L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des institutions

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des institutions

Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mercredi 9 mars 1994 - Vol. 32 N° 74

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le régime d'aide juridique et sur le document intitulé « L'aide juridique au Québec: une question de choix, une question de moyens »


Journal des débats

 

(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Parent): J'invite les députés à prendre place. Les travaux de la commission vont débuter incessamment, dès que les joueurs seront en place. La commission des institutions continue ses travaux — ils ont débuté la semaine dernière — dans le cadre du mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale, à savoir de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le régime d'aide juridique et sur le document intitulé «L'aide juridique au Québec: une question de choix, une question de moyens». Alors, dans quelques secondes, lorsque tous les membres de la commission seront arrivés, nous allons débuter pour de bon et officiellement nos travaux et considérer la séance comme ouverte. Mme la secrétaire, est-ce que nous avons quorum?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Parent): Nous n'avons pas quorum. Alors, Mme la secrétaire, faites sonner les cloches. Les députés, comme les gens qui vous ont précédés hier soir, ont siégé jusqu'à 22 heures; ils ne sont peut-être pas allés au lit immédiatement après. Je ne sais pas ce qui se passe.

La séance va débuter immédiatement. Je vous ai rappelé le mandat de la commission au tout début.

Mme la secrétaire, est-ce que, aujourd'hui, nous aurons des remplaçants?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Paradis (Matapédia) remplace Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata); M. Lemire (Saint-Maurice) remplace M. Hamel (Sherbrooke); M. Gobé (Lafontaine) remplace M. Maciocia (Viger).

Le Président (M. Parent): Merci. Alors, je vous fais lecture de l'ordre du jour, c'est le menu de nos travaux pour la journée. Ce matin, dans un premier temps, la commission accueille la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec; de 11 heures à 12 heures, la Fédération des ACEF du Québec. Alors, j'imagine que l'ordre du jour est adopté. Il est adopté. De 12 heures à 13 heures... Ah oui! Accès-Justice, excusez-moi. Accès-Justice, de 12 heures à 13 heures. Nous avons trois groupes ce matin.

Auditions

Alors, l'ordre du jour étant accepté, j'invite le porte-parole de la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec à nous présenter la personne qui l'accompagne et à nous faire connaître le contenu de son mémoire. Je veux d'abord le remercier aussi d'avoir répondu à l'invitation de la commission à venir aider les membres de cette commission dans la poursuite de leur recherche de l'amélioration de notre système d'aide juridique.

Comme vous le savez, les travaux de la commission sont répartis sur environ une heure séparée entre un tiers, un tiers, un tiers. Vous avez entre 15 et 20 minutes pour présenter votre rapport, et la même chose pour les membres de la commission parlementaire. Alors, nous vous écoutons, dans un premier temps. M. le porte-parole, j'imagine que c'est M. Giroux... M. Beaudoin, pardon, qui est le porte-parole, et il est accompagné de M. Giroux. Alors, M. Beaudoin, bienvenue et, encore une fois, le micro vous appartient.

Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec (FNACQ)

M. Beaudoin (Roger): Merci, M. le Président. M. le ministre, mesdames, messieurs, je vais céder pour tout de suite la parole à M. Giroux, qui pourra se présenter, et, ensuite, je reprendrai la parole.

M. Giroux (Michel): Je suis un membre du conseil d'administration de l'ACEF de Québec. On est ici au nom de la FNACQ parce que l'ACEF de Québec travaille en lien, et plus qu'en lien, je dirais, responsable de dossiers nationaux par la participation de nos permanents à la FNACQ. Moi, je suis sur le conseil d'administration depuis trois ans. Je suis un syndiqué de l'enseignement mais je m'intéresse beaucoup à l'action des groupes populaires pour la défense des droits des personnes démunies, et l'ACEF rencontre les objectifs, tout au moins les miens. Et je suis un bénévole qui accompagne ce matin un permanent que je considère un de nos meilleurs permanents à l'ACEF de Québec et à la FNACQ.

Le Président (M. Parent): Remarquez bien que lui me disait qu'il avait le meilleur bénévole avec lui.

M. Giroux (Michel): Parfait. On s'entend bien. (10 h 10)

M. Beaudoin (Roger): Alors, c'est que, voyez-vous, il y a différentes personnes impliquées dans nos groupes, qui sont effectivement bénévoles la plupart du temps, et ce n'est pas tout le monde qui pouvait venir ici aujourd'hui, mercredi à 10 heures le matin. Alors, les personnes qui sont bénévoles et qui connaissent le dossier de l'aide juridique ne pouvaient pas être présentes,

donc ça va être plus moi, au niveau de la permanence, qui vais prendre la parole aujourd'hui au niveau des explications.

Alors, notre mémoire, en fait, est un mémoire très succinct, comme vous l'avez remarqué, parce que je vous dirai bien franchement qu'on avait certains objectifs fondamentaux qu'on poursuivait et une priorité que vous allez sentir dans mes propos, mais, d'abord, j'aimerais commencer notre présentation par un petit préambule qui est un extrait du rapport du Groupe de travail sur l'accessibilité à la justice, «Jalons pour une plus grande accessibilité à la justice». Vous ne trouvez pas ça dans notre mémoire, mais ça nous semble important.

On disait, dans l'introduction du rapport, ceci: «II va de soi que la personne qui a les moyens de s'assurer les services d'un avocat afin de voir à ce que soient respectés ses droits conserve une bonne longueur d'avance sur celle dont les besoins primaires ne sont même pas assouvis. Ainsi, l'individu qui arrive difficilement à se payer un logement ou un repas convenable n'aura certes pas comme premier souci de faire valoir ses droits dont, au surplus, il ignore parfois même jusqu'à l'existence. D'ailleurs, il convient ici de rappeler que l'accessibilité à la justice ne constitue qu'une des composantes des problèmes socio-économiques rencontrés par les gens les plus démunis de la société. De ce fait, l'efficacité des mesures suggérées pour une meilleure accessibilité à la justice dépendra en grande partie de l'amélioration des conditions de vie de ces personnes.»

Ça nous semble important de rappeler que l'aide juridique en tant que telle est un des outils pour une meilleure justice dans la société ou un plus grand accès à la justice mais que nos gouvernements et l'ensemble de la société doivent aussi se donner comme priorité — parmi d'autres, mais une des plus grandes priorités de notre société et de nos gouvernements — la lutte à la pauvreté, à l'exclusion, au chômage et au développement des inégalités sociales. Parce qu'on vit malheureusement une situation, depuis plusieurs années, d'appauvrissement de la population un peu partout au Canada et au Québec. Et, nous, comme association de consommateurs orientée beaucoup d'abord vers les gens a faibles et modestes revenus, on vit très durement cet accroissement de pauvreté, soit par la pression sur nos services directs, et aussi pour représenter les intérêts des gens, et aussi tout simplement parce que, parmi nous, parmi nos membres, parmi nos familles, nous-mêmes dans bien des cas, on vit un phénomène d'appauvrissement très dur.

Donc, quand les gouvernements prennent des décisions comme, par exemple, au niveau fédéral, de couper dans l'assurance-chômage, dernièrement, et, en plus, d'amener une partie des gens qui pouvaient continuer sur F assurance-chômage antérieurement mais qui maintenant vont être obligés de faire affaire avec l'aide juridique, bien, on augmente la pauvreté et on augmente aussi la pression sur les finances publiques dans les programmes qui s'adressent aux personnes à faibles revenus.

Alors, comme je le disais tout à l'heure, notre mémoire est bref, notre fédération n'a pas l'intention de traiter tous les sujets qui tournent autour de l'aide juridique. Par contre, si vous avez des questions que nous n'avons pas touchées, nous tenterons d'y répondre dans la mesure de nos réflexions.

Brièvement, la FNACQ, en termes de présentation, c'est une fédération qui existe depuis 1978, une fédération qui maintenant compte cinq organisations de consommateurs et de consommatrices, les ACEF de l'Estrie, de Granby, de Québec, de la Rive-Sud de Montréal, à Longueuil, ainsi que l'ACEF du Haut-Saint-Laurent, à Valleyfïeld. On intervient dans différents domaines comme, par exemple, l'agro-alimentation, la téléphonie, l'électricité, l'endettement, le crédit, la fiscalité, etc., et sur différents dossiers d'actualité touchant de près les intérêts des consommateurs et des consommatrices. D'autre part, quatre de nos groupes membres fournissent également des services de consultation budgétaire à la population de leur région. À titre indicatif, mentionnons que la FNACQ était représentée parmi les associations de consommateurs présentes au Sommet de la Justice en février 1992.

D'après nous, la grande urgence au niveau du régime d'aide juridique, c'est de rétablir l'accès gratuit à l'aide juridique pour les personnes et les familles à faibles revenus. Et, selon nous, c'est ça qui est la priorité, c'est ça qui est l'urgence, une urgence qui doit entraîner qu'on rétablisse l'accessibilité de la population à faibles revenus à l'aide juridique. Écoutez, on n'est pas les seuls à en parler, mais rappelons que le Groupe de travail sur l'accessibilité à la justice qui a fait un travail très important et qui était composé d'éminentes personnes de différents milieux, dont le milieu de la magistrature et du droit et d'autres milieux, allait lui aussi dans ce sens dans son rapport, en juin 1991, et c'était une de ses principales recommandations.

Rappelons aussi que la Commission des services juridiques, qui est bien placée pour sentir les besoins de la population et l'évolution du régime d'aide juridique, de nombreuses fois a demandé un rétablissement des barèmes. Le rétablissement, c'est un rétablissement important et, à notre avis, ça devrait être rétabli à la valeur réelle en tenant compte d'une inflation de 1973 ou, si vous préférez, que les gens qui vivent sous le seuil de pauvreté du Conseil national du bien-être social aient accès à l'aide juridique.

Et, ce qu'on pense, c'est que, si le gouvernement laisse encore pourrir la situation — parce que depuis de nombreuses années il n'y a pas eu d'indexation des seuils d'admissibilité — de plus en plus de personnes vivant sous le seuil de la pauvreté ne pourront correctement se défendre face à d'autres disposant d'une meilleure situation financière ou face à des corporations ou compagnies qui peuvent plus facilement se défendre, et même, dans un certain nombre de cas, face à l'État lui-même. Alors, c'est l'urgence. C'est clair, le gouvernement doit absolument procéder à une bonification de l'accès à ce régime à très court terme — et on parle

d'accès gratuit, en termes d'urgence — et lui permettre de revenir à une accessibilité réelle du même type qu'en 1973 quand il a été créé.

Si le gouvernement considère que la marche à gravir est trop haute et trop coûteuse à court terme, qu'il procède par étapes, mais rapidement. Un rétablissement en deux ou trois ans, mais avec un échéancier bien établi, pourrait possiblement faire l'affaire pour répondre, entre autres, au fait que ça pourrait coûter plus cher.

La pertinence du régime d'aide juridique en 1993-1994, on est tout à fait d'accord pour dire que c'est tout à fait pertinent. On rappelle que le Groupe de travail sur l'accessibilité à la justice lui aussi évaluait de façon très positive le régime. Nous sommes tout à fait d'accord. Ce qu'on dit aussi, c'est: Nous, comme association de consommateurs, on rencontre des gens qui auraient un dossier solide à faire valoir en termes de défense de droits, la plupart du temps absolument pas pour obtenir des avantages indus, comme le croiraient certains, mais bien pour faire valoir leurs droits essentiels. Bien souvent, ces gens abandonnent leurs démarches faute de moyens face aux moyens plus importants des professionnels, des compagnies et parfois de l'État. S'il était plus accessible, moins de ces gens-là renonceraient à la défense de leurs droits.

À notre avis, l'indexation annuelle des critères d'admissibilité selon l'indice de la protection de la consommation ou selon l'évolution des seuils de pauvreté du Conseil national du bien-être social s'imposerait pour éviter des situations qu'on a connues de non-indexation pendant de nombreuses années. Il faudrait conserver l'indexation annuelle des critères d'admissibilité.

En ce qui a trait aux frais modérateurs, il a été question à différentes reprises de frais modérateurs de 20 $, de 30 $, de 40 $ pour l'ouverture d'un dossier. Nous nous objectons absolument à cela car il faut bien comprendre que, pour des personnes qui ont des revenus très faibles ou faibles, 40 $, 30 $, 20 $, c'est un véritable empêchement d'aller plus loin. Pour des gens qui gagnent 50 000 $, si c'était le cas, ça serait petit. Pour des gens qui doivent dépenser l'ensemble de leur argent pour subvenir à leurs besoins essentiels de base, c'est une barrière difficilement franchissable.

En ce qui a trait au pouvoir discrétionnaire, à notre avis, actuellement, il est possible, dans certains cas, d'obtenir de l'aide juridique même si on n'est pas admissible, par exemple selon les critères d'admissibilité, les barèmes. Ça nous semble important de maintenir ce pouvoir discrétionnaire qui est actuellement utilisé. Et, utilisé judicieusement, ce pouvoir peut aider des gens directement impliqués, mais, dans certains cas, aider aussi la défense d'un cas type.

En ce qui a trait au réseau d'aide juridique, il nous semble que ce réseau est très utile et qu'il ne serait pas avisé de l'abolir ou de le diminuer de façon très importante, même si ça s'est fait, parce que, à notre avis, de différentes façons, ce réseau est utile entre autres par sa fonction d'information et d'animation des milieux. Évidemment, cette fonction-là est remplie de façons diverses suivant les localités et les régions, mais plusieurs centres jouent un rôle dynamique dans leur milieu, et c'est très important. (10 h 20)

En ce qui a trait à l'admissibilité des organismes à but non lucratif défendant les droits des personnes défavorisées, nous appuyons complètement, encore là, une des recommandations du Groupe de travail sur l'accessibilité à la justice, c'est-à-dire que l'aide juridique soit accordée à un groupe de personnes ou à une corporation sans but lucratif lorsque, d'une part, les ressources financières de ce groupe ou de cette corporation sont insuffisantes, et ce, sans égard aux ressources financières de ses membres, et que, d'autre part, l'objectif poursuivi par ce groupe ou cette corporation est de venir en aide aux personnes économiquement défavorisées et de défendre leurs droits, ainsi que si le but du service demandé est en relation avec l'objectif poursuivi.

En ce qui a trait à l'étendue actuelle de la couverture des services, il faut dire que nous, comme association de consommateurs, on n'est pas familiers avec l'ensemble des services couverts. Par exemple, ce n'est pas nous qui allons aider des gens à se défendre devant la CSST, par exemple. On ne peut pas tout faire, comme association de consommateurs; donc, on n'est pas familiers avec tous, tous, tous, tous, tous les services qui, actuellement, sont couverts par l'aide juridique.

Ceci dit, nous pensons qu'il serait dangereux de remettre en question des pans de cette couverture car cela serait remettre en question l'accès à la défense de ses droits dans notre société où l'arbitraire du plus fort et de l'administration doit être limité afin de permettre des recours adéquats. Ceci dit, dans les cas où les gens peuvent être défendus de façon à peu près égalitaire entre deux parties, par exemple au niveau de la Cour des petites créances, si on évalue que les deux parties n'ont pas le droit d'utiliser les services d'un avocat — il peut y avoir une certaine forme d'inégalité dans le sens que les gens ne sont pas toujours bien préparés de part et d'autre à passer à la Cour des petites créances, mais il y a la manière de faire, c'est-à-dire moins procédurière, et l'attitude d'un juge qui se veut moins procédurier et à l'écoute des deux parties de façon moins complexe que s'il y avait des avocats — dans les cas où il y a une véritable situation qu'on peut évaluer, grosso modo, d'égal à égal, à ce moment-là, c'est possible de penser que l'aide juridique ne couvrirait pas certains types de défense, par exemple.

Mais, dans la plupart des cas, une des deux parties utilise les services d'un avocat et, si on enlevait des pans de couverture de l'aide juridique actuellement couverts, si ça voulait dire que des gens se ramasseraient devant un tribunal administratif, par exemple, face à une administration défendue par un avocat ou face à des fonctionnaires qui connaissent énormément la loi et les dossiers en cause, à ce moment-là, la personne qui n'aurait plus droit à l'aide juridique pour faire défendre

son point de vue par un avocat serait désavantagée. Face à cette situation, nous avons tendance, nettement, à favoriser le maintien complet des services actuellement couverts par le régime d'aide juridique.

En conclusion, il nous apparaît que l'accès à la justice est une nécessité vitale dans une société comme la nôtre et, d'autre part, il est clair que l'accès n'est pas possible pour les personnes et familles à faibles revenus s'il n'existe pas des outils collectifs comme le régime québécois d'aide juridique. Cet outil demeure utile et essentiel, mais il faut qu'il soit accessible à la population qui en a le plus besoin, soit les personnes et familles à faibles revenus. Donc, à notre avis, l'urgence est de rétablir l'accessibilité de l'aide juridique au niveau de son instauration en 1973, ou à peu près, à tout le moins d'entreprendre le plus rapidement possible un rattrapage en ce sens.

J'ajoute deux éléments. Par rapport aux coûts que ça implique, à notre avis, c'est tellement important, ce dossier-là, c'est tellement important pour la défense des gens que l'État devrait aller de l'avant même si ça implique des coûts de plusieurs dizaines de millions de dollars supplémentaires. Il faut choisir ses priorités au niveau fiscal, au niveau des dépenses; à notre avis, cette dépense devrait être prioritaire.

Deuxièmement, dans les travaux du groupe d'accès à la justice et dans les travaux du Sommet de la Justice, il y a eu bien des propositions qui débordent l'aide juridique pour essayer, justement, de contrôler les coûts et, dans certains cas, il y a eu des décisions qui ont été prises, dans d'autres cas il n'y en a pas eu. Par exemple, rappelons que les groupes de femmes qui passaient dernièrement devant la commission, ici, ont dit, entre autres choses, que, s'il y avait un mécanisme automatique de perception des pensions alimentaires, bien, les femmes — dans la plupart des cas, c'est des femmes, bien sûr — auraient moins besoin d'aide juridique pour aller défendre leur dossier devant la cour et que, donc, même si ça coûtait de l'argent de mettre en place une perception automatique des pensions alimentaires il y aurait des économies à d'autres niveaux, dont au niveau de l'aide juridique.

Et, dernièrement, j'assistais au Forum sur la fiscalité des familles, à Montréal, et des personnes de groupes de femmes disaient qu'en Ontario il y avait eu un mécanisme de perception automatique des pensions alimentaires qui avait été mis en place, qui avait coûté 25 000 000 $. Mais, parallèlement à ça, il y a eu des économies de 28 000 000 $ au niveau de l'aide sociale en Ontario. Alors, il y a des moyens de contrôler les coûts ou de diminuer les coûts, qui ne sont pas nécessairement seulement de rendre plus difficile l'accès à l'aide juridique pour les gens qui en ont besoin.

Autre exemple. J'en parlais tout à l'heure, quand le fédéral coupe dans l'assurance-chômage, il y toutes sortes de phénomènes qui entrent en ligne de compte. Un des phénomènes, c'est qu'il va y avoir plus de monde sur l'aide sociale, donc plus de monde qui va avoir droit à l'aide juridique. Bien, arrangeons-nous donc pour qu'il y ait moins de gens pauvres dans notre société. Ça coûterait peut-être moins cher au niveau de l'aide juridique.

Dernier point, la réforme de l'aide sociale au Québec, en multipliant les types de situations — apte, non apte, etc., toutes sortes de situations complexes — a complexifié le régime, ce qui a amené, évidemment, une augmentation des cas de révision, ce qui a amené, évidemment, une augmentation des coûts de l'aide juridique. Est-ce que ces coûts supplémentaires d'aide juridique n'auraient pas dû être facturés au ministère de la Sécurité du revenu d'où provenait la réforme? Une réflexion, en passant.

Alors, bref, pour nous, la priorité est claire et nous sommes disponibles pour échanger avec vous. Même sur quelques aspects qu'on a moins touchés, on répondra avec plaisir, dans la mesure du possible. Merci beaucoup de votre attention.

Le Président (M. Parent): Je vous remercie beaucoup, M. Beaudoin, de nous avoir présenté votre mémoire, et je reconnais immédiatement le premier intervenant, le ministre de la Justice. M. le ministre.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Alors, M. Beaudoin et M. Giroux, je veux vous souhaiter la bienvenue en mon nom et au nom des membres de la commission, des parlementaires membres de la commission des institutions.

J'ai indiqué que j'ai pris connaissance de votre mémoire qui est repris, M. Beaudoin, ce matin, par votre intervention, votre exposé qui touche, évidemment, les points essentiels. Et vous le dites, d'ailleurs, dans l'introduction de votre mémoire, que vous avez décidé de ne pas tout couvrir ce qui apparaissait dans le document de questionnement dont vous vous êtes inspiré. Alors, c'est volontairement, et je trouve ça bien qu'on... D'ailleurs, vous n'êtes pas le premier organisme qui insiste sur certains points très précis, très particuliers.

J'aimerais, dans un premier temps, vous demander de quelle façon la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec intervient avec, en même temps, parallèlement les ACEF de l'Estrie, de Granby, etc.? Vous l'indiquez dans votre document, à la page 3, lorsque vous présentez la FNACQ, que vous travaillez en collaboration avec des ACEF. De quelle façon, là, techniquement, ça fonctionne tout ça?

M. Beaudoin (Roger): Oui. Alors, écoutez, le modèle fédératif, disons... En passant, on est quasiment dans des questions constitutionnelles quand on parle de fédération, de confédération, etc. Dans le milieu des organismes à but non lucratif ou des organismes coopératifs — on pense, par exemple, au Mouvement Desjardins pour prendre un exemple, ou dans le domaine syndical aussi, souvent — vous avez des associations locales, et, à ce moment-ci, la FNACQ a donc cinq associations locales. Ces associations-là, sur une base

locale et régionale, fournissent des services à la population de la région. Et on a des membres; chaque ACEF a des membres, chaque ACEF a un personnel, etc. Mais une partie des énergies, assez importante, est orientée vers les services directs à la population. (10 h 30)

D'autre part, quand on travaille à défendre les intérêts des consommateurs, on ne peut pas se contenter seulement d'aider les individus à essayer de régler leurs problèmes. On se rend compte, chemin faisant, bien sûr, qu'il n'y a pas que des problèmes individuels et familiaux, il y a aussi des problèmes sociaux. Et, pour régler ces problèmes-là, il y a différentes façons d'agir. Une des façons d'agir, c'est d'essayer de faire des représentations pour améliorer les régimes de certains services publics ou améliorer certaines lois. Et je rappelle en passant que le mouvement des ACEF, dans les années soixante, qui s'est mis en place dans les années soixante, a été un des mouvements les plus revendicateurs pour la mise en place d'un régime d'aide juridique au Québec; également, il a été un des mouvements d'associations qui ont été en bonne partie responsables du fait qu'aujourd'hui on a une loi de la protection du consommateur au Québec et un office de la protection du consommateur. Alors, c'est des exemples un peu anciens, mais c'est des exemples de la nécessité d'agir aussi au niveau plus collectif.

Techniquement, par exemple, il y a des groupes qui travaillent plus dans certains domaines que d'autres et il y a des porteurs de dossiers. Exemple: dans le domaine de la protection de la consommation et des rapports qui ont à voir plus avec l'aide juridique ou les questions judiciaires ou juridiques, l'ACEF Estrie et l'ACEF de Québec sont plus présentes dans ce genre de dossiers là.

M. Lefebvre: M. Beaudoin, vous avez dit à plusieurs reprises dans votre exposé, ce qui apparaît d'ailleurs dans votre document, qu'il faut «prioriser». Vous le dites et vous nous demandez de «prioriser» au niveau de notre démarche. Vous le dites également d'une façon un petit peu différente lorsque vous nous suggérez de rehausser le seuil d'admissibilité à 80 % du MGA, mais, en même temps, vous nous dites: Si, par hypothèse, vous arrivez à la conclusion que financièrement ce n'est pas possible, au moins enclenchez un processus de rattrapage. J'essaie de résumer un petit peu ce que vous dites, là. C'est presque textuellement ce que vous nous suggérez. En même temps, je constate que votre suggestion, votre position par rapport au rehaussement du seuil d'admissibilité est ramenée à 80 % du MGA alors qu'au Sommet de la Justice vous suggériez un rehaussement jusqu'à 100 % du MGA.

Cependant, ce matin, je constate que dans votre exposé vous le reprenez; alors que vous ramenez la suggestion à 80 %, vous ajoutez cependant qu'on devrait en même temps admettre les corporations sans but lucratif comme entités, les personnes morales. D'ailleurs, vous n'êtes pas le seul groupe qui lé suggère, et je vous soup- çonne de vous être consultés, d'avoir discuté entre vous, ce qui serait une démarche, quant à moi, très, très correcte, parce que ça revient à plusieurs reprises, cette suggestion-là. est-ce que vous ne voyez pas une espèce de contradiction, là, dans cette démarche? ramener de 100 % à 80 %, suggérer aujourd'hui d'accepter la corporation comme requérante ou requérant au niveau des services d'aide juridique tout en étant en même temps conscient.. parce que vous le dites, je me répète: si vous ne pouvez pas intégralement, à tout le moins... alors, vous êtes conscient qu'on ne pourra pas tout faire.

Vous intervenez en même temps sur la couverture des services et vous semblez comprendre qu'on a des choix à faire. Si on élargit les services, ça pourrait être au détriment du rehaussement du seuil d'admissibilité pour votre clientèle, les personnes physiques, ceux qui, quant à moi, à première vue, doivent être... C'est à eux particulièrement qu'on doit penser lorsqu'on réévalue le système du régime d'aide juridique au Québec. Alors, j'aimerais vous entendre sur tout ça, comment vous en êtes arrivé à vous positionner comme ça aujourd'hui.

M. Beaudoin (Roger): Oui. Alors, M. le ministre, je vous ferai remarquer que dans notre mémoire, qui, comme je le disais tout à l'heure, est très succinct, et vous vous en êtes rendu compte aussi, il n'est question nulle part des barèmes du MGA. Je vous avoue très franchement que ce mémoire a été fait très rapidement et qu'il manque peut-être une couple de précisions. Quand on fait référence au seuil d'admissibilité de façon précise, on parle de deux manières d'en parler de façon précise, on parle de rétablissement des seuils d'admissibilité de façon compatible avec ce que c'était en 1973 mais avec l'évolution de l'inflation.

M. Lefebvre: C'est ça, qui est 80 %, plus ou moins, monsieur.

M. Beaudoin (Roger): Ça dépend des interprétations. Il y a des gens qui avaient estimé que c'était plutôt 100 % du MGA qui était ça.

M. Lefebvre: Alors, s'il y a une confusion, M. Beaudoin — et je ne vous en fais pas le reproche, moi, j'essaie de comprendre...

M. Beaudoin (Roger): Oui.

M. Lefebvre: ...s'il y a eu un cheminement ou pas — alors, s'il y a eu une confusion dans ma pensée à moi...

M. Beaudoin (Roger): Je vais rajouter, je vais vous expliquer.

M. Lefebvre: D'accord, d'accord.

M. Beaudoin (Roger): Premièrement, je vous

avoue très franchement que l'utilisation du MGA, pour nous, c'était un peu compliqué.

M. Lefebvre: Vous avez raison, vous avez raison.

M. Beaudoin (Roger): Ça, c'est une chose. Deuxièmement, nous, on préférait parler de rétablissement de l'accès gratuit, n'est-ce pas, alors valeur réelle par rapport à 1973. Et le Groupe de travail sur l'accessibilité à la justice, lui, il parlait de conditions d'accès compatibles avec les seuils de pauvreté en 1973.

L'autre élément de détail technique important... Malheureusement, les chiffres ne sont pas là, mais on peut se référer au seuil de pauvreté du Conseil national du bien-être social. Et, si on prend les seuils de pauvreté de 1993, qui, malheureusement, ne sont pas joints à notre mémoire — évidemment, c'est pancanadien — l'étude de l'estimé des seuils de faibles revenus du Conseil national du bien-être social pour une famille de quatre personnes dans un secteur urbain de population de 500 000 et plus, c'est 30 767 $ en 1993. Ça me fera plaisir de vous donner une photocopie de ça.

M. Lefebvre: Je vous rappelle tout de suite que, pour ce même client, couple avec deux enfants — c'est ce à quoi vous faites référence — lorsqu'on parle de 100 % du MGA, c'est 33 400 $. Vous avez...

M. Beaudoin (Roger): D'accord. Alors, on pourrait dire qu'on...

M. Lefebvre: ...je pense, un peu raison. Vous avez un peu raison.

M. Beaudoin (Roger): ...doit être dans le coin des 90 %, j'imagine.

M. Lefebvre: D'accord. Ça va.

M. Beaudoin (Roger): Alors, voilà. Pour répondre à l'autre question...

M. Lefebvre: Oui.

M. Beaudoin (Roger): Bon, écoutez, donc, on avait moins tendance à diminuer l'accès aux personnes physiques, dont vous parliez tout à l'heure...

M. Lefebvre: Oui.

M. Beaudoin (Roger): ...une fois qu'on a précisé ça. Deuxièmement, concertation entre les groupes sans but lucratif. Bien, écoutez, il y a des échanges dans différentes fédérations...

M. Lefebvre: Je ne fais pas de reproches quand je vous dis ça.

M. Beaudoin (Roger): Non. D'ailleurs, si on l'avait fait, je vous dirais que ça ne me dérangerait pas de le dire non plus.

M. Lefebvre: Non, non, bien sûr.

M. Beaudoin (Roger): Mais, dans les faits, on se parle des fois et on dit: Es-tu d'accord avec ça? Oui, ça a de l'allure. Mais, en fait, beaucoup d'associations à but non lucratif qui se battent avec les gens pour défendre les droits des gens démunis et à revenus modestes savent très bien que cette proposition-là fait notre affaire sans nécessairement qu'on se réunisse autour d'une table pour clarifier si ça fait notre affaire.

Mais, ceci dit, je ne prends pas ça comme un reproche.

M. Lefebvre: Mais, mais...

M. Beaudoin (Roger): C'est juste qu'il n'y a pas eu nécessairement de concertation avec 20 associations alentour de la table pour ça.

M. Lefebvre: D'ailleurs, M. Beaudoin...

M. Beaudoin (Roger): II y a eu des contacts informels des fois.

M. Lefebvre: ...je vous dis tout de suite que je ne suis d'aucune façon placé pour vous faire des reproches sur quoi que ce soit.

M. Beaudoin (Roger): Ce n'est pas des reproches; je ne prends pas ça comme des reproches.

M. Lefebvre: D'accord.

M. Beaudoin (Roger): C'est juste que j'aime autant le dire que ça ne s'est pas tout à fait passé comme ça, tout simplement.

M. Lefebvre: Pour quelle raison, M. Beaudoin, arrivez-vous à cette conclusion qu'il faudrait évaluer la possibilité d'admettre les corporations?

M. Beaudoin (Roger): Oui...

M. Lefebvre: Ou je pourrais poser la question autrement: Quel genre de services les corporations pourraient requérir auprès du système d'aide juridique, alors que, souvent, ce service-là devrait être donné directement à une personne physique concernée par cette même corporation?

M. Beaudoin (Roger): Oui. Écoutez, d'abord, il faut dire que, dans la loi actuelle, il y a une possibilité...

M. Lefebvre: Oui.

M. Beaudoin (Roger): ...que les corporations à but non lucratif aient accès à l'aide juridique, mais à des conditions plus serrées, plus restrictives que la proposition qu'on fait là, qui est une proposition...

M. Lefebvre: Vous voulez qu'on l'élargisse un peu.

M. Beaudoin (Roger): C'est ça. Alors, ce n'est pas souvent utilisé actuellement. À notre avis, ça pourrait être utilisé un peu plus, mais pas beaucoup plus. Il n'y avait pas 150 cas de plus par année de corporations, là. C'est dans certains cas, des cas types qui pourraient advenir, qui sont déjà advenus dans certains cas. Ça donnerait un moyen, d'ailleurs, sur deux points: un moyen, éventuellement, de faire évoluer la jurisprudence dans certains cas, sans nécessairement, dans tous les cas, essayer au niveau du recours collectif, qui est une autre possibilité mais qui a aussi ses limites, et qui pourrait amener à la défense de droits de cas types, ce qui pourrait, d'ailleurs, diminuer des cas individuels. Parce que, une fois qu'un cas type aurait cheminé, dans certains cas, il pourrait même y avoir des économies au niveau des dossiers individuels. Mais l'idée, ce n'est pas d'empêcher des personnes physiques d'avoir accès à l'aide juridique si elles ont besoin de l'aide juridique et si elles sont admissibles à l'aide juridique. (10 h 40)

M. Lefebvre: Est-ce que vous vous êtes questionné un peu? En fait, dans votre mémoire, vous dites que ce n'est pas le cas, mais je vous pose la question: Qu'est-ce que vous pensez de l'ensemble de la couverture? Votre clientèle particulièrement, votre clientèle, c'est une catégorie de services très précise que le régime d'aide juridique lui fournit. C'est en matière de droit social surtout, en regard du droit administratif. Ce n'est pas tellement, j'imagine, le criminel ou le pénal. Le droit matrimonial également. Quel est le service juridique qu'on vous rend et que votre clientèle utilise surtout?

M. Beaudoin (Roger): Alors, là, ça dépend un peu des régions. Dans certaines régions, il n'y a pas partout des associations d'assistés sociaux, il n'y a pas partout des associations de chômeurs, etc. Dans certaines de nos associations, on donne un coup de main, si vous voulez, à des gens qui doivent se défendre au niveau de l'aide sociale, du chômage et à d'autres niveaux, un petit coup de main, mais on les oriente s'ils ont droit à l'aide juridique. Donc, effectivement, les tribunaux administratifs, les comités de révision prévus dans la loi de l'aide sociale, dans la loi de l'assurance-chômage, une partie de notre clientèle, tout dépendant des régions, doit utiliser l'aide juridique ou les services d'un avocat pour ça.

Pour ce qui est de l'autre volet, la protection de la consommation, une partie des gens qui ont besoin de se défendre, ça s'en va pas mal à la Cour des petites créances. Et, en passant, l'augmentation à 3000 $ des réclamations possibles à la Cour des petites créances, c'est une décision intéressante.

M. Lefebvre: Trouvez-vous que ça fonctionne bien, la Cour des petites créances, rapidement, là? Est-ce que les gens qui vous consultent, qui vous parlent de la Cour des petites créances vous indiquent qu'ils sont à l'aise devant le tribunal des petites créances?

M. Beaudoin (Roger): Ça va assez bien, je dirais. Écoutez, c'est toujours perfectible, là, mais disons que ce qui est intéressant, c'est effectivement que ce soit moins procédurier et que les avocats ne soient pas là. Les gens se sentent un peu plus à l'aise et ils savent que ça va être assez rapide et que ça va coûter moins cher. Par contre, il y aurait peut-être des choses à améliorer. Ceci dit, on n'a pas posé des questions précises aux gens sur ce qu'ils voudraient exactement qui soit amélioré.

M. Lefebvre: D'accord.

M. Beaudoin (Roger): II y a un autre volet. En termes précis, à l'ACEF de Québec, c'est des personnes qui ont des plaintes par rapport à des possibles erreurs ou négligences médicales, et c'est là qu'il y a trois possibilités: il y a la possibilité d'une plainte à la corporation professionnelle, il y a la possibilité d'une plainte à un établissement de santé et il y a la possibilité de poursuites en dommages et intérêts pour erreur médicale ou dommages. Évidemment que cette clientèle-là, si vous voulez... Aujourd'hui, je vous avoue qu'on n'a pas nécessairement de propositions très précises à faire là-dessus dans le cadre de l'aide juridique parce que, ce qui est clair, c'est que la plupart des gens, incluant les gens qui ont les moyens, se sentent absolument démunis devant ce genre de dossier là. C'est très, très, très rare que même les gens qui ont de l'argent pour essayer de faire une démarche devant les tribunaux, qui va durer 10 ans, 15 ans, aboutissent à quelque chose de satisfaisant pour les gens. Mais ça, c'est un autre problème.

Par rapport à l'aide juridique, les personnes qui voudraient demander à l'aide juridique de les aider dans une démarche devant les tribunaux là-dessus, il y a un article de la loi qui permet à l'aide juridique quelque chose d'un peu ambigu, c'est-à-dire de dire qu'ils n'ont pas accès à l'aide juridique mais qu'en même temps, plus tard, si jamais ils ont un service d'un avocat et qu'ils perdent leur cause, l'aide juridique pourrait rembourser les coûts suivant les tarifs. Mais je vous dirai que, dans la plupart des cas que, moi, j'ai su, les gens reculent parce que, pour eux, c'est très difficile d'utiliser cet article-là, ce système-là pour aller dans ce sens-là. Mais...

M. Lefebvre: Vous dites...

M. Beaudoin (Roger): ...le problème est beaucoup plus large que l'aide juridique.

M. Lefebvre: M. Beaudoin, je suis obligé de vous interrompre parce que je veux poser une dernière question...

M. Beaudoin (Roger): D'accord.

M. Lefebvre: ...et mon temps s'écoule. À la page 5, vous dites...

M. Beaudoin (Roger): Oui.

M. Lefebvre: ...en haut de la page, là: «Le régime d'aide juridique pourrait les aider s'il était plus accessible.» Est-ce que vous faites référence strictement, là, au seuil d'admissibilité, ou si vous parlez de l'accessibilité du régime au niveau de sa gestion, de la structure comme telle, ou si c'est strictement au niveau du seuil d'admissibilité que vous parlez?

M. Beaudoin (Roger): C'est au niveau du seuil d'admissibilité.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent): Merci, M. le ministre. Je reconnais maintenant la porte-parole de l'Opposition officielle en matière d'aide juridique, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent): Mme la députée, nous vous écoutons.

Mme Caron: Merci. Alors, M. Beaudoin, M. Giroux, merci beaucoup de votre participation à nos travaux. Je pense que vous avez bien fait de souligner, M. Giroux, qu'effectivement M. Beaudoin est un permanent extraordinaire qui fait un travail... Parce que j'ai eu la chance aussi, comme porte-parole de la protection du consommateur, de le rencontrer sur plusieurs dossiers et de l'entendre en commission régulièrement sur les différents projets de loi, et je pense que vous pouvez dire, oui, que la FNACQ fait un excellent travail et que M. Beaudoin la représente très bien. Mais je suis convaincue que c'est vrai aussi pour les bénévoles qui travaillent avec lui.

M. Beaudoin, vous nous avez dit que votre mémoire était court, mais je pense que vous avez quand même exprimé l'essentiel de ce que vous souhaitez et vous avez complété ce matin en rappelant des principes qui réapparaissent fondamentaux.

Oui, l'État doit avoir une vision globale; oui, l'État doit faire des choix, il y a des priorités. Un gouvernement qui va travailler à la lutte contre la pauvreté, qui va travailler à enrayer le chômage, qui va améliorer les conditions des citoyens, c'est évident qu'automatiquement il y a des répercussions sur le reste du système et aussi sur l'aide juridique, par conséquence.

Oui, il faut penser à mettre en place des propositions qui ont été retenues au Sommet de la Justice, que ce soit la perception automatique des pensions alimentaires avec retenue à la source, que ce soit la médiation dès la première étape et non après ordonnance du juge, améliorer au niveau de la Cour des petites créances; je pense que ce sont des moyens, des outils. Aussi davantage, peut-être, de cliniques juridiques, qui sont des associations qui permettent de faire un excellent travail de prévention, d'information et qui évitent aussi des frais au niveau de l'aide juridique.

Et, au niveau d'un budget, il y a certains choix à faire. Si on pense — et je l'ai dit à quelques occasions, puis, pour moi, c'est capital — que sur le budget complet de l'État nous avons 30,4 % dans le secteur de la santé, qui est un secteur prioritaire, je le reconnais et je maintiens ça; l'éducation, parce que, aussi, si on veut faire de la lutte à la pauvreté, il faut aussi y aller par la prévention, puis l'éducation est l'outil principal, et là on se parle de presque 20 % du budget, et, lorsqu'on arrive à la justice, c'est 1,2 % du budget de l'État, et la justice est un principe fondamental. Lorsque vous faites une demande pour revenir au seuil de 1973, je pense que c'est parfaitement légitime et que, compte tenu du budget de l'État actuel, ce n'est pas quelque chose d'irréaliste, surtout si on l'accompagne de l'ensemble de mesures, là, qui pourraient compléter.

J'aimerais vous entendre un peu sur... En page 5, vous nous parlez des gens que vous rencontrez et puis qui auraient, souvent, un dossier solide à faire valoir — et ce sont des droits essentiels, hein, ce n'est pas des avantages indus qu'ils veulent obtenir mais vraiment des droits essentiels — puis qui sont obligés d'abandonner faute de moyens. Pourriez-vous nous donner un ou deux exemples, là, où vous pensez qu'actuellement les gens ne peuvent vraiment pas faire valoir ces droits essentiels?

M. Beaudoin (Roger): Bien, les exemples qui me viennent à l'idée sont des exemples qui sont un petit peu à côté de la protection des consommateurs, mais je vais revenir à un exemple là-dedans aussi, là, au niveau de la défense de ces droits au niveau du monde du travail. Ça m'apparaît clair parce qu'il faut dire qu'à l'ACEF de Québec on ne s'occupe pas de tout, mais il y a des gens qui nous téléphonent pour à peu près tout. Alors, ce qui m'apparaît clair, c'est qu'il y a un certain nombre de personnes qui ont des problèmes au niveau des normes du travail et au niveau de problèmes, par exemple, de congédiement, des choses comme ça, qui ne sont pas assez pauvres pour l'aide juridique mais qui n'ont pas assez d'argent pour avoir un avocat. Bon, heureusement, jusqu'à un certain point, il y a la FATA qui existe, par exemple, mais, encore là, ils font un travail important mais avec peu de moyens, et il y a une partie de ces gens-là qui défendent des dossiers qui m'apparaissent, sans être un spécialiste, très solides et qui ne réussissent pas toujours à se faire défendre ou à se défendre de façon convenable. Et ça, c'est une chose. (10 h 50)

Deux exemples, là, qui peuvent un petit peu... Bon. Je vais vous donner un exemple au niveau de ce qu'on pourrait appeler protection de la consommation: une femme qui est venue à l'ACEF, qui avait été hospitalisée d'urgence, et qui avait passé un bon nombre de semaines dans un hôpital, et qui, par la suite, pendant de nombreux mois, avait été malade gravement, et qui avait été victime de ce qu'on appelle le choc toxique par rapport à l'utilisation d'un tampon hygiénique. Et cette personne-là... Bon, ça, c'est une histoire qui a déjà fait boule de neige dans les années quatre-vingt aux États-Unis, sauf que, ça, ça se passe en 1989-1990, à peu près, ici, au Canada. Cette personne-là, je vous avoue que, nous, on avait peu de possibilités de l'aider de façon juridique, on n'a pas d'avocat non plus, etc. Alors, cette personne-là, qui était juste un peu en haut de l'aide juridique, ne pouvait pas avoir droit à l'aide juridique. D'ailleurs, si elle avait eu droit à l'aide juridique, elle y aurait eu droit de la façon très restrictive dont je parlais tout à l'heure, l'article 56.1 ou, en tout cas, je pourrais vous trouver le nom de l'article. Mais, dans un cas de poursuite en dommages et intérêts comme demandeur ou demanderesse, l'appui de l'aide juridique est là mais pas de la même manière, et c'est plus compliqué, et, d'habitude, on laisse faire dans bien des cas. Mais cette personne-là aurait pu avoir droit à l'aide juridique si ça avait été selon les termes de l'année 1973, disons, en les appliquant en 1989-1990, mais, de toute façon, de façon restrictive.

Cette personne-là, elle trouvait que, de bonne foi, elle avait été victime d'un produit fabriqué par une compagnie et elle voulait poursuivre cette compagnie-là, mais elle ne voulait pas dépenser 50 000 $. Alors, elle a quand même fait une approche avec une avocate. Elle a dit: Écoute, moi, j'ai à peu près 750 $ que je peux dépenser là-dessus, y a-t-il moyen que tu fasses de quoi? L'avocate a dit: Oui, je vais faire une mise en demeure, je vais faire certains éléments. Très rapidement, l'argent a été dépensé. L'avocate communique avec la personne qui est lésée et elle lui dit: Bien, écoute, pour aller plus loin, il faudrait vraiment y aller, plus loin, et il faudrait mettre plus d'argent. La personne n'avait pas bien, bien d'argent et elle n'avait pas droit à l'aide juridique. Alors, elle a arrêté et elle s'est dit: Bien, coudon, ma seule manière d'obtenir une forme de compensation financière — mais il ne faut pas oublier que, dans des cas comme ça, ce n'est pas juste une compensation financière qui est recherchée, c'est une reconnaissance du tort causé; ce n'est pas seulement financier — la seule possibilité que je peux avoir, c'est d'aller à la Cour des petites créances et de demander 1000 $ de réparation à la compagnie. Elle a déposé une demande à la Cour des petites créances, et la compagnie, sans qu'il y ait d'audition à la Cour des petites créances, lui a envoyé un chèque de 1000 $ mais avec un formulaire à remplir comme quoi elle renonçait à toute intervention future, etc.

Cette personnel, au fond, elle a vécu quelque chose de grave. C'est sûr que la preuve était à démontrer dans son cas parce que, à la limite, la compagnie pouvait dire: Vous avez mal utilisé le tampon. Mais, elle, elle avait des arguments très sérieux, et elle a failli en mourir. Alors, ce n'est pas des petites choses. Cette personne-là, concrètement, elle a eu très, très peu d'outils, finalement, qu'elle a pu utiliser pour se défendre.

J'ai d'autres cas où, en regardant le rapport médical ou en regardant leur situation, c'est sûr que ce n'est pas encore à l'étape d'une expertise médicale, mais des personnes qui ont été victimes d'erreur médicale ou de négligence médicale constatent qu'elles ne peuvent pas aller plus loin dans leur démarche, et, dans certains cas, elles vont déposer une plainte à la Corporation professionnelle des médecins ou dans d'autres corporations professionnelles. Mais, ceci dit, je vous avoue que, comme je m'occupe aussi du dossier santé, bien, j'ai eu plus affaire à des gens victimes soit d'erreurs de jugement, soit d'erreurs médicales, ça dépend de ce qu'on appelle. Mais ces gens-là doivent, à toutes fins pratiques, renoncer à essayer de faire quelque chose.

Comme je vous le dis, dans la plupart des cas, ce n'est pas nécessairement d'avoir des millions de dollars que ces gens-là recherchent, ce n'est pas nécessairement ça, c'est d'avoir une forme de compensation financière pour les aider à passer à travers les problèmes graves qu'elles ont vécus et une reconnaissance de ces problèmes-là et du tort causé. Une partie de ces gens-là, j'en suis sûr, seraient ouverts à la possibilité qu'il existe au Canada et au Québec une forme de fonds de compensation «no fault», à la limite.

Mais, comme je le disais, on déborde un peu la question de l'aide juridique, mais pas tout à fait. Parce que, ce qu'il faut souligner, c'est que ces gens-là, même s'ils ont droit à l'aide juridique, n'y ont droit que de façon complexe, administrativement, et que très peu d'avocats vont embarquer dans cette forme d'aide juridique, d'une part, et, d'autre part, il y a des gens qui pourraient être admissibles actuellement à l'aide juridique selon des barèmes qu'on identifie au niveau des seuils de pauvreté du Conseil national du bien-être social et qui ne l'ont pas, qui ne peuvent pas vraiment défendre leurs droits actuellement.

Mme Caron: merci, m. beaudoin. m. beaudoin, comme vous rencontrez quand même beaucoup de citoyens et de citoyennes, vous en rencontrez aussi dont les revenus dépassent le seuil d'admissibilité, même celui de 1973, et ce sont quand même des citoyens qui n'ont pas nécessairement les moyens de se défendre aussi. alors, moi, j'aimerais vous entendre un petit peu, parce que vous avez beaucoup d'expérience, sur les assurances juridiques comme possibilité. je sais très bien que, votre urgence, c'est vraiment de rétablir l'accès comme en 1973. ça, c'est clair, c'est compris. mais, pour les autres qui dépassent et qui ont aussi des droits à défendre, qu'est-ce que vous pensez des assurances juridiques et qu'est-ce que vous pensez aussi du plan du barreau qui nous parle de 25 % des honoraires? j'aimerais vous entendre sur ce sujet-là.

M. Beaudoin (Roger): Oui. Alors, écoutez, je vais vous dire... Puis vous avez remarqué aussi qu'on ne se positionne pas sur la possibilité que l'aide juridique soit accessible à des personnes qui seraient en haut des seuils d'admissibilité pour la gratuité mais qui seraient amenées à payer, en pourcentage, les frais. Je vais vous dire pourquoi ce n'est pas dans le mémoire et pourquoi je n'ai pas encore parlé de ça, avant de parler de vos deux autres questions. C'est qu'au Sommet de la Justice, en février 1992, ce qui nous a été proposé par le ministre Rémillard comme une proposition, c'était quelque chose qui améliorait jusqu'à un certain point l'accès à l'aide juridique, de façon non gratuite, pour une partie des gens non couverts, mais aux dépens de l'accès gratuit de la population. Non seulement on ne rétablissait pas le niveau d'accès d'avant, mais, en plus, dans certains cas—j'ai les documents, ici — enfin, dans la proposition qui avait été soumise, on diminuait les seuils d'admissibilité au niveau gratuit. Alors, c'était absolument inacceptable.

Et, nous, on voulait éviter, pour des motifs peut-être un peu électoralistes dans certains cas etc., de jouer les gens à revenus faibles contre les gens à revenus modestes. Et ça nous apparaissait dangereux. À notre avis, l'urgence, c'est l'accès pour les gens à revenus faibles. Bon. mais, si l'accès gratuit aux gens à revenus faibles est mis en place, on serait ouvert à la possibilité que l'aide juridique serve, à toutes fins pratiques, d'intermédiaire, d'espèce de courtier, l'avantage étant la détermination des tarifs, beaucoup, et l'avantage étant un paiement partiel de ce que ça coûte. donc, c'est intéressant. c'est juste qu'on a vraiment peur que le gouvernement introduise ça mais en continuant de rendre disponible l'aide juridique, comme actuellement, aux gens à très faibles revenus. c'est pour ça qu'on n'en a pas parlé. mais, là, je vous dis quand même qu'on serait ouvert à ça à certaines conditions, l'autre condition étant, bien sûr, qu'il ne faudrait pas que, dans les bureaux d'aide juridique, on en vienne à donner des quotas de clientèle au niveau gratuit pour privilégier un peu plus de monde qui va payer 20 %, ou 40 %, ou 60 % parce que ça va être plus payant. parce que, là, on va avoir le même problème pour les gens à revenus faibles.

Les assurances. Bien, écoutez, oui, on est ouvert au fait qu'il se développe des assurances privées dans ce domaine-là pour les gens à revenus moyens, moyens élevés. Ça existe un petit peu; ça pourrait exister un peu plus. Le groupe de travail dont on parlait — dont je suis sûr que plein de monde parle parce que, au fond, c'est l'étude la plus poussée qui ait jamais été faite, à ma connaissance, sur ça — trouve que c'est une bonne chose. Par contre, il indique, en page 60 du rapport synthèse: «Que des paramètres soient établis afin d'assurer la qualité des services offerts par de tels régimes notamment par l'adoption d'une réglementation appropriée et par l'établissement, le cas échéant, de contrôle ou de surveillance par des organismes publics comme l'Office des professions du Québec ou le Surintendant des assurances.» Autrement dit, c'est une voie intéressante, mais elle doit être balisée. Et il nous semble qu'il y a des choses intéressantes dans le rapport synthèse par rapport à ça.

La proposition du Barreau, bien, écoutez, c'est intéressant que le Barreau fasse une proposition d'ouverture. Nous ne l'avons pas examinée en détail et pas vraiment discutée en comité ou auprès de gens qui pourraient avoir des choses à dire là-dessus. Disons, première impression, que c'est intéressant qu'il y ait des idées sur la table. C'est une chose. D'autre part, compte tenu que les tarifs des avocats sont, évidemment, dépendants de multiple facteurs — la localité où l'avocat demeure, l'expérience de l'avocat, sa notoriété, etc. — les 25 % ne sont pas clairs. C'est basé sur quoi, exactement? Il faudrait qu'il y ait des précisions au niveau des tarifs, il faudrait s'assurer que ces tarifs-là n'augmentent pas de façon désordonnée, mais disons qu'il y a une ouverture, sans dire que nous l'appuyons parce qu'on ne l'a pas assez examinée. (11 heures)

Mme Caron: Donc, dans les deux cas, et même dans les trois cas, si c'est une échelle progressive, il faut des balises, il faut des paramètres, il faut des règlements bien précis pour s'assurer que ça fonctionne bien.

M. Beaudoin, lors du Sommet de la Justice, il y avait eu aussi l'annonce d'un programme de subvention qui serait mis sur pied pour les organismes à but non lucratif qui s'occuperaient des dossiers de justice. Le programme a été mis sur pied avec moins de budget qu'annoncé; les critères ont varié un petit peu. Je sais que, dans ma région — je ne sais pas si c'est la même chose dans la région de Québec — certaines ACEF souhaitaient présenter et voulaient présenter, avaient mis sur pied un projet, qui était de l'aide au niveau juridique, et se sont vu refuser l'accès parce qu'on disait que les associations de consommateurs n'étaient pas éligibles à ce programme spécifique là parce qu'elles étaient déjà subventionnées pour le programme de consommateurs.

Est-ce que, chez les ACEF, chez vous, ou votre pensée là-dessus, est-ce que vous croyez qu'il faudrait faire une ouverture aussi aux groupes de consommation qui désirent offrir un volet particulier à ce niveau-là?

M. Beaudoin (Roger): En février 1992, quand M. Rémillard avait annoncé ça, la plupart des organismes à but non lucratif autour de la table — il n'y avait pas seulement des organismes à but non lucratif, mais il y en avait — n'étaient pas contents. Ils n'étaient pas contents, pourquoi? On pourrait dire qu'on aurait dû trépigner de joie. Mais c'est que le ministre nous annonçait ça alors qu'un grand nombre d'organismes communautaires au Québec étaient dans l'incertitude par rapport à l'avenir du Programme de soutien à l'éducation populaire autonome et, enfin, qu'ils luttaient contre l'abolition de ce programme-là ou encore sa diminution continuelle en termes de budget...

Mme Caron: ...

M. Beaudoin (Roger): Bien oui, tu sais, ce n'est pas réglé tout à fait encore, cette affaire-là. Et, en plus, à l'époque on en parlait un peu moins, mais le niveau de financement de l'Office de la protection du consommateur, à l'époque, n'était pas non plus intéressant, était gelé, à peu près; l'enveloppe, depuis un certain nombre d'années ou, en tout cas, en termes réels, elle diminuait, même s'il y avait des efforts, un peu, de consentis. Alors, autrement dit, il y avait ça qui pouvait être intéressant, mais, en même temps, il y avait d'autres problèmes ailleurs. Alors, ce n'était pas, au total, vraiment intéressant. ceci dit et depuis ce temps-là, au niveau de l'office de la protection du consommateur, on le sait, et m. le ministre aussi, responsable de la protection du consommateur, le sait, il y a eu des coupures de l'enveloppe de soutien des associations de consommateurs, à l'office de la protection du consommateur, de 15 % à la dernière année fiscale, et on nous annonce qu'il y aura d'autres coupures. évidemment, on se bat contre ça. alors, on comprend, à ce moment-là, le niveau relatif, là, de... un accueil froid, finalement, vis-à-vis de ça.

D'autre part, oui, je crois que les associations de consommateurs ont un rôle à jouer en termes d'information juridique et qu'elles devraient avoir accès à ce programme-là, comme d'autres associations, ou encore qu'on considère que les associations de consommateurs jouent ce rôle-là et que ça mériterait une bonification du budget de l'Office de la protection du consommateur dans ce sens. Je veux dire, l'endroit d'où ça vient, ça dépend. Il y a différentes façons de voir ça, la protection des consommateurs. On peut aller chercher de l'argent dans à peu près 10 ministères différents, ou bien on peut dire: L'Office de la protection du consommateur, bien, c'est l'Office de la protection du consommateur, puis, donc, les budgets aux associations de consommateurs pourraient venir beaucoup de l'OPC pour leurs différentes fonctions. Mais, à ce moment-là, il faut une reconnaissance des différentes fonctions des associations de consommateurs.

Mme Caron: Je vous remercie beaucoup, M. Beaudoin. On m'a avertie que mon temps était terminé, alors je vous remercie beaucoup de votre participation et de toutes les informations supplémentaires, là, que vous êtes venu nous donner en commission, et vos informations vont être très précieuses. Merci beaucoup.

Le Président (M. Parent): M. le ministre, je vous reconnais pour un bref mot de la fin.

M. Lefebvre: M. Beaudoin, je veux vous rappeler, à titre d'information, que les sommes d'argent ou les crédits affectés au système d'aide juridique l'an dernier, là, ça a été plus ou moins 110 000 000 $, sur des montants affectés à l'ensemble du ministère de la Justice d'environ 465 000 000 $. De sorte que, évidemment, on peut prétendre jusqu'à un certain point qu'il n'y a pas assez d'argent là, pour l'ensemble des affaires de la justice au québec, 465 000 000 $, ça pourrait toujours être plus — ça pourrait être plus également, à la santé, à l'éducation tout comme à la justice — mais je pense qu'il faut reconnaître que 23,7 % affectés à l'aide juridique, c'est quand même un effort un peu plus que raisonnable, là, et tout ça parce qu'on considère, à la justice, que le régime et le système d'aide juridique, c'est extrêmement important, particulièrement pour la clientèle avec laquelle vous travaillez à tous les jours, la clientèle pour laquelle, comme vous venez de le dire il y a tout juste 60 secondes, on se bat. et vous avez raison, et c'est comme ça que ça fonctionne dans notre système. vous avez le droit et même le devoir de vous battre dans certaines situations, dans certaines circonstances, contre des intentions gouvernementales. et, moi, je ne me sens pas du tout, là, agressé si je réalise qu'il y a des groupes qui défendent les intérêts de leur clientèle.

Vous avez fait allusion tout à l'heure à l'Office de la protection du consommateur. Est-ce que vous considérez que l'affaiblissement de l'Office, par hypothèse, a un effet direct sur l'augmentation des problèmes qui, éventuellement, se retrouvent chez vous et qui, dans certains cas même, se judiciarisent? On peut se retrouver devant les tribunaux. Est-ce que ça a un effet direct, ça? Est-ce qu'il y a une relation directe entre l'Office, et votre clientèle, et le système d'aide juridique?

M. Beaudoin (Roger): Bien, moi, je pense effectivement que la diminution des points de services, par exemple, de l'OPC, entre autres, peut entraîner un peu plus de demandes d'information ou d'autres interventions au niveau de différentes associations de consommateurs qui, elles, voient leurs moyens diminuer dans bien des cas. Alors, ça pose problème; ça veut dire qu'il y a un certain nombre d'informations ou d'aides qui ne pourront pas être accordées à des gens qui, des fois, ont besoin peut-être juste d'une bonne information.

Et, dans certains autres cas, n'ayant pas véritablement la bonne information ou ne sachant pas exactement où s'adresser pour faire avancer quelque chose de façon simple, une partie de ces personnes-là pourraient, si elles sont admissibles à l'aide juridique, être tentées par des recours juridiques ou judiciaires. Évidemment, ça pourrait avoir ça comme un des effets, oui.

M. Lefebvre: Merci, M. Beaudoin, M. Giroux. Je veux vous remercier pour la qualité de votre mémoire, votre exposé, et aussi j'en profite pour vous remercier pour ce que vous faites, autant permanents que bénévoles, dans des organismes comme le vôtre qui n'ont comme seul objectif que de s'occuper de la défense des plus démunis. Dans ce sens-là, je vous invite à continuer. Soyez assurés d'une chose, c'est que mon objectif, c'est de tenir compte de ce qui apparaît dans un mémoire comme le vôtre et également des commentaires que vous nous avez fournis ce matin. Merci beaucoup.

Le Président (M. Parent): Merci, M. le ministre, M. Beaudoin, monsieur, merci. Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 8)

(Reprisée 11 h 10)

Le Président (M. Parent): La commission va reprendre ses travaux. J'invite immédiatement la corporation de l'économie familiale du Québec à prendre place, s'il vous plaît. J'invite aussi, par le fait même, les députés membres de cette commission.

Alors, l'association coopérative d'économie familiale du Québec, représentée par Mme Louise Blain, présidente de la région Nord de Montréal, et Mme Monique Émond, de l'ACEF de la Mauricie. Ce sont bien ces personnes-là que nous avons le plaisir d'accueillir ou...

Fédération des ACEF du Québec (FACËF)

Mme Blain (Louise): Oui. Monique Émond va revenir dans quelques minutes.

Le Président (M. Parent): On va attendre. On va attendre, d'abord, qu'elle soit ici.

Mme Blain (Louise): Ça va.

Le Président (M. Parent): Soyez bien à votre aise. Approchez-vous de la province.

Alors, madame, je vous souhaite la bienvenue, au nom des membres de cette commission, et je vous remercie aussi d'avoir répondu à notre invitation en manifestant le désir de vous faire entendre et en venant aider les membres de cette commission et aussi les représentants du gouvernement à améliorer ou à cheminer dans l'actualisation de notre programme d'aide juridique au Québec.

Alors, nous avons une heure devant nous pour procéder à l'écoute et au dialogue concernant le menu de votre mémoire. Le temps sera réparti également: un tiers, un tiers, un tiers, entre vous et les deux formations politiques.

Je vous informe immédiatement, Mme Blain et Mme Émond, que les membres de cette commission ont pris connaissance de votre mémoire. Donc, ils l'ont lu, ils le connaissent. Alors, ne vous sentez pas obligées de le lire au complet. Si vous voulez en faire une synthèse ou un résumé, soyez bien à votre aise. Et, après ça, bien, on répartira le temps entre les deux membres des formations politiques.

Alors, qui est la porte-parole? C'est Mme Blain, j'imagine.

Mme Blain (Louise): C'est les deux.

Le Président (M. Parent): C'est les deux? Alors, on commence par qui?

Mme Blain (Louise): Bon. Par moi. Le Président (M. Parent): Mme Blain.

Mme Blain (Louise): Je vais commencer un petit peu par vous présenter les principales orientations de notre mémoire...

Le Président (M. Parent): O.K.

Mme Blain (Louise): ...et, ensuite, Monique entrera plus dans les détails.

Le Président (M. Parent): Très bien. Maintenant, là, on écoute Louise Blain. Mme Blain.

Mme Blain (Louise): Bonjour.

Le Président (M. Parent): Bonjour.

Mme Blain (Louise): La Fédération des ACEF regroupe neuf ACEF qui travaillent dans le domaine du budget familial, de l'endettement et de la consommation dans le but d'améliorer les conditions de vie de l'ensemble de la population.

Rappelons d'abord, comme ça a été fait tout à l'heure aussi, que la FACEF, la Fédération des ACEF, a travaillé à la création de l'aide juridique dont l'objectif premier était de rendre la justice accessible aux personnes qui n'avaient pas les moyens financiers de faire valoir leurs droits. Rappelons également qu'un autre objectif de l'aide juridique était l'information et l'éducation de la population, objectif qui semble avoir été passablement délaissé, sinon oublié à travers les ans. Nous sommes toujours en accord avec la poursuite de ces objectifs. Nous croyons toujours que notre société doit maintenir un tel service. L'accessibilité à la justice doit demeurer sous la responsabilité de l'État et être assumée par l'ensemble de la collectivité.

L'aide juridique, aujourd'hui, dessert une clientèle très réduite. Les seuils d'admissibilité sont tellement bas qu'un très grand nombre de personnes n'y ont pas accès. Comme ces personnes n'ont pas non plus les moyens de recourir aux services d'un avocat de pratique privée, elles se trouvent ainsi exclues du système judiciaire. Nous croyons donc qu'il faut non seulement conserver une alternative au secteur privé mais encore élargir les critères d'admissibilité à l'aide juridique.

Par contre, nous sommes conscients que notre société développe des tendances judiciarisantes, qu'il y a un engorgement certain des tribunaux et que plusieurs avocats souffrent de «procédurite» aiguë. Comment défendre le principe de la déjudiciarisation tout en rendant plus accessibles les services de l'aide juridique? Nous tenterons de résoudre en partie cette contradiction

par des propositions qui viseront à faciliter l'accès à la justice à un plus grand nombre de personnes tout en favorisant l'adoption de mesures de déjudiciarisation et de contrôle des procédures.

Nous allons donc vous faire part de nos propositions quant aux conditions d'admissibilité à l'aide juridique, quant au financement et à la couverture du programme d'aide juridique et nous terminerons par des propositions d'alternatives à la judiciarisation.

Le Président (M. Parent): Madame.

Mme Émond (Monique): Alors, pour commencer, je pense que tout le monde est d'accord pour dire que l'accessibilité, aujourd'hui, à l'aide juridique n'existe quasiment plus. Donc, c'est un problème. D'autre part, nous, en tout cas, depuis le Sommet de la Justice, on le dit de toutes les façons possibles, les coûts juridiques en soi sont tellement élevés que les gens n'ont pas les moyens d'utiliser des recours juridiques; et ça, vous allez voir, c'est une marotte, ça va revenir souvent, mais c'est tellement important comme élément dans le dossier de l'aide juridique que, nous, on trouve important de continuellement le ramener. Donc, compte tenu de ces deux aspects-là, il est clair que, pour nous autres, il y a un paquet de monde, dans le fond, au Québec, qui n'a pas du tout accès à des services juridiques et qui n'a pas accès non plus à des moyens pour défendre ses droits. donc, nous, dans notre mémoire, nous avons recommandé trois, quatre éléments dont la nécessité de modifier les critères d'admissibilité pour augmenter l'accès au service d'aide juridique. on veut qu'on élargisse aussi l'éligibilité par l'adoption d'une échelle progressive des seuils d'admissibilité. puis, pour cette échelle-là, on ne s'est pas non plus enfargé dans un calcul de mga de 80 % à 120 %, etc. dans notre mémoire, on parlait des seuils de statistique canada. on est ouvert, mais, ce qu'on veut, c'est que cette échelle soit la plus large possible, quitte à ce que des gens dont les revenus sont supérieurs aient à redébourser l'ensemble de leurs frais. donc, nous, on n'arrivera pas ici avec des calculs scientifiques, mathématiques, mais on veut quand même qu'il y ait une réflexion sur cet aspect.

On veut surtout, et ça, c'est suite au Sommet de la Justice, que la base de calcul pour l'éligibilité des personnes soit simple, facile à comprendre, facile d'application, et surtout, et c'est l'une de nos préoccupations, que les coûts d'administration d'entrée dans le régime ne soient pas élevés à un point tel qu'on perde de l'argent rien qu'à savoir si les gens sont oui ou non éligibles. Et ça, c'est aussi une préoccupation de groupes de consommateurs parce que, quand on réfère des gens, on aime bien aussi savoir si ces gens ont effectivement accès au régime ou non. Donc, il faut vraiment aller dans un sens de faciliter l'accès mais faciliter la compréhension aussi des critères d'éligibilité.

En ce qui concerne la question des groupes et des associations, nous* en tout cas, à la Fédération des ACEF, on est extrêmement préoccupés, et ce, depuis des années, que les groupes de consommateurs ou les autres associations à but non lucratif aient accès aussi au service d'aide juridique. Actuellement, les critères sont tellement restreints que, nous, en tout cas, comme association, généralement dans toutes les régions, on n'a pas accès à ce service-là. La raison, c'est que, souvent, on défend des causes qui mettent en jeu, entre autres, des compagnies, des professionnels, etc., et, dès qu'on ouvre la bouche pour dénoncer des situations, on a soit des poursuites ou des menaces, immédiatement, de poursuite, ce qui fait qu'à un moment donné on est obligé d'aller non pas vers l'aide juridique puisqu'on n'y a pas accès mais d'aller voir des proches avocats pour essayer de nous défendre. Donc, on est toujours pris avec une situation comme celle-là et, comme on n'a pas les moyens financiers pour se défendre et qu'on n'a pas d'avocat à nos services, directement, donc, évidemment, on a des problèmes. Donc, ça, c'est une recommandation qui est essentielle pour nous.

La question du financement du régime. On a dit tantôt qu'on veut que les utilisateurs puissent participer au régime selon une échelle large. Dans le document du ministère, entre autres, on parlait beaucoup de faire participer les dispensateurs, étant évidemment beaucoup les avocats, principalement. Nous, on trouve que c'est une mesure qui ne rejoindrait pas, dans le fond, les objectifs qu'on souhaiterait. Le risque qu'on prend encore — et là, je ramène la marotte — c'est que, pour compenser les montants que les avocats ou les notaires devront verser, donc, ce qu'ils vont faire, on le sait, ils vont augmenter les procédures, ils vont augmenter leurs tarifs. Donc, on tourne en rond. Nous, on s'est positionné sur cette question et on rejette complètement une mesure de ce type-là. (11 h 20)

L'autre élément, en ce qui concerne la question de la couverture du régime, il y a beaucoup d'hypothèses dans l'ensemble des documents qui ont circulé. Nous, la première recommandation qu'on fait, c'est que l'aide juridique, en ce qui concerne principalement la question de défense, soit couverte complètement. On se rendait compte, en tout cas, qu'il y avait des préoccupations de dire: Est-ce qu'on doit tout couvrir? Bon. Il y avait ce débat-là. Nous, on a proposé, comme recommandation, de former un comité de travail sur cette question-là et de faire des propositions ou des recommandations; après ça, on pourra émettre une opinion. Mais, pour l'instant, on trouvait qu'on n'avait pas d'éléments suffisants pour pouvoir faire tout le ménage de ça. Mais, en attendant, nous, on propose le statu quo en attendant que ce travail ou ce ménage-là soit fait et qu'on ait des propositions claires sur la table.

L'autre préoccupation, c'est que, nous autres, on parlait des coûts juridiques. On parle aussi beaucoup, et ça, on l'a apporté beaucoup au Sommet de la Justice, de la préoccupation de déjudiciariser. Dans le fond, si on regarde les coûts de l'ensemble du régime, ce n'est pas juste l'aide juridique qui coûte de l'argent, c'est la justice en général et, donc, comment on peut faire, dans le

fond, pour arriver à aller plus vers une déjudiciarisation, contrairement, dans le fond, au... Je dirais que le vent actuel, et ça depuis quelques années, le vent est plus allé vers la défense de nos droits individuels et vite en justice, etc. Donc, une de nos préoccupations, c'est de dire quels moyens on aurait pour aller vers la déjudiciarisation des conflits.

Je rappelle qu'une de nos propositions au Sommet était de dire, par exemple, dans le domaine matrimonial — et ça, j'aimerais que le ministre de la Justice ait une opinion là-dessus aujourd'hui — c'est qu'on disait: Pourquoi ne pas promouvoir la médiation familiale, par exemple, partout à travers le Québec? Et, là, le ministre Rémillard nous est arrivé avec la loi de la médiation, c'est-à-dire celle qu'on a actuellement. C'est que, dès qu'on entreprend des procédures juridiques, on a le droit à la médiation. Et, nous, notre proposition, c'est de dire: Pourquoi faut-il entreprendre des procédures juridiques avant d'avoir accès à une médiation familiale gratuite? Et ça, on a toujours eu un débat avec M. Rémillard sur cette question-là parce que, lui, il disait: C'est, dans le fond, l'affaire des services sociaux, ce n'est pas la mienne. Nous, on pense que c'était la sienne, alors, monsieur, j'aimerais bien vous entendre là-dessus. Donc, pour nous autres, c'en est une façon de déjudiciariser et de baisser les coûts de la justice.

L'autre élément, pour les personnes plus âgées, comme moi, j'ai connu l'aide juridique dans son meilleur — peut-être pas vous mais, moi, oui — dans le fond, dans tout un côté d'un travail social, je dirais, d'information, de prévention et d'éducation. Depuis quelques années, et ça, quand on travaille dans les associations de consommateurs, on peut vous dire que, dans plusieurs régions, en tout cas, c'est quasiment inexistant, ce rôle d'information là auprès des gens et de la population. Nous autres, on dit: Ça, c'est un moyen aussi de diminuer les coûts de la justice quand les gens sont informés. Pour nous autres, revenons à ce rôle-là ou intensifions ce rôle-là.

L'autre élément aussi, c'était une proposition qu'on avait aussi apportée au niveau du Sommet de la Justice, qui était la question de la prise en charge du milieu. Nous, on proposait un conseil d'administration d'usagers et d'usagères dans les bureaux locaux d'aide juridique, dans le sens suivant. On disait: Ce n'est pas parce qu'un bureau est situé à Trois-Rivières ou qu'il est situé à Sherbrooke que la préoccupation, les besoins de la population sont les mêmes. Donc, on se disait qu'une façon de se rapprocher des besoins du milieu et d'axer notre travail d'information et d'éducation, c'est aussi de créer ce genre de structure là qui fait que les avocats et la direction des bureaux locaux savent au moins les besoins de la population et comment y répondre. Donc, c'étaient des façons pour nous autres de dire: Oui, l'aide juridique, il faut augmenter l'accessibilité, mais, oui, il faut réfléchir aussi en disant que l'ensemble de la justice doit avoir une préoccupation de diminuer les coûts aussi. Donc, en fait, ce qu'on demande, c'est: on se débranche un peu et on essaie de réfléchir un petit peu autrement, d'une façon un petit peu plus large.

C'est ça, en gros, les préoccupations de la Fédération des ACEF qu'on a apportées dans notre mémoire en septembre dernier. Donc, évidemment, s'il y a des questions ou des choses qu'on n'a pas touchées, on est prêtes à y répondre ou à préciser des affaires, parce qu'il y a quand même eu une évolution, de septembre 1993 à février, dans nos réflexions aussi.

Le Président (M. Parent): Merci, Mme Émond. Alors, comme premier intervenant, il me fait plaisir de reconnaître M. le ministre de la Justice.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Mme Émond et Mme Blain, je vous salue, je vous remercie de nous avoir, dans un premier temps, soumis un mémoire qui fait le tour de toute la question. Votre mémoire a 12 pages, 13 pages, mais il est concis, il est bien fait puis il fait le tour d'à peu près toutes les questions qui touchent au régime d'aide juridique.

Je vais vous parler tout à l'heure, rapidement, Mme Blain et Mme Émond, de la médiation à travers autre chose. Je voudrais, dans un premier temps, vous entendre sur ce que vous avez indiqué comme étant un problème. Vous avez parlé non pas de l'admissibilité — je pense que c'est comme ça que je dois vous comprendre — non pas au niveau des seuils d'admissibilité seulement — ça, on va en parler tout à l'heure — mais également de l'admissibilité au niveau de la procédure, si je vous ai bien compris, là. Ou, si ce n'est pas ça, je vous pose la question: Est-ce que votre clientèle, est-ce que les gens chez vous, ceux pour qui vous travaillez quotidiennement, se plaignent, ont des problèmes quant à l'admissibilité, la démarche auprès du bureau d'aide juridique, le questionnement quant à leur recours à l'admissibilité financière mais également la vraisemblance du droit? Est-ce qu'ils ont des problèmes avec ça?

Mme Émond (Monique): Ce n'est pas du tout ce qui ressort, ça, cet aspect-là.

M. Lefebvre: Non?

Mme Émond (Monique): L'aspect, c'est qu'on est pris, dans certains cas, dans le travail concret, il faut que la personne... On espère tout le temps que la personne ait, soit... Parce que, si on regarde financièrement, il faut que les gens soient vraiment, entre guillemets, dans la dèche, quasiment, pour avoir droit à l'aide juridique. Il faut que tu sois pauvre et malade, c'est mieux.

Puis tu as l'autre aspect, qui est... On espère que le contrat ou le litige est en bas de 3000 $. Puis, là, quand ça ne rentre pas dans ce critère-là, qu'est-ce qu'on fait? Là, c'est le travail d'une association de consommateurs pour essayer de se démerder avec ça parce que c'est ça, la situation. On va essayer de négocier, mais, quand on négocie, souvent, c'est toujours à

perte. Donc, le problème, il est vraiment au niveau des critères d'admissibilité des gens qui en ont réellement besoin. Donc, c'est plus ça que l'effet de la porte d'entrée et est-ce que ça accroche à ce niveau-là.

M. Lefebvre: La structure, la gestion du régime, là, l'approche, ça, c'est correct. En gros, c'est ce que vous nous dites?

Mme Émond (Monique): Oui. Mais la réaction qu'on avait par rapport à la procédure, c'est suite à plusieurs préoccupations qui disaient: Si on regarde les seuils d'admissibilité, c'est tellement complexe, ce qui avait été proposé au Sommet de la Justice par le ministre, qu'on se rendait compte que ça aurait pris une armée de fonctionnaires pour voir si la personne était eligible ou pas. Et c'est là-dessus qu'on avait une réaction.

M. Lefebvre: Moi, c'est là-dessus, justement, que je voulais vous entendre, madame. Vous parlez de prévention, vous parlez d'information, de judiciarisation, de déjudiciarisation, de non-judiciarisation, de médiation. Tout ça, ça va ensemble, hein, on s'entend là-dessus.

Est-ce que vous considérez que le régime d'aide juridique donne suffisamment, est assez actif au niveau de la prévention, au niveau de l'information avant l'étape de la procédure? Et vous savez, Mme Émond, que la loi du divorce oblige, non seulement suggère mais oblige les avocats qui ont devant eux une dame, un homme qui s'informe sur les procédures de divorce, vous savez que la loi oblige les avocats à tenter la réconciliation. Non seulement on suggère aux avocats de le faire, mais, de par la loi elle-même, la loi fédérale, les avocats ont l'obligation de vérifier s'il n'y a pas une possibilité de réconciliation. Et, lorsqu'on parle de médiation — c'est de ça qu'on parle — les premiers concernés par l'approche de la médiation, ce sont les avocats eux-mêmes. Est-ce que vous avez l'impression que c'est respecté, cette obligation-là?

Mme Émond (Monique): À l'étape actuelle? M. Lefebvre: Oui.

Mme Émond (Monique): Non, pas du tout. Puis c'en est un, problème, ça, parce que... En tout cas, on a le même problème dans un autre dossier, qui n'est pas celui des avocats mais celui des syndics, mais on rentre par le secteur privé aussi. Et ça, quand on rentre dans le secteur privé, on rentre dans le secteur lucratif. Tu sais, le rôle du jeu de la réconciliation, malheureusement, on est obligé de dire que ce n'est pas nécessairement payant.

M. Lefebvre: On judiciarise tout de suite. (11 h 30)

Mme Émond (Monique): Oui, parce que... C'est de valeur, mais — moi, je ne connais pas les cours qu'il y a au Barreau — il ne doit pas y avoir grand cours de psychologie, je ne le sais pas, mais, souvent, les avocats s'en vont vers la... Je veux dire, ils sont — je ne sais pas dire le mot en français, mais en tout cas — «mindés» procédure. Et ça, c'est un problème d'éducation qu'il y a à faire au niveau de la population mais aussi au niveau de nos amis les avocats.

D va falloir qu'il se passe quelque chose parce que, ça, c'est vrai, les gens... Et même plus: dans certaines régions, il y a des bureaux ou des avocats d'aide juridique ou du privé qui alimentent même... Des fois, on se demande, on dit: Mon Dieu! c'est donc bien rendu loin, cette histoire-là, et on se rend compte que c'est alimenté. Mais ça, je pense que c'est une conception ou une philosophie qui est à changer au cours de...

M. Lefebvre: Est-ce que vous constatez, Mme Émond, la même attitude au niveau des avocats, soit en pratique privée, soit comme permanents à l'aide juridique?

Mme Émond (Monique): Au niveau matrimonial?

M. Lefebvre: La même attitude au niveau matrimonial comme, également, aux niveaux pénal et criminel.

Mme Émond (Monique): Au criminel, j'aurais de la misère à répondre à ça.

M. Lefebvre: Vous n'en faites pas du tout. Bon. Mais, est-ce que vous... Oui.

Mme Émond (Monique): Au niveau matrimonial, je pense que oui, mais je pense que ça dépend des bureaux, de certains...

M. Lefebvre: Alors, dans un premier temps, les permanents d'aide juridique, les avocats d'aide juridique, est-ce que vous avez l'impression que ces avocats-là ne sont pas assez portés également sur l'information, sur la médiation, sur...

Mme Émond (Monique): Bien, moi, je ne suis pas sûre que c'est la responsabilité de l'avocat qui travaille dans un bureau. Mais, moi, je pense que c'est une philosophie de bureau ou de direction qui doit amener vers ça. Parce que, nous autres, on a travaillé avec des bureaux d'aide juridique où la direction était extrêmement ouverte.

M. Lefebvre: Oui.

Mme Émond (Monique): Je pense, entre autres, à la région de Lanaudière où moi j'étais, où il y avait une ouverture, puis il y a encore une ouverture aujourd'hui. Donc, je veux dire, ce n'est pas de faire porter l'odieux sur les épaules des avocats comme tels mais plus sur une philosophie de la direction.

Dans ce sens-là, nous, on veut qu'on l'intensifie parce que ça existe encore dans certaines régions. Dans d'autres, c'est complètement inexistant. Et même, il y a des endroits où on ne travaille même pas en collaboration avec des groupes parce qu'on fait du juridique ou de la procédure, si on veut.

M. Lefebvre: Là, vous dites qu'il y a un engorgement des tribunaux, que plusieurs avocats souffrent de «procédurite» aiguë. Vous parlez de tous les avocats en général, là, vous, sans viser personne.

Mme Émond (Monique): Oui. Bien voyons! Entre nous autres.

M. Lefebvre: Pardon?

Mme Emond (Monique): Entre nous autres.

M. Lefebvre: Oui. Parce qu'il y a un honorable membre du Barreau du Québec qui...

Le Président (M. Parent): Attention, attention, madame! C'est entre vous... Il y a beaucoup plus d'avocats qu'il y a de non-avocats ici.

Mme Émond (Monique): Je sais. Je suis très consciente de ça.

M. Lefebvre: II y a un honorable membre du Barreau qui est tout juste à votre gauche, qui vous écoute. Je le vois prendre des notes depuis le début de votre... Je trouve ça bien.

Mme Émond (Monique): Je n'ai aucun problème avec ça.

M. Lefebvre: Ça, c'est correct, ça, madame.

Vous dites, à la page 6, que vous seriez d'accord pour qu'on évalue la possibilité de mettre en place le volet contributoire. Puis vous n'allez pas plus loin dans votre mémoire, ni non plus dans votre exposé, que de dire que vous seriez d'accord avec le principe; vous ne donnez pas de suggestions quant à la structure.

Comment, Mme Émond, en êtes-vous arrivée à cette conclusion? Et pourquoi nous suggérez-vous d'ouvrir, possiblement, sur le volet contributoire? Vous ne le dites pas de cette façon-là, mais c'est ce que je comprends que ça veut dire dans votre mémoire. Comment en êtes-vous arrivée à cette conclusion-là? Ou Mme Blain?

Mme Blain (Louise): Oui. Bon. Premièrement, on appuie ce que disait la FNACQ tout à l'heure, c'est-à-dire qu'il y ait un accès gratuit pour la partie de la population en bas du seuil de pauvreté, ou peu importe comment on le calcule, ça, ça prend ça au minimum.

Par la suite, ce qu'on dit, c'est: plus l'échelle va être large, plus on élargit l'échelle, plus on donne accès à des revenus qui s'élèvent un peu. À ce moment-là, si on élargit d'avantage l'échelle, on est prêt à accepter que les gens puissent contribuer pour une partie des frais et, même si les plus hauts revenus admissibles devaient être obligés de payer même en entier ce que ça coûte, on pense que ce serait déjà moins que d'aller voir un avocat de pratique privée. Donc, ce qu'on demande, c'est d'élargir le plus possible l'échelle d'admissibilité, quitte à ce que de plus en plus les gens paient une partie qui serait, d'avance, moins chère, d'après nous.

M. Lefebvre: Mme Blain, la... Oui, excusez. Si vous avez autre chose.

Mme Blain (Louise): C'est ça. On n'a pas les moyens, nous, d'arriver avec des calculs, comme on l'a dit tout à l'heure.

M. Lefebvre: Non, non. Je vous comprends, madame. Je ne vous demande pas ça, d'ailleurs. Cette contribution-là, du bénéficiaire au système d'aide juridique, à quoi pensez-vous? Est-ce que ce serait une contribution versée directement aux bureaux d'aide juridique, qui pourrait varier de 3 $ à 300 $, peu importe le montant? Est-ce que ce serait une somme d'argent versée directement?

Mme Blain (Louise): Bien, comment ce serait administré, je ne le sais pas, mais probablement qu'ils paieraient le bureau d'aide juridique qui le... Je ne sais pas si ça irait dans un fonds commun ensuite, ou peu importe, là, on ne sait pas.

M. Lefebvre: Mais ce serait versé directement. Une contribution directe, là?

Mme Blain (Louise): Oui, oui. Il n'y en a pas, de crédit d'impôt, pour tout ça. Non, non, ce serait une contribution...

M. Lefebvre: Je vais, M. le Président, laisser mes collègues, maintenant, procéder à leur propre questionnement.

Le Président (M. Parent): Merci, M. le ministre. Alors, la porte-parole de l'Opposition officielle, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Mme Blain, Mme Émond, merci beaucoup de votre participation. Je pense que vous posez la bonne question dès le départ dans votre présentation quand vous dites: «Comment défendre le principe de la déjudiciarisation tout en rendant plus accessibles les services de l'aide juridique?» C'est la grande question et, tout au long, vous avez essayé de présenter des mesures pour déjudi-ciariser, des mesures pour mieux contrôler, pour éviter la «procédurite». En passant, je suis porte-parole du dossier mais je ne suis pas avocate. Et c'est aussi de

rationaliser les dépenses pour avoir un meilleur service mais pour pouvoir en même temps — parce qu'on n'éliminera pas toutes les procédures, c'est évident — permettre l'accessibilité à l'aide juridique à ceux qui en ont le plus besoin. Et ça, vous l'avez défini aussi sans faire de calcul de seuil, mais ça se situe à peu près à la clientèle de 1972-1973.

Ma première question serait sur l'admissibilité des groupes, des associations sans but lucratif. La plupart des groupes qui nous ont adressé cette demande-là nous disaient que c'était pour obtenir de l'information, pour pouvoir consulter, pour pouvoir aussi défendre certaines personnes et faire valoir certains droits. Ça pourrait être des genres de causes types. Presque à chacun de ces groupes-là, j'ai posé la question, à savoir: Est-ce que les groupes avaient aussi à se défendre? Est-ce que les groupes aussi en avaient besoin, si parfois il y avait des poursuites, si parfois on leur faisait des menaces de poursuites? La plupart des groupes nous disaient: Bien, pas vraiment. Ça, on n'est pas au courant. Mais, vous, vous avez vraiment dit clairement tantôt que vous aviez, comme groupe, des menaces de poursuites. Et, moi, j'aimerais vous entendre un petit peu là-dessus parce que, si, effectivement, les associations ont un besoin de se défendre, ça aussi, je pense qu'il faut le considérer.

M. Blain (Louise): Je peux vous donner un exemple très, très concret, qui peut-être éclairerait aussi M. le ministre, par rapport à la question qu'il a posée tout à l'heure, c'est que je vais vous donner un exemple concret qui est là présentement, qu'on vit présentement, c'est que l'ACEF du Nord, qui fait partie de la Fédération des ACEF, a dénoncé un commerçant qui s'appelle Michel Sainte-Marie, a dénoncé des pratiques abusives. C'est notre rôle de dénoncer les pratiques abusives quand les consommateurs viennent nous voir. Et, ce qui est arrivé, c'est qu'aussitôt que ces pratiques-là ont été dénoncées le commerçant a levé une injonction contre nous. Qu'est-ce qu'on fait si on n'a pas droit à un avocat? À ce moment-là, on est obligé de prendre un avocat pour lever l'injonction. Ensuite, il nous poursuit pour 250 000 $; c'est peut-être deux, trois fois le budget annuel qu'on a. Qu'est-ce qu'on fait pour se défendre? Et on pense que notre cause est bonne. De toute façon, on est sûrs, même, que notre cause est bonne, que probablement on gagnerait. La poursuite est encore là. Il faut se défendre, il faut prendre un avocat.

Alors, si on n'a pas cette possibilité-là, qu'est-ce qu'on fait? Même si on gagne au bout de cinq ans, il faut le payer, l'avocat. Si on n'a pas droit à l'aide juridique, on s'empêche, à ce moment-là, de dénoncer les pratiques abusives, et les commerçants ont le beau jeu parce que, eux autres, ils ont les moyens de prendre des avocats et de prendre des injonctions, d'envoyer des mises en demeure, de nous intenter des procès même s'ils sont dans leur tort. Si les groupes n'ont pas les moyens de se défendre, alors c'est inutile de penser qu'on peut défendre les droits des consommateurs.

Comme groupe, nous, à l'ACEF du Nord, entre autres, c'est ça dans le moment. Ça fait cinq ans qu'on a une poursuite de 250 000 $. Ça n'a pas évolué encore; elle est encore là, la poursuite. Alors, on a besoin d'avoir accès à l'aide juridique, sinon on ne peut pas se défendre et on laisse aller le commerçant. Je ne sais pas, moi, il gagne en cour et on lui doit 250 000 $; c'est notre survie, c'est fini.

Alors, ça veut dire qu'à chaque fois qu'on a une cause comme ça on se dit: Est-ce qu'on la dénonce? parce que le risque est qu'on ait une poursuite et qu'on n'ait pas les moyens de se défendre. Pour nous, ça devient essentiel d'avoir accès à l'aide juridique. (11 h 40)

Mme Caron: Je trouve votre exemple très, très pertinent, parce que jusqu'à maintenant on n'a pas eu d'exemple précis. Je sais que, dans un dossier du côté de la vente itinérante des préarrangements funéraires, il y a eu aussi des poursuites; il y a même eu des poursuites contre l'Office de la protection du consommateur. L'Office peut quand même, avec l'argent de l'État, arriver à se défendre, mais l'ACEF, qui avait dénoncé elle aussi des gens, s'est retrouvée avec des poursuites. Et je sais que, dans le dossier, toute l'étude qui a été faite sur les deux pour un au niveau des lunettes, il y a eu aussi des menaces suite à la première étude qui a été faite, et il y a même eu des retards à publier parce qu'il y avait des menaces de poursuite. Alors, je trouve ça important que vous nous ayez clarifié ça.

Peut-être une autre question — parce que je sais que mon collègue d'Anjou a quelques questions à vous poser — concernant l'échelle progressive des seuils d'admissibilité. Je vous dis bien, bien simplement mon inquiétude. À partir du moment où on le fait par un bureau, donc il va falloir qu'il y ait des personnes qui déterminent s'il y a admissibilité, il va falloir collecter, bon. Au niveau de la procédure, et tout ça, j'ai peur que cette structure-là coûte de l'argent et qu'on en ait moins, là, pour ouvrir davantage à la population. je ne sais pas si vous avez eu le temps d'examiner la proposition du plan du barreau, la proposition du plan du barreau qui nous dit, bon: 25 % des coûts des honoraires. mais, si on arrivait à définir avec le barreau, comme en parlait un petit peu la fnacq tantôt, à faire préciser des tarifs, des honoraires, premièrement — parce que 25 % des honoraires seulement, là, quand il n'y a pas d'honoraires de définis, on risque d'avoir le même problème que vous souleviez tantôt, que, finalement, on va augmenter les coûts et puis on va arriver au même point — si on pouvait arriver à faire préciser les honoraires, à avoir des tarifs qui reviendraient à ce qu'on peut retrouver au niveau de l'aide juridique, là, et à faire préciser ces choses-là, est-ce que ce serait moins coûteux, et plus facile, et aussi accessible, ou si vous souhaitez vraiment que ça relève de l'aide juridique?

Mme Blain (Louise): On ne le sait pas. On n'a pas eu le temps de se pencher sur la question des assu-

ranees, mais on a des craintes quand même. Probablement que, ce que propose le Barreau, c'est autre chose que ce qui existe dans le moment. Il y en a, dans le moment, des assurances, et on a des craintes par rapport à ça parce que, pour nous, ça augmente la judiciarisa-tion. Au lieu de déjudiciariser, on judiciarise. Si on a une assurance, bien, pourquoi ne pas s'en servir? Donc, allons-y gaiement. Et c'est le contraire de ce que, nous autres, on propose. Est-ce que ce n'est pas faire vivre les avocats? C'est quoi, ce qu'il y a en dessous de ça, aussi, là?

Je ne le sais pas, mais de remettre ça au privé, on sait aussi que, aussitôt qu'il y a des assurances privées, ça augmente les coûts, souvent. Bon. Il y a des augmentations exponentielles, souvent, d'année en année, du coût des assurances. Qui a accès à ces assurances-là? Qu'est-ce que ça couvre exactement? On ne le sait pas exactement. Souvent, dans les assurances qui sont proposées, on enlève tout le côté du matrimonial, alors que la plupart des gens, quand ils ont besoin d'un avocat, c'est surtout pour le matrimonial. C'est assez rare au criminel, c'est moins fréquent.

Alors, on se pose des questions par rapport à ça. On n'est pas en mesure, là, de se prononcer clairement, sauf qu'on a peur de la tendance à la judiciarisation. À partir du moment où je peux me payer un avocat, bon, alors, pour un oui et pour un non, je peux assez facilement procéder. On a des craintes par rapport à ça.

Mme Caron: Je sais que vous n'avez vraiment pas eu le temps de voir toute la proposition, mais il y a deux parties: il y a la partie assurance et il y a la partie plan du Barreau...

MmeBlain (Louise): 25 %.

Mme Caron: ...au niveau du pourcentage des honoraires. Je pense qu'on pourrait peut-être vous faire parvenir...

Mme Blain (Louise): Je l'ai.

Mme Caron: ...le document, parce que je sais que votre expertise est intéressante et j'aimerais ça, là, que vous puissiez...

Mme Blain (Louise): Oui...

Mme Caron: ...la regarder de près pour voir quelles conditions et quels critères il faudrait y associer. Alors...

Mme Blain (Louise): Oui.

Mme Caron: ...M. le Président, je...

Mme Émond (Monique): Mais la question des 25 %...

Mme Caron: Oui.

Mme Blain (Louise): ...dont vous parliez, on l'a, le plan du Barreau, là. C'est qu'effectivement la question de base, c'est: De quoi on parle quand on parle des honoraires? Parce que c'est tellement fluctuant qu'on ne saurait même pas de... Il faut savoir de quoi on parle avant même de décider si, oui ou non, on est d'accord avec ça. Dans ce sens-là, on est prêt à y réfléchir, là, dans un laps de temps assez court, à regarder ça plus en profondeur.

Mme Caron: Merci beaucoup.

Le Président (M. Parent): Mme Émond...

Mme Caron: M. le Président, mon collègue d'Anjou.

Le Président (M. Parent): M. le député d'Anjou, nous vous écoutons.

M. Bélanger: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir sur un point qui est mentionné à la page 9 de votre mémoire. Quand vous parlez de la formation d'un comité de surveillance et de contrôle des procédures utilisées dans le cadre du système d'aide juridique, pour bien comprendre, le comité que vous voyez, est-ce que c'est un comité qui devrait surveiller en général ou qui fonctionnerait sur une base de plaintes seulement, de la part des usagers ou des bénéficiaires?

Mme Émond (Monique): Nous autres, on voyait, dans un premier temps, plus un comité permanent qui ne fonctionne pas...

M. Bélanger: Mais...

Mme Émond (Monique): ...nécessairement... qui fait des... Comment on dit ça? On donnait l'exemple du tirage au sort, là, comme on fait pour les médecins; oups! on en pige un, là, ou l'impôt qui en pige 10 de temps en temps, un sur 10. Donc, nous autres, on voyait plus un comité qui aurait le mandat de le faire non pas sur plainte mais de ses propres initiatives, quoi.

M. Bélanger: À la page 10 de votre mémoire, vous mentionnez: «Nous proposons que la couverture de l'aide juridique pour les personnes admissibles englobe tous les cas de défense.>

Est-ce que vous proposez, disons, que quelqu'un qui est poursuivi par la ville de Montréal relativement à un ticket de stationnement ait droit à l'aide juridique?

Mme Émond (Monique): Non, ce n'est pas...

M. Bélanger: C'est un cas de défense, on est poursuivi.

Mme Emond (Monique): Non, non, non. Un cas de défense dans les critères de l'aide juridique. Mais la personne doit...

M. Bélanger: Dans les critères, donc dans les services qui sont présentement couverts.

Mme Émond (Monique): Dans le cadre du régime.

M. Bélanger: Vous ne demandez pas un élargissement de la couverture actuelle, parce que ce sont des services qui ne sont présentement pas couverts. C'est ce que je voulais comprendre.

Mme Émond (Monique): Ah! Dans ce sens, si c'était ça, la question, oui.

M. Bélanger: Oui. Vous ne voulez pas un élargissement? C'est dans le cadre des services qui sont présentement couverts...

Mme Émond (Monique): Oui.

M. Bélanger: ...que vous voulez le maintien automatique.

Mme Émond (Monique): En tout cas, c'est ce qu'on pensait, oui. Mais on a dit aussi qu'on voulait que ça soit réexaminé, les plans de...

Mme Blain (Louise): C'est surtout pour la poursuite qu'il faut que ce soit réexaminé. Mais c'était suite aux questions qu'il y avait dans le document, qui supposaient que, s'il n'y a pas de peine d'emprisonnement, peut-être qu'on pourrait ne pas avoir... Si tu es condamné à payer 100 000 $, je pense que ça vaut la peine de te défendre quand même. Tu sais, il y avait toute une série de questions qui donnaient des exemples: Est-ce qu'on peut donner l'aide juridique s'il n'y a pas de peine d'emprisonnement au bout, ou d'autres choses comme ça. Alors, on se disait: Non, on a droit à une défense, peu importe la peine au bout, peu importe...

M. Bélanger: Dans le paragraphe qui suit, vous proposez la formation d'un comité de travail qui serait chargé d'analyser en profondeur les domaines devant faire l'objet de la couverture de l'aide juridique et ceux qui pourraient en être exemptés. Je veux dire, je suppose que, par cette proposition, vous voulez un comité qui serait différent de celui qui va être formé, j'en suis certain, par le ministère de la Justice. Parce que, suite à cette commission, je suis certain que le ministère de la Justice va examiner la possibilité de modifier la couverture ou de la maintenir telle quelle. Alors, je suppose que c'est un comité différent, qui serait extérieur, où il y aurait des membres du public que vous voudriez avoir?

Mme Émond (Monique): Un comité ad hoc, oui. Mais, ma préoccupation, c'est parce qu'on le sent dans tous les documents que c'est remis en cause. Il y a des choses qui sont remises en cause, et, nous autres, on ne se sentait pas aptes à le trancher, en septembre 1993, à une vitesse rapide, et à dire: On tranche là-dessus. Mais on s'est dit: Je pense qu'il y aurait nécessité, effectivement, qu'il y ait un comité ad hoc qui travaille sur cette question-là, qui fasse des propositions et des recommandations, et qu'on puisse aussi, c'est très important, pouvoir émettre notre opinion ensuite.

M. Bélanger: Ça va, je vous remercie.

Le Président (M. Parent): Je vais reconnaître M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Merci, M. le Président. Dans une de vos suggestions dans les critères d'admissibilité, vous parlez d'instaurer un volet contributif. Ça, c'est contraire à la plupart des autres associations comme la vôtre qui ont comparu devant la commission, des associations concernant des travailleurs, des travailleuses. Enfin, c'est quelque chose qu'on n'a pas vu tellement souvent dans les différents mémoires que nous avons à étudier. Vous mentionnez dans votre mémoire: instaurer un volet contributif dont le niveau serait le plus élevé possible, quitte à ce que les plus hauts revenus remboursent en entier les frais encourus. J'aimerais ça entendre exactement ce que vous voulez dire par ça. «C'est-u» une espèce de ticket modérateur? «C'est-u» une contribution pour ouvrir un dossier? Exactement, qu'est-ce que vous voulez dire par ça?

Mme Blain (Louise): Bon, ça a peut être été un petit peu expliqué tout à l'heure. Non, ce n'est pas un ticket modérateur, ce n'est pas des frais pour ouvrir le dossier. Ce qu'on demande, c'est qu'il y ait une partie de la population, qui est couverte maintenant, indexé depuis 1973, qui y aurait droit si on avait indexé le montant depuis 1973, que cette partie-là soit exemptée de tous frais. Mais ce qu'on aimerait, c'est élargir une échelle, mettre l'échelle d'admissibilité plus large et permettre à plus de monde d'avoir accès. Le problème, c'est que, quand on met, par exemple: 15 000 $ et moins, vous y avez droit; 15 000 $ et plus, vous n'y avez pas droit, à ce moment-là, si je gagne 16 000 $, je n'ai pas les moyens d'avoir un avocat de pratique privée mais je n'ai pas accès à l'aide juridique.

Donc, aussitôt qu'on dépasse le seuil d'admissibilité, c'est fini. Mais, ces gens-là — ça peut être une question de 5 $, bon — ont aussi droit à la justice mais n'ont pas plus les moyens de se payer des frais d'avocat. Donc, si on met une échelle progressive qui fait que, à partir d'un certain seuil, plus on augmente en revenus, plus on paie une partie des frais, à ce moment-là, il y aurait plus de personnes qui auraient droit à l'aide juridique, quitte à payer un certain montant. (11 h 50)

M. Kehoe: Mais avez-vous fait un estimé

quelconque de ce que ça peut coûter, ça? Est-ce que vous voulez dire que tout le monde devrait avoir droit à l'aide juridique, puis les personnes qui ont plus de revenus devraient acquitter, rembourser les frais en entier?

Mme Blain (Louise): On n'a pas dit tout le monde, on a dit d'élargir l'échelle d'admissibilité jusqu'à un certain revenu, qu'on n'a pas fixé, mais qu'il y ait plus de monde qui ait accès, parce que c'est très arbitraire quand on donne un montant et qu'au-dessus de ça on n'a pas le droit et, en bas de ça, on a le droit; ça devient très arbitraire, et on exclut encore toute une couche de la population des services juridiques. Alors, si on y va graduellement, si j'ai un certain montant qui ne me permet pas d'avoir le service gratuit mais qui me permet d'y avoir accès à coût moindre que dans le service privé, à ce moment-là, il y aurait plus de personnes qui auraient accès à la justice, quitte à payer un montant qui reviendrait, de toute façon, à beaucoup moins cher que si on faisait affaire avec le privé.

M. Kehoe: D'accord. Mais vous n'avez pas fait un estimé du coût que ça peut représenter...

Mme Émond (Monique): Non, non.

M. Kehoe: .. .cette suggestion?

Mme Émond (Monique): L'impact, non.

Mme Blain (Louise): On n'a pas les moyens de faire un estimé comme ça.

M. Kehoe: D'accord, merci.

Le Président (M. Parent): Ça répond à vos questions, M. le député de Chapleau?

M. Kehoe: Merci.

Le Président (M. Parent): Alors, je vais reconnaître la députée de Terrebonne. Mme la députée.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Vous avez insisté beaucoup, et c'est votre première recommandation dans la déjudiciarisation, sur le rôle de l'information, de l'éducation et de la prévention. Je suis parfaitement d'accord. Vous avez aussi parlé d'une inégalité à ce niveau-là, dépendamment des régions. J'étais très heureuse que vous citiez la région de Lanaudière comme une région qui avait offert de très bons services; c'est ma région, ça m'a fait plaisir.

Mais je pense que l'élément important... Vous dites que, finalement, ils se sont tranquillement délestés au fil des années pour se concentrer plus sur le service, et je dois dire que, dans certains cas, on n'a vraiment pas le choix parce que le nombre de dossiers qu'ils ont à traiter... Parce qu'on sait qu'en région il n'y a pas beaucoup d'avocats de la pratique privée qui acceptent des mandats d'aide juridique; il y en a, mais il y en a moins qu'à Montréal où il y a beaucoup plus d'avocats. Alors, automatiquement, quand vous avez un nombre important de dossiers, au niveau de la prévention, c'est plus difficile. C'est ce qui a donné naissance aussi, je pense, à plusieurs cliniques juridiques, des associations à but non lucratif aussi qui se vouent davantage à cette cause-là. Je pense qu'il va falloir faire un choix au niveau de la prévention, de l'éducation et de l'information, que ce soit par les associations à but non lucratif qui seraient subventionnées par les programmes ou en ajoutant du personnel dans les bureaux d'aide juridique, parce qu'il faut remplir cette mission-là; elle est importante, elle permet de déjudiciariser.

Sur la médiation familiale, nous sommes parfaitement en accord avec vous, nous étions contre la loi qui a été votée. Je veux juste vous faire faire une petite précision, parce que nous sommes convaincus de l'importance de la médiation familiale, qu'il faut axer sur cette médiation-là. Par contre, certains groupes sont venus nous dire qu'il faudrait peut-être mettre certaines balises, qu'il faudrait peut-être certains critères parce que, souvent, et surtout les femmes qui se présentaient pour de la médiation n'avaient pas autant d'agressivité dans leur demande et étaient défavorisées en partant lorsqu'elles se retrouvaient en médiation familiale. Est-ce que, à votre connaissance, avec les gens que vous rencontrez, et tout ça, vous pensez qu'il faudrait qu'on mette certaines balises pour assurer une meilleure égalité des chances, disons, au niveau de la médiation familiale?

Mme Émond (Monique): moi, je sais à quoi vous référez. entre autres, les femmes victimes de violence, on disait que la médiation n'avait vraiment pas de place là. aussi, moi, je pense que le rôle du médiateur ou de la médiatrice... il est super important d'essayer de voir que les deux parties sont égalitaires dans une certaine mesure. mais, nous, notre préoccupation, c'était surtout de dire que, les problèmes d'ordre matrimonial, c'est plus des problèmes à caractère social, et c'est pour ça que, nous, indépendamment des balises... parce que, moi, je pense que, oui, il faudrait en mettre, des balises, mais, avant de mettre des balises, il faudrait accepter le principe de la médiation, donc de la médiation hors cadre juridique, qui fait qu'effectivement... c'est pour ça que je n'ai pas eu ma réponse. avant d'aller dîner, on voudrait avoir la réponse de notre ministre. qu'est-ce qui arrive avec ça? est-ce qu'il y a une ouverture de la part du ministre de la justice pour dire effectivement d'ouvrir la médiation familiale en dehors de la procédure juridique, si on veut? ce qui aurait l'effet de diminuer grandement les coûts de la justice, à mon avis.

Le Président (M. Parent): 11 reste encore du temps au ministre de la Justice pour vous répondre après qu'on aura entendu Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Alors, merci, M. le Président. Oui, je savais que vous n'aviez pas eu votre réponse, alors,

pour moi, c'était important de revenir sur la médiation familiale.

Mme Émond (Monique): Je vous remercie de m'y avoir fait penser.

Mme Caron: Vous avez aussi parlé vraiment de l'importance d'associer la population et, à plusieurs reprises, qu'il fallait que les citoyens du milieu se retrouvent sur les différentes instances. Et vous souhaitez suivre le modèle des CLSC, c'est-à-dire que vous souhaitez que ce soit une élection sur le même principe que le CLSC ou comme les commissions scolaires?

Mme Émond (Monique): Oui, oui, un conseil d'administration dûment élu. C'est vraiment la préoccupation de dire... Ce n'est pas vrai qu'une région c'est pareil comme une autre, que les préoccupations sont les mêmes, qu'ils ont les mêmes besoins juridiques, les même besoins de connaissance, mais il faut toujours avoir aussi à l'esprit de déjudiciariser ou d'informer les gens. Donc, le rôle de l'aide juridique... Si en plus on met autour de cette structure-là des gens qui viennent de la communauté et qui disent: Écoute, c'est clair qu'il y a un besoin x auquel il faut répondre ou qui va nous entraîner moins de cas individuels, peut-être même, jusqu'à ce niveau-là, donc, pourquoi ne pas avoir, dans le fond, des antennes dans la région, dans la communauté? Je pense que c'est un plus.

Le Président (M. Parent): Mme la députée.

Mme Caron: Je vous remercie beaucoup, et puis j'ai bien hâte d'entendre la réponse du ministre sur la médiation familiale.

Une voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Parent): M. le ministre, sur ce, nous vous écoutons.

M. Lefebvre: Mme Émond, j'apprécie beaucoup l'insistance avec laquelle vous revenez sur ce qui est important pour vous et votre organisme, et pour Mme Blain, évidemment, également. Vous semblez nous indiquer, et dans votre mémoire et dans vos propos, que dans certains cas vous pourriez vous passer d'avocat. Je vous vois travailler, là, et je réalise que vous pourriez vous-même représenter plein de clients devant les tribunaux avec de très, très bonnes chances de succès.

La médiation, parce que, au-delà du compliment, vous voulez une réponse. Alors, au printemps dernier, en 1993, on a déposé, effectivement, une loi modifiant le Code de procédure civile pour implanter le principe de la médiation en matière familiale. Évidemment, le principe et la mise en place de la structure, c'est différent. On est présentement, au ministère de la Justice, à discuter avec des collègues qui sont concernés par la médiation — Santé et Services sociaux particulièrement,

Condition féminine — du processus pour la mise en place de la médiation en matière familiale. La mise en place, ça veut dire des effectifs, ça veut dire, évidemment, des budgets, ça veut dire aussi l'accréditation des médiateurs, entre guillemets. Alors, c'est là-dessus qu'on discute présentement.

Moi, je vous dis, ma position personnelle, c'est oui à la médiation. Je l'ai dit tout à l'heure, la médiation, ça fait partie d'un ensemble de gestes qu'on doit poser. Ça rejoint ce que vous disiez tout à l'heure et ce que plein d'organismes nous ont indiqué, qu'on a besoin d'information. Vous parlez beaucoup dans votre mémoire de la non-judiciarisation, et vous avez raison. Vous avez raison là-dessus. D'ailleurs, j'en profite pour vous indiquer qu'en matière criminelle il faut se pencher sur la possibilité d'éliminer le processus de l'enquête préliminaire. Ça, évidemment, ça relève du gouvernement fédéral parce que c'est le Code criminel, c'est de juridiction fédérale, mais éliminer l'enquête préliminaire maintenant qu'on a le processus de la communication de la preuve. Alors, tout ça, ça va ensemble, l'information, la médiation. Et je vous dis: Oui, la médiation, pour moi, c'est important. C'est pour ça, tout à l'heure, que j'ai insisté beaucoup.

Et je vous incite à rappeler aux avocats, et je vais vous lire textuellement ce qui existe dans la loi du divorce, au paragraphe 9: «Devoirs de l'avocat. Il incombe à l'avocat qui accepte de représenter un époux dans une action en divorce: b) de discuter avec son client des possibilités de réconciliation». Ça, c'est le texte français. Le texte anglais, c'est: «Duty of legal adviser». «Duty». (12 heures)

Et, vous savez, la médiation, ça commence là. C'est volontairement que je le répète, parce que c'est important pour vous autres, et je vous invite à le rappeler aux avocats que vous côtoyez, que vous connaissez, qu'ils ont l'obligation, ou presque — je vous lis textuellement la prescription de l'article 9 de la loi du divorce—à tout le moins morale, sinon plus, de travailler à réconcilier les couples. C'est ça, de la médiation. Et s'ajoute à tout ça le processus auquel j'ai fait référence tout à l'heure, qui est en marche. Il y a une législation qui a été passée, et je suis convaincu à l'avance que l'Opposition va nous aider à concrètement mettre en place ce régime, ce système de médiation, en même temps qu'on travaille également sur la perception des pensions alimentaires, le système de perception des pensions alimentaires.

Il y a plein de choses dont on pourrait discuter jusqu'à 15 heures après-midi, mais ce n'est pas simple. Ça demande un changement d'attitude, puis c'est là-dessus que vous avez insisté, vous avez raison, puis ça demande aussi, évidemment, la mise en place de structures puis des crédits budgétaires additionnels.

Je vous remercie de la qualité de votre mémoire et je vous remercie aussi d'être venues ici toutes les deux, Mme Blain et Mme Émond, pour défendre votre point de vue et celui de ceux et celles pour qui vous travaillez à tous les jours.

Le President (M. Parent): Merci, M. le ministre. Merci, Mme la porte-parole de l'Opposition officielle. Merci, mesdames.

Nous allons suspendre quelques instants pour accueillir dans quelques minutes Accès-Justice.

(Suspension de la séance à 12 h 2)

(Reprise à 12 h 4)

Le Président (M. Parent): Alors, j'invite les membres de cette commission à prendre place. Et nous allons procéder à la dernière audition de notre journée de travail en accueillant les représentants d'Accès-Justice.

Les représentants d'Accès-Justice. J'invite Mme Lorraine Gauthier, Mme Debbie Yacoulis et M. Normand Filiatrault à bien prendre place aux sièges devant moi.

Excusez, madame. Vous distribuez quoi, là? Madame?

Accès-Justice Une voix: Oui, oui, oui...

Le Président (M. Parent): Qui est le porte-parole d'Accès-Justice?

Mme Gauthier (Lorraine): C'est moi.

Le Président (M. Parent): Oui? Alors, quel est le bon document, celui que vous nous avez fait parvenir ou celui que vous nous distribuez aujourd'hui?

Mme Gauthier (Lorraine): Non. C'est parce que c'est quelqu'un d'autre qui vous l'a remis. C'est celui que je vous ai fait parvenir. Et celui... Ah! vous l'avez eu, tout le monde? Parce que je ne pensais pas que vous l'aviez eu. C'est celui-ci.

Le Président (M. Parent): Alors, le document officiel, là...

Mme Gauthier (Lorraine): C'est celui-ci.

Le Président (M. Parent): ...c'est celui-ci, «Accès-Justice», avec la couverture verte.

Mme Gauthier (Lorraine): Bien, ils ont tous les deux des couvertures vertes, mais c'est la grosse photo.

Le Président (M. Parent): Est-ce que c'est le même contenu que le mémoire que vous nous avez fait parvenir?

Mme Gauthier (Lorraine): Oui, c'est le même contenu que le mémoire.

Le Président (M. Parent): Pourquoi est-ce qu'il est changé?

Mme Gauthier (Lorraine): Pardon?

Le Président (M. Parent): Pourquoi est-ce que vous nous en donnez un autre?

Mme Gauthier (Lorraine): II n'a pas changé, je ne savais pas qu'ils en avaient donné une copie à tout le monde. Elle m'avait dit d'en rapporter 25, alors j'en avais conclu...

Le Président (M. Parent): Alors, ça, c'est la même copie, exactement, sans aucun changement, que celle que vous avez fait parvenir à la commission des institutions avant de vous présenter devant nous.

Mme Gauthier (Lorraine): Ah! je ne le savais pas. Alors, à ce moment-là... c'est parfait, c'est la même.

Le Président (M. Parent): Alors, c'est la même, pas de problème. C'est juste pour l'information des membres de la commission.

Alors, Mme Gauthier, Mme Yacoulis, M. Filiatrault, bienvenue. On vous remercie d'avoir accepté l'invitation de la commission des institutions à venir nous aider à cheminer dans l'amélioration ou l'actualisation, selon le cas, de notre service d'aide juridique.

L'audience prévue avec votre groupe est prévue pour une heure — 60 minutes — répartie également entre vous et les membres des deux formations politiques. Qui est le porte-parole officiel de votre...

Mme Gauthier (Lorraine): C'est moi, Lorraine Gauthier.

Le Président (M. Parent): C'est Mme Gauthier. Alors, Mme Gauthier, vous êtes accompagnée de Mme Yacoulis?

Mme Yacoulis (Debbie): Oui.

Le Président (M. Parent): Et de M. Filiatrault. Est-ce qu'il est ici, M. Filiatrault?

Mme Gauthier (Lorraine): Bien, M. Filiatrault est ici.

Le Président (M. Parent): Vous pouvez prendre place, si vous voulez, M. Filiatrault, en avant. Soyez bien à votre aise.

Alors, nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous écoutons, madame.

Mme Gauthier (Lorraine): Moi, vraiment, je ne suis pas avocate et puis je n'ai pas non plus... Je représente Accès-Justice, qui est vraiment une association

pour des gens qui sont victimes de l'aide juridique. En ce sens, c'est pour ça que j'aurais voulu changer la terminologie. J'aurais même proposé qu'au lieu d'appeler ça l'aide juridique on appelle ça accès-justice ou accès à la justice, parce que je trouve que ce serait plus équitable. Parce que ce n'est pas une aide, ça, c'est payé par les contribuables pour les contribuables, et ça ne devrait pas être une aide, ça devrait être des moyens d'accès à la justice. Alors, c'est pour ça que... En préambule, la première de mes idées, c'est celle-là. Je parle trop fort? C'est parce que j'entends...

Le Président (M. Parent): Non, non, ça va, madame. Ça va très bien. Mais sentez-vous bien à votre aise si vous voulez demeurer assise, hein!

Mme Gauthier (Lorraine): Non, je préfère être debout...

Le Président (M. Parent): Oui? D'accord.

Mme Gauthier (Lorraine): ...parce que je ne suis pas habituée de parler en public, puis ça m'intimide un peu, m'asseoir.

Le Président (M. Parent): Ah! vous allez voir, on n'est pas intimidants, hein!

Mme Gauthier (Lorraine): Non, mais c'est quand même un peu difficile pour moi.

Aussi, la clientèle. La clientèle, bien, c'est vraiment la classe moyenne du Québec, vraiment la classe moyenne. C'est pour ça qu'aide juridique ça a toujours une relation avec les gens qui n'ont pas les moyens de payer, et tout ça. Mais qui paie ce système juridique là au Québec? C'est la classe moyenne, c'est les travailleurs, et ce sont ces gens-là qui n'ont pas accès. Parce que, quand on dit 9000 $ ou 23 000 $ avec deux enfants, je regrette, moi, j'ai payé des avocats — ha, ha, ha! — et je faisais beaucoup plus de salaire que ça, et c'est impossible de payer un avocat avec ces salaires-là. Ce n'est pas de la classe moyenne, ça, c'est de la pauvreté; 23 000 $ avec deux enfants, monsieur, je ne sais pas comment vous pourriez arriver, mais c'est de la pauvreté, ce n'est pas de la classe moyenne. Alors, on ne rend pas du tout l'accès à la classe moyenne, à ce moment-là. On continue, encore une fois, à s'occuper des gens, finalement, qui sont vraiment, vraiment sans moyens et on ne s'occupe encore pas des gens qui paient pour le système, c'est-à-dire les travailleurs qui paient avec leurs impôts pour le système.

Alors, mon deuxième point, c'était ça, la clientèle, mais par ricochet. Après que vous aurez compris le fonctionnement de ma pyramide, vous allez voir, quand je dis «par ricochet», ce que ça veut dire. (12 h 10)

Maintenant, l'évaluation de la situation actuelle. À la page 3, vous avez une pyramide. Ce n'est pas la première fois que le gouvernement reçoit, que les politiciens reçoivent des mémoires et font des consultations. Il y a eu le Sommet de la Justice où il y a eu plusieurs personnes, de grands chercheurs, qui ont apporté plein, plein d'idées innovatrices. On ne sait pas ce que ça a donné à date. Ça n'a pas donné grand-chose, d'après le point de vue de la classe moyenne, quand c'est le temps de payer des avocats. Moi, ce que j'ai fait, j'ai simplement repris plusieurs de ces documents-là et puis j'ai essayé d'être plus pratique que théorique, c'est-à-dire de trouver des moyens concrets pour mettre ça en marche en diminuant le budget, pas en l'augmentant, parce qu'on n'a plus d'argent. La classe moyenne, on ne veut plus payer d'impôt. On n'a plus d'argent pour ajouter au système de justice actuel. Alors, qu'est-ce qu'il faut faire? C'est qu'il faut répartir l'argent autrement.

Si vous regardez à la page 3, pour moi, la pyramide, c'est qu'elle fonctionne à l'envers, présentement, c'est-à-dire que tout l'argent de la classe moyenne, les besoins de la classe moyenne sont en haut, et, tout ça, ça s'écoule, et c'est le tribunal, finalement, l'administration de la justice traditionnelle, c'est-à-dire les juges et les avocats, qui bénéficie de tout cet argent-là, et tout le monde en haut a l'impression d'avoir été lésé ou de ne pas pouvoir y avoir accès; ou ça dure trop longtemps ou on se ruine la santé. Alors, vraiment, la classe moyenne, en haut, les gens qui sont vraiment là, tout le budget est écoulé et passe à travers — comment on appelle ça — un entonnoir, si vous voulez, et ça retombe tout le temps, tout le temps sur les avocats qui font de l'argent, les juges qui font de l'argent, les gens qui font des expertises, le système en tant que tel, et les gens qui paient pour ce système-là n'ont aucune possibilité de vraiment se faire défendre. C'est très, très difficile. En tout cas, moi, je peux parler d'expérience, et il y a plusieurs personnes qui ont parlé d'expérience et qui m'ont parlé de leur expérience.

Et aller au bout d'une cause dans le système actuel, surtout quand, l'autre côté, ce sont des spéculateurs ou des municipalités ou des sociétés d'État, c'est très, très difficile. Je veux dire, oubliez ça, là, parce que, pour la classe moyenne, c'est pratiquement impossible, même avec les meilleurs avocats, et ce ne sont pas les hommes là-dedans, hein? Moi, je ne blâme pas les avocats parce que je sais que j'ai eu d'excellents avocats. Mais c'est les coûts, les coûts mirobolants qu'ils peuvent se permettre de charger, des frais, alors ce qui fait que, nous, comme on ne peut pas payer ça, bien, ils sont à la disposition des corporations ou des gens qui, vraiment, vraiment, ont plus d'argent pour les payer. Alors, ça, moi, j'ai l'intention... Et, quand on en a discuté ensemble, c'était ça, l'idée, c'était de redistribuer les budgets pour que la pyramide soit vraiment une pyramide, c'est-à-dire retournée sur sa base.

Alors, je ne le sais pas, est-ce que je peux prendre point par point rapidement, maintenant?

Le Président (M. Parent): Madame, vous avez 20 minutes...

Mme Gauthier (Lorraine): Parfait.

Le Président (M. Parent): ...pour présenter...

Mme Gauthier (Lorraine): Alors...

Le Président (M. Parent): ...libre à vous de les utiliser, oui ou non.

Mme Gauthier (Lorraine): Alors, notre service de justice actuel, là, il souffre d'un cancer généralisé, selon mes membres et selon moi, entraînant avec lui la désintégration du tissu social. Et ce n'est pas des mots, parce qu'on voit aujourd'hui la contrebande, on voit le travail au noir, on voit plein, plein de gens qui se passent de la justice. On voit aussi des gens qui tirent à bout portant pour se faire justice eux-mêmes de plus en plus. Alors, il est de notoriété publique que la confiance envers les gouvernants et la justice est érodée. Ça, je ne vous apprends rien, puis je n'apprends rien à personne.

Des gens se suicident parce qu'ils se sentent impuissants à faire valoir leurs droits ou leurs revendications face à la machine juridique, qui est devenue mercantile. «Mercantile», ça, ça veut dire: c'est une «business». D'autres tuent de rage seulement, souvent, pour être entendus. Et ce ne sont pas des exceptions, hein! Les familles se déchirent, les évaluateurs et les experts de toutes les disciplines, outrageusement, gonflent les factures. Faites-vous faire des expertises, ça coûte très, très, très cher. Les municipalités, les sociétés d'État, les compagnies ne respectent plus leurs ententes, car elles n'ont pas force de loi. Alors, elles savent que les citoyens sont pris au piège des coûts juridiques, et c'est vraiment David contre Goliath. Alors, même si elles ne respectent pas leurs ententes, le citoyen, lui, qu'est-ce qu'il peut faire contre ça? Il ne peut pratiquement pas se défendre, il n'en a pas les moyens, et elles le savent.

Les travailleurs sociaux, psychologues, psychiatres et médecins, ils reçoivent de plus en plus d'éclopés du système juridique dont les nerfs n'ont pas su résister aux assauts du stress créé par d'interminables conflits, d'interminables délais, des procédures et des dépenses pécuniaires et émotives outrageuses. Et des milliers de mères et d'enfants se retrouvent sur le bien-être social suite au refus du père de payer des pensions. Et c'est tellement compliqué pour la mère ou pour même les enfants d'avoir recours à la justice, ça coûte tellement cher, il y a tellement de stress et de déchirement dans les familles qu'il y en a plusieurs qui abandonnent carrément. Alors, ça fait du bien-être social, ça, ça retombe sur les payeurs de taxes encore.

Des millions de dollars sont consacrés en frais d'avocat, de cour, d'expertises diverses, argent de familles à revenus faibles ou moyens, argent qui devrait servir aux besoins et à l'éducation des enfants. Quand ça coûte 100 000 $ pour divorcer, et que ça coûte des fortunes, et que ça prend cinq ans et plus, les enfants sont déchirés. Et toutes ces personnes-là que, moi, j'ai rencontrées, et en trois ans, M. Bélanger, j'en ai rencontré plusieurs — je le reconnais parce que je suis allée déjà le voir pour ça —j'ai rencontré beaucoup, beaucoup de personnes et il n'y a personne qui n'est pas tombé dans la médication, chez les travailleurs sociaux, qui n'a pas eu affaire à des psychologues. Tout le monde a eu des problèmes de santé, et les enfants sont entre ça. Alors, ça, je trouve que c'est inadmissible que de payer si cher et puis d'en venir à des résultats comme ça.

Alors, mon idée, c'est de renverser la pyramide, que vous allez voir à la page 8. C'est la même pyramide, mais elle est renversée. Parfait? Puis, moi, je l'ai appelée... Et ça, ce n'est pas ma pyramide. Moi, je lui ai ajouté une tête et des pattes, là, mais, la pyramide, c'est Jacques Dufresne qui l'avait mise dans son annexe lors du Sommet de la Justice. Il y a beaucoup d'Américains à San Francisco, Mme Grillo, par exemple, avait fait quelque chose d'à peu près pareil. Ce n'est pas nouveau, ça. C'est pour ça que, moi, je voudrais être plutôt pratique, parce que je pense que, des idées, tout le monde en a. Mais là c'est le temps d'être pratique pour répondre, pas aux besoins du Barreau, pas aux besoins des avocats — je n'ai rien contre ces gens-là — mais il faut répondre aux besoins de la classe moyenne. Il faut tourner la pyramide parce que, maintenant, ce sont les travailleurs qui paient la machine, qui servent la machine. Voyons! Ça devrait être la machine qui sert les travailleurs. Et ça, quand vous me parliez de budget, tout à l'heure — je suis entrée juste quelques minutes avant, mais j'entendais parler de budget — ça coûterait beaucoup moins cher, beaucoup moins cher, et beaucoup plus efficace.

Maintenant, l'autorégulation vient à la base, le droit préventif, les alternatives et le tribunal en haut seulement. Ça veut dire qu'on commence avec une justice par la base, pour la base, pour commencer. Après, tu as des moyens alternatifs, puis, après, tu peux aller au tribunal. C'est sûr que des causes de meurtre, il y a des choses, voyons, des choses qui ne se régleront pas, jamais, par la médiation.

Je voudrais revenir, tout à l'heure, sur la médiation, là, suite à ce que j'ai entendu. Mais j'aimerais juste très, très rapidement lire ça, parce que sinon je n'aurai pas le temps.

Alors, il faut favoriser les règlements à l'amiable en s'assurant, par un code d'éthique, que les droits de chacune des parties sont respectés. Parce qu'un règlement à l'amiable, comme ça se passe présentement, là, ça, ce n'est pas un règlement à l'amiable vraiment parce que ce ne sont pas vraiment les parties impliquées qui passent. C'est toujours entre avocats. Donc, le citoyen a l'impression qu'il a perdu; il a perdu le contrôle de sa vie. Il a perdu le contrôle de même sa propre médiation, souvent.

Et, tout à l'heure, j'entendais, je pense, M. le ministre, si je ne me trompe pas, qui parlait de médiation, du devoir, que ça ressemblait au premier devoir de l'avocat. Mais vous n'avez pas parlé de médiation. Vous

avez parlé, pas de conciliation, mais de réconciliation. C'est la dernière chose que les gens veulent, se réconcilier. Mais ça n'a rien à voir. Moi, si je décide de divorcer, je ne veux pas me réconcilier avec mon mari, voyons! Je veux qu'il y ait une conciliation. Et, si j'ai bien entendu, tout à l'heure, c'était «réconciliation». Alors, on reviendra à ça, là, mais je pense que c'était ça, le texte. En tout cas, de toute manière, vous pourrez me corriger, je ne suis pas une experte. J'ai seulement cru entendre ça.

Inventorier d'autres solutions de règlement de conflit avec d'autres intervenants. Les familles concernées, ce sont les premières personnes, c'est les familles concernées. Les ressources communautaires. Les bénévoles. Mais, quand on parle de bénévoles, si j'ai cru bien entendre, là, la position du Barreau là-dessus, pour lui, le bénévole, c'est aux comités d'administration qui sont situés dans les bureaux d'aide juridique. Mais ce n'est pas ça. Ça, ce n'est pas des bénévoles qui vont à l'hôpital et puis qui disent: Bonjour, monsieur, comment ça va? C'est des bénévoles qui sont près de la famille, près des gens en conflit, comme ça se fait dans plusieurs États américains, surtout en Californie. Mais ça se fait en Finlande, ça se fait en Norvège aussi. Et ce sont ces gens-là qui connaissent les deux parties et qui peuvent, dans un état d'entente, vraiment, vraiment, à ce moment-là, aider à une compréhension des deux parties.

Parce qu'il faut que les deux... L'agresseur avait ses raisons. Quoi qu'on en pense, ils ont des raisons. Puis la victime aussi a ses raisons. Alors, les deux s'obstinent à n'en plus finir. Si on met un médiateur qui est habitué, qui a toute sa formation pour régler des litiges et que la confrontation le paie, c'est sa vie, c'est sa source de richesse. Alors, si on met des avocats qui sont habitués à la confrontation à ce stade-là, bien on passe à côté complètement.

Quand on dit des bénévoles, moi, quand je dis des bénévoles et que la classe moyenne parle de bénévoles, on ne veut pas parler d'un conseil de bénévoles qui sont attachés à un comité d'administration au bureau d'aide juridique. On parle de, quand il y a vraiment des problèmes — et ça se fait même au niveau des écoles primaires et secondaires à San Francisco, un peu partout — c'est les gens qui sont autour qui se trouvent à...

À qui je parle? À qui je dois m'adresser quand je parle?

Le Président (M. Parent): Toujours au président, madame.

Mme Gauthier (Lorraine): Toujours au président? Parce que là je ne savais pas... (12 h 20)

Le Président (M. Parent): Et ça me fait plaisir de vous entendre, de vous écouter.

Mme Gauthier (Lorraine): Mais c'est parce que je parle fort, parce que, tout à l'heure, je n'entendais rien. Alors, là, j'ai dit: Au moins ils vont m'entendre. S'ils ne sont pas intéressés, tant pis. Ha, ha, ha!

Donc, ces bénévoles-là, c'est très, très important que ce soient des gens qui connaissent déjà les parties en conflit. Pas des étrangers, là, qui ont le mandat d'être bénévoles. Ça, c'est du «cheap labour», puis ce n'est pas ça qu'on veut.

Aussi, il faut inventorier d'autres solutions de règlement de conflit avec d'autres intervenants, mais, aussi, on a des programmes d'informatique. On est à l'an 2000. Alors, aujourd'hui, vous avez toutes les lois et la jurisprudence. Ça, c'est tout entré sur réseau. Présentement, c'est les avocats et les notaires qui ont accès à ça. Ça a été fait par la Chambre des notaires. On m'a dit que c'était avec des subventions, donc ça a été payé beaucoup par les contribuables, et c'est déjà entré. Donc, un programme informatisé, cinquième génération, très simple, qu'on appelle «Users friendly», peut très, très bien, par thèmes, avec un bon conseiller technique, un bon technicien légal, juridique qui est payé au salaire d'un technicien juridique, c'est-à-dire pas plus cher qu'une infirmière puis pas plus cher qu'un professeur ou un enseignant — pourquoi plus? pourquoi profiter du malheur des gens? il y a comme une limite à ça — alors, ce qu'on pense, c'est qu'il pourrait très, très bien utiliser, sortir toutes les données de l'ordinateur, les jurisprudences, tout ce qui a rapport à son cas, très simplement — ça, c'est très simple de faire ça pour un programmeur — et, comme ça, au lieu d'aller voir cinq, six avocats pour te faire donner trois, quatre réponses différentes, bien, tu vas être sûr, hein, que tu as tes bonnes réponses, les bonnes jurisprudences concernant ça, et ça a pris au maximum une heure. Puis c'est déjà entré dans les réseaux, c'est déjà entré sur cassette, sur disquette, pardon.

Alors, vers l'an 2000, là, il faut commencer à vraiment utiliser la technologie moderne. C'est fini, des paperasses; ça empêcherait beaucoup, beaucoup de paperasses à n'en plus finir, des huissiers, des pertes de ci, des pertes de ça. Les informations pourraient nous arriver, et on est sûr que ce sont les bonnes informations, ce qui n'est pas toujours le cas avec des avocats. Moi, j'ai déjà vu des avocats; sur quatre, là, pour un litige municipal, j'ai eu trois réponses différentes. Ça fait que ça aussi, là... Même si on paie, on n'est même pas sûr qu'on a la bonne réponse, alors, parce que les gens sont plus ou moins spécialisés dans plus ou moins de choses, ont plus ou moins d'expérience avec ce cas-là, puis je ne blâme pas les individus, mais je dis: Pourquoi, nous, on continuerait à perpétuer à payer pour rien, tu sais?

Encourager les intervenants et la communauté en général à prendre conscience de leur degré de responsabilité — parce que ce qu'on est en train de faire, c'est ça, là, le degré de responsabilité des gens, on l'oublie parce que c'est légal, c'est légal, là, tu peux tout faire — en mettant à leur disposition des moyens éducatifs vidéo ou autres. Fixer des paramètres pour les délais, pour les procédures, pour les coûts. Aussi, rendre les

recours collectifs plus faciles d'accès. Les recours collectifs, je les ai mis dans l'alternatif.

Le régime d'assurances mixte État-particulier. Mais je n'ai pas du tout la même idée que le Barreau ou que la position du Barreau, puis j'ai cru entendre — parce que je ne suis même pas sûre que c'est la bonne, là, c'est seulement ce qui m'a été reflété par les journaux — qu'ils veulent un système d'assurances mixte État-particulier. Parce que l'État, je veux ça en dernier ressort, parce que toute la base, ça ne coûte rien. Les mesures alternatives, ça ne coûte pratiquement rien non plus. C'est important que les gens paient pour leur responsabilité, aussi, comme on le fait présentement aux petites créances ou des choses comme ça, même si c'est plus élevé. Mais les assurances, ça pourrait être seulement une fois qu'on se rend au tribunal. Parce que, si on ne se rend pas au tribunal, là, à quoi ça sert d'avoir des assurances?

Le Président (M. Parent): Sans vouloir vous brimer, madame, je vous informe que votre temps est à peu près terminé.

Mme Gauthier (Lorraine): Mon temps est terminé?

Le Président (M. Parent): Mais si vous pressez... Oui. Mais si vous voulez...

Mme Gauthier (Lorraine): J'ai commencé à 12 h 15, il est 12 h 25!

Le Président (M. Parent): Remarquez bien... Vous n'avez pas commencé à 12 h 15, je regrette. Si vous voulez continuer, je vous... Non. Je veux vous informer, moi, que, si vous voulez continuer, je n'ai aucune objection.

Mme Gauthier (Lorraine): Oui.

Le Président (m. parent): c'est que vous aurez moins de temps pour... ^

Mme Gauthier (Lorraine): Pour les questions. Le Président (M. Parent): ...dialoguer entre...

Mme Gauthier (Lorraine): Alors, je vais faire ça vite.

Le Président (M. Parent): Bien, allez-y, soyez bien à votre aise.

Mme Gauthier (Lorraine): II y a différentes formes...

Le Président (M. Parent): Je vous donne le choix de continuer ou de dialoguer plus longtemps avec les membres de la commission.

Mme Gauthier (Lorraine): Je vais aller vite. Le Président (M. Parent): Non, non.

Mme Gauthier (Lorraine): Le téléphone juridique. Il existe présentement, en France, depuis peu, un téléphone juridique qui permet d'être en ligne avec des juristes spécialisés dépendant de différents ministères et qui prennent le temps de répondre aux questions des citoyens en toute confidentialité. Ça, ce ne serait pas cher, ce serait excellent aussi.

Rendre les contrats exécutoires. Favoriser la prévention de conflits ultérieurs en mettant à la disposition des deux parties impliquées les contentieux et les recherchistes qui, présentement, sont exclusivement au service des organismes publics et gouvernementaux. C'est-à-dire que, nous, les payeurs de taxes, nous payons pour les contentieux, les avocats, les recherchistes des sociétés d'État, des municipalités, de tout ce monde-là quand on signe un contrat avec eux, et, nous, on est seuls, comme des caves, on n'a personne pour nous rendre service, pour nous aider, excepté qu'il faut payer des avocats, des évaluateurs. Et c'est notre argent, là, qui a servi à payer l'autre côté. Et c'est supposé être un service de justice pour le monde, pour la classe moyenne, pour les citoyens.

Alors, ce qu'il faut faire, à mon avis, c'est que, tous ces gens-là de contentieux et les recherchistes, ils devraient faire une conciliation. Avant de signer un contrat, ils devraient informer si on a à faire... Moi, si j'avais voulu, avant de signer, par exemple, un certain contrat, j'aurais pu téléphoner à une recherchiste. Elle aurait pu me rendre le même service qu'elle va rendre à la personne du bon côté, hein, de l'autre côté, mais qui est quand même payée avec mes impôts aussi. Aussi, ce serait plus équitable et puis ça empêcherait aussi les lourds honoraires qui vont suivre, après, pour les expertises, et tout ça.

Alors, les membres d'Accès-Justice ont multiplié les suggestions de propositions et... Attendez un peu. Il faut que j'aille vite; ça, ça m'énerve.

Le Président (M. Parent): Alors, madame, si vous voulez bien, on va procéder à la période de dialogue avec les membres de cette commission.

Mme Gauthier (Lorraine): Mais je ne veux pas. Est-ce que je peux continuer?

Le Président (M. Parent): Écoutez, madame...

Mme Gauthier (Lorraine): Vous m'avez dit que je pouvais, tout à l'heure, continuer.

Le Président (M. Parent): Madame, moi, je vais vous dire une chose, vous avez manifesté votre intention de venir témoigner, nous sommes ici pour vous entendre, et je me dois quand même de vous rappeler que le temps que vous prenez, vous le prenez

aux deux formations politiques. Et, si vous voulez dialoguer avec eux, leur poser des questions et avoir des réponses, c'est à vous de prendre la décision. Ce n'est pas à moi.

Mme Gauthier (Lorraine): Bon, bien, ça va, mais il me restait une page, puis ça ne m'a pas pris 20 minutes à lire ça, je ne pense pas.

M. Bélanger: M. le Président... Le Président (M. Parent): Oui.

M. Bélanger: ...moi, je pense qu'on est ici avant tout pour écouter les gens.

Le Président (M. Parent): Oui, pour écouter. Ah! je suis d'accord avec ça, moi aussi.

M. Bélanger: Quant à moi, je suis prêt à donner mon temps de questions pour que madame puisse exposer ce qu'elle a à dire.

M. Lefebvre: S'il vous reste une page, allez-y, madame.

Mme Caron: Oui, oui.

Le Président (M. Parent): Ah oui!

M. Lefebvre: Allez-y, allez-y, allez-y.

Le Président (M. Parent): Moi, c'est une mise en garde que je vous ai faite; ce n'est pas une directive.

Mme Gauthier (Lorraine): Vous m'avez fait une mise en garde et j'ai décidé de passer outre. Je passerai moins aux questions. Je préfère dire ce que j'ai à dire.

Le Président (M. Parent): Allez! On vous écoute.

Mme Gauthier (Lorraine): D'accord.

Le Président (M. Parent): Bon, prenez votre temps, là.

Mme Gauthier (Lorraine): Maintenant, si on retourne la pyramide, il va y avoir des économies en conséquence. Alors, à mon avis, il n'y a besoin d'aucune augmentation de budget. Ça se fait ailleurs, ça coûte beaucoup moins cher. D'abord, la base, ça ne coûte rien. Ce sont les familles impliquées, la communauté après.

Et j'avais une chose très, très importante aussi — je ne sais plus où c'est rendu, ça là. Vous allez trouver que je vais loin dans mon affaire. Mais, moi, je pense que c'est une approche évolutive, ça, selon moi.

Ce n'est pas alternatif, c'est évolutif, et je ne voudrais pas qu'on oublie la philosophie de ce projet de justice évolutif que, nous, on suggère. C'est redonner aux citoyens la responsabilité de leurs actes, à long terme. Il est prouvé que ce n'est pas par la répression qu'on atteint ce but-là à long terme, parce que la répression, c'est pire, mais bien par l'éducation et la compréhension profonde des motifs qui mènent à la déviance et à la délinquance, quel que soit le type de délinquance.

Alors, que ce soit par passion, que ce soit par avidité ou un autre motif, l'être humain, lui, il dépend de son éducation, puis il dépend de la société en général. Si c'est un «free-for-all», si c'est l'anarchie, si la personne n'a pas de famille, alors c'est facile de la blâmer, puis de dire: Tu as fait ça, tu as fait ça, tu as fait ça.

Alors, ce que je pense, c'est qu'on pourrait s'inspirer un peu, peut-être, de la manière des autochtones. On pourrait peut-être s'inspirer de la manière très organisée mais animée d'un grand esprit communautaire, de la manière dont les autochtones géraient leurs conflits internes avant l'arrivée des Blancs. Il n'y avait pas d'avocat ou de quoi que ce soit et leurs conflits internes étaient réglés justement par un comité comme ça, si vous voulez, de sages ou de personnes qui connaissaient les gens, et ils réglaient comme ça. Et le gars, il ne pouvait pas se lever et partir, comme c'est le cas présentement pour la médiation ou la conciliation. Et c'est pour ça que la conciliation devrait être obligatoire, parce que, s'il peut sortir... Et ça, je peux vous envoyer beaucoup, beaucoup de témoignages de ça, quand ce n'est pas obligatoire, la personne qui est très enragée, très fâchée, si ce n'est pas comme elle l'entend, elle va sortir. Mais il ne faudrait pas qu'elle puisse sortir à ce premier stade là. Après, il y aura d'autres stades. Mais, celui-là, il faudrait vraiment qu'elle passe à travers. Pour l'aider à passer à travers cette première instance là, à mon avis, il faudrait faire autre chose. (12 h 30)

Et ça, je vais vous le lire pour ne pas perdre de temps. Je n'ai jamais vu une chose comme ça. J'ai travaillé tellement fort après ça, puis j'ai 15 minutes pour l'expliquer. Si la conciliation devait être obligatoire en première instance, je crois qu'avant même d'entamer cette étape — là, vous allez peut-être tous rire de moi, mais, à mon avis, c'est la plus importante — il faudrait une courte thérapie de quelques heures, par quelqu'un qui est habilité à le faire, quelqu'un qui est objectif, qui est empathique, en toute confidentialité, pour donner autant aux victimes qu'aux agresseurs, la chance d'exprimer leurs motifs et leurs sentiments profonds, leur rage, leur impuissance, leurs regrets, leur haine. Parce que là ils sont toujours enragés, puis tout ce que vous voulez; ils n'ont pas eu le temps d'évacuer ça. Mais, si avant même d'entreprendre une médiation...

On les emmène en médiation comme ça. Voyons donc! Ils ne veulent rien savoir! Tandis que, si on pouvait... Et beaucoup, beaucoup de gens me l'ont dit,

ça, et surtout des agresseurs me l'ont dit: Si j'avais eu la chance avant, si j'avais été arrêté, puis si j'avais eu une personne qui m'avait écouté, que j'avais sentie empathi-que, avec laquelle j'avais senti que c'était en toute confidentialité que j'aurais pu exprimer mes émotions, j'aurais pu essayer d'exprimer mes conflits. Ça lui aurait donné la chance de savoir les motifs pourquoi, lui, il a fait ça — les trois quarts du temps, ils ne le savent même pas — et ça donnerait aux victimes aussi la compréhension de l'autre. Donc, on revient vraiment dans la restructuration du tissu social qui est en train complètement de s'éroder.

Donc, au lieu d'avoir tout un paquet de trous, là, on a des gens qui sont ensemble et qui essaient de se comprendre les uns les autres, premièrement. Ça, ça ne veut pas dire: On laisse la porte ouverte à tous les abus, puis ils ont rien qu'à me comprendre, puis je vais voler 100 000 $, comme ça je vais me ramasser avec 50 000 $ avec la conciliation «half-and-half». Ce n'est pas ça que ça veut dire. Il est quand même responsable de ses actes. Mais, pour qu'il réalise qu'il est vraiment responsable de ses actes et qu'il accepte de payer le prix, il faut d'abord qu'il soit conscient de l'acte qu'il a posé, et il faut aussi — j'achève, monsieur, là — qu'il ait vidé sa rage et que les deux parties essaient d'avoir un effort de compréhension de part et d'autre avant même d'entreprendre la médiation et la conciliation qui — un point très important, à mon avis — devraient être faites par des conciliateurs spécialisés, pas par des avocats, parce que toute leur formation est faite en vue de confrontations pour créer des litiges.

Donc, à moins qu'il y en ait qui veuillent vraiment embarquer là-dedans, mais à un salaire de technicien — et un salaire de technicien, ce n'est pas le salaire d'un avocat — alors peut-être qu'il y en a qui sont intéressés... J'ai parlé à plusieurs jeunes, ils sont emballés par ça. Mais il faut vraiment une discipline personnelle et il faut aussi un niveau de moralité assez élevé, que ce soit au-dessus du mercantilisme, et au-dessus des profits, et au-dessus de l'homme d'affaires.

Quand la justice est devenue une «business», moi, j'ai l'impression qu'on passe à côté, et c'est très, très, très dangereux. Je ne suis pas la seule. Je dis «moi», mais tous les gens qui m'ont contactée, je suis sûre que vous le savez aussi, tout le monde le sait. Alors, ce n'est pas une question de budget.

Ce n'est une question de mauvaise volonté de personne, c'est une question de système qu'il faut remettre à la bonne place, sur la tête. A la base, qu'ils règlent leurs problèmes. S'ils ne peuvent pas, ils vont après à la communauté. Ils vont peut-être même à un tribunal, à un juge, à une personne comme ça, comme on fait aux petites créances, et, après, au juge.

Le Président (M. Parent): Je vous invite à conclure, là, madame. Vous approchez les 30 minutes.

Mme Gauthier (Lorraine): J'ai conclu. C'est tout.

Le Président (M. Parent): Merci! Ça me fait plaisir. M. le ministre de la Justice.

Mme Gauthier (Lorraine): Mais je me suis sentie très pistonnée, monsieur. Ça ne me faisait rien qu'il n'y ait pas tant de questions. J'aurais préféré finir mon...

Le Président (M. Parent): Oui, mais, par contre... Écoutez, madame...

Mme Gauthier (Lorraine): Merci, merci.

Le Président (M. Parent): ...je comprends qu'on vous a invitée ici pour vous écouter, on vous a écoutée...

Mme Gauthier (Lorraine): Je suis partie de Montréal et j'ai...

Le Président (M. Parent): ...mais il faut aussi... Oui.

Mme Gauthier (Lorraine): Ça va. Merci. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Parent): II y a des gens, aussi, qui veulent dialoguer avec vous.

Mme Gauthier (Lorraine): Ah oui! D'accord. Allez-y.

Le Président (M. Parent): M. le ministre.

M. Lefebvre: Mme Gauthier, Mme Yacoulis, M. Filiatrault, je veux vous saluer. Je veux, Mme Gauthier, vous indiquer très clairement que — et le président vous l'a mentionné — le président de la commission, les membres de la commission, y compris le ministre responsable de l'aide juridique au Québec, sont contents de vous accueillir ce matin. Je pense qu'on a, et c'est avec grand plaisir qu'on l'a fait, dû ajouter une heure pour vous recevoir ce matin.

Vous avez soumis un mémoire qui est un constat de ce qu'on vit présentement, au Québec, dans notre système judiciaire. Et il y a plein de choses là-dedans qui sont vraies, puis il y en a très peu avec lesquelles, sur l'essentiel, je ne suis pas d'accord. Vous dites plein de choses qui sont vraies.

La question qu'il faut se poser, et je me la pose, moi, cette question-là, pas seulement depuis que je suis ministre de la Justice, c'est: Comment se fait-il qu'on en soit arrivé à une telle situation au Québec, hein? Ça nous a tous échappé, au cours des ans, ça.

Mme Gauthier (Lorraine): Est-ce que vous me posez la question?

M. Lefebvre: Non. C'est une réflexion, puis tout

à l'heure vous pourrez répondre parce que je vais vous... Comment se fait-il qu'on en soit arrivé à une situation semblable au Québec? C'est que probablement plein d'intervenants, au cours des ans, y compris les politiciens, y compris les dirigeants, ont vu la situation leur échapper graduellement, tous ces gens-là étant de bonne foi.

C'est vrai, ce que vous dites, qu'on se retrouve présentement dans une situation, au niveau de la justice, où on a l'impression que c'est un système d'affrontements, et d'affrontements seulement. Mais il faut bien comprendre que l'État ne peut pas tout, hein. Peu importe qui est à la tête de la province de Québec, peu importe le gouvernement qui est en place, ça prend la collaboration des citoyens et des citoyennes. On ne peut pas imposer, surtout en matière de justice, nos vues. Il faut avoir autant que possible la collaboration du citoyen, et, dans ce sens-là, les réflexions que vous faites, pour plusieurs de vos réflexions, ça rejoint ce que plein d'autres intervenants nous disent.

Vous ne parlez à peu près pas, sinon dans le sens contraire de bien d'autres, cependant, d'argent, vous ne parlez pas de budget. Vous parlez d'une remise en question puis d'une réflexion globale. C'est ça que vous dites, essentiellement.

J'ai indiqué, tout à l'heure, volontairement, aux intervenants qui vous ont précédée... J'ai voulu rappeler la disposition qui est contenue dans la loi du divorce, et vous avez raison, c'est clair que la réconciliation puis la médiation, c'est complètement différent; c'est même contradictoire. Lorsqu'on parle de médiation, c'est qu'on est rendu dans le processus judiciaire; lorsqu'on parle de médiation, hein, il y a une procédure qui est enclenchée. Cependant, pour avoir fait du divorce, moi, comme d'autres, il y a des jeunes couples qui se retrouvent devant les tribunaux sans trop savoir comment ils en sont arrivés devant la cour. Il y a des jeunes couples qui auraient eu intérêt à se faire parler de réconciliation.

Mais on n'en parle plus, de ça, ça a été oublié, ça, alors que le législateur l'a inscrit dans la loi elle-même. Et c'est encore vrai aujourd'hui, en 1994, que le législateur, en principe, ne parle pas pour ne rien dire. S'il y avait un peu plus, quant à moi... puis si on insistait un peu plus, je pense, sur la possibilité de réconciliation, on n'aurait pas à parler de la médiation. C'est une théorie, là, hein! La médiation, c'est en cours de procédure. C'est que le processus judiciaire est enclenché.

C'est vrai que la médiation, c'est extrêmement important, et je l'ai indiqué tout à l'heure.

Mme Gauthier (Lorraine): Excusez-moi, mais votre question est tellement longue que, moi, je vais me perdre dans ma réponse, puis j'ai des réponses à tout ça.

Le Président (M. Parent): Alors, s'il vous plaît!

M. Lefebvre: Non, non, non. Je vous ai écoutée tout à l'heure. Là, moi, je fais une réflexion globale...

Le Président (M. Parent): S'il vous plaît, madame! S'il vous plaît!

Mme Gauthier (Lorraine): Ah!

M. Lefebvre: Je fais une réflexion globale parce que je peux utiliser 20 minutes.

Le Président (M. Parent): La parole est au ministre, madame.

M. Lefebvre: Vous pourrez commenter, madame, et c'est avec grand plaisir que je vais vous écouter, tout à l'heure, Mme Gauthier.

Parce que je ne peux pas identifier, dans votre document et dans votre réflexion, seulement certains points. Vous soumettez un document qui invite à une réflexion globale, et j'essaie de résumer en quelques minutes votre propre document. Vous passez sous silence, évidemment, volontairement ou pas, certaines actions du gouvernement qui existent présentement, qui visent à aider les justiciables, en matière matrimoniale particulièrement.

Je veux vous rappeler aussi que le droit, ce n'est pas une science exacte, hein? Quand vous disiez, tout à l'heure, que vous avez consulté trois ou quatre avocats, c'est évident qu'il peut y avoir des opinions différentes. C'est pour ça, d'ailleurs, qu'il y a des procès. Il y a un avocat qui représente le demandeur, l'avocat qui représente le défendeur, et il y a des points de vue différents, et ça prend un système judiciaire, ça prend un système de tribunaux pour entendre les parties lorsqu'il n'y a pas possibilité de règlement hors cour. Ça, c'est inévitable.

Vous dites, à la page 6 de votre document... Mais je vais vous laisser, cependant, je vais vous laisser, là... Partant des commentaires que je viens de vous faire, je vous invite à me répondre, à qualifier ou pas, à dire si vous êtes d'accord ou pas sur ce que je dis de façon générale. Et, tout à l'heure, je vous poserai des questions très précises sur certains points de votre document.

Le Président (M. Parent): Alors, Mme Gauthier, si vous voulez réagir aux réflexions du ministre.

Mme Gauthier (Lorraine): Oui. Moi, je sens une grande incompréhension parce que mes réflexions n'étaient vraiment pas globales. C'était très, très précis. C'était une diminution du budget en le démocratisant et en l'étendant aux gens qui ont affaire à se faire faire justice; pas à la machine en haut qui va prendre leurs services. Et, présentement, le gros du budget, c'est là que ça va. C'est pour ça que c'est répartition, répartition du budget, faire une justice pour la base, par la base, au départ. (12 h 40)

Et, quand vous parliez, tout à l'heure, de médiation, vous disiez que c'est juridique. Non, justement, on ne voulait pas. Vous avez dit: Quand on est en médiation, on est déjà dans le judiciaire, hein?

M. Lefebvre: C'est ça.

Mme Gauthier (Lorraine): Non. Moi, je pense que non, ça ne devrait pas.

M. Lefebvre: C'est-à-dire...

Mme Gauthier (Lorraine): On devrait avoir une médiation... une conciliation — c'est pour ça que je n'appelle même pas ça «médiation» — une conciliation. C'est ça que vous vouliez dire, une médiation, c'est différent d'une conciliation? C'est ça?

M. Lefebvre: Là on parle, au Québec, de mettre en place un processus de médiation très technique...

Mme Gauthier (Lorraine): C'est ça.

M. Lefebvre: ...avec des experts, des gens qui ont la compétence reconnue — d'ailleurs, vous y avez fait allusion tout à l'heure — des psychologues, des «psychos», etc. Ça, c'est un système très précis qui répond à des règles prévues au Code de procédure civile.

Mme Gauthier (Lorraine): Donc, ça, ça arriverait dans le cadre, déjà, de la judiciarisation.

M. Lefebvre: Oui.

Mme Gauthier (Lorraine): Ah! moi, j'avais pensé à autre chose, hein. J'avais pensé, justement, que ce serait en dehors de la judiciarisation.

M. Lefebvre: Ça ne contredit pas ce que vous dites, Mme Gauthier. Alors, allez-y sur ce que vous dites, sur ce que vous suggérez.

Mme Gauthier (Lorraine): Ce que j'ai parlé, cette espèce de rencontre avec les gens, ça devrait se faire au niveau d'un CLSC, pas au niveau de la judiciarisation en tant que telle. Ça devrait se faire comme ça se fait ailleurs, d'ailleurs. Il y a tellement de gens qui le font déjà partout. Je n'innove pas, ici, hein, ça se fait dans plusieurs pays nordiques.

M. Lefebvre: Ça existe, ça, Mme Gauthier, peut-être pas autant que vous le souhaiteriez.

Mme Gauthier (Lorraine): J'ai une personne, ici, qui a vécu ça. Elle pourrait peut-être vous en parler.

M. Lefebvre: Oui.

Mme Gauthier (Lorraine): Ça a coûté quand même 100 000 $, son divorce, tu sais, puis ce n'est pas réglé. Puis j'en ai beaucoup, beaucoup, des cas comme ça. Et puis ce genre de médiation là, quand la personne qui n'est pas d'accord est déjà bien enragée, puis qu'elle peut se lever puis sortir, puis que c'est fait par...

M. Lefebvre: Là vous ne parlez pas de médiation; vous parlez de...

Mme Gauthier (Lorraine): Conciliation.

M. Lefebvre: ...conciliation. Ce n'est pas pareil, ça.

Mme Gauthier (Lorraine): Oui, mais ça ne fait rien, la personne peut se lever puis partir «anytime», tu sais.

M. Lefebvre: Oui.

Mme Gauthier (Lorraine): Puis là ça tombe tout de suite dans le juridique.

M. Lefebvre: Oui.

Mme Gauthier (Lorraine): Mais, cette conciliation-là, ça devrait être vraiment obligatoire, au départ, pour que la personne... Mais, on ne peut pas forcer le monde. Alors, ce qui arrive, c'est que... C'est pour ça que c'est important, avant, qu'il y ait une phase d'espèce de thérapie pour qu'ils aient le temps de sortir leur agressivité, leur rage et tout ce que vous voulez. Puis on devrait aussi les mettre au courant de leurs droits d'une façon très simple sans passer par des avocats. On n'a pas besoin d'avocat, c'est déjà tant informatisé, cette affaire-là. Qu'est-ce que c'est que de peser sur deux, trois pitons pour sortir ses droits des deux côtés? Et une espèce de compréhension des deux. Si la personne a attaqué, elle a une raison pour le faire, elle a un vécu, elle a un passé, elle a toute une société autour d'elle. Alors, c'est ça.

Moi, je me sens très incomprise parce que je n'ai pas parlé du tout, du tout de budget, parce que je savais que ça coûterait beaucoup moins cher, à la longue, faire ça comme ça. Et les gens, au lieu d'avoir de la rage, au lieu de se passer du système, au lieu de tomber malades... Et, moi, j'en parle en connaissance de cause, j'ai détricoté le système pendant 12 ans. Alors, je sais ce que c'est. Je l'ai vécu de l'intérieur.

M. Lefebvre: Mais, Mme Gauthier, ce que vous dites, là, on est tous d'accord avec ça.

Mme Gauthier (Lorraine): Ça, il n'y a rien à voir avec le système de justice actuel, tel qu'on l'entend, par exemple, là, hein?

M. Lefebvre: Non. C'est-à-dire, oui, je comprends. Le constat que vous faites, il est vrai. Mais, concrètement, qu'est-ce qu'il faut faire pour répondre aux questions que vous soulevez? Qu'est-ce qu'il faut faire?

Mme Gauthier (Lorraine): C'est ce que j'ai dit tout à l'heure.

M. Lefebvre: Concrètement, là.

Mme Gauthier (Lorraine): Concrètement? Bien, je pensais vous l'avoir dit.

M. Lefebvre: Les conseillers matrimoniaux, ça existe! Ça existe, des conseillers matrimoniaux, vous savez.

Mme Gauthier (Lorraine): Non, non. M. Lefebvre: Non?

Mme Gauthier (Lorraine): Un conseiller matrimonial, ça existe pour régler des petites crises au niveau du ménage. Mais, quand les gens sont rendus à vouloir s'entretuer, là, puis qu'il y a plein de choses qui sont vraiment graves là-dedans, ce n'est plus un conseiller matrimonial. Mais je pense qu'un conseiller matrimonial pourrait très, très bien, par exemple, servir de personne-ressource au niveau de la communauté lors de cette première approche là. Mais je ne pense pas que les gens la... Moi, je le sais parce que les gens me disent: Ah! je ne veux pas me réconcilier, je ne veux rien savoir, je ne veux rien savoir. Alors, il faudrait que ce soit un procédé indépendant. On ne rencontre pas les gens ensemble, on les rencontre séparés pour qu'ils essaient vraiment de passer, là... C'est très, très pratique. C'est ça!

M. Lefebvre: Qui fournirait ces services-là? Qui fournirait? L'État?

Mme Gauthier (Lorraine): Les CLSC. M. Lefebvre: Les CLSC.

Mme Gauthier (Lorraine): Oui. Moi, je pense que ça ne devrait pas être judiciarisé. Ça devrait être les CLSC, des personnes compétentes qui fassent ça. Les gens se sentent en confiance, et ce n'est, pas des choses qui prennent des éternités. Et puis, si le gars, il est tellement violent, et tout ça, qu'il a besoin vraiment d'être forcé pour le faire, bien, à un moment donné, je pense que les juges le font. Ils forcent des gens à des thérapies, à un moment donné, tu sais. Alors, c'est mieux de les forcer à des thérapies avant.

M. Lefebvre: Mais ça existe, ça.

Mme Gauthier (Lorraine): Bon! Alors...

M. Lefebvre: Ça existe.

Mme Gauthier (Lorraine): Alors, ils le font pour des crimes passionnels, et tout ça, mais ça devrait être fait à tous les niveaux. Et la chose sur laquelle j'insiste beaucoup aussi, c'est au niveau de toutes les sociétés d'État, de toutes les municipalités et de tous les ministères. Les contrats ne sont pas exécutoires. Alors, c'est terrible parce que les gens signent des contrats, et ils savent très, très bien...

Moi, j'ai eu des expériences autant comme autant. Ils ne vont pas respecter leur contrat, puis ils vont dire: Ah bien, ça dépend du contracteur. Ce n'est pas moi, c'est le contracteur. Si ce n'est pas le contracteur, c'est la municipalité. Si ce n'est pas la municipalité...

M. Lefebvre: Ah! mais, là, c'est tout un autre problème, ça.

Mme Gauthier (Lorraine): Non, non, mais ça finit que c'est encore David contre Goliath. La personne ne peut pas se défendre. Alors, à ce niveau-là, des municipalités et des sociétés d'État, on devrait vraiment avoir d'abord droit aux recherchistes et aux contentieux. On devrait d'abord signer le contrat en conciliation, au départ. Ça devrait se faire comme ça. Pas le gros d'un bord puis le petit qui n'a rien.

M. Lefebvre: Mais, madame, la liberté absolue de contracter pour un majeur, là, c'est...

Mme Gauthier (Lorraine): Non, non. Un instant. J'en ai fait, des contrats, moi...

M. Lefebvre: Oui, oui, mais écoutez...

Mme Gauthier (Lorraine): ...puis je peux vous dire que j'avais pris toutes les... Mais j'y vais seulement avec ma connaissance à moi. C'est ça, le problème. C'est qu'on n'a pas des contentieux, on n'a pas des recherchistes. On les paie, mais on n'y a pas accès. Alors, l'autre côté, eux, ils ont tout ça, la liberté.

C'est Mme Payette qui disait ça, hein? Quand on a l'information... Pour avoir la clé de sa liberté, il faut d'abord l'information.

M. Lefebvre: C'est évident, ça.

Mme Gauthier (Lorraine): Si on n'a pas d'information, comment tu veux être libre? Alors, on a la liberté d'avoir accès, on devrait avoir la liberté d'avoir accès aux contentieux, d'avoir accès aux recherchistes avant de signer quoi que ce soit avec un ministère, ou une société, ou une compagnie, quelque chose de multinational. Je pense que ce serait très préventif.

Et les contrats devraient être exécutoires. On signe des contrats, aujourd'hui, puis il faut aller en cour pour les faire exécuter, puis on n'a pas d'argent pour aller en cour. Eux ont tout notre argent pour y aller, tu sais. On fait quoi avec ça?

Le Président (M. Parent): Merci. M. le ministre, vous voulez réagir?

M. Lefebvre: Vous dites, à la page 6 de votre document, qu'il faudrait «favoriser les règlements à

l'amiable en s'assurant par un code d'éthique que les droits de chacune des parties sont respectés», et je voudrais vous entendre là-dessus. Les codes d'éthique, ça existe, ça, madame.

Mme Gauthier (Lorraine): Oui.

M. Lefebvre: Ça existe. Les corporations professionnelles surveillent leurs membres, le Barreau du Québec.

Mme Gauthier (Lorraine): Vous allez m'enten-dre là-dessus parce que... Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Non, non, mais la perfection, ça n'existe pas.

Mme Gauthier (Lorraine): Non, non, non, non, non.

M. Lefebvre: La perfection, ça n'existe pas.

Mme Gauthier (Lorraine): II va toujours y avoir des problèmes. C'est sûr.

M. Lefebvre: Mais les corporations professionnelles imposent à leurs membres, à juste titre, d'ailleurs, des codes d'éthique. Les avocats fraudeurs, ils se font ramasser s'ils sont dénoncés.

Mme Gauthier (Lorraine): Wo! Wo! Wo! C'est très, très difficile. Je m'excuse, mais, moi, je le sais parce que j'ai beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens qui viennent me le dire. Ce n'est pas seulement de la fraude.

M. Lefebvre: Je lisais encore ce matin...

Mme Gauthier (Lorraine): Ce n'est pas toujours de la fraude.

M. Lefebvre: Je lisais encore ce matin un texte sur...

Mme Gauthier (Lorraine): Oui, mais ce n'est pas toujours de la fraude.

Le Président (M. Parent): S'il vous plaît! Essayez d'éviter le dialogue, hein! Moi, je veux bien être permissif, là...

Mme Gauthier (Lorraine): Bon!

Le Président (M. Parent): ...mais je vais demander au ministre et à notre invitée de s'adresser au président. Sans ça, on ne se comprendra pas.

M. Lefebvre: Le code d'éthique, Mme Gauthier. Vous parlez de quoi là? Le code d'éthique.

Mme Gauthier (Lorraine): Le code d'éthique, là, pour que ce soit un code d'éthique, il faut être hautement moral. Il ne faut pas qu'on ait notre richesse qui provienne des litiges. Pour avoir un code d'éthique et pour l'appliquer vraiment, il ne faut pas que ce soit notre revenu qui passe par la multiplication des litiges, la multiplication des délais, la multiplication des procédures. Il faut être hautement moral. Il ne faut pas être trop businessman. Il ne faut pas être mercantile. Et, moi, je vous dis en toute honnêteté: c'est du mercantilisme, présentement, ce qui se passe au niveau des professions comme vous dites, là, et au niveau de tous les processus qu'on enclenche, judiciairement parlant.

M. Lefebvre: II me reste quelques minutes avec vous, Mme Gauthier. Je vais permettre à mes collègues de l'Opposition officielle, M. le Président, de poser leurs propres questions. Merci, Mme Gauthier.

Le Président (M. Parent): Merci. Mme la porte-parole de l'Opposition officielle, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Mme Gauthier, Mme Yacoulis, M. Filiatrault, je vous remercie d'être présents parmi nous. Vous nous présentez un mémoire qui est vraiment très différent de ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant, très différent parce que vous proposez... Vous ne vous prononcez pas sur un point précis de l'aide juridique, vous nous présentez un changement de société. Vous nous proposez des changements axés sur les relations humaines, finalement, pour que notre système ne soit plus un système qui maintient, entretient, encourage la confrontation, mais un système qui se retourne vers les vraies valeurs humaines, ce qui évite, évidemment, à ce moment-là, beaucoup de coûts au niveau des confrontations.

Ma première question, ce n'est pas véritablement une question. J'ai senti, tantôt, que vous étiez un peu bousculée parce que vous aviez le goût d'exprimer davantage. Ma première question, ça serait tout simplement: Est-ce qu'il y a des éléments que vous souhaitiez absolument nous présenter puis que vous n'avez pas eu le temps d'exprimer, même si ce n'est pas des éléments qu'on retrouve dans votre mémoire, des éléments que vous trouvez bien importants, dans ces changements-là que vous proposez, puis que vous n'avez pas eu le temps d'exprimer?

Mme Gauthier (Lorraine): Alors, quand vous me dites: C'est une philosophie, c'est une philosophie qui est quand même...

Mme Caron: Je n'ai pas dit «une philosophie», j'ai dit «un changement de société». (12 h 50)

Mme Gauthier (Lorraine): Oui, c'est un changement, puis c'est un changement au niveau de la moralité. C'est parce que, maintenant, c'est toute la légalité, la

légalité, alors, tout ce qui est légal, on essaie de trouver des trous ou failles. On essaie d'agresser les gens qui sont sans moyens. Puis il va toujours y en avoir, de la classe moyenne sans moyens. Vous aurez beau augmenter ça à 23 000 $, je veux dire, ça ne changera rien, il va toujours y en avoir. Et c'est une mentalité. Puis il devrait même y avoir de la prévention au niveau des écoles primaires et secondaires, des ateliers comme ça existe ailleurs, d'ailleurs, beaucoup, surtout aux États-Unis, en Finlande et en Norvège.

Là, pour vous dire très, très franchement, ce que je trouve, c'est qu'il fallait absolument changer l'affrontement qui est cause de litige, essayer de garder ça en dernier ressort, dernier ressort, puis de créer, de faire de la conciliation, mais ne pas remettre ça dans les mains des gens qui ne sont pas formés pour le faire. Il faut vraiment que ce soient des vrais conciliateurs, des gens qui sont formés pour faire ça, et par thèmes. Se baser aussi, pour connaître les droits de chacun, ce qui ne se fait pas toujours aux États-Unis... Pour connaître les droits de chacun avant la conciliation, il faut aussi avoir affaire à toutes ces lois informatisées là, où on n'a qu'à peser sur un bouton et ça nous arrive.

Je le sais que, la justice, ce n'est pas parfait et puis que ce n'est pas des mathématiques. Mais, quand les protagonistes sont là, avec des personnes qui peuvent leur expliquer leur valeurs... Et ça ne veut pas dire non plus, ça, la porte ouverte ou même entrouverte à tous les abus. Ça veut dire pouvoir fermer la porte parce qu'on redonne à l'individu sa part de responsabilité. Les gens qui sont là, quand on va dans les conseils autochtones — j'étais avec les Maoris en Nouvelle-Zélande — ils font vraiment un constat de responsabilité des deux côtés, et les personnes qui ont déjà déchargé leur agressivité, elles vont être d'accord qu'elles ont commis telle chose. Mais souvent elles n'ont jamais réalisé les conséquences objectives de l'acte qu'elles ont posé et puis elles sont déjà dépassées, souvent, par les événements. Alors, ça, ça permet de régler les situations très, très rapidement.

Et, souvent, moi, j'ai vu, je l'ai expérimenté, puis il y a des gens que je connais qui l'ont expérimenté, qu'après ils sont amis. J'ai vu, par exemple, des secrétaires qui avaient volé un patron, une secrétaire qui avait volé son patron pour des gros montants, un gros montant — c'est juste un exemple, ça — et le patron, au lieu de faire une poursuite et puis de lui tomber... Ils ont décidé de se mettre ensemble, le bureau, elle a demandé le conseil d'un psychologue, et tout ça, et elle a décidé de payer selon ses moyens. Puis, lui, il m'a dit que, même si elle ne payait plus aujourd'hui, ils sont devenus tellement amis, là, que ça ne le dérangerait pas du tout. Et c'est comme ça que ça se passe. Et ça, je pourrais vous en donner, des cas, j'en connais autant comme autant.

Mais on ne parle pas de judiciarisation. Ça ne veut pas dire qu'il ne restera pas 10 % des cas pour aller dans les tribunaux, ça, mais ça veut dire qu'un petit cas ça ne deviendra pas un gros cas. Mais, pour les gros cas, les causes de meurtre, et tout ça, c'est sûr et certain qu'on a besoin des tribunaux. Mais les causes civiles, moi, je dis: À 95 %, si les contrats sont exécutoires, on ne devrait pas avoir besoin des tribunaux.

Mme Caron: Vous avez sûrement l'impression que de cette façon-là on éviterait aussi beaucoup de récidives.

Mme Gauthier (Lorraine): Bien, exactement! Parce que la personne est «facée» à sa conduite, est «facée» aux conséquences de ses actes, et puis elle réalise qu'il ne s'agit pas juste d'envoyer ça — de toute façon, ils ne les payent même pas, les avocats, les trois quarts du temps — dans les mains de la légalité, puis ils s'arrangeront avec. Puis ce que ça coûte, ce que ça coûte en toutes sortes de frais impensables... Puis, même si la personne ne paie pas, nous, on paie, les payeurs de taxes.

Moi, j'en reviens toujours à ça, puis je suis ici pour ça, pas pour représenter nécessairement les gens qui sont sur le bien-être social, je suis ici pour représenter la classe moyenne qui est écoeurée de payer des fortunes en frais médicaux. On ne peut pas faire ça avec les médecins parce que, je veux dire, des chirurgiens, on ne peut pas remplacer ça par un ordinateur, quoique ça se fasse beaucoup, maintenant, là, avec des rayons laser, des ordinateurs, mais ils sont déjà là avec une espèce de monopole. Ils ont le monopole du malheur, le monopole de la santé. Et ça, quand tu prends le monopole du malheur des gens, je veux dire, tu sais que tu vas toujours faire bien de l'argent avec ça. Mais c'est aux gens de se lever debout puis de faire quelque chose pour que ça change.

Maintenant, j'avais sûrement beaucoup d'autres choses à dire, là, surtout concernant des choses très, très pratiques, par exemple que les juges ne devraient pas être... Ça, ça s'est dit beaucoup, hein? La nomination des juges devrait se faire par concours, par compétence, non pas par choix politique. Ces derniers, étant donné qu'ils seraient maintenant en haut de la pyramide, ils devraient surtout se consacrer à des causes types qui serviraient de guides pour les intervenants des paliers de base.

Puis une réglementation claire devrait être adoptée afin que les intervenants, aussi bien que les juges, et les avocats, et les experts, le fassent rapidement et à bon compte, avec des frais fixes si nécessaire. Et la magistrature ainsi que le Barreau devraient régulièrement être tenus de mettre à jour leurs connaissances, et de traiter de cas qu'ils connaissent. Pas d'immobilier à côté de divorces, à côté de violence conjugale. On ne peut pas les blâmer, mais, à un moment donné, je pense qu'il faudrait peut-être leur en mettre moins sur les épaules, puis leur donner la chance de se recycler et puis de faire des... Comme ça, ils auraient un jugement plus éclairé.

Et puis les avocats ne devraient pas être payés à l'acte, avec carte blanche pour multiplier les procédures,

multiplier les délais, multiplier les repas au restaurant, les hôtels luxueux, les taxis, les frais de photocopie abusifs. Écoutez, j'ai payé, à Chicoutimi, moi, jusqu'à deux piastres la feuille. Il y a quand même comme une limite, tu sais! Des téléphones rémunérés, mais royalement. Tu parles trois minutes, puis ça te coûte... Je veux dire, qui va s'embarquer là-dedans? Puis, quand on s'embarque, ils nous disent: Ça va vous coûter...

Moi, je le sais, ils m'ont dit: Ça va te coûter 20 000 $. C'est un excellent avocat, je n'ai rien contre lui, c'est le meilleur. Il est très bon. Mais, quand c'est rendu, à un moment donné, que ça fait cinq ans, là, puis que tu es rendu à 45 000 $, puis que tu n'as pas encore été en cour, là, tu sais... Puis ce n'est pas de sa faute à lui, là. Il y a comme une limite avec le système, tu sais. Parce que, lui, il voudrait bien se débarrasser de ces causes-là aussi. Ce n'est pas ça, le problème. les intérêts sur les honoraires aussi. parce que, quand on reçoit des comptes d'honoraires, j'ai l'impression que ces intérêts-là devraient partir à courir quand la cause est terminée. ce serait peut-être une motivation, là, pour que les procédures aillent plus vite. maintenant, ils se font payer au fur et à mesure, avec des intérêts qui courent continuellement, puis même sur les montants que tu as déjà payés, et des intérêts que j'appellerais usuraires parce que, aujourd'hui, les taux d'intérêt dans les banques, c'est 3 %, 5 %, et ils sont encore à 16 % ou 18 %. alors, ils sont montés jusqu'à 24 %, ça ne fait pas longtemps, là. alors, écoutez, quand ça court pendant cinq ans avant que même ça passe en cour, ce n'est pas notre faute, ça. pourquoi est-ce qu'il faut qu'on paie tous ces frais-là?

Je trouve ça exagéré et c'est pour ça que je me dis: Une fois rendu en haut, au tribunal seulement, parce que, avant, on n'a même pas besoin de ça, mais, même au tribunal, il faudrait quand même légiférer. Puis un avocat ne devrait pas avoir le droit de se retirer d'un dossier après que des sommes considérables eurent été investies, puis sous peine de perdre leurs honoraires. Après quatre, cinq ans de bataille, il déménage ou bien il fait quoi que ce soit, je ne sais pas, il change de métier ou bien il ne t'aime plus la face — en tout cas, j'entends toutes sortes de choses, moi — puis là il décide qu'il se retire du dossier, puis tu n'as rien à dire. Tu as déjà payé 30 000 $, 40 000 $ pour ça, puis tu ne peux rien dire. Elle a payé jusqu'à 100 000 $. Je veux dire, tu ne peux rien dire puis rien faire. Écoute, ça se fait, je le sais, j'ai l'expérience de ça.

Il demande une requête pour se retirer pour manque de... En tout cas, ça s'est réglé avec le syndic du Barreau tout simplement, là, mais il avait des raisons pour se retirer, dans un sens, parce que, lui, c'étaient des raisons matérielles qui n'avaient rien à voir avec moi dans un sens, mais moi non plus... Je trouve que c'est grave, recommencer à tout expliquer des affaires à une autre personne. Recommencer, c'est très compliqué et c'est très stressant, surtout quand on sait qu'on a le meilleur puis qu'on veut le garder.

Maintenant, tous les agissements, dans le cadre de leurs fonctions, des membres de la magistrature et du Barreau devraient être soumis à un organisme «supervisionnel» externe, indépendant et à nomination non partisane, formé d'individus provenant des trois paliers de la base de la pyramide. Parce que, quand ils arrivent en haut, il ne faudrait pas qu'ils tombent des nues, là. Tout ce qui a été fait à la base, là, ça devrait leur être soumis, et aussi il devrait y avoir les agissements des personnes qui sont en haut. Us ne devraient pas être au-dessus de tout soupçon dans le cadre de leurs fonctions. Je ne parle pas de commencer à tomber dans leur vie personnelle, là, moi, je n'ai rien à voir avec ça, hein?

Enfin, il faudrait faire attention que le nombre d'avocats formés dans nos universités n'excède pas la demande. Ça, c'est très important. Qu'on forme des conciliateurs aussi, au lieu de mettre tout le monde dans le même pot. Surtout si la pyramide est ce qu'elle devrait être, il reste très peu de place en haut pour la magistrature, l'avocat, la judiciarisation proprement dite.

Et, moi, tout à l'heure, je pense que j'ai eu un problème avec monsieur parce que, quand je parle de judiciaire, là, je parle d'avocats et de magistrats. C'est pour ça que je ne mettais pas, moi, dans «judiciaire» tout ce qui est conciliation, médiation, alternatif, comme je ne mets pas de l'acupuncture puis de la... Et je pense qu'il faut faire très, très attention parce que, si la santé est aujourd'hui très anarchique, c'est peut-être parce qu'on a investi beaucoup, beaucoup dans la machinerie, qu'on a investi beaucoup, beaucoup dans les techniciens, dans les techniques et qu'on a oublié la base. Et les gens sont allés à droite, à gauche, sans aucune réglementation.

Le Président (M. Parent): Je m'excuse, Mme Gauthier...

Mme Gauthier (Lorraine): Oui.

Le Président (M. Parent): ...nous approchons 13 heures...

Mme Gauthier (Lorraine): C'est correct.

Le Président (M. Parent): ...et, pour dépasser l'heure limite, je me dois d'avoir la permission des deux formations politiques. Alors, il reste... D'accord que l'on dépasse? Allez. Très bien. Permission accordée. Continuez, madame.

Mme Gauthier (Lorraine): Merci. Donc, l'idée de tout ça, c'est... Oui?

M. Filiatrault (Normand): J'aimerais, avant qu'on termine...

Le Président (M. Parent): M. Filiatrault.

M. Filiatrault (Normand): ...quand madame

aura terminé, que je puisse avoir juste une question à formuler pour terminer, lorsque madame aura terminé.

Mme Gauthier (Lorraine): Tu peux la... (13 heures)

Le Président (M. Parent): Question à qui, monsieur?

Mme Gauthier (Lorraine): Tu peux la poser, ta question.

Le Président (M. Parent): À l'Opposition ou bien au parti ministériel?

M. Filiatrault (Normand): C'est à M. le ministre.

M. Lefebvre: Oui.

M. Filiatrault (Normand): Parce qu'il y a...

Le Président (M. Parent): Un instant, là. Actuellement, la période de temps est réservée au parti de l'Opposition.

M. Filiatrault (Normand): Bon, bien, d'accord. C'est tout simplement pour dire que je crois que, tout à l'heure, monsieur a avancé... Je vais dire «monsieur», vu que je ne peux pas... vous m'avez dit qu'il fallait que je parle à l'Opposition.

Le Président (M. Parent): Allez, allez!

M. Filiatrault (Normand): Bon, bien, d'accord.

Le Président (M. Parent): Ha, ha, ha!

M. Filiatrault (Normand): Monsieur a dit que, justement, il était conscient que la justice, effectivement, il y aurait des changements à y apporter, qu'effectivement, bon, ce n'est pas sur une base solide. Bon. Ce que je voulais simplement dire, c'est que j'aimerais savoir la différence qu'il y a entre «justice» et «immunité diplomatique». Est-ce que vous saisissez bien ma question?

Le Président (M. Parent): Non. Je ne connais pas... Je ne vois pas la pertinence, là, mais...

M. Filiatrault (Normand): Bien, la pertinence, c'est parce que c'est ça. Comment voulez-vous que les gens croient à une certaine justice lorsque certaines personnes se protègent avec l'immunité diplomatique?

Le Président (M. Parent): Ha, ha, ha!

M. Filiatrault (Normand): Est-ce que vous comprenez ce que je veux dire?

Le Président (M. Parent): Oui, oui. Je comprends ce que vous voulez dire...

M. Filiatrault (Normand): Bon, bien, c'est juste ça.

Le Président (M. Parent): ...mais il y a une loi.

M. Filiatrault (Normand): Pourquoi est-ce que ces gens-là on le droit...

Le Président (M. Parent): Parce que la loi le leur permet. Parce que la loi le leur permet.

M. Filiatrault (Normand): Oui, mais c'est...

Le Président (M. Parent): Et la loi est juste. La loi est juste tant qu'on ne prouve pas qu'elle n'est pas juste.

M. Filiatrault (Normand): Mais pourquoi, d'abord, ils peuvent, mettons, faire certaines choses? Si vous voulez que je prenne un exemple, là, bon, comme le Watergate, bon, il y a eu un paquet d'affaires qui s'est passé, d'argent, puis, bon...

Le Président (M. Parent): Bon, si vous voulez, là...

M. Filiatrault (Normand): La CECO aussi.

Le Président (M. Parent): Là je vais vous ramener à la pertinence. Je regrette, M. Filiatrault, là, vous allez trop loin. Ha, ha, ha! Vous dépassez complètement, complètement l'intérêt de cette commission permanente.

Je redonne la parole à Mme la députée de Terre-bonne.

Mme Caron: M. le Président, comme, moi, il me restait uniquement quelques minutes, à ce qu'on m'a dit, il y a mon collègue d'Anjou, là, qui souhaiterait poser une petite question.

Le Président (M. Parent): Allez, M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Bon, Mme Gauthier, Mme Yacoulis, M. Filiatrault, je vous salue. Je comprends tout à fait, Mme Gauthier, l'intervention que vous faisiez tout à l'heure relativement à la médiation. Je pense, d'ailleurs, qu'on s'en était parlé quand on s'était rencontrés, que, quand on a étendu la médiation judiciaire, c'est-à-dire en cours de procès, à l'ensemble des palais de justice du Québec, le prix qu'on a eu à payer, c'est l'abolition d'un système de médiation avant procès, avant procédure judiciaire, qui existait à Montréal et à Québec et qui avait des résultats extraordinaires.

Vous avez tout à fait, aussi, raison quand vous parlez que, dans les coûts de la justice, ce n'est pas uniquement le coût judiciaire, mais c'est le coût social qu'il faut prendre en considération dans toute intervention et dans toute réforme qu'on veut faire. Parce que je pense que c'est le message, un peu, que vous voulez nous donner. Il y a un coût social aussi, il y a un coût de la justice, et, là-dessus, en tout cas, je peux vous dire que je suis entièrement d'accord avec vous.

Et, aussi, au niveau de la médiation qui se faisait au service de médiation de Montréal, en particulier, c'est vrai que ce n'étaient pas nécessairement des avocats qui faisaient la médiation, mais, souvent, c'étaient des psychologues ou des travailleurs sociaux avec une formation spécialisée en médiation qui faisaient le travail, et qui le faisaient d'une façon excessivement efficace. Alors, je pense que c'était uniquement pour vous dire à quel point, sur ce point-là précis, je suis tout à fait en accord avec vous, et aussi sur le fait qu'évidemment il va falloir, je pense, mettre l'emphase, dans toute réforme de la justice, sur les modes de règlement alternatif des conflits. C'est vrai que le système est — comment on pourrait dire — empêtré et surchargé. Et je pense qu'évidemment c'est dans cette optique-là qu'il faut le considérer pour vraiment avoir un système de justice peut-être plus efficace relativement aux citoyens.

Le Président (M. Parent): Merci. D'autres interventions? Mme la députée de Terrebonne, en conclusion.

Mme Caron: Alors, en conclusion, Mme Gauthier, Mme Yacoulis, M. Filiatrault, je vous remercie beaucoup de votre participation. C'est évident que votre mémoire suscite une grande réflexion parce que c'est vraiment une proposition d'un changement très profond. Je pense que, ce matin, vous nous amenez à faire une réflexion qui devra être continuée, évidemment, dans les mois à venir, et je pense qu'il y aura certaines décisions à prendre. Je vous remercie de cette participation.

Le Président (M. Parent): M. le ministre, je vous invite à prononcer le mot de la fin et je vous rappelle qu'il vous reste trois minutes à votre temps de parole.

M. Lefebvre: Merci, Mme Gauthier, de nous avoir, dans un premier temps, soumis un mémoire et de l'avoir explicité, expliqué, ce matin, et, Mme Yacoulis, M. Filiatrault, d'être venus à cette commission.

Vous savez, Mme Gauthier, dans une société civilisée comme la nôtre, ça prend des systèmes, ça prend des structures. On ne peut pas y échapper à ça, là. Quand mon collègue d'Anjou dit qu'on a éliminé la médiation extrajudiciaire, ce n'est pas tout à fait le cas. Il y a encore des conseillers matrimoniaux qui font... Non, non. Non, non, ça existe encore, et j'en connais —je pourrais vous en nommer — qui font un excellent travail, qui ne sont pas parfaits, qui n'ont pas toutes les sciences, qui ne règlent pas tout, puis qui ne coûtent rien. Je peux vous en nommer un, Marcel Nadeau, de Thetford Mines.

Une voix: ...

M. Lefebvre: Ah non, non! S'il y en a un à Thetford, il y en a ailleurs. Ça existe encore.

Vous savez, j'aime bien qu'on parle de ce qui ne va pas, mais j'aime aussi parler de ce qui va dans notre régime, dans notre système. Tout est perfectible. On peut toujours faire mieux, mais on a au moins l'avantage d'en avoir un, régime judiciaire, qui permet à un justiciable de se faire entendre, avec toutes les imperfections que le régime comprend. Il faut être prudent. Les imperfections, les failles qu'ils ont dans le régime et dans le système ne tiennent pas toujours et nécessairement aux professionnels du régime et du système. Il faut pousser la réflexion, hein! Il faut bien évaluer ce qui se passe dans un procès, dans un affrontement entre les parties. Et, d'ailleurs, vous y avez fait référence à de multiples reprises, l'agressivité, la rage, il n'y a pas de système qui contrôle ça, Mme Gauthier. Ce n'est pas si simple que ça, là, ce à quoi vous faites référence. Alors, vous faites une réflexion extrêmement large sur le comportement de l'humain lui-même. Puis ça, c'est vrai en matière de justice, c'est vrai également en matière de santé et d'éducation. C'est vrai partout, ça. C'est vrai partout. Avant de condamner le système, il faut avoir une solution de rechange. Avant de le condamner en bloc, il faut se demander par quoi on va le remplacer.

Vous savez, la nomination des juges, elle est faite justement en partant d'un concours, une structure à laquelle le citoyen est invité. Je parle des juges de la Cour du Québec. Ça existe, cette protection-là, pour le grand public. L'ensemble des juges de la Cour du Québec, au Québec, y compris les juges de la Cour supérieure, traite des dizaines de milliers de cas de façon très correcte. Il s'agit qu'il y ait une erreur humaine, parce que notre système, il est administré par des humains, il s'agit qu'il y ait une erreur de bonne foi pour que certaines personnes — je ne dis pas que c'est votre cas, Mme Gauthier — condamnent le système tout en bloc. Il faut être prudent avec ça, où il y a de l'humain, y compris dans cette matière-là, la justice. Et, en passant, le droit, ce n'est pas une science exacte, je l'ai dit tout à l'heure. Il y a de la marge pour l'erreur.

Quand vous faites référence aux avocats...

Le Président (M. Parent): Si vous voulez conclure, M. le ministre.

M. Lefebvre: ...quand vous faites référence à des avocats qui facturent des honoraires exorbitants, je vous rappellerai que ça n'a rien à voir avec le ministère de la Justice. Ça n'a rien à voir avec le ministère de la Justice, tout comme un médecin, tout comme un plombier. Il n'y a pas de différence, vous savez. Le ministère de la Justice n'est pas concerné par l'abus, si c'est le cas, d'un avocat quant à ses honoraires.

Ceci étant dit, moi, je vous remercie de nous avoir soumis une réflexion qui, pour plusieurs points de vue, est semblable à celle qui nous a été soumise par d'autres intervenants.

Le Président (M. Parent): Merci, M. le ministre.

M. Lefebvre: Et, quant au reste, je vous dis, Mme Gauthier — je termine là-dessus — qu'on essaiera, on essaiera, dans notre réflexion qui suivra la fin de cette commission-là, d'améliorer les choses.

Le Président (M. Parent): Alors, je vous remercie.

M. Lefebvre: C'est ce à quoi on se convie à tous les jours.

Le Président (M. Parent): La commission permanente ajourne ses travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 13 h 9)

Document(s) associé(s) à la séance