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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 10 mars 2004 - Vol. 38 N° 30

Consultation générale sur le document intitulé Rapport du groupe de travail sur le rôle de l'État québécois dans le capital de risque


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures quarante minutes)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour. Avant de débuter, je rappellerais à tous ceux et celles qui ont un téléphone cellulaire de bien vouloir en éteindre la sonnerie pour ne pas gêner les travaux de la commission.

Je vous rappelle que la Commission des finances publiques est réunie, aujourd'hui, afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le rapport du groupe de travail sur le rôle de l'État québécois dans le capital de risque.

D'abord, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Outre le remplacement de Mme Beaudoin (Mirabel) par M. Boucher (Johnson) pour la durée du mandat, M. Cholette (Hull) est remplacé par M. Blackburn (Roberval).

Le Président (M. Paquet): Merci, Mme la secrétaire. Donc, je fais d'abord la lecture de l'ordre du jour pour aujourd'hui: nous débuterons d'abord les auditions en rencontrant M. Michel Pagé, qui sera suivi par la suite de représentants de Noroît, Épargne et Financement; ensuite, ce matin, nous terminerons avec la Société Innovatech du Grand Montréal; cet après-midi, nous commencerons avec M. Daniel Paillé, qui sera suivi par les auditions du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations, le CIRANO. Ce sera donc notre plan pour la journée.

Auditions (suite)

Donc, je rappelle que, ce matin, d'abord avec M. Pagé, la commission consacrera 45 minutes pour l'audition de votre mémoire, ce qui sera suivi par la suite d'une période d'échange répartie en temps égal entre le côté ministériel et le côté de l'opposition. Alors, M. Pagé, au nom de la commission, je vous souhaite la bienvenue. Je vous remercie de participer à nos travaux. Vous pouvez débuter.

M. Michel Pagé

M. Pagé (Michel): Je vous remercie. D'abord, je vous remercie, M. le Président, et je remercie les membres de cette Commission des finances publiques de bien vouloir me faire l'honneur de me recevoir pour que je puisse présenter les quelques pages de mon bref mémoire. Le mémoire que je présente finalement est accompagné d'un mémoire que j'avais déjà présenté... ou déposé en commission parlementaire sur la réforme démocratique en octobre 2002, et ce mémoire-là portait exactement sur le sujet dont il est question depuis un certain temps, et dont vous avez à discourir, et sur lequel vous vous penchez au cours de la présente commission.

Je tiens à faire remarquer que ma présentation... que les points que je vais tenter de développer ne portent pas sur des aspects de comptabilité ou d'économétrie mais bien... Je vais tenter de sensibiliser l'ensemble des membres de l'importance de faire le lien entre santé économique et santé démocratique et que, sous ce volet, il faudrait, dans tous les cas de révision, tenir la barre afin d'être guidés par des règles de droiture démocratique. Je ne porterai mes commentaires précis quant au rapport que sur deux aspects, soit le constat et puis certaines nécessités d'apporter des moyens de contrôle à toute réforme soit-elle.

Alors, dans un premier temps, je me permets de relire un constat que j'avais déposé dans ledit mémoire dont je parlais tantôt, en décembre 2002: au Québec, les entreprises de prédémarrage et de démarrage sont largement financées par des capitaux de risque dont les bailleurs de fonds sont largement les sociétés d'État. Bon, ça, c'est connu, il n'y a rien de nouveau. Le point sur lequel j'aimerais insister toutefois, c'est que c'est donc le citoyen qui défraie les coûts des risques d'affaires, très largement, indirectement bien sûr, mais très largement. Ainsi, tout problème de gérance des entreprises ou des sociétés grève également le climat démocratique. Sous le volet éthique, dans un sens large, la référence à un gouvernement d'une grande moralité et à l'intégrité des mandarins du pouvoir est de nature à donner confiance aux investisseurs. Donc, il y aurait peut-être lieu de revoir le modèle québécois du capital de risque, lequel fait porter largement le fardeau des risques au payeur de taxes sans véritable reddition efficace des comptes des institutions financières publiques.

Ainsi, à la première question soulevée par le rapport, nous ne pouvons qu'être d'accord avec le jugement selon lequel le modèle actuel doit être revu, dans lequel l'État québécois a une place prépondérante, doit être revu. Certes, dans un sens large, l'État peut contribuer à conférer des avantages comparatifs qui permettent de tirer profit de la croissance économique générale. Sur cette question, il y a sans doute un consensus. Quant à la manière, au degré et à la forme, la question est ouverte, et le rapport portait largement sur ça.

Toutefois, nous exprimons certaines réserves quant à des options suggérées audit rapport. Sa lecture laisse perplexe, car il donne l'impression que la privatisation conférerait des vertus innées sans en faire une démonstration rigoureuse.

D'une manière générale, la privatisation ou des modes mixtes de partenariat privé-public constituent des moyens potentiels parmi d'autres. La surévaluation de la mixité privé-public peut comporter des lacunes et des difficultés. En particulier, les propositions du groupe de travail visant à créer un fonds mixte et à prévoir des apports annuels de l'État à ce fonds communiquent la désagréable impression que ce fonds servirait à transférer des ressources de l'État aux mains d'intérêts privés, ce qui soulève un problème éthique. Si un fonds mixte peut constituer une structure organisationnelle viable et efficiente, encore faut-il que l'entreprise privée assume sa part de risques d'affaires sans fuser ses avoirs de transfert de fonds publics au profit d'intérêts privés privilégiés.

La même réserve peut être énoncée à l'endroit de la mesure, proposée dans le rapport, de créer un fonds privé spécialisé à partir d'une initiative étatique. Comprenez l'inconfort et la perplexité des questions soulevées... ou des propositions soulevées. Alors, nous insistons donc sur la nécessité d'introduire des modes d'évaluation, de contrôle et de suivi de nature à assurer à la fois la transparence, le respect de l'éthique, de redistribution des ressources de l'État, l'intégrité et l'efficacité des structures, ce qui a fait défaut, jusqu'à maintenant, de toute évidence, par ce que nous rapporte la presse depuis plusieurs années.

En général, un défi constant s'impose aux organismes de contrôle étatiques afin d'assurer un juste et sain équilibre entre protection du consommateur, ou du citoyen, et un encadrement du marché libre, entre justice administrative et procédurière et le respect de l'esprit fondamental de la mission et de la raison d'être de toute agence d'encadrement. L'observation critique révèle que trop d'associations corporatives dont l'existence justement relève ? ou repose ? de lois corporatistes ne réussissent pas réellement à relever ce défi et à assurer une juste protection des consommateurs ou des citoyens. Là, un rappel à un code d'éthique et de déontologie explicite, pragmatique et clair s'impose.

L'observation critique nous ramène à des avertissements de même nature. La collusion des pouvoirs gouvernementaux et de certains groupes d'intérêts, de sociétés d'État, et l'omnipotence même du gouvernement comportent d'énormes risques pour la démocratie. C'est la manière dont les pouvoirs délégués sont exercés qu'il faut craindre, notamment dans les affaires économiques et financières. Voilà que se dessine le profil d'une réforme dont les assises reposeraient sur des moyens de contrôle des pouvoirs délégués, et non pas tant un appel de ce que le gouvernement devrait faire, même pour le cas particulier des interventions de l'État dans les affaires économiques, et du capital de risque en particulier, un rappel de ce qu'il devrait être, soit un gouvernement de moralité qui s'astreint et astreint à des règles éthiques. Voilà ce qu'il faut pour briser le cercle vicieux et augmenter l'efficacité économique des interventions.

Ainsi, à notre sens ou en mon sens, le contexte actuel justifie que soit introduit un cadre de référence moral et éthique ? peut-être sous la forme d'une loi-cadre ? auquel seraient soumis autant les mandarins de société publique que le simple bureaucrate de tout ministère et, à plus forte raison, les gestionnaires de tout fonds public ou d'une mixité public-privé qui pourrait découler de réformes.

n(9 h 50)n

De manière générale, si des mesures de contrôle des pouvoirs délégués confiés aux représentants des sociétés d'État s'imposent, on comprendra que toute nouvelle structure privé-public devrait, à plus forte raison, se soumettre, et encore plus que dans le domaine privé, à des modes indépendants de contrôles spécifiques et à la reddition efficace des comptes.

En conclusion ? et là je vais me répéter bien sûr sur les points principaux ? en définitive on ne peut être que d'accord avec la révision des modes de financement actuels dans le secteur du financement des différentes sociétés et du capital de risque. Cette révision n'exclut pas le bien-fondé du rôle de l'État à conférer des avantages comparés et des conditions favorables validées. Alors, par «validé» on entend «qui a été pondéré par rapport à toutes les options» et non pas seulement qu'à deux ou trois options. Toutefois, il serait judicieux d'évaluer les propositions préconisées par ledit rapport en fonction des résultats recherchés.

De manière particulière, il est impérieux d'introduire des moyens de contrôle de toute nouvelle structure organisationnelle des capitaux de risque qui relèverait totalement ou en partie des pouvoirs délégués du gouvernement.

Les critères de transparence et d'intégrité seraient peut-être mieux respectés par l'introduction d'un cadre de référence moral et éthique, lequel pourrait prendre la forme d'une loi avec un L majuscule, dans le sens de loi fondamentale. En effet, l'action gouvernementale tire sa légitimité de ce qu'elle contribue au bien général dans le respect des valeurs démocratiques. Il ne peut exister de démocratie saine sans un salutaire rappel des règles éthiques et morales. Dans un tel contexte, les interventions de l'État peuvent conférer des avantages concurrentiels et contribuer à la croissance économique.

Alors, notre brève intervention finalement tourne autour du point principal de la relation entre démocratie saine et intervention économique saine, et nous espérons par là pouvoir introduire une voie par laquelle guider toute révision anticipée du rôle de l'État dans le capital de risque. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. Pagé. M. le ministre au Développement économique, régional et de la Recherche.

M. Audet: Merci, M. Pagé. Alors, votre présentation évidemment soulève des questions reliées à l'éthique de la gestion des entreprises, particulièrement des entreprises publiques, et des interventions de l'État, et je pense que votre présentation couvre mais déborde même en fait le cadre d'aujourd'hui, puisque, évidemment, c'est l'ensemble des institutions publiques dont il s'agit, y compris d'autres institutions qui ne sont pas formellement dans le capital de risque. Et, de ce point de vue là, je pense que vous soulevez des points, notamment à l'égard de la question de l'éthique et de l'imputabilité également, qui sont à mon avis majeurs. Et je veux juste vous mentionner un chiffre qui effectivement confirme un peu votre préoccupation de 1999, au fond, à 2002... en fait 2003, disons, en gros, 2003, plutôt, 31 mars... ou la fin de 2003: le gouvernement... ou la Société générale de financement, à elle toute seule, a investi 1 453 000 000 $, 1,5 milliard presque, dans des placements dans différents secteurs. Et, si on inclut les provisions pour pertes de 833 millions, les pertes d'exploitation, frais d'études, on a enfoui... il y a 1,1 milliard de pertes là-dedans. Donc, au fond, là, sur 1 450 000 000 $, 1,1 milliard a été perdu littéralement. Donc, il reste 350 millions de valeurs d'actif sur ces investissements-là. Évidemment, beaucoup de ces projets-là sont connus, d'autres moins connus.

La question que vous soulevez, elle est assez fondamentale sur ce plan-là, puisque, au fond, vous dites, au fond, partant de... Et je vous donne des chiffres pour étayer un peu ce que vous dites, là, à l'égard de l'imputabilité de la gestion des fonds publics. La question qui n'est pas très claire et sur laquelle vous ne vous rendez pas, là, mais sur laquelle je vais vous interroger, il y avait des règles de gestion prévues dans la Société générale de financement qui faisaient que la prime était donc donnée, et la rémunération additionnelle était proportionnelle au fond à l'engagement qu'on prenait, l'engagement de dépenses qu'on prenait et non pas aux résultats, et donc... Évidemment, je comprends qu'on va dire: C'est l'impact économique, mais, avec le résultat qu'on connaît, on voit ce qu'il en résulte à la fin, après quatre ans. Donc, on est actuellement dans une situation où, en moyenne, des administrateurs ont été payés, en moyenne, en bénéfices, je dis bien, et en rémunération additionnelle globale, près de 50 % de leur rémunération pendant les dernières années, en dépit de ce résultat, simplement parce que les critères qui étaient mis de l'avant n'étaient pas des critères de saine gestion de fonds publics mais au fond des critères de dépenses publiques, comme si ça avait été des budgets de ministère.

Est-ce que cette situation que je vous décris... En fait, ce que vous décrivez comme éthique, problème d'éthique, comment vous évaluez justement ce que... Parce que vous voulez au fond nous prévenir contre une nouvelle démarche, une privatisation qui au fond pourrait conduire à des choses semblables, puis je suis tout à fait d'accord. Mais quelle est votre réaction à une situation comme celle-là vue sous l'angle de l'éthique, ce qui est l'angle principal sous lequel vous avez pris votre mémoire, écrit votre mémoire?

Le Président (M. Paquet): M. Pagé.

M. Pagé (Michel): M. le Président, M. le ministre, je vous remercie de votre question. Dans un premier temps, j'avais abordé, dans le mémoire précédent, le problème de gouvernance. Bien sûr, le problème de gouvernance a été repris à la Bourse à Toronto, et puis les règles de gouvernance, dans le cas du domaine privé, ont été assainies. Si je soulève cette question-là, c'est que, bien entendu, avec les règles de gouvernance, il y avait aussi des règles de rémunération, des politiques de rémunération de l'entreprise privée. Et, par effet de locomotive ou effet d'entraînement, bien sûr, le privé... pardon, le public ne voulant pas être en reste, il a aussi eu sa forme aussi de plus-value... ou de surenchère, devrais-je dire, dans le secteur des sociétés d'État. Donc, règle de gouvernance est un aspect particulier, et, éthique, je le vois d'une façon générale.

Donc, pour moi, un homme juste, dans un sens large... Et là j'aurais presque envie de paraphraser M. Claude Ryan si j'avais quelques-uns de ses textes devant moi. La politique est une question de moeurs. Un homme juste n'essaie pas de détourner les fonds publics, sous une forme déguisée ou non, par souvent pouvoir délégué et les réseaux d'influence à travers les C.A. qui sont nommés de toute façon par le gouvernement. Donc, il y a un problème très vaste d'éthique qui touche aussi aux règles de gouvernance et de rémunération. Donc, je ne saurais répondre de façon précise à votre question, sinon en reprenant en termes généraux cette prépondérance pour moi des questions d'éthique. Et c'est pourquoi je l'ai soulevée, et je crois que c'est tout à fait pertinent d'en connaître l'imputabilité des gestionnaires et des hauts mandarins des sociétés d'État. Il devrait y avoir, sous une forme ou sous une autre, une loi-cadre qui donne le ton et guide, donne un éclairage à la fois sur la mission ou les missions, et sur la conduite et la bonne conduite, et les moeurs politiques.

La loi fondamentale du pays, c'est la Constitution, à laquelle se sont greffées chez nous les différentes chartes des droits. Il n'est pas exclu d'introduire une charte qui porte sur ? et je m'avance beaucoup en disant ça et je sais que je crée une polémique ? qui porte sur les comportements éthiques de tout représentant élu ou détenteur de pouvoir délégué des affaires publiques. Donc, un rappel-cadre réglerait déjà beaucoup parce qu'il contribuerait à mettre les principaux acteurs sur une voie qui est celle d'un bon gouvernement dans un sens large, «bon» étant utilisé dans le sens naturel. Et je réemprunte le «bon» qui était utilisé dans la Constitution canadienne, «de bon gouvernement», à l'article 1.

Donc, règles de gouvernance, rémunération n'amènent pas de meilleurs gestionnaires nécessairement s'il n'y a pas de règle d'éthique. Et, dans les règles de gouvernance, il faut donc à mon avis toujours prévoir ? et le premier mémoire relevait ce point-là ? au moins un membre indépendant ? et, à cet effet-là, j'avais quelques suggestions ? indépendant, nommé peut-être par la population pour pouvoir porter un jugement éclairé, critique sur ce qui se passe à l'intérieur d'une société d'État et la façon dont les fonds sont dépensés en général.

Le Président (M. Paquet): 30 secondes.

M. Audet: ...question courte. Vous dites, dans votre présentation: «Il y aurait lieu de revoir le modèle québécois du capital de risque, lequel fait porter tout le fardeau des risques aux payeurs de taxes, sans véritable reddition de comptes des institutions financières publiques.» C'est un peu le suivi de la question que je viens de vous poser. Comment vous voyez justement la reddition de comptes des institutions financières publiques? Vous la voyez introduite bien sûr par une loi-cadre, mais vous la voyez matérialisée comment dans votre perspective, dans ce que vous présentez?

n(10 heures)n

M. Pagé (Michel): Alors, le mécanisme particulier... Dans un premier temps, au niveau de la gouvernance, il devrait au moins y avoir un membre externe qui ne soit pas élu par le gouvernement, de façon à donner un jugement critique de ce membre indépendant là sur les différents comités, et ce membre-là aurait le devoir, le rôle de rendre compte à la population par un mécanisme dont je ne présume pas les détails. Ça pourrait être par un compte rendu annuel lors des séances générales, ça peut être par un compte rendu critique à la vérification des finances, mais je ne présume pas, donc je préfère m'en tenir à des règles générales, enfin à ouvrir des couloirs généraux. Mais de toute évidence il faudrait à mon sens qu'il y ait au moins un membre sur les huit ou neuf, selon les conseils d'administration, qui représente la population et qui porte un jugement critique. Si on veut, c'est un peu la position de Socrate qui se demandait, qui posait carrément la question: Doit-on procéder avec les magistrats ou choisir 10 justes au hasard dans la foule? Alors, voilà.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. Pagé. M. le député de Rousseau et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'économie et finances.

M. Legault: Oui. Merci. Je voudrais vous remercier, M. Pagé, pour votre présentation et votre présence ici, ce matin. Je pense que vous apportez un point très important sur toute la question de la reddition de comptes, et c'est un sujet qui m'intéresse personnellement et qui... Lorsque j'ai eu la chance d'être ministre, entre autres, de l'Éducation et de la Santé, j'ai beaucoup travaillé sur les plans de réussite pour chaque école, les contrats de performance, donc essayé effectivement de faire une évaluation des résultats de ceux qui gèrent les biens publics. Et je conviens, là, qu'on parle de la SGF, des Innovatech, d'Investissement Québec, qu'il y a encore du travail à faire au niveau de la reddition de comptes.

Mais le point intéressant que vous soulevez ce matin, c'est de dire qu'en proposant ? et c'est ce qu'on voit dans le rapport Brunet ? de remplacer certaines interventions qui sont faites actuellement par des organismes publics par des nouveaux organismes où il y a des partenariats public-privé ça ne vient pas tout régler. Au contraire, ce que vous semblez dire, là... Puis je veux vous citer, là, pour être certain qu'on se comprend bien. Vous dites: «Nous exprimons certaines réserves quant aux options suggérées audit rapport. Sa lecture laisse perplexe, car il donne l'impression que la privatisation conférerait des vertus innées sans en faire [la] démonstration.» Vous nous dites: «La surévaluation de la mixité privé-public peut comporter des lacunes.» Et vous nous dites: «En particulier, les propositions du groupe de travail visant à créer un fonds mixte et à prévoir des apports annuels de l'État à ce fonds mixte communiquent la désagréable impression que ce fonds mixte servirait à transférer des ressources de l'État aux mains d'intérêts privés, ce qui soulève un problème éthique.»

Bon, je pense que c'est évidemment très important, ce que vous nous dites, et puis je voudrais comprendre vos recommandations. Vous nous parlez d'une loi-cadre. Ce que je comprends, c'est que vous nous dites ? et là ce serait plus une question que je vous poserais ? qu'avant de prendre des décisions le gouvernement et le ministre devraient d'abord bien s'entendre sur quels sont les résultats qui sont escomptés de ces nouveaux organismes qui sont créés. Évidemment, là, il y a tout un débat à savoir: Est-ce qu'on devrait parler seulement de rentabilité, comme le fait le rapport Brunet, ou si on devrait parler de rentabilité et de retombées économiques en création d'emplois et autres? Donc, il y a toute la définition des résultats escomptés.

Deuxièmement, vous nous dites: On devrait mettre en place des moyens de contrôle avant de laisser cet argent transiter dans des partenariats public-privé. Donc, j'aimerais ça que vous élaboriez, là, au niveau de quelle est votre définition de «résultats escomptés» et quelle sorte de mécanisme ? je comprends que vous nous parlez d'une loi-cadre, là ? de contrôle vous verriez qu'on mettrait en place pour s'assurer que, dans ces partenariats public-privé, il y ait une reddition de comptes sur les vrais résultats des organismes.

Le Président (M. Paquet): M. Pagé.

M. Pagé (Michel): Oui, M. le Président. M. Legault, je vous remercie de votre question. Oui, en effet mon approche est générale, et j'entendais la faire de façon générale et non pas tomber dans des mécanismes particuliers parce qu'il me paraissait important, à ce moment-ci, de porter l'attention sur ce qui, peut-être dans la société québécoise en général, semble poser problème à la fois au développement économique et même à des options souverainistes dans un sens large. Pour moi, une société n'est pas si elle n'est pas morale, s'il n'y a pas de moeurs. Or, tout nous dit actuellement qu'il y a des difficultés à ce niveau-là. Il faut donc une réflexion profonde qui fasse que toute réforme ou révision se situe dans un cadre où on replace les différents intervenants ou partenaires éventuels dans cette réflexion morale. Suivront les mécanismes.

Bien sûr, le rapport ne nous a donné que deux voies finalement de solution; enfin, ils ont parlé largement et à bon escient de simplifier les structures. Tout à fait. Mais, sur cet aspect des options possibles, on a soit un fonds privé à partir de fonds publics ? ce n'est pas clair ? ce qui pose problème au niveau de l'éthique... Déjà, je pense qu'avant de toucher aux mécanismes il y a une réflexion à ce niveau-là. Et, même dans ce transfert annuel de fonds publics dans des fonds privés ou mixtes, là aussi il faut se pencher sur ce que ça veut dire en termes pratiques.

Moi, je suis tout simplement perplexe. Je pose la question et je n'ai pas de réponse sur les mécanismes particuliers. Mais il y a problème, là, à mon avis, on ne peut pas constituer des fonds privés à partir de fonds publics. Ça s'est trop fait d'une façon ou d'une autre dans le passé.

Pour moi, une saine démocratie, dans un sens large, ne peut que contribuer à un essor économique. Tout le libéralisme économique traite de ça. Et le libéralisme économique n'exclut pas les interventions, bien sûr, parce qu'il y a des projets d'envergure qui doivent être faits par cohésion et coercition, coercition après consensus, et le modèle québécois est fort louable à ce niveau-là. Donc, je n'ai pas de réponse précise en termes de mécanismes, un rappel qu'il y a une réflexion à faire, un rappel que les deux options principales, hormis la simplification des structures, qui sont données dans le rapport, c'est un fonds mixte puis un fonds privé à partir de fonds publics. Je pense qu'il y a une réflexion plus approfondie qui devrait être faite, d'évaluer d'autres options en fonction des résultats escomptés.

Cette réflexion-là ne me semble pas faite. On tombe à la conclusion tout de suite qu'il faille deux solutions: transférer des fonds aux fonds publics ? au fond, du public au privé... Et je vois la bonne intention, et c'est tout à fait louable, mais il y a un chaînon manquant à quelque part, en termes de réflexion, afin de prouver ou d'évaluer qu'effectivement ce mécanisme-là va donner le résultat escompté, qui est une croissance générale pour le bien-être général de la population.

Beaucoup a été fait, les succès sont formidables dans le domaine des hautes technologies et dans le démarrage d'entreprises. Mais, si on se situe de façon comparative, on peut se comparer de façon historique à ce que c'était après les années quarante-cinq ou on peut se comparer à ce que l'Ontario fait ou la Colombie-Britannique fait. On doit concéder aussi un constat de retard structurel qui se perpétue de décennie en décennie. Comment faire le saut par-dessus ces difficultés-là? À mon avis, il faut d'abord évaluer les différentes options afin de s'assurer que les démarches, ou que les mécanismes, ou que les structures nouvelles qui seront mises en place pourront correspondre exactement à ce qui est recherché à partir du constat, bien sûr. Les ressources publiques sont restreintes, et ce qui est donné en capital de risque pourrait être perdu, et d'autant qu'il ne sera pas donné à la santé ou à l'éducation. Dans ce sens-là, donc il y a une interrogation supplémentaire à l'effort qui a été fait dans le rapport pour savoir quelles sont effectivement les autres options possibles de solution, quels sont aussi les résultats escomptés, en fonction de quel mode, et ça, il y a un exercice à faire à ce niveau-là.

Quant aux mécanismes particuliers, je préfère ne pas m'avancer sur des... L'objet de ma présentation est vraiment de rappeler des choses fondamentales avant de passer à des mécanismes particuliers. Donc, espérant avoir répondu à votre question, je serai heureux de compléter si je n'ai pas été assez précis.

Le Président (M. Paquet): Un bloc de huit minutes est écoulé. On va revenir pour votre sept minutes dans la prochaine partie d'intervention. M. le député de Roberval.

M. Blackburn: Merci, M. le Président. M. Pagé, merci d'abord d'avoir pris le temps de venir nous exposer vos faits. C'est bien sûr que le but de la commission, c'est justement de trouver des moyens ou des mécanismes nous permettant de faire... d'améliorer, d'améliorer un peu les interventions de l'État, d'améliorer un peu le... ou de tenter de diminuer le recul ou l'écart qui se situe entre différentes provinces, dans lequel vous avez fait part tantôt...

n(10 h 10)n

Vous mentionnez, dans votre rapport, M. Pagé, que, en quelque part, il faut que le privé... Parce que, là, ce n'est pas des fonds privés. Dans le rapport Brunet, on parle de fonds mixtes privé-public où l'argent... où, pour chaque dollar du public... du privé, il y aurait 2 $ du privé... pour chaque dollar du public, il y aurait 2 $ du privé. Dans le contexte, je pense que c'est un peu un genre de partenariat. Et vous vous demandez, à quelque part dans votre mémoire: il faut que l'entreprise privée, dans ce contexte-là, puisse assumer sa part de risque, alors que, dans le rapport Brunet, ce qui nous est mentionné ? il y a quelque chose qui est très clair à ce niveau-là ? c'est que, dans un éventuel partenariat, l'entreprise privée, pour justement permettre d'assurer une plus grande part de risque, participerait aux profits, si minces peuvent-ils être, mais aussi assumerait l'ensemble des pertes. Dans ce contexte-là, ce n'est pas un incitatif qui pourrait permettre justement de s'assurer d'avoir la participation du privé dans différents fonds de partenariat pour faire du développement ou du capital de risque?

Le Président (M. Paquet): M. Pagé.

M. Pagé (Michel): Oui, M. le Président. Monsieur, je vous remercie de votre question. Effectivement, j'abonde dans votre sens pour ce point particulier d'incitatif, au fond, aux investisseurs privés. Ce point-là est le plus clair. Ce qui est moins clair, c'est le mécanisme de transfert. On parle aussi de transfert annuel ou d'apport annuel dans une seule phrase et on ne dit pas comment et quels seraient... Donc, il y a... Et, aux pages 44-42, on parle littéralement de créer un fonds privé à partir des avoirs, si je lis bien la phrase, du public. Ça pose problème. Il y aurait une réflexion supplémentaire. Pour moi, ça ne veut rien dire... c'est-à-dire, ou ça veut tout dire, de vouloir créer un fonds privé à partir de fonds publics, sinon qu'il va y avoir cadeau à quelque part. C'est à ce point-là surtout que je voulais le citer. Donc, il y a un mécanisme, une réflexion supplémentaire.

Oui, des incitatifs, c'est normal, de différents ordres, mais à ce niveau-là, les deux points que j'ai soulevés, qui apparaissent aux pages 42, 44 et 7, non pas sur les incitatifs mais sur ce transfert. Et ce transfert annuel là, à mon avis, en toute franchise, ça devrait être creusé avec plus de rigueur, pour le bien-être même de l'ensemble des interventions, de façon à vraiment obtenir les résultats escomptés pour les avoirs ainsi redistribués.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Roberval? M. le ministre du Développement économique et régional, il reste environ 1 min 30 s.

M. Audet: Oui. Bien, écoutez, juste peut-être... Parce que des fois je me demande si... Évidemment, votre présentation ou vos réponses sont parfois... posent la question si vous êtes pour ou contre, là, l'intervention justement via des sociétés d'État. Vous dites notamment ? et là c'est une question très rapide, là ? vous dites que les bailleurs de fonds en fait dans le capital de risque ? SGF, Caisse de dépôt, bon, Innovatech, le Fonds des travailleurs du Québec ? cette implication demeure souvent après même la période d'inscription en Bourse. Donc, c'est le citoyen qui défraie le coût des risques d'affaires. Donc, ainsi tout le problème de gérance de ces entreprises grève également le climat démocratique.

Quand vous dites ça, est-ce que vous en concluez que l'étape suivante, c'est de dire: Donc, l'État ou ces organismes-là ne devraient pas être impliqués jusqu'à cette étape-là? Est-ce que c'est ça que vous voulez dire, ou si vous vous faites... pas d'un danger, mais... Vous en concluez quoi exactement? Est-ce qu'on devrait éviter que ce soit ainsi, ou si vous dites: Quand vous le faites, prenez les mesures de sauvegarde appropriées?

Le Président (M. Paquet): M. Pagé.

M. Pagé (Michel): Oui, M. le Président. M. le ministre, je vous remercie de votre question. Écoutez, je suis un être positif de nature. Donc, de la façon la plus positive du monde, ce qui est recherché bien sûr, ce sont des améliorations par ce rappel-là.

Le Président (M. Paquet): En 20 secondes, s'il vous plaît, M. Pagé. Vous avez environ 20 secondes pour conclure. Pardon.

M. Pagé (Michel): Donc, je ne conclus pas à l'impossibilité, je conclus tout simplement à une réserve. Je ne dis pas que les sociétés d'État ne devraient pas être impliquées à ce niveau-là, mais elles devraient l'être d'une façon plus cohérente et toujours en tenant compte de modes de reddition des comptes, d'imputabilité, puis toujours en gardant en mémoire une référence morale qui dicte les conduites en cas de conflit, les règles de gouvernance aussi qui devraient être revues de façon à ouvrir le C.A. à un membre externe, par exemple, que les différents comités aient un droit de regard à quelque part plus pertinent sur les différents comités. Finalement, M. Rousseau, de la CDP, de la Caisse de dépôt, va dans ce sens-là. En tant que mécanismes particuliers, là, c'est très positif.

Le Président (M. Paquet): Merci.

M. Pagé (Michel): Je vous remercie.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Johnson.

M. Boucher: Bien, merci, M. Pagé, d'être là. Merci de votre mémoire. Là, vous abordez une question ? mon collègue le disait tout à l'heure ? qui est fort importante et pertinente, la question de l'éthique et la question de la reddition de comptes. Moi, j'ai une question, peut-être une sous-question par la suite: Comment vous pouvez concilier votre proposition d'une loi-cadre alors que nous avons déjà des mécanismes avec la Vérificatrice générale, d'ailleurs, qui est en train de préparer un rapport sur la Société générale de financement, et aussi le fait qu'il y a une commission parlementaire ici, la Commission de l'administration publique, qui fait l'audition des grands administrateurs de l'État, à laquelle d'ailleurs je déplore le fait que l'Hydro-Québec n'est pas soumise ni à la Vérificatrice générale d'ailleurs ni à la Commission de l'administration publique, ce que je souhaiterais qu'il soit fait? Mais, ceci étant dit, là, votre loi-cadre par rapport aux mécanismes que nous avons déjà, parce que nous en avons déjà, des mécanismes, j'aimerais ça que vous précisiez davantage votre pensée sur ça.

Le Président (M. Paquet): M. Pagé.

M. Pagé (Michel): M. le Président, monsieur, je vous remercie de votre question. Effectivement, il y a des mécanismes. Le fait même que vous entendiez différents documents ou mémoires ce matin ou dans les jours qui vont suivre en est une illustration. Mais je ferai remarquer que la Vérificatrice générale... Ou même l'audition des présidents-directeurs généraux des sociétés se fait après coup, presque trop tard, et, dans la mesure où les différents événements ont été rapportés dans la presse, ou enfin... donc trop tard, ça arrive trop tard... La loi-cadre, pour moi, est un exercice de remettre une cohérence, une cohésion qui chapeaute l'ensemble des efforts. Une loi-cadre, c'est comme la constitution d'une loi-cadre avec un grand L. La Charte des droits et libertés est une loi-cadre. Il y a un chaînon qui... Étant donné le développement de la société, étant donné le développement économique de nos sociétés modernes, la mondialisation, etc., il y a un argument, là, pour introduire un jalon supplémentaire qui dépasserait le Siècle des lumières, qui date déjà de 200 ans. Il y a un rappel général qui doit chapeauter les différents efforts du gouvernement et des mandarins des sociétés d'État avant coup et non pas après coup.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Johnson.

M. Boucher: Mais avez-vous une idée de ce que comporterait cette fameuse loi-cadre? Avez-vous réfléchi à ça?

Le Président (M. Paquet): M. Pagé.

M. Pagé (Michel): Dans un sens général, la première phrase de la loi-cadre est donnée dans la Constitution canadienne lorsqu'on parle de bon gouvernement. Le sens «bon», dans un sens large, traduit une tradition parlementaire et démocratique qui signifie «être en accord avec une loi naturelle», «un bon gouvernement» dans le sens de «bon père de famille».

M. Boucher: Ça n'a pas empêché les commandites, en passant.

Le Président (M. Paquet): M. Pagé.

M. Pagé (Michel): Ça n'a pas commencé. C'est pourquoi les rappels sont si urgents, et nécessaires, et constants. Alors, donner un cadre général, par exemple pour les commandites, si vous voulez, ou d'autres cas, donne le ton à ce qui est bon puis n'est pas bon au bien-être général et ce qui est contre le bien-être général. En donnant le ton, nécessairement les organismes ont une référence qui est cohérente et non pas morcelée par différents organismes de vérification, qui, pour le simplifier, se fait généralement après coup, alors que les principaux mandarins des sociétés d'État ont déjà tiré leur révérence avec les honneurs d'un confort financier assuré.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. M. Pagé, bonjour. On parle beaucoup de l'utilisation des fonds publics, de faire des mariages avec le privé. Dans votre optique, cette loi-cadre permettrait également de dicter des règles, de dicter des règles de transparence, d'avoir la possibilité aussi d'entendre, comme parlementaires, ces organismes, ces dirigeants d'organismes. Certaines sociétés d'État, à l'heure actuelle, sont soustraites à l'examen par les parlementaires de toutes ces considérations. Mais, au niveau de l'éthique, bon, on a voté une loi sur le lobbyisme. On a déjà des paramètres que l'on peut utiliser.

n(10 h 20)n

Moi, j'aimerais vous entendre. Est-ce que, pour régler le problème d'investissement du capital de risque des fonds publics et le mariage qu'on veut faire avec le privé, un pour deux, peu importe, et qu'on nous dit que ça va être le privé qui va peut-être assumer toutes les pertes... Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cette affirmation parce que, une fois que les fonds sont confondus, le dollar, c'est un dollar, puis il reste de la même couleur pour tout le monde. Alors, j'aimerais voir l'optique, dans le fond. Que l'État fasse sa part à l'amorçage, au démarrage avec des fonds publics. Et est-ce que ce ne serait pas une solution, par la suite, dans les autres étapes, que l'on trouve des partenariats? Est-ce qu'on peut, par exemple, trouver des partenariats uniquement avec l'entreprise privée, quitte à vendre, à transférer le résultat des recherches?

On a eu les sociétés de valorisation hier. On a rencontré le Conseil de la recherche. Il y a beaucoup d'organismes qui viennent ici et qui nous disent: L'État doit investir. Maintenant, au niveau de l'éthique, c'est de trouver des façons d'intervenir pour faire en sorte qu'on ne confonde pas les patrimoines. Ce qui est privé est privé, ça appartient au privé. Si quelqu'un a gagné son argent puis il veut l'investir, c'est son choix. Mais l'argent du public doit être investi en fonction du mieux-être de la collectivité. J'aimerais ça vous entendre là-dessus. Comment on peut... C'est de concilier tout ça, parce que ce n'est pas simple puis les régions ressources demandent l'intervention de l'État.

Le Président (M. Paquet): Il reste 30 secondes, M. Pagé.

M. Pagé (Michel): Il y a plusieurs questions. Je vous remercie, M. le Président. Je vous remercie, M. le député de Gaspé. Dans votre question, il y a plusieurs questions. Le premier volet, c'est: oui, il y a un mécanisme, oui, il y a une loi sur le lobbyisme, et tout ça est morcelé. Par loi-cadre, moi, j'entends une cohérence, ramener ça sur un même chapeau qui donne un volet général, des rappels à l'intégrité, à l'éthique de redistribution des fonds, à ce qu'est un bon gouvernement, ce qu'est une bonne gérance. Alors ça, c'est... Donc, il faut ramener ça non pas à des choses morcelées, mais par loi-cadre justement ce n'est pas morcelé, ça donne le ton à l'ensemble qui suit de façon cohérente, la cohérence étant garante des succès des interventions futures dans un sens large. C'est ce qu'il manque.

Maintenant, quels sont les mécanismes particuliers? Est-ce que l'État devrait s'impliquer seulement au prédémarrage ou à l'amorçage et laisser les prochaines étapes au privé? Bien, de façon concrète c'est ce qui se produit en partie, parce qu'il n'y a pas un investisseur privé qui voudrait investir en prédémarrage, ça se fait tout avec des fonds publics actuellement. Pourquoi? Parce que, dans la biotech, il va y en avoir une sur 100 qui va fonctionner. Aux technologies de l'information, il va y en avoir une sur 30 qui va fonctionner. Donc, on attend que les choses se fassent. Les gens placent leurs billes tranquillement, et puis c'est seulement plus tard que le privé arrive.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. Pagé.

M. Pagé (Michel): Ah! Je m'excuse.

Le Président (M. Paquet): Excusez-moi. Alors, il reste 20 secondes... 25 secondes. M. le ministre.

M. Audet: Simplement pour vous remercier, M. Pagé, de votre présentation et votre participation. Et je retiens effectivement la mise en garde, le feu jaune au moins que vous nous allumez quant à l'utilisation précisément des fonds publics dans le domaine du capital de risque et dans les sociétés d'État qui y sont associées. Effectivement, je pense que c'est un sujet qui touche l'éthique générale de la gestion et c'est un sujet très préoccupant qui va certainement revenir d'ailleurs à cette commission parlementaire un jour ou l'autre. Alors, merci beaucoup.

Le Président (M. Paquet): Merci. Alors, la commission vous remercie, M. Pagé, pour votre participation à nos travaux. Je suspends les travaux quelques instants pour permettre aux prochains intervenants de Noroît, Épargne et Financement de se joindre à nous.

(Suspension de la séance à 10 h 24)

 

(Reprise à 10 h 27)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux. Nous avons maintenant l'honneur de recevoir les gens du groupe Noroît, Épargne et Financement. Alors, M. Gilbert Bossé, qui est président du conseil d'administration, je vous souhaite la bienvenue, ainsi qu'à ceux qui vous accompagnent. Si vous vouliez, s'il vous plaît, nous présenter les gens qui vous accompagnent.

Noroît, Épargne et Financement

M. Bossé (Gilbert): M. le Président, merci de votre accueil et de nous permettre de présenter notre projet, notre mémoire. M. le Président, j'ai avec moi M. Francis Nicloux, à ma gauche, qui est directeur général de Noroît, et M. Maurice Boutin, qui est un consultant en administration, membre de la firme Raymond Chabot Grant Thornton.

Le Président (M. Paquet): Merci. Vous avez environ 15 minutes pour faire votre présentation.

M. Bossé (Gilbert): Merci. Alors, très rapidement, pour répondre aux carences dans la chaîne de financement des entreprises en région, le rapport Brunet propose notamment de faire appel à du capital privé, de favoriser une prise en main du milieu par le milieu, de mettre en place des incitatifs fiscaux spécifiques et de mettre en place des FIR. Ces recommandations soulèvent des questions importantes. D'abord, quel capital privé? Comment l'identifier et quel est son potentiel? Quelle forme de structure pour la prise en main régionale? Comment la mettre en place? Quel type d'incitatif fiscal? Comment y avoir recours sans alourdir le fardeau fiscal et sans complexifier la fiscalité actuelle? La capitalisation des FIR couvre-t-elle tous les besoins du marché? Comment financer la croissance des entreprises et leur conservation en région?

Une autre question devient fondamentale lorsqu'il s'agit d'assurer la pérennité des solutions. Elle consiste à savoir comment financer les coûts d'opération qui sont de plus en plus élevés en regard du rendement potentiel.

Depuis plus de quatre ans, l'Abitibi-Témiscamingue étudie le moyen de répondre à ces questions. Cette recherche a mené à la création de Noroît, Épargne et Financement dont l'objectif est de mettre en place un fonds régional. Les réponses apportées par Noroît sont très pertinentes par rapport aux recommandations du rapport, car elles s'appuient sur ces mêmes constatations. Cette convergence dans les analyses vient donc renforcer la pertinence des conclusions et des recommandations du rapport.

D'autre part, l'avance de Noroît permet déjà d'aller de l'avant en proposant un modèle concret de mise en action exportable à toutes les régions. Mais, à ce que j'ai pu comprendre tantôt, vous allez voir, par la présentation de M. Nicloux, qui va vous donner un sommaire du modèle, que ça répond aussi à plusieurs questions qui ont été posées par l'intervenant précédent. M. Nicloux.

n(10 h 30)n

Le Président (M. Paquet): M. Nicloux.

M. Nicloux (Francis): M. le Président, mesdames, messieurs, ça nous fait plaisir de vous présenter Noroît. Juste en quelques mots, quels sont les objectifs de Noroît? C'est de créer un fonds régional en Abitibi-Témiscamingue. Lorsqu'on parle de créer, il faut comprendre le cadre de cette création. Dans le mémoire, on a évoqué la différence qu'il faut bien comprendre entre la disponibilité des fonds et l'accessibilité de ces fonds. C'est un débat qui existe depuis de nombreuses années. Et en fait Noroît est un outil qui se veut pour répondre aux besoins d'accessibilité, et donc la création de ce fonds doit se comprendre en termes de décentralisation. Si on n'a pas besoin de fonds nouveaux, on a certainement besoin de les décentraliser. C'est comme ça qu'il faut comprendre la création de Noroît.

En détail, le fonds vise une capitalisation de 42 millions en capital de risque et qui permettrait de générer des investissements supérieurs ? avec un effet de levier ? supérieurs à 200 millions de dollars, ceci en région. La capitalisation serait privée, avec un partenariat public de type société de capital de risque de travailleurs, donc une capitalisation mixte.

Et une autre caractéristique de ce fonds régional, c'est l'autonomie et l'autofinancement: l'autonomie dans les décisions, mais aussi dans le financement des opérations. Ça, c'est un enjeu majeur parce que, sans la capacité de répondre aux coûts d'opération, bien là le fonds régional n'a pas d'avenir. C'est donc une question essentielle et c'est ce qui justifie le modèle d'affaires de Noroît qu'on va vous présenter.

Le principe de Noroît consiste à regrouper l'épargne collective privée, des RPA, des fonds de pension, des REER collectifs. Ce choix, ça permet une optimisation du fonctionnement administratif entre Noroît, le fiduciaire et les clients sur une base d'adhésion volontaire. Il nous semble bien plus préférable de créer une motivation autour de l'appartenance à la région plutôt qu'une quelconque mesure coercitive. D'une part, ça soutient l'obligation... d'autre part, je veux dire, ça soutient l'obligation de performance de Noroît auprès de ses clients, et avec un crédit d'impôt aux employés, les employés qui sont donc à l'intérieur de ces RPA ou des REER collectifs, avec une formule qui se rapproche de celle des fonds de travailleurs, ceci pour couvrir une partie du risque mais aussi par équité vis-à-vis de ce qui a déjà été fait dans les autres SCRT puis aussi pour créer un incitatif au regroupement.

Quelques détails, un synoptique pour comprendre le modèle d'affaires. Cela consiste à regrouper un certain volume d'épargne patiente. À partir de cette épargne, 90 % est géré de la façon traditionnelle, mais à travers une gamme de fonds qui est offerte par Noroît. Noroît ne se préoccupe pas de gérer la politique de placement des RPA ou des REER. Ils ont leur propre politique de placement, ils continuent à travailler avec leurs actuaires, mais ils choisissent des fonds à l'intérieur d'une gamme qui a été sélectionnée par Noroît. Et les 10 autres pour cent viennent constituer la capitalisation du fonds régional. Et ça donne une entreprise qui a deux divisions: un service à l'épargne collective et un service à l'investissement régional. L'objectif est double: optimiser les services de placement et consacrer le fonds régional à des projets régionaux. Ça permet ainsi ? vous allez le voir tout à l'heure ? justement de créer une structure où il est possible d'avoir les coûts d'opération du fonds régional qui sont pris en charge dans l'ensemble de la structure.

En ce qui concerne le lien avec le rapport Brunet, on partage l'analyse sur le point suivant: les carences dans la chaîne de financement en région. Et ça fait des années que Noroît parle des problèmes de cette carence. Dans le rapport Brunet, il y a des problèmes spécifiques qui sont identifiés, telles la trop faible présence du secteur privé et puis également l'absence d'outils permettant à la communauté d'affaires de la région de se prendre davantage en main, notamment en fonction des priorités régionales, carence à laquelle s'ajoutent des problèmes spécifiques de sous-investissement en Abitibi-Témiscamingue. Et, comme je viens d'en parler, le problème du capital de risque en région se pose surtout en termes d'accessibilité. Les conséquences de cette situation pour les régions, c'est que les dossiers étudiés le sont selon des normes centralisées, et puis l'absence de proximité de ces organismes centralisés rend les investissements plus difficiles à suivre et les opportunités plus difficiles à apprécier. D'autre part, le peu de décideurs favorise les plans stratégiques de type sectoriel qui ne tiennent pas assez compte des priorités, des spécificités régionales. On risque même de créer des ghettos économiques.

Et puis il y a aussi le phénomène du drainage de l'épargne collective. Cette épargne est collectée, elle est regroupée et elle est redistribuée sans que la communauté d'affaires de la région puisse même intervenir dans ce processus. Et ensuite il est plus difficile de mobiliser cette communauté d'affaires si elle n'a même pas un mot à dire sur la gestion de ses épargnes.

Le lien avec le rapport Brunet maintenant au niveau des recommandations. Je rappelle brièvement les recommandations principales du rapport: faire appel à du capital privé; favoriser une prise en main du milieu par le milieu; mettre en place des incitatifs fiscaux spécifiques; mettre en place les FIR.

Ces recommandations soulèvent des questions: Quand on parle de capital privé, quel capital privé? Et quel en est le volume? Quel est le potentiel du capital privé en région, par exemple? Quelle structure de prise en main? Si on veut faciliter la prise en main par la région, avec quelle structure? Quel type d'incitatif fiscal? Comment ne pas alourdir le fardeau fiscal notamment ou le rendre plus complexe? Et puis quels sont les besoins de financement réels en région? Et à cette question on rajoute: Comment financer le fonctionnement? Parce que les différents historiques, que ce soient ceux des CLD ou des fonds existants, montrent clairement que les coûts de fonctionnement sont très élevés. C'est-à-dire, la raison pour laquelle bien des organismes de fonctionnement sortent de ces zones de financement: parce que les coûts sont souvent extrêmement élevés. On a donc besoin d'une autre formule, on a besoin d'un modèle d'affaires et une stratégie qui soit viable à long terme et non pas seulement dépendante d'un saupoudrage gouvernemental.

Toujours pour parler maintenant des réponses que Noroît apporte à l'ensemble des questions, on n'a pas la prétention de dire que ce sont toutes les réponses et que tout passe par là, mais le modèle de Noroît a le mérite d'exister, d'avoir été étudié, et on veut au moins présenter ces réponses, et nous croyons qu'elles apportent des éléments intéressants aux questions qu'on vient de se poser.

En termes de capital privé, Noroît a identifié celui de l'épargne privée, qui, par exemple, en Abitibi, a un potentiel de 2 milliards de dollars. Si nous en avons 35 % de regroupé, c'est-à-dire 700 millions, et 10 % dans le fonds régional, cela fait 70 millions de dollars. Sur l'ensemble de ces fonds dans le fonds régional, 60 % seraient effectivement en capital de risque, et c'est ainsi que se retrouvent les 42 millions dont on vous a parlé au début, et 40 % en titres négociables. Et nous disons que...

Dans le rapport, dans le mémoire qui vous a été remis, vous voyez l'importance des questions face à l'épargne-retraite. Je voudrais juste citer Annie Thabet, qui est présidente de Réseau Capital et qui vient, dans le journal Les Affaires du 21 février... puis que vous avez rencontrée ici, dans la commission, je crois, qui déclare ceci: «Il est important que l'investissement privé augmente, notamment en provenance des caisses de retraite.» Alors, c'est ce que nous disons avec Noroît, c'est qu'il revient à la région de prendre en charge cette partie de l'épargne qui n'est pas encore utilisée et non pas à d'autres organismes extérieurs à la région. Comment on peut demander à une région de se mobiliser, de se responsabiliser si on ne lui donne aucun contrôle sur ses épargnes patientes?

La structure de Noroît veut répondre à trois objectifs: premier objectif, offrir un double service; mettre en oeuvre un modèle d'affaires qui permet l'autofinancement; et impliquer les investisseurs régionaux. Je reprends ça en détail. Noroît est un OSBL, donc les éventuels bénéfices faits par cette société seront retournés aux caisses de retraite participantes. On a deux services: un service à l'épargne, avec un système de garde de valeurs, gamme de placements multigestion, et puis service à l'investissement, gestion du fonds régional, étude du suivi des investissements.

Les réponses de Noroît: un modèle d'affaires pour l'autofinancement. C'est là que je vous invite à regarder comment on peut dégager des fonds. Si vous prenez l'ensemble de l'épargne regroupée, il y a un certain rendement sur cette épargne et il y a des frais d'administration, il y a des frais de gestion et des frais de placement. L'ensemble constitue le rendement net de l'épargne. Alors, en termes d'administration, le regroupement n'apporte aucun avantage. Par contre, le regroupement permet de réduire les frais de gestion, et c'est en vertu de ceci qu'on peut alimenter le financement de Noroît, ce qui ne change rien pour le client en termes de gestion. Par contre, en termes de placements, on peut obtenir de meilleures conditions, et ainsi le client est aussi bénéficiaire. Il permet d'avoir de meilleurs rendements sur ce plan-là. C'est ainsi que la structure permet de dégager du financement.

n(10 h 40)n

Les décideurs. Je passe rapidement, ici, mais l'assemblée générale est constituée de membres réguliers qui sont issus des régimes de retraite ou des employeurs, des membres qui représentent la collectivité, des membres fondateurs, qui, au fur et à mesure, seront remplacés par des membres réguliers ou collectifs, donc un C.A. de 15 personnes, neuf membres réguliers et six membres collectifs.

L'avantage fiscal. Pour un employé, par exemple, qui transférerait 200 000 $, il y aurait donc 20 000 $ qui seraient dans le fonds régional, 12 000 $ en capital de risque, 8 000 $ dans d'autres placements, 180 000 $ dans des fonds communs, un crédit d'impôt de 30 % du transfert dans le fonds régional, c'est-à-dire 6 000 $, avec un plafond afin de limiter l'incidence du coût, un plafond de 2 500 $, ce qui fait que la répartition de son avantage fiscal se ferait sur trois ans. C'est un exemple.

Les réponses de Noroît. Les besoins de financement en région, en termes de démarrage d'entreprises, jusqu'à 300 000 $, on a les FIR. En termes de besoins de diversification, deuxième, troisième transformation, conserver les entreprises en région, là on a besoin d'aller plus loin, et c'est là que veut se positionner Noroît, être capable d'être présent dans des financements jusqu'à 2 millions. Et puis Noroît peut aussi participer à la capitalisation d'un FIR, ça pourrait être tout à fait adéquat.

Je termine. Noroît, c'est un concept qui a beaucoup de bon sens parce que c'est un outil qui permet de faire le lien entre l'épargne patiente et le développement économique. C'est une suite concrète que l'on peut donner au rapport Brunet en fournissant un modèle concret. C'est un moyen de faire confiance à la région, qui réclame Noroît. Vous avez vu, dans le mémoire, l'ensemble des lettres de soutien, qui sont assez nombreuses, et donc c'est ainsi.

Et ma conclusion, c'est celle-ci: Noroît, ce n'est pas quelque chose qui est né il y a quelques minutes ou quelques semaines, c'est le fruit du travail de quatre années de recherche, de développement et de mise au point. Aujourd'hui, nous sommes déjà totalement prêts. Notre mode opératoire est prêt, nos documents marketing sont prêts, notre portefeuille de placements est prêt, nos contrats fiduciaires sont faits. Tout ça fait qu'aujourd'hui, dès qu'on nous donne l'avantage fiscal, demain nos clients sont prêts déjà à rentrer dans la formule, donc ce qui fait qu'on est vraiment prêts... qui aurait été intéressant...

Je vais passer ces acétates qui parlent du fait que ça a été né dans la concertation. Je cite ici les nombreux rendez-vous qu'on a eus. Mais j'aimerais finir juste avec ce dernier acétate.

Le Président (M. Paquet): Très rapidement, s'il vous plaît.

M. Nicloux (Francis): Qu'est-ce que ça apporte au Québec? Je crois que ça apporte un modèle d'outil qui permet aux régions d'agir sur leur propre développement, un changement de culture pour passer de l'attente à l'action et de la dépendance à la participation, puis aussi une diversité de l'activité dans les régions pour prévenir les chocs qui menacent toutes les économies monoindustrielles. Merci.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. Nicloux. Alors, M. le ministre du Développement économique et régional et de la Recherche.

M. Audet: Alors, M. Bossé, M. Nicloux, M. Boutin, bonjour. Rebonjour, puisqu'on s'est déjà rencontrés justement pour discuter de ce projet-là il y a quelques mois. Et donc, comme vous dites, ce n'est pas une génération spontanée, ça fait un petit moment que vous travaillez là-dessus. J'ai même eu l'occasion de l'appuyer, justement, le travail que vous avez fait, pour aller un peu plus loin.

Il y a cependant deux commentaires que je voudrais faire et, par la suite, une question. Le premier commentaire, c'est que, lorsqu'on interroge... Parce que vous proposez évidemment des fonds beaucoup plus larges que les fonds d'investissement régionaux, les FIR proposés dans le rapport Brunet. Vous allez beaucoup plus loin et vous retenez, au fond, votre modèle de base, qui est d'utiliser des fonds de pension, ce qui finalement est dans la niche littéralement du Fonds de solidarité, du Fondaction et même d'Investissement Desjardins.

Lorsqu'on a interrogé le Fonds de solidarité, par exemple, de la FTQ, on leur a posé la question: Y a-t-il suffisamment de fonds de capital de risque, fonds régionaux?, et leur réponse a été: Oui, il y en a assez. Ce qu'il manque, c'est des bons projets. Toute l'approche que vous avez à l'égard de l'élargissement donc du capital est basée sur le fait qu'il manque de capital de risque en région, et ça, je pense, c'est assez fondamental comme point de départ, parce que, quand le Fonds de solidarité, d'autres organismes semblables nous disent ça, bien évidemment on est assez prudents pour dire: Est-ce qu'il faut en ajouter d'autres?

L'approche du rapport Brunet était plutôt de modifier la situation actuelle pour faire en quelque sorte en sorte qu'on recoure davantage au capital privé et qu'on aide plus au capital de risque, mais à partir du capital privé. Là, évidemment vous arrivez avec une proposition qui est quand même beaucoup plus large, qui implique encore une fois, quoique évidemment à un degré mitigé, comme vous l'avez... Vous avez essayé de mitiger, là, mais il y a quand même des fonds publics importants dans chacun de ces fonds-là, surtout s'ils devaient être multipliés à l'échelle des régions du Québec.

Alors, comment évaluer... Que répondez-vous à cette affirmation ou cette évaluation qui est faite par certains organismes? Là encore, le Fonds de solidarité, qui est très présent en région, qui a une formule comme la vôtre et qui verrait, dans cette formule-là, un concurrent finalement sur le territoire... Que répondez-vous à ça, sur le constat de base en fait de toute cette approche?

M. Bossé (Gilbert): Je vais répondre de deux... si vous me permettez... Merci. Je vais répondre de deux façons. Il y a deux réponses à... et il y en a probablement d'autres que mes collègues pourront compléter, si vous le permettez. Premièrement, oui, il y a suffisamment de fonds disponibles. Mais comment expliquer, par exemple, que toute la communauté de Rouyn-Noranda ? pour ne citer qu'un exemple ? que toute la communauté de Rouyn-Noranda est peinée, n'a pas trouvé de financement pour acheter une de ses belles entreprises qui s'appelait Bradley, qui a été achetée par une compagnie internationale, Boart? O.K.? Comment se fait-il qu'aujourd'hui on n'est pas capable de financer un acheteur pour acheter la partie de Parmalat qui traite le beurre et le lait, à Laverlochère, Témiscamingue? Puis il y a du capital de risque en masse, mais le Fonds de solidarité n'ira pas là parce qu'il est en situation de monopole, et il a des intérêts dans d'autres entreprises du même type au Québec, et il ne se fera pas compétition lui-même. Alors, il est déjà trop présent et trop gros. Ça, c'est le deuxième volet de ma réponse.

Il y en a un autre que je pourrais vous dire. Je l'ai déjà dit à Mme la ministre Marois, dans le temps, qui m'avait posé la même question lors du sommet. Le discours des gens qui sont en position de quasi-monopole est exactement celui que M. Lesage avait entendu en 1964, qui venait de Toronto, en disant: C'est juste parce qu'ils n'étaient pas des bons gestionnaires, au Québec. C'est pour ça. Vous n'avez pas d'affaire à créer la Caisse de dépôt. On a de l'argent en masse, mais vous n'avez pas de bons projets. C'est une traduction rafraîchie. Je m'excuse, mais c'est ça, la position. Et là je m'excuse du langage que je prends, mais c'est un peu frustrant pour les gens des régions.

En Abitibi-Témiscamingue, entre 1965 et 1987-1988, on a bâti des entreprises extraordinaires qui ont fait tellement l'envie qu'elles ont toutes été achetées grâce à la capitalisation de ces grands fonds nationaux, mais achetées par des entreprises nationales. Et je nomme les Forex, les Barrette Saucier...

Une voix: ...

M. Bossé (Gilbert): Pardon?

Une voix: ...Normick Perron.

M. Bossé (Gilbert): ...oui, Normick Perron, Senneterre Industries. Je peux vous en nommer des dizaines et des dizaines. Nos fonds de solidarité n'étaient pas là. Ils n'ont pas d'intérêt à être là, ils ont intérêt à centraliser. Nous, on dit: On vous demande de décentraliser. C'est sûr que ces gens-là ne nous appuient pas. On a une lettre d'appui du Mouvement Desjardins, de Luc Chabot. Je ne crois pas que ça fasse... Ce n'est pas le grand enthousiasme pour nous appuyer. Sauf que les caisses locales sont très conscientes du problème que je vous mentionne. Alors, ils ont une pression. Alors, je ne sais pas si j'ai pu répondre à votre question, M. le ministre, mais c'est des éléments... Et peut-être que des commentaires pourraient être ajoutés par mes collègues.

Le Président (M. Paquet): M. le ministre.

n(10 h 50)n

M. Audet: Oui. Peut-être un peu... La deuxième question va être un peu un complément de ça. Vous imaginez bien évidemment que, si un modèle de déduction fiscale relié aux fonds de retraite était développé pour ce projet-là, évidemment la demande... Elle est déjà d'ailleurs présente dans beaucoup d'autres régions. Donc, vous verriez facilement chacune des régions vouloir avoir évidemment des programmes qui touchent les fonds de pension des entreprises ou des travailleurs des régions. Est-ce que, l'évaluation ou l'impact de ça, vous avez pu le regarder un peu, l'impact de ça, non seulement sur les fonds, mais sur la sécurité de la pension des travailleurs, en fait, donc comme telle, qui pourrait en découler?

Le Président (M. Paquet): M. Bossé.

M. Bossé (Gilbert): Bon. D'abord, sur l'aspect sécurité, tous les modèles que nous avons pu tester au cours des quatre dernières années démontrent que les rendements... et la sécurité des caisses de retraite ne serait en aucun cas compromise, et au contraire on arrive à des résultats supérieurs grâce à une sélection... d'abord grâce à l'effet de regroupement et à une offre plus complète de produits que les caisses de 5, 10 millions ne peuvent pas s'offrir. La multigestion, on ne la trouve pas souvent pour des petites caisses de retraite, en tout cas historiquement. Dans le futur, ça se développe. Je pense que les institutions financières sont en train de changer leur approche par rapport à ce marché-là.

Par rapport maintenant aux coûts, en supposant que toutes les régions du Québec demanderaient un modèle semblable et donc que ça pourrait entraîner des frais exorbitants, je pense que là-dessus le Fonds de solidarité vous apporte la réponse, dans ce sens qu'il y en a trop, de capital de risque. Donc, ce sera au gouvernement à décider que chaque région aura sa part de l'enveloppe totale des crédits fiscaux accordés, et ceux qui en ont trop puis qui ne trouvent plus le moyen de le placer, bien ils n'ont pas besoin d'en solliciter d'autre, argent. Le problème ne se posera pas, ils vont être satisfaits, il n'y en aura plus trop. Il s'agit de répartir l'enveloppe. Parce que, s'il y a une enveloppe de 800 millions, dans l'année, en crédit fiscal pour les fonds de travailleurs, qu'on en attribue des proportions équivalentes au pouvoir démographique des régions, ainsi on pourra conserver... non seulement créer des entreprises dans les régions, mais les conserver aussi. Parce que le drame, il se situe là. Un des gros problèmes du sous-développement des régions ressources, M. le Président, c'est l'incapacité pour les régions de conserver nos entreprises qui ont du succès. On n'a pas... Le drainage des épargnes fait en sorte qu'elles ne retournent pas... elles ne sont pas disponibles pour conserver nos entreprises lors d'un changement de génération, lors d'un décès, lors d'une catastrophe ou, bon...

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. Bossé. M. le député de Rousseau. On va revenir au prochain bloc. M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui. M. Bossé, M. Nicloux, M. Boutin, merci pour votre présentation. Je pense qu'on est, ce matin, vraiment, là, dans le noeud du problème, si je peux dire, du rapport Brunet. Évidemment, là, j'ai lu votre rapport, et puis vous êtes quand même gentils à l'égard du rapport Brunet, mais ce que vous nous dites... Parce que ce qu'on voit finalement dans le rapport Brunet, c'est deux choses. On propose des fonds nationaux donc à la grandeur du Québec, en partenariat avec le privé, et on propose des petits FIR, maximum 300 000 $, pour chaque région du Québec.

Une voix: ...

M. Legault: 300 000 $ d'investissement, 2 millions, total. Donc, vous nous dites, là, un peu, ce matin: Nous, ce qu'on veut, c'est des vrais fonds régionaux, et on ne veut pas maximum 300 000 $ par investissement, on veut maximum 2 millions par investissement. On ne veut pas un fonds qui va, au total, être de 2 millions, vous parlez d'un fonds de 42 millions. O.K.? Parce que vous dites évidemment que, si vous ne voulez pas que des entreprises vous passent sous le nez puis qui soient achetées par des Américains ou n'importe qui, il faut avoir des fonds. Et puis vous nous proposez quelque chose qui est original. Moi, ce n'est pas la première fois que j'en entends parler, là, mon collègue le député d'Abitibi-Ouest m'en a parlé je ne compte plus les fois, de Noroît. Il appuie le projet, d'ailleurs. Et ce que vous proposez, c'est assez original puis c'est différent du Fonds de solidarité. Le Fonds de solidarité ramasse son argent à la grandeur du Québec puis il a quelques fonds régionaux. Vous, ce que vous dites, vous dites: Les caisses de retraite de la région de l'Abitibi-Témiscamingue ? selon ce que vous avez fait comme analyse ? seraient prêtes à investir éventuellement 10 % de leur actif, en échange d'un incitatif fiscal, dans Noroît. Bon.

Je voudrais peut-être que vous élaboriez de ce côté-là, sur la faisabilité, parce que je pense que c'est ça, toute la question qu'on se pose depuis le début: Est-ce que c'est possible de trouver du capital privé pour être capable de financer des fonds régionaux, là, de façon substantielle? Vous, vous dites, là... Vous faites un petit calcul, vous dites: On pourrait même aller chercher 70 millions avec une participation d'un certain pourcentage des caisses de retraite. Quel travail vous avez fait pour vous donner cette assurance-là que c'est faisable, votre projet?

Le Président (M. Paquet): M. Bossé.

M. Bossé (Gilbert): Merci. Tout d'abord, j'ai rencontré des caisses de retraite. La première chose à faire, c'était de leur présenter le concept sans promettre de faveur. Mais une chose qui est certaine, c'est que ces caisses-là ont accepté non seulement...

Plusieurs d'entre elles m'ont dit: Dès que tu auras un incitatif quelconque, viens nous voir, on est prêts. Et vous avez aussi des lettres d'entreprises. Quand j'ai parlé, par exemple, à M. Dottori, qui est président du groupe Tembec, du concept Noroît, sa première réaction, ça a été: Nous avons toujours favorisé le réinvestissement en région. Un outil comme vous proposez est indispensable pour assurer le financement des entreprises intermédiaires qui n'ont pas accès aux marchés financiers traditionnels. Nous, on va faire tout notre possible pour appuyer...

Évidemment, les comités de retraite sont les décideurs, mais les entreprises sont généralement les responsables de la santé financière des régimes de retraite. Alors, ils ont donc un mot à dire assez important. Et on a rencontré aussi des comités de retraite, comme du groupe Cambior entre autres, qui est un groupe important dans l'Abitibi-Témiscamingue, et là encore vous avez, dans les dossiers, je pense, une lettre du vice-président des opérations canadiennes. On a aussi déjà fait des présentations à différents comités de retraite. On a une proposition qui sera déposée dans les prochains jours, à l'invitation de la firme d'actuaires-conseils.

Oui, le marché va nous être... Ce ne sera pas facile parce que tout le monde, toutes les institutions financières sont présentes en Abitibi-Témiscamingue, comme ailleurs au Québec, pour percevoir de l'argent. Elles sont moins nombreuses pour le distribuer, mais elles sont toutes présentes pour le percevoir. Alors, on s'attend à la concurrence, mais on est prêts à ça. Et c'est une question de survie: ou on accepte de se battre pour se prendre en main ou vous allez accepter qu'on soit dépendants encore 20, 30, 40 ans. C'est ça, la situation. On n'a pas 56 choix. On a obligé, au Québec, après 100 ans d'hésitation, à replanter des arbres après qu'on en coupait un, et, aujourd'hui, on n'oblige personne qui draine l'argent à réinvestir dans la même communauté. On a un problème de culture.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui. Peut-être une dernière question, puis je vais laisser la parole à mes collègues. Juste pour qu'on se comprenne bien, là, parce que c'est évidemment très important, les décisions qui vont être prises suite à ce rapport Brunet... On a mis en place, au Québec, différents outils: le Fonds de solidarité, les fonds régionaux, les Innovatech, Innovatech Régions ressources. Ce que je comprends de ce que vous nous dites ce matin, c'est que non seulement il ne faut pas reculer, mais il faut continuer à avancer avec des projets comme le Noroît. Ce que je comprends du côté du gouvernement libéral, c'est qu'eux veulent reculer, veulent reculer en disant: On va faire disparaître les Innovatech, on va aussi resserrer les critères d'admission dans les différents organismes, que ce soit SGF ou Investissement Québec, pour améliorer la rentabilité, dans le sens profits, de ces organismes publics là, puis, le reste, bien on va laisser le privé prendre sa place.

Moi, ça m'inquiète beaucoup, là, et je voudrais vous entendre. Si jamais, là, demain matin, on disait non à votre projet puis qu'on appliquait, tel qu'il est proposé, le rapport Brunet au Québec, c'est-à-dire se limiter à des FIR à 300 000 $ par investissement, quel serait pour vous l'impact, là, en Abitibi-Témiscamingue?

Le Président (M. Paquet): M. Bossé.

M. Bossé (Gilbert): Merci. Si on se limitait aux FIR, ce serait un drame, parce que c'est loin d'être suffisant. Je vais vous donner un exemple. En Abitibi-Témiscamingue, c'est grand comme la... un petit peu plus grand que la Belgique. Il y a cinq pôles. Et, si on a 3 millions pour cinq pôles, vous vous imaginez quels vont être les enjeux. La tarte n'est pas assez grande. Je vais vous dire qu'il ne faudrait pas éteindre la lumière, parce que tout le monde va avoir une fourchette dans la main, hein? Ça va être épouvantable. Il ne faut pas faire ça, il ne faut pas se limiter à ça. Je ne dis pas que c'est... Les FIR, oui, c'est bien pour initier des projets, pour des études de préfaisabilité, mais ça ne va être vraiment pas du capital de risque mais du capital de recherche puis de développement. Ce ne sera pas du capital... En tout cas, je ne crois pas qu'on réussisse à faire lever un grand... et satisfaire l'ensemble des différentes communautés régionales avec le 3 millions. Je crois que c'est trop petit. Et ça m'inquiète, cette pensée réductrice. Restez petits, puis, quand ce sera des gros projets, on ira les chercher, à Montréal. En région, on n'est pas capable de grandir, on n'est pas capable de conserver nos entreprises. C'est pour ça que Noroît est là, monsieur, si je peux répondre à ça.

n(11 heures)n

Je suis d'accord avec une foule de remarques, de constats qui sont faits dans le rapport Brunet, mais on voulait proposer... Il faut dire qu'on était prêts avant, là, on voulait proposer une formule qui va donner à la région le droit d'aller plus loin que se limiter à être une pépinière d'entreprises qui sont ramassées par les autres après.

Le Président (M. Paquet): Merci. Mme la députée de Matane.

Mme Charest (Matane): Alors, M. Bossé, M. Nicloux et M. Boutin, je tiens d'abord à vous féliciter pour la présentation que vous avez faite. Elle est très claire. Et je tiens aussi à vous dire que je partage entièrement votre point de vue à l'égard du développement régional et de la confiance qu'on doit donner en nos régions. Notre culture actuelle malheureusement... Et la réalité est tout autre. Et de voir des gens comme vous, aujourd'hui, proposer des situations où on se prend en main est pour moi très rafraîchissant et très réconfortant.

D'autre part, dans votre plan, je vois des investissements à hauteur de 20 %, 80 % ? là, je n'ai plus les données ? dans le capital de risque, mais vous savez et je pense que vous n'êtes pas sans savoir, parce que vous êtes des régions, qu'une des problématiques, dans nos régions, pour le développement d'entreprises est souvent que, à un certain stade, nos entreprises sont à leur essoufflement, à moins d'entreprises qui sont déjà démarrées depuis longtemps ou filiales de sociétés internationales, auquel cas la mise en marché n'est pas un problème pour eux. Mais, dans nos petites entreprises, il y a définitivement des problématiques au niveau de l'étape de mise en marché ou de prise d'expansion d'entreprise.

Est-ce que Noroît serait en mesure d'assurer du financement à ce genre d'entreprise là? Mais à quelles conditions? Qu'est-ce qu'il faudrait selon vous dans nos régions pour qu'on puisse permettre à nos entreprises de passer ce stade de mise en marché et d'expansion nécessaire à la survie et à la pérennité des entreprises?

M. Bossé (Gilbert): Je vais demander à mon collègue, M. Boutin, de vous apporter quelques...

M. Boutin (Maurice): Merci. D'expérience, en termes de financement, ce qui se produit, c'est qu'il y a une certaine rareté du capital lorsqu'on demande à des petits entrepreneurs de construire un projet. Il y a démarrage et, lorsqu'on se lance dans des valeurs ajoutées et dans un marché fortement concurrentiel sur les marchés internationaux, il y a beaucoup de coûts dits mous, des coûts de recherche de marché et de développement d'affaires, qui accaparent beaucoup les ressources financières, et on a besoin d'un deuxième souffle. Il y a de l'essoufflement souvent parce que les résultats ne sont pas aussi rapides qu'attendu, et là se produit ce fameux essoufflement où les gens ont déjà tout mis dans le pot, comme on dit. Et, concurremment en cela et parallèlement à ça, on s'aperçoit aussi que les institutions financières prêtent de moins en moins dans des formules traditionnelles.

On évoquait, par expérience, que, lorsque vous faites un projet industriel dans une région périphérique, on va vous prêter 40 %, 45 % à peine des immobilisations, vous devez trouver 55 % de capital propre, alors qu'à Montréal vous allez en chercher 75 % pour le même projet parce que les institutions à Montréal disent: Qu'est-ce que je vais faire avec ça si je prends possession de l'actif? Je vais être obligé d'envoyer quelqu'un de Montréal liquider ça. Il ne connaît pas le marché, il va se faire avoir. Donc, tout le capital de soutien qui permettrait d'engendrer le deuxième souffle est accaparé par le financement initial et il n'y a pas de réserve de capitaux où on prendra des décisions éclairées sur l'expansion et la capacité de lutter dans un domaine concurrentiel. C'est là le besoin d'avoir du capital patient, et ce n'est pas en compétition contre les autres fonds, c'est en complémentarité avec les autres fonds. C'est l'effet de portefeuille. Si les autres fonds qui existent en mettent et que nous, les décideurs de la région... Nous, on connaît notre monde, on connaît nos ambitions. Bien, on va être capables de faire avancer nos projets.

Ce qu'on a vécu de tragique, ça a été l'exemple de la popularité exagérée des investissements en secteur technologique. Tout le secteur des ressources naturelles a été boudé pendant plusieurs années parce que les rendements dans le secteur des informations technologiques étaient de 30 %, 35 % par année. Alors, tous les projets qu'on avait en région, soit dans le minier soit dans la forêt, étaient boudés par les décideurs centraux parce que leurs copains avaient du rendement à 30 % dans les biotechs, dans les informations de technologies, et les régions ressources se faisaient bouder par le capital qui aurait dû servir à créer, à préparer la compétitivité dans un marché américain qui est extrêmement dynamique au niveau de la construction. Et on a besoin de transformer nos matériaux bruts en valeur ajoutée, les deux-par-trois, les amener en valeur ajoutée pour traverser la frontière, échapper à cette fameuse surtaxe. Et, vous voyez, c'est ce pot d'argent, où il y aurait des décideurs qui ne seraient pas en train de demander de l'argent mais de négocier avec des partenaires comme actionnaires et comme garants de la continuité de l'entreprise... Ça suffirait à donner cet élan dont on a besoin pour passer des périodes troubles. D'accord?

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Johnson.

M. Boucher: Oui. MM. Bossé, Nicloux, Boutin, bonjour. Je suis fasciné par votre présentation. Quelque chose qui a un caractère régional de cette nature-là, on n'en a pas vu souvent ici. Je vous félicite.

Moi, je vous pose une question comme député et seul député péquiste de l'Estrie. Je suis, semble-t-il, le seul à défendre la Société Innovatech du sud du Québec, alors que la tête du Conseil des ministres la laisse tomber. Je voudrais que vous me disiez. Là, on a un fonds de 100 millions avec la Société Innovatech du sud du Québec. On a un fonds de 100 millions. Est-ce que vous préconiseriez que votre modèle, s'il était appliqué à l'Estrie, ça permettrait de faire sauter la Société Innovatech du sud du Québec?

Le Président (M. Paquet): M. Bossé.

M. Bossé (Gilbert): Bon, je n'ai jamais réfléchi en termes de faire disparaître, d'éliminer... L'expérience que j'ai, parce que je suis quand même... j'ai été quand même plusieurs années et je suis encore actif dans des organisations de support au développement économique, entre autres les CLD et les corporations de développement déjà, etc. Bon. Je siège sur quelques conseils d'administration d'entreprises manufacturières et autres et j'ai eu à travailler avec Innovatech Régions. Je ne connais pas Innovatech Estrie. On a une excellente collaboration. Il y a eu un excellent résultat, je pense, avec Innovatech Régions. Je pense que c'est différent de ce qui se passe dans le Grand Montréal, et je ne peux m'expliquer pourquoi, et je n'ai pas cherché à savoir.

Je ne crois pas qu'on doive remplacer... En tout cas, notre position n'était pas celle de remplacer, du moins à court terme... À long terme, si, dans les régions, il y avait des organismes comme Noroît dans chacune des régions du Québec, il n'y aurait pas de problème à ce qu'il se fasse des mariages, à ce que le privé... Parce que, nous, Noroît, ça va être privé. Je m'excuse, mais, la journée qu'on atteint l'autosuffisance en termes... ça va être privé, à cause que c'est les caisses de retraite qui vont gérer les conseils d'administration. Mais je n'ai pas d'objection et je ne me suis pas fait d'opinion ferme sur l'opportunité de conserver ou ne pas conserver telle ou telle institution.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Johnson.

M. Boucher: Les crédits fiscaux, c'est quand même des fonds de l'État.

M. Bossé (Gilbert): Monsieur... Ah! bien, ça, si vous considérez ça, oui, ça va.

Le Président (M. Paquet): M. Boutin, vous vouliez compléter?

M. Boutin (Maurice): Peut-être amener un complément de réponse. Moi, je dirais: Non, il ne faut pas faire disparaître ces partenaires potentiels. Il ne faut pas prétendre que, dans une région comme l'Abitibi, il y a lieu de créer une petite société qui aura toutes les compétences technologiques, techniques et dans des dossiers très pointus. Ce n'est pas l'objectif de se substituer. Il faut reconnaître des moyens et des ressources humaines limités. Ça donne un droit à la dissidence. Si un projet à saveur technologique a sa valeur, nous aurons la capacité, comme partenaires avec un autre fonds, si celui-là ne veut pas se commettre, d'aller continuer à structurer avec un autre partenaire qui n'est pas en conflit d'intérêts ou qui a peut-être des meilleures attitudes à l'égard du projet... Parce qu'il y a des critères objectifs puis des critères subjectifs dans le choix d'un partenaire, puis des fois ça ne fitte pas ensemble. Et, dans ce sens-là, la multiplicité des sources est toujours un atout considérable qui va enrichir les collectivités régionales. C'est dans ce sens-là que, moi, je prendrais cette position-là ? à titre personnel, devrais-je dire.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Gaspé, en trois minutes.

M. Lelièvre: Trois minutes? Merci, M. le Président. Je pensais que le député de Johnson avait tout mangé le temps.

M. Boucher: ...très raisonnable.

M. Lelièvre: Il a été raisonnable. Écoutez, moi, je regarde l'Abitibi, et je viens de la Gaspésie, puis je pense qu'on a des certaines similitudes, hein? La mise en place des fonds régionaux, entre autres les FIR, ça pourrait poser certains problèmes, mon collègue, tout à l'heure, en a parlé.

n(11 h 10)n

Moi, j'aimerais voir dans quelle mesure... Bon, votre modèle est exportable, oui, mais il y a des adaptations à faire parce qu'on n'est pas dans les mêmes secteurs. Quand vous nous demandez la question des crédits d'impôt pour permettre des investissements dans votre fonds, la responsabilité de l'État, par exemple, qui irait dans les FIR, parce que l'État est prêt à en mettre dans les FIR... Selon le rapport Brunet, le ministre dit que, dans chaque région, il pourrait y avoir plusieurs FIR. Alors, à ce moment-là, comment on va administrer ça, les coûts d'administration? Puis les gens qui viennent ici depuis le début nous disent: C'est l'expertise dans la gestion de ces fonds-là qui coûte cher. Alors là, si on fait une multiplication de fonds, ça va être des fonds qui vont rentrer en concurrence les uns les autres, hein? S'il y en a cinq, dans une même région, de x montant, il va falloir, à un moment donné, qu'il y ait une fusion en quelque part, parce que sinon ce ne sera pas gérable. Le Fonds de solidarité a eu des avantages pour sa gestion. Alors, oui, il y aurait des modèles à regarder.

Est-ce que ce ne serait pas approprié dans le fond d'éviter les conflits d'intérêts puis de permettre aux régions d'avoir des fonds avec des outils sur une période de cinq à 10 ans, tu sais, pour dire: Bon, bien on se donne la chance de capitaliser les régions? Parce que c'est ça qu'il manque dans les régions. Il y a des projets qui ne peuvent pas lever, puis vous l'avez très bien expliqué. J'espère que le ministre va comprendre cela. Lui, il est sensible, semble-t-il... Il nous dit qu'il est sensible à la réalité régionale. Alors, je pense que ce serait... Il faut trouver une formule qui ressemble à la vôtre et qu'on puisse aller de l'avant.

Le Président (M. Paquet): En 35 secondes, M. Bossé.

M. Bossé (Gilbert): Oui. Le modèle est exportable, en ce sens qu'il y a des fonds de retraite partout, dans toute la province, et vous allez à Statistique... et vous allez avoir le volume de crédits, oui, de crédits fiscaux qui ont été accordés à partir des contribuables de la région. Alors, ce modèle-là est applicable.

Le rôle du fonds régional... Les paramètres à l'intérieur desquels le fonds régional va opérer, ça, ça devrait appartenir à chacune des régions. Je ne pense pas que l'Abitibi ait de leçons à donner à personne. Mais le modèle pour récupérer... puis avoir une masse critique pour se donner le moyen d'opérer, ça, c'est exportable partout.

Le fonds régional lui-même aura sa propre politique d'investissement, selon l'économie régionale, ou les objectifs, ou les priorités que se donnera la région, chaque région. Moi, je ne crois pas que c'est à nous de dire comment les autres régions devraient... en quoi elles devraient investir, si c'est en foresterie, si c'est en agriculture ou si c'est en... Ça, c'est leur propre... Chacun devra décider pour lui. Mais on pense que le modèle est exportable. On n'insiste pas, on pense qu'il l'est. Il est applicable partout.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le ministre du Développement économique et régional et de la Recherche, vous avez une minute.

M. Audet: Bon, écoutez, un bref commentaire et une question pour terminer, peut-être vous laisser la parole à la fin. Alors, d'abord je voudrais vous remercier justement de votre présentation. Je pense que c'est... Comme l'a dit ma collègue de Matane, je pense que vous avez fait un exercice assez extraordinaire pour justement trouver une formule originale pour les régions.

Il y a encore un certain nombre de choses précisément à préciser, et ma question va porter un peu là-dessus, sur la partie fiscale, parce que, au fond, le coeur du débat, à la fin, il est là: pour lever des fonds, vous voulez avoir un incitatif fiscal. Et vous notez, à la page 11, justement que ça va... Évidemment, il y a des REER collectifs, il y a évidemment des régimes à prestations déterminées, il y a toutes sortes de dispositions qui existent. Il y a aussi la participation du gouvernement fédéral à ça, puisque c'est une définition qui doit être cohérente dans les deux rapports d'impôts.

Est-ce que vous avez fait cette analyse-là sur le plan fiscal, vous avez pu la compléter avec justement le gouvernement fédéral? Et quelle a été la réponse que vous avez obtenue de vos approches là-dessus? Parce que, évidemment, habituellement on essaie d'éviter, là... la cohérence sur le plan fiscal dans les deux régimes pour ce type de programme.

Le Président (M. Paquet): M. Bossé.

M. Bossé (Gilbert): Merci. On a deux choses. Premièrement, on rencontre M. Martin lundi prochain, M. le premier ministre canadien. Deuxièmement, de l'avis de M. Jocelyn Jacques, qui était directeur, pour l'Est du Québec, de Développement économique Canada, le modèle est facilement adaptable. Troisièmement, notre demande est déjà acheminée pour faire accréditer Noroît comme fonds de capital de risque de travailleurs auprès du fédéral, mais elle n'est pas complétée. On a demandé la procédure, elle est enclenchée.

Le Président (M. Paquet): D'accord. Merci beaucoup. Alors, je vous remercie. Au nom de la commission, je remercie les représentants de Noroît, Épargne et Financement, M. Bossé, M. Nicloux et M. Boutin. Merci pour votre participation à nos travaux. Je suspends les travaux brièvement pour permettre à la Société Innovatech du Grand Montréal de se joindre à nous. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 15)

 

(Reprise à 11 h 17)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la commission reprend ses travaux. Je veux souhaiter la bienvenue aux représentants de la Société Innovatech du Grand Montréal, qui est représentée par M. Hubert Manseau, qui est le président-directeur général d'Innovatech du Grand Montréal. Si vous voulez nous présenter aussi les gens qui vous accompagnent. Et vous avez environ... je pense que vous pourriez avoir une quinzaine de minutes pour faire votre présentation. Alors, M. Manseau.

Société Innovatech du Grand Montréal

M. Manseau (Hubert): Merci, M. le Président. Mmes et MM. les membres de la commission, mesdames, messieurs, je tiens en premier lieu à remercier le gouvernement du Québec de donner à Innovatech du Grand Montréal l'occasion d'exprimer ses opinions sur le rapport du groupe de travail concernant le rôle de l'État québécois dans le capital de risque, le rapport Brunet.

Je suis accompagné aujourd'hui, pour cette présentation, de Mme Denise Martin, à ma gauche, qui est la présidente de notre conseil d'administration et la directrice générale de McMahon, distributeur pharmaceutique, et de M. Jacques Allard, administrateur de société, doyen de notre conseil et président de notre comité de vérification, à ma droite.

En guise d'introduction, laissez-moi vous rappeler, M. le Président, qu'Innovatech du Grand Montréal a été fondée en 1992 afin de répondre à un besoin criant à cette époque, soit de relever la capacité d'innovation technologique sur son territoire et améliorer ainsi la compétitivité et la croissance économique du Québec. Nous croyons que mission a été accomplie et que la question posée au groupe de travail était pertinente. Dans cette perspective, la Société Innovatech du Grand Montréal appuie la plupart des recommandations... pardon, des conclusions du rapport du groupe de travail sur le rôle de l'État québécois dans le capital de risque, ou, pour être plus exacts selon nous, sur son rôle dans le financement des sociétés privées à des fins de développement économique. Cependant, M. le Président, certains points du rapport donnent des sociétés Innovatech une image à notre avis involontairement négative s'ils ne sont replacés dans un contexte plus large qui, nous le comprenons, débordait des dimensions du mandat du groupe de travail. À cet égard, je réitère que la Société Innovatech du Grand Montréal a livré des résultats dépassant les attentes initiales du gouvernement libéral qui l'a mise en place et des gouvernements qui lui ont succédé.

La création d'Innovatech Montréal est un succès à maints égards: elle a suscité l'implication du milieu dans le développement d'innovations technologiques et la création des autres Innovatech et contribue ainsi à la création et au maintien de plus de 35 000 emplois de haut calibre. Elle a joué le rôle de chef de file dans la création de plus de 220 nouvelles entreprises et généré des investissements de l'ordre de 225 millions de dollars qui ont été réinjectés dans l'économie du Québec.

n(11 h 20)n

Certaines de ses initiatives sont à la base d'entreprises à grand succès comme Cognicase, Ad Opt Technologies, Tecsys, Positron Fibre Systems, Conjuchem, Cryocath ou Neurochem ? toutes cotées en Bourse ? et, plus récemment, Avantas Networks, Newtrade et LocusDialog. La Société Innovatech du Grand Montréal a de plus joué un rôle significatif dans le développement de l'ensemble de l'industrie du capital de risque. Elle a contribué directement à la création de plusieurs fonds privés en y souscrivant la première participation. Elle a conçu une stratégie innovatrice qui a permis d'attirer six fonds de l'extérieur du Québec à venir s'y implanter, en rendant sa participation conditionnelle à leur engagement à investir un montant au moins équivalent au Québec. Elle a lancé le débat sur la nécessité de créer un premier fonds privé investissant au stade de l'expansion au Québec et coordonné cette démarche avec les principaux joueurs institutionnels et le gouvernement.

Elle a enfin suggéré elle-même, depuis quatre ans, que ses activités pourraient faire l'objet d'une privatisation dans un contexte favorable. Toute la réflexion sous-jacente à cette activité s'inscrit dans une compréhension large de la mission d'Innovatech du Grand Montréal, qui reconnaît que les conditions ayant justifié sa création ont grandement évolué, en partie grâce à elle, et que d'autres moyens peuvent être envisagés pour la poursuite du développement de l'innovation technologique sur son territoire.

La société a connu des rendements négatifs, ces dernières années, et ne s'en cache pas. Ceux-ci ne sont pas tellement différents de ceux de l'ensemble de l'industrie, et la valeur de son portefeuille a moins diminué que plusieurs portefeuilles technologiques des marchés publics. Les investisseurs qui avaient misé sur de grandes compagnies et pourtant très bien établies, comme Nortel, Cisco ou Ericsson, qui ont perdu de 80 % à 90 % de leur valeur, en savent quelque chose. Mais, tout comme dans le cas de Nortel, la valeur des portefeuilles technologiques peut rebondir, à condition de réinvestir. Or, depuis 12 mois, l'incertitude ainsi que des ressources financières limitées nous ont amenés à diminuer notre volume d'activités.

Notre premier message à la commission est donc fort simple: il est urgent qu'une décision soit prise en ce qui concerne notre futur. Il est faux de croire que l'on peut attendre en limitant nos activités au minimum et que la valeur de notre portefeuille remontera d'elle-même. Nous reviendrons plus tard sur les solutions possibles.

En ce qui concerne le rapport Brunet dans son ensemble, notre constat est qu'il aborde assez correctement la question du capital de risque, mais que les interventions de moins de 300 000 $ en région ne sont pas vraiment du capital de risque, pas plus que les activités de prêt d'Investissement Québec et de partenariat industriel de la SGF. Nous ne nous considérons donc pas vraiment qualifiés pour commenter les mesures proposées pour les organisations concernées.

En ce qui a trait au capital de risque proprement dit, le rapport énonce des carences au stade de l'amorçage, signale qu'il y a assez de capital au stade du démarrage, mais s'inquiète du nombre limité de joueurs actifs à ce stade et souligne la carence que nous avons déjà observée au stade de l'expansion.

Notre deuxième message à la commission est que nous souscrivons à l'objectif du rapport de recommander le développement du secteur privé à ces trois stades, mais que le gouvernement serait mieux servi en mettant sur pied un fonds de fonds avec le même capital qu'il propose pour le fonds mixte suggéré en remplacement des Innovatech. Un tel organisme prendrait des participations dans plusieurs fonds privés, locaux ou étrangers, investissant au Québec aux stades de l'amorçage, du démarrage ou de l'expansion sur une base d'affaires. Ce fonds de fonds couvrirait donc l'ensemble de la chaîne d'investissement et investirait en fonction de la qualité des plans d'affaires des gestionnaires privés. Ces participations pourraient être rachetables à des conditions avantageuses par les investisseurs privés, à un taux de rendement minimal pour le gouvernement. Un tel programme aurait selon nous un effet de levier beaucoup plus important sur l'industrie et le développement économique du Québec.

Le rapport Brunet propose la dissolution des sociétés Innovatech et la disposition de leurs portefeuilles sur une période de 36 mois. Si le gouvernement n'a plus les moyens d'investir dans les placements directs sans attente de retour à court terme, nous n'aurons effectivement pas d'autre choix. On peut cependant penser que l'on peut utiliser les organisations et portefeuilles actuels comme la base de nouvelles entités plutôt que de les faire disparaître, car ce que le rapport Brunet recommande principalement, au fond, c'est l'augmentation du nombre de joueurs et non sa diminution. Nous proposons donc plutôt ? et c'est notre troisième message à la commission ? de laisser chacune des Innovatech poursuivre ses activités à l'intérieur de son capital autorisé, mais avec un mandat renouvelé, incluant la mise en place d'une nouvelle structure de gestion pour prendre sa relève dans un délai maximal de 24 mois.

La solution pourrait bien sûr différer pour chacune des sociétés afin de respecter la nature différente de leurs territoires et de leurs activités. Dans le cas de la Société Innovatech du Grand Montréal, la société pourrait passer par sa privatisation sous une forme déterminée, mais dans la mesure où le gouvernement s'assure que sa relève puisse en même temps être assumée par le secteur privé.

La Société Innovatech du Grand Montréal tient à souligner, en terminant, la pertinence de plusieurs autres recommandations du rapport Brunet. Elle appuie la mise en place d'incitatifs pour le développement de l'industrie privée du capital de risque et la révision de la réglementation des fonds de travailleurs, de Desjardins et des caisses de retraite dans la même perspective. Elle appuie l'évolution des sociétés de valorisation universitaire vers un financement accru de l'amorçage et recommande leur admissibilité au fonds de fonds proposé pour leur recapitalisation ? sur une base d'affaires, bien sûr. Elle appuie en particulier la mise en place de solutions au financement de l'expansion des entreprises ayant bénéficié de capital de démarrage. En guise de conclusion, M. le Président, la Société Innovatech du Grand Montréal ne se prononce pas sur l'intervention directe du gouvernement dans le développement économique et le développement des régions.

En ce qui concerne l'industrie du capital de risque dont elle fait partie, sa position est simple. Premièrement, le gouvernement ne peut se retirer totalement du support de l'industrie. Tous les pays avancés ont des mesures de soutien à l'industrie du capital de risque, dont l'impact sur le développement de l'économie et en particulier de la nouvelle économie est reconnu. Deuxièmement, le gouvernement pourrait réduire l'intervention directe qu'il fait actuellement, par l'intermédiaire d'Innovatech Montréal et de la SGF par exemple, en faveur de l'intervention indirecte comme les incitatifs fiscaux, une réglementation facilitant le développement de l'industrie et la mise en place d'un fonds de fonds. Troisièmement, le gouvernement doit prendre rapidement une décision quant à l'avenir d'Innovatech du Grand Montréal: ou il supporte pleinement son développement ? et, dans notre mémoire, nous donnons quelques pistes ? afin qu'elle valorise son portefeuille à long terme, ou alors il s'en retire. La baisse de valeur du portefeuille et de l'organisation en cas d'inaction se mesure en semaines, pas en années.

L'approche proposée par Innovatech du Grand Montréal est ouverte. Elle s'inscrit dans une perspective liée au développement de l'ensemble de l'industrie du capital de risque. La privatisation de son activité avec l'appui de capitaux privés devrait avoir un impact positif sur cette industrie, sur les entreprises de son portefeuille et sur le développement économique du Québec en général, où elle pourrait coinvestir avec les joueurs présents en région dans les dossiers propres au capital de risque. Merci beaucoup de votre attention.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. Manseau. Alors, M. le ministre du Développement économique et régional et de la Recherche.

M. Audet: Merci, M. Manseau, M. Allard, Mme Martin. Ça me fait plaisir de vous rencontrer, ou de vous rencontrer à nouveau. On s'est justement déjà rencontrés sur ce sujet important. Et je vous félicite de votre présentation, qui était très claire et, je pense, qui à plusieurs égards rejoint beaucoup du diagnostic qui a été posé et que vous partagez, qui soulève des questions et effectivement des décisions importantes. Par exemple, en ce qui concerne en tout cas Innovatech du Grand Montréal, vous souhaitez effectivement qu'on se branche effectivement et qu'on donne des signaux assez clairs. Là-dessus, je pense que je suis d'accord avec vous, il faut cesser de... Là-dessus, là, je pense qu'il va falloir prendre une décision assez rapidement. Je partage tout à fait votre point de vue.

Et ma question porte justement là-dessus parce qu'on entend beaucoup notre collègue de Rousseau nous dire que le gouvernement effectivement fait une hantise de l'implication du secteur privé, etc. Je vous cite un communiqué du 17 mai 2000, donc qui est issu du gouvernement donc précédent, de M. Landry, et qui dit, et je cite: «En considérant l'évolution du marché de capital de risque, le gouvernement du Québec envisage maintenant de nouvelles avenues qui permettraient à la Société Innovatech de Montréal de poursuivre son développement avec la participation du secteur privé.» Le même article dit qu'«"il y a un groupe de travail qui est évalué pour évaluer les pour et les contre, qu'aucune décision n'a été prise sur la formule de la privatisation", a soutenu Mme Marie-Josée Dionne», donc du bureau de M. Landry. Donc, on dit que «depuis sa création, Innovatech était vouée à la dissolution, d'abord prévue pour 1997, puis reportée à deux reprises», etc. Donc, on décrit l'historique.

n(11 h 30)n

Plus loin, on dit encore une autre citation du bureau de M. Landry: «Compte tenu de la forte présence, à Montréal, du secteur privé impliqué dans le financement d'innovations technologiques, il s'avère opportun de réévaluer la présence de l'État dans ce créneau.» Donc, l'État est là pour donner un coup de pouce, hein?

«Il est peut-être plus nécessaire que l'État soit présent dans un secteur où le privé est désormais capable...»«Il n'est désormais ? pardon ? peut-être plus nécessaire que l'État soit présent dans un secteur où le privé est désormais capable de répondre aux besoins», d'ajouter Mme Dionne, l'attachée de presse de M. Landry, en citant une déclaration que M. Landry venait de faire part. Et, bon, je pourrais vous faire beaucoup de déclarations semblables, et on parle de déclarations qui ont été faites en l'an 2000. Alors, je comprends effectivement donc que la situation, depuis quatre ans bientôt maintenant, puisqu'on parle de maintenant 2004... et qu'Innovatech Montréal évidemment a maintenant eu une souscription... La société existe depuis maintenant près de 12 ans, elle a atteint une certaine maturation. Vous dites vous-même: On peut regarder la privatisation, on est prêts à l'examiner.

Je pourrais vous poser la question, maintenant, donc, pour faire le lien avec ce que je viens de lire: Qu'est-ce qui s'est passé depuis quatre ans, qui fasse que, après que toutes ces discussions n'aient pas conduit à la participation du secteur privé... et qui ferait maintenant que selon vous les conditions seraient à peu près remplies pour qu'on puisse penser à une participation ou à une privatisation d'Innovatech Grand Montréal?

Le Président (M. Paquet): Juste avant de passer la parole à M. Manseau, juste pour vous rappeler qu'il est important, lorsqu'on parle des membres de l'Assemblée nationale, de les appeler par le nom de comté ou leurs titres mais pas leurs noms... Les règles pour tout le monde.

M. Audet: Je le citais.

Le Président (M. Paquet): Même dans le cas de la citation, on est supposés, il y a une décision du président de la Chambre à cet égard-là. M. Manseau.

M. Manseau (Hubert): Merci, M. le Président. M. le ministre, il est certain que, quand on a parlé de privatiser Innovatech du Grand Montréal en l'an 2000, on était au sommet de la bulle boursière et de la bulle des nouvelles technologies. À ce moment-là, il se créait des fonds... il se lançait des fonds même sur le marché boursier. Si vous prenez note aujourd'hui ou si vous observez les marchés boursiers, des grands fonds comme CMGI, qui avait une capitalisation de 4 milliards sur le Nasdaq... a une capitalisation inférieure à 100 millions de dollars aujourd'hui. En d'autres termes, la plupart de ces aventures-là ont vécu...

Il est certain que, quand on tenté la privatisation en 2000, le contexte était ultrafavorable et que, si nous avons recommandé l'abandon du projet un peu plus tard, à la fin de 2000 ou au début de 2001, c'était que les conditions de marché étaient moins favorables. Maintenant, est-ce que le contexte permet de penser que c'est encore faisable? Tout d'abord, il faut considérer...

Vous savez, Montréal, on est une région, nous aussi, mais on est une région à l'échelle de l'Amérique du Nord. Et, à l'échelle de l'Amérique du Nord, vous avez des centres comme Boston, ou la Silicon Valley, ou New York où il y a une concentration de capital de risque et de haute technologie, que ce soit du côté des biotechnologies ou des technologies de l'information et, à l'occasion, de certaines technologies industrielles qu'on aime appeler nanotechnologies aujourd'hui. Cette concentration-là existe à Montréal. Donc, la réponse, c'est que le milieu, si le privé est présent, le permettrait. Maintenant, est-ce que le privé est aussi présent que le laisse entendre le rapport Brunet? Notre opinion est non. Pas parce que les gestionnaires de fonds n'existent pas, mais parce que la situation pour lever de nouveaux capitaux est excessivement difficile, ces années, et que le nombre de fonds actifs ? et ça, ça a été reconnu par le rapport Brunet ? n'est pas satisfaisant ou pas suffisant.

Vous avez eu une présentation de Réseau Capital qui vous faisait une recommandation qui à mon avis est très pertinente. La recommandation de Réseau Capital, c'était de vous faire remarquer que, pour qu'il y ait un milieu actif dans l'industrie, ça prenait une douzaine de fonds sous gestion privée qui se compétitionnent et se syndiquent. Donc, c'est un milieu de coopétition, comme on aime à dire dans notre industrie, mais qui en tout temps dispose des fonds pour faire de nouveaux investissements, des réinvestissements. Actuellement, on a seulement deux de ces fonds privés qui sont encore disponibles pour de nouveaux investissements. La plupart sont au stade de réinvestissement et essaient de lever de nouveaux capitaux, ce que je souhaite qu'ils auront complété d'ici 12 à 18 mois. Alors, pour reprendre, essayer de répondre rapidement à votre question, la réponse: le moment est sûrement beaucoup moins favorable.

Maintenant, ou ? puis je pense que c'est ce qu'on vous dit dans notre présentation ? ou on fait du capital de risque, donc on investit et on investit à long terme, donc on ouvre les goussets et, à ce moment-là, on est un intervenant sérieux en capital de risque, ou, si on ne peut les ouvrir, bien, à ce moment-là, je pense que, comme n'importe quel investisseur privé, lorsque vous avez un portefeuille qui va moins bien, vous avez toujours la décision de dire: Bien, je prends ma perte, j'encaisse mon cash, je l'utilise pour des meilleurs projets ou pour des projets plus prioritaires ? et, si j'étais un gouvernement, je pourrais penser à la santé ou à l'éducation ? et j'en fais autre chose. Alors, c'est une décision d'affaires essentiellement.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. Manseau. M. le ministre.

M. Audet: Oui. Merci pour votre réponse. Vous abordez la question également de la suggestion, et on en a déjà discuté, qui a été abordée également par d'autres intervenants, de la création de fonds de fonds ? parce que c'est un fonds en fait de plusieurs fonds. Est-ce que vous pourriez peut-être être un peu plus explicite sur la façon dont on pourrait passer en quelque sorte à ce... utiliser en quelque sorte les mécanismes actuels, les fonds actuels pour se transformer en fonds de fonds? Comment vous verriez ça, avec votre expérience et ce que vous connaissez actuellement de vos actifs ou des actifs de certains fonds en question?

Le Président (M. Paquet): M. Manseau.

M. Manseau (Hubert): Il y a plusieurs exemples internationaux que je vous invite à regarder. La France, qui n'est pas connue pour être le pays le plus capitaliste sur la terre, a un tel fonds de développement de l'industrie, Israël a eu la même expérience, vous en avez en Australie, en Nouvelle-Zélande, aux États-Unis depuis 40 ans, qui est le pays peut-être... sûrement le plus capitaliste de la terre... le fait. L'intervention de la plupart de ces pays-là a été une intervention indirecte dans l'industrie plutôt qu'une intervention directe. En prenant des participations dans des fonds, ce qui était, eux, sous gestion privée, ils ont littéralement suscité la création ou dynamisé une industrie. Mais, même aujourd'hui, aux États-Unis, les fonds de première génération... Je suis un nouveau gestionnaire. Quel est mon «track record», comme on dit en anglais? J'ai généré combien de rendements dans mes trois ou quatre fonds précédents? Si c'est mon premier fonds, je n'ai pas ça. J'ai une certaine crédibilité d'affaires, peut-être. Alors, l'intérêt de ce type de programme, c'est de donner un coup de pouce aux gestionnaires de première, deuxième génération pour les aider à lever leurs premiers fonds.

La façon dont ça procède généralement, c'est qu'il y a un appariement entre dollars levés par le gestionnaire et dollars qui sont proposés par l'organisme en question. La façon dont ça a été fait en Israël, ça a été fait vraiment sous forme de fonds de fonds. Le projet s'appelait Yozma. Et, dans Yozma, le gestionnaire de l'époque a choisi de faire un peu d'investissement direct ? ce qui était le cas d'Innovatech à l'époque ? et de l'investissement indirect. Et, pour faire son investissement indirect, ce qu'il a proposé... Il a fait un appel d'offres mondial et, dans son appel d'offres, il a dit aux gestionnaires privés, qu'ils soient Israéliens ou de l'étranger: Vous venez vous installer ici, je mets jusqu'à un montant maximum ? et, je vous rappelle, c'étaient les années quatre-vingt-dix ? de 10 millions de dollars américains. Vous pouvez me racheter, pendant les cinq premières années, à 7 % composé, si tout va bien, et c'est un «flow through» sur le plan fiscal, il n'y a aucune taxation, qui que ce soit que vous soyez, sur le marché israélien. En quelques années, il a permis la création de 10 fonds dont huit ont racheté la participation. Donc, c'est, je pense, un grand succès.

Le modèle que l'on propose, c'est un modèle de ce type-là, un modèle qui pourrait travailler autant au niveau de l'amorçage ? parce qu'on sait que le problème existe au niveau de l'amorçage ? qu'au niveau du démarrage et au niveau de l'expansion. Maintenant, c'est sûr que, dans une chaîne de financement, vous avez plus de joueurs au démarrage et à l'amorçage et que vous en aurez toujours beaucoup moins au stade de l'expansion.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. Manseau. M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui. M. Manseau, Mme Martin, M. Allard, ça me fait plaisir de vous revoir. Et puis, peut-être pour enchaîner avec ce que disait le ministre du Développement économique et régional, c'est vrai qu'en 2000 il avait été évoqué la possibilité de privatiser en partie ou en totalité Innovatech, mais c'était le moment, comme vous dites, où les hautes technologies étaient à leur sommet au niveau de la bulle. C'était aussi au même moment, si on s'en rappelle, où la députée libérale de Bonaventure nous disait à tous les jours, à l'Assemblée nationale, d'investir dans la Gaspésia, hein? On se souvient, là, c'était au même moment.

M. le Président, ma première question, bon, c'est de dire, et puis je pense que M. Manseau le dit d'une façon très courageuse: Il faut agir, là, il y a une urgence d'agir. Ou le gouvernement libéral met de l'argent dans Innovatech du Grand Montréal ou ? et je pense que c'est une moins bonne solution ? on privatise ça pour aller chercher de l'argent. Bon, je comprends que vous êtes dans une situation qui est difficile, mais j'aimerais ça... Parce qu'on dit parfois, là, que c'est parce que le public est là, qu'Innovatech est là que le privé ne vient pas.

n(11 h 40)n

Moi, je voudrais savoir: Depuis 10 mois ? tiens, par hasard, là, depuis 10 mois ? est-ce qu'il y a eu des demandes d'entreprises que vous avez dû refuser, à Innovatech, faute de fonds disponibles? Et, si oui, est-ce que vous pouvez nous donner un ordre de grandeur des effets, si on veut, de l'incertitude sur la pérennité puis le développement d'Innovatech du Grand Montréal?

Le Président (M. Paquet): M. Manseau.

M. Manseau (Hubert): Merci. Écoutez, on est des gestionnaires consciencieux. Après l'élection du nouveau gouvernement, le message qu'on a reçu était un message très clair: il y aura examen de tout cela, entre-temps soyez responsables, ce que nous avons été.

Nous, nous avons encore 8 millions de capital non souscrit. On ne l'a pas demandé. Et ce que l'on a fait, c'est qu'on a opéré à l'intérieur de nos capacités de désinvestir pour générer des liquidités. Vous le savez, le marché, ces deux dernières années, a été relativement mauvais. Cette année, on avait prévu désinvestir autour de 25 millions. On aura désinvesti, au 31 mars, autour de 20 millions. Dans ce contexte-là, ce que nous avons fait, c'est que nous avons ramené notre niveau d'investissement en fonction des liquidités dont nous disposions déjà, qui dataient de l'année d'avant, et de notre capacité de désinvestir. Cette année, nous allons avoir investi, au 31 mars, environ 25 millions. Si vous le comparez à notre moyenne historique, qui se situe entre 55 et 65 millions, c'est clair qu'il y a une baisse. Il est clair que nous avons privilégié les réinvestissements et que nous avons limité au minimum les nouveaux investissements.

Maintenant, je dois reconnaître que notre pipeline a aussi fondu. Est-ce que le pipeline de projets a fondu parce que le marché savait qu'on était dans une position difficile ou est-ce que le pipeline a fondu parce qu'il y avait moins d'essaimage de nos universités, de nos centres de recherche et de nos grandes entreprises? Je vous dirais que c'est un mélange des deux.

Au total, je ne pense pas que, sur le plan, si vous voulez, support à de nouvelles entreprises, ça ait eu un impact aussi négatif que ça aurait pu avoir, parce que c'est bien tombé, Desjardins venait de se capitaliser beaucoup, le Fonds de solidarité est toujours là, et je pense que l'impact total sur notre marché n'est pas catastrophique. Il l'est plus sur le plan financier pour nous, particulièrement quand on arrive au stade du réinvestissement. Si on limite nos participations dans nos meilleures entreprises quand arrive le bon moment où on pourrait effectivement encaisser, c'est sûr qu'on peut protéger notre mise, mais qu'on ne fera pas beaucoup d'argent à long terme, donc qu'on ne rétablira pas la valeur escomptée pour le fonds qu'on gère.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.

M. Legault: Donc, si je comprends bien, la décision, là ? que, moi, je vais qualifier de courte vue ? de ne pas investir autant dans Innovatech Grand Montréal, ça fait qu'Innovatech Grand Montréal ne peut pas investir dans les deuxième, troisième rondes d'investissement chez ses partenaires et donc pas... Parce qu'on sait très bien, là, que plus on avance, plus c'est rentable. Mais, au début, c'est plus risqué, c'est moins rentable. Plus on avance, plus c'est rentable. Si on manque les prochaines rondes parce qu'il manque de liquidités, évidemment que ça a un impact majeur sur la rentabilité d'Innovatech.

Mais je veux quand même, là, parce que le temps file, poser une question concernant votre proposition de créer un fonds de fonds. Bon, ce que je comprends, c'est que vous dites: Si le gouvernement n'est plus prêt à investir des fonds pour le développement d'Innovatech du Grand Montréal comme société publique, la moins pire solution, c'est peut-être un fonds de fonds. Je voudrais savoir: Est-ce que vous avez essayé d'évaluer l'impact que ça aurait demain matin, de remplacer Innovatech du Grand Montréal par un fonds de fonds? Est-ce que vous pensez que ça aurait des impacts négatifs sur le développement technologique des entreprises et sur le développement en général dans le Grand Montréal?

Le Président (M. Paquet): M. Manseau.

M. Manseau (Hubert): Non, ça aurait un impact sûrement positif. Chez Innovatech du Grand Montréal, on a expérimenté beaucoup de choses. Je l'ai dit dans notre présentation, on a interprété notre mission de façon très large. On a pris des participations dans 15 fonds privés. Donc, c'est quelque chose que nous connaissons. Sur ceux-là, il y en avait six étrangers. Dans les deux cas, l'effet de levier de notre participation était de l'ordre de un à cinq au minimum. En d'autres termes, ce n'était pas 1 $ sur 2 $ ou 1 $ sur 3 $, c'était 1 $ sur 5 $, 6 $ ou même 7 $ dans certains cas.

Vous savez, la grande difficulté pour attirer un gestionnaire privé au Québec, que ce soit un gestionnaire local ou un gestionnaire étranger, c'est qu'il trouve un «sponsor», ou un parrain, crédible pour faire le premier engagement dans son fonds. Nous avons aidé de façon très spécifique certains gestionnaires privés, qui le reconnaîtront si vous les questionnez, ou en mettant sous condition qu'ils soient capables de lever cinq, six ou sept fois la mise. En mettant 5 millions de dollars, ils ont été chercher le reste. Et je vais vous citer un exemple précis où un de nos bons gestionnaires avait réussi à intéresser des Français et des Allemands à investir, mais ceux-ci lui disaient: Écoute, tu n'as aucun... tu n'as personne qui te supporte localement. Comment veux-tu que je croie en toi si ton industrie locale ne te supporte pas? Or, dans le contexte dans lequel on vit au Québec, il y a peu de grandes institutions qui peuvent supporter le lancement d'un fonds. Il y avait la caisse, qui s'est à peu près retirée de ce type d'investissement-là au Québec, il y a le Fonds de solidarité qui, je pense, fait sa part, et essentiellement il y avait nous. Et, avec très peu de moyens, on a montré qu'on pouvait faire de grandes choses.

Quand on a attiré VIMAC, ou Woodside, ou d'autres fonds étrangers au Québec, là aussi on a pris un pari. Le pari qu'on avait pris, c'était: Est-ce qu'on peut s'entendre avec le gestionnaire privé ? pas à l'intérieur de la convention de souscription, parce que les autres souscripteurs nous auraient envoyé promener, on le savait ? mais est-ce qu'il y a moyen de s'entendre avec le gestionnaire privé, dans une lettre séparée, une lettre d'entente séparée, comme quoi, si on mettait 5 millions dans son fonds, il viendrait mettre 5 millions au Québec? Bien, ça marche. Dans le cas de VIMAC, j'aime bien le citer, il n'a pas mis 5 millions, il a mis 15 à peu près. Il est déjà dans trois ou quatre entreprises de nos portefeuilles respectifs d'Innovatech Québec, d'Innovatech Montréal et du Fonds de solidarité. Alors, je pense qu'on a livré la marchandise.

En d'autres termes, je crois que l'idée de fonds de fonds qu'on propose est beaucoup plus puissante. Et, si on était capables de réactiver notre marché et d'amener sur la place montréalaise une douzaine de fonds actifs, je pense qu'on aurait livré la marchandise et qu'on n'aurait effectivement plus autant besoin d'un investisseur direct comme Innovatech du Grand Montréal est actuellement.

Le Président (M. Paquet): Mme Martin, un complément de réponse, je crois?

Mme Martin (Denise): Oui. Je voudrais simplement spécifier un point. Vous avez dit «remplacer du jour au lendemain Innovatech par un fonds de fonds». Ce n'est pas ce qu'on veut dire. On croit que le fonds de fonds est une solution à long terme mais que ça ne se passera pas du jour au lendemain. Monter un fonds privé, même s'il y a un «sponsor», c'est une question d'années: un an, deux ans. C'est pour ça qu'on dit bien, dans notre mémoire, qu'il faut qu'Innovatech continue à fonctionner en attendant que toute cette structure-là se mette en place, sinon les entreprises qui sont là vont carrément disparaître. Et c'est pour ça qu'on appuie aussi beaucoup sur le fonds d'expansion, parce que c'est un peu illusoire de penser qu'on va créer plusieurs petits fonds qui n'auront pas un pendant pour continuer l'expansion des entreprises. Un fonds de 50 millions ne peut pas investir à l'expansion. À l'expansion, on parle de tranches de 15 millions, 20 millions. Il y aurait deux entreprises dans son fonds. Alors, tout ça va ensemble.

Innovatech, en tout cas selon nous, doit rester pour assurer la transition, pour pas que l'industrie à Montréal ? parce que c'est une industrie importante, l'industrie du capital de risque en technologie ? pour pas que l'industrie s'effondre. On est les seuls. Bon. Moi, je siège aussi au Fonds de solidarité. Le Fonds de solidarité est actif dans le domaine de la technologie mais moins qu'il ne l'était il y a quelques années parce que son portefeuille est très lourd et parce qu'il est seul. Seul, le fonds est prudent. C'est normal, parce qu'on veut partager notre risque. Donc, il ne faut pas faire écraser l'industrie pour retrouver autre chose après.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le ministre du Développement économique et régional.

M. Audet: Oui. Alors, merci. Je ne voudrais surtout pas évidemment que nos invités soient témoins d'attitudes ou d'attaques très partisanes comme on vient d'entendre de la part du député de Rousseau. Il n'y a pas eu d'attentes démesurées. Je signale que le gouvernement précédent, depuis 2000, a commencé à regarder ce sujet-là. Quatre ans plus tard, le député de Rousseau a le culot de dire qu'on prend du temps, alors qu'on est en commission parlementaire quelques mois après notre élection. Je trouve qu'il faut être effectivement très culotté pour tenir des propos semblables.

n(11 h 50)n

Et je rappelle, M. le député de Rousseau, que nous avons ? M. le Président, plutôt ? que nous avons écrit à chacun des présidents d'Innovatech pour demander, au début de l'année dernière, d'avoir effectivement les besoins financiers. Et, comme l'a dit M. le président d'Innovatech Montréal, M. Manseau, nous avons reçu une lettre comme de quoi, ses besoins financiers, il croyait, cette année, pouvoir passer à travers l'année, répondre aux besoins sans financement additionnel. Donc, c'est sur cette base-là. Et d'autres Innovatech ont reçu 20 millions de dollars. Donc, je pense que c'est encore une fois une approche et une attaque alors qu'on essaie d'avoir des choses constructives.

Je pense que... je suis outré un peu de la façon dont le député de Rousseau aborde le sujet. On essaie d'être en mode solution et on n'essaie pas de jeter la balle au gouvernement, qui, je pense en tout cas, essaie de trouver une solution raisonnable dans les meilleurs délais, ce qu'on essaie de faire actuellement. Et c'est dans ce contexte-là justement que je voudrais poser ma question à nos invités.

Quand vous parlez de la proposition, il y a un problème qui est toujours important vis-à-vis une transition qu'il faut aménager là-dedans. Comment vous voyez, là... Supposons que le gouvernement acquiesçait au fait que vous amorciez un processus. Ça peut être quoi, la période que ça peut prendre pour le faire? Puis entre-temps est-ce qu'il n'y a pas des gens qui ne sont pas... pour ne pas se faire dire par la suite: On fait une transition? Donc, il n'y a pas de gens qui peuvent faire... il n'y a pas d'interlocuteur pour couvrir les fonds, répondre aux besoins de fonds qu'il pourrait y avoir dans le secteur privé? C'est quoi, le... Comment voyez-vous l'aménagement d'une telle transition justement pour éviter que le secteur de capital de risque en souffre?

Le Président (M. Paquet): M. Manseau. J'inviterais juste les membres à la prudence quant à l'utilisation du mot «culotté», etc., là. Juste faire attention au ton, aux mots, de chaque côté. Alors, M. Manseau.

M. Manseau (Hubert): Merci. Il y a plusieurs façons d'envisager la transition. Je pense que le message important, c'est que, quand on gère un portefeuille ? et je donnais l'exemple de Nortel ? quand on gère un portefeuille, on gère du long terme. La valeur de notre portefeuille a énormément diminué, et on a ralenti nos activités à peu près au creux de la bulle. Le meilleur moment pour investir, tous les gestionnaires de placements vous le diront, c'est bien sûr quand l'économie est à son plus creux, quand les valeurs sont bonnes, parce que c'est plus favorable pour nous. C'est le moment où on s'est trouvés à ralentir nos activités.

C'est sûr que, aujourd'hui, si on parle d'une période de deux ans avant que l'industrie privée soit suffisamment présente sur notre marché pour prendre la relève avec des mesures appropriées, je le répète, je pense qu'on maintient, nous, la priorité ou l'importance de cette idée, là, de fonds de fonds. Pendant ces deux ans-là, si on a les moyens ? et je ne parle pas nécessairement de demander du nouveau capital, mais il faut être capables de couvrir nos engagements à long terme ? si on a les moyens de faire des réinvestissements de façon plus agressive, ça fait déjà une bonne différence. Mais également il faut aussi avoir les moyens de faire des nouveaux investissements.

Et là le problème ? et c'est pour ça que ce ne sera jamais simple ? c'est: quand on fait un nouvel investissement en biotechnologie, à titre d'exemple, aujourd'hui, en premier tour de table, on risque de mettre 1,5 million à 2 millions de dollars, Innovatech du Grand Montréal, avec d'autres partenaires qui contribueront une mise de fonds totale qui variera autour de 8 à 10 millions de dollars. Mais on sait qu'il faudra participer à au moins trois tours de table et que le coût total d'un investissement en biotechnologie aujourd'hui, pour un fonds de démarrage comme nous, risque d'être entre 5 et 8 millions de dollars. En d'autres termes, on engage 8 millions de dollars, et c'est là qu'est le défi: Comment opérer cette transition-là en sachant que, si on fait des nouveaux investissements aujourd'hui, on prend aussi de nouveaux engagements à long terme? Moi, je vous dirais que la première des choses, c'est: si on opère en attendant que quelque chose d'autre arrive, ce sera toujours difficile parce qu'une période de transition crée toujours de l'insécurité, autant chez les entreprises qui viennent nous voir pour du financement que chez les employés.

Les entreprises nous posent la question: Est-ce que vous allez être là dans deux ans? Alors, littéralement je vous dirais à la blague, M. Audet... M. le ministre, pardon: Il ne faut pas dire que vous allez le fermer. C'est aussi simple que ça. À partir du moment où vous dites que vous allez fermer Innovatech à un certain moment donné dans le temps, je crois qu'il faut avoir un plan de contingences et je crois qu'il faut avoir une action beaucoup plus structurée et qui prévoit exactement ça, comment on gère de nouveaux investissements, sachant qu'on ne sera pas là dans trois ans, si c'est ça, le plan. Je n'ai pas la réponse ou de réponse absolue à ça, M. le ministre.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors, M. le député...

Une voix: ...

Le Président (M. Paquet): Ah! le temps est écoulé pour ce bloc-ci. Il faudrait peut-être compléter... À moins qu'il y ait consentement pour que rapidement M. Allard puisse compléter la réponse? M. Allard.

M. Allard (Jacques): Je serai très bref. Au niveau de la période de transition, il y a un autre facteur extrêmement important à notre avis, et c'est la vente du portefeuille existant. Il ne faut pas oublier qu'Innovatech, là, a investi dans 140 entreprises, et, si la période de transition était trop brève et que nous devions mettre en vente nos placements dans ces 140 entreprises là rapidement, là il ne faut pas se conter de blague, on vendrait ça à 40 % puis 50 % de rabais, et, comme citoyen québécois payeur de taxes, là, je ne voudrais pas voir ça se produire.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Rousseau?

M. Legault: Oui. Oui, M. le Président. Je veux revenir sur les commentaires du ministre du Développement économique et régional parce que, bon, écoutez, on reçoit un rapport, qui s'appelle le rapport Brunet, qui nous dit qu'on doit fermer les Innovatech, et le ministre du Développement économique et régional répond en disant: C'est un très bon rapport. Tous ses commentaires jusqu'à présent ont été très positifs sur le rapport Brunet, et il semble être surpris qu'il y ait un climat d'incertitude chez Innovatech. C'est ce que j'ai compris tantôt, là. Il m'a dit que j'étais culotté de prétendre qu'il y avait un climat d'incertitude.

Écoutez, là, on a des intervenants qui sont venus nous dire, dans les régions ? aujourd'hui on en a un intervenant qui est à Montréal: Actuellement, l'inaction du gouvernement libéral crée de l'incertitude et empêche le développement économique. Est-ce que c'est seulement ça qui explique le ralentissement dans la création d'emplois? Peut-être pas, mais ça a sûrement un impact dans le ralentissement de la création d'emplois qu'on voit depuis 10 mois, depuis que le Parti libéral est au pouvoir.

Moi, j'aurais une question, là, à poser aux spécialistes, M. Manseau et ceux qui l'accompagnent, celle qui l'accompagne. On dit, dans le rapport Brunet, que la faible présence du secteur privé, à Montréal, dans le capital de risque est due à la présence, entre autres, des Innovatech. Je voudrais savoir si, vous, là, vous avez vécu le fait qu'un des problèmes qu'on a puis la raison pourquoi il n'y a pas beaucoup de privé à Montréal puis au Québec, c'est à cause des Innovatech. Avez-vous senti ça au cours des dernières années?

Le Président (M. Paquet): M. Manseau.

M. Manseau (Hubert): Merci. Non, au contraire. Je crois que le sous-développement du secteur privé à Montréal et dans le reste du Canada par ailleurs, ce n'est pas exclusif, là, au Québec, cette situation-là, mais peut-être juste un peu pire, excusez l'expression, au Québec que dans le reste du pays. Pour moi, ce n'est clairement pas Innovatech, le facteur, et j'en veux pour preuve deux choses. La première: c'est nous qui avons le plus grand nombre de partenaires privés à Montréal, et ça, ce sont les statistiques de Mary Macdonald qui le disent. On a plus de partenaires privés que tous les autres grands joueurs institutionnels, incluant la caisse. Deuxièmement, on est le premier partenaire de tous les autres. On est le plus gros partenaire du fonds, on est le plus gros partenaire de la BDC, on est le plus gros partenaire de la caisse. Alors, quand on parle de partenariat, je pense qu'on est un exemple, on est un modèle.

La deuxième raison qui me fait dire que ce n'est sûrement pas le cas, c'est qu'on a aidé nous-mêmes plusieurs fonds privés à exister. Si on n'avait pas été là, GTI V aurait probablement pris beaucoup plus de temps à se lever, Capimont II, même chose, VIMAC ne serait pas venu au Québec, Woodside ne serait pas venu au Québec, Entrepia ne serait pas venu au Québec. Alors, ce sont des fonds que nous avons attirés ou aidés à se développer. En d'autres termes ? et je reviens à notre idée de fonds de fonds ? si on le propose, c'est parce qu'on sait que ça marche.

Le seul gros problème qu'on a à vivre aujourd'hui chez Innovatech du Grand Montréal, c'est que concilier une activité de fonds de fonds avec une activité d'investissement direct est excessivement difficile, difficile parce que, quand on investit dans des fonds, ce sont des placements à très long terme et très onéreux. On ne peut prendre une participation à beaucoup moins de 5 millions de dollars si on veut avoir un impact et poser nos conditions. Faites le calcul vous-même: 13 fonds, ça représente presque 50 millions de dollars de nos engagements, et c'est énorme. Alors, c'est la raison pour laquelle on insiste beaucoup sur un programme séparé pour le fonds de fonds, mais qui s'inspire de ce que finalement on a inventé chez Innovatech du Grand Montréal.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui. Je voudrais revenir sur votre proposition de la création de fonds de fonds et des critères. Tantôt, je ne sais pas si vous étiez là, on a eu un des intervenants qui est venu nous dire qu'il fallait mettre en place une méthode d'évaluer les résultats de ces nouveaux partenariats proposés, là, public-privé.

n(12 heures)n

Quand on regarde l'impact très positif qu'a pu avoir Innovatech du Grand Montréal dans le développement technologique du Grand Montréal, et même plus, on se rend compte que d'utiliser seulement comme critère la rentabilité de l'organisme, ce n'était pas suffisant. Moi, je voudrais savoir, là, quels seraient les critères et comment on pourrait s'assurer, comme État... Parce que j'aimerais aussi vous poser la question: Est-ce que vous pensez que l'État a un rôle à jouer dans le développement technologique? Comment on pourrait s'assurer que la rentabilité à court terme du nouvel organisme, là, partenaire ne serait pas seulement... que les critères utilisés ne seraient pas seulement la rentabilité, mais aussi les retombées sur le développement technologique de la société?

Le Président (M. Paquet): M. Manseau.

M. Manseau (Hubert): Merci. Quand on propose un fonds de fonds, celui-là serait géré par l'État. Les fonds dans lesquels il prendrait des participations seraient essentiellement des fonds sous gestion privée. Il n'y en aura pas de caractère mixte à ce niveau-là. Le gouvernement, via le fonds de fonds, prendrait des participations. Les seules conditions qu'il poserait, ce seraient place d'affaires et opérations au Québec. On ne peut pas poser beaucoup d'autres conditions que ça des gestionnaires privés. Il n'y a jamais un gestionnaire privé qui va accepter des conditions de développement économique.

Bon, cela dit, j'aimerais aussi distinguer deux choses. Le capital de risque proprement dit, c'est prouvé qu'il a un impact majeur sur l'économie. Ça ne veut pas dire qu'il n'a pas besoin d'autres organismes pour encourager le développement économique. Moi, je me concentre sur une chose: l'industrie du capital de risque qui est vivante et qui pourrait être vibrante à Montréal. La priorité en 1992, c'était vraiment de développer l'innovation technologique sur notre territoire à Montréal. Ceux qui ont connu Montréal à l'époque se souviennent à quel point c'était déprimant et déprimé. Je pense que ça, c'est fait. Quelle est la grande priorité aujourd'hui? Je crois que la grande priorité aujourd'hui à Montréal, c'est de développer une industrie du capital de risque privée, plus vibrante, qui couvrira l'ensemble du spectre de l'investissement et qui, en prenant des décisions de rendement, générera sûrement énormément d'impact économique.

Je vais vous donner un exemple, en terminant, M. Legault... pardon, M. le ministre de Rousseau. Quand on a investi dans Cognicase, à l'époque de M. Allard, des débuts de M. Allard chez Innovatech, on a investi dans Cognicase, il y avait entre six et huit employés. Notre investissement a permis à M. Brisebois, à l'époque, d'en créer peut-être quatre ou cinq nouveaux, postes. M. Brisebois par la suite a amené son entreprise à 2 500 employés. Il s'est financé sur le marché boursier pas seulement québécois, mais le marché nord-américain, sur le Nasdaq. C'est de la création d'emplois. Ça, c'est vraiment un immense succès et c'est aussi notre meilleur rendement. On a fait 35 fois notre mise dans Cognicase. Alors, tout ça pour vous dire que ce n'est pas incompatible sur un marché qui est dynamique et qui peut le prendre. Ça ne veut pas dire que le modèle s'applique partout. Nous, ce qu'on dit, c'est que, sur notre territoire, le marché est assez mature pour qu'on puisse évoluer vers une nouvelle formule, et je crois que, si on veut que Montréal évolue, et le reste du Québec, parce que je pense que Montréal peut faire figure un peu d'une locomotive, là, ça prend de l'huile pour les wagons, mais ça prend aussi du charbon pour la locomotive.

Le Président (M. Paquet): M. le ministre du Développement économique et régional, 1 min 5 s.

M. Audet: Alors, merci, M. Manseau, M. Allard, Mme Martin. Merci beaucoup de votre présentation. Un court mot pour d'abord évidemment corriger encore une fois certains propos qui viennent d'être tenus. Je rappelle au député de Rousseau qu'Innovatech Grand Montréal a été créée par le gouvernement libéral en 1992. J'étais sous-ministre, à ce moment-là. Le ministre était Gérald Tremblay. Daniel Johnson était ministre de Montréal. Donc, c'est important de rappeler quand même à nos collègues la mémoire historique.

Donc, le gouvernement libéral non seulement y a cru, mais c'est lui qui l'a créée, il y a mis de l'argent, et donc on est en train actuellement de refaire, 12 ans plus tard, un exercice de réévaluation qui est normal. On a pris quelques mois pour demander un rapport. On est en train de faire actuellement un exercice justement très constructif pour aller chercher le pouls des gens, les écouter, et ce que vous nous avez amené ce matin nous aide beaucoup, va nous aider beaucoup à prendre une décision dans le meilleur intérêt justement du capital de risque et de la création d'emplois au Québec. Et aussi, contrairement à ce qu'a dit le député de Rousseau, en 2003 il s'est créé plus d'emplois en moyenne que les 10 dernières années. Donc, là aussi, je pense qu'il faut rappeler les choses dans leur juste perspective. Mais on veut faire mieux, et, grâce à vos propositions, je suis sûr qu'on aura des suggestions et... on aura, c'est-à-dire, des décisions qui vont être éclairées, qui nous permettront de le faire. Merci beaucoup, mesdames. Merci beaucoup, messieurs.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. Manseau, Mme Martin, M. Allard. Merci de votre participation à nos travaux. La commission suspend ses travaux jusqu'après la période des affaires courantes, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 4)

 

(Reprise à 15 h 27)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend donc ses travaux. Avant de débuter, je demanderais encore une fois à tous ceux et celles qui ont un téléphone cellulaire de bien vouloir en éteindre la sonnerie pour ne pas nuire à nos travaux.

La Commission des finances publiques est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le rapport du groupe de travail sur le rôle de l'État dans le capital de risque.

Nous avons l'honneur, cet après-midi, d'avoir parmi nous d'abord M. Daniel Paillé, qui est ancien membre de l'Assemblée nationale. Nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous remercions pour votre participation à nos travaux. Vous pouvez disposer d'une période de 15 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi d'un échange avec les membres de la commission. M. Paillé, je vous cède la parole.

M. Daniel Paillé

M. Paillé (Daniel): Merci beaucoup. Je voudrais saluer les parlementaires, principalement le ministre de l'Économie. Je suis certain qu'il y a 28 ans, quand il m'a engagé, une sombre journée du mois de mars 1976, comme fiscaliste au ministère des Finances, il ignorait qu'un jour il me succéderait au ministère de l'Industrie et Commerce. Et je suis content de voir qu'il y a un renouvellement de l'appareil... du parlementarisme. Il n'y a que le député de Johnson qui y était, au moment où j'étais ici, à cette Assemblée-là, puis je n'ai pas l'impression que ça fait très, très longtemps. Mais, comme je suis un partisan du renouvellement des choses, je le remarque.

Je suis content de vous apporter ce témoignage-là. Merci de m'avoir invité. C'est pour moi un privilège de le faire. Je me suis rendu compte que peut-être qu'après 28 années de partenariat de diverses façons avec les entrepreneurs au Québec, que ce soit comme fonctionnaire au ministère des Finances ou à la privatisation, à la Caisse de dépôt, à la SGF, avec des entreprises familiales comme les Péladeau ou comme les Dutil et cette petite incartade politique, j'ai l'impression que je peux peut-être vous apporter un côté cour et un côté jardin, à ce débat-ci.

J'aimerais aborder ? vous avez vu le mémoire ? mes six grandes questions. La première ? et, dans le rapport Brunet, on le mentionne ? c'est la période de transition. Quand, en 1994, j'étais chez Quebecor puis j'avais dit à mon patron que je ferais de la politique, il m'avait dit: Essaie de nuire le moins possible puis fais ça vite. La période de transition, c'est dangereux, et je pense qu'on devrait le souligner. L'incertitude, c'est la pire des choses. Décidez ce que vous voulez, mais décidez-le vite. Bon, j'ai indiqué dans mon texte que tous les ministres économiques rêvent un jour de laisser derrière eux une société d'État au moins. J'ai fait la même chose avec... J'ai continué les opérations de mon prédécesseur dans Innovatech Estrie ou... On appelle ça Sud du Québec, je pense, maintenant. Et puis là, bien c'est peut-être le temps de faire le ménage, je ne le sais pas. C'est votre job de le faire. Mais la période d'incertitude, ça, c'est la pire des périodes. La période de transition, on sait d'où on est et on sait où on va. Ça, c'est correct.

n(15 h 30)n

C'est comme, bon, une automobile. Vous avez deux rétroviseurs qui sont généralement beaucoup plus petits que le pare-brise. On sait d'où on vient, mais c'est beaucoup plus important de savoir où on va. Alors ça, c'est peut-être la première affaire. Que la période de transition soit déclenchée le plus rapidement possible et que la période d'incertitude soit arrêtée le plus vite possible.

La deuxième chose, c'est des mandats. Les mandats, il faut qu'ils soient clairs, restreints, exclusifs et mesurables. Il n'y a personne au Québec qui se demande qui fait l'électricité, il n'y a personne qui se demande qui vend du vin, il n'y a personne qui se demande qui fait les billets de loterie. Hydro-Québec, SAQ, Loto-Québec, ce sont des mandats clairs, précis. Qu'est-ce que ça fait, une Innovatech, une SGF, une SDI, une Caisse de dépôt? Les gens sont tout mêlés. Les mandats ne sont pas clairs, puis ça, ça crée deux problèmes.

Le premier problème, c'est le fournisseur du mandat. Parce que ton mandat n'est pas clair, tu as l'impression que tu peux tout faire. J'ai vu ça dans des sociétés d'État où on se disait en charge de l'emploi, du caractère régional. On est même en charge du PIB, dans certains cas, et on veut essayer de faire tout. On n'est pas capable de tout faire.

Le deuxième problème, c'est le client. L'entrepreneur type, il ne sait plus où aller. Il ne sait pas où puis il s'engage des lobbyistes, là, pour essayer de savoir où aller. Mais le problème, c'est que, quand il se fait faire un refus, c'est comme avant, à l'époque où j'étais aux Finances. On disait: C'est bloqué au Trésor. Là maintenant le ministre ne veut plus, ou bien donc le gouvernement ne veut plus, ou on ne sait pas à qui s'adresser.

Il faut aussi imaginer, dans les mandats exclusifs... Ce pour quoi j'insiste beaucoup sur le mandat exclusif, c'est: imaginez le pauvre entrepreneur qui a 51 % de son entreprise puis qui a quatre zinzins autour de la table. Des zinzins, là, c'est des investisseurs institutionnels. Il y a un conseil d'administration, puis devant lui il y a quatre personnes qui représentent la caisse, le Fonds de solidarité, une Innovatech, une caisse pop, etc., puis là ils changent à tous les neuf mois ou toutes les années, puis le pauvre entrepreneur, lui, il regarde ça puis il ne sait pas quoi faire, il ne sait pas comment les administrer. Alors, si les mandats étaient exclusifs, à mon avis, qu'il y ait un administrateur d'une société d'État qui soit focalisé sur cette entreprise-là, ce serait beaucoup plus simple. Et, que les mandats soient mesurables, on s'y attardera, si vous le voulez.

Vous me permettrez de m'attarder un peu sur la SGF. La SGF, à mon avis, c'est quatre mots simples: c'est une entreprise qui est partenaire minoritaire, qui est un partenaire industriel, qui est un partenaire avec des internationaux et d'envergure. C'est clair, c'est restreint, c'est exclusif, c'est mesurable. Dès l'instant que la SGF est sortie de ça, elle a fait la preuve qu'elle faisait des erreurs. La SGF, elle n'est pas bonne dans le régional. Ça fait 35 ans que ça existe, la SGF. Mêlez-la pas au régional, elle n'a pas ce réflexe-là. Le capital de risque, pour vraiment du vrai capital de risque comme vous avez eu la définition il n'y a pas longtemps, ce n'est pas son métier, à la SGF. Les gens de la SGF, ce n'est pas des gens de capital de risque, ce sont des partenaires. C'est différent. Peut-être que le fonds de fonds dont vous avez entendu parler, ça, c'est peut-être sa job.

Quand je regarde des choses... J'ai posé des questions, qu'est-ce que faisait la SGF dans tel dossier, tel dossier, tel dossier. Dès l'instant qu'elle est sortie de son caractère restreint et exclusif, la SGF s'est trompée. Le mandat de la SGF, pour moi, c'est un mandat d'équité seulement, pas de dette, de réaliser ses placements dans des délais décents. C'est-à-dire, cinq ans, c'est trop court, mais 25 ans, c'est trop long. On conviendra tous ensemble que la SGF, qui est encore détenteur des actions de Domtar, elle a manqué un certain nombre de cycles économiques, de cycles boursiers. O.K.?

Il ne faudrait jamais que la SGF concurrence des entreprises au Québec. Ça, ça devrait lui être totalement interdit. On n'a pas le droit de prendre les fonds de l'État pour concurrencer un entrepreneur au Québec. La SGF, elle doit accompagner, elle peut provoquer, mais il ne faut pas qu'elle tire sur une fleur pour qu'elle pousse. Alors donc, pour moi, ça, c'est très important que la SGF ne doit jamais remplacer l'entrepreneur.

Les mandats spéciaux. Tous les ministres économiques, ils ont besoin d'une société pour faire des mandats spéciaux, j'en conviens, mais, la SGF, il ne faut pas que ce soit elle parce qu'elle n'est pas «mindée» pour ça ? excusez l'expression ? et en plus ça pourrait avoir un impact négatif pour ses partenaires.

On pourrait parler du mode de gestion de la SGF. À mon avis, les gestionnaires de la SGF sont toujours ou ont à peu près toujours été des gens de l'entreprise privée. Il faut les laisser faire de cette manière-là. Le conseil d'administration, ça appartient à l'actionnaire, puis l'actionnaire qui les nomme. Et le président du conseil devrait être plus exécutif que juste un maître de séance et devrait être différent du président-directeur général. Ça assurerait d'éviter des folies, ça assurerait de mettre une certaine rigueur et ça assurerait une certaine... un balancement entre les gestionnaires.

Vous avez probablement entendu parler du vérificateur de la SGF. Le vérificateur de la SGF a toujours été un vérificateur de l'entreprise privée. C'est très important pour les partenaires. Quand vous avez un partenaire européen, un partenaire asiatique, c'est très important de reconnaître le vérificateur.

La place du privé dans la SGF. J'ai voulu le souligner parce qu'on en a souvent parlé. La SGF, elle est un partenaire du privé. Elle doit être minoritaire dans le privé, mais jamais à mon avis la SGF ne devrait avoir comme actionnaires des gens privés. Si on veut mettre les Québécois comme actionnaires de la SGF, ils le sont déjà, et le seul moyen de rentabiliser un investissement à l'actionnariat de la SGF, ce serait de faire un guidi fiscal, que le ministre connaît bien, étant fiscaliste lui-même. Et donc c'est la même chose, ce serait de retourner des Québécois à l'intérieur de l'actionnariat de la SGF. La SGF peut cependant vendre des portefeuilles à des gestionnaires privés. Je pense que, quand elle doit constater que telle chose a bien été, a mal été, a moyennement été, quand son rôle est fini, elle pourrait passer le puck à des gestionnaires du privé. Ça, elle peut le faire, à mon avis.

Quoi retenir de tout ce petit témoignage? Je veux laisser le temps aux autres et à la discussion. C'est: Où est-ce qu'ils sont, les entrepreneurs? Je vous dis: Il faut décider rapidement, mais où sont les entrepreneurs dans la consultation qui a été faite? Et décidez ce que vous voulez, vous êtes les élus, maintenant, vous êtes prêts, mais décidez. Je pense que ça, c'est... J'avais indiqué, plus tôt dans ce rapport-là, que parfois on dit: On va jeter le bébé avec l'eau du bain, mais, si on tarde trop, le bébé va se noyer dans l'eau froide du bain, là. Alors, à un moment donné, commencez la période de transition le plus rapidement possible. Si ce n'est que ça qui est retenu, j'en serai satisfait. Merci.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. Paillé. Alors, M. le ministre du Développement économique et régional et de la Recherche.

M. Audet: Alors, M. Paillé, je veux vous remercier et vous féliciter pour... D'abord, évidemment il faut prendre le temps et également le courage pour écrire un document semblable et en venir faire la présentation. Je dois dire que je partage beaucoup des éléments que vous avez exprimés dans votre document, plusieurs aspects de la vision que vous exprimez, et notamment deux points: la transition, effectivement il faut qu'elle soit assez courte, et centrer la SGF sur ses missions justement d'être un partenaire stratégique dans les dossiers de base, ce qui était d'ailleurs la mission traditionnelle de la SGF avant 1999 particulièrement; d'autre part, évidemment vous avez mentionné que ce soient des mandats... qu'on évite les chevauchements, donc des mandats de plus en plus exclusifs, et ça, c'est très important, donc beaucoup d'éléments qui sont très... à mon avis qui sont très porteurs et justement qui vont certainement guider notre action. Et je le mentionne en passant, que déjà la Société générale de financement fonctionne actuellement un peu sur cette perspective-là qu'on va confirmer, qu'on aura à confirmer, mais déjà c'est un peu le sens du mandat qui continue d'être appliqué à la Société générale de financement.

La question qui me vient à l'esprit... Vous avez été justement à la Société générale de financement de 1997 à 2001, et évidemment, comme vous avez mentionné, vous avez été même V.P. de finances, et je ne veux pas... personne n'a été mandaté ou n'est venu de la SGF me faire une présentation, donc vous êtes le premier à qui on peut poser cette question. Je mentionnais, ce matin, par exemple, que, de 1999 à 2003, aux coûts d'acquisition, il y avait des placements de la SGF qui avaient été faits pour une valeur de 1 450 000 000 $. Bon, quand on calcule l'évaluation, qui est de 850 millions environ, les pertes d'opération, les frais de lancement de projets, la dépréciation totale de ces projets-là était de 1,1 milliard. Donc, sur 1 450 000 000 $, ces projets ont fondu donc à 350 millions environ, donc des projets d'investissement qui ont été faits entre 1999 et 2003.

n(15 h 40)n

Sans faire le procès et sans faire de... Je comprends qu'il y a eu la bulle technologique, il y a toutes sortes de facteurs qui ont pu jouer. Est-ce que, en fonction de ce que vous dites, sur le fait qu'il faut être centré sur sa mission, sur le fait que justement il y a des choses qui... la SGF n'est pas là pour comptabiliser nécessairement des retombées économiques particulières ? en fait, c'est ce que j'ai cru comprendre ? comment vous expliquez justement que ? il faut le dire, hein? ? cette catastrophe financière qui s'est produite, qui a été, à l'échelle, beaucoup plus importante que ce qu'ont vécu d'autres compagnies de portefeuille... Évidemment, on va dire qu'on a pris plus de risques, mais justement est-ce que c'était la mission de la SGF? Sans faire le procès, encore une fois ? je sais que vous allez être prudent là-dessus ? mais juste strictement en termes de ligne de fond, comment expliquez-vous qu'on en soit arrivé là, finalement, qu'on doive, nous autres, mettre actuellement, là... constater des pertes aussi importantes à la fois au niveau des pertes du capital et des opérations de la société, pendant cette période 1999-2003?

Le Président (M. Paquet): M. Paillé.

M. Paillé (Daniel): Bien, un, vous allez comprendre mon devoir de réserve usuel. On a tous deux été hauts fonctionnaires, ça fait qu'on ne commentera pas les décisions passées. Il y a des gens à la SGF qui sont là puis qui peuvent répondre aux questions. Cependant, en matière d'évaluation de placements de portefeuille, je ne le sais pas parce que je n'ai pas vu les états financiers vérifiés de la SGF un par rapport à l'autre, là, comment les techniques d'évaluation de portefeuille ont été faites. C'est évident que, quand on décide de passer la gratte, à -32 ° ou à -38 ° sur le haut du mont Saint-Anne, il fait froid pareil, tu sais. Ça fait que, tant qu'à faire, tant qu'à faire des radiations, il y a des bonnes vieilles techniques comptables qui permettent ça. Ce sera mon commentaire là-dessus.

Au niveau du rendement cependant, je pense que vous m'invitez à parler de partenariat et du même rendement. Je pense qu'une des choses que l'on devrait noter, c'est de limiter des sociétés comme la SGF à un partenariat premièrement minoritaire. Mais minoritaire, ça ne veut pas dire 49 % à tout coup, O.K.? Ça pourrait laisser de la place à d'autres rondes de financement. Donc, il y a un 30 %, là, comme «ball park figure» qu'on pourrait regarder puis dire: Oui, tu as une influence sensible, mais, non, tu ne contrôles pas.

Et la qualité du partenariat... Je n'ai pas fait l'analyse du portefeuille de la SGF depuis trois ans, mais la qualité du partenariat, si la SGF a perdu, selon ce que vous dites, 1,1 milliard et qui était à 49 %, bien il y a sûrement d'autres entrepreneurs privés qui auraient dû perdre 1,2 milliard, O.K.? Bon. Ça, c'est la technique comptable qui devrait faire ça. Donc, je pense que le partenariat doit être très, très solide, que ça doit être des gens du privé et que les rendements soient les mêmes.

Je pense qu'on a évoqué... Ce n'est pas nécessairement dans le rapport Brunet, mais, autour et alentour du rapport Brunet, on disait: Peut-être que le gouvernement pourrait avoir un rendement moindre mais perdre moins. Ça, là, non. Ça, si vous avez du capital-actions dans une entreprise, vous avez du capital-actions dans une entreprise. Ça, là, «a buck is a buck is a buck». Ça, c'est vieux, là, mais quand même ça marche encore. Et donc le rendement devrait être le même.

Alors, je ne veux pas voir si le 1,1 milliard que vous citez sur 1,5 est une bonne évaluation ou si on a passé la gratte un peu fort, mais il reste qu'il y a... Il faudrait juger des techniques de rendement là-dessus et de la façon dont on a calculé le rendement et, deuxièmement, de la qualité du partenaire. Parce que, quand je parlais du partenariat qui ne devrait pas être croisé, c'est sûr que, si, dans une entreprise, vous avez deux, trois sociétés d'État qui ont chacune 20 %, bien là, à un moment donné, il n'y a plus beaucoup de privé là-dedans. Alors, il faudrait que la responsabilité de chacun soit assumée.

Le Président (M. Paquet): M. le ministre.

M. Audet: Oui. En fait, ma question avait trait... Puis je comprends très bien. On ne parle même pas du portefeuille détaillé, mais c'est plus en termes de stratégie globale. C'est parce que, dans votre présentation, vous dites au fond qu'il ne faut pas que la SGF fasse des interventions tous azimuts ? c'est ce que j'ai compris ? dans toutes les directions. Évidemment, avec les 10 filiales, les 10 secteurs dans lesquels on était, on prend beaucoup de risques, mais on ne peut pas être bons en tout. C'est ce que j'ai compris. Il faut vous centrer sur quelques investissements stratégiques ? ce que j'ai compris, là ? importants, avec des partenaires qui sont des gestionnaires qui connaissent leur domaine, etc. C'est ce que je dégage de votre présentation.

Mais est-ce que ça a été, puisque, là, encore une fois... Est-ce que vous attribuez ça au fait qu'on se soit trop dispersés ? c'est ça, ma question ? ou bien donc si c'est parce que c'était lié à la nature de certains secteurs qu'on a choisis, ou bien donc... Je pose cette question-là strictement en termes stratégiques et non pas, encore une fois, en termes d'évaluation. Je comprends très bien, je ne suis pas en train de faire faire l'évaluation du portefeuille, ce n'est pas votre mission, puis ce n'est pas ça que je vais vous demander non plus. Mais, puisque vous posez la question vous-même ? votre présentation est: recentrer la SGF sur sa mission de base ? j'imagine que vous trouviez qu'elle n'était pas centrée sur sa mission de base, telle qu'elle fonctionnait jusqu'en 2003. Donc, c'est quoi, le réalignement, la réaffectation que vous voyez par rapport justement à la SGF que vous avez connue?

Le Président (M. Paquet): M. Paillé, en une minute, s'il vous plaît.

M. Paillé (Daniel): Oui. La SGF... Bien, je vais prendre le rétroviseur puis le pare-brise; j'aime autant regarder le pare-brise. O.K.? Je viens vous parler de ce que je pense que devrait être la SGF. La SGF, elle devrait être un partenaire minoritaire avec des entrepreneurs qui veulent s'installer au Québec et qui sont des étrangers. Prenez n'importe quel... Dans l'aluminerie, par exemple, tous les risques que la SGF a pris dans des alumineries, ou en pétrochimie, ou en pâtes et papiers, avec des internationaux qui sont venus au Québec, ont été du même ordre. S'ils ont fait de l'argent, ils ont fait de l'argent; s'ils en ont perdu, ils en ont perdu et exactement de la même façon.

Un mot sur les filiales, cependant. À trop vouloir généraliser ou centraliser, parfois on peut perdre de la compétence. Moi, je me souviens, avant que la SGF soit très élargie, où, si vous aviez un dossier de santé et que le seul membre du conseil d'administration spécialisé là-dedans n'était pas là, il y avait comme un manque. Alors, la capacité qui avait été mise en place d'avoir des comités spécialisés, externes et privés, qui faisaient une expertise là-dessus, ça, c'était une bonne idée qu'il ne faudrait pas perdre sur le principe de faire un guichet unique. Un guichet unique, là, c'est juste quelqu'un qui dit: Va là, va là, va là. Ça n'apporte rien, ça fait juste une porte de plus.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui. M. Paillé, merci de présenter une position qui vient de la part de quelqu'un, comme vous l'avez dit, là, qui a travaillé dans le privé, a travaillé à la SGF, a été un ministre de l'Industrie et Commerce. Donc, vous connaissez bien le domaine du capital de risque.

Vous nous dites, dans votre document, qu'il faut réduire la période d'incertitude. Vous dites: Prenez n'importe quelle décision, mais prenez-la, parce que, actuellement ? et je reprends vos paroles ? depuis le printemps 2003, il y a eu certes des effets négatifs sur certains projets. Bon. Moi, je suis d'accord avec vous de ce côté-là, là. Ce qu'on entend un petit peu partout dans les régions, chez Investissement Québec, dans les Innovatech, à la SGF, que beaucoup de projets sont sur la glace, je pense que ça a beaucoup d'impact actuellement sur la création d'emplois, puis j'aimerais ça que vous nous en parliez, ce que vous avez entendu dire, là, dans le marché, quand vous parlez des effets négatifs sur certains projets, de nous dire, là, comment vous les évaluez, ces impacts, actuellement.

Le Président (M. Paquet): M. Paillé.

M. Paillé (Daniel): À moins d'être en très grande période d'expansion économique, c'est sûr qu'à l'intérieur d'un an il y a quelqu'un qui a eu besoin de la SGF ou il y a quelqu'un qui a eu besoin d'une société et que probablement, dans un moment d'incertitude comme ça, il ne savait pas si c'était ouvert, ou si ce n'était pas ouvert, ou si c'était disponible. Et aussi j'ai l'impression, sans avoir de cas très précis, que, lors de certains tours de table où on passe, là, du démarrage, bon, à la mise en marché, dans des tours de table, peut-être que l'incertitude actuelle de cet examen-là dit: Bien oui, on est là, ou: Non, on n'est pas là, ou bien: Là, il faudrait peut-être en parler.

Je vais prendre l'exemple... Il y a des gens qui nous ont demandé, dans le secteur où je suis présentement, c'est quoi, l'effet du taux de change du dollar canadien qui a affecté les remorques. O.K.? Bien, le pire, je ne le sais pas, c'est le nombre de remorques que je n'ai pas vendues. Mais je ne le sais pas parce que je ne les ai pas vendues. Alors, peut-être qu'on a perdu de bonnes opportunités d'investissement, par une période aussi que je considère longue ? c'est mon opinion; je viens ici à titre privé ? que je considère longue, et, je me dis, ça ne se peut pas qu'il n'y en ait pas eu, parce que, oui, on est dans une poussée économique, mais quand même il y a un rôle à jouer par la SGF et ces sociétés-là, et il faut les recentrer puis dire: Bien, dépêchez-vous. Les éléments négatifs, c'est un feeling de marché, ça ne se peut pas qu'il n'y en ait pas eu.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.

n(15 h 50)n

M. Legault: Oui. Je suis assez d'accord avec vous, on ne peut pas recevoir un rapport positivement, et dire: On va fermer les Innovatech, on va revoir le rôle complètement de la SGF, on va réduire les pertes sur prêt dans Investissement Québec, et penser que les entreprises ne réagiront pas. Je pense qu'il y a effectivement, là, dans le marché, beaucoup d'entreprises qui, face à cette incertitude, sont en attente, et puis évidemment que ça a des impacts très négatifs sur le développement économique du Québec.

Je voudrais revenir, là, sur ce que vous proposez. Bon, ce que vous proposez ? entre autres, vous nous parlez beaucoup de la SGF ? c'est de réduire de façon très importante le rôle de la SGF, de garder seulement le volet, là, équité, plutôt très minoritaire ? 20 %, 30 %, comme vous le disiez ? et choisir quelques secteurs industriels, se concentrer sur l'étranger. Et vous disiez, tantôt: Pas de mandats spéciaux du gouvernement et que son rendement devrait être comparable au rendement du secteur privé. Moi, je veux bien qu'on examine la situation de cette façon-là, mais il faut quand même comprendre que tous les États dans le monde ont des organismes qui aident les entreprises, que ce soit avec des prêts sans intérêts, ou que ce soit avec des subventions, ou que ce soient des investissements un peu plus risqués que la normale dans le capital-actions, surtout lors du démarrage d'entreprises. Ça existe partout dans le monde.

Là, je veux bien, là. Vous nous dites: Ça ne devrait peut-être pas être à la SGF. Vous ne nous dites pas où ça devrait être. Peut-être que ce serait à Investissement Québec, mais c'est justement, là... Je voudrais vous entendre de ce côté-là, savoir qu'est-ce que vous pensez du rôle de l'État dans le développement économique.

Puis, peut-être d'une façon plus précise, quand on dit, dans le rapport Brunet, qu'on devrait établir des cibles annuelles pour réduire les contributions du gouvernement sur les pertes sur prêt sans évaluer les impacts que ça pourrait avoir sur les retombées économiques en termes de création d'emplois ou autre, est-ce que finalement il n'y a pas une partie du portrait qu'il nous manque, là? Est-ce que finalement l'État n'a pas quand même un rôle à jouer et qu'on ne doit pas tenir compte des retombées économiques? Puis, je veux bien, là, on peut peut-être dire: Ce n'est pas à la SGF à jouer ce rôle-là, c'est peut-être à Investissement Québec, mais je voudrais vous entendre quand même sur le rôle de l'État dans le développement économique.

Le Président (M. Paquet): M. Paillé.

M. Paillé (Daniel): Oui. Bien, je vais reprendre un conseil que j'avais eu en 1994, quand je suis arrivé ici, là, puis qui avait dit: Essaie de nuire le moins possible. O.K.? La SGF, là, elle est bonne en équité. Si elle veut prendre des risques plus forts puis avoir une capitalisation ou des actions différentes que d'autres, elle est capable de faire ça et elle est reconnue pour faire ça. Puis, dans le monde, on sait qu'on dit: À la SGF, on va s'adresser à un organisme de capital. Pour faire du prêt, il y a des institutions bancaires qui existent là-dessus, puis je pense que le système canadien, il marche bien dans les institutions bancaires. J'aimerais être cité totalement, là, là-dessus. Et donc des institutions financières, ça marche, ça roule. Parfois, il faut donner des garanties, et ça, je pense qu'un autre organisme que la SGF... Mais l'État peut, dans des créneaux très précis ou dans des durées de temps très précises, dire: Pour le démarrage d'entreprises, par exemple, de 1994 à 1997, on fait un programme pour garantir les prêts jusqu'à 50 000 $ et plus. Ça a marché, mais c'était limité dans le temps. Il ne faudrait pas que ce soit «free-for-all».

La subvention, elle, elle vient d'un gouvernement. Il ne faut pas qu'une subvention vienne d'une société d'État ou d'un organisme, parce que j'ai l'impression que, là, à ce moment-là, on mêle les rôles de chacun. Et, à l'étranger, moi, j'ai fait partie d'un certain nombre de délégations où tu essaies d'expliquer la SGF, où tu essaies d'expliquer... Et c'est très simple de dire: Elle, elle fait de l'équité. Il y a des organismes qui font de la dette, ça s'appelle des banques. Un gouvernement, par certains organismes, peut faire des garanties de prêts, puis des subventions, ça, c'est l'affaire d'un gouvernement. Puis là le gouvernement a décidé s'il fait des subventions avec des dollars connus ou des crédits d'impôt avec des dollars inconnus. Ça, je pense que ça appartient au gouvernement à décider là-dessus. Mais, oui, il y a un rôle là-dessus, mais encore une fois laissons le marché jouer et de façon précise. Si on veut aider tel secteur, aidons l'aéronautique, par exemple. Vous connaissez ça? Bon. Oui, O.K., aidons-le. Ou tout le monde fait ça, bien on n'est pas plus fous que les autres, faisons-le. Mais, tous azimuts ou sous principe d'aider quelque chose, il faut tirer sur la fleur pour qu'elle pousse? Non.

Le Président (M. Paquet): Merci. Alors, M. le ministre du Développement économique et régional et de la Recherche.

M. Audet: Merci. Encore une fois, j'entends le député de Rousseau, qui semble nostalgique des pertes. Pourtant, on va enregistrer 500 millions de pertes de la Société générale de financement, cette année, et on dirait que ce n'est pas encore suffisant.

Je rappelle pour information que la SGF, cette année, va avoir réinvesti dans des projets 360 millions de dollars, en 2003. Donc, il y a eu... il continue d'y avoir de l'investissement. La différence, c'est qu'évidemment on espère que ça n'entraînera pas de pertes. Je fais une correction parce que c'est important de le signaler: la SGF est toujours présente.

Là où vous soulevez la question des incertitudes, je trouve ça assez extraordinaire et assez amusant d'entendre le représentant du Parti québécois, qui nous laisse flotter des référendums sur l'avenir du Québec à chaque semaine, penser à l'incertitude. L'incertitude... Le plus embêtant pour tous les investisseurs, qu'ils soient financiers ou qu'ils soient dans le capital de risque, c'est précisément l'avenir d'un pays. Alors, je pense que vous devriez réfléchir à cette question-là en parlant d'incertitude.

Ce que l'on fait, ce que l'on fait, et je pense que c'est très sage de nous le rappeler, de la part justement de M. Paillé, c'est de dire: Soyez prudents avant de vous lancer tous azimuts, et la norme de rendement est importante, et c'est très clair. Effectivement, il faut se rendre compte qu'on est dans du capital, dans du capital privé, et qu'il faut investir de façon justement... comme un actionnaire et en matchant des actionnaires privés. Et ça, ce point-là, je pense que, je veux le noter. Ça veut dire que, quand on perd... Comme actuellement on a des dossiers comme Gaspésia dans lesquels on est entré en catastrophe. L'impact économique, M. le député de Rousseau, il n'est pas positif, il est négatif pour tout le monde: pour le gouvernement, pour la population et pour les travailleurs.

Je pose la question à M. Paillé: Justement, dans ce contexte que vous vivez maintenant, quand est-ce que... et sous quelle forme? Parce que vous dites effectivement que c'est très important de choisir les placements que la Société générale de financement doit faire en fonction d'un partenariat, d'un nouveau projet particulièrement structurant, puis d'éviter justement de se lancer dans la concurrence avec des actionnaires ou des entreprises du Québec. Est-ce que c'est une... Puis c'est quelque chose évidemment qui a été fait largement, ces dernières années, et je pense que je déduis de ce que vous dites que ce n'est pas quelque chose à faire, même si vous ne le dites pas formellement.

Est-ce que vous avez quand même des... vous croyez que des participations avec des partenaires québécois sont possibles sans les concurrencer, à ce moment-là? Comment on peut matcher le fait qu'on devienne partenaires et qu'on entre dans une dynamique d'entreprise où on peut être en même temps concurrents d'autres entreprises québécoises? Comment vous voyez s'établir cette équation-là, cet équilibre-là?

Le Président (M. Paquet): 2 min 30 s environ, M. Paillé.

M. Paillé (Daniel): Oui. Le partenariat dans l'actionnariat d'une entreprise privée québécoise ou cotée à la Bourse, là, et qui veut se développer, il y a le Fonds de solidarité qui peut faire ça, il y a la Caisse de dépôt, qui a un magnifique portefeuille de participation, où j'étais à une certaine époque. Mais la SGF à mon avis devrait attirer des investisseurs étrangers dans des secteurs où au Québec on est absents et surtout pas rentrer à l'actionnariat d'une entreprise québécoise sous prétexte de concurrencer un autre entrepreneur québécois qui réussit quand même bien. Ça, là, je m'excuse, mais ça devrait lui être carrément interdit. La SGF devrait attirer des investissements étrangers au Québec via son investissement au capital.

Il fut un temps où on s'est demandé: Comment ça se fait qu'il n'y a pas d'Américains partenaires de la SGF? Bien, c'était normal parce que le principe de la SGF, c'était: Venez en Amérique du Nord profiter du libre-échange. Les Américains sont déjà là, là. C'est ça. Bon. Ça fait que qu'il n'y ait pas de drapeau américain au conseil d'administration de la SGF, ça ne m'émeut pas. Donc, il faut attirer, il faut qu'il y ait un rôle d'attrait que quelqu'un ne viendrait pas... Puis il y a des beaux cas. Il y a des beaux cas à Bécancour où des gens ne seraient carrément pas venus si la SGF n'était pas là. Ça, parfait. Mais d'investir directement parce que quelqu'un a un bon projet de développement au Québec puis il veut avoir du capital, c'est correct, c'est parfait. Qu'il fasse une émission d'actions, qu'il aille voir la Caisse de dépôt, qu'il aille voir le Fonds de solidarité ou celui de la CSN, mais pas une société dont son développement et sa source de fonds, c'est les impôts de tout le monde. Ça, là, bon, je suis tranché. Voilà.

Le Président (M. Paquet): O.K. Plus de 30 secondes. Voulez-vous attendre tout à l'heure ou...

M. Audet: C'est-u fini, après?

Le Président (M. Paquet): Vous avez une minute... Il vous reste 1 min 30 s au total.

M. Audet: Ah bon! Écoutez, je vais laisser la parole peut-être à un collègue. Est-ce que c'est une question que vous vouliez poser?

Une voix: ...

M. Audet: Écoutez, j'en aurais une rapide, M. Paillé. Vous avez, dans des décisions, évidemment... Parce que vous avez parlé passablement justement de cette importance d'être rigoureux dans la place justement que le gouvernement fait occuper aux sociétés d'État. Vous avez parlé d'autres sociétés d'État. Vous n'avez pas parlé très... vous avez parlé très peu des Innovatech. Quelle est votre perspective justement du regroupement des Innovatech qui est évoqué dans le rapport Brunet, ou de remplacement, ou éventuellement de l'intégration du capital privé dans les Innovatech? Est-ce que vous avez une réflexion là-dessus?

Le Président (M. Paquet): En une minute, M. Paillé.

n(16 heures)n

M. Paillé (Daniel): En une minute? Bon. Comme je disais d'emblée, il y avait, en 1994, il y avait une Innovatech à Montréal, il y avait une Innovatech à Québec. Les gens de Saint-Jérôme ne pouvaient pas aller à n'importe quelle Innovatech parce que ça s'arrêtait à la track du chemin de fer. Bon. O.K.? Et donc on a couvert le Québec par une troisième Innovatech. Je n'étais pas de ceux qui étaient remarquablement favorables pour une Innovatech Régions ressources. Je pense qu'elle a été faite par après, là. Ce n'était pas nécessairement mon «bag» parce qu'il y a un problème de gestion, à ce moment-là. Quand la totalité ou beaucoup du capital que vous investissez dans une Innovatech sert à payer le loyer, ou à attirer un bon président, ou à attirer des gens puis à payer des salaires, il y a un problème.

Et là, à ce moment-là, je pense qu'au niveau des Innovatech... En tout cas, il y en avait trois, là. Je m'excuse, mais je ne sais pas combien est-ce qu'il y en a. Et, s'ils couvrent le Québec puis s'ils sont bien structurés comme ça, laissez-les faire. Parce que, c'est vrai, quelqu'un d'une région au Sud, prendre le bateau puis aller voir l'Innovatech de l'autre côté du fleuve, c'est peut-être un problème. Donc, il faut qu'ils soient proches des gens, mais pas les multiplier à outrance, parce que, là, à un moment donné, vous ne faites que payer des loyers, vous ne faites que payer des bureaux puis des gens qui y travaillent puis ils se concurrencent sur des projets.

Et là je reviens à mon idée de dire: Quand vous en avez un autour d'une table au conseil d'administration, mettez-en pas quatre, parce que, là, à ce moment-là, l'entrepreneur, il y perd son latin puis, quand il fait des tours de table, il tourne en rond. C'est juste ça qu'il fait.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. Paillé. Alors, M. le député de Johnson.

M. Boucher: Oui. Merci. J'ai, en passant, été étonné de l'intervention du ministre par rapport au référendum, parce que le ministre des Finances a parlé de référendum hier. J'imagine que le Québec est ébranlé et que les investisseurs vont cesser d'investir parce qu'il a parlé de référendum. Alors, il faudrait que vous parliez au Conseil des ministres, en passant, il y a des problèmes.

Mais, ceci étant dit, M. Paillé, vous avez annoncé avec moi la Société Innovatech du sud du Québec. Vous avez répondu partiellement à ma question, mais je veux aller plus loin. Actuellement, la Société Innovatech sud du Québec, dans la région de l'Estrie, mais aussi plus largement une partie de la Montérégie et du Centre-du-Québec, a un capital de 100 millions. Le rapport Brunet préconise de faire disparaître les sociétés Innovatech et de les remplacer par un fonds de 3 millions, avec un maximum d'investissement de 300 000 $. Est-ce que vous pensez que c'est une bonne idée de faire disparaître votre créature?

Le Président (M. Paquet): M. Paillé.

M. Paillé (Daniel): Non, parce que je pense que les Innovatech, les trois dont on parlait au départ, O.K., ont leur raison d'être, et il faut un minimum de capital. D'avoir, dans une région, une société, peu importe laquelle, qui a 2 millions de capital, puis qui va regarder, puis qui va payer des salaires, puis... il n'y a pas les moyens d'être influençable. O.K.? D'avoir une société qui a 100 millions ou... À l'époque, à Montréal, on en avait 300. Tu as un fonds de base qui permet de faire des gains, qui permet de faire des pertes puis qui permet... Ça, c'est le capital de risque. Parce que les Innovatech font du capital de risque. C'est toujours la même règle. Sur 10 investissements, ils en perdent six, ils ont deux chiens puis ils ont deux bons, et ça, ça devrait continuer, à mon avis, parce que, si on diminue trop les choses, on se perd dans du salaire puis dans des loyers de bureaux et il n'y a plus ou pas d'argent pour le vrai capital chez l'entrepreneur.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Johnson? M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui. Tantôt, vous nous parliez quand même de la nécessité, dans certains cas, qu'il y ait des subventions, et vous parliez de l'aéronautique. Si, demain matin, Embraer reçoit une subvention du gouvernement du Brésil, je pense que ce serait normal qu'ici on aide Bombardier pour être certain que les emplois se créent ici. Évidemment, il y a un calcul à faire, à savoir: Est-ce que les retombées sont supérieures à la subvention? Mais vous nous dites: C'est juste la partie subvention puis ça devrait être géré cas par cas par le gouvernement. Quand on fait un prêt sans intérêts ou un prêt très risqué sur lequel il faut calculer des provisions, pour vous, quelle différence y a-t-il entre un prêt sans intérêts et une subvention? Et ce que vous sembliez dire, c'est que le prêt devrait être géré par Investissement Québec, par des professionnels, avec des normes établies. Vous ne pensez pas qu'il y a un risque que les subventions soient contrôlées directement, là, par les politiques?

Le Président (M. Paquet): M. Paillé.

M. Paillé (Daniel): Un gouvernement, c'est fait de politiques, puis, s'il contrôle les subventions, bien c'est fait pour ça. Une subvention, ça ne revient pas. Un prêt, en principe, il est remboursable et il doit être établi en fonction de la capacité de rembourser et du risque. Si l'État veut accoter le prêt, donner une garantie au cas où ça pète, c'est son rôle. Mais le prêt comme tel et l'analyse du prêt, les risques, les montants, l'amortissement, etc., ça appartient du domaine privé à mon avis et du domaine bancaire. Le gouvernement, il est fait de politiques, il établit des politiques puis il donne des subventions. Le terme «subvention» est toujours précédé de «donner», puis ça, tu ne les revois plus. À mon avis, ça, c'est très clair, une société d'État, elle n'est pas faite pour être un ministère. Un ministère, ça fait ça, puis une société d'État, ça fait autre chose. C'est clair.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.

M. Legault: Est-ce qu'une société d'État comme Investissement Québec devrait être rentable, selon vous?

Le Président (M. Paquet): M. Paillé.

M. Paillé (Daniel): Si son mandat est effectivement de faire des prêts, et de les retrouver, puis d'avoir de l'intérêt là-dessus, ma réponse, c'est oui.

M. Audet: Excellent.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.

M. Legault: Et s'il y avait un prêt à faire sans intérêts?

M. Paillé (Daniel): Ça, c'est du domaine de la subvention.

M. Legault: Donc, toutes les subventions, incluant les prêts sans intérêts, pour vous, devraient être faites par le ministère du Développement économique et régional?

Le Président (M. Paquet): M. Paillé.

M. Paillé (Daniel): Je ne sais pas si c'est le ministère du Développement économique et régional, mais ça devrait être fait par une officine gouvernementale, puis ça, ça s'appelle un ministère, et c'est contrôlé, à la limite, par un politique. Il y a-tu de la politique là-dedans? Oui, il y en a. Est-ce que c'est normé? J'espère!

Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui. Peut-être juste pour vous expliquer un petit peu ? puis je pense que vous avez suivi ça de très près, évidemment ? quand Investissement Québec avait été créée, il y avait eu un regroupement des compétences des professionnels à un endroit, parce que, auparavant, il y en avait au ministère de l'Industrie et Commerce, des professionnels dans chacune des industries, et il y en avait chez Investissement Québec, des... C'est-à-dire, à ce moment-là, ça s'appelait comment?

M. Audet: La SDI.

M. Legault: La SDI. Il y avait des professionnels dans la société d'État qui couvraient les mêmes secteurs. Par souci d'efficacité et pour améliorer nos compétences et notre expertise, il a été décidé de regrouper au même endroit les experts dans chacune des industries. Ce que vous venez nous suggérer aujourd'hui, c'est de dédoubler, donc de dire: Ceux qui s'occupent des prêts seraient dans la société d'État, donc on aurait des responsables, des experts dans chaque industrie, puis on aurait la même chose au ministère de recréée, donc on viendrait ajouter, avec votre proposition, des fonctionnaires pour être capable de distinguer une subvention d'un prêt.

M. Paillé (Daniel): Pas tout à fait.

Le Président (M. Paquet): M. Paillé.

M. Paillé (Daniel): Oui.

Le Président (M. Paquet): Vous avez une minute.

M. Paillé (Daniel): O.K. Effectivement, au ministère de l'Industrie et Commerce, il y avait une excellente équipe qui s'appelait les équipes de sectoriels, hein ? bon, vous le connaissez; vous avez passé peu de temps, mais quand même vous êtes passé là, vous, à Industrie et Commerce ? et ces sectoriels-là, ils analysent les secteurs pour voir si on doit octroyer des subventions, développer, restreindre, donc que le gouvernement se donne une opinion sur un secteur, et ça, ça appartient à la fonction publique. Faire des prêts, je m'excuse, mais ça n'appartient pas à un gouvernement. À une époque, en 1994, quand on a fait un plan, un programme de démarrage d'entreprises, l'analyse du prêt, ce n'était pas la SDI, ce n'était pas le gouvernement, ce n'était pas le ministère, il y a du monde qui m'en a voulu à mort là-dessus, mais c'étaient les banques. Puis, quand quelqu'un arrivait puis qu'ils disaient: Ton projet n'est pas bon, je disais: Change de banque. Puis, quand ça faisait six fois, tu disais: Change d'idée. Mais c'étaient les banques qui faisaient cette analyse-là. La caution, la garantie pouvait être octroyée par le gouvernement. C'est ce qui a été fait. Mais, divisons les choses convenablement, un analyste de prêts, ce n'est pas un fonctionnaire.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. Paillé. Alors, au nom des membres de la commission, je vous remercie sincèrement pour votre participation à nos travaux. Je suspends les travaux pour quelques minutes pour permettre aux prochains intervenants du groupe CIRANO de se joindre à nous.

(Suspension de la séance à 16 h 9)

 

(Reprise à 16 h 13)

Le Président (M. Paquet): ...s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations, connu sous le nom de CIRANO. Alors, M. Jean-Marc Rousseau, président-directeur général, et M. Jean-Marc Suret, professeur et directeur de l'École de comptabilité de l'Université Laval et Fellow de CIRANO, donc nous avons une heure pour votre comparution, cet après-midi. Vous disposez d'une période de 20 minutes pour présenter votre mémoire. Ce sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission pour le temps restant, réparti également: 20 minutes du côté gouvernemental et du côté de l'opposition. Alors, sans plus tarder, M. Rousseau.

Centre interuniversitaire de recherche
en analyse des organisations (CIRANO)

M. Rousseau (Jean-Marc): Oui. Bien, rapidement, je vais vous présenter rapidement qui est CIRANO. Vous l'avez nommé Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations; on est en fait un centre de liaison et transfert dont l'infrastructure est financée par la mission recherche du MDERR. Notre mission est de faire la liaison bidirectionnelle entre, je dirais, l'immense réservoir de connaissances et de compétences que l'on retrouve dans nos universités et les besoins des organisations, aussi bien privées que publiques. «Bidirectionnelle» veut dire qu'on veut à la fois influencer les programmes de recherche dans les universités à partir des problèmes des organisations et influencer les décisions des organisations à partir des connaissances issues de la recherche.

Nos principaux domaines de compétence sont l'économie, la finance, la gestion et les technologies de l'information. Nous avons un réseau d'une centaine de professeurs-chercheurs appartenant, pour la majorité, au réseau universitaire québécois. Nos champs d'intervention sont la gestion des risques, qu'ils soient financiers, d'affaires, technologiques, environnementaux et à la santé, les politiques publiques et les affaires électroniques.

Notre mémoire aujourd'hui a été préparé par Jean-Marc Suret, qui est professeur et directeur de l'École de comptabilité de l'Université Laval et membre actif de CIRANO depuis ses débuts. Il mène depuis longtemps des travaux dans le domaine du financement des petites entreprises, du rôle de la fiscalité, du coût et des conditions de financement par capital de risque. Il a, dans ce contexte, analysé la plupart des programmes québécois dans le domaine de la capitalisation. M. Suret va maintenant vous présenter notre mémoire.

Le Président (M. Paquet): M. Suret.

M. Suret (Jean-Marc): Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, alors tout d'abord un portrait de la situation, un certain nombre de constats qui découlent de nos travaux, ensuite les implications de ces constats et, pour terminer, quelques pistes de solution à une situation qu'on peut décrire comme étant problématique.

Premier constat ? je pense qu'il a déjà été fait, mais je veux le mettre en perspective: nous sommes, au Québec, face à une offre de capital de risque qui est extrêmement abondante. Nous avons le deuxième rang mondial en termes de capital de risque par habitant. Pour mettre les choses un peu en perspective, on peut se référer à ce qui se passe ailleurs dans les pays de l'OCDE. Il faut oublier un peu les États-Unis, c'est un cas à part, mais, dans les autres pays, le capital de risque représente 0,05 % du PIB et jusqu'à 0,1 % dans les pays les plus dynamiques, en termes de recherche et de développement. Ramené à l'échelle du Québec, ça veut dire entre 128 et 250 millions de dollars par année. C'est ce dont nous aurions normalement besoin pour financer le capital de risque au Québec, sous l'hypothèse que notre activité de recherche et de création d'entreprises est la même que celle des pays les plus performants.

Vous savez que, annuellement, les fonds de travailleurs à eux seuls vont chercher plus de 1 milliard de dollars. Donc, on a un pool de capital qui est totalement disproportionné par rapport à ce que l'on peut raisonnablement placer au Québec. Donc, un déséquilibre offre-demande. Alors, dans un cas de déséquilibre offre-demande, tous les économistes vous diront qu'il doit y avoir un ajustement des prix, et en fait le prix du capital, donc les conditions d'accès au capital, devrait baisser. Or, ce n'est pas ce que l'on observe. Les études sur le terrain que nous menons actuellement montrent que le coût du capital est resté très élevé pour les sociétés qui en recherchent, que le coût d'obtention des fonds, donc les coûts indirects atteignent dans certains cas 40 % à 50 % du montant levé. Autrement dit, pour lever 1 million, ça coûte 400 000 $.

On assiste aussi à un empilage de conventions d'actionnaires extrêmement restrictives et extrêmement difficiles à gérer. J'ai vu des dossiers où il y a 1 million de capital qui a été mis par trois partenaires, et on a en plus Investissement Québec qui embarque. On verra tout à l'heure que cela a des implications extrêmement négatives quand vient le moment de disposer des placements, c'est-à-dire de sortir pour permettre à d'autres investisseurs de rentrer.

Alors, qu'est-ce qui se passe? Comment se fait-il que, dans un univers où on a une abondance d'offres, on n'ait pas un ajustement qui se fasse en amélioration des conditions? Il y a deux raisons à cela. La première, c'est qu'une grande partie de ce capital n'est tout simplement pas mise à la disposition des entreprises. Il existe actuellement au Québec un bassin de capital non investi qui représente quelque chose entre 2 et 3 milliards de dollars. Essentiellement, ce capital a été fiscalement subventionné par le gouvernement. Donc, ce sont des fonds qu'on a subventionnés mais qui sont en encaisse, qui sont en obligations, qui sont en actions de grandes entreprises, qui sont en immobilier. C'est la première raison.

La deuxième raison, elle est aussi grave, à mon avis, c'est ce que je vais appeler l'effet de coalition. C'est qu'on n'a pas affaire à un ensemble de joueurs indépendants faisant jouer la concurrence, et une jeune entreprise qui cherche à se financer au Québec se retrouve face à un oligopole. Donc, il y a un triumvirat ? dans les années passées, c'était Sofinov, FSTQ et Innovatech ? et on échappe rarement à l'une de ces trois entités-là, et en fait elles dictent les conditions de marché, elles vont dicter les prix, elles vont s'entendre pour fixer les conventions d'actionnaires, ce qui fait que, les entrepreneurs ont coutume de le dire, quand on a eu un dossier refusé à un endroit au Québec, ce n'est pas la peine d'aller le proposer ailleurs. Or, de nombreux travaux le montrent, le meilleur atout des entreprises dans un marché de financement, c'est la concurrence entre les acteurs. Donc, ce sont à mon avis les deux raisons qui font que l'on a simultanément une offre extrêmement abondante et une demande très largement insatisfaite.

n(16 h 20)n

Deuxième constat: le rôle énorme des gouvernements. Et je vais parler, ici, puisqu'on a fait les nuances, je crois, dans des séances antérieures, de capital subventionné. Donc, le capital est subventionné soit totalement, dans le cas des Innovatech ou de la SGF, soit fiscalement, dans le cas des fonds de travailleurs. Cela revient au même, ce capital n'existerait pas si le gouvernement n'en payait pas la totalité ou 70 %. Ce capital subventionné représente 70 % à peu près du capital disponible. On peut ajouter, quand on se place du point de vue d'un investisseur américain ou du Canada anglais, le capital mis par la Caisse de dépôt, qui est considéré par tous ces gens-là comme étant un intervenant gouvernemental, même si évidemment ce n'est pas un investisseur subventionné.

Les données mêmes du Réseau Capital indiquent que 88 % des rondes de financement de ces dernières années ont été faites par des acteurs non privés, donc gouvernementaux ou subventionnés. 88 %. Alors, là aussi il faut avoir quelques repères. Notre concurrent le plus proche dans le domaine de l'intervention gouvernementale en capital de risque, c'est le Royaume-Uni: 24 % du capital; Israël, 0,1 %; États-Unis, quelque chose comme 8 %. Et encore, ce sont des garanties de prêts. Donc, le Québec est, en ce domaine, totalement hors normes. La norme internationale, c'est en dessous de 10 % et, pour quelques pays, entre 10 % et 20 %, avec une exception, qui est le Royaume-Uni, avec 24 %. Donc, situation totalement atypique.

Situation totalement atypique aussi, c'est le constat suivant, en termes de structure de notre industrie, puisque nous avons privilégié les énormes institutions par rapport évidemment à notre taille d'économie. On parle de la SGF, on parle de la Caisse de dépôt, on parle des fonds de travailleurs. Ça représente plusieurs milliards et ça intervient dans tous les domaines. Alors, quand on regarde ? et nous l'avons fait de façon très attentive ? Israël ou les pays d'Europe et autres, on observe que l'intervention gouvernementale se fait par des fonds de petite taille, de durée de vie limitée, qui sont soumis à la disparition éventuelle en cas de non-performance, et jamais par des institutions de très grande taille intervenant à tous les niveaux. Et les autres pays se caractérisent par une intervention gouvernementale très ciblée sur les phases de démarrage, d'incubation et première ronde de financement. Dans aucun pays on n'intervient, à ma connaissance, sur les rondes ultérieures de financement. Les 20 millions, 30 millions, 50 millions et plus, il n'en est pas question.

Quatrième constat: la générosité de notre système. Nous avons un système extrêmement généreux qui coûte... Les estimations que je fais du coût de l'intervention sont un peu supérieures à celles qu'avait faites M. Brunet. Je suis aux alentours de 1,5 milliard de dollars par année. J'inclus la part du fédéral puisque je suis un contribuable aux deux niveaux. Cette générosité s'exprime par le type de projets que l'on finance. Nous sommes le seul pays au monde à donner des crédits d'impôt pour investissements à l'étranger. Nous sommes aussi, à ma connaissance, la seule juridiction à donner des crédits d'impôt pour l'investissement immobilier, qui n'est pas très créateur d'emplois, vous l'avouerez, pour des investissements dans des sociétés dont la capitalisation dépasse 500 millions, voire 1 milliard, et enfin des crédits d'impôt pour des opérations de MBO, et ainsi de suite, qui se font tout à fait sans crédits d'impôt ailleurs. Donc, une intervention tous azimuts, avec toutes sortes de structures qui sont financées. Cela s'ajoute ? et je le souligne au passage ? aux 1 900 programmes de subvention auxquels ont accès les entreprises québécoises. En termes de coûts, nous supportons, au niveau du Québec, des coûts équivalents, pour le financement des entreprises, à ceux du Royaume-Uni. Notre PIB n'est toutefois pas le même.

Dernier constat: celui des régions. On se plaint du problème de financement en région. Nous avions, à la fin de 2001, 336 fonds régionaux. C'est un record mondial. Bon, on est battus par les États-Unis, qui ont 442 SBIC, donc qui ont à peu près le même effet. Là aussi, l'économie n'est pas tout à fait de même taille. Les fonds régionaux disposaient, au Québec, de 1,2 milliard de dollars dont la plus grande partie n'est pas investie et se trouve en liquidités.

Quelles sont les conséquences de cette situation? La première conséquence, et en particulier la conséquence de la surintervention gouvernementale, c'est ce qu'on appelle l'effet d'éviction. Clairement mis en évidence par mes collègues ontariens, albertains et autres, l'effet d'éviction, c'est simplement le fait que, quand le gouvernement investit 100 millions en capital subventionné, il y a au moins 100 millions de capital privé qui s'en va. L'estimation qui a été faite, là aussi, par les auteurs du Canada anglais est à l'effet que les fonds de travailleurs en particulier ont réduit l'offre totale de capital de risque au Canada et que cela coûte actuellement 400 financements par année essentiellement dans les rondes de développement.

Observation au Québec ? et vous l'avez sur le site de Réseau Capital: la part du privé diminue d'année en année. Vous en avez une autre illustration avec le retrait de la Caisse de dépôt de ce secteur d'activité. C'était quand même un portefeuille énorme qui était là, et on voit la caisse se retirer. Évidemment, il y a beaucoup de fonds subventionnés, et on ne peut pas supporter la concurrence.

Conséquence induite aussi par cette situation: rentabilité de l'industrie. Nous avons une industrie du capital de risque dont la rentabilité est l'une des plus faibles au monde. Au cours des cinq dernières années, qui n'ont pas été des années fantastiques, le capital de risque fait 19 % aux États-Unis, il fait moins 3 % au Canada, essentiellement en raison de la très faible rentabilité des fonds de travailleurs et autres organismes subventionnés, qui constituent une très grande part de l'offre de capital.

Et là on entre dans quelque chose qui est extrêmement dangereux, on est entré dans ce que j'ai appelé l'effet de boucle. La première source de financement du capital de risque normale dans la plupart des pays, ce sont les régimes de retraite, ce sont les grands investisseurs institutionnels, et au Québec on dit: Mais pourquoi ils ne viennent pas? Bon, bien, quand le taux de rendement du secteur est de moins 3 %, il ne faut quand même pas leur demander l'impossible. Donc, on n'a pas le taux de rendement qui permet de les attirer. Comme on ne les attire pas, bien on se dit: Il y a un problème, il faut que le gouvernement intervienne davantage. Le gouvernement intervient davantage, il diminue le taux de rendement et on a une espèce de boucle. Ce que suggère le mémoire que nous déposons, c'est que des actions très vigoureuses soient prises de façon à casser cette boucle. Sinon, l'avenir, c'est quoi? C'est une industrie du capital de risque 100 % gouvernementale.

Autre implication: efficacité extrêmement faible de nos interventions. L'efficacité se mesure de plusieurs façons, mais le critère que nous utilisons le plus couramment, c'est le coût par dollar effectivement investi dans les entreprises. Et là on va oublier tout ce qui est retombées économiques. Elles existent peut-être, on pourrait peut-être les mesurer. Disons qu'elles ont la même ampleur, ces retombées économiques, quel que soit le moyen que j'utilise pour aller financer l'entreprise. Donc, si je finance l'entreprise par un fonds de travailleurs, je la finance par une SBIC aux États-Unis ou je finance par un Yozma en Israël. C'est des mécanismes qui mettent l'argent dans l'entreprise et ça produit éventuellement des retombées. Bien. Donc, comme le font les Anglais, comme le font les Israéliens, je m'intéresse à savoir combien ça me coûte pour aller mettre 1 $ dans une entreprise que je pense devoir financer.

Israël, ça coûte zéro, le gouvernement s'est complètement retiré de ce secteur-là. États-Unis, par le mécanisme des SBIC, ça coûte 0,20 $, qui sont donnés en garantie et qui ne sont pas donnés en subvention, par dollar investi. Le Royaume-Uni est peu performant, et les analystes disent: Il faudrait fermer ces programmes. Ça coûte 0,40 $ pour aller mettre 1 $.

Les fonds de travailleurs, ça coûte entre 3 $ et 5 $ pour chaque dollar effectivement investi dans la petite entreprise québécoise. La raison en est simple, et vous pouvez faire le calcul vous-mêmes: si on prend les rapports annuels du fonds, le dernier, on a à peu près 900 millions de dollars effectivement investis dans la petite entreprise québécoise. Il y a de faux investissements, c'est-à-dire des montants qui sont en encaisse mais qu'on considère comme des placements admissibles. Donc, ce sont les placements autorisés mais non déboursés ou encore les montants en liquidité dans les fonds régionaux. Il y en a à peu près pour 800 à 900 millions. Vous avez un portefeuille important de placements à l'étranger. Cuba, on a... Enfin, Cuba, ils en sont sortis, mais ils ont encore la Pologne et autres. Alors, il paraît que ces investissements-là créent de l'emploi au Québec. J'aimerais voir les études.

On a un portefeuille important de sociétés de grande taille, donc on investit dans Axcan ou dans AT Transat. Montrer qu'un investissement dans Axcan crée de l'emploi, c'est aussi assez difficile. La capitalisation approche le milliard de dollars. Donc, une fois qu'on a enlevé tout ça, c'est-à-dire des placements dont on ne peut pas défendre qu'ils créent effectivement de l'emploi, on arrive à 900 millions. Bon, 900 millions, le Fonds de solidarité a, jusqu'à maintenant, collecté à peu près 6 milliards de dollars. Il en reste à peu près 5 milliards parce qu'il y a eu des rachats. Si vous prenez 5 milliards qui sont subventionnés à hauteur de 70 % sous forme de crédits d'impôts, vous obtenez un montant de cinq fois 0,7, ça fait 3,5 milliards, 3,5 pour financer 900 millions. Donc, on est rendu à 4 $ pour 1 $. Dans les travaux que nous avons faits, nous faisons des calculs un peu plus raffinés et on arrive à des fourchettes qui sont entre 3 $ et 4 $. Le résultat est à peu près le même pour Crédit régional et coopératif Desjardins et c'est à peu près le même pour le fonds de la FTQ.

n(16 h 30)n

Par ailleurs, nous avons un coût qui est supporté par les investisseurs et qui est considérable, puisque j'estime que la différence de taux de rendement entre le rendement du fonds de travailleurs et le rendement d'un portefeuille ayant la même composition est de l'ordre de 500 points de base par année à 700 points de base. Ça dépend des indices que l'on utilise, c'est-à-dire que c'est cinq points de pourcentage: au lieu de rapporter 10, ça rapporte cinq.

Dernier effet qui me semble extrêmement important, c'est l'effet de réputation. Lever une entreprise, c'est une chose, mais il va falloir la faire progresser, donc faire du financement de deuxième et de troisième ronde. Or, comment sont vues nos entreprises quand il vient le temps d'aller faire une émission initiale aux États-Unis ou d'aller chercher un «venture cap» à Boston ou à Toronto? Ces entreprises sont passées par des fonds subventionnés; elles sont donc subventionnées. Donc, problème majeur. Et j'estime, à ce moment, que l'intervention gouvernementale pénalise le financement des entreprises québécoises. Et on est devant un modèle qu'il est très difficile de réformer, puisque actuellement on a une masse de capital qui ne coûte à peu près rien. Donc, si l'on suit certaines recommandations, par exemple, du rapport Brunet qui vont vers des fonds mixtes, bien ces fonds mixtes ne vont tout simplement pas survivre. C'est comme démarrer une station-service quand vous payez l'essence 0,50 $ le litre et qu'en face vous avez quelqu'un qui est quatre fois plus gros et qui paie l'essence à 0,10 $ le litre. Donc, on ne va pas loin avec cela. Et c'est pour ça que les mesures qui doivent être prises sont des mesures majeures.

Le rôle du gouvernement, c'est normalement d'intervenir là où il y a de réelles carences, c'est-à-dire au niveau du démarrage, du lancement des entreprises. Je ne crois pas à la carence des 20 millions et plus qui a été mise de l'avant. C'est une carence largement induite par deux effets: l'effet de réputation dont on a parlé et, le deuxième effet, une réglementation des valeurs mobilières au Québec qui n'a toujours pas été revue et qui a un retard considérable par rapport à ce qui se fait dans le reste du Canada. L'an dernier, en Ontario, on a levé 40 milliards de dollars en placements privés. On n'a même pas le dixième de cela au Québec. Bon, la réglementation joue beaucoup.

Première action qui me semble indispensable: revoir les lois des fonds de travailleurs. Il m'importe et il importe, je crois, que les fonds qui ont été subventionnés pour être mis dans des PME québécoises soient effectivement mis dans des PME québécoises. Donc, pour moi, un placement dans l'entreprise québécoise, c'est un placement dans une société fermée qui n'est pas une société immobilière, qui est effectivement une société québécoise, et c'est un placement effectivement déboursé. On faisant cela et en disant: Bien, le fonds doit respecter sa loi, c'est-à-dire investir au moins 60 % ? et je suggère même qu'on monte à 70 % ? on vient de mettre 2 milliards de dollars à la disposition des petites entreprises québécoises. Et, si on gèle les contributions du fonds jusqu'au moment où cet objectif est atteint, on vient d'économiser 200 millions de dollars à 300 millions de dollars par année.

Deuxième élément: la transformation des Innovatech. Elle devrait se faire vers des fonds à levier avec un levier qui serait modulable. C'est-à-dire que, pour le moment, il faut être soucieux du fait que, si on transforme les Innovatech en fonds mixtes, elles vont être en compétition avec les fonds de travailleurs, qui, eux, ont un coût de capital nul. Donc, il va falloir qu'on module le levier. Ça se fait techniquement, ce n'est pas très compliqué à faire, mais, dans un premier temps, c'est essentiellement encore le gouvernement qui va devoir assumer... et, petit à petit, on pourra aller vers davantage de privé, au fur et à mesure que les avantages fiscaux diminuent, par ailleurs.

Au niveau des régions, je pense qu'une partie de la solution vient de l'imposition aux fonds de travailleurs et au fonds Desjardins ? qui investit la quasi-totalité de ses fonds à Montréal ? l'imposition à ces fonds de règles les obligeant à investir effectivement là où ils doivent investir, c'est-à-dire en région et dans des petites et moyennes entreprises fermées. Je vous remercie.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, Pr Suret. Je cède la parole maintenant au ministre du Développement économique et régional et de la Recherche. M. le ministre.

M. Audet: M. Suret, M. Rousseau, merci d'être venus, merci de votre présentation, qui est très claire et que je regrette d'ailleurs que le député de Rousseau n'ait pas entendue parce que... J'espère qu'il l'a lu, parce qu'il nous revient toujours avec l'idée justement qu'on n'a pas encore assez.... on devrait créer de nouveaux fonds et que l'on devrait particulièrement...

Le Président (M. Paquet): ...on ne peut pas soulever l'absence d'un député. On n'est pas supposés.

M. Audet: Non, non, je n'ai pas... Je m'excuse, j'ai dit: Je regrette qu'il ne soit pas là.

Le Président (M. Paquet): On n'est pas supposés. D'accord. Merci.

M. Audet: Je n'aurais pas dû le dire. Je retire mes paroles.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. le ministre.

M. Audet: Donc, je voulais tout simplement mentionner que c'était... vous souligner justement qu'il y a des changements importants à prévoir ou à avoir dans ce secteur du capital de risque, et votre analyse est extrêmement percutante, je dois le dire. Elle m'a fait même sursauter parfois parce que, effectivement, je pense que beaucoup de gens ne s'attendaient pas à des conclusions aussi importantes ? et aussi radicales, dans un certain sens ? pour certains d'entre nous.

Ceci dit, je pense que vous soulevez... et vous avez, je pense, un argumentaire et des chiffres qui nous amènent justement à nous poser des questions, et on a le devoir de le faire parce que ce sont des fonds publics, précisément, et je pense que vous avez raison de le souligner.

Lorsque vous nous dites, par exemple, effectivement qu'il y a un problème au Québec, au fond, c'est qu'il n'y a pas une pénurie de fonds, il y a trop de fonds, et qu'il y a un abus, dans un certain sens, des privilèges fiscaux qui sont utilisés pour ces fonds-là, et qu'on devrait donc concentrer... ? c'est ce que je retiens de votre présentation ? donc avoir des mesures qui fassent en sorte que les fonds actuels soient tenus d'investir davantage dans les PME ou en région.

La question que je voulais vous poser, puisque vous en avez fait l'analyse: Est-ce que c'est la... Vous, je déduis que c'est parce que vous pensez que c'est la solution, mais, ce matin, on a eu des gens qui sont venus de l'Abitibi pour nous dire qu'ils prenaient le contrepoids de se dire: Au fond, puisque vous avez un privilège qui est offert à des fonds de travailleurs de faire cette souscription-là, nous, on veut l'avoir, cette possibilité-là de faire des déductions, des déductions semblables pour des fonds régionaux, pour justement investir dans nos entreprises, nos PME. Donc, si je comprends bien, vous répondez peut-être un peu à l'avance. Mais j'aimerais vous entendre un peu. Qu'est-ce que vous répondez à ça? Vous avez un même constat qu'il manque donc de fonds, hein, pour des PME en région, puisque vous dites qu'on devrait inciter les fonds des travailleurs à investir davantage. Partagez-vous donc le deuxième volet de dire qu'on devrait ouvrir ? eux, là, tiraient la conclusion, oui, il y a un manque de fonds ? mais qu'on ouvre, nous, les fonds actuels à d'autres sources, secteurs potentiels en région? Est-ce que vous êtes d'accord pour aller jusqu'à cette conclusion ou est-ce que ce serait déformer votre présentation?

Le Président (M. Paquet): Pr Suret?

M. Suret (Jean-Marc): Oui. Dans un premier temps, je pense qu'il serait extrêmement dangereux d'augmenter encore l'offre de capital de risque alors que le nombre de projets est limité. J'ai tenu compte, dans mes recommandations, du fait que les fonds de travailleurs existent. Mes collègues, dont j'ai les études ici, sont unanimes pour recommander que les fonds de travailleurs soient fermés, hein, et ça repose sur une douzaine d'études qui ont été faites sur les fonds de travailleurs à travers le Canada. Bon, ils sont là. Donc, on a 1,2 milliard de fonds qui est en région. Donc, évidemment qu'il serait préférable que ces fonds soient gérés localement et soient sous la responsabilité locale. Mais, pour le moment, on ne peut pas faire abstraction qu'il y a une masse de capital qui est là. Et redémarrer à côté d'autres fonds subventionnés, ça ne va faire qu'ajouter encore du capital alors que l'offre de projets de toute évidence est réduite. La question qu'il faut se poser, c'est: Pourquoi il y a si peu de projets?

Le Président (M. Paquet): M. le ministre.

M. Audet: Et vous répondez?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Paquet): Pr Suret.

M. Suret (Jean-Marc): Au niveau général du Québec, je pense que l'accent qui a été mis, et je vais déborder un peu le capital de risque, mais finalement c'est l'approvisionnement du capital de risque. On a fait, en termes de recherche et développement, un pari au Québec et on se targue quelquefois d'avoir le régime fiscal le plus généreux du monde pour la recherche et le développement. Oui, mais ce n'est pas ce que les autres pays ont compris, que ça ne marchait pas, hein? Donc, essentiellement, dans les pays où on a une dynamique de recherche et de développement forte ? et je vois le cas d'Israël, par exemple, dont le nombre de brevets par habitant est largement supérieur maintenant à celui du Canada ? on n'a pas de crédits «R & D». On travaille par des subventions associées à des redevances et on travaille par des centres mixtes université-entreprise. Et même chose en Allemagne parce que les crédits d'impôt «R & D» ont une utilité... une efficacité décroissante, et, à partir d'un certain moment, vous financez essentiellement des choses qui de toute façon auraient été financées.

Et le problème le plus important à mon avis, c'est que l'on va financer essentiellement de la «R & D» qui se fait dans des grandes entreprises. Or, la «R & D» qui se fait dans des grandes entreprises, ça ne démarre pas des entreprises. Ça va améliorer les processus, les procédés à l'interne, mais ce qui va permettre le démarrage des entreprises... Et le cas d'Israël est patent. On a 120, 140 ou 150 démarrages d'entreprises au Québec. Israël, c'est la même taille, ils en ont 550, hein, parce que la recherche et développement se fait au niveau où on peut créer effectivement des entreprises.

n(16 h 40)n

Par ailleurs, on a un système d'incubation et de transfert des propriétés intellectuelles qui est tout à fait déficient à mon avis au Québec. Donc, c'est là qu'il faut travailler et c'est là qu'il faut essayer de lever davantage de projets. Lever 140 entreprises par année dans une économie comme celle du Québec, c'est notoirement insuffisant.

Le Président (M. Paquet): M. le ministre.

M. Audet: Oui. Dans l'évaluation que vous avec notée, évidemment que le rapport Brunet notamment incite et recommande d'utiliser davantage de capital privé pour remplacer ou pour essayer de prendre le relais en quelque sorte des capitaux publics. Au fond, on fait à peu près le même constat, puis je crois comprendre, à peu de chose près. Vous allez peut-être un peu plus loin, mais essentiellement le même constat... Mais il recommande évidemment d'y aller en déplaçant... donc en créant des institutions où les fonds privés pourraient être en quelque sorte bienvenus ou en transformant ? c'est un autre scénario qui a été évoqué ici ? certaines sociétés comme les Innovatech, par exemple, en utilisant les actifs, en essayant d'utiliser ça comme effet de levier pour aller chercher ou lever des fonds privés.

Quelle est votre évaluation de la situation? Est-ce que ce sont des scénarios qui peuvent être viables? Vous avez mentionné que les fonds mixtes seraient difficilement viables. Est-ce que ce serait plus facile d'imaginer un scénario de transformation des Innovatech selon la formule évoquée, qui a été évoquée également ici, en cette Assemblée, par certains?

Le Président (M. Paquet): Pr Suret.

M. Suret (Jean-Marc): On peut aller et on doit aller vers les fonds à levier. C'est la technique qui a servi, par exemple, à Israël pour mettre sur pied en 10 ans une industrie de capital de risque qui est beaucoup plus dynamique que ne l'est celle du Québec sans que le gouvernement investisse un sou maintenant. Donc, c'est la façon de faire. C'est la façon de faire des Américains avec SBIC.

Le problème que j'ai souligné, c'est qu'actuellement il ne faut pas placer des institutions dans une situation où elles vont de toute façon se casser la figure, puisque vous avez, en face, du capital subventionné. Donc, c'est faisable, mais il va falloir que le design de ces choses-là soit fait de façon telle que l'avantage qu'on leur donne par effet de levier soit concurrentiel à l'avantage que l'on donne aux fonds de travailleurs par déduction fiscale.

Ça veut dire aussi qu'à l'avenir, si on veut aller vers ça, il va falloir que l'on diminue les avantages fiscaux consentis aux fonds de travailleurs et autres, Capital régional Desjardins. Donc, c'est parfaitement faisable. Dans un premier temps, il est clair que le gouvernement va devoir assumer 80 % ou 90 % du levier. Il faut que, à terme, d'ici cinq ans ou d'ici six ans, le gouvernement ne représente plus que 20 %, 30 %. Et c'est un très bel outil, par exemple, pour des fonds régionaux parce que, dans ce cas-là, le gouvernement peut assumer 60 % ou 70 % du levier. Dans Montréal, on peut assumer 20 % du levier, donc on peut moduler davantage. Mais il va falloir que ces organismes-là aient une chance de survie, et, pour le moment, à mon avis elles n'en ont pas, compte tenu de l'existence d'un pool énorme de capital totalement subventionné.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le ministre.

M. Audet: Je vais laisser ma place à d'autres collègues, peut-être.

Le Président (M. Paquet): Mme la députée de... M. le député de Roberval, vous avez demandé la parole. Il reste 2 min 30 s pour ce bloc-ci.

M. Blackburn: Bien, oui, je peux peut-être y aller pour deux minutes.

Une voix: Il va y avoir un autre bloc.

Le Président (M. Paquet): Alors, M. le député de Roberval. Puis il y a un deuxième bloc par la suite.

Une voix: On a un autre bloc.

M. Blackburn: Merci, M. Rousseau. Merci, M. Suret. D'abord, c'est très intéressant, votre présentation de mémoire. Je vous avouerais que vous avez donné beaucoup d'information, vous avez donné beaucoup de chiffres, et effectivement ça nous porte à réfléchir davantage.

Moi, je viens du Lac-Saint-Jean, et bien sûr qu'un des problèmes qu'on est en mesure de constater, c'est que bien sûr qu'il n'y a peut-être pas beaucoup de projets, mais, quand il y a des projets, c'est difficile d'aller chercher du financement. D'abord ? parce que vous êtes à même de le constater ? les banques, c'est beaucoup plus difficile à aller chercher du financement au niveau des banques dans les régions.

Les fonds, là, vous avez fait, je pense, un scénario très, très clair de la situation. Comment peut-on arriver à faciliter... Parce qu'il y a des FIR qui sont proposés dans le rapport Brunet. Mais comment peut-on arriver à faciliter la capacité d'aller chercher du financement pour démarrer des projets dans des régions ressources comme les nôtres?

Le Président (M. Paquet): Pr Suret.

M. Suret (Jean-Marc): La solution que je propose consiste à imposer aux fonds qui sont là-bas ? et il y en a, il y a un fonds régional là-bas ? à imposer à ces fonds-là de placer l'argent en région. Ils n'en ont pas l'obligation actuellement. Ils peuvent très bien ne pas le placer et le rapatrier. De toute façon, la partie qu'ils n'ont pas placée là, elle est gérée au niveau de Montréal. Ce n'est pas un problème.

Il va falloir aussi ? et je pense que c'est important de le faire si on veut faire une révision de la loi du fonds ? que tous ces fonds subventionnés soient obligés d'agir seuls. Il faut remettre de la concurrence dans le système. Donc, il faut interdire à Crédit Desjardins ? Crédit régional, là, ou Capital régional Desjardins ? d'agir en même temps que le fonds de travailleurs. C'est l'un ou c'est l'autre.

Ça va contre les habitudes du secteur, qui sont des habitudes de syndication, mais, dans la mesure où on donne un avantage fiscal, ils vont devoir prendre leurs responsabilités seuls, ce qui fait que, au moment où FSCQ ne veut pas, on en aura un autre qui va embarquer. Et, comme par ailleurs ils vont perdre de la taille et du poids s'ils n'investissent pas, ils vont le faire. Il suffit de les obliger à le faire. On ne l'a jamais fait.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Johnson.

M. Boucher: Merci, M. Suret, M. Rousseau. Merci de votre présentation. Si votre objectif était de faire paraître le rapport Brunet à gauche, vous avez bien réussi...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boucher: ...à tel point que l'opposition se demande si elle ne trouve pas intéressant le rapport Brunet, après votre présentation.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boucher: À vous entendre, je me pensais dans une société libérale, un libéralisme économique à l'état pur. Je ne pense pas qu'on retrouve ça dans le monde, à nulle part, d'ailleurs.

Bon, après avoir lu votre mémoire, que je qualifie justement de très idéologique, on reste sur l'impression que c'est une attaque vraiment en règle contre les fonds des travailleurs. D'ailleurs, vous avez écrit beaucoup à ce sujet-là au cours des dernières années, tout comme vous avez écrit beaucoup d'ailleurs pour dénoncer le modèle québécois. En 1993, d'ailleurs, vous aviez signé un document de travail intitulé Le gouvernement du Québec et le financement des entreprises: les mauvaises réponses à un faux problème et, à cette époque, vous faisiez le constat que les programmes étaient coûteux, inefficaces. Donc, ça fait longtemps que vous avez cette opinion-là, que le modèle québécois n'est pas acceptable et que le gouvernement ne devrait pas intervenir. Ce n'est pas juste notre régime politique, c'était dans les autres régimes. Vous l'avez toujours fait.

Dans votre mémoire, d'ailleurs, vous avez le même problème que le rapport Brunet. Par contre, vous ne tracez pas selon moi un portrait exact de la situation. Nulle part on ne prend acte qu'en 2002, au Québec, ça a été la meilleure année économique. À nulle part on ne dit ça. Alors, si on comprend bien, selon vous il n'y a aucune retombée économique et sociale qui découle des investissements publics des fonds des travailleurs au Québec. J'aimerais ça que vous répondiez à ma question, à ma préoccupation, parce qu'il me semble qu'il faut regarder d'autre chose que la colonne des dépenses dans une société où il y a un gouvernement qui intervient pour le bien des citoyens, pour le bien commun.

Le Président (M. Paquin): Pr Suret.

M. Suret (Jean-Marc): Alors, pour ce qui est de l'idéologie ou de mes opinions, elles sont très largement partagées sur les fonds de travailleurs. Je laisserai, si vous voulez bien, M. le Président, l'ensemble des études faites par mes collègues du Canada anglais, portant sur les fonds de travailleurs. J'ai mis en jaune les endroits où on suggère que les fonds de travailleurs soient fermés.

Le Président (M. Paquin): J'accepte le dépôt, M. Suret.

M. Suret (Jean-Marc): Pardon?

Documents déposés

Le Président (M. Paquin): J'accepte le dépôt de vos documents.

M. Suret (Jean-Marc): Merci. Bien. Par ailleurs, il n'est pas question d'idéologie. Je m'intéresse à la façon la plus efficace d'aller obtenir ces retombées économiques là. Je ne nie pas que le fonds puisse en avoir, il en a très certainement. Toute dépense, tout investissement a des retombées économiques, par définition. Le problème, c'est de savoir si ces retombées sont plus importantes quand on les fait dans l'entreprise XY que quand on les fait dans un hôpital ou dans une université. Ça, c'est une question dont on peut débattre. Mais j'ai été très clair. Ce qui m'intéresse, c'est d'analyser la façon la plus efficace d'aller provoquer ces retombées économiques là. Et ce que je dis et ce que disent tous mes collègues du Canada anglais d'un bout à l'autre, c'est que les fonds de travailleurs ne sont pas un moyen efficace d'obtenir ces retombées économiques là. Il y en a d'autres plus efficaces, et peut-être que des fonds de travailleurs mieux encadrés avec une réglementation plus stricte permettraient d'obtenir les mêmes retombées avec moins de dépenses fiscales.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Johnson.

M. Boucher: Oui. À la page 27, vous vous opposez, encore là, de façon virulente à l'octroi de crédits d'impôt. On peut donc comprendre que vous ne voyez pas l'utilité de créer un comité ad hoc censé se pencher sur de nouveaux incitatifs fiscaux, tel que recommandé par le rapport.

M. Suret (Jean-Marc): Je crois que, dans un premier temps, il faudrait se pencher sur l'efficacité des crédits qui existent. J'ai évoqué les crédits «R & D», il y en a une série, on en a une page complète d'investissements, de crédits d'impôt pour investissement dans l'économie québécoise. Il ne fait pas de doute à mon avis que beaucoup de ces crédits-là sont inefficaces. Et je rejoins mon collègue Jack Mintz là-dessus qui dit: On devrait éliminer une bonne partie de ces crédits pour revenir à une fiscalité qui soit plus simple.

n(16 h 50)n

Vous savez, j'ai analysé le REA depuis longtemps. Le REA, ça fait plus de 100 pages dans la loi de l'impôt du Québec. C'est donc d'une complexité épouvantable. Quelle est l'efficacité du REA? D'après mes travaux, elle est nulle, hein? Il n'y en a pas, d'efficacité. Bon. Donc, évidemment qu'il faudrait analyser un par un ces crédits existants. Mais, avant d'en accorder d'autres, je pense que l'on doit faire une analyse coûts-bénéfices extrêmement solide et externe, donc non liée à ceux qui les offrent et à ceux qui en vivent, de façon à savoir: Est-ce que vraiment ces crédits-là sont utiles? Parce qu'on en a vraiment beaucoup.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Johnson.

M. Boucher: Oui. Moi, je suis un député ? vous le savez, bien sûr ? et, dans mon bureau, il y a des gens qui viennent, qui ont toutes sortes de projets, et j'essaie de leur aider à acheminer leurs demandes à travers les institutions financières ou les différents fonds qui existent, de faire une espèce d'amalgame d'aide pour que les gens puissent réussir.

Récemment, une entreprise dans mon comté était incapable d'avoir de l'aide du fonds Desjardins si l'ancien fonds Laprade, qu'on a encore dans notre comté, là, qui est un fonds fédéral, qui a été maintenant géré... privé, n'embarquait pas dans le financement, si la SOLIDE n'était pas présente, et finalement toutes ces institutions-là s'attendaient, puis une embarquait si l'autre embarquait. Comprenez vous? Alors, moi, comme député, j'appelais au fonds de la FTQ, j'appelais l'institution dont je vous parle, dont le nom m'échappe, j'ai appelé à la caisse populaire, je suis allé à la caisse populaire avec les investisseurs, j'ai essayé de convaincre le gars de la caisse populaire d'oublier le fait que les gens du fonds de la FTQ ne voulaient pas embarquer, etc. La réponse, c'était: C'est trop à risque. Et pourtant c'était une magnifique entreprise. C'est sûr, c'étaient des jeunes qui commençaient puis c'était dans une phase de démarrage. Alors, c'est clair que, là, le risque est plus grand. Bon.

Ça ne marche pas encore, là, je ne suis pas capable de réussir, hein, et, je me dis, imaginez-vous, à cette heure, s'il n'y avait même pas de fonds, là, si c'était juste une institution financière qui évaluait le projet, combien de projets comme ça au Québec n'auraient pas démarré.

Le Président (M. Paquin): M. Suret.

M. Suret (Jean-Marc): Alors, je suis content qu'on se rejoigne. À un moment, j'ai cru qu'on n'avait pas la même opinion. Je suis tout à fait d'accord avec votre lecture, et les remèdes que je propose, ce n'est pas la disparition de tel ou tel fonds, je propose que ces fonds soient obligés de faire le travail pour lequel on leur a donné des crédits d'impôt considérables.

Si Desjardins peut dire non, si le FTQ peut dire non, c'est tout simplement parce qu'ils n'ont aucune obligation de placer les fonds en région. Dès qu'ils ont fait une écriture disant: On a fait un fonds dans la région Mauricie, ou peu importe, on a inscrit ce montant-là dans les déductions, hein... dans le montant qui nous permet d'obtenir les déductions, plutôt, et c'est comme si c'était placé. Donc, l'incitation à financer les entreprises, elle est zéro. Bon, je ne dis pas que l'on doit abolir les fonds, je ne dis pas qu'on doit abolir Desjardins et le crédit qui est là-dedans, je dis que, ces fonds-là qui ont été financés, on doit obliger les sociétés qui ont bénéficié des crédits d'impôt à les placer et on doit les obliger à le faire seules pour éviter l'effet que justement vous mentionnez. Puisque j'analyse les dossiers, je m'aperçois qu'il y a huit, neuf ou 10 intervenants qui se renvoient la balle: si un, deux, trois, quatre, cinq... exactement le phénomène que vous décrivez. Donc, s'ils sont obligés de placer et s'ils sont obligés de le faire seuls, on va avoir un processus décisionnel beaucoup plus rapide.

Ce qui tue les entreprises dans certains cas, c'est d'attendre un an avant que le financement se règle. Donc, on a suffisamment d'intervenants. Obligeons-les à faire leur travail et à investir effectivement là où ils doivent investir, dans des sociétés en démarrage.

Le Président (M. Paquin): Merci, professeur. On va donner la parole maintenant à la députée de Matane.

Mme Charest (Matane): Oui. Alors, M. Suret, j'ai bien lu votre mémoire, et mon interrogation est la suivante. Vous préconisez l'obligation, pour les fonds de travailleurs, à investir en région. Quel est votre point de vue à l'effet que d'obliger... Ces fonds-là ont déjà bien entendu comme mission de pouvoir financer dans les régions. Comment vous croyez qu'en les obligeant de le faire, alors qu'ils ne l'ont jamais fait, ils pourront être aussi collaborateurs et avoir une volonté qui pourra être bénéfique aux régions? Est-ce qu'on n'a pas investi en région parce qu'on n'y croyait pas? Est-ce qu'on n'a pas investi en région parce qu'on ne connaît pas le marché? Ce sont toutes des questions qui, je pense, méritent qu'on s'arrête et qu'on se demande: Si on les oblige à le faire, est-ce qu'ils feront l'exercice au bénéfice des gens des régions? Parce que, dans tout ceci, ce sont toujours les gens des régions qui paient la note d'une certaine décision, à savoir: Comment devrait-on penser aux gens des régions?

Ne croyez-vous pas que de laisser les gens des régions se prendre en main eux-mêmes et de voir à leur propre développement, avec les outils bien entendu nécessaires, ne serait pas une façon plus équitable pour eux d'avoir des résultats à court terme?

Le Président (M. Paquin): M. le professeur.

M. Suret (Jean-Marc): Oui. Tout d'abord, pourquoi ne le font-ils pas, hein? Parce que, actuellement, investir 20 millions dans Axcan ou investir 20 millions dans 20 ou 30 projets en région, c'est la même chose pour le fonds, vis-à-vis de la loi et la façon dont elle est interprétée. Donc, il est beaucoup plus simple, plus rapide et plus rentable pour eux d'aller mettre 20 ou 30 millions dans Axcan ou dans Transat AT, c'est vu de la même façon. Donc, vous voyez, quand je parle d'obligation, ça veut dire revenir à la mission première. Bon. Vont-ils le faire ou pas? Pour le moment, on ne peut pas retirer ce capital totalement des régions. Je suis d'accord et j'ai déjà répondu, je crois, à cette question. Il serait idéal que ces fonds soient gérés localement, avec un effet de levier, avec une implication locale.

Par contre, comment voulez-vous démarrer un fonds actuellement quand il y en a déjà 30 dans la région et quand il y a déjà 500, 600 millions inemployés dans cette région-là? C'est simplement la question que je me pose en tant que financier ou économiste, de dire: On ne peut pas le faire, ou alors il faut simplement fermer. On a eu l'expérience, je pense, il y a eu des fonds gouvernementaux qu'on a tenté de partir dans les régions, et on se heurte à la concurrence des fonds de travailleurs. Donc, pour le moment, on est dans une situation où on a une abondance énorme de capital, et la seule solution réaliste que je vois à court terme, c'est de dire: Bon, bien on va les obliger à placer là. Bon, on peut peut-être imaginer un mécanisme où on délègue ça complètement dans les régions pour couper un peu le lien avec le fonds central. C'est peut-être envisageable, mais, pour le moment, on ne peut pas oublier le 1,2 milliard qui est dédié normalement au financement dans les régions.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Paquet: Merci, M. le Président. Pr Suret, d'abord je crois qu'il y a un élément important que vous avez mentionné dans votre présentation. Quand on parle d'un diagnostic, indépendamment des solutions, où, là, il peut y avoir des débats et des discussions, des analyses supplémentaires, en termes de diagnostic, quand on regarde la performance économique du Québec, si les recettes qui ont été utilisées dans le passé de la façon dont ça a été utilisé fonctionnaient tant que cela, on devrait voir les résultats.

Tout à l'heure, le député de Johnson disait: Oui, mais, en 2002, le Québec a fait mieux. Effectivement, en 2002, le Québec a fait mieux que la moyenne canadienne. Ça faisait très longtemps qu'on ne l'avait pas fait. Il faut regarder les causes économiques de cela. Une bonne partie, il y a eu du rattrapage d'investissement, en résidentiel en particulier, dû aux besoins qui étaient là, mais ce n'est pas là-dessus qu'on va pouvoir bâtir la tendance de croissance de l'économie. Il faut en profiter pendant qu'il y a un besoin là. C'est très bien, c'est excellent. Mais, quand on parle de tendance de croissance, effectivement le Québec n'a pas été au rendez-vous, la plupart du temps. Et, quand on parle en termes d'investissements, par exemple, en 2002, pour le bénéfice du député de Johnson et des membres de l'opposition, la croissance des investissements privés a été moins de 2 % en 2002, alors que, en 2003...

Tout à l'heure, le député de Rousseau disait que, oui, mais 2003, c'était une année d'incertitude. Il faisait référence supposément à notre élection le 14 avril. Mais, en 2003, la croissance des investissements privés a été beaucoup plus forte qu'en 2002. Elle a été plus de cinq fois plus grande en 2003, dans une grande année d'incertitude attribuée à notre gouvernement, comparativement à 2002. Ça, encore une fois, c'est la réalité économique. Ce n'est pas une question de droite, de gauche ou quoi que ce soit, c'est la réalité pure et dure.

Et, quand on regarde pour 2004, les enquêtes de Statistique Canada démontrent que la croissance des investissements privés va être plus grande pour la première fois depuis longtemps ? depuis 1999 ? que la croissance des investissements publics. On parle de 5,3 % de croissance qui est attendue pour 2004, encore une fois dans cette période supposément d'incertitude que nous reproche l'opposition officielle. Encore une fois, c'est la réalité économique qui parle.

Et, avec cela, ça veut dire que, pour la première fois depuis 10 ans, plus que... enfin pour la première fois par rapport à depuis longtemps, on va être en haut de la moyenne de la part des investissements privés québécois au Canada, on va être à 18,5 %, ce qui est encore insuffisant, à mon avis, comme économiste d'abord et aussi comme membre du gouvernement, mais qu'au moins ça va un pas dans la bonne direction, comparativement à ce qu'on a observé, la chute pratiquement régulière de la part des investissements privés au Canada depuis 1990-1993, où ça a été en chute. Alors ça, c'est des exemples encore une fois de réalité. On peut bien les expliquer comme on veut, mais c'est la réalité qui explique en bonne partie le retard de productivité du Québec, qui explique le retard de niveau de vie des Québécois et que le Québec se situe au 52e rang.

n(17 heures)n

Dans un contexte comme celui-là, donc les recettes du passé, le diagnostic est clair, ça n'a pas fonctionné. On est maintenant dans une réalité où on dit: Maintenant, qu'est-ce qu'on peut faire? Ce n'est pas de tout jeter par les fenêtres, il faut partir des acquis, de ce qu'il y a présentement, et voir quels sont les meilleurs outils qui vont nous permettre d'augmenter la croissance économique du Québec, d'augmenter la productivité. Ça veut dire augmenter les salaires des travailleurs parce que l'économie va rouler davantage, les conditions de travail, donc on parle de réalités. Dans ce contexte-là, ma question...

Un des éléments qu'on observe, c'est que, lorsque les investisseurs étrangers ne viennent pas au Québec, on ne fait pas d'annonce. Là-dessus, le gouvernement précédent, pas plus que nous, ne va couper des rubans pour dire: Attention, l'investissement ne vient pas. Alors, un des problèmes qui ont été soulevés, c'est que parfois c'est compliqué pour des investisseurs étrangers d'arriver parce qu'il y a une... concurrence qui existe parfois, enfin, ou émulation où il y a un peu une confusion des genres entre ce qui est le capital de risque et ce qui ne l'est pas et une confusion des genres en termes de conditions que l'on met dans les conventions d'investissement entre les différents fonds de travailleurs, la SGF, Investissement Québec et, s'il y avait des investisseurs privés... Alors, tout ça, j'aimerais peut-être que vous nous expliquiez un peu davantage qu'est-ce que vous voyez là-dessus et quelles seraient les pistes que vous pensez qui pourraient être abordées pour corriger cette problématique.

Le Président (M. Paquin): En une minute maximum, malheureusement, Pr Suret.

M. Suret (Jean-Marc): Je voudrais revenir sur l'importance qu'il y aurait de régler rapidement le problème de la réglementation du marché privé... du placement privé au Québec. Les changements ont été majeurs avec la création d'un nouveau statut d'entreprise en Ontario, les statuts d'entreprise à actionnariat restreint. Ça a permis, apparemment, d'après ce que disent les Ontariens, une explosion, et effectivement 40 milliards de dollars de fonds investis en placements privés en Ontario, l'année dernière, c'est absolument majeur. Donc, la réglementation joue.

Maintenant, quand on essaie de sortir une entreprise qui est passée par tout ce réseau, on se heurte au problème des conventions d'actionnaires. Chacun a la sienne, on a mis des clauses extrêmement restrictives. Et, parmi les recommandations que je fais, il y en a une, je crois, qui mériterait qu'on y porte attention, c'est d'imposer des limites à la complexité des clauses qui pourraient apparaître aux conventions d'actionnaires. Il va falloir que les rondes de négociations se fassent vite, on a affaire à des PME et non pas à des grosses entreprises, et il va falloir que les conventions soient standard, que certaines clauses comme les clauses qu'on appelle «ratchets», les clauses de réajustement à la sortie, soient interdites, et cela, ce sera le prix à payer pour un fonds qui est subventionné. Donc, si on simplifie cela, si on simplifie notre réglementation, on vient d'enlever quoi? Deux barrières importantes au financement par les investisseurs institutionnels et par les investisseurs étrangers au Québec.

Le Président (M. Paquin): Merci. Je donne la parole maintenant au député de Johnson.

M. Boucher: Merci. Je voudrais juste faire une petite mise au point, là. Mon collègue le député de Laval-des-Rapides, quand il parle d'investissements privés, il parle des investissements privés non résidentiels et résidentiels. Mais ce qui est important dans l'économie, c'est les investissements privés non résidentiels. Et, à l'été 2003, Statistique Canada disait qu'au Québec c'était plus 8,8 %; en Ontario, plus 3,2 %; au Canada, plus 2,4 %. Mais ils ont corrigé, en février 2004, ils ont dit: Non, ce ne sera plus ça, ça va être moins 4,7 % au Québec, moins 0,6 % en Ontario, moins 1,1 %... Alors, ce sont des statistiques de Statistique Canada, moi, que je vous amène. C'est pour ça qu'il faut regarder les vraies affaires, là. Mais, ceci étant dit, je ne m'adresse pas au député de Laval-des-Rapides, en principe, mais c'est à vous, M. Suret. Mais c'est important que vous entendiez ces choses-là, il faut corriger ces choses-là.

Dans votre mémoire, là, vous vous appliquez à tracer un portrait en même temps très sombre de la situation du capital de risque, du rôle du fonds des travailleurs du gouvernement ? je vous le rappelle, là, le gouvernement, ça ne gère pas des entreprises, hein, ça gère une société ? et vous comparez la situation qui prévaut à d'autres pays, mais vous ne parlez pas de l'omniprésence des fonds des travailleurs en Ontario. J'aimerais que vous... Quel est votre constat à ce sujet-là, les fonds des travailleurs en Ontario? Vous n'en parlez pas.

Le Président (M. Paquin): Pr Suret.

M. Suret (Jean-Marc): Non. D'abord, les statistiques que j'ai vu apparaître ici sont à mon avis tout à fait douteuses, puisqu'une grande partie du capital de risque ontarien et du placement privé ontarien ne passe pas par les fonds. Donc, quand Mme MacDonald, qui est la source habituelle, mesure les fonds de travailleurs par rapport aux fonds institutionnels en Ontario, elle oublie les montants dont je parlais tout à l'heure, qui sont simplement de l'ordre de 40 milliards de dollars. Donc, si on remet les fonds de travailleurs ontariens par rapport à l'ensemble de l'activité de placements privés et de capital de risque, on arrive à des montants qui sont beaucoup plus faibles.

Par ailleurs, et c'est ce que dénoncent mes collègues ontariens en particulier, on a des faux fonds de travailleurs, en Ontario, puisque la loi permet à des fonds standard de se réincorporer comme des fonds de travailleurs pour bénéficier du même crédit d'impôt, même s'il n'y a aucun syndicat dans le décor. Donc, on a une tendance ? et ça m'étonnerait que l'Ontario laisse aller longtemps les choses dans ce sens ? on a donc une tendance pour des fonds standard à se faire étiqueter fonds de travailleurs pour bénéficier des crédits d'impôt. C'est quand même un paradoxe important.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Johnson.

M. Boucher: Aussi, à la page 7, on retrouve un tableau des poids relatifs ? votre mémoire est ici, là ? des poids relatifs des États dans les pays les plus actifs, en termes de capital de risque. Moi, je m'interroge, un, sur la validité des chiffres, deux, parce qu'on peut lire qu'aux États-Unis c'est 8 %. Mais est-ce que vous tenez compte ou prenez-vous en considération les sociétés publiques des différents États comme au Massachusetts, par exemple?

Le Président (M. Paquet): M. Suret.

M. Suret (Jean-Marc): Non. Celles-là n'ont pas été prises en compte. Par contre, le 8 % qui est là est un 8 % très largement surévalué. C'est celui du programme des SBIC. Or, le gouvernement intervient dans le programme des SBIC en faisant de la garantie de prêt et non pas en mettant du capital. Donc, on l'a considéré là pour que les données soient à peu près comparables à celles des autres pays, mais le 8 % qui est là devrait être beaucoup moins que celui-là. Effectivement, il y a un certain nombre de sociétés qui interviennent au niveau des États et qui n'ont pas été prises en compte.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Johnson.

M. Boucher: Vous parlez aussi, à la page 8, des coûts de l'offre de capital de risque, que vous qualifiez d'énormes. Permettez-moi de douter de votre analyse parce que vous partez de la prémisse du rapport Brunet qui avance un montant de 4,6 milliards en cinq ans, un montant que vous considérez d'ailleurs sous-évalué. Il faut bien comprendre que, dans les 4,6 milliards, ça comprend les placements en équité des projets majeurs. Est-ce que c'est du capital de risque pur, ça? Investissement Québec, est-ce que vous considérez qu'il s'agit de capital de risque pur?

Le Président (M. Paquet): M. Suret.

M. Suret (Jean-Marc): Écoutez, je suis content que vous apportiez cette question, que vous ameniez cette question, puisque l'un des problèmes que nous avons au niveau de l'intervention québécoise, c'est qu'on mélange absolument tout. On mélange le capital de risque, on mélange les projets majeurs, on retrouve un fonds de capital de risque qui fait du Gaspésia. Donc, on n'a aucune délimitation des missions, et ça, effectivement c'est très problématique. Ça entraîne des problèmes de statistiques, évidemment, puisque... Qu'est-ce qui est quoi dans la SGF? Ils font du capital de risque. Quand ça fait 20 millions, ils ne le mettent plus dans le capital de risque. Et ils font du capital de risque, ils font du placement dans des grands projets, donc tout est mêlé. Alors, quand tout est mêlé, il devient difficile de tout démêler et d'avoir des statistiques propres sur le capital de risque qu'on attribue généralement à financement de première et deuxième ronde, les financements d'expansion et le financement de grands projets. Mais ici on est incapable de démêler qui fait quoi.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Johnson.

M. Boucher: À la page 11, vous faites le constat que le Québec est entré dans une boucle sans issue. Est-ce que vous croyez, là, que, dans les années quatre-vingt-dix, si le gouvernement n'était pas intervenu, le privé aurait été présent et particulièrement présent dans les régions? Est-ce que vous pensez que le privé aurait pris la relève et aurait financé tous les projets qui se sont faits en région? Parce que justement on parlait, là, de l'importance du développement régional et de la présence du capital de risque supporté par l'État dans les régions.

Le Président (M. Paquet): Pr Suret.

M. Suret (Jean-Marc): La réponse globale est non. L'entreprise privée n'aurait pas financé les projets qui ont été financés par le fonds de travailleurs, puisque l'évaluation du rendement que je fais du portefeuille d'investissement dans l'entreprise québécoise du fonds de travailleurs depuis 18 ans est de moins 9 % par année, puis ça, c'est le taux de rendement de leur portefeuille de placement dans l'entreprise québécoise. Donc, il est très clair que le privé n'aurait pas financé cela. La question qui doit nous venir, cependant, c'est: Est-ce qu'il est rentable pour une économie d'allouer autant de fonds à des projets qui sont globalement non rentables, puisqu'il faut savoir que, pour financer ces projets non rentables, on enlève du financement à des projets rentables? Donc, il y a une première question, là, qui me semble importante.

Pour ce qui est des régions, il est clair que le privé ne serait pas intervenu en région. Donc, là, l'action du gouvernement dans les régions a été probablement la seule action qui pouvait avoir lieu. Maintenant, c'est une action qui laisse énormément de gens insatisfaits.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Johnson.

n(17 h 10)n

M. Boucher: O.K. J'ai encore une couple de petites questions, là. Moi, c'est pour mon instruction que je vous pose des questions. Vous comprendrez, je ne suis pas un économiste ni un fiscaliste. En lisant votre mémoire à la page 20, on comprend que selon vous les FIR sont voués à l'échec à cause de la présence d'autres fonds. Enfin, c'est ce que je comprends. Sans la présence de ces fonds, les FIR seraient-ils vraiment rentables? Est-ce que c'est une solution envisageable? Puis là je reprends, en vous posant cette question-là, ce que je vous ai parlé tout à l'heure, la situation dans laquelle se trouve une entreprise dans ma circonscription électorale, puis je n'arrive pas à lui aider à se faire financer correctement. Là, vous préconisez un fonds.

Le Président (M. Paquet): M. Suret.

M. Suret (Jean-Marc): Là aussi, question très intéressante, parce que qu'est-ce qui se passe au niveau des fonds actuels, tel qu'ils sont actuellement gérés? On s'aperçoit qu'il y a une énorme capture de ressources qui se fait au niveau des frais d'administration. Je le souligne dans mon rapport, les frais d'administration du Fonds de solidarité depuis sa création, c'est 630 millions de dollars. Le portefeuille, je vous le rappelle, c'est 900 millions de dollars. Ça coûte cher pour aller mettre chacun de ces dollars dans les entreprises, ne serait-ce qu'en frais d'administration.

Ce que je suggère, dans quelle que soit la structure, c'est qu'on porte une attention très grande à ce qu'on appelle la gouvernance, donc à la façon dont les fonds vont être obligés de réduire leurs dépenses. Et, si on a des fonds qui sont efficaces, ils vont pouvoir transmettre ? et c'est là la notion clé ? transmettre l'avantage fiscal aux entreprises. Pour le moment, on donne un avantage fiscal. Et, comme on contrôle mal les fonds et les divers organismes, cet avantage fiscal, les entreprises n'en profitent pas. Donc, on donne un avantage qui représente 70 % du coût de capital et les entreprises paient le plein taux. C'est ça qui est profondément injuste. Elles vont payer le même prix quand elles sont financées par le fonds de travailleurs subventionné à 70 % que quand elles sont financées par une société de capital de risque privé. Le taux est le même, les conditions sont les mêmes, et je trouve cela profondément injuste.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Johnson.

M. Boucher: Une dernière question. Je pense que vous y avez répondu partiellement, mais je ne suis pas certain. Je vais aller vérifier. À la page 18, là, vous affirmez qu'il faut donner suite au rapport Brunet, que l'État se retire le plus rapidement possible du capital de risque, mais vous ne parlez pas de période de transition, en tout cas pas dans le rapport. Est-ce que vous pensez que ça en prend une, puis une période qui fasse en sorte que les portefeuilles des sociétés Innovatech, par exemple, ne soient pas liquidés à rabais?

Le Président (M. Paquet): M. Suret.

M. Suret (Jean-Marc): Il n'est aucunement question que l'on liquide quoi que ce soit à rabais. Je pense que la transition doit se faire avec les portefeuilles existants, et il y a simplement un changement de structure, et on annonce que, dans deux ans, trois ans, quatre ans, le gouvernement va progressivement se retirer. Mais, pour moi, il n'est aucunement question d'imposer une rupture extrêmement brutale. Je pense cependant que des mesures doivent être prises rapidement parce que, actuellement, toute l'industrie du capital de risque est sur les freins. Donc, il y a des entreprises qui ont besoin de financement à très court terme et qui ne peuvent pas trouver ce financement-là, et, dans ce sens-là, il doit y avoir des mesures rapides, et ça peut être simplement un effet d'annonce. Si on annonce, par exemple, que les fonds seront maintenant obligés d'avoir 60 % de leur capital effectivement investi dans les entreprises, ne vous embêtez pas, là, ils vont placer les capitaux.

M. Boucher: Merci.

Le Président (M. Paquet): M. le ministre du Développement économique et régional.

M. Audet: Bien, écoutez, il me reste à remercier M. Suret et M. Rousseau de la présentation. Je pense que le mérite de cette présentation était qu'elle était appuyée sur des études très, très sérieuses et je pense qu'on a pu en voir une série. D'autres ont été déposées. On peut ne pas partager tout à fait les solutions que vous proposez, mais on ne peut pas vous reprocher d'y avoir mis beaucoup de rigueur, une analyse extrêmement, je pense, documentée, et certainement qu'il y aura matière à réflexion pour tous nos collègues députés, je pense, des deux côtés de la Chambre. Merci beaucoup.

Le Président (M. Paquet): Merci. Au nom de la commission, je vous remercie, Pr Suret et M. Rousseau, pour votre participation à nos débats et à nos échanges. Alors, j'ajourne les travaux de la commission au jeudi 11 mars 2004, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 17 h 14)


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