L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des finances publiques

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des finances publiques

Version finale

38e législature, 1re session
(8 mai 2007 au 5 novembre 2008)

Le mercredi 28 novembre 2007 - Vol. 40 N° 20

Audition des représentants de la Caisse de dépôt et placement sur la question de la crise dans le secteur du papier commercial adossé à des actifs


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Remarques préliminaires

Exposé du président du conseil d'administration de la
Caisse de dépôt et placement, M. Pierre Brunet

Exposé du président et chef de la direction de la Caisse
de dépôt et placement, M. Henri-Paul Rousseau

Discussion générale

Remarques finales

Document déposé

Autres intervenants

 
M. Alain Paquet, président
Mme Linda Lapointe, vice-présidente
Mme Nicole Ménard
M. Emmanuel Dubourg
M. Pierre Arcand
Mme Lucille Méthé
M. Claude Morin
M. Guy Lelièvre
M. Irvin Pelletier

Journal des débats

(Quatorze heures trente-deux minutes)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Bon après-midi. J'invite d'abord toutes les personnes présentes ici, dans cette salle, de bien s'assurer d'avoir éteint la sonnerie de leurs téléphones cellulaires afin de ne pas perturber nos travaux.

Alors, nous sommes réunis cet après-midi afin d'entendre, lors d'une audition publique, les représentants de la Caisse de dépôt et placement du Québec, dont son président et chef de la direction, M. Henri-Paul Rousseau, sur la question de la crise dans le secteur du papier commercial adossé à des actifs, et ce, conformément au mandat adopté unanimement par les membres de la Commission des finances publiques.

D'abord, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Juste avant de commencer les travaux, d'abord, j'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Henri-Paul Rousseau, président de la caisse, M. Pierre Brunet ainsi que les gens qui l'accompagnent, aux dirigeants donc de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Et je vous rappelle la façon dont va se dérouler cette audition d'une durée de quatre heures en temps continu ? c'est-à-dire qu'il n'y aura pas d'interruption. Nous commencerons par l'étape de remarques préliminaires pour une durée totale de 30 minutes, soit 10 minutes pour chacun des groupes parlementaires, en commençant du côté ministériel, ensuite l'opposition officielle et enfin le deuxième groupe d'opposition. Par la suite, les dirigeants de la caisse disposeront ensuite de 20 minutes pour leur présentation, et une période d'échange suivra entre les membres de la commission et les représentants de la caisse. Nous procéderons alors, d'abord, par un premier bloc de 15 minutes, en rotation: du côté ministériel, opposition officielle et du deuxième groupe d'opposition, suivi de blocs d'échange de 10 minutes jusqu'à la fin de notre audition aujourd'hui. Donc, l'audition se terminera enfin par les remarques finales des trois groupes parlementaires, dans l'ordre inverse, en commençant par le deuxième groupe d'opposition, suivi par l'opposition officielle et terminé par le côté gouvernemental.

Remarques préliminaires

Alors donc, sans plus tarder, je cède donc la parole au député de Hull, adjoint parlementaire à la ministre des Finances, pour des remarques préliminaires du côté ministériel.

M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Chers collègues, M. Rousseau, merci d'être avec nous. Alors, mesdames messieurs, nous nous réjouissons aujourd'hui de pouvoir recevoir la Caisse de dépôt et placement du Québec et son président, M. Henri-Paul Rousseau, afin de faire toute la lumière sur l'enjeu de l'heure dans le monde financier, soit la crise des liquidités relatives au papier commercial adossé à des actifs, communément appelé PCAA. D'ailleurs, vous savez, depuis le 13 août dernier, ce sujet a fait couler beaucoup d'encre au Québec, dans le reste du Canada et même à travers le monde.

Soucieuse de maintenir toute l'indépendance nécessaire et désirant la plus grande transparence possible, la ministre des Finances répète depuis plusieurs mois qu'elle souhaite que les députés invitent la Caisse de dépôt à témoigner afin d'éclaircir la situation des papiers commerciaux. À notre grande surprise, aucun des partis d'opposition n'a jugé utile d'inviter M. Rousseau. C'est donc à la suite de l'initiative du président de notre commission, le député libéral de Laval-des-Rapides, que nous accueillons la Caisse de dépôt, aujourd'hui, et son président.

Vous savez, la crise des liquidités des papiers commerciaux n'est pas propre au Québec. Sans minimiser d'aucune façon la situation vécue au Québec, il importe par contre, d'entrée de jeu, de prendre un peu de perspective. Cette crise de liquidités touche la plupart des pays industrialisés. Elle est mondiale. Elle découle particulièrement des prêts hypothécaires à risque, ce qu'on appelle les «subprimes» aux États-Unis. Ainsi la faiblesse des taux d'intérêt de ces dernières années a amené plusieurs institutions financières américaines à effectuer des prêts hypothécaires à des clientèles à haut risque de défaut. D'ailleurs, le mois d'août 2007 a été marqué par un effondrement globalisé de la confiance des investisseurs envers les papiers commerciaux.

Conséquemment, les systèmes financiers de la plupart des pays industrialisés en ont subi les répercussions. Plusieurs banques centrales ont alors dû intervenir de manière urgente et énergique avec des injections de liquidités hors du commun. Ainsi, au début du mois d'août 2007, la Banque centrale européenne a injecté 150 milliards de dollars de liquidités dans les marchés financiers, et ce, dans une seule journée. Au même moment, les banques centrales des États-Unis et du Japon ont injecté respectivement près de 40 milliards et 10 milliards. Les banques centrales du Canada, de l'Australie, de la Suède et de la Suisse ont également effectué des interventions.

La question du papier commercial représente donc des gros sous, des très gros sous, soit près de 1 000 milliards de dollars, et ce, pas seulement au Québec, mais à travers la planète. Au Canada, le marché des papiers commerciaux représente 120 milliards de dollars, dont 85 milliards émis par des banques et 35 milliards par des tiers. C'est donc de cette partie du 35 milliards de dollars de PCAA émis par des tiers au Canada dont il sera question plus particulièrement cet après-midi.

Vous savez, la plupart des importants investisseurs canadiens détiennent des PCAA. Outre ceux connus au Québec, on note notamment Postes Canada, la SCHL, certains fonds de pension, Teachers en Ontario, Hydro Ontario, etc. Ainsi, avec un peu de recul, on constate que le Québec est loin, mais très loin d'être un cas particulier dans la situation mondiale à l'égard du PCAA.

Cependant, bien que la crise des PCAA dépasse nos frontières, elle a engendré, à juste titre, chez nous, des préoccupations légitimes. Avec raison, plusieurs se sont questionnés sur l'impact potentiel de la débâcle des papiers commerciaux sur l'économie du Québec, sur les finances publiques et bien sûr sur les fonds des déposants auprès de la Caisse de dépôt et placement, c'est-à-dire le bas de laine des Québécois. Certains retraités, par exemple, se demandent si leur fonds de pension sera affecté. Certains se sont également questionnés depuis sur les impacts potentiels de la crise sur le quotidien des Québécois. Est-ce que le régime d'assurance automobile du Québec sera affecté et conséquemment le coût des permis de conduire? Est-ce que les bénéficiaires de compensations provenant de la CSST seront affectés? Évidemment, la Caisse de dépôt et placement est au coeur de tout ce questionnement, et c'est pour cette raison que la caisse est ici aujourd'hui.

La Caisse de dépôt gère des actifs, vous savez, de plus de 200 milliards de dollars. Essentiellement, elle gère les cotisations des Québécois à la Régie des rentes du Québec, les régimes de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, le Régime supplémentaire des rentes pour les employés de l'industrie de la construction, le Fonds de santé et de sécurité du travail, la CSST, et le Fonds d'assurance automobile du Québec. Dans le fond, ce sont les Québécois... ce que les Québécois veulent savoir aujourd'hui, c'est si la caisse a géré leur argent de façon responsable. Ils veulent savoir si leur argent a été bien géré.

Cette question est très importante, car notre gouvernement a révisé récemment la Loi de la Caisse de dépôt et surtout sa mission. Outre le sujet des papiers commerciaux, la question de la mission de la caisse, du contrôle que doit exercer le gouvernement sur ses activités ainsi que la contribution de la caisse au développement de l'économie du Québec seront également, sans aucun doute, des points importants de discussion cet après-midi.

n (14 h 40) n

À ce sujet, la position du gouvernement est bien connue et n'a pas changé. L'indépendance et la mission de la caisse ont été clarifiées lors de la réforme de la loi effectuée en 2004 par notre gouvernement. La réforme de 2004 visait à moderniser la gouvernance de la caisse afin d'éviter de revivre un scandale comme celui de Vidéotron, où les pertes massives ont été encourues à la suite de directives politiques données à la caisse par le gouvernement qui nous a précédés. Cette réforme a également permis de renforcer le rôle du conseil d'administration de la caisse et celui de ses comités tout en imposant une plus grande imputabilité aux dirigeants et aux administrateurs, d'accorder une plus grande place aux déposants dont les politiques de placement encadrent les choix d'investissement de la caisse.

La mission de la caisse a été précisée. Il s'agit, et c'est clair, de rechercher le rendement optimal du capital des déposants tout en contribuant au développement économique du Québec. Nous aurons donc l'occasion d'en discuter une fois de plus cet après-midi. Nous voulons savoir si la caisse a pleinement joué son rôle de fiduciaire ? et j'insiste sur le mot «fiduciaire» ? à l'égard de la gestion des fonds qui lui sont confiés. En d'autres mots, la caisse a-t-elle priorisé la protection des épargnes des déposants dans l'affaire des papiers commerciaux?

La caisse a beaucoup fait parler d'elle depuis le début de la crise du papier commercial. On se rappelle que, dès le mois d'août, elle a été l'instigatrice de discussions ayant permis la conclusion d'une entente importante qu'on appelle l'entente de Montréal. Cette entente entre les principaux investisseurs vise à trouver une solution à la crise des papiers commerciaux, qui ira dans l'intérêt des investisseurs plutôt que dans l'intérêt des vautours. On se souvient également que l'entente de Montréal a notamment été saluée par les ministres des Finances fédéral et du Québec ainsi que par le gouverneur de la Banque du Canada. Un comité pancanadien d'investisseurs, présidé par l'avocat torontois Purdy Crawford, a été mis en place pour assurer l'atteinte des objectifs de l'entente de Montréal. On sait que le comité Crawford fera état du résultat de ses travaux au plus tard le 14 décembre prochain. Selon ce qu'on a pu lire dans les journaux ? et les représentants de la caisse vont certainement nous en dire davantage tantôt ? le processus de restructuration pourrait être complété d'ici la fin mars 2008. Évidemment, nous voulons connaître la suite des choses.

Au-delà des efforts de la caisse pour limiter les impacts de la crise, cette institution a également fait la manchette relativement à l'ampleur de sa détention de papiers commerciaux et aux impacts de la crise sur sa santé financière et sur l'avoir des déposants. Les demandes répétées pour que la caisse dévoile son en-cours dans les papiers commerciaux se sont récemment accentuées alors que plusieurs institutions financières, sans nécessairement dévoiler leurs propres en-cours, ont annoncé des provisions pour pertes éventuelles reliées aux papiers commerciaux dans le cadre du dépôt de leurs états financiers annuels. Nous savons que la caisse a choisi, à ce jour, de ne pas dévoiler l'information relative aux papiers commerciaux qu'elle détient, affirmant que cette décision est dans l'intérêt des déposants. Nous espérons en apprendre davantage à ce sujet cet après-midi.

Je note que certains ont été particulièrement rapides à lancer la première pierre à la caisse sans véritablement se préoccuper du fond des choses. Ne perdons pas de vue que l'institution dont il est question ici est un des fleurons de l'économie québécoise et de l'histoire moderne du Québec. Créée il y a 40 ans, la Caisse de dépôt et de placement du Québec représente indéniablement l'un des plus importants symboles de la Révolution tranquille qui s'est opérée au Québec dans les années soixante.

M. le Président, la caisse, avec un rendement annuel moyen de 13,8 % au cours des trois dernières années, s'est classée parmi les 5 % des gestionnaires des caisses de retraite... dans les meilleurs 5 % de gestionnaires des caisses de retraite au Canada. Finalement, l'agence de Standard & Poor's a confirmé, le 28 septembre dernier, la cote AAA de la caisse, soit la meilleure cote de crédit qui soit. Il faut prendre garde des discussions entourant les PCAA afin de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain.

La crise des papiers commerciaux a soulevé de nombreux débats, puis on n'a pas fini d'en entendre parler. Pour voir clair et pour porter les bons jugements, il importe d'avoir de meilleures informations possible sur cette crise, ses causes, les prochains développements, le rôle des investisseurs et des institutions, et ainsi de suite. À cette fin, et je termine, nous sommes heureux de rencontrer cet après-midi les représentants de la Caisse de dépôt et placement du Québec, dont le président et chef de la direction, Henri-Paul Rousseau, afin que tous les Québécois puissent être rassurés par son travail responsable. Merci.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole et je reconnais M. le député de Chauveau, porte-parole de l'opposition officielle en matière de finances publiques.

M. Gilles Taillon

M. Taillon: Merci beaucoup, M. le Président. M. Rousseau, M. Brunet, vos collaborateurs, bonjour. Merci beaucoup de votre présence. Nous sommes un peu déçus, vous vous en doutez, que la ministre des Finances ait refusé de vous accompagner, vous laissant seul au bâton pour porter l'ensemble du poids de cette affaire-là. C'est une absence par contre qui ne nous surprend pas, M. le Président, puisque, malgré tous les efforts de l'opposition depuis plusieurs semaines pour connaître la situation réelle eu égard à la crise du papier commercial, tant le premier ministre que la ministre des Finances ont refusé de répondre aux questions et même se sont réfugiés derrière vous pour échapper à l'examen. Vous avez le dos large, vous avez de grandes capacités, mais on vous a laissé quand même porter tout le poids de cette affaire-là.

Je vous citerais... On fait un petit peu de politique, M. le Président, mais nos collègues en ont fait, je pense que c'est important. Vous, vous êtes moins directement concerné, mais, nous, on vit de ça. Donc, je vais rappeler que M. Charest avait bien dit, en 2002... M. le premier ministre: «Est-ce que la ministre et le premier ministre ne sont pas en train de balayer en dessous du tapis les problèmes de gestion à la Caisse de dépôt et placement, qui doivent faire l'objet d'un examen public pour que les citoyens du Québec à qui appartient cet argent puissent savoir ce qui est arrivé avec leurs fonds?» Donc, pour nous, c'était essentiel de poser ces questions-là.

Et la ministre des Finances, à peu près à la même époque, en 2002, disait: «Nous nous attendons à plus de rendement, mais aussi à plus de transparence.» Bref, autres temps, autres moeurs. Aujourd'hui, ils ne sont pas là. Malgré une interpellation, plusieurs questions, c'est, du côté du gouvernement libéral, la loi de l'omertà sciemment pratiquée. Tout le contraire de ce que plaident les tenants d'une transparence dans le secteur financier. On pourrait citer le sous-gouverneur de la Banque du Canada, on pourrait citer M. Jarislowsky, bref, tout le monde s'attend à ce qu'on puisse ouvrir les livres et expliquer les choses telles qu'elles doivent l'être pour les investisseurs, pour les actionnaires, pour les Québécois, puisque vous gérez le bas de laine des Québécois.

M. le Président, M. le président de la caisse, nous avons, aujourd'hui, à l'égard des représentants de la caisse, des attentes précises que nous allons vous formuler dans cette introduction et qui feront l'objet par la suite de l'ensemble de nos questions au cours de cette commission parlementaire. Nous espérons que, fidèle à vos enseignements, M. le président de la caisse, vous puissiez faire montre de beaucoup d'ouverture et nous donner l'heure juste sur la situation. Vous disiez, vous aussi, en 2003, et je vous cite: Henri-Paul Rousseau a promis plus de transparence, et une bonne façon d'y arriver serait que la caisse divulgue les résultats sur sa performance et ses placements à tous les six mois au lieu de le faire une fois par année. Ne vous gênez pas, on accepterait 10 mois.

Donc, voici un peu la situation des questions que nous comptons débattre avec vous aujourd'hui. D'abord, premier élément: Pourquoi la caisse, qui a tant à coeur le bas de laine des Québécois, s'est-elle autant investie dans les véhicules à risque que constitue le papier commercial?

Deuxième ordre de préoccupation: Combien la caisse détient-elle de papier commercial?

Troisième préoccupation: Quel est l'impact sur les déposants de la caisse de cette détention de papiers commerciaux là et des pertes potentielles à venir? Quand on parle des déposants, on parle des grands régimes de retraite, on parle de la Société de l'assurance automobile du Québec, on parle de la Commission de santé et sécurité du travail et Régime de rentes. On sait que, lorsqu'il y a de mauvais rendements à la caisse, lorsqu'il y a des situations difficiles, ces grands régimes écopent, et, quand les grands régimes écopent, ce sont les citoyens du Québec qui écopent: citoyens corporatifs, citoyens individus.

Quatrième grande préoccupation, M. le Président ? je vais dire M. le président et de la commission et de la caisse, ça va éviter les problèmes: Est-ce que ce choix de rendement à tout prix a détourné la caisse de son mandat du développement économique? Nous allons discuter avec vous aujourd'hui du retrait de la caisse, par exemple, dans l'acquisition de Bell: Est-ce que ça a été commandé par une trop grande implication dans les papiers commerciaux?

n (14 h 50) n

Cinquième grande préoccupation, M. le Président: Quel est le rôle de la caisse dans la crise du papier commercial? Est-ce que la caisse est une victime, un promoteur, un gardien? Ces questions-là se posent surtout à partir de l'association de la caisse avec la firme ontarienne Coventree. Et donc nous allons vouloir savoir quelle est l'implication exacte de la caisse dans ça.

Bien sûr, comme sixième grande préoccupation: Une fois ces choses-là réglées, quelles sont les pertes que vous anticipez? Nous sommes sûrs que vous allez nous donner votre implication dans le papier commercial. Dans les pertes anticipées, le mot «anticipées» le dit, on ne vous demandera pas de nous préciser cela de façon exacte, mais quel est l'ordre de grandeur? On sait que, sur le marché des grandes institutions privées, l'ordre des pertes, l'ordre des radiations, des provisions pour perte a joué entre 8 % et 25 % ces derniers jours, comment se situe la caisse eu égard à cette évaluation-là?

Et finalement comme septième grande question: Le protocole de Montréal, qui est une entente convenue, nous souhaitons que vous nous expliquiez un peu comment ça s'est créé, comment ça s'est mis en place. Et est-ce que ce protocole-là, ou cette entente-là, est un plan de sauvetage ou un plan de camouflage? Est-ce que ça vise finalement à reporter les pertes à plus tard, à s'asseoir sur le papier commercial, à espérer qu'un jour on pourra en sortir sans que personne ne s'en aperçoive?

Bref, voilà les ordres de préoccupation de l'opposition officielle dans ce dossier-là. Nous aurons l'occasion, M. le Président, d'y revenir à chacun des blocs de questions. Et, comme je vous le soulignais d'entrée de jeu, nous sommes assurés, parce que nous vous connaissons, nous connaissons le président de votre conseil d'administration, que nous aurons des réponses précises et, dans la plupart des cas, chiffrées à nos questions. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. le député. Je reconnaîtrais maintenant, pour ses remarques préliminaires, M. le député de Rousseau, porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de finances publiques.

M. François Legault

M. Legault: Merci. D'abord, je voudrais saluer le président de la Caisse de dépôt, le président du conseil d'administration de la Caisse de dépôt, tous les collègues députés. D'abord, je veux vous dire que je suis content enfin de rencontrer le président de la Caisse de dépôt en commission parlementaire et je veux vous dire aussi, tout de suite, d'entrée de jeu, que je considère que, compte tenu de la taille de la Caisse de dépôt, on parle d'un actif total de 237 milliards, d'un actif net de 143 milliards, c'est énorme, je dirais que la caisse, c'est l'État à l'intérieur de l'État, mais je considère... et je suis surpris que le président de la Caisse de dépôt ne comparaisse pas plus souvent devant les parlementaires, même le président de la Réserve fédérale américaine comparaît plus souvent devant le Congrès que ce que vous faites devant nous.

Et je veux vous dire, là, pour les gens qui nous écoutent: La seule occasion qu'on a, à chaque année, de vous poser des questions, c'est lors de l'étude des crédits des finances. Or, à cette occasion-là, évidemment, on a toutes sortes de questions à poser sur le ministère des Finances, sur toutes les sociétés d'État ? certaines années, c'est la Société des alcools, d'autres années, c'est d'autres sociétés d'État ? et malheureusement je pense qu'on n'a pas assez de temps pour discuter d'enjeux aussi importants que ce qu'on voit à la Caisse de dépôt.

Et je veux rappeler à mes collègues que, depuis quatre ans, à quelques reprises, j'ai demandé d'avoir un mandat spécial, j'ai même fait une proposition officielle au moins à deux reprises, de vous recevoir en commission parlementaire et qu'à chaque occasion les députés du Parti libéral ont voté contre cette proposition. Je sais que le président s'en rappelle. Donc, je trouve que c'est un changement de cap important depuis quelques semaines, la ministre des Finances nous propose le contraire, donc de vous entendre.

Et pourquoi c'est important de vous entendre? Bien, d'abord, je pense que c'est important de le faire plus que jamais parce qu'il y a quatre ans le gouvernement libéral a décidé de changer la mission de la Caisse de dépôt, mission qui était en place depuis 40 ans, depuis Jean Lesage. Et j'ai même, au cours des dernières heures, relu ce que Jean Lesage disait il y a 40 ans, lorsqu'il a créé la Caisse de dépôt. Il nous disait à l'époque que la Caisse de dépôt devait avoir deux missions: une mission de rendement, mais aussi une mission de développement économique à long terme. Or, malheureusement, il y a quatre ans, le gouvernement libéral a choisi de reléguer au second rang la mission de développement économique.

Et ça, c'était tellement clair, M. le Président, que je me souviens très bien à l'époque que le Parti québécois, on a déposé un amendement pour dire clairement que les deux missions doivent être sur le même pied d'égalité, aussi importantes une que l'autre, le rendement et la mission de développement économique, et cet amendement a été battu par les députés du Parti libéral, et ? je sais qu'il faut être prudent quand on le dit ? les députés de l'ADQ étaient alors absents des débats. Je suis content qu'ils commencent à s'intéresser à la mission de la Caisse de dépôt, mais à l'époque ils avaient été absents de toutes les heures de discussion qu'on avait eues sur la Caisse de dépôt.

Je pense qu'il serait très important, éventuellement, enfin d'accepter un mandat pour débattre de cette mission de la Caisse de dépôt, parce que je pense que ce changement qu'on a fait a des impacts réels sur les décisions de la Caisse de dépôt qui ont été prises ou qui seront prises. Entre autres, je sais qu'auparavant les déposants, comme la Régie des rentes, ou la SAAQ, ou la CSST, quand ils investissaient à la Caisse de dépôt, devaient investir dans l'ensemble du portefeuille de la caisse. Maintenant, ces déposants peuvent choisir d'exclure les participations directes dans les entreprises québécoises. Je trouve ça très dangereux parce qu'il s'agirait d'avoir une ou deux mauvaises années de rendement dans les participations directes pour qu'à l'avenir il n'y ait plus d'argent de disponible pour investir dans les entreprises.

Je vous dis aussi... parce que je parle ? à cause de mon ancienne vie ? avec plusieurs hommes et femmes d'affaires, entre autres de Montréal, qui me disent que ça n'a jamais été aussi difficile qu'actuellement de faire affaire avec la Caisse de dépôt, que les rendements qui sont exigés par la Caisse de dépôt sont à des niveaux beaucoup trop élevés.

Je pense aussi qu'il faudrait se poser des questions sur la façon dont les bonis sont payés à la direction de la Caisse de dépôt, parce qu'il y a une grande partie qui est basée sur les rendements à court terme, et ça adonne bien, c'est une coïncidence, là, mais le choix que la caisse a fait d'investir des montants majeurs dans des placements à l'étranger... Comme l'investissement qui a été fait, en juin l'année dernière, dans BAA, dans les aéroports au Royaume-Uni, on a investi un montant record de 2,5 milliards. Et, cette semaine, on apprenait que les actifs de cette compagnie, que la cote de crédit a été coupée de BBB plus à BB moins par Standard & Poor's, donc une décote de trois niveaux, et que les actions de votre partenaire dans ce projet, le groupe Ferrovial, ont diminué de 17 % depuis un an. Donc, quand on pense qu'investir à l'étranger, c'est synonyme de rendement, je pense qu'il y a des questions à se poser.

Puis évidemment, au même moment, on a vu, au Québec, plusieurs entreprises québécoises être vendues à des intérêts étrangers au cours de la dernière année, qu'on pense à Domtar, Abitibi-Consol, Cambior, Sico, Molson, toutes des compagnies qui étaient québécoises qui aujourd'hui ne sont plus québécoises. Et dernièrement Alcan, la plus importante entreprise industrielle au Québec, il n'y a aucune entreprise qui investit plus au Québec, depuis 100 ans, qu'Alcan, or la Caisse de dépôt n'a pas levé le petit doigt pour essayer de garder le contrôle d'Alcan.

C'est dans ce contexte, M. le Président, que je propose qu'on convoque à nouveau le président de la Caisse de dépôt pour discuter des impacts de mettre l'accent seulement sur le rendement à court terme. Et je sais ce qu'on va nous dire, certains vont nous dire: Ce n'est pas incompatible, le rendement puis le développement économique du Québec. C'est vrai dans certains cas, dans d'autres non. Si, demain matin, quelqu'un, une compagnie étrangère arrivait, présentait une offre très alléchante pour acheter Bombardier, pour acheter SNC-Lavalin, ce serait peut-être bon pour le rendement à court terme que la caisse vende toutes ses actions. Est-ce que ce serait bon à moyen terme, à long terme pour le développement économique du Québec? Je pense que non. Donc, il arrive des moments où il y a une différence entre le rendement à court terme puis le développement économique du Québec à long terme.

n (15 heures) n

Maintenant, pour ce qui est des investissements de la caisse dans le papier commercial adossé à des actifs, je pense que la Caisse de dépôt doit être transparente. Je ne peux pas comprendre qu'une institution qui gère 100 % de fonds publics ait moins de comptes à rendre que des banques, qui rendent des résultats à tous les trimestres. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Et je suis surpris aussi de voir la différence d'approche de la direction de la Caisse de dépôt avec celle que vous aviez il y a quelques années, entre autres quand il est arrivé le dossier de Vidéotron-Quebecor, dans le dossier de Montréal Mode, dans le dossier du siège social de la Caisse de dépôt. À ce moment-là, vous vous êtes empressés d'annoncer des grandes radiations pour être transparents. Or, aujourd'hui, je ne comprends pas qu'on ne réussisse pas à obtenir l'information sur le papier commercial.

En fait, je peux accepter qu'il y aurait des avantages à garder secrète l'information pour mieux négocier avec les institutions qui sont établies, qui sont impliquées, entre autres les détenteurs de papier commercial, mais c'est le même argument qu'on pourrait prêter aux banques: les banques aussi auraient préféré garder l'information confidentielle mais, par souci de transparence, ont rendu publiques les informations. Et je pense aussi que, si on veut porter un jugement sur le travail de la caisse, on a besoin de cette information. Donc, combien a été investi? Dans quel type de papier commercial? Quel pourcentage la caisse a investi par rapport aux autres joueurs institutionnels? Quelle analyse de crédit a été faite? Quelles mesures ont été prises pour que ce genre d'erreur ne se reproduise plus? On a le droit de savoir, les Québécois ont le droit de savoir.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. le député. Alors, maintenant, je cède la parole au président et chef de direction de la Caisse de dépôt, M. Henri-Paul Rousseau, et M. Brunet, président du conseil d'administration de la caisse. Alors, M. Brunet.

Exposé du président du conseil
d'administration de la Caisse
de dépôt et placement, M. Pierre Brunet

M. Brunet (Pierre): Merci. M. le Président, Mmes, MM. les députés, d'entrée de jeu, j'aimerais vous dire que le conseil d'administration de la caisse a accordé une très grande importance à la crise qui vous intéresse. Le conseil d'administration a été informé dès le début, a été impliqué dans les décisions, a endossé et encouragé son chef de la direction et son personnel de la haute direction à prendre le leadership de ce problème.

Vous savez, une crise financière, il y en a à peu près tous les cinq ans. Et une crise financière, si vous me permettez une minute, c'est comme un tremblement de terre: vous savez que ça existe, vous le prévoyez, vous le mettez dans vos plans quand vous faites la construction, mais ce que vous ne savez pas, c'est quand, où et comment ça va frapper. Et, quand ça frappe, ce n'est pas le temps de se demander pourquoi, c'est le temps d'agir en fonction de la crise, ce qui a été fait.

Et la première chose qui est importante en fonction d'une crise, c'est d'éviter la panique, parce que, quand la panique s'installe, c'est la débâcle, toutes les valeurs vont nous échapper, et apparaissent immédiatement les vautours qui viennent partir avec les meilleurs morceaux, si bien que c'est la fin. Donc, il fallait éviter la panique.

Après la panique, une fois que la panique est sous contrôle, il y a deux éléments importants: le temps et les négociations importantes qui doivent se faire d'une façon discrète, un peu dans le silence. Et vous comprendrez que le temps était important. Et la citation de Benjamin Franklin prend toute sa dimension. Quand il disait: «Le temps, c'est de l'argent», bien c'était important. Et, du côté du silence, bien il faut comprendre qu'il fallait être sage. Comme Confucius nous le disait, c'est que les difficultés enseignent l'art du silence.

Donc, il fallait faire cette procédure, et je tiens à vous dire que toutes ces décisions-là qui ont été prises ont été prises d'une façon unanime par le conseil d'administration, ont été prises aussi avec toute l'indépendance et tous les principes de gouvernance qu'il faut et que nous avons appuyé la haute direction dans cette procédure. Ce n'était pas facile, mais c'est les points que je voulais faire en fonction du conseil d'administration. Et maintenant je passerais la parole à M. Rousseau, qui va faire le tour de tout le problème.

Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.

Exposé du président et chef de la direction
de la Caisse de dépôt et placement,
M. Henri-Paul Rousseau

M. Rousseau (Henri-Paul): Merci, M. le président du conseil. M. le Président, Mme la vice-présidente, MM., Mmes les députés, je suis très content de vous rencontrer. Et je suis heureux qu'on ait quatre heures, et je serai heureux de revenir quand vous voulez.

Avant d'aller plus loin cependant, il y a un certain nombre de choses que je veux dire, et le plus clairement possible, à vous et à la population du Québec. La Caisse de dépôt et de placement du Québec est en excellente santé financière, et c'est la même chose pour ses déposants. Au cours des quatre dernières années, la caisse a fait beaucoup d'argent avec des rendements de 15,2 %, de 12,2 %, de 14,7 % et de 14,6 % l'an dernier. En fait, depuis le 31 décembre 2002, l'actif net des déposants a progressé de 65,8 milliards de dollars, passant de 77,7 milliards de dollars à 143,5 à la fin de 2006. Et 84 % de cette croissance, ce sont des rendements pour un montant de 55,3 milliards de dollars.

Dit autrement, en clair, on a fait, depuis quatre ans, en moyenne 13,8 milliards de rendement. Pour ceux qui peuvent s'imaginer ce que c'est, c'est énormément. On a pratiquement doublé la taille de l'organisation, et ça, avec l'accord de nos déposants, pour réparer les pots cassés, et on l'a fait. Les déposants sont contents. Et j'ai soupé avec eux hier soir, et ils savent maintenant c'est quoi, les choses. Et, grâce à l'appui des déposants, il fallait faire ça. Donc, ces montants d'argent, ces déposants sont très contents de l'avoir, parce que les régimes du Québec ont une meilleure pérennité et une meilleure santé financière. Et c'est pour ça que le rendement devait être prioritaire, pour faire en sorte qu'on soit, comme société, capables de faire face à l'avenir.

Ce fut donc de très bonnes années, et la caisse, dans cette période ? et c'est vérifiable, on peut vous le documenter ? a fait mieux que le marché et a fait mieux que ses pairs. En fait, dans les trois dernières années, nous nous sommes positionnés dans le premier 5 % des gestionnaires canadiens, et je suis très fier de mes équipes. Je n'ai aucun regret, au contraire.

C'est important, vous le savez, d'engranger quand ça va bien. En finance, il y a des hauts puis il y a des bas. Et, quand il y a de bonnes années, il faut être là. Quand il y en a des moins bonnes, il faut être aussi prudent. D'ailleurs, à chaque année, j'ai répété et j'ai dit à tout le monde que de tels rendements n'étaient pas soutenables à long terme, que nous travaillions avec les déposants sur une hypothèse long terme de 7 % et non pas de 14 %. Dans les faits, dans les quatre dernières années, notre rendement de 14,15 % a été deux fois les objectifs de nos déposants. C'est ce qui fait que maintenant on est capables de faire face à la musique. C'est pourquoi je peux vous dire que la santé financière de la caisse et de ses déposants, elle est excellente. Les cotisants et les retraités du Québec n'ont pas à s'inquiéter, ce ne sont pas les problèmes actuels du papier commercial au Canada qui vont changer cela.

Même si l'année n'est pas terminée, même si la vérification n'est pas terminée, je peux vous dire ceci pour quatre raisons. Premièrement, les actifs sous-jacents du papier commercial adossé à des actifs, le fameux PCCA, que détient la caisse sont de très bonne qualité. Cela a été confirmé par les travaux du comité pancanadien chargé de restructurer le marché avec l'aide de J.P. Morgan qui en est le conseiller.

Deuxièmement, l'exposition de la caisse au fameux risque de «subprimes» ? c'est-à-dire les hypothèques à faible rendement ? américains, vous verrez, est très limitée, et les provisions éventuelles sur ces placements ne changeront pas les équilibres financiers ni de la caisse ni des déposants en raison de cette faible exposition. Je vous dis tout de suite qu'il faut se discipliner à ne pas mélanger le «subprime» américain et le papier commercial, et c'est l'erreur que plusieurs font. Il ne faut pas faire cette erreur, et on sera clairs dans l'exposé qui va suivre.

Troisièmement, il n'y a aucune crise de liquidités à la Caisse de dépôt et placement. Nous avons, dès le début de la crise, classé tous ces placements comme étant des placements à moyen terme. Pourquoi? Parce qu'ils n'étaient plus liquides. Nous avons par contre rétabli nos liquidités très rapidement, et ce rétablissement des liquidités pour faire face aux besoins de nos déposants et pour poursuivre nos investissements là où il y a des opportunités d'investissement. La Caisse de dépôt et de placement n'a pas besoin de liquider ses placements. Elle ne liquidera pas, on ne fera pas de vente de feu, parce qu'ils sont de bonne qualité.

Quatrièmement, la caisse est un investisseur long terme et elle a amplement les moyens d'attendre que ses placements dans le PCAA produisent le rendement prévu. Ce n'est pas le cas de tous les investisseurs, qui n'ont pas cette capacité que nous avons. Mais c'est un des avantages d'avoir créé la caisse, c'est que nous sommes un investisseur de grande taille et patient.

Enfin, je tiens à vous rappeler que le papier commercial canadien est un produit financier de qualité. Il est exact que le PCAA canadien contenait du «subprime», à notre grande surprise et à la surprise de tout le monde, mais dans une proportion très limitée. On sait maintenant qu'à peu de choses près les caractéristiques du produit sont ce qu'on s'attendait. On va comprendre tout à l'heure cependant qu'une crise mondiale a pris des couleurs particulièrement canadiennes. En effet, les mécanismes censés d'assurer le maintien du marché n'ont pas fonctionné au Canada, essentiellement parce que les grandes banques internationales qui devaient fournir les liquidités en pareille situation ne l'ont pas fait. Dès les premiers instants, la caisse a pris le leadership au Canada pour réunir les investisseurs et mettre en place une solution à ce problème. La restructuration du marché est en bonne voie d'être réalisée par le comité pancanadien qui pilote le projet, ce qui va assurer le règlement ordonné de ce qui aurait été une crise et maintenant de prendre la résolution des problèmes dans des proportions normales. Voilà pour l'essentiel.

n (15 h 10) n

Maintenant, allons un peu plus loin dans le détail ? et je suis heureux que nous ayons quatre heures. Je veux d'abord vous dire de façon la plus claire et la plus solennelle possible qu'à aucun moment depuis que je dirige la Caisse de dépôt et placement du Québec, soit en septembre, le 2 septembre 2002, je n'ai subi aucune ingérence, directe ou indirecte, des hommes et des femmes qui ont occupé soit le poste de premier ministre du Québec, de ministre des Finances ou tout autre poste politique ou administratif de l'État. Et ceci, ça a été vrai sous le présent gouvernement et sous le gouvernement précédent. C'est le conseil d'administration et la direction qui sont légalement responsables de la gestion et des résultats de la caisse, et je vous avoue très candidement que nous sommes totalement et toujours étonnés lorsque cette responsabilité qui nous appartient et qui nous est imputée, elle est alors imputée à des hommes et des femmes politiques qui n'ont rien à voir avec ces décisions et qui ne sont pas impliqués dans les décisions. Et, quand on fait ça, on se nuit collectivement.

Comme premier dirigeant de la caisse, j'assume. Je suis totalement imputable des résultats et de la qualité de gestion de la caisse, et je vais assumer mes responsabilités, et ce n'est à personne d'autre de les assumer. Vous comprendrez donc que j'étais impatient de vous rencontrer pour répondre à vos questions et à vos sujets d'inquiétude. Je sais en plus ? et vous l'avez mentionné ? qu'il y a d'autres sujets, comme le développement économique, qui vous intéressent, et je serai heureux de répondre à vos questions. Mais je vais d'abord, dans mon exposé, me restreindre à la question du papier commercial, c'est déjà assez long et compliqué. Mais on va se parler franchement.

Dans le cours normal des choses et conformément à la loi, la caisse prépare des états financiers au 31 décembre de chaque année, et donc nous avons une obligation de reddition de comptes annuelle sur notre gestion et sur nos résultats. Mais nous n'avons pas une obligation trimestrielle ni semi-semestrielle de reddition de comptes sur notre gestion. Et c'est un des avantages caisse de faire en sorte que nous recrutons des gestionnaires qui ne sont pas évalués sur les trimestres mais sur l'année. Et, pour répondre à une préoccupation qui a été mentionnée, non seulement ça, mais la bonification de nos gestionnaires est au minimum trois ans. Vous n'êtes pas rémunéré sur base relative si vous n'avez pas une performance trois ans, et c'est une moyenne trois ans qui construit votre court terme comme performance. On veut des investisseurs qui regardent loin et qui sont patients parce que notre passif et nos déposants sont patients.

Donc, on prépare ça à chaque année, il y a une reddition de comptes qui est faite dans notre rapport annuel et qui est publiée au printemps, et tout ça est vérifié par le Vérificateur général du Québec, qui est chez nous pour 8 000 heures par année pour vérifier ce que la caisse fait. Selon la loi et les ententes que nous avons avec nos déposants, nous faisons une reddition de comptes régulière au conseil d'administration, c'est évident. C'est eux qui me conseillent, et ils savent tout ce que je peux leur dire et ce que je connais. Et aussi, auprès de nos déposants, on fait un suivi mais qui n'est pas aussi complet que celui annuel. Mais les grands mouvements de marché, on fait rapport à nos déposants. C'est normal, c'est leur argent.

Donc, contrairement à ce qu'on dit, on a eu une reddition de comptes l'an passé. Il y a eu une rencontre entre les déposants à la caisse et le personnel de la caisse au moins à tous les deux jours ouvrables. Ça veut dire qu'il y a des rencontres régulières avec ceux qui gèrent cet argent-là. La CSST, la Régie des rentes, le RREGOP, le FARR, tous les déposants à la caisse sont rencontrés sur une base régulière. Il y a un personnel à la caisse qui ne fait que ça, et ces rencontres-là, c'est pour justement la reddition de comptes. Et c'est eux qui ensuite nous amènent à leur conseil d'administration pour qu'on rende des comptes sur notre gestion sur une base régulière. Donc, il y a une reddition de comptes très, très large. Pourquoi? Parce que c'est leur argent, et tous ces déposants-là ont des engagements.

Mais vous me direz, et avec raison: La crise du papier commercial, ce n'est pas dans le cours normal des choses, et donc pourquoi la caisse n'a-t-elle pas, dans ce cas-là, rendu publics les chiffres de ses investissements dans les PCAA, puisqu'on était dans une crise? La réponse est très claire: Si on ne l'a pas fait jusqu'à maintenant, c'est parce qu'on a jugé, avec l'accord du conseil d'administration, que ce n'était pas dans l'intérêt des déposants. Et je vais prendre le temps, M. le Président, d'expliquer pourquoi.

La crise canadienne ne vient pas, d'abord et avant tout, des hypothèques à risque aux États-Unis appelés les «subprimes», même si ce problème a été un des déclencheurs. On sait maintenant que les «subprimes», c'est une très faible partie des actifs en question et on sait que 97 % des actifs qui sont sous-jacents sont de très grande qualité. La crise canadienne n'est donc pas une crise de crédit, et aller importer les données qui viennent des États-Unis ou d'Europe sur la crise de crédit au Canada, ce n'est pas correct. La crise canadienne est une crise de liquidités «made in Canada». «Made in Canada» pourquoi? Provoquée pour l'essentiel par le fait que les grandes banques, qui avaient besoin énormément de liquidités pour justement répondre aux besoins de liquidités qui venaient d'Europe et des États-Unis, ont dit: Oupelaïe! Au Canada, on n'est pas obligés de respecter une ligne de liquidité si on interprète les règles de telle façon et, «by the way», on va le laisser faire. C'est ce qui fait que cette faille dans la réglementation, selon leur interprétation, permettait de ne pas honorer leurs engagements canadiens.

Il s'en est suivi, vous l'avez vu, un arrêt complet des transactions sur ce papier avec la crise qu'on connaît. Eh bien, après plusieurs appels téléphoniques au Canada et à l'étranger ? j'ai eu un gros compte de téléphone ce mois-là, et personnellement et à la caisse ? on a fait le tour, qu'est-ce qui se passait. Et, quand on a constaté qu'il y avait une absence de leadership et que finalement tout ça risquait à une liquidation désordonnée d'actifs qui étaient de très bonne qualité, on a dit: Non seulement ça va être mauvais pour la caisse, mais ça va être mauvais pour plusieurs Québécois et plusieurs Canadiens. On a rapidement pris le leadership de réunir d'autres investisseurs pour trouver une solution. En pleine nuit, le 15 août, dans un local de la caisse, avec d'autres investisseurs canadiens, dont l'Office d'investissement du régime de pension du secteur public fédéral, PSP, le Mouvement Desjardins, la Banque Nationale, la banque CIBC, la Banque Scotia et l'agence de notation DBRS, on s'est retrouvés donc, en pleine nuit, à négocier avec les grandes banques internationales. Ces rencontres ont donné lieu à ce qu'on a appelé l'entente de Montréal. Même si, le lendemain de la négociation, parce que ça s'est fait dans une nuit et quart, la banque CIBC et Scotia ont refusé de signer une entente, il reste que l'entente a été faite avec les grandes banques internationales qui sont liées à cette entente, et elles sont: la banque ABN Amro, Barclays Capital, Deutsche Bank, Merrill Lynch et UBS.

Depuis le 6 septembre dernier, cette entente est pilotée par le comité canadien, comme on l'a souligné, dirigé par M. Crawford, et beaucoup d'autres investisseurs canadiens se sont joints à l'entente: Alberta Treasury Board Financial, Postes Canada, Credit Union Central of British Columbia, Credit Union Central of Alberta, Credit Union of Ontario, Credit Union of Saskatchewan, Société centrale d'hypothèques et de logement, Credit Union Central of Canada, Corporation Canaccord Capital, Nav Canada, Northwater Capital Management, and University of Alberta, and Magna Capital. Ce sont les 17 membres du comité Crawford. Nous sommes aussi appuyés par un grand nombre d'autres joueurs qui électroniquement répondent à toutes nos demandes lorsqu'il s'agit de signer des lettres pour donner des instructions aux fiduciaires et aux autres joueurs de l'industrie.

Cette entente, qui a été conclue jusqu'au 14 octobre, vous le savez, a été prolongée jusqu'au 15 décembre. Mais la période la plus importante, que vous devez comprendre, c'est celle du 15 août au 6 septembre. L'objectif poursuivi... Pour ceux qui ont déjà vécu une crise, que ce soit celle du verglas ou que ce soit n'importe quelle crise, vous savez que les moments les plus importants, c'est les événements tout de suite autour de la crise, pour faire en sorte que tous les intérêts divergents convergent. C'est ce qu'on a fait. Ça a été une période très complexe et difficile, et il s'agissait de réunir tous les investisseurs autour de la même table et de faire converger ces intérêts vers un objectif: éviter une liquidation qui aurait été une catastrophe extraordinaire.

Ça voulait dire trois choses. Augmenter le pourcentage d'appui à l'entente en obtenant ? et regardez la difficulté ? des banques canadiennes qui avaient refusé de signer l'entente dans la soirée... mais il fallait quand même qu'on compte sur elles parce que c'est elles qui avaient vendu le papier à hauteur de 50 %, 60 % dans le reste du pays. Allez donc parler à vos clients pour que vos clients soient informés de l'entente de Montréal, et signent l'entente, et nous rejoignent. Pas facile à faire, hein, pas facile à faire. Il fallait les contacter, ces banques-là, il fallait que ces banques-là soient convaincues du bienfait de l'affaire, même si elles ne l'avaient pas signée, et qu'elles rejoignent leurs clients. Ça voulait dire aussi organiser, sur une base totalement privée, contrairement à ce qui s'est fait dans d'autres pays... Les gouvernements ont été les leaders. Au pays, ça n'a pas été le cas. Ça a pris du temps. Il fallait coordonner les multiples intervenants, qui sont les investisseurs, les distributeurs, les fiduciaires et les commanditaires. Ça voulait dire aussi obtenir des grandes banques internationales l'information nécessaire sur l'ensemble des contrats, sur 42 émissions touchant 22 trusts et gérés à travers un paquet de juridictions. Ça demandait de l'information pour faire une négociation ordonnée.

n (15 h 20) n

Et c'est ici qu'on doit se comprendre. Si je n'avais pas eu la collaboration de la ministre des Finances du Québec, qui, dans ce dossier-là, messieurs, mesdames, a joué un rôle déterminant pour m'aider à faire en sorte que les signataires québécois, qui étaient Desjardins, Nationale et quelques autres, on puisse ensemble convaincre les autorités fédérales, les grandes banques de Toronto, que ce n'était pas un problème de Montréal, mais c'était un problème canadien... Et on a réussi à le faire grâce à son travail. Son aide auprès de la Banque du Canada, du ministère fédéral des Finances a été très importante pour nous pour permettre de stabiliser la situation. En fait, elle a réussi avec doigté, parce qu'elle devait à la fois ? et ce n'était pas facile ? respecter le caractère confidentiel et stratégique des informations que je lui fournissais sur une base régulière.

J'avais besoin d'elle, j'avais besoin d'un politique pour faire en sorte qu'on parle à d'autres politiques, parce qu'ici ce dont on parle, c'est la Deutsche Bank, la Barclays Bank qui ne sont pas au Canada, qui sont ailleurs. Comment on fait ça? Il faut faire en sorte que le gouvernement fédéral soit saisi de la chose, et soit convaincu de la chose, et puisse faire les représentations auprès de d'autres banques étrangères, et ça, ça se fait entre autorités provinciales, autorités fédérales. La Caisse de dépôt n'est pas le gouvernement. C'est là que la ministre des Finances a été mise dans le coup sur l'ensemble des activités, l'ensemble des aspects du dossier pour nous aider.

Donc, elle l'a fait avec doigté parce qu'elle devait respecter le caractère confidentiel de ces informations que je lui fournissais tout en respectant l'autonomie de la caisse, qui, elle, prenait ses décisions de gestion. Parce que c'est nous, les responsables, donc il y a une ligne à tracer là, et cette ligne-là a été bien maintenue. Mais, nous, on devait assumer nos responsabilités, et, elle, elle a assumé ses responsabilités de ce que j'appellerais... de fiduciaire ultime en nous donnant le coup de main qu'on avait besoin. Ses interventions auprès du gouverneur de la Banque du Canada, du sous-ministre des finances ? et ça, c'est vérifiable auprès de David Dodge et de M. Mark Carney ? ont été extraordinaires pour contribuer au succès de la mise sur pied, le 6 septembre, du comité Crawford qui, lui, nous a permis d'aller chercher un pourcentage qui était autour de 55 % lors de l'entente de Montréal, qui a fini à 84 %. Ça, c'est les faits, la vérité vraie. Et, à cause de ça, ça a été très important.

Sachez d'abord que, dès le début de la négociation, nous avons envisagé de rendre publiques les sommes investies par la caisse dans le PCCA, dès le début. On en a parlé au conseil, nous avons constaté très rapidement que, vis-à-vis les banques internationales, ce n'était pas l'intérêt de faire ça. Pourquoi? Devant l'extrême difficulté des pourparlers sur l'accès à l'information, nous avons jugé, comme tous les autres membres du comité, qu'il ne serait pas dans l'intérêt des investisseurs de divulguer nos propres données, et ça, tant que les négociations sur l'accès à l'information ne seraient pas terminées et l'ensemble des paramètres, connus. En d'autres mots, il n'était pas question d'ouvrir notre jeu de cartes avant le début du jeu. Ça aurait affaibli la position du comité, et on devrait parler d'une seule voix. Le comité d'ailleurs s'est imposé un cadre très strict sur la gestion de l'information. Chaque investisseur fournissait et chaque trust fournissait de façon confidentielle... à Ernst & Young, qui agissait comme intermédiaire entre les intervenants pour fournir l'information sur une base agrégée à J.P. Morgan, le conseiller financier du comité. Pour vous montrer comment c'était complexe, la négociation entre le 15 août, sur l'accès à l'information entre les grandes banques... a duré jusqu'au 15 octobre, deux mois. Je peux arrêter là, là, mais le meilleur est à venir.

Le Président (M. Paquet): M. le président de la caisse, excusez-moi. De consentement, parce que le 20 minutes est écoulé, mais, de consentement, l'entente que j'ai compris qu'on a entre nous, si tout le monde est d'accord, de consentement, on va vous permettre de continuer un peu. Pas un autre 20 minutes, mais peut-être si vous pouvez, autour de cinq minutes environ, là, essayer de...

M. Rousseau (Henri-Paul): ...m'arrêter, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): D'accord, mais le... mais en même temps...

M. Rousseau (Henri-Paul): Mais vous m'avez posé des questions, je suis prêt à y répondre et...

Le Président (M. Paquet): Alors, durant encore environ un maximum de cinq minutes, mais le consentement, c'est que ça ne sera en aucun cas retranché du temps des autres formations...

M. Rousseau (Henri-Paul): Je suis disponible à passer la nuit avec vous si nécessaire, j'ai tout mon temps pour répondre.

Le Président (M. Paquet): D'accord, merci. Et donc, autrement dit, le consentement ira au...

M. Rousseau (Henri-Paul): C'est rare qu'on se voit, et je suis très heureux de répondre.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation. Mais donc, de consentement, donc on continuerait, mais ça ne sera pas retranché.

M. Legault: ...d'accord, nous autres aussi, oui.

Le Président (M. Paquet): Bon. Merci beaucoup... Alors, pour le député de Rousseau, on pourra passer la nuit s'il y a consentement tout à l'heure. On vérifiera... Mais on ira au-delà de 18 h 30 pour compléter notre audition. Alors, M. Rousseau.

M. Rousseau (Henri-Paul): Merci, M. le Président. Ce qu'il faut comprendre, messieurs dames, c'est que cette longue période de deux mois de négociation, c'est beaucoup. Il faut comprendre pourquoi. Lors de l'entente de Montréal, tous les investisseurs canadiens ont conservé leur droit de poursuite contre les banques canadiennes et internationales. O.K.? Donc, on a tous conservé notre droit de poursuivre, parce que ce n'est pas évident légalement qu'elles avaient raison de faire ce qu'elles ont fait. O.K.? Donc, il n'était pas question d'abandonner ce droit, c'est ça qui a pris la nuit à négocier. Or, pour négocier une solution ordonnée, il fallait que les investisseurs obtiennent l'information stratégique de la part des banques qui avaient signé l'entente. Et, s'ils nous donnaient l'information, bien éventuellement cette information devenait de l'information qu'on pouvait utiliser pour des recours contre elles. Vous voyez la complexité de la situation qui a duré deux mois avant de se dénouer.

Une fois obtenue la qualité de l'information, on a demandé à J.P. Morgan de valider cette information, de la qualifier, s'assurer qu'elle soit de qualité, et est-ce qu'on a vraiment ce qu'on a demandé. Et c'était le cas, ils nous ont donné ça à la fin d'octobre. Ce qui fait qu'à la séance du conseil d'administration du 25 octobre dernier j'ai fait rapport au conseil en détail, comme je vous le dis là, le conseil a réitéré la pertinence de respecter le cadre de reddition de comptes annuel de la caisse et l'entente de confidentialité avec le comité Crawford. Cependant, avec l'accord du conseil, j'ai informé la ministre des Finances que le président du conseil et moi étions disposés à rencontrer les membres de la Commission des finances publiques si ces membres-là nous convoquaient. La ministre, le lendemain, a suggéré une telle invitation à l'Assemblée nationale le 30 octobre. Nous avons reçu votre invitation jeudi passé et nous sommes ici aujourd'hui. Voilà.

En résumé, du 15 août à la fin d'octobre, la caisse ne pouvait envisager une divulgation, et c'eût été nuire à nos déposants et aux membres du comité. D'ailleurs, je vais vous rappeler que, sur les 17 membres du comité Crawford, seulement quatre ont divulgué officiellement leur position, soit la Banque Nationale, le Mouvement Desjardins, Alberta Treasury Board Financial et Magna International. Ces quatre membres étaient obligés.

La question de l'accès à l'information et l'analyse étant résolues, la direction du conseil de la caisse a décidé de rendre public aujourd'hui le niveau de nos investissements dans le PCAA des tiers et le niveau de notre exposition au «subprime» américain. Les membres du comité Crawford, avec qui je dois être solidaire, ont été informés de cette décision du conseil et ne s'y sont pas objectés.

Voyons maintenant les chiffres. Et, comme ça a été une question qui m'a été posée, je pense... À la fin de l'année 2006, l'actif total de la caisse, je vous le répète, était 207,9 milliards. Il était composé de 143 milliards de l'actif net. Donc, l'actif net, pour nous, c'est comme notre capital, nos fonds propres. O.K.? On emprunte 64,4 milliards pour du financement divers. Toujours au 31 décembre, l'actif total était diversifié dans les grandes catégories: obligations, actions publiques et privées, biens immobiliers, dettes immobilières, fonds d'investissement. Et nous avions 33,6 milliards, soit 16 % de l'actif total qui est sous forme de valeurs mobilières. 33,6 milliards, ce sont nos actifs à court terme de liquidités.

Pourquoi la caisse maintient des liquidités à ce niveau, 16 % du total? Pour trois raisons. D'abord, on satisfait les besoins de nos déposants. Il y a des entrées et des sorties de fonds, ils ont besoin de ça. Deuxièmement, dans un marché qui est extrêmement difficile et extrêmement volatile, être liquide permet d'agir rapidement et de profiter d'occasions d'affaires. Je ne peux pas vous dire le nombre de transactions que nous avons faites au Québec et ailleurs dans le monde parce qu'on était capables de faire un chèque rapidement et qu'on n'avait pas à vendre des actifs, on était plus liquides. Le besoin de liquidités de nos déposants, il est tout petit, mais, nous, on a besoin de beaucoup plus de liquidités pour faire le levier sur ce qu'on a. Si on se contentait de la liquidité... uniquement de celle des besoins des déposants, on n'aurait que 3 milliards. Dans deux transactions immobilières, on est finis, on n'a plus d'argent, il faut vendre quelque chose d'autre. Ce n'est pas comme ça qu'on travaille, on travaille avec beaucoup de liquidités. Et, en attendant qu'on fasse des transactions, on doit, comme tout le monde, mettre nos liquidités dans des portefeuilles liquides. Enfin, nos activités d'ingénierie financière et de vente d'actif génèrent aussi de la liquidité. Toutes ces liquidités-là sont gérées centralement, peu importe le portefeuille d'où ça vient.

Je vous dis tout de suite que tous les placements de la caisse dans le PCCA, dès que la crise est intervenue, ont été déclassés comme étant des actifs à moyen terme. Pourquoi? Ils ne sont plus liquides, il n'y a plus de transactions. On ne peut pas les vendre demain matin, donc on les a gelés, eux aussi. Et, malgré ça, on a reconstitué en trois semaines toute la liquidité de la caisse. C'est d'ailleurs pour ça... Et, durant cette période-là, on a dit: On est une organisation qui est notée par les trois agences: Moody's, Standard & Poor's et DBRS. Et, quand il se passe des événements comme ça, vous parliez de reddition de comptes tout à l'heure, ce n'est pas compliqué, le téléphone sonne la journée même, ils veulent être informés. Puis d'ailleurs on n'attend pas le téléphone, on les informe, c'est normal. Et, dès qu'il y a des événements majeurs, on leur a dit: Venez, faites votre travail. On les a informés de toute la situation, et, quand ils ont vu à quelle vitesse on avait reconstitué nos liquidités et reclassé le total comme non liquide, comme si ça n'existait pas comme source de liquidités, on a non seulement eu la confirmation de notre AAA sur-le-champ, mais aussi Stardard & Poor's, qui n'avait pas émis de communiqué depuis un bout de temps, a émis un long communiqué que vous avez peut-être vu, où dans le fond ils ont confirmé non seulement notre cotation AAA, mais également que nous n'avions pas de problème de liquidités.

C'est d'ailleurs pour ça que cet élément-là était essentiel pour nous. Si on était vraiment en difficultés financières, jamais on aurait maintenu le AAA. La cote AAA est la chose la plus rare dans le marché d'aujourd'hui, et cette cote-là tient au fait qu'on a une très bonne qualité d'actif encore.

n (15 h 30) n

Au total, donc la caisse a investi 13,2 milliards de dollars dans les PCAA des tiers. Ce montant va vous sembler élevé, et c'est exact de dire qu'en dollars la caisse est l'investisseur qui détient le plus de PCAA de tiers au Canada. Mais, en pourcentage de nos capitaux propres, étant donné qu'on a 143 milliards ? et aujourd'hui c'est plus parce qu'on a fait de l'argent cette année aussi ? si on compare cette proportion-là à ceux qui ont rendu publique leur position, la caisse est moins exposée que d'autres. Pour nous, c'est beaucoup d'argent, 13 milliards, mais 13 milliards, sur le total de nos actifs, c'est beaucoup moins que pour d'autres. Plusieurs ont des expositions beaucoup plus grandes. Mais ça demeure qu'étant donné qu'on est la caisse... Je vous dirais aussi que, dans plusieurs segments de l'économie financière canadienne, ça arrive souvent qu'on est le premier, on est le plus gros joueur canadien. À 207 milliards d'actif total, ça vient avec.

Parlons des «subprimes». Sur ce 13,2 milliards, l'exposition totale de la caisse représente moins de 1 milliard de dollars. Donc, je ne veux plus entendre que la caisse a des milliards dans le «subprime». Je vous dis, c'est au plus 1 milliard. Et le «subprime», c'est des problématiques, le reste, c'est autre chose, il faut s'entendre là-dessus. Ce «subprime» de 1 milliard va faire l'objet d'une provision à la fin de l'année. Quelle va être cette provision? Ce n'est pas le président de la caisse qui décide des provisions, c'est le Vérificateur général. Je vais vous donner une indication à partir de ce qu'on connaît de l'industrie. C'est le Vérificateur général qui doit approuver chacune des provisions qu'on fait, c'est lui.

Actuellement, la provision prise par les grandes banques internationales dans les «subprimes» ? pas dans les PCCA, dans les «subprimes» ? c'est entre 30 % et 50 %. Je vous concède... je ne connais pas l'avenir, supposons qu'on doit prendre une provision au maximum, le plus élevé, 50 %, le pire des cas, ça veut dire 500 millions, pour la caisse, qu'on effacerait du milliard de «subprime». 500 millions ramenés sur un actif grosso modo de 150 milliards, c'est 30 point centésimaux, c'est-à-dire 0,03. Pour vous donner un ordre de grandeur, ça se situe bien à l'intérieur de notre performance puis au-dessus du marché que d'habitude. Donc, ce n'est pas 0,3 %... 0,3 % oui, 30 points de base, qui va changer les équilibres financiers ni de la caisse ni de nos déposants. Oui, c'est un gros chiffre, 500 millions, puis j'aimerais ça ne pas avoir à prendre cette provision-là, mais on doit assumer que, dans le placement, il y a des coups et des mauvais coups. Mais la taille qui est là, c'est un chiffre tout à fait abordable et qui ne change pas.

Autre point de comparaison, Goldman Sachs...

Le Président (M. Paquet): Attendez une minute, s'il vous plaît, M. le président de la caisse.

M. Rousseau (Henri-Paul): Le reste, 12,2 milliards, ce sont les actifs de très bonne qualité. Ça nous a été confirmé dans le cadre des travaux du comité Crawford. Et il est important que, ce 12,2 milliards, on s'entende: ce n'est pas du «subprime» et, deuxièmement, ce sont des actifs de qualité.

Néanmoins, plusieurs sociétés ont pris des provisions récemment parce qu'ils étaient obligés. Le moment de cette divulgation était mal choisi. La première chose, le marché est en crise, la deuxième, le comité n'avait pas terminé ses travaux, et la plupart, plusieurs d'entre eux ont besoin de cette liquidité-là. Donc, ça veut dire que, pour ces joueurs-là, ils ont pris des provisions. Quand on regarde de plus près, ceux qui avaient moins de 10 millions de dollars ont eu des provisions jusqu'à 40 %. Ceux qui avaient entre 10 et 100 millions avaient des provisions entre 0 % et 15 %. Et ceux qui avaient 100 millions et 1 milliard, entre 0 % et 19 %. Il reste les trois joueurs qui avaient 1 milliard et plus, soit Desjardins, Nationale et Alberta Treasury, la provision varie entre 6,5 %, 8,4 % et 25 %.

Beaucoup d'écart entre ces provisions. Pourquoi? Le degré d'exposition «subprime» peut être différent, la restructuration du marché n'est pas complétée, la baisse de valeur est plus importante dû au fait que, quand vous êtes petit, vous n'avez pas la diversification et, quand vous avez plusieurs rôles, de fiduciaire, distributeur, fournisseur d'actif, liquidité, bien vous devez prendre des provisions à plusieurs titres. Ce n'est pas le cas de la caisse, qui n'est qu'une seule chose: un investisseur.

Donc, on va faire notre évaluation à la fin de l'année sur cette partie des actifs de bonne qualité. Je ne connais pas la provision qu'on va donner. Je ne peux pas vous dire des choses que je ne connais pas. Mais ce que je peux vous dire, c'est que, dans tous les scénarios que nous avons envisagés, aucun de ces scénarios-là ne fait en sorte que je change la conclusion principale sur la qualité et la solidité financière de la caisse ou de nos déposants. Pourquoi? Bien, je vous rappelle mon introduction, M. le Président. J'ai rappelé quel a été le rendement moyen des quatre dernières années et la solidité qu'il a amené dans nos différents régimes. Donc, on a énormément de marge à provisionner ce que le Vérificateur général nous demandera et maintenir des régimes de pension, des régimes d'assurance qui sont de qualité, et ça ne met pas en péril, d'aucune façon, les décisions qui vont être prises.

Mon dernier point, je termine, le 13,2 milliards, il y a quelqu'un qui le détient. On m'a posé la question, et je réponds. Il y a quelqu'un qui le détient: nos déposants. C'est à eux, le 13,2... Alors, on va s'entendre qu'on ne le comptera pas deux fois. 13,2 milliards, c'est le total. Maintenant, je vais vous dire qui le détient, O.K.? En gros, le RREGOP, 4 milliards; la RRQ, 2,8 milliards; le Fonds d'amortissement des régimes de retraite, donc la partie gouvernementale des régimes des employés du secteur public, 2,7 milliards; la CCQ, la Commission de la construction, 854 millions; la CSST, 779 millions; le RRPE, 671 millions; la Société de l'assurance automobile du Québec, 634 millions; et tous les autres déposants ? il y en a 18 autres ? 650 millions.

Et je veux les remercier, ces déposants, pour la confiance qu'ils m'ont manifestée, leur patience et leur compréhension tout au long de la crise. Les chiffres que je vous donne leur ont été communiqués ce matin. Parce que, dans l'ordre des choses, ce n'est pas à la caisse de rendre des comptes sur ses déposants, c'est à eux. Mais j'ai convenu qu'étant donné les questions que vous posiez je le rendrais public, mais après leur avoir dit. Dans ce cas-là, ils nous ont appuyés, et c'est pourquoi ces déposants-là ont été, pour nous, les accompagnateurs de cette crise. Et pourquoi? Parce que vous devez comprendre que l'ensemble de ces déposants-là ont des instances où ils rendent des comptes. Et c'est avec eux qu'on a géré la situation, dans l'obligation de garder, si on veut, une extrême confidentialité. Et ils n'ont pas été mis au courant du détail, on ne pouvait pas, mais ils ont accepté la démarche qu'on prenait dans leur intérêt, qu'on a expliqué comment la négociation était difficile.

Un dernier mot, sur les travaux du comité. Ça va très bien. Je suis très confiant qu'arrivé au 14 décembre le comité va converger. J'aurai l'occasion, dans la période de questions, de revenir sur un point. Et, dans le dépôt de ma déclaration, que vous aurez, j'attire votre attention sur deux tableaux. Sur 20 ans, donc de 1986 à 2006, la Caisse de dépôt et placement du Québec a eu, à quelques périodes, de la performance au-dessus du 90 points, donc du 1 % que les déposants veulent. Les déposants disent: On veut avoir un rendement de tant et on souhaite que, si on vous donne l'argent à gérer plutôt que d'aller dans le privé, vous ayez une performance qui... Sans quoi, la caisse, qu'est-ce que ça donne, comme on dit? On exige de 90 à 100 points de base. Ce n'est pas arrivé souvent en 20 ans ? je vais vous donner les chiffres ? et, quand c'est arrivé, c'est arrivé une seule fois qu'on était également performants vis-à-vis de nos déposants puis qu'on était le premier de la classe au Canada, et ça, ça fait les trois dernières années.

Maintenant, ça, c'est une partie de la conclusion, puis on n'a pas fait ça au détriment du risque. Je vous fournis un autre tableau, qui est une étude de RBC Dexia, qui montre que la caisse a fait ça en réduisant son risque par rapport à ses pairs. Et donc je crois que, sur cette base-là, on a créé beaucoup de valeur et on l'a fait en prenant moins de risques. Donc, il est faux de dire qu'on a mis l'accent sur le rendement, qu'on a oublié le risque et qu'on a oublié tout le reste.

Pour ce qui est du développement économique, je vais garder mes réponses pour votre période de questions. Je vous remercie de votre attention et de votre indulgence, qui m'ont permis de vous expliquer l'essentiel de mon propos. Merci.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. Rousseau. Je comprends que vous allez déposer la déclaration que vous venez de faire avec les tableaux...

M. Rousseau (Henri-Paul): Oui, elle sera déposée, oui. Elle sera déposée et elle sera également sur le site Internet de la caisse dans les heures qui viennent.

Le Président (M. Paquet): Si vous pouvez la transmettre à la secrétaire de la commission, si vous avez déjà une copie, on pourrait faire faire des copies pour les membres dans l'immédiat. Merci beaucoup.

Discussion générale

Alors, je reconnais maintenant la députée de Laporte. Mme la députée.

Définition de papier commercial
adossé à des actifs (PCAA)

Mme Ménard: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Rousseau, M. Brunet. Alors, la crise du papier commercial adossé à des actifs PCAA affecte la plupart des pays industrialisés et trouverait son origine aux États-Unis, comme l'a mentionné l'adjoint parlementaire de la ministre des Finances. Il mentionnait aussi qu'elle impliquerait des montants extrêmement importants. On parle de 1 000 milliards de dollars de par le monde et de 120 milliards de dollars au Canada. Pour ceux qui ne possèdent pas votre expertise en finances, il est difficile de bien mettre en perspective les conséquences de cette crise, que tous décrivent comme majeure, que peuvent ou pourraient avoir sur le Québec et sur les Québécois... Pourriez-vous, s'il vous plaît, expliquer aux Québécois qui nous écoutent ? et je suis persuadée qu'on a beaucoup d'écoute aujourd'hui ? de façon simple qu'est-ce que c'est qu'un PCAA? Première question. Deuxième question, vous avez parlé de beaucoup de chiffres. Pourriez-vous revenir sur certains chiffres et nous parler des sommes qui sont en jeu pour le Québec?

Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.

n (15 h 40) n

M. Rousseau (Henri-Paul): Rapidement, le PCAA, je vais d'abord vous dire que l'instrument le plus connu, que tout le monde connaît, c'est un bon du Trésor, donc le trésor public, Canada ou Québec. Donc, c'est émis par le gouvernement, c'est un instrument transparent, O.K.? Le papier commercial traditionnel, c'est lorsqu'une compagnie, Bombardier ou une autre, émet un papier commercial qui est vendu sur le marché, qui a une échéance de trois mois en général, plus court qu'un an. C'est assez court et c'est, dans ce cas-là, totalement transparent parce que c'est le bilan de la société qui est en garantie, O.K.? Donc ça, c'est ce qu'on a appelé du papier commercial traditionnel.

Avec le temps, les ingénieurs financiers ont rendu les choses un peu plus compliquées. On a également émis du papier commercial pour financer des portefeuilles de prêts. Alors, les banques vont faire des prêts hypothécaires, des prêts auto, et ces prêts-là vont être regroupés dans des paniers. On vend le panier à une entité qui est un trust, et ce trust-là émet du papier commercial pour financer le panier qu'il a acheté. Ça, c'est ce qu'on appelle le papier commercial adossé à des créances, et, dans ce cas-là, la créance, elle est une créance traditionnelle, O.K.? Et là il y a un certain degré de transparence, mais en général on va exiger que les agences de dotation viennent qualifier les actifs, O.K.? Et ça permet aux gens d'échanger.

Le troisième degré de complication du papier commercial, c'est lorsqu'en plus du fait que ce soient des actifs traditionnels ou des actifs sous forme de panier on a ajouté aussi ce qu'on appelle des contrats d'assurance crédit. C'est-à-dire quoi? Bien, en gros, vous êtes une grande banque internationale, vous prêtez à des grandes sociétés mondiales, et votre portefeuille est dans votre bilan. Les institutions de réglementation vous disent: Il y a trop de risque dans votre bilan. Si vous voulez avoir du risque, vous devez prendre du capital. On va vendre une partie de ces portefeuilles-là à des entités, et ces entités-là vont prendre l'ensemble d'un grand portefeuille, 150 sociétés mondiales, et on va vendre dans le marché des tranches de crédit sous forme de contrats d'assurance, O.K.? Et on retrouve, dans le PCAA, de l'assurance crédit comme ça, O.K.?

Donc, les actifs qui sont là en général sont de très bons actifs. Pourquoi il y a eu du «subprime»? Et ça, l'histoire n'est pas finie. Normalement, il n'y avait pas de «subprime» dans ça parce que, comme c'est financé à court terme, ça se doit d'être des actifs de qualité.

La deuxième caractéristique de ce marché-là, il y a souvent le fait que l'actif a deux, trois, quatre ans de terme, d'échéance avant que les hypothèques soient remboursées ou reviennent à renouvellement. Alors, on émet un papier commercial trois mois. Vous allez me dire: Ce n'est pas balancé. Vous avez raison. Comment on comble la différence? C'est qu'on met en place ce qu'on appelle une ligne de liquidité qui vient d'une banque qui dit: Si jamais le papier a des difficultés à se financer, moi, la banque, pour un frais ? parce qu'ils ont des frais à faire ça ? je vais assumer la liquidité.

Dans le cas canadien, on a une particularité. Maintenant, ça va être corrigé, c'est corrigé. Les banques l'ont annoncé, puis le fédéral aussi. On avait une particularité. Les règles qui entourent ces fameuses lignes de liquidité disaient: La banque qui offre des lignes de liquidité n'est pas vraiment obligée de respecter cette ligne-là, à moins qu'il y ait une interruption générale du marché.

Alors, au Canada, il y a une petite particularité: le marché des PCAA, il y en a une partie qui est sous le leadership des banques puis une partie qui est sous le leadership de d'autres institutions. Alors, quand la crise a éclaté, les banques étaient capables d'emprunter de la Banque du Canada, et donc d'aller chercher des liquidités à la Banque du Canada et soutenir leurs propres marchés, de sorte que très rapidement le 80 quelques milliards des papiers bancaires s'est retrouvé sans problème. Il nous a resté les orphelins. Alors, les orphelins, ils n'avaient pas le droit, eux autres, de se qualifier à la Banque du Canada. C'est pour ça d'ailleurs que M. Duguay récemment, le type qu'on citait son texte tout à l'heure dans son exposé, il dit: Il faudrait regarder si on ne doit pas élargir à la fois le terme de la capacité de la Banque du Canada, mais aussi les autres instruments. Et ça se discute. Maintenant, ça, c'est des conséquences de la crise.

Mais en gros, madame, c'est ça. Quand je disais qu'il y a une particularité canadienne: il y a uniquement au Canada qu'on avait ce type d'arrangement de liquidité. C'est pour ça que la plupart des gens qui ont investi dans ces papiers-là, on disait: Si jamais ça arrive, cette situation-là, un marché de 120 milliards, la Banque du Canada ne le laissera pas tomber. La vérité, c'est qu'ils ne l'ont pas laissé tomber, mais il y a une partie du marché où on s'est retrouvé incapable de trouver une solution rapidement, et le marché a éclaté à ce moment-là. C'est là qu'a été le jugement et c'est pour ça qu'il y en a qui jugeaient ce risque-là très élevé. Nous, on pensait que c'était peu plausible, et c'est arrivé. «That's it».

Le Président (M. Paquet): Mme la députée de Laporte.

Montants en jeu pour le
Québec dans la crise du PCAA

Mme Ménard: Oui. Et je vous parlais aussi... Vous nous avez parlé de plusieurs chiffres.

M. Rousseau (Henri-Paul): Les montants que vous m'avez parlé, c'est pourquoi je n'ai pas répondu, vous parlez des montants du Québec. Ça, c'est difficile pour moi. Je vais laisser chaque institution faire ses présentations, si vous voulez, mais je peux répéter brièvement dans le cas de la caisse. J'ai dit 13,2 milliards, l'ensemble, et ça comprend tout ce qui peut être dit dans les journaux, là. C'est tout ce qui est dans le PCAA qu'on a classé actif à moyen terme. Et, deuxièmement, dans ça, j'ai dit: Il y a un milliard d'actifs «subprimes» et sur lequel on prétend qu'à la fin de l'année on devra prendre une provision. Et j'ai pris la situation du pire, là, pour ne pas avoir de mauvaise surprise.

Mme Ménard: 1 milliard.

M. Rousseau (Henri-Paul): 1 milliard dans les «subprimes» et 13 milliards au total. Ça veut dire qu'il y a 12,2 milliards dans les actifs de grande qualité.

Mme Ménard: Oui. O.K. Merci.

Le Président (M. Paquet): Mme la députée.

Rôle de la ministre des Finances
pendant la crise du PCAA

Mme Ménard: Merci, M. le Président. Vous avez parlé tantôt, vous nous avez parlé du rôle de la ministre des Finances pendant la crise. Dès le départ, dès le déclenchement de la crise, quel a été son rôle?

M. Rousseau (Henri-Paul): Quand arrive une chose comme ça... D'abord, je vais vous dire, quand j'ai dit au début qu'il n'y a pas un homme ou une femme politique qui s'est ingéré dans la caisse depuis que je suis là, moi, en tout cas... puis c'est vrai. D'ailleurs, si jamais ça arrivait, vous allez trouver quelqu'un d'autre, parce qu'on ne peut pas avoir des responsabilités puis ne pas les assumer. C'est un ou l'autre. C'est comme ça que ça marche, surtout dans le domaine de l'argent. Donc, pour moi, c'est très clair. Cependant, quand il arrive un événement majeur, que ce soit sous le précédent gouvernement ou le gouvernement actuel, j'ai toujours fait la même chose. Quand ça arrive, on avise qu'il y a tel événement, puis c'est normal. On communique avec le bureau du sous-ministre ou du cabinet et on dit: Écoutez, il y a tel événement. Et, nous, on fait une position très simple, on dit: Il y a telle chose. Voici ce qui arrive, et c'est notre responsabilité.

Dans ce cas-là, ce n'était pas dans le cours normal des choses. Dès le début, j'ai avisé, j'ai parlé au premier ministre pour lui dire: Il y a une crise qui est là, qui s'en vient. Et je lui ai dit que j'avais besoin de Mme Forget parce qu'il fallait aller à Ottawa, il fallait faire des démarches formelles pour avoir l'aide. Et il m'a dit: C'est très bien. Donc, j'ai vraiment géré le dossier avec Mme Monique Forget. Et, sur cette base-là, je lui ai dit au départ la complexité de la chose, je lui ai expliqué le dossier. J'ai passé plusieurs heures avec elle. Et j'ai expliqué aussi le caractère stratégique et confidentiel et je lui ai dit: À cause de ça, vous allez savoir beaucoup de choses et vous ne pourrez pas répondre parce que, si vous répondez, là, vous mettez en danger notre négociation, puis il ne faut pas. Donc, elle a très bien compris ça, et on a été... tout comme le gouverneur de la Banque du Canada a très bien compris ça.

Dans les périodes de crise... Maintenant, je peux vous en parler parce qu'on n'est plus dans la période de crise, on est dans la période de solution. Mais, dans cette période-là, c'est toujours un peu embêtant. Moi aussi, j'étais très frustré de ne pas pouvoir dire combien j'en ai, parce que je n'ai pas intérêt à cacher ça, là. Ce n'est pas pour jouer à la cachette qu'on fait ça. C'est parce que l'intérêt de régler la crise est dominant par rapport à tout le reste. Et donc c'est comme ça que ça s'est passé. Et, dans la période intense du 15 août au 6 septembre, c'est là que ça a été la grande période.

Par la suite, je tenais le conseil informé ainsi que Mme Forget sur tout le déroulement des travaux du comité. Et, elle, son inquiétude est toujours la même: Est-ce que tu es capable de me confirmer que la caisse et les déposants, vous êtes encore en bonne santé financière? C'est pour ça que j'ai fait l'exercice avec les agences de notation. Je lui ai dit: On va demander aux agences de notation, ça va être encore plus solide que ce que, moi, je vais vous dire. Eux autres vont venir voir les chiffres puis ils vont vous le dire. Puis, si ce n'est pas le cas, bien là on le verra, mais au moins on aura un test de qualité. Puis j'ai dit: Je ne demanderai pas à une seule agence, je vais demander aux trois. Et, quand ça a été fait, on a émis un communiqué de presse pour le dire. Bon.

C'est pour ça qu'il n'y a jamais eu dans notre cas péril en la demeure. On est en contrôle de la situation. On a gardé à la fois une bonne performance, une bonne liquidité et on est prêts à faire face à la musique. Oui, ça va avoir été, cet événement-là, un événement qui va baisser notre moyenne au bâton, mais elle est encore très élevée, je peux vous le dire.

Réaction des autorités monétaires
canadiennes à la crise du PCAA

Mme Ménard: Merci. Que pensez-vous de la réaction des autorités monétaires canadiennes face à cette crise-là?

M. Rousseau (Henri-Paul): Bien, aujourd'hui, j'en suis très satisfait. Et la Banque du Canada, M. David Dodge, qui annonçait son départ, remplacé par Mark Carney... J'ai été très chanceux parce que le sous-ministre des Finances, qui était au dossier, c'était aussi M. Mark Carney, qui vient d'être nommé gouverneur de la Banque du Canada.

Écoutez, dans ces périodes-là, vous devez comprendre qu'on n'a pas d'horaire. C'est comme le verglas, mais c'est un verglas financier. Donc, du matin au soir, la nuit, le téléphone sonne avec les banquiers, avec... Dans ce cas-là, ce qui était la caractéristique, c'est que les banquiers qu'on avait besoin qu'ils travaillent avec nous, ils n'étaient pas au pays. Donc, comme ils n'étaient pas au pays puis ils étaient à Londres, ou en Allemagne, ou aux États-Unis, bien là cette difficulté-là demandait qu'on passe par le gouvernement central. Et la seule façon que j'ai pour ça, c'est que le gouvernement du Québec s'adresse formellement... Puis c'est comme ça que ça s'est fait. Et Mme Forget a fait en sorte qu'on ait cette rencontre-là, qui a été très utile.

En fait, Louis Vachon, de la Banque Nationale du Canada, m'accompagnait dans la réunion importante qui a eu lieu à la Banque du Canada, où vraiment on a mis des choses sur la table. Et c'est à partir de ce moment-là que le déroulement s'est fait. Et ça, c'est ce travail-là que Mme Forget a fait. Moi, je n'ai pas... je veux dire, on n'est pas dans le monde politique. Il fallait aller parler au ministre des Finances fédéral. Alors, tout ça, elle l'a dit, je pense.

Mais ce que je vous dis ce matin, ce n'est pas de la frime, c'est ce qui s'est passé. On était en période de crise, et il fallait en sortir. Et, dans ces moments-là, le plus important, c'est le résultat, qu'on sorte et qu'on se mette en position de contrôler. Et cette position-là, autour du début septembre, on l'avait. Et par la suite, quand ça a été ça, c'est là que mes relations avec Mme Forget ont porté... d'abord et avant tout, et la caisse. Et c'est là que, les agences de notation, on a fait toute cette démarche-là. Et, dès qu'on a eu la confirmation des données sur la situation, j'ai appelé le Vérificateur général, j'ai dit: Bon, quand vous êtes prêt à venir, les données vont être prêtes parce que le travail est terminé. Et il est venu le 20 novembre à notre comité de vérification, il a déposé son plan de vérification et il a commencé ses travaux. Ça va se faire dans le cours normal des choses.

Mme Ménard: Merci beaucoup.

Le Président (M. Paquet): Mme la députée.

Mme Ménard: Ça va pour l'instant.

n (15 h 50) n

Le Président (M. Paquet): M. le député de Viau, il reste trois minutes et quelques.

M. Dubourg: Ah bon! d'accord.

Le Président (M. Paquet): Ce n'est pas un bloc.

Provisions pour pertes dans le PCAA

M. Dubourg: Merci, M. le Président. Donc, à mon tour de saluer M. Rousseau et M. Brunet. Et bienvenue à notre commission.

Donc, pour prendre les dernières paroles que vous avez prononcées au vol, vous avez parlé de vérificateur. Mais, avant de parler de Vérificateur général, j'aimerais dire que, dans l'exposition que vous venez de faire, je crois qu'il est clair qu'on peut constater qu'il y a un travail colossal de gestion de crise que vous avez fait pour qu'aujourd'hui on puisse estimer dire: Bon, au pire, comme vous avez dit, c'est peut-être 500 millions de provision pour pertes. On ne parle pas de pertes, on parle tout simplement de provision. Donc là, à ce moment-là, le Vérificateur général va avoir à faire son travail. Parce qu'on sait qu'il y a plusieurs institutions qui ont publié leurs pertes, mais, tout à l'heure, j'ai écouté dans les remarques préliminaires du Parti québécois disant que, bon, les banquiers auraient aimé garder cette information-là confidentielle. Mais pourtant, vous l'avez dit, si ces institutions-là ont publié leurs informations, c'est parce que c'étaient leurs fins d'année, qu'ils avaient soit une fin d'année de 31 octobre ou bien de 30 septembre, alors que, la caisse, votre fin d'année, c'est 31 décembre. Déjà là, le Vérificateur général est déjà sur les lieux pour utiliser plus de 8 000 heures pour faire cette vérification-là.

Donc, c'est sûr et certain que le Vérificateur général aura à se poser un tas de questions pour évaluer cette perte-là, si perte il y a. Est-ce que cette perte-là va pouvoir se matérialiser dans le futur? Comment dirais-je? Est-ce qu'il y a une baisse de valeur durable par rapport à ces pertes-là?

Donc, moi, ce que j'aimerais savoir, M. Rousseau, c'est: Est-ce que vous avez des préoccupations par rapport au rendement de la caisse? Est-ce que vous avez des préoccupations à l'effet que le Vérificateur pourrait, je ne sais pas, qualifier votre rapport de vérification à la fin de l'année?

Le Président (M. Paquet): 1 min 15 s, M. Rousseau.

M. Rousseau (Henri-Paul): Oui. Vous faites bien de faire la distinction entre une provision ou une perte. Deuxièmement, le 500 millions, c'est ce qui s'applique à la composante «subprime». Troisièmement, j'ai bien dit que, pour les actifs de qualité, le 12,2 milliards, je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas de provision à prendre. J'ai dit simplement que, dans tous les scénarios que nous avons faits, aucun de ces scénarios-là ne nous amène à des conséquences qui m'empêcheraient de dire qu'on demeure en très bonne santé financière et qu'on... encore, pour nos déposants, des impacts qui changeraient l'équilibre financier de nos déposants, O.K.?

Quelle est cette provision? Bien, ça va dépendre beaucoup du succès des travaux du comité Crawford, qui s'en viennent, et, deuxièmement, du moment où on va le faire. Mais le dernier mot dans ça se fait... La façon dont ça fonctionne, on bâtit un dossier ? on a des experts qui le font ? et ça, c'est présenté au Vérificateur général, qui vérifie tout et va énoncer ses conclusions. Donc, il y aura au pire, dans les «subprimes», un 500 millions et peut-être moins. Et il y aura aussi une provision à prendre éventuellement sur les autres actifs de qualité, étant donné que ces actifs de qualité là sont quand même des actifs qui ont été teintés par la restructuration. Maintenant, si la restructuration nous donne d'excellents rendements, la provision va être plus faible.

La dernière chose que je veux dire, c'est que les banques internationales qui ont divulgué... Je vous mets au défi de trouver ? je serais heureux de le voir ? s'il y a une banque internationale présente au Canada qui a divulgué combien qu'elle avait d'implication dans les PCAA. Les banques ont divulgué les provisions, estimés de provisions, elles ont divulgué, certaines d'entre elles, leur «exposure» aux «subprimes», mais aucune banque internationale n'a dit: Moi, Deutsche Bank, ou moi, ABN Amro... Donc, quand on dit, là: Les banques ont divulgué; non. Il y a pas mal moins de monde qui ont divulgué leur «exposure» au Canada. Là, nous, en le disant aujourd'hui publiquement, là, vous savez quoi? Sur les 17 membres du comité, on va être le cinquième. Il y en a 10 ou 12 autres qui ne l'ont pas fait.

Le Président (M. Paquet): Merci. Je reconnaîtrais maintenant M. le député de Chauveau.

M. Taillon: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Mon collègue de Viau a parlé d'une provision pour pertes de 500 millions. Ça, ce n'est qu'au niveau des «subprimes», selon votre évaluation, là. Si on regardait...

M. Rousseau (Henri-Paul): C'est au pire dans les «subprimes».

M. Taillon: Au pire dans le «subprime», c'est ça. Puis, si on regardait l'autre, au mieux, si on est conservateur ? au sens propre du terme, là, pas au sens politique ? on peut parler de 10 % de 12,2 milliards, donc 1,2 milliard, là, possiblement.

M. Rousseau (Henri-Paul): O.K. Je vais vous laisser vos chiffres, O.K? Je ne les commenterai pas, et la raison, c'est: autant, sur le «subprime», je suis solide à 500 millions, là, parce que j'ai pris le scénario du pire; sur le reste, j'invite tout le monde à être prudent. Et, la raison, je vous le rappelle, on a un portefeuille diversifié. J'ai sorti, là, le virus, O.K., là? On a de la qualité, O.K? On a un portefeuille diversifié. Deuxièmement, je vous dis que, la restructuration, aujourd'hui, on est beaucoup plus près du but qu'on l'était voilà un mois et demi. Troisièmement, moi, je n'ai joué, comme la caisse, là, aucun autre rôle que d'être un investisseur, O.K., et j'ai gardé tous mes droits de poursuite, et j'en ai, O.K.?

Donc, comment on va finir l'année là-dessus? Je ne le sais pas. Tout ce que je suis certain, c'est qu'on a fait des scénarios ? optimistes, pessimistes, conservateurs, qualifiez-les comme vous voulez ? et, dans tous ces scénarios-là, je suis capable de vous affirmer aujourd'hui qu'aucun de nos déposants ne va voir ses équilibres financiers changer. Pourquoi je peux dire ça? C'est que, nous, on n'a pas un horizon d'une année, on a un horizon sur plusieurs périodes. Et ce qui compte pour nous, c'est qu'on soit capables, avec nos déposants, alors, puisqu'on passe énormément de temps avec eux sur... de faire en sorte que leurs rendements soient tels qu'ils seront capables de faire face à leurs engagements. Et, tant que ça, c'est là, il y a un équilibre financier. Alors, vous devez savoir qu'aujourd'hui, faites le tour, CSST, Régie des rentes, SAAQ, tout le monde a regarni son portefeuille et son bilan. Puis on l'a fait ensemble, on n'a pas fait ça tout seul. Nos déposants, là, il y a des heures et des heures de travail qui sont faites.

Ce que je vous dis, c'est que, cette provision-là, je ne la connais pas. Mais, dans le pire des scénarios que vous pouvez imaginer, il n'y a personne qui peut dire, au Québec, là... Quelqu'un qui dit ça, là, je pense qu'il prend un grand risque, de dire que ça va impliquer des changements soit dans les cotisations ou dans les prestations, O.K.? C'est un dossier tout à fait gérable à l'intérieur. Deuxièmement, l'année n'est pas terminée. Les caisses de retraite sont... Comme tout le monde est impacté par les marchés financiers, vous voyez les... Tout ce dont on parle, là, juste pour dire une idée, les trois dernières semaines, la correction des marchés boursiers, là, ça, là, ça coûte plus cher que tout ce que vous pouvez imaginer comme scénario. Pourquoi? Parce que les marchés boursiers mondiaux, O.K., ont corrigé de façon importante. Même, juste le Canada, on parle d'une correction de plus de 8 %, O.K.? Donc ça, c'est des événements qui nous frappent.

Le dollar canadien, je vous donne ça comme exemple, M. le député, M. le Président, le dollar canadien, son appréciation, cette année, si vous prenez les résultats des caisses de retraite au troisième trimestre, les caisses de retraite au troisième trimestre, au Canada, quel a été un des facteurs les plus importants dans leurs performances? L'appréciation du dollar canadien. Doublement. À la fois parce que ça frappe les compagnies qui sont frappées par le dollar fort, mais aussi surtout par ceux qui n'ont pas eu une couverture de change assez élevée. Là-dessus, je peux vous dire, ça va être un de nos bons coups de l'année. On est assez bien couverts, et ça, ça rapporte plusieurs milliards à la caisse, O.K.?

Donc, moi, tout ce que je vous demande, c'est deux choses. Maintenant que vous en savez beaucoup, là, soyez légèrement un petit peu plus patients pour attendre les résultats de février. Puis je vous demande une seule indulgence: d'être évalué sur mes résultats globaux. Je ne fais pas que des bons coups, mais je n'ai pas fait que des mauvais coups. Au contraire, la moyenne au bâton que nous avons depuis quelques années est excellente, et c'est à cause de mes équipes. J'en suis très fier, puis, encore cette année, on est capables de faire face à la musique. Donc, soyons tous prudents et laissons le travail de fin d'année se faire.

Si on avait une obligation de répondre plus souvent, c'est faisable de rendre des comptes aux trois mois. Je suis convaincu et je vais argumenter très fortement qu'une reddition de comptes trimestrielle, pour un investisseur à long terme, ce n'est pas bon. Pourquoi? Ça va ramener l'horizon de placement des investisseurs, des gestionnaires trop court. Nous autres, on a fait l'inverse. Moi, je dis: Je ne veux pas une année, je veux un investisseur qui pense à long terme. Pourquoi? Parce que j'ai du passif à long terme. Donc, soyons prudents sur les provisions, M. le Président.

M. Taillon: M. le Président.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Chauveau.

M. Taillon: Merci beaucoup. Je suis très satisfait des chiffres déposés. On va faire nos calculs, on va y aller avec une pensée, là, très, très prudente et on peut dire, là, autour de 10 %. On va être prudents...

M. Rousseau (Henri-Paul): Je répète que je vous laisse vos chiffres, parce que...

M. Taillon: C'est ça. Mais en tout cas ça nous donne une idée.

M. Rousseau (Henri-Paul): O.K. Mais, même à ces chiffres-là, ce que je veux vous dire, c'est que...

M. Taillon: J'ai compris.

M. Rousseau (Henri-Paul): Vous avez compris?

M. Taillon: J'ai compris très bien.

M. Rousseau (Henri-Paul): D'accord.

Niveau d'investissement dans le PCAA

M. Taillon: Ce que je veux savoir maintenant, c'est pourquoi que la caisse est allée à une telle hauteur dans les papiers commerciaux, alors qu'il y avait plusieurs avertissements ? Standard & Poor's, la Banque du Canada ? pour dire: Attention à ces types de placements là, il y a des risques. Pourquoi la caisse est allée à 40 % du marché canadien, là? C'est les chiffres que vous me donnez.

n (16 heures) n

M. Rousseau (Henri-Paul): C'est une très bonne question, et vous allez voir, dans le texte qui... Je n'ai pas eu le temps de me rendre à la fin, mais je voulais l'écrire. Vous l'avez, mais je vais vous le résumer.

D'abord, tout ce que Standard & Poor's et d'autres ont dit... Il n'y a rien qu'on ne reçoit pas à la caisse, là, donc on est informés de tout. Chaque décision de placement est encadrée dans le cadre d'une politique, et cette politique-là détermine quels sont les placements qui sont admissibles, qui ne sont pas admissibles. Dans le cas présent, vous devez comprendre que, même si ça monte à 13,2 milliards, notre investissement moyen par trust ne dépasse pas... En moyenne, c'est 675 millions, O.K.? Alors, 675 millions, pour donner un ordre de grandeur, là, quand vous gérez 200 milliards, là, c'est normal, O.K.? Par trust, O.K.? Bon. L'évaluation que, nous, on a faite de cette histoire de: est-ce que ça peut arriver, O.K., est-ce que ça peut arriver qu'on ait une importation de la crise du «subprime» ou d'autre crise sur la liquidité canadienne ? historiquement, on n'en a jamais eue ? nous autres, on a dit: C'est peu plausible. Mais, plus important, on s'est dit: Si ça arrivait, cette crise-là, normalement il y aura deux choses: les banques qui fournissent les lignes de liquidité vont être obligées de les respecter, même si on savait que le texte n'était pas ce qu'on aurait souhaité, et, troisièmement, à hauteur d'un marché de 120 milliards, on a pensé que la Banque du Canada pouvait le faire. Et, quand vous lisez la Loi de la Banque du Canada, il y a différents articles où on peut penser qu'elle va le faire. Eux... et j'ai parlé souvent à M. Dodge dans cette période-là, il m'a dit formellement: La loi que nous avons est trop contraignante, c'est notre interprétation, on ne peut pas le faire. O.K.? Bon.

Donc, aujourd'hui, là, c'est comme le lendemain de la partie de hockey ou de football: on est tous des experts, tout le monde le savait. O.K.? Bon. Nous, on gère des risques, et il faut en prendre, des risques, et on en prend de façon structurée et ordonnée. Et je vous rappelle mon petit graphique que j'ai mis dans mon exposé: on en prend moins que beaucoup d'autres. Dans ce cas précis, notre risque a été évalué, c'est sa possibilité que ça arrive qu'on a sous-estimée. On a dit: Ça n'arrivera pas; puis c'est arrivé. Bon. Voilà. Ça, ça explique pourquoi on en avait.

Pourquoi on en a beaucoup? Ça, ça a trait au fait qu'on gère 33 milliards de liquidités. Le marché canadien des liquidités, quand vous prenez la composante du marché monétaire, là, de plus en plus, le gouvernement fédéral et les titres de «money market», comme on les appelle, il y en a de moins en moins. Le Canada est en surplus, on a les titres des provinces, et apparaît, dans ce marché-là, essentiellement le papier commercial traditionnel et non traditionnel. Mais, notre proportion, si on prend le marché par rapport à ce qu'on a, on est un gros joueur, on a une proportion somme toute, oui, légèrement plus que la proportion du marché, mais c'est là... un coup que vous décidez d'en avoir. Bon.

Puis ça n'a pas été fait, là, dans l'optique d'aller chercher trois points de base de plus. Ce n'était pas ça, la motivation, tu sais, d'avoir de la liquidité, parce que la liquidité n'a pas un rôle de grand rendement chez nous. O.K.? Ce n'est pas ça qui fait la différence de rendement, c'est marginal. O.K.? La liquidité est là pour répondre à nos besoins de liquidité lorsqu'on veut faire un placement important ou qu'on veut... Donc, cette dimension-là est plus importante. Donc, c'est là que l'explication tient: on a connu le risque, on l'a évalué, mais on a sous-estimé sa probabilité qu'il arrive. Puis malheureusement, là, dans notre métier, ça arrive.

Encore une fois, je n'ai pas la prétention de ne faire que des bons coups au bâton, ni mon équipe. Mais, nous, dans notre métier, on juge nos gens sur la moyenne au bâton, et c'est ça qui compte. Est-ce qu'on a été prudent dans tout ça? Oui. Est-ce qu'on l'a mal évalué au sens de la probabilité? Évidemment. J'aimerais bien ça ne pas l'avoir, c'est certain. Maintenant, quand on a vu ce qui se passait, je crois qu'il y a une chose qui est dans notre crédit: aujourd'hui, si on n'avait pas pris le «lead» qu'on a pris, c'est d'autres problèmes qu'on parlerait. Là, on est dans une structure ordonnée de liquidation et de résolution, et c'est ça que ça prenait. C'est tout.

Fréquence de la reddition de comptes

M. Taillon: Vous avez dit, M. Rousseau ? on gagne à vous connaître, on a les chiffres, bravo ? à l'époque, vous aviez dit que vous voudriez rendre des comptes aux six mois, que ça vous apparaissait une bonne règle de transparence. Vous avez l'air à avoir changé d'idée, là.

M. Rousseau (Henri-Paul): Bien, je suis surpris que j'aie dit ça moi-même, là, parce que je me souviens d'un scrum, après...

M. Taillon: Bien, là...

M. Rousseau (Henri-Paul): Je me souviens d'un scrum après une conférence que j'avais donnée à Montréal, où les journaliste m'ont demandé: Pourquoi vous n'êtes pas aux trois mois? J'ai dit: Jamais, «over my dead body». Je pense qu'un des avantages de la caisse... Il y en a trois. Pourquoi on peut jouer un rôle si important au Canada et au Québec? C'est l'idée de génie qui a été faite en 1965 de regrouper nos institutions d'épargne. C'est une coopérative d'épargne qu'on a mise ensemble, qui est collective. O.K.? Et ça, ça fait en sorte qu'aujourd'hui on a cet instrument fantastique qui nous permet collectivement de faire des grandes choses. C'est vrai, ça demeure vrai. Cette dimension-là des choses fait que la caisse est capable rapidement de faire des choses qu'autrement elle ne ferait pas.

M. Taillon: C'est sur Cyberpresse, on vous a peut-être mal cité, là, mais qui faisait cette déclaration-là.

M. Rousseau (Henri-Paul): Il y a de nos pairs qui sont aux trois mois, mais à chaque fois qu'ils me rencontrent, ils disent: Chanceux. Teachers est à l'année, OMERS est à l'année, Canada Pension Plan est aux trois mois. Mais, voyez-vous, il a été obligé d'annoncer récemment, aux trois mois, qu'il y avait une fluctuation du change qui l'avait frappé. Mais, tu sais, ça a fait bien du bruit, là, sur la ligne, et là tu gères... Moi, je l'ai vu dans le privé, j'ai géré des sociétés publiques aux trois mois, c'est l'enfer. Puis tous les hommes d'affaires... C'est tellement réglementé maintenant. Ça veut dire que vous finissez votre trimestre, la fin du mois, et là, dans 15 jours, vos services financiers vous disent: Voici le trimestre. Là, vous êtes en train de préparer comment vous allez répondre aux exigences réglementaires pour divulguer. Il ne faut pas que vous dites tout, pas assez, ta, ta, ta, et là vous êtes en plein milieu du deuxième trimestre, puis vous connaissez la moitié du mois, puis vous ne pouvez pas le dire... C'est l'enfer.

Moi, là, mon approche: Demandez-nous de vous en dire encore plus sur une base annuelle, sans aucun problème. On a le rapport annuel qui est le plus complet, M. le Président. On a gagné des prix aux États-Unis, mondiaux, sur le fait que, comme organisme public, on rend une reddition de comptes très complète. Élargissez, si vous voulez, ce qu'on met dans le rapport annuel, on va tout vous dire. Ce qu'on ne peut pas faire, ce qu'on ne voudrait pas, en tout cas à mon avis, c'est une fréquence de reddition.

Par contre, je peux vous assurer que les déposants, eux, c'est eux autres qui sont nos chiens de garde sur une base quotidienne, sur une base mensuelle. Et puis ça, on joue ça très ouvert et c'est normal, O.K.? On a un encadrement, là, un conseil d'administration à tous les mois, un comité de gestion de risques à tous les mois, statutaire, à moins qu'il y ait des transactions, auquel cas, dès qu'on fait une transaction au-dessus de 300 millions, ça va au conseil d'administration. Donc, on est très encadrés. Si on se met à rendre des comptes aux trois mois, on va le faire, on va respecter les lois qui sont les nôtres. Mais, si vous me demandez mon opinion, ce n'est pas là le plus important.

Si vous voulez améliorer, la suggestion qui a été faite tantôt, de rencontres plus fréquentes, je serais ravi. Même de quatre heures à la fois. Aucun problème là-dessus. Mais la question, c'est surtout que la reddition de comptes au trimestre, ça devient un problème, ça devient une gestion de communications beaucoup plus qu'une gestion des affaires. Et c'est un avantage caisse. Et, moi, je suis convaincu de ça et je vais le demeurer, convaincu.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Chauveau, trois minutes environ.

Comparaison avec l'Ontario
Teachers' Pension Plan

M. Taillon: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Quand on compare Teachers, qui est un de vos bons compétiteurs, ils ne sont pas allés, eux, dans le papier commercial. Comment vous expliquez ça, M. Rousseau?

M. Rousseau (Henri-Paul): Bien, l'information que j'ai, c'est qu'ils en ont peu...

M. Taillon: Peu, là, 60 millions.

M. Rousseau (Henri-Paul): Et puis la première chose que j'ai déjà dite publiquement: J'ai un profond respect pour Teachers, Teachers et Claude Lamoureux, qui prend sa retraite. Et je peux vous dire que, moi, quand je suis entré à la caisse, j'ai passé beaucoup d'heures avec Claude et ses adjoints. Teachers a toujours eu une seule et même mission: travailler pour ses commettants qui sont les enseignants de l'Ontario et faire en sorte que le régime de retraite soit en bonne santé. Donc, ils sont focussés sur une seule chose depuis le début.

Deuxièmement, ils ont été parmi les premiers au Canada à adopter des stratégies de gestion de risques, des stratégies de gestion de placements, parmi les premiers. C'est une référence, c'est un exemple pour moi, c'est un modèle. O.K.? Et on s'est inspirés beaucoup ? des choses que j'ai implantées à la caisse avec mon équipe, et avec M. Brunet, et les membres du conseil ? de ce qui se passait ailleurs. On est allés voir les meilleurs, et c'est parmi les meilleurs. Bon.

Sur une très longue période, la caisse a très peu souvent été capable de faire aussi bien et mieux que Teachers. O.K.? Ça dit beaucoup. Donc, j'ai beaucoup de respect pour ça. Depuis quelques années, on les talonne un peu plus. Et je suis prêt à parier que, si on maintenait le cap sur les règles de gouvernance qui ont été mises en place, qui sont saines, qui disent à un conseil d'administration: Vous êtes les responsables et ne cherchez pas à vous fuir de ça, et c'est ça qu'on assume, et, deuxièmement, une mission claire: qu'est-ce qu'on fait dans la vie?, une reddition de comptes détaillée annuelle... Donnez à l'organisation le temps, et, avec le temps, elle va s'améliorer. Moi, je peux vous dire que la caisse d'aujourd'hui, pas parce que c'est moi mais parce qu'on a clarifié ce qu'on fait, on est en train de devenir une organisation de référence. Oui, on n'est pas sans erreur, et je ne me cache pas.

Mais je vais vous donner un autre exemple: le dollar canadien, cette année, là, c'est la grosse affaire qui va faire la différence dans les caisses de retraite. La question que je peux vous poser, c'est: Comment ça se fait qu'il y a autant de caisses de retraite qui ne l'ont pas vu? C'était facile, il me semble, hein? Après coup, on peut tous dire ça. Bien, la majorité ne l'ont pas vu, puis l'écart entre les caisses de retraite, là, le premier quartile puis le... l'autre, là, est énorme cette année, au troisième trimestre. O.K.? Nous, ça a été une chose qu'on a dite avec nos déposants, parce qu'ils contrôlent ça: On va se protéger. On est protégés à 90 %. Mais ça vaut plusieurs milliards. Puis on l'a fait parce qu'on a pensé que c'était probable, ce coup-là, que le dollar montait. O.K.? Bon.

Nos centres d'achats aux États-Unis, on a un gros parc, on est un gros joueur immobilier, le huitième au monde... le neuvième au monde, un des plus grands joueurs immobiliers. O.K.? Il n'y a rien qui se passe sur la planète, M. le Président, qu'on ne voit pas dans l'immobilier. Voilà deux ans, on a dit: L'Amérique est dopée par le crédit, il va se passer quelque chose un jour, on devrait réduire notre position de centres commerciaux aux États-Unis. On a tout vendu. Contents de ça: on a fait de l'argent énormément dans l'immobilier, puis du cash. On a vendu. Bon. C'est un bon coup qu'on a fait.

Dans notre métier, c'est vraiment ça: si on s'impose qu'on ne peut pas faire de mauvais coups, si on fait juste les bons coups, vous allez avoir une situation où les gens vont devenir d'un conservatisme tel, ça va coûter une fortune pour une gestion indexée qui ne rapporte pas grand-chose. Il faut prendre des risques et il faut regarder les résultats sur la moyenne et sur une longue période. C'est là-dessus qu'on peut être jugés.

Le Président (M. Paquet): Merci. Je reconnais maintenant M. le député de Rousseau.

Investissement dans Quebecor Média

M. Legault: Oui. Merci, M. le Président. M. Rousseau, vous avez dit tantôt que, quand vous êtes arrivé, vous avez réparé les pots cassés ? je reprends vos mots. Vous rappelez qu'il y a eu des grandes radiations qui ont été passées, entre autres, là, pour Quebecor-Vidéotron. Aujourd'hui, on peut dire que, depuis ces radiations-là, le rendement de Quebecor-Vidéotron a permis à la caisse de réaliser, entre autres, dans les trois dernières années, des bons rendements. Est-ce que vous diriez ça, là, qu'il y a eu une appréciation importante, là, des radiations que vous aviez faites, là, finalement, lorsque vous êtes arrivé?

n (16 h 10) n

M. Rousseau (Henri-Paul): D'abord, je vous corrige. J'ai déjà même eu une correction dans le journal La Presse, qui avait dit quelque chose de semblable à ce que vous venez de dire, à l'effet qu'on avait pris des radiations. Les radiations, quand je suis arrivé à la caisse, avaient été prises par mon prédécesseur, sur Vidéotron. Et c'est documenté, et ça fait partie d'une correction qui a été faite dans le journal La Presse en date de l'année passée. O.K.?

M. Legault: ...amélioré.

M. Rousseau (Henri-Paul): Non, mais ce que je veux dire: ce n'est pas moi qui ai fait les radiations chez Quebecor Média, elles étaient faites en très grande partie avant que j'arrive. Ça, c'est le premier point. O.K.? Et ça fait deux, trois fois que je l'entends depuis, là, et je vais être formel là-dessus. Et ça, c'est documenté et c'est réglé. Deuxième chose, la question que vous posez, c'est: Malgré les radiations Quebecor Média... Je vais déposer un document sur cette question-là parce que ça fait plusieurs fois qu'elle revient. On va essayer d'être clair.

La caisse a investi 3,2 milliards dans Quebecor Média. Le 3,2 n'a pas été investi dans un seul moment, ça a été investi au début à 2,9 milliards et un autre 300 millions suite à l'exercice d'une option qui avait été concédée dans les mois qui viennent. O.K.? Donc, il y a eu 300 millions qui a été déboursé. L'investissement total qui a été fait par la caisse en 2000: 2 389 000 000 $. Ça, c'est ce qui a été fait, 2 389 000 000 $. Le déboursé initial était de 2 762 000 000, et la différence entre les deux, c'est l'évolution de la valeur. Donc, dès le début, il y a eu des corrections.

Mais ce que j'essaie de vous dire, c'est que, si vous investissez dans une entreprise, peu importe laquelle c'est... Et je pense que, de profession, vous avez été comptable, vous êtes comptable. Bien, ce qui est arrivé, on comprendra, j'investis, disons, 1 000 $ dans une compagnie, la valeur de la compagnie baisse et je reviens à mon 1 000 $ sept, huit ans après. O.K.? On peut dire: J'ai récupéré. Mais, pour un organisme de placement, ce n'est pas ça. Si j'avais pris mon 1 000 $, parce que, nous, on est évalués sur le marché, je l'avais mis sur le marché... Aujourd'hui, la valeur de notre placement dans Quebecor Média, on n'a pas récupéré, contrairement à ce qu'on dit. Pourquoi? Parce que, si la caisse avait investi, là, même 3,2 milliards non pas dans Quebecor Média, parce que c'est ça qu'il faut comparer, mais dans le marché, dont le marché TSX qui est le marché de Toronto qui est par ailleurs représentatif, aujourd'hui ce 3,2 milliards vaudrait 4,5 milliards. O.K.?

Donc, s'il faut vraiment comparer, ce n'est pas la valeur dans nos livres aujourd'hui, c'est qu'est-ce que l'argent m'aurait procuré. En d'autres mots, il ne faut pas oublier le rendement. C'est ça, l'erreur que M. Girard fait. Donc, en tenant compte de qu'est-ce que m'aurait rapporté le placement, j'aurais une valeur, aujourd'hui, de 4,5 milliards. La valeur que nous avons dans nos livres, à la fin de l'année 2006, c'est 1,6 milliard. C'est tout un écart. Même si je prenais la proposition de M. Girard pour l'augmenter au montant, j'ai encore un 2 milliards qui me manque.

Donc, il y a une notion qu'il faut bien comprendre ici: quand on place de l'argent puis qu'il y a la fameuse notion de perte sur papier, qu'on va récupérer, oui, théoriquement, mais ça dépend à quelle vitesse. Ici, ça fait huit ans puis je n'ai pas encore récupéré la moitié de la vraie valeur économique. C'est pour ça que, je vais vous dire, c'est lourd. O.K.?

Ceci étant dit, on a conservé Quebecor Média et notre placement. Pourquoi? On ne voulait pas cristalliser une perte à tout jamais. Parce que, si vous vendez, vous cristallisez. On était confiants et dans l'équipe de direction et dans l'avenir du téléphone via le câble, et on a eu raison. Et, même si on était toujours sous l'eau par rapport à des alternatives, le placement nous donnait quand même... Moi, les pertes étant prises quand je suis arrivé, j'ai considéré que c'était encore un bon placement. O.K.? C'est tellement vrai ? puis je vais couvrir une autre question ? que, quand est venu le choix entre BCE et Quebecor Média, on a dû mettre en place un mur de Chine pour étudier la transaction de BCE. On l'a fait. On a dit non à BCE pour deux raisons. La première, c'est que, pour y aller à hauteur significative, parce que je ne voulais pas simplement être un prête-nom, mettre 10 % dans une compagnie puis en disant: La caisse est là, mais elle n'est pas là, finalement, il fallait quand même avoir un pourcentage élevé, disons autour de 25-30 %, à ce niveau-là, on ne passait pas les tests des lois sur la concurrence et surtout sur la réglementation de la télécommunication au Canada.

Donc, on a eu le choix: Est-ce qu'on conserve Quebecor Média ou est-ce qu'on achète Bell? Dans un contexte où Bell n'était pas cheap, là, c'était un bon prix, dans un contexte d'incertitude, alors qu'on avait ici quelque chose... on a fait le choix d'y aller, en toute honnêteté, de voir, parce qu'il y avait, comme vous dites, un siège social d'impliqué ? on est conscients, on a fait tout ça ? mais le choix que nous avons fait finalement, c'est de se retirer de cette transaction-là et de préférer Vidéotron. On ne pouvait pas avoir les deux, c'était clair, et, par nos avis juridiques, c'était clair qu'on ne pouvait pas avoir les deux. Mais on se devait d'aller voir, puis on est allés voir. C'est pour ça que finalement la caisse s'est retirée.

Maintenant, ces explications-là, c'est vrai que je ne les donne pas dans le public à tout bout de champ, puis je vous l'ai dit aujourd'hui parce que vous posez ces questions-là. Mais, avec mes collègues, on gère beaucoup d'argent, on les gère avec le plus de prudence possible avec... Et puis, en général, le silence nous est plus efficace que de parler. Et c'est vrai que je n'ai pas tendance à être loquace sur ce qu'on fait. J'ai la prétention de rendre des comptes le plus clair possible, le plus longuement possible, une fois par année, mais le reste du temps j'essaie de gérer en silence, dans l'intérêt des déposants.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui. En fait, tout ce que je voulais dire, c'est que, quand on part du prix qui a été radié, le prix quand vous êtes arrivé, la valeur qui était aux livres quand vous êtes arrivé, aujourd'hui on peut dire que ça a été une contribution au rendement des trois dernières années de la caisse, quand on regarde la valeur aujourd'hui.

Provisions pour pertes dans le PCAA (suite)

Mais je voudrais quand même passer à un autre sujet, là, revenir sur le papier commercial. Ce que je comprends, ce que je déduis de ce que vous nous avez dit: vous avez pour 1 milliard de «subprime» sur lequel vous dites: Il pourrait y avoir une radiation maximale de 500 millions. Sur le reste, sur le 12,2 milliards, vous nous dites que vous n'avez pas encore fait de provisions, mais vous nous dites que ceux qui ont plus de 100 millions ont fait des provisions qui varient entre 6,5 % et 25 %. Ça veut dire que ? si je fais un petit calcul ? si, vous, vous prendriez les mêmes pourcentages, ce serait une provision qui varierait entre 800 millions et 3 milliards. Ça veut dire que, si j'additionne ça aux 500 millions, ça voudrait dire, donc, que la provision totale de la caisse pourrait varier entre 1,3 milliard de dollars et 3,5 milliards de dollars, 3,5 étant la provision qui a été prise par la Banque Nationale.

Et j'aimerais vous entendre, justement. Le fait, là: c'est la Banque Nationale qui a pris le pourcentage de provision le plus important, donc qui semble avoir des actifs de moins bonne qualité. Et ce qu'on me dit, là, puis, bon, je vous pose la question, c'est que les individus, les personnes qui ont transigé pour vous le papier commercial, là ? entre autres, on me parle d'un M. François Maheu, que je ne connais pas, là, qui vient de la Banque Nationale ? mais qu'il y avait quand même une certaine proximité entre les gens qui transigeaient à la caisse et à la Banque Nationale. Puis les gens me disent que le papier commercial à la caisse pourrait plus ressembler à celui de la Banque Nationale qu'à celui des autres institutions financières. Donc, ce qui pourrait... ou ce qui a amené certains commentateurs à nous dire: La provision de la caisse devrait peut-être être plus proche de 25 %. Et, bon, vous nous dites: vous allez vérifier la provision avec le Vérificateur général, mais vous allez vous en faire une, provision.

Ce qu'il faut comprendre, là, puis je suis certain que vous le comprenez aussi, c'est qu'il y a deux choses, là, quand on parle d'une provision: il y a une perte possible de capital, mais il y a une perte possible aussi de rendement. Parce que, là, ce que vous nous dites, c'est que vous avez pris des placements qui étaient prévus à court terme, donc habituellement qui ne rapportent pas beaucoup d'argent, vous les avez mis dans votre portefeuille, dans vos placements a moyen terme, qui habituellement ont des plus hauts rendements, et évidemment, là, ça veut dire qu'il y a des placements à moyen terme que vous avez dû liquider ou moins acheter. Donc, ça a un effet sur le portefeuille global.

Donc, il y a aussi, là, puis j'aimerais vous entendre là-dessus, de dire... Et je veux revenir, j'avoue que je ne comprends pas qu'aujourd'hui vous ne soyez pas capable de nous donner un estimé de la provision sur le 12,2 milliards qui reste, là, un vrai estimé, là, et de perte potentielle de capital, et de perte potentielle aussi de revenus, puis les impacts dans le portefeuille total.

Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.

M. Rousseau (Henri-Paul): Je suis content de vos questions et je suis content qu'on ait quatre heures. Je vais les prendre dans l'ordre. D'abord, il ne faut pas compter les provisions deux fois. Les autres qui ont pris des provisions n'ont pas fait de distinction entre quelle est la provision qu'ils prenaient pour le «subprime», quelle est la provision qu'ils prenaient pour la qualité. On se comprend? Alors, mon 500 millions, là, ajoutez-le pas, là, comptez-le dedans. O.K.? On est d'accord? Oui?

n (16 h 20) n

M. Legault: Oui.

M. Rousseau (Henri-Paul): Bon. Deuxièmement...

M. Legault: Donc, ça pourrait être, au pire, 25 % de 13,2. Oui, c'est ça?

M. Rousseau (Henri-Paul): Non, ce n'est pas ça que je dis. Je dis simplement que, si on prend les profits... Les autres n'ont pas dit quelle était la provision qu'ils prenaient sur le «subprime», quelle était la provision qui était appliquée sur soit les pertes d'intérêt ou soit la perte de capital, O.K., qui est la notion que vous voulez amener. D'accord?

M. Legault: ...total, là, si je fais un petit calcul: 25 % de 13,2 milliards, ça fait 3,3 milliards, si on y allait avec une provision comme la Banque Nationale.

M. Rousseau (Henri-Paul): Est-ce que je peux...

Le Président (M. Paquet): ...pour le bloc, environ 4 min 30 s.

M. Rousseau (Henri-Paul): Bien là, vous allez... Je n'ai pas répondu encore. O.K.?

M. Legault: O.K., allez-y.

Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.

M. Rousseau (Henri-Paul): Je veux simplement qu'on s'entende sur les choses. Soyons clairs. Le 500 millions qu'on a mentionné, c'est pour le «subprime». O.K.? Je dis: Les autres qui annonçaient les provisions n'ont pas fait de distinction à quoi ça s'appliquait. On se comprend? Ça fait que comptez pas deux fois. Premièrement.

Deuxièmement, l'intérêt que nous allons recevoir sur le papier restructuré va être beaucoup plus élevé que sur le «money market». Pourquoi? Parce que l'intérêt qui va être là va résulter de la restructuration. Aujourd'hui, l'écart entre les rendements sur les actifs de ces trusts-là et le rendement aux investisseurs, il va où, vous pensez? Il sert à payer l'ensemble de la structure qui est là, distribution, manufacturation et gestion. Tout ça va être une structure qui ne sera plus en place. Donc, le coupon d'intérêt qui va être sur le placement à long terme va être plus élevé que s'il était sur le court terme. Donc, cette perte-là à laquelle vous faites référence, O.K., ce qui va être important, ce n'est pas la... Il n'y aura pas de perte, c'est un gain. Mais, ce gain-là, ce qu'on voulait savoir, c'est: Est-ce qu'il est aussi élevé qu'il devrait être si je le compare à un titre de quatre ans, si c'est du quatre ans? On se comprend? Donc, ça, on ne s'attend pas que ce soit une grosse affaire. O.K.? Bon. C'est pour ça que la restructuration est importante.

Ce qui reste à évaluer, c'est: Est-ce qu'il y a des pertes de capital potentielles sur le 12,2 milliards où il n'y a pas de «subprime»? O.K.? Cette évaluation-là, quand nos collègues des autres institutions financières l'ont faite, ils l'ont faite dans le brouillard. O.K.? Et ce qu'ils ont pris comme indication, ils ont dit: Bien, le marché aujourd'hui du «subprime», aux États-Unis, puis de ces instruments-là évalue un escompte de 20 % à 25 %, donc je l'applique. C'est une évaluation de liquidation. Puis effectivement, si vous avez un actif qui vient d'être classé moyen terme et que vous voulez le liquider, vous allez faire une vente de feu et vous allez prendre une grosse provision. Ça, c'est un élément qui explique les différences. O.K.?

L'autre élément, c'est... Puis la provision en question dont on parle ici, c'est donc: provision pour la qualité de l'actif, et ça comprend le «subprime». Et je vous ai dit que la qualité de l'actif de ce qu'on avait là était de forte qualité. Il va rester donc la provision sur le manque à gagner des intérêts. Et c'est pour ça qu'il faut attendre la restructuration pour y répondre. Je vous ai dit que, nous, dans notre façon de faire, on a fait le tour des scénarios possibles. O.K.? Aucun de ces scénarios-là ne me fait craindre de façon importante. Je ne vous dis pas qu'il n'y en aura pas. Et, ce travail-là, en toute honnêteté, je peux aller aussi loin que je suis allé aujourd'hui, mais je ne peux pas aller plus loin. Pourquoi? Les chiffres que je donne doivent être vérifiés.

Quand je vous parle de 500 millions sur 1 milliard, pourquoi je peux vous en parler? C'est que c'est tellement gros que je suis à l'aise parce que c'est une grande protection. Au pire, je me trompe vers le haut, donc je ne suis pas... Le reste, j'ai une zone d'incertitude importante. Pourquoi? La restructuration n'est pas terminée et, deuxièmement, cette évaluation-là va être faite en connaissance de cause à partir de deux critères: Quelle est la probabilité de recouvrir l'ensemble de nos... de capital et, deuxièmement, quel est le rendement que nous obtenons, compte tenu du terme qu'on va obtenir? O.K.? Mais les scénarios que nous avons faits, nous, ça nous donne des provisions avec lesquelles on est capables de vivre puis qui ne mettent pas en péril notre année financière, qui va toucher, oui, notre moyenne au bâton, mais de façon à changer les équilibres financiers ni de la caisse ni des déposants. C'est ça que je suis capable de vous dire. O.K.?

Mais, même si vous me posez 26 000 fois la même question, je n'en dirai pas plus. J'ai dit le maximum que je peux vous dire, et je vais attendre les travaux de vérification de fin d'année faits par le Vérificateur général, les équipes du comité de vérification, avant de donner cette provision-là. Je vous incite simplement à la prudence. O.K.? Vous en avez beaucoup. Parce que mon but, ce matin, c'était de vous en dire assez de ce que je connais. Je ne peux pas vous en dire plus, O.K., pour qu'on change un peu de sujet. Et le point important, là, c'est ça. Et il n'y a pas péril en la demeure, nos déposants sont informés, et je pense que dorénavant on pourrait parler de d'autre chose. Pas qu'il n'y a pas une crise, il y en a une, mais fondamentalement on est sous contrôle.

Document déposé

Le Président (M. Paquet): Ce bloc-là est présentement terminé. Alors, d'abord, je dépose le document, la déclaration du président et chef de la direction de la caisse, que vous avez remis tout à l'heure. Et je crois que vous avez parlé d'un deuxième document que vous souhaitez déposer. Vous pourrez me le transmettre et je le déposerai tout à l'heure. Maintenant, je reconnaîtrais M. le député de Mont-Royal.

Comparaison avec d'autres investisseurs

M. Arcand: Merci beaucoup, M. le Président. Encore une fois, nos salutations au président de la Caisse de dépôt et au président du conseil d'administration de la caisse. D'abord, M. Rousseau, je dois vous dire que les rendements de la caisse, qu'on observe depuis quelques années, sont absolument remarquables. Et je voulais, dans un premier temps, vous poser une question parce que, lorsque vous avez terminé votre discours, vous avez parlé sur le fait que la caisse réussit à produire de meilleurs rendements que ses pairs canadiens. J'aimerais peut-être que vous expliquiez un peu ce que vous voulez dire de ce côté-là. Par rapport à Teachers, j'imagine, à d'autres organismes? Qu'est-ce que vous voulez dire quand vous parlez de meilleurs rendements par rapport à vos pairs canadiens?

M. Rousseau (Henri-Paul): M. le Président, est-ce que le texte a été distribué? Alors, j'inviterais les membres...

Le Président (M. Paquet): ...M. Rousseau.

M. Rousseau (Henri-Paul): Oui, le texte a été distribué? J'inviterais les membres au tableau à la fin ainsi qu'au graphique. C'est la dernière page. On vous a fourni l'information qui vient en fait des travaux de RBC Dexia et du service aux investisseurs.

Notre univers de comparaison, M. le Président, pour nous, ce sont les grandes caisses de retraite. Il faut se comparer à des comparables, donc c'est celles de l'univers des 1 milliard et plus. O.K.? Et, si vous faites cette comparaison-là... Je n'ai pas voulu non plus prendre une année. On a pris donc ce qu'on peut appeler des moyennes trois ans. Donc, ce que vous avez là, c'est la moyenne trois ans des rendements de l'industrie et la moyenne trois ans des rendements de la caisse. Et la façon dont on est jugés, dans notre industrie, c'est: si vous faites 10 % puis le marché fait 12 %, même si 10 %, c'est très bon, vous êtes 2 % en bas du marché. Ce qui compte, c'est: Est-ce que vous êtes meilleur que votre marché de référence? O.K.?

Alors, ici, vous allez voir les années de 1986 à 2006. Pour toutes ces années-là... J'ai pris 20 ans. Et, encore une fois, chaque observation qui est là, c'est la moyenne des trois dernières années qu'on suit. D'accord? De sorte qu'on n'est pas sur une année, là, par hasard, on a vraiment une moyenne qui nous permet de suivre les choses. Si vous faites ça, vous allez observer que, oui, on a eu des périodes où notre valeur ajoutée était élevée, en particulier 1999-2000, très élevée; on était cependant deuxième quartile. Ce que ça veut dire, c'est qu'on a créé la valeur pour nos pairs, mais on a eu de l'aide beaucoup du marché durant cette période-là. Comme toute l'eau monte, bien le bateau monte avec. Ce qui est important, c'est quand vous créez de la valeur dans un marché plus difficile. Et c'est pour ça que la période 2005-2006, on vous le montre: la valeur ajoutée au-dessus du 90 points de base, mais, par rapport à nos pairs, dans la période 2005, donc qui ramasse les trois premières années 2003, 2004, 2005, on est premier quartile et, 2006, on est dans le premier 5 %.

Bon. Pour nous, ces deux critères-là, c'est les deux critères les plus importants. Pourquoi? Il faut répondre à la commande de nos déposants de créer de la valeur au-dessus des marchés. C'est pour ça qu'ils nous paient, c'est pour ça que la caisse existe, d'abord et avant tout, qu'on a regroupé ça ensemble. Et, pour répondre à ça... Mais, eux, ce qu'ils veulent savoir aussi: Est-ce que la performance que vous avez, est-ce qu'elle est soutenable? Ça, c'est la moyenne trois ans... Parce que ça peut être plus un coup de chance ou une malchance. Est-ce que c'est soutenable? Puis, si j'avais engagé quelqu'un dans le secteur privé, est-ce qu'il aurait fait mieux que vous? Et le secteur privé, bien, c'est tous les autres. C'est pour ça que, dans la deuxième colonne, on est comparés à toute l'industrie, et c'est pour ça, quand on est dans le 5 % de la classe puis qu'en plus on répond à la commande des déposants, bien ça, ça nous assied sur une... Bon.

C'est ce qui fait qu'aujourd'hui les régimes de retraite, les régimes d'assurance qui déposent à la caisse, je dis, sont en santé financière robuste et solide. Et je me permets de dire que les provisions qu'on aura à prendre sur ce qui s'est passé cette année vont être totalement dans l'ordre d'institutions qui sont capables de les prendre, étant donné la force financière qu'ils ont, parce que ça fait trois ans qu'ils ont du 14 % alors qu'ils cherchaient du 7 %. Ça n'enlève pas rien, là. On ne fuit pas nos responsabilités. C'est juste que les conséquences ne sont pas ce qu'on pourrait imaginer, parce qu'on est positionnés pour être capables de les prendre, c'est tout.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Mont-Royal.

M. Arcand: Merci, M. Rousseau. Est-ce que j'ai compris que vous avez parlé tout à l'heure de l'actif net? Là, je n'ai pas eu le temps de lire le détail de votre discours, mais vous avez parlé du fait que l'actif net a pratiquement doublé depuis que vous êtes là.

n (16 h 30) n

M. Rousseau (Henri-Paul): En fait... Puis ça, c'est les rendements du début, là, c'est-à-dire que, 2003, 2004, 2005, 2006, les marchés ont été favorables et donc on a profité de ça. Mais on profite des marchés par deux choses. On a une politique de placement. Où est-ce qu'on investit? En actions, en obligations, en immobilier, en placements privés, en infrastructures? Tous ces placements-là, ces décisions-là sont prises comment? Elles sont prises par l'interaction entre le service de recherche de la caisse et de conseil aux déposants, le service aux déposants, que dirige Mme Kudzman, qui ensemble rencontrent chaque déposant, les 25, et on s'assoit avec eux à partir d'une proposition qu'on leur fait: étant donné leurs besoins, voici ce qu'on propose comme politique de placement.

Chacun des déposants a ses comités de placement et engage ses propres experts. Souvent, les experts vont être à l'interne, ça dépend des organismes; d'autres fois, c'est l'externe. Et ces experts-là critiquent, analysent, documentent et viennent nous challenger, nous poser des questions sur pourquoi on propose ça. Et après ça l'organisme, que ce soit la Régie des rentes, que ce soit la CSST, que ce soit la Commission de la construction... ils décident entre eux de leur politique de placement et font ce choix.

Je veux corriger quelque chose qui a été dit tantôt. Les déposants n'ont pas à choisir s'ils peuvent investir ou non au Québec. Ce n'est pas vrai, ça. Je ne sais pas d'où ça vient, là. Les portefeuilles, il y en a 18, et on investit au Québec dans les 18. Il n'y a pas d'exclusion du Québec dans aucun portefeuille. Ce qu'on a changé, c'est qu'avant les actions étaient additionnées aux placements privés. Ce que ça faisait, c'est que les déposants qui pensaient investir en actions liquides se retrouvaient avec des placements non liquides. On a changé ça pour plus de transparence, O.K.? Donc, c'est comme ça que ça fonctionne.

Donc, nous, notre façon d'opérer... Oui, on a fait beaucoup d'argent, le marché nous a aidés, on en profite de deux façons. Est-ce qu'on a la bonne politique de placement? Ça veut dire quoi? Être investi dans ce qui paie beaucoup d'argent, ça, c'est la politique de placement. Puis, deuxièmement, est-ce que nos gestionnaires font mieux que le marché? Ça, c'est la valeur ajoutée. Et les trois composantes, c'est-à-dire le marché, la politique de placement et la valeur ajoutée, on fait une reddition de comptes à nos déposants. Et ils voient, s'ils avaient été neutres face au marché, qu'est-ce que ça aurait donné, s'ils avaient pris la même politique de placement que les autres; s'ils ont pris nos conseils, qu'est-ce que ça a donné. Donc, on évalue nos services-conseils. Il y a une reddition de comptes, on a une firme externe qui évalue ça, c'est Aon, et qui confirme ou infirme le résultat et qui est déposé à chaque déposant.

Donc, on est dans un monde, nous, de reddition de comptes extrêmement professionnel. Je peux vous dire que c'est une des raisons pour lesquelles maintenant je peux engager des gens qui sont du milieu professionnel, parce qu'on les traite de façon professionnelle du début à la fin. Et on est des patrons exigeants, il faut que ce soit comme ça, parce qu'on a des déposants qui sont exigeants et qui ont des obligations de pension, d'assurance et de retraite, puis ils doivent être respectés.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Mont-Royal, 2 min 30 s.

Provisions pour pertes dans le PCAA (suite)

M. Arcand: Oui. Une de mes questions a trait, encore une fois, au papier commercial, parce que tout à l'heure on a parlé, là, de provision puis de radiation, puis je veux juste que ce soit clair, là. Quand on parle du 500 millions sur le «subprime» de provision, dans votre interprétation à vous, est-ce que vous pensez que ce sont des pertes irrémédiables ou s'il y a encore quelque chose... Est-ce que c'est une radiation, une provision?

M. Rousseau (Henri-Paul): Je suis content que vous me posiez la question. Le conseiller du groupe de travail, c'est J.P. Morgan, qui est une grande banque américaine et mondiale, et je me suis assis avec le senior qui est là, puis j'ai dit... Comme il sait tout, parce que c'est notre conseiller, donc je travaille avec, et je lui ai posé la question de façon très candide, et il dit: Chez nous, par exemple, on a un portefeuille très diversifié. Il dit: C'est sûr que, si vous êtes en Floride ou dans tel État sud-américain où il y a eu beaucoup de constructions puis beaucoup d'accès dans le «subprime», ça va coûter plus cher, O.K.? Donc, c'est la qualité de l'actif et la répartition qui va jouer. Aujourd'hui, pourquoi je la mets à cette hauteur-là? C'est pour être prudent, O.K.? C'est une provision, ce n'est pas une radiation, et le véritable chiffre, on sera au courant.

D'ailleurs, vous savez, dans le cours normal des choses, là, jamais je n'aurais parlé de provision avant que les résultats ne soient connus. Ce n'est pas comme ça que ça marche dans la vie. Normalement, on a la fin d'année puis on rend des comptes. Là, la situation était telle que j'ai dit: Je n'ai pas le choix, il faut que je vous en parle. Je vous en parle avec toute candeur et toute incertitude parce que ce n'est pas terminé. D'abord, il reste du temps dans l'année, puis, deuxièmement, la vérification se fait à la fin de l'année. Bon. C'est pour ça que je parle... du côté des «subprimes», je mets ça au pire, puis, de l'autre côté, j'ai une zone d'incertitude. Je veux juste vous dire d'être prudents. Je ne suis pas capable de vous donner une proportion parce que ça varie trop en fonction de qui a fait quoi. Et, comme je vous ai expliqué, la répartition, la diversification, je n'ai pas ce chiffre-là et ce serait imprudent que de donner un chiffre.

Je dis simplement: Dans tous les scénarios qu'on a faits, il n'y en a aucun, de ces scénarios-là, qui serait une catastrophe qui ferait que les régimes d'assurance ou de rentes seraient impactés. C'est faux, ce n'est pas vrai. Les régimes sont en santé, ils sont en très grande santé. Écoutez, on imprime de l'argent depuis quatre ans, là, ça paraît dans les bilans. Allez voir le président de la CSST, tous les présidents de nos organismes, là, eux autres... On est solides, là. Puis, quand vous comparez la performance, par exemple, de la CSST avec les autres provinces canadiennes, on est dans le peloton de tête, et ça, c'est la Régie des rentes également, le RREGOP également. Je veux dire, on a des régimes qui sont bien. Il ne faut pas... Il faut arrêter, là, je veux dire. On est en santé financière dans ces régimes-là. Et heureusement, avec la démographie que nous avons, que cette partie-là est solide, et il faut que ce soit comme ça.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Chauveau.

Contribution de la Caisse de dépôt et placement
au développement économique

M. Taillon: Merci beaucoup, M. le Président. Moi, je voudrais revenir au papier commercial, M. le Président... MM. les présidents. La part est de 13,2 milliards, la caisse, dans le papier commercial. Quelle est la part de la caisse dans le développement économique, qui est aussi un mandat, si on extrait, là, si on enlève les obligations du Québec, en milliards?

M. Rousseau (Henri-Paul): Je suis très content qu'on soit rendus à ce sujet-là, M. le Président. Récemment, des journalistes ont fait des calculs maison sur cette question-là, et, avant de vous parler des problèmes méthodologiques de ces situations-là, on va se prêter au jeu. On va supposer que les chroniqueurs en question ont la bonne méthode. C'est un exercice que j'ai fait, O.K., parce que j'étais fasciné pour voir les résultats.

Entre 1998 et 2006, en prenant la méthodologie du journaliste, la valeur des placements ? puis je vais vous déposer ce document-là ? dans les entreprises ayant un siège social au Québec, selon cette même méthodologie, est passée de 11,4 milliards à 17,3. Alors, pourquoi je prends 1998? C'est parce que c'est en 1997 que la loi a été changée permettant à la caisse d'investir plus de 30 % en actions. Alors, avant, c'est des régimes légaux différents, donc je prends une période, là, qui... Donc, c'est les années 1998 à 2006 qui sont sous les mêmes règles du jeu, O.K., pour être comparables, là, c'est important. Ça veut dire que cette croissance annuelle des investissements au Québec est de 11,4 milliards à 17,3. Ça fait un taux de rendement moyen de 5,4 %. L'économie du Québec, le PIB brut en nominal, durant la période, a monté de 4,7 %. Donc, toujours en supposant que la méthode est la bonne, on pourrait conclure que la valeur des placements au Québec dans ce type d'entreprise a augmenté plus rapidement que l'économie en général. Donc, la caisse a été un moteur parce qu'elle investit plus.

Là, vous allez me dire: Bien oui, mais, en 1998, ce n'était pas vous. O.K.? Vérifions ça. On va décomposer la période en deux. Il y a deux sous-périodes, 2002 à 2006 puis 1998 à 2002. Alors, la croissance, de 2002 à 2006, au Québec, sous ma gouverne, a été de 6,2 % par année, alors que le PIB du Québec est 4,7 %. Donc, on a investi au Québec plus vite, 1,5 % de plus que l'économie du Québec croît. Et, sous l'autre administration, 1998 à 2002, c'était 4,5 %. Et là vous allez me dire: Bien, il y a Quebecor Média dans ça. Enlevons-le. À la hausse et à la baisse, c'est neutre. En fait, entre 2002 et 2006, la croissance de valeur a été de 4,4 % à 3,7 %. En d'autres mots, sur cette période-là, les quatre dernières années que j'ai dirigé la caisse, on a investi plus vite que l'économie du Québec croît, et, deuxièmement, on a investi plus vite que l'administration précédente. Donc, c'est faux de prétendre qu'on n'investit plus au Québec.

Mon problème, là, c'est que la caisse par contre a crû très vite, et la base de comparaison fait en sorte que, si vous prenez nos investissements au Québec sur une caisse qui croît avec un taux de rendement de 14,5 %, c'est sûr que le rendement de la caisse, il est bien plus rapide. C'est parce qu'on a fait beaucoup d'argent que la proportion baisse. Je vous explique. D'abord, la tendance du poids du Québec dans la caisse, là, n'est pas nouvelle. C'est historique. Depuis 1965, ça baisse à chaque année parce que la caisse grandit plus vite que le Québec, et c'est ce qu'on veut, M. le Président. On veut que l'économie du Québec aille très vite, soit en forte croissance, mais on souhaite que la caisse aille encore en plus forte croissance parce que, des rendements, on en a besoin. Alors, il y a une explication mathématique à cette affaire-là. C'est simplement que c'est un ratio de numérateur et dénominateur, hein? On prend les investissements au Québec, on divise par l'actif. Si l'actif augmente plus vite qu'en haut, bien c'est normal que le pourcentage baisse.

En 1998, pour vous donner des chiffres ? puis on va vous distribuer le document ? l'actif total de la caisse était de 83,3 milliards de dollars. Huit ans après, en 2006, on était à 207 milliards. Je prends la même méthodologie. On a donc multiplié par 2,5 fois la croissance, ça veut dire 12,1 par année. Pendant ces huit ans, par contre, l'essentiel de la croissance a eu lieu dans les quatre dernières années. Donc, quand on dit: Les placements, les entreprises du Québec, dans l'actif total, représentent un pourcentage qui a eu tendance à diminuer, oui, même si, dans les faits, ces placements-là ont augmenté plus vite que l'économie du Québec.

n (16 h 40) n

Il faut comprendre ici que la caisse est un investisseur au Québec, elle offre du capital, mais il faut qu'il y ait une demande. Cette offre de capital de la caisse, dans les quatre dernières années, était accompagnée de qui d'autre? Je vous en nomme quelques-uns: uniquement au Québec, les fonds fiscalisés, le Fonds de solidarité, la CSN, les caisses de... les fonds publics, la SGF, Investissement Québec, la Banque de développement du Canada ? la BDC ? caisses de retraite au Québec, Teachers ? on ne les voyait pas, ils sont là maintenant ? OMERS, Hoops, le CPP du Canada, PSP, les fonds de Private Equity qui n'étaient pas au Québec sont là, Onex, Bain, Blackstone, ajoutez les sources de fonds traditionnels, les Desjardins, les caisses, les banques, les assureurs, les fonds communs de placement, c'est l'enfer. Il y a du monde comme ça. Il y a du cash au Québec, O.K.?

Ça représente, le marché des capitaux, là... La caisse, ça a été fantastique, la création de la caisse. Pourquoi? Dans les années soixante, quand on relit l'histoire, le gouvernement du Québec, Hydro-Québec était prisonnier d'un syndicat financier; on a créé la caisse et la mission est accomplie. Aujourd'hui, quand la province émet ou Hydro-Québec émet, ils ne nous parlent même plus, ils font ça sur le marché, à distance. C'est une bonne nouvelle, ils ne sont plus dépendants de la caisse d'aucune façon, et surtout dans les cinq dernières années. Et savez-vous pourquoi? Parce qu'ils ont un marché maintenant qui est développé et ils transigent à des taux qui sont les leurs, en fonction de leur cote de crédit. Mission accomplie. Dans le privé, voilà pas longtemps, les entreprises du Québec dépendaient de la caisse pour un investissement; aujourd'hui, il y a des sources de fonds comme ça, et elles n'ont plus besoin de la caisse. Et ça, c'est aussi mission accomplie.

La question importante, c'est: Est-ce que nos entreprises du Québec ont accès aux fonds dont elles ont besoin? Il y a des zones où il fallait travailler. Ces zones-là, on les a identifiées. On a segmenté le marché des entreprises du Québec en cinq segments. La toute petite entreprise, il y a beaucoup de trafic là, il y a beaucoup de monde, et on a fait une transaction. On a demandé à Desjardins, Banque Nationale, tous les joueurs, le Fonds de solidarité, on a retenu Ernst & Young, on a dit: Nous autres, on voudrait avoir un partenaire dans ça, et c'est la Banque de développement du Canada qui est venue et qui aujourd'hui gère avec nous un deuxième fonds de 300 millions. Non seulement on fait de l'argent, mais on est présents dans toutes les régions du Québec, mais en plus notre portefeuille est diversifié. J'ai même de la petite entreprise partout à travers le pays, ce que je n'étais pas capable d'avoir avant. Parce que j'ai un portefeuille plus diversifié au Canada, je peux prendre plus de risques dans les petites entreprises du Québec via ce deal-là. C'est un très bon deal.

Deuxième marché, le secteur de l'entreprise manufacturière. Là, on a distingué deux choses. Il y a l'entreprise manufacturière qui veut passer la succession. Le propriétaire ou la propriétaire veut avoir un successeur parce que la retraite et l'âge est là. On a mis sur pied un programme qu'on appelle Accès Relève. Quand on a commencé ça, on était tout seuls dans le marché. Aujourd'hui, Investissement Québec, Desjardins, le Fonds de solidarité, la Banque Nationale, la Banque Royale ont tous des programmes de financement de la relève. La part de marché de la caisse est bien plus petite qu'elle était quand j'ai commencé parce que j'ai de la compétition, mais c'est une bonne nouvelle pour le Québec parce qu'on a eu un effet structurant.

Le capital de risque, quand on a... Le capital de risque, il était à 80 % et quelques secteur public. Moi, dans mes livres à moi, un capital de risque, ça, c'est les capitalistes qu'il faut qu'ils investissent. Ce n'est pas les taxes, c'est les capitalistes, c'est ceux qui ont de l'argent qui doivent prendre des risques, hein? Bien, nous autres, c'était l'État qui le prenait à 80 %. Si vous lisez la dernière revue sur les PME du Québec, le président de Réseau Capital dit: Aujourd'hui, on a une proportion de fonds étrangers, une proportion de fonds canadiens et de fonds québécois sur le territoire du Québec, et notre proportion, au dernier trimestre, sur le capital de risque au Québec dépassait le 80 %. Une grande partie de ça, c'est des capitaux étrangers et des capitaux locaux, et maintenant on a une industrie dynamique.

Avant, la caisse était compétiteur. On écrasait avec nos grosses bottines toute l'industrie. Aujourd'hui, on est un catalyseur, et je suis très fier de ça. Notre part de marché, dans nos livres, est plus petite, mais le plus important, ce n'est pas ça. On a maintenant une industrie qui fonctionne, et mes propres placements ? parce que je suis dans un marché liquide qui fonctionne ? sont de meilleure qualité.

Oui, il reste des zones où ça prend du capital. Les zones où ça prend du capital, c'est les zones où est-ce que... Dans le début d'une entreprise, O.K., ça prendra toujours du capital. Le «love money» va toujours être important. Et, par rapport à ceux qui se plaignent que la caisse est trop exigeante, c'est parce qu'on a des compétiteurs qui peuvent faire des placements aujourd'hui au Québec avec 7 % de rendement. Moi, je ne peux pas faire du 7 % de rendement dans le capital de risque, je ne suis pas subventionné et mes déposants ne le sont pas non plus. Si je fais du capital de risque, je dois avoir du 12 %, et c'est pour ça que nos exigences de rendement en capital de risque sont plus élevées, et c'est normal. On a mis en place, comme choix, des instruments qui sont subventionnés, les fonds fiscalisés qui marchent très bien. Le Fonds de solidarité et nous, on fait énormément de business ensemble, mais on n'a pas les mêmes critères d'investissement. Moi, me présenter à mes déposants avec un portefeuille de fonds de capital de risque à 7 %, ils vont dire: On n'en veut pas. Et c'est normal, ils ne peuvent pas prendre ce risque-là.

Donc, sur le développement économique...

Le Président (M. Paquet): M. le député de Chauveau peut-être.

M. Taillon: J'ai une question, oui.

M. Rousseau (Henri-Paul): Je veux juste terminer en disant que, le développement économique, la proportion que nous avons, c'est une proportion en croissance, en fonction de l'économie du Québec, et ce document-là va vous être déposé. Et je suis content que vous ayez posé la question. Notre défaut, dans ce cas-là, c'est qu'on n'en parle pas assez, et on va en parler, de ce qu'on fait au Québec.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Chauveau.

Répartition des investissements dans le PCAA

M. Taillon: Une petite question rapide. J'ai remarqué que, dans le 13 milliards de papiers commerciaux, dans vos déposants, le trois quarts est aux régimes de retraite ou de rentes.

M. Rousseau (Henri-Paul): C'est normal, c'est toujours comme ça.

M. Taillon: Qui prend cette...

M. Rousseau (Henri-Paul): La répartition, là, elle suit la taille de nos déposants. Pourquoi c'est comme ça? C'est une bonne question. Elle est très importante. La répartition entre les déposants... Ne cherchez pas midi à quatorze heures. D'où vient la liquidité? Elle vient des grands portefeuilles de la caisse ? actions, obligations ? parce que c'est ces titres-là qui nous permettent de soit faire du prêt de titres ou de générer des liquidités, c'est les plus gros portefeuilles. On ne génère pas de liquidités avec l'immobilier et avec les placements privés, par définition c'est des actifs non liquides. Donc, les sources de liquidités, c'est les grands portefeuilles. Qui détient les grands portefeuilles? Les grands déposants. Donc, c'est à peu près la proportion de leur taille à la caisse, c'est tout à fait normal. Vous savez, il n'y a pas des écarts si grands entre nos déposants à long terme sur les compositions du portefeuille. C'est des régimes d'assurance et de rentes, donc l'horizon qu'ils ont est tel que leur passif se ressemble et leur actif se ressemble aussi.

M. Taillon: Et la décision de mettre des PCAA dans leur portefeuille est centralisée?

M. Rousseau (Henri-Paul): C'est la nôtre.

M. Taillon: C'est la vôtre?

M. Rousseau (Henri-Paul): C'est la nôtre.

M. Taillon: Ce n'est pas la leur?

M. Rousseau (Henri-Paul): Ce n'est pas la leur du tout. Il n'y a aucun... Pourquoi c'est la nôtre? Parce que ça fait partie du... On a une très claire distinction entre le rôle du déposant et le rôle du gestionnaire, et ça, c'est coupé comme ça. Pourquoi? Quand on rend des comptes, le déposant, son conseil d'administration, le comité de placement, ses experts exigent qu'on soit capables de faire le rapport suivant: Quelle est la performance de la politique de placement si on avait fait comme les autres? Quel est l'effet de vos conseils que vous nous avez donnés et qu'on a suivis? Ça, c'est une chose. Quel est l'effet du marché? Et quel est l'effet de vos gestionnaires? O.K.? Et, dans ce cas-là, cette décision-là d'investir dans les PCCA, c'est une décision de caisse, de ses gestionnaires qui va être assumée par les gens qui ont pris cette décision-là et qui n'est pas décidée d'aucune façon dans la politique de placement. Elle est autorisée, mais ce n'est pas eux autres qui décident combien, c'est nous, O.K.?

Le Président (M. Paquet): Merci.

M. Rousseau (Henri-Paul): C'est la gestion active.

Document déposé

Le Président (M. Paquet): Merci. Ça termine ce bloc-ci. J'accepte le dépôt du document Proportion des investissements de la Caisse de dépôt et placement du Québec au Québec par la Caisse de dépôt. Les copies vont être distribuées aux membres. M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui. M. le Président, j'aurais bien le goût d'embarquer dans le débat sur le développement économique du Québec, mais je pense qu'aujourd'hui on veut d'abord parler du papier commercial. Et je pense aussi qu'aujourd'hui, si on veut vraiment parler du rôle de la caisse dans le développement économique du Québec, bien il nous manque un joueur important ou une joueuse importante qui est la ministre des Finances, parce que, de ce côté-là, je pense que, moi, je ne blâme pas la direction de la caisse, je pense que c'est vraiment... quand on a changé la mission de la caisse, on a choisi. Et puis là je comprends qu'il y a une croissance qui est comparable à la croissance économique, mais la vraie question...

Une voix: ...

M. Legault: ... ? ou un petit peu meilleure ? mais, en pourcentage des actifs, on a beaucoup diminué puis on a joué des rôles passifs. Mais ce n'était pas votre mission. Donc, je peux comprendre que, quand est arrivée Domtar, Abitibi-Consol, Alcan... J'entendais dernièrement le président de la France, Sarkozy, qui disait... Pourtant, ce n'est pas un gars de gauche, hein? Il a dit: Ça a été une erreur que les Français laissent vendre Péchiney. Bien, moi, j'ai hâte qu'on ait un premier ministre, au Québec, qui se lève puis qui dise: Ça a été une erreur de laisser vendre Alcan, ça a été une erreur de laisser vendre Domtar, ça a été une erreur de laisser vendre Abitibi-Consol. Mais ça, on aura d'autres occasions d'y revenir.

Niveau d'investissement dans le PCAA (suite)

Je veux revenir sur les PCAA, donc le papier commercial adossé à des actifs. Tantôt, vous nous avez dit, bon: On en a beaucoup parce qu'on est un gros joueur. Mais, un peu plus tard, vous avez avoué que vous avez beaucoup plus que votre part. Et puis, quand je regarde... Tantôt, mon collègue en parlait. Teachers, sur un actif de 110 milliards, ont 60 millions de papiers commerciaux non bancaires qui sont problématiques. Vous en avez beaucoup plus que ça, puis vous le disiez tantôt, vous étiez un joueur important.

Provisions pour pertes dans le PCAA (suite)

Puis je veux revenir sur la provision, parce que la discussion qu'on a commencée tantôt est importante. Quand on va calculer une provision pour les pertes éventuelles, il va falloir calculer une provision sur le capital mais aussi calculer une provision sur le manque à gagner au niveau du rendement. Puis ce que vous nous dites, c'est que, si ces papiers commerciaux, au lieu d'être des placements à court terme, c'est des placements sur quatre ans, disons que le rendement n'est pas comparable avec le rendement qu'on aurait eu sur d'autres placements pendant quatre ans, ça veut dire qu'on va aller affecter le rendement de la caisse pendant quatre ans. Donc, ça n'aura pas seulement un impact...

M. Rousseau (Henri-Paul): ...

n (16 h 50) n

M. Legault: ... ? mais laissez-moi juste finir ? sur la première année.

Je veux revenir aussi sur la provision totale. Là, on dit: La Banque Nationale a pris le montant total, c'est-à-dire «subprime» et «non-subprime». Bon. Vous, vous en avez 13,2 milliards, vous nous le dites aujourd'hui, on l'apprend enfin aujourd'hui. La Banque Nationale, au total, a pris une provision de 25 %. Ça veut dire que, si on prenait la même provision, 25 % de 13,2 milliards, on parlerait d'une perte potentielle de 3,3 milliards. Mais là vous m'avez dit quelque chose, moi, qui me surprend, là, de dire: Oui, mais... Vous avez dit: Ces gens-là ont évalué ça dans le noir, dans la brume. Moi, j'ai de la difficulté à penser, quand on sait tous les impacts que ça a pour la Banque Nationale, qu'ils ont fait exprès pour prendre une trop grosse provision. Même s'il y a quelque chose, je me dis: Ça a tellement d'impact, là, sur la santé financière, puis le président du conseil pourra en parler, de la Banque Nationale, puis tout ce qu'on entend dire sur la Banque Nationale, que je suis convaincu qu'ils n'ont pas fait exprès pour prendre une trop grosse provision.

Donc, je reviens, là, au fait que la Banque Nationale a pris une provision de 25 %. Si on applique 25 % sur le chiffre que vous annoncez aujourd'hui, 13,2 milliards, on parlerait d'une provision potentielle, un manque à gagner, là, de 3,3 milliards de dollars. Ça, ce serait une perte historique pour la Caisse de dépôt dans un dossier, là. Et, moi, je me demandais... Je veux revenir à la base, là: Comment se fait-il... Et comment s'est faite l'analyse de crédit? Parce qu'il ne reste que 13,2 milliards, là, c'est près de 10 % de l'actif net de la caisse. Moi, on m'a expliqué qu'à la Caisse de dépôt il y a comme des sortes de sonnettes d'alarme, que, quand on dépasse 5 %, le président est mis au courant puis il est impliqué. Comment ça s'est passé, l'analyse de crédit? Est-ce que vous avez fait seulement ça avec les agences de cotation ou bien s'il y a eu une analyse à l'interne? Est-ce que cette personne-là est toujours à l'emploi de la caisse? Qui a fait l'analyse pour investir autant d'argent?

M. Rousseau (Henri-Paul): Je vais manquer de temps, là. Je vais vraiment manquer de temps pour répondre à vos questions, là. On peut-u arrêter?

M. Legault: Oui. O.K. Je m'excuse.

Le Président (M. Paquet): Six minutes, M. le député... pardon, M. Rousseau.

M. Rousseau (Henri-Paul): D'abord, provision. Soyons clairs, il y a une provision qui vient de la qualité de l'actif, et on doit évaluer la capacité de recouvrir le capital. On est clairs là-dessus? Et, dans les montants de la Banque Nationale, cette partie de la provision là est là comme dans tous les autres. Et, moi, je vous dis que ça il y a déjà le 500 millions qui est potentiellement là. Deuxièmement, il y a une deuxième provision qui va dépendre de la valeur des intérêts courus versus le marché. Mais, lorsqu'on a fait les provisions, est-ce qu'on va retrouver notre capital, parce qu'on a un haut taux de risque? Ça arrête là, là. On se comprend? Il n'y a pas plus que ça à prendre. C'est les deux éléments. Donc, je veux être clair que c'est les deux composantes, puis, dans le cas du papier de qualité, l'élément «est-ce qu'on va retrouver notre capital?» ne se pose pas, on va le retrouver. Donc, il reste la question de: Quels sont les intérêts?

M. Legault: ...

M. Rousseau (Henri-Paul): Bien, j'ai déjà éliminé, là, ce qu'était le virus.

M. Legault: Mais le reste, c'est 100 %. Vous êtes sûr de le récupérer à 100 %?

M. Rousseau (Henri-Paul): Ce qu'on a constaté: ce sont d'excellents contrats, et d'ailleurs il y a déjà beaucoup d'encaisses dans ces trusts-là qui vont nous revenir. Quand on dit: Il y a 97 % qui est de la qualité, là, c'est après vérification. Le problème est le suivant, puis vous l'avez identifié ? c'est tout à fait juste, j'en suis d'accord ? ça va être l'écart de rendement sur ce qu'on va recevoir versus le marché. Ce sera cet escompte-là. Bon. Et cette évaluation de la qualité des actifs va être dominante dans l'évaluation.

Par rapport au commentaire du brouillard, ce à quoi je référais, c'est qu'en plein moment où tous les gens... Ce n'est pas juste la Banque Nationale. Tous ceux aujourd'hui qui ont fait leurs provisions ne peuvent pas savoir les conclusions de la restructuration, elle est en train de se faire. Nous, comme le 14 décembre, c'est avant le 31, lorsqu'on va avoir terminé, on aura les paramètres de restructuration. Et c'est ça qui va nous aider à avoir une valeur plus exacte de la provision qu'il faut prendre, étant donné qu'on connaîtra ces paramètres-là. Bon. L'élément est là.

Je vous répète que tout le monde doit prendre les provisions en fonction du recouvrement, du rendement et des connaissances qu'on a à ce moment-là. Je suis très mal placé pour commenter la taille des provisions de la Banque Nationale, ou du Mouvement Desjardins, ou d'Alberta Treasury, ou quoi que ce soit. Je vous ai simplement dit: Ça va de ça à ça. Je dis simplement qu'il y a quatre facteurs qui influencent ça: le moment où vous prenez des provisions; l'information que vous avez ? je faisais référence à l'avancement des travaux; troisièmement, la quantité de «subprime» que vous avez; et, quatrièmement, les rôles que vous avez joués dans ça. Nous, on a un seul rôle qu'on a joué. Et, par rapport à quelqu'un qui a parlé de Coventree, je peux vous dire que, nous, on n'achète pas des manufacturiers, on achète des courtiers canadiens et l'ensemble des courtiers. Bon. Ça, c'est la partie provisions de vos questions.

Niveau d'investissement dans le PCAA (suite)

L'autre partie, c'est votre comparaison, et on l'a mentionnée, avec Teachers. Je pense que j'ai répondu à ça. Je ne nie pas, d'aucune façon, que je souhaiterais comme vous en avoir moins ou ne pas en avoir du tout, et je l'ai dit, ça. Donc, je peux me confesser 12 fois, mais c'est la même confession, O.K.? Un coup qu'elle est faite, là, après ça, ce qui compte, c'est l'ampleur du péché. Et, l'ampleur du péché, on va attendre qu'est-ce qui va arriver. Je dis déjà ce que je peux dire sur le «subprime», mais, pour le reste, je vais attendre la fin de l'année.

Dernier point, les relations entre la caisse et les gens que vous avez mentionnés. Il faut comprendre que la caisse achète ses instruments financiers, et c'est une obligation qu'on s'impose... tous nos fournisseurs, O.K., sur base régulière, que ce soient les bureaux d'avocats, les bureaux de comptables, les courtiers, tous ceux qui sont des fournisseurs de la caisse... dans l'entreprise publique. Et on diversifie, on ne veut pas d'aucune façon que ce soit l'un ou l'autre. Et donc on achète en fonction du marché, et on n'achète pas des manufacturiers dans le secteur de la finance, on achète de l'industrie canadienne, des courtiers et des banques internationales. D'ailleurs, quand je vous disais tantôt qu'on a un portefeuille diversifié, ce n'est pas uniquement en termes à travers les 22 trusts, mais on a aussi un portefeuille diversifié en termes d'origine. Il a été acheté, à travers le marché, par l'ensemble des fournisseurs qui fournissent la caisse, que ce soient les différentes banques canadiennes et les différents courtiers internationaux. Donc, il n'y a pas de mystère dans ça.

M. Legault: Donc, ça veut dire que la caisse...

Le Président (M. Paquet): Une minute.

M. Legault: ...a acheté pour 13,2 milliards de papier commercial...

M. Rousseau (Henri-Paul): La caisse a...

M. Legault: ...sans faire les analyses?

M. Rousseau (Henri-Paul): Non, non! Ça, c'est l'autre question. Parce qu'il y avait la question de...

M. Legault: O.K.

M. Rousseau (Henri-Paul): L'analyse de crédit se fait... C'est: Aujourd'hui, on parle de PCCA comme étant un seul placement, ça n'a jamais été ça, O.K., c'est 22 trusts et plus précisément 42 émissions, O.K.? C'est 42 émissions qui sont faites, et chaque émission est indépendante. Naturellement, quand on est en crise et que le marché est frappé, bien là, chaque émission, tout est bloqué. Mais, dans l'analyse du crédit, c'est 42 émissions. L'erreur de crédit est toute la même, ce n'est pas une erreur de crédit, c'est le fait que la crise de liquidités qui est là est arrivée. Et, comme j'ai répondu tout à l'heure, cette crise de liquidités là, nous, on lui a donné une probabilité peu probable que ça arrivait en se disant: Quand ça va arriver, normalement, dans une crise de liquidités, la banque centrale joue son rôle.

Je vous signale d'ailleurs que, dans d'autres pays du monde, les crises de liquidités qui ne sont pas reliées au crédit se règlent. O.K.? Ici, on va la régler aussi. La différence ici, c'est qu'on la règle sur une base assez privée, et le leadership vient des joueurs, O.K.? Et la raison principale, le gouverneur de la Banque du Canada l'a dit publiquement, c'est que les instruments dont il dispose ne sont pas aussi élargis qu'ils voudraient, et je pense que ça, ça va être une des conséquences.

On parle ici de crise de liquidités. Alors, le problème central, c'est que la possibilité que ces avis-là, qui ont été donnés par d'autres, que, dans une crise de liquidités, il arriverait ça, on l'a lue comme les autres. La différence dans l'analyse de crédit que vous mentionnez, c'est que, nous, on s'est dit: Si ça arrive, c'est des mécanismes centraux qui gèrent ça, ça n'arrive pas, une crise de liquidité, comme ça, parce que c'est un marché de 120 milliards et plus. «That's it». C'est ça que j'ai à vous dire. O.K.?

Je peux vous assurer que chaque décision de placement de la caisse, il y a non seulement un comité, mais c'est encadré. Il y a, comme vous dites, des lumières jaunes, des lumières rouges, et tout ça est encadré. La différence ici, c'est que vous investissez dans 42 émissions différentes et vous vous retrouvez dans une crise de liquidités, c'est sûr qu'à ce moment-là vous ne jouissez plus de l'indépendance entre les titres parce qu'ils sont tous pris par la crise de liquidités.

Le Président (M. Paquet): Je reconnais maintenant M. le député de Viau.

M. Rousseau (Henri-Paul): On n'a jamais pris de décision d'investir 13 milliards, c'est ça que je veux dire. C'est des décisions d'investir 500 millions là, 300 millions là, 200 millions là, quand ça gèle, tout est gelé.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. Rousseau. M. le député de Viau.

M. Dubourg: Merci, M. le Président. Mais, M. Rousseau, la réponse que vous êtes en train de donner est très importante, je ne sais pas si vous avez terminé, je pourrais vous permettre, sur mon temps, de continuer.

M. Rousseau (Henri-Paul): Pour une fois, j'ai terminé.

M. Dubourg: Vous avez terminé. Bon. Bien, je pense, M. Rousseau, si on prend un peu de recul, depuis que vous êtes ici, à cette commission, bien, je pense que vous êtes en train d'étaler, aux yeux de tout le monde, aux yeux des Québécois, l'excellente gestion que vous faites à la Caisse de dépôt et placement, parce que les réponses que vous avez commencé à donner, depuis deux heures trente, sont tout à fait claires, tout à fait pertinentes et transparentes aussi.

D'ailleurs, je ne suis pas le seul à le dire, parce que je crois que, dans un des documents que nous avons ici, dans le Globe and Mail du 17 novembre, c'était intitulé Anatomy of a panic. Donc, je ne veux pas qualifier le mot «panic» de pétard mouillé, mais là, là-dedans, on disait que «someone needed to pull the market back from the abyss. [And] that someone was Henri-Paul Rousseau...» Donc, je me joins effectivement à mes collègues du gouvernement pour vous féliciter et dire que vraiment nous pouvons avoir confiance dans la gestion de la caisse, cette gestion transparente, là, que vous êtes en train de nous prouver.

n (17 heures) n

Et vous nous avez parlé aussi, tout à l'heure, qu'en tant que gestionnaire, vous êtes responsable, vous êtes imputable, et je pense que la preuve est faite ici. Même si, oui, nous, les parlementaires, il est de notre devoir de vous demander, bon, la reddition des comptes, de venir nous dire ce qui en est. Mais je peux affirmer vraiment que les réponses que vous donnez ou bien cette reddition verbale, si on peut utiliser ce terme-là, que vous faites, en ce qui nous concerne répond parfaitement à toutes nos interrogations. Et vous avez même expliqué pourquoi la ministre, par exemple, des Finances ou bien le premier ministre était dans telle ou telle situation. Vous avez parlé de réserve, de prudence, de tous ces éléments-là du groupe... de l'entente de Montréal, qu'est-ce qui était intervenu. Donc, je pense que ces réponses-là sont tout à fait claires et transparentes.

Indépendance de la
Caisse de dépôt et placement

Je voudrais toutefois revenir un petit peu au PCAA, puisque c'est le sujet dont on parle, et glisser un mot en ce qui concerne l'indépendance de la caisse par rapport au gouvernement. On sait qu'à la suite de cette crise-là du PCAA certains ont remis en question l'indépendance même de la Caisse de dépôt par rapport au gouvernement. À la lumière des questions posées en Chambre par l'opposition officielle, ce qu'il faut comprendre, c'est que, si on avait un gouvernement de l'ADQ, bien la caisse aurait été obligée par ce gouvernement de rendre publiques, dès le début de la crise, toutes ses informations concernant le PCAA. En un mot, l'opposition voudrait s'ingérer, comme on le dit, en mettant les deux mains au niveau de la caisse. Or, vous nous avez présenté la gestion... gestion de crise, l'excellence de la performance de la caisse.

Donc, la question que j'aimerais vous poser, M. Rousseau, c'est: Est-ce que ce genre de contrôle gouvernemental de la caisse vous aurait aidé à protéger l'avoir des déposants, le bas de laine des Québécois?

Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.

M. Rousseau (Henri-Paul): Merci, M. le député. Merci, M. le Président. On est ici dans une situation qui n'est pas selon l'ordre normal des choses. J'ai insisté sur la notion de gestion de crise et sur le fait qu'en gestion de crise... Je vais donner l'exemple du verglas.

Dans le cas du verglas, et je me suis inspiré... j'ai regardé... je me suis remémoré le verglas, le président d'Hydro-Québec de l'époque, M. Caillé, et le premier ministre de l'époque, M. Bouchard, ont joué ça de façon très transparente. Il faut se rappeler, tous les matins on avait ce qui se passait, et c'est un exemple de transparence. Et la transparence, dans ce cas-là, était bénéfique à la gestion de la crise parce qu'on pouvait tout dire, tout voir. On lisait ça, hein, on était pris dedans.

Dans notre cas à nous, là, j'étais extrêmement malheureux parce que, fondamentalement, ceux qui travaillent avec moi puis ceux qui lisent le rapport annuel depuis qu'on l'a fait, on en donne, des choses. Et là j'étais pris dans cette situation où de dire et même de partager avec des gens la situation... Parce qu'on comprendra que, après qu'on a le chiffre c'est combien, ensuite c'est quoi? Donc, ça ne finit plus, là. On est... Bon. Et cette situation-là faisait en sorte que... Comment on fait pour gérer la crise et faire en sorte qu'on puisse négocier l'accès à l'information d'une façon telle qu'on ne met pas en péril?

Je suis assez assuré que, peu importe qui autour de cette table aurait occupé la fonction de premier ministre ou de ministre des Finances, quand j'ai expliqué la situation et dans quelle situation on était et que j'avais besoin de leadership discret et efficace, confidentiel et stratégique, je pense que j'aurais convaincu n'importe qui de faire la démarche avec moi. Je suis convaincu de ça, O.K.? Et je pense que ce n'était pas une question politique. C'était une question de s'assurer que l'avoir des Québécois est bien respecté. Et je suis certain de ça: il n'y a pas personne qui n'aurait pas répondu à mon appel de la même façon. Vous auriez exécuté, chacun à votre façon, avec votre personnalité... Mais, dans des situations de crise, je pense que tous les Québécois travaillent ensemble. Et je peux vous dire aussi que les institutions financières du Québec, les leaders du Québec, tout ce qu'on a fait dans les trois derniers mois, c'est fantastique, le travail qu'on a accompli.

Aujourd'hui, moi, aujourd'hui, je vous rends des comptes et j'ai l'air de celui qui a fait les malheurs de je ne sais pas quoi. C'est vrai, mais, à travers le pays, j'ai des collaborations extraordinaires. Et, que ce soient les gens de l'Alberta, de la Saskatchewan, de l'Ontario avec qui on travaille, tout le monde se rend compte que, par le geste qu'on a posé, on a évité une crise extraordinaire qui aurait coûté beaucoup d'argent. Et je ne m'en donne pas le crédit, je le partage avec mes équipes, avec mes collaborateurs de Nationale, Desjardins, PSP, tout ceux qui ont travaillé avec nous, les bureaux d'avocats de Montréal, les gens qui ont embarqué dans ça. Et il fallait avoir une véritable armée parce qu'il y avait crise. Mais les joueurs de l'autre côté n'étaient pas des Canadiens, ils faisaient leurs affaires ailleurs. Comment on fait pour les embarquer dans la solution? Ce n'était pas évident.

Et c'est pour ça que je comprends votre question, mais, en toute honnêteté, je pense que, tous vous autres, vous auriez fait la même réaction parce que c'était une question qui le demandait. C'était une raison de bon sens, de collectivité et de mettre le bien commun en avant plutôt que l'intérêt purement politique.

M. Brunet (Pierre): M. le Président, est-ce que je peux ajouter...

Le Président (M. Paquet): Oui, M. Brunet.

M. Brunet (Pierre): ...ajouter quelques mots, une minute. C'est de bien comprendre que le conseil d'administration suivait le dossier et était consulté régulièrement. Et le conseil d'administration était unanime sur ça. Notre expérience passée, dans nos vies antérieures, nous avons eu des vies antérieures dans... on le sait, les grosses transactions où il y a des problèmes, si ça se discute sur la place publique, ça devient un fiasco. Et c'était sûr et certain qu'il le fallait.

Le deuxième point que je veux faire, c'est que, si la crise avait eu son ampleur, tout le papier commercial, au Canada, y aurait passé. Il faut répéter ce que vous répétez dans l'article de... ce que l'article du Financial Post... pour l'avoir vécu, c'est exceptionnel le travail qu'Henri-Paul et son équipe a fait pour prendre le leadership. Et c'est au prix de grandes fatigues et de milliers d'heures de toute l'équipe et grâce à l'effort... Je pense qu'il faut reconnaître aujourd'hui qu'on a ça derrière nous. Il reste des choses à régler, mais un bon bout de chemin est fait. Je pense que c'est important de le dire.

M. Dubourg: Merci. Je peux continuer?

Le Président (M. Paquet): Il reste deux minutes, M. le député.

M. Dubourg: D'accord. Bien, écoutez, merci pour cette analogie-là avec la crise du verglas. Il faut dire que j'y étais, donc je comprends bien cette situation-là, donc.

Contribution de la Caisse de dépôt
et placement au développement
économique (suite)

Mais je voudrais aborder maintenant l'aspect indépendance sous un autre aspect. Oui, dans ce dossier-là de la crise du papier commercial, bon, je comprends très bien comment est-ce que vous l'avez géré. Et c'est tant mieux. Bravo! Mais, si on prend l'indépendance d'un autre point de vue, bon, on peut dire: Depuis la réforme... Il y a eu la réforme de 2004 qui visait à modifier la gouvernance de la caisse afin d'éviter de revivre un scandale comme celui de Vidéotron, par exemple. Par ailleurs, on sait que la caisse, ces derniers temps, a été critiquée par certains pour ne pas avoir acquis coûte que coûte certaines entreprises qui ont fait l'objet récemment d'une acquisition. On peut penser à Alcan, on peut penser à BCE. Pensez-vous que c'est une bonne idée de faire en sorte que le gouvernement puisse dicter les priorités économiques à la Caisse de dépôt?

Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.

M. Rousseau (Henri-Paul): Je suis content que vous posiez la question. Ça va me permettre, M. le Président, de peut-être simplement introduire un sujet qui pourrait nous amener à avoir un autre quatre heures et avec lequel je serais très à l'aise qu'on en discute.

Moi, personnellement, je n'ai aucune objection, au contraire, à ce que le gouvernement, l'État d'une juridiction, d'une province, d'un pays, ou quoi que ce soit, ait des politiques qui font en sorte que, dans cette juridiction-là, il y a des champions nationaux comme entreprises, qu'il y ait des sièges sociaux et qu'il y ait du contrôle par ceux qui l'habitent. Je ne suis pas contre ça, idéologiquement, d'aucune façon. O.K.? Ce n'est pas ça, mon débat. Ça doit être fait et ça se fait à travers la planète, chaque pays le fait différemment. O.K.? Ça, c'est une question de politique industrielle, de politique publique.

La raison pour laquelle, à la Caisse de dépôt et placement, nous ne devons pas avoir cette mission, c'est parce qu'on en a une autre prédominante qui est que l'argent que nous avons, contrairement à ce qu'on peut penser, il est déjà engagé. Cet argent-là, il doit être payé un jour à des rentiers, à des assurés, à des gens qui vont dépendre de ça pour leur vieillesse. Et, moi, quand je suis entré à la caisse, en 2002, puis j'ai commencé à faire le tour des déposants et que j'ai rencontré les travailleurs de la construction, dans leur comité de placement, qui m'ont annoncé qu'avec les résultats qu'ils avaient ils devaient faire ce qu'ils ont fait, réduire la rente de leurs retraités, augmenter les cotisations, j'ai dit: Pourquoi?

Ensuite, j'ai vu la même chose dans la CSST, j'ai fait le tour des déposants puis je me suis rendu compte d'une chose que je n'avais pas vue quand je n'étais pas à la caisse, pour être honnête, c'est que la caisse, quand on en parle, on dit: C'est un grand réservoir de capital, c'est vrai, mais chacune des composantes a des obligations précises. Ce n'est pas le fonds de l'Alberta qui vient du pétrole ou le fonds de tel autre pays qui vient de je ne sais pas où. Ce sont des fonds, des actifs contre lesquels il y a des passifs déjà en place. En conséquence de quoi, il faut être clair: la Caisse de dépôt, dans la loi, a une obligation de rendement et de développement économique. On a une reddition de comptes là-dessus, et on en fait, du développement économique. Mais ce qu'il ne faut pas qu'il y ait, et ça, je vais toujours le dire, c'est que la caisse ait pour mission d'être dans une position, elle va faire une chose, prendre le contrôle d'entreprises, et se substituer à l'État.

n (17 h 10) n

Quand on a acheté Hydro-Québec, au Québec, on l'a financé à même des impôts et des taxes futures, qui sont la dette. Ça appartient à tous les Québécois, c'est à nous, c'est correct. Et l'ensemble des sociétés d'État appartiennent à la collectivité. Et on peut démontrer que la seule redistribution qu'il y a dans ça, ce n'est pas comment on l'a financé, c'est comment on taxe. Et c'est ça que l'État doit faire, faire en sorte qu'elle soit neutre là-dessus. Si vous faites financer par la Caisse de dépôt les acquisitions de contrôle par l'État, la première chose que vous faites: vous pigez dans un groupe aux dépens de l'autre, parce qu'on ne sait pas qu'est-ce qui va se passer. Donc, il y a un effet de répartition de la richesse qui est implicite qu'on ne doit pas faire. Ce n'est pas correct, c'est comme taxer un aux dépens de l'autre. Pourquoi tel groupe va payer telle activité, alors que tel autre... Non, ce n'est pas vrai, ce n'est pas le rôle de la caisse.

Deuxièmement, si vous dites ça...

Le Président (M. Paquet): Monsieur...

M. Rousseau (Henri-Paul): ...que la caisse doit avoir des positions de contrôle et prendre cette approche-là, qu'est-ce qui va se faire? Vous êtes en affaires et vous voulez acheter votre compétiteur et vous allez annoncer que vous allez l'acheter, qu'est-ce que vous pensez qui va arriver au prix, hein? Il va monter, le prix, bon, dans un premier temps. Mais, si systématiquement la caisse commence à faire un rôle comme de quoi elle contrôle les entreprises du Québec, qu'est-ce qui va arriver? La prochaine fois que quelqu'un va vouloir mettre du capital, il va y avoir un escompte sur ces compagnies-là. Comprenez-moi bien. Il y a des façons d'avoir des politiques industrielles pour avoir des sièges sociaux intéressants, puis on pourrait en parler, pour avoir des champions nationaux qui sont capables de conquérir la planète, puis on pourrait en parler, mais ça ne doit pas être le rôle de la caisse de remplir cette mission-là.

Ceci étant dit, dans le cadre de nos activités, il y a des situations où on y trouve le risque et le rendement qui fait notre affaire puis on prend le contrôle. Dans le cas des activités de Gaz Métropolitain, quand Hydro-Québec l'a vendu, on l'a acheté, on a fait un chèque de 900 quelques millions et par la suite on est allé chercher les partenaires et on a pris notre leadership. Pourquoi dans ce cas-là? C'est que risque et rendement étaient compatibles avec contrôle. Ce qu'il ne faut pas, c'est...

Le Président (M. Paquet): M. Rousseau...

M. Rousseau (Henri-Paul): ...qu'on ait une mission qui soit biaisée vers ça. Ça va être mauvais pour la caisse, mauvais pour ses déposants et mauvais pour l'économie du Québec. On peut en parler plus longtemps.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. Rousseau...

M. Rousseau (Henri-Paul): Et ma position est claire là-dessus.

Le Président (M. Paquet): ...une chose certaine, c'est que je vais m'assurer que tous les trois groupes aient le même temps. Alors donc, je vais faire les ajustements en conséquence, là, pour qu'il n'y ait personne qui va être pénalisé à cet égard-là, on va garder le même principe d'équité. On avait un petit jeu, là, mais, je veux dire, je vous inviterais à faire des réponses un peu plus concises, s'il vous plaît, elles sont précises mais concises, puis même chose du côté de ceux et celles qui posent des questions. Alors, maintenant, je reconnaîtrais Mme la députée de Groulx, vice-présidente de la commission.

Mme Lapointe (Groulx): Merci, M. le Président. Merci, M. Rousseau, M. Brunet, les accompagnateurs, bonjour à mes collègues. C'est avec plaisir que je suis avec vous aujourd'hui. J'aimerais rassurer le député de Viau dans ses propos: l'ADQ, on sait faire la différence entre s'ingérer et vérifier. Vous laissez nuancer, là, qu'on voulait s'ingérer. Dans la mission... Je vais lire la mission: «La Caisse a pour mission de recevoir des sommes [des dépôts] conformément à la loi et de les gérer en recherchant [les rendements] optimal du capital des déposants dans le respect de leur politique de placement tout en contribuant au développement économique du Québec.»

Du point de vue du développement économique, comment vous évaluez les atteintes des objectifs en matière de développement économique? Vous en avez parlé, vous venez de parler de votre mission. J'aimerais vous entendre là-dedans. Est-ce que vous avez des cibles précises comment vous devez intervenir, et comment vous vous êtes améliorés au niveau du développement économique, la mission que vous avez depuis 2002?

Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.

M. Rousseau (Henri-Paul): Je suis très content de votre question, Mme la députée... M. le Président. Avant le changement à la loi, il faut dire que, bien qu'on dit que la caisse avait cette double mission, ce n'était pas dans sa loi, O.K.? Et la loi a fait une chose, elle a clarifié la mission et a donné à la caisse une obligation de s'occuper de développement économique. Donc, ça fait depuis 2005 que c'est dans la loi, d'accord?

La façon, pour nous, de répondre à cette obligation, c'est de faire une reddition de comptes sur le développement économique. Si vous allez plus loin dans le rapport annuel, il y a un petit chapitre où est-ce qu'on en parle. Il faut comprendre que le premier impact qu'on a sur l'économie, naturellement c'est sur nos rendements. Quand la caisse a les rendements qu'elle a eus depuis quelques années, une CSST, par exemple, qui est en bonne santé financière, qui peut assurer sa pérennité et qui aurait un surplus dans ses rendements, qu'est-ce que ça va faire, son surplus de gestion? Un jour, elle est capable de baisser les cotisations et, si vous baissez les cotisations, vous rendez les entreprises plus compétitives. C'est bon pour l'emploi, c'est bon pour la croissance, O.K.? Il ne faut jamais perdre de vue que c'est des gros dollars. Et c'est cet effet des rendements sur l'économie: que ce soit la CSST et la Régie des rentes, tous nos régimes, plus ils vont être en santé financière, plus on aurait soit des prestations élevées qui vont nous permettre de dépenser plus parce que les Québécois sont plus riches, ou soit les taux de cotisation sur les régimes sont plus faibles, nos entreprises et les travailleurs ont plus dans leurs poches. Dans les deux cas, c'est positif et c'est pour ça que rendement et développement économique vont ensemble.

En plus de ça, nous avons une série d'activités comme entreprise, comme entreprise comme toute autre, mais une des particularités, c'est qu'on offre du financement. Et donc notre deuxième aspect où est-ce que la caisse a un impact sur le développement économique, c'est dans son financement. Pendant très longtemps, c'était le financement d'Hydro-Québec, des commissions scolaires, des cégeps, des hôpitaux. On construisait le secteur public, et le secteur public n'avait pas des cotes de crédit comme il a aujourd'hui et dépendait beaucoup de la caisse. Avec le temps, cette dépendance a été réduite. Aujourd'hui, on finance encore, mais, je dirais, c'est à distance, le marché du secteur public est très bien, en très bonne santé.

Avec le temps aussi, ça a été le temps des années quatre-vingt, la caisse a joué un rôle extraordinairement important dans la construction de Québec inc. Les entreprises dépendaient de la caisse, et la caisse a joué ce rôle, et le Groupe Participations Caisse a été... de façon importante. On n'avait pas accès à tous les fonds qu'on a aujourd'hui, le Fonds de solidarité, ça n'existait pas, et tous les autres que je vous ai nommés n'étaient pas présents au Québec. Donc, la caisse était la seule puis elle a joué un rôle dominant. Le problème qu'on a, c'est que, depuis les années quatre-vingt-dix et surtout 1995 et les 10 dernières années, le marché s'est ouvert. Le Québec est une société... sur le plan du financier, l'argent rentre et sort, ça circule, on participe au marché nord-américain, et la caisse, dans ça, a dû avoir des stratégies beaucoup plus fines. Simplement rester dans nos bureaux puis attendre que le téléphone sonne, ça ne marche pas.

Qu'est-ce qu'on a fait? On a dit: La grande entreprise, il faut continuer d'être présent. Et comment on est présent? C'est de maintenir dans le fond nos liens avec les principales entreprises du Québec inc., et elles sont nombreuses. On pourrait vous les nommer, on est présent. Les Garda de ce monde, la caisse est derrière ça. Mais la grande différence avec avant, c'est que l'entreprise n'est plus à genoux devant la caisse. Pourquoi? Parce qu'il y a des alternatives, il y a d'autres choix d'entrepreneurs, et donc... et la grande entreprise, et ça, ça fait une relation différente, mais on est là.

Pour l'entreprise qui est en relève, on a des programmes spécifiques. Pour l'entreprise manufacturière, on a lancé des fonds très précis. Le capital de risque, je vous en ai parlé. Et, la petite entreprise, on a fait ça par partenariat. Notre grande approche a été beaucoup plus d'être un catalyseur, un partenaire de l'industrie privée et de la finance au Québec et d'identifier là où il y avait des trous et de créer des marchés plus importants.

Aujourd'hui, sur quoi on travaille? C'est sur une autre chose. Et je suis un petit peu en retard parce que la crise du papier commercial a retardé un peu mon agenda. Mais on travaille sur un dossier important qui est la création, avec d'autres partenaires canadiens et québécois surtout, de ce qu'on appelle un centre sur la prospérité internationale des entreprises, un centre international sur la prospérité.

Qu'est-ce qu'on veut faire? C'est sûr qu'on vit une compétition extraordinaire sur le plan des marchés mondiaux, et ce qu'on souhaiterait, c'est d'avoir d'autres champions sur les marchés mondiaux. Comment on va faire ça? Ce centre-là, sa principale mission, c'est de faire en sorte que ceux qui ont réussi à l'international puissent faire profiter de leur expertise, leurs façons de faire, leur démarchage, leur expertise, bref, avec d'autres entreprises, et ça, on le fait avec d'autres institutions telles Desjardins, la Banque Nationale, Alcan et d'autres sociétés qui sont associées avec nous pour faire... Ça, c'est du développement économique, ce n'est pas de la finance. On ne financera pas à court terme, on n'a pas à débourser, mais on est un catalyseur pour aider les entreprises.

On a fait un autre aspect. On a créé, à Québec, le premier collège sur la formation des administrateurs de sociétés. À chaque séance, on forme des gens, on est rendus même à 150 personnes qui ont été formées par le collège. C'est à Québec, ici. Ça se fait dans les locaux de la caisse en collaboration avec l'Université Laval, qui est le maître d'oeuvre. Mais on va chercher les meilleurs experts québécois pour aider à la formation, l'entreprise privée, l'entreprise publique. Et on fait ça dans un geste de créer une meilleure gouvernance de nos entreprises parce que c'est important d'un point de vue du développement économique.

Donc, l'impact des rendements, l'impact de notre financement, l'impact de nos gestes structurants. Ensuite, notre autre impact, c'est comme employeur. C'est ça, le schéma que nous avons. Et ce schéma fait en sorte que plus les années vont avancer, parce que ça fait uniquement deux ans que cette reddition de comptes est légale et exercée, vous allez voir de plus en plus de détails là-dessus. Et on le fait surtout, madame, en partenariat avec les autres joueurs du Québec. Et on a changé cette façon de faire, on ne veut pas être un compétiteur, on veut être un partenaire de l'industrie.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. Rousseau. Mme la députée de Groulx.

Mme Lapointe (Groulx): Oui. Merci. Je trouve ça intéressant. Qu'est-ce que vous voulez dire quand les champions... Qu'est-ce que vous visez quand vous parlez des champions du Québec? Est-ce que vous faites... Est-ce que vous parlez d'Alcan? Ça ne doit pas être ça, là.

M. Rousseau (Henri-Paul): Qui ça?

Mme Lapointe (Groulx): Quand vous parlez des champions, vous avez dit: Création avec d'autres partenaires pour aider à prendre des champions et les amener au niveau mondial.

n(17 h 20)n

M. Rousseau (Henri-Paul): Oui. Il y a deux attitudes face à la mondialisation et tout ce qui se passe. On peut dire: On va arrêter ça, mais bonne chance. Donc, ce qu'il faut faire, c'est faire du judo avec. O.K.? Saisir les opportunités qui sont sur la planète et faire en sorte que les entreprises du Québec les saisissent. O.K.? Et, quand on dit «d'autres champions nationaux», on participe à ça. Mais ce n'est pas d'avoir du financement que les gens ont besoin dans ce cas-là. Pourquoi? Débarquez en Chine avec vos produits. Ceux qui l'ont fait, quand vous leur parlez, ce n'est pas le financement qui est le gros problème, c'est: Comment on fait ça, avec quels contacts, comment ça se fait, développer un marché? Donc, c'est comment on s'inscrit dans la création de valeur en amont, c'est-à-dire au niveau de la distribution, et comment on s'inscrit dans la création de valeur en aval, c'est-à-dire toute la partie qui est dans la fabrication. Et ça, le centre qu'on veut lancer sur la prospérité des entreprises à l'international, c'est de faire en sorte que ceux qui ont réussi à faire ça soient capables de transmettre à d'autres entreprises ce savoir-faire en réseau. Donc, c'est un réseautage pour assurer ça.

Oui, il y aura des opportunités de financement pour la caisse et on en profitera, mais il y en aura pour le Fonds de solidarité, pour Desjardins, Banque nationale et pour les autres. L'idée principale ici, c'est de faire du judo avec la mondialisation plutôt que simplement encaisser les mauvais coups. Et ça, c'est une affaire de long terme.

Lorsque, voilà quatre ans, Pierre Brunet, ici, qui n'était pas président du conseil mais qui occupait le poste du rapport Brunet sur le capital de risque, lorsqu'on a commencé à faire ce qu'on faisait, on a fait face à un mur de scepticisme. Tout le monde se doutait de ça. Aujourd'hui, lisez ce qu'il y a dans PME cette semaine, et lisez le rapport de Réseau Capital et les enquêtes sur le capital de risque, on est en train de bâtir, au Québec, une industrie plus solide en capital de risque. Elle n'est pas parfaite, mais elle est drôlement plus solide qu'avant. Elle est diversifiée, puis elle offre du capital. Oui, il restera toujours des gens qui ont des projets qu'ils ne trouvent pas à financer. Mais, ces projets-là, il y a de la compétition. Oui, madame.

Mme Lapointe (Groulx): Excusez. C'est parce que je voulais...

Le Président (M. Paquet): Mme la députée de Groulx.

Tractations entourant la vente
de BCE Télécom international

Mme Lapointe (Groulx): J'ai une autre question. Je vais revenir un peu sur Teachers par le biais de BCE. Vous avez cité Teachers en exemple, que c'était un modèle pour vous. Au 31 décembre 2006, la Caisse de dépôt n'avait plus du tout d'actions, d'après ce que j'ai lu, de BCE. Le 30 septembre 2007, la caisse rapportait détenir près de 2,6 millions d'actions pour une valeur d'environ 103 millions de dollars. Qu'est-ce qui fait que c'est le fonds Teachers plutôt que la caisse qui a acheté BCE? Qu'est-ce qui s'est passé puis pourquoi la caisse a acheté toutes ces actions de BCE au 30 septembre puis c'est Teachers qui l'a eu quand même? Puis, pendant tout ce temps-là, là, il y avait les papiers commerciaux, la crise qui se passait. Ça fait qu'il y a BCE, il y a Teachers.

M. Rousseau (Henri-Paul): Oui. À la caisse, là...

Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.

M. Rousseau (Henri-Paul): ...à la caisse ? pardon ? des dossiers, il y en a plusieurs en même temps. Puis c'est notre travail. Donc, c'est normal.

Je vais prendre les trois questions. La première, c'est: Pourquoi on n'a pas acheté BCE, alors que c'est Teachers qui l'a acheté? J'ai dit tout à l'heure que, quand BCE est venu en jeu, nous avons été parmi ceux, avec d'autres groupes, pour faire partie d'un consortium et pour l'acheter. Si la caisse décide d'acheter BCE, on ne peut pas dire: On met un investissement de 5 % ou de 8 % dans BCE, la caisse. Pourquoi? On avait essentiellement un prête-nom pour quelqu'un qui va faire la transaction. Ce n'est pas notre rôle, O.K.? Je ne voulais pas me faire dire: Dans le fond, vous investissez dans ça, mais c'est quelqu'un d'autre qui contrôle de façon importante.

Si on investit dans une compagnie comme BCE, on veut y jouer un rôle au moins à hauteur de 25 %, 30 %, O.K.? Dans ce cas-là, on a fait appel à nos juristes internes et ensuite on a fait vérifier. Vous vous rappellerez que j'ai été obligé d'annoncer un mur de Chine d'une épaisseur qu'on n'avait jamais faite. Les quatre employés mêlés au dossier de BCE travaillaient dans les édifices extérieurs à la caisse. Ils n'avaient pas le droit de parler. Et tous les patrons devaient se rapporter directement au conseil dans le dossier BCE pour ne pas mêler avec Vidéotron à cause de la confidentialité.

Lorsque le rapport est venu au conseil et d'abord à mon bureau, trois éléments: il y avait de la compétition et le prix était très élevé, beaucoup plus élevé que ce que, nous autres, on considérait comme valeur. Mais ça, ça arrive. Plus important, si on achetait BCE et de façon importante donc à hauteur d'un 25 %, 30 %, les autres voulaient aussi du 25 %, 30 %, premièrement, les autres partenaires. Donc, on avait de la difficulté à se faire une place. Mais, quand on se faisait une place, on se faisait expliquer que, dans ce cas-là, il aurait fallu vendre Vidéotron. Et, pour nous, même si Vidéotron, on a eu la situation qu'on connaît, les perspectives de rendement de Vidéotron étaient plus certaines, mieux connues, et donc on a conservé Vidéotron puis on est sortis du consortium par rapport à BCE. Ça, c'est la transaction.

Pourquoi les dates de ce que vous faites? La photo au 31 décembre, elle est exacte. Et vous vous rappellerez que c'était tout relié à la question: Est-ce qu'on va convertir dans des trusts de fiducie ou pas? Et donc, nous, on avait une position différente. Dans Teachers, on était très peu investis dans Teachers au 31 décembre. Lorsque les transactions ont été annoncées, on a aussi un pupitre à la caisse qui fait ce qu'on appelle l'arbitrage, et il y a beaucoup de gens qui ont dit: Ça n'arrivera pas, les marchés ne financeront pas. Nous, on avait une confiance très forte que Teachers réalisait la transaction. On a acheté ça, puis cet arbitrage-là nous a permis de faire de l'argent durant cette période-là. C'est aussi simple que ça. Ça, c'est l'activité qu'on fait à l'occasion d'arbitrage entre les situations, et, cette probabilité-là, on a eu raison, on était convaincu.

Votre autre question, c'était...

Mme Lapointe (Groulx): C'était que ça se passait tout en même temps que les papiers commerciaux, puis je me demandais s'il n'y avait pas une interdépendance.

M. Rousseau (Henri-Paul): Il n'y a aucune interférence, ça n'a rien à voir. Quand je vous ai dit qu'on a reconstitué nos liquidités, toute l'histoire des papiers commerciaux, là, le seul impact que ça a chez nous, c'est sur les résultats financiers au niveau de combien on va prendre de provision. Mais, en termes de nos opérations, les choses sont retournées à la normale très rapidement, on a reconstitué nos liquidités. Et c'est pour ça d'ailleurs que nos agences de notation nous ont confirmé notre AAA très rapidement, parce qu'on n'était pas, d'aucune façon, impacté dans nos opérations. Et, à la Caisse de dépôt, là, il faut s'habituer, le nombre de dossiers qu'on gère, là, il y en a plusieurs, c'est complexe et c'est le trafic régulier, c'est normal. Les gens qui ne peuvent pas supporter le stress, ils ne travaillent pas longtemps.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui. Écoutez, j'aurais le goût d'embarquer sur le développement économique, là, mais le temps file puis... mais peut-être juste deux mots, là. D'abord, il y a beaucoup d'institutions ailleurs dans le monde qui ont une double mission. Je ne vois pas pourquoi vous pensez que ce n'est pas conciliable.

M. Rousseau (Henri-Paul): ...les voir.

M. Legault: Et ce qui est important, là, c'est que, moi, je ne peux pas accepter que c'est intéressant pour des étrangers d'acheter Alcan, d'acheter Domtar, d'acheter Abitibi-Consol, mais que la caisse aime mieux aller acheter des aéroports en Angleterre sur lesquels on va perdre de l'argent. En tout cas. Mais je vous dis, là, moi, je souhaiterais, M. le Président, qu'on ait une autre séance sur la mission de la caisse.

Provisions pour pertes dans le PCAA (suite)

Mais je vais revenir sur le papier commercial, là, parce que tantôt ? on est toujours sur l'évaluation de la provision ? vous nous avez dit: Il faut prendre provision sur le capital puis il faut prendre une provision sur l'écart de rendement. Puis je n'ai pas compris pourquoi la provision qui a été prise, par la Banque Nationale, de 25 %, pourquoi elle ne serait pas appropriée pour la Caisse de dépôt. Et, je le répète, si on applique 25 % sur un montant de 13,2 milliards, ça veut dire que la caisse devrait prendre une provision de 3,3 milliards de dollars.

Niveau d'investissement dans le PCAA (suite)

Maintenant, la question aussi que j'aimerais qu'on prenne le temps de discuter, c'est: je comprends, là, qu'il y a eu plusieurs institutions financières qui ont investi dans le papier commercial adossé à des actifs, mais la question qui se pose, c'est: Pourquoi la caisse a pris une si grosse participation? Là, on parle de plus du tiers du marché canadien. La caisse, jusqu'à l'automne dernier, était actionnaire à 29 % des actions de Coventree, une entreprise qui revendait des prêts «subprimes» au Canada. Et on sait ce que c'est, là, les «subprimes», c'est: Dans des quartiers américains, il y a des quartiers, là, où il y a 20 % des gens qui perdent leur maison parce qu'ils se sont endettés pour plus de 100 % de la valeur de leur maison à des taux de «shylock». C'est ça, là, les «subprimes», aux États-Unis. Comment ça se fait que la Caisse de dépôt est devenue actionnaire à 29 % de Coventree, une entreprise qui revend ça? Est-ce que ça respecte le code d'éthique de la caisse? Est-ce que ça aide l'économie du Québec d'investir dans Coventree?

Et, moi, ce que je voudrais savoir, là, c'est: Est-ce qu'avec une participation si grande, là, dans le marché, est-ce que la Caisse de dépôt n'a pas été un petit peu une espèce de «market maker», là, un mainteneur de marché? Puis ce que certains ont dit, par exemple, vous avez lu sûrement, là, l'article dans le Globe and Mail, samedi il y a deux semaines, où là ce qu'on disait, c'est que la caisse était tellement un joueur important que, quand la caisse a arrêté d'en acheter vers la fin du mois de juillet, c'est la caisse qui aurait créé le problème de liquidités. Et ? et ? au début août, quand vous vous êtes rendu compte qu'en ne jouant plus votre rôle de mainteneur de marché ça créait ce gros problème là, il semble que, là, au début août, vous avez recommencé à acheter beaucoup de papier commercial adossé à des actifs, là. Est-ce qu'on pourrait savoir exactement, là, qu'est-ce qui s'est produit? Pourquoi la caisse avait une part si importante, et qu'est-ce qui s'est passé, à la fin du mois de juillet puis au début du mois d'août?

Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.

n(17 h 30)n

M. Rousseau (Henri-Paul): Merci, M. le Président. Coventree a été acheté par mon prédécesseur en 2000, à hauteur de 30 %. Ça m'a pris cinq ans à le vendre et je l'ai vendu en 2006. Et, depuis décembre 2006, on a moins que 10 %. Ça, c'est pour votre première question.

Donc, la deuxième, c'est que Coventree est un fabricant, et, lorsqu'il nous vendait du papier, il nous le vendait via des courtiers et non pas directement, et, nous autres, on achète, encore une fois, via les courtiers et non pas directement des fabricants. Donc, je crois que, pour Coventree, là, les histoires autour de Coventree, là, il n'y en a pas, en tout cas sous ma gouverne, O.K.? Et toutes les transactions ont été faites à distance, je veux être clair là-dessus, O.K.?

Provisions pour pertes dans le PCAA (suite)

La Banque Nationale va expliquer ? le 29, ses résultats vont sortir ? ses provisions en détail et vous serez en mesure de comprendre le 25 %, ils vont sûrement le dire, O.K.? Et c'est à eux autres à le dire, ce n'est pas à moi.

Moi, tout ce que j'ai fait, je vous ai dit que ceux qui ont rendu publiques les provisions actuellement, ça a varié entre 6,5 %, les grands joueurs, 8,3 % et 25 %. Je ne peux pas vous dire d'autres choses. Si, vous, vous dites tout de suite que 25 %, c'est ce qui va s'appliquer, c'est votre cadre, ce n'est pas le mien. O.K.? Et, moi, je suis dans l'obligation... parce que je dirige une société qui est réglementée selon des lois, je ne peux pas faire ça. Je ne peux pas faire ça et je vous demande de le comprendre. La seule chose que j'ai pu faire, c'est de vous dire: On a ceci dans le «subprime», et, dans le pire des scénarios, ce que j'ai vu dans l'industrie mondiale, c'est 50 % de radiation. Mettez-le si vous voulez, mais, encore là, je ne le sais pas, je vous mets ça au pire.

Puis, dans la question des actifs de qualité, j'ai deux choses que je connais. J.P. Morgan nous dit: À terme, vous allez retrouver vos actifs. Vous avez tout intérêt à le structurer de cette façon-là, le capital. Maintenant, quel va être le rendement? C'est la question qu'on s'est posée. Ce rendement-là va dépendre de la restructuration, parce que c'est les coûts versus l'intérêt, et ça, on va attendre. Puis on prendra les escomptes qu'il faut, on ne triche pas, on n'est pas là pour... Bon.

Vous avez dit tout à l'heure que ça va être permanent. Bien oui, mais une provision, c'est ce qui fait qu'on actualise aujourd'hui, et on ne le compte pas deux fois. Si, aujourd'hui, on prend l'escompte, c'est fait, O.K., c'est tout de suite qu'on va le prendre. Et on ne pellettera pas par en avant, ce n'est pas notre style. O.K.? Donc ça, ça règle la question. Puis je ne peux pas dire plus que ça et je pense que vous devez avoir cette indulgence d'attendre que les exercices de fin d'année soient faits et d'être prudents sur vos propres chiffres. Puis, si, à la fin, les chiffres sont ce que vous dites, O.K., puis si c'est de cette ampleur-là, je vais rendre des comptes de cette ampleur-là. Je ne me cacherai pas non plus, je vais assumer la totalité de mes responsabilités. Mais ce que je ne veux pas, c'est de me faire juger avant les événements. O.K.? Puis je ne veux pas me faire juger aussi sur un seul événement. Ce qui compte, dans notre métier, c'est la moyenne au bâton. Puis, quand vous verrez les résultats, vous verrez si c'est des résultats qui sont de niveau comparable à nos pairs, et là vous porterez votre jugement. Et je pense que j'ai le droit d'avoir cette situation-là claire.

Aujourd'hui, je suis venu pour rendre des comptes, pourquoi? Parce que l'ampleur de ce qui circulait était telle qu'il fallait quand même que les chose soient dites, et je les ai dites. Mais je ne peux pas vous en dire plus sans passer pour un imprudent. Je gère l'argent des Québécois, je vais le gérer avec prudence. Et je vous donnerai des comptes complets lorsque j'aurai le Vérificateur général qui m'aura donné la capacité de répondre et que le conseil d'administration aura répondu... À part de ça, le reste, c'est de la spéculation.

Sur la question de la confusion, je suis content que vous me posiez la question, parce que, quand j'ai lu ça, j'ai cherché c'est d'où ça vient. Parce que je suis intrigué, parce que, s'il y a une chose que je n'ai pas... Je parle trop, là, mais je ne suis pas confus. O.K.? Puis, quand j'agis, je ne suis pas confus. Les gens qui travaillent avec moi, ils savent qu'on est clairs.

La crise a éclaté au début du mois d'août, je peux vous le dire, et je devais prendre mes vacances, moi, en août. Mes valises étaient faites la journée où c'est arrivé. Le 2 août, c'est le début de la crise, lorsque la banque CIBC a refusé d'honorer un engagement de liquidités. Et je ne le croyais pas quand on m'a téléphoné, j'ai dit: Ça ne se peut pas. C'est là que j'ai commencé à faire des téléphones: Pourquoi qu'ils ont fait ça? Puis là, finalement, le lendemain, les autres banques ont dit: Bien non, ça, c'est une erreur, ce n'est pas possible. Alors là, de la confusion, là, il y en a eu, là, et là les autres banques qui avaient des obligations de liquidités ont commencé à les honorer.

C'est tellement vrai, ce que je vous dis là, que le trust Skeena, qui a été restructuré, pourquoi il a été restructuré plus vite, hein? Le miracle, là... Les autres vont être restructurés aussi, mais, lui, pourquoi ça s'est fait plus vite? Les banques qui avaient des engagements de liquidités avaient investi dans Skeena. Donc, ils étaient du même côté que nous, il fallait qu'ils se structurent parce qu'ils étaient investisseurs. Ça a bien tombé, on l'a fait très vite, hein? Mais les autres après: Ah, là, peut-être que ce n'est pas vrai qu'il faut respecter les lignes de liquidité. On a eu un flottement dans le marché extraordinaire.

Nous autres, quand on a commencé à voir ça, là on a fait des téléphones à Toronto, à Ottawa puis un peu partout, dire: Écoutez, là, il se passe quelque chose, ça ne roule pas, le marché. Le 9 août, j'ai convoqué une réunion, mes gens ont convoqué une réunion à la caisse, le 9 août, les intervenants du marché domestique canadien, pour dire qu'est-ce qui se passe. Tout le monde dit: C'est un accident, il faut que ça roule, on n'est pas dans... Bon. À cette rencontre-là, j'ai avisé la Banque du Canada, ils ne sont pas venus parce que, pour eux non plus, ce n'était pas... Ça a pris du temps avant que tout le monde réalise...

Donc, l'idée de la confusion, je ne sais pas d'où elle vient, parce que, nous, systématiquement on a été un supporteur de notre marché, de ce qu'on faisait comme acheteur. C'est clair que, quand le marché a été gelé, le 13 août au matin, ça ne fonctionnait plus, bien là on a fait la même chose que les autres, là. On n'était plus acheteurs, puis c'est là qu'on a reconstitué nos liquidités, et on a été très actifs pour avoir des actifs de qualité. Mais ce qui ne se vendait plus parce qu'on avait donné un engagement à tout le monde que c'était gelé, on l'a gelé.

Donc, cette histoire de confusion là, oui, il y a eu de la confusion dans le marché, surtout dans les deux premières semaines du mois d'août. Mais ça ne venait pas de la caisse d'aucune façon. Nos transactions ont été dans le même sens tout le temps d'une institution qui a été responsable. Moi, la confusion que je peux voir, c'est le fait qu'entre les joueurs ça a pris du temps avant qu'on reconnaisse qu'il y a un problème. D'ailleurs, même après le 15 août, je me faisais dire par des gens de Toronto que c'était un problème de Montréal. Et, quand ils ont vu que finalement, là, il y en avait en Alberta, en Saskatchewan, il y en avait partout, là, tout le monde s'est assis puis ils ont dit: Ah! c'est vrai, c'est un problème canadien. Et, comme c'était un problème canadien, bien les banques ont commencé à collaborer avec nous, appeler leurs clients puis dire: On va embarquer dans l'entente de Montréal, et c'est comme ça que ça s'est réglé. Donc, cette histoire de la confusion, M. le Président, c'est quelque chose qui, pour moi, a été... aussi surpris que vous quand je l'ai lu.

Niveau d'investissement dans le PCAA (suite)

M. Legault: Comment expliquer que la caisse ait été au-dessus du tiers du marché?

M. Rousseau (Henri-Paul): Je vais prendre...

M. Legault: Puis une sous-question, là, de dire... Donc, ce que vous nous confirmez, c'est qu'entre le 2 août, où vous avez eu une espèce de signal qu'il y avait un problème de liquidités, et le 13 août, vous avez continué à acheter du papier commercial pour un peu maintenir le marché, là, c'est ce que je comprends.

M. Rousseau (Henri-Paul): C'est-à-dire que dans notre intérêt puis avec l'accord des autres joueurs. Tout le monde était sur la même longueur d'onde, là. Je veux dire, ces choses-là, on ne fait pas ça tout seul, monsieur, on fait ça avec d'autres joueurs. Et c'était normal, parce qu'il n'y a pas personne qui avait un intérêt à ce que le marché ne circule pas puis ne fonctionne pas. O.K.? Et donc on n'était pas plus mainteneurs qu'un autre, on était simplement tous d'accord, au début, de dire: On va supporter le marché... transiger le marché pour qu'il roule. Et c'est lorsqu'on a commencé à voir d'autres banques internationales ne pas respecter les lignes de liquidité, et ça, ça s'est fait entre... Dès le lundi matin, là, le 13 août, c'est là qu'on a vu que ça ne roulait plus, et là...

M. Legault: Entre le 2 et le 13 août, là, vous étiez acheteurs de 30 %, de 50 %, de 100 % de ce qui s'est vendu? De combien?

M. Rousseau (Henri-Paul): Non, non, non, pas du tout. Non, non, oubliez ça, oubliez ça. Non, notre position, on l'avait depuis longtemps.

M. Legault: Non, non, mais...

M. Rousseau (Henri-Paul): Quand je vous parle... Notre position dans les livres, O.K., de la caisse, O.K., dans le papier commercial des tiers, c'est une position qui roule, parce que c'est des échéances de trois mois, mais on a une position de 13 milliards, puis on l'avait au début de l'année, là, ça n'a pas fait ça dans les trois dernières semaines, là.

M. Legault: Entre le 2 et le 13 août...

M. Rousseau (Henri-Paul): Très peu, très peu.

M. Legault: ...vous achetiez un petit pourcentage ou un gros pourcentage?

M. Rousseau (Henri-Paul): Un faible pourcentage. Pourquoi? Parce que... Les achats sont faits comment? Ça, c'est des papiers qui roulent aux trois mois, et, chaque jour, il y a un certain 100 millions, 200 millions qui vient à échéance, et la question que tu as: Est-ce que tu rachètes, tu en rachètes un autre ou tu roules comme ça? C'est du papier commercial court terme. Et donc, sur cette période-là, on a continué avec d'autres d'être un acheteur du marché, mais pas de façon à maintenir le marché, ce n'était pas nous autres, la Banque du Canada. Il n'y a jamais eu confusion dans ce qu'on a fait, il n'y a jamais eu confusion dans les actes ni dans les paroles qu'on a tenues. Ce qu'on a fait cependant, c'est qu'on a été parmi les premiers, avec la Banque nationale, à dire: Ça ne marche pas. Et, avant qu'on convainque tout le monde, ça a pris du temps. Mais, quand tout le monde a été convaincu, tout le monde a été d'accord. Et, aujourd'hui, là, à part de cette référence-là qui est faite sur la confusion, que j'ai lue, comme vous, avec surprise, tout le monde reconnaît, je pense, dans le pays, là, que ce qu'on a fait, il fallait que ce soit fait, puis je pense qu'on l'a fait correctement.

L'autre question, qui est plus importante, que vous avez posée, c'est: Pourquoi on a le tiers? O.K.? J'ai expliqué que le marché canadien du papier commercial, le tiers, c'est 33 milliards auxquels on ajoute un 85 milliards des banques. Ça, c'est deux-là ensemble, ça fait quelque chose comme 116, 120 milliards, là, dépendant des dates. O.K.? Mettons 120 milliards, là, 116, c'est ce que c'est, le marché.

Ça, c'est le papier commercial qui comprend des papiers adossés. Vous avez aussi du papier commercial traditionnel, non gouvernemental, qui est là aussi. O.K.? Quand vous faites la somme de tout ce qui est... Oubliez les émissions des gouvernements, juste ce qui est privé. O.K.? La proportion qu'on a... Comme on a, nous, 33 milliards de liquidités ? ça vient de là, la réponse à votre question ? on est répartis, grosso modo, en fonction des composantes du marché, tant dans le papier commercial de telle nature, tant dans le papier du bon du Trésor, tant dans... Tu sais, c'est une répartition qu'on fait entre les émetteurs. Il faut comprendre que la répartition qu'on fait n'est pas... Aujourd'hui, on la regarde comme étant toute ensemble, mais ce n'est pas comme ça qu'on investit. On investit dans telle émission de tel trust une par une, c'est comme ça que c'est fait.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.

M. Legault: ...du marché, là.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.

M. Rousseau (Henri-Paul): Non. J'ai dit: Notre proportion...

M. Legault: Au total, vous n'êtes pas à 33 % du marché, là, quand même.

M. Rousseau (Henri-Paul): Non. Non, on n'est pas à 33 %. Ce que j'essaie de vous expliquer, c'est que le papier commercial des tiers puis le papier commercial des banques, c'est un ensemble de 120 milliards. O.K.?

M. Legault: Vous aviez plus que votre part.

M. Rousseau (Henri-Paul): Non, non. Là, là, ce que vous faites... Encore une fois, j'ai expliqué, je pense, clairement que le papier commercial adossé, il avait deux origines. Il était soit sous une banque qui n'était pas le... qui était le «sponsor», comme on dit, là, celui qui l'arrangeait, ou soit un tiers. Mais tout ça, c'est un marché, c'est le marché du papier... Tout ça, c'est le marché. Ce qui est arrivé, c'est que la composante bancaire, les banques canadiennes ont racheté le marché via leur capacité d'emprunter de la Banque du Canada sous d'autres formes. Donc, le problème de liquidités a été réglé, et on est restés avec ce bout-là. Mais le marché global, ce n'est pas un marché de 33, c'est un marché de 120 milliards. Et notre proportion de ça correspond grosso modo...

Une voix: ...

M. Rousseau (Henri-Paul): Mais oui, mais...

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Non.

M. Rousseau (Henri-Paul): Là, ce que vous me dites, c'est que la... Tu sais, vous regardez le film après...

Le Président (M. Paquet): S'il vous plaît.

M. Rousseau (Henri-Paul): ...mais, je veux dire, le film avant, c'était un marché de 120 milliards, ce n'est pas un marché de 30 milliards.

n(17 h 40)n

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors, étant donné qu'on a tous dépassé un peu le temps, là ? ça se passe très bien quand même ? s'il y a consentement, ce que je proposerais... Parce qu'on pourrait faire un bloc de 10 et un autre bloc à peu près de cinq. Si vous êtes d'accord, on pourrait faire un seul bloc d'environ 15 minutes, là, pour chaque groupe plutôt que de faire deux blocs. Est-ce qu'il y a consentement pour cela? Il n'y a pas de temps d'enlevé à personne. Oui?

M. Legault: Est-ce qu'il y a un bloc de conclusions de prévu?

Le Président (M. Paquet): Oui. Ça ne touche en rien aux remarques finales, qui sont à part, bien sûr.

M. Legault: O.K.

Le Président (M. Paquet): Il y a consentement? Donc, on aurait un bloc d'environ 15 minutes maintenant. Ce sera peut-être 14 min 30 s pour le deuxième groupe d'opposition, là, si on veut respecter les temps exacts. Oui. Alors, maintenant, M. le député de Hull.

M. Cholette: Merci beaucoup. Alors, je suis heureux de reparticiper ou participer à nouveau au débat suite aux remarques d'ouverture. Vous savez, vous avez été très clair, M. Rousseau, aujourd'hui, particulièrement sur le sujet qui nous préoccupe, soit le papier commercial. Mais on va bien comprendre ensemble qu'en sourdine il y a eu d'autres sujets aujourd'hui, celui notamment du rôle de la ministre dans tout cela et évidemment le rôle de la caisse dans l'économie québécoise. Et c'est sur ces deux sujets que je voudrais vous parler parce que... Et je vais terminer avec la question de la ministre parce que ça, c'est assez important. Moi, j'ai eu la chance aussi de faire de l'opposition et je comprends très bien, là, le jeu de mes collègues d'en face, de tenter d'accoler les résultats de la caisse à la ministre des Finances. Alors, j'aurai la chance d'y revenir.

Rôle de la ministre des Finances
pendant la crise du PCAA (suite)

Mais, lorsque je vous ai dit que vous avez été clair, M. le président de la caisse, concernant les papiers commerciaux, je ne peux pas en dire autant de mes collègues d'en face sur leur position par rapport au mandat de la caisse, nonobstant le député de Rousseau, parce qu'on le sait que le député de Rousseau, lui, depuis le tout début, il est contre le mandat de la caisse, il a voté contre le projet de loi qui modifiait le rôle de la caisse. Lui, il souhaite mettre les deux mains du gouvernement dans l'économie, dans la Caisse de dépôt et de placement pour utiliser...

M. Legault: ...

Le Président (M. Paquet): ...oui.

M. Legault: Est-ce qu'on pourrait demander au député de Hull...

Le Président (M. Paquet): ...s'il vous plaît, d'accord.

M. Legault: ...de s'élever un petit peu, s'il vous plaît? Je pense, ça aiderait le débat.

Le Président (M. Paquet): O.K. Je vous inviterais, tout le monde, à la prudence. Ça se passe bien jusqu'à maintenant.

M. Cholette: Alors, on comprend bien que le but du Parti québécois, en tout cas du député de Rousseau... Parce que j'aurai la chance de parler de son nouveau patron, mais le député de Rousseau souhaite prendre le bas de laine des Québécois, prendre l'argent qu'on vous donne comme fiduciaire, puis prendre cet argent-là pour mettre ça dans des placements plus ou moins risqués parce que c'est des entreprises québécoises. Ça, c'est l'opinion du député de Rousseau.

J'ai encore de la misère à comprendre la position de l'ADQ par rapport à ce projet-là parce qu'ils ont parlé en faveur du projet de loi puis ils ont voté contre le projet de loi. Quelle surprise! Alors, c'est assez étonnant de voir ça.

Mais ce que j'ai de la difficulté à comprendre par rapport à mon collègue de Rousseau, c'est que, lui, ça a été clair, il nous le dit encore aujourd'hui, la caisse doit être un bras d'action gouvernementale, alors que, lorsque vous avez été nommé, M. Rousseau, la chef actuelle du Parti québécois, donc le patron du député de Rousseau, disait ceci le 30 mai 2002 au journal Le Soleil: «La ministre a par ailleurs été longuement interrogée sur l'indépendance réelle de la caisse ? entre guillemets, elle dit: "Nous n'intervenons pas dans les décisions au jour le jour de la caisse ou dans ses choix d'investissement dans tel ou tel secteur de l'économie."» Alors, c'est diamétralement opposé à la position du député de Rousseau qui nous parle aujourd'hui.

Elle poursuit... Elle disait en 2001: Lorsque la Caisse de dépôt et placement... Puis on sait bien qui a présidé les destinées de la caisse aussi par rapport à la relation qu'il avait notamment avec la chef du Parti québécois, les décisions de la Caisse de dépôt dans... les décisions de prêter donc des fonds aux propriétaires du Club de hockey les Canadiens de Montréal. Alors, la députée nous disait ceci: «[La chef du Parti québécois] a de son côté défendu l'indépendance de la Caisse de dépôt»... et réaffirmé qu'elle n'a pas le droit d'intervenir dans ce genre de décision. «C'est une décision d'affaires», a-t-elle dit. «La Caisse de dépôt, compte tenu des résultats qu'elle a obtenus jusqu'à maintenant, a dû évaluer tous les risques et prendre toutes les garanties nécessaires.»

Ça, c'était l'opinion jadis de la chef du Parti québécois. Elle poursuit en disant: «Je n'ai pas le droit d'intervenir ? a-t-elle répliqué, alors ministre des Finances. La caisse est un fiduciaire autonome qui gère les dépôts de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, CSST, les régimes de retraite des employés, la Régie des rentes puis la Commission de construction du Québec, la CCQ.»

Ça, c'était la position de la députée actuelle de Charlevoix, chef du Parti québécois qui, on voit bien, là, dit carrément l'inverse de son critique aux finances. Mais, pour ce qui est de mes collègues d'en face avec l'Action démocratique, eh bien, c'est un peu plus compliqué. Le chef actuel nous disait en 2002 que «les gens ont des inquiétudes réelles quand la Caisse de dépôt, au cours des derniers mois, a vécu, entre autres, avec la prise de contrôle de Vidéotron, des pertes d'actif importantes. On veut une Caisse de dépôt qui soit clairement plus indépendante, qui soit moins reliée avec le gouvernement, dont les membres du conseil d'administration sont moins attachés au gouvernement.» Ça, c'était en 2002, alors que présentement l'ADQ milite pour carrément l'inverse de cela.

En 2004, l'actuel député de Chutes-de-la-Chaudière, de l'Action démocratique du Québec, disait ceci, concernant la modification à votre loi, M. Rousseau: «Comme vous le savez, depuis plusieurs années, [la formation politique de l'ADQ] demande une réforme de la gouvernance de la Caisse de dépôt et de placement du Québec. À cet égard, le projet de loi n° 78 propose une gouvernance qui nous apparaît plus transparente et plus rigoureuse. Nous appuyons donc le principe du projet de loi n° 78.» Surprise, quelques jours plus tard, l'ADQ a voté contre le projet de loi n° 78, qui rendait donc la caisse plus indépendante du gouvernement.

Alors, on voit bien que le flip-flop monumental que l'on connaît, ce n'est pas facile à suivre, de notre côté. Vos explications sont particulièrement plus éloquentes. À ce niveau-là, j'ai noté quatre faits importants dans la déclaration d'ouverture que vous avez faite concernant le rôle de la ministre, qui peut être qualifié, je pense, de pas d'ingérence, mais certainement pas d'indifférence dans le dossier des papiers commerciaux.

Vous dites à la page 2 qu'il n'y a eu ? dans un paragraphe entier ? aucune pression politique de la part du premier ministre ou de la ministre des Finances concernant ce dossier-là. Il n'y a aucune pression politique, vous le réitérez.

À la page 3, vous dites aussi que la ministre a été informée tout au long du processus, que vous avez informé la ministre des conséquences, des enjeux, vous avez tenu la ministre des Finances tout à fait informée en lui répétant l'importance de cette confidentialité et de cette confiance que vous lui manifestiez à cette époque. Et dans le fond je vais finir avec une question sur cela. Vous avez, en page 3 également, émis des devoirs de réserve quant aux informations que vous possédiez afin justement de protéger les épargnants. Vous le dites dans votre texte que ce devoir de réserve était stratégique à la protection du bas de laine des Québécois. Et vous dites également, M. le président de la caisse, à la page 5 que la ministre a été une aide indispensable dans la résolution de ce conflit, notamment avec les pourparlers avec le gouvernement fédéral et la Banque du Canada.

Alors, vous faites un topo de quatre événements majeurs qui impliquent la ministre des Finances en disant: Elle a été au rendez-vous lorsque je lui ai demandé. Elle a fait preuve de réserve afin de protéger l'intérêt des épargnants. Ma question: Qu'est-ce qui serait arrivé si elle avait fait carrément l'inverse, comme les partis d'opposition nous ont demandé?

Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.

M. Rousseau (Henri-Paul): M. le Président, M. le député, je pense que je l'ai dit tout à l'heure à quelqu'un, j'ai dit: Que ce soit le député de Rousseau ou n'importe qui autour de la table, honnêtement, qui aurait été ministre des Finances, vous l'auriez fait, chacun à votre façon, ce qu'elle a fait. Je pense que tout le monde aurait pris la responsabilité, parce qu'on était dans une situation de crise. O.K.?

Ce que j'ai dit cependant, c'est que pourquoi j'ai remercié de façon si claire, c'est que vous compreniez qu'elle était, comme moi, dans la solution, possédant énormément d'informations qu'elle ne pouvait partager qu'avec moi et d'autres joueurs. Et cette situation-là, c'était très inconfortable. Et je pense qu'il fallait que la population du Québec comprenne ce qu'on a vécu, c'était une crise. Et j'ai fait l'analogie avec le verglas où, le verglas, on avait intérêt à dire aux Québécois qu'est-ce qui se passait à chaque heure, à chaque minute, puis, nous, c'était l'inverse, on avait intérêt à régler le problème avant d'en parler, bon, et, deuxièmement, d'être sûrs que l'information a été échangée. O.K.?

Je n'enlève rien, au contraire, à Mme Forget, elle a été formidable. Ce que je veux simplement dire, c'est qu'il y a des situations dans la vie où la responsabilité d'État fait en sorte que les gens, hommes et femmes, qui assument ces responsabilités-là doivent les prendre. Et je suis convaincu que, vous toutes et vous tous, vous auriez fait ce geste de la même façon parce que c'était une obligation de... même si c'était tellement difficile. J'ajoute que, dans le cas de Mme Forget, son expérience, son expertise puis le fait qu'elle était disponible ? je l'appelais partout, n'importe quand, puis elle aussi ? ça a fait en sorte que, ces trois semaines-là, on a été d'une efficacité redoutable pour que ça arrive. Parce que, là, aujourd'hui, on regarde ça, c'est facile, on s'interroge sur combien ça va coûter, puis peut-être ça va être ci, ça. Mais il faut comprendre, là, que, quand on avait la situation où la liquidation s'en venait de la part des grandes banques internationales, là, c'était pas mal plus énervant, là. Mais c'est cette situation-là qui a été sauvée, et c'est pour ça qu'aujourd'hui tout le monde, on travaille ensemble à la résoudre, parce qu'encore une fois on est passés d'une gestion de crise à un contrôle de la situation.

Après ça, bien, effectivement, l'information était toujours stratégique, parce que, l'étape de la négociation, moi non plus, je ne pensais jamais que ça prendrait deux mois, avoir l'information des grandes banques. Mais, dès qu'on l'a eue, cette information-là, j'ai fait rapport au conseil et là j'ai expliqué comment on s'est rendus ici, ce matin. Donc, je pense que ça, c'est clair. Encore une fois, j'ai fait ce que j'avais à faire, je l'ai dit. Maintenant que c'est fait, je pense que c'est une situation exceptionnelle que nous avons tous vécue, que tout le monde va se rappeler, ceux qui étaient près de ça. Et où est-ce qu'on est maintenant, c'est de finir la résolution du problème et faire en sorte que les provisions soient à la hauteur de ce qu'elles soient faites, mais dans le cadre normal de reddition de comptes et de fermeture d'année.

n(17 h 50)n

Le Président (M. Paquet): M. le député de Hull.

M. Cholette: Merci. Ça va, merci.

Politique de gestion de risques

Le Président (M. Paquet): Ça va. J'aurais peut-être une question ? sur le temps gouvernemental, bien sûr ? relativement justement à la question de gestion de risques. Un des éléments bien sûr en finances, c'est: au moment où on prend une décision d'acheter un titre, on essaie de trouver un rendement donné puis avec le moins de risques possible. Bien sûr, c'est l'arbitrage qu'on essaie de faire. Évidemment, après coup, il arrive que les résultats ne sont pas ceux qu'on escomptait. Les prévisions qu'on prend au moment où on achète, on décide d'acheter un tel titre, quel qu'il soit, c'est sur la base de l'information dont on dispose à ce moment-là puis des meilleurs outils qu'on peut avoir, on espère, pour évaluer et le rendement anticipé, le rendement attendu et le risque qu'on considère qui correspond aux titres sous-jacents.

Dans toute la crise du papier commercial, qui touche ? vous l'avez évoqué tout à l'heure, et tout le monde l'a évoqué ? pas juste le Québec, mais l'ensemble de la planète, un des éléments qui se posent, c'est dans quelle mesure est-ce que les outils financiers... Et ma question ne s'adresse pas strictement à la Caisse de dépôt, mais je m'adresse à vous aussi par l'expertise que vous avez en termes économiques et en finance. Dans quelle mesure est-ce que les instruments de mesure de risques qu'on avait pour mesurer à l'époque ? et je parle pour tout investisseur, pas juste la caisse ? il y a cinq, 10, 15 ans, au moment où on a commencé à transiger notamment au niveau du papier commercial, dans quelle mesure... Et, quand on lit l'article du Globe and Mail auquel on fait beaucoup référence, là, nous tous, il semble que ce n'était pas clair que les... Tout le monde comprenait le risque associé aux titres sous-jacents, puis, comme vous dites ? et ça, c'est une distinction importante ? il y a différents types de papiers commerciaux. Tous les papiers commerciaux ne sont pas égaux en qualité, si on peut dire, et ça, c'est important de garder cette distinction-là lorsqu'on analyse, on discute de la situation, comme on le fait depuis le début de l'après-midi.

Alors, dans quelle mesure est-ce que donc cette mesure de risques... titres sous-jacents... Parce qu'il y a de plus en plus d'innovation en termes d'instruments financiers dans les marchés financiers, et leur objectif, bien sûr c'est d'avoir des meilleurs rendements et des moins grands risques diversifiés, comme on dit dans le jargon. Mais le tout, ce n'est pas juste... Mais ça, c'est après coup qu'on voit s'il y a erreur ou pas. Comme on dit, c'est comme si on achète... Je vais prendre un exemple qui n'est pas financier. Mais quelqu'un qui achète un condominium, une maison, et puis, par après, on découvre qu'il y avait un vice qui était inconnu après coup, il n'y a personne qui est heureux de ça. Puis je comprends, ici il n'y a personne autour de la table qui est heureux, vous le premier, du fait que ? oups! ? il y avait un élément, toutes proportions gardées, qui n'est pas si grand, mais quand même qui n'était pas heureux. Alors, dans quelle mesure est-ce qu'au niveau du risque on a les outils au niveau finance que... Et qu'est-ce qu'on apprend, qu'est-ce qu'on tire comme leçons dans l'avenir? Et comment ? ma sous-question ? aussi, en termes de gestion de risques à la caisse, est-ce que ça influence peut-être la façon de gérer les risques? Est-ce qu'il y a des changements qui sont à voir? Est-ce qu'on va dire: Bien ça, non, effectivement, on a les instruments pour y arriver?

M. Rousseau (Henri-Paul): Je vais commencer par répondre à votre dernière question. Je dois vous dire que, dès l'événement, naturellement on a changé nos façons de faire sur l'ensemble des points. Ce que je veux dire par là, c'est: Ici, vous vous souviendrez, dans l'explication que j'ai donnée, il y a l'évaluation du risque et l'évaluation de la probabilité que le risque se manifeste. Les deux éléments en font partie. Deuxièmement, il n'y a personne à la caisse qui a investi dans une transaction 13,2 milliards, ça s'est fait dans le cadre normal de transactions qui sont individuelles ? qui sont gérées centralement, mais qui sont individuelles ? qui sont dans 42 émissions différentes, O.K., et l'encadrement du risque est fait là-dessus.

La situation qu'on a vécue, c'est est-ce que ? et c'est l'écart entre ceux qui en ont beaucoup puis ceux qui n'en ont pas ? la probabilité que ce risque, que cette crise de liquidités se manifeste? Et, si elle se manifeste, quels sont les facteurs de mitigation, les facteurs qui vont corriger le risque? O.K.? Nous, on a évalué que cette probabilité était faible, mais on a surtout évalué que, si ça arrivait, les banques internationales répondraient à leurs demandes de liquidités et, deuxièmement, que, si jamais il y avait crise, il y aurait crise sur l'ensemble du papier commercial. Les banques internationales n'ont pas répondu, puis c'est un débat à savoir si elles avaient le droit de le faire ou pas, puis c'est pour ça qu'on a gardé nos capacités de poursuite si jamais ça ne se résout pas selon nos intérêts. Et, deuxièmement, le fait que la Banque du Canada ne pouvait pas s'adresser à la problématique du papier des tiers, ça, maintenant on le sait, mais on ne le savait pas à l'époque, puis ce n'était pas clair non plus. Aujourd'hui, la Banque du Canada, ce qu'elle a fait durant cette crise-là, effectivement le secteur bancaire, le marché du papier commercial qui est adossé, qui est de même nature a été sécurisé et il est acheté par les banques. Essentiellement, le marché est repris, et on a retrouvé cet orphelin.

Donc, c'est un cas où c'est comment on gère les risques systémiques par rapport à un risque qu'on peut diversifier. Et là il y a eu un risque de système, et, dans notre cas, on a pensé que, si c'était un risque de système, les mécanismes centraux de la banque centrale et du système financier joueraient, et ils n'ont pas joué dans ce cas-là. C'est ça qui s'est passé. Donc, c'est très différent.

Il faut comprendre aussi qu'à l'échelle de la planète, aujourd'hui ce n'est plus la crise de liquidités qui préoccupe les investisseurs, c'est plutôt la question du crédit. O.K.? Et c'est cette question de crédit actuellement qui est dominante dans l'ensemble des marchés. Et ces marchés-là sont des marchés qui ont maintenant des primes de risque beaucoup plus élevées, alors que, chez nous, les systèmes sont en place. Ce n'est pas une question de système, ça demeure ici une question d'évaluation de quels sont les éléments de compensation pour minimiser un risque systémique. Et, dans ce cas-là, on a trop fait confiance à cet élément-là, et c'est arrivé, comme c'était faux. Je n'ai pas d'autre explication, puis c'est la pure vérité.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors, ça clôt le bloc de 15 minutes du côté ministériel. Je reconnais maintenant M. le député de Chauveau.

Portefeuille immobilier

M. Taillon: Merci beaucoup, M. le Président. On va se partager le 15 minutes à trois. O.K.? Le deuxième intervenant sera Mme Méthé.

M. Rousseau, vous avez des investissements dans GW Capital.

Une voix: CW.

M. Taillon: CW, je m'excuse. C'est votre bras financier dans le fond dans l'immobilier américain. Dans CW Capital, est-ce qu'il y a des papiers commerciaux? Est-ce qu'il y a du «subprime»?

M. Rousseau (Henri-Paul): Non. Quand je vous ai parlé de l'exposition de la caisse, là, dans le papier commercial, on a vérifié tout ça. D'ailleurs, je suis content de votre question. On est un très gros joueur immobilier, et, au moment où je vous parle, aujourd'hui, les pertes réelles, là, sur notre portefeuille d'hypothèques commerciales ou de... tu sais, on est à un bas historique, on a un très bon portefeuille. Et on n'a pas acheté, dans le portefeuille immobilier, du papier commercial américain, soit ce qu'on appelle les SIV ou autres, O.K., on n'en a pas. Si on en avait eu, je vous l'aurais dit. Je ne veux pas vous parler du «subprime» sans faire le tour de l'ensemble. O.K.? C'est pour ça que le chiffre que je vous ai donné, autour de 1 milliard, c'est un chiffre qui correspond à l'ensemble de notre «exposure» sur l'ensemble de nos activités.

M. Taillon: D'accord. Merci beaucoup. Mme Méthé.

Le Président (M. Paquet): Merci. Mme la députée de Saint-Jean.

Objectifs de rendement et
rémunération des dirigeants

Mme Méthé: Bonjour, M. Rousseau, M. Brunet. Vous avez expliqué tantôt les raisons qui ont motivé votre silence jusqu'à aujourd'hui. On comprend ces raisons-là. Cette attente-là a suscité beaucoup de questionnements, beaucoup d'inquiétude. À la lumière de ce que l'on sait aujourd'hui, il apparaît clairement que les investissements faits dans le papier commercial ne se sont pas avérés un bon choix. Vous nous avez indiqué tantôt l'ampleur des montants investis, de 13,2 milliards. Comme vous l'avez dit tantôt, on ne connaît pas l'ampleur du péché, alors le reste, c'est de la spéculation.

On sait que, bon, vous avez eu des bons rendements, probablement que vous voulez maintenir cette cadence-là et que le gouvernement aussi exige des rendements élevés de la part des gestionnaires de la Caisse de dépôt. Et, pour arriver à motiver les troupes, une politique de rémunération au rendement a été mise en place. En fait, il y a une nouvelle politique de rémunération chez vous depuis 2004. Et, dans le rapport annuel 2006, c'est indiqué: «Pour aligner les intérêts des dirigeants avec les attentes des déposants, la caisse accorde un poids important à la rémunération variable des dirigeants.» Et cette partie importante de la rémunération variable est liée à l'atteinte des objectifs de performance et de valeur ajoutée des différents groupes d'investissement et à ceux de la caisse globalement.

Évidemment, mon confrère de droite avait questionné sur votre rémunération lors d'une étude de crédits, au mois de juin, et puis vous aviez de la difficulté à répondre, puis j'ai compris, quand j'ai vu ça, pourquoi ce n'est pas évident. En fait, dans votre cas, en 2006, il y a cinq types de rémunération, dont le salaire de base, qui était, en 2006, de 473 800 $. S'ajoutent à ça un programme de bonis annuels de 142 140 $, un programme de rémunération à long terme de 185 000 $ ? c'est ce dont vous parliez tantôt, un programme qui s'échelonne sur trois ans, dans votre cas, on a eu, en 2006, une distribution additionnelle en vertu du programme de rémunération à long terme qui s'élève à 728 310 $ ? puis il y a une autre forme de rémunération qui est de 50 564 $, pour un montant de 1 880 354 $.

Bon. C'est public. Je ne voulais pas faire des jaloux avec ça aujourd'hui, mais je voulais juste mentionner le fait que la partie de rémunération variable est très élevée. Alors, le questionnement que j'ai: Est-ce que la folie des rendements du gouvernement ainsi que la politique de rémunération au rendement pourraient avoir une incidence sur le choix des placements faits par la Caisse de dépôt, notamment dans le papier commercial qui offre un taux de rendement légèrement plus élevé mais plus risqué?

n(18 heures)n

M. Rousseau (Henri-Paul): D'abord, vous avez dit deux fois...

Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.

M. Rousseau (Henri-Paul): Oui, pardon. Excusez, M. le Président. Vous avez dit deux fois «le gouvernement»... Non, le gouvernement, là...

Mme Méthé: Il ne s'en mêle pas.

M. Rousseau (Henri-Paul): J'ai été très clair, c'était mon énoncé, là... On peut dire, vous pouvez dire ce que vous voulez, là, mais il y a une chose que je veux que vous soyez tous clairs que vous avez compris: ce n'est pas le gouvernement qui gère la caisse, et tout ce que vous venez de dire concerne la gestion et le conseil d'administration de la caisse. O.K.? Et les objectifs de rendement que nous avons sont des objectifs qui viennent de chacun des déposants, les 25, un après l'autre, chacun. Certains d'entre eux, la loi dit: C'est nous qui déterminons la politique d'investissement. Mais en général c'est une négociation et c'est une cosignature suite à de l'expertise interne-externe. O.K.? J'ai expliqué ça tantôt.

Donc, il n'y a personne qui nous dit, là... Puis ça, arrêtez de dire ça, que le gouvernement m'a demandé des rendements de fou, là. Ce n'est pas vrai. O.K.? Ça ne vient pas de là. Ça ne vient pas de là du tout. Ça vient simplement du fait que nos régimes d'assurance et de rentes font face à une démographie qui n'est pas favorable; à long terme, en tout cas, c'est difficile de... s'il n'y a pas...

Deuxièmement, on avait du rattrapage à faire, disons-le comme ça, sur la solidité financière.

Troisièmement, on vit dans un environnement de taux de rendement sur les obligations, qui est la partie sécure, autour 4 %, 4,5 %. Là, on est descendu en bas de 4 % récemment. Comment ils font pour avoir un rendement en moyenne de 7 % ? parce que ça leur prend ça, selon les calculs actuariels, pour faire face à la musique ? puis investir à 4 % dans les obligations? C'est impossible. Comment on fait ça? Il faut diversifier le portefeuille. De là l'idée de créer pour les déposants 18 portefeuilles, ciblés, identifiés, avec des politiques de placement... d'investissement qui les décrivent, avec des objectifs de rendement qui sont... chacune d'elles, et ces objectifs-là, c'est ce qui fait qu'ils peuvent au total prendre un niveau de risque, puis un niveau de risque qui dit quoi? Qu'une année sur cinq et demi, sept, six ans, on va avoir une année négative, en moyenne, mais qu'avec ça on est capable de s'assurer d'avoir un 7 %, 7,5 % de rendement sur le long terme. C'est ça, le placement. O.K.? Puis, si tous les gens qui gèrent le placement doivent toujours uniquement être du côté symétrique de la partie d'en haut, là, ça n'arrive pas, ça. Il y a des hauts puis des bas dans le placement. Ce qui compte encore une fois, c'est la moyenne au bâton.

Donc, c'est faux de dire qu'on a des ordres du gouvernement pour avoir des objectifs de rendement, ça vient des déposants et c'est eux autres qui les donnent en fonction de ce qu'ils ont besoin. Et deuxièmement de votre affaire, en quoi la rémunération est là? Bien, la rémunération de la caisse, oui, elle a été améliorée. La principale raison, c'est pour baisser le taux de roulement des professionnels. Quand je parle du taux de roulement, c'est le nombre de personnes qui, à chaque année, rentrent par la porte d'en avant puis, l'année suivante, sortent par la porte d'en arrière. La caisse, pendant des années, était une école. Les gens venaient à la caisse pendant cinq ans. Puis, quand ils commençaient à comprendre comment ça marchait, puis on avait payé les pots cassés qu'ils avaient faits, là, bien là le marché venait les chercher, puis on les perdait. Ça fait que l'expertise, là, on a bâti peut-être à tous les cinq ans cette expertise-là.

Moi, je pense qu'on a besoin d'une caisse de dépôt qui est un organisme de référence, qui est une organisation qui est performante, qui a la pérennité au service des Québécois, et ça prend de l'expertise. Cette expertise-là, ça se paie. Ça se paie combien? Ça se paie le marché. Le marché, c'est quoi? C'est: Comment le marché paie les autres? Mais, comme on est dans ce marché-là mais qu'on offre par contre, la Caisse de dépôt, des perspectives intéressantes de travail, qu'on offre également... vous n'avez pas à faire du marketing pour ramasser les fonds, on tient tout compte de ça, et on se compare aux comparables. C'est qui, les comparables dans mon cas? C'est Teachers, OMERS, le fonds de pension du Canada et les grandes caisses de retraite de plusieurs milliards. O.K.?

Je ne veux pas commenter ma rémunération, mais allez plus loin dans le tableau, vous allez voir la comparaison avec l'industrie. Je ne me plains pas. Mais je veux juste vous dire qu'on a une politique de rémunération qui est compétitive, qui fait en sorte qu'on peut retenir les gens parce qu'on en a besoin pour l'expertise. Et la plupart de mes employés, O.K., sont motivés à produire des rendements puis à produire du service pour les déposants, mais il faut que je maintienne un certain degré de compétition. Et malgré ça je dois vous dire que j'ai encore de la difficulté à recruter le personnel de compétence dont on a besoin. On fait un métier technique, et c'est dur à trouver. Et donc je suis très à l'aise. Et je vous remercie de votre question.

Le Président (M. Paquet): Merci. Mme la députée de Saint-Jean.

Mme Méthé: Juste une petite dernière question. Nous nous demandons de quelle façon le salaire des dirigeants de la Caisse de dépôt et de placement... affecté un rendement en deçà des objectifs. En fait, est-ce que, comme à la Banque Nationale, il y aurait des bonus qui ne seraient pas versés ou des pénalités exigées? Est-ce que j'ai bien posé ma question? Je veux dire, si les rendements sont plus bas que les objectifs, est-ce que c'est bon de donner des primes au rendement, des bonus, ou appelons ça comme on veut?

Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.

M. Rousseau (Henri-Paul): En fait, je peux vous dire très clairement, les gestionnaires de portefeuilles qui sont en bas de leur cible n'ont pas de bonus. C'est ça que ça veut dire.

Mme Méthé: O.K. Il n'y a pas de pénalité par contre?

M. Rousseau (Henri-Paul): Bien, les pénalités, ça veut dire quoi, ça? La pénalité...

Mme Méthé: Non, par exemple, s'il y avait une perte de 2 milliards cette année.

Une voix: C'est déjà une grande pénalité.

Mme Méthé: Par exemple, s'il y avait une perte de 2 milliards, cette année.

M. Rousseau (Henri-Paul): O.K., je vais vous répondre. Je vais vous dire, il y a...

Mme Méthé: 3 milliards.

M. Rousseau (Henri-Paul): D'abord, attention aux mots, attention aux mots «pas de perte». Il va y avoir des provisions qui n'impliquent pas nécessairement des rendements négatifs, attendez les résultats de fin d'année. Non, mais je veux qu'on s'impose cette petite discipline là. Puis, si ça va mal, là, vous me reconvoquerez puis vous me donnerez la volée que vous voulez. Mais attendez d'avoir les faits avant de dire quoi que ce soit. C'est ça qu'il faut avoir dans ce métier-là, O.K.?

Ceci étant dit, madame, vous avez raison sur un point. Comme on travaille sur une... On dit à nos gestionnaires: Vous êtes sur une période mobile. O.K.? Ce qu'on ne veut pas, c'est de récompenser quelqu'un parce qu'il fait un bon coup une année, hein, on veut que ce soit durable. Donc, on tient compte du temps, on donne un poids à l'année courante, on donne un poids aussi aux années passées, une moyenne de trois ans. D'accord? Donc, si vous faites une mauvaise année, non seulement votre boni de cette année est impacté, mais vous le traînez pendant trois ans. O.K.? Et, dans ce sens-là, oui, il y a une pénalité chez nous aussi.

C'est qu'on est logiques, on est symétriques: Tu fais un bon coup, on te paie; tu fais un mauvais coup, on ne te paie pas puis tu vis avec pendant un bout de temps. O.K.? Il faut que ce soit comme ça. On essaie d'être assez rigoureux. Et on n'invente pas les boutons à quatre trous, on regarde ce qui se passe dans le marché. Sauf qu'on est un peu en bas du marché et c'est normal, on est la Caisse de dépôt, puis, quand tu travailles chez nous, tu as des... tu sais, il n'y a pas personne... on n'a pas le stress d'aller chercher les dépôts, par exemple, ils viennent par la loi, on tient compte de ça. O.K.? Par contre, on a une exigence de rendement qui fait que quelqu'un qui n'est pas performant, il n'a pas la sécurité d'emploi, c'est normal.

Mme Méthé: Merci.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Beauce-Sud.

Indépendance de la Caisse
de dépôt et placement (suite)

M. Morin: Merci, M. le Président. M. Rousseau, je suis très heureux de vous rencontrer pour une deuxième fois en moins de six mois, là. D'abord, en préambule, c'est sûr qu'on n'est pas ici pour vous questionner sur votre moyenne au bâton, là, que vous avez mentionnée à quelques occasions. Mais juste faire attention à la moyenne au bâton, là, Barry Bonds avait une bonne moyenne, puis là, cette année, il va avoir de la misère à se trouver une équipe, là. Il faut être prudent.

Je voudrais un peu aborder, amener ma discussion sur un autre sujet peut-être un peu plus politique, dans le sens que ce qui aurait sorti de cette crise du papier commercial là, c'est qu'on a vu le gouvernement, là, il prend des différentes approches, et je m'explique. Au début, là, vous avez vu le premier ministre et la ministre des Finances, lorsque ça allait bien, lorsqu'on s'est vus en juin, tout le monde se pétait les bretelles du côté du gouvernement, ça va bien, à 14 %, c'est ça, puis c'est mon gouvernement, c'est moi qui ai donné les ordres, c'est moi qui donne les directives, c'est moi qui donne les grandes lignes, je suis fier.

Au mois d'août, on rentre dans un mur, on rentre dans le problème du papier commercial. Oh! on a senti le gouvernement moins sortir des... au niveau du rendement, là, woup! Oui, non, non ça va très, très, très bien, on est AAA, Standard & Poor's, ça va bien, ça va bien, ça va bien, Globe and Mail... Moi, je pourrais sortir beaucoup de citations, faire un peu comme le député de Hull, là, sortir un paquet de citations lorsqu'on a vu la position confortable du chef du gouvernement descendre au fur et à mesure que la crise se développait et que les rumeurs sortaient de tout côté. D'ailleurs, c'est la raison qu'on vous a convoqué aujourd'hui, afin de calmer le jeu de tout le monde et puis d'en savoir davantage où on en est.

Vous savez, vous êtes ici aujourd'hui parce que malheureusement le chef du gouvernement, la ministre des Finances n'étaient pas prêts à être ici en même temps que vous. Ils nous répondaient à l'Assemblée, dire: Oui, M. Rousseau va venir, il va s'expliquer. Mais, vous, M. Rousseau, je vous connais peu, mais je vous connais très bien de réputation, je connais vos états de service. Je vous félicite encore pour tout ce que vous avez fait pour la Caisse de dépôt, le bas de laine des Québécois. Mais je peux dire que vous n'êtes sûrement pas une personne qui aime se faire manipuler. Quand ça va bien, c'est 1; quand ça va mal, woup! on vous envoie au bâton; vous avez deux prises, aucune balle, il y a deux retraits, puis on perd 9 à 1. Pouvez-vous m'expliquer comment vous vous sentez dans ça? Vous êtes l'homme le plus important, mais on se sert de vous, on vous aime, on vous montre partout quand ça va bien, puis après ça on vous lance au bâton quand ça va mal.

Le Président (M. Paquet): Alors, M. Rousseau.

M. Rousseau (Henri-Paul): Brièvement. J'aime bien votre analogie avec le baseball, vous êtes un amateur du baseball, et on comprendra puis on est d'accord à dire cette phrase célèbre, hein: «It's not over until it's over.»O.K.? Bon. Sur cette base-là, on est d'accord. Et la moyenne au bâton, c'est l'ensemble de l'oeuvre.

Plaisanterie à part, je pense que, dans mes remarques préliminaires, je vous ai dit à chacun et chacune de vous ce que je pensais profondément et qui est très important pour l'avenir de l'institution, peu importent les... Ce qu'on parle ici, là, c'est un événement. Mais à quelque part, là, pour la société québécoise, là, il faudrait qu'un jour ce soit clair que, si vous prenez une responsabilité publique, vous en assumez la responsabilité et les gestes, et, si vous en assumez la responsabilité, ça va de A à Z. Et, à cause de ça, la première chose que je vous ai dite, c'est que je suis responsable de... Je ne suis pas responsable de tous les bons coups qu'on fait chez nous. Mais, dans le métier que je fais, quand vous êtes patron d'une organisation, les bons coups, vous les partagez avec tout le monde, les mauvais coups, ils vous tombent sur la tête, et c'est normal. C'est pour ça d'ailleurs que je suis mieux payé que les autres, O.K., c'est parce que tu es le patron. Ça marche comme ça, c'est les règles du jeu. Il n'y a pas de mystère là.

n(18 h 10)n

Dans ce contexte-là, j'ai une autre obligation comme responsable d'un organisme public, c'est qu'il y a une ligne que je ne traverserai pas, c'est de commenter vos propos qui sont totalement légitimes sur l'arène politique. Et, depuis le 2 septembre 2002... Vous lirez le communiqué que j'ai émis et la conférence de presse que j'ai faite, et j'ai dit: Je ne ferai aucune déclaration politique de quelque nature que ce soit tant que je dirigerai la Caisse de dépôt. Je vous avoue que, quelques matins, quand je lis les journaux et que j'entendais ce que vous disiez, j'avais hâte d'être convoqué pour au moins la partie gestion. Ça, c'est légitime, O.K.? Et je suis très heureux que cette convocation ait eu lieu et je vais revenir quand vous voudrez. O.K.? Mais ce que vous me demandez de faire, c'est autre chose.

Mais, si vous lisez attentivement ce que j'ai dit, je souhaite que, vous tous, vous tiriez cette ligne de distance entre un organisme et... On comprend qu'on était dans une situation de crise et on s'explique. Mais il reste ici que, pour le bien-être de l'organisation des Québécois, il faut que chacun soit sur son terrain puis qu'on se respecte sur ce terrain-là. Autrement, le mélange des genres pourrait nous provoquer des situations où à la limite, ces travaux-là, qui sont des gros travaux, gérer ces organisations-là, il faut qu'on soit capable d'attirer les gens qui sont intéressés par ça, pas juste par la paie, parce que, madame, dans le privé, je gagnais trois fois qu'est-ce que je gagne là. O.K.? C'est parce qu'on est intéressé à faire quelque chose pour l'ensemble des Québécois, puis il faut que ce soit correctement fait. Et ça, ça suppose que les règles du jeu sont claires et qu'on n'a pas un changement des règles du jeu à toutes les trois semaines, sinon ce n'est pas gérable.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Ça clôt donc la période d'échange entre les députés et le président de la caisse. Je remercie bien sûr M. Rousseau...

Une voix: ...

Le Président (M. Paquet): Ah! pardon, je m'excuse. Je m'excuse. Tout à fait. Pardon, je m'excuse, dans... 15 minutes. Désolé. Il vous reste une période bien sûr de 15 minutes au deuxième groupe d'opposition. Alors, M. le député de Rimouski.

M. Lelièvre: De Gaspé.

Le Président (M. Paquet): De Gaspé? D'accord, M. le député de Gaspé donc, tout à fait.

Stratégie d'investissement dans le PCAA

M. Lelièvre: Alors, merci, M. le Président. Bonsoir maintenant, M. Rousseau.

Une voix: ...

M. Lelièvre: On y est presque, quoi. La compagnie Skeena Capital, bon, c'est une fiducie, a réussi à récupérer toutes ses billes. Comment se fait-il qu'au niveau des autres... qu'est-ce qui a cloché qu'on n'a pas pu aller chercher l'information plus complète pour pouvoir faire en sorte que, lorsqu'on a des titres, parce que c'est des titres, c'est des contrats, hein, ça doit être honoré par la banque ou la compagnie qui se spécialise là-dedans... Vous, vous en avez pour 13 milliards en non bancaire. Et je regardais la revue de presse, je regardais ce que M. Crawford disait concernant ces papiers, et, au printemps 2008, normalement on arriverait à une solution ou à une résolution du problème. Est-ce que la caisse a aussi des effets bancaires là-dedans?

M. Rousseau (Henri-Paul): La caisse achète des titres bancaires de l'industrie canadienne comme de l'industrie internationale. Ces titres-là sont soit des obligations, soit des actions, soit du papier commercial bancaire, oui, et c'est normal, et ces titres-là sont de bonne qualité. Comme je l'ai dit, ils se transigent normalement, il n'y a pas de difficulté dans ça. Mais ce n'est pas... C'est pour ça que j'ai bien pris le soin d'expliquer les titres de tiers, là, c'est ceux qui sont en restructuration.

Je veux juste vous dire que, sur Skeena, parce que vous m'avez posé la question: Pourquoi celui-là?

M. Lelièvre: Oui.

M. Rousseau (Henri-Paul): D'abord, la caisse s'est investie dans Skeena et, suite à la restructuration, notre... J'ai parlé de 13,2, moins le milliard de «subprime», ça fait 12,2, et déjà, quand Skeena va être payée, probablement avant Noël, on va baisser de 400, 500 millions, et ça s'en va comme ça. Puis ça, on est payé 100 $ dans... cent cennes dans la piastre, comme vous dites.

Pourquoi celui-là avant les autres? J'ai expliqué que c'est parce que les investisseurs, dans ce cas-là, ce n'étaient pas juste les investisseurs du comité. Les banques avaient honoré leur ligne de liquidité, et, comme ils l'avaient honorée puis ça a gelé, ils se sont retrouvés investisseurs. Donc, ça a été facile de le régler parce qu'on était tous du même côté de la clôture. Et donc, ceux avec qui je négociais étaient aussi dans le même bateau que moi, parce qu'ils étaient investisseurs. Ça démontre très bien, quand j'explique que la ligne de liquidité est essentielle... s'ils avaient respecté toute la ligne de liquidité, on ne se verrait même pas aujourd'hui, et c'est ça qui est le gros de l'élément.

Donc, Skeena s'est réglé rapidement parce que les investisseurs comprenaient également les mêmes bandes qui étaient supposées être fournies avec la ligne de liquidité et ça s'est réglé rapidement. Les autres, c'était un scénario différent parce que c'est lorsqu'ils ont arrêté de répondre aux lignes de liquidité que, là, on s'est retrouvé tout seul.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Au niveau de l'analyse de ces titres-là ou de ces contrats-là, est-ce que la caisse a une équipe spécialisée qui fait l'analyse de ça ou vous vous fiez à d'autres entreprises pour faire l'évaluation?

M. Rousseau (Henri-Paul): La caisse est un investisseur adulte, hein, sophistiqué, et donc on ne se fie pas à personne. Tous nos placements sont analysés de l'interne. Oui, on utilise l'expertise externe, les études qui sont faites par soit les agences de notation, soit les courtiers et les bureaux de recherche. Mais, quand une décision de placement est faite, c'est fait par des gens à la caisse et il y a des analystes attitrés à chacun. J'ai expliqué tout à l'heure que la situation précise dans ce cas-là, c'est: le risque d'une crise de liquidité a été sous-estimé, c'est tout.

M. Lelièvre: Les papiers commerciaux, les papiers commerciaux, ce sont des contrats. Est-ce que vous prenez la peine soit d'avoir une équipe ou soit d'avoir du monde qui vous donne des opinions là-dessus? Parce que vous ne pouvez pas acheter les deux yeux fermés. Vous étiez dans le brouillard un certain temps...

M. Rousseau (Henri-Paul): Non, non...

M. Lelièvre: ...mais vous n'êtes pas toujours dans le brouillard.

M. Rousseau (Henri-Paul): Non, non, on ne le fait pas les deux yeux fermés, on fait ça après avoir analysé et les contrats et tout ça. Le point central est le suivant. C'est que ces contrats-là, aujourd'hui, quand vous les lisez, puis on pourrait en parler, disent très clairement que vous avez une obligation de... un titre dans un trust, ce titre-là va venir à échéance à telle date et comprend tel type d'actif, il y a eu tel type de notation. Et on a également un autre contrat qui dit qu'il y aura, si jamais personne ne veut l'acheter, une ligne de liquidité qui vient, au renouvellement, prendre la place de l'investisseur. C'est comme ça que ça fonctionne.

Lorsqu'on lit les contrats de liquidité, on s'aperçoit que c'est basé sur une réglementation qui, elle, n'est pas très claire, et là il faut évaluer la possibilité que cette réglementation-là fasse en sorte qu'il y ait ce trou qu'on a constaté. Nous, on a pensé que ça n'arriverait pas, et c'est arrivé, c'est tout. Donc, c'est une erreur d'appréciation de la probabilité que ça arrive. Mais l'exercice qu'on doit faire en termes d'évaluer les contrats, évaluer les risques, évaluer les crédits, c'est toujours fait d'avance. Mais ici, comme je l'expliquais, il n'y a personne qui investit 13,2 milliards, on investit dans des titres différents, 42 titres différents, 42 séries différentes, et chacun des investissements est encadré. Ce qui est arrivé, c'est que tout le marché a bloqué, donc on dit 13,2 milliards, mais c'est réparti dans 21 trusts, 42 émissions.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. Lelièvre: Et, tout à l'heure, vous nous avez dit: Bon, les banques internationales s'en venaient. C'était quoi, le danger qui vous guettait?

M. Rousseau (Henri-Paul): C'est une bonne question. Lorsque vous avez une crise de liquidités comme celle qui est arrivée, si rien n'avait été fait, on s'en va en liquidation. Alors, la liquidation, c'est, par définition, quand elle n'est pas restructurée de façon formelle, ça devient une liquidation désordonnée. Alors, imaginez-vous, si vous avez, dans un premier temps, 33 milliards de gens qui veulent liquider, qu'est-ce qui arrive. L'offre est immense, il n'y a pas de demandes parce qu'il y a une crise de liquidités et personne ne veut acheter, les prix s'effondrent. O.K.? Et donc vous avez quelle valeur? Vous avez une valeur de liquidation désordonnée. Cette valeur-là...

Une voix: ...

M. Rousseau (Henri-Paul): Vente de feu. O.K.? Et une vente de feu aurait non seulement fait mal aux 33 milliards, mais je vous parie que le reste du marché, par contagion, aurait été affecté, le Canada aurait été affecté, et ça, pas juste comme investisseur, là, l'ensemble du pays aurait goûté à ça.

Donc, c'est clair que, quand vous voyez ces choses-là arriver, votre devoir, peu importe si vous êtes tout seul, c'est de dire: Woup! il y a quelque chose là, parce qu'on s'en va dans une crise de liquidités, il faut faire quelque chose. Et perdre de l'argent, parce qu'il y a des pertes réelles de crédit, ça, ça arrive et ça va arriver toujours. Mais ça, c'est le recouvrement de la valeur. Mais perdre de l'argent sur un actif liquide qui n'est plus liquide, c'est parce que le marché ne fonctionne plus, et il faut donc éviter de faire une vente de feu. C'est pour ça qu'on a fait ça.

Le Président (M. Paquet): Ça va, M. le député de Gaspé, oui?

M. Lelièvre: Irvin.

Le Président (M. Paquet): Alors, M. le député de Rimouski.

Rôle de la ministre des Finances
pendant la crise du PCAA (suite)

M. Pelletier (Rimouski): Merci, M. le Président. Vous nous avez parlé, M. Rousseau, au début, dans votre présentation, de la collaboration extrêmement précieuse de Mme la ministre des Finances au début, puis je conçois que c'était nécessaire aussi...

M. Rousseau (Henri-Paul): Ce n'était pas juste au début, là, tout le long, là.

M. Pelletier (Rimouski): Tout le long. Mais c'est surtout sa discrétion que vous avez demandée au début, et puis je peux vous dire qu'elle a été très discrète.

M. Rousseau (Henri-Paul): Bien, je la surveillais là-dessus, parce que, que ce soit elle ou autre, on avait besoin de cette discrétion-là.

M. Pelletier (Rimouski): Oui, je comprends très bien. Maintenant, vous dites que Mme la ministre était au courant depuis le début, ça a été très transparent, puis je pense que c'est... je le crois aussi très bien, là. Mais est-ce que je peux vous demander, parce que, moi, ce que j'ai pu comprendre, c'est que la lettre a été... 1, 2, 3 août, dans ce coin-là, votre comité a été mis en place, en tout cas ça prenait une discrétion jusqu'à à peu près le 6 août, là, ou le 15 août...

n(18 h 20)n

M. Rousseau (Henri-Paul): Ah non, non!

M. Pelletier (Rimouski): Octobre, excusez.

M. Rousseau (Henri-Paul): Relisez mon texte, là.

M. Pelletier (Rimouski): Excusez, le 15 octobre.

M. Rousseau (Henri-Paul): Le 25 octobre, je me suis présenté au conseil après avoir vu deux choses: les négociations avec les banques ont terminé le 15 octobre sur l'accès à l'information; J.P. Morgan, notre conseiller, a pris du 15 octobre à... quelques jours, là, une semaine, pour nous valider cette information-là et dire: Maintenant, on rentre en période de négociation de substance, les informations, on les a. Ça, c'était dans la semaine du 25. Et, le vendredi, j'avais un conseil d'administration, j'ai expliqué tout ça au conseil, et c'est le vendredi après-midi que j'ai appelé la ministre pour dire: Bon, bien, maintenant, je peux vous dire où est-ce qu'on en est. Et la question de la dimension stratégique autour de l'information, en ce qui me concerne, le comité maintient encore l'embargo, le comité Crawford. D'ailleurs, il y a juste...

Moi, j'ai annoncé ça cette semaine, là, au comité, et, encore une fois, sur les 17, on est juste cinq à avoir rendu des comptes de cette façon-là. Mais donc, le 25, c'est là que j'ai avisé la ministre. Et, si vous regardez le Journal des débats, c'est le 30 qu'elle a dit: Si vous voulez inviter M. Rousseau, il est prêt à venir. Avant ça, elle n'a jamais dit ça. Et c'était important, parce que j'aurais été obligé de dire: Je n'y vais pas, et là... C'est pour ça qu'il fallait qu'elle sache tout, parce qu'elle avait le devoir, le pouvoir de le faire. Mais, moi, je ne voulais pas parce que... Donc, j'ai expliqué tout le détail de cette négociation, puis elle comprenait, je veux dire, c'est... puis vous auriez fait la même chose, monsieur.

M. Pelletier (Rimouski): Oui, c'est très bien, puis ma question s'en vient là-dessus. C'est à partir de la fin septembre que les journaux ont commencé à sortir... ou à la mi-septembre, fin septembre, que les journaux ont commencé à alerter la population sur la crise du papier commercial, le PCAA.

M. Rousseau (Henri-Paul): ...pour moi...

M. Pelletier (Rimouski): Oui, je comprends.

M. Rousseau (Henri-Paul): ...j'étais en pleine négociation, puis c'était l'inquiétude que j'avais.

M. Pelletier (Rimouski): Alors, la population a été alertée à ce moment-là, Mme la ministre était au courant de tout, vous aussi. Nous, comme députés, on l'était parce qu'on lisait les journaux aussi, là. Mais est-ce que je peux vous demander à partir de quelle date à peu près vous auriez levé le secret, la discrétion ou le secret de Mme la ministre, qu'elle pouvait, à partir de cette date-là, répondre à nos questions?

M. Rousseau (Henri-Paul): ...la date que j'ai levée, puis, au conseil d'administration, M. Brunet peut le confirmer, c'est ce vendredi-là que j'ai dit: Bon, bien, maintenant, posons-nous la question. J'avais deux choix. On a dit: Est-ce qu'on sort? J'aurais pu prendre les journaux puis dire: On va expliquer ça. Et là, avec tout ce qu'il y avait eu comme débats, on a dit: Non, il faut que... si c'est fait, avise la ministre comme de quoi, si les députés le demandent, tu iras à l'Assemblée nationale, et c'est à ce moment-là qu'on va... D'ailleurs, la décision du conseil, c'était d'aviser la ministre que je serais prêt à venir, O.K.? Et, hier soir, au conseil d'administration, j'ai annoncé précisément ce que je faisais après la rencontre du conseil auprès des déposants et auprès de vous-mêmes, O.K.? J'ai fait ça dans cet ordre-là. Et chaque déposant a eu sa position à lui au cours de la journée, au même moment où je parlais ici.

Parce que, nous, on a une autre obligation. Je n'ai pas le droit, moi, de rendre des comptes publiquement sur les déposants, c'est leur reddition de comptes qui est globale. Mais, dans ce cas-ci, j'ai fait une exception, je leur ai demandé la permission en leur disant leur situation à eux, qu'est-ce qui arrivait, pour venir vous le dire à vous. Mais je peux vous montrer qu'on a fait une reddition de comptes en cours d'année de façon exceptionnelle pour un contexte très exceptionnel dès qu'on a pu le faire, par contre. On n'a pas niaisé, dès que... le 25 octobre était une date, et c'est pour ça que Mme la ministre vous a dit, le 30 octobre: Invitez si vous voulez. Et j'ai eu votre invitation le 21 puis j'aurais venu la journée que vous m'auriez invité. Dès que vous m'invitiez, je n'avais pas de problème à venir.

M. Pelletier (Rimouski): Ça veut dire que, Mme la ministre, elle pouvait répondre à nos questions à la période de questions durant le mois de novembre.

M. Rousseau (Henri-Paul): Elle ne pouvait pas.

M. Pelletier (Rimouski): Parce que vous étiez invité.

M. Rousseau (Henri-Paul): Elle ne pouvait pas parce que la seule façon de répondre à ça, et vous le comprenez maintenant... La ministre a joué un rôle qui est le rôle qu'elle devait jouer, c'est un rôle de fiduciaire ultime. Mais ce n'est pas elle qui gérait le dossier, c'est moi, O.K.? Et c'était très clair que la journée qu'il y aurait une reddition de comptes publique sur cette situation-là, c'était à moi à venir. Et, de la même façon qu'on sépare les rôles, là, puis qu'on veut être clair là-dessus, là, c'était à moi à rendre des comptes en bonne et due forme. Et ça, j'avais demandé ça aussi à la ministre, que c'était moi qui serais là pour l'expliquer. Et, je le pense honnêtement, aucun de vous n'aurait voulu faire l'inverse, je veux dire, c'est tout à fait normal.

M. Pelletier (Rimouski): Écoutez, si, moi, comme député, je vous appelle à la caisse, vous allez m'envoyer promener puis vous allez avoir raison, mais, dans le contrat... justement, dans la Loi sur la Caisse de dépôt, le gouvernement ne s'ingère pas dans l'administration ? vous avez été très clair là-dessus, puis je le conçois aussi. Mais le gouvernement, par la voix de son premier ministre ou de sa ministre des Finances ou présidente du Conseil du trésor, a le droit de poser des questions.

M. Rousseau (Henri-Paul): Tout à fait.

M. Pelletier (Rimouski): Et, nous, comme députés, on a le droit de poser des questions à Mme la ministre.

M. Rousseau (Henri-Paul): Oui.

M. Pelletier (Rimouski): Alors, moi, je ne vous demande pas des choses que Mme la ministre ne pouvait pas nous dire parce qu'elle ne le savait pas, parce que c'était vous qui... c'est vous qui gérez la Caisse de dépôt, mais je ne sais pas comme... Allons plus loin. Ce matin, à la période de questions, ce matin, il y a eu des questions sur les PCAA. On n'a pas eu de réponse encore. On avait l'impression qu'elle était encore sous l'embargo du secret ou de la discrétion...

M. Rousseau (Henri-Paul): Écoutez...

M. Pelletier (Rimouski): Est-ce qu'elle pouvait répondre à nos questions ce matin?

M. Rousseau (Henri-Paul): Moi, j'ai demandé à la ministre une chose dans tout ce dossier-là, de m'aider à résoudre la crise et d'être présente. Et je lui ai dit: Je vais vous informer de tout, chemin faisant. Mais l'autre chose que je lui ai demandée, c'est que les rôles soient clairs, parce que c'est un dossier compliqué. J'ai dit: Vous, vous allez m'aider sur la dimension politique avec Ottawa, puis tout ce que j'ai expliqué, puis ça a été... puis pas juste dans trois semaines, là, c'est tout le long, puis je l'ai tenue au courant. Puis j'ai dit: Par contre, je ne veux pas qu'on mêle les cartes. Puis on a fait une entente entre nous que, moi, je gérais le dossier, que je ferais la reddition de comptes sur le dossier. Et le plus important dans votre question, c'est: À quelle date elle vous a dit qu'elle était prête à ce que je vienne, puis c'est le 30 octobre, puis c'est là que...

Mais clairement c'était à moi à venir et à répondre, puis c'est correct aussi. Vous n'auriez pas voulu vous trouver dans cette situation-là, parce que les questions que vous avez, c'est à moi à y répondre. Pourquoi c'est à moi à y répondre? C'est moi qui étais au centre du débat, et, si elle était dans une situation... si elle avait brisé notre contrat de confidentialité, moi, j'aurais été l'homme le plus malheureux du monde puis mes collaborateurs aussi. Et c'est pour ça que je suis content de rendre ça public parce que c'est ça puis je pense que ça tourne la page. Et le plus important, c'est quand je lui ai dit: Je suis prêt à y aller, je suis disponible, bien elle nous a invités puis ça a pris quelque temps avant qu'on trouve des dates, bon, ça, c'est correct. Mais fondamentalement c'est ça, l'histoire, puis il ne faut pas en chercher d'autre. Il y a des fois dans la vie où il n'y en a pas d'autre que la vérité, c'est ça que je vous dis, c'est un cas comme ça.

M. Pelletier (Rimouski): ...question. J'avais une autre... Je ne sais pas si...

Le Président (M. Paquet): 30 secondes.

M. Pelletier (Rimouski): Ah! bien, je vais avoir le temps de la question puis...

Une voix: C'est beau, vas-y.

M. Pelletier (Rimouski): Je peux poser la question quand même? C'est comme à la période de questions, on va avoir une réponse quand même.

Le Président (M. Paquet): C'est la réponse dans la question.

M. Pelletier (Rimouski): J'ai l'impression un peu, M. Rousseau, tout à l'heure, quand vous avez parlé de... vous êtes arrivé avec les... sûr de vous d'abord, je vous félicite, puis je vous connais personnellement à partir d'aujourd'hui, puis c'est comme ça que j'avais entendu parler de vous: sûr de vous, sûr de vos succès, puis les succès sont là aussi. Vous parlez de rendement, depuis trois, quatre ans, de 14 %, 15 %, et tout ça. Mais, quand on parle du rendement sur le placement dans les PCAA, si on l'isole, ce n'est pas la même chose, là. Là, il n'y a pas de problème avec la Caisse de dépôt parce qu'il y a tellement de rendements ailleurs que ça vient effacer les pertes dans le papier commercial. Ensuite, vous nous avez parlé... une réponse de mon...

Le Président (M. Paquet): Je regrette, M. le député de Rimouski... M. le député de Rimouski, je suis désolé, j'ai étendu, mais le temps est vraiment épuisé à ce moment-ci.

M. Pelletier (Rimouski): Ah! j'avais 30 secondes pour ma question.

Le Président (M. Paquet): Oui, tout à fait, c'était question et réponse, là. Juste pour fins d'enregistrement, là, le parti gouvernemental a eu 39 min 20 s; l'opposition officielle, 40 min 8 s; et le troisième parti, de l'opposition, 40 min 25 s environ, là, et ça n'inclut pas le dernier temps du dernier bloc non plus. Alors donc, c'est vraiment égal, là on a été très, très strict là-dessus.

Une voix: ...

Le Président (M. Paquet): Merci. Alors, je pense qu'on serait rendu, à ce moment-ci, à la période des remarques finales.

Une voix: ...

Le Président (M. Paquet): Pardon? Oui, tout à fait. Alors donc, d'abord, je remercie bien sûr le président de la Caisse de dépôt et placement du Québec, M. Brunet, les gens qui vous accompagnent, de votre participation à nos travaux.

Remarques finales

Alors, maintenant, nous arrivons aux remarques finales. Je suis prêt à reconnaître, dans l'ordre tel qu'établi initialement, M. le député de Rousseau, porte-parole de l'opposition officielle en matière de finances publiques, pour cinq minutes.

M. François Legault

M. Legault: Oui, merci, M. le Président. Merci, M. Rousseau, merci, M. Brunet, merci à toute votre équipe. Écoutez, ce qu'on a aujourd'hui, c'est une partie des réponses, et la partie des réponses qu'on a vient confirmer que nos craintes étaient fondées. Ce qu'on a appris aujourd'hui, ce qu'on a appris aujourd'hui, c'est que, sur 33 milliards de papier commercial non bancaire au Canada, la caisse en détenait 40 %, 40 %, 13,2 milliards de dollars. Donc, si on compare, par exemple, à Teachers, Teachers avait moins de 1 % du papier commercial non bancaire au Canada, en avait 60 millions sur 110 milliards d'actif, alors que le Caisse de dépôt en avait 13,2 milliards sur 33 milliards.

n(18 h 30)n

Ce qu'on n'a pas su aujourd'hui, c'est quelle provision il faudra appliquer sur ce 13 milliards. Ce que M. Rousseau nous a dit, c'est qu'il préférait attendre la fin d'année pour nous donner son estimé. Ce qu'on sait, c'est que la provision peut varier entre 500 millions et 3,3 milliards de dollars. Ça veut dire qu'aujourd'hui ce qu'on sait, c'est que la Caisse de dépôt, à cause de ses investissements dans le papier commercial non bancaire, va avoir une perte qui va varier entre 500 millions et 3,3 milliards de dollars.

Moi, je continue à ne pas accepter le fait qu'on n'ait pas cette information-là. Je pense que M. Rousseau a une très bonne idée de la provision qui devrait être inscrite. Est-ce que c'est 1 milliard, 2 milliards, 3 milliards? Je suis convaincu qu'il a une très bonne idée. Mais je le comprends, là, personne ne le force à nous divulguer cette information-là. Pourtant, dans toutes les compagnies publiques, on est obligé de le faire à tous les trimestres. Je pense qu'on est obligé de conclure aujourd'hui, là, qu'il y a vraiment un problème. Ça n'a pas de bon sens qu'une organisation qui gère plus de 200 milliards d'actif de fonds publics uniquement ne soit pas obligée, à tous les trimestres, de donner de l'information, surtout quand il y a une situation spéciale comme celle qu'on a aujourd'hui. Moi, j'en appelle à la ministre des Finances, je pense qu'elle a le devoir de forcer la Caisse de dépôt à nous fournir toute l'information. Je pense que les Québécois ont le droit de savoir: Est-ce qu'on a une perte de 1 milliard, de 2 milliards ou de 3 milliards à la Caisse de dépôt?

Et ce qu'on sait aussi, c'est que le gouvernement libéral doit absolument accepter enfin de répondre à nos demandes qu'on fait depuis quatre ans d'avoir une commission parlementaire avec M. Rousseau, avec M. Brunet pour discuter de la mission de la Caisse de dépôt. Je pense que ce qu'on voit actuellement dans le monde, là, c'est un rebrassage de cartes au niveau mondial, puis là, déjà, on a perdu des beaux fleurons. M. Rousseau nous a parlé d'entreprises championnes, là. On en a perdu: des Alcan, des Domtar, des Abitibi-Consol, puis on pourrait en nommer une dizaine. Moi, toute ma vie, j'ai été préoccupé par le rendement à court terme, tout le temps, là, en tout cas sûrement dans ma vie d'affaires, et, par contre, le rendement à tout prix, je pense que ça a ses limites. Et, moi, je suis inquiet de voir la caisse absente des débats concernant le développement économique. Moi, j'ai peur que le Québec perde ses acquis de la Révolution tranquille au niveau économique.

Et je suis content de voir que l'ADQ s'intéresse au rôle de la Caisse de dépôt enfin. Puis je demande à la ministre des Finances puis au premier ministre d'intervenir personnellement pour que notre outil de développement économique qui est le plus important au Québec... Il n'y en a pas un qui est plus important que la Caisse de dépôt. On n'a pas une longue tradition d'investissement, on n'a pas beaucoup de familles riches au Québec, on a besoin d'avoir la Caisse de dépôt pour garder nos entreprises au Québec. Bien, il faut que le premier ministre intervienne, d'abord pour que la Caisse de dépôt soit transparente puis que la Caisse de dépôt aussi ait comme objectif, là, d'avoir une double mission: rendement, développement économique. Je pense que c'est primordial si on veut laisser à nos enfants un Québec prospère. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. le député de Rousseau. Maintenant, pour cinq minutes, M. le député de Chauveau et porte-parole de l'opposition officielle en matière de finances publiques.

M. Gilles Taillon

M. Taillon: Merci beaucoup, M. le Président. M. Rousseau, vous n'êtes pas politique, mais vous avez donné les réponses qu'on attendait du politique. Donc, pour nous, la responsabilité de la ministre de répondre à nos questions n'a pas été assumée. Il y a des choses dans votre plaidoyer que je n'achète pas. L'exigence de transparence qui a abouti à l'exercice puis aux révélations d'aujourd'hui est essentielle. Le sous-gouverneur de la Banque du Canada disait, pas il y a 100 ans, là, il y a quelques jours: «Dans [son] premier discours livré à Québec, [...]M. Duguay a estimé que, durant la période qui a précédé la plus récente turbulence, on semble avoir perdu de vue le fait que la divulgation de l'information constitue un principe extrêmement important. "Une divulgation efficace ne se limite pas au seul fait de rendre celle-ci accessible", plaide-t-il. Il faut en outre "veiller à ce que l'information soit comprise des investisseurs".» Donc, l'information doit être livrée, doit être donnée, elle doit être faite certainement aussi souvent que le font les institutions privées pour une institution publique de la nature de la Caisse. Donc, toute tentative de nous convaincre qu'il n'y a pas de reddition de comptes à faire puis qu'il n'y a pas d'exigence de transparence est une façon de noyer le poisson pour nous.

La conclusion que je tire de l'exercice d'aujourd'hui, c'est que la caisse a mis 13,2 milliards de dollars dans le papier commercial. C'est 40 % des PCAA au Canada. La caisse a pris un grand risque puis elle a géré la crise en fonction des risques qu'elle a pris. Vous avez assumé cette responsabilité-là, puis j'ai beaucoup de respect pour vous, mais il faut le dire tel que ça s'est passé. La provision pour pertes, on va juger. Elle va osciller entre 500 millions et 3,3 milliards? On verra. On vous posera des questions, soyez sûr, là-dessus. Et, quant à la folie des rendements citée par quelques-uns de mes collègues, je vous dirais que c'était l'attente qu'avait la ministre actuelle des Finances à l'époque où vous êtes entré en fonction, qui disait: «Nous nous attendons à plus de rendement mais aussi à plus de transparence. Il va falloir remplacer la folie des grandeurs par la folie des rendements», d'où nos questions, M. le Président.

La Présidente (Mme Lapointe, Groulx): Merci. Je cède maintenant la parole au député de Laval-des-Rapides pour les remarques finales de cinq minutes.

M. Alain Paquet

M. Paquet: Merci beaucoup, Mme la vice-présidente... Mme la Présidente, pardon, vous exercez la présidence présentement. Alors, d'abord, je voudrais remercier M. Rousseau et M. Brunet au nom de ma formation politique, et je pense que je peux dire au nom de l'ensemble des parlementaires, pour votre participation, aujourd'hui, à nos travaux.

C'est un moment important parce qu'effectivement il y avait des questions. Ces questions-là ont été posées. Les affirmations qui ont été faites, certaines vont être confrontées à la réalité des faits. Comme on dit, il faut attendre d'avoir les faits avant de dire quoi que ce soit. Ce n'est pas nécessairement l'habitude de tout le monde en cette Chambre ou à cette commission. Mais je crois que c'est l'élément important à travers la lumière avec laquelle les citoyens vont nous juger et vont juger le travail qui a été fait par la caisse dans ce contexte.

Et je crois... Première conclusion. Il y a plusieurs conclusions qu'on peut tirer des discussions de cet après-midi, de nos échanges. C'est que d'abord, M. Rousseau, vous avez fourni des informations qui sont très pertinentes et qui sont rassurantes pour les déposants et tous les Québécois. Première leçon importante. Parce qu'à entendre les prévisions de fin du monde parfois qu'on avait de nos amis d'en face... Ce n'est pas la première fois d'ailleurs, dans certains cas, que monsieur... le député de Rousseau en a fait plusieurs depuis quatre ans. On pourrait les aligner, toutes les prévisions, par rapport au chômage qui allait exploser, et c'est le contraire qui s'est produit. Il nous en fait encore. On pourra les juger, celles-ci.

Mais une chose est certaine. C'est que la liquidité de la caisse n'est pas en cause, la stabilité financière de la Caisse de dépôt n'est pas en cause. Et même, au contraire, le travail que la caisse a fait depuis le début dans ce dossier-là, dans cette crise qu'on a à traverser qui n'affecte pas juste le Québec, mais l'ensemble des marchés financiers internationaux, a été exemplaire. Parce que, lorsqu'on parle des marchés financiers, une mauvaise réaction, une surréaction, une déclaration mal placée a et peut avoir et a des conséquences très graves. Et les perdants sont les gens que nous représentons, ce sont les déposants. Et c'est vrai pour l'ensemble des pays du monde, mais particulièrement ici, au niveau de la caisse. Et c'est la première chose qu'il fallait d'abord s'assurer de pouvoir faire, et c'est ce que la caisse a fait.

Lorsqu'on parle de papier commercial, un élément important qui n'a pas été repris par le député de Rousseau ou mon collègue le député de Chauveau, lorsqu'on parle du 13,2 milliards de dollars de papiers commerciaux détenus par la caisse relativement à des actifs totaux de 207,9 milliards pour l'ensemble de la caisse, plus de 92 % des papiers commerciaux sont des titres cotés AAA, des titres d'excellente qualité. Ça, c'est un élément qui est extrêmement important et qui n'a pas été relevé ni par le député de Rousseau ni par le député de Chauveau. C'est important de le mentionner. Il faut mettre les choses en perspective.

De plus, il faut rappeler que le mandat de la caisse... Ici, une chose est importante. Le gouvernement du Québec, si le premier ministre a parlé de la Caisse de dépôt de façon très favorable depuis quelques années et de la satisfaction qu'on a du travail de la caisse, on n'a jamais pris le crédit des rendements obtenus par la caisse. Jamais le premier ministre n'a fait ça. Par contre, nous avons pris et nous continuons à prendre le crédit d'avoir clarifié les règles de gouvernance de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Les règles de gouvernance actuelles qui ont été mises en place, c'est grâce au gouvernement et sûrement pas grâce aux interventions ni au vote des députés de l'opposition officielle, actuels ou passés, et députés du deuxième groupe d'opposition aujourd'hui.

La mission de la caisse a été clarifiée. C'était important de le faire aussi. Il y avait une confusion des genres. Très clairement pour le Parti québécois et l'ADQ, l'indépendance de la caisse, ce n'est pas l'indépendance à laquelle ils croient. Ils croient à un autre type d'indépendance. Ils l'ont fait dans le passé avant l'arrivée de M. Rousseau. Ils l'ont fait dans le passé, en 1979, lorsque Eric Kierans a démissionné avec fracas parce que M. Parizeau, à l'époque, voulait prendre un contrôle, plus d'influence sur la caisse. Il a été remplacé par M. Jean Campeau à l'époque. Plus tard, M. Jean Campeau a été ministre des Finances du Parti québécois. Et, à ce moment-là, le plan O qui était... le soir du référendum de 1995, s'il y avait eu un oui, il y avait des mandats qui avaient été déterminés par le manque d'indépendance de la Caisse de dépôt, par le ministre des Finances de l'époque, M. Campeau, le gouvernement du Parti québécois et je dirais les partenaires dans l'autobus de l'ADQ aussi, qui étaient d'accord, qui n'étaient pas contre ça, qui ont fait en sorte que la mission de la caisse et le mandat étaient donc confus. Et ça, c'est jouer dans le bas de laine des Québécois. Ça, c'est mettre les deux mains dans le bas de laine des Québécois.

n(18 h 40)n

Et clairement, je le dis respectueusement, il y a deux visions fondamentales au niveau politique qui s'affrontent sur la vision et le rôle de la caisse. Pour notre gouvernement, pour le gouvernement du Québec, pour la ligne que nous avons défendue avec cohérence, sans changer avec le vent, depuis quatre ans, clairement l'indépendance de la caisse, le rôle et l'imputabilité, c'est important. Et, aujourd'hui, M. le président de la caisse a joué son rôle d'imputabilité, de prendre les responsabilités qui sont les siennes.

Le gouvernement, la ministre des Finances a un rôle aussi à jouer. Et on a clarifié aujourd'hui le rôle qu'elle a joué, qui n'était pas partisan, qui n'était pas politique ? on ne faisait pas de la politique avec la caisse ? qui était de s'assurer qu'on pouvait protéger le mieux possible les épargnes des Québécois et s'assurer qu'on trouve une solution pour résoudre le problème de la crise du papier commercial, et ce rôle-là a été joué. C'est une des conclusions aussi qu'on doit tirer aujourd'hui.

Alors, en conclusion, merci beaucoup. Je remercie le président de la caisse pour le rôle qu'il a joué. Les Québécois certainement sont rassurés. Il va y avoir encore des débats politiques sur les visions différentes qui s'affrontent, et c'est correct. Nous aurons l'occasion de le faire. Je vous remercie beaucoup. Et je suis très heureux que nous ayons eu l'occasion de vous avoir et d'avoir initié ce mandat. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lapointe, Groulx): Merci, M. le député. J'aimerais à mon tour remercier M. Rousseau, M. Brunet. J'aimerais aussi remercier tous les gens de l'Assemblée, le personnel, les gens qui sont venus nous voir.

Document déposé

Et en même temps je vais déposer, avant d'ajourner les travaux, un document de la Caisse de dépôt qui a été donné, de Quebecor Média.

Et j'ajourne les travaux de la commission sine die. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 18 h 41)


Document(s) associé(s) à la séance