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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le lundi 28 janvier 1991 - Vol. 31 N° 29

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale et auditions publiques


Auditions dans le cadre de l'examen du mandat, des orientations, des activités et de la gestion du Protecteur du citoyen


Journal des débats

 

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Dauphin): Je déclare ouverte la commission des institutions qui a pour mandat de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'examen du mandat, des orientations, des activités et de la gestion du Protecteur du citoyen. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Fradet (Vimont) est remplacé par M. Doyon (Louis-Hébert) et M. LeSage (Hull) par M. Maltais (Saguenay).

Adoption de l'ordre du jour

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Alors, je vais vous donner lecture de l'ordre du jour pour adoption. Pour débuter, ce matin, nous aurons la Commission des services juridiques; ensuite, nous poursuivrons avec le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, pour continuer avec le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec.

Cet après-midi, nous aurons le Congrès juif canadien, région du Québec; ensuite, nous aurons le Grand Conseil des Cris du Québec; ensuite, nous aurons Me Daniel Mockle, professeur et docteur en droit à l'Université du Québec à Montréal et, finalement, nous aurons l'Association des Townshippers. J'ai juste un détail à vous signaler, c'est que dans l'ordre du jour préalable qui vous avait été envoyé, nous devions terminer nos travaux à 21 h 45 ce soir. Alors l'ordre du jour a été modifié et nous terminerons nos travaux à 18 h 15. Est-ce que l'ordre du jour est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. J'aimerais souhaiter la bienvenue à la Commission des services juridiques, souhaiter la bienvenue aussi, évidemment, à son nouveau président. On lui souhaite la meilleure des chances dans ses nouvelles fonctions, tout autant que dans ses anciennes. Il a fait un excellent travail à l'Office de la protection du consommateur. Alors, il y a une heure de prévue pour ce matin; donc, une quinzaine de minutes pour nous faire part de votre exposé et, ensuite, on procédera à une période d'échanges entre les membres et vous-même. Alors, si vous voulez présenter, M. Moreau, les personnes qui vous accompagnent et procéder à votre exposé.

Auditions Commission des services juridiques

M. Moreau (Gilles): Merci, M. le Président. Mme la députée, MM. les membres de cette commission, je suis accompagné ce matin de deux avocats de la Commission, Me Pierre Yves Bourdeau, à ma gauche, et Me Christian Baillar-geon, à ma droite, qui sont, avec moi, disposés à répondre ensuite à toutes les questions de la commission.

M. le Président, la Commission des services juridiques a procédé à l'étude du document de consultation originant de la Commission des institutions quant au mandat du Protecteur du citoyen. Le mémoire qu'elle a soumis n'avait pas pour but de faire une étude exhaustive de tous les problèmes soulevés par le document de consultation. Nos interventions se sont limitées aux questions relatives à la clientèle que nous desservons tout en nous intéressant particulièrement à la question touchant à l'opportunité, pour le Protecteur du citoyen, d'étendre son champ de compétence à la Commission des services juridiques.

D'emblée, nous pouvons confirmer qu'il existe une excellente relation entre le personnel du Protecteur du citoyen et celui du réseau de l'aide juridique, le tout étant sans doute dû au fait que les deux organismes poursuivent le même objet: la défense du citoyen avec, cependant, des outils et des moyens différents. L'expérience nous apprend que le Protecteur du citoyen se révèle un excellent intervenant auprès de l'administration publique québécoise pour ce qui est de faire apparaître l'équité dans le dossier lorsque tout recours légal est épuisé ou abandonné.

Comme pour le réseau de l'aide juridique, le rôle du Protecteur du citoyen est avant tout curatif en ce sens que le citoyen lésé vient régler un problème qui l'affecte particulièrement. Vu l'augmentation constante des demandes, le Protecteur du citoyen a raison de s'intéresser à l'approche préventive et systémique, mais elle ne devra jamais supplanter sa responsabilité première, soit le service individualisé auprès du citoyen lésé. Lui seul, en effet, peut remplir ce rôle. Le document de consultation semble établir un lien entre la prévention systémique et l'instauration d'un mécanisme de consultation par lequel le Protecteur du citoyen pourrait se prononcer sur les projets de règlement et voudrait également être consulté par les ministères et organismes avant l'adoption d'une directive ou d'une politique.

Nous croyons que ce type d'intervention

peut être intéressant uniquement s'il n'affecte pas l'indépendance réelle ou apparente du Protecteur du citoyen. Son intervention constitue davantage un mécanisme de surveillance des actes de l'administration et, conséquemment, le contrôle a posteriori avec proposition de correctifs nous apparaît une meilleure garantie de l'efficacité de ses interventions.

Le document de consultation s'interroge également sur l'efficacité des pouvoirs de recommandation. Nous soumettons que le Protecteur du citoyen possède déjà des armes efficaces à même l'arsenal de sa loi. Les moyens énumérés à la section VI de là loi et, notamment, l'avis de manquement aux dirigeants d'organismes et, par la suite, au gouvernement, nous semblent efficaces et plus particulièrement lorsqu'on les met en conjonction avec l'article 27,4 de la loi qui permet au Protecteur du citoyen de recourir aux médias.

Serait-il donc souhaitable que le Protecteur du citoyen sort autorisé à entreprendre des poursuites devant les tribunaux en prenant fait et cause pour la personne lésée? Nous croyons que le contrôle judiciaire et quasi judiciaire des actes de l'administration et l'intervention du Protecteur du citoyen sont des recours complémentaires. Son intervention devant les tribunaux dénaturerait l'institution elle-même. Devenant partie à un litige et, conséquemment adversaire de l'administration, il ne pourrait plus s'attendre à la même collaboration des fonctionnaires dans l'étude des dossiers litigieux.

Selon sa loi constitutive, il intervient là où le droit n'est pas capable de corriger adéquatement le problème Quant à l'avocat, il arrête d'intervenir lorsqu'il s'aperçoit que la loi ne peut plus rien pour son client. Il s'agit d'un système qui se complète et nous croyons qu'il en est bien ainsi.

Quant à la possibilité de permettre l'intervention du Protecteur du citoyen sur le mérite des décisions des tribunaux administratifs, nous considérons qu'une telle intervention pourrait miner à la longue la crédibilité et l'autonomie de ces organismes. Notre société a toujours fonctionné sur le principe de la primauté du droit. La création de tribunaux spécialisés a contribué à rendre la justice plus accessible à un grand nombre de citoyens. Il nous apparaît fondamental que ce concept soit respecté dans son intégralité. Que le Protecteur du citoyen puisse intervenir en relation avec le fonctionnement administratif desdits tribunaux, délais d'audition ou délibérés abusifs, nous semble plus conforme à son rôle de protection du citoyen lésé par les actes de l'administration.

La commission des institutions a choisi d'étudier d'une façon privilégiée la question de l'extension de la juridiction du Protecteur du citoyen, notamment aux organismes ou établissements du réseau des services de santé et des services sociaux et du réseau de l'éducation ainsi qu'aux organismes municipaux. Accessoirement, le Protecteur du citoyen voudrait également étendre son intervention à des organismes comme la Commission des droits de la personne et la Commission des services juridiques, de même qu'à certaines sociétés d'État telle Hydro-Québec.

Cette extension à la Commission des services juridiques ne nous semble pas souhaita We. Elle n'est pas souhaitable pour des raisons découlant de la nature même des deux institutions et des objectifs poursuivis par chacun. Enfin, il ne nous semble pas que cette extension de juridiction du Protecteur du citoyen puisse apporter des bénéfices additionnels à la clientèle de l'aide juridique, étant donné les mécanismes de révision de la décision administrative que l'on retrouve à la loi actuelle sur l'aide juridique. Par l'aide juridique, l'État garantit à ses citoyens défavorisés l'accès gratuit aux services d'avocats ou de notaires, ainsi qu'à l'information juridique.

Ces services peuvent être rendus sort par des avocats salariés ou des avocats et des notaires de pratique privée. Cette relation client-avocat est protégée par le secret professionnel, la Loi du Barreau, les conventions collectives pour les avocats syndiqués. Lorsqu'il représente un client, l'avocat salarié ou de pratique privée ne s'apparente ni de près ni de loin à un fonctionnaire de l'État. Bien au contraire, dans de nombreux domaines, cet avocat a pour adversaire l'État. Qu'on songe seulement au domaine du droit criminel où l'aide juridique représente toujours l'individu vis-à-vis de l'État. Le même phénomène se répète dans les dossiers d'acci dents du travail, de sécurité du revenu, d'assu rance-chômage, d'immigration, etc. Lorsqu'il agit à l'intérieur de son mandat, pour son client et en respectant les lois, l'avocat n'a pas de compte à rendre à quiconque, sauf à son client ou à son ordre professionnel. Cette relation particulière est protégée par le secret professionnel. D'un autre côté, le rôle du Protecteur du citoyen, à moins qu'on ne veuille le changer radicalement, nous apparaît comme étant celui de chien de garde du citoyen vis-à-vis de la machine administrative de l'État. Le Protecteur du citoyen est nommé pour surveiller les fonctionnaires au bénéfice du citoyen.

Une perception claire du rôle des deux institutions gouvernementales devrait suffire à démontrer qu'il serait tout à fait inapproprié, sans changer les bases du contrat social sur lequel est fondé notre système de droit, de confier au Protecteur du citoyen la surveillance des actes posés par les avocats salariés ou de pratique privée détenant des mandats d'aide juridique. On pourrait peut-être prétendre que lorsqu'il décide de l'admissibilité à l'aide juridique, l'avocat salarié pose un geste d'administration au nom de l'État. Une telle prétention pourrait justifier qu'au nom du citoyen son Protecteur puisse demander de vérifier l'acte administratif d'admettre ou non un citoyen au

régime de l'aide juridique.

Pour être admissible à l'aide juridique, le client doit se qualifier économiquement et démontrer une vraisemblance de droit. Vu ce qui a été dit antérieurement sur la relation client-avocat, il nous apparaît évident que le Protecteur du citoyen n'aurait pas de juridiction en ce qui concerne l'apparence de droit. Celle-ci dépend des faits rapportés par le client. Et il faut se demander si l'on doit réparer ce qui n'est pas brisé. Il nous semble que le citoyen est adéquatement protégé par les mécanismes de révision de l'admissibilité à l'aide juridique contenus dans la loi et la réglementation actuelle. Un requérant qui est refusé peut s'adresser au comité de révision de l'aide juridique. Ce comité, formé de deux avocats de pratique privée et d'un représentant du public, est indépendant des directeurs régionaux qui décident en première ligne de l'admissibilité. Il s'agit d'un tribunal administratif souple, relativement expéditif et spécialisé. Tout au plus, le Protecteur pourrait-il avoir un droit de surveillance de la longueur des délais entre la demande de révision et la décision. Cependant, la Commission croit qu'il serait inopportun que le Protecteur ait quelque juridiction que ce soit, même de simple surveillance, sur le Tribunal lui-même et les décisions qu'il rend sur le fond de la demande de révision.

En résumé, c'est notre opinion que le Protecteur du citoyen ne devrait pas avoir juridiction sur la relation client-avocat ou notaire. Le recours du client non satisfait devrait s'exercer soit vis-à-vis le Barreau ou la Chambre des notaires ou vis-à-vis du directeur de l'aide juridique. Pas de juridiction non plus sur l'admissibilité qui est aussi, au premier stade, partie de la relation client-avocat. Le comité de révision de l'aide juridique est l'endroit privilégié et efficace où le citoyen peut demander la révision de la décision sur l'admissibilité au régime. Le Protecteur pourrait surveiller les délais au comité de révision de l'aide juridique, mais ne devrait jamais pouvoir intervenir sur le fond de la décision. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échanges et je vais reconnaître un des membres de la commission, notamment Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Il me fait plaisir également de souhaiter la bienvenue à Me Moreau. C'est son baptême de commission parlementaire, je pense, mais ici à la commission des institutions, parce que vous étiez venu, évidemment, à d'autres occasions.

M. Moreau: Ici même à la commission des institutions.

Mme Harel: À la commission des institutions également, c'est vrai...

M. Moreau: Effectivement.

Mme Harel: ...qui a la juridiction sur l'Office de la protection du consommateur.

M. Moreau: Tout à fait. Également, pour défendre le mandat et l'administration de l'Office, nous sommes passés en 1986.

Mme Harel: Je voudrais saluer également Mes Bourdeau et Baillargeon. M. le Président, avant d'examiner plus à fond la question de l'extension du mandat du Protecteur du citoyen sur les tribunaux administratifs, je veux d'abord remercier la Commission pour son mémoire, qui m'apparaît très clair dans la formulation de la problématique. Vous nous dites qu'il y a une complémentarité. Ça, on retrouve ça à la page 8 surtout. Vous décrivez bien que là où le Protecteur intervient, c'est là où le droit n'est pas capable de corriger adéquatement le problème. Donc, vous lui donnez essentiellement la fonction d'intervenir pour faire apparaître l'équité dans un dossier lorsque tout recours légal est épuisé ou abandonné. Vous dites qu'il y a une complémentarité, parce que l'avocat de l'aide juridique, lui, cesse d'intervenir lorsqu'il s'aperçoit que la loi ne peut plus rien pour son client. Donc, présenté comme cela, ça paraît encore plus clairement complémentaire.

Évidemment, vous faites valoir, dans des termes mesurés, mais quand même éloquents, qu'il ne faut pas confondre l'intervention du député avec celle du Protecteur du citoyen, à la page 4. Et vous faites référence, élégamment, mais à l'aspect plus partisan du travail du député qu'à celui du Protecteur. Évidemment, vous avez fait valoir aussi la forte apparence d'indépendance du Protecteur. D'entrée de jeu, dans votre mémoire, vous dites que c'est une apparence de transparence très forte que celle du Protecteur et vous dites, et j'aimerais vous entendre là-dessus, que vous avez l'impression que la plupart des tribunaux administratifs ne peuvent pas se vanter de détenir une apparence semblable. Qu'est-ce que vous entendez par là? C'est à la page 3, deuxième paragraphe.

M. Moreau: Évidemment, le Protecteur du citoyen a une apparence d'indépendance presque absolue du fait d'avoir été nommé par, finalement, l'Assemblée nationale. En autant que les tribunaux administratifs sont concernés, les membres des tribunaux administratifs sont nommés pour une courte période et, à ce moment-là, peut-être que l'apparence - mais ce n'est qu'au niveau de l'apparence - n'est pas aussi grande, alors que la réalité, en termes d'indépendance, peut, elle, être aussi grande, cependant. Mais, en autant que l'apparence est concernée, c'est

évident que par le mode de nomination du Protecteur du citoyen, elle est d'un degré supérieur.

Mme Harel: C'est donc dire que pour maintenir toutes les règles de l'apparence qui, finalement, est aussi importante que la transparence elle-même, il faudrait éventuellement envisager que ces nominations soient faites par l'Assemblée nationale, dans le cadre des nominations faites pour les tribunaux administratifs.

M. Moreau: Je n'irai pas jusqu'à faire cette affirmation. Je pense qu'une étude plus exhaustive pourrait peut-être nous permettre d'arriver à des conclusions, mais en autant que le Protecteur du citoyen est concerné, je pense que le mode de nomination que l'on connaît est certainement excellent et je pense que tous reconnaissent cette grande liberté d'action et d'indépendance du Protecteur du citoyen.

Mme Harel: À la page 14, vous vous prononcez pour une extension du mandat du Protecteur du citoyen sur toutes les entreprises qui bénéficieraient d'un contrat de service avec un ministère et vous donnez l'exemple d'une agence de renseignements qui peut détenir un contrat de service avec un ministère. Vous donnez l'exemple du ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle et vous dites: "Un citoyen prétendument lésé par les actes posés par cette agence devrait assurément pouvoir recourir au Protecteur du citoyen." Votre interprétation est donc que la délégation qui apparaît dans la Loi sur le Protecteur du citoyen ne serait pas suffisante pour assurer au citoyen le recours au Protecteur à l'égard d'une entreprise qui s'est vu confier un contrat par l'un des ministères. C'est bien ça qu'il faut comprendre?

M. Moreau: Ce que je comprends de cette affirmation, c'est que chaque fois que quelqu'un est un mandataire du gouvernement, pose des gestes, accomplit des actes à la place du gouvernement, en sous-contractant, si vous voulez, à ce moment-là, ces gestes pourraient aussi bien être posés par l'administration, mais on a décidé qu'ils seraient posés par un sous-contractant; il serait normal que ces gestes soient soumis à l'examen du Protecteur du citoyen.

Mme Harel: II ne vous semble pas que ce soit le cas, compte tenu de l'interprétation des articles 13 et 14 de la Loi sur le Protecteur du citoyen.

M. Bourdeau (Yves): Effectivement, je pense qu'à l'article 14 où on parle uniquement de délégation, possiblement, ça ne serait pas...

Mme Harel: Couvert?

M. Bourdeau: Ça ne couvrirait pas la question des contrats de service. Quand on parle de contrat de service, on parie de l'exécution d'une tâche matérielle bien précise. On ne parle pas de l'exercice de pouvoirs juridiques tel que ce serait visé par l'article 14, lorsqu'on parle de délégation, parce que, la délégation, le délégué exerce en fonction d'une autorité légale. Donc, en matière de contrat de service où on parie uniquement d'exécution de tâches matérielles..

Mme Harel: C'est important, ça.

M. Bourdeau: ...possiblement que ce ne serait pas couvert. Mais, écoutez...

Mme Harel: Oui. C'est très important Je vous remercie, vous êtes les premiers à nous souligner cet aspect-là. J'invite évidemment la commission à retenir cette recommandation parce qu'on voit de plus en plus se multiplier ce genre de contrat de service, et c'est essentiel, surtout dans le dossier de la protection des tiers.

D'autre part, vous plaidez, à la page 10, que vous favorisez l'institution de recours légaux en faveur de citoyens lésés comme étant la meilleure garantie face aux agissements injustifiés de l'État - ça, c'est au deuxième paragraphe. Donc, ce que vous dites, c'est que l'État ne peut pas se satisfaire de ce recours au Protecteur du citoyen. C'est ça que je comprends. Si je me trompe, Me Moreau, vous me le dites. Vous dites: L'Etat ne peut pas se satisfaire du recours au Protecteur du citoyen, il doit garantir qu'il y a un processus qui permet de sanctionner la violation des droits. Donc, vous plaidez en faveur de recours légaux en faveur de citoyens lésés. Et là, vous donnez l'exemple des coupures du service d'électricité. Vous dites que vous avez prôné l'institution d'un forum légal, qu'à l'inverse, l'État a privilégié l'institution d'un commissaire aux plaintes. Ça revient à un Protecteur du citoyen, si vous voulez, l'ombuds-man d'Hydro.

Une voix: Oui.

Mme Harel: Alors, vous, vous auriez préféré une intervention, dites-vous, de type plus judiciaire - c'est ça qu'il faut comprendre. Qu'est-ce que vous verriez comme forum? J'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce que ce serait, par exemple, la Régie des services pu blics? Quel forum pourrait permettre à un citoyen qui se considère lésé de faire valoir ses droits? Là, on s'en va vers une institutionnalisation dans tous les secteurs de l'ombudsman qui juge en équité, mais qui n'a pas de pouvoir coercitif.

M. Moreau: Alors, la raison de cette intervention dans le mémoire est oxactoment ça, c'est que le Protecteur n'a pas de pouvoir

coercitif. Tout ce qu'il peut faire, ce sont des recommandations. Alors, ce que la Commission des services juridiques a toujours prôné, c'est plutôt l'institution de tribunaux administratifs qui permettent au citoyen de faire valoir ses droits et d'obtenir des décisions exécutoires des tribunaux administratifs. Sans minimiser le bien-fondé de l'intervention d'un Protecteur du citoyen, la Commission croyait que le problème que ça peut poser, c'est que le pouvoir de recommandation n'apporte pas nécessairement les changements souhaites. C'est le sens que l'on doit donner à ce paragraphe, à la page 10 du mémoire.

Mme Harel: Alors donc, vous dites: Oui, l'institution du Protecteur du citoyen est importante, mais elle est complémentaire et elle doit rester une institution qui intervient en équité.

M. Moreau: Tout à fait.

Mme Harel: Mais, préalablement, l'État ne doit pas se satisfaire de cette institution en équité pour ne pas mettre en place une institution permettant de sanctionner, d'une manière exécutoire, les décisions ou les violations des droits. Donc, à ce moment-là, actuellement, ça c'est déficient, c'est ça qu'il faut comprendre. Vous ne pensez pas que le Protecteur doit devenir coercitif. C'est ça que je lis dans votre rapport. (10 h 30)

M. Moreau: Tout à fait.

Mme Harel: Vous dites qu'il doit rester en équité, il ne doit pas être extensionné, pour poursuivre, par exemple, devant les tribunaux, mais il faut qu'il y ait une institution qui permette au citoyen qui se sent lésé de faire sanctionner ces violations.

M. Moreau: Tout à fait. Selon la Commission, le Protecteur ne doit pas avoir de pouvoir coercitif parce que ce n'est pas la nature de cette institution. Il y a des institutions qui détiennent ces pouvoirs coercitifs, entre autres les tribunaux administratifs. Si le Protecteur du citoyen détenait des pouvoirs coercitifs, le problème serait, à ce moment-là, qu'il jouerait deux rôles: d'un côté, il irait dans l'administration pour avoir de l'information afin de comprendre le bien-fondé d'une plainte et tenter de la régler à l'amiable et, par la suite, si ça ne fonctionnait pas, il pourrait, avec la même information obtenue de cette façon, exercer un pouvoir coercitif, ce qui amènerait, à ce moment-là, de façon tout à fait légitime, les fonctionnaires à avoir beaucoup de réticence à collaborer avec le Protecteur du citoyen, parce que les fonctionnaires sauraient que toute information donnée serait donnée, à toutes fins pratiques, entre guillemets, à la partie adverse, puisqu'il aurait, par la suite, des pouvoirs coercitifs. Et on ne...

Mme Harel: Très bien. M. Moreau: Oui.

Mme Harel: À ce moment-là, par ailleurs, vous recommandez qu'il n'y ait pas une sorte d'institutionnalisation de l'ombudsman, par exemple à Hydro-Québec, pour remplacer une véritable institution ou un véritable processus permettant de sanctionner.

M. Moreau: Non. Ce n'est pas effectivement la position...

Mme Harel: ...de la Commission des services juridiques.

M. Moreau: ...de la Commission, tout à fait.

Mme Harel: Vous auriez préféré, par exemple, que dans le cas des coupures d'électricité, le citoyen qui se prétend lésé puisse aller, par exemple, devant la Régie des services publics.

M. Moreau: ...devant la Commission des affaires sociales.

Mme Harel: Devant la Commission des affaires sociales.

M. Moreau: C'était la recommandation de la Commission...

Mme Harel: D'accord.

M. Moreau: ...des services juridiques.

Mme Harel: Une dernière question concernant les tribunaux administratifs. Vous dites, si je comprends bien que sur le mérite des décisions des tribunaux, le Protecteur ne devrait rien avoir à dire. Mais sur le fonctionnement administratif, là, vous dites que le Protecteur devrait pouvoir intervenir, c'est-à-dire sur les délais, par exemple, à la Commission des affaires sociales...

M. Moreau: Oui.

Mme Harel: ...ou sur tous les délais devant les autres tribunaux. Est-ce que c'est ça qu'il faut comprendre?

M. Moreau: Oui, tout à fait. C'est d'ailleurs ce qu'il fait présentement dans les secteurs où il a juridiction. Si on pense à une extension de sa juridiction, par exemple, à la Commission des services juridiques, nous croyons que jamais le Protecteur ne devrait intervenir dans les déci-

sions qui sont prises, notamment, par le comité de révision des demandes d'admissibilité qui, à toutes fins pratiques, est un tribunal administratif. Cependant, si on s'apercevait, parce que le Protecteur n'a pas juridiction sur cette Commission, que les demandes devant cette Commission ne sont pas traitées adéquatement selon les délais raisonnables... Présentement, le Protecteur n'a pas juridiction, mais c'est un cas où, certainement, le Protecteur pourrait avoir juridiction et, à ce moment-là, avec tous les pouvoirs que lui donne la loi - sa loi - reprocher à l'administration son manque de diligence et, pour des raisons analogues à celle-là, pouvoir exercer un rôle utile. Mais sur le fond des décisions de cette commission de révision, comme d'ailleurs pour tous les tribunaux administratifs où il n'a pas juridiction, je pense que ce serait dénaturer sa fonction que de lui donner un pouvoir.

Mme Harel: Vous dites, à la page 13, sur cette question-là justement, à la toute fin, qu'à la limite, vous concevez une intervention en équité auprès d'un organisme public afin de surseoir à l'exécution d'une décision quasi judiciaire qui causerait un préjudice disproportionné à un citoyen. Qu'est-ce que vous entendez parla?

M. Bourdeau: Oui, et ça, ça s'est déjà passé au fil des ans et, possiblement que ça peut se passer encore. En fait, il faut bien distinguer l'intervention sur le mérite d'une décision et la non-application de cette décision-là. Parce que l'application de fa décision émanant d'un tribunal administratif se fait par l'organisme administratif qui a juridiction. Un exemple: Une décision émanant de la Commission des affaires sociales qui est un tribunal administratif en matière de sécurité du revenu et l'application par le ministère de cette décision-là, c'est deux choses différentes. Donc, une intervention en équité de la part du Protecteur du citoyen au niveau de la non-application d'une décision, par exemple, de la Commission des affaires sociales, qui serait défavorable aux citoyens, ça se fait actuellement, ça s'est déjà fait dans le passé et c'est souhaitable, je pense, que ça se fasse encore.

Si on veut énoncer un exemple de ça qui s'est passé et qui a eu, finalement, en bout de ligne, des conséquences favorables pour les citoyens, pendant plusieurs années, il existait un mécanisme dans la Loi sur l'aide sociale où les gens qui, par exemple, voyaient leur aide sociale diminuée ou réduite parce qu'ils avaient eu, pendant un certain nombre d'années, un avoir liquide excédentaire, parce qu'on sait que - je n'entrerai pas dans les mécanismes - dans la législation, un citoyen ne peut posséder qu'une somme précise pour continuer à bénéficier de son droit aux prestations. Les gens qui, par ailleurs, avaient bénéficié des prestations tout en ayant un excédent de sommes d'argent, par exemple, pouvaient se voir réclamer des montants faramineux, au fil des ans, tout simplement parce quà un moment donné, dans le temps, ils avaient eu un avoir liquide excédentaire.

Dans la législation, il n'y a rien qu'on pouvait faire avec ça. C'était très clair, le ministère était autorisé à réclamer, pendant toute la période qui pouvait s'étendre sur plusieurs années, les sommes d'argent qui avaient été versées et la Commission des affaires sociales, elle, ne pouvait rien faire non plus parce qu'elle était prise dans le cadre de la législation. Alors, on est intervenu souvent auprès du Protecteur du citoyen sur ces dossiers-là et le Protecteur du citoyen, au fil des ans, a réussi à faire surseoir à l'exécution de ces décisions-là qui étaient carrément inéquitables pour les gens, ça n'avait pas de bon sens. On en est arrivé à un amendement législatif qui est intervenu avec la nouvelle Loi sur la sécurité du revenu. Donc, c'est un bel exemple d'intervention en équité du Protecteur du citoyen pour surseoir à l'application de décisions et non pas une intervention sur le mérite des décisions.

Mme Harel: Je me rappelle, M. le Président, c'était donc qu'à chaque mois il y avait violation? Si par exemple, une personne ...

M. Bourdeau: C'est ça, il y avait violation à chaque mois.

Mme Harel: Si une personne avait plus de 1500 $, par exemple 2500 $, donc à chaque mois on lui attribuait 1000 $.

M. Bourdeau: On lui réclamait la prestation qui avait été versée.

Mme Harel: Et, donc, l'équivalent à chaque mois, multiplié par 12 pour une année, etc.

M. Bourdeau: C'est ça.

Mme Harel: Alors, ça faisait des sommes absolument astronomiques.

M. Bourdeau: C'est ça. Donc, en fait, pour une infraction mineure à la loi, ça entraînait des remboursements de 10 000 $, 12 000 $ ou 15 000 $, ce qui était totalement disproportionné par rapporta...

Mme Harel: Et on est devant le même problème présentement avec le programme APPORT. Et ce n'est pas dû seulement à des erreurs ou encore de la mauvaise foi, c'est dû au mode de calcul.

M. Bourdeau: Effectivement.

Mme Harel: Je ne sais pas si la Commission

des services juridiques ou l'aide juridique est au courant, mais il y a 7000 à 8000 dossiers présentement de personnes qui n'ont pas reçu de remboursement de leurs impôts du fait que le mode de calcul leur en réclamerait, étant donné l'aspect de calculs mensuels, un peu comme l'équivalent de l'exemple que vous venez de nous donner.

M. Bourdeau: Effectivement. Mme Harel: Je vous remercie.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme la députée. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Merci, M. le Président. Au nom des députés ministériels, il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue et de vous féliciter pour la qualité de votre mémoire. Il est bien évident que l'expérience sur le champ vous a bien préparés pour faire les recommandations et les suggestions que vous avez faites. Je suis sûr que lorsque la commission fera son rapport, elle tiendra compte de ces différentes suggestions.

Entre autres, à un moment donné, à la page 4 de votre rapport, vous dites: Canaliser le recours au Protecteur du citoyen par le biais de son député entacherait aussi la neutralité et la politique de l'institution qu'est l'ombudsman. Vous dites dans votre recommandation, finalement, que la Commission s'oppose à une collaboration plus formelle entre l'ombudsman et les députés. Est-ce que vous mettez l'emphase sur le mot "formelle" ou sur l'ensemble? Qu'est-ce que c'est? J'aimerais vous entendre sur cette question-là.

M. Moreau: La raison principale de cette affirmation est due au fait que le Protecteur du citoyen reçoit une foule de demandes de toute provenance des députés et des simples citoyens aussi. Nous croyons qu'il est important pour lui et pour l'institution qu'il y ait une apparence de traitement égal des dossiers. Qu'ils viennent des députés ou qu'ils viennent des simples citoyens, ils doivent tous être traités de la même façon. Et une collaboration plus formelle avec le député, si on entend par là que les dossiers devraient d'abord et avant tout venir par les députés avant de se rendre chez le Protecteur, pourrait avoir l'effet que les citoyens ont l'impression que s'ils soumettent eux-mêmes un dossier, qu'il est, à ce moment-là, traité de façon moins prioritaire que s'il provient du député. Ce n'est qu'au niveau de l'apparence que les citoyens pourraient en avoir parce qu'on sait que les députés reçoivent énormément de demandes de leurs commettants et que la collaboration avec le Protecteur du citoyen ne peut être que bénéfique. Sauf qu'il est important que les citoyens aient l'impression que tous ces dossiers- là sont traités sur un pied d'égalité par le Protecteur.

M. Baillargeon (Christian): Donc, si vous me permettez, que ça continue de se faire informel-lement comme ça se fait présentement, c'est parfait. D'ailleurs, il y a une bonne collaboration en général entre les députés de quartier et les bureaux d'aide juridique de quartier, et le Protecteur du citoyen. Tout ça va ensemble, c'est-à-dire que le citoyen va aller soit tout de suite au Protecteur du citoyen, soit au bureau d'aide juridique quand il est admissible ou soit chez le député. Et, éventuellement, le député va lui dire, s'il voit qu'il y a un recours légal probable. Va au bureau d'aide juridique, sinon va au Protecteur du citoyen, va voir un avocat de la pratique privée. Tout ça se fait présentement, de manière informelle. Mais de le faire formellement et de l'indiquer dans la loi, effectivement, à ce moment-là, ça pourrait peut-être toucher un peu la question de neutralité et la question de choix politique du citoyen. C'est peut-être mieux que ce ne soit pas...

M. Kehoe: Je sais personnellement, depuis que je suis député, que j'ai référé à maintes et maintes reprises des cas au Protecteur du citoyen et, effectivement, il y a une coopération très très bonne. Mais c'est surtout sur la question "formelle". Vous ne voulez pas que ce soit inscrit dans une législation quelconque, que ce soit...

M. Baillargeon: Une canalisation obligatoire.

M. Kehoe: Oui. Ah oui, O.K., dans ce sens-là. Une deuxième chose. Vous dites qu'il ne serait pas souhaitable que le Protecteur du citoyen soit autorisé à prendre des poursuites devant des cours judiciaires, à toutes fins pratiques, que ce soit plutôt la Commission. Que vous autres vous seriez plus, avec la hausse substantielle des critères d'éligibilité à l'aide juridique... C'est ça la solution que vous préconisez? C'est ça? Effectivement, j'aimerais vous entendre sur ça.

M. Moreau: Le Protecteur du citoyen, de toute façon, en vertu de sa loi, ne peut pas, en principe, intervenir, s'il y a des recours possibles. Alors, il ne peut intervenir que lorsque tous les recours sont épuisés. Et je reviens un peu à ce que je disais tantôt. Si le Protecteur intentait des recours judiciaires, il les intenterait, à ce moment-là, contre l'administration et ça voudrait dire qu'il ne pourrait plus rencontrer les fonctionnaires, comme il le fait présentement, obtenir les informations concernant un dossier et essayer de voir si la plainte d'un citoyen est bien fondée parce que les fonctionnaires seraient tout à fait justifiés de lui dire: Bien, lorsque vous exercerez vos pouvoirs devant les tribunaux, on ira se parler devant les tribunaux. Entre-

temps, on n'ira pas vous dévoiler notre preuve.

Alors, il me semble que ce sont deux recours un peu incompatibles. Le fait de vouloir examiner un dossier avec les fonctionnaires, avec toute la collaboration qu'ils obtiennent présentement, et le fait de vouloir "antagoniser" le problème en étant, si vous voulez, partie à une procédure judiciaire au nom d'un citoyen. Il me semble que c'est l'un ou l'autre et qu'on ne peut pas penser qu'il va exercer les deux.

M. Baillargeon: Et, si vous permettez, pour ajouter au niveau du document de consultation de la Commission, qui est ici, on amène cette question-là en nous disant, dans plusieurs cas: Elle ne pourra assumer les coûts souvent considérables qu'entraînent les procédures judiciaires. Effectivement, les coûts, c'est les coûts de l'avocat. C'est ça qui coûte cher. Ce n'est pas les dépens ou les déboursés, où c'est moins important. Éventuellement, de là la question des critères d'admissibilité à l'aide juridique qui, comme vous le savez, n'ont pas été indexés depuis plusieurs années et qui fait que de moins en moins, chaque année, des gens qui sont défavorisés ne peuvent pas être admissibles à l'aide juridique.

Alors, peut-être que le remède est plus à cet endroit-là que d'y aller par le biais du Protecteur du citoyen.

M. Kehoe: C'est justement ces zones grises, les personnes qui ne sont pas éligibles à l'aide juridique, qui n'ont pas les moyens nécessaires. Mettons, comme vous dites, qu'il n'y a pas eu, depuis un certain temps, de changement pour les critères, que le budget n'est pas suffisant et je suis d'accord avec vous. Je pense qu'on l'a dit à maintes reprises que le budget pour l'aide juridique devrait être haussé. Mais, les personnes pour qui il n'est pas possible, économiquement, de prendre un avocat de pratique privée et qui ne sont pas éligibles à l'aide juridique, elles tombent entre les deux. Qu'est-ce qu'ils vont faire, ces gens-là? Qu'est-ce qu'ils devraient faire? (10 h 45)

M. Moreau: C'est tout le problème de l'accessibilité à la justice, mais il est certain que dépenser des sommes d'argent pour permettre au Protecteur du citoyen de se faire le défenseur d'une des parties, j'imagine, coûterait à l'administration aussi cher que de placer cet argent-là ailleurs, entre autres dans le réseau d'aide juridique. Ça ne changerait rien sur le plan des coûts, mais ça aurait des conséquences, il nous semble, sur le plan de l'institution que de faire ça. Quant aux coûts, ce sont des vases communicants, de toute façon. Si le Protecteur a les ressources pour le faire, cet argent peut être mis ailleurs, en l'occurrence à l'aide juridique ou autrement. Finalement, ce n'est pas une question de coûts, c'est davantage une question de principes, je pense, qui se pose.

M. Kehoe: Actuellement, pour les demandes d'aide juridique, pour l'éligibilité à l'aide juridique, est-ce que c'est vous autres qui déterminez... Quand une demande est faite pour de l'aide juridique, est-ce que c'est vous autres mêmes ou des corporations régionales qui déterminez l'éligibilité à l'aide juridique?

M. Moreau: C'est le directeur général d'une corporation régionale qui détermine l'éligibilité, mais quand on dit qu'il la détermine, il accorde plutôt des certificats d'éligibilité parce qu'il les accorde en fonction de la loi.

M. Baillargeon: C'est exact, mais, évidemment, par le biais de la délégation. Je veux dire que l'admissibilité sur le front, si vous voulez, ou sur le terrain, va se faire par le biais des avocats et des avocates de l'aide juridique dans chaque bureau de quartier ou dans chaque bureau régional ou, éventuellement, dans la Loi sur l'aide juridique il y a un règlement sur les critères d'admissibilité à l'aide juridique et l'avocat qui détermine l'admissibilité doit le faire au niveau d'une vraisemblance de droit - un minimum d'une vraisemblance de droit - et au niveau de critères économiques selon les barèmes décrits au règlement sur l'admissibilité à l'aide juridique. Et, éventuellement, il y a possibilité, s'il y a refus, de révision devant le comité de révision de l'aide juridique.

M. Kehoe: D'accord.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député. J'aurais quelques questions à Me Moreau, si vous me le permettez. J'aimerais revenir sur la question de mon collègue de Chapleau, relativement à l'apport du député ou la relation député-Protecteur. Je sais qu'en France ou en Angleter re, pour que lombudsman soit saisi d'une plainte, il faut absolument que ça passe par l'intermédiaire d'un député. Dans notre système, c'est évidemment différent. Cependant, dans d'autres Législatures provinciales, entre autres en Ontario, en Alberta, je crois, et au Nouveau-Bruns-wick, il existe un comité parlementaire permanent auquel le Protecteur du citoyen, évidemment, peut avoir recours, si vous me permettez l'expression, lorsqu'il existe des difficultés énormes entre l'administration publique et son institution comme Protecteur. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. Croyez-vous que ça serait avantageux dans notre système, au Québec, d'avoir un tel comité parlementaire permanent dans le cas, par exemple, où l'administration ne voudrait pas donner suite aux recommandations du Protecteur du citoyen? Évidemment, les membres ne seraient peut-être pas permanents parce qu'il y a des élections assez souvent, mais le comité pourrait être permanent.

M. Baillargeon: Éventuellement, je ne sais pas au niveau des Législatures provinciales dont vous parlez. Je ne les connais pas. Je ne sais pas si elles ont un accès inscrit dans la loi aux médias tel que le Protecteur du citoyen l'a ici, mais comme on le dit succinctement dans notre rapport, c'est un gros pouvoir que ça soit inscrit, l'accès aux médias, dans la loi comme telle. On peut voir, d'ailleurs, d'une manière ou d'une autre, dans la loi que ça se fait par plusieurs paliers, c'est-à-dire que le Protecteur peut intervenir auprès de l'organisme, au niveau du dirigeant de l'organisme. Ensuite, il peut faire un rapport écrit à l'Assemblée nationale, il peut en parler dans son rapport annuel, il peut même faire un rapport spécial et, éventuellement, il peut aller sur la place publique et faire des conférences de presse. De l'expérience et de ce qu'on a pu constater depuis deux ou trois ans, il semble que ça fonctionne bien et que le Protecteur du citoyen a une grande écoute parce qu'il sait bien doser, bien utiliser ce recours-là aux médias. Donc, il y a plusieurs étapes à suivre et je ne sais pas si ça n'alourdirait tout simplement pas le processus que de mettre une autre étape et d'amener ça devant une commission parlementaire.

Le Président (M. Dauphin): Je suis d'accord avec vous qu'il y a un taux de réussite quand même très élevé. On m'indiquait, l'autre jour près de 99 % de taux de réussite. Cependant, pour les autres domaines où ça ne réussit pas... C'est que, moi, je suis député depuis 10 ans, et je n'ai jamais vu un rapport du Protecteur du citoyen à l'Assemblée nationale, sauf, évidemment, son rapport annuel, mais un rapport particulier... Alors, avec un comité permanent de parlementaires, évidemment, ça deviendrait quasiment enchâssé dans nos habitudes et on pourrait y recourir plus facilement. Je voudrais juste vous entendre là-dessus.

M. Bourdeau: C'est une question aussi de recours expéditif. Le recours au Protecteur du citoyen est quand même très expéditif. Ça va vite, c'est efficace, c'est rapide, c'est simple. Et je me dis qu'en bout de ligne, ajouter une espèce de supraorganisme par-dessus ça, qui se verrait délégué en cas de non réussite, où s'en irait-on avec ça? Combien de temps ça prendrait à aboutir? Est-ce que, au fil des ans, on ne privilégierait pas plus une approche plus bureaucratique que le recours qui est quand même accessible et simple au Protecteur du citoyen? C'est des questions qu'on se pose.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. J'aimerais vous entendre sur un autre point. La semaine dernière, nous avons entendu plusieurs groupes relevant de la santé et des services sociaux. Évidemment, on a discuté beaucoup du mécanisme de plaintes existant et du mécanisme prévu dans le projet de loi 120 du ministre Côté. Plusieurs intervenants nous ont fait part qu'une amélioration, bonification ou changement du recours actuel, ça n'enlevait pas grand-chose, parce que dans plusieurs domaines de plaintes, c'est au niveau des corporations professionnelles dans les établissements de santé - plaintes à faire suite à un acte médical et tout ça - et les recours existants, évidemment, sont prévus en vertu des corporations professionnelles comme, par exemple, le comité de discipline des médecins. On nous dit que ce sont des pairs qui siègent là-dessus. Évidemment, plusieurs plaintes ne sont pas recevables. La majorité des plaintes ne sont pas recevables. Alors, puisque vous avez fait référence, tantôt, au fait que le citoyen peut recourir aux corporations professionnelles, est-ce que vous verriez d'un bon oeil que le Protecteur du citoyen puisse avoir juridiction sur les corporations professionnelles?

M. Moreau: En principe, non. En tout cas, il me semble que les corporations professionnelles sont là pour assurer la qualité des services donnés par les professionnels. Et si le Protecteur du citoyen intervenait, il me semble que ça pourrait déresponsabiliser, à ce moment-là, ces corporations et leur enlever l'imputabilité ou diminuer l'imputabilité qu'elles doivent avoir. Encore faut-il vous dire que la Commission des services juridiques n'a pas fait une étude exhaustive de cette question, mais son premier réflexe, c'est de penser que les corporations professionnelles doivent assumer leurs responsabilités, jouer leur rôle à plein, et si l'on diagnostiquait, dans notre société, une difficulté sérieuse à ce niveau, peut-être faudrait-il poser la question.

Le Président (M. Dauphin): J'aurais une autre question, si vous me le permettez. C'est que depuis quelques années, on est témoin d'une prolifération de ce qu'on appelle les ombudsmans maisons, ou sectoriels, ou exécutifs. Je lisais justement, hier soir, le mémoire d'un autre intervenant qui va être ici cet après-midi qui, évidemment, nous disait, lui - prenons l'exemple du commissaire aux plaintes à Hydro-Québec, le commissaire aux plaintes en vertu de la Commission de protection du territoire agricole - que ces deux commissaires, finalement, n'avaient pas vraiment d'indépendance, pas de pouvoir d'enquête, des recommandations, pour la plupart du temps, non entérinées. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce qu'on ne devrait pas plutôt demander que ces gens-là relèvent directement du Protecteur du citoyen? Je ne sais pas si vous avez réfléchi là-dessus, parce que ça existe dans plusieurs pays, mais nous autres, au Québec, depuis deux ou trois ans, c'est la mode, on est partis là-dedans, et j'aimerais vous entendre.

M. Moreau: Alors, le Protecteur du citoyen, on le disait, ce matin, a une grande crédibilité dans notre société. C'est une institution bien acceptée et bien comprise par notre population. On parlait également du mode de nomination du Protecteur du citoyen et, pour toutes ces raisons, il nous semble qu'il ne devrait pas y avoir prolifération de protecteurs, à gauche et à droite, pour chacun des domaines sectoriels. D'autant plus qu'il faut qu'il y ait une action assez uniforme d'un secteur à l'autre, et pour l'assurer, il ne doit y avoir qu'une seule institution, quitte à ce qu'elle ait les effectifs nécessaires pour être en mesure d'agir à différents paliers, mais toujours de façon uniformisée, avec la même philosophie, et que celle-ci ne varie pas d'un organisme à l'autre ou d'une responsabilité à l'autre. C'est un peu le danger de la prolifération.

Le Président (M. Dauphin): Alors, est-ce qu'il y a d'autres commissaires qui aimeraient poser des questions? M. le député de Beauce-Nord, ça va? Mme la députée, ça va?

Alors, au nom de tous les membres de la commission, nous aimerions remercier les membres de la Commission des services juridiques pour leur participation à nos travaux et leur souhaiter un bon retour.

Ensuite, nous demanderons au Conseil des communautés culturelles et de l'immigration de s'avancer, s'il vous plaît!

J'aimerais souhaiter la bienvenue au Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, représenté par sa nouvelle présidente, Mme Raymonde Folco. Alors, nous aimerions vous souhaiter la bienvenue.

Une période d'une heure a été prévue pour la rencontre d'aujourd'hui, donc, environ une quinzaine de minutes pour la présentation de votre exposé et, ensuite, débutera une période d'échanges entre les membres de la commission et vous-même.

Conseil des communautés culturelles et de l'immigration

Mme Folco (Raymonde): Merci, M. le Président. M. le Président, Mmes et MM. les commissaires, je souhaiterais vous remercier tout d'abord d'avoir accepté que le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration vous soumette un mémoire portant sur l'examen du mandat, des orientations, des activités et de la gestion du Protecteur du citoyen, mémoire que nous avons intitulé: Éléments pour le développement des liens avec les communautés culturelles au Québec.

Le mémoire que je présente aujourd'hui au nom du Conseil est divisé en trois parties: une présentation du Conseil en avant-propos qui sera très brève, suivie d'un autre bref portrait de la société québécoise en mutation, pour situer ensuite le Protecteur du citoyen dans ce cadre Je terminerai sur un nombre de recommandations visant à permettre au Protecteur du citoyen de développer des liens plus étroits avec l'ensemble de la population québécoise, et plus particulièrement en ce qui concerne le Conseil, avec les populations issues des communautés culturelles des minorités visibles, ainsi que les immigrants.

Créé par une loi de l'Assemblée nationale du Québec adoptée le 20 décembre 1984 et entrée en vigueur le 1er avril 1985, le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration est un organisme permanent et autonome dont la fonction principale est de conseiller la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration La mise sur pied du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, organisme de consultation et de recherche, procède d'une démarche qui vise à convier la population et les principaux secteurs de la société à une réflexion collective sur les questions touchant l'immigration et les communautés culturelles. (11 heures)

Depuis sa création, il y a plus de cinq ans, le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration du Québec a toujours eu et développé des liens de collaboration avec le Protecteur du citoyen. La collaboration a porté sur de nombreux dossiers, notamment les questions relatives à l'accessibilité des services gouvernementaux pour les membres des communautés culturelles et plus particulièrement pour les minorités visibles. De manière plus précise, au cours de l'automne 1987, le Conseil a été consulté à de nombreuses reprises par le Bureau du Protecteur du citoyen. Il voulait, d'une part, constituer une base d'informations sur les communautés culturelles, mais aussi être plus sensibilisé aux réalités sociales et économiques vécues par ces communautés. Par ces moyens, le Bureau du Protecteur du citoyen avait l'intention d'améliorer ses services à la clientèle et surtout de les adapter, si possible, à d'éventuels clients issus des communautés culturelles.

Suite à ces consultations, le Protecteur du citoyen mettait sur pied, le 2 mars 1988, plusieurs comités pour procéder à une planification stratégique de ces opérations. Parmi ces comités, l'un avait pour mission de préparer un plan d'action destiné aux communautés culturelles, aux autochtones et aux anglophones. Le mandat de ce comité comprenait aussi l'identification des moyens et des ressources nécessaires à la mise en oeuvre des recommandations qu'il produirait.

Le Conseil a aidé les membres du comité de travail à constituer une documentation valable sur les communautés culturelles, notamment un certain nombre de données socio-économiques et culturelles.

Les principales conclusions du comité de travail ont mis en évidence le fait que l'ombuds-man du Québec avait très peu de liens avec certaines clientèles relativement démunies face à

l'appareil administratif de l'État. En ce qui concerne les communautés culturelles et, parmi elles, les minorités visibles, leurs membres n'avaient pratiquement jamais eu recours aux services du Protecteur du citoyen et n'en connaissaient souvent même pas l'existence.

Face à l'ensemble de l'appareil gouvernemental, le rapport du comité déclarait qu'il y aurait une accessibilité inégale aux services publics pour les communautés culturelles. Il soulignait que les barrières linguistiques et culturelles sont un obstacle à l'accès aux services et à la communication avec le personnel administratif ainsi qu'avec celui chargé des opérations de première ligne.

Ces premières remarques, reliées aux suggestions et aux recommandations du comité de travail mandaté par le Bureau du Protecteur du citoyen lui-même, concourent à accroître la motivation du Conseil à prendre part de manière significative à la consultation générale organisée par la commission des institutions. L'objectif général de cette consultation est d'examiner le mandat, les orientations ainsi que les activités et la gestion du Protecteur du citoyen.

La dernière décennie a vu la composition de la population se diversifier de manière importante et se modifier dans ses éléments, surtout dans la région métropolitaine de recensement de Montréal. Aujourd'hui, comparativement à il y a 20 ans, quand le Protecteur du citoyen a été créé, les communautés culturelles ont une présence plus significative et plus évidente. Elles représentent près de 30 % de l'ensemble de la population du Grand Montréal, soit environ 700 000 personnes.

Il est urgent et nécessaire de considérer que l'immigration et la présence des Québécois des communautés culturelles concourent à nous aider à relever les défis actuels de notre société. En effet, les communautés culturelles représentent un atout pour le redressement de l'économie, un moyen de ralentir le déficit démographique et un apport solide à l'amélioration et à la consolidation de l'état de la culture francophone.

Un sondage d'opinion commandé par le bureau du Protecteur du citoyen et réalisé auprès de la population québécoise, dans le but de connaître sa notoriété, a permis à celui-ci de constater que près du tiers de la population adulte connaît l'existence du Protecteur du citoyen, mais que moins de la moitié de ce groupe est réellement informée des services offerts par cet organisme. Les citoyens qui méconnaissent le Protecteur du citoyen se définissent selon les caractéristiques suivantes: personnes de milieu défavorisé ayant entre 18 et 34 ans, majoritairement des femmes. Ces personnes, ce sont surtout des Montréalais ou encore résidant dans des régions autres que la région de Québec. Ces données révèlent paradoxalement qu'une grande partie des clientèles susceptibles d'avoir besoin des services du Protecteur du citoyen ne le connaissent pas et donc n'ont pas recours à ses services. Ce sondage confirme les conclusions contenues dans le rapport du comité de travail sur les communautés culturelles et ethniques, les autochtones et les anglophones dont il est question dans la première partie de notre mémoire.

Plus globalement, nous allons reprendre les principales conclusions de ce comité et essayer de dégager les voies et moyens par lesquels le Protecteur du citoyen pourrait mettre en oeuvre un plan d'action lui permettant de rendre ses services plus accessibles aux membres des communautés culturelles qui résident, à plus de 87 %, dans la région métropolitaine de Montréal.

Alors, 22 ans après sa création, le Protecteur du citoyen est-il vraiment présent de manière significative au sein de la population? Est-il connu du grand public, de certaines clientèles spécifiques comme les communautés culturelles? Quelles sont les perceptions et les attentes que le Protecteur du citoyen et son personnel éveillent chez les membres des communautés culturelles? Est-il accessible aux citoyens issus de ces communautés qui se sentiraient parfois lésés dans leurs rapports avec l'État?

La loi énonce les principales caractéristiques de l'institution du Protecteur du citoyen. Elles résident dans le fait qu'il s'agit d'un recours léger, gratuit, personnel et accessible à tout citoyen et à toute citoyenne. Depuis le début des années quatre-vingt, les demandes adressées au Protecteur du citoyen ont progressé de 133 %. La preuve est donc faite que, face à l'appareil gouvernemental, la population a besoin d'aide. Mais, comme le démontrent les résultats d'un sondage CROP-Express en date du mois d'août 1990, dont nous faisions mention plus tôt, les services du Protecteur du citoyen ne sont pas connus. Ses efforts d'information n'atteignent pas les cibles qui auraient le plus besoin de recourir à ses services, c'est-à-dire les groupes défavorisés, les femmes, la population âgée entre 18 et 34 ans et les membres des communautés culturelles, sans oublier les autochtones et les anglophones.

La question que pose le document de consultation, à savoir si le Protecteur du citoyen est un recours suffisamment et également accessible à tous les citoyens et citoyennes du Québec, demeure entière. Le cas des communautés culturelles, plus spécialement le fait que très peu de membres de ces communautés s'adressent au Protecteur du citoyen pourrait s'expliquer. Tout d'abord, comme c'est le cas chez la plupart des citoyens, peu de membres des communautés culturelles savent que le Protecteur du citoyen existe. Un nombre encore moins important d'entre eux comprennent sa mission, son mandat et ses services. Ensuite, le personnel du Protecteur du citoyen, comme le mentionne le rapport du comité, est peu sensibilisé aux réalités vécues

par les communautés culturelles.

Le rapport du comité met en relief un certain nombre d'obstacles qui compromettraient les relations ou les communications possibles entre le bureau du Protecteur du citoyen et les membres des communautés culturelles. Les principaux obstacles sont: les barrières linguistiques et culturelles ainsi que le manque d'intermédiaires entre les groupes et associations des communautés culturelles et le réseau des services publics; le manque d'information des communautés culturelles sur l'appareil gouvernemental et sur le fonctionnement des services publics; le manque d'organisation et l'isolement de certaines communautés anciennes ou plus récemment arrivées au Québec. Elles connaissent peu leurs droits collectifs et individuels; le manque de connaissance de la part des fonctionnaires de la spécificité et de certaines caractéristiques culturelles et sociales reliées aux origines ethniques, nationales et géographiques, et j'ajouterais peut-être professionnelles de ces nouvelles clientèles. Il s'agit notamment des attitudes que ces communautés peuvent avoir face à l'autorité, au pouvoir et/ou à l'État; le peu ou le manque de sensibilisation des fonctionnaires aux difficultés et aux problèmes sociaux et économiques que peuvent vivre les membres des communautés culturelles en situation d'adaptation ou d'intégration à la société québécoise. Et, enfin, la xénophobie, la discrimination, les attitudes racistes et, plus particulièrement, les préjugés, envers les communautés culturelles, de certains employés de l'État.

La consultation générale entreprise par la commission des institutions donne au Conseil des communautés culturelles et de l'immigration du Québec l'occasion de pouvoir faire des recommandations précises dans le sens de l'amélioration de l'accessibilité aux services du Protecteur du citoyen.

Les recommandations du Conseil portent essentiellement sur les communautés culturelles, sur la dimension interculturelle et l'adaptation de nos institutions à cette réalité. Les objectifs que nous poursuivons en intervenant devant la commission parlementaire sont: de développer une meilleure connaissance et d'accroître ainsi la compréhension de la société et de la culture québécoise chez les membres des communautés culturelles; de développer la reconnaissance de la réalité pluraliste, de faire la promotion d'attitudes favorables à la diversité, de valoriser les cultures d'apport auprès des membres de la fonction publique du Québec.

Cette démarche va dans le sens d'un soutien au rapprochement entre la majorité francophone et les communautés culturelles. Elle vise ultimement à favoriser le développement de relations plus harmonieuses et à contribuer ainsi à résoudre certaines tensions qui existent au sein de notre société. La participation du Conseil à cette consultation générale s'inscrit au coeur de

TÉnoncé de politique du gouvernement du Québec en matière d'immigration et d'intégration des communautés culturelles".

Le Conseil est conscient des actions déjà entreprises par le Protecteur du citoyen pour amorcer un rapprochement entre son bureau et les citoyens membres des communautés culturelles. Nous considérons que la volonté manifeste du Protecteur du citoyen de réussir ce rapprochement va dans le même sens que les objectifs poursuivis par le Conseil.

Prenant en compte l'ensemble de ces considérations, nous espérons que le rapport de la commission des institutions mettra l'accent sur l'objectif principal visé par notre mémoire. En effet, nous voulons que les services offerts par le Protecteur du citoyen soient mieux connus des communautés culturelles. Nous voulons aussi que celui-ci s'ouvre, se sensibilise aux réalités vécues par les communautés culturelles et forme son personnel afin qu'il comprenne mieux ces réalités Ainsi, le Protecteur du citoyen, suite à la présente révision de son mandat, de ses activités et de sa gestion, sera plus en mesure d'aider les communautés culturelles à trouver des solutions aux problèmes qu'elles rencontrent dans l'acces-siblité et la consommation des services gouvernementaux.

La situation que nous venons d'évoquer a suscité un intérêt certain de la part des pouvoirs publics. En décembre 1986, le gouvernement du Québec promulguait la "Déclaration sur les relations interethniques et interraciales" dans laquelle il affirme qu'il: "veillera à ce que soit respecté le droit de toute personne à l'égalité dans le domaine du travail, du logement, de la santé, des services sociaux, éducatifs ou des autres services offerts à la population, ainsi que dans l'accès aux lieux publics, sans discrimination fondée sur la race, la couleur, la religion, l'origine ethnique ou nationale".

Pour que ce droit à l'égalité se réalise, il serait souhaitable que de nombreux services publics et tout particulièrement, le Protecteur du citoyen puissent entreprendre des programmes d'action dans ce sens.

L'intervention du Conseil vise l'atteinte des objectifs mentionnés plus haut, mais aussi, nous le répétons, à appuyer la démarche déjà entreprise par le bureau du Protecteur du citoyen en vue de faire des communautés culturelles des clientèles prioritaires.

L'analyse du profil actuel de la clientèle du Protecteur du citoyen révèle qu'environ seulement 3 % des personnes qui ont recours aux services du bureau du Protecteur semblent provenir de groupes composés de bénéficiaires de l'aide sociale, de membres de communautés culturelles, d'autochtones et d'anglophones. Quand on sait que ces clientèles représentent 23 % de la population active du Québec et que leur proportion est supérieure à 37 % dans la grande région métropolitaine de Montréal, nous

devons conclure qu'un sérieux examen de la situation doit être entrepris et qu'il est impératif que des actions suivent assez rapidement. Le Protecteur du citoyen doit se faire mieux connaître de ces clientèles. (11 h 15)

Dans un document qu'il a présenté au Conseil du trésor pour l'année 1989-1990, le Protecteur du citoyen demandait des ressources additionnelles en vue de réaliser certaines priorités dont celle de se rapprocher des membres des communautés culturelles. Dans ce document, le Protecteur du citoyen se fixait comme objectif, dans les cinq ans à venir, que 20 % des demandes qu'il reçoit chaque année proviennent des clientèles qui nous préoccupent, c'est-à-dire: bénéficiaires de l'aide sociale, communautés culturelles, autochtones et anglophones. Cet objectif est louable, mais sa réalisation ne peut se faire en dehors de l'application systématique d'un plan d'action accompagné d'un échéancier précis.

En conséquence, le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration du Québec fait les recommandations suivantes: À l'interne: 1. Que le bureau du Protecteur du citoyen nomme une personne qui aurait pour responsabilité de développer des liens avec les Québécois des communautés culturelles. Cette personne permettrait au Protecteur du citoyen d'établir, dans les relations avec ses communautés, un climat de confiance indispensable à l'épanouissement réciproque de nouvelles attitudes; 2. Que le Protecteur du citoyen donne la priorité à l'embauche d'employés issus des communautés culturelles; 3. Que le Protecteur du citoyen révise sa stratégie de communication interne afin d'inclure dans la documentation imprimée ou audiovisuelle sur son mandat, ses fonctions et ses services, des données (textes, photos ou illustrations) sur les communautés culturelles; 4. Que le Protecteur du citoyen instaure un programme obligatoire de sensibilisation auprès de son personnel sur les réalités vécues par les Québécois des communautés culturelles.

Vers l'externe maintenant: 5. Que le Protecteur du citoyen établisse une véritable stratégie de communication externe qui tienne compte des Québécois des communautés culturelles. Il pourrait, par exemple, traduire en plusieurs langues certains documents de promotion de ses services; 6. Que le Protecteur du citoyen utilise les médias ethniques et les publications du réseau des communautés culturelles pour se faire connaître des Québécois des communautés culturelles; 7. Que le Protecteur du citoyen, conjointement avec des organismes tels que le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration et la Commission des droits de la personne du Québec, collabore à la mise en place d'un réseau d'appui et de soutien logistique (contenu, consultation d'experts, par exemple). Ce réseau aurait pour objectif la sensibilisation et la formation aux relations interculturelles ainsi que le soutien aux initiatives et aux activités de rapprochement avec les communautés culturelles; 8. Que le Protecteur du citoyen prépare un échéancier précis pour la mise en vigueur de son plan d'action envers les communautés culturelles; 9. Que le Protecteur du citoyen se dote d'un outil de traitement et d'analyse des demandes qu'il reçoit afin de lui permettre d'identifier les demandes qui proviennent des communautés culturelles. Il pourrait ainsi suivre l'évolution par étape et évaluer les résultats aux termes de son plan d'action.

Voilà l'ensemble des recommandations que vous présente le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme Folco pour votre présentation. Je vais maintenant reconnaître un député ministériel, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Messier: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme la présidente. Je passe un petit peu le préambule parce qu'on va avoir trois semaines ou peut-être quatre semaines, au mois de février, sur la politique du gouvernement en matière d'immigration où les membres de la commission de la culture auront à se pencher, comme vous venez de le faire, un peu sur l'aperçu général ou quoi faire pour une meilleure intégration des communautés culturelles.

Votre mémoire est excellent et très bien présenté. Quelques questions au niveau des recommandations. Peut-être la première et la principale: Vous demandez que le Protecteur du citoyen nomme une personne qui aurait pour responsabilité de développer des liens avec les Québécois des communautés culturelles. Selon vous, quel serait le statut de cette personne? Est-ce que ce serait un délégué du Protecteur du citoyen? Disons son statut légal ou son statut administratif, peu importe.

Mme Folco: Je pense que d'habitude, ce qu'on fait, lorsqu'on crée ce genre de poste qui est un poste de lien entre l'institution et les Québécois des communautés culturelles, c'est que, d'une part, on veut que le poste soit bien intégré à l'intérieur de l'institution, bien sûr, et que la personne soit directement responsable au chef de l'institution, dans ce cas-ci le Protecteur du citoyen. Il est important que, de part et d'autre, c'est-à-dire de la part des Québécois des communautés culturelles et de la part de l'institution du Protecteur du citoyen, que cette personne, si elle était nommée, soit perçue comme une personne dont le rôle est important pour le Protecteur du citoyen.

Et je suggérerais donc que son statut soit,

d'une part, évidemment, un statut de permanent, mais qu'elle ait aussi un accès direct au Protecteur du citoyen lui-même, en tant que poste.

M. Messier: Relevant du Protecteur du citoyen ou relevant du ministère des Communautés culturelles?

Mme Folco: Non, relevant du Protecteur du citoyen. Je pense que ce qu'on souhaiterait, aujourd'hui, c'est une responsabilisation de la part des diverses instances gouvernementales et paragouvemementales par rapport à l'ensemble des Québécois et, en particulier, par rapport aux Québécois des communautés culturelles. J'aurais peut-être quelques mots à dire un tout petit peu plus tard, si on me pose des questions qui m'amènent à cela. Je pense qu'on veut quand même amener les institutions à faire un certain nombre d'accommodements ou, en tout cas, à leur faire réaliser qu'il y a un certain nombre d'accommodements qui doivent se faire par rapport à cette partie-là de la population. C'est important de le faire.

Et c'est pourquoi je ne verrais pas, en ce qui nous concerne, au Conseil, que ces responsabilités, par rapport au Protecteur du citoyen, soient ramenées vers le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. Ce sont des responsabilités qui sont propres à l'office du Protecteur du citoyen et elles devraient y rester.

M. Messier: Selon votre expertise, est-ce qu'il y a d'autres ministères ou d'autres commissions qui ont cette préoccupation vis-à-vis des communautés culturelles, d'intégrer à même son personnel des personnes de haut calibre pour donner aux communautés culturelles le type d'information que vous demandez au Protecteur du citoyen? Est-ce que, selon vous, il y a des ministères ou des commissions?

Mme Folco: II y a des ministères. Je sais que le ministère de la Santé et des Services sociaux a une personne qui est responsable des liens avec la communauté. Il y a aussi plusieurs ministères qui ont déjà installé des programmes d'accès à l'égalité. Dans ce cas-là, il y a des personnes qui sont responsables de ces programmes d'accès à l'égalité. Il faut dire aussi que depuis à peu près un an et demi, la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration a installé un réseau de répondants où il y a un ou une répondante à l'intérieur de chacun des ministères québécois, qui a comme objet, comme mandat, justement de répondre aux besoins des communautés culturelles, et d'en faire état auprès de la ministre.

Donc, 9 y a un réseau qui existe, un peu comme le réseau qui a déjà existé par rapport au programme d'accès à l'égalité pour les femmes

M. Messier: O. K. Recommandation 6: Que le

Protecteur du citoyen utillise les médias ethniques et les publications du réseau des communautés culturelles - vous venez d'en faire état - pour se faire connaître des Québécois des communautés culturelles. Pourquoi cela n'a-t-il pas été fait? Est-ce que c'est une méconnaisance des communautés cuturelles ou... Pourtant, le mandat général est de donner des services à tous les Québécois et à toutes les Québécoises Et ils font partie intégrante de notre communauté. Pourquoi ça n'a pas été fait?

Mme Folco: Je ne peux pas répondre à savoir pourquoi le Protecteur du citoyen n'a pas fait cette action. Je sais que dans son rapport, il avait déjà montré une volonté de faire bien des choses. Est-ce que ça n'a pas été fait à cause d'un manque de budget? Est-ce que ç'a n'a pas été fait à cause d'un manque d'expertise? Il est bien clair que si on utilise les médias ethniques, il faudrait qu'il y ait quand même un certain nombre de cette utilisation qui se passe dans la langue d'origine de certains de ces membres-là. Peut-être que le Protecteur du citoyen n'était pas prêt à faire ce genre d'action. Je ne peux pas répondre pour eux, vraiment. C'est simple ment deux ou trois hypothèses que je peux émettre.

M. Messier: O. K. On va le voir, le Protecteur, et on lui posera peut-être cette question. Vous faites état, dans votre mémoire, du peu de plaintes qui sont faites chez le Protecteur du citoyen par les communautés culturelles. La barrière est possiblement la langue ou le manque de connaissances? Qu'est-ce qui viendrait en ordre de priorité? Le manque de connaissances de l'institution, la langue ou d'autres?

Mme Folco: Je pensais qu'il y aurait trois facteurs. Les trois facteurs auraient un ordre de priorité différent selon le pays d'origine, c'est-à-dire selon le type de société et le type de gouvernement en place dans le pays d'origine.

La langue est certainement un facteur important. C'est-à-dire que si on ne parle pas français, il est difficile d'avoir accès aux informations, d'une part, mais il est difficile aussi d'aller de l'avant et de porter plainte auprès du Protecteur du citoyen. Si on a un manque d'information, c'est peut-être en fonction de la norme. C'est peut-être aussi parce que pour certains immigrants qui... Nous appelons les immigrants les gens qui arrivent, qui ne sont pas ici depuis très longtemps. Pour ces immigrants qui ne savent pas quels sont les services auxquels ils ont droit parce que ces services n'existaient peut-être pas dans leur pays d'origine, donc, il y a peut-être cet empêchement.

Il y a un troisième empêchement qui est majeur pour certains groupes. C'est que le Protecteur du citoyen existe. Cet office-là existe dans des pays démocratiques, mais existe

beaucoup moins dans d'autres pays, disons sous des dictatures, et un grand nombre des réfugiés et des immigrants qui nous arrivent proviennent de ces pays et des pays du tiers monde, en particulier. Je ne suis pas sûre que les citoyens de ces pays aient la possibilité d'avoir recours ou qu'il y ait même un Protecteur du citoyen qui existe dans ces pays-là. Donc, il se pourrait tout simplement que les Québécois des communautés culturelles ou les immigrants ne connaissent pas du tout ce que fait le Protecteur du citoyen et ne reconnaissent pas cette indépendance et cette autonomie qui sont si importantes pour cet office, n'est-ce pas? Parce que, dans leurs pays d'origine, ce genre de choses là était quasiment impossible.

M. Messier: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député. Maintenant, je vais reconnaître Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je vous salue, Mme Folco. Nous nous sommes vues sous d'autres auspices de commission, il y a peu maintenant; il y a deux ou trois semaines, à peine, à Montréal, avec la Commission Bélanger-Campeau.

Mme Folco: Tout à fait.

Mme Harel: Je suis d'autant plus contente de vous recevoir que vous savez peut-être que malgré le peu de temps que j'ai passé au ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, j'ai la fierté d'avoir été à l'origine du Conseil que vous présidez maintenant et vous êtes la deuxième femme qui en présidez les destinées et c'est ce que je souhaitais, évidemment, au moment de sa création. J'espère que ça fait plaisir à mes collègues.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: J'aimerais peut-être vous interroger particulièrement sur un aspect que vous avez beaucoup développé dans votre mémoire. Incidemment, vous avez rappelé les responsabilités, la vocation, le mandat du Conseil et je pense que c'est un rappel qui peut être intéressant pour les membres de la commission. Mais il y a un aspect que vous développez beaucoup. Évidemment, ce sont les barrières qui, parfois, sont difficiles à franchir pour avoir accès aux services du Protecteur du citoyen et je voudrais échanger là-dessus avec vous. Vous définissez particulièrement deux barrières: celles linguistique et culturelle.

Mme Folco: Oui.

Mme Harel: Moi, à la lumière, justement, du profil des Québécois qui font appel aux services du Protecteur et à la lumière du sondage qui a été fait par CROP sur la notoriété du Protecteur, je me suis demandée si, finalement, ce n'était pas un troisième facteur qui était le plus déterminant, c'est-à-dire le facteur économique, et si l'état de défavorisation n'était pas plus déterminant que les deux autres. Je m'explique là-dessus parce que ce qu'on comprend avec le sondage de CROP, c'est que chez les citoyens qui ne connaissent pas le mandat du Protecteur du citoyen, on observe les caractéristiques suivantes et essentiellement des gens moins scolarisés: une plus forte proportion de citoyens chez les moins scolarisés, soit 84 % des peu scolarisés, c'est-à-dire ceux qui ont entre 0 et 7 années d'études. C'est assez important parce que c'est contre 69 % chez les moyennement scolarisés, 8 à 15 ans d'études. Alors, il y a quand même là une différence assez considérable. Je me suis demandée si, dans une stratégie de communication, dont devait se doter le Protecteur du citoyen, sa clientèle privilégiée ne devait pas être d'abord la clientèle qui a cette problématique de pauvreté, de sous-scolarisation parce que je dois vous dire que, à ce moment-là, ça permet de rendre une stratégie plus efficace ou plus fine. Si on fait une stratégie à l'égard des communautés culturelles dans leur ensemble, il n'est pas impensable d'envisager que chez certaines qui jouissent, par exemple, d'un niveau de scolarité ou d'un niveau de revenu, elles puissent... C'est ça qu'elles ne nous indiquent pas, finalement. Je trouve que, jusqu'à maintenant, on n'a pas suffisamment les instruments pour bien saisir, sauf cette réalité incontournable que chez les pauvres et chez les personnes moins scolarisées, là, il y a une méconnaissance complète de ce recours. (11 h 30)

Je vous pose la question du fait que vous nous dites, avec raison, qu'environ seulement 3 % des personnes qui ont recours aux services du bureau du Protecteur semblent provenir de groupes composés de bénéficiaires de l'aide sociale, de membres des communautés culturelles, d'autochtones et d'anglophones. Mais je crains qu'en liant ces quatre groupes-là, on imagine que c'est la même clientèle. Je ne le sais pas. En tout cas, je vous recommande peut-être la lecture - le secrétariat pourrait peut-être vous le transmettre - du mémoire de la Commission des droits de la personne présenté, la semaine dernière, devant la commission des institutions. La Commission des droits de la personne a, en annexe à son mémoire, illustré par un tableau la différence d'utilisation des services publics, dépendamment du fait qu'on soit d'une minorité visible et ethnique ou dépendamment du fait qu'on soit dans un groupe de contrôle français et anglais. Alors, ce n'est pas nécessairement sur la barrière linguistique anglophone-francophone, c'est sur une autre dimension.

Alors, je vous pose la question tout de go,

parce que je pense que les deux peuvent intervenir. Vous avez raison et vraiment raison aussi de dire - vous le mentionnez, je pense, à la page 13 de votre mémoire, c'est le deuxième aspect que je veux souligner - qu'il y a des attitudes face à l'autorité, face au pouvoir, face à l'État, des attitudes qui sont différentes, et ça se reflète dans le tableau de la Commission des droits de la personne, parce qu'on se rend compte que, par exemple, les minorités visibles et ethniques utilisent les services sociaux, utilisent les services publics, sauf en ce qui concerne ceux qui revendiquent des droits. Alors, on voit bien que lorsque c'est des services publics d'autre nature, elles les utilisent à peu près de la même façon que le groupe témoin français et anglais, mais quand il s'agit de services publics de reconnaissance des droits, ça vaut pour le Protecteur, ça vaut aussi pour les services juridiques, ça vaut aussi pour la Régie des loyers, ça vaut, finalement, pour tous les services publics de revendication de droits. Alors, ça confirme bien votre thèse qu'H y a là aussi une barrière qu'il faut franchir. Mais est-ce que la barrière économique n'est pas fondamentale ou celle de la sous-scolarisation? Parce que je me dis, à ce moment-là: J'aimerais, moi aussi, que le Protecteur n'oublie pas, dans sa stratégie de communication, les gens que, moi, je représente, qui sont des francophones pauvres et qui n'ont pas du tout connaissance des services que le Protecteur peut leur offrir.

J'ai toujours en tête la fréquentation universitaire. C'est le groupe de francophones de souche, si vous voulez - avant de trouver un autre terme - qui a une moins grande fréquentation universitaire et c'est le groupe anglophone-Ce n'est pas peu de choses, c'est 11,5 % chez les francophones, 19 % chez les allophones et 24 % chez les anglophones. Alors, il y a toujours une sous-scoiarisation chez les francophones. Je ne voudrais pas qu'on l'occulte, qu'on la mette de côté, parce qu'il me semble que ce serait un mauvais service qu'on rendrait à toute la société. Je ne sais pas ce que vous en pensez.

Le Président (M. Dauphin): Mme Folco.

Mme Folco: Oui. J'aurais plusieurs choses à dire. Tout d'abord, il est bien sûr qu'il ne faut pas regarder les Québécois des communautés culturelles comme étant un groupe homogène...

Mme Harel: C'est ça.

Mme Folco: ...où tout le monde, quel que soit le pays d'origine ou quel que soit le moment d'arrivée au Québec, se ressemble. Il y a des couches socio-économiques très différenciées parmi eux, pas nécessairement parce qu'ils viennent d'un pays ou d'un autre, mais, à l'intérieur du même pays, on peut très bien voir une famille qui arrive, où les parents sont des universitaires, justement, et une autre famille qui arrive exactement du même pays, même de la même région, où la famille elle-même est complètement non seulement sous-scolarisée, mais peut-être même analphabète, dans sa propre langue je veux dire. Ce qui fait qu'il y a, quant on analyse les communautés culturelles, plusieurs axes par lesquels on peut les analyser: le pays d'origine, le moment d'arrivée au Québec. Mais une analyse qui est extrêmement riche, c'est justement de quelle couche de la société cette famille-là provient-elle? Alors, ça, c'est un élément...

Mme Harel: Ça, c'est ce qui est le plus important.

Mme Folco: ...qu'il ne faut pas, comme vous le dites, occulter. C'est un élément qui est extrêmement important.

Un autre problème, puisque vous parliez de femmes, qui commence à se dessiner parmi les immigrants et les membres des communautés culturelles, c'est le fait que sous le choc, la pression et la tension de l'immigration, il y a des familles qui se séparent. On voit de plus en plus des familles qui n'auraient jamais accepté la séparation, le divorce, dans le pays d'origine où, à cause du fait qu'il y a des tensions par rapport à la nouvelle famille qui s'établit, le manque de travail peut-être et beaucoup aussi par rapport au nouveau rôle que les femmes, dans certains cas, veulent prendre ici au Québec, qui est, dans certains cas, différent du rôle qui lui était alloué dans le pays d'origine. Donc, on voit là encore l'éclatement de la famille qui commence à se faire sentir depuis quelque temps. Ce qui fait qu'on a aussi un autre groupe qui est peut-être favorisé socialement, mais qui devient défavorisé parce que les femmes se retrouvent chefs de famille monoparentale avec tous les problèmes qu'ont les chefs de familles monoparentales québécoises. Alors, ce n'est pas différent.

Je ne voudrais pas faire une priorité entre lequel des groupes doit être le plus aidé. Il est bien sûr que quand on est scolarisé, quand on parle la langue et, pour moi, quand j'ai parlé de problème linguistique, je ne parlais pas du tout - peut-être que ce n'était pas assez clair - des personnes de langue anglaise ici au Québec. Je n'estime pas que les personnes de langue anglaise ont un problème linguistique ici au Québec. Je parlais de gens qui parlent un des dialectes chinois, ou une des langues du Sud-Est asiatique, ou ainsi de suite. C'est de ces gens-là et de ces langues-là dont je parlais.

Alors, pour revenir donc à cette prémisse, d'une certaine manière il faut regarder à l'intérieur des communautés culturelles et se dire: II y a certains groupes qui n'ont pas accès, mais qui pourraient assez facilement avoir accès aux informations, parce qu'ils lisent dans leur langue d'origine et qu'ils ont, après quelques années,

accès aux journaux de langue française ou même de langue anglaise. N'est-ce pas? Ce sont des gens qui sont déjà scolarisés et qui, avec le temps, s'intègrent assez facilement. Ceux qui le sont moins, les personnes pauvres, les personnes des classes socio-économiques plus basses, c'est ces gens-là qu'il faut surtout aider, parce qu'ils ont tous les problèmes qu'ont les Québécois de souche de cette classe-là, plus les autres problèmes qui sont liés au manque de possibilité de communication en français, mais aussi au manque de compréhension de ce qu'est un Protecteur du citoyen. Après tout, c'est un rôle qui est relativement neuf dans nos sociétés. Il date d'après la guerre, je pense. Il me semble que quelqu'un qui vient d'un pays où ce n'est justement pas le gouvernement qu'on va voir lorsqu'on a des problèmes, cette personne-là ou la personne qui provient de ce pays ou de cette région...

Mme Harel: C'est le gouvernement qui fait les problèmes.

Mme Folco: C'est le gouvernement qui fait les problèmes, tout à fait. Donc, cette personne-là n'aura pas tendance à y aller, et si elle n'a pas accès aux informations, évidemment. Mais ceci est complexifié par le fait que même après des années, elle aura moins accès à l'information parce qu'elle provient de cette couche de société qui est une couche socio-économiquement très faible.

Je ne voudrais quand même pas présenter un message misérabiliste des membres des communautés culturelles. Ce que je veux simplement dire, c'est qu'il y a quand même, à l'intérieur des milliers de personnes - il y en a plus de 35 000, 40 000 - qui nous proviennent par année, qui sont des immigrants, il y en a évidemment de toutes les couleurs et il y en a de toutes les couches socio-économiques. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, Mme la députée?

Mme Harel: Oui. Alors, je comprends que vous considérez également qu'une des barrières, peut-être la plus déterminante et un des obstacles qu'il faut lever, est évidemment le facteur socio-économique, c'est-à-dire le niveau de sous-scolarisation et de pauvreté et que c'est malheureusement un état de fait dans toutes les communautés, y compris la communauté de souche.

Mme Folco: Tout à fait. C'est-à-dire que quand on parle des problèmes que vit la société, que ce soient des problèmes de logement, des problèmes de santé, des problèmes de chômage, ces problèmes sont vécus par tout le monde, c'est-à-dire quelle que soit leur origine, qu'ils soient Québécois de souche ou autre. Ce que je veux ajouter à cela, c'est que certains membres de la société ont tous ces problèmes, plus.

Mme Harel: Est-ce que, dans cette stratégie de communication, compte tenu du fait que le profil de la personne, du citoyen qui ne connaît pas les services de l'institution du Protecteur, c'est le suivant: une femme défavorisée de 18-34 ans, il ne serait pas souhaitable, par exemple, que le recours au Protecteur soit mieux connu peut-être, par l'envoi, dans l'enveloppe de chèque des allocations familiales, d'une brochure sur le Protecteur qui pourrait accompagner ce chèque?

Mme Folco: Je ne crois pas beaucoup aux écrits. Je m'excuse de le présenter ainsi. C'est-à-dire que, si je suis femme sous-scolarisée et pauvre, je ne pense pas que l'écriture me parle. Si on peut envoyer ces informations sur quelque chose d'imprimé qui peut parler à travers des images, peut-être quelque chose d'audiovisuel, je serais plutôt d'accord. Mais je pense que ce genre d'information se fait plutôt de personne à personne, de bouche à oreille, à partir aussi d'une personne qui est là pour nous donner les informations. Il y a aussi, il ne faut pas l'oublier, pour ces gens dont on parle présentement, c'est-à-dire les gens qui sont sous-scolarisés et qui appartiennent à des classes socio-économiquement faibles, quelles que soient leurs racines, qu'elles soient Québécoises de longue date ou de courte date, une certaine ghettoïsa-tion de l'esprit - il ne faut pas l'oublier - ce qui fait qu'on se referme de plus en plus dans son propre milieu. J'avoue que je ne pense pas que l'envoi d'un papier dans une enveloppe changera grand-chose.

Mme Harel: Alors, vaudrait-il mieux... Vous recommandiez vous-même l'utilisation des médias ethniques pour faire connaître aux Québécois des communautés culturelles les services du Protecteur.

Mme Folco: Oui.

Mme Harel: À ce moment-là, je comprends que vous le recommandez pour cette couche-là de membres des communautés culturelles qui sont scolarisés ou qui ont accès à leurs médias, du fait qu'ils ont accès à une lecture de journaux, etc.

Mme Folco: Ah! Excusez-moi. Les médias ethniques, cela veut dire tout autant des journaux, des revues que la télévision ou la radio.

Mme Harel: D'accord. Alors, vous préconisez l'usage des médias électroniques pour pouvoir rejoindre la clientèle plus défavorisée.

Mme Folco: Disons tous les médias. Je vois à quel point, par exemple, les femmes qui restent à la maison, écoutent la radio ethnique toute la journée. Il y a des programmes à la télévision, à Montréal, qu'on reçoit toute la journée et une

partie de la nuit. Ces programmes-là, surtout les fins de semaine, sont vus pas seulement par les femmes, mais par toute la famille. Mais pour rejoindre les femmes, je pense qu'il faut entrer, justement...

Mme Harel: Par la radio.

Mme Folco: ...dans le foyer par la radio et la télévision.

Mme Harel: Ça prouve, finalement, autant pour les femmes membres de communautés culturelles que pour les femmes qui sont des Québécoises de souche...

Mme Folco: Bien sûr.

Mme Harel: ...et qui partagent, compte tenu de leur situation socio-économique, la même relation avec les médias, je crois...

Mme Folco: C'est ça, tout à fait.

Mme Harel: Alors, ça pourrait être une façon, par exemple, que vous privilégieriez par rapport à l'écrit, pour les rejoindre.

Mme Folco: Oui, parce qu'il me semble que... C'est une chose que j'avais dite par rapport à nos dossiers aussi. Je pense qu'il ne faut pas s'attendre que ces personnes viennent chercher les informations. Il faut aller leur donner l'information sous une forme facilement digestible, si j'ose dire. C'est-à-dire qu'il faut leur parler à travers des situations concrètes, connues. Je ne veux pas faire preuve de paternalisme ici, en disant ça, mais il faut se situer sur le terrain où se situent les personnes qui vont lire ou qui vont entendre ce message.

Mme Harel: Alors, je vous remercie beaucoup...

Mme Folco: Merci, Mme Harel.

Mme Harel: ...pour votre contribution à nos travaux.

Mme Folco: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme la députée. Je vais maintenant reconnaître M. le député d'Anjou.

M. Larouche: Très bien. Alors, félicitations pour votre mémoire...

Mme Folco: Merci.

M. Larouche: ...qui est très bien structuré et qui dit beaucoup, en fonction, évidemment, de la vision de la réalité que vous avez au niveau de votre Conseil des communautés culturelles et de l'immigration.

La députée de Hochelaga-Maisonneuve m'enlève toujours les mots de la bouche, surtout lorsqu'elle parle avant moi. Alors, évidemment, ça tient à son bon jugement...

Mme Harel: C'est parce qu'on est voisins de comté.

M. Larouche: Ah! Exactement. Alors, ça nous permet de voir la réalité selon un certain prisme.

Mme Harel: Selon un certain angle.

M. Larouche: Ce qui ne veut pas dire que le député de Westmount ne peut pas partager aussi. Alors, d'est en ouest, il y a toujours un vent, aussi.

M. HoWen: Je vous écoute. M. Larouche: Vous m'écoutez.

Mme Folco: C'est un pluralisme souhaitable, je pense, M. le député. (11 h 45)

M. Larouche: Exactement, du nord au sud. Vous disiez qu'il y avait deux barrières, linguistiques et culturelles. Vous avez parlé de rajouter une barrière économique qu'il y aurait aussi. Moi, je pense aussi qu'il y a une barrière qui est un facteur de personnalité, et je me réfère justement... J'étais en route entre Montréal et Québec et on me référait à des cas de comté. Il y a des gens... Voyez-vous, parce que comme député, on agit aussi comme ombudsman. Il n'y pas seulement que le Protecteur du citoyen, il y a une fonction qui échoit au député, qui s'approche de beaucoup de celle de ('ombudsman. Vous remarquerez, comme député - mes collègues pourront intervenir - qu'il y a des gens qui se plaignent pour tout et rien. En fin de compte, ça banalise totalement la question du recours ou, un autre facteur de personnalité, il y en a pour qui tout est dû, du fait que vous êtes leur député. Cela leur est dû, la moindre petite chose. Alors, qu'il leur manque 0,22 $ sur un chèque, ils vont demander une heure et demie de votre temps. On dirait que c'est un manque de jugement de leur part.

Alors, l'accès au Protecteur du citoyen tient au facteur personnalité, dans le sens suivant... Il y en a d'autres qui vont dire: Bof! Après tout, avec le temps, ça reviendra, ou qui peuvent subir de très graves préjudices et qui ne se plaindront pas. On va en rencontrer, on va dire: Mais tu y avais droit, à cette chose. Ils vont dire: Bah! Éventuellement, j'aurai, comme on dit, le gros bout du bâton. Alors, c'est un facteur personnalité dont je voudrais que vous me partiez. Je pense qu'au niveau des communautés culturelles,

sans être raciste, on peut dire qu'il y a des peuples qui vivent sous la dictature et qui sont habitués d'en prendre. Alors, oui, oui, qui sont habitués d'en prendre. Ça ne veut pas dire que c'est souhaitable, ils vivent sous la dictature. Tout d'un coup, ils arrivent dans un milieu social, dans une société où, disons, c'est le paradis, à comparer avec ce qu'ils connaissaient.

Alors, entre les deux, est-ce qu'on peut prendre une personne d'une certaine communauté qui arrive au Québec ou au Canada et, tout d'un coup, lui dire: Voici, ici, le département des plaintes, s'il y a quelque chose, apporte ton "bat" de baseball, ça va aller comme ça, etc.? Je pense qu'on joue sur des demi-tons entre le piano et le sforzando. Comprenez-vous ce que je veux dire? Alors, c'est ça que je voudrais que vous me brossiez un peu.

Mme Folco: Toute personne qui vit au Québec a droit au recours au Protecteur du citoyen...

M. Larouche: Oui.

Mme Folco: ...et a droit à l'information qui lui permet d'avoir recours. Ce que cet individu fait de cette information après cela, ça le regarde entièrement, mais il doit y avoir équité devant tous les membres de notre société. Je ne peux pas parler d'un individu ou d'un autre, c'est bien clair, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites. Quand on va voir un député, des fois, on va le voir pour des raisons qui peuvent sembler au député un peu dérisoires. Sauf que le fait que ce député est là pour répondre aux besoins, c'est un symbole important de la façon dont fonctionne la démocratie québécoise et canadienne. C'est un symbole important pour les gens qui viennent ici.

Le fait qu'il y ait un Protecteur du citoyen qui soit disponible pour tout citoyen, ça aussi, c'est un symbole puissant. C'est une des raisons - je ne dirai pas que c'est la raison pour laquelle les gens viennent ici, mais ça fait partie d'un ensemble de facteurs qui fait que des gens viennent ici. Il y a des raisons économiques, mais il n'y a pas que des raisons économiques, n'est-ce pas? Si les gens sont habitués d'en prendre, c'est la raison pour laquelle ils partent aussi. Ceux qui sont partis, c'est parce qu'ils ne veulent plus en prendre. Ils veulent arriver vers un pays où ils n'ont plus à en prendre et ils sont égaux devant la loi. Quand ils ne sont pas égaux devant la loi, peut-être que chez certains, les sensibilités sont plus exacerbées peut-être et qu'ils vont, je ne sais pas, demander des choses qui ne sont pas dans le mandat du Protecteur du citoyen.

Pour moi, c'est important que cette information soit véhiculée auprès de tout le monde, que l'information soit véhiculée sous une forme qui permet à tout le monde de bien la com- prendre et de voir quels sont ses droits. Comment la personne va répondre à cela, c'est à elle, maintenant, de décider de le faire. Je ne pense pas qu'on puisse, nous, porter un jugement de valeur sur quelles sont les plaintes qui devraient être recevables ou non. De toute manière, le Protecteur du citoyen lui-même a le droit de ne pas recevoir un certain nombre de plaintes pour des raisons qui sont connues.

M. Larouche: Oui, mais là, je voudrais bien que vous m'entendiez. Pour moi, ce n'était pas une question... Je ne mettais pas en cause l'équité...

Mme Folco: Oui.

M. Larouche: ...je ne mettais pas en cause le rôle du député parce que, dans les divers rôles du député, il y a une fonction qui s'apparente énormément à celle de l'ombudsman ou du Protecteur du citoyen. Ce à quoi je me référais, c'est une question au niveau de l'attitude, l'attitude autant au niveau du requérant du service de l'administration publique que de l'attitude du dispensateur de services envers le bénéficiaire. Je me réfère en cela au mémoire de l'Association des centres d'accueil du Québec, où on nous parlait justement d'une question d'attitude. Alors autant au niveau de la dispensation des services, il peut y avoir une attitude bienveillante, une attitude d'accueil, autant au niveau du bénéficiaire il faut tenir compte de cette attitude-là aussi. C'est à ce niveau-là, c'est là que le facteur "personnalité" joue dans les deux cas. Comprenez-vous?

Mme Folco: Oui.

M. Larouche: C'est dans l'attitude du dispensateur du service parce que le rôle... Il faut bien situer tout ça dans le rôle du Protecteur du citoyen. En fin de compte, c'est le Protecteur du citoyen ou l'ombudsman, je préfère même l'ombudsman ou ombudswoman ou "ombuds-person", comme vous voudrez, mais il reste que, c'est pour voir en partie à la qualité. Est-ce que la personne a été traitée avec justice? Comprenez-vous? Alors c'est à ce niveau-là.

Mme Folco: Écoutez, je ne peux pas vous répondre sauf pour dire que, dans l'analyse qu'a faite le Protecteur du citoyen, les chiffres qu'on a aujourd'hui, c'est qu'environ 3 % des personnes qui ont recours aux services semblent provenir des groupes composés des bénéficiaires de l'aide sociale, de membres de communautés culturelles, d'autochtones et d'anglophones. Si, à l'intérieur de ces quatre catégories, je prends seulement les membres des communautés culturelles, donc, disons, à peu près le quart de 3 %, je me dis: II y a peu de demandes qui sont faites; donc, comment est-ce que je peux émettre une hypo-

thèse?

M. Larouche: Peut-être qu'ils n'en ont pas besoin.

Mme Foico: Pardon?

M. Larouche: Regardez au niveau des anglophones. Est-ce que parce qu'il y a moins d'anglophones... Ça tient peut-être au caractère ou au niveau socio-économique, ils en ont moins besoin. C'est peut-être pour ça aussi. Alors, on ne peut pas mettre dans des petites boîtes... mettons qu'on aurait quatre petties boîtes: Voilà, ce sont des communautés culturelles et, parce que ce sont des communautés culturelles, peut-être qu'on peut les mettre dans les mêmes attitudes que l'anglophone. Au niveau du francophone, peut-être qu'on se plaint plus aussi.

Mme Folco: Écoutez...

M. Larouche: Non, non, mais pourquoi pas? Ça...

Mme Folco: ...je ne suis pas en mesure de répondre...

M. Larouche: Bien non, mais je veux dire... Mme Folco: ...à ce genre de questions.

M. Larouche: ...c'est une hypothèse ça, mettons, qui pourra être examinée en cours de route, plus tard, par des experts.

Mme Folco: Je ne peux répondre à cette question. Je pense que la seule manière de voir, ça serait de prendre d'autres pays où ce ne sont pas des francophones et de voir dans quelle mesure...

M. Larouche: Non, je parle d'ici, là.

Mme Folco: ...le Protecteur du citoyen... Je ne sais pas. Il y a deux acteurs...

M. Larouche: C'est pour ça que je pose la question, je ne le sais pas.

Mme Folco: ...comme vous le dites: II y a la personne qui demande. Mais pourquoi demande-telle? C'est parce qu'elle pense que ses droits ont été lésés. Alors peut-être que le gouvernement ou un fonctionnaire dans le gouvernement a aussi fait quelque chose qui fait qu'il y a eu un résultat par rapport à la demande. Alors, je ne peux pas répondre à cette question vraiment.

M. Larouche: Justement, parce que moi non plus je ne pouvais pas y répondre et je pensais que vous pourriez peut-être m'apporter... Mais ça ne fait rien. Je pense qu'on est dans une mine ou dans un puits et, qu'éventuellement, il faudrait...

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député.

M. Larouche: ...être plus précis.

Le Président (M. Dauphin): Je vais reconnaître M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Merci, M. le Président. J'ai peut-être une question qui me préoccupe... Vous faites plusieurs recommandations. Le plan d'action, par le Protecteur du citoyen... Il a déjà annoncé un plan d'action dans lequel il y a différents éléments, entre autres de faire connaître les services que le Protecteur du citoyen peut rendre, et ainsi de suite.

Vous, dans vos recommandations, vous dites, entre autres: les embauches d'employés, une stratégie de communication, un programme obligatoire de sensibilisation et ainsi de suite. Est-ce que le plan d'action par le Protecteur du citoyen et les recommandations que vous faites coïncident ensemble? Est-ce qu'il y en a un qui complète l'autre? Est-ce que...

Mme Folco: Tout à fait.

M. Kehoe: Ce que je veux savoir: Lavez-vous vu le plan d'action du Protecteur du citoyen?

Mme Folco: Bien sûr. Nous y avons collaboré...

M. Kehoe: Sûrement.

Mme Folco: C'est ce que j'avais essayé de dire au début de mon mémoire.

M. Kehoe: C'est ça que je dis. Est-ce que les deux coïncident et sont identiques? Quelle est l'attitude du Protecteur du citoyen vis-à-vis de vos recommandations et quand on compare avec son plan d'action?

Mme Folco: Écoutez, le plan d'action a été le résultat d'une concertation entre le Protecteur du citoyen, la Commission des droits de la personne et le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration. Je n'étais pas présidente du Conseil à l'époque où ces débats avaient lieu, mais, d'après ce que j'ai vu du plan d'action, c'est une initiative qui provenait du Protecteur du citoyen et le Protecteur du citoyen souhaite vivement pouvoir avoir des liens plus étroits avec les Québécois des communautés culturelles. Le bien-fondé de ma présence ici devant la commission c'est d'appuyer, en fait, les demandes du Protecteur du citoyen en ce qui concerne justement ces liens avec les Québécois

des communautés culturelles.

Alors, ce plan d'action qui touche non pas seulement les communautés culturelles, les autochtones et d'autres groupes, les anglophones entre autres, va plus loin. Nous, ce qu'on a voulu faire ici dans nos recommandations, c'est prendre une partie de la clientèle, celle qui nous concerne le plus et appuyer, si vous voulez, les demandes du Protecteur du citoyen en ce qui concerne cette clientèle.

M. Kehoe: D'accord.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député. Juste avant de terminer, j'aurais une ou deux questions pour vous. J'aimerais revenir au tableau dont a fait état tantôt ma collègue de Hochelaga-Maisonneuve; un tableau qui avait été préparé par la Commission des droits de la personne sur les minorités visibles et ethniques de Montréal. On constate, à la lecture dudit tableau, qu'effectivement, le pourcentage d'utilisation des services publics par les minorités visibles et ethniques au niveau des services sociaux, dans les CLSC, par exemple, est près de 60 %. Alors, la question qu'on se pose c'est: si le mandat du Protecteur du citoyen était élargi en matière de services sociaux, par exemple, à ce moment-là, ne trouvez-vous pas que l'accessibilité au Protecteur du citoyen serait accrue? De fait, en voyant ça, ce sont les grands utilisateurs des services sociaux en matière de CLSC, par exemple. Seriez-vous d'accord avec cette hypothèse-là?

Mme Folco: C'est une des questions que pose la Commission dans son projet. J'y répondrai en disant qu'il y a un accommodement auprès des institutions. Par exemple, quand vous posez la même question par rapport à l'approche systémique. Est-ce que le Protecteur du citoyen devrait avoir une approche préventive par rapport aux institutions plutôt que simplement réactive? Je donnerai une réponse peut-être aux deux questions. Je souhaiterais vivement que les institutions québécoises reconnaissent de façon préventive certains types de problèmes qui pourraient atterrir sur leur palier. Il est difficile de prévoir la nature exacte des demandes que le Protecteur du citoyen peut recevoir de la part des minorités visibles et de la part des membres des communautés culturelles. Cependant, on peut quand même faire certaines hypothèses par rapport aux minorités visibles ou par rapport aux personnes dont la confessionnalité est autre que celle de la majorité québécoise.

Je pense que, compte tenu de la probabilité de la hausse dans les niveaux d'immigration au Québec, il faudrait que le Protecteur du citoyen, en ce qui concerne - puisque vous posez la question directement - les services sociaux, peut-être même en ce qui concerne le réseau de l'éducation, puisque c'est un peu le parallèle, mais je dirais aussi en ce qui concerne l'ensemble des institutions, ait une approche plutôt préventive de manière à préparer les systèmes à recevoir des demandes ou à donner des services ou à recevoir du personnel, quelquefois parmi leurs employés, qui aura à faire des demandes qui ne sont pas reçues présentement par les Québécois de la majorité.

Il faudrait peut-être que je m'explique. Si un employé des services sociaux est d'une confessionnalité qui l'oblige, s'il respecte sa religion, à être absent un certain nombre de jours dans l'année et que ces jours ne correspondent pas aux journées fériées de l'institution, que va faire cette institution? Est-ce qu'elle va permettre à l'employé de s'absenter sans lui enlever des journées de maladie ou des journées de congé ou est-ce qu'elle va faire en sorte que les personnes de cette confessionnalité N puissent naturellement s'absenter et que ça devienne leur droit de le faire? Je pense qu'on va avoir à faire face à ce genre de demandes et je pense que le Protecteur du citoyen devrait avoir cette approche préventive qui lui permettrait justement de préparer le terrain avant que les requêtes soient reçues en grand nombre, dans des moments de crise.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme Folco. Peut-être juste une dernière question. Lorsque vous recommandez à l'interne que le Protecteur donne la priorité à l'embauche de membres des communautés culturelles, allez-vous jusqu'à recommander un programme d'accès à l'égalité à ce niveau-là?

Mme Folco: Tout à fait, oui, avec toutes les étapes qu'il faut suivre de façon normale.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Alors, au nom de tous les membres de la commission, Mme Folco, nous tenons à vous remercier sincèrement de votre apport à notre commission et nous vous souhaitons un bon retour.

Mme Foico: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Je demanderais maintenant au Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec de s'avancer à la table des invités. Nous reprendrons dans une minute.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

(Reprise à 12 h 5)

Le Président (M. Dauphin): Nous allons reprendre nos travaux et c'est avec plaisir que nous recevons le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec, représenté par Mme Lorraine Guay, coordonnatrice et,

je crois, également, M. Jacques Saintonge, membre du conseil d'administration du Regroupement. Vous avez environ une quinzaine de minutes pour nous présenter votre exposé et, ensuite de cela, nous procéderons à une période d'échanges entre les membres et vous-mêmes. Alors, si vous voulez débuter.

Regroupement des ressources alternatives

en santé mentale du Québec

Mme Guay (Lorraine): Nous vous remercions infiniment de nous accueillir ici. Si vous le permettez, on a choisi de prendre quelques minutes de notre présentation pour vous soumettre un peu, en tant qu'élus, notre position sur la guerre du Golfe, étant donné que c'est une situation assez explosive, à l'heure actuelle, et on a tenu, en assemblée de notre conseil d'administration, à soumettre à nos élus un certain nombre de réflexions là-dessus.

Le Président (M. Dauphin): Très brièvement, si vous me le permettez...

Mme Guay: Oui, très brièvement.

Le Président (M. Dauphin): ...parce que ce n'est pas l'objet de notre mandat aujourd'hui.

Mme Guay: Non, nous comprenons ça aussi, tout à fait, et ça va entrer à l'intérieur de notre petit exposé.

Le Président (M. Dauphin): Parce que, sinon, on va créer des précédents et ça va être...

Mme Guay: C'est ça.

Le Président (M. Dauphin): ...un autre sujet tantôt.

Mme Guay: On voulait simplement faire connaître que le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale s'est prononcé, évidemment, contre cette guerre-ci et souhaite que le Canada retire ses troupes du Golfe persique. On dénonce, bien sûr, aussi l'annexion et l'invasion du Koweit par Saddam Hussein et on trouve qu'au niveau de la violation du droit international, à ce niveau-là, et les Américains et l'Union soviétique n'ont pas de leçon à donner. Ce qu'on souhaiterait et ce qu'on va faire aussi au sein du Regroupement, c'est de trouver des façons d'éduquer sur les causes historiques, sur la misère qui est une des causes fondamentales de ça et sur la question du problème palestinien. Ce qu'on demanderait à nos élus, c'est de prendre tous les moyens nécessaires pour qu'on retrouve des moyens de négociation au sein de cette guerre-là.

Ceci dit, on voudrait vous faire part également, étant donné qu'il s'agit de droits - on est en plein dedans, à un autre niveau, bien sûr - de la position du Regroupement des ressources alternatives sur l'élargissement du mandat du Protecteur du citoyen. C'est M. Jacques Saintonge qui vous fera part de la position du Regroupement, qui est d'être contre l'élargissement du mandat du Protecteur du citoyen, plus spécifiquement dans le domaine qui nous intéresse, nous, c'est-à-dire celui de la santé mentale. On ne se prononce pas sur les autres aspects de la santé et des services sociaux.

Très rapidement, qui nous sommes. Un regroupement de 65 ressources alternatives, variées dans leurs objectifs et leur fonctionnement, et qui favorisent l'association de psychia-trisés entre eux et l'alliance d'intervenants et d'ex-psychiatrisés pour présenter des réponses alternatives à la souffrance émotionnelle. On sait que le terme "psychiatrisé" en choque un certain nombre, à commencer par les psychiatres, mais il reste que c'est une appellation que se sont donnée les gens eux mêmes pour signifier que dans ce système de la santé et des services sociaux, en santé mentale, il y a un arbitraire psychiatrique qui existe et qu'une des formes de préjugés, ce serait de ne pas le reconnaître.

On veut souligner qu'on est tout à fait heureux et satisfaits de la volonté que manifeste le gouvernement québécois à l'heure actuelle de consolider les droits des personnes au sein d'un système de santé et de services sociaux, en particulier, le renforcement des comités de bénéficiaires et la mise en place d'un système d'aide et d'accompagnement au niveau régional.

Une voix:...

Mme Guay: C'est parce que je ne veux pas parler pour rien. Alors...

Mme Harel: Vous ne parlez pas pour rien, madame.

Le Président (M. Dauphin): Non

Mme Guay: Non, mais c'est parce qu'il y en a qui n'écoutent pas.

Le Président (M. Dauphin): On va demander un conseil.

Mme Guay: D'accord.

Le Président (M. Dauphin): Allez-y, madame.

Mme Guay: À ce niveau-là, on trouve qu'il y a des mécanismes qui sont intéressants et on tient à le souligner.

L'autre aspect, par ailleurs, de notre préoccupation, c'est que les mécanismes de recours ou les mécanismes d'utilisation du droit comme tel, ça se situe toujours dans un contexte

sociopolitique et il y a deux aspects de ce contexte qui nous préoccupent particulièrement. C'est celui de l'accroissement des inégalités, où on sait que malgré l'existence de recours juridiques, les personnes qui sont défavorisées économiquement utilisent moins ces recours. Je pense qu'il y a plusieurs études qui ont prouvé cette affaire-là. On trouve, en particulier, préoccupant le fait que, d'une part, on veuille augmenter les recours juridiques, ce avec quoi on serait d'accord, mais qu'en même temps on est placés devant un gouvernement qui, par d'autres législations - la loi 37, par exemple - contribue à restreindre certaines libertés fondamentales. Ça, on tient à le souligner parce que les gens avec qui on travaille sont à 98,9 % des gens qui sont pauvres, des gens qui sont des utilisateurs de l'aide sociale, des gens dont la fragilité émotionnelle est décuplée par la fragilité économique. On trouve qu'il y a là une espèce de double discours au niveau du gouvernement à l'heure actuelle.

Un autre aspect du contexte dans lequel on travaille, c'est celui de la désinstitutionnalisation et du pouvoir psychiatrique. On sait, ce qu'on avait souligné dans un mémoire qui date déjà, que l'arbitraire psychiatrique sévit dans les hôpitaux psychiatriques et ce, malgré l'existence de la Charte des droits et libertés. On fait aussi remarquer à la commission que certaines pratiques administratives, la sectorisation, par exemple, en santé mentale, restreignent de façon importante les droits d'un certain nombre de personnes psychiatrisées.

On voudrait aussi vous souligner le fait que les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ont des fragilités particulières qui font que, tout en étant des citoyens à part égale, elles connaissent des difficultés importantes pour faire respecter leurs droits. Alors, on vous avait mis, en page 12, un poème d'une psychiatrisée, justement, qui dit: Excuse-moi, je crois que je me suis mise à la mauvaise place par méconnaissance, par inadvertance, par espérance ou par inexpérience. Ça exprime de façon poétique, un peu, toute la fragilité dans laquelle se situent des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale.

Tout ça pour dire que, quand vient le temps d'exercer des droits, ces personnes, encore une fois, sont doublement pénalisées, à la fois au niveau de leur statut socio-économique et au niveau de leur fragilité émotionnelle, de sorte que ce vers quoi, nous, on voudrait se diriger davantage, c'est l'utilisation d'un véritable système d'"advocacy", un système d'aide, d'accompagnement muni de tous les pouvoirs nécessaires pour aider individuellement et collectivement les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale. Alors, c'est pourquoi Jacques va vous expliquer les raisons qui nous amènent à notre position. (12 h 15)

Le Président (M. Dauphin): M. Sainlonge, ça va?

M. Saintonge (Jacques): Oui.

Le Président (M. Dauphin): C'est contrôlé.

M. Saintonge: Donc, nous, on est contre l'élargissement du mandat du Protecteur du citoyen ou de Hombudsperson" en santé mentale pour les raisons suivantes. D'abord, on trouve que le mandat de Pombudsperson" relève du pouvoir politique et même si, théoriquement, Pombudsperson" est indépendant du pouvoir politique, il n'en reste pas moins que, souvent, il y a des nominations politiques. En plus, on se demande si, par exemple, un ministre de la Santé et des Services sociaux était psychiatre, comme c'est déjà arrivé par le passé, il n'y aurait pas des conflits d'intérêts.

La deuxième raison, c'est que le Protecteur du citoyen n'a pas juridiction sur les corporations professionnelles. Là-dessus, on sait que les recours contre des corporations professionnelles sont à peu près nuls. Par exemple, la Corporation professionnelle des médecins a reçu 765 plaintes et il y en a seulement 12 qui ont été déclarées recevables. Alors, ça ne fait pas un gros pourcentage, d'autant plus que ce qui arrive, c'est qu'avant d'aller devant le comité de discipline, soit pour le Conseil des médecins-dentistes, de l'hôpital ou des corporations professionnelles, il y a justement un comité qui juge de la recevabilité de la plainte et la plupart des plaintes sont éliminées comme ça. Alors, il reste les tribunaux, mais les tribunaux, il faut quasiment se rendre à la Cour suprême. En tout cas, ça reste complètement prohibitif pour les personnes, d'autant plus que, comme on l'a dit tout à l'heure, à peu près 98,9 % des personnes qui ont des problèmes émotionnels sérieux sont sur l'aide sociale.

La troisième raison est que l'on trouve qu'il y a déjà un recours possible à la Commission des affaires sociales et à la Commission des droits de la personne. On trouve que ce serait mieux de renforcer ces recours-là et non pas de les affaiblir. Par exemple, dans la Loi sur les services de santé et services sociaux, on élimine le recours à T'ombudsperson" pour des régies régionales qui voudraient contraindre un établissement à s'exécuter. Je pense qu'il y a un problème, parce qu'on sait que les plaintes vis-à-vis des CRSSS, des gens ont déjà assez de difficultés à se défendre, qu'en plus, si, au bout de la ligne, il n'y a pas au moins un tribunal coercitif, on risque de ne pas aller loin avec ça.

Donc, on pense qu'il devrait y avoir renforcement des recours à la Commission des affaires sociales et à la Commission des droits de la personne qui s'occupent, finalement, à la fois des problèmes de discrimination puis des problèmes de droit comme tels.

Ensuite, l"'ombudsperson" demeure une "créature" du gouvernement sur laquelle les citoyens et les citoyennes n'ont aucun contrôle démocratique. Encore là, je pense que si on veut responsabiliser les personnes et les faire participer à des instances sur la défense des droits, ce n'est pas une très bonne façon.

Ensuite, la cinquième raison, des groupes de défense de droit ont dû se créer dans des secteurs où le Protecteur du citoyen avait mandat d'intervenir. Par exemple, pour l'aide sociale, il y a eu des avocats populaires qui ont dû se mettre en place. Pour les travailleurs et travailleuses accidentés, il y a eu la Fondation d'aide aux travailleurs accidentés. Pourquoi cela? C'est parce que l'"ombudsperson" ne peut que se prononcer sur la question de l'erreur de droit. S'il y a une erreur de droit, l'"ombudsperson" va se prononcer, mais ce n'est pas une défense des droits. Par exemple, si on veut inclure la contestation du diagnostic, l'appel au tribunal administratif basé sur la contre-expertise, la défense pour les personnes accidentées et pour les personnes psychiatrisées, l"'ombudsperson" est inadéquate là-dessus, d'autant plus que l"'ombudsperson" n'a qu'un pouvoir de recommandation. On dit qu'on est en période de restriction budgétaire. Quant à dépenser de l'argent pour des recours, aussi bien que les recours soient plus efficaces et plus directs.

Ensuite, on est pour la responsabilisation des premiers et premières concernés, c'est-à-dire que je pense que les personnes psychiatrisées devraient être les premières à faire partie des comités de défense des droits et que ces comités-là aient des pouvoirs d'enquête, des pouvoirs accrus d'intervention, avec un véritable tribunal coercitif.

Ensuite, une autre chose, c'est qu'on s'est fait dire que le budget serait pris à même celui de la santé mentale; on trouve ça inacceptable. Les ressources ont déjà de la misère à arriver. Il va y avoir, en plus, un élargissement de leur mandat et, donc, elles vont avoir plus de monde à s'occuper. Je pense que ce n'est pas le temps de leur couper leur propre budget pour, finalement, un recours presque symbolique. Le seul recours qu'on conserverait à l"'ombudsperson", c'est au niveau de l'approche systémique, par exemple, une critique comme on vient de faire par rapport à la loi 37 ou, en général, des critiques par rapport à des insuffisances de droits dans telle ou telle loi

Nous sommes, par contre, pour un véritable systême de défense des droits. Alors, nous, on voudrait que ce système-là soit complètement indépendant du réseau public, à but non lucratif, dont les structures décisionnelles impliquent majoritairement la participation des personnes ayant et ayant eu des problèmes de santé mentale. Un système ayant développé une proximité et une connaissance approfondie des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale, possédant une expertise au niveau du fonctionnement des institutions et des pratiques de divers corps professionnels et non professionnels travaillant en lien avec les usagers et usagères, possédant des pouvoirs d'enquête et de recommandation, appelé à intervenir au niveau des droits individuels et collectifs, ayant un accès rapide et souple à la Commission des affaires sociales. Nous vous remercions de votre attention.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. Saintonge. Nous allons maintenant débuter la période d'échanges et je vais reconnaître, en tout premier lieu, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir que j'accueille les représentants du Regroupement. Le Regroupement est composé de 65 groupes membres. Je pense qu'il vaut la peine de rappeler votre représentavitié: 65 groupes membres à travers toutes les régions du Québec. J'ai eu l'occasion, parfois, en tournée dans des régions périphériques, de visiter certaines des composantes du Regroupement. Je sais que vous travaillez dans des aspects très variés comme l'hébergement, l'entraide, la défense des droits Alors, j'ai beaucoup d'estime pour votre regroupement. Mais, je vous le dis comme ça, ça va être plus facile d'échanger, je ne partage pas votre point de vue et je pense qu'il faut que vous le sachiez avant qu'on commence, pour que vous sachiez pourquoi je vais vous poser les questions que je vais vous poser.

D'abord, il y a des choses vraiment intéressantés dans votre mémoire, quand vous nous parlez du pouvoir psychiatrique et, évidemment, de la dimension également. Je vous remercie de nous avoir cité Claude Julien. J'invite mes collègues à en faire lecture à la page 8. Je crois que c'est une des plus belles définitions qu'on ait vues des effets pervers de la pauvreté sur la démocratie et sur les droits démocratiques des citoyens pauvres.

Premièrement, si on revient à votre mémoire, à la page 7, vous dites: Nous souhaitons vivement que la loi à venir sur la santé et les services sociaux maintienne le cap sur les orientations telles qu'elles apparaissaient dans les avant-projets de loi ou dans les livres, pas les avant-projets de loi, mais plus les livres blancs de la ministre qui précédait. Ce n'est pas le cas, on le sait maintenant. Je comprends que vous ayez adopté votre position, qui est inscrite dans le mémoire, le 27 octobre, mais depuis lors, il y a eu le dépôt du projet de loi 120. Non seulement il n'y a pas de recours au Protecteur du citoyen, il n'y a plus de recours à la Commission des affaires sociales.

Évidemment, la question que je vais vous poser, c'est: Maintenez-vous toujours la même position, sachant que la Commission des affaires

sociales a le même mode de nomination que le Protecteur du citoyen? Quand vous dites que c'est une nomination politique, on peut entendre partisane, surtout quand un parti ministériel détient les deux tiers des voix à l'Assemblée, mais il en va tout autant pour la Commission des droits de la personne. La Commission des droits de la personne a le même mode de nomination, d'une part, et, d'autre part, le Tribunal des droits de la personne n'a même pas ces apparences d'indépendance parce que le président - qui est une présidente, présentement, du Tribunal - est uniquement nommé par le pouvoir exécutif, même pas par le pouvoir législatif, il en va de même de la Commission des affaires sociales, uniquement par le pouvoir exécutif. Il y a même eu un groupe de travail qui a examiné de près ces problèmes de non-indépendance des tribunaux quasi judiciaires et administratifs.

Alors donc, il n'y a même pas ce recours au Protecteur du citoyen, ni systémique, ni rien. Vous, vous dites: On préfère le recours à la Commission des droits et le maintien de la Commission des affaires sociales. La Commission des droits de la personne est venue ici, la semaine dernière. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance de son mémoire. Eux disent: On n'est pas suffisant et on voudrait, justement pour les clientèles hébergées, vulnérables, que le mandat du Protecteur soit élargi. Parce qu'ils disent: Nous, ce qu'on peut faire, c'est de faire enquête dans les cas d'exploitation. Ils nous ont cité un exemple où ils vont réclamer 1 000 000 $, mais il a fallu trois ans avant que le cas d'exploitation soit porté à leur connaissance. Ce qu'ils disent, c'est: II ne faut pas attendre l'exploitation. Il faudrait que, chaque jour, dans l'établissement - là, on ne parle pas de tous les établissements, on parle de ceux qui ont mandat ou une vocation à l'égard des bénéficiaires vulnérables et hébergés. Dans ces établissements, il ne faut pas attendre qu'il y ait de l'exploitation, il faut justement faire en sorte qu'il n'y en ait pas.

Alors, dans ce contexte-là, est-ce que vous avez évolué sur la position que vous adoptiez au mois d'octobre dernier?

Mme Guay: Non, c'est-à-dire qu'on n'a pas rediscuté de cette position-là à la lumière du nouveau document, ce qu'on va faire certainement. C'est clair que le fait que la Commission des affaires sociales ait disparu, à l'heure actuelle, de la législation, c'est quelque chose, pour nous, d'assez dramatique parce qu'il reste que cette Commission-là avait des pouvoirs d'enquête, des pouvoirs coercitifs par rapport aux établissements. C'était une Commission à partir de laquelle les mécanismes d'aide et d'accompagnement auraient pu travailler de façon beaucoup plus efficace. C'est un des aspects de notre argumentation à ce niveau-là. On va revenir, bien sûr, à ce niveau-là, là-dessus.

Le deuxième aspect: C'est sûr que le caractère partisan... On connaît le mode d'élection de la Commission des affaires sociales, de la Commission des droits de la personne etc. Ce qu'on dit là-dessus, c'est qu'on préfère mettre l'accent davantage sur un système plutôt que d'ajouter un mécanisme qui a les mêmes modes. D'une certaine façon, on préfère utiliser ceux qui sont déjà là et on préfère mettre l'accent sur une voie différente de défense des droits. Je pense qu'on dit de façon assez claire: II peut paraître odieux de se prononcer contre l'ajout d'un recours. Je vous dis qu'on en a discuté bien honnêtement entre nous. Ce n'est pas l'ajout d'un recours qui va faire une... On va partir en guerre comme ça. Je pense qu'il faudrait que vous compreniez bien le sens de notre intervention, ce n'est pas ça du tout. C'est qu'on dit: II faut commencer à travailler - comment je dirais bien ça - ailleurs et autrement dans la question de la défense des droits. De la même façon un peu qu'à l'époque, au début des années soixante-dix, la naissance des services juridiques communautaires a été un acquis majeur pour l'ensemble des populations défavorisées. (12 h 30)

Ce mécanisme-là n'a pas ajouté d'autres recours; ça a tout simplement permis à des populations défavorisées d'utiliser les recours existants. Nous, on dit: Au niveau de la santé mentale et des personnes vulnérables, on préfère essayer, plutôt que d'ajouter un autre recours à l'heure actuelle, on préfère mettre, allons-y, tous nos oeufs dans le même panier et faire en sorte que ce mécanisme d'aide et d'accompagnement devienne véritablement un outil d'abord contrôlé par les citoyens et les citoyennes eux-mêmes qui ont vécu des situations de vulnérabilité à ce niveau-là et fasse l'expérimentation, développe un nouveau type d'expertise dans la défense des droits et des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale. Alors, en utilisant les mécanismes existants à l'intérieur de ça, les mécanismes de recours, ce qu'on pense, c'est que ça ne serait pas mauvais qu'il y ait un recours de plus, ce n'est pas ça du tout le sens de l'argumentation, mais ce qu'on dit, c'est qu'il ne va pas plus être utilisé que ne le sont les mécanismes actuels s'il n'y a pas un mécanisme d'aide et d'accompagnement mobilisateur qui fait en sorte que les gens sont amenés eux-mêmes à prendre en charge leur situation de défense du droit. Et ça, dans le domaine de la santé mentale, c'est une situation difficile, délicate... Je n'ai pas besoin de vous faire la démonstration que, pour un psychiatrisé, de faire une plainte contre son psychiatre, ça ne va pas de soi, ou de faire une plainte contre le département où il est hospitalisé, encore une fois, ça ne va pas de soi. Alors que le Protecteur du citoyen existe ou pas, que la CAS existe ou pas, ce n'est pas là que va se jouer l'essentiel de sa capacité d'utiliser ses droits. C'est dans l'existence d'un

mécanisme d'aide et d'accompagnement qui, tranquillement, va l'amener à être conscient qu'il en existe des droits et qu'il peut les utiliser. C'est ça l'essentiel, je pense, de notre message, si on veut.

Mme Harel: J'ai trouvé ça particulièrement intéressant, plus même, vraiment très démocratique que vous indiquiez dans votre propre mémoire que deux de vos membres, en fait les comités de bénéficiaires de Robert-Giffard et de Louis-Hippolyte, présentaient des positions qui se distinguaient du fait que ces comités souhaitaient utiliser l'expérience de l'extension de la juridiction du Protecteur. Si on y va sur le fond, les représentations qui ont été faites ici sont à l'effet que le recours devrait être dans l'établissement. Moi, en lisant votre mémoire, je me suis dit: Dans le fond, c'est un recours extérieur à l'établissement. On fait valoir que, dans l'établissement, il y a comme besoin d'un recours indépendant, impartial, qui ne soit pas l'équivalent de ce qui est dans le projet de loi 120, c'est-à-dire un salarié de l'établissement, mais un recours dans l'établissement de personnes hébergées et vulnérables de manière à ce que ça ne soit pas une trahison justement, de manière à ce que ça culpabilise moins la personne d'aller à l'extérieur, parce que juste d'aller à l'extérieur, c'est déjà, en soi, une démarche qui est très difficile.

Je reviens simplement sur l'aspect du Protecteur, eu égard, par exemple, à la Commission des droits de la personne, parce que vous dites à page 14: "Le Protecteur relève du pouvoir politique." Je veux évidemment qu'on se le répète, la Commissbn des droits aussi. Vous donnez l'exemple des réactions négatives du ministre de la Sécurité du revenu lorsque le Protecteur a pris position en regard des effets négatifs de la loi 37. Mais si vous connaissiez des réactions aussi négatives lorsque la Commission des droits de la personne a pris position; c'est-à-dire que c'est inévitable que, dans une société comme la nôtre, les institutions qui ont comme vocation de contrer, d'une certaine façon, je dirai, la légitimité dont se dote l'appareil ministériel, ces institutions déplaisent, quelles qu'elles soient. Il faut donc être très forts quand on les préside. Il faut aussi avoir des garanties d'indépendance, ça c'est évident. Quels que soient les gouvernements, ces institutions-là, si elles jouent bien leur rôle, vont toujours déplaire, ça c'est certain.

Je reviens sur la question sous un autre angle. Avec raison vous avez cité FATA dans le domaine des accidentés du travail et la Fondation pour les accidentés du travail; vous avez cité aussi les groupes de défense des personnes assistées sociales et vous le faites comme si, dans le fond, c'était là pour suppléer à la faiblesse du Protecteur du citoyen. D'une certaine façon, vous dites: La preuve que le Protec- teur du citoyen n'est pas suffisant, c'est qu'il a fallu mettre sur pied des groupes de défense Quand j'ai lu ça, je me suis dit, moi, je pense qu'il y a une grosse, grosse confusion sur le rôle des uns et des autres parce que je le vois plus complémentaire. Les groupes de défense sont indispensables pour faire la promotion et la défense des droits et c'est pour faire changer ce à quoi le citoyen a droit. Mais un mécanisme de traitement de plaintes c'est pour obtenir ce à quoi un citoyen a droit. On ne peut pas confondre les deux en reprochant à l'un de ne pas faire le travail de l'autre. Il faut les deux. Il faudrait un financement adéquat des organismes d'entraide qui font la défense et la promotion des droits pour changer le droit mais ça, ça n'empêche pas d'avoir la nécessité d'un mécanisme qui soit celui de traitement de plain tes - c'est ça le Protecteur - et qui puisse intervenir en équité pour contrer la tentation de l'État d'administrer aveuglément ses propres lois. Alors, je me dis, est-ce qu'on n'a pas intérêt à distinguer les deux de manière complémentaire pour que les deux interventions, celle du Protecteur du citoyen et celle des organismes de défense, se fassent, finalement, dans une sorte d'interdépendance qui sert le citoyen?

M. Saintonge: Moi, je veux bien, sauf que, comme on l'a dit tout à l'heure, l'argent est pris sur le budget de la santé mentale. Pour le moment, les services d'aide et d'accompagnement n'ont pas de pouvoir d'enquête, par exemple. Idéalement, si l'on donnait suite à notre proposition d'un réseau complètement indépendant avec pouvoir d'enquête et un pouvoir d'intervenir au niveau des droits individuels et collectifs et possiblement un pouvoir de recommandation, avec les personnes usagères, sur des structures décisionnelles ou moins majoritaires, effectivement, ça pourrait être complémentaire. Maintenant, s'il n'y a pas de choix à faire entre les deux, on aime mieux les deux, mais s'il y a un choix à faire, si l'on reste à l'intérieur des complaintes budgétaires et, donc, si on prend de l'argent pour Tombudsperson" on n'en a plus pour renforcer les autres systèmes de défense des droits. À ce moment-Jà, on aime mieux renforcer les autres systèmes de défense de droits.

Mme Harel: Mais ce n'est pas comme ça que ça va se poser.

Mme Guay: Oui, si le texte laisse entendre que...

Mme Harel: Parce que ça ne vient pas des mêmes ministères. Ça ne vient même pas des mêmes budgets.

Mme Guay: Je pense que notre argumenta tion ne repose pas sur l'opposition que les

groupes de citoyens, que ce soient les accidentés du travail ou les personnes âgées, se sont donnée. Je pense que, quels que soient les mécanismes qui vont exister, qu'il y en ait des plus nombreux, des moins nombreux, des plus accessibles ou pas, les citoyens et citoyennes, quelque part, vont toujours devoir se donner des mécanismes de mobilisation, etc. Ce n'est pas dans ce sens-là. C'est à nous de choisir, encore une fois, entre l'élargissement d'un mandat, d'un style dont on connaît déjà les effets dans les domaines où ils travaillent. On n'a jamais dit que ce n'était pas efficace. On n'a jamais dit qu'il y avait du travail intéressant et important pour la démocratie et la défense des droits qui se faisait là, ce n'est pas là. Mais on dit que choisir entre ça et essayer autre chose comme mécanisme à l'intérieur du système, pas remplacer le regroupement des personnes assistées sociales, ce n'est pas ça, mais, c'est que notre mécanisme d'"advocacy", notre mécanisme d'aide, d'accompagnement, on voudrait qu'il soit une façon neuve, différente, plus immobilisante de faire le travail de défense des droits à l'intérieur. Alors, encore une fois, on préfère axer notre intérêt, notre intervention, notre investissement de ce côté-là, plutôt que de le faire du côté de l'élargissement du Protecteur du citoyen. C'est dans ces termes-là que ça se pose pour nous autres.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Larouche: Peut-être avant de poser quelques questions sur le fond, j'aimerais savoir; combien de membres avez-vous dans le Regroupement des ressources alternatives?

M. Saintonge: En termes d'association? M. Larouche: Oui. M. Saintonge: 65.

M. Larouche: Vous en avez 65. Alors, est-ce que ça inclut des hôpitaux?

Mme Guay: Non, non.

M. Saintonge: Non, non.

M. Larouche: C'est parce qu'on parlait de...

Mme Guay: Oui, oui, d'accord. Les ressources alternatives, ce sont des ressources qui se définissent justement comme une alternative à l'hospitalisation psychiatrique, à la médication à outrance, bon. Alors, ce sont des ressources variées, soit d'hébergement, soit d'entraide, soit de défense de droits, de milieu de jour, soit de...

M. Larouche: Ça, c'est à la grandeur du

Québec?

Mme Guay: Oui, dans toutes les régions administratives du Québec, il y a des ressources alternatives.

M. Larouche: Puis ça regroupe des bénévoles. Ce sont des bénévoles. Des organismes bénévoles en soi.

Mme Guay: Pas en soi. Il y a, évidemment, plusieurs bénévoles qui travaillent à l'intérieur de ces ressources-là, mais il y a aussi des intervenants payés à l'intérieur de ça. Par exemple, une ressource d'hébergement, c'est évident que ça fonctionne avec des gens...

M. Larouche: Peut être subventionnée par le gouvernement du Québec dans son... O.K.

Mme Guay: Oui, en partie. En partie par le secteur associatif, autre que le gouvernement.

M. Larouche: Et vous êtes tous deux des fonctionnaires du Regroupement?

Mme Guay: M. Saintonge est président du Regroupement; il travaille à Solidarité psychiatrie. Moi, je suis coordonnatrice du regroupement provincial.

M. Larouche: Coordonnatrice. Bon.

M. Guay: Oui, c'est une forme de fonctionnaire.

M. Larouche: Là, je diverge maintenant avec ma collègue de Hochelaga-Maisonneuve. Moi, personnellement, ayant lu et vous ayant entendus, je trouve que votre diagnostic correspond au mien totalement. Deuxièmement, les solutions et recommandations que vous proposez correspondent totalement à ce que je proposerais moi-même. Et troisièmement, je vous dis que votre rapport est d'avant-garde et même révolutionnaire. Alors, vous mettez en cause des choses fondamentales et lorsqu'on dit: Ah! le Protecteur du citoyen relève du pouvoir politique, et qu'on donne comme argument: Bien oui, mais la Commission des droits de la personne aussi, alors, pour moi ce n'est pas un argument. Tout comme le Conseil de presse relève des pouvoirs politiques. Alors, tous ces conseils, ces organismes, etc., ça ne veut pas dire, parce qu'ils relèvent du gouvernement, qu'ils font un bon travail. Alors, ça c'est d'une part. (12 h 45)

D'autre part, la semaine dernière, je n'ai pas posé de question, par exemple, lorsque le président de la Commission des droits de la personne est passé. Alors, je n'en ai pas posé pour des raisons personnelles. On peut, ou non, poser des questions. Mais je vous dis que votre

rapport est révolutionnaire; je vous dis que d'ici quelques années il sera appliqué totalement. Mais vous mettez en cause, de fond en comble, des modes de fonctionnement. Alors, ça doit se faire de façon graduelle. C'est mon diagnostic, c'est le vôtre et...

Voyez-vous, ici, vous dites, aux pages 17 et 18 de votre rapport: "De l'avis même des organismes de défense des droits des personnes assistées sociales, les avocats populaires, entre guillemets, et les systèmes d'accompagnement qu'ils se sont donnés ont fait plus pour la défense des personnes assistées sociales que les interventions du Protecteur du citoyen." Et vous avez, comme ça, émaillé partout dans votre texte des perles que je trouve qu'on pourrait tenir compte lorsque... Mais je pense que ce n'est pas le temps, ce n'est pas le moment, là, d'embarquer dans des discussions. Moi, je le vois au niveau global. J'ai bien pris note de certaines choses et il y a seulement un type de questions que je n'ai pas compris. Vous avez dit, à un moment donné - c'est vers la fin de votre intervention: Pour la responsabilisation, les psychiatrisés devraient être les premiers à travailler avec un... Vous avez parlé d'un tribunal coercitif. Voudriez-vous, peut-être... Vous avez parlé de ça, à un moment donné. Moi, je n'ai pas compris, à ce moment-là. Vous avez parlé d'un tribunal coercitif.

M. Saintonge: Un tribunal coercitif, c'est un tribunal qui a véritablement un pouvoir. C'est-à-dire que r'ombudsperson" ne peut que faire des recommandations au gouvernement tandis que la Commission des affaires sociales, quand elle prend une décision, ça prend force de loi.

M. Larouche: Ah bon! C'est dans ce sens-là. Comme vous dites: L'ombudsman ne peut se prononcer que sur une erreur de droit ou de chose comme ça; il n'a qu'un pouvoir de recommandation. Alors, versus, vous aimeriez un organisme qui dit: Voilà!

Je voudrais terminer en disant que je suis d'accord, moi, qu'il y ait, à l'intérieur, des comités d'appel, au niveau d'un recours, au niveau de l'établissement, mais ça n'empêcherait pas, à mon point de vue, qu'il y ait un recours à un niveau supérieur, et de la façon dont vous le proposez, le système de mécanisme d'aide d'accompagnement.

Alors, je tiens à vous féliciter. Ce n'est pas parce que je vous ai dit ça que j'ai raison ou que vous avez raison, mais je vous encourage à persister, avec tous les groupes de ressources alternatives en santé mentale du Québec, à vous battre et à relever vos manches parce que vous en avez au moins jusqu'à l'an 2000. D'accord?

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Sherbrooke.

M. Larouche: Elle aurait un commentaire, peut-être.

Mme Guay: Je ne sais pas si c'est révolutionnaire, je ne sais pas si le fait qu'on soit d'accord, c'a une signification particulière dans ce cas-ci, mais je pense que ce qu'on veut souligner c'est qu'il y a, parmi nos membres, une préoccupation, encore une fois, d'exercer les droits différemment. Et ça, peut-être qu'on n'a pas trouvé le mécanisme idéal à l'heure actuelle, mais on voudrait essayer de tracer des nouvelles avenues à ce niveau-là. Ce mécanisme d'aide et d'accompagnement là commence à se mettre en oeuvre, etc., et on y met beaucoup d'espoir, évidemment, si la volonté politique est là pour soutenir ce mécanisme-là parce que, sinon, ça risque, effectivement de bousiller, d'une certaine façon, une grande partie des préoccupations qu'ont les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale. Ce n'est pas pour rien que ce mécanisme-là est là, qu'il est né des gens aux prises avec des problèmes de santé mentale. C'est les personnes les plus vulnérables qui proposent ce mécanisme, qui est un mécanisme plus collectif que strictement individuel, et un mécanisme contrôlé par elles, en tout cas, de façon communautaire. C'est-à-dire que là on ne parte plus de nominations par le gouvernement, on parte d'élections et de choix de personnes qui, à cause de leur expérience, sont en mesure d'apporter une expertise alliée à une expertise professionnelle, etc. C'est dans cette direction qu'on voudrait trouver des nouvelles avenues.

M. Larouche: Ce que vous dites, en fin de compte, dans votre remarque finale, c'est que c'est vraiment un processus démocratique.

Mme Guay: Oui, on l'espère.

M. Larouche: C'est ça que vous mettez en lumière.

Mme Guay: Bien sûr. M. Larouche: Merci

Le Préskient (M. Dauphin): Merci M le député de Sherbrooke.

M. Hamel: Merci, M. le Président. Une toute petite précision, et je pense qu'il est important de vous le signaler, c'est que la Commission des affaires sociales n'est pas abolie. Ce qui dis parait, c'est le recours prévu dans la loi actuelle par les conseils régionaux de santé et de ser vices sociaux. Le recours à la Commission des affaires sociales, pour une personne en cure fermée, n'est pas du tout touché par le projet de loi 120.

Maintenant, M. Saintonge, j'ai entendu mentionner, à quelques reprises, que cet argent

était pris dans le budget de la santé mentale. Pourriez-vous nous préciser d'où ça vient, ça? Est-ce qu'il y a une directive? Est-ce qu'il y a quelque chose d'écrit quelque part? Est-ce que quelqu'un a donné cette directive que cet argent provient du budget de la santé mentale?

Mme Guay: On a su. Je n'ai pas de lettre devant moi pour vous prouver ça, mais on s'est fait dire que ça coûterait quelque chose quand même d'élargir le mandat du Protecteur du citoyen à la santé mentale. Ça suppose un certain nombre de personnes qui seraient employées, qui auraient à développer une expertise aussi au niveau de la psychiatrie, etc., et que ça, logiquement, ce serait pris dans le budget de la santé mentale. Alors, nous, de façon préventive, on dit d'avance que les budgets sont tellement minces à ce niveau-là que nous, encore une fois, à choisir, on va privilégier le système d'aide et d'accompagnement qui est déjà là. On veut le renforcer plutôt que d'ajouter du trafic, si on veut, dans les mécanismes de recours, parce qu'il en existe quand même d'autres et on voudrait les utiliser.

Un dernier mot. C'est juste, ce que vous avez dit sur la Commission des affaires sociales, mais il reste que l'absence de recours que les régies régionales se voient couper à l'heure actuelle dans un contexte de régionalisation, dans un contexte où ces régies régionales ont de plus en plus de pouvoirs et deviennent, à toutes fins pratiques, les répondantes des institutions et des groupes en région, ça nous apparaît assez dramatique à l'heure actuelle.

M. Hamel: Dans votre mémoire, madame, vous soulignez, entre autres, à la page 14, que vous constatez de nombreux abus de droits qui proviennent des rapports entre les bénéficiaires et les professionnels chargés d'administrer les soins. Auriez-vous quelques suggestions à savoir de quelle façon on pourrait faire cesser cette impunité des corporations professionnelles?

Mme Guay: Ça ne nous appartient pas, présentement, d'étudier ça, mais, assez bizarrement, le moyen qui nous apparaît le plus intéressant, c'est encore le système d'aide et d'accompagnement qu'on veut mettre sur pied, dans la mesure où on leur donnerait accès, justement, à des mécanismes d'enquête auprès des pratiques professionnelles, parce que la personne qui est en situation de souffrance émotionnelle est, bien sûr, placée dans une position très vulnérable, encore plus vulnérable que le nombre de personnes qui ont des souffrances physiques face à leur médecin, etc., parce qu'il faut qu'on comprenne que tout se joue dans la relation et qu'à ce niveau-là le type d'influence, le type d'abus, le type de pouvoir est vraiment tout ce qu'il peut y avoir de plus subtil, ce qui fait que les personnes sont démunies par rapport a ça.

Nous, notre gageure, si on veut, c'est que si une institution à mécanismes d'aide et d'accompagnement agit de façon conséquente, continue, avec des causes types, etc., il va se créer une espèce de culture, de climat qui va faire en sorte que les professionnels vont être amenés à ne plus poser un certain nombre de gestes importants. Si on prend au niveau de la contention, au niveau de thérapie aversive, etc., tout ça se joue beaucoup dans une espèce de contexte où c'est permis, finalement. Il y a une permissivité par rapport à ces pratiques-là qui ne le seront plus si les mécanismes d'aide et d'accompagnement font leur effet. Ce qu'il y a d'intéressant avec les mécanismes d'aide et d'accompagnement c'est que, contrairement peut-être au fait que, soit via le Protecteur, soit via le mécanisme de plaintes de l'institution, la personne règle son cas individuellement, ces mécanismes-là vont pouvoir agir de façon collective par rapport aux institutions, aux établissements et là, encore une fois, on compte sur l'effet d'entraînement de ce genre de mécanisme-là pour créer une autre culture à l'intérieur des établissements. Il y a des mécanismes par rapport aux corporations professionnelles qui pourraient être élargis plus au public en général: une facilité d'accès, le droit de regard des conseils d'administration sur le type de plaintes, etc., qui peuvent être intéressants, sur lesquels on pourrait réfléchir davantage aussi, ce qu'on n'a pas fait à l'heure actuelle et qu'on va être appelés à faire, encore une fois, via l'expertise développée par les mécanismes d'aide et d'accompagnement. Déjà, il y a des choses intéressantes qui se pointent de ce côté-là.

M. Hamel: Merci, madame. C'est tout pour moi, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Une ou deux questions, si vous me le permettez. Dans un premier temps, j'aimerais revenir sur ce que vous dites: des nominations politiques relativement au Protecteur du citoyen, comme ça pourrait s'appliquer, des nominations comme commissaires à la Commission des droits de la personne. Je suis persuadé que ma collègue de Hochelaga-Maisonneuve va me corroborer. J'ai déjà fait partie d'un groupe parlementaire formant l'Opposition officielle et, sous René Lévesque, sous Robert Bourassa, sous Pierre Marc Johnson, chaque fois que le premier ministre propose un commissaire à la commission - dans le cas du Protecteur du citoyen, ça a été la même chose - il consulte le chef de l'Opposition officielle avant et, en caucus, on nous suggère les noms pour savoir si ce sont des compétences. Ça nous assure une compétence.

Maintenant, pour en revenir au système, c'est un choix de société. Aux États-Unis, les juges sont élus. Il s'agit de donner des poignées de mains et vous avez une bonne chance d'être

nommé juge. En France, il s'agit d'être studieux et, à ce moment-là, vous avez de mosus de bonnes chances d'être magistrat. Ici, c'est un système différent, évidemment, c'est nominatif. Ça peut assurer, au moins, une forme de compétence. Au Québec, il existe un concours pour être nommé juge. À Ottawa, c'est strictement nominatif; là-dessus, je le concède. Alors, c'est une question de choix, à un moment donné, qui n'est pas politique. L'Assemblée nationale, 125 élus à travers le Québec, je considère que c'est quand même digne de foi, surtout si les deux partis ou les trois partis sont d'accord sur une nomination. Même si la loi dit: Au moins les deux tiers, en pratique, ça veut dire presque l'unanimité parce que, dans l'Opposition, on nous consultait. Le premier ministre de l'époque nous consultait à savoir si le choix proposé était accepté par tout le monde. Alors, j'aimerais que ce soit clair là-dessus.

-Mme Harel: M. le Président. Le Président (M. Dauphin): Oui

Mme Harel: Si vous me permettez, je suis certaine que vous n'êtes pas au courant que nous sommes menacés de ne plus être consultés, l'Opposition, du fait d'avoir refusé les propositions de nominations, à la fin de la session passée.

Le Président (M. Dauphin): Je n'ai pas entendu parler de ça. À tout événement...

Mme Harel: D'accord. Je vous en informe, alors.

Le Président (M. Dauphin): ...je parle de ce que j'ai vécu en 10 ans, pas de ce qui devrait être ou.. Ça me fait penser au Trésor qui veut couper dans la santé mentale. On dit toutes sortes de choses et, à un moment donné, je pense qu'il faut mettre les deux pieds sur terre.

O.K. Je reviens à ma question. Dans l'éventualité où le Protecteur du citoyen aurait juridiction sur les actes médicaux, est-ce que vous verriez d'un meilleur ?il une forme d'élargissement de son mandat ou si ça ne change rien? Vous avez dit tantôt que les actes médicaux des corporations professionnelles, il n'y a pas grand-chose à faire avec ça avec le système actuel, manque de crédibilité et de "sériosité". Qu'est-ce que vous pensez de ça?

M. Saintonge: C'est toujours la même chose parce que, de toute façon, c'est seulement sur des erreurs de droit et non sur... L"ombuds-person" n'a pas plein mandat de défense des droits. Elle a le mandat simplement quand if y a une erreur de droit. C'est pour ça que, pour moi...

Le Préskient (M. Dauphin): Elle peut y aller sur l'équité, pas juste sur la légalité Elle peut y aller dans des cas d'équité.

M. Saintonge: Oui, aussi, mais c'est quand même limité

Le Président (M. Dauphin): D'accord Alors, au nom de tous les membres de la commission, nous vous remercions d'avoir participé à nos travaux et nous vous souhaitons un bon retour Merci beaucoup.

La commission des institutions suspend ses travaux jusqu'à 14 h 30, alors que nous recevrons le Congrès juif canadien, région du Québec.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise à 14 h 36)

Le Président (M. Dauphin): Nous allons reprendre nos travaux. Nous étions rendus au Congrès juif canadien, région du Québec. J'aimerais vous souhaiter la bienvenue. Je vais dès maintenant reconnaître M. Alain Joffe, en lui demandant de nous présenter les membres qui l'accompagnent et de procéder ensuite de ça à son exposé d'une durée d'environ 15 minutes.

Congrès juif canadien, région du Québec

M. Joffe (Alain): Mmes et MM. les députés, permettez-moi d'abord, au nom du Congrès juif canadien, section Québec, d'accueillir avec plaisir cette invitation qui nous a été faite de participer à l'examen du mandat et des orientations du Protecteur du citoyen. Mon nom est Alain Joffe. J'agis ici comme consultant de la commission mise sur pied par le Congrès juif canadien concernant la réforme du Protecteur. Mes autres collègues sont M. Richard Lévy, vice-président du Congrès juif canadien, section Québec; M. Jedwab, directeur des relations communautaires, et M. Sultan, conseiller politique permanent au Congrès juif canadien.

Notre organisation est donc le porte-parole officiel de la communauté juive québécoise en matière de politique publique, elle est la branche québécoise du Congrès juif canadien. Si notre mandat principal est donc de représenter les intérêts de la communauté juive, il n'en reste pas moins que le mandat traditionnel du Congrès juif canadien couvre également le domaine des droits de la personne en général, quelles que soient la religion, l'origine ethnique, la race de nos concitoyens québécois.

Or, il ne fait aucun doute que, pour nous, le Protecteur du citoyen constitue une charpente importante de l'édifice québécois dans le domaine des libertés publiques. En effet, cette institution

joue une fonction très importante dans la protection des droits du citoyen face à l'État. C'est pour cette raison que nous avons donc tenu à participer activement aux discussions portant sur les réformes de cette institution.

Des questions de temps ne nous ont pas permis de traiter en détail de tous les aspects discutés dans le document préparé par la commission parlementaire. Nous avons donc délibérément choisi de discuter de certains points qui nous semblaient, à ce stade-ci, prioritaires. Pour résumer l'idée centrale de notre mémoire... Pardon?

Le Président (M. Dauphin): Allez-y.

M. Joffe: Pour résumer, grosso modo, l'idée centrale de notre mémoire, le Congrès juif canadien favorise l'extension de la juridiction du Protecteur du citoyen dans un cadre qui préserve la structure interne actuelle de cette institution. En d'autres mots, notre mémoire gravite autour de trois axes directeurs. Premièrement, l'examen des modifications législatives apportées au fonctionnement interne de l'institution du Protecteur du citoyen; c'est le chapitre II de notre mémoire. Cela couvre la question de l'indépendance budgétaire, l'indépendance par rapport au milieu politique, l'administration et les médias, continuation de la double approche systémique et individuelle en matière de traitement de plaintes. Une partie est consacrée aux rapports entre le Protecteur du citoyen, les communautés culturelles, les communautés linguistiques et autochtones. Dans cette partie, nous soulignons l'importance d'adapter le mécanisme de surveillance de l'administration aux réalités d'une clientèle multiculturelle et pluri-ethnique. C'est le chapitre III de notre mémoire. La quatrième partie traite spécifiquement de l'élargissement des pouvoirs du Protecteur du citoyen pour couvrir le réseau municipal ou scolaire, soit directement ou, encore, indirectement par le biais d'ombudsmans sectoriels soumis à l'autorité du Protecteur du citoyen.

Nous allons reprendre un à un les différents éléments de ce mémoire et je vais maintenant céder la parole à M. Levy qui va discuter essentiellement de l'examen des modifications législatives apportées au fonctionnement interne de l'institution du Protecteur du citoyen et de notre position là-dessus.

Le Président (M. Dauphin): M Levy.

M. Levy (Richard): Merci, M. le Président, bonjour. Les recommandations du chapitre II de notre mémoire partagent toutes une finalité commune: le maintien et le renforcement de son indépendance et de son impartialité face au milieu politique, à l'administration et aux médias.

Cette voie garantit l'excellence et l'efficacité de ses mutltiples interventions. Nous appuyons sans réserve le désir du Protecteur du citoyen de soumettre ses prévisions budgétaires directement à l'Assemblée nationale plutôt qu'au Conseil du trésor.

Cela permettrait de renforcer son indépendance par rapport à l'appareil gouvernemental et d'impliquer directement l'ensemble des députés au bon fonctionnement de cette institution.

Certaines recommandations qui apparaissent dans le document de la commission des institutions ont comme trait commun de renforcer les mécanismes de collaboration entre le Protecteur du citoyen, d'une part, les députés, les médias, l'administration, d'autre part.

Nous voudrions nous assurer que la mise en oeuvre de ces recommandations n'altère pas le prestige de l'institution en la politisant. Le respect des décisions du Protecteur du citoyen et donc l'efficacité de son recours résident dans le respect que lui porte à l'administration, les administrés et le milieu politique en général. Le Protecteur du citoyen ne doit, en aucun cas, servir, à notre avis, d'instrument dans la stratégie d'un parti politique, du gouvernement ou des médias. Une collaboration trop étroite entre le Protecteur du citoyen et d'autres corps et organismes pourrait miner cette image de crédibilité. Je voudrais juste faire une petite analogie entre le Protecteur du citoyen et un juge. Le juge, un de ses aspects principaux, c'est l'impartialité. On sait que même le juge bénéficie d'immunité judiciaire, d'immunité absolue. Le Protecteur du citoyen doit être vu dans le même cadre: quelqu'un d'impartial qui est tout à fait à l'abri du soupçon de partialité.

Selon nous, l'impartialité qui caractérise la fonction du Protecteur du citoyen milite en faveur d'une prudence extrême dans la manière dont devront être effectués les rapports entre le Protecteur du citoyen et les membres de milieux politiques, d'administration et des médias.

Il ne faut pas oublier que dans la force de l'institution du Protecteur du citoyen réside son indépendance. Tout changement dans le fonctionnement à terme du Protecteur doit donc obéir à ce principe de base. C'est pour ces raisons que nous recommandons la mise sur pied d'une structure permanente de concertation entre le Protecteur et les députés. Et vous trouvez ça à la page 6 de notre mémoire.

Cette structure permettra aux parlementaires de saisir le Protecteur des plaintes émanant de leur circonscription, sans mettre le Protecteur du citoyen dans une situation embarrassante vis-à-vis le gouvernement ou l'administration. J'ai remarqué, récemment, que quand les chargés de nouvelles du spectacle "Les Misérables" à Montréal ont décidé de donner un aspect québécois à l'image bien connue de Cosette la petite jeune fille, dans les journaux, ils ont ajusté l'image de Cosette en lui mettant un casque de hockey, un bâton de hockey et un chandail de hockey pour la rendre bien québé-

coise.

Si je reprends un peu l'analogie d'un jeu de hockey, je pense qu'on imaginerait mal, qu'on réagirait mal à la vue d'un arbitre qui, entre les périodes, prendrait un café avec les joueurs de hockey. On s'habitue à l'arbitre qui, sur la glace, devant le public, parle même avec une voix sévère au capitaine, ou un arbitre qui reçoit à la fin d'une partie une lettre d'un des "coaches" ou des capitaines, se plaignant de quelque chose qui s'est passé durant le jeu. Mais je pense qu'on devra prendre la même attitude vis-à-vis les relations entre le Protecteur du citoyen et le gouvernement.

La même prudence, selon nous, doit inspirer les relations entre le Protecteur et le secteur des médias. Le succès de l'institution du Protecteur du citoyen réside dans la confidentialité et le maintien de bons rapports avec les structures administratives impliquées. Et on donne plus de détails à la page 6 de notre mémoire sur les dangers que peut courir le Protecteur du citoyen qui fait trop de zèle, qui a recours à chaque fois ou trop souvent aux médias, qui risque de perdre la face devant les membres du gouvernement dont la confidentialité des rapports avec lui est très importante.

L'intervention du Protecteur du citoyen auprès des médias afin de corriger une situation qu'il estime injustifiée ne devrait donc être envisagée que dans des cas exceptionnels. Et on clarifie ça plus à la page 6 de notre mémoire, comme je l'ai mentionné. (14 h 45)

Le même raisonnement s'applique à l'intervention active du Protecteur du citoyen dans le processus d'élaboration des règlements et des directives d'administration Supposons un citoyen qui se plaint d'une directive à la rédaction de laquelle aurait participé le Protecteur du citoyen lui-même. Peut-on imaginer que le Protecteur du citoyen serait à l'aise pour examiner le problème? Poser la question, c'est y répondre. Or, selon nous, le Protecteur du citoyen est l'agent de l'Assemblée nationale II ne doit pas se substituer aux fonctionnaires ou devenir un conseiller politique du gouvernement. Accroître son pouvoir dans les domaines d'élaboration des projets de loi ou des règlements le mettrait dans une situation de conflit d'intérêts par rapport aux administrés qui, par la suite, se plaindraient à lui des politiques établies.

Le document qui a été envoyé par la commission des institutions semble indiquer une volonté, par le Protecteur, de pousser l'approche systémique à côté de l'approche individuelle de réception des plaintes. Or, comme nous le soulignons dans notre mémoire, le Congrès juif canadien, section du Québec, considère que, loin de s'exclure, les deux approches se complètent parfaitement, mais les ressources sont limitées. Un mandat trop ambitieux, axé sur l'approche systémique, peut dévier des ressources d'un mandat établi d'aider les individus. Pour revenir à l'analogie du hockey, un gardien de but qui est trop agressif pour chasser les rondelles dans les coins peut laisser vide son filet.

Il serait dommage de lier inexorablement le développement d'une approche systémique à une baisse inévitable des services rendus par le Protecteur du citoyen concernant le traitement des plaintes individuelles. Sans nier les avantages administratifs que revêt l'approche systémique, il faut néanmoins souligner qu'il est essentiel que les citoyens ordinaires continuent de jouir d'un accès direct et facile au Protecteur afin de faire acheminer rapidement leurs doléances.

Maintenant, je retourne la parole à M. Alain Joffe pour continuer sur les autres aspects de notre mémoire.

Le Président (M. Dauphin): M Joffe.

M. Joffe: Oui. Je vais donc discuter et résumer nos recommandations concernant les rapports entre le Protecteur du citoyen et les communautés culturelles, incluant également les minorités linguistiques et autochtones, et je vais, après ça, discuter de la question de l'élargissement des pouvoirs du Protecteur du citoyen aux secteurs scolaires et municipaux.

Nous avons tenu à consacrer, dans notre mémoire, une place importante aux rapports entre l'institution du Protecteur du citoyen et les communautés culturelles. C'est le chapitre III de notre mémoire. En fait, notre soutien à un élargissement du champ d'activité du Protecteur en milieu scolaire et municipal, discuté dans la partie IV, s'inspire, en partie, des conclusions relatives à la dimension multiculturelle du Québec, surtout à Montréal.

Nous croyons que le Protecteur du citoyen devrait entreprendre unilatéralement les efforts nécessaires qui lui permettraient, plus efficacement, d'approcher les communautés culturelles En effet, le Protecteur du citoyen doit jouer un rôle d'avant-garde concernant l'intégration de ces communautés culturelles dans la société québécoise. Le Québec et particulièrement Montréal connaissent, depuis un certain nombre d'années, cette réalité qui est celle, donc, du multiculturalisme. Et cette participation accrue crée de nouveaux besoins et une capacité d'adaptation de l'administration tant québécoise que municipale et scolaire à cette nouvelle réalité. Cette situation est particulièrement sérieuse à Montréal où se regroupent 90 % des immigrants.

Or, comme on le sait, cette catégorie de citoyens connaît souvent des barrières culturelles, linguistiques et sociologiques qui rendent imperative l'intervention du Protecteur du citoyen afin de favoriser l'intégration harmonieuse de ces composantes de la société québécoise au sein de nos institutions nationales et locales.

Les communautés culturelles constituent

donc un bassin de population significatif. À ce titre, l'on peut se féliciter que le Protecteur du citoyen soit intéressé à assurer que ces personnes aient accès, comme le reste de la population, à un service de qualité de la part de l'administration. C'est d'autant plus important que l'adoption, par le gouvernement québécois, d'une stratégie en matière d'immigration devrait avoir pour corollaire une plus grande sensibilisation de la dynamique multiculturelle dans la mise en oeuvre des politiques gouvernementales. Le Congrès juif canadien, dès lors, ne peut que déplorer, à l'instar du Protecteur du citoyen, le peu de progrès qui a été accompli concernant le plan d'action visant à mieux intégrer les communautés culturelles dans le champ de compétence des activités du Protecteur.

Ainsi, dans son rapport 1989-1990, le Protecteur du citoyen fait état de sa déception quant au manque de plaintes émanant des communautés culturelles et ethniques et quant à l'absence de membres de ces communautés au sein de l'organisme. Nous ne pouvons donc que partager ses déceptions dans la mesure où nous sommes d'avis que le concept de Protecteur du citoyen constitue un outil approprié lorsqu'il s'agit de protéger ces citoyens particulièrement vulnérables à l'appareil de l'État.

De la même façon, la plus grande participation des autochtones dans l'institution du Protecteur du citoyen permettrait de créer une meilleure compréhension mutuelle entre les communautés autochtones du Québec et le reste- de la société québécoise. Les tragiques événements de l'été passé nous rappellent de façon imperative la nécessité de prévoir des mécanismes de concertation permanents, afin de prévenir les répétitions dans les années à venir. L'institution du Protecteur du citoyen pourrait donc jouer un rôle actif dans ce domaine, pourvu que le gouvernement lui donne les moyens financiers nécessaires à l'accomplissement de cette mission dont l'intérêt public n'est pas démontré.

À ce titre, nous recommandons donc trois propositions suivantes: créer une table de concertation au sein de l'organisme du Protecteur du citoyen qui regrouperait des représentants des communautés culturelles, linguistiques et autochtones, dans le but d'élaborer une stratégie réelle visant à informer ces groupes sur les avantages du recours au Protecteur du citoyen; deuxièmement, on insiste pour qu'on lance une campagne de sensibilisation. Celle-ci consisterait à donner une meilleure visibilité au Protecteur du citoyen auprès des communautés culturelles, linguistiques et autochtones; troisièmement, il faudrait également favoriser l'embauche, au sein de l'organisation du Protecteur du citoyen, de membres de communautés culturelles autochtones et de minorités linguistiques anglo-québécoises dans la foulée des programmes d'accès à l'égalité existants. À ce titre, il est important donc de mettre en oeuvre une politique cohérente qui tienne pleinement compte des particularités propres aux membres des communautés culturelles, de fa minorité anglo-québécoise et de la minorité autochtone.

Maintenant, je vais discuter de l'élargissement du champ d'activité du Protecteur du citoyen. Comme on le sait, la juridiction du Protecteur du citoyen porte sur les ministères et organismes dont le personnel est rémunéré suivant la Loi sur la fonction publique, à l'exception des décisions du Conseil exécutif et du Conseil du trésor. Plusieurs groupes souhaitent voir le Protecteur du citoyen ou des ombudsmans sectoriels jouer un rôle actif dans des domaines non assujettis à son contrôle, comme les secteurs municipal, scolaire ou même des services de santé. Le rapport du Protecteur du citoyen, pour 1989-1990, atteste l'existence d'un besoin dans ces trois secteurs que l'on ne saurait négliger et ignorer dans la mise en oeuvre des changements législatifs à la Loi sur le Protecteur du citoyen. Les représentations qu'il a reçues dans ces trois secteurs forment à elles seules 12 % des plaintes rejetées, faute de juridiction.

Le Congrès juif canadien, région du Québec, se déclare donc favorable à l'extension de la juridiction du Protecteur du citoyen, afin de chapeauter les activités d'ombudsmans sectoriels dans le domaine scolaire et municipal, d'autant plus que ces deux secteurs seront appelés dans les années à venir à desservir une clientèle de plus en plus multiculturelle.

Le Congrès juif canadien, région du Québec, ne peut que soutenir la proposition émanant du Protecteur du citoyen d'obliger les établissements à se doter de mécanismes de traitement de plaintes, ainsi que de programmes d'information sur les droits et recours des usagers. L'on peut se féliciter du fait que le Protecteur du citoyen ait proposé d'obliger les établissements à se doter de mécanismes internes du traitement des plaintes ainsi que des programmes d'information sur les droits et recours des usagers. Nous croyons donc qu'il est nécessaire, afin d'assurer une bonne protection des citoyens et des citoyennes au sein d'établissements non couverts par la juridiction du Protecteur, de favoriser au minimum le développement de contacts suivis entre le Protecteur du citoyen et les ombudsmans sectoriels.

Nous avons délibérément choisi de ne pas aborder spécifiquement dans notre mémoire la question de l'élargissement des pouvoirs du Protecteur dans le réseau des services sociaux, vu la complexité de cette problématique eu égard au projet de loi 120 sur les services sociaux. Je voudrais donc, en mon nom et au nom de mes collègues, remercier la commission des institutions de nous avoir donné cette occasion d'exprimer nos vues concernant les modifications à la Loi sur le Protecteur du citoyen. Je vous remercie.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons débuter avec un député ministériel, M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour cette présentation, M. Joffe et vous autres, du Congrès Juif canadien. Je voudrais juste souligner, avant de commencer, que j'ai moi-même eu l'expérience de travailler avec quelques-uns de vos représentants et je suis habitué d'avoir une intervention bien pondérée sur une question souvent très délicate. Encore une fois, je voudrais vous féliciter pour votre mémoire.

Vous avez souligné plusieurs questions très importantes. Je voudrais entrer tout de suite dans les questions parce que nous n'avons pas beaucoup de temps. Premièrement, si j'ai bien compris votre mémoire, vous avez insisté sur l'importance de l'indépendance du Protecteur du citoyen, particulièrement face au monde politique et aux députés. Mais aussi, par ailleurs, vous avez favorisé une structure permanente qui encourage une interaction entre les parlementaires et le Protecteur du citoyen. Ça me semble peut-être une situation un peu contradictoire. Pourriez-vous expliquer cela un peu plus, cette indépendance, et aussi la structure permanente que vous avez proposée?

Le Président (M. Dauphin): M. Joffe.

M. Joffe: Oui, avec plaisir. Je pense qu'il y a une différence très importante entre favoriser des rencontres multipliées entre le Protecteur du citoyen, d'une part, et les députés individuellement, d'autre part, et la création d'une structure beaucoup plus neutre comme la vôtre, la commission des institutions, qui inclut en son sein aussi bien des membres du gouvernement, des membres du parti majoritaire ou des membres de l'Opposition. Ce qu'on veut dire, c'est qu'il est tout à fait normal que les citoyens s'adressent souvent aux députés. Puisque les députés sont des représentants élus du peuple, il est donc tout à fait normal que les citoyens, lorsqu'ils ont maille à partir avec l'administration, fassent des requêtes et des représentations auprès de leur député en vue, justement, de changer la situation.

Cela étant dit, il faut quand même reconnaître que dans notre système, un député, bien sûr, représente la population, mais il représente souvent un parti politique, à moins que la personne soit un indépendant, ce qui est fort rare, ce qui veut dire qu'il peut également, quelquefois, avoir un certain conflit d'intérêts entre l'intérêt du justiciable, l'intérêt du citoyen, d'une part, l'intérêt du parti au pouvoir, de l'Opposition, du gouvernement, d'autre part, qui pourrait créer des problèmes lorsque ce député, par exemple, irait voir le Protecteur du citoyen individuellement et essaierait de résoudre le problème. Cela veut dire que le Protecteur du citoyen serait un peu l'otage d'une situation extrêmement difficile, d'autant plus que le Protecteur du citoyen a accès à des renseigne ments confidentiels de l'administration. Toute sa crédibilité existe en autant qu'il conserve sa confidentialité. Dès le moment où il y a trop de rapport entre le milieu politique et le Protecteur du citoyen, l'administration va perdre confiance dans le Protecteur du citoyen, donc ça va être beaucoup plus difficile pour le Protecteur du citoyen d'avoir la confiance de l'administration. Deuxièmement, ça mettrait le Protecteur du citoyen, qui devrait être neutre, dans une situation impossible où il devrait arbitrer entre l'Opposition, le gouvernement et le parti majoritaire.

Je considère qu'il faut, bien sûr, que les députés aient le loisir de s'adresser au Protecteur du citoyen pour faire valoir les plaintes des administrés, des citoyens, mais le cadre idéal pour ça, ce serait une commission des institu tions, une commission parlementaire ou autres - ce n'est pas à nous de régler cette problématique - qui permettrait au Protecteur du citoyen d'avoir accès aux députés et aux députés d'avoir accès au Protecteur du citoyen, mais dans un cadre qui soit assez formel pour que le Protecteur du citoyen ne soit pas l'otage du milieu politique. Le Protecteur du citoyen est le représentant de l'Assemblée nationale. Il n'est pas là pour représenter un parti ou un gouvernement.

M. Williams: Merci pour votre confiance dans une commission parlementaire, parce que je trouve que c'est un peu la chose que nous cherchons ici, cette objectivité.

Vous av&z mentionné souvent la question de neutralité et de flexibilité du Protecteur du citoyen dans votre mémoire, mais, aussi, vous avez privilégié un modèle qui élargit le mandat du Protecteur du citoyen à plusieurs autres secteurs. Ma question. Pourriez-vous faire des commentaires sur l'efficacité de plusieurs protec teurs de citoyen ou juste un, omniprésent partout? J'ai peur qu'avec... Tout le monde cherche la même chose, je pense, de mieux protéger les citoyens, mais si nous avons un Protecteur trop loin du peuple, est-ce que ça va actuellement causer plus de problèmes ou peut-être ne pas répondre au problème auquel nous voulons trouver une réponse? (15 heures)

M. Joffe: Merci. Je vais répondre à votre question. Dans notre mémoire, on s'est attaché à des principes généraux. Bon! Il est exact que dans certains secteurs, comme le secteur municipal, le secteur scolaire, il y a une tradition d'autonomie. Dans le secteur des services sociaux, qui est une problématique très complexe, je pense que ce n'est pas nécessairement ici qu'on peut l'aborder en détail, il existera à tout

le moins certains mécanismes qui sont encore assez imprécis. Il appartiendra à la commission parlementaire, ici, de voir un peu de l'utilité de créer ou non des ombudsmans sectoriels.

Cela étant dit, dans le domaine municipal ou scolaire, ce que nous considérons comme essentiel, c'est que quelque chose soit fait, c'est-à-dire soit que l'on chapeaute le système, soit qu'on crée un système d'ombudsmans sectoriels pour ces milieux, qu'ils soient chapeautés par le Protecteur du citoyen. Si, pour toutes sortes de raisons, cela s'avérait difficile à mettre en oeuvre, ce que nous proposons, c'est qu'au moins il y ait un suivi entre le Protecteur du citoyen au niveau national et les ombudsmans sectoriels pour que, dans certains cas, le justiciable ou aussi, en fait, le citoyen qui n'aurait pas été satisfait des services qu'il aurait reçus dans le cas d'une plainte devant l'ombudsman sectoriel, puisse avoir accès à une forme d'appel, si vous voyez ce que je veux dire. Est-ce que j'ai répondu à votre question?

M. Williams: Oui, merci. Troisième volet de la question. Vous représentez une minorité québécoise, moi aussi, je viens d'une minorité. Vous avez parlé assez longtemps dans votre mémoire de la question d'un comité multidis-ciplinaire, un comité - j'ai perdu la page, je m'excuse... Créer une table de concertation pour mieux répondre aux questions des minorités. L'autre jour, nous avons eu la chance de commencer à discuter de cette question, parce que je pense que chacun de nos établissements québécois commence à se pencher plus sur l'accessibilité pour les minorités, le Protecteur du citoyen surtout, le gouvernement en général et tous les autres ministères. Est-ce que vous êtes capables d'expliquer un peu votre relation jusqu'à date avec le Protecteur du citoyen? Est-ce que vous allez y référer des personnes? Est-ce que c'est efficace? Deuxièmement, est-ce que vous pouvez expliquer un peu votre idée d'avoir une campagne de sensibilisation avec les minorités?

M. Sultan (David): Écoutez, pour répondre au premier volet de votre questions, le Congrès juif canadien n'a pas forcément eu de rapports serrés avec le Protecteur du citoyen, quoique nous ayons fait appel déjà au Protecteur du citoyen et que nous ayons eu des contacts avec le Protecteur du citoyen; malheureusement, il est un fait indéniable, c'est que le Protecteur du citoyen n'a pas de rapports directs, en tout cas pour le moment, avec les minorités culturelles, linguistiques et autochtones. Notre démarche est d'ailleurs à cet effet-là.

Pour répondre au deuxième volet de votre question, la table de concertation que nous proposons de créer serait en fait le moyen d'avoir certains liens avec le Protecteur du citoyen, le moyen de développer des stratégies qui permettraient éventuellement au Protecteur du citoyen et aux communautés culturelles, linguistiques et autochtones d'avoir une interaction qui soit beaucoup plus adéquate et beaucoup plus concrète dans le futur.

M. Williams: Merci. Votre mémoire a touché aussi la question du traitement des plaintes. Je sais que vous ne vous êtes pas prononcés sur le projet de loi 120, mais après, vous avez eu une chance de lire un peu le projet de loi 120: Est-ce que, maintenant, vous avez quelques commentaires préliminaires - je sais que nous allons avoir une autre commission sur cette question - sur les mécanismes pour la communauté de rendre une plainte publique? Avez-vous une chance de...

M. Joffe: Je vais répondre à cette question. À ce stade-ci, il est tout à fait prématuré pour nous, en tant qu'organisme, de se prononcer sur le système de ombudsmans sectoriels ou de l'élargissement de la compétence du Protecteur du citoyen dans le secteur hospitalier ou des services sociaux, pour la simple raison que nous sommes encore dans une période d'expectative législative en ce domaine. Nous considérons qu'il faudrait traiter la problématique à fond ou ne pas en parler du tout. La problématique est tellement compliquée, d'autant plus qu'il y a certaines institutions juives qui, bien sûr, existent au Québec, dans le domaine hospitalier et des services sociaux, que nous considérons que cette question mérite une attention très particulière, et qu'il serait tout à fait inopportun d'en discuter à ce stade-ci.

M. Williams: O.K. J'ai hâte d'avoir les commentaires dans l'avenir. Merci.

M. Joffe: Je vous remercie.

M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le député. Je vais maintenant reconnaître Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Il me fait plaisir également d'avoir l'occasion d'échanger avec vous sur un mémoire qui établit bien un certain nombre de principes. J'aimerais peut-être tout de suite revenir sur cette question qui a permis un échange avec le député de Nelligan quant à l'impartialité de l'institution du Protecteur du citoyen. J'ai bien aimé votre comparaison, M. Levy, entre le juge et le Protecteur du citoyen. Je sens que votre démarche en est une qui consiste à vouloir le même niveau d'impartialité. Je me suis souvent demandé, étant donné que la plupart des Protecteurs du citoyen sont devenus juges par la suite, s'il ne vaudrait pas mieux les nommer juges avant de façon à ce que, au moment même où ils agissent en tant que Protecteur du citoyen, cette fonction de juge inamovible et indépendant, leur confirme

pour le reste de leur carrière toutes les conditions nécessaires au moment où ils exercent leur fonction?

M. Levy: Moi, je suis avocat et je n'ai jamais été juge; je suis juge chaque jour entre mes deux fils, mais c'est une autre affaire. Je connais des avocats qui sont devenus juges et ça m'a toujours étonné: un jour, ils sont avocats et deux jours après, ils sont juges; ils sont des personnes différentes.

Mme Harel: Ils le sont...

M. Levy: À mon avis, je pense qu'on peut faire passer d'avocat à Protecteur du citoyen aussi bien que d'être juge avant.

Mme Harel: Est-ce que je dois comprendre que vous pensez que ce serait une bonne chose ou non? Je n'ai pas bien saisi.

M. Levy: Moi, je pense que ce n'est pas nécessairement une bonne chose. Ce n'est pas nécessairement pour décourager des juges d'être Protecteur du citoyen non plus. C'est neutre.

Mme Harel: Vous savez que c'est une nomination qui dure cinq ans...

M. Levy: Oui.

Mme Harel: ...sans aucune garantie de quoi que ce soit par la suite. Ce n'est pas la même chose, par exemple, qu'à la présidence du Tribunal des droits de la personne où on nomme un juge. Cette personne est nommée, sachant très bien qu'elle est inamovible pour le restant de sa carrière, finalement.

M. Levy: Je pense que c'est une bonne idée de choisir quelqu'un qui peut-être a les caractéristiques d'un avocat, qui est habitué d'être l'avocat de quelqu'un, de prendre parti pour quelqu'un, d'être une personne qui agit, une personne qui veut changer des choses. Peut-être que c'est mieux d'avoir une telle personne, au lieu d'avoir un juge qui devrait se départir de son impartialité. C'est une impartialité, mais c'est un autre genre d'impartialité, si vous voulez.

Mme Harel: En fait, vous ne voyez pas quelqu'un au-dessus des parties? Vous voyez quelqu'un qui, dans le fond, prend parti pour les administrés en les protégeant contre l'État, c'est ce que je comprends?

M. Levy: C'est ça. Un juge ne peut pas prendre parti d'une partie qui plaide devant lui.

Mme Harel: D'autre part, votre proposition de commission parlementaire devant laquelle le

Protecteur du citoyen pourrait transmettre certains dossiers et échanger avec les parlementaires, elle a déjà été évoquée devant cette commission par le Conseil des Atikamekw et des Montagnais qui préconisait la mise en place d'une commission parlementaire spéciale sur la question de l'institution du Protecteur du citoyen pour y entendre également les dossiers dont le Protecteur du citoyen souhaiterait saisir finalement les parlementaires Ça peut très bien être la com mission des institutions, mais, finalement, c'est une proposition qui est déjà devant la commission.

D'autre part, vous avez utilisé tantôt à maintes reprises l'exemple du hockey. Moi, je comprends votre recommandation 3, à la page 10, celle de l'embauche de membres de communautés culturelles, un peu comme tous les arbitres, par exemple, qui viendraient d'un même quartier de ville, dans une seule des équipes, mettraient un doute dans l'esprit des membres des autres équipes quant à leur impartialité. Vous pensez que les arbitres doivent pouvoir venir un peu de toutes les équipes d'origine. C'est ça qu'il faut comprendre.

Mais, ce sur quoi j'aimerais bien vous entendre, c'est sur deux aspects importants, pour moi, de la problématique de la protection des droits. Le premier, c'est sur la barrière socio-économique, parce que vous avez beaucoup abordé dans votre mémoire les obstacles linguistiques ou culturels. Et, moi, je comprends, à partir des travaux réalisés par le Protecteur du citoyen, que les personnes qui, au Québec, connaissent le moins ces services, ce sont les personnes les moins scolarisées, dans une plus forte proportion, les femmes et chez les faibles revenus.

Je me suis demandé si la priorité des priorités, ça ne devrait pas d'abord être une campagne de sensibilisation de ces milieux socio-économiquement défavorisés qui peuvent se retrouver tout autant chez les concitoyens du quartier le plus francophone de IHe de Montréal, que dans des communautés culturelles, si ce n'était pas là, disons, dans cette problématique d'accès et d'information aux droits, la priorité d'aller au-delà des barrières socio-économiques, informer les populations de leurs droits. Ça, c'est le premier élément sur lequel j'aimerais échanger.

Et le second, c'est le suivant. Je vous le dis aussi simplement que je le ressens. J'ai toujours de la difficulté à ce que l'on aborde les minorités linguistiques, culturelles et autochtones comme étant dans une certaine similitude. Moi, à mon point de vue, les communautés autochtones ont des droits nationaux, qui sont différents des communautés culturelles. Il y a un droit historique pour la minorité anglophone. Ça, on s'entend là-dessus. Mais les communautés culturelles sont ici au Québec parce qu'elles ont choisi d'y venir et il n'y a pas de droits nationaux des communautés culturelles.

Et, finalement, le problème d'intégration à ia langue de la majorité et à la culture de la majorité, dans un échange réciproque interculturel, est un objectif louable. Tandis que pour les autochtones, il faut, je pense, respecter complètement le fait que s'ils acceptent de multiplier les rapports avec l'administration, que ce ne soit jamais pour faire en sorte qu'il y ait assimilation. Donc, il faut non seulement qu'il y ait un respect complet, donc, du service dans la langue autochtone, de la nation concernée, mais en plus, dans un respect complet d'une culture autre qui doit rester distincte.

Est-ce qu'on se comprend qu'il y a une différence de nature fondamentale et que cette commission devrait d'ailleurs le signaler dans son rapport final, une différence fondamentale dans les services que l'État doit rendre aux populations autochtones puisqu'elles ont des droits nationaux et que l'État doit les reconnaître?

M. Joffe: Je réponds à cette question-là. Premièrement, vous avez, bien sûr, mentionné le fait que les femmes, en particulier, et les gens de milieux socio-économiques défavorisés, de la majorité francophone également, ne sont pas conscients du Protecteur du citoyen, des recours établis. J'en conviens, c'est un fait. Cela étant dit, la situation est doublement difficile lorsque non seulement vous êtes une femme, vous êtes pauvre, mais qu'en plus vous venez d'un milieu immigrant et surtout d'un milieu dont la langue maternelle n'est ni le français ni l'anglais. Et je pense que cette problématique-là est assez particulière. Cela dit, je ne nie pas ce que vous décrivez, Mme la députée.

En d'autres termes, ce que j'aimerais bien souligner, c'est que lorsque vous êtes un immigrant ou une immigrante, que vous vous trouvez dans un pays étranger, vous êtes complètement perdu, non seulement parce que vous ne maîtrisez même pas la langue, mais même si vous maîtrisez la langue, vous ne maîtrisez pas les rouages culturels de la société d'accueil. Ou la société d'accueil n'apprécie pas à quel point vous faites quelquefois un effort pour vous intégrer dans la société d'accueil, mais que vous ne pouvez pas faire autrement que de prendre acte des 30 ans de votre vie qui ont été passés hors du Québec, par exemple. Et c'est à ce niveau-là qu'il y a une problématique particulière aux communautés multiethniques, multiculturelles qu'il est impératif pour l'État québécois de comprendre, surtout dans le cas d'une société québécoise qui a pour politique officielle l'immigration, comme moteur de son économie. (15 h 15)

Dans toute société, vous regardez les précédents, comme les États-Unis, par exemple, ou d'autres États, sans parler de politique sur la situation du Golfe, parlons d'Israël. Tous ces pays d'immigration ont dû développer des struc- tures particulières pour leurs immigrants et, dans certains cas, ont même dû développer des services dans d'autres langues que la langue nationale pour pouvoir mieux intégrer les immigrants de première génération à l'intérieur de leur société.

Cela étant dit, vous avez parlé également de la distinction fondamentale entre, d'une part, les autochtones et la communauté anglo-québécoise et, d'autre part, les communautés multiculturelles. Nous comprenons très bien que la problématique autochtone est très complexe et qu'il y a certains aspects de cette problématique qui font en sorte qu'elle est différente des autres. Cela étant dit, les problèmes humains dont souffre un autochtone dans ses rapports avec l'administration ne sont guère différents des rapports qui peuvent exister entre membres d'une communauté culturelle et un membre de l'administration, en ce sens que les deux ont des problèmes culturels et que ces problèmes culturels de communication doivent être résolus pour une meilleure sérénité dans la société, et c'est à ce niveau-là que le rapport antinomique, il n'existe pas à 100 %. Il y a des différences, mais également des ressemblances.

Je pense que la commission des institutions devra, à la fois, mettre en valeur certaines différences, mais également mettre en valeur certaines ressemblances qui peuvent exister entre la situation de la communauté anglo-québécoise, de la communauté autochtone du Québec et des communautés multiculturelles. J'aimerais bien insister là-dessus. C'est qu'on ne peut pas, à la fois, avoir une politique d'immigration, Mme la députée, et détourner ses yeux d'une certaine problématique, c'est-à-dire l'importance d'intégrer ces gens-là dans la société québécoise, d'autant plus qu'à Montréal ils sont concentrés à 90 %. Donc, c'est très important. Pour qu'on ait une société québécoise qui soit cohérente, qui soit dynamique, il faut développer une symbiose dans la société qui exige, justement, beaucoup d'efforts de la part de l'État québécois et c'est tout à fait normal que le Protecteur du citoyen soit intéressé à la chose et essaie de trouver des outils pratiques pour préparer l'avenir du Québec et mieux intégrer nos communautés multiculturelles. Est-ce que j'ai répondu à votre question?

Mme Harel: Oui, mais je suis surprise que vous ne conveniez pas, d'une part, qu'il n'y a pas homogénéité chez les communautés culturelles et que, donc, il y a une sorte de priorité à accorder d'abord et particulièrement auprès des membres des communautés culturelles qui connaissent un état de défavorisation plus grand et que, d'autre part... Je conçois, par exemple, qu'on puisse être membre d'une communauté culturelle, même avec un niveau de scolarité ou de revenu moyen, et avoir une sorte de barrière culturelle difficile à franchir dans la conception

du rôle de l'État. Ça, je conçois qu'on puisse venir de parties du monde où l'État n'est pas un partenaire, mais un adversaire. Et c'est évident que les chiffres de la Commission des droits font réfléchir sur le fait que les membres des minorités visibles et ethniques utilisent les services publics quand il s'agit de services de santé et de services sociaux, mais les utilisent beaucoup moins quand il s'agit de services leur permettant de revendiquer des droits. Alors, il y a là toute une conception de l'État et qui peut aussi devenir une sorte de barrière. Ça, je pense que là-dessus on s'entend.

Là où je diffère et j'aimerais, à nouveau, vous entendre là-dessus, c'est qu'il me semble que profondément, fondamentalement, il y a des distinctions à faire entre les membres des nations autochtones et des communautés culturelles. Fondamentalement, pour le fait suivant: les membres des communautés culturelles sont des Québécois à part entière, quelle que soit leur origine. Les membres des nations autochtones ont le droit de ne pas vouloir être Québécois et ils réclament, ils revendiquent justement. . Leur principale revendication, c'est d'être Indiens, de ne pas être Québécois et d'être reconnus comme étant Indiens. Et ça, je pense que c'est fondamentalement différent. J'ai toujours un peu de résistance à ce que, dans tous les titres de chapitre, des gens qui, comme vous et moi, sont de bonne foi, on voie minorité ethnique, minorité culturelle, minorité ethnique linguistique et autochtone, comme s'il s'agissait - comment vous dire - de problématiques semblables.

Moi, je pense que profondément - on le voit d'ailleurs - les membres des communautés culturelles... Là, la présidente du Conseil des communautés culturelles nous disait encore, ce matin, qu'il n'y avait pas de problème linguistique anglophone. Elle considère qu'il y a une minorité anglophone. Il n'y a pas de minorité linguistique au Québec. Il y a une minorité anglophone et il y a des minorités ethniques, des groupes ou des communautés culturelles. Je pense qu'il faut bien s'entendre sur les mots. Mais, fondamentalement, après une seule génération - pensez, par exemple, au taux de natalité - les membres des communautés culturelles adoptent, après à peine une génération, le même comportement que les Québécois de souche quant au taux de natalité. C'est quand même important. C'est là un aspect fondamental, disons, des distinctions de départ. Alors, c'est donc une sorte d'intégration qui se fait dans la perspective d'un Québec multiculturel, multiethnique, avec des membres des communautés qui deviennent des Québécois à part entière. Je pense qu'il faut accepter fondamentalement qu'il y ait une distinction de nature à l'égard des membres des communautés, des membres des nations autochtones qui, eux, revendiquent légitimement de ne pas être des Québécois, mais d'être des Indiens.

M. Levy: Je veux juste ajouter un mot pour répondre à votre question. J'ai lu, récemment, des articles intéressants dans les journaux disant qu'il y a un fort argument au soutien du fait qu'il y a des autochtones qui n'ont pas convenu de donner des droits, leurs terrains au Canada, au Québec, il y a une grande ambiguïté sur les traités qui sont en place maintenant, sur le fait qu'il y a des terrains qui n'ont jamais été cédés par les autochtones et tout ça. Je pense que c'est un grand débat et on commence juste à être sensibilisés à ce débat. Je pense que même des professeurs de droit... Il y a une très petite minorité qui, vraiment, a fait des recherches sur les traités et toute cette histoire. C'est sûr que dès le moment où le Québec ou le Canada est prêt à reconnaître des droits nationaux aux quelques autochtones, s'ils y ont droit, jusqu'à ce point-là, les autochtones sont des citoyens de Québec et du Canada comme tout le monde et on veut s'assurer qu'ils soient protégés par le Protecteur du citoyen jusqu'au moment où leur statut changera, s'il change.

Mme Harel: Mais même si leur statut ne change pas, parce que dans le fond, eux, ce qu'ils réclament, c'est qu'il y ait des institutions, un seul État - ils ne réclament pas qu'il y ait une multiplication d'États - mais qu'il soit plurinational, donc, que le Protecteur du citoyen soit une institution commune à tous avec, éventuellement, un vice-protecteur autochtone.

M. Jedwab (Jack): Peut-être que je peux répondre rapidement.

Le Président (M. Dauphin): ensuite, je vais reconnaître M. le député d'Anjou, mais répondez avant.

M. Jedwab: Rapidement. Je suis d'accord avec beaucoup de choses que vous venez de dire, Mme Harel, mais c'est important de souligner, comme vous l'avez mentionné, qu'il n'y a pas d'homogénéité auprès des communautés culturelles. Je suis parfaitement d'accord, mais je pense qu'à ce stade-là, il n'y a pas d'homogénéité non plus pour les autochtones à travers la province. Alors, c'est extrêmement important de consulter les autochtones, comme vous allez le faire à 15 h 30. Aussi, dans le cas du Protecteur du citoyen où on veut conformer les services qui existent aux autochtones, peut-être que c'est mieux, dans un plus grand forum, de regarder toutes les institutions qui existent et de discuter avec les comités autochtones des façons dont ils voient les changements nécessaires à cet égard, rapidement

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. M. le député d'Anjou, ensuite, M. le député de Westmount.

M. Larouche: Je suis un peu surpris de l'ampleur, de l'importance qu'on donne à la question autochtone avec les représentants du Congrès juif canadien, parce qu'on va recevoir tantôt le Grand Conseil des Cris du Québec. Alors, je vais réserver des questions concernant certaines choses à ce moment-là.

Est-ce qu'il y a des problèmes en particulier que le Congrès juif canadien voudrait soulever devant la commission, en regard de l'application de la loi relative au Protecteur du citoyen, à part, évidemment, les trois points au niveau de son application concrète? Est-ce qu'il y a des points en particulier, à part certaines généralités?

M. Joffe: Non, je pense...

M. Larouche: II y a des choses, il y a eu des événements qui se sont passés qui impliquaient la communauté juive de Montréal ou de Québec. J'aimerais voir. Est-ce qu'il y a eu... Avez-vous eu à faire appel au Protecteur du citoyen ou avez-vous pris connaissance de certaines choses? Comment avez-vous été servis? Avez-vous eu connaissance? Je voudrais savoir.

M. Jedwab: Le problème surtout pour le monde de la communauté juive, c'est qu'il y a un manque d'information en ce qui concerne les services offerts par le Protecteur du citoyen. Dans mon cas personnel, comme directeur des relations communautaires au Congrès juif canadien, je reçois des appels de temps en temps des membres de la communauté qui ont des plaintes particulières et qui veulent savoir si c'est mieux d'aller à la Commission des droits de la personne, au Protecteur du citoyen ou d'engager un avocat. Alors, il y a ce manque d'information. Il faut souligner que quand Mme Harel a parlé tantôt des milieux défavorisés, à l'intérieur de la communauté juive, 20 % de nos membres - comment peut-on dire ça - font partie de ce qu'on appelle le milieu pauvre. Alors, il y a beaucoup de personnes qui appellent et c'est extrêmement difficile, si on n'a pas d'information adéquate, de recommander d'aller voir le Protecteur du citoyen. Ça, c'est un problème particulier pour nous. Il y a beaucoup de confusion en ce qui concerne le mandat de la Commission des droits de la personne et le mandat du Protecteur du citoyen. Et c'est extrêmement important de clarifier ça auprès des membres de notre communauté, ainsi que toutes les autres communautés qui, je suis certain, ont le même problème.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député de Westmount.

M. Holden: Merci, M. le Président. Je ne peux pas m'empêcher de faire une petite remarque un peu méchante.

Mme Harel: On jugera.

M. Holden: La députée de Hochelaga-Mai-sonneuve vient de sortir d'un congrès où on a beaucoup parlé des droits des autochtones, mais pas du tout des droits des anglophones. Je dois lui rappeler...

Une voix:...

Le Président (M. Dauphin): À l'ordre, messieurs, à l'ordre!

M. Hofden: ...que lors de la discussion et avant de proposer la loi 90 qui a créé la Commission Bélanger-Campeau, l'Opposition a proposé un préambule à cette loi et, dans ce préambule, on ne faisait pas mention des droits des anglophones, parce qu'il y en a des droits, non seulement des droits historiques, mais les droits légaux de plusieurs constitutions. Alors, ça a été changé par le gouvernement avant le dépôt de ce projet de loi. Vous allez vérifier avec nos pauvres négociateurs, mais c'est un fait. Alors, quand vous faites une différence entre les droits nationaux des autochtones, gardez à l'esprit qu'il y a des droits légaux, constitutionnels et vrais des anglophones.

Là, je reviens, parce que M. Levy m'a frappé énormément en parlant d'un joueur de hockey. Ça doit absolument être un grand joueur...

M. Jedwab: Un ancien joueur de hockey.

M. Holden: Quand vous avez parlé de la situation systémique, parce que c'est un concept très latin, une approche systémique à des problèmes d'ombudsman. Moi, j'ai étudié le système d'ombudsman dans d'autres pays. C'est toujours par l'approche d'individus qu'on le fait, comme vous l'avez dit, mais vous avez vu que vous avez fait l'analogie de Patrick Roy qui est sorti de son filet l'autre soir et qui s'est fait écraser. Vous n'avez pas mentionné de nom, mais il s'est fait écraser en étant à l'extérieur de son filet. Je présume que c'est ce que vous vouliez dire. Mais je n'ai pas besoin de commentaire là-dessus non plus, parce que...

M. Levy: Pas de commentaire.

M. Holden: ...M. Williams a parlé, le député de Nelligan...

Le Président (M. Dauphin): La première période achève.

M. Holden: ...a parlé de la table de concertation. J'aimerais que vous explicitiez un peu plus ce que ça va faire, la table de concertation. Est-ce que ce sera pour des gens d'en dehors qui vont venir expliquer à l'ombudsman ce qu'il

devrait faire pour étendre son réseau parmi les communautés culturelles? Expliquez-moi un peu plus là-dessus.

M. Sultan: Écoutez, comme je le disais un petit peu plus tôt, ce principe de table de concertation vise à favoriser l'échange entre le Protecteur du citoyen qui n'aborde pas forcément les communautés culturelles de façon concrète et les communautés culturelles qui, elles, n'ont pas connaissance du mandat du Protecteur du citoyen. À cet effet-là, je crois et nous croyons tous qu'il est important de favoriser un dialogue et donc d'essayer d'aller chercher des représentants de certaines communautés culturelles qui puissent donner un certain "input" - pour utiliser un terme bien français - au Protecteur du citoyen quant à la façon d'aborder les communautés culturelles, et inversement. C'est ce principe-là que nous voulions souligner.

Nous nous proposions, en deuxième recommandation, de lancer une campagne de sensibilisation. Ça pourrait se faire par le biais de cette table de concertation, de façon assez concrète, dans le sens où les communautés culturelles et le Protecteur du citoyen s'entendraient sur les façons d'aller sensibiliser les populations des communautés culturelles, autochtones et linguistiques. Voilà. J'espère que je réponds à votre question.

M. Holden: Merci. Merci,

Le Président (M. Dauphin): Ça va?

M. Holden: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Alors, M. le député d'Anjou.

M. Larouche: M. le Président, pour reprendre ce que disait le député de Westmount, reprendre une fausseté, il dit que l'approche systémique, c'est très latin. C'est absolument faux, c'est très anglo-saxon, l'approche systémique.

M. Holden: Ha, ha, ha!

M. Larouche: C'est presque une religion. Alors, les premiers... Si on regarde, au niveau de l'analyse des systèmes politiques, David Easton, si on regarde McNamara, au niveau de la défense, alors, c'est très anglo-saxon, l'approche systémique. Je vous reprends, M. le député Westmount.

Une voix: Disons que c'est très humain.

M. Larouche: C'est très humain, oui.

M. Holden: J'accepte le commentaire.

Le Président (M. Dauphin): Alors, la mise au point est faite.

M. Holden: Sauf que ça n'existe pas dans les pays anglo-saxons.

Le Président (M. Dauphin): La mise au point est faite. Moi, j'aurais une dernière question, si vous me permettez, messieurs. Quand vous nous dites, à la page 6, qu'il faudrait prévoir une structure permanente de concertation entre les élus du peuple et le Protecteur du citoyen - et vous mentionnez même la commission des institutions - est-ce que vous faites référence, finalement, non pas comme en Angleterre ou en France où il faut absolument passer par un député pour porter plainte devant le Protecteur, mais plutôt pour les recommandations - exemple - qui seraient non suivies par l'administration? Est-ce que c'est surtout ça, la dynamique qui existerait dans ce comité permanent ou cette commission parlementaire là?

M. Joffe: Ça pourrait être une possibilité. Nous, on s'en est tenus à des principes très généraux, mais ce que vous venez de souligner est très pertinent. J'aurais pensé même à une autre situation où, par exemple, le député, confiant qu'il y a eu un nombre répété de plaintes relativement à l'administration, pourrait de lui-même en discuter au sein de la commission parlementaire des institutions où serait présent le Protecteur du citoyen qui aurait donc un autre son de cloche. Comme le député se promène dans les rues, il a quand même un contact régulier avec ses concitoyens et concitoyennes, il peut être en mesure d'apporter un éclairage au Protecteur du citoyen relativement à des problèmes qui ont peut-être déjà fait l'objet d'une plainte auprès du Protecteur ou qui n'en auraient pas encore fait l'objet. Dans ces deux cas, je pense qu'il serait pertinent qu'il y ait une commission permanente à l'intérieur de laquelle pourrait s'exprimer ce type d'échanges.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Merci beaucoup. Alors, au nom de tous les membres de la commission des institutions, M. Joffe, M. Sultan, M. Levy, M. Jedwab, merci beaucoup...

M. Joffe: Merci.

Le Président (M. Dauphin):... pour votre participation à nos travaux, pour votre témoignage très intéressant.

Alors, nous suspendons deux minutes et nous recevrons le Grand Conseil des Cris du Québec.

(Suspension de la séance à 15 h 34)

(Reprise à 15 h 41)

Le Président (M. Dauphin): À l'ordre, s'il vous plaît!

Alors, au nom des membres de la commission, nous souhaitons la bienvenue au Grand Conseil des Cris du Québec. Alors, je reconnais, au centre, M. Saganash, qui est vice-président du Grand Conseil; je vous demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent et de procéder à votre exposé d'environ 15 minutes.

Grand Conseil des Cris du Québec

M. Saganash (Diom Roméo): Volontiers, M. le Président. À ma gauche, M. le chef Abel Bosum, qui est chef de la nation Oujé-Bougou-mou; à ma droite, Me François Robert, un de nos avocats internes de l'Administration régionale crie et du Grand Conseil des Cris. Juste avant de commencer, j'ai été ravi de voir qu'on avait déjà abordé la question autochtone avant même notre arrivée. On s'est toujours dit: Parlez-en des autochtones; parlez-en en bien, parlez-en en mal, mais parlez-en, ça va régler plusieurs questions à la longue.

M. le Président, distingués membres de la commission, c'est avec grand plaisir que le Grand Conseil des Cris et de l'Administration régionale crie profite de cette occasion pour venir vous présenter son mémoire sur le mandat, les orientations et la gestion du Protecteur du citoyen. Comme vous le savez sans doute, le Grand Conseil des Cris et l'Administration régionale crie sont les entités qui représentent les neuf communautés cries de la Baie James au niveau politique et administratif.

La première constatation que nous serions tentés de faire, c'est que la notoriété du Protecteur du citoyen est embryonnaire auprès de la population en général. Il semblerait, d'après nos vérifications, que le degré de connaissance qu'ont les gens par rapport à cet organisme est inversement proportionnel à la distance entre la région où ils habitent et la ville de Québec. Après plus de 20 ans d'existence, il nous semble qu'un effort supplémentaire devrait être fait pour corriger cette situation, particulièrement auprès des populations autochtones. En effet, les autochtones se sentent souvent trahis par les exigences, les résultats et les réactions d'une machine administrative dont la lourdeur et la dimension dépassent la compréhension de ce que devrait être un organisme au service de la population. Nous nous sentons souvent dépourvus devant le monstre bureaucratique qu'est le gouvernement. L'accès aux différents services du gouvernement du Québec nous semble hypothéqué par la quasi-absence de celui-ci dans nos communautés, ainsi que par la méconnaissance des serviteurs de l'État de nos réalités quotidiennes.

Dans cette perspective, nous croyons que le Protecteur du citoyen a un rôle essentiel dans notre société et qu'il gagnerait à faire connaître davantage son existence et ses méthodes d'intervention. En ce qui concerne les Cris et les autochtones en général, l'existence, l'efficacité et l'impartialité de ce bureau sont d'autant plus importants que plusieurs fonctionnaires ignorent la portée et l'implication des différents traités et des droits inaliénables que même les lois fondamentales de votre société nous ont reconnus. Certains fonctionnaires, dont plusieurs sont très haut placés dans la hiérarchie, se font un plaisir d'abuser de leurs prérogatives pour des motifs souvent inavouables.

Depuis plus de 15 ans, notre lutte permanente afin de pousser le gouvernement du Québec à respecter l'esprit et la lettre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois nous a fourni d'innombrables exemples des abus dont peut se rendre coupable la fonction publique. La loi devrait obliger les fonctionnaires responsables des plaintes dans chacun des ministères à informer les citoyens mécontents de la possibilité qu'ils auraient de recourir au Protecteur du citoyen.

Nous comprenons très bien qu'il n'est pas dans l'intérêt des serviteurs de l'État et de la fonction publique en général de faire connaître cette possibilité de recours qui risque trop souvent de les mettre sur la sellette. Ce serait, comme on dit dans notre mémoire, présumer d'une éthique qui est souvent inexistante. C'est pourquoi cette disposition de la loi devrait être renforcée par une attitude plus proactive de la part du Protecteur du citoyen, à travers des campagnes de sensibilisation et d'information adaptées aux besoins des groupes de citoyens concernés.

Les fonctionnaires ont trop souvent tendance à se retrancher derrière des avis juridiques étroits qui obligent les autochtones, soit à abandonner, soit à se lancer dans de coûteuses batailles judiciaires qui durent des années. Trop souvent, la fonction publique se retrouve juge et partie dans l'application des lois, des traités et des conventions. Il nous apparaît que le Protecteur du citoyen pourrait intervenir davantage dans ce genre de situation afin de tenter de rétablir la situation.

L'histoire du Canada est un sentier parsemé de promesses brisées et de maladresses de la part du gouvernement. L'ex-juge en chef de la Cour suprême du Canada l'a récemment déclaré dans l'affaire Sparrow. Permettez-moi, M. le Président, de citer le juge Dickson dans un jugement unanime. Il déclare: "Notre histoire démontre, trop bien malheureusement, que les peuples autochtones du Canada ont raison de s'inquiéter au sujet d'objectifs gouvernementaux qui, bien que neutres en apparence, menacent en réalité l'existence de certains de leurs droits et intérêts." C'est à la page 29 du jugement.

Devant ce malheureux constat sur la situation de nos relations avec l'administration

publique du Canada et du Québec, nous devons cependant affirmer ce qui suit: "Jusqu'à un passé très récent, nous étions peu informés de l'existence du Protecteur du citoyen comme alternative pour remédier aux abus de la part de l'administration publique du Québec. Nous entendons dorénavant, M. le Président, y avoir recours."

Il est important de réaffirmer ici qu'à l'instar du Vérificateur général, le Protecteur du citoyen doit jurer d'une indépendance totale tant au point de vue politique que financier. Il doit avoir accès à tous les dossiers et à toute l'information pertinente à son enquête et doit avoir les ressources humaines, physiques et financières suffisantes afin que son efficacité ne soit pas remise en question. Tout comme l'Office de la protection du consommateur ou du ministère de l'Environnement canadien, il devrait pouvoir faire connaître publiquement les méfaits ou les entêtements des ministères fautifs. Cette façon de faire rendrait ses recommandations plus coercitives. Le Protecteur du citoyen devrait être doté de plus de ressources et d'un mandat élargi qui couvrirait et remplacerait les ombudsmans des différentes sociétés d'État, tel qu'Hydro-Québec ou tous les organismes para et péripublics du Québec.

Tout le monde s'accorde de nos jours pour affirmer que les autochtones constituent une clientèle distincte de tout autre groupe de la société. Ils sont plus sensibles aux contacts personnalisés et moins familiers avec la conception occidentale du fonctionnement d'une société. Par conséquent, nous sommes plus vulnérables aux abus de pouvoirs de l'administration publique et moins sensibles aux mécanismes de défense qui sont à notre disposition. Pour contrer ce problème, le Protecteur du citoyen pourrait s'adjoindre du personnel autochtone afin de les former pour qu'il puisse dispenser des services d'information et d'enquêtes nécessaires à son mandat dans les communautés autochtones. Il pourrait ainsi maximiser ses chances de développer une image positive auprès de la population amérindienne du Québec et, par le fait même, améliorer l'image du gouvernement du Québec.

L'aspect prévention qui fait partie intégrante du mandat du Protecteur du citoyen ne doit pas non plus être négligé. Si cet organisme pouvait en arriver à développer une expertise et une vision des problèmes que les autochtones ont à vivre face à une administration de plus en plus omniprésente, il serait mieux en mesure de conseiller le gouvernement dans l'élaboration des lois, des règlements et des politiques en général.

Nous croyons sincèrement que cette approche permettrait d'éviter de nombreux abus qui se transforment quelquefois en crise majeure. Cette fonction préventive de conseiller auprès du gouvernement ne devrait pas empêcher le Protecteur du citoyen de faire son autocritique une fois que ces recommandations seront en application.

En effet, malgré les meilleures intentions du monde, il arrive que la théorie rencontre des difficultés d'adaptation dans la vie réelle et qu'on se méprenne sur les moyens à prendre pour atteindre nos objectifs. L'expérience nous enseigne que la meilleure façon de réagir dans ces circonstances, c'est de reconnaître ses erreurs et d'en corriger les causes et les effets.

En conclusion, je crois que nous pouvons affirmer que l'égalité des personnes devant la gamme complète des services gouvernementaux est un objectif et un idéal à atteindre dans une société démocratique et pluraliste. Que l'on vive dans la capitale ou à 1000 kilomètres plus loin, que l'on fasse partie d'une majorité ou dune minorité, que l'on soit pauvre ou riche, l'administration publique devra toujours tendre à nous servir et à nous informer de la façon la plus complète et efficace possible.

Le Protecteur du citoyen a donc une responsabilité vitale de chien de garde et son indépendance financière et politique est indispensable, à notre avis. C'est uniquement lorsque ce bureau pourra exercer la plénitude de son mandat en toute indépendance que le niveau de crédibilité du gouvernement du Québec auprès de la population va augmenter. Une attention particulière devra toujours être portée aux minorités ethniques et aussi aux autochtones, car une nation qui traite bien ses minorités et ses autochtones traite bien sa majorité.

N'oublions pas que nous sommes tous les minoritaires de quelqu'un. Sylvain Lelièvre, un artiste québécois que vous connaissez bien, dit dans lune de ses chansons: "On est toujours un peu l'Iroquois de quelqu'un". Merci. On est prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup, M. Saganash, pour votre exposé. Alors, plusieurs membres ont demandé d'intervenir. C'est au tour de l'Opposition officielle. C'est Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve...

Mme Harel: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): ...ensuite de ça, si vous me permettez, Mme la députée, il y aura le député d'Iberville, le député de Berthier et le député d'Anjou.

Mme Harel: Alors, bienvenue, M. Saganash, M. Bosum et Me Robert. C'est intéressant, M. Saganash, que vous ayez cité Sylvain Lelièvre. Il est venu devant la Commission Bélanger-Campeau et j'avais eu l'occasion justement de lui rappeler ce passage que vous venez de nous citer de l'une de ses chansons. Alors, vous dites: Ça fait 21 ans qu'existe l'institution du Protecteur du citoyen. Et à la page 1 de votre mémoire, vous dites que c'est tout récemment que certains

chefs cris ont appris l'existence du Protecteur du citoyen. Donc, au départ, tout de suite, on constate en fait qu'il y a un problème non pas de perception mais d'information. Vous nous dites que vous entendez dorénavant y avoir recours. La question que je veux vous poser, c'est plus: Comment devraient être offerts les services du Protecteur du citoyen?

Dans votre mémoire, vous nous dites que le Protecteur du citoyen devrait embaucher des enquêteurs autochtones, qu'il devrait aller y faire enquête sur place. Finalement, la question que je me suis posée, c'est: Est-ce suffisant? Est-ce qu'il faudrait que ces enquêteurs puissent parler la langue des personnes qui ont déposé des plaintes ou est-ce que l'enquête doit se faire par des personnes qui peuvent converser dans la langue des témoins? Est-ce important? D'autre part, compte tenu des expériences menées en Nouvelle-Zélande, je pense, entre autres, au Tribunal de Waitangi dont vous avez peut-être entendu parler, compte tenu des expériences en Australie, il s'agit finalement d'une commission parlementaire qui est constituée d'autochtones. Est-ce qu'il y a un problème finalement à ne voir la solution que dans l'embauche de personnes dans les institutions et à ne pas envisager aussi parallèlement ou concurremment qu'il faille peut-être envisager, lorsque les plaintes émanent des communautés autochtones, de les traiter dans la culture même des personnes dont les plaintes originent? Je ne sais pas si je me suis bien fait comprendre. Oui?

M. Saganash: La raison essentielle pour laquelle nous avons proposé qu'il y ait des enquêteurs autochtones, c'est justement à cause de cette barrière de langue qui existe, en particulier chez les Cris, avec le gouvernement du Québec et les autres institutions. C'était la raison essentielle pour laquelle nous avons proposé ça. D'ailleurs, le conseil du Grand Conseil des Cris a adopté en décembre 1989 une résolution demandant au Protecteur du citoyen d'engager des enquêteurs autochtones pour assurer un service complet auprès des nations autochtones et des communautés autochtones au Québec. C'est la raison principale pour laquelle nous avons demandé ça.

Dans une autre perspective, vous comprendrez pourquoi il y a une barrière de langue entre les communautés autochtones. C'est strictement relié à des raisons historiques. Dans un autre ordre d'idées, le Protecteur du citoyen a un rôle particulier à jouer auprès du citoyen en général. Et dans le cas des communautés cries, ce rôle-là est d'autant plus important, parce que, nous, on se trouve dans une situation très particulière dans nos relations avec les gouvernements, que ce soit le gouvernement canadien ou le gouvernement québécois. C'est sûr que lorsqu'on a signé la Convention de la Baie James, par exemple, on aurait préféré avoir un tribunal pour juger des différends qui rassortent aujourd'hui de la Convention de la Baie James de l'interprétation, de l'application de cette Convention-là.

Le tribunal de Waitangi est un exemple parfait de ça. Et n'est-ce pas là une des premières choses que le gouvernement canadien avait demandé d'établir lorsqu'ils ont négocié l'entente du libre-échange avec les Américains, qu'il y ait un tribunal? Cela aurait été juste normal dans le cas de la Convention de la Baie James aussi. C'est sûr qu'on ne peut pas résoudre tous nos problèmes avec le Protecteur du citoyen, mais en attendant, c'est peut-être une des institutions les plus impartiales qu'on peut retrouver présentement, si on prend en compte toutes les institutions qui existent dans votre société québécoise et aussi dans la société canadienne.

Les tribunaux - et ça, ce n'est pas le secret des dieux - ont très souvent, malgré les droits, très clairs que nous avons au point de vue constitutionnel, par exemple, jugé contre nos intérêts pour des raisons politiques, économiques. Alors, dans ce sens-là, nous avons espoir dans le Protecteur du citoyen parce que c'est une des institutions qui existent qui serait là pour nous servir.

Mme Harel: Je vous remercie de cette réponse. Je souhaite que les membres de cette commission donnent suite à cet espoir que vous avez, lors de la rédaction des recommandations dans le rapport final. Bon, vous faites valoir que l'impartialité du Protecteur serait entachée ou risquerait, plutôt, d'être discréditée si l'expérience européenne, où les plaintes doivent préalablement passer par le député, était appliquée ici. Je comprends très bien que vous écartiez cette hypothèse de changement dans les traitements des plaintes devant le Protecteur. Vous dites également que vous souhaitez que ce ne soit pas le Conseil du trésor qui, dans le fond, est le maître d'oeuvre des politiques ministérielles de l'Assemblée nationale, qui ait à voter les budgets du Protecteur.

On le voit bien, par exemple, avec la Commission des droits de la personne qui réclame depuis des mois les fonds pour mener une enquête sur les relations entre les nations autochtones et les forces policières sur les allégations de discrimination, et qui attend toujours. J'interrogeais Me Lachapelle la semaine passée là-dessus et ça fait des mois maintenant, je crois, depuis juin dernier, qu'il attend une réponse sur cette question. Et je note aussi que vous mettez en doute la validité du processus d'ombudsman d'Hydro-Québec, étant donné qu'il n'y a pas là véritablement impartialité, et vous nous illustrez votre propos. (16 heures)

Mais, moi, je comptais beaucoup sur votre présence, aujourd'hui, pour nous expliquer la conception de la justice que vous développez.

Vous nous donnez l'exemple du divorce. Reprenons un exemple. Ça va peut-être être encore plus simple. Un bon exemple - à la page 7 de votre mémoire - du manque d'accès à la justice, c'est, par exemple, celui d'un Cri qui désire avoir un divorce. Et là, vous nous donnez l'exemple du fait que, comme il n'y a pas de juge de la Cour supérieure qui va aller dans les territoires cris, il va donc y avoir des frais exorbitants encourus pour aller à Amos, en Abitibi, où se trouve le tribunal. En vous lisant, je me suis demandé si la solution consistait à demander qu'un juge de la Cour supérieure monte dans les territoires ou si vous pensiez qu'il fallait plutôt envisager peut-être une façon différente de rendre justice dans les territoires.

Est-ce que ça représente quelque chose - c'est ça, ma question - qu'en hélicoptère arrivent un juge de la Cour supérieure, un procureur et peut être un avocat de l'aide juridique? C'est un peu, moi, dans mon esprit, comme si un juge de Winnipeg, avec un avocat de Winnipeg et un procureur de Winnipeg venaient rendre justice ici, au Québec, dans une autre langue, avec une autre culture. J'ai l'impression qu'on n'aurait pas l'impression que c'est un système indépendant et impartial. Alors, est-ce que c'est simplement... Est-ce que, dans votre esprit, il s'agit d'abord d'avoir des personnes autochtones qui occupent ces postes-là ou si, selon vous... Je ne parle pas du sens de la justice qui est le même pour tout le monde, mais on sait très bien que la justice est, finalement, un pur produit culturel. À part, évidemment, la prohibition de l'inceste et du meurtre, il y a toutes les formes possibles de codes de justice. Est-ce que vous pensez que sur ce plan là, il y aurait intérêt à ce qu'il y ait, un peu comme le Québec a obtenu, même après la conquête, un droit autochtone, par exemple, parental ou familial, qui puisse être différent du Code civil qu'on connaît ici?

M. Saganash: Votre question comporte plusieurs volets.

Mme Harel: C'est parce que vous ne venez pas souvent devant nous.

M. Saganash: Les services en général, de la part du gouvernement du Québec, sont inexistants, au point de départ, dans le Nord du Québec. On ne voit le gouvernement du Québec que lorsqu'il a besoin de nos ressources dans le Nord. À part cela, on ne le voit pas. On n'a même pas accès, par exemple, au service 1-800 dans le Nord. On ne peut pas appeler l'Office de la protection du consommateur, par exemple. C'est impossible, pour nous. En termes de services, les services sont inexistants dans le Nord.

On a soulevé l'exemple de la justice parce que c'est une des choses qui sont mentionnées dans la Convention de la Baie James, que le gouvernement du Québec s'était engagé à donner un accès plus étroit pour les Cris à la justice. Et il était supposé aussi de modifier ce système de justice qui existait pour le rendre plus compatible avec la culture autochtone dans le Nord du Québec, ce qui n'a pas été fait jusqu'à date Pendant le symposium qui a eu lieu en 1987, à Mistassini, entre les Cris et le ministère de la Justice du Québec, tout le monde était d'accord sur le fait que les services juridiques dans le Nord sont inadéquats autant au point de vue des services qu'au point de vue de la manière qu'on rend justice dans le Nord parce que c'est une communauté et la culture est différente de la vôtre.

C'est ce qu'on souhaite depuis fort longtemps et il y a beaucoup de travail qui se fait de ce côté-là. On a étudié un peu les méthodes traditionnelles de régler nos conflits, par exemple Et fious allons proposer au gouvernement du Québuc, dans un avenir rapproché, la façon dont la justice devrait être rendue dans le Nord, selon notre conception de la justice, qui serait compatible avec la culture autochtone parce qu'il va sans dire qu'il y a une forme d'acculturation juridique qui se passe lorsqu'on accepte que le Québec amène son système de justice dans le Nord et qu'on ne comprend pas, finalement, la manière dont les gens pensent et ils ne comprennent pas, eux autres non plus, la manière dont, nous, nous pensons. Alors, c'est très difficile de fonctionner dans ce type de justice et d'administration de la justice. On souhaite, évidemment, que ça change. Les moyens étaient déjà là, en place, avec la Convention de la Baie James. Il était prévu que ça irait dans cette direction là, mais on attend toujours. Nous, on a fait nos devoirs, de notre côté. On a fait les études qu'il y avait à faire pour démontrer amplement que le système de justice est inadéquat dans le cas des Cris de la Baie James.

Mme Harel: C'est intéressant, parce que quelques-uns de mes collègues, je ne sais trop lesquels, se demandaient en quoi les questions que je vous posais avaient rapport avec l'institution du Protecteur. Justement, ce que vous réclamez, c'est une approche systémique, je crois, du Protecteur, évidemment, qu'il aille sur place pour recevoir les plaintes, mais qu'if intervienne aussi de façon systémique. Il pourrait intervenir sur la façon dont justice est rendue. Là, nécessairement, ça met en cause une conception qui est très répandue dans le Parlement, qui est l'affirmation que tous sont égaux devant la loi Évidemment, l'omission qui est toujours faite, c'est d'ajouter, notre loi Parce qu'on affirme simplement, dans cette affirmation, que tous sont égaux devant notre loi, mais notre loi n'est pas la loi. Il y a une sorte de confusion dans l'opinion publique québécoise qui finit dans la tête du ministre de la Justice lui-même, qui

répète ça très souvent: Tous sont égaux devant la loi, en oubliant, évidemment, d'ajouter que c'est notre loi, parce qu'il n'y a pas une loi naturelle qui descend du ciel et qu'on aurait codifiée dans nos propres législations. Alors, si je comprends bien, par exemple, le Protecteur du citoyen pourrait vous être utile, non seulement dans les cas particuliers comme celui que vous nous décrivez à la page 7 de votre mémoire, mais pour aussi enquêter sur le fait que la manière de faire la loi peut, dans votre cas, être un déni de justice. Est-ce que c'est ça que je dois comprendre quand vous nous demandez une intervention systémique?

M. Saganash: Oui. Il faut mentionner, dès le départ, que dans le cas particulier des Cris, nous n'avions affaire avec l'État québécois que depuis seulement 15 ans, lors de la signature de la Convention de la Baie James en 1975. Il y a quelque chose qui empêche la mise en oeuvre de cette Convention depuis 15 ans. D'où ça vient? Je ne le sais. Peut-être que les fonctionnaires sont maintenus dans l'ignorance délibérément. Peut-être qu'il existe des directives très claires à l'effet qu'on ne doive pas mettre en oeuvre cette Convention qu'on a signée avec les Cris. Je ne le sais pas. Je ne sais pas ce qui se passe. Mais il est très clair que dans le cas des Cris, l'approche systémique serait beaucoup plus appelée à être mise en application dans notre cas, parce que le problème des individus est souvent le problème du peuple. Alors, dans ce sens-là, il y a lieu d'appliquer souvent l'approche systémique que la loi prévoyait.

Mme Harel: Je voudrais peut-être juste inviter les membres de la commission à prendre connaissance de votre rapport aux pages 7 et 8, où vous décrivez bien le rôle que le Protecteur du citoyen pourrait jouer dans un cas semblable et vous nous dites, soit d'utiliser une approche systémique et d'apporter des correctifs sur le système en général. L'exemple que vous donnez, c'est que le Protecteur pourrait proposer au ministre de la Justice, soit de faire adopter une proclamation pour que la Cour supérieure siège au Nord du Québec, ou encore mieux, d'examiner tout le système d'administration de la justice aux autochtones dans la perspective de régler les conflits et de rendre justice selon les méthodes traditionnelles. Alors, je veux simplement inviter mes collègues à prendre connaissance de cette partie de votre mémoire. Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme la députée. Je vais maintenant reconnaître M. le député d'Iberville.

M. Lafrance: Je vous remercie, M. le Président. J'aimerais également joindre mon mot de bienvenue et vous remercier pour avoir présenté ce mémoire. Je suis certain que ça va nous aider considérablement dans notre iravail do perception et aussi, éventuellement, de recommandation, ceci pour, évidemment, avoir les recommandations les plus justes possible pour tous les citoyens du Québec.

J'ai trouvé très intéressants les propos que Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve vient de tenir concernant la question de votre perception de la conception de l'application de la justice que vous voyez de façon différente. Vous avez reculé peut-être de 15 ans, avec la signature de l'entente, de la Convention de la Baie James. Ça dépasse peut-être un peu le cadre de notre commission, mais, quand même, je trouve ça très intéressant. Quelle sorte de rapprochement voyez-vous dans le futur pour qu'on ait justement une meilleure perception de cette justice que vous voyez différemment?

M. Saganash: L'approche de votre société de la justice est très différente de la nôtre, dans le sens que votre type de justice est "adversarial" tandis que dans notre cas, on réglait nos conflits par des groupes de médiation. C'est surtout un type de droit de médiation, plutôt que... Ce n'était pas deux parties que le juge jugeait, soit en faveur de l'une ou de l'autre, c'était surtout un processus de médiation qui se passait. Il y avait des comités dans nos communautés cries qui avaient ce rôle-là de médiation dans les conflits qui existaient entre les membres de la communauté. C'est dans ce sens-là que c'est très difficile pour un Cri, par exemple. Déjà, il ne comprend pas la langue qu'on parle en cour, mais il est très difficile pour un Cri d'arriver devant la cour et d'essayer de comprendre ce qui se passe. C'est très difficile. Je le vois depuis plusieurs années. J'ai une formation en droit, donc j'ai assisté à des procédures et à des auditions en cour. C'est dans ce sens-là que nous disons que votre type de système de justice ne s'applique pas nécessairement bien dans le cas des communautés autochtones. Il y a lieu de changer tout ça et de favoriser le type d'administration de la justice que nous avions avant même que vos ancêtres arrivent en Amérique.

M. Lafrance: Oui. Je peux très bien comprendre ça, mais comment voyez-vous un rapprochement, une meilleure compréhension justement entre nos deux groupes? Est-ce que vous voyez la création d'un organisme ou de mécanismes qui pourraient faire qu'on comprendrait mieux la façon dont vous voyez la justice et que vous comprendriez mieux la façon dont nous voyons notre justice?

M. Saganash: Ce n'est pas nécessairement le désir. Il y a un concept, un principe que nous défendons depuis fort longtemps, c'est le principe de l'autodétermination et une des choses que nous voulons à l'intérieur de ce principe-là que nous défendons depuis fort longtemps, c'est de

régler nos conflits internes à notre manière, de notre façon. C'est dans cette perspective-là que je le vois, moi. Je ne pense pas que vous acceptiez ce que le Canada anglais vous propose. Par exemple, le droit de déterminer son destin et son avenir vous appartient, vous, en tant que Québécois, autant que moi j'ai le droit de décider de quelle façon je veux régler mes conflits internes entre mes membres. C'est dans ce sens-là.

Je voudrais simplement avoir le droit d'appliquer et de mettre en place mes propres institutions telles qu'elles étaient déjà en place avant votre arrivée en Amérique. C'est tout ce que je dis. Je n'ai pas à vous dire, par exemple, comment vous devriez régler vos conflits ou régler vos affaires de justice, comme vous n'avez pas le droit de me dire comment régler les conflits qui existent à l'intérieur de ma communauté.

M. Lafrance: Non, mais ma question se voulait simplement pour essayer d'avoir une meilleure compréhension entre les deux et un rapprochement éventuel en matière de règlement de plaintes ou de conflits qui pourraient exister.

Si je vais maintenant au plus spécifique, du côté d'Hydro-Québec, vous avez parlé du commissaire aux plaintes des clients distributeurs d'électricité. Et je cite ici ce que vous avez écrit en page 6: "Le Protecteur du citoyen devrait en conséquence rapatrier la juridiction du commissaire aux plaintes et en faire un de ses secteurs spécialisés." Est-ce que je dois comprendre que vous aimeriez voir abolir complètement ce commissaire ou le garder en ayant le Protecteur du citoyen en dernier recours ou, possiblement, en mettant le commissaire sous le Protecteur du citoyen? (16 h 15)

M. Saganash: Reconnaître la juridiction du Protecteur du citoyen pour des cas de plaintes à Hydro-Québec, c'est abolir le commissaire aux plaintes à Hydro-Québec.

M. Lafrance: L'abolir complètement. M. Saganash: Oui.

M. Lafrance: Avoir recours seulement au Protecteur du citoyen. Finalement, la question de recours aux médias a attiré mon attention, en page 4, où vous dites que le Protecteur du citoyen devrait publier dans le journal le nom du ministère en question et un exposé complet des faits et des mesures. C'est assez surprenant. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de mémoires qui aient présenté ça comme ça. Ne pensez-vous pas qu'il y aurait un danger de percevoir le Protecteur du citoyen comme devenant un ennemi - si je peux employer ce terme - de l'appareil administratif public en ayant recours aux journaux, aux médias?

M. Robert (François): Je peux répondre à cette question-là. Je pense qu'il n'appartient pas au Protecteur du citoyen d'avoir un rôle provocateur. Dans notre mémoire, on parle bien d'en cas de mauvaise administration endémique ou suite à une recommandation du Protecteur, quand rien n'a été fait de la part de l'administration. Le Protecteur a pu faire d'autres pressions sur le ministère. À ce moment-là, avoir recours aux médias pour illustrer la situation, ça peut être approprié. C'est en cas extrême.

M. Lafrance: En cas extrême. M. Robert: En cas extrême. M. Lafrance: O.K. Merci.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup, M. le député d'Iberville. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Berthier.

M. Houde: Bonjour, messieurs, ça me fait plaisir de vous voir ici aujourd'hui. Connaissant vos façons d'agir, j'en ai quelque 2100 près de chez moi, juste à la limite de mon comté de Berthier, plus précisément à la Manouane. On fait affaire de temps en temps avec eux autres et on échange avec eux à l'occasion, pour les routes et pour les territoires de pêche et de chasse.

À la page 3 de votre mémoire, vous faites part de votre intention d'avoir dorénavant recours au Protecteur du citoyen, maintenant que vous connaissez son existence, pour remédier aux abus de l'administration. Avez-vous eu l'occasion récemment de faire appel aux services du Protecteur du citoyen dans le cas de plaintes individuelles ou systémiques? Quelle conclusion tire riez-vous de cette ou de ces expériences? On regarde l'accès pour tous les citoyens, dans votre mémoire, et il semblerait qu'à l'occasion vous y avez eu recours. Est-ce que c'est exact?

M. Saganash: Me Robert est la personne responsable d'une des plaintes que nous avons déposées. Je vais demander à Me Robert d'élaborer là-dessus.

Le Président (M. Dauphin): Me Robert.

M. Robert: Le Grand Conseil des Cris a effectivement déposé une plainte auprès du Protecteur du citoyen dans le cas de deux jeunes qui devaient être entendus devant le Tribunal de la jeunesse. Vous ne le savez peut-être pas, mais les juges de la cour itinérante boycottent les communautés cries qui n'ont pas les installations pour les recevoir. Il y a encore une des communautés qui est dans cette situation-là. Deux jeunes qui devaient comparaître dans leur village ont dû comparaître dans un village voisin.

M. Houde: Un village indien, là. M. Robert: Le village indien voisin. M. Houde: D'accord, merci.

M. Robert: II n'y a pas de route d'accès à ce village-là. Donc, l'avion qui venait avec la cour, qui vient cinq, six fois par année, a atterri. On a couru après les deux jeunes dans la rue. Les parents n'ont pas eu le temps de réaliser, de préparer le voyage pour accompagner les enfants. Ils ont ramassé les enfants. Les jeunes ont comparu dans le village voisin. Mais il y a un vide juridique, à savoir qui va payer le retour de ces jeunes-là. Donc, les jeunes ont été laissés dans le village voisin. Il n'y a pas d'autres moyens de s'y rendre que par bateau ou par avion. Mais le bateau, sur la Baie James, en tout cas, moi, je ne l'ai jamais fait, mais il doit y avoir de la vague.

M. Houde: Ha, ha, ha!

M. Robert: Et puis, par avion, les enfants n'avaient pas les moyens. On voit qu'il y a une injustice là. Maintenant, on a fait une plainte pour ces deux jeunes-là, mais aussi on demande une enquête systémique. Pourquoi les juges ne siègent-ils pas? Ça, on le sait, parce qu'il n'y a pas les services, l'infrastructure pour recevoir les juges. Mais pourquoi n'y a-t-il pas cette infrastructure-là? Là, on demande une enquête systémique sur l'administration de la justice. C'est là qu'on fait un peu une relation entre l'administration de la justice qui ne reflète pas les valeurs et le rôle du Protecteur, pour répondre à votre question, Mme Harel, précédemment.

M. Houde: Quel âge avaient-ils, les jeunes? M. Robert: 17 ans.

M. Houde: 17 ans. Merci. Ma deuxième question: Quand je vois que le Grand Conseil des Cris ne compte pas sur le Protecteur du citoyen pour solutionner tous les problèmes des autochtones, mais qu'il espère que quelqu'un d'indépendant pourrait veiller à l'instauration d'une société pluraliste au Québec, quel serait précisément ce rôle que le Protecteur du citoyen serait appelé à jouer?

M. Saganash: Le rôle du Protecteur du citoyen, présentement, de la manière que nous le percevons, c'est de régler les cas d'abus de l'État vis-à-vis d'un citoyen. Depuis 15 ans, comme je l'ai expliqué tantôt, nous sommes appelés à faire affaire avec la fonction publique québécoise. Évidemment, le rôle du Protecteur du citoyen se limite à ça, présentement. Il y a un problème plus large que ça qui existe présentement, surtout dans notre cas. Ne faisant affaire avec la fonction publique québécoise que depuis 15 ans, la seule et unique raison pour ça, c'est que nous avons signé une entente, il y a 15 ans, essentiellement tripartite, Canada-Québec et les Cris et les autochtones. Bien sûr, on espère qu'il y ait un autre organisme qui pourrait veiller à l'application de cette Convention-là, qui est en soi un projet de société, un projet de cohabitation pacifique entre différents peuples sur un territoire. Présentement, il n'y a aucun mécanisme qui est appelé à jouer ce rôle d'arbitre entre les Cris et la société québécoise dans le cas de conflits en vertu de cette Convention-là. Dans ce sens-là, c'est sûr qu'on préférerait qu'il y art une sorte de tribunal - le Tribunal de Waitangi est un exemple de ça, en Nouvelle-Zélande, - où il y aurait des membres cris et des membres de la société blanche à l'intérieur qui pourraient siéger, régler les différends qui ressortent de cette Convention-là.

M. Houde: Oui.

M. Saganash: C'est une problématique plus large...

M. Houde: O.K.

M. Saganash: ...que le Protecteur du citoyen n'ait pas, à ce moment-ci, le mandat.

M. Houde: Je vais vous poser une autre question peut-être un petit peu en dehors de ça. Dans les réserves - j'en connais quelques-unes, pas tellement - est-ce qu'il arrive qu'il y ait des Indiens qui meurent de faim parce qu'ils n'ont pas de quoi à manger? Je ne parle pas du froid qu'on a eu ou de quelqu'un qui s'est perdu, ce n'est pas ça que je veux dire. Dans les réserves normales, est-ce qu'il y en a qui meurent parce qu'ils manquent de nourriture, ils n'ont pas d'argent pour s'acheter de quoi à manger, ils n'ont pas de quoi pour trapper? Non?

M. Saganash: Pas à ma connaissance, mais il faut bien comprendre que nous, nous vivons encore de chasse et de pêche. Une des valeurs traditionnelles que nous avons encore aujourd'hui, c'est le partage entre les membres de la communauté. Donc, ceux qui sont plus dépourvus de moyens de poursuivre ce mode de vie traditionnel sont aidés par d'autres qui peuvent le faire encore. Dans ce sens-là, non, pas à ma connaissance.

M. Houde: Ça m'amène à une autre question. Qu'est-ce qui arrive d'abord... Tantôt, vous parliez de justice. Je ne veux pas être méchant quand je pose cette question-là, mais dans une réserve, il y a des ZEC qui sont régies par des règlements. Quand on voit des Indiens arriver dans un lac, le vider complètement - quand je dis "le vider complètement", c'est prendre une

seine et le vider - et qu'il ne reste plus rien, demain matin, avec la justice meilleure que vous voudriez voir, que vous souhaitez, ce serait quoi votre position, à ce moment-là? Comprenez-vous ce que je veux dire? Comprenez-vous ma question?

M. Saganash: Oui.

M. Houde: Je parle de poisson, je ne parle pas d'orignaux et de tout ça; je parle juste de poisson.

M. Saganash: Oui.

M. Houde: Qu'est-ce que ça ferait?

M. Saganash: Évidemment, il y a des préjugés par rapport aux autochtones dans ce sens-là.

M. Houde: Non, non, ça peut être des Blancs aussi.

M. Saganash: Je ne suis pas...

M. Houde: Écoutez, écoutez, ça peut être des Blancs qui font ça, mais là, c'est des Indiens dont je veux parler. Quelle serait votre position?

M. Saganash: Par rapport à?

M. Houde: Bien, à des gens qui vident un lac complètement dans une ZEC, je ne parte pas dans une réserve qui est reconnue pour...

M. Saganash: O.K. À mon avis, il y a des gens responsables de la faune en vertu de vos lois. Il y avait des méthodes de gestion de fa faune qui existaient même avant que vos lois n'existent.

Une voix: Oui.

M. Saganash: Alors, dans la société crie, ces méthodes-là sont encore en application et jamais vous n'allez trouver un lac vidé par les autochtones sur le territoire de la baie James. Si vous avez été témoin de ça dans d'autres régions...

M. Houde: Je ne nommerai pas une région en particulier. Remarquez bien, ce n'est pas mon but, mais c'est pour savoir ce que vous feriez à partir de là, c'est ça que je voulais savoir.

M. Robert: Si je peux répondre... M. Houde: Oui

M. Robert: Je pense que l'une des valeurs cries, c'est fa conservation des ressources et la terre est très importante. Je pense que si une personne abuse de ces valeurs-là, ses pairs pourraient intervenir en médiation ou peu importe le mode de résolution de conflit, pour faire des pressions sur cette personne-là pour qu'elle ne recommence pas.

M. Houde: Merci beaucoup.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M le député de Berthier. Maintenant, M. le député d'Anjou.

M. Larouche: Très bien. Merci, M. le Président J'aurais plusieurs remarques, parce que vous avez parlé beaucoup évidemment. Je vais m'adresser au chef ou, en tout cas, le message, je vais le faire au chef Abel Bosum, on ne l'a pas entendu beaucoup. On a entendu des avocats. Concernant le recours aux médias, déjà le député d'Iberville y faisait référence, c'est vrai que c'est la première fois qu'on entend cette chose-là, et je lisais quelqu'un qui disait ceci, je cite: "Si votre justice ne dépasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux." Alors... C'est saint Mathieu qui disait ça. Je m'adonne à avoir un petit livre en avant de moi. Justement, j'y réfère parce qu'on parie en termes de justice. Je ne pense pas qu'en termes universels il y ait une justice pour les autochtones et pour les Blancs et pour les Noirs. En termes de justice, je pense qu'il faut référer à des choses très simples, au sens le plus étroit du mot. Après ça, on pourra... Et je parle à Abel: La justice consiste à rendre à chacun son dû, ce à quoi il a droit. Ainsi, la vertu de justice... et ainsi de suite... On dit: De ce point de vue, où justice et droit correspondent - et vous êtes deux avocats, - on distinguera entre justice distributive qui règle la participation des différents individus aux biens dont dispose l'ensemble de la société et la justice commutative qui règle les rapports entre les individus eux-mêmes ou les institutions particulières qui peuvent, de ce point de vue, être assimilées dans le tout social à des individus. Parce que c'est à ça que vous avez référé, en termes de justice, c'est ce dont on entend parler depuis une demi-heure.

M. Saganash: Est-ce que vous pouvez répéter cela en anglais, parce que monsieur ne parle pas français?

M. Larouche: O.K. That is a question of definition of justice. So, you have distributive justice and commutative justice. After that, I will explain to you in English, if you want to... After. Because I have just a few minutes and I do not want to elaborate on the concept of justice, but what I was saying is that there is not a justice for the autochtones. There is not a justice for the Crées and for the Montagnais and for the French and for the English. Mr. Holden

is a Member of National Assembly for West-mount; there is not a justice for Westmount and one for... So, there is an universal concept of justice.

En fin de compte, ce à quoi vous vous en prenez, c'est au système de justice, c'est au niveau de l'administration de la justice et, déjà, la société québécoise, par l'institution du Protecteur du citoyen et par d'autres moyens, se dirigent dans certains niveaux d'application de la justice au niveau de la déjudiciarisation où vous mettez en cause le système "adversarial" versus la médiation. Ça veut dire, à moins que je ne me trompe, déjà on participait à un colloque à Birmingham sur tout le concept. Alors ça veut dire que la société occidentale ou blanche tend à déjudiciariser, en tout cas, disons au Québec, peut-être au Canada. Alors, voyez-vous, il y a un rapprochement. De votre part, un petit rapprochement, de la part de la société, un autre rapprochement et on arrive vers la déjudiciarisation. On y arrive. Ça peut prendre encore du temps. (16 h 30)

Troisième point. Je vais vous faire un aveu que je n'ai pas dit vendredi. Je reprends toujours parce que c'est Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve qui parle toujours avant moi. Alors, je l'entendais tantôt qui disait: Ce que vous voulez, c'est d'être des Indiens. Ils ont le droit de ne pas être Québécois, ce sont des autochtones, etc. Je suis intervenu en Chambre, le 4 septembre et le 1er novembre 1990 à cet égard-là. Je vais laisser au chef Abel et à ses avocats une copie de mon texte. Vous lirez aux lignes 39 à 70 de la page 4832, où je disais ceci - et on pourra en reparler, je n'ai pas participé malheureusement à la Commission Bélanger-Campeau: II conviendrait qu'on désigne ces citoyens du Québec du terme générique approprié d"'Améri-québécois". Vous n'êtes pas des Indiens. Les Indiens, c'est Christophe Colomb qui cherchait la route des Indes. Il est arrivé ici et il a vu des Cris et il a dit: Voilà, c'est des Indiens. Vous êtes des Cris, vous êtes des Montagnais, vous êtes des Hurons.

Quand je vous dis que je vous ferais une confidence. Vendredi dernier, le Conseil des Atikamekw et Montagnais est venu. Alors, je suis, moi, un Montagnais. Si la filiation avait conservé les noms des femmes plutôt que celui des hommes, mon nom ne serait pas Larouche, ce serait Antaya-Kaorate. Mais le système a voulu - et c'était votre système autant que le système occidental - que ce soit les hommes. Alors, à cet égard-là, je serais aussi Montagnais que Max Gros-Louis est Huron. Voilà! Mais ma pauvre mère, elle a perdu ses titres. Mais il reste qu'il faut s'entendre. Souvent, on dit: Ah, c'est juste des questions de terminologie. Vous apprendrez que la terminologie est extrêmement importante. "The words are important". Je suis un autochtone. M. Holden est un autochtone.

L'autochtone, c'est celui qui habite le sol. À cet égard, je vous réfère à un article d'un savant québécois qui s'appelle André Patry, d'un article du Devoir. Je vous en ferai une copie M. Abel, et même j'en ferai faire une traduction qui, justement, déblaye au niveau de ces termes d'autochtone. On est tous des autochtones, on habite le sol.

Moi, ce que je dis, lorsque vous verrez le texte on pourra s'en reparler, on parle d'Amé-riquébécois, d'Américanadiens ou d'Amérindiens. Si on parle d'Amérindiens, je dis parlons donc d'Amériquébécois. Déjà, ça fait une distinction. Vous êtes les premiers habitants du sol d'Amérique. Alors, vous êtes les Amériquébécois. Vous lirez ça et on en reparlera. J'avais demandé: "Ce simple geste symbolique forcera le gouvernement fédéral à créer le moins de dommages possible lorsqu'il s'aventurera à alimenter artificiellement des conflits entre les habitants du Québec qui recherchent la paix et non la guerre, etc. " Je ne veux pas rouvrir le débat. Mais je disais au début de mon intervention que j'ai l'habitude de regarder par en avant et non par en arrière. Ça c'est un point que je voulais soulever. J'aimerais - vous pouvez, M. Abel, si vous m'avez compris, ou si vous voulez me poser une question pour avoir plus de choses, si vous voulez vous entretenir - que vous preniez la parole. Vous avez ici deux avocats and you you are the chief. I would like to hear from the chief et not let only the lawyers "prendre le plancher" take the floor. I would like that you give your opinion on what your lawyers said. What is your opinion? What is your personal feelings concerning the mandate, the adjustments in the mandate of the ombudsman? What are your personal feelings on that, besides your lawyers?

M. Bosum (Abel): I just want to point out that this is a text that is put together for the Cri Nation. This text is a Great Council text which represents the thoughts of all the chiefs and the Cri Bands. O. K. And I want what have been put in this. Mr. Diom Saganash here is the vice-chairman, next to the Grand Chief. So, as leadership we also recognize our authorities in this regards. But most of what we have presented today, basically reflects the Cri version. O. K. ? And it was quite clear in the beginning that there is not much information available to us and what should be the role of the ombudsman. O. K. But lately, we discovered what it can do. And through that this discovery, we are now proposing certain methods that would help the Cri Nation, make better use of the system that you already have. And at the same time, that could be sort of the starting point and then eventually looking to something that can bring our differences together.

Because ultimately, we do have a system and it is like in the traditional system. It is a little different. We are studying two the con-

cepts, your system and our concept, or our system, and the idea of trying to see what works best at the local level, what are the other things we will probably be a lot better using their system. That is an attempt of trying to put the two together.

M. Larouche: The Cri of Oujé-Bougoumou, is it in the area of James Bay?

M. Bosum: Chibougamau area. M. Larouche: The Chibougamau?

M. Bosum: Yes. We are the ninth Cri band. We have just, after 40 years now, finally getting some recognition from both governments.

M. Larouche: O.K. How many members do you have in your band, your personal band?

M. Bosum: We have 500.

M. Larouche: 500. Do you act as a justice, you know, as a judge sometimes? You know déjudiciarisation, O.K. There is a problem and you evaluate that and you Judge because you are a chief. Do you do that? You do not do that. Maybe you do not take your responsibilities because as a chief, when there is a conflict between Cris, then you have to say: Listen, we will solve this problem instead of going to the lawyers. This is just a suggestion.

M. Bosum: Does Robert Bourassa do that? Des voix: Ha, ha, ha!

M. Larouche: Robert Bourassa does that between the members in the caucus. And when he sees a black sheep or a white sheep, you know, he says: Bring them together.

M. Bosum: I bring that to my Council members and we together make a decision.

M. Larouche: So you are a judge. Thank you very much.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député. Alors, il reste quelques minutes. Est-ce qu'il y a d'autres membres qui aimeraient poser une question? Il reste deux minutes.

Mme Harel: Oui. Vous avez parlé de cette rencontre que vous avez eue à Mistassini, en 1987 et, nous dites-vous, à cette occasion, vous avez élaboré un projet de résolution des conflits par des méthodes traditionnelles. Est-ce que c'est ce que je crois comprendre?

M. Saganash: Non.

Mme Harel: Est-ce qu'il serait possible que vous fassiez parvenir à la commission, pour le bénéfice des membres de la commission, les changements que vous souhaiteriez voir apporter à l'administration judiciaire, à l'administration de la justice? Et nous pourrions, par exemple, à l'occasion, en parler devant cette commission avec le ministre de la Justice.

M. Saganash: Dans un premier temps, on s'est rendu compte, à cette époque-là, que le système de justice n'était pas adéquat dans notre cas et les membres du ministère de la Justice qui étaient présents, à ce moment-là, ont été d'accord sur ce point-là aussi. À partir de ce moment-là, nous avons élaboré un système de justice qui répondrait plus à nos besoins, qui refléterait plus les valeurs traditionnelles des Cris. Maintenant, on a...

Mme Harel: Un projet.

M. Saganash: ...un document de position - a position paper, qu'on appelle - et il n'est pas public encore. La raison est simple. C'est qu'il n'y a pas de négociations présentement entre la nation crie et le gouvernement du Québec. Vous connaissez les raisons. Il y a une table de négociations qui a été formée après 13 ans de difficultés de mise en application de la Convention de la Baie James, le gouvernement du Québec a finalement décidé qu'effectivement il y avait un manquement de son côté et qu'il allait mettre en oeuvre la Convention de la Baie James, à cette époque-là. Lorsque les Cris ont déclaré publiquement leur opposition au projet Grande Baleine, c'est à ce moment-là que le gouvernement du Québec s'est retiré de la table de négociation.

Mme Harel: Cette position que vous avez élaborée, entendez-vous la rendre publique prochainement?

M. Saganash: Lorsque les discussions reprendront avec le gouvernement du Québec.

Mme Harel: Alors, vous ne pensez pas que l'opinion publique pourrait, elle, obliger le gouvernement à reprendre les discussions sur la base de vos propositions?

M. Saganash: Non. Tant et aussi longtemps que... Parce que nous, lorsqu'on a commencé la table de négociation, le gouvernement du Québec insistait pour qu'un des sujets à la table soit le projet Grande Baleine et le Grand Conseil des Cris, en assemblée générale avec tous ses membres, a décidé, depuis mars 1989, de s'opposer à ce projet...

Mme Harel: D'accord.

M. Saganash: ...catégoriquement. C'a été réitéré en 1990. Depuis ce temps-là, il n'y a pas eu de discussion entre Québec et la nation crie.

Mme Harel: Je suis certaine que le président va me permettre une autre question parce qu'il y aura un sommet sur la justice...

Le Président (M. Dauphin): Rapidement.

Mme Harel: Oui, parce que suis certaine que ça l'intéresse tout autant que moi. Ce sommet sur la justice a été annoncé par le ministre de la Justice pour le printemps, mais, vraisemblablement, serait reporté a l'automne. Nous avons fait des représentations et je pense que ces représentations ont été entendues parce que, à l'origine, il n'y a pas eu de consultation sur l'ordre du jour de ce sommet auprès des nations autochtones, mais on me dit qu'on y a remédié et que c'a été fait. Vous aurez donc l'occasion, au cours de ce sommet... Je comprends que vous avez été contactés pour faire connaître les points que vous aimeriez voir inscrits à l'ordre du jour du sommet sur la justice et peut-être aurez-vous l'occasion, à ce sommet, de faire valoir vos propositions.

M. Saganash: Nous avons eu, effectivement, une invitation officielle de la part de M. Rémillard, dans ce sens-là, et nous avons répondu en disant que sa lettre était très vague, qu'on ne comprenait pas exactement ce que M. Rémillard voulait faire avec ce symposium-là. Alors, on a envoyé une lettre lui demandant d'expliquer un peu plus les objectifs de la démarche, etc. Ensuite, nous répondrons.

Mme Harel: D'accord. Juste pour mentionner...

Le Président (M. Dauphin): Là, Mme la députée, c'est que...

Mme Harel: Je crois comprendre, M. le Président, que M. Saganash...

Le Président (M. Dauphin): La dernière des dernières.

Mme Harel: ...n'est pas un procureur du

Grand Conseil des Cris. Il est lui-même un chef.

Il est vice-président du Grand Conseil des Cris. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Si vous me permettez, juste une dernière question avant que nous vous remerciions, au nom des membres de la commission. Vous avez parlé tantôt, Me Robert, je crois, d'une plainte individuelle concernant deux jeunes, qui s'est convertie en plainte systémique, relativement à l'infrastructure des tribunaux. C'est ça?

M. Robert: Oui.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que vous avez eu des suites de ça?

M. Robert: On espère que la plainte va être convertie en approche systémique. On a demandé au Protecteur du citoyen. On n'a pas encore eu de réponse formelle. On n'a pas le résultat de l'enquête, évidemment. Donc, on ne connaît pas l'approche qu'il va choisir. C'est une prérogative du Protecteur.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. J'avais mal saisi tantôt.

M. Saganash, vice-président du Grand Conseil des Cris du Québec, M. Bosum, chef de la Bande Crie de Oujé-Bougoumou et Me François Robert, au nom des membres de la commission parlementaire des institutions, nous vous remercions sincèrement de vous être déplacés et d'avoir participé à nos travaux. Nous vous souhaitons un bon retour.

Nous allons suspendre deux minutes en attendant de demander à Me Mockle de s'avancer à la table des invités.

(Suspension de la séance à 16 h 44)

(Reprise à 16 h 48)

Le Président (M. Dauphin): Si vous le permettez, mesdames et messieurs, nous allons reprendre nos travaux. C'est avec plaisir que nous recevons Me Daniel Mockle, qui est professeur et docteur en droit à l'Université du Québec à Montréal. Alors, bienvenue à Me Mockle. Vous avez environ une quinzaine de minutes pour nous faire part de votre exposé; ensuite de ça débutera une période d'échanges avec les membres de la commission. Si vous voulez procéder.

M. Daniel Mockle, professeur et docteur en droit

M. Mockle (Daniel): Alors, M. le Président, Mmes et MM. les députés, je vous remercie. Bien sûr, c'est le boniment habituel. Je vous remercie donc de m'entendre cet après-midi. Alors, contrairement aux groupes qui défilent, ici, à la barre depuis quelques jours, notamment depuis jeudi, vendredi et aujourd'hui, vous devinez facilement que je ne suis pas là pour représenter un groupe, une association, que je suis ici dans le cadre, bien sûr, de mes activités de chercheur et de professeur en droit. Donc, je n'ai pas de mandat particulier pour vendre ou représenter quelque chose. Je n'ai, évidemment, aucun lien avec le Protecteur du citoyen. Donc, mes préoccupations à l'égard des travaux de la commission des institutions se situent dans une perspective de recherche, de réforme concernant les modes

ou les solutions alternatives au règlement des litiges, des différends au sein de l'administration québécoise.

D'ailleurs, mon intervention, cet après-midi, est nettement orientée vers un éclairage particulier, vers, finalement, une approche plus globale, qui permet de mieux situer, de mieux mettre en perspective l'institution du Protecteur du citoyen. Elle n'est pas orientée, donc, vers le mémoire, puisque le mémoire soumet, à l'attention de la collectivité, de la communauté, des groupes de pression, un certain nombre de questions; je n'ai pas l'intention d'y répondre de façon systématique. Donc, mon intervention, tout simplement, se situe dans le cadre de cette approche globale du règlement non contentieux des litiges administration-administrés au Québec. C'est un domaine dans lequel je travaille depuis quelque temps. J'ai même produit une étude, un rapport là-dessus, que je n'ai pu, malheureusement, soumettre à l'attention de la commission pour la très simple raison qu'il est destiné à des fins de publication. Donc, le mémoire que je vous présente cet après-midi n'en est tout au plus qu'un reflet limité, pour des fins de recommandation auprès de la commission.

Alors, brièvement, vous savez fort bien, vous êtes, j'imagine, sensibilisés au fait que le règlement global des plaintes ou des différends opposant l'administration québécoise à ses vastes clientèles d'usagers et de bénéficiaires peut être contentieux ou non contentieux. Vous avez d'abord, du côté contentieux, la perspective de la justice judiciaire et de la justice administrative. De même que la justice administrative, notamment, ce sont des domaines qui, j'imagine, sont sensibles pour vous et que la commission devra inévitablement examiner, évaluer du moins, dans la perspective de recommandation et de réforme concernant le mandat du Protecteur du citoyen.

Or, à part ces modes de contentieux, il y a, effectivement, la vaste famille encore très méconnue, du moins chez les juristes, chez les professeurs de droit, de moyens non contentieux, de modes alternatifs. Et le message essentiel que je vais vous livrer cet après-midi, c'est tout simplement de porter à votre attention le fait que le Protecteur du citoyen n'est qu'un moyen parmi d'autres. Ce n'est qu'un moyen certes, un peu dilué, qui est quand même important, mais ce n'est qu'un moyen parmi bien d'autres pour régler de façon non contentieuse des plaintes opposant l'administration, donc une institution administrative québécoise à ses usagers. Le message que je vais vous livrer, c'est que le Protecteur du citoyen ne peut pas être, finalement, l'unique mode de règlement amiable de ces plaintes, pour des raisons institutionnelles, des raisons qui tiennent à la limite de ses propres moyens budgétaires, humains, financiers, il ne doit pas non plus être ce moyen unique. Donc, le message que je veux livrer peut paraître, du moins à première vue, défavorable à l'institution du Protecteur. Non, vous verrez, au contraire, que je suis très favorable au Protecteur du citoyen, mais que je tiens tout simplement à remettre un peu les choses en perspective concernant justement ces modes alternatifs.

J'ai voulu simplement, à des fins de rappel, dans un premier temps, dans le cadre de ce mémoire, vous énoncer brièvement ces modes alternatifs, notamment le recours administratif, les mini-ombudsmans, qu'on appelle les ombuds-mans administratifs également, et d'autres modes alternatifs plus classiques qui tiennent à la conciliation, la médiation, l'arbitrage.

Or, si l'on examine donc, brièvement, ces recours, je ne voudrais peut-être pas entrer trop dans les détails parce que ça relève davantage finalement d'un exposé juridique, d'un exposé traditionnel. Or, je ne suis pas ici pour faire ça. Mais il existe quand même, depuis très longtemps, de multiples règlements, de multiples solutions pour régler à l'amiable des plaintes, des différends, des litiges, des griefs. Le plus ancien, qui est bien antérieur d'ailleurs à la création du Protecteur du citoyen, c'est tout simplement la notion de recours administratif qui, comme son nom l'indique, permet d'introduire un recours directement auprès de l'autorité administrative concernée par le dossier.

Ces recours, on peut en faire une typologie. D'ailleurs, je vous signale brièvement diverses appellations. On peut parler de recours en revision, de recours en réexamen, de recours gracieux, de recours en équité, de recours hiérarchique et également de recours à l'administrateur mieux informé. Enfin, c'est une vaste famille qui n'est pas encore bien déblayée, bien connue sur le plan de la doctrine, du moins, de la science juridique.

À la page 4 du mémoire, je vous donne des exemples plus précis concernant à la fois le droit fédéral et le droit québécois de ces recours administratifs, dans le but de vous faire comprendre justement la progression normale concernant le règlement d'une plainte ou d'un différend dans une perspective de droit administratif, c'est-à-dire que d'abord - c'est d'ailleurs la plupart du temps prévu par la loi - l'usager ou l'intéressé doit former d'abord un recours, une demande de révision qui, en cas d'échec, aboutit à une demande en réexamen qui est présentée à une autorité supérieure habituellement, donc une personne qui est placée à un niveau supérieur de l'organisation et, là encore, en cas de persistance du différend, en cas de persistance du désaccord, l'affaire est portée en appel devant un tribunal administratif. C'est donc la filière classique. Et l'affaire prend une dimension contentieuse et, après audition et jugement de la part du tribunal administratif, il y a encore, dans certains cas, possibilité d'appel sur des questions de droit devant un organe judiciaire habituellement, donc, la Cour supérieure du Québec ou la Cour fédérale, tout dépendant, bien sûr, du cadre

fédéral ou du cadre québécois. Ça, c'est finalement une perspective classique de règlement non contentieux des litiges. Cette dimension ne doit pas être oubliée.

Il existe également - et je porte ça à votre attention - le phénomène - et c'est sûrement ce qui vous intéresse le plus dans le cadre de votre réflexion - des ombudsmans administratifs ou des ombudsmans exécutifs. On parle d'ailleurs, dans la langue anglaise, d'"Executive ombudsman" ou de "Local ombudsman". Le problème principal auquel les juristes sont confrontés, du moins les chercheurs, c'est de bien clarifier cette appellation d'ombudsman. Est-ce qu'on doit finalement la reconnaître à n'importe quel type d'autorité ou de responsable chargé d'entendre des plaintes en provenance des usagers, des bénéficiaires? Je ne le crois pas. On est tentés, la plupart du temps, et c'est là une formule peut-être journalistique, une formule générale, de reconnaître ce titre, ombudsman, à différentes catégories de responsables des plaintes. Or, il n'en est rien. Je crois qu'une approche restrictive s'impose dans ce domaine. La Cour suprême a déjà proposé quelques balises, notamment dans l'affaire de principe sur la fonction d'ombudsman, l'affaire Friedmann, qui remonte à 1985, où le juge Dickson propose quatre critères pour définir ce qu'est l'ombudsman. C'est une approche qui est évidemment assez restrictive, celle de la Cour suprême, mais je crois qu'il vaut mieux jouer conservateur et se référer finalement à la définition que propose Dickson qui parle de la nécessité d'une origine législative. Il insiste également sur l'idée d'un officier public indépendant. Il insiste - et c'est le troisième critère - sur la possibilité de pouvoirs d'enquête et également, tout dernier critère, sur l'absence de contrainte directe sur l'administration, donc, les autorités concernées par ces pouvoirs d'enquête, de recommandation.

Or, en ce moment, si l'on regarde un peu les institutions administratives au Québec, les ombudsmans, du moins ceux qui, a priori, pourraient mériter ce genre d'appellation, eh bien, il y en a très peu. Il n'y en a que trois, à ma connaissance - du moins, je parle de deux d'entre eux dans le mémoire. Il y a - et c'est le plus ancien - le commissaire à la déontologie policière dont je ne parle pas dans le mémoire comme tel. Il a été introduit en 1988 par le projet de loi 86; c'est un amendement à la Loi de police. C'est un commissaire qui, par ses pouvoirs, son statut, ses immunités, est peut-être celui qui se rapproche le plus de la notion de la fonction d'ombudsman. Alors que pour les deux autres, commissaire aux plaintes pour la clientèle d'Hydro-Québec, commissaire aux plaintes agricoles, ces deux autres commissaires qui ont été créés en 1989, alors, respectivement par le projet de loi 135 et par le projet de loi 100, ne correspondent pas, du point de vue, disons, de la stricte rigueur juridique, à la notion d'ombuds- man, puisqu'ils n'ont pas un minimum d'indépendance et d'immunité, du moins pour le commissaire aux plaintes agricoles, pour justement mériter vraiment cette appellation "ombudsman". On peut peut-être parler de commissaire. Je crois qu'un ombudsman et un commissaire, justement, ce n'est pas la même chose; les appellations sont importantes.

Enfin, en ce qui concerne la conciliation et la médiation, c'est peut-être un domaine qui vous intéresse moins, c'est pour moi, du moins dans le cadre de mes recherches, quelque chose de très important que le suivi de ces expériences, en ce moment, de conciliation, de médiation et d'arbitrage au sein de l'administration québécoise. Elles ont tendance à se multiplier depuis 15 ans. Elles prennent d'ailleurs beaucoup d'importance dans le cadre du mandat de certains organismes autonomes, avec ou sans l'étiquette "tribunal administratif, où diverses expériences de conciliation, de médiation, si vous voulez - c'est souvent hybride, très complexe, finalement, c'est technique - où diverses expériences de règlement amiable des litiges sont tentées, sont en cours d'ailleurs.

Et ce qui est intéressant, c'est le seul constat que je peux peut-être signaler à votre attention, cette technique de conciliation progresse de façon significative lorsque l'administration, lorsque ces organismes autonomes sont appelés à trancher des différends entre parties privées, lorsqu'ils agissent dans un cadre de plainte déposée par une partie privée à l'en-contre d'une autre partie privée. On pourrait donner l'exemple de la Régie du logement, la Régie des marchés agricoles, la Régie des télécommunications. Il y a également la CSST. Il y a le Conseil des services essentiels, là où il y a un peu plus de partie publique. Mais pour l'essentiel, la conciliation, jusqu'ici, d'après le résultat de mes travaux ou de mes recherches, ne montre pas, finalement, l'existence de conciliations ou de techniques de ce type entre une autorité administative et une partie privée. Donc, l'administration, du moins ses organismes autonomes, agit finalement dans une perspective de partage ou d'arbitrage d'intérêts privés. Donc, l'État n'est pas encore vraiment concerné par ces techniques de conciliation, du moins il n'est pas concerné directement, il est concerné un peu à titre d'arbitre au sens large du terme. (17 heures)

Maintenant, le poste au responsable des plaintes, c'est un peu finalement l'objet principal de mon intervention devant vous cet après-midi. Comme vous le savez déjà, ces postes de responsables aux plaintes progressent au sein de l'administration québécoise. Déjà, si on oublie les trois ombudsmans, entre guillemets, que j'ai portés à votre attention, que je vous ai signalés, il y a en ce moment une quinzaine de postes de commissaires ou de coordonnateurs aux plaintes au sein de l'administration québécoise, postes de

responsables qui ont été patronnés explicitement par Me Daniel Jacoby, par le Protecteur du citoyen dans le but de favoriser le règlement amiable des plaintes entre l'administration québécoise et ses usagers.

Si M. Daniel Jacoby a senti le besoin de proposer finalement cette alternative à ses propres services, je crois qu'il a bien fait. D'aHleurs, il a bien fait parce que le Protecteur du citoyen ne peut pas et ne doit pas être cet organisme de première ligne ou de première instance pour régler les plaintes en provenance du public. Ça n'a aucun sens; ça n'a pas été pensé ni conçu à cette fin, au départ. D'ailleurs, vous le précisez vous-même, du moins... Quand je dis "vous le précisez", c'est relatif. Le document de consultation qui nous est proposé précise, à la page 4, que le Protecteur du citoyen est l'organisme de dernier recours pour les gens qui sont aux prises avec l'administration. Eh bien oui, normalement, c'est ça. Quand on parte de l'ombudsman dans les pays occidentaux, c'est bien finalement un peu un recours, peut-être pas de dernière instance, mais un recours quand d'autres ont échoué.

C'est normal effectivement que d'autres mécanismes, d'autres moyens soient proposés au public. Encore faut-il - et c'est là l'essentiel de mon intervention cet après-midi - que ces modes alternatifs ou ces mécanismes de règlement amiable soient sérieux, soient valables. C'est là que tout se joue puisque justement ces postes de coordonnateurs, de commissaires aux plaintes, de bureau des plaintes n'offrent pas toujours - c'est très inégal d'ailleurs - toutes les garanties qu'on pourrait souhaiter. C'est d'ailleurs très hétéroclite puisque la création de tels postes a été laissée à l'initiative de chaque autorité responsable. Ça progresse d'ailleurs tout doucement en ce moment. Ça s'étend un peu comme une nappe d'huile finalement à l'ensemble de l'administration québécoise. Ça progresse d'organisme en organisme et, d'ailleurs, le Protecteur du citoyen lui-même a invité expressément la plupart des organismes au Québec à se doter, à se munir de ce moyen de régler comme ça, en souplesse, les plaintes en provenance de leur clientèle, en provenance finalement de la clientèle de chaque organisme.

Or, cette progression est donc très inégale puisque les appellations et c'est un... Il y a un ensemble de problèmes structurels que je porte à votre attention - c'est la seconde partie du mémoire - et il y a un certain nombre de problèmes structurels qui m'apparaissent flagrants ou, du moins, de première importance. Je vous les ai énumérés: à la fois l'importance de l'appellation du titre des personnes appelées à examiner finalement ces plaintes. Souvent, l'appellation suppose un certain statut juridique. On peut se demander alors quel titre, quelle appellation faut-il accorder à ces gens, ce qui suppose donc à la fois un certain statut juridi- que, un statut administratif, des privilèges, des immunités et certaines prérogatives pour des personnes appelées à remplir ces fonctions d'examen ou de responsable des plaintes. L'appellation a beaucoup d'importance, que ce soit dans une perspective administrative ou juridique.

La question de l'indépendance également. C'est quelque chose qui tient traditionnellement à coeur, qui est très importante, habituellement, pour les juristes, notamment pour les gens qui oeuvrent en droit administratif, la question de l'indépendance. Je vous rappelle que l'article 23 de la Charte québécoise des droits et libertés insiste notamment, bien que l'article 23 soit orienté vers la notion de tribunal, sur l'impar tialité de celui qui doit juger ou examiner finalement une affaire Donc, on attache traditionnellement, je dirais, dans notre système politique et juridique, une importance certaine à l'indépendance, à l'impartialité de celui qui est appelé à examiner une plainte ou un grief, au sens large, peu importe qu'il ait ou non le statut de juge.

Enfin, il y a d'autres considérations qui doivent entrer en ligne de compte, notamment le statut budgétaire et financier, le statut budgétaire de ces gens, de ces responsables qui sont appelés à examiner des plaintes on ne peut plus lacunaires, on ne peut plus floues, dans la mesure où ils ne sont pas souvent dotés des moyens ni des pouvoirs pour ordonner des prélèvements ou des solutions impliquant des dépenses d'ordre budgétaire. Il y a là, finalement, un cadre administratif à clarifier.

Quant au degré de formalisation des garanties offertes, c'est là une tentation souvent facile pour les juristes, pour les professionnels du droit que d'insister lourdement sur l'élaboration des garanties juridiques, de la procédure, des normes finalement dans le but d'assurer un minimum d'impartialité et de justice. Les profes sionnels du droit insistent beaucoup, bien sûr, sur la formalisation des garanties, sur la procédure. Eh bien, sans tomber dans certains excès, je crois qu'il faut un minimum de règles pour des raisons justement que les juristes ne soupçonnent pas habituellement. C'est que ces règles ont une valeur pédagogique. Elles permettent d'emblée de clarifier les règles du jeu pour les parties intéressées, notamment pour le public qui doit faire appel à un responsable ou un commissaire des plaintes. Ces règles habituellement lui permettent de comprendre le fonctionnement de l'institution, le fonctionnement de la procédure d'examen des plaintes et signalent, bien sûr, à l'attention de tous et chacun l'existence d'un minimum de garanties pour le traitement équitable et sérieux effectivement d'une plainte N'oubliez pas que pour ces postes de responsables aux plaintes, les apparences sont drôle ment importantes puisqu'il faut convaincre le public, souvent très sceptique de ses chances de réussite à l'égard de l'administration, du sérieux

des garanties offertes, donc, de la possibilité d'un recours qui soit vraiment un recours au sens général du terme, donc, une véritable garantie qui lui permette éventuellement d'obtenir satisfaction, satisfaction à faible coût, avec des délais qui sont réduits au strict minimum.

Enfin, le dernier élément également à signaler à votre attention, l'existence, bien sûr, de faux recours puisque ces postes de responsables aux plaintes progressent, mais, dans certains cas, ces créatures ou plutôt ces responsables, cela relève presque de la supercherie puisque l'examen des plaintes est laissé parfois au directeur effectivement des relations avec le public ou le directeur des affaires publiques ou des communications ou la vice-présidence aux relations avec les bénéficiaires. Enfin, il y a bien des titres qui me passent par la tête, bien des titres qui laissent finalement planer plus d'un doute sur le sérieux qu'on entend conférer à ce genre de garanties, à ce genre de recours pour le traitement des plaintes.

Alors, si je veux résumer finalement mon intervention, je crois que la commission des institutions doit bien comprendre, doit relativiser finalement pleinement ce qu'est le Protecteur du citoyen au sein des institutions québécoises. Il n'est pas le seul mécanisme existant. Il ne doit pas être le seul mécanisme. On doit, au contraire, nettement favoriser des règlements, des mécanismes de première ligne, de première instance - d'ailleurs, Daniel Jacoby le reconnaît lui-même - puisque les organismes qui font affaire avec une clientèle déterminée sont évidemment les mieux placés. C'est eux qui ont le dossier, c'est eux qui connaissent les circonstances de l'affaire, ce sont eux qui sont concernés et ce sont eux qui doivent justement régler à l'amiable, autant que possible, les différends, les litiges qui surgissent avec, bien sûr, leur propre clientèle; donc, diversité des mécanismes mais également sérieux de ces mécanismes.

C'est là que, finalement, je nuance mon propos, c'est là justement que je suis nettement favorable au Protecteur du citoyen. Et les recommandations que je vous propose à la fin vont dans cette direction. Le Protecteur du citoyen qui a mis lui-même en branle, pour ainsi dire, ce mécanisme, ou du moins, qui a été à l'origine de la création d'un certain nombre de postes de responsables et de commissaires aux plaintes, doit justement jouer un rôle majeur à titre de coordonnateur, d'animateur et de superviseur justement de ces organismes. Il a les pouvoirs de le faire avec le fameux article 27.3 de sa propre loi que vous connaissez. Eh bien, je crois que ce rôle d'animateur, il doit continuer à l'exercer, notamment pour favoriser d'autres mécanismes, d'autres modes alternatifs, ce qui permet de conserver justement ses bons offices au traitement de dossiers qui soient ou qui sont vraiment sérieux.

Le danger effectivement qui guette en ce moment le Protecteur du citoyen, quand j'entends tous les groupes ici qui défilent et qui demandent une extension de son mandat, non justement, c'est dangereux. Il faut éviter de banaliser cette institution qu'est le Protecteur du citoyen et d'en faire finalement le guichet de première instance pour entendre les plaintes en provenance des diverses clientèles d'usagers et de bénéficiaires au sein de l'administration québécoise. C'est là à la fois une banalisation et une dévalorisation de son rôle véritable qui doit être réservé justement à des problèmes sérieux et, également - c'est 27.3, c'est un peu la noblesse de sa mission - à orienter les efforts de l'administration québécoise vers des réformes, attirer l'attention, finalement, des organismes gouvernementaux vers des problèmes d'ordre systémique. C'est là un aspect de son mandat qui est de toute première importance.

Donc, j'espère que vous comprenez bien la nuance de mon propos. Le Protecteur du citoyen doit continuer d'assumer un rôle majeur, mais ne doit pas être autant que possible, justement, ce guichet de première instance pour le règlement quotidien des plaintes en provenance du public. Je vous remercie.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Me Mockle, de votre exposé très intéressant. Je vais reconnaître, en premier lieu, M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Merci, M. le Président. Merci pour votre exposé. Votre expérience et les études que vous avez faites vous ont préparé à faire un mémoire bien étoffé, bien pensé, avec des recommandations concrètes qui vont certainement aider la commission à faire les recommandations qui s'imposent auprès de l'Assemblée nationale en temps propice.

Maintenant, vous avez dit que le Protecteur du citoyen n'est pas la première instance pour régler des litiges entre des citoyens et le gouvernement, ainsi de suite. Il y a plusieurs associations qui ont comparu devant nous et qui ont dit que l'institution elle-même devrait avoir un ombudsman, une personne responsable pour les plaintes en première instance, le conseil régional, en deuxième instance, et finalement, le Protecteur du citoyen. En ce qui concerne les plaintes, des réseaux de services de santé et la question d'extensionner la juridiction du Protecteur du citoyen dans le domaine des services de santé ou des affaires municipales ou scolaires, êtes-vous d'accord que le Protecteur du citoyen devrait être le dernier recours, que sa juridiction devrait être extensionnée pour que ce soit la personne ou l'institution de dernier recours au cas où toutes les autres étapes en premier lieu, deuxième lieu et troisième lieu n'aient pas fonctionné.

M. Mockle: Je vais vous répondre de façon

nuancée. Vous savez d'abord comme moi que, malheureusement, l'institution du Protecteur du citoyen n'est pas encore bien connue. D'ailleurs, les services du Protecteur ont mené diverses enquêtes et ont révélé malheureusement qu'à peine le tiers de la population québécoise connaissait cette institution et que sur le tiers, à peine la moitié savait à peu près comment se rendre jusqu'au bureau du Protecteur pour déposer éventuellement une demande, un grief, une plainte.

Donc, s'il y a quelque chose à faire, c'est bien sûr de revaloriser ou en quelque sorte d'amplifier peut-être, ou de renforcer le mandat du Protecteur du citoyen. La recommandation que je me permettrais de faire, compte tenu du mémoire qui est présenté, eh bien, je crois que le minimum, peut-être, serait d'assurer cette compétence du Protecteur sur l'ensemble des institutions administratives, au sens strict. Vous savez comme moi que le Protecteur du citoyen n'a pas compétence sur les sociétés d'État, un certain nombre d'entreprises publiques dont le personnel n'est pas rémunéré en fonction de la Loi sur la fonction publique. Je crois que ça, c'est une lacune importante qui doit être corrigée.

En ce qui concerne les réseaux de santé et des services sociaux, la problématique est différente. Je crois que la très grande vulnérabilité et les particularités, justement, des clientèles de bénéficiaires, d'usagers auprès des établissements de santé millitent en faveur de la création de mécanismes locaux ou adaptés finalement à la nature particulière de chaque institution. C'est normal. Mais on doit éviter, par ailleurs, de trop diluer, peut-être, les mécanismes de règlement de plaintes en une multitude de paliers. Il y a là peut-être un effet de dilution qui me paraît dangereux. (17 h 15)

Autant il est bon, finalement, de diversifier un certain nombre de mécanismes pour le règlement souple, à l'amiable des plaintes, notamment auprès de chaque autorité concernée, autant il me paraîtrait peut-être dangereux de multiplier, finalement, les mécanismes de règlement des plaintes à plusieurs niveaux, à plusieurs échelons, du type, je ne sais pas, comité des bénéficiaires, ensuite ombudsman local, et ensuite, pourquoi pas éventuellement le Protecteur du citoyen. D'autant plus - et c'est peut-être quelque chose sur laquelle je n'ai pas eu le temps d'insister suffisamment - que la nature juridique, en ce moment, de ces recours, de ces mécanismes de règlement des plaintes, eh bien, pour les "admi-nistrativistes", pour les professeurs de droit administratif, ces recours sont particulièrement complexes sur le plan de leur nature juridique. Ce sont, à la fois, des recours qui empruntent un peu, finalement, à la technique ou à la philosophie de l'institution de lombudsman, je dirais, pour un tiers. Pour l'autre tiers, nous sommes dans la perspective du recours administratif classique puisque n'oubliez pas que ces responsables des plaintes sont des gens de l'organisation. Ce sont des femmes ou des hommes de l'organisation qui sont appelés à entendre, finalement, des plaintes. Donc, c'est l'institution elle-même qui accueille et reçoit effectivement les plaintes de sa clientèle. Donc, fondamentale ment, c'est la perspective du recours administratif.

C'est, donc, l'autre tiers Et, enfin, le dernier tiers, nous sommes dans une perspective de conciliation, de médiation puisque ces personnes appelées à entendre des plaintes agissent dans une perspective, dans le cadre d'une philosophie de conciliation, au sens large de règlement amiable. D'ailleurs, les esprits... Même chez les juristes, j'ai constaté au cours de mes multiples rencontres avec chacun des organismes, puisque j'ai procédé au moins à 20, là, je suis rendu à tout près de 30 rencontres avec diffé rents organismes, différentes institutions admi nistratives pour les fins de mes recherches, j'ai constaté que même chez les juristes, la conciliation, la médiation, l'arbitrage, ce n'était pas clair du tout dans les esprits, alors que ces techniques sont pourtant très différentes. Ce sont des techniques traditionnelles qui n'ont pas du tout le même cadre juridique et dont les finalités ne sont pas les mêmes.

M. Kehoe: Si je comprends bien, en dernier recours... Vous ne seriez pas d'accord que le

Protecteur du citoyen ait une juridiction de dernier recours en ce qui concerne les différends.

M. Mockle: Écoutez, j'ai peut-être été mal compris. Je suis favorable au traitement des plaintes, au traitement, donc, de première instance, par chaque institution concernée, peu importe que ce soit un ministère, une société d'Etat, un tribunal administratif, un organisme autonome, un hôpital, une commission scolaire. Je crois que c'est normal que chaque institution soit concernée par le règlement des plaintes de ses usagers. Encore faut-il offrir des mécanismes qui soient sérieux et peut-être, là, faut-il s'interroger, justement, sur le statut juridique des personnes appelées à examiner ces plaintes, quitte, éventuellement, à permettre au Protecteur du citoyen d'entendre éventuellement, comme il le fait d'ailleurs en ce moment, une plainte en cas de persistance du désaccord, en cas de persistance du différend opposant l'institution en question à l'intéressé.

M. Kehoe: Spécifiquement, pour répondre à la question, un de nos mandats, c'est justement de savoir si on devrait recommander d'extension-ner la juridiction du Protecteur du citoyen dans ces différents domaines. Est-ce qu'on peut conclure de vos interventions que ce sera votre

recommandation?

M. Mockle: Je suis favorable à l'extension du mandat du Protecteur du citoyen, mais j'espère être bien compris: il ne faut pas que ce soit le mécanisme de première instance ou de premier recours.

M. Kehoe: Non.

M. Mockle: II faut qu'il y en ait d'autres avant.

M. Kehoe: Non, c'est ça. Je pense que toutes les...

M. Mockle: II ne faut pas banaliser ou dévaloriser ses services. Il faut réserver, justement, ses bons offices, parce que ce sont de bons offices, à des problèmes sérieux, à des problèmes qui ont déjà été examinés notamment par d'autres responsables ou d'autres institutions, peu importe que ce soient des ombudsmans administratifs - donc, qui ne sont pas de vrais ombudsmans - ou des commissaires aux plaintes, ou qu'il y ait eu un recours administratif éventuellement. De toute façon, dans la perspective du droit actuel, vous savez très bien comme moi que peu importe l'étape à laquelle est rendu un administré dans la progression, effectivement, de son dossier ou de sa plainte, il peut toujours en déférer, justement, au Protecteur du citoyen pour l'examen de son dossier. Donc, peu importe que ce soit rendu devant un tribunal administratif, peu importe que ce soit à l'étape du recours administratif ou que ce soit rendu encore plus loin dans le cheminement, justement, contentieux, l'intéressé peut toujours saisir le Protecteur du citoyen en désespoir de cause ou parce qu'il estime effectivement que le système juridictionnel comme tel ne lui donnera pas satisfaction.

D'ailleurs, dans bien des dossiers, il ne pourra pas lui donner satisfaction parce que les normes, justement, sont faites de telle manière que l'administré n'a pas droit à tel type de prestation, à tel type de compensation, à tel type de pension. Alors donc, il y a un problème d'ordre systémique et c'est là, justement - je reçois d'ailleurs la correspondance du Protecteur du citoyen - que ses bons offices sont souvent les meilleurs, les plus appropriés, parce qu'il permet, comme ça, de régler des cas qui, autrement, auraient été laissés, finalement, pour compte puisque les normes, la réglementation applicable était faite de telle façon que l'administration ne pouvait opposer qu'un refus à l'intéressé, et elle avait raison de le faire, compte tenu, effectivement, des directives applicables, de la réglementation en vigueur. Elle l'a fait. Le Protecteur du citoyen est intervenu. Il a permis, effectivement, de régler à l'amiable, avec des considérations d'équité, un dossier qui, bien souvent, n'avait pas de sens, les gens étant dégoûtés, effectivement, d'un droit, d'une prestation pour, bien souvent, des critères extrêmement techniques.

M. Kehoe: Dans le même ordre d'idées, à la cinquième recommandation que vous faites, vous écrivez que c'est normal que les plaintes soient traitées ou examinées d'abord par l'autorité administrative responsable du dossier. Vous ajoutez: En cas de persistance du désaccord entre l'administration et le plaignant, d'autres recours doivent être offerts, notamment la possibilité de saisir le Protecteur du citoyen si la nature du dossier se prête à ce genre d'initiative.

M. Mockle: Oui.

M. Kehoe: Que voulez-vous dire par ces derniers mots? Voulez-vous dire que certains types de dossiers devraient être exclus? De quelle sorte de dossiers parlez-vous, à ce moment-là, ou de quelle sorte de choses?

M. Mockle: Vous savez comme moi que le Protecteur du citoyen, comme tel, est une institution qui est normalement compétente pour entendre des plaintes concernant le fonctionnement des institutions administratives. Comme tel, il ne doit pas et il n'a pas à s'immiscer directement dans le déroulement traditionnel des institutions judiciaires. C'est pour ça, d'ailleurs, que j'ai été très étonné, cet après-midi, de la confusion qui existait dans les esprits entre justement la fonction judiciaire, la fonction contentieuse et d'autres types de fonctions: fonction administrative ou fonction législative. En fait, les esprits semblent un peu confus de ce côté.

Le Protecteur du citoyen n'est pas là pour examiner n'importe quel type de plaintes ou de problèmes concernant les relations État-individus. Vous savez comme moi que son mandat est orienté vers les institutions administratives. Alors, si la nature de son mandat le permet, donc, c'est compte tenu, bien sûr, de la nature du dossier. Si c'est une affaire qui est pendante devant les tribunaux, bien, c'est déjà, finalement, le processus de justice qui est en marche. C'est une autre histoire. Mais il y a d'autres types de dossiers où, justement, l'administration a raison, effectivement, parce qu'elle a raison, elle n'a pas toujours tort, cette administration. Ce n'est pas toujours une bête noire qui est là pour oppresser les gens, parce que c'est l'épouvantail qu'on vient toujours brandir devant les parlementaires: l'administration, la bureaucratie qui oppresse les gens. Non, cette administration a souvent tout à fait raison pour des raisons d'ordre public, de salubrité, d'intérêt général d'appliquer la réglementation existante parce que M. X, Mme Y, telle PME, tel type de commerçant ne répondent

pas à des normes élémentaires en matière de sécurité, d'hygiène, de salubrité.

Donc, le Protecteur du citoyen, kii, intervient dans des dossiers où, manifestement, il y a iniquité, ou injustice flagrante, ou des choses qui sont aberrantes et qui, de toute évidence, après examen du dossier par ses propres services, nécessitent une intervention. Alors, vous savez comme moi que le Protecteur du citoyen élimine, refuse quand môme d'intervenir dans un certain nombre de dossiers, soit qu'il ne soit pas compétent en vertu de la loi actuelle, soit que ce soit, finalement, le type de plaintes pour lequel il ne peut pas intervenir, ou que ce soit, effectivement, des cas où l'application de la loi, de la réglementation ne laisse pas d'autre alternative que de dire aux gens: Bien, écoutez, l'administration fait son travail.

M. Kehoe: Merci

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député. Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. J'ai plaisir, évidemment, à entendre Me Mockle. C'est certainement un privilège pour la commission d'avoir un point de vue d'expert, gracieusement. C'est assez rare que des universitaires acceptent de venir devant la commission pour y jouer un rôle de bon citoyen. Alors, vous me permettrez de vous en féliciter. Avez-vous un commentaire à faire? Non?

M. Mockle: Oui, un commentaire. Je crois que je suis le seul, malheureusement, d'après la liste que j'ai pu voir. C'est dommage. Je dois vous dire que les professeurs de droit administratif sont très orientés vers le contentieux, vers la justice administrative et se désintéressent manifestement du Protecteur du citoyen et de ces modes alternatifs. La raison en est là tout simplement.

Mme Harel: Bon, ça peut peut-être être une explication, mais dans bien d'autres domaines, il arrive, malgré tout, relativement peu fréquemment, que nous entendions des points de vue d'universitaires qui sont des points de vue d'experts. Je me félicite que nous puissions le faire aujourd'hui. Alors, vous nous présentez, finalement - je ne sais pas si c'est bien simplifier les choses - trois types de recours: la justice judiciaire, la justice administrative et la justice qu'on pourrait appeler non contentieuse ou alternative.

M. Mockle: Ce n'est plus de la justice, là, ce sont des modes alternatifs ou des garanties non contentieuses.

Mme Harel: D'accord.

M. Mockle: Parlons de garanties non contentieuses.

Mme Harel: D'accord.

M. Mockle: On est en dehors du cadre juridictionnel.

Mme Harel: Alors, quant à la justice dite judiciaire, ce matin, nous entendions la Commission des services juridiques qui recommandait de continuer de favoriser l'institution de recours légaux en faveur du citoyen lésé comme étant la meilleure garantie face aux agissements injustifiés de l'État. La Commission des services juridiques ajoutait dans son mémoire: Nous croyons donc que l'État, préalable à l'intervention du Protecteur du citoyen, ait la reconnaissance législative des droits des citoyens et l'institution d'un processus permettant de sanctionner la violation desdits droits. Le mémoire ajoutait: "Que le Protecteur du citoyen puisse, à l'étape ultérieure, intervenir auprès de l'organisme concerné, nous apparaît comme une garantie supplémentaire offerte aux citoyens lésés." Est-ce que vous avez la même vision que celle exprimée par la Commission des services juridiques?

M. Mockle: Une garantie supplémentaire, oui, certainement. Je ferais peut-être un commentaire plus général dans la mesure où on assiste au Québec quand même, compte tenu de révolution des institutions politiques et administratives, à un net déclin finalement du contrôle de type parlementaire ou du contrôle de type politique au profit d'un contrôle de type juridique. L'évolution du droit administratif et du droit public au Canada, au Québec, et notamment au Québec, est marquée par la création, la reconnaissance de recours de garanties au profit de la population, recours qui permettent justement d'introduire des demandes ou des requêtes directement auprès de l'autorité concernée ou auprès dune autre autorité agissant, bien sûr, à titre de tiers, que ce soit un tribunal administratif ou une autorité agissant à titre d'organisme autonome chargé de missions de réglementation, de police administrative.

Tout ça pour vous dire donc que le Québec évolue déjà depuis très longtemps vers des recours de type juridique, vers la formalisation effectivement des recours. Et l'évolution globale est vraiment une évolution favorable à la reconnaissance, à la création de ces recours et le Protecteur du citoyen qui, lui, est un peu dans le sillage du contrôle parlementaire, tend à devenir, compte tenu de son indépendance, de son impartialité, du fait également - et j'insiste là-dessus - que c'est et malgré tout, une autorité administrative... Évidemment, là, je dois nuancer mon propos en ce sens que c'est un peu une hérésie puisque, dans les travaux qui lui sont

consacrés, on le considère habituellement comme un agent public. On ne le considère pas du tout comme un mandataire de l'Assemblée nationale. On le considère tout à fait comme une autorité indépendante, autonome. Eh bien! les services du Protecteur du citoyen, quand même, c'est fondamentalement une institution administrative, une institution qui ne fait que s'ajouter, bien sûr, à une panoplie de recours qui existent déjà, de recours formalisés, de garanties. Tant et si bien que l'évolution globale des institutions favorise ces recours, ces garanties de toutes sortes.

Mme Harel: L'exemple de la création du Tribunal des droits de la personne l'illustre ou, encore, le recours collectif...

M. Mockle: Illustre très bien.

Mme Harel: ...ou la cour des petites créances. Donc, d'une part, il y a prolifération de ces recours de justice judiciaire, mais, en même temps, on constate l'engorgement des tribunaux administratifs, on peut constater aussi la difficulté d'accès, compte tenu, par exemple, de problèmes budgétaires liés à la non-indexation du seuil d'admissibilité à l'aide juridique, etc. Donc, il y a, malgré tout, dans ce système de justice judiciaire, des gros problèmes. Est-ce qu'on peut...

M. Mockle: Oui. Alors, là, il faut faire la nuance justice judiciaire, justice administrative. On est quand même dans le domaine du contentieux, de juridictionnel, mais, en ce moment, la justice administrative connaît effectivement des problèmes d'asphyxie, du moins pour certains organismes. Vous savez très bien, comme moi, que votre action s'insère quand même dans un contexte politique particulier puisque le rapport du groupe de travail sur les tribunaux administratifs a été déposé en décembre 1987 et que, en ce moment, le ministère de la Justice continue donc de cheminer lentement sur un projet de réforme globale pour les tribunaux administratifs.

Or, les gens des tribunaux administratifs, que ce soit Canadiens ou Québécois, viendront devant vous faire des représentations. Et le message que j'aimerais livrer de ce côté, eh bien, dans le but de valoriser la justice administrative, de favoriser une réforme, les gens des tribunaux administratifs ont plutôt tendance à présenter la justice administrative comme une panacée, comme le moyen de remédier finalement à l'ensemble des différends, administrations-administrés dans une perspective de simplification, de démocratisation des recours. (17 h 30)

Or, justement, il n'en est rien. On est toujours dans la perspective du contentieux. Vous savez très bien, comme moi, que les tribunaux administratifs ont évolué vers la formalisation des recours, vers une formalisation globale du cadre procédural et que ces institutions se sont éloignées considérablement des objectifs de simplicité et de démocratisation des recours qui avaient été en partie, à l'origine de leur création, d'où la nécessité, effectivement, de penser à autre chose que la justice judiciaire et la justice administrative, et d'insister sur des méthodes, des moyens de règlement des plaintes qui correspondent davantage aux attentes de la population. Parce que la population, globalement, dans une perspective de rapidité, de simplification, de moindre coût, ne veut pas aller devant un tribunal; faut-il le répéter. Au contraire, elle accueille, je crois... Je ne suis pas mandaté pour parler au nom de l'ensemble de la population, mais je crois constater, du moins, que les gens sont très sympathiques à l'idée de pouvoir confier leur dossier ou leur plainte à un commissaire, à condition, bien sûr, que ce commissaire soit vraiment impartial, neutre, ait vraiment les prérogatives, les immunités qui s'attachent habituellement à la fonction de commissaire pour l'examen de leur plainte.

Mme Harel: Alors, quittons...

M. Mockle: Parce que le commissaire, ce n'est pas du judiciaire ou du juridictionnel...

Mme Harel: C'est ça.

M. Mockle: ...c'est vraiment du non contentieux.

Mme Harel: Quittons donc le terrain du contentieux pour aborder le non-contentieux. Là, vous nous dites: II y a une prolifération, non plutôt... Il y a une augmentation des recours; en révision, par exemple, bon nombre de législations les prévoient maintenant, ensuite en réexamen et ensuite en appel, à ce moment-là, devant un tribunal administratif. Mais il y a quand même une prolifération. D'autre part, il y a une sorte de dénaturation - si l'expression m'est permise - de la fonction de Protecteur. Là, vous nous dites qu'il y a un test qui a été fait par une décision de la Cour suprême, en l'occurrence par le juge Dickson. Il y a vraiment quatre éléments importants. Pour s'appeler "Protecteur du citoyen", il faut normalement être créé par un corps législatif, donc par une loi, dirigé par un officier public et indépendant, avoir des pouvoirs d'enquête et faire des recommandations. Alors, ça, c'est la grille à partir de laquelle on pourrait vérifier si, lors de la création d'un poste dit de Protecteur, comme ça a été le cas pour HydroQuébec ou en matière agricole... C'est un test qui pourrait être utile pour vérifier si c'est plus en vue d'un exercice politique ou si c'est véritablement pour instituer un organe non contentieux de règlement des plaintes. C'est ça que vous nous dites?

M. Mockle: Je vais nuancer davantage. Si je porte effectivement ces critères de la Cour suprême à votre attention, c'est simplement pour tenter de bien faire comprendre ce qu'est un ombudsman. On ne peut pas attribuer à tort et à travers cette appellation à n'importe qui. Mais je ne veux pas, par ailleurs, suggérer que, pour des fins d'impartialité, de neutralité ou d'indépendance, il faille absolument respecter ces quatre critères établis pas la Cour suprême. Je crois que, dans une perspective de poste de commissaire ou de responsable des plaintes, on peut adopter finalement une autre approche que celle de l'ombudsman, une approche peut-être plus souple de règlement des plaintes de première ligne. Encore faut-il prévoir un certain nombre de garanties juridiques...

Mme Harel: Par exemple...

M. Mockle: ...qui ne sont pas forcément de la même nature, et c'est très important...

Mme Harel: C'est ça.

M. Mockle: ...qui ne sont pas forcément de la même nature que celles qui permettent de caractériser la fonction d'ombudsman.

Mme Harel: Je comprends, parce qu'à la page 18 de votre mémoire, vous illustrez, par un exemple concret, ce que pourraient être ces garanties. Par exemple, je pense que ça peut être utile comme cadre d'analyse du projet de loi 120. Et à la lecture de ce que vous proposiez à la page 18, je voyais tout de suite que le poste proposé, il n'était peut-être pas souhaitable que ce soit un poste de cadre, comme c'est le cas dans le projet de loi 120, et qu'il était peut-être souhaitable qu'il soit nommé directement par le conseil d'administration plutôt que par le directeur général. En fait, il y a un ensemble de...

M. Mockle: L'appellation. En fait, le projet de loi 120 semble s'orienter dans le courant actuel, ce courant actuel donc favorable, comme vous le savez, à la multiplication des postes de responsable des plaintes. Alors, si je comprends bien la nature de la réforme proposée, c'est nettement la création, au niveau de chaque institution de santé, d'un poste de responsable des plaintes, un responsable émanant de la haute administration de l'institution. Alors, là, on est vraiment dans la perspective de ces postes de responsable que favorise d'ailleurs Daniel Jacoby.

Mme Harel: Alors là, vous nous recommandez à la page 22, comme 6e recommandation, que: "Pour des fins de suivi et d'appréciation, la commission des institutions devrait exiger des services du Protecteur du citoyen un bilan critique des expériences en cours au sein de l'administration québécoise pour le règlement des plaintes."

M. Mockle: Je crois qu'il est en mesure de le faire, tout à fait. Il a maintenant quand même une équipe avec lui. Il est capable de faire le suivi et ça rentre tout à fait dans le cadre de sa fonction d'animateur ou de coordonnateur justement qu'il s'est donnée. Ça rentre un peu, je dirais, dans le cadre naturel - j'emploie cette expression, d'ailleurs, entre guillemets - de son mandat, qui est de favoriser finalement des règlements amiables.

Mme Harel: II y a un aspect de votre mémoire qui m'est apparu extrêmement important. C'est à la page 7, tout le chapitre portant sur la conciliation et la médiation. Vous nous avez dit d'ailleurs, tantôt, que c'était une tendance qui s'était vraiment démontrée depuis 15 ans, de multiplier la conciliation et la médiation. Vous nous avez donné l'exemple d'arbitrages d'intérêt privé. Moi, je voudrais entendre votre point de vue sur le fait que, justement, on a tendance maintenant, dans les législations d'ordre public, à utiliser la conciliation ou la médiation. Je pense, entre autres, par exemple, à la Loi sur les normes du travail qui a été amendée juste avant Noël. Je me suis toujours demandé comment il se pouvait, dans le cas d'une loi d'ordre public, qu'une Commission des normes ait comme mandat de faire appliquer... Prenons l'exemple du salaire minimum, comment on ne peut pas concilier le fait qu'il soit payé ou pas. Alors, comment.. Je crains, moi, j'ai de l'inquiétude par rapport à ce qui peut sembler être de la déjudiciarisation.

M. Mockle: Là, vous venez de toucher exactement le point central du problème en ce qui concerne la conciliation et la médiation. Les organismes publics ne remplissent pas, bien sûr, le même type de fonction. Vous avez des organismes prestataires, vous avez des organismes de contrôle, de réglementation, qu'on dit de police administrative, chargés justement de mandats d'ordre public. Eh bien, en droit administratif, on constate que le caractère rigide de cette réglementation se prête fort peu, très peu justement à des transactions, à des règlements amiables, à de la conciliation. Mais les organismes le favorisent quand même dans la mesure où un certain nombre de dossiers se prêtent finalement à des règlements amiables pour la très simple raison que les parties - et c'est là, d'ailleurs, qu'il faut creuser davantage finalement l'univers de la conciliation - connaissaient très mal le droit applicable. Donc, la conciliation dans certains cas, dans un certain nombre de dossiers, c'est tout simplement informer les parties, projeter finalement toute la lumière nécessaire sur l'affaire et les parties constatent bien souvent, d'elles-mêmes, que la solution s'impose tout à fait, compte tenu de la nature de la réglementation en vigueur

Donc, la conciliation, même dans une perspective d'ordre public, de loi contraignante, peut jouer finalement un rôle intéressant pour le règlement amiable d'un certain nombre de dossiers. Donc...

Mme Harel: Mais est-ce qu'il ne peut pas y avoir un effet pervers?

M. Mockle: Oui, ça peut avoir un effet pervers parce que certains collègues notamment, certains critiques l'ont déjà noté. Au niveau de la Commission des droits de la personne, on a déjà critiqué le fait que la Commission favorisait des règlements amiables dans un certain nombre de dossiers où des droits fondamentaux avaient été un peu froissés ou mis de côté un peu cavalièrement. Donc, là où il y a des droits vraiment très importants, que ce soit en termes des libertés fondamentales ou de prestations, puisqu'on parlait de normes du travail, de salaire minimum, eh bien, la technique, évidemment, conciliatoire, c'est relatif.

Mme Harel: Oui, parce que le citoyen doit savoir que l'État est de son côté pour faire appliquer une loi qui est protectrice, en fait, puisque dans le cas des lois protectrices, déjà le législateur a considéré qu'il y avait un déséquilibre des forces. S'il y a une législation en matière de normes du travail, c'est qu'il y a une disproportion entre la capacité d'un individu seul de négocier ses conditions de travail raisonnables, donc une disproportion avec le demandeur d'un travail et l'ordre de travail.

M. Mockle: Je peux quand même vous donner certains chiffres. Pour tous les organismes qui utilisent la conciliation ou la médiation, les organismes autonomes, donc avec ou sans l'étiquette tribunal administratif, l'utilisation de cette technique permet un règlement amiable à peu près pour le tiers des dossiers. Déjà, immédiatement, le flux au contentieux diminue du tiers, c'est-à-dire qu'il y a des règlements amiables qui varient dans des proportions de 25 % à 40 %, quelquefois 50 %.

Mme Harel: Moi, je suis très... M. le Président, si vous permettez, une dernière question parce que...

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Allez- y-

Mme Harel: ...je ne pense pas avoir pris tout le temps qui était imparti à ma formation. Je suis d'accord avec...

Le Président (M. Dauphin): Vous dépassez de deux minutes, mais allez-y quand même.

Mme Harel: C'est vrai? Ah oui. Ça m'étonne parce que, à ce moment-là... Ça signifierait à ce moment-là que vous nous avez laissé...

Une voix: Consentement.

Le Président (M. Dauphin): Non, non, allez-y, allez-y.

Mme Harel: II y a consentement. Je suis d'accord avec vous, par exemple, que, en ce qui concerne l'application de la conciliation à la Cour des petites créances, c'est un succès, mais ça met en cause des intérêts privés.

M. Mockle: Oui, mais à la Cour des petites créances, la plupart du temps, ce sont des litiges d'ordre pécuniaires pour des réclamations justement patrimoniales ou pécuniaires. Dès qu'il y a des rapports d'ordre matériel ou pécuniaire, la conciliation, ça va de soi parce qu'il est facile de transiger sur des chiffres. On n'est pas confrontés à une réglementation d'ordre public.

Mme Harel: Un certain nombre de groupes sont venus nous dire que, dans le cas des personnes hébergées dans les établissements qui sont mandatés pour recevoir des personnes très vulnérables, déficientes intellectuelles ou en perte d'autonomie totale, il serait, selon ces personnes, plus efficace en termes de protection des droits que le traitement des plaintes soit reçu par une personne déléguée du Protecteur du citoyen. Que vous en semble-t-il?

M. Mockle: Moi, je crois qu'il y a évidemment les établissements qui sont tout petits. C'est ça, c'est un problème d'ordre structurel ou administratif, mais de prime abord, je favorise le règlement des problèmes, des différends au niveau de chaque institution concernée. Je suis quand même conscient que la petite taille de certains organismes se prête peut-être mal finalement au recul nécessaire pour le règlement équitable et juste d'un dossier. Alors là, c'est une question sur laquelle vous serez sûrement appelés à vous pencher. Est-ce qu'il n'y a pas lieu, dans certains cas, de prévoir la création d'ombudsmans sectoriels pour, finalement, un domaine particulier de l'action administrative ou de l'action d'organismes décentralisés? C'est une possibilité. Ça existe d'ailleurs dans d'autres pays. Il y a des ombudsmans spécialisés, que ce soit au niveau de la santé... D'ailleurs, je vous signale qu'en Angleterre, vous avez des ombudsmans de la santé, ce qu'on appelle les "health commissioners"; il y en a un pour le pays de Galles, un pour l'Angleterre et un pour l'Ecosse. Donc, il chapeaute un peu finalement tout le système, ce qui est tout à fait conciliable avec l'existence d'un commissaire parlementaire à l'administration qui est l'ombudsman britannique. Donc, voyez... On peut très bien concevoir un système où il y a plusieurs types d'ombudsmans.

Mme Harel: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme la députée, c'était bien intéressant. Maintenant, M. le député d'Anjou.

M. Larouche: Très bien. Me Mockle, vous venez à titre personnel?

M. Mockle: Oui.

M. Larouche: O.K. Je vous en félicite. Ça démontre votre préoccupation des problèmes cruciaux Vous parlez comme un grand livre, comme un livre ouvert. J'ai appris beaucoup.

J'aurais eu plusieurs autres questions, mais comme je pense qu'on empiète sur le temps de l'autre...

Le Président (M. Dauphin): Non, non, allez-y, allez-y. »

M. Larouche: C'est au niveau de certaines distinctions fines ou seulement pour un point en particulier Vous ne favorisez pas l'extension. D'autre part, il semble que vous la favorisiez, c'est seulement à différents niveaux, peut-être au niveau horizontal dans d'autres organismes, pour ne pas galvauder, entre guillemets, l'institution. J'aimerais avoir juste peut-être très rapidement...

Une voix: Oui.

M. Larouche: ...quelques détails: précisez votre pensée sur ça.

M. Mockle: Oui. C'est justement quand on entre dans les nuances, on se fait peut-être plus difficilement comprendre. Je favorise d'abord dans un premier temps le règlement amiable des plaintes par les organismes concernés, c'est-à-dire que le règlement de première ligne doit se faire d'abord par les institutions concernées. Ce qui n'exclut nullement un renforcement et une extension du mandat du Protecteur du citoyen. D'abord, je vous recommandais à titre d'extension ou d'élargissement minimal la compétence du Protecteur sur les sociétés d'État et les entreprises publiques, quitte éventuellement - pourquoi pas - à étendre davantage ce mandat au réseau de la santé. Mais, attention - et j'espère être bien compris - le Protecteur du citoyen, que ce soit dans une perspective d'administration centrale ou que ce soit dans la perspective du réseau de la santé, ne doit pas être finalement ce mécanisme de première instance. Il ne faut pas annoncer à la population demain matin: Me Daniel Jacoby est là pour vous entendre si vous avez une plainte à formuler à propos de votre hôpital ou du médecin qui vous traite dans tel ou tel établissement ou dans tel centre de santé. Non, je crois que les problèmes de plaintes doivent d'abord être réglés par des mécanismes sérieux appropriés au niveau de chaque organisme. S'il y a persistance de certaines difficultés, on doit prévoir effectivement éventuellement la saisine du Protecteur du citoyen ou, pourquoi pas, d'autres recours!

Vous savez, il y en a d'autres, là. Il y a des recours administratifs, il y a la justice administrative, on peut penser à des ombudsmans sectoriels. Vous avez - d'ailleurs c'est ça qui est passionnant pour vos travaux - un large éventail de possibilités. D'ailleurs, c'est très intéressant, vous n'êtes pas coincés, vous avez vraiment là, au niveau du menu à la carte qui s'offre à vous, un large éventail de possibilités.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le député. Nous avions préparé une série de questions pour vous. La majorité de ces questions ont été posées sauf deux. Alors, je vais me permettre de vous les poser. La première: Vous dites, dans votre mémoire, que le Commissaire aux plaintes des clients des distributeurs d'électricité aurait dû relever du Protecteur du citoyen plutôt que du ministre de la Justice. Alors, pouvez-vous nous expliquer de quelle façon, quelle forme de contrôle le Protecteur du citoyen aurait dû effectivement...

M. Mockle: Finalement, ces commissaires qui sont des autorités indépendantes créées par la loi, parce que c'est le cas effectivement du Commissaire à la déontologie policière, du Commissaire aux plaintes de la clientèle pour Hydro-Québec et du commissaire aux plaintes agricoles, relèvent tous d'un ministre, notamment les deux derniers relèvent du ministre de la Justice. Or, ma crainte, c'est une critique que je n'ai peut-être pas suffisamment développée, c'est de voir finalement certains commissaires être coincés dans une dynamique institutionnelle qui leur est défavorable, et c'est habituellement toujours le cas. Le commissaire justement chargé de la clientèle d'Hydro-Québec se trouve en quelque sorte vulnérable par rapport finalement aux enjeux politiques qui peuvent surgir au niveau du Conseil des ministres, au niveau également d'autres ministres, bien sûr, très intéressés par la réussite du mandat ou par le mandat général d'Hydro-Québec. Donc, le commissaire relève du ministre de la Justice, mais il est coincé finalement dans une dynamique institutionnelle et politique, où d'autres ministres, notamment le ministre responsable d'Hydro-Québec, peuvent très bien éventuellement intervenir pour faire valoir quand même d'autres points de vue ou d'autres arguments. Donc, il faut éviter que ces commissaires finalement soient trop vulnérables, puissent éventuellement faire l'objet de pressions ou finalement de suggestions de la part du personnel politique ou d'autres ministres. Il vaut mieux qu'ils relèvent directement du Protecteur du citoyen. On est vraiment dans une perspective de stricte neutra-

lité.

Le Président (M. Dauphin): D'accord, j'en ai une dernière pour vous. À la page 22 de votre mémoire, vous recommandez - et ça fait l'objet de votre deuxième recommandation: Que le Protecteur du citoyen assure de coordination, de développement et de contrôle des garanties non contentieuses. Je vous signale qu'une commission parlementaire, tout comme la nôtre, après audition publique et recommandation à l'Assemblée nationale, propose d'amender la Loi sur la fonction publique et de créer un poste de ministre délégué à la fonction publique et responsable des Services au citoyen. Alors, que pensez-vous de cette recommandation en regard du rôle de coordination, de développement et de contrôle des garanties non contentieuses que vous voudriez que le Protecteur du citoyen ait?

M. Mockle: Je n'étais pas informé effectivement de cette recommandation. Elle est peut-être récente, mais je m'en félicite dans la mesure où si l'on veut le proposer éventuellement pour la fonction publique, là si je comprends bien pour la fonction publique, d'autres types de recours que la Commission de la fonction publique qui est un tribunal administratif, et bien tant mieux... Si on veut introduire justement une dynamique de conciliation, de règlement amiable en ce qui concerne les différends opposant les fonctionnaires, donc, les agents de l'État au gouvernement du Québec ou éventuellement aux ministères et organismes concernés, bien tant mieux, pourquoi pas! Parce que là, en ce moment, la Loi sur la fonction publique, le recours, c'est la Commission de la fonction publique qui est un tribunal administratif. C'est donc une perspective contentieuse d'abord et avant tout.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. M. le député de Sherbrooke, vous aviez un ...

M. Hamel: Un tout petit mot, M. le Président. Je voulais vous dire, Me Mockle, que j'ai bien apprécié votre présence, ici, aujourd'hui et ça démontre à quel point votre expertise va nous être précieuse. Merci beaucoup, Me Mockle.

M. Mockle: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Alors, au nom de tous les membres de la commission, Me Mockle, nous aimerions vous remercier sincèrement. Évidemment, vous êtes le seul comme expert qui soit venu témoigner devant nous; nous vous en sommes extrêmement reconnaissants et nous vous félicitons de votre geste. Merci beaucoup.

M. Mockle: Je vous remercie.

Le Président (M. Dauphin): Nous suspendons une minute afin de demander à l'Association des townshippers de s'avancer.

(Suspension de la séance à 17 h 50)

(Reprise à 17 h 55)

Le Président (M. Dauphin): Messieurs, dames, nous allons reprendre les travaux de la commission en entendant l'Association des Townshippers à laquelle nous souhaitons la bienvenue. Alors, Mme Marisa Tessier, vice-présidente, je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent et de procéder, ensuite, à la présentation de votre exposé, d'une durée d'environ 15 minutes.

Association des Townshippers

Mme Tessier (Marisa): Merci, M. le Président. Je vous remercie. Permettez-moi de vous présenter mes collègues. À ma droite, Mme Susan Mastine, directrice générale. À ma gauche, Mme Carolyn Jones, membre de notre conseil d'administration. Et Barbara Verity, directrice générale adjointe. Je suis Marisa Tessier, vice-présidente de l'Association des Townshippers, et présidente de notre délégation aujourd'hui.

Nous apprécions l'occasion qui nous est fournie de paraître devant cette commission sur l'important sujet du Protecteur du citoyen du Québec. J'aimerais commencer par une brève description de l'Association des Townshippers. Notre association a été fondée il y a 11 ans par des gens des Cantons de l'Est d'expression anglaise, qui décidèrent d'une voix unique pour faire valoir leurs besoins et leurs préoccupations auprès du gouvernement et pour aider les gens des Cantons de l'Est d'expression anglaise à participer à paît entière à la vie québécoise.

Aujourd'hui, nous comptons environ 10 000 membres venant de tous les milieux et de toutes les régions des Cantons de l'Est historiques. L'Association des Townshippers concentre ses activités sur l'emploi des jeunes, les services de santé et sociaux, l'éducation, les liaisons avec la communauté francophone, le patrimoine et la culture. Plusieurs bénévoles oeuvrent dans ces dossiers assistés par un personnel compétent. Nous sommes vivement intéressés par le Protecteur du citoyen, qui pourrait potentiellement jouer un rôle important en pouvant être utile à la communauté d'expression anglaise, laquelle est particulièrement vulnérable dans les Cantons de l'Est.

La population vieillit rapidement et présente le double de pourcentage de personnes âgées de 65 ans et plus, par rapport à la communauté d'expression française. En effet, les statistiques montrent que 19,3 % de la communauté d'expression anglaise font partie de ce groupe d'âge,

comparativement à 9,1 % pour la communauté d'expression française. De plus, le statut économique de la population est faible. En 1984, une étude du sociologue Gary Caldwell auprès de 200 chefs de famille d'expression anglaise, dans les Cantons de l'Est, a révélé que seulement 73 % avaient un emploi à temps plein, 12 % étaient sans emploi et au moins 10 % recevaient de l'assistance sociale, ou en avaient reçu dans le passé.

De toute évidence, notre communauté a besoin d'aide. Nous avons besoin de toutes les ressources possibles pour renforcer la communauté et possiblement même pour en assurer la survie. Ceux parmi nous qui sont plus jeunes et mieux pourvus économiquement ne sont pas nombreux et nous faisons tout ce que nous pouvons pour aider notre communauté. Nous aimerions pouvoir compter sur le Protecteur du citoyen comme une ressource pour nous seconder.

Voilà pourquoi nous désirons que la communauté d'expression anglaise devienne plus familière avec les services du Protecteur du citoyen et commence à les utiliser. Nous souhaitons aussi que le mandat du Protecteur du citoyen soit aussi élargi que possible. Puisque peu de Québécois d'expression anglaise et, en fait, de non-francophones en général demandent parfois l'aide du Protecteur du citoyen, nous croyons que ces services devraient être mieux connus. Nous sommes heureux qu'il existe une version anglaise du dépliant The Public Protector", mais le seul endroit où on trouve ça dans notre région, c'est au bureau des Communications, à Québec. Est-ce qu'on ne pourrait pas le diffuser plus largement? Par exemple, dans les CLSC, les établissements d'enseignement et dans les aires d'accueil des bureaux du gouvernement où le public se rend régulièrement.

On peut aussi rejoindre ces citoyens par des communiqués de presse ou une copie du dépliant expédié à tous les médias écrits et électroniques à travers la province, y compris les hebdomadaires communautaires qui sont friands d'information et qui sont beaucoup lus. Ainsi, l'Association of Québec Regional English Media regroupe des journaux distribués à 267 000 Québécois d'expression anglaise qui demeurent dans plusieurs régions de la province. Si de telles mesuras sont prises, nous sommes convaincus que les Québécois d'expression anglaise et autres non-francophones feront plus souvent appel au Protecteur du citoyen.

L'Association des Townshippers est prête à collaborer pour que la communauté d'expression anglaise devienne plus sensibilisée au Protecteur du citoyen. De fait, nous avons déjà commencé en décrivant ses services dans notre chronique hebdomadaire, dans le quotidien anglais sherbroo-kois, The Record. Nous diffusons aussi le dépliant dans notre guide d'information du citoyen efficace, qu'on a pour les membres de notre communauté.

Notre autre principale préoccupation, c'est que le mandat du Protecteur du citoyen soit élargi aux organismes et établissements gouver nementaux. La raison en est évidente puisque 1800 requêtes fartes au Protecteur du citoyen étaient hors de sa compétence parce qu'elles touchaient, entre autres, les réseaux des hôpitaux et de l'éducation.

Puisqu'un membre de notre délégation, Carolyn Jones, et moi-même avons une meilleure connaissance du système de santé et des services sociaux, nous allons décrire comment un mandat élargi du Protecteur du citoyen profiterait à la population utilisant le réseau des soins de santé. Trois volets nous préoccupent particulièrement les corporations professionnelles, les conseils régionaux de la santé et des services sociaux et la diffusion des services en anglais.

Au sein des corporations professionnelles, il ne semble pas exister de méthode adéquate pour traiter les plaintes du public Les corporations reposent sur le contrôle de ses pairs et possèdent un haut niveau d'autonomie, ce qui pourrait résulter en solution des plaintes selon leur propre intérêt. Un autre problème peut être soulevé, c'est-à-dire le statut des professionnels portant des titres exclusifs, mais sans champ de pratique réservé, tels que les psychologues et les physiothérapeutes. L'efficacité des corporations qui les représentent peut être compromise. Or, il n'est pas obligatoire d'être membre de ces groupes professionnels pour pratiquer cette profession. Habituellement, ce sont les professionnels intègres et compétents qui en deviennent membres. Aussi, tous ceux qui pratiquent dans le réseau de santé et des services sociaux ne sont pas obligés d'appartenir à une corporation professionnelle. Le niveau de protection disponible auprès des corporations ne s'étend pas à tous les praticiens du domaine de la santé. Par exemple, les psychologues et les physiothérapeutes ne sont pas obligés d'être membres d'une corporation.

De plus, si un membre est trouvé incompétent, il ou elle n'a qu'à se retirer de la corporation ou en est radié. L'individu peut quand même continuer à pratiquer sous un autre titre. Par exemple, un psychologue devient un psychothérapeute. Ceci est extrêmement dangereux pour le public. Il existe aussi d'autres praticiens qui ne sont pas soumis à des contrôles adéquats. Parmi eux peuvent figurer ceux qui prétendent offrir une approche holistique ou alternative en médecine. Cependant, ils peuvent ne pas posséder les qualités requises.

Un autre problème vient de la possibilité que des établissements embauchent des individus autres que des professionnels reconnus pour économiser de l'argent. Cette pratique entraîne une diminution de la qualité des services. Chacune de ces situations rend le public vulnérable et, sans le Protecteur du citoyen, il a besoin du traitement adéquat des plaintes.

En ce qui concerne les conseils régionaux de la santé et des services sociaux, dans notre mémoire, nous avons expliqué le procédé inadéquat des conseils dans le traitement des plaintes. Depuis la rédaction de notre mémoire, le projet de loi 120 a été déposé, mais cette réforme du système de la santé ne règle pas de façon satisfaisante ce problème. Quelques améliorations y sont apportées. Le public sera au moins informé qu'il a le droit de porter plainte. Le traitement des plaintes sera confié au niveau régional à des gens à l'intérieur du système de la santé. Ceci est acceptable. Cependant, si les personnes trouvent que leurs plaintes ne sont pas traitées de façon adéquate à ce niveau, elles devraient avoir un recours auprès d'un organisme indépendant tel que le Protecteur du citoyen. Ce n'est pas le cas avec le projet de loi 120. De plus, avec la nouvelle loi, il n'y aura pas le recours juridique qui existe dans la loi actuelle.

Même si la loi prévoit la diffusion des services de santé et services sociaux en anglais, il n'existe aucun mécanisme particulier pour les gens qui veulent loger une plainte si leurs droits linguistiques ne sont pas respectés. Dans une région où, à tous les niveaux du réseau de la santé, la presque totalité des administrateurs sont francophones, il y a une forte possibilité que les droits légaux de la population d'expression anglaise ne soient pas rencontrés. Cette situation peut devenir plus exaspérante lorsque les tensions linguistiques sont grandes et le climat politique malsain.

Nous ne voulons pas que les membres de notre communauté subissent les répercussions de la politique. Pour ajouter à ceci, la communauté d'expression anglaise diminue et vieillit. Elle deviendra moins capable de défendre les droits de ses membres. Déjà vulnérables à cause d'une maladie ou d'un problème social, les gens ont souvent de la difficulté à faire valoir leurs droits. Ceci s'avère particulièrement vrai lorsqu'ils sont en présence d'administrateurs organisés, de professionnels et de fonctionnaires qui ont leurs propres intérêts à défendre. De façon évidente, il est important qu'il existe une personne ou un organisme indépendant responsable d'observer et d'assurer les droits linguistiques.

En résumé, l'Association des Townshippers présente à la commission des institutions deux recommandations concernant le Protecteur du citoyen. La première, que les pouvoirs du Protecteur du citoyen soient étendus à tout le gouvernement, aux organismes et établissements gouvernementaux et municipaux, y compris ceux du réseau de la santé, des services sociaux, de l'éducation, de même qu'aux sociétés d'État telles qu'Hydro-Québec et Radio-Québec. La deuxième, de porter plus d'attention à l'information des Québécois et des non-francophones sur les services du Protecteur du citoyen.

Nous espérons que des mesures seront prises pour élargir le mandat du Protecteur du citoyen dans le but de mieux desservir les citoyens du Québec.

Le Président (M. Dauphin): Nous allons faire notre gros possible. À tout événement, merci beaucoup, Mme Tessier, pour cet intéressant exposé. Nous allons débuter la période d'échanges en reconnaissant la représentante de l'Opposition officielle, Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve.

Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président, de me reconnaître la première parce que j'étais certaine que si c'était le député de Nelligan qui l'était le premier, il me serait resté très peu de questions à vous poser.

D'abord, mes félicitations, Mme Tessier et les personnes qui vous accompagnent, pour ce mémoire qui est très bien documenté, qui est très bien rédigé, et pour votre présentation qui est excellente. En vous écoutant, je me disais quelle connaissance profonde vous avez du système. Est-ce que vous avez eu l'aide de professionnels ou si vous l'avez rédigé vous-mêmes au sein de l'Association des Townshippers?

Mme Tessier: Mme Jones et moi, on a le dossier des services de santé et des services sociaux. Dans l'Association, on est bénévoles.

Mme Harel: Et vous êtes bénévoles?

Mme Tessier: C'est ça. Et on a eu un peu d'aide, avec l'écriture, de Mme Barbara Verity qui est adjointe à l'Association, mais on est seulement quatre employées à temps plein.

Mme Harel: Donc, c'est vous-même et Mme Jones qui avez cette connaissance de ce réseau de la santé et des services sociaux, de ces questions assez controversées des plaintes devant les corporations de professionnels et donc, de la loi 120, parce que j'ai vraiment constaté que vous aviez rapidement pris connaissance du projet de loi 120, que vous avez déjà une opinion sur le projet de loi 120 que bien des parlementaires n'ont pas lu encore. Je vous en félicite.

Je dois vous dire que je trouve ça bien émouvant, d'une certaine façon, parce que j'ai eu l'occasion d'apprécier la communauté des Townshippers. Chaque été, je vais à Bishop faire une immersion en anglais. Alors, chaque été je vais à Piggery et on m'amène aussi visiter le patrimoine architectural et culturel anglophone qui est absolument exceptionnel.

Mme Tessier: Viens nous voir la prochaine fois. On va être...

Mme Harel: Est-ce qu'on va parler anglais?

Mme Tessier: Oui, en anglais.

Mme Harel: II faut parier anglais, par exemple, parce que c'est une immersion en anglais.

Mme Tessier: Absolutely.

Le Président (M. Dauphin): ...unilingue anglais, ça.

Mme Harel: Ça me fera plaisir. J'avais eu l'occasion, parce qu'il y a toujours des contacts avec la communauté, d'aller visiter et de rencontrer des responsables de la première bibliothèque anglophone dans les Townshippers et la première bibliothèque, je pense, au Québec. (18 h 15)

Revenons à votre mémoire. Vous avez vraiment bien illustré toute la problématique des plaintes portées devant les corporations professionnelles. Vous savez, depuis le début des travaux, beaucoup de mémoires en ont parlé, mais je crois que, vraiment, c'est le vôtre qui a le mieux expliqué la complexité des problèmes et, vous le dites très bien, c'est qu'il n'y a finalement, en ces matières, aucun principe sur lequel on peut se baser pour faire valoir un droit à l'égard des corporations professionnelles. Je pense que c'est dans votre mémoire - attendez que je m'y retrouve - je pense que c'est à la page 6. Vous dites: "La notion de protection du citoyen n'est définie nulle pan\" C'est dans le deuxième paragraphe. Vous dites qu'une étude effectuée pour évaluer le niveau de protection offerte par les différentes corporations n'a pu atteindre ses objectifs, la notion de protection du citoyen n'est définie nulle part. Et ça, je pense que c'est vraiment un aspect important pour nous que vous nous apportez et nous allons certainement devoir y réfléchir lors de la rédaction du rapport. J'aimerais vous entendre sur le fait que vous avez été appelés à vous y intéresser. Est-ce que ce sont des membres de l'Association qui vous ont transmis des problèmes qu'ils rencontraient avec les corporations professionnelles?

Mme Tessier: Je vais laisser la parole à Mme Jones.

Mme Jones (Carolyn): Je pense qu'en fait ce ne sont pas les membres de notre population qui ont apporté ces opinions, c'est surtout la complexité du système. Étant donné nos expertises - je suis une professionnelle dans le domaine de la santé et j'ai une expertise en droit aussi - on réalise toute la problématique. On voit donc les problèmes que les citoyens ont avec les services et on voit, de l'autre côté, la complexité du système, et c'est pour ça qu'on a parlé. Mais comme plainte comme telle, ou opinion comme telle, je pense que le citoyen, justement, est tellement démuni devant tout le système qu'il ne peut pas pointer la cause précise.

Mme Harel: Mais je crois comprendre que, sur cet aspect-là, vous n'avez pas fait de recommandation à la commission. Est-ce que j'ai tort de penser que vous nous posez le problème, mais que vous n'avez pas pu rédiger une recommandation?

Mme Jones: La recommandation, c'est de sorte que... On pense qu'il y a effectivement un rôle des corporations professionnelles pour traiter les plaintes et qu'elles sont en mesure de juger la validité de certaines plaintes Mais on pense qu'elles devraient avoir un recours addi tionnel et final...

Mme Harel: Ah! C'est ça.

Mme Jones: ...un dernier recours.

Mme Harel: Oui, je comprends. Vous pensez que le Protecteur du citoyen, par exemple, pourrait avoir droit de regard sur le mécanisme de traitement de la plainte.

Mme Jones: Oui.

Mme Harel: Est-ce que ça s'est fait dans les bons délais? Est-ce que ça s'est fait de la bonne façon? Même si c'est la corporation professionnelle qui choisit la façon de faire, il faudrait qu'il y ait un droit de regard du Protecteur du citoyen.

Mme Jones: Oui.

Mme Harel: D'accord. Je vous remercie. Une dernière question concernant également la possibilité d'obtenir dans sa langue, dans la langue anglaise les services de santé et les services sociaux. Vous dites: "Même si la loi prévoit - à la page 11 - la diffusion de services de santé et sociaux en anglais, aucune procédure ne permet à un individu de porter plainte si ses droits linguistiques ne lui sont pas accordés." Vous voulez dire qu'il ne peut pas porter plainte, même à l'Office de la langue française ou à la Commission de protection? Il ne peut pas porter plainte. C'est vrai.

Mme Tessier: Non. C'est vrai. On peut faire une plainte qu'il manque un service, mais pas qu'il manque un service dans sa ligne qui est garantie par la loi 142.

Mme Harel: Et à ce moment-là, vous pensez que l'intervention du Protecteur permettrait en équité au Protecteur de négocier avec le dispensateur du service, qu'il soit donné en équité dans la langue de la personne qui le réclame. C'est

dans ce sens-là que vous souhaitez son intervention, plus qu'une modification à la législation?

Mme Tessier: Oh! Oui, surtout. Parce que la loi est là, c'est clair, la loi 142. Et même, c'est presque les mêmes mots dans la loi 120 qui va garantir l'accès, mais c'est de l'avoir...

Mme Harel: Évidemment, l'annulation du recours à la Commission des affaires sociales est pour vous une perte, je crois. Vous considérez que ça devrait être maintenu, la possibilité d'aller devant la Commission des affaires sociales et que ce ne soit pas uniquement par le filtre des CRSSS.

Mme Tessier: C'est ça. Mme Harel: C'est ça.

Mme Jones: Est-ce que je peux peut-être parler de ça aussi? Je pense que dès qu'on élimine le recours à la Commission des affaires sociales, on tombe sur notre système juridique public. À ce moment-là, d'abord, il faut avoir eu un préjudice. En plus aussi, tout notre système juridique, faire la preuve, etc., est tellement élaboré et coûteux que, finalement, ça rend ce recours-là plus ou moins inexistant.

Mme Harel: D'accord. Je vous remercie beaucoup pour votre contribution à nos travaux.

Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme la députée. Je vais reconnaître maintenant M. le député de Sherbrooke.

M. Hamel: Merci, M. le Président. Vous comprendrez, mesdames, que si j'avais eu à parler le premier, j'aurais sensiblement dit les mêmes éloges que ma collègue, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, mais vous auriez dit: II est de Sherbrooke, elles sont de Sherbrooke, donc c'est plus ou moins véridique. Alors, vous comprendrez que venant de ma collègue, c'est d'autant plus fondé.

Vous venez tout juste de mentionner que vous déplorez l'abandon du recours à la Commission des affaires sociales. Mais dans votre mémoire, vous mentionnez aussi que vos gens ont une certaine insatisfaction face à ce recours. Auriez-vous d'autres solutions qui amélioreraient peut-être cette situation?

Mme Jones: Mais je pense qu'en fait, l'insatisfaction n'est pas surtout face au recours à la Commission des affaires sociales, c'est plutôt que la population non francophone ne se serve pas de ce recours-là.

M. Hamel: O. K.

Mme Jones: Par contre, une chose qui me vient, quand vous parlez du recours à la Commission des affaires sociales, dans la loi qui existe actuellement, ce recours-là n'est pas ouvert à la personne qui est lésée, le recours est seulement... C'est les CRSSS qui ont...

M. Hamel: C'est ça.

Mme Jones:... ce recours. Donc, encore, ça limite les droits des individus. Si j'avais une modification à faire, si on "réinstitue" le recours à la Commission des affaires sociales dans le projet de loi 120, je donnerais le droit à un citoyen de présenter sa cause lui-même.

M. Hamel: Très bien. J'aurais peut-être une autre question, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Allez-y, M. le député.

M. Hamel: Toujours concernant la carence des corporations professionnelles face aux plaintes des citoyens, en novembre 1990, notre collègue, le ministre Raymond Savoie, a annoncé un projet de loi visant justement à améliorer le traitement des plaintes. Je ne sais pas si vous savez qu'il a prévu un comité des plaintes qui comprendrait un représentant du public. Ce comité des plaintes serait obligé de motiver ses décisions. Comment voyez-vous cette réforme-là? Est-ce que ça vous satisfait ou si vous verriez peut-être à l'améliorer davantage et comment?

Mme Jones: J'ai pris connaissance de ce projet de réforme. Je pense que c'est sûrement une amélioration, mais je me demande dans quelle mesure quelqu'un du public va être capable de saisir la situation et d'apporter vraiment un aspect positif. Je vois ça plutôt comme peut-être un individu qui va faire peur ou qui va garder les professionnels à vue, donc eux autres vont être tentés ou devront tenter d'amener leur travail à la mesure précise, au fond. Mais jusqu'à quel point cette personne-là pourrait apporter vraiment une analyse ou un jugement, étant donné la complexité des problèmes? Les problèmes sur la qualité des services sont vraiment sur les actes comme tels et je pense que c'est essentiel que cette évaluation soit faite par des pairs qui comprennent les actes, qui peuvent enfin établir les normes standards de la profession.

Je dirais que cette personne du public serait plutôt un "watchdog". J'aimerais que le processus aille encore plus loin. Je pense qu'encore, on revient à un ombudsman de l'extérieur qui, avec les pouvoirs qu'il a, aura recours à l'expertise qui pourrait à ce moment-là juger si le processus a été fait dans un délai normal et aussi avec toutes les mesures possibles et disponibles.

M. Hamel: Moi, je vous remercie de votre participation toujours dynamique et positive à la vie du Québec. Je vais laisser la chance à mon collègue de Nelligan.

Le Président (M. Dauphin): Effectivement, merci, M. le députe de Sherbrooke. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Nelligan et adjoint parlementaire au ministre de la Santé et des Services sociaux...

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): ...responsable de l'application de la loi 142, depuis tout récemment.

M. Williams: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Au début, je voudrais juste faire remarquer que c'est certainement un sujet que j'ai commencé avant la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Je pense que nous allons certainement avoir différentes questions. Mais je pense qu'avec la perspective que la députée a eue avant-hier, elle a oublié une chose - que souvent elle a souligné - et je ne veux pas manquer la chance de féliciter l'Association des Town-shippers pour votre délégation. Vous êtes quatre femmes dynamiques. Souvent, nous avons des groupes qui sont représentés juste par des femmes avec ce... Je voudrais... Parce que ma collègue a oublié de souligner que c'est une bonne affaire.

Deuxièmement, un peu comme mon collègue, M. le député de Sherbrooke, l'a mentionné, les Townshippers prennent souvent leurs responsabilités et prennent l'engagement d'être des participants vivants dans la société québécoise. Vous n'avez jamais, je pense, manqué une opportunité de présenter votre perspective et je voudrais vous en féliciter.

Dernière remarque avant ma question. Peut-être qu'il serait bon de passer votre mémoire à l'Opposition et peut-être la députée de Hochela-ga-Maisonneuve ou son chef peut passer, ce mémoire et dire que les anglophones ne sont pas tous dans le West Island, ils sont partout au Québec.

Une voix: C'est vrai Russell. M. Williams: C'est vrai. Une voix:...

M. Williams: C'étaient mes remarques préliminaires. Vous avez et vous connaissez le dossier des affaires sociales. C'est très complexe. Chaque région est différente. Vous avez souligné les problèmes que vous avez eus maintenant. Vous avez fait quelques remarques sur le projet 120. Vous avez aussi privilégié l'agrandissement du mandat du Protecteur du citoyen. Je voudrais vous demander: Est-ce que ça prend une présence régionale dans votre territoire? Est-ce que ça prend un bureau? Aussi, avec la complexité et la diversité dans le secteur de la santé, quelle est votre opinion sur l'idée d'avoir peut-être un conseil d'administration avec tel type de Protecteur du citoyen, comme nous avons avec la Commission des droits de la personne et la commission des droits de l'enfant?

Mme Tessier: Je pense, M. Williams, que. avec la loi 120, il y a déjà un processus pour des plaintes La régie régionale va avoir une personne qui va traiter des plaintes, chaque institution a un cadre supérieur pour recevoir des plaintes et tout ça. Ça, c'est bon. Mais vraiment, je pense qu'on doit avoir quelqu'un ou quelque institution indépendante puissante, avec le prestige, avec le respect de tout le monde et, vraiment, on n'est pas intéressé à mettre en place d'autres bureaux, d'autres fonctionnaires Si on peut avoir quelqu'un qui est déjà là pour traiter ces problèmes ou ces plaintes, ça va être, je pense, notre idée, mais non pas d'avoir un élargissement des fonctionnaires dans chaque région.

Quelqu'un qui a le prestige, quand il parle, les personnes vont l'entendre parce qu'il a un certain prestige dans sa communauté ou dans le Québec à ce moment-là avec le Protecteur du citoyen.

M. Williams: Mais est-ce que ça va prendre... Si nous acceptons votre idée d'élargir le mandat, est-ce que ça va prendre un délégué du Protecteur du citoyen dans la région de l'Estrie9

Mme Tessier: Non

M. Williams: Ou est-ce que ça peut être à Québec ou à Montréal? (18 h 30)

Mme Tessier: Non. Je pense que l'Office comme tel, ça va marcher comme maintenant avec les ressources humaines dont il a besoin pour faire ces plaintes. Non. Je ne vois pas un bureau dans l'Estrie ou dans la Montérégie ou n'importe où dans les régions du Québec, parce que comme ça, on mettra encore des fonctionnaires en marche. Ça, ce n'est pas la chose qu'on veut. On veut seulement une classe, quand on a fait tout notre possible pour aller quelque part, à qui on peut dire: On n'a aucun fonds. On n'a pas les ressources, mais il y a une plainte, ici, qui vraiment doit être reçue par quelqu'un. Je pense que c'est ça, le vrai mandat d'un Protecteur du citoyen.

M. Williams: Merci. Selon vous, qui contrôle le Protecteur du citoyen? Qui rend cette institution imputable au citoyen? Je comprends les problèmes qu'il y a dans le réseau de la santé.

Nous pourrons discuter de cela dans les semaines qui suivent, il y a une garantie de ça. Nous cherchons un meilleur système. Pourquoi croyez-vous que le Protecteur du citoyen peut corriger tous ces problèmes? Vous avez discuté des problèmes des minorités. Comment les minorités vont-elles toucher ce système?

Mme Tessier: Je pense et j'espère que le Protecteur du citoyen n'est pas vraiment attaché au gouvernement, que c'est un bureau ou une institution à part, indépendant. S'il est là, il n'y a personne qui le contrôle ou qui contrôle cette dimension-là, c'est seulement les ressources financières. C'est-à-dire que s'il a assez de ressources, il peut faire son possible et j'espère qu'il n'y a personne qui contrôle ce bureau-là. En anglais, quand on dit, "ombudsman", c'est la connnaissance qu'on a du Protecteur du citoyen.

M. Williams: Jusqu'à date, le Protecteur du citoyen, comme plusieurs autres établissements québécois, a mentionné dans son rapport annuel les problèmes de contact avec les minorités. Quelles garanties pouvez-vous mettre dans ce système si nous donnons le mandat au Protecteur du citoyen d'être le Protecteur du citoyen dans le réseau de santé? Quelles garanties pouvez-vous mettre dans ce système de dire: Les besoins des minorités vont être écoutés.

Mme Tessier: Pour ma part, je ne peux donner aucune garantie que c'est ça. Je pense que si on lui donne le mandat, si on élargit son mandat, alors c'est à son bureau, à Communication-Québec, à une partie du gouvernement de donner les moyens au bureau, à l'institution du Protecteur du citoyen de faire une diffusion de ses compétences et de mettre en marche la publicité. Quand les personnes d'expression anglaise, quand les communautés immigrantes vont savoir qu'il y a un bureau qui peut recevoir leurs plaintes et qui peut engager le gouvernement de leur part, je suis certaine qu'on va l'utiliser. Mais des garanties, je ne peux rien dire.

M. Williams: Vous êtes certainement un leader dans votre communauté. Quel est votre rôle dans la protection du citoyen? Quel rôle joue un groupe comme le vôtre? Je crois qu'il y a beaucoup de prévention. Que pensez-vous de l'avenir du rôle du Protecteur du citoyen? Quel rôle pensez-vous que l'Association des Town-shippers peut jouer?

Mme Tessier: Je pense que les Townshippers et les autres organismes des communautés vont continuer comme maintenant et comme dans le passé. On est ici, on veut être ici et on espère être ici dans l'avenir. Mais vous savez que notre communauté vieillit rapidement, que nos jeunes ne reviennent pas au Québec quand ils vont en

Ontario pour aller à l'université ou au Vermont pour faire des choses. C'est pour ça qu'on veut vraiment élargir le mandat. Tant qu'on sera ici, on va faire notre possible, mais quand j'aurai 75 ans ou 80 ans, même s'il n'y a personne de ma communauté pour faire des choses pour moi, j'espère qu'il y aura une institution du gouvernement qui va le faire.

M. Williams: Merci beaucoup pour vos commentaires et vos remarques franches. Et, s'il vous plaît, ne lâchez pas.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député de Nelligan. Nous allons terminer avec le député d'Anjou.

M. Larouche: Alors, en parlant de remarques franches, je pourrais parler à Mme Verity. Où est-elle?

Mme Verity (Barbara): Verity?

M. Larouche: Bon. Une question, Mme Verity. Combien y a-t-il de membres dans l'Association des Townshippers?

Une voix: 10 000.

M. Larouche: 10 000. Je n'étais pas là tantôt. Ils l'avaient dit.

Des voix: 10 000. M. Larouche:10 000.

Mme Tessier: Oui.

Une voix: À peu près.

M. Larouche: II y a combien d'hommes, combien de femmes.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Verity: On n'a pas compté. Moitié, moitié.

M. Larouche: C'est moitié, moitié. Très bien. Au niveau de ce que vous dites ici, vous parlez de "l'autorité suprême sur eux", c'est dans votre mémoire à la page 4. "Dans le cas où un organisme ou un établissement possède déjà un service d'ombudsman, le Protecteur du citoyen devrait détenir l'autorité suprême sur eux afin de s'assurer que ces ombudsmans fournissent des services adéquats." Qu'est-ce que vous entendez par "autorité suprême."?

Mme Verity: C'est à la page 4?

M. Larouche: Oui, à la page 4. Qu'est-ce que vous entendez par "autorité suprême"? Est-ce

que ça signifierait que chaque ombudsman relèverait du Protecteur du citoyen? Ou que celui-ci pourrait intervenir en quelque sorte en appel? Pourquoi? Voulez-vous spécifier peut-être?

Mme Verity:...

M. Larouche: No. I would like... Do you understand me?

Mme Verity: I am not sure where you are.

M. Larouche: On page 4. Supreme authority to the ombudsman.

Mme Verity: O. K. Je pense que c'est dans le sens que, lui, il est indépendant.

M. Larouche: O. K.

Mme Verity: II a l'autorité suprême, dans le sens qu'il est indépendant des partis politiques, etc. Oui.

M. Larouche: Do you have any contact with the Bishop's University in the township?

Mme Verity: Through the association? M. Larouche: Yes.

Mme Verity: Some of the people, some of the professors are resources in research and..

M. Larouche: And what are your main preoccupations with the Association of Town-shippers? Your preoccupations and your Vos préoccupations?

Mme Verity: Moi, je travaille là. Je suis la directrice générale adjointe et puis je travaille en communication et en patrimoine.

M. Larouche: Et quelles sont, au niveau des Townshippers, les principales assises du patrimoine des Townshippers, parce que j'ai demeuré moi dans les Cantons-de-l'Est déjà, pendant six ans?

Mme Verity: Ah oui?

M. Larouche: The main assets for the Townshippers' patrimoine. Patrimoine?

Mme Verity: Heritage.

M. Larouche: Heritage, for my education.

Mme Verity: Ha, ha, ha! C'est la toponymie de la région, l'architecture, l'artisanat, l'histoire - on a une histoire de deux siècles - et puis la littérature. On a beaucoup de gens qui sont des auteurs, des poètes, des artisans, qui habitent dans la région. On sait que Northrop Frye...

M. Larouche: Northrop Frye.

Mme Verity:... est natif de Sherbrooke.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup.

M. Larouche: O. K

Le Président (M. Dauphin): Ça va, M. le député?

M. Larouche: Oui.

Le Président (M. Dauphin): Alors, en terminant, au nom de tous les membres de la commission des institutions, nous aimerions remercier l'Association des Townshippers, Mme Tessier, Mme Jones, Mme Mastine, Mme Verity, pour leur excellent témoignage et les remercier doublement. Alors, à la prochaine, et bon retour.

Mme Tessier: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Alors, la commission des institutions ajourne ses travaux à mercredi matin, le 30 janvier 1991, à 9 h 30, ici même. Merci beaucoup et bonne soirée.

(Fin de la séance à 18 h 40)

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