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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le jeudi 7 novembre 1991 - Vol. 31 N° 61

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la protection de la vie privée eu égard aux renseignements personnels détenus dans le secteur privé


Journal des débats

sur les attentes des clients.

Tout d'abord, nous sommes d'avis qu'une réglementation gouvernementale n'améliorerait pas, ou que très peu, le degré de protection des renseignements personnels au sein des entreprises du secteur privé, qu'elles soient réglementées par le provincial ou le fédéral. Nous croyons que, de façon générale, ces entreprises assurent déjà une excellente protection des renseignements personnels. Cette opinion est, d'ailleurs, partagée par la Régie des télécommunications dans son avis au ministère des Communications publié en mai 1991, ainsi que par plusieurs associations dont, notamment, le Conseil du patronat du Québec. De leur côté, les banques sont particulièrement conscientes de leur devoir et traitent avec une extrême prudence les renseignements qu'elles possèdent sur leurs clients. D'ailleurs, aucune lacune grave n'a encore été portée à notre attention par notre clientèle. Il nous apparaît tout à fait normal que les entreprises privées accordent une attention particulière à la protection des renseignements personnels, car le marché impose ses propres mesures disciplinaires à celles qui ne le font pas.

Nous sommes d'avis que la discipline imposée par le marché a en dernière analyse beaucoup plus d'influence sur le comportement des entreprises que les sanctions gouvernementales. En effet, si une entreprise n'adopte pas des méthodes sûres de traitement de l'information, elle risque tout simplement de perdre sa clientèle. Cette simple crainte favorise certainement davantage l'adoption de méthodes efficaces de traitement de l'information que la possibilité de sanctions gouvernementales.

Ce que nous reprochons au rapport du comité interministériel, c'est de prendre pour acquis, au départ, qu'une législation générale s'impose pour tout le secteur privé sans aucune distinction. Tout d'abord, cette hypothèse ne semble aucunement appuyée sur les faits puisque, dans le secteur bancaire comme dans celui des télécommunications, le taux de plaintes de la clientèle en matière de protection de la vie privée est très faible. Par ailleurs, elle ne tient pas compte de la distinction qui devrait être faite entre les diverses catégories d'entreprises, ainsi qu'entre les divers secteurs d'activités où la confidentialité dort être protégée.

Notre deuxième préoccupation concerne les coûts de mise en place du système de contrôle proposé dans le secteur privé. Toute proposition gouvernementale visant à instaurer et à maintenir un cadre réglementaire rigide de surveillance des méthodes de traitement de l'information des entreprises, qu'elles soient réglementées par le fédéral ou le provincial, risque d'entraîner des coûts considérables de personnel et de matériel tant pour les entreprises que pour le gouvernement.

Si le gouvernement veut superviser et contrôler les méthodes de traitement de l'infor- mation utilisées par l'ensemble des entreprises, il devra mettre sur pied un organisme d'une ampleur considérable dont le fonctionnement risque d'être extrêmement lourd, inefficace et coûteux pour l'ensemble de la population. Par ailleurs, les entreprises réglementées devront, selon toute vraisemblance, assumer elles aussi des coûts importants pour se conformer à cette réglementation et s'adapter à des exigences qui ne correspondront pas nécessairement à leurs méthodes de fonctionnement. En bout de ligne, ce sont les consommateurs qu'on cherche a protéger qui devront assumer ces coûts. De plus, un tel système, à cause de sa lourdeur, risque d'entraîner des retards considérables dans le traitement des dossiers des clients. Inutile d'ajouter que ceux-ci seront sans doute les premiers à se plaindre de ces retards.

Notre troisième motif d'opposition à une législation concerne l'aspect technologique. La réglementation gouvernementale risque, en effet, d'entraver la mise au point de nouvelles technologies et de méthodes de traitement de l'information. Si une telle réglementation était imposée aux entreprises, elle comporterait inévitablement l'établissement de règles rigides et d'Interdictions s'appliquant aux méthodes de traitement de l'information. Cet encadrement réglementaire risquerait de freiner les innovations dans ce domaine. Par conséquent, la réglementation gouvernementale aurait des répercussions économiques qui se manifesteraient sous la forme d'un obstacle au perfectionnement technologique et d'une baisse de la compétitivité des entreprises.

Une quatrième raison de notre opposition aux recommandations du comité interministériel découle de l'existence d'une jurisprudence claire dans le secteur bancaire, telle que démontrée dans les commentaires contenus dans notre mémoire sur l'affaire Tournier, laquelle remonte à 1924. La responsabilité des banques à l'égard de la protection des renseignements personnels des clients a été clairement circonscrite par la jurisprudence. La responsabilité des banques en matière de confidentialité établie au terme de la "common law" est très stricte et n'admet que les quatre exceptions mentionnées dans notre mémoire, lequelles ont d'ailleurs reçu une interprétation restrictive.

Les tribunaux accordent une grande importance au devoir de confidentialité des banques et c'est une des principales raisons justifiant le fait que celles-ci traitent depuis déjà longtemps avec une extrême prudence les renseignements qu'elles possèdent sur leurs clients. Compte tenu d'une jurisprudence claire, nous sommes donc d'avis qu'il serait tout à fait superflu de légiférer en matière de protection des renseignements personnels dans le secteur bancaire puisque les tribunaux ont défini depuis longtemps la nature de la responsabilité des banques dans ce domaine.

Comme nous l'avons exposé dans notre

mémoire, l'autoréglementation nous apparaît de loin préférable à une législation rigide en matière de protection des renseignements personnels. C'est, d'ailleurs, l'option qu'a choisie le gouvernement fédéral après avoir considéré, il y a quelques années, la possibilité de légiférer pour assujettir les entreprises sous sa juridiction à des règles plus strictes. C'est aussi la position que semble privilégier la Régie des télécommunications du Québec dans son avis récent au ministre des Communications. Enfin, plusieurs organismes, comme le Conseil du patronat du Québec, se rangent du côté de l'autoréglementation qui apparaît une méthode beaucoup plus simple, plus efficace, plus motivante pour les entreprises et moins coûteuse de protéger la vie privée des citoyens.

Comme nous avons tenté de le faire ressortir dans notre mémoire, nous croyons, par ailleurs, que les mesures législatives déjà mises en place par le gouvernement du Québec, ainsi que les nouvelles dispositions proposées dans le cadre de la réforme du Code civil du Québec sont amplement suffisantes pour assurer une protection adéquate des renseignements détenus par le secteur public et le secteur privé sur les citoyens.

Par ailleurs, en ce qui concerne le secteur financier, le rapport du comité interministériel ne tient pas compte du fait que la réforme des institutions financières a amené les gouvernements fédéral et québécois à se doter de nouveaux pouvoirs adaptés à chaque catégorie d'institutions financières relativement à la protection des renseignements personnels détenus sur les clients, ce qui rend tout à fait inutile l'introduction d'une loi à caractère général visant l'ensemble du secteur financier. Dans le secteur financier, une législation à caractère général risquerait, au contraire, de provoquer des dédoublements improductifs de réglementation et d'entraîner de graves problèmes d'harmonisation entre les diverses législations fédérales et provinciales, puisqu'elle entrerait inévitablement en conflit avec les nouvelles règles introduites dans le cadre de la réforme des institutions financières fédérales et québécoises.

Un autre des motifs de notre opposition aux recommandations du rapport du comité interministériel réside dans le fait qu'on y prétend que le cadre législatif proposé s'inspirerait des lignes directrices de l'OCDE, alors que les diverses recommandations vont bien au-delà de ce que proposent les lignes directrices. La plupart des recommandations du rapport témoignent, en fait, d'une incapacité de concilier le respect de la vie privée et la libre circulation de l'information, un principe pourtant essentiel qui ressort très souvent des lignes directrices de l'OCDE. Selon nous, le rapport semble omettre le fait que ces lignes directrices, tout en affirmant clairement la nécessité de protéger la vie privée des citoyens, soulignent en même temps l'impor- tance de ne pas entraver de façon injustifiée la circulation des données personnelles. Nous estimons, pour notre part, que la mise en oeuvre des recommandations du rapport freinerait considérablement la libre circulation de l'information, l'application efficace de la technologie dans l'industrie et la compétitivité des entreprises sur le marché mondial. En élargissant exagérément la portée des lignes directrices de l'OCDE, la législation proposée risque donc de nuire aux entreprises et de les désavantager par rapport à leurs concurrents des autres provinces et des autres pays.

Enfin, en dernier lieu, il nous apparaîtrait très difficile de ne pas souligner au passage notre position à l'égard de l'aspect constitutionnel de ce dossier. Il est de notoriété publique que la Loi constitutionnelle de 1867 donne au Parlement du Canada juridiction exclusive sur les banques. C'est pourquoi notre association estime que toute tentative d'un gouvernement provincial de légiférer en matière de protection des renseignements personnels risquerait fort d'être jugée insconstitutionnelle à l'égard des banques. Par ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir que le gouvernement fédéral occupe déjà ce champ à l'égard du secteur public. Quant au secteur financier, les divers projets de loi déposés récemment dans le cadre de la réforme des institutions financières à charte fédérale contiennent tous une disposition qui permettra au gouvernement fédéral de réglementer, s'il l'estime nécessaire, l'utilisation de renseignements obtenus sur les clients, ce qui démontre bien l'intention du gouvernement d'occuper pleinement ce champ à l'égard des institutions financières sous sa juridiction. En conséquence, nous croyons que, si le gouvernement du Québec décide d'aller de l'avant avec son projet de législation, cette législation ne pourrait s'appliquer au secteur bancaire.

Nous aimerions maintenant élaborer davantage sur les mesures prises par l'industrie bancaire en matière d'autoréglementation. Tel que mentionné dans notre mémoire, en vue de renforcer l'obligation de confidentialité imposée aux banques par la jurisprudence et d'appuyer l'engagement du gouvernement fédéral de rehausser les standards de protection de la vie privée, l'industrie bancaire a adopté un modèle de code de confidentialité qui reprend les principes énoncés dans les lignes directrices de l'OCDE en matière de protection de la vie privée et de transmission outre-frontières de renseignements personnels.

Notre code actuel est le fruit d'un long travail et a été élaboré en étroite collaboration avec les autorités gouvernementales fédérales dont, notamment, le ministère de la Justice et la Commission canadienne des droits de la personne, ainsi qu'en consultation avec plusieurs associations de consommateurs. Notre modèle de code reprend tous les grands principes des lignes

directrices de l'OCDE. Il porte, notamment, sur l'obtention des renseignements, la teneur de l'information, les objectifs visés par la cueillette de l'information, l'usage des renseignements, la sécurité, les prérogatives des clients, le traitement des plaintes, la responsabilité de la confidentialité, etc. Les banques à charte se sont toutes engagées soit à incorporer, avant le 31 décembre 1991, dans leur procédure interne, le modèle de code de confidentialité pour les particuliers adopté collectivement, soit à mettre en place leur propre code dans le même délai, à partir du modèle développé par l'ensemble des banques. Notre modèle de code constitue donc un minimum acceptable, mais rien n'empêcherait, par exemple, une banque d'adopter un code plus détaillé.

Il est à noter, par ailleurs, que les banques possèdent déjà depuis longtemps des procédures internes détaillées relativement au traitement d'informations concernant les clients. Compte tenu du fait que les banques dépendent entièrement de la confiance que leur accorde la clientèle, chaque employé est, par ailleurs, expressément requis, lors de son embauche, de s'engager à respecter la plus stricte confidentialité en ce qui concerne l'information sur le crédit, les comptes et les affaires des clients de la banque. Notre modèle de code ne fait en réalité que rehausser encore davantage les standards de protection déjà contenus depuis plusieurs années dans des procédures internes de chacune des banques.

Enfin, nous désirons attirer votre attention sur le fait que toutes les banques ont également déjà mis en place des mesures de sécurité en vue de protéger la vie privée de leurs employés et d'assurer la confidentialité des renseignements tes concernant. Malgré toutes ces mesures prises individuellement par les banques à charte, notre association, soucieuse de son engagement à respecter pleinement les lignes directrices de l'OCDE, entreprendra sous peu l'élaboration de deux autres modèles de code: l'un applicable au personnel des banques et l'autre applicable aux entreprises clientes.

En conclusion, notre association croit qu'il n'est pas nécessaire pour l'instant de réglementer le secteur privé par le biais d'une législation. Comme plusieurs autres associations, nous préférerions de loin assister au développement de mesures d'autoréglementation au sein des industries du secteur privé. Par l'adoption d'un modèle de code, les banques canadiennes ont récemment accompli d'importants progrès vers l'autoréglementation, qui tiennent compte de la préoccupation du public en matière de respect de la confidentialité, surtout en cette époque d'automation rapide des services financiers. Nous sommes donc d'avis qu'au lieu de s'orienter vers une législation globlale le gouvernement devrait plutôt commencer par inciter toutes les entreprises du secteur privé à adhérer aux lignes direc- trices de l'OCDE et à élaborer des codes de conduite pour s'autoréglementer. Selon nous, une législation dans ce domaine serait pour l'instant prématurée et ne devrait être envisagée que si I autoréglementation s'avérait un échec.

Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue sur cette importante question. Si vous le jugez à propos, nous serons heureux d'expliciter davantage notre code auprès de cette commission ou auprès du gouvernement du Québec.

Le Président (M. Camden): Alors, je cède maintenant la parole au ministre des Communications afin qu'il vous formule des questions quant à ses interrogations.

M. Cannon: Merci, M. Bisaillon et Me Ferron, d'être là et bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci aussi pour un document bien préparé. Au départ, je voudrais vous dire que je pense que ne fait pas de doute, dans mon esprit, l'intention très claire, déterminante également, des membres de votre association de mettre en application votre code d'éthique. Ça m'apparait évident non seulement pour vous, mais aussi pour la survie de votre institution. Je pense que, ça, c'est important. (10 heures)

Vous dites, M. Bisaillon, que vous privilégiez une approche auto-réglementaire, sans cadre judirique, à l'exemple du code d'éthique dont vous vous êtes doté depuis quelques années à la suite des représentations du gouvernement fédéral et, bien sûr, d'autres entreprises canadiennes. Vous dites aussi que vous êtes sur le point ou, enfin, que vous avez déjà acquiescé aux lignes directrices régissant la protection de la vie privée et les flux transfrontaliers de données à caractère personnel de l'OCDE.

La question que je me pose, et je l'ai posée à plusieurs autres intervenants qui supportaient un point de vue comme celui dont vous nous avez fait part ce matin: Dites-moi si vous croyez qu'une loi qui donnerait une base juridique aux principes serait appropriée? Et quand je dis une loi, dans mon esprit, c'est pour faire en sorte que nous puissions, par votre code d'éthique, peut-être, en grande partie, donner à la fois aux citoyens un recours et la possibilité de sanction. Est-ce que vous êtes favorable à un cadre juridique qui ferait ça?

M. Bisaillon: M. le ministre, tout d'abord, je vous remercie de vos commentaires à propos de notre mémoire. Nous, notre réponse à cette question: pour le moment, elle est prématurée, dans ce sens que nous sommes d'avis qu'il n'est pas nécessaire de passer par la législation actuellement pour légiférer ou contrôler la protection de la vie privée des individus. Nous sommes plutôt, comme on l'a mentionné dans le mémoire, d'avis qu'on doit procéder tout d'abord

par une incitation très forte, ferme, pour établir, dans le secteur privé, l'autoréglementation, selon les lignes directrices de l'OCDE.

M. Cannon: Hier soir, M. Bisaillon, on a eu l'opportunité d'écouter un mémoire présenté par M. Péladeau qui, aujourd'hui, est parmi nous. M. Péladeau, qui depuis au moins une vingtaine, sinon une trentaine d'années, se spécialise dans ce genre de choses là, nous a relaté un incident l'an passé, qu'il a largement documenté, concernant la gestion des fonds non compensés par les caisses, l'assurance Desjardins ou, enfin, la Fédération des caisses. C'est sûr, je le sais très bien, qu'ils ne font pas partie de votre association, mais il s'agissait là d'une institution bancaire qui traitait avec des citoyens et des citoyennes du Québec et où iI y a eu, effectivement, des troubles et des difficultés, de sorte que l'institution financière en question a été obligée, très rapidement, de se retirer de ce domaine-là.

Vous me dites qu'il n'y a aucune lacune qui porte atteinte à la clientèle chez vous. Mais, potentiellement, ça pourrait exister, compte tenu de l'expérience antérieure qui nous a été relatée hier soir. Je ne veux pas connaître votre commentaire là-dessus. Je veux simplement connaître votre commentaire sur les nouvelles technologies. Ce qu'on nous a dit hier soir, c'est: Bien sûr que l'objectif n'est pas d'empêcher une personne pleinement consentante de fournir des renseignements - encore faut-il examiner la qualité des renseignements qui sont fournis et la nécessité de ces renseignements-là - mais de s'assurer de l'objectif pour lequel ces renseignements-là sont fournis pour que, finalement, on ne s'en serve pas à d'autres fins.

Et on nous relatait hier soir qu'il existait une technologie selon laquelle l'individu, ou la personne en question, pourrait facilement se servir d'une carte pour autoriser ou non la transmission de données qui le concernent. À votre connaissance, est-ce que vous avez été témoin d'une telle technologie? Est-ce que vous savez si, oui ou non, elle existe, si elle est applicable, si ça pourrait s'implanter? Sinon, avez-vous des commentaires à formuler sur ce genre de technologie qui permettrait au citoyen d'être le maître d'oeuvre des renseignements qui le touchent et qui le concernent?

M. Bisaillon: Je ne suis pas au courant d'une technologie récente telle que décrite par vous, M. le ministre, laquelle, si je comprends bien, serait reliée au fait que le consommateur, le particulier, aurait un contrôle sur l'information le concernant et la seule façon de pouvoir la transmettre, ce serait avec l'autorisation au moyen d'une carte électronique, j'imagine. Je ne suis pas au courant de cette technologie et je serais bien curieux d'en prendre connaissance dans les détails.

Par contre, nous sommes toujours d'avis que l'autoréglementation, si vous permettez que je réfère à votre premier exemple, délimite la façon dont les informations sont obtenues, avec la permission de la personne en particulier, la façon dont l'information est utilisée, la façon dont l'information est "storée", la façon dont l'information est retransmise et la façon dont le client peut y avoir accès pour obtenir le détail du contenu de l'information détenue par l'entreprise privée, et aussi avoir recours en cas d'injustice ou de plainte sur ces informations et les faire corriger. On préconise l'autoréglementation, étant donné la complexité de tous les secteurs. Nous, on parle du secteur financier, mais, dans le secteur financier, vous avez les assurances, les fiducies, les banques, c'est immense. On pense qu'une législation, une loi augmenterait énormément les coûts et ne serait nécessairement pas efficace. Alors, l'autoréglementation, lorsque bien définie, seulement à suivre le minimum, les lignes directrices de l'OCDE, protège dans ce sens-là.

M. Cannon: C'est juste que...

M. Bisaillon: Si vous permettez, juste un dernier commentaire. En ce qui concerne l'Association des banquiers canadiens, les banques ont mis à l'interne, et disponibles à notre clientèle, des moyens de revendication, des moyens de représentation pour faire corriger ou pour obtenir ces informations-là. Maintenant, si ce n'était pas assez - et on réfère toujours à l'idée que le client est maître dans une institution de services - il a toujours recours au Surintendant des institutions financières. Et je vous jure que, si le client n'obtient pas satisfaction par l'entremise de la banque, le Surintendant des institutions financières a beaucoup de pouvoirs pour faire bouger ou protéger dans ces cas-là, dans la mesure du possible, les iniquités ou les plaintes de la clientèle.

M. Cannon: Peut-être une dernière vite avant de passer la parole à mon collègue. Vous avez indiqué, dans vos propos, que ce serait coûteux, que ça coûterait pas mal d'argent à l'Association, donc aux banquiers, aux entreprises, pour implanter les recommandations du comité interministériel. Est-ce que vous en avez fait une évaluation, de ce que ça pourrait représenter comme coûts?

M. Ferron (Daniel): Je pourrais répondre à ça. On n'a pas fait d'évaluation de ce que ça peut représenter comme coûts, c'est bien évident, parce qu'on ne sait pas d'abord ce que va être la législation. Mais ce qui est bien certain, c'est que, d'abord, l'organisme qui va être mis en place va coûter de l'argent aux contribuables parce que, d'abord, ça va être un organisme public. Je sais bien que la Commission existe déjà, mais il va falloir l'élargir pas mal pour

couvrir l'ensemble du secteur privé.

M. Cannon: Non. Je sais ça, Me Ferron. Je sais que ça va coûter de l'argent.

M. Ferron: Vous voulez dire: Pour nous autres?

M. Cannon: La question que je voulais savoir, c'est: Vous, est-ce que vous avez fait une évaluation, lorsque vous dites dans votre mémoire que ce serait très coûteux?

M. Ferron: Non, on n'a pas fait d'évaluation.

M. Cannon: Parce que, moi aussi, là, je comprends bien que, si on avance dans un secteur qui est vierge, il va falloir que nous mettions des balises, que nous nous dotions des moyens de nos objectifs. Alors, je me demandais si effectivement vous aviez une évaluation. Je ne veux pas prendre plus de temps parce que je sais que mon temps est limité là. Alors, je vais passer la parole à mon collègue, pour revenir tantôt avec d'autres questions. Je ne veux pas vous arrêter là, mais je comprends la nature de votre réponse.

Le Président (M. Camden): M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Bonjour. Je remercie les gens de l'Association des banquiers de venir ce matin nous donner leur point de vue. Le problème que je vois dans l'autoréglementation, c'est que vous dites, dans le fond: Nous allons faire la loi et puis nous allons l'appliquer. Ce que je veux dire par là, c'est que, si une personne prétend que votre code est insuffisant ou que vous ne le respectez pas, quel recours cette personne-là a-t-elle à l'égard du code que vous avez élaboré?

M. BisaHlon: Alors, si vous permettez, dans le code, notre version du code, je mentionnais tantôt que, si ce n'était pas respecté, si un client avait raison de croire qu'il était en situation d'iniquité et qu'il voulait obtenir justice ou qu'il voulait avoir recours, à l'intérieur des banques, par l'autoréglementation, tous les items sont couverts. Il y a la section des plaintes et des recours de la clientèle: chaque banque a un système interne de recours et ça peut aller jusqu'à la haute instance de la banque si la personne n'a pas satisfaction à sa demande.

Je dois vous dire que ça existe déjà du côté des plaintes dans les banques. Et, à mon sens, c'est très efficace. Maintenant, si la personne n'avait pas satisfaction à ce moment-là, elle a toujours recours au Surintendant des institutions financières, si on parle des banques.

M. Bourdon: Maintenant, je me pose la question: Est-ce que, dans le fond - et je pense que vous le faites sûrement avec la meilleure foi du monde là, donc je ne vous prête pas d'intentions - quand la personne se plaint à la banque, la banque devient juge et partie dans la question?

Maintenant, est-ce que vous communiquez aux clients des banques les fiches de crédit que vous obtenez quand ils demandent un prêt, mettons?

M. Bisaillon: On ne communique pas la fiche, à moins que le client ne la demande. Et, le client peut toujours obtenir sa fiche de crédit des organismes qui fournissent ce genre d'informations là.

M. Bourdon: Oui..

M. Bisaillon: Mais, si vous le permettez, je voudrais revenir à votre première question. Il y a aussi la protection du consommateur qui existe, comme on le mentionnait, dans la loi 19 du fédéral, qui doit être adoptée, sur la révision de la Loi des banques, qui donne le pouvoir au gouvernement d'établir des règlements s'il était évident que les institutions financières, les banques, parce que ça existe aussi pour les compagnies de fiducie, ne respectaient pas la confidentialité des renseignements des clients et ne répondaient pas aux besoins de la clientèle.

Et ça, ça existe au niveau provincial aussi d'ailleurs vous le savez, dans le Code civil et dans les lois qui ont été passées sur les institutions financières sous juridiction du Québec.

M. Bourdon: D'accord. Maintenant, pour ce qui est du Code civil, il faudrait préciser qu'il n'y a pas de loi encore qui protège les citoyens. Il y a une intention, parce que la loi d'il y a trois ans n'a pas encore été promulguée.

Ce qui me frappe, c'est que vous n'avisez pas automatiquement le client des renseignements que vous détenez sur lui. Et j'ai tendance à croire que c'est pour ça qu'il n'y a pas tant de plaintes. Parce que, si les fiches de crédit que les banques obtiennent sont mal faites, la banque peut ne pas savoir qu'elles sont mal faites, puis le client, lui, ne le sait pas parce qu'on ne les lui donne pas. Ce que je veux vous dire, c'est qu'on a eu, devant nous ici, Équifax qui nous disait qu'en vertu de la Loi sur la protection du consommateur ils reçoivent 2500 demandes d'accès aux fiches de crédit par mois. Ça en fait 30 000 par année et ils ont des dossiers sur 4 000 000 de Québécoises et de Québécois. (10 h 15)

Et, à cet égard-là, je vous le demande, pensez-vous qu'il y aurait un problème grave pour les banquiers de renseigner le client sur ce qu'on sait de lui? Puis, vous ne pensez pas que le faire pourrait vous permettre d'avoir des données plus fiables parce qu'il y a beaucoup

d'organismes qui s'occupent de crédit et qui vendent des renseignements de crédit. Puis, là aussi, on peut penser que la meilleure foi du monde existe. Je parle juste du risque d'erreurs qui causeraient préjudice possiblement aux citoyens. Et, dans le fond, je vous pose la question: Est-ce que ça serait compliqué que le client sache que vous ce que vous savez sur lui?

M. Bisaillon: Je dois vous dire qu'en général ça ne présente aucune difficulté. Ces informations-là qu'on obtient, en général, c'est pour fins d'accorder un financement, un prêt ou une carte de crédit, ces choses-là. Automatiquement, naturellement, si vous donnez une approbation positive, c'est que le dossier du client est en bonne condition en général ou qu'il y a satisfaction de la part du prêteur. Si l'Information est négative ou s'il y a des informations dans son dossier qui démontrent qu'on ne devrait pas lui faire le prêt, la réponse négative est transmise au client et vous seriez surpris de savoir, peut-être pas surpris, que le client est en droit et, en général, demande pour quelle raison on lui refuse son crédit. À ce moment-là, on peut lui indiquer les raisons et, si la raison est son record personnel de crédit, on lui dit.

M. Bourdon: Maintenant, une autre chose. Dans votre mémoire aux pages 16 et 17, vous parlez de la Régie des télécommunications du Québec à l'égard de la protection de la vie privée. Et je vous dirai - ça s'adresse plus à la Régie qu'à vous, mais, comme vous le reprenez, j'en parle - que ça me semble un avis dénué de tout sens, cet avis de la Régie des télécommunications quand on s'arrête à regarder le problème de l'afficheur maintenant qui est disponible par les entreprises de téléphone. En fait, on ne peut plus avoir un numéro confidentiel puisque la personne qui nous appelle ou qu'on appelle voit s'afficher le numéro de téléphone où on se trouve et la Régie dit que tout est bien protégé. Je ne sais pas où elle a pris ses consultations, qui elle a vu, mais on nous a dit devant cette commission que, par exemple - quelques exemples - une clinique qui s'occupe de MTS appelle au domicile d'une personne, ne laisse pas de message parce que c'est confidentiel, ça fait partie de la vie privée, le secret professionnel, mais le récipiendaire de l'appel, par l'afficheur, obtient le numéro duquel on a appelé, puis après ça rappelle, puis se fait dire: Clinique de MTS. Idem pour l'avortement, idem pour une sidéenne ou un sidéen. Alors, d'où vient cette idée qu'il n'y a pas de problème de vie privée en matière de téléphonie et que, donc, ce serait l'exemple, puisque ce secteur-là est névralgique, qu'il n'y a besoin d'avoir une loi?

Et je vous dirai d'entrée de jeu qu'au niveau des banques la seule difficulté que je peux voir à l'égard de la protection de la vie privée, c'est la notion du consentement de la personne parce que, quand on demande un prêt, on autorise la banque à aller chercher des renseignements. Et on autorise également un marchand à aller chercher des renseignements à la banque et les banques communiquent des balances de compte quand elles sont autorisées par le client. Or, du côté du client, le problème qu'on y voit et que plusieurs mémoires ont souligné, c'est que ce consentement-là, il n'est pas libre parce qu'il est donné à cause du besoin d'emprunter, mettons, ou du besoin d'ouvrir chez un marchand un crédit ou même une entreprise de services, un magasin qui s'ouvre un compte auprès d'un fournisseur doit fournir des choses de crédit.

Ce que j'entends par là, c'est que j'ai même tendance à croire que, même s'il n'y a pas de recours gratuit, rapide et efficace à l'égard du code des banquiers, le problème est intimement lié parce que les banques font appel aux bureaux de crédit pour avoir des renseignements, de bonne foi, je ne dis pas là qu'il y a des complots quelque part. Mais que ça ait comme conséquence - je reviens à l'afficheur - que la Régie nous dit qu'il n'y a pas de problème de vie privée en téléphonie, je ne sais pas sur quelle planète se trouve la Régie, mais l'afficheur a aboli le secret, des conversations téléphoniques, mais de leur provenance. Et je sais qu'on va avoir Bell après et qu'on va en reparler, mais la raison la meilleure qui est donnée pour ça, c'est de dire que c'est pour protéger les femmes contres les appels obscènes. Sauf qu'un harceleur sexuel qui donne 0,75 $ par appel peut faire tous les appels obscènes qu'il veut sans être identifié. Alors, je vous demanderais, là-dessus: Est-ce que vous ne croyez pas qu'avec l'afficheur téléphonique, entre autres - et ce ne sont pas les banques qui en sont responsables, mais vous citez la Régie - il y a là quelque chose d'assez immédiatement grave?

M. Bisaillon: Écoutez, je vais laisser Me Ferron répondre à votre question, mais je vais juste faire un commentaire au tout début. Vous avez, à la prochaine présentation, des gens beaucoup plus qualifiés que nous pour répondre à des questions techniques. Alors, on va se limiter aux commentaires sur pourquoi nous référons à la Régie des télécommunications.

M. Ferron: Peut-être juste pour répondre à votre question, ça confirme exactement qu'on ne doit pas traiter chacun des secteurs dans une loi qui engloberait tout, parce que ça va être impossible. Dans le secteur financier, on a déjà des balises de posées. M. Bisaillon disait qu'au niveau fédéral il y a même un règlement qui nous pend sur la tête et, si on ne se conforme pas aux voeux du gouvernement fédéral, à ce moment-là, ça va être par règlement qu'ils vont le faire. Donc, ça confirme un peu qu'il ne faut pas vouloir tout mettre dans une même loi, ça va

être impossible. Le domaine des télécommunications, c'est un domaine complètement différent de celui des banques. Je pense que, de toute façon, on n'a pas à juger le rapport de la Régie. Nous, ce qui nous a frappé dans ce rapport-là, c'est essentiellement qu'ils se disaient en faveur de l'autoréglementation beaucoup plus que d'une législation englobant tout le secteur privé.

On ne dit pas, non plus, que ça ne prend aucune législation; c'est bien certain que ça prend des règles de base, comme celles qui vont s'en venir dans le Code civil, qui vont préciser beaucoup plus ce qu'on veut protéger. Et on n'est pas contre, non plus, le fart d'avoir éventuellement une instance qui serait une genre d'ombudsman pour régler ces questions-là. Mais, de là à vouloir faire une loi-cadre qui réglerait l'ensemble des problèmes du secteur privé, je pense que c'est quelque chose qui est tout à fait irréaliste.

M. Bourdon: Me Ferron, est-ce que vous seriez en principe d'accord, par exemple si le gouvernement se décidait à mettre en vigueur les articles 35 à 41 du Code civil, qu'on ajoute un recours à la Commission d'accès, par exemple - parce que les recours sont les recours habituels et ordinaires, dans la version actuelle de l'article 41 - de façon que la personne puisse avoir un moyen rapide, gratuit et efficace de faire valoir son recours? Donc, première question. Deuxième question: Seriez-vous d'accord avec une loi de portée générale, mais avec des tables de concertation avec chaque secteur pour adapter à chaque secteur ce qui peut le toucher?

M. Ferron: Écoutez, il y a le problème de juridiction qui entre en jeu, aussi, les problèmes constitutionnels. Pour nous, notre législateur, c'est avant tout le gouvernement fédérai et notre ombudsman, si on veut, c'est le Surintendant des institutions financières. Donc, pour nous, c'est ça d'abord et avant tout. Pour ce qui est d'une législation avec des tables sectorielles, ça, on est très réticents parce que, d'abord, on ne sait pas ce que ces tables-là feraient exactement. Est-ce que ce serait par voie de règlement qu'on viendrait préciser les règles ou par voie de code volontaire? Ce sont toutes des choses qui restent à préciser, que ne précise pas tellement le rapport du comité interministériel.

M. Bisaillon: Si vous me permettez, d'ailleurs, le même processus est possible par l'incitation à l'autoréglementation. En faisant ça, automatiquement, vous allez avoir des industries qui, si elles ne sont pas déjà à élaborer un code elles-mêmes, vont être obligées de le faire. Mais on pense qu'en les incitant à le faire on a beaucoup plus de chances, premièrement, d'éviter les coûts, mais d'avoir un code adapté à chaque branche même d'une même industrie.

M. Bourdon: Le problème de juridiction que vous soulevez est très, très réel, là, il va peut-être se régler dans un cadre plus global. Mais, en attendant ce règlement - parce que ça a l'air qu'on va attendre au moins un an pour que ça se règle - est-ce que vous ne pensez pas que votre source principale d'information sur la clientèle, elle, elle est de juridiction provinciale, je parle des bureaux de crédit? Puis, est-ce que vous seriez d'accord, peut-être pas avec une législation, mais de communiquer aux clients les fiches de crédit que vous obtenez les concernant? Ceci aurait deux avantages: le client saurait ce que vous savez, puis si le client qui se connaît mieux que quiconque trouve des erreurs, est-ce que l'information financière qui circule à son sujet ne serait pas meilleure? Puis, je suis d'accord avec vous, là, que, si vous accordez le prêt, mettons, c'est qu'en général la fiche de crédit est plutôt correcte, mais, s'H y a une erreur dessus, est-ce que ça ne serait pas l'intérêt de l'ensemble des intervenants que ce soit corrigé? Parce que la personne, elle, a l'avantage qu'une information fausse à son sujet, par exemple...

Et on sait que ça arrive, là, parce que tenir des fichiers sur 4 000 000 de personnes, de consommateurs et de consommatrices, ce n'est pas simple. Donc, l'information serait plus exacte et l'information que vous recevez avant de prêter, parce que c'est légitime de savoir la capacité de payer et les références de crédit dans le fond de la personne, est-ce que ça ne serait pas meilleur? Puis, je vais vous dire pourquoi je le propose, c'est qu'il m'apparaft que, par ce moyen-là, un, le citoyen aurait l'information et il pourrait la faire corriger s'il y a quelque chose et deux, on n'aurait pas besoin d'avoir une bureaucratie nombreuse pour le faire; c'est les intervenants qui diraient... La banque, dans le fond, dirait: Ce que je sais, je n'ai pas d'objection à ce que vous, le client, le sachiez, parce que, s'il y a une erreur, autant la corriger.

M. Bisaillon: Vous avez entièrement raison: pour fins de protection de l'information privée, l'Individu - que ce soit vous ou moi, on est impliqués, on est assujettis à cette même situation-là - devrait avoir accès à l'information sur son dossier. Maintenant, en ce qui concerne les banques - moi, je peux parler seulement pour le domaine bancaire, pour le moment - le client, lorsque nous lui faisons remplir une "application" pour un prêt ou une carte de crédit ou autre, nous donne son consentement d'aller chercher des informations; il est bien au courant que nous allons, la plupart du temps, aller chercher un rapport sur son crédit. Alors, s'il veut obtenir cette information-là, je crois, à moins d'erreur, qu'il peut actuellement avoir accès à l'information. Les entreprises, les institutions qui fournissent ces informations-là sont assujetties à des

règles actuellement et le consommateur peut demander, sans que les banques soient obligées de le faire elles-mêmes... On donne la source de cette information-là et le consommateur peut aller à l'institution en question pour en obtenir copie, il peut même faire corriger son dossier. J'avais tout dernièrement un incident, chez nous, où un client avait des commentaires à faire sur son dossier et il m'a envoyé une copie de son fax de 26 pages, qu'il envoyait au bureau de crédit en question pour mettre son dossier à date. Et je crois que ça existe actuellement.

M. Bourdon: Maintenant, vous savez que la loi actuelle de protection du consommateur permet au consommateur de mettre sa version dans le rapport, dans la fiche de crédit, mais pas de la faire corriger. Mais vous ne trouvez pas que ce serait naturel, peu coûteux, rapide et efficace que la banque me donne le document me concernant qu'elle a entre ses mains, pour que je puisse le faire corriger? Parce que la loi actuelle oblige le consommateur à faire une démarche, puis, il y en a 2500 par mois dans le cas d'Équi-fax qui est la plus grande entreprise, il y en a 30 000 par année qui la font. Est-ce que le consommateur ne pourrait pas avoir droit à sa fiche de crédit autant que la banque lui adresse copie du contrat ou d'autres renseignements, hein?

Je n'essaie pas, moi - je veux être clair -d'inventer des régies compliquées. Et je peux penser que, dans 98 % des cas, la fiche de crédit serait exacte et le client serait rassuré que c'est la bonne information que vous avez à son sujet. Puis, les erreurs qui seraient corrigées, j'insiste là-dessus, ce serait autant dans l'intérêt des institutions financières que des consommateurs finalement, parce qu'on se garantirait que c'est la bonne information qu'on obtient.

M. Ferron: Pour préciser la question qu'on mentionnait tantôt, notre code de confidentialité précise à l'article 8: "Les clients sont en droit d'exiger que la banque confirme les renseignements qu'elle possède sur leur compte. " Après ça, on dit quelle est la procédure à suivre. Alors, quand on parlait aussi de coûts, votre question, c'en est un coût important; s'il faut automatiquement envoyer à tous les clients tous les renseignements qu'on possède sur eux, ça va coûter une petite fortune en papier et en coût d'envoi. Imaginez le nombre d'emprunteurs qu'il y a dans toutes les banques. Ça coûterait assez cher de le faire automatiquement. Nous, on veut éviter ces coûts-là, justement.

M. Bourdon: Mais, je finis là-dessus, M. le Président, si c'était à l'occasion du prêt, ça coûterait moins cher de faire une photocopie et de dépenser 0, 40 $ pour la mettre à la poste que de donner 15 $, 20 $ ou 25 $ à la firme qui a corrigé les renseignements. Je ne veux pas dire qu"il faut que ce soit automatique, mais ça vous coûte quand même quelque chose d'avoir la fiche de crédit. Si on ajoutait 0, 50 $ aux coûts que vous assumez, je ne suis pas sûr que ce serait catastrophique.

Le Président (M. Camden): Merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Je cède maintenant la parole au ministre des Communications.

M. Cannon: Merci, M. le Président. Peut-être il serait utile à ce moment-ci de rétablir les faits un peu. M. Ferron, vous dites, à la page 17 du mémoire que vous avez préparé, et je cite: "Or, si on regarde les conclusions du rapport de la Régie, il apparaît évident qu'elles sont loin d'aller dans le même sens que les recommandations du rapport du comité interministériel sur la protection de la vie privée eu égard aux banques privées de données personnelles. " Et vous alimentez votre réflexion avec les conclusions qui sont portées à l'article 2. 1, 3. 1 et 3. 2. À cet égard, je voudrais simplement vous citer la conclusion, à l'article 3. 3, de l'avis de la Régie des télécommunications au ministre des Communications, qui a été donné au mois de mai dernier, concernant la protection de la vie privée dans les télécommunications. Il est dit à cet article 3. 3: "Un groupe d'étude conjoint, regroupant des représentants de l'industrie des télécommunications et de l'État, devrait recevoir mandat de considérer l'application des recommandations pertinentes du comité interministériel sur la protection de la vie privée eu égard aux banques privées de données personnelles, dont: l'adoption de normes générales et l'adhésion aux principes des lignes directrices de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) concernant les flux transfrontières de données à caractère personnel; l'adoption de règles favorisant plus précisément le droit à l'information, le droit de consentement et le droit de contestation de l'abonné en regard des renseignements le concernant et de leur divulgation. " Effectivement, c'est ce que nous faisons présentement. Alors, j'ai un petit différend avec vous sur votre affirmation. Je voulais simplement clarifier ça pour que nous puissions bien l'incorporer dans le procès-verbal.

Autre élément, mon collègue de Pointe-aux-Trembles a mentionné les lacunes au niveau du service de gestion des appels et a interpellé, par le fait même, l'avis ou enfin les gens de la Régie des télécommunications. Il faut dire que cet avis-là a été formulé à l'occasion d'audiences qui ont été tenues. Je dois dire, à la décharge de la Régie, qu'il n'y avait pas beaucoup de personnes qui sont venues témoigner devant la Régie, qu'au moment où le mandat a été donné, c'est-à-dire au début du mois d'octobre de l'an passé, c'était un service nouveau qui était en opération et qui commençait, de sorte que la Régie a été

saisie de cette chose-là et, si on regarde les recommandations ou enfin les conclusions, notamment la conclusion à l'article 1.2: "Des formes modifiées d'identification de l'abonné appelant ou de blocage de l'affichage du numéro de téléphone continueront d'être expérimentées, à savoir, entre autres..." Et, là, on énumère un certain nombre de choses. Et, à 1.4, on dit: "Les essais et expériences en cours concernant le service de gestion des appels doivent se poursuivre dans le but de mieux évaluer ses impacts, dont ceux concernant le droit à la vie privée des usagers."

De ce côté-là, je tiens à rassurer le député de Pointe-aux-Trembles: les membres de la commission sont vigilants là-dessus. C'est constamment en révision. Il y a des plaintes qui sont formulées, oui, qui n'étaient pas là auparavant. Il a raison de se préoccuper de cette chose-là comme, nous tous, nous nous préoccupons de ça. Mais je veux l'assurer que la Régie fait son travail et, à l'occasion de la révision d'une demande de Québec-Téléphone, certainement qu'on en tiendra compte. Par ailleurs, il sait comme moi que, devant la cour fédérale, il y a... Ça nous a été expliqué pendant nos délibérations que, durant cette période-là, devant le CRTC, il y a une plainte qui est portée devant la régie fédérale. Donc, de ce côté-là, il ne faut pas donner l'impression que les autorités en place ne se soucient pas de cette chose-là. Au contraire, c'est une préoccupation importante.

C'est à peu près tout ce que j'avais à mentionner sur ces choses-là. Le temps pressant, il me reste l'honneur de vous remercier d'avoir bien voulu participer à notre comité et, sans doute, les propos que vous avez échangés avec nous serviront à nous guider dans la constitution de notre législation. Merci.

M. Bisaillon: Ce fut un plaisir.

Le Président (M. Camden): M. Bisaillon et Ferron, je vous remercie de votre présentation au nom de l'Association des banquiers canadiens et, afin de permettre au groupe de prendre place, soit celui de Bell Canada, je vais suspendre la commission pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 37)

(Reprise à 10 h 41)

Le Président (M. Camden): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des institutions reprend ses auditions. Nous allons entendre les représentants de Bell Canada, en l'occurrence, M. Claude Beauregard, vice-président adjoint aux affaires publiques, et Mme Sylvie Bastien, chef divisionnaire» adjointe, pmsso et information, service des affaires publiques. C'est bien ça, madame?

Mme Bastien (Sylvie): Bonjour, M. le Président.

Le Président (M. Camden): Bonjour. Je vous rappelle brièvement que vous avez 20 minutes pour présenter votre exposé et que 40 minutes seront consacrées à l'aile ministérielle et â l'aile de l'Opposition pour formuler des questions. Vous pouvez débuter votre présentation.

Bell Canada

M. Beauregard (Claude): M. le Président, M le ministre, mesdames et messieurs de la commission, notre comparution ici ce matin se veut une contribution d'un bon citoyen corporatif, comme on dit, dont, incidemment l'exploitation est probablement sujette à l'examen public le plus exhaustif qu'on puisse imaginer au Canada et au Québec.

Notre lecture du mandat de la commission est à l'effet qu'il s'agit de la protection de renseignements personnels détenus par la compagnie sur ses employés et sur ses clients. À ce titre, nous n'avons pas traité directement dans notre mémoire qui vous a été déposé de la question des services de gestion des appels dont on a constaté, par ailleurs, qu'elle a été soulevée devant votre commission à quelques reprises et même ce matin.

Ceci dit, on n'utilisera vraisemblablement pas les 20 minutes d'exposé puisque, vous lavez constaté, notre mémoire est très court. Je vais, d'ailleurs, vous en faire une lecture abrégée également, de telle sorte qu'il restera certaine ment amplement de temps pour les échanges.

Dans notre mémoire, nous disions donc que la Société Bell Canada est consciente de l'importance qu'elle doit accorder au respect de la vie privée de ses employés et de ses abonnés. À la fin des années quatre-vingt, l'organisme de réglementation de Bell Canada, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC, a révisé les Modalités de service qui énoncent les droits et obligations de Bell Canada et de ses abonnés. Ce document est en annexe à notre mémoire.

Plus particulièrement, l'article 11 stipule qu'à moins qu'un abonné n'accorde son consentement par écrit ou que la divulgation de renseignements concernant l'abonné ne soit exigée en vertu de la loi, tous les renseignements que Bell Canada détient au sujet d'un abonné ou d'une abonnée, à l'exception du nom, de l'adresse et du numéro de téléphone de l'abonné inscrits à l'annuaire, sont confidentiels. Le même article confirme aussi le droit qu'a l'abonné de vérifier tout renseignement que Bell détient au sujet de son service.

Les employés de la société disposent également d'un code d'éthique, déposé comme annexe 2, qui énonce les principes essentiels d'intégrité que chacun doit respecter. Au premier

rang parmi ces principes se trouve le respect de la vie privée. Le code d'éthique de Bell Canada précise qu'il est du devoir de tout employé de respecter la vie privée de l'employé et de l'abonné et de tenir pour strictement confidentielle toute information personnelle ou professionnelle, verbale ou écrite les concernant. De plus, les règlements internes de la compagnie stipulent que chaque employé doit, dès son entrée en fonction et à intervalles réguliers - effectivement, il s'agit d'un intervalle de deux ans - par la suite, se familiariser avec le code d'éthique et, effectivement, il signe une formule à cet effet.

Les documents déposés avec cette lettre et précédemment cités démontrent clairement la volonté de Bell Canada de s'engager dans cette voie, il y a déjà plusieurs années. À cet égard, le plus récent rapport annuel du Commissaire à la protection de la vie privée au Canada mentionnait ce qui suit en page 20: "Bell Canada mérite des éloges, elle aussi, car elle s'est donné un code de protection des renseignements personnels qui reconnaît des droits et assure une protection à ses employés, tout autant qu'à ses clients, et qu'elle ne limite pas leur accès aux seules données factuelles. Dans un monde où les télécommunications font l'objet d'une concurrence de plus en plus féroce, ce souci manifeste de protéger la vie privé des clients et des employés aura sûrement un effet d'entraînement. Le Commissaire presse les autres entreprises du secteur des télécommunications d'emboîter le pas à Bell". Fin de la citation.

Le gouvernement fédéral a légiféré au cours des dernières années pour mettre en place des mesures assurant la protection de la vie privée dans les organismes publics et parapublics au Canada. En ce qui concerne l'entreprise privée, le même gouvernement a indiqué sa préférence, à savoir qu'on encourage ces milieux a mettre en place volontairement les différents mécanismes susceptibles d'assurer de façon non équivoque cette protection de la vie privée de tout citoyen.

Pour sa part, Bell Canada souscrit d'emblée à cette volonté politique de favoriser l'autorégle-mentation et l'adoption de codes volontaires de protection des données personnelles dans le secteur privé. L'absence de cas d'abus sérieux amène plutôt l'entreprise à favoriser une sensibilisation générale des entreprises du secteur privé et une incitation à adopter elles-mêmes les politiques et pratiques administratives visant à protéger la vie privée.

Comme je le disais un peu plus tôt, M. le Président, on a également soulevé devant votre commission, encore ce matin même, la question du service de gestion des appels, notamment l'afficheur. Il s'agit d'une question importante et complexe sur laquelle il est imprudent de se faire une opinion hâtive sur la base de délibérations incomplètes. Votre commission pourrait, le cas échéant, se saisir de toute la documentation publique qui est déjà et sera disponible dans le cadre des instances tenues par le CRTC.

Nous aimerions, toutefois, vous faire part d'une observation générale à ce sujet et nous sommes, évidemment, disposés à échanger avec vous par la suite à ce sujet. L'observation est la suivante: on pose généralement que les SGA, services de gestion des appels et, notamment, l'afficheur opposent, d'une part, le droit à la vie privée de l'appelant au droit à la vie privée de l'appelé. Il est, en effet, évident qu'il peut y avoir opposition d'intérêts. Je vous signale le terme "intérêts" puisé à même une déclaration de Richard Firestone, directeur du FCC Common Carrier Bureau, qui emploie l'expression "two competing privacy interests". Donc, il s'agit d'opposition d'intérêts, mais il y aurait lieu de faire une distinction pertinente et importante entre ces deux intérêts et de bien voir qu'il s'agit plutôt de ce que certains qualifient de droit à l'anonymat au moment d'une intrusion dans le domicile ou la place d'affaires de l'appelé.

Dans la mesure où l'appelant entendrait non seulement ne pas divulguer son numéro de téléphone, mais bel et bien ne pas s'identifier, sans prétendre qu'il ne puisse y avoir de motif légitime de ne pas s'identifier, comment ne pas voir un rapport avec la lettre anonyme et, bien entendu, toutes les formes de harcèlement possibles par téléphone dès lors que l'appelé ne peut identifier l'appelant? Il y aurait, nous semble-t-il, intérêt à mieux délimiter ce dont il s'agit vraiment pour éviter de verser dans les visions orwelliennes.

Ainsi, la poursuite d'intérêts divergents en matière de divulgation d'un numéro de téléphone, parce que c'est ça dont il s'agit, qui, en soi, ne constitue pas une atteinte radicale à la vie privée est, strictement parlant - et je cite - "d'une part, le désir de l'appelé de savoir qui l'appelle avant de répondre ou après avoir répondu ou, encore, d'en connaître le numéro de téléphone et, d'autre part, le désir de l'appelant de ne pas s'identifier ou, du moins, de ne pas révéler son numéro de téléphone ou le numéro de téléphone d'où il loge son appel."

Ceci dit, nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions et échanger avec vous.

Le Président (M. Camden): Je cède la parole au ministre des Communications.

M. Cannon: Mme Bastien et M. Beauregard, merci de votre présence ce matin, merci d'avoir participé à notre séance de la commission parlementaire qui examine cette importante question. Vous avez fait part de la pratique de Bell Canada au niveau de la protection des renseignements privés et au niveau de la protection de la personne. Je suis enclin ce matin à vous poser des questions qui concernent d'abord

et avant tout le rapport du comité interministériel, intitulé "Vie privée: zone à accès restreint", et de vous demander, s'il était adopté comme tel, si Bell Canada aurait de la difficulté à l'appliquer dans son entreprise.

M. Beauregard: Je vous avoue ne pas avoir pris connaissance en profondeur de ce document-là, puisque nous sommes partis de la pratique courante de l'entreprise qui nous paraissait, et on nous le certifiait, satisfaire à tous égards les exigences des instances réglementaires auxquelles nous sommes déjà soumis.

Cela dit, et ça apparaît clairement dans notre "rapport", si le document dont vous parlez proposait autre chose que l'autoréglementation par secteur industriel et encore, le cas échéant, bien sûr, dans le cas des entreprises réglementées, sous la supervision des agences de réglementation, si, donc, le document dont vous faites état supposait une contradiction avec ça, sans doute qu'on aurait quelque difficulté à l'accepter et il faudrait y regarder de plus près.

M. Cannon: O.K. Vous nous avez donné un aperçu des principes qui étaient énoncés dans votre code de protection des renseignements; d'ailleurs, il s'en est largement étayé. Est-ce que vous prévoyez un droit de recours pour le client qui, lui, est lésé?

M. Beauregard: II y a un recours systématique jusqu'au niveau du CRTC, dont les abonnés et clients se prévalent occasionnellement pour formuler toutes sortes de plaintes ou considérations à l'endroit de nos services; fort heureusement, il y en a relativement peu, mais le recours est là.

M. Cannon: Et. dans le cas où on trouve que Bell Canada a eu un écart à l'endroit de sa conduite, qui avait été déposée devant le CRTC, quelle est la nature de la sanction qui pourrait être prise?

M. Beauregard: Si on le prenait d'une façon générale, c'est-à-dire les écarts par inadvertance, je l'espérerais, dans la pratique de Bell par rapport à nos règlements seraient sanctionnés fort sévèrement s'ils étaient le moindrement abusifs et généralisés parce que c'est une composante de la détermination du taux de rendement et des tarifs qui nous sont autorisés. Lorsqu'il y a défaut de fournir le service selon les modalités de service, il y a, à l'occasion, des remboursements aux clients, qui peuvent être effectués. Par ailleurs, pour ce qui est des questions de dommages ou des choses comme ça, au meilleur de ma connaissance il s'agirait toujours ultimement de recours devant les tribunaux civils, lorsqu'on estime qu'on a porté atteinte aux intérêts commerciaux ou autres des individus.

Donc, il y a sanction, de ce point de vue, d'une façon globale. Et, dans un cas spécifique, il y a aussi un dialogue, il y a des échanges avec le CRTC. Par exemple, récemment, face à une erreur commise par inadvertance dans nos services dans le cas de maisons d'hébergement dont on avait publié l'adresse dans le livre du téléphone, nous avons convenu d'une entente avec les maisons en question sur la base de bon citoyen corporatif, qui fait que Bell n'entendait pas qu'une erreur de sa part compromette les opérations d'une maison. Sur une base que j'appellerais d'affaires publiques ou de responsabilité de bon citoyen corporatif plutôt que sur une base réglementaire ou légale, nous avons convenu avec ces maisons-là d'une intervention appropriée.

M. Cannon: Vous nous citez cet exemple-là qui est dû sans doute, comme vous le dites, a une erreur cléricale. Pourriez-vous puiser aussi dans votre expérience d'autres circonstances ou malencontreusement il y a eu des erreurs de cette nature?

M. Beauregard: Non. Au meilleur de ma connaissance - et je suis chez Bell Canada depuis 12 ans il n'y a jamais eu de fuites de documents ou d'informations personnelles autres que ces trois incidents que je vous cite, qui sont relativement récents, et au sujet desquels on a pris des mesures jugées adéquates tant par les parties qui s'estimaient lésées que par le CRTC.

M. Cannon: Et la nature de l'entente consistait en quoi?

M. Beauregard: C'est simplement que, dans le cas d'une de ces maisons-là qui alléguait que, à cause de cette erreur-là, elle avait dû prendre des mesures radicales, effectivement, en l'occurrence, un déménagement, et que les coûts générés faisaient en sorte que ça mettait en péril ses opérations, on a convenu d'entrée de jeu que l'objectif qui devait être poursuivi en commun était non pas, entre guillemets, la réparation d'un préjudice quelconque en termes d'inquiétude causée ou de tout ce que vous voudrez, mais on s'est mis d'accord rapidement sur le fait que la solution qu'il s'agissait de trouver était d'assurer le maintien des opérations de ce service et de cette maison. C'est sur cette base-là qu'on s'est entendus et il y a eu une implication bénévole d'employés de Bell qui ont aidé aux aménagements; on a absorbé la facture d'installation d'équipement de surveillance additionnel, des choses de ce genre-là.

M. Cannon: Vous me dites que vous avez participé bénévolement à l'ajout d'équipement de surveillance. Pour la protection de la propriété ou si vous avez participé à défrayer le coût d'une localisation ailleurs?

M. Beauregard: On a convenu tout simplement de considérer leurs besoins financiers d'opération, globalement. On a reconnu qu'ils étaient dans une situation serrée et on leur a fait une contribution plus élevée que nous l'aurions fait autrement. Comme à bien d'autres oeuvres à caractère social, artistique ou autre - autrement dit, dans l'activité philanthropique et sociale de la compagnie, nous apportons notre support à un nombre considérable de bonnes oeuvres - en l'occurrence, nous avions déjà contribué à cette maison d'hébergement dans les années antérieures. Et ce qu'on a fait, considérant la situation financière délicate dans laquelle ils se trouvaient, compte tenu des dépenses additionnelles qu'ils estimaient avoir dû encourir, on les a aidés, tout simplement, plus abondamment qu'on ne l'aurait fait autrement.

M. Cannon: Les dépenses additionnelles que cette entreprise-là a dû encourir étaient de quelle nature?

M. Beauregard: Essentiellement, à cause d'un déménagement qu'ils ont cru devoir effectuer.

M. Cannon: Ah bon! Donc, ils ont été obligés de déménager pour assurer leur protection.

M. Beauregard: Ils ont estimé devoir être obligés de déménager...

M. Cannon: Enfin...

M. Beauregard: ...alors que deux autres maisons ne l'ont pas fait.

M. Cannon: On n'est pas devant un tribunal ici.

M. Beauregard: Non, non.

M. Cannon: On se parle librement.

M. Beauregard: Mais j'essaie d'être précis.

M. Cannon: Non, ça va. Je ne suis pas ici pour jeter le blâme sur qui que ce soit. On cherche simplement à connaître les faits comme parlementaires. Alors, l'entreprise en question a été obligée de déménager ou estimait qu'elle était obligée de déménager; vous avez reconnu cette chose-là et vous l'avez aidée à s'installer ailleurs. C'est juste?

M. Beauregard: Oui.

M. Cannon: Sur le service de gestion des appels, qu'est-ce qui vous empêche, demain matin, à Bell Canada, d'installer un système de blocage?

M. Beauregard: II y aurait des considérations techniques assez détaillées que Mme Bastien pourra peut-être vous élucider davantage, mais en principe, d'entrée de jeu, il y a certaines difficultés techniques en ce que certains équipements, certains commutateurs, ne sont pas en mesure, ni d'afficher d'ailleurs, ni de bloquer. Mais les commutateurs numériques de type DMS le sont, par ailleurs, et il est effectivement possible d'appliquer des solutions de blocage.

M. Cannon: Mon entendement, c'est que le type de commutateur DMS, dans quelques années, va être installé sur tout le territoire.

M. Beauregard: Effectivement, on peut penser que d'ici une dizaine d'années à peu près...

M. Cannon: Peut-être dans un laps plus rapproché, parce que, dans le dossier du 911, on me dit que ce sera plus rapide que ça.

M. Beauregard: Dans le dossier du 911, il y a un nombre x de commutateurs DMS en cause, et non pas à l'échelle du territoire.

M. Cannon: Oui.

M. Beauregard: Le service 911 s'applique à partir de centres de contrôle régionaux; donc, c'est un nombre déterminé de commutateurs DMS et ça ne suppose pas une diffusion totale des commutateurs DMS.

M. Cannon: O.K.

M. Beauregard: Donc, oui, il y a des solutions de blocage possibles. Je dois vous signaler que nous avons récemment répondu au CRTC sur quatre des cinq questions qu'il nous posait. Nous devions le faire pour le 4 novembre, ce qui a été fait. On n'a pas encore répondu à la cinquième question, le CRTC ayant autorisé ce délai; compte tenu que plusieurs autres compagnies de téléphone sont également impliquées à répondre aux mêmes questions, le CRTC a demandé des réponses pour le 12 novembre plutôt que le 4 novembre. (11 heures)

C'est dire, comme je vous le signalais dans mes remarques, la grande mouvance de ce dossier-là. Et, j'ai observé que votre collègue, M. Rémillard, à l'instar du CRTC lui-même d'ailleurs, a reconnu qu'il s'agissait là, bien sûr, d'une question d'intérêt public où il y avait lieu, sinon de concilier, du moins de déterminer un équilibre entre les intérêts - je préfère les appeler les intérêts qu'autre chose - de l'appelant et les intérêts de l'appelé, dont il faut bien remarquer, d'ailleurs, que c'est souvent la même personne. Autrement dit, l'appelant est occasionnellement un appelé et vice versa.

M. Cannon: Je ne sais pas comment vous conciliez, vous, du point de vue marketing là, qu'un individu paie à Bell Canada pour obtenir un numéro confidentiel et qu'il soit, par ailleurs, obligé de payer régulièrement, si évidemment il possède le téléphone en question, pour que, justement, son numéro ne soit pas affiché ailleurs.

M. Beauregard: Je pourrais demander à Mme Bastien d'aller un peu plus loin. Mais je dirais, d'entrée de jeu, que, un peu comme les gens qui nous ont précédés à la table ici, il y a beaucoup là-dedans une question de loi du marché.

M. Cannon: Oui.

M. Beauregard: Et, face à l'apparition d'un service qui peut limiter les avantages que vous retirez d'un autre, il vous appartient de prendre vos décisions en connaissance de cause. Ce que l'apparition des services de gestion des appels et de l'afficheur notamment a fait, il faut reconnaître que ça introduit un changement dans les habitudes des gens. Alors qu'historiquement les intérêts, si vous voulez - ou la balance des intérêts et des droits - ont toujours logé du côté de l'appelant qui, un peu à la manière de quelqu'un qui frapperait à votre porte avec une cagoule sur la tête, pouvait pénétrer dans votre domicile et votre place d'affaires sans s'identifier, aujourd'hui, ces nouveaux services instaurent un certain équilibre dans les droits ou les intérêts, si vous voulez, en ce que désormais l'appelé a la possibilité de voir, à visière levée si on peut ainsi parler, qui l'appelle.

M. Cannon: Je suis d'accord avec ça, M. Beauregard. La chose qui me frappe un peu, c'est que, devant le CRTC, vous dites: Voici un service que nous offrons à nos abonnés, c'est-à-dire un service de protection du numéro de téléphone par voie de confidentialité et qui coûte tel prix. M. X, qui est l'abonné, évidemment souscrit à ça. C'est tarifé, tout le monde connaît ça Sauf qu'on arrive avec un autre système qui oblige le monsieur en question, ou la madame, donc l'abonné, à défrayer un coût supplémentaire pour s'assurer que ce qui lui avait été vendu sous forme de marketing soit justement absolu en termes de service. Alors, c'est quoi le raisonnement, là, Comment on peut concilier tout ça?

M. Beauregard: J'ai ma petite idée là-dessus, mais ma collègue brûle de vous en faire part.

M. Cannon: Parfait, parfait.

Mme Bastien: Je répondrais là-dessus que les gens qui demandent à ce que leur inscription ne soit pas inscrite à l'annuaire ont toutes sortes de raisons pour le faire. Et notre engagement envers ces gens-là est le suivant: leur numéro n'est pas publié dans l'annuaire qui est distribué à l'ensemble des clients et il n'est pas, non plus, disponible à l'assistance-annuaire. Et la s'arrête notre engagement. Par ailleurs, certains sondages qu'on a menés auprès de nos clients qui ont des numéros non inscrits ou non publiés nous démontrent qu'ils ne sont pas gênés par le fait que leur numéro soit transmis lorsqu'ils appellent. Et ça, dans la plupart des cas, pour la bonne et simple raison que les clients qui ont un numéro non inscrit, comme pour l'ensemble des gens, téléphonent la plupart du temps à des gens qu'ils connaissent et qui connaissent déjà leur numéro de téléphone et probablement bien d'autres informations à leur sujet.

Maintenant, qu'un client ne souhaite pas que son numéro soit transmis chez la personne qu'il appelle, c'est tout à fait légitime qu'il le fasse. Il a ses raisons. On n'a pas à en juger Et, ce client peut le faire déjà en passant par la téléphoniste du "0", qu'il ait ou qu'il n'ait pas un numéro inscrit, on ne fait pas de différence. Alors, il n'y a pas que les gens qui ont un numéro que vous appelez confidentiel, et que nous appelons non inscrit, qui puissent se prévaloir de cette option-là, mais l'ensemble des clients, même ceux qui ont un numéro inscrit.

M. Cannon: Ça, j'ai compris ça, là. Dites-moi, à l'usage là, par la téléphoniste, ou l'opératrice, lorsqu'on compose "0" pour s'assurer que l'appel est bloqué, est-ce que vous avez beaucoup de revenus qui sont générés par cette chose-là, d'une part, et la fréquence de...

Mme Bastien: La fréquence, c'est moins de 1 appel sur 1 000 000 qui est bloqué. Alors, c'est vraiment très peu.

M. Beauregard: Si vous le permettez, M. le ministre, j'ajouterais que, en ce qui concerne le tarif du blocage à 0,75 $ par intervention du téléphoniste, ça correspond d'assez près aux frais de 0,60 $ qui sont chargés régulièrement à l'assistance-annuaire et qui ne sont pas, dans le moment, compensatoires, qui devraient être plus élevés pour faire vraiment leurs frais. J'ajouterai aussi, pour revenir à la problématique...

M. Cannon: On n'est pas au CRTC, ici.

M. Beauregard: J'ajouterai aussi qu'en ce qui concerne la problématique de base l'établissement des coûts des services, leur mise en marché, les tarifs et les prix auxquels ils sont mis sur le marché sont toujours sujets à réglementation. Donc, l'incidence de: Est-ce que le client en a pour son argent en souscrivant à tel ou tel service? Le prix est déterminé être juste et correct dans l'intérêt public.

Le Président (M. Camden): Alors, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: M. le Président, je salue Mme Bastien et M. Beauregard. Je vous avoue que je suis resté un peu abasourdi par le caractère incomplet de la problématique que vous décrivez. Vous dites: L'appelant et l'appelé ont tous deux droit à la vie privée. C'est ces deux droits-là qu'il s'agit de concilier. Vous avez oublié un tiers qui est Bell Canada et son droit de mettre en marché, pour faire des profits, des gadgets. Et, au plan de l'éthique, je trouve ça très particulier que le CRTC vous ait autorisé à adopter sans plus l'affichage parce qu'un client, de temps immémoriaux, pouvait, contre rémunération, obtenir la confidentialité de son numéro de téléphone. Et maintenant, avec l'afficheur, vous dites: Oui, ce n'est qu'un acompte. Si vous voulez continuer à avoir un numéro confidentiel, vous allez nous donner 0,75 $ par appel. Et je vous avouerai qu'au plan de l'éthique je trouve ça parfaitement immoral. Vous dites: Je vous demande de l'argent pour garder votre numéro confidentiel. J'en demande à un autre pour connaître votre numéro. Maintenant, si vous voulez toujours que votre numéro soit confidentiel, continuez de payer parce que, sinon, je le rends public.

Et j'ajoute une autre chose, si vous permettez. C'est que les gens, avec votre système d'afficheur, appellent une entreprise et veulent garder l'anonymat. Ça, c'est un intérêt légitime de l'appelant. Mais votre système permet que son numéro de téléphone soit automatiquement communiqué à une banque d'ordinateur et là qu'on le sollicite, qu'on fasse son profil, qu'on fasse un certain nombre de choses. Je vais vous dire ce qui m'estomaque: c'est qu'aux deux niveaux de gouvernement on vous laisse aller, puis on dise: On verra les problèmes que ça cause après. Là, il est question d'un droit.

Et j'ajoute une autre chose. C'est sûr que, quand vous parlez du droit de l'appelé à l'égard d'un harceleur, vous touchez une corde sensible. Mais, contre 0,75 $ par appel, vous permettez à un harceleur de harceler sans être identifié. Alors, votre objectif fort noble se réduit à une question de marketing. C'est que vous tarifez les appels de harcèlement. Et, moi, je vais vous le dire franchement, je n'en reviens pas que les deux niveaux de gouvernement aient fait en sorte que vous alliez à corps perdu dans des techniques de mise en marché qui vont à l'encontre d'un droit fondamental, celui que personne ne connaisse son numéro de téléphone. Puis, remarquez, ce n'est pas plus grave qu'il faut. Il suffirait que ça soit gratuit pour obtenir le blocage maintenant et ça existe dans d'autres pays. Pourquoi je devrais payer pour garantir mon droit à la vie privée?

Là, je vous donne d'autres exemples. Vous avez aidé à déménager des maisons d'hébergement dont vous aviez publié l'adresse par erreur. Vous l'avez fait de bonne foi, il n'y a pas de problème. Mais les maisons d'hébergement, on finit par savoir où elles sont et le conjoint agresseur qui reçoit un appel de son ex-conjointe qui, par l'afficheur, par hypothèse, obtient le numéro à moins que la maison d'hébergement vous paie pour garder le secret de l'origine de l'appel, le secret de son numéro, s'il sait où c'est, il peut aller tuer son ex-conjointe. Puis, je regrette, avant que le ministre le dise, je n'invente rien. Ça risque malheureusement d'arriver puisque Bell met sur le marché une technique qui vise essentiellement, qui porte, dans son essence, atteinte au droit a la confidentialité de son numéro de téléphone.

Et, dans votre lettre, vous dites: 'Tous les renseignements que Bell Canada détient au sujet d'un abonné, à l'exception du nom, de l'adresse et du numéro de téléphone de l'abonné inscrits à l'annuaire, sont confidentiels." A contrario, ça veut dire que les seuls renseignements que vous donnez, ce sont le nom, l'adresse et le numéro de téléphone de l'abonné, à moins qu'il paie pour le garder confidentiel. Mais, là, vous venez de dire: Si quelqu'un d'autre me paie pour l'avoir, je lui donne.

Et je vais vous dire: À cet égard-là, je vous pose la question: Comment faites-vous pour concilier ça avec le droit des personnes? Et le droit de l'appelant et le droit de l'appelé, il ne faut pas oublier que l'abonné est à la fois appelant et appelé, hein? Alors, vous dites le protéger quand il est appelé si le harceleur ne vous donne pas 0,75 $. Mais je vous donne un exemple, s'il appelle un hôpital - et ça se développe, dans le secteur privé, de fournir des choses - est-ce que les vendeurs itinérants de préarrangements funéraires vont se mettre à aller à la maison des personnes qui ont appelé à l'hôpital? Parce qu'il a appelé à l'hôpital, a priori, c'est quelqu'un qui est susceptible de mourir bientôt.

Je vais vous le dire, je suis proprement scandalisé de ce que vous avez comme approche de marketing, essentiellement, et que les deux gouvernements vous laissent faire en disant: On verra après. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Beauregard: Si vous me permettez, j'espère que je ne serai pas accusé de lèse-quelque chose en vous disant que, n'ayant pas eu le privilège de voir déposé devant moi votre mémoire, il est possible que j'aie de la difficulté à le reprendre point par point. Et je demanderai probablement l'aide de ma collègue, ici, parce qu'il y avait vraiment beaucoup de choses dans votre intervention.

Je commencerai par dire... En fait, je ne sais pas par quel bout commencer. Il faut signaler, de toute façon - je vous le mentionnais plus tôt - qu'il est virtuellement impossible, et vous avez raison de le dire, on ne peut pas se

faire une opinion sur une question de cette complexité dans le cadre d'une audition, d'une séance quelconque, d'une étude, d'un examen de cette question et de tous ses tenants et aboutissants dans l'espace d'une journée. C'est un processus public qui se déroule sur de longues périodes de temps parce que c'est une question complexe.

Et, sur la moralité de la chose, il y a certainement peut-être des divergences d'opinions entre nous et vous sur la question de la moralité même des mécanismes du marché. Parce que, encore une fois, en tout temps, il ne s'agit pas là de services obligatoires. Tant la non-publication des numéros que l'afficheur ou les services de gestion des appels sont des services discrétionnaires auxquels on s'abonne en toute connaissance de cause.

Et révolution non seulement technologique, mais l'évolution sociale et tout font que l'on encourt, aujourd'hui, à titre de contribuable ou à titre de citoyen privé, des coûts additionnels pour bénéficier davantage de nouveaux services qui apparaissent. Il y a des coûts de sécurité routière, des choses comme ça. Donc, j'ai un peu de difficulté, je vous avoue, avec votre indignation, que je ne vous conteste pas le droit d'avoir et d'exprimer, mais je ne la partage pas. Je ne crois pas que nous portons atteinte... Et, à preuve, il y a au moins d'autres instances qui ont vu les choses comme nous.

Je reconnaîtrai, du même souffle, par ailleurs, qu'il est exact que c'est un débat néanmoins compliqué, d'enjeux importants, et c'est exact que, dans d'autres juridictions, que ce soit aux États-Unis ou ailleurs, on a constaté que différentes instances entretiennent des vues, sinon incompatibles, à l'occasion au moins divergentes ou pas en tout point identiques. Mais il est intéressant de voir... Je pourrais vous citer là-dessus la commission fédérale américaine qui dit: 'The Commission has tentatively concluded that per line automatic blocking unduly burdens the overall effectiveness of the service and per call blocking options, the Commission stated, could allow the obscene or harassing caller to continue criminal activity with impunity." (11 h 15)

Donc, il y a beaucoup de choses. Vous aviez raison de dire, par ailleurs, et je suis d'emblée prêt à le reconnaître, que l'exposé que je vous ai fait des positions de la compagnie là-dessus est loin, mais très loin d'être exhaustif, puisqu'on en débattra et qu'on répondra à des questions là-dessus littéralement durant des jours et des jours. Donc, il est évident qu'on ne vous a pas exposé tout et il est évident qu'il y a une donnée nouvelle, par rapport à 100 ans d'histoire de la téléphonie, à l'effet qu'aujourd'hui l'appelé dispose d'un contrôle sur ses appels. Et, incidemment je crois que ça a été mentionné devant votre commission à un moment ou l'autre que l'objectif de ces services était de limiter le harcèlement. C'est une retombée heureuse de la chose, mais l'objectif était de portée plus générale; il était de donner à l'appelé un certain contrôle sur les appels qui rentrent chez lui, de la même façon qu'il peut contrôler l'accès à sa porte. Donc, il n'y a pas que des choses immorales là-dedans.

Peut-être que Mme Bastien pourrait ajouter certains commentaires, parce que j'avoue ne pas avoir pu tenir compte de la liste des questions auxquelles vous espériez une réponse.

Mme Bastien: J'aimerais apporter une simple précision à M. Bourdon. Lorsque vous mentionniez qu'une femme qui serait hébergée dans un foyer d'hébergement pour personnes victimes de violence, lorsqu'elle appellerait son conjoint et qu'hypothétiquement son conjoint a l'afficheur, il pourrait voir d'où provient l'appel, il y a du blocage gratuit dans les maisons d'hébergement pour victimes de violence. Par ailleurs, il y a aussi - c'est ce qu'on constate - beaucoup de téléphones publics dans les maisons d'hébergement, qui sont mis à la disposition des personnes qui y sont hébergées, de sorte que ces personnes-là ne monopolisent pas la ligne principale de la maison d'hébergement en question. Il y a aussi certaines maisons qui ont installé des téléphones dans les chambres et ces téléphones-là sont aussi exemptés des frais pour le blocage.

Maintenant, d'une manière plus philosophique, je pense qu'il faut peser les avantages et les inconvénients d'une service comme celui-là. Jusqu'à présent, nous considérons que les avantages sont supérieurs aux inconvénients, mais nous admettons qu'il peut parfois y avoir des inconvénients qui ne sont pas incontournables. À ce moment-ci, la façon d'empêcher l'affichage, c'est de demander au téléphoniste du "0" de faire l'appel pour nous ou d'utiliser un autre téléphone, par exemple. Mais il n'est pas dit qu'il n'y aura pas autre chose.

M. Bourdon: Mais, tout à l'heure, Mme

Bastien, vous souligniez le très, très, très faible volume d'appels qu'on tarife à 0,75 $ pour éviter que l'appelé qui a payé l'afficheur puisse identifier la source de l'appel. Mais vous ne pensez pas que c'est parce que les gens ignorent qu'ils n'ont plus la confidentialité dans le sens...

Mme Bastien: Bien, écoutez...

M. Bourdon: Écoutez, laissez-moi dire mon point de vue. C'est que les gens ignorent qu'en appelant dans un magasin, par exemple - et, quand vous parlez d'un grand magasin, il y a le droit de l'appelé de ne pas être harcelé - un grand magasin, par définition, ça veut recevoir des téléphones. Mais ce n'est pas sûr que les gens qui appellent veulent être abonnés à des systèmes agressifs de mise en marché du grand magasin. Et, dans le fond, on n'a pas besoin

d'une réflexion longue et profonde. Est-ce que Bell conviendrait d'exempter toute personne qui le demande et d'informer ses abonnés qu'ils peuvent être exemptés de communiquer leur numéro à toute personne ou entreprise qui a un afficheur, et ce, gratuitement? Et, dans le fond, accepteriez-vous d'appliquer ce que vous avez déjà appliqué aux personnes qui payaient pour que leur numéro de téléphone reste confidentiel? C'est ça, l'enjeu de la question.

Mme Bastien: Je dois dire ici que, dans toute la publicité qu'on fait concernant le service de gestion des appels, il y a un encadré, qui est fort visible, qui indique qu'il est possible de contourner les fonctions du SGA en passant par le téléphoniste. Et, d'ailleurs, en passant par le téléphoniste, on n'empêche pas que l'affichage; on empêche le fonctionnement des trois autres options du SGA, y compris le dépisteur. Je dois aussi dire qu'au moment où on se parle le service d'afficheur n'est pas disponible pour les grands magasins auxquels vous faites référence. Mais nous offrons le service aux clients résidentiels et aux clients d'affaires monoligne; ça veut dire, dans notre jargon, une ligne, un numéro de téléphone, celui du client. Et, à ce jour, il y a 3 % seulement de ces clients d'affaires à qui nous offrons le service qui y ont souscrit. Or, c'est un service qui est très populaire, il y a des centaines de milliers d'abonnements et ce sont surtout des clients, donc, résidentiels qui s'y abonnent, justement dans l'objectif de préserver leur vie privée à eux. Maintenant, en ce qui concerne l'autre partie de votre question sur du blocage gratuit, il y a des discussions qui sont en cours présentement avec l'organisme qui réglemente nos activités, mais je dois dire que le blocage gratuit, à mon sens, annulerait tous les effets bénéfiques de l'afficheur.

M. Bourdon: Maintenant, c'est ça, c'est que le blocage gratuit aurait certainement des conséquences, mais ce que je ne réussis pas à comprendre, c'est que vous dites le droit de l'appelé. Oui, le droit de l'appelé de savoir qui l'appelle. Mais le droit de l'appelant, on parle de la même personne quand elle appelle et, à cet égard, ce que je veux vous souligner, c'est pourquoi ça ne serait pas gratuit pour garder pour soi le numéro de téléphone à partir duquel on appelle? Comment se fait-il que, dans certains États américains et dans des pays à l'étranger, ce droit de blocage est assuré gratuitement? Parce que, entre les deux, le droit de l'appelant et le droit de l'appelé, je voudrais vous souligner aussi qu'il y a un autre outil que vous louez ou vendez, qui est le répondeur qui permet de ne pas connaître l'origine d'un appel, mais de filtrer l'appel. Parce que c'est un fait que l'appelé a le droit de ne pas voir quelqu'un surgir dans son intimité par la voie du téléphone. Mais je ne réussis pas, autrement que par des impératifs de marketing, à comprendre que le droit que, depuis des décennies, un abonné avait, par exemple, de garder son numéro confidentiel ait sauté, et vous regardez les conséquences maintenant. Je vous dirai que les distinctions que vous faites vont devenir parfaitement odieuses. Gratuit à partir d'une maison d'hébergement; allez-vous ajouter les CLSC, les hôpitaux et les cliniques qui traitent les MTS? Pourquoi ne pas accorder ce droit à toute personne qui ne veut pas que le téléphone qu'elle utilise soit identifié auprès de l'appelé?

Mme Bastien: Comme je le mentionnais tout à l'heure, il y a présentement des discussions en cours et nous sommes à évaluer des options qui permettraient, justement, à des cliniques ou à des CLSC et des hôpitaux, comme vous le mentionnez, de préserver l'identité du numéro appelant. Maintenant, vous dites que, depuis des décennies, on est habitués à être prémunis contre l'affichage du numéro de téléphone. C'est tout simplement une question technologique. Il y a 100 ans, évidemment, lorsqu'on a introduit le téléphone, il n'était pas possible de dévoiler ce genre d'information, mais maintenant c'est possible. D'ailleurs, c'est un service qui nous est demandé depuis fort longtemps par nos clients. On peut maintenant l'offrir. Par rapport...

M. Bourdon: Maintenant, vous me permettrez de souligner qu'il y a une technlogie qui existe depuis Gutenberg, qui s'appelait le livre du téléphone dans lequel, contre rémunération, la compagnie de téléphone ne mettait pas mon numéro. Et je vous dirai qu'il n'y a pas de différence d'essence entre un affichage sur un appareil et l'encre d'une imprimerie qui imprime mon numéro. C'est ce droit-là que vous avez aboli avec l'accord des deux niveaux de gouvernement.

Mme Bastien: Je répondrais là-dessus qu'une personne...

M. Bourdon: C'est un fait. M. le Président, je comprends que le ministre réagisse, mais on est en matière de droits et...

M. Cannon: Ah! Fais ton show et je répondrai après.

M. Bourdon: M. le Président, est-ce que le ministre me laisse mon tour de parole?

Le Président (M. Camden): Ah! Mais...

M. Bourdon: Je manifeste une inquiétude, je ne fais pas de show, M. le Président, et je dis-Le Président (M. Camden): Alors, pour votre bénéfice, poursuivez votre intervention.

M. Bourdon: Oui, mais, M. le Président, j'ai le droit de dire que le droit à la confidentialité de son numéro de téléphone est maintenant assorti d'un paiement. Je comprends que Bell va aller d'exception en exception: les femmes dans les maisons d'hébergement, les cliniques... Parce que le secret professionnel en prend un coup avec l'afficheur que vous commercialisez. Mais pourquoi ça ne serait pas gratuit pour tout le monde qui ne veut pas que son numéro soit connu de la personne qu'il appelle? Pourquoi justifiez-vous une mesure, qui est essentiellement de marketing et qui est payante pour votre entreprise, par uniquement le droit de l'appelé de connaître l'identité d'une personne qui l'importune, par exemple? La même personne, quand elle n'est plus appelée mais appelante, là, vous lui dites: Vous allez payer des droits très élevés pour ne pas révéler votre numéro.

Puis, en le faisant, parce que vous le faites contre achat, vous enlevez toute valeur à votre argument de protéger l'appelé parce que, si on vous paie, vous ne protégez plus l'appelé, parce que, là, j'appelle et on ne connaît pas mon numéro, contre rémunération. À part du marketing, qu'est-ce que c'est qui est constant dans tout ce que vous nous dites? C'est que Bell fait beaucoup de marketing d'une nouvelle technologie qui comporte des aspects dangereux. Dans le fond, vous faites sur l'afficheur ce qu'avant vous vous interdisiez de faire par de l'encre, en imprimant un numéro dans un livre.

Mme Bastien: Écoutez, évidemment qu'une personne qui a un numéro inscrit dans l'annuaire - et vous savez comme moi que l'annuaire est distribué en plusieurs millions d'exemplaires - voit son numéro, son adresse aussi et son nom dans tous les foyers. Une personne qui choisit de ne pas avoir son numéro inscrit à l'annuaire doit payer pour cette exception. Cependant, lorsque cette personne téléphone à quelqu'un, elle ne dévoile pas son numéro à 4 000 000 d'individus non plus, mais à la personne qu'elle appelle, et seulement si elle choisit de ne pas faire bloquer. Par ailleurs, il serait intéressant d'observer si les gens qui ont des numéros non publiés demandent davantage que ceux qui ont des numéros inscrits à l'annuaire aux téléphonistes d'acheminer l'appel pour eux. Je n'en sais rien, mais ce serait intéressant de vérifier.

Maintenant, tout à l'heure, vous mentionniez les répondeurs. Ils existent depuis plusieurs années. C'est vrai qu'ils sont fort utiles et qu'ils peuvent aider à filtrer les appels. Cependant, les répondeurs n'ont jamais réussi à faire diminuer le nombre d'appels ennuyeux ou, du moins, pas le nombre de plaintes que nous recevons et de demandes que nous recevons des différents corps policiers pour procéder au dépistage par des techniques plus traditionnelles d'origine d'appels ennuyeux. Il n'y a que l'af- ficheur qui a réussi ça jusqu'à présent et c'est très bon, d'ailleurs, les résultats, puisqu'il y a eu une diminution de 75 % de ce type d'enquêtes chez nous en un an seulement et dans deux endroits seulement, c'est-à-dire ici à Québec et à Ottawa. On verra pour les autres villes où le service a été implanté plus tard quels seront les résultats.

Maintenant, M. Beauregard avait quelque chose à ajouter.

M. Beauregard: C'était quand même sur l'espèce d'approche générale. Quand vous parlez de marketing ou de profit, je ne crois pas que le marketing de produits et services soit en soi une activité illégitime. Que pour la compagnie il en dérive des revenus, incidemment, tous ces revenus, de même que ceux de l'interurbain et autres, qui sont ce qu'on appelle des services discrétionnaires, sont un moyen d'aider à conserver le plus bas possible le tarif du service local.

Au-delà de ça, de toute façon, comme toute activité commerciale, il s'agit d'une activité, d'offrir au public, contre rémunération, des produits et services que ledit public est parfaitement libre d'accepter ou de ne pas accepter.

M. Bourdon: Mais vous me permettrez, M. le Président, de dire que le côté discrétionnaire du service, ça ne tient pas pour l'appelant. Il n'a pas demandé que son numéro soit révélé à la personne qu'il appelle. Ce n'est pas vrai que vous respectez son libre choix. L'argent que vous donne l'appelé dispose du droit de l'appelant C'est ça, la question. Et c'est parfaitement légitime de faire un profit, mais ce qui préoccupe cette commission parlementaire-ci, c'est la protection de la vie privée et je pense que Bell pourrait faire des profits en respectant le droit de l'appelant de ne pas révéler son numéro de téléphone à la personne qu'il appelle et le droit de le faire gratuitement puisque, s'il ne veut pas que son numéro soit publié, il est déjà astreint à une tarification pour que vous ne l'imprimiez pas dans le livre du téléphone. Alors, cessez de dire que c'est parfaitement optionnel. Moi, quand j'appelle une personne qui a payé pour l'afficheur, on ne me consulte pas, ce n'est pas discrétionnaire, la personne a mon appel et a mon numéro de téléphone. Dans le fond, c'est assez simple. Reviendriez-vous à la règle, qui a prévalu avant, de respecter le droit à la confidentialité de son numéro?

M. Beauregard: Est-ce que j'ai le droit de répliquer brièvement en disant que tout ceci, ce que vous venez de dire, je le partage jusqu'au point suivant: c'est que tout ça doit toujours se faire dans une décision d'intérêt public, dans l'équilibre à maintenir entre les droits ou les intérêts de l'un et de l'autre, comme je l'ai signalé au début.

Le Président (M. Camden): M. le ministre.

M. Cannon: Fort heureusement, il y a des progrès technologiques; sinon, notre collègue, le député de Pointe-aux-Trembles, se retrouverait dans une situation où, à l'époque, c'est par l'entremise d'une standardiste qu'on passait les appels. Et, heureusement, notre débat est là; sinon, ça aurait été tout un débat sur le droit à la vie privée avec la standardiste.

J'ai peut-être une autre question à poser à M. Beauregard. Votre code d'éthique, est-ce que ce code-là s'inspire des lignes directrices de l'OCDE?

M. Beauregard: Tout à fait. Et la compagnie est tout à fait alignée avec le code de l'OCDE.

M. Cannon: Vous n'auriez donc, par conséquent, pas d'objection à ce qu'une loi vienne confirmer, justement, ces lignes directrices là?

M. Beauregard: Ça dépend en quels termes et je vous avoue que c'est une réaction à brûle-pourpoint. Je serais porté à dire que, si une loi n'avait pour objet que de dire que les lignes directrices de l'OCDE vont s'appliquer en territoire québécois, je ne crois pas qu'on y aurait d'objection. Mais, de là à dire qu'on serait d'accord avec une législation qui ferait autre chose que ça, c'est différent. Et, comme c'a été signalé ce matin, je crois, en tout cas, que d'accoucher, si vous me permettez l'expression, d'une loi à caractère général pour couvrir des activités commerciales très diversifiées risque d'être fort difficile. Et nous croyons que, là où la nature de l'exploitation des entreprises est telle qu'elle "impacte" l'intérêt public de façon appréciable, il vaut vraisemblablement mieux laisser les organismes de réglementation spécifique prendre en compte toutes les dispositions qu'il y a lieu de mettre en oeuvre pour protéger la vie privée d'une façon ciblée, plutôt que de tenter d'avoir des mesures qui satisferaient des conditionnements extrêmement diversifiés. Je crois que ce serait plus efficace.

M. Cannon: O.K. Je n'ai pas d'autres questions à poser. Il ne me reste qu'à vous remercier d'avoir bien voulu vous présenter ce matin et vous prêter à cet échange que je juge fort intéressant, et je vous souhaite un bon retour, à vous et à Mme Bastien. Merci.

M. Beauregard: Merci, mesdames et messieurs.

Le Président (M. Camden): M. Beauregard et Mme Bastien, on vous remercie au nom de l'entreprise Bell Canada de nous avoir présenté votre mémoire et d'avoir accepté de répondre aux questions. Afin de permettre au prochain groupe de prendre place, soit la Ligue des droits et libertés, je suspends les travaux de cette commission pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 33)

(Reprise à 11 h 39)

Le Président (M. Camden): Alors, j'accueille maintenant la Ligue des droits et libertés avec M. Gérald McKenzie, président, c'est cela, M. Denis Langlois, responsable des communications, et Mme Joanne Barabé, vice-présidente du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec. Nous leur souhaitons la bienvenue. Je vous rappelle brièvement que vous avez 20 minutes pour présenter votre exposé et suivront deux autres périodes de 20 minutes pour, d'une part, le ministre et l'aile ministérielle, et le porte-parole de l'Opposition a également 20 minutes. Nous sommes disposés à vous entendre.

Ligue des droits et libertés

M. McKenzie (Gérald): Merci bien. M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je veux tout de suite souligner que notre rapport a été appuyé par un certain nombre de groupes communautaires et d'organismes, entre autres, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, la FACEF, la Fédération des associations coopératives d'économie familiale, et l'Association des consommateurs du Québec. On vous remercie de nous recevoir pour pouvoir vous présenter un mémoire et des recommandations qui sont le fruit, en fait, de plusieurs années, d'un grand nombre d'années de travail et d'interventions, de réflexions à la Ligue des droits sur le domaine de la vie privée et de la protection des renseignements personnels. Nos experts, les gens qui ont milité à la Ligue généralement bénévolement, ont suivi l'évolution des pratiques de renseignements dans le pays et ont aussi analysé les impacts sur nos droits et libertés du virage technologique qu'on a connu au cours des dernières années.

Dans les années soixante, soixante-dix, notre préoccupation portait plus sur le contrôle politique, sur la montée de dossiers politiques, de dossiers sur les individus par les corps de renseignements, les corps policiers, sur les dangers de la carte d'identité. Ce type de dossiers là continue d'être maintenu, évidemment, mais il est comme en retrait. Maintenant, ce qui nous préoccupe, c'est ce qui a lieu à l'heure actuelle qui tient du développement de la télématique qui a démocratisé le renseignement et étendu le domaine d'application du fichage des individus. Le développement des services publics, de l'industrie privée a exigé des appareils sophistiqués de cueillette et de stockage de renseignements sur les personnes. C'est un phénomène qu'on ne connaissait pas ou qu'on

n'imaginait pas possible il y a 20 ans. Je pense que maintenant on commence à comprendre les conséquences de ces phénomènes.

L'avènement et le perfectionnement des technologies nous ont obligés à reconnaître l'importance et la relative facilité de réglementer les diverses activités de renseignements de manière à respecter un principe fondamental, c'est celui du respect de la vie privée. En fait, un très grand nombre de pays industrialisés ont déjà adopté des réglementations, des lois régissant autant les secteurs privés que publics. L'OCDE, en 1980, a émis des lignes directrices, le Canada a entériné ces lignes-là, on est encore dans le Canada, je pense. En 1981, le Conseil de l'Europe adopte une convention à cet égard. Des législations inspirées des principes de l'OCDE sont adoptées dans un nombre de pays important. Au Québec, c'est en 1982 que la loi sur l'accès à l'information et sur la protection des renseignements personnels, régissant le secteur public, a été adoptée.

C'est à la suite des listes noires de locateurs, qui sont devenues un scandale à un moment donné, que le débat pour nous a définitivement pris cours et, je pense, s'est étendu à plusieurs secteurs de la société. Plusieurs pratiques ont commencé à faire problème. On s'est aperçu que des possibilités d'atteinte aux droits et libertés étaient courantes dû à ces pratiques-là. Je veux juste en mentionner quelques-unes: l'usage du détecteur de mensonge, des test médicaux préembauche; l'utilisation abusive du numéro d'assurance sociale, du numéro d'assurance-maladie, du permis de conduire; le commerce des listes de personnes, les rapports de crédit; tout le développement des fichiers électroniques de renseignements personnels et du couplage possible de ces fichiers. Toutes ces pratiques-là ont commencé à inquiéter des secteurs importants de la population, pas seulement les organisations de défense des droits.

Il faut rappeler qu'en 1986 un rapport commandé par le gouvernement, qui s'appelle "L'identité piratée", faisait 175 recommandations qui allaient dans le sens d'une intervention législative dans le secteur privé. Le même genre de conclusion émanait de la Conférence sur l'électronique et l'informatique en 1985, où tous les secteurs de la société étaient représentés, le gouvernement inclus. En 1987, le Code civil a été revu, notamment aux articles ayant trait au respect de la réputation et de la vie privée. Ce chapitre, malheureusement, n'est pas encore en vigueur. En 1988, la commission de la culture, unanimement, recommandait d'étendre les principes de protection des renseignements personnels de la loi de l'accès à l'information à des secteurs prioritaires de l'entreprise privée.

J'aimerais aussi rappeler qu'en 1988, lors d'un dîner, d'un banquet où on fêtait le 40e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, le 10e anniversaire de la charte des droits du Québec et le 25e anniversaire de la Ligue, le ministre de la Justice, Gil Rémillard, profitait de l'occasion pour, et je cite, "offrir en guise de cadeau d'anniversaire à la Ligue" l'application, "la mise en vigueur du chapitre du Code civil [...] au plus tard en novembre 1989" et puis aussi l'adoption d'une loi de protection dans le secteur privé. Évidemment, on attend toujours. Je veux juste souligner à votre attention que nous avons apporté ici un certain nombre de documents qui illustrent qu'on n'est pas les seuls à attendre, entre guillemets, un cadeau. Un grand nombre d'études, de publications qui ont été commandées et par le gouvernement et par des organismes privés et publics arrivent à peu près aux mêmes con elusions: il faut légiférer non seulement dans le secteur public, mais aussi dans le secteur privé.

Au printemps 1989, est publié un rapport interministériel, qui s'appelle "Vie privée: zone à accès restreint", qui émet le même genre de conclusions, le même genre de recommandations. Cette année aussi, le ministre Cannon, dans un rapport, souhaitait une réglementation. Finalement, comment faire, comment avoir l'assurance que les renseignements personnels dans le secteur privé soient protégés malgré la prolifération des banques de données, la facilité de couplage et la commercialisation effective de ces banques de données? Notre mémoire est clair là-dessus. On pense que le gouvernement devra légiférer. Notre mémoire ne veut pas s'attarder aux détails d'une telle législation. Notre réflexion porte surtout sur les objectifs qu'on devrait atteindre par une telle législation, les principes de droit fondamentaux qu'on devrait rencontrer et puis les écueils qu'il faudrait éviter.

Je veux juste rappeler les recommandations. La première, je veux insister là-dessus, je pense qu'il est possible qu'elle soit mise en oeuvre tout de suite. Il est urgent et possible de mettre en vigueur immédiatement le chapitre du Code civil relatif au respect de la vie privée. Les articles en question énoncent quelques-uns des principes fondamentaux en matière de protection des renseignements personnels: droit d'accès au dossier et de correction, principes de qualité et de pertinence de l'information. Une mise en vigueur immédiate permettrait de préserver des droits menacés, enverrait un signai clair aux entreprises et établirait un climat favorable, le temps qu'il faut pour bien préparer une législation. Ça serait au moins une promesse tenue.

Deuxièmement, nous souhaitons que les mêmes principes régissant le secteur public s'appliquent au secteur privé. M. Denis Langlois, tout à l'heure, illustrera et précisera notre recommandation en ce sens. Il va aller un peu plus en profondeur sur la question de ces principes-là.

Troisièmement, nous croyons nécessaire que des recours accessibles, gratuits, rapides soient prévus. On pense qu'un tribunal s'apparentant au

Tribunal des droits de la personne - mais là je mets "s'apparentant", j'insiste là-dessus - devrait être institué, ayant juridiction autant sur le secteur public que sur le secteur privé.

Quatrièmement, nous appuyons les recommandations du rapport "Vie privée: zone à accès restreint." Il faut tenir compte des dimensions de promotion, d'éducation et de recherche dans ce domaine. Par exemple, l'enseignement de l'informatique au secondaire devrait être accompagné peut-être d'un chapitre sur les aspects démocratiques, déontologiques qui touchent ces technologies-là. On oublie souvent que l'école peut servir à éduquer les enfants, les jeunes, pas juste en mathématiques, en français ou en géographie, mais aussi en droit de la personne. On pense que ça manque beaucoup dans les écoles. Mais, en tout cas, voilà un cours où on pourrait peut-être expérimenter, prendre une initiative particulière.

Ensuite, évidemment, il faudrait permettre aux groupes communautaires de continuer de développer leur expertise. Je ne veux pas vanter la Ligue, mais je veux dire que, grâce à des experts, comme Pierrot Péladeau, entre autres, qui travaille bénévolement à la Ligue depuis une quinzaine d'années sur ce domaine-là, et à d'autres experts, on a pu diffuser, sensibiliser la population et même amener nos gouvernements à adopter des législations. Il faut investir, je pense, des énergies, des ressources vers les groupes communautaires pour qu'ils fassent de la recherche, mais aussi pour qu'ils éduquent et diffusent les connaissances au public, qu'ils profitent des réseaux dans lesquels ils sont pour, finalement, faire en sorte que la population connaisse un peu ce qu'il en est des nouvelles technologies et du respect de la vie privée.

Je veux passer la parole maintenant à Denis Langlois qui va aller un peu en profondeur sur l'aspect des principes, avec quelques illustrations aussi de...

M. Langlois (Denis): Merci, Gérald. Je voudrais savoir combien il me reste de temps par rapport aux 20 minutes, parce que je voudrais aussi éviter qu'il ne reste plus de temps à Mme Joanne Barabé.

Le Président (M. Camden): II vous reste huit minutes au total.

M. Langlois: II reste huit minutes, bon. Le Président (M. Camden): Oui. M. Langlois: O.K. Merci.

M. McKenzie: J'espère que tu ne m'en voudras pas.

M. Cannon: De toute façon, je pense que Michel et moi on consent à ce que vous finissiez votre temps. Vous êtes ici pour parler.

M. Langlois: II n'y a pas de problème, vous êtes assez souples là-dessus. Bon, d'accord, merci.

Bonjour, MM. les ministres et députés. Il y a quelques semaines, un journaliste à Radio-Canada, à l'émission 'Tout compte fait", révélait la diffusion accidentelle par fax, par télécopieur, de huit pages d'informations hautement délicates sur le crédit d'un citoyen. C'est la compagnie Équifax, laquelle détient des renseignements sur plus de 12 000 000 d'invidus au Canada, qui est responsable de l'erreur. On pourrait se contenter de dire: Est-ce qu'on ne doit pas parler de simple négligence? Mais on peut aussi se demander s'il n'y a pas là des droits fondamentaux des citoyens et citoyennes, qui ne sont pas en train d'être systématiquement bafoués par le commerce du renseignement.

Autre situation: on appelle auprès de la compagnie La Capitale pour obtenir une simple demande de renseignements. Toute personne qui le fait doit obligatoirement fournir son numéro d'assurance sociale sous prétexte, au dire de la compagnie, de prouver le sérieux de sa demande. Le numéro d'assurance sociale est également exigé par plusieurs propriétaires ou associations de propriétaires au seul motif d'"application" pour l'obtention d'un logement. Doit-on laisser faire, sous prétexte qu'une personne peut refuser de divulguer des informations demandées, étant libre, dans le cadre du marché, de choisir un logement où le propriétaire n'exige pas cette information avant de considérer sa candidature?

Toute personne qui, à Montréal, Québec ou Hull, autre situation déplorable, veut s'assurer de la confidentialité de son numéro de téléphone doit payer 0,75 $ de plus à chaque fois qu'elle loge un appel. Dans ce sens-là, la marchandisation de nos droits est non seulement devenue une pratique courante ou, en tout cas, trop courante, mais ne risque-t-elle pas d'élargir encore le fossé entre les personnes capables de payer et les autres qui n'ont plus les moyens d'exercer leurs droits, finalement?

Des exemples de tels abus, sous forme de questions indues, de surveillance exagérée ou de consentement forcé, sont devenus trop souvent monnaie courante. Les citoyens que nous sommes deviennent habitués à se faire soupçonner sur la véracité de leurs déclarations et acceptent peu à peu toutes les méthodes de surveillance et de contrôle que la capacité imaginative des commerçants d'informations arrive à mettre sur le marché. Après tout, le sens commun dit bien: Si tu n'as rien à cacher, tu n'as rien à craindre. Sauf que justement ce serait trop beau si c'était si simple que cela.

Le mémoire que nous avons déposé devant votre commission porte, justement, sur un certain nombre de balises ou de principes et veut les réaffirmer avec d'autant plus de vigueur que des

comportements inquiétants se sont produits ou se sont multipliés. Permettez-moi de rappeler ici brièvement ces principes. Outre celui de la mise en vigueur du chapitre du Code civil dont M. McKenzie vient justement de parler et de signaler la possibilité et l'urgence, il y a d'abord la transparence des systèmes d'information. Il s'agit, à notre avis, d'un préalable à l'exercice de bien d'autres droits. Comment, en effet, exercer son droit d'accès ou de correction si on ne peut pas savoir ce que telle personne, tel commerce ou telle entreprise détient comme renseignements à son sujet?

J'en profite pour vous faire part à cet égard d'une préoccupation majeure de l'AQDR, l'Association québécoise des droits des retraités, qui a été aussi un organisme appuyant le mémoire de la Ligue. Leur préoccupation, c'est qu'ils demandent que des moyens soient mis en oeuvre pour renseigner les citoyens sur la détention d'informations par des entreprises ou organismes, des moyens qui préciseront le type de renseignements contenus dans les fichiers.

Le rapport du comité interministériel "Vie privée: zone à accès restreint" contenait d'ailleurs une recommandation qui, de l'avis de la Ligue, mérite d'être considérée avec une certaine attention. Elle peut peut-être poser problème dans son application, mais elle devrait mériter d'être considérée. C'est celle qui oblige l'entreprise ou l'organisme privé à fournir annuellement à tout citoyen ou citoyenne une copie écrite des données informatisées détenues à son sujet, ce qui permettrait aux citoyens et citoyennes d'exercer leurs droits de manière éclairée.

Deuxième règle essentielle sur laquelle nous avons insisté dans notre mémoire, c'est l'obligation du consentement de la personne concernée. C'est une règle qui est admise et qui est déjà présente dans plusieurs études, rapports, dans les lignes directrices de l'OCDE, entre autres. Mais ce consentement devient fictif lorsque la relation entre l'entreprise et la personne concernée est telle qu'il devient impossible de refuser son consentement sans encourir des dommages majeurs. En face d'un employeur, d'une compagnie d'assurances ou d'une banque, il arrive trop souvent qu'il soit impossible de s'opposer à des intrusions inconsidérées dans sa vie privée. Alors, pour infléchir cette situation défavorable, la connaissance préalable des pratiques Informationnelles, ainsi que des finalités pour lesquelles les renseignements seront recueillis, de leurs limites, de leur portée dans le temps, contribuerait à faire en sorte que le consentement soit plus éclairé et aussi plus libre.

Troisième principe sur lequel on veut insister, c'est la détermination de l'objet et de l'usage des renseignements recueillis, et ce, avant même la collecte et la production de ces renseignements. Parce qu'on a pris l'habitude, dans plusieurs milieux, de recueillir tout ce qu'il ost possible de recueillir. Une caisse populaire, par exemple, auprès de qui vous ouvrez une marge de crédit, vous demande votre numéro de permis de conduire sans aucune raison. Un magasin où vous payez par carte de crédit vous demande votre numéro de téléphone. On pourrait citer plusieurs exemples du genre, où les finalités n'ont rien à voir avec la possibilité, pour l'institution en question, d'exercer correctement la gestion de ses affaires ou du service qu'elle entend donner aux citoyens.

La non-spécification des finalités permet d'utiliser des renseignements recueillis pour une raison spécifique à d'autres fins que celles pour lesquelles Hs ont été cueillis. Cela laisse la porte ouverte au commerce de listes, bien sûr, à la sollicitation non désirée, parfois même au harcèlement téléphonique et le reste, ce qui esi déjà une Intrusion dans notre vie privée.

Mais cela permet aussi, si la situation actuelle n'est pas corrigée, d'obtenir des renseignements de façon détournée, et qui peuvent être confidentiels, sur l'état de santé ou les antécédents judiciaires ou sur les dossiers de crédit, etc., et, en plus, de dresser des profils diversifiés sur des milliers de personnes en appariant des informations. C'est, d'ailleurs, ce pourquoi un des principes que nous avançons dans notre mémoire, c'est celui de cueillir les renseignements d'abord auprès de la personne concernée, pour des raisons de véracité des faits, en premier lieu, et pour des raisons aussi de connaissance des pratiques informationnelles dont chaque personne est l'objet.

La confidentialité et la sécurité des renseignements ne peuvent être assurés que par la limitation et le contrôle strict des communications relatives aux renseignements personnels. Non seulement ils ne devraient pas servir à d'autres fins que celles pour lesquelles ils ont été cueillis et, donc, ne pas être communiqués de façon indue, mais encore ils ne devraient être communiqués, quand ils le sont sans le consentement de la personne concernée, que dans des situations exceptionnelles.

Finalement, les droits d'accès, de consultation et de correction devraient également être pleinement reconnus. Pour que le droit d'accès soit réel, il faut connaître l'existence d'un renseignement, il faut connaître sa source, il faut connaître l'identité des personnes auxquelles il a été communiqué, les critères utilisés dans son traitement, ainsi que les produits qui ont pu en résulter. C'est à ces conditions-là que l'accès véritable des citoyens peut être autre chose que des mots sur papier. Ces règles-là, ces principes-là, on signale, en terminant, dans notre mémoire, qu'ils devraient, à notre avis, être respectés dans les communications transfrontières et on devrait prévoir, dans le cas de toute législation, des mesures qui sanctionnent leur violation, leur non-application.

Notre mémoire fait aussi deux autres recommandations, que M. McKenzie a évoquées,

quant à la mise en oeuvre de cette démarche de protection des renseignements personnels dans le secteur privé: celle sur la création d'un tribunal permettant des recours accessibles et gratuits - on pourra peut-être y revenir dans la discussion - et celle aussi invitant le gouvernement à soutenir les organismes communautaires dans la recherche, la promotion et l'éducation sur les impacts sociaux de l'implantation des nouvelles technologies et sur les impacts au niveau des droits et libertés.

En conclusion, dans son approche de la question, nous souhaiterions que le gouvernement ne se satisfasse pas de conformer la législation québécoise aux impératifs ou exigences de protection des renseignements personnels, qui nous viendraient d'Europe ou des USA et de, finalement, la situation internationale actuelle. Ce serait déjà un pas en avant important, mais, à notre avis, insuffisant. Du point de vue des citoyens et citoyennes, il est devenu primordial de veiller à la protection des renseignements détenus à leur sujet. Et si ça devait bousculer certaines pratiques, nous souhaitons que le gouvernement n'hésite pas à le faire. Il faudrait bien qu'un jour l'entreprise apprenne à implanter ces nouvelles technologies d'information et de communication en respectant les droits fondamentaux des personnes qui sont déjà reconnus dans les chartes ou ailleurs. Merci. (12 heures)

Le Président (M. Camden): Mme Barabé.

Mme Barabé (Joanne): Je vais essayer d'être très brève. M. le Président, MM. et Mmes les parlementaires, le droit fondamental qui est garanti par la Charte à l'article 5 dit: 'Toute personne a droit au respect de sa vie privée." Je pense que c'est un droit qu'on ne peut pas monnayer et je pense qu'il y a beaucoup d'organisations qui tentent de monnayer ce droit-là; il faut se prémunir contre ça. Ça me fait penser un petit peu à la remarque d'Einstein, le soir d'Hiroshima, quand il disait: Faut quand même pas faire n'importe quoi. Il y a des limites que la science a repoussées; il y a des limites que la technologie a repoussées. On y a fait référence tantôt, je pense qu'il y a des limites qu'il faut se poser; sinon, on va arriver à une société où "Big Brother is watching you", puis il faut s'en garantir avant qu'il soit trop tard. Et je pense qu'on est rendus à une étape où il n'est pas trop tard.

La loi d'accès à l'information nous a donné des grandes lignes directionnelles là-dessus, dans différents articles. Je vous nommerai en vrac l'article 64 qui dit qu'on ne peut recueillir de renseignements si cela n'est pas nécessaire, et je reviendrai tantôt à la notion de nécessité. À l'article 89, on dit qu'une personne peut exiger que son dossier soit rectifié s'il contient un renseignement personnel inexact ou incomplet, encore faut-il savoir où se situe ce dossier-là. À l'article 53, on établit le principe fondamental de la confidentialité des renseignements, sauf si la personne concernée autorise leur divulgation. À l'article 23, on met quand même à l'abri toute la notion des secrets industriels, il ne faut quand même pas tomber dans l'extrême, et on garantit la protection absolue des renseignements d'ordre industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical. Et, à l'article 127 et dans les suivants, on garantit un pouvoir d'exercice de ce droit-là. Et je pense que c'est important.

Je pense que ce qu'on doit retrouver dans une législation québécoise, c'est le pouvoir d'identifier les lieux où on détient des informations, le pouvoir de pouvoir les vérifier et les corriger pour un simple citoyen, sans s'embarquer dans des filières administratives incontournables, le pouvoir d'exercer des recours raisonnables contre les contrevenants et le pouvoir d'autoriser ou non la divulgation de renseignements nomita-tifs ou personnels. Et je pense que le gouvernement a un autre devoir, c'est celui d'avoir un discours cohérent dans l'ensemble de ses pratiques et je vous donnerai un exemple en vrac; on pourrait en sortir plusieurs, j'en suis certaine. Le gouvernement a un discours qui dit qu'il faut réinsérer dans la société les gens qui ont des problèmes de maladie mentale, entre guillemets. On les désinstitutionnalise et on les incite à réintégrer la société. Un des élément essentiels à la réintégration de la société, c'est le travail. Or, si on permet d'une façon très large aux employeurs de faire des tests préembauchage, comment pensez-vous que quelqu'un qui a fait un séjour en institution psychiatrique, qui est sous médication dans un handicap psychologique, qui a une médication contrôlée, comment pensez-vous que quelqu'un qui a fait un séjour à un hôpital pour "burnout" ou dépression va réussir, a travers un marché du travail aussi difficile que le nôtre, à se trouver une place au travail? Quelque part, il va falloir être logique dans toute cette démarche-là.

Et c'est la notion de nécessité qui peut répondre à tout ça. La loi d'accès à l'information a développé une expertise assez serrée sur la notion de nécessité et ça me fait penser à toute la discussion qu'on a eue tantôt sur le Maestro. Est-ce qu'il est vraiment nécessaire, quand j'appelle quelque part, que sans mon autorisation et sans même que j'en sois informée mon numéro de téléphone apparaisse sur l'appareil? Et on a cité en exemple, évidemment, les cas des centres d'accueil pour femmes, parce que tout le marketing du Maestro s'est fait aussi beaucoup sur la situation des femmes, sur la situation des appels harcelants, anonymes, bouleversants à certains égards. Sauf que la technologie nous permet, par ailleurs, de prendre des moyens beaucoup plus précis pour éviter ce type d'appels là. Il y aurait eu moyen de mettre un bouton spécial sur le téléphone pour contrecarrer ces situations-là.

Mais, à l'inverse, et c'est l'effet pervers du

Maestro, il y a un paquet de gens qui vont avoir des problèmes. Qu'on prenne l'exemple de n'importe qui, tout un chacun, qui veut magasiner, de son bureau ou de son domicile, une maison, un bateau, une auto, qui va voir son numéro de téléphone affiché sur les appareils de tous les vendeurs et puis qui va se faire par la suite harceler par un paquet de gens qui vont vouloir le pousser à l'achat. Qu'on pense aussi aux gens qui vont, de leur bureau - car c'est le seul moment dans la journée où ils peuvent le faire - appeler des cliniques thérapeutiques de tout genre, qui vont voir le numéro de leur bureau apparaître à la clinique et qui vont recevoir, via la téléphoniste ou la secrétaire, un appel de telle clinique, bon. Le 0,75 $, c'est sûr que c'est facile, mais pourquoi est-ce qu'on serait obligé de payer 0,75 $ pour protéger un droit fondamental? C'est la question que je me pose.

Je pense que la Commission d'accès à l'information a développé une certaine expertise dans ce milieu-là pour éviter qu'il y ait des abus et je pense qu'il y a des notions importantes dans ça qui pourraient être transposées au niveau du privé, et qu'on a intérêt à le faire avant qu'il soit trop tard. Je vous remercie.

Le Président (M. Camden): Alors, M. le ministre des Communications.

M. Cannon: M. McKenzie, M. Langlois, Mme Barabé, merci d'être là. Merci de la présentation de votre mémoire bien étoffé, avec évidemment beaucoup d'expérience. Je pense que, pour une personne comme moi qui arrive dans ce portefeuille-là, c'est très intéressant à examiner, parce qu'il y a des choses qui sont très véridi-ques là-dedans et que je partage. Parmi les principes qui devraient nous guider dans l'élaboration de ce projet de loi, vous mentionnez la transparence des systèmes d'information sur les personnes. Pourriez-vous expliquer davantage ce que vous entendez pas cela? Peut-être M. Langlois, parce que je pense que c'est vous qui l'avez évoquée.

M. Langlois: Par transparence, on veut dire qu'effectivement ce qui nous semble important, c'est que les citoyens sachent exactement ce que telle compagnie, telle clinique privée, tel organisme privé ou tel employeur détient à leur sujet, au moins au niveau du type de renseignements qu'ils détiennent. On parle, par exemple, de l'accès à des dossiers médicaux dans le secteur public qui est possible même dans le cas des psychiatrisés. Il nous semble important non seulement de rendre accessibles ces choses mais d'informer les citoyens que, je ne sais pas, moi, telle compagnie d'électricité ou telle compagnie de téléphone ou tel employeur sait un certain nombre de choses sur vous au niveau de votre dossier de crédit, au niveau de vos antécédents de travail, au niveau de vos antécédents judiciaires si c'est le cas, etc., de telle manière que chaque citoyen puisse avoir la possibilité de vérifier si les informations qu'on détient à son sujet sont exactes et puisse, donc, par conséquent, avoir la possibilité de les corriger. C'est ça qu'on veut dire par transparence.

Autrement dit, cette transparence-là nous semble permettre, justement, de questionner les pratiques informationnelles des entreprises, parce que, quand on ne sait pas ce qu'on détient à son sujet, on n'est pas en mesure de questionner l'utilité et le caractère nécessaire ou non et même, je dirais, le caractère indispensable ou non pour la compagnie ou l'entreprise de détenir ces informations-là. Quand je me suis fait demander mon numéro de permis de conduire pour obtenir simplement une marge de crédit dans une caisse populaire, bien, j'ai dit: Non, vous n'avez pas besoin de ça. Pourquoi avez-vous besoin de ça? Je présume savoir pourquoi, mais une caisse populaire ou n'importe quelle institution financière n'a pas à demander, il me semble, ce genre de renseignement là. C'est la même chose pour le numéro d'assurance sociale. C'est ça. La transparence, c'est qu'on a des pratiques informationnelles données. On sait que l'entreprise possède un grand nombre d'informations à notre sujet, mais ce qu'on ne sait pas, c'est quoi exactement. Donc, l'exercice de notre droit d'accès, de vérification et de correction, il se trouve limité par cette ignorance-là.

M. Cannon: C'est intéressant, votre chose, parce qu'en plus ça suppose, évidemment, lorsqu'on connaît un renseignement qui est véhiculé à notre sujet, qu'on puisse avoir la possibilité de le corriger s'il est erroné, d'une part, aussi d'autoriser qu'il puisse circuler si ça nous convient. Ça oblige aussi qu'il y ait de notre côté, si on est lésé comme individu, un droit de recours et, ultimement, un droit de sanction. Et qui dit droit de recours, droit de sanction pour l'ensemble de la population dit aussi un système qui n'est pas trop lourd, mais qui est surtout accessible. Là-dessus, je vous rejoins quand vous dites: Des recours accessibles, gratuits et rapides sont indispensables à ce système-là. Je pense que c'est un peu dans cette optique-là que nous voulons nous diriger. Plutôt que d'y aller très rapidement, on veut trouver un système qui est peu coûteux, mais qui est accessible pour le citoyen.

Je voudrais aborder avec vous une autre notion que vous avez soulevée. C'était la possibilité d'un consentement collectif pour la collecte et l'utilisation de renseignements personnels. Dans quel type de circonstances verriez-vous l'application, justement, de ce consentement collectif ou la possibilité d'un consentement collectif?

M. Langlois: Je veux d'abord préciser une

chose: II y a des problèmes de juridiction possible lorsqu'il y a absence de consentement individuel, mais qu'il y aurait consentement collectif. Par consentement collectif, on entend consultation, par exemple, d'un organisme chargé de l'application d'une éventuelle législation, consultation auprès d'organismes représentant certaines catégories de population. Par exemple, les assurés, l'ensemble des personnes assurées à une compagnie d'assurances donnée qui bâtit ses dossiers à partir du numéro d'assurance sociale. Est-ce que, effectivement, je ne sais pas, moi, 10, 15, 20 personnes qui s'opposent à ça pourraient modifier cette pratique-là pour éviter, justement, que cette compagnie-là puisse utiliser ce numéro-là? Dans ce sens-là, peut-être que des consentements collectifs devraient aussi être examinés comme alternative possible pour voir, justement, si tel genre de pratique informationnelle est légitime ou nécessaire. Ça peut être à l'égard d'un organisme représentant les retraités, ça peut être à l'égard d'un syndicat, ça peut être...

Finalement, c'est ça qu'on entend par consentement collectif. Ça ne veut pas nécessairement dire qu'on l'oppose au consentement individuel et qu'il aurait primauté sur le consentement individuel. Je pense qu'il y a du travail de débroussaillage de droits à faire là, mais on signale que, dans certaines situations, il peut arriver que des organismes de défense de droits des consommateurs ou de certaines catégories de la population aient fait une réflexion beaucoup plus poussée, beaucoup plus approfondie sur les incidences de l'introduction de nouvelles technologies sur la vie privée des gens et soient en mesure, doivent finalement être consultés par un éventuel organisme chargé de l'application de la loi.

M. McKenzie: Juste pour peut-être continuer la réflexion, je me demande si, par exemple, des consentements collectifs à la divulgation de certaines informations, à la circulation de certaines informations sont possibles, mais quand même encadrés. Par exemple, je ne sais pas, un syndicat négocie une convention collective; il est entendu, à l'intérieur d'un cadre bien précis, que, sur les salaires ou la classification des employés, il y a des consentements qui peuvent être accordés, mais il faut que ce soit très encadré. Parce que je pense que le principe fondamental qui doit dominer quand même, c'est: toute information importante à mon sujet - je ne parle pas juste de mon nom, mais de ce qui qualifie ce que je suis comme individu - quand même, je dois rester maître d'oeuvre de ça. C'est ce que toute législation doit... Ça précède, je pense, tout consentement collectif. Un consentement collectif doit se faire, je pense, dans un cadre très concret. L'exemple de la convention collective est clair parce que ceux qui adhèrent au syndicat connaissent leur convention et tout ça.

M. Cannon: J'aimerais peut-être aborder, M. McKenzie, avec vous un autre élément qui n'a pas été soulevé par les autres intervenants, mais j'ai cru comprendre peut-être que vous vous Intéressiez à la chose. De toute façon, je vais poser la question et vous me direz si, oui ou non, c'est dans les propos que vous tenez. Vous savez, dans cette époque de mobilité de personnel et de chasseurs de têtes, il y a beaucoup de personnes qui, volontairement, fournissent à un intervenant, qu'il s'agisse d'un député, et certainement que mon collègue en a reçu comme moi, des curriculum vitae d'individus - et Dieu sait que dans un curriculum vitae il y a quand même beaucoup d'informations sur la personne-- pour que l'intervenant puisse les aider à se placer. Je pense, notamment, au secteur privé, à ces firmes qui se spécialisent précisément dans cette chose-là. (12 h 15)

Est-ce que, dans l'application d'une loi dans le secteur privé, il y aurait quelque chose à faire de ce côté-là pour éviter qu'on le divulgue délibérément, même sans mon consentement, même si j'ai dit: Oui, je postule tel emploi comme vice-président ou directeur de la production dans telle usine, le numéro de dossier x, y, z, je vous donne l'autorisation de vous servir de mon c.v. pour ça et de piloter mon dossier, mais une fois que ça c'est terminé, c'est terminé? Je sais qu'il y a d'autres cas où, effectivement, on continue de garder fiché l'individu qui a consenti à ça et on se sert, évidemment, de son c.v. pour meubler un certain nombre de positions. Est-ce qu'il y a quelque chose qu'on peut faire de ce côté-là pour limiter ça?

M. McKenzie: Moi, je pense que le principe de la confidentialité, quand on envoie un c.v., souvent, les gens, les directeurs de ressources humaines qui reçoivent des c.v., c'est écrit "confidentiel". Ça doit servir dans le cadre d'un emploi précis, puis je pense que ça devrait être assez limité. Si on veut s'en servir pour le faire circuler à d'autres sections de l'entreprise ou à un autre secteur complètement, je me demande si on ne devrait pas s'assurer de l'accord de celui qui nous l'envoie.

M. Cannon: Parce que c'est une pratique, quand même, très répandue. Ne nous contons pas de peurs.

M. McKenzie: La circulation des c.v., oui, c'est ça.

M. Cannon: Des c.v., il y en a en quantité industrielle qui circulent.

M. McKenzie: Puis, je pense que surtout les compagnies qui se spécialisent dans le placement

devraient être encadrées aussi dans ce sens-là, je pense, surtout ces compagnies-là. Évidemment, si j'envoie un c. v. au gouvernement du Québec et que je dis: Je suis intéressé à un emploi dans différents secteurs de la fonction publique, j'imagine que j'accepte que mon c. v. circule. Mais, mettons que je ne serais pas intéressé à ce que mon c. v. circule dans une autre entreprise ou de types semblables. Mais, en tout cas, je pense qu'il faut légiférer, mais surtout peut-être pour les enteprises qui se spécialisent dans le placement des individus. C'est une réflexion, remarquez bien. Je ne suis pas spécialisé dans le domaine.

M. Cannon: Je vous avoue, ça c'est une chose qui me préoccupe beaucoup. Je pense, Mme Barabé, que vous aviez quelque chose à rajouter là-dessus?

Mme Barabé: Oui, en complément, je voudrais rajouter que les organismes devraient utiliser les banques de données qu'ils détiennent en fonction de la finalité pour laquelle ils les ont constituées. Si quelqu'un envoie son c. v. à une entreprise pour fins d'embauché dans cette entreprise-là, elle peut circuler à l'intérieur de l'entreprise. Mais, pour pouvoir la faire circuler à un tiers, la personne qui a émis l'information devrait être sollicitée au niveau de son consentement. Je pense qu'il y aurait moyen d'encadrer ça assez rapidement si on fait le pendant avec ce qu'on retrouve dans la loi d'accès à l'information.

M. Cannon: Je suis d'accord avec vous dans le cas précis d'une entreprise, je ne sais pas, moi, si je posais ma candidature pour une entreprise dans le secteur des services ou le secteur manufacturier. Mais je pense notamment à des secteurs ou, enfin, à des entreprises qui se spécialisent dans le placement d'individus, qui en font, évidemment, leur matière première. Et c'est dans ce sens-là que, d'une façon répétée... Je ne sais pas ce qu'elles font avec ça. C'est pour ça que je vous pose la question à savoir s'il y a sur un fichier donné des regroupements ou des couplages d'informations sur les individus qui s'y trouvent à l'intérieur de leur entreprise. C'est pour ça que je vous demandais si vous aviez des renseignements là-dessus. Je suis d'accord avec vous qu'il y a une façon de procéder pour essayer de limiter ça. Mais l'extension de cette pratique, elle va jusqu'où?

M. McKenzie: Je pense que, pour les maisons de placement qu'on rencontre où on va donner notre nom, puis qui sont comme des "brokers" en emploi, on peut dire, il faudrait que ça soit surveillé de près, les pratiques en question, puis faire en sorte que la législation ou, on tout cas, les règlements s'assurent que ça ne circulent pas indûment. Puis, je pense que les gens - puis, là, je dévie un peu - qui sont en recherche d'emploi, puis qui s'adressent à ces compagnies-là sont souvent les plus démunis de notre société, puis les moins informés. Ça fait que c'est peut-être là qu'on a besoin d'une protection supplémentaire. C'est évident qu'eux autres sont prêts à dire n'importe quoi sur leur propre vie. Fais ce que tu veux avec, d'abord que tu me trouves une job. Mais ces gens souvent ne sont pas informes. C'est ces gens-là qui ont besoin de protection souvent.

M. Cannon: Comme vous dites, un petit peu à la merci. Parce que l'objectif, c'est de trouver un emploi et coûte que coûte; ils sont prêts à donner n'importe quelle information.

M. McKenzie: Parce qu'en filigrane de notre mémoire il y aussi tout l'aspect discriminatoire. L'exemple que je donne, c'est que j'ai assisté avec un président ou un directeur general d'Équifax, à un débat à Radio-Québec. On était dans la salle du poudrage. Radio-Québec nous demandait de consentir à divulguer les informations sur ce qu'on dirait à l'émission. Ne vous inquiétez pas, le président ou le directeur général - je ne sais pas si c'est d'Acrofax ou d'Équifax - a demandé d'appeler son avocat et il n'était pas intéressé à signer une telle chose. Je ne le nomme pas, mais je dis qu'il y avait une personne comme celle-là. Ça indique bien que les gens les plus informés de la matière et de la chose font bien attention de ne pas consentir. Moi, j'étais prêt; j'ai consenti tout de suite. Évidemment, ce que je disais, peut-être, était d'Intérêt public, j'y avais avantage. Mais il reste quand même qu'on volt que, dans notre société - et c'est ça qu'il est important de se rappeler - II y a une discrimination fondamentale dans les pratiques de renseignements. Et la même chose dans l'affaire du Bell; c'est les gens les plus pauvres qui sont prêts à donner le plus d'informations qui les concernent et qui sont en fin de compte manipulés ou dont les droits sont violés à ce moment.

M. Cannon: Merci, M. McKenzie. Mon temps est écoulé.

Le Président (M. Camden): M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: D'abord, je veux vous féliciter de votre mémoire, vous féliciter aussi d'avoir insisté pour être entendus avant Noël, ce qui a fait que, en partie, on a la garantie que tous les groupes vont être entendus avant le 21 novembre. Dans le fond, je voudrais vous poser une question pointue. Si les articles du Code civil qui sont en attente d'être promulgués l'étaient avec, peut-être, un amendement à l'article 41 pour, au lieu de dire le tribunal compétent, ce qui ouvre là un vaste champ, confier les recours, les

adresser à un tribunal créé spécifiquement pour ça - vous parlez d'un tribunal ressemblant au tribunal des droits qui existe depuis peu - est-ce que ça, plus l'assurance que la loi de portée générale dont on parie serait adoptée avant la fin de 1992, ça suffirait pour vous rassurer que le gouvernement est prêt à mettre fin à la presque décennie de discussions sur la protection de la vie privée pour passer aux actes? Est-ce que, ça, ça vous ferait oublier le cadeau de Noël qui vous fut promis, mais qui ne vous fut pas donné?

M. McKenzie: Remarquez bien que, nous, on ne demande pas de cadeau à personne.

M. Bourdon: Non.

M. McKenzie: On n'en a pas à donner, non plus. Je ne sais pas l'amendement. Si on nous assure qu'une loi va créer aussi un tribunal, on pourrait prendre le temps qu'il faut là-dessus afin, d'avoir une loi qui est solide, sérieuse et universelle. On pense, par contre, que la mise en vigueur du chapitre - il y a un autre chapitre du Code civil qui est déjà en vigueur; il n'y a pas d'argument qui vaille pour ne pas mettre en vigueur ce chapitre-là - ça permettrait de préserver les droits qui sont menacés, comme on disait. En même temps, ça créerait un climat favorable. Ça nous permettrait d'avoir des recours immédiats au civil. Mais, évidemment, c'est limitatif, encore fois. Ça va être, encore une fois, ceux qui ont les moyens ou pas du tout les moyens de se prémunir du recours en cour. Aller au civil, c'est quand même beaucoup de frais. Ça fait qu'il faut espérer assez rapidement, je pense, un moyen plus accessible qui est comme celui du tribunal.

M. Bourdon: À cet égard-là, je partage entièrement votre avis et c'est pour ça que, quant à moi, l'amendement qui confierait ça à un tribunal facile d'accès, gratuit et doté pour s'en occuper a un avantage. La même commission, ici, est en train d'étudier la réforme du Code civil. Et, vous avez raison, il n'est pas dit que le tout doit nuire à la promulgation d'une partie du Code civil. Je suis entièrement d'accord avec vous que les articles 35 à 41 constituent un pas en avant et qu'on serait un peu rassurés que ça s'applique, quitte à ce qu'on prenne, pour étudier l'autre législation, le temps qu'il faut pour qu'elle corresponde à quelque chose. Mais, déjà, les citoyens auraient un recours et quelques définitions de leur droit à la vie privée, autres que ce qu'on a actuellement qui procède, soit d'une législation particulière, fédérale ou provinciale, qui touche la téléphonie ou la communication ou quelque domaine que ce soit. Mais qu'il y ait un chapitre de protection de la vie privée dans le Code civil, avec un recours possible et que, parallèlement à ça, on avance dans la direction d'une législation qui viendrait compléter ces énoncés généraux là.

M. McKenzie: S'il y a consensus sur le tribunal, par exemple, est-ce que c'est possible de venir faire l'amendement qui permette que déjà un tribunal...

M. Bourdon: Écoutez, c'est ça.

M. McKenzie: Je laisse aux législateurs l'intelligence de la chose, mais...

M. Bourdon: On parie de trois lignes de l'article 41. On dit qu'il y a 2200 des 3200 articles qui ont été étudiés jusqu'ici. Oui, ça serait certainement possible de disposer de celui-là. Pas pour, d'une certaine façon, noyer le poisson, parce que le travail qu'on fait ici est pertinent parce qu'il va plus loin que ce chapitre. Dans le fond, il vient donner encore plus de portée à ce chapitre-là, éventuellement. Et, comme vous dites - je suis parfaitement avec vous - le danger, c'est qu'à un moment donné "qui trop embrasse mal étreint". Il y a quelque chose qui m'apparaît dangereux - et je vous pose la question, elle déborde un peu - qu'on ait au Québec une centaine de lois et règlements pas promulgués; ça, c'est le décompte d'il y a à peu près sept ou huit mois. Est-ce que ça ne nous fait pas paraître un peu comme un Parlement-école qu'on adopte une loi, que les journaux disent que les législateurs se sont penchés sur un problème et que, trois ans après, on dise: On l'a adoptée un peu pour le principe, mais elle n'est pas en vigueur parce que - je ne sais pas - tel ou tel groupe serait inconfortable avec l'applica tion de la loi? Est-ce que ça vous préoccupe, cette tendance qu'on vote des législations comme pour la galerie et que, des années plus tard, on dise: Ça, c'était pour satisfaire ceux qui parlaient, mais ceux qui téléphonaient et qui n'étaient pas d'accord peuvent être parfaitement rassurés: il y a adoption de principe d'une loi de principe qui corrige un problème, sauf qu'elle n'est pas en vigueur?

M. McKenzie: II faut dire que, même par les compagnies de crédit, entre autres, par exemple, les principes qu'il y a là, ce sont des principes directeurs qui sont acceptés, reconnus. Il n'y a personne, je pense, qui s'oppose à ça. On comprend mal pourquoi, surtout quand on a eu une promesse comme on l'a eue, on se demande pourquoi il n'y a pas l'application. Il y a eu une raison, à un moment donné, qui a été évoquée: on va faire le tout ensemble quand on aura fini de revoir le Code civil, mais ça ne tient pas parce que les articles qui touchent à la famille, par exemple, c'a été mis en vigueur. On pense que ça serait un premier geste à poser.

M. Langlois: Est-ce que je peux ajouter

quelque chose si vous permettez? Effectivement, c'est une recommandation à laquelle on tient beaucoup dans notre mémoire à l'appliquer, parce que ça baliserait l'article 5 de la charte québécoise et l'article 4 aussi d'une façon encore beaucoup plus précise. Ça permettrait des recours judiciaires, là, ce qui est très important, étant donné qu'à l'heure actuelle ce n'est pas possible, finalement. Sauf que ce n'est pas suffisant. Je mentionne juste deux exemples: l'article 37 et l'article 39, le droit de constituer un dossier. Il faut avoir un intérêt sérieux et légitime. On va plus loin que ça, évidemment, dans le mémoire, dans le sens qu'il y a les principes de la loi sur l'accès qui devraient être là. Ce n'est pas juste sérieux et légitime, il faut que ce soit nécessaire...

M. Bourdon: Nécessaire.

M. Langlois: ...effectivement. Il y a une distinction, une nuance majeure parce que, selon les besoins de telle ou telle entreprise, elle peut trouver sérieux et légitime de recueillir toutes sortes d'informations sur ses employés ou sur d'éventuels candidats, etc., d'une part. C'est la même chose au niveau du refus d'accès, à l'article 39, où, là, on peut refuser s'il y a un intérêt sérieux et légitime à le faire. C'est des balises nécessaires, mais pas suffisantes, à l'heure actuelle. Je pense qu'il ne faut pas voir, pas l'adoption, parce que c'est vrai, mais la mise en vigueur de ce chapitre-là du Code civil comme étant la permission, même si on n'a pas de permission à donner, mais effectivement, l'accord que la Ligue donnerait, finalement, à encore d'autres délais.

Sur le premier aspect de votre question, moi, je vous dis: Effectivement, c'est inquiétant. Je n'ai pas fait d'étude de l'ensemble des lois adoptées par l'Assemblée nationale qui n'ont pas été promulguées ou pas été mises en vigueur, mais je trouve ça inquiétant dans les rapports entre le législatif et l'exécutif. Oui. C'est un problème sur lequel, effectivement, une ligue comme nous devrait peut-être intervenir.

M. Bourdon: Maintenant, vous parlez dans votre mémoire de la double mission de l'organisme, s'il n'y en avait qu'un, chargé d'appliquer la loi. Et, déjà, il y a des groupes qui sont venus ici nous dire que la Commission d'accès à l'information, si on la compare à la commission des droits de la personne, par exemple, vit une mission qui est double et qui, à l'occasion, peut devenir contradictoire. Ce que j'entends par là, c'est: Est-ce que vous êtes de cet avis que l'organisme qui fait la promotion, l'éducation, l'information, l'enquête et les plaintes ne devrait pas être le même qui siège comme tribunal pour apprécier le résultat de son propre travail? Est-ce que c'est une opinion que vous partageriez?

M. McKenzie: Oui. Là-dessus, quand on a présenté un mémoire sur la commission des droits et la création d'un tribunal des droits de la personne, c'est un peu les mêmes préoccupations qu'on avait. Et puis, dans le cas que vous soulignez, je pense que c'est vrai. Quand la Commission d'accès à l'information, par exemple, consulte des organismes pour établir des réglementations, fournit des avis aux entreprises sur le genre de réglementations internes qui de vraient exister à l'intérieur des entreprises, quand il y a un cas à juger, à un moment donné, ou des décisions à prendre par les commissaires, bien, il peut y avoir conflit d'intérêts, c'est évident. Donc, pour éviter ça et pour permettre, peut-être, à la Commission d'accès à l'information d'avoir un mandat clair, précis, qui est celui de la promotion, de la défense, de l'enquête et tout ça, au moment de la tenue des audiences pour juger du cas, je pense qu'un tribunal serait moins pris, tu sais. Le conflit d'intérêts ne jouerait pas à ce moment-là.

M. Bourdon: Mais, dans ce sens-là, est-ce qu'on ne peut pas penser aussi que ce serait plus simple de dire: La Commission d'accès à l'information acquiert une juridiction qui s'étend au privé puisqu'elle a déjà une expertise et quun droit, c'est un droit, que ce soit dans le privé ou dans le public, mais qu'en même temps on dise: Le tribunal qui en dispose est unique pour le privé ou le public, mais distinct de la commission que l'Assemblée nationale charge de vérifier si le droit est protégé, d'éduquer, de concilier aussi? Je n'ai rien contre aucun de ces mandats-là. Comme vous dites, c'est fort légitime de consulter des individus et des groupes, mais si on est en même temps un tribunal quand on consulte, on se trouve à s'engager, à éclairer, et à interpréter et ça hypothèque peut-être l'avenir.

M. Langlois: On peut facilement imaginer une situation où la Commission, dans son activité de promotion d'une éventuelle législation, collabore avec des groupes, même les subventionne pour des recherches, etc. D'une part, elle participe à la rédaction des diverses réglementations, si on va jusqu'aux réglementations sectorielles, et elle peut même être prise à donner des conseils à des entreprises qui lui demandent conseil. C'est sûr que là, si en même temps on lui demande d'agir comme tribunal, vous avez raison, ce n'est pas une situation qui est la plus salutaire dans l'administration.

M. Bourdon: En fait, en caricaturant, on pourrait dire: L'organisme interprète sa propre interprétation qu'il a donnée d'entrée de jeu et qui peut être inexacte.

M. Langlois: Ça va. Ça fait le tour.

Le Président (M. Camden): Alors, on

remercie au nom des membres de la commission... M. Cannon: C'est le mot de la fin? Le Président (M. Camden): Oui.

M. Cannon: Peut-être un mot de la fin sans partisanerie, mais je ne peux pas m'empêcher de dire à mon collègue que, si vous avez décidé de faire l'inventaire des lois qui ne sont pas appliquées, s'il vous plaît, faites-le aussi pendant les neuf ans où l'Opposition était au pouvoir. Surtout, regardez les chapitres qui, pendant deux ans, au niveau de la loi d'accès à l'information, sont restés sans application. Merci de votre présence, ce fut très intéressant.

M. Bourdon: Soyez sans pitié! Des voix: Ha, ha, ha!

M. McKenzie: La Ligue a été sans pitié pour l'autre gouvernement, comme elle l'est peut-être pour vous.

Le Président (M. Camden): Alors, on vous remercie, M. McKenzie, M. Langlois et Mme Barabé, de votre présentation et, sur ce, j'ajourne les travaux.

(Fin de la séance à 12 h 37)

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