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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mardi 1 décembre 1992 - Vol. 32 N° 20

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi n° 50, Loi modifiant le Code de procédure civile concernant le recouvrement de petites créances


Journal des débats

 

(Vingt-deux heures)

Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la commission des institutions ouverte. Je vous rappelle l'ordre des différents projets de loi qui ont été déterminés par la Chambre tantôt, soit le projet de loi 11, le projet de loi 50, le projet de loi 14 et, finalement, le projet de loi 42. On m'a laissé sous-en-tendre qu'H y aurait peut-être une substitution à faire en ce qui concerne le premier projet de loi à être étudié.

M. Rémillard: Oui, M. le Président, je crois que je peux dire qu'avec le consentement unanime de cette commission nous vous proposons, bien respectueusement, d'appeler plutôt le projet de loi 50, qui est la Loi modifiant le Code de procédure civile concernant le recouvrement des petites créances.

Le Président (M. LeSage): Est-ce qu'il y a des objections à ce que l'on procède avec le projet de loi 50? Alors, je constate qu'il y a consentement unanime. Donc, nous procéderons à l'étude détaillée du projet de loi 50, soit la Loi modifiant le Code de procédure civile concernant le recouvrement des petites créances. Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui. M. Dauphin (Marquette) est remplacé par M. Houde (Berthier); M. Gauvin (Montmagny-L'Islet) est remplacé par M. Char-bonneau (Saint-Jean); M. Lafrance (Iberville) est remplacé par M. Khelfa (Richelieu); Mme Pelchat (Vachon) est remplacée par M. Richard (Nicolet-Yamaska); M. Beaulne (Bertrand) est remplacé par Mme Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière); et M. Claveau (Ungava) est remplacé par M. Holden (Westmount).

Le Président (M. LeSage): Merci, Mme la secrétaire. M. le ministre, vous avez des remarques préliminaires?

Remarques préliminaires M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Très brièvement, M. le Président, puisque nous venons tout juste de faire nos remarques dans le cadre du discours de l'étude de principe. M. le Président, tout d'abord, je dois simplement dire que cette salle me rappelle beaucoup de souvenirs. Je partageais ces souvenirs, il y a quelques instants, avec le député de Chapleau, adjoint parlementaire du ministre de la Justice, et avec la députée de Terrebonne qui était... Donc, nous étions tous ensemble ici, M. le Président. Et je vois le député de Westmount qui était là avec nous. La seule différence, je pense, c'est que le député de Westmount n'était pas de la même formation politique à ce moment-là.

M. Kehoe: Ça change en politique.

M. Holden: Mais toujours aux côtés des gens bien.

M. Rémillard: II a changé, mais toujours, il est vrai, aux côté de la députée de Terrebonne. Et, M. le Président, je dois dire que, il y a donc un an, nous étions dans notre sprint final qui nous a amenés, finalement, après cinq mois de commission parlementaire, à faire le Code civil. Je ne doute pas, M. le Président, avec l'expérience que nous avons eue, donc, tous ensemble - et nous avons maintenant le député d'Anjou qui se joint à nous, comme le député de Viger et le député d'Orford qui se joignent à nous - sous votre présidence que nous pourrons étudier judicieusement les articles que nous voulons donc ajouter au Code de procédure civile pour faire en sorte que nous puissions augmenter, dans un premier temps, le montant d'admissibilité à l'aide juridique, le faire passer de 1000 $ à 3000 $, en plus, aussi, de permettre aux petites entreprises de cinq employés et moins de pouvoir s'adresser aussi aux petites créances. Alors, voilà, M. le Président, je suis à votre disposition pour débuter nos travaux.

Le Président (M. LeSage): merci, m. le ministre. est-ce qu'il y a des remarques préliminaires de la part de l'opposition? m. le député d'anjou.

M. Pierre Bélanger

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président. Quant à moi, elles seront brèves aussi. Malheureusement, je ne peux pas dire que cette salle me rappelle certains souvenirs puisque, à l'époque des travaux sur la révision du Code civil, je n'étais même pas encore député. Alors, je ne pouvais que vivre à l'époque les appréhensions formulées par les avocats quant à cette réforme éventuelle et certaines craintes qu'ils ressentaient et qui semblent avoir été, je pense, apaisées en grande partie par les séances d'information qui ont eu lieu sur le projet.

Ça me fait plaisir de diriger pour la première fois du côté de l'Opposition une commission parlementaire sur un projet de loi qui, évidemment, m'intéresse beaucoup puisqu'il est relié à la justice. Alors, j'espère que, comme l'a dit si

bien le ministre de la Justice tout à l'heure en Chambre, dans un esprit non pas de partisanerie, mais dans un esprit constructs qui, je pense, personnifie le domaine de la justice, nous allons étudier article par article ce projet de loi afin de faire en sorte que cette réforme proposée de la Cour des petites créances atteigne ses réels objectifs qui sont ceux de l'accessibilité à la justice. Car il ne suffit pas de porter, je pense, de 1000 $ à 3000 $ un seuil d'admissibilité à une cour pour la rendre tout autant efficace ou pour faire en sorte que le but visé soit atteint.

Alors, je pense qu'il va y avoir des débats intéressants. Nous allons vous faire des suggestions et des propositions dans un esprit constructs et nous sommes certains, connaissant le ministre de la Justice, qu'il apportera une oreille attentive à ces propositions, et ce, dans le seul but, finalement, de faire en sorte que les citoyens du Québec soient dotés d'une Cour des petites créances plus efficace, plus accessible et qui saura répondre un peu mieux aux défis modernes que, maintenant, doit relever quotidiennement notre système judiciaire.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le député d'Anjou. Est-ce qu'il y a d'autres membres de cette commission qui désirent faire des remarques préliminaires? Sinon, je constate également qu'il n'y a pas de motion préliminaire visant l'organisation des travaux. J'appelle donc l'article 1 du projet de loi 50, M. le ministre.

Étude détaillée

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Est-ce que vous voulez que je procède en lisant tout d'abord l'article et, ensuite, en faisant les commentaires? Est-ce que c'est la façon dont on va procéder, normale? Oui?

Le Président (M. LeSage): Vous pouvez lire l'article si vous voulez, M. le ministre, et faire le commentaire par la suite.

Application

M. Rémillard: Très bien. Alors, M. le Président, l'article 1 : 1. L'article 953 du Code de procédure civile (L.R.Q., chapitre C-25) est modifié: 1° par le remplacement du paragraphe a du premier alinéa par le suivant: «a) une créance qui n'excède pas 3000 $;»; 2° par l'insertion, dans la première ligne du paragraphe d du premier alinéa, après le mot «physique», des mots «ou morale»; 3° par le remplacement, dans la dernière ligne du deuxième alinéa, du nombre «1000» par le nombre «3000»; 4° par l'addition, à la fin, de l'alinéa suivant: «Une personne morale ne peut, à titre de créancier, se prévaloir des dispositions du présent livre que si, en tout temps au cours de la période de 12 mois qui précède la demande, elle comptait sous sa direction ou son contrôle au plus cinq personnes liées à elle par contrat de travail».

M. le Président, les modifications proposées par cette disposition ont un double objet. D'une part, les paragraphes 1° et 3° de l'article 1 du projet de loi visent à porter de 1000 $ à 3000 $ le seuil maximal de la compétence monétaire de la division des petites créances de la Cour du Québec et, d'autre part, les paragraphes 2° et 4° de l'article 1 de ce projet visent à permettre désormais à certaines personnes morales de se prévaloir du Livre VIII du Code de procédure civile pour recouvrer, à titre de créancier, une petite créance.

Toutefois, seules les personnes morales qui, en tout temps, au cours de la période de 12 mois qui précède la demande, comptaient sous leur direction ou leur contrôle au plus cinq personnes liées à elles par contrat de travail pourront bénéficier de la procédure en recouvrement des petites créances. Voila, monsieur.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a des remarques du côté de l'Opposition? M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Quant à ce premier article, M. le Président, je pense que l'Opposition, quant à elle, sur le fait d'augmenter la limite de 1000 $ à 3000 $, comme nous l'avons exprimé précédemment, nous sommes pour le principe. Maintenant, quant aussi au fait que, maintenant, nous pouvons accepter qu'une personne morale puisse avoir accès à la Cour des petites créances, nous n'avons pas encore, je pense, d'objection, sous réserve, évidemment, de pouvoir définir quelles sont ces personnes morales qui pourront avoir accès.

Maintenant, M. le Président, moi, ce qui m'inquiète un peu dans ce premier article, c'est la notion de personne morale, la définition, finalement, de la personne morale admissible, qui est donnée dans le dernier alinéa. Quand on parle que: «...en tout temps au cours de la période de 12 mois qui précède la demande, elle comptait sous sa direction ou sous son contrôle au plus cinq personnes liées à elle par contrat de travail», moi, je me demande pourquoi, premièrement, avoir arrêté son choix sur le fait que ce soit 5 personnes, pourquoi 5, pourquoi pas 4, pourquoi pas 10? Quels ont été les critères retenus par le ministre pour arrêter son choix sur 5? (22 h 10)

Maintenant, aussi, la notion de «liées par contrat de travail». «Contrat de travail», est-ce que ça s'entend contrat à la fois verbal, écrit? Maintenant aussi, pourquoi avoir arrêté le choix sur 12 mois quant à la période de référence, de

surveillance pour savoir si la corporation peut être admissible? Alors, moi, ce sont quelques questions sur lesquelles j'aimerais entendre les commentaires du ministre.

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Rémillard: Oui. En ce qui regarde, tout d'abord, cette référence à cinq employés, lorsqu'on veut distinguer les petites, les moyennes et les grandes entreprises, le chiffre de cinq employés revient fréquemment dans les mesures administratives au niveau de l'Industrie et du Commerce. Au niveau de la législation aussi, on a quelques exemples. On se souvient, par exemple, que la loi 101 se référait, si ma mémoire est bonne, à cinq employés et moins en ce qui regarde l'affichage avant la loi 178. En ce qui regarde le nouveau projet de loi déposé par le ministre de l'Industrie et du Commerce, je crois que c'est quatre; ce n'est pas cinq, c'est quatre. Je crois que c'est quatre, je ne pense pas que ce soit cinq. Mais, que ce soit quatre ou cinq, ce sont les critères qu'on retrouve habituellement au niveau de l'Industrie et du Commerce pour distinguer la petite entreprise de la moyenne et de la grande entreprise. Or, nous, nous voulions quand même protéger, comme je l'ai déjà mentionné, la philosophie qui a guidé la création des petites créances en 1972 et qui doit faire en sorte que le justiciable, l'individu puisse toujours trouver sa place puisque c'est lui qui doit être servi par une accessibilité à la justice, une justice la moins formelle possible. Alors, nous disons oui à ces personnes morales, c'est-à-dire à ces compagnies; il faut qu'elles puissent avoir accès aux petites créances. Nous pensons au dépanneur, nous pensons au garagiste du coin, nous pensons à beaucoup de ces petits commerces, le nettoyeur, enfin, beaucoup de commerces de services qui ont cinq employés et moins et qui pourront avoir accès aux petites créances, toujours sans avocat, bien sûr.

Alors, quand le député d'Anjou me dit: Quel a été votre critère du cinq? ça a été les normes retenues habituellement dans l'administration en ce qui regarde l'Industrie et le Commerce pour qualifier une petite entreprise.

M. Bélanger (Anjou): Est-ce qu'on fait la différence entre des personnes à temps partiel, des personnes qui seraient en emploi à temps partiel ou à temps plein? Il n'y a aucune nuance qui pourrait être apportée à ce niveau-là?

M. Rémillard: II n'y a pas de différence entre temps plein ou temps partiel parce que là on rentrait dans des difficultés et on ne savait pas comment s'en sortir. Vous allez vous retrouver avec des commerces, par exemple, qui sont saisonniers et qui peuvent employer 12 personnes contractuelles pendant 10 semaines, 12 semaines l'été et puis, ensuite, ils tombent à 2 ou 3 employés. Finalement, il fallait trouver une norme. Après avoir étudié ça de tous bords et de tous côtés, on est arrivé à la conclusion qu'il fallait dire cinq employés liés par contrat, que ce soit un contrat qui amène un travail à temps partiel ou que ce soit un contrat avec un travail à temps permanent; peu importe la durée du travail, c'est cinq employés.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Tu as terminé?

M. Bélanger (Anjou): Non, je n'ai pas terminé, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Ah! Allez-y, M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Justement, si je reprends votre exemple d'une compagnie qui pourrait être saisonnière justement, si, on va dire, pendant 2 mois, elle a sous sa direction 5 employés et, après, pendant 10 mois, elle n'a aucun employé et elle doit réembaucher peut-être dans une autre période de 12 mois ou de 8 mois, je ne le sais pas, un ou des employés, à ce moment-là, est-ce qu'elle va se classer pour pouvoir être admissible?

M. Rémillard: Le critère, c'est que dans 12 mois il ne doit pas y avoir plus que 5 employés, en tout temps.

M. Bélanger (Anjou): En tout temps. M. Rémillard: En tout temps.

M. Bélanger (Anjou): Mais si, pendant huit mois, justement, elle n'avait aucun employé sous sa direction?

M. Rémillard: À ce moment-là, si elle a huit employés, elle ne peut pas aller aux petites créances. Il faut que ce soit dans 12 mois...

M. Bélanger (Anjou): Oui.

M. Rémillard: ...de la demande...

M. Bélanger (Anjou): Oui.

M. Rémillard: ...de l'action en justice, elle doit avoir eu un maximum de 5 employés.

M. Bélanger (Anjou): De cinq. Mais, justement, prenons le cas - je me suis mal exprimé - de quatre employés, mais uniquement, disons, pendant deux mois et avec une interruption de plusieurs mois. S'il y a eu interruption de la relation employeur-employés pendant une certaine période, est-ce qu'à ce moment-là elle

pourrait ne pas se classer? Comme vous dites, saisonnier, c'est saisonnier, il y a une grande période hors saison où il n'y a aucune activité, où il n'y a aucun employé.

M. Rémillard: Oui, mais regardez, si elle veut prendre, par exemple, action le 1er décembre 1992, ça veut dire que, du 1er décembre 1991 au 1er décembre 1992, il ne doit pas y avoir plus de cinq personnes qui ont été liées par contrat à cette entreprise-là. Que ce soit un contrat de 3 semaines, ou de 3 mois, ou de 12 mois, peu importe, c'est seulement 5 employés, pas plus, peu importe la durée du contrat d'emploi.

M. Bélanger (Anjou): Et peu importe s'il y a eu interruption de ces employés-là. C'est ça?

M. Rémillard: Peu importe s'il y a eu interruption...

M. Bélanger (Anjou): Ah bon, d'accord.

M. Rémillard: ...s'ils reviennent, tout ça. Sans ça, on ouvrait une boîte de Pandore. D'ailleurs, c'est évidemment des discussions qui ont eu lieu. Quand je vous ai dit que le critère de cinq employés était utilisé à d'autres niveaux, évidemment, toutes ces discussions ont eu lieu là et, nous, on les a refaites ensuite en groupe de travail, et on sait que, si on commence à faire ces genres de distinctions, on ne s'en sort pas vivants. Ce serait extensionner considérablement, bien sûr, la portée de la loi; donc, ouvrir encore plus grande la porte aux entreprises pour les petites créances.

Le Président (M. LeSage): Ça va, M. le député d'Anjou?

M. Bélanger (Anjou): Oui, merci.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, vous comprendrez, M. le Président, que cet article 1 vient directement toucher la demande qui a été présentée par la Fédération des ACEF, et là je rappelle leur demande: le retrait de l'article 953 du Code de procédure civile, tel que modifié, et c'est évidemment toute la notion de personne morale et cette ouverture qui est faite aux petites entreprises. Parmi les principales objections, c'est bon de le rappeler, c'est évidemment l'engorgement, parce que simplement de changer le plafond - et ça, nous sommes en accord - jusqu'à 3000 $, ça va créer beaucoup plus de demandes. Il va y avoir beaucoup plus de dossiers qui vont se retrouver là. Mais par le fait de l'ouvrir aussi aux petites entreprises, on vient doubler cette ouverture et les problèmes risquent d'être assez sérieux.

Et il y a l'autre élément à l'effet que les objectifs de la Cour des petites créances n'ont jamais été de transformer cette Cour des petites créances en agence de perception. Et, si on fait référence, par exemple, au nettoyeur ou si on fait référence au petit garagiste ou au dépanneur, on risque effectivement que la Cour des petites créances devienne une agence de perception, un centre de collection. Ce n'était absolument pas dans les objectifs premiers au moment de la création de la Cour des petites créances et ça ne devrait pas être non plus les principes qui devraient nous guider à ce moment-ci. Et les inquiétudes là-dessus... Les réponses du ministre, en tout cas, moi, ne me donnent pas de satisfaction là-dessus. Est-ce qu'on a fait une évaluation précise du nombre de demandes? Le ministre parlait tantôt d'environ 33 000 demandes supplémentaires, dans sa réplique en Chambre tout à l'heure, qui risquent de se retrouver, selon les évaluations du ministère. Est-ce qu'on a fait la part entre le surplus qui est ajouté à cause de l'élévation du plafond à 3000 $ et le nombre qui pourrait être imputable aux petites entreprises comme telles? Est-ce qu'il y a une évaluation qui a été faite là-dessus?

M. Rémillard: Oui. Il y a, évidemment, une évaluation bien précise qui a été faite par le ministère de la Justice. Vous savez, quand on va devant le Conseil du trésor avec des projets comme ça, le travail aussi est scruté à la loupe en ce qui regarde les augmentations de coûts qui pourraient survenir par une augmentation, par exemple, du nombre de juges, etc. Donc, tout ça a été étudié, évidemment, dune façon très minutieuse. Les chiffres que j'ai cités, si vous me permettez, je vous les cite de nouveau. On dit ici, et je me permets de le lire: «Selon les évaluations préparées au ministère de la Justice, les nouvelles mesures devraient augmenter le nombre de dossiers ouverts de 33 620». (22 h 20)

Alors, «de ces 33 620 nouveaux dossiers aux petites créances, il y en a 13 880 qui proviendront d'un transfert de la Cour du Québec, chambre civile, et 19 740 nouveaux dossiers. Les 13 880 dossiers transférés de la Cour du Québec seront traités par une réaffectation des juges de la chambre civile à la division des petites créances.» Parce que c'est ça qu'il faut comprendre, c'est les vases communicants. Ces causes-là, qui allaient normalement au niveau de la Cour du Québec, donc dans sa procédure normale, au lieu d'aller à la division Cour du Québec, chambre civile, ça va venir aux petites créances. Donc, ça va dégager d'autant plus des juges de la Cour du Québec, qui vont s'en venir faire plus de petites créances. Et l'analyse, c'est de dire qu'on ne voit pas d'obligation d'avoir plus de juges et que le traitement des dossiers... En plus, bien sûr, il y a toute la conciliation qui

élimine aussi beaucoup de cas devant le juge d'une façon formelle. Alors, si on prend tout ça ensemble, le Conseil du trésor et le ministère de la Justice arrivent à la conclusion que, avec les effectifs, actuellement, de la Cour du Québec et les moyens matériels que nous avons, il n'y a pas de problème pour réaliser ce projet de loi.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Les 13 880 seraient, évidemment, comblés par le transfert. Donc, 19 740 nouveaux dossiers et on ne peut pas dire qu'il va y avoir, à ce moment-là, des juges qui seront transférés pour ces nouveaux dossiers-là. Et vous évaluez que près de 20 000 nouveaux dossiers, ça ne demandera pas de juges supplémentaires.

M. Rémillard: Voici une autre précision, si vous permettez, que je vous apporte: c'est que, de ces 19 740 nouveaux dossiers aux petites créances, il y en a 35,4 % qui vont se rendre devant le juge. Les autres sont reliés à la conciliation, donc sont réglés avant d'aller devant le juge. D'où 6 990 dossiers ouverts supplémentaires qui devraient potentiellement être traités par le juge.

Mme Caron: M. le Président...

Le Président (M. LeSage): Allez-y, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: ...si vous évaluez que 35,4 %, disons 35 % là, seulement vont se retrouver là, ça ne correspond pas aux chiffres que nous avons pour la période précédente, c'est-à-dire que ce que nous avions comme information, c'est que le service de médiation avait permis le règlement de 15 % des dossiers. Comment peut-on prévoir que l'augmentation du règlement serait aussi forte?

M. Rémillard: ce n'est pas 15 %. je ne sais pas où vous avez trouvé le chiffre de 15 %, mais le taux de conciliation, de réussite est beaucoup plus élevé que 15 %.

Mme Caron: Est-ce que vous avez ce taux de réussite?

M. Rémillard: Oui, mes gens vont me l'apporter dans quelques instants.

Mme Caron: Parce que, dans les documents que nous avions concernant le service de médiation, on pariait de 80 % de réussite sur les dossiers qui avaient été traités, mais que seulement 15 % des dossiers avaient été traités.

M. Rémillard: Parce qu'on dit ici, voyez- vous, dans ma note que je lis: «Par contre, l'extension de la médiation à l'ensemble de la province - parce que c'est juste en opération actuellement à Québec, à Montréal, à Hull et à Laval - et à la nouvelle clientèle - avec, bien sûr, les petites entreprises - devrait permettre, selon le taux de succès actuel, de régler 7514 dossiers qui auraient été traités par les juges». Alors, «les nouveaux dossiers ouverts aux petites créances devraient donc être traités par une réaffectation des juges de la Cour du Québec et par l'extension de la médiation. Les délais d'audition ne devraient donc pas être affectés par ces mesures.»

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: C'est-à-dire que les services actuels de médiation traitaient 15 % mais, puisque vous comptez...

M. Rémillard: Extensionner.

Mme Caron: ...étendre la médiation à l'ensemble, c'est pour ça que votre pourcentage de dossiers de conciliation serait très élevé.

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Rémillard: Les 15 % ici, on me dit que ce sont des dossiers qui sont ouverts aux petites créances avec un taux de succès de 80 %, donc, en médiation. Mais, là, comme on vient de le mentionner, on l'ouvre à l'ensemble du territoire. Donc, ça monte considérablement. Les 15 % n'ont plus, donc, nécessairement leur place. Alors, ça augmente ce taux des dossiers qui seront ouverts à la médiation, à la conciliation, ce qui veut dire que vous en arrivez à - ici, les prévisions -7514 dossiers qui auraient à être traités, finalement, par les juges.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: M. le Président, dans un premier temps, est-ce * que le ministre a l'intention de nous déposer ce document de prévisions concernant le nombre de dossiers? J'aimerais également que le ministre puisse répondre à la deuxième partie de ma question, c'est-à-dire la crainte que nous avons que, finalement, la Cour des petites créances devienne une agence de perception, que cela puisse permettre, finalement, à différents petits commerçants de collecter leurs comptes.

Document déposé

M. Rémillard: Je vais déposer, d'abord, ma note administrative. Vous voyez, je n'ai rien à vous cacher. Quant à la perception, on dit bien

qu'il s'agit de cinq employés liés par contrat. Alors, par conséquent, il s'agit d'une entreprise de cinq employés et elle est représentée en cour par un de ses employés. Alors, comment peut-on penser que ce serait des agences de perception qui pourraient, donc, s'infiltrer? Non? Est-ce que je comprends mal votre question?

Mme Caron: Oui. M. le Président, si je peux... Non, c'est que la Cour des petites créances elle-même va devenir un lieu de perception, finalement, puisque les petites entreprises qui n'auront pas réussi à se faire payer par leurs clients, au lieu de recourir à une agence de perception, vont pouvoir aller à la Cour des petites créances.

M. Rémillard: Et vous ne trouvez pas ça une bonne chose? Mettons que ce serait ça, vous ne trouvez pas ça correct?

Mme Caron: Bien, si la cour...

M. Rémillard: Qu'est-ce qu'il y aurait de pas correct à ce qu'un garagiste qui a fait des réparations et qui considère qu'on lui doit 700 $, 800 $, si la personne ne paie pas, décide d'aller aux petites créances? Et puis le consommateur dit: Écoutez, moi, je n'ai pas eu les réparations que je voulais. Et le garagiste dit: Moi, j'ai vraiment fait les réparations qu'il fallait. En fait, il y a conflit et le juge tranche. Ce n'est pas correct, ça, au lieu d'avoir une agence de perception qui va essayer d'avoir le montant d'argent parce qu'elle a une commission sur l'argent qu'elle perçoit au niveau du consommateur? Est-ce que ce n'est pas mieux d'avoir, comme ça, un processus? Plus, là, il y a la conciliation. Pensez à la médiation et la conciliation qu'on a aussi au niveau des petites créances. Est-ce que le système n'est pas mieux comme ça? Je ne sais pas, j'aimerais ça avoir votre opinion là-dessus.

Mme Caron: Ça ne m'apparaît pas évident que la société doive débourser les coûts d'administration d'une Cour des petites créances pour agir à la place d'une agence de perception. J'avoue que je ne pense pas que ce soit un principe souhaitable, au niveau de notre société. J'ai un petit peu de difficulté à endosser ce principe-là. Je ne pense pas qu'on ait à assumer des coûts - parce que c'est quand même des coûts importants, l'administration de la Cour des petites créances - pour jouer le rôle d'agence de perception à la place des entreprises.

M. Rémillard: Oui, mais, Mme la députée, une société de justice, c'est quand même que chacun puisse recevoir en toute équité une contrepartie du travail qu'il a accordé. Alors, si on veut être dans une société de justice, le commerçant qui a livré un produit ou celui qui a fabriqué quelque chose, le consommateur qui a reçu un bien ou qui a utilisé un bien, pourquoi ces gens-là ne pourraient pas avoir justice, dans un processus qui est informel, qui est rapide, qui fait appel à la conciliation et à la médiation, même avant d'aller devant le juge? (22 h 30)

Moi, savez-vous, je n'ai aucun problème là-dessus, d'autant plus qu'actuellement une personne physique peut le faire. Si vous me devez des sous et que, moi, je veux aller devant les petites créances et dire que vous me devez des sous, et que je démontre au juge que vraiment, en droit, vous me devez des sous, vous allez me payer. Vous allez avoir un jugement. Puis il n'y a rien de mal à ça. Pourquoi il y aurait du mal à s'adresser aux petites créances. Alors, là, ça serait simplement le petit commerçant, votre épicier là du coin de rue, votre dépanneur, votre nettoyeur, ces gens-là, votre garagiste. Pourquoi, eux, qui ont à faire vivre aussi leur famille, puis qui travaillent honnêtement... Si ce n'est pas honnêtement, le juge va être là pour leur dire: Un instant, ça ne marche pas de même. Le consommateur, ce monsieur, cette madame, ne vous le doit pas, cet argent-là. Vous n'avez pas fait votre service adéquatement. Qu'est-ce qu'il y a de pas correct là-dedans? Je vous avoue, moi, que je ne vois pas ça comme ça. Il me semble que c'est un avantage.

Puis, je suis certain... Le député de Westmount, comme avocat, il ne trouve pas ça? Le député d'Anjou est avocat aussi, H a pratiqué. Excusez-moi, je ne fais pas référence à deux avocats pour vous mettre en...

M. Holden: Vous ne voulez pas créer de la chicane entre nous, M. le Président.

M. Rémillard: Non, non. Je retire mes affirmations.

Mme Caron: Bien, moi, je suis fière de ne pas être avocate.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Terrebonne a demandé la parole.

M. Rémillard: Oui, vous avez parfaitement raison. Vous avez parfaitement raison, je m'en excuse.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Terrebonne, la parole est à vous.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je pense que, lorsque le ministre fait référence au principe qu'un citoyen peut, présentement, aller percevoir de l'argent qui lui est dû, effectivement la Cour des petites créances a été créée pour donner l'accessibilité à un citoyen pour faire valoir ses droits et non à une entreprise. Et c'est élargir ce principe. Si je pars du

principe du ministre - il ne l'a pas dit, mais il voulait le dire - que c'est un juste équilibre, eh bien...

M. Holden: II ne l'a pas encore dit!

Mme Caron: ...il aurait pu l'étendre à toutes les entreprises à ce moment-là, si c'est un juste équilibre, puis que les grandes entreprises ont le droit, elles aussi, de percevoir l'argent pour le travail qu'elles ont effectué.

Et, lorsque le ministre nous fait part, comme d'une protection, du fait qu'on parle d'«au plus cinq personnes liées à elle par contrat de travail», bien, moi, j'y vois plutôt une ouverture dans le sens qu'une compagnie pourrait n'avoir que cinq employés ou moins liés à elle par contrat de travail et en avoir un nombre beaucoup plus élevé qui ne seraient pas liés par contrat de travail, mais qui travailleraient dans l'entreprise de celui qui déciderait d'aller à la Cour des petites créances.

M. Rémillard: Sur la notion de contrat de travail, évidemment, il s'agit de quelqu'un qui travaille dans l'entreprise. Alors, le contrat peut être même verbal, ce n'est pas nécessairement que vous avez une pièce de papier sur laquelle on met vos conditions de travail. C'est l'engagement, c'est l'échange de volontés, contrat se référant à l'échange de volontés. Alors, contrat de travail, c'est quelqu'un qui a reçu un salaire et qui travaille donc dans une entreprise. Alors, le contrat de travail n'est pas nécessairement au sens du Code du travail comme tel, mais formel. Et, si le contrat de travail ou d'engagement d'une volonté dit: Tu travailles chez nous, très bien, tu travailles là.

L'autre remarque, en ce qui regarde les petites entreprises, écoutez, cinq employés, là, ce n'est pas beaucoup. Ce n'est pas beaucoup. Tantôt, le député d'Anjou disait: Bien, pourquoi vous avez pris cinq, vous auriez pu prendre un autre chiffre? Bon, j'ai expliqué pourquoi. Mais ce n'est pas beaucoup, ça, cinq employés. Alors, pensez que c'est vraiment la petite entreprise. C'est le petit commerçant qui gagne sa vie, puis ce n'est pas facile. Ce n'est pas la grande multinationale là, c'est vraiment le petit bijoutier du coin qui fait commerce, et c'est le petit dépanneur, c'est la petite entreprise de services. Cinq employés, je dois vous dire...

En plus, comme le député d'Anjou le soulignait tout à l'heure, c'est tous ceux qui ont des contrats, peu importe le temps. Alors, ça peut être pendant la période de Noël. Si, pendant la période de Noël, vous avez eu besoin de deux employés supplémentaires, bien, ces deux employés supplémentaires, ça compte dans les cinq auxquels vous avez droit. Calculez tout ça, là, puis vous allez voir que c'est vraiment des petites entreprises, hein, ce n'est pas des grosses entreprises.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Puisque le ministre revient, avec raison, sur le nombre de cinq personnes, on sait que ça arrive un petit peu plus loin dans le projet de loi, mais il peut peut-être nous faire part tout de suite de ses intentions. On sait qu'au niveau de la preuve on parle, à l'article 4, uniquement d'un affidavit, ce qui va obliger le consommateur, finalement, à avoir le fardeau de la preuve s'il croit que l'entrepreneur a plus de cinq personnes qui travaillent pour lui.

M. Rémillard: Écoutez, si vous voulez qu'on aborde cet article, on peut l'aborder tout de suite; si vous voulez qu'on attende...

Mme Caron: Peut-être simplement pour...

M. Rémillard: On pourra le voir et je pourrai demander aux légistes, à ce moment-là, pourquoi on est arrivé à cette situation-là. Il ne s'agit pas de faire porter le fardeau de la preuve à quoi que ce soit, mais il s'agit simplement de trouver le meilleur moyen pour que le tribunal puisse vérifier si vraiment cette compagnie a cinq employés. Si la personne représentant la compagnie fait un affidavit qui n'est pas vrai, un faux affidavit, elle peut être poursuivie pour faux au niveau criminel. Elle va être poursuivie au niveau criminel et c'est un processus qui, à mon sens, est peut-être le plus fiable, c'est-à-dire se fier à un affidavit signé même par le représentant de la compagnie qui met en cause lui-même sa responsabilité au niveau criminel.

Mme Caron: Mais, au niveau du consommateur, vous savez que cela entraîne de sérieuses difficultés; s'il veut démontrer, faire la preuve du contraire, il va devoir engager quand même certains montants. Il va avoir à faire des vérifications. Il va avoir à apporter des preuves et ce n'est pas évident, si on veut alléger le système, que le consommateur a ces moyens-là pour apporter la preuve.

M. Rémillard: Je pense qu'il faut quand même comprendre dans quelles circonstances ça arriverait. Ça arriverait dans les circonstances où le consommateur dirait: Je ne veux pas plaider à l'effet que je dois ou ne dois pas 800 $ à ce commerçant ou garagiste, mais je veux dire que ce garagiste engage plus que cinq employés, donc, n'a pas accès aux petites créances. Écoutez, c'est qu'à ce moment-là le consommateur ne veut même pas discuter au fond. Il veut simplement dire que le commerçant n'a pas le droit aux petites créances. Il y a quand même quelque chose. S'il veut faire cette démonstration-là, parce qu'il considère que l'affidavlt est un faux, je pense que c'est normal qu'il y ait, à ce moment-là, un certain fardeau de la preuve, et

c'est comme ça à n'importe quelle instance, à n'importe quel niveau, peu importe où vous vous retrouvez. Je pense que c'est tout à fait normal. Si vous vous mettiez dans une situation comme ça pour discuter du fond, alors, là, je dirais; Attention, soyons bien conscients qu'on met un fardeau de plus sur une personne par rapport à l'autre. Mais ce n'est pas au niveau du fond, c'est strictement au niveau de la juridiction du tribunal et on dit: Le commerçant n'a pas accès à ce tribunal parce qu'il a plus que deux employés.

Attendez! On me souligne quelque chose ici. L'article 972: «À l'audience, le débiteur ou la personne appelée par le débiteur en vertu du paragraphe e de l'article 962 peut faire valoir tout moyen de défense et proposer, le cas échéant, des modalités de paiement». Ah oui! On me souligne ici que le juge peut jouer ce rôle très actif et peut soulever d'office cette question-là. Donc, c'est le juge qui peut questionner directement et c'est ce qu'en pratique il va se faire très souvent. Il va dire: Bon! Vous avez votre affidavit comme quoi vous n'avez pas plus que cinq employés. Vous avez cinq employés, là; ça veut dire vraiment que vous n'engagez personne chez vous même pour une journée ou pour deux jours, peu importe, il n'y a personne qui travaille chez vous, et toutes ces personnes qui travaillent chez vous ne totalisent pas plus que cinq employés. C'est ça que vous me dites. C'est ça que vous signez dans votre affidavit. Vous savez la gravité de cette signature puisque vous engagez votre responsabilité criminelle. Écoutez, quand même, ce n'est pas de la petite bière, là. Ça compte, ça. Ça, compte, ça. Je pense que c'est sérieux, très sérieux.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Terrebonne. (22 h 40)

Mme Caron: Loin de me rassurer, M. le Président, les propos du ministre m'inquiètent davantage, pas dans la deuxième partie de son argumentation à l'effet que, bon, le juge pourra effectivement questionner, mais il faut que le consommateur, à ce moment-là, souhaite que le juge pense à questionner sur i'affidavit de l'entrepreneur, mais ce qui m'inquiète, c'est lorsque vous nous dites que c'est inquiétant que le consommateur fasse une demande et qu'il ne touche, finalement, cet article, que la forme plutôt que le fond. Mais c'est ouvrir la porte, c'est dire carrément aux entreprises: Bien, que vous en ayez cinq ou plus, vous avez juste à y aller et puis ce sera au consommateur à prouver le contraire. Je trouve qu'au niveau de propos c'est vraiment ouvrir la porte et dire: Écoutez, si le consommateur n'a pas d'autre argument... C'est parce que, quand une loi s'applique à un nombre précis, elle s'applique à ce nombre-là et je pense que c'est dans les droits du consommateur de dire que l'entreprise ne respecte pas ce nombre-là. Si la loi s'applique aux entreprises de cinq personnes et moins, eh bien, c'est l'argument premier, évidemment, d'un consommateur qui serait conscient que l'entreprise n'a pas droit à la Cour des petites créances de le mentionner.

M. Rémillard: II ne faut quand même pas croire que, parce qu'on est commerçant, on est fraudeur.

Mme Caron: Absolument pas.

M. Rémillard: Hein? Il ne faut pas. Alors, le commerçant qui a un affidavit, il est conscient de la gravité des déclarations qu'il y fait. Et puis il y a l'article 976 où on dit que «le juge, qui procède lui-même à l'interrogatoire, apporte à chacun un secours équitable et impartial de façon à faire apparaître le droit et à en assurer la sanction». Alors, déjà, vous avez ces articles qui font jouer un rôle actif au juge. D'ailleurs, on le voit à la télévision quand on voit les cours des petites créances. C'est le député de Westmount qui parlait des émissions de télévision à ce niveau-là. On voit que le juge... Pardon? Le député de Viger aussi en parlait. Alors, le député de Viger soulignait à quel point, quand on voyait les juges intervenir, les juges aidaient les parties parce qu'il n'y a pas d'avocat, et ce n'est pas nécessairement des avocats. Donc, dans ce contexte-là, le juge joue un rôle actif qu'il ne joue pas normalement lorsque les parties sont représentées par avocat dans un processus formel de justice, dans une cour ordinaire de justice. Il me semble, pour moi, que c'est une garantie quand même suffisante.

Bien sûr, M. le Président, qu'il pourrait y avoir un commerçant qui fasse une fausse déclaration, comme il peut y avoir aussi un consommateur qui fait une fausse déclaration et dit: Moi, je ne me suis jamais servi de cet appareil-là et il s'en est déjà servi, ou je ne sais pas trop quoi. Mais, la justice, elle est là pour trancher à ce moment-là; si cette personne a fait une fausse déclaration, elle en subit les conséquences.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre. M. le député de Westmount.

M. Holden: Merci, M. le Président. M. le Président, je pense que les chiffres que le ministre a donnés sur l'usage de la Cour après les changements sont erronés, et je vous dirai pourquoi. Aussitôt qu'on ne sera pas obligé d'aller devant la Cour du Québec avec un avocat et tout ça, quand ça va être su que c'est jusqu'à 3000 $, il va y avoir beaucoup plus de monde qui va aller à la Cour des petites créances que ceux et celles qui se sont présentés devant la Cour du Québec, pour les mêmes montants. Ça peut être moins grave, mais, dans un an ou deux ou trois,

vous allez voir que vos pronostics sont beaucoup trop bas et que vous allez être obligé d'avoir plus de personnel, plus de monde pour recevoir les plaintes, plus de demandes, plus de monde pour écouter. Il faut y penser presque tout de suite pour les estimés, pour les demandes de fonds pour les années à venir. Je crois bien que vos prédictions sont très conservatrices.

Je ne sais pas comment vous avez procédé. Vous avez pris les dossiers qui sont là devant la Cour du Québec, vous les avez transférés. On ne sait pas si les demandes devant la Cour du Québec qui était pour les petites compagnies, c'était des compagnies de 3 ou de 4 ou de 10 personnes. Je ne sais pas comment vous avez fait pour savoir qu'il y a un transfert de dossiers de 2005 de la Cour du Québec à la Cour des petites créances dans le domaine des corporations. Je ne sais pas du tout comment vous avez fait ça. Je ne sais pas qui a fait ça. Je ne sais pas comment ça s'est fait, mais je suis persuadé que vos chiffres sont beaucoup trop bas.

M. Rémillard: M. le Président, peut-être, je me permets juste une petite remarque. Le député de Westmount, je me souviens, quand on était en commission parlementaire sur le droit civil, disait toujours: C'est très conservateur dans le mauvais sens du terme. Maintenant, il n'a pas dit dans le mauvais sens du terme. Je ne sais pas si ça veut signifier quelque chose.

M. Holden: Ça signifie un manque de voir à l'avenir.

M. Rémillard: D'accord. En ce qui regarde maintenant les chiffres, écoutez, moi, tout ce que je peux dire au député de Westmount, c'est: On a le Conseil du trésor et le ministère de la Justice qui ensemble ont fait ces chiffres et qui nous donnent ces chiffres. La conclusion, pour moi comme ministre, j'ai déposé le document, vous pouvez le consulter.

M. Holden: J'aimerais bien le voir.

M. Rémillard: Alors, si vous me dites qu'on s'est trompé, bien, écoutez, on le verra dans deux ou trois ans.

M. Holden: Non, je dis que c'est impossible de le savoir.

M. Rémillard: Oui.

M. Holden: Parce qu'il va y avoir du monde qui va se présenter à la Cour des petites créances, qui ne se serait pas présenté devant la Cour du Québec, parce que ça ne coûte rien maintenant, alors que ça coûtait avant les frais d'avocat. Je pense que le député de Chauveau...

M. Kehoe: Chapleau.

M. Holden: ...de Chapleau, je veux dire, va abonder dans le même sens. Il va y avoir plus de monde aux petites créances que devant la Cour du Québec.

Le Président (M. LeSage)): Pour votre information, M. le député de Westmount, le document est déposé par le ministre. Nous n'avions pas de page tantôt, nous en avons un maintenant; il est parti faire des photocopies, et nous allons vous les distribuer dès qu'elles arriveront.

M. Holden: O.K.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, M. Yves Pleau, du cabinet du sous-ministre de la Justice, qui venait me donner des informations techniques tout à l'heure, nous dit qu'ils ont pris des échantillonnages, qu'ils ont fait ça de façon très scientifique avec le Conseil du trésor, avec des spécialistes de ces genres d'évaluation là, et ils sont arrivés aux chiffres, donc, qui sont dans le document que j'ai déposé. Ce sont des genres de travaux... Ces chiffres-là, c'est un petit peu semblable à tous ceux qu'on a faits pour évaluer les conséquences des modifications qu'on a faites, par exemple, dans le Code civil. On refait tous les registres, les trois registres du Code civil, comme évidemment mes collègues le savent - et encore aujourd'hui j'étais au Conseil du trésor pour discuter avec eux des modalités d'application de cette réforme-là - en se fiant à des chiffres qui sont établis par le Conseil du trésor, par les Finances, par le ministère de la Justice et on en arrive à des chiffres pour nous permettre de faire des prévisions budgétaires. Mais c'est sûr qu'on n'a pas de boule de cristal parfaitement claire qui nous permette de dire: Bien, voilà, ça va vraiment être ça.

M. Holden: non, je suis comme on dit, «on the record» et, dans deux ou trois ans, vous allez dire: ah! vous ne serez plus ministre, malheureusement...

M. Kehoe: Toi, tu ne seras pas ici.

M. Holden: ...mais quelqu'un va dire, Ah! Holden avait raison. Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Premièrement, M. le Président, première remarque, j'apprécie beaucoup qu'il dise malheureusement, ça veut dire qu'il va me manquer beaucoup; deuxièmement, j'ai l'intention d'être ministre très, très longtemps et, troisièmement, qui sait, ha, ha, ha! peut-être que le député de Westmount serait bien heureux à ce moment-là si on a besoin de plus de juges!

M. Holden: Ha, ha, ha! Des voix: Ha, ha, ha!

M. Holden: Ça, c'est...

Le Président (M. LeSage): Vous avez terminé, M. le député de Westmount?

M. Rémillard: Je retourne le compliment.

M. Holden: Une autre question ou remarque, M. le Président. J'appuie la députée de Terre-bonne dans ce qu'elle dit au sujet jusqu'à ce point-ci, là. Quand on commence avec cinq, c'est ce qu'on dit en anglais «the thin edge of the wedge». On a commencé les petites créances avec quoi, 200 $ ou 500 $?

M. Rémillard: 300 $

M. Holden: 300 $. C'est rendu à 3000 $. On commence avec cinq personnes, inévitablement ça va devenir plus gros. Alors, aussitôt qu'on accepte le principe c'est inévitable. Mais la question est: Est-ce que les personnes morales, une petite compagnie... Vous avez mentionné votre garagiste; est-ce qu'il est aussi valable qu'un dentiste, par exemple, qui veut collecter? Je suis plutôt prêt à dire que ça s'équivaut, quoi. Mais le principe est là et la députée de Terre-bonne est contre le principe, je pense. C'est tout ce que j'avais à dire. Si vous avez des commentaires...

M. Rémillard: Vous, M. le député? (22 h 50)

M. Holden: J'ai dit que je suis moins catégorique là-dessus. Ha, ha, ha!

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le député de Westmount. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur l'article 1? Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, je comprends que l'article 1 introduit tous les changements d'un coup, n'est-ce pas, ou presque, puisqu'on introduit le relèvement du plafond de la réclamation au paragraphe a. Ensuite, l'introduction de l'accessibilité des personnes morales au deuxième paragraphe. Et on introduit, dans le dernier paragraphe, la qualité que doit avoir la personne morale pour se rendre admissible à l'aide juridique. Alors, je comprends que l'enjeu principal du projet de loi 50 se retrouve à l'article 1 du projet de loi.

Alors, concernant, d'abord, la créance qui sera relevée à 3000 $, il a été beaucoup question d'un mécanisme de révision régulière. Dans la mesure où ce mécanisme fait défaut, on arrive à la situation dans laquelle on est maintenant, c'est-à-dire devoir corriger abruptement la situation faute d'un mécanisme qui, de façon ponctuelle, vient corriger les effets de l'inflation.

Le ministre notait aujourd'hui que, si on ne faisait qu'indexer ce qui ne l'avait pas été depuis 1984 - c'est bien le cas - on en arrive à quelque chose autour de 1500 $.

M. Rémillard: 1500 $. Peut-être 1500 $, oui. Mme Harel: 1500 $.

M. Rémillard: Je vais le faire vérifier, mais 1500 $.

Mme Harel: donc, ce n'est pas seulement quantitatif, c'est qualitatif aussi, le passage. puis on voit que ce passage qualitatif l'a été dans les autres provinces.

M. Rémillard: Aussi.

Mme Harel: Donc, il y a quelque chose de plus que le simple fait, je comprends, d'indexer, finalement, la créance qui peut être réclamée. Il y a donc, dans ce saut quand même qui s'est fait partout... On parte de 5000 $ dans deux provinces. Je crois que c'est le Manitoba, puis la Saskatchewan. On parle de 10 000 $ en Colombie-Britannique. L'Ontario l'a relevé à 3000 $, mais parle de 6000 $, en fait, puis fait actuellement un rodage d'expérience-pilote au-delà de 3000 $. On parle, finalement, d'expériences qui se poursuivent, mon Dieu! plus précisément, Manitoba, 5000 $, Saskatchewan, 5000 $, Alberta, 4000 $, Colombie-Britannique, 10 000 $, Ontario, 3000 $. Mais on ajoute: Dans le cadre d'un programme expérimental, quatre cours des petites créances dans la région métropolitaine de Toronto sont autorisées, depuis juillet 1992, à accepter des réclamations de 3000 $ et plus. Une fois la machine bien rodée, le législateur entend augmenter la limite à 6000 $ à travers l'Ontario. Alors, ça doit être, entre autres, associé au coût de plus en plus prohibitif des tribunaux réguliers. Il y a là un phénomène certain qui se vit ailleurs comme ici. Donc, comment entendez-vous maintenir l'ajustement?

M. Rémillard: Lorsqu'on parle du montant fixé pour déterminer l'accès aux petites créances, il y a deux problèmes qu'on doit bien avoir à l'esprit. Le premier, c'est l'application, évidemment, de la règle audi alteram pattern, c'est-à-dire que chacun a le droit de faire valoir correctement son point de droit. Et, dans notre système judiciaire, ça signifie qu'il y a des professionnels, qu'il y a des corporations professionnelles, qu'on appelle des avocats. Donc, jusqu'où on peut aller, sans avocat, c'est-à-dire en enlevant cette possibilité aux justiciables d'avoir recours à un professionnel de la justice? Et, à ce niveau-là, lorsqu'on fait référence aux autres cours de justice dans les autres provinces, il faut bien noter que, dans les autres provinces, ils ont droit à des avocats. Ils ont droit à des avocats, c'est la grande différence.

L'autre point important aussi - et on me

corrige, Jean, vous me corrigez si je fais une erreur - c'est que, dans les autres provinces, il y a aussi possibilité d'appel.

Une voix: Toujours.

M. Rémillard: Toujours possibilité d'appel, on me le confirme. Nous, on n'a pas de possibilité d'appel. Alors, ça fait deux éléments qui vont contribuer à alléger le processus, mais je crois qu'on doit être conscients, quand même, comme parlementaires, qu'il y a une limite. On aurait peut-être pu passer à 5000 $, remarquez bien. On aurait pu passer à un terme de 5000 $. Moi, comme ministre de la Justice je vous avoue que j'aurais aimé ça qu'on passe à 5000 $. Mais, après toutes les consultations qu'on a faites, vous étiez avec moi au Sommet de la justice et les gens disaient: C'est 3000 $, rapport Mac-donald, 3000 $. Il y a un consensus pour 3000 $. Bon, très bien, on fait 3000 $. Ça ne veut pas dire que, éventuellement, on ne pourrait pas passer à 5000 $ quand on jugera opportun de le faire. Alors, c'est plus que l'indexation, bien sûr. C'est une question simplement de s'ajuster à l'évolution d'une société. On avait parié de 3000 $, il y a à peine cinq ou six ans, et je peux vous dire que ça a été très difficile. Là, ça se fait bien. Il n'y a pas de protestation. Ça se fait relativement bien. Peut-être bien qu'on pourra parler de 5000 $. Mais il faudrait toujours avoir en tête, quand même, ce droit à l'avocat et aussi ce droit à un processus d'appel.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: J'abonde dans le fait qu'il n'y a pas de levée de boucliers contre le relèvement à 3000 $. Ça semble un fait d'évidence. Ça correspond sûrement à l'air du temps. Mais, dans six mois ou un an, déjà, ça paraîtra comme possiblement étant en deçà. Finalement, la législation est toujours en retard en quelque sorte. Et la question que je vous pose est plus: Pourquoi ne pas introduire un mécanisme de révision régulière?

M. Rémillard: Je ne sais pas à quoi la députée de Hochelaga-Maisonneuve peut se référer. Est-ce qu'elle aurait aimé qu'on ait un processus pour dire: Le gouvernement fixe de temps à autre ou à son gré un autre seuil d'admissibilité? Je pense que ça n'aurait pas été valable. Je crois que ça revient aux parlementaires, à cause des restrictions que je vois et qui sont quand même importantes - l'avocat, le droit d'appel - de le déterminer par un projet de loi. Si on décidait de passer à 5000 $, il faudrait amender le projet de loi et décider de dire: On passe de 3000 $ à 5000 $. On pourrait avoir un processus plus léger, comme je vous dis, un processus réglementaire, et dire: Par décret, le gouvernement peut fixer. Mais je trouve que ce ne serait pas une bonne chose. Je ne crois pas que ce soit une bonne chose. Je trouve que c'est assez important comme sujet que ça doit être décidé par des parlementaires, par un amendement constitutionnel.

Mme Harel: Ça pourrait l'être tout autant par l'indexation.

M. Rémillard: Un amendement constitutionnel, excusez-moi, la fourche me langue.

Mme Harel: Les affaires canadiennes, c'est fini.

M. Rémillard: Les affaires canadiennes, c'est terminé.

Mme Harel: La société distincte aussi. M. Rémillard: Vous croyez ça?

Mme Harel: Sauf dans la réalité. C'est-à-dire que, dans la réalité, on voit, comme vous nous l'indiquez, que l'on est différents, mais, finalement, sur le papier, ces discussions-là sont finies. Ceci dit, il pourrait être possible, par exemple, qu'un mécanisme de révision qui puisse, par exemple, prendre en considération l'augmentation du coût de la vie puisse venir périodiquement au moins ajuster... Je comprends et je partage le point de vue du ministre sur le fait que la décision quant à des sauts qualitatifs, ça doit se faire par le voie du législateur, mais un ajustement périodique, il y a là un intérêt certain. Nos textes deviennent vétustés assez rapidement. Au niveau des tarifs, ça a été la même chose, le seuil d'admissibilité à l'aide juridique en est-il assez un bon exemple? (23 heures)

On dit présentement qu'il y a à peine 11 % des ménages au Québec qui ont accès à l'aide juridique. Il y a 20 ans, quand la Loi sur l'aide juridique a été adoptée, c'était autour de 24 %, l'évaluation des ménages admissibles. Et on apprenait aujourd'hui que 18 % des ménages au Québec sont dits pauvres par le conseil canadien de bien-être social. Ça veut dire qu'à peine un peu plus de la moitié des ménages pauvres ont droit à l'aide juridique et l'autre moitié n'y a plus droit. Alors, s'il y a un exemple assez éloquent sur le fait qu'on n'ajuste pas périodiquement nos seuils, c'est bien celui-là. En fait, étant donné que... J'ai 20 minutes à ma disposition, c'est ça?

Le Président (M. LeSage): Si vous voulez, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Alors, je voudrais ne pas avoir à demander le consentement pour aller au-delà. J'aimerais tout de suite interroger le ministre sur

l'ouverture qui est faite aux personnes morales. Alors, on retrouve, au deuxième paragraphe et au dernier alinéa: «Une personne morale ne peut, à titre de créancier, se prévaloir des dispositions du présent livre que si, en tout temps au cours de la période de 12 mois qui précède la demande, elle comptait sous sa direction ou sous son contrôle au plus cinq personnes liées à elle par contrat de travail». Le ministre peut-il nous indiquer s'il est exact que, présentement, devant la Cour des petites créances, près de 70 % des dossiers sont ouverts par des professionnels ou par des entreprises non incorporées, non enregistrées, en fait par des artisans, dirions-nous, qui se servent, semble-t-il, pour une forte proportion du service des petites créances pour recouvrer soit des honoraires ou des paiements de services? Est-ce que le chiffre de 70 % serait exact?

M. Rémillard: Alors, M. le Président, M. Alain Lauzier, m'informe que ce chiffre lui paraît très exagéré. Il n'a pas avec lui le chiffre exact, mais celui-là lui paraît très exagéré.

Mme Harel: Est-ce que les dossiers ont pu être analysés pour, notamment, permettre d'identifier quels sont, finalement, les justiciables qui se présentent devant la Cour des petites créances? Moi, je tiens ces informations du professeur Roderick Macdonald, ci-devant président du groupe de travail sur l'accessibilité à la justice, que j'ai eu l'occasion de rencontrer il y a quelques jours et qui me faisait part d'une étude assez approfondie, assez fouillée que ses étudiants et lui ont pu mener à la Cour des petites créances de Montréal. C'était d'autant plus intéressant que c'est assez récent, finalement, ce survol des dossiers des petites créances. Il me disait avoir pu obtenir la collaboration de la direction et des employés sans avoir accès, évidemment, aux renseignements nominatifs, mais il a quand même pu analyser, notamment, l'origine socio-économique et également l'appartenance linguistique, pour se rendre compte qu'il y avait un profil de l'utilisateur et que, contrairement à l'image qu'on peut en avoir, l'utilisateur n'était pas le citoyen ou la citoyenne la plus démunie, qu'il y avait une sous-représentation, notamment, des citoyens d'origine immigrante, des citoyens anglophones, des citoyens pauvres, sous-scolarisés et des femmes. Alors, le portrait type de l'utilisateur était un homme, québécois de souche, entre 25 et 45 ans. C'est exactement les informations qu'il me communiquait.

M. Rémillard: Les petites annonces classées.

Mme Harel: Mais ça reste important parce que, finalement, c'est exactement un portrait contraire à celui auquel on s'attend. On s'attend que la Cour des petites créances va être massivement utilisée par des personnes qui sont dans un état de plus grand dénuement et, finalement, on se rend compte, semble-t-il, que ce n'est pas le cas, que certains groupes minoritaires, bien, sont sous-représentés et que, d'autre part, des personnes mieux nanties seraient majoritairement représentées et qu'essentiellement, d'une certaine façon, ça servait d'agence de collection pour des honoraires impayés. Est-ce que c'est l'expérience qu'en a le ministre?

M. Rémillard: Moi, ce n'est pas les chiffres et les profils qu'on m'a communiqués.

Mme Harel: En avez-vous, des chiffres et des profils?

M. Rémillard: On m'a communiqué des chiffres. Je ne pourrai pas vous les citer comme ça de mémoire. J'ai déposé, tout à l'heure, un document qui pourra vous être distribué sur, quand même, les conséquences des modifications qu'on apporte sur le nombre de causes qui seront entendues. Maintenant, je comprends que le professeur Macdonald avec ses étudiants a fait cette étude en ce qui regarde la Cour des petites créances de Montréal. Alors, donc, c'est strictement en ce qui regarde Montréal; ce n'est pas en ce qui regarde Québec, Chicoutimi ou je ne sais pas quel autre endroit. Ça regarde Montréal. Est-ce que c'est le même profil dans les autres endroits? Je ne le sais pas. Je ne le sais pas.

Maintenant, je ne sais pas si c'est vous qui m'avez parlé de ces chiffres-là, mais j'ai entendu parler de ces chiffres-là à un moment donné. Je ne mets pas en doute la compétence du professeur Macdonald qui a fait le rapport qu'on connaît sur l'accessibilité à la justice, un très bon rapport qui nous a guidés pour le Sommet de la justice. Mais, là-dessus, je voudrais bien qu'on comprenne que les résultats de son étude sont en fonction de Montréal; peu importe la valeur qu'on peut y donner sur le plan scientifique, il reste quand même que c'est pour Montréal. Est-ce que c'est la même chose dans les autres districts judiciaires? Je ne peux pas vous le dire.

Mme Harel: Cependant, même si ça ne porte que sur Montréal - je ne saurais pas le confirmer cependant, mais faisons l'hypothèse que ça ne porte que sur Montréal - il reste que je ne le dis pas pour discréditer, bien au contraire, la Cour des petites créances, mais pour simplement signaler que ça correspond d'ailleurs au sondage que le Protecteur du citoyen avait fait faire sur ses propres services. Nous avions eu l'occasion, en commission parlementaire sur les institutions, de recevoir le Protecteur du citoyen qui avait pris les devants et qui avait fait faire un sondage sur ses services, sur l'utilisation qui en était faite, pour se rendre compte qu'il y avait une très forte sous-représentation des populations d'origine immigrante, des populations anglophones, des populations sous-scolarisées, que

je représente en fait dans ma circonscription, et, en particulier, des femmes et des personnes pauvres; finalement, pour se rendre compte que c'étaient les personnes pour lesquelles l'institution avait le plus été pensée qui, dans le fond, l'utilisaient le moins. Ça ne l'amenait pas à penser qu'il fallait fermer pour autant ses services - ce n'est pas, non plus, ce que je suggère pour la Cour des petites créances - mais qu'il fallait avoir une volonté politique de l'élargir à des clientèles qui, d'une certaine façon, en sont exclues par effet de système et non pas en sont exclues par volonté, mais l'élargir, par exemple, par des campagnes de promotion dans des médias ethniques et dans des milieux d'appartenance pour des personnes démunies ou en situation d'analphabétisation ou enfin-Alors, je voulais savoir si une telle volonté politique allait se traduire au ministère par des correctifs. Je laisserai au ministre le soin d'y répondre, mais je voudrais simplement lui signaler que, dans la note qu'il a distribuée sur le nombre de dossiers supplémentaires qui seraient ouverts suite à la majoration du plafond, il prévoit qu'il y aurait 7515 dossiers qui auraient été traités par des juges, mais qui le seraient par les services de médiation qui seraient extensionnés à l'ensemble du Québec. Alors, 7515 dossiers, c'est beaucoup plus que les 15 % actuels. C'est 15 % de tous les dossiers qui font l'objet de la médiation. Là, vous prévoyez 33 620 nouveaux dossiers. Alors, il faut donc comprendre que vous prévoyez au-delà de 20 %, presque 25 %. (23 h 10)

M. Rémillard: Non, c'est parce que c'est 15 %, mais 15 % qui ne se situent pas simplement au niveau de Québec, Montréal, Hull et Laval, mais qui comprennent l'ensemble du système.

Mme Harel: Ma collègue, Mme la députée de Terrebonne, m'a dit que la commission avait déjà reçu réponse à cette question.

M. Rémillard: On a dit tout ça, mais ça me fait toujours plaisir de répondre à vos questions. Je suis prêt à les répéter, pas de problème.

Mme Harel: Alors, donc, l'introduction de cette disposition qui change profondément le recours aux petites créances va permettre aux personnes morales, à titre de créancier, de se prévaloir du recours aux petites créances. Là, je dois comprendre qu'il y a une autre disposition, je crois, qui exclut les agences de recouvrement et c'est une disposition...

M. Rémillard: Oui, spécifiquement.

Mme Harel: Spécifiquement, hein? Alors, cette exclusion demeure. Donc, l'ouverture est aux personnes morales qui comptaient cinq personnes ou moins liées à elles par contrat de travail. Peut-on savoir combien d'entreprises seraient susceptibles d'être admissibles au recours?

M. Rémillard: On m'informe que c'est quand même bien difficile, c'est très difficile d'avoir un chiffre. On a eu l'occasion d'en discuter tout à l'heure avec, entre autres, le député d'Anjou, on a beaucoup discuté sur la signification de ces cinq employés sur la période d'un an. Alors, ça peut comprendre autant des périodes occasionnelles, c'est-à-dire que quelqu'un qui travaille pendant une semaine compte parmi les cinq employés. Alors, c'est très, très difficile de compter tout ça. On ne peut pas y arriver, mais il reste que, quand même, cette notion de 5 employés, avec l'interprétation étroite qu'on lui donne en disant qu'un employé qui a travaillé une journée fait partie des 5 sur 12 mois... Alors, c'est quand même une perception restrictive, pas étroite, je m'excuse d'avoir utilisé ce mot-là, mais restrictive.

Mme Harel: Alors, imaginez, si c'est très difficile pour le ministère, comment est-ce que ça sera facile pour le citoyen qui se trouvera à devoir contester éventuellement un affidavit à l'effet que l'entreprise est admissible parce que comptant moins de cinq employés! Imaginez si c'est difficile, étant donné justement le fait que ce sera restrictif et qu'à une certaine époque il pourra y avoir eu 5 employés et, à une autre époque, il pourra y en avoir eu 50. C'est ça qu'il faut comprendre.

M. Rémillard: Mais, ça, on a discuté de ça.

Mme Harel: C'est saisonnier. Alors, comment il sera possible à un citoyen ou à un justiciable, qui est devant la Cour des petites créances, poursuivi par une entreprise, de faire valoir que c'est une entreprise qui ne comptait pas cinq employés au moment où l'événement qui fait l'objet de la réclamation est survenu?

M. Rémillard: On a eu l'occasion de discuter assez longuement tout à l'heure...

Mme Harel: Ah!

M. Rémillard: ...avec la députée de Terre-bonne sur ce point-là, qui soulevait exactement la même problématique. Ma réponse, si vous voulez, je ne veux pas faire perdre le temps, mais en tout respect pour la question, qui est une question importante, je dois dire qu'il s'agit d'un affidavit. Donc, l'affidavit, par conséquent, se réfère à un engagement à dire la vérité. D'autre part, l'article 976 est clair - on pourra se référer aussi à l'article 972 et à d'autres articles pertinents - et dit que le juge joue un rôle actif. Alors, non seulement le consommateur

pourra se référer à l'action du juge qui pourra être actif, mais, en plus, on sait très bien que, s'il y a une fausse déclaration, à ce moment-là, bien, c'est punissable de poursuite criminelle par l'affidavit. Je ne pense pas qu'il y ait d'autres moyens qu'on puisse imaginer plus efficaces.

Mme Harel: ça peut être aussi, sans être une fausse déclaration, une interprétation différente. il n'y a pas nécessairement intention frauduleuse.

M. Rémillard: Mais, voici, c'est que le juge va dire: Écoutez, vous êtes ici. Voici, j'ai votre affidavit et vous témoignez qu'en tout temps vous n'avez jamais eu, dans les 12 mois, plus de 5 employés qui ont travaillé pour vous, si ce n'est que quelques heures ou quoi que ce soit. C'est cinq employés. C'est facile de demander, par exemple: Combien d'employés réguliers avez-vous? Un personne peut dire: J'ai trois employés réguliers. Bon, vous avez trois employés réguliers. Est-ce que vous engagez quelquefois des gens à temps partiel, oui ou non? Si c'est oui, alors, combien de fois? Le juge est là pour suppléer au fait que l'avocat n'est pas là pour interroger. C'est le principe des petites créances. Le juge va jouer un rôle utile et il va questionner la personne pour savoir si, comme représentante de la compagnie, la personne morale, elle a droit à avoir accès aux petites créances. Il faut se fier à la magistrature, se fier aussi à la bonne foi de nos magistrats.

Mme Harel: Mais vous comprenez, évidemment, l'enjeu qu'il y a derrière, parce que, pour une entreprise, de pouvoir se servir des petites créances pour aller chercher la collection de créances, c'est, évidemment, un enjeu extrêmement important. Vous devez recevoir autant de lettres que j'en reçois. Ça n'a rien à voir avec ni la bonne foi, ni la compétence, ni le talent du juge. Le juge ne pourra pas aller au-delà de ce que vous, comme législateur, allez lui donner comme outil de travail, et l'outil de travail qu'on lui donnerait, à mon point de vue, serait nettement insuffisant parce qu'il devra s'en tenir à l'affidavit. C'est ce que le projet de loi dit un peu plus loin. Alors, il y a le dépôt de l'affidavit, à moins qu'il y ait une preuve qui soit apportée au contraire. Alors, imaginez-vous, une preuve au contraire, ça va exiger du citoyen qu'il se transforme en limier ou en enquêteur parce que, quand on parle d'une personne morale qui «comptait sous sa direction ou sous son contrôle au plus cinq personnes liées à elle par contrat de travail», je comprends que ça ne comprend pas les membres de la famille.

M. Rémillard: Oui.

Mme Harel: Mais il peut toujours, donc, y avoir une plaidoirie...

M. Rémillard: Cinq employés.

Mme Harel: ...à l'effet que ce ne sont pas des employés. Ce sont des personnes qui sont des collaborateurs ou des collaboratrices, des conjoints collaborateurs. Ce sont des personnes qui ne sont pas liées par contrat de travail. Quand on dit «liées par contrat de travail», il va y avoir là toute une interprétation qui pourra être donnée. (23 h 20)

M. Rémillard: Oui, mais ce n'est pas un terme nouveau. Comme on l'a mentionné aussi - on a eu l'occasion d'en discuter longuement avec Mme la députée et aussi avec M. le député d'Anjou et M. le député de Westmount, mais je peux recommencer - ce n'est pas la notion de contrat de travail au niveau du droit du travail. C'est strictement un contrat de travail qui implique un consentement mutuel entre un employé et son employeur, et qui amène une rétribution. Alors, le Code civil du Québec dit, à l'article 2085, et ça me fait particulièrement plaisir de citer l'ancien Code dans cette salle: «Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur».

Vous avez là, donc, la définition d'un contrat, c'est-à-dire un échange de volontés. Et, quand vous dites que le citoyen ordinaire aura à devenir un véritable 007 pour faire enquête, ce n'est pas tout à fait ça. C'est que, comme je mentionnais tout à l'heure, le juge est là quand même pour être actif et le juge doit vérifier. Parce que la première chose que le juge fait quand ça arrive devant lui, le juge dit: Bon, vous êtes le représentant de la compagnie, oui, très bien; à votre compagnie, vous avez un affidavit ici dans le dossier, vous dites que vous n'avez pas plus que cinq employés. Il y a quand même... Les juges, dans deux ou trois minutes, posent des questions. C'est comme ça que ça marche en réalité. Est-ce qu'on peut penser à un meilleur système que ça? Si vous avez des meilleurs systèmes... Moi, je pense que ce système-là est le meilleur qu'on connaisse et il permet de vérifier aussi en fonction de la bonne foi et de la crédibilité des personnes en cause.

Mme Harel: Le président me fait signe que mon temps est écoulé.

Le Président (M. LeSage): Une dernière question, Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve.

Mme Harel: bien, m. le président, simplement un dernier commentaire. le ministre sait très bien qu'on pourrait certainement tapisser tous les murs de cette immense pièce juste avec les jugements qui sont intervenus sur la notion

d'employeur et la notion de salarié. Seulement pour ces deux mots-là, il faudrait ajouter le plafond parce qu'on n'en aurait pas assez des murs pour simplement les couvrir de tout ce qui a pu s'écrire, se dire sur ces notions-là. C'est ça qui va être en cause: qui est employeur, qui est salarié. On va invoquer que tel employé n'est pas un salarié. Il est employé, mais il n'est pas lié par contrat de travail. Et, finalement, plus l'employeur au titre de membre de la famille, propriétaire.

Ceci dit, on va y revenir au moment de la disposition, je crois comprendre, sur cette question d'affidavit et puis on en rediscutera. Et on pourrait souhaiter trouver peut-être un moyen qui soit encore plus approprié. Mais, pour l'instant, vous comprenez qu'avec toutes ces incertitudes je comprends que mes collègues ont déjà convenu, évidemment, que nous allions voter...

M. Bélanger (Anjou): Non, non. J'ai encore des questions à poser.

Mme Harel: Ah bon! Très bien.

Le Président (M. LeSage): II n'y a rien de convenu encore, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: II n'y a rien de convenu. Bon. Je crois comprendre, M. le Président, que...

Le Président (M. LeSage): Merci, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: D'accord. Je vous remercie.

Le Président (M. LeSage): Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Terrebon-ne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Pour ceux et celles qui croient à l'astrologie, il ne faudrait pas s'étonner que la députée de Hochelaga-Maisonneuve et le député d'Anjou et la députée de Terrebonne posent des questions assez semblables, aient les mêmes préoccupations parce que la députée de Hochelaga-Maisonneuve est née le 22 avril et le député d'Anjou et moi-même, le 23 avril, les deux le 23 avril. Donc...

Mme Harel: Mais on n'est pas de la même année, malheureusement.

Mme Caron: Pas de la même année. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Trois mousquetaires qui sont quatre.

Mme Caron: Donc, nous posons souvent des questions semblables. Trois taureaux, M. le ministre.

M. Kehoe: Qui est le plus jeune? Mme Harel: Que vous êtes gentil!

Mme Caron: M. le Président, je voudrais revenir sur l'élément que nous avions présenté sur le fait que d'ouvrir aux petites entreprises, c'était vraiment créer un certain engorgement. Lorsque j'ai posé tantôt des questions au ministre précisément sur le nombre de dossiers qui pouvaient être reliés à l'augmentation du plafond et le nombre de dossiers qui pouvaient être reliés à l'accession des personnes morales aux petites créances, le ministre, habilement, je dois en convenir, m'a répondu par le deuxième paragraphe de sa réponse et non le premier, c'est-à-dire en me parlant des transferts de la Cour du Québec. Mais la véritable réponse était dans le premier paragraphe, à savoir que, sur les 33 620 dossiers, 6374 étaient reliés à l'augmentation du plafond de 1000 $ à 3000 $ et 27 246 étaient reliés à l'accession des personnes morales aux petites créances. Donc, on se parle là et ceci correspond aux chiffres qui étaient avancés par ma collègue de Hochelaga-Maisonneuve tantôt lorsqu'on parlait de peut-être 70 % pour les corporations. Parce que, là, pour les nouveaux dossiers, on se parle de 81 % des nouveaux dossiers qui vont être reliés directement à l'ouverture qu'on fait aux entreprises, c'est-à-dire que, par le projet de loi, l'engorgement, on se parie de 81 % qui vont toucher directement, selon les prévisions, les dossiers reliés à l'ouverture qu'on fait aux entreprises. Je m'interroge vraiment sur cette nécessité d'ouvrir à ce point.

M. Rémillard: Si vous vous référez au premier paragraphe, il faut se référer aussi au dernier. S'il y a un premier, c'est parce qu'il y a des suivants. Il n'y aurait pas de dernier s'il n'y avait pas un premier, c'est ce qui fait la beauté de la chose. Alors, quand on lit le premier, il faut se référer au dernier et, entre le dernier et le premier, il y en a quand même quatre autres, ce qui veut dire qu'en tout il y en a un, deux, trois, quatre, cinq, six. Je vous en ai lu peut-être quatre. Il y en a deux que je n'ai peut-être pas lus tout à l'heure, mais je vous ai distribué le dossier, de toute façon, au complet.

Mais le dernier paragraphe se lit comme suit: «Les nouveaux dossiers ouverts aux petites créances devraient donc être traités par une réaffectation des juges de la Cour du Québec et par l'extension de la médiation. Les délais d'audition ne devraient donc pas être affectés par ces mesures.»

M. Holden: «Devraient», ça, c'est la corde...

M. Rémillard: Et ça, c'est le résultat de

toute l'étude qui a été faite par le ministère de la Justice, par le Conseil du trésor, par les Finances.

Mme Caron: Mais, intuitivement, lorsque je vous ai posé la question, je me disais que le nombre de nouveaux dossiers devait être majoritairement du côté des entreprises, mais c'était intuitif. Mais j'avoue que vos chiffres nous confirment que nous avions raison de nous inquiéter au niveau des entreprises.

M. Rémillard: Mais c'est magnifique, parce que vous avez raison, puis j'ai raison aussi. Alors, c'est magnifique.

Une voix: Tout le monde a raison.

Le Président (M. LeSage): Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, j'aimerais revenir sur un point dont on a discuté longuement tout à l'heure, mais qu'on n'a malheureusement pas épuisé. C'est le cas de I'affidavit. Tout à l'heure, quand j'entendais parier le ministre à propos de la sanction criminelle, je peux vous dire, moi, qu'en neuf ans de pratique j'ai très rarement vu des gens poursuivre soit des requérants ou des demandeurs ou des opposants criminellement pour des affidavits qui sont faux. C'est vrai que c'est une procédure qui existe, mais, premièrement, elle est très lourde à appliquer, elle est très longue et elle est très peu utilisée. Moi, ce que j'aurais voulu voir - et je pense que ça aurait pu donner quelque mordant ou quelques dents à cette loi - c'est de prévoir une sanction en cas de fausseté de t'affidavit, une sanction qui aurait pu être tout simplement l'annulation du jugement, que le jugement n'est plus valide, mais automatiquement, sans qu'on procède par une action pour... Je pense que ça serait simple et, à ce moment-là, ça mettrait une pression supplémentaire à la petite corporation de vraiment bien vérifier l'information qu'elle donne dans l'affi-davit. Ça serait simple et je pense que ça éliminerait, à ce moment-là, pas mal tout le problème qu'on a.

M. Rémillard: Moi, là-dessus, je comprends bien la préoccupation du député d'Anjou. Tout d'abord, il n'y a pas simplement des poursuites au criminel, il y aurait aussi possiblement l'outrage au tribunal. Non, mais quand même.

M. Bélanger (Anjou): Oui, mais c'est lourd.

M. Rémillard: Bien, c'est lourd et plus facile. L'outrage au tribunal, c'est devant le juge directement, puis ça peut être quand même un petit peu plus rapide, même très rapide. Mais, si on en arrive à la conclusion... Hein? Mais regardez juste votre conclusion, si vous arrivez à votre conclusion et que vous dites: Bien, il faudrait prévoir quelque chose, dans le projet de loi, qui dit que, si ('affidavit est faux, le jugement tombe, il faudrait prévoir, à ce moment-là, que, si le jugement est en faveur du débiteur, il faut le protéger aussi.

M. Bélanger (Anjou): Oui, mais il ne l'invoquera pas à ce moment-là. Ça ne peut être... (23 h 30)

M. Rémillard: II ne l'invoquera pas. Mais c'est que la situation fait qu'il se peut fort bien que le débiteur conteste le fait que la compagnie ait le droit de venir à la Cour des petites créances parce qu'elle a plus que cinq. Ça se peut, mais, la plupart du temps, ça va être le juge, par le jeu des articles 972 et surtout 976, qui va contester par l'interrogatoire qu'il va mener. Alors, à ce moment-là, le juge va dire: Écoutez, là, vous me dites que vous n'avez pas plus de 5 employés; ce sont les employés que vous avez eus à toute période de temps pendant 12 mois, ça veut dire jusqu'au 1er décembre de l'an dernier. Là, aujourd'hui, vous êtes devant moi, vous êtes prêt à me dire, assermenté, que vous n'avez jamais eu plus de cinq employés. Alors, le juge joue un rôle très actif. Qu'est-ce qu'on aurait besoin de plus que ça? Avant de dire, si jamais on démontrait que le jugement a été accordé à la suite de fausses représentations au sujet de ces cinq employés, que le jugement tombe, il faut penser que le jugement peut être en faveur du débiteur. Alors, ii faut quand même faire attention là-dessus parce que ça peut venir du juge. Ça peut être le juge aussi qui, à un moment donné, le découvre. Ça peut être le greffier qui peut le découvrir. Vous savez, ce n'est pas si facile que ça.

Alors, pourquoi ne pas se fier tout simplement au processus judiciaire qui est là? Lorsque le juge reçoit, de par la loi même qui crée les petites créances, de par l'article 976, ce rôle de procéder lui-même à l'interrogatoire... Je lis l'article 976, M. le Président. Je pense que ça vaut la peine. Je l'ai lu tout à l'heure, mais je le répète. «Le juge, qui procède lui-même à l'interrogatoire, apporte à chacun un secours équitable et impartial de façon à faire apparaître le droit et à en assurer la sanction.» Quand le député de Viger faisait référence aux émissions de télévision, à ce moment-là, il ne rêvait pas en couleur, M. le Président. Il voyait vraiment de vraies images devant lui.

M. Holden: J'aimerais savoir, du député de Viger, ce qu'il voulait dire.

M. Rémillard: Le député de Viger mentionnait fort bien qu'on voyait dans les vraies cours, à ce moment-là, le juge prendre fait et droit en fonction de l'une des parties.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, je vois, par la réaction du député de Viger, qu'il approuve les propos. Maintenant, où j'ai un petit peu de difficultés à suivre le ministre dans son raisonnement, c'est qu'il n'y a rien, dans la loi, qui donne l'obligation au juge comme devoir de s'enquérir, premièrement, du fait que la compagnie a le nombre d'employés maximum. Il n'y a rien. On aurait pu mettre, dans un article de loi, que la première des choses que doit faire le juge, c'est justement vérifier les faits allégués dans I'affidavit. Il n'y a rien là-dessus. Alors, peut-être que certains juges, par conscience, vont le faire, vont vouloir vérifier, oui ou non, en reposant les questions qui sont dans l'affi-davit, mais il n'y a absolument rien dans la loi qui oblige le juge à reposer ces questions-là et à vérifier. Donc, un juge pourrait tout simplement dire: Bien, l'affidavit, à sa face même, les gens ont affirmé ça, pour moi, c'est suffisant et on y va. Il n'y a rien, il n'y a pas de disposition qui impose ce test-là au juge. Je comprends que le juge peut être proactif, mais il n'y a rien qui dit qu'il doit le faire.

M. Rémillard: Est-ce que qu'on doit mettre, dans un projet de loi, que le juge lui-même doit vérifier les conditions d'admissibilité directement, implicitement? Pourquoi on mettrait ça au niveau de la discrétion judiciaire? Parce que c'est une question d'admissibilité. Vous n'êtes pas admis à la Cour si vous ne remplissez pas ces obligations-là, les obligations où vous attestez vous-même, par un affidavit solennel, que vous remplissez ces conditions, et le document est déposé en Cour. Vous arrivez devant un juge. Le juge a son dossier et il y a l'affidavit qui est là. Vous, si vous êtes l'autre partie adverse, vous pouvez dire: M. le Président, cette personne-là représente la compagnie, je veux que vous vérifiiez s'il y a vraiment cinq employés. Moi, je les connais et ils sont beaucoup plus que cinq employés.

En fait, on ne peut pas... Tu sais, le législateur ne peut pas, non plus, prendre les gens par la main et, à chaque pas, à chaque instant, prévoir tous les gestes qu'ils vont faire. Je crois qu'à un moment donné notre rôle, comme législateurs, c'est d'établir les principes, les balises et même d'y aller d'une façon plus pointue encore en ce qui regarde les conditions d'admissibilité. Et elles sont pointues parce qu'on parle d'un affidavit et on sait ce que ça vaut, un affidavit, dans notre système judiciaire. Qu'est-ce que vous voulez? il y a des gens qui peuvent faire de faux affidavits, bien sûr, c'est vrai, mais, à ce moment-là, comme on fait un faux témoignage. En cour, on demande d'assermenter quelqu'un ou de faire une déclaration solennelle avant qu'il témoigne et puis ça ne garantit absolument pas que ce témoin-là va dire la vérité. À un moment donné, il peut dire le contraire. Mais, s'il dit le contraire de la vérité, s'il dit des mensonges, eh bien, à ce moment-là, non seulement on peut le poursuivre, mais la décision qui est prise par le juge ou par un jury au niveau criminel est entachée d'un processus qui est erroné au départ. Donc, il y a quand même un processus qui est prévu dans le système judiciaire.

Alors, M. le Président, tout ce que je demande, c'est que, oui, il faut essayer de prévoir tous les cas possibles, mais comprenons bien que le projet de loi se réfère à des processus qui sont déjà utilisés dans notre système judiciaire, qui sont garants de la bonne administration de la justice. Et peu importe les systèmes auxquels on pourrait penser, M. le Président, il y a toujours un moyen de se défiler et quelqu'un qui veut ne pas dire la vérité pourra ne pas dire la vérité. Qu'est-ce que vous voulez qu'on y fasse? C'est comme ça. Mais il faut faire en sorte que ceux qui ne disent pas la vérité puissent en subir les conséquences.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, j'en conviens avec le ministre qu'il y a toujours des gens qui vont contrevenir à des dispositions, il y a toujours des gens qui vont mentir sous serment. Ce que j'essayais de vous faire comprendre tout simplement, c'est qu'en mettant une sanction dans cette loi au fait qu'une compagnie ne corresponde pas aux critères, on pourrait facilement, je pense, intimider au moins les compagnies assez pour vraiment s'enquérir des faits. À ce moment-là, elles feraient en sorte d'être sûres des renseignements qu'elles vont donner dans l'affidavit. Ça serait facile à faire. Puis, moi, je ne crois pas au raisonnement que vous tenez à l'effet que, des fois, ça pourrait être le débiteur qui est une personne physique, puis qu'il pourrait se retrouver handicapé du fait que c'est la compagnie qui invoquerait, finalement, sa propre turpitude, pour dire: Écoutez, ce jugement-là, il n'est pas bon, j'ai menti, j'avais 10 employés. Non, je pense que ce serait facile de mettre une disposition qui dirait, justement, qu'une compagnie ne peut pas elle-même invoquer son défaut pour annuler un jugement qui est en faveur du débiteur personne physique. Je pense que, ça, c'est un raisonnement qui ne tient pas. Je pense que ce serait simple de mettre une sanction automatique pour que, si une compagnie se sert du livre des petites créances pour avoir accès au système, si les informations s'avèrent fausses par la suite ou pendant l'instance, le jugement devienne nul. Parce que, justement, il peut arriver que l'individu personne physique, au procès, n'ait aucune idée ou aucune information à l'effet que la compagnie n'ait pas plus de cinq employés. Puis ça peut arriver par la suite, cet état de fait là, c'est-à-dire quand la compagnie vient pour percevoir ou pour collecter son

jugement.

Alors, si ce risque planait continuellement sur la tête de l'entreprise, je pense, M. le ministre, qu'on arriverait à quelque chose, au moins à un effet dissuasif qui serait voulu et souhaitable. Parce que, en ouvrant la porte aux personnes morales, je pense que le ministre convient avec moi qu'on vient de créer un déséquilibre entre personne morale et personne physique. Puis, justement, je pense qu'à la Cour des petites créances le juge doit peut-être tenir un peu plus la main de la personne physique qui maintenant va avoir à lutter, des fois, contre des personnes morales. Et puis, justement, je pense qu'on doit tenir compte de ce facteur-là. Et puis ça serait facile, ça serait simple. Je ne pense pas que ça serait lourd.

Moi, je ne crois absolument pas à la sanction du faux affidavit ou de l'outrage au tribunal. Je ne pense pas que ça va être un recours qui va être utilisé. Il faut se mettre à la place de la personne, de M. Tout-le-Monde ou Mme Tout-le-Monde qui ne connaissent absolument rien à la justice. C'est loin d'être certain qu'ils vont, dans leur tête, à un moment donné, avoir un éclair d'esprit à l'effet que: ah, je vais le citer pour outrage au tribunal ou je vais dire au juge: Citez-le pour outrage au tribunal. Écoutez, moi, je n'y crois pas. Il faut prévoir quelque chose d'automatique dans la loi relativement à ça, une sanction. Ça serait facile, M. le ministre, à mettre. (23 h 40)

M. Rémillard: Mais, M. le Président, il y en a déjà une sanction qui est automatique et qui n'est pas l'outrage au tribunal, qui n'est pas la poursuite en matière criminelle. Et, cette sanction, c'est la sanction qu'on retrouve dans tout notre droit lorsque, dans un procès, on fait quelque chose qui est contraire à la loi. Et l'entreprise qui ferait une fausse déclaration dans son affidavit, donc un affidavit qui est faux, aurait pour sanction automatique qu'avec le jugement elle perd sa créance. Alors, qu'est-ce que le député d'Anjou veut de plus que ça, qu'est-ce qu'il veut de plus? Qu'est-ce que vous voulez? Vous avez fait une fausse déclaration dans votre affidavit, vous perdez votre créance et, en plus, vous pouvez être poursuivi au niveau criminel, même pour outrage au tribunal. Quand vous me dites: Je ne vois pas une personne, le consommateur, qui va dire: Moi, je veux qu'il soit poursuivi pour...

M. Bélanger (Anjou): ...outrage au tribunal, oui.

M. Rémillard: Bien oui, mais c'est le juge qui va être là. Regardez comment ça se passe aux petites créances, vous le savez. Moi, j'ai déjà été aux petites créances, comme bien du monde, là. Souvent - je ne sais pas si ceux qui sont autour de cette table sont allés aux petites créances - on s'est fait amener aux petites créances ou on a amené des gens aux petites créances, en fait, c'est normal, c'est la vie. On est allés là. Et, le juge, il est très actif. C'est dans une petite pièce et le juge est actif parce qu'il prend son rôle au sérieux, et ça va très bien. Et n'oubliez pas qu'en plus, là, vous avez eu le processus de la médiation avant. Donc, même au niveau de la médiation, auparavant, vous allez avoir le personnel en charge de la médiation, qui vérifie ça encore une fois, et là il y a toute la médiation qui se fait entre les deux personnes qui sont convoquées à la Cour. Écoutez, regardez ça: processus de médiation, ensuite, le rôle actif du juge, troisièmement, le consommateur qui n'est quand même pas un niaiseux et, quatrièmement, vous voulez une sanction automatique, vous en avez une. Pas besoin de la mettre dans la loi, il y en a une automatique, et celle qui est automatique, c'est de dire: Vous avez fait une fausse déclaration, très bien, terminé, vous n'avez plus de créance.

Le Président (M. LeSage): Vous avez terminé, M. le député d'Anjou?

M. Bélanger (Anjou): Non, M. le Président, j'ai encore une question à poser à M. le ministre. En tout cas, sa sanction automatique qu'il voit évidente là, qui, d'après lui, est déjà incorporée dans la loi, pour moi, elle est loin d'être évidente, là, parce que ça doit être à la face même de la requête et que ça saute dans le visage du juge pour qu'il puisse l'invoquer et que la personne perde sa créance, comme on dit. Alors, moi, je ne pense pas que ça soit le genre de recours qui est approprié dans ce type de loi là. Maintenant, en tout cas, je vois que c'est la position qui semble arrêtée, là, du ministre.

Il y a une autre chose, aussi, qui, tout à l'heure, me chicotait, c'est les règles de preuve. Maintenant qu'on va avoir affaire à des dossiers allant jusqu'à 3000 $, est-ce que les règles de preuve du Code de procédure vont être modifiées ou est-ce que le particulier qui va se retrouver devant la Cour des petites créances va se retrouver avec le même problème d'avoir un commencement de preuve par écrit, dans certains cas, ou d'avoir un écrit pour faire certaines revendications, ou est-ce qu'on va avoir un régime de preuve particulier pour les créances entre 1000 $ et 3000 $ ? Ça, c'est une question que je me pose très fortement et j'aimerais savoir si le ministre a, là-dessus, quelque chose.

(Consultation)

M. Rémillard: Alors, on m'informe ici, M. le Président, qu'à l'article 2862 du Code civil on dit: «La preuve d'un acte juridique ne peut, entre les parties, se faire par témoignage lorsque la valeur du litige excède 1500 $. Néanmoins, en l'absence d'une preuve écrite et quelle que soit

la valeur du litige, on peut prouver par témoignage tout acte juridique dès lors qu'il y a commencement de preuve; on peut aussi prouver par témoignage, contre une personne, tout acte juridique passé par elle dans le cours des activités d'une entreprise». Alors, cette situation-là s'applique, évidemment. Alors, ça, c'est dans le nouveau Code civil qu'on a adopté, c'est le nouveau Code civil, ça. Votre nouveau Code civil.

M. Holden: Est-ce que c'est 1500 $, le commencement de...

M. Rémillard: À partir de 1500 $.

M. Holden: C'est le juge qui applique la règle?

M. Rémillard: Oui, mais il y a, comme on dit, aussi la dernière partie qui est importante: «on peut aussi prouver par témoignage, contre une personne, tout acte juridique passé par elle dans le cours des activités d'une entreprise».

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Rémillard: C'est la nouvelle disposition, à l'article 2862 du Code civil.

M. Bélanger (Anjou): Est-ce que je dois comprendre de cette réponse que, finalement, devant la Cour des petites créances, pour les montants entre 1500 $ et 3000 $, on va se retrouver dans le même cas que dans les cours ordinaires? Il n'y aura pas de régime spécial qui permettrait, je veux dire, une simplification de la preuve? Parce que c'est quand même le but de la Cour des petites créances de simplifier la preuve. Alors, finalement...

M. Rémillard: Actuellement, il y a l'article 973 du Code de procédure civile qui dit: «Le juge doit suivre les règles de la preuve et il en instruit sommairement les parties; il procède suivant la procédure qui lui paraît la mieux appropriée». Donc, il y a une discrétion, à ce moment-là, du juge. Mais ça se réfère maintenant au nouveau Code civil qui est sur les 1500 $.

M. Bélanger (Anjou): Oui, sauf que procédure et règle de preuve...

M. Rémillard: Mais 1500 $ et plus, ça veut dire qu'il vous faut un commencement de preuve par écrit.

M. Bélanger (Anjou): C'est ça. Parce que procédure, ce n'est pas règle de preuve. Procédure, c'est la façon de procéder, mais, je veux dire, les règles de preuve vont rester les mêmes, si je comprends bien.

M. Rémillard: Oui, oui.

M. Bélanger (Anjou): C'est ça?

M. Rémillard: C'est 1500 $ et plus. Pour 1500 $ et plus, vous avez besoin...

Mme Harel: Sauf si...

Le Président (m. lesage): si vous le permettez, mme la députée de hochelaga-maison- neuve, est-ce que vous avez terminé, m. le député d'anjou?

M. Bélanger (Anjou): Non, M. le Président.

M. Rémillard: Je l'ai cité à plusieurs reprises. Il faudrait que je le cite encore?

Mme Harel: dans le cadre de la question posée par mon collègue, le député d'anjou, il faut donc comprendre, m. le président... j'ai la parole, oui?

Le Président (M. LeSage): Oui, vous l'avez. Mme Harel: II faut donc comprendre...

Le Président (M. LeSage): Je vous ferai remarquer que votre temps, à vous personnellement, est écoulé, par exemple, vous avez même dépassé d'une minute.

Mme Harel: À ce moment-là, il y a deux façons de procéder: ou bien on consent ou bien on y va paragraphe par paragraphe.

Le Président (M. LeSage): Est-ce qu'il y a consentement pour que Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve pose une question?

M. Rémillard: Paragraphe par paragraphe, qu'est-ce que ça veut dire, ça?

Mme Harel: Nos règles de procédure, en commission, nous permettent de passer 26 minutes sur chaque paragraphe.

M. Rémillard: Ah, c'est chaque paragraphe. Chaque parlementaire, 20 minutes. C'est du chantage, M. le Président!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Holden: Le ministre avait dit comment il était flatté d'avoir quatre critiques.

M. Rémillard: C'est une chorale!

M. Holden: Je me demande si c'est le cas maintenant.

M. Rémillard: C'est une chorale!

Mme Harel: Alors, vous ne pouvez pas à la fois vous en réjouir et vous en chagriner. Cependant, vous disiez tantôt qu'au-delà de 1500 $ de réclamation, ce serait un début de preuve par écrit, sauf lorsque ça met en cause une entreprise.

M. Rémillard: Non, non.

Mme Harel: Dans le cours normal d'une entreprise.

M. Rémillard: Dans le cours normal.

Mme Harel: Le début de preuve par écrit n'est pas nécessaire.

M. Rémillard: Attendez. On va reprendre ça. Montrez-moi ça, là. Parce qu'on a tout fait ça, ces articles, mais il faut quand même y revenir, n'est-ce pas, M. le député?

Mme Harel: C'est ça. L'interprétation que j'en fais, moi, c'est qu'en matière commerciale une personne morale de moins de cinq employés qui réclamerait à une autre personne morale de moins de cinq employés aurait droit à la preuve testimoniale. Mais, si c'est une personne physique qui réclame de son voisin, elle devrait utiliser le début de preuve par écrit au-delà d'une réclamation de 1500 $. C'est quand même étonnant, dans un sens, qu'on demande un fardeau de preuve plus élevé pour la personne physique que pour la personne morale.

M. Rémillard: On dit «néanmoins». Alors, «la preuve d'un acte juridique ne peut, entre parties, se faire par témoignage lorsque la valeur du litige excède 1500 $. Néanmoins, en l'absence d'une preuve écrite et quelle que soit la valeur du litige, on peut prouver par témoignage tout acte juridique dès lors qu'il y a commencement de preuve.» Et là on dit aussi: «On peut aussi prouver par témoignage, contre une personne, tout acte juridique passé par elle dans le cours des activités d'une entreprise». «Tout acte juridique passé par elle dans le cours des activités d'une entreprise.» Alors, c'est tout acte juridique. Alors, qu'est-ce que c'est un acte juridique dans ce sens-là, M. le légiste, dans le sens de cette interprétation-là? Ce n'est pas le service qui a été rendu; ce n'est pas une question de service, c'est une question d'acte juridique.

Mme Harel: Un contrat d'achat, une automobile usagée.

M. Rémillard: Ça demanderait interprétation de nos légistes. (23 h 50)

Mme Harel: Quand c'est acheté d'un particulier, non; mais, si c'est acheté d'un garage, oui.

M. Rémillard: Savez-vous, on va se référer aux commentaires du Code civil. Alors, nos spécialistes se consultent présentement. Ils en discutent activement.

Mme Harel: On aura l'occasion, de toute façon, sur la preuve, de revenir sur cette question.

M. Rémillard: De revenir.

Une voix: Oui, on reviendra là-dessus.

Le Président (M. LeSage): Dans ce cas-là, je vais céder la parole au député de Westmount.

M. Holden: M. le Président, puisqu'il y a au maximum cinq employés, on pourrait exiger, soit au stade de l'émission du bref ou même avec I'affidavit, une liste des cinq employés avec leur adresse. Si le défendeur voulait vérifier, il pourrait. Si c'est trois, c'est moins dur.

M. Rémillard: On avait pensé à ça, M. le député de Westmount, et l'objection principale, c'était les renseignements nominatifs qui étaient dévoilés en cour.

M. Holden: Le droit à la «privauté», là?

M. Rémillard: oui, c'est ça, pour le respect de la vie privée et tout ça. alors, pourquoi demander de faire la liste de ces personnes? qu'est-ce que ça va donner de plus?

M. Holden: C'est pour que le défendeur puisse vérifier...

M. Rémillard: Le juge peut le demander, par contre.

M. Holden: ...ou le juge, oui.

M. Rémillard: Le juge pourrait le demander, mais l'exiger dans la loi pour que ce soit déposé automatiquement, peut-être que c'est aller un petit peu loin.

Le Président (M. LeSage): Ça va, M. le député de Westmount? Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Ma collègue, la députée de Hochelaga-Maisonneuve, me faisait part du fait qu'il existe, je pense, une banque d'informations, un registre auprès de la Commission des normes du travail, où chaque entreprise doit dévoiler le nombre d'employés qu'elle a. Est-ce qu'il ne serait pas possible peut-être d'instaurer une façon de communiquer entre la Cour des petites créances et la Commission des normes

du travail pour, à ce moment-là, s'assurer que le nombre d'employés qui est déclaré... en tout cas, je ne sais pas, un processus qui permettrait aux citoyens de pouvoir vérifier l'information? C'est ça, finalement, comme on dit, le noeud du problème auquel tout le monde de l'Opposition vraiment se bute. Il n'y aurait pas moyen, puisqu'il semblerait que la Commission des normes du travail possède cette information-là...

M. Rémillard: M. le Président, le juge ou même le greffier peut toujours se référer à ces données-là. Il peut le vérifier, il n'y a aucun problème. Il peut le faire. S'il y a contestation ou quoi que ce soit, il peut le faire. C'est parce que, si on fait ça d'une façon automatique, M. le Président, il y a toujours aussi le fait d'alourdir le processus; il y a aussi le fait de respecter quand même la vie privée, si on donnait des noms, comme le disait le député de Westmount tout à l'heure, d'alourdir considérablement un processus qu'on veut le plus simple, le plus clair possible. Alors, si on a déjà cette information, comme vous nous dites - il faudrait le vérifier si on a vraiment toutes ces informations-là sur toutes les entreprises - si ça existe déjà, rien n'empêche la Cour de le vérifier. Pourquoi pas?

M. Bélanger (Anjou): La question n'est pas de savoir ce qui empêche la Cour, mais ce qui permet au citoyen d'avoir accès à ça. Je veux dire, ce n'est pas tout que le greffier puisse, s'il le veut ou s'il a cette idée ou cette notion, l'initiative, le faire. Je suis d'accord avec le ministre, mais la question n'est pas là. Moi, je me demande s'il ne serait pas possible peut-être, pour l'entreprise qui veut avoir accès à la Cour des petites créances, d'obtenir rien qu'une confirmation de la part de la Commission des normes, un certificat, un petit papier, n'importe quoi, je ne sais pas, quelque chose de simple.

Mais, je pense, si on doit compliquer la situation, c'est pour l'entreprise et pas pour l'individu. Déjà, pour l'entreprise, on va lui donner accès à un nouveau service qui va être la Cour des petites créances. Alors, si on pouvait peut-être lui permettre d'avoir un petit certificat ou une étampe, n'importe quoi, de la Commission des normes qui garantit... Si toutes les entreprises sont inscrites auprès de la Commission des normes et qu'elle doit déclarer le nombre de ses employés, ce serait assez simple à ce moment-là de prévoir peut-être une formalité, je ne sais pas, qu'elle ait soit un certificat ou rien qu'une déclaration de la Commission des normes du travail à l'effet qu'elle a moins de cinq employés.

M. Rémillard: Au point de vue administratif, ça peut être très lourd. Il faudrait dire qu'il faut que ce soit informatisé, il faut qu'il y ait communication. Écoutez, là, vous allez voir qu'on a déjà beaucoup de problèmes avec l'appareil administratif. Imaginez-vous ça, si les compa- gnies, je ne sais pas le nombre de compagnies, ont une liste à la Commission des normes et que, là, le citoyen demande une information, le temps que ça peut prendre pour que ça lui revienne. Pourquoi alourdir le processus comme ça? Simplement, on peut savoir que le juge peut facilement se référer à cette source première et recevoir une réponse, s'il y a contestation. Et, si le juge veut le vérifier lui-nême, pourquoi il ne pourrait pas le vérifier? Pourquoi ne pas faire confiance plus aux consommateurs et aux juges qui sont là, et même pas simplement aux consommateurs et aux juges, mais en plus aux greffiers? Tantôt, j'ai parlé de la médiation qui a lieu aussi. N'oubliez pas tout le processus de médiation qui a lieu dans un premier temps. Ça aussi, vous avez un processus de vérification qui va s'établir à ce niveau-là. Alors, au niveau de la médiation et éventuellement au niveau du juge, ça veut dire quand même qu'il y a bien des niveaux où on pourra se référer pour vérifier tout ça.

M. Bélanger (Anjou): Ma prochaine question serait au niveau de l'entrée en vigueur. Quand le ministre prévoit-il l'entrée en vigueur de cette loi, une fois qu'elle va être adoptée par l'Assemblée nationale? Et, à ce moment-là, est-ce qu'il ne serait pas possible peut-être - parce que, moi aussi, j'ai beaucoup de difficultés à accepter les chiffres ou les prévisions faites par le ministère - de la mettre en application pour les personnes physiques, la hausse de 1000 $ à 3000 $, dans un premier temps? Il pourrait regarder la réaction et regarder la hausse que ça pourrait engendrer, et, par la suite, pour les personnes morales, qu'il y ait un certain délai pour l'entrée en vigueur, ce qui permettrait, à ce moment-là, de voir si les prévisions du ministère de la Justice sont exactes quant à la hausse du volume des demandes. Est-ce que ça serait possible ou est-ce que vraiment le ministre est certain qu'il vise juste dans ses données?

M. Rémillard: Je suis certain dans la mesure où je peux me référer aux estimations qui sont faites par le Conseil du trésor, puis le ministère de la Justice, puis le ministère des Finances. Dans la mesure où ces trois organismes me donnent ces chiffres-là, moi, je vous dis, comme pour tous les autres chiffres qui me sont donnés: Bon, je m'y réfère. Je ne peux pas vous donner une garantie absolue parce que vous comprenez facilement...

M. Bélanger (Anjou): Non, non.

M. Rémillard: ...que ce n'est pas possible. Mais ce que je peux vous dire, c'est que, si je ne les avais pas, si je n'avais aucun chiffre, vous diriez: Bien, écoutez, il faut faire des études. Je les ai fait faire, les études. Je ne peux pas procéder avec un projet de loi comme

ça si je n'ai pas ces études qui sont faites par le Conseil du trésor. Le Conseil du trésor a fait les études. Il nous donne ces chiffres. Alors, nous, à partir de là, on en arrive à nos conclusions qui apparaissent dans le document que j'ai distribué. Pas de problèmes. La Cour du Québec va assumer quand même ces causes-là. Pourquoi on ne pourrait pas, à ce moment-là, se référer à ces chiffres? M. le Président, comme le député de Westmount l'a mentionné tout à l'heure, coudon, s'il y avait une erreur, on l'ajustera. Mais je pense qu'on gagne, tout le monde, à ce qu'on puisse mettre ce projet de loi le plus vite possible en application. Si, par la pratique, on s'aperçoit qu'on a besoin de plus de personnel à un niveau ou à l'autre, on verra, on avisera en conséquence.

M. Bélanger (Anjou): Mais...

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou, une dernière question.

M. Bélanger (Anjou): D'accord. Merci, M. le Président. Sauf que le ministre n'a pas répondu à ma question. Est-ce qu'il a prévu une date probable ou, en tout cas, pour l'entrée en vigueur? Est-ce que ça va être dans les mois qui vont suivre ou...

M. Rémillard: C'est dans les jours ou les mois. C'est une question toujours de vérifier, au point de vue administratif, l'application de la loi, mais on a donc à procéder le plus tôt possible.

M. Bélanger (Anjou): Pour le 1er avril?

M. Rémillard: Je ne veux pas me référer à un poisson pour un poisson, mais je veux simplement vous dire que je vais me référer à ce qu'il est possible de faire, comme on le fait toujours.

Le Président (M. LeSage): Alors, je vous rappelle que nous en sommes toujours à l'étude de l'article 1 du projet de loi 50, Loi modifiant le Code de procédure civile concernant le recouvrement des petites créances, et, compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux de cette commission sine die.

(Fin de la séance à minuit)

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