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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mardi 8 mars 1994 - Vol. 32 N° 73

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le régime d'aide juridique et sur le document intitulé « L'aide juridique au Québec: une question de choix, une question de moyens »


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Parent): J'invite les députés à prendre place à leur siège. La commission permanente des institutions poursuit ses travaux en regard de l'étude de la Loi sur l'aide juridique. Les travaux ont débuté il y a déjà une semaine. Nous avons déjà entendu plusieurs groupes. Une cinquantaine d'organismes encore restent à être entendus. Alors, nous allons poursuivre nos travaux ce matin. Avant de débuter, Mme la secrétaire, pourriez-vous nous dire si nous avons quorum?

La Secrétaire: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Parent): Alors, si nous avons quorum, je déclare ouverte cette séance de travail et je vous rappelle à chacun, à toutes et à tous, le mandat de cette commission, qui est de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur le régime d'aide juridique et sur le document intitulé «L'aide juridique au Québec: une question de choix, une question de moyens».

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Paradis (Matapédia) remplace Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata); M. Lemire (Shawinigan) remplace M. Hamel (Sherbrooke); M. Gobé (LaFontaine) remplace M. Maciocia (Viger); M. Ménard (Laval-des-Rapides) remplace M. Godin (Mercier).

Organisation des travaux

Le Président (M. Parent): Je vous remercie. Je vous propose immédiatement l'ordre du jour pour la journée. Ce matin, à 10 heures, l'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidenté-e-s du Québec; de 11 heures à midi, la Fondation pour l'aide aux travailleuses et aux travailleurs accidenté-e-s; à midi, nous allons suspendre, pour reprendre après la période des affaires courantes pour entendre la Confédération des syndicats nationaux, la CSN; de 16 heures à 17 heures, en principe, s'il n'y a pas de décalage dans l'horaire, le Réseau des avocats — UTTAM et l'Association des avocats de pratique privée en matière de santé sécurité du travail; de 17 heures à 18 heures, SOS Fonds juridique; suspension à 18 heures, pour reprendre de 20 heures à 21 heures pour entendre Au Bas de l'échelle; et, de 21 heures à 22 heures, l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration. Est-ce que quelqu'un veut proposer l'adoption de l'ordre du jour? Adopté? Merci, M. le député de Chapleau.

Alors, j'invite le premier groupe, l'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidenté-e-s du Québec, à prendre place à l'avant. Et on me dit que les porte-parole sont Mme Liane Flibotte et M. Philippe Poisson. C'est bien ça?

Mme Flibotte (Liane): C'est bien ça.

Le Président (M. Parent): Madame, monsieur, bienvenue et merci beaucoup d'avoir répondu à l'invitation de la commission parlementaire pour venir aider l'Assemblée nationale à mieux connaître vos préoccupations concernant l'aide juridique.

Alors, je vous rappelle les règles qui régissent cette commission. Vous avez une heure. On a une heure pour dialoguer entre nous: environ 20 minutes réservées à votre présentation et 20 minutes aussi qui seront réservées aux députés ministériels et aussi aux députés de l'Opposition. Je pense que l'important d'une commission comme celle-là, ce n'est peut-être pas de s'asseoir sur les règles de procédure, mais de tâcher de discuter et de dialoguer d'une façon franche entre nous de façon à ce que les travaux de la commission progressent.

Alors, nous allons procéder comme ceci. Je vais vous inviter dans quelques minutes, madame ou monsieur, à faire votre présentation. Après ça, je vais inviter le ministre de la Justice, responsable de ce dossier, à faire son intervention et, après ça, bien, on ira avec le porte-parole de l'Opposition officielle. J'en profite aussi pour souligner parmi nous la présence de M. le président de la Commission des services juridiques, qui est avec nous.

Alors, madame, nous vous écoutons.

Auditions

Assemblée des travailleurs et travailleuses accidenté-e-s du Québec (ATTAQ)

Mme Flibotte (liane): Merci. Alors, évidemment, notre mémoire étant relativement volumineux, on vous présente ce matin un résumé et on pourra aller, comme vous le disiez, un peu plus loin lors des échanges dans la deuxième et la troisième partie de cette séance-là.

Alors, l'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidenté-e-s du Québec est un regroupement qui existe depuis 1981 et qui regroupe une douzaine d'associations de victimes de lésions professionnelles à travers le Québec, et ce, dans différentes régions. Alors, on a des groupes qui proviennent de la région de Montréal, de l'Estrie, de la Mauricie, du Centre du Québec, de Jolimont, Petit-Brandon, la Matawinie, le

Saguenay—Lac-Saint-Jean, la région du Grand Gaspé, la région de l'Amiante, etc. Donc, on est des groupes là... On regroupe des groupes qui sont dans différentes régions du Québec.

Les organisations qui sont membres de l'ATTAQ sont en contact régulier avec des travailleurs et des travailleuses qui doivent abandonner ou même sacrifier les droits qui leur sont pourtant reconnus dans différentes législations, mais, parce que ces personnes-là n'ont pas droit à l'aide juridique, elles doivent les abandonner, et surtout parce qu'elles n'ont pas non plus les revenus leur permettant d'avoir recours aux services d'un avocat. De plus, on assiste depuis quelques années à l'accroissement du nombre de citoyens et de citoyennes qui doivent aussi abandonner leurs droits pour les mêmes raisons, parce qu'il leur est impossible de les faire valoir et de les faire respecter.

Alors, face à ce triste constat-là, on ne peut qu'approuver le ministre de la Justice de vouloir réviser le régime d'aide juridique, et ce, particulièrement sous son angle d'accessibilité. On doit toutefois souligner que cette volonté du ministre survient, à notre avis, fort tardivement et que la lecture du document «L'aide juridique au Québec: une question de choix, une question de moyens» ne nous a pas convaincus de l'intention du gouvernement d'opérer cette réforme-là dans le meilleur intérêt des citoyens et des citoyennes du Québec. Alors, on profite évidemment de la présente commission parlementaire pour vous faire valoir notre point de vue sur les différentes questions. On ne prétend pas répondre à toutes les questions qui ont été «adressées» dans le document du ministre de la Justice. Cependant, on pense qu'à l'intérieur de notre mémoire on jette les balises principales et les principes fondamentaux sur lesquels un régime d'aide juridique digne de ce nom devrait reposer.

Évidemment, quand on regarde la question du régime d'aide juridique, il est assez difficile de ne pas parler des clientèles admissibles et des bénéfices accordés. Je pense que, avec tous les travaux qui ont été faits autour du régime d'aide juridique, on n'a plus besoin de disserter très longuement sur le fait que l'état actuel de notre régime d'aide juridique fait en sorte que l'accès à la justice est compromis pour un nombre grandissant de citoyens et de citoyennes. En effet, le nombre déjà restreint de personnes qui avaient accès à l'aide juridique en 1972, lors de la création du régime, n'a cessé de diminuer depuis ce moment-là. Alors, une telle régression dans la possibilité qu'ont les citoyens et citoyennes de faire valoir et respecter leurs droits est, selon nous, indéfendable dans une société qui prétend vouloir défendre les intérêts des moins bien nantis. Alors, on doit, dans cette perspective-là, aborder nécessairement l'incontournable question des seuils d'admissibilité.

Alors, compte tenu du peu de personnes encore admissibles à l'aide juridique et, aussi, compte tenu du fait qu'on accueille positivement la possibilité de rendre une plus large partie de la population admissible à l'aide juridique, nous demandons au ministre d'agir rapidement afin d'augmenter substantiellement les seuils d'admissibilité au régime. À ce chapitre-là, nous retiendrons l'hypothèse de 120 % du MGA qui constitue, à notre avis, dans le document du ministère, un plancher acceptable. On comprend qu'avec ce critère-là retenu on ferait en sorte qu'une personne seule qui aurait des revenus qui ne seraient pas supérieurs à 20 000 $ par année soit admissible à l'aide juridique. On comprendra qu'une personne seule avec un revenu brut de 20 000 $ par année, une fois logée, nourrie, transportée, vêtue, n'a pas les moyens de recourir aux services des professionnels du droit.

En plus de cette augmentation substantielle au niveau des seuils d'admissibilité, on pense qu'on doit réinstaurer le principe injustement abandonné, à notre avis, de l'indexation annuelle des barèmes d'admissibilité. Donc, on pense qu'il est important qu'on retourne à cette formule-là et qu'elle soit maintenue pour le futur.

Cependant, on ferait une exception aux principes généraux qu'on vient d'établir au niveau des seuils d'admissibilité, et ce serait en matière d'accidents et de maladies du travail. Vous comprendrez que c'est notre domaine d'intervention spécifique. On soutient que la seule augmentation des seuils d'admissibilité en cette matière serait insuffisante et on réclame du gouvernement du Québec la formation d'un régime où on aurait un accès universel et gratuit à tous les services juridiques nécessaires au règlement des litiges en matière d'accidents et de maladies du travail. (10 h 20)

Les coûts de ce programme-là devraient, bien sûr, être, à notre avis, assumés par les employeurs. Cette revendication-là repose sur trois éléments fondamentaux, le premier étant, comme vous le savez tous et toutes dans vos bureaux de comté, l'inégalité des forces en présence dans un combat autour de la question d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle. Je pense que n'importe qui qui fait un examen honnête de la question se rend compte que les travailleurs et les travailleuses ont des moyens un peu moins importants que ceux dont disposent la CSST et leurs employeurs.

Deuxièmement, il faut comprendre qu'en matière de lésions professionnelles, le combat qui est mené par les citoyens et citoyennes est souvent un combat à deux contre un, c'est-à-dire que la CSST, lorsqu'elle intervient en matière d'indemnisation, intervient habituellement devant les tribunaux pour défendre les intérêts de l'employeur, ce qui est normal parce que, au fond, elle partage les mêmes intérêts que cet employeur-là, c'est-à-dire celui de ne pas payer. Donc, l'accidenté se retrouve souvent devant le tribunal face à deux parties, bien souvent représentées par avocat.

Et, troisièmement, on pense que cette revendication repose sur le principe fondamental voulant que les employeurs doivent être responsables des conséquences des lésions professionnelles. Et une des conséquences des lésions professionnelles, dans le régime d'indemnisation qu'on s'est donné, est la nécessité d'une représentation devant les tribunaux. On aura l'occasion de revenir un peu plus sur cette question-là, mais il est important de

savoir qu'on n'est pas en tram d inventer la roue en présentant une chose comme ça. C'est des choses qui existent, entre autres, en Colombie-Britannique, au Manitoba, en Ontario et au Nouveau-Brunswick. Donc, c'est peut-être une chose à laquelle on n'est pas habitué, mais c'est quelque chose qui existe. On n'a pas inventé la roue avec cette revendication-là bien qu'on la porte depuis 1981.

Au niveau des facteurs à considérer lors de l'analyse de l'admissibilité — c'était une question qui était abordée dans le document du ministre — on considère que l'ensemble de la situation économique d'une personne doit être considéré. On ne tient pas ici à faire une liste exhaustive de toutes les choses qui doivent être considérées, mais, pour illustrer un peu notre pensée, prenons l'exemple d'une personne qui a des frais de médication très importants à cause d'une maladie ou des frais de transport très importants à cause d'un handicap. On considère que, lors de l'admissibilité, ces différents facteurs-là devraient être tenus en compte.

Au niveau de la période de référence à retenir pour savoir si une personne est admissible à l'aide juridique ou pas, le ministre, dans le document, semblait examiner deux possibilités, soit la situation actuelle du réclamant au moment où il demande accès à l'aide juridique ou la question du revenu annuel. Ce qu'on demande au ministre, c'est qu'il retienne concurremment ces deux critères-là et qu'on fasse en sorte qu'on déclare une personne admissible à l'aide juridique si elle rencontre un de ces deux critères. On juge aussi, finalement, que le pouvoir discrétionnaire des corporations d'aide juridique doit être maintenu dans cette matière-là parce qu'il a été très utile par le passé et il nous a aussi permis de défendre des dossiers types qui ont pu profiter à plusieurs citoyens et citoyennes engagés dans des combats similaires.

On voudrait terminer cette partie sur le principe de la gratuité des services pour les personnes admissibles. Dans le document du ministère, on était à même de constater que le ministre de la Justice semblait tenter d'exiger des bénéficiaires de l'aide juridique une contribution sous une forme ou sous une autre. Alors, à ce point de vue là, on veut être très clairs; on pense qu'il est de l'essence même du régime que les services accordés aux bénéficiaires le soient à titre gratuit.

On s'oppose également à l'imposition d'un ticket modérateur et on veut ici réfléchir sur la chose. C'est-à-dire qu'un ticket modérateur est quelque chose qui vise, par définition, la modération des abus, et je pense qu'il faut comprendre qu'il n'y a pas d'abus en matière d'aide juridique et que le mécanisme d'analyse d'admissibilité vérifiant s'il y a apparence de droit est d'ailleurs là pour s'en assurer. Donc, on pense que l'idée d'un ticket modérateur dans le régime d'aide juridique est une idée à abandonner. De plus, on pense que l'imposition d'un tel ticket modérateur ou de frais d'ouverture de dossier pourrait nuire au travail de prévention qui est fait par des bureaux d'aide juridique et qui est, à notre sens, utile et pertinent.

M. Poisson (Philippe): Je vais continuer pour la suite du document, pour les deux prochaines parties du document. Alors, on a...

Le Président (M. Parent): M. Poisson.

M. Poisson (Philippe): Oui. On a abordé la question de l'admissibilité. A notre avis, une autre question qui est en lien direct avec l'admissibilité, c'est la question de l'étendue de la couverture de l'aide juridique. En effet, l'étendue de la couverture des services d'aide juridique, à notre avis, est une question tout aussi importante que celle de l'admissibilité. À quoi il servirait d'élargir l'admissibilité à l'aide juridique si ce régime même devenait une coquille vide et si l'élargissement de l'admissibilité dont ont besoin les citoyens et les citoyennes n'était plus couvert?

À notre avis, il n'y a pas de petits et de grands droits et, si le législateur a jugé bon de les créer, c'est qu'ils ont tous leur utilité. Et tout régime d'aide juridique qui se respecte doit minimalement viser à ce que toute personne admissible puisse exercer chacun de ses droits.

Actuellement, la Loi sur l'aide juridique garantit aux personnes admissibles tous les services requis afin que celles-ci puissent faire valoir leurs droits, quel que soit le domaine du droit touché. Nous croyons nécessaire de maintenir cette couverture intégralement. Les personnes moins bien nanties doivent avoir accès à tous les services juridiques nécessaires à l'exercice et au respect de leurs droits, et ce, dans tous les domaines du droit. Nous sommes donc d'avis que la valeur du service juridique demandé, tout comme la valeur du droit revendiqué, ne devrait jamais être invoquée comme motif pour exclure une personne des bénéfices du régime d'aide juridique.

Comme ma collègue le disait tout à l'heure, il y a un volet prévention au régime d'aide juridique. La loi actuelle prévoit la couverture de services d'information et de consultation juridiques, et nous sommes d'avis qu'il faut les maintenir. Ces services de prévention sont aussi utiles et nécessaires que les mesures préventives en matière de santé publique, de sécurité publique ou de santé-sécurité au travail, et il faut que ce soit maintenu afin qu'on se retrouve devant les tribunaux pour régler les litiges.

Une autre question qui, à notre avis, est très importante, c'est le droit d'être représenté par un avocat ou par une avocate. Alors, le droit à la représentation par un avocat ou une avocate devant tout tribunal est reconnu par le droit québécois depuis fort longtemps, notamment par la Charte des droits et libertés de la personne. Nous trouvons outrageant que le ministre de la Justice se questionne sur l'opportunité de maintenir ce droit pour certains bénéficiaires de l'aide juridique.

Le ministre remet en cause le droit de bénéficier de l'aide juridique lorsque la personne est présumément en mesure d'assurer sa défense et de faire valoir ses droits elle-même. Comment peut-on s'assurer qu'une

personne peut se défendre elle-même quand on sait qu'il est fortement recommandé aux juristes, et ce, par les facultés de droit et par le Barreau du Québec, de ne pas assurer leur propre représentation lorsqu'ils sont parties à un litige? Comment peut-on expliquer qu'une personne n'ayant aucune formation juridique puisse assurer sa propre représentation alors qu'une personne possédant une telle formation ne le serait pas? Dans un litige à caractère juridique, qui peut prétendre pouvoir assurer sa propre défense? On vous le demande. La seule personne pouvant répondre à cette question, à notre avis, c'est la personne elle-même, et il est donc indispensable qu'il en revienne à la personne en cause de choisir si elle a besoin ou non d'un avocat ou d'une avocate.

Une autre des question abordées par le ministre nous touche de façon très particulière. Il s'agit de la représentation devant les bureaux n'exigeant pas que le procureur soit membre du Barreau du Québec. En effet, en matière de lésions professionnelles ou de santé-sécurité au travail, une partie peut se faire représenter par la personne de son choix. Bien qu'il ne soit pas nécessaire d'être représenté par un avocat ou une avocate devant les tribunaux administratifs ayant juridiction en ces matières, il est rare de voir des auditions où il n'y a pas d'avocats et d'avocates impliqués. Face à l'accidenté, il y a à peu près toujours soit l'avocat ou l'avocate de l'employeur, soit celui ou celle du contentieux de la CSST, soit les deux.

Bien sûr, comme c'est le cas pour les accidentés, la loi n'oblige pas l'employeur et la CSST à se faire représenter par un avocat ou une avocate, mais, dans les faits, les juristes sont omniprésents devant ces tribunaux. Dans ce contexte, refuser aux victimes d'accidents et de maladies du travail le droit à l'aide juridique sous prétexte que la représentation par des non-juristes est permise équivaudrait,à un déni de justice. En effet, les employeurs et la CSST continueraient, comme ils le font déjà, à se payer des juristes spécialisés des grands bureaux afin d'écraser les victimes d'accidents et de maladies du travail. Comme le disait ma collègue, l'inégalité des parties en présence est déjà assez grande sans qu'on diminue encore davantage le peu de moyens dont disposent les travailleurs et les travailleuses.

En respectant la Charte des droits et libertés, nous croyons fermement que le régime d'aide juridique doit absolument continuer de couvrir toute personne admissible devant tout tribunal. (10 h 30)

Nous sommes aussi favorables au maintien de l'article 69 de la Loi sur l'aide juridique tel qu'il est actuellement. Une personne admissible à l'aide juridique doit pouvoir continuer de bénéficier du régime d'aide juridique lorsque l'objet principal du litige vise l'obtention d'un montant d'argent. Toutefois, nous nous opposons à tout élargissement du champ d'application de cet article-là qui pourrait viser et y inclure tous les cas où une somme d'argent peut être associée au litige. Dans une grande partie du droit social comme, par exemple, l'aide sociale, l'assurance-chômage, l'assurance automobile et les accidents du travail, la reconnaissance d'un droit donne souvent accès à une prestation monétaire. Refuser à ces personnes qui répondent aux critères d'admissibilité le droit de se faire payer les frais des services juridiques requis uniquement parce qu'elles peuvent toucher un montant d'argent si elles gagnent leur cause nous semble contredire l'objectif du régime qui, rappelons-le, vise à assurer l'accessibilité à la justice aux personnes à faible revenu.

Au niveau de l'organisation du régime actuel, l'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidenté-e-s du Québec constate que le régime d'aide juridique québécois est fondé sur le libre choix par les bénéficiaires d'un avocat ou d'une avocate, ce qui comprend la possibilité de choisir entre des juristes provenant soit du réseau public d'aide juridique, soit des cabinets privés, et nous croyons que ce principe-là doit être maintenu.

Au niveau de la structure même de l'aide juridique, il semble que les questions du ministre ne sont pas très explicites à cet égard, et nous percevons, dans plusieurs d'entre elles, une remise en question du réseau public d'aide juridique. Et, afin d'éviter toute ambiguïté, nous serons clairs. L'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidenté-e-s du Québec est contre tout démembrement, à plus ou moins long terme, de notre réseau public d'aide juridique au profit des cabinets privés. Le réseau public est un acquis sur lequel les moins bien nantis de notre société doivent pouvoir compter. Nous sommes aussi d'avis que les structures décentralisées actuelles des corporations régionales d'aide juridique doivent être maintenues car ces structures respectent davantage la spécificité de chaque région et elles permettent aux citoyens et citoyennes de faire valoir leurs préoccupations.

On croit que la structure actuelle du régime fonctionne et, à notre avis, de façon convenable. Évidemment, rien n'empêche d'y apporter des modifications visant à l'améliorer. Si la volonté du ministre de la Justice est de créer deux volets à l'intérieur du réseau public d'aide juridique actuel, en maintenant la qualité du service, nous ne nous y opposons pas. Si le ministre désire plutôt créer, parallèlement au réseau public actuel, qui serait maintenu, un nouveau réseau public spécialisé dans le domaine du droit social, par exemple, qui serait formé des cliniques juridiques communautaires où des avocats ou des avocates pourraient travailler avec des travailleurs et des travailleuses juridiques communautaires, comme il existe en Ontario, nous n'avons rien contre. Cependant, une chose est claire: quelle que soit la structure retenue, le droit d'être représenté par un avocat ou une avocate doit être maintenu.

Le questionnement du ministre laisse aussi place à une troisième formule, et notre impression est qu'il est dans son intention de privilégier cette approche. Cette formule consisterait en une structure formée par les cliniques d'aide juridique actuelles, qui auraient la tâche de s'occuper de tous les domaines du droit où la représentation est de juridiction exclusive des avocats et avocates, accompagnée d'une structure parallèle formée

d'organismes communautaires et populaires, qui seraient chargés d'informer, de conseiller, d'assister les bénéficiaires dans leurs démarches auprès des tribunaux où la représentation n'est pas du ressort exclusif des membres du Barreau. En somme, il y aurait création d'une espèce de réseau parapublic formé d'organismes communautaires redevables à la Commission des services juridiques.

Le Président (M. Parent): Je vais vous prier d'accélérer un petit peu. On va prendre une minute et demie, deux minutes. On n'est pas à cheval trop, trop sur ça, mais il s'agit de...

M. Poisson (Philippe): O.K.

Le Président (M. Parent): Très bien.

M. Poisson (Philippe): Cette dernière formule-là, pour les associations d'accidentés du travail, on se sent très concernés par cette formule car notre champ d'intervention se situe justement dans un domaine du droit où la pratique, la représentation, n'est pas du ressort exclusif des avocats ou avocates.

On croit nécessaire de rappeler que le fondement des associations d'accidentés du travail n'est pas d'offrir des services, mais plutôt de promouvoir, de défendre les intérêts et les droits des victimes d'accidents et de maladies du travail. Bien sûr, ces associations-là offrent certains services d'information, de conseil et de représentation aux membres et aux travailleurs non syndiqués, services qui sont d'excellente qualité. Toutefois, nous tenons à signifier clairement que nous ne sommes pas disposés à voir nos organisations se joindre à un réseau parapublic communautaire d'aide juridique. Nous n'avons jamais été, nous ne serons pas et nous ne désirons pas devenir des bureaux d'avocats populaires.

Mme Flibotte (Liane): Peut-être la dernière chose qu'on pourrait...

Le Président (M. Parent): Dépêchez-vous, Mme Flibotte.

Mme Flibotte (Liane): Oui.

Le Président (M. Parent): Allez.

Mme Flibotte (Liane): Pardon. Peut-être que la dernière chose qu'on pourrait aborder ensemble, c'est la question de la tarification. Certaines personnes pourraient être portées à croire que la question de la tarification des services juridiques, c'est, finalement, une question exclusivement économique, une question de revenus pour les avocats et les avocates de pratique privée et une question de dépenses pour l'État. On pense, à l'ATTAQ, que c'est, au contraire, un aspect déterminant pour les bénéficiaires de l'aide juridique. En matière de droit administratif particulièrement — et c'est le domaine du droit dont nous discuterons maintenant — les honoraires versés aux avocats et aux avocates de pratique privée sont très peu respectueux du travail exécuté.

À titre d'exemple, en matière d'accidents de travail et de maladies professionnelles, un avocat ou une avocate qui se présentera devant le Bureau de révision paritaire, soit le premier palier d'appel, recevra un montant total de 262 $, et ce, pour tout le travail exécuté depuis le début du dossier. La tarification a donc des conséquences sérieuses parce qu'elle affecte le nombre d'avocats et d'avocates qui sont disposes à représenter les victimes de lésions professionnelles sur des mandats d'aide juridique. Elle remet également en cause l'abandon des services juridiques charitables qui a eu lieu en 1972, lors de la naissance du régime, parce que, de demander à des professionnels du droit de travailler à ces tarifs, c'est, au fond, leur demander de faire la charité.

Et le principe aussi qu'on risque d'attaquer, c'est qu'un client sur un mandat d'aide juridique doit voir son dossier recevoir autant de soins et d'attention qu'une personne solvable dans la pratique privée, et, évidemment, à ces tarifs-là, même avec la meilleure volonté du monde, on peut douter de la qualité à long terme du travail. Et, en plus, on pense que cette approche-là met en péril la gratuité des services reçus. Alors, on estime que, pour les victimes, une situation comme ça est intenable et qu'elle doit être corrigée rapidement. Alors, dans ce contexte, on ne peut qu'appuyer la revendication des avocats et avocates de pratique privée d'être mieux rémunérés pour les services juridiques qu'ils et elles rendent aux bénéficiaires d'aide juridique en droit administratif. Il s'agit là de revendications justes et légitimes des avocats et avocates et qui vont également dans le sens des intérêts des bénéficiaires, comme nous l'avons dit. Nous voulons que ce litige entre les juristes de pratique privée et l'Etat soit réglé rapidement afin que les bénéficiaires d'aide juridique que le régime prétend servir évitent d'en faire les frais.

Le Président (M. Parent): Alors, je vous invite à conclure, là.

Mme Flibotte (Liane): Oui. Alors, on invite le ministre, sur cette question-là, à agir rapidement de façon à augmenter substantiellement les tarifs versés en matière de droit administratif.

Alors, on salue positivement la volonté du ministre d'agir dans le cadre de la loi de l'aide juridique de façon à bonifier le régime. On s'oppose cependant à ce que ça se fasse en sacrifiant la couverture actuelle ou les personnes admissibles actuellement, et on pense que la réforme n'a pas besoin d'être aussi gigantesque que toutes les questions qu'on a regardées dans le document du ministère, mais qu'on doit se concentrer principalement sur une augmentation substantielle des seuils d'admissibilité et sur une augmentation substantielle de la tarification en matière de droit administratif.

Le Président (M. Parent): Merci, madame. Et,

sur ce, je reconnais M. le ministre de la Justice. M. le ministre.

(10 h 40)

M. Lefebvre: Merci, M. le Président, député de Sauvé, tout nouveau président de la commission des institutions, que je veux saluer. M. le Président, Mme Flibotte, M. Poisson, je veux, dans un premier temps, vous saluer à mon tour, vous souhaiter la bienvenue à cette commission parlementaire qui en est une de consultation. Vous remercier, dans un premier temps, d'avoir soumis un mémoire qui touche une question qui est fondamentale, évidemment: le recours des accidentés du travail. Et je crois que c'est vous, tout à l'heure, Mme Flibotte, qui avez fait référence au fait que des députés, quotidiennement ou presque, ont effectivement rencontré des accidentés du travail qui sont en discussion avec la CSST. Vous avez raison, on en rencontre régulièrement. Je pense qu'il n'y a pas une journée de bureau dans nos comtés — particulièrement dans les régions rurales, mais également dans les grands centres urbains — où on n'a pas devant nous un travailleur qui est en butte à la très difficile démarche qu'on doit faire à la CSST. Vous avez raison là-dessus, madame. Et je veux vous remercier d'avoir soumis un mémoire qui, essentiellement, votre mémoire... pas se limite, mais, essentiellement, porte sur le problème du travailleur en discussion avec la CSST. Vous traitez évidemment d'autres sujets qui touchent le régime, mais votre point de vue sur certains aspects du régime est moins précis, et je comprends. D'ailleurs, je dois vous indiquer que la plupart des intervenants se limitent, pour l'essentiel, aux points de vue qui touchent leur organisme. Et merci d'être là aussi, ce matin, pour expliciter ce qui est contenu dans votre mémoire.

Je voudrais, dans un premier temps, vous rappeler, et c'est fondamental et extrêmement important, que le document qui a été soumis par mon prédécesseur, M. Rémillard, en est un de questionnement. C'est un document de questionnement; ce n'est pas la position de l'ex-ministre de la Justice. Ce n'est pas non plus la position du gouvernement du Québec ni la position de celui qui vous parle. Vous savez, de façon globale et générale, on reconnaît que le système d'aide juridique au Québec est un des meilleurs, sinon le meilleur au Canada. Si on met en parallèle la couverture des services versus la gestion, la structure du régime, on reconnaît que c'est à peu près le meilleur régime d'aide juridique, au Québec. Il y a évidemment un questionnement qui m'apparaît être extrêmement légitime sur le seuil d'admissibilité. Mais, quant au reste — c'est d'ailleurs à peu près ce que vous dites dans votre document — on a un bon régime d'aide juridique, mais tout est perfectible.

Vous savez, le régime, il est en place depuis 1973, et, jamais à date, il a été, depuis, questionné à fond quant à l'ensemble du régime d'aide juridique, et c'est à cet exercice-là qu'on a convié les différents intervenants. Ça, je veux que vous soyez rassurés là-dessus: ce n'est pas, le document, une position du gouvernement.

Cependant, il faut s'interroger sur la couverture des services. Il faut s'interroger également sur la judicia-risation qu'on a, au cours des années, développée au Québec quant à la démarche de différents intervenants au niveau des tribunaux de droit commun comme des tribunaux de droit administratif. On a peut-être trop judiciarisé la démarche, et il faut se questionner là-dessus. Plusieurs intervenants nous ont dit: Mettez un peu plus... Axez votre démarche de réévaluation du régime, entre autres, sur l'information. On nous dit qu'il y a peut-être un problème d'information au niveau des justiciables. Parce qu'il y a un problème d'information, ça débouche souvent sur une procédure de judiciarisa-tion, avec la conséquence que ça comporte: Fembourbe-ment de nos tribunaux, que ce soit au niveau pénal ou criminel ou en toute autre matière. Il faut également s'interroger sur des points, quant à moi, assez importants que sont les frais d'expertise et le coût du régime dans son ensemble. la proposition que vous nous faites quant au rehaussement du seuil d'admissibilité à 120 % du maximum des gains admissibles, j'imagine que vous avez fait un calcul, ne serait-ce que global, mais sans, évidemment, avoir une évaluation professionnelle. mais, globalement, si vous l'avez évaluée en gros, ça voudrait dire une augmentation, quant au coût du régime, de plus ou moins 68 000 000 $. c'est énormément d'argent, lorsqu'on sait... et je regardais ce matin dans le journal de québec, il y a eu une conférence de presse dont vous faisiez partie, je crois, votre groupe... peut-être pas, peut-être pas, mais il y a des... alors: «l'aide juridique devrait être davantage accessible», selon des groupes de pression devant la commission parlementaire. alors, il y avait des organismes tels que la ligue des droits et libertés, la csn, le mouvement action-chômage, etc. il y a beaucoup d'éléments, qui apparaissent dans le texte, que vous avez soulevés de façon différente ce matin. dans le texte du journaliste roberge, on l'indique: le système d'aide juridique a coûté plus ou moins, l'an passé, 110 000 000 $ là. alors, votre suggestion de hausser le seuil d'admissibilité, ça déboucherait sur une dépense de plus ou moins 68 000 000 $. vous suggérez, en plus, d'augmenter les honoraires des avocats. alors, ça s'ajouterait, évidemment, aussi aux coûts additionnels.

Ces remarques préliminaires étant faites, je voudrais, dans un premier temps, vous demander votre avis sur les frais d'expertise, parce que, en matière de... lorsque vous êtes confrontés, au nom de vos travailleurs, à la CSST, vous avez, vous le savez, besoin, presque toujours, pour des cas graves et sérieux, d'avoir des expertises médicales. Est-ce que vous considérez qu'on devrait évaluer la possibilité de tarifer, tout comme on le fait à l'intérieur du régime d'aide juridique... Les avocats, les notaires ont des tarifs très, très précis. Est-ce qu'on devrait se pencher sur cette proposition qui nous est faite par certains organismes de tarifer l'expertise, qu'elle soit médicale ou de tout autre ordre?

Mme Flibotte (Liane): Sur cette question-là... Comme vous avez remarqué, dans le mémoire de l'ATTAQ là, on n'a pas abordé la question. Je pense qu'il serait intéressant de se pencher sur la question, ce qui ne veut pas dire que j'appuie, par mon propos, l'idée que ce soit une bonne idée. Mais je pense que, effectivement, c'est une question qui mérite réflexion et qui mérite qu'on l'explore. Ceci dit, bon, une fois l'exploration faite, l'ATTAQ pourra se prononcer à sa faveur ou à sa défaveur, mais je pense que c'est une question qui mérite d'être explorée.

M. Lefebvre: Je vous rappelle, Mme Flibotte, que, l'an passé, à l'intérieur du régime d'aide juridique, on a consacré, là, plus ou moins S 500 000 $ aux coûts d'expertises. À la page 7 de votre document, vous indiquez clairement que vous êtes contre toute contribution du bénéficiaire. Alors, vous avez, en même temps également, dans votre exposé — c'est vous, M. Poisson — indiqué qu'il y avait des suggestions émanant du Barreau du Québec. Avez-vous fait référence au Barreau du Québec? Vous savez que le Barreau du Québec a une suggestion qui se divise en trois ou quatre volets là, mais qui parle, entre autres, de permettre au citoyen à revenu moyen de pouvoir bénéficier du régime d'aide juridique, mais pas au même titre que le plus démuni. Le Barreau du Québec suggère, et d'autres organismes également, qu'on puisse, à partir de certains niveaux, demander aux bénéficiaires de contribuer financièrement au régime. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus? Je comprends que, dans votre document, vous dites: On est...

Mme Flibotte (liane): Bien, c'est la même opinion que je vais vous répéter. Je pense que le mémoire est assez clair: on s'objecte à toute contribution des bénéficiaires de l'aide juridique pour les services qu'ils reçoivent. On pense que c'est de l'essence même du régime que les services fournis soient gratuits. Maintenant, la question du seuil d'admissibilité, vous serez le mieux placé pour en décider et en assumer les conséquences, mais la position du mémoire de l'ATTAQ est très claire: nous nous opposons à toute contribution des bénéficiaires du régime d'aide juridique.

M. Lefebvre: Est-ce que vous en faites une question de principe?

Mme Flibotte (Liane): Oui, absolument.

M. Lefebvre: Mais, au point de vue strictement pratique, si on voulait permettre à plus de monde, particulièrement la classe moyenne, d'avoir accès au régime, est-ce que vous ne pensez pas qu'on devrait l'évaluer de façon différente pour un travailleur qui serait à 37 000 $, 38 000 $ par année — puis je ne suis pas en train de vous dire que c'est un salaire extraordinaire, là —un revenu de 37 000$ ou 38 000$ par année versus le travailleur qui, lui, gagnerait beaucoup moins, c'est-à-dire plus ou mois 18 000 $ ou 19 000 $, est-ce qu'on ne devrait pas imaginer une possibilité d'une approche différente et, entre autres, le volet contributoi-re, une participation financière quelconque du bénéficiaire à revenu moyen?

Mme Flibotte (Liane): Je vais vous répondre la même chose. C'est une question que vous pouvez explorer, mais la question, pour nous, c'est vraiment une question de principe et on pense que la pratique doit parfois se conformer au principe. On s'objecte à toute contribution.

M. Lefebvre: Ça, c'est une réponse d'avocate, ça. C'est une bonne réponse.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Flibotte (Liane): Je ne suis pas avocate.

M. Lefebvre: Alors, vous en faites une question de principe, mais vous seriez...

Mme Flibotte (Liane): Voilà!

M. Lefebvre: Ce que je comprends, c'est que vous ne seriez pas rébarbative à ce qu'on l'évalue?

Mme Flibotte (Liane): Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je dis qu'on s'y oppose, en principe, mais que vous êtes responsable de ce que vous décidez d'évaluer ou pas...

M. Lefebvre: O.K.

Mme Flibotte (Liane): ...et de vivre avec après. Ha, ha, ha! (10 h 50)

M. Lefebvre: D'accord. D'accord. Vous insistez beaucoup sur la représentation par avocat. Est-ce que vous croyez que l'avocat doit être impliqué dans la démarche — et on parle toujours d'un cas de CSST — du début à la fin de la démarche du bénéficiaire, c'est-à-dire à partir des premières discussions avec la CSST jusqu'à la représentation, s'il y a lieu, devant les commissaires? Est-ce que vous considérez que l'avocat doit être impliqué du début à la fin?

Mme Flibotte (Liane): Je pense que, quand on revendique le maintien du droit à l'avocat, ça ne veut pas nécessairement dire qu'on prône que toutes les victimes de lésions professionnellement soient nécessairement représentées par un avocat ou une avocate. On pense qu'il y a des gens qui n'ont pas nécessairement une formation en droit, mais qui ont une expérience en matière de représentation depuis des années et qui peuvent faire un travail de toute aussi bonne qualité qu'un membre du Barreau ou qu'une membre du Barreau.

Cependant, ce dont on se rend compte dans les

cas d'accidents et de maladies du travail, c'est qu'un dossier qui est mal parti devient de plus en plus compliqué. Alors, à cet égard-là, je pense qu'il est important que ce soit un avocat ou que ce soit une personne du choix de l'accidenté...

M. Lefebvre: Qualifiée, une personne qualifiée.

Mme Flibotte (Liane): ...une personne qualifiée, qui est en mesure de bien conseiller et de bien supporter le travailleur ou la travailleuse dans ses démarches. Je pense que, effectivement, oui, c'est utile que la personne soit là des le début parce que, quand on part mal, habituellement, on ne finit pas très bien dans ces dossiers-là.

M. Lefebyre: À la page 11 de votre mémoire, Mme Flibotte, vous discutez de l'application de l'article 69 et vous semblez être inquiète sur l'intention qu'on aurait de modifier l'application de l'article 69. J'aimerais que vous donniez quelques explications sur votre inquiétude là.

Mme Flibotte (Liane): Bien, c'est un peu ce qu'on présente dans le mémoire. C'est-à-dire que, en matière de droit social, quand on voit un droit reconnu, ce droit-là est souvent matérialisé dans une prestation monétaire. Alors, on reconnaît qu'on a eu un accident de travail, cela nous donne droit à une indemnité de remplacement de revenu. Donc, c'est une indemnité monétaire. Et, ce dont on voulait s'assurer, c'est que le ministre n'étende pas le champ d'application en disant: Bon, bien, maintenant, tout le droit social qui donne accès à une prestation monétaire...

M. Lefebvre: Oui, je comprends. Je comprends, madame.

Mme Flibotte (Liane): Alors, c'était le... M. Lefebvre: D'accord.

Mme Flibotte (Liane): C'était le but de notre préoccupation.

M. Lefebvre: Je vous interromps parce que je veux garder encore quelques minutes pour vous revenir avec M. Poisson tout à l'heure. Et je laisse à mes collègues de l'Opposition officielle le soin, maintenant, de vous poser leurs propres questions.

Le Président (M. Parent): Merci, M. le ministre. Je ne sais pas si c'est à titre de président de la commission des institutions ou membre d'une famille où je suis le seul homme, ou père d'une avocate, mais je vous souligne que, aujourd'hui, c'est le 8 mars, Journée internationale des femmes. Alors, je pense que la commission des institutions se doit de souligner l'effort des femmes et leur implication dans le système de justice et juridique du Québec. À cet effet, j'ai reçu, il y a quelques instants, une proposition de Mme la députée de Terrebonne que je juge recevable et que mes collègues acceptent aussi, et je vous demande de nous en faire part, Mme la députée.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, je souhaite que soit faite la motion suivante: Qu'en cette Journée internationale des femmes, nous soulignions de manière particulière le travail des femmes qui oeuvrent, d'une façon ou d'une autre, à promouvoir une plus grande accessibilité à la justice et de toutes celles qui, par leurs actions quotidiennes, contribuent à instaurer une justice égale pour tous et toutes.

Le Président (M. Parent): Merci. Mme la députée. Bravo, madame! Mme la députée de Terrebonne, je vous reconnais.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Mme Flibotte, M. Poisson, merci beaucoup pour votre présentation. Comme votre mémoire est effectivement très précis sur un sujet particulier, nous allons profiter de votre présence pour questionner davantage sur ce sujet particulier.

Dans le document de travail du ministère, on retrouvait qu'en 1991-1992, du côté des accidents du travail, il y avait eu 2649 dossiers, 2649 dossiers admis. Et ça, c'est uniquement les dossiers admis au niveau de l'aide juridique. Quand on pense à l'ensemble des dossiers qu'on retrouve dans ce secteur, c'est assez impressionnant. Et, pour moi, l'objectif du gouvernement doit être toujours de judiciariser le moins possible, c'est-à-dire d'essayer de prévenir et de régler, le plus possible, les problèmes à la source. C'est aussi une façon d'économiser de l'argent et d'obtenir, souvent, une satisfaction plus grande aussi de la part des personnes qui... le processus étant tellement long avant d'arriver au bout du processus du tribunal administratif que la personne, même si, en bout de compte, ses droits sont reconnus, a eu le temps de perdre, effectivement, beaucoup avant d'en arriver là. Est-ce que vous pensez qu'il y aurait des efforts à faire, compte tenu que vous connaissez bien le domaine, pour une meilleure application de la loi? Est-ce que vous pensez que la loi n'est pas suffisamment bien appliquée directement quand les décisions sont prises à la source, ou si c'est, finalement, des changements importants qui doivent être apportés à cette loi-là pour que, justement, il y ait une meilleure justice qui soit rendue dès le départ?

Le Président (M. Parent): Madame.

Mme Flibotte (Liane): Alors, on parle de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles?

Mme Caron: Oui.

Mme Flibotte (Liane): O.K. Je pense que, en

tout cas, pour les personnes qui étaient là en 1985, quand la loi a été adoptée, ces personnes-là se souviendront que l'ATTAQ n'était pas très chaude à l'idée de l'adoption d'une telle loi. Je pense qu'il peut y avoir certaines choses très mineures organisées sur le plan administratif de l'appareil, mais je pense qu'il y a des choses à questionner fondamentalement dans cette loi-là qui nécessiterait, pour une transformation de la réalité, des amendements législatifs sérieux, des amendements législatifs qu'on réclame depuis des années, d'ailleurs, entre autres, que les employeurs n'aient plus le droit de contester en matière médicale. Évidemment, cela ferait en sorte qu'il y aurait un petit peu moins d'appels et de chicanes juridiques sur ces questions-là. C'est quelque chose qu'on a défendu à l'époque et qu'on est prêts à redéfendre n'importe quand, mais ce serait un des moyens par lesquels on pourrait éventuellement régler, en tout cas, au moins un aspect important de la judiciari-sation sur toutes les questions médicales dans le cadre de la LATMP.

Mme Caron: Je vous remercie. Donc, sur les deux plans... Parce que, ce qui se passe, autant pour la CSST, on le retrouve dans les autres tribunaux administratifs aussi, et je pense que, là aussi, il y aurait des changements à apporter: autant des choses mineures, comme vous dites, au niveau de l'organisation, mais aussi des changements sérieux au niveau des lois.

Est-ce que vous croyez, Mme Flibotte ou M. Poisson, quand vous avez dit... Bon, j'ai bien compris là: gratuité, donc gratuité des services, d'ouverture, et tout ça. Lorsqu'il y a de l'argent en cause, par exemple, lorsqu'on utilise l'article 69 là, est-ce que, lorsqu'il y a des montants d'argent qui sont obtenus, est-ce que vous croyez qu'à ce moment-là ce serait correct de réclamer le remboursement des frais de l'aide juridique quand les sommes sont considérables?

Mme Flibotte (Liane): c'est justement ce à quoi on s'oppose dans notre mémoire, c'est de dire: on ne veut pas qu'en matière de droit social le champ d'application de l'article 69 soit étendu. et on pense que, bon, les gens qui... dans le fond, ce qu'il faut comprendre, c'est que, quand les gens se retrouvent devant les tribunaux, c'est des droits qu'ils se voient reconnaître et ce n'est pas des montants d'argent. on se fait reconnaître le droit à l'indemnité de remplacement de revenu et non pas le montant qui s'y rattache. on se voit reconnaître 3 % d'atteinte permanente et non pas le montant qui s'y rattache. et je pense que c'est ça qu'on essaie de bien définir dans le mémoire, c'est que, en matière de droit social, ce que les gens vont faire reconnaître, c'est des droits et non pas des montants d'argent, et, dans cette logique-là, il nous semble incongru qu'on pense élargir le champ d'application de l'article 69.

Et je comprends la préoccupation, bon, que nos élus peuvent avoir concernant la question des coûts. Le ministre me demandait tantôt si on avait fait une analyse des coûts globaux de la chose. Bien, effectivement, on l'a fait, mais on l'a fait de l'autre côté. On a pris une personne qui gagne 20 000 $. Puis là, on a dit: Combien ça lui coûte, se loger? Combien ça lui coûte, se nourrir? Combien ça lui coûte, se transporter? Combien ça lui coûte, se vêtir? Alors, on l'a faite, l'analyse globale, mais en partant plus des citoyens et des citoyennes que de l'appareil gouvernemental et on s'est rendu compte que, à 120 % du MGA, c'était quelque chose qui représentait un plancher pour nous. On comprend aussi que les coûts sont importants, et, dans ce sens-là, la création d'un service de représentation pour les travailleurs et les travailleuses dont le financement serait assumé par les employeurs serait, bon, cet aspect-là, cette partie de la tarte là de coûts à l'aide juridique serait évidemment assumée ailleurs, ce qui pourrait peut-être nous permettre, sans engager trop de coûts supplémentaires au niveau des services du régime d'aide juridique comme tel, d'assurer de meilleurs services et une meilleure tarification de même qu'une meilleure accessibilité.

Le Président (M. Parent): Merci, Madame.

Mme Caron: Deux points avant de vous poser une autre question. Au niveau des coûts, bon, moi, je fais partie de celles qui croient qu'il y a aussi des décisions à prendre à un moment donné, des priorités. Le budget global de la Justice, c'est 1,2 % de tout le budget de l'État. Ce n'est pas énorme, il faut le dire. Le budget de l'aide juridique non plus, ce n'est pas l'ensemble de la Justice. (11 heures)

Je vous ai fait préciser pour les remboursements parce que certains avocats de l'aide juridique nous avaient dit que certains accidentés du travail, certains accidentés de la route étaient même mal à l'aise lorsqu'ils obtenaient gain de cause. Puis ils se disaient: Bon, bien, il me semble que je pourrais vous remettre les coûts qui m'ont été chargés. Et, quand même, ce n'est pas beaucoup pour le montant — vous le disiez vous-même, la tarification est faible — obtenu. Ces gens-là se sentaient mal à l'aise. Alors, c'est dans ce sens-là que je vous posais la question, pour voir si, chez vous, vous sentiez que cette préoccupation était là.

Mme Flibotte (Liane): Pas vraiment, mais je pense que ça s'explique par l'ensemble de la conjoncture et de l'effritement du tissu social. À un moment donné, on est tellement traités, quand on revendique des droits, comme des privilégiés, d'obtenir des choses qui sont finalement des droits les plus légitimes, qu'on peut sentir cette culpabilité-là qui, à mon sens, n'est pas nécessairement très bien placée et pas adéquate. Je pense qu'on n'a pas à se sentir coupables de voir nos droits reconnus quand on a été victime d'une lésion professionnelle.

Mme Caron: En page 6 de votre mémoire, vous nous dites que vous souhaitez, finalement, un accès universel et gratuit à tous les services juridiques nécessaires au règlement des litiges en matière d'accidents et

de maladies du travail. Ma question, ce serait: selon vous, qu'est-ce qui justifie qu'on le fasse dans ce domaine précis et pas dans d'autres? Pourquoi ce droit-là précis par rapport aux maladies du travail devrait être reconnu et non d'autres droits, par exemple?

Mme Flibotte (Liane): Je pense qu'il faut remonter dans l'histoire un petit peu — on va retourner au début du siècle — pour comprendre que nos régimes d'indemnisation en matière de lésions professionnelles sont, finalement, d'anciens régimes de responsabilité civile. Il faut se souvenir qu'au début du siècle les employeurs étaient poursuivis par leurs employés lorsqu'ils étaient blessés; l'employé devant, bien sûr, prouver la faute, le dommage et le lien entre les deux. À ce moment-là, si c'était démontré et accepté par le tribunal, l'employeur devait compenser la victime.

Alors, il faut se souvenir que notre loi d'indemnisation, ce n'est pas une loi sociale; c'est, dans le fond, un régime de responsabilité sans faute. Il y a eu un compromis à un moment donné dans l'histoire. Les travailleurs et les travailleuses ont dit: très bien, on accepte de ne plus avoir le droit de poursuivre les employeurs dans la mesure où les employeurs reconnaissent leur responsabilité des lieux de travail et des conséquences des lésions professionnelles.

Alors, la raison pour laquelle on va de l'avant avec cette revendication-là, c'est qu'on se dit: Si les employeurs, dans la logique et l'histoire de ce régime-là, doivent être responsables des conséquences d'une lésion professionnelle, dans le régime que nous avons présentement, une des conséquences, dans l'état de judiciarisa-tion où le régime se trouve, est la nécessité d'être représenté devant les instances d'appel. Et, comme je vous disais, ces services-là existent déjà en Ontario, en Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick, au Manitoba. Donc, c'est sûr qu'au Québec on n'a jamais vraiment eu l'occasion d'examiner cette chose-là en profondeur, mais on n'invente pas la roue en vous présentant quelque chose comme ça. J'ai eu le privilège aussi de lire le mémoire de la FATA, qui sera en mesure aussi de développer là-dessus, et je pense qu'on appuie, en principe, la revendication que la FATA met de l'avant dans son mémoire.

Le Président (M. Parent): Merci madame. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je vais poser une dernière question avant de laisser la parole à mon collègue d'Anjou, qui a quelques questions à poser.

Vous avez parlé amplement de la représentation des avocats, et je pense que vous avez parfaitement raison de souligner que les employeurs ont toujours des avocats. On sait que c'est extrêmement difficile de se représenter, ce sont des dossiers complexes — pour en avoir traité amplement au bureau de comté, autant comme attachée politique que comme députée. On sait aussi que c'est quand même un système où la personne doit faire des preuves, des véritables preuves, que c'est vraiment très, très difficile pour la personne de se représenter, et qu'il y aurait vraiment un déséquilibre si on enlevait ce droit-là. Et votre exemple de dire qu'on conseille aux avocats de ne pas se représenter eux-mêmes, je pense que c'est un bon exemple. Une avocate me disait tantôt que c'est parce que les gens sont trop émotifs quand c'est leur propre cause, et tout ça. Alors, c'est la même chose pour n'importe quelle personne que pour un avocat; quand c'est sa cause, il y a de l'émotion et on a des choses à défendre.

Est-ce que vous pensez qu'au niveau du tribunal administratif... Parce que, moi, je ne peux pas penser une proposition qui ferait qu'on enlève les possibilités d'aide juridique, on enlève la possibilité d'avocat, finalement, juste d'un côté. Est-ce que vous pensez que, dans ces tribunaux administratifs, il faudrait enlever complètement les avocats dans un tribunal administratif ou si vous pensez que, cette solution-là non plus, ce n'est pas possible et qu'il faut vraiment maintenir le système tel quel?

Mme Flibotte (Liane): Ce qu'il faut comprendre, comme vous l'avez dit à l'introduction de votre question, c'est que, devant ces tribunaux-là, les justiciables ont une preuve à faire. Alors, qu'on ait les services d'un avocat ou qu'on n'en ait pas, il reste qu'on a une preuve à faire. Il faut connaître la loi et il faut connaître ce qui est susceptible de faire en sorte qu'on rencontre son fardeau de preuve. Il faut connaître la jurisprudence pour être en mesure d'articuler et d'appuyer la preuve qu'on met de l'avant. Alors, de penser qu'on peut se retrouver devant ces tribunaux-là dans une parfaite absence d'avocats ou de personnes, de représentants avec expérience et compétence pertinentes, ça me semble un peu impossible. Je ne vois pas comment on pourrait arriver à ça parce que, bon, ça reste des tribunaux, il faut faire une preuve, il faut connaître la loi, il faut connaître les outils, les moyens de preuve qu'on peut faire valoir. Alors, je pense que c'est un peu illusoire de penser qu'on pourrait se retrouver avec un régime de droit administratif d'où les avocats ou les procureurs autres, avec compétences, sont complètement exclus.

Mme Caron: Je vous remercie.

Le Président (M. Parent): Merci, madame. Je reconnais maintenant M. le député de Chapleau. M. le député de Chapleau, je vous rappelle que la formation ministérielle a encore un crédit de trois minutes. Je vous écoute.

M. Kehoe: je serai très court, m. le président. madame, dans votre mémoire, vous prévoyez trois choses fondamentales, quand vous parlez des critères d'admissibilité. le premier concernant l'hypothèse de 120 % du mga. ça, ça va coûter, vous l'avez mentionné dans vos commentaires, 68 000 000 $ — ça, tout seul — si je ne me trompe pas.

Mme Flibotte (Liane): C'est ce que le ministre nous disait.

M. Kehoe: Et, ajoutée à cela, la question d'indexation. Ça, c'est un autre... Je ne sais pas le chiffre exact. Mais la troisième chose que vous proposez, c'est d'étendre la couverture dans d'autres domaines. Est-ce que la couverture que vous allez étendre... De maintenir et d'étendre la couverture. Dans votre mémoire, vous dites: Nous réclamons du ministre l'accès universel et gratuit à tous les services juridiques nécessaires au règlement des litiges en matière d'accidents et de maladies du travail.

Je comprends que l'employeur va payer ça, si je ne me trompe pas, d'après votre mémoire, mais ça peut se chiffrer à combien? Vous parlez... Avez-vous fait des estimés du coût que ça peut représenter?

Mme Flibotte (Liane): Évidemment, on peut se servir de quelques exemples qu'on a, mais je pense qu'avant... Vous allez voir que je suis assez réfractaire à discuter de coûts parce que je suis un peu lasse qu'on aborde toutes les questions de justice et les questions de droit social par cette avenue-là. Ce qu'on peut voir, c'est qu'en Ontario, par exemple, l'Office of the Worker Advisor, qui existe là-bas, a eu un budget, l'an passé, de 8 000 000$.

M. Kehoe: C'est 8 000 000$ que des employeurs seront appelés à payer.

Mme Flibotte (Liane): Oui, qui seront facturés à la CSST de l'Ontario et que les employeurs paient par là.

M. Kehoe: Et, en ce qui concerne la couverture, mettons, dans le domaine de l'immigration, dans le domaine pénal ou dans le domaine des cours municipales, êtes-vous d'avis que ça devrait continuer?

Mme Flibotte (Liane): Ce qu'il faut comprendre, c'est que la revendication qu'on met de l'avant, au niveau d'un service universel et gratuit, ça vise l'unique question des lésions professionnelles. C'est la seule question que ça vise, reposant sur les arguments que je donnais à Mme la députée, tantôt.

Alors, pour les autres questions, on ne préconise pas, comme vous semblez le dire, l'étendue de la couverture actuelle, c'est-à-dire qu'on ne veut pas que la couverture actuelle soit effritée; on veut le maintien intégral de la couverture telle qu'elle existe actuellement.

Alors, la création de cet autre service, qui serait aux frais des employeurs, est complètement en dehors du reste de l'argumentation qui vise la généralité du régime.

M. Kehoe: Merci, madame.

Le Président (M. Parent): Votre temps est terminé. Madame, je vous remercie. Je reconnais maintenant l'honorable député d'Anjou. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Je vous remercie. Après cette présentation... Je voudrais que vous m'expliquiez un petit peu votre raisonnement relativement à l'article 69. Vous savez, présentement, en vertu de l'article 69, si on prend l'exemple de deux voisins qui se querellent, et disons qu'un des voisins subit des dommages physiques, avec même un DAP qui pourrait lui être fixé — un déficit anatomophysiologique — s'il veut réclamer une compensation pour une indemnité suite à un dommage physique, en vertu de l'article 69, si c'est une réclamation d'argent, il va falloir qu'il paie son avocat avec le montant qu'il va réclamer. D'accord? (11 h 10)

Alors, vous me dites que vous êtes en faveur du maintien de ce principe-là qui existe présentement, qui est l'article 69 tel qu'on le connaît. D'accord? Mais, d'un autre côté, vous vous opposez à toute forme de participation de la part d'un accidenté de travail qui, finalement, peut réclamer la même chose, c'est-à-dire un déficit pour un dommage qu'il a subi, avec un pourcentage aussi de déficit anatomophysiologique qui lui est attribué. Donc, pour moi, c'est le même genre d'argent, c'est le même genre de dommage, c'est le même genre de reconnaissance de droits qui sont impliqués aussi, et le traitement de l'article 69, pour les cas de droit civil, est beaucoup moins généreux que celui que vous demandez qui soit maintenu pour les accidentés du travail. Moi, je me serais attendu à ce que vous demandiez un élargissement de l'article 69, à ce moment-là, dans votre logique, à toute demande d'indemnité d'argent pour un déficit physique, un dommage physique.

Mme Flibotte (Liane): Quand je parlais des déficits physiques, c'était à titre d'illustration. Je pense que ce qu'il faut comprendre, c'est que, en matière de droit social, il y a des choses qui ne sont pas nécessairement rattachées à un montant forfaitaire, là. Le droit à l'indemnité de remplacement de revenu, ou le droit à des prestations, quand on a été refusé à l'aide sociale...

M. Bélanger: Oui, mais quand c'est relié à un montant d'argent uniquement. Parce que j'en ai fait pendant 10 ans, moi aussi, de la CSST. La plupart du temps, c'était pour une indemnité, pour se faire fixer un DAP, ou soit contester un DAP, ou se faire fixer une indemnité forfaitaire ou une rente suite au déficit qui était attribué au bénéficiaire. La plupart du temps, c'était ça. En tout cas, la plupart des causes que, moi, je faisais, c'était ça. Alors, pour ces causes-là, vous vous objectez à toute forme de participation ou de remboursement de la part du bénéficiaire?

Mme Flibotte (Liane): Dans l'ensemble du droit social, on s'oppose à ça. Ce qu'on dit, c'est que les gens vont faire reconnaître des droits...

M. Bélanger: Oui.

Mme Flibotte (Liane): ...et non pas des dommages. Les gens vont faire reconnaître des droits.

M. Bélanger: Mais comment le justifiez-vous par rapport à mon exemple de personnes, de voisins qui se querellent et qui aussi demandent finalement que leur soit reconnu un dommage, une compensation pour un dommage physique qu'ils ont subi? Comment justifiez-vous la différence dans le traitement des deux cas?

Mme Flibotte (Liane): Bien, c'est qu'il y a un domaine qui est du droit social alors que l'autre est de la responsabilité civile. Je veux dire, je pense qu'on peut examiner la question à savoir si, dans ces cas-là, l'article 69 serait pertinent.

M. Bélanger: Oui.

Mme Flibotte (Liane): Ce dont on voulait s'assurer, je ne pense pas qu'on ait jamais dit: nous sommes en faveur de l'article 69; voilà la trouvaille! Ce qu'on vous dit, c'est qu'on veut s'assurer que cet article-là, qui est déjà utilisé, ne voie pas son champ d'application étendu. Je pense que c'est ça qu'il faut comprendre de notre message. On ne veut pas que le champ d'application de l'article 69 soit étendu au domaine du droit social.

M. Bélanger: D'accord. Non, c'est parce que je regardais votre mémoire, à la page 11, et vous dites: «Nous sommes favorables au maintien de l'article 69 de la Loi sur l'aide juridique tel qu'il est actuellement.»

Mme Flibotte (Liane): C'est-à-dire qu'on ne veut pas qu'il soit étendu.

M. Bélanger: Et, actuellement, il est comme ça, tel que je vous l'ai expliqué.

Mme Flibotte (Liane): C'est ça. On ne veut pas qu'il soit étendu.

M. Bélanger: D'accord.

Le Président (M. Parent): M. le député d'Anjou, merci. J'inviterais maintenant la porte-parole de l'Opposition officielle à remercier nos invités au nom de sa formation politique.

Mme Caron: Alors, au nom de ma formation politique, M. le Président, je veux vous remercier, Mme Flibotte et M. Poisson, pour votre contribution à nos travaux, surtout que c'était extrêmement pertinent parce que vous nous permettez aussi d'aller beaucoup plus à fond au niveau des dossiers d'un tribunal administratif. Merci beaucoup.

Le Président (M. Parent): M. le ministre, en conclusion.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Alors, Mme Flibotte et M. Poisson, encore une fois, je vous remercie d'être venus défendre votre point de vue ce matin. Je retiens de votre exposé, Mme Flibotte, et vous l'avez indiqué tout à l'heure, ça apparaît dans votre mémoire, que, sur l'ensemble du régime, vous êtes satisfaite. Vous questionnez surtout l'admissibilité du régime. Vous voulez vous assurer que vos travailleurs... Et je vous répète que vous n'avez pas tort lorsque vous nous indiquez qu'un travailleur doit être représenté de façon compétente face à la CSST; vous avez raison là-dessus. Vous avez raison. On discute avec des experts, donc il faut être organisé, équipé pour discuter avec des experts. C'est ce que vous nous dites et, essentiellement, là-dessus, je vous donne raison. Quant à l'aménagement de tout ça, ça, c'est notre problème, c'est ce que vous nous avez dit.

Votre conclusion, les trois dernières lignes, sont les suivantes: S'il est vrai que la réforme du régime d'aide juridique au Québec est une question de choix, etc., le ministre doit comprendre que c'est avant tout une question de volonté politique. Vous savez que la volonté politique, elle est confrontée à différentes questions. Il faut évidemment tenir compte, et ça apparaît dans le mémoire, de la capacité de payer de l'État. L'État ne redistribue que ce qu'il perçoit et collecte de l'ensemble de nos concitoyens et concitoyennes.

Alors, moi, je veux conclure en vous disant qu'on évalue tout ça avec réalisme, en étant le plus rationnels possible, mais votre point de vue en est un de professionnels, et c'est comme ça que je le prends. Je vous remercie d'être venus faire vos représentations aujourd'hui. Merci, madame, merci, monsieur.

Le Président (M. Parent): Merci, M. le ministre. Mme Flibotte, M. Poisson, les membres de cette commission vous remercient. Nous allons suspendre quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 15)

(Reprise à 11 h 18)

Le Président (M. Parent): Alors, j'invite les députés à prendre place. La commission va poursuivre ses travaux et, par le fait même, j'invite les représentants de la FATA, la Fondation pour l'aide aux travailleuses et aux travailleurs accidenté-e-s, à prendre place devant le président, en l'occurrence, moi-même.

MM. les représentants et Mme la représentante de la FATA, on s'excuse pour le retard. Nous nous excusons. Nous allons tâcher, tous ensemble, dans un esprit de collaboration, de rattraper le temps que nous avons perdu de façon à ce que les travaux de cette commission puissent se dérouler tel que prévu.

Alors, nous accueillons la Fondation pour l'aide aux travailleuses et aux travailleurs accidenté-e-s du Québec, connue sous le nom de la FATA. Le porte-parole sera M. Robert Bouchard, président. M. Bouchard, bonjour; Mme Colette Legendre, directrice générale; M. Claude Petelle, coordonnâtes des conseillers à la défense. C'est bien ça?

M. Petelle (Claude): Oui. Bonjour.

Le Président (M. Parent): Alors, madame, messieurs, bonjour. Je vous rappelle que le temps qui vous est alloué est d'environ 20 minutes et que le temps réparti aux deux formations politiques est du même ordre. Alors, nous vous invitons à nous présenter votre mémoire et, durant le dialogue, de respecter la règle, de s'adresser au président. Ça évite des quiproquos et ça flatte mon ego. M. le président, madame.

Fondation pour l'aide aux travailleuses et aux travailleurs accidenté-e-s (FATA)

M. Bouchard (Robert): M. le Président, merci. MM. et Mmes les députés, mes deux collègues pourront échanger avec vous lors de la période de questions, et je vais me contenter de présenter le résumé de notre mémoire. La FATA se présente ici pour répondre, d'une part, à certaines questions que soulève le document publié par le ministère de la Justice et pour faire connaître, d'autre part, ses recommandations pour l'amélioration du régime. Et surtout, deuxièmement, de demander au gouvernement du Québec d'instaurer un régime public financé par les employeurs, intégrant les CLSC, les organismes communautaires et syndicaux, l'aide juridique, de pair avec un organisme paragouvernemen-tal chargé de la défense gratuite des victimes des accidents et maladies du travail. L'organisme qu'on souhaite voir naître au Québec s'appellerait l'office québécois pour la défense des victimes de lésions professionnelles. Ce n'est pas coulé dans le béton, on le sait, mais on s'est dit: il faut donner un nom à ce qu'on souhaiterait voir naître. (11 h 20)

Pour répondre à une question cruciale que pose le document gouvernemental, la FATA affirme, à prime abord, que la couverture du régime d'aide juridique doit être maintenue lorsque le requérant demande à être représenté par un avocat devant un tribunal dont la loi constitutive ne précise pas que la représentation est du ressort exclusif de l'avocat, notamment la CSST, la Régie du logement ou la Commission des affaires sociales. Et c'est ce motif-là qui nous a amenés à faire cette présentation à la commission des institutions de préférence à une autre commission, parce qu'on estime que notre collaboration avec des avocats en pratique privée qui ont fait de l'aide juridique chez nous est telle que le débat pourrait être soulevé ici initialement, parce que c'est une question qui touche à la fois le travail, la santé et le droit. Or, notre expérience avec les avocats et avocates en pratique privée qui sont chez nous depuis 1983 a été très valable.

Nous sommes un organisme sans but lucratif, dirigé démocratiquement par un conseil d'administration élu parmi le monde syndical et communautaire, incorporé il y a plus de 10 ans selon la troisième partie de la Loi sur les compagnies. Il a son siège à Montréal et nous avons des bureaux à Québec et à Val-d'Or. En 10 ans, 8200 victimes de lésions professionnelles environ ont pu bénéficier de l'aide apportée par nos services d'information et de consultation, nos services médicaux et nos services de défense. Comme je l'ai dit tantôt, deux avocats en pratique privée, responsables de l'aide juridique, sont présentement rattachés à ces services de défense. Et, si l'on comptabilise les demandes de renseignements faites par téléphone, la FATA prend connaissance de plus de 5000 cas par année, et on parle, en fait, d'à peu près 20 à 25 appels de demandes de conseils par jour à nos bureaux.

La FATA connaît un succès indiscutable. En 1991, le pourcentage des décisions favorables aux accidentés rendues par les bureaux de révision de la CSST était de 42 %. Pendant la même période, le pourcentage de décisions favorables aux victimes représentées par la FATA s'élevait à 69 %. Pour l'année 1991-1992, les proportions étaient respectivement de 61 % et de 74 % devant la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles. Et nous avons aussi des données pour les années subséquentes, que nous avons faites tout récemment.

Nos constats, et c'est important: la FATA a illustré la nécessité d'un soutien efficace pour que les victimes de lésions professionnelles puissent assumer leur défense pleine et entière et démontrer jusqu'à quel point un grand nombre des décisions prises par les agents d'indemnisation de la CSST, par le système de l'arbitrage médical de l'époque et les bureaux de révision, furent erronées.

La source de l'efficacité en défense de la FATA tient à son mode de traitement des dossiers. Il s'agit d'une démarche multidisciplinaire s'appuyant sur la présence de diverses compétences, les unes, médicales, les autres, légales, communautaires et syndicales, agissant en synergie lorsque le réclamant en a besoin. Elle repose surtout sur l'interaction entre le bureau médical, d'une part, sous la direction d'un médecin de CLSC, le médecin Roch Banville, du CLSC Centre-ville et de son équipe de médecins stagiaires et, d'autre part, l'équipe de conseillers, d'avocats et du personnel administratif. Il faut savoir que le Dr Banville est affecté au bureau de la FATA dans le cadre d'un programme de soutien aux organismes communautaires de cet établissement public qui s'appelle le CLSC Centre-ville et qui, comme vous le savez, est situé aux environs de la rue Sanguinet. mais il est anormal que la fata soit obligée d'exiger des frais nominaux à sa clientèle, en majorité non syndiquée, pour assurer la grosse part de son financement — environ 60 % — alors que le contrat social veut que tous les coûts économiques d'une lésion professionnelle soient à la charge de l'entreprise. ceux-ci doivent obligatoirement inclure les coûts de la réclamation.

Gratuits jusqu'en 1987, les services de la FATA ne le sont plus complètement, les réclamants devant suppléer au soutien financier venant du milieu — subventions gouvernementales, dons des syndicats, de communautés religieuses, de caisses populaires, d'individus, de femmes et d'hommes politiques, et j'inclus aussi d'organismes comme Centraide, qui nous ont drôlement appuyés en Abitibi-Témiscamingue.

Le document de consultation ministériel rapporte que l'aide juridique s'est occupée de 2649 cas d'indemnisation d'accidents du travail au Québec en 1991-1992. Il est bien sûr que ceux de la FATA sont du nombre. voici, brièvement, nos recommandations quant à certaines questions que soulève le document de consultation. la fata est en faveur du maintien d'un système d'aide juridique autonome et mixte, c'est-à-dire de la cohabitation des avocats en pratique privée et des avocats permanents des bureaux d'aide juridique. la fata est contre la privatisation de l'aide juridique et pour le maintien d'un régime démocratique, c'est-à-dire le maintien des corporations régionales de l'aide juridique. la fata est pour le rétablissement de l'accessibilité que procurerait la reprise de l'indexation des seuils depuis 1985 afin que ceux-ci soient relativement comparables à ceux de 1973. ici, nous voulons apporter une correction à notre mémoire parce qu'on a obtenu, tout récemment, les dernières données de statistique canada quant au seuil de faible revenu, base 1992, et nous apprenons que le seuil, pour une personne seule, en 1992, pour une ville de 500 000 habitants et plus, s'établit à 16 186 $ par année, tout juste collé sur le 16 667 $, qui est l'équivalent de 100 % du maximum des gains admissibles selon l'échelle de la régie des rentes du québec. c'est donc dire que nous aurions tendance maintenant, compte tenu des nouvelles données que nous avons pu obtenir, à nous aligner davantage sur le 120 % suggéré par le groupe qui nous a précédés, l'attaq.

La FATA est pour le maintien des services juridiques présentement offerts, surtout dans les causes qui concernent les tribunaux administratifs. La FATA est contre l'imposition de frais aux citoyens et citoyennes pour l'ouverture de dossiers ou de contributions de la part des avocats pour aider à financer le régime. La FATA propose que l'aide juridique au Québec devienne, de pair avec les organismes communautaires et syndicaux de défense, l'un des partenaires d'un régime universel d'aide gratuite aux victimes de lésions professionnelles, un régime financé par les employeurs et coordonné par le futur office québécois pour la défense des victimes de lésions professionnelles.

La FATA propose que tous les frais assumés par les avocats de l'aide juridique pour la défense des travailleuses et travailleurs accidentés soient dès maintenant — dès maintenant — absorbés par la CSST en attendant la création de l'OQDVLP. Je tiens à souligner dès maintenant que nous ne préconisons pas que les services aux accidentés soient rendus exclusivement par des avocats non plus exclusivement par des conseillers ou des conseillères spécialisés.

Y ayant échappé jusqu'à ce jour, les employeurs québécois doivent désormais, comme conséquence de leur obligation d'absorber les frais de la totalité des coûts économiques reliés aux lésions professionnelles, assumer le coût de la défense de leurs employés accidentés. Les frais liés à la gestion des contestations, qu'ils proviennent des employeurs ou de décisions mal fondées de la CSST, sont très élevés lorsque l'on cumule les coûts de la représentation et ceux des experts des parties en cause, les salaires perdus par les victimes et les témoins.

Le combat est plus inégal que jamais. La FATA estimait que, en septembre 1992, en dépit des efforts déployés par le mouvement syndical, les organismes de défense comme le nôtre, par l'aide juridique dans son encadrement actuel et par tous les autres bons samaritains, environ la moitié des travailleurs et travailleuses qui portent leur cause en appel ou qui doivent se défendre contre leur employeur se présentent seuls devant le Bureau de révision paritaire, la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles ou la Commission des affaires sociales. Cette situation est encore vraie en 1993, selon les nombreux sondages qu'on a pu faire, et il y a, selon les derniers rapports annuels de la CSST et de la CALP, quelque 34 928 cas en appel. On a appris qu'il y a une légère diminution en 1993, selon les données fournies par le président de la CSST ici même au salon rouge, le 2 février dernier. Outre les milliers de victimes qui se retrouvent seules pour se débrouiller devant l'arsenal combiné de la CSST et de l'employeur, il y a des centaines de victimes qui ne s'y rendent même pas faute d'un réseau de consultation et de représentation gratuites qui leur permettrait de bien comprendre leurs droits et d'aller en appel sans se ruiner financièrement et moralement.

Les recours sont de plus en plus insurmontables depuis que la Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la sécurité du travail — c'est-à-dire la loi 35 — a fourni une panoplie de nouveaux contrôles aux mains des employeurs et de la CSST. Pour aider à rétablir l'équilibre, le gouvernement doit créer l'office québécois pour la défense des victimes de lésions professionnelles.

Le système ontarien — dont on a parlé tantôt — de défense des accidentés en est un dont la société québécoise peut s'inspirer pour mettre en place son organisme paragouvernemental. Le Bureau des conseillers des travailleurs fut créé en Ontario en 1985. Il dispense des services gratuits de défense depuis des bureaux situés dans 13 villes différentes, dans cinq régions du territoire, et ce, avec un personnel de 115 personnes. Là, je cite le dernier organigramme pour 1992-1993 que m'ont fait parvenir les gens du Office of the Worker Advisor. De ce nombre, il y a 69 conseillers et conseillères, dont la majorité est affectée à la représentation devant les mécanismes de révision et d'appel à la Commission des accidents du travail de l'Ontario. (11 h 30)

Le budget total pour l'année fiscale 1992-1993 du BCT s'est élevé à 8 906 000 $, et la facture est refilée à la Commission des accidents du travail de l'Ontario, donc réglée par les employeurs à même leurs cotisations au fonds. Son rythme de croisière atteint environ 22 000 dossiers par année. Cette même CAT règle la note du Bureau des conseillers du patronat, dont les programmes rejoignent environ 10 000 employeurs par année. Les deux bureaux sont indépendants l'un de l'autre. Évidemment, nous croyons, nous, que le monde patronal aurait intérêt à se créer ce type de bureau.

Le BCT est un organisme de catégorie 1 du gouvernement, et son directeur agit en consultation avec un conseil consultatif de 10 membres dont la composition fut arrêtée par décret du Management Board of Cabinet, c'est-à-dire le comité exécutif du cabinet. Les membres du conseil représentent les syndicats, les associations d'accidentés, les cliniques de santé au travail de la centrale syndicale ontarienne et les organismes communautaires. La barre démocratique est haute, puisque le décret veut que la majorité des membres soient des réclamants actuels ou passés.

Son mandat inclut l'évaluation du fonctionnement du système d'indemnisation de l'Ontario et l'élaboration de propositions de changement, lesquelles sont soumises au ministre du Travail et à l'Assemblée législative. Les cliniques juridiques populaires, au nombre de 71 en Ontario, aident les victimes de lésions professionnelles qui se présentent à leurs bureaux, mais le ministère du Procureur général de l'Ontario n'est pas dédommagé par la CAT pour ce travail de représentation. Comme on a pu le lire, au Québec, l'Office québécois pour la défense des victimes de lésions professionnelles ferait parvenir à la CSST la note pour les frais encourus par le régime de l'aide juridique pour s'occuper des cas d'indemnisation pour lésions professionnelles.

La FATA propose donc au gouvernement du Québec la création de l'OQDVLP, un organisme para-gouvernemental financé par les employeurs, assurant le bon fonctionnement des services de défense dispensés par les quatre composantes du réseau dont il aurait la responsabilité, c'est-à-dire ses propres bureaux, les cliniques communautaires et syndicales et les bureaux ou cliniques de l'aide juridique, ce réseau intégrant les services médicaux des CLSC.

Elle propose aussi que l'existence juridique, la composition démocratique, les pouvoirs, le mandat, l'organisation professionnelle et matérielle de l'OQDVLP soient conformes aux principes et modalités décrits dans ce mémoire.

Voyons-les brièvement. En vertu de la loi consacrant son existence, l'OQDVLP se rapporterait directement à l'Assemblée nationale, comme le fait le Protecteur du citoyen. Le conseil d'administration de l'OQDVLP serait formé en majorité de représentants et de représentantes des organismes communautaires et des centrales syndicales. Les autres représentants: l'aide juridique, les CLSC et la santé publique. Son mandat serait d'informer l'accidenté, de le conseiller, de le représenter, le cas échéant, et d'oeuvrer de concert avec ses partenaires pour assurer la défense pleine et entière des victimes de lésions professionnelles, de conseiller l'Assemblée nationale, le ministre, la CSST et la CALP à propos de la gestion des politiques et pratiques en matière d'indemnisation.

Parmi ses pouvoirs, l'OQDVLP aurait celui de négocier le mode de remboursement par la CSST, par son intermédiaire, des coûts de la défense — y compris les services médicaux et les expertises et le coût des témoins — effectués par ses partenaires, y compris les CLSC.

Le personnel de l'OQDVLP et celui de ses propres points de service seraient intégrés à la fonction publique, tandis que le personnel des autres partenaires serait rémunéré par leur employeur respectif à même les subventions distribuées par l'intermédiaire de l'Office québécois pour la défense des victimes de lésions professionnelles.

La FATA, en outre, propose que la santé au travail du réseau de la santé publique, tant au niveau provincial qu'au niveau des régies régionales, fasse de la défense des victimes de lésions professionnelles un programme reconnu et participe à certaines tâches, comme le dépistage, la recherche et la documentation, en collaboration avec l'OQDVLP et les CLSC. Elle propose au gouvernement du Québec, par ses ministères de la Justice, du Travail et de la Santé et des Services sociaux, de créer immédiatement un groupe de travail réunissant les partenaires déjà mentionnés et dont le mandat serait d'élaborer le plan de mise en oeuvre de l'Office québécois.

Elle propose au gouvernement, enfin, comme mesure intérimaire, afin d'alléger dès maintenant le fardeau financier des travailleurs et travailleuses accidentés, d'adopter le règlement prévoyant le remboursement des frais d'expertise par la CSST, règlement dont l'absence est dénoncée depuis des années par le Protecteur du citoyen. En effet, si vous vérifiez l'article 116.7 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, vous découvrirez qu'il est prévu qu'un règlement soit adopté pour prévoir de tels remboursements de frais. Mais le gouvernement ne l'a pas encore adopté.

Les effets bénéfiques de l'OQDVLP nous apparaissent évidents du côté des syndicats, dont les ressources sont taxées à la limite. On aurait enfin trouvé ce financement restitué par les employeurs, leur permettant à la fois de financer intégralement l'aide aux accidentés et de s'attaquer avec plus d'efficacité encore à la tâche de la prévention et de la réadaptation.

Il me fera plaisir tantôt de commenter les tout derniers développements annoncés par la CSST, décrits, d'ailleurs, par le président Shedleur ici-même, au début du mois de février, en rapport avec la démarche du maintien en emploi et de la réadaptation avant consolidation, parce que ce sont des démarches qui vont ajouter aux difficultés qu'éprouveront les non-syndiqués sans représentation.

L'Office, indépendant de la tutelle de la CSST et

agissant dans l'intérêt strict de la victime, favorisera, avec l'usage, le règlement équitable plus fréquent des réclamations au stade de l'agent d'indemnisation et fera la démonstration de l'inutilité de plusieurs des mécanismes de judiciarisation qu'on a vu naître avec la loi 35. Et je pense, en particulier, à ce processus de conciliation établi par le législateur avant la tenue des audiences du bureau paritaire de révision. Un travailleur pris dans cet engrenage sans représentation, quant à nous, peut s'exposer à la fermeture de son dossier alors qu'il n'est pas réglé adéquatement. Nous avons des doutes très sérieux sur l'efficacité de cette procédure, du moins, en tout cas, sans que le travailleur soit représenté. Et, nous, chez nous, les dossiers que nous traitons viennent de personnes qui, à raison d'à peu près 75 %, sont non syndiquées.

Par-dessus tout, la travailleuse ou le travailleur victime d'un accident ou d'une maladie du travail ne sera plus obligé de subir les coûts économiques du processus de règlement de ses réclamations, coûts qui appartiennent, comme nous l'avons dit, à l'employeur, comme le veut notre interprétation du contrat social.

Le Président (M. Parent): Merci, Monsieur. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Il vous reste quatre minutes. Ça va? Terminé. M. le ministre.

M. Lefebvre: Oui, merci, M. le Président. Alors, MM. Bouchard, Petelle, Mme Legendre, je vous remercie d'être là ce matin, aussi de nous avoir soumis un mémoire qui, un petit peu comme le groupe qui vous a précédés, touche à un volet très précis de la question, qui touche un volet très précis de ce qu'on doit discuter à l'intérieur de cette commission-là, à savoir l'intervention de l'aide juridique pour des travailleurs qui sont en discussion — pour les besoins de la discussion, parlons de discussion, effectivement — avec l'appareil gouvernemental, les différents services du gouvernement et, particulièrement, la CSST.

Alors, c'est un point de vue très professionnel que vous nous soumettez. Vous parlez abondamment, évidemment, de votre organisme, de son rôle, de son intervention. Puis ça m'apparaît être extrêmement important qu'on sache dans le détail ce que vous faites, et, précisément, c'est ma première question, M. le président: Quel est... D'où vous vient... Vous disiez tout à l'heure que votre clientèle en est une qui, globalement, n'est pas une clientèle de travailleurs syndiqués. Quel est le portrait type du travailleur que vous représentez dans vos démarches auprès, entre autres, de la CSST?

M. Bouchard (Robert): Alors, M. le ministre, il me fait plaisir de passer le crachoir à mon collègue, Claude Petelle, qui est un délégué syndical de la GM en congé sans solde, qui est notre coordonnateur des conseillers et conseillères et qui a contact quotidiennement avec notre clientèle.

M. Lefebvre: D'accord, je vous écoute.

Le Président (M. Parent): M. Petelle.

M. Petelle (Claude): Ce qu'on voit de façon très régulière à la FATA, c'est des personnes qui ont à peu près 50 années d'âge, moitié femmes et moitié hommes. C'est des personnes qui ont quasiment terminé leur vie de travail et qui se retrouvent avec un accident du travail ou une maladie professionnelle et qui en ressortent difficilement. Et c'est facilement compréhensible que des personnes rendues à un certain âge récupèrent plus difficilement. Et c'est la grande majorité, si vous voulez, de notre clientèle qui est surtout pas syndiquée, donc pas représentée et qui a développé, au cours du temps... parce qu'on pense que les travailleurs qui sont représentés sont moins agressés, si vous voulez, dans chaque jour de leur tâche de travail, pour toutes sortes de raisons, là, c'est... Disons que le contrat social, dans chaque usine, est plus surveillé, mais les gens qui ne sont pas représentés ou mal représentés, c'est la majorité des gens qui viennent nous voir.

M. Lefebvre: Des travailleurs et des travailleuses qui viennent de toutes sortes de secteurs d'activité, mais c'est des entreprises de service, du secteur manufacturier?

M. PeteHe (Claude): Non, surtout du secteur manufacturier.

M. Lefebvre: Vous dites dans votre document, à la page 2, alors, je pense qu'on est dans le résumé du document: «Deux avocats en pratique privée responsables de l'aide juridique sont présentement rattachés à ses services de défense. Si l'on...» Je voudrais, dans un premier temps, savoir de quelle façon se fait l'arrimage des avocats chez vous avec les services d'aide juridique. Comment ça fonctionne?

Mme Legendre (Colette): Bon, bien... Le Président (M. Parent): Mme Legendre. Mme Legendre (Colette): Oui.

M. Lefebvre: Oui, Madame. Oui, Mme Legendre, on vous écoute.

Mme Legendre (Colette): Les avocats sont... Nous, la FATA, on fournit les services d'appoint à ces deux avocats-là. Les dossiers qui nous arrivent sont évalués dans le sens que: Est-ce que ce sont des dossiers de personnes qui ont droit à l'aide juridique ou pas?

M. Lefebvre: Je m'excuse, madame. Mme Legendre (Colette): Oui.

M. Lefebvre: Alors, je comprends que, dans un premier temps, le travailleur ou la travailleuse se présente chez vous.

Mme Legendre (Colette): Oui.

M. Lefebvre: Vous faites un premier examen.

Mme Legendre (Colette): Une analyse rapide pour savoir s'ils ont droit à l'aide juridique.

M. Lefebvre: D'accord.

(11 h 40)

Mme Legendre (Colette): S'ils ont droit à l'aide juridique, ils sont dirigés vers les deux avocats. Nous, on fournit, à ce moment-là, les bureaux, le téléphone, la papeterie, les timbres, bon, tout l'appui qu'il faut, le personnel aussi, le secrétariat et... Alors, les dossiers sont traités de la même façon que les dossiers que la FATA traite, ceux qui n'ont pas droit à l'aide juridique. Et ce tout forme une équipe, et ça devient un élément assez important, avec le bureau médical qu'on a, comme l'expliquait... Il y a une synergie qui se fait, et on discute et les dossiers sont discutés, traités avec cette synergie-là des différents services médicaux, aide juridique et même, conseillers. Il arrive des discussions sur un dossier entre un conseiller qui n'est pas avocat, mais qui a quand même toute la connaissance voulue...

M. Lefebvre: Une expertise.

Mme Legendre (Colette): ...l'expérience voulue. Et c'est comme ça que le travail s'effectue.

Le Président (M. Parent): M. le ministre.

M. Lefebvre: Vous dites aussi dans votre document que la FATA a en outre un service de formation, formation de ceux et celles qui sont impliqués dans votre structure pour...

Mme Legendre (Colette): C'est-à-dire que, à ce moment-là, c'est des gens qui vont nous venir souvent, à l'occasion, du monde syndical, des gens qui sont intéressés à pouvoir, dans leur syndicat, arriver à faire de la défense. Alors, nous, on a un système de formation qui n'est pas académique, bien sûr, c'est dans le jus quotidien qu'ils apprennent — en passant aux différentes sortes de travail qu'il faut faire dans un dossier — à faire leur expérience pour pouvoir éventuellement faire de la défense. Comme je vous dis, très souvent, ça nous vient... Et on a aussi des étudiants en droit qui viennent faire des stages, étant donné qu'on a des avocats qui sont sur place qui peuvent les superviser. Alors, on a également... Il y a une partie... soit de l'UQAM, qui sont en train de faire des techniciens juridiques ou des choses comme ça, ils viennent faire un stage à la FATA qui est reconnu par les universités.

M. Lefebvre: M. Petelle m'expliquait tout à l'heure d'où provient, en général, globalement, en gros, votre clientèle. Est-ce que, de façon générale, les gens qui arrivent chez vous savent que ça existe, l'aide juridique au Québec? De façon générale.

M. Petelle (Claude): Disons que les gens qui viennent nous voir...

M. Lefebvre: Parce que, vous savez, on prend pour acquis...

M. Petelle (Claude): Ils ne le savent pas nécessairement.

M. Lefebvre: On prend pour acquis que tout le monde sait que ça existe, le régime d'aide juridique.

M. Petelle (Claude): Non. Non. Non.

M. Lefebvre: J'aimerais vous entendre là-dessus, M. Petelle.

M. Petelle (Claude): Non. Notre système... On a une téléphoniste qui reçoit les appels, parce que la porte d'entrée, c'est des appels téléphoniques à 99 %...

M. Lefebvre: Oui.

M. Petelle (Claude): ...et je dois vous avouer qu'on informe souvent les travailleurs qu'ils ont droit à l'aide juridique.

M. Lefebvre: Pour certains, c'est une découverte.

M. Petelle (Claude): Absolument. Absolument. Parce qu'il y a une discussion qui se fait sur les revenus au moment de l'appel téléphonique, et, à ce moment-là, ils découvrent qu'ils n'auront pas à payer s'ils sont poignes sur le B.S. ou d'autre chose. Donc, l'aide juridique est un apport pour eux parce qu'ils n'auront pas à payer leur défense aussi bien médicale que légale.

M. Lefebvre: Mais, pour plusieurs, ils l'apprennent en vous contactant.

M. Petelle (Claude): Disons que je ne pourrais pas vous donner un pourcentage, mais il y en a plusieurs qui l'apprennent au contact de la FATA, absolument.

M. Lefebvre: Aux pages 9, 13 et suivantes, 9 et suivantes, vous parlez de la suggestion que vous faites de créer l'Office québécois pour la défense des victimes de lésions professionnelles. Vous donnez pas mal d'explications, M. le président, sur cette suggestion de la mise en place d'un tel organisme. J'aimerais que vous me résumiez comment vous en êtes arrivés à penser, avec tout ce qui existe déjà de services aux travailleurs — et tout ce qui n'existe pas, aussi, remarquez bien — comment vous en êtes arrivés à la conclusion qu'un organisme comme celui-là serait nécessaire? Ça, c'est ma première question.

Deuxième question, peut-être de façon assez rapide et résumée: Qu'est-ce que ferait l'organisme de plus que ce que vous faites, que d'autres organismes semblables au vôtre, mais un peu différents, font, et que ce que fait déjà l'aide juridique? En quoi ça serait vraiment utile, la mise en place d'un organisme comme celui-là?

Le Président (M. Parent): M. Bouchard.

M. Lefebvre: Et ma troisième question, ça serait le financement aussi.

M. Bouchard (Robert): M. le ministre, il y a beaucoup de choses qui tiennent au financement, justement.

M. Lefebvre: J'aurais peut-être dû commencer par celle-là. Ha, ha, ha!

M. Bouchard (Robert): II y a bien des raisons pour lesquelles...

M. Lefebvre: Dans l'ordre ou dans le désordre, je vous écoute.

Le Président (M. Parent): M. Bouchard, je vous invite à vous adresser à la présidence. Je vous l'ai dit, ça flatte mon ego et ça évite les quiproquos et les dialogues.

M. Bouchard (Robert): Ça va, M. le Président. Alors, il y a un peu d'histoire là-dedans. Ça fait un bon moment que, par nos contacts... Moi, je viens du mouvement syndical, de la FTQ. J'ai été directeur du service de la santé et de la sécurité du travail pendant huit ans à la FTQ. Donc, on s'est penché sur la question de l'aide aux travailleurs et travailleuses accidentés à maintes reprises. On a même créé, à l'intérieur de notre centrale syndicale, un service d'aide aux travailleurs et travailleuses accidentés, en collaboration avec le CLSC Centre-Sud, et on a offert certains services spécialisés, toujours, évidemment, financés à même les deniers de la centrale syndicale, du moins pour ce qui est des salaires des permanents et des conseillers de la centrale.

On s'est dit, à un moment donné, que, pour arriver à fournir des services qu'on souhaiterait fournir à l'ensemble des travailleurs et travailleuses du Québec, y compris les non-syndiqués, il faudrait mettre en place un organisme beaucoup plus imposant que celui qu'on a, et c'est à ce moment-là qu'on a commencé à regarder de très près ce qui se passe en Ontario. On a même rencontré l'équipe complète, pas l'équipe complète, mais la direction du Bureau des conseillers des travailleurs. On a fait venir M. DiSanto, qui était le directeur fondateur, à Montréal, en décembre 1989, avec son directeur de la recherche. On a fait le tour de la question. Moi et Claude Petelle avons visité des bureaux en Ontario pour voir comment ça se passe, et c'est à partir de ces démarches qu'on a pu comprendre la nature du travail qui se fait et puis l'excellente structure de conseillers qu'on avait réussi à mettre sur place au plan de l'ensemble du territoire.

Maintenant, on s'est aussi rendu compte... Et, d'ailleurs, c'a été la réaction des gens du Office of the Worker Advisor quand on leur a parlé de nos CLSC, l'existence des CLSC au Québec, qui n'existent pas en Ontario. Justement, c'est un plus pour nous au Québec, l'existence des CLSC, parce qu'il y a bien des médecins du travail dans ces établissements publics. Eux ont dit: Si on était capables d'arrimer notre propre Bureau des conseillers des travailleurs à un système comme vous avez pour la prestation de services de première ligne en médecine du travail, on serait drôlement heureux, et, d'ailleurs, les quelques initiatives qui ont assez bien réussi au plan de la qualité des services et de la synergie des services auprès des accidentés sont dus précisément à la présence des médecins des établissements publics. On a même tenté l'initiative à Sherbrooke pendant une certaine période de temps. Mais, à chaque fois ou presque — ce n'est pas le cas de la FATA, mais ça pourrait arriver — c'est notre manque de ressources financières qui est venu à bout de nos initiatives. Bon. alors, on le dit dans notre mémoire, il y a 60 % de nos revenus, maintenant, qui viennent de cotisations fixes qu'on demande aux victimes des lésions professionnelles qui viennent chez nous. et là on s'est posé très sérieusement la question qu'on aurait dû se poser il y a bien longtemps: comment se fait-il que le législateur au québec n'ait pas pensé avant aujourd'hui à ce principe de fond — qui a été énoncé, d'ailleurs, par l'attaq tantôt — qu'étant donné que le processus de la réclamation est une conséquence de la lésion professionnelle — une conséquence économique, justement, quand il s'agit de faire des frais pour défendre sa cause — comment se fait-il qu'on n'a pas défendu ce principe que les employeurs doivent payer la note?

C'est d'ailleurs ce principe de fond qui est à l'origine de la création du Office of the Worker Advisor en Ontario. C'est une commission d'étude assez bien connue, qui a déposé un rapport en 1980, qui a établi ce principe-là, et, en 1985, l'Assemblée législative est passée aux actes et a adopté un premier article de loi donnant naissance à ce régime financé par les employeurs.

Et, par la suite aussi, afin qu'il y ait apparence de justice pour les travailleurs et les travailleuses accidentés en Ontario, le Bureau des conseillers des travailleurs s'est graduellement détaché de la tutelle du ministère du Travail parce qu'on considérait que c'était encore trop proche de la Commission des accidents du travail pour devenir un organisme de catégorie 1. Exactement ce que c'est, je ne le sais pas trop, mais, en tout cas, ce qu'on nous assure quand on rencontre ces gens-là, c'est que, là, on est beaucoup plus responsable à l'Assemblée législative qu'on ne l'est au ministère du Travail. Bon. Et il y a du financement qui est maintenant adéquat.

Mais, nous, on veut aller plus loin. C'est un

modèle, ça. On peut sûrement adapter, au Québec, un modèle qui respecte ces principes de fond, qui soit différent, mais, comme je vous dis, nous, on en propose un et on se dit: II faut l'étudier. C'est à retenir ou à rejeter ou à modifier. Et, par exemple, quand nous avons conversé avec la directrice du centre juridique communautaire de Prescott-Russell, situé à Hawkesbury en Ontario, de toute cette question-là, elle nous raconte, elle: II y a 25 % des dossiers que je reçois à mon bureau, ici à Hawkesbury, qui sont des dossiers d'indemnisation. Alors, je me rends compte qu'à Hawkesbury il n'y a pas de point de service du Bureau des conseillers des travailleurs, il est à Ottawa. Je peux comprendre qu'un travailleur à Hawkesbury aille à sa clinique locale et obtienne des services. S'il se qualifie selon les barèmes de l'aide juridique, bien sûr, ce travailleur a droit à des services quasi gratuits. En Ontario, il y a des modalités qui diffèrent d'ici, semble-t-il. (11 h 50)

Mais, ce qui arrive en Ontario, et ça, j'ai pu en venir à cette conclusion, c'est que le ministre du Procureur général ne refile pas les frais encourus par les 71 cliniques juridiques populaires qui font de l'indemnisation à la Commission des accidents du travail de l'Ontario, de telle sorte que, nous, évidemment, le système qu'on... si on intégrait l'aide juridique dans un réseau québécois, il faudrait que la totalité des frais de l'aide juridique aux accidentés soit refilée à la Commission des accidents du travail. Mais, nous, on ne propose pas un modèle ayant un monopole. On se dit: Le citoyen doit avoir le choix. Mais, même avec toutes les cliniques syndicales existantes, les cliniques ou les points de service des associations d'accidentés, la nôtre et les avocats de l'aide juridique dans les bureaux régionaux et ainsi de suite, malgré tous les services fournis, nous, quand on interroge les réviseurs qui sont dans les bureaux paritaires de révision, quand on regarde les statistiques fournies par les centrales syndicales — FTQ, CSN et les autres — sur le nombre de cas représentés et traités dans une année, on doit en venir à la conclusion que notre donnée de base n'est pas fausse: il n'y a que la moitié des travailleurs qui se présentent devant la CSST, dans les mécanismes d'appel, qui sont représentés.

M. Lefebvre: Merci.

M. Bouchard (Robot): Et, nous, on se dit: Le besoin est là.

M. Lefebvre: Merci, M. Bouchard. Je me garde quelques minutes pour vous revenir tout à l'heure. Merci, M. Bouchard.

Le Président (M. Parent): Merci. Mme la porte-parole de l'Opposition officielle, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors,

Mme Legendre, M. Bouchard, M. Petelle, merci beaucoup de votre présence. Votre mémoire, évidemment, nous amène à nous interroger non seulement sur le système d'aide juridique, mais à examiner toute la problématique des accidents de travail. Et je pense qu'on retrouve, dans votre mémoire, des recommandations précises concernant l'aide juridique, en page 3, mais le reste de votre mémoire, c'est vraiment de nous présenter toute la problématique qui est vécue au niveau de la Commission des accidents du travail et surtout pour les accidentés du travail. les chiffres sont particulièrement impressionnants. quand on regarde en page 2 que, du côté des bureaux de révision de la csst, il y a quand même 42 % des décisions qui sont rendues, après le bureau de révision, en faveur des accidentés, presque la moitié, finalement, des décisions. ceux qui sont représentés par la fata, là, le pourcentage est plus élevé, 69 %, mais, même en regardant le chiffre de ceux qui ne sont pas représentés par chez vous, c'est presque la moitié des dossiers. du côté... lorsqu'on se retrouve devant la commission d'appel, c'est 61 % des dossiers qui sont jugés favorables là aux victimes d'accidents de travail, et 74 % dans le cas où ils sont représentés chez vous. quand on regarde le nombre d'appels, si je pense à 1993, 34 928 appels, c'est interrogeant sur notre système. et il y a sûrement certaines lacunes pour que les pourcentages soient si élevés, rendus en faveur des accidentés du travail tant au niveau du bureau de révision qu'en appel. il faut s'interroger comment les décisions sont rendues directement dans nos bureaux, parce que c'est des coûts qui sont beaucoup plus dispendieux que si les décisions étaient rendues au premier niveau. et, si on se retrouvait devant un système où il y avait toujours, toujours gain de cause pour l'employeur ou la csst, bien, là, on se dirait: les décisions sont vraiment bien rendues. mais, là, ce n'est pas ça qui se produit. donc, il y a un problème au niveau des décisions, et je pense qu'il faut aller voir le problème de toute la csst d'une manière beaucoup plus globale.

Vous nous faites une proposition précise d'un modèle d'un organisme paragouvernemental. Avant de vous questionner sur ce modèle-là, j'aurais peut-être trois petites questions un petit peu pointues. Vous nous dites, en page 3, il y a eu effectivement en 1991-1992, à partir des chiffres du ministre, 2649 cas d'indemnisation d'accidents du travail qui ont été traités par l'aide juridique. Ceux de la FATA sont du nombre. Est-ce que vous pouvez nous donner un chiffre approximatif du nombre de vos dossiers qu'on pourrait comptabiliser dans ce nombre-là?

M. Bouchard (Robert): Très rapidement, entre 8 % et 10 %, sûrement.

Mme Caron: Entre 8 % et 10 %. O.K. Vous nous dites aussi — une autre petite question pointue — en page 2, que la FATA est obligée d'exiger des frais nominaux à sa clientèle, que ce n'est pas normal,

mais que vous devez le faire. Et vous avez une clientèle en partie non syndiquée. Vous devez allez chercher votre financement, à peu près 60 %. Le coût que vous demandez aux travailleurs, est-ce que c'est établi en fonction de leurs revenus ou selon la difficulté du dossier? Et ça peut s'échelonner sur combien?

M. Bouchard (Robert): Ma collègue, Colette, va vous répondre.

Mme Legendre (Colette): Les taux qu'on a établis étaient plutôt en fonction des problèmes financiers de la FATA. Parce que, on le dit dans le «chose», jusqu'en 1987, ça a été gratuit. Et, en 1987, on était dans le déficit, dans le rouge très foncé. Alors là, on n'avait pas le choix, il fallait prendre une décision. Alors là, on a établi un montant. Ça a commencé, je pense que c'était 125 $ ou 200 $; 125 $ pour un bureau de révision paritaire, en 1987, et c'était 200 $ pour une commission d'appel. Maintenant, on est rendu à 350 $ pour un bureau de révision paritaire et 450 $ pour une commission d'appel. Ça, ça veut dire qu'on prend le dossier du début à la fin, jusqu'à l'audition, tout ça. Comme vous voyez, ce sont des tarifs qui sont très raisonnables. Plus que raisonnables, c'est que ça nous donne des problèmes, des maux de tête, pour que le budget puisse... Alors, c'est le personnel qui fait des sacrifices beaucoup. C'est très difficile de faire balancer les budgets dans des conditions comme ça. Mais on essaie toujours de tenir ça le plus bas possible, pour permettre au plus grand nombre d'accidentés d'être aidés. Parce qu'il y a des gens qui, entre l'aide juridique et payer 450 $ pour une commission d'appel, ils ont des difficultés financières. Alors là, il faut les aider, nous, du mieux qu'on peut, avec des modalités de paiement échelonnées sur six mois, huit mois, pour 50 $ par mois. En tout cas, il y a tous les problèmes qui en résultent.

Mme Caron: Donc, vous êtes même obligés de charger, en fait, plus cher que le tarif de l'aide juridique, au niveau de la révision, qui est de 262 $. C'est un tarif fixe. Donc, vous ne pouvez pas tenir compte de la condition des revenus des personnes, que ce soit un travailleur à faible revenu ou à revenu plus élevé. C'est fixe.

Mme Legendre (Colette): C'est ça.

Mme Caron: Je voulais vous questionner aussi... Vous avez abordé, un petit peu — surtout au niveau verbal, ce n'était pas écrit dans votre mémoire — en page 6, vous abordez la loi 35, mais vous avez fait un petit aparté pour nous parler de la conciliation et nous dire que, depuis l'adoption de la loi 35 — peut-être rappeler que nous nous opposions à l'adoption de la loi 35 — que les procédures de conciliation, vous êtes particulièrement inquiets. Vous avez l'impression que cette étape-là de conciliation, finalement, les accidentés du travail sont pénalisés, sont portés, peut-être, à accepter un règlement alors qu'ils auraient une cause qui pourrait être défendue jusqu'à l'appel et qu'ils pourraient avoir gain de cause. Ça ne fait pas tellement longtemps qu'elle a été adoptée, mais est-ce que vous avez pu, dans votre pratique quotidienne, avoir un petit peu plus d'information sur les gens qui pouvaient se plaindre de ce mode-là? (12 heures)

M. Bouchard (Robert): M. le Président, une réponse en deux temps: j'aimerais que notre conseiller commente la question parce que lui a vécu certaines expériences. Je ne dirai que ceci, c'est que, quand une personne accidentée dit oui à un arrangement qui peut être suggéré par le conciliateur, sa décision est finale et son dossier n'est plus appelable. C'est fermé. Bon. Moi, j'irais jusqu'à soutenir, personnellement, que c'est probablement ultra vires de la loi elle-même, qui dit — et c'est son principe de base — un travailleur doit toujours être indemnisé pour les dommages réels qu'il a subis, les dommages par accident de travail ou maladie de travail. Ça, c'est un autre débat. Mais, si son dossier est fermé, Q est extrêmement difficile, à partir de ce moment-là, de le remettre en marche si, après un retour au travail, il y a rechute, aggravation, et tout le reste. Bon. Et, si le travailleur est seul avec le conciliateur — et, laissez-moi vous dire que nous savons qu'il y a des gens très compétents et, je pense, qui travaillent dans l'intérêt des accidentés, mais ils sont quand même sous la tutelle de la CSST, qui est l'assureur, qu'en dépit de tout ça, il peut arriver des bavures, et des bavures sérieuses, et, nous, on se dit: II faut de la représentation.

Maintenant, on se demande aussi s'il ne s'agit pas d'une machine à désistement. Dans les statistiques données par M. Shedleur, le 2 février dernier, il a fait état de 1808 cas traités par la conciliation en 1992. Il y a eu quelque 300 désistements. Puis, lui, il appelle ça des réussites. Moi, je voudrais voir chacun des dossiers un par derrière l'autre pour savoir si, oui ou non, il s'agit d'une réussite. C'est peut-être une réussite au plan de l'assureur, évidemment, parce qu'il ne débourse pas s'il y a un désistement, mais c'est autre chose, quant au mérite du cas, la justice et l'équité du cas, et ce sont ces critères qui doivent présider à toute décision de la Commission, comme vous le savez, à la lecture de la loi. Alors, je cède la parole à Claude.

Le Président (M. Parent): M. Bouchard, avant de reconnaître M. Petelle...

M. Bouchard (Robert): Oui.

Le Président (M. Parent): ...je dois recevoir le consentement unanime des membres de cette commission pour pouvoir poursuivre nos travaux. Consentement? Merci. M. Petelle, nous vous écoutons.

M. Petelle (Claude): II faut comprendre que,

dans le processus de conciliation, il doit y avoir une entente entre le travailleur et l'employeur. L'employeur, dans la plupart des cas, est représenté. Dans la plupart des cas, il faut comprendre que l'employeur, ce n'est pas lui qui vient lui-même; il est représenté soit par avocat ou par quelqu'un de son «staff» au niveau du personnel. Donc, il faut comprendre que ce sont des personnes compétentes, qui ont manipulé des dossiers avant celui-là, premièrement. Deuxièmement, au niveau de la CSST, c'est souvent le contentieux de la CSST qui pilote ces dossiers-là. Donc, il faut comprendre encore que c'est des personnes compétentes, puis ce n'est pas le premier dossier qu'elles ont. Vous avez, dans le coin opposé, le travailleur qui, lui, n'est pas représenté, dans la grande majorité des cas. Ça fait que, là, tu as un paquet de bonhommes ou de bonnes-femmes qui roulent alentour de lui, puis qui l'étourdissent de façon assez inconvenante, pour employer un terme que tout le monde comprendrait ici. Mais, moi, je vous dis que je suis absolument époustouflé d'entendre des téléphones, des fois, de personnes qui me demandent: Est-ce que je devrais me désister? Pour répondre à la question soulevée, les désistements, ça ne règle pas les problèmes, ça ne règle pas les cicatrices, les désistements. Le bonhomme est poigne avec, la même chose.

Donc, c'est un processus qui est mis sur pied. Pourquoi? Pour diminuer les coûts, mais au détriment de qui? Qui paie ces coûts-là? C'est le travailleur accidenté qui n'est pas représenté. Nous autres, on pense que si ces gens-là étaient représentés, on ne dit pas que ça n'arriverait pas à la même conclusion, mais s'il y avait des désistements, ce serait avec une bonification du résultat de ce désistement-là. C'est ce qu'on dit, nous autres. Quand on parle de représentation, on parle de gens qui connaissent leur métier puis qui défendent les intérêts de la personne qui est en conflit. C'est ce qu'on dit. Et on ne peut pas penser qu'un système de conciliation, tel qu'il est à l'heure actuelle, soit efficace pour le bien-être des travailleurs accidentés, de la façon qu'il est là. C'est impensable, c'est incompréhensible que quelqu'un laisse fonctionner ça. Puis, je dis «quelqu'un», c'est le gouvernement, ici. C'est eux autres qui peuvent intervenir. Nous autres, on vous dénonce une situation, puis, si vous ne faites rien, on n'a pas le pouvoir. On vous le dénonce, puis on vous dit ça. C'est de même que ça se passe.

Le Président (M. Parent): Merci, M. Petelle. Madame.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Je vous remercie beaucoup. Je sentais tantôt que vous aviez des choses à nous dire sur la conciliation, ça fait que je voulais vous permettre de l'exprimer. Mon collègue, M. le Président, aurait quelques questions. S'il nous reste un petit peu de temps après, je reviendrai.

Le Président (M. Parent): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Merci, M. le Président. J'aurais uniquement une question à poser: Est-ce que j'ai bien compris que toute personne qui se présente devant la FATA avec un dossier, peu importe son admissibilité ou pas à l'aide juridique, va avoir à payer les frais que vous avez mentionnés tout à l'heure? Non? Ou uniquement, c'est les...

M. Bouchard (Robert): Bien non! S'il est à l'aide juridique, il ne paie pas de frais... Aucun frais.

M. Bélanger II n'y aura pas de frais d'ouverture de dossier en...

M. Bouchard (Robert): Absolument. Aucun frais.

M. Bélanger: Donc, les frais ne s'appliquent qu'aux gens qui se présentent et qui ne sont pas éligibles à l'aide jurdique. C'est ça?

Une voix: Bien sûr, bien sûr. M. Bouchard (Robert): C'est ça. M. Bélanger: D'accord.

Le Président (M. Parent): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Votre proposition d'organisme, elle s'appuie évidemment sur ce qui existe à l'extérieur, donc sur des... Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui se passe au niveau de l'Ontario, finalement? Est-ce que vous avez l'impression qu'il y a moins de judiciarisation à partir de cet établissement-là et... Puis, l'objectif, je pense que vous l'avez exprimé aussi au niveau de la conciliation, ce n'est pas juste qu'il n'y ait pas de judiciarisation, il faut que les gens aient justice quand même, là. Est-ce que vous pensez qu'il y a moins de judiciarisation, mais qu'il y a une meilleure justice qui est rendue aussi, au bout du compte?

M. Bouchard (Robert): C'est une question, M. le Président, qui est très difficile. À savoir s'il y a une meilleure justice en Ontario qu'ici, ça, c'est peut-être...

Mme Caron: Non, non. Cette façon de travailler...

M. Bouchard (Robert): C'est très difficile à quantifier, oui. Mais...

Mme Caron: ...est-ce que ça apporte une meilleure justice ou pas?

M. Bouchard (Robert): Moi, je pense que si on

inclut les cliniques juridiques populaires syndicales de Toronto et le réseau syndical avec le Bureau des conseillers des travailleurs et des travailleuses, oui, il y a... quant à moi, les chances sont meilleures pour avoir justice au niveau d'un accidenté. Maintenant, le système est manifestement moins judiciarisé qu'ici et... Nous n'en faisons pas une proposition, là, des mécanismes ontariens, mais il n'y a pas de bureau paritaire de révision en tant que tel. À l'intérieur de la Commission des accidents du travail de l'Ontario, il y a deux paliers. Il y a, en quelque sorte, une service de révision et ce qu'on appelle en anglais un «hearing officer», c'est-à-dire un agent d'appel, et il y a ces deux paliers à l'intérieur de la Commission des acccidents du travail où on peut faire des représentations pour essayer de régler les dossiers favorablement. Il n'y a donc pas de système qu'on pourrait assimiler à un procès en bonne et due forme dans ce mécanisme-là. Il s'agit de représentations souvent ex parte. Dans ce système-là, je pense qu'on perd moins de temps, ça, c'est clair, et il y a toujours, à la fin, le TAAT, le Tribunal d'appel des accidents du travail de l'Ontario, qui va entendre la cause au complet et puis... À ma connaissance, il y a, au niveau des commissaires, des gens du monde syndical également, en Ontario. Ça, c'est à peu près la meilleure réponse que je peux vous donner. Mais quand on visite un bureau, on se rend compte que, à bénéficier de cette structure avec l'apport qu'on pourrait y ajouter ici, c'est-à-dire notre forme de mesures interdisciplinaires, d'actions interdisciplinaires, synergie, médecins du travail des réseaux d'établissements publics avec avocats de l'aide juridique et conseillers qui viennent, pour la plupart chez nous, du monde syndical et certains du monde communautaire, on a la formule gagnante. Évidemment, s'il y avait moins de blocages à l'intérieur de la CSST, ça irait drôlement mieux, mais il y a une histoire à ça. C'est peut-être trop long de tout repasser ça, mais, dès la fin de 1986, début de 1987, la haute direction de la CSST avait délibérément décidé de bloquer tout le système de l'indemnisation, toutes les réclamations. Les employeurs ont été incités par le service d'inspection à contester systématiquement les réclamations, et on est encore en train de vivre les séquelles de ça. On s'est peut-être imaginé que le monde syndical ne se battrait pas et que le monde communautaire au Québec ne se battrait pas. On s'est battus et on l'a bloqué, le système, à notre tour aussi, pour obtenir justice pour le monde. Maintenant, il semble y avoir un changement d'attitude, mais on verra. Nous, on se dit que, dans tout ça, la grande leçon, ça nous prend un bon système de représentation, le droit à la représentation surtout pour le non-syndiqué. On n'en sort pas. Sans ça, il n'y a pas... C'est deux contre un, comme le disait Mme Flibotte tantôt.

Le Président (M. Parent): Une dernière question, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Une dernière?

Le Président (M. Parent): II vous reste deux minutes. (12 h 10)

Mme Caron: Merci, M. le Président. Avant la création de cet organisme que vous souhaitez, et que vous exprimez très bien dans votre mémoire, vous proposez, en page 3, la septième recommandation, que tous les frais qui sont assumés par les avocats de l'aide juridique pour la défense des travailleurs et des travailleuses accidentés soient immédiatement absorbés par la CSST. Est-ce que vous pensez que cette proposition-là pourrait — et là, je vous demande d'étendre, pas de vous limiter juste chez vous — toucher d'autres organismes? Est-ce qu'on pourrait l'étendre à d'autres organismes?

Le Président (M. Parent): M. Bouchard.

M. Bouchard (Robert): On a pensé à ça, puis on s'est dit: Est-ce qu'on va aborder cette question-là dans notre mémoire? Parce qu'on s'est penchés un peu, avec nos deux avocats en pratique privée, sur la question, par exemple, des accidents d'automobile. Et puis, on s'est dit: Les services devraient être gratuits pour tous aussi là, en ce sens que les frais soient intégrés à la prime d'assurance. Mais on s'est dit: Si on ouvre ce débat-là en commission parlementaire, M. le Président, on va ouvrir un autre débat qui est vraiment celui qu'on veut soulever.

Le Président (M. Parent): Ça peut aller loin.

M. Bouchard (Robert): Alors, on y a pensé, on a des idées là-dessus, mais pas absolument arrêtées. On n'en a pas fait une question politique chez nous là. Ce qui est approuvé par le conseil d'administration de la FATA, c'est évidemment le mémoire qu'on a déposé aujourd'hui.

Le Président (M. Parent): Merci.

Mme Caron: Alors, il me reste, évidemment, Mme Legendre, M. Bouchard et M. Petelle, à vous remercier beaucoup de votre participation. Vos explications nous ont permis de comprendre davantage vos propositions, et je vous en remercie.

Le Président (M. Parent): M. le ministre de la Justice.

M. Lefebvre: Avant de conclure, j'aurais une question à Mme Legendre. Lorsque, Mme Legendre, votre client ou cliente — puis vous en parliez tout à l'heure comme quelqu'un qui, évidemment, a un revenu extrêmement modeste — doit prendre des ententes, des arrangements avec votre organisme pour le paiement des honoraires ou des frais que vous devez charger... si, par hypothèse, le bénéficiaire arrive en bout de course avec un résultat qui est zéro, perd sa cause, comment vous

entendez-vous avec lui pour le paiement des honoraires et de vos frais? Ça doit être un problème.

Mme Legendre (Colette): C'est-à-dire que, oui. C'est plus difficile de se faire payer. Bien sûr qu'on n'a pas de système de... Comment est-ce qu'on appelle ça, là?

M. Bouchard (Robert): De recouvrement.

Mme Legendre (Colette): De recouvrement, Household Finance, là, je ne sais pas quoi. On discute avec, on essaie de lui faire comprendre qu'on l'a aidé puis que, lui, en nous payant, ça nous permet d'aider d'autres travailleurs mal pris, mais ça s'arrête là.

M. Lefebvre: C'est une situation difficile.

Mme Legendre (Colette): Nous avons un item dans le budget qui s'appelle «créances douteuses».

M. Lefebvre: D'accord. D'accord, madame. Je comprends, je comprends.

Mme Legendre (Colette): C'est tout ce qu'on fait.

M. Lefebvre: Alors, Mme Legendre, M. Bouchard et M. Petelle, je vous remercie de votre... D'abord, dans un premier temps, je veux vous féliciter pour la qualité de votre mémoire — ça touche des points qui sont extrêmement importants — et aussi de vous être présentés ce matin pour venir le défendre. M. Petelle, vous avez touché, quant à moi, quelque chose qui est fondamental. Quand vous parliez des désistements, dans certains cas, c'est malheureux effectivement pour certains travailleurs à qui on laisse entendre, pour toutes sortes de raisons, qu'ils devraient abandonner. Moi, j'arrive à la conclusion que le problème de l'information en général, la faiblesse au niveau de l'information, provoque deux conséquences malheureuses: le désistement, dans certains cas... Parce qu'il y en a qui se désistent sans vous consulter, hein, sans vous appeler. Puis ça provoque également, cette faiblesse au niveau de l'information, du... C'est quoi, un débat judiciaire? Qu'est-ce que la procédure que vous avez sous le nez, messieurs et madame, veut dire? etc., ça provoque un autre problème, qui est aussi pire, quant à moi: c'est la judiciarisa-tion, souvent, non nécessaire.

Il y a plein de cas qui pourraient être réglés avant l'étape de la procédure, que ce soit dans votre domaine très précis qui est le vôtre, les accidentés de l'automobile. Mais on a eu des témoignages semblables en matière de droit matrimonial, en matière de droit criminel et pénal, la judiciarisation des cas à cause d'un problème d'information et aussi ce que vous disiez, M. Petelle, que ça provoque, malheureusement, chez certains bénéficiaires et justiciables l'abandon de bonnes causes parce qu'ils sont mal informés.

Alors, ça, c'est préoccupant, cette situation-là. Je retiens aussi — je conclus là-dessus, M. le Président — que, de façon générale, vous semblez nous indiquer que le régime est bien géré. La gestion du régime, dans votre mémoire, on ne voit pas d'intervention de votre part ou de suggestion quant à la remise en question du régime, le libre choix de l'avocat, les différents paliers du fonctionnement du régime. On semble comprendre que vous êtes d'accord avec l'ensemble de l'opération du régime d'aide juridique au Québec.

Alors, merci d'être venus témoigner ce matin, de nous avoir donné un éclairage, suite au document que vous nous aviez soumis. Merci beaucoup.

Le Président (M. Parent): Merci, M. le ministre. Je vous informe que la commission des institutions reprendra ses travaux immédiatement après l'annonce des travaux des commissions en Chambre, qui se fera avant l'annonce des motions. Alors, M. Bouchard et les personnes qui vous accompagnent, merci beaucoup. Nous suspendons les travaux jusqu'à cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 15)

(Reprise à 16 h 18)

Le Président (M. Parent): Alors la commission des institutions reprend ses travaux et accueille la Confédération des syndicats nationaux. Mesdames les représentantes de la Confédération des syndicats nationaux, je dois, au nom des membres de cette commission, m'ex-cuser du retard auquel nous avons dû faire face.

L'agenda étant prévu pour normalement une période des questions des affaires courantes à l'Assemblée nationale qui dure une heure, une heure et dix d'habitude... À cause de situations imprévues, la rentrée de trois nouveaux députés à l'Assemblée nationale, alors, tout l'horaire a été perturbé. Soyez certaines que nous nous en excusons. Par contre, votre temps d'intervention ne sera pas diminué pour autant; nous allons le respecter. Alors, normalement, vous avez une période de 20 minutes. C'est-à-dire, vous avez droit à jusqu'à 20 minutes pour présenter votre mémoire. Mémoire que je prends pour acquis que tous les membres ont déjà lu. Alors, d'habitude on ne lit pas le mémoire, on en fait un résumé. Après ça, alternativement, le temps sera réparti équitablement entre les deux formations politiques qui forment cette commission.

Alors, si je suis bien informé, la Confédération des syndicats nationaux est représentée par Mme Céline Lamontagne, la vice-présidente — Mme Lamontagne, bonjour — Mme Franchie Bousquet, service juridique de la CSN — ça me fait plaisir, Mme Bousquet — Mme Franchie St-Pierre, représentante de la Fédération des employées et employés des services publics — vous êtes ici, Mme St-Pierre? — et Mme Simone Santerre. Est-ce qu'elle est ici? Madame, bonjour. Alors, nous vous souhaitons la bienvenue et je vous invite immédiatement...

Je ne sais pas qui est le porte-parole officiel. C'est vous, Mme la vice-présidente?

Mme Lamontagne (Céline): Oui.

(16 h 20)

Le Président (M. Parent): Nous vous écoutons.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Mme Lamontagne (Céline): Merci, M. le Président. Je voudrais remercier les membres de la commission d'accepter de nous entendre aujourd'hui. Vous êtes tous excusés pour le retard, et j'ai pris bonne note que ce n'était pas comptabilisé dans notre temps, alors tout va bien.

Nous sommes heureuses, donc, d'être ici et de donner notre point de vue sur le régime d'aide juridique. Je dois vous dire cependant que... Je pense qu'on a beaucoup à coeur l'avenir du régime d'aide juridique parce que, comme beaucoup d'autres groupes, on a l'impression, aujourd'hui et pendant tout le déroulement de cette commission, de redire des choses qu'on a déjà entendues dans d'autres consultations. Comme ça a été dit hier dans les journaux, je pense que le tour du jardin a été fait. C'est clair. La volonté des groupes et des utilisateurs de l'aide juridique est claire et les demandes sont claires aussi. On pourrait même aller jusqu'à dire, en étant un petit peu démagogique, si on nous le permet, que tous les coûts qu'ont engendrés ces multiples consultations auraient pu nous permettre de nous payer la hausse des seuils d'admissibilité à l'aide juridique. Nous sommes pour la démocratie, vous le savez très bien, et on demande souvent des consultations, mais là, disons qu'il y a surconsultation, surtout que tout le monde s'entend à peu près sur les mêmes demandes.

Alors, oui, la volonté des utilisateurs est claire. Le système d'aide juridique au Québec, c'est un système efficace, qui a rempli sa mission et qui n'est pas l'objet de critiques importantes, sinon une critique majeure, c'est qu'on constate qu'au cours des années le système d'aide juridique, au lieu d'être un système d'aide pour la population plus défavorisée économiquement, s'est transformé en système d'assistance juridique. Encore aujourd'hui, en 1994, un trop grand nombre de personnes à faible revenu, qui sont au seuil de la pauvreté, et en bas des seuils de pauvreté souvent, n'ont plus accès au système d'aide juridique au Québec. alors, comme beaucoup d'autres groupes, au risque de nous répéter, nous demandons que les seuils d'admissibilité à l'aide juridique reviennent à ce qu'ils étaient aux origines de la création ou de la formation du système, c'est-à-dire ceux qui prévalaient en 1973, c'est-à-dire qu'on couvre la même population. nous sommes d'accord avec ce qui a été dit dans maints rapports, entre autres, dans le rapport macdonald, que ceux qui sont en bas de 80 % du mga aient accès gratuitement au système d'aide juridique. on est conscients, par ailleurs, que cet étalon-là, parce que c'est un étalon, crée certaines distorsions. entre autres, pour la personne seule, ce n'est pas tout à fait ce qu'il y avait en 1973, indexé aux chiffres de 1994, mais il demeure que si on s'entend sur ça, ça permet une indexation automatique du système d'aide juridique, ce qui est, à notre avis, fondamental puisque, si les seuils avaient été indexés, peut-être qu'on ne serait pas là aujourd'hui pour parler du régime d'aide juridique.

Nous pensons aussi que si on couvre une plus grande population, il y a deux éléments qu'il faut se rappeler. Nous l'avons dit hier aussi lors de notre conférence de presse. Il ne faut pas croire que, même si on double la population qui aurait accès au régime d'aide juridique, on va doubler aussi le nombre de dossiers. On sait que le taux d'utilisation, dans toutes les études qui ont été faites, pour la nouvelle population, serait moindre. Nous, on pense que si on en couvre plus large, si on accueille une plus grande population, on pourrait aussi peut-être diminuer le volume de dossiers qui est admis actuellement par pouvoir discrétionnaire. On comprend que, comme il faut être vraiment très, très démuni pour avoir accès, actuellement, au régime, c'est que le nombre de dossiers admis par pouvoir discrétionnaire risque d'augmenter puisque c'est les situations très dramatiques, souvent, qu'on admet par ce règlement-là.

Alors, nous, on pense que... Sur les seuils d'admissibilité, je pense que je ne m'étendrai pas plus longtemps sur les raisons qui militent pour augmenter les seuils d'admissibilité, mais, nous, on pense que les devoirs sont à faire par le gouvernement et qu'on devrait légiférer dans ce sens-là très rapidement, même si on sait qu'on est dans une période, disons, de fin de régime, etc. Mais on pense que, là, il y a un devoir important qui est à faire par le gouvernement, qui est dit depuis plusieurs années par plusieurs groupes.

Un autre aspect qui nous apparaît majeur aussi, dans les questions qui étaient posées dans le document du ministère de la Justice, c'est toute la dimension de la couverture. Nous, nous croyons que la couverture doit demeurer inchangée. Je vais parler de deux aspects, particulièrement: tout l'aspect du criminel et du pénal. Il nous apparaît assez difficile de déterminer, comme on le laisse sous-entendre dans le document du ministère, si un préjudice est grave, moins grave ou si c'est un préjudice léger. Ce serait là une lourde responsabilité pour ceux qui doivent admettre les personnes. Comme on le dit aussi dans notre mémoire, 100 $, ce n'est peut-être pas grave pour plusieurs d'entre nous qui sommes assis dans cette salle, mais pour quelqu'un qui vit de l'aide sociale, c'est un montant important et c'est une question, souvent, de pain et de beurre. Donc, on pense qu'on devrait garder intacte la couverture au criminel et au pénal et qu'on ne devrait pas cataloguer les préjudices en termes de gradation de gravité, si on veut.

L'autre aspect, je pense qu'on en a beaucoup parlé durant cette commission, c'est toute la question des tribunaux administratifs, où l'avocat ou l'avocate n'est pas requis pour défendre une personne. Nous, on pense que, d'abord, les tribunaux administratifs doivent continuer d'être couverts par l'aide juridique. Il faut se

rappeler que, lorsqu'on parle de tribunaux administratifs, c'est souvent l'essentiel de la vie des personnes qui est en jeu. C'est des droits de base. C'est, par exemple, avoir droit, oui ou non, à l'assurance-chômage; c'est avoir droit, oui ou non, à une indemnité en vertu de la loi sur les accidents du travail; c'est des congédiements devant la loi des normes ou devant le commissaire du travail; c'est le logement. Donc, c'est vraiment la vie quotidienne des personnes qui est en jeu. Donc, on pense que, oui, ça devrait continuer à être couvert par l'aide juridique. Un autre aspect qu'on peut ajouter à ça, c'est que si, par exemple, les personnes ordinaires n'ont pas envie finalement d'avoir droit ou de pouvoir être en contact avec un avocat au criminel, ça, ce n'est pas le commun ou le quotidien de la vie des personnes, mais perdre un emploi, avoir un accident de travail, ça, c'est la vie quotidienne de beaucoup de travailleuses et de travailleurs.

Ce qu'on doit comprendre aussi, et c'est important en droit administratif, c'est que, depuis ces dernières années, les procédures se sont lourdement judiciari-sées. Il y a des procédures qu'on voulait simples, qui sont devenues souvent de véritables procès où on fait des preuves par témoignage, des preuves par expert. Ça n'a jamais été le choix des travailleuses et des travailleurs, jamais été le choix des bénéficiaires, jamais été le choix des organisations syndicales de rendre, par exemple, un bureau de révision à la CSST compliqué, de rendre les tribunaux d'arbitrage compliqués, de rendre une audition devant le commissaire du travail compliquée. Je pense que c'a été d'abord — et on doit le dire — un choix qui s'est fait graduellement au cours des années, où, de plus en plus, les employeurs se font représenter par des avocats, avec des avocats de pratique privée, souvent des avocats de grands bureaux très connus de pratique privée. On peut donner des exemples. Par exemple, dans des établissements du secteur public, si on prend les hôpitaux, il y a certains hôpitaux qui ne se présentent devant aucun tribunal, que ce soit en arbitrage de griefs ou que ce soit en accidents du travail, sans utiliser les avocats et sans que ça devienne des procès qui n'en finissent plus, avec toute la série de procédures qu'on connaît.

Donc, c'est l'argent des contribuables qui est utilisé. Nous, on pense que, oui, on pourrait avoir des procédures plus simples, mais, compte tenu que la partie adverse, dans bien des cas pour les travailleuses et les travailleurs, est bardée d'avocats, je pense que ce serait un préjudice très grave que de réduire la couverture de l'aide juridique et d'enlever les tribunaux administratifs de cette couverture. Je pense que, comme société, on a un travail à faire pour déjudiciariser tout le droit administratif, mais il ne faudrait pas le faire aux dépens des personnes qui sont les plus démunies. (16 h 30)

Un autre aspect, toujours dans la couverture, c'est toute la question incidente des frais d'expertise. On en a parlé un peu devant cette commission. Effectivement, il y a une inflation importante des frais d'expertise, pas seulement pour ceux qui recourent à l'aide juridique, mais pour l'ensemble aussi des tribunaux administratifs, même si tu n'as pas droit à l'aide juridique. Nous, à la CSN, par exemple, on paye beaucoup de frais d'expertise pour les accidentés du travail. Alors, on pense qu'il serait aussi important que le gouvernement réglemente ou négocie avec les fédérations représentant certains types de professionnels, entre autres, les médecins, les psychologues, etc., pour qu'on réglemente toute la question des expertises. Parce que, effectivement, ça coûte très cher, et à l'aide juridique... mais ça coûte très cher, en général, au bénéficiaire qui va partout, même dans les tribunaux administratifs. Alors, on me dit que, par exemple, à l'aide juridique, c'est 4 500 000 $ d'expertises professionnelles que ça a coûté au système. Donc, c'est une facture très élevée, et je pense qu'on pourrait améliorer le service avec cet argent-là, et sans préjudicier des droits des bénéficiaires. Alors, ça, c'est une question aussi qui nous tient à coeur. Il y avait des propositions, dans le rapport Macdonald, sur la question des expertises, et je pense que ce serait simple de négocier avec les fédérations professionnelles sur cette question-là.

Un autre aspect qu'on touche dans notre mémoire, c'est toute l'organisation et le fonctionnement de l'aide juridique. D'abord, on trouve important de maintenir la structure actuelle, de conserver, entre autres, le statut juridique des corporations régionales, donc, des corporations qui sont incorporées, qui ont leur conseil d'administration qui est représentatif de la communauté, qui administrent leur budget. On pense aussi qu'il y a là une question d'indépendance face au gouvernement parce que, souvent, les bénéficiaires, les personnes d'aide juridique, la partie adverse est souvent le gouvernement. Donc, je pense qu'il y a une question d'indépendance, mais aussi, c'est important pour toute la dimension de l'insertion dans la communauté locale et la communauté régionale. Je pense que le rapport annuel de la Commission des services juridiques démontre l'intervention, dans la communauté, des différentes corporations et des salariés de l'aide juridique.

Un autre aspect dans l'organisation et le fonctionnement du régime, c'est toute la question du régime mixte. Je pense que tous s'entendent pour louanger, actuellement, les qualités du régime mixte québécois d'aide juridique, à savoir, avoir des salariés permanents et aussi de référer à la pratique privée. Le libre choix de son avocat, c'est un droit, à notre avis, fondamental. Donc, je pense que tout le monde est d'accord avec ça, tous ceux qui se sont présentés devant cette commission, même si, dans le rapport du ministère, il y avait des questions tendant vers la privatisation du régime.

Je voudrais en profiter, puisqu'on parle de salariés permanents et de pratique privée, pour rappeler à la commission parlementaire que, parmi les salariés de l'aide juridique, il y a, certes, des avocates et des avocats qui ont une expertise, une expertise très grande en droit, entre autres, de la pauvreté, qui connaissent bien les besoins des personnes avec qui elles travaillent, mais il y a aussi, et on n'en a pas parlé du tout depuis le

début de cette commission, il y a aussi des employés de soutien. Ils sont plus de 500 — et ce n'est pas parce que c'est le 8 mars que j'en parle aujourd'hui — ce sont particulièrement et très majoritairement des femmes. On en parle peu parce que, comme beaucoup d'emplois féminins, ce sont des emplois qui sont effacés. Mais il faut se rappeler qu'ils donnent un service direct auprès des bénéficiaires de l'aide juridique, qu'ils sont là, à l'accueil, qu'ils font souvent de la référence, qu'ils sont souvent, aussi, des personnes, des points de référence aussi pour les personnes qui viennent à l'aide juridique, parce qu'elles sont toujours là, elles sont disponibles, elles ne sont pas... Donc, souvent, plus faciles à rejoindre que l'avocat ou l'avocate. Donc, sans ces plus de 500 personnes-là, je pense que le régime d'aide juridique ne serait pas ce qu'il est au Québec. Donc, c'est important de se le rappeler. Comme je le disais, on l'oublie souvent.

Alors, si on admet — et je reviens à mon point de départ — qu'il doit y avoir un équilibre entre les salariés permanents et entre la référence à la pratique privée, on doit constater que le régime dérive vers une plus grande utilisation de la pratique privée. Et on le constate dans le rapport, au 31 mars 1993, de la commission d'aide juridique, où on est passé de 42,8 % à 44,9 % d'utilisation des avocats de pratique privée.

On constate également — et ça, ce sont nos membres qui nous le disent — que la charge des avocates et des avocats salariés de l'aide juridique augmente et qu'on diminue le nombre de postes. Donc, on pense qu'il faudrait cesser l'hémorragie et, oui, peut-être, se donner les moyens d'augmenter la permanence de l'aide juridique. Nous, on pense, on parle beaucoup de coûts ou de contrôle des coûts. Je pense que le meilleur moyen de contrôler les coûts, c'est par une structure permanente, parce qu'on sait combien on paie les gens, on peut prévoir les coûts, faire de bonnes prévisions. Alors que, quand on envoie en référence à la pratique privée, c'est plus difficile de prévoir les coûts que ça va nous coûter au bout d'un an, au bout de deux ans. Et je rappelle — le Barreau en a parlé également — que la rémunération à l'acte entraîne, veut, veut pas, des distorsions ou des tentations, et qu'on ne peut pas toujours contrôler. Donc, c'est important d'avoir une bonne base de salariés permanents à l'aide juridique si on veut établir l'équilibre, si on veut qu'il y ait un véritable choix pour la clientèle entre un avocat de pratique privée et un avocat de pratique salarié.

Ceci dit, je termine sur ça. Nous, on croit que l'aide juridique, c'est un des moyens importants et, peut-être, qui a été privilégié par la société québécoise pour rendre la justice plus accessible à tous et à toutes. Cependant, on ne croit pas non plus que ça fasse le tour de tous les moyens pour rendre la justice accessible. Il y a plusieurs propositions qui ont été faites dans le rapport Macdonald qui n'ont pas été reprises; très peu ont été reprises par le gouvernement. Mais on pense qu'il y a une urgence de procéder, non pas pour diminuer le régime d'aide juridique, mais pour l'améliorer dans le sens qu'on l'a dit aujourd'hui et dans le sens où plusieurs groupes l'ont dit depuis plusieurs années. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent): C'est moi qui vous remercie, Mme Lamontagne. Et je reconnais immédiatement, pour ses commentaires, M. le ministre de la Justice. M. le ministre. (16 h 40)

M. Lefebvre: Mme St-Pierre, Mme Lamontagne, Mme Bousquet et Mme Santerre, je vous souhaite la bienvenue. J'en profite pour vous souhaiter bonne fête à vous et à toutes les femmes du Québec et du monde entier. Ça tombe bien que vous soyez là aujourd'hui, au moment où, effectivement... Et, à plusieurs reprises, c'a été souligné ce matin par Mme la députée de Terre-bonne, tout à l'heure, au salon bleu: c'est aujourd'hui la Journée internationale des femmes. On ne vous écoute pas plus, mais on ne vous écoute sûrement pas moins en ce jour du 8 mars. De toute façon, quant à moi, ça ne change rien: j'ai une femme puis j'ai deux filles à la maison, et je suis extrêmement sensibilisé à ce que c'est de vivre entouré de femmes. Et le premier ministre le disait tout à l'heure: II faut viser essentiellement à ce qu'il n'y ait plus de journée spéciale, mais que, en tout temps et partout, et de toutes sortes de façons, les femmes soient traitées de la même façon que les hommes, idéalement, et c'est ce vers quoi il faut tendre. ceci étant dit, mme la vice-présidente, vous disiez, en introduction: assez parlé, il faudrait agir. parce qu'il y a un consensus. vous savez, il y a au-delà de 50 mémoires qui nous ont été soumis, et il y a effectivement un consensus au niveau d'un élément qui est le rehaussement du seuil d'admissibilité, rehaussement qui, pour plusieurs organismes, varie. pour certains, c'est 80 % du maximum des gains admissibles; c'est votre position. pour d'autres, c'est 100 %; pour d'autres, c'est 120 %; pour certains, c'est même 130 % du mga. alors, on s'entend, oui. mais, même sur cet élément-là, il y a des positions différentes, pas contraires, mais différentes. il y a également... et, avant d'aller plus loin sur les contraires qu'on retrouve dans certains mémoires, je veux vous indiquer que le document sur lequel vous avez travaillé — je l'ai dit à d'autres groupes — ce n'est pas une position de l'ancien ministre de la justice, ni non plus du ministère de la justice ou du gouvernement du québec, ou de celui qui vous parle. c'est un document de questionnement, un document qui soulève différentes questions, lesquelles questions ont été pointées à l'occasion, entre autres, du sommet de la justice, et également à l'occasion de l'étude qui a été faite par le groupe macdonald, par différents intervenants.

Je veux vous rappeler que certains groupes proposent aujourd'hui des solutions qui ont évolué dans le temps. Et, d'ailleurs, la CSN en est un. Vous aviez une position — et remarquez bien que je ne vous en fais pas le reproche là, c'est un constat que je fais — au niveau du volet contributoire. Rehaussement du seuil d'admissibilité, aujourd'hui, jusqu'à concurrence de 80 % du MGA. Vous ne faites pas de proposition au-delà du

80 % du mga alors que, au sommet de la justice, vous suggériez à ce moment-là la possibilité... et là, je n'irai pas plus loin que de vous rappeler que vous parliez d'un volet contributoire, peu importe que ce soit au-delà de 80 % ou de 100 %, mais sur le principe de la possibilité, pour un bénéficiaire, de contribuer au régime d'aide juridique. vous sembliez le souhaiter alors qu'aujourd'hui — et, en fait, c'est une question que je vous pose: est-ce que c'est complètement éliminé, chez vous, la possibilité... un peu comme d'autres organismes le proposent, le conseil du statut de la femme, le barreau du québec, plein d'autres organismes qui suggèrent, qui nous disent: évaluez la possibilité d'une contribution, contribution directe, contribution par le biais de la fiscalité, peu importe, là. est-ce que, là-dessus, votre position a évolué au point où ce n'est plus une solution possible pour, évidemment, permettre à plus de citoyens de pouvoir utiliser le régime d'aide juridique, mais de façon un peu moins généreuse, si on veut, que nos plus démunis? est-ce que votre position, là-dessus, elle est ferme, mme lamontagne?

Mme Lamontagne (Céline): Je suis un peu surprise que vous disiez qu'on a évolué dans notre position au Sommet de la Justice...

M. Lefebvre: Là-dessus, sur cette question-là.

Mme Lamontagne (Céline): Bon. Alors, il y a une position qui est très, très, très claire, c'est que l'urgence, pour nous, c'est d'agir pour que ceux et celles — la même clientèle qu'il y avait en 1973 — puissent aujourd'hui avoir accès à l'aide juridique, et cela, gratuitement; gratuitement dans les services et sans ticket modérateur ou frais d'imposition d'ouverture de dossier. nous ne sommes pas fermés à regarder un système qui permettrait au-delà — pas pour ceux qui sont en bas de 80 % du mga — mais au-delà de ce 80 %, de permettre d'ouvrir un peu le système d'aide juridique et qu'il y ait une contribution partielle ou une contribution plus grande, dépendant du niveau de revenu des personnes...

M. Lefebvre: C'est ce que...

Mme Lamontagne (Céline): Ça, on n'est pas opposés à ça, pas du tout...

M. Lefebvre: C'est ce que vous suggériez, d'ailleurs, au Sommet.

Mme Lamontagne (Céline): Et, en tout cas, moi, j'ai participé, comme individu...

M. Lefebvre: Oui.

Mme Lamontagne (Céline): ...au groupe Macdonald.

M. Lefebvre: Oui, oui.

Mme Lamontagne (Céline): ...c'était... J'ai signé le rapport, je suis en accord personnel...

M. Lefebvre: D'accord.

Mme Lamontagne (Céline): ...avec le rapport, mais je ne veux pas dire que tout ce qui est dans le rapport est une position de mon organisme, là.

M. Lefebvre: D'accord.

Mme Lamontagne (Céline): II faut comprendre...

M. Lefebvre: Oui, oui, je comprends, madame.

Mme Lamontagne (Céline): ...mais on n'est pas en désaccord du tout avec ça.

Je voudrais rappeler aussi que, au Sommet de la Justice, le colletaillage qu'il y a eu — parce qu'il y en a eu, à la table de l'aide juridique — c'était assez... C'est que ce qui nous était proposé par l'ex-ministre et votre gouvernement, c'est de dire: On va en prendre dans ceux qui sont les plus démunis pour donner accès à ceux qui sont en haut de 80 % du MGA. Alors, ça, on n'était pas d'accord avec ça. On veut couvrir ceux qui étaient couverts en 1973, et, après, on est toujours ouverts à regarder que ceux qui sont — je ne dirais pas «riches» — qui ne sont même pas dans la classe moyenne, en haut de 80 % du MGA, puissent avoir accès à des services d'avocat et de notaire par un système public d'aide juridique. On n'est pas du tout fermés à ça. Mais qu'on ne prenne pas d'une main pour le donner à l'autre: non.

Le Président (M. Parent): M. le ministre.

M. Lefebvre: Est-ce que, Mme Lamontagne — selon ce que vous pouvez constater au niveau de tous ceux et celles avec qui vous travaillez, là, la clientèle — vous considérez que le régime d'aide juridique, au Québec, il est bien compris et connu par les plus démunis qui, souvent — et on le constate — pourraient peut-être avoir accès au régime d'aide juridique et, pour des raisons de méconnaissance du régime, n'ont pas accès au régime en question? Est-ce que c'est votre perception de la situation, actuellement, au Québec, ou si, de façon générale, on comprend bien le régime, on sait qu'il existe, puis on le comprend bien?

Mme Lamontagne (Céline): Moi, je ne le penserais pas. Je n'ai pas fait d'enquête ni de sondage. C'est évident que le régime d'aide juridique est moins bien connu que les services de santé ou les services d'éducation. C'est un régime, d'une part, aussi, qui n'est pas universel; donc, c'est un peu normal. Nous, si je regarde — et Mme Santerre pourra répondre en ce qui concerne plus le quartier dans lequel elle travaille — en

ce qui concerne les membres, chez nous, d'une part, il y a beaucoup de services que, nous, on donne; donc, ils ne vont pas à l'aide juridique.

Ça arrive aussi que de nos membres qui sont sans revenu — parce qu'il faut être sans revenu pour avoir droit à l'aide juridique — on les réfère; ils ne connaissent pas, effectivement, le système d'aide juridique. Donc, je pourrais vous dire, sans avoir fait de sondage, que si je regarde juste nos membres à la CSN, il y a plusieurs personnes encore qui ne connaissent pas le système d'aide juridique. Peut-être que Me Santerre...

M. Lefebvre: Oui, madame.

Mme Santerre (Simone): Simone Santerre. Je travaille à l'aide juridique; je fais du droit criminel. Je peux vous dire que, malgré la publicité qui est faite sur l'aide juridique, il arrive très souvent que les gens ne connaissent pas le fonctionnement de l'aide juridique, ne connaissent pas les critères d'admissibilité. Il faut souvent leur expliquer. Il faut souvent aussi leur expliquer le libre choix, ce que ça veut dire, le libre choix, et ce que les services d'aide juridique couvrent. Je pense qu'il se fait beaucoup de publicité. Il y a eu beaucoup d'information donnée sur l'accessibilité à l'aide juridique, mais je pense qu'il y a aussi une grande partie de la population qui ne l'a pas assimilée, ne l'a pas comprise. Il faut souvent donner des explications.

M. Lefebvre: Est-ce que, Mme Santerre, les responsables de l'exercice du régime d'aide juridique — je pense aux avocats permanents, je pense au personnel de soutien, et tout cela — est-ce qu'on est... Je veux discuter de la judiciarisation, et d'ailleurs, Mme la présidente en a parlé tout à l'heure. Est-ce qu'on ne devrait pas être un peu plus attentifs, plus vigilants pour donner de l'information, donner des conseils, régler des dossiers à l'amiable à la première étape plutôt que de laisser le processus suivre son cours et déboucher, finalement, sur une judiciarisation du cas?

Est-ce qu'on ne devrait pas réévaluer tout ça, se pencher là-dessus, à savoir le phénomène, le phénomène incroyable de dossiers qui, finalement, aboutissent devant les tribunaux, que ce soit en matière civile, que ce soit en matière criminelle? Et là, je parle du dossier qui, devant les tribunaux en matière pénale et criminelle, pourrait se régler, peut-être, à l'étape de la comparution. Alors que si on n'est pas suffisamment attentifs — je pense à certains avocats, qu'ils soient de la pratique privée, permanents — pas vigilants, bon, on peut traîner le dossier jusqu'à la toute fin alors que ça pourrait se régler à la première étape.

Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'intervenir là-dessus, de réfléchir là-dessus en regard de tout l'exercice qu'on fait présentement au ministère de la Justice qui parle de la déjudiciarisation et de la non-judiciarisa-tion, de la médiation? J'aimerais vous entendre là-dessus, Mme Santerre. Qu'est-ce qu'on pourrait faire? (16 h 50)

Mme Santerre (Simone): Oui, moi, je peux vous parler plus du droit criminel parce que je n'ai jamais pratiqué en droit civil. Mais je crois, d'après ce que je vois parmi mes collègues qui pratiquent en droit civil, que de la conciliation, ça se fait. Ça se fait déjà. Je pense qu'on essaie déjà d'arranger les dossiers avant d'aller demander l'aide des tribunaux. C'est mon opinion, mais je vous dis ça comme ça.

Maintenant, en droit criminel, je crois qu'il y aurait de l'amélioration. Je pense qu'il y a une partie des actes criminels qu'on judiciarise, qui auraient intérêt à passer par un service de conciliation. Je sais qu'il en existe en droit de la famille, mais en droit criminel, il existe un système à la Cour municipale de Montréal, mais il n'en existe pas ailleurs; en tout cas, pas à ma connaissance. Et je crois que, dans les cours provinciales, il pourrait y avoir certainement une façon de réfléchir à déjudiciariser. Exemple: les voies de faits simples...

M. Lefebvre: Le petit vol à l'étalage.

Mme Santerre (Simone): Le vol à l'étalage, les violences conjugales, qu'on a voulu judiciariser. Je ne veux pas faire le procès des décisions politiques...

M. Lefebvre: Non.

Mme Santerre (Simone): ...qui ont été prises à ce moment-là. Mais je pense que c'est des... On règle souvent, maintenant, les dossiers de violence conjugale. Je pense qu'il y aurait peut-être intérêt à établir un système de conciliation où les gens pourraient se concerter, et qu'on pourrait régler pour des ordonnances, comme on le fait d'ailleurs souvent. Je pense que je suis d'accord avec vous. Il faudrait réfléchir là-dessus.

M. Lefebvre: Avez-vous une opinion, Mme Santerre, sur le «block fee»? Vous savez, l'honoraire forfaitaire en matière criminelle suggéré par certains organismes?

Mme Santerre (Simone): Bon. Oui.

M. Lefebvre: Pour, justement, peut-être, éviter les abus.

Mme Santerre (Simone): Moi, mon opinion, évidemment, quand je pense à ça, ça serait pour moi déplacer le problème. Et vous avez entendu Me Cour-noyer qui est venu ici vous dire que c'est difficile d'évaluer, quand on regarde un dossier criminel, si on a besoin d'une enquête préliminaire ou si on n'a pas besoin d'une enquête préliminaire. Vous savez que c'est la poursuite qui doit prouver que notre client est coupable.

Est-ce qu'on fait une enquête préliminaire élaborée? Est-ce qu'on en a besoin? Est-ce qu'on n'en a pas besoin? C'est très difficile à décider. Je ne pense pas qu'on puisse comme ça prendre position, en disant...

malgré que vous savez maintenant qu'on a accès à la divulgation de la preuve...

M. Lefebvre: La communication de la preuve.

Mme Santerre (Simone): À la communication de la preuve, et ça se fait très bien — en tout cas, dans le milieu où je travaille à Montréal, ça se fait très bien: on a une belle divulgation de la preuve. Mais vous comprenez que, avoir des témoins et avoir la divulgation de la preuve, ce n'est pas pareil. Alors, c'est difficile de dire un «block fee», à mon avis. Est-ce que... C'est de la manière que c'est utilisé, c'est toujours... Je n'ai pas vraiment d'opinion arrêtée là-dessus.

M. Lefebvre: Merci, madame. Alors, M. le Président, pour le moment, moi, je vais laisser la parole à mes collègues.

Le Président (M. Parent): Merci. Alors, je reconnais maintenant Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Mme Lamontagne, Mme Bousquet, Mme St-Pierre, Mme Santerre, je suis très heureuse de vous accueillir au nom de ma formation politique et très heureuse de constater qu'à la CSN il y a des femmes en nombre important qui sont là pour venir représenter les intérêts sur le dossier de l'aide juridique. Et je pense que c'est beau de souligner la Journée internationale des femmes, mais il faut souligner aussi le travail que ces femmes font partout, dans tous les domaines, et la place qu'elles occupent de plus en plus. Et je pense que vous le démontrez très bien.

Oui, vous avez raison de dire qu'il y a des consensus, et depuis longtemps. Quand on relit les propositions, les recommandations du rapport Macdonald, on retrouve, dans la très grande majorité de nos mémoires, on retrouve les mêmes éléments qui reviennent. Qu'on parle de seuil — je pense qu'il y a consensus pour dire qu'il faut au moins se rendre au seuil de 1972. C'est évident que certains vont demander plus, mais ça, c'est normal; on s'y attend. Mais il y a vraiment un consensus pour dire qu'il faut au moins se rendre là. Tout le monde s'entend aussi pour dire qu'on a un régime mixte et qu'il faut le maintenir, que la structure de nos services juridiques, elle doit être maintenue, elle aussi. Alors, il y a consensus sur beaucoup, beaucoup de points, et, moi, je vais surtout... Il y a aussi consensus, je pense — dernier point — sur le fait que l'aide juridique, qui est une voie qui doit permettre l'accessibilité à la justice, on ne peut plus accepter — ça fait trop longtemps — que ce soit une voie à l'injustice.

Et là, je m'explique: Actuellement, c'est ça, c'est une voie à l'injustice. Et vous le dites bien dans votre mémoire, en page 32, quand vous rappelez que s'il fallait considérer uniquement les revenus, il y a de nombreuses familles qui sont bénéficiaires de la sécurité du revenu qui ne seraient pas éligibles. Mais, en même temps, on a des travailleurs et des travailleuses qui sont au salaire minimum et qui ne sont pas éligibles à l'aide juridique. Et ça, c'est une injustice. Et on a aussi des retraités qui ont de l'argent, un montant qui est moins élevé que ce qui est donné à l'aide sociale, parfois, et qui ne sont pas éligibles. Et ça, c'est une injustice, c'est un système qui donne accès à l'injustice; ils maintiennent ça, je pense qu'il faut qu'on le dénonce. Et ça fait longtemps qu'on le dénonce, et c'est vrai qu'on est rendu à agir.

Vous avez parlé beaucoup, beaucoup de l'augmentation de la judiciarisation, et j'aimerais vous questionner. Tantôt, il y avait ma collègue de la Condition féminine, qui a posé une question au ministre de l'Emploi, et qui disait que, finalement, aux normes du travail, on retrouve un nombre impressionnant de congédiements qui sont reliés à la grossesse, donc, et qui touchent aussi les retraits préventifs, et tout ça. Par votre expérience à vous, est-ce que, effectivement, du côté des employeurs, systématiquement, on enclenche un processus de judiciarisation lorsqu'il y a des demandes de retrait préventif, dans toutes les causes, là, qui ont trait à la grossesse?

Mme Lamontagne (Céline): Bon. Effectivement, il y a certains employeurs — et, pour ne pas les nommer, exemple: dans les hôpitaux — qui contestent les retraits préventifs malgré toutes les décisions qui ont eu lieu, par exemple, que les décisions de la Commission d'appel, et que, à notre avis, le droit est bien campé au niveau du retrait préventif. Donc, on conteste, et quand on conteste en retrait préventif, c'est une longue procédure parce que ça peut équivaloir à deux procès complets: alors, un procès au bureau de révision et un autre à la Commission d'appel. Et je donnais l'exemple, tout à l'heure, des hôpitaux qui utilisent systématiquement des bureaux d'avocats, et pas des bureaux... des bureaux de renom, comme on dit, alors, qui vont, pour un simple retrait préventif, avoir une avocate pour contester le retrait préventif. Des fois, ça se transforme en quasi-scène d'humiliation de la travailleuse, parce qu'ils sont là, non pas pour reconnaître le droit, mais pour faire en sorte qu'on ne demande plus; donc, dissuader, finalement, les personnes. Donc, ça, on retrouve ça systématiquement.

Vous parlez du retrait préventif de la travailleuse enceinte, mais ce qu'on peut dire, c'est qu'il y a, disons, sept, huit ans, on pouvait régler des cas d'accident de travail ou des cas de... Bien, le retrait préventif, depuis qu'il existe, très, très facilement, des fois, par des coups de téléphone, des lettres, des problèmes, là, de droit pour les travailleuses et travailleurs... Actuellement, beaucoup de cas, et les statistiques parlent d'elles-mêmes, s'en vont en procès ou on fait des causes, et c'est très, très long. Donc, il y a eu une judiciarisation, là, évidente dans ce domaine-là. Et, je le répète souvent, ça se fait avec l'argent des contribuables puisque c'est souvent des gros employeurs du secteur public qui agissent de cette façon-là.

Mme Caron: Je trouve ça intéressant de vous entendre là-dessus parce que, quand on parle d'abus, autant dans le système d'aide juridique que dans le système de santé, on est porté, toujours, à penser à la personne qui serait eligible, par exemple, à l'aide juridique ou à la personne qui serait bénéficiaire, bon, de l'aide sociale. Et la personne serait portée à abuser du système parce que le système est gratuit. Mais on se rend compte, par votre intervention, qu'il y a aussi des abus de la part d'employeurs, qui sont parfois des employeurs de l'État, et qui augmentent tous les coûts de notre système de justice, aussi; et ces abus-là, on en tient rarement compte, on n'en parle pas. On est porté plutôt à chercher les abus du bénéficiaire, directement, là. Je trouve ça intéressant que vous l'ayez précisé. (17 heures)

Vous nous avez parlé aussi, évidemment, des abus du côté des frais d'expertise, et je suis convaincue que, de ce côté-là, il faudrait effectivement qu'il y ait des négociations qui se fassent, parce que les coûts sont particulièrement élevés. Il y a aussi un certain questionnement, je pense — vous l'avez fait en page 21 — sur certaines pratiques. Il y a, évidemment — on en parlait un petit peu tantôt — la tarification et le nombre de procédures qu'on ajoute souvent dans le système pour avoir un montant plus intéressant. Il y a aussi certaines pratiques, et vous dénoncez, en page 21, certains avocats, là, qui abusent carrément du système d'aide juridique et qui vont se chercher des montants assez impressionnants en accumulant des mandats d'aide juridique; un nombre très, très impressionnant. Est-ce que vous pensez qu'il y aurait lieu de mettre un plafonnement pour éviter que, justement, certaines personnes — et ce n'était pas un nombre très élevé, mais ça entraîne des abus, puis, au niveau de la qualité des services qui sont donnés aussi... qu'un plafonnement serait nécessaire pour éviter ces abus-là?

Mme Lamontagne (Céline): Bon. On n'a pas fait de proposition dans ce sens-là. Je voudrais faire remarquer que les chiffres, premièrement, qui sont dans notre mémoire sont tous tirés du rapport — ce n'est pas la position du ministère — mais du rapport de questions déposé par le ministère de la Justice. Donc, effectivement, on ne se prononce pas sur le fait si... On se questionne plus, voir si un avocat de pratique privée a plusieurs clients, un matin, disons, la même journée, 40 clients, on peut s'interroger sur la qualité du service. Mais on ne pose pas de jugement.

Je sais que le Barreau a proposé de plafonner les honoraires, et, moi, je pense que je suis sympathique à cette proposition-là. Ça permettrait peut-être une meilleure qualité du service donné par les avocates et les avocats de pratique privée et aussi, finalement, quand on sait que, bon, il y a beaucoup d'avocats, là, actuellement au Québec, peut-être une meilleure répartition des mandats d'aide juridique.

Mais il est évident également que, s'il y a plafonnement, c'est qu'il va falloir aussi peut-être réviser les tarifs qu'on donne à la pratique privée, parce que, même si, nous, on est vraiment en faveur du régime de salariés permanents à l'aide juridique, on est d'accord avec le libre choix. Et tout le monde se plaint que les tarifs sont très, très bas, donc c'est peut-être un encouragement implicite à multiplier certaines procédures. On ne le sait pas, là, on n'a pas fait d'enquête exhaustive, mais ça peut être un encouragement à multiplier des procédures dans certains secteurs de droit. Ça ne peut pas se faire partout, parce que les tarifs sont bas.

Alors, si on fait un plafonnement, il va falloir peut-être augmenter les tarifs, et on sait déjà que, selon les chiffres qui ont été donnés, un dossier de pratique privée coûte environ 44 $ ou 45 $ plus cher qu'un dossier qui est traité par des avocates ou des avocats permanents. Alors, ça va augmenter l'écart entre les deux. Mais je pense que le libre choix, c'est un droit important aussi.

Mme Caron: Tout en respectant ce libre choix, dans l'éventualité où le gouvernement accepterait de hausser les seuils jusqu'au taux de 1972, c'est-à-dire 80 % du MGA, il y aurait évidemment augmentation du nombre de dossiers, pas une augmentation aussi forte que certains pourraient le dire, mais quand même une augmentation, il faut se le dire. Et, compte tenu du dernier argument que vous venez d'avancer sur les coûts des dossiers, est-ce que vous seriez favorables à une augmentation du nombre des salariés permanents?

Mme Lamontagne (Céline): Bien, nous, on ne pense pas que, si on augmente la population qui serait admissible à l'aide juridique, on doit tout confier ces mandats-là à la pratique privée. Si on veut garder un équilibre, là on est rendu à peu près à 44 % de pratique privée et le reste en pratique... fait par les salariés, on pense qu'il faut garder au minimum le même partage ou répartition des dossiers. Donc, à notre avis, ça veut dire l'embauche de salariés permanents. Et aussi, c'est sûr qu'il va y avoir une partie des dossiers qui vont aller en pratique privée. Mais on devrait maintenir cet équilibre-là toujours, même si la clientèle augmente.

Mme Caron: Peut-être aborder un point que nous n'avons pas abordé souvent — on l'a abordé au début de nos travaux — est le fait que vous ayez mentionné tantôt qu'il y a quand même, dans notre système d'aide juridique, 500 employés de soutien, et qu'on n'en parle pas beaucoup, et c'est vrai. Vous êtes favorables au fait d'augmenter, finalement, la possibilité que les décisions, l'étude des dossiers, la décision, les critères d'admissibilité, soient rendus par certains employés de soutien plutôt que par des avocats. On nous a dit que, dans certains services juridiques, on essayait au maximum de faire rendre ces décisions d'admissibilité là par du personnel de soutien et que ça ne se fait pas partout. Est-ce que vous seriez favorables à ce qu'on étende obligatoirement cette pratique-là dans les services juridiques?

Mme Lamontagne (Céline): Bon. Mes collègues pourront ajouter, là, puisqu'ils sont dans la pratique et sur le terrain. Bon. D'une part, nous, on est intervenus un peu, dans notre mémoire, sur cette question-là parce que, d'ailleurs, au Sommet de la Justice, il avait été question de faire des super-agents d'admissibilité là qui seraient un peu en dehors du réseau et qui viendraient contrôler l'admissibilité. Ça, on s'y était opposés. D'une part, ça alourdissait et ça bureaucratisait davantage le système, et c'étaient des coûts.

Deuxièmement, quand on parle... Effectivement, actuellement, il y a des employés, des techniciens ou des employés de soutien, des employés de secrétariat qui font de l'admissibilité. Mais ça se fait surtout, actuellement, en droit criminel parce que, en droit criminel, on prend les cas quand la personne est accusée. Donc, il n'y a pas d'étude de cas de regarder s'il y a une apparence de droit, une vraisemblance de droit, puisque la personne est accusée. Et, si elle rencontre les critères, elle est admissible à l'aide juridique.

Dans les autres secteurs du droit, c'est plus compliqué parce que, quand c'est les avocats qui admettent une personne, c'est qu'en même temps qu'Us admettent la personne ils regardent s'il y a une cause ou non. Et est-ce qu'on peut étendre ça à tous les droits, que ça soient d'autres personnes que les avocats qui fassent l'admissibilité? Oui, ça peut se faire. On n'est pas fermés à ça. Mais il faut toujours avoir en tête la question qu'on doit aussi regarder la vraisemblance du droit quand on admet une personne à l'aide juridique.

Je ne sais pas, Francine ou Simone, si elles ont des choses à ajouter. Non? Tout va bien? Elles sont d'accord avec ce que je viens de dire.

Mme Santerre (Simone): Je vais peut-être juste rajouter un point. C'est évident qu'en civil la vraisemblance de droit est souvent plus difficile à décider, parce qu'en droit criminel on arrive, on a une accusation. C'est sûr que l'apparence de droit est là. Alors, les techniciennes peuvent le faire.

Et, pour répondre à M. le ministre, tantôt, on disait aussi que, si l'avocat reçoit et décide de la vraisemblance de droit, il peut peut-être se faire une espèce de... déjà commencer une conciliation ou voir le dossier et orienter la personne.

C'est ce que je voulais rajouter.

Le Président (M. Parent): Merci.

Mme Lamontagne (Céline): Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Parent): Alors, j'invite Mme la députée de Terrebonne à conclure au nom de sa formation politique.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Alors, je vous remercie beaucoup de votre présentation, des compléments d'information que vous nous avez donnés.

C'est évident que les principaux points que vous avez relevés, qui font consensus, devraient probablement nous amener à déterminer une réforme, et nous souhaitons qu'elle soit dans les plus brefs délais. Merci beaucoup.

Le Président (M. Parent): Merci, madame. M. le ministre de la Justice.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Alors, mesdames, je vous remercie, dans un premier temps, de la qualité du mémoire que vous nous avez soumis. Je pense que vous touchez à peu près à tous les aspects de la question. Je retiens essentiellement, là — mais il y a d'autres éléments qui sont importants — que vous êtes, à la CSN, satisfaits de la gestion du régime en général. Globalement, vous êtes, et c'est Me Santerre qui l'a... suite aux questions que je vous ai posées, là, vous êtes sensibilisés au problème de la judiciarisation et vous souhaiteriez qu'on l'évalue ensemble. Aussi, vous pointez le dossier de l'expertise. Comme d'autres organismes, vous souhaiteriez qu'on intervienne là-dessus. Et il y a plein d'autres suggestions que vous faites.

Mme la présidente, Mme Lamontagne, quand vous disiez, en introduction, que vous souhaitiez qu'on agisse, vous n'avez sûrement pas tort de nous le suggérer. Et je conclus en vous disant qu'on fera l'impossible pour, dans un premier temps, faire l'inventaire de tout ce qu'on aura entendu suite à cette commission extrêmement importante, en essayant subséquemment de poser le plus rapidement possible les gestes qu'il faut pour finalement aider ceux pour qui on travaille tous, hein, les plus démunis de notre société; c'est pour ça qu'existe le régime d'aide juridique. (17 h 10)

II y a certains avocats qui ne l'ont peut-être pas compris, là, les avocats dont vous parlez à l'intérieur de votre mémoire — vous reprenez nos propres notes, là — à 250 000 $, puis à 300 000 $, puis 400 000 $ par année, là. Ce n'est pas ce qu'on voulait faire en 1972 lorsqu'on a institué l'aide juridique. Merci beaucoup, mesdames.

Le Président (M. Parent): Merci. Alors, mesdames, au nom de la commission permanente des institutions, je vous remercie de votre présentation, et j'invite immédiatement à vous remplacer, sur le siège de nos invités, Me François Parizeau et Me Jean-Paul Proulx représentant le Réseau des avocats de l'UTTAM et l'Association des avocats de pratique privée en matière de santé sécurité du travail.

Messieurs, je vous accueille et je m'excuse encore une fois, pour les raisons que vous connaissez, que j'ai énoncées précédemment. Nous accusons un retard d'une heure et quart environ. Alors, on a tâché, là, avec une entente libre entre les deux formations politiques, de travailler le plus efficacement possible, sans minimiser l'importance de notre travail.

Alors, les membres de cette commission ont reçu

votre mémoire et ils en ont pris connaissance. Alors, je vous invite à le résumer et à participer, après ça, avec nous à la période du dialogue. Alors, le porte-parole, c'est M. Parizeau?

M. Parizeau (François): On est deux, là.

Le Président (M. Parent): Vous êtes deux, M. Parizeau et M. Proulx? Alors, que le premier... Que le meilleur gagne!

Réseau des avocats - UTTAM et

Association des avocats de

pratique privée en matière de

santé sécurité du travail

M. Proulx (Jean-Paul): Que le meilleur gagne, comme on dit. Ha, ha, ha! Alors, je vais commencer, MM., Mmes les députés, par, un peu, nous présenter, parce qu'on est des regroupements d'avocats et d'avocates qui travaillent en pratique privée en matière de santé et sécurité au travail. Ça veut dire qu'on ne fait pas juste des mandats en santé et sécurité au travail, mais nous travaillons principalement en matière de santé et sécurité au travail.

Nous avons une expérience qui est de, François, 16 ans, et moi, 10 ans en matière de représentation de victimes d'accidents de travail. On n'est pas des personnes qui représentent des employeurs. On n'a rien contre qu'il y en ait qui les représentent, sauf que nous représentons essentiellement des victimes d'accidents de travail.

Ces victimes d'accidents de travail là sont bien souvent aussi des victimes d'autres systèmes au niveau de l'État, et nous y reviendrons tantôt. Ce que je veux dire, c'est qu'on représente des gens à travers la province, c'est-à-dire qu'on est des avocats de Québec. À matin, j'étais dans le comté du ministre, j'étais à Thet-fbrd Mines, devant un tribunal qui s'appelle la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, sur un mandat d'aide juridique.

M. Lefebvre: ...

M. Proulx (Jean-Paul): Pardon?

M. Lefebvre: Avez-vous gagné votre cause?

M. Proulx (Jean-Paul): J'ai gagné ma cause sur le banc ce matin, alors... Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Alors, je comprends que c'est un électeur de Frontenac qui est satisfait.

M. Proulx (Jean-Paul): C'est probablement ça. Des voix: Ha, ha, ha! M. Lefebvre: Bravo!

M. Proulx (Jean-Paul): C'est une électrice de Frontenac qui est satisfaite.

M. Lefebvre: Une électrice. Ah! Bravo!

M. Proulx (Jean-Paul): Bon. Alors, ce qu'on veut vous dire aussi, c'est qu'on travaille dans d'autres domaines. On ne travaille pas juste en santé et sécurité au travail, même si la majorité de notre temps est en santé et sécurité au travail. C'est-à-dire qu'on travaille aussi dans l'ensemble du droit administratif, c'est-à-dire les gens qui ont des problèmes avec la SAAQ, avec la Régie des rentes, avec l'aide sociale et avec le chômage.

Alors, en gros, c'est la présentation des gens qu'on voulait faire ici aujourd'hui. Et François va vous dire pourquoi on est ici spécifiquement.

M. Parizeau (François): Alors, on a lu le document du ministre avec beaucoup d'intérêt et on a été agréablement surpris de voir qu'on se penchait sur la réforme de la loi de l'aide juridique après un silence de plusieurs dizaines d'années, sauf qu'il y a plusieurs interrogations qu'a soulevées le document, et on a plusieurs réserves à certains égards, en regard principalement de trois questions.

Il y a une question, il y a une proposition qui a été formulée dans le document du ministre, à savoir l'exclusion de certains domaines de droit du programme d'aide juridique, et on a spécifiquement nommé les accidents de travail. C'est évidemment une position avec laquelle nous sommes en parfait et total désaccord.

Le deuxième point, c'est — et c'est directement lié à une préoccupation omniprésente de la société québécoise et de la société canadienne en général — le manque d'argent et une phrase plus ou moins sibylline du ministre de l'époque, qui disait qu'il n'avait pas d'argent à mettre dans le programme; de nouvel argent, j'entends. Et on a soulevé aussi, en corollaire avec ça, une position qui, quant à nous, nous a insultés, la question de la contribution des organismes ou des membres qui bénéficient des programmes d'aide juridique, à savoir les avocats. Et nous reviendrons sur ces deuxième et troisième points qui m'apparaissent totalement marquer une incompréhension du système actuel.

M. Proulx (Jean-Paul): Alors, je vais y aller, dans un premier temps, avec la proposition d'exclusion. C'est que le ministre se pose... Le ministère de la Justice, à tout le moins, se pose la question à savoir si, oui ou non, on ne devrait pas exclure les services en droit administratif. Bon. On va peut-être nous dire: Écoutez, c'est votre domaine de pratique, on comprend que vous n'êtes pas contents qu'on veuille enlever ça. Nous, on le regarde un peu d'un autre côté. Sans être machiavéliques, on se pose la question à savoir: Est-ce qu'on règle juste la question du budget de la Commission des services juridiques lorsqu'on pose la question de l'exclusion en droit administratif?

Parce que c'est certain que, si une personne ne

peut pas contester une décision de la CSST parce qu'elle n'en a pas les moyens, parce qu'elle est admissible à l'aide juridique et que ses moyens l'empêchent d'avoir droit de pouvoir se représenter, ça va avoir un impact aussi sur le budget de la CSST, ça peut avoir un impact sur le budget de la SAÂQ et ça peut avoir un impact sur le budget de l'aide sociale. Alors, on ne veut pas être machiavéliques, on ne veut pas penser que le ministre Rémillard, à l'époque, était machiavélique, sauf qu'on est tout à fait conscients que ce choix-là, le choix d'exclure la défense des gens en droit administratif, donc des gens qui ont un conflit avec FÉtat-payeur... Alors, à partir de ce moment-là, ça règle aussi d'autres problèmes. Alors, on est conscients de cette question-là et on se demande si ce n'est pas là, par en arrière, un des choix qui ont été faits.

C'est qui, les bénéficiaires de ces organismes-là? Parce que, c'est important. Et je n'aime pas le terme «bénéficiaires», mais c'est le terme qu'on entend le plus souvent. C'est bien souvent des gens non organisés. Nous, ceux qu'on représente...

J'écoutais Mme Lamontagne tantôt. Mme La-montagne a fait un excellent mémoire, sauf qu'eux travaillent aussi dans un milieu syndical, c'est-à-dire un milieu qui est organisé. Nous, on travaille avec des gens qui ne sont pas organisés, et ça, ça fait toute la différence au monde. Des gens qui ne sont pas organisés, c'est des gens aussi qui, bien souvent, de par l'impact d'une décision, sont carrément au bas de l'échelle. Au bas de l'échelle, ça veut dire qu'ils n'ont pas d'argent. Suite à un accident de travail, ils n'ont plus d'argent pour assurer leur revenu minimum et, bien souvent, ils s'en vont à l'aide sociale.

Troisièmement, je ne voudrais pas que vous le compreniez mal, mais c'est des gens qui ne comprennent pas le système. Et, ces gens-là, je les comprends qu'ils ne comprennent pas le système parce que, moi-même, j'ai de la misère à le comprendre, le système. Ça fait 10 ans que je fais des accidents de travail, ça fait 10 ans que je représente des gens en matière d'accidents de travail, et je constate que ce système-là est à peu près incompréhensible. Je ne dis pas qu'on ne peut pas le travailler. Ce que je vous dis, c'est que, après deux, trois mois d'absence, on se pose des questions, on dit: C'est rendu où, dans les directives internes à la CSST, etc.? Alors, la personne qui comprend ça, la personne qui a ce problème-là, d'accident de travail a de la difficulté à comprendre le système, puis on le comprend.

Le problème qu'il y a, c'est que le législateur a fait un choix de complexifier les lois d'indemnisation. Et ça, ce n'est pas nous autres qui avons fait ce choix-là. En 1985, le législateur a fait le choix de faire une nouvelle loi qui s'appelle la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, qui est une loi de 595 articles, par rapport à une loi de 155 articles. C'est un choix que le législateur a fait, mais l'impact, c'est que le monde, il ne comprend plus ce qui se passe.

En 1992, on a voulu modifier la loi, on a fait la loi 35, qui a encore une fois voulu supposément déjudi-ciariser le système, mais on a passé peut-être de trois niveaux d'appel à une dizaine de niveaux d'appel. Alors, les gens reçoivent des lettres, puis c'est marqué: Si vous n'êtes pas content de ci, vous contestez ça à telle place; si vous n'êtes pas content de ça, vous contestez ça à telle place. Ils viennent nous voir, ils ne comprennent pas, puis c'est normal, à un moment donné, aussi, qu'ils ne comprennent pas.

Qu'est-ce qui est en litige en matière d'accidents de travail? Ça me semble essentiel qu'on comprenne que c'est des questions de droit qui, qu'on le veuille ou pas, sont très compliquées la plupart du temps. Qu'on regarde simplement le niveau de requêtes en évocation qui ont été présentées avec la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, c'est énorme. Et ça, qu'est-ce qui arrive si la personne ne peut pas être représentée? Il n'y aura personne qui va défendre ses intérêts en cours de ligne? C'est ça qu'on se pose comme question, comme impact.

En plus, il y a eu un développement scientifique au niveau médical que, peut-être, d'autres gens ont traité, mais c'est rendu aussi que, nous autres, on nous demande d'êtres des experts, les gens qui représentent les accidentés du travail; on nous demande d'être des experts en matière médicale. (17 h 20)

Peut-être une question sur laquelle je veux venir pour apporter un peu plus d'éclaircissement aussi: Ça touche quoi? Et ça, je pense que c'est l'essentiel, ça touche l'intégrité de la personne. L'intégrité de la personne, là, c'est qu'un accident de travail, ça touche un travailleur ou une travailleuse accidenté; c'est un doigt qui est coupé, c'est un bras qui est brisé, c'est un dos qui ne fonctionne plus. Ce n'est pas n'importe quoi, ça. Et, qu'on le veuille ou pas, la Cour suprême nous l'a rappelé souvent, les montants en litige sont bien souvent beaucoup plus importants que ce qu'on retrouve devant la Cour du Québec, c'est-à-dire que, suite à une réclamation, un accidenté du travail dont la réclamation est refusée, s'il gagne au bout de cinq ans, le montant en litige, c'est un montant qui peut jouer de 20 000 $, 30 000$, 40 000$, 50 000$ à 100 000$. Donc, ce n'est pas des questions qui ne sont pas importantes, des questions de santé et sécurité au travail; ça touche l'intégrité physique de la personne et ça touche aussi son intégrité financière. Et ça, on dirait qu'à travers les propositions du ministre on ne le voit pas.

Donc on constate, en conclusion, que, par rapport à cette question-là, la proposition d'exclusion qu'il semble y avoir... En tout cas, on se questionne à savoir si on ne devrait pas exclure les plus démunis sur l'objet même de la loi, des différentes lois sociales, pour leur dire: Vous autres, vous n'aurez plus le droit, à l'avenir... Ces lois sociales là vont être là, mais vous n'aurez plus de droit de contester, de vous poser des questions sur ces lois-là. Dans ce sens-là, je pense que le questionnement du ministère doit être contesté de façon très, très, très précise.

(Consultation)

M. Parizeau (François): Sur la question de l'accès, j'avais juste un point sur la question de la complexifi-cation. C'est que c'est une réalité que le droit, à travers les dernières années, s'est complexifié. Les exigences des tribunaux en matière de preuve ont augmenté d'une façon considérable, le fardeau de preuve qui est exigé en matière de preuve scientifique. Et là, il faut comprendre une chose. C'est que, si vous avez un fardeau de preuve au niveau de l'exigence scientifique qui est important, vous devez connaître de quoi vous allez parler. Si on parle d'un problème de dos, puis qu'on parle d'un spondylolisthésis ou de n'importe quel terme médical et que vous ne savez pas de quoi vous parlez, vous ne serez pas capable de choisir votre expert, vous ne serez pas capable de poser les bonnes questions, vous n'aurez pas les bonnes réponses et vous allez perdre votre cause. Ça fait partie de la réalité. Les tribunaux sont maintenant rendus à un point où on exige des preuves qui sont complexes, qui sont difficiles, qui sont pointues.

Mais, comme l'a dit Me Proulx tout à l'heure, le législateur a fait un choix, en 1985, de se ramasser avec une loi qui est excessivement judiciaire.

J'ai vu une cliente, hier après-midi, elle est venue me voir, elle avait sept décisions. Sept décisions, sept décisions en dedans d'un mois. Elle est allée voir — je ne sais pas comment on appelle ça, là — l'attaché d'un député dans un... Pardon?

Une voix: L'attaché politique.

M. Parizeau (François): Non, pas l'attaché politique. Celui qui est dans le bureau de comté, là.

Des voix: ...

M. Parizeau (François): Un attaché politique? Bon. L'attaché politique. Et l'attaché politique, en toute bonne foi, lui a dit: Vous contestez telle décision, telle décision. Pour le grand malheur, cette personne-là, qui voulait bien faire, lui a donné des instructions qui n'étaient pas nécessairement erronées, mais elle lui a fait contester les mauvaises décisions. Et les quatre autres décisions n'ont pas été contestées, et là, je me ramasse à faire une demande d'extension de délai en plaidant que cette personne-là a été induite en erreur par une personne tout à fait de bonne foi.

Alors, quand on laisse supposer que quelqu'un est en mesure de se défendre seul devant le bureau de révision ou devant la Commission d'appel, comme je l'ai écrit dans mon mémoire, c'est de l'inconscience ou c'est de la malhonnêteté. C'est l'un ou c'est l'autre. Je mets au défi certains avocats qui sont ici présents, puis Me Hargreaves, qui représente l'aide juridique, en arrière, doit en connaître un bout, un avocat qui ne connaît pas la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles va avoir de la difficulté, pour ne pas dire qu'il ne sera pas capable de se débrouiller.

Alors, quand on dit que quelqu'un va aller se défendre seul, c'est incroyable. Ça démontre, de la part des rédacteurs de ce document-là, une incompréhension du domaine du droit. Et, s'il y en a qui pensent le contraire, je vais les écouter, je suis bien humble, mais ça fait 16 ans que je pratique dans ce domaine-là, il y a des causes qui sont plus faciles que d'autres, mais c'est un domaine de droit où les décisions s'entremêlent, où les gens arrivent en disant: J'ai contesté la bonne décision, parce que c'est la décision qui dit qu'on vous coupe. Mais il y a deux autres décisions antérieures qui sont la base de la troisième décision. Les gens arrivent puis disent: Je n'ai pas d'affaire à être coupé.

Ça s'est complexifié. Les volumes de la Cour supérieure en matière d'évocation sont fort éloquents là-dessus. La CSST et les accidents de travail constituent, à l'heure actuelle, un des terrains de prédilection des avocats, qui déposent des requêtes en évocation — 101 — et, je préciserais, patronales.

(Consultation)

M. Proulx (Jean-Paul): La question de la contribution des avocats. Écoutez, bien honnêtement, je ne suis pas quelqu'un de paresseux. J'aime ça, peut-être, prendre la vie du bon côté, mais je ne suis pas paresseux.

Le Président (M. Parent): Ça, on n'en doute pas, monsieur.

M. Proulx (Jean-Paul): Non, non. Ha, ha, ha! Merci.

M. Lefebvre: C'est plutôt...

Le Président (M. Parent): La preuve, c'est que vous êtes ici.

M. Lefebvre: C'est toujours mieux que ce soit quelqu'un d'autre qui le dise que vous-même.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Proulx (Jean-Paul): Oui, je le sais.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Proulx (Jean-Paul): Mais c'est là que je vois que vous avez été un bon avocat, probablement, avant.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Proulx (Jean-Paul): C'est-à-dire, c'est toujours mieux de le faire dire par les autres, mais ça ne fait rien.

M. Lefebvre: Je vais vérifier ça, ce que vous venez de dire là.

M. Proulx (Jean-Paul): Je n'ai aucun problème avec ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Proulx (Jean-Paul): Je peux vous dire que, si je suis capable de faire 150 dossiers par année, 150 fois des représentations devant les tribunaux en matière d'accidents de travail dans une année, je ne suis pas sûr que je ne pourrais pas faire une réclamation pour «burnout» à la CSST à la fin de l'année. C'est à peu près le maximum que je suis capable de faire, parce que vous le savez, ce que c'est qu'un accidenté du travail, vous le voyez dans vos bureaux, c'est du monde qui vous appelle, c'est du monde qui vient vous voir, c'est du monde qui a de la difficulté à comprendre le système.

Le document de l'aide juridique me dit — pas le document de l'aide juridique, je veux dire le document du ministère — que la moyenne des montants qu'on reçoit, à la CSST, c'est 275 $. Si je ne fais que des mandats d'aide juridique — et Dieu sait que ma clientèle est en bonne partie une clientèle d'aide juridique, mais, une chance que j'en ai d'autres, et je remercie les gens qui nous ont précédés auparavant — calculez rapidement: 275 fois 150 dossiers, ça me donne 41 250 $ par année. Ma secrétaire n'est pas payée, mon bureau n'est pas payé, mon téléphone n'est pas payé, ma cotisation au Barreau n'est pas payée.

Le Président (M. Parent): Vous devenez admissible à l'aide juridique.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Proulx (Jean-Paul): Je deviens probablement admissible à l'aide juridique. Dieu merci, je n'en ai pas eu besoin encore.

M. Parizeau (François): Pas réellement parce que, au niveau des barèmes actuels, on serait encore en haut.

M. Proulx (Jean-Paul): Oui. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Parent): Je m'excuse, monsieur.

M. Proulx (Jean-Paul): Alors, j'ai un peu de difficulté à admettre que c'est moi qui vais payer, en plus, pour l'aide juridique. Si je me ramasse avec — théoriquement, là, parce que c'est une théorie, parce que, une chance que j'ai des clients qui me payent ou que j'ai les syndicats qui me donnent des mandats; si je n'avais pas eu ça, j'aurais un revenu d'à peu près 11 250 $ par année. Et ça, c'est si je n'ai pas tenté de régler à l'amiable, parce que la nouvelle mode, c'est la médiation et la conciliation. Et, si j'ose faire ça pour mon client ou ma cliente, l'aide juridique va me pénaliser, parce qu'elle va me dire: Tu n'as pas plaidé devant le tribunal. Alors, elle va couper mes honoraires. Au lieu de me donner 459 $ pour que je représente quelqu'un devant la Commission d'appel, elle va me donner 300 $ ou 200 $ parce qu'on va avoir résolu le problème plus rapidement pour le client.

Alors, ce que je veux vous dire, c'est que je ne sens pas que je suis capable d'aller plus loin dans ma contribution au gouvernement du Québec. Je l'aime bien, mon gouvernement du Québec, je suis Québécois, j'en suis fier, mais je ne suis pas capable d'aller plus loin. Alors, c'est un peu le message qu'on voulait vous dire sur la contribution des avocats du réseau. Et je veux juste vous dire que, si — je veux dire, les avocats de notre association — j'étais avocat à l'aide juridique, je ne serais pas capable d'en faire plus que 150 par année. Si j'étais avocat fonctionnaire, là — et je n'ai rien contre eux autres, je trouve qu'ils font une bonne job — j'aurais probablement un salaire de 60 000 $ ou 65 000 $ par année, alors que là, il m'en reste, à moi, 11 250 $ par année. Alors, dans ce sens-là, j'ai de la difficulté à comprendre qu'on me demande, à moi, de donner encore plus au gouvernement du Québec pour qu'il puisse y avoir un meilleur système d'aide juridique, qui soit plus ouvert.

C'est la section que j'avais à vous dire là-dessus. Je vais laisser François conclure.

M. Parizeau (François): J'aimerais juste...

Le Président (M. Parent): Sur ce... Je regrette, mais, sur ce, c'est...

M. Parizeau (François): C'est tout.

Le Président (M. Parent): ...la fin de la période de temps qui vous était allouée, ha, ha, ha! et je reconnais M. le ministre de la Justice. (17 h 30)

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Me Proulx et Me Parizeau, je vous salue. Je vous remercie de nous avoir soumis un mémoire qui touche un des volets de la question lorsqu'on parle du régime d'aide juridique, les honoraires des avocats. Je vous remercie aussi d'être là cet après-midi pour défendre votre dossier.

À la page 6 de votre document, quand vous dites: «Conflits d'intérêts et paranoïa. Soyons un instant paranoïaque. Cette suggestion d'exclure les services juridiques devant les tribunaux administratifs a-t-elle pour but de réduire — parce que, là, vous parlez des intentions présumées du ministre de la Justice en partant d'un document que vous avez consulté, qui est un document de questionnement et non pas une position ferme, ni de près ni de loin, du ministre de la Justice du temps, ni de celui qui vous parle cet après-midi, ni du ministère de la Justice ou du gouvernement du Québec; c'est un document de questionnement — les coûts d'aide juridique ou les coûts des régimes sociaux sur le dos des plus démunis en les empêchant d'être représentés auprès des tribunaux administratifs par des procureurs spécialisés qui ont

encore une conscience et la générosité d'accepter des mandats d'aide juridique.»

Savez-vous, lorsque vous arrivez à des questionnements semblables, que vous mettez de côté — et je m'adresse à vous, Me Parizeau — le grand principe, qui existe toujours dans le nouveau Code civil, qui est la bonne foi qui est présumée. Vous avez 16 ans de pratique, alors, j'imagine que vous allez concéder que ce principe-là, que la bonne foi est présumée, existe également pour le législateur et pour l'État. De penser qu'on aurait imaginé un scénario semblable! Vous le qualifiez de «paranoïa», mais ça m'inquiète. Je voudrais vous entendre là-dessus ou, sinon, je dois le prendre comme étant une espèce de boutade à l'intérieur de votre document. Ça pourrait être le cas.

M. Parizeau (François): Alors, comme Me Proulx en a parlé tout à l'heure, c'est un questionnement, pour commencer, ce n'est pas nécessairement une position ferme, et nous l'espérons très clairement, que ce n'est pas l'intention du gouvernement. Mais il n'en demeure pas moins que la proposition d'exclure du programme d'aide juridique certains domaines de droit parle spécifiquement des organismes payeurs, du droit où l'État est un organisme payeur. Alors, vous comprendrez, quelque part, que je me suis posé cette question-là, à savoir quel est le lien entre les deux. Et, dans ce cadre-là, je pense que ce qui est important...

M. Lefebvre: Mon propos, Me Parizeau, ce n'est pas sur...

M. Parizeau (François): Je suis prêt à donner le bénéfice du doute au gouvernement. Il n'y a pas de problème avec ça, sauf qu'il n'en demeure pas moins qu'il y a une proposition qui était sur la table... Je suis d'accord que c'est un questionnement, mais ce questionnement-là fait qu'on soulève une partie du droit, et que cette partie du droit là, c'est lorsque l'État est payeur. Alors, moi, j'espère et je n'attends que ça, qu'une déclaration à l'effet que telle n'est pas l'intention du gouvernement, et j'espère bien que ça ne l'est pas.

M. Lefebvre: Me Parizeau, vous indiquez à la page 2 de votre document que vous constatez avec effroi la fin de non recevoir émanant du ministre d'augmenter la tarification des honoraires. À la page 6 de votre document, vous parlez à nouveau des honoraires, et c'est ce à quoi je faisais référence tout à l'heure, les honoraires des avocats qui sont... Et ça, vous le dites à la page 7, en bas de page; vous parlez des honoraires ridicules payés présentement par l'aide juridique. Vous indiquez que le programme d'aide juridique est à mourir d'inanition. Finalement, à la page 9 de votre document, vous parlez du programme d'aide juridique comme étant dans un état de mort vivant.

Lorsque, Me Parizeau, dans un système comme celui de l'aide juridique, les citoyens du Québec, à même leurs impôts et leurs taxes, ont dû verser plus ou moins, l'an dernier, 110 000 000$, avec une progression constante depuis sept, huit ans, est-ce que vous ne considérez pas que c'est un effort, à tout le moins modeste, de l'État pour aider nos plus démunis et que, lorsque vous nous indiquez que le programme d'aide juridique serait à mourir d'inanition, vous ne trouvez pas que c'est un peu gros, là, comme constat?

M. Parizeau (François): Je ne suis pas sûr. M. Lefebvre: Non?

M. Parizeau (François): Je vais vous expliquer pourquoi. Et là, je comprends que vous n'aimez peut-être pas le style de mon mémoire, mais il n'en demeure pas moins qu'il y a une réalité, et cette réalité, c'est que depuis 1985 les barèmes ne sont pas indexés et que, techniquement parlant, s'il n'y avait pas la présomption à l'effet que toutes les personnes qui sont admissibles à l'aide sociale sont admissibles à l'aide juridique, certaines personnes qui sont sur l'aide sociale pourraient être exclues en vertu des barèmes actuels. Ça, c'est une réalité à laquelle il faut faire face. Et on se retrouve actuellement avec un système d'aide juridique qui vise à protéger ceux qui sont sur l'aide sociale. C'est la réalité du programme actuellement, et je pense, tout comme le document du ministère le faisait souligner, qu'il faut casser ce carcan-là pour étendre un peu la protection et l'accès à la justice.

Dans un deuxième temps, vous avez souligné à deux ou trois reprises qu'on était ici pour défendre nos honoraires. Je vous...

M. Lefebvre: Je n'ai pas dit ça. C'est vous qui dites ça, là.

M. Parizeau (François): O.K. O.K.

M. Lefebvre: Je n'ai pas dit ça, à date, moi.

M. Parizeau (François): Parce que je veux juste vous dire qu'on ne serait pas ici si c'était pour défendre les honoraires d'aide juridique des avocats de pratique privée. Ils sont ridicules, je le maintiens, ils n'ont pas été augmentés depuis 1984. Lors de l'augmentation de 1989, on a augmenté tout le monde sauf ceux qui font du droit administratif. Pourquoi? Je ne le sais pas...

M. Lefebvre: Comment... Comment... Comment. ..

M. Parizeau (François): ...mais, ceci étant dit — je vais juste finir ma réponse — ça fait partie du problème. Quant à moi, c'est bien secondaire. La raison pour laquelle on est ici — et c'est important — c'est que je pense qu'il est important qu'on n'exclue pas l'aide juridique du domaine du droit du travail et des accidents de travail.

La position qui avait été émise dans le document, c'est qu'il n'y avait pas d'obligation d'être représenté par avocat et qu'on pouvait avoir des représentants. Historiquement, l'existence de représentants autres qu'avocats vient d'une situation du droit du travail, de représentants syndicaux, etc., et de gens qui sont compétents pour représenter les justiciables. Et ce n'est pas parce que le domaine de droit ne mérite pas une certaine spécialisation, tout au contraire.

M. Lefebvre: Vous savez, maître Parizeau, je pense que ce n'est pas évident, mais je pense qu'on peut effectivement prétendre que les honoraires payés à l'aide juridique aux avocats de pratique privée ne sont pas faramineux sauf que — et vous le savez — en 1992-1993, il y a de vos confrères qui ont gagné entre 50 000 $ et 100 000 $ à l'aide juridique. On ne parle pas de la balance de leur pratique qui peut s'ajouter à ces honoraires, là, de 50 000$ à 99 999$. De 50 000$ à 100 000 $, il y en a 151. Il y a 41 avocats au Québec qui, en 1992-1993, ont gagné entre 100 000$ et 200 000$.

Alors, je comprends que les honoraires peuvent être ridicules, mais à empiler des dossiers, ça finit par faire quelque chose qui est assez intéressant. Il y a 11 avocats, 11 avocats au Québec qui, en 1992-1993, ont gagné au-delà de 200 000 $. Et, si je prenais, tout à l'heure, le raisonnement de maître Proulx quant à sa capacité de travail... Et, dans ce sens-là, je vous félicite et je vous crois, que vous donnez tout l'effort nécessaire pour rendre de bons services à votre client ou à votre cliente; peu importent les honoraires auxquels vous avez droit, je vous crois. Dans ce sens-là, je vous félicite. On parle de plus ou moins, là, 200 avocats qui ont gagné entre 50 000 $ et 200 000 $ et plus. Au rythme où un avocat doit travailler pour donner un bon service, Me Proulx, j'imagine que ça doit vous questionner un petit peu, des chiffres comme ceux-là. Un. (17 h 40)

Et, deuxième commentaire que je veux vous faire: Oui, des honoraires ridicules... pas oui, mais peut-être. Mais, comment expliquez-vous qu'il y ait de plus en plus d'avocats? Parce qu'en 1991-1992 il y en avait 93 qui avaient gagné entre 50 000 $ et 100 000 $, et 150 l'année suivante. Il y a 36 avocats qui ont gagné entre 100 000 $ et 200 000 $ en 1991-1992, 41 avocats ont gagné autant d'argent l'année suivante. En 1992, il y a deux avocats qui ont gagné 200 000 $ et plus, l'année suivante, 11 avocats. C'est 200 professionnels, hein!

M. Parizeau (François): O.K. C'est sûr que...

M. Lefebvre: J'imagine que vous devez vous questionner sur des chiffres semblables.

M. Parizeau (François): Je dois vous dire que j'ai eu l'occasion de converser avec Me Hargreaves à de nombreuses reprises là-dessus. Je pense que, effectivement, il y a un problème dans certains domaines de droit, et je pense que les exemples que vous me nommez sont bien pointés. Us sont dans des domaines très particuliers, et il n'en existe pas en accidents du travail. Et je suis sûr de mon coup sur ce point-là. Un dossier d'accident du travail, vous ne pouvez pas avoir quatre dossiers le même matin, c'est impossible. En criminel, je peux le concevoir, mais en accident du travail, c'est impossible.

Au niveau de l'aide juridique, je pense qu'il y a une proposition, qui a déjà été mise sur la table, d'un plafond salarial. C'est une chose à laquelle...

M. Lefebvre: D'accord.

M. Parizeau (François): ...moi, je n'ai strictement...

M. Lefebvre: Maintenant, eux autres...

M. Parizeau (François): ...aucune objection, et je pense que ce serait effectivement sain.

M. Lefebvre: Je vous interromps, avec beaucoup de politesse, parce qu'il me reste seulement trois ou quatre minutes. Je voudrais avoir votre avis sur le plan Barreau. J'imagine que vous êtes un petit peu au courant de ce que le Barreau propose, le rehaussement du seuil d'admissibilité jusqu'à un certain niveau, volet contribu-toire pour le salarié moyen, si on veut, et également la participation de l'assureur. Qu'est-ce que vous pensez de ça? Rapidement, s'il vous plaît.

M. Parizeau (François): Bon. Je dois vous dire que je n'ai pas lu...

M. Lefebvre: Non?

M. Parizeau (François): ...le plan du Barreau, donc j'ai de la difficulté à le commenter de façon intelligente. Ce que je vous dirais, c'est que je pense que, effectivement, il faut tendre vers une augmentation des barèmes et, dans ce cadre-là, il va falloir trouver effectivement des solutions.

M. Lefebvre: Le volet contributoire, Me Parizeau, qu'est-ce que vous pensez...

M. Parizeau (François): Le volet contributoire... M. Lefebvre: ...de cette proposition-là?

M. Parizeau (François): ...c'est que, à l'heure actuelle, le volet contributoire, la façon dont je le vois, c'est que j'ai de la difficulté à l'entrevoir dans le cadre de l'aide juridique actuelle. Dépendant de la hausse des barèmes, je vous dirais que la question des assurances, ou des choses comme ça, pourrait devenir quelque chose qui pourrait être pensé, mais je vous dirais que, fondamentalement, la clientèle d'aide juridique, en accidents du travail, à l'heure actuelle, c'est des gens qui sont sur

l'aide sociale; oubliez les assurances, oubliez un plafond contributoire.

Donc, jusqu'à quel point on va hausser les barèmes pour permettre de tomber dans une situation où on va pouvoir faire jouer des hypothèses qui pourraient être regardées? Mais, à l'heure actuelle, mon problème, c'est que, même avec les propositions qui ont été faites dans le cadre du document du ministre, même à 120 %, ça veut dire quoi, 120 %? Il faut regarder...

M. Lefebvre: Ça veut dire beaucoup plus de monde.

M. Parizeau (François): Oui, ça veut dire beaucoup plus de monde; ça veut dire énormément d'argent, et ça, c'est clair. Sauf que, ce qu'il faut voir, c'est que, dans ce cadre-là, c'est: Est-ce que c'est des gens qui, effectivement, ont des assurances? Est-ce que c'est des gens qui vont en prendre, compte tenu des sommes d'argent qui sont en cause? Et je pense qu'il faut faire une analyse sociologique à ce moment-là pour voir les habitudes de ces gens-là. Je sais que le Barreau a parlé de crédit d'impôt, etc., pour essayer... Bon.

M. Lefebvre: Une dernière question, Me Parizeau.

M. Parizeau (François): Je suis désolé, je prends trop de temps.

M. Lefebvre: On nous suggère, pour certains intervenants, d'évaluer la possibilité, d'évaluer la solution d'honoraires forfaitaires, «block fee», en matières pénale et criminelle. Est-ce que vous croyez que ce serait possible dans votre secteur d'activité, en droit du travail... c'est-à-dire, pas en droit du travail, réclamations, accidents, etc?

M. Parizeau (François): Est-ce que vous pouvez m'expliquer un peu...

M. Lefebvre: Avec les honoraires forfaitaires, vous auriez droit à un certain montant...

M. Parizeau (François): Oui.

M. Lefebvre: ...pour le traitement du dossier, du début à la fin; un montant forfaitaire.

M. Parizeau (François): C'est ce qu'on a présentement.

M. Lefebvre: Mais vous avez droit à des montants additionnels dans certains cas.

M. Proulx (Jean-Paul): Non. M. Parizeau (François): Non.

M. Lefebvre: Dans aucun cas?

M. Parizeau (François): Bien, écoutez, on peut toujours aller...

M. Lefebvre: Vous avez droit à des considérations spéciales.

M. Parizeau (François): Spéciales, oui. M. Lefebvre: Oui.

M. Proulx (Jean-Paul): Mais ça, c'est théorique, ce n'est pas pratique.

M. Lefebvre: Non, non, mais, techniquement, vous avez droit à la considération spéciale.

M. Parizeau (François): Dans les cas très spéciaux.

M. Lefebvre: Est-ce que la considération spéciale devrait être éliminée pour donner des honoraires peut-être supérieurs, de façon générale?

M. Parizeau (François): Je vais vous donner des exemples. Je pense que non, parce qu'il y a des dossiers qui demandent une ampleur considérable et, quand on tombe dans des honoraires fixes, même si on doublait ou on triplait les honoraires actuels, si vous tombez dans une cause à la Cour d'appel qui met en cause des aspects constitutionnels... Je vais vous donner un exemple. J'ai un travailleur qui est dans un hôpital du fédéral, et, à l'heure actuelle, la question qui se pose, c'est: Est-ce que l'article 32 de la loi en matière de congédiement s'applique...

M. Lefebvre: Alors...

M. Parizeau (François): ...à un organisme? Alors, vous allez parler de juridiction, vous allez parler de constitution, etc.

M. Lefebvre: Alors, la considération spéciale, c'est important de garder ça.

M. Parizeau (François): C'est très important.

M. Lefebvre: Le droit matrimonial, en faites-vous un peu?

M. Proulx (Jean-Paul): Non.

M. Parizeau (François): Moi, je n'en fais pas, mais je dois vous dire que j'ai l'impression que, des cas exceptionnels, il y en a. La façon dont on va juger les cas exceptionnels, je pense que je fais confiance à la Commission des services juridiques.

M. Lefebvre: Merci.

Le Président (M. Parent): Merci.

M. Proulx (Jean-Paul): M. le ministre, je voudrais vous demander...

Le Président (M. Parent): Oui. Excusez, monsieur...

M. Proulx (Jean-Paul): ...pourquoi pénaliser...

Le Président (M. Parent): Allez, M. Proulx, oui. Allez-y rapidement.

M. Proulx (Jean-Paul): Pourquoi — rapidement — pénaliser si on est capable de réussir à arriver à une entente? Ce matin, j'étais avec votre électrice, là. J'ai essayé de négocier une entente avec l'employeur, avant. Ça n'a pas fonctionné, pour une raison d'ordre technique. Mais, si j'avais réussi, là... J'ai négocié pendant deux heures et demie de temps, après ça, on a plaidé, ça a pris une demi-heure pour plaider le dossier. Mais, les deux heures et demie de temps que j'ai négocié, parce que j'aurais négocié, on m'aurait coupé de moitié.

M. Lefebvre: Non, non. C'est des questions que je vous pose, là. Merci.

Le Président (M. Parent): Merci de votre réponse, M. Proulx. Je reconnais maintenant la porte-parole de l'Opposition officielle, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Me Parizeau, Me Proulx, nous sommes très heureux de vous entendre. Personnellement, je n'ai pas vraiment de problème avec le style de votre mémoire. Disons que j'ai trouvé que ça dénotait que vous aviez effectivement beaucoup d'expérience, beaucoup d'expérience sur le terrain. Et c'est évident qu'à partir du moment — même si on a dans les mains un document de questionnement — à partir du moment où la question est sur la table, c'est que quelqu'un y a pensé et qu'il a pensé que c'était possible de pouvoir le faire. Et, quand vous nous dites que les tarifs n'ont pas été changés du côté de ceux qui travaillent dans les tribunaux administratifs, c'est une réalité, là, ce n'est pas seulement un questionnement. C'est une réalité.

Quand vous parlez des contributions des avocats, j'avoue que je partage entièrement votre argumentation. Je vais même plus loin, dans le sens que les avocats permanents, même si la moyenne de salaire est un petit peu plus élevée que ce qu'on se disait tantôt, traitent quand même en moyenne 435 dossiers. Alors, donc, on ne peut pas dire que ce sont des gens qui chôment. Alors, je trouve ça difficile de les appeler aussi des bénéficiaires du système, et je me dis: Si on décidait d'appliquer une contribution pour les avocats, il faudrait, au même titre, appliquer une contribution pour les médecins qui vivent du système d'assurance-maladie. Je veux dire, si on veut être équitable, on pourrait les considérer — et encore plus parce qu'ils ont tous l'assurance-maladie — des bénéficiaires du système d'assurance-maladie, donc ils devraient contribuer. Et puis, jamais on ne s'est posé cette question-là. Alors, je pense que, moi, je ne vois vraiment pas de raison pour appliquer un principe à une corporation ou deux — dans le cas des notaires aussi — pour ce système-là.

Vous avez parlé d'une augmentation importante et, là, vous n'avez pas vraiment élaboré, sur les requêtes en évocation. Et, là, vous aviez l'air à avoir pas mal de matière là-dessus. J'aurais aimé ça vous entendre là-dessus.

M. Proulx (Jean-Paul): Là-dessus, je veux juste vous dire, madame, que... Juste un point. Je vais laisser parler François sur l'évocation, mais je peux vous dire une chose: Honnêtement, impossible de faire 430 dossiers. Vous dites que les avocats...

M. Parizeau (François): C'est en général.

M. Proulx (Jean-Paul): Je comprends que c'est en général...

Mme Caron: Mais Us ne font pas juste des dossiers de CSST, là.

M. Proulx (Jean-Paul): Je comprends que c'est en général, mais, nous, on vous parle du monde qui travaille en CSST. C'est impossible d'en faire plus que... Peut-être te rendre à 200 là, si tu es fou un peu sur les bords là, mais c'est impossible de se rendre à 450.

Mme Caron: Non, non. Ce n'est pas 435 dossiers en accidents du travail, là. C'est général.

M. Parizeau (François): C'est ça. Mais c'est important de le noter parce que, quand on nous dit une moyenne... On nous dit toujours: En moyenne, les avocats à l'interne, ils font tant, donc ça coûte tant. Mais, dans notre domaine à nous autres, en tout cas, ce n'est pas vrai qu'un avocat à l'interne peut faire 450 dossiers par année. Je voulais juste préciser ça.

M. Lefebvre: ...droit, hein.

M. Parizeau (François): C'est ça. C'est évident qu'en criminel, si vous avez 20 comparutions dans la même matinée, c'est faisable, mais, en dossiers d'accidents de travail, ça ne Test pas parce que, de toute façon, vous n'êtes pas entendus à ce rythme-là, même pas à quatre la matinée, vous êtes entendus, votre dossier.

Maintenant, pour répondre à votre question, c'est

que... Écoutez, c'est un domaine... Ce qu'on a vu apparaître à partir de 1985, c'est une situation dans laquelle les employeurs, qui étaient plus ou moins présents, la CSST, qui était plus ou moins présente, ont pris énormément de place. Et je vous dirais que, maintenant, quand l'employeur n'est pas présent, la CSST est présente, et ce, tant au niveau de la Commission d'appel qu'au niveau des bureaux de révision. Avec le résultat qu'on assiste à une contestation beaucoup plus ouverte, et c'est pour ça aussi que les fardeaux de preuve ont augmenté. (17 h 50)

Et, si on regarde la loi, il y a quelque 500 articles. Bon, ils ne donnent pas nécessairement tous origine à des litiges en évocation, sauf que, quand on regarde cette loi-là, il y a énormément de procédures, il y a énormément de points. Et, si vous regardez les volumes de la Cour supérieure, je n'invente rien là, c'est plein de causes en accidents du travail, en santé et sécurité et en accidents du travail, etc. Et les points légaux se sont multipliés de façon exponentielle depuis 1985. Ça commence à ralentir, mais c'est énorme. Et ça, c'est le pointe de l'iceberg, parce que l'évocation, évidemment, c'est 10 % des cas, 8 % des cas, même pas.

Mais les objections qu'on a en Cour supérieure, en Commission d'appel, ça commence toujours par: objection préliminaire de la partie patronale, objection préliminaire de la partie du travailleur ou syndicale si on représente un syndicat. Et c'est comme ça. Et on tombe sur le fond. Et, comme on se ramasse toujours à la Commission d'appel sur un, deux, trois et, potentiellement, quatre appels, bien, ça débloque. Alors, les sources de litiges légaux sont importantes. Et, comme l'a dit Me Proulx, au niveau scientifique, il faut aussi être blindé si vous voulez aller quelque part.

M. Proulx (Jean-Paul): Et je peux vous dire qu'il y avait trois avocats à la Commission d'appel quand la Commission d'appel a commencé, en 1985; je pense qu'ils sont rendus sept ou huit actuellement. Alors, eux autres, ce qu'ils font, c'est de l'évocation. Alors, c'est une indication, quand même.

Mme Caron: Je vous remercie beaucoup. M. le Président, j'avais d'autres questions...

Le Président (M. Parent): Oui, oui. Allez, allez.

Mme Caron: ...mais mon collègue d'Anjou souhaite vraiment questionner. Alors, je vais lui laisser...

Le Président (M. Parent): Alors, l'honorable député d'Anjou.

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Me Parizeau, j'étais content que vous répondiez au ministre relativement aux honoraires des avocats relativement à faire les différences entre dossier criminel puis dossier de la CSST. Parce que je pense que tout le monde qui pratique le droit est d'accord avec un consensus à l'effet qu'il n'y en a pas, de problème au niveau des honoraires en matière criminelle et en matière d'immigration. Tout le monde s'entend qu'en matière criminelle et d'immigration le tarif est en général acceptable. En tout cas, il n'y a pas beaucoup de plaintes de la part d'avocats quant au bas tarif à ce niveau-là. Il y en a très peu. Et même, je pourrais dire qu'à chaque fois qu'un avocat parle, qu'il a le malheur de dire que peut-être les honoraires sont trop bas, le ministre sort ses millions qui sont versés, le nombre d'avocats qui participent au réseau d'aide juridique et surtout le petit nombre d'avocats qui facturent, il faut le dire, un montant très considérable à l'aide juridique.

Et je pense qu'il est assez évident, si le ministre faisait une certaine ventilation de ces dossiers-là, qu'on verrait que plus de 90 % de ces avocats-là qui facturent un certain montant font du droit criminel et du droit de l'immigration, essentiellement. Moi, en tout cas, je n'ai jamais entendu parler d'un avocat qui pratique soit en matière familiale ou en matière de la CSST qui soit capable de facturer les montants d'honoraires qui ont été mentionnés par le ministre. Mais, cependant, le ministre, à chaque fois qu'on parle d'honoraires de pratique privée, il ressort ces chiffres-là. Je pense qu'il faut faire la distinction. C'est uniquement, à peu près, en matière d'immigration et en matière criminelle qu'on assiste à ce phénomène-là, de facturation assez volumineuse. Je pense que c'est important et je pense que vous l'avez mentionné.

Maintenant, au niveau de la considération spéciale, une autre chose qui a l'air de beaucoup impressionner le ministre, c'est que la demande de considération spéciale pour les honoraires existe dans la facturation. Dans votre expérience, pour quel pourcentage de vos dossiers, à peu près, vous obtenez une considération spéciale? Est-ce que vous pouvez me donner ça?

M. Parizeau (François): Je...

M. Bélanger: En gros.

M. Proulx (Jean-Paul): En gros, là, sur 100 dossiers que je facture, je peux demander... Je pouvais demander, parce que je n'en demande plus. Mon problème est réglé, là, je n'en demande plus de considérations spéciales parce que, sur les cinq dossiers que je demandais, on me disait non d'un bout à l'autre.

M. Bélanger: Pourtant, vous y tenez.

Le Président (M. Parent): S'il vous plaît...

M. Proulx (Jean-Paul): Pardon?

M. Bélanger: Pourtant, vous voulez qu'on garde le principe.

Le Président (M. Parent): M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Proulx (Jean-Paul): On veut laisser la porte ouverte.

M. Parizeau (François): Écoutez, je ne serai pas aussi catégorique que Me Proulx, parce que Me Hargreaves, qui est ici, pourrait en témoigner.

M. Proulx (Jean-Paul): Lui, il est à Montréal.

Le Président (M. Parent): M. Parizeau, je vous invite à répondre au député d'Anjou.

M. Parizeau (François): Oui. Alors, au niveau des considérations spéciales, je pense que c'est important dans la mesure où, effectivement, il y a des cas exceptionnels. Et, si vous embarquez dans un dossier qui va vous demander 35 à 40 heures de préparation parce qu'il s'agit d'un problème de maladie professionnelle complètement rare, dans lequel on risque de dépenser peut-être 5000 $ ou 6000 $ en expertise médicale parce qu'on fait venir quelqu'un de très loin, je veux dire, quelque part, le temps, il est là. Et c'est nécessaire...

M. Bélanger: Je ne remets pas ça en cause, là, Me Parizeau, moi.

M. Parizeau (François): ...sur la proportion...

M. Bélanger: Ce que je veux faire comprendre au ministre, c'est que c'est vraiment exceptionnel, les considérations spéciales.

M. Parizeau (François): C'est très exceptionnel. Je vous dirais que j'y vais peut-être...

M. Bélanger: Ce n'est pas une panacée à des honoraires d'aide juridique qui sont bas.

M. Parizeau (François): Je me ramasse en conciliation à Montréal peut-être une fois, deux fois, trois fois, gros maximum, par année. Alors, c'est trois dossiers par année.

M. Bélanger: On pourrait presque appeler ça des «considérations exceptionnelles».

M. Parizeau (François): C'est comme ça que l'aide juridique... L'aide juridique nous dit toujours...

M. Bélanger: Exceptionnelles.

M. Parizeau (François): Quand on se présente devant l'aide juridique, il vont nous demander deux choses. Il vont nous demander, bon, combien de temps, mais ils vont nous demander en quoi c'était plus complexe qu'un dossier ordinaire. Donc, la porte d'ouverture à une considération spéciale, c'est: Est-ce que, oui ou non, c'est un dossier dont la complexité dépasse un dossier qui, normalement, est entendu? Et, en matière d'accidents de travail, je vous dirais que ça m'est... Je ne me rappelle pas, en 16 ans de pratique... C'est possible que je me trompe, mais je ne me rappelle pas avoir été en conciliation en matière d'accidents du travail. J'y ai déjà été en matière de mandamus, dans un procès très connu qui était le procès des garderies à Montréal, des dossiers qui dépassaient l'envergure de procès tout à fait...

M. Bélanger: Me Parizeau, on a déjà parlé avec d'autres intervenants du problème, des fois, pour des bénéficiaires, de trouver preneur au niveau d'avocats expérimentés sur l'aide juridique qui acceptent d'être payés avec des mandats d'aide juridique. Est-ce que, dans votre domaine, qui est quand même spécialisé, vous avez constaté si c'est facile pour un bénéficiaire de retenir les services d'un avocat expérimenté qui accepte d'être rémunéré sous la forme d'aide juridique?

M. Parizeau (François): Écoutez, le reste de ma pratique, ma pratique privée subventionne ma pratique en matière d'aide juridique. C'est aussi simple que ça. J'ai des syndicats, j'ai des clients privés, puis c'est ça qui subventionne. On est payé 262 $ pour un bureau de révision paritaire. Un dossier facile, parce que vous êtes expérimenté, etc., c'est un minimum d'à peu près six heures. Faites le calcul, là. Il y a beaucoup d'avocats qui vont refuser de façon systématique de prendre de tels dossiers. Alors, on le fait parce qu'on trouve le dossier intéressant, parce que, au niveau scientifique, au niveau du point de droit ou quoi que ce soit, c'est un dossier dans lequel — je m'excuse de l'expression — on va triper et on va jouer.

M. Proulx (Jean-Paul): Et l'autre considération, c'est qu'on est obligé de se dire... Puis, qu'on le veuille ou pas, c'est qu'on constate que, si on ne le fait pas, il n'y a personne qui va le faire. Ça, c'est une réalité. Je ne vous dirai pas... Parce qu'il y a des gens, vous le savez, ils vont dans vos bureaux, mais les gens, ils nous supplient, nous autres aussi, et nous disent: Écoutez, faites-le donc, mon mandat. Je vous supplie, faites-le, j'ai une maladie, je ne suis plus capable de travailler. Alors, peut-être qu'on se laisse avoir pour des considérations du genre humain, mais, moi, je suis capable de vivre avec ça, puis je vis avez ça, sauf qu'on en paie le prix en bout de ligne. Mais c'est une réalité. Vous le savez, les gens y vont, dans vos bureaux. Puis je suis persuadé qu'ils vont dans le bureau du ministre — il est député — puis dans le bureau des autres députés aussi. Les gens vont dans le bureau. C'est des gens qui sont très insécures et qui ne comprennent pas ce qui se passe. Parce qu'il faut penser que le délai là, il est rendu de... Si vous recevez une décision, avant que vous n'ayez la décision finale de la Commission d'appel en bout de ligne, c'est quatre ou cinq ans. Alors, pendant ces quatre, cinq ans là, les personnes vont venir vous voir.

Sauf que je me dis: On n'est pas plus fins que les autres; on a fait un choix, on vit avec. O.K, là, on a fait un choix. Sauf qu'on s'inquiète de se faire dire qu'en plus on devrait payer encore plus pour ce choix-là. C'est ce que le ministère nous dit dans son...

Le Président (M. Parent): Merci, M. Proulx. Mme la députée de Terrebonne. En conclusion.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, nous sommes déjà rendus à la conclusion. Je vous remercie beaucoup de votre participation. Je pense que vous avez très bien exprimé les principaux points que vous aviez à défendre, et je peux vous dire que, de notre côté, on comprend très bien votre argumentation. Merci beaucoup.

Le Président (M. Parent): Merci. M. le ministre.

M. Lefebvre: Alors, Me Proulx et Me Parizeau, vous êtes des avocats plaideurs, vous êtes habitués à défendre vos dossiers, et, des bons plaideurs comme vous deux, vous n'avez pas la peau aussi délicate que le député d'Anjou. Alors, vous avez très, très bien compris l'exercice que j'ai fait avec vous cet après-midi.

S'inspirant d'un document qui émane de l'ex-ministre Rémillard et du ministère de la Justice, ce n'est pas une position du gouvernement du Québec, d'aucune façon. Je n'ai fait que pointer des questionnements qui nous sont soumis par le Barreau du Québec, qui dit, à la page 34 de son propre document: «La structure même du tarif en matière criminelle nous apparaît inefficace et injuste. D'une part, elle oblige l'avocat à multiplier les procédures pour obtenir un honoraire moyen décent et, d'autre part, elle pénalise les avocats qui doivent procéder au fond.» Alors, c'est le Barreau, auquel vous appartenez et auquel j'appartiens, qui pointe le problème de la tarification en matières criminelle et pénale qui provoque des abus de certains avocats plus ou moins consciencieux. Et c'est le Barreau du Québec qui le dit. (18 heures)

Et pour démontrer que c'est vrai, il faut en faire la preuve, comme je l'ai fait tout à l'heure, avec un document qui indique que des avocats à l'aide juridique facturent jusqu'à 250 000 $, 300 000 $ et 350 000 $, ce qui m'apparaît, quant à moi, extrêmement questionnable. Et je n'en fais pas un cas de généralité. Vous disiez, et vous dites dans votre document, à la page...

Le Président (M. Parent): M. le ministre, je vous invite à conclure, telle l'entente qui avait été prévue entre les deux formations.

M. Lefebvre: Ce ne sera pas long. Alors, vous dites, à la page 6 de votre document, «lorsque le requérant est en mesure»... Bon. «Il est bien connu que "l'avocat qui se représente seul a un fou comme client".» Je dois vous dire que ce n'est pas votre cas, vous avez extrêmement bien défendu votre point de vue. La remarque que j'ai faite en début d'intervention, tout à l'heure, était à l'effet que vous traitez beaucoup du problème des honoraires de l'avocat, et c'est légitime que vous en parliez. Et aussi, j'ai moi-même indiqué que, quant à la tarification des avocats, je le sais, j'en suis conscient, ce n'est pas exorbitant, et il faut également se questionner sur ce point de vue là.

Merci d'avoir soumis votre mémoire à la commission des institutions. Merci d'être venus le défendre cet après-midi avec autant d'ardeur.

Le Président (M. Parent): Merci, M. le ministre, et je demande le consentement à cette commission pour procéder passé 18 heures. Est-ce que j'ai le consentement?

Une voix: Consentement.

Le Président (M. Parent): Consentement. Alors, j'invite M. Grégoire, du groupe SOS... Merci, messieurs. Je m'excuse, on semble précipités, mais on tâche, enfin, de le faire dans les meilleures conditions possibles.

S'il vous plaît! J'invite les députés à prendre place. Nous accueillons M. Grégoire, M. Benoit Grégoire, représentant du mouvement SOS Fonds juridique. M. Grégoire, je vous rappelle brièvement, le plus brièvement possible, que nous sommes déjà en retard sur la marche de nos travaux. Vous n'en êtes point responsable, nous non plus; sont arrivés des impondérables que nous ne pouvions pas corriger. Alors, les deux partis politiques se sont entendus ensemble pour, dans un souci d'efficacité, collaborer. Je vous invite à nous présenter votre mémoire. Votre mémoire, tous les gens l'ont reçu, tous les gens l'ont lu. Alors, quitte à vous de le présenter, de le résumer ou de l'expliquer. Nous vous écoutons.

SOS Fonds juridique

M. Grégoire (Benoit): Je vous remercie, d'abord, d'accueillir notre regroupement ici. SOS Fonds juridique, c'est un regroupement dont vous avez vu la liste des membres en annexe du mémoire. C'est un regroupement dont les organismes membres viennent en aide plus spécialement aux travailleurs et travailleuses non accidentés. Aujourd'hui, ça a été pour vous la journée pour entendre plusieurs mémoires concernant les travailleurs. Nous, ici, on vient vous sensibiliser à la situation particulière, à notre avis, que vivent les travailleurs et travailleuses non syndiqués en regard des lois que chacun des organismes membres de notre regroupement est appelé à rencontrer. D'ailleurs, vous avez vu, au début de notre mémoire, la liste des lois qui forment les préoccupations des organismes qui nous composent et vous avez compris, donc, qu'en matière de travail et en matière d'indemnisation il y a beaucoup de lois qui

peuvent faire en sorte de créer des recours à gauche et à droite.

Quand on avait présenté, dans un premier temps... Notre démarche remonte à loin, quand même. On avait rencontré, dans un premier temps, le Groupe de travail sur l'accessibilité à la justice. À cette époque-là, la position de notre regroupement était de dire: II faut donner à tous les non-syndiqués l'accès à l'aide juridique; à défaut de pouvoir se syndiquer, se regrouper, il faut pouvoir protéger les travailleurs non syndiqués, les travailleuses non syndiquées.

Au Sommet de la Justice, nous avons abordé plus particulièrement le mémoire, le rapport Macdonald, et la position qu'on avait défendue à l'époque, c'était de dire: Si vous tracez une ligne à 100 %, rendons admissibles les gens en bas de ça. Puis on n'avait pas vraiment de position. Même si on avait dit: Participons jusqu'à 120 %, pour l'analyse de ce régime-là, on n'a pas d'actuaires au sein de notre organisation, on dispose de peu de moyens. je suis ici représentant d'organismes qui sont pauvres et qui informent les gens. ce sont pour la plupart des groupes d'éducation populaire qui ont des mandats du ministère de l'éducation pour informer les gens sur leurs responsabilités, sur les règles du jeu dans cette société. c'est un peu dans ce sens-là qu'on vient présenter le mémoire aujourd'hui, pour dire: bien sûr, on est conscient qu'il y a des déficits, mais on est conscient que l'état doit se retirer, mettre moins d'argent, sauf que, au niveau des règles du jeu dans la société, on pense qu'il faut, là, mettre de l'argent. c'est pour ça que nous avons fixé comme seuil d'admissibilité les 120 %, aujourd'hui, en disant: 120 %, en dessous de ça, on est admissible. et on a écarté la formule de participation au régime et qui nous semblait très complexe, de commencer à faire des statistiques sur combien fait telle personne. et là, en tout cas, toute la structure, qui a été dénoncée, d'ailleurs, sur laquelle des personnes semblent avoir... certains intervenants ont reculé.

Il est important de comprendre qu'en matière de travail, comme vous l'avez entendu toute la journée ou à quelques occasions, on ne fait pas juste face, ici, à un employeur. Il y a souvent l'État, qui doit gérer et qui doit éduquer les gens sur les lois que les gens doivent respecter. Ça crée des situations, à l'occasion, comme Me Parizeau le disait tout à l'heure: Une personne peut s'adresser à la Commission des normes du travail en lui demandant: Je viens d'être congédié, là; qu'est-ce que je fais? La personne lui répondra, lui a déjà répondu, c'est un dossier qu'on a déjà vu dans le passé: Ça fait combien de temps que vous travaillez, madame, pour cette place-là? Elle dit: Ça fait un an et demi. Ah! désolé, madame, la loi ne vous protège pas; ça prend trois ans de service continu. Sauf que, si on avait gratté — puis est-ce que c'est le mandat de la Commission des normes? — si on avait gratté, on aurait pu voir peut-être que c'est un dossier de retrait préventif, de femme enceinte ou qui allaite. On aurait pu aller fouiller quelque chose d'autre. Et, à ce moment-là, quand la personne arrive dans nos bureaux ou dans les bureaux d'un avocat, on est obligé de demander une extension de délai, comme on vous l'a expliqué déjà. (18 h 10)

Il faut que l'état se responsabilise dans les règles du jeu. il faut que les gens... le mandat d'éducation, c'est absolument important. ça ne date pas d'hier, la responsabilité. on en a parlé au sommet de la justice, beaucoup, mais il ne s'agit pas de se retirer tout partout en même temps. on comprend que les sommes d'argent qui pourraient être impliquées en poussant le seuil jusqu'à 120 %... on nous a dit ce matin que ça pourrait représenter 68 000 000 $. nous soumettons que c'est très peu. c'est très peu, 68 000 000 $. on voyait récemment un document qu'on nous dit... quelle est la cause de l'augmentation de la dette? évidemment, on est au niveau fédéral. le parallèle pourra se faire au niveau provincial. on dit que, et c'est statistique canada 1991, le coût des programmes sociaux est responsable de 6 % de l'augmentation de la dette; les taux d'intérêt, 50 %; les abris fiscaux, 44 %. il y en a de l'argent à quelque part. on n'est pas plus pauvres aujourd'hui, en 1994, qu'on l'était en 1970. c'est impossible. alors, c'est dans ce sens-là qu'on vous a fait part, dans notre mémoire, un peu du cheminement ou de l'instauration de certains programmes sociaux. on aurait pu être encore plus détaillés que ça, mais on remonte à loin pour dire que, quand même, c'est en lien avec l'instauration de programmes qui touchaient aussi des gens qui travaillaient et qui devenaient sans revenu du jour au lendemain. et on en voit beaucoup des travailleurs ou des travailleuses qui, après avoir perdu leur emploi, doivent faire toutes sortes d'acrobaties; du jour au lendemain, ils se retrouvent avec rien. et ces gens-là exerçaient les recours qui sont prévus par les lois. surtout quand on ne connaît pas la loi au départ, bien, ça, ça devient problématique.

On est dans une société de droit, je ne vous apprends rien là-dessus. Est-ce qu'il n'est pas du ressort du gouvernement de s'assurer que la majorité, qu'une plus grande proportion de ses citoyens... Parce que, à 120 % du MGA, on n'est pas riche encore, on ne se pète pas les bretelles, là. Alors que les personnes, quand elles sont privées de leurs revenus, perdent leur maison rapidement, puis, là, ça engendre des procédures de huissier, ça engendre toutes sortes de choses... On lance les gens vers l'assurance-chômage, on lance les gens vers l'aide sociale, finalement. Puis la roue continue.

Je pense qu'une réforme de l'aide juridique, ça ne doit pas se faire aussi sans interpeller d'autres champs de la société au complet, finalement. Alors, il y a toutes sortes de personnes qui sont appelées à intervenir auprès des personnes qu'on appelle «justiciables» quand il y a un recours ou il y a un droit qui a à être exercé. Et il n'y a pas d'abus dans ça. Il n'y en a pas eu, d'abus de la part des personnes qui doivent se faire défendre. Le système d'aide juridique prévoit qu'on doit faire apparence de droit. Alors, il n'y a pas de... ce n'est pas les personnes qui, au départ, disent: Je m'en vais aller

chercher quelque chose. C'est: Je suis dans une situation problématique; qui va m'aider?

Et on a été sensibles, on a pris connaissance, par le biais des journaux surtout parce que, dans nos organismes respectifs, nous sommes débordés de travail, peut-être un peu parce que les critères d'admissibilité à l'aide juridique sont si bas... Quand les députés, dans leurs comtés respectifs, reçoivent des accidentés ou des personnes qui ont des problèmes avec le travail, une des ressources qu'ils utilisent souvent... Bien sûr, on essaie de faire un bout de chemin. Mais qui les réfère dans des organismes comme le nôtre? Ce sont des députés, c'est Communication-Québec, c'est Bell Canada, c'est des syndiqués... c'est des syndicats: II connaît quelqu'un. Mais tu n'es pas syndiqué, je ne peux pas te représenter, mais il y a des organismes. Alors, les organismes, beaucoup d'organismes...

C'est une occasion pour nous, aujourd'hui, de vous rappeler que nous allons prendre toutes les tribunes possibles pour dire: Le travail qu'on fait, il faut le reconnaître parce qu'on fait partie du système de justice. C'est ce qu'on avait dit à l'époque au Sommet de la Justice. Le ministre avait présenté un petit programme pour aider les organismes qui interviennent dans le système de justice. Le programme du ministère de la Justice, cette année, spécifiait que ne seraient pas considérés les projets qui touchaient les accidents de travail et les maladies professionnelles. après ça, on prend connaissance du mémoire... pas du mémoire, mais plutôt des questionnements du ministère en regard de l'aide juridique, une question de moyens. puis, nous aussi, ça nous touche, ça nous touche directement, certains organismes, si la représentation des personnes dépend du fait qu'on reconnaisse l'exclusivité de cette représentation-là devant un tribunal comme la csst. alors, à notre sens, il faut que le gouvernement, malgré le fait... je comprends qu'on est en période de restrictions. le ministre rémillard avait, à l'époque, tenté de dire: pour une vraie réforme, il faut sortir de l'argent, il faut mettre de l'argent. nous pensons que c'est la position que le ministre doit défendre encore aujourd'hui pour, au nom de la cohésion sociale qu'on souhaite, rejoindre des personnes. ces personnes-là vont être rejointes par des avocats qui font un travail important dans différents bureaux à travers la province, puis en pratique privée également. alors, ces gens-là vont devoir quand même voir des professionnels du droit. bien sûr, on étend la couverture jusqu'à une limite plus importante que ce qu'on vous a présenté aujourd'hui: 80 %, le barreau, entre autres. alors, pensons donc qu'au nom de cette cohésion qu'on souhaite, tout le monde, autant le gouvernement, de chaque côté de la chambre, tous les partis, on veut que ça se passe bien. alors, assurons-nous de pouvoir rencontrer les personnes qui gagnent jusqu'à 120 % du revenu étalon que le gouvernement a décidé de retenir pour cet exercice. parce qu'on aurait pu prendre d'autres genres de revenu étalon. c'est pour ça qu'on a demandé 120 % du mga.

Le Président (M. Parent): Est-ce que...

M. Grégoire (Benoit): Oui, je terminerai en disant: Écoutez, je ne vous apprends rien des drames humains qui se vivent. En matière de travail, ça va très mal présentement. Ça va très mal. Les travailleurs, et on l'a vu avec la réforme de l'assurance-chômage qui nous est promise, la pression que ça va mettre non seulement sur le dos des travailleurs, mais sur le dos du gouvernement... Déjà qu'on sait que les gens qui sont sur l'aide sociale bénéficient de programmes d'employabilité qui sont discutables, et ce n'est pas l'occasion d'en discuter, sauf qu'on met des travailleurs en contact avec des milieux de travail. Lorsqu'un accident de travail survient, par exemple, en cours de projet, bien, ces personnes-là, parce que les prestations qui sont données en cours de projet, ce sont des petites prestations... Bien sûr, on veut que les gens développent leur employabilité, sauf qu'à partir du moment où tu as un accident de travail, malheureusement trop souvent, tu es discriminé à l'embauche. Les formulaires d'emploi qu'on voit disent: Avez-vous été accidenté de travail? Si on répond oui, on a une chance que notre formulaire soit mis de côté; si on répond non, et qu'on le découvre, c'est découvert, il y a un lien de confiance qui est brisé puis c'est un motif pour l'employeur de congédier la personne. On est dans un cul de sac, pour beaucoup de travailleurs qui se retrouvent sur l'aide sociale, qui ont perdu leur maison. Ce n'est pas parce qu'ils faisaient 50 000 $ par année qu'ils n'ont pas perdu leur maison aujourd'hui. Ils l'ont perdue. Et on en voit trop de ça, puis c'est triste.

Nous, on est des organismes qui avons des moyens très limités, sauf qu'avoir des contacts avec les travailleurs et les travailleuses et essayer de leur dire: Bon, bien, écoute, on va essayer de faire, puis il faut que tu te prennes en main en plus, il faut que tu te responsabilises... parce que c'est le dada présentement que tout le monde doit suivre. Alors, on pense que c'est pour ça que le regroupement que je représente aujourd'hui vous demande d'avoir une vision plus large, plus éclairée et de reconnaître qu'il faut aller adresser le problème auprès de la majorité des personnes. Ça n'empêche pas qu'il y a beaucoup de personnes qui se situent au-delà des 120 % du MGA et qui pourront participer à toutes sortes de régimes, ou payer privément, comme ça se fait déjà.

Le Président (M. Parent): Ça termine votre présentation, M. Grégoire? Alors, je vous remercie d'être venu informer les membres de cette commission et de nous aider dans notre cheminement dans la recherche ou l'amélioration de l'actualisation de notre régime d'aide juridique. Je vais maintenant reconnaître le ministre, en rappelant aux membres de cette commission le respect des ententes concernant le temps prévu pour chaque formation politique. M. le ministre.

M. Lefebvre: M. Grégoire, je veux vous remercier et je vous demande de saluer tous ceux et celles qui

ont travaillé avec vous à la rédaction du mémoire que vous nous avez soumis et que vous venez de discuter devant nous. C'est un mémoire qui touche plein de volets de la question du système d'aide juridique au Québec, un document qui est bien fait, et vous avez touché des points qui sont extrêmement importants et pertinents. (18 h 20)

Je veux vous dire tout de suite, ou répéter ce que j'ai dit à d'autres, et je suis très à l'aise, moi, pour le dire, je n'étais pas là à ce moment-là, mais je fais miens les commentaires qui ont été faits à l'époque par M. Rémillard: c'est un document de réflexion, de questionnement, et il fallait dans ce document-là oser mettre sur la table tout ce qui a été dit au cours des dernières années quant au régime, au système d'aide juridique. Il n'y a pas là-dedans d'indication quant à la position du gouvernement du Québec. Et pour ceux et celles qui pensent que la consultation à laquelle on se livre depuis une dizaine de jours n'était pas nécessaire, il faudrait, à ce moment-là, prendre le temps de lire tous tes mémoires où on retrouve des propositions, toujours de bonne foi, mais dans certains cas, contradictoires, très différentes l'une de l'autre. Chacun et chacune cherchent à améliorer le régime et le système. Et, si on connaissait, au gouvernement, la solution magique, il n'y en aurait pas eu de commission de consultation. Si on avait tous les fonds publics capables de régler toutes les questions qui sont soulevées, il n'y aurait pas de commission de consultation. Mais il faut pousser l'exercice d'une façon plus sérieuse, rationnelle. Il faut tenir compte que les sommes d'argent qu'on met à l'intérieur du régime, ça ne tombe pas du ciel. On prend cet argent-là dans les poches des concitoyens et des concitoyennes, des Québécois et des Québécoises. Ça, il faut avoir ça à l'esprit. C'est un service public, l'aide juridique, et c'est payé avec des fonds publics.

Alors, dans ce sens-là, M. Grégoire, je veux vous interroger, dans un premier temps, vous questionner sur ce qu'est votre organisme SOS Fonds juridique. On décrit un peu ce que c'est, évidemment, dans le sens que vous regroupez une dizaine d'organismes qui touchent à tout ce qu'il y a de difficultés, et vous l'avez bien dit tout à l'heure. Je comprends de ce que vous nous dites que la clientèle avec laquelle vous travaillez, c'est vraiment la clientèle la plus démunie, ceux qui ont vraiment quotidiennement toutes sortes de problèmes. Alors, j'aimerais que vous me donniez quelques détails. Comment ça fonctionne, votre organisme? Vous êtes un lien à travers une dizaine d'organismes; pour certains, c'est des problèmes de chômage, pour d'autres, des problèmes de santé. Ça touche un peu à toute l'activité humaine. J'aimerais vous entendre là-dessus, M. Grégoire.

Le Président (M. Parent): M. Grégoire.

M. Grégoire (Benoit): Le regroupement est né en 1986, puis il se veut, au départ, un fonds. C'est pour ça qu'on l'appelle SOS Fonds juridique. C'est un fonds qui vise à permettre à des travailleurs et des travailleuses non syndiqués de pouvoir exercer des recours, malgré le fait qu'ils n'ont pas les moyens de le faire. En ce sens-là, c'est un fonds qui est très pauvre puisque c'est des organismes pauvres qui s'occupent de ramasser l'argent. Alors, un groupe peut demander...

M. Lefebvre: Ils passent par... ils s'adressent à...

M. Grégoire (Benoit): On doit s'adresser directement à un groupe qui est membre de SOS Fonds juridique. Et SOS ne parle pas aux citoyens comme tels, ou aux citoyennes. SOS est en relation avec ses groupes. Un groupe va nous dire: J'ai besoin d'une expertise médicale pour permettre à ce monsieur, qui est dans telle situation, d'exercer un recours. On a eu des recours en discrimination avec le groupe Action Travail des femmes, notamment des luttes avec Gaz Métropolitain, pour l'accès à des emplois non conventionnels pour les femmes.

M. Lefebvre: Est-ce que, M. Grégoire, je dois comprendre que SOS ne reçoit pas, n'est pas en contact direct avec la clientèle ou le bénéficiaire présumé à l'aide juridique?

M. Grégoire (Benoit): Exactement. De toute façon, ça part d'un fonds. Mais, à un moment donné, à donner de l'argent pour juste une cause comme ça, tu vas au bout de ta cause, puis il n'y a rien qui a changé au niveau politique ou il n'y a rien qui a changé dans la façon dont on traite un dossier devant une commission ou devant un tribunal. Alors, ça ne peut pas être, pour un fonds, le but en soi, que de donner de l'argent, tout simplement. C'est pour ça qu'on a deux volets à notre organisme, donc un fonds qui est très pauvre et qui donne très peu d'argent, et aussi, une instance de réflexion, les organismes qui s'assoient, tout le monde ensemble, pour discuter, réfléchir et s'adresser aux instances, au gouvernement.

M. Lefebvre: II y a deux questions fondamentales auxquelles on est confrontés à peu près à chaque fois qu'on Ut un mémoire ou qu'on entend un intervenant, M. Grégoire, c'est le rehaussement des seuils d'admissibilité et, également, un certain questionnement sur l'éventail des services qu'on retrouve à l'intérieur de l'aide juridique. Certains organismes nous suggèrent de réévaluer certains services. La plupart suggèrent, et j'oserais même dire, tous suggèrent un rehaussement du seuil d'admissibilité. Très peu nous demandent de donner des services additionnels. Il y en a quelques-uns, mais très peu, parce qu'on fait l'équation suivante: il y a déjà des services, de façon générale... De façon générale, on reconnaît que les services donnés par le système d'aide juridique au Québec sont pas mal complets par rapport à ce qu'on peut vivre ailleurs au Canada, et on

comprend aussi que, si on discute de services additionnels, c'est peut-être au détriment du rehaussement du seuil d'admissibilité, parce qu'on prend pour acquis qu'on ne pourra pas, compte tenu de la situation des finances publiques, faire les deux.

Vous suggérez, à la page 11, et vous n'êtes pas le seul organisme qui nous demande de l'évaluer, de rendre admissibles à l'aide juridique les corporations sans but lucratif sans tenir compte des revenus des membres qui forment l'organisme en question. Est-ce que vous ne croyez pas que ce serait, si on vous donnait raison, au détriment de la clientèle quant au seuil, quant au rehaussement du seuil d'admissibilité? Puis là, je parle des personnes physiques. Il va falloir faire des choix, là. Ça ne vous inquiète pas un peu de nous faire une suggestion comme celle-là?

Le Président (M. Parent): M. Grégoire.

M. Grégoire (Benoit): Oui, merci, M. le Président. Jusqu'à présent, je crois que les sommes impliquées, parce que ça a été accordé à quelques occasions dans le passé, ce n'est pas des sommes qui sont très importantes, à mon avis. Évidemment, il faut comprendre comment nos structures fonctionnent pour se rendre compte que, d'abord, la majorité de nos membres sont démunis effectivement, mais on ne peut pas analyser chacune des personnes. Si tu as 1000 membres dans ton organisme, on ne peut pas aller analyser la situation financière de chacun et exclure un groupe parce qu'une des personnes ferait trop d'argent ou aurait trop d'argent ou serait propriétaire de deux, trois édifices. Alors...

M. Lefebvre: Mais vous savez... M. Grégoire (Benoit): Oui.

M. Lefebvre: On ne pourrait pas faire d'exception pour SOS, ce serait le principe qui serait consacré, qu'un organisme à but non lucratif...

M. Grégoire (Benoit): Mais SOS a une dizaine de membres.

M. Lefebvre: D'accord. L'autre question que je voulais poser avant de passer la parole à mes collègues de l'Opposition officielle. Vous dites, à la page 12, que vous souhaiteriez qu'on ne tienne pas compte du salaire, des revenus des parents quant à l'admissibilité d'un enfant mineur. Est-ce que vous ne croyez pas que c'est aller à rencontre du principe qu'on retrouve dans le Code civil, du principe naturel qui veut que les parents aient des responsabilités vis-à-vis les enfants?

M. Grégoire (Benoit): Certainement, sauf que...

M. Lefebvre: À tout le moins au niveau des aliments, des besoins essentiels. Vous ne trouvez pas que c'est un peu dangereux ce que vous suggérez?

M. Grégoire (Benoit): C'est une proposition qui ressort du document qu'on a déposé au Sommet de la Justice. À l'époque, on avait illustré la cause; c'est un petit gars qui est mort dans un convoyeur de dépanneur; il a 12 ans, le petit gars. Alors, il y a des problèmes; à un moment donné, ça peut dépasser l'entendement des parents.

M. Lefebvre: Oui, oui.

M. Grégoire (Benoit): Je veux dire, là, il ne faut pas non plus qu'un paquet de personnes qui sont mineures, qui ont un statut de travailleur un peu étrange quand on travaille dans un dépanneur... Le dépanneur c'est de la livraison chez une personne, c'est placer les commandes à l'intérieur. Il y a des jeunes qui se font mal. Il y a des jeunes qui voient des agressions armées. Il y a des jeunes qui peuvent être victimes d'actes criminels, et...

M. Lefebvre: Est-ce que le pouvoir discrétionnaire contenu dans la loi vous... En fait, je vous pose la question: Est-ce que ça ne répond pas un petit peu, en partie, à la préoccupation légitime que vous soulevez? Le pouvoir discrétionnaire ne répond pas à cette question-là qu'a le permanent à l'aide juridique d'accepter?

M. Grégoire (Benoit): Bien, il faudrait voir comment analyserait peut-être...

M. Lefebvre: La considérer comme admissible, la demande d'aide juridique...

M. Grégoire (Benoit): Comment... À ce moment-là, comme ça devient l'enfant d'un citoyen ou d'une citoyenne, qui va faire la demande pour avoir le service d'aide juridique? Qui a le litige si quelque chose lui est refusé? C'est l'enfant, quand même. Qui va être convoqué à l'audition? Je comprends qu'il peut y avoir quelqu'un de responsable.

M. Lefebvre: Votre questionnement est au niveau de la minorité, hein, parce que, techniquement et légalement, ça cause un problème.

M. Grégoire (Benoit): Oui.

M. Lefebvre: Si le requérant est mineur, il y a même un problème au niveau de la procédure comme telle. Intenter des procédures lorsqu'on est mineur, ce n'est pas possible; ça prend un tuteur, etc. Alors, votre question, c'est là-dessus, entre autres.

M. Grégoire (Benoit): On voulait s'assurer, par cette proposition, également d'aborder le fait que les travailleurs mineurs avaient droit aux mêmes conditions que prévoient d'autres lois en matière de travail. Comme on a abordé cette question-là en regard de l'aide juridique, c'est pour ça qu'on lui a indiqué. (18 h 30)

M. Lefebvre: M. Grégoire, à la page 20 de votre mémoire, paragraphe 12, vous faites référence aux frais d'expertise: «Que les intervenants de la justice considèrent diverses mesures afin de limiter ou de réduire les frais d'expertise comme les suivants: contrôle des tribunaux, tarification obligatoire ...» etc. Comment en arrivez-vous à cette suggestion-là? Est-ce que vous avez constaté qu'il y a des abus au niveau de la tarification des experts? Pourquoi nous suggérez-vous de nous pencher là-dessus?

M. Grégoire (Benoit): Encore une fois, c'est une proposition qui ressort de notre document présenté au Sommet sur la Justice. Ce commentaire est inscrit là parce que plusieurs avocats sont appelés à prendre des dossiers parce que des personnes deviennent admissibles à l'aide juridique et... Les dossiers leur étant référés, ils nous faisaient des commentaires à l'effet qu'il n'y avait pas de tarification pour les experts. C'est une préoccupation qui a été soulevée par des avocats et des avocates près de nous. Si un mandat d'aide juridique pour un bureau de révision donne 262,50 $, dans ces eaux-là, et qu'on va payer 1000 $ à un médecin expert, et jusqu'à 1500$...

Une voix: Oui. Oui.

M. Grégoire (Benoit): ... bien, le commentaire des professionnels du droit était à l'effet de... Je suis bien prêt à faire mon effort, mais est-ce qu'il n'y aurait pas lieu que les experts qui sont appelés à intervenir sachent... C'est une cause, c'est l'aide juridique, là, qui paie. C'est pour des personnes qui sont démunies et c'est aussi pour rendre justice. Alors, toutes ces notions-là qui... Je ne suis pas prêt à dire que ça échappe aux différents experts, parce qu'il y a des experts qui sont sensibles à ces questions-là. Mais, à ce moment-là, c'est considérant le fait qu'il y avait une grille pour les professionnels et pas de grille pour les experts. C'est aussi dans cet esprit-là qu'on a fait part de ce commentaire. Il faut asseoir ces gens-là, évidemment, pour... Alors, il faut que ce soit... Ce n'est pas à nous à déterminer quel serait le plafond.

M. Lefebvre: Est-ce que...

Le Président (M. Parent): Rapidement, M. le ministre.

M. Lefebvre: Est-ce que vous avez tenté une approche avec les experts dans votre groupe, en partant de SOS avec les organismes avec lesquels vous travaillez, pour établir des espèces de tarifs chez vous?

M. Grégoire (Benoit): Non.

M. Lefebvre: Est-ce que vous l'avez essayé, ça, M. Grégoire?

M. Grégoire (Benoit): Non. Puisque les dossiers référés deviennent sous le contrôle...

M. Lefebvre: Oui.

M. Grégoire (Benoit): ...de l'avocat, c'est lui qui en décide. Si SOS a à payer une expertise médicale, SOS négociera avec l'expert, s'il y a lieu, ou essaiera de faire en sorte qu'il comprenne que c'est pour une bonne cause et que...

Une voix: ...

M. Lefebvre: Merci, M. Grégoire. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent): D'accord. Je pense qu'on a bien... Merci. Alors, je reconnais madame la porte-parole de l'Opposition officielle, Mme la députée de Terrebonne.

Mine Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup, M. Grégoire, de votre participation. Je dois dire que votre mémoire est particulièrement étoffé. Vous avez vraiment touché l'ensemble des points qui étaient abordés dans le document de questionnement du ministre et vous avez vraiment aussi, je dirais, ajouté des points qui sont particulièrement intéressants. Les questions vont être sur deux plans: questions un petit peu plus poussées sur votre organisme comme tel, et questions, aussi, sur le mémoire.

Les fonds que vous allez chercher, vous allez les chercher à partir des 10 organismes qui font partie de votre mouvement. Le budget est de combien, à peu près, comme fonds d'aide aux causes juridiques? Et, est-ce que vous allez aussi chercher de l'argent ailleurs ou uniquement à partir de ces organismes-là, qui sont à l'annexe?

M. Grégoire (Benoit): Les fonds ne proviennent pas des organismes, mais bien... SOS a une structure, un conseil d'administration qui est formé de délégués de ces organismes, et SOS assure lui-même les campagnes de financement. Alors, on fait des campagnes auprès des communautés religieuses, des syndicats, chaque groupe faisant une contribution, comme membre, qui est plutôt symbolique. Alors, pour ce qui est des sommes dont on parle, elles sont symboliques également. Il n'y a pas une année où on a donné plus de 10 000 $, et il n'y a pas une année où on a ramassé plus de 10 000 $. Les dernières années, c'est plutôt de l'ordre de 2000 $ à 3000 $. Alors, on choisit les causes et on... C'est ça.

Mme Caron: O.K. Ma question, c'était que, quand, tantôt, vous nous avez dit: L'argent qu'on va chercher auprès des organismes communautaires, ce sont des organismes pauvres, donc, c'est la contribution que vous leur demandez, un petit peu, comme à titre de membre?

M. Grégoire (Benoit): C'est les ressources, en fait. Il faut bien comprendre que si un organisme décide de faire une campagne de levée de fonds alors qu'il est composé lui-même d'organismes qui font des campagnes de levée de fonds, on s'adresse aux mêmes bailleurs de fonds qui sont, pour nous, les communautés religieuses, les organismes syndicaux et des donateurs. Alors, bien sûr, une campagne auprès des communautés que SOS fait pourrait être, si elle ramassait beaucoup d'argent, au détriment des organismes qui demandent aux mêmes places. Alors, c'est quand même un petit regroupement qui réfléchit sur de grandes questions. Au niveau de l'argent qu'on est capables de donner pour exercer des recours, c'est symbolique, pour nous. On essaie de prendre des causes qui font avancer la jurisprudence ou qui viennent la renforcer ou qui viennent vraiment permettre à quelqu'un... Dans le cas d'une expertise médicale, on ne fait pas avancer la jurisprudence en faisant reconnaître une maladie professionnelle, un mal de dos; c'est plein de maux de dos. il faut voir ça dans une proportion au niveau du fonds. au départ, c'est un fonds, mais ce n'est pas assez, pour nous. c'est de venir dire à ceux qui font les lois, au gouvernement: c'est le bordel, dans le monde du travail; c'est le bordel, dans le monde de l'indemnisation; c'est à gauche et à droite qu'on se garroche. puis il faut se rembourser, après. ça, ça fait intervenir beaucoup, beaucoup de monde dans une structure qui pourrait se dégraisser, peut-être, et redonner aux citoyens, en élargissant comme on le propose, les seuils d'admissibilité. même si ça a l'air un peu... quand on compare ça à la position du barreau, par exemple. mais on ne pense pas qu'on puisse faire de la crème fouettée avec du lait écrémé; on n'y arrivera pas avec du lait 1 % non plus. alors, il va falloir qu'on en mette.

C'est notre prétention de base qu'on aimerait que vous reteniez: que la cohésion va passer par l'éducation. En matière de justice, ça va se faire comment? C'est en s'assurant qu'il y ait des professionnels du droit qui vont pouvoir rencontrer les personnes qui sont aux prises avec des problèmes de la vie quotidienne. Puis, en matière de travail, c'est des gros problèmes, souvent.

Mme Caron: de toute façon, votre mémoire démontre très bien que vous êtes, effectivement, un groupe de réflexion et que vous êtes vraiment allés au fond des principaux problèmes. lorsque vous nous avez dit tantôt que la comparaison avec la dette au niveau du fédéral, quand on compare que, finalement, les programmes sociaux comptent pour 6 % de cette dette-là et que les abris fiscaux comptent pour 44 %, en fait, vous exprimez clairement qu'un gouvernement a des choix à faire. c'est vrai que c'est une question d'argent, mais c'est une question de choix d'abord et avant tout, donc une question de volonté politique. où on le met, cet argent-là? parce qu'il est là. donc, qu'est-ce qu'on fait? on s'en sert comment? c'est quoi, nos priorités? et vous nous établissez bien les vôtres. quand vous parlez de prévention, d'information, vous avez parfaitement raison, c'est la base. vous dites, en page 29, que le programme de soutien financier aux organismes oeuvrant dans le domaine de l'administration de la justice, que ce programme-là, finalement, n'est pas conforme à l'engagement formel qui avait été pris par le ministre de la Justice. (18 h 40)

Je trouve ça important de vous entendre là-dessus, parce que le nouveau ministre va avoir à administrer ce programme-là aussi. Vous nous dites, dans le document, qu'il n'est pas conforme, au niveau de l'argent qui avait été promis, mais j'ai cru comprendre aussi, tantôt, dans votre intervention, que ce n'est pas conforme non plus à vos attentes, quand vous disiez que, par exemple, les groupes qui traitent avec les accidentés du travail, ça, ce n'était pas couvert par le programme. Est-ce qu'il y a d'autres points qui seraient importants et qui n'apparaissent pas dans ce programme de soutien financier? Les points qui ont été négligés.

M. Grégoire (Benoit): Au départ, le programme ne pouvait pas répondre aux attentes des groupes. Au départ, même l'analyse des demandes qui ont été faites quand on a publicise ce programme qui avait été annoncé lors du Sommet de la Justice, un budget de 1 100 000 $, on a reçu des demandes pour quelque 8 000 000 $. De toute façon, les organismes se battent sur d'autres tribunes pour faire reconnaître les actions qu'ils font et pour faire reconnaître du financement conséquent avec les responsabilités qu'on veut que ces organismes-là aient. Demain matin, si ces organismes étaient appelés à réduire leurs services ou à référer vers les députés les cas d'accidentés du travail — puisqu'on apprenait en Commission parlementaire, récemment, que c'était l'intention de la CSST de mettre une ligne privilégiée pour les députés... Enfin, pour revenir à l'essentiel de votre question sur le programme, le programme a été de 500 000 $ la première année. Les informations qu'on a eues cette année nous disent que ça va être la même chose. Les demandes vont avoir encore dépassé 1 000 000 $, peut-être que ce sera dans les 8 000 000 $ à 10 000 000 $, mais les organismes... Et ce n'est pas donné seulement aux organismes en matière de travail, mais à toutes sortes de champs d'action dans la vie de tous les jours. Il faut arrêter, de la part du gouvernement ou des instances parapubliques, de dire: C'est bien, on a ça. Les gens sont référés directement chez nous et chez d'autres organismes par toute la structure, par Communication-Québec, par les députés, je vous le rappelle, et même par les instances. Alors, la Commission des normes, les centres d'emploi réfèrent certains travailleurs dans les mouvements Action-chômage. On a vu ça en matière de CSST également, les tribunaux, parce qu'ils voient que, nous, on n'a pas d'intérêt pécuniaire dans l'histoire. Si on référait un dossier à un avocat directement, si un tribunal ou un officier du tribunal référait à un avocat directement, on pourrait l'accuser d'avoir un conflit d'intérêts, ce qui ne peut jamais être le cas dans le cas de nos organismes puisqu'on n'a aucun intérêt pécuniaire à intervenir ou à assister une personne.

Donc, le programme, cette année, n'excluait pas seulement les travailleurs accidentés, les problèmes reliés aux accidents, mais il excluait des personnes qui doivent faire des représentations auprès des tribunaux dans le cadre d'une aide bénévole qui est faite pour les justiciables. Et cette proposition... De toute façon, c'est en ajout, c'est dans la partie que nous avons intitulée «Autres mesures visant à soutenir l'accessibilité». Si on avait été capables de vous représenter le même mémoire qu'on a présenté au Sommet de la Justice, on aurait parlé des tribunaux administratifs, on aurait parlé de la conciliation, qui est à la mode présentement, mais qui, à certains égards, a des allures plus de statistiques que de résultats concrets. On n'est pas capables de tirer de leçon des statistiques qu'on nous sert. Si on conteste, on conteste, on conteste puis qu'on se rend compte qu'un conciliateur, qu'un patron et qu'un travailleur, on se désiste, on fait des ententes... On a participé, nous, personnellement, à des activités de conciliation, et ça ne fonctionne pas très bien. En tout cas, on a des réserves, et on en avait à l'époque, dans quel cadre ça doit se faire. Il y a des problèmes, là aussi.

Mme Caron: dans votre mémoire, vous avez touché — peu de mémoires l'ont fait — aux services préacquittés, au régime d'assurance juridique. votre position est très claire là-dessus. ça ne doit en aucun temps légitimer le désengagement de l'état, il n'en est pas question. il faut que ce soit un complément de régime. vous ne pouviez pas vous prononcer là-dessus à ce moment-là parce que ce n'était pas dans le document. mais le plan barreau, qui préconise, pour une plus grande ouverture, par exemple, une réduction de 25 % des frais d'honoraires pour une certaine partie de la population, est-ce que vous avez pu, depuis que le plan est sorti, réfléchir un peu là-dessus?

M. Grégoire (Benoit): Je vais vous faire une réflexion personnelle. Le Barreau n'avait pas besoin de nous ici, de personne d'entre nous pour proposer ce plan-là. Qu'il prenne la tribune de l'aide juridique pour venir nous dire: On va même demander au gouvernement de sensibiliser les gens... En fait, on n'a pas besoin de nous, ici, pour dire: II faut que les gens... De la façon dont je vois ça, ce que j'ai cru comprendre, c'est que ça se colle à une assurance qu'on pourrait avoir: maison, auto ou, je ne sais pas quoi, assurance-salaire. Ce qu'on a, nous autres, comme regard sur les assurances? On voit que les assurances sont en train de prendre, en matière d'assurance-salaire notamment — parce que lorsque tu n'es pas accidenté du travail, tu serais malade, mettons, normalement. Si ton médecin te dit que tu es incapable de travailler...

C'est la même chose qui se passe de plus en plus dans le milieu des assurances, sans compter l'accès au dossier, parce que, là, l'assurance veut avoir accès au dossier de la CSST et, souvent, on est en train d'utiliser, avec les mêmes procédures, le fait de donner à une personne ce que l'assurance devrait lui donner. On dit:

Non, non, c'est un cas de CSST. Ou bien, la CSST, elle dit: Là, tu étais apte à exercer le travail, au sens de la loi des accidents du travail. Sauf que la personne est encore dite invalide par son médecin. Elle se retourne vers son assurance-salaire. Ce n'est pas simple, avoir de Fassurance-salaire. Il faut que les gens, au niveau de l'assurance, constatent que, là aussi, il y a une réclamation qui est faite et que l'assurance, elle, fait un travail d'épuration pour couper les bénéfices que donne l'assurance.

Le plan Barreau prévoit déjà des exceptions. Puis, la journée, peut-être, où on va savoir ce qu'implique défendre des accidentés du travail... Est-ce que ça va faire partie d'une exception écrite en petit sur un contrat? Les personnes qui ne sont pas couvertes par une assurance de domicile, elles n'auront pas droit au plan Barreau? Les rabais de 25 %... En fait, c'est un position personnelle. Nous autres, on a seulement dit: C'est 120 %.

Le Président (M. Parent): Si vous voulez conclure, M. Grégoire.

M. Grégoire (Benoit): Oui. Alors, à ce moment-là, il ne faut pas... Ça doit se faire en complément. Nous n'appuyons pas la position. On ne sera pas, nous, consentants; on ne viendra pas chercher notre assentiment aujourd'hui, ici, en matière d'aide juridique. On espère que le gouvernement ne donnera pas là-dedans, même si les commentaires, jusqu'à présent, semblent aller vers ça.

Le Président (M. Parent): Merci.

Mme Caron: Je vous remercie beaucoup, M. Grégoire.

M. Lefebvre: Alors, M. Grégoire, je vous remercie pour — je l'ai indiqué en introduction tout à l'heure — la qualité du mémoire de votre groupe. Vous avez fait référence à la structure, qu'il faudrait dégraisser, à la cohésion par l'éducation. Ça a été souligné par d'autres avant vous, et vous avez parfaitement raison: l'information, l'éducation à la population en général. Votre interrogatoire sur l'expertise, les frais, les coûts d'expertise, vous l'avez présenté en partant d'une expérience que vous vivez quotidiennement.

Alors, vous avez démontré une excellente connaissance de l'ensemble du système d'aide juridique, et je veux vous dire que votre point de vue, celui soulevé par votre mémoire, est extrêmement utile, parce que votre clientèle... La clientèle pour laquelle vous travaillez, c'est pour ces gens-là que le système d'aide juridique a été mis en place en 1972. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent): Merci, M. le ministre. Merci, Madame la porte-parole de l'Opposition officielle. Merci, M. Grégoire. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension des travaux à 18 h 49)

(Reprise à 20 h 3)

Le Président (M. Parent): Alors, j'invite les députés à prendre place. Si vous pouviez fermer la porte à l'arrière, s'il vous plaît, j'apprécierais, s'il y avait un bénévole. Merci. Un généreux collaborateur. Merci.

Alors, la commission permanente des institutions continue son travail amorcé la semaine dernière et, ce soir à 20 heures, la commission a le privilège, je dis bien le privilège, d'accueillir le groupe Au bas de l'échelle. Le groupe Au bas de l'échelle est représenté par Mme Lucie Nadeau, présidente du conseil d'administration et par Mme Anick Druelle, responsable du dossier «Accès à la justice».

Alors, mesdames, en cette journée de la femme, bienvenue tout particulier. Nous vous accueillons avec plaisir, et tous nos remerciements pour avoir accepté de venir rencontrer les membres de cette commission permanente pour nous aider à mieux cheminer dans notre dossier, qui a pour but d'actualiser, d'améliorer et de rendre plus à la portée de la population en général notre système d'aide juridique.

Alors, je vous rappelle de quelle façon on fonctionne. Vous avez... Le temps est séparé également: un tiers, un tiers, un tiers entre vous et les deux formations politiques. Une audition dure entre 55 minutes et une heure à peu près. Tous les gens ont lu votre dossier, Us en ont pris connaissance. Alors, libre à vous d'en faire un résumé ou un exposé complet, comme vous voudrez, en autant que vous respectez le délai, que vous faites ça à l'intérieur des 20 minutes. Alors, madame, nous vous écoutons religieusement.

Au bas de l'échelle

Mme Nadeau (Lucie): Merci bien. Merci, d'abord, de nous recevoir ce soir malgré l'heure un peu tardive, après votre journée de travail. On vient aujourd'hui vous parler du point de vue d'un organisme communautaire, Au bas de l'échelle. Je suis accompagnée d'Anick Druelle, qui est une permanente du groupe, qui est responsable du dossier «Accès à la justice», et moi, je suis là à titre de présidente du conseil d'administration. C'est un groupe qui travaille à la défense des droits des travailleurs et des travailleuses non syndiqués et qui, depuis 1975, fait un travail d'information, de référence, de plaintes par des cliniques juridiques, des sessions d'information, des brochures auprès des femmes, auprès des jeunes, auprès des gens des commumautés culturelles, mais qui regroupe toujours le point de vue des travailleurs non syndiqués. Ces gens-là font appel à nous soit parce qu'ils ont été congédiés, soit parce qu'ils ont été victimes de pratiques contraires à la Loi sur les normes du travail, ce qui fait que, évidemment, Au bas de l'échelle est très préoccupé par l'accès à la justice pour ces gens, économiquement défavorisés dans la très grande majorité des cas. On a été associé à la démarche, je dirais, depuis le début. On avait été consulté lors de la rédaction du rapport Macdonald, on a participé assez intensivement, malgré nos faibles ressources, au Sommet de la Justice et on a jugé important, dans cette continuité-là, de venir vous présenter notre point de vue aujourd'hui.

Même si, depuis 20 ans, le contexte juridique a changé, notamment avec l'apparition d'un nombre important de tribunaux administratifs, il y a une donnée qui, elle, demeure, c'est le contexte des personnes qui vivent dans la pauvreté. Le document préparé par le ministère le fait déjà ressortir, mais, quand on parlait, en 1972, lors de la création du régime, de droit et de pauvreté, de droit social, de droit du travail qui était particulier à cette clientèle-là, nous, ce qu'on constate dans la pratique, quotidiennement, avec les travailleurs non syndiqués, c'est que ce droit-là est toujours important pour eux parce que, souvent, et je vais y revenu-plus longuement quand je vais vous entretenir des tribunaux administratifs, c'est leur seul droit du travail. Ils ne bénéficient pas d'une convention collective, de recours à ce niveau-là. Leur norme minimale, c'est la Loi sur les nonnes, c'est aussi la Loi sur les accidents du travail, la santé et sécurité, et tout ce qui est leurs droits et tous leurs recours se retrouvent à ce niveau-là. Donc, pour ces gens-là, et c'est important au Québec, c'est des droits et des recours qui sont, pour eux, les seuls à leur disposition. Et c'est de ce point de vue là qu'on veut vous entretenir ce soir. On n'a pas l'intention ni la prétention de pouvoir répondre à toutes les questions qui sont soulevées dans le document du ministre. On a mis l'accent sur ce qui part de notre expérience et du point de vue de ces gens-là avec qui on travaille.

Je vais d'abord vous entretenir des objectifs du régime d'aide juridique qu'on souhaite voir maintenus et, principalement, de l'admissibilité au service de la clientèle visée et de l'étendue des services qu'on souhaite voir se continuer.

J'ai dit que le contexte juridique s'était modifié, mais il ne s'est pas pour autant simplifié. Je dirais même qu'au contraire il s'est complexifié. Je vais y revenir aussi avec un exemple précis d'une travailleuse qu'on a élaboré dans notre mémoire.

Et, pour ces gens-là, la perte d'un droit ou renoncer à l'exercice d'un recours, ça a des conséquences importantes en termes de droit du travail, mais ça a souvent aussi des conséquences importantes en termes d'appauvrissement. Parce que, souvent, c'est la perte d'un revenu d'emploi, en matière de congédiement, ou c'est la réclamation d'une indemnité. Et, si ces gens-là n'ont pas les moyens d'exercer leur recours, ils vont s'appauvrir davantage, et je ne pense pas que personne va y gagner. (20 h 10)

Notre premier constat, c'est, finalement, de reprendre le constat qui avait été fait par le rapport du groupe de travail sur l'accessibilité à la justice — un constat qui fait assez l'unanimité — que, dans son ensemble, le système est bon, fonctionne relativement bien. Là où le bât blesse, c'est au niveau des critères économiques d'admissibilité, et on souhaite que les gens

qui étaient couverts initialement par le régime d'aide juridique le soient également en 1993, ce qui n'est plus le cas actuellement.

Donc, on veut réitérer que le principe fondamental du régime d'aide juridique est de rendre la justice accessible aux personnes économiquement défavorisées. Et, avant de chercher à modifier de quelque façon que ce soit le régime actuel, je pense que le gouvernement a le devoir de s'assurer que ce principe a une application pratique et réelle dans les faits.

De manière concrète, la clientèle admissible, je l'ai dit, on souhaite que les seuils d'admissibilité soient haussés de façon à ce que les personnes qui étaient admissibles en 1972 aient de nouveau accès à l'aide juridique et soient de nouveau admissibles. Le critère qu'on a retenu, qu'on vous soumet dans notre mémoire pour l'élaboration du seuil d'admissibilité, c'est le critère du salaire minimum. Quant à nous, un travailleur ou une travailleuse qui travaille au salaire minimum, à 44 heures par semaine, conformément à la Loi sur les normes, fait partie des gens économiquement défavorisés. Puis vous allez voir, avec les chiffres précis, que c'est même en deçà des seuils de faible revenu. Et on vous soumet que, sur cette base-là, du travailleur ou de la travailleuse au salaire minimum, ces gens-là devraient avoir accès à l'aide juridique de manière gratuite.

Le salaire minimum, au moment où on se parle, est à 5,85 $. À 44 heures de travail, ça nous donne un revenu annuel brut, pour une personne seule, de 13 384 $. Le seuil de faible revenu est à 15 000 $, 16 000 $, pour une personne seule. Donc, pour nous, c'est évident que ces travailleurs-là doivent bénéficier de l'aide juridique. Et ce qu'on vous recommande, c'est que le reste de l'échelle soit établi proportionnellement, compte tenu de la taille de la famille, c'est-à-dire du nombre de personnes visées, sur la base de ce critère-là, du revenu au salaire minimum. Parce que, c'était une des hypothèses qui étaient soulevées dans le document préparé par le ministère: même à ce niveau-là, les gens, au niveau du revenu au salaire minimum, les gens sont imposables, actuellement, dans le régime fiscal actuel. Donc, il est évident pour nous que, de retenir comme seuil, pour l'échelle d'admissibilité, le niveau de revenu imposable, c'est nettement insuffisant parce que ça ne rencontre pas notre objectif de couvrir les gens qui travaillent au salaire minimum. Donc, ce critère-là, d'admissibilité sur les seuils où l'État exige l'impôt, n'est pas suffisant. Ce qu'on recommande, c'est le revenu annuel équivalant à 44 heures de travail au salaire minimum.

De manière, je dirais, un petit peu plus précise, on recommande que ces barèmes-là soient établis sur la base de la taille de la famille, c'est-à-dire sur le nombre de personnes plutôt que sur la catégorie de famille, c'est-à-dire qu'on constate que, pour les familles monoparentales, ça pourrait être désavantageux si on y va par catégorie de famille, et on croit que, lorsqu'on est trois ou quatre personnes, qu'elles soient adultes, enfants ou adolescents, les coûts peuvent être équivalents et que ça ne justifie pas de désavantager les familles monoparentales, et que les crédits, ou les allocations, ou les pensions alimentaires qui sont versés ne devraient pas être pris en considération dans ce calcul du revenu annuel brut parce que ces crédits, ces allocations visent à répondre à des besoins qui sont essentiels pour ces gens-là. Ce qu'on leur donne d'une main ne peut pas, d'autre part, leur être enlevé de l'autre pour les priver des recours à l'aide juridique.

Il était aussi posé comme question la possibilité d'une participation progressive aux coûts. Là-dessus, notre position est, je dirais, relativement simple, c'est-à-dire que ce qu'on demande, c'est une admissibilité complète et des services gratuits pour la clientèle que je viens de vous décrire, les gens au salaire minimum. Que, par la suite, il y ait une échelle progressive, en autant qu'elle soit sur une base proportionnelle, pour que ce soit le plus égalitaire possible, on ne s'y oppose pas. Ce dont on veut s'assurer, par contre, c'est que ça ne visera pas les gens économiquement défavorisés, mais que ça va commencer en haut de cette échelle-là.

Pour éviter de répéter ce qui s'est produit dans les dernières années, depuis 1985, il nous apparaît essentiel que l'indexation des critères d'admissibilité soit prévue à la loi elle-même de manière annuelle et, en ce sens-là, que la loi soit amendée pour le prévoir explicitement afin qu'on ne soit pas dépendant d'un règlement et qu'on se retrouve plusieurs années sans indexation et qu'on se retrouve dans une situation qui génère la tenue même de la commission aujourd'hui, c'est-à-dire un constat qu'une bonne majorité des gens à qui on voulait offrir l'aide juridique ne sont plus couverts par ce système.

Au niveau de la période de référence et du contrôle de la déclaration des revenus, on retient la recommandation no 16 du rapport Macdonald à l'effet que, effectivement, ce soit sur une base annuelle. Toutefois, il nous apparaît important qu'il y ait toujours place à tenir compte de changements significatifs dans la situation des requérants à l'aide juridique. C'est, de notre point de vue, facile à comprendre: quelqu'un qui perd son emploi peut se retrouver... Bon, s'il se retrouve sur le chômage, avec 57 % de son revenu, ce qui est un changement plus que significatif, surtout quand on est au salaire minimum ou pas loin — 57 % de ça, je vous prie de me croire qu'il ne reste pas grand-chose — ou qu'on se retrouve carrément sur l'aide sociale, en attente de notre dossier au chômage. Donc, les gens qui nous consultent, les gens avec qui on travaille se retrouvent souvent dans ce type de situation là et, évidemment, dans le calcul de leur admissibilité à l'aide juridique, il faut prendre en compte ces changements importants qui peuvent survenir dans une année et, évidemment, donner un revenu beaucoup moindre que l'année précédente, là, qui pourrait être une année de référence.

On a également une recommandation à l'effet qu'aucun frais modérateur ou frais d'ouverture de dossier ne soit imposé, et ce, pour deux motifs: d'une part,

en raison de la nature des services qui sont offerts, et je pense que, ça, d'autres mémoires l'ont souligné avant nous, dont celui du Barreau. Il n'y a pas de preuve d'abus de procédure et, quand on a un droit à faire respecter, c'est difficile de concevoir qu'on tente de modérer cet exercice-là, et il y a quand même des moyens de contrôle par l'aide juridique elle-même, soit dans l'émission des mandats, soit en accordant les services, pour éviter, là, cet abus de procédure.

Et, d'autre part, même des frais modérateurs — qui peuvent apparaître, pour certains, minimes — de 10 $, 20 $ ou 40 $, pour des travailleurs au salaire minimum, ce sont des frais qu'ils ne peuvent pas s'offrir et qu'ils ne peuvent pas se payer. Là-dessus, on a fait, en collaboration avec une association, l'ACEF, l'Association coopérative d'économie familiale, un budget mensuel d'un travailleur au salaire minimum que vous retrouvez en annexe b de notre mémoire. Regardez-le attentivement, vous allez voir qu'il n'y a pas beaucoup de place, même pour ajouter ce qu'on pourrait appeler un «petit» 40 $. Au salaire minimum, on a un revenu net de 898 $ par mois, et l'exemple qui vous est donné, avec un loyer de 340 $, qui n'est rien d'exorbitant, quelqu'un qui n'a aucune dépense d'auto, qui prend le transport en commun et qui paie vraiment les dépenses de base et les besoins essentiels, se retrouve, même à ça, avec une difficulté à équilibrer son budget, puis avec un petit déficit de 40 $ par mois. Donc, il n'y a pas de place ni pour acquitter une prime d'assurance juridique, ni pour acquitter des frais modérateurs, pour les gens qui sont dans cette situation économique là. Pour ces deux motifs-là, on recommande donc qu'il n'y ait pas de tels frais à l'ouverture du dossier. (20 h 20)

Dans ce qui nous apparaît important de maintenir comme acquis du système actuel, c'est le pouvoir discrétionnaire qui est prévu aux articles 3 et 4 du règlement sur l'admissibilité à l'aide juridique. À deux niveaux, au niveau de l'admissibilité, parce qu'il nous semble qu'en aucun temps on puisse uniquement, sur une base strictement mathématique, sans qu'il y ait place à aucune discrétion, compte tenu de situations particulières, pouvoir accepter quelqu'un et le déclarer admissible à l'aide juridique. Les critères, que ce soit le nôtre, que ce soit celui du MGA, celui du seuil du faible revenu, sont toujours relatifs et sont un indicateur. Nous croyons qu'il faut maintenir une marge d'appréciation à ce niveau-là pour permettre de tenir compte de situations particulières. Et ce pouvoir discrétionnaire là nous apparaît également important au niveau de la possibilité pour la Commission des services juridiques d'accorder des mandats pour des causes ou des recours qui pourraient viser un ensemble de citoyens et de citoyennes, c'est-à-dire ce que, dans le jargon des avocats, on va appeler une cause type, sur un point de droit qui peut toucher beaucoup de personnes et où, évidemment, le travailleur ou la travailleuse, lui, n'aurait ni la capacité, probablement pas l'intérêt, de faire toute une bataille seul, mais de certaines causes, et il n'y en a pas par milliers. Mais on trouve que c'est une opportunité qu'il faut maintenir, la possibilité d'avoir de l'aide juridique pour certains dossiers dont la nature a une incidence sur beaucoup de personnes.

On souhaite également qu'il y ait la possibilité de reconnaître l'admissibilité à l'aide juridique pour des corporations sans but lucratif qui n'ont pas les ressources financières suffisantes pour exercer des recours, évidemment pour des organismes sans but lucratif qui visent à venir en aide aux personnes économiquement défavorisées et lorsque le but du service pour lequel on requiert un mandat d'aide juridique est en relation avec cet objectif-là, de défense des personnes économiquement défavorisées, et ce, sans égard aux ressources financières de ses membres. En pratique, on a vu des organismes sans but lucratif qui s'occupent de défense d'assistés sociaux ou qui travaillent dans des quartiers défavorisés à Montréal se voir refuser des mandats parce qu'un ou l'autre de leurs membres, lui, avait des ressources suffisantes. Sauf que ce n'est pas parce que des gens donnent du temps bénévolement et qui ont, individuellement, un peu plus de ressources que ces groupes-là devraient être privés de l'accès.

Le Président (M. Parait): Mme Nadeau. Je vous rappelle, Mme Nadeau, que le temps imparti à cette rencontre est d'une heure, soixante minutes. Vous avez déjà dépassé vos 20 minutes, mais je ne veux pas vous presser.

Mme Nadeau (Lucie): O.K.

Le Président (M. Parent): Par contre, vous aurez moins de temps pour dialoguer avec les membres.

Mme Nadeau (Lucie): Parfait. Alors, je vais terminer sur...

Le Président (M. Parent): Vous pouvez y aller quand même. Soyez bien à votre aise. Je veux seulement vous avertir.

Mme Nadeau (Lucie): O.K. Alors, je vais terminer sur le dernier point de notre mémoire, qui m'appa-raît peut-être un des éléments importants.

On avait, dans le document du ministère, des questions à l'effet de savoir: Est-ce qu'on doit maintenu-la couverture du régime d'aide juridique pour tous les services? Et on faisait des hypothèses: lorsque la valeur du service est minime ou lorsque l'issue de la cause risque de ne pas entraîner des conséquences sérieuses, notamment l'emprisonnement. Ce qu'on vous soumet dans notre mémoire, c'est que, pour les gens avec qui on travaille, il y a des conséquences très sérieuses à l'issue de leur dossier, et la représentation de ces gens-là devant les tribunaux administratifs nous apparaît essentielle. Je l'ai souligné au début: souvent, c'est leur seul droit du travail, l'ensemble de ces lois qui s'appliquent en droit du travail et en droit social, et c'est essentiel,

l'exercice de ces recours-là, et on croit que ces gens-là ont besoin d'être représentés. D'une part, parce que, la plupart du temps, ils font face à des procureurs patronaux. Les employeurs sont, la plupart du temps, représentés même devant les tribunaux administratifs. Et on conçoit mal qu'un travailleur ou une travailleuse qui, déjà, a souvent une difficulté de connaître l'ensemble de ses droits, puisse faire face à un procureur qui va lui soulever une objection préliminaire en matière de juridiction, en matière d'admissibilité d'une preuve ou en matière de délai. Donc, il nous semble que cette seule voie d'accès au droit du travail pour ces gens-là doit leur être assurée. Et déjà, il y a un rapport de force qui est inégal; si, en plus, ces gens-là n'ont pas les moyens de se faire représenter, on vient d'alourdir la balance.

Et je vous donne, à titre d'illustration, un exemple qui est loin d'être farfelu, le cas de Maria, qu'on a reproduit en annexe A, travailleuse non syndiquée, ce à quoi elle peut faire face. Elle est Chilienne, elle est enceinte et elle peut avoir un recours à la Commission des normes du travail, elle peut en avoir un à la CSST, avec trois paliers d'appel; elle peut en avoir un à la Commission des droits de la personne pour grossesse, et elle devra en avoir un au chômage parce qu'on lui a remis une cessation d'emploi pour inconduite, et elle devra, là aussi, aller faire valoir... et vous l'avez vu, on l'a illustré, dans chacun des cas, il y a des délais différents devant des instances différentes.

Évidemment, ce n'est pas pour prétendre qu'elle doit nécessairement exercer tous ces recours-là, mais comment un travailleur ou une travailleuse peut-il se retrouver dans cet exemple-là si ça ressemble un petit peu à un labyrinthe? Quand je disais que ça s'était com-plexiflé, ça en est une bonne illustration. Et il y a un besoin d'information et un besoin de représentation devant l'ensemble de ces organismes-là en audition, mais également, on souligne, dans notre mémoire, dans tout ce qu'on appelle, parce que ça s'est développé devant tous ces tribunaux-là, les modes alternatifs de règlement des conflits, c'est-à-dire que, même en conciliation ou en médiation, peu importe le terme qu'on retient, là aussi, les employeurs sont représentés. Et, pour savoir, ne serait-ce que pour une consultation ou pour être carrément représenté à une démarche de conciliation et savoir si le règlement que je vais accepter est bon pour moi puis si je dois l'accepter ou pas, il y a un besoin de représentation et d'accès aux avocats. Et, je l'ai dit, c'est essentiel pour cette clientèle-là.

Le Président (M. Parent): Alors, merci Mme Nadeau. Je rappelle aux membres des deux formations politiques qu'il leur reste 16 minutes chacun à leur disposition, et je reconnais le ministre de la Justice.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Mme Nadeau et Mme Druelle, je vous souhaite une bonne fin de journée en cette journée de la femme au niveau international. Je vous souhaite une bonne fin de journée. J'espère que vous avez passé une bonne journée à date, particulièrement ici, au Parlement, au salon rouge. Vous avez eu, j'imagine, connaissance d'interventions d'autres groupes avant votre propre intervention. Vous avez probablement réalisé que plusieurs groupes soulèvent les mêmes problèmes, et, quant au reste, il y a des points de vue qui peuvent varier, là, et dans certains cas, fort différents.

Vous concluez, dans votre document, qui est bien fait... vous indiquez que vous êtes étonnées de l'ampleur de la remise en question entamée par le ministère alors que la majorité des opinions soumises visaient particulièrement le seuil d'admissibilité. Mme Nadeau, à l'intérieur même de votre propre document, je pense que vous pouvez trouver la réponse à cette question-là, que vous soumettez en conclusion, lorsque vous dites — ça, c'est une question que vous posez en conclusion, ou un commentaire mais, dans l'introduction même de votre document, je pense qu'on peut trouver la réponse lorsque vous dites que le contexte juridique — «Bien que le contexte juridique ait changé depuis les 20 dernières années et que la création des tribunaux administratifs ait modifié quelque peu le portrait du droit social, il n'en demeure pas moins...» etc. Je pense que c'est une partie de la réponse à la question que vous posez, à savoir qu'il faut questionner un régime qui est en place depuis 1972. Quant à moi et quant à celui qui m'a précédé, M. Rémillard, et quant au gouvernement de façon globale, pas seulement sur un volet, qui est — et vous avez raison de le dire — probablement la question la plus difficile, la plus pointue, la plus sérieuse: le rehaussement du seuil d'admissibilité, il faut également, je pense, se questionner sur plein d'autres choses.

Votre organisme existe depuis 1975. Vous et Mme Druelle, vous êtes présentes à l'intérieur de cet organisme-là depuis combien d'années? Plus ou moins, plus ou moins.

Mme Druelle (Anick): Je suis permanente du groupe depuis trois ans...

M. Lefebvre: Depuis trois ans?

Mme Druelle (Anick): ...et, avant, j'étais membre depuis six ans.

M. Lefebvre: Et vous, Mme Nadeau?

Mme Nadeau (Lucie): Moi, je suis membre du C.A. depuis deux ans. Avant, j'avais eu des collaborations ponctuelles depuis deux, trois autres années. (20 h 30)

M. Lefebvre: En fait, est-ce que votre expérience professionnelle vous permettrait de me dire ce qui a évolué? Si vous m'aviez dit: On est là depuis 10, 12, 13 ans, ça m'aurait un petit peu surpris, là, parce que vous me semblez toutes jeunes toutes les deux, là. Il s'est passé des choses, depuis 15, 20 ans, vous le dites dans votre document. Comment, sur le terrain, ça se constate, cette évolution-là? Il y a plein de gens qui nous ont dit

que le système d'aide juridique, pour pas mal de Québécois, même après 20 ans, on ne sait même pas, pour certains, que ça existe. C'est assez surprenant, et je vous pose la question: Qu'est-ce qui a changé beaucoup depuis 10, 12 ans, quant au système, au régime d'aide juridique, qui fait qu'aujourd'hui c'est plus difficile que ça l'était dans le temps, au-delà du seuil d'admissibilité?

Mme Druelle (Anick): Ce que je peux vous dire — ce que je pense que Mme Nadeau a illustré en présentant le mémoire — ce qu'on remarque, nous autres, c'est vraiment la complexification du système judiciaire. On dit: Oui, bien sûr, le contexte a changé. Même avec la venue des tribunaux administratifs, en fait, le résultat n'a pas été de simplifier les choses, mais de complexifler les choses.

M. Lefebvre: De sorte que... Oui, madame.

Mme Nadeau (Lucie): En plus du fait que, évidemment, la bonne partie, la grande majorité des gens qui font appel à nos services se retrouvent dans la situation où vraiment ils n'ont pas accès à l'aide juridique et ils n'ont pas, mais pas du tout, les moyens de se payer un procureur. Ils se retrouvent dans un système qui est plus complexe. C'est peut-être le principal changement.

M. Lefebvre: vous suggérez le rehaussement du seuil d'admissibilité jusqu'à concurrence de 80 % du mga, en nous indiquant que vous considérez — vous n'êtes pas les premiers à nous le dire, je pense que vous avez raison — que ça serait à peu près rattraper ce qui était, en 1972, le seuil d'admissibilité reconnu.

Mme Druelle (Anick):je vous demanderais juste de corriger. on ne parle pas du tout de mga dans notre mémoire. on parle vraiment d'une personne qui est au salaire minimum pendant 44 heures. et, malheureusement, on arrive à moins de 80 %... 80 % du mga égale à moins que ce qu'on demande dans notre mémoire.

Mme Nadeau (Lucie): C'est un petit peu...

M. Lefebvre: Un petit peu, mais ce n'est pas loin comme...

Mme Druelle (Anick): Ça fait une différence.

M. Lefebvre: Vous dites, à la page 6, que... Et vous ne suggérez pas, sinon de façon très prudente, un volet contributoire. À la page 6, vous dites: si une participation progressive était retenue par le gouvernement.

Mme Nadeau (Lucie): C'est-à-dire que, pour nous, le volet contributoire devrait être applicable au-delà de ce seuil-là.

M. Lefebvre: Oui, madame.

Mme Nadeau (Lucie): Parce que, pour nous, ce qui est en bas de ce seuil-là, il n'y a pas de possibilité de volet contributoire.

M. Lefebvre: Oui, je l'avais compris comme ça. Je l'avais compris comme ça. Pour quelle raison considérez-vous qu'on devrait évaluer la possibilité de permettre à un nombre additionnel de citoyens et de citoyennes du Québec de bénéficier de l'aide juridique, au-delà du seuil minimum? Pour quelle raison considérez-vous qu'il faudrait le faire, même si on devait, pour y arriver, mettre en place un régime contributoire? Parce que, vous, comme d'autres — et d'ailleurs, votre mémoire l'indique — vous n'êtes pas emballés lorsque vous nous suggérez une contribution. Mais, quand même, vous le faites. Je voudrais vous entendre là-dessus, Mme Nadeau.

Mme Nadeau (Lucie): Sur la raison pour laquelle on considère qu'il devrait y avoir cet élargissement?

M. Lefebvre: C'est-à-dire que vous suggérez, sur le bout des pieds, dans votre mémoire, au delà de la clientèle qui serait admise gratuitement, totalement gratuitement...

Mme Nadeau (Lucie): Oui.

M. Lefebvre: ...rattraper 1972. Vous suggérez, à la page 6, d'évaluer. Vous dites, textuellement: «Si une participation progressive devait être retenue par le gouvernement, nous recommandons qu'elle ne soit pas établie au détriment de la clientèle...», etc. Vous nous le proposez, mais de façon extrêmement prudente.

Mme Nadeau (Lucie): Bien, c'est que, pour le seuil...

M. Lefebvre: Ce que je veux savoir, c'est: Pour quelle raison, quand même, nous invitez-vous à l'évaluer, alors que d'autres nous disent: C'est la gratuité totale, puis ça s'arrête là? Vous allez un petit peu plus loin, vous autres.

Mme Nadeau (Lucie): C'est qu'il reste qu'il y a encore une bonne partie des gens avec qui on travaille qui... Admettons que ce seuil d'admissibilité totalement gratuite est atteint, il y a encore, au delà de ce seuil-là...

M. Lefebvre: Au delà du salaire minimum multiplié par 44 heures.

Mme Nadeau (Lucie): ...oui, au delà du salaire minimum — des gens pour qui l'accès à la justice n'est pas facile et qui auraient probablement besoin d'aide. Est-ce que l'aide peut être contributoire? C'est, comme vous dites, ce qu'on soulève sur le bout des pieds...

M. Lefebvre: Avec prudence.

Mme Nadeau (Lucie): ...avec prudence, mais parce qu'on est conscient, avec les gens avec qui on travaille, qu'il y a encore là des besoins d'accès à la justice entre les gens qui sont admissibles à l'aide juridique et ceux qui ont la possibilité d'acquitter les honoraires d'un avocat. Il y a une bonne partie de gens pour qui c'est loin d'être facile.

M. Lefebvre: C'est parce que ce n'est pas facile d'établir la ligne où s'arrête l'accessibilité gratuite puis plus du tout. C'est à ça qu'on est confrontés. C'est à cette réflexion-là que vous vous êtes livrées, à savoir que 44 heures, au salaire minimum, vous êtes admissible; 44 heures, salaire minimum plus 0,10$ l'heure, vous n'êtes plus admissible.

Mme Nadeau (Lucie): Exactement. Et ça permet d'éviter, peut-être, cette ligne...

M. Lefebvre: Cette ligne...

Mme Nadeau (Lucie): ...si oui ou non...

M. Lefebvre: ...extrêmement dure.

Vous avez dit, Mme Nadeau, tout à l'heure, que votre priorité numéro un — ça apparaît dans votre mémoire, vous l'avez indiqué — c'est le rehaussement du seuil d'admissibilité. Je ne veux pas vous arracher d'aveux, là. Est-ce que ça peut vouloir dire qu'on pourrait évaluer la couverture des services, rehausser... D'abord, dans un premier temps, vous nous invitez, d'abord et avant tout, à rehausser le seuil d'admissibilité. Est-ce qu'on pourrait imaginer qu'on récupère un certain montant au niveau de la couverture des services pour rehausser le seuil d'admissibilité? Est-ce qu'on pourrait questionner certains services, selon vous, que ce soit en matière matrimoniale, en matières criminelle et pénale, en matière du droit social, peu importe? Est-ce qu'on pourrait se pencher un peu là-dessus?

Mme Druelle (Anick): Si vous me permettez... M. Lefebvre: Oui, madame.

Mme Druelle (Anick): ...je pense que, justement, dans le mémoire, on spécifie, justement, qu'on est pour le maintien de la couverture totale et on n'a pas évalué la possibilité de couper.

M. Lefebvre: Vous êtes pour le maintien de la vertu totale?

Mme Druelle (Anick): Oui.

M. Lefebvre: Je vous comprends! Ha, ha, ha! Est-ce que, selon vous... Quelle est l'activité dispensée par nos services de l'aide juridique? Vous savez, je n'essaie pas de vous piéger, j'essaie d'avoir de l'information de gens qui sont sur le terrain tous les jours. Vous êtes un groupe d'action et d'information. Est-ce que c'est le droit matrimonial, est-ce que c'est le droit criminel et pénal, est-ce que c'est le droit social? Parce que, là, on touche les tribunaux de droit commun, le droit administratif. On touche souvent des activités qui peuvent se limiter à de l'information plutôt que de l'intervention au niveau du judiciaire. Si on devait réévaluer ou se pencher sur un volet, lequel est absolument essentiel, qu'il ne faut pas toucher d'aucune façon, selon vous deux, selon l'une ou l'autre de vous deux?

Mme Druelle (Anick): Oui, si vous permettez... On est un groupe de défense des droits des travailleurs non syndiqués. Donc, c'est évident que, pour nous, ce qui prime avant tout, c'est des questions de travail. Donc, on est très mal placé pour se pencher sur toutes les autres questions. Malheureusement, on ne pourra pas répondre.

M. Lefebvre: Alors, vous autres, c'est votre clientèle, que vous...

Mme Druelle (Anick): Oui. M. Lefebvre: Je comprends.

Mme Nadeau (Lucie): Ce qu'on constate, évidemment, c'est que les gens nous consultent, font appel à nos services pour des problèmes de droit du travail. Évidemment, le travailleur ou la travailleuse qui participe à une clinique juridique va peut-être, à la fin, nous dire: Écoutez, je suis en train de divorcer, ou j'ai une accusation criminelle. On est conscient que ces gens-là n'ont pas uniquement des problèmes de droit du travail, mais notre réflexion ne...

M. Lefebvre: Oui, votre activité, c'est en droit du travail.

Mme Nadeau (Lucie): C'est ça.

M. Lefebvre: Je comprends, madame. Alors, M. le Président, je vais laisser mes collègues de l'Opposition.

Le Président (M. Parent): Merci, M. le ministre. Je reconnais maintenant la porte-parole de l'Opposition officielle, l'honorable députée de Terrebonne. Madame.

Mme Caron:merci, m. le président. alors, mme nadeau, mme druelle, merci beaucoup de votre participation. votre mémoire est complet. le seuil d'admissibilité, il y a effectivement une petite différence avec le 80 % du mga. une personne seule, le 80 %, ça donne 13 334 $, alors que, dans votre mémoire, avec 44 heures, le salaire minimum, on se parle de 13 384 $. il

y a une différence de SO $ et une différence qui suit, aussi, si on ajoute avec famille et tout ça.

Vous nous recommandez, et plusieurs groupes l'ont fait, en page 8, l'admissibilité des corporations sans but lucratif, donc, de ne pas tenir compte des revenus des personnes. Est-ce que vous pensez qu'on retrouve les besoins surtout à ce niveau-là, surtout au niveau de la consultation, au niveau de l'information juridique ou s'il y a quand même un nombre important de causes qu'on pourrait retrouver ou si c'est surtout le besoin, pour les corporations, c'est surtout des besoins de consultation juridique, d'information? (20 h 40)

Mme Nadeau (Lucie): Les deux besoins sont là. Il y a beaucoup de besoins d'information, mais il peut aussi y avoir l'exercice de recours, et ça peut peut-être recouper l'autre point qu'on soulevait dans le cas de causes types qui peuvent toucher un ensemble de personnes. Ça peut être aussi des groupes ou des organismes qui vont prendre sur eux de piloter un recours qui a une ampleur, là, pour les gens avec qui ils travaillent.

Mme Caron: Et, à votre connaissance, est-ce qu'il y a des groupes qui ont à se défendre, et non seulement à défendre?

Mme Nadeau (Lucie): Oui. J'ai déjà eu connaissance, là, par la pratique, de groupes qui avaient eu à se défendre, là, pour des difficultés impliquant leur corporation sans but lucratif, effectivement. C'est peut-être moins fréquent, mais ça existe.

Mme Caron: Vous avez relevé, dans votre mémoire, que vous êtes convaincus que la privatisation totale du régime ne permettrait plus de répondre aux besoins des personnes économiquement défavorisées. Je pense que cette inquiétude, elle est parfaitement justifiée, quand on regarde le système juridique du côté des notaires. Finalement, c'est un système privé puisqu'il n'y a pas de notaires permanents, et, comme il n'y a pas eu d'augmentation des tarifs depuis 1977, on se retrouve avec très peu de dossiers qui sont acceptés. Le ministre va vous donner des chiffres, mais c'est 2,5 %, là, de tout l'ensemble des dossiers d'aide juridique, alors, même pas 2 000 000$ sur 110 000 000$. Alors, ce n'est vraiment pas beaucoup, là, donc il n'y en a presque pas. Et on sait que, à Montréal, la situation est différente qu'en région, c'est-à-dire que, à Montréal, il y a quand même beaucoup plus d'avocats, donc il y a plus d'avocats du privé qui acceptent des dossiers d'aide juridique. Mais, en région, il y a moins d'avocats, et vous avez moins d'avocats qui acceptent des causes dans le privé. Alors, votre inquiétude, je pense qu'elle est justifiée.

Moi, j'aimerais vous entendre un petit peu plus sur une possible participation — donc, en page 5 — une possible participation... Il faudrait qu'elle soit totalement, vous nous dites, là, proportionnelle. Vous vous opposez vraiment à une échelle de participation qui serait par paliers. Est-ce que vous pouvez nous expliquer un petit peu plus pourquoi vous vous opposez, là, à une participation par paliers? Et, en deuxième question, est-ce que vous seriez prête à examiner une possibilité de crédit d'impôt, aussi, là, qui pourrait être regardée pour élargir le groupe accessible?

Mme Druelle (Anick): Le processus par paliers fait en sorte qu'on peut avoir à rembourser beaucoup plus; même si on dépasse juste de 5 $ la nouvelle grille là, on devrait rembourser quand même le maximum. Alors, c'est ce genre de choses qu'on voudrait éviter, et on se dit: Avec la proportionnelle, on aurait plus de chances d'y arriver. Il faut bien comprendre qu'on l'a vraiment mis au conditionnel, parce qu'il nous semblait que, dans ce qui était soumis dans le document du ministère... On pensait que c'était vraiment ça, la nouvelle voie qu'allait adopter le gouvernement, et c'est pour ça qu'on mettait les réserves en disant: Écoutez, si, vraiment, il devait y en avoir une, là, s'il y en a une là, on veut que ça soit proportionnel et qu'on respecte au moins que ceux qui étaient admissibles en 1973 le soient de nouveau, totalement gratuitement. Alors, c'est ça, nos deux priorités. Sinon, on n'a pas pensé outre mesure à la question de la participation progressive aux coûts.

Pour les crédits d'impôt, c'est bien sûr que, déjà, au niveau fédéral, on a droit à une déduction fiscale si on veut récupérer des sommes d'argent liées à un emploi à la suite d'un congédiement injustifié, par exemple. C'est sûr que, au niveau provincial, ce serait souhaitable de l'avoir aussi.

Mme Caron: Je vous remercie. Vous abordez aussi, en page 9, les conséquences sérieuses, et peu de personnes... On n'est pas revenu souvent, au niveau du questionnement, là-dessus. Il y a deux questions qui revenaient dans le document, et c'est des questions, je pense, qui sont importantes: si on doit maintenir la couverture lorsque la valeur du service juridique demandé par le requérant est minime, lorsque c'est un service qui est peu dispendieux, et, l'autre question, lorsque ça n'entraîne pas des conséquences sérieuses. Et là, on note, comme conséquence sérieuse, l'emprisonnement.

Vous êtes en relation constante avec des gens qui sont en difficulté, qui ont des besoins particuliers, et votre opposition, finalement, le maintien que vous voulez de l'étendue des services est sûrement, par votre pratique quotidienne, de se rendre compte que, finalement, pour des gens, la valeur d'un service, c'est très, très relatif. Si on se parle d'un coût de service qui est peu élevé, c'est évident que, pour une personne qui a des revenus très élevés, ce n'est pas très grave. Mais pour une personne qui est un travailleur ou une travailleuse au salaire minimum, ça peut être effectivement extrêmement important. Même si la valeur du service, elle n'est pas grande, elle peut avoir des conséquences extrêmement sérieuses, et des conséquences sérieuses, ce n'est pas seulement l'emprisonnement.

Donc, dans votre pratique quotidienne, est-ce que vous avez quelques exemples à nous donner de conséquences sérieuses, au niveau des travailleurs et des travailleuses, et des exemples de valeurs de services qui ne seraient pas élevées, mais qui auraient une valeur extrêmement importante pour vos travailleurs à salaire minimum?

Mme Druelle (Anick): Pour une personne qui vit sous le seuil de pauvreté, quelques centaines de dollars, une centaine de dollars, c'est beaucoup. La conséquence sérieuse, c'est le pain quotidien, comme le soulignait même Mme Lamontagne aussi, plus tôt cet après-midi. Des exemples pour nous aussi, c'est la perte d'un revenu d'emploi; pour nous, c'est très sérieux comme conséquence. Pour moi, ça illustre tout. C'est la différence entre être à un niveau décent ou se retrouver sur l'aide sociale.

Mme Caron: Dernière question. Vous abordez, en page 13, le droit des personnes qui ne résident pas au Québec ou qui n'ont pas la citoyenneté canadienne. On l'a peu abordé au cours de nos travaux, mais nous allons l'aborder probablement avec les prochains intervenants que l'on va entendre, et on va l'aborder aussi au cours des prochaines journées.

Vous parlez des droits qu'on retrouve dans la Charte canadienne des droits et libertés, et qui ne fait vraiment pas d'exception. Est-ce que vous avez, par votre organisme communautaire... Est-ce que vous rencontrez, vous donnez des services souvent à des personnes qui n'ont pas la citoyenneté, qui ne résident pas au Québec et qui vous questionnent sur leurs droits? Est-ce que c'est par d'autres groupes communautaires que vous êtes arrivés à prendre cette position-là?

Mme Druelle (Anick): À Montréal, comme vous savez, il y a beaucoup d'immigrants, il y a beaucoup d'immigrants qui travaillent et qui ont aussi souvent des problèmes au travail. Je dirais que, avec le problème de la langue, leurs problèmes sont encore plus difficiles, plus pointus. C'est pour ça qu'on a vraiment sursauté quand on a vu ce genre de question sur la table. On trouvait que le gouvernement allait loin, à poser, même, ce genre de question là. À ce niveau-là, on trouvait même que c'était inacceptable.

Mme Nadeau (Lucie): On a un contact assez direct avec ces gens-là parce qu'on fait de nombreuses sessions d'information dans les COFI sur le droit du travail, mais les immigrants qui arrivent et qui sont à apprendre le français dans les COFI, on en fait plusieurs dizaines par année, ce qui fait qu'on est souvent confronté avec la réalité difficile des gens qui n'ont pas encore leur citoyenneté canadienne.

Mme Caron: Plusieurs personnes nous ont dit que l'aide juridique était peu connue des citoyens et des citoyennes en général. Donc, est-ce que vous diriez que, du côté des non-résidents, la connaissance doit être encore moins grande de notre système d'aide juridique? Et est-ce qu'il y aurait lieu d'accentuer au niveau de l'information?

Le Président (M. Parent): Mme Druelle.

Mme Druelle (Anick): Je pense que, d'une façon générale, même la population en général, qu'elle soit québécoise ou immigrante, on constate le manque de connaissance de leurs droits, que ce soit par rapport au droit du travail, que ce soit sur l'existence même d'un régime d'aide juridique. Alors, c'est très généralisé. Pour moi, il y a beaucoup de personnes qui ignorent leurs droits, d'une façon générale, et c'est encore plus marqué pour les personnes immigrantes.

Mme Caron: Est-ce que vous avez remarqué — c'est ma dernière question — la même chose que les représentantes de la CSN, qui nous disaient que, presque systématiquement, de la part de certaines institutions, même gouvernementales, du côté des retraits préventifs, on s'opposait systématiquement à chacun des retraits préventifs qui étaient demandés, automatiquement, ça se retrouvait devant les tribunaux? Est-ce que vous avez pu constater la même remarque? (20 h 50)

Mme Druelle (Anick): Par rapport aux retraits préventifs, on réfère souvent ces cas-là aux groupes que vous avez rencontrés tout à l'heure, qui sont spécialisés en santé et sécurité au travail, donc je ne pourrais pas vous parler des institutions qui s'opposent systématiquement. J'en ai souvent entendu parler, mais, personnellement, je n'ai pas vécu ces cas-là, je n'en ai pas vu.

Mme Caron: Chez vous, pour vos travailleuses, les retraits préventifs, est-ce que c'est une partie importante des dossiers?

Mme Druelle (Anick): Le fait d'être congédié à la suite d'avoir demandé un retrait préventif, on a aussi un recours en vertu de la Loi sur les normes du travail contre un congédiement pour cause de grossesse, et les femmes, encore, sont majoritairement congédiées pour cette cause-là, pour cause de grossesse, encore en 1994. Alors, je pense que c'est dramatique, là, on peut le souligner pour la Journée internationale des femmes, c'est un fait.

Mme Caron: On l'a souligné en période de questions. C'est ma collègue des Chutes^e-la-Chaudière, responsable du dossier, qui a posé la question, mais on n'a pas eu de réponse sur les moyens concrets...

Mme Druelle (Anick): Je peux vous dire...

Mme Caron: ...à prendre pour régler le problème.

Mme DrueUe (Anick): La Commission des nonnes du travail a confirmé encore les chiffres que la majorité des femmes, lorsqu'elles sont congédiées injustement, c'est pour cause de grossesse.

Mme Caron: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Parent): D'autres intervenants? Alors, Mme la porte-parole de l'Opposition officielle, si vous voulez conclure, au nom de votre formation politique.

Mme Caron: Alors, M. le Président, je veux remercier Mme Nadeau, Mme Druelle pour leur participation à nos travaux. Je pense que vous avez abordé les principaux points qui touchent le mémoire, et moi, je vous remercie de votre participation. Ça vient confirmer, je pense, ce qu'on entend depuis plusieurs jours sur les points qui font consensus, et je pense que ce n'est pas pour une différence de 50 $, au niveau d'une personne seule, qu'on va dire qu'il n'y a pas de consensus. Vous rejoignez l'ensemble des groupes, et je pense que le message, il est clair, il nous reste à avoir l'action maintenant. Merci.

Le Président (M. Parent): Merci, madame. M. le ministre de la Justice, je vous reconnais.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Mme Nadeau et Mme Druelle, je veux vous rappeler ce que j'ai dit à d'autres intervenants et intervenantes, que le document que vous avez évalué en est un de réflexion. Et si, Mme Druelle, certains éléments du document vous ont fait sursauter, prenez-le, ce document-là, même dans ses volets les plus surprenants, comme en étant un qui veut susciter la réflexion. Et ce n'est pas nécessairement le ministre du temps, ni celui d'aujourd'hui, ni le gouvernement, qui parlent dans le document. C'est des réflexions qu'on a ramassées un petit peu partout à l'intérieur de différents exercices qui ont été faits par le ministère de la Justice.

Vous avez raison, Mme Nadeau, de nous dire que l'aide juridique doit tendre à rendre la justice accessible à tous. Lorsqu'on parle d'aide juridique, évidemment, on parle, idéalement, de la gratuité totale pour toute la clientèle. La difficulté, et vous l'avez tout à l'heure — je me répète avec prudence — cernée assez bien. On sait où ça commence, la gratuité totale, mais mettre la barre où ça s'arrête, ça, c'est un peu plus difficile. Et si on arrêtait, par hypothèse, si on mettait la ligne à 30 000 $, pour celui qui gagne 30 000 $, ou le couple qui gagne 30 300 $, ou 30 200 $ par année, c'est 4 $ à peine, et ce couple-là ne serait plus admissible à l'aide juridique. Il pourrait prétendre qu'il y a une injustice. C'est là qu'est toute la difficulté. Plusieurs intervenants suggèrent, et c'est un peu ce que vous dites à la page 6 de votre document, en haut de la page, que la solution à ce problème extrêmement difficile, c'est la contribution. Je ne vous l'ai pas fait dire, là.

Merci beaucoup, c'est un document extrêmement bien fait, et j'ai apprécié beaucoup votre présentation. Merci beaucoup.

Le Président (M. Parent): Alors, mesdames, au nom des membres de la commission, je vous remercie et je vous souhaite un bon retour dans vos foyers. On va suspendre quelques secondes.

(Suspension de la séance à 20 h 54)

(Reprise à 20 h 59)

Le Président (M. Parent): À l'ordre, s'il vous plaît! J'invite les députés à prendre leur place respective. Nous accueillons, comme dernier groupe aujourd'hui, le 8 mars, l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration. Leurs porte-parole sont Me Danielle Arpin et Me Denis Buron.

Alors, Mme Arpin, M. Buron, nous vous souhaitons la bienvenue. Nous vous remercions de nous faire le plaisir de votre visite à cette heure tardive. Ça montre de votre part un intérêt plus particulier en ce qui regarde notre projet de bonification de notre système d'aide sociale.

Je vous rappelle notre façon de procéder. La période de temps qui vous est dévolue, c'est un tiers, un tiers, un tiers, pour une heure. Ça veut dire 20 minutes. Mais personne n'est obligé de prendre ses 20 minutes. Ça, soyez bien à votre aise. Chacun des membres de cette commission a lu votre dossier, en a pris connaissance. Alors, vous avez jusqu'à 20 minutes pour nous l'expliquer, puis si ça prend 22 minutes, on ne vous chicanera pas, mais on va vous le signaler, par exemple.

Alors, je ne sais pas qui est le porte-parole. (21 heures)

Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration

Mme Arpin (Danielle): Disons que je vais faire un mot d'introduction, et mon collègue, Me Buron, va vous expliquer plus en détail le mémoire que nous vous avons soumis.

Alors, dans un premier temps, bonsoir à tous. L'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration est un regroupement d'avocats qui s'est créé en novembre 1991, dont les buts principaux sont, à la fois, de regrouper les avocats pratiquant dans le domaine de l'immigration, aussi de défendre nos clients auprès des instances appropriées et, aussi, naturellement, de faire valoir notre représentativité comme groupe. Nous regroupons environ 75 avocats, principalement à Montréal, pour la simple raison que bon nombre des dossiers touchant les problèmes d'immigration sont actuellement traités à Montréal.

Parmi ces personnes qui ont des problèmes avec

l'immigration, les dossiers que nous touchons principalement et qui sont l'objet d'émission de mandats d'aide juridique sont principalement des revendicateurs au statut de réfugié, des personnes économiquement défavorisées lorsqu'elles arrivent en sol canadien et qui font face principalement à deux facteurs importants, c'est-à-dire un facteur d'intégration, des problèmes d'intégration au niveau de la société québécoise, et ces gens sont souvent aidés par des ONG, des organismes non gouvernementaux qui travaillent au niveau communautaire. Par contre, il y a l'autre facette à laquelle ils font face, c'est-à-dire les problèmes reliés au caractère juridique de leur situation en sol canadien, ce caractère qui amène à la fois des actes juridiques qui doivent être posés et des documents ou des démarches qui doivent être faites par eux, démarches et actes qui ont des impacts ou des conséquences juridiques grandes, ce qui est, comme tel, l'objet du mémoire que Me Buron va vous présenter.

M. Buron (Denis): Les questions qui sont soulevées par le document de consultation ne sont pas toutes d'intérêt pour nous. Il y a trois préoccupations seulement qui ont attiré notre attention, nommément, les questions de couverture par rapport aux conséquences sérieuses pour les personnes visées; deuxièmement, les problèmes de couverture lorsque le tribunal n'est pas un tribunal à représentation exclusive de la part des avocats; et, troisièmement, la couverture par rapport à des gens qui sont non-résidents au Québec ou qui sont non-citoyens. Dans les trois cas, notre conclusion est que la couverture doit être maintenue telle quelle, qu'il n'y a aucune raison, aucune justification, en matière d'immigration à tout le moins, pour que la couverture soit diminuée dans ces trois situations.

Par rapport aux conséquences sérieuses dans le domaine de l'immigration, il faut tenir compte de façon nécessaire qu'un immigrant ou un nouvel arrivant au Canada, qu'il soit officiellement immigrant ou non, c'est un individu qui est à risque d'être renvoyé hors du Canada, qui est à risque d'être retourné dans son pays. Ce risque de renvoi a déjà été jugé par les tribunaux comme étant de la nature d'une détention. Cette détention-là, je pense que, dans tous les cas, on doit considérer que c'est un risque sérieux, de la même façon que c'est un risque d'emprisonnement pour un individu qui fait face à l'appareil criminel, de la même façon qu'un individu qui est détenu pour des raisons d'immigration, à savoir qu'il est passible de renvoi, qu'il soit formellement restreint physiquement ou non, cette personne-là fait face à un risque sérieux par nature.

Lorsque cet immigrant-là, en plus, est un revendicateur au statut de réfugié, il se crée un risque supplémentaire, à savoir la possibilité que, en cas de renvoi, il soit sujet à persécution dans son pays de citoyenneté ou son pays d'origine. Cette conséquence potentielle là, bien qu'elle ne soit que potentielle, a été jugée déjà par la Cour suprême, dans l'affaire Singh, en 1986, comme étant une conséquence sérieuse, ce qui fait que, en matière d'immigration, même s'il n'y a pas formellement d'emprisonnement comme possibilité de conséquence, ce que nous vous soumettons, c'est qu'il y a nécessairement une conséquence sérieuse dans tous les cas et que, en conséquence, on ne pourrait réduire la couverture au motif que, en matière d'immigration, la conséquence ne serait pas sérieuse. C'est un domaine de pratique qui est plus sérieux qu'à première vue, lorsqu'on ne fait que penser que, bien voyons! ce ne sont que des gens qui arrivent au Canada.

La deuxième question, la couverture, lorsque la représentation n'est pas de compétence exclusive des avocats. Je pense qu'il faut premièrement détailler un peu le contexte de l'immigration, pour savoir de quoi on parle. Il n'y a pas plusieurs tribunaux, en matière d'immigration, présentement, il en existe deux: un, au niveau provincial, qui a une compétence extrêmement limitée, le Bureau de révision en immigration, et un, au niveau fédéral, qui a une compétence beaucoup plus importante, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

En matière d'immigration, la représentation ne pourrait probablement pas être exclusive, c'est-à-dire qu'il y a des questions qui se posent, qui ne sont même pas de nature litigieuse, qui n'ont pas à être présentées devant aucun tribunal. Cette représentation peut certainement être exercée, parfois de façon extrêmement efficace, par des gens qui ne sont pas des avocats, mais qui sont en mesure quand même d'assister leurs clients d'une façon valable. Je pense en particulier aux gens qui sont des investisseurs ou des entrepreneurs, qui peuvent avoir besoin beaucoup plus d'un bureau de comptables que d'un bureau d'avocats. C'est pour cette raison-là que la compétence n'est pas exclusive ou n'est pas réservée aux avocats, en matière d'immigration.

La loi ne fait pas de distinction, que ce soit au niveau provincial ou au niveau fédéral, entre la représentation litigieuse et la représentation non litigieuse. C'est là, peut-être, qu'il y a une distinction importante à faire pour nos fins. Lorsque la représentation est litigieuse, et c'est le cas devant le BRI, c'est le cas devant la CISR, la représentation, à notre avis, se doit d'être assurée par avocat, et ce, pour plusieurs raisons, y compris le sérieux des conséquences qui ont déjà été mentionnées, mais y compris également pour des raisons de nature purement juridique.

Si, comme je l'ai mentionné, la représentation, lorsque ce n'est pas une matière litigieuse, peut être exercée avec profit par des gens qui ne sont pas avocats, en matière litigieuse, il me semble que la Loi sur le Barreau elle-même assure l'exclusivité même en matière d'immigration. Je souligne, en passant, que le Barreau est présentement saisi de cette question et, à notre demande, enquête sur le sujet pour déterminer si, effectivement, la pratique des non-avocats devrait être purement et simplement interdite en matière litigieuse dans le domaine de l'immigration.

À toutes fins pratiques, je mentionne que 98 % de représentations litigieuses est fait, en la matière, par des avocats. C'est donc un domaine qui, contrairement à d'autres tribunaux administratifs, bénéficie d'une

représentation quasi complète par des professionnels du droit, ce qui apparaît une situation à préserver à tout prix.

Encore une fois, et si, au départ, je mentionnais d'une façon très brutale, presque, que les conséquences sérieuses devaient empêcher la diminution de couverture, dans le cas de la représentation non exclusive par avocat, je pense que la conclusion pourrait être quand même plus modérée et s'exprimer de la façon suivante: il n'y a pas de raison de limiter la couverture, dans le domaine de la représentation litigieuse, par avocat, en matière d'immigration. Les matières non litigieuses sont en général non couvertes déjà, pour différentes raisons, des raisons pratiques. Par exemple, on imagine mal qu'un investisseur puisse avoir besoin d'aide juridique. Généralement, s'il est en mesure de faire des investissements, il a très facilement les moyens de se payer les professionnels pour l'assister.

Les autres domaines, ceux qui peuvent être intermédiaires, les domaines du conseil, sont plus délicats, sont parfois couverts, dépendant de la situation économique des clients, bien sûr, et ils sont parfois non couverts. Lorsque l'avocat agit comme conseiller, il peut, à ce moment-là, se référer aux règles usuelles, je pense, de l'aide juridique, et son client pourrait être couvert, selon qu'il rencontre les barèmes ou selon qu'il ne les rencontre pas, purement et simplement. Et je ne vois pas pourquoi il y aurait une distinction à faire en matière d'immigration. (21 h 10)

La troisième question, le troisième sujet de préoccupation, à savoir la couverture par rapport aux non-citoyens. Je ne ferai pas de distinction entre les non-citoyens et les non-résidents de la province puisque, en matière d'immigration, il m'apparaît que cette distinction-là serait inutile. Dès lors qu'un individu ne réside pas au Québec, à savoir résiderait dans une autre province, personnellement, je ne m'y intéresse pas. Dès lors qu'il réside au Québec, s'il est un individu sujet à la loi de l'immigration, il n'est probablement pas un citoyen non plus. Alors, la question de citoyenneté est beaucoup plus importante que la question de la résidence au Québec.

Cette question-là nous apparaît soulever une illégalité que je qualifierais d'épouvantable. La possibilité que la couverture d'aide juridique ne soit pas étendue aux gens qui ne sont pas encore citoyens vise beaucoup plus que les gens qui sont face à la machine de l'immigration. Cette possibilité-là couvre tous les gens qui arrivent au Canada et qui ne sont pas encore citoyens, pour des raisons de ne pas rencontrer les conditions prévues par la loi sur la citoyenneté.

En pratique, ça signifie deux possibilités. La première, la plus évidente, il n'y a personne qui peut devenir un citoyen au Canada avant trois ans de résidence. Alors, ça voudrait dire que tous les immigrants n'auraient aucun droit à l'aide juridique pendant trois ans.

Une voix: Minimum.

M. Buron (Denis): C'est un minimum, effectivement. Ça m'apparaît être une discrimination flagrante, qui est contraire à la Charte canadienne des droits et libertés, et plus précisément à l'article 15 de cette Charte. Comme je l'ai spécifié dans notre mémoire, il y a déjà des décisions jurisprudentielles qui permettent très facilement d'en arriver à cette conclusion-là. Les non-citoyens ont été déterminés, dans l'affaire Andrews, comme étant des personnes contre qui on ne peut pas discriminer, au sens de l'article 15 de la Charte.

Les personnes qui sont revendicateurs du statut de réfugié ont été jugées, dans l'affaire Singh, comme étant des personnes qui ont besoin de la protection juridique de la Charte. On recoupe les deux décisions et on en arrive à l'évidence suivante: la Charte canadienne des droits et libertés de la personne protège complètement un immigrant qui se trouve en sol canadien. Qu'il soit citoyen ou non, il a tous les droits garantis par la Charte, comme n'importe quel autre résident de notre province.

J'ai mentionné deux possibilités de citoyenneté litigieuse. La première, c'était, bien sûr, la personne qui n'est pas encore citoyenne. La deuxième, c'est plutôt la personne qui se prétendrait citoyen, peut-être dès son arrivée au Canada, qui dirait, par exemple: moi, mon père était Canadien, et n'a que des difficultés pour le prouver puisque la documentation n'est peut-être pas si évidente que ça. Il faut penser à cette possibilité-là aussi. Il faut penser à la possibilité d'une personne qui se déclare Canadien et qui doit en faire la preuve devant les autorités. Cette personne-là, si on retire la couverture d'aide juridique au non-citoyen, elle se verrait dans l'éventualité de devoir se défendre seule alors qu'elle aura potentiellement tous les droits d'un citoyen canadien. Priver cet individu-là arbitrairement de son recours à l'aide juridique est inacceptable.

L'article 15 de la Charte, dernier élément à mentionner, garantit non seulement des droits, des droits égaux, mais garantit également les mêmes privilèges. La loi ne peut pas discriminer non seulement dans les droits qu'elle accorde, mais elle ne peut pas non plus discriminer quant aux privilèges qu'elle confère. L'aide juridique, ce n'est peut-être pas un droit, mais c'est sûrement un privilège qui doit être garanti de façon égale à tous, y compris, bien sûr, les non-citoyens.

Nous avons cru déceler, à travers du document de consultation et, en particulier, à travers certaines données numériques qui y sont contenues, un sous-entendu que, s'il fallait couper à quelque part, il fallait peut-être couper là où ça coûte le plus cher et que, si on regarde les chiffres, le domaine de l'immigration est un domaine fort coûteux.

Ce que nous avons voulu souligner, à travers l'addendum en particulier que nous avons produit lorsque cette commission a été retardée, c'est que les chiffres qui étaient contenus au document de consultation ne sont absolument plus vrais. Nous avons pu vous produire des chiffres plus récents. Et j'ai apporté un nombre de copies suffisant, je pense, des chiffres qui m'ont

servi d'inspiration, et que je pourrais remettre à la commission.

Il y a plusieurs phénomènes qui expliquent cette montée de l'immigration et cette descente actuelle de celle-ci qui, je pense, pourrait être considérée stabilisée aux données de 1993. Premièrement, bien sûr, il y a la situation internationale qui évolue tout le temps. Le Canada, le Québec, sont plus ou moins intéressants, selon le contexte international. L'immigration est plus ou moins attirée pour venir ici, selon les circonstances. Deuxièmement, il y a le phénomène des modifications qui ont été apportées à la loi fédérale sur l'immigration. Il y a eu une montée importante du nombre de revendicateurs au statut de réfugié jusqu'en 1987-1988. Lors de ces années-là, le Canada était perçu, de plus en plus, comme étant l'endroit par excellence, et le système n'était tout simplement pas prêt à faire face à la demande. Une accumulation extraordinaire des dossiers a suivi jusqu'au moment où le fédéral a décidé que c'en était assez, qu'il fallait absolument modifier la loi et prévoir un système plus efficace. L'arriéré des cas qui a été créé a été absorbé par le nouveau système, ce qui fait que tous les cas qui s'étaient accumulés se sont représentés dans le cadre du nouveau système. Les chiffres qui ont été fournis englobent les cas qui se sont présentés plus d'une fois et qui se sont donc présentés devant la machine d'immigration lors de leur arrivée, et lorsque la machine a été ajustée pour revoir la situation.

Cette situation-là est maintenant terminée. En fait, en pratique, le gouvernement fédéral vient de prolonger son règlement sur le règlement de l'arriéré des cas, puisqu'ils disent: il demeure au pays entre 300 et 500 cas non réglés. On parle donc de cas très épars, qui n'auront plus d'effets sur le système.

D'autre part, compte tenu de la lourdeur de la nouvelle machine qui avait été créée en 1989, le gouvernement fédéral a également décidé que sa nouvelle machine n'était pas suffisamment efficace. De clients qui pouvaient demander des avocats pour deux paliers d'intervention, donc, qui pouvaient demander des mandats d'aide juridique à deux reprises, à toutes fins pratiques, pour deux différentes étapes, ou qui pouvaient demander à être servis par un même avocat, pour deux étapes d'intervention, on se retrouve maintenant avec un système qui ne comporte qu'une seule étape, où les avocats font, autrement dit, tout le travail d'un coup. Cette situation-là également est de nature à alléger la couverture par elle-même de l'aide juridique, à savoir que les dossiers procèdent plus rapidement, procèdent de façon, je dirais, simple plutôt que double, purement et simplement, et le nombre de dossiers, qui a déjà diminué, pourra être traité de façon plus efficace.

Encore une fois, les chiffres peuvent facilement tromper, et il faut faire extrêmement attention. Dans les chiffres de 1992, se retrouvaient les demandeurs qui étaient devant les deux paliers, indistinctement. Dans les chiffres de 1993, les gens qui n'avaient pas nécessairement passé le premier palier ont été expédiés devant le second. Les chiffres de 1993 sont peut-être encore un peu élevés par rapport à la réalité à venir, mais les derniers mois, qui sont relativement stables et qui apparaissent dans le document que je pourrai remettre, permettent de conclure qu'une diminution de 60 % par rapport aux chiffres de 1992 est plus réaliste pour l'avenir. si les coûts de l'aide juridique demeuraient stables, ça signifierait 60 % de diminution, sans que personne n'ait levé le petit doigt. l'aide juridique, ça ne coûte pas cher, ou pas plus cher qu'un autre domaine en matière d'immigration, et il n'y a aucune raison de faire des entraves importantes, des conséquences sérieuses, au principe de la représentation ou au principe de la couverture des citoyens ou non-citoyens, pour peut-être sauver quelques dollars. merci.

Le Président (M. Parent): Je vous remercie, M. Buron, et je reconnais immédiatement le ministre de la Justice pour une première intervention. M. le ministre. (21 h 20)

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Me Buron et Me Arpin, je vous remercie de venir nous exposer votre point de vue en partant d'un document que vous avez déjà soumis à l'intention de la commission. Ça touche, évidemment, un secteur d'activité très précis, l'immigration, et c'était extrêmement important, évidemment, qu'on vous entende. Votre document, d'ailleurs, résume très bien les questions qui touchent le secteur d'activité quant au régime d'aide juridique en matière d'immigration.

Ma première question. On nous indique qu'il y aurait plus ou moins 125 avocats, ou à peu près, qui font du droit en matière d'immigration et, comme vous l'avez indiqué, presque essentiellement à Montréal. Est-ce que la plupart des avocats... La question que je devrais poser: J'imagine que la plupart des avocats ne font pas que du droit d'immigration.

Mme Arpin (Danielle): C'est la réalité, effectivement.

M. Lefebvre: Alors, la plupart font autre chose.

Mme Arpin (Danielle): On va être plus précis, si vous me le permettez.

M. Lefebvre: Oui, madame.

Mme Arpin (Danielle): Parmi ce nombre, entre 75 et 125, parce que, justement, il y a un certain nombre de gens qui font cette pratique, un faible pourcentage, si l'on veut... Il n'en demeure pas moins qu'en pratiquant dans ce domaine quotidiennement, moi, je suis de ceux et celles qui travaillent avec les revendicateurs au statut de réfugié...

M. Lefebvre: Oui.

Mme Arpin (Danielle): ...de façon journalière,

et on est assurément... Je pense qu'un chiffre de 40 à 50 avocats à Montréal, faisant essentiellement des dossiers d'immigration et principalement de refuge, serait relativement près de la réalité.

M. Lefebvre: Me Arpin, en quoi consiste, essentiellement, votre... Évidemment, vous avez à vous débattre devant les institutions, les organismes, les tribunaux, etc., mais est-ce qu'une bonne partie de votre pratique consiste en de l'information? Comment partagez-vous le volet que je vais qualifier, pour qu'on se comprenne, de «tribunal et information»? Comment ça se partage, votre travail auprès de la clientèle?

Mme Arpin (Danielle): J'aurais une question, par contre, à vous retourner. Dans l'information, vous entrez quoi, là?

M. Lefebvre: Bien, c'est-à-dire que vous ne les accueillez pas nécessairement. Je pourrais poser également une question plus globale. Vous travaillez avec des officiers.

Mme Arpin (Danielle): Nous travaillons avec des officiers de l'immigration et nous avons à faire...

M. Lefebvre: Des officiers du ministère. Je pourrais...

Mme Arpin (Danielle): ...des représentations devant les instances.

M. Lefebvre: Racontez-moi une de vos journées ou un cas type.

Mme Arpin (Danielle): Disons que, dans un premier temps, naturellement, comme je suis de ceux et celles qui travaillent avec les revendicateurs au statut de réfugié de différents pays, depuis plusieurs années, donc, souvent, à la fois les personnes nous sont référées par d'anciens clients ou par les ONG, les organismes non gouvernementaux qui accueillent en sol canadien des nouveaux arrivants qui ont ou revendiqué le statut de réfugié dans ce qu'on appelle les points d'entrée, c'est-à-dire...

M. Lefebvre: Oui, oui.

Mme Arpin (Danielle): ...les aéroports, ou les points frontaliers, ou le port comme tel, ou des gens qui, lorsqu'ils sont déjà en sol canadien, revendiquent dans ce qu'on appelle les centres d'immigration intérieurs, ce qui est aussi une possibilité, comme telle, de revendiquer le statut de réfugié. Alors, il y a un premier contact téléphonique, la plupart du temps. On rencontre le client pour prendre des informations très factuelles, genre: Quand êtes-vous arrivé? De quel pays venez-vous et, de préférence, quelle langue parlez-vous? Parce que nous sommes dans une pratique où nous avons à faire face à une multiplicité linguistique. Alors, le volet purement information, c'est peut-être 30 minutes, 60 minutes, ce volet-là, sur la prise de données primordiales. Par la suite...

M. Lefebvre: Vous montez votre dossier comme...

Mme Arpin (Danielle): Oui, mais ça, ce n'est pas monter le dossier, 30 à 60 minutes. C'est simplement, genre, bonjour monsieur, bonjour madame, de quel pays êtes-vous, et je suis Me Unetelle.

M. Lefebvre: Ce que je veux dire, Me Arpin, vous faites une démarche pour ramasser tous les éléments pertinents.

Mme Arpin (Danielle): Oui. Mais ça, c'est primordial. Par la suite, nous avons à remplir ce que nous appelons «un formulaire de renseignements personnels», qui est un outil qui va servir tout au long du dossier devant les instances de l'immigration. Ce formulaire est un formulaire constitué de 12 pages, contenant 42 questions. Parmi ces questions, il y en a 36 qui sont des données personnelles: les noms, les origines, les lieux où les personnes ont étudié, les membres de leur famille, les frères, les soeurs. Ça peut paraître simple, comme ça...

M. Lefebvre: Non.

Mme Arpin (Danielle): ...mais, de certains pays, de trouver les noms des membres de toute la famille, c'est plus difficile aussi parce qu'il n'y a pas nécessairement les mêmes systèmes de collection des informations qu'ici, comme les bureaux d'état civil. Ceci est la première étape.

Il y a aussi, dans ce formulaire, une question qui demande à ce que soient relatés, de façon chronologique, les événements qui ont amené la personne à quitter son pays pour venir revendiquer le statut de réfugié, c'est-à-ilire la personne qui, dans son pays d'origine ou dans le pays où elle avait la dernière résidence, craint pour sa vie en raison de la race, de la nationalité, les opinions politiques, l'appartenance à un groupe. Ce sont des éléments qui sont relativement difficiles, quand même, à aller chercher parce qu'on travaille quotidiennement avec la terreur, la frayeur, la crainte, la crainte aussi de la personne qu'ils rencontrent devant eux parce que, souvent, ils ne savent pas trop, trop jusqu'où on peut les aider. Parce qu'ils viennent...

M. Lefebvre: II y a une question de confiance à établir.

Mme Arpin (Danielle): Tout à fait, question de confiance. Parce que, en plus, on est face à des gens qui n'ont pas la même culture que nous, on est face à des gens qui ont souvent subi un traumatisme tel que nous devons aussi, par la suite, les acheminer vers des

psychologues pour qu'il y ait des rapports psychologiques de faits. Nous sommes souvent face à des gens qui ont des symptômes post-traumatiques, que nous appelons, à cause de la persécution, de la torture qu'il ont eues. Nous sommes aussi souvent face à des gens, surtout des femmes, qui ont été violées, violées par l'appareil gouvernemental représenté par des policiers ou représenté par différents groupes qui sont, en quelque sorte, tolérés par les autorités dans leur pays.

Alors, toute cette démarche, qui est beaucoup à caractère psychologique, à caractère social, demande beaucoup de temps avec les revendicateurs au statut de réfugié, et aussi, entre autres, par la nature même de la revendication du dossier, mais aussi parce que, souvent, nous avons à travailler avec des interprètes. Donc, la même préparation, le même genre de questions, on double le temps, étant donné la barrière linguistique.

Alors, concrètement, la partie préparation du formulaire, qui est très importante parce que ce formulaire va suivre le revendicateur tout le long du processus, peut facilement représenter de quatre à huit heures, seulement la confection la plus conforme et la plus sérieuse possible.

Par la suite, nous aurons à rencontrer le client pour préparer l'audition devant l'instance appropriée, qui s'appelle la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, ce qu'on appelle la CISR. Alors, cette préparation veut dire expliquer clairement, dans un premier temps, ce à quoi la personne doit s'attendre devant un tribunal qui est un tribunal administratif, et encore, de nouveau, il faut expliquer que, bien qu'il s'agisse d'un tribunal administratif, de ne pas avoir peur des autorités. On est souvent avec des gens qui ont subi des interrogatoires sous la torture. Alors, ce n'est pas évident en soi. Il faut donc préparer le client dans le contexte qu'il va vivre, il faut préparer le témoignage de la personne, comme ceci se fait dans toute autre pratique, que ce soit en civil ou en pénal, et il faut aussi faire une préparation à caractère politique; C'est-à-dire que, comme nous sommes face à des situations de différents pays, il y a à constituer à la fois de la doctrine, par rapport à la jurisprudence de certains pays, mais aussi de la documentation politique. Il faut donc se constituer des dossiers complets par rapport au pays et par rapport aux différentes facettes que l'on peut rencontrer par rapport à ces pays d'origine.

Cette partie-là est aussi, finalement, simplement préparation avec le client et préparation du dossier, minimalement, une dizaine d'heures. Et, par la suite, on se retrouvera devant l'instance appropriée pour l'audition à la CISR.

M. Lefebvre: II y a déjà eu des avocats de l'aide juridique, des permanents de l'aide juridique qui faisaient du droit en cette matière. Depuis 1992, vous le savez...

Mme Arpin (Danielle): Oui, nous sommes au courant.

M. Lefebvre: ...il n'y a que des avocats de pratique privée.

Mme Arpin (Danielle): Oui.

M. Lefebvre: Alors, j'imagine que, lorsque l'intervention de la Commission des services juridiques, en 1992, a eu comme conséquence d'éliminer les avocats permanents, ça n'a pas dû vous faire pleurer, là.

Mme Arpin (Danielle): Ce n'est pas...

M. Lefebvre: Remarquez bien, je vois Me Buron rire, là. Ha, ha, ha!

Mme Arpin (Danielle): Ah, il rit souvent. Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Et, maître, c'est légitime, là. Si vous me disiez: Non, on regrette que les permanents de l'aide juridique aient disparu... (21 h 30)

Mme Arpin (Danielle): Non. Nous ne vous disons pas que nous avons regretté, à l'époque. Par contre, ce que nous vous disons et ce que nous avons dit, à l'époque, c'est que c'est une coche, si vous me permettez, à l'accès à l'avocat de son choix, par rapport à des revendicateurs qui arrivaient en sol canadien. Ces avocats, qui étaient au bureau de l'immigration, sur la rue Berri, à Montréal, avaient eu...

M. Lefebvre: Une expertise.

Mme Arpin (Danielle): ...une expertise, de 1989 à 1992, et avaient fait accepter, naturellement, comme l'ensemble de nous tous, un certain nombre de clients qui étaient satisfaits de leurs services, tout comme ils avaient perdu certains autres dossiers, ceci étant la situation quotidienne. Mais ces gens qui avaient été représentés par ces avocats pouvaient très bien les référer par la suite — c'est ce qu'on appelle «la référence» — et ça faisait un problème, au niveau du libre choix de l'avocat, par rapport au revendicateur du statut de réfugié. C'était notre position quand même dans ce contexte-là.

M. Buron (Denis): Je pense que ce qu'il ne faut pas oublier dans cette question-là, c'est l'expertise, justement. Ma collègue a longuement extrapolé sur la question, je dirais, de confiance qui doit être créée avec le client, sur la connaissance de la situation objective, tant de la personne elle-même que de l'endroit d'où elle provient, mais je pense aussi qu'il ne faut pas oublier l'expertise juridique, purement juridique. On fait affaire avec un domaine de nature internationale. On interprète une définition qui est appliquée dans plusieurs autres pays. On doit, en tant que pays, être constant avec la situation ou l'interprétation internationale. On doit être respectueux, bien sûr, des décisions de nos propres tribunaux supérieurs. Le concept de persécution, ce n'est

pas si facile que ça à interpréter, ni dans les faits ni en droit, et le concept de crainte de persécution, il est encore plus difficile. Je pense que c'est tout ça qu'il faut garder en mémoire lorsqu'on travaille, comme le disait ma collègue, avec des gens qui ont une crainte des autorités, qui ont souvent été traumatisés et qui doivent trouver un moyen de faire confiance et de répondre à des questions.

M. Lefebvre: Si, par hypothèse, Me Buron, on agissait de telle sorte, on posait des gestes, à la Commission des services juridiques, qui auraient comme conséquence de recréer le bureau d'avocats permanents à l'aide juridique, j'imagine que votre expertise serait disponible pour nos permanents de l'aide juridique, toute votre connaissance? Vous seriez disposés à nous aider?

M. Buron (Denis): Je comprends mal votre question.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Vous êtes un bon avocat! Vous êtes un bon avocat!

M. Buron (Denis): Est-ce que vous me dites que nous serions disponibles pour leur formation?

M. Lefebvre: Oui.

M. Buron (Denis): Je vous dirais: Sûrement.

M. Lefebvre: Pour aider vos collègues de...

M. Buron (Denis): D'ailleurs, on l'a déjà fait, à la demande du Barreau, depuis quelques années. Et je devrais dire: II y a quelques années, on a collaboré. Plusieurs des avocats les plus compétents...

M. Lefebvre: Je n'en doute pas.

M. Buron (Denis): ...ont collaboré pour faire des cours de formation.

M. Lefebvre: Vous avez compris que c'était plus une boutade qu'autre chose. Je laisse, M. le Président, mes collègues de l'Opposition officielle...

Le Président (M. Parent): Merci. Alors, je reconnais Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Me Buron, Me Arpin, merci beaucoup de votre participation. Je vous remercie pour votre mémoire qui nous a donné un excellent éclairage du dossier, et vous êtes d'ailleurs les premiers à aborder ce sujet. Nous en aurons dans les jours qui viennent, mais vous êtes les premiers. Merci aussi pour l'addenda que vous nous avez aussi fait parvenir et qui apportait certaines précisions intéressantes.

Je pense que vous avez clairement démontré, autant dans vos réponses, dans votre présentation que dans votre mémoire, à quel point la couverture en matière d'immigration est essentielle, que ce sont des services particuliers, des services de nature assez complexe et qu'il faut des personnes spécialisées pour bien connaître ces dossiers-là, que c'est, effectivement, un droit et qu'on ne devrait même pas se poser la question à savoir si on doit enlever ce droit-là. Je pense que votre mémoire est très clair.

Je vous poserai une seule question, parce que mon collègue porte-parole de la justice, le député d'Anjou, souhaite vous questionner, et aussi, on demandera le consentement, M. le Président, tantôt, pour mon collègue de Pointe-aux-Trembles, qui est porte-parole en matière d'immigration chez nous.

Alors, ma question est évidemment... Vous disiez tantôt que vous devez avoir une connaissance du pays et de la culture, et ça m'apparaît bien, bien, bien normal. Compte tenu que vous êtes quand même peu nombreux — une cinquantaine — et qu'il y a quand même beaucoup de pays, et que vous devez aussi établir certains contacts avec des membres d'une communauté pour que les nouveaux arrivants puissent vous connaître, et tout ça, est-ce que les avocats ne sont pas portés à se spécialiser pour un certain nombre de pays restreint, chacun, se donner un peu une spécialité pour un nombre plus restreint de pays ou si tout le monde ne se donne pas de spécialité, traite pour l'ensemble?

M. Buron (Denis): Comme dans plusieurs autres domaines, la réponse, ça serait: Ça dépend. Ça dépend des individus, bien sûr, ça dépend de chaque avocat qui peut se sentir plus ou moins confortable ou non. Ça dépend des affinités naturelles qu'il peut y avoir.

Mme Arpin (Danielle): Et il y a un autre «ça dépend»: ça dépend des conflits internationaux...

Une voix: Oui.

Mme Arpin (Danielle): ...qui évoluent en soi.

M. Buron (Denis): D'une part, je pense que la plupart de nos collègues, effectivement, ont une certaine spécialisation par pays. Parfois, simplement par affinité personnelle, un avocat qui a une origine ethnique particulière, souvent, s'intéressera aux gens qui ont la même origine que lui. D'autre part, il y a des avocats qui vont aussi se spécialiser selon un type de problème. Il y a certains avocats en matière d'immigration, par exemple, qui vont traiter, qui vont faire souvent affaire avec des gens qui ont été torturés ou qui vont faire souvent affaire avec des femmes qui ont été violées. C'est une forme d'expertise également qui est extrêmement importante, et, ça aussi, ça se produit.

Je pense que la majorité de nos collègues se spécialisent selon les régions du monde et non pas selon les pays, pour des raisons parfois évidentes. Exemple,

l'Amérique latine, c'est la même langue. D'accord? Exemple, les pays arabes, même raison. Souvent, les problèmes se répètent. De toute façon, ils sont très semblables dans les pays d'une même région. L'Amérique latine, c'est souvent des problèmes de guérillas à long terme; les pays arabes, c'est parfois des problèmes religieux ou ça peut être des problèmes, je dirais, d'exagération de religion, si vous me permettez de simplifier de cette façon. Alors, c'est de cette façon-là que, souvent, les gens se spécialisent.

Mme Caron: Je vous remercie beaucoup. Alors, moi, je terminerais, avant de céder la parole à mon collègue d'Anjou, en vous disant que vous nous avez vraiment bien exprimé les besoins et aussi parfaitement convaincus des conséquences sérieuses des décisions qui sont rendues dans ces dossiers. Merci beaucoup.

Le Président (M. Parent): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Me Arpin, Me Buron. L'an dernier, alors que j'étais porte-parole de l'Opposition en matière d'aide juridique, j'avais découvert qu'il existait un programme fédéral qui assurait la défense des revendicateurs du statut de réfugié politique qui arrivaient au Québec et qui faisaient la demande, à ce moment-là, d'être représentés par un avocat du gouvernement fédéral. C'était un programme qui était administré par une firme de comptables — je pense que c'était Price Waterhouse ou RCMP, je ne me souviens pas exactement — et c'était un service qui était très, très, très peu utilisé. Je pense qu'il y avait des crédits périmés, chaque année, par millions, qui étaient dans ce programme-là. Est-ce que ce programme existe encore?

M. Buron (Denis): Non. Premièrement, ça n'existe plus parce que ce programme, qui était administré par Peat, Marwick...

M. Bélanger: Par Peat, Marwick?

M. Buron (Denis): ...et les autres, ce programme n'existait que lors de la première étape. J'ai mentionné que la loi a été remodifiée, en vigueur en date du 1er février 1993, éliminant la première étape du processus. Alors, cette représentation qui était assurée par le fédéral dans les cas nécessaires n'était accessible qu'au niveau de cette première enquête. Alors, en éliminant la première enquête, le restant du programme disparaissait du même coup, de toute manière. Les articles qui se rapportaient à cela dans la loi ont été abrogés.

Deuxièmement, ce programme qui était, je dirais, une couverture de dernier recours, ne s'appliquait pas à tous les cas de demande, à tout événement. Il y a deux grandes situations de demande de refuge qui se produisent: il y a la personne qui demande le refuge au moment où elle entre au Canada, que ce soit, par exem- ple, en descendant de l'avion ou que ce soit en arrivant en voiture à la frontière, et il y a le cas de la personne qui est entrée au Canada, parfois très légalement, avec un visa de visiteur, par exemple, et qui, un jour, se présente au bureau de l'Immigration et demande le statut de réfugié. Ce programme fédéral ne s'adressait qu'aux gens qui demandaient le statut de réfugié au point d'entrée, seulement. Tous les gens qui demandaient le statut de réfugié après être entrés au Canada n'étaient pas éligibles à ce programme. J'ignore pourquoi, mais c'était la façon dont c'était fait.

Dans les statistiques que j'ai — j'ignore comment je vous les transmets — on mentionne les différents points d'entrée, on mentionne les différentes circonstances. Vous trouverez les colonnes R-20, R-27, ça fait référence aux articles 20 et 27 de la loi fédérale. Les rapports 20, comme on les appelle dans notre jargon, qui sont présentés par des gens qui arrivent aux points d'entrée de façon légale, c'est ceux-là qui étaient éligibles auparavant au système de couverture — je l'appellerais l'aide juridique fédérale, pour les fins de discussion — alors que les gens qui faisaient une demande à l'intérieur n'étaient pas éligibles. Dans les dernières statistiques, on pourrait constater que c'est environ 50 % d'un cas et de l'autre.

M. Bélanger: Merci. Donc, si je comprends bien, il n'existe plus aucun, présentement, programme fédéral. C'est ça?

M. Buron (Denis): Ça n'existe plus.

M. Bélanger: Plus aucun. (21 h 40)

M. Buron (Denis): Ça a été éliminé. Et même, dans les derniers temps, c'était complètement tombé en désuétude...

M. Bélanger: En désuétude.

M. Buron (Denis): ...et ça avait été relevé, ça avait été repris par l'aide juridique... j'ai le goût de dire «ordinaire», par contraste avec celle qui était qualifiée de «fédérale» un peu plus tôt.

M. Bélanger: M. le Président, tout à l'heure, en écoutant les remarques du ministre relativement à la disparition du bureau permanent de l'aide juridique, je me demandais si, peut-être, le premier ministre... le ministre, pardon...

M. Buron (Denis): Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Ah, on ne sait jamais.

M. Bélanger: Le ministre, le ministre. Ah! on ne sait jamais, c'est vrai. ...le ministre ne s'était pas rendu compte enfin, finalement, que les dossiers en matière d'immigration, peut-être, coûtaient moins cher quand ils

étaient traités par les permanents de l'aide juridique alors que, en pratique privée... Je me demandais s'il s'était rendu compte, peut-être, de ça, parce que c'étaient, à ce moment-là, les représentations qui lui avaient été faites.

Mais, ceci étant dit, je voudrais savoir, au niveau des conséquences de la disparition du bureau des permanents de l'aide juridique en matière d'immigration, est-ce que, depuis cette disparition, vous voyez, vous, sur le terrain, des fois, un problème pour certains mandats à trouver preneur en pratique privée, certains mandats assez complexes?

Le Président (M. Parent): Madame.

Mme Arpin (Danielle): Vous savez, cette situation a aussi coïncidé, à toutes fins pratiques, avec la modification législative faisant en sorte que les clients qui avaient des dossiers relativement complexes se sont présentés auprès des avocats qui faisaient des dossiers d'immigration depuis plusieurs années, et l'ensemble de nous tous se répartit ces dossiers cas par cas ou de façon arbitraire. Souvent, ces gens ont habituellement, quand même, les services d'un avocat, et nous demandons des mandats d'aide juridique, comme pour l'ensemble de nos revendicateurs. Ça a coïncidé quand même avec la modification...

M. Bélanger: Avec la modification.

Mme Arpin (Danielle): ...législative, faisant en sorte qu'il n'y a pas eu d'impact négatif par rapport à ces clients-là. L'ensemble d'entre nous qui prenons des mandats de l'aide juridique sommes disposés et disponibles, habituellement.

M. Buron (Denis): la vice-présidente adjointe de la commission de l'immigration et du statut de réfugié, à montréal, nous a déclaré récemment que 98 % des demandes de statut de réfugié étaient présentées avec les services d'un avocat. les 2 % restants sont présentés soit sans avocat ou soit par un conseiller qui n'est pas avocat. si 98 % sont représentés par un avocat, il ne doit pas y avoir tellement de difficultés à être représenté, même dans les cas complexes ou même dans les cas qui ne sont pas évidents du tout.

M. Bélanger: Dans votre mémoire, vous parlez d'une diminution constante, là, depuis la mise en vigueur de la nouvelle loi fédérale, des coûts de l'aide juridique reliés à l'immigration. Sans avoir des chiffres complets, est-ce que vous avez des estimés quant au pourcentage auquel on peut s'attendre, là, au niveau de la diminution des demandes ou au niveau de la diminution des coûts reliés à ça?

Une voix: ...

M. Bélanger: Vous les avez donnés?

M. Buron (Denis): Étant donné que la variation a été immense dans les dernières années, c'est assez difficile à prédire à moins d'être un devin extraordinaire. Ce qu'on peut garder en mémoire cependant, c'est que toutes les modifications législatives fédérales des dernières années ont eu pour but de restreindre les demandes de statut de réfugié au Canada. Je précise: au Canada, parce qu'elles n'ont jamais eu pour but de restreindre les demandes dans nos ambassades, par exemple, ou dans nos postes à l'étranger. Alors, dans la mesure où toutes les dispositions ont été faites pour limiter le nombre de demandeurs du statut de réfugié, on peut prétendre qu'elles ont suffisamment réussi leur but pour être arrivé à des chiffres plus raisonnables.

D'autre part, il ne faut pas oublier qu'on est les esclaves de la situation internationale. Lorsque le Bloc de l'Est s'est effondré, ça a affecté le nombre de demandeurs de statut de réfugié en provenance de l'est de l'Europe; lorsque la guerre Iran-Irak s'est terminée, ça a affecté le nombre de revendicateurs de cette région du monde là; lorsque l'Irak est allé s'amuser au Koweït, ça a affecté aussi. Tout ce qui arrive à travers le monde affecte le nombre de revendicateurs du statut de réfugié qui viennent au Canada. Alors, présentement, il serait honnête de dire que la situation à travers le monde est relativement calme, toutes proportions gardées. Mais, est-ce qu'on peut prétendre que ça va le demeurer? Moi, je n'oserais pas le prédire. Mais les portes du Canada sont relativement closes présentement comparé à ce que ça a déjà été. Ça, c'est un fait, et, moi, je me baserais sur ça pour dire que le nombre de demandeurs de refuge va varier quant aux pays, entre guillemets, producteurs de réfugiés, mais pas quant au total des demandeurs qui arrivent au Canada.

Le Président (M. Parent): Si j'ai bien compris, le député de Pointe-aux-Trembles demande la parole. M. le député de Pointe-aux-Trembles, ça fait plaisir de vous voir assis à cette table, revenir joindre vos collègues. Mais, avant de vous donner la parole, étant donné que vous n'êtes pas membre de cette commission, je dois demander la permission, un consentement aux membres de cette commission. Je suis convaincu, connaissant leur générosité, que c'est avec empressement qu'ils vont vous accueillir.

Une voix: ...

Le Président (M. Parent): M. le député de Pointe-aux-Trembles, je vous reconnais.

M. Bourdon: M. le Président. Vous avez parlé de l'instance fédérale puis de l'instance québécoise. Le Bureau de révision en immigration, comparativement à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, est-ce qu'il occasionne du travail pour la peine ou s'il a une importance mineure?

M. Buron (Denis): Le Bureau de révision en

immigration est un tribunal presque fantôme. Sa juridiction est beaucoup trop limitée. Elle ne s'adresse qu'à des situations extrêmement particulières. Et ça a été la position de notre association, récemment, que la juridiction de ce tribunal devrait être augmentée pour rencontrer tous les cas sujets à litige en matière de l'application de la loi québécoise.

C'est la situation actuelle. Dans la mesure où sa juridiction serait étendue, peut-être que ça pourrait affecter l'aide juridique, parce que c'est le sujet qui nous préoccupe aujourd'hui. Mais, dans la situation actuelle, ça doit très peu concerner l'aide juridique, si ça concerne l'aide juridique. Je ne serais pas capable de répondre plus précisément.

M. Bourdon: D'accord. Il reste qu'en général ce sont des avocats qui représentent les personnes qui vont au Bureau de révision en immigration.

M. Buron (Denis): Lorsque les gens sont représentés, oui.

M. Bourdon: Oui. Maintenant, vous dites que le nombre de causes, dans le fond, est passé de 13 000 à 6000, grosso modo. Est-ce que, ça, c'est attribuable uniquement à l'arriéré qu'on a rattrapé ou si la situation internationale puis les contrôles plus stricts de l'entrée au Canada aussi expliquent... Autrement dit, est-ce qu'il y a moins de réfugiés qui arrivent ou s'il y a juste une régularisation qu'on a faite des arriérés qu'il y avait?

M. Buron (Denis): II y a une régularisation des arriérés, il y a moins de réfugiés qui arrivent, il y a une situation internationale qui s'est adoucie, il y a des modifications législatives qui ont barré un peu plus les portes, mais il y a aussi, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, de plus en plus de réfugiés dans les camps à travers le monde. Il n'y a pas moins de réfugiés sur la planète, ils sont juste pas à la même place.

Mme Arpin (Danielle): Et souvent, ils ne peuvent pas quitter ces lieux de persécution, pour différentes raisons, entre autres, souvent, le point de vue économique. Il est quand même difficile et périlleux de parcourir le monde pour une fin de protection.

M. Bourdon: En fait, je vous parlais du Bureau de révision en immigration. Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y a un paradoxe que, d'une part, le gouvernement nous dise qu'il a presque acquis la souveraineté en immigration, mais que, la seule instance qui a vraiment des pouvoirs pour sortir quelqu'un du pays ou lui permettre d'entrer, ça demeure quand même le fédéral? Je veux dire, si on avait quasiment tous les pouvoirs, comment expliquer que le Bureau de révision, qui est de notre juridiction au Québec, soit une instance, d'après ce que vous me dites, qui est pas mal fantomatique?

M. Buron (Denis): Pour que le BRI ne soit pas un fantôme, il faudrait peut-être que le gouvernement lui donne plus de juridiction. Ce n'est pas un problème de juridiction ou de compétence juridictionnelle fédérale-provinciale, c'est un problème de la compétence qui est attribuée au BRI par le gouvernement du Québec.

M. Bourdon: Et, quelle compétence, d'après vous, pourrait lui être confiée, qui lui ferait jouer un rôle plus significatif?

M. Buron (Denis): La portion manquante, quant au BRI, c'est de pouvoir déterminer que des gens devraient pouvoir venir ou devraient pouvoir demeurer au Canada pour des raisons d'équité, pour des raisons humanitaires. Cette compétence échappe complètement au Bureau de révision en immigration, même si elle fait partie de la compétence provinciale.

Le Président (M. Parent): Ça va, M. le député de Pointe-aux-Trembles?

M. Bourdon: Oui.

Le Président (M. Parent): Alors, merci beaucoup. Il vous reste encore quelques minutes, madame la porte-parole. (21 h 50)

Mme Caron: Oui. M. le Président, vous avez dit qu'en matière litigieuse, finalement, c'était presque exclusivement des avocats qui représentaient; il y a une toute petite portion qui n'est pas représentée par des avocats, et vous nous avez dit que le Barreau était pour faire certaines vérifications. Est-ce que — vous n'y faites pas allusion dans votre mémoire, mais je l'ai lu dans d'autres mémoires — c'est parce que vous considérez que, dans certains cas, des immigrants ont été représentés par des personnes qui n'avaient pas les compétences et que, finalement, les immigrants ont eu à payer pour des services puis se sont finalement fait carrément avoir? C'était plutôt presque de la fraude. Les gens ne connaissant pas le pays, et tout ça, donc, certaines personnes en profitaient vraiment.

M. Buron (Denis): J'ai une connaissance personnelle d'au moins un cas qui est présenté au Barreau comme étant un cas de fraude de la part d'un conseiller en immigration, qui est d'ailleurs un ex-avocat. Celui-ci, et sans entrer dans plus de détails que ça, celui-ci a eu l'audace de dire à ses clients qu'il n'est pas nécessaire d'être avocat pour les représenter, et leur facture des coûts prohibitifs pour faire des procédures inutiles et probablement illégales. Cette situation est présentée devant le Barreau présentement. Je pense à un individu en particulier, parce que j'ai le dossier en main moi-même. C'est une situation que je représente au Barreau. Mais je sais qu'il y en a d'autres et, dans le milieu, on connaît un certain nombre d'individus qui sont à risque ou à soupçon. Évidemment, faire une telle preuve, c'est délicat.

Le Présidait (M. Paraît): Merci. Alors, il nous reste une minute, une minute et demie, deux minutes.

Mme Caron: J'avais une dernière petite question, M. le Président.

Le Président (M. Parent): Allez, allez, allez. Allez, madame, pour compenser.

Mme Caron: Dans votre mémoire, en page 8, vous dites que les honoraires moyens en 1991-1992 étaient de 543,83 $. Est-ce qu'on peut se parler, actuellement, des mêmes chiffres pour un dossier? Disons que ça doit varier, dépendamment des interventions qui sont à faire, mais les coûts moyens d'honoraires dans les dossiers d'immigration...

M. Buron (Denis): II faudrait demander à l'aide juridique elle-même de nous donner les chiffres, parce que ces chiffres-là sont tirés du document de consultation. C'est le coût total en matière d'immigration...

Mme Caron: C'est ça. Les mêmes chiffres...

M. Buron (Denis): ...divisé par le nombre de dossiers.

Mme Caron: ...que ce qu'on retrouve...

M. Buron (Denis): Exactement. Je ne les ai pas inventés, ces chiffres-là, je m'en suis servi pour la démonstration d'une diminution de coûts par rapport à la diminution du nombre de dossiers, sans plus. Le coût réel par dossier, maintenant, je l'ignore.

Mme Caron: Les dossiers que vous traitez, vous, à peu près.

M. Buron (Denis): Ça varie quand même d'un dossier à l'autre, et c'est pour ça que j'hésite à répondre, parce que le tarif de l'aide juridique, comme vous le savez fort bien, est à l'acte, finalement. Et, en matière d'immigration, on pense à des demi-journées en particulier, et un dossier complexe pourra nécessiter plusieurs demi-journées, un dossier plus simple pourra nécessiter peut-être une heure d'audition. Dans ce cadre-là, c'est difficile, je pense, sans s'aventurer, de donner un coût moyen par dossier ou de donner un revenu moyen par dossier.

Mme Caron: Le coût le plus faible et le coût le plus élevé?

Le Président (M. Parent): Je vous rappelle... M. Buron (Denis): Le coût le plus faible...

Le Président (M. Parent): ...que la période est terminée. Finissez la réponse.

Mme Caron: Le plus faible et le plus élevé?

Mme Arpin (Danielle): Le plus élevé, on ne peut pas vous donner un chiffre précis, parce que la situation sera de comptabiliser les demi-journées, demi-journées qui sont évaluées actuellement selon le tarif expiré depuis avril 1992, mais avec lequel nous vivons toujours; il est de 136,50 $ par demi-journée. Mais, par contre — et là, vous ferez le calcul, si on fait deux demi-journées ou quatre demi-journées — toute la partie que je vous exposais tantôt, la préparation du formulaire et les nombreuses heures qui sont afférentes à cette tâche, tout comme la préparation de l'audition, aussi nombreuses heures afférentes à cette pratique, à cet élément de la situation, représentent un seul montant de 260 $.

M. Buron (Denis): Si vous me permettez, je vais répondre à votre question d'une autre façon. Plutôt que de vous donner le plus bas et le plus élevé, je vais vous donner des statistiques que j'ai tenues pendant très longtemps dans mon bureau, pour fins personnelles. Je compilais, comme tout avocat devrait peut-être le faire, le nombre d'heures que je passe dans un dossier, même si l'aide juridique n'est pas facturée à l'heure, et je comparais avec le paiement final. Je peux vous dire ceci: Dans les dossiers simples, donc les dossiers dans lesquels j'ai peu de travail à faire, je faisais des honoraires moyens de 50 $ par heure. Dans les dossiers complexes, les dossiers qui demandent beaucoup de travail et beaucoup d'heures de préparation et d'audition, peut-être 10 $ l'heure. Je ne connais pas beaucoup d'avocats qui chargeraient un tel tarif dans le privé.

Le Président (M. Parent): Merci, M. Buron. Mme Caron: Merci beaucoup.

Le Président (M. Parent): Mme la députée, en conclusion.

Mme Caron: Je vous remercie beaucoup, Me Buron, Me Arpin, pour votre présence et pour les informations supplémentaires que vous avez ajoutées à votre mémoire et à votre addenda, qui était déjà très complet. Merci beaucoup.

Le Président (M. Parent): M. le ministre, en conclusion de cette dure journée de travail, nous vous écoutons.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. J'ai les chiffres, ici, concernant la question de Mme la députée de Terrebonne. Sous l'ancienne loi, là, en matière d'immigration, on a fait des évaluations de tout ça, la pratique privée, ça coûtait plus ou moins 785 $ par dossier, en moyenne; et, au niveau des avocats permanents, 485 $ par dossier. Sous la nouvelle loi, la pratique privée, plus ou moins 460 $, permanent, plus ou moins 325$.

Je retiens, Me Arpin et Me Buron, de votre mémoire et de votre exposé, que, dans un premier temps, vous plaidez qu'on doit, en vertu de décisions de la Cour suprême, de la Charte canadienne, fournir aux revendicateurs du statut de réfugié et également aux immigrants... Vous avez fait des nuances, Me Buron, que j'aurais aimé discuter avec vous si on avait eu un peu plus de temps là, mais vous arrivez à la conclusion que, juridiquement, constitutionnellement, légalement, on doit donner des services d'aide juridique, que les services d'aide juridique doivent être fournis à ces gens-là. Ça, c'est un des éléments majeurs de votre mémoire.

Votre deuxième élément tourne autour de la couverture des services. Ce que vous nous dites: N'intervenez pas au niveau de la couverture de services; vous donnez les services ou vous ne les donnez pas du tout. C'est ce que je comprends de votre mémoire. Alors, essentiellement, ce que vous nous suggérez, dans votre secteur d'activité, c'est le statu quo. Et, comme vous ne dites pas un seul mot sur les honoraires, je comprends que votre silence doit être interprété comme le grand principe en droit: qui ne dit mot consent.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Ajouté à quasiment l'assentiment que vous m'avez donné sur le statu quo quant à l'ensemble, j'ai envie de tirer la conclusion que vous êtes relativement satisfaits des honoraires, du tarif d'aide juridique, contrairement à d'autres avocats en matière de droit du travail qui étaient beaucoup plus revendicateurs à ce niveau-là. Vous avez envie de réagir, Me Arpin?

Mme Arpin (Danielle): Oui, oui.

Le Président (M. Parent): Mme Arpin, je vous...

M. Lefebvre: Alors, vous savez...

Le Président (M. Parent): ...laisse réagir pour une minute, mais je vous dis immédiatement que vous n'êtes pas...

M. Lefebvre: ...il y a une règle qui veut qu'un avocat ne pose jamais une question à moins d'être sûr de la réponse. J'ai pris un risque volontaire, je voulais vous entendre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Arpin (Danielle): Simplement pour vous dire que, de ce qu'on savait du forum aujourd'hui ou du lieu, ce n'était pas l'endroit pour parler de négociations du tarif. Et, ne vous inquiétez pas, M. le ministre, nous avons des représentations solides à faire à ce sujet.

M. Lefebvre: Merci.

Mine Arpin (Danielle): Aujourd'hui, nous étions ici pour parler de la couverture.

M. Lefebvre: Je l'apprécie, madame. Merci Me Arpin, merci Me Buron.

Le Président (M. Parent): Merci Mme Arpin, merci, M. Buron.

Alors, l'ordre du jour étant épuisé, cette commission ajourne ses travaux à demain, 10 heures, au même endroit, et je remercie tous les participants.

(Fin de la séance à 21 h 59)

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