dire que cinq ans... n'était pas raisonnable. Comment est-ce que les sociétés de financement... de valorisation auraient pu arriver à se... disons, s'autofinancer? Je rêve souvent que les sociétés auraient été créées dans les années 1995 et 1996 et qu'ils auraient pu profiter de la manne des années 2000 où tout se vendait à gros prix, sauf qu'on a été créer Valorisation en 1999, le temps de regarder comment on devait développer les sociétés de valorisation parce qu'il n'y avait pas de modèle, disons, qui existait. Donc, les sociétés ont commencé à opérer dans les années 2000.

Donc, au moment où on se parle, actuellement... en 2006, il aurait fallu que les projets arrivent à maturité, que d'un côté les sociétés aient pris de l'équité et qu'ils pouvaient revendre déjà au capital de risque ? et on sait que le capital de risque actuellement, ces fonds vont beaucoup plus dans le réinvestissement que les nouveaux investissements ? et... ou que les licences aient amené des profits. Mais on sait très bien qu'à partir de la preuve du concept à aller à un produit qui va amener des choses on ne parle pas de deux ans, on parle de plusieurs années.

Donc, les deux prémisses qui peuvent amener l'autofinancement des sociétés de valorisation, dont on ne pouvait pas... On ne pouvait pas arriver à, disons... Et ma réponse avait été à l'époque: Bien, commençons à travailler plutôt que de dire: Bien, on va demander plus d'argent ou plus de temps pour arriver à financer les sociétés. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

Le Président (M. Paquet): M. le ministre.

M. Audet: Et la deuxième. À l'égard du regroupement, est-ce que vous avez... des quatre sociétés, est-ce qu'il y a déjà eu des discussions? Qu'est-ce qui fait que ça ne s'est pas fait avant, au fond? Pourquoi est-ce que ça ne s'imposerait pas... ça ne serait pas imposé de soi?

Le Président (M. Paquet): M. Fortier.

M. Fortier (Pierre): Je ne peux pas... On ne peut pas dire que, si, aujourd'hui, vous demandiez aux quatre présidents des sociétés de valorisation qu'il y ait unanimité, comme je sais que celle de Québec, SOVAR, est venue ici, en commission parlementaire, pour vous dire: Prière de reconduire le financement qu'on avait... Nous, on ne vous demande pas ça. On ne demande pas de reconduire ce qui s'est fait.

Mais j'ai parlé, oui, à au moins une autre société de valorisation qui... Même on se demande si on ne devrait pas enclencher une opération de fusion prochainement. Et j'ai parlé à une autre université qui est un peu... qui opère de façon un peu différente, mais la formule est loin d'être rébarbative à plusieurs personnes à qui on a parlé. Et c'est donc pour dire que non seulement il y a un intérêt, mais c'est clair que, si le gouvernement disait: «Écoutez, nous sommes prêts à vous aider à la condition que vous vous penchiez sur le regroupement», je pense que le gouvernement pourrait nous aider à faciliter les discussions. Mais déjà il y a au moins deux sociétés de valorisation... je pense que, sans aucune influence gouvernementale, qui seraient prêtes à travailler ensemble pour voir peut-être à une fusion.

Mais nous croyons que justement... Ce que je voulais dire au début: Nous sommes en compétition internationale, et je crois qu'une seule société de valorisation serait la formule. Mais d'un autre côté il faut aussi croire que, si on avait peut-être... Si, au moment où VRQ avait été crée, si VRQ avait dit aux universités: «Écoutez, nous, on va financer une seule société de valorisation», probablement que la réaction aurait été très, très négative et qu'il était important que telle université... que Montréal siège à Univalor avec Denis Beaudry ? bon, alors on s'occupe de Polytechnique, HEC, et tout ça ? que Valeo, qui s'occupe de l'Université du Québec à Montréal avec Concordia...

Une voix: Concordia.

M. Fortier (Pierre): ... ? oui, c'est ça ? et qu'ensuite il y a celle de Québec... Je pense que, si ça avait été suggéré il y a trois ou quatre ans, la réaction aurait été négative, mais maintenant les gens s'aperçoivent que c'est un métier difficile, qu'on doit... Et d'ailleurs il y a une des sociétés de valorisation à qui on a parlé et qui, dans leur groupement, eux, n'ont pas autant de technologies de vendables. Parce qu'il faut bien comprendre que, si vous n'avez pas, dans votre groupement, une faculté de médecine ou une grande école de génie comme Polytechnique, les technologies qui vous sont amenées sont moins nombreuses. Donc, si vous allez voir une société de capital de risque comme Denis Beaudry l'a fait lorsqu'il a créé Polyvalor, ce que... ça a été... c'est une réussite extraordinaire. Polytechnique a dit: Nous allons mettre notre propriété intellectuelle. Et le Fonds de solidarité a mis combien de millions?

M. Beaudry (Denis): 2 millions et demi.

M. Fortier (Pierre): 2 millions et demi. Mais, à ce moment-là, c'était la première société de valorisation qui a été créée avec aucun argent du secteur public, et M. Beaudry l'a réalisé.

Mais c'est pour ça que les gens s'aperçoivent maintenant qui est.. Parce que Valorisation-Recherche Québec a demandé à chacune des sociétés de chercher à établir un plan de pérennité. Et la société de valorisation dont je ne donnerai pas le nom, mais qui est arrivée à la conclusion elle-même que, pour eux, étant donné qu'ils ont un peu de difficultés à intéresser le capital de risque pour amener de l'eau au moulin en termes de financement, qu'ils seraient mieux de travailler avec nous chez Univalor ou avec d'autres pour créer une société qui serait plus importante et qui serait plus vendable... Parce que, c'est clair, si nous avons une société de valorisation Québec avec 100 quelques millions...

Une voix: 1 milliard.

M. Fortier (Pierre): ...1 milliard de recherche universitaire, c'est beaucoup plus vendable auprès des sociétés de capital de risque. À ce moment-là, si le gouvernement met 50 % de l'argent, nous, c'est clair qu'on va aller chercher l'autre 50 %. On n'a aucune difficulté à faire ça.

Le Président (M. Paquet): Rapidement M. Drouin, un complément de réponse en 10 secondes.

M. Drouin (Gilbert): Juste un complément. C'est qu'au moment où Valorisation a été créée il y avait déjà des regroupements d'universités qui s'étaient mis en place. Et, le fait de tabler là-dessus pour amorcer la démarche, parce qu'on parle d'un changement de culture à ce moment-là, ça nous amène aujourd'hui à pouvoir considérer d'avoir une société au lieu de quatre sociétés. C'était une étape essentielle.

M. Fortier (Pierre): Oui, si vous permettez, M. le Président...

Le Président (M. Paquet): ...rapidement.

M. Fortier (Pierre): ...juste un point pour dire qu'avant la création des sociétés de valorisation, les BLEU n'étaient pas financés et les universités du Québec avaient très peu... à peu près aucune expérience en valorisation.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui, merci. M. Fortier, M. Beaudry, M. Drouin, merci pour votre présence et merci pour votre rapport, qui touche évidemment une partie bien précise de ce qu'on peut appeler le capital de risque. Mais évidemment que la façon que les sociétés de valorisation au niveau universitaire fonctionnent, ils doivent faire affaire ? et puis on donnait des exemples tantôt ? avec d'autres sociétés de capital de risque, et c'est plus vers ces autres sociétés de capital de risque que porte le rapport, là, qu'on analyse actuellement. Mais, évidemment, là, que, quand on dit 1 milliard de recherche, 1 milliard et demi, si on inclut les frais indirects, il y a tout un bassin. Puis effectivement, là, c'est important de travailler avec les autres sociétés de capital de risque.

n(17 h 50)n

Vous faites deux recommandations évidemment, là, au niveau du financement. On a tous eu, ancien gouvernement comme nouveau, des bonnes intentions d'essayer éventuellement de chercher un autofinancement en allant chercher une meilleure participation du privé, mais il faut mettre des conditions en place, évidemment. Et je comprends que vous n'avez pas voulu commenter les autres recommandations, mais quand même vous faites affaire souvent avec évidemment des entreprises qui font de la recherche et développement, qui sont intéressées à ce que vous faites avec les instituts de valorisation. Je voudrais savoir un peu, au niveau de crédits d'impôt...

Parce que vous nous offrez un peu vos services en disant: Vous pourriez faire partie du comité ad hoc, qui est, entre autres, là, proposé dans le rapport Brunet, pour discuter des incitatifs fiscaux qu'on pourrait améliorer ou modifier. Bon, évidemment, là, vous savez que, dans deux semaines, deux, trois semaines, il y a un budget qui s'en vient. On sait aussi que l'année dernière il y a eu une réduction des crédits d'impôt en recherche et développement.

Je voudrais savoir, dans un premier temps: Est-ce que les réductions de crédits d'impôt en recherche et développement, est-ce que ça a affecté certains de vos partenaires privés au Québec? Et, quand vous parlez, là, de vouloir participer à ce comité ad hoc, est-ce que vous pourriez aujourd'hui nous dire un petit peu comment vous voyez l'évolution des incitatifs fiscaux qu'on doit donner, entre autres, aux entreprises et aux sociétés qui font affaire avec vos sociétés de valorisation?

M. Fortier (Pierre): Mais c'est parce que ça...

Le Président (M. Paquet): M. Fortier.

M. Fortier (Pierre): ... ? monsieur... monsieur... j'étais pour dire M. le ministre, excusez-moi ? M. le député, porte sur le capital. Je vais demander à Denis Beaudry de répondre parce que, d'une part, oui, vous demandez une interrogation sur certaines décisions gouvernementales, mais par ailleurs, nous, nous avions certaines recommandations à faire. Peut-être que M. Beaudry peut répondre.

Le Président (M. Paquet): M. Beaudry.

M. Beaudry (Denis N.): Bien, en fait, le premier volet de la question est à l'effet que, s'il y a une érosion des crédits d'impôt, les entreprises vont bien sûr en souffrir. Et je pense qu'une organisation... un organisme comme BIOQuébec a fait des représentations à l'effet que, si tu as 20 % de moins de crédits d'impôt à réclamer, bien, effectivement ça va paraître au bilan de l'entreprise puis ça devient beaucoup plus difficile.

Deuxièmement: Pourquoi on voulait faire des représentations? On voulait faire des représentations pour que les sociétés de valorisation reçoivent le même traitement que d'autres organisations financées par le gouvernement du Québec depuis longtemps. Je donne un exemple: Quand... Nous, en fait, on a la possibilité d'investir deux choses, en fait: on a la possibilité d'investir de l'argent et de la propriété intellectuelle quand on crée une entreprise dérivée. Autrement dit, T2C2, quand il investit dans une entreprise dérivée, il a juste l'argent. C'est le fun, l'argent, mais il a juste l'argent. Nous, de notre côté, on peut investir le même montant que T2C2 plus la valeur de propriété intellectuelle qui appartient à l'université, ce qui fait en sorte que, quand on crée une entreprise dérivée, on est en mesure de prendre une bonne position de départ qui va souvent chercher 25, 30, 35 % du capital action de l'entreprise dérivée.

Là où le bât blesse, et on aimerait faire des représentations à l'autre... à qui de droit, c'est effectivement... les investisseurs disent: Oui, tu mets 500 000 $ dans une compagnie comme société de valorisation; je mets 500 000 $ parce que je suis le Fonds de solidarité; mon 500 000 $ va permettre à l'entreprise dérivée d'aller chercher des crédits d'impôt parce qu'elle va faire de la recherche et développement sur mon financement. Mais l'argent qui vient des sociétés de valorisation, le gouvernement dit: Non, il n'y a pas de crédit d'impôt sur l'argent qui vient des sociétés de valorisation. Ah! L'entreprise y perd parce qu'elle donne le même montant de capital action. Dans un cas, elle peut se servir de leviers de crédits d'impôt; dans l'autre cas, elle ne peut pas le faire. Et là, les gens, nos amis du capital de risque, nous rattrapent en disant: Un instant! Ton dollar ne vaut pas mon dollar: quand je mets 1 $, l'entreprise est capable d'aller chercher 1,40 $, puis, toi, quand tu mets 1 $, bien, ça vaut juste 1 $.

Bon, ce genre de discussion là, on en a eu avec le ministère des Finances depuis longtemps, pendant les deux gouvernements, mais effectivement on aimerait bien participer à ce genre de débat là. Il y a une autre chose également qu'on aimerait discuter, c'est l'exemption de gains de capitaux pour des entrepreneurs qui démarrent une entreprise et qui pourraient se voir taxés de façon incroyable avant même d'avoir touché un cent de bénéfice à cause du gain de capital. Ça, c'est le genre de discussion qu'on aimerait avoir avec les gens intéressés par les raisons fiscales.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Charlevoix.

M. Bertrand: Merci, M. le Président. Dans votre rapport, vous dites: «...advenant la dissolution éventuelle des sociétés Innovatech [on] recommande de faire une transition progressive.» Tout à l'heure, on a vu que quelqu'un recommandait le maintien d'Innovatech Régions ressources. Vous n'êtes pas sans savoir que ce n'est pas dans toutes les régions que Régions ressources est inclus.

Par contre, depuis qu'on fait nos rencontres ? à partir du rapport, quand on prend la conclusion du rapport qui est la création d'un fonds ? tout le monde qui sont venus, puis qui sont particulièrement des régions, jusqu'à maintenant sont très, très inquiets de voir que le fonds... D'abord, tout le monde est convaincu que, s'il y a création d'un fonds, ça va aller tout à Montréal et que là ça devient difficile pour les gens des régions de s'y retrouver, de se battre pour avoir leur part. Alors, vous avez la partie secteur régional, géographique puis vous avez les secteurs d'activité.

Vous autres, vous touchez à un secteur très, très spécialisé, mais vous allez aussi en région. Probablement que la partie importante est à Montréal, mais vous avez quand même des opérations en région. Alors, moi, je voudrais savoir: Par rapport à cette inquiétude-là, comment vous pensez que les gens des régions... Je comprends que, si on va sur un regroupement de vos quatre sociétés, c'est tellement pointu que c'est peut-être moins vrai que tout le reste, mais, nous, on a à gérer, on a à recommander, on a à faire des lois pour l'ensemble du Québec. Alors, cette inquiétude-là, vous la voyez comment?

Le Président (M. Paquet): M. Fortier.

M. Fortier (Pierre): Je peux faire une première réaction. Alors, comme vous dites, nous, on touche à la très haute technologie. Alors, ça inclut toutes les universités qui opèrent en région, que ce soit l'Université du Québec à Chicoutimi...

Alors là... Et, comme je le disais tout à l'heure, pour nous, il s'agit de faire la... d'établir la meilleure technologie pour affronter la compétition internationale parce que, si on voit des sociétés de capital-risque, il faut être en mesure d'établir que telle technologie développée de telle façon éventuellement va produire tel et tel résultat. Alors, que ça vienne de Chicoutimi, Gaspésie, Montréal, Québec, alors, dans ce sens-là, on intervient de la même façon.

En ce qui concerne... Et par ailleurs, on le disait très clairement dans notre mémoire, on ne s'est pas beaucoup penchés vers le développement régional parce que ce n'est pas notre spécialité. Mais je vais quand même demander à Denis de répondre en ce qui concerne Innovatech et notre recommandation à ce sujet.

Le Président (M. Paquet): M. Beaudry.

M. Beaudry (Denis N.): J'ai un peu de difficultés à me prononcer sur la régionalisation ou non des Innovatech, là. Tout ce que je peux dire, c'est que, pendant très longtemps, Innovatech a été et demeure encore aujourd'hui un joueur extrêmement important dans le démarrage d'entreprise de haute technologie. Je dirais qu'Innovatech, les Innovatech ont probablement investi dans 50 % des entreprises de haute technologie qui ont été créées au Québec depuis cinq ans.

Maintenant, si les Innovatech changeaient de rôle, changeaient de mission, de vocation ou disparaissaient, bien je pense qu'il y a un relais qui doit être fait à un fonds ou une organisation qui doit jouer le rôle qu'Innovatech a joué de façon brillante, je dirais, au cours des cinq, six, sept, huit dernières années au Québec.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Charlevoix.

M. Bertrand: ...personnellement un ardent défenseur de ce que je viens d'avancer, là. On l'a dit pour des gens qui sont ici, mais j'en suis un, moi, qui est très, très inquiet par rapport à la disparition de nos différences sur le plan régional. Et ça m'inquiète encore plus quand je vous entends dire que l'objectif ou l'idéal, ce serait de regrouper les quatre sociétés de valorisation. Là, je vois évidemment Québec; je suis persuadé que Québec perd sa partie ? là, je parle de Québec, la grande région de Québec ? perd sa partie au niveau des emplois, sa partie innovation au niveau de la région de Québec, parce qu'ils sont très, très créatifs. Et j'ajoute à ça, s'il y a disparition d'Innovatech Québec parce qu'on n'est pas une région ressource, si jamais le ministre décidait de garder les régions ressources, pour la région de Québec, à mon sens, je ne vois absolument rien de positif dans tout ça si ce n'est que je suis très inquiet sur tout le reste. Et je ne suis pas le seul à être très inquiet.

Alors, même si c'est un domaine très, très pointu, j'aimerais ça que vous essayiez de trouver le moyen de nous sécuriser parce que, de l'autre côté, il y en a aussi, des représentants de Québec. Je suis persuadé qu'ils partagent la même inquiétude que moi. À l'heure actuelle, si le fonds... ? je reviens à ce que j'ai dit tout à l'heure ? si on suit le rapport Brunet, qui veut qu'il y ait un fonds qui soit créé dans l'ensemble, d'abord, je pense que tout le monde s'entend pour dire que les montants ne sont pas assez élevés. Mais tout le monde s'entend... la plupart en tout cas de nous et de ceux qui viennent ici s'entendent pour dire qu'on va perdre tout ce qu'on s'est battus pour en région pour nos disparités. Et là ça ne me rassure pas.

Le Président (M. Paquet): M. le député, je demander le consentement pour qu'on puisse poursuivre deux minutes pour finaliser, peut-être pour vous permettre de répondre, et après le ministre avait demandé... il lui restait 1 min 20 s aussi. Alors, M. Drouin, rapidement, s'il vous plaît.

n(18 heures)n

M. Drouin (Gilbert): Mais, dans l'idée de poursuivre la concertation des sociétés, un élément qui est extrêmement important à conserver, c'est la proximité des universités parce que, dans ce domaine-là, c'est très important de connaître non seulement la technologie, mais qui la pousse, cette technologie-là, si on veut la sortir des universités. Donc, peu importe le modèle qu'il va y avoir, il faut que l'élément proximité demeure dans les universités, donc que chacune des régions...

M. Fortier (Pierre): ...du Québec n'y perdra pas...

M. Drouin (Gilbert): ... ? non, non ? mais que, quand on regarde, par exemple, l'analyse de brevet, quand on regarde les frais légaux, quand on regarde un paquet de choses, ça peut très bien être fait dans un bureau qui n'est pas ? je parle l'aspect analyse ? qui n'est pas nécessairement local. Par contre, le contact, l'introduction de la technologie dans le processus, lui, il faut qu'il soit très près des universités. Et ça, si on ne conserve pas cet élément-là, à mon sens, on perd, disons, un élément important.

Le Président (M. Paquet): Merci. Alors, M. le ministre du Développement économique, régional, vous avez 1 min 20 s.

M. Audet: Est-ce que vous aviez quelque chose à ajouter avant, juste 30 secondes? Non. Ça va.

M. Drouin (Gilbert): Non, ça va.

Le Président (M. Paquet): M. Fortier? Non. M. le ministre.

M. Audet: Alors, écoutez, merci beaucoup. Je vais juste conclure en vous remerciant de votre présentation et... retiens un certain nombre d'éléments que vous avez mentionnés, dont une suggestion que vous faites. Et vous souhaitez vivement être associés aux travaux du comité justement qui va se mettre en place justement peut-être à la suite de ça. Alors, je pense que je vais vous dire que ce sera certainement avec beaucoup d'intérêt qu'on aura à vous revoir parce que, ce qui me frappe dans votre approche, c'est qu'elle est très concrète parce qu'elle vise justement à chercher à savoir comment on peut faire le pont entre la recherche universitaire et la valorisation, donc éventuellement la commercialisation d'un produit, ce qui évidemment, en tant que ministre du Développement économique, m'intéresse au plus haut point. Donc, c'est certainement quelque chose qu'on aura l'occasion de vous rencontrer plus en fond, et ça me permet de nous excuser pour avoir écourté un peu cette présentation-là ? c'étaient des raisons hors de notre contrôle ? et vous remercier d'être venus aujourd'hui, comme d'ailleurs je veux remercier les gens qui sont encore ici du Conseil de la science et de la technologie et l'autre groupe qui malheureusement a dû céder sa place, qu'on a dû reporter à, je crois, la semaine prochaine.

Le Président (M. Paquet): Donc, merci, M. le ministre. Alors, M. Fortier, M. Drouin, M. Beaudry, merci beaucoup pour votre participation à nos travaux.

Juste avant d'ajourner, je veux donc expliquer qu'à l'ordre du jour était initialement prévu que le Centre québécois de valorisation des biotechnologies devait présenter aujourd'hui à 17 heures. Évidemment, il y a un décalage dans l'horaire de nos travaux, alors le Centre québécois de valorisation des biotechnologies sera devant nous le mardi 16 mars, à 9 h 30, donc c'est pour le changement à l'horaire.

Donc, maintenant, ayant... j'ajourne les travaux de la commission au mercredi 10 mars 2004, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 18 h 3)


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