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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 11 avril 1990 - Vol. 31 N° 10

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions du Protecteur du citoyen et vérification des engagements financiers pour la période d'août 1989 et mars à octobre 1990


Journal des débats

 

(Onze heures dix minutes)

Le Président (M. Dauphin): À l'ordre, s'il vous plaît! Mesdames, messieurs, nous allons débuter nos travaux. Le quorum étant constaté, je déclare donc la séance de la commission des institutions ouverte; elle a pour mandat de procéder à l'audition du Protecteur du citoyen dans le cadre du mandat d'examen de ses orientations, activités et gestion, ainsi qu'à la vérification des engagements financiers relevant de sa compétence, soit ceux du mois d'août 1989.

Examen des orientations, des activités et de la gestion du Protecteur du citoyen

J'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue au Protecteur du citoyen, Me Daniel Jacoby, ainsi qu'aux personnes qui l'accompagnent. D'ailleurs, je vais vous permettre tantôt, Me Jacoby, de nous présenter les personnes vous accompagnant. J'aimerais peut-être en profiter, à ce stade-ci, pour faire quelques remarques préliminaires sur ce qui a amené la commission des institutions à vous entendre, aujourd'hui, et expliquer un peu le cadre de notre mandat.

Remarques préliminaires Le Président

Dans un premier temps, j'aimerais peut-être vous présenter les membres de la commission parlementaire des institutions, puisque, lorsque vous êtes venus l'an passé, je dirais que 90 % des membres présents aujourd'hui n'y étaient pas. Comme vous le savez, les Législatures changent, les parlementaires changent. La commission des institutions, évidemment, demeure. Alors, je pourrais peut-être commencer, à ma gauche, avec la porte-parole de l'Opposition officielle en matière de justice. Bien que vous soyez désigné par l'Assemblée nationale, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve s'intéresse, évidemment, de près et vivement à ses dossiers et, notamment, à votre institution qui est le Protecteur du citoyen. Ensuite de ça, je demanderai à Mme Harel, tantôt, de présenter la recherchiste qui l'accompagne. À ma gauche, la secrétaire de la commission, Me Lucie Giguère, qui était, elle, avec nous l'an passé lorsque nous vous avons entendu. À ma droite, le député d'Anjou, M. Larouche; ensuite de ça, M. Hamel, député de Sherbrooke; M. Bélisle, député de Mille-Îles; M. Williams, député de Nelligan; M. Thérien, député de Rousseau, et M. Houde, député de Berthier.

Alors, pour le bénéfice des membres de la commission, comme vous le savez, l'an passé, nous vous avons entendu dans le cadre de l'audition annuelle qui est prévue au règlement de l'Assemblée nationale. Comme vous l'avez mentionné, l'an passé - et je pense que vous aurez l'occasion de le mentionner tantôt aussi - c'était la première fois, depuis 20 ans, que le Protecteur du citoyen avait l'occasion de se faire entendre par des élus de l'Assemblée nationale, notamment par une commission parlementaire. Alors, suite à cette audition de l'an passé, comme vous le savez, nous avons fait des recommandations au président de l'Assemblée nationale. Et, cette année, nous nous sommes entendus, les membres de la commission, afin d'élargir le mandat que nous avons accompli l'an passé. C'est-à-dire qu'en vertu de l'article 294 notre règlement nous demande annuellement d'examiner les orientations, le mandat et la gestion d'un organisme qui relève de notre compétence. Comme vous le savez, le Protecteur du citoyen ne relevant pas de la compétence de la commission des institutions, nous avons dû faire une demande spéciale à la commission de l'Assemblée nationale afin que celle-ci nous délègue sa responsabilité envers le Protecteur du citoyen, ce qui nous a été accordé en janvier 1990. Ça nous permettra de faire une étude plus approfondie pour nous permettre, éventuellement, de faire des recommandations à l'Assemblée nationale sur votre mandat, sur vos activités.

D'ailleurs, le 21 juin 1989, à l'Assemblée nationale lors de la prise en considération du rapport de la commission des institutions qui vous avait entendu l'an passé, je m'étais un petit peu engagé, si j'étais réélu en septembre 1989 et si je demeurais membre de ladite commission des institutions, à élargir notre mandat et à nous donner une espèce de mandat d'initiative comme celui que nous nous sommes donné en janvier 1990. Je tiens également à souligner que d'autres membres de la commission m'avaient sensibilisé à cet intérêt de plusieurs membres de la commission de vous entendre de nouveau et d'élargir notre mandat, notamment Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve et d'autres membres ministériels de notre commission.

Alors, aujourd'hui, Me Jacoby, c'est une première étape. C'est une préaudition et puis je suis convaincu que vous serez disponible, afin de pouvoir revenir devant la commission, éventuellement, dans le cadre de notre mandat pour approfondir certains dossiers.

Ça nous permet en quelque sorte d'actualiser l'audition de mars 1989, de l'année dernière. Évidemment, depuis mars 1989, il s'est produit quelques activités, notamment le dépôt de votre

dernier rapport annuel. Je sais pertinemment, également, qu'il y a eu le Congrès des ombuds-mans canadiens, ici, à Québec. Je sais aussi que vous avez eu l'occasion de participer à différentes commissions parlementaires.

Alors, suite à l'audition d'aujourd'hui, la commission va se réunir en séance de travail, après la relâche parlementaire, après les vacances pascales, afin que l'on puisse circonscrire notre mandat. La commission a également retenu les services d'un expert-conseil qui va nous accompagner tout au long de nos travaux. Je profite de l'occasion pour la présenter officiellement aux membres de la commission, ainsi qu'à vous-même. Il s'agit de Me Nicole Trudeau-Bérard, que vous connaissez sûrement, qui était notamment vice-présidente de la Commission des droits de la personne et qui a accepté volontiers de travailler avec nous dans le cadre de ce mandat. Il y a également Me Suzanne Langevin qui est avocate, évidemment, et recherchiste à la Division de la recherche de la Bibliothèque de l'Assemblée nationale, qui va nous aider dans le cadre de notre mandat. Comme je vous l'expliquais tantôt, il s'agit d'une préaudition et nous aurons sûrement l'occasion de vous revoir dans le cadre de notre mandat.

Alors, mes remarques préliminaires étant terminées, est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission qui désireraient faire certaines remarques préliminaires?

Mme Harel: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, d'abord, je veux vous souligner que mon collègue, le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, nous rejoindra dès que seront complétés les travaux de la commission parlementaire de la santé et des services sociaux, qui termine son mandat entrepris il y a maintenant deux mois, et qui, évidemment, devrait le compléter. Mon collègue avait quelques remarques à y faire, mais vous savez combien il était désireux d'être des nôtres pour entendre le Protecteur du citoyen.

Je veux également vous présenter Me Fernande Rousseau qui collabore au dossier de la justice, entre autres dossiers, pour l'Opposition parlementaire. M. le Président, vous allez me permettre également de souhaiter la bienvenue, pour la deuxième fois presque en un an, au Protecteur du citoyen et à Me Meunier, ainsi qu'aux personnes qui l'accompagnent.

Vous l'avez d'ailleurs signalé dans votre rapport, c'était une première l'an passé, en mars dernier; depuis 20 ans, je pense que c'était la première occasion que le Protecteur du citoyen avait de venir rendre compte de son mandat devant des parlementaires. Évidemment, c'est avec satisfaction que j'ai suivi les travaux qui, à l'époque, étaient présidés par mon collègue de Taillon, Claude Filion, et la résolution unanime que la commission des institutions avait adoptée en juin dernier, résolution unanime qui, enfin, n'est pas très fréquente dans notre Parlement, une fois tous les dix ans pour ce qui est de l'Assemblée nationale, peut-être un peu plus fréquemment pour les commissions parlementaires.

Cette résolution, j'aimerais la rappeler aux membres actuels de la commission. Donc, cette résolution de la commission des institutions était à l'effet d'examiner "la possibilité et l'opportunité d'étendre la juridiction du Protecteur du citoyen aux municipalités et à toutes les institutions paragouvernementales et périgouvernemen-tales, comme les institutions faisant partie du réseau de la santé et des services sociaux, les organismes scolaires et les sociétés d'État ou, à défaut, que ces institutions mettent sur pied leur propre service d'ombudsman." La commission recommandait également que le gouvernement "examine, à l'intérieur des ministères et des organismes sous la juridiction du Protecteur du citoyen, les causes de lésions et qu'il fasse le point sur les mécanismes de règlement des litiges mis en place à l'intérieur de ces ministères et de ces organismes." Troisièmement, que le gouvernement "évalue la possibilité pour ces ministères et organismes de se doter de nouveaux mécanismes internes de traitement des plaintes, et qu'il identifie les mécanismes de règlement à l'amiable, de conciliation et de médiation que les ministères et les organismes peuvent utiliser pour régler leurs différends avec les contribuables." Quatrièmement, que le gouvernement "réévalue le budget et les effectifs du Protecteur du citoyen ainsi que le rôle ambigu et délicat du Conseil du trésor dans l'octroi des crédits budgétaires à celui-ci."

Enfin, de façon générale, la résolution adoptée par la commission des institutions concluait au fait que le gouvernement devrait encourager les ministères et organismes à collaborer avec le Protecteur du citoyen, et à intensifier leurs efforts afin de réduire, dans la mesure du possible, les causes d'insatisfaction qui pourraient nuire aux rapports harmonieux entre l'administration et les citoyens.

Je rappelle ce vote unanime de la commission des institutions pour signaler tout l'intérêt que les membres avaient à l'égard du rôle joué par le Protecteur du citoyen, de son élargissement et de son extension dans des secteurs d'activités gouvernementales, périgouvernemen-tales, paragouvernementales où les citoyens ne peuvent pas encore bénéficier de la protection, du recours au Protecteur du citoyen.

M. le Président, je veux simplement souligner que depuis quelques années le Protecteur du citoyen est beaucoup plus visible. C'est, évidem-

ment, grâce sans doute au leadership des personnes qui occupent la fonction, qui ne se contentent pas de donner suite aux plaintes qui sont adressées, mais qui font bon usage, comme le prévoit leur mandat, d'un droit d'initiative en certains domaines. Je pense, en particulier, à l'initiative que le Protecteur du citoyen a introduite de sensibiliser l'opinion publique, entre autres, à certaines réalités carcérales. Je pense que le Protecteur du citoyen a été l'un des premiers à sonner l'alarme quant à l'achalandage évidemment trop grand dans les prisons, dans les centres de détention plus particulièrement, et quant à la surpopulation carcérale dans les centres de détention. Le Protecteur du citoyen également, ici même en commission parlementaire à l'occasion de l'étude du projet de loi 25 sur le dégel des frais de scolarité, c'est à-dire sur la loi sur les prêts et bourses et, notamment, également lors de l'étude du règlement sur la sécurité sociale, a pris l'initiative de faire valoir ce qui lui semblait être de nature à atténuer ou tout au moins à amoindrir les protections accordées aux citoyens.

Je veux compléter simplement cette brève intervention, M. le Président, en vous signalant que les droits que reconnaissent nos lois ne valent que le papier sur lequel elles sont écrites si, en tant que législateurs, nous n'investissons pas à veiller à leur application autant de soin qu'à veiller à leur adoption. Et il ne suffit pas, dans une société sophistiquée comme la nôtre, d'adopter des lois pour penser que les citoyens ont des recours à leur portée. Je voudrais très brièvement citer ce que le Protecteur cite lui-même dans son rapport, la déclaration du juge en chef de la Cour suprême qui a quitté récemment, le juge Dickson qui disait: "Dans l'état moderne, l'action démocratique n'est possible qu'au moyen de l'organisation bureaucratique; mais la puissance bureaucratique, si elle n'est pas bien contrôlée, tend elle-même à détruire la démocratie et ses valeurs". Ce qui est en cause d'une certaine façon, c'est le respect, dans notre société, des institutions par l'ensemble des citoyens qui ont cette conviction intime que les lois qu'on adopte et que les institutions que l'on crée le sont à leur bénéfice et non pas, évidemment, pour les mettre en tutelle et les contrôler.

Alors, c'est avec énormément d'intérêt que nous entendons suivre ces travaux. Nous avons bien compris qu'il s'agit d'une première démarche, aujourd'hui, qui va être complétée par d'autres séances où nous allons pouvoir examiner plus à fond les contraintes, les obstacles, les difficultés que rencontre le Protecteur du citoyen dans l'exercice de son mandat. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme la députée. Est-ce qu'il y a d'autres membres qui aimeraient faire quelques remarques préliminai- res?

Alors, avant de vous demander, Me Jacoby, de nous présenter votre exposé, je vais vous présenter une autre membre de la commission, Mme Caron, députée de Terrebonne, qui s'est jointe à nous.

Exposé du Protecteur du citoyen

J'invite maintenant le Protecteur du citoyen à nous faire part de son exposé. Évidemment, nous vous avons mentionné que nous vous réservions une période d'une heure. Alors, libre à vous, soit de résumer ou de faire une lecture de votre exposé. Me Jacoby, tout en nous présentant les personnes qui vous accompagnent.

M. Daniel Jacoby

M. Jacoby (Daniel): Merci, M. le Président. Mmes et MM. de la commission, je voudrais vous présenter, à ma gauche, Me Jacques Meunier qui est l'adjoint du Protecteur du citoyen et, à ma droite, Me Frances Hudon qui est directrice générale des enquêtes au bureau du Protecteur du citoyen.

Je suis très heureux d'être ici, devant la commission des institutions qui exerce un double mandat, d'une part, le mandat de nous entendre annuellement au sens, maintenant, de la délégation qui a été reconnue par l'Assemblée nationale et dans le cadre du mandat d'initiative. Effectivement, comme on le disait tout à l'heure, c'est la deuxième fois en un an que le Protecteur du citoyen, comme institution, a le plaisir et le privilège de pouvoir s'adresser aux parlementaires dont il relève. Je peux penser que, peut-être, on a reconnu éventuellement que la majorité de l'institution s'était acquise à l'âge de 20 ans et que, à l'âge de 21 ans, la maturité commence.

Je n'ai pas l'intention de reprendre mot pour mot mon exposé parce que je suis convaincu que vous l'avez lu. Cependant, je vais tenter de résumer des choses qui m'apparaissent non pas nécessairement plus importantes, mais dont je voudrais être sûr qu'on ne manque rien.

Comme on le mentionnait tout à l'heure, je pense qu'une des grandes questions qui se posent généralement est: A quoi ça sert, un Protecteur du citoyen? D'un côté, il y a déjà les députés qui reçoivent de nombreuses plaintes au niveau des bureaux de comté, qui jouent, d'une certaine manière, un rôle d'ombudsman et qui règlent une bonne partie des dossiers qui sont soumis par leurs commettants. D'un autre côté, il y a également, dans la vie de tous les jours, des personnes qui ont les moyens de se payer les services de professionnels pour défendre leurs intérêts lorsqu'elles ont des différends avec l'administration publique. Également, il existe des tribunaux, il existe aussi la responsabilité ministérielle, il existe l'imputabilité des fonctionnaires, il existe des mécanismes de contrôle

comme le Vérificateur général, comme le Contrôleur des finances, et j'en passe. Finalement, il y a tellement de contrôles qu'on peut se poser la question: À quoi ça peut servir, le Protecteur du citoyen?

Je pense que, d'une certaine manière, le juge Dickson, dans la décision qui a été rendue en 1985 et qui mettait en cause la compétence de l'ombudsman de la Colombie-Britannique, a finalement rappelé toutes les raisons qui font que, depuis le début du XIXe siècle, il existe dans les sociétés démocratiques des institutions d'ombudsmans. On sait que l'ombudsman moderne a été créé en Suède au début du XIXe siècle et que, depuis cette époque, les sociétés démocratiques ont, pour la plupart, créé ces institutions-là.

Je pense que, d'une certaine manière, à partir du moment où l'État intervient de plus en plus dans la vie de tous les jours des citoyens et des entreprises, ça signifie en pratique que, non seulement il adopte des lois, mais, à partir de ces lois, il crée des programmes gouvernementaux qui, eux-mêmes, sont mis en oeuvre par une série de directives administratives, de politiques administratives, de directives d'interprétation, de manuels d'opération qui sont mis dans les mains des agents de l'État qui appliquent des lois et des programmes. Ça signifie également qu'il y a augmentation de la fonction publique, des employés de l'État. (11 h 30)

Évidemment, un programme, ça ne s'applique pas tout seul, ça s'applique par l'entremise d'agents. Ça suppose que, plus les gouvernements interviennent pour répondre à des besoins impératifs de la société, de plus en plus de décisions se prennent par délégation, par des milliers et des milliers de fonctionnaires, que ce soit au niveau de l'administration provinciale, municipale ou fédérale. Ça signifie que les risques d'erreurs sont possible non seulement en raison du nombre, mais aussi parce que les programmes gouvernementaux ne sont pas nécessairement faciles d'application. Je peux vous dire que, même lorsqu'on a une formation juridique, je me suis permis de lire plusieurs manuels d'application de programmes gouvernementaux et je n'ai pas toujours compris les directives que l'on donnait aux fonctionnaires. Alors, finalement, il y a tout ça.

Il y a aussi le fait que beaucoup de problèmes ne peuvent pas se régler devant les tribunaux pour la bonne raison que je pense qu'il n'y a qu'a peu près 20 % ou 25 % de la population qui, aujourd'hui, a les moyens de s'adresser aux tribunaux. Je pense également qu'il y a énormément de problèmes qui se posent dans l'administration et qui ne peuvent pas être réglés par la règle de droit, la simple application du droit. Les interventions en équité au nom du gros bon sens ou de la "raisonnabilité" sont des interventions que jamais un tribunal ne va sanctionner.

Un tribunal applique une loi, l'interprète, mais n'ira jamais au-delà pour dire que telle règle est déraisonnable à moins, bien sûr, qu'elle ne soit illégale. Alors, finalement, les tribunaux sont relativement impuissants par rapport à certains problèmes qu'on connaît dans l'administration.

Par ailleurs, les parlementaires ne sont pas nécessairement complètement outillés pour pouvoir examiner comment sont appliqués, dans le détail, les programmes, parce que ça demanderait une assiduité constante, ça demanderait également pratiquement des pouvoirs d'enquête. Or, vous savez, ce que j'ai pu constater à la lumière de mes deux années d'expérience, c'est que, même si, d'un côté, il y a des règles écrites qu'on retrouve dans les lois, les règlements, les directives et les politiques, il ne reste pas moins qu'il y a aussi des pratiques et des usages qui se développent en marge des politiques, en marge des directives et que, très souvent, ce n'est pas tant la directive elle-même qui doit être mise en cause ou le règlement, mais le comportement, la pratique non écrite de certains fonctionnaires dans certains points de service gouvernementaux. Alors, finalement, tout ceci pour vous dire que les parlementaires ne peuvent pas non plus assurer complètement cette surveillance.

Puis, il faut dire que le Protecteur du citoyen ne peut pas non plus l'assurer complètement, cette surveillance, parce que ça suppose que, d'une part, il reçoive des plaintes ou qu'il soit mis au courant de certaines situations, notamment, par la voie des journaux ou des médias. Ça suppose également que le Protecteur du citoyen, comme institution, puisse avoir des ressources sans fin.

Moi, je dis qu'il est anormal qu'il existe un Protecteur du citoyen, même si ça peut paraître utopique. À partir du moment où, dans les ministères et organismes du gouvernement, on développerait davantage la notion de services à la clientèle et où on développerait davantage, par exemple, ce qu'on retrouve dans le secteur privé: des programmes de qualité totale pour faire en sorte que les clientèles soient mieux desservies, je pense que les risques de commettre des injustices, de commettre des erreurs, devraient diminuer, à tout le moins, se stabiliser. Sauf qu'un des grands problèmes que vit l'administration publique - et puis, ce n'est pas propre au Québec; c'est un peu ce qu'on retrouve à l'échelle mondiale - c'est que l'administration publique, ministères, organismes et programmes, ce sont des monopoles. Ce sont des monopoles qui font en sorte que, lorsqu'un individu doit réclamer, par exemple, une prestation dans un secteur particulier, il n'a pas le choix: il est obligé de s'adresser au ministère concerné, à l'organisme concerné.

Alors, ça veut dire qu'en pratique, contrairement au secteur privé où il y a une forte concurrence, on n'est pas portés comme administrateurs, je pense, dans les administra-

tions, à considérer le citoyen comme étant la raison d'être de notre existence comme administration. On est plutôt portés - et c'est ce qu'on voit malheureusement - à développer des systèmes absolument supersophistiqués. Vous savez, il n'y a pas un programme gouvernemental - en tout cas, il doit en rester très peu - pour lequel on n'a pas élaboré une pléthore de normes et de directives, pour lequel on n'a pas informatisé, pour lequel, aujourd'hui, on pense ne pas avoir oublié quoi que ce soit. On développe des systèmes pour la commodité des administrations et ce n'est pas propre au Québec. L'administration a besoin d'outils, mais, lorsqu'elle élabore des outils, elle pense très peu à la clientèle.

Moi ce que je pense, c'est qu'il y a des mentalités qui doivent changer. Vous savez, lorsqu'une administration, pour mettre en oeuvre une loi, élabore des normes, des directives et des programmes, cette administration, d'une façon générale, aura une unité, chez elle, de fonctionnaires qui sont dans les unités, dites de programmes et politiques, qui vont élaborer des normes pour l'application d'une loi ou d'un programme gouvernemental. Relativement, ces unités travaillent en vase clos en se basant sur des rapports qui ont pu être soumis, soit par le bureau du ministre ou par l'intermédiaire des unités qui appliquent des programmes. Il est exceptionnel qu'ultimement l'unité qui développe un programme et les directives qui vont avec va consulter ceux qui appliquent le programme dans ce même ministère. Déjà, il y a un hiatus qui m'apparaît grave. On se concerte peu. Chacun développe ses spécialités.

Il y a une autre chose que je trouve grave, comme Protecteur du citoyen. Alors que de plus en plus, dans le secteur privé, depuis une quinzaine d'années, on fait des sondages, on crée des comités d'usagers pour déterminer si, oui ou non, par exemple, un programme que devrait mettre en oeuvre telle loi vous cause des problèmes, un comité d'usagers formé de citoyens, de représentants de groupes socio-économiques, au gouvernement, on ne fait pas ça parce que c'est trop lourd. Et puis on risque d'avoir des discussions. Si une loi qui a été adoptée a été contestée, ou qu'il y a eu des récriminations, imaginez l'administration, les fonctionnaires qui vont se présenter à un comité d'usagers, avec toute la ribambelle de directives pour la mettre en oeuvre, ce que ça peut représenter.

Moi, je pense qu'il va falloir au Québec - je parle pour le Québec - faire un virage au niveau des mentalités des fonctionnaires. Les fonctionnaires sont là pour appliquer des programmes qui ont été adoptés par les parlementaires et les gouvernements au bénéfice de la population. Il va falloir que les fonctionnaires, je pense, le comprennent véritablement. Ça, je pense que ça va nécessiter, j'imagine, des programmes gouvernementaux internes.

Le mandat du Protecteur du citoyen. Vous avez noté, dans le résumé que j'ai fait, dans le document que je vous ai soumis, la variété de dossiers qui ont été tirés à même les 7000 enquêtes que nous avons faites, l'année passée. Je ne reviendrai pas là-dessus. Ce que je voudrais bien souligner, c'est que nous intervenons de bien des façons. Dans certains cas, nous allons recevoir une plainte, nous allons régler cette plainte-là sur une base tout à fait individuelle. Dans d'autres cas, à partir d'une plainte, on va, en pitonnant sur les ordinateurs du gouvernement, découvrir qu'il y a d'autres personnes qui sont dans la même situation que notre plaignant, ce qui nous permet d'intervenir sur un plan plus collectif ou plus systémique.

Dans certains cas, on va prendre les devants. Plutôt que d'être toujours tributaires de plaintes, on va être un peu plus agressifs, au sens noble du mot, en intervenant de notre propre initiative suite à des informations qui nous sont parvenues d'une manière ou d'une autre et généralement, comme tout le monde, par la voie des journaux ou des médias électroniques. Nous tentons de plus en plus... Je pense que le Protecteur du citoyen va ajouter un volet très utile à son mandat, c'est de faire de la prévention. Je pense que l'expérience que nous avons acquise au cours des 21 dernières années fait en sorte qu'il nous est possible, et nous avons commencé à le faire cette année, de faire des commentaires sur des projets de loi, sans remettre en question le principe du projet de loi parce que je pense que ce n'est pas notre rôle. Nous ne sommes pas un groupe de pression. Nous ne faisons pas d'"advocacy". Nous ne sommes pas une formation politique. Je pense que, sans remettre en cause le fond même ou le principe même d'un projet de loi, il nous est possible, à la lumière des plaintes que nous avons reçues ou d'expériences voisines au secteur traité par un projet de loi, d'apporter des commentaires pour prévenir, éventuellement, certaines causes ou certaines sources d'injustice. Alors, on a commencé à le faire cette année. On l'a fait au niveau de la Loi sur l'aide financière aux étudiants. Nous l'avons fait également au niveau de l'avant-projet de loi sur la réforme des services de santé et des services sociaux. Et je pense que c'est une direction que nous allons utiliser davantage.

Je pense également, dans la mesure où, évidemment, nous pourrons suivre, que nous allons nous attaquer aux projets de règlements, parce que notre expérience - et vous le savez très bien comme parlementaires - c'est que des lois sont adoptées au niveau des principes, au niveau de la substance, au niveau des grandes lignes, d'un grand cadre, mais qu'à partir du moment où la loi est votée par les parlementaires, que ce soit à l'unanimité ou sur division, c'est là que commence le jeu de la bureaucratie. Et quand je dis ça, ce n'est pas nécessairement

péjoratif. Je veux dire par là qu'ensuite, pour la mise en oeuvre, il faut des règlements. Et ces règlements sont préparés par des spécialistes aussi. Et ces règlements, malgré la loi sur les textes réglementaires, échappent en grande partie au contrôle parlementaire et les délais sont relativement courts et il y a moins de discussions sur les projets de règlements. Et, moi, je pense que, très souvent, il arrive que l'on dénature la finalité d'un projet de loi, au niveau de la réglementation. Et je pense que le Protecteur du citoyen va jouer un rôle plus grand au niveau des projets de loi.

Pour ceux et celles qui n'ont pas le bénéfice de nous connaître d'une manière opérationnelle, j'aimerais prendre quelques minutes pour expliquer le recours au Protecteur du citoyen. Le recours au Protecteur du citoyen est un recours que moi, je considère comme étant un des plus accessibles. D'abord, il est ouvert à tout le monde sans discrimination. Que l'on soit une personne physique, que l'on soit une association, que l'on soit une corporation, que l'on soit pauvre, que l'on soit riche, il n'y a pas de discrimination: tout le monde peut s'adresser au Protecteur du citoyen. Et on peut s'y adresser d'une façon assez expéditive. On peut s'y adresser tout simplement en téléphonant à nos bureaux respectifs de Québec ou de Montréal et ça ne coûte rien. Sans vouloir être anti-bureaucratiques, je dirais que nous ne sommes pas bureaucratiques. On n'exige pas qu'un citoyen remplisse un formulaire. On n'exige pas que le citoyen se déplace à notre bureau pour venir exposer son problème. On n'exige pas une foule de pièces justificatives à l'appui de sa plainte.

Très souvent, ce que l'on constate, c'est que les personnes parmi les plus défavorisées ont beaucoup de difficulté à articuler une plainte. Vous le vivez dans vos bureaux de comté. J'ai un problème avec la CSST, je ne comprends rien. Là, on m'a dit que c'est rendu au bureau de révision et ainsi de suite. Et on ne sait pas, souvent, ce qui se passe dans notre dossier, soit parce que le jargon administratif et législatif est trop technique, soit parce qu'on se fait dire des choses contradictoires d'un bureau gouvernemental à un autre, ce qui fait qu'en pratique un nombre considérable de citoyens ont beaucoup de difficultés à articuler leur plainte ou la cause de leur insatisfaction. Donc, nos préposés à l'accueil vont faciliter la doléance, d'une certaine manière, du plaignant en l'aidant à exprimer l'objet de sa plainte. (11 h 45)

Ensuite, lorsque nous recevons une plainte et que cette plainte est recevable, on ne se transforme pas en commission royale d'enquête. Nous ne tenons pas d'auditions publiques même si nous pouvions le faire. Nous tentons toujours d'intervenir d'une manière très informelle. Lorsque nous interrogeons des fonctionnaires, on n'a pas de sténographe officiel. Lorsque nous recommuniquons avec le plaignant, on ne lui demande pas de nous signer un affidavit. On est très informels. Et je pense que c'est une des grandes qualités du recours à l'ombudsman, que ce soit au Québec ou ailleurs. C'est que, contrairement à tous les organismes de protection des droits et aux organismes en général, cette institution n'a pas sombré dans les dédales du formalisme et aussi de ce que j'appellerais la quasi-judiciarisation.

Je pense qu'on est très près des sources et je pense que cette institution correspond davantage aux besoins des citoyens moyens que des organismes qui, pour chaque plainte, sont obligés de déclencher des processus qui n'en finissent plus. Le citoyen se demande si, finalement, l'organisme a été créé pour lui ou simplement pour satisfaire les pouvoirs et le mandat de l'organisme à qui on a adressé une plainte.

Je pense que l'institution de l'ombudsman est une institution qui est légère, qui est simple. Et même si nous avons des pouvoirs d'enquête et des pouvoirs de commission d'enquête, à ma connaissance, en tout cas, depuis que je suis là - et probablement par le passé - on n'a jamais signifié de subpoena à quelque administration que ce soit. On n'a jamais envoyé un duces tecum pour produire des documents. Je ne dis pas que, dans la vie quotidienne, il ne nous arrive pas de menacer l'administration de le faire et de les aviser qu'il y aura un huissier demain matin à leur bureau. Mais ça, c'est normal. Ce ne sont pas des menaces. C'est du droit à l'information et nous informons l'administration que nous avons ces pouvoirs dans notre loi. Mais d'une manière générale on ne fait pas ça.

Donc, c'est assez simple comme recours. Simple et efficace. Vous savez, j'ai été très surpris de voir, d'une certaine manière, dans la vraie vie, comment un organisme qui n'a qu'un pouvoir de recommandation - et l'on sait que ces organismes sont souvent décriés, ceux qui ont des pouvoirs de recommandation - peut avoir un taux de solution aussi élevé. Dans les faits, nous obtenons, lorsque la correction est possible, bien sûr - il faut que j'apporte la nuance - au-delà de 99 % de solution. En d'autres termes, l'administration suit nos recommandations dans plus de 99 % des cas.

Et ça, je pense que ça repose sur le fait que le Protecteur du citoyen, qui est une institution qui relève de l'Assemblée nationale et qui est indépendante du pouvoir exécutif, dans le cadre de ses interventions, doit faire preuve d'une très grande impartialité et d'une très grande neutralité. Je pense que, d'une manière générale - je ne dis pas que tout le monde est d'accord avec ça - tant les fonctionnaires, l'administration que les citoyens reconnaissent dans notre institution une crédibilité qui est basée sur cette impartialité. Et c'est ce qui fait que, lorsque nous avons complété une enquête et que nous arrivons à la conclusion, par exemple,

que l'administration a commis un abus de pouvoir ou une injustice, d'une manière générale, l'administration va accepter relativement de suivre notre recommandation.

Vous savez, c'est seulement 30 % des plaintes qui sont fondées. Ça veut dire que, dans 70 % dos dossiers sur lesquels nous enquêtons, nous sommes obligés de dire à un citoyen ou à une citoyenne: Vous avez tort de vous considérer comme victime d'une injustice. Je peux vous dire une chose: Ce n'est pas toujours facile à faire avaler, surtout quand on est convaincu que son cas est unique et que, de toute façon, il y a quelqu'un qui a pu se tromper. Bien sûr, il y a des personnes qui nous disent: Vous êtes là pour défendre l'institution. Vous êtes payés par le gouvernement. Vous protégez les fonctionnaires. Enfin, vous avez toujours quelque chose à protéger. Mais ça, c'est exceptionnel. D'une manière générale, les gens nous disent: Mon Dieu, vous nous expliquez pourquoi on n'est pas victimes d'une injustice. Vous nous le dites au téléphone et vous nous l'écrivez dans une lettre. Mais, mon Dieu, si un fonctionnaire nous avait expliqué la situation comme vous nous l'avez expliquée, on n'aurait jamais chialé, on n'aurait jamais déposé de plainte chez vous.

Alors, moi, je dis une chose, c'est qu'il est important que l'on prenne le temps aussi de parler au monde et c'est ce que nous tentons de faire, malgré certaines contraintes que nous avons. Alors, je pense que, d'une manière générale, si notre pouvoir de recommandation est exercé de manière adéquate et que ces recommandations sont suivies, c'est qu'il y a une crédibilité, à l'intérieur du gouvernement, de notre rôle et la compréhension de notre rôle. Je ne dis pas que c'est comme ça dans tous les cas. Des fois, il faut faire des leçons de choses pour expliquer nos raisons d'être.

Au niveau des statistiques, vous avez pu constater que les plaintes augmentent, bien sûr. Vous avez aussi constaté, à la page 21 de l'intervention où l'on a fait une projection pour l'année qui vient de se terminer au 31 mars... Le temps passe et, comme vous avez pris connaissance de notre intervention, je pense. M. le Président, que je m'arrêterai là. Et je serais disponible pour répondre aux questions.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Merci beaucoup, Me Jacoby. Juste avant de procéder à la période d'échanges, j'aimerais peut-être profiter de l'occasion pour vous présenter d'autres membres de la commission qui se sont joints à nous, notamment, M. le député de Chapleau, John Kehoe, qui était présent avec nous, l'année passée, lors de votre audition; M. Rémy Trudel, député de Rouyn-Noranda-Témis-camingue, qui est vice-président de la commission des institutions, et M. Holden, député de Westmount, qui a été, je crois, adjoint au Protecteur du citoyen, en 1979, avec Me Marceau. J'en profite aussi pour vous présenter Mme Beaure-gard qui est une collaboratrice de la commission, que j'avais oubliée tantôt.

Discussion générale

Alors, qui est prêt à commencer la période d'échanges? M. le député d'Anjou. On va suivre l'alternance et je vais essayer d'être souple sur la forme. Le règlement prévoit dix minutes par intervention, comprenant questions et réponses, mais on va agir avec souplesse. M. le député d'Anjou.

Complémentarité des rôles d'ombudsman et de député

M. Larouche: Alors, je suis très heureux de l'introduction que vous avez faite, avec la description des fonctions du rôle du Protecteur du citoyen ou de l'ombudsman. Personnellement, je préfère dire le rôle de l'ombudsman parce que, d'une part, Protecteur du citoyen, ça voudrait dire que d'autres personnes n'ont pas le rôle de protéger; je pense que ça fait une fonction exclusive, tandis qu'ombudsman me semble plus général et plus correspondre à la réalité. Alors, dans votre intervention, en fin de compte, j'ai reconnu à plusieurs endroits les rôles et fonctions du député, du moins lorsque le député est dans sa circonscription. Si on fait le relevé du travail d'un député, du moins lorsqu'il est dans sa circonscription, on peut dire qu'on touche 500 à 800 cas par année et que, sûrement, 300 reviennent à des cas de protection du citoyen; on joue le rôle d'ombudsman. Alors, j'ai fouillé à l'intérieur des dossiers et j'étais content de le voir une fois dans les documents, comme vous l'avez dit, mais vous avez quand même souligné ce fait verbalement, ce qui est très important.

D'autre part, en d'autres lieux de la documentation qu'on a eue, du moins des textes que vous nous avez soumis, à un moment donné - je pense que c'est lors d'une intervention que vous aviez faite devant le Congrès des ombudsmans - vous laissiez sous-entendre que les députés se percevraient comme des concurrents. En tout cas, quant à moi et, je pense, pour la majorité de mes collègues, nous ne percevons pas l'ombudsman comme un concurrent, mais certainement comme un partenaire. Alors, à cet égard-là, c'est clair que le député a intérêt à ce que l'administration publique soit la plus efficace possible. Et c'est à notre avantage qu'elle le soit pour faire en sorte que nos citoyens, que nos électeurs soient le mieux servis possible, que nous soyons député ministériel ou député de l'Opposition.

Un autre point que j'aimerais souligner, c'est le fait que plusieurs pensent que, parce qu'on est député ministériel, on va acheter tout ce que va faire l'administration. Je me dissocie complètement de ce point de vue là. Alors,

lorsqu'on est élus, c'est pour représenter nos citoyens, députés ministériels ou de l'Opposition. Alors, s'il y a des conneries qui sont faites par des administrateurs, elles doivent être dénoncées et vertement par les députés. Alors, il y a différentes façons de procéder.

Je voudrais retenir un autre point. Au début de votre intervention, vous avez dit: II existe l'imputabilité des fonctionnaires. Un peu plus tard, vous avez dit: II est anormal qu'il existe un Protecteur du citoyen. Alors, je conviens que, si vous arrivez à la conclusion qu'il est anormal qu'il existe un Protecteur du citoyen, c'est que justement vous posiez la prémisse qu'il y avait lïmputabilité des fonctionnaires. Alors, je ne crois pas que ça existe, l'imputabilité des fonctionnaires.

Un autre point où j'aimerais avoir votre point de vue peut-être au cours de la journée, c'est qu'en aucun cas - et j'ai fait faire un relevé, en plus des revues de presse que vous nous avez soumises, des interventions publiques du Protecteur du citoyen depuis 1984 - je n'ai entendu le Protecteur du citoyen concernant, par exemple, les questions de grève dans le secteur public, de la privation des citoyens au niveau de services essentiels. Alors, quand on parle de délais, et c'est la majorité des causes de lésions, des délais déraisonnables dans 38 % des cas, imaginez-vous, on prive des citoyens de services essentiels. Que ce soit au niveau de la STCUM - d'accord, vous n'avez pas actuellement juridiction au niveau public ou parapublic, de certaines agences péripubliques comme la STCUM - il reste que des services de transport ou autres, c'est fondamental. Je le disais à un de mes commettants: Quand une société d'État ou un groupe prive un citoyen, alors dans la vue globale on peut dire qu'on assure les services essentiels, mais ce citoyen-là, s'il n'a pas l'électricité, c'est essentiel ou, s'il n'a pas son autobus, c'est essentiel. Alors, c'est une vision bureaucratique des choses. Mais jamais je n'ai entendu - et vous me corrigerez - une intervention du Protecteur du citoyen, depuis 1984, à cet égard-là où l'on prive collectivement de services des citoyens.

Alors, je suis parfaitement d'accord avec vous qu'il faut faire un virage au niveau de la mentalité des fonctionnaires. Ce n'est pas que je leur en veuille. Déjà, un ex-parlementaire français, André Chandemagor, dans un colloque auquel il participait sur "le parlementarisme britannique, anachronisme ou réalité moderne", dans une brève étude intitulée "Un Parlement, pourquoi faire?" disait: "À quoi tient ce développement du. recours individuel à l'intervention parlementaire?" Et c'est là le rôle de député-ombudsman. Il dit: "Avant tout, à l'extension du champ d'action de l'administration et à la complexité croissante de ses méthodes. La bureaucratie est une nécessité, poursuit-il, mais aussi une des plaies du monde moderne. Si elle est indispensable au progrès de l'humanité, elle a une fâcheuse tendance à ignorer les personnes. Face à cette administration omnipotente et dont la complexité dépasse son entendement, le citoyen se sent désarmé". Alors, ce que vous avancez, ça fait un peu consensus autant chez des parlementaires que chez des analystes de l'administration publique. Et il ajoutait: " De son député, le citoyen attend qu'il explique, qu'il hâte et qu'il rassure". Quand on dit que les délais déraisonnables constituaient près de 40 % des cas, c'est ce qu'on fait nous, comme députés, et vous nous aidez à ce niveau-là si vous pouvez faire accélérer certains dossiers.

Denis Vaugeois, dans un autre rap-port: "L'Assemblée nationale en devenir, 1984", dit: "Le député est un véritable ombudsman. On vient le voir pour toutes sortes de choses et souvent en désespoir de cause. Parfois, il ira jusqu'à se battre comme un diable - et, en copiant cette chose-là, j'avais rajouté dans l'eau bénite et j'ai remarqué que ce n'était pas dedans; alors, c'est vraiment comme un diable, laissons faire l'eau bénite - pour faire modifier un programme gouvernemental de façon à réduire des lenteurs, combattre la paperasse, répondre à un besoin, rendre justice à une demande. Combien d'erreurs ils ont fait éviter au gouvernement, combien d'injustices ils ont fait corriger ou éviter? Cet aspect du travail des députés reste très mal connu. " (12 heures)

Alors, l'objet de mon intervention - on ne passe pas en commission pour vous faire la loi; on vous entend - moi, j'aimerais voir, quelque part dans vos interventions d'aujourd'hui, une place comme pour laisser un certain corridor de collaboration entre l'ombudsman ou les bureaux de l'ombudsman et les bureaux des députés. Je pense qu'il n'y a aucune contradiction à ce niveau-là. Vous vous décrivez comme un employé ou un fonctionnaire de l'Assemblée nationale dont vous répondez. Souvent, les gens nous perçoivent comme le gouvernement. On n'es» pas le gouvernement; on est les représentants de la population. Alors, je pense qu'on doit laisser place à une collaboration. Je le vois dans le texte que vous avez présenté au Congrès des ombudsmans canadiens, en 1989, où vous dites que "son rôle de protecteur n'est pas exclusif: il n'est plus le seul recours adéquat pour les citoyens et ne le sera jamais plus. Il devra travailler en collaboration avec les organismes de promotion et de défense des droits". Vous dites ensuite "avec les organismes privés ou subventionnés qui militent dans ce milieu. " Vous devrez vous "rapprocher des ombudsmans exécutifs", vous "concerter davantage avec les professions juridiques. " Vous ne laissez aucune place pour les députés. Selon un calcul rapide, on aide à résoudre au moins 50 000 cas et vous en avez 21 000. Alors, c'est ce qu'on fait et c'est méconnu.

I

Je termine en rappelant les travaux des parlementaires, en tout cas ceux qui m'ont précédé - ça ne fait pas un siècle que je suis ici - ce sont des études sérieuses. Cet aspect du travail du député étant mal connu, je pense que vous devriez peut-être examiner cette opportunité d'ouvrir des corridors de collaboration entre votre bureau et les bureaux des députés.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député d'Anjou. Me Jacoby.

M. Jacoby: Voici, je n'ai jamais prétendu que l'ombdusman avait un rôle exclusif. Quand vous vous référez à l'allocution que j'ai présentée au Congrès des ombudmans canadiens, ce que vous m'avez lu, de mémoire, c'est dans le chapitre de la concertation. Par ailleurs, dans une autre page, je parle de l'information et je dis, de mémoire, que l'ombudman devrait davantage se faire connaître des députés et collaborer avec les députés.

Ma position, M, le député, est très simple. Le rôle de surveillance de l'exécutif est d'abord et avant tout dévolu aux élus du peuple, aux représentants de la population et quelle que soit la formation politique impliquée. Ce rôle de surveillance, dans des institutions d'autrefois qui étaient plus simples, pouvait s'exercer assez facilement. Ce que l'on a créé avec les années, ce sont des outils de travail pour les députés. Comme outil de travail, dans le mandat qu'ont les parlementaires de surveiller l'utilisation des deniers publics, les Parlements se sont dotés de vérificateurs généraux qui relèvent de l'Assemblée nationale. Plusieurs Parlements se sont dotés, pour l'exercice du mandat de surveillance sur les abus de l'administration, d'institution d'ombudsman. Pour être assurés que les élections seront administrées de manière tout à fait impartiale, les Parlements se sont dotés d'institution comme le Directeur général des élections.

Dans mon esprit, même si, dans ses opérations quotidiennes, le Protecteur du citoyen est indépendant au niveau de ses interventions, il est, d'abord et avant tout, un outil de l'Assemblée nationale. Et c'ost ce qui fait que je dois dire que j'ai déjà évoqué - vous ne le trouverez pas dans les documents - la possibilité de rencontrer, à l'occasion, les caucus des formations politiques pour expliquer d'une manière plus pratique ce qu'on peut faire. J'ai évoqué cette possibilité. Depuis quelque temps, je communique régulièrement, surtout par lettres, avec les députés en leur expliquant un peu ce qu'on fait, ce qui se passe chez nous, et je le fais systématiquement depuis un an. Donc, malgré le fait que vous puissiez penser, d'une certaine manière, qu'on voulait se tenir à l'écart, se démarquer des députés, ce n'est pas ça du tout. C'est le contraire qui se produit. D'ailleurs, la prouve, c'ost que j'ai besoin de vous aussi. La preuve, c'est que j'ai demandé, un an après mon entrée en fonction, d'être entendu pour une fois par l'Assemblée nationale sur le rapport annuel.

Alors, je ne veux pas qu'on pense, en aucune manière, que notre institution se démarque du rôle des députés. S'il doit y avoir des différences, les différences sont les suivantes. Premièrement, il est évident - et c'est comme ça que les choses se passent - que, comme le député est un élu du peuple et qu'il représente une formation politique, il y a certains citoyens qui n'ont pas nécessairement confiance. Ça, ça peut arriver, vous le savez. Bon. Deuxièmement, le député n'a pas toujours tous les moyens à sa disposition pour aller au fond des choses. Je ne donnerai pas de cas concrets, mais je peux vous dire que, dans certains dossiers, le député n'a pas les moyens d'aller au fond des choses pour différentes raisons.

Et c'est pour ça que je dis, d'une certaine manière, que non seulement le Protecteur du citoyen, l'ombudsman, est un outil de travail, mais qu'il complète le rôle du député. Je pense que c'est comme ça que je vois les choses, et l'allusion que vous faisiez tout à l'heure, ça, c'était dans l'introduction de mon discours où je dépeignais le monde de Kafka et le Protecteur du citoyen. Je disais, entre autres, que certains députés nous considéraient comme des concurrents. Cependant, quand j'ai écrit ça, M. le député, je ne l'ai pas écrit gratuitement. Je sais - j'ai des témoignages et c'est arrivé deux fois depuis que je suis en fonction - qu'on a eu des réactions de ce genre. Alors, je me suis dit: II va falloir que je prenne le temps d'expliquer davantage mon rôle aux parlementaires pour que toute ambiguïté soit dissipée. Est-ce que pour cet aspect-là...

M. Larouche: Oui, ça clarifie.

Non-intervention dans les grèves

M. Jacoby: Sur l'autre question, vous avez raison de dire que nous ne sommes pas intervenus dans les grands dossiers comme la grève dans les secteurs public, para ou péripublic. Là-dessus, vous savez, notre loi nous crée des limitations. Par exemple, le Protecteur du citoyen ne peut pas intervenir, et c'est dit sans aucune exception, dans tout domaine qui concerne les relations de travail. Ça, c'est dit clairement, parce que le législateur a présumé que le Protecteur du citoyen ne devait pas se mêler de ça pour les raisons qu'il a bien pensées, à l'époque, en 1968, quand la loi a été adoptée, d'une part. D'abord, pas de juridiction sur les relations de travail. Deuxièmement, par rapport à certaines grèves qui touchent, par exemple, les transports publics, bien, il s'agit de transport qui relève de la responsabilité, soit de municipalités, soit de communautés. Le Protecteur du citoyen n'a aucune juridiction sur le monde municipal. Alors, ça nous met dans des positions assez délicates.

Vous savez combien de fois je me retiens pour ne pas dénoncer des choses. Mais je dis: Le jour où je vais commencer à confondre mon rôle avec celui d'autres... Tant que je n'aurai pas une juridiction claire, je suis mieux de me taire.

On a le même problème, vous savez, avec les grèves dans les hôpitaux. Il a pu y avoir des problèmes, en tout cas, d'après ce que j'ai pu voir à travers certaines informations que j'ai obtenues ou certaines lectures que j'ai faites des médias. Je ne peux pas intervenir. Le Protecteur du citoyen n'a pas de juridiction en matière de santé et de services sociaux. Alors, ça explique un peu le mutisme du Protecteur du citoyen.

C'est sûr, moi, j'ai une autre théorie qui dit, parce que notre loi doit être interprétée libéralement, d'après la Cour suprême, que, même si le législateur ne nous donne pas des pouvoirs exprès dans un domaine, on peut parler, s'exprimer. Mais là où on nous interdit formellement d'agir, je pense que je dois être le premier à respecter la Loi sur le Protecteur du citoyen, mais ce sont certainement des phénomènes sur lesquels on aurait beaucoup à dire.

Le Président (M. Dauphin): Merci, Me Jacoby. Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Oui, il y a beaucoup à dire et heureusement que nous aurons quelques heures pour échanger là-dessus. J'ai été surprise d'entendre le député d'Anjou vous faire grief que vous n'interveniez pas au moment des arrêts de travail, parce que le problème, puisqu'il y a problème, ne se produit pas qu'au moment d'un arrêt de travail. Et ce serait assez absurde, d'une certaine façon, que vous n'interveniez que lorsqu'il y a des arrêts de travail, en ne l'ayant pas fait d'une façon régulière en recevant les plaintes. Dans votre rapport, vous mentionnez que vous devez écarter des plaintes formelles qui vous sont adressées, durant l'année courante, et sur lesquelles vous ne pouvez pas enquêter faute d'en avoir le mandat. Alors, vous n'êtes pas un justicier que le gouvernement ne voudrait voir intervenir qu'au moment des grèves qui ne font pas son affaire.

Moi, je pense que, dans la mesure où le gouvernement va vouloir vraiment exprimer, témoigner son intérêt pour les personnes hospitalisées ou les personnes hébergées en centres d'accueil ou dans des établissements du réseau, en tout temps, il va le faire en élargissant votre juridiction et ça va être vraiment, je pense, l'expression de son intérêt pour les bénéficiaires du réseau, parce que c'est un peu suspect de voir cet intérêt qui ne semble se manifester qu'au moment d'un arrêt de travail et puis qui, après, tombe dans une sorte d'indifférence générale.

Je l'ai vécu, en tout cas, moi, de m'être rendue dans un centre d'accueil quelques jours après la cessation du dernier arrêt de travail et d'y avoir rencontré un concitoyen de 70 ans qui avait commencé régulièrement à aller alimenter une cousine qu'il n'avait pas vue, mais qu'il s'est rappelée au moment où on a eu un appel au bénévolat, et il voyait beaucoup de monde déambuler durant l'arrêt de travail. À sa surprise, il s'est rendu compte, après la cessation de l'arrêt de travail, que le centre d'accueil s'est vidé complètement et il se demandait où étaient partis tous ces gens qui étaient si nombreux à s'y retrouver au moment où il y avait justement la grève. Ça peut sembler contradictoire, mais c'était ça, la réalité qu'avait vécue ce concitoyen qui n'avait rien à voir avec les chicanes des uns et des autres.

Vous le mentionnez dans votre rapport, c'est un aspect important parce que, effectivement, pour le député d'Anjou, que je sais être un bon député de comté, qui s'intéresse de très, très près à ses concitoyens autant que je peux le faire moi-même c'est évident que faire appel à vos services, c'est extrêmement important, c'est même fondamental.

On n'a pas eu le même sondage ici, au Québec, mais on me montrait tantôt, au niveau fédéral, un sondage qui a été fait auprès des députés fédéraux - sondage qui avait été fait par la Commission de réforme du droit du Canada, c'est M. Létourneau qui en faisait mention lors du récent congrès qui a eu lieu à Québec - et qui mentionnait que 50 % des députés considéraient que la présence d'un ombudsman fédéral, qui n'existe toujours pas, là, (es aiderait à traiter les plaintes de leurs électeurs. Mais ce dont il se rendait compte, c'est que ce pourcentage était de 46 % chez les députés ministériels et de 78 % chez les députés de l'Opposition. Peut-être que les députés ministériels trouvent plus facilement à régler leurs dossiers. Pourtant, les électeurs ont droit au même traitement. Il devrait y avoir normalement une égalité de traitement, évidemment, par l'administration gouvernementale. (12 h 15)

Ceci dit, on ne vit pas dans un monde angélique et là où le problème se pose, même pour les députés ministériels, c'est quand il ne s'agit pas d'une décision de fonctionnaires, mais que ça met en cause une règle que le fonctionnaire applique et qui est décidée par l'exécutif. Vous le mentionniez dans votre rapport, il ne faut jamais oublier qu'on a les pieds dans un système parlementaire britannique où la dictature de la règle de parti prime sur le choix des électeurs. Ceux de nous qui auraient la tentation de l'oublier, comme deux des députés fédéraux l'ont oublié hier, paraît-il, au Parlement, évidemment, savent la sanction qu'ils doivent vivre si tant est qu'ils mettent de côté cette dictature de la règle de parti qui est immanente au régime parlementaire britannique.

Donc, notre intervention a une limite et

cette limite du parlementaire ministériel, entre autres, c'est la limite de la décision de l'exécutif. À la page 23 de votre rapport, vous dites ceci: "Lorsque notre enquête révèle que ce n'est pas la décision même du fonctionnaire qui doit être mise en cause, mais plutôt la règle que le fonctionnaire applique. " Alors, ça, c'est, évidemment, une autre paire de manches et, à ce moment-là, évidemment, c'est directement la remise en question de l'opportunité d'un jugement de l'exécutif.

Moi, je voudrais vous soumettre, ce matin, un cas récent, pas le cas d'une personne, le cas de milliers de personnes. C'est à la lecture de votre rapport que je me suis dit qu'il était souhaitable qu'on procède de façon concrète en vous demandant ce que vous pouvez faire dans une situation semblable. Dans votre rapport, vous mentionniez - je pense que c'est dans les exemples que vous nous apportiez - notamment l'intervention que vous aviez faite, à la page 7, auprès de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Là, vous mentionniez qu'il s'était développé, en marge de la loi, un processus sophistiqué de contre-expertise qui rendait, à toutes fins pratiques, inopérantes les dispositions de la loi à l'effet de respecter l'avis des médecins traitants. Vous mentionniez que votre intervention a permis de redonner à l'avis du médecin traitant toute sa force probante comme l'avait voulu le législateur.

Barèmes de sécurité du revenu

Alors, le cas qui me préoccupe est le suivant. À l'intérieur de la loi actuelle sur la sécurité du revenu, on retrouve, à l'article 17 de la loi, une disposition qui dit que le barème de disponibilité s'applique à l'adulte qui a demandé au ministre de lui proposer une mesure prévue à l'article 23 - il s'agit, en fait, des mesures d'employabilité - et ce barème s'applique jusqu'à ce qu'il participe à une telle mesure. C'était là le gain obtenu pas simplement par l'Opposition, mais par les pressions faites, je dirais, par un très grand nombre d'organismes auprès d'une commission parlementaire. Ce gain était de modifier le projet de loi de façon à ce qu'on y retrouve cette catégorie disponible qui faisait que des personnes ne vivaient pas une réduction de barème si tant est qu'il y avait pénurie, insuffisance ou incapacité de l'administration publique à leur offrir une mesure à laquelle elles étaient prêtes à participer. Donc, ce que la loi, finalement, sanctionnait, c'était cette idée que le fardeau devait reposer sur l'administration, celui d'offrir la mesure en ne baissant pas le barème de prestations qui est le seuil de subsistance et non pas sur les épaules du bénéficiaire.

J'ai pris connaissance, hier, de pratiques écrites qui sont utilisées dans les centres Travail-Québec, dont je peux vous faire parvenir copie, ainsi qu'à tous les membres de la commis- sion, qui prévoient que, pour accorder ce barème disponible... Je vous rappelle que, si on exclut la personne du barème disponible, on l'inclut dans un barème de non-participant qui, automatiquement, réduit sa prestation, sa subsistance minimale, mais que, pour accorder ce barème disponible, on doit rencontrer tous les critères cumulatifs et, que parmi les critères, il y a le suivant: la mesure doit être disponible dans un délai rapproché. C'est donc dire que c'est là une pratique qui contrevient, évidemment, prima facie, et qui rend inopérante, en fait, la disposition de la loi qui prévoit qu'on accorde la catégorie disponible si tant est qu'un adulte veuille y participer. Alors, dans un cas comme celui-là, qu'est-ce que l'ombudsman peut faire?

Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme la députée. Me Jacoby.

M. Jacoby: Dans un cas comme celui-là, en fait, à travers les médias aussi, on en a parlé un peu, on a enclenché une enquête. Au moment où on se parle, on pense que c'est beaucoup plus un problème dans la manière dont la loi est expliquée aux bénéficiaires, mais on est au tout début de l'enquête. Il est très possible aussi que l'on découvre que, finalement, il y a des contradictions entre la loi et sa façon d'être appliquée.

Ce que l'on sait au moment où on se parle, c'est qu'il y a dans certains bureaux des agents d'aide sociale qui ne disent pas aux prestataires que, s'ils ne se déclarent pas disponibles, ils verront leur prestation diminuer, alors que dans d'autres bureaux on leur dit: Écoutez, il faut vous déclarer disponibles et vous allez être participants s'il y a des mesures. S'il n'y a pas de mesure, vous serez disponibles. Vous ne subirez pas de réduction ou elle sera à peu près nulle. Au moment où on se parle, ce qu'on constate, c'est qu'il y a une diversité dans la manière d'expliquer les choses, mais je ne peux pas vous en dire plus. On a commencé à regarder ça cette semaine.

Mme Harel: M. le Président, j'en conclus que je peux vous faire parvenir, vous transmettre aujourd'hui même, en fait, pour les fins de cette enquête que vous poursuivez, ainsi qu'aux membres de la commission, ces deux directives écrites, une sur la façon de cumuler des critères qui ne se retrouvent pas dans la loi, ainsi qu'une autre qui est très récente, du 2 avril dernier, à l'effet d'attendre une révision du Conseil du trésor pour attribuer quelque mode d'activité aux programmes du ministère. Très bien.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Mille-Îles.

M. Bélisle: Merci, M. le Président. D'abord, bienvenue au Protecteur du citoyen. Je me rappelle des souvenirs qui datent de nombreuses

années: d'excellents souvenirs, soit dit en passant.

M. le Président, j'aimerais aborder une première question. J'ai lu dans le texte de présentation qu'il y a une sorte d'assurance qui vous a été donnée que maintenant, à chaque année, la commission des institutions va vous entendre. Les premiers volets de ma première intervention vont se limiter à poser des questions, parce que je pense qu'on est ici aujourd'hui pour poser des questions et essayer de dégager des lignes d'orientation du mandat qu'on doit exercer en vertu de la Loi sur l'Assemblée nationale. De qui avez vous obtenu cette assurance, M. le Protecteur du citoyen?

M. Jacoby: Voici la petite histoire. C'est que depuis 1985 il y a un règlement, qui a été adopté par l'Assemblée nationale, qui dit qu'annuellement le Vérificateur général, le Directeur général des élections et le Protecteur du citoyen doivent être entendus par la commission de l'Assemblée nationale. Dans les faits, ça ne s'est jamais concrétisé, parce que, me dit-on, et je pense que c'est ça la raison, c'est très difficile de réunir cette commission-là; il y a beaucoup de problèmes pratiques. Alors, effectivement, l'Assemblée nationale n'a pas observé son propre règlement.

Alors, l'année dernière - ça a commencé un peu avant - j'ai demandé au président de l'Assemblée nationale que le règlement soit respecté d'une manière ou d'une autre et, finalement, à cause de l'impraticabilité de faire siéger la commission comme telle, la Direction de l'Assemblée nationale, de concert avec les formations politiques, a accepté, de facto, que le Protecteur du citoyen soit entendu par la commission des institutions, mais par délégation de la commission de l'Assemblée nationale, ce que j'ai compris. Cette année, si j'ai bien compris également, c'est que là ça a été clarifié, puis ça a été approuvé par l'Assemblée nationale et cette obligation d'entendre le Protecteur du citoyen une fois annuellement a été déléguée à la commission des institutions comme telle par l'Assemblée nationale.

M. Bélisle: Vous avez très bien compris, je pense. Ma question est toute simple: Ne seriez-vous pas plus à l'aise avec une modification dans le texte de la loi ajoutant, après l'article 1 de la Loi sur le Protecteur du citoyen, une obligation statutaire et légale obligeant la commission des institutions, qui est déléguée, bien entendu, par l'Assemblée nationale et non par la commission de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire par l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale, à vous recevoir et à étudier avec vous, chaque année, votre rapport annuel?

M. Jacoby: Vous savez, je pense qu'à partir du moment où, d'une part, j'ai constaté que. pendant des années, on n'a pas respecté le règlement, que par ailleurs, maintenant, ça s'est fait par délégation et tout ça, et que les délégations peuvent être enlevées, il est certain que des dispositions législatives qui assureraient à l'institution de pouvoir se présenter devant la commission d'une manière annuelle, ça nous satisferait beaucoup.

Concentration des plaintes dans trois ministères

M. Bélisle: D'accord. Deuxième question, M. le Protecteur du citoyen. Quand je regarde l'ensemble des plaintes que vous avez eues, tout près de 22 000, 21 970, au cours de l'année 1988-1989, il semble que, dans 31 % des cas, une intervention a été justifiée auprès de 63 ministères et organismes. Il semble qu'il y en ait à peu près 58 % qui touchent à trois ministères différents: Commission de la santé et de la sécurité du travail, 24,5 %; ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, 19,8 %, Régie de l'assurance automobile du Québec, 13,6 %. Ça fait un total d'à peu près 60 %. Trois plaintes sur cinq touchent à ces trois ministères.

Il y a un paquet de questions qui se posent relativement à ces pourcentages qui sont donnés, où on manque d'information. D'abord, le solde des 69 % qui ont eu des interventions, mais qui n'ont pas été fructueuses traite de quel niveau d'interventions, de quelle nature de problèmes? Est-ce que ce sont des problèmes qui sont toujours les mêmes, des problèmes récurrents, des problèmes de fond, des problèmes de forme relativement aux mêmes ministères? Est-ce qu'il y a des tables d'analyse, de réflexion qui sont faites entre vous, le Protecteur du citoyen, au moins annuellement, et ces ministères, pas seulement pour créer des bureaux de plaintes, comme vous le suggérez et comme vous l'avez dit si bien dans votre rapport? Bravo pour le ministère du Revenu, depuis le mois de mars 1989, c'est fantastique! Vous le notez, si j'ai bien lu, dans votre document à la page 27: "Donc, bien que nouvellement en fonction, le Bureau des plaintes du ministère du Revenu et son responsable en particulier nous ont impressionnés par leur façon d'aborder les problèmes et leurs premiers efforts pour apporter une solution." Et vous continuez: Par la suite, il y a 14 autres ministères et organismes qui, depuis ce temps, se sont dotés de tels bureaux de plaintes.

Alors, ma question. C'est sûr qu'U y a des bureaux de plaintes; ils suivent vos recommandations, il semble y avoir un début de collaboration entre les ministères et vous, possiblement, peut-être, espérons-le avec le temps, pour amenuiser, diminuer le fardeau des plaintes que vous avez. C'est ce qu'on souhaite. Il ne faut pas le dire à tout le monde ici, mais je pense que c'est ça: on souhaite un niveau de plaintes zéro, mais on ne l'atteindra jamais. Ce que j'aimerais savoir,

c'est: Est-ce qu'il y a un début sérieux concernant ces 60 % de problèmes là? On les identifie très clairement par rapport à trois ministères et on s'assoit systématiquement, vous le Protecteur du citoyen, les gens qui comprennent, qui reçoivent les plaintes avec les gens des ministères qui vivent les plaintes de l'autre côté pour essayer de comprendre la nature des problèmes et, possiblement, par la suite, s'il y a lieu - ce qui n'est pas dans votre domaine - modifier les législations concernées. Avez-vous commencé ce type de travail?

M. Jacoby: En fait, ça se fait d'une manière régulière sauf que, si je prends les trois secteurs mentionnés, d'une part, s'il y a autant de plaintes, je pense qu'une des raisons, entre autres - je dis que c'est une des raisons - c'est que ce sont des secteurs où il se prend des centaines de milliers de décisions par année. Dans certains cas, comme à l'aide sociale, il se prend plus de 3 000 000 de décisions par année parce qu'on revient souvent sur le même dossier. À la CSST, ce sont des centaines de milliers, ainsi de suite.

Maintenant, la collaboration ou la concertation avec ces ministères. Lorsque nous avons un dossier, évidemment, quand il s'agit d'une simple erreur de fonctionnaire, il n'y a pas de problème. On corrige et il n'y a aucun problème. Mais on se bute, évidemment, à des normes qui sont élaborées par des organismes non budgétaires et qui ont plus d'indépendance que tout organisme au gouvernement. Un organisme non budgétaire qui se finance à même d'autres sources que le fonds consolidé du revenu n'a pas les mêmes contraintes au gouvernement. Il est beaucoup plus indépendant. (12 h 30)

II est évident que, dans la culture de ces organismes non budgétaires, comme la CSST, même lorsque le Protecteur du citoyen intervient pour faire changer des directives, des politiques, on a comme de la résistance. Quand je dis que nos recommandations sont suivies dans 99, 4 % des cas, le 0, 6% qui manque, c'est généralement avec des organismes de ce genre-là qui nous traînent pendant des mois, pour ne pas dire des années, sur des dossiers fondamentaux, d'autant plus qu'il faut voir que la structure, par exemple, de la CSST, c'est une structure assez spéciale. C'est une structure avec une direction supérieure, un conseil d'administration paritaire. Et, en plus, ce qu'on a pu découvrir, c'est qu'on tourne comme un chien après sa queue, très souvent, comme un chien autour d'un poteau parce que, avec toutes les réorganisations administratives qui ont eu lieu ces dernières années à la CSST, on crée des bureaux régionaux, on abolit des bureaux régionaux, on crée de nouveaux réseaux, on abolit des réseaux, le personnel se promène là-dedans, chacun est dans une nouvelle responsabilité et, d'une fois à l'autre, à cause de toutes ces raisons administratives, on a des dossiers systémiques qui traînent. Alors, on s'assoit avec la CSST et on discute avec la CSST sauf que ce qu'on réalise, c'est que, sur certains types de dossiers, il y a des murs qui sont infranchissables.

L'année dernière, il faut dire que la direction avait laissé voir une certaine ouverture d'esprit et ça allait relativement bien. Là, un nouveau président a été nommé, il faut lui laisser le temps un peu de regarder ce qu'il a dans son jardin. J'ai l'intention de reprendre très activement le. dialogue et la concertation avec la CSST parce que je considère que la CSST, comme structure gouvernementale, est un des organismes les plus hermétiques qui soit, pour une foule de raisons.

Je peux vous dire une chose: Ce n'est pas l'habitude des ministères et des organismes de nous consulter avant d'adopter une directive ou une politique. C'est exceptionnel, ça commence un peu. Vu qu'on a ouvert, il y en a qui le font maintenant. Mais, d'une manière générale, on ne nous consulte pas quand il s'agit d'adopter une directive ou une politique; on consulte son service juridique. Le service juridique, c'est limité parce que ça regarde le droit, seulement la règle de droit et non pas la "raisonnabilité".

À l'inverse, il arrive très souvent que, en cours d'enquête, on se rend compte qu'on modifie une directive et que, si cette directive a été modifiée, c'est parce qu'on était là, mais on ne nous a jamais dit que c'est parce qu'on était là. Alors, la collaboration, même si, dans l'ensemble, elle est bonne à l'échelle de l'administration, disons que c'est plus difficile dans certains secteurs.

M. Bélisle: Est-ce que j'ai encore un peu de temps, M. le Président?

Le Président (M. Dauphin): Une autre question, M. le député.

M. Bélisle: C'est parce que, quand je prends le total du nombre de demandes qui vous sont faites, vu que vous dites que, dans 31 % des cas, il y a eu des interventions justifiées, si je fais un pourcentage rapide, je me dis: C'est 6600 cas, à peu près, grosso modo. Je prends le pourcentage, 60 % des 6600 qui sont reliés à trois domaines spécifiques et je vois que la masse importante de votre travail est toujours aux trois mêmes endroits. Vous m'avez répondu en disant que, l'année passée, vous avez rencontré le président de la CSST. Je comprends, à travers ce que vous ne nous dites pas ou ce que vous n'êtes pas prêt à dire, que ça ne se fait pas d'une façon très régulière et suivie. Il n'y a pas de suivi systématique qui se fait pour 60 % du fardeau du Protecteur du citoyen lorsque vous êtes obligé de faire une intervention qui s'avère justifiée et où vous réussissez. Je me demande

s'il n'y a pas plus d'efforts à mettre essentiellement dans ces endroits-là où il faudrait corriger, à la base, ce problème-là. Je comprends qu'il y a 3 000 000 de décisions administratives, il y en a peut-être plus que ça, mais je me demande si ce n'est pas dans la façon d'attaquer le problème.

M. Jacoby: Je ne pense pas que ce soit dans la façon d'attaquer le problème. D'abord, les 30 %, je pense que... Entendons-nous bien. Il y a deux choses. Sur l'ensemble des plaintes que nous recevons et sur lesquelles nous avons juridiction, on constate en bout de ligne, bon an mal an, que 30 % des plaintes sont justifiées en ce sens qu'elles s'avèrent fondées, le citoyen avait raison de se plaindre. Ça veut dire qu'il y a 70 % des plaintes, bon an, mal an, la moyenne par secteur, qui ne sont pas justifiées, en ce sens que nous avons considéré que le citoyen n'avait pas été victime d'une erreur ou d'une injustice. Ça, c'est une chose, les fameux 30 %. Mais, dans les 30 % de plaintes fondées, donc, nous intervenons, nous demandons une correction et nous obtenons un taux de solution de 99 %. il reste 0,6 % sur lequel on n'a pas de solution. C'est par rapport à certains organismes et à certains problèmes systémiques.

Vous savez, dans nos façons de travailler, on travaille à tous les niveaux de la hiérarchie. La manière dont on fonctionne chez nous, c'est à peu près comme ça. Si on reçoit une plainte d'un travailleur accidenté qui n'est pas satisfait soit du délai que ça prend pour régler son dossier ou pour d'autres raisons, ou encore d'un employeur qui se plaint d'avoir été trop cotisé par la CSST, la première chose que l'on fait, le dossier est confié à l'un ou à l'une de mes délégués qui a les pouvoirs délégués du Protecteur du citoyen. Dans un premier temps, on prend connaissance du dossier de l'individu. On a accès au dossier de l'individu et si, à la lecture même du dossier, on trouve un problème, on demande la correction au chef de service ou à un responsable d'un certain niveau. Il se peut très bien que la lecture du dossier de l'accidenté ne nous permette pas de trouver le problème. Là, on va interroger les fonctionnaires. On peut arriver dans des situations où on découvre que le problème, ce n'est pas la décision que le fonctionnaire a prise à la CSST, mais c'est la norme qu'il applique. Alors, là, ça devient plus compliqué parce que vous savez, dans les structures pyramidales, suivant le principe de Taylor de l'autorité pyramidale, il y a des niveaux de hiérarchie extraordinaires. Dans certains réseaux, on a jusqu'à 10 et 12 paliers de hiérarchie. À la CSST, on en a au moins 6 ou 7. Alors, vous vous adressez au chef de service: Votre directive ne tient pas debout ou encore: Apportez une dérogation, dérogez à la directive. Je ne peux pas faire ça. On va voir le directeur; on monte au directeur général; on remonte au vice-président et ainsi de suite.

D'une manière générale, quand il s'agit de faire changer une politique que l'organisme a lui-même adoptée... Donc, tous ces gens qui sont dans les opérations ont fait adopter une règle pour leur commodité et pour l'application de la loi; demandez-leur après de venir la changer quand ça fait six mois. Ils y ont pensé pendant six mois de temps. Ils l'ont écrite pendant deux mois de temps. Ils l'ont testée ici et, après ça, on leur dit: Ce n'est pas bon, ça. Alors, dans une culture d'une administration et particulière ment dans les organismes qui sont plus autono mes que d'autres, vous pouvez imaginer tout le travail et la patience que ça peut prendre pour aller convaincre ces gens-là qu'il faut changer des choses et très souvent, en plus, dans certains organismes où if y a un conseil d'administration, il faut l'approbation du conseil d'administration. Alors, vous pouvez imaginer ces administrateurs retourner devant le conseil d'administration, six mois plus tard, pour dire: Ce qu'on vous a fait approuver il y a six mois, ce n'est pas bon.

Alors, il y a toute une culture, mais on est terriblement patients, M. le député. Même je dis que mes collaborateurs et collaboratrices font preuve d'une patience exemplaire dans certains cas. On est terriblement patients; on donne la chance au joueur. Mais, des fois, il arrive qu'avec certains organismes ou ministères donner la chance au joueur, ça frise pratiquement la mauvaise foi de ces administrations. Je suis convaincu qu'il y a des organismes qui pratiquent la mauvaise foi, que ce soit parce que le Protecteur du citoyen intervient et demande des changements, que ce soit parce qu'un politicien intervient et demande des changements. C'est exceptionnel que la mauvaise foi se produise, mais elle existe. Mais on fait preuve d'une maudite bonne patience! Pendant ce temps-là, il y a des dossiers qui ne se règlent pas. Moi, j'ai l'intention, éventuellement, de recourir davantage au ministre responsable de ces organismes-là comme de recourir davantage aux médias pour dénoncer sur la place publique des situations absolument injustifiées et pour lesquelles l'administration prend trop de temps à vouloir changer les choses.

Le Président (M. Dauphin): Merci, Me Jacoby. M. le députe de Rouyn-Noranda-Témis-camingue et vice-président de la commission.

M. Trudel: Merci, M. le Président. On se rend bien compte, à la lecture du document que vous avez déposé, ce matin, en vue d'examiner votre mandat et vos activités... J'espère que ce ne sera pas aussi long qu'à la commission des affaires sociales, mais j'ai comme l'impression qu'on ne réglera pas tout ça dans une journée, parce qu'il y a beaucoup, beaucoup de choses. Vous nous centrez bien, là, par rapport à vos fonctions et à vos responsabilités, l'espèce de

débat de la protection, puis de l'exercice des droits pour les citoyens. Quand on vous voit énumérer, décrire votre travail, en particulier, au cours de la dernière année, c'est vrai, effectivement, on revoit, on voit défiler devant nous ce qui se passe dans un bureau de comté ou encore ici, à l'Assemblée nationale, et on se dit qu'on est un peu tout ça.

Et, moi, la première réflexion qui me vient en vous écoutant, c'est qu'il me semble, comme trame du rapport de vos activités et de vos commentaires, que vous semblez manquer essentiellement de liberté et de moyens pour agir. Je voudrais bien que ça aille au-delà de la bonne volonté manifestée. Vous n'avez pas l'air tout à fait à l'aise - je parle de la fonction, là - dans le cadre qui vous est fait au sein de la grande administration publique. Et c'est important, ce que vous nous rappelez tout de suite à la cinquième page de votre rapport, pour faire un point d'ancrage. C'est une citation très large, mais vous vous référez à ce jugement Cour suprême et Protecteur du citoyen, en Colombie-Britannique, où le juge concluait que "les pouvoirs que possède l'ombudsman lui permettent d'aborder les problèmes administratifs que les pouvoirs judiciaire, législatif et exécutif ne peuvent résoudre efficacement". Si on part de tout ça, je pense qu'on va faire un grand examen de ce que vous faites, de ce que vous pourriez faire, de ce que vous souhaitez faire, de ce qu'on souhaiterait que vous puissiez exercer comme mandat et je pense que ça peut nous mener assez loin.

Place du citoyen dans l'appareil gouvernemental

Le mandat qui vous est dévolu formellement par la loi adoptée en 1968, il regarde essentiellement - il faudrait que je le trouve, là - le citoyen qui est lésé par l'appareil. Ce n'est pas comme ça que c'est écrit juridiquement, mais c'est ça que ça veut dire. Ce que vous nous dites ce matin, et avec les questions qui viennent de vous être posées, c'est qu'il y a également ce que j'appellerais un autre type de lésions, entre guillemets, qui se produit de plus en plus par l'appareil bureaucratique; on pourrait appeler ça les effets de système. Autant on a mis d'efforts dans le système de l'administration publique et des sous du public, par la nomination et la constitution d'un bureau du vérificateur financier, autant je pense qu'on procède très peu, sinon pas du tout, à ce que les Américains appellent le "loaded management"; en français, je pense qu'on a traduit ça par "la vérification intégrale" ou quelque chose du genre... Une voix: Intégrée.

M. Trudel:... intégrée. Est-ce qu'il ne serait pas souhaitable que l'on puisse - parce qu'on se le donnerait par volonté du législateur - constituer, mais très clairement, dans la loi, une partie de votre mandat qui devrait s'intéresser non seulement aux problèmes que l'on rencontre, mais aussi aux pratiques de système et aux effets qu'elles ont sur la vie des citoyens, et qu'il y ait quelqu'un, au-dessus de l'instance suprême qui s'appelle l'Assemblée nationale - et, uniquement pour donner une image, qui ferait comme le Vérificateur général des comptes - qui ferait en quelque sorte le diagnostic de la place du citoyen dans l'appareil gouvernemental et, dans les systèmes énormes, tels qu'ils sont constitués actuellement, de ce qu'on en fait, du citoyen. Prendre la perspective du citoyen pour examiner ce que sont les pratiques, ce que sont les contradictions, là où sont les difficultés, de façon à inviter les membres de l'Assemblée nationale, les grands intervenants autour de ces questions-là, à, annuellement, avoir une espèce de brique de références sur des pratiques à rectifier. À cet égard-là - et je vous prierais de ne pas me parler de moyens parce qu'on va y revenir - est-ce que ce ne serait pas souhaitable et quel devrait être, si c'est le cas, ce mandat, et comment l'exerceriez-vous, pensez-vous, dans cette problématique de l'envahissement de la bureaucratie dans la vie des citoyens?

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député. Me Jacoby.

M. Jacoby: La loi prévoit déjà, avec des modifications qui ont été apportées en 1987, que nous pouvons faire des interventions de nature systémique et nous en faisons, sauf qu'on ne les fait pas de matière systématique. On ne parlera pas de moyens, mais c'est d'abord un problème de moyens. On en fait et ça prend beaucoup de temps, beaucoup d'analyses, beaucoup de recherches et c'est très complexe. Par exemple - et je vais vous donner un exemple sur lequel on va sortir bientôt - on a beaucoup de plaintes de citoyens, disant: L'administration s'est trompée dans le versement de prestations. Elle s'est trompée. On a trop payé, que ce soit la Régie des rentes qui a trop payé ou il y a une erreur qui a été commise par la CARRA, l'aide sociale, la CSST et la RAAQ, et j'en passe, et j'en passe. Il y a des gens qui se plaignent parce qu'ils trouvent que le ministère, quand il vient pour recouvrer le montant dû, charrie un peu, en demande trop ou en disant: C'est la faute de l'administration et ainsi de suite. (12 h 45)

Alors, ce qu'on est en train de découvrir, c'est qu'il n'y a pas, dans l'appareil gouvernemental, deux régimes de recouvrement qui soient semblables. Alors, le citoyen, un jour, a un problème avec la Régie des rentes, n'est-ce pas, qui s'est trompée; la Régie des rentes maintenant, elle revient pour quatre ans en arrière, elle balaie le reste, mais là, elle va

chercher 50 % sur la rente pour personnes âgées. Clang! On arrive à l'aide sociale; si c'est une erreur administrative, il n'y a pas de recours. Il n'y a pas très longtemps, au ministère des Transports, on réclamait des dommages de plusieurs milliers de dollars après 12 ans, en vertu du principe qu'on ne prescrit pas contre la couronne.

Ce qu'on découvre, c'est que les citoyens ne sont pas traités également par l'administration gouvernementale quand il s'agit de rembourser des dettes, avec des effets dévastateurs. Par exemple, si, pendant plusieurs années, la Régie des rentes a versé a un retraité une somme d'argent et qu'on découvre plus tard que c'était trop, qu'il y avait eu une erreur, bon, on efface au-delà de quatre ans, mais, pendant ce temps-là, parce que la personne a eu un montant x de la Régie des rentes, elle n'a pas touché le supplément du revenu garanti d'Ottawa. Et alors, quand on réclame le remboursement, Ottawa ne paie pas rétroactivement le montant du supplément garanti. On crée des injustices absolument épouvantables et on retrouve ça dans tous les secteurs.

Alors, moi, je me suis dit et nous nous sommes dit: Ça n'a pas de maudit bon sens. Il va falloir qu'on propose au gouvernement d'adopter des politiques de recouvrement qui soient uniformes ou relativement uniformes et qui tiennent compte du fait que, dans certains cas, c'est l'erreur de l'administration, qui tiennent compte aussi de la capacité de payer de la personne et ainsi de suite. Alors, ça, M. le député, c'est un exemple de dossiers systémiques, mais ça demande des recherches, des études, beaucoup, beaucoup de temps, beaucoup de ressources.

M. Trudel: Est-ce que...

Le Président (M. Dauphin): Dernière question, M. le député. Allez-y.

M. Trudel: J'ai compris tantôt que vous aviez dit: Quant au rôle des médias comme instrument, je me retiens souvent pour ne pas utiliser la partie médias. Si c'est ça, vous vous retenez pourquoi?

M. Jacoby: Bien voilà! Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jacoby: C'est un des recours qui sont prévus dans la loi. On a différents recours. Si, par exemple, un ministère ne suit pas notre recommandation, on peut en appeler au Conseil des ministres, on peut déposer un rapport spécial à l'Assemblée nationale, on peut recourir aux médias même pendant une enquête. Pourquoi on ne recourt pas aux médias? Parce que moi, je me dis que c'est l'outil ultime, en prin- cipe. Je pense que je vais recourir aux médias lorsque j'aurai épuisé tous les moyens, dans la mesure où ça ne devient pas déraisonnable dans le temps d'attendre que tous les moyens soient épuisés.

Par ailleurs, ça nous met, je dois le dire, dans une position terriblement délicate. On ne se le cachera pas là. Qui détermine le budget et les effectifs du Protecteur du citoyen? Qui? Je négocie avec des fonctionnaires du Conseil du trésor. Je n'ai aucun ministre qui me représente. El, même si un ministre; me représentait, il pourrait être en conflit d'intérêts ou nous pourrions l'être. O. K. Quand je demande des ressources pour mieux excercer mon mandat et qu'en même temps - j'y pense à deux fois - je pense à sortir sur la place publique, on est dans une situation de conflit d'intérêts total. Ce n'est pas compliqué. Et je pourrai dans les prochains mois vous donner des exemples précis de ça. C'est une des vérités. Mais il y a aussi le fait que c'est un recours qu'on ne va utiliser qu'avec beaucoup de parcimonie.

Le Président (M. Dauphin): Parce qu'il reste dix minutes et il y a deux autres parlementaires qui m'ont demandé la parole. Dix secondes, allez-y, M. le député.

M. Trudel: Dix secondes. Pendant nos travaux ici, on va très certainement revenir là-dessus parce que vous touchez l'essentiel de vos fonctions en termes de protection. Et je comprends très bien le dilemme et ça fait plusieurs années que vous le dites. Mais là, il faut que cette commission unanimement affirme à l'Assemblée nationale et réclame des modifications dans le processus. Ça n'a aucun bon sens de mettre le Protecteur du citoyen dans cette situation. Ça n'a aucun bon sens. Et il faut faire les recommandations nécessaires pour rendre la situation acceptable. On va revenir là-dessus. C'est trop important ce que vous nous dites là, quant à moi.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député. M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Merci, M. le Président. Compte tenu de l'heure, je ne ferai pas de commentaire pour le moment. Je vais poser deux questions spécifiques. On sait qu'aujourd'hui on est ici - aujourd'hui et dans les jours qui suivent si nécessaire - pour examiner les orientations du Protecteur du citoyen. On remarque que, le 27 février, quand vous avez comparu devant la commission de l'éducation, vous avez présenté un mémoire justement et vous avez dit: C'est la première fois depuis la création de l'institution du Protecteur du citoyen, il y a 20 ans, que le Protecteur du citoyen se présente en commission parlementaire pour faire des commentaires sur un projet de loi.

Intervention sur des projets de loi

Moi, je me demande: Est-ce une des nouvelles orientations que vous allez prendre - dans le cas présent, c'était concernant l'aide financière aux étudiants - dans l'avenir, justement, de vous présenter devant des commissions parlementaires et est-ce que ça vient de vous autres? Est-ce une demande des ministères ou est-ce une invitation que vous recevez? Est-ce une initiative de votre part, c'est-à-dire une nouvelle orientation en général que vous allez prendre pour intervenir justement dans des projets de loi semblables?

Le Président (M. Dauphin): M. Jacoby.

M. Jacoby: Alors, sur cette question, M. le député, d'abord, je dois vous dire que les ministères ne me consultent généralement pas quand ils préparent des projets de loi. Alors, vous pouvez bien vous imaginer qu'ils ne nous invitent pas à aller en commission parlementaire quand on en discute. C'est une initiative que nous avons prise parce que je pense que le rôle du Protecteur du citoyen est aussi un rôle de prévention. Si, à la lecture d'un projet de loi, compte tenu de l'expérience ou de l'expertise qu'on a, on réalise que telle disposition peut être source d'injustice ou avoir trop d'ambiguïté, ainsi de suite, on va expliquer aux parlementaires qu'il y aurait peut être lieu d'amender, d'apporter des amendements au projet de loi. C'est nouveau. C'est une initiative, une nouvelle orientation que nous avons prise. Et on va le faire avec les moyens du bord. On a l'intention également de le faire davantage sur les projets de règlement. Par ailleurs, je peux vous dire une chose, c'est que, parallèlement à cette nouvelle initiative, nous avons aussi développé depuis quelque temps l'habitude d'envoyer aussi des commentaires sur certaines dispositions de projets de loi ou de projets de règlement au ministre responsable, sans que ça aille nécessairement sur la place publique ou qu'on le fasse dans le cadre d'une commission parlementaire. Puis, vous savez, il arrive fréquemment que les projets de loi soient modifiés de par nos interventions. Alors, finalement, je pense que le Protecteur du citoyen, comme outil de l'Assemblée nationale, peut être 1res utile on vue de faire des analyses systématiques de projets de loi et de projets de règlement, pour faire de la prévention pour l'avenir.

M. Kehoe: Je lis les coupures de journaux que vous avez fournies ce matin et je vois qu'il y a un manque de personnel. Vous n'avez pas les ressources nécessaires pour traiter les cas qui vous sont soumis, là. Il y en a tellement, cette année, vous en avez fait l'inventaire, tantôt. J'imagine que préparer des mémoires, là, lire la législation, et s'impliquer dans ces dossiers-là, ça doit prendre énormément de temps de votre personnel, la préparation de ces affaires-là. C'est ça que je demande justement: Est-ce une nouvelle orientation? Est ce que ça va prendre des spécialistes, du nouveau personnel? De quelle façon entendez-vous procéder dans ça?

Le Président (M. Dauphin): Me Jacoby.

M. Jacoby: Merci. Non, écoutez, prenons l'aide financière aux étudiants, le projet de loi qui a été déposé sur l'aide financière aux étudiants. J'ai des délégués, des collaborateurs qui sont affectés à tous les dossiers de plaintes émanant d'étudiants qui se plaignent du ministère de l'Enseignement supérieur au niveau de l'octroi de bourses ou de l'octroi de prêts. J'ai déjà les spécialistes en place. Ce qui est plus complexe, ce qui demande plus de temps, là, c'est de regarder ça dans un ensemble. Et même on a pris position sur des choses sur lesquelles on n'avait pas eu de plaintes, mais où on pensait qu'il y aurait peut-être des problèmes. Mais ça ne demandera pas plus de spécialistes. Sauf que, pendant qu'on fait ça, là, pendant qu'on fait du "brainstorming" sur un projet de loi, bien les plaintes, elles, s'entassent pour quelques jours, quelques semaines, c'est sûr.

M. Kehoe: Dans un autre ordre d'idées, une dernière question, M. le Président. Tantôt, le député d'Anjou et d'autres députés ont parlé des cas de comtés que vous avons à traiter, comme députés. Vous savez, souvent les gens viennent nous voir en dernier ressort. Ils ont essayé tous les autres moyens, tous les autres endroits et la référence est toujours, lorsqu'il n'y a pas d'autre chose à faire: Allez voir votre député, il va arranger tout ça, changer tout le monde et tout le reste. Moi je me demande: En autant que vous, le Protecteur du citoyen, êtes concerné, là, quand il vient nous voir, là, la complémentarité ou le fait de travailler ensemble avec vous autres, là, avec le Protecteur du citoyen, de quelle façon fait-on cela? Mettons que nous autres, on tente par tous les moyens de régler le problème et ça ne se règle pas pour des raisons que j'ignore, surtout quand on est député du côté ministériel, si on ne peut par régler cette cause là nous-mêmes, là, est-ce que vous avez des moyens, qu'on n'a pas, que vous, le Protecteur du citoyen, vous pouvez prendre pour tenter de régler un problème à ce moment-là?

M. Jacoby: Nous avons certains moyens que vous n'avez pas. Par exemple, vous pouvez avoir un problème. Un citoyen se plaint, va vous voir et puis vous dit: Oui, mais on ne m'a pas rendu tel service, tel avantage ou ainsi de suite. On m'a privé de ci ou de ça. Bon. Là, vous vérifiez avec le ministère, le bureau du ministre concerné, des vérifications sont faites dans l'administration et on vous répond: C'est conforme à

la loi. O.K. Ce que nous faisons, nous, c'est qu'on va plus loin que ça. On peut arriver à la conclusion que l'interprétation que fait l'administration de sa loi, ou du règlement, ou de sa propre directive, est déraisonnable, qu'eHe est abusive, qu'elle va contre la charte. Nous avons les moyens de faire ça, ce qui fait qu'on peut régler ce type de dossiers là.

Ou encore, vous savez, il ne faut pas se le cacher, dans la vraie vie de tous les jours, lorsque les fonctionnaires sont sollicités par rapport à une demande qui émane d'en haut de ta structure, 9 se peut très bien qu'il y ait une certaine réticence naturelle qui soit là et que, finalement, en toute bonne foi, toutes les informations ne paraissent pas, parce que, en plus, il y a des dossiers qui sont divisés entre différentes unités, et ainsi de suite. Alors, des fois, la réponse qu'on peut vous donner, comme député, elle peut être, je dirais, brève. Nous avons les moyens, au niveau de nos pouvoirs d'enquête, d'aller chercher tous les éléments du "puzzle". Enfin, il y a des choses qu'on peut faire et, dans ce sens-là, on peut avoir un rôle très complémentaire. C'est sûr.

M. Kehoe: Mais, concrètement, quand on a un cas de comté comme ça, est-ce qu'on devrait le référer au Protecteur du citoyen, prendre les moyens et, si ça ne marche pas, après ça, le référer à vous? Je veux dire...

M. Jacoby: Écoutez...

M. Kehoe: ...c'est dans l'actualité, souvent, que ça arrive comme ça. On a un rôle à jouer et il faut absolument qu'on le joue, mais si on réfère immédiatement le citoyen au Protecteur du citoyen, je me demande comment vivre avec tout ça.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député. Nous allons terminer notre avant-midi avec le député de Westmount. Me Jacoby, juste avant.

M. Holden: Vous ne me donnez pas grand temps, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Non, on terminera à 13 h 10, on va vous laisser vos dix minutes.

M. Holden: C'est que...

Le Président (M. Dauphin): Juste un instant, Me Jacoby...

M. Holden: Ah, oui! Vous avez une réponse.

Le Président (M. Dauphin): ...a sa réponse. Ensuite de ça, on vous donnera la parole, M. le député.

M. Jacoby: M. le député, il y a une chose qui est claire pour moi: le parlementaire, c'est aussi un ombudsman à sa façon et dans le cadre de protéger les intérêts de ses commettants. Je pense qu'il est tout à fait normal que le député lui-même commence par tenter de régler la situation. C'est le jeu de la démocratie. Cependant, si, après coup, il arrivait que vous ayez essuyé un non de la part du ministère ou de l'organisme concerné et qu'il subsiste des doutes dans votre esprit, vous pouvez certainement dire au commettant: Allez voir le Protecteur du citoyen SU y a des bouts du dossier qui n'ont pas été vus comme il faut par I administration et ainsi de suite, en tout cas, vous pouvez certainement nous envoyer... Je peux vous dire qu'il y a des membres de la deputation qui nous transmettent régulièrement des dossiers, comme il arrive également que de nombreux avocats du privé, quand ça déborde le cadre de l'application de la loi, nous envoient des dossiers de leurs clients.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Me Jacoby. M. le député de Westmount, tout en vous signalant que nous allons terminer nos travaux à 13 h 10.

Juridiction sur le réseau de la santé et des affaires sociales

M. Holden: Oui. M. Jacoby doit avoir faim. Votre bureau est tellement plus grand maintenant, M Jacoby; dans le temps de M. Marceau, moi j'étais seul, à Montréal, avec une secrétaire, pendant un an. Mais, justement, avec le député de Rouyn Noranda-Témiscamingue, on vient de la commission dos affaires sociales où lui. M. le député de Rouyn Noranda-Témiscamingue, et son leader parlementaire, dans leurs déclarations de fermeture à cette commission, où vous avez fait une intervention, ont dit: "L'abondance des plaintes, mais surtout l'importance des recours souples et efficaces, et non judiciaires, exigent la création de mécanismes locaux et régionaux de protection, de même que l'extension de la juridiction du Protecteur du citoyen au réseau". Je n'ai pas compris si ça voulait dire... C'est le Protecteur du citoyen, ce n'est pas uniquement un protecteur du citoyen local?

M. Trudel: Au moins en dernière instance.

M. Holden: Et j'ai compris que vous aviez beaucoup de plaintes du côté de la santé sur lesquelles vous ne pouviez pas faire enquête, mais je n'ai pas compris si vous demandez à la commission d'étendre votre juridiction. Est-ce que vous voulez l'avoir? Parce que vous allez en avoir en masse, si vous acceptez de la prendre, mais est-ce que, effectivement, vous la voulez, cette juridiction-là?

Le Président (M. Dauphin): Me Jacoby.

M. Jacoby: Effectivement, vous savez, depuis que je suis là, moi, j'ai découvert qu'il y avait plus de problèmes dans le réseau de la santé et des services sociaux en termes d'exercice et de protection des droits, et, depuis mon premier rapport annuel, je dis: II faut que le gouvernement crée un mécanisme de recours externe pour le réseau. Effectivement, lorsque j'ai comparu devant la commission parlementaire, il y a quelques semaines, j'ai insisté sur le fait qu'il devait y avoir un mécanisme de recours externe de troisième ou de dernier niveau et j'ai offert également aux autorités que le Protecteur du citoyen puisse assumer cette juridiction.

Maintenant, ce que je voudrais vous dire, cependant, c'est que c'est vrai qu'on recevrait de nombreuses plaintes, mais, dans la mesure où le Protecteur du citoyen, au niveau du réseau de la santé et des services sociaux, serait le troisième niveau ou l'ultime recours, et que, au niveau de chacun des établissements et au niveau des régies régionales, il y aurait des mécanismes de recours, moi, je pense qu'on ne serait pas inondés beaucoup, mais qu'on pourrait faire beaucoup plus d'interventions de nature systémique, sauf les cas d'urgence. Mais je pense que c'est une question d'aménagement un peu administratif.

M. Holden: Dans la loi, pour étendre votre juridiction, ce ne serait pas un gros amendement?

M. Jacoby: II faudrait modifier un article parce que notre juridiction n'est basée strictement que sur la qualité de fonctionnaire de l'employé qui travaille dans un ministère ou organisme. Or, comme ce ne sont pas des fonctionnaires, il faudrait y aller plus directement.

M. Holden: C'est l'article 11 qui...

M. Jacoby: Oui.

M. Holden:... vous gouverne.

Une voix: 14.

M. Holden: 14?

Une voix: Oui.

M. Jacoby: En référant, par exemple, à tous les établissements qui sont visés par la Loi sur la santé et les services sociaux, le gouvernement nous donnerait juridiction de cette manière-là, indépendamment du statut de fonctionnaire.

M. Holden: Ça ne serait pas un peu long de passer par un ombudsman à l'hôpital et, ensuite, un ombudsman régional et, finalement, chez vous? Pensez-vous que...

M. Jacoby: Ça, ça va dépendre des établissements locaux. Ces établissements locaux se limitent à dire qu'ils doivent fournir des services de santé et des services sociaux de qualité sans, par ailleurs, qu'on assortisse à cette obligation - et c'est ce que j'ai proposé en commission parlementaire - que ceci se fasse dans le respect des droits et que, par ailleurs, on traite les gens avec diligence et avec les égards qui leur sont dus. Si on fait ça au niveau local et qu'au niveau local il y a cette responsabilité, la culture va changer à moyen terme, on verra les choses différemment et on va faire en sorte que les droits ne se perdent pas à ce niveau-là. Ça va prendre un certain temps. Mais, moi, je crois que l'imputabilité doit commencer là, au bon endroit, et non pas en Cour suprême ou ailleurs.

M. Holden: Oui Moi, je siège au Bureau de l'Assemblée nationale. Finalement, ce que vous demandez, effectivement, c'est que votre budget soit, comme le budget du Vérificateur général, soumis au Bureau, n'est-ce-pas?

M. Jacoby: Oui.

M. Holden: Je peux vous dire que, pour ceux qui y ont déjà siégé, ce n'est pas une étude à tout finir. L'étude du budget du Vérificateur, ça a pris, je pense, une demi-heure ou quelque chose du genre. Mais, là, vous n'auriez pas ce problème de conflit avec le... Je trouve que c'est tout à fait raisonnable, mais je ne sais pas. C'est parce que ce sont les gens, en face, qui décident tout, ici. Ce n'est pas nous autres. Alors...

Des voix: C'est le gouvernement qui décide.

M. Holden: Je suis d'accord avec vos points, avec ce que vous avez soulevé, mais on va voir ce qu'eux décident. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Merci, M. le député de Westmount. Donc, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, après les affaires courantes, c'est-à-dire la période des questions. Nous poursuivrons cet échange et je me réserve, personnellement, quelques questions, Me Jacoby, pour vous.

Dépôt de document

J'aimerais en profiter aussi pour que nous puissions déposer le texte de Me Jacoby, sous la cote 1M, pour nos travaux. Nous vous souhaitons un bon appétit et à cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 h 8) (Reprise à 16 h 20)

Le Président (M. Dauphin): La commission reprend ses travaux et je vais reconnaître dès

maintenant Mme la députée de Tertebonne

Mme Caron: Merci, M. le Président. Dans un premier temps, je tiens vraiment à vous remercier de l'exposé de ce matin et je pense que le document que vous nous avez remis démontre très clairement la nécessité du mandat du Protecteur du citoyen dans cette grande bureaucratie que nous vivons dans tous les ministères et les organismes découlant de ces ministères. Il est évident que les citoyennes et citoyens éprouvent de nombreuses difficultés. Il suffit de travailler dans un bureau de député ou d'être député quelques mois pour le comprendre, et très rapidement. Donc, votre travail est extrêmement précieux.

Plaintes non fondées

Quand vous nous mentionniez qu'il y a environ 70 % des plaintes reçues qui ne sont pas fondées, je trouve le pourcentage extrêmement élevé et j'aimerais avoir quelques précisions. Est-ce que c'est surtout parce que votre mandat n'est pas suffisamment large ou tout simplement parce que les citoyens n'ont aucune raison dans la plainte qu'ils formulent?

Le Président (M. Dauphin): Me Jacoby.

M. Jacoby: II y a deux éléments dans votre question. Nous distinguons les plaintes recevables par rapport aux plaintes qui ne sont pas recevables. Ne sont pas recevables chez nous les plaintes qui concernent des organismes qui ne sont pas des ministères ou organismes du gouvernement comme, par exemple, le réseau de l'éducation, le réseau de la santé et des services sociaux et certaines sociétés d'État ainsi que des plaintes concernant des municipalités. Et ça, le gros des rejets, ça représente pour l'année en cours... Excusez. Voyez-vous, pour l'année 1988-1989, nous avons eu 21 970 demandes, mais là-dessus il y en a 54 % qu'on a dû rejeter faute de juridiction. L'absence de juridiction peut découler aussi du fait qu'il y a beaucoup de personnes qui pensent qu'avec le titre que nous portons on peut régler n'importe quoi. Alors, par exemple, des conflits entre personnes privées ou des gens qui communiquent avec nous parce qu'ils voudraient qu'on règle leurs problèmes de ménage ou des choses comme ça. Or, tout ça, c'est une série de plaintes qu'on ne peut pas examiner parce qu'on n'a pas juridiction. Cependant, ce que nous faisons pour ces plaintes, nous agissons comme courroie de transmission, et nous leur indiquons à qui s'adresser. Dans certains cas, on leur dit tout simplement de s'adresser à un avocat, lorsqu'on pense qu'il y a matière à ce que ce soit dans les mains d'un avocat.

Par ailleurs, sur les plaintes dites recevables, c'est-à-dire celles qui sont de notre ressort, on constate, après enquête, et ça c'est une moyenne générale, que 30 % des plaintes sont fondées Mais ça c'est une moyenne générale. Si je prends par secteur, par exemple, au niveau des plaintes qui nous émanent, qui concernent, qui mettent en cause la CSST, le taux de plaintes fondées est très élevé. Il est de plus de 42 %. Quand on arrive dans les services correctionnels du gouvernement, les plaintes fondées sont de l'ordre de 18 %. Quand on arrive en sécurité du revenu, à l'aide sociale, les plaintes sont de l'ordre de 30 %

Maintenant, pour répondre plus précisément à votre question, vous posez la question, vous interrogez, est-ce que, finalement, les 70 % de rejet des plaintes sur lesquelles nous avons enquêtées, est-ce que c'est élevé? C'est difficile de répondre à ça, parce que, moi, ce que je peux constater, à tout le moins, c'est que, très souvent, si les gens s'adressent à nous, c'est parce que, ou bien ils ne comprennent pas ce qu'on leur dit... Je vais vous donner, par exemple, des décisions de certains organismes qui sont sensés être motivées Quant on lit la motivation, par exemple certaines décisions de la Régie de l'assurance automobile, ou certaines décisions de la CSST, c'est écrit dans un jargon administratif. Alors la personne ne comprend pas, elle communique avec ces organismes là, et ces organismes-là, pour différentes raisons, et probablement parce qu'H y a insuffisance de ressources, ne prennent pas le temps de leur expliquer ce qu'il en est dans des termes qu'ils vont comprendre. Et alors, le phénomène qui se produit, c'est que la personne, sentant qu'on ne veut pas lui répondre à toutes fins pratiques, elle le perçoit comme ça, ou encore parce qu'elle se fait renvoyer d'un service à un autre, cette personne là peut avoir le sentiment profond qu'on abuse d'elle, qu'elle est victime d'une injustice. Et là elle atterrit, elle s'adresse chez nous, et nous, à ce moment-là, on fait l'enquête. Nous avons des spécialistes dans tous les domaines de l'activité gouvernementale et notre enquête ne se limite pas à examiner des documents ou à examiner si le fonctionnaire a agi conformément à la loi. On va plus loin que ça. On peut remettre en question l'interprétation que les fonctionnaires font de directives. On peut remettre en question la raisonnabilité d'une directive, et ainsi de suite. En plus, on reçoit des réponses des fonctionnaires. Mais, comme nous sommes aussi spécialistes que le tond ion naire qui est devant nous, nous pouvons vérifier la pertinence ou la qualité de sa réponse. Mais, tout ceci étant dit, on arrive à la conclusion, dans plusieurs cas. que la personne n'a pas été victime d'une injustice.

Maintenant, si on parle de chiffres, si je fais des comparaisons avec d'autres pays où il y a des ombudsmans, dans certains pays, le taux de plaintes fondées est de l'ordre de 50 %. Je pense notamment aux ombudsmans de certains pays d'Afrique ou d'Amérique du Sud. Mais c'est

très difficile de dire si c'est élevé ou pas. Est-ce que ça répond à votre question?

Méconnaissance du rôle du Protecteur du citoyen

Mme Caron: Oui. Dans votre document, vous précisez qu'il y a de moins en moins de confusion entre le Protecteur du citoyen et l'Office de la protection du consommateur; est-ce qu'il y aurait lieu, quand même, de se donner des moyens supplémentaires pour qu'il y ait de moins en moins de confusion entre ces deux bureaux?

M. Jacoby: Je pense que le problème repose fondamentalement sur l'utilisation du mot "protecteur" ou "protection". Nous avons beaucoup de gens qui communiquent chez nous et qui nous confondent avec, par exemple, l'Office de la protection du consommateur, mais on est aussi confondus avec la Commission de protection des droits de la jeunesse, ça s'appelle comme ça maintenant, on est aussi confondus avec la Commission des droits de la personne, on est parfois confondus avec la Protection publique. Je pense que c'est le mot "protection" qui cause problème. Mais c'est sûr que les personnes, les citoyens qui sont en dehors de l'appareil gouvernemental ne font pas ou ne sont pas informés de toutes ces distinctions-là. Je pense que ce ne serait pas facile de clarifier, au niveau de la population, les juridictions de tous et chacun. Mais, de toute façon, ce n'est pas nécessairement un problème pour le citoyen. La seule chose c'est que, quand il téléphone chez nous, on lui explique que le problème qu'il a avec un commerçant, c'est l'Office de la protection, on le réfère à des personnes à l'Office de protection du consommateur. On réfère finalement à l'organisme concerné. Il faudrait peut-être changer les noms.

Mme Caron: Au risque d'apporter d'autres confusions, peut-être. Ma question était plus dans le sens de savoir si vous considérez que votre rôle est suffisamment connu des citoyennes et des citoyens.

M. Jacoby: Non. Je pense que notre rôle est méconnu. Parce qu'il n'y a jamais eu tellement de publicité de l'institution comme telle, pour une foule de raisons, y compris, j'imagine, des questions budgétaires, y compris aussi le fait que l'institution du Protecteur du citoyen n'a pas été trop trop souvent sur la place publique. Il y a une étude qui a été faite, il y a quelques années en 1986, 1987, et qui disait que l'on était connu comme institution par moins de 5 % de la population. Mais, en plus, c'est que, parmi ces 4 ou 5 % de population qui nous connaissaient, la majorité d'entre eux ne savaient pas ce que nous faisions. (16 h 30)

Alors, il est évident qu'il y a un problème, parce que, fondamentalement, je considère que le recours au Protecteur du citoyen, en tout cas dans certains cas, est certainement le recours approprié. Je pense qu'il y a beaucoup de droits qui se perdent parce qu'il y a même des gens, vous le savez, qui n'osent même pas aller au bureau du député. Il y a beaucoup de gens qui ne sont pas capables de franchir cette barrière. Ce sont des personnes qui ne s'adresseront pas à des avocats, probablement pour des raisons monétaires. Finalement, il y a beaucoup de droits qui se perdent. Autant je pense que c'est le rôle des députés de se faire connaître, mais ça je pense que c'est bien acquis dans la population, autant je pense qu'il est important, aussi, que le Protecteur du citoyen se fasse connaître. Ce que nous avons fait depuis deux ans, nous avons pris certaines initiatives. Notamment, nous avons rencontré de plus en plus des groupements ou des associations de différentes catégories de personnes: les personnes âgées, les communautés culturelles. On a pris l'initiative, peut-être, de se rapprocher davantage de ce que j'appelerai les clientèles plus vulnérables. Mais ça se fait d'une manière très sporadique. On n'a pas de programme de communications comme tel. On a également pris l'initiative d'avoir une chronique régulière dans la revue Justice, dont le tirage est de l'ordre de 50 000 et on réalise que, par ce biais-là, on se fait connaître davantage. Également, depuis quelque temps, nous publions un dossier d'enquête qui rapporte, en termes simples, dans la mesure du possible, des dossiers que nous régions, et je n'ai jamais refusé de répondre aux questions de journalistes. Je n'ai jamais refusé de participer à une émission d'affaires publiques, mais c'est sûr qu'on est très méconnus. Le grand drame qui peut se poser, c'est que, si on était très connus, où est-ce qu'on irait? J'ai une réponse à ça.

Mme Caron: Laquelle?

Non-imputabilité des fonctionnaires

M. Jacoby: Oui. C'est que je pars du principe que l'institution d'ombudsman ne devrait pas exister si les gens étaient vraiment imputables dans l'administration, si tout le monde était également imputable. Le discours que je tiens depuis quelques mois, c'est de dire aux ministères et organismes: Assumez-vous, assumez vos responsabilités. Vous êtes les premiers à être, vous êtes la source même des erreurs, des injustices et des abus qui sont commis. Consé-quemment, organisez-vous pour, en vertu de votre imputabilité, commencer à les corriger vous-mêmes.

J'ai eu l'occasion, il n'y a pas très longtemps, en plus de ce discours que je tiens depuis plusieurs mois, d'être invité à ce que l'on appelle le forum des sous-ministres et je leur ai dit de

se prendre en main. Moi, ce que je pense, c'est la chose suivante - mais ça ne sera pas demain matin - à partir du moment où la fonction publique, l'administration, va être beaucoup plus sensible à la notion de qualité du service à la clientèle, pas juste des mots mais dans les faits, en élaborant des programmes de qualité, en sachant d'abord ce qui se passe dans leur propre ministère ou organisme, à partir du moment où ils vont désigner des responsables dans chaque ministère et organisme pour le traitement des plaintes dans les cas ultimes, je pense que, normalement, sur du moyen ou du long terme, les problèmes devraient se régler en grande partie au niveau des ministères et organismes. Ça ne veut pas dire qu'on va perdre juridiction sur les dossiers, parce qu'une personne qui s'adressera à ces services de plaintes là pourrait toujours recourir à nous si jamais elle n'est pas satisfaite de la réponse qui lui est donnée. Alors, en tenant ce discours-là et en convainquant les administrations d'être plus soucieuses de la qualité des rapports, je pense que, à moyen et à long terme, cette notion d'imputabilité, elle va peut-être s'ancrer dans les moeurs quand on parle, en tout cas, des rapports avec la population et des différentes clientèles que l'administration dessert.

Vous savez, il y a un autre problème qui est absolument fondamental. Il n'y a pas un ministère ou un organisme du gouvernement - en tout cas, je n'en connais pas, il y en a peut-être mais - qui sait, il n'y a personne qui sait combien de plaintes sont adressées à l'endroit de ce ministère ou cet organisme, quel genre de plaintes sont adressées à ce ministère ou cet organisme, comment ces plaintes sont réglées et dans quel délai elles sont réglées parce que, dans les ministères et organismes qui, pour la plupart, ont des réseaux décentralisés ou déconcentrés sur le territoire, les plaintes arrivent de partout. Les plaintes peuvent arriver par le bureau du député, les plaintes peuvent arriver directement au cabinet du ministre, les plaintes peuvent arriver derrière le comptoir dans un point de services de la Régie de l'assurance automobile ou un palais de justice, les plaintes peuvent arriver parce qu'on a des connections au gouvernement, on connaît des fonctionnaires. Ça arrive de tous bords, tous côtés. Il y a un phénomène humain qui se produit. Quels sont les fonctionnaires, il faut bien les comprendre, qui ont intérêt à faire connaître qu'il y a des plaintes qui sont portées contre leur service? Bon, le régime d'imputabilité, il y a une grosse erreur, je pense, dans les administrations publiques, c'est que les fonctionnaires n'ont pas le droit à l'erreur. À partir du moment où tu n'as pas le droit à l'erreur, tu es fait. Jamais tu ne vas remonter un dossier dans le système. Alors, moi, je pense que la première chose que les ministères et organismes doivent faire, c'est de se doter d'un mécanisme pour connaître les plaintes. De cette manière-là, ils vont connaître le type de problèmes qui existent dans l'administration de leurs programmes. Ils vont connaître le niveau de satisfaction de la clientèle et ils seront en mesure de réagir plus rapidement. Demandez à un sous-ministre ou à un dirigeant d'organisme, sauf peut-être à un petit organisme, ou même au cabinet d'un ministre ou un ministre: Quel genre de plaintes avez-vous? Bien sûr, il va vous donner des plaintes qu'il reçoit, soit dans son bureau de comté, soit dans son cabinet, mais il ne sera pas capable de dire, pas plus que le sous-ministre sera capable de dire: Voici le genre de plaintes qu'on a. Moi, je dis: II faut commencer par le commencement. C'est "back to the basics". Je pense qu'il faut commencer là. Il faut rendre imputable à la base, l'administration. Mais pour ce faire, il faut qu'elle se développe des outils pour savoir ce qui se passe.

Je vais vous donner un exemple. Lorsque j'étais sous-ministre, j'ai eu, une fois, un dossier ou deux qui m'ont été référés par le cabinet du ministre et qui concernaient des problèmes au niveau de la perception des pensions alimentaires dans les palais de justice. Alors, je demande un rapport sur la question. Quelques semaines plus tard, je reçois un rapport bien fait d'une vingtaine de pages où l'on m'expliquait que c'était un accident de parcours et que ça ne pourrait jamais plus se reproduire. Ce n'était pas un problème de système, ça ne pouvait plus se reproduire. J'étais très satisfait de ça. Lorsque, à la fin de 1987, je vais au bureaau du Protecteur du citoyen, je commence à regarder l'ensemble des ministères et organismes et je me garde pour la fin, bien sûr, la Justice et la Sécurité publique, parce que je suis sensé savoir ce qui se passe là, n'est-ce pas? J'arrive dans les dossiers de la Justice, et je réalise qu'il y avait au bureau du Protecteur du citoyen énormément de plaintes concernant la perception des pensions alimentaires. Comme je devais rencontrer le sous-ministre de la Justice à un lunch, le lendemain, pour discuter de différents dossiers, je me dis: C'est une bonne blague, je pourrai dire que depuis que je suis parti ça va mal. Sauf qu'en allant plus loin dans les dossiers je constate que tous ces dossiers remontaient à l'époque où j'étais là, et on n'en était pas informés. C'est ça la réalité qui se passe Plus on est dans la structure pyramidale de Taylor, moins on sait ce qui se passe.

Le Président (M. Dauphin): Merci, Me Jacoby. Ça va, Mme la députée?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Dauphin): Alors juste... j'aurais deux petites questions à vous poser, mais juste avant, pour l'information des membres de la commission et de nos invités, nous avons reçu avis que, vers 17 h 45, nous aurions un vote en

Chambre, où nous devrons être présents. Alors, si vous n'avez pas d'objection nous allons terminer nos travaux aussitôt que la cloche va sonner, Me Jacoby. Et puis je sais également que nous avons deux engagements financiers à vérifier. Alors nous ferons ça, possiblement, quelques minutes... lorsque la cloche va sonner, nous vérifierons vos engagements financiers.

Les protecteurs dans divers organismes

Je m'exécute immédiatement avec mes deux questions. J'ai lu dans plusieurs rapports et plusieurs conférenciers, lors du Congrès des ombudsmans canadiens ici, à Québec, ont fait état et se sont questionnés, justement, sur l'opportunité d'avoir plusieurs petits protecteurs, dans différents organismes, ou, ce qu'on appelle aussi ombudsmans exécutifs, ou bien donc un gros protecteur législatif avec beaucoup de monde et beaucoup de ressources. J'aimerais vous entendre là-dessus. C'est sûr que vous nous dites que c'est un début, que différents organismes ou ministère se donnent une personne responsable des plaintes, comme exemple, où se donnent un ombudsman exécutif. Prima facie, cela signifie que l'ombudsman exécutif, je présume quo, s'il devient trop gênant ou trop tannant, il peut être lassé assez facilement, c'est l'impression que j'ai. Alors, j'aimerais vous écouter brièvement là-dessus. Est-ce que vous désirez augmenter votre personnel de plusieurs dizaines de personnes et plusieurs centaines de milliers de dollars, ou bien donc si des ombudsmans exécutifs un peu partout seraient utiles dans la fonction publique québécoise?

M. Jacoby: Je pense que ce n'est pas facile de répondre à votre question, je pense que ça dépend de ce qu'on recherche. Si on recherche ultimement une personne qui soit la plus impartiale et la plus indépendante possible, je pense qu'il faut créer des mécanismes de type "ombudsman législatif". C'est la seule institution, à travers le monde, qui, parmi les ombudsmans, parce qu'il y en a de toutes sortes, soit vraiment une institution indépendante et, en principe, sans parti pris, mais ça ne veut pas dire qu'elle n'a pas de préjugés. Je pense que, en tout cas, comme recours ultime, c'est peut-être la solution, et, normalement, cette institution devrait relever des parlementaires. Quand on parle d'ombudsman exécutif, on parle de différentes sortes d'institution. Si je parle des services de plaintes dans les ministères, dont j'encourage la création, il est évident que ces services de plaintes relèvent du ministère, que les employés sont des employés du ministère, sauf que je pense qu'ils peuvent régler un paquet de problèmes. Évidemment, quand ça va remettre en cause des politiques du ministère, ils vont être dans une position peut-être délicate pour régler, par exemple, des dossiers de nature systémique ou des remises en question de politi- que administrative ou de politique tout court, mais néanmoins, si je me place du point de vue du citoyen et dans la mesure où l'on veut que les administrations assument leurs responsabilités, je pense que c'est, en tout cas, un mal nécessaire, d'une certaine manière, mais ce n'est pas parfait - de toute façon, il n'y a pas d'institution parfaite.

Si on monte d'un cran dans les ombudsmans exécutifs, comme, par exemple, le commissaire à Hydro-Québec ou le commissaire à la protection du territoire agricole, ça, c'est un cran de plus dans l'indépendance, mais ça pose toujours le problème de l'indépendance parce que, si on prend le commissaire à l'électricité - je ne veux pas porter de jugement sur son efficacité, je veux simplement porter un jugement sur des questions de principe - le commissaire à l'électricité, c'est une personne qui ne relève pas d'Hydro-Québec, mais c'est une personne qui relève du pouvoir exécutif. Bon! Elle relève du pouvoir exécutif, d'abord parce qu'elle a un certain lien de dépendance avec le ministère de l'Énergie et des Ressources, et ensuite, sur le plan de l'administration de la justice, elle relève du Procureur général, sauf que je peux me poser des questions, éventuellement; lorsqu'on sait, par ailleurs, qu'Hydro Québec finance en partie le gouvernement, dans quelle mesure cette personne-là aura-t-elle toute la marge de manoeuvre pour remettre en question des politiques? Et le simple fait, par exemple, d'avoir restreint sa juridiction aux consommateurs, aux abonnés qui ne sont pas des corporations ou qui ne sont pas dans l'activité commerciale, personnellement, je considère que c'est absolument injuste. Je pense que M. Schwartz a déjà eu ce problème, mais on a eu des plaintes, parce qu'on a juridiction sur lui. Quand on parle de commercial, il faut penser que ce ne sont pas juste des multinationales, là, c'est le petit entrepreneur, c'est le petit artisan, ce sont des gens qui sont aussi démunis vis-à-vis de l'appareil de l'État que des citoyens qui ne sont pas dans les affaires. Mais je dois dire que ce genre d'ombudsman exécutif c'est quand même un pas dans la bonne direction. Finalement, ce sont toujours des pas dans la bonne direction, mais ça dépend de ce qu'on recherche, et ainsi de suite.

Le Président (M. Dauphin): Vous avez dit que vous avez juridiction sur M. Schwartz.

M. Jacoby: Oui.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que c'est la même chose avec l'entente avec la ville de Québec? Qu'est-ce qu'il arrive avec la ville de Québec si...

M. Jacoby: La loi a été adoptée, mais elle n'a jamais été mise en vigueur. (16 h 45)

Le Président (M. Dauphin): Ah, bon!

M. Jacoby: On a juridiction sur les ombudsmans exécutifs, on a juridiction sur tous les organismes de protection dont les employés sont des fonctionnaires. Ce qui fait qu'on a juridiction sur la Commission de protection des droits de la jeunesse, on a juridiction sur l'Office de la protection du consommateur, mais on n'a pas juridiction, par exemple, sur la Commission des droits de la personne parce que ses employés ne sont pas des fonctionnaires. On n'a pas juridiction sur la Commission des services juridiques parce que ses employés ne sont pas des fonctionnaires. Alors, on a juridiction sur les organismes de protection et, dans le fond, ce qu'on fait quand il y a des plaintes contre ces organismes, qu'on vérifie, on ne se substitue pas à l'organisme, on vérifie si l'organisme a bien traité le dossier de la personne qui s'adresse à nous.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup J'en aurais une autre, je sais que mon collègue de Rouyn-Noranda-Témiscamingue doit quitter pour 17 heures, alors je procède rapidement.

Mme Harel: À moins que vous lui passiez la parole puis que vous retourniez après.

Le Président (M. Dauphin): Et que je revienne après? Ah, oui. Voulez-vous y aller tout de suite? Bonne suggestion, allez-y.

La présence du Protecteur en région

M. Trudel: Je vais prendre juste quatre ou cinq minutes. Parce que j'ai comme l'impression, M. le Président, que, compte tenu du contenu extrêmement intéressant et de tout ce qu'on a à scruter, il va falloir qu'on se revoie, j'ai bien l'impression. Dans votre rapport annuel, vous reprenez la mécanique très simple de la façon dont on accède au Protecteur du citoyen, alors je constate qu'on y accède d'abord par Montréal et par Québec et, ensuite, par ligne téléphonique. Est-ce que vous avez établi des statistiques sur la provenance des plaintes, des mandats que l'on vous demande de regarder?

M. Jacoby: Dans le rapport annuel, dans les annexes, à la page 82, on a les statistiques, ici, par exemple, pour l'Abitibi-Témiscamingue. Parmi les plaintes que nous recevons, il y en a 1, 8 % qui viennent de l'Abitibi-Témiscamingue. Si je prends... La région la plus gâtée, je dois dire que c'est la région de Québec, parce qu'on est plus connus dans la région de Québec que partout ailleurs. Mais...

M. Trudel:... ma question, dans le fond. On pourrait les regarder plus précisément. Est-ce que le fait d'être physiquement là, ça permet d'avoir un accès plus facile aux services du Protecteur du citoyen?

M. Bélisle:... fonctionnaires... M. Jacoby: Comment?

M. Bélisle: Est-ce que les fonctionnaires de la région de Québec se plaignent plus?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jacoby: Vous me posez la question à savoir si on ne devrait pas avoir des bureaux régionaux? Écoutez, là-dessus, ma réflexion n'est pas complète, mais je vais vous dire ce que je pense. À partir du moment où les gens savent que nous existons, savent qu'ils peuvent trouver notre numéro de téléphone dans le bottin téléphonique, dans les pages bleues, savent que c'est gratuit, ils vont nous appeler. Aux fins des enquêtes, on n'a pas vraiment besoin d'être en région au moment où on se parle, en tout cas dans le secteur gouvernemental, parce que, avec notre façon de fonctionner, on fait venir les dossiers, on parie au téléphone aux fonctionnaires, on attend leur décision. C'est exceptionnel qu'on soit obligés d'aller en région. On va y aller lorsque, par exemple, il y a des versions contradictoires entre le fonctionnaire et le plaignant, mais ça ne nous empêche pas de fonctionner. Cependant, à partir du moment où notre institution aurait des bureaux régionaux ou des services d'accueil dans les régions, il est évident que, nécessairement, ce serait beaucoup plus connu.

Il y aurait d'autres façons aussi de se faire connaître davantage, c'est que nous fassions des tournées régionales Sauf que nous ne disposons pas des ressources nécessaires parce que, si on part cinq, six, pour faire des régions, pendant ce temps-là, il y a des plaintes qui ne sont pas traitées, et ainsi de suite. Il y a bien des façons, mais je ne connais pas la situation idéale. De tempérament, je n'aime pas avoir des bureaux régionaux, parce que je trouve que ça finit par devenir de la bureaucratie. Mais, si on me justifiait, on m'expliquait que c'était absolument essentiel d'avoir des bureaux régionaux dans certains secteurs ou à certaines fins, c'est sûr qu'on le considérerait avec ouverture.

M. Trudel: II va falloir que je fasse une couple de petites remarques sur vos observations. Je pense qu'il va falloir... Je souhaite, en tout cas, et on verra dans les recommandations... Il faudra examiner aussi la régionalisation de ces opérations, parce que les citoyens de régions périphériques, par exemple, ils en ont peut-être, à certains égards, plus besoin que les citoyens de certaines régions centrales, parce que circulation de l'information moins grande, médias d'information au niveau national, toutes sortes de types

d'informations circulent peut-être moins rapidement. Je ne pense pas qu'on puisse faire l'adéquation et dire: On peut toutes les traiter à Québec. C'est très vrai. C'est très vrai sur le strict plan administratif, mais la relation avec le citoyen... Toutes les comparaisons clochent. Mais, par exemple, Communication-Québec, à ce compte-là, pourrait aussi bien être centralisé à Québec et on ferait toute l'information un peu partout. De la même manière que le Protecteur du citoyen cherche à se rapprocher des organismes dont il est chargé de faire, en quelque sorte, le contrôle, au niveau des gestes administratifs... Je pense qu'il va falloir regarder. Je souhaite qu'on puisse même dégager - parce que je sais que tout ça, à la fin, au minimum, ça revient à une question d'argent. Vous avez bien raison. Il faut d'abord avoir le fric là-dessus.

Entente avec le ministère du Revenu

Une dernière question, pour respecter un peu la parole donnée. On reviendra là-dessus, sur les aspects de région. Votre entente avec le ministère du Revenu. Donc, suite à un certain nombre de remarques et d'observations, le ministère du Revenu a déployé un bureau des plaintes, et vous avez une entente, vous autres, au Protecteur du citoyen, avec le ministère du Revenu. J'aimerais ça que vous me décriviez la base de ('entente et les motifs fondamentaux qui président à cette entente, en termes de réalisation du mandat.

Le Président (M. Dauphin): M. Jacoby.

M. Jacoby: Ça s'inscrit, évidemment, dans le discours de: Ouvrez-vous des bureaux de plaintes dans les ministères et organismes. La raison pour laquelle nous avons passé une entente, et je ne peux pas dire que là on l'a fait ad hoc, c'est que, de cette manière-là, on s'échange de l'information. Par exemple, le coordonnateur aux plaintes du ministère du Revenu va nous donner de l'information sur toutes les plaintes qui sont acheminées au ministère du Revenu, en plus de celles, évidemment, que nous transmettons. On va être capable, avec lui, en collaboration, en concertation, de déceler, par exemple, des problèmes systémiques. On va pouvoir, comme Protecteur du citoyen, conseiller le ministère dans la façon de gérer les plaintes. Ça c'est une des raisons pour lesquelles... Ça s'inscrit un peu dans la ligne de ce que je disais tout à l'heure, que les ministères se prennent en main et sachent ce qui se passe chez eux. Ça va nous permettre, peut-être, de les conseiller en termes d'implantation de programmes de qualité totale. Ça, c'est un élément très important.

L'autre élément très important, c'est que ce bureau de plaintes relève du niveau sous-mi- nistériel. Auparavant, lorsque nous avions des problèmes avec le ministère du Revenu - qui n'en a pas? - on s'adressait à différentes personnes, mais, à un moment donné, on ne savait plus à qui s'adresser. Avant que j'exerce les pouvoirs, en vertu de la loi, où je fais une recommandation officielle au ministre ou aux dirigeants d'organismes, je me suis dit: Ce serait mieux d'avoir une espèce de personne, dans la structure supérieure, qui ait un peu d'autorité et qui puisse régler les problèmes, et venant de lui, de sa propre administration. On y voit cet avantage-là.

Aussi, il y a un problème. Le protocole ne règle pas tout, hein! D'ailleurs, je reviendrai là-dessus éventuellement. C'est que le ministère du Revenu, à cause de l'article 69 sur la confidentialité des dossiers d'impôt, nous met des enfar-ges dans certaines enquêtes, et le protocole ne règle pas ça du tout. Mon intention, c'est de faire en sorte que les choses changent, parce que je considère qu'on pourrait régler ça devant les tribunaux, éventuellement, pour savoir qui a priorité. Est-ce nos pouvoirs d'enquête ou bien c'est la fameuse confidentialité du ministère du Revenu? Je suis en discussion avec le ministère pour régler le problème de l'article 69. Parce qu'avec eux autres on n'est pas capables, par exemple, de faire du systémique. Hein. Si on règle le dossier d'un citoyen x et que je veux, comme je fais partout ailleurs, demander au ministère: Sortez-moi tous les dossiers identiques, là, il m'invoque l'article 69 ou encore des directives internes d'interprétation, article 69. Alors, le protocole, il règle certains problèmes de fonctionnement. On a une excellente collaboration. Ça, je dois dire, la personne qui a été nommée là et ses collaborateurs sont très efficaces et ils ont une vision globale des choses. Mais ça demeure entier, le problème de l'article 69.

Maintenant, vous savez, il y a d'autres organismes qui veulent passer des protocoles avec nous et je pense que dans chaque situation il y a une réponse particulière. Je peux vous dire que la Régie de l'assurance-maladie du Québec veut s'établir un bureau de plaintes. Il y a certains organismes qui voudraient qu'on siège en appel de toutes leurs décisions internes. Enfin, ça va dépendre des besoins ici et là. Mais on n'a pas de modèle de protocole et ce n'est pas essentiel qu'on ait un protocole. Sauf que, dans la mesure où, moi, mon objectif, c'est de faire en sorte que l'administration publique se responsabilise davantage, il est important que j'aie de l'information sur toutes les plaintes qu'il y a chez eux. Alors, un protocole peut nous permettre d'atteindre un objectif comme celui-là.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup. Ça va, M. le député de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue?

Arbitraire laissé aux fonctionnaires

M. Trudel: Alors, j'aurais une autre question, Me Jacoby, si vous me le permettez. En lisant le rapport du Congrès des ombudsmans canadiens, notamment un passage de Robert Normand, qui est un ex-haut fonctionnaire de l'état québécois, qui disait à un moment donné, au niveau des directives, que le Protecteur avait ouvert la porte à un arbitraire, peut-être, plus grand de la part des fonctionnaires... Et je cite: Ils iront voir le Protecteur s'ils ne sont pas contents et on rectifiera le tir en cours de route suivant les pressions que l'ombudsman pourrait exercer.

Alors, j'ai été un petit peu stupéfait quand j'ai lu ça. Dans votre pratique courante, est-ce que votre "feeling'' est à l'effet qu'effectivement des fonctionnaires puissent réagir de la sorte ou se positionner de la sorte en ce sens qu'on fera des directives et, si les directives ne sont pas bonnes, de toute façon, Jacoby, il va se mêler du dossier, il viendra nous le dire et on rectifiera le tir en cours de route? Alors, je me demande si c'est la réalité ou si c'était plutôt pour faire rire l'assistance qu'il aurait dit ça lors du congrès.

M. Jacoby: Je vais vous dire ce que je peux voir. C'est qu'il arrive, effectivement, que des fonctionnaires adoptent des directives et se disent: De toute façon, si ça ne marche pas, le Protecteur du citoyen va se mettre le nez dedans. Et ça arrive, mais ce n'est pas généralisé. Les fonctionnaires ont des réactions que je trouve assez intéressantes à l'occasion. Et je parle au niveau surtout des fonctionnaires de la base, les premiers décideurs, là. Les fonctionnaires, pour repérer, ils ont des manuels d'opération. Ce sont des livres de recettes, quoi lairo. Et à un moment donné, ils ont un problème avec un citoyen qui est "border-line". Il n'est pas dans la norme puis... Alors, on sait, parce qu'on se le fait dire par des plaignants, que c'est le fonctionnaire lui-même qui a dit que la seule personne qui peut régler ce problème-là, c'est le Protecteur du citoyen. Allez le voir. C'est lui qui peut faire changer la directive. Ça. ça arrive. Et ça arrive de plus en plus souvent. Et je trouve que c'est très sain parce que je pense que les fonctionnaires qui agissent comme ça ont compris le rôle du Protecteur du citoyen et c'est dans une espèce de "fair-play" que ça se fait. Vous savez, il y a certains pays, il y a même certaines provinces où le "fair-play* est tellement grand entre l'administration et l'ombudsman que, dans les bureaux gouvernementaux, il y a des grands "posters". C'est marqué, dans un, je ne sais pas, l'équivalent de la CSST, une commission des accidents du travail en quelque part, dans une province de l'Ouest, le Manitoba, oui, au Manitoba - toutes les choses ne sont pas pareilles au Manitoba - le "poster" dit: Si vous n'êtes pas satisfait de notre décision ou si vous n'êtes pas satisfait de nos informations, adressez-vous à l'ombudsman, avec le numéro de téléphone. Des grands "posters". Ça, c'est du "fair-play" extraordinaire. (17 heures)

Le Président (M. Dauphin): Juste en terminant.

Mme Harel: Ça pourrait faire partie des recommandations de la commission. C'est excellent ça.

Le Président (M. Dauphin): Sauf que, s'ils partent avec ce principe-là, en attendant que l'ombudsman se mette les pieds dedans, ce n'est pas rassurant pour les citoyens. Vous comprenez ce que je veux dire là. On va faire un test, puis dans un an il viendra rectifier le tir, mais, pendant cette année-là, il peut se produire beaucoup d'injustices, à mon point de vue.

M. Jacoby: Bien sûr! Parce qu'il y a des directives, un maudit paquet de directives qui sont écrites sur le bord de la table, hein, à la dernière minute. Il y a combien de lois et de législations qui sont adoptées par le législateur avec un pouvoir réglementaire, qui sont en vigueur? Au moment où l'on se parle - et puis c'est comme ça de tout temps - il y a encore des fonctionnaires qui se demandent comment on applique la loi, et ce sont eux qui l'appliquent. À chaque fois qu'il y a une réforme, on dirait qu'il y a une période, un battement incroyable, même, où les services juridiques du gouvernement ne savent pas comment interpréter telle disposition de la loi et du règlement. Puis on met les lois en vigueur. Le citoyen en mange un coup pendant ce temps-là, hein!

Le Président (M. Dauphin): Oui.

M. Jacoby: Puis, c'est vrai. Et il y a peut-être des problèmes de planification stratégique et opérationnelle dans les administrations et ça crée de vrais problèmes. J'ai remarqué en tout cas, et ce n'est pas d'hier, qu'à chaque fois qu'il y a des réformes beaucoup de fonctionnaires nous disent: On n'est pas prêts, vous allez avoir de plus en plus de plaintes parce qu'on n'est pas prêts. On n'est pas prêts et, en haut, ils ne le savent pas exactement ce qu'ils veulent. C'est grave. Moi, je trouve ça grave.

Il me semble que l'administration, l'État devrait être te citoyen le plus exemplaire qui soit. Quand je regarde ça, je suis un peu déçu.

Comparaison avec l'Ontario

Le Président (M. Dauphin): Juste avant de laisser la parole à d'autres parlementaires, on m'a remis tantôt un dépliant qui est distribué, je crois, par l'ombudsman de l'Ontario, et je me

demande si ça existe chez vous au Québec. Parce qu'on parlait du rôle du député, puis de la-Certains députés, évidemment, ont la frousse avec le Protecteur, il prend notre job ou... On cherche une complémentarité, évidemment. Je vous lis juste un petit passage: "II est préférable de considérer l'ombudsman en tant qu'organisme à contacter en dernier ressort, celui qui met tous ses efforts à votre service une fois que toutes les autres actions entreprises ont échoué. Pour toute plainte portée contre le gouvernement provincial, vous pourriez, comme première étape, entrer en contact avec la personne ou le groupe impliqué, le ministère, la commission, la régie ou autres. Si cette démarche n'apporte pas de résultats satisfaisants, votre plainte devrait être portée à l'attention de la haute direction de l'organisme concerné. Dans le cas où cette démarche s'avérerait également infructueuse, veuillez contacter votre député, lequel pourrait prendre des mesures pour vous aider et c'est une de ses responsabilités en tant que votre représentant élu. "

C'est bien, hein! C'est un peu ce qu'on disait au début là, qu'effectivement l'ombudsman est en dernier essort, et puis je me demande si ça existe au niveau québécois chez vous ou...

M. Jacoby: C'est-à-dire que ce n'est pas dans nos dépliants, comme tel; si je me rappelle bien, on ne dit pas ça. Mais il faut dire que la loi du Québec est différente de la loi de l'Ontario. En Ontario, lorsque l'ombudsman reçoit une plainte, il ne peut pas intervenir d'office, il ne peut pas intervenir tout de suite. Il doit d'abord donner - vous savez le grand formalisme de la traduction anglo-saxonne - mais ce n'est pas comme ça dans toutes les provinces. En Ontario, l'ombudsman qui reçoit une plainte doit d'abord donner un avis au ministère ou à l'organisme concerné, donner un délai, et ensuite... Enfin, il y a des délais, des délais, des délais... C'est ce qui fait que, en pratique, je comprends qu'il y ait ça dans leur dépliant, sauf que je trouve ça... Pour moi, je trouve ça un peu gros là. Parce que, d'abord il y a des cas d'urgence, il y a des cas qui sont urgents. Je pense, notamment, je ne sais pas moi, à l'arrêt d'une prestation d'aide sociale à la fin du mois, la réduction d'un chèque. Alors s'il faut passer par tout le processus, des fois ça n'a pas de bon sens, ce sont des questions de survie. Deuxièmement, il y a des questions d'urgence. Sauf que d'une manière générale, lorsque nous recevons des plaintes de la population et lorsque nous considérons que la personne... C'est parce que, vous savez, ça dépend de la clientèle. Quand on a vraiment le sentiment que la personne qui se plaint à nous est une personne qui a beaucoup de misère à comprendre, qui a un problème avec le gouvernement, mais qui a bien de la misère à comprendre tout son problème... Parce que nous avons des analphabètes au Québec, nous avons des gens moins scolarisés, nous avons des gens qui sont démunis. Et une grosse partie de notre clientèle c'est ça. Il est très difficile, parce que le citoyen... Moi je sens de plus en plus que beaucoup de citoyens ont peur des représailles. Ils ont peur des représailles de l'administration. Ils ont peur d'être mis sur des "black lists". Et ça existe, ça. On le vit régulièrement. Et qu'est-ce que ça va nous donner, nous, de dire, quand on sent que le citoyen est dans cette situation-là: Bien, allez-donc au ministère? Il n'y croit pas. On est convaincus qu'il va atterrir chez nous ou au bureau de comté du député. Alors je pense que, peut-être, je ne dirais pas que chaque cas doit être jugé à son mérite, mais ça dépend de la clientèle. C'est sûr que lorsque nous avons une entreprise qui s'adresse à nous, et nous avons une certaine partie des PME qui s'adressent à nous, sauf les cas d'urgence, on va leur dire: Adressez-vous donc à tel service du ministère, et ainsi de suite. Finalement, ça fonctionne un peu comme ça. Et on n'a pas... je ne pense pas qu'on ait le réflexe de référer le dossier au bureau du député, pour la bonne raison qu'on est un outil de travail du député. C'est l'inverse qui se produit; lorsque, par exemple, les députés ne sont pas satisfaits de la réponse qui a été donnée par l'administration, ils nous réfèrent des dossiers. Mais je pense que le système de l'Ontario est très différent du nôtre.

Le Président (M. Dauphin): Merci pour cette réponse. Alors, il y a trois parlementaires qui m'ont demandé la parole, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, Anjou et Berthier.

Opportunité d'avoir un ministre responsable des relations avec le citoyen

Mme Harel: Alors, M. le Président, vous allez me permettre, comme j'ai la responsabilité du dossier et que j'ai consacré dix minutes, au plus, des deux heures et demie de séance qu'on a tenue...

Le Président (M. Dauphin): Tout comme moi

Mme Harel:... de tenter de vider quelques questions avec le Protecteur du citoyen. D'abord, cette question du député, je suis surprise qu'elle revienne depuis le début des travaux ce matin, parce que le Protecteur du citoyen est au-dessus des partis et heureusement. Il y a combien de nos concitoyens qui vont nous dire ne pas pouvoir recevoir le service d'un député voisin et souhaiter avoir le service, bon... Quoiqu'il en soit, je ne veux pas porter des jugements de valeur, mais on ne peut pas s'assurer, croix de fer croix de guerre, que nos 125 collègues sont tous au service de leurs concitoyens de la même façon, en leur offrant les mêmes services de

bureau de comté. Et il y a pas mal de nos concitoyens, aussi, qui n'ont pas nécessairement le goût de s'adresser à l'un ou à l'autre de nous, pour de bonnes raisons, qu'on n'a pas à juger à leur place. Alors, ce recours doit être, évidemment, non partisan, et au dessus des formations politiques. J'imagine que, comme dans le cas du bas de la ville, il y a pas mal de citoyens qui viennent vous voir en s'excusant presque de ne pas avoir voté pour vous tout en vous demandant un service et en pensant que si vous leur rendez, entre contrepartie, ça va supposer que... Ça ne suppose rien s'adresser au Protecteur du citoyen C'est ça qu'il faut évidemment faire respecter En vous écoutant, je trouve ça absolument passionnant, mais je me dis: À ce moment-là, ne faudrait-il pas souhaiter le retour d'un ministre responsable des relations avec les citoyens? Cette fonction existait au gouvernement précédent et chargeait un ministre de fouetter littéralement ses collègues ministres, d'insuffler de l'air dans cet appareil qui est lourd et extrêmement pyramidal, de fouetter, de stimuler l'intérêt pour le citoyen. Est-ce quo ce ne serait pas souhaitable? Vous n'y étiez pas au moment où existait cette ressource du ministre responsable des relations avec les citoyens, mais j'aimerais avoir votre point de vue là-dessus.

M. Jacoby: J'ai un point de vue, et j'en ai deux, points de vue. Lorsque j'étais sous-ministre et que j'avais affaire avec ce secrétariat, dans certains cas, ça nous apparaissait utile parce qu'on nous rappelait à l'ordre sur certaines choses. Par contre, sur le plan des principes, je me dis: Est-ce la bonne façon de responsabiliser l'administration? Vous savez, notre Loi sur la fonction publique, à l'article 5, dit la chose suivante: Tout employé de l'État, tout fonctionnaire, doit accomplir ses fonctions avec loyauté, honnêteté, impartialité, professionnalisme et doit traiter les citoyens avec les égards qui leur sont dus et en faisant preuve de diligence. C'est marqué dans la Loi sur la fonction publique. Il y a combien d'administrations qui sont au courant qu'il y a des articles comme ça qui s'appliquent à elles? On revient toujours au problème d'imputabilité. Moi, je pense que ce qui serait plus normal, c'est que les directions supérieures, les "boss", dans les ministères et organismes, se préoccupent du service à la clientèle et fassent en sorte qu'il y ait de l'imputabillité qui commence par eux. Je trouve que ça serait plus normal. Évidemment, ça peut prendre plus de temps, mais je pense que c'est la première responsabilité des ministères et des organismes de voir à ce que les citoyens soient bien traités. C'est mon sentiment. Je ne dis pas qu'un secrétariat des rapports avec les citoyens ne peut pas apporter quelque chose sauf que je me pose d'autres questions. Dans le monde où l'on vit, la notion de droits et d'exercice des droits, on en entend de plus en plus parier.

Combien faudra-t-il d'intervenants dans l'appareil gouvernemental pour faire respecter les droits du monde? Plus il y aura d'intervenants, plus il y aura de problèmes, plus il y aura de confusion. Mais disons que mon opinion n'est pas arrêtée là-dessus.

Mme Harel: Ha, ha. ha! J'aime bien votre conclusion parce que dans votre rapport vous mentionniez que vous souhaitiez la mise en place de bureaux de plaintes dans les ministères. Le fait est que ça n'est qu'au ministère du Revenu où. pratiquement parlant... Oui. vous mentionniez qu'il y a 14 autres ministères ou commissions qui vous ont fait part qu'ils avaient comme une sorte de bureau de plaintes mais nous-mêmes, les députés, n'en avons jamais entendu parier. Nous-mêmes ne connaissons même pas l'existence de ces bureaux-là. J'étais heureuse de lire votre rapport. Comme ça. je l'ai appris. Mais ça serait... Évidemment, les premiers qui auraient dû en être informés, ça aurait été nous-mêmes et, à part le bureau de plaintes du ministère du Revenu, rien d'autre n'avait été porté à la connaissance des parlementaires, ni les noms des personnes, ni les numéros de téléphone. Alors, vous vous imaginez, si nous, nous ne le savons pas, il faut penser que bien de nos concitoyens ne le savent pas non plus. Alors, éventuellement ou possiblement, le ministre responsable des relations avec les citoyens aurait comme principale fonction de faire mettre en place ce type de ressources.

Vous pouvez peut-être nous dire quelques mots sur ces 14 ressources qui existeraient.

M. Jacoby: II faut dire, à la décharge de l'administration, que c'est tout récent ça.

Mme Harel: Ah!

M. Jacoby: Je reçois encore des annonces... Je reçois des lettres à tous les jours là. Ça s'est...

Mme Harel: Peut-être pouvez-vous leur indiquer d'en faire part à leurs collègues de l'Assemblée nationale.

M. Jacoby: Je pense que, oui mais je pense que... C'est tout à fait nouveau et ça a suivi ma rencontre avec le forum des sous-ministres. C'est tout à fait récent. Maintenant, je ne suis pas sûr que les administrations aient intérêt à faire connaître l'existence de ces bureaux de plaintes. Je peux dire, par exemple, que Revenu Québec a fait un dépliant où l'on parie du bureau de plaintes, du coordonnateur aux plaintes et, en plus, on dit qu'on peut recourir au Protecteur du citoyen, mais je ne suis pas convaincu que tous les ministères sont sensibles à ce point là. (17 h 15)

Conditions carcérales

Mme Harel: Vous avez échangé avec des membres de la commission sur le pourcentage de plaintes qui étaient fondées en regard de plaintes qui étaient déposées devant le Protecteur du citoyen, et la question qui me venait est la suivante: Les plaintes que vous jugez fondées sont-elles, finalement, celles pour lesquelles vous considérez qu'il y a eu un déni en regard de la règle ou de la norme, ou si vous posez un jugement d'opportunité sur la règle ou sur la norme? Je vous donne l'exemple des conditions carcérales. Vous êtes beaucoup intervenu dernièrement et j'ai cru comprendre que, de plus en plus, des détenus faisaient appel à vos services; vous êtes un peu leur bouée de sauvetage. Ils n'ont pas les normes minimales de travail, ni l'Office de la protection du consommateur, ni la Cour des petites créances, en fait, qui sont d'autres recours pour nos concitoyens. En regard des lits superposés, vous avez entendu, comme moi, sans doute, cette annonce qu'il y aura, dans les cellules, à cause de la surpopulation, des lits superposés; ça va devenir une règle, semble-t-il. Est-ce que vous considérez ou pas avoir un rôle à jouer en regard de ça?

Le Président (M. Dauphin): Me Jacoby.

M. Jacoby: Oui, effectivement. Tout d'abord, pour répondre à votre première question, est ce qu'on se limite à regarder si la norme a été suivie ou si on va plus loin que ça? On n'a pas de limite à ce point de vue là. Dans beaucoup de dossiers, on vérifie si le fonctionnaire s'est comporté correctement par rapport à la directive ou la règle qu'il devait suivre; dans d'autres cas, on remet en cause la directive ou la norme elle-même sur le plan de sa raisonnabilité et souvent sur le plan du gros bon sens, ou encore sur le plan de l'équité, quoique l'équité, c'est une chose très élastique. Ce qui fait que, au niveau, autant pour le milieu carcéral que dans les autres administrations gouvernementales, nous intervenons sur des mesures.

Au niveau carcéral, par exemple, j'ai l'intention prochainement de déclencher une enquête. Une enquête parce qu'il y a une chose qui nous surprend beaucoup chez nous, c'est que les plaintes ont triplé et ça ne cesse de grimper. Les plaintes nous arrivent aussi par le biais des administrateurs et le biais des syndicats. Parce que, dans le milieu carcéral, quand on a des problèmes de surpopulation, ça a un effet tant sur la sécurité, bien sûr, mais également sur les gardiens de prison; c'est très stressant, et ainsi de suite, alors, tout le monde dénonce le système.

Il y a la question des lits superposés. Est-ce que ça correspond aux normes internationales? J'en suis loin d'être convaincu. J'espère que c'est une solution temporaire tant que le gouver- nement n'aura pas, tel qu'il l'a annoncé au mois d'octobre dernier, sur un plan de six ans, réglé le problème de la surpopulation. Je ne peux pas porter de jugement, au moment où l'on se parle, on va déclencher une enquête bientôt. Mais il n'y a pas que ça. Il y a une foule de problèmes dans les prisons qui sont causés par la surpopulation, par exemple, les régimes d'observation. Les régimes d'observation qui font qu'une personne est en réclusion 23 heures sur 24 et des semaines de temps, tout simplement parce qu'elle a décidé qu'elle ne voulait pas participer à une mesure de réinsertion par le biais du travail ou autrement. On se sert également des régimes d'observation - et c'est de plus en plus fréquent, c'est pour ça qu'on va déclencher une enquête - pour neutraliser des personnes qui sont considérées, par l'administration, comme des personnes à risque, sans qu'il y ait un comité de discipline qui se soit penché sur la question, et pourtant il existe, dans chaque prison, un comité de discipline. J'ai l'impression que, par le biais des régimes d'observation et des régimes de vie, on passe à côté du régime disciplinaire. Je pense qu'il y a des problèmes qui sont causés par la surpopulation et je veux enclencher une enquête là-dessus prochainement, dans différents centres de détention.

Tribunaux administratifs

Mme Harel: La dernière question, c'est que vous vous plaigniez, il y a peu de temps, l'automne dernier, de ne pas avoir pu terminer l'enquête que vous aviez enclenchée sur les tribunaux administratifs...

M. Jacoby: Oui.

Mme Harel:... faute de fonds suffisants. Pourtant, la situation des tribunaux administratifs, pour un certain nombre d'entre eux, ils sont toujours 78, je crois, au total ou...

M. Jacoby: Oui.

Mme Harel: Ils présentent des délais qui sont carrément des dénis de justice. On en a eu des exemples encore la semaine dernière, deux ans et demi, trois ans pour se faire accorder des prestations qui avaient été annulées deux ou trois années et demie auparavant, soit en matière de lésions professionnelles ou en matière d'aide sociale. Est-ce que vous avez l'intention de reprendre ou de compléter cette enquête sur les tribunaux administratifs? Également, vous réclamiez des fonds, considérant ne pas pouvoir rendre aux membres des minorités ethniques des services auxquels ils avaient droit. Je ne sais pas si vous publiez, comme la Commission des normes minimales - en plusieurs langues, à la Commission des normes, c'est, je crois, 17 langues différentes qui sont utilisées pour répondre aux

demandes d'information... Est-ce que c'est le cas aussi pour le Protecteur du citoyen, je n'en sais rien, là, mais avez-vous eu les fonds que vous souhaitiez et, pour l'année 1990-1991, là, quel est l'état de la situation budgétaire?

Le Président (M. Dauphin): Me Jacoby.

M. Jacoby: Sur la première question, les délais devant les tribunaux administratifs, il faut dire que, si on ne parle que des tribunaux administratifs, c'est principalement tout le processus des accidents de travail où, là, il y a des délais, pas seulement au niveau de la CALP ou de la CAS, mais aussi dans le système, au niveau des bureaux de révision, au niveau de l'arbitrage médical.

Au niveau de la Commission des affaires sociales, dans le secteur de l'aide sociale, aussi, ça pose des problèmes, sauf que, depuis que nous sommes intervenus un peu publiquement - et ça n'a peut-être rien à voir avec ça - il y a deux choses qui ont été annoncées. Le Procureur général du Québec a annoncé qu'il devait déposer prochainement un projet de loi sur les tribunaux administratifs. Ce que je souhaite, c'est qu'on y règle ces questions-là et, si on ne les règle pas, je me permettrai d'aller en commission parlementaire pour critiquer le projet de loi. Deuxièmement, le ministre responsable de la Commission de la santé et de la sécurité au travail, le ministre du Travail, a anonncé qu'il était en train de préparer aussi un projet de loi pour réformer le système et pour éliminer les délais. Alors, je suis dans la situation où je me pose la question: Est-ce que ça vaut la peine d'investir tout de suite, quand il y a deux ministres qui annoncent des choses sur les tribunaux administratifs qui vont peut-être régler les problèmes? Alors, sur ce plan-là, disons que j'ai mis le dossier en veilleuse, en espérant que les projets de loi soient déposés assez rapidement.

Sur la question des communautés culturelles, sur la question des populations autochtones et des Anglo-Québécois, j'ai, encore une fois cette année, fait une demande, ce qu'on appelle "demande de développement", parce que c'est du développement, effectivement, et moi, ce que j'ai pu constater c'est que, pour un citoyen, pour un Québécois qui n'est pas immigré, déjà, il a des problèmes à communiquer avec l'appareil de l'État, quand il ne le craint pas. Ce que j'ai constaté, c'est qu'au niveau des communautés culturelles beaucoup de communautés, quand elles arrivent chez nous, et surtout si elles viennent d'un pays totalitaire, ont l'impression que c'est impossible de jaser avec un fonctionnaire puis qu'N ne faut pas le critiquer, tu sais. Alors, moi, je dis: II y a des barrières culturelles puis il y a des barrières linguistiques énormes. Alors, je me suis dis: On va établir un plan stratégique pour faire en sorte de faire connaître davantage nos services auprès de ces communautés-là, et j'ai donc besoin d'un budget de communication pour faire des dépliants dans différentes langues; j'ai besoin, aussi, de ressources pour aller rencontrer ces groupements, rencontrer les leaders. Parallèlement à ça, j'ai besoin, à partir du moment où l'on fait une percée davantage au niveau des communautés culturelles, d'engager, de recruter des personnes qui émanent de ces communauté culturelles ou de ces populations autochtones, sans affecter le mandat général. Donc, je demanderais des postes en plus, quelques postes en plus. Alors, j'ai présenté une demande, demande qui a été justifiée également par le fait que j'ai reçu, il y a quelque deux mois, une demande du grand conseil des Cris qui demande des bureaux régionaux du Protecteur du citoyen au nord du 50° parallèle, et qui ne connaissait pas l'existence du Protecteur du citoyen. Et je me suis demandé comment ils l'avaient appris. Ils l'avaient appris en apprenant que l'ombudsman de l'Ontario s'occupait des populations autochtones.

Alors, devant tout ça, j'ai fait une demande, c'est une demande de budget additionnel et je n'ai pas eu un cent.

Mme Harel: Bon. Moi, je vais terminer ici, malheureusement, simplement pour vous dire que je considère que cette première séance n'est qu'un début, et ça, on s'en était évidemment parlé avant qu'elle ne commence, compte tenu du peu de temps qui est à notre disposition, et ce serait extrêmement souhaitable - et je sais que c'est pour vous un autre déplacement - mais il serait vraiment souhaitable que nous poursuivions ce qui a été simplement enclenché aujourd'hui.

Le Président (M. Dauphin): D'ailleurs, c'est ce qui avait été mentionné au tout début de nos travaux. Alors, deux autres parlementaires m'ont demandé la parole: M. le député d'Anjou; ensuite. M. le député de Berthier À moins que, Mme la députée de Terrebonne, vous n'ayez autre chose? Ça va aller. Alors, M. le député d'Anjou.

Les délais dans le traitement des plaintes

M. Larouche: Seulement en remarque préliminaire, si on a parlé beaucoup du député, c'est parce qu'aujourd'hui on a eu cette nouvelle brochure du service de l'accueil aux députés. Ça décrit très bien le rôle. C'est intéressant, à part ça... Dans le mandat, on parle d'examen des orientations des activités et de la gestion. On a beaucoup entendu parler des activités, des processus internes, comment on reçoit une plainte, et ainsi de suite. J'aimerais ça qu'on aborde un peu au niveau de la gestion qui inclut un peu les questions budgétaires, mais quand même au niveau de la gestion.. J'aimerais savoir quelle est la formation du personnel professionnel que vous avez dans votre institution, le profil général.

M. Jacoby: En majorité, je dirais peut-être à 60 %, ce sont des gens de formation juridique, surtout des avocats, des avocates et quelques notaires. Nous avons aussi des personnes qui ont de l'expérience en administration. Nous avons des personnes qui ont des formations de comptable. Nous avons des personnes qui ont des formations en sciences sociales. En somme, c'est diversifié, mais, principalement, ce sont des gens qui ont une formation juridique.

M. Larouche: O. K. Maintenant, à la page 25 de votre rapport, vous dites: "L'augmentation de nos budgets nous a permis de maintenir notre rythme, sans plus. Comme je le signalais, notre délai de traitement des demandes a augmenté, malgré notre augmentation de personnel. " J'étais en train de me demander, est-ce que c'est à cause de l'augmentation du personnel? Parce que c'est vraiment paradoxal. Délai de traitement. Si on regarde et on analysé ça comme il faut: Le délai de traitement a augmenté malgré l'augmentation de personnel... Là, il y a des processus internes. Il y a de la gestion. Parce que c'est inexplicable, ça, en termes de "management".

M. Jacoby: Je vais tenter de vous l'expliquer. D'abord, je dois vous dire que j'ai décidé déjà, il y a quelques mois, de faire une évaluation de programmes du bureau du Protecteur du citoyen. Je pense qu'on peut toujours améliorer la façon d'administrer un programme, surtout que jamais ça n'avait été fait au bureau du Protecteur du citoyen. J'ai donc une personne, actuellement, qui est en train de faire une évaluation complète, à la fois de notre mandat, de notre mission, de nos activités, de nos processus, nos fonctionnements, pour essayer de voir dans quelle mesure on peut améliorer notre productivité. Là-dessus, l'étude devrait être complétée. J'ai eu la collaboration du Conseil du trésor dans ce dossier-là, pour faire cette étude. On devrait avoir des résultats quelque part en septembre, octobre.

Parallèlement à ça, ce que je suis en train de réaliser, c'est que la nature des dossiers, chez nous, est en train de changer. Alors qu'on avait dos dossiers qui étaient beaucoup plus des dossiers ponctuels, do plus en plus on nous soumet des dossiers qui sont extrêmement complexes ou systémiques. Exemple de dossier qu'on ne voyait pas il y a trois, quatre ans, chez nous, exemple: des plaintes sur la Commission des valeurs mobilières, plaintes portant sur la négligence de la Commission des valeurs mobilières dans les prospectus et dans leur pouvoir de surveillance et de contrôle des investisseurs. Ça, ce sont des plaintes, je vous jure, qui sont assez spéciales. C'est très complexe, le droit financier, le droit de valeurs mobilières est très complexe. Ça, c'est un genre de dossier qui est "time consuming", mais si, en bout de ligne, lorsqu'on aura complété une enquête... Dans un dossier comme ça, c'est une personne à plein temps. On a des plaintes découlant de l'affaire Paré et ainsi de suite, sur la responsabilité de la Commission des valeurs mobilières, et ça touche des centaines et des centaines d'investisseurs. On a des plaintes, de plus en plus, sur l'environnement. Par exemple, l'affaire Balmet, à Saint-Hyacinthe. Ça c'est un dossier qui est à Saint-Jean-sur-Richelieu. On a le dossier Alex Couture, pour lequel on a pratiquement complété notre enquête. Les dossiers d'environnement, ce sont des dossiers très complexes et, en plus, ce qu'on découvre de plus en plus dans les dossiers, c'est l'absence de concertation et de coordination entre administrations et ça c'est très complexe aussi pour trouver le bobo. (17 h 30)

Par exemple, dans l'affaire Alex Couture, on est arrivés à la conclusion qu'il y avait eu négligence de la part du ministère de l'Environnement. On est arrivés à la conclusion qu'il y avait eu manque, négligence de la part du ministère de la Justice, on est arrivés à la conclusion qu'il y avait eu négligence de la part du ministère de l'Agriculture. Très souvent, c'est à cause d'un manque de communication, par exemple, en matière d'usine d'équarissage, entre les permis délivrés par l'administration de l'Agriculture et les exigences du ministère de l'Environnement. Ce sont des dossiers de plus en plus complexes.

M. Larouche: Je comprends. C'est parce que la nature des plaintes change aussi.

M. Jacoby: Oui, la nature des plaintes change.

M. Larouche: Alors, elle se raffine.

M. Jacoby: Ça devient de plus en plus sophistiqué, à toutes fins pratiques. C'est un phénomène relativement nouveau chez nous. Alors, ça peut expliquer en partie cette chose qui est paradoxale qui veut que, malgré l'augmentation des ressources, nos délais de traitement ne s'améliorent pas, ils empirent. Je vais vous dire qu'ils empirent. Je me suis permis, hier, de faire une petite recherche là. Quand on dit qu'on a des délais moyens de traitement de quatre à cinq, six semaines, ça, c'est bien les moyennes. Il y a des dossiers qui se règlent dans une journée. Évidemment, on va mettre priorité sur des urgences, par exemple, l'aide sociale ou des choses comme ça. Mais je regardais de 1985 à 1990, l'inventaire des dossiers à la fin de l'année financière. Ça, ce sont les dossiers de l'année financière qui vient de s'écouler, mais qu'on n'a pas encore réglés au moment de la fin de l'année financière. En 1985, je vais prendre simplement des dossiers de plus de six mois, qui traînent dans le système depuis plus de six mois, nous n'en avions que 136 à la fin de l'année

financière. À la fin de l'année financière qui vient de s'écouler, on a des dossiers qui traînent chez nous, de plus de six mois, on en a 2725. Et ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a des problèmes, et c'est pour ça que je fais faire une évaluation de programmes. On a des problèmes. On ne sait pas exactement ce qui se passe. On est en train de faire les analyses qu'il faut.

M. Larouche: Alors, la réponse à mon interrogation est très satisfaisante à ce sujet-là. Alors, c'est clair qu'en termes de bureaucratie il y a différents types de bureaucratie. Si vous regardez la bureaucratie de la Régie de l'assurance automobile, je suis allé changer mes plaques et j'ai eu des billets d'infraction pour ne pas avoir mis de petites vignettes, et deux infractions dans la même journée, ça fait 400 $, 200 $ de la fois. Je pensais que c'était 2 $, mais non, le point était bien placé, c'était 200 $.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Larouche: Quand je raconte ça, il y en a qui pensent que, parce que je suis député, j'ai un escompte. Non. Je fais bien attention surtout de ne pas demander une faveur. Ça se saurait. Alors...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Larouche:... c'est des types de bureaucratie, je pense, qui sont différents de ceux du ministère de l'Environnement. On voit par où ça passe à la chaîne. Vous prenez un numéro, vous vous assoyez là et, vraiment, vous êtes à la boucherie quand vous allez là. Je ne sais pas s'il y a des analyses. C'est du "management", mais je pense qu'il y a plus de chances d'avoir des problèmes dans les bureaucraties professionnelles que dans une bureaucratie mécanique. Regardez les normes, par exemple. Dans une bureaucratie mécanique, le client arrive, il se place là, mais là il attend. Tu demandes un renseignement à quelqu'un. Non, c'est lui. Tu attends là même s'il pouvait te répondre. Non. C'est ça une bureaucratie. Moi, j'ai toujours été allergique à la bureaucratie. D'ailleurs, je n'ai jamais été fonctionnaire et je vous garantis que je ne le serai jamais. C'est un engagement que je prends publiquement. Je suis allergique à ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Larouche: Alors, c'est fondamental. Ça touche à la bureaucratie, tout votre mandat. Il faut voir... Dans votre efficacité, est-ce que vous faites des distinctions entre les différents types de bureaucratie, parce qu'elles ne sont pas toutes malades au même niveau? Il y en a qui ont des symptômes différents, mais ce n'est pas la même maladie parce que l'essence même de la bureaucratie, c'est chacun dans sa petite boîte. Même, on va appeler dans les ministères, nous autres, au cabinet du ministre, puis, tu vas faire la chose. Non, un instant, s'il vous plaît, un instant. D'un instant à l'autre, vous avez perdu 20 minutes. Alors, j'aimerais ça que vous me disiez si ça ne se fait pas, si vous n'avez pas l'intention d'orienter une petite recherche interne sur les... pour classer vos patients là, je veux dire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jacoby: On n'a pas...

Le Président (M. Dauphin): Me Jacoby.

M. Jacoby: il est...

Une voix: II peut au moins classer les boîtes.

Une voix: Classer les boîtes.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Étiqueter les boîtes...

M. Jacoby: Ha, ha, ha! On va faire de la pathologie. Effectivement, vous avez raison de dire que les malaises varient suivant les bureaucraties ou les technocraties. Ils varient en fonction également du type de programme que l'on a à administrer. Ils varient également en fonction du plus ou moins grand degré de décentralisation ou de déconcentration même sur le territoire. Ils varient aussi suivant la culture d'un ministère ou d'un organisme qui se sent plus ou moins dépendant du gouvernement. Et il n'y a pas de... Finalement, ce qu'on constate, il n'y a pas de solution unique pour tous les malaises, les difficultés ou les ratés de là bureaucratie. Sauf qu'on n'a pas fait d'analyse comme telle. Mais la manière dont on fonctionne chez nous, nous avons des spécialistes par secteur. Par exemple, au niveau de... Prenons la CSST, nous avons un certain nombre de spécialistes qui ne s'occupent que de la CSST. J'ai des spécialistes qui ne s'occupent que des prisons, des spécialistes qui ne s'occupent que de l'aide sociale et d'autres secteurs, ainsi de suite. Alors, ce que l'on fait finalement, on ne donne pas... on ne fonctionne pas nécessairement de la même manière d'un ministère à l'autre compte tenu de tous les éléments que je vous indiquais tout à l'heure Alors... Mais on n'a pas fait d'étude comme telle sauf qu'on le sait, on le voit et on s'ajuste en conséquence et ça ne marche pas toujours, par exemple, mais on s'ajuste.

Le Président (M. Dauphin): Merci, Me Jacoby. M. le député de Berthier.

M. Houde: Merci, M. le Président. J'aimerais

savoir, M. Jacoby, en quelle année vous êtes entré à votre travail dans ce que vous faites là aujourd'hui?.

M. Jacoby: J'ai été nommé... Je suis entré en fonction au mois de septembre 1987.

M. Houde: Oui, merci. Est-ce que vous avez des personnes attirées pour recevoir les plaintes venant des députés? Tous ceux qu'on appelle un député, peu importe le partilà, qui vous appellent, est-ce que vous avez une personne attitrée pour nous répondre ou bien si n'importe qui peut nous répondre lorsqu'on fait une demande pour un dossier, comme ça se fait dans d'autres départements souvent?

M. Jacoby: Nous avons... En fait, ce qui se produit, on n'a pas de mécanisme formel comme tel parce qu'à venir jusqu'à ces derniers mois on n'avait pas tellement de plaintes qui venaient des députés. Mais là on en reçoit...

M. Houde: Plus qu'avant.

M. Jacoby:... autant du côté ministériel que du côté des formations d'Opposition. Sauf que, dans beaucoup de cas, par exemple, le député va parler directement au délégué responsable du secteur. Ce qui pourrait être fait cependant, parce qu'on n'a pas... Je pourrais faire la chose suivante C'est de vous transmettre la liste des délégués, des collaborateurs, des collaboratrices, chez nous, par secteur d'activité, avec le numéro de téléphone. De cette façon-là, vous pourriez avoir un accès direct. Plutôt que de passer par l'accueil et ainsi de suite, vous pourriez avoir un accès direct aux délégués responsables de secteurs.

M. Houde: Je pense que ça serait une bonne chose, ça, pour pas... Il y a d'autres questions, mais elles sont assez brèves. Lorsque vous avez parlé, tantôt, de négociation pour votre enveloppe, est-ce que vous en avez parlé avant aujourd'hui ou bien si vous n'en avez jamais parlé? Vous dites que c'est votre patron, mais vous êtes toujours en conflit parce que vous avez toujours à négocier une enveloppe pour votre bureau, là.

M. Jacoby: Oui, bien, écoutez. C'est sûr que je dois négocier. Et négocier, c'est normal quand on discute d'augmentation d'effectifs et d'augmentation de budgets. Je ne pense pas que le Protecteur du citoyen doit être une personne à part en disant: Moi, j'ai besoin de 1 000 000 $ de plus et ne posez pas de question. Le problème que j'ai, c'est un problème de principe et un problème pratique. Je dois négocier non pas avec le monde de qui je relève, c'est-à-dire les parlementaires, mais avec le pouvoir exécutif. C'est ça, mon problème. La question n'est pas...

Je sais très bien, et surtout dans la conjoncture et la structure économique actuelle, qu'il n'est pas question que le Protecteur du citoyen puisse, lui, obtenir des crédits juste à les demander. Je pense que, si on relevait plus de l'Assemblée nationale, je serais prêt à discuter, à justifier et à me faire dire non sur certaines demandes. Mais, moi, je veux parler aux bonnes personnes. C'est ça, mon problème.

M. Houde: O. K. Une dernière question, elle est courte celle-là. Un rapport d'impôt, quelqu'un qui ne fait pas son rapport d'impôt, est-ce que vous prenez des plaintes à cet effet-là, quelqu'un qui veut rapporter quelqu'un qui ne fait pas un rapport d'impôt? Est-ce que ça peut aller à vos bureaux, ça?

M. Jacoby: II y a des gens qui nous transmettent ce genre de plainte, mais on ne les traite pas, parce que ce n'est pas notre rôle, ça.

M. Houde: Mais vous répondez: Je ne m'en occupe pas, tout simplement.

M. Jacoby: Les délateurs on... Une voix:... Des délateurs du...

M. Houde: O. K., parce que ce sont des questions qui m'ont été posées, c'est pour ça que je pensais que vous pouviez en tenir compte.

M. Jacoby: Ça arrive qu'on ait des plaintes de ce genre-là...

M. Houde: Et vous dites que vous ne vous en occupez pas.

M. Jacoby:... mais c'est parce que nous, notre rôle, c'est de faire enquête si on pense qu'un citoyen a été lésé.

M. Houde: Alors ce n'est pas pareil, là.

M. Jacoby: Ce n'est pas pareil. Si le voisin se plaint qu'un autre n'a pas fait son rapport d'impôt, je ne vois pas en quoi ça a lésé le voisin.

M. Houde: Bon, bien, merci beaucoup, monsieur.

Vérification des engagements financiers

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le député de Berthier. Alors nous allons peut-être, si vous me le permettez, procéder à la vérification des engagements financiers du Protecteur du citoyen. Nous n'en avons que deux, je crois.

Août 1989

J'appelle l'engagement 1, qui concerne une entente d'occupation, un protocole pour la location d'immeubfes du 1er avril au 31 mars 1990. Pas de question? Alors vérifié. J'appelle rengagement 2, qui concerne une entente des services de télécommunication servant à défrayer tous les services de télécommunication verbale, écrite et informatique.

M. Larouche: Qu'est-ce que ça veut dire, ça, exactement, est-ce que ça veut dire le téléphone "verbale"?

M. Jacoby: Je m'excuse, je n'ai pas compris votre question.

M. Larouche: Non, mais je veux dire, fous tes services, c'est parce que c'est Bell Canada, peut-être, tous les services de télécommunication verbale, écrite. C'est un système de téléphone, de fax, de... c'est tout ça?

M. Jacoby: C'est tout ça, et là-dessus nous avons passé une entente avec le ministère des Communications; même si on ne relève pas du ministère, on s'en sert parce que c'est lui qui est l'expert en ce domaine. On a une entente de services avec te ministère des Communications, et ça comprend les lignes téléphoniques, ça comprend les lignes Zénith, ça comprend les frais d'interurbains Centrex, le Bell, ça comprend le fax...

M. Larouche: C'est standard.

M. Jacoby:... les communications informatiques.

M. Larouche: Parfait.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Alors l'engagement 2, vérifié. Les engagements d'août 1989 du Protecteur du citoyen sont vérifiés. Alors, puisque la cloche n'a toujours pas sonné, si avec votre autorisation... Auriez-vous une petite question?

Mme Harel: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Les remarques finales en même temps, Mme la députée.

Mme Harel: Oui, très bien. J'avais lu, au moment où ça a eu lieu, cette rencontre des ombudsmans, qu'un certain nombre de hauts fonctionnaires, y compris le sous-ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, s'étaient retrouvés sur les tribunes et avaient fait part que critiquer le gouvernement c'était politiser le débat C'était à peu près ce qui avait été rapporté, en tout cas, dans les médias.

J'armerais savoir, premièrement, si suite à vos déclarations de décembre dernier sur les budgets qui sont mis à votre disposition, parce qu'évidemment ça a fait quand même pas mai d'éclat... "22 % plus de plaintes en 1989, cri d'alarme du Protecteur du citoyen", ça c'est dans Le Journal de Québec. "Le Protecteur du citoyen démuni face à l'accroissement des plaintes", ça c'est dans Le Devoir, et ainsi de suite, là "Le Protecteur du citoyen accuse Québec de lui refuser des crédits pour l'empêcher de remplir son mandat", ça c'est La Presse. Le Soleil. "Le Protecteur du citoyen doute de suffire aux recours Qui doublent", etc. Est-ce que vous avez eu des échos de ces déclarations, à votre rencontre avec les sous-ministres, à la table des sous-ministres, vous a-ton fait part d'une certaine difficulté à accepter cette visibilité médiatique? D'autre part, croyez-vous que, pour remplir une fonction comme celle-là, il vaudrait mieux, je le dis là comme je me le demande, être un juge? En d'autres termes, la nature du poste de juge c'est d'être inamovible, et c'est ce qu'on prétend lui assurer, l'entière liberté pour juger en dehors de toute influence. C'est ce qui fonde la distinction entre le judiciaire, le législatif et l'exécutif C'est, justement, qu'il ne soit pas contractuel. Est-ce que le fait, dans cette sorte de fonction, d'être contractuel... Moi, je suis à me demander si ça ne pose pas de difficulté. Pensez, par exemple, au Tribunal des droits de la personne qui va être mis en place incessamment, dit-on. Tout au moins, la loi est adoptée et l'application devrait suivre bientôt. On ne peut pas imaginer là que ce soit quelqu'un appointé pour cinq ans. Ça sera nécessairement un juge qui ne sera peut-être pas là pour longtemps... Il peut l'être, lui, pour cinq ans. Mais, en d'autres termes, si vous y allez trop fort... Vous, Me Jacoby, qui étiez sous-ministre avant, quelles sont vos chances de retour dans la fonction publique après?

M. Jacoby: Aucune. Des voix: Ah!

M. Jacoby: La première question, comment réagit cette administration au fait qu'on soit un peu plus visible? Je peux vous dire qu'elle n'aime pas ça du tout. Elle n'aime pas ça du tout, hein, et c'est normal aussi. Mais je pense que ça règle certains dossiers plus vite, ça.

Mme Harel: Vous voulez dire que la crainte est le début de la sagesse et que votre liberté d'expression, c'est ce qui fonde le sentiment de crainte qu'on a à votre égard.

M. Jacoby: Je pense que tout le monde reconnaît, quand on regarde les origines de l'institution et qu'on lit ce qu'a dit le juge Dickson, qu'une des armes du Protecteur du citoyen c'est de pouvoir aller sur la place

publique et de dénoncer des abus, ce que le politicien ne peut pas faire lui-même, ce que le député ne peut pas faire lui-même pour des raisons qu'on connaît. Le Protecteur du citoyen est considéré comme une personne complètement neutre. Il n'est pas dans un rapport hiérarchique avec l'administration. Je n'ai pas d'autorité sur elle et elle n'a pas d'autorité sur moi. Je peux me permettre ce genre de choses. Mais, comme je vous le disais, je l'utilise avoc parcimonie et avec certaines contraintes.

Sur l'autre question de juge, moi, ce que je peux vous dire c'est que... Je vais... Non, j'allais faire une farce. Je ferai la farce sans la faire. Le problème est le suivant. C'est qu'à partir du moment où l'on nomme un juge à un poste comme ça, le problème, c'est qu'on judiciarise la fonction et que tous les dossiers ont une connotation juridique. Or, moi, ce que je constate, j'ai été déformé moi-même. Ça m'a pris un an avant de m'arracher mon ancien chapeau de sous-ministre de la Justice, de sous-procureur général, de sous-ministre administrateur pour vraiment comprendre mon rôle. Mais ce que je constate aujourd'hui, c'est que c'est seulement 20 % des dossiers où la solution est juridique. Moi, je craindrais, si on nommait un juge comme Protecteur du citoyen, qu'on judiciarise la fonction. Et d'ailleurs, je ne veux pas être méchant, mais j'ai pu constater, lors d'un Congrès international d'ombudsmans où il y avait quelques juges de pays que je ne nommerai pas, que c'étaient probablement les bureaux d'ombudsmans les moins efficaces qu'il y avait, pour les raisons que je mentionne.

Ceci étant dit, sur l'autre question, l'ina-movabi... Oui!

Une voix: Inamovibilité. M. Jacoby: Merci.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jacoby: Le Protecteur du citoyen est nommé pour une période de cinq ans. C'est sûr que, pendant l'exercice de son mandat, le Protecteur du citoyen est à l'abri de l'ingérence et des pressions, et je dois dire que jamais, et ça, je trouve ça extraordinaire, jamais un homme ou une femme politique ne s'est adressé à moi pour s'ingérer dans une enquête ou dans un dossier. Je pense qu'il y a un respect de l'institution. C'est une période de cinq ans, c'est renouvelable deux fois. Ça n'a jamais été fait. La question du mandat, ça dépend. Il y a des juridictions où l'ombudsman est nommé pour sept ans; dans d'autres juridictions, pour dix ans. Ça varie, mais je ne connais pas... Même dans les pays Scandinaves qui sont à l'origine de l'institution, je ne pense pas qu'il y ait de nomination à vie. D'ailleurs, ça serait terriblement dangereux, terriblement dangereux.

M. Larouche: Ça prendrait un autre ombudsman pour le surveiller.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Dauphin): Moi, j'aurais une petite... Oui, M. le député d'Anjou.

M. Larouche: Je voudrais...

Mme Harel: Oui, quand je parlais, moi, du caractère inamovible, ce n'était pas pour nommer à vie. Excusez.

Le Président (M. Dauphin): Rapidement.

M. Larouche: Pour les fins du Journal des débats - je ne voudrais pas me faire assassiner par des fonctionnaires ou des bureaucrates...

Une voix: C'est déjà fait.

M. Larouche:... je précise ma pensée. C'est que, tout simplement, je n'attaque pas les fonctionnaires ni les bureaucrates; j'attaque la bureaucratie. Comme je le dis, je n'attaque pas le pianiste, j'attaque sa musique.

Une voix: Ou le piano. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Larouche: Alors, c'est un peu la même chose. Tant que vous n'attaquez pas le gouvernement mais sa musique, ça va passer.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Dauphin): Alors, Me Jacoby, au nom de tous les membres de la commission, nous aimerions vous remercier d'être venu aujourd'hui vous prêter à cet exercice, remercier également vos collaborateurs et vos collaboratrices. Comme on l'a mentionné dès le début et tout au long de nos travaux, peut-être un peu plus tard dans le cheminement de nos travaux, nous vous demanderons probablement de revenir devant les membres de la commission afin que nous puissions échanger de nouveau et faire confirmer nos orientations éventuellement Alors je vous remercie beaucoup, je remercie tout le monde, Mme Trudeau-Bérard, Me Langevin, le secrétaire, et puis à la prochaine.

M. Jacoby: Je vous remercie, et vous pouvez être assurés de notre disponibilité.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Alors nous ajournons nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 51)

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