L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des institutions

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des institutions

Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mardi 26 octobre 1993 - Vol. 32 N° 53

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières et étude détaillée du projet n° 106 - Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels


Journal des débats

 

(Quinze heures vingt et une minutes)

Le Président (M. Dauphin): Le quorum étant constaté, je déclare donc la séance de la commission des institutions ouverte, qui a pour mandat, cet après-midi, de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude du projet de loi 106, Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels, et, par la suite, procéder à l'étude détaillée dudit projet de loi. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata) est remplacée par M. Forget (Prévost); et M. Godin (Mercier) est remplacé par Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière).

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Alors, avant d'inviter le premier groupe à s'avancer à la table des invités, je vais vous faire lecture de l'ordre du jour. Nous procéderons d'abord à des remarques préliminaires, premièrement du ministre de la Justice, ensuite du porte-parole de l'Opposition officielle. Nous entendrons le Barreau du Québec pour une durée d'une heure; ensuite, nous entendrons l'Association québécoise plaidoyer-victimes pour également une durée d'une heure.

Alors, j'invite maintenant M. le ministre de la Justice à faire ses remarques préliminaires pour une durée d'environ 15 minutes.

Remarques préliminaires M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Je vous remercie, M. le Président.

M. le Président, mardi dernier, nous procédions à l'adoption du principe du projet de loi 106, Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Les travaux menant à l'adoption d'un projet de loi par les représentants élus de la population constituent un exercice hautement démocratique, M. le Président, et la participation, aujourd'hui, d'organismes externes qui s'intéressent à la promotion des droits des victimes d'actes criminels sera certainement une source d'enrichissement pour nos travaux parlementaires.

Permettez-moi, M. le Président, de vous présenter ces personnes. Tout d'abord, du Barreau du Québec, nous recevrons la vice-présidente, Me Claudette Picard, qui est accompagnée de Me Pierre Gauthier, directeur général du Barreau du Québec, et de Me André Perreault. Ensuite, l'Association québécoise plaidoyer- victimes, qui est un organisme voué à la promotion des intérêts des victimes et qui célèbre son dixième anniversaire de fondation cette année, est représentée par sa présidente, Mme Arlène Gaudreault, accompagnée de Mme Diane Lemieux, du regroupement des CALACS, c'est-à-dire les centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, et de Mme Fleurette Boucher, du Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale.

M. le Président, je veux remercier toutes et tous de s'être déplacés. Je veux les remercier, donc, de s'être déplacés et d'être venus ici, à Québec. Certains nous viennent de Montréal, d'autres de Sherbrooke. Ils se sont déplacés afin de venir exprimer leurs commentaires en regard du projet de loi qui nous intéresse aujourd'hui.

M. le Président, il m'apparaît important de bien situer le contexte de ce projet dont nous entreprendrons l'étude détaillée au cours des prochaines heures. Il y a, au Québec, depuis 1972 une loi qui vise l'indemnisation des victimes d'actes criminels et cette loi est inspirée du seul régime d'indemnisation étatique qui existait au moment de son adoption, soit celui prévu dans la Loi sur les accidents du travail. Par ailleurs, depuis 1988, le Québec s'est doté d'une loi prévoyant la reconnaissance et la promotion des droits des victimes d'actes criminels en conformité avec la Déclaration des Nations unies sur les principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir. Motivée à l'époque par l'augmentation de la criminalité et par l'impossibilité pour plusieurs victimes d'être compensées par l'auteur du crime, la loi de 1972 n'a jamais été actualisée de façon substantielle.

Force nous est de constater, M. le Président, que la loi actuelle ne répond plus aux besoins des victimes d'actes criminels, bien que les principes à sa base demeurent, d'où la présente réforme. Ainsi, le projet de loi 106 propose, M. le Président, de regrouper ces deux lois concernant les victimes. Il contient des règles portant sur la reconnaissance des droits des victimes à l'égard desquels le Québec fait preuve d'avant-gardisme, sur les services d'aide et les modalités de leur promotion, sur l'admissibilité des victimes de crime contre la personne, de même que sur les diverses indemnités auxquelles celle-ci aurait droit.

Plusieurs personnes, M. le Président, ont travaillé très fort et avec beaucoup de conviction, je dois dire, à l'élaboration du projet de loi 106. Des rencontres des plus constructives ont été menées, des études et des analyses furent effectuées afin que nous puissions aujourd'hui entreprendre une étape importante de notre droit parlementaire. Mais tout ce travail n'a certes pu être effectué en quelques semaines et s'est déroulé sur

deux années qui ont été des plus remplies.

La première étape a consisté en une étude détaillée des lacunes et des améliorations à apporter, à l'automne 1991, dans le cadre des travaux préparatoires au Sommet de la Justice. Des consultations ont été tenues auprès des groupes, organismes et ministères concernés par le traitement des victimes d'actes criminels. Plusieurs propositions ont été formulées, dont un bon nombre provenant de l'Association québécoise plaidoyer-victimes portaient sur le régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Ces propositions ont été présentées en février 1992 lors du Sommet de la Justice. Notons, entre autres, celles visant l'harmonisation du régime d'indemnisation avec celui de l'assurance automobile du Québec, la prolongation à trois ans du délai de prescription présentement établi à un an et l'admissibilité des proches de certaines victimes à des services de psychothérapie. M. le Président, le projet de loi 106 tient compte de ces demandes et constitue de façon générale une grande amélioration du régime actuel.

Le principe, comme je le mentionnais il y a quelques instants, demeure la responsabilisation de la société à l'égard des conséquences de la perpétration d'un crime. Il doit donc y avoir eu crime et, M. le Président, pour donner ouverture à une indemnité de l'État, il devrait y avoir signalement de cette infraction criminelle aux autorités responsables d'appliquer la loi, à moins que la victime ne justifie d'un motif sérieux de ne pas le faire. En effet, M. le Président, cette obligation m'apparaît indissociable dans le contexte du présent projet de loi afin d'assurer non seulement la sanction des crimes, mais aussi de veiller à la protection de la victime et de la société en général. Il en va de même pour la coopération avec les autorités policières. Les crimes sont des atteintes graves aux valeurs fondamentales d'une société. Ils portent atteinte à l'intégrité, à l'inviolabilité et au droit à l'intimité des personnes qui la composent. Il est donc de notre responsabilité de les combattre. Dans l'exercice de ce devoir, la société doit compter sur la collaboration de chacun de ses membres à qui il revient de les dénoncer.

Par cela, M. le Président, l'État cherche à promouvoir le respect de ses valeurs. L'État cherche également à assurer la protection de ses membres en prenant les moyens nécessaires pour contrer et prévenir les crimes. La victime qui s'impose le silence assure non seulement l'impunité des contrevenants, mais, par son comportement, leur permet de recommencer au risque de mettre en cause d'autres victimes ou elle-même. Comment jugerait-on l'État qui favoriserait le silence? Deviendrait-il en quelque sorte lui-même complice? M. le Président, je sais que nous aurons l'occasion d'aborder cette importante question cet après-midi. Il me fera alors plaisir d'en discuter plus longuement. (15 h 30)

En terminant, M. le Président, je tiens à souligner que la protection de la société en général et des victimes en particulier est une question qui doit se situer au-delà de toute partisanerie afin que nos échanges fassent ressortir les valeurs qui guideront la société de demain. J'entends bien mener l'étude de ce projet de loi, M. le Président, dans le même esprit que nous menons les projets de loi concernant la justice, c'est-à-dire en fonction du seul intérêt, de l'intérêt public, très ouvert à toute possibilité qui peut améliorer le projet de loi dans le contexte et dans les limites des moyens de l'État. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le ministre de la Justice, pour ces remarques préliminaires. Je vais maintenant reconnaître le porte-parole de l'Opposition officielle en la personne du député d'Anjou.

M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Je vous remercie, M. le Président. Alors, vous comprendrez que je ne reprendrai pas l'historique des lois qui ont précédé ce présent projet de loi; je pense que mon vis-à-vis, le ministre, en a fait un exposé très clair et très concis.

Cette loi, il faut comprendre qu'elle représente une harmonisation, relativement, entre le nouveau régime pour les victimes d'actes criminels et celui de la Loi sur l'assurance automobile. C'est une loi qui, de prime abord, apparaît tout à fait technique, et c'est pourquoi je suis content que le ministre, finalement, et cette commission aient accepté d'entendre des intervenants qui travaillent auprès des victimes d'actes criminels et qui pourront nous faire part de la réalité: comment se vit la réalité de l'application de la loi actuelle; comment anticipent-ils, justement, que cette nouvelle loi va les affecter? Va-t-elle réellement améliorer la situation quant au régime d'assurance pour les victimes d'actes criminels? Alors, je pense que c'est quelque chose qui est tout à fait primordial pour nous, en tant que législateurs, pour pouvoir déterminer quel sera l'impact de ce projet de loi.

On peut penser, à juste titre peut-être, que cette loi est une amélioration, mais, des fois, quand on est confronté aux réalités du terrain, à la réalité de la pratique, aux recours qui, théoriquement, peuvent apparaître mais qui, en pratique, n'existent pas, on peut se rendre compte, finalement, que ce qui peut paraître, de prime abord, une amélioration n'est, en fait, au plus qu'un statu quo ou, au pire, un recul relativement à une situation. Évidemment, en tant que porte-parole de l'Opposition, à chaque fois qu'on me présente un projet de loi, j'ai toujours en tête, plutôt qu'une amélioration, qu'il y a une économie d'argent qui veut se faire. Alors, si cette économie d'argent n'est qu'une rationalisation de l'appareil étatique, ce n'est évidemment pas nous, de l'Opposition, qui allons nous plaindre de cette situation. Mais si c'est une économie qu'on essaie de faire sur le dos des victimes d'actes criminels, à ce moment-là, nous, en tant qu'Opposition, nous ne pouvons collaborer à cette action.

Donc, M. le Président, je suis très content,

comme je vous le disais, finalement, il va y avoir des consultations. Du côté social, nous allons entendre, entre autres, des représentants de l'Association québécoise plaidoyer-victimes, comme l'a souligné le ministre, qui, cette année, a fêté son dixième anniversaire. Du côté légal, nous allons avoir droit à la représentation du Barreau du Québec qui pourra nous faire part aussi de la réalité légale relativement à des problèmes légaux que pourrait poser ce projet de loi. J'ai oublié de mentionner qu'en plus des représentants de l'Association québécoise plaidoyer-victimes nous aurons aussi des représentants des CALACS, qui seront présents. Alors, je pense que ça va être très instructif pour nous de pouvoir entendre ces commentaires.

Maintenant, M. le Président, j'entendais tout à l'heure le ministre nous faire part qu'il y a eu de nombreuses consultations avant le dépôt de ce projet de loi. Alors, permettez-moi de m'interroger sur ces consultations, puisque, ce qu'on doit constater, c'est que le projet de loi qui est présenté présentement, qui est présenté devant nous ne répond pas réellement aux constats, aux engagements qui avaient suivi le Sommet de la Justice. En effet, de prime abord, je ne vois pas, dans ce projet de loi, de recours utile pour la victime qui se verrait brimée de ses droits fondamentaux que, maintenant, on lui reconnaît. Maintenant, aussi, au niveau de l'engagement relativement à la création d'une commission des victimes d'actes criminels, on ne voit pas encore l'annonce d'une telle commission. Il y a même eu l'annonce que cette commission ne verrait pas le jour. Donc, on peut se demander quelles consultations il y a eu.

Même, je me demande si, plutôt... Peut-être que le ministre pourrait, tout au long des nombreux échanges que nous aurons, nous faire part que les consultations qu'il y a eu, je pense, c'est plutôt devant le projet de loi qui était rédigé. On a présenté le projet de loi aux différents intervenants qui travaillaient dans le milieu des victimes d'actes criminels et on leur a demandé de nous faire part de commentaires relativement au projet de loi qui était déjà élaboré. Je pense que ce serait intéressant d'avoir, en tout cas, des précisions relativement à ces consultations. De toute façon, je pense que nous aurons aussi des éléments de réponses relativement à ce que les différents intervenants pourront nous dire tout à l'heure relativement à ce projet de loi.

Quant au ministre, il peut compter sur la collaboration de l'Opposition dans ce dossier. C'est un dossier, je pense, dans lequel il n'y a pas de politique partisane à faire. Je pense que les préoccupations qui nous habitent, tant du côté du gouvernement que du côté de l'Opposition, c'est d'améliorer le système d'assurance des victimes d'actes criminels et de faire en sorte que ce système, que ce régime qui, je pense, est un grand acquis social va continuer de jouer le rôle important qu'il joue présentement dans notre société. Alors, c'est l'essentiel de mes remarques, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup,

M. le député d'Anjou, pour ces remarques préliminaires. Nous allons maintenant débuter les auditions, la consultation, dis-je, particulière. Est-ce que les gens du Barreau sont arrivés? Oui? Alors, bienvenue! et nous allons commencer avec vous. Alors, si vous voulez vous avancer à la table des invités, s'il vous plaît.

M. Rémillard: M. le Président, me permettez-vous...

Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: ...pendant que nos gens du Barreau s'amènent à la table, simplement pour répondre à la question que me posait le député d'Anjou? De fait, les discussions que nous avons eues et les consultations que nous avons eues ont débuté en 1987 vraiment. Il y a eu le rapport du professeur Jean Hétu et, à partir de là, un groupe de travail sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels a fait aussi son rapport en 1991. Ensuite, lorsque nous avons préparé le Sommet de la Justice, on a rencontré les groupes, et tout ça nous a amenés, même pendant une journée entière, je me souviens, à discuter de tous les aspects qu'on pouvait retrouver dans les problématiques que peuvent rencontrer les victimes d'actes criminels. Finalement, un projet de loi a été rédigé et, sur ce projet de loi, nous avons encore consulté. Alors, il y a eu beaucoup... C'est un des projets de loi, probablement, où il y a eu beaucoup, beaucoup de consultations, et Mme Viens qui m'accompagne, M. le Président, je me permets de la présenter à cette commission, Christine Viens, qui m'accompagne donc, a procédé, elle aussi, à beaucoup de ces consultations pour qu'on ait le projet de loi qui est le plus conforme possible aux voeux de ceux qui oeuvrent dans le milieu en fonction des moyens que nous avons comme gouvernement.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Oui, M. le député d'Anjou. Juste avant, je demanderais peut-être aux représentants du Barreau de s'avancer à la table des invités. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, juste pour fins de précision. Je comprends qu'il y a depuis 1987 des consultations entre le ministre et les intervenants dans le milieu des victimes d'actes criminels, mais, les consultations auxquelles, moi, je faisais surtout référence, ce sont les consultations qu'il aurait pu y avoir après le Sommet de la Justice; non pas celles qui ont eu lieu pour la préparation du Sommet, mais après le Sommet, entre la fin du Sommet, finalement, et l'élaboration du présent projet de loi. Alors, ce sont ces consultations-là et non pas uniquement les consultations particulières... peut-être, que le ministre aurait pu avoir directement, et non pas par l'entremise de Mme Viens.

M. Rémillard: On a eu beaucoup de consultations

à ce niveau-là, aussi, pendant cette période-là. On pourra en faire part au fur et à mesure de nos discussions.

M. Bélanger: Parfait.

Consultations particulières Barreau du Québec

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, messieurs. Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons maintenant les représentants du Barreau du Québec, notamment Me Claudette Picard, qui en est la vice-présidente, qui est accompagnée de Me Pierre Gauthier, qui est le directeur général, qui va se joindre à nous tantôt, si je comprends bien, et de Me André Perreault, qui est membre du groupe de travail du Barreau du Québec sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Alors, on s'excuse de vous avoir bousculés un petit peu. Je crois qu'on vous avait dit 15 h 30, alors qu'on a commencé à 15 h 20. Alors, c'est peut-être pour ça que le temps est un petit peu anticipé.

Mme Picard (Claudette): D'accord. Oui.

Le Président (M. Dauphin): Bienvenue à nos travaux. Donc, nous avons une période d'une heure ensemble, c'est-à-dire 20 minutes pour présenter votre point de vue et, ensuite de cela, il y aura une période d'échanges entre les membres de la commission et vous-mêmes. Alors, bienvenue, Me Picard.

Mme Picard (Claudette): D'accord. Merci, M. le Président. (15 h 40)

M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Au Sommet de la Justice, en 1992, le ministre de la Justice soulignait la nécessité d'une réforme en profondeur du régime d'aide et d'indemnisation des victimes d'actes criminels, d'une part, afin de solutionner les problèmes d'administration et de fixation des indemnités suscités par l'assimilation de ces victimes aux accidentés du travail et, d'autre part, afin de répondre plus adéquatement à leurs besoins et à leurs préoccupations. À la lumière de son mandat de protection du public, le Barreau du Québec considère qu'il est important de se prononcer sur la réforme proposée de l'aide et de l'indemnisation des victimes d'actes criminels.

Qu'il nous soit permis d'attirer votre attention sur les points particuliers suivants: premièrement, la force obligatoire du projet de loi et l'absence de recours pour faire respecter les droits qui y sont prévus; deuxièmement, le droit au retour au travail; troisièmement, l'obligation de coopérer; quatrièmement, la référence aux infractions criminelles prévues à l'Annexe 1; et, cinquièmement, le droit à la réadaptation.

Alors, en premier lieu, la force obligatoire du projet de loi et l'absence de recours. Le caractère peu contraignant et aléatoire de certaines dispositions du titre I du projet de loi risque de miner l'intérêt pratique de la loi pour les victimes. Les expressions telles que «dans la mesure prévue par la loi» à l'article 3, «aussi complètement que possible» à l'article 4, «dans la mesure du possible et compte tenu de l'intérêt public» à l'article 5 et «compte tenu des ressources disponibles» à l'article 6, ne sont pas de nature à dégager une grande force obligatoire. N'y a-t-il pas lieu de faire en sorte que l'administration soit astreinte à suivre les objectifs de la loi plutôt que de lui laisser le soin de définir, dans les faits, la portée des droits qui y sont prévus?

On constate, en outre, l'absence de remède ou de recours permettant à la victime de faire respecter ses droits. Par exemple, l'article 4 prévoit un droit à l'information, mais il semble qu'il n'y ait personne qui se voit attribuer la responsabilité d'informer chaque victime conformément à cette disposition et surtout d'assurer le respect de ce droit. Les fonctions dévolues au Bureau d'aide et d'indemnisation, à l'article 158, revêtent un caractère général et sont insuffisantes à ce chapitre. Par ailleurs, l'article 5 prévoit que la victime a le droit d'être informée de l'état et de l'issue de l'enquête policière dans la mesure du possible et compte tenu de l'intérêt public. Comment la victime peut-elle s'y prendre pour contester la décision d'un corps policier qui refuse de l'informer pour des motifs d'intérêt public? À qui la victime doit-elle se plaindre et quels sont ses recours? Nous considérons que les droits prévus au titre I doivent être renforcés et que le projet de loi doit prévoir des mécanismes et des recours pour assurer la victime que ses droits seront respectés.

En second lieu, le droit au retour au travail. Bien qu'il soit sage d'éviter les problèmes administratifs du régime actuel, nous pensons qu'il peut être utile de conserver les principes reconnus du régime des accidentés du travail lorsqu'ils peuvent valablement répondre aux besoins des victimes. Ainsi en est-il du droit au retour au travail. Ce droit est reconnu aux accidentés du travail et aux travailleuses enceintes, mais on ne le retrouve nulle part dans la réforme proposée par le projet de loi 106. Nous estimons que le droit au retour au travail ne doit pas être basé sur une distinction entre les différentes sources de lésions physiques. Par conséquent, ce droit au retour au travail devrait être spécifiquement prévu dans le projet de loi 106. Il s'agit là d'une mesure très importante favorisant la réinsertion sociale et économique des victimes.

En troisième lieu, l'obligation de coopérer. Nous considérons qu'il est tout à fait opportun d'obliger une victime à collaborer avec le ministre pour les fins de l'obtention d'une aide ou d'une indemnisation. Il est normal, par exemple, que la victime fasse une preuve des faits justifiant sa demande. Toutefois, nous croyons qu'une victime ne devrait pas être obligée de coopérer avec la police ou avec les autorités judiciaires pour pouvoir jouir d'un droit à l'indemnisation ou à une aide. Cette obligation résulte des articles 7, 11.4°, 11.5° et 119.1°c du projet de loi. La Loi sur l'aide et

l'indemnisation des victimes d'actes criminels perdrait alors son caractère de loi sociale. À cet égard, nous considérons que le projet de loi confond la finalité d'in-demnisatioH et celle de la répression du crime. Nous devinons facilement que les victimes d'agression sexuelle et de violence conjugale, pour ne donner que cet exemple, pourraient être préjudiciées par de telles dispositions, d'autant plus que l'article 6 ne garantit la protection contre les manoeuvres d'intimidation et les représailles qu'en fonction des ressources disponibles.

Force nous est de constater le déséquilibre entre l'obligation de coopérer et les risques que cette obligation comporte pour certaines catégories de victimes et le droit à la protection prévu au projet de loi. Il est certes opportun de favoriser la coopération avec la police et les autorités judiciaires, mais rendre l'aide et l'indemnisation d'une victime conditionnelles à cette coopération ne répond pas au but qui devrait être recherché, soit celui d'indemniser les victimes. En pratique, nous craignons que cette nouvelle obligation n'incite d'importantes catégories de victimes, les plus démunies, dont les victimes de violence conjugale, de crime sexuel, et les personnes âgées, à renoncer à leur droit à l'indemnisation et à l'aide. Il nous semble que l'obligation de fournir tous les renseignements nécessaires au ministre en vertu des articles 117, 119.1°aet 119.1 °b devrait suffire.

Quatrièmement, la référence aux infractions criminelles prévue à l'Annexe I. L'article 9 identifie les personnes qui ont droit aux indemnités. On y réfère à une annexe qui répertorie les infractions criminelles dont les personnes qui en sont victimes peuvent réclamer l'indemnisation et l'aide. Pour plusieurs articles du Code criminel visés à l'Annexe I, la description qui en est faite est inexacte et ne comprend pas toutes les infractions qu'ils contiennent. C'est le cas, notamment, des infractions prévues à l'article 81, à l'article 86 et aux articles 218 et 272. Le contenu de l'Annexe I devrait être soit révisé, ou soit ne faire référence qu'aux articles du Code criminel, ou soit encore préciser la préséance entre la référence aux articles du Code criminel et la description. Cette révision devrait, d'ailleurs, comprendre une mise à jour afin d'y inclure, notamment, le crime de harcèlement criminel.

Par ailleurs, plusieurs infractions qui n'apparaissent pas à l'Annexe I devraient y être, notamment le proxénétisme et la menace de mort. En effet, les préjudices physiques et psychologiques des prostituées victimes de proxénétisme sont faciles à imaginer. Il en est de même d'une victime de menace de mort qui peut, dans certains cas, subir un préjudice psychique important. On peut certainement s'interroger sur la liste d'infractions contenue à l'Annexe I, qui est plus ou moins arbitraire, et on ne peut prétendre qu'une personne n'est pas une vraie victime si elle n'est pas victime d'une des infractions qui y sont prévues.

En dernier lieu, le droit à la réadaptation. Le projet de loi 106 comporte de nombreuses dispositions concernant les indemnités. À ce chapitre, le législateur semble favoriser l'indemnisation monétaire au détriment du droit à la réadaptation. Alors que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles prévoit un réel code de réadaptation, le projet de loi 106 — voir les articles 99 et 100 — établit un mécanisme de réadaptation laissé à la discrétion ministérielle. Cette différence engendre des distinctions qui ne devraient pas exister entre les citoyens, fondées sur la source de leurs lésions physiques. Les citoyens devraient être traités sur un pied d'égalité, peu importe la source de leurs lésions physiques. Plusieurs intervenants sociaux ont déjà mentionné que la réadaptation constitue une voie d'intervention prioritaire tant par la demande qu'en font les victimes qu'en regard d'une saine philosophie de réparation des torts. En conséquence, le droit de jouir de mesures favorisant la réadaptation sociale, économique et psychothérapeutique devrait être raffermi.

Ce sont là les points les plus importants de notre réflexion sur un projet de loi à retombée sociale importante, et nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Me Picard, pour votre présentation. Nous débutons maintenant la période d'échanges, et je vais reconnaître, en premier lieu, M. le ministre de la Justice. (15 h 50)

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Alors, Mme Picard, M. Gauthier, M. Perreault, merci d'avoir accepté de venir discuter avec nous. Vous l'avez fait dans un délai très court. Il est évident que vous avez tous vos responsabilités et que ce n'est pas toujours facile, mais vous l'avez fait avec beaucoup de disponibilité, vous avez répondu à notre invitation, et je vous en remercie. Nous avions pris contact avec le Barreau déjà depuis plusieurs mois, mais, d'une façon plus ponctuelle, en ce qui regarde maintenant le projet de loi étude article par article, que vous acceptiez de venir nous rencontrer nous aide beaucoup à pouvoir avoir un projet de loi de la meilleure qualité possible.

Vous avez donc fait cinq remarques. La première est en fonction des premiers articles, les huit premiers articles du projet de loi. Ces huit articles sont directement reliés à l'ancien projet de loi. Ce sont des principes qu'on retrouvait dans l'ancien projet de loi et qu'on a repris pour établir le cadre d'application du projet de loi. Mais, dans le projet de loi, à la suite de ces huit premiers articles, vous retrouvez, ensuite, toute l'application de ces principes. Quand vous mentionniez, par exemple, des termes comme, à l'article 6, «compte tenu des ressources disponibles, la victime a droit de», il s'agit d'éléments déclaratoires de principes, et on sait qu'ensuite c'est le projet de loi qui, d'une façon plus spécifique, vient déterminer la portée de ces principes. C'est une technique de législation, remarquez, et je crois qu'elle peut servir pour interpréter la loi.

On sait que les préambules, maintenant, sont à éviter. En tout cas, on les évite, nous, ici au Québec, dans nos techniques de législation. On les évite dans d'autres provinces et, au gouvernement fédéral, on a

encore recours aux préambules. Nous, au lieu d'avoir un préambule, on a des articles introductifs. Alors, ce sont des articles qui sont introductifs de lois et qui laissent ensuite place à l'application de la loi selon les différentes dispositions qu'on y retrouve. Alors, c'est comme ça que vous avez pu relever certaines dispositions qui peuvent paraître un peu plus larges dans ces huit premiers articles, mais c'est le style qu'on peut retrouver souvent dans un préambule. Là, vous le retrouvez maintenant en fonction d'articles. Puis, tout ce que vous avez dans les huit premiers articles, vous le retrouvez dans le projet de loi.

Nous avons ici une légiste qui pourrait nous expliquer tout ça. Si vous le jugez, à un moment donné, nécessaire ou si les autres membres de la commission le jugent nécessaire, M. le Président, nous avons ici Mme la légiste qui s'est occupée de ce projet de loi, Mme Franchie Gauvin, et Me Franchie Lagrenade... Ce sont des légistes qui ont travaillé sur ce projet de loi et elles pourraient donc nous expliquer la technique législative, parce qu'il s'agit simplement d'une technique législative.

Je reviendrai sur d'autres points que vous avez mentionnés. Entre autres, vous avez mentionné un point qui m'apparaît particulièrement important. Remarquez que vos cinq points sont importants, mais il y en a un qui nous amène à discuter d'une façon toute particulière, je dirais, de la philosophie du projet de loi, et c'est lorsque vous nous parlez de l'obligation pour la victime de collaborer si elle veut être indemnisée. J'ai compris que vous avez de sérieuses réserves quant à cette obligation. Est-ce que c'est ça?

Mme Picard (Claudette): Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: Et votre argument principal, pourriez-vous me fake valoir votre argument principal? Pourquoi une victime qui veut être indemnisée par l'État parce qu'elle a été victime d'un acte criminel, et c'est tout à fait normal que l'État l'indemnise, parce que ce n'est pas de sa faute si, à un moment donné, il y a eu un crime et qu'elle est victime de ce crime... Alors, pourquoi cette victime se retrouverait dans une situation où elle aurait compensation ou aide sans avoir à dénoncer le crime?

Mme Picard (Claudette): C'est une approche philosophique qui est peut-être différente dans le sens que cette loi-là indemnise les victimes. Il est clair que la victime doit, au niveau de la réclamation, donner toutes les circonstances pour que l'on apprécie si elle rencontre les exigences d'être une victime. Mais, de passer au stade ultérieur, qui est le stade de la dénonciation, pour certaines catégories de victimes, nous croyons que cette étape additionnelle va faire en sorte que ces victimes-là qui sont, à bien des égards, les plus démunies ne feront pas appel à l'indemnisation, parce qu'elles ne pourront pas, ces victimes ne pourront pas psychologiquement faire la dénonciation en question. Alors, c'est à ce niveau-là que nous avons un problème.

M. Rémillard: Oui. Alors, si vous me permettez, à l'article 11 de la loi, on établit le principe qu'il doit y avoir collaboration. Donc, la victime doit collaborer avec les autorités pour dénoncer le criminel, le crime. Mais on le dit bien et d'une façon plus spécifique aux paragraphes 4° et 5°, lorsqu'on dit que, le principe, c'est qu'elle doit signaler, «dans un délai raisonnable, l'infraction à l'autorité policière ou la situation au directeur de la protection de la jeunesse, à moins qu'il ne justifie d'un motif sérieux de ne pas l'avoir fait ou que le signalement n'ait déjà été effectué». Et, cinquième paragraphe, «au réclamant qui, avant de présenter sa réclamation, n'a pas coopéré avec l'autorité de justice compétente relativement à l'enquête ou à la poursuite, à moms qu'il ne justifie d'un motif sérieux de ne pas l'avoir fait». Donc, ce que je veux vous dire, c'est que, ce que nous avons retenu comme principe, c'est la collaboration, la dénonciation. Comme nous indemnisons pour un crime, il faut, au départ, qu'on dénonce ce crime et qu'on puisse trouver le criminel. Alors, c'est comme ça qu'il y a collaboration, pour que, la victime, on puisse l'aider.

Mais, tout à l'heure, vous nous disiez que la loi était là pour indemniser, et même, j'ai entendu, tout à l'heure, que vous nous avez dit qu'on confondait répression du crime et indemnisation. C'est vrai que la loi est là pour indemniser, mais elle est aussi là pour aider. Elle est aussi là, je dois dire, pour protéger. En fait, prenons un exemple que nous avons probablement tous et toutes en tête au moment où nous nous parlons, la femme qui est victime de violence conjugale. Elle arrive au CAVAC et elle veut avoir de l'aide. Elle peut avoir aussi une blessure qui lui demande d'être indemnisée parce qu'elle n'a pas pu faire son travail, et elle raconte qu'elle est victime de violence de son conjoint. Si cette femme dit: Écoutez, je suis victime de la violence de mon conjoint, mais, si jamais je le dénonce à la police, il va me tuer et, là, ça va être pire... Et, nous, on accepterait ça, on indemniserait! On dit: Très bien, vous êtes bien mieux de ne pas le dénoncer parce qu'il va vous tuer! Je vais un petit peu à l'absurde. Mais, ce que je veux dire, c'est que nous avons la responsabilité aussi de protéger. (16 heures)

On ne peut pas envoyer cette femme dans son milieu violent où elle va être, encore une fois, victime d'une agression de la part de son conjoint, parce qu'elle a peur de le dénoncer. Mais, ce conjoint-là, il faut le traiter; ce conjoint-là, il faut s'en occuper. Il faut voir à la sécurité de cette femme-là. Il faut non seulement l'indemniser ou l'aider, mais il faut voir à sa sécurité. Il se peut qu'il y ait des cas, des cas particuliers, qui vraiment amènent à dire qu'il ne peut pas y avoir de collaboration et de dénonciation. Eh bien, là, on l'apprécie et on arrive à la conclusion, on dit: C'est vrai. Mais il faut vraiment que ce soit l'exception.

Ce que vous nous dites, vous, c'est que vous aimeriez que l'exception soit le principe, qu'il n'y ait pas de collaboration d'exigée, mais qu'exceptionnellement des

gens pourraient, s'il le veulent, collaborer. Nous, ce qu'on a dans le projet de loi, le principe, c'est: II y a collaboration. Et exceptionnellement on accepte qu'il n'y ait pas de collaboration dans des cas particuliers. Vous ne trouvez pas que ça a du bon sens?

Mme Picard (Claudette): M. le ministre, je ne suis pas d'accord avec cette façon de voir les choses. C'est vrai qu'il faut qu'il y ait une collaboration. Là où le bât blesse, c'est là où il y a la dénonciation. Dans la plupart des cas, les victimes qui sont capables psychi-quement de faire la dénonciation le feront parce que je pense qu'une personne qui est victime doit pouvoir, à un moment donné, venir à un point où elle pourra dénoncer. Mais, en faire une obligation, c'est là où nous ne sommes pas en mesure d'être d'accord parce que la collaboration... C'est clair qu'il faut qu'il y ait une collaboration, mais, si la personne est incapable de dénoncer, il ne faudrait pas que le résultat de ça soit de perdre son droit à l'indemnisation. Je ne sais pas si...

M. Rémillard: Vous savez, nous ne sommes pas les seuls à prévoir dans une loi une telle disposition. Mme Viens va me fournir les informations et je vais vous dire la liste d'États américains et de provinces canadiennes, enfin de pays, et, si vous connaissez une exception vous me le dites, mais tous les pays, toutes les lois que nous avons étudiées établissent comme principe la collaboration pour que le crime soit dénoncé. Si vous avez un autre exemple à nous citer, moi, je suis bien prêt à l'étudier. Avez-vous un exemple?

Mme Picard (Claudette): II n'y a rien qui nous empêche, au Québec, d'être plus conscients de la réalité qui provient de cette situation des femmes qui sont victimes de violence conjugale. C'est un problème qu'on ne connaît pas assez bien. Et c'est un problème qu'on devrait examiner et essayer de régler. Et, même si on est à l'avant-garde, il n'y a pas de mal quant à moi.

M. Rémillard: À l'avant-garde... Regardez, la France, l'Angleterre, l'Alberta, la Louisiane, New York, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Ecosse, l'Ontario... C'est aux États-Unis, en majorité américains... C'est le principe partout. Et il me semble que ça se tient tellement, sur le plan de l'approche qu'on doit avoir comme gouvernement, comme Etat, de dire: II faut qu'on aide quelqu'un qui est victime d'un acte criminel. Mais, aider cette personne, ça signifie aussi lui assurer sa sécurité. Évidemment, celui ou celle qui se fait dévaliser en face du Parlement, par un beau samedi soir, et qui reçoit trois coups de couteau dans le ventre, risque fort que ça ne lui arrive pas trop, trop souvent dans sa vie — je l'espère bien en tout cas. Mais la femme qui est agressée, qui subit la violence conjugale, elle, on la renvoie dans son milieu et là le pire peut arriver, le pire peut arriver. Alors, comment concilier aide de l'État... Et on donne de l'aide parce qu'il y a eu crime. S'il y a eu crime, c'est parce qu'il y a un criminel. Alors, comment on va se retrouver à indemniser, à aider une victime, sans demander à cette victime de collaborer avec nous pour qu'on puisse assurer sa sécurité et assurer la sécurité de l'ensemble du public? Parce que cette personne — le criminel en question — peut être dangereuse aussi.

Mme Picard (Claudette): Mais si on prend un exemple où une personne vient demander une indemnisation et que cette personne-là se voie refuser l'indemnisation parce qu'elle est incapable psychologiquement de dénoncer, on écarte cette personne-là de l'indemnisation, et on la retourne dans son milieu.

M. Rémillard: Non, je regrette. Non. Vous avez les paragraphes 4° et 5° de 11 qui sont là. Pour le cas que vous venez de souligner, nous l'avons prévu dans le projet de loi, c'est prévu. Il se peut... On n'a pas voulu faire une règle absolue parce qu'on est dans un domaine où une victime a besoin d'aide, donc, on ne peut pas prévoir tous les cas. Il n'y a pas d'absolu.

Alors, on s'est dit: Gardons quand même une marge de discrétion. Et puis elle est là. Les paragraphes 4° et 5° sont assez explicites. Le cas que vous venez de mentionner est couvert par 4° et 5°.

Mme Picard (Claudette): Sauf qu'administrative-ment l'interprétation du motif sérieux n'est pas définie et nous aimerions qu'il y ait une définition de motif sérieux, pour que, justement, on réponde à ce besoin particulier là.

M. Rémillard: Me Picard, ce n'est pas moi qui vais vous rappeler que, définir, c'est limiter. Limiter, qu'est-ce que ça signifie? Si on définit, on va restreindre la portée de cette discrétion qu'on veut laisser pour apprécier des cas, et on est dans un domaine où vous ne pouvez pas tout prévoir. Vous ne pouvez pas tout prévoir les situations des victimes. Ce n'est pas possible, ça. Ce n'est pas possible.

Alors, comment réagir à ça, si ce n'est en mettant une telle disposition et en la laissant assez large pour qu'il y ait appréciation? Et l'appréciation va se faire par les gens compétents, qui, à un moment donné, recommandent au ministre: Oui, il y a problème. Donc, cette personne peut être indemnisée et aidée sans avoir à collaborer, à dénoncer.

Il me semble que quand on se réfère à toutes les discussions que nous avons eues au Sommet de la Justice, et auparavant depuis 1987, ça a toujours été la philosophie que tout le monde a fait valoir. Et tout le monde nous a dit: On est prêts à collaborer, mais qu'il y ait une marge de manoeuvre qui existe, une discrétion pour apprécier des cas spécifiques. Et, si vous regardez l'article 11 en particulier, c'est là que vous trouvez cette discrétion et cette marge de manoeuvre.

M. Perreault (André): Donc, M. le ministre...

Le Président (M. Dauphin): Me Perreault, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Perreault (André): S'il vous plaît. À l'incitation de Me Picard, M. le ministre, j'aimerais mentionner et peut-être porter un parallèle qui peut paraître odieux mais qui reflète, dans une certaine mesure, la réalité juridique des droits fondamentaux qui sont exercés et qui sont reconnus, non seulement au Québec mais au Canada, aux personnes qui sont engagées dans des conflits. Donc, je pense aux contrevenants ou aux abu-seurs versus les victimes.

Est-ce que l'on connaît, dans notre système de droit, une seule obligation créée au pire bandit qu'on puisse imaginer de coopérer avec la police, lorsque approché par les policiers, lorsqu'on lui demande de collaborer? Et, pourtant, ces gens-là détiennent souvent la clé de crimes importants et odieux. Et on ne leur demande pas, pour les fins d'assurer la protection d'autres victimes ou de victimes éventuelles, de collaborer avec le ministre. C'est dans ce sens-là que l'on dit oui à une collaboration, mais à une collaboration qui se fait à l'interne avec le ministre, compte tenu du fait qu'il peut y avoir, effectivement, une demande d'indemnisation. Et, dans le cadre de cette demande d'indemnisation, on perçoit facilement que l'on puisse exiger et requérir de la victime toutes les informations qui sont pertinentes pour que les faits soient mis en preuve et qu'on puisse véritablement s'assurer qu'on a affaire à une victime d'un acte criminel.

À partir du moment où ce fait-là est établi par le ministre ou les personnes qu'il a désignées à cette fin-là, aller plus loin que ça, ça nous semble aller au-delà de ce qu'on reconnaît à tout individu dans notre société, qui est le fait de ne pas collaborer ou de ne pas parler aux policiers autrement que lorsque dûment convoqué devant les tribunaux à témoigner et à faire des représentations dans ce sens-là. (16 h 10)

Ça peut sembler très théorique. L'intérêt pratique de ça — et, là, je reprends un petit peu mon chapeau de procureur de la poursuite que je suis depuis plusieurs années... En réalité, c'est vrai qu'on peut dire: Ça va faire en sorte ou ça pourrait faire en sorte que les victimes vont maintenant dénoncer, pour être indemnisées. La pratique nous démontre que ce n'est pas le cas et qu'en théorie, alors qu'on veut aller dans le sens de la protection qu'on aimerait assurer à la victime, ce n'est pas ce qui va se produire parce que les victimes vont tout simplement renoncer à faire toute démarche, que ce soit auprès des policiers lorsqu'il y a une crise qui sévit ou que ce soit auprès de l'appareil judiciaire ou des services sociaux, sachant qu'à un moment donné on va tenter de les utiliser aux fins que l'État aimerait servir — et qui sont tout à fait légitimes — c'est-à-dire la prévention du crime et la solution de crimes que l'État n'approuve pas.

Ça nous semble aller trop loin comme objectif par rapport à d'autres articles que la loi prévoit et qui, à notre avis, permettraient d'assurer une collaboration au sens où vous l'avez mentionné, une collaboration qui permettrait d'élucider des délits, mais sans s'assurer que, durant tout le temps du processus judiciaire ou de l'enquête policière, la victime devienne le bouc émissaire auprès de l'agresseur parce qu'elle est la personne qui a fait en sorte que l'individu éventuellement accusé se retrouve dans la position dans laquelle il est... Et ça, au niveau psychologique, pour les victimes, c'est très important de ne pas être affichées auprès de leur agresseur comme étant la personne qui a fait en sorte que l'accusé ou que l'individu en question se retrouve dans le pétrin dans lequel il est. Ce sont des personnes qui sont sous le joug de ces individus-là et leurs craintes sont tout à fait normales à ce niveau-là.

Donc, je dis: À mon avis, l'objectif est légitime, mais je crains qu'on ne l'atteigne pas et que, plutôt, on se retrouve à renchérir sur ce qu'on essaie d'éviter actuellement et ce contre quoi on se bat un peu partout dans l'appareil judiciaire, à renchérir sur le fait que les victimes ont des raisons de craindre de dénoncer des crimes parce qu'elles vont savoir ou parce qu'elles savent déjà qu'on fait grandement appel à elles à tous les niveaux pour servir l'appareil judiciaire. Et, si ça doit se faire, ça ne devrait pas être dans un cadre d'indemnisation.

M. Rémillard: Mais, écoutez, je ne sais pas si je vous comprends. Vous me corrigerez si je vous interprète mal, Me Perreault. Vous avez l'expérience dans ce domaine. Vous êtes procureur pour la Cour municipale de Montréal. C'est bien ça? Et vous êtes aussi membre du conseil d'administration de Plaidoyer-Victimes...

M. Perreault (André): Exactement.

M. Rémillard: ...que nous allons entendre tout à l'heure. Donc, peut-être qu'on pourra vous entendre aussi tout à l'heure, puis on vous entend maintenant avec le Barreau.

M. Perreault (André): Non. Je vais m'astreindre à mon chapeau au Barreau.

M. Rémillard: Alors, vous nous apportez une expertise qui est intéressante pour la commission. Est-ce que vous voulez me dire que le commerçant qui se fait casser les deux jambes parce qu'il n'a pas payé son 1000 $ de protection et qui s'en vient voir pour avoir une indemnité, une compensation parce qu'il ne peut plus travailler — il a les deux jambes cassées — puis qui dit: Écoutez, je ne peux pas dire qui m'a fait ça parce que, si je le dis, ils vont me tuer... Et, là, vous allez l'indemniser, vous allez faire une croix sur tout ça et puis vous n'essaierez pas de savoir qui lui a fait ça, pour le protéger? Mais ça n'a pas de bon sens, ça n'a tout simplement pas de bon sens. Imaginez-vous dans quelle société on vivrait.

M. Perreault (André): Ce n'est pas mon propos, M. le ministre, parce que je pense que les articles...

M. Rémillard: Bon. Alors, je suis content que vous me corrigiez. Corrigez-moi.

M. Perreault (André): ...117 à 119 établissent clairement que, dans le cadre d'une réclamation, le réclamant doit établir tous les faits à la satisfaction du ministre, et là je pense surtout à la personne qu'il désigne. Donc, dans le cadre de la réclamation, la personne qui entend les faits et qui doit décider si oui ou non elle accorde une réclamation, il nous semble tout à fait normal, naturel, approprié, et il serait tout à fait contre les intérêts généraux des contribuables québécois que de dire que cette personne-là n'a pas à fournir toutes les informations qui sont nécessaires pour qu'elle soit indemnisée.

M. Rémillard: Mais alors, à ce moment-là, M. Perreault, pourquoi me dites-vous que vous êtes d'accord avec cet article-là, qu'il donne toutes les informations, et que vous n'êtes pas d'accord pour qu'il puisse dénoncer le crime pour qu'on puisse le protéger et qu'on puisse mettre la main au collet des criminels qui ont fait ça? Expliquez-moi ça.

M. Perreault (André): Parce que c'est une démarche d'indemnisation, alors que l'autre démarche devient... On sort la victime du contexte de l'indemnisation alors qu'on s'est déjà assuré qu'elle est une victime d'un acte criminel et que, philosophiquement, elle devrait être indemnisée; et, là, on dit: Contrairement à tout citoyen, on va vous utiliser à nos fins, on va faire en sorte... Alors que vous n'auriez aucune obligation, comme citoyen, maintenant que vous avez eu la chance d'acquérir le statut de victime, ce que vous ne saviez pas, vous devenez maintenant obligé de collaborer avec la police, et vous devenez aussi obligé de collaborer avec l'autorité judiciaire, ce qui n'est le devoir d'aucun de nous ici, si vous n'avez pas le bonheur d'être une victime.

M. Rémillard: Oui, mais, écoutez bien, il faut se comprendre: Vous êtes une victime et vous voulez avoir aide et compensation; donc, vous voulez prendre avantage d'une loi. Vous voulez que le gouvernement vous aide, que l'État vous aide. Le gouvernement, sa responsabilité, c'est de protéger une société, voir à l'intérêt public, et de vous protéger, aussi, vous qui êtes victime d'un acte criminel. Alors, si vous mettez toutes ces obligations-là une à côté de l'autre, il faut que la victime dise: Je viens, moi, d'être victime d'un acte criminel. Donc, il y a quelqu'un qui a commis un acte criminel, et j'en suis la victime. Il faut bien, pour qu'on assure la sécurité, non seulement de cette victime, mais aussi pour l'ensemble de la société, parce que ce criminel pourra aller faire aussi du dommage, pourra aller agresser d'autres personnes, pourra commettre d'autres crimes, mettant la sécurité d'autres citoyens en jeu...

Alors, comment on pourrait établir comme principe que les gens viennent chercher une compensation financière, les gens viennent chercher de l'aide auprès de l'État, mais ils disent: Mais non, moi, je ne veux pas collaborer, là, je ne veux pas vous dire qui a fait le crime; je n'ai pas à vous dire ça, et je n'ai pas à le dénoncer... Moi, il me semble, Me Perreault, que quand on établit le principe — comme toutes les lois que je connais; si vous en connaissez d'autres, je vous en prie, mention-nez-moi-les — sur ce sujet-là, au nom de l'intérêt public comme au nom de l'intérêt de la victime, qu'elle collabore, qu'elle dénonce le crime; ensuite, qu'il y ait une marge d'appréciation pour qu'on puisse dire: Bien, cette personne, peut-être bien qu'elle est dans une situation particulière qui ne lui permet pas de dénoncer et de collaborer, et là on l'apprécie. En quoi pouvez-vous être contre ce principe, avec la possibilité d'établir les exceptions dont je viens de vous parler?

M. Perreault (André): Même la justification, M. le ministre, d'un motif sérieux, encore, est placée au fardeau du réclamant. Donc, on présume que la personne... On part avec l'idée que la personne qui réclamerait n'a pas de motif sérieux, c'est à elle d'établir ce genre de motif là. Et je comprends bien, là, l'idée que vous amenez pour justifier ces dispositions-là.

Autre élément pratique, c'est que l'équation entre dénonciation, collaboration avec la police et collaboration avec les autorités judiciaires, et même absence de vie commune, c'est vite dit que, ça, ça permet d'assurer une protection aux victimes. Moi, je peux vous dire que ma pratique me démontre qu'il n'y a pas d'équation à faire entre la collaboration avec la police et les autorités judiciaires pour constituer une protection de la victime; et, à quelque part, il faudrait être en mesure de respecter le choix d'une victime à ce niveau-là.

M. Rémillard: M. Perreault, me permettez-vous seulement un commentaire? Moi, à chaque fois, comme ministre de la Justice, que je vois qu'un agresseur est libéré sous cautionnement, ou qu'il est libéré parce que, supposément, il a fini sa peine, il s'en va, et il s'en va tuer sa conjointe, je vais vous dire que dans ma vie de ministre de la Justice, là, c'est des moments les plus difficiles qu'on peut passer, extrêmement difficiles. Et je ne peux pas comprendre votre dernière remarque.

M. Perreault (André): Bien, c'est justement pour ça, M. le ministre, que je vous le dis.

M. Rémillard: Parce que, comment voulez-vous qu'on puisse laisser une femme — parce que c'est souvent, en très grande majorité, les femmes — dans un état d'insécurité et de danger, et dire: Très bien, vous ne voulez pas collaborer parce que vous avez trop peur qu'ils vous fassent plus mal, bien, très bien, on va vous indemniser, mais, allez-y, ils vont vous faire encore plus mal? Ça n'a pas de bon sens. (16 h 20)

M. Perreault (André): Non, mais comme vous l'avez dit tantôt, quand on prend un individu qui reprend sa liberté et qui retourne la tuer, il n'y a peut-être pas nécessairement absence de vie commune dans un cas comme ça et il n'y a peut-être pas non plus absence de procédure judiciaire. Il y a peut-être eu dénonciation et ça n'a pourtant pas assuré le fait que la personne puisse être protégée pour autant. Et je dois vous dire que je suis tout à fait et tout aussi sensible que vous à ces situations-là et, si je me retrouve ici aujourd'hui, c'est justement dans cette perspective-là.

M. Rémillard: Alors, même s'il y a eu dénonciation, même si on est devant le juge ou même s'il y a eu condamnation puis qu'il a fait sa peine et qu'en plus on ne peut pas protéger la femme qui est victime de violence, imaginez-vous, si aucun processus judiciaire n'est entamé, comment on va faire pour la protéger alors qu'elle demande une protection, cette femme-là, elle vient demander de l'aide. Lorsqu'on parle d'indemnité, on parle d'aide. Le mot «aide», il comprend aussi le mot «protection».

M. Perreault (André): Oui.

M. Rémillard: Moi, j'essaie de comprendre votre argumentation et je me dis: Mais on ne peut pas renvoyer cette femme dans son milieu après lui avoir donné des soins d'un psychologue, d'un psychiatre, donné aussi une indemnité parce qu'elle s'est fait briser un bras. Puis, là, vous dites: Bien, coudon, elle ne veut pas dénoncer son mari parce qu'il peut être trop violent puis, la prochaine fois, ça peut être les deux bras qu'elle va se faire casser. Ça fait que c'est aussi bien de se contenter juste d'un bras. Je fais de l'absurde, si vous voulez, mais, tout simplement, c'est que j'essaie de comprendre et je vous avoue que je ne comprends pas votre argumentation.

M. Perreault (André): Bien, je vous dirais que...

Le Président (M. Dauphin): Dernière remarque, puis ensuite je reconnais M. le député d'Anjou. Allez-y, brièvement.

M. Perreault (André): ...si c'est ce qu'on visait, il faudrait probablement surtout renforcer le titre I, et c'est probablement là qu'est la véritable protection, plutôt que via une question d'indemnisation qui est, dans bien des cas — et là j'exclus la réadaptation — qui est, si vous me le permettez, accessoire et très accessoire quant à la protection d'un individu. Ça me semblerait plus justifié d'y aller conformément aux remarques qui ont déjà été faites par Me Picard dans le sens de remède et de recours véritables quant au respect des droits dans le titre I que comme moyen de contraindre les victimes à collaborer avec le système sous le prétexte d'une indemnisation éventuelle.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Si vous me permettez, je vais maintenant reconnaître M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Merci, M. le Président. En commençant, je voudrais dire que j'apprécie les commentaires qu'a faits le ministre tout à l'heure à propos de comparer la situation par rapport à celle de nos voisins. Je pense que c'est un argument que je vais retenir en particulier quand on fera le débat sur la perception automatique des pensions alimentaires. Depuis longtemps j'aimerais qu'on imite peut-être nos voisins de l'Ontario relativement au régime dont bénéficient les gens de l'Ontario.

Maintenant, ce que je sens, c'est qu'on semble vouloir faire dévier un peu le débat sur la question de la sécurité. On connaît un peu la réalité qui se vit présentement au sein des personnes victimes d'actes criminels. Je pense qu'il est utopique de penser que présentement l'État est en mesure d'assurer d'une façon efficace et complète et totale la sécurité des victimes. De dire que l'État est présentement en mesure de le faire, je pense que c'est complètement utopique. Et je ne pense pas d'ailleurs que, dans ce projet de loi, on ajoute quoi que ce soit au niveau des moyens ou des ressources disponibles pour assurer la sécurité des victimes d'actes criminels. Tout à l'heure, je voyais les exemples que donnait le ministre. Ce qui ressort, ce qu'on veut faire vraiment, c'est de prendre ceux qui profitent du système, c'est-à-dire ceux qui auraient profité ou qui auraient contribué par une faute lourde dans la perpétration d'un acte criminel, donc, finalement, des fausses victimes... Je pense que c'est plutôt ça. D faudrait peut-être le dire d'une façon claire et précise que c'est ça qu'on recherche, mettre des bémols dans le projet de loi justement pour éviter ces cas-là qu'on connaît — il y en a quelques-uns; j'aimerais avoir des statistiques pour savoir combien il y aurait de ces cas-là — plutôt que de mettre une obligation comme ça. D'après moi, je n'en vois pas, moi non plus, la justification.

Puis de parler du problème de la sécurité... Tout à l'heure, on me donnait l'exemple justement d'une personne dont le conjoint pourrait être violent, M. le Président. On sait qu'il y a tout un facteur, là, il y a un problème psychologique là-dedans. La conjointe qui n'est pas prête à dénoncer son conjoint, le ministre est en train de me dire qu'on va la forcer à dénoncer alors qu'on pourrait peut-être, comme ça se fait présentement... On incite d'une façon volontaire la personne à prendre conscience qu'elle doit porter plainte. Elle le fait volontairement. C'est très important, je pense, de prendre en considération cet aspect psychologique au niveau du caractère de la victime, de la personne de la victime. Là, finalement, ce qu'on va dire, c'est qu'on va la forcer à dénoncer la personne qui a été l'agresseur. Vous ne pensez pas, Me Perreault — justement, je pense que vous avez une bonne expérience au niveau de comment ça se vit; je pense que vous avez rencontré de

nombreuses victimes dans votre pratique du droit criminel — que ça serait quelque chose qui serait peut-être plus souhaitable comme approche?

M. Perreault (André): C'est-à-dire de...

M. Bélanger: C'est-à-dire tout simplement de faire en sorte qu'on n'oblige pas la victime à porter plainte, mais, par une intervention, par une aide qu'on pourrait lui apporter immédiatement, l'amener volontairement à porter plainte, peut-être dans une deuxième approche ou un peu plus tard, mais pas immédiatement, pas en faire une condition sine qua non, avant de verser quoi que ce soit ou de ne lui apporter aucune aide, même de thérapie de réhabilitation.

M. Perreault (André): En fait, c'était effectivement l'essence de la proposition, telle qu'elle a été formulée tantôt par Me Picard, c'est-à-dire donc de rester dans le cadre. Et si on demande une obligation de collaborer ou de coopérer, appelons ça comme vous voulez, ça nous semble tout à fait justifié, mais toujours dans le cadre de la demande d'indemnisation et à l'égard de l'indemnisation, et non pas à des fins de faire en sorte que la victime devienne un outil du système judiciaire et que son droit à l'indemnisation soit suspendu, dépendant de la nature de la collaboration qu'elle prêtera à la police ou aux autorités judiciaires.

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Bélanger: Quand j'ai pris connaissance de ce projet de loi, une des dispositions, moi, quant à l'obligation de collaboration, qui m'a un peu fait peur — j'aimerais savoir si vous partagez un peu mon appréhension — c'est ce qui est contenu à l'article 119, qui prévoit qu'à partir du moment où une poursuite est intentée, qu'il y a une instance en cour, c'est que, tout au long, finalement, du procès, on met un genre de contrainte à savoir qu'il faut que la victime continue de collaborer — on ne dit pas de façon satisfaisante. Moi, ce que je crains, finalement, c'est que... En particulier, je m'imagine une situation lors de la préparation d'un procès, c'est que certains procureurs pourraient, d'une façon non volontaire, je dis bien, et non pas d'une façon intentionnelle, faire peser des craintes sur la victime à savoir que si son témoignage n'est pas convainquant, si elle ne fait pas une bonne déposition, finalement, elle pourrait se retrouver avec une pénalité, se voir couper son indemnité ou les droits qu'on lui confère.

Alors, moi, je me demande si la crainte que je partage, que je ressens, ce n'est pas une crainte qui pourrait, justement, se retrouver à exister dans la pratique. Qu'est-ce que vous en pensez?

Le Président (M. Dauphin): Mme Picard. Mme Picard (Claudette): Oui. C'est tout à fait juste et nous n'en avons pas parlé parce que nous avions trop peu de temps. Mais c'est une inquiétude que nous avons. Et je voulais revenir à l'exemple de M. le ministre. Je ne sais pas si j'ai bien compris, mais, à l'Annexe I, ce n'est pas évidemment pour tous les crimes qu'on indemnise les victimes, et, à moins que je ne me trompe, je ne pense pas que l'extorsion soit un crime dont on indemnise les victimes. Mais peut-être que je me trompe. Je ne le sais pas.

M. Rémillard: Remplacez mon exemple par quelqu'un...

Mme Picard (Claudette): D'accord.

M. Rémillard: ...qui va avec un revolver dans un dépanneur. Alors, au lieu de l'extorsion, mettez le revolver.

Mme Picard (Claudette): D'accord. Non, c'est parce que je n'étais pas certaine que nous avions tous les faits.

M. Bélanger: Peut-être que Me Perreault pourrait répondre à ma question. Je pense qu'il existe déjà, dans les lois actuelles, qu'à partir du moment où une personne porte plainte, et que la couronne décide d'intenter une poursuite, donc, la plainte appartient à la couronne. Ça, j'avais appris ça dans mon cours de droit. Elle n'appartient plus à la victime qui l'a donnée à la couronne.

Il existe, je pense, des dispositions qui font en sorte qu'il y a recours, de la part de la couronne, si, finalement, la personne qui a porté plainte n'aide pas la justice, ne collabore plus et décide tout simplement de se comporter comme quelqu'un d'irresponsable. Est-ce que je me trompe?

M. Perreault (André): Oui, tout à fait. Je vous donne un bref exemple. Chez nous, à la cour municipale, on a une personne qui travaille au niveau des services sociaux, à rencontrer systématiquement, par exemple, toutes les victimes de violence conjugale qui sont appelées à se présenter à la cour une première fois. (16 h 30)

Cette personne-là m'indiquait que, dans le cadre de son travail, 80 % des femmes pour lesquelles on a déjà porté des accusations, donc, d'après nous, où la preuve devrait suffire à amener à une condamnation de l'accusé et aux mesures qui doivent être prises, dans 80 % des cas, à la première approche, la victime indique immédiatement qu'elle entend faire en sorte que sa plainte ne soit plus portée. Et, ça, ça ne veut pas dire que ces accusations-là ne sont pas sérieuses et ne sont pas fondées. Elles demeurent fondées, mais il y a une crainte immense. Il y a un travail impressionnant qui a été fait par les accusés sur ces personnes-là, et je vous disais tantôt qu'elles sont sous le joug.

Évidemment que ça existe, comme situation, et je comprends tout à fait M. le ministre qui dit qu'on ne peut pas, comme appareil judiciaire, cautionner la crainte de ces personnes-là et faire en sorte qu'on joue le même jeu et que l'accusé soit libéré, en conséquence. A contrario, il ne faut pas non plus nous mener dans la situation absurde qu'on soit obligé de faire condamner pour outrage au tribunal des personnes qui ont été victimes de violence conjugale parce qu'elles indiquent formellement qu'en aucun temps elles n'accepteront de répondre aux questions.

Et, ça, c'est le quotidien d'un procureur de la poursuite. Ça, c'est le quotidien de ce qui est vécu en matière... Et, là, je prends l'exemple précis de la violence conjugale. Donc, d'un côté, oui, on doit faire en sorte de prendre la relève et d'assurer la protection et la sécurité. D'un autre côté, les moyens que vous invoquez, Me Bélanger, les moyens légaux qui sont à notre disposition pour faire en sorte qu'on obtienne la collaboration de la victime, vous comprendrez que, lorsque ça mène à, par exemple, un outrage au tribunal auprès de la victime, c'est à ce point absurde qu'il n'y a personne qui accepte, comme procureur, professionnellement, d'embarquer dans ce jeu-là. Et ça fait en sorte, évidemment, dans ces cas-là, soit que la poursuite doive indiquer qu'elle n'a pas de preuve à offrir, soit que la victime indique carrément qu'elle ne témoigne pas, et le juge acquitte ou libère l'accusé immédiatement.

Et je ne pense pas que conditionner l'indemnisation et la dénonciation amène une solution réelle et palpable à ce problème-là. C'est une perception que j'ai, mais je respecte aussi fortement l'approche du ministre et la volonté qu'il a de s'attaquer à ce problème-là.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, il y a un point qui... Tout à l'heure, le ministre expliquait la façon dont ils ont procédé pour faire la rédaction de ce projet de loi là. Je dois avouer que je ne suis pas très familier avec cette façon de rédiger qui consiste à dire que les premiers articles, finalement, tiennent un peu lieu de préambule. C'est-à-dire qu'on ne met plus de préambule; on a des articles généraux qui parlent de principes très généraux, et l'ensemble du projet de loi vient préciser les principes qui sont mentionnés dans les premiers articles.

Selon la perception et la compréhension que j'ai du projet de loi, il me semble que nulle part ailleurs, dans les autres articles du projet de loi, on ne vient préciser, justement, les recours ou les droits qu'on fait naître ou qu'on garantit dans le préambule. Alors, est-ce que je me trompe dans la compréhension que j'ai du projet de loi?

Mme Picard (Claudette): Notre analyse du projet de loi démontre qu'il y a huit articles au titre I, sous la rubrique Droits et responsabilités. Et le titre II, les articles 9 et suivants, c'est l'indemnisation. Et on ne retrouve pas, dans la seconde partie, les recours pour assurer le respect des droits des victimes. C'est le sens de notre intervention.

Le Président (M. Dauphin): Si vous permettez...

M. Rémillard: Sur ce point-là, on pourra demander à nos légistes — ce n'est peut-être pas le moment maintenant — de nous expliquer les techniques de législation.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Alors, quant au partage du temps, il reste encore du temps à l'Opposition officielle. Si vous voulez poser d'autres questions, soyez les bienvenus. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Pardon?

Le Président (M. Dauphin): Avez-vous terminé votre série de questions?

M. Bélanger: Oui.

Le Président (M. Dauphin): Oui. Il n'y a pas d'autres membres qui désirent intervenir?

Alors, s'il n'y a pas d'autres questions, peut-être que plus tard on va suivre votre suggestion, M. le ministre, mais, pour le moment, ça va?

Alors, nous aimerions remercier les représentants du Barreau, Me Picard, Me Gauthier et Me Perreault, d'avoir accepté notre invitation. Nous leur souhaitons un bon retour.

Des voix: Merci beaucoup.

Mme Picard (Claudette): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Je demanderais maintenant aux représentantes de l'Association québécoise plaidoyer-victimes de s'avancer à la table des témoins.

Bienvenue mesdames. Alors, je présume qu'au centre c'est Mme Gaudreault...

Mme Gaudreault (Arlène): Oui.

Le Président (M. Dauphin): ...qui en est la présidente. Alors, pour les fins du Journal des débats, je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, ensuite de cela de procéder à votre exposé, d'une durée d'environ 20 minutes. Alors, bienvenue, mesdames.

Association québécoise plaidoyer-victimes inc.

Mme Gaudreault (Arlène): Je vais vous présenter les personnes qui m'accompagnent: Mme Diane

Lemieux, qui est du regroupement des CALACS; Mme Fleurette Boucher, qui est du Regroupement provincial des maisons d'hébergement pour femmes violentées.

M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je voudrais d'abord vous remercier de nous avoir permis de vous transmettre nos commentaires sur le projet de loi 106. Nous pouvons dire d'emblée que nous sommes favorables à l'intention du législateur de réformer cette loi-là. C'est un projet qui entend humaniser le système de justice, qui entend favoriser un meilleur accès, et nous souscrivons à ces objectifs. Compte tenu du temps qui nous est alloué, bien sûr, nous allons parler davantage des difficultés, des lacunes, des choses qui pourraient être améliorées ou qui devraient être améliorées. Le ministre de la Justice, lors de l'adoption du principe, s'est dit ouvert à toute possibilité qui ferait en sorte qu'on aurait un projet plus équitable, plus humain et plus juste, et c'est dans ce sens-là qu'on vient transmettre nos commentaires aujourd'hui.

Nos interventions vont porter plus spécifiquement sur les points suivants: les droits des victimes, l'obligation de dénoncer et de collaborer avec les autorités de justice compétentes comme condition d'admissibilité à l'indemnisation, la place de la réadaptation dans la loi, les mécanismes de révision et quelques commentaires sur l'organisation des services.

Je vais parler dans un premier temps et, ensuite, je laisserai la parole à Mme Lemieux sur la question de l'obligation de collaborer et l'obligation de dénoncer. Je vais d'abord parler du titre I, des droits et responsabilités.

C'est une chose certaine à nos yeux que la loi 8 marquait un pas important quant à la reconnaissance des droits des victimes. Cependant, cette loi-là présente des difficultés majeures. D'abord, elle est largement méconnue. Je dois vous, dire que notre Association forme actuellement 4500 policiers de la SPCUM. Nous avons commencé à travailler avec eux au mois de septembre; nous rencontrons trois groupes par semaine, environ 30 policiers par jour, et je dois vous dire que, quand on parle de la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels, il n'y a à peu près pas un policier qui la connaît. Et c'est la même chose aussi pour beaucoup d'intervenants qui travaillent dans le réseau. C'est une loi qui a eu peu d'impact, une loi qui n'offre aucun recours lorsque les droits des victimes sont lésés, et c'est une loi qui, de façon générale, énonce des principes.

Au Sommet de la Justice, nous avions fait part de ces commentaires au ministre de la Justice. On revient aujourd'hui avec un nouveau projet de loi, et la question qu'on doit se poser: Est-ce qu'il nous apporte quelque chose de nouveau au niveau de la reconnaissance des droits? Et notre réponse est non à cet égard.

Ce qu'on a fait, c'est qu'on a repris intégralement les droits des victimes de la loi 8 et on les a tout simplement recollés dans le projet 106. Alors, on se retrouve toujours avec un projet de loi où les victimes n'ont aucun recours. À qui peuvent-elles s'adresser lorsqu'elles n'ont pas été informées, lorsqu'elles n'ont pas reçu l'assistance médicale? Il n'y a aucun mécanisme qui est prévu pour acheminer les plaintes, aucune instance qui est identifiée pour recevoir leurs représentations, pour prendre les décisions qui s'imposent. (16 h 40)

Suite au Sommet de la Justice, le ministre de la Justice a mis sur pied un bureau des plaintes qui fonctionne, je pense, depuis le mois d'avril dernier. Ce bureau-là est peu connu à l'heure actuelle, peu connu des intervenants, peu connu de la population en général. C'est un bureau dont le mandat a des limites au niveau de l'intervention et des services qu'il peut offrir. On s'est adressé à ce bureau-là pour leur demander: Qu'est-ce que vous allez faire si une victime s'adresse à vous et qu'elle vous demande, qu'elle vous informe que ses droits d'être informée de l'enquête policière ont été lésés? On nous a répondu: Bien, on va retourner la victime à la Sécurité publique, puisque la police, c'est la Sécurité publique qui s'occupe de ça. Alors, c'est un exemple qui montre bien les limites du mandat du bureau des plaintes. Et une des interrogations qu'on a par rapport au bureau des plaintes: je pense que les victimes devraient avoir la possibilité de s'adresser à une autre instance qu'une instance qui est au sein du ministère même. Pour nous, c'est une question de transparence, d'objectivité et d'impartialité, et je pense que le ministère de la Justice est juge et partie là-dedans.

Le titre I parle des droits et des responsabilités. Il est assez surprenant, M. le Président, lorsqu'on regarde tous les articles du titre I, de voir qu'il n'y a que les victimes qui ont des responsabilités en vertu du titre I, à l'article 7. À part ça, ni le ministre, ni la police, ni les tribunaux, personne n'a de responsabilités. Qui fait quoi? À quoi peuvent s'attendre les victimes? Qu'est-ce qu'elles peuvent exiger, même minimalement? Quelles sont les sanctions? Quelles sont les conséquences? Le projet de loi reste aussi silencieux que la loi 8 qu'on a actuellement. C'est un projet de loi, au titre I, qui est tempéré par... Les droits sont tempérés par toutes sortes de conditions: dans la mesure prévue par la loi, de façon prompte, aussi complètement que possible, dans toute la mesure du possible, compte tenu de l'intérêt public, compte tenu des ressources disponibles.

Il est vrai, comme l'a dit le ministre de la Justice, qu'on a marqué, je pense, un pas en avant avec la loi 8. Cependant, on doit maintenant donner un coup de barre. Et j'étais un peu inquiète lorsque j'ai lu la présentation du ministre de la Justice lors de l'adoption du principe. Lorsqu'il parle d'une politique générale, est-ce que c'est un recul? Est-ce que, maintenant, on va nous dire que c'est un préambule et ça va devenir une politique générale? Je pense qu'on attend de la part des gens qui sont ici, qui sont nos députés, qui nous représentent, qu'ils donnent un coup de barre au niveau de la reconnaissance des droits des victimes et qu'on aille de l'avant et qu'on donne des recours aux victimes.

Notre première recommandation est la suivante: Que la Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes

d'actes criminels instaure un mécanisme permettant aux victimes d'exercer des recours lorsque leurs droits sont lésés; que ce mécanisme permette de nommer spécifiquement un répondant qui, dans un délai imparti, devra statuer sur les plaintes des victimes, et ce, en toute indépendance et impartialité.

Il est assez curieux que, dans ce projet de loi, on n'ait pas greffé au droit à l'indemnisation, qui est strictement le seul droit actuellement consenti aux victimes d'actes criminels, d'autres droits. Je vais en nommer quelques-uns, et je reviendrai.. Par exemple: le droit d'être informé sur l'état de son dossier; le droit d'être rencontré et entendu en révision; le droit au clinicien de son choix lorsqu'il est question des mesures de réadaptation; le droit d'être informé sur le processus de révision. Je pense qu'on aurait pu faire beaucoup, beaucoup plus de précisions, créer des droits nouveaux, alors qu'on s'est contenté de recoller ce que nous avons actuellement dans la loi 8.

Je vais parler maintenant... Les pages que j'ai passées, ce sont les pages sur l'obligation de dénoncer et l'obligation de collaborer. Je veux parler maintenant, M. le Président, de la réadaptation. C'est quelque chose qui est très important pour les groupes comme le nôtre, pour les intervenants qui travaillent auprès de victimes et pour les victimes elles-mêmes. La première évaluation sur l'indemnisation remonte à 1983. En 1990, Plaidoyer-Victimes a fait une deuxième évaluation. Nous avons rencontré des victimes, fait des entrevues, organisé une journée de réflexion avec des intervenants et nous avons transmis un certain nombre de propositions au Sommet de la Justice, dont certaines touchent la réadaptation. Qu'est-ce qu'on disait à la fin de notre recherche, en 1991? Cette phrase, et je vous la cite parce qu'elle est importante: «Nous souhaitons que l'IVAC fasse de la réadaptation sociale des victimes le point de mire de sa troisième décennie.» Est-ce que le projet de loi va dans ce sens?

Je pense que les dispositions aux articles 99 et 100 sont plus que timides à cet égard. Si vous référez à l'article 99, l'article 99 est un énoncé général qui nous dit que le ministre peut prendre les mesures nécessaires au niveau de la réadaptation. Si on regarde les dispositions actuelles en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, à l'article 56, on va beaucoup plus loin parce qu'on dit que la commission prend les mesures nécessaires.

Si vous regardez l'article 56.1, ce qui est en application actuellement pour les victimes d'actes criminels, vous allez voir qu'on définit les pouvoirs de la Commission et les responsabilités de la Commission. Et on dit des choses très intéressantes. On parle d'évaluation des services disponibles, de faire effectuer des recherches, de permettre aux travailleurs — parce que cette loi-là s'adresse aux travailleurs, mais elle est aussi mise en application pour les victimes — de faciliter l'accès à des services de consultation; on parle d'orientation professionnelle, de service de psychologie, de service social, etc. Je ne citerai pas tout l'article, je vous y réfère.

On n'a même pas cru bon de reprendre ce cadre, de l'adapter aux victimes; on l'a mis de côté. Et pourtant, quand on lit l'article 56.1°, on comprend beaucoup mieux ce que ça veut dire, la réadaptation, parce qu'on parle de rééducation, de formation, d'assistance financière pour la réinsertion au travail. La loi, le projet de loi 106 ne fournit aucun indicateur, aucune balise quant à ce que peuvent comprendre les mesures liées à la réadaptation.

Je pense qu'il n'est pas inutile de rappeler, M. le Président, qu'un des problèmes de la loi actuelle, c'est le manque d'information. Le manque d'information pour les victimes, le manque d'information pour les intervenants. Les gens nous disent: On ne sait pas ce à quoi on a droit, quels sont nos recours, quelles sont les mesures, quels sont les frais admissibles. Si on regarde ce qu'il y a dans les articles 99 et 100, on n'en sait pas plus, parce que ça reste un énoncé très vague, une espèce de fourre-tout où on a mis à la fois la réadaptation sociale, la réadaptation psychothérapeutique, la réadaptation en général, celle des victimes et celle des proches. Et on peut comprendre qu'une loi ce n'est pas une réglementation, mais on pourrait s'attendre que, dans une loi, on donne un certain cadre, on donne une certaine vision, qu'on précise un peu les intentions du législateur.

Regardons l'article 99 qui traite de la réadaptation des proches. On en a beaucoup parlé au Sommet et après le Sommet. C'est un article qui comporte beaucoup d'ambiguïtés. Que veulent dirent les termes «médicalement requis»? Que l'accès à des services psychothérapeutiques doit être évalué par des médecins et des psychiatres? Que, quand on parle de réadaptation psychothérapeutique, on parle de soins médicaux? Ce n'est pas clair. La réadaptation requiert les services d'un grand nombre d'intervenants; on peut parler de thérapeutes familiaux, on peut parler de travailleurs sociaux, on peut parler de psychologues. Je ne pense pas que la réadaptation soit le bastion réservé des médecins. Je ne pense pas non plus que les médecins — et avec le respect qu'on leur doit — sont peut-être les mieux formés pour travailler auprès des victimes et pour évaluer les syndromes post-traumatiques ou les traumatismes consécutifs à la «victimisation», et non plus qu'ils sont les seuls à détenir ce type d'expertise.

Actuellement, l'IVAC travaille avec toutes sortes d'experts. Il y a des gens en service social et en psycho qui ont une formation en syndrome post-traumatique. C'est reconnu par l'IVAC. Ces gens-là travaillent déjà en collaboration, à ce qu'on nous dit, avec le projet de loi. Est-ce que, tout d'un coup, ces gens-là ne sont plus compétents?

Il faut bien comprendre une chose aussi, avec cet article-là. Il faut le lire attentivement, parce qu'il a l'air très généreux mais il n'est pas si généreux que ça pour les proches, parce qu'on dit que les proches vont avoir accès à la réadaptation psychothérapeutique à condition que leur réadaptation soit requise, et médicalement requise, pour la victime. Alors, c'est une façon

beaucoup plus restrictive de comprendre la loi et de l'appliquer qu'on ne nous le laisse entendre. Et, ça, ça peut vouloir dire, par exemple, que, les parents d'un très jeune enfant qui est victime d'abus sexuel, il peut ne pas être approprié pour cet enfant-là de recevoir des services psychologiques parce qu'il est trop jeune, mais, ça, ça veut dire que, comme la réadaptation n'est pas requise pour cet enfant-là, elle ne l'est pas pour ses parents non plus.

L'article 100 répond en partie à des préoccupations que nous avions énoncées au Sommet de la Justice. On fait une ouverture aux proches d'homicides et aux proches d'enlèvements. Nous avions parlé, au Sommet de la Justice, d'ouvrir les services de réadaptation aux parents de victimes d'abus sexuels et aux proches de victimes d'agression sexuelle. Est-ce qu'on doit comprendre que c'est couvert par l'article 99? Peut-être, mais il nous semble que le législateur aurait pu se compromettre plus fermement face à ces clientèles qui nécessitent une attention particulière. (16 h 50)

Et, en ce qui a trait à la réadaptation psychothérapeutique, je pense que les articles 99 et 20 devraient reconnaître explicitement, pour les victimes et leurs proches, le droit au clinicien de leur choix parce que, actuellement, c'est un problème très important pour les victimes. À ce titre-là, les articles 99 et 100 sont décevants. Nous recommandons, en ce qui a trait à la réadaptation, que la réadaptation soit un droit enchâssé dans la loi, que les pouvoirs et responsabilités de l'organisme chargé d'appliquer la loi soient précisés. Alors, je pense qu'il n'y a pas rien que les victimes, dans la loi, qui vont avoir des responsabilités, mais ceux qui sont responsables de l'appliquer aussi. Nous recommandons que le mot «médicalement» soit retiré de l'article 100 parce qu'il prête à confusion et peut être interprété de façon restrictive, et nous recommandons aussi qu'on reconnaisse explicitement, aux articles 99 et 100, le droit au clinicien de leur choix pour les victimes et les proches.

La compensation pour retard scolaire. Il y a là un bon exemple de ce qu'on aurait pu faire avec la réadaptation. Vous savez que, dans le modèle actuel, on donne des indemnités de 35 $ pour les enfants qui ne peuvent pas vaquer à leurs occupations habituelles, entre autres fréquenter l'école. Alors, on nous a dit: C'est une surcompensatiôn parce qu'il n'y a pas de perte de revenus et, à ce moment-là, on va changer de régime, on va l'adapter à celui de l'assurance automobile du Québec. Et, là, on nous arrive avec des indemnités qui sont beaucoup plus généreuses, évidemment, parce qu'elles peuvent aller jusqu'à 12 000 $. Et on nous fait valoir comme principe que c'est pour compenser une éventuelle perte de revenus puisque, l'enfant qui a un retard scolaire, ça va reporter son entrée sur le marché du travail.

C'est sûr qu'au premier abord ça a l'air intéressant, et c'est sûr que, quand un journaliste dit, dans les journaux ou à la télévision: Dorénavant, les enfants qui ont un retard scolaire vont avoir tant et tant, ça a l'air bien intéressant, mais ça pose d'autres difficultés, je pense, qui sont importantes, parce que la problématique des enfants victimes d'actes criminels est différente de celle des enfants qui sont victimes d'accidents de la route. Il est beaucoup plus facile, en accident de la route, d'établir le lien de causalité entre le traumatisme qui est plus souvent une lésion physique que lorsqu'on parle des enfants victimes d'actes criminels où, là, on parle d'abus sexuel, d'enfants témoins de violence conjugale ou d'enfants négligés. Alors, le lien de causalité avec le traumatisme est beaucoup plus difficile à établir et, plutôt que d'évaluer les besoins de l'enfant, je pense qu'on va prendre beaucoup de temps et beaucoup d'énergie à faire en sorte que les parents rencontrent toute une batterie d'experts et à prouver qu'il y a bien un lien entre la «victimisation» et le retard scolaire. Et ces gens-là, comme c'est le cas très souvent dans le système actuel, vont se sentir «revictimisés».

Un autre problème, aussi: il ne faut pas négliger le fait, M. le Président, que dans le cas des enfants victimes d'abus sexuels, dans certains cas, l'auteur continue à cohabiter avec la victime. Est-ce que c'est l'article 145.2° qui va nous permettre de nous assurer vraiment que l'abuseur ne profite pas, ne s'enrichisse pas des prestations versées? On peut le souhaiter, mais je pense qu'il y a un problème qui risque de se poser: peut-être que le versement d'indemnités peut devenir un incitatif à l'abandon ou au retrait scolaire dans certains milieux, et je pense qu'il faut avoir ça en lecture.

La surcompensation est un autre problème assez important. On nous dit que, 35 $, ça entraîne une surcompensation parce qu'il n'y a pas perte de revenus. Mais je pense que le modèle, le régime actuel risque de créer une plus grande surcompensation parce que, actuellement, les enfants, lorsqu'on leur a offert des services de réadaptation, on les réévalue pour voir s'il reste des séquelles permanentes. Et, lorsqu'il reste des séquelles permanentes, l'organisme indemniseur peut verser une indemnité forfaitaire. Et, à ce moment-là, ça veut dire qu'avec la nouvelle loi ces enfants-là recevraient une indemnité forfaitaire et recevraient aussi une indemnité pour compenser le retard scolaire. Alors, je pense que le danger de surcompensation est plus grand dans le régime qu'on nous propose que dans le régime actuel.

Je pense que c'est des questions qui sont importantes à examiner, mais ce qu'on veut vous poser comme questions, surtout, c'est quoi, l'objectif que cette loi-là veut atteindre par rapport aux enfants? Est-ce que, dans le cas des jeunes victimes d'actes criminels, ce n'est pas préférable ou ce n'est pas souhaitable, comme société, de tout mettre en oeuvre pour que ces enfants-là retrouvent leur équilibre, pour qu'ils puissent fonctionner dans toutes les sphères de leur vie, autant à l'école que dans d'autres sphères sociales? Est-ce qu'on veut monnayer les préjudices? Est-ce que c'est plus important d'offrir de l'argent ou d'offrir de l'aide, l'aide dont ils ont besoin? Et je vous pose la question: Si vous avez des enfants ou si vous avez des petits-enfants, qu'est-ce que vous répondriez à une question comme celle-là?

Je pense qu'on pourrait nous répondre que le principe d'harmoniser avec la SAAQ prévaut dans ce cas-là. Je vous dirais là-dessus qu'on a dérogé à ce principe-là. Dans le cas des proches d'une victime décédée, lorsque cette victime-là n'a pas d'enfants à charge ou n'a pas de conjoint, avec la loi actuelle, ils ont 2000 $; avec la SAAQ, si on avait harmonisé, ils auraient 7500 $. On a dit: On ne fait pas ça parce qu'on veut leur offrir des services de réadaptation, et on est tout à fait d'accord avec ça. Je pense que l'un des messages importants qu'on voudrait vous transmettre ici, je pense que, ce qui est important, c'est le support psychologique, et ce n'est pas nécessairement l'argent qui répond à tous les besoins des victimes.

Le Président (M. Dauphin): Avez-vous terminé, Mme Gaudreault?

Mme Gaudreault (Arlène): Je n'ai pas terminé...

Le Président (M. Dauphin): C'est que les 20 minutes...

Mme Gaudreault (Arlène): J'ai terminé cette partie-là; je pense que c'était une partie importante.

Le Président (M. Dauphin): D'accord.

Mme Gaudreault (Arlène): Est-ce qu'on pourrait avoir une extension de cinq minutes pour permettre à Mme Lemieux d'aller sur la question...

Le Président (M. Dauphin): Disons que, ce qui était alloué, c'étaient 20 minutes. C'est maintenant terminé. Si les membres de la commission sont prêts à vous accorder cinq autres minutes, moi, je suis bien prêt, personnellement, en tous les cas. Allez-y pour cinq minutes, Mme Gaudreault.

Mme Gaudreault (Arlène): À ce moment-là, je laisserai la parole... Puisque nous avons un mémoire, j'imagine que nous pouvons le déposer. Oui?

Le Président (M. Dauphin): C'est la présidence qui en autorise le dépôt, normalement, selon notre règlement. Mais vous parlez de votre mémoire?

Mme Gaudreault (Arlène): Oui.

Le Président (M. Dauphin): Alors, je n'y vois aucune objection.

Mme Gaudreault (Arlène): O.K. Alors, à ce moment-là, comme vous aurez nos autres commentaires ou qu'on pourra introduire d'autres éléments dans le cadre de la discussion, je vais laisser la parole à Mme Lemieux pour la question de la dénonciation et de l'obligation de collaborer.

Le Président (M. Dauphin): Très bien, Mme Lemieux.

Mme Lemieux (Diane): Merci. Alors, M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, je vais aborder l'épineuse question, si je me fie à la discussion qu'il y a eu avec le Barreau, de l'obligation de dénoncer. Comme certains l'avaient dit dans vos remarques préliminaires, une loi, ce n'est pas juste l'alignement d'un certain nombre de choses techniques, c'est aussi un choix, un choix de valeurs. Alors, évidemment, cette question-là d'obligation de dénoncer est donc une question de valeur.

La première remarque que je ferais, c'est que, d'une part, aucune loi n'impose au citoyen de dénoncer les crimes, ni les Chartes, ni québécoise ni canadienne, ni le Code criminel. J'ajouterais qu'on peut très bien, d'un point de vue personnel, affirmer qu'il est préférable et qu'il est important de dénoncer un crime, et j'en suis une qui pense qu'il est préférable et important de dénoncer les crimes. Mais, pour moi, la question, à ce moment-ci, dans le cadre de ce projet de loi là, est: Est-ce que, dans l'état actuel des choses, une loi d'indemnisation contenant une obligation de dénoncer ne va pas porter préjudice à un certain nombre de personnes? Une loi, ce n'est pas neutre, et ce caractère obligatoire de dénonciation n'a pas une portée neutre. Nous sommes convaincus que le caractère obligatoire de cette disposition est nettement défavorable pour un certain nombre de victimes.

Les premières, évidemment, c'est l'exemple qui me vient immédiatement en tête, ce sont les femmes victimes de violence. Il est bien connu que, dans le cas de toutes les formes de violence envers les femmes, qu'on pense à la violence conjugale ou à la violence à caractère sexuel, les taux de signalement sont extrêmement faibles. Or, on ne peut pas présumer que, dans les cinq ou 10 prochaines années, ces taux de signalement vont changer de façon significative. On n'a qu'à regarder ce qui s'est passé ces dernières années où, depuis à peu près 15 ans, il y a un certain nombre de services qui ont été mis sur pied, des politiques qui ont été élaborées, ministérielles et gouvernementales; il n'en demeure pas moins que, malgré tous ces efforts, les taux de signalement par rapport à des phénomènes comme ça sont extrêmement lents à changer. Donc, les femmes sont les premières qui seront plus vulnérables devant cette obligation. (17 heures)

II y a aussi d'autres groupes qui sont désavantagés. Pensons aux personnes handicapées; là, je pense aux femmes handicapées, particulièrement les victimes de violence sexuelle, qui ont un taux de signalement encore plus bas que les femmes en général. Pensons aux femmes et enfants autochtones qui sont pris actuellement dans le débat à savoir l'implication du judiciaire dans le problème de la violence où, là, non seulement le taux de signalement est faible mais le taux de violence est extrêmement élevé, et où les solutions, nos solutions de

dénoncer ne sont pas toujours les plus appropriées.

Pensons aux personnes âgées qui sont victimes d'abus de la part de leurs proches où, là encore, un taux de signalement est très faible. Alors, comme je le disais, la question n'est pas de savoir si c'est pertinent de dénoncer ou pas, ce qui est une excellente question, la question est de savoir: Est-ce qu'un régime d'indemnisation doit composer ou doit obliger les victimes à dénoncer? Alors, nous répondons non, parce que l'impact de cette mesure-là n'est pas équivalent, n'est pas neutre, parce que des gens vont être plus désavantagés par rapport à cette mesure-là.

L'autre élément aussi dont, je pense, on doit tenir compte, c'est le fait que — je m'inspire un peu de la discussion que vous avez eue tout à l'heure avec M. Perreault — c'est le fait qu'on est en train de décider d'un régime d'indemnisation. Qu'est-ce qu'un régime d'indemnisation? Je ne vous l'apprendrai pas, c'est l'État qui décide de partager collectivement le coût engendré par des actes criminels. L'indemnisation, c'est une chose, l'indemnisation arrive après que les crimes sont commis. Les procédures, les mesures, les programmes pour réduire la violence, pour prévenir la violence, c'est une autre chose, et nous sommes convaincus que nous ne devons pas mélanger ces deux notions. On peut bien avoir le sentiment, effectivement, que dénoncer est une mesure qui va aider la prévention de la criminalité, mais une dénonciation est une chose, dans un contexte de vouloir résoudre la criminalité, mais, dans un contexte de vouloir indemniser les victimes, c'est une autre chose.

Alors, pour ces raisons-là, et notamment, également, parce que les droits des victimes... Même si on a présenté le titre I comme davantage un préambule, il n'en demeure pas moins qu'au Québec, et même au Canada, en Amérique du Nord, la tradition à l'effet de mieux protéger les intérêts des victimes, de mieux intégrer, inclure les intérêts des victimes dans le système judiciaire est une tradition très récente; tout est à construire. Considérant que les droits des victimes ne sont pas encore quelque chose qui est enraciné dans notre système, on trouve tout à fait inapproprié à ce moment-ci d'inclure l'obligation de dénoncer dans un but d'indemnisation. Alors, on demande donc que ce soit retiré du projet de loi.

On a un peu les mêmes commentaires par rapport à la coopération, l'obligation de coopérer. Évidemment, il est clair que les victimes doivent coopérer dans le cadre de leur demande d'indemnisation. La coopération des victimes avec d'autres acteurs du système judiciaire est aussi une autre chose qui n'a pas de lien avec l'indemnisation. Et, en ce sens-là, il y a des glissements que le projet de loi propose et sur lesquels on voudrait attirer votre attention.

Dernier commentaire. Enfin, on a une série de commentaires, peut-être qu'on pourra les aborder dans l'échange. Il y a une série de commentaires sur la question de la révision et sur la question de l'appel. Simplement vous dire qu'on a le sentiment d'un manque de transparence. C'est évident qu'on ne pense pas que le ministre et tous ceux qui ont travaillé à ce projet de loi ont l'intention de ne pas être transparents, là n'est pas la question, sauf qu'on pense qu'il y aurait avantage à clarifier le pouvoir de tous et chacun dans les mesures de révision et d'appel. Vous pourrez en prendre connaissance dans notre mémoire.

Dernière chose. Sur le critère de résidence, il a été porté à l'attention du public une situation, dernièrement, d'une jeune qui a été victime d'une agression sexuelle en Colombie-Britannique, qui a mis en lumière cette question-là où un citoyen du Québec qui est victime d'un acte criminel à l'extérieur du Québec ne peut pas bénéficier du régime d'indemnisation du Québec. Comme il ne s'agit pas d'un nombre de cas quand même extrêmement important à chaque année, on pense que non seulement les gens qui sont sur le territoire du Québec doivent avoir accès à l'indemnisation lorsqu'ils sont victimes d'un crime, mais que les citoyens du Québec qui vivent un crime à l'extérieur du Québec devraient aussi avoir accès à un tel régime d'indemnisation. Alors, je termine là-dessus.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme Lemieux. Nous allons maintenant débuter la période d'échanges et je vais reconnaître M. le député d'Anjou. Et puis, comme je l'ai mentionné tantôt, on est prêts à recevoir votre mémoire en aucun temps, dans le sens juridique du terme. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Je vous remercie, M. le Président. Dans un premier temps, je voudrais remercier les organismes d'être venus devant la commission pour nous faire part de leur position relativement à ce projet de loi qui, je pense, peut potentiellement changer de façon radicale leur façon de travailler et d'opérer avec les victimes.

Il y a un point sur lequel j'aimerais revenir avec Mme Gaudreault, c'est tout l'aspect absence de recours en cas de droits, des droits qui sont, finalement, conférés aux victimes. J'aimerais savoir: Est-ce que vous avez un modèle en tête? Quel genre de mécanisme, pensez-vous, serait le plus efficace pour les victimes d'actes criminels relativement à un mécanisme de plaintes qui pourrait être instauré? Est-ce que vous avez un exemple?

Mme Gaudreault (Arlène): Non. Lors du Sommet de la Justice, on avait proposé qu'il y ait un ombudsman, une commission particulière qui s'occupe tout spécifiquement des victimes, et on a retourné la question au ministre de la Justice en se disant: Bon, bien, quand il va revenir avec un nouveau projet de loi, probablement qu'on aura une solution, mais on voit que manifestement il n'y en a pas.

Et ce qui est dommage avec l'absence de recours, c'est que je pense que le principe d'accorder des droits aux victimes est intéressant, mais, quand, par exemple, on parle de cette loi-là à des intervenants ou des victimes, ils nous disent: C'est bien beau, c'est des voeux pieux, et, après, qu'est-ce qu'on fait avec ça? C'est

comme si toute cette intention-là tombe à plat parce que, finalement, il n'y a pas de recours, et je pense que c'est le rôle du ministère de prévoir un mécanisme et de fouiller cette question-là. Nous, en tout cas, c'est clair que c'est ça qu'on souhaite parce que, sinon, pour nous, ça ne s'appelle pas des droits.

M. Bélanger: Relativement à ce qui se vit dans d'autres provinces ou peut-être aux États-Unis, est-ce que vous avez connaissance d'un système de plaintes qui pourrait exister chez nos voisins? Est-ce que vous savez comment est-ce que ça fonctionne chez nos voisins?

Mme Gaudreault (Arlène): On n'a pas fouillé ces questions-là.

M. Bélanger: Non? Vous n'avez pas de... Mme Gaudreault (Arlène): Non.

M. Bélanger: Tout à l'heure, Mme Lemieux a parlé que déjà, pour certains types d'infractions et de crimes, il y avait un taux de signalement qui était très bas. Si je comprends bien, votre appréhension, votre crainte, c'est que vous avez peur, finalement, qu'avec l'obligation qui va maintenant incomber à la victime de dénoncer, de collaborer, tout au long du processus, ce taux de signalement va baisser de façon encore plus dramatique peut-être dans ces secteurs-là. Est-ce que je comprends bien votre intervention?

Mme Gaudreault (Arlène): non, pas nécessairement. pour moi, ce que ça veut simplement dire, c'est que, sachant que le taux de signalement est très bas pour certains crimes, ces personnes-là n'ont pas accès à l'indemnisation. prenons l'exemple des agressions sexuelles. les théories positives parlent d'à peu près 10 % de signalement. alors, 10 % de l'ensemble des crimes à caractère sexuel seraient dévoilés. il y en a qui sont plus optimistes et parlent d'une sur cinq, à peu près 25 %. ce que ça veut simplement dire, c'est que comme on sait que le taux de signalement de ces crimes-là n'augmentera pas — et ce n'est certainement pas une mesure comme ça qui va le faire augmenter, c'est vraiment rêver en couleur, c'est beaucoup plus complexe que ça — on sait donc déjà qu'il y a 25 % des gens qui n'auront jamais accès à l'indemnisation parce que, de toute façon, ils ne le signaleront pas.

M. Bélanger: D'accord.

Mme Lemieux (Diane): Et, pour moi, c'est là une inéquité, d'autant plus qu'on sait ça, ce sont des données qui sont reconnues, on a l'information que les taux de signalement sont faibles, mais, sachant ça, on oblige quand même à la dénonciation.

Mme Boucher (Fleurette): Est-ce que je peux compléter l'information?

Le Président (M. Dauphin): Oui. Mme Boucher.

Mme Boucher (Fleurette): Oui. J'ai des chiffres précis relativement à l'hébergement des femmes victimes de violence conjugale. Pour les maisons membres du regroupement provincial, en 1992, il y avait 45 maisons membres, on a hébergé 4500 femmes. Pour la même période, l'indemnisation, c'est-à-dire IVAC, la société d'indemnisation, a ouvert 178 dossiers relevant de violence conjugale. Ça vous donne une petite idée.

M. Bélanger: Je vais reprendre ma question peut-être en étant plus clair. La perception que j'en ai, c'est le fait que, comme le taux de signalement est bas pour ce type de crime, c'est surtout dû au fait que les personnes ont peur un peu de tout le processus qui est déclenché suite à dévoiler au public, tout simplement, le fait qu'elles ont été victimes d'un acte criminel et d'un crime.

Maintenant, quand ces personnes-là vont savoir qu'en plus — à partir du moment où elles vont voir quelqu'un à l'IVAC, qu'elles veulent être indemnisées — automatiquement, là, il n'y aura plus de retour en arrière, tout le processus est enclenché, elles se retrouvent prises dans un système où on va pouvoir lui dire: Écoute, si tu veux continuer à recevoir des traitements, il faut que tu continues jusqu'au bout, vous ne pensez pas que le taux de signalement pour ces actes criminels va peut-être être encore plus... va baisser, va avoir tendance à baisser encore plus? Vous ne pensez pas? (17 h 10)

Mme Lemieux (Diane): En tout cas, ce qui est sûr, c'est que, si on laisse croire que le taux de signalement va augmenter, je pense que c'est là qu'on se trompe. Lorsqu'une personne qui se retrouve dans des groupes plus vulnérables — ça peut être une personne âgée, c'est la même chose — songe à obtenir un peu une réparation suite à un crime qu'elle a vécu, lorsqu'elle va savoir qu'il y a une obligation d'adresser une plainte aux corps policiers, par exemple, c'est évident que ça va avoir l'effet inverse. Ça va, d'une part, la dissuader de le faire, probablement, et, d'autre part, ça ne lui donne pas accès à un minimum de réparation.

Et, moi, je reviens en disant: Je peux, moi, personnellement, souhaiter qu'il y ait plus de victimes qui dénoncent. On peut, comme système, comme société, souhaiter ça, et je le souhaite, mais, pour moi, on ne règle pas cette question-là dans un régime d'indemnisation. C'est des questions complexes qui relèvent de la justice, qui relèvent des tribunaux, qui relèvent des corps policiers. C'est des questions extrêmement complexes, on le sait, il y a eu plusieurs interventions de la part du gouvernement du Québec. Il a fallu plusieurs politiques ministérielles en matière de violence conjugale, par exemple, pour faire des pas et, encore là, ils ne sont pas toujours significatifs. Ce n'est pas un régime d'indemnisation qui doit résoudre cette question-là, ce sont deux questions, à la limite, presque indépendantes.

M. Bélanger: Vous avez mentionné brièvement tout à l'heure le fait que dans ce projet de loi il vous apparaissait qu'il y avait un manque de transparence quant au processus d'appel et de révision des décisions relativement à ce projet de loi. Est-ce que vous pourriez peut-être expliciter un peu sur ce point-là?

Mme Gaudreault (Arlène): En fait, actuellement, les victimes ont droit à une audition. Avec la SAAQ, aussi, ils ont droit à une audition. Dans le régime qu'on nous propose, on nous dit: On veut moins formaliser, on veut assouplir, on veut déjudiciariser. On nous dit: On veut déjudiciariser, mais on déjudiciarise un bout, et on judiciarise pas mal à l'autre bout.

Et on nous dit, entre autres, que les réclamants vont pouvoir s'adresser à l'organisme indemniseur par écrit pour faire valoir leurs demandes. On parle de transparence parce qu'il n'y a pas de garantie dans l'article. Je pense que c'est l'article — je ne le sais plus par coeur, en tout cas — 131. Il n'y a pas de garantie, entre autres, que les personnes qui vont travailler au niveau de la révision vont être différentes de celles qui rendent une décision en première instance.

L'autre chose aussi qui est très inquiétante, c'est qu'un des besoins les plus importants pour les victimes, c'est d'être entendues, rencontrées. Les victimes nous disent: On est tannées de fonctionner avec de la paperasse, on veut avoir des contacts personnalisés, on veut rencontrer les gens, c'est trop bureaucratisé. Alors, ce projet de loi là ne nous rassure pas du tout parce qu'il ne permet pas aux victimes d'être rencontrées; et, ça, c'était une de nos recommandations. Vous allez le voir dans le mémoire: que les victimes ou le réclamant, lorsqu'ils le demandent, puissent être rencontrés et entendus au moment de la révision et lorsqu'on procède à une décision après un nouvel examen. Alors, ça, c'est quand même très important, parce que n'oubliez pas qu'on est dans un régime où le ministère de la Justice est organisme payeur, réviseur, indemniseur. Il s'occupe de tout: il fixe les montants, il détermine l'admissibilité, il finance les organismes. Alors, il va falloir que quelque part... Et c'est pour ça, d'ailleurs... Tantôt, on a évoqué l'idée de la commission. D'avoir une structure supragouvernementale, je ne suis pas sûre que c'était souhaitable et je pense que c'était coûteux; mais, qu'on ait pu avoir une espèce de comité consultatif qui travaille en collaboration avec le ministère, je pense que dans une structure comme ça, où tout est concentré entre les mains du même ministère, et à toutes les étapes et tout le temps, je pense que c'aurait été une chose souhaitable autant pour les victimes que pour les gens qui ont à collaborer. Et nos craintes vont un peu dans ce sens-là.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le ministre.

M. Rémillard: Oui. Merci, M. le Président. M. le Président, vous me permettrez tout d'abord de remercier, donc, Mme Gaudreault, Mme Lemieux et Mme Boucher d'avoir accepté de venir discuter avec nous. Nous avons beaucoup discuté de ce projet de loi depuis des mois, des années avec vous, en particulier, point par point, article par article, virgule par virgule. Donc, il n'y a rien de surprenant comme tel. Nous avons fait beaucoup de consultation, et vous avez raison de dire que je cherche, comme ici, je pense — je peux parler au nom de tous les membres de la commission — à avoir le projet de loi qui serait le plus susceptible de vraiment remplir son objectif, c'est-à-dire de voir à ce que les victimes d'actes criminels soient aidées et compensées, et aussi le soient en toute sécurité.

Je retiens, évidemment, beaucoup de vos commentaires et j'aimerais avoir peut-être plus d'explications. C'est surtout quand vous parlez d'un mécanisme pour exercer des recours. Je n'ai pas tellement compris: un mécanisme pour exercer des recours. Vous parlez d'un protecteur du citoyen. Mais, écoutez, il va y avoir... Vous savez — on n'en a pas beaucoup parlé — il y a présentement 10 CAVAC et on va en avoir 21 sur tout le territoire du Québec. Ça, c'est quand même un élément intéressant et important, je pense, qu'on pense à toutes les victimes d'actes criminels. Et il existe le mécanisme judiciaire qui est là pour l'État en plus du bureau d'aide, en plus de tous les organismes qui sont directement impliqués dans le milieu. Il ne faut pas non plus mettre des structures trop lourdes qui feraient en sorte qu'on ne pourrait plus avoir les services auxquels on aurait droit parce que les structures sont trop lourdes, trop compliquées.

Vous savez, un protecteur des droits de la victime d'actes criminels, mettez ça en plus du mécanisme qui existe maintenant et on n'en finira plus. Je ne pense pas qu'on aide le mécanisme comme tel. On en avait déjà beaucoup discuté et on est arrivé à la conclusion qu'il faudrait qu'on ait un mécanisme qui soit assez rigide pour assurer le droit, mais aussi souple pour assurer l'accessibilité. Et, ça aussi, c'est très, très, important.

Il faut comprendre que l'État, le gouvernement est subrogé dans les droits de la victime lorsqu'elle est compensée et que le gouvernement, par le fait même, peut poursuivre le criminel parce qu'il a causé des dommages, il a causé du tort. Alors, ça, c'est un élément aussi qui est important à retenir.

Je retiens du témoignage de Mme Lemieux qu'il est préférable de dénoncer les crimes. Et je pense que tout le monde s'entend là-dessus: il est préférable de dénoncer les crimes. Dans le rapport... Vous avez été membre d'un comité sur la violence faite aux femmes au niveau du gouvernement fédéral. J'ai bien des extraits et puis on a lu tous les commentaires qui ont suivi. Vous avez dit... Je vois, dans un article du Devoir du 8 juillet 1993: M. Rémillard est très «vaseline», très hésitant quand il s'agit de passer à des engagements concrets.

Mme Lemieux (Diane): C'est des citations de journalistes, hein?

M. Rémillard: «Vaseline», ce n'est pas votre expression à vous?

Mme Lemieux (Diane): On en reparlera.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lemieux (Diane): C'est de bonne guerre.

M. Rémillard: Hein?

Mme Lemieux (Diane): C'est de bonne guerre.

M. Rémillard: Non, mais, écoutez, c'est simplement parce que je veux arriver au paragraphe suivant. On parlait de la vaseline puis ensuite on parlait, ici, on disait: Certes, la société québécoise et son ministre de la Justice ne manquent pas de sensibilité sur les principes, fait-on valoir. Sur la question de la violence conjugale, par exemple, plus personne ne remet en cause qu'elle doive faire l'objet de poursuites devant les tribunaux. Ce principe est acquis, note Fleurette Boucher, du Regroupement provincial des maisons d'hébergement.

Alors, j'ai l'impression qu'on s'entend tous, finalement, sur le principe de dire que, pour qu'il y ait vraiment protection pour la victime d'actes criminels, il faut qu'on puisse poursuivre en justice le criminel. Ça, c'est le principe, on s'entend tous là-dessus. Et j'ai l'impression qu'on s'entend aussi sur l'autre aspect disant: Bien, écoutez, il y a peut-être des victimes, il y a même sûrement des victimes qui ne peuvent pas collaborer pour différentes raisons, différents motifs. À ce moment-là, il faut quand même leur permettre de recevoir de l'aide, puis de recevoir une indemnisation sans qu'ils soient obligés de dénoncer et de collaborer. Et c'est exactement ce que nous avons dans le projet de loi.

Est-ce que ce n'est pas comme ça que vous le voyez, Mme Lemieux? (17 h 20)

Mme Lemieux (Diane): C'est une question... Je pense qu'on ne s'entendra pas sur cette question-là, mais, ce n'est pas grave, on va essayer de faire des bouts de chemin. Non, je le répète comme vous, moi, je suis convaincue qu'il faut trouver des moyens pour qu'il y ait de plus en plus de poursuites judiciaires; sauf que je ne peux pas imposer ce choix-là à des personnes qui, individuellement, vivent ça. Je ne peux pas imposer ça. Quand, dans notre réseau, on a devant nous des femmes victimes de violence sexuelle, je peux bien penser, moi, qu'il serait préférable qu'elles déposent une plainte, sauf que je ne suis pas dans la situation, je ne suis pas dans «sa» situation et je n'ai pas la série de contraintes qu'a cette personne-là. Je ne pense pas qu'on puisse imposer ce choix-là, premier élément.

Deuxième élément, je pense qu'effectivement il faut que tous nos efforts convergent dans le sens où les victimes soient de plus en plus à l'aise à s'adresser devant les tribunaux, mais je ne pense pas qu'on doive lier ça à la réparation lorsqu'elles ont été victimes d'un acte criminel. Moi, je pense que c'est un mauvais «deal» — passez-moi l'expression — qu'on propose aux victimes. On leur dit: On va réparer les conséquences du crime que vous avez commis, à une condition, par exemple. C'est là où, moi, je ne vous suis pas dans le raisonnement, où je ne suis pas d'accord avec ce raisonnement-là.

M. Rémillard: Vous avez été membre, donc, de ce groupe de travail qui a produit le rapport sur la situation de la violence par rapport aux femmes. Vous êtes très impliquée dans toutes ces questions de violence, et vous avez donc une expertise, une expérience particulière. Est-ce que vous pouvez me citer une loi où on reconnaît un tel principe, que la victime, pour être indemnisée, aidée, n'a pas besoin de collaborer?

Mme Lemieux (Diane): Là, je ne vous parlais pas de la collaboration, je vous parlais de l'obligation de dénoncer.

M. Rémillard: Oui, l'obligation.

Mme Lemieux (Diane): Par rapport à quoi?

M. Rémillard: Bien, pour être indemnisée, pour pouvoir avoir une indemnisation?

Mme Lemieux (Diane): Bon, vous avez cité des lois dans d'autres pays.

M. Rémillard: Oui.

Mme Lemieux (Diane): Bon.

M. Rémillard: Pouvez-vous m'en donner...

Mme Lemieux (Diane): Moi, je pense...

M. Rémillard: ...une dont on pourrait se servir comme modèle...

Mme Lemieux (Diane): Bien...

M. Rémillard: ...qu'on pourrait voir que ça se fait ailleurs? Y a-t-il quelque chose?

Mme Lemieux (Diane): Bien, notre propre loi, M. le ministre. Jusqu'à maintenant, la pensée qui a été développée par rapport à l'indemnisation, ça a été de dire: II y a le système criminel, bien sûr, mais, l'indemnisation, c'est une assurance collective qu'on partage. Le niveau de preuve demandé, par exemple, de la part des représentants, de ceux qui administrent l'IVAC, n'est pas le même que le niveau de preuve qui est demandé par un juge devant une cour criminelle, on le sait très bien. L'esprit de l'indemnisation, ça a été de dire: Ça peut aller ou pas devant la justice. Nous, on est là pour réparer; on a un niveau de prépondérance de preuve, on

n'a pas toutes les mêmes exigences que le système criminel. Notre propre loi, jusqu'à maintenant, n'avait pas mis cette obligation-là. Alors, bon, vous l'introduisez.

M. Rémillard: Elle était implicite et on nous a demandé d'être plus explicite. Alors, c'est ce qu'on fait.

Mme Lemieux (Diane): Qui?

M. Rémillard: On établit le principe qui existait toujours et qu'on expliquait...

Mme Lemieux (Diane): Qui vous a demandé d'être plus explicite?

M. Rémillard: Bien, tous les groupes. Au Sommet de la Justice, écoutez...

Mme Lemieux (Diane): On vous a dit...

M. Rémillard: ...il y a même des résolutions...

Mme Lemieux (Diane): On vous a dit: Obligez les...

M. Rémillard: II y a même des résolutions.

Mme Lemieux (Diane): M. le ministre, on vous a dit: Obligez les victimes à dénoncer avant de les indemniser?

M. Rémillard: Que la situation...

Mme Lemieux (Diane): II y a quelqu'un qui vous a dit ça?

M. Rémillard: Oui. On nous a dit de mettre la situation très claire, et que la victime, très bien, qu'on mette le principe, mais qu'on permette aussi à des victimes qui ne peuvent pas collaborer qu'elles puissent recevoir aussi indemnité et qu'elles puissent recevoir aussi aide. C'est exactement ce que nous faisons dans ce projet de loi.

Mme Lemieux (Diane): Mais, M. le ministre...

M. Rémillard: Et c'est ce qui se fait partout. Mais regardez dans le concret qu'est-ce qui se passe. Vous avez l'expérience des situations très concrètes, vous vivez avec ces situations-là, vous, très souvent. Alors, comment pourrions-nous accepter qu'une victime puisse recevoir aide ou compensation sans que l'on puisse agir pour sa sécurité, pour que le criminel soit identifié et aussi puni ou aidé? Quand je pense à la violence d'un conjoint, il faut aider ce conjoint-là à surmonter cette violence. Il y a aussi des thérapies possibles, il y a des moyens pour protéger les gens. Alors, comment peut-on en arriver à la conclusion de dire: Bien non, on laisse faire, s'ils ne veulent pas, parce qu'ils ont trop peur...

Mme Lemieux (Diane): Vous savez...

M. Rémillard: ...finalement, que ça soit pire la prochaine fois. On laisse faire ça. Moi, comme ministre de la Justice, je vous avoue, madame, que j'ai beaucoup de difficultés à accepter cette argumentation-là; je ne la trouve dans aucune autre loi.

Mme Lemieux (Diane): M. le ministre, je savais qu'on ne s'entendrait pas sur cette question-là...

M. Rémillard: Oui.

Mme Lemieux (Diane): ...mais je vous invite... Pour moi, c'est très sérieux, cette question-là, et, quand vous me dites: Comment on peut indemniser des gens sans s'assurer qu'ils reçoivent de l'aide, etc., etc., je vais vous faire une réponse un peu avec une boutade: Notre régime d'indemnisation, jusqu'à maintenant, n'a jamais eu les moyens de faire autre chose que de l'indemnisation. Le travail de 1TVAC, c'est de faire de l'indemnisation; c'est ça, la mission. L'aide, la protection, ça appartient à d'autres secteurs.

Si, théoriquement, ce que vous me dites là fonctionnait, j'aurais probablement une autre position, mais, le travail, l'objectif de ce projet de loi, c'est de dire aux gens: Écoutez, vous avez été victimes de crimes, ce n'est pas de votre faute, on va collectivement partager le coût de ça. C'est tout, c'est tout ce que veut dire cette loi-là. Le travail de protection, c'est la police; le travail d'aide, c'est la concertation dans les milieux, mais, ça, c'est une autre affaire.

Là, vous dites aux victimes: On va vous indemniser, on va reconnaître que vous avez été victime d'un crime, mais à une condition, par exemple, il faut que vous dénonciez. C'est ça que je trouve malhonnête.

M. Rémillard: Oui. Que vous trouvez comment, vous dites?

Mme Lemieux (Diane): Malhonnête. M. Rémillard: Malhonnête?

Mme Lemieux (Diane): Je trouve que ce n'est pas... Je ne dis pas que vous êtes malhonnête, je dis que ce n'est pas un «deal» qui est honnête envers les victimes.

M. Rémillard: Hum, hum.

Mme Lemieux (Diane): Ce n'est pas honnête parce que... pour toutes sortes de raisons. Notre système marche de mieux en mieux mais, vous le savez, vous êtes ministre, il y a des failles; c'est un filet. On a encore beaucoup d'efforts à faire pour protéger véritablement les victimes. On ne peut pas donner ces garanties-là. Si le système était parfait, je n'aurais pas de problème avec ça.

Mme Gaudreault (Arlène): Et ce n'est pas les victimes innocentes qui sont problématiques avec ÎTVAC, on a l'impression qu'il y a un agenda caché derrière ça et que ce qu'on veut prendre, c'est les. gens qui, par leur faute lourde, ont contribué au préjudice ou les gens qui sont impliqués dans des activités illégales à qui... Il y a quand même un certains nombre de mesures pour contrer ces gens-là. Bon, les enquêtes sont là pour ça. Est-ce que c'est ça, est-ce que c'est pour ça qu'on oblige tout le monde à dénoncer, pour aller prendre dans le filet ces gens-là pour sauver des coûts au niveau des enquêtes? Ça peut ressembler à ça aussi.

M. Rémillard: Pas du tout. Du tout. Du tout, Mme Gaudreault. Du tout. Moi, au contraire, ce que disait tout à l'heure... Je pense que — ce que vous disiez aussi, je crois, tout à l'heure — quand on essaie de distinguer le rôle en fonction de cette loi, le rôle des intervenants qui vont recevoir la victime et qui vont accepter de l'indemniser et de l'aider, lui permettre d'avoir des soins psychologiques ou psychiatriques, c'est de l'aide, ça aussi, pour l'aider à surmonter une situation: peut-être pas blessée directement physiquement mais moralement, psychologiquement.

Alors, si vous séparez cet aspect-là du travail policier pour assurer la sécurité, c'est là que vous établissez deux systèmes parallèles qui ne se rencontrent pas et c'est là qu'on se retrouve dans des aberrations extrêmement malheureuses qui coûtent la vie à des femmes parce qu'elles ne sont pas adéquatement protégées par le système. Et, quand on établi deux systèmes parallèles, ce n'est pas comme ça qu'on va trouver un système adéquat de protection. Et, si nous voulons qu'il y ait collaboration, ce n'est nullement, mais nullement en fonction de la fraude qu'il peut y avoir. C'est vrai qu'il peut y avoir fraude, mais elle est marginale. Et on n'établit pas un principe comme ça pour la marginalité, on l'établit parce qu'on veut assurer le bien public. Et je ne vois pas — et c'est la conclusion à laquelle sont arrivés tous les autres pays, toutes les autres provinces — comment on peut protéger adéquatement les victimes d'actes criminels pour que leur agresseur ne récidive pas s'il n'y a pas possibilité d'une collaboration. Et, je le répète, il se peut qu'il y ait des victimes qui ne peuvent pas collaborer, pour différentes raisons, et la présente loi, la loi prévoit qu'à ce moment-là on l'apprécie, et on le dit très bien: On comprend, vous ne pouvez pas collaborer, et la loi s'applique quand même pour vous. Il me semble que c'est tout à fait logique.

Mme Gaudreault (Arlène): On n'est pas rassurées avec des motifs sérieux, en tout cas.

M. Rémillard: Mais, Mme Boucher, je vous ai citée tout à l'heure dans le journal.

Mme Boucher (Fleurette): Oui.

M. Rémillard: Je vous ai citée. Est-ce que vous avez été bien citée? (17 h 30)

Mme Boucher (Fleurette): Oui, oui, tout à fait. Oui, oui. Effectivement, je pense qu'aujourd'hui, c'est clair, tout le monde s'entend: la violence conjugale, on doit la dénoncer. Par ailleurs, je ne pense pas que, comme Mme Lemieux le soulignait, le fait — c'est ça — de mêler cette notion de dénonciation à la notion d'indemnisation, la philosophie de la loi... Et je vais répéter ce que Diane Lemieux a dit précédemment: On ne doit pas mêler les deux concepts. Je pense que la dénonciation, la prévention de la criminalité doit relever de la Sécurité publique et l'indemnisation doit relever de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels.

Vous parlez, M. le ministre, de motifs sérieux qui pourraient être invoqués. Est-ce que je dois comprendre que chaque cas va devenir un cas d'espèce et que les femmes victimes de violence conjugale — c'est ça — on va évaluer pièce par pièce à savoir s'il y a un danger, à la limite, qui pourrait se rendre jusqu'au meurtre pour indemniser une femme de violence conjugale si elle ne veut pas dénoncer? Est-ce que c'est ça que je dois comprendre?

M. Rémillard: Même présentement, l'IVAC étudie cas par cas.

Mme Boucher (Fleurette): Oui.

M. Rémillard: II n'y a pas d'automatisme.

Mme Boucher (Fleurette): Ça va, oui.

M. Rémillard: Et je pense que c'est un droit d'une victime de ne pas être dans une machine, mais d'être étudiée cas par cas. Quand on est victime d'un acte criminel, il faut, je crois, qu'on soit capable d'être reçu et puis qu'on étudie notre cas dans tout ce que ça signifie. Alors, que ce soit cas par cas, moi, je crois que c'est la bonne façon de procéder.

Mme Boucher (Fleurette): Oui.

M. Rémillard: Parce que, quand on est victime d'acte criminel, c'est la moindre des choses qu'on puisse avoir, qu'on ne soit pas l'objet d'un anonymat qui fait qu'on rentre dans une machine administrative qui soit lourde et non accessible. Alors, c'est sûr que, pour moi, c'est du cas-par-cas, comme ça l'est présentement et comme ça va se développer, pour qu'on ait une justice la plus humaine possible.

Mme Boucher (Fleurette): Sauf que ce qui est en vigueur présentement aussi, M. le ministre, c'est que les victimes n'ont pas l'obligation de dénoncer, et c'est ça. Je recite le chiffre que précédemment je mentionnais.

On a ouvert, en 1992, 178 dossiers en violence conjugale. Ce n'est pas ça qui draine...

M. Rémillard: Non.

Mme Boucher (Fleurette): ...la majorité des dossiers au niveau de l'IVAC. Ça représente à peu près... même pas 10 % de tout le «caseload» des dossiers en indemnisation.

M. Rémillard: Mme Boucher, vous avez raison. 178 dossiers, ce n'est pas beaucoup, mais six femmes qui se font tuer...

Mme Boucher (Fleurette): C'est déjà trop. Oui, effectivement, je suis d'accord.

M. Rémillard: C'est ça.

Mme Boucher (Fleurette): Mais en quoi le fait d'obliger une femme victime de violence qui réclame à l'IVAC de dénoncer son conjoint, ça va la protéger entièrement? Me Perreault, précédemment, M. Rémillard, vous a souligné le fait que oui, dans plusieurs dossiers, même si les femmes ont dénoncé, malheureusement, on ne peut pas assurer une protection à toute épreuve et blindée.

M. Rémillard: Vous avez raison, Mme Boucher.

Mme Boucher (Fleurette): Le système, en soi, n'est pas infaillible.

M. Rémillard: On ne peut pas assurer à 100 %. Mais moi, comme ministre de la Justice, là, en mon âme et conscience, si je dois administrer une loi et que cette loi permet qu'on indemnise, qu'on aide une femme qui est victime de violence conjugale et qu'on le fait en disant: Bon, c'est très bien, elle a trop peur pour dénoncer son conjoint ou elle ne veut pas briser son ménage parce qu'il y a les deux enfants et que le père est le gagne-pain pour la famille, peu importent les raisons, elle ne dénonce pas et puis, nous, on l'indemnise, on l'aide et elle retourne dans son milieu, parce qu'on ne peut rien faire, moi, je vais vous dire, en mon âme et conscience, je ne peux pas accepter une telle situation. Imaginez-vous, cette femme-là retourne et elle se fait tuer.

Mme Gaudreault (Arlène): Mais, monsieur...

M. Rémillard: Mais comment on réagit, tout le monde, face à ça?

Mme Gaudreault (Arlène): Mais, si elle ne peut avoir aucun service de l'Indemnisation, ça veut dire qu'elle n'aura même pas de service de réadaptation. Or, au niveau de la réadaptation, justement, on peut travailler avec elle pour lui faire voir des choses, pour la supporter, pour la faire cheminer. Tandis que si tout le processus est fermé...

M. Rémillard: Non, Mme Gaudreault, tout n'est pas fermé. Je vous dis, aux articles 11.4° et 5°, c'est là qu'on apprécie les cas particuliers. Mme Boucher nous disait 178 cas. Ce sont des statistiques que j'avais moi aussi, alors qu'on les étudie cas par cas, mais est-ce qu'on peut... Puis je fais appel simplement à la recherche que nous avons tous d'avoir la meilleure loi possible. Est-ce qu'on peut établir comme principe que les gens vont venir chercher de l'indemnité, chercher de l'aide et n'ont pas besoin de collaborer, alors qu'on l'établit comme principe, et on voit les cas d'exception? Il me semble que c'est tellement plus une garantie pour la sécurité de la victime de violence.

Mme Lemieux (Diane): M. le ministre, moi, je pense que la question de l'indemnisation, lorsqu'on vit une situation de violence, est une question qui arrive très tard dans le processus. Il ne faut pas s'imaginer que des femmes victimes de violence, deux jours après, c'est à l'IVAC qu'elles vont appeler. Ça arrive tard dans le processus. Alors, les questions de protection et de sécurité se posent avant la question d'indemnisation.

Et, quand vous dites: Dans mon âme et conscience, est-ce que je peux avoir une loi qui n'impose pas cette obligation? moi, je dirais, je pense, que la question, dans notre âme et conscience à toutes et à tous, c'est de se demander si une loi qui vise l'indemnisation des victimes d'actes criminels ne doit pas être accessible au plus grand nombre de victimes d'actes criminels. Pour moi, se pose, en ayant cette obligation-là, le fait qu'on est en train d'exclure des groupes qui sont déjà exclus dans notre société. On a donné un exemple des femmes, des femmes handicapées, des personnes âgées. Alors, pour moi, elle est là, la question. Parce que la question d'indemnisation, vous liez la question de l'indemnisation à la question de la sécurité. Moi, je pense que ce n'est pas à ce moment-là que ça se pose, c'est bien avant et c'est souvent ailleurs.

M. Rémillard: Tout d'abord, non, la loi n'exclura pas les personnes âgées ou les enfants ou les femmes qui peuvent être démunies ou toute autre personne, le malade mental ou quoi que ce soit, les personnes démunies qui ont besoin de l'aide de l'État d'une façon toute particulière, absolument pas, bien au contraire. L'article 11 est là et vous savez qu'il permet d'étudier cas par cas. C'est actuellement la façon qu'on procède, et je crois qu'on doit toujours continuer à procéder cas par cas. On ne peut pas se permettre de traiter les victimes d'actes criminels en les mettant toutes dans une même salle, dans une salle d'attente et en les faisant passer dans le moulin administratif. Ce n'est pas comme ça que ça marche et personne n'accepterait ça. Donc, c'est cas par cas.

Alors, d'aucune façon cette loi-là ne mettrait de côté les personnes âgées, bien au contraire, ou les

femmes qui ont besoin d'aide ou des enfants. D'aucune façon on ne peut en arriver à cette conclusion. La conclusion de la loi, c'est qu'il doit y avoir collaboration, c'est le principe. Il y a exception au principe lorsqu'on en arrive à la conclusion qu'une personne, pour des raisons sérieuses, pour des motifs sérieux, ne peut pas collaborer, et, à ce moment-là, elle a tous les avantages que les autres victimes qui collaborent peuvent avoir, tous les avantages.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Je vais vous avouer que j'ai de la difficulté à suivre le ministre quand il nous arrive à répétition avec son exemple de femmes qui ont besoin de la protection des autorités policières, parce qu'il est évident, pour quelqu'un qui travaille le moindrement auprès des victimes d'actes criminels, que ce n'est pas l'IVAC qui enclenche le processus de protection, c'est un appel direct à la police quand ça s'impose. Alors, moi, j'ai vraiment beaucoup de difficulté à concevoir maintenant qu'une des raisons fondamentales pourquoi maintenant on demande la dénonciation, c'est la protection des victimes. Ça, j'avoue que la pente à remonter avant de me convaincre est très, très, très grande.

Maintenant, moi, la question que je voudrais poser aux organismes, justement, qui travaillent auprès des victimes d'actes criminels, c'est de savoir s'ils ont une évaluation ou... Présentement, il se fait, comme l'a dit le ministre, un examen cas par cas des gens qui portent plainte. À votre avis, d'après votre perception, cette évaluation, comment je pourrais dire, ce tri de fausses victimes ou de personnes qui auraient commis des fautes lourdes, est-ce que ce tri se fait d'une façon efficace? Est-ce que l'enquête est efficace, le processus administratif qui se fait présentement semble être efficace? Est-ce qu'il y a un pourcentage qu'on pourrait mettre de personnes qui sont de fausses victimes ou des personnes qui auraient contribué? Est-ce que, d'après vous, on peut apprécier ce facteur-là dans le système actuel pour, justement, que ça nécessite une réforme comme on est en train d'en faire une?

Mme Lemieux (Diane): II y a des pour et des contre. Je pense qu'il y a eu des apprentissages. Dans le fond, la loi sur l'indemnisation du Québec est une loi très jeune, même, dans notre histoire. On parle des années soixante-dix, mais c'est une loi très jeune. Il y a eu une progression dans l'interprétation. C'est sûr que je pourrais citer autant de dossiers qui ont été très difficilement évalués à l'IVAC, comme je peux vous citer aussi autant de succès.

Moi, la seule chose que je dirais là-dessus, c'est qu'on devrait tirer des leçons de notre histoire. Je pense, un peu comme M. le ministre l'a dit, qu'il ne s'agit pas d'essayer de tout prévoir les situations l'une après l'autre, mais d'encadrer le caractère discrétionnaire. Je ne pense pas qu'on doive mettre noir sur blanc tous les tenants et aboutissants d'une décision, mais je pense qu'on a avantage à encadrer le caractère discrétionnaire. C'est pour ça que... La notion de motif sérieux, vous avez dit tout à l'heure qu'on ne peut pas limiter ce concept-là. Moi, je vous lance un SOS, je pense qu'il faut encadrer ce caractère discrétionnaire là. On n'a qu'à regarder en matière criminelle. Le caractère discrétionnaire dans les cas de viol, dans les 20 dernières années, a amené un certain nombre de décisions extrêmement difficiles qui ont un impact très grand sur la confiance, notamment, des femmes envers le système judiciaire. (17 h 40)

Alors, les modifications qu'on se propose de faire, je pense que plus l'esprit va être clairement identifié dans la loi, plus on va avoir des pratiques administratives qui vont être dans le sens que la loi le voulait bien. Mais la discrétion ad lib — passez-moi l'expression — n'a jamais été heureuse.

M. Rémillard: Donc, vous proposez qu'on encadre le pouvoir discrétionnaire des articles 11.4° et 5°. Avez-vous quelque chose de préparé, une suggestion à nous faire à ce niveau-là?

Mme Lemieux (Diane): Non, M. le ministre, parce que pour moi, mon idéal, c'est qu'on devrait enlever cette obligation-là. Alors, c'est évident que, à ce moment-ci, c'est très difficile pour moi de vous dire: Le motif sérieux, il devrait y avoir telle ou telle balise, parce que je demeure actuellement encore convaincue que ce n'est pas un bon choix.

Mme Gaudreault (Ariène): La proposition de nos groupes est assez claire, c'est de retirer ces deux articles-là, c'est ça, la position de nos groupes.

Mme Lemieux (Diane): Je ne dis pas que je suis exclue à toute discussion, mais c'est sûr que, à ce moment-ci, pour moi, avant de discuter avec quelles balises on va encadrer la question de motif sérieux...

M. Rémillard: Moi, tout simplement, j'essaie de comprendre. Je vais essayer de faire la loi la meilleure possible. Puis, quand on fait des lois en matière de justice, on fait des lois qu'on n'impose pas, on fait des lois qui sont acceptées par la très grande majorité. Moi, mon rôle comme ministre de la Justice, j'essaie de trouver des consensus. C'est simplement ça qui me guide, et j'essaie de voir... Tout à coup, j'ai cru comprendre que vous me disiez: Bien, si on encadrait le pouvoir discrétionnaire au niveau des articles 11.4° et 5° disant «motif sérieux», on pourrait voir ce que ça donne. Si c'est ça que j'ai compris, je veux simplement que vous puissiez me le confirmer pour qu'on regarde ce qu'on peut faire à ce niveau-là. C'était simplement ça, ma question.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière.

Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président. Moi, j'aurais une petite question par rapport à l'article 145. Vous avez effleuré tout à l'heure le sujet, surtout en regard des enfants, de ce qui se passe avec les enfants. Par rapport aux femmes, aussi, victimes de violence, on sait que ça arrive de temps à autre que les gens retournent ensemble, et tout ça, puis font plusieurs essais avant de prendre une décision. Alors, j'aimerais savoir ce que vous en pensez, surtout compte tenu des chiffres que vous venez de nous donner et que, la proportion, il semble qu'elle soit très mince, en fait, par rapport à l'ensemble des dossiers. Alors, est-ce que vous pourriez nous en parler un petit peu plus?

Le Président (M. Dauphin): Mme Boucher.

Mme Boucher (Fleurette): Merci. Je suis contente que la question soit soulevée parce qu'on manquait de temps. Effectivement, l'article 145.1° nous pose problème, et, à cet effet-là — c'est ça que nos groupes déposent devant vous aujourd'hui — c'est qu'on aimerait que l'article 145.1° soit tout simplement retiré, et je vous explique pourquoi.

L'article 145.1°, si on prend connaissance de l'article, ce qu'on peut en déduire, c'est que le législateur veut, par le contenu de cet article-là, instaurer un mécanisme qui vise à contrôler les situations où l'auteur d'une infraction criminelle pourrait bénéficier des indemnités versées à sa victime, entre guillemets. Ça veut donc dire que ça s'adresse à une catégorie de victimes, et, évidemment, compte tenu que ça s'adresse à une catégorie de victimes... Parce que, pour que l'auteur puisse profiter des indemnités de sa victime, il doit la connaître. Évidemment, nous autres, on a identifié les femmes victimes de violence comme étant potentiellement une des catégories de victimes et les personnes âgées, aussi, victimes de leurs proches. On se demande, à la lecture du contenu de l'article 145.1°, comment le ministre va faire pour contrôler le fait que l'agresseur profite des indemnités de la victime. Ça, ça nous pose déjà problème.

Autre question, aussi, c'est: Quelles mesures le ministre peut-il prendre, en vertu de l'article 145.1°, pour s'assurer que les prestations de la victime ne profitent pas à l'auteur du préjudice? Évidemment, il dit, dans le paragraphe 1°, que, notamment, on peut suspendre ou étaler ou verser à un tiers, mais c'est un «notamment». On se pose la question: Est-ce qu'il pourrait couper définitivement les prestations même si la victime y a encore droit? On ne le sait pas.

Autre question: À partir de quels critères le ministre va juger que l'auteur d'une infraction profite des indemnités versées à la victime? On ne sait pas sur quels critères il va se baser.

Puis, enfin, on se demandait: Est-ce que le droit de subrogation accordé au ministre en vertu de l'article 15 ne permet pas de faire en sorte que l'auteur du préjudice profite de l'argent versé à la victime?

Compte tenu qu'on avait beaucoup d'interroga- tions, compte tenu qu'on n'a pas ces réponses-là, pour le moment, on souhaiterait que l'article soit retiré du projet de loi. L'intention, ça va, on est d'accord avec ça, mais c'est comment ça s'articule dans les faits.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, tout à l'heure, le ministre a fait part qu'il avait longuement consulté les organismes ici présents lors de l'élaboration de ce projet de loi et qu'il avait regardé avec vous, article par article, les dispositions de ce projet de loi. Lors de cette étude, lors de ces consultations approfondies, est-ce que vous avez fait part des commentaires dont vous nous faites part aujourd'hui au ministre?

Mme Gaudreault (Arlène): Bien, je pense qu'il faut distinguer des choses. Lorsqu'on est allés au Sommet de la Justice, le projet, évidemment, n'était pas préparé. Ça fait qu'on n'a pas été consultés. Après, le ministère a travaillé sur le projet, et on n'a pas été consultés sur le projet comme tel. Lorsqu'on a été consultés, le projet était rédigé, et c'était au printemps dernier. On a eu une première consultation, première discussion, et le projet devait être déposé. D'ailleurs, au mois de juin, on avait écrit au ministre pour qu'il fasse juste le déposer et qu'on puisse avoir le temps de le regarder. On a demandé une autre rencontre avec le ministère. Elle a eu lieu au mois de septembre ou août. C'est une rencontre d'information qui visait à répondre à un certain nombre de nos questions et qui nous permettait, aussi, d'acheminer certains de nos commentaires.

Il faut bien comprendre que des groupes comme les nôtres ont peu de ressources. La plupart des gens qui travaillent dans nos organismes, c'est du travail bénévole pour nous, préparer des mémoires comme ceux-là et faire ce type de représentation là. Alors, le temps de se familiariser avec la loi, de regarder les réponses qu'on avait reçues, de voir comment, nous, on interprétait et on comprenait la loi, alors, c'est... La consultation est quand même, je pense, récente, mais, quand on a demandé à être rencontrés, on l'a été, et on a obtenu des bonnes réponses...

M. Bélanger: D'accord.

Mme Gaudreault (Arlène): ...au mois de septembre.

M. Bélanger: Mais, si je comprends bien, vous avez été consultés une fois que ce projet de loi, tel qu'il est présenté maintenant devant nous...

Mme Gaudreault (Arlène): Était rédigé. M. Bélanger: ...était déjà rédigé, déjà prêt... Mme Gaudreault (Arlène): Absolument.

M. Bélanger: ...à être, finalement, débattu en Chambre. C'est ça, si je comprends bien?

Mme Gaudreault (Arlène): Oui.

M. Bélanger: D'accord.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, je pense que Mme Gaudreault a été assez explicite. On a évidemment eu l'occasion de se rencontrer à quelques reprises aussi pour discuter de certains commentaires qu'on retrouverait, entre autres, dans des documents comme celui présenté par l'Association plaidoyer-victimes, et qui s'intitule «L'indemnisation des victimes d'actes criminels au Québec, 20 ans après», par Suzanne Laflamme-Cusson, avec la collaboration de France Chicoine et Josée Coiteux. Alors, ça, c'est un des documents qui a servi, qu'on a discuté. On s'est rencontrés pendant une journée complète et on a discuté de ça. Alors, ce sont des éléments de discussion qui ont eu lieu.

Maintenant, moi, j'apprécie qu'on puisse vous avoir aujourd'hui parce que je comprends que vous n'avez pas toujours tous les moyens pour pouvoir étudier tous les projets de loi et faire valoir tous les points, et je peux vous dire que, les points que vous nous faites valoir, on les prend très au sérieux et on essaie d'en discuter et de trouver les meilleures solutions possible. Mais, quand je regarde ce document, par exemple, que je viens de citer, je vois: «Nous recommandons que le ministère de la Justice étudie la possibilité de mettre en place des mécanismes à l'effet d'éviter qu'un agresseur puisse s'enrichir des indemnités éventuellement versées par l'IVAC à sa victime.»

Alors, c'est à partir de là, vous vous souvenez, qu'on en a discuté ensemble...

Mme Gaudreault (Arlène): Oui.

M. Rémillard: ...et vous vous souvenez qu'on est arrivé, à ce moment-là, à l'article 145. Alors...

Mme Gaudreault (Arlène): Mais on ne vous dit pas aujourd'hui qu'on n'est pas d'accord avec le principe, mais on vous dit qu'on n'a pas trouvé la bonne réponse.

M. Rémillard: C'est ça, c'est de comprendre l'application de la loi, et là je trouve ça intéressant qu'on puisse en discuter comme tel, mais, le principe qu'on retrouve à 145 et son application, c'est exactement ce qu'on retrouve aussi dans ce document, donc, que vous avez fait en préparation aussi pour le Sommet de la Justice.

Mme Gaudreault (Arlène): Vous remarquerez, M. le ministre, que, le 145.2°, on est très d'accord avec.

M. Rémillard: Oui.

Mme Gaudreault (Arlène): Parce que, pour les enfants victimes d'abus, il est très clair, à notre sens, puis il répond bien à ce problème-là. Alors, on n'a pas d'objection par rapport à... C'est sûr qu'on a l'air «critiqueux», mais, comme on a peu de temps, on y va sur les affaires qui nous achalent, et, les affaires qui sont bonnes et avec lesquelles on est d'accord, c'est sûr qu'on n'intervient pas là-dessus. Je pense qu'il faut comprendre aussi l'esprit dans lequel on transmet nos commentaires. (17 h 50)

M. Rémillard: Non, de toute façon, je peux vous dire que vous n'avez pas l'air ridicules du tout. Bien au contraire, vous avez l'air à nous aider, parce qu'on est tous à rechercher, comme je le dis et je le répète, les meilleures solutions. Alors, à partir de là, il y a des décisions qu'on doit prendre et on les prend, c'est tout, mais en fonction des objectifs, je pense, qui sont les mêmes, qui nous animent tous autour de cette table. On a tous les mêmes objectifs.

Mme Gaudreault (Arlène): On espère que vous serez très sensible à l'aspect de réadaptation parce que c'est vraiment une chose à laquelle on tient. Le message qu'on veut donner ici, aujourd'hui, c'est: L'argent, oui, c'est une chose pour aider les victimes, mais, le support, c'est important, et, ça, il faut que la prochaine loi aille vraiment dans ce sens-là.

Tantôt, je n'ai pas eu le temps de faire ma recommandation pour les indemnités forfaitaires pour les enfants, pour le retard scolaire, mais on va aussi loin que dire de ne pas donner d'indemnité forfaitaire pour compenser le retard scolaire, mais d'axer tous les efforts sur la réadaptation. C'est un choix qu'on fait, et sciemment. Alors, je pense que ça vous dit tous quelle philosophie il y a derrière nos groupes, derrière les gens qui, comme nous, travaillent auprès des victimes. Je pense que, le projet de loi, il faut qu'il soit renforcé par rapport à la réadaptation.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. M. Rémillard: Avez-vous d'autres questions?

Le Président (M. Dauphin): Peut-être en terminant, M. le député d'Anjou?

M. Bélanger: Non, quant à moi, je pense qu'on a fait pas mal le tour de la question et de l'intervention des organismes.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Vous me permettrez de remercier Mme Gaudreault, Mme Lemieux et Mme Boucher d'avoir accepté de venir discuter avec nous. J'ai beaucoup apprécié cette discussion.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup, mesdames, au nom de tous les membres de la commission, de vous être prêtées à cet exercice démocratique.

Alors, il nous reste six minutes. Je présume qu'on va ajourner jusqu'à 20 heures et non pas débuter l'étude pour cinq minutes. Alors, nous suspendons ou ajournons?

Une voix: On suspend.

Le Président (M. Dauphin): On suspend jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 52)

(Reprise à 20 h 13)

Le Président (M. Dauphin): Alors, la commission des institutions reprend ses travaux. La première partie du mandat est maintenant complétée, nous allons donc procéder à l'étude détaillée du projet de loi 106, et j'appelle l'article 1 du projet de loi 106. M. le ministre de la Justice.

Étude détaillée Droits et responsabilités

M. Rémillard: L'article 1 se lit comme suit: «Est une victime visée par les dispositions du présent titre la personne qui, par suite d'une infraction criminelle qui est perpétrée au Québec, subit, directement ou indirectement, un préjudice corporel, psychique ou matériel.»

Alors, M. le Président, cet article énonce que le titre I, concernant les droits et responsabilités des victimes, s'applique à toute personne qui subit un préjudice corporel, psychique ou matériel résultant directement ou indirectement de la perpétration, au Québec, d'une infraction criminelle. Le titre I vise donc la victime immédiate d'un crime et, le cas échéant, ses proches et ses personnes à charge de même que toute autre personne qui subit un préjudice résultant indirectement de la perpétration d'une infraction criminelle, tel un témoin. À cet égard, il maintient le droit actuel.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Première question que j'aimerais poser. Tout à l'heure, lorsque nous avons entendu les différents groupes — les deux groupes, d'ailleurs, qui sont venus témoigner devant la commission — le ministre a fait part que c'était, je ne dis pas une nouvelle façon de légiférer, mais, disons, une façon récente de légiférer que de procéder comme on a procédé dans le présent projet de loi. C'est-à-dire que, plutôt que de mettre un préambule, on avait des genres d'articles qui déclaraient des principes et qui étaient précisés, par la suite, dans le contenu du projet de loi. J'aimerais savoir si c'était peut-être possible que... L'expert qui a assisté à la rédaction du projet de loi, j'aurais peut-être quelques questions à lui poser quant à la façon qu'on a procédé pour rédiger le présent projet de loi.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, ce que j'ai dit, c'est que, dans nos lois, comme technique législative au Québec, nous n'utilisons pas de préambule. Or, dans les articles 1 à 8 inclusivement, qui sont des articles qui reprennent la présente loi, donc la loi que nous réformons, ce sont, à certains égards, des principes qui pourraient se retrouver dans un préambule ou dans une disposition interprétative ou déclaratoire et qu'on retrouve expressément dans un article spécifique.

Alors, dans ce cas-là, j'avais dit, M. le Président, que nous pourrions demander à nos légistes de venir nous expliquer un peu les techniques législatives, parce qu'on se souvient que le Barreau nous a dit: Oui, mais ces droits sont applicables comment? Comment peut-on garantir aux victimes qu'elles vont pouvoir exercer ces droits-là qui sont énoncés? Parce qu'il ne semble pas y avoir de mécanismes exécutoires de droit. Alors, c'est dans ce contexte-là que j'avais suggéré, M. le Président, que nous pourrions faire témoigner nos légistes pour répondre à nos questions. Donc, les légistes sont Mmes Francine Gauvin et Francine Lagrenade, qui, avec votre permission, M. le Président, pourraient répondre à nos questions sur les techniques de législation.

Le Président (M. Dauphin): Alors, bienvenue. Vous êtes Me Gauvin, c'est ça? Alors, Francine Gauvin.

Mme Gauvin (Francine): Alors, peut-être avant de répondre à une question plus spécifique que vous pourriez avoir en termes de rédaction législative, je pourrais faire une présentation très brève du titre I et du titre II, de façon à bien distinguer ce qui est prévu dans chacun de ces deux titres en particulier du projet de loi.

Alors, le titre I, qui porte sur les droits et responsabilités, reprend, comme l'a mentionné précédemment le ministre, la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels qui est en vigueur actuellement. Cette loi sur l'aide avait été adoptée suite à une déclaration des Nations unies sur les droits des victimes de la criminalité. Donc, par ses termes eux-mêmes, ce titre-là énonce des principes généraux applicables à toutes les victimes d'actes criminels. Donc, c'est la raison pour laquelle la définition qui a été retenue à l'article 1 ne restreint pas l'application de ce titre-là en prévoyant qu'on considère comme une victime, aux fins du titre I, toute personne qui aurait subi un préjudice qui résulterait soit directement, soit indirectement de toute infraction criminelle. Donc, on ne réfère pas à l'annexe du projet de loi,

contrairement à ce qu'on fait au titre II, portant sur l'indemnisation, et, par ailleurs, on précise que les droits et responsabilités sont reconnus aux victimes d'un préjudice tant corporel, psychique que matériel.

Donc, à la lecture même de l'article 1, on peut voir que le champ d'application de ce titre-là est très large, de façon à pouvoir permettre à toute personne qui subirait un préjudice corporel, matériel ou psychique de bénéficier des droits qui y sont énoncés. Par ailleurs, si on examine les dispositions du titre I, on peut voir qu'on accorde, qu'on prévoit certains droits à des victimes. Les recours n'y sont pas prévus de façon explicite, sauf qu'il faut bien voir que, parmi l'ensemble de> la législation québécoise, il existe des lois qui traitent de façon spécifique des sujets qui y sont énumérés. Alors, pour connaître les différents recours d'une victime visée au titre I, dépendamment du contexte particulier de chacune des situations, il faut référer aux lois particulières. (20 h 20)

Par ailleurs, le titre II, qui prévoit l'indemnisation des victimes d'actes criminels, lui, par sa disposition introductive, l'article 9, vient limiter les victimes susceptibles de bénéficier d'une indemnisation. Alors, on peut bien voir à l'article 9 que la victime qui sera visée par le titre II ne sera pas la même victime que celle qui est prévue au titre I. Alors, à l'article 9 on dit: «Ont droit aux indemnités [...] la victime qui subit un préjudice corporel ou psychique». Donc, on vient exclure la victime d'un préjudice matériel, et on énumère, par ailleurs, des dispositions particulières, comme, bon, la victime d'un préjudice corporel ou psychique ne sera pas admise à une indemnisation, à moins qu'elle soit victime d'une infraction criminelle qui aurait été visée à l'annexe I. Donc, on vient restreindre encore davantage, si vous me permettez, l'application du titre II à ces victimes spécifiques d'infractions prévues à l'annexe.

Bon, on a d'autres dispositions qui prévoient, à l'exemple de la loi sur l'indemnisation actuelle, une indemnisation aux personnes qui subissent des préjudices soit physiques, soit matériels en prêtant assistance à un agent de la paix ou en prêtant assistance à un policier agissant dans ses fonctions. Puis on énumère aussi des personnes qui auraient droit à différents types d'indemnité, comme les proches de la victime ou, en cas de décès, son conjoint, les personnes à charge et les personnes qui auraient acquitté des frais funéraires.

Alors, ce titre II reprend, pour une part, la loi actuelle sur l'indemnisation, et, en bonne partie, prévoit un régime qui est harmonisé avec celui de la Loi sur l'assurance automobile, en ce qui concerne les indemnités payables et les modalités de versement, les modalités de calcul.

Alors, en gros, c'est la présentation des distinctions à faire entre le titre I et le titre II du projet.

Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme Gauvin. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Quand vous dites, maître, que, au premier article, ça ne limite en rien, ça limite quand même un petit peu. Quand on parle d'une infraction criminelle qui est perpétrée au Québec, ça exclut, donc, les infractions criminelles qui seraient perpétrées hors Québec en partant, non?

Mme Gauvin (Francine): Oui, exactement, oui. M. Bélanger: Bon. Ça...

Mme Gauvin (Francine): En ce qui concerne la territorialité, oui.

M. Bélanger: Ça exclut, non? Mme Gauvin (Francine): Oui.

M. Bélanger: Au moins à ce niveau-là. Maintenant, quant au paragraphe 2, quand vous parlez que... Là, je ne sais pas si je vous suis bien. Vous dites que, pour bien comprendre la portée de l'article 2, il faut aller voir dans la loi particulière à laquelle ça pourrait faire référence, que ce n'est pas dans la suite du projet de loi qu'on va trouver la réponse, les précisions. Je pense que c'est ce que vous avez dit.

Mme Gauvin (Francine): Pas nécessairement en ce qui concerne l'article 2, mais en ce qui concerne les dispositions du titre I, de façon générale.

M. Bélanger: Oui, mais je regarde l'article 2, qui dit: «...traiter avec courtoisie, équité, compréhension». Est-ce que ce sont des notions qui sont reprises à d'autres endroits dans le présent projet de loi?

Mme Gauvin (Francine): Pas dans le présent projet de loi, mais, par ailleurs, on peut retrouver des dispositions dans d'autres lois où on retrouve ces notions-là, par exemple dans la Charte québécoise des droits et libertés, par exemple dans le nouveau Code civil du Québec où on retrouve une disposition qui prévoit le droit d'une personne à la protection de sa vie privée, à la protection de sa dignité. Alors, c'est dans ce sens-là que je disais que des recours peuvent être prévus dans d'autres lois, mais que le but du titre I, c'était un énoncé de principes généraux...

M. Bélanger: Donc, ça ne crée pas de nouveaux...

Mme Gauvin (Francine): ...à l'égard de l'ensemble des victimes. Ça ne crée pas...

M. Bélanger: Ça ne crée aucun nouveau droit.

Mme Gauvin (Francine): ...des recours particuliers. mi bélanger: et ça ne crée aucun nouveau droit.

Mme Gauvin (Francine): C'est un énoncé de principe de droits généraux.

M. Rémillard: C'est déclaratoire.

Mme Gauvin (Francine): C'est déclaratoire.

M. Rémillard: C'est ce qu'on appelle une disposition déclaratoire.

M. Bélanger: D'accord. Un peu comme auparavant, quand on avait «attendu que», on avait ça...

M. Rémillard: Un petit peu comme ça.

M. Bélanger: .. .un petit peu dans le même effet, quoi.

M. Rémillard: Quoique plus spécifique. Si vous me permettez, un attendu n'est qu'une référence pour l'interprétation du reste de la loi...

M. Bélanger: Oui.

M. Rémillard: ...et on s'y réfère dans la mesure où on n'a pas, dans le corps de la loi même, les éléments pour l'interpréter, alors qu'ici il s'agit de la loi même. Alors, la règle d'interprétation est directe. Elle n'est pas indirecte comme dans le cas d'un préambule, ce qui veut dire que le pouvoir déclaratoire est source directe d'interprétation pour les autres articles de la loi. Alors, c'est beaucoup plus fort. Ça ne se compare pas à un préambule au point de vue force juridique comme tel. C'est pour ça qu'on utilise ces genres de rédaction là, maintenant, au Québec.

M. Bélanger: Je vois que dans le titre II on va parler d'une façon plus spécifique des indemnités. C'est bien ce que je comprends. Donc, O.K. Bon, d'accord, ça va. On peut...

Le Président (M. Dauphin): On peut adopter l'article 1?

M. Bélanger: Non. Maintenant, je vais passer directement aux questions sur l'article 1. Je voulais savoir, dans l'article 1, pourquoi on n'a pas prévu des droits pour le Québécois qui se retrouverait à l'extérieur du Québec et puis à qui, justement, il arriverait un acte criminel, il subirait un acte criminel. Pourquoi ne l'a-t-on pas prévu? Comme en Floride, par exemple. En Floride, on a de nombreux Québécois qui y vont plusieurs mois par année.

M. Rémillard: J'ai eu l'occasion, M. le Président, justement sur ce sujet-là, de voir, par hasard, l'émission de M. Mongrain — j'aime bien regarder les émissions de M. Mongrain — et il y avait ce sujet-là, justement. Il interviewait une dame dont la jeune fille avait eu un problème, elle a été violée en Colombie-Britannique. Diane Lemieux, justement, que nous avons entendue cet après-midi, ici, en commission parlementaire, était interviewée après par M. Mongrain, et on connaît tout le brio des entrevues de M. Mongrain pour faire ressortir toute la dimension humaine. De fait, je regardais ça, et je me suis dit, bon, quelqu'un, c'est ta fille, elle s'en va à un moment donné à Vancouver — elle aurait pu aller n'importe où — et, tout à coup, elle est victime. Et, là, qu'est-ce qui se passe? Elle revient ici, elle veut avoir des traitements, et la loi ne s'applique pas. Alors, j'ai discuté de ça avec mes gens pour dire: Écoutez, qu'est-ce qu'on fait avec ça?

Tantôt, vous me parliez de la Floride. C'est un petit peu d'actualité que de parler de la Floride et des actes de violence en Floride, malheureusement. On a tous des parents ou des amis qui y vont ou nous-mêmes et on a tous des craintes maintenant. Mais la décision qui est à prendre est de savoir: Est-ce que le gouvernement du Québec, l'État du Québec peut être responsable pour un crime qui a été commis à l'extérieur de ses frontières, donc qui n'est pas sous sa responsabilité, alors que la personne qui est victime du crime est l'un de ses citoyens?

Alors, il faut revenir au principe de la loi, M. le Président, et, la loi, elle est faite pour indemniser une victime d'acte criminel, partant du principe que la victime n'a pas à supporter les conséquences d'un crime qui a eu lieu à son détriment, avec des conséquences pour elle, parce que l'État doit assurer une situation de sécurité pour tous les citoyens. Or, ce n'est pas la responsabilité du gouvernement québécois d'assurer la sécurité de ses citoyens québécois lorsqu'ils sont en Floride ou lorsqu'ils sont à Vancouver. Par conséquent, le raisonnement logique nous amène à conclure que le gouvernement n'a pas de responsabilité face à un événement comme tel, donc un crime, qui a pu se passer à l'extérieur de ses frontières. Toutes les lois que nous avons consultées se réfèrent à ce principe, à l'extérieur. Vous êtes en Angleterre, vous êtes citoyen anglais, vous vous en allez en France, vous êtes agressé, vous retournez en Angleterre, vous n'aurez pas de compensation. Ce que vous allez avoir, en Angleterre, c'est que vous allez avoir comme ici, vous pouvez aller à l'hôpital et ça ne vous coûtera rien parce que vous avez votre indemnisation, vous avez votre programme de santé. Ça, il n'y a pas de problème à ce niveau-là, mais l'indemnité qu'on donne parce que vous êtes victime d'un acte criminel, à ce moment-là, vous ne l'avez pas. Alors, c'est ça, le raisonnement.

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Bélanger: Je serais prêt peut-être à suivre timidement ce raisonnement s'il n'existait pas, dans nos lois actuelles, un principe contraire. Je regarde dans la Loi sur l'assurance automobile, le Québec indemnise un Québécois qui a un accident aux États-Unis. On est responsable. Pourtant, on n'est pas responsable de la sécurité routière à Boston ou à New York et, pourtant,

ce citoyen québécois, peu importe où il va se trouver aux États-Unis, il va se retrouver indemnisé. Il a le choix entre le recours —j'ai eu un procès exactement là-dessus — à intenter sur place selon le droit qui existe aux États-Unis ou, sinon, venir se retrouver, finalement, à réclamer ici devant la Régie de l'assurance automobile. Alors, moi, je me demandais, à partir du moment que, pour une loi, l'assurance automobile, on accepte ce principe-là, pourquoi on ne pourrait pas le prendre.

M. Rémillard: Ce n'est pas la même chose, ce n'est pas la même chose du tout, du tout, parce que l'accident d'automobile, si vous conduisez votre voiture, ou bien c'est vous qui faites l'accident ou bien vous subissez l'accident.

M. Bélanger: Vous êtes victime d'un accident. (20 h 30)

M. Rémillard: Pas d'un acte criminel. Il n'y a pas de crime. Donc, ce n'est pas la volonté de quelqu'un qui, d'une façon malicieuse, vous cause un crime. Un accident... Autrement dit, où je veux en arriver avec ça, je veux en venir que, dans un accident automobile, la responsabilité de l'État n'est pas en cause. Alors que, dans un crime, la responsabilité de l'État est en cause parce qu'il doit garantir la sécurité. Alors, la responsabilité pour le citoyen québécois qui est en Floride, c'est l'État de Floride qui en a la responsabilité, parce qu'il doit garantir la sécurité de tous les citoyens qui sont sur son territoire, soit résidents, soit parce qu'ils sont visiteurs et acceptés comme tels. Mais, lorsqu'un accident d'automobile arrive, l'État n'a aucune responsabilité. Vous faites un accident ici; s'il y a une assurance-indemnité qui existe — pas par la responsabilité de l'État — c'est tout simplement pour assurer un service d'assurance capable de faire en sorte que tout le monde qui a un accident et qui subit des conséquences personnelles puisse avoir compensation. Alors, les deux situations sont complètement différentes.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Hull.

M. LeSage: M. le Président, juste pour corroborer les dires du ministre, j'aimerais vous citer en exemple un incident qui est arrivé justement en Floride: un type qui a été... on avait tiré dessus. Il a été hospitalisé plusieurs semaines. On a dû le ramener en avion, là, quelques mois après; il n'avait pas d'argent pour payer l'hôpital. Et c'est l'État de la Floride qui a reconnu sa responsabilité, finalement, parce qu'il devait, selon lui, l'État de la Floride, assurer la sécurité des gens, et on a payé ses frais d'hospitalisation en Floride. Je suis convaincu que, si le même type, M. le Président, avait eu, comme le ministre le mentionnait tantôt, comme ça m'est arrivé à moi-même, un accident de voiture, il n'y a personne à Fort Lauderdale qui serait venu me plaindre et qui aurait dit: Bien, c'est de notre faute si l'autre monsieur n'a pas fait... ou l'autre madame n'a pas fait son arrêt.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, c'est peut-être, je ne le sais pas, là, c'est peut-être moi qui fait fausse route dans la perception de ce projet de loi là, mais ça me frappe que, depuis qu'on a commencé l'étude de ce projet de loi là, la notion de sécurité revient constamment. C'est revenu dans le cas où on voulait assurer la sécurité de la victime qui ne portait pas plainte, là, au niveau des violences conjugales. Là, on revient encore à la notion de sécurité, de responsabilité de l'État qui justifie, justement, l'indemnisation. Pourtant, moi, il me semble, normalement, la manière dont je percevais et dont je perçois encore cette loi-là, c'est plutôt une garantie pour les concitoyens du Québec, pour les résidents du Québec avant tout, pour faire en sorte que ces résidents qui sont victimes... Qu'on soit aux États-Unis ou qu'on soit au Québec, quand on est victime d'un acte criminel, on est victime d'un acte criminel. On ne choisit pas d'être victime d'un acte criminel. On est quand même, il faut le concevoir, assez généreux envers les personnes qui n'habitent pas au Québec et qui subissent un acte criminel sur notre territoire. Et, finalement, ce qu'on dit... Et je peux comprendre que, dans le cas cité par le député de Hull, ça a bien fini, finalement, parce que je suppose qu'il y a une loi de l'État de la Floride qui prévoit, justement, l'indemnisation dans ces cas-là; il doit y avoir une loi. Je suppose aussi que, du côté du ministre, on a fait des études, à savoir si, dans la majorité des États américains, il existe des lois qui prévoient, justement, que les ressortissants étrangers ont droit à des indemnités. Ou y a-t-il des ententes de réciprocité? Je pense que ça serait, en tout cas, la prudence élémentaire de vérifier ça, mais, peut-être, de faire aussi une évaluation du coût. Ça coûterait combien, finalement? Je pense qu'on doit avoir des statistiques relativement aux Québécois qui sont victimes d'actes criminels. Est-ce que ça ne serait pas bon de les inclure? Je sais que le ministre est très préoccupé par ce qui touche, justement, la classe moyenne. On l'a vu dans sa démarche d'aide juridique, qu'il cherche à englober toujours le plus de personnes possible, dans les limites de payer de l'État, évidemment. Alors, moi, je me demande si, finalement, ces statistiques de citoyens québécois attaqués ou victimes d'actes criminels en dehors du territoire, si ce montant ou ce nombre de personnes touchées n'est pas très grand en pourcentage, pourquoi ne pas les inclure? Pourquoi... Je peux comprendre qu'on ne peut pas... que les droits qui sont déclarés ici, dans cette première section, ne peuvent pas tous s'appliquer, comme on ne peut pas garantir à une victime qui subit un acte criminel en Floride qu'elle va être traitée avec courtoisie. Je veux dire, on n'est pas responsables du système policier, ça, je comprends ça. Mais, quand même, je pense qu'on doit lui conférer certains droits à partir du moment où cette victime-là revient au Québec.

M. Rémillard: M. le Président, je crois que le

député d'Anjou a raison lorsqu'il dit qu'il voit le projet de loi comme une garantie, une garantie pour les victimes; on est tous d'accord. La question qu'on doit se poser, c'est: Pourquoi donne-t-on une telle garantie aux victimes?

On la donne parce qu'il y a une responsabilité du gouvernement. Et, la responsabilité du gouvernement, elle vient d'où? Elle vient du fait que l'État doit assurer la sécurité de ses commettants, de ses citoyens. Alors, quand le député d'Anjou nous dit: On voit la question de sécurité un peu partout, il a raison. C'est parce que, au point de vue approche philosophique... Dans tous les pays et tous les Etats où il y a de telles lois, l'approche vient du fait que l'État a une responsabilité quant à la sécurité du citoyen. Si l'État n'avait pas cette responsabilité-là, je ne vois pas comment on pourrait justifier que les fonds de l'État puissent contribuer à indemniser des personnes qui ont été sujettes à un crime, victimes d'un crime.

Il faut faire attention — et je me permets d'y insister, M. le Président — il faut faire attention dans les comparaisons avec les accidents automobiles. L'accident automobile, on a, par exemple, l'assurance automobile. Mais, l'assurance automobile, c'est chaque citoyen qui la paie. On la paie tous. Lorsqu'on paie nos licences, puis qu'on paie nos permis de conduire, puis nos plaques matricules, puis tout ça, on paie, par le fait même, l'assurance que nous avons au point de vue automobile. Donc, par conséquent, nous sommes blessés dans un accident d'automobile, c'est payé.

Au point de vue criminel, on n'a pas de ces responsabilités parce que c'est l'État. Je ne vois pas pourquoi le citoyen devrait prendre des assurances — on peut le prendre privément — mais ce que je veux dire, dans un plan conjoint avec l'État, prendre des assurances pour se garantir contre des accidents criminels. Alors, c'est comme ça qu'on en arrive à aboutir à un projet de loi comme celui-là.

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Bélanger: Pourtant, M. le Président, quant à l'argument qu'on ne paie pas pour ça, l'IVAC, je pense que tous les Québécois paient de par l'impôt qu'on paie, de par les taxés qu'on paie. C'est à même les fonds publics. Je pense que tous les gens du Québec qui paient la moindre taxe paient pour ce régime-là. Il faut prendre l'argent à quelque part.

M. Rémillard: Si vous me permettez. C'est tout simplement que, quand vous payez avec vos taxes, vous payez d'une façon générale pour l'ensemble des services que l'État peut vous donner en matière d'éducation, partout. Alors que, quand vous payez votre permis de conduire ou que vous payez pour votre plaque d'immatriculation, le petit collant, c'est que, là, vous payez en fonction d'un service particulier, et c'est celui concernant l'automobile.

Mme Caron: Et le piéton qui se fait blesser, M. le ministre?

M. Rémillard: Oui, qu'est-ce qu'il y a?

Mme Caron: Bien, il ne paie pas une prime pour son assurance automobile, puis il va être indemnisé quand même.

M. Rémillard: Mais il est victime. Mme Caron: C'est ça.

M. Rémillard: II est victime tout simplement parce qu'une automobile, qui... Lui, c'est l'automobiliste qui paie. C'est l'automobiliste qui paie parce que c'est lui qui a payé par son permis de conduire ou sa plaque matricule. Alors, il frappe un piéton; par son fait, quelqu'un a donc été blessé. Cette personne est indemnisée par la responsabilité de celui qui a fait... la cause de l'accident. Et cette personne qui est la cause de l'accident, c'est elle qui a payé, donc qui fait partie du plan d'assurance. C'est comme ça. C'est une assurance spécifique. Et il y a des gens qui parlent — vous le savez comme moi — il y a des gens qui parlent d'un plan d'assurance-santé, d'un plan d'éducation, qui pourraient avoir la même connotation. C'est-à-dire qu'on paierait spécifiquement en fonction d'un permis ou d'une façon de faire pour avoir droit à un service. Moi, personnellement, je suis contre ça. Mais on sait qu'il y a cette approche-là qui existe. (20 h 40)

Alors, je ne veux pas être trop long, M. le Président, mais je veux simplement dire que cette approche de la philosophie de la loi, elle n'est pas originale. Tous les États, tous les pays qui ont une telle loi ont la même approche jusqu'à présent.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: M. le ministre, en vertu de ce même principe, si je comprends bien, le résident de Floride qui est victime d'un acte criminel ici, au Québec, en vertu du principe que le Québec est responsable pour sa sécurité, est-ce que, lui, il est couvert par cette loi-là? Et vice versa, le Québécois qui est victime d'un acte criminel en Floride, est-ce qu'il est couvert par la loi de la Floride?

M. Rémillard: Oui. Alors, le citoyen américain de Floride qui est ici et qui est victime d'un acte criminel est sous la loi. Donc, c'est couvert par la loi. Et le citoyen québécois qui a un accident en Floride...

M. Kehoe: Pas un accident, là. Je parle... Victime d'un acte criminel.

M. Rémillard: ...victime d'un acte criminel, excusez-moi...

M. Kehoe: Oui.

M. Rémillard: ...victime d'un acte criminel en Floride est aussi sous la loi de la Floride, et la Floride a une loi comme celle-là.

M. Kehoe: En vertu du principe qu'on est responsable pour la sécurité des personnes sur notre territoire.

M. Rémillard: Des citoyens, exactement, qui sont sur le territoire.

M. Kehoe: D'accord.

M. Rémillard: Mais il y a des pays qui n'en ont pas. Si vous vous en allez en Afghanistan, puis vous vous faites agresser...

Une voix: Au Ruanda, il n'y en a pas non plus.

M. Rémillard: ...au Ruanda non plus. Vous arrivez de là, vous, M. le député de Hull.

Le Président (M. Dauphin): À vos risques et périls.

M. Rémillard: C'est ça. Sans qu'il y ait péril dans la demeure.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, est-ce que le ministre a fait une étude pour savoir quels étaient les États américains, justement, qui offraient ce genre de réciprocité là? Moi, l'information que j'ai, c'est qu'en Floride il n'existe pas de loi qui indemnise les Québécois pour des actes criminels sur leur territoire. Alors, mon information n'est peut-être pas complète. Je ne dispose pas des moyens du ministère.

M. Rémillard: On va faire faire l'étude plus complète; je pourrai vous revenir.

M. Bélanger: Parce que, pour moi, je pense que c'est important. Parce que, ce que je constate, finalement, de par les explications que le ministre vient de nous donner relativement à ce projet de loi, c'est qu'il assimile la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels à un régime sans faute qui engage automatiquement la responsabilité de l'État pour tout acte criminel qui est fait sur son territoire, si je suis le raisonnement du ministre.

M. Rémillard: D'une certaine façon, oui.

M. Bélanger: S'il arrive un acte criminel, automatiquement, comme nous sommes responsables de la sécurité de tout individu sur notre territoire, nous sommes responsables. Alors, ce que je constate, c'est qu'on a un régime sans faute qui indemnise les gens qui sont des visiteurs chez nous, automatiquement. On se sent responsable de ce qui leur arrive, peu importent les circonstances de l'acte criminel. Peu importe qui a pu faire, aussi, cet acte criminel là. Ce n'est pas nécessairement un Québécois qui a fait l'acte criminel non plus. Ça peut être quelqu'un qui est au Québec, mais qui n'est pas québécois non plus. Donc, ce n'est pas nécessairement un citoyen du Québec qui est l'auteur de l'acte criminel. Mais on n'a aucune garantie que nos gens du Québec... Puis, en tout cas, j'espère peut-être avoir des données qui me disent qu'on a au moins évalué le risque que ça représentait si on couvrait nos gens du Québec à l'extérieur, puis là on me dit que nos gens du Québec, quant à eux, bien, on doit se fier, finalement, au bon vouloir ou à la magnanimité des États voisins ou des États qu'on pourrait visiter. Je trouve ça un peu... Je dois avouer honnêtement que je trouve ça un peu, un petit peu gros et peut-être un petit peu généreux.

Moi, je n'ai aucune réticence à couvrir un résident étranger qui est au Québec et qui subit un acte criminel, mais j'aimerais bien avoir la garantie, par exemple, que les résidents du Québec aussi vont avoir une certaine couverture, une certaine garantie. Alors, soit s'assurer qu'il y a des ententes de réciprocité, ou encore qu'on me dise qu'on a fait au moins une évaluation du nombre de pays... Si on me dit que la majorité des pays industrialisés couvrent les ressortissants étrangers qui sont victimes d'actes criminels, chez eux, bien, là, je suis rassuré. Mais je ne sais pas si cette évaluation-là a été faite et si on peut nous la présenter.

(Consultation)

M. Rémillard: C'est la plupart, qu'on me dit. On me dit que c'est la plupart, mais on pourra donner les critères de... On pourra donner plus d'explications demain.

M. Bélanger: J'aimerais avoir... Quant à moi, je ne suis pas du tout, du tout satisfait de la réponse. J'aimerais savoir, au niveau des États.

M. Rémillard: Oui, oui. On pourra fournir une liste, oui.

Une voix: Avec indemnité.

M. Bélanger: Oui. Savoir aussi quel genre d'indemnité qui est...

Une voix: ...les indemnités.

M. Bélanger: Pas avec précision, là, mais savoir

quel genre de couverture. Est-ce qu'au moins par principe... On n'ira pas dans le détail des indemnités, mais savoir au moins si, par principe, un ressortissant québécois qui va aux États-Unis, est-ce que, dans la majorité des cas, il est couvert par... Je pense... en tout cas, moi, j'étais certain qu'au ministère on avait fait la vérification, au moins pour évaluer le risque. Et puis peut-être aussi nous donner le pourcentage de gens qui ont réclamé auprès de l'IVAC et qui ne sont pas des ressortissants québécois.

Une voix: J'ai cette réponse.

M. Bélanger: Vous avez cette réponse?

M. Rémillard: Oui, je peux demander à Mme Viens, M. le Président, avec votre permission.

Le Président (M. Dauphin): Mme Viens.

Mme Viens (Christine): pour les résidents hors du québec, en 1992, sur les 3276 demandes qui ont été présentées à la direction de l'indemnisation des victimes d'actes criminels, 45 provenaient de personnes qui résidaient hors québec, soit 1,37 % de la demande totale.

M. Bélanger: 1,37 %?

Mme Viens (Christine): De la demande totale, oui. Et on m'indique que...

M. Bélanger: En argent, ça représente combien, à peu près, ça?

Mme Viens (Christine): Je ne peux pas vous donner un montant exact de l'argent parce que ça dépend des cas; il faudrait ressortir chacun des cas pour voir, dans chacun des cas, ce que ça représentait. On peut dire également que, pour un certain nombre de ces personnes-là, il pourrait s'agir de crimes qui ont été commis au Québec et que les personnes sont par la suite déménagées; que le crime a été commis avant, au Québec, puisqu'elles sont enregistrées... la résidence est enregistrée au moment où elles font la réclamation. Donc, il s'agit quand même d'une faible proportion de la demande en ce qui concerne les résidents qui sont hors Québec.

M. Rémillard: Est-ce que vous avez vos statistiques sur des gens qui ont eu des agressions, les Québécois qui ont eu des agressions à l'extérieur du Québec et qui ont voulu se faire indemniser...

Mme Viens (Christine): Oui.

M. Rémillard: ...ici au Québec?

Mme Viens (Christine): Ce qu'on a, évidem- ment, en 1992, il y a six demandes qui ont été rejetées, qui ont été formulées pour des crimes qui auraient été commis hors du Québec. Ça représentait donc 0,70 % des rejets. Évidemment, il est très difficile de savoir le nombre de personnes victimes à l'extérieur qui n'auraient pas formulé de demande. Alors, ici, on parle d'une donnée qui provient des demandes qui ont été présentées et qui ont dû être rejetées, puisque le crime était commis hors Québec. Donc, pour 1992, il s'agissait de six demandes.

M. Bélanger: Par rapport à 35 pour l'autre, c'est ça que vous m'avez dit?

Une voix: Quarante-cinq. M. Bélanger: Quarante-cinq.

Mme Viens (Christine): C'est-à-dire... Si vous voulez opposer les deux chiffres, en 1992, sur les demandes présentées, 45 provenaient de résidents hors Québec. Mais on m'indique que, pour un bon nombre de celles-là, il peut s'agir de crimes qui auraient été commis au Québec, mais qu'au moment où la demande a été présentée les personnes étaient des résidents hors Québec.

M. Bélanger: Pour les gens, les étrangers qui viennent au Québec, les touristes, visiteurs, comment sont-ils informés qu'il existe cette loi? Est-ce que ça fait partie de l'information qu'on leur donne quand ils arrivent au pays? Comment peuvent-ils savoir? Parce que — on reviendra plus tard là-dessus dans le projet de loi — beaucoup de Québécois ne savent même pas que cette loi existe. Alors, je me demandais: Pour les ressortissants étrangers, est-ce qu'il y a une publicité spéciale qui est faite?

Mme Viens (Christine): Je ne sais pas si, au niveau de...

M. Bélanger: Auprès de...

Mme Viens (Christine): ...ça dépend de l'information que l'étranger peut rechercher ou s'il peut s'adresser à des kiosques. Au niveau de cet aspect, du fait que, la loi, les gens ne la connaissent pas, les gens en communication nous disent que les gens retiennent peu le message lorsqu'ils ne sont pas concernés, et une des difficultés de cette loi-là est que la majorité des gens ne se sentent pas comme de potentielles victimes, donc il est difficile de faire une publicité «at large», les gens ne retiendront le message qu'une fois qu'ils sont victimes. Alors, ça, c'est une difficulté en communication. Il faut donc trouver des façons de rejoindre les gens à travers les intervenants. La Direction de l'indemnisation a pris, à cet effet, des mesures afin de rejoindre et d'informer les policiers de l'existence de la loi, on a produit un vidéo, etc. Alors, ça, c'est une des difficultés.

M. Rémillard: Si vous permettez, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre. (20 h 50)

M. Rémillard: Pour faire suite aux propos de Mme Viens, quand ça se passe, il faut voir en pratique comment ça se passe, tout ça. Vous avez un résident américain qui est en visite au Québec, il est victime d'un acte criminel, donc il communique avec la police, habituellement. Alors, la police est impliquée et, comme Mme Viens vient de le mentionner, les policiers sont au courant, c'est une des choses dont ils sont au courant et ils informent les étrangers de la possibilité qu'ils ont lorsqu'ils voient que ces personnes ont des conséquences sérieuses du crime dont ils ont été victimes. Alors, c'est comme ça que ça se fait en pratique, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, je suis un petit peu... Bon, en tout cas, ce serait une explication logique, là, le fait que les policiers pourraient mettre au courant ou informer les victimes étrangères, finalement, de leurs droits, mais, à ce moment-là, ce serait présumer qu'ils renseignent mieux les étrangers que les résidents québécois, parce que ce que j'ai retenu du témoignage de Mme Gaudreault, de l'Association québécoise plaidoyer-victimes, c'est le fait que les policiers québécois avaient, pour la majorité, une très faible connaissance de la loi et, disons, n'avaient pas du tout l'automatisme d'informer les victimes de leurs droits et de leur recours relativement à cette loi-là.

Alors, en tout cas, je ne veux pas m'étendre sur ce sujet-là, mais, moi, c'est la question que je me posais, surtout quand on parle du faible nombre de Québécois qui ont subi des actes criminels à l'étranger et qui ont fait des réclamations, par rapport au nombre de demandes de résidents étrangers qui ont subi des actes criminels au Québec, surtout quand on considère que le taux de criminalité ici au Québec n'est pas si élevé que ça.

Un autre point, M. le Président, que je me posais par rapport à cet article 1, c'est qu'on parle: «Est une victime visée par les dispositions du présent titre la personne qui, par suite d'une infraction criminelle qui est perpétrée au Québec, subit, directement ou indirectement, un préjudice...» Est-ce qu'on pourrait me donner un cas où on peut subir indirectement un préjudice corporel, psychique ou matériel? Un exemple?

M. Rémillard: Oui, on va demander à notre légiste, Me Gauvin, M. le Président; mais vous me permettrez, avant de donner la parole à Me Gauvin, de rappeler que ces articles sont directement inspirés de la convention des Nations unies de 1985. Alors, c'est pour ça que je vous dis... Il faut bien comprendre, M. le Président, pour faire la relation avec le sujet dont on vient de discuter sur les pays démocratiques qui ont de telles lois, c'est qu'il y a une convention des Nations unies, et, quand il y a une convention des Nations unies, ça veut dire qu'il y a un nombre minimum d'États qui l'ont signée. Ça dépend des conventions comme des pactes, mais ça peut être au moins 38 à 40, si ma mémoire est bonne. Peut-être que Me Gauvin pourrait nous le préciser.

Alors, ce que nous voyons dans ces principes-là... C'est donc dire que nous les voyons sous une forme ou sous une autre dans les pays qui ont accepté le pacte des Nations unies sur les victimes d'actes criminels.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Me Gauvin.

Mme Gauvin (Francine): Oui, quant aux notions de victime directe ou indirecte ou de préjudice direct ou indirect, ce sont des notions qui, en bonne partie, sont inspirées des recours en responsabilité civile. Alors, la doctrine en cette matière-là distingue la victime directe de la victime indirecte. Et, de façon générale, ce qu'on reconnaît comme une victime directe, c'est la personne qui est elle-même blessée ou elle-même la victime d'un préjudice psychique, alors que la victime indirecte, par exemple, c'est le cas d'une personne qui serait un proche de la victime. Alors, par exemple, la mère d'un enfant qui serait agressé sexuellement ou physiquement. Alors, on peut très bien penser qu'une mère peut subir un préjudice psychologique du fait que son enfant a été agressé sans elle-même avoir été la victime directe de l'infraction criminelle. On peut aussi penser au cas du témoin, le témoin d'une infraction criminelle qui n'est pas lui-même la victime d'une infraction, mais qui, en tant que témoin, peut en subir un préjudice psychologique parfois suffisamment sérieux pour nécessiter une intervention médicale ou psychothérapeutique. Alors, c'est la distinction qu'on peut faire entre «directement» et «indirectement».

Le Président (M. Dauphin): Pour le...

M. Rémillard: Oui, moi... Je veux dire... Allez-y, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): C'est que M. le député de Hull semble jouir de son éventuelle question. Alors, M. le député de Hull.

M. LeSage: Non, M. le Président, je ne jouis pas, puis j'espère que ce n'est pas la réponse que je m'attends que je vais avoir non plus. J'aimerais demander au ministre... J'aimerais revenir aux indemnités pour dommages corporels, puis là je vois ça: je regarde la Promenade du Portage à Hull, M. le Président, je vois les Ontariens qui arrivent le soir, puis là la chicane poigne, puis la bataille poigne, puis les coûteux sortent et, des fois, c'est les revolvers, là, et il y a des Ontariens qui sont victimes. Ils vont à l'hôpital, puis, des

fois, ils ne peuvent pas retourner travailler tout de suite, là. Ils ont réellement été agressés. Ce n'est pas de la petite bière, là! Est-ce qu'ils ont une indemnité, ces gens-là? Est-ce qu'ils auraient une indemnité?

Une voix: Oui.

M. Rémillard: II y a peut-être un petit élément, M. le Président. Il faudrait quand même bien comprendre l'article 11, paragraphe 2°. Je dirais au député de Hull qu'à 11, paragraphe 2°, on dit: «Les prestations prévues par le présent titre ne peuvent être accordées [...] lorsque la victime a été partie à l'infraction ou a, par sa faute lourde, contribué à la réalisation du préjudice.» Alors, il faut vraiment que... Écoutez, si vous êtes allé vous mettre le nez où vous n'aviez pas d'affaire, bien, à ce moment-là, M. le député, vous en subissez les conséquences.

M. LeSage: Alors, si je comprends bien, M. le Président, si je comprends bien le ministre, les gens qui viendraient semer le trouble à Hull ne seraient pas indemnisés?

M. Rémillard: Exactement. Exactement. On n'indemnise pas quelqu'un qui est lui-même la cause de son malheur.

M. LeSage: Je suis très satisfait de la réponse, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: De par la compréhension que j'ai de la loi, c'est vrai que si ce sont des fauteurs de troubles qui viennent de l'Ontario et qui sont les instigateurs d'une bagarre, c'est vrai qu'ils ne sont pas... Je pense qu'on a la même compréhension de la loi sur ce point-là, sauf que vos mêmes gens de l'Ontario qui viendraient, sans pour autant être les auteurs ou les instigateurs, mais qui seraient mêlés à une bagarre et qui recevraient des coups sans pourtant être les instigateurs, eux, se verraient indemniser par les contribuables québécois.

M. Rémillard: Oui, de même que... de la même façon, si vous permettez...

M. Bélanger: Pour moi, c'est clair.

M. Rémillard: ...de la même façon que le Québécois qui serait dans la même situation à Toronto sera, lui aussi, indemnisé par la loi de l'Ontario, qui est très semblable à la nôtre.

M. Bélanger: En Ontario, oui. M. Rémillard: Oui.

M. Bélanger: Mais pour... Justement... Mais là, en tout cas, on aura des chiffres là-dessus, mais l'État de New York, ça, on ne le sait pas. Il faudrait regarder, là...

M. Rémillard: New York a une loi. Il y a une loi aussi.

M. Bélanger: L'État de New York a une loi?

M. Rémillard: Ah oui!

M. Bélanger: Vous êtes certain de ça?

M. Rémillard: Ah bien oui! Très certain de ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Non. Je ne connais pas en détail, mais, écoutez, ça fait deux ans qu'on discute ce projet de loi là. Je ne peux pas vous dire tout en détail, mais je peux vous dire que New York a une bonne loi, avec des principes. Je peux vous dire qu'ils retiennent le même principe que nous en ce qui regarde l'obligation de collaborer avec la police. Ça, je peux vous dire ça, que New York fait ça, absolument. Jusqu'au degré d'indemnisation, là, je ne peux pas aller jusque-là, mais je pourrais demander de l'information.

Le Président (M. Dauphin): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Au niveau de cette même réciprocité, il y a combien de provinces canadiennes qui ne l'ont pas? Parce que, le dossier dont on se parlait tantôt, c'est en Colombie-Britannique.

M. Rémillard: Est-ce que je peux demander à Mme Viens, avec votre permission, M. le Président?

Le Président (M. Dauphin): Mme Viens.

Mme Viens (Christine): Les provinces de Terre-Neuve et du Yukon n'ont pas de loi sur l'indemnisation. Quant aux autres provinces, c'est le critère de la résidence.

Mme Caron: M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Me Gauvin, dans sa présentation, nous a parlé que le champ d'application était très large et elle parlait aussi qu'il y avait harmonisation par rapport à la Loi sur l'assurance automobile. Donc, je voudrais revenir sur la Loi sur l'assurance automobile parce que, effectivement, il y a des cas où un des deux ne paie pas d'assurance automobile. Qu'on pense, par exemple,

à celui qui utilise son automobile sans permis de conduire; donc, celui-là, il peut quand même être responsable d'un accident et on va quand même donner une indemnité à la personne qui va être victime, même s'il n'a pas payé sa prime d'assurance. Lorsqu'on parle des personnes qui ne résident pas au Québec — l'article 9 de la Loi sur l'assurance automobile — la victime qui ne réside pas au Québec a droit d'être indemnisée en vertu du présent article, mais seulement dans la proportion où elle n'est pas responsable de l'accident. Donc, si on avait deux automobilistes qui ne résident pas au Québec et qui ont un accident, même si un des deux ne paie pas de prime d'assurance automobile, on va quand même l'indemniser.

M. Rémillard: II y a deux sources de financement pour le régime d'assurance automobile, comme vous le savez: il y a le permis de conduire et il y a la plaque matricule.

Mme Caron: Oui. (21 heures)

M. Rémillard: Alors, admettons que vous n'avez pas de permis de conduire, mais que vous conduisez une voiture qui, elle, a une plaque matricule; alors, là, il y a quelque chose, à un moment donné... Et si vous faites ni l'un ni l'autre, que vous êtes en état d'ébriété, vous commettez un crime. Conduire sa voiture en état d'ébriété, c'est un crime. Alors, là, on tombe sur «victime d'un acte criminel».

Mme Caron: Oui. Et, si les deux sont de l'extérieur du Québec, on va avoir quand même des indemnités à donner.

M. Rémillard: Bien oui.

Mme Caron: Et puis, au niveau de la responsabilité, même pour les Québécois qui sont à l'extérieur, parfois, la responsabilité, ce n'est pas nécessairement l'automobiliste ni l'autre automobiliste. Parfois, c'est l'état des routes.

M. Rémillard: Juste pour savoir si je vous comprends bien, faisons le scénario suivant, là, puis on me corrige si ce n'est pas ça. Vous avez un automobiliste américain qui conduit sa voiture en état d'ébriété.

Mme Caron: Oh! Pas nécessairement. Il peut conduire sa voiture sans être en état d'ébriété puis avoir un accident quand même.

M. Rémillard: Ah bien, s'il n'y a pas de crime, il n'y a pas de problème. Mais mettons qu'il fait un crime, donc il conduit en état d'ébriété et il frappe une autre voiture conduite par un Ontarien, et il y a des gens qui sont sérieusement blessés. Il y a donc eu crime, il y a victimes de crime, et, par conséquent, il y aurait indemnité de ces gens même si toutes les personnes sont non résidentes du Québec. Ça, je pense qu'on s'entend là-dessus?

Mme Caron: Mais, même sans crime, M. le ministre, même sans crime, on prend la même situation, un Américain et un Ontarien qui conduisent leur automobile sans être en état d'ébriété, il n'y a pas de crime, il y a un accident. Ils peuvent avoir un accident quand même.

M. Rémillard: Oui.

Mme Caron: Eh bien, ils vont être indemnisés selon l'assurance automobile, sauf celui qui est responsable. Celui des deux qui est jugé responsable de l'accident, lui, ne sera pas indemnisé. Mais l'autre va l'être. Et ni l'un ni l'autre n'auront payé des primes ici.

M. Rémillard: II faudrait que ce soit vérifié. Parce qu'on me dit, ici...

Mme Caron: Bien, le texte est quand même assez clair, là. Je peux vous le...

M. Rémillard: Oui, mais on me dit, ici, qu'il faut que ce soit vérifié. Si les voitures ne sont pas immatriculées au Québec, en ce qui regarde la responsabilité, on me dit que ça doit être vérifié. Alors...

Mme Caron: Ce n'était pas ce que dit l'article, en tout cas. Je peux vous en fournir copie, là...

M. Rémillard: L'avez-vous? Mme Caron: C'est l'article 9.

M. Rémillard: Oui. Alors, je vais demander à Me Gauvin de... Je vais demander voir son interprétation.

Le Président (M. Dauphin): Me Gauvin.

Mme Gauvin (Francine): En fait, c'est l'article 9 de la Loi sur l'assurance automobile auquel vous référez, qui dit: «Lorsque l'accident a lieu au Québec, la victime qui ne réside pas au Québec a droit d'être indemnisée en vertu du présent titre, mais seulement dans la proportion où elle n'est pas responsable de l'accident, à moins d'une entente différente entre la Société et la juridiction du lieu de résidence de cette victime.» Donc, ceci laisse entendre qu'effectivement, si la victime d'un accident d'automobile non résidente du Québec est victime d'un accident au Québec, elle aura le droit d'être indemnisée dans la mesure où elle ne sera pas responsable de l'accident.

Mais il faut quand même comprendre, si vous me permettez, que le régime de l'assurance automobile est un régime de responsabilité sans faute. Alors, il était normal, je pense, de prévoir une indemnisation aux

personnes non résidentes qui seraient victimes d'accidents au Québec, puisque ces personnes n'auraient eu aucun recours contre l'auteur de l'accident d'automobile, ce qui n'est pas le cas pour une victime d'infraction criminelle, qui peut toujours avoir un recours en responsabilité civile en vertu des règles du Code civil, en réparation du préjudice. Elle n'est pas exempte de tout recours, alors qu'en matière d'assurance auto elle a un recours... elle n'a pas de recours, c'est-à-dire.

M. Bélanger: M. le Président, pourquoi un ajustement à la LFVAC? C'est justement parce qu'on s'est rendu compte que les recours potentiels qui pouvaient exister au niveau civil étaient illusoires et tout à fait futiles contre des criminels. Alors, ça, je pense qu'on parle en théorie, là, tandis qu'un recours... et je ne pense pas qu'on puisse parler d'un recours utile.

M. Rémillard: Oui. On parlait en matière automobile; on parlait en matière automobile. Si on parle en matière criminelle, M. le Président, le député d'Anjou touche un point sensible, parce qu'il ne faut pas oublier que, dans le projet de loi que nous avons, l'Etat devient subrogé dans les droits de la victime, hein? Donc, il y a possibilité pour l'État de prendre des recours contre le criminel.

Et de plus en plus on sait que, dans les pays européens comme en France, M. le Président, on dit: se porter partie civile. Il y a un crime, quelqu'un est poursuivi au criminel devant les tribunaux, oui, pour un crime, mais aussi la personne qui est victime d'un crime peut se porter partie civile. Ici, c'est toujours possible aussi, mais ça ne se faisait pas tellement souvent. Là, de plus en çlus, vous avez cette possibilité-là.

Évidemment, comme dit le député d'Anjou, ça peut être illusoire, dans le sens que, si vous avez des bandits notoires ou des gens qui n'ont pas un sou, des gens sans le sou, et que vous êtes attaqué sur la rue par quelqu'un qui n'a pas de résidence et qui n'a pas un sou pour vous payer, quand même que vous le poursuive-riez, ça ne donnerait pas grand-chose. Alors, c'est comme ça qu'on peut dire que, dans plusieurs cas, la poursuite, même si l'État est subrogé dans les droits de la victime, ça ne donne pas grand-chose en pratique. Mais c'est un droit, quand même, qui devrait de plus en plus être exercé.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Justement, au nom du principe du droit de la victime, moi, ce que j'ai de la difficulté à accepter, c'est que, pour un accident d'automobile, on va le faire indépendamment, là, de tout ce qui existe. Un. Québécois va aller à l'extérieur, va pouvoir utiliser sa carte d'assurance-maladie. Mais un acte criminel... Il pourrait y avoir la réserve que si, dans cet État-là ou dans cette province-là, il y a effectivement une couverture, bon, l'État québécois ne couvre pas.

Mais, s'il n'y en a pas, de couverture, est-ce qu'on pourrait, au moins, assurer cette protection-là? Et le nombre de cas n'est pas très élevé, vous l'avez mentionné vous-même, tantôt, là; c'est peu élevé. Est-ce qu'on pourrait au moins avoir cette protection-là? On le fait au niveau de l'assurance-maladie, on le fait pour l'assurance automobile, puis, pour un acte criminel, ça m'apparaît encore plus nécessaire de le faire.

M. Rémillard: Oui. Là, il y aurait aussi la question... Dans ce cas-là, il y aurait la question, M. le Président, de savoir quels sont les crimes qui sont couverts. Il faudrait que ce soit ce qui est un crime ici par rapport à ce qui est peut-être un crime dans le pays où ça a été commis. La violence conjugale — je prends cet exemple-là — ici, c'est un crime; ce n'est pas nécessairement un crime dans tous les pays. Il y aurait d'autres éléments, aussi, qu'on pourrait donner comme crimes, comme tels.

Maintenant, reste à voir ce que ça peut signifier. Est-ce qu'on connaît des lois qui ont ce précédent-là, qui mettent une telle disposition dans leurs dispositions? Est-ce que vous avez des précédents, Me Viens?

Mme Viens (Christine): Je pense que la Californie le fait.

M. Rémillard: La Californie l'a. Alors, est-ce qu'on pourrait regarder de plus près ce que la Californie fait? Ce n'est pas toujours bon de suivre ce que la Californie fait, mais on peut regarder de plus près cette possibilité-là et voir quelles seraient les conséquences. C'est-à-dire, si je comprends bien l'intervention de la députée de Terrebonne, ce serait dans les cas où il n'y a pas de lois locales qui peuvent indemniser la victime.

Mme Caron: C'est exactement ça, M. le ministre.

M. Rémillard: Alors, on va régarder ça. Le Président (M. Dauphin): Ça va? M. Bélanger: Toujours sur le même...

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Toujours sur le même article, je reprends ici les commentaires spécifiques du Barreau du Québec relativement à ce projet de loi là. Ce que le Barreau constate, c'est que, pour le titre I, plutôt dans le titre II, on ne retrouve aucun article qui prévoit l'indemnisation des dommages indirects, et on prévoit les dommages indirects dans le titre I. Comment peut-on expliquer ça? Est-ce que c'est un oubli? Pourquoi a-t-on déclaré des droits pour quelqu'un qui subit indirectement un dommage en vertu du titre I, et, quand on arrive au

titre il puis que c est le temps des indemnités, la personne qui a subi un dommage indirect, elle, n'a plus droit, à ce moment-là, à aucune indemnité?

M. Rémillard: Oui. Elle a le droit à une indemnité. Les proches, par exemple, qui sont des victimes indirectes, ont le droit à une indemnité. Quelqu'un qui assiste à un crime...

J'ai eu des cas assez pathétiques. Je me souviens de ce cas, dans un parc de Sherbrooke, où il y a eu un meurtre épouvantable d'un jeune. C'est un jeune de 15 ans qui a décidé qu'il prenait un couteau à la Rambo et qui est allé assassiner un jeune de 11 ans, avec sa petite s?ur de 14 ans qui était là. Et il y a deux femmes qui ont passé, puis qui ont vu la petite fille qui criait — son petit frère était après se faire assassiner à coups de couteau — deux dames assez âgées, une qui était même très âgée. Alors, l'autre qui était moins âgée un peu a couru et a essayé d'aller sauver le petit garçon, a eu même un coup de couteau elle-même. Et, finalement, cette dame qui a vu toute la scène, qui était âgée, qui a vu ça, a été traumatisée d'une façon incroyable. Et la petite soeur du petit garçon qui s'est fait poignarder a eu un traumatisme; elle est toujours suivie par les psychologues.

Alors, selon la loi qu'on a actuellement, tous ces gens qui n'avaient pas reçu le coup de poignard de ce jeune de 15 ans ne pouvaient pas être indemnisés, n'avaient pas d'indemnité possible. Mais on a dit: Ça n'a pas de bon sens, ça n'a pas d'allure! Parce que c'étaient des victimes d'un crime, eux aussi. Alors, donc, la loi change ça, et, lorsqu'on parle d'indirect, vous avez donc là une des conséquences de cet indirect, cet effet indirect. (21 h 10)

M. Bélanger: Mais, c'est parce qu'il y a quelque chose que je me demandais. C'est: Pourquoi on n'a pas repris tout simplement le même mode, là, de rédaction, de dire: Bon... Dans l'article 1, on dit: Est une victime quelqu'un qui subit directement ou indirectement un préjudice corporel, psychique ou matériel. Dans l'article 9.1°a, on parle: A droit aux indemnités, aux remboursements la victime qui subit un préjudice corporel ou psychique — paragraphe a — résultant directement de la perpétration au Québec d'une infraction criminelle. Pourquoi, à ce moment-là, n'a-t-on pas repris tout simplement «directement ou indirectement»? Est-ce qu'on a voulu limiter dans le titre II par rapport au titre I?

M. Rémillard: Mme Viens, avec votre permission, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Mme Viens.

Mme Viens (Christine): C'est que, en ce qui concerne l'indemnisation de la victime directe, c'est-à-dire la victime immédiate, tout le projet, lorsqu'on réfère à la victime, en ce qui concerne les indemnités de remplacement de revenus, notamment, concerne la victime directe.

Quant aux victimes indirectes, par exemple les proches et les personnes à charge, le conjoint, qui ont des indemnités spécifiques, des indemnités de décès, lorsqu'on y réfère, on réfère au conjoint et aux personnes à charge en relation avec la victime qui, elle, est la victime directe.

Alors, le titre II, au niveau des indemnités de remplacement du revenu, est réservé aux victimes directes. C'est la loi actuelle. C'est-à-dire, la victime immédiate reçoit les indemnités de remplacement du revenu. Et, quant aux victimes indirectes spécifiquement — les conjoints, les personnes à charge et les proches — elles ont des indemnités qui sont spécifiques, les indemnités de décès pour le conjoint et les personnes à charge, et les services de réadaptation pour les proches.

M. Bélanger: D'accord. Si on prend, je pense, l'exemple qu'on avait repris cet après-midi, la mère d'un enfant qui serait victime d'un acte criminel, donc qui subirait un traumatisme, c'est une personne qui serait comprise dans la définition de victime de la section I, du titre I, mais qui ne serait peut-être pas couverte dans le titre II.

Mme Viens (Christine): On la retrouverait au titre II, en tant que proche, au niveau des services de réadaptation.

M. Bélanger: Mais elle n'aurait pas le droit aux mêmes indemnités que la victime.

Mme Viens (Christine): Elle n'aurait pas droit à l'indemnité de remplacement du revenu, aux indemnités qui sont réservées à la victime directe.

M. Bélanger: D'accord. Donc, le Barreau n'a pas tout à fait tort quand il dit que, finalement, dans le titre II, on limite la définition de victime. En tout cas.

M. Rémillard: Ah oui! Oui, mais, ça, c'est compris. Tout à l'heure, Me Gauvin nous disait ça aussi. C'est que ce que vous avez dans l'article 1...

M. Bélanger: Oui.

M. Rémillard: ...ce sont des règles générales...

M. Bélanger: Oui.

M. Rémillard: ...et, ensuite, dans le titre II, vous avez du spécifique qui vient limiter, à certains égards, ou spécifier, à certains égards, les dispositions des principes de 1 à 8.

M. Bélanger: Je proposerais à la commission, peut-être, qu'on suspende l'adoption de l'article 1, en attendant d'avoir plus de précisions, là, relativement aux questions qu'on s'est posées quant aux données relatives aux droits des États voisins, et puis aussi quant à la

possibilité, je pense, qu'à soulevée la députée de Terre-bonne, là, relativement à un amendement possible pour inclure les cas de résidents québécois qui seraient victimes d'actes criminels hors du Québec, alors que la loi étrangère ne prévoit aucune protection.

Le Président (M. Dauphin): Alors, l'article 1 est suspendu jusqu'à plus amples informations. J'appelle l'article 2.

M. Rémillard: M. le Président, l'article 2 se lit comme suit: «La victime a le droit d'être traitée avec courtoisie, équité, compréhension et dans le respect de sa dignité et de sa vie privée.» Alors, cet article consacre le droit de la victime d'être traitée avec humanité, c'est-à-dire avec courtoisie, équité et compréhension, dans le respect de sa dignité et de sa vie privée. Et je dois dire, M. le Président, qu'il reprend le droit actuel et qu'il se réfère aussi, évidemment, au document des Nations unies, qui reprennent ces termes.

Le Président (M. Dauphin): Très bien. Questions, commentaires sur l'article 2?

M. Bélanger: Si on compare par rapport à ce qu'il y a dans la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels quel est le changement?

Le Président (M. Dauphin): C'est repris intégralement.

M. Bélanger: Ça a été repris intégralement, hein, c'est ça?

Le Président (M. Dauphin): Oui.

M. Bélanger: O.K.

M. le Président, la seule chose que je me demande relativement à cet article-là, c'est: Qu'est-ce que ça vient finalement rajouter relativement à ce qu'on retrouve déjà dans la Charte des droits et libertés ou...

M. Rémillard: C'est déclaratoife. M. Bélanger: C'est déclaratoire, oui.

M. Rémillard: C'est pour déterminer l'application de la loi. Si vous avez à l'interpréter, vous allez pouvoir vous référer à l'article 2, puis plaider devant le tribunal l'article 2.

M. Bélanger: D'accord. Ça va.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. J'appelle l'article 3.

M. Rémillard: L'article 3. «La victime a droit, dans la mesure prévue par la loi, à: «1° une indemnité raisonnable pour les frais encourus en vue de rendre témoignage; «2° la réparation ou à l'indemnisation, de façon prompte et équitable, du préjudice qu'elle subit; «3° la restitution, dans les meilleurs délais, de ses biens saisis, lorsque leur rétention n'est plus nécessaire pour les fins de la justice; «4° la présentation et à la prise en considération de son point de vue et de ses préoccupations à toute phase appropriée d'une procédure judiciaire, lorsque son intérêt personnel est en cause.»

M. le Président, cet article reconnaît à la victime, dans la mesure prévue par la loi, le droit de recevoir une indemnité raisonnable pour les frais encourus en vue de rendre témoignage, de recevoir rapidement et équita-blement réparation ou indemnisation des dommages subis, de se voir restituer les biens saisis dans les meilleurs délais et de voir ses points de vue présentés et examinés aux phases appropriées de toute procédure judiciaire. Il reprend, je dois dire, M. le Président, le droit actuel.

M. Bélanger: M. le Président, je reprends ici les commentaires du Barreau relativement à ce même article 3. Premièrement, on constatait que cet article 3, finalement, ne créait aucun nouveau droit. Bon, on reprend la disposition de l'ancienne loi. Mais le Barreau, aussi, faisait part que l'article 3, s'il est maintenu — à la page 6 de son mémoire — devrait reconnaître le droit, pour la victime qui réclame une indemnité ou une réparation, d'être avisée de l'existence des pouvoirs d'enquête reconnus au ministre et à ses enquêteurs. Entre parenthèses, on leur reconnaît les pouvoirs et l'immunité des commissaires nommés en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête. Une enquête peut être faite relativement à l'indemnisation, au remboursement des frais et à la réadaptation.

Alors, est-ce que je pourrais savoir quelle est la réaction du ministre suite à cette proposition du Barreau, cette recommandation du Barreau?

M. Rémillard: Ah, M. le Président, c'est que c'est strictement... Les remarques du Barreau ont été faites en fonction d'articles qui seraient exécutoires de droit. Or, ce sont des articles qui sont déclaratoires de droit. Je pense que toutes leurs remarques, toutes les remarques qu'ils ont faites, ils les ont faites en fonction d'un contexte qui n'est pas celui de la loi. Et, comme Me Gauvin nous l'expliquait tout à l'heure, et Me Viens a fait le même commentaire aussi, ce que nous voyons maintenant, ce sont les principes d'application, et l'article 3 est un article qui est particulièrement éloquent à ce niveau-là, et, par conséquent, l'application va suivre dans les autres titres de la loi. Mais ce sont des articles qui sont déclaratoires de droit. Voyez-vous, «la victime a droit, dans la mesure prévue par la loi — c'est déclaratoire de droit — à une indemnité raisonnable pour les frais encourus en vue de rendre témoignage».

Alors, ce sont ces principes, M. le Président, ces dispositions déclaratoires qui vont nous servir ensuite à

élaborer et à interpréter tout le reste de la loi. C'est là la technique de législation, et je dois dire que ce n'est pas étranger... En fait, c'est une disposition qui existe déjà, et ce n'est pas étranger au document des Nations unies, évidemment, qui reprend ces mêmes termes.

C'est comme ça, M. le Président, qu'on est arrivés à ce genre de rédaction.

Le Président (M. Dauphin): Ça va, M. le député d'Anjou?

M. Bélanger: Oui. Ça va.

Le Président (M. Dauphin): Adopté?

M. Bélanger: Oui, adopté. (21 h 20)

Le Président (M. Dauphin): J'appelle l'article 4.

M. Rémillard: L'article 4. Je reviens dans deux minutes.

Le Président (M. Dauphin): L'article 4, M. l'adjoint parlementaire au ministre de la Justice.

M. Kehoe: «La victime a également droit, aussi complètement que possible, d'être informée de: «1° ses droits et des recours qu'elle peut exercer pour les faire valoir; «2° son rôle dans le cadre de la procédure criminelle, de sa participation dans la procédure judiciaire et, lorsqu'elle en fait la demande, de l'état et de l'issue de celle-ci; «3° l'existence de services de santé et de services sociaux de même que de tout autre service d'aide ou de prévention propres à lui assurer l'assistance médicale, psychologique et sociale requise.»

Cet article reconnaît à la victime le droit à l'information sur ses droits et recours, sur son rôle dans le cadre du processus judiciaire, sur son état et sur l'issue des procédures judiciaires, sur l'existence de services de santé et de services sociaux, de même que sur d'autres services de nature à lui assurer toute l'assistance requise. Il maintient les droits actuels.

M. Bélanger: M. le Président, peut-être attendre le retour du ministre. J'aurais des questions spécifiques, peut-être, à lui...

M. Kehoe: II revient immédiatement.

M. Bélanger: On pourrait peut-être suspendre quelques minutes, en attendant son retour.

Le Président (M. Dauphin): On va suspendre deux minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 22)

(Reprise à 21 h 31)

Le Président (M. Dauphin): Alors, nous sommes toujours à l'article 4. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Avec la permission de la commission, j'aimerais, si c'est possible, revenir sur l'article 3. Il y a quelques points que je n'ai pas mentionnés au ministre. Je n'avais pas en ma possession le document tel qu'il avait été présenté par Plaidoyer-Victimes, cet après-midi; je n'avais qu'une version abrégée. Et il y a des recommandations qui étaient faites par l'organisme. Je pense que ce serait intéressant qu'on en discute et qu'on échange brièvement sur ces propositions-là.

M. Rémillard: Alors, je veux dire, évidemment, M. le Président, que même si on a adopté un article, quoi que ce soit, comme c'est toujours le cas dans les projets de loi de la Justice, on peut toujours revenir si on a oublié quelque chose ou quoi que ce soit. Ça ne cause pas de problème.

Le Président (M. Dauphin): Très bien. C'est que, sur le plan strict de la procédure, il faudrait le consentement de tous les membres et rouvrir l'article 3. Mais le ministre, déjà, dès le départ, nous assure de sa souplesse sur le plan de la procédure. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: J'étais tout à fait certain que cette souplesse nous était acquise comme dans le passé. C'est relativement aux droits qui sont reconnus par l'article 3 du projet de loi. L'organisme Plaidoyer-Victimes suggérait des droits supplémentaires qui devraient être ajoutés à cette nomenclature pour que ce soit plus complet, en particulier le droit d'être informé sur demande de l'état de son dossier relativement à une personne qui est victime d'acte criminel. Le droit aussi d'être rencontré et entendu lorsqu'une demande est faite pour une indemnisation. Alors, ce sont, en particulier, ces deux points-là. Je voudrais savoir: Est-ce que ça a été évalué par le ministre de rajouter ces deux...

M. Rémillard: Les deux... Le sixième point? C'est ça, vous dites... Le deuxième, que vous nous mentionnez, c'est quoi?

M. Bélanger: C'est le droit d'être rencontré et entendu lorsque la victime en fait la demande. Finalement, la règle audi alteram partem.

(Consultation)

M. Rémillard: Je me demandais où je l'avais vu. Si vous lisez l'article 4...

M. Bélanger: Oui.

M. Rémillard: Je pense que ça vaudrait la peine

qu'on lise l'article 4 pour voir si ce n'est pas compris, ces deux dispositions-là, dans l'article 4. Alors, voyez-vous, l'article 4 se lit comme suit: «4. La victime a également droit, aussi complètement que possible, d'être informée de: «1° ses droits et des recours qu'elle peut exercer pour les faire valoir; «2° son rôle dans le cadre de la procédure criminelle, de sa participation dans la procédure judiciaire et, lorsqu'elle en fait la demande, de l'état et de l'issue de celle-ci; «3° l'existence de services de santé et de services sociaux de même que de tout autre service d'aide ou de prévention propres à lui assurer l'assistance médicale, psychologique et sociale requise.»

(Consultation)

M. Bélanger: De par ma compréhension, M. le Président, de cet article 4, je pense que ce qui est suggéré ici, qu'on rajoute à l'article 3, n'est pas inclus dans l'article 4. Je pense que c'est un peu plus vaste, c'est-à-dire qu'on demande tout simplement à une personne de pouvoir avoir l'information sur l'état de son dossier, savoir où il est rendu, ou l'état, la progression de son dossier. Alors, je pense que c'est l'essentiel de la recommandation qui est faite par l'organisme Plaidoyer-Victimes. Je ne pense pas que ça soit inclus dans le 4.

M. Rémillard: Dans le 4? M. Bélanger: Oui.

M. Rémillard: II me semble que oui. Regardez, si vous prenez le premier... Il demande le droit d'être informé sur l'état dé son dossier, hein?

M. Bélanger: Oui.

M. Rémillard: La première chose.

M. Bélanger: Oui.

M. Rémillard: Alors, le droit d'être informé, vous le retrouvez à 4, de son dossier, si vous prenez 4.2°, troisième phraséologie: «lorsqu'elle en fait la demande, de l'état et de l'issue de celle-ci». Alors, l'état de la procédure judiciaire.

M. Bélanger: Judiciaire. M. Rémillard: ...comme tel. M. Bélanger: Oui.

M. Rémillard: Alors, est-ce que ça ne comprend pas, en même temps, l'état, donc, de son dossier?

M. Bélanger: Je ne crois pas.

M. Rémillard: On me fait des signes de tête négatifs, mais je vais demander à notre légiste, Me Gauvin, de...

Mme Gauvin (Franchie): Si je comprends bien...

Le Président (M. Dauphin): Me Gauvin.

Mme Gauvin (Francine): Oui, si je comprends bien la préoccupation de Plaidoyer-Victimes, c'est de s'assurer que la victime ait l'information concernant son dossier d'indemnisation, sa demande d'indemnisation.

M. Bélanger: C'est ça, et non pas relativement au dossier qui pourrait être ouvert...

Mme Gauvin (Francine): ...à la procédure criminelle.

M. Bélanger: ...contre l'auteur des dommages.

Mme Gauvin (Francine): C'est ça. Alors, concernant son dossier d'indemnisation, c'est un dossier qui est détenu par l'administration publique, et, comme tout autre dossier détenu par l'administration publique, l'accès à l'information est prévu à la loi sur l'accès à l'information. Donc, la personne pourra faire une demande d'accès à son dossier et, en même temps, obtenir toutes les informations dont elle a besoin, tant sur la nature des informations qui sont contenues au dossier que sur le cheminement de celui-ci.

M. Rémillard: Mais, Me Gauvin, est-ce que vous voyez un inconvénient à inclure, au cinquième paragraphe, «le droit d'être informé sur l'état de son dossier»? Est-ce que vous voyez un inconvénient à ça, de le mettre dans le 3? Je ne vois pas d'inconvénients. Alors, peut-être que Mme Viens pourrait nous en parler? Nous en parler, M. le Président, avec votre permission.

Le Président (M. Dauphin): Me Viens.

Mme Viens (Christine): Effectivement, l'article 4, le paragraphe 2° traite de la procédure judiciaire. J'ai bien compris la préoccupation. Je pense qu'il n'y a pas d'inconvénients. En fait, je ne vois aucun inconvénient de droit ou de pratique au fait qu'une victime, qui fait une demande à PIVAC pour savoir l'état de son dossier, qu'elle soit informée. Je pense que, si elle le fait, certainement que les gens doivent lui répondre. Je ne vois pas de problèmes...

M. Rémillard: Je pense qu'on pourrait avoir un amendement. Je vais demander aux légistes de le regarder très attentivement, mais on pourrait l'ajouter. Est-ce qu'on pourrait faire la même conclusion en ce qui regarde le droit d'être rencontré et entendu?

Mme Viens (Christine): Si vous me permettez, en ce qui concerne la LIVAC, le droit de présenter ses observations est bien reconnu à l'article 133, où on dit: «après avoir donné au réclamant l'occasion de présenter ses observations» en matière de révision. Donc, ici, il est spécifiquement prévu que le réclamant pourra présenter ses observations au niveau de l'indemnisation.

M. Bélanger: Oui, mais présenter ses observations, ma compréhension, ça peut être par écrit tout simplement. Ce n'est pas nécessairement le droit à une audition, à la personne physiquement de venir présenter ses points de vue ou sa... Présenter, là, en tout cas, moi, ma compréhension, c'est présenter ses observations. Ça peut être une lettre, tout simplement, qui est envoyée pour dire... Je pense que c'est plus clair, là, le droit d'être entendu, tout simplement. Puis, ça rejoindrait, je pense, une règle de justice naturelle qu'on retrouve dans plusieurs tribunaux administratifs.

M. Rémillard: Oui, mais il faudrait peut-être le regarder de plus près, parce qu'il faut faire attention. Mon inquiétude est celle-ci: c'est que je ne voudrais pas...

M. Bélanger: Alourdir.

M. Rémillard: ...non plus, judiciariser. C'est ça. Je ne voudrais pas rendre le processus trop lourd. Dans la mesure où vous mettez une telle disposition, je ne voudrais pas qu'on se retrouve avec les avocats, avec tout le processus, créer une instance. Je voudrais qu'on soit... Il faut faire bien, bien attention là-dessus. Moi, ce que je vous propose, c'est que je le fasse regarder par les légistes, puis on pourrait revenir et en discuter, mais il faudrait faire attention. Le droit d'être rencontré et entendu, moi, ma première réaction, c'est d'être très sympathique à ça. Je voudrais simplement pouvoir l'étudier en fonction des autres articles, entre autres, en ce qui regarde 132 et 133.

M. Bélanger: Un autre point, je pense, aussi, qui mérite peut-être l'attention de cette commission, c'est l'obligation que Plaidoyer-Victimes voudrait qu'on ait d'informer les victimes sur le processus de révision et d'appel, de même que l'obligation de leur fournir toute l'assistance nécessaire pour s'y préparer. D'abord, je peux comprendre que toute l'assistance nécessaire pour s'y préparer, là, on arrive dangereusement dans peut-être... C'est presque un système d'aide juridique parallèle, c'est-à-dire, qu'est-ce que c'est, toute l'assistance juridique pour se préparer? Mais je me demandais si, quand même, de donner l'information sur le processus de révision et d'appel, c'est-à-dire faire en sorte que les gens soient au courant des recours qui leur sont disponibles, est-ce que ça ne pourrait pas être enchâssé, d'une façon ou d'une autre? Une façon large, comme principe. (21 h 40)

M. Rémillard: II y a toujours 127. Regardez l'article 127: «La décision du ministre doit être motivée et être communiquée par écrit au réclamant. Elle comporte la mention de son droit d'en demander la révision et du délai pour lui présenter sa demande.» On me souligne aussi l'article 134: «La décision en révision doit être motivée et être communiquée par écrit au réclamant. Elle comporte la mention de son droit d'interjeter appel de cette décision à la Commission des affaires sociales et du délai pour en appeler.» Alors, c'est les éléments d'information qui sont là.

M. Bélanger: Je pense aussi que, ce qui est visé, ce n'est pas nécessairement les motifs d'une décision, mais c'est plutôt le fait, pour une personne qui, à partir du moment qu'elle connaît l'existence de la LIVAC, se présente pour faire une réclamation, c'est qu'on lui donne un peu, comme on donne pour un policier, finalement, l'obligation de déclarer les droits élémentaires de la personne. C'est-à-dire, est-ce qu'on ne peut pas, d'une certaine façon, donner un aperçu, au moins donner l'essentiel de l'information des recours qui sont à la disposition de la personne qui veut faire appel à la LIVAC, savoir quels sont le genre... Je ne sais pas. Je comprends qu'on ne peut pas aller dans le détail, mais on ne peut pas non plus se lier par rapport à ça. Mais je pense que ça pourrait être un principe fondamental intéressant; je veux dire faire en sorte que chaque personne a le droit de recevoir l'information élémentaire quant aux droits de réclamation qu'elle a relativement à la LIVAC.

M. Rémillard: Est-ce que 4.1 ° ne couvre pas ça? «4. La victime a également droit, aussi complètement que possible, d'être informée de: «1° ses droits et des recours qu'elle peut exercer pour les faire valoir.»

M. Bélanger: Oui, je pense que vous avez raison.

M. Rémillard: Je pense que ça...

M. Bélanger: Oui.

M. Rémillard: ...ça comprend ça.

Le Président (M. Dauphin): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Simplement pour compléter sur le droit d'être rencontrée et entendue lorsqu'elle en fait la demande. Lorsqu'on regarde les lois sur la santé et sécurité au travail, la Loi sur l'assurance automobile, la sécurité du revenu, dans les dossiers de révision, sur le formulaire lui-même et dans le texte de loi, c'est indiqué, la personne doit cocher si elle veut être entendue. Elle a ce droit d'être entendue. Alors, on a déjà les précédents dans ces autres lois.

M. Rémillard: Oui, ça existe dans plusieurs lois. C'est, comme le disait le député d'Anjou tout à l'heure, la règle audi alteram partem. La seule chose que je me dois de vérifier, avant de conclure, c'est de vérifier auprès des légistes les conséquences face à 133, 134 et 127, voir quelle relation il peut y avoir, et les conséquences juridiques là-dessus; simplement ça. Parce que, parfois, quand on met ces règles, ça donne le droit de se faire accompagner d'un avocat, d'avoir tous les moyens pour faire valoir ses droits et, là, on se retrouve dans un processus énorme. C'est ce qu'avait fait, par exemple, pour vous donner un exemple, la commission des droits et libertés, qu'on a réformée, à un moment donné. C'est parti comme ça. On a été obligé, à un moment donné, de la réformer parce qu'on avait monté un système tellement lourd, incroyable, et c'était parti comme ça. Alors, je veux juste voir toutes les conséquences que ça peut amener, mais je vous dis qu'aux prochaines séances on reviendra.

Mme Caron: Dans le cas de la sécurité du revenu, je sais pertinemment que, dans la plupart des dossiers, c'est la personne elle-même qui est entendue. Elles ont la possibilité d'être représentées, par exemple, mais, dans la plupart des cas, ce sont les personnes elles-mêmes qui se font entendre.

M. Rémillard: Mais je me demande si sécurité du revenu, à l'article 76... on dit qu'elle a droit de faire valoir son point de vue.

Mme Caron: Oui, oui.

M. Rémillard: Article 76. Ce n'est pas être entendu.

Mme Caron: Mais, sur le formulaire... M. Rémillard: Oui. Mme Caron: .. .parce que je l'ai. M. Rémillard: ...le formulaire, oui.

Mme Caron: Ça fait 14 ans que je vois des formulaires de révision d'aide sociale, autant comme attachée politique que comme députée, et vous avez la case: «Je désire être entendu en audition», et vous pouvez cocher ou vous pouvez être représenté. Même chose sur le formulaire pour l'assurance automobile.

M. Rémillard: Parce que, ça, c'est une autre façon de faire; «faire valoir son point de vue», c'est peut-être une autre formulation.

Mme Caron: Mais, sur le formulaire, c'est vraiment indiqué: «Je désire être entendu».

M. Rémillard: Mais, dans la loi, on dit: «faire valoir son point de vue». Je vais le faire regarder par les légistes. Me Gauvin, vous allez regarder ça avec Me Viens, et puis vous nous en reparlerez.

Alors, la conclusion sur cet article 3, en fonction, donc, des remarques que nous avons eues de Plaidoyer-Victimes, M. le Président, nous pouvons donc conclure que l'article 3 pourrait inclure un cinquième paragraphe, qui serait le droit d'être informé sur l'état de son dossier. Quant au sixième, en ce qui regarde le droit d'être rencontré et entendu, il est sujet à vérification auprès des légistes pour faire des interrelations avec d'autres articles.

Le Président (M. Dauphin): Très bien. Non. Nous avions rouvert l'article 3; nous étions à l'article 3.

M. Rémillard: Alors, est-ce que...

Le Président (M. Dauphin): Alors, nous retournons à l'article 4. Nous revenons, plutôt, à l'article 4.

M. Rémillard: Alors, je comprends que l'article 3 est suspendu...

Le Président (M. Dauphin): Suspendu. M. Rémillard: ...et qu'on revient à l'article 4. (Consultation)

M. Rémillard: Alors, l'article 4, M. le Président, je l'ai déjà lu. Est-ce que vous voulez que je le relise? Je peux le relire.

Le Président (M. Dauphin): Non. Il a été lu déjà deux fois. Votre adjoint l'a lu une première fois; vous, une deuxième fois.

M. Rémillard: Excusez-moi.

Le Président (M. Dauphin): Je ne croirais pas qu'on exige une troisième lecture.

M. Bélanger: M. le Président, dans cet article 4, je prends note, là, des remarques du Barreau, qui soumet que l'expression «aussi complètement que possible», ce n'est pas un genre d'expression qui est coutumier dans la rédaction législative, surtout quand on déclare, bon, des droits généraux, là, finalement, ou des droits fondamentaux qui sont précisés ou limités par la suite. Pourquoi, déjà, mettre, dans cette déclaration de principe là, l'expression «dans la mesure du possible»?

M. Rémillard: Alors, M. le Président, on sait que c'est le texte actuel. Alors, ce n'est pas parce que c'est dans le texte actuel qu'on doit le reproduire nécessairement, mais je vais voir si ça ne vient pas du texte

des Nations unies aussi. On va regarder. Parce qu'on sait que le texte actuel a été fortement inspiré du texte des Nations unies; très fortement inspiré.

(Consultation)

M. Rémillard: Alors, M. le Président, c'est les reliquats du document des Nations unies, mais ce n'est pas une raison qui nous amène à conclure qu'on ne peut rien faire. De fait, moi aussi, ça m'agace, ces termes: «aussi complètement que possible». J'aimerais mieux le faire voir, aussi, par les légistes; aussi, voir si on pourrait le faire enlever, et ce que ça peut signifier. (21 h 50)

M. Bélanger: M. le Président, ce dont on a peur, au niveau des organismes, au niveau de Plaidoyer-Victimes en particulier, c'est qu'on se serve, finalement, de cette expression pour justifier, des fois, des cas où l'information ne soit pas donnée, justement, en disant: Bon, bien, ce n'était pas possible. On donne ici un exemple où, justement, c'est possible de donner une information où on ne la donne pas. C'est le fait que, quand une victime rédige une demande auprès de la... en vertu de cette loi-là, cette demande écrite est, par la suite, transmise aux services correctionnels et fait partie du dossier — il semblerait, tout au moins — qui peut, par la suite, servir pour déterminer l'exigibilité à la libération conditionnelle. Or, la victime ne sait pas, au moment où elle rédige ce rapport, cette déclaration où elle met tous les détails du crime dont elle a été la victime, elle ne sait pas que, cette information-là, ça va la suivre. C'est par écrit, ça va se retrouver dans le dossier correctionnel, ça va rester là, ça va être accessible aux gens qui travaillent auprès des... au niveau du service correctionnel. Je pense que ce serait important que, quand la personne rédige ce rapport-là, elle soit consciente du fait que, bon, ce qu'elle écrit, ça va rester, puis ça va circuler à certains endroits. Je pense que c'est important, en tout cas, que cette information-là soit disponible à la victime.

M. Rémillard: Avec votre permission, Me Viens aimerait ajouter un commentaire, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Très bien. Me Viens.

Mme Viens (Christine): Nous sommes informés de cette préoccupation de l'Association québécoise plaidoyer-victimes, notamment en ce qui concerne la déclaration de la victime — c'est de ça que vous parlez — où la victime, effectivement, remplit une déclaration écrite sur les conséquences du crime, qui est par la suite transmise au tribunal. Nous avons pris note de cette remarque et de cette préoccupation, qui ont été exprimées par Plaidoyer-Victimes, et, dans les formulaires de la déclaration de la victime, les nouveaux formulaires, il sera fait mention de cette possibilité, pour les services correc- tionnels, d'avoir en main la déclaration, de sorte que la victime pourra faire ses choix en conséquence.

Alors, cette préoccupation peut recevoir une application d'une façon concrète. Des mesures seraient prises pour que, lorsqu'elle remplit le formulaire de déclaration de la victime, une note soit sur le formulaire, que ce soit carrément indiqué sur le formulaire, ce qui se passe avec la déclaration et où elle peut se retrouver.

M. Bélanger: Si je comprends bien, vous dites que la victime aura le choix. Est-ce qu'elle va avoir réellement un choix relativement à la circulation de ce document-là, ou, tout simplement, on va l'informer que ce document-là va circuler? Est-ce que c'est ça que vous dites? Il va y avoir une information, tout simplement, qui l'avise que le document qu'elle signe va circuler, c'est tout?

Mme Viens (Christine): C'est ça.

M. Bélanger: C'est ça? Est-ce que je comprends qu'un avocat qui irait dans les plumitifs criminels d'un palais de justice, est-ce que cette déclaration-là se retrouve dans des dossiers criminels?

Mme Viens (Christine): C'est que la déclaration est déposée au tribunal. À partir de ce moment, elle fait partie du dossier de la cour.

M. Bélanger: Donc, elle est accessible à n'importe qui, finalement.

Mme Viens (Christine): C'est-à-dire qu'elle...

Le Président (M. Dauphin): Oui, Me Viens, allez-y.

Mme Viens (Christine): Elle n'est pas facilement accessible, en ce sens qu'elle est mise dans une chemise à part, au même titre que le rapport présentencie!. Mais il s'agit d'une pièce qui est au dossier et qui fait partie du dossier de la cour.

M. Bélanger: Est-ce qu'elle peut être consultée par quiconque ou uniquement par un praticien?

Mme Viens (Christine): Si une personne veut obtenir une information au dossier de la cour, elle pourra l'obtenir, mais disons que...

M. Bélanger: C'est public, donc.

Mme Viens (Christine): ...d'une façon concrète, ce n'est pas rendu... c'est tenu à part avec les «exhibits» de façon à ne pas nécessairement le laisser dans le dossier de la cour, puis... Mais il s'agit d'une déclaration qui est déposée au tribunal au même titre que le témoignage que la victime pourra faire.

M. Bélanger: Mais, justement, il n'y aurait pas moyen de prévoir qu'une fois que le tribunal s'est servi de cette déclaration-là ce soit peut-être retourné à la commission? De ne pas laisser, justement, ce genre de déclaration... parce que c'est public. Je comprends que c'est classé — pour avoir pratiqué — dans des plumitifs, qu'il faut être un peu initié pour savoir comment en obtenir une copie, que ce n'est pas Mme ou M. Tout-le-Monde qui peut savoir comment en obtenir une copie. Mais, si je comprends bien, n'importe qui qui veut vraiment faire la démarche, qui va demander conseil auprès de quelqu'un qui est le moindrement familier avec les tribunaux, peut trouver le moyen de mettre la main sur ce document et le voir. C'est ça, si je comprends bien? Parce que, quand ces gens-là signent ça, ils racontent en détail, en général, la façon dont ils ont été victimes d'un acte criminel. Je peux comprendre que dans certains cas d'actes criminels, comme un vol de sac à main, même avec blessure, ce n'est pas si mal que ça. Mais, dans le cas d'un acte criminel à connotation sexuelle, je peux comprendre que c'est un peu plus gênant, peut-être, de voir ce genre de document là se retrouver par écrit, et de se retrouver accessible au public. Ça ne vous préoccupe pas un peu?

Mme Viens (Christine): Le problème, en somme, est le suivant: C'est qu'à partir du moment où les dossiers de la cour... La règle générale en matière criminelle, c'est la publicité des procédures; les dossiers, les pièces de la cour sont admissibles, en fait, sont accessibles. Alors, c'est pourquoi cette préoccupation, pour la victime qui aurait des craintes ou des réticences, on comprend qu'il faut qu'elle soit informée de ce fait, de façon à ce qu'elle puisse faire ses choix en conséquence.

M. Bélanger: Oui. Mais, pour suivre votre raisonnement, il y a certains documents qui sont disponibles. Je comprends que, pour avoir le droit à une défense pleine et entière, il est important, disons, que l'avocat de l'accusé ait accès à tous les documents qui pourraient être utilisés en preuve dans un procès ou, en tout cas, qui pourraient être pris en considération. Ça, je comprends ça. C'est tout à fait normal.

Mais, justement, comme communication de la preuve, quand il y a une communication de la preuve qui se fait au criminel, l'avocat peut voir certains documents, mais ne peut pas en prendre possession. Certains documents ne sont pas, comme tels, publics. Il peut les voir uniquement à un moment donné, lors de la communication de la preuve, et ils ne seront pas disponibles à un autre moment. Je me demande si, cette information privilégiée, on ne pourrait pas faire ça, faire quelque chose en cette sorte. Ce ne serait pas possible, ou est-ce que ça a été envisagé?

Mme Viens (Christine): En ce qui concerne la communication de la preuve, les arrêts récents de la Cour suprême font en sorte que les avocats de la défense auront accès à tous les documents. Ça a été une de nos préoccupations à l'égard de la déclaration de la victime, une préoccupation réelle, puisque, effectivement, la victime pourrait ne pas souhaiter nécessairement que l'accusé ait en main sa déclaration. Mais les règles du droit criminel nous obligent à faire en sorte que l'accusé ait en main, s'il le souhaite et s'il en fait la demande, absolument toute la preuve de la couronne.

M. Rémillard: On se souvient de toute l'histoire concernant les trousses médicales et tout ce que ça peut vouloir dire. Il y a un dévoilement complet de la preuve.

M. Bélanger: Je ne suis pas très familier, je le reconnais, avec le droit criminel, pour n'avoir pratiqué que quelques mois, mais je me souvenais de ça. C'est pour ça que je me demandais tout simplement cette question-là.

Mme Viens (Christine): Oui.

M. Bélanger: Alors, vous me dites, finalement, que c'est suite à un arrêt pour se conformer à une jurisprudence de la Cour suprême. C'est ça?

Mme Viens (Christine): C'est ça. C'est l'arrêt Stinchcombe. Mais, par la suite, effectivement, il y a quelques années, alors que je pratiquais moi-même à Montréal comme substitut du Procureur général, la communication de la preuve n'était peut-être pas aussi... Elle existait, c'est vrai; vous avez raison. Le député d'Anjou a raison lorsqu'il dit que, la défense, on lui montrait les documents. On ne donnait pas nécessairement très librement des photocopies. Maintenant, avec l'arrêt Stinchcombe...

M. Bélanger: On donne des photocopies de tout.

Mme Viens (Christine): La défense a accès à toute la preuve.

M. Bélanger: D'accord.

M. Rémillard: Si vous me permettez, M. le Président, c'est une règle qui est établie. J'ai donné comme instruction, comme Procureur général, à tous les substituts de dévoiler toute la preuve avant de débuter un procès. Toute la preuve est dévoilée à la défense, sans aucune limite. Ça, c'est une règle, pour nous, qui est sacrée.

M. Bélanger: Mais est-ce que ce document, au niveau de la portée légale — là, c'est vraiment une information que je voudrais avoir — est-ce que ce document-là a une portée légale et peut être utilisé carrément dans un procès, soit pour confronter une victime relativement à son témoignage? Quelle est la portée légale d'un tel document? Ou est-ce que c'est uniquement au niveau de la sentence que ça a un certain impact?

M. Rémillard: Au niveau du prononcé de la sentence, M. le Président, c'est évident que ça peut avoir des conséquences importantes.

Le Président (M. Dauphin): Alors, mesdames, messieurs, si vous me permettez, nous allons ajourner nos travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 heures)

Document(s) associé(s) à la séance