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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le jeudi 11 novembre 2004 - Vol. 38 N° 62

Consultation générale sur le projet de loi n° 61 - Loi sur l'Agence des partenariats public-privé du Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission des finances publiques reprend ses travaux. Nous continuons aujourd'hui et nous allons terminer les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 61, intitulé Loi sur l'Agence des partenariats public-privé du Québec. Avant de commencer, j'inviterais toutes les personnes présentes dans la salle à bien s'assurer que la sonnerie de leurs téléphones cellulaires soit éteinte.

Alors, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bertrand (Charlevoix) est remplacé par Mme Charest (Rimouski), et je vous rappelle que M. Legault (Rousseau) est remplacé par M. Simard (Richelieu) pour la durée du mandat.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, Mme la secrétaire. Alors, je vais faire lecture de l'ordre du jour pour cette séance du 11 novembre 2004. Nous accueillons d'abord, ce matin, le Groupe d'étude sur les réformes de l'État. Par la suite, nous accueillerons l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec, suivie ensuite du Commissaire au lobbyisme. Cet après-midi, nous allons accueillir le Conseil de la coopération du Québec, ensuite le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale, puis les gens du Projet Genèse, et enfin nous accueillerons le Conseil canadien des sociétés publiques-privées. À la fin de ces auditions, nous aurons ensuite la période de remarques finales avant d'ajourner nos travaux.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, nous accueillons maintenant M. Christian Rouillard et les gens qui l'accompagnent du Groupe d'étude sur les réformes de l'État. Alors, je vous souhaite la bienvenue. Si vous voulez, s'il vous plaît, nous présenter les gens qui vous accompagnent, et vous pourrez débuter votre présentation.

Groupe d'étude sur les
réformes de l'État (GERE)

M. Rouillard (Christian): Merci. Alors, M. le président de la commission, Mme la présidente du Conseil du trésor, membres de la commission, messieurs, mesdames, je vous présente les collègues qui sont également membres de notre Groupe d'étude sur les réformes de l'État. Immédiatement à côté de moi, il y a Isabelle Fortier, qui est professeure de management public à l'École nationale d'administration publique du campus de Montréal; à deux espaces de moi, vers la gauche, Alain Gagnon, qui est professeur au Département de science politique de l'Université du Québec à Montréal et titulaire de la chaire de recherche du Canada en études québécoises et canadiennes; et, à ma droite, Éric Montpetit, professeur au Département de science politique de l'Université de Montréal et directeur du Centre de recherche sur les politiques et le développement social, le CPDS.

Brièvement, une courte présentation sur notre groupe de recherche. Nous sommes donc quatre universitaires qui nous intéressons à la question, la problématique des réformes de l'État, notamment au Québec, dans le cadre d'un programme de recherche subventionné par le FQRSC, le Fonds québécois de recherche sur la société et la culture. Notre groupe a été fondé en 2003 et met l'accent sur l'analyse critique des réformes politico-administratives de l'État, notamment à travers l'étude de la mise en oeuvre des innovations managérielles, incluant les documents de travail, les énoncés de politique, les cadres de gestion, les lois structurantes, les nouvelles pratiques, etc. Nos activités incluent notamment les publications académiques, des conférences, des symposiums, la formation, l'encadrement d'étudiants gradués, pour l'essentiel, et la participation, par le biais des médias écrits et électroniques, aux débats publics sur les réformes de l'État. Je profite de l'occasion pour mentionner que nous avons d'ailleurs un texte sur cette question-là dans l'édition d'aujourd'hui du quotidien Le Devoir.

Maintenant, pour ce qui est du plan de la présentation, comme évidemment nous sommes fortement bousculés par le temps, on va mettre l'accent sur les partenariats public-privé en tant qu'instruments de reconfiguration de l'État et de modernisation de la gestion publique plutôt que de discuter du libellé du projet de loi n° 61 en tant que tel. Notre mémoire offre une critique très, très sévère, je dirais, du libellé du projet de loi, et c'est avec grand plaisir qu'on espère avoir l'occasion d'en discuter avec vous durant la période de questions, en souhaitant que ce soit véritablement une période de questions évidemment et qu'on saura tous résister à la tentation d'en profiter pour présenter le discours déjà connu de tous.

Maintenant, spécifiquement, durant cette présentation, je vais mettre l'accent sur la nature des avantages potentiels des PPP, parce qu'il y a moyen d'en identifier à la lumière de l'expérience internationale et de la littérature spécialisée. On va identifier également, pour bien comprendre ces avantages-là et leurs limites significatives, les bénéficiaires des avantages potentiels des PPP. Par la suite, on va faire une analyse du discours gouvernemental sur les PPP comme instruments de modernisation de l'État québécois, de regarder quelles sont les prétentions gouvernementales à ce niveau-là et, en synthèse, offrir une critique des principaux arguments qui sont en faveur des PPP pour reconfigurer la prestation des services publics.

n (9 h 40) n

Alors, en termes d'avantages potentiels pour les PPP, à la lumière de l'expérience internationale, on peut en identifier à trois niveaux distincts. On peut voir un avantage en termes de nouveaux produits d'investissement. C'est-à-dire que, selon le cycle économique, ça a été le cas durant la seconde moitié des années quatre-vingt-dix, les PPP ont offert un rendement intéressant, c'est-à-dire un point d'équilibre particulier entre le rendement et la sécurité. Ce qui en faisait un véhicule d'investissement très intéressant, mais évidemment l'intérêt est limité aux gestionnaires des fonds communs et aux autres investisseurs institutionnels. Donc, intérêt réel comme nouveau produit d'investissement mais absolument aucune pertinence pour la reconfiguration de l'État ou la modernisation de la prestation des services publics.

On peut aussi, à la lumière de l'expérience internationale, voir que c'est souvent une stratégie ? «stratégie» étant parfois un grand mot pour pas grand-chose, mais une stratégie ? de contournement des normes et des conventions comptables dans le secteur public, puisqu'on sait très bien que les conventions comptables, dans les firmes privées, sur plusieurs dimensions, sont différentes, sont plus souples que celles avec lesquelles doivent composer les finances publiques. Donc, des exemples très simples, on peut parler de la période d'amortissement et différentes catégories de dépenses. Notamment, dans le secteur public québécois, pour ce qui est des dépenses d'immobilisations, on utilise toujours la norme comptable dite de la dotation croissante, alors que, depuis quelques années, du côté des firmes privées québécoises, on utilise plutôt celle d'amortissement linéaire. Évidemment, la fiscalité des entreprises privées leur donne une marge de manoeuvre additionnelle pour évidemment, là, faire un exercice comptable qui est autrement plus sophistiqué à certains niveaux, qui favorise ? je pense, c'est important de le dire ? l'opacité budgétaire, alors surtout pas la transparence.

Et c'est intéressant de noter qu'en ce moment... D'ailleurs, à la lumière de l'expérience britannique ? et je fais un petit clin d'oeil à l'expérience britannique,  de laquelle plusieurs se réclament jusqu'à maintenant ? c'est très exactement ce qui est arrivé là-bas, un accroissement significatif de l'opacité des finances qui touchent les expériences de PPP, notamment avec le Private Financing Initiative, qui est évidemment très, très connu, de l'expérience britannique.

Il y a eu d'ailleurs un débat entre l'équivalent de notre contrôleur des finances en Grande-Bretagne et l'équivalent de notre Conseil du trésor pour ce qui est de l'écart entre les normes comptables du secteur public et du secteur privé, et curieusement ou en fait, on pourra me dire avec un peu d'ironie, sans surprendre, on a le même questionnement en ce moment ? et j'imagine que vous connaissez d'une manière beaucoup plus détaillée la nature de ce questionnement-là ? entre le Contrôleur des finances du Québec et le Conseil du trésor. Le contrôleur des finances, au moment où on se parle, qui a suggéré de revoir la période d'amortissement des bâtiments, qui est présentement fixée à 40 ans, et de regarder du côté de la norme d'amortissement linéaire plutôt que celle de dotation croissante, et le Conseil du trésor, pour le moment, qui résiste à cette suggestion, qui refuse de suivre cette suggestion-là, ce qui maintient évidemment une distance, une différenciation plus grande entre les normes comptables du secteur public et du secteur privé, ce qui évidemment favorise l'opacité budgétaire, surtout pas la transparence.

Un troisième argument favorable, un troisième avantage potentiel au niveau des PPP, c'est bien entendu le développement d'un savoir-faire exportable. Je pense que c'est très juste que, dans le cadre d'un PPP, on peut développer une capacité additionnelle, une expertise auparavant inexistante, mais il faut bien comprendre que, dans le contexte d'un PPP, cette expertise nouvelle là est pertinente simplement pour la firme privée et que le potentiel de commercialisation subséquent est d'intérêt strictement pour la firme privée. Donc, encore une fois, aucun avantage pour l'État québécois, aucun avantage pour l'Administration publique, et en fait je pense qu'on peut comprendre très facilement que ça se traduit même par une perte d'expertise potentielle dans la mesure où ce savoir-faire additionnel là est développé dans la firme privée et non pas au sein de l'Administration publique québécoise.

Alors, de notre point de vue, à la lumière, là, de la recension de la littérature qu'on a faite et qui tient compte de l'expérience internationale, on peut trouver seulement trois types d'avantages qui sont ceux qui ont été mentionnés, et aucun de ces avantages-là n'est pertinent pour la reconfiguration de l'État, pour la modernisation de la gestion publique, et il y en a un qui est particulièrement problématique dans la mesure où c'est une voie privilégiée pour accroître l'opacité budgétaire.

Maintenant, si on regarde au niveau du discours gouvernemental sur les PPP jusqu'à maintenant, les principaux arguments qui nous ont été présentés, qu'on retrouve notamment dans la loi-cadre sur les partenariats public-privé, qu'on retrouve dans d'autres documents-phares aussi de la démarche gouvernementale jusqu'à maintenant, notamment le plan de modernisation, bien entendu qui fait référence à certains libellés du projet de loi n° 61, on commence par nous avancer l'idée que les PPP vont permettre un processus de planification rigoureux. À la lumière de la démarche méthodologique du dossier d'affaires qui est présenté dans un de ces documents-là, auquel on fait référence évidemment pour ce qui est de la démarche d'analyse, à l'étape 3, lorsqu'on doit comparer les avantages, bénéfices potentiels d'une prestation de services en mode dit traditionnel avec le mode PPP, ça repose sur une vision qui est passéiste de la planification stratégique. De manière générale, même au sein des écoles de gestion, il y a un consensus à savoir qu'un exercice rigoureux de planification stratégique, ça renvoie davantage à une conception de la planification stratégique en émergence, comme un phénomène en émergence qui nécessite des rétroactions multiples, sophistiquées, constantes entre les différents intervenants. Donc, ça rejette dans une large mesure cette dichotomie traditionnelle et désuète entre le stratégique et l'opérationnel.

Ce qu'on nous propose dans le cadre de la démarche gouvernementale, c'est une reconduction de cette compréhension de la planification stratégique qui est complètement dépassée. Évidemment, ça semble reposer sur une espèce de situation d'information parfaite. On gomme complètement la dimension politique de la prise de décision, les phénomènes de pouvoir dans l'organisation, les problèmes de routinisation, etc. C'est une démarche qui est tout à fait acontextuelle et apolitique. Et il faut bien comprendre que, pour ce qui est de la qualité de la planification stratégique, si on veut avoir une réflexion sophistiquée là-dessus, on peut l'avoir de manière indépendante, là, ce n'est pas un élément, ce n'est pas un enjeu qui est lié aux PPP en tant que tels. Donc, même si on admettait, ce qui à mon avis serait une erreur, mais, si on admettait qu'il y avait un avantage substantiel au niveau de la planification stratégique à réaliser de ce côté-là, ça n'a rien à voir avec les PPP; on peut très bien dégager ces gains-là, si tant est qu'ils existent, sans avoir recours aux PPP.

On nous parle d'une réduction des coûts sur le cycle vie du projet. Il faut bien comprendre ? là, évidemment, parce qu'on est bousculés par le temps, je fais une synthèse très rapide ? le coût du risque, il est toujours escompté par la firme privée, c'est un facteur d'accroissement des coûts. On y viendra un petit peu plus loin, tantôt, lorsqu'on parlera du partage de risques, mais je pense nécessaire d'annoncer tout de suite que, dans les faits, il n'y a absolument aucun partage de risques entre l'État et la firme privée. On verra pourquoi bientôt. Le coût du capital ? on le sait, plusieurs groupes l'ont déjà mentionné ? le coût du capital est plus élevé pour la firme privée que pour l'État; c'est un facteur additionnel d'accroissement des coûts.

Et, dans la démarche qui nous est présentée jusqu'à maintenant, si on retient, ce qui est déjà fortement réducteur, mais les trois grandes dimensions de la gestion de projet, temps, coût, qualité, il y a un accent indu sur la dimension coût. Et, encore une fois, on a une compréhension très réductrice, on semble comprendre seulement les coûts directs. Donc, ça gomme évidemment les autres composantes de la gestion de projet, ce qui n'est certainement pas un plus pour la démarche qui nous est proposée.

On parle aussi d'une gestion budgétaire facilitée. C'est très difficile de saisir de quelle manière et en quoi ça pourrait se traduire par une gestion budgétaire facilitée. Encore une fois, à la lumière de l'expérience internationale et au niveau théorique de ce qui nous est proposé, ça peut difficilement se traduire par autre chose qu'une complexité contractuelle et une gestion des contrats en tant que nouvelles compétences, habileté additionnelle qui devra être développée par l'Administration publique. Ça, je pense que c'est important de bien le comprendre, que ça n'a rien à voir en tant que tel avec une planification stratégique. Une capacité additionnelle de développement de politiques et une prestation de services améliorée, ça correspond directement à ce qu'on appelle couramment le «red tape» ou les processus redondants. Alors, ça me semble particulièrement paradoxal que ce qu'on propose comme dimension sur laquelle l'Administration publique pourrait développer une expertise additionnelle, ça renvoie à des processus redondants, c'est-à-dire la capacité à gérer des contrats, à exercer une relation cryptolégale dans le cadre d'un PPP. Ça n'a rien à voir avec l'amélioration de la qualité des services publics et ça n'a rien à voir avec un développement d'une capacité additionnelle au niveau du développement de politiques.

On nous dit aussi que c'est une source de revenus additionnels. Bien, c'est vrai. C'est lié aussi à l'avantage qu'on a identifié d'entrée de jeu, durant notre présentation, c'est-à-dire la possibilité, pour une firme privée, de développer un savoir-faire additionnel qui serait subséquemment commercialisable. C'est très clair que c'est un avantage potentiel qui peut être significatif, ça, on en convient, mais strictement pour la firme privée. Ça correspond en rien à un avantage ni pour l'Administration publique ni pour l'État dans son ensemble. Et, comme je le mentionnais tantôt, en fait ça illustre une opportunité ratée de développer une expertise additionnelle pour l'Administration publique, puisqu'elle va se faire de manière exclusive au sein de la firme privée.

Et c'est aussi une dynamique qui participe à un phénomène auquel on est bien familiers, c'est-à-dire la dynamique de socialisation des coûts, puisque l'expertise est développée dans le contexte du PPP, et de privatisation des bénéfices. Donc, c'est très clair, et, encore une fois, il n'y a absolument rien d'intéressant ou progressiste pour la reconfiguration de l'État ou pour une prestation de qualité supérieure des services publics.

Maintenant, brièvement, si on reprend les principaux arguments en faveur des PPP au niveau théorique pour la prestation des services publics, on nous martèle sans cesse l'idée que le jeu du marché concurrentiel va être une source de gains, d'efficacité, d'efficience et d'économies sensibles pour l'État. Il faut, je pense, savoir que la concurrence, dans le meilleur des scénarios ? on parle évidemment de la structure industrielle québécoise, l'ensemble des secteurs d'activité du Québec ? la concurrence réelle est fortement imparfaite et sévèrement limitée. Et en fait, dans le cadre d'un PPP, et maintenant il semble qu'on se destine vers des projets de très grande envergure... Dans une émission radio à laquelle je participais avec la présidente du Conseil du trésor, on apprenait que ce serait uniquement pour des projets de plusieurs dizaines de millions. Par la suite, c'est le seuil de 100 millions qui a été avancé. Plus récemment, c'est celui de 20 millions. Il y en a possiblement un autre qui sera avancé tantôt, on verra, mais reste qu'évidemment, dans un contexte comme celui-là, les spécifications, les exigences techniques des appels d'offres sont un facteur significatif d'amenuisement du facteur concurrentiel, hein? Simplement dit, si on va en mode PPP, c'est parce que ? puis ça, ça fait partie des prétentions gouvernementales ? si on va en mode PPP, c'est parce qu'on a besoin de faire appel à une expertise particulière qu'on retrouve seulement au sein d'une ou plusieurs firmes privées. Et en ce sens-là, bien le facteur concurrentiel, il est fortement déficient. En fait, plus l'expertise en question est rare, moins il y aura de concurrence. Ça me semble assez facile à saisir.

n (9 h 50) n

Le bassin de firmes privées est insuffisant, de toute façon. Si on parle concrètement de la structure industrielle québécoise, le bassin des firmes privées est insuffisant dans plusieurs secteurs d'activité. On se plaît à citer le métro de Laval comme étant un mauvais exemple... ou en fait un projet qui a été mal géré, mal conçu et qu'évidemment, s'il avait été prétendument en mode PPP, on aurait connu un résultat différent. Ce à quoi nous ne croyons pas du tout, mais ça illustre très bien justement le bassin fortement limité dans plusieurs secteurs d'activité. Le métro de Laval, il y a plusieurs grandes firmes privées qui ont une expertise, une crédibilité reconnue pour différentes dimensions, qui ont participé à ce projet-là parce qu'aucune grande firme privée avait une expertise reconnue pour l'ensemble des étapes de la construction. Donc, de manière générale, le facteur concurrentiel va jouer d'une manière extrêmement limitée.

Et un élément important, c'est que, si tant est que le facteur concurrentiel va jouer, il va jouer simplement lors de la phase d'appel d'offres, c'est-à-dire au moment où le projet demeure relativement abstrait et défini à partir de paramètres, de grands paramètres très généraux, et c'est suite à la sélection d'une firme privée après l'étude des différentes soumissions qu'on va commencer à détailler d'une manière pointue, d'une manière précise, qu'on va commencer à définir d'une manière sérieuse la nature et l'ampleur du projet de partenariat public-privé. Et, à partir du moment où on procède à cet exercice-là, qui est absolument fondamental évidemment pour le définir sous l'ensemble de ses dimensions, notamment la question de son financement, il n'y a plus aucun élément concurrentiel qui joue, puisque toutes les autres firmes qui pouvaient être participantes à cet exercice-là sont exclues, puisque ça se fait simplement sur une négociation, un rapport qui est politique, qui n'est pas managériel, un rapport de force, de négociation et de marchandage entre, d'un côté, les membres de l'Administration publique ou du gouvernement québécois et, de l'autre côté, la firme privée à laquelle on reconnaît d'entrée de jeu, par la nature même du PPP, une expertise particulière que ne possède pas l'État. Donc, on est dans une situation de négociation fortement asymétrique et exclusivement favorable à la firme privée. Bien difficile, encore une fois, d'y voir un progrès pour l'État québécois.

Maintenant, je pense que c'est important de bien comprendre aussi que, dans la mesure où d'un côté on carbure à l'idée de facteurs concurrentiels pour accroître la performance des firmes privées et aussi évidemment la qualité de la prestation des services publics, à travers un PPP, ce qu'on fait, c'est ni plus ni moins créer un monopole privé. Alors, encore une fois, on se réclame de facteurs concurrentiels, mais ce qu'on réalise, c'est l'exact contraire dans les faits.

Évidemment, l'avantage concurrentiel du PPP devient significatif pour le renouvellement d'une entente suite à la fin de la première période, même si ce serait sur le très long terme. Bon, évidemment, il y a différentes modalités selon la nature du PPP. Bon, ça peut toucher strictement la construction, il peut avoir des éléments de gestion déléguée, ça peut être simplement l'activité d'affermage, de concession. Ça se fait, règle générale, sur le très long terme. Mais évidemment, dans la mesure où on considère que l'expérience est réussie, toujours à la lumière de critères comptables extrêmement réducteurs, et discutables, et discutés d'ailleurs, on vient de créer un avantage concurrentiel significatif pour la première firme privée, donc on gomme le facteur... l'élément résiduel de facteur concurrentiel, lors du renouvellement de contrat, devient lui-même tout à fait inexistant.

Alors, je dirais que pour résumer un petit peu la pensée qu'on vous propose... Et, si durant la présentation on met exclusivement l'accent sur le partenariat public-privé en tant que mode prétendument intéressant, privilégié de reconfiguration de l'État et de prestation des services publics plutôt que de discuter du libellé du projet de loi n° 61, c'est qu'on considère l'avoir fait d'une manière très spécifique dans notre mémoire et qu'avant de s'interroger sur les modalités de mise en oeuvre des partenariats public-privé ça nous semble tout à fait essentiel de questionner la pertinence ou la non-pertinence en fait des PPP comme mode de prestation alternatif de services publics. Et je pense que c'est important de souligner que jusqu'à maintenant cette possibilité-là n'a certainement pas été offerte aux membres de la société civile. Donc, je pense qu'il y a une espèce de détournement. Je parlais tantôt de contournement des conventions comptables. Il y a une certaine dynamique, il y a une certaine cohérence dans ce qui nous est présenté jusqu'à maintenant parce que ça renvoie à un contournement du débat public aussi. Jusqu'à maintenant, à tout le moins.

Donc, si je peux le résumer de façon simpliste ? on m'indique qu'il me reste moins de deux minutes à la présentation ? pour résumer un petit peu, là, où on se situe, c'est que ce qui nous est proposé à travers le projet de loi n° 61, la politique-cadre sur les PPP, le plan de modernisation, donc, si on inscrit chacun de ces documents-là en relation avec les autres documents qui nous ont été présentés pour tenter de saisir la cohérence globale du projet, un petit peu de saisir sa direction, ça correspond à notre avis à ce qu'on peut résumer de façon très simple évidemment comme une pensée managérielle qui est à la fois simpliste, passéiste et manichéenne. Ça renvoie essentiellement, le caractère manichéen de cette démarche-là... on conçoit l'État comme un problème et la firme privée comme une solution. À travers ces documents-là, une des constantes, c'est que la modernisation de l'État, ça correspond ni plus ni moins à un mimétisme de la firme privée.

Donc, le message qu'on envoie à l'Administration publique, aux gestionnaires publics, c'est que, plus l'Administration publique, plus les organismes publics vont avoir un mode de fonctionnement qui va être semblable à celui des firmes privées, plus on considérera que la modernisation sera réussie; plus les gestionnaires publics vont être semblables à leurs collègues des firmes privées, plus on considérera que la gestion publique québécoise aura été modernisée. C'est très clair que ça repose implicitement sur une dévalorisation de l'expertise des gestionnaires publics et des autres fonctionnaires. Ça nourrit un phénomène collectif de cynisme et de désabusement, ça ne participe en rien à leur donner les moyens de mettre en oeuvre une prestation de services additionnelle ou de développer une capacité additionnelle.

La démarche gouvernementale ? je le souligne une dernière fois, puisque le temps nous manque ? est porteuse d'une double exclusion jusqu'à maintenant, tant pour les acteurs collectifs internes de l'Administration publique québécoise... On peut penser au Forum des jeunes de la fonction publique, devant lesquels j'ai eu le plaisir de faire une présentation il n'y a pas si longtemps, les différents syndicats. On prétend s'adresser aux individus seulement, comme si ça faisait partie d'une consultation, mais c'est cohérent avec la prétention de s'adresser à 7 millions d'ambitions. Alors, sur ce, juste...

Le Président (M. Paquet): S'il vous plaît, le temps est écoulé.

M. Rouillard (Christian): Je vous remercie. Juste terminer, que ce qu'on comprend de ces démarches-là, c'est que ça correspond à ce qu'on pourrait appeler... Et c'est un petit clin d'oeil au titre qu'on a donné, Du pragmatisme au fétichisme. L'élément de pragmatisme touche seulement les prétentions. Le fétichisme, c'est l'espèce d'idolation qu'on a pour la firme privée.

Le Président (M. Paquet): Merci.

M. Rouillard (Christian): Merci.

Le Président (M. Paquet): Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Jérôme-Forget: ...alors, je remercie ce groupe qui s'est mis ensemble pour, à quelques reprises, faire le plaidoyer contre les PPP. Je vais vous souhaiter la bienvenue. Je comprends que le président souhaiterait parler plutôt qu'écouter, mais, comme il y a quelques erreurs de parcours, vous me permettrez de vous inviter à écouter également, histoire de remettre les pendules à l'heure.

Nous parlons aujourd'hui du projet de loi n° 61, qui crée une agence. Je voudrais que vous sachiez que l'idée des partenariats public-privé était bien là avant mon arrivée. Il y avait le Bureau des partenariats public-privé. Il y a eu une loi, la loi n° 164, qui a été passée par le gouvernement précédent, pour la construction d'infrastructures des routes, et M. Chevrette avait fait la déclaration suivante: qu'il se réjouit, à l'Assemblée nationale, on a adopté la Loi sur les partenariats public-privé en matière d'infrastructures. «Nous démontrons tout le sérieux et toute l'importance que le gouvernement accorde à la mise en oeuvre de projets majeurs d'aménagement d'infrastructures de transport.» Alors donc, c'était là avant que nous arrivions. Je veux simplement que vous réalisiez ça.

Non seulement c'était là, mais il y avait un dossier d'affaires qui était là avant mon arrivée, dans lequel il y a 10 pages, même plus que ça, sur les partenariats public-privé, que mon prédécesseur avait bien pris le soin de publier. Il y avait le plan stratégique du Conseil du trésor de 2001-2004, qui est toujours là d'ailleurs, toujours celui-là, et dans lequel plan stratégique il y avait également les partenariats public-privé. Et encore, histoire de corriger peut-être votre perception, c'est que mon collègue qui est juste en face avait signé une entente avec la France sur les partenariats public-privé. Donc, quand vous invoquez que tout à coup se réveille une espèce de culture qui apparaît soudainement et qui est finalement du fétichisme, je vous dirai que c'était là avant que nous arrivions.

n (10 heures) n

L'agence, histoire de... Vous me permettrez de compléter. L'agence, elle n'est pas là pour se substituer aux ministères. Si vous aviez bien lu l'article 5, l'article 5 est très, très clair; sa mission: elle conseille le gouvernement sur toute question... Et je vais le répéter parce que vous avez parlé d'une façon, je dirais, à mon avis, mal éclairée, qu'on allait réduire l'expertise au sein des ministères. Or, l'agence va être une petite agence, elle va conseiller le gouvernement sur toute question relative aux partenariats public-privé. Elle met à la portée de personnes intéressées un centre de connaissances et d'expertise. Elle informe les organismes publics, le milieu des affaires et le public en général sur le concept de gestion publique en mode de PPP. Elle élabore et met en oeuvre des stratégies de promotion, mais elle ne décide pas. Elle suscite, accueille, évalue et propose, mais elle ne décide pas. Elle fournit aux organismes publics tout service d'expertise relatif à l'évaluation de la faisabilité.

Et ce pourquoi, M. le Président, je veux insister sur ce volet, c'est parce que je crois sincèrement... Et d'ailleurs c'est comme ça que ça se passe partout, en Angleterre ou en Colombie-Britannique, là où il y a des agences, bien, M. le Président, c'est très simple, c'est qu'il y a toujours une agence pour coordonner ce travail à l'intérieur de la fonction publique et, contrairement à vos prétentions, développer une expertise à l'intérieur du gouvernement, développer une expertise à l'intérieur du gouvernement. Alors, voilà, à mon avis, une perception, parce que ce projet de loi ne parle pas du fond des PPP, c'était là avant que nous arrivions. Nous parlons d'une agence où vont se retrouver quelques personnes. Et le député de Richelieu peut sourire, mais je lui donne son propre plan d'affaires, je lui donne son plan stratégique. D'accord? Je lui donne l'entente qu'il a signée avec la France. Alors, ou il a viré capot tout à coup... Ça arrive, ça, en politique, mais il n'en demeure pas moins qu'il tenait un discours très différent il n'y a pas très longtemps, et que plusieurs de ses collègues ont tenu d'ailleurs. Et d'ailleurs l'actuel chef de l'opposition ? je pourrais le citer, je l'ai cité d'ailleurs dans mon discours d'introduction ? s'était fait le défenseur des partenariats public-privé et il avait même dit que les partenariats public-privé se trouvaient dans les pays les plus sociaux-démocrates. Alors, si le député de... le chef de l'opposition, à l'époque premier ministre, vantait les vertus de PPP, vous ne pouvez pas invoquer que c'est là tout nouveau, ce qui arrive.

Maintenant, vous mentionnez également quelque chose d'important, vous dites qu'il va y avoir peu de gens qui vont pouvoir développer une expertise dans ce domaine, mais qu'on le fasse de façon traditionnelle ou qu'on le fasse de façon en PPP, quand on arrive dans un grand projet, puisque les PPP en principe devraient, M. le Président, s'intéresser aux projets majeurs d'infrastructures... Majeurs, ça, c'est la politique, d'accord, la politique-cadre. Et là il y a des revendications de la part des gouvernements municipaux, qui souhaiteraient pouvoir faire appel à l'agence mais ne devraient pas être obligés de faire appel à l'agence, et il va falloir qu'on décide justement si on met une limite pour garder l'agence très petite parce que justement on veut une agence avec une connaissance pointue. Mais effectivement, M. le Président, il va falloir que, dans notre réflexion pour le projet final, nous interroger si nous mettons un seuil ou si tout simplement on invite les gens qui veulent, parce qu'il y a les gouvernements municipaux qui sont intéressés.

Alors, que vous construisiez un hôpital en mode traditionnel ou en mode PPP, je veux que vous sachiez qu'il y a peu de gens qui sont capables de le faire. Et effectivement vous avez raison, vous avez raison que, pour la concurrence, il va falloir qu'on soit très prudents. Mais qu'on le fasse de n'importe quelle façon, si c'est le CHUM ou le CUSM, ce sont deux gros projets qui vont se passer à Montréal dans les années à venir, il y a peu de gens qui sont capables d'entreprendre un aussi gros projet dans une formule plutôt qu'une autre. Alors, moi, je suis étonnée aujourd'hui de voir votre plaidoyer sur le fond, puisque vous avez été muet pendant tout le temps où il y a un bureau des partenariats public-privé, vous avez été muet lorsque le projet de loi n° 164 a été passé. Peut-être que vous ne le saviez pas, je ne peux pas vous en vouloir. Vous ne le saviez peut-être pas, mais il n'en demeure pas moins que l'idée d'aller en PPP était bien là à l'intérieur du ministère. Quand je suis arrivée, il y avait déjà une structure, il y avait des documents. Je n'ai rendu publics que les documents qui avaient été produits par mon prédécesseur Joseph Facal et qui souvent avaient émané de son prédécesseur, l'actuel député de Richelieu.

Alors, peut-être que vous voulez réagir, M. le président, mais vous comprendrez qu'il y avait tellement, tellement d'erreurs dans votre document que j'ai cru bon au moins d'en soulever deux.

Le Président (M. Paquet): 2 min 30 s, M. Rouillard.

M. Rouillard (Christian): Très brièvement, parce que je veux passer la parole à mes collègues. Je vous mets au défi de souligner de manière spécifique une erreur dans le document et je vous rassure en vous disant que tous les documents que vous avez mentionnés, on les a bien lus. Maintenant, de notre côté, on s'interroge sur la propre lecture que vous avez faite de notre mémoire, parce que ce que vous dites nous apprendre, on y fait référence textuellement dans le mémoire. De toute évidence, les apprentissages avaient été faits.

Et, pour ce qui est de se réclamer de l'expérience du gouvernement précédent, c'est très inquiétant d'entendre la présidente du Conseil du trésor justifier un tort par un autre. On a déjà des inquiétudes profondes sur l'effet que ça va avoir en termes d'imputabilité individuelle et collective, ce genre de réponse là; ça fait juste accroître considérablement les inquiétudes qu'on a, puisque vous semblez vous dégager de la propre responsabilité des documents et du projet que vous avez mis sur la table.

Évidemment, notre groupe a été fondé en 2003, donc notre groupe ne pouvait s'intéresser à ce qui avait été proposé avant sa création. Je vous signalerai que vous n'aurez aucune difficulté à trouver des textes publiés sous ma plume et sous celle de mes collègues qui ont été critiques d'initiatives non seulement du gouvernement précédent, mais des gouvernements précédents.

Le Président (M. Paquet): En une minute, M. Gagnon.

M. Gagnon (Alain-G.): Peut-être un commentaire additionnel. Il est évident que nous n'en faisons pas ici un débat partisan, hein? On n'a pas accusé l'opposition, on n'a pas essayé de dire: Voici, l'opposition, comment elle a agi lorsqu'elle était au pouvoir. Les errements possibles du gouvernement antérieur ne justifient pas les incohérences du gouvernement actuel, et il y a plusieurs incohérences dans le projet de loi. Le projet de loi en particulier va effacer la frontière, que j'appelle, entre le public et le privé. Ça, en soi, c'est problématique. Est-ce qu'il est justifié, dans une société aussi moderne que la nôtre, d'encourager ce type d'effacement de la frontière entre le public et le privé? Il y a des raisons pourquoi il y a des sphères qui sont publiques et il y a des sphères qui sont privées, et la notion d'imputabilité et de responsabilité collective fait partie de cette dimension-là.

On a senti dans notre document aussi une volonté de prendre la mesure parce qu'il y avait un danger, pour nous, de centralisation du pouvoir. Les gens... Lorsque le Parti libéral du Québec a été élu, l'idée du Parti libéral n'était-elle pas de chercher à décentraliser la gouverne? Bon, est-ce que votre projet, agence va dans ce sens-là? Moi, je ne vois rien qui me porte à croire qu'il y aura une décentralisation; c'est tout le contraire qui nous est proposé ici. Mon collègue Christian Rouillard parlait tout à l'heure de la dévalorisation du rôle de la fonction publique, il y a là une inquiétude fondamentale de ce côté-là.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Richelieu.

M. Simard: Merci, M. le Président. D'abord, saluer l'extraordinaire qualité ? je le dis vraiment de façon très sincère ? de ce mémoire qui est le fruit de la recherche de ceux qui, dans la recherche, au Québec, sur l'administration publique comptent le plus actuellement, de mon ex-université, M. Rouillard, M. Gagnon, qui est très connu par ses écrits sur la gouvernance et l'État, Mme Fortier, M. Montpetit. Vous avez publié un certain nombre de documents au cours des deux dernières années déjà, vous faites des études qui sont reconnues par l'ensemble de la communauté universitaire comme étant scientifiquement de très haut niveau, et aucun sarcasme ne viendra le moindrement mettre en doute la qualité de vos travaux. On a le droit de ne pas être d'accord, on ne peut pas remettre en cause la qualité des interrogations critiques que vous posez dans votre mémoire.

Je voudrais revenir très, très rapidement, parce que c'est un petit peu, vous vous en douterez bien, un petit peu... ça manque un petit peu d'élégance de s'en tenir à des propos de nature politique. On ne peut pas confondre l'étude que nous avons faite, le gouvernement précédent, de ces PPP, le projet de faire quelques expériences dans le domaine routier avec le projet de loi n° 61 qui ouvre les services publics et l'ensemble des responsabilités de l'État à la possibilité de PPP. Ce n'est pas comparable. C'est comparer un feu de foyer à un feu de forêt, puis ce n'est pas du tout la même chose, vous l'aurez bien compris. Mais je ferme cette parenthèse-là parce que c'est un faux débat.

n (10 h 10) n

Le vrai débat, c'est le projet de loi n° 61 qui est devant nous, tel que libellé, et ses implications pour la gestion publique au Québec. Vous affirmez, dans votre présentation et dans votre mémoire, qu'il y a un risque de socialisation des coûts et de privatisation des bénéfices. Vous insistez aussi beaucoup sur le détournement possible des conventions comptables. J'ai moi-même insisté à plusieurs reprises, ici, à cette commission, sur cet aspect des choses, l'illusion qu'il y a chez certains que, l'État n'étant plus à même de financer un certain nombre de projets, les PPP seraient une façon d'économiser cet argent en transférant ses responsabilités au privé. Tout l'aspect de la comptabilité, des vraies obligations qui seraient celles de l'État pendant la durée de ces PPP, que ce soit 15, 20, 25, 35 ans, tout cet aspect de la lisibilité de la transparence et de la comptabilisation de ces risques, vous y faites longuement allusion.

J'aimerais que vous y reveniez, peut-être à la lumière d'un document qui est revenu constamment et qui me semble très important par les questions qu'il pose aussi, c'est le document Eurostat sur la comptabilité publique des projets de PPP. J'aimerais vous entendre là-dessus: Quel est le vrai risque assumé par le privé dans les PPP? Quels seraient les moyens d'assurer une véritable transparence si la formule était adoptée?

Le Président (M. Paquin): M. Rouillard...

Une voix: ...

Le Président (M. Paquin): Oui, M. Montpetit.

M. Montpetit (Éric): Merci. D'abord, juste un petit mot, moi, je suis un peu déçu, je dois dire, de la réaction de la ministre... ou plutôt de son accusation quant à notre complaisance supposée avec le gouvernement précédent. Évidemment, Christian Rouillard l'a dit, notre groupe a été formé en 2003, sauf qu'inviduellement et même collectivement on a écrit ensemble auparavant et puis on a été très critiques face à plusieurs projets du gouvernement, tant dans plusieurs interventions publiques que dans des écrits de nature plus universitaire. Donc, je tenais à mettre ça au clair tout de suite: nous, les PPP, ce n'est pas depuis que les libéraux sont au pouvoir qu'on en est critiques. On l'était auparavant et puis on le demeure, tout simplement. Je pense qu'on est très cohérents avec nous-mêmes.

Maintenant, sur un point spécifique que la ministre a soulevé, elle questionne en quelque sorte notre argument quant au fait que ce projet de loi viendrait déposséder les ministères de leur expertise et puis elle tente de nous rassurer en évoquant l'article 5. D'abord, l'article 5, le langage de cet article est pour le moins ambigu. Il y a beaucoup de choses dans cet article-là qui semblent suggérer en effet que l'agence aura un pouvoir très important. On parle notamment de promotion des PPP, mais on parle aussi d'évaluation, on parle évidemment aussi de contrôle en quelque sorte de ces activités de PPP par les ministères dans cet article. Donc, dans ce contexte-là, c'est loin d'être rassurant.

Puis je tiens aussi à souligner l'article 8. L'article 8 dit que tout organisme public doit faire affaire avec l'Agence sur les PPP. Dans ce contexte-là, pourquoi est-ce que les ministères eux-mêmes devraient développer, continuer à développer leur expertise en matière de PPP, puisqu'ils ont l'obligation légale de faire affaire déjà avec cette Agence sur les PPP? Donc, à mon avis, l'inquiétude demeure quant à la dépossession de l'expertise des ministères par ce projet de loi.

Le Président (M. Paquin): Mme Fortier.

Mme Fortier (Isabelle): Et à cela il faut ajouter le fait qu'évidemment, dans un contexte macroéconomique où il y a une aversion à la dette et une réduction des finances publiques, la combinaison de justement ces normes comptables qui rendent systématiquement les solutions en PPP pour ne pas dire pratiquement les seules voies possibles de justifier des projets d'investissement majeurs... Et donc on a à ce moment-là des modes de comptabilisation qui forcent aux projets conventionnels à mettre l'investissement initial en comparaison avec des paiements échelonnés sur 30 ans, et donc on n'a pas la possibilité de voir autrement que... Et, en même temps, on peut combiner à ça des empêchements de toutes formes à un endettement additionnel, et donc les organismes peuvent se voir contraints par ces modes de comptabilisation là à choisir systématiquement les options en PPP.

Ensuite, il y a aussi un autre problème qui est soulevé par les expériences étrangères aussi, c'est l'impossibilité de distinguer les contrats, les packages qui sont faits, construction et gestion, par exemple dans les hôpitaux ou dans les prisons, et ça pose des problèmes très importants à la comparaison et à l'évaluation des propositions de partenariat public-privé où les coûts de construction sont implicitement liés aux coûts de gestion des organisations en mode PPP. Je ne sais pas si...

M. Rouillard (Christian): Juste très rapidement...

Le Président (M. Paquet): M. Rouillard, oui.

M. Rouillard (Christian): ...là-dessus. C'est très clair de notre point de vue, il n'y a aucun partage du risque ? je veux être le plus limpide possible ? aucun partage du risque entre l'État et les firmes privées. Le risque est évalué et escompté par la firme privée lors de sa soumission dans le cadre de l'appel d'offres et subséquemment, dans l'étape de négociation et de marchandage, qui est un rapport politique et pas managériel dans lequel la firme possède une expertise particulière, donc bénéficie d'une asymétrie qui est d'autant plus prononcée que son expertise est rare, bien, encore une fois, le risque va être escompté d'une manière précise et toujours refilé à l'État. La seule façon où ce serait partiellement vrai, donc partiellement faux, c'est si la firme privée ne sait pas compter. Donc, évidemment, ça me semble un petit peu naïf de faire ce postulat-là et ce serait particulièrement problématique aussi d'avancer comme argument que l'État comptera mieux que la firme privée, qui est celle prétendument détentrice d'une expertise particulière. S'il y a une chose, on peut s'attendre qu'ils vont être capables, dans les faits, d'escompter convenablement le risque. Et, plus le risque sera élevé, plus la marge bénéficiaire sera aussi élevée et plus l'autonomie demandée par la firme privée pour la réalisation du PPP sera grande, ce qui a une incidence directe sur l'imputabilité, bien entendu.

Mme Fortier (Isabelle): Oui, je pense que c'est intéressant que...

Le Président (M. Paquin): Oui, madame. Allez-y, madame.

Mme Fortier (Isabelle): Oui. Un des beaux paradoxes actuels dans la discussion ou le débat sur cette solution, c'est qu'on met l'accent sur le transfert de risque supposé par l'entreprise privée et que finalement, dans les débats qu'on voit, c'est que tout le monde se rend compte progressivement que la solution d'aller en partenariat public-privé est très risquée pour l'État, et ce risque-là n'est jamais, lui, l'objet de justement une évaluation. Alors, on évalue le risque qu'on supposément transfère au privé, mais on n'évalue jamais en contrepartie le risque d'aller en partenariat.

Le Président (M. Paquin): Mme la députée de Mirabel, mais 30 secondes. Mais préférez-vous qu'on revienne?

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à cette commission. Et, tout comme mon collègue de Richelieu, nous connaissons tout le professionnalisme de vos écrits et de vos interventions, alors je vous félicite.

Moi, ce serait concernant la question de la loi d'accès à l'information. Vous savez que la Commission d'accès à l'information a soulevé plusieurs inquiétudes, et je souligne, dans votre mémoire, à la page 7, dernier paragraphe, que vous êtes inquiets, puisque vous mentionnez: «Et qui donc, dans un tel scénario, pourra contredire la firme privée qui prétexte que sa situation concurrentielle ne lui permet pas de rendre publique une information essentielle à la reddition de comptes du PPP?» J'aimerais vous entendre à ce sujet-là.

Le Président (M. Paquin): M. Rouillard.

M. Rouillard (Christian): Oui, effectivement, je pense que c'est une inquiétude fondamentale. Le texte est très clair, hein? C'est ce qu'on trouve notamment dans la politique-cadre sur les partenariats public-privé, les PPP doivent tenir compte des droits, des droits des partenaires privés en matière de protection de l'information préjudiciable à leur situation concurrentielle. Évidemment, on permet à la firme privée d'être à la fois juge et partie, puisqu'elle est la seule à vraiment savoir l'ampleur, l'étendue de sa situation concurrentielle et la seule à pouvoir prétexter qu'à cause de sa situation concurrentielle telle ou telle information ne pourra être transmise, ne pourra être rendue publique. Encore une fois, c'est un facteur d'amenuisement de l'imputabilité, surtout pas l'inverse. C'est une inquiétude majeure, en effet.

Le Président (M. Paquin): Est-ce que vous avez des commentaires, Mme Fortier?

Mme Fortier (Isabelle): D'ailleurs, c'est dans plusieurs projets qui ont posé problème justement, ce que mon collègue Rouillard mentionnait tantôt sur... L'évolution du projet tout le long de sa conception évidemment fait qu'à un moment donné les entreprises concurrentes se plaignent de justement ne pas pouvoir avoir l'impression que la réelle concurrence a joué. Et, puisque l'information n'est pas divulguée, ça pose justement le problème de pouvoir évaluer à quel point la concurrence joue réellement ou pas.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Laval-des-Rapides.

n (10 h 20) n

M. Paquet: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Rouillard, Mme Fortier, M. Gagnon, M. Montpetit, je change de siège comme ça parce que, comme membre de la commission, j'ai aussi le droit d'intervenir sur des sujets et je pense que c'est important de pouvoir échanger sur le fond de la question à partir des faits, à partir des meilleurs éléments, hein, de la connaissance, à la frontière de la recherche aussi. Je pense, c'est important qu'on veut élever le niveau des débats politiques. Et effectivement il faut s'éloigner de la rhétorique et tomber effectivement... parler des faits, des exemples, parler de quelles sont les expériences qu'on a ailleurs.

Et j'ai lu avec intérêt votre mémoire. Je le dis, avec intérêt. Et, lorsqu'on parle, par exemple, dans votre mémoire: «Ne retrouve-t-on pas là les conditions idéales pour un Conrad Black en herbe? De toute évidence, la possibilité que l'APPP soit un one man-woman show parachuté d'une firme privée d'experts-conseils, au sens de l'État déficient et sans aucune sensibilité pour l'impératif démocratique de la gestion publique, n'est pas exclue... Et ce n'est pas tout...» Et c'est le ton essentiellement de votre mémoire, et je l'ai beaucoup apprécié comme ton, je vous le dis sincèrement. Et, comme universitaire, parce que j'ai aussi le double chapeau d'être aussi professeur sans solde à l'Université du Québec à Montréal en sciences économiques et je suis habitué justement de lire des mémoires, de lire des documents, des analyses, je dois vous dire... que je suis déçu. Comme universitaire, je suis déçu du mémoire que vous nous présentez. Et je n'ai pas de problème qu'on puisse débattre des fonds, et je respecte les opinions que vous avez, mais... parce qu'il est très fort en rhétorique.

Si j'avais à lui donner une note, il est très, très fort en rhétorique, il est très faible en théorique, il est déficient en empirique. C'est-à-dire que je ne vois pas là-dedans... il n'y a pas de liste bibliographique, on ne fait pas référence à des exemples concrets, dire: Voyez-vous, les leçons de tel épisode ailleurs nous portent à croire qu'il y a telle problématique. On vous entend depuis tout à l'heure, vous nous dites: Écoutez, les PPP, ça risque de miner la transparence. Puis il y a un élément là-dessus sur lequel, je pense qu'on va se rejoindre, qu'il y a des choses qu'on peut compléter, en termes de précision, au niveau des normes comptables, et j'y reviendrai dans un instant. Mais il n'y a pas d'exemple, dire: Voici, la leçon ici, le partage de risques a été purement nul dans tous les cas qu'on a examinés, parce que vous ne nous avez parlé d'aucun cas dans votre mémoire.

Et naturellement on serait intéressés à voir des choses plus concrètes, parce que je crois et je pense que vous êtes conscients, vous êtes d'accord avec moi que les universitaires ne sont pas des pelleteux de nuages et donc que justement c'est important de bien s'appuyer sur les faits, à la frontière de ce que nous connaissons. Dire qu'on a recensé, on a parcouru la littérature, c'est une chose, mais de dire sur quels éléments, hein, qu'on peut dire qu'il n'y a pas eu d'économie de coûts dans certains cas, qu'il y a eu des ratés dans d'autres... Et je pense qu'il faut le faire objectivement. C'est le niveau de débat auquel on doit s'attendre, auquel mes citoyens que je représente... et auquel, comme parlementaires, on doit s'attendre, et je dois avouer que je n'ai pas retrouvé ce niveau-là dans le mémoire que vous nous présentez.

Mais parlons maintenant du fond des choses. Un des éléments que vous n'adressez pas et, je crois, qu'il serait important d'adresser dans la réflexion, c'est qu'on n'a jamais dit... il n'y a personne qui peut prétendre scientifiquement que les PPP, c'est une panacée et que c'est une formule qui va faire des miracles sur tout. Jamais, il n'y a jamais personne du côté du gouvernement, ni du côté de l'opposition d'ailleurs, ni à l'Assemblée nationale ou ailleurs qui a prétendu cela. En Grande-Bretagne, qui est un des endroits où est-ce qu'il y a le plus de PPP, on parle d'environ 600 projets, il y a 11 % des investissements qui sont faits sous la forme PPP, le reste sous la forme traditionnelle. Vous conviendrez, vous et moi, j'imagine, qu'autant dans la forme conventionnelle il y a eu des ratés dans certains cas puis il y a eu des bonnes choses dans d'autres cas. Donc, ce n'est pas une question de dogme, ou d'idéologie, ou de fétichisme, pour employer le mot que vous avez vous-même affublé... au fait que nous parlons de projets de PPP. Et je reprends vos mots.

Alors donc, lorsqu'on parle donc d'un projet de PPP, quelles sont les forces potentielles d'un projet de PPP dans ce qu'on a vu ailleurs? C'est qu'un des éléments, c'est justement la question de système d'incitation. Une notion de base en économique, c'est que les agents économiques, les humains consommateurs, investisseurs, entrepreneurs, travailleurs répondent aux incitations. Alors, si on a un système d'incitation qui ne permet pas de bien établir les risques et les responsabilités de chacun, on est certain qu'on va avoir des ratés. Et c'est ce qu'on a vu autant dans les modes traditionnels que dans les quelques exemples de PPP qui ont été des ratés, par exemple dans les hôpitaux, en Angleterre, dans les cas où le projet avait été mal défini au départ, et on a dit: Oups! on a oublié un étage, on rechange les devis, on rechange tout. Donc, le problème n'était pas le PPP, mais le fait d'une mauvaise planification à ce moment-là.

Les décisions des décideurs politiques doivent être prises sur la base, comme on dit en économique, ex ante, avant même que la décision soit prise, sur la meilleure information dont on dispose. Alors, ex ante, on dit maintenant: O.K. Quelle est l'information dont on dispose? Prenons l'exemple du métro de Laval, si on en avait convenu, que c'était une forme PPP, mais on n'a pas fait ce débat-là, mais... un des éléments que ça aurait pu apporter, on aurait dû avoir une planification très claire de quelles étapes qui allaient être franchies, quels étaient les besoins, quel était le genre de roc qu'on allait rencontrer et de là pouvoir dire: Bien, voyez-vous, les coûts vont être, par exemple, disons, de 809 millions. Et là, en sachant cela, on peut dire: Est-ce que le projet... est-ce qu'on peut se le payer? Est-ce qu'on veut se le payer? Et est-ce qu'on va en avoir pour notre argent?

Ce sont les trois questions de base que tout citoyen du Québec, hein, se pose tous les jours lorsqu'il prend ses décisions. Ce sont les mêmes trois questions qu'on doit exiger, en termes de rigueur, de la part des gouvernements. Les PPP, c'est une formule, dans certains cas particuliers, qui peut permettre de faire ça. Et il va y avoir des expériences qui vont être tirées de ces PPP qui pourront être appliquées dans les modes traditionnels parce que, là aussi, il y a des choses à améliorer. Lorsqu'on parle de modernisation, de faire les choses différemment, ce n'est pas de tout lancer par la fenêtre ce qui s'est fait avant, mais c'est de regarder les choses au mérite, à partir des meilleurs éléments.

Et lorsqu'on parle... Par exemple, vous disiez: Il y a peut-être un doute, le danger de l'opacité budgétaire, il y a des clarifications à apporter, et j'en conviens avec vous là-dessus. Déjà actuellement, d'ailleurs la Commission des finances publiques a un mandat d'initiative qu'on s'est donné unanimement de parler, d'étudier quelles seraient les meilleures façons d'augmenter, et très au-delà de la partisanerie, la transparence des finances publiques. On sait qu'au niveau des infrastructures, par exemple, les besoins qu'il y a, c'est relativement fragmentaire. Il y a des informations qui sont parcellaires dans le système, ce qui fait qu'on n'a pas tous les meilleurs éléments. Et même la comptabilité publique ne reflète pas clairement les besoins, les planifications qu'on devrait faire ? je parle d'un point de vue global ? il y a des choses à apporter à cet égard-là.

Alors donc, je pense que ce sont toutes des questions qui sont extrêmement pertinentes, sur lesquelles on doit se pencher et travailler, mais justement je crois que je ne vois pas ? et je le dis sincèrement ? je ne vois pas dans votre mémoire de... Je vois une position que je respecte sans être d'accord clairement, mais je veux dire que je respecte que vous avez une opinion a priori, laquelle vous avez droit d'avoir. Mais clairement ce n'est pas sur une base scientifique que vous pouvez, à ce moment-là, dire: On doit exclure toute forme de PPP ou à peu près, parce que c'est ce que je comprends de votre conclusion, parce que ça va être épouvantable pour le Québec.

Le Président (M. Paquin): M. Rouillard.

M. Rouillard (Christian): Oui. Je ne suis pas certain si je dois m'adresser à vous comme collègue universitaire ou comme président de la commission. Vous avez parlé d'un changement de chapeau, certainement un changement de siège, alors je vais tenter de respecter les deux identités.

Je vous dirais que, bien, je suis reconnaissant pour les éléments avec lesquels vous êtes d'accord, là, avec ce qu'on a dans notre mémoire, qui sont absolument essentiels. Et, pour quelqu'un qui se réclame de parler de substance ou de théorie, d'empirie plutôt que de simple rhétorique, je pense que votre intervention, vous avez parlé beaucoup, mais vous avez quand même dit peu de choses à mon sens en termes de théorie, en termes d'empirie. Tous les commentaires que vous avez faits touchent la gestion publique traditionnelle, et on est tous d'accord avec ça, on est pour une bonne gestion de projet, nous aussi, on préfère un bon libellé de contrat à un mauvais. Et puis, si on doit refaire les devis, refaisons les devis. On est tous pour la vertu, vous savez, mais ça n'a rien à voir, il n'y aucun argument, aucun élément de discussion en fait que vous nous avez présenté qui touche les PPP en tant que tels. Vous avez offert des éléments de réflexion connus depuis longue date qui touchent la gestion publique traditionnelle et envers lesquels on ne peut évidemment être qu'en parfait accord.

Et, pour ce qui est du contenu du mémoire, on l'a fait à la lumière de ce qu'on pensait qui était intéressant pour le genre d'exercice auquel on se prête. Si vous tenez à avoir une liste de références, je peux vous en faire parvenir par courriel avec plaisir. J'en ai même ici sur l'expérience britannique, américaine, canadienne, des articles publiés dans des revues avec comités de grande notoriété. Et en fait, puisque j'ai l'occasion, ici, de vous retourner une question, on a une très bonne idée de la littérature que vous, selon votre intervention, la présidente du Conseil du trésor ignorez, n'avez pas lue, mais ce qu'on ne sait toujours pas, c'est la littérature de laquelle vous vous réclamez outre évidemment les présentations qui viennent de gestionnaires publics d'autres pays ou d'autres provinces, venir faire la promotion de l'expérience à laquelle ils ont eux-mêmes participé.

Et on n'a jamais dit qu'on suggérait que ce serait une monstruosité d'aller en mode PPP, mais, sur le plan théorique et empirique, à la lumière de l'expérience internationale, incluant la Grande-Bretagne, il y a une littérature très abondante critique là-dessus, il n'y a absolument rien qui permet de suggérer que, comme mode de prestation alternatif des services publics, il y ait un quelconque avantage aux PPP.

M. Paquet: L'Institut de recherche sur les politiques publiques, financé par Unison, entre autres, en Grande-Bretagne, certainement est en désaccord avec vous.

Le Président (M. Paquin): Rapidement, madame. En 15 secondes, s'il vous plaît.

Mme Fortier (Isabelle): Bien, les analyses font justement état que, quand ça va bien, entre guillemets, c'est qu'on ne peut même pas savoir si les projets sont réellement économiques et, quand ça ne va pas bien, là il y a de l'information qui s'ouvre. Et, deuxièmement, dans les cas où ça va bien, ce qu'on constate comme constante, c'est la force de l'administration publique et de la fonction publique dans sa position de suivi des projets. Et je pense que vous faites appel à d'autres valeurs très différentes justement avec les incitatifs. C'est-à-dire le mode partenariat étant des projets qui sont sur des incitatifs d'appât du gain, est-ce que c'est ça qu'on veut stimuler et dans la fonction publique et dans la société québécoise?

Le Président (M. Paquin): Merci, Mme Fortier. M. le député de Richelieu.

n (10 h 30) n

M. Simard: Merci, M. le Président. Moi, que la partie théorique de l'approche de la présidente du Conseil du trésor ? et en ce sens on vient de la voir confirmée du député de Laval-des-Rapides ? date un petit peu, ça ne m'étonne pas beaucoup. Quand on sait que l'essentiel de la théorie sous-jacente à la réingénierie de l'État proposée par la présidente du Conseil du trésor nous vient d'Osborne et Gaebler, qui date d'au moins 16, 17 ans et qui a été rejeté par l'administration Clinton, on voit bien qu'il s'agit malheureusement ici d'un recyclage de théories économiques et administratives qui ont été depuis très sévèrement critiquées et qui ont passé... en général, qui ont très mal vieilli, à l'épreuve de l'expérience, dans les pays étrangers.

Mais revenons à votre propre analyse du projet de loi n° 61. Je rappelle, ce n'est pas ici le lieu... Et malheureusement, d'ailleurs, il n'y a pas de tribune pour un véritable débat sur le choix fondamental des PPP, mais nous avons devant nous un projet de loi. Il n'est pas banal, ce n'est pas une simple agence de quelques experts-conseils. Vous avez très bien compris l'ampleur du changement culturel fondamental pour l'État québécois de l'adoption du projet de loi n° 61. Vous en avez fait un résumé à l'aide d'un tableau qui me semble extrêmement éclairant, et j'aimerais vous demander... Ce sera une façon de nous expliquer davantage que vous ne l'avez fait dans votre présentation certains aspects. Dans ce tableau, vous approchez un certain nombre d'avantages avancés par les défenseurs des PPP. Vous parlez d'un processus de planification rigoureux, de réduction des coûts sur le cycle de vie du projet. Ça, ce sont les prétentions des partisans des PPP auxquelles vous répondez.

Moi, il y en a deux que j'aimerais bien vous entendre commenter, c'est au niveau du processus de planification rigoureuse. La présidente du Conseil du trésor revient assez régulièrement sur la critique du mode traditionnel, le mode de fonctionnement habituel des États, et prétend que les partenariats public-privé sont un correctif majeur à ses faiblesses. Donc, la planification et la réduction du coût sur le cycle de vie du projet, vos deux premières interventions là-dessus, il me semble, devraient être davantage précisées.

Le Président (M. Paquin): M. Rouillard.

M. Rouillard (Christian): Pour ce qui est du processus de planification rigoureuse, ça, j'en ai discuté un petit peu lors de la présentation. Nous aussi, on est pour une planification rigoureuse dans la mesure où... Il y a évidemment un caractère inéluctable à la planification. On préfère qu'elle soit bonne plutôt que mauvaise, mais, une fois qu'on a dit ça, on n'a toujours pas dit grand-chose. Mais la possibilité d'améliorer la qualité de la planification, d'en avoir une qui soit plus inclusive, du point de vue des différents intervenants, est de véritablement privilégier une dynamique de planification en émergence où il y a des mécanismes nombreux et sophistiqués de rétroaction entre les différents intervenants. C'est quelque chose qui peut se faire, qui peut être réussi ou raté indépendamment des PPP. Je veux dire, qu'on soit en mode PPP, ça peut reposer sur une planification qui serait, dans ses grandes lignes, semblable à ce qu'on pense qu'on peut accomplir aujourd'hui. Donc, un mode de planification en émergence peut être réussi dans le cadre d'un mode PPP, mais ça n'a rien à voir avec le PPP en tant que tel. Encore une fois, la planification peut être ratée, mais ce ne sera pas parce qu'elle fait partie d'un mode PPP qu'elle sera réussie ou ratée.

Donc, cette dimension-là, à notre avis, elle doit être et théoriquement elle est dissociée du PPP en tant que tel. Si on veut mettre l'accent, des ressources additionnelles pour développer une capacité de planification plus rigoureuse, faisons-le, on n'est certainement pas contre. Mais ça n'a rien à voir avec l'enjeu, ou le mode de prestation alternatif que sont les PPP, ou le libellé du projet de loi n° 61 en tant que tel.

Le Président (M. Paquin): Mme Fortier, vous voulez intervenir?

Mme Fortier (Isabelle): Sur ce point-là, le mode PPP présente un risque de recul justement sur la planification rigoureuse dans la mesure où on veut faire jouer la concurrence. Plus on veut faire jouer la concurrence, plus il faut y avoir un projet qui est élaboré le moindrement pour pouvoir appeler à des soumissions. Les soumissionnaires, plus le projet est élaboré, plus ils vont demander des compensations financières pour la préparation pour les projets. Et donc on est dans un processus qui... si on veut jouer sur l'économie et l'efficience à court terme, on va chercher à aller chercher des propositions sur des ébauches qui vont justement diminuer de beaucoup toute la préparation pour l'élaboration et le suivi qui va se faire uniquement avec un seul partenaire par la suite.

M. Rouillard (Christian): Juste très brièvement...

Le Président (M. Paquin): Oui, allez-y.

M. Rouillard (Christian): ...pour répondre à votre deuxième point sur la réduction des coûts et sur le cycle de vie du projet, j'ai aussi mentionné durant la présentation qu'on a jusqu'à maintenant une compréhension très réductrice de ce que c'est que le coût. Il y a un élément avec lequel mon collègue est très familier de toute évidence, la notion de coût d'opportunité, qui ne semble pas faire partie de la réflexion jusqu'à maintenant. Si on regarde notamment l'expérience britannique, on s'aperçoit qu'il y a plusieurs communautés locales qui ont dû préparer, ficeler, peaufiner des appels d'offres à la lumière des préférences des firmes privées et non des besoins de la communauté parce qu'initialement ils ont été incapables d'obtenir des soumissions à cause du coût d'opportunité. Il ne suffit pas de dire qu'il y a un potentiel de réaliser des bénéfices pour une firme privée, de développer un savoir-faire exportable en soi. Ça ne se passe pas dans une situation acontextuelle, il faut qu'il y ait un incitatif faisant en sorte que le coût d'opportunité lui permette de participer à cette expérience-là. Si la firme privée a d'autres opportunités pour utiliser ce capital-là qui va permettre un rendement sur le capital plus intéressant, clairement il ne répondra pas aux appels d'offres qui vont être développés à la lumière des besoins de la communauté. Et ça, c'est très largement documenté, notamment une référence que j'ai ici, avec moi, et que je laisserai avec plaisir à ceux qui désireraient le lire. Donc, c'est...

Le Président (M. Paquin): M. le député de Richelieu, en une minute.

M. Simard: Oui, une minute pour rappeler... Conformément à la précision que vient de donner Mme Fortier sur les coûts inhérents à la préparation de ces projets, j'ai trouvé quelques informations concernant la réfection du métro de Londres. C'est un projet considérable, la réfection du métro de Londres. Les coûts de préparation des contrats, l'État anglais et les différentes autorités publiques ont dû dépenser, dans un premier temps, 180 millions de livres sterling et ils ont fait un remboursement aux entreprises privées qui ont travaillé à la préparation des devis et des analyses de 275 millions de livres sterling. En d'autres mots, la planification avec le privé a coûté 1 milliard de dollars canadiens pour la réfection du métro de Londres. Il est évident, là encore, que l'ensemble de ces coûts a été à la charge de l'État et des contribuables et que le risque des compagnies privées a été nul dans l'ensemble de cette analyse.

Une voix: ...

Le Président (M. Paquin): Oui. Vous avez une réponse? Rapidement. C'est Mme Fortier? Rapidement, s'il vous plaît, il reste 30 secondes de temps.

Mme Fortier (Isabelle): Oui. Tout l'environnement de la phase prédécisionnelle, pour les projets PPP, est majeur pour l'enchaînement de la suite, et c'est ce qui donc va se passer à l'intérieur de l'agence proposée.

M. Gagnon (Alain-G.): De toute évidence, à la fin de ces travaux de la commission, on constate qu'il y a encore beaucoup de questions qui se trouvent sans réponse, et il faut espérer qu'il y aura une tribune beaucoup plus large où on invitera des spécialistes internationaux au lieu simplement de convoquer les firmes privées qu'on a choisies pour écrire des textes qu'on a essentiellement dictés. Alors, il y a lieu, je pense, d'avoir de ces débats importants, et il faut espérer que, s'il y a un projet de loi qui va plus de l'avant, que ce projet de loi là n'arrêtera pas ou ne sera pas passé par la loi du bâillon. Merci.

Le Président (M. Paquin): Merci. Donc, madame, messieurs du Groupe d'étude sur la réforme de l'État, merci de votre mémoire. Je vais suspendre quelques instants pour permettre au groupe suivant de s'installer.

(Suspension de la séance à 10 h 39)

 

(Reprise à 10 h 41)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous accueillons maintenant les représentants de l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec, dont le président est M. Michel Gagnon. Je vous souhaite la bienvenue ainsi qu'aux personnes qui vous accompagnent. Je vous inviterais à nous les présenter, et bien sûr vous pouvez commencer votre présentation. Bienvenue.

Association professionnelle des ingénieurs
du gouvernement du Québec (APIGQ)

M. Gagnon (Michel): Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, je vous présente mes collègues: l'ingénieure Suzanne Lévesque, à ma gauche, et l'ingénieur Robert Bouchard.

Mme la ministre, Mmes, MM. membres de la commission, M. le secrétaire associé, permettez-moi d'abord de vous remercier de l'invitation que vous avez faite à l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec, que j'appellerai maintenant APIGQ, de venir vous présenter notre mémoire sur le projet de loi n° 61. Ce mémoire concerne le projet de loi sur l'Agence des PPP, et nous sommes très heureux de pouvoir apporter à la présente consultation notre contribution, qui se veut la plus constructive possible, car nous partageons les mêmes objectifs que le gouvernement, à savoir l'amélioration des services aux citoyens, et ce, à moindre coût.

Au cours de cette présentation, je ne vous lirai pas notre mémoire, car je suis assuré que vous l'avez déjà fait, mais j'y ferai référence. Je vous présenterai, dans un premier temps, notre association et par la suite une revue sommaire des motifs qui sous-tendent les PPP. Nous avons aussi pensé, M. le Président, vous présenter concrètement un exemple des implications contractuelles des PPP. Enfin, nous reviendrons sur les conclusions de notre mémoire.

L'APIGQ est un syndicat, on ne se le cache pas. Il représente les 1 150 ingénieurs qui oeuvrent dans la fonction publique. Près de 80 % de nos ingénieurs sont répartis dans les ministères suivants. Plus de 130 sont à la CSST. La CSST est un organisme que connaît très bien Mme la ministre, elle en a déjà présidé les destinées. À cette époque, elle présentait les ingénieurs qui allaient dans les entreprises comme étant ses ambassadeurs de marque, n'est-ce pas? Sachez, M. le Président, que les ingénieurs de la CSST gardent un très bon souvenir de sa présidence à la CSST. Près de 240 ingénieurs travaillent au ministère de l'Environnement. Enfin, 518 ingénieurs oeuvrent au ministère des Transports. Il s'agit d'une concentration très élevée d'expertise au Québec. Ils comptent parmi leurs rangs de nombreux détenteurs de diplômes de maîtrise et de doctorat dans le domaine des infrastructures routières. Ils sont la clé de voûte du ministère des Transports. D'ailleurs, 84 % des activités du MTQ sont à contrat avec le privé. Nous pouvons donc affirmer que, la sous-traitance étant déjà si grande dans ce ministère, le recours aux PPP n'aurait pas d'effet à court ou à moyen terme sur notre membership. Ceci nous permet de vous présenter un point de vue neutre. De plus, nous considérons que notre connaissance des causes de l'état actuel des infrastructures routières et de notre connaissance de l'appareil gouvernemental vous apporteront un meilleur éclairage.

Tout d'abord, j'aimerais vous présenter l'interprétation évolutive que nous avons dégagée des divers documents et échanges qui ont lieu depuis le printemps dernier au sujet des motifs qui sont évoqués pour le recours aux PPP. Ainsi, le mémoire du 18 mai présente les avantages suivants: une qualité de service aux citoyens améliorée, une accélération de la réalisation des projets, une meilleure gestion des risques, une plus grande productivité des administrations publiques, un processus de planification plus rigoureux et des avantages financiers.

Étudions de plus près ces trois motifs. Une accélération de la réalisation des projets. Mme la ministre mentionne dans son mémoire qu'un PPP permettrait de raccourcir les délais, puisque le partenaire privé pourrait combiner des activités comme la conception et la réalisation. Or, M. le Président, il est irréaliste de penser être sur un chantier sans avoir dans les mains le plan de ce chantier. C'est peut-être ce qui explique les dérapages du métro de Laval.

Un processus de planification rigoureux. La formule PPP force les autorités gouvernementales à un processus de planification rigoureux afin de définir les besoins. En d'autres mots, les PPP forcent les gestionnaires à faire ce qu'ils devraient faire, soit planifier. M. le Président, si les sous-ministres ne font pas leur travail de planification, il faut les changer. Que je sache, une loi n'est pas nécessaire pour cela, n'est-ce pas?

Des avantages financiers. Et ça, je vais insister là-dessus, je vais y revenir à deux reprises. Voilà ce qu'on retrouve textuellement dans le mémoire de Mme la ministre: «Les paiements aux partenaires privés ne débutent que lorsque les infrastructures et les prestations de services seront disponibles.» Voilà pourquoi, M. le Président, tant de gouvernements optent pour la formule PPP. En d'autres mots, on peut en même temps débuter de nombreux chantiers sans que cela apparaisse au bilan, diminuer immédiatement le nombre de fonctionnaires en les transférant aux partenaires privés et ainsi réaliser des économies immédiates. Et pourquoi pas, en même temps, diminuer les impôts? D'un seul coup, plus de chantiers, moins de fonctionnaires, économies dans l'enveloppe globale budgétaire pour les années de réalisation des travaux, donc réduction des impôts sur carte de crédit. Parce qu'on parle de carte de crédit ici. Or, M. le Président, je n'ai pas besoin de vous rappeler que les intérêts, sur carte de crédit, sont très élevés. De nombreux consommateurs s'y font prendre. Il semble que beaucoup d'États s'y font prendre aussi. Il est légitime que nous craignions pour le Québec d'aujourd'hui, et surtout pour le Québec de nos enfants.

Dans la politique-cadre sur les PPP rendue publique en juin 2004, l'énoncé de la politique précise que ces services de qualité qui seront offerts aux citoyens le seront au meilleur coût. La notion de coût est donc au coeur même de cette volonté gouvernementale de recourir aux PPP, et pourtant, M. le Président, nulle part dans le libellé du projet de loi, on n'y voit le mot «coût». Pourquoi?

Lors de l'ouverture des travaux de la présente commission parlementaire, Mme Forget, dans ses remarques préliminaires, mentionnait: «Avec les moyens actuels, l'État doit trop souvent rogner sur la qualité. Nos nids-de-poule en sont une preuve parmi d'autres.» À quels moyens Mme la ministre faisait-elle référence? À des moyens financiers insuffisants? Non, M. le Président, il s'agissait plutôt du niveau de qualification de ses employés. N'a-t-elle pas déclaré, dans l'article publié dans La Presse du 8 octobre, que «la fonction publique n'a pas le savoir-faire nécessaire dans des techniques nouvelles de construction», en ajoutant: «Je ne sais pas ce qu'il a, notre asphalte...» Les ingénieurs du ministère des Transports, M. le Président, se sont sentis profondément insultés par les propos de Mme la ministre. Et, comme elle ne sait pas ce qu'il a, notre asphalte, des informations sur ce sujet s'imposent.

M. le Président, on le sait, le réseau de la santé ne va très bien, et pourtant, M. le Président, aucune autorité gouvernementale ne remet en cause la compétence des médecins. Tous sont d'accord qu'il s'agit d'un problème d'argent et d'effectifs. Mais, pour l'asphalte, ce n'est, selon Mme la ministre, pas un problème d'argent mais un problème de compétence. Quelques informations sur l'asphalte s'imposent. M. le Président, le ministère des Transports alloue seulement 191 millions à la conservation des chaussées. Avec cette somme ? et mes ingénieurs l'ont dit au ministre ? le réseau va continuer de se dégrader. Ça prendrait au moins 300 millions par année pour maintenir le réseau dans son état actuel et 400 pour l'améliorer. Avec 400 millions par an pendant neuf ans, on passerait d'un réseau qualifié de bonnes routes à 62 % à un réseau de bonnes routes à 80 % en 2013. En d'autres mots, avec ce budget, le ministère ne pose que 2 millions de tonnes d'asphalte par année, soit l'équivalent de 1 000 km de route par année, alors que notre réseau en compte 29 000 km. On fait donc le tour de notre réseau aux 30 ans avec ce que nous donne comme budget Mme la ministre ? aux 30 ans. On devrait le faire aux 15 ans ? aux 15 ans.

Et ceci n'explique pas tout, la température de pose est un élément capital. M. le Président, l'asphalte, ça aime la chaleur; le froid la tue. C'est aussi simple que ça. On ne devrait jamais poser de l'asphalte sous la barre des 10 °C. Or, M. le Président, dans 35 % des cas, on ne respecte pas cette norme de température. Vous comprendrez donc qu'il est important, dû à notre climat, que les appels d'offres débutent tôt, préférablement en janvier, pour débuter les travaux fin avril, début mai. Or, le ministre des Transports n'a annoncé sa programmation des travaux pour le présent exercice que le 20 avril 2004. Donc, les appels d'offres n'ont pu se faire avant. De plus, les délais moyens qui s'écoulent entre la transmission des documents d'appel d'offres et le début effectif des travaux sur le chantier suite à l'attribution du contrat sont d'environ trois mois. Cela se ventile comme suit: une à deux semaines pour l'envoi des plans et devis; six semaines pour publication de l'appel d'offres, réception des offres et ouverture des soumissions; environ trois semaines pour que l'entrepreneur débute les travaux.

n (10 h 50) n

Enfin, considérant les délais requis pour la réalisation des travaux de terrassement, les travaux d'asphaltage doivent souvent être réalisés à l'automne. En d'autres mots, au lieu de débuter à la fin de la période de dégel, comme il serait requis de le faire, les travaux ne commencent dans les faits qu'au mois d'août. À titre d'exemple, et j'insiste, les travaux sur l'autoroute Décarie, en 2003, il s'agissait d'un contrat de 2,5 millions en asphalte. Dû au fort achalandage, les ingénieurs ont opté pour du top niveau, de l'asphalte avec scories de métal. Même les ingénieurs de l'État de New York ont suivi ce projet. Or, on a posé de l'asphalte jusqu'à moins 6 °C ? je suis loin de moins 10 °C, là. Il a suffi de six mois seulement pour que des problèmes d'arrachement se manifestent. La couche d'usure, pourtant de la meilleure qualité, n'avait pas collé. Il faut se rendre à l'évidence que ce n'était pas un problème de compétence des ingénieurs du ministère des Transports ni de qualité de l'asphalte. C'est tout simplement qu'il faisait trop froid, les travaux ayant commencé trop tard, tout ça parce que les budgets n'avaient pas été octroyés à temps.

M. le Président, encore hier, on pavait au Québec à moins 8 °C. En somme, le gouvernement ne tire pas... profit de ses investissements. M. le Président, suite aux propos de Mme la ministre dans le journal La Presse et avec les informations que je viens de vous transmettre, vous comprendrez que les ingénieurs des Transports s'attendent que la ministre leur présente des excuses. Pas au syndicat, aux employés du ministère des Transports. Toutefois, M. le Président, je peux vous assurer de la loyauté et du professionnalisme de ces ingénieurs quelle que soit la réponse de la ministre.

Enfin, M. le Président, en quoi les ingénieurs d'un PPP apporteront-ils une valeur ajoutée alors que les ingénieurs du secteur privé sont déjà omniprésents dans les travaux réalisés par et pour le MTQ?

Maintenant, je vais vous présenter un projet réalisé en mode PPP qui est un «success story» grâce au prétendu partage de risques. En effet, Mme la ministre a déjà mentionné que ce projet avait permis, grâce au partage de risques, de faire assumer le 200 millions additionnel de coût initial du projet par leur partenaire privé. Il s'agit du célèbre pont de la Confédération. M. le Président, nous souhaiterions que la ministre nous fasse connaître les sources de cette information. Comme vous pouvez le constater, il s'agit d'un pont magnifique, long de 13 km, reposant sur 65 piles, conçu pour ne pas retarder le départ des glaces au printemps et dont les techniques de construction ont déjà été pensées pour protéger la faune marine. Vous conviendrez que l'on n'a pas fait appel à des ingénieurs juniors pour un tel projet d'envergure.

Or, M. le Président, les frais juridiques pour mettre en place ce PPP ont dépassé le coût de conception de ce magnifique pont d'une durée de vie de 100 ans. Le Vérificateur général du Canada lui-même a dit de ce projet que les dispositions financières et organisationnelles étaient complexes. Elles visaient notamment à minimiser les impôts du partenaire privé. La structure d'entreprise était la suivante.

Le consortium Strait Crossing Development Inc., que j'appellerai maintenant Strait Crossing, est composé de deux entreprises européennes, une américaine et une canadienne, Strait Crossing Inc., de Calgary. L'entreprise américaine s'est retirée du consortium en raison de difficultés financières. Cette succession a soulevé à l'époque de grandes inquiétudes. S'ajoute Strait Crossing Joint Venture, que j'appellerai maintenant SCJV, qui est composé des mêmes propriétaires que Strait Crossing, pour construire le pont. S'ajoute de plus Strait Crossing Bridge pour exploiter le pont pendant 35 ans, étant donné qu'au terme du contrat le pont redevient la propriété du fédéral.

Ce n'est pas tout, ça se complique. Le Nouveau-Brunswick a créé par loi Strait Crossing Finance, que j'appellerai SCF, pour émettre des obligations, recevoir des paiements du fédéral et minimiser les impôts qui auraient dû être prélevés à Strait Crossing. SCF émet 661 millions d'obligations en 1993 à 4,5 %. SCF perçoit de plus pour Strait Crossing les sommes du fédéral. SCF paie à SCJV, le constructeur du pont, pendant la construction. Le tout est traité hors bilan par le Nouveau-Brunswick. De plus, le fédéral garantit par loi, une seconde loi, de façon irrévocable, que le pont soit construit ou non, 42 millions indexés au coût de la vie à être versés aux acheteurs des obligations pendant 35 ans, le tout traité hors bilan. Le fédéral garantit de plus les revenus de péage sur le pont aux revenus de péage de 1996 perçus par le traversier et indexés au coût de la vie. De plus, Revenu Canada a émis un avis préalable que le montage financier est conforme à la Loi sur l'impôt. D'autre part, Strait Crossing a fait transformer sa mise de fonds obligatoire de 74 millions en lettres de crédit, ce qui leur a évité de payer des intérêts. Strait Crossing n'a donc mis aucun sou au début du projet.

Finalement, Strait Crossing a été compensé pour les coûts de la préparation de sa soumission. Malgré les garanties financières données par le fédéral, le Vérificateur général conclut que le pont a coûté au moins 45 millions de trop aux contribuables, soit plus d'une annuité versée par le fédéral sur 35 ans. Toujours selon lui, le fédéral aurait pu faire un emprunt au taux de 4,1 %, tandis que SCF a eu un taux de 4,5 %. Par ailleurs, Strait Crossing, sans garantie financière du fédéral, a fait sa levée de fonds privés à 6,17 %.

Force est de constater que le mode PPP est un processus long, compliqué et coûteux. D'ailleurs, dans son mémoire, la ministre mentionne que les PPP occasionnent des frais plus élevés qu'en mode conventionnel. En plus d'experts juridiques, il faut payer un nouveau joueur, l'ingénieur indépendant, un tiers entre le partenaire de l'État, dont le choix peut être problématique au Québec dû au bassin limité de firmes. M. le Président, et j'insiste, peut-on encore parler d'un simple outil qui s'ajoute à la boîte à outils? Et, si tel est le cas, pourquoi avoir besoin de légiférer pour un si simple outil?

Revenons à la création de l'agence. L'association se questionne sur l'à-propos de créer une nouvelle structure, un autre organisme, alors que le grand projet de modernisation de l'État que la ministre pilote vise notamment à réduire le nombre d'organismes. Donc, une agence qui devrait être une structure minimaliste souffre, semble-t-il, au fil des jours, d'inflation. En effet, alors qu'on parlait de transférer les six employés actuellement rattachés au Bureau des PPP, on parle maintenant de six à 12 personnes, et, selon ce que nous avons entendu la semaine dernière, l'agence pourrait être composée de 15 personnes. Étonnamment, le mémoire déposé au Conseil des ministres identifiait clairement le besoin de 20 ressources ventilées sur trois ans. Ce nombre justifie-t-il de mettre en place par voie législative une telle structure avec un conseil d'administration qui serait de neuf personnes, selon nos informations? Il est vrai toutefois qu'il y aura des comités d'experts-conseils dont le nombre n'est pas déterminé. Ces experts seront nommés par le président du Conseil du trésor pour une période non déterminée, et leur rémunération sera aussi fixée par ce dernier. Selon toute vraisemblance, leur rémunération devrait être moindre que celle des fonctionnaires, car, ne l'oublions pas, l'objectif est de fournir un meilleur service au moindre coût. Autrement, cette rémunération viendra augmenter les coûts des projets, l'agence devant s'autofinancer.

Les ministères et organismes assumeront seuls les coûts additionnels de recours aux services de l'agence. Comment comprendre qu'une agence où oeuvrent 20 personnes et des groupes d'experts puisse assurer un service de qualité avec le souci de réduire les délais à tous les organismes publics? Car, selon l'article 8, tout l'univers public est obligé de recourir aux services de l'agence pour l'évaluation de la faisabilité en mode PPP, pour le choix du partenaire, pour la négociation et la conclusion du contrat, sauf aux conditions déterminées par le gouvernement. Les cas d'exception seront-ils plus nombreux que ceux soumis à la règle? L'univers couvert est trop vaste et le champ de pratique trop large pour les ressources qui, nous dit-on, composeront cette agence.

Le discours actuel nous apparaît peu crédible, voire illusoire, et ce, bien que la mission de l'agence n'en soit une que de conseil, car, Mme Forget l'a bien expliqué à Mme Gervais, présidente du Conseil des collèges non subventionnés, le 29 octobre dernier, il ne s'agit que d'une mission conseil. Mais alors, s'il ne s'agit que d'une mission conseil, pourquoi alors donner à cette agence le pouvoir d'expropriation? Le ministre des Transports détient déjà ce pouvoir. Dans l'état actuel du projet de loi, nous ne pouvons qu'être très inquiets quant aux possibilités qu'offre à son détenteur un tel pouvoir. J'aimerais ici vous faire part de notre étonnement quand nous avons entendu, le 26 octobre, Mme Forget rappeler à Mme Desrochers, de l'AICQ, qu'Hydro-Québec, avec le nombre d'ingénieurs et de conseillers qu'ils ont et les ressources auxquelles ils ont accès, n'a pas besoin de l'Agence des PPP. Permettez-moi, M. le Président, de rappeler que le MTQ compte 518 ingénieurs et qu'il a aussi accès à des ressources. Alors, pourquoi ne pas soustraire le ministère des Transports pour le même motif?

n (11 heures) n

L'APIGQ s'est étonnée, à la lecture du projet de loi, d'y constater des absences majeures. En effet, nous déplorons l'absence d'articles essentiels pour circonscrire le champ de pratique de l'agence, comme un coût minimum au-delà duquel un projet doit être soumis à l'étude de l'agence, les critères de sélection de ceux-ci sur le choix du partenaire, bien que cela s'inscrive dans un processus d'appel d'offres, tel que spécifié dans un communiqué du Conseil du trésor. Ce choix de partenaire sera basé sur quoi? Sur le coût, l'expertise, le montage financier? D'autres articles devraient être ajoutés quant aux conflits d'intérêts, au nombre de personnes formant le C.A., un traitement juste et équitable des employés de la fonction publique, tel que le précise la politique-cadre. Par ailleurs, on se questionne sur la pertinence de légiférer sur des groupes-conseils qui pourraient être amenés à fournir une expertise à la demande.

Enfin, si cette solution doit voir le jour, l'APIGQ propose que le ministre responsable de cette agence soit le ministre des Finances. Nous croyons que le président du Conseil du trésor, dont l'une des responsabilités est de proposer au Conseil des ministres pour chaque exercice financier le niveau de dépenses du gouvernement, dispose d'un levier radical pour forcer les ministères à recourir au mode PPP plutôt qu'à un autre mode plus traditionnel. En effet, en ayant le pouvoir de déterminer le niveau de l'enveloppe budgétaire annuelle consentie à chaque ministère, le président du Conseil du trésor peut facilement limiter les crédits nécessaires à la réalisation des projets.

Notre position n'a pas changé à l'égard des PPP. Je vous rappelle que l'APIGQ s'était déjà prononcée contre la Loi concernant les partenariats en matière d'infrastructures de transport de M. Chevrette en décembre 2000.

En conclusion, M. le Président, nous comprenons que le gouvernement puisse être séduit par la formule «achetez maintenant et payez plus tard», également qu'il ait de la difficulté à résister à l'attrait du recours à la carte de crédit, mais nous ne pouvons que dénoncer, et ce, tant pour le bénéfice des citoyens que des générations futures, cette politique de courte vue. L'amélioration de nos infrastructures routières passe non pas par une carte de crédit magique que sont les PPP mais bien par une analyse rigoureuse des problématiques et par une planification des solutions adéquates qui en découlent. Sachez que l'APIGQ vous offre l'immense expertise de ses ingénieurs. De cette façon, le président du Conseil du trésor et le ministre des Transports passeront assurément à l'histoire pour avoir fait progresser la société québécoise, et ce, sans hypothéquer les générations futures.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. Gagnon.

M. Gagnon (Michel): Nous vous remercions, M. le Président, et nous sommes disponibles pour engager le débat.

Le Président (M. Paquet): Merci. Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, M. Gagnon, Mme Lévesque, M. Bouchard, bienvenue à cette commission parlementaire, et merci de votre mémoire. Malgré le côté critique, j'ai bien apprécié votre mémoire et j'ai surtout bien apprécié les bons mots que vous avez eus quand j'étais présidente de la CSST. Je garde, moi aussi, un excellent souvenir de cette période-là, je peux vous assurer, et je suis ravie que vous en gardiez un également qui soit excellent.

Maintenant, je voudrais de suite apporter un correctif, M. Gagnon. Si les ingénieurs du ministère des Transports ont perçu mes propos comme étant une critique de leur travail, je pense qu'il y a eu une mauvaise interprétation. Je vous dirai que la critique, elle était beaucoup plus axée à l'endroit des politiciens, qui souvent sous-estiment les coûts pour toutes sortes de raisons, et, par conséquent, je pense qu'il y a lieu de nous assurer qu'on fait le travail correctement et convenablement.

D'ailleurs, je vous dirais que, dans toute la démarche de modernisation, pour vous rassurer... Parce que, vous savez, j'ai fait carrière dans le secteur public, je n'ai jamais travaillé dans le secteur privé. Alors, M. le Président, ce n'est pas parce que j'ai quelque mépris que ce soit dans le secteur public, je n'ai que des éloges à l'endroit des employés de la fonction publique, j'y ai moi-même participé toute ma vie, sans exception. Alors, je pense que je ne peux pas prendre ça comme une critique allant que je méprise les fonctionnaires, au contraire.

Et je voudrais vous rassurer pour vous dire que nous comptons non seulement sur tous les employés du gouvernement, mais manifestement sur les ingénieurs, à titre d'exemple, au niveau du transport. Et je l'ai répété nombre de fois ici que l'agence sera une agence-conseil au niveau contractuel, mais l'expertise... Je comprends que vous connaissez bien l'asphalte, j'en conviens que je n'y connais rien, et vous comprendrez que je n'ai jamais eu la prétention que je connaissais l'asphalte, mais nous comptons justement sur les ministères, que ce soit le ministère de la Santé, le ministère des Transports, chacun des ministères qui vont devoir justement aider le gouvernement à développer cette expertise pour être sûr qu'on fait les bons choix et que, quand on va aller en partenariat public-privé, ce sera une solution de choix.

Ce n'est pas parce que nous allons arrêter de faire le mode conventionnel. Vous conviendrez avec moi qu'au niveau de plusieurs secteurs il y a eu des écarts entre les prévisions et ce qui s'est passé en réalité. C'est pour ça que je vous dirai qu'à bien des égards... Vous avez mentionné des exemples qui ont été donnés, il n'en demeure pas moins que le côté politique doit assumer ses responsabilités.

Maintenant, vous avez mentionné quelque chose, la carte de crédit. Bien, moi, je veux vous rappeler que ce n'est pas parce qu'on va aller en PPP qu'on va marcher sur la carte de crédit. Parce que je vais vous dire que ce qui a été décidé au niveau de l'ancien gouvernement... Je vais donner un exemple, là, très, très concret où mon collègue a été impliqué ? puis je ne veux pas le blâmer parce qu'il était dans une situation difficile ? qui était président du Conseil du trésor, mais aujourd'hui les coûts de reconduction de décisions qui ont été prises il y a deux ans et trois ans s'élèvent aujourd'hui au gouvernement de 3 milliards de dollars par année. Les coûts de reconduction.

Et je vous donnerai comme exemple... Vous dites finalement qu'on fait maintenant puis on paie plus tard. Bien, savez-vous que le projet GIRES, on commençait à le payer en 2007-2008. Alors, ce n'est pas parce qu'on va en PPP qu'on va payer seulement quand le projet arrive à terme. C'était le cas et c'est le cas aujourd'hui, et c'est problématique. J'en conviens avec vous, c'est tout à fait problématique. Mais qu'on le fasse en PPP ou qu'on le fasse en méthode traditionnelle, je vis, moi, au Conseil du trésor les coûts de reconduction de 3 milliards par année de décisions qui ont été prises antérieurement. Et je vous dirai que c'est le cas, par exemple, de projets comme le projet GIRES. C'en est un.

Au niveau bien sûr des ingénieurs, le pont... Vous avez parlé du pont, mais il y a une chose qui est certaine: pour le gouvernement, le prix est le même, hein? Parce qu'avant les gens avaient le droit au traversier. Et là, au moins, il y a une garantie que l'augmentation, M. le Président, sera 0,75 % du coût de l'inflation, d'accord, le péage que les gens devront faire, alors qu'ils n'avaient pas cette protection avec le traversier. Alors, je ne veux pas défendre, n'est-ce pas, le pont de la Confédération, je vous donnais ça à titre d'exemple.

Et, bon, peut-être que vous voulez réagir, mais sachez une chose: je veux que vous sachiez très bien que les fonctionnaires du gouvernement, c'est là où se trouve l'expertise. Et, pour vous rassurer, dans tout le projet de réingénierie, dans tout le projet de réingénierie du gouvernement, il y a eu 350 000 $ qui ont été donnés en contrats à l'extérieur. Toutes, toutes, toutes les études émanent des fonctionnaires du gouvernement. D'accord? Et c'est simplement quand les fonctionnaires nous disaient: Écoutez, on aurait besoin d'une étude dans ça ponctuelle, pointue dans un domaine particulier que, là, on allait de l'avant. Mais généralement, à cause de la qualité de nos employés, nous avons fait appel à nos employés en tout temps. Et personnellement, moi, je n'ai que des éloges à dire aux employés du Conseil du trésor qui m'accompagnent toujours dans les démarches pour voir, pour reconnaître la qualité des employés qui travaillent au Trésor.

Alors, je voudrais que vous sachiez... Si jamais ça a été perçu de la part des ingénieurs... Vous le savez, quand j'étais à la CSST, j'ai compté sur vous, et nous allons compter sur vous, et c'est là, c'est chez vous, aux Transports, chez vous, partout, où vous devrez développer l'expertise pour déterminer s'il y a lieu d'aller en PPP. C'est vous qui allez devoir nous dire si ça doit se faire comme ça ou pas. Et, si vous êtes capables de faire la démonstration qu'il n'y a aucune vertu à aller en partenariat public-privé, bien sûr que nous n'irons pas en partenariat public-privé.

Mais sachez que, par exemple, nous allons faire certains... Pour les ponts... Vous allez convenir avec moi qu'au niveau des infrastructures il y a un grand besoin. Que ce soit dans les routes, nos hôpitaux, nos écoles, il y a un grand besoin. Alors, j'aimerais ça peut-être que vous réagissiez, parce que je sais que les réponses vont venir de vous et de vos employés, M. Gagnon, des gens que vous représentez.

Le Président (M. Paquet): M. Gagnon, environ 3 minutes pour le bloc.

 

M. Gagnon (Michel): Merci, M. le Président. D'abord, je constate que Mme la ministre fait partie du club des mal cités, puis c'est possible, hein, c'est possible. C'est que, quand je relis le mot-à-mot et selon elle, la fonction publique n'a pas le savoir-faire nécessaire. Les politiciens, en tout cas, le mot n'apparaît pas, mais ce n'est pas grave. Je vous accorde le bénéfice du doute, c'est à votre esprit. Puis je pense que je vais être en mesure de convaincre mes gens, d'autant plus que ce que je leur disais, et vous connaissant... Je leur disais: Sans doute que lorsque ça s'est dit... On est le 7 octobre, hein? Les mémoires sont pratiquement tous rentrés lorsque ça s'est dit parce que l'article est paru le 8 octobre. Je fais l'hypothèse, là. Donc, ce que je disais à mon monde: Mme la ministre, c'est clair qu'elle devait être stressée, là. Elle avait reçu tous ces mémoires, tous ces mémoires. Or, elle avait ce qu'elle s'attendait, un paquet de mémoires qui étaient contre, ceux des syndicats. Ça, je pense que tout le monde s'attendait à ça, je pense, ça n'a pas dû trop la stresser. Après ça, bien, il y a eu ceux qui ont dit: Oui, je suis pour la création de l'agence, mais soustrayez-moi de son application. Ça, c'est un autre paquet; ce oui soustrait, c'est un autre non, on s'entend peut-être là-dessus, M. le Président.

n (11 h 10) n

Après ça, il y a les organismes nommés par l'Assemblée nationale, la Commission d'accès à l'information, le Protecteur du citoyen, ils sont venus émettre de grandes réserves. Ils n'ont pas dit oui ou non, mais de grandes réserves, et je pense qu'on peut convenir de ça. Par la suite, il y a eu ce que j'appelle les «oui mais», les «oui mais». Je pense à l'AICQ qui dit: Oui, moi, je suis favorable à ça, à condition qu'on assure que je vais être dans les projets, qu'on m'assure que mes firmes vont pouvoir être dans les projets, qu'on m'assure que je sois rémunéré pour soumissionner. Où est le partage de risques? Même au niveau de la soumission, on veut être rémunéré. On a eu l'ACRGTQ qui est venue ici puis qui nous ont dit: On assure d'avoir le péage minimum. Et on a eu Bombardier qui a fait une belle présentation, je pense: On veut avoir des abris fiscaux, on veut être rémunérés pour des soumissions. Donc, je comprends que vous n'aviez pas un appui large puis je vous excuse. Puis je pense que je vais être capable d'expliquer ça à mes gens.

Pour lancer le débat quand même, j'avais posé certaines questions, je voulais avoir certains éléments d'information, entre autres votre source d'information quant au coût de 200 millions, parce que, M. le Président, on peut dire que les infrastructures, c'est dans notre terrain, c'est sur notre glace, puis 200 millions, moi, j'ai travaillé trois ans pour trois entrepreneurs différents en construction, une perte de 200 millions, il faut avoir assez les reins solides, merci, il faut avoir assez les reins solides, merci. On a fait de la recherche pour trouver cette source-là, M. le Président, le seul endroit où on a vu comme source 200 millions, même jusqu'à 325 millions, c'est sur le site Internet de nos amis qui vont venir cet après-midi, c'est-à-dire The Canadian Council for Public-Private Partnerships. Il y a même quelqu'un sur ce site Internet là qui est de l'université d'Oxford, je ne mettrai pas en doute ses compétences; lui, il est rendu à 325 millions. Donc, l'entreprise aurait perdu beaucoup d'argent.

Nous, ça nous a fatigués, on a juste trouvé que cette information... C'est ça que je vous dis, peut-être qu'il y en a d'autres, informations, mais, nous, on est allés voir le Standard & Poor's et qui sont quand même des gens compétents, nous semble-t-il, qui ont fait une revue de la compagnie depuis sa création, depuis 1993. Puis ça a plusieurs pages là-dedans, ils accordent des cotes de crédit ? c'est des gens sérieux, c'est des gens sérieux ? puis on n'a vu ça nulle part, ces 100 millions là, on n'a vu ça nulle part. Par contre, il ne faut pas confondre une réclamation d'un entrepreneur avec une perte d'argent de l'entrepreneur. Des réclamations, j'en ai préparé plus qu'une dans ma vie, soyez-en assurés, on met du crémage un peu. Il ne faut pas confondre ça.

Donc, pour ça, je me permets d'insister, j'aimerais ça connaître cette source-là parce que c'est l'argument massue qui a été présenté, c'est ce projet-là. Puis, nous, on est allés sur ce pont-là, on s'est dit: On va aller voir ce qu'il y a dedans. Parce que, dans notre mémoire, on n'a pas voulu commencer à distinguer le sexe des anges, qu'est-ce qui est un PPP, qu'est-ce qui ne l'est pas, la 407, elle en est-u un ou pas, etc., on est allés dans l'exemple montré dans La Presse du 8 octobre.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. M. le député de Richelieu.

M. Simard: Oui. Merci, M. le Président. J'ai un peu ? vous me permettrez sans aucune méchanceté ? apprécié le retournement de situation, ces nids-de-poule qui ne sont plus dus à votre incompétence mais au retard du Conseil du trésor, donc à sa présidente, d'accorder les crédits. Ce qui a fait que l'asphalte s'est posée trop tard, donc par des températures qui n'étaient plus appropriées, avec les coûts que ça implique. Alors, enfin, retournement de situation intéressant. Il faudra voir évidemment, dans les prochaines années, si les crédits seront transmis à temps et qu'on pourra éviter ces gaspillages et ces nids-de-poule.

Vous faites une analyse extrêmement critique des PPP, et cette fois-ci je pense que le président de notre commission, s'il change de siège, ne viendra pas vous accuser de ne pas vous référer à des cas très concrets. Vous ne faites que ça et vous allez même au fond de cas concrets qui ont été évoqués ici presque comme les fondements mêmes, enfin les exemples parfaits qui permettent d'opter pour la formule des PPP. Alors, j'apprécie beaucoup votre souci du détail, et de la précision, et des exemples précis, parce qu'il y en a, des exemples précis, dans ce mémoire. Vous êtes des ingénieurs, pas des théoriciens de l'administration publique. Vous êtes des ingénieurs, des praticiens de l'administration publique, et vous considérez que votre apport à l'administration publique, c'est d'abord et avant tout votre travail compétent. Et, là-dessus, je pense que nous devons tous lever notre chapeau à cet apport fondamental, à cette contribution fondamentale à la gestion publique.

Votre mémoire est légèrement différent de votre présentation; vous allez beaucoup plus loin et, notamment, vous analysez la nouvelle agence. Parce qu'on est toujours devant le double problème ici... enfin, le double mandat, on est en train de discuter de la pertinence, des avantages et des inconvénients des partenariats public-privé, mais au fond, là, ce qui nous réunit, c'est un texte, un libellé, un projet de loi. C'est comme ça qu'on fonctionne. Ce n'est pas une politique-cadre, ce n'est pas un avant-projet, ce n'est pas un livre blanc qui aurait ouvert le débat théoriquement dans toute la société sur la formule à retenir: Est-ce que les PPP, c'est meilleur que les formules traditionnelles? Non, c'est un projet de loi. Ce projet de loi, c'est la création d'une agence, et là vous nous dites: Ou bien cette agence sera totalement incapable de remplir l'ensemble des mandats qui sont dans le projet de loi ou le projet de loi ? probablement les deux en même temps ? va infiniment plus loin que ce qu'en dit la ministre dans ses admissions verbales. Ce n'est pas une simple agence-conseil mais une véritable exécutrice des projets gouvernementaux avec, comme moteur, vous avez raison de le mentionner, un Conseil du trésor qui peut conditionner ses crédits au mode choisi.

Alors, j'aimerais vous entendre parler de l'agence, de ses pouvoirs, de son champ d'application, de son mandat et ce que vous en percevez, vous, praticiens quotidiens de l'administration publique, ce que vous y voyez comme avenir pour l'administration publique dans l'existence, la création de cette agence.

Le Président (M. Paquet): M. Gagnon.

M. Gagnon (Michel): Merci, M. le Président. Outre ce qui est écrit dans notre mémoire, on a parlé de dichotomie au niveau... ou de bicéphalité. Il y a comme deux cerveaux là-dedans, dans l'agence: ceux qui font la promotion puis ceux qui font l'analyse. Nous, on a un gros problème déjà, en partant, avec ça. Ce n'est pas un simple outil, l'agence, tel qu'écrit. Nous, nous concluons que ce n'est pas un simple outil. C'est comme si... Je vais y aller par l'image, métaphore. Pour nous, l'agence, c'est comme si on a besoin de creuser un trou en arrière de chez nous, de la résidence puis, au lieu de s'acheter une pelle ronde, on s'achète une excavatrice. L'agence a des pouvoirs ? parce qu'on dit que c'est pour le conseil seulement ? l'agence a des pouvoirs extraordinaires. L'agence peut exproprier. Nous, ça, ça nous fatigue, exproprier. Ça, ça nous fatigue beaucoup parce qu'on parle que l'agence va d'abord faire des infrastructures. Pourquoi d'abord que l'agence a ce pouvoir d'expropriation là? Les Transports peuvent le faire déjà, nous semble-t-il. On nous corrigera, le cas échéant.

Outre le fait qu'il y a bicéphalité dans toute cette loi-là, il y a les comités d'experts, il y a la notion de comités d'experts. Pour nous, c'était la première fois qu'on voyait dans une loi ? mais on n'est pas des experts, M. le Président, on n'est pas législateurs, on n'a pas votre compétence ? c'était la première fois qu'on voyait dans une loi une section de loi qui crée des comités d'experts. Le ministère de la Santé peut créer un comité d'experts. On a regardé certaines lois, la CSST pouvait créer des comités d'experts, etc. Mais nulle part on n'a vu que c'était aussi articulé puis on s'est dit: Mais pourquoi a-t-on besoin de créer une section dans la loi pour faire des comités d'experts? Quand on commence à regarder ça... D'abord, on sait que l'agence, les gens ne sont pas nommés en vertu de la Loi sur la fonction publique. Ça, on questionne ça aussi. Il y en a qui sont nommés en vertu de la Loi sur la fonction publique, la nouvelle agence du Revenu est nommée en vertu de la Loi sur la fonction publique. Cette nouvelle agence là, qui selon nous devrait être une société, qu'importe... elle est exclue de la fonction publique. Ça, ça nous pose des problèmes.

n (11 h 20) n

Mais on s'est dit: Pourquoi? Ah, là, on regarde: Qui va les nommer? Le président du Conseil du trésor. Qui va fixer la rémunération? Le président du Conseil du trésor. Pour les déplacements, quels vont être les barèmes? Le président du Conseil du trésor va les fixer. Or, nous, on a vécu quand même une expérience, on a peur, on a peur que ça coûte vraiment cher, ces comités-là. Exemple, Mme la ministre a embauché quelqu'un de compétent ? je ne doute pas de sa compétence, soit dit en passant ? c'est M. Jean-François Munn. Elle le paie 250 000 $. Or, ce qu'on a peur, c'est que ces experts-là, là, la marge va être à 250 000 $. Mais, si M. Munn était à plein temps pour le gouvernement du Québec à 250 000 $, ce serait déjà pas si pire, mais ça, c'est un «sideline», hein? M. Munn, M. le Président, il n'est pas à plein temps, là. Comme négociateur en chef, Jean-François Munn n'est pas à plein temps, il a d'autres clients, etc. Je pense que les gens ne savent pas ça. Donc, c'est une... Puis on a peur à des rémunérations très fortes. Et qui va payer pour ça? C'est les ministères, parce que l'agence doit s'autofinancer.

Il y a aussi que ce soit le président du Conseil du trésor qui soit le ministre responsable de cette loi-là. Nous, dans le temps, on s'était prononcés contre... Vous savez, M. le député de Richelieu, M. Chevrette ne nous aimait pas beaucoup, on s'était prononcés contre sa fameuse loi, etc., qui s'appelait la Loi concernant les partenariats en matière d'infrastructures de transport. On n'était pas chauds à ça, on l'a dit, bon, mais il y avait quand même deux éléments intéressants à cette loi-là. Un, ce n'était pas le président du Conseil du trésor qui était le ministre responsable de ça. Il faut se poser la question de ça. Deuxièmement, il y avait un article, 5, deuxième alinéa, que, nous, on a trouvé intéressant: «Cette entente ? de PPP, il faut le comprendre comme ça ? doit comporter une participation du secteur privé au financement du projet...» Quand on tombe dans la loi, quand on regarde la loi, on vient modifier cette loi-là puis on vient biffer l'article qui forçait au moins l'entrepreneur, parce que, comme dans le pont de la Confédération, Strait Crossing, je vous l'ai démontré, n'ont pas mis un sou. Donc, on veut être certain de ne pas forcer un partenaire à mettre des sous en partant. C'est ce que vient faire ce projet de loi là de Mme Forget.

Donc, vous comprendrez qu'il y a, disons, deux éléments moteurs qui sous-tendent toute la démarche des PPP: moindres coûts... Moindres coûts, dans la loi, moindres prix, on n'a pas vu ça nulle part, nous autres. On a fouillé, peut-être que vous pouvez nous aider, on n'a pas vu ça nulle part. Partage de risques? Partage de risques, ils ne sont même pas obligés de mettre un sou en partant, ils ne sont même pas obligés d'assumer leurs soumissions. Ça, c'est extraordinaire. Même au niveau de la soumission, ils demandent d'être compensés. Moi, je serais un peu gêné, là. Puis on sait que ça se fait. Donc, cette agence-là, ce n'est pas un simple outil, c'est une pelle mécanique pour creuser un trou en arrière, dans sa cour. C'est clair, des immenses pouvoirs.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Richelieu.

M. Simard: Oui. Merci, M. le Président. Je pense que la réponse a été suffisamment claire. Il est apparu ? vous y avez fait allusion tout à l'heure ? depuis le début de l'étude de ce projet de loi, mémoire après mémoire, partisans ou adversaires de la formule des PPP, que l'une des grandes questions que se pose le public, que se posent les contribuables, que se posent les citoyens québécois, c'est la question de l'imputabilité et de la transparence. Vous le savez, actuellement ? la Commission d'accès à l'information est venue nous le rappeler ? la loi actuelle d'accès à l'information est extrêmement déficiente quand il s'agit d'accès à des documents qui émanent de sociétés privées. Dès qu'un tiers est partie à un contrat et qu'il fait prévaloir son intérêt concurrentiel, la loi d'accès à l'information cesse d'exister. Nous le vivons tous les jours comme députés de l'opposition. Nos amis d'en face l'ont vécu longtemps. Les journalistes le vivent quotidiennement. C'est un empêchement majeur à l'imputabilité réelle, c'est-à-dire à l'accès à l'information, seule source réelle d'imputabilité, c'est-à-dire de capacité pour le législateur d'intervenir et de juger de la réalité.

Est-ce que le projet de loi, tel que rédigé, vous apparaît déficient au plan de la transparence et de l'imputabilité?

Le Président (M. Paquet): On a une minute environ. S'il vous plaît, M. Gagnon.

M. Gagnon (Michel): ...M. le Président. Écoutez, on a vu une faiblesse de ce côté-là, et par contre la politique-cadre avait été très intéressante à cet effet. On y voyait ? mais la politique, ce n'est pas la loi, ça, on en convient ? de démontrer aux citoyens la crédibilité du processus et leur garantir que, lorsque retenue, la solution du PPP offre la meilleure valeur ajoutée pour les fonds publics investis.

Nous, l'association ? je n'en ai pas fait état dans ma présentation, il faut se limiter, n'est-ce pas, hein, j'ai juste 20 minutes ? dans nos recommandations, parce qu'on ne s'est pas... On s'est dit: On va jouer le jeu. On ne se prononcera pas contre l'agence en question, contre la loi, mais on va jouer le jeu. À partir de la politique-cadre, de démontrer aux citoyens la crédibilité du processus, on s'est dit: Demandons au législateur ? c'est l'idée, là, le texte, on ne l'a pas construit ? de prévoir la création d'un organisme d'enquête, commission consultative sur les contrats de partenariat, que, nous, on appelle CCCP, veillant à la protection de l'intégrité du patrimoine collectif des générations futures. En d'autres mots, si on veut être transparents, mettons que quelque chose qui ressemblerait à un début de commencement d'une CCCP, une commission, puis là, bien, on ferait le débat. On ferait le débat, puis on s'assoira, puis on viendra prouver systématiquement qu'en PPP c'est trop cher; pour les infrastructures, j'entends, pas pour la prestation de services, je nuance.

Le Président (M. Paquet): Merci. Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Jérôme-Forget: Je vais simplement apporter un correctif. Ensuite, je vais donner la parole à mon collègue le député de Hull.

Je voulais simplement que vous le sachiez, vous avez fait mention à M. Munn, vous savez qu'il y a toujours eu des chefs négociateurs au gouvernement. Ce n'est pas là une nouvelle approche. D'ailleurs, on vient de nommer M. Bouchard à la Société des alcools du Québec dans ce cas-là également pour intervenir dans un dossier. Alors, je pense que c'est une formule qui est très répandue au gouvernement et que je vous dirais que ce n'est pas nouveau. Mais je vais laisser mon collègue poser d'autres questions au sujet de votre mémoire.

Le Président (M. Paquet): Il reste environ 7 min 20 s, deux demandes d'intervention. D'abord, M. le député de Hull.

M. Cholette: Merci, M. le Président. Chers collègues, Mme Lévesque, M. Gagnon, M. Bouchard, merci de votre mémoire. Merci de participer aussi à la commission parlementaire, parce que j'imagine que, lorsqu'on a parlé de projet de loi n° 164, on n'a pas eu la chance de vous accueillir en commission parlementaire, puisqu'il n'y en a pas eu. Et justement, à cet effet-là, vous êtes revenus quelques fois sur le projet de loi. Peut-être pouvez-vous déposer à la commission le mémoire que vous avez préparé à cet effet-là. Vous dites que vous étiez contre. Peut-être, alors pouvez-vous éclairer la commission sur les tenants et aboutissants de votre position à ce moment-là, alors déposer peut-être le mémoire que vous aviez préparé à ce moment-là au sein de la commission.

J'ai beaucoup aimé votre petit cours d'asphalte 101. C'est intéressant pour des gens qui ne connaissent pas beaucoup ça, bien qu'on a des collègues qui s'y connaissent beaucoup plus que nous. Mais ce que j'ai surtout apprécié de votre présentation dans l'asphalte 101, c'est les limites du système actuel. En fait, vous avez fait la démonstration qu'il y a quelque chose qui ne roule pas rondement présentement et vous y êtes allés d'une démonstration à l'effet que le processus est peut-être lent, que les normes que vos ingénieurs doivent faire appliquer ne le sont pas tout le temps, qu'on installe peut-être dans des températures inadéquates et que le souci du maintien de l'actif à plus long terme n'est peut-être pas aussi présent qu'il devrait y être. Alors, je comprends donc avec vos propos que vous reconnaissez les limites intrinsèques du système actuel.

Et c'est drôle parce que j'aurais aussi aimé vous entendre sur le métro de Laval et sur votre compréhension des limites du système actuel en ce qui a trait à ce dossier-là. Parce que, avec l'expertise que vous possédez, que nous possédons donc à l'intérieur de l'appareil, il n'en demeure pas moins que, lorsque le métro de Laval a été annoncé, à un mois de l'élection, l'évaluation des coûts se chiffrait à à peu près 180 millions pour 4,5 km de métro, alors qu'on apprend maintenant qu'à peu près tous les métros qui se construisent présentement dans le monde, il y en a six comparables, notamment à São Paulo ou à Tokyo, on est entre 145 millions à 160 millions du kilomètre. Entre 145 et 160 millions du kilomètre, alors que nos collègues d'en face avaient prédit un coût total de 180 millions pour 4,2 km avec l'expertise que l'on possède avec vos membres, j'imagine, là, à l'intérieur de l'appareil gouvernemental.

n (11 h 30) n

Alors, moi, je pense que vous nous avez fait un vibrant plaidoyer sur les limites du système actuel. Et d'ailleurs, à cet effet-là, je tiens à vous dire que j'ai beaucoup apprécié la page 13 de votre mémoire, au niveau du début de la conclusion, lorsque vous nous dites un genre de mise en garde, puis, je vous le dis tout de go, je suis tout à fait d'accord avec votre phrase. Alors, votre organisme reconnaît l'intérêt du concept PPP comme mode additionnel de prestation de services publics mais ne peut en aucun cas s'inscrire dans une démarche de recours systématique à ce mode de gestion. Nous en sommes. C'est ce que la présidente du Conseil du trésor répète depuis maintenant plusieurs mois, c'est ce que le gouvernement du Québec répète depuis plusieurs mois et c'est ce que vous entendez à cette commission. Ça fait partie ? vous l'avez repris dans votre présentation ? d'un outil dans un coffre d'outils, et c'est ce que vous nous dites à la page 13. Je peux vous dire que je suis tout à fait d'accord avec votre conclusion.

Et je veux aussi vous rassurer sur un autre point. À la page 4 de votre mémoire, vous dites ceci: «Toutefois, rien, dans le projet de loi, ne précise la répartition des responsabilités entre l'agence et les ministères et organismes.» Vous dites: «Rien ne précise que les ministères et organismes conservent la décision finale quant au choix des solutions aux besoins d'infrastructures ou de services publics et quant au mode de réalisation des projets en mode conventionnel ou en PPP», alors que vous savez bien que le projet de loi vise à doter l'agence d'un pouvoir de conseil. Bien, si elle offre un conseil, ce sera donc pour un autre joueur de prendre la décision, comme par exemple le ministère client. Et je pense que, ça aussi, la ministre présidente du Conseil du trésor l'a répété très souvent, que l'agence sera là comme centre d'expertise et comme conseil.

Alors, peut-être je voudrais vous entendre là-dessus, peut-être vous pouvez nous confirmer également que vous avez l'intention de nous déposer le mémoire que vous aviez déposé... ou préparé pour le projet de loi n° 164.

Le Président (M. Paquet): En trois minutes maximum, M. Gagnon.

M. Gagnon (Michel): Trois minutes, j'en ai suffisamment, M. le Président. D'abord, sur les limites actuelles du système, moi... nous, on tenterait plutôt de les fixer dans le temps, ces limites-là. J'explique pourquoi. Écoutez, notre problème, je l'ai dit, on n'est pas capables de faire nos appels d'offres en janvier, mais on a été capables de le faire en 2002. En 2002, on a été capables. Pourquoi qu'on n'a pas été capables en 2003? Pourquoi qu'on n'a pas été capables en 2004? Donc, ce n'est pas vrai que ce sont des limites actuelles. C'est des limites qui sont actuellement là mais qui n'étaient pas là en 2002. Il faut faire attention.

En 2002, le ministre des Transports de l'époque, M. Guy Chevrette, qui... ? soit dit en passant, je n'étais pas un de ses fans, hein? Ça, je vais mettre ça en clair en partant, là. Je n'étais pas un de ses fans, mais il faut au moins reconnaître... il faut au moins reconnaître ce qu'a fait l'homme: il s'est organisé pour aller chercher 500 millions de plus, cette année-là, il s'est organisé pour qu'on commence les projets, qu'on envoie nos appels d'offres en janvier 2002. Ça fait que, quand on me dit que c'est les limites actuelles... Oui, c'est les limites actuelles, mais c'est les limites actuelles depuis que vous êtes au pouvoir. Je m'excuse, mais c'est comme ça. La dernière année au pouvoir... puis je ne veux pas faire de partisanerie, là, mais c'est quand même... c'est factuel. Je m'excuse, c'est factuel. En 2003, ça pouvait s'expliquer: changement de pouvoir, etc. Ça, ça peut s'expliquer. Mais on est en 2004, là. Puis en 2004, bien, M. Marcoux, bien... Je l'ai dit tantôt, j'ai fait état de dates, hein? Vérifiez le verbatim, puis vérifiez, auprès de M. Marcoux, ce que je dis. Ça, je n'ai pas de problème avec ça, je suis certain de mes données.

Donc, 2003, je suis capable... on est capable, je pense, de comprendre qu'un gouvernement qui change, mais en 2004 on n'est pas capable de l'expliquer. Donc, ce ne sont pas des limites actuelles, c'est quelque chose qui ne fonctionne pas dans votre gouvernement tout simplement. Puis je dirais que, du côté du PQ, on a eu ces problèmes-là aussi, mais avec M. Chevrette... en tout cas, il a été sensible à tout ça puis il a pu faire en sorte que ça a fonctionné. Donc, comment ça se fait que ça a fonctionné en 2002, puis 2003, 2004, pour régler le problème, il faut faire des PPP? Non, il ne faut pas faire de PPP pour ça.

Métro de Laval. Je trouve ça intéressant que vous m'ameniez la question, puis je vais vous dire pourquoi. Je l'ai déjà dit à Mme la ministre. Je trouve ça intéressant parce que, moi, je n'avais aucun ingénieur là-dessus. Je n'avais aucun ingénieur là-dessus. Mais ce que je trouve encore intéressant, c'est que, lorsque l'AICQ est venue présenter son mémoire le 26 octobre dernier, à l'ouverture, il y avait le président de Cima+, là, le monsieur aux cheveux blancs, là, qui était là, là, de Cima+. Sa firme est plein dedans, là-bas, au métro de Laval, puis vous ne lui avez pas posé la question. Il me semble que ça aurait été intéressant que vous lui posiez la question, n'est-ce pas? L'AICQ est là, la Gaspésia... le président de BPR est ici, là. Pas de question sur la Gaspésia puis BPR est là-bas. Là, vous arrivez avec moi aujourd'hui. Je n'ai pas de problème avec vos questions, mais je trouve ça bizarre que vous ayez eu une retenue le 26 octobre dans ce domaine-là. J'ai un malaise avec ça, il faudrait que vous m'expliquiez ça. Je rappelle que je n'ai pas encore eu d'information sur mon 200 millions.

Tant qu'à la loi de M. Chevrette, je l'ai dit d'entrée de jeu, c'est par les médias qu'il a fallu qu'on s'exprime. Il n'y a pas eu de commission. Donc, c'est très bien, ce qu'il y a ici, malgré tout. On aurait aimé plutôt avoir comme un livre blanc, comme on a dit dans notre mémoire: À Singapour, ils ont ouvert les livres, on en discute, des PPP.

Vous avez raison que, dans notre conclusion, on ne s'oppose pas au mode PPP; on est formés comme ça, on veut fouiller les choses. Il y a du monde qui va en Angleterre puis qui nous disent que c'est bon, les PPP. Nous, on regarde ça, même le «success story», on pense que ce n'est pas bon, mais on dit: On va s'asseoir avec vous autres, puis mettons en place une commission consultative, notre CCCP, puis regardons ça ensemble. Regardons ça ensemble. Puis, du cas par cas, on va regarder ça ensemble, on est ouverts à ça. D'ailleurs, tout notre mémoire est construit sur cette base-là d'ouverture au changement, mais pas n'importe quel changement puis pas des changements à crédit. La carte de crédit, non, merci.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Hull, en 20 secondes.

M. Cholette: Bien, simplement, en termes de votre nouvelle commission que vous souhaitez, simplement pour vous rappeler que le Vérificateur général aura accès à l'ensemble des transactions puis des activités de l'agence. Je ne sais pas si ça vous satisfait, mais en tout cas c'est important de le dire comme élément supplémentaire.

Le Président (M. Paquet): Merci. Juste question peut-être de précision sur les demandes faites. Hier, à la Commission parlementaire de l'administration publique, il a été révélé qu'il y avait un ingénieur résident du ministère du Transport à l'AMT à partir de septembre 2001. Je trouve que c'est un élément de fait peut-être à vérifier. M. le député de Richelieu.

M. Simard: Oui. Écoutez, évidemment, vous comprendrez que je bois comme du petit lait ce que vous venez de dire de l'année 2002, mais le fait est qu'il y a, dans la gestion d'un certain nombre de projets, des problèmes d'évaluation des coûts et de prévision des coûts, et ici personne ne conteste, et je pense que, de votre côté, vous ne contestez pas qu'il y ait, dans l'Administration publique actuellement, un problème d'évaluation des coûts.

Je ne dis pas un problème de dépassement: le député de Hull a rappelé opportunément, et j'espère qu'il le rappellera régulièrement, que ce qui est en train d'être payé pour le métro de Laval correspond en gros aux coûts que l'on observe un peu partout à travers le monde pour des projets semblables. C'est d'ailleurs aller beaucoup plus loin dans certains cas, je pense à la ligne Mercure du métro de Paris qui est montée à plus de 200 millions du kilomètre.

Donc, ce n'est pas une question de dépassement, d'excès de coûts, c'est une question d'évaluation, hein, de prévision, et, dans la gestion publique, dans l'Administration publique, il est extrêmement important lorsque les décideurs politiques ont à prendre des décisions d'opportunité qu'ils aient entre les mains les meilleurs outils d'évaluation.

Il y a donc une question qui se pose et que certains sont venus poser ici sur les faiblesses du mode actuel ? ça ne donne pas de vertu, vous le comprendrez bien, au mode de partenariat public-privé, dont des dizaines de témoins sont venus ici dire que cela n'apporterait probablement pas une amélioration considérable à ce niveau non plus ? mais qu'est-ce que vos ingénieurs, qu'est-ce que votre association souhaitez comme améliorations au mode classique d'attribution des contrats pour nous assurer que le politique et, au-delà du politique, le citoyen puissent, dès le départ des projets, avoir une vision plus réaliste des coûts qui seront engendrés par un projet? Ça, c'est au-delà des gouvernements, je peux vous le dire, là, chaque gouvernement est aux prises avec ces réalités-là. Vous le savez, plusieurs de vos ingénieurs sont aux Transports: aux Transports, il n'y a pas un mardi matin au Conseil du trésor où il n'y a pas des demandes pour rajouter des sommes parce qu'il y a des dépassements. Donc, l'évaluation qui avait été faite initialement ne s'avère pas juste.

J'ai rarement vu une séance occupée très longtemps par des surplus, des coûts moindres qui seraient remboursés à l'État; c'est toujours des cas de dépassement. On peut gérer par dépassement, mais, à ce moment-là, il va falloir créer des coefficients, hein, dire qu'un contrat, une prévision de 200 millions, en fait c'est 350 millions systématiquement. Ça pourrait être une façon de voir les choses, mais vous comprenez bien qu'on ne peut pas fonctionner par une règle mathématique comme celle-là.

n (11 h 40) n

Il y a donc obligation, je dirais, à ceux qui défendent le mode classique d'attribution des contrats, de s'interroger et de faire des propositions pour améliorer non pas le coût ? je le répète, là, il est très, très rare qu'il y ait effectivement des gestes délictueux, des problèmes de gestion majeurs qui entraînent des dépassements; ça arrive mais c'est très minoritaire ? mais l'évaluation initiale, pour toutes sortes de raisons qui sont aussi de nature politique, racontons-nous pas d'histoires là-dessus. Lorsque Robert Bourassa annonce le métro de Laval en 1989, je peux vous dire que ça a une nature politique aussi, et la sous-évaluation qu'il fait, à l'époque, est aussi de nature politique. Mais au-delà de ces considérations, qu'est-ce que vous suggérez pour améliorer la précision, l'évaluation, la qualité de prévision des élus et des fonctionnaires pour l'attribution des grands contrats lors des grandes décisions publiques?

Le Président (M. Paquet): M. Gagnon.

M. Gagnon (Michel): Merci, M. le Président. M. le Président, je veux juste faire une remarque sur ce que vous avez dit sur l'ingénieur indépendant. Entre autres, l'AICQ a rencontré Mme la ministre, le 13 mars dernier, et c'est clair qu'ils voulaient être ingénieurs indépendants sur les projets. J'ai ici le bulletin de l'AICQ qu'ils ont écrit à l'ensemble de leurs membres. Ils font référence à cette rencontre-là. Ils ont parlé, entre autres, de la problématique de l'ingénieur indépendant et de la problématique d'être rémunéré pour être soumissionné. Et ça, ça s'est fait le 13 mars dernier.

Maintenant, sur la question de M. le député de Richelieu. Les ingénieurs du ministère des Transports ont déjà montré quelque chose qui ressemble à ça au ministre des Transports actuel. Ça, c'est clair. Si je l'ai entre les mains, il l'a aussi. De toute façon, tout ce que j'ai ici, tu pourrais l'avoir.

Vous savez, quand on est à... on n'a même pas fait une étude des besoins, je comparerais ça à la météo. Quand je n'ai même pas fait une étude des besoins, je suis comme à la météo, cinq jours à l'avance, je dis: Il va faire beau, il ne fera pas beau. Ma marge d'erreur est quand même assez grande. Probablement, c'est ce qui est arrivé au métro de Laval comme tel. C'est une hypothèse que je fais. Je n'avais pas de membre là, d'ingénieur membre là.

Donc, les ingénieurs du ministère des Transports, pour le ministre, ont présenté ce qu'on appelle un plan de cheminement ministériel de réalisation de projets routiers ? parce que je n'ai pas encore parlé de prestation de services, moi, ici, aujourd'hui. Je parle d'infrastructures routières. Or, une étape cruciale, c'est l'étape de la définition du projet. Quels sont les besoins? Quelles sont les solutions? On en est là. Là, si ça, c'est fait, là, je suis rendu quatre, cinq jours à l'avance. Mais j'avance, là, la météo, je sais quand même que ce n'est pas l'hiver, là, je suis en plein été, au moins. Ça, je sais ça.

Après ça, la conception. Un avant-projet préliminaire. Puis ça, en génie, c'est des pratiques normales. Après ça, avant-projet définitif. Mais je n'ai pas encore conçu mes plans, moi, là. Après ça, je prépare des plans et devis. Plans et devis préliminaires encore. C'est une autre étape dans le processus, ça. L'ingénierie, ce n'est pas comme ça, là. Après ça, plans et devis définitifs. Quand mes plans et devis sont définitifs, là je peux pratiquement comme donner la météo, puis je dis que, demain, il va faire tant, puis je ne me tromperai pas beaucoup. Donc, notre problème souvent, souvent, maintenant, c'est ça.

Maintenant, pour revenir à la seconde question, vous avez été président du Conseil du trésor, je m'en souviens aussi, et effectivement, à chaque semaine ? vous siégez le mardi, je pense, n'est-ce pas, Mme la ministre ? et, il y a des allongements de coûts. Ce qu'il faut que vous sachiez, c'est tout ce que vous n'avez pas aussi. Toutes les demandes de paiement d'extras qui ont été faites, vous ne les avez pas. Autrement dit, il y a eu un filtrage, là, important. Ça, ça n'arrive pas chez vous. Ça, il faut comprendre ça. Parce qu'avant que l'extra arrive chez vous, en région, ils tentent de régler ça. L'entrepreneur n'est pas satisfait, ça s'en vient ici, à Québec, juste l'autre bord de la rue. Là, c'est centralisé. Pourquoi c'est centralisé? Entre autres, ils ont une bonne idée de l'ensemble des entrepreneurs. L'entrepreneur, il est au Saguenay, mais le même est peut-être à La Malbaie, puis à Trois-Rivières, etc. Donc, centralisé, on connaît notre monde un peu plus. On connaît notre monde un peu plus, mais on ne peut pas faire ce qu'on veut, parce qu'un autre problème qu'on a, c'est le choix des entrepreneurs. Ça, il va falloir y venir un jour.

Donc, on est en génie civil. On est en génie civil. On marche par sondage, etc. On a des limites. Ce n'est pas comme deux et deux font quatre, ce n'est pas des mathématiques, c'est du génie. Plus on se raffine dans nos plans, plus on s'y approche. Mais, à un moment donné, on est dans les sols. Et puis, des fois, entre autres... Je vais laisser mon collègue prendre la parole, il est du ministère des Transports, pour compléter là-dessus.

Le Président (M. Paquet): M. Bouchard, rapidement, s'il vous plaît, parce qu'il y avait une question peut-être de la députée de Mirabel. Alors, M. Bouchard.

M. Bouchard (Robert): Oui. Bon. Bien, écoutez, c'est sûr qu'on vit cette problématique-là de façon récurrente d'année en année. On a eu un pont à Huberdeau, il y a trois, quatre ans de ça, que les sondages nous donnaient l'emplacement du roc, puis on est toujours limités dans les coûts lorsque vient le temps évidemment de faire ces sondages, on ne peut pas... Lorsqu'on est venus pour faire le temps des travaux, pour faire une histoire courte évidemment, le roc n'était pas nécessairement dans les plans de clivage que les sondages nous avaient rapportés. Alors, vous comprendrez qu'on a eu des dépassements qui ont dépassé le million. C'était 1,2 million, si je me souviens bien. C'est des problématiques de cet ordre-là, sur lesquelles on n'a pas de contrôle, qui provoquent des dépassements comme ceux-ci.

Mais une autre problématique également qui est vécue par les ingénieurs de l'État, malheureusement on tend à minimiser de plus en plus l'intervention des ingénieurs de l'État qui ont le souci de la sécurité du public. Et on met de l'avant toutes sortes de moyens, comme par exemple on essaie de responsabiliser de plus en plus l'entreprise privée en mettant sur pied ou en exigeant des entreprises privées, dans le cadre de la gestion intégrale de la qualité, là, les systèmes ISO, et ces choses-là. Je peux vous dire que, l'année dernière, malheureusement, si on avait fait confiance à l'entreprise privée qui était pourtant ISO et qui devait se contrôler elle-même, c'est inquiétant de réaliser que deux des structures qui ont été construites l'année passée, si ça n'aurait pas été de l'intervention des ingénieurs de l'État, auraient pu malencontreusement avoir des problèmes, comme on a vécu sur le viaduc du Souvenir, à Laval, et elles auraient pu s'effondrer, les deux structures.

On a dû intervenir rapidement, et ça a été jusqu'à, imaginez-vous donc: On a une fiche de vérification ISO de l'entrepreneur qui demande tout simplement de vérifier si la structure a été boulonnée. Et la structure, juste la journée qu'on était prêt à bétonner la dalle, n'avait pas été boulonnée sur 50 % des boulons, et c'est grâce à une intervention de dernière minute qu'on a évité la catastrophe. L'entrepreneur lui-même n'en revenait pas, et c'était dû au fait qu'il devait se fier à ses sous-traitants qui, eux, n'ont pas besoin d'être ISO. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Alors, au nom de la Commission des finances publiques, je remercie M. Gagnon, Mme Lévesque, M. Bouchard de l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec pour leur participation à nos travaux. Je suspends très brièvement les travaux de la commission, afin de permettre à nos prochains invités de se joindre à nous.

(Suspension de la séance à 11 h 47)

 

(Reprise à 11 h 50)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous accueillons donc maintenant le Commissaire au lobbyisme, à qui je souhaite la bienvenue, Me Côté. Je salue aussi et en même temps les personnes qui vous accompagnent. Je vous inviterais à nous les présenter, s'il vous plaît, et vous pourrez commencer votre présentation.

Commissaire au lobbyisme

M. Côté (André C.): Alors, M. le Président, je suis accompagné de Me Denis Coulombe, à ma droite, qui est secrétaire général à mon bureau, et de Me André Ouimet, à ma gauche, qui est directeur des affaires juridiques.

Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mme et MM. les députés, je vous remercie de me donner l'occasion de présenter ma réflexion sur le projet de loi n° 61 sur l'Agence des partenariats public-privé du Québec. J'apprécie d'autant cette occasion qu'elle me permet de faire état de certaines préoccupations que suscite ce projet en regard de mon mandat de surveillance et de contrôle des activités de lobbyisme suivant la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme.

Je dois mentionner d'entrée de jeu que mon propos repose d'abord sur l'orientation fondamentale du mandat qui m'a été ainsi confié: la transparence et le sain exercice des activités de lobbyisme.

Avant de procéder à l'examen du projet de loi, il m'apparaît souhaitable de rappeler brièvement certains principes de la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme. Loi adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en juin 2002, cette loi reconnaît, d'une part, la légitimité du lobbyisme comme moyen d'accès aux institutions parlementaires, gouvernementales et municipales, et, d'autre part, l'intérêt pour le public de savoir qui cherche à exercer une influence auprès de ces institutions. Cette loi vise à rendre transparentes les activités de lobbyisme exercées auprès des titulaires de charges publiques et à assurer le sain exercice de ces activités. Le volet transparence est assuré par un registre public sur lequel les lobbyistes doivent s'inscrire en mentionnant notamment pour qui ils agissent, l'objet de leurs activités de lobbyisme et l'institution auprès de laquelle ces activités sont exercées.

Pour mémoire, je rappelle que sont considérées comme des lobbyistes au sens de cette loi non seulement les personnes qui opèrent dans les cabinets de relations publiques ou de relations gouvernementales, mais aussi beaucoup de personnes qui agissent à titre de consultants, d'ingénieurs, d'avocats, de conseillers en gestion, de promoteurs, de gestionnaires de projets soit pour des clients, soit en qualité de lobbyiste d'entreprise ou d'organisation.

Le volet éthique de la loi est principalement assuré par le Code de déontologie des lobbyistes en vigueur depuis mars 2004. Ce code énonce des règles déontologiques regroupées autour de valeurs d'honnêteté, d'intégrité et de professionnalisme.

Cette loi repose sur le principe fondamental voulant que le public a droit de savoir qui cherche à exercer une influence sur les décisions des titulaires de charges publiques. Elle participe aussi à la mise en oeuvre du droit à l'information, garanti par l'article 44 de la Charte des droits et libertés de la personne, contribuant ultimement au renforcement du lien de confiance des citoyens dans leurs institutions et à une saine démocratie participative.

Le projet de loi n° 61 laisse voir une volonté ferme de privilégier les partenariats public-privé comme mode de gestion. On constate à cet effet que l'article 8 fait obligation à tous les organismes publics visés de recourir aux services de l'agence pour évaluer la faisabilité en mode de partenariat de projets d'infrastructure, d'équipement ou de prestation de services publics. Aussi, l'article 5 confie notamment à l'agence les missions de promouvoir ce type de partenariat et de susciter des projets à cet égard.

Il semble donc que les partenariats public-privé sont appelés à connaître un essor significatif au Québec, d'où l'importance d'en bien évaluer les implications, notamment en regard du respect du droit des citoyens à la transparence des processus décisionnels politiques et administratifs.

Le projet soulève d'abord des questions d'ordre général relativement au cadre juridique applicable à ces partenariats et au respect de certaines garanties dont bénéficient les citoyens en regard des décisions relevant de l'Administration publique. Dans ce contexte, les citoyens continueront-ils de disposer des moyens leur permettant d'obtenir l'information nécessaire pour s'assurer que les décisions qui les concernent sont prises dans leur meilleur intérêt? Pourront-ils faire valoir leur point de vue, auprès des entreprises partenaires investies d'une mission de service public, de la même façon qu'ils pouvaient le faire auprès des organismes publics avant que ceux-ci ne délèguent leurs fonctions ou leurs pouvoirs? Le projet de loi est muet sur ces questions pourtant fondamentales.

Puisqu'il s'agit foncièrement de confier la gestion de fonds ou d'activités publiques à l'entreprise privée, les citoyens doivent avoir la capacité de faire valoir leur point de vue relativement à tout ce qui touche ces partenariats. Pour les citoyens, le succès du partenariat dépend non seulement de leur satisfaction en regard de l'augmentation de la qualité des services ou de la diminution des coûts, mais aussi du respect de certaines garanties dont celles prévues par le régime de transparence et d'éthique en matière de lobbyisme, et ce, tant dans la création de ces partenariats que dans leur réalisation. À cet égard, on peut considérer que le lobbyisme investira aussi bien les processus de création de partenariats public-privé que la mise en oeuvre au quotidien de ces partenariats par les entreprises du secteur privé. Des questions se soulèvent à ces deux niveaux.

Dans le processus de création des partenariats, l'agence et la plupart des organismes publics seront visés par la définition de titulaires de charges publiques prévue à la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme, de sorte que cette loi trouvera application dès lors que des lobbyistes agiront auprès d'eux. Il apparaît aussi que les personnes nommées aux comités d'experts-conseils créés suivant l'article 39 du projet de loi devront être considérées comme des titulaires de charges publiques aux termes de cette loi. Par contre, il est moins clair que les personnes oeuvrant au sein de filiales de l'agence pourraient être considérées comme des titulaires de charges publiques. À cet égard, il serait souhaitable de clarifier la situation et d'assimiler, de façon non équivoque, ces personnes à des titulaires de charges publiques, considérant qu'elles pourront, elles aussi, faire l'objet d'activités de lobbyisme au sens de la loi.

Ceci dit, on peut affirmer que les démarches d'un lobbyiste auprès de l'agence, d'un organisme public ou d'un comité d'experts-conseils en vue d'influencer une prise de décision relativement à l'opportunité de développer un partenariat public-privé seront soumises à des impératifs de transparence et d'éthique, sous réserve de certaines exceptions. Ainsi, tentant d'agir sur une orientation ou un plan d'action, le lobbyiste devra inscrire l'objet de ses activités de lobbyisme au Registre des lobbyistes et respecter, dans son action, le Code de déontologie des lobbyistes. On doit aussi réaliser que la présentation d'un projet de partenariat public-privé par un lobbyiste, pour le compte d'un client ou pour le compte de son entreprise, pourra constituer une communication en vue d'influencer une prise de décision relativement à l'attribution d'un contrat, ce qui est aussi visé par le régime de transparence et d'éthique en matière de lobbyisme.

On remarque que la Politique-cadre sur les partenariats public-privé traite spécifiquement des projets de partenariats public-privé non sollicités en des termes que je cite maintenant: «Tout projet de partenariat public-privé non sollicité issu de l'initiative d'entreprises privées doit être soumis aux organismes publics responsables pour déterminer si la proposition répond à un besoin justifié et confirmé. Par la suite, l'organisme responsable doit suivre le processus d'autorisation des partenariats public-privé tout en respectant le caractère confidentiel de la proposition non sollicitée.» Fin de la citation.

Il sera donc loisible aux entreprises de développer des projets de partenariat et de les proposer aux organismes publics, voire à l'agence directement ou peut-être même à l'une de ses filiales. Il est certain que ces nouvelles opportunités offertes à l'entreprise privée auront pour effet d'accroître la pratique du lobbyisme. S'agissant alors de convaincre un organisme public ou l'agence de la pertinence d'un projet, les communications intervenant à cet égard constitueront a priori des activités de lobbyisme assujetties au régime de transparence et d'éthique en matière de lobbyisme. Il importe ici de souligner que la proposition non sollicitée ne pourrait prétendre à un caractère confidentiel, comme le laisse entendre la politique-cadre, puisqu'elle devrait en principe être divulguée au Registre des lobbyistes. Seule une ordonnance de confidentialité émise par le commissaire, conformément à l'article 49 de la loi, pourrait lui conférer ce caractère confidentiel.

n (12 heures) n

Ceci dit, considérant que la loi sur le lobbyisme établit un régime d'autodéclaration et dans un souci de favoriser le respect des obligations qu'elle édicte, le processus de création des partenariats public-privé devrait être assujetti à des modalités visant à s'assurer que les lobbyistes se sont acquittés de leurs obligations quant à la divulgation de leurs activités.

En conséquence, je recommande que soit adoptée une mesure législative ou, à défaut, une règle administrative obligeant tout lobbyiste intervenant au stade de la création d'un partenariat public-privé à fournir aux autorités auprès desquelles il agit une preuve de son inscription au registre de ces lobbyistes. Cette obligation garantirait à la source le respect du principe de transparence des activités de lobbyisme en matière de partenariats public-privé, contribuant ainsi de façon significative à faire accepter ces partenariats par les citoyens.

Pour ce qui est du stade de la mise en oeuvre du partenariat public-privé, on suppose que le contrat de partenariat a été conclu et qu'une entreprise du secteur privé est investie d'une mission de services publics. Il peut s'agir soit de la conception, de la réalisation ou de l'exploitation d'un ouvrage public, soit de la prestation d'un service public. Dans l'un ou l'autre cas, toute communication intervenant auprès des représentants de l'entreprise partenaire et visant à influencer des prises de décision échappera à l'application de la loi sur le lobbyisme du simple fait que ces représentations ne sont pas... ces représentants, dis-je, ne sont pas des titulaires de charges publiques au sens de cette loi. Non seulement ces communications ne pourront-elles constituer des activités de lobbyisme, mais leurs auteurs ne seront pas eux-mêmes considérés comme des lobbyistes, et cela, même si leurs services ont été retenus spécifiquement pour influencer des décisions qui sont visées actuellement par le régime de transparence et d'éthique en matière de lobbyisme.

Le projet de loi n° 61 prévoit la possibilité pour un organisme public de déléguer l'exercice de fonctions ou de pouvoirs à un partenaire. On peut imaginer que plusieurs responsabilités assumées par des titulaires de charges publiques dans divers domaines seront transférées à des entreprises du secteur privé. À cet égard, outre le pouvoir réglementaire, il semble n'y avoir aucune limite quant au type de pouvoirs pouvant faire l'objet d'une délégation ou d'une sous-délégation par un organisme public. Par exemple, les partenaires privés pourront se voir confier des pouvoirs en matière d'autorisation administrative, d'attribution de contrat, peut-être même d'octroi de subvention ou d'avantages pécuniaires.

En fait, chaque partenariat est susceptible de comporter son lot de pouvoirs délégués, soustrayant au champ d'application du régime de transparence et d'éthique en matière de lobbyisme... Les secteurs ou les activités de lobbyisme continueront pourtant d'être bien présents, à la seule différence près qu'elles s'orienteront désormais vers des acteurs du secteur privé investis d'une mission de services publics. L'action demeurera la même, seuls les protagonismes... protagonistes, dis-je, auront changé.

Le recours au partenariat public-privé fait aussi craindre à juste titre la perte de garanties importantes de transparence relative à des processus décisionnels, qui devront néanmoins continuer d'être guidés par l'intérêt public. Un tel revirement apparaît difficilement justifiable alors même que le législateur a reconnu expressément qu'il est dans l'intérêt du public que ce dernier puisse savoir qui cherche à influencer ou à exercer une influence sur des décisions qui le concernent. Cette reconnaissance devrait s'étendre aux décisions qui seront prises par les entreprises du secteur privé, en vertu de pouvoirs délégués ou sous-délégués.

Le public n'est pas moins intéressé à savoir qui cherche à exercer une influence sur des décisions qui le concernent du simple fait que celles-ci sont prises en application d'un partenariat public-privé. Ce serait plutôt le contraire considérant que la motivation première des entreprises partenaires demeurera toujours la recherche du profit et non la poursuite de l'intérêt public. Il est aussi important de souligner que, suivant le projet actuel, le code de déontologie des lobbyistes ne pourra trouver application dans le contexte des partenariats public-privé. On peut ainsi prévoir que l'encadrement déontologique mis en place pour assurer le sain exercice des activités de lobbyisme verra son champ d'action s'effriter au fil des délégations de fonctions et de pouvoirs que pourraient impliquer ces partenariats.

Cela signifie qu'un représentant qui tentera, au bénéfice d'un client ou d'une entreprise, d'influencer une décision d'un partenaire du secteur privé concernant, par exemple, l'attribution d'un contrat ou d'une autorisation pourra faire fi des normes de conduite qui auraient été applicables avant la délégation de pouvoirs. Étonnamment, on constate ainsi que les mêmes activités pourront être sujettes ou non à l'activité du code de déontologie des lobbyistes, selon qu'elles interviennent avant la délégation de pouvoirs auprès de l'organisme public ou postérieurement à celle-ci auprès de l'entreprise délégataire.

Il serait malsain d'accorder moins d'importance, d'un point de vue déontologique, aux démarches visant à infléchir des décisions d'intérêt public du simple fait qu'elles ont été confiées aux entreprises privées en exécution d'un partenariat public-privé. Le besoin d'assurer un encadrement déontologique pour ces démarches est aussi sinon plus criant dans le contexte de ces partenariats que dans celui où ces démarches sont effectuées directement auprès des titulaires de charges publiques.

Bref, par la délégation de fonctions ou de pouvoirs publics à des personnes qui ne sont pas des titulaires de charges publiques au sens de la loi, on peut prévoir que les partenariats ramèneront progressivement dans l'ombre des activités que le législateur a pourtant voulu rendre transparentes. De plus, les règles déontologiques en voie d'implantation pour encadrer ces activités deviendront lettre morte. On conviendra sans difficulté que ces effets ne peuvent qu'entraîner dans le public une perception négative qui nuira à la crédibilité des institutions et à la viabilité de ces partenariats.

Pour ces raisons, le maintien et le renforcement des garanties offertes par le régime de transparence et d'éthique en matière de lobbyisme dans la mise en oeuvre des partenariats public-privé apparaissent hautement souhaitables, d'autant plus que cela ne représenterait aucun coût additionnel pour l'État et pour les partenaires privés.

Une solution envisageable à cet égard pourrait être d'assimiler les représentants des entreprises privées qui oeuvrent dans le cadre de ces partenariats à des titulaires de charges publiques aux fins de l'application de la loi sur le lobbyisme. On pourrait à cet égard s'inspirer de la Loi sur le Protecteur du citoyen qui prévoit qu'un organisme ou une personne qui exerce, par délégation, les fonctions d'un organisme public est dans l'exercice de ses fonctions assimilé à ces derniers aux fins de la loi. Notons qu'une telle modification ne créerait pas un précédent à la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme, puisque celle-ci assimile déjà à des titulaires de charges publiques une catégorie de personnes pouvant ne pas appartenir au secteur public.

À cet égard, je recommande donc que soit modifiée la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme afin d'assimiler les représentants des entreprises privées qui oeuvrent dans le cadre des partenariats public-privé à des titulaires de charges publiques aux fins de cette loi.

En conclusion, dans un contexte où l'on envisage de privilégier le recours aux partenariats public-privé, il apparaît impérieux de bien évaluer l'importance d'intégrer à cette démarche les valeurs qui lui conféreront la crédibilité nécessaire pour en assurer le succès. L'adhésion des citoyens ne peut être acquise sans que leur soit garantie la transparence des processus liés à l'implantation et à la mise en oeuvre de ces partenariats. En ce sens, il est clair que partenariat public-privé ne devrait d'aucune façon signifier moins de transparence dans la prise de décision, une prise de décision qui doit être guidée avant tout par la recherche de l'intérêt public. Ainsi, on s'expliquerait difficilement que les garanties propres au régime de transparence et d'éthique en matière de lobbyisme puissent être écartées du cadre juridique des partenariats public-privé, compte tenu que la pratique du lobbyisme suivra nécessairement la délégation de fonctions ou de pouvoirs qu'impliqueront ces partenariats.

Vous l'aurez compris, M. le Président, cette question m'intéresse au plus haut point, de sorte que je suivrai avec grand intérêt tous les développements dont elle fera l'objet. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. Côté. Vous êtes exactement dans les temps. Merci. Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, M. Côté, M. Coulombe et Me Ouimet, bienvenue à cette commission parlementaire. Vous avez préparé un mémoire exhaustif, et je veux vous remercier de la démarche que vous faites.

Par ailleurs, je vais avoir des questions très précises, parce que les partenaires public-privé s'adressent principalement à la construction d'infrastructures majeures. Vous savez qu'aujourd'hui d'ailleurs nous avons plus de 70 000 contrats, le gouvernement avec le secteur privé, ou en sous-traitance ou toutes sortes de contrats. C'est beaucoup, ça, 70 000. Est-ce que vous souhaitez... Parce que vous évoquez, au niveau des partenariats public-privé, qu'il faudrait changer la loi. Est-ce que vous êtes en train de nous dire que les entreprises qui font affaire avec le gouvernement, les entreprises privées, les sous-contractants, les 70 000 avec qui on fait affaire, devraient être soumises à la loi du lobbyisme?

Le Président (M. Paquet): M. Côté.

n (12 h 10) n

M. Côté (André C.): Alors, je pense que ce qui est en cause ici, c'est une nouvelle façon d'opérer qui n'est pas une façon d'opérer conventionnelle, par laquelle l'État peut soit ouvrir, par voie de marché public et par voie d'appels d'offres, les aires d'activité et les confier à contrat à des exécutants, là, qui se conforment aux conditions du cahier des charges qui accompagne l'appel d'offres. On est en présence d'une nouvelle façon d'opérer qui vise à créer un environnement hybride dans lequel soit pour la prestation de services publics ? c'est ce que je concluais des textes ? ou pour la remise en cause des façons traditionnelles de fonctionner. On ouvre de nouvelles possibilités, et ça crée un environnement dans lequel il m'apparaît évident que des intervenants du secteur privé vont faire des activités de lobbyisme pour agir sur les orientations, les plans d'action, la configuration des modèles qui vont se dessiner à l'intérieur de cette zone hybride. Et le sens de mon propos consiste à dire que, dans l'élaboration de cette nouvelle façon de faire, il faut trouver une façon de s'assurer que les exigences de transparence et l'encadrement déontologique, qui est décrit par la loi sur le lobbyisme, seront intégralement respectées.

On a ici un modèle dans lequel ? par ce que j'ai pu lire ? une entreprise privée peut identifier une aire d'activité du gouvernement, approcher de sa propre initiative des pouvoirs publics soit au niveau gouvernemental, soit au niveau municipal, soit dans les entreprises du gouvernement, et proposer un changement dans les orientations, dans les façons de faire et dans les plans d'action. Et on entre de plain-pied, là, dans le domaine des activités qui pourraient être visées par la loi sur le lobbyisme. Et, quant aux modalités d'exécution de ces partenariats, dans la mesure où ces ententes de partenariat impliquent notamment des délégations de pouvoirs, il m'apparaît que, dans cette nouvelle zone hybride, on devrait faire attention pour faire en sorte que les droits à la transparence, qui ont été reconnus aux citoyens par cette loi récente, ne subissent pas d'érosion.

Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: Alors, M. le Président, je voudrais simplement rappeler... vous avez raison que les gens arrivent avec des offres non sollicitées, de projets non sollicités. Et je vous avouerai très sincèrement, je me fais arrêter sur la rue, les gens me disent: Aïe, j'ai une bonne idée, là, on devrait faire telle chose, d'accord? Alors, s'il fallait que je commence à dire... arrêter tout le monde qui me donne des recommandations, des gens que je ne connais pas plus souvent qu'autrement. Je peux vous dire qu'il y en a beaucoup, de ça.

Par ailleurs, dans les PPP, il y a toujours un appel d'offres, il n'y a pas de projet non sollicité, il n'y a pas d'offre non sollicitée, et, s'il y en a, on doit aller en appel d'offres, s'il y en a dans un PPP, on doit aller en appel d'offres par la suite. Si quelqu'un a une bonne idée, bien, c'est bien dommage, il ne fait que donner sa bonne idée, et ensuite on va aller en appel d'offres pour avoir le meilleur prix.

Donc, est-ce qu'à ce moment-là vous pensez que votre proposition ne s'appliquerait pas?

Le Président (M. Paquet): M. Côté.

M. Côté (André C.): Dans l'état actuel des façons de faire, l'État utilise le mécanisme des appels d'offres pour aller chercher... pour réaliser des projets, réaliser des travaux. Et la présence du système d'appels d'offres n'empêche pas l'existence de zones dans lesquelles les dispositions de la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme sont pleinement applicables; toutes les représentations, par exemple, qui sont faites sur la configuration des cahiers des charges, toutes les représentations qui sont faites pour être admis à soumissionner sur un appel d'offres sur invitation. Je donne simplement ces deux exemples pour vous dire que ce n'est pas parce qu'on est dans un environnement où le mot «appel d'offres» est prononcé et où on affirme qu'on va procéder par voie d'appel d'offres, ce n'est pas parce qu'on prononce ces mots qu'on va créer une zone franche où les dispositions de la Loi sur la transparence et l'éthique ne sont plus pertinentes.

Alors, je pense que le sens de mon propos, c'est de réaffirmer l'importance de prendre en compte ces droits qu'on a reconnus aux citoyens et aux citoyennes du Québec, ces droits à la transparence, quant au réseau d'influence qui cherche à agir sur la détermination des politiques publiques, qui cherche à agir sur les orientations des pouvoirs publics, qui cherche à agir auprès des pouvoirs publics pour obtenir des contrats. Toutes ces réalités-là sont des réalités qui sont visées maintenant par des exigences de transparence et qui sont assujetties à un encadrement déontologie, et c'est le fond de mon propos, la substance de mon propos. Alors, quand, Mme la ministre, vous mentionnez le fait que les projets de partenariat public-privé vont toujours fonctionner par le biais d'appels d'offres publics, je veux bien qu'il en soit ainsi, il ne m'appartient pas d'en décider, mais ma responsabilité, mon devoir d'état est de m'assurer d'une part que les démarches qui entourent la réalisation de ces projets-là sont faites dans le respect de la loi; et deuxièmement de rappeler l'importance lorsqu'on change les façons de faire de s'assurer de la concordance et de la cohérence des mécanismes de protection et d'affirmation des droits.

Mme Jérôme-Forget: Je voulais simplement...

Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: Vous savez que, dans le moment, il y a des offres, la loi actuelle permet d'avoir recours à des offres non sollicitées. Vous êtes au courant de ça. Et non seulement le permet, mais le gouvernement l'a fait et pas seulement le nôtre, là, je veux dire, là, c'est clair, là, que les gouvernements l'ont fait. C'est quelque chose qui existe actuellement. Est-ce qu'à ce moment-là... comment est-ce que vous procédez à cet égard?

Le Président (M. Paquet): M. Côté.

M. Côté (André C.): La loi sur le lobbyisme n'empêche pas qui que ce soit de proposer quoi que ce soit ou de faire valoir quoi que ce soit auprès des pouvoirs publics. Ce que cette loi fait, c'est d'établir un principe de transparence. Alors, si, par exemple, une entreprise approche l'État ou approche une municipalité, parce que ça s'applique également, cette loi-là, dans les environnements décentralisés, là, et cherche à proposer quelque chose en vue d'obtenir que cette administration publique fasse sien ce projet, on est en présence d'activités de lobbyisme qui devraient normalement faire l'objet d'une déclaration au Registre des lobbyistes. Et le lobbyiste-conseil ou le lobbyiste d'entreprise qui est le porteur de dossier, de ce dossier-là, devrait être dûment inscrit au Registre des lobbyistes, et on devrait y retrouver la description de l'objet de ces activités de lobbyisme. Et je rappelle qu'il y a également tout un encadrement déontologique qui suit également l'applicabilité de cette loi.

Mme Jérôme-Forget: Alors, écoutez, vous m'apprenez quelque chose. Vous venez de m'apprendre que la loi s'applique également aux gouvernements municipaux.

M. Côté (André C.): Tout à fait.

Mme Jérôme-Forget: Ah bon!

M. Côté (André C.): Au lobbyisme qui est fait auprès des municipalités, auprès des entreprises et des organismes du gouvernement.

Mme Jérôme-Forget: D'accord. Maintenant, je suis parfaitement d'accord avec vous, M. Côté, au niveau de la transparence, de nous assurer de l'intégrité, et vous avez raison, mais manifestement le gouvernement doit reposer sur, dans le fond, le travail fait par les lobbyistes, qu'ils doivent, à chaque fois qu'ils nous rencontrent, inscrire leur rencontre. J'imagine que ce n'est pas à nous à vérifier ça, s'ils l'ont fait ou pas, à chaque fois qu'on les rencontre. J'imagine que c'est leur responsabilité, et, s'ils sont coupables, ils sont réprimandés, j'imagine.

Le Président (M. Paquet): En une minute, M. Côté.

M. Côté (André C.): Je préciserai tout d'abord qu'on n'a pas l'obligation d'inscrire ces activités de lobbyisme, on a l'obligation de décrire suffisamment l'objet de ces activités de lobbyisme, quelle est la décision qu'on cherche à influencer auprès des pouvoirs publics. Il est exact que la loi fait des obligations aux entreprises ou aux lobbyistes-conseils d'être inscrits au Registre des lobbyistes, mais il n'en demeure pas moins que les premiers mots de cette loi-là sont pour reconnaître l'intérêt du public de savoir qui cherche à influencer des décisions de l'Administration publique. Et, si on dit que nul n'est censé ignorer la loi, j'estime personnellement que l'Administration publique ou l'État, dans l'organisation de ses affaires, doit prendre en compte l'existence de ce droit-là, l'affirmation de ce droit. Il y va d'abord d'un impératif de transparence qui fonde le lien de confiance entre les citoyens, il y va également d'un principe d'égalité d'accès aux institutions. Alors, je pense que l'État ou le gouvernement, dans l'organisation de ses affaires, doit prendre en compte l'existence de cette réalité-là. Et je prendrai peut-être une analogie avec laquelle on est très familier...

Alors, M. le Président, peut-être que je dépasse mon temps...

Le Président (M. Paquet): Brièvement, s'il vous plaît. En 30 secondes, s'il vous plaît.

M. Côté (André C.): Ce n'est pas parce que la Loi de l'impôt sur le revenu exige que les citoyens déclarent leurs revenus que l'État n'organise pas toutes ses affaires pour s'assurer qu'il n'y a pas d'évasion fiscale, et que les fonds publics qui sont distribués font l'objet du respect de la législation fiscale. Alors, de la même manière, je pense qu'on devra trouver des façons de s'assurer que la loi est respectée au bénéfice des citoyens.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. Côté. M. le député de Richelieu.

M. Simard (Richelieu): Merci, M. le Président. D'abord, remercier M. Côté, M. Coulombe et M. Ouimet de leur participation à cette commission parlementaire. Ce n'est pas banal. Est-ce que je me trompe en affirmant que c'est votre première participation à une commission parlementaire? Je pense que...

n (12 h 20) n

M. Côté (André C.): Exact. Sous réserve de ce qui a été fait sur le Code de déontologie des lobbyistes, mais c'était un autre contexte. Mais c'est la première fois que le Commissaire intervient sur un projet de loi, vous avez raison.

M. Simard (Richelieu): Vous faites partie, messieurs, d'une instance mise sur pied par le gouvernement précédent, mais surtout vous avez été nommé par l'Assemblée nationale. Vous faites partie de ces très rares organismes qui dépendent directement des députés, de ceux qui sont élus, de l'Assemblée nationale. Vous êtes issus du législateur qui doit, je ne me souviens plus, mais qui doit accepter votre nomination, je pense, aux deux tiers. Alors, c'est une garantie extraordinaire d'impartialité. Je pense que c'est un hommage qu'on vous rend lorsque l'on vous nomme mais en même temps c'est une responsabilité considérable.

Vous êtes bien plus que tout autre organisme à même de juger les projets de loi en fonction de l'intérêt des citoyens. Vous êtes le troisième organisme de cette nature à venir nous rencontrer: la Commission d'accès à l'information, la Protectrice du citoyen et vous-mêmes. Et d'ailleurs vous appliquez non pas la loi sur le lobbyisme, c'est très important de le rappeler, mais c'est la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme, très important.

En ce sens, je pense qu'il y a une vertu pédagogique aussi à votre présence ce matin. Non seulement vous nous aidez à voir davantage clair dans le projet de loi qui a été déposé mais en même temps vous nous faites bien comprendre l'étendue de votre mandat et la profondeur de ce mandat. C'est pourquoi j'accueille avec beaucoup de respect et d'attention les commentaires que vous faites et les mises en garde très sérieuses que vous faites à l'intérieur de votre mémoire, à l'égard du projet de loi n° 61. Non pas à l'égard des intentions, là ? vous savez, il n'y a pas de procès d'intention à faire, et la présidente du Conseil du trésor connaît mon avis là-dessus, là, ce n'est pas un procès d'intention ? il s'agit ici d'évaluer les conséquences possibles d'un projet de loi. Ce n'est pas quand il a été adopté et 10 ans plus tard qu'il faut s'inquiéter du contenu d'un projet de loi, c'est avant qu'il soit adopté, de façon à ce qu'il puisse être encore modifié.

Vous dites une chose très, très forte à la page 13 ? je vous ramène à cet élément de votre mémoire: «Les partenariats public-privé ramèneront progressivement dans l'ombre des activités que le législateur a pourtant voulu rendre transparentes. De plus, les règles déontologiques destinées à encadrer ces activités deviendront lettre morte.»Un jugement qui est très grave mais qui rejoint parfaitement, par l'angle différent qu'est le vôtre, des jugements qui ont été portés ici même par la Commission d'accès à l'information et par la Protectrice du citoyen.

J'aimerais que vous approfondissiez ce jugement qui est très dur à l'égard du projet de loi. Je veux que vous nous expliquiez comment véritablement ce projet de loi va permettre de mettre dans l'ombre des activités que nous, les législateurs, avons voulu rendre transparentes.

Le Président (M. Paquet): M. Côté.

M. Côté (André C.): Je pense que je n'utiliserais pas le mot jugement; c'est un constat ou c'est une phrase qui m'a été inspiré, là, par la lecture de l'ensemble de la documentation qui était disponible, et vous avez souligné vous-même qu'on est ici dans un processus, autour d'une table de travail, pour regarder un projet; alors, je considère qu'on est en présence d'un projet. Je considère que mon devoir d'État est de jeter un coup d'oeil sur ce projet-là... de regarder, pas jeter un coup d'oeil, de regarder attentivement ce projet pour voir si, en l'État, il donne toutes les garanties de cohérence et de suivi en ce qui a trait aux valeurs que l'Assemblée nationale a voulu affirmer et concrétiser dans la loi dont j'ai été chargé de voir à l'application.

Alors, je vois mon intervention ici, aujourd'hui, non pas comme une intervention qui vise à juger mais une intervention qui vise à regarder ce projet-là d'un point de vue qui est celui des valeurs qui ont été préconisées, là, par la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme, et de souligner qu'il est important dès lors qu'on change les façons de faire assez radicalement, de s'assurer qu'on fait le suivi, là, des gestes qu'on a pu poser pour augmenter ou pour reconnaître des droits aux citoyens et aux citoyennes du Québec et à s'assurer que les choses soient faites d'une manière qui est de nature à conforter la confiance que les citoyens portent dans la gestion de leur patrimoine, à la façon dont leur patrimoine ou leurs projets collectifs sont gérés.

Alors, mon propos, aujourd'hui, c'est de réaffirmer les valeurs qui sous-tendent la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme et de proposer qu'on profite de l'occasion de ce changement dans les façons de faire pour réaffirmer ces valeurs-là et faire en sorte qu'elles ne subiraient pas cette érosion que je décrivais dans cette phrase.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Richelieu.

M. Simard (Richelieu): Nous sommes dans un domaine, M. le Président, où la présence accrue du privé en contact quotidien avec tous les niveaux de décision publique... Et je ne parle pas simplement des députés, ni des ministres, mais également de tous les fonctionnaires qui sont... Toutes les participations... Tous les participants à la gestion publique sont amenés par ce type de projet et même, je dirais, par l'environnement économique et l'environnement de gouvernance. Les grandes tendances de fond d'une certaine libéralisation de la réglementation, depuis une quinzaine d'années, amènent en contrepartie le législateur à être très attentif à préserver des règles de déontologie et de transparence qui permettent aux citoyens d'avoir confiance. Je pense qu'on s'entend là-dessus.

La présidente du Conseil du trésor disait avec raison qu'elle passe sa journée à croiser des gens qui ont tous un projet à lui apporter. Plus fondamentalement, dans des grands secteurs comme l'eau, comme le système hospitalier, comme les grands secteurs qui sont visés ou des grands secteurs d'infrastructures visés notamment par le projet de loi, il est de notoriété publique que, depuis une quinzaine d'années, des groupes importants ? souvent, des groupes appartenant à des multinationales ? se livrent, dans notre société, à une publicité, à une propagande, à un lobbyisme, appelons-le comme on le veut, auprès de la population mais aussi des décideurs politiques, pour petit à petit les amener à partager leur vision.

Vous n'êtes pas... Vous l'avez souligné tout à l'heure, votre rôle n'est pas de contrer cela. Il s'agit là d'un rôle reconnu comme étant d'utilité publique, faisant partie de la réalité publique. Ce qui est en cause, c'est la transparence. L'arrivée, par ce projet de loi, d'un contact quotidien de l'entreprise privée avec les décideurs politiques rend très difficile à définir même quelle est la nature du lobbyiste.

Vous dites ici: «Il serait malsain d'accorder moins d'importance, au point de vue déontologique, aux démarches visant à infléchir des décisions d'intérêt public du simple fait qu'elles ont été confiées aux entreprises privées en exécution d'un partenariat public-privé.» Et vous allez beaucoup plus loin que ça, et là je voudrais vous entendre sur la... Le projet de loi permet ? et, moi, j'y trouve d'extraordinaires dangers ? non seulement de déléguer, mais au délégué de déléguer, à l'encontre de ce vieux principe juridique qui voulait que delegatus non potest delegare. On a ici des sous-sous-délégations qui se font évidemment auprès d'un partenaire privé qui délègue lui-même, et où la transparence et la déontologie seront très difficiles à suivre. Et je pense que c'est ça, le sens de votre avertissement, aujourd'hui: la loi telle qu'elle est devant le Parlement, la loi n° 61, est une loi qui devrait être modifiée profondément pour assurer le législateur que de telles influences ne puissent pas ? je reprends vos termes ? «entrer dans des zones d'ombre», rester pleinement... Il ne s'agit pas de nier leur existence ni même leur légitimité, il s'agit d'assurer la plus grande transparence.

Le Président (M. Paquet): En 15 secondes, M. Côté.

n (12 h 30) n

M. Côté (André C.): Bien, ce que j'ai compris, c'est qu'on est dans un environnement où on appelle à la créativité, à l'imagination, à des propositions de faire différemment les choses. Et, moi, je pense que, nous, au Bureau du commissaire, notre responsabilité, c'est de faire en sorte que ce nouvel environnement où l'État exprime sa volonté de changer les façons de faire, ce qui va nécessairement stimuler des interventions pour proposer toutes sortes de choses, que ce ne soit pas perçu comme une zone franche où s'appliquerait l'exception de la loi, disant que, lorsqu'on fait des représentations en réponse à une demande écrite d'un titulaire de charges publiques, la loi ne s'applique pas. Je pense qu'on est carrément dans une zone où la loi a vocation de s'appliquer et je voudrais réaffirmer l'importance qu'on affirme, dans un contexte où on préconise un changement des façons de faire, qu'on ne crée pas une zone franche où les activités de lobbyisme peuvent intervenir en marge des catégories juridiques qu'on a voulu mettre en place.

M. le Président, j'aurais...

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. Côté. Alors, M. Côté, Commissaire au lobbyisme, ainsi que les gens qui vous accompagnent de votre organisme, Me Coulombe et Me Ouimet, au nom de la Commission des finances publiques, je vous remercie de votre participation à nos travaux.

J'ajourne les travaux de la Commission des finances... Pardon, je suspends, je suspends les travaux de la Commission des finances publiques jusqu'après la période des affaires courantes.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

 

(Reprise à 17 h 3)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission des finances publiques reprend ses travaux. Nous continuons les consultations, et nous aurons terminé ce soir les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 61, Loi sur l'Agence des partenariats public-privé du Québec.

D'abord, je voudrais, au nom de la commission, nous excuser pour l'horaire qui est bousculé pour les différentes personnes et groupes qui vont présenter cet après-midi et ce soir. Il y a parfois des aléas de la vie parlementaire qui sont sûrement en dehors du contrôle complet non seulement de la présidence de la commission, mais aussi des membres présents présentement à la commission. Or donc, ça fait partie parfois des aléas avec lesquels nous devons conjuguer.

Alors donc, sans plus tarder, je voudrais d'abord saluer et souhaiter la bienvenue au Conseil de la coopération du Québec, qui est représenté, entre autres, par Mme Hélène Simard, qui est la présidente du conseil. Si vous voulez bien, s'il vous plaît, bien sûr, nous présenter les gens qui vous accompagnent, à qui je souhaite aussi la bienvenue, et débuter votre présentation. S'il est possible un petit peu de raccourcir un peu votre présentation ? dans la mesure du possible ? ça faciliterait un peu plus pour la période d'échange, mais je vous remercie de votre compréhension. Alors, bienvenue.

Conseil de la coopération du Québec

Mme Simard (Hélène): Merci, M. le Président. Alors, je vous présente les personnes qui m'accompagnent: M. Claude Simard, directeur général de la Coop scolaire des HEC; M. Guillaume Brien, directeur général par intérim de la Fédération des coopératives d'habitation de Québec, Chaudière-Appalaches; et Mme Marie-Joelle Brassard, responsable de la recherche au Conseil de la coopération.

Alors, ma présentation: je commencerai par vous présenter brièvement le Conseil de la coopération. Par la suite, je vous présenterai les grandes lignes directrices de notre mémoire et j'irai un petit peu plus en profondeur, et je demanderai à mes deux collègues qui m'accompagnent, qui sont des gestionnaires terrain, de nous présenter des expériences très concrètes de partenariats réussis.

Alors, le Conseil de la coopération existe depuis 1940 et réunit une quarantaine d'organisations et regroupements coopératifs et mutualistes d'envergure au Québec. La mission du conseil est de participer au développement social et économique du Québec en favorisant le plein épanouissement du mouvement coopératif québécois. Le mouvement est un créateur important de richesse économique et sociale au Québec et de redistribution de cette richesse. À lui seul, il représente 3 200 entreprises au Québec, 2 500 non financières, employant au total 79 000 personnes.

Les entreprises coopératives sont inaliénables; elles sont à l'abri des prises de contrôle et réinvestissent dans l'économie locale et régionale, et je pense que c'est pourquoi notre expérience peut être pertinente au gouvernement dans l'analyse de ces préoccupations.

Dans notre mémoire, nous voulons d'abord réfléchir avec vous sur la nature du débat. Pour nous, ce débat doit déborder la question simplement du public et du privé, et particulièrement nous faisons référence au modèle québécois, un modèle qui a intégré le partenariat dans ses habitudes mais un partenariat peut-être sur une voie, une autre dimension, un autre paradigme que celui simplement du public et du privé.

Nous voulons aussi établir quelques conditions indispensables pour réussir la mise en place de partenariats. Nous référons principalement à deux conditions: l'établissement d'un mécanisme transparent, et la seconde, que nous vous expliquerons aussi, je pense, dans ce mémoire, qui est de vous offrir de mettre en place un «droit d'option citoyen coopératif» que nous préconisons, qui nous apparaît un mécanisme qui permettrait au gouvernement et à la société d'être gagnants sur ces enjeux importants.

Avant de procéder plus longuement, j'aimerais préciser que le conseil désire évacuer toute confusion pour nous entre un appui au financement et une privatisation des services publics ou bien un appui à la privatisation et la démarche que nous souhaitons voir préconisée par le gouvernement.

La mise en place d'une éventuelle agence de partenariats devrait viser à intervenir sur les façons de faire de l'appareil d'État, mais, cette façon de faire ? et on l'a vu en consultant différents acteurs dans notre réseau ? elle conduit souvent à certaines confusions entre le concept de privatisation et celui de partenariat. Il nous apparaît extrêmement important de faire la différence entre les deux, car une privatisation ouvrirait la porte à une société à deux vitesses et risquerait à moyen terme de porter atteinte à l'accessibilité des services publics. S'il s'agit de cette voie que le gouvernement choisit, nous n'en sommes pas. Ceci étant dit donc, le conseil s'oppose à toute démarche de privatisation des services aux citoyens qui risquerait d'affecter, entre autres, cette accessibilité.

Le gouvernement, par ses choix politiques, demeure le seul responsable de la qualité des services rendus aux citoyens. Il ne saurait donc être question de transférer cette responsabilité au secteur privé, pas plus qu'à une agence de partenariats ou à un organisme mandataire. Le projet de loi nous apparaît faible en garantie sur ce sujet. Le libellé doit être très clair, et je pense que ce serait, pour nous en tout cas, une attente face à la commission que le gouvernement éclaircisse très fermement son point de vue sur cette question.

Si le gouvernement entend donc s'orienter vers une privatisation des services rendus à la population, nous préconisons plutôt la tenue d'un débat public sur cette question, débat qui devrait faire intervenir en premier lieu le bien commun.

Nous préconisons, nous, une autre voie qui correspond plus peut-être à notre réalité et à notre vécu. Nous nous inspirons entre autres des travaux d'un chercheur très connu, Benoît Lévesque, qui a dirigé longtemps le Centre de recherche sur les innovations dans l'économie sociale, les entreprises et les syndicats, et ce modèle que préconise M. Lévesque est fondé sur des partenariats entre l'État, le marché et la société civile.

En s'appuyant sur 20 ans de recherche, M. Lévesque tend à démontrer qu'un nouveau modèle de développement est en émergence au Québec, un modèle qu'on pourrait qualifier de partenarial, un modèle qui se distingue aussi bien du modèle keynésien ou fordiste de la Révolution tranquille que du modèle néolibéral.

Lévesque affirme que ce qui distingue le Québec des autres pays dans leurs façons de faire, c'est que ce renouvellement de notre modèle de développement repose sur un paradigme davantage porteur d'innovations, fondé sur la solidarité et l'innovation.

Cet éclairage nouveau dépasse les limites actuelles de l'analyse qui se limite donc à deux paradigmes: un modèle de développement reposant sur les lois du marché ? le privé ? et la rentabilité alliée à ces lois du marché, et l'autre, l'intérêt général où l'État serait responsable dans le fond de cet intérêt général... et à répondre à cet intérêt général par les services publics. D'un autre côté, donc, de part et d'autre, un débat qui se situe entre l'intérêt général et les lois du marché.

n (17 h 10) n

Nous considérons donc qu'il y a peut-être un autre paradigme à explorer qui est un paradigme dans lequel on insérerait une autre logique, que je vous développerai un petit peu plus tout à l'heure.

Donc, à notre avis, si on mobilise uniquement les acteurs du secteur privé ou ceux du secteur public dans cette démarche, il est plausible qu'elle provoque un important choc culturel et un important choc de société aussi. Je pense que c'est une des conclusions d'un colloque tenu par le CEFRIO, en 2002, et les conditions de réussite du partenariat reposent sur une transformation des relations. Et, dans cette transformation des relations, des attitudes et des perceptions, naturellement les usagers ou les intervenants pourraient être des acteurs extrêmement importants, ils pourraient changer les façons de voir.

Je vous invite aussi à regarder une des conditions essentielles aussi qu'on ne peut pas passer sous silence. Plusieurs critiques sur le partenariat public-privé en général portent sur la détérioration et la perte des contrôles de la qualité des services aux citoyens aux mains d'entreprises privées, particulièrement quand on va sur des contrats à long terme et auprès d'entreprises qui sont contrôlées à l'étranger. Alors, c'est une préoccupation importante, à notre avis, qu'il faut que le gouvernement envisage ou balise.

Les particularités du Québec sur le plan de son développement nous permettent cependant d'envisager, comme je vous le disais tout à l'heure, une troisième avenue qui se dessine plus clairement au Québec et qui réconcilierait ces volontés, l'économique et le social, la prise en charge des citoyens et de leur développement pour répondre à leurs besoins et au sein d'une entreprise collective. Cette approche donc ne se situe pas entre le privé et le public, mais permet d'envisager la question autrement, en permettant à la population, donc aux usagers des services, d'être partie prenante de la gestion des responsabilités ou du maintien de la qualité des services. En ce sens, pour nous, un modèle coopératif notamment, mais d'autres types d'organisations mixtes pourraient réunir, au sein d'une même organisation, l'usager comme utilisateur et administrateur de services et s'inscrirait dans ce troisième paradigme.

Les coopératives ont démontré qu'il est possible de concilier les objectifs économiques et sociaux au sein d'une même organisation. La réussite de partenariats publics passe inéluctablement par la rencontre des finalités sociales de l'État et des objectifs de rendement économique du secteur privé. Et ce paradigme-là est au coeur de la préoccupation et de la solution que nous préconisons: c'est de passer pas un tiers intervenant qui, lui, n'est pas pris dans ce paradigme de rendement, des objectifs de rendement qu'a le secteur privé actuellement.

Certains pays comme l'Italie, dans leur processus de remodelage des fonctions de l'État, ont pris le pari de préconiser un modèle de développement coopératif. L'État a réellement mis en place un mécanisme de partenariats public-coopératif confortés par la législation. Selon cette dernière, un marché est réservé aux coopératives sociales en région et dans les municipalités pour octroyer des contrats dans le cadre de ces partenariats.

En Italie, on compte aujourd'hui 5 200 coopératives sociales, et environ 156 000 travailleurs y travaillent, 23 000 bénévoles s'y impliquent, totalisant un chiffre d'affaires de plus de 2 milliards d'euros. Elles desservent 500 000 usagers, sont de petite taille, et reposent sur un fort ancrage local. Entre 1993 et 2000, elles ont quintuplé. Les coopératives sociales, lorsqu'elles atteignent une certaine taille, créent de nouvelles coopératives ou s'établissent en consortium, de façon à faciliter la participation et la responsabilisation des citoyens dans leur gestion.

La loi italienne reconnaît l'existence de rapports privilégiés entre les coopératives sociales et les administrations publiques par voie législative. Des conventions directes sont convenues entre les coopératives sociales sur la base d'un seuil financier préalablement identifié. Sous ce seuil, les coopératives sociales disposent d'une option sur les appels d'offres publics. À cet égard, le modèle italien est très riche d'enseignements pour nous, et, dans le contexte actuel, nous apparaît une solution qui devrait être envisagée par l'État.

L'occasion est idéale pour que le gouvernement donne un signal au mouvement coopératif par des mesures législatives qui permettent de mettre en valeur les avantages de ce modèle. Cela est possible si le gouvernement institue un mécanisme qui permette à l'Agence des partenariats de choisir comme partenaires, et avant d'aller en appel d'offres public, des organismes dont la finalité est sociale, comprenant les coopératives, les regroupements de travailleurs, les syndicats, les organismes communautaires ou les instances municipales.

En effet, un article du projet de loi précise qu'un organisme public doit recourir aux services de l'agence pour le choix de ses partenaires ainsi que pour la négociation et la conclusion de ses contrats. Alors, nous préconisons que le gouvernement accorde un droit d'option citoyen qui donne préséance aux instances de la finalité sociale ? coopératives, regroupements de travailleurs, organismes municipaux et communautaires ? comme partenaires privilégiés pour remplir un mandat. Il s'agirait d'accorder aux instances coopératives, aux syndicats, aux municipalités un droit d'option citoyen avant de procéder aux appels d'offres de façon élargie.

C'est seulement après avoir fait appel à l'ensemble de ces acteurs à finalité sociale et qu'aucun d'entre eux ne se soit manifesté ou n'y soit intéressé que l'agence ou son mandataire pourrait procéder aux appels d'offres auprès du marché privé.

Nous désirons porter à votre attention des exemples de coopératives ou de regroupements sectoriels qui possèdent déjà une expertise en matière de partenariats publics. Ces partenariats font partie de pratiques courantes ou de savoir-faire acquis par les coopératives ou les fédérations et ont pris forme pour permettre de mieux répondre aux besoins des membres et aux besoins aussi de l'État. Nous aimerions vous illustrer ces deux exemples très concrets de ces pratiques au Québec, et par la suite je passerai aux conclusions.

Le Président (M. Paquet): M. Simard.

M. Simard (Claude): Merci, Mme Simard. Alors, moi, je suis ici un peu pour vous parler brièvement de l'expérience coopérative, c'est-à-dire l'expérience de partenaires entre une institution d'enseignement et sa coopérative. Si, pour les gens qui sont ici qui connaissent l'École des hautes études commerciales, vous savez... peut-être que vous ne savez pas qu'il y a une coopérative à cet endroit depuis 1944; donc, ça fait 60 ans cette année qu'une coopérative dessert le milieu de l'enseignement. Alors, comme vous le savez, aux HEC, bien, là où on apprend à maximiser les profits, c'est toujours un peu drôle de constater qu'il y a une coopérative qui est là, qui existe quand même depuis longtemps.

Alors, c'est très simple. L'école a confié dans le fond tous les services commerciaux de l'université à une coopérative évidemment pour desservir ses membres. Souvent, quand on parle de coopératives en milieu scolaire, on pense souvent à des coopératives qui desservent des étudiants seulement. Alors, je vous apprends peut-être aujourd'hui que dans le fond c'est un peu faux: ça dessert les étudiants, ça dessert également les professeurs et ça dessert également l'institution, et ce, à part égale, c'est-à-dire que tout le membership, ces trois groupes de membres doivent avoir des services de cette coopérative-là.

Ça se traduit par ceci: tous les services commerciaux, on entend tous les services de littérature, librairie, tous les services d'informatique, ordinateurs, et ainsi de suite, et tous les services alimentaires, qu'on parle du restaurant, du service d'hôtellerie ou de la cafétéria; alors, on parle d'une coopérative qui a un chiffre d'affaires de 15 millions, qui embauche 120 employés, et... C'est ça. Pour ceux qui ont déjà été à l'École HEC en visite, sûrement vous avez visité Le Cercle, HEC, qui est le restaurant de l'institution.

Or, évidemment, tout ça fait en sorte que ça a des avantages assez importants pour ceux qui connaissent le mouvement coopératif. Écoutez, entre l'institution et sa coopérative, il se dégage des liens de complicité, d'engagement et de confiance. Alors, c'est très différent de négocier avec sa coopérative, comparativement pour l'École HEC de négocier avec un privé. Comme vous le savez, je ne dis pas que ça n'existe pas, mais c'est quand même difficile de trouver une entreprise privée qui va desservir trois secteurs aussi différents que la librairie, l'informatique et l'alimentaire. Je ne dis pas que ça n'existe pas, mais c'est quand même... Donc, il y a des avantages extrêmement importants pour l'École HEC d'avoir une coopérative dans ses murs.

Évidemment, tout ça fait en sorte qu'on se retrouve avec des services extrêmement adaptés au membership, c'est-à-dire... Ce que je prétends, c'est qu'un privé ne pourrait pas aller aussi loin que les services qu'on va offrir pour la simple et bonne raison, c'est que l'École HEC a eu quand même la bonne idée de faire en sorte que tous les services commerciaux appartiennent à la coop. Donc, s'il y a des services qui sont déficitaires, ils sont compensés évidemment par d'autres services, donc tout le monde y retrouve son compte.

Évidemment, je passe un peu... Vous comprendrez que le retour sur investissement, si vous me passez l'expression, est exclusif à la communauté de l'École HEC, qui se traduit souvent par des prix, des commandites, des bourses d'études, ainsi de suite, or, ce qui est quand même fort intéressant.

Mais tout ça ? et je termine là-dessus ? est vrai si évidemment la coopérative est efficace, et j'allais dire aussi bien qu'un privé, mais dans le fond on ne devrait plus dire ça en 2004. La coopérative, si elle est efficace, elle a tout à fait sa raison d'être, surtout dans une maison d'enseignement où, comme vous le savez, c'est un marché extrêmement captif. Alors, je pense que là on a un rôle extrêmement important à jouer, et c'est une formule qui fonctionne très bien, depuis des années. Merci.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. Simard.

Mme Simard (Hélène): Je passerais la parole maintenant à Guillaume Brien pour nous parler d'une expérience de gestion partenariale dans l'habitation.

Le Président (M. Paquet): M. Brien.

n (17 h 20) n

M. Brien (Guillaume): Oui, merci beaucoup. Bien, d'abord, l'habitation coopérative, c'est une merveilleuse opportunité pour les citoyens et citoyennes, une vraie réponse aux besoins. Je pense qu'on doit d'entrée de jeu se le dire. Ça représente quoi, au Québec? On parle de 1 160 coopératives, 22 474 unités de logement. À retenir, c'est plus de 50 000 personnes qui vivent au sein de coopératives. C'est... Aussi, depuis 30 ans, les membres des coopératives se sont dit: Ça nous prend... On veut se donner aussi des structures, des organisations qui vont nous appuyer à travers notre existence. Donc, des fédérations régionales sont nées, on en compte sept, et regroupées aussi dans une confédération.

Cela dit, une coopérative, qu'est-ce que c'est? Juste pour vous ramener: souvent, vous avez l'image d'habitations à loyer modique, de HLM. Ce n'est pas la même chose; c'est important d'en faire une distinction. Pourquoi? Dans un HLM, d'abord les édifices appartiennent à l'État, ils sont gérés par l'État, et 100 % des gens qui y habitent ont un besoin au niveau économique pour le paiement du loyer.

Dans les coopératives, il y a une mixité au niveau économique qui est importante; donc, cette mixité-là en fait toute la force. On parle entre 20 % et 50 % qui vont recevoir une aide pour payer le logement; l'autre, les personnes qui y vivent donc vont payer le plein loyer pour couvrir les dépenses. C'est aussi une prise en charge collective. Donc, on agit comme propriétaires collectifs dans ces immeubles-là, autant au niveau gestion, les tâches coopératives.

En ce sens, les coops donc, je vous disais, se sont donné des structures aussi et elles sont toutes nées avec des conventions fédérales et provinciales. Dans cet esprit-là, l'exemple que je veux citer est un partenariat de la Société d'habitation du Québec, la SHQ, avec d'abord la confédération et la fédération de Québec. Ça a été donc un franc succès, en 1996, qui a été étendu à travers d'autres régions. On parle de Montréal, où est la majorité des coopératives, et la Montérégie aussi.

Qu'est-ce que ça a permis, comme partenariat, pour soutenir des coopératives, plus précisément le programme PSBLP? C'est d'avoir des engagements à long terme. Même si la SHQ, on s'entend bien, reste maître d'oeuvre, confie aux fédérations et à la confédération justement des mandats précis de bilans de santé, de formation, d'activités de support complémentaires, il y a tout un lien de confiance important qu'il faut noter. Et aussi il faut comprendre aussi que ça permet de fortifier le réseau existant. Écoutez, on est, au quotidien, à répondre aux besoins des coopératives; on est, et on le considère sans gêne, les mieux placés pour répondre aux besoins de ces coopératives-là.

D'autre part aussi, un autre enjeu important: actuellement, toutes les coopératives qui sont nées par des conventions avec le fédéral, la Société canadienne d'hypothèques et de logement, c'est en discussion pour avoir un transfert du parc au provincial. Donc, ne pas mêler les choses: une agence, au niveau du secteur coopératif, pourrait être créée donc où le mouvement coopératif, le mouvement des développeurs, l'AGRTQ, donc l'Association des GRT du Québec, et la SHQ bien sûr pourraient être justement intégrés dans cette agence-là qui pourrait s'occuper à avoir vraiment, là, je dirais, comme intérêt premier le souci des coopératives et de leur pérennité.

Donc, à retenir: ce qui est important dans une question de partenariat public-coopératif, et c'est un peu ça sur lequel on veut mettre l'emphase, c'est de s'assurer, cet effort-là, de le faire en partenariat, oui, mais en s'assurant de la pérennité du bien collectif.

Mme Simard (Hélène): Merci. Alors, j'aurais pu... Dans le mémoire, on fait référence à d'autres exemples dans le domaine, entre autres, des services d'aide domestique et des services de proximité. Mais je conclus rapidement cette partie en vous disant qu'on recommanderait que le gouvernement mandate un comité d'experts ayant pour mandat de mettre en place des conditions qui favoriseraient l'émergence et la concrétisation de ce type de partenariat public-coopératif, en s'inspirant entre autres de la formule des coopératives sociales italiennes.

Les intérêts sociaux et économiques que concilie donc la formule coopérative est un avantage stratégique, et, avec un ancrage territorial important, permet une prise en charge collective. Nous pouvons constater que les coopératives au Québec disposent de vastes expertises en matière de partenariats pour répondre aux besoins non seulement de leurs membres, mais aussi d'assurer une qualité de services à la population. Nous croyons qu'il demeure des pans entiers d'activités qui pourraient se développer en partenariats sur des bases de cette expertise mais aussi avec différents partenaires impliqués dans les services.

Considérant l'importance des changements qui sont préconisés et des impacts sur le développement futur d'un modèle de développement propre au Québec; considérant également que les règles du jeu doivent être claires pour que tous les acteurs s'impliquent, nous considérons aussi qu'il est important d'assurer la qualité des services aux citoyens; considérant que la formule coopérative présenterait des avantages certains, étant une voie innovatrice pour répondre aux besoins de ces citoyens, et que les coopératives ont su développer un ensemble de services structurés pour répondre aux besoins d'expertise et de support des coopératives; le conseil recommanderait que le projet de loi préconise, précise clairement comment le gouvernement entend assurer à la fois le contrôle auprès de ses mandataires des fonctions visant à assurer la prestation de services et la qualité des services rendus aux citoyens ? je fais référence... O.K., alors ? et introduire l'option, le droit d'option aux citoyens, là, qui est un droit de préséance accordé aux coopératives, aux travailleurs, aux instances municipales ou communautaires dans l'octroi de mandats avant même de procéder à des appels d'offres extérieurs.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, Mme Simard. Alors, Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Jérôme-Forget: D'abord, M. le Président, permettez-moi de souhaiter la bienvenue à Mme Simard et à ses collègues qui l'accompagnent. Je vous félicite sur votre mémoire, madame. Vous avez fait un très beau travail, et on est bien contents d'échanger avec vous. On s'excuse du retard ? on sait que vous avez été patients ? et mon collègue sûrement... le député va certainement trouver une façon de vous expliquer ce qui s'est passé.

Par ailleurs...

M. Picard: M. le Président, est-ce que c'est pertinent?

Le Président (M. Paquet): M. le député de Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Est-ce que c'est pertinent, les propos de la présidente du Conseil du trésor? Je veux juste...

Le Président (M. Paquet): Je n'ai rien entendu, là. Je veux dire... Il n'y a aucun député qui avait été pointé ou quoi que ce soit, là.

Mme Jérôme-Forget: Je pense, M. le Président, qu'il y a lieu qu'on s'excuse, parce que les gens ne comprennent pas toujours le fonctionnement de l'Assemblée nationale. On avait convoqué ces gens-là pour 3 heures; on les a reçus à 5 heures. Alors, je pense qu'il y a lieu que nous nous excusions de la démarche parce que nous avions mal calculé nos choses, et nous vous invitons... je suis très heureuse de vous entendre.

Alors, M. le Président...

Le Président (M. Paquet): Mme la présidente.

Mme Jérôme-Forget: D'abord, je veux que vous sachiez, j'ai bien apprécié votre mémoire. Bien sûr, je vous dirai de suite, et puis je ne vous en tiens pas rancune: Dans un partenaire public-privé, les critères de sélection d'un projet, c'est un engagement financier important de la part de l'État. On parle de projets, de grands projets d'infrastructures. Mais, de toute façon, je pense que votre mémoire est très intéressant, et j'aimerais justement que vous élaboriez davantage parce que vous avez soulevé une approche qui est très intéressante et qu'à bien des égards on fait appel à cette approche-là au Québec.

Vous avez mentionné les HEC qui, depuis 1944, je pense, ont mis en place une telle approche. Vous avez mentionné également qu'au niveau du logement ça existait déjà. Vous avez fait référence à l'Italie où il y a énormément de ces services. Peut-être que vous pourriez nous parler de l'Italie. Parce qu'en pages 9 et 10 de votre mémoire vous mentionnez justement que l'Italie a procédé à une réforme importante à cet égard. Et vous parlez, en page 10, de deux types, d'accord? D'une part visant «à répondre aux besoins en matière de services à la communauté par la gestion». Vous parlez de services sociaux, services sanitaires, services éducatifs, de santé, l'assistance à domicile, les centres sociaux et éducatifs, les garderies, les maisons de repos. Et le second type, n'est-ce pas, semblerait être les entreprises agricoles, industrielles et de services.

Donc, il y a un volet commercial dans l'approche et il semblerait y avoir un volet, je dirais, public, communautaire. Est-ce que vous pourriez peut-être élaborer sur... Je trouve ça très intéressant.

Le Président (M. Paquet): Mme Simard.

Mme Simard (Hélène): Oui, ça me fait plaisir. Concernant le premier commentaire que vous faites, c'est certain qu'au fur et à mesure, je pense, que la commission avançait, la précision sur l'ampleur du type de projet qui serait concerné par l'agence a été précisée.

Cependant, je pense que ce serait peut-être important de l'inscrire soit d'emblée dans le mandat que le gouvernement donnera à l'agence ou... Parce que ça a créé une certaine peut-être confusion, et nous voulions vous amener de toute façon à regarder une autre façon peut-être de voir les choses que ces grands partenariats, là, pour des travaux avec l'État.

Concernant les coopératives italiennes, il y a deux types de coopératives. Celles de type A sont des coopératives qui se font en partenariat avec surtout le palier municipal mais aussi certains services d'État, et sont dans le domaine, entre autres, des garderies, maisons de jeunes, services à domicile, coopératives donc dans ces domaines, des maisons de repos pour les personnes qui sont en recouvrement de leur santé. Alors... mais qui sont plus dans... c'est entre l'intermédiaire, dans le fond, qui ne sont pas dans des services lourds, qui sont dans les services assez légers à la communauté mais qui sont administrés sous forme coopérative, donc impliquant les usagers et les citoyens du milieu.

n (17 h 30) n

Le second type, ce sont des coopératives de travail presque essentiellement qui sont des producteurs de services, qui ont accès à un marché privilégié du milieu municipal, du milieu départemental et régional et aussi de l'État et qui offrent des services très variés.

J'en ai visité, c'étaient des entreprises qui faisaient de la réparation, de la construction, des volets pour... entre autres, une faisait des volets de bois ? il y a beaucoup de bâtiments historiques en Italie ? et inséraient des ex-prisonniers, par exemple. Alors, plusieurs postes de travail dans l'entreprise étaient des postes d'insertion. Mais, comme l'entreprise a un marché qui est protégé auprès des entreprises municipales ou de l'État, ces entreprises sont en croissance, donc les personnes qui font une activité d'insertion souvent peuvent se trouver un emploi permanent, et la coopérative les accompagne aussi pour la recherche dans le milieu de travail.

Alors, il y a des expériences extrêmement intéressantes dans ce type de coopérative là aussi, et on allie donc deux fonctions, et le coût pour l'État est très peu élevé, puisque, de toute façon, c'est les services qu'elle confierait, ce sont des activités qu'elle ferait faire: elle ferait rénover ses bâtiments ou elle ferait arranger ses volets ou ferait... J'ai vu de l'aménagement paysager et de la géomatique avec des jeunes qui étaient séropositifs, qui ne pouvaient pas nécessairement travailler dans toutes sortes de conditions mais qui étaient très performants dans une entreprise de géomatique qui offrait des services géoréférenciés pour les municipalités et la région, l'administration régionale.

Le Président (M. Paquet): Merci. Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: Alors, écoutez, c'est vraiment un projet intéressant parce que, dans votre mémoire, toujours en page 10, vous mentionnez qu'il y a 5 600 coopératives, 156 900 travailleurs dans ce domaine-là, 2 milliards d'euros. Donc, c'est donc très important comme démarche.

Je voulais vous poser la question suivante: Est-ce que ce sont surtout des projets à l'extérieur des grandes villes ou si on les retrouve, ces coopératives, également dans les grandes villes? Est-ce que ça a été une façon de décentraliser et d'aller en région? Parce que franchement, là, j'aimerais ça que vous me donniez vos sources parce que je trouve ça très intéressant de lire sur ça.

Mme Simard (Hélène): Il y a les deux...

Le Président (M. Paquet): Mme Simard.

Mme Simard (Hélène): Excusez-moi. Il y a les deux types, parce que... et naturellement ce type de services va être proche des usagers. Alors, j'en ai visité dans des parcs industriels, parce que c'était de la production plus manufacturière; dans d'autres, un service à la communauté, par exemple dans des ensembles de résidences en milieu urbain: avoir une garderie, avoir des services d'aide à domicile qui étaient sous forme coopérative et qui étaient situés au coeur de l'ensemble d'habitation et qui desservaient donc les citoyens de cet ensemble-là. Peut-être que Mme Brassard, là, qui a étudié un petit peu en détail aussi cet exemple italien là, pourrait compléter l'information.

Le Président (M. Paquet): Mme Brassard.

Mme Brassard (Marie-Joelle): En fait, c'était... Oui, mais ça rejoignait un peu la préoccupation de Mme Jérôme-Forget. L'idée, c'est qu'effectivement, que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural, c'est la réponse aux besoins en termes de services et d'appropriation collective de leur développement dans différentes sphères d'activité par des groupes de la communauté. Donc, dans une coopérative, étant donné que le membre est usager et contrôle aussi la gestion des services qu'il met en place, alors on a une assurance en même temps de qualité et de transparence concernant ces services-là.

Dans une optique où actuellement, au Québec, il y a une demande forte de décentralisation, il y a une demande de prise en charge par les collectivités et il y a une demande de besoins spécifiques à chacune de ces collectivités-là, la nature des besoins étant touchée, bien ça devient pertinent de penser à cette forme-là.

C'est sûr que, quand vous nous dites: On pense en termes de grands projets d'infrastructures, il y a quand même un contexte aussi de décentralisation, de volonté de prise en charge et de ne plus faire du mur-à-mur puis en même temps de pouvoir avoir une prise sur l'orientation qu'on donne à notre milieu. Donc, colorer les milieux selon leurs spécificités, ça le permettrait par la formule coopérative. On rejoint deux choses, là.

Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: M. le Président, je suis parfaitement d'accord avec ce que vous dites: il faut faire confiance aux gens dans le milieu pour bien sûr décentraliser et déconcentrer nos façons de faire. Et surtout je suis parfaitement d'accord avec vous: combattre la tendance gouvernementale de faire du mur-à-mur. Et je pense que tous les politiciens, ici, vont être d'accord qu'il faut qu'on s'adapte et qu'on aille au sur-mesure.

Maintenant, je reviens encore sur une possibilité. Par exemple, est-ce que le gouvernement italien finance des projets de façon décentralisée, en passant d'une façon décentralisée, en donnant aux régions justement la possibilité de faire appel à des services particuliers ou si c'est le gouvernement central italien qui prend les décisions?

Le Président (M. Paquet): Mme Brassard.

Mme Brassard (Marie-Joelle): O.K. Excusez. Est-ce que je peux? Le gouvernement réserve 30 % de son budget lié justement, par exemple, à des services locaux, qui est assuré pour les coopératives. Donc, ce que, nous, on... et ça, c'est sous un certain seuil, un certain seuil au niveau financier, là; donc, question d'alléger et de ne pas avoir des monstres, puis d'assurer aussi la transparence.

Mme Jérôme-Forget: M. le Président...

Le Président (M. Paquet): Oui, Mme Simard.

Mme Jérôme-Forget: Oui, bien sûr.

Mme Simard (Hélène): La loi-cadre italienne donc encadre les municipalités et les régions sur cette question-là mais encadre aussi certains services de l'État, là. Je ne pourrais pas... on pourrait peut-être s'informer sur lesquels. Et qu'on disait... la question du seuil fait que ce n'est pas non plus... on ne va pas dans les grandes responsabilités de l'État ou dans les grands services publics, là, ce n'est pas du tout... La question, c'est souvent des nouveaux besoins émergents, des réponses à des nouvelles réalités, adaptation à ces réalités-là.

Mme Jérôme-Forget: M. le Président...

Le Président (M. Paquet): Merci. En 1 min 30 s, Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Jérôme-Forget: ...il est clair qu'il existe déjà au Québec... vous avez fait référence chez plusieurs groupes communautaires qui sont impliqués dans des démarches, je dirais, un petit peu semblables, là, au Québec. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça? Parce qu'il y a beaucoup de groupes communautaires qui s'occupent de santé mentale, qui s'occupent justement au niveau de la santé. Je pense que mon collègue le ministre de la Santé... je pense que c'est une somme... quelque chose comme 500 millions de dollars par année qu'on donne à des groupes communautaires pour justement venir en aide à toutes sortes de... pour toutes sortes de problématiques. Est-ce que vous pensez à ça également? Est-ce que vous faites référence à ce type d'approche que nous avons?

Le Président (M. Paquet): Mme Simard.

Mme Simard (Hélène): Ce type d'approche existe, c'est vrai, au Québec, puis, dans le nouveau paradigme, on dit: Ça fait partie aussi peut-être des partenaires avec lesquels l'État devrait s'asseoir.

La solution italienne a ceci d'intéressant qu'elle réserve dans le fond une part particulière d'un marché public à ce type d'entreprise là, ce qui fait qu'on les soutient, on les encourage mais on les stabilise aussi. Parce que, souvent, dans le milieu communautaire entre autres, le type de partenariats ou le type de relations qui sont établies avec l'État maintiennent beaucoup de précarité. Alors ça, c'est peut-être des approches qui pourraient être intéressantes à analyser ou à étudier, et c'est pourquoi on vous recommandait de travailler à mandater un comité d'experts pour vraiment creuser ces questions-là et voir comment on peut améliorer nos façons de faire.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors, avec le consentement, le député de Joliette, je crois, aimerait participer à nos travaux de la commission. Je savais qu'il y aurait consentement. Alors, M. le député de Joliette.

M. Valois: Merci beaucoup, M. le Président. Merci aussi aux membres de la commission pour ce consentement. À mon tour, vous souhaiter la bienvenue, à Mme Simard ainsi que tous vos collègues, la bienvenue et un très grand remerciement aussi de la participation que vous faites aux travaux de cette commission par le dépôt de votre mémoire.

À mon tour aussi... évidemment, excusez le temps demandé, là, pour cette attente-là, mais, au-delà de ces salutations et de ces excuses, d'abord regarder puis comprendre ensemble que vous êtes vraiment un groupe qui somme toute demeure quand même assez atypique par rapport aux discussions et aux débats qu'on a généralement dans cette commission. Je m'explique, puis je pense que, vous-mêmes, vous en convenez aussi, de votre caractère un peu atypique, du sens où, à la page 8, vous dites vous-mêmes qu'il faut envisager une troisième avenue et que même la question doit se poser autrement.

Et c'est quoi, cette question-là? Bien, c'est cette question-là, que vous nous avez parlé tout à l'heure, d'espèce de choc culturel, un choc culturel qui, aux dires de votre document et même de vos propos, se situerait entre, d'un côté, les besoins de développer des services qui répondent à des principes de base qui sont d'intérêt général. L'intérêt général, d'un côté, et, de l'autre côté, concilier ça avec d'autres personnes qui basent leurs interventions sur les lois du marché.

n (17 h 40) n

Et, lorsque vous arrivez, vous, c'est pour dire: On ne veut pas se substituer à ce groupe-là mais bien penser une nouvelle offre, un nouveau type de partenariat basé sur ce que vous êtes en réalité et ce que vous représentez, qui n'est pas, non, le mi-chemin, et vous le dites très bien dans votre document, qui n'est pas le mi-chemin entre ce que pense l'État et l'intérêt général et les lois du marché, mais bien une autre façon de voir les choses.

Et c'est d'ailleurs très intéressant, cette façon-là d'apporter les choses, parce que souvent, lors de nos débats, certains vont dire: Moi, je suis d'abord de ceux et celles qui prétendent qu'il faut d'abord créer la richesse et que c'est cette logique-là qui doit être la première, et d'autres qui vont dire: Non, moi, je suis de ceux et celles qui réfléchissent d'abord à cette idée de distribution, et les autres vont dire: Bien, il faut d'abord la créer, la richesse, si on veut la distribuer, et là on embarque dans un débat comme ça.

Mais, vous, vous venez nous dire, puis je pense que le milieu coopératif en général, bien, c'est les deux en même temps, c'est de dire qu'au fur et à mesure que se crée cette richesse-là, bien, elle se redistribue, et c'est l'essence même du modèle coopératif, et, en ce sens-là, on est vraiment dans une case à part, et ça nous amène vraiment à des réflexions qui sont très intéressantes.

Cependant, vous nous parlez, à l'intérieur de votre document, évidemment amplement du modèle italien. La présidente du Conseil du trésor, là, en a longuement discuté avec vous. Mais, au-delà de tout ça, il faut aussi regarder l'offre et ce nouveau projet ou ce nouveau partenariat public-coopératif. J'aimerais vraiment beaucoup plus vous entendre là-dessus, parce que... Est-ce que vous semblez qu'avec le projet de loi qui est sur la table présentement il y a de la place pour vous? Et où vous voyez cette place-là et où vous sentez qu'on a pensé à vous à l'intérieur de ce projet-là? Et quelle est la place que vous aimeriez prendre ou les modifications qui seraient possibles pour que vous puissiez prendre place à l'intérieur de ce projet-là?

Le Président (M. Paquet): Mme Simard.

Mme Simard (Hélène): Alors, c'est certain que l'actuel projet de loi me semble plus un mécanisme pour permettre d'explorer les possibilités de partenariat et faire, je dirais, l'interface, pour ne pas dire le mariage entre un besoin peut-être de services à l'intérieur de l'État, un besoin de transformation des façons de faire et un partenaire privé. Donc, la façon dont le projet semble conçu, c'est plus comme une mécanique qui pèche peut-être un petit peu...

On a parlé de la question de transparence, et nous avons souligné quelques éléments, là, qui nous semblaient absents mais qui nous semblent... Une des clés qui manquent, je pense, qui est absolument importante, c'est le client, l'usager, la personne qui est au coeur dans le fond des services de l'État. Où est-elle, dans ce nouveau mécanisme là? Où est-elle, dans ce nouveau type de partenariat là?

Et, en ce sens, le projet qui donne une mécanique, on a même réfléchi, on s'est dit: Est-ce qu'on demande une place à l'agence? Mais on ne sait pas encore exactement: la finalité de l'agence n'est pas inscrite dans le projet de loi, elle est inscrite en termes de recherche de potentiel et de mise en connexion avec l'entreprise privée, et, nous, on ne se retrouve pas dans le modèle privé traditionnel.

Donc, on dit: Il y a à la fois un danger que le gouvernement choisisse uniquement un type de partenariat et un type de grand projet qui va l'amener à être partenaire beaucoup plus avec des grandes entreprises ou des entreprises extérieures dont on a peu de contrôle comme citoyen aussi. Alors, on dit: Peut-être qu'il y a une mise en garde, il y a peut-être autre chose à explorer avant; ou, dans un autre contexte, de regarder avant de passer à ces grands partenariats là, de se donner un mécanisme qui permettrait de voir si au Québec ou à partir de nos propres racines, de nos propres bases, on n'est pas capables de répondre à ces besoins-là.

Alors, c'est sûr que l'État va regarder si l'État peut y répondre, s'il peut y répondre mieux. Ça, je comprends, là, que ça va être un des rôles de l'agence en termes d'expertise. Mais avant... après ça, quand elle a répondu qu'elle pourrait peut-être faire un partenariat, là on pense que le mot «partenariat» ne devrait pas être accolé à «privé», du moins tel que... Il n'est pas défini, là, dans le projet, mais en tout cas il nous semble qu'il est étroit dans sa définition. Étroit et même, je dirais même dangereux, parce que, est-ce que c'est uniquement ce modèle-là qui est proposé, là? Et, en ce sens-là, nous, on pense qu'avant d'arriver à ça c'est pour ça qu'on dit: Un droit d'option citoyen, on apprécierait que le gouvernement regarde une autre voie avant d'aller de l'avant avec cette voie, là, conséquence à la mécanique qu'il met en place, là, dans l'agence.

Le Président (M. Paquet): Merci. Mme la députée de Mirabel.

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Mme Simard ainsi que vos collègues, merci pour votre participation.

Vous apportez un volet très intéressant, concernant les coopératives. Vous l'avez mentionné surtout à la page 8 quand vous citez le président du Mouvement Desjardins. Je pense que ça résume bien votre idée, je le cite. Alors: «L'à-propos de la formule coopérative me semble devoir être particulièrement considéré dans le contexte actuel de modernisation de l'État, où le gouvernement s'interroge sur la meilleure façon d'assurer la livraison des services publics à la population et où il envisage de nouer divers partenariats qui permettront d'y parvenir plus efficacement et à meilleur coût.»

Moi, j'aimerais vous entendre sur vos inquiétudes, que vous avez soulevées à la page 5 de votre mémoire. Parce que vous savez que la Commission d'accès à l'information a présenté un mémoire et ils ont soulevé plusieurs inquiétudes, et, vous-mêmes, vous en parlez. Alors, j'aimerais vous entendre concernant l'accès à l'information: Est-ce que vous considérez que le projet de loi n° 61 fournit les garanties nécessaires en matière de reddition de comptes et d'accès à l'information?

Le Président (M. Paquet): Mme Simard.

Mme Simard (Hélène): C'est une question, je pense, qui est très importante. Ça a été soulevé aussi par la Protectrice du citoyen, là, et je pense que des alarmes ont été soulevées de façon, je pense, marquée par plusieurs personnes de plusieurs groupes, et on souscrit à ces alarmes-là. On pense que, dans un projet de loi, il faut des systèmes gardiens, et il manque de systèmes gardiens. Je veux dire, la mécanique, on sait comment ça va un peu procéder, mais, par exemple, Mme la présidente du Conseil du trésor nous soulignait que ça va être au-dessus de tel montant. Bon, est-ce que c'est ce type de partenariat là? S'il y en a d'autres, comment ça va s'inscrire? Est-ce qu'il va y avoir des balises?

La question de la transparence nous apparaît extrêmement importante, et on la soulignait. On pense que, de ce côté-là, un partenariat qui implique, entre autres... on l'appelle partenariat coopératif, mais ça pourrait être aussi des travailleurs impliqués... permettrait plus de transparence.

On a vu que, dans les expériences réussies, c'est une des clés du succès. Alors donc, le gouvernement peut être gagnant, là, à introduire des mécanismes très, très... de vigie extrêmement importante sur ces questions-là.

Il y a une absence aussi dans le rapport de mécanismes ou d'obligations d'évaluation, là, qu'il nous apparaît peut-être important de corriger, et je l'ai souligné à plusieurs reprises: le principal intéressé, l'usager, semble absent aussi de la mécanique. Alors, nous, on pense que ce serait très important, là, si le gouvernement va de l'avant, de travailler à bonifier, là, et même à corriger ces aspects-là extrêmement importants de son projet.

Le Président (M. Paquet): Merci. Il reste trois minutes environ.

Une voix: Oui...

Le Président (M. Paquet): Mme la députée de Rimouski.

Des voix: ...

Mme Charest (Rimouski): Oui? Merci, M. le Président. Merci, mesdames et messieurs, pour votre mémoire, il est très intéressant.

Vous parlez d'une voie basée sur l'approche coopérative qui est une approche très intéressante. Est-ce que vous pourriez nous identifier des champs d'activité dans le secteur public qui n'exploitent pas ce type de partenariats, là, avec des partenaires coopératifs mais qui pourraient être des opportunités, à vos yeux, intéressantes, là, pour des projets impliquant les coopératives dans ce fameux projet de PPP, là?

Mme Simard (Hélène): C'est certain qu'on ne peut pas nécessairement faire un inventaire de potentialités, mais...

Mme Charest (Rimouski): Non, mais quelques-unes.

Mme Simard (Hélène): ...des idées générales. Dans le domaine des services à domicile, il y a déjà des choses de développées, on pourrait sûrement faire des partenariats extrêmement intéressants. Dans les services connexes en milieu scolaire, on a parlé d'un exemple, là, mais la plupart des écoles secondaires au Québec où des établissements font affaire soit à l'entreprise privée ou à des services, là... ou à peu de services. Il pourrait se développer une nouvelle approche dans ce type de services connexes, les résidences d'étudiants, entre autres.

Il y a, dans les municipalités, toute l'exploration... Je pense que la Fédération québécoise des municipalités en a parlé, il y a des sociétés mixtes qui sont un peu des formes de partenariat, et il y aurait possibilité d'aller de l'avant avec un partenariat municipal dans des formes de coopératives, dans les coopératives de solidarité, et là inscrire comme institutionnels des institutions du milieu, des usagers et des travailleurs, ce qui permet d'avoir une formule extrêmement intéressante et motivante pour offrir et organiser des services, là.

Et naturellement chaque situation doit être regardée, parce que le service public a sa raison d'être et a été développé avec une certaine vision et une raison d'être. On fait face à des nouvelles façons de voir, des nouvelles façons de faire. Parfois, il faut changer des choses, alors ça peut être intéressant, mais il faudrait regarder des cas plus précis. Tu as peut-être des exemples?

Mme Brassard (Marie-Joelle): Oui.

Le Président (M. Paquet): Mme Brassard, brièvement.

n(17 h 50)n

Mme Brassard (Marie-Joelle): Oui, pour compléter, peut-être dans le domaine de l'habitation. On sait qu'avec le vieillissement de la population il y a des besoins qui se font sentir. Et, bon, dans l'habitation, c'est quand même une gestion collective où on peut très bien greffer des services complémentaires au niveau de... Bon, il y a déjà des ententes entre des coopératives d'habitation et des coopératives de services à domicile. Il peut s'ajouter certains services de transport gérés par le conseil d'administration. Il peut aussi s'ajouter des services rattachés à la santé, comptoirs de pharmacie, alimentation et des choses comme ça, donc non pas dans le domaine de la santé de façon générale. On peut très bien penser qu'il y ait une prise en charge plus grande par les usagers par le biais de coopératives qui existent déjà mais qui peuvent tout simplement diversifier le type de services qu'ils se donnent et qu'ils développent.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors, au nom de la Commission des finances publiques, je remercie Mme Simard, Mme Brassard, M. Brien et M. Simard, qui représentent le Conseil de la coopération du Québec, pour leur participation aux travaux de notre commission.

Je suspends très brièvement les travaux afin de permettre aux prochains intervenants de se joindre à nous.

(Suspension de la séance à 17 h 51)

 

(Reprise à 17 h 54)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous accueillons maintenant les représentants du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale, représenté par... Excusez. Il y a M. Jean Gagné effectivement, agent de liaison, et Mme Nadine Perron... venir une troisième personne que je suis certain que vous allez nous présenter. Nous vous souhaitons à tous les trois la bienvenue et nous vous remercions de participer à nos travaux. Alors, Mme Perron?

Regroupement des ressources alternatives
en santé mentale inc. (RRASMQ)

Mme Perron (Nadine): Alors, oui. Jean Gagné, personne-ressource au regroupement, qui a fait un travail de recherche pour la rédaction du mémoire. Et il s'agit ici de Mme Sylvie Vachon, qui est membre active dans une ressource alternative dans la région de Chaudière-Appalaches.

Alors, notre regroupement regroupe 120 organismes communautaires alternatifs en santé mentale qui sont répartis à travers le Québec. Et ces ressources-là travaillent avec et pour la communauté afin de trouver des alternatives à l'approche médicale en santé mentale.

Alors, nous, nous étions préoccupés par le projet de loi parce que, même si on entend que ce projet de loi là va s'adresser à des projets particuliers, quand on voit le projet en tant que tel, nous, on observait que finalement ça pouvait ouvrir une porte beaucoup plus large que seulement à certains projets, et, aussi, combiné avec la loi n° 25, qui prévoit que les instances locales puissent faire des ententes de services avec les organismes communautaires, il y a aussi une crainte que les organismes communautaires soient alors perçus essentiellement comme des prestataires de services, alors qu'ils sont d'intérêt public et que leur pratique et leur action est beaucoup plus large qu'une simple prestation de services. D'autre part, il y a des expériences aussi... il y a déjà des services qui sont privés actuellement pour les personnes qui ont des difficultés de santé mentale ? c'est essentiellement là-dessus que Mme Vachon va venir témoigner ? et qui, dans beaucoup de situations, nous inquiètent.

Donc, c'est pour cette raison-là qu'on voulait donc se positionner pour l'instant, enfin, pour le retrait de ce projet-là pour finalement peut-être refaire la réflexion, faire une réflexion plus complète pour revenir avec quelque chose de nouveau et plus complet. Donc... ou d'autant plus qu'en santé mentale on se retrouve avec des personnes qui sont vulnérables, vivant souvent dans des situations de pauvreté. Donc, pour le secteur privé, souvent la seule façon de faire des profits avec ces personnes-là, bien, c'est souvent en économisant sur des services de besoins de base.

Alors, sur ce, j'inviterais Jean Gagné à nous partager l'essentiel, là, de notre mémoire.

Le Président (M. Paquet): M. Gagné.

M. Gagné (Jean): Oui. Je vais y aller en résumé, là, compte tenu que le temps est compté et que, j'imagine, vous avez entendu beaucoup d'arguments jusqu'ici. Alors, je me sens un peu, là, comme le 22e candidat à un concours. Alors, bien, j'y vais tout de go, de toute façon.

Dans un premier temps, je vous économise un peu les recherches étymologiques qu'on a faites sur le mot «partenariat», mais je préciserai que, sur les origines, on dit souvent que c'est une initiative anglaise, les PPP, qui date de 1999. En fait, quand on recherche un peu, on voit que ce sont les PFI, qui datent de 1992. Ce qui est intéressant à voir là-dedans, c'est que finalement c'est un gouvernement conservateur qui a inventé la chose et que c'est un gouvernement travailliste qui l'a reprise en transformant le nom, qui était devenu assez critiqué dans la presse britannique, que je cite dans le mémoire, entre autres le British Medical Journal qui étiquetait ça de ? je vais le dire en français ? d'idiotie perfide financière au lieu de partenariat financier.

La même chose s'est produite en France. On avait en France les Marchés d'entreprises de travaux publics qui ont aussi connu un échec public, c'est-à-dire que je fais référence à l'histoire des rénovations des lycées de l'Île-de-France qui ont donné lieu à de grands scandales. On a parlé de pactes de corruption pour désigner les METP, et, encore là, en France, on voit le projet réapparaître, en juin dernier, avec une directive gouvernementale, et il y a même des... Bien, en tout cas, on en a discuté au Parlement français pour dire: Bien, voilà, on est en train de réinstaller la même chose; ceci dit, pour un peu nous alerter, là, devant le caractère novateur. Non, il y a des expériences qui ont déjà été faites, et il y a des dangers qui sont déjà là desquels il faudrait tenir compte.

Les attentes qu'on peut avoir de tels projets, on les connaît: ce seraient les réductions du rythme d'endettement de l'État ou la réduction de l'endettement de l'État comme telle, la réduction des frais d'entretien, de maintenance, et tout ça, des projets publics ou enfin qui seraient liés aux coûts de la maintenance, les réductions des coûts de la main-d'oeuvre. On imagine qu'on embaucherait du personnel mieux ciblé, donc plus rentable, plus précis pour le projet, plutôt que d'être pris avec les normes habituelles du gouvernement, et enfin on éviterait toute la réglementation, ce que les Anglais appellent le «red tape» finalement, hein, en embarquant un peu dans le modèle privé plutôt qu'un modèle gouvernemental un peu lourd.

n(18 heures)n

Certaines hésitations de notre part par rapport à ces éléments qui semblent séducteurs à première vue, assez généraux, je dirais. D'abord est-ce qu'on peut vraiment combiner sans polluer ou sans pervertir finalement l'intérêt public et l'intérêt financier, l'intérêt, le profit, faire des profits et défendre l'intérêt public? Est-ce qu'on peut considérer des citoyens qui ont droit à certains services, à une certaine solidarité... C'est notre civilisation, c'est le résultat finalement de nos politiques, des politiques de ce gouvernement depuis des dizaines d'années, est-ce qu'on peut confondre ça avec des clients, des clients qui servent... Il ne s'agit pas de les exploiter nécessairement, mais il s'agit de faire du profit. C'est différent finalement que de défendre leurs droits.

Est-ce qu'on peut transformer en marchandise des biens qui sont essentiels comme l'eau, la terre, l'air, etc.? En tout cas, pour l'eau, Mme Forget pourra nous en reparler, je crois que c'est comme un thème récurrent. Est-ce qu'on peut transformer ça en marchandise? Est-ce qu'on peut prendre le risque d'aliéner la qualité de ces éléments fondamentaux là pour les générations futures? Enfin, il y a une question d'éthique fondamentale qui a été soulevée, entre autres, par Hans Jonas qui parlait du principe responsabilité. Est-ce qu'on peut laisser moins de choix que nous en avons nous-mêmes aux générations qui suivent? J'allierais, j'allierais à ces biens essentiels, à ces biens fondamentaux aussi les questions de dignité humaine, qui deviennent à mon avis des biens essentiels aujourd'hui, comme le droit à l'éducation, le droit à la santé, etc. Je crois que ça aussi, ça ne peut pas devenir... ou enfin il y a un risque à transformer tout cela en marchandise. L'autre risque qui accompagne celui de transformer tout cela en marchandise, c'est aussi de retirer de la discussion publique des questions comme celles que je viens de nommer, c'est-à-dire que ce soit l'eau ou que ce soit l'éducation.

Ensuite, est-ce que les partenariats public-privé risquent de transformer le rôle de l'État en en faisant en quelque part une espèce de courtier d'affaires pour les affaires publiques, pour les responsabilités anciennement du public, plutôt que ce qu'il est actuellement, le gardien d'un certain équilibre dans le marché des affaires privées comme telles?

Dans la réalité, j'ai nommé quelques attentes qu'on a. Dans la réalité, quels pourraient être les apports réels? Les frais d'emprunt qu'on économiserait en les faisant assumer par une firme d'ingénieurs, par exemple, bien cette firme-là, inévitablement, va avoir des taux d'emprunt qui vont être supérieurs à celui d'un corps public, d'une part, et, d'autre part, il va devoir les retransformer, lui, en frais que quelqu'un doit avoir à payer, et ce sera l'État qui aura à payer. Le partenaire public aura à payer ces frais-là qui au passage auront ramassé un petit peu de profit, c'est normal. Dans la littérature, du côté français, on parle, à ce sujet-là, de bombes fiscales. Un jour ou l'autre, il va falloir payer la note. Même si on fait passer l'endettement à la colonne des dépenses courantes, il reste que ces dépenses-là sont réelles quand même.

Le risque des dépassements des... qu'on pense éviter en donnant des contrats. En fait, dans la réalité, quand on regarde, par exemple, au Nouveau-Brunswick, on a eu une expérience pour l'administration des affaires de la justice. Le contrat a coûté au total 4,3 millions, et, comme il ne rendait pas les marchandises que le Nouveau-Brunswick s'attendait, on a calculé que les frais pour s'en défaire, de ce fameux contrat là, un règlement hors cour a coûté 3 millions. Donc, 3 millions sur 4,3 millions pour se défaire d'un contrat. Parce que c'est l'État qui, en dernière analyse, est toujours responsable de ces choses-là. Si le partenaire ne roule pas au goût de l'État, l'État ne peut pas faire faillite. C'est l'État qui doit assumer finalement ce qui est en...

Un autre exemple, Hamilton Est et la gestion de l'eau. Le contrat prévoyait que le partenaire privé était responsable, mais jusqu'à un certain montant, des erreurs qui pouvaient arriver, et il n'était pas responsable des déversements qui se faisaient en dehors du réseau. Et c'est effectivement ce qui est arrivé: on a pollué le port de Hamilton, et ces frais-là ont été payés par la municipalité. Résultat, la ville de Hamilton prévoyait des augmentations de tarifs pour la consommation d'eau, tout en prévoyant aussi maintenir le fameux contrat.

Les emplois. Les emplois, ça coûte moins cher, mais on crée du chômage dans une communauté, puisqu'on remplace les anciens fonctionnaires par de nouveaux employés. L'expertise que ces employés-là avaient va s'en aller ailleurs ou ne servira plus; il y a une perte d'expertise. Il y a une diminution aussi souvent des services. Encore un exemple du Nouveau-Brunswick où on a fait administrer un système des affaires sociales, où on a réduit le nombre de personnes qui pouvaient répondre aux appels des éventuels bénéficiaires. Et l'objectif était de réduire le nombre de bénéficiaires, mais en tout et... on a atteint les objectifs financiers, on a réduit les coûts du système, mais, dans les faits, les personnes qui autrefois y avaient recours se retrouvent avec des problèmes de santé et des problèmes sociaux qui sont plus graves et qui vont coûter plus cher à long terme. Donc, détérioration des services pour la communauté, encore là.

Déshabilitation de l'État aussi. Déshabilitation de l'État, puisque, si on donne des contrats à long terme de 30 années, 40 années, 50 années pour faire certaines choses, on n'aura plus les fonctionnaires, on n'aura plus les experts pour diriger ça. Alors là, on a une difficulté aussi de revenir en arrière si on signe de tels contrats. C'est toute une mémoire institutionnelle finalement qui se perd. Et souvent je revois beaucoup, quand on étudie la littérature, des noms comme Andersen... d'expertise qui s'en va vers les États-Unis aussi, qui quitte finalement chez nous.

Économie sur les règlements fastidieux de l'État qu'on a construits pour simplement faire de l'autorité. Bien, je n'ai pas besoin d'en parler plus longtemps, l'exemple de Walkerton, hein, il y a eu quand même... on a évité de respecter certains règlements avec les résultats qu'on connaît. J'évoquerai aussi une petite recherche qui a été faite par le King's Fund en Angleterre, qui disait: Bien, pour répondre finalement aux exigences normales, les PPP coûteraient un tel prix finalement que leur séduction deviendrait moins intéressante. C'est-à-dire que, pour les rendre sécuritaires, ça coûterait à peu près ce que ça coûte de toute façon pour faire des services de qualité quand l'État les assume eux-mêmes.

J'ai évoqué la France tantôt; on pourrait penser aussi à la construction du terminal 1 de Roissy qui s'est écroulé. Il y a eu beaucoup de commentaires à l'effet qu'effectivement l'ADP, qui est un organisme d'État, était responsable de faire tous les contrats privés du monde et, entre autres, de la sécurité là-dessus, mais on a évoqué souvent qu'il y a eu des accidents qui ont précédé l'écrasement du terminal comme tel et que les employés ont évoqué que l'empressement qu'on avait à terminer les travaux aurait été responsable de certaines négligences dans la construction comme telle. Dans le mémoire, vous avez les références, là, pour vérifier ces notes-là qui ont de l'air un peu, là, impressionnistes mais qui ne le sont pas tout à fait.

Puis enfin je n'y reviens pas trop longtemps parce qu'il semble qu'on a en parlé récemment, c'est toute la question de transparence sur la composition même de l'agence, un groupe quand même suffisamment restreint. Quelles sont les garanties? Je le pose en question, mais quelles sont les garanties que ces gens-là vont avoir une supervision éthique et une supervision sur l'absence de conflits d'intérêts? Il y a une espèce de saut du privé au public aussi auquel on peut s'attendre, puisque, pour les questions d'expertise, on veut que l'agence soit dirigée, au niveau du C.A. ou au niveau de la pratique quotidienne, par, entre autres, des gens du privé. Comment est-ce qu'on va s'assurer qu'effectivement ce ne soit pas comme un cheval de Troie dans l'État? Et aussi, en Angleterre, c'est une des critiques qui sont revenues assez souvent dans les études de presse qu'on pouvait voir, c'était cette espèce de: Je suis fonctionnaire et je suis parmi ceux qui peuvent accepter ou refuser un projet et, oups! quelque temps plus après, je suis parmi les gens du privé qui peuvent vous conseiller sur comment avoir des bons contrats avec l'État. Donc, comment éviter ce genre de... bien, enfin ce qu'on a connu en France, là, ces espèces de groupes corruptibles?

En santé ? ça va ? en santé, j'y vais très rapidement. On cite souvent l'Angleterre parce qu'en Angleterre, en utilisant les PPP, on aurait atteint des moindres coûts de la santé publique. Ce qui serait vrai, mais il semble aussi qu'on a aussi les moins bons services publics, c'est-à-dire que les services publics qui sont donnés, on voit l'augmentation des lignes d'attente. On voit aussi que le privé donne des services... Romanow a constaté la même chose pour le Canada et les États-Unis, c'est-à-dire que, quand le privé donne des services de santé ? c'est un effet secondaire, je dirais ? il les donne là où c'est le plus rentable, les cataractes ou je ne sais trop, et finalement ce qui fait qu'il y a une espèce d'engorgement du public avec des cas qui sont plus lourds, plus coûteux d'une part. Mais il y a aussi ce que Romanow soulevait, que je trouvais intéressant, c'est que, quand le privé rate son coup, quand on rate une opération des cataractes et que ça va coûter très cher à faire la suite finalement de cette erreur-là, là on s'en va vers le public. Alors là, il y a une espèce de parasitage finalement du public qui se fait dans le développement du privé. Alors, il faudrait surveiller cet engorgement possible là.

n(18 h 10)n

L'exemple de l'Écosse aussi, où on a fait une expérience de privatisation d'un hôpital, montrait... Je vais rapidement, les exemples plus chiffrés sont là, mais on se rend compte que finalement, pour réduire les lits, on peut le faire effectivement, sauf qu'on ne fait pas de magie, on remplit ces lits-là avec des cas qui sont plus lourds, plus urgents, les cas qui le sont moins restent à l'extérieur, et ce n'est pas vrai qu'il se développe automatiquement des services communautaires au côté. Le Vérificateur de l'Écosse... Oui, il faut que...

Une voix: ...

M. Gagné (Jean): Je voulais simplement signaler que le Vérificateur de l'Écosse a conclu que la seule solution maintenant, c'est soit qu'on se contente d'avoir moins de services ou on réinvestit comme public pour avoir les services auxquels on s'attendait dans le fameux contrat qu'on avait fait. Voilà. Je dirais cependant aussi pour commenter, pour Romanow, il y avait l'idée que les services de santé, selon lui, on ne devrait jamais penser à une participation du privé justement parce que c'est trop important et que c'est trop d'intérêt public.

J'ajouterais quand même les services d'hôtellerie, les services de cafétéria, les services de nettoyage aussi. J'ai une parente qui a été victime du Clostridium difficile et je crois que les services d'entretien dans un hôpital sont tout aussi importants que les services cliniques, mais je me suis permis de faire un peu de privé ici.

Dans la santé mentale spécifiquement, on n'a pas trouvé de services très proches, là. J'ai vu que, dans les... c'était la même chose, la construction d'hôpitaux, de l'entretien à long terme, puis tout ça. Donc, les mêmes critiques, les mêmes réserves pourraient s'appliquer, sauf qu'il y a une histoire, et c'est là qu'on va en venir. Il y a déjà une espèce de PPP... pas une espèce, un PPP, un public-privé qui existe dans notre système, c'est souvent au niveau de l'hébergement en santé mentale. On pense aux familles d'accueil, on pense aux résidences intermédiaires, mais on pense aussi aux résidences non conventionnées. Je citais un cas connu comme Chez Lise, puis vous avez sûrement entendu parler de ça mille et une fois. Il y a des cas qui ont passé dans la presse, au sens large, l'hiver passé où on voyait qu'il y avait beaucoup de bénéficiaires qui se retrouvaient dans des maisons qui n'ont aucune protection. On voulait vous présenter un témoignage sur cette chose-là très rapidement.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup.

M. Gagné (Jean): Mme Vachon.

Le Président (M. Paquet): Il reste 1 min et 10 s, Mme Vachon.

Une voix: ...

Le Président (M. Paquet): Ou si vous voulez, Mme Vachon, si le consentement... on peut vous donner peut-être trois minutes, de consentement. Allez-y, Mme Vachon, vous avez trois minutes.

Mme Vachon (Sylvie): O.K. D'abord, moi, je tiens à mentionner que mon implication bénévole depuis bientôt 10 ans dans un organisme communautaire, ça a fait de moi ce que je suis aujourd'hui, c'est-à-dire une personne autonome, capable de s'affirmer, ayant à coeur le communautaire puis d'y trouver ma place, un certain équilibre et bien-être.

Parce que je crois en l'être humain et en ses droits; parce que je crois à la capacité d'évolution de chacun dans notre société; parce que j'ai pris connaissance du mémoire sur le partenariat public-privé rédigé par le regroupement; parce que je suis d'accord et appuie les grandes lignes ressortant de ce mémoire; parce que je connais les dessous du milieu privé pour y avoir travaillé deux ans comme préposée; parce que je suis inquiète quant aux conséquences et à l'impact que pourrait avoir, dans notre société, une loi sur le partenariat public-privé comme celle que le gouvernement songe à nous imposer; pour toutes ces raisons et avant tout pour le bien-être des bénéficiaires qui risquent d'être touchés par de tels bouleversements, en tant qu'ex-employée en milieu privé, j'appuie le regroupement dans sa démarche en partageant mon expérience, espérant qu'elle soit écoutée et entendue, qu'elle soit prise en considération assez pour amener nos dirigeants à revoir de plus près ce projet de loi n° 61. J'affirme que tous les faits cités ont été vus, entendus, vécus personnellement et sont vérifiés.

Public, privé, ce qui importe avant tout, c'est le bien-être de la clientèle qui utilise et utilisera un service ou l'autre. Mon expérience en milieu privé avec une clientèle ayant une problématique en santé mentale me laisse sceptique et m'amène à douter que les objectifs visés soient possibles à atteindre.

Salon-fumoir, salle de bain, salle à manger communes. Espace restreint obligeant la clientèle à cohabiter deux par chambre. Accès interdit au frigo, à la cuisinière, aux armoires. Un aperçu de la journée d'un bénéficiaire en milieu privé. Pour les besoins de la cause, je nommerai le pavillon X.

D'abord, le lever à une heure bien précise, pas question de descendre en bas avant l'heure déterminée par la propriétaire du pavillon X que je nommerais Mme Boss. Avant d'avoir accès au déjeuner, chaque bénéficiaire passe par la médication, celle-ci gardée dans une espèce de garde-robe, puis chacun, à tour de rôle, défile, a droit au café surveillé, compté, limité. En passant, je n'ai jamais vu de déjeuner oeufs ou de déjeuner gruau pour faire changement. Celui ou celle qui ne s'est pas présenté à l'heure fixée doit attendre le repas suivant. Les fumeurs et fumeuses passent, après déjeuner, à heure précise, à la distribution des cigarettes gardées dans le même garde-robe que la médication. La quantité et la fréquence accordées diffèrent pour chacun.

Pourtant, c'est un bien, un petit plaisir qu'ils se paient tous à même leur chèque du mois. Certains bénéficiaires masculins partiront bûcher du bois avec le conjoint de Mme Boss. Dit en passant, le poêle à bois est installé à la maison privée de Mme Boss. D'autres auront pour tâche le déneigement à la pelle non seulement de l'entrée privée du pavillon X, mais aussi l'entrée privée de Mme Boss. L'été, c'est la tonte du gazon à la tondeuse et l'entretien des jardins. Les jardins désignent le jardin du pavillon X et le jardin de Mme Boss. La clientèle restante entre les murs du pavillon X s'affaire à la lessive, au ménage de leur chambre ou à rouler des cigarettes. L'heure fixée pour le dîner est arrivée, certains passeront encore une fois par la médication avant de se faire servir un repas.

Parfois, en après-midi, les bénéficiaires du pavillon X auront droit à une collation: fruits. Pour ce qui est du café, celui qui ferait du bien au moral, réchaufferait et ferait plaisir, il est rarement autorisé. Certains bénéficiaires peuvent sortir et se déplacer dans le village. Reste à savoir si Mme Boss juge de sa responsabilité de voir à la sécurité des bénéficiaires. Récemment, je fus témoin qu'un client hébergeant au pavillon X s'est présenté au moins à deux reprises à un organisme communautaire en plein délire, tantôt gesticulant...

Le Président (M. Paquet): Mme Vachon. Excusez-moi, Mme Vachon, je vous prierais, s'il vous plaît, vraiment de conclure parce qu'on est vraiment au-delà du temps qui était alloué. Peut-être à la période de questions, s'il y a des questions qui se posent, vous pourrez y répondre, mais je vous prierais, en moins de 30 secondes, s'il vous plaît, de conclure votre présentation. Oui, M. le député de Richelieu.

M. Simard: ...pour faciliter le travail, nous avons l'essentiel de ce que vous nous dites actuellement dans le mémoire et tout à l'heure, dans la période de questions, on pourra peut-être vous demander quelques précisions de façon à compléter votre témoignage. Sachez que nous l'avons lu avec beaucoup d'attention.

Le Président (M. Paquet): Merci. Tout à fait, je concorde avec le député de Richelieu, effectivement.

Mme Vachon (Sylvie): D'abord, je tiens à mentionner que mon témoignage n'est pas inclus dans le document.

Le Président (M. Paquet): Si vous voulez le joindre, ça me fera plaisir de l'accepter en dépôt de document.

Mme Vachon (Sylvie): Bien là, vous allez hériter de mon brouillon parce que je l'ai fini ce matin.

Le Président (M. Paquet): Ce n'est pas grave, on en fera des copies, des photocopies.

Mme Vachon (Sylvie): O.K. Moi, ma conclusion ? en tout cas, je vais donner mon paragraphe de la conclusion ? moi, ça m'arrive de penser puis d'essayer d'imaginer quels seraient les conséquences puis l'impact sur le pavillon X de Mme Boss si elle était tenue à une certaine réglementation ou encore si un conseil d'administration siégeait, formé de gens de la communauté puis des bénéficiaires aussi qui seraient assez en état pour s'y joindre. C'est ça, je serais curieuse de voir, si ça prenait le jour dans son établissement, que l'intérêt ne serait certainement pas le même, puis l'intérêt personnel ferait place à un intérêt commun, puis ce serait alors le gros bon sens qui primerait, d'après moi, là.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Mme la députée de Matane.

Mme Charest (Matane): Alors, ma question s'adresse à vous trois. En fait, je lis et je constate après vos représentations qu'il y a une certaine crainte à voir l'avènement des partenariats privé-public notamment, et, si je le comprends bien, à l'égard des services. Dans les propos qui ont été tenus lors de cette commission, on a bien évidemment centré et mis l'importance sur des programmes et des projets qui seront des projets essentiellement au niveau d'infrastructures beaucoup plus qu'au niveau des services.

n(18 h 20)n

Mais mon interrogation est la suivante: je vois, dans l'exemple que madame nous donnait tout à l'heure, un exemple beaucoup plus de privatisation, de services privés que de services de collaboration entre partenariats privé-public. Comment vous y verriez, comme organisme, une collaboration du public et du privé pour mieux desservir la clientèle que vous connaissez bien et qui, j'en suis certaine, aurait besoin de fonds que... Donc, vous le savez très bien, dans le domaine de la santé mentale comme dans beaucoup de domaines de la santé, le financement est une problématique. Comment vous verriez, si vous aviez à envisager un partenariat, une forme qui répondrait à vos attentes?

Le Président (M. Paquet): Mme Perron.

Mme Perron (Nadine): Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, les organismes communautaires étant administrés par la communauté, on peut le voir comme une forme privée. Et, pour nous, c'est une forme au niveau de la santé beaucoup plus sécuritaire parce que qu'est-ce que la communauté a à coeur, c'est le bien-être de sa communauté. Donc, elle n'a pas un intérêt personnel, c'est une implication, un engagement. Donc, pour nous, entre autres au niveau de l'hébergement, qui est actuellement souvent privé, c'est une voie qui nous apparaît beaucoup plus sécuritaire et qui se préoccupera davantage du bien-être des personnes.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. Gagné.

M. Gagné (Jean): Oui. Il s'agit quand même à mon avis de partenariat public-privé quand on parle de familles d'accueil ou de résidences intermédiaires, puisqu'il y a un mandat de l'État. Le mandat, ce qu'on constate, l'exemple du pavillon X, l'exemple de... pas l'exemple Chez Lise parce qu'il n'est même pas conventionné, Chez Lise, mais c'est que les conventions ne sont pas respectées parce que ce n'est pas assez payant, ce qui est versé par l'État pour le faire, et comme... Alors, les gens vont chercher des petits profits. Ils doublent la capacité qui est autorisée, on économise sur ceci ou sur cela.

Et, nous, on dit: Pour éviter ce danger-là, une alternative possible serait effectivement que ce soit de la gestion communautaire, c'est-à-dire qu'il y ait une supervision par un conseil d'administration formé de citoyens dont l'intérêt est la tenue du service et non pas d'y gagner leur vie ou d'en tirer profit. Alors, on voit une espèce d'alternative, là. Je pense que tantôt on parlait de partenariat avec des coopératives, on pourrait penser à un partenariat aussi avec des ressources alternatives dans ces domaines-là, avec ces garanties finalement du citoyen généreux, comme il y en a toujours eu au Québec, qui s'occupe de sa communauté. Voilà un peu la différence.

Mais, à notre avis, il s'agit rarement d'une entreprise purement privée, il y a un mandat qui est donné par l'État. Et souvent les travailleurs sociaux nous disent: Oui, je sais qu'il se passe certaines choses, je sais qu'ils ont doublé leur capacité, mais je n'ai pas d'autre endroit à les référer, et il faut les sortir de l'hôpital. Qu'allons-nous faire?

Le Président (M. Paquet): Mme la députée de Matane.

Mme Charest (Matane): Donc, si je comprends bien, ce serait... vous voulez une implication ou une possibilité pour le citoyen qui veut s'impliquer de le faire, et la formule, par exemple, comparative à celle des CPE serait-elle une formule qui, au niveau de la santé mentale, serait un bon alliage du partenariat privé-public dans le sens de ces services-là?

Le Président (M. Paquet): Mme Perron. Et Mme la présidente du Conseil du trésor a une question par la suite. Mme Perron.

Mme Perron (Nadine): Je ne connais pas tous les détails du fonctionnement des CPE, mais une chose que je sais, c'est qu'il y a beaucoup de... Je pense que, pour laisser à la communauté toute sa créativité, je pense qu'il faut faire aussi en même temps attention à trop normaliser aussi, de mettre trop de normes mur à mur aux organismes communautaires, parce que ce qui fait leur richesse, c'est justement leur créativité, les idées qu'ils vont avoir à partir des forces de leur milieu et des forces des personnes qui s'impliquent, là. Donc, je pense que, quand on parle de... Et c'est un peu pour ça tout à l'heure que je faisais un lien avec la loi n° 25 et les instances locales en santé, c'est que, si le partenariat est très, très ciblé sur des services, bien, à ce moment-là, il n'y a plus de place à la communauté à créer quelque chose de nouveau parce que la commande arrive directement, c'est tel service que vous devrez offrir, alors que la richesse de l'alternative, c'est justement que les idées sont développées par la communauté et que les idées de services sont développées par la communauté. Donc, elles viennent du bas au lieu d'être une commande qui va venir par le haut, si je peux m'exprimer ainsi.

Le Président (M. Paquet): Merci. Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: ...M. le Président. Je viens de recevoir une lettre du Vérificateur général et je voudrais qu'elle soit déposée immédiatement, M. le Président. Vous comprendrez que j'ai toujours tenu à une notion d'éthique et de transparence, et non seulement le rôle que doit jouer le Vérificateur général, et par conséquent je dépose cette lettre. Et je pense que c'est bien important que mon collègue en prenne connaissance, et je me réjouis de cette position.

Maintenant, j'aimerais poser une question. Je voudrais simplement rappeler au présentateur que le projet de loi... Vous avez parlé, madame, d'un volet ? Mme Vachon en particulier ? un témoignage extrêmement touchant, mais je vous ferai remarquer que ça se passe dans la situation actuelle, d'accord, et par conséquent c'est bien avant l'apparition d'une agence sur les partenariats public-privé. Donc, le témoignage que vous nous donnez, qui est, j'en suis sûre, véridique et qui, comme je le disais, est très touchant, ça ne se passe pas parce qu'il y a des partenariats public-privé. Ce dont vous parlez, c'est une entreprise privée qui offre des services et sur laquelle il semblerait que l'État n'a pas de contrôle. Dans un partenariat public-privé, l'État doit demeurer la maîtrise d'oeuvre, et la mesure, M. le Président, c'est précisément le service. Ce n'est pas de donner n'importe quelle place à quelqu'un, c'est de donner un service.

Et d'ailleurs je vous ferai remarquer que ce que nous faisons est en continuité avec ce qui se faisait avant que nous arrivions. Vous semblez indiquer qu'il y a une brisure. Moi, je veux que vous sachiez que l'agence que nous mettons en place et précisément le but de cette agence, c'est développer une expertise à l'intérieur du gouvernement, mais que déjà il y avait, à l'intérieur de mon ministère, un bureau des partenariats public-privé. Et permettez-moi de vous lire une phrase de l'ancien premier ministre, l'actuel chef de l'opposition, au sujet des partenariats public-privé. Et voici ce qu'il disait, et ça, c'était M. Landry, d'accord: «Je suis tout à fait ouvert aux partenariats public-privé, on retrouve ça autant dans des pays très capitalistes que dans des pays socialistes. Je n'ai rien contre ça à la condition que, s'il y a transfert de personnel de la fonction publique à l'entreprise privée, les conditions de travail soient respectées. Il ne faut pas aliéner les biens publics...»

Alors, vous comprendrez que ce que nous faisons aujourd'hui, c'est quelque chose qui était fait. Il y avait eu d'ailleurs un projet de loi fait par nos prédécesseurs pour les infrastructures de routes en partenariat public-privé. Alors, ce que nous faisons, c'est au contraire, on veut justement contrer la privatisation pure et simple, parce que, dans le partenariat public-privé, vous avez, M. le Président, le mot «public». Je sais que j'ai dépassé mon temps.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. M. le député de Richelieu.

M. Simard: Oui. Une petite remarque sur le dépôt de la lettre du Vérificateur général, qui est une lettre très importante, qui est une petite bombe dans nos travaux, qui contredit plusieurs des affirmations précédentes et qui est envoyée non seulement à la ministre, mais il y a copie au président. Donc, la commission en avait nécessairement copie. J'espère que nous aurons l'occasion de l'aborder, le contenu de cette lettre. Pour l'instant...

Le Président (M. Paquet): M. le député de Richelieu, je vous ferai remarquer que je n'ai pas encore eu de copie de la lettre. On est ici depuis trois heures, là, mais j'imagine qu'on...

M. Simard: Nos horaires sont bizarres.

Le Président (M. Paquet): Mais, dès que je l'aurai, je vous en... Je vous en aurais transmis copie, de toute façon.

M. Simard: Enfin, je l'ai reçue. J'imagine que mon fax a été plus rapide que le vôtre.

Le Président (M. Paquet): J'étais assis ici, oui.

M. Simard: C'est ça. Je voudrais simplement saluer les gens qui ont pris le temps de faire une analyse très complexe, très détaillée, des gens qui vivent des situations réelles aussi, qui ne sont pas uniquement des théoriciens. Et, Mme Vachon, tout à l'heure, je vous ai interrompue, ce n'était pas pour vous rendre le travail plus difficile, je voudrais au contraire profiter du temps qui m'est imparti, de vous le donner pour que vous terminiez de nous donner le témoignage que vous aviez prévu de nous donner. Je pense que ce serait important que nous vous entendions.

Le Président (M. Paquet): Mme Vachon.

n(18 h 30)n

Mme Vachon (Sylvie): Oui. Là, c'est ça, j'essaie de trouver... Pour vous donner un fil, un fil qui va avoir... Bon. Ça fait que c'est ça, j'étais rendue à l'épisode où certaines personnes qui restaient entre les quatre murs, eux autres faisaient le lavage, s'affairaient au ménage des chambres puis roulaient des cigarettes pour les autres.

Là, c'est ça, c'est rendu à un exemple concret qui est arrivé il n'y a pas tellement longtemps, il y a à peu près une couple de semaines. Un bénéficiaire du pavillon X, qui s'est retrouvé dans un organisme communautaire, qui était en plein délire puis qui gesticulait, tantôt qui implorait tous les saints du ciel, finissant par nous faire part de ses idées suicidaires. Un membre de l'organisme crut bon et plus sécuritaire de reconduire cette personne au pavillon X. Il s'entretient avec Mme Boss sur les récents événements; elle lui répond que l'organisme n'a qu'à le barrer, le mettre à la porte ou faire appel à la police.

Il y a de quoi s'interroger sur le sens que Mme Boss donne au mot «responsabilité». Un client ayant un problème x lui est confié, elle accepte de l'héberger, en connaissance de cause. Ce bénéficiaire paie pour un hébergement, au même titre que tous les autres bénéficiaires, à même son chèque du mois. Un travailleur ou une travailleuse sociale a jugé bon et plus sécuritaire de le placer au pavillon X, son client, afin de lui offrir une certaine sécurité, un certain encadrement. Suite à ce fait, où est le bien-être, la sécurité, l'encadrement dans ce milieu privé?

Certains bénéficiaires sont reconnus, étiquetés comme étant difficiles, chiâleux, levant le nez sur la qualité des repas et la fraîcheur des aliments servant à la préparation de ceux-ci. Pour avoir cuisiné sous les ordres de Mme Boss, j'ai moi aussi un certain doute, pour ne pas dire un doute certain. Comment un fromage ayant au départ une odeur particulière pourrait même passer dans une quiche, ne pas laisser un arrière-goût et ne pas être qualifié d'aliment passé date? Plusieurs livres de poulet cuit sur le charbon de bois pendant un barbecue champêtre de la paroisse sont entassés dans de gros sacs à poubelle et laissés gratuitement à Mme Boss. Tous les dimanches midi, ce mets revenait comme un privilège jusqu'à épuisement du stock. Juste une petite parenthèse: j'habite la même paroisse que Mme Boss, je suis monoparentale ayant sous ma garde trois enfants et je ne me suis jamais vu offrir ou bénéficier d'une telle opportunité.

Le dimanche, à l'heure du souper, il arrivait que certains bénéficiaires avaient droit de toucher un peu plus d'argent, de leur argent, entre 8 $ et 10 $, afin d'aller au restaurant. Ce que je n'ai jamais bien saisi, c'est pourquoi certains n'avaient pas ce droit. Pourtant, chacun reçoit un chèque chaque mois. Libre de quitter le pavillon X, me direz-vous? Mais quitter le pavillon X, ça semblait être une tâche assez ardue et compliquée, presque un tour de force. J'ai vu et entendu des tiraillements, déchirements, conflits interminables avec certains bénéficiaires exprimant leur désir, leur choix, leur intention, leur besoin de quitter le pavillon X, par le fait même, Mme Boss.

Plus récemment, une bénéficiaire ayant hébergé pendant presque 10 ans à ce pavillon X prend la décision de quitter et de déménager dans une autre paroisse. Étant seule, sans famille proche, l'organisme communautaire de l'endroit offre à la déménager bénévolement. À leur arrivée, dès 8 h 30 le matin, cette bénéficiaire était déjà sur le perron avec tout son bagage sorti. Fait à noter, aucun autre bénéficiaire ni Mme Boss ne l'accompagnait pour lui souhaiter bonne chance, l'encourager, la supporter dans sa nouvelle démarche.

Être employé au pavillon X privé comporte certains risques pour l'équilibre et la confiance en soi. Le recrutement se fait parmi une catégorie de personnes, ciblée par Mme Boss: genre vulnérable, réservée, manipulable, donnant sans compter et à faibles revenus; la proie idéale à l'exploitation. Payé par chèque personnalisé, aucun talon de paie, impossible de vraiment vérifier et être certain que tout le temps donné ici et là en surplus soit reconnu et rémunéré. Au point de vue nourriture, repas, le mets qui pour ma part m'est revenu le plus souvent: des rôties.

Ayant été embauchée pour travailler les fins de semaine, je devais passer la nuit du samedi au dimanche sur place. Je couchais sur un divan-lit qui avait amplement fait son temps, même divan qui servait à toute la clientèle pendant la journée. Grandes fenêtres garnies sur les côtés seulement d'un mince voilage, laissant la lumière des éclairages de rue et la clarté du jour pénétrer amplement. Ce salon était à aire ouverte, autant le jour que la nuit, aucune chambre...

Une voix: ...

Mme Vachon (Sylvie): C'est ça, je vais continuer le paragraphe, là, puis je vais arrêter là. De toute façon, j'ai donné ma conclusion tantôt, ça fait que ça va tout résumer. C'est des faits, c'est surtout des faits que j'ai pris connaissance, le reste.

Ça fait que, pour l'intimité puis le respect des employés, bien je trouve qu'on repassera, là, parce que... C'est ça. J'avais un salaire, j'étais payée au salaire à peine qui dépassait le salaire minimum. Et puis les autres, bien c'est ça, les autres, c'est des faits encore, encore des faits, puis des faits que j'ai eu connaissance. Et puis après ça, c'est la conclusion que je vous ai donnée tout à l'heure.

Le Président (M. Paquet): Il reste une minute. Mme Perron.

Mme Perron (Nadine): Oui. Bien, je vais en profiter pour répondre à Mme Forget parce que, oui, il s'agit bien de partenariat public-privé parce que cette ressource-là est financée par l'agence régionale. Ça a été décidé en concertation avec divers intervenants du milieu. Le centre hospitalier du milieu réfère régulièrement des gens à ce centre-là, et tout le monde est très bien au courant que les normes ne sont pas respectées. Et quand vous dites: C'est une continuité, eh oui, c'est une continuité, et c'est pour ça que ça nous fait peur. Parce que le peu qui est en place jusqu'à maintenant nous fait très peur, et justement nous ne souhaitons pas que ça aille plus loin.

Le Président (M. Paquet): Merci. Alors, au nom de la Commission des finances publiques, je remercie le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale, qui était représenté par Mme Perron, Mme Vachon et M. Gagné, pour sa participation à nos travaux. Je suspends brièvement les travaux de la commission afin de permettre aux prochains intervenants de s'approcher de la table.

(Suspension de la séance à 18 h 36)

 

(Reprise à 18 h 39)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux. Juste avant de permettre aux prochains intervenants de participer et de faire leur présentation, tout à l'heure Mme la présidente du Conseil du trésor a déposé une lettre, et je crois que j'ai oublié de mentionner formellement ? ça s'est fait par acquis, là ? qu'on acceptait le dépôt de la lettre.

Document déposé

Mais je précise, pour que ce soit aux galées, que j'accepte le dépôt de la lettre du Vérificateur général, d'accord, que déposait la ministre et présidente du Conseil du trésor. Et j'en profite aussi pour déposer...

Une voix: ...

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre. O.K. À l'ordre, s'il vous plaît! D'accord.

Document déposé

n(18 h 40)n

Et j'en profite aussi pour déposer la lettre de Mme Vachon, du témoignage qu'elle nous a fait part dans l'intervention précédente. Merci.

Alors, sans plus tarder, tout en excusant encore une fois pour l'horaire bouleversé auquel vous êtes assujettis comme nous, les parlementaires... Comme je vous faisais part un peu plus tôt, ça fait partie des aléas de la vie parlementaire. Alors, sans plus tarder, j'en profite pour remercier et pour souhaiter la bienvenue aux représentants du Projet Genèse. Mme Denyse Lacelle, si vous voulez bien, s'il vous plaît, nous présenter les gens qui vous accompagnent, et vous pourrez débuter votre présentation. Merci.

Projet Genèse

Mme Lacelle (Denyse): Une chance que vous ne votez pas sur le dépôt des lettres, parce que ça a l'air que les votes aujourd'hui sont longs.

Alors, bonjour, M. le Président, en fait, bonsoir à tous les membres de la commission. Merci de nous recevoir en cette heure tardive, ça nous fait plaisir de pouvoir vous présenter notre mémoire. Je vous présente sans tarder mes collègues: à partir de la gauche, Jack Gotheil, membre du groupe d'action sociale au Projet Genèse; Jennifer Auchinleck, qui est membre du personnel; Rema Moser, membre du groupe d'action sociale; Paul Ladouceur... ? mon Dieu, je m'acharne sur ton nom aujourd'hui ? Paul Ladouceur, membre du groupe d'action sociale; et Joe Klein.

Alors, on va faire notre présentation par moments en français, par moments en anglais. On s'excuse de ne pas être capables de la faire entièrement en français, on espère que ça ne posera pas de problème à la députation. Alors, allons-y là-dessus. Paul.

Le Président (M. Paquet): M. Ladouceur.

M. Ladouceur (Paul): Alors, le Projet Genèse est un organisme communautaire fondé en 1977. Nous intervenons dans le quartier Côte-des-Neiges, à Montréal, dans une perspective de défense des droits individuels et collectifs, de prise en charge et d'amélioration par les résidents et résidentes de notre quartier et de leurs conditions de vie.

Maintenant, pourquoi les partenariats public-privé, ou PPP, nous interpellent-ils? Tout d'abord, nous ne sommes pas une entreprise, nous apportons la perspective de la population. Travaillant essentiellement avec des personnes à faibles revenus, nous savons comment des dépenses essentielles représentent un casse-tête insoluble. C'est pourquoi nous sommes inquiets à la perspective que les populations démunies soient confrontées à davantage de frais à payer, à des pertes de services, à un rétrécissement de l'accessibilité à des programmes dont elles ont besoin. Nous sommes inquiets à l'idée que de nombreux travailleurs et travailleuses à petits salaires et à statuts précaires voient leurs conditions se détériorer davantage. Nous sommes inquiets à l'idée que davantage de places au privé ne conduisent à l'affaiblissement des droits et des conditions de vie de ceux et celles qui sont les plus vulnérables. Nous sommes également préoccupés par le coût, pour toute la société, le coût économique, social et moral.

Mme Saks (Evelyn): Alors, maintenant, pour bien comprendre le projet de loi qui est présentement étudié, camarades, sortons nos lunettes roses, regardons ce que les PPP pourraient vouloir dire pour les Québécoises et les Québécois, pour nos hôpitaux, pour nos écoles, pour nos services, et ainsi de suite.

M. Klein (Joe): In Québec, we are a distinct society. This is why, when we go for P3s, we won't face any problems related to the quality of services, we will definitely not see seven deaths from E. coli water contamination like in Walkerton, Ontario, we won't see schools begin to fall apart after only six months like, say, Hamptons Elementary School in Calgary. Jack.

M. Gotheil (Jack): In Québec, we are better than any other countries or provinces. This is why our P3s will not result in any user fees, no 51% increase in Hydro fees like the one seen in Ontario, no fees to use the roads like Highway 407, also in Ontario.

M. Ladouceur (Paul): Au Québec, on ne fait pas les choses comme les autres, c'est pourquoi les droits des travailleurs et des travailleuses seront protégés. On ne verra pas le nombre de nos emplois chuter de 30 % comme dans les hôpitaux anglais; on ne verra pas les conventions collectives ni les accréditations syndicales disparaître, et ce, malgré la loi n° 31.

Mme Saks (Evelyn): In Québec, there will be no problems related to accountability or transparency. We will not follow the example of the William Osler Hospital, in Ontario, where the Government only revealed the value in detail of its 28-year 1.28-billion dollar contract after it signed an agreement with a consortium of domestic and foreign corporations. And people will have full access to information to make sure P3 hospitals respect the Canada Health Act, which of course they will.

M. Klein (Joe): In Québec, we will withdraw from NAFTA. This way, we will have no problem returning to a fully public system if we want to.

Mme Saks (Evelyn): And of course Québec P3s will stand out from the many examples around the world. They won't cost more. They certainly won't cost 18% to 60% more like the P3 hospitals in England, or 19 million dollars more like the P3 road projects in British Columbia. They definitely won't cost the Government 110 million dollars per month more, which is what the Ontario Government is now paying following the privatization of electricity.

Mme Lacelle (Denyse): Malheureusement, la vie ne nous permet pas toujours de porter des lunettes roses. Alors, enlevons ces lunettes, camarades.

Les présentations devant cette commission ont été nombreuses, elles ont été claires, et nous le sommes également dans le mémoire que nous vous avons soumis. Tous les exemples ? et vous devez être tannés de les entendre ? tous les exemples nous amènent à une seule conclusion: que les PPP fonctionnent ou pas, c'est généralement au détriment des intérêts de la collectivité et en faveur de l'entreprise privée. C'est pourquoi la ministre doit cesser de présenter son projet avec ses propres lunettes roses. On nous dit que le projet de loi vise à améliorer la qualité des services aux citoyens. On peut difficilement croire que ce soit là un objectif réellement atteignable après avoir constaté l'ensemble des exemples de PPP qui existent déjà, ici comme ailleurs, parce que ça ne va pas bien. Oui, on sait qu'il y en déjà ici. On pense que ce n'est pas une bonne idée d'en rajouter.

Ensuite, la ministre nous dit, elle le disait encore tout à l'heure, que son projet de loi constitue un paravent contre la privatisation. Laissez-moi vous citer le Bureau international du travail ? là, j'ai perdu ma page parce que je cherchais d'autre chose: «Si, au sens étroit ? mais personne ici n'est étroit d'esprit ? le terme "privatisation" désigne la vente de biens publics au secteur privé, il recouvre au sens large toute une gamme de mesures, allant de la cession d'actifs, par vente totale ou partielle d'une entreprise ou d'un bien public, à la libéralisation ? soit la déréglementation, l'ouverture des marchés publics au secteur privé ? en passant par la sous-traitance de services, l'établissement de taxes d'utilisation et les partenariats entre le secteur privé et le secteur public.» Comme nous sommes des gens larges d'esprit, nous acceptons cette définition large de ce qu'est la privatisation et comprenons donc que la multiplication de PPP correspond à une multiplication des privatisations.

Finalement, la ministre nous rappelle que, si de tels investissements du privé sont souhaitables et nécessaires, c'est que l'État n'a pas les moyens de mettre de l'avant les sommes dont il est question. Il est bien évident que, pour un gouvernement comme celui que nous avons présentement, tout comme le précédent, quand on s'acharne à aller de l'avant avec des réductions d'impôts, bien on s'acharne à réduire la capacité de l'État de financer et de soutenir les services et les programmes dont il a pourtant la responsabilité.

Finalement, la ministre nous dit qu'on n'a pas à s'inquiéter, qu'il ne s'agit que de quelques gros projets d'exception. Si on parle vraiment de gros projets d'exception, pourquoi donc met-on sur pied une agence devant laquelle seront contraints de se présenter l'ensemble des ministères, des organismes publics et des municipalités non seulement avec leurs besoins en termes d'infrastructures, mais également d'équipements et de prestations de services? Je pense que les intervenants devant nous ont été très clairs: le privé dans les services, ce n'est pas génial. Voilà.

Pour poursuivre, Jack.

M. Gotheil (Jack): As you can gather from our comments so far and from our brief, for those of you who have had the opportunity of reading it, we are opposed in principal and in practice to the movement of the P3 process. And if I may, very quickly, I'd like to get to the core of our concern and why we are so anxious about the direction in which this appears to be moving.

n(18 h 50)n

We're concerned with the second P, public-private, we are concerned with the private aspect of the PPP process. And why? The private sector ? I presume we're not talking about welfare organizations, community groups, we're talking about the business sector ? and what we would like to bring to your attention is a very simple thing that is widely recognized: the business of business is business, very simply. And if I might quote Milton Friedman, who I'm sure many of you may be aware of, the economist, the proponent of the free market, the guru that we all pay attention to has made it very simple and clear of the role of the business corporation, no matter what the product is, is it food, journalism, roads, hospitals, even war, you name it, as he has been quoted: «The purpose of a corporation in this new economy remains the creation of wealth and maximization of the returns available at the shareholders of a firm», very simply. The corporation, no matter what, has one purpose: to make a return to their investors of what they've invested, the sum of money they put in.

And we are turning, in this bill, to the private sector, to the corporation to join with us in a partnership in the delivery of service of whatever aspect of government or public service it might be. And, might I say in that, if we recognize and the world accepts this definition in the role of a corporation, we are bringing a conflict of interest, a contradiction into being. You have a corporation: public, the role of government, private, maximization of profit, to deliver a service. There is already a conflict of interest in what their role should be, because the private sector, whatever moneys he brings in, his shareholders, his board, but his shareholders expect a return at the end of the year, whatever the dividends may be, the capital gain, and that will be the measure of their success. Friedman has clearly stated, and the other guru that I think we've heard of, Peter Drucker, has stated in another context very simply, and I quote: «If you find an executive in the corporation who wants to take on social responsibilities, fire him fast.» And these are the people that we're going to join together and deliver your service? That is the basis of our concern.

We are here representing a community, the people at large ? and may I take it with particular reference to house services ? who see this as a fundamental service, a prime purpose of public service, of government for which we hold you responsible. In election campaigns, health care delivery has been number one, and you're elected on that basis. And what are we doing with P3? We're inviting somebody in who will take that service and see it as a basis of deriving a profit. And I can just see management and the board when it comes to the delivery of a service, the quality of a service: one is concerned with delivery of service, the other is concerned: Hey! How do we market this? How do we derive the profit? How do we gain something for our shareholders? And that, Mr. Chairman, Members of the Committee, is our concern, and we think that this is something that you have to consider in your deliberations.

I have before me an abstract of a very extensive study, the report of which appears in the Canadian Medical Association Journal, and we have copies of it here which, Mr. Minister, we would like to submit as an appendix to our brief and for consideration by this Committee, and may I just take very briefly... This appeared in their June issue. They undertook this study ? responsible, very extensive ? on the basis that: «Since some policymakers might still consider for-profit health care if expenditure savings were sufficiently large, we undertook a systematic review and meta-analysis to compare payments for care at private for-profit and private not-for-profit hospitals.» The limitations of time... There is much said, I'd like to refer to you in this study which is very extensive and very thorough, very systematic. May I just quote from one sentence, the last part of their recommendations? «For-profit hospitals result in both higher mortality rates and greater payments for care than do not-for-profit hospitals. The evidence strongly supports a policy of not-for-profit health care delivery at the hospital level.» I don't want to repeat it, it's in the report, and I welcome you to study and to consider it carefully when you are considering Bill 61 and the P3 process.

Let me just say one closing remark. I remember, in the 1970s, when Robert Bourassa and Claude Castonguay brought in the medicare system, many people welcomed it. And our experience in the last 35 years has been superior. You know from your campaigns, the way when your constituents meet with you, health is delivery. Nobody has asked you to privatize them. We see in this bill the danger of privatization. We have fought at Project Genesis for years against the inroads of privatization. We fought for it at the federal level, the municipal level and so on, and let me just say we are most concerned that this will be in the unraveling, the deterioration of the medicare system, and frankly we are angry, frustrated, and we want you to know that we are on guard. Thank you.

M. Klein (Joe): We would like to conclude our presentation by asking two questions: Public-private partnerships in Canada and around the world have proven to cost more and to seriously compromise both the quality and the accessibility of services. The Romanow Commission on health care in Canada specifically asked for evidence that privatization works, and they couldn't find any. Nobody could come up with an example of it really working. What evidence do you have to justify your going forward with P3?

Mme Saks (Evelyn): O.K. I came to Canada as an immigrant from the United States where I worked in the health care system for many years. I came to Canada, I came to Québec for many reasons, one of them was that I had it up to here working with a health care system that was totally private, where many people did not get the care they required because they didn't have the means. I was so happy to be in a place, here in Québec, where health care was available for all of its citizens.

Now we've done the research. I assume you have done your homework. Most of the time, it's much more expensive. Most of the time, people lose access. Most of the time, it's less effective. My question is: Why are you doing it?

Le Président (M. Paquin): Oui. C'est complet, madame?

Mme Lacelle (Denyse): C'est complet. On vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Paquin): Parfait, merci. Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: Alors, M. le Président, pour bien me faire comprendre, je vais utiliser la langue de Shakespeare, parce qu'il y a eu trois présentations qui ont été faites en anglais, et je pense que ces gens qui ont fait un travail... D'abord, bienvenue à la commission parlementaire, je veux vous remercier de votre présentation, mais je veux être bien sûre que vous allez comprendre mes propos, et donc je vais m'adresser à vous en anglais.

I totally concur with you. I don't believe in private health care services. Am I clear? I do not believe in privately funded health care services. And therefore what I want to emphasize here today is the fact that we do not intend at all to privatize health care. Not only we don't intend, we're dead against it. And during the last campaign there was one party who raised that issue, and we were very much against that. So it's not that we entertain one fraction of the one second that we would privatize health care.

n(19 heures)n

We're talking now... Let's talk about what we have in plan, the reason why we want to create this agency. It's for the building of major infrastructure which by the way right now is being built by the private sector. If you build a hospital, for instance the McGill Hospital, you probably heard about that, I've got news for you, it'll be built by the private sector, except that the process by which... if we went with a public-private partnership, the surprise would be no surprise in the building process, that the cost wouldn't overrun, we would start with a price and we would meet that price at the end of the building.

And the story we went through with major constructions in Québec, whereby you have for instance the Laval metro, the «métro Laval», where it was supposed to cost 180 million dollars and it's going to cost 800 million dollars, this scenario will not happen.

But, I mean, I totally concur with you. We cannot entertain the thought of having a privatized health care system. And no matter how many problems we have with this system, we still believe that it's the best in the world. And I agree with you that we don't want at all to jeopardize this aspect of our health care system.

So, Mr. Chairman, it's very important that I convey this message because we fought the last election on precisely that: that we were committed to maintaining a public health care system where access is vital for our citizens. And we're working very hard ? very hard ? to try to improve access, trying to cut on waiting time and trying to cut on a number of things which are problematic in the health care system right now. But it doesn't mean by going the way we're pushing in terms of an agency whereby what we want to achieve is expertise in precisely developing those contracts to control the cost and the delay in the construction process. There's no way that the McGill Hospital will be privatized or the services will be privatized. It's out of the question.

In addition, Mr. Chairman, it's vital because, in a way, the Canada Health Act does not allow that. Canada does not allow that. And remember, we were committed to that and we stick to our guns. We are not going to change our opinion about that. We are committed to a publicly funded, financed health care system whereby you and I can go if we're ill and sick and need medical care, we can go and visit a doctor and we won't be asked for a credit card. We will be asked our medical card, our medicare card. So that's very important that I want to emphasize.

Maintenant, je sais que j'ai un collègue qui voulait poser une question.

Le Président (M. Paquin): M. le député d'Iberville.

Mme Jérôme-Forget: ...something, but my colleague has a question.

Le Président (M. Paquin): M. le député, vous préférez... M. le député d'Iberville, allez-y.

M. Rioux: Oui. Bon, merci. Donc, merci beaucoup de votre présentation qui a été très dynamique, qu'on a appréciée, vous avez bien présenté vos préoccupations.

On parle souvent des 3P, effectivement, partenariat privé-public, et souvent du quatrième. Et dans votre cas, ce que j'ai compris, votre quatrième P, il ressemblait plus au profit. Vous le voyez comme c'est une occasion de profit, tandis que, pour nous, c'est davantage la population, la préoccupation que l'on a.

J'ai eu à vivre dernièrement dans mon comté, où on avait une étude de concertation pour la construction de l'autoroute 35. Cette autoroute-là est désirée dans ma région depuis 1964, où les terrains ont été expropriés. Et tout le monde avait l'impression qu'on avait une bonne nouvelle et on était en processus vers la concrétisation de cette autoroute-là. Sauf que le nombre de questions qui ont été posées... Combien elle va coûter, cette autoroute-là? Les gens viennent de vivre un traumatisme avec le métro de Laval. Le métro de Laval, si on regarde, question de profit, ce que ça devait coûter et ce que ça va coûter, il y a un écart qui est très grand.

Quand on arrive avec une possibilité de partenariat privé, c'est que, pour l'ensemble des citoyens, on a estimé, on sait réellement comment ça va coûter. Donc, le citoyen, c'est transparent pour lui, ce l'est aussi pour la décision politique d'en savoir l'impact. Est-ce que ça vaut réellement la peine, à ce coût-là, de faire ces travaux-là? Et on sait qu'une fois qu'il est donné des échéanciers, les coûts doivent être respectés.

Et il y a aussi, il ne faut pas oublier, la notion de qualité. On compare nos autoroutes versus les autoroutes du Vermont, qui ont sensiblement la même température, on regarde aussi au niveau de celles qu'a l'Ontario, et on se dit: Comment ça se fait qu'on n'a pas la même qualité? Ce n'est pas parce qu'on n'a pas des bons travailleurs, ce n'est pas parce qu'on a des bonnes entreprises, mais, le politique, on a tendance, avec un certain montant, de vouloir en faire plus long que de la qualité. Sauf que, si on donne à une entreprise la responsabilité de construire une autoroute, il est évident qu'elle va... et de l'entretenir pendant 30 ans, elle va s'assurer d'avoir de la qualité. Et qui est gagnant pendant 30 ans d'avoir une qualité d'autoroute, c'est évidemment le citoyen qui est le grand gagnant. Donc, il n'y a pas juste la notion de profit, je pense que le citoyen est gagnant dans cette optique-là.

Et vous parlez de privatisation. Les PPP ne sont pas de la privatisation. Parce que ce sont les fonctionnaires... le ministère qui aura à octroyer ce contrat-là qui va surveiller la qualité, effectivement, qu'on ait un service qui soit de qualité dans la fonction publique.

Vous avez parlé beaucoup du système de santé. Plus de 100 hôpitaux ont été construits sur ce système-là en Grande-Bretagne. Jamais je ne croirai que ça a été un échec si on a refait ce geste-là pendant... à 100 étapes différentes. Donc, il doit y avoir des avantages, effectivement.

La question que je veux vous poser: Est-ce que...

Le Président (M. Paquin): M. le député d'Iberville, malheureusement, si vous voulez conclure, il ne reste plus de temps.

M. Rioux: Oui. Je conclus la question: Est-ce que vous pensez que le rapport de force entre la politique, le privé et le fonctionnaire ne donnerait pas une meilleure qualité de service aux citoyens?

Mme Lacelle (Denyse): Pour répondre rapidement à votre question, M. le député...

Le Président (M. Paquin): Rapidement, s'il vous plaît, madame, parce qu'on est un petit peu restreints dans notre temps, on s'en excuse.

Mme Lacelle (Denyse): D'accord. Les exemples... Moi, je ne suis pas allée en Angleterre me promener, mais ce que j'ai lu, c'est que c'est clair que ça ne fonctionne pas tellement bien. Pour ce qui est des routes, il y a un exemple tout proche de nous, au Nouveau-Brunswick, où est-ce que ça coûte cher en mosus quand on laisse le privé aller se faire de l'argent en faisant nos routes. Alors, je vous inviterais à délaisser une approche théorique puis à considérer c'est quoi, les faits, là où est-ce que ça se fait, puis à vous demander, si vous allez de l'avant, comment vous allez faire pour que ça ne se fasse pas comme ça ici, au Québec.

Sur la question des contrôles de coûts, il y a déjà de nombreuses affaires qui se font en PPP ici. Il y a des affaires qui sont carrément confiées au privé en sous-traitance, puis, s'il y a des dépassements de coûts, j'imagine que c'est parce que les contrôles ne sont pas suffisants. En confiant davantage de maîtrise d'oeuvre et de place au privé dans des partenariats, voulez-vous me dire comment vous allez faire pour avoir plus de contrôle que vous n'en avez maintenant quand vous négociez des contrats, puis envoie, vas-y, puis que là ça ne marche pas, c'est autre chose? Surtout dans un contexte où est-ce que, par attrition ou autrement, les possibilités de contrôle de l'État, au niveau de l'environnement, au niveau de la voirie, sont en diminution constante.

Maintenant, je voudrais commenter ce que disait Mme la ministre. C'est intéressant de vous entendre dire, Mme la ministre, que vous vous opposez farouchement à la privatisation des services dans la santé, c'est le fun de vous entendre, mais en même temps ce qui nous préoccupe, nous, c'est ce qu'on lit. Ce qu'on a lu dans votre projet de loi, à l'article 6... à l'article 5, excusez-moi, c'est que l'agence va regarder, pour l'ensemble des ministères, tous les projets possibles en PPP au niveau des infrastructures, des équipements, de la prestation des services publics. Et, à l'article 7, vous précisez c'est qui, l'ensemble des institutions, des services, des ministères qui sont visés par la chose, et ça inclut le ministère de la Santé dans sa prestation de services. Ça fait que changez cette loi-là parce qu'elle ne dit pas ce que vous dites.

Maintenant, Jack voulait commenter...

Le Président (M. Paquin): Madame, malheureusement, il ne reste plus de temps. Je suis obligé de passer au député de Richelieu. Vous pourrez vous reprendre en donnant votre réponse, votre réplique au député de Richelieu.

M. Simard (Richelieu): Je n'ai pas de question à poser autre que l'intérêt de recevoir vos réponses à ce qu'a dit la ministre. Parce que dès le départ, là, soyons très clairs, c'est du projet de loi n° 61 et non pas des déclarations politiques de la ministre dont nous traitons ici. Alors, je veux vous entendre encore sur cette question, notamment dans le domaine de la santé.

Le Président (M. Paquin): Mme Lacelle.

Mme Lacelle (Denyse): Alors, juste répéter tranquillement, en prenant mon souffle, ce que je disais. Donc, les déclarations, dans n'importe quel contexte, sont intéressantes dans la mesure où est-ce qu'elles peuvent donner des indications des orientations politiques d'un gouvernement. Mais ce qui est fondamental, ce par quoi nous sommes tenus, c'est par les lois qui sont votées. Nous sommes ici pour commenter un projet de loi. Dans ce projet de loi, on dit que les infrastructures, les équipements et les prestations de services seront examinés par l'agence. Puis qui c'est qui est couvert par ça? Tous les ministères du gouvernement du Québec, tous, incluant la santé, l'éducation, la protection de l'environnement et ainsi de suite, de même que les municipalités vers lesquelles le même gouvernement s'apprête à transférer, à décentraliser un nombre important de responsabilités. Nous sommes très inquiets.

Maintenant, si vous permettez, M. le député, j'aimerais permettre à mon collègue de répondre lui aussi aux commentaires de la ministre.

Le Président (M. Paquin): D'accord, madame.

n(19 h 10)n

M. Gotheil (Jack): Thank you. I welcome the Minister's reassurance that there is no intent of privatizing medical health care. However, the question I would like to place to you: Bill 61 and the PPP process are not concerned solely with the construction of the McGill Hospital, because while you reassured me that there will be no privatization of health care, I'm concerned how the private sector operates beyond the construction of a hospital and the operation of the hospital. And my concern is expressed not just in this particular instance, but at other instances that we've seen in the press over the years of welcoming the private sector to come in and market services for more efficiency, less cost and so on. Those are our concerns. We see the beginning of something, so we want that to be precisely...

Now, I wasn't at the hearings previously, but it seems to me that, some days ago, there was a group here concerned about the PPP process in the construction of a prison somewhere on the South Shore. Now, all I now is from what I read in the press, one or two sentences, and I'm not going to try to be accurate and understand the whole thing, but that suggests to me again a contradiction, a conflict of interest within a public service. There have been experiences with prison, the PPP process in the States, which were disastrous. And I'm asking: What... is there? You know, I'm concerned about the beginning of something. I shouldn't say I'm concerned, we're all concerned. We want the integrity of a public service system not to be damaged, influenced by a private sector who sees it as a product to be marketed. I'm putting it as simple and as clearly as I can, and that's the reassurance we want.

Le Président (M. Paquin): Mme Lacelle.

Mme Lacelle (Denyse): Si vous me permettez, M. le député, j'ai mes deux autres collègues aussi qui voudraient y rajouter leur grain de sel. Jenn? Rema?

Mme Saks (Evelyn): Yes. Just to pick up where Jack left off. About the ancillary services which are privatized, for example, very few hospitals exist any longer which take care of their own cleaning, they almost all contract out. There's real concern that the problem with C. difficile has to do with severely inadequate cleaning in hospitals. This is now a contracted service, it is a profit-making service-poor company which hires a drastically reduced number of workers to clean hospitals that once did, and those workers will tell you in a minute that they cannot possibly clean the way they used to when they worked directly for the hospital. So all of these services are beginning to accrue. We hear about ophthalmologists who are not supposed to charge for an eye exam, but who are now charging to put drops in your eyes. Well, they can't do the exam without putting the drops in the eyes. Is it illegal? No, it's not. But they didn't use to do it, which means that people who have eye problems have to pay $20 to $25 every time they go for an eye exam. This is a kind of privatization.

And, when you say that P3 is not privatization, I have to say, you know, about the hospital, the way this works, the way building a hospital works by the private arm is that it increases the costs so much. And who will pay for that? The citizens will pay for that, the health care services will have to pay for that. So it is costing us money to pay for this construction of the hospital. My view of P3 as not being privatization? I don't care what you call it. If it quacks like a duck and walks like a duck, it's a duck.

Mme Auchinleck (Jennifer): Moi, je voulais juste ajouter quelques points. Premièrement, c'est très rassurant d'entendre une représentante de notre gouvernement dire qu'on s'oppose farouchement à la privatisation. On aimerait bien voir, peut-être dans le prochain budget, le respect des engagements autour de l'assurance médicaments et la gratuité pour les personnes à faibles revenus, de l'argent pour les soins à domicile et du travail pour renverser en fait toute la privatisation qui est déjà là. Deuxièmement, au niveau de la construction des hôpitaux, même si on se limite à ça, c'est clair, de l'exemple de l'Angleterre qui a eu des augmentations de coûts entre 18 % et 60 % uniquement pour la construction, donc ce n'est pas rassurant du tout qu'on se limite à ça.

Et finalement, en termes de... Bon, on dit que ce ne seraient pas les gros projets comme ça, ce ne serait pas la privatisation comme telle, mais, si on est juste pour continuer avec les quelques exemples qu'on a déjà, puis comme ma collègue a dit tantôt, on a quand même des inquiétudes assez importantes par rapport à ces projets. Mais pourquoi est-ce qu'on a procédé à la mise sur pied d'une telle agence, pourquoi est-ce qu'on avait besoin de ça, qu'est-ce qu'on vise faire avec ça?

Nous, notre lecture de la situation et du projet de loi, c'est que les intentions sont là, les intentions pourraient toucher l'ensemble des ministres, et c'est pour ça que nous avons préparé un mémoire qui regarde tous les éléments, toutes sortes de projets, les tickets modérateurs, les coûts, la qualité des services, l'accessibilité, les conditions de travail, parce que ce que, nous, on voit dans ce projet de loi et dans cette initiative, c'est une tendance vers des PPP partout et c'est ça qui nous inquiète pour toutes ces raisons, mais surtout par rapport à l'impact sur la population.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Richelieu, vous voulez intervenir?

M. Simard (Richelieu): Juste pour terminer. Je ne veux pas tourner le couteau dans la plaie, mais vous avez raison d'être méfiants. Il y a là un projet de loi qui ouvre la porte, contrairement à toutes les assurances que semble donner la ministre, à effectivement la prestation de services publics par le privé, par l'introduction du privé à tous les niveaux de l'État et des services que nous avions l'habitude de voir rendus par l'État.

Le fait que la ministre tente de nous rassurer, c'est devenu pour moi presque un signe que ce n'est pas rassurant. Je vais vous donner un exemple de cela. Depuis trois semaines, nous nous faisons dire tous les jours que de toute façon la transparence de tout cela sera assurée par le Vérificateur général qui aura accès à tous les niveaux: des contrats privés avec l'agence, avec les filiales, avec les sous-filiales. On se fait dire ça tous les jours. Et qu'est-ce qu'on vient de recevoir? Une lettre, j'imagine, qui n'a pas été sollicitée du Vérificateur général, qui nous dit exactement le contraire, qu'il n'aura pas accès, la loi ne lui permet pas d'avoir accès. C'est donc dire qu'on est dans un domaine où la transparence ne régnera pas, où le public ne trouvera pas son intérêt. Enfin, on peut avoir des opinions divergentes, c'est un débat de société fondamental.

Moi, je voudrais souligner mon admiration pour un groupe de citoyens qui prend ses affaires en main puis prend les affaires de la communauté à coeur et qui fait le genre d'étude et de prestation que vous avez fait aujourd'hui. Moi, ça me donne énormément confiance en la démocratie de vous entendre aujourd'hui.

Le Président (M. Paquin): Mme Lacelle, si vous voulez conclure en une minute, s'il vous plaît.

Mme Lacelle (Denyse): D'accord. Merci beaucoup, M. le député. On est inquiets puis on n'est pas plus rassurés aujourd'hui. On est inquiets aussi parce que ce projet de loi ne tombe pas tout seul dans les airs comme ça, ce projet de loi est présenté par un gouvernement qui affirme haut et fort son intention de réduire la taille de l'État. Il appelle ça de la modernisation; nous, on appelle ça revenir en arrière. Et on a des collègues ici qui s'en rappellent, de ce que ça avait l'air avant la Révolution tranquille, avant qu'on se donne des instruments collectifs pour assurer le bien-être de la communauté, on ne veut certainement pas y revenir. Merci.

Le Président (M. Paquin): Merci. Donc, au groupe Projet Genèse, merci, mesdames, messieurs, merci de votre mémoire, merci de votre présence. Je vais suspendre quelques instants pour permettre au groupe suivant de s'installer.

(Suspension de la séance à 19 h 19)

 

(Reprise à 19 h 24)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous accueillons maintenant le Conseil canadien des sociétés publiques-privées. M. Dale Richmond est le président du conseil. Nous vous souhaitons la bienvenue ainsi qu'aux gens qui vous accompagnent. Je vous inviterais d'abord à présenter les gens justement qui vous accompagnent et à débuter la présentation de votre mémoire. M. Richmond.

Conseil canadien des sociétés
publiques-privées

M. Goodman (Russell): Bonsoir. Partout dans le monde, au Canada, au Québec, les partenariats public-privé deviennent moteurs économiques, stimulent la création de l'emploi, aident à réduire la dette publique et fournissent des meilleurs infrastructures et services aux contribuables.

Bonsoir. Mon nom est Russell Goodman. Je suis un des membres du conseil d'administration du Conseil canadien des sociétés publiques-privées. Et avec moi, ce soir, j'ai le plaisir de présenter Mme Jane Peatch, qui est la directrice générale du conseil, ainsi que M. Marc Dorion. Marc et moi sommes des associés chez McCarthy Tétreault, dans le cas de M. Dorion, et moi, de PricewaterhouseCoopers, les deux sociétés fondatrices du Conseil canadien des sociétés publiques-privées, il y a 13 ans.

Nous avons une présentation que nous avons montée pour la séance de ce soir, et ça nous ferait plaisir si vous pouviez suivre la présentation devant vous, des deux côtés. On va passer à travers, rapidement, l'ordre du jour, parler un petit peu de la valeur des partenariats public-privé pour le Québec, à quels types de projets on devrait avoir recours pour faire des partenariats public-privé, les défis particuliers pour le Québec et le type de soutien que ça prendrait, que l'agence prendra. On va parler également un petit peu des facteurs clés du succès, pour la réussite des partenariats public-privé au Québec.

Quels sont les avantages des partenariats public-privé? Vous avez sûrement vu, vous avez sûrement entendu des avantages traditionnels. Je peux répéter peut-être les quatre principaux avantages, dont un rendement supérieur de l'investissement pour le public et les contribuables; deux, ça donne une réponse plus rapide aux besoins des contribuables, des besoins pressants en matière d'infrastructures publiques; trois, ça donne une amélioration de la qualité des infrastructures ainsi que des services publics; et quatre, ce qui est très important, une meilleure gouvernance pour les gouvernants et effectivement la séparation entre la prestation du service et la réglementation.

Les avantages traditionnels sont bien connus, ne sont pas nécessairement bien acceptés, mais ils sont bien connus. Quand on regarde les quatre éléments principaux que je viens de mentionner, d'abord on va parler du rendement de l'investissement. Et, à travers les 13 ans de l'existence de la Société canadienne des partenariats public-privé, nous avons vu, à travers cette période, des avantages considérables, soit dans les transports, soit dans la santé, soit dans l'environnement, loisir, tourisme ou d'autres secteurs.

On peut prendre plusieurs exemples, mais, quand on regarde l'approche traditionnelle, soit pour le prolongement du métro à Laval, la réaffectation du boulevard Décarie, du Stade olympique, et on compare ça aux performances qu'on a vues sur des partenariats public-privé, soit des autoroutes dans les provinces atlantiques, soit des autoroutes en Ontario, soit le pont de la Confédération... Il faut mentionner le pont de la Confédération parce que, oui, ça a été accompli à l'heure, même en avance, mais il y avait un excédent de coût, il y avait un excédent de coût de 240 millions. Mais ce qui est intéressant, en utilisant la formule partenariat public-privé, l'ensemble de cet excédent du coût a été absorbé par le secteur privé. Ça n'a pas touché d'aucune façon les contribuables ni les utilisateurs de ce pont-là.

n(19 h 30)n

Il y a beaucoup d'exemples. Et ce qu'on constate à travers les 13 ans de l'existence du conseil, c'est que les retards et les dépassements du coût sont des problèmes inhérents aux projets d infrastructures qui font appel au marché public traditionnel.

On voit également un rendement supérieur de l'investissement pour les contribuables en utilisant le modèle de partenariat public-privé. Selon les études du Vérificateur général du Royaume-Uni, qui font des études chaque année, on voit, année après année, les mêmes barèmes de performance. Quand on regarde des projets d'infrastructures, on voit que, dans 70 % des cas, il n'y avait aucun dépassement de coûts. Quand on regarde uniquement les projets d'infrastructures, c'était dans 78 % des cas qu'il n'y avait aucun dépassement de coûts. Et, si on regarde les petits dépassements de coûts de 25 000 $ composés annuellement, ce qu'on voit, c'est que 80 % des projets ont été réalisés sans un dépassement de coûts. Et, dans le cas, le 16 % où il y avait des dépassements de coûts plus importants, dans presque 100 % de ces cas-là, l'excédent était causé par des changements soit de dessins ou soit d'autres modifications. L'origine de ces modifications était effectivement les gouvernants en question.

Un autre avantage des partenariats public-privé, c'est la réponse qui est typiquement plus rapide en utilisant la formule PPP. Quand on regarde la façon traditionnelle de faire avancer ces projets-là et on compare ça aux projets effectués selon le modèle P3, on trouve que le pourcentage de projets qui ont été terminés en retard en utilisant le modèle traditionnel est de 70 % et uniquement 24 % en utilisant le modèle P3.

Quand on regarde les projets purement dans la santé, un aspect qui est clé pour le gouvernement du Québec, on voit que les pourcentages respectifs sont de 75 % de retard avec une façon traditionnelle, uniquement 22 % pour les projets PPP. Pour les projets routiers, un autre secteur clé pour le gouvernement du Québec, on voit la performance outre-mer, uniquement 14 % de ces projets-là ont vécu des retards. Ce que ça veut dire, c'est que les échéanciers sont respectés dans une proportion trois fois plus élevée dans le cas de projets de partenariat public-privé par rapport aux projets qui sont faits d'une façon traditionnelle.

Mais c'est quoi, la valeur des partenariats public-privé? Est-ce qu'il y a d'autres avantages? Et effectivement la réponse est oui, mais ce sont des avantages qui sont souvent oubliés, sont souvent pas avancés. Nous croyons fermement que les avantages les plus importants des partenariats public-privé sont les suivants: d'abord, ces projets-là stimulent la création de l'emploi, en particulier dans le domaine de la construction; deux, les partenariats public-privé favorisent le développement économique du Québec; trois, ils réduisent les besoins d'aide gouvernementale; quatre, ils améliorent la stabilité du crédit du gouvernement; et, cinq, favorisent la création de nouvelles entreprises pour le Québec. Ces avantages sont souvent négligés, sont peu connus, mais ils sont considérables.

Prenons certains exemples. Ici, au Québec, souvent on dit que... Mais on n'a pas eu des partenariats public-privé au Québec, c'est nouveau, ce n'est pas quelque chose qu'on a vu. Mais ça ne reflète pas la réalité, on a eu des partenariats public-privé au Québec depuis au moins 1992. Alors, ça fait déjà 12 ans d'expérience avec les P3 au Québec. Prenons certains exemples: Tremblant, La Ronde, l'édifice e-commerce à Montréal. On va voir dans ces trois types de projet la collaboration de deux ou trois niveaux du gouvernement avec le secteur privé pour créer des nouvelles infrastructures, de nouveaux emplois, la croissance économique et des biens. Tout le monde au Québec sont fiers de ces biens, de ces réalisations.

En ce qui concerne la stimulation de l'emploi, et en particulier dans le domaine de la construction, prenons juste trois exemples: l'aéroport de Montréal, un partenariat public-privé qui a été conçu en 1992 par le gouvernement fédéral; le port de Montréal, créé un petit peu plus tard également par le gouvernement fédéral; et l'édifice OACI, construit sur une base de partenariat public-privé par la société Westcliff, également un autre exemple du gouvernement fédéral. Trois exemples. Juste en utilisant ces trois exemples, on compte plus que 1 milliard d'investissement au Québec, des investissements qui n'ont pas été faisables, pour des raisons inconnues, par les gouvernements directement.

Alors, les partenariats public-privé ont largement contribué à l'essor qu'a connu la construction au Québec depuis les 10 dernières années. On a présentement le port de Montréal qui est le troisième plus important port en Amérique du Nord. On a un aéroport qui a investi plus que 800 millions depuis la création de P3. Et on a le siège social de l'OACI, la seule organisation des Nations unies qui existe au Canada, et c'est à Montréal, au Québec.

Quand on regarde quand est-ce qu'on devrait avoir recours à des partenariats public-privé, ça peut toucher plusieurs secteurs de l'économie, dont les hôpitaux et soins de santé, les transports, gestion de l'eau, l'éducation, etc. On donne des exemples sur l'écran. Ce qui est clair, c'est que les contribuables sont des triples gagnants. Les partenariats public-privé, par les statistiques, démontrent que ces projets respectent les échéances, il y a une incidence mineure de dépassement de coûts et le public est satisfait avec le résultat. Et il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de nouveaux emplois pour les Québécois.

Bref, il y a peut-être un problème de communication, mais il n'y a pas un problème de partenariat public-privé. Les partenariats public-privé, comme on a démontré, existent au Québec depuis presque 15 ans et ils ont contribué en partie au nouvel essor que le Québec a connu depuis ce temps-là. Je passe maintenant la parole à mon collègue Me Dorion qui va parler un petit peu plus spécifiquement de la loi qui est devant vous.

M. Dorion (Marc): Alors, merci.

Le Président (M. Paquet): Me Dorion.

M. Dorion (Marc): Merci beaucoup. Pour suivre ce que M. Goodman nous disait tout à l'heure, la collaboration entre le public et le privé existe depuis longtemps au Québec. Je pense que Russell a donné de bons exemples de ce qui a été une collaboration fructueuse entre le privé et le public. Je pense que le projet de loi n° 61 fait un pas en avant dans cette collaboration-là en s'assurant que les partenariats public-privé destinés à rendre des services publics ou à fournir des infrastructures publiques aux citoyens vont être encadrés par une agence qui va développer une expertise dans ce domaine-là et qui va être capable de s'assurer que ce qui est fait dans ce secteur-là est fait sur des bases compétitives et fait selon les normes que les marchés financiers vont reconnaître.

n(19 h 40)n

Alors, avant d'arriver au projet de loi lui-même, on reconnaît, au Conseil canadien, que tout l'aspect des partenariats public-privé est un défi pour les juridictions qui veulent les mettre en place. Alors, c'est un défi également au Québec. C'est sûr qu'il y a des gens qui ont des positions qui peuvent varier sur le bénéfice ou pas des partenariats public-privé. Je pense que vous avez pu en entendre plusieurs, argumentations à ce sujet-là, depuis quelques jours. La perception du public est un élément très important là-dedans, sur l'instauration des partenariats. Le Conseil canadien a réussi, depuis plusieurs années, à suivre ce qui se passe un peu partout, a rencontré les dirigeants qui ont mis sur pied des législations relatives aux partenariats. Et, comme nous disaient M. Goodman et Mme Peatch, la communication, dans ce secteur-là, c'est 80 % du succès au départ. C'est certain que certains groupes perçoivent les partenariats comme une menace. Nous, nous croyons que ça devrait être vu comme une continuité de la collaboration du secteur privé et public.

Il est difficile, à l'occasion, d'exprimer la valeur monétaire de l'utilisation des partenariats, On entend des arguments en disant: Écoutez, les taux d'intérêt sur les partenariats public-privé sont plus élevés que si le gouvernement empruntait sur sa cote de crédit, il y a une différence au niveau des taux d'intérêt. Cet argument-là, si vous prenez isolément les taux d'intérêt, peut avoir un certain mérite. Mais, si vous regardez les bénéfices qui sont plus durs à monétiser au départ, qui sont reliés au transfert de risques qui partent du gouvernement vers le secteur privé, on parlait des retards de construction tout à l'heure ou des obligations de livrer des équipements performants ou de rendre des services aux standards qui seront déterminés par le gouvernement, le risque de livraison dans les délais et de performance est transféré au secteur privé, et souvent sont attachées à ça des indemnités, des pénalités très élevées que le gouvernement n'aura pas à supporter. Alors, quand vous prenez l'item au complet et de monétiser ces aspects-là, c'est souvent difficile, mais je pense qu'au niveau de la communication ce sera un élément où l'agence pourra et devra jouer un rôle essentiel.

L'autre défi qu'on voit se dresser devant l'instauration des partenariats public-privé dans les juridictions qui l'installent est la complexité des transactions au départ. On vise deux niveaux de transaction, soit les transactions plus simples, répétitives, dans des secteurs variés qu'on a énumérés tout à l'heure, et les transactions plus complexes des grandes infrastructures. On parlait du pont de la Confédération, des autoroutes, des choses comme ça. Alors, je pense qu'à ce niveau-là l'agence a deux mandats. Un, de standardiser les procédures au niveau des différents ministères pour que des transactions qui peuvent bénéficier de l'input du secteur privé puissent se faire de plus en plus sur une base dont l'agence déterminera, avec l'aide des différents ministères, les standards, sur une base qui va être de plus en plus efficace. Au niveau des projets les plus grands ou plus complexes, il est certain que ces projets-là sont faits... c'est plus difficile de les standardiser. C'est souvent des projets qui sont faits sur mesure, d'une valeur plus grande, et, à ce moment-là, l'agence pourra définitivement être un partenaire important pour le gouvernement, pour apporter l'expertise à la table du gouvernement pour négocier avec les gens du secteur privé. Alors, c'est le deuxième défi, et je crois que le projet de loi n° 61, par la création de l'agence, prend les moyens nécessaires pour permettre au Québec de se doter de l'expertise dans ce domaine-là.

Alors, si on va à l'aspect complexité au niveau du challenge pour l'agence, souvent ces transactions-là sont d'une nature assez complexe, et ce qui a suscité souvent lors de l'instauration des partenariats ou des agences relatives aux partenaires dans les différentes juridictions... Il est essentiel qu'au départ cette agence-là puisse obtenir à court terme une masse critique de gens qui peuvent ? une combinaison du secteur privé et public ? qui peuvent accumuler une expertise capable de servir les intérêts du gouvernement et de transiger avec le secteur privé dans le cadre de partenariats public-privé.

Au niveau du cadre législatif et réglementaire, c'est sûr que le projet de loi n° 61 est une étape initiale essentielle à la mise en place des partenariats. Cependant, ce ne sera pas la seule étape. Il est certain que chacun des projets... On parlait tout à l'heure des projets qui sont plus petits, qui peuvent être standardisés et des projets plus grands qui vont être faits sur une base plus faite sur mesure... devront, eux aussi, passer le test du marché. C'est-à-dire qu'en plus d'avoir l'agence il sera important que, lorsque l'agence sera en fonction, que le gouvernement puisse, en collaboration avec l'agence, évaluer les changements législatifs qui sont nécessaires pour mener à bien ces partenariats-là. Alors ça, c'est la deuxième étape critique. Le troisième, c'est un support politique. C'est sûr qu'une fois que l'agence est créée elle aura un rôle de conseiller stratégique, conseiller financier, mais les partenariats devront être supportés politiquement par le gouvernement qui les mettra de l'avant.

Alors, on me dit que notre temps de présentation est écoulé. Ce qu'on peut faire, c'est répondre aux questions, et on est disponibles pour le faire. Merci.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, je voulais, M. le président et les gens qui vous accompagnent, vous souhaiter la bienvenue à cette commission parlementaire. D'abord, je voudrais d'une part nous excuser, puisque vous deviez... Je sais que vous allez retourner à Toronto, et vous deviez faire votre présentation à 6 heures. Je voudrais nous excuser au niveau de l'Assemblée nationale. Vous savez, il y a des procédures souvent qui sont plus longues que prévues, alors nous nous excusons très profondément.

Je voulais vous parler de deux volets. Vous savez qu'en Grande-Bretagne notamment on a d'abord développé une expertise, vous le savez, et ils ont standardisé les contrats à bien des égards au niveau des hôpitaux pour éviter justement les coûts impliqués dans les contrats que l'on met dans cette démarche. Ils ont mis un seuil, eux, à 20 millions de livres sterling pour aller en partenariat public-privé. Qu'est-ce que vous pensez de ce seuil?

Le Président (M. Paquet): M. Goodman.

M. Goodman (Russell): Je pense, au Québec, le seuil devrait être établi à peu près à 20 millions de dollars canadiens plutôt que 20, 25 millions de livres sterling. Je prends l'exemple de centres récréatifs pour différentes municipalités ou certains petits projets de l'assainissement des eaux. Nous croyons fermement que des projets de cette envergure-là pourraient être très fructifs pour les contribuables et ils pourraient rencontrer également les critères du milieu financier ainsi que les critères des investisseurs privés.

Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: Alors donc, vous souhaitez... Parce qu'il y a des gouvernements municipaux qui m'ont fait la demande justement de ne pas mettre de seuil, puisqu'ils voudraient pouvoir faire appel aux services de l'agence pour des plus petits projets. Alors donc, comme j'étais tentée de mettre un seuil, je me demandais jusqu'à quel point vous souhaitiez, justement vous pensiez qu'il était souhaitable de mettre un seuil. Vous pensez, vous, que c'est 20 millions de dollars? Parce que 20 millions de dollars, on n'en fait pas beaucoup au niveau municipal. Je peux vous dire que...

M. Dorion (Marc): Là-dessus, je pense que...

Le Président (M. Paquet): Me Dorion.

M. Dorion (Marc): Sur le plan municipal, là, si on prend des exemples, tout dépendant comment nous définissons «partenaire public-privé», je pense qu'il y a une... On parlait de collaboration entre le privé puis le public, il y a un historique de collaboration dans le domaine des arénas, on en a vu à Montréal. Dans le domaine des écoles, il y a une école à Aylmer qui a été construite en partenariat public-privé mais qui est quand même une réalité. Ces montants-là sont inférieurs à des seuils comme ça. Je pense qu'il y a plusieurs critères. Le seuil financier est un des critères, mais il y a aussi le volume de transactions qui pourront être effectuées dans un secteur particulier, l'intérêt du secteur public pour une collaboration avec le privé. Je pense, c'est des choses qui doivent être prises en considération avant de mettre un chiffre purement et simplement dans un texte de loi.

Le Président (M. Paquet): M. Goodman.

M. Goodman (Russell): Juste ajouter, si on prend l'exemple du partenariat public-privé qui a gagné la médaille d'or durant l'année 2000 au Canada, c'est un partenariat public-privé de 27 millions de dollars canadiens qui a appuyé l'agrandissement du troisième plus important port sur la côte Est du Canada, à Belledune. C'est un très bon exemple d'un partenariat public-privé pour un montant qui est assez faible comparativement au montant de l'autoroute 407. Mais, comme Me Dorion explique, de donner un chiffre fixe, ce n'est pas le but, mais ça donne un barème, tout simplement.

Mme Jérôme-Forget: D'accord.

Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.

n(19 h 50)n

Mme Jérôme-Forget: Maintenant, vous avez fait référence plus tôt aux marchés publics. Vous exprimez une préoccupation à l'effet que notre loi sur les marchés publics est une contrainte aux PPP. D'ailleurs, je voudrais vous dire, dans ma vision à moi, les marchés publics, ce n'est pas beaucoup les exemples que vous avez donnés. Un PPP, de la façon dont je l'ai décrit dans la politique-cadre des partenariats public-privé, c'est un contrat à long terme, d'accord, d'un partenariat public-privé pour un projet majeur ? majeur, donc il faut que ce soit un gros projet ? et où le gouvernement joue un rôle de maître d'oeuvre, et bien sûr que tout revient au secteur public éventuellement. Je me suis beaucoup inspirée de ce qui se fait en Irlande notamment, également en Grande-Bretagne à l'effet que c'est un contrat à long terme, de 25, 30, 35 ans, et j'ai beaucoup essayé de comprendre et d'évaluer les risques par rapport à un contrat à long terme notamment, au niveau des hôpitaux, comment est-ce qu'on peut modifier un hôpital, puisque les besoins vont changer dans cinq ans et dans 10 ans, qui sera le partenaire qui assumera le risque de ce changement. Alors, disons que c'était le volet.

Mais maintenant vous parlez de nos marchés publics. Pourquoi vous pensez que nos marchés publics viennent à l'encontre du projet de loi que nous proposons actuellement?

Le Président (M. Paquet): M. Dorion.

M. Dorion (Marc): Je ne pense pas qu'on ait dit que les marchés publics allaient à l'encontre... on s'est peut-être mal exprimés là-dessus. En fait, Mme la ministre, on vous suit. Sur les partenariats public-privé, je pense que les exemples qui ont été donnés sont là pour démontrer qu'il existe au Québec depuis longtemps une collaboration entre le secteur public et privé dans différents secteurs. On a parlé de loisirs, on a parlé de La Ronde, ces secteurs-là n'étaient pas des secteurs qui rendent des services publics. Par contre, la collaboration public-privé était là. Ce que le projet de loi n° 61 fait, c'est qu'il amène, il apporte cette collaboration-là aux services publics et aux infrastructures publiques. Alors, c'est un pas de plus dans la direction d'une collaboration public-privé.

Ce qu'on dit, il n'y a aucune entrave. Ce qu'on dit, c'est que la première étape, le projet de loi est nécessaire. Deuxièmement, c'est que, quand nous allons regarder des projets particuliers, il y a une série d'ajustements au niveau des règles d'attribution des contrats, au niveau du cadre législatif du Québec qui va nécessiter des ajustements en dehors du projet de loi n° 61. Alors, c'était le but de l'intervention.

Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: Je vais laisser ma collègue...

Le Président (M. Paquet): De Matane? Mme la députée de Matane.

Mme Charest (Matane): Merci, M. le Président. Ma question s'adresse à M. Dorion. De votre expérience, M. Dorion, dans les contrats de partenariat privé-public, j'aimerais avoir votre son de cloche sur... Que représente l'importance des coûts juridiques reliés à la préparation de ces projets-là? On réfère souvent comme problématique aux PPP... les coûts exorbitants en termes de coûts juridiques. On dit souvent qu'ils sont... même on a eu certaines représentations nous disant qu'ils étaient supérieurs aux coûts de conception. De votre expérience ici, au Canada, est-ce qu'on est dans cette réalité-là?

M. Dorion (Marc): Il est certain que, quand on parle des partenariats public-privé, on parle souvent d'une structure de financement qu'on appelle le financement de projets, «Project Finance» en anglais, qui... Ce que cette structure-là fait, c'est qu'elle prend les flux monétaires qui sont générés par le contrat à long terme dont on parlait tout à l'heure, puis on essaie de les encadrer pour éviter qu'il y ait des pertes et que ceux qui vont financer ce projet-là puissent s'assurer que les intrants monétaires vont être là. Alors, c'est sûr que c'est une structure qui est plus compliquée qu'un simple emprunt corporatif. Les coûts ? puis je reviens à mes deux sortes de projets ? sur les projets majeurs, ces coûts-là sont difficilement standardisables parce qu'on a des coûts reliés à un projet particulier qu'on ne revivra pas d'une façon récurrente. Ces coûts-là sont plus élevés, comme le coût d'intérêt nominal sur l'emprunt. Par contre, ces coûts-là sont généralement annulés et plus par les épargnes que vous ferez au niveau de la productivité, délai de livraison, efficacité de l'opération, etc.

En ce qui concerne les plus petits projets, où l'agence également pourrait à notre avis jouer un rôle de standardiser certaines directives au niveau de ces financements-là, certains risques, des grilles d'allocation de risques prédéterminées, le gouvernement est prêt à prendre tel risque, le gouvernement transfère tel risque au secteur privé, les premières transactions vont être plus coûteuses, parce que, si on isole des flux monétaires, que ce soit pour 10 millions ou 100 millions, il faut les isoler quand même. Par contre, si ces transactions-là sont des transactions qui peuvent être répétées, on voit, dans les juridictions qui l'ont fait, une baisse sensible des coûts juridiques reliés à ces opérations-là.

Le Président (M. Paquet): Mme la députée de Matane.

Mme Charest (Matane): Et, de vos expériences dans le domaine, est-ce que vous avez une majorité de projets où véritablement le coût relié aux frais juridiques et à la mise en place du projet ont été largement absorbés par les bénéfices dont vous avez parlé? De vos expériences, est-ce qu'on peut parler de 50, 60, 70, 80?

Le Président (M. Paquet): M. Dorion.

M. Dorion (Marc): Il y a plusieurs exemples. C'est dur à quantifier, mais il y a plusieurs exemples. Je pourrais donner des exemples dans des secteurs qui ne sont pas exactement des partenariats public-privé tel qu'ils sont définis dans la loi, mais, si vous prenez dans le secteur de l'électricité ou des mines où on transfère un risque de production puis de construction à une tierce partie, on le voit dans le domaine de l'électricité, les coûts inhérents à ces contrats-là, qui deviennent un petit peu répétitifs au fil du temps, les frais juridiques ont baissé de façon substantielle par rapport au premier. Par contre, si on prend des projets comme le pont de la Confédération, bien le prochain pont de la Confédération, les frais juridiques risquent de demeurer substantiels parce qu'on rencontre souvent, dans des projets de cette taille-là, des éléments qu'on ne peut pas adapter à du répétitif. Alors, c'est un petit peu la différence que je ferais dans les deux niveaux d'intervention, là.

Le Président (M. Paquet): Mme la députée de Matane, ça va? D'accord. Alors, M. le député de Richelieu.

M. Simard: Merci beaucoup. Merci d'être venus nous présenter ce mémoire. Je veux dire à la blague que c'est la... Vous êtes les derniers, ça fera un peu de consolation, un peu de baume pour la présidente du Conseil du trésor qui, depuis trois semaines, entend exactement le contraire de ce que vous nous dites ce soir.

Vous me permettrez de vous poser d'abord quelques questions factuelles, précises parce que vous utilisez des concepts, vous utilisez des exemples. Est-ce que vous croyez que tous vos exemples relèvent vraiment de partenariats public-privé dans ce que vous nous avez présenté? Pour vous, est-ce que l'autoroute 407, à Toronto, c'est un partenariat public-privé?

M. Goodman (Russell): Pardon?

M. Simard: Est-ce que l'autoroute 407, à Toronto...

M. Goodman (Russell): L'extension de l'autoroute 407 est définitivement un partenariat public-privé. Originellement, c'était construit par le gouvernement directement. Par la suite, ça a été transféré à un partenariat public-privé sous forme d'un contrat à long terme qui revient éventuellement à l'État.

M. Simard: Donc, pour vous, là, la 407, la ministre devrait considérer ça comme un partenariat public-privé. Je peux vous citer au moins quatre ou cinq citations, depuis trois semaines, où la ministre récuse évidemment cette appellation parce que ça ne correspond à aucun élément de la définition. Il s'agit en fait d'une route privée avec un contrat à long terme du gouvernement. D'ailleurs, vous avez vu, depuis quelques mois, le tollé qui s'est élevé en Ontario sur la hausse des tarifs, de ce que cette compagnie, la nouvelle propriétaire, s'est autorisée à faire. Le gouvernement ontarien s'arrache les cheveux et se demande comment gérer ce problème-là pour les prochaines années. Mais vous considérez que c'est un partenariat public-privé modèle, puisque vous le mettez dans vos exemples.

M. Goodman (Russell): C'est un partenariat public-privé, et la réglementation des tarifs a été établie par le gouvernement en question à l'époque. Si un nouveau gouvernement veut changer la politique de tarification, ce gouvernement a définitivement le droit de le faire, mais il faut retourner à la base de la transaction qui a établi une tarification. C'était établi par le gouvernement, c'était rencontré par le partenariat public-privé. Si, plus tard, il y a une politique qui changerait, les deux parties sont ouvertes à renégocier le contrat, et, j'imagine, c'est ça qui va se passer.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Richelieu.

n(20 heures)n

M. Simard: J'imagine que, s'ils vont devant les tribunaux, il y a quelques personnes qui vont se réjouir. Le pont de la Confédération, partenariat public-privé. Vous mentionnez dans votre présentation que celui-ci a fait face à un dépassement de 200 millions de dollars qui ont été assumés par la compagnie. Et effectivement, de ceux qui ont cité cet exemple, on s'est aperçu que c'est toujours en provenance de votre site Internet que nous avons cette information. Est-ce que vous pouvez nous préciser vos sources? Un groupe d'universitaires de l'Université de Montréal, de l'Université du Québec à Montréal et de l'Université d'Ottawa, depuis des mois, sont à la recherche des fondements de cette affirmation, ont communiqué notamment avec Standard & Poor's, qui a fait la revue complète de l'entreprise qui a construit le pont de la Confédération, et ils n'ont pas trouvé ce dépassement. Est-ce qu'on peut avoir la référence exacte, précise?

Le Président (M. Paquet): M. Goodman.

M. Goodman (Russell): C'est une réclamation qu'a faite le consortium contre le gouvernement fédéral qui a été rejetée dans son ensemble.

M. Simard (Richelieu): Vous faites équivaloir ici, aujourd'hui, et ça, c'est très important parce que la présidente du Conseil du trésor est très attentive à ça... Une réclamation, c'est pour vous un dépassement?

Le Président (M. Paquet): M. Goodman.

M. Goodman (Russell): Il y avait un dépassement du coût par rapport au montant qui a été budgété au début, et ce montant-là était aux alentours de 240 millions.

M. Simard (Richelieu): Est-ce que le gouvernement a admis la véracité, la vérité de ce dépassement? Est-ce que le gouvernement a accepté ce dépassement ou c'est simplement une réclamation?

Le Président (M. Paquet): M. Goodman.

M. Goodman (Russell): Le gouvernement n'a jamais accepté ce dépassement de coûts, et le montant a été payé complètement par le secteur privé, les trois partenaires qui ont été... dont un partenaire est allé en faillite à cause de ces dépassements.

M. Simard (Richelieu): Vous imaginez que, si on comptabilisait comme dépassement au Conseil du trésor toutes les réclamations qui sont faites, on serait en faillite depuis longtemps. Vous avez fait une extension de sens du mot «dépassement» ici qui, en plan comptable, ne tient pas la route.

Le Président (M. Paquet): M. Goodman.

M. Goodman (Russell): Avec tout le respect, ce n'était pas un dépassement de coûts pour le gouvernement, c'était un dépassement de coûts pour le secteur privé.

M. Simard (Richelieu): C'était donc une réclamation qui n'a pas été reconnue comme étant valable.

M. Dorion (Marc): Excusez, mais...

Le Président (M. Paquet): M. Dorion.

M. Dorion (Marc): Je pourrais intervenir à ce niveau-là, mais que, si le secteur privé a supporté des coûts additionnels pour construire l'ouvrage, qu'il le réclame ou non, le coût de construction est là quand même. J'ai de la misère à suivre votre raisonnement sur... Ça n'a pas d'impact sur le gouvernement, le secteur privé a dépensé 240 millions de plus pour réaliser cet ouvrage-là. Ils ont décidé de le réclamer sans succès auprès du gouvernement. Ils auraient réclamé avec succès ou ils ne l'auraient pas réclamé du tout, ça ne change pas que les coûts encourus pour le faire étaient là. Alors, sur le plan comptable, je présume qu'eux, dans leurs livres, vont assumer une perte de 240 millions.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. Simard (Richelieu): L'ennui, c'est que, dans les livres, d'après Standard & Poor's, ça n'apparaît nulle part. Il y a un petit problème ici. Moi, ce que je voudrais savoir, c'est la source exacte de votre information.

M. Goodman (Russell): Le prospectus de financement qu'a fait le consortium pour refinancer le coût de ces dépassements de coûts. Il y avait une obligation qui a été émise sur les marchés publics pour financer le coût de ces dépassements de coûts.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Richelieu.

M. Simard (Richelieu): Oui. Est-ce que c'est au même taux? Et est-ce que vous pouvez me faire parvenir copie de cette réclamation de façon à ce que nous puissions établir clairement à la fois la réalité et le coût de cette réclamation?

M. Goodman (Russell): J'imagine, vous devriez faire le suivi avec le gouvernement fédéral ou bien le consortium directement.

M. Simard (Richelieu): Merci beaucoup.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Richelieu.

M. Simard (Richelieu): Oui. Nous avons suivi tous avec attention votre présentation. Parmi les exemples que vous avez cités tout à l'heure, vous avez cité le contrat Six Flags à La Ronde comme étant un partenariat public-privé. Pouvez-vous nous dire quels sont les critères qui sont retenus par le projet de loi n° 61 définissant un partenariat public-privé qui s'appliquent au contrat Six Flags?

Le Président (M. Paquet): Me Dorion.

M. Dorion (Marc): Avant d'aller là, on va vous le lire si ça peut aider le débat. Je pense que ce que nous avons fait ou ce que M. Goodman a fait dans sa présentation, c'est de présenter des exemples de collaboration entre le secteur public et privé qui se rapprochent, qui sont le prélude à ce que le gouvernement actuel veut toucher avec son bill 61. C'est de fournir des services au public et de fournir des infrastructures publiques dans le cadre de partenariats. Alors, ce que vous nous demandez, c'est de lire l'article 6 du projet de loi? C'est ça?

M. Simard (Richelieu): Non, non, non, c'est... Votre explication me semble claire, ça me suffit. Vous avez parlé beaucoup des économies que permettent, selon vous, presque systématiquement de faire les partenariats public-privé. Je vous soumets une note qui vient d'une étude qui a été faite et qui étudie... qui dit ceci: «Entre le coût initial virtuel inscrit par les différents soumissionnaires lors des appels d'offres sur les projets ? on comprend très bien, il y a appel d'offres sur les projets, montants proposés ? et les montants réels inscrits au contrat au moment de la signature, il y a souvent des accroissements considérables.» Vous me suivez là-dessus? D'ailleurs, dans vos façons de réussir un PPP, vous-même, vous dites qu'il faut se garder cette marge de manoeuvre de négociation.

Le Président (M. Paquet): M. le député, est-ce que ce serait possible que vous citiez la source, s'il vous plaît, juste pour que tout le monde puisse suivre, s'il vous plaît?

M. Simard (Richelieu): Oui. C'est dans John Lister, PFI in Education, le dossier. Je pourrai vous donner le détail. Et un certain nombre de projets viennent illustrer ici mon propos, et j'aimerais avoir votre commentaire. Un projet en Grande-Bretagne, des projets hospitaliers en Grande-Bretagne... C'est strictement dans le domaine hospitalier, mes exemples, ici, qui sont cités. À Greenwich: coût initial qui était prévu, de 35 millions de livres sterling en appel d'offres; le montant final à la signature du contrat, c'était 93 millions, donc 166 % d'augmentation. Pas étonnant qu'ensuite il n'y ait pas de dépassement de coûts. UCLH, à London: coût initial prévu de 115 millions de livres en appel d'offres; contrat final, 404 millions lors de la signature. Leicester: coût initial prévu de 150 millions de livres sterling en appel d'offres; contrat final, 286 millions. Et je peux en citer d'autres, South East, Swindon.

En d'autres mots, c'est évident que les dépassements de coûts ne sont pas aussi fréquents dans les partenariats public-privé, mais est-ce qu'ils n'interviennent pas en bonne partie, ces dépassements, entre le moment de l'appel d'offres et la signature finale?

Le Président (M. Paquet): Me Dorion.

M. Dorion (Marc): Bien, on reviendra aux statistiques dans quelques secondes, mais je pense que ce que vous me citez là me convainc que ce que Mme la ministre veut proposer avec son agence est nécessaire, parce que le but de cette agence-là, si je le conçois bien, c'est d'apporter au gouvernement une expertise dans ce domaine-là qui va permettre justement d'éviter les erreurs de départ sur l'évaluation d'un projet qui devrait être fait en partenariat ou pas, est-ce qu'on a le bon projet ou pas puis, deuxièmement, comment qu'on le structure. Si vous n'avez pas... Si nous, comme contribuables québécois, n'avons pas accès à cette expertise-là, on doit se fier à des gens qui n'ont peut-être pas l'expertise que le gouvernement du Québec possède. Alors, je pense que le fait de créer cette agence-là, de lui donner la masse critique voulue puis accès aux consultants voulus pour lui permettre d'avoir l'expertise nécessaire là-dedans va permettre justement d'éviter ce genre d'éléments là.

Alors, on peut peut-être revenir aux statistiques sur les dépassements de coûts si c'est nécessaire, là, mais je pense que... Veux-tu aller là-dessus, Russell?

M. Goodman (Russell): ...dans mon...

Le Président (M. Paquet): Très rapidement, s'il vous plaît...

M. Goodman (Russell): Pardon.

Le Président (M. Paquet): Rapidement, M. Goodman.

M. Goodman (Russell): Dans mon expérience personnelle, en Angleterre et au Canada, au début de la conception d'un projet, souvent c'est une idée, ce n'est pas nécessairement conçu d'une façon très élaborieuse. Lors du moment de l'octroi du contrat, le gouvernement en question a déjà précisé exactement ce qui est demandé. Au moment de la conception du projet, bien des fois, les précisions de ce que le gouvernement veut ne sont pas précisées. Des fois, les précisions ajoutent à l'étendue du projet; des fois, les précisions vont dans la direction opposée. Prenons l'exemple courant, je crois bien que, dans le cadre des hôpitaux, à Montréal, les projets initiaux étaient des projets de plusieurs milliards. Avec les précisions que le gouvernement amène, les coûts sont en baisse parce que l'étendue des projets est moins qu'originalement prévu. Alors, du début de la conception du projet jusqu'à l'octroi du contrat, les coûts peuvent aller dans les deux sens.

n(20 h 10)n

Le Président (M. Paquet): Merci. Normalement, le temps est épuisé pour la période d'échange, mais le député de Chutes-de-la-Chaudière m'avait demandé la parole tout à l'heure. Est-ce qu'il y a consentement? Est-ce qu'il a deux minutes? Et vous pourriez avoir deux minutes de votre côté aussi, côté gouvernemental, là, si...

Une voix: ...le vote.

Une voix: ...vote nominal.

Des voix: ...

Le Président (M. Paquet): Donc, il y a consentement?

Une voix: ...pas la même mentalité.

Le Président (M. Paquet): O.K.. Donc, j'entends qu'il y a consentement pour que le député de Chutes-de-la-Chaudière puisse gracieusement avoir un deux minutes pour pouvoir poser ses questions.

M. Picard: Simplement, tantôt, lors de votre présentation, vous avez indiqué que la perception du public comptait pour 80 % des chances de réussite du principe des PPP. Je ne sais pas si vous avez suivi les travaux de la commission, qui se terminent ce soir, Protecteur du citoyen, des clarifications, il aimerait que la loi soit précisée, Commissaire au lobbyisme aussi. Et ce soir on a eu le Vérificateur général qui nous parle de son pouvoir de vérification. Si vous seriez ministre ce soir, est-ce que vous tiendriez compte de ces recommandations-là pour s'assurer... Parce que, si les gens n'ont pas confiance dans le système des PPP, ça risque d'enrayer le projet, tout simplement. Lequel de vous deux?

Le Président (M. Paquet): Me Dorion, une minute.

M. Dorion (Marc): Comme on le disait tout à l'heure, je pense que ce projet de loi là est une première étape qui est nécessaire. Et, comme on disait également tout à l'heure, il y a une série d'autres étapes qui devront être suivies tant du côté politique que du côté capacité d'allier les éléments de politique générale qui sont chers aux Québécois avec l'expertise financière qui va être développée par l'agence. Alors, je pense que, dans un premier temps, l'agence aura comme mandat d'évaluer ces éléments-là en collaboration avec des gens du gouvernement et des différents ministères concernés et je suis convaincu que ces gens-là devraient, dans des circonstances comme ça, prendre en considération les commentaires que vous avez entendus et qui font du sens. On n'a pas assisté à toutes les présentations, mais je pense ça va de soi.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors, au nom des membres de la Commission des finances publiques, je remercie Mr. Goodman, Me Dorion, Ms. Peatch, Mme Tomassin, du Conseil canadien des sociétés publiques-privées, pour leur participation à nos délibérations. Je suspends les travaux de la commission pendant quelques instants.

(Suspension de la séance à 20 h 13)

 

(Reprise à 20 h 17)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission des finances publiques reprend ses travaux.

Mémoires déposés

Juste avant d'entreprendre l'étape des remarques préliminaires, vous permettrez que je... les remarques finales, pardon, non pas préliminaires, vous avez tous compris, les remarques finales, je dépose les mémoires des groupes qui n'ont pas été entendus par la commission. Je rappelle que tous ces mémoires sont disponibles en ligne dans le site de l'Assemblée nationale, ainsi que ceux évidemment qui ont été aussi présentés lors des auditions.

Remarques finales

Alors, maintenant, nous sommes à l'étape des remarques finales. De consentement, si j'ai bien compris, de consentement, du côté de l'opposition, il y aura 15 minutes du côté de l'opposition officielle, trois minutes du côté du député indépendant et 15 minutes du côté gouvernemental. Alors donc, sans plus tarder, je cède la parole à M. le député de Richelieu et porte-parole de l'opposition officielle en matière du Conseil du trésor.

M. Sylvain Simard

M. Simard (Richelieu): Merci, M. le Président. Je sais qu'il est tard, mais je voudrais quand même profiter de cette occasion pour vous remercier pour la façon dont vous avez présidé ces travaux, remercier tous les membres de la commission. Je pense que tout le monde a tenté de travailler avec le plus de générosité possible au succès de cette série d'auditions publiques. Nous sommes là pour faire entendre la voix de différents groupes de la société, et je pense que ce travail s'est très bien fait. Je remercie évidemment la ministre de sa collaboration qui nous a toujours été assurée et concrètement tout au long de cette partie de notre travail parlementaire.

M. le Président, depuis le 26 octobre dernier, nous avons reçu une quarantaine de groupes qui sont venus s'exprimer sur le projet de loi n° 61 mais aussi sur la question plus vaste des partenariats public-privé. Nos discussions ont donc largement dépassé le cadre de la création d'une agence, puisque personne n'avait encore eu l'opportunité de se prononcer sur le fond du dossier. Parmi les groupes entendus, plusieurs ? c'est une litote ici ? plusieurs s'opposent aux PPP, d'autres sont favorables. C'est parfois les plus difficiles à gérer. Mais c'est dans une quasi-unanimité qu'ils ont souligné le manque de clarté et les ambiguïtés contenues dans le projet de loi. La présidente du Conseil du trésor l'a même reconnu dans un grand moment d'aveu en disant au sujet de son projet de loi: La seule chose qui est claire, c'est que ce n'est pas clair.

n(20 h 20)n

M. le Président, je vais mettre des mots sur ce malaise, sur cette ambiguïté qui a marqué ces trois semaines de consultation. Essentiellement, les groupes se sont fait dire par la présidente qu'ils avaient mal lu le projet de loi. La présidente a passé les trois dernières semaines à minimiser la portée d'un projet de loi qui est pourtant très large et très peu balisé. La présidente a répété à maintes reprises que seuls quelques grands projets d'infrastructures seraient envisagés en mode PPP, que l'agence ne serait pas la structure obligée et omniprésente qui est décrite dans le projet de loi. Aucun mot de la ministre sur d'éventuels PPP dans la prestation directe de services aux citoyens. Pourtant, à l'article 6 du projet de loi, il est bien écrit: «Un tel contrat ? PPP ? peut avoir pour objet la prestation d'un service public.»

La ministre a rassuré les représentants des milieux municipaux et de la santé en leur disant que leur autonomie n'était pas menacée. Pourtant, le projet de loi indique que tous les ministères, les entreprises du gouvernement, les universités, les cégeps, les commissions scolaires, les centres hospitaliers, les CLSC, les CHSLD, les municipalités et même tout autre organisme qu'on aurait pu oublier ont l'obligation de recourir aux services de l'agence pour les études de faisabilité, le choix des partenaires, la négociation et la conclusion des contrats. Le projet de loi stipule que l'agence peut exiger de n'importe quel organisme qu'il lui fournisse tout renseignement relatif à ses projets d'infrastructures, d'équipements et même à la prestation de services publics. L'agence peut constituer des filiales, conclure des accords avec d'autres gouvernements, et ainsi de suite. Bref, lorsqu'on lit le projet de loi, on ne retrouve pas du tout les paroles rassurantes de la ministre.

La présidente s'est également montrée très discrète sur la composition du conseil d'administration de l'agence et des comités d'experts. Nous savons que plusieurs de ces personnes viendront du secteur privé et qu'elles seront d'emblée favorables à la solution PPP, ce qui est peut-être compatible avec la mission de promotion de l'agence mais certainement pas avec son rôle d'arbitre qui doit déterminer quel est le mode de prestation le plus approprié pour un projet.

La présidente a admis que rien dans ce projet de loi ne garantit l'intégrité, l'éthique et la transparence dans le fonctionnement de cette agence. Elle s'est contentée de nous dire que des mesures viendront plus tard. Eh bien, nous les attendons toujours, M. le Président. Et, sur ce point, je serai très clair, ces mesures devront être intégrées au projet de loi et répondre aux exigences de la Commission d'accès à l'information, de la Protectrice du citoyen, du Commissaire au lobbyisme et au Vérificateur général.

Et permettez-moi, parce qu'il est ici question d'un sujet fondamental qui est celui de l'éthique et de la transparence, de vous citer quelques extraits des commentaires qui ont été formulés par la Commission d'accès à l'information, par la Protectrice du citoyen, par le Commissaire au lobbyisme et, il y a quelques moments à peine, par le Vérificateur général. Il est ici question de propos qui ont été tenus par des organismes neutres, hautement crédibles, chargés par nos institutions de protéger le caractère démocratique desdites institutions. Il est à espérer que la ministre aura ces paroles bien en mémoire au moment de travailler les amendements qu'elle devra certainement apporter à son projet de loi.

Les représentants de la Commission d'accès à l'information nous disaient, je cite: «Le projet de loi n° 61, dont l'objet premier est la création d'une nouvelle agence, est muet quant aux principes qui devraient sous-tendre les activités de PPP.» Le législateur devrait s'assurer que des règles précises sur les obligations de transparence des partenaires seront adoptées. La commission propose dans son mémoire diverses mesures qui pourraient favoriser la transparence des activités de partenariat. Il s'agit essentiellement de quatre: de l'assujettissement des filiales de l'Agence des partenariats public-privé à la Loi sur l'accès, de la détermination d'obligations de transparence pour les entreprises privées, de la modification des règles de confidentialité des renseignements fournis par des tiers et de la reconnaissance du caractère public de certains documents.

La commission a déjà soulevé un aspect qui nous paraît fort important, puisque nous avons déjà connu une expérience trop peu glorieuse au moment où l'opposition officielle s'est vu refuser l'accès à des contrats octroyés par la ministre dans le cadre de la réingénierie de l'État. À ce sujet, la CAI nous disait: Si l'entreprise privée doit contribuer davantage à la mission publique, ne devrait-elle pas s'attendre à de nouvelles obligations de transparence.

L'article 23 de la Loi sur l'accès prévoit qu'un organisme public doit ? il n'a pas le choix ? refuser de communiquer le secret industriel d'un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature confidentielle à moins que ce tiers n'y consente. La commission s'interroge sur l'impact que pourrait avoir cette restriction à l'accès sur la transparence des activités des PPP. La commission estime que le législateur devrait étudier la possibilité de conférer un caractère public à certains documents qui seront au coeur même des PPP. La Commission d'accès à l'information concluait donc que des ajustements ? et je cite ? des ajustements législatifs nous apparaissent nécessaires pour tenir compte de ce contexte particulier des PPP.

Je vous annonce dès maintenant, M. le Président, que l'opposition officielle partage les conclusions de la CAI et ne pourra donner son appui à un projet de loi qui ne garantit pas le respect d'un principe élémentaire qui est celui de transparence. Et d'ailleurs, si la ministre est convaincue du bien-fondé de sa démarche, elle voudra s'assurer que toute l'information sera disponible afin que des évaluations soient possibles. Et je lui rappelle également l'engagement du premier ministre qui disait lors du discours inaugural: «Les Québécois ont le droit de savoir ce que fait leur gouvernement de chaque dollar qu'il perçoit.»

Quant à la Protectrice du citoyen, elle a formulé une demande à la présidente du Conseil du trésor qui ne peut pas être ignorée, c'est-à-dire que le projet de loi devrait prévoir explicitement que la Protectrice du citoyen conserve sa compétence, car, selon les termes actuels, le statut de l'agence n'en fait pas un organisme soumis à sa juridiction.

La Protectrice s'est aussi inquiétée de l'absence, dans le projet de loi, de dispositions qui assurent le respect de principes fondamentaux. Et je vous cite: «Pour le citoyen, cinq de ces principes m'apparaissent primordiaux. Ce sont les valeurs de transparence ? on y revient toujours ? d'équité, de qualité des services, d'imputabilité et de protection de l'intérêt public, à propos desquels ? je dois le dire et je cite la Protectrice du citoyen ? le projet de loi» est peu explicite, pour ne pas dire quasi silencieux.

La Protectrice du citoyen a par ailleurs constaté, comme nous tous, que le projet de loi avait une portée extrêmement large, une portée qui va bien au-delà des paroles de la ministre. Mme Champoux-Lesage disait: On pourra comprendre que ce sont presque toutes les fonctions de l'État qui potentiellement pourraient être, à la limite, déléguées. «Compte tenu de la portée très large des dispositions de l'article 13, je crois nécessaire d'en revoir la formulation afin de limiter son application...»

Sur les questions éthiques, la Protectrice du citoyen a été extrêmement claire quant aux modifications qui devraient être apportées au projet de loi en disant: «...la loi ne devrait-elle pas prévoir explicitement que les normes édictées au Règlement sur l'éthique et la déontologie des administrateurs publics s'appliquent aussi au personnel et aux membres des comités, en y apportant les adaptations nécessaires? [...] Si le projet de loi traite des conflits d'intérêts chez les membres de l'agence, il ne contient par contre aucune disposition concernant les conflits d'intérêts susceptibles de se développer dans le cadre des partenariats eux-mêmes. [...] Bien que l'objet du projet de loi soit la création de l'agence, il m'apparaît essentiel ? c'est la Protectrice du citoyen qui parle ? de prévoir un mécanisme d'encadrement déontologique visant à contrer l'apparition de conflits d'intérêts dans la réalisation des partenariats.»

n(20 h 30)n

Pour ce qui est du Commissaire au lobbyisme, ses propos sont très alarmants; vous les avez entendus, il tire lui aussi des sonnettes d'alarme. Je vous cite quelques-uns de ses commentaires: «Il serait malsain, dit-il, d'accorder moins d'importance, d'un point de vue déontologique, aux démarches visant à infléchir des décisions d'intérêt public, du simple fait qu'elles ont été confiées à des entreprises privées en exécution d'un partenariat public-privé. Le besoin d'assurer un encadrement déontologique pour ces démarches est aussi, sinon plus criant dans le contexte de ces partenariats que dans celui où ces démarches sont effectuées directement auprès des titulaires de charges publiques.» Et il ajoutait: «Les partenariats public-privé, tels que définis par le projet de loi n° 61, ramèneront progressivement dans l'ombre des activités que le législateur a pourtant voulu rendre plus transparentes. De plus, les règles déontologies destinées à encadrer ces activités deviendront lettres mortes.»

Voici donc, M. le Président, un ensemble très sage de propositions, et, comme c'est un score parfait, quatre sur quatre, les quatre institutions de l'Assemblée nationale, puisque le Vérificateur général vient de s'y ajouter, vient d'ajouter une mise en garde extrêmement sévère contredisant, il faut bien le dire, totalement la ministre sur le champ d'application de sa propre loi: l'impossibilité qu'il y aurait pour lui de surveiller la gestion des partenariats et des filiales créés par l'agence. M. le Président, un ensemble très sage de propositions nous est donc venu de ces organismes fondamentaux qui devrait recevoir l'assentiment de la ministre, dans le but d'assurer aux citoyens du Québec que les règles éthiques seront préservées dans l'exercice des activités de l'agence.

Considérant les incohérences flagrantes entre le discours de la présidente du Conseil du trésor et le texte qu'elle nous propose, une reformulation complète du projet de loi semble inévitable. Ce n'est pas chose normale que l'ensemble des groupes entendus dans le cadre de ces consultations se soient fait dire qu'ils auraient dû comprendre autre chose que ce qu'ils ont lu. Ce n'est pas non plus chose normale que la présidente du Conseil du trésor adapte sa définition du partenariat public-privé en fonction de ce qui sert ou ne sert pas les intérêts de la passation de ce projet de loi.

Pour l'ensemble de ces motifs, M. le Président, l'opposition n'appuiera pas, vous l'aurez compris, le projet de loi dans sa forme actuelle. Cependant, la présidente du Conseil du trésor aura l'occasion de reformuler son ébauche, d'y intégrer des balises raisonnables et des protections qui garantiraient que soit préservé l'intérêt public, si la ministre se montre ouverte à des changements importants.

Voici quelques-unes des modifications qui pourraient susciter notre adhésion: les PPP devraient être ? je termine là-dessus, M. le Président ? les PPP devraient être explicitement limités à la réalisation de quelques grands projets d'infrastructures, à l'acquisition et à l'entretien de certains équipements spécialisés; les PPP devraient être nommément exclus de la livraison directe des services publics; le recours obligatoire aux services de l'agence devrait être retiré, principalement pour les organisations dirigées par des élus et les conseils d'administration autonomes.

Le projet de loi qui institue l'agence et encadre le mode de prestation en PPP devrait inclure des mesures assurant la transparence, l'éthique et l'imputabilité; ces dispositions devraient recevoir au préalable l'approbation de la Commission d'accès à l'information, de la Protectrice du citoyen, du Commissaire au lobbyisme et du Vérificateur général.

Le projet de loi devrait faire mention des règles comptables applicables et garantir que l'ensemble des sommes engagées pour la durée d'un projet, dans le cadre d'un PPP, apparaissent aux comptes publics du Québec. Le projet de loi finalement devrait présenter des règles plus précises concernant les critères de sélection des membres du conseil d'administration.

Voilà donc, M. le Président, et j'ai terminé, l'essentiel de ce que nous avons retenu. Je remercie en terminant tous ceux et celles qui ont présenté des mémoires. Quelle que soit la qualité que certains ont pu y déceler, quelle que soit l'orientation, quels que soient nos propres questions, nos propres faiblesses, nos propres doutes, ce sont des citoyens qui ont participé à un exercice de consultation fondamental. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. le député de Richelieu. Alors, M. le député de Chutes-de-la-Chaudière.

 

M. Marc Picard

M. Picard: Merci, M. le Président. Je tiens, dans un premier temps, à remercier les membres de la commission, le personnel et ainsi que les gens qui ont déposé des mémoires à cette commission qui selon moi travaillait sur un canevas de projet de loi, tout comme mon collègue vient de le souligner.

Le projet de loi était muet sur beaucoup de points. Mme la présidente du Conseil du trésor a précisé à plusieurs reprises que... il y avait distorsion entre le texte et la compréhension qu'on devait faire. C'est probablement pour cette raison que beaucoup de groupes ont demandé soit le retrait soit des améliorations substantielles, ou il y a aussi des groupes qui ont appuyé sans réserves, il faut le dire aussi, c'est... toutes les tendances. Mais il y a avait une constance: les gens demandaient quand même des modifications, parce qu'entre le texte puis la volonté que vous avez exprimée, Mme la présidente du Conseil du trésor, il y avait une différence.

Mais, nous, notre groupe parlementaire, on est toujours en faveur des PPP parce qu'on croit que, dans le contexte des finances actuelles et surtout dans le contexte des dépassements de coûts des travaux majeurs que l'on vit fréquemment au Québec, on doit, on doit au moins explorer, explorer mais toujours en ayant en tête qu'il faudra donner confiance aux citoyens.

Les derniers intervenants nous ont bien dit, tout à l'heure, que pour réussir il y a 80 % qui passent par la confiance du public, les payeurs de taxes avant tout. Mais, pour donner confiance à nos commettants, les payeurs de taxes, il va falloir tenir compte des remarques, des modifications demandées par la Protectrice du citoyen, par le Vérificateur général, par le Commissaire au lobbyisme; sinon, je ne pense pas que le Québec va pouvoir profiter des avantages des PPP sans... Parce que, si on n'apporte pas ces modifications-là, les gens ne croiront pas aux PPP, les gens vont avoir encore moins confiance dans les politiciens, même s'ils n'ont aucune raison d'avoir peur, à moins qu'on ne change... qu'on ne modifie pas la loi, parce que l'objectif des PPP est et doit toujours être de maximiser l'efficacité des services publics aux citoyens.

Donc, je tiens à vous confirmer que, nous, nous serons très, très attentifs aux amendements qui seront apportés au projet de loi, en espérant que vous tiendrez compte des remarques faites par les intervenants, que j'appelle, neutres. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. le député de Chutes-de-la-Chaudière. Alors, Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, Mme et MM. les membres de la Commission des finances publiques, mes premiers mots seront pour remercier tous les groupes qui se sont présentés devant nous pour apporter leur contribution à une discussion importante pour l'avenir du Québec. Tous les participants aux travaux de cette commission ont fait un effort sérieux et méritoire afin d'éclairer la réflexion du gouvernement sur les partenariats public-privé et l'Agence des partenariats public-privé du Québec. Ce faisant, nous avons posé ensemble un geste démocratique de grande signification qui ne restera pas lettre morte, je puis vous en assurer. M. le Président, j'ai toujours écouté, et je vous dirais que, dans ce cas-ci, j'ai fait une écoute active.

Avant d'aller plus loin, j'aimerais répondre à certains témoignages que nous avons entendus. Ces témoignages ont contrasté avec l'humeur générale de la commission, de la discussion sereine que nous avons eue. Ils consistaient en un refus systématique, pour ne pas dire idéologique, d'une collaboration nouvelle entre l'État et le secteur privé.

Je rappellerai donc ceci: Le privé et le public ne sont pas des adversaires, ils sont essentiels l'un à l'autre. Ce sont les deux ailes qui nous ont permis de prendre notre envol et de nous élever parmi les sociétés les plus modernes du monde.

Dans ce débat comme dans l'ensemble de son action, le gouvernement a toujours eu une action modérée, guidée par la recherche de l'équilibre, la préservation du bien commun, l'équité entre les générations et le progrès à long terme du Québec. Ce gouvernement, notre gouvernement a consacré la totalité de ses nouvelles dépenses à la santé, à l'éducation, à la lutte à la pauvreté et au soutien des familles. Notre gouvernement se tient au centre, à la fois avec ambition et compassion.

M. le Président, dans l'ensemble, de nombreux participants ont exprimé ce que j'appellerai une ouverture prudente aux partenariats public-privé et à l'agence qui aura pour mandat de les encadrer; en cela ils sont au diapason du gouvernement. Pour nous, les partenariats public-privé ne sont ni un dogme ni une panacée, ils constituent un outil de plus dont l'État québécois souhaite se doter pour développer ses infrastructures.

n(20 h 40)n

Les participants ont d'ailleurs reconnu, à peu près unanimement, qu'il y avait un coup de barre à donner, à donner au Québec pour renouveler, remettre à niveau et entretenir nos infrastructures. C'est dans cet esprit que nous entendons recourir aux PPP. Ils nous apparaissent comme une partie de la solution, un outil additionnel. Plusieurs participants ont reconnu que cette formule, si elle était bien encadrée, pouvait effectivement comporter des avantages importants pour les citoyens.

Le premier avantage, c'est de mettre au service du bien commun le formidable savoir-faire d'entreprises de chez nous dont certaines rayonnent à travers le monde. Le deuxième avantage sera l'amélioration de la qualité des infrastructures. Confronté à des besoins qui sont sans commune mesure avec ses moyens, l'État a parfois dû se résoudre à rogner sur la qualité des ouvrages, des ouvrages routiers notamment. Un partenaire privé ne saurait tolérer une construction de mauvaise qualité s'il doit en assumer l'entretien pendant 30 ans. Le troisième avantage, c'est un plus grand respect des coûts et des échéanciers et donc une meilleure utilisation des fonds publics. Nous avons été invités à la prudence et à la transparence. Fort bien, ce sont déjà les maîtres mots qui nous guident.

Je rappellerai que les PPP sont utilisés, depuis plusieurs années, dans un très grand nombre de pays, indépendamment de l'allégeance politique des gouvernements. De la très progressiste Scandinavie à l'Irlande plus capitaliste, ce mode de gestion de grands projets est devenu pratique courante. Nous allons donc nous inspirer des réussites qui ont eu lieu ailleurs; nous allons tirer des enseignements des erreurs qui ont été commises ailleurs; nous allons avancer prudemment mais résolument; et nous allons faire des PPP à notre manière, en fonction de nos besoins et dans le respect des plus hauts principes d'intégrité et de transparence. C'est dans l'intérêt du Québec et des Québécois.

Au Québec, nous avons commencé à parler, depuis quelques mois, de ces deux défis qui se dressent sur notre voie: l'assainissement de nos finances publiques et les changements démographiques. Nous ne sommes pas les seuls confrontés à ces défis. En effet, c'est tout l'Occident qui vit des variations sur ces thèmes. À peu près partout en Occident, les populations vieillissent, les générations montantes sont moins nombreuses que ne l'étaient celles de leurs parents. Partout, les États industrialisés sont confrontés à une très forte croissance des coûts des services de santé qui sont gonflés principalement par la flambée des prix des médicaments et le prix des nouvelles technologies médicales. Au Québec, 42 % de nos ressources financières vont à la santé. Néanmoins, nous avons réussi chez nous, au prix de grands efforts, à maintenir l'équilibre budgétaire, alors que, dans la plupart des pays d'Europe, les finances publiques sont dans le rouge. Donc, tous les États occidentaux sont sous pression.

Or, ici comme ailleurs, pendant que l'État peine à honorer ses différentes missions, se trouvent des groupes industriels d'envergure qui ont l'expertise et la capacité financière d'investir avec l'État dans des travaux d'infrastructures, d'en partager les risques et de faire profiter les citoyens d'une amélioration de leur qualité de vie. Et on s'en priverait pour des raisons idéologiques? Le manquement au devoir d'État n'est pas de considérer les PPP mais de s'y refuser. Nous ne serions pas un gouvernement responsable si nous fermions la porte par nostalgie à des solutions nouvelles qui peuvent bénéficier à l'ensemble des Québécois.

Le gouvernement précédent partageait d'ailleurs cette conception des choses, puisqu'il avait préparé le terrain aux PPP. Et ce n'étaient pas des paroles en l'air: il avait agi en ce sens en créant le Bureau des partenariats d'affaires qui, en somme, est le bourgeon de l'Agence des partenaires public-privé.

Le Plan stratégique 2001-2004 du Secrétariat du Conseil du trésor, présenté par le député de Richelieu alors qu'il occupait ma fonction, est d'ailleurs sans aucune ambiguïté à ce sujet. On y lit notamment ceci dès la page 6: «[Les partenariats] d'affaires entre les secteurs public et privé a également représenté un objectif majeur. Afin de promouvoir ce concept au sein de l'administration publique, de susciter et de maintenir l'intérêt des gestionnaires pour cette question et de permettre des partages fructueux d'information et d'expérience entre les acteurs, divers travaux de promotion ont été menés.» Et, en page 22 de ce même document, dans un tableau synthèse, on lit ceci: «Mettre en place des conditions favorables à l'élaboration et à la réalisation de projets de partenariat d'affaires, afin de renouveler les infrastructures publiques et de répondre à la demande grandissante de nouveaux services publics, et ce, au plus tard le 30 septembre 2001.»

M. le Président, les PPP ne sont pas le fait d'une quelconque idéologie libérale, ils sont une solution contemporaine à des défis contemporains. Nous sommes dans les années 2000, et c'est là l'une des façons de faire des années 2000. Nos travaux nous ont permis de clarifier notre vision quant aux PPP. Un PPP, c'est un contrat à long terme par lequel un organisme public associe une entreprise du secteur privé à la conception, à la réalisation, à l'exploitation et généralement au financement d'un ouvrage public. Ce contrat stipule les résultats à atteindre et établit un partage de responsabilités, des investissements, des risques et des bénéfices dans un objectif d'amélioration de la qualité des services offerts aux citoyens.

Dans un PPP, l'État demeure le maître d'oeuvre, l'État demeure le patron. Un PPP, ce n'est pas un raccourci vers la privatisation, c'est un rempart contre la privatisation. C'est l'État qui réaffirme son rôle de gardien de l'intérêt général en définissant les règles, les coûts, les échéanciers et les critères de qualité.

Un PPP, ce n'est pas une abdication d'une mission de l'État, c'est une réaffirmation et une actualisation de celle-ci. Ce n'est pas une négation de l'expertise des fonctionnaires, c'est une valorisation de leur expertise.

Une autre raison pour recourir aux PPP, et j'en ai parlé dans mes commentaires d'introduction, c'est le respect des coûts et des échéanciers. À l'ouverture de nos travaux, j'ai dit que, pour toutes sortes de raisons, il était devenu presque impossible au Québec de s'engager dans un grand projet d'immobilisations sans se retrouver dans des situations ruineuses. J'ai dit que, lorsque l'État était le seul payeur et que le seul donneur d'ordres, les chiffres et les dates s'envolaient comme des feuilles d'automne. Et j'ai dit que cette situation, devenue intolérable, minait non seulement la crédibilité de l'État, mais la capacité de l'État à honorer ses autres missions.

Le PPP, c'est une responsabilisation et une imputabilité accrues des partenaires. Je vous citerais un extrait d'un texte publié dans le journal La Presse de ce lundi 8 novembre, sous la plume de M. Daniel Maltais, professeur de management public à l'ENAP, au sujet des partenariats public-privé. Il dit: «Une telle démarche aura comme effet de responsabiliser l'entreprise qui ne pourra plus faire supporter des dépassements de coûts par le gouvernement, comme elle le fait trop souvent dans le cadre d'ententes conventionnelles. Quant au gouvernement, il ne pourra plus imposer des délais dont l'estimation repose davantage sur le désir de couper rapidement un ruban que sur un calcul sérieux des coûts réels, à court et à long terme, du projet.»

Je partage cette analyse. Cet élément du respect des coûts et des échéanciers est apparu aux participants comme le principal facteur militant en faveur du recours aux PPP. Les Québécois s'attendent à ce que l'argent qu'ils nous confient soit géré avec la plus grande rigueur; nous sommes d'accord.

Au terme de nos travaux, M. le Président, nous partageons avec les participants ces éléments importants qui définissent le contexte du projet de loi à l'étude. Nous avons un problème de développement des infrastructures, et des solutions doivent être trouvées. Les partenariats public-privé font partie de la solution, mais il ne s'agit pas d'une solution miracle. Ce n'est ni un dogme ni une panacée, c'est un outil que nous ajoutons au coffre d'outils de l'État.

Cette formule n'est ni applicable ni souhaitable pour tous les projets, mais elle l'est pour un nombre limité de grands projets. Un meilleur respect des budgets et des échéanciers est un des principaux avantages de la formule des PPP.

Enfin, la constitution d'une agence des partenariats public-privé est un excellent moyen de garantir l'intégrité et la cohérence et la transparence du processus. J'ajouterai, sur ce dernier point, que l'agence permettra au gouvernement du Québec de développer une expertise nouvelle et de conserver cette expertise au sein du gouvernement.

Si nos travaux ont permis de faire des progrès importants dans la compréhension des PPP et des visées gouvernementales, ils ont aussi mis en évidence des aspects sensibles. Le projet de loi n° 61 mérite d'être précisé et quelques-uns de ses articles. Je l'ai dit au cours de nos travaux et je le répète sans gêne: J'accorde énormément d'importance aux discussions que nous avons eues, et j'ai le plus profond respect pour celles et ceux qui ont fait l'effort de venir jusqu'à nous, éclairer la réflexion du gouvernement ainsi que pour l'institution qui a accueilli leurs témoignages. Nous allons tenir compte des commentaires des citoyens du Québec.

La dimension éthique a été abordée par tous les participants. Les Québécois sont allergiques à tout ce qui pourrait constituer un terreau fertile au favoritisme et aux conflits d'intérêts. Je salue cette préoccupation en faveur de l'intégrité des institutions démocratiques québécoises. J'en suis, moi aussi.

n(20 h 50)n

D'ailleurs, dans sa forme actuelle, le projet de loi n° 61 prévoit déjà que l'agence sera soumise à l'examen du Vérificateur général et qu'elle sera soumise à l'application de la Loi d'accès à l'information. Il demeure toutefois une certaine inquiétude, et nous allons travailler à la dissiper.

J'aimerais rappeler à cette commission, M. le Président, que les propos tenus par le Vérificateur général s'appliquent à tous les organismes du gouvernement bien avant que ne soit proposé le projet de loi n° 61.

Je profite de cette occasion pour préciser à la commission que l'agence n'aura qu'un seul client: le public. Seuls le gouvernement du Québec, ses ministères et leurs constituantes traiteront avec l'agence. L'Agence des PPP ne sera pas au service des entreprises, elle sera au service du gouvernement.

Dans le même esprit, les pouvoirs de l'agence devront être mieux compris. L'agence aura essentiellement un rôle de conseil et de support. L'Agence des partenariats public-privé du Québec n'est pas un promoteur, elle n'est pas un donneur d'ordres, elle n'est pas un entrepreneur général. Elle est une ressource-conseil; elle est là pour conseiller le gouvernement et ses constituantes sur la pertinence d'un PPP. Et elle est aussi une caution morale; elle assure l'intégrité et la transparence du processus une fois que le gouvernement et ses constituantes auront opté pour le PPP.

M. le Président, au cours de ces 10 jours de travaux, nous avons eu une discussion riche, parfois animée mais toujours respectueuse. Cette discussion, elle a porté sur un nouvel outil dont se dotera l'État québécois, les partenariats public-privé, et sur une nouvelle instance qui en encadrera l'utilisation, l'Agence des partenariats public-privé du Québec.

Mais, ce dont il a été fondamentalement question, c'est la capacité du Québec à développer ses infrastructures. C'est la capacité de l'État québécois à honorer l'ensemble de ses missions dans un contexte où les besoins sont plus grands que nos moyens et alors que deux défis se dressent sur notre route: nous avons la responsabilité première d'assurer le développement du Québec et du mieux-être des citoyens du Québec, et c'est en pleine conscience de ce devoir d'État que nous nous engageons, prudemment mais résolument, dans la nouvelle façon de faire. La création de l'Agence des partenariats public-privé marque l'évolution logique du Bureau des partenaires d'affaires créé par le gouvernement précédent.

M. le Président, je tiens à remercier, M. le Président, le climat serein avec lequel nous avons... ces travaux se sont déroulés. Je tiens surtout à remercier mon collègue le député de Richelieu qui a été une contrepartie pertinente et stimulante. Et je remercie encore une fois tous les groupes qui ont posé le geste significatif de venir éclairer la réflexion du gouvernement. Je m'en voudrais également, M. le Président, de ne pas remercier mon collègue des Chutes-de-la-Chaudière.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, Mme la présidente du Conseil du trésor. Alors, vous me permettrez moi-même aussi, au terme de ces consultations générales, de remercier d'abord, évidemment, tous ceux et celles qui ont participé à nos travaux en préparant et en déposant des mémoires, et plusieurs d'entre eux ont aussi profité de l'occasion pour venir les présenter aux membres de la commission. Ça, c'est un élément extrêmement important dans le contexte démocratique: qu'on puisse consulter et recevoir les avis de différentes gens et qu'ils puissent émettre leur opinion.

Je voudrais remercier aussi tous les membres de la Commission des finances publiques ainsi que tous nos collègues qui sont venus parfois de façon occasionnelle assister à nos travaux et participer à nos travaux avec le consentement des membres de la commission. Je crois que c'est un exercice extrêmement important auquel le climat, il s'est fait dans un... de très bon ton très généralement, et je suis certain que je peux compter sur ce même ton et ce même climat lorsque nous reviendrons pour poursuivre l'étude détaillée du projet de loi. C'est les attentes que je formule et j'ose espérer et je suis convaincu ? je ne prête pas de mauvaise intention à personne ? que nous aurons ce même climat et cette même collaboration. Je voudrais aussi remercier tout le personnel évidemment de l'Assemblée nationale, les gens qui s'occupent de la diffusion des travaux, le Secrétariat des commissions, les gens aussi... les pages qui travaillent et qui passent de longues heures avec nous. Et je voudrais remercier aussi le personnel des services de recherche de nos ailes parlementaires ainsi que le personnel du Secrétariat du Conseil du trésor qui ont participé assidûment à nos travaux.

Alors, sans plus tarder, la Commission des finances publiques ayant complété ce mandat, j'ajourne les travaux de la Commission des finances publiques sine die.

(Fin de la séance à 20 h 55)


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