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Version finale

34e législature, 3e session
(17 mars 1994 au 17 juin 1994)

Le mercredi 27 avril 1994 - Vol. 33 N° 15

Examen des orientations, des activités et de la gestion de la Commission de protection des droits de la jeunesse


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Table des matières

Journal des débats


(Dix heures quatorze minutes)

Le Président (M. Parent): Alors, j'invite les membres de la commission à prendre place. Le quorum étant constaté, je déclare ouverte cette séance de la commission des institutions qui s'est donné pour mandat de procéder, comme le permet notre règlement, à l'audition de la Commission de protection des droits de la jeunesse concernant ses orientations, ses activités et sa gestion. Alors, tel qu'entendu entre nous, les heures de séance s'établissent...

Oui, M. le vice-président de la commission et député d'Abitibi et Rouyn-Noranda, ou vice versa, je ne sais pas, là. Ha, ha, ha! Oui.

M. Trudel: Et vice versa.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Parent): Vice versa. Ha, ha, ha!

M. Trudel: Rouyn-Noranda–Témiscamingue. On va s'entendre pour la journée...

Le Président (M. Parent): Témiscamingue? D'accord. Je suis d'accord avec ça. Ah oui! Ah oui!

M. Trudel: On va s'entendre pour la journée, on va dire Rouyn-Noranda. En tout cas.

Le Président (M. Parent): Allez-y, M. le vice-président.


Organisation des travaux

M. Trudel: M. le Président, peut-être avant que nous abordions comme tel notre mandat en vertu de 294 de notre règlement, j'aimerais que nous puissions saisir la commission, en termes d'organisation de nos travaux, d'une demande un peu spécifique. C'est dans l'ensemble de l'organisation de l'examen que nous avons préparé. Compte tenu que nous procédons le 27, un mercredi, et que nous allons donc avoir jusqu'à 13 heures, du travail, et ensuite probablement de 16 heures à 18 heures, je pense qu'on serait peut-être amenés à manquer de temps et j'aimerais que les membres donnent un mandat au comité directeur, s'il y avait lieu, d'organiser une autre séance de travail si nous en avions besoin. Si on ne termine pas notre mandat, que le comité directeur, par la commission, soit autorisé à organiser une autre séance parce que, compte tenu de l'intérêt soulevé depuis que la commission a donné son autorisation d'examiner la Commission de protection des droits de la jeunesse, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup de matière et j'ai un peu crainte, avant qu'on s'embarque dans les travaux, que nous ne puissions déjà dégager la façon dont nous pourrions organiser ces travaux.

Alors, si les membres de la commission étaient d'accord, j'ai déjà eu des discussions avec le président là-dessus afin que nous puissions dire au comité directeur d'avoir le mandat d'organiser, si nécessaire et s'il y a lieu, la séance supplémentaire dont nous aurions besoin, parce qu'il y a des éléments du mandat qu'il m'apparaît qu'il va être difficile de couvrir aujourd'hui, en termes d'examen des activités, des orientations et de la gestion de la Commission de protection des droits de la jeunesse.

Alors, c'est simplement ce contexte-là. J'ai eu l'occasion d'en discuter avec le président, et ça pourra donner, comme d'habitude, je dirais, la souplesse à la commission, en termes d'organisation de ses travaux, si tant est qu'on serait d'accord sur la façon de l'organiser. Une séance supplémentaire, je le répète, si nous en avions besoin d'ici après la fin de la journée.

Le Président (M. Parent): Est-ce qu'il y a des réactions?

Mme Bleau: Ce serait quand, la deuxième séance?

Le Président (M. Parent): Justement, ce qui arrive, c'est qu'avec la gérance...

M. Trudel: Ce serait à convenir.

Le Président (M. Parent): ...du temps qu'on a à notre disposition, on peut difficilement annoncer une date. Ce que le vice-président demande à la commission, c'est de donner une espèce de mandat d'acceptation de principe que, si jamais nous jugions qu'on n'a pas eu assez de temps de fouiller, et puis de discuter et puis d'échanger avec nos invités, nous puissions reconduire pour une période de trois heures, je ne sais pas moi, une heure, si nécessaire. Rien ne nous dit que la chose sera nécessaire. C'est tout simplement une précaution. Étant donné que nos travaux avaient été préalablement prévus pour la journée d'aujourd'hui et éventuellement de se poursuivre, comme vous l'avez vu dans vos ordres du jour, pas dans les ordres du jour mais, enfin, dans la liste des activités parlementaires de la semaine qui auraient pu éventuellement se poursuivre demain matin, étant donné qu'on ne prévoit pas siéger demain matin, si jamais besoin il y avait, s'il y avait péril en la demeure, que nous puissions, à un certain moment, céduler entre nous, s'arranger pour prévoir une rencontre pour fermer ce dossier.

M. Trudel: En tenant compte...

Le Président (M. Parent): Par contre, je vous ferai remarquer qu'on a devant nous les membres de la Commission qui sont là; on va avoir deux invités qui sont au courant, qui suivent de près les travaux de cette Commission pour nous aider. Ça peut être pertinent de donner un mandat ou de donner une acceptation de principe à la commission, comme on peut juger après la rencontre, aussi, s'il y a lieu de continuer, si on se sent assez informés. Alors, libre à vous. Je ne le sais pas, là. Est-ce qu'il y a des réactions? Pas de réactions.

Alors, le comité directeur de la commission se rencontrera avec... Le comité directeur, pardon, c'est le vice-président, la secrétaire et le président, et on verra de quelle façon agencer nos travaux et les poursuivre s'il y a lieu.

M. Trudel: Merci.

Le Président (M. Parent): Ça me fait plaisir, M. le vice-président.

Est-ce qu'il y a des remplacements sur cette commission, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Loiselle (Saint-Henri) remplace M. Kehoe (Chapleau); M. Benoit (Orford) remplace M. Lemire (Saint-Maurice). C'est tout.

Le Président (M. Parent): Ce sont les seuls remplacements que nous avons?

La Secrétaire: Oui.

Le Président (M. Parent): Ça va. Alors, je veux souhaiter en votre nom la bienvenue aux membres de la Commission de protection des droits de la jeunesse. Vous savez, mesdames et messieurs, que les commissions permanentes de l'Assemblée nationale ont pour devoir et responsabilité d'étudier, de rencontrer les différentes institutions, les différents organismes qui relèvent de leur compétence. Alors, lors d'une rencontre qui a eu lieu préalablement au début de l'année, mon prédécesseur, l'ex-député de Marquette, avec notre collègue le vice-président et les membres de cette commission, vous avaient choisis d'une façon particulière pour vous rencontrer et tâcher de discuter avec vous des buts, de la gestion, des activités et des orientations de votre Commission. Alors, Mmes et MM. les membres de cette commission, j'accueille en votre nom M. Saville, qui en est le président, Mme Louise Fournier – c'est ça – et Mme Céline Giroux ainsi que M. Godbout.

Les périodes de temps qu'on a à notre disposition, c'est jusqu'à 18 heures ce soir, puis on a deux heures de prévues pour entendre les personnes que la commission a jugé bon d'inviter pour nous aider à poursuivre nos travaux. Alors, M. le vice-président, on peut commencer de deux façons.

Je peux vous demander, M. le président, de nous présenter globalement votre Commission, ses buts, ses responsabilités et ses activités. Vous avez toute la liberté, la latitude et tout le temps mis à votre disposition pour le faire, ou on peut aussi demander aux membres de cette commission, comme c'est la coutume, s'ils ont des déclarations d'ouverture. Alors, s'il y a des déclarations préliminaires, à tout seigneur tout honneur, ça me fait plaisir de reconnaître l'instigateur et le responsable de cette rencontre, le vice-président, le député de Rouyn-Noranda et du Témiscamingue, avant ou après. M. le député.

(10 h 20)


Déclarations d'ouverture


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. Je vous remercie de l'ouverture que vous nous faites. Effectivement, j'aurais quelques remarques d'ouverture, puisque, comme vous l'avez si bien dit, la commission des institutions décidait, peu avant la période des fêtes, d'exercer le mandat prévu à l'article 294 de notre règlement qui prévoit que chaque commission de l'Assemblée nationale «examine annuellement les orientations, les activités et la gestion» – je le répète, M. le Président, le mandat que vous avez bien énuméré, en lisant l'article lui-même, puisque les mots sont importants – «les orientations, les activités et la gestion d'au moins un organisme public soumis à son pouvoir de surveillance».

Nous avons donc décidé, à la commission des institutions, d'examiner les activités, les orientations et la gestion de la Commission de protection des droits de la jeunesse parce que, dans les éléments qui ont attiré notre attention au cours des dernières semaines et des derniers mois, il y a un certain nombre d'informations, et je les dirai en termes de notes d'ouverture, M. le Président, il y a un certain nombre de faits, d'éléments qui ont été portés à notre connaissance.

Et je vous le dis tout de suite, d'ouverture, quant à l'Opposition, quant au porte-parole en matière de santé et services sociaux et, à tout le moins, mon collègue, aussi, député d'Anjou et porte-parole en matière de justice au niveau de l'Opposition, qui a eu l'occasion, entre parenthèses, d'échanger avec le ministre de la Justice sur le sujet il y a quelques heures, je dirais, il y a quelques jours, un certain nombre d'éléments, oui, troublants, ont été portés à notre connaissance eu égard à la réalisation – on va employer le mot le plus général – du mandat de la Commission de protection des droits de la jeunesse.

Ces premiers éléments, d'où ils nous sont venus? Ils nous sont venus d'abord de la sonnette d'alarme qui a été tirée pendant trois années d'affilée par le Protecteur du citoyen. Bon. Le Protecteur du citoyen qui, lui, est chargé, donc, de recueillir les plaintes eu égard au fonctionnement des organismes et des ministères qui relèvent de sa compétence, englobant, évidemment, la Commission de protection des droits de la jeunesse, le Protecteur soulignait, soulevait qu'en... Enfin, à la lecture de ses rapports, en 1990-1991, il était saisi de quatre plaintes eu égard au fonctionnement des relations ou de la clientèle des usagers avec la Commission de protection des droits de la jeunesse au Québec. En 1991-1992, 13 plaintes étaient portées à son attention et, en 1992-1993, 32 plaintes étaient portées à son attention.

Et le Protecteur du citoyen, dans son rapport annuel de 1992-1993 – 1991-1992? – soulignait donc un certain nombre de phénomènes, moi, qui m'apparaissent extrêmement inquiétants eu égard au mandat et à l'objet de la Commission de protection des droits de la jeunesse. Le Protecteur disait, par exemple, dans son rapport 1991-1992: «La Commission de protection des droits de la jeunesse, pour sa part, fait l'objet d'un chapitre du rapport Jasmin – sur lequel je reviendrai dans quelques secondes – plusieurs des observations qui s'y trouvent rejoignent la perception du Protecteur du citoyen, notamment en ce qui concerne le manque de clarté des règles et de la procédure des enquêtes de l'organisme», etc. Donc, une profonde inquiétude du Protecteur du citoyen.

En 1992-1993, à l'occasion de la publication du rapport du Protecteur du citoyen, celui-ci mentionnait que 40 % des plaintes portées à son attention, eu égard au fonctionnement et à la façon d'être de la Commission de protection des droits de la jeunesse, se sont avérées des plaintes fondées. Alors, là, c'est un phénomène, pour l'instant, inquiétant et persistant, au niveau de la progression des plaintes qui ont été portées à l'attention du Protecteur du citoyen, et qui étaient des plaintes fondées et qui mettaient en cause la Commission de protection des droits de la jeunesse. Le législateur doit s'inquiéter d'un tel phénomène, compte tenu de l'importance de l'objet pour lequel nous avons créé la Commission de protection des droits de la jeunesse au Québec.

Deuxième élément, deuxième série d'éléments qui ont été portés à notre attention et qui nous amenés à faire cette proposition d'examiner la Commission de protection des droits, c'est le premier rapport de la commission Jasmin, présidée, donc, par le juge Michel Jasmin, qui, répondant à un mandat du ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, a été chargée d'examiner toutes les questions autour de la loi de la protection de la jeunesse au Québec, loi qui, on le verra, inclut les objets, le mandat et la façon d'agir de la Commission de protection des droits de la jeunesse.

Le juge Jasmin, dans son premier rapport au ministre de la Santé et des Services sociaux, en janvier 1992, consacrait tout son chapitre II au fonctionnement et à toute la question de la Commission de protection des droits de la jeunesse. Et là-dedans le juge Jasmin nous fait un certain nombre d'affirmations qui sont très inquiétantes.

Je vous en cite quelques-unes, des remarques du juge Jasmin. Par exemple: «Des organismes du réseau social reprochent à la Commission d'intervenir sans fondement ou de façon trop rigoureuse dans certaines situations. Paradoxalement, d'autres personnes, par exemple des avocats représentant des enfants, se plaignent que la Commission n'intervient pas, ou n'intervient que de façon trop tardive ou timide, de sorte que des lésions de droit seraient laissées sans remède.»

Quand le juge Jasmin, dans son rapport au ministre, écrit cela, je suis inquiet et, quand ça persiste, je suis doublement inquiet. Le juge Jasmin et son groupe continuent en disant: «Sans nous prononcer sur le bien-fondé de ces critiques formulées à l'endroit de la Commission, force nous est de constater qu'il existe, notamment dans le réseau social, un malaise profond et une certaine confusion relativement au rôle qu'elle doit jouer et à sa façon de l'exercer.»

Encore là, les membres de la commission Jasmin qui ont été désignés par le ministre de la Santé et des Services sociaux et le ministre de la Justice, je dois dire, parce que le mandat et le rattachement de la Commission de protection des droits de la jeunesse sont à deux ministères, et ça cause un certain nombre de problèmes sur lesquels on aura l'occasion de revenir, je l'espère, le ministère de la Justice et le ministère de la Santé et des Services sociaux, quant à son champ d'intervention... Écoutez, je suis inquiet quand je lis des choses comme cela et qu'on reçoit un certain nombre, évidemment, d'autres objets à examiner, dans nos bureaux de député ou encore à l'occasion de l'exercice de notre mandat de porte-parole en matière de santé et de services sociaux dans l'Opposition.

Je continue en disant ceci: D'autres éléments retiennent également notre attention, dans le rapport Jasmin, et qui nous ont amenés à demander à la Commission de se présenter devant nous pour que nous puissions examiner, finalement, la question: Qui s'assure de la défense des droits des enfants au Québec et comment s'exerce le mandat de la Commission de protection des droits de la jeunesse à cet égard et quant aux problèmes qui nous sont soulevés?

(10 h 30)

Le juge Jasmin dit encore, à propos du fonctionnement de la Commission: «La Commission, pour sa part, soutient qu'elle a l'obligation d'examiner toutes les plaintes qui lui sont adressées. Elle indique également que plus de 75 % des plaintes qu'elle juge recevables sont réglées par voie de conciliation – j'aurai l'occasion de revenir là-dessus, parce qu'il semble qu'il y a beaucoup de choses qui ont changé, au cours des dernières années, dans le fonctionnement de la Commission – sans qu'elle procède à une enquête formelle au sens de l'article 23b de la loi. Selon la Commission, cette voie de la conciliation, bien que moins visible, donne des résultants probants puisque, selon ses données, les recommandations qu'elle fait sont alors suivies dans 90 % des cas.»

Et, finalement, le rapport Jasmin conclut que, à cet égard, à l'égard de la Commission de protection des droits de la jeunesse, il sera appelé à produire ultérieurement des notes complémentaires et, donc, à présenter des recommandations en matière de changement de mandat ou de fonctionnement de la Commission de protection des droits de la jeunesse.

Ce qui a attiré notre attention, également, au niveau de ce qui revient périodiquement, c'est la difficulté des rapports que je qualifierai de houleux, le moins que l'on puisse dire, entre les centres jeunesse, la Direction de la protection de la jeunesse et la Commission de protection des droits. C'est devenu quasi un lieu commun d'évoquer ces énormes difficultés, et je ne vous cache pas, M. le Président, que c'est pourquoi je vous ai présenté une demande pour que nous puissions aujourd'hui entendre des représentants des directions de la protection de la jeunesse, enfin, de l'Association des centres jeunesse du Québec, là, des établissements de rééducation et de réadaptation et les représentants des centres de protection de l'enfance et de la jeunesse, pour que nous puissions examiner ce rapport et les difficultés dans leurs rapports avec la Commission de protection des droits de la jeunesse.

Un autre élément qui a attiré notre attention, je dirais – j'ai quasiment envie de l'utiliser – c'est l'éternel problème des listes d'attente. Est-ce que c'est un problème qui est lié à la Commission de protection des droits, au fonctionnement de la Direction de la protection de la jeunesse, à notre organisation québécoise en matière de protection de la jeunesse? Quoi qu'il en soit, ce problème de l'attente pour l'évaluation et la prise en charge au niveau de la protection de la jeunesse nous amène, le moins que nous puissions dire, à constater à vue de nez qu'il y a là des occasions de lésion de droits pour les enfants qui réclament de la protection, au Québec, de façon importante.

Et là aucune charge contre le gouvernement, aucune charge contre le ministère de la Justice, aucune charge contre le ministère de la Santé et des Services sociaux ou contre les directeurs ou la Direction de la protection de la jeunesse. Tout ce que je veux constater, c'est qu'aujourd'hui, par exemple, les statistiques que l'on a, c'est: il y a 961 jeunes qui attendent une évaluation, qui ont fait l'objet d'un signalement à la Direction de la protection de la jeunesse et qui attendent d'être évalués, et cette attente-là peut être la définition ou, évidemment, ça peut être l'occasion d'une lésion de droits absolument, comment dire, avec un haut degré de risque, compte tenu de la situation. Comme ça se répète d'année en année...

Et, encore une fois, je ne veux pas, mais pas du tout prendre la position de l'Opposition en disant: C'est la faute du gouvernement. Ce n'est pas ça, l'objet. C'est: il y a des enfants qui ont des besoins de protection et qui sont sur une liste d'attente pour être évalués s'ils ont besoin ou pas de protection et, quand la décision est prise, il y a un grand nombre d'enfants qui, par ailleurs, attendent de la prise en charge, et il y a là une occasion de lésion de droits. La Commission de protection des droits de la jeunesse a ça, comme objet, à surveiller également. Elle a ça comme objet principal, avec un certain nombre d'interprétations à avoir de par sa loi ou les articles constitutifs qui lui donnent son pouvoir d'agir. Mais l'interprétation de la partie de ce mandat de la Commission de protection des droits doit être questionnée eu égard à ce phénomène des listes d'attente.

Finalement, M. le Président, en remarque d'ouverture, je dirais que ça fait 10 ans que la Commission de protection des droits de la jeunesse est sur pied; ce n'est pas trop tôt et ce n'est pas de l'abus que les parlementaires, que la commission des institutions se penche sur le mandat et l'exercice du mandat de la Commission de protection des droits de la jeunesse au Québec pour faire le point et, s'il y a lieu, faire un certain nombre de recommandations au ministre, et au ministère et au gouvernement, en termes de modifications soit au niveau du mandat, soit au niveau du fonctionnement de cet organisme.

Je soulignerai, en terminant, que nous devons aussi examiner bien précieusement la gestion de la Commission de protection des droits de la jeunesse parce que, vous savez, M. le Président, cette Commission réalise son travail avec un budget d'aux alentours de 3 500 000 $. Le Protecteur du citoyen, pour l'ensemble des ministères et des organismes dont il a la responsabilité, en termes de traitement des plaintes, fonctionne avec un budget de 5 000 000 $ au total. On aura l'occasion d'examiner le nombre de plaintes qui sont traitées à la Commission de protection des droits de la jeunesse, le nombre de plaintes qui sont traitées chez le Protecteur du citoyen, par exemple, en termes de comparaison. C'est pourquoi nous devons aussi examiner bien précieusement la gestion de cet organisme.

Alors, c'est pourquoi, M. le Président, nous tenions à ce que nous puissions nous pencher quelques heures sur les activités, les orientations et la gestion de la Commission de protection des droits de la jeunesse, parce que ce qui est en cause, c'est bien sûr des fonds publics, c'est bien sûr une loi, c'est bien sûr un cadre législatif, c'est bien sûr le fonctionnement d'un organisme, mais c'est surtout, surtout la question de la protection des droits des enfants au Québec, et je demeure, jusqu'à plus ample éclairage, très inquiet de la façon dont on assure concrètement la protection des droits des enfants, de la jeunesse au Québec, dans le contexte actuel de l'organisation de la protection de ces droits. Et je vous prie de croire, M. le Président, que j'aurai un très grand nombre de questions sur l'ensemble du fonctionnement de la Commission de protection des droits et, par ricochet, sur notre système de protection de la jeunesse au Québec et sur cette Commission qui est chargée ultimement d'en surveiller la protection.

Alors, voilà, M. le Président. Je souhaite que, suivant notre bonne tradition, on puisse demander aux membres de cette commission de prendre une trentaine de minutes de présentation et qu'ensuite nous puissions, les parlementaires, y aller de questions et d'échanges, suivant la tradition.

Le Président (M. Parent): Alors, merci, M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue. Et, suivant notre tradition, comme vous le dites si bien, je reconnais la députée de Groulx.


Mme Madeleine Bleau

Mme Bleau: Alors, je veux vous souhaiter, au nom de ma formation politique, la bienvenue, mesdames et messieurs. Comme le disait le vice-président de la commission, nous sommes ici pour examiner, avec un mandat, la gestion et votre organisation de la Commission. Je pense, tout comme lui, que, pour le gouvernement, pour l'ensemble des citoyens, ce qui se passe au niveau des jeunes, des enfants, c'est très important. Moi, je suis prête à vous écouter, à regarder avec vous... Je pense qu'il n'y a pas une organisation où on ne peut pas apporter, à un moment donné, des choses positives pour aider à l'amélioration du système. Alors, moi, je vais vous écouter. On va poser des questions et on regardera ensemble ce qui pourrait être fait pour améliorer le service auprès des jeunes. Je vous remercie et je vous écoute.

(Consultation)

Le Président (M. Parent): Oui. Alors, M. le député d'Anjou.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: M. le Président, pour quelques remarques préliminaires. Je voudrais, quant à moi, souhaiter aussi la bienvenue aux membres de la Commission de protection de la jeunesse et à tous les gens qui vont suivre nos travaux. L'an dernier, à titre de porte-parole de l'Opposition officielle en matière de justice, j'avais quelque peu échangé avec le ministre relativement à certaines... Je pense que c'était à l'époque des coupures relativement au budget de fonctionnement de la Commission de protection de la jeunesse. Cette année, comme tel, nous n'avons pas réellement eu d'échange, puisque j'étais au courant du mandat qui avait été confié à cette commission, et je pense que le forum le plus approprié était justement cette commission.

(10 h 40)

Plusieurs personnes sont venues me rencontrer à mon bureau, à titre de porte-parole en matière de justice, et ce que j'ai constaté, c'est que le mandat, le rôle de la Commission de protection de la jeunesse était peu connu du public, très peu connu. Je pense qu'il y a un grand, grand problème à ce niveau-là. Les gens ne savent même pas que ça existe, à quoi ça sert. C'est assez frappant de constater ça. Alors, je pense, en partant, qu'il va falloir qu'il y ait un sérieux questionnement à savoir ce qui peut être fait pour améliorer, à ce moment-là, la visibilité de la Commission et faire en sorte que les gens soient au courant de cet outil-là.

Quant à moi, j'ai constaté qu'il y avait beaucoup de zones grises, aussi, même pour un député avocat, à savoir quelle était exactement la capacité d'intervention de la Commission de protection de la jeunesse, de quelle façon elle intervenait ou de quelle façon elle n'intervenait pas, surtout. Ha, ha, ha! Alors, quant à moi, je vais avoir quelques questions à poser là-dessus pour savoir exactement...

Je me pose aussi des questions relativement au rapport de force qui peut exister entre la Commission de protection de la jeunesse et le département de la protection de la jeunesse, le DPJ, le directeur de la protection de la jeunesse. Dans certains secteurs, ce n'est pas évident, le rapport de force, ou en tout cas la capacité d'intervention. Ça aussi, ça me préoccupe énormément.

Alors, comme l'a expliqué mon collègue, ici, mon collègue de Rouyn-Noranda–Abitibi-Témiscamingue, ce n'est pas le but de savoir qui est responsable, le gouvernement ou l'Opposition, en tout cas d'essayer de faire de la politique partisane là-dessus. Au niveau de la commission des institutions, il y a une tradition qui est établie depuis très longtemps, à savoir que, bon, les intérêts de la justice doivent primer au-delà des considérations partisanes. Quant à moi et quant à l'ensemble des membres de la commission, je pense que ça a toujours été une priorité. Alors, c'est de savoir exactement ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, se poser des questions et aussi s'informer.

Quant à moi, je vais vous dire, je vais apprendre, je suis certain, beaucoup de choses relativement à votre fonctionnement, relativement à l'état de la situation. Et c'est dans cette optique que vous pouvez être certains, quant à moi, en tout cas, que je serai un participant assidu à cette commission et très intéressé aux échanges qui auront lieu lors de cette commission. Merci.

Le Président (M. Parent): Merci beaucoup, M. le député d'Anjou, et je reconnais maintenant M. le député de LaFontaine, adjoint parlementaire à la ministre déléguée à la Francophonie. M. le député d'Anjou.

M. Gobé: Merci, M. le Président. Culture, Communications et Francophonie.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Parent): La culture! La culture!

M. Trudel: Il est mieux de garder son comté...

Une voix: Vous vous êtes trompé, vous avez dit «député d'Anjou».


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, messieurs, mesdames, il me fait plaisir de vous saluer, moi aussi. À la suite de mes collègues, je ne parlerai pas tellement longtemps. Je pense que le député de Rouyn-Noranda a fait pas mal le tour des questions qui peuvent intéresser la commission. Et, vu que cette commission, en ce qui concerne des organismes comme le vôtre, siège sans partisanerie politique, la plupart du temps, je pense qu'on peut faire, à l'occasion, des interventions d'un côté ou de l'autre, des interventions communes de cette commission.

Par contre, il est intéressant que nous fassions l'examen de votre Commission à ce stade-ci pour des raisons importantes. On voit particulièrement pour les députés de la région de Montréal des changements très importants dans les populations, des changements qui sont dus à la paupérisation sans cesse croissante de toute une partie des Québécois suite à la crise économique, à l'arrivée de nouveaux groupes ethniques avec des cultures, des comportements totalement différents de ceux auxquels nous sommes habitués de la part de nos gens, de nos populations et des citoyens depuis une vingtaine ou une trentaine d'années. Et ça interpelle notre société particulièrement dans le domaine des jeunes, car on se rend compte que la criminalité devient de plus en plus jeune. On ne parle pas toujours de grande criminalité, mais à l'occasion aussi. On se rend compte que la petite délinquance est devenue, maintenant, quelque chose de courant chez les jeunes et, peut-être même pour une certaine catégorie de jeunes, presque un mode de vie.

De plus en plus, les interventions tant policières que de la justice vont devoir interpeller votre organisation, votre organisme, parce qu'il peut arriver que les méthodes qui soient appliquées ne correspondent peut-être plus à la réalité. On parle de rééducation, on parle de réinsertion, on parle de coercitif, on parle de correctionnel aussi. Je crois qu'il importe pour notre société de revoir peut-être toutes ces valeurs et toutes ces normes, ces moyens de fonctionnement que nous avons mis en place, pour les adapter peut-être aux nouvelles réalités, en ce qui concerne cette clientèle particulière.

Il y a aussi une autre facette qui est très intéressante et qui nous interpelle encore plus violemment: c'est celle de la violence chez les jeunes enfants. Il n'y a pas une journée ou une semaine sans qu'on voie dans un quotidien ou dans un autre ou à une émission de télévision ou de radio des tableaux d'horreur où des enfants sont battus, sont abandonnés, sont maltraités, et on parle d'enfants en bas âge. Et, s'il y a quelque chose qui est plus répugnant – je ne vois pas autre chose que cela – c'est de voir ces jeunes enfants ou ces bébés qui sont sans défense, qui sont sans support de qui que ce soit, qui sont maltraités, qui à l'occasion sont ballottés d'une famille à l'autre, d'un centre d'accueil à l'autre, de ressource en ressource. Je pense que ça nous interpelle, ça aussi, avec une très grande acuité, et nous allons devoir, comme société, relever ces défis de changements, là aussi, dans les prochaines années, les prochains mois; je crois qu'il y a urgence. Alors, je souhaite que nous ayons, grâce à cet examen de votre organisme, l'occasion peut-être d'aborder ces sujets-là et peut-être d'en tirer quelques lignes de changements.

Alors, je n'entrerai pas dans les détails tout de suite. Je pense que chacun va vouloir le faire ici. J'entends participer, moi aussi, parce que je me sens personnellement interpellé par toute cette violence sur les jeunes, particulièrement les plus jeunes. C'est sûr que la jeune délinquance m'interroge aussi, mais je pense que, particulièrement les jeunes, on n'a pas souvent mis l'effort là-dessus. On a plus souvent été interpellés par l'autre jeunesse, celle des 14, 13, 15, 16 et les tout jeunes, ceux vraiment, là, qui sont les victimes. Ceux-là ont besoin d'une attention particulière et ont besoin que nous mettions le focus sur eux.

Alors, voilà les quelques mots que j'avais à dire, et j'espère que ça nous permettra d'être constructifs dans cette commission. En tout cas, j'offre ma collaboration à notre collègue le député de Rouyn-Noranda et aux autres collègues, d'Anjou en particulier, pour faire un succès de ce travail.

Le Président (M. Parent): Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine, et je reconnais Mme la députée de Terrebonne.


Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à nos travaux. Du côté de l'Opposition officielle, je suis responsable de différents dossiers qui touchent la protection, qu'on se parle de protection du consommateur, de fonds de recours collectifs, d'aide juridique, de protection du côté des lois professionnelles, donc l'application des services professionnels, de curatelle, qui touche évidemment aussi des jeunes qui se retrouvent sous tutelle ou sous la curatelle publique. Mais l'intérêt que je ressens pour ce dossier-là est aussi, évidemment, je pense, l'intérêt que tout citoyen ou toute citoyenne du Québec doit avoir pour les enfants, puisque, évidemment, on se parle non seulement du présent, mais de notre avenir.

Dans mon comté, il y a une artiste peintre qui a vécu différentes formes de violence, autant pour elle-même que pour ses proches, et qui a traduit en 25 tableaux – elle donne une conférence avec ces tableaux-là – l'importance capitale du déracinement de la violence, violence non seulement physique mais aussi verbale, et son plaidoyer visuel, elle l'a appellé «Tendresse, tendresse». Un des tableaux, c'est «Tu seras ce qu'on te donnera». C'est évident, c'est vrai. À chaque fois que, comme citoyen, ou comme organisme ou comme personne, on ne s'assure pas que les jeunes reçoivent vraiment ce dont ils ont besoin, évidemment, on les condamne et on se condamne aussi, comme société, pour l'avenir, et, ça, c'est important. Il faut vraiment qu'on l'ait en tête tout le temps.

Quand on voit que 961 jeunes sont en attente d'une demande d'évaluation, eh bien, plus on retarde à agir, plus les conséquences peuvent être sérieuses pour les enfants. Et il faut aussi s'assurer que, lorsque les jeunes reçoivent des services, le type de services qu'on leur donne, ce sont des services qui vont leur permettre d'améliorer leur condition et non de l'aggraver, parce que dans certains cas on aggrave la situation en donnant certains services.

Alors, moi, je vous avoue que l'angle de mes questions sera évidemment toujours en gardant ce principe-là à l'esprit, de notre responsabilité et autant de la vôtre, mais de notre responsabilité à tous par rapport à cette protection de la jeunesse et en vue d'une société de demain, aussi. Je vous remercie.

(10 h 50)

Le Président (M. Parent): Puis? Ça termine, Mme la députée de Terrebonne? Merci. M. le député de l'Acadie, est-ce que vous avez des remarques préliminaires?

M. Bordeleau: Non, pas tout de suite.

Le Président (M. Parent): Alors, si vous n'en avez pas, je vais immédiatement inviter le président, M. Saville, à nous présenter, dans un premier temps, son organisme et aussi à lui donner toute l'occasion, toute la latitude voulue, peut-être, pour répondre à certains questionnements qui ont été mis de l'avant par les membres de cette commission. Alors, M. le président, la parole est à vous. Sentez-vous bien à votre aise, vous êtes nos invités. Même si on dit qu'on a un mandat de surveillance, il ne faut pas le prendre, enfin, comme de la surveillance que l'on pourrait s'imaginer, là, négative. Au contraire, je pense que c'est un travail constructif qu'on tâche de faire ensemble pour pouvoir améliorer nos institutions. Alors, M. le président, nous vous écoutons.


Exposé du président de la Commission de protection des droits de la jeunesse


M. Kevin Saville

M. Saville (Kevin): Merci, M. le Président. Juste une petite parenthèse pour vous: étant donné que nous avons aussi un mandat de surveillance, autant on doit surveiller des gens, autant on est d'accord avec vous que la Commission doit être surveillée, afin de...

Le Président (M. Parent): Vous savez, on se sent plus en sécurité de ne pas avoir à nous présenter devant votre Commission.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Saville (Kevin): Mmes et MM. les membres de la commission des institutions, c'est avec grand plaisir que la Commission se présente devant vous. Pour reprendre déjà un des commentaires exprimés ici, notre Commission est peut-être une commission qui n'est pas très connue, mais qui a un mandat très important. Donc, j'apprécie, comme président, et les membres apprécient, comme Commission, la possibilité de venir échanger avec vous, de vous présenter notre Commission et aussi de discuter de certains problèmes rencontrés en cours de route, les solutions que nous avons amenées, les solutions que nous envisageons pour l'avenir, et aussi et surtout de parler avec vous et d'échanger avec vous sur les problématiques jeunesse et les défis de notre société pour faire face à ces problèmes.

Avant de commencer, j'aimerais juste prendre, M. le Président, quelques instants pour vous présenter les membres de la Commission, qui sont quand même notre force. Je crois que le législateur, dans sa sagesse, a décidé de nommer, à l'intérieur de la Loi sur la protection de la jeunesse, un ensemble de citoyens qui ont la responsabilité de veiller au respect des droits des enfants pris en charge par l'État. C'est nos enfants, et je crois que cette sagesse de demander à un ensemble de citoyens de veiller au respect de leurs droits a été une décision importante et demeure une décision très pertinente.

Donc, vous avez la vice-présidente, Mme Céline Giroux, qui est une ancienne procureure de la couronne, qui est à la Commission maintenant depuis cinq ans; Mme Louise Fournier, membre de la Commission aussi depuis plusieurs années, est psychologue; et M. Égide Godbout est administrateur d'un centre d'accueil. Donc, son expérience se situe au niveau des services de réadaptation au niveau de la jeunesse.

J'aimerais également, mesdames et messieurs, prendre l'occasion de vous présenter quelques membres de notre personnel. Vous savez, à la Commission, même si on est peu, on est quand même, je dirais, choyés par la qualité des professionnels que nous avons. Donc, j'aimerais vous présenter M. Gilles Lamirande, responsable de nos bureaux régionaux – Lamirande – M. Gilles Marchildon, qui est le secrétaire de la Commission; M. Daniel Fines, qui est conseiller au bureau du président; Mme Louise Mondoux, qui est responsable de notre Service des communications; Mme Ginette Mercier – et je vais vous dire, c'est le vrai pouvoir parce que c'est ma secrétaire...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Saville (Kevin): ...Me Jean-François Boulais et Me Michel Jarry, de la Direction des affaires juridiques; et M. Marc Bélanger, qui est un secrétaire adjoint à la Commission et qui représente le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec.

Je voudrais échanger avec vous et, dans ma présentation, je vais essayer dès le début de vous amener des éléments de réponse à vos préoccupations. Mais aussi j'aimerais prendre le temps nécessaire, et ça ne sera pas long, M. le Président, pour situer le contexte de cette Commission. Parce que, si on peut bien situer le contexte de la Commission, ici, en évolution, je crois qu'on sera plus en mesure de comprendre sa situation actuelle et les défis de l'avenir.

Comme vous le savez sans doute, la Commission de protection des droits de la jeunesse est un organisme administratif voué au respect des droits des enfants reconnus dans la Loi sur la protection de la jeunesse et la Loi sur les jeunes contrevenants. La Commission exerce son mandat dans toutes les régions du Québec et elle réagit ou elle intervient soit à la demande d'un citoyen ou de sa propre initiative, afin de déjudiciariser le processus dans le but de solutionner ou de corriger des situations d'enfants dont les droits sont lésés à l'intérieur des deux cadres légaux que je viens de vous mentionner.

Outre les membres que vous avez devant vous, il y a 10 autres membres qui siègent à la Commission sur convocation. Vous avez parmi ces membres des avocats, dont deux qui sont spécialisés en droit des enfants, vous avez un policier, deux travailleurs sociaux, une pédiatre qui, aussi, enseigne à l'Université McGill, un psychologue et un administrateur. Je vous répète que c'est ces citoyens qui connaissent à la fois les services de santé, les services sociaux et les services de protection de l'enfance et c'est cette équipe multidisciplinaire, en provenance de toutes les régions du Québec et des différentes communautés, qui constitue la force majeure de notre Commission.

Aussi, comme je vous l'ai mentionné, la Commission bénéficie d'un ensemble de professionnels qui sont très compétents. Vous avez, à l'intérieur de notre équipe, des psycho-éducateurs, des psychologues, des sociologues, des travailleurs sociaux, des communicateurs, des chercheurs, des avocats et même quelques administrateurs de formation. C'est cette équipe solide qui appuie les membres dans leurs démarches afin de s'assurer qu'on puisse assumer le mandat qui nous est accordé par le législateur.

La Commission a ses racines dans une autre loi et, à l'époque, c'était le Comité pour la protection de la jeunesse, qui a été créé en 1974 par la Loi concernant la protection des enfants soumis à des mauvais traitements. À l'époque, on avait un mandat dit de première ligne; c'est-à-dire, le Comité recevait les signalements et il devait, pour remplir son mandat, obtenir la confiance des établissements et des personnes qui sont aux prises avec la réalité des enfants maltraités. Par la suite, le Comité devait, en plus, imposer aux bénéficiaires d'accepter et de recevoir des services.

À la même époque, la création de notre Comité ne marquait pas la fin de la révision de la Loi sur la protection de la jeunesse qui avait été entreprise au début des années soixante-dix. Devant une opinion publique très sensible au sort des enfants placés en centre d'accueil, le gouvernement créa un comité d'étude sous la présidence de M. Manuel Batshaw. On se souviendra que le comité Batshaw a constaté l'inexistence de mécanismes permettant aux composants du réseau de réaliser la coordination d'un ensemble de services. L'évaluation globale de M. Batshaw était de dire que seule l'adhésion à un certain nombre de principes dans l'intervention professionnelle était susceptible de rétablir une situation décrite à l'époque comme déplorable.

(11 heures)

Une des recommandations du rapport se lit comme suit: Que la Loi sur la protection de la jeunesse soit une véritable charte des droits des enfants et définisse des mécanismes sociaux et judiciaires pour protéger ces droits. En janvier 1979, la nouvelle Loi sur la protection de la jeunesse entre en vigueur. La loi ne reprend pas la suggestion d'une charte des droits, mais elle contient néanmoins tout un chapitre qui s'intitule «Droits des enfants». L'article 3 de cette loi, quant à lui, énonce clairement que le respect des droits de l'enfant doit être le motif déterminant des décisions prises à son sujet en vertu de la présente loi. Il s'agit là, mesdames et messieurs de la commission, de la concrétisation législative d'un changement majeur dans l'intervention sociale auprès des enfants qui reposait, jusqu'au début des années soixante-dix, sur la recherche du meilleur intérêt de l'enfant.

Cette loi prévoit également la création du directeur de la protection de la jeunesse. C'est le directeur de la protection de la jeunesse qui, maintenant, possède la responsabilité exclusive de recevoir les signalements pour les enfants en besoin de protection et les pouvoirs afférents pour protéger ces derniers. Afin d'assurer que les droits reconnus à l'enfant dans cette loi sont respectés, le mandat du Comité de protection de la jeunesse est modifié. Le Comité devient donc le garant du respect des droits de l'enfant reconnus par la Loi sur la protection de la jeunesse et il reçoit un mandat de surveillance générale de cette loi. Il reçoit aussi un pouvoir de réexamen de tous les dossiers du directeur de la protection de la jeunesse. Il n'y a guère de doute que c'est par crainte de voir la réalisation de cette importante réforme compromise que le gouvernement a résolu de confier au Comité ces nouvelles responsabilités.

En 1984, quelque six ans plus tard et suite aux travaux de la commission Charbonneau, le législateur décide que le pouvoir de la Commission en matière de réexamen de toute situation prise en charge par le directeur de la protection de la jeunesse n'est plus approprié. Le législateur décide donc de centrer le mandat du Comité sur le respect des droits des enfants reconnus dans les deux lois que je vous ai mentionnées. C'est pourquoi les pouvoirs du Comité en matière d'enquête ont été renforcés. D'autres amendements devaient amener le Comité à laisser de côté des actions de promotion des droits et de concertation avec le milieu qu'il devait accomplir depuis 1979. Ce recentrage du mandat de la Commission a été vécu concurremment avec une diminution importante de 20 % de son personnel. Cette ponction a eu un impact déstabilisateur – c'est un mot que j'apprends – sur l'organisme. Donc, les effets se sont faits jusqu'à aujourd'hui. Pour illustrer mon propos, je mentionnerai que les équipes de recherche et les équipes de communication, qui étaient constituées par plusieurs professionnels à l'époque, ont été réduites à une personne dans chaque service.

Le Comité de protection de la jeunesse a subi une autre secousse majeure, en 1985, avec le dépôt du projet de loi prévoyant la fusion de notre Comité avec la Commission des droits de la personne. Heureusement, les remous causés par ce projet aussi élaboré dans un contexte de rationalisation budgétaire et la réflexion intense qu'il a suscitée ont permis de mieux cerner la pertinence d'un organisme de défense des droits des enfants indépendant et spécialisé. La vulnérabilité des enfants, sujette à l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse et de la Loi sur les jeunes contrevenants, face aux adultes avait amené le législateur à leur reconnaître des droits spécifiques. Des réactions parfois vives ont surgi dans tous les milieux n'admettant pas que, pour des raisons économiques, on supprime l'organisme chargé spécifiquement de veiller au respect des droits de ces enfants.

Le recentrage du mandat de 1984, la diminution du personnel et l'abandon du projet de fusion amènent le Comité à redéfinir sa stratégie d'intervention. L'approche serait donc d'intégrer la dynamique des droits des enfants aux politiques institutionnelles et aux pratiques professionnelles. Il fallait expliquer et démontrer concrètement que non seulement les droits de l'enfant ne doivent pas être opposés à la recherche de l'intérêt de l'enfant, mais qu'ils fournissent aux intervenants des points de repère permettant de le cerner. En 1989, le nom de «Comité de protection de la jeunesse» a été changé pour celui de «Commission de protection des droits de la jeunesse». Cette nouvelle appellation, elle avait l'avantage de montrer nettement la différence avec le directeur de la protection de la jeunesse et, d'autre part, elle traduit beaucoup mieux la nature de notre organisme et l'objet de son mandat.

L'importance de ce survol historique était de vous amener à mieux comprendre l'évolution de la Commission. Les changements successifs des mandats ont entraîné des décalages. En effet, la Commission a continué et continue d'être sollicitée pour offrir des services et, parfois même, d'intervenir en fonction des mandats précédents. Je me permets de le répéter afin d'éliminer toute ambiguïté: La Commission de protection des droits de la jeunesse a un mandat spécifique et limité. Ce mandat consiste à assurer le respect des droits de l'enfant reconnus dans la Loi sur la protection de la jeunesse et la Loi sur les jeunes contrevenants. La clientèle de la Commission de protection des droits de la jeunesse est celle des enfants maltraités et négligés. Donc, la situation a été ou devrait être prise en charge par le directeur de la protection de la jeunesse. Les adolescents qui tombent sous la juridiction de la Loi sur les jeunes contrevenants font également partie de notre clientèle. La Commission est à la fois le porte-voix de ces enfants et, en quelque sorte, le défenseur de leurs droits.

En effet, la Commission a pour objet de solutionner les situations où les droits d'un enfant sont ou ont été lésés. À ce titre, la Commission a le pouvoir d'utiliser les moyens légaux à sa disposition afin de corriger les situations où les droits des enfants sont ou ont été lésés. À la suite d'une enquête, la Commission peut également émettre des recommandations à l'endroit des personnes, établissements et organismes mis en cause. Si ces recommandations ne sont pas suivies dans les délais impartis, la Commission peut alors saisir le Tribunal de la jeunesse. Rappelons que la Commission est le seul organisme qui a le pouvoir de saisir le Tribunal dans les cas d'enfants dont les droits ne sont pas respectés par des personnes, des établissements ou des organismes. Rappelons également que les actions de la Commission et l'existence même de celle-ci visent à déjudiciariser le processus de solution des situations où les droits d'un enfant peuvent être lésés et accélérer la correction de ces situations.

Outre les changements dans notre mandat, plus récemment, les modifications apportées en 1991 à la Loi sur les services de santé et les services sociaux ont eu un impact important sur l'organisation, les services et des effets directs sur les activités de la Commission. La loi a entraîné de nombreux changements, dont la transformation des centres de services sociaux en centres de protection de l'enfance et de la jeunesse. Dans chaque région administrative, un centre jeunesse chapeaute le centre de protection de l'enfance et de la jeunesse où se retrouvent maintenant les services du directeur de la protection de la jeunesse. Le rôle de la Commission devrait désormais s'exercer auprès de 19 directeurs de la protection de la jeunesse, presque autant de centres de protection de l'enfance et de la jeunesse, ainsi qu'une cinquantaine de centres de réadaptation. La Commission devra à la fois tenir compte des disparités régionales et s'assurer que les droits des enfants sont respectés uniformément sur tout le territoire.

(11 h 10)

Permettez-moi d'ajouter que, dès le début de mon mandat à la présidence de la Commission, plusieurs personnes ont profité de mon arrivée pour me faire part de leur perception de notre organisme. Certains ont parlé d'irritants; d'autres, de problèmes d'attitude. Plusieurs ont mentionné des problèmes au niveau de notre concept de protection versus le concept de protection des directeurs de la protection de la jeunesse. Certains prétendent que la Commission fait de l'ingérence en s'immisçant dans les affaires internes des établissements. Il y a des commentaires sur l'ambiguïté entourant nos méthodes d'enquête, sur nos pouvoirs légaux, sur le manque de rigueur au niveau du suivi de nos dossiers, sur les délais dans le traitement de nos dossiers et le fait que la Commission est devenue un organisme légaliste, trop collé sur la loi. De plus, on s'interrogeait sur la capacité de la Commission de donner un esprit d'ensemble sur le respect des droits des enfants dans un contexte de protection. Et voilà le contexte dans lequel je me suis retrouvé, en août 1991, quand j'ai été nommé président de la Commission.

L'occasion offerte par cette audition de la commission des institutions me permet – et j'en suis très heureux – de faire le point et de donner une perspective que je crois plus juste de la réalité de mon organisme. Mes premières décisions, comme président, ont été de commander plusieurs travaux, tant au niveau juridique qu'au niveau administratif et au niveau des communications, afin de clarifier la situation que je viens de vous exposer. J'ai aussi amorcé avec les membres et le personnel de la Commission de protection des droits de la jeunesse une réflexion approfondie sur les moyens à prendre afin de répondre aux critiques et de relever les nombreux défis auxquels la Commission fait face. J'aimerais partager avec vous quelques résultats de ces démarches. J'espère aussi répondre à quelques-unes de vos préoccupations en même temps.

En novembre 1991, j'ai demandé qu'une analyse de structure administrative de la Commission et de son fonctionnement soit réalisée et j'ai amorcé l'instauration, à la Commission, d'un processus d'amélioration continue des services. Les objets étaient de donner une plus grande transparence aux interventions et d'assurer à toute personne qui s'adresse à la Commission une réponse appropriée à sa demande. Durant cette opération, toutes les activités et procédures de la Commission ont été passées en revue. De même, la direction a étudié plusieurs hypothèses de réorganisation administrative. La direction a eu comme préoccupation constante d'assurer à la population, et surtout à nos jeunes clients, des services de qualité et de créer un milieu de travail dynamique pour les membres et les employés de la Commission. La direction a cherché à répartir clairement les fonctions entre chacune des composantes de l'organisme afin de favoriser leur complémentarité et de mieux définir leurs responsabilités propres. Ces changements visaient à augmenter la participation et l'implication des membres, à consolider la cohérence des interventions de l'organisme et à mieux étayer nos prises de position.

La Commission a également revu plusieurs de ses normes et procédures de travail. Elle a élaboré un nouveau programme de liaison afin de donner à l'organisme les outils nécessaires pour bien connaître l'organisation des services de santé et des services sociaux dans les régions, compte tenu des nouvelles structures introduites par la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Ce nouveau programme sera mis en application, au plus tard, en septembre 1994, le délai étant nécessaire pour assurer une bonne compréhension de ce programme à l'interne et à l'externe.

La Commission s'est également dotée, en 1993-1994, d'un projet de règlement sur la procédure d'enquête. Elle a aussi revu les directives régissant la réception et le traitement des demandes d'intervention ainsi que les différentes actions de la Commission dans le cadre de ces demandes. De nouvelles directives ont aussi été introduites. Ces directives précisent les attentes à l'endroit des professionnels quant à la réception et au traitement d'une demande d'intervention ainsi que les responsabilités de chacun des services concernés. La Commission a également défini un processus d'élaboration d'une prise de position. Elle est à revoir actuellement sa procédure de révision des décisions. De plus, la Commission vient de terminer un travail important sur la confidentialité des informations que nous avons à la Commission.

En 1994-1995, la Commission a l'intention d'adopter une politique globale sur la qualité des services qu'elle offre aux citoyens, ce qui lui permettra d'assurer de meilleurs services à un meilleur coût, nonobstant les coupures budgétaires et les compressions d'effectifs. Cette démarche devrait également nous permettre d'instaurer une politique sur le traitement de plaintes formulées envers la Commission ou son personnel et d'apporter les correctifs nécessaires immédiatement, advenant leur bien-fondé. Cette démarche devrait nous permettre de préciser, de définir et de développer les indicateurs de gestion et les normes de qualité appropriées. Aussi, étant donné les perceptions partagées avec le président depuis mon arrivée, nous avons demandé qu'une étude sur nos communications soit réalisée. Nous avons l'intention d'adopter, dans les prochains mois, une stratégie globale de communication dans le but de mieux nous faire connaître, de bien expliquer notre mandat, notre rôle et de bien faire valoir nos prises de position dans la défense des droits des enfants.

Malgré tous ces progrès et ces améliorations, le processus de révision administrative doit se poursuivre. Ainsi, la Commission doit rendre plus performant son système de gestion informatisée. Ceci nous permettra de suivre, de mieux contrôler et d'améliorer davantage les interventions de la Commission. C'est une priorité pour cette année, et les démarches ont déjà été entreprises dans ce sens.

Si je vous fais partager nos réflexions sur l'organisation et l'administration de notre Commission, c'est parce que, à la Commission, nous avons un objectif, c'est de rendre le service le plus adéquat à notre client, qui est le jeune enfant, l'enfant qui est porté à notre attention, soit par lui-même, soit par des tierces personnes, ou soit par une intervention de notre part parce que nous sommes informés, d'une façon ou d'une autre, d'une situation.

J'aimerais sortir un petit peu du discours administratif et organisationnel et échanger avec vous, pour quelques instants, sur des questions de contenu, des problématiques jeunesse qui sont vraiment notre raison d'être à la Commission. On peut soutenir, et, je crois, avec raison, que la Commission de protection des droits de la jeunesse fut l'instigatrice du système de protection, tel qu'on le connaît aujourd'hui. La Commission a contribué d'une façon évidente à la compréhension que la société québécoise possède aujourd'hui quant au phénomène des enfants maltraités, ainsi qu'au développement des interventions les plus appropriées pour leur venir en aide. Dès le départ et tel que souligné dans son premier rapport d'activité, la Commission était et demeure convaincue que la meilleure protection qu'on peut donner à ces enfants passe par l'aide et les conseils qu'on prodigue aux parents et aux adultes significatifs dans la vie de ces enfants.

Les familles contemporaines présentent aussi un défi important pour notre société et pour nos intervenants. En effet, il est important de s'assurer que les enfants vivent dans des milieux où nous pourrons répondre à leurs besoins fondamentaux d'affection. Il n'y a pas si longtemps, on décrivait ainsi la famille: deux parents avec plusieurs enfants. La réalité d'aujourd'hui est souvent tout autre. Plusieurs jeunes ont plusieurs parents ou adultes significatifs avec qui ils sont appelés à partager leur vie. Il faut nous assurer que nous puissions comprendre cette réalité et aider les jeunes et leurs parents à s'épanouir dans ce contexte.

(11 h 20)

Par ses recherches, la Commission de protection des droits de la jeunesse a contribué à la connaissance et aux interventions concernant les abus sexuels. Notre organisme a incité des groupes de travail à se pencher sur le sujet et à produire des protocoles sociojudiciaires dans le but de favoriser une coordination des interventions nécessaires. Depuis quelque temps, la Commission de protection des droits de la jeunesse a constaté, comme les établissements et les intervenants, le phénomène des allégations d'abus sexuel dans des situations de contestation de garde d'enfant suite à la séparation des parents. Tout en respectant le principe qu'il faut croire l'expression de l'enfant et lui venir en aide, nous reconnaissons que les intervenants doivent être de plus en plus prudents et rigoureux dans leurs évaluations.

Depuis ses débuts, la Commission a mené des études et des recherches sur des questions de fond touchant la protection de la jeunesse. Préoccupée par la réalité des populations autochtones et aussi des communautés culturelles, les deux dernières recherches de la Commission portent sur cette réalité. La première s'intitule «Profil pluraliste des jeunes en difficulté d'adaptation suivis par les centres de réadaptation» et la seconde, «La clientèle multiethnique des centres de réadaptation pour les jeunes en difficulté». Les résultats de cette dernière recherche seront diffusés très prochainement.

Avec votre permission, M. le Président, je souhaiterais faire une courte parenthèse. Nous avons avec nous, présente dans la salle, Mme Camille Messier, qui est au Service de la recherche, à la Commission, depuis plusieurs années. Cette année, elle prend sa retraite, et je voudrais souligner comment la société québécoise et, surtout, les services de protection ont bénéficié du travail extraordinaire de recherche qui a été mené par Mme Messier. Donc, je ferme ma parenthèse, mais je souhaite souligner sa présence et le travail qu'elle a fait.

Le Président (M. Parent): Bravo. Merci, madame.

Mme Bleau: Voulez-vous vous lever, Mme Messier? Vous êtes... On vous voit très, très...

Le Président (M. Parent): Bon...

Une voix: Très bien, très bien, très bien.

Mme Bleau: Merci, madame.

Le Président (M. Parent): Continuez à parler, M. le président. Continuez.

M. Saville (Kevin): Merci. Au cours des derniers mois, afin de régler des problèmes récurrents concernant le respect des droits des enfants, la Commission a pris position sur l'utilisation des chambres sécuritaires en centre de réadaptation, sur l'application des mesures disciplinaires au niveau des bénéficiaires dans ces mêmes centres, sur la question des transferts aux régions d'enfants hébergés en centre de réadaptation, sur les services de réadaptation dans le Nord québécois, sur le non-respect des ordonnances du Tribunal de la jeunesse, sur la question de la fouille en centre de réadaptation, la question de la langue d'usage des enfants dans le centre de réadaptation et la représentation des enfants par avocat. Pour vous donner une idée sur le travail quotidien qui se fait à la Commission, nous traitons aujourd'hui ou dans les semaines, dans ces semaines, les sujets suivants, entre autres: des abus institutionnels, des placements inadéquats, la non-rétention des signalements et les délais indus pour évaluer les signalements portés à l'attention du directeur de la protection de la jeunesse.

Avant de terminer et surtout pour répondre à certaines observations qui ont été faites à l'égard de la Commission, j'aimerais partager avec vous les commentaires suivants. Dans bien des milieux, le fait que ce soit le ministre de la Justice qui soit responsable de la Commission de protection des droits de la jeunesse provoque des irritations. Selon moi, il s'agit là d'un problème de perception parce que, dans la loi et dans les faits, la Commission est un organisme indépendant. Je tiens à rappeler que les 14 membres de la Commission, une fois nommés, ont toute la latitude et la liberté d'agir dans le cadre de cette loi. Les membres ne représentent aucun groupe ni aucune association. Ils siègent en collégialité, soit par groupe de trois ou plus pour la tenue des enquêtes, soit en assemblée plénière pour l'adoption des prises de position. Plusieurs se demandent s'il n'y a pas de duplication entre la Commission et le mécanisme de traitement des plaintes à l'intérieur des établissements des services de santé et des services sociaux. Sans préjuger la valeur des personnes qui exercent ces fonctions, je me permettrai de rappeler, comme le Protecteur du citoyen l'a déjà fait, que ces personnes ne sont pas indépendantes des structures, donc elles doivent évaluer les agissements, et, dans un deuxième temps, que ces personnes n'ont pas les pouvoirs, et surtout le pouvoir d'agir devant le tribunal pour corriger la situation d'un enfant lésé dans ses droits. Je voudrais aussi ajouter que c'est dans des périodes de compressions budgétaires qu'un organisme comme la Commission devient crucial car il faut s'assurer que les décisions de planification financière et de réorganisation des services ne se fassent pas au détriment de la qualité des soins accordés aux enfants dont la situation est prise en charge pas l'État.

La Commission de protection des droits de la jeunesse, messieurs et madame, a démontré une capacité d'adaptation remarquable dans le contexte actuel de remise en cause des structures et des compressions budgétaires. En peu de temps, nous avons revu de fond en comble notre fonctionnement et notre structure organisationnelle et nous avons apporté des changements qui constituent des modifications majeures à des habitudes de longue date, à la Commission. Je suis personnellement reconnaissant aux membres et à l'ensemble du personnel de la Commission pour la loyauté et le support qu'ils ont démontrés dans ce cheminement très difficile, très nécessaire. Nous devons continuer à développer un organisme des plus compétents, efficace et stimulant afin de toujours mieux servir notre jeune client. Pour ce faire, la Commission s'engage, dans les prochaines années, à réaliser les projets suivants.

Dès septembre 1994, la Commission s'engage à mettre sur pied la stratégie de communication que je vous ai mentionnée et qui permettra à tous et à toutes de connaître précisément la Commission, ses fonctions et ses responsabilités, donc son rôle, ses pouvoirs et la façon dont elle entend les exercer. Dans un esprit de transparence et afin de s'assurer le moins d'ambiguïtés possible, la Commission s'engage à transmettre à toute personne concernée une copie de ses directives et procédures traitant la réception, le traitement des demandes d'intervention ainsi que le cadre utilisé pour procéder à ses enquêtes.

La Commission s'engage, de plus, à soumettre au ministre de la Justice et, par la suite, au gouvernement un projet de règlement sur nos enquêtes. La Commission s'engage à se doter, durant le présent exercice financier, d'une politique sur la qualité des services. La Commission s'engage à publier, dès le début de l'année 1995, des exemples de ses décisions et à informer les établissements concernés de ses prises de position.

Nous avons toujours – et je ferai juste une courte parenthèse encore – nous avons toujours voulu faire et réaliser ce projet. Par ailleurs, étant donné l'importance des informations que possède la Commission et la sensibilité de ces informations, j'ai insisté personnellement, comme président, pour que ce travail sur la confidentialité soit fait avant de publier les décisions de la Commission.

Le Président (M. Parent): Je vous invite à conclure puis on pourra reprendre, après ça, M. Saville.

M. Saville (Kevin): Enfin, la Commission s'engage, M. le Président, à continuer sa réflexion sur les façons de toujours améliorer ses actions afin de respecter les droits des enfants. Et c'est dans cet esprit que nous nous présentons devant vous aujourd'hui. Maintenant, M. le Président, Mme et MM. les députés, il nous fera grand plaisir d'échanger avec vous et de répondre à vos préoccupations.

(11 h 30)

Le Président (M. Parent): Alors, je vous remercie beaucoup, M. le président de la Commission de protection des droits de la jeunesse. Je vous informe immédiatement que nous allons procéder à une période d'échanges de 30 minutes environ, 30 à 35 minutes, avec les membres de cette commission. Après ça, les membres de la commission entendront le Protecteur du citoyen, M. Jacoby, qui est attendu pour midi. Cet après-midi, nous aurons l'occasion de continuer l'échange et vous aurez aussi l'occasion de mettre les points sur les i et de fournir aux membres de cette commission toutes les explications voulues.

Alors, je vais reconnaître le premier intervenant, M. le député de l'Acadie.


Discussion générale


Méconnaissance du rôle de la Commission

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Juste un premier point. Tout à l'heure, dans ses remarques préliminaires, le député d'Anjou faisait part, au fond, que la Commission, comme telle, était relativement fort peu connue du grand public. Est-ce que vous confirmez ce fait-là ou si vous avez des informations qui vont dans un autre sens? Et qu'est-ce que la Commission fait ou prévoit faire à ce niveau-là pour améliorer la situation de façon plus précise?

Le Président (M. Parent): M. le président.

M. Saville (Kevin): Merci, M. le Président. Oui, M. le député, je confirme ce fait que la Commission n'est pas un organisme très connu dans la société, premièrement. Deuxièmement, la connaissance que les gens ont de la Commission est très souvent très variable. C'était pourquoi je vous ai présenté, dans mon discours, le fait que nous avons fait une étude assez approfondie de cette situation et que nous sommes prêts, maintenant, à finaliser un projet sur les communications afin de faire connaître davantage la Commission. Spécifiquement, non pas juste un engagement général, spécifiquement, il faut que la Commission, premièrement, soit capable d'expliquer, comme on fait ici aujourd'hui, à tous les intervenants, que ça soit la magistrature, les CPEJ, les D.G., les conseils d'administration, il faut qu'on soit capables de bien préciser notre mandat, notre rôle et nos fonctions.

J'entreprends, dès juin de cette année, cet exercice. Il y a déjà une réunion prévue avec les directeurs généraux de tous les regroupements. Au mois de septembre, nous avons confirmé une rencontre avec les juges de la magistrature de la région est. Donc, ça, c'est une démarche qui va continuer cette année. Je m'engage personnellement, comme président, à rencontrer tous ces groupes, à échanger avec eux et à clarifier un certain nombre de questions.

Nous allons aussi commencer, dès le début de 1995, à publier nos décisions et nos prises de position d'une façon régulière. Cela ne veut pas dire que nous ne l'avons pas fait. Nous l'avons fait d'une façon très restreinte, et la Commission souhaiterait élargir la connaissance que la population générale a de nous et du rôle important que nous avons à jouer. Et ce sera entrepris, M. le député – juste pour terminer – dans toutes les régions du Québec. Ce ne sera pas juste un exercice de Montréal, ça sera... Notre stratégie de communication sera une stratégie qui comprend l'information diffusée sur le territoire du Québec.

M. Bordeleau: Justement, dans le contexte de la communication entre la population et la Commission, il y a une des démarches, au fond, de la Commission qui vous met en contact directement avec la population, à laquelle vous avez fait référence à quelques reprises, c'est la question des enquêtes. Vous avez mentionné cette question-là et, dans vos projets futurs, il y a mettre en place une réglementation qui va mieux encadrer les enquêtes. Vous pourriez peut-être nous expliquer un peu plus ce qui vous amène, disons, à vous questionner sur les modes d'enquête que vous avez eus. Et qu'est-ce qui vous amène, disons, à élaborer, éventuellement, un règlement à ce niveau-là? Ça me semble important parce que, si je ne me trompe pas, au fond, c'est de cette façon-là que vous êtes peut-être le plus en contact directement avec la population. Qu'est-ce qui s'est passé, de ce côté-là? Est-ce qu'il y a eu des problèmes particuliers dans cette démarche-là?

Le Président (M. Parent): M. le président.

M. Saville (Kevin): Merci, M. le Président. Quand je suis arrivé à la Commission, les premiers commentaires que j'ai eus – et c'était surtout des établissements avec lesquels la Commission travaille pour trouver des solutions à des lésions de droits – il y avait un ensemble de préoccupations. Entre autres, le fait qu'il y avait peut-être un manque de rigueur dans la façon dont la Commission entreprenait des enquêtes. Les gens avaient de la difficulté à cerner si la Commission était en préenquête, enquête, quelle partie de l'enquête.

M. le député a mentionné une question de conciliation. Les gens disaient: Quand on fait de la conciliation, est-ce que vous ramassez des informations qui vont maintenant vous amener en enquête? Il y a eu, je vous l'avoue, une certaine confusion. Cela ne veut pas dire qu'il n'y avait pas des directives, mais il y avait quand même la constatation de cette perception et, je dirais, de cette réalité. Donc, nous nous sommes donné le devoir de revoir nos procédures, tant au niveau de la réception et du traitement des demandes, la façon d'intervenir, mais, surtout, comment exercer notre pouvoir au niveau de l'enquête afin d'assurer qu'il y ait le moins d'ambiguïté possible et, de plus, que les gens puissent nous interpeller à la Commission pour dire: Vous avez dit – au lieu d'être dans la confusion – que c'est comme ça que vous allez faire les enquêtes. J'ai eu une intervention de la part de la Commission, que ce soit au niveau professionnel ou au niveau des membres, que je ne trouve pas adéquate ou conforme à ce que vous avez dit.

Donc, c'est pour s'assurer d'une information adéquate, mais c'est aussi pour assurer qu'on est transparent dans notre démarche et qu'on peut expliquer notre démarche. Donc, oui, je crois qu'il y a lieu d'avoir un règlement d'enquête qui permet... Et la raison pour laquelle on suggère que ce soit adopté par le gouvernement, c'est pour démontrer la volonté de notre Commission d'assurer qu'on se conforme à un règlement qui est clair et précis sur la manière de mener nos enquêtes.

Le Président (M. Parent): Merci, M. le président. Ça termine. M. le député de l'Acadie?

M. Bordeleau: Oui, ça va. Merci.

Le Président (M. Parent): Oui. Alors, je reconnais le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue qui, néanmoins, est le vice-président de cette honorable commission. M. le député.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Et ma première remarque va vous surprendre. On a évoqué à deux ou trois occasions les restrictions budgétaires dont était victime la Commission pour son fonctionnement. Je regrette, mais le gouvernement n'a pas imposé de restriction budgétaire significative à cette Commission puisqu'on est encore... Par exemple, on était à 3 425 000 $ de budget de fonctionnement en 1990-1991, à 3 646 000 $ en 1991-1992, à 3 624 000 $ en 1992-1993. Alors, on peut charger le gouvernement et dire qu'il y a des difficultés immenses de compression, mais il ne faut quand même pas en mettre plus que le client en demande, là-dessus. Écoutez, M. le Président, là-dessus, c'est parce que je l'ai entendu à deux ou trois occasions, puis, quand il y a une restriction de 20 000 $, ce n'est pas le défi du siècle. Au niveau des finances publiques du Québec, sans égard à la situation globale, on peut être en désaccord avec les devoirs qui sont demandés à différents organismes, mais on ne peut pas invoquer ça comme résultante.


Application de l'étude interne sur la réorganisation de la Commission

Moi, j'ai un bon nombre de questions, M. le Président, sur ce qui nous a été exposé. Le premier élément sur lequel j'aimerais approfondir l'examen, parce que je dois dire que c'est moins... Là, je constate aussi qu'en 1994 il va s'en passer, des choses, à la Commission de protection des droits de la jeunesse. Il va y avoir une série d'actions. Je l'ai noté tantôt. J'ai noté tantôt ce qui va se passer en 1994 et ça me surprend qu'au cours des 10 dernières années ça ne soit pas passé. En 1994, il va y avoir l'application de votre étude interne au niveau de l'organisation que vous avez faite en 1991, il va y avoir une procédure de révision des décisions, il va y avoir une procédure de révision de la qualité des services assurés, il va y avoir l'établissement d'un mécanisme de traitement des plaintes, il va y avoir une publication des décisions de la Commission à partir de 1995, il va y avoir une étude sur les communications et un plan de communication. Disons qu'après la commission, 1994, ça va être une grosse année pour la Commission, mais j'aimerais regarder les 10 dernières avant de regarder celle qui s'en vient.


Processus de déjudiciarisation

Je veux commencer par le premier article qui justifie votre existence. C'est l'article 23 de la Loi sur la protection de la jeunesse. Vous dites, dans le rapport que vous nous présentez sur le fonctionnement de la Commission, et, sauf erreur, je reprends vos mots: La Commission intervient afin de déjudiciariser le processus au niveau des services auxquels ont droit les enfants. Mais comment vous interprétez, à cet égard, l'article 23b, je dirais, de votre loi constitutive qui dit: «sur demande ou de sa propre initiative, elle enquête sur toute situation où elle – la Commission – a raison de croire que les droits d'un enfant ou d'un groupe d'enfants ont été lésés par des personnes, des établissements ou des organismes, à moins que le tribunal n'en soit déjà saisi»?

(11 h 40)

Deuxièmement, vous allez m'expliquer pourquoi, en 1987-1988... Parce que je vous le dis, là, vos rapports annuels, je les ai étudiés à partir de 1988, je peux vous les réciter par coeur. Pourquoi, à partir de 1987-1988, il y avait 57 % de vos dossiers, en particulier à partir de 1988, qui étaient réglés en conciliation et vous dites que vous insistez sur cette procédure et qu'il y a seulement 23 % de vos dossiers qui ont été réglés en conciliation en 1992-1993, dans votre rapport annuel? Comment vous expliquez ça, d'abord, l'interprétation de votre mandat de déjudiciariser, quand vous êtes le seul organisme doté de pouvoirs extraordinaires de saisir le tribunal pour des mesures de protection ou des mesures lorsqu'il y a lésion de droits des enfants? Comment vous en arrivez à interpréter votre mandat que c'est de déjudiciariser le processus? Et, deuxièmement, de façon contradictoire, comment vous expliquez que la Commission en arrive à régler les dossiers, seulement dans le quart des cas, par la conciliation, quand vous dites privilégier ça? J'ai hâte de voir l'interprétation que vous allez donner à votre mandat en vertu de 23 de la loi constitutive. Vous allez m'expliquer ça parce que j'en arrive à croire qu'on tourne en rond, en matière de protection. Il y a un organisme qui a plein pouvoir d'intervenir de façon stricte et claire auprès d'un tribunal, lorsqu'il pense qu'il y a mesure de protection ou, surtout, lésion de droits.

Le Président (M. Parent): M. le président, une réponse au questionnement du député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue.

M. Saville (Kevin): Merci, M. le Président. Si nous insistons sur le fait, M. le député, de déjudiciariser le processus, c'est parce que, et je suis d'accord avec vous, nous avons beaucoup de pouvoirs. Par ailleurs, si vous regardiez les articles, à l'article 25.2: «La Commission peut recommander la cessation de l'acte reproché ou l'accomplissement, dans le délai qu'elle fixe, de toute mesure visant à corriger la situation.» Donc, si je reprends ce que vous avez dit, dans un premier temps, assurer le respect des droits des enfants doit être fait en fonction de nos pouvoirs accordés dans la loi. Donc, nous enquêtons dans des situations où les droits des enfants ont été ou sont lésés et, par la suite, on essaie de corriger la situation par des recommandations. Si la recommandation qu'on fait n'est pas respectée, à ce moment-là, la Commission peut déjudiciariser et saisir le tribunal.

Mais notre obligation n'est pas uniquement d'enquêter, notre obligation est aussi de recommander la cessation de l'acte reproché ou l'accomplissement, dans le délai qu'elle fixe, de toute mesure visant à corriger la situation de l'enfant. Donc, c'est notre première interprétation, ça veut dire, étant un organisme administratif chargé d'assurer le respect des droits des enfants, avec un pouvoir d'enquête. À la fin de notre enquête, on formule des recommandations et, dans la mesure où ces recommandations ne sont pas respectées, la Commission peut saisir le tribunal, et elle saisit le tribunal. Il faut vous avouer, par ailleurs, que la grande majorité de nos situations, les situations portées à notre connaissance, sont réglées et nos recommandations sont respectées.

Deuxièmement – et, ça, ce sera peut-être à un autre niveau, un niveau plus général – assurer le respect des droits des enfants, c'est beaucoup plus que faire des enquêtes. Donc, si on existe pour déjudiciariser et si on existe comme organisme administratif pour recommander et nous assurer que nos recommandations sont suivies, on existe aussi pour prendre cette expérience et la mettre à contribution, ce que nous avons déjà fait. Par exemple, si la Commission constate une certaine problématique à répétition dans une région, au niveau du territoire du Québec, à ce moment-là, on décide de faire une recherche ou une étude sur la question. À l'époque où mon prédécesseur était présent à la Commission, plusieurs dossiers lui ont été soumis concernant la surreprésentation des jeunes des communautés culturelles en centre de réadaptation.

M. Gobé: La surreprésentation?

M. Saville (Kevin): Pardon?

M. Gobé: La «sur» ou «sous»?

M. Saville (Kevin): Surreprésentation.

M. Gobé: Ah! j'avais compris «sous».

M. Saville (Kevin): Ce qui est arrivé, c'est que nous sommes intervenus dans quelques cas, mais, parce que les communautés culturelles nous ont dûment fait la demande, nous avons décidé aussi de faire des études et recherches sur cette question. Donc, assurer le respect des droits des enfants, on a nos pouvoirs, ils sont clairs dans l'article 23. On est un organisme administratif, on a un pouvoir d'enquête énorme, on a un pouvoir de saisir le tribunal qui est exceptionnel, mais nous avons le devoir de faire des recommandations, suite à nos enquêtes, afin de s'assurer qu'on ne soit pas devant le tribunal du jour au lendemain, que l'on puisse, avec une justice souple, rapide, essayer de corriger la situation des enfants où les droits sont ou ont été lésés. Aussi, on a tous les autres devoirs, fonctions et pouvoirs que nous avons.

M. Trudel: Par exemple, M. le Président, en 1992-1993...

M. Saville (Kevin): Oui, monsieur.

M. Trudel: ...votre rapport annuel fait mention que vous êtes intervenus 15 fois au tribunal...

M. Saville (Kevin): Oui.

M. Trudel: ...sur à peu près, pour partir la pyramide, je dirais à peu près une trentaine de mille signalements qui ont été faits chez les directeurs de la protection de la jeunesse et quelque chose comme 450 demandes, on va appeler ça des signalements, entre guillemets...

M. Saville (Kevin): Demandes d'intervention.

M. Trudel: ...demandes d'intervention qui sont parvenues chez vous et on a retenu là-dessus une centaine – 117 plus précisément – d'enquêtes ou poursuites d'enquêtes qui se faisaient par rapport à l'année précédente. Vous dites que vous êtes intervenus 15 fois au tribunal. Est-ce que vous voulez dire que vous avez saisi le tribunal 15 fois de demandes pour faire cesser ou intervenir parce qu'il y avait lésion de droits? Est-ce que vous avez saisi le tribunal 15 fois pendant l'année 1992-1993? Parce que ce n'est pas clair, dans votre rapport.

M. Saville (Kevin): O.K.

M. Trudel: Dans votre rapport, c'est indiqué, je m'excuse, là: La Commission est intervenue à 15 reprises devant une autorité judiciaire.

M. Saville (Kevin): O.K.

M. Trudel: On sait qu'en vertu d'autres articles – 74, par exemple, de la loi sur la protection – bien, vous avez la possibilité d'être là, au tribunal, lorsqu'il y a des interventions. Alors, est-ce que c'est des interventions où vous avez saisi le tribunal en matière de lésion de droits?

Le Président (M. Parent): Remarquez bien, M. le président, que vous pouvez vous faire assister dans vos réponses par les gens qui vous accompagnent.

M. Saville (Kevin): Ça va très bien. Je veux juste prendre connaissance du document.

Le Président (M. Parent): Prenez le temps qu'il vous faut.

M. Saville (Kevin): La réponse plus précise à votre question, c'est que la Commission est intervenue devant le tribunal 15 fois. Par exemple, M. le député, vous savez et vous l'avez lu, l'article 23b dit: «sur demande ou de sa propre initiative, elle enquête sur toute situation où elle a raison de croire que les droits d'un enfant ou d'un groupe d'enfants ont été lésés par des personnes [...] à moins que le tribunal n'en soit déjà saisi.» Donc, il arrive, dans des situations, que la Commission est saisie et que le tribunal est saisi aussi de la situation d'un enfant. Si nous possédons de l'information que nous croyons pertinente au travail du tribunal, on intervient devant le tribunal. Si, par ailleurs, nous croyons que, pour régler des situations de lésion de droits, il faut saisir le tribunal, on pourrait le faire. Donc, je crois que la réponse la plus précise, c'est de dire plus clairement: On est allé devant le tribunal une quinzaine de fois.

Le Président (M. Parent): On va alterner. Est-ce qu'il y a des questions du côté ministériel, des interventions? Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Ce n'est pas sur le même sujet.

Le Président (M. Parent): Non. Sur le même sujet, M. Bélanger?

M. Bélanger: Oui, sur le même sujet.

(11 h 50)

Le Président (M. Parent): M. le député d'Anjou, pardon.

M. Bélanger: La question, je pense, ce que mon collègue voulait exactement savoir, c'est: Combien de fois, de sa propre initiative, la Commission de protection des droits de la jeunesse a saisi le tribunal d'un dossier en particulier, qui n'était pas déjà devant le tribunal suite à une intervention ou à une plainte, mais carrément où la Commission a saisi? Combien de fois, en 1992-1993, sur les 15 interventions qu'il y a eu? Parce que je peux comprendre... C'est 1992-1993? C'est ça?

M. Trudel: Oui, 1992-1993.

M. Bélanger: Parce qu'on peut comprendre que, des fois, la Commission a été mise en cause ou elle a été témoin... Nous, on veut savoir exactement combien de fois, sur les 15 interventions, c'est de la propre initiative de la Commission, à ce moment-là, que le dossier a été soumis devant un tribunal.

(Consultation)

Le Président (M. Parent): D'autres interventions? Mme la députée de Groulx.

Une voix: ...

Le Président (M. Parent): Excusez-moi. Excusez-moi.

Une voix: On attend la réponse.

(Consultation)

M. Saville (Kevin): La réponse, M. le député, c'est que, en 1992-1993, la Commission n'a pas saisi, de son initiative, un tribunal.

Le Président (M. Parent): Merci, M. le président.

M. Trudel: Je vous remercie de la réponse. À cet égard-là, donc à l'égard du mandat de la Commission, moi, je vous dis, M. le Président, qu'on va avoir à examiner ça comme résultats d'examen parce que le législateur a placé ces pouvoirs exceptionnels entre les mains d'une commission spécifique – c'est rare, ça, dans les sociétés modernes – et on ne s'est pas servi, en 1992-1993, une seule fois des pouvoirs exceptionnels que le législateur a déposés entre les mains de la Commission de protection des droits de la jeunesse. À cet égard-là, M. le Président, comment se prend la décision de procéder à une enquête ou pas au sein de la Commission, puisque vous pouvez être saisi de deux types de demandes: une demande de protection d'un enfant, enfin, une demande de protection d'un ou pour un enfant ou, encore une fois, être saisi d'une demande visant à intervenir auprès du tribunal parce qu'il y aurait lésion de droits de cet enfant-là? Alors, qu'est-ce qui départage, d'abord, que vous receviez, que vous accueilliez ou pas une plainte à l'égard d'une mesure de protection ou d'une lésion de droits et comment se prend cette décision-là de procéder à une enquête ou pas à la Commission de protection des droits de la jeunesse?

Le Président (M. Parent): M. le président.

M. Saville (Kevin): Merci, M. le Président. M. le député, si c'est une situation portée à notre connaissance, de protection, donc, si quelqu'un nous appelle et nous dit: Nous croyons qu'un enfant a besoin de protection... Et, ça, c'est l'intervention de terrain, immédiatement faite par le professionnel, de diriger la personne en question au directeur de la protection de la jeunesse, qui a la responsabilité exclusive de recevoir des signalements, d'examiner s'ils sont fondés et de décider d'évaluer la situation. Donc, dans un premier temps, la réponse de terrain de nos professionnels sera de prendre une situation de protection et de la référer au directeur de la protection de la jeunesse. Nous n'avons plus un mandat au niveau de la réception et du traitement des signalements. Ça n'existe pas. Par ailleurs, nous croyons, et ce sera la deuxième étape... Prenons l'exemple d'une enfant qui s'adresse à nous, qui a 16, disons 17 ans, 17 ans et demi, même. Cette enfant vient chez nous et elle dit: Moi, j'ai besoin d'être protégée pour une raison quelconque. On dit à l'enfant en question: Écoutez, si vous avez des motifs de protection, adressez-vous à la DPJ de votre région, et on fait un exercice d'accompagnement et d'information pour aider la personne à s'adresser. Si cette personne nous dit, par la suite: Je me suis adressée au directeur de la protection de la jeunesse et je n'ai pas reçu une réponse adéquate de sa part, voilà, la Commission peut intervenir, et le conseiller va montrer au président, parce que c'est uniquement le président qui peut décider de tenir ou pas enquête, donc, il va montrer une demande d'intervention au président pour demander au président d'intervenir en enquête ou de corriger immédiatement la situation; une autre intervention pourrait être aussi la saisie du tribunal.

Donc, je veux, d'une façon très claire, départager la responsabilité du directeur de la protection de la jeunesse et de notre Commission et avec un exemple plus concret pour essayer de s'assurer que, quand on est saisi d'une situation de protection, c'est une référence immédiate. Je vais vous dire même, étant donné la nature de notre travail, il y a des professionnels, chez nous, qui deviennent au courant des situations de compromission, puis ils ont la directive claire de saisir le DPJ de ces informations pour que le DPJ puisse faire son travail. Mais quand il y a une insatisfaction, disons comme ça – parce que les citoyens ne viennent pas à la Commission pour dire: Mes droits ont été lésés. Les gens viennent ici pour dire: J'ai contacté le DPJ, je suis insatisfait – nos professionnels vont recevoir cette insatisfaction, ils vont essayer de l'examiner. Dans la mesure où ils peuvent aider la personne à régler le problème à la porte d'entrée, on intervient là. Dans la mesure où nos professionnels croient que ça prend une intervention plus officielle de la Commission, ils vont faire la demande d'intervention et les décisions seront prises par la suite.

Le Président (M. Parent): Je vous remercie, M. le président. Sur ce, je reconnais Mme la députée de Groulx. Mme la députée.

Mme Bleau: Moi, je reviens un petit peu en arrière, sur les cas qui sont ou amenés ou pas amenés devant le tribunal. Si j'ai bien compris, dans votre intervention, vous nous avez fait part que, lorsqu'une situation vous est présentée, la première chose que vous faites, après avoir examiné la plainte, vous essayez d'apporter, en premier lieu, des correctifs. Si les correctifs ne sont pas mis de l'avant par les personnes, institutions ou le groupe, c'est à ce moment-là que vous pourriez amener le cas devant la cour. Est-ce que j'ai bien compris que les cas soumis en 1992-1993, les correctifs que vous avez demandés aux institutions, aux personnes d'apporter ont été mis en place, puisque vous n'avez pas jugé bon d'apporter ces cas devant la cour? Est-ce que je comprends bien le mécanisme?

M. Saville (Kevin): Vous comprenez très bien, madame, le mécanisme. Pour préciser davantage, c'est la différence entre un cas ou une situation particulière et une difficulté plus large. Vous avez parlé autrefois de la question des listes d'attente. La Commission, elle est au courant qu'il existe des listes d'attente, tant au niveau de la réception et du traitement des signalements qu'au niveau des mesures qu'on devrait appliquer. Mais, quand un citoyen s'adresse à nous, on est obligés de donner à ce citoyen une réponse. Je peux vous assurer qu'à chaque fois que la Commission est intervenue il y a eu une réponse adéquate.

Par ailleurs, la Commission a aussi constaté qu'il y a eu des lacunes au niveau de l'intervention complète pour traiter la question des listes d'attente. La Commission a déjà fait des recommandations dans ses rapports d'activité afin de solutionner ce problème. Notre première recommandation, qui date maintenant de plusieurs années, a été de demander au gouvernement de réglementer les délais. La réaction, à l'époque, a été de dire: Ce n'est pas nécessaire. Ce n'est pas nécessaire parce que nous allons réorganiser nos services et, dans la réorganisation de ces services, on peut arriver à faire face à cette situation. Dans un deuxième temps, non seulement nous allons réorganiser nos services, mais nous allons émettre des standards. Ces standards, vous les trouvez dans des rapports qui s'appellent, qui portent le nom de M. Harvey, qui a été la personne chargée. Donc, vous avez un ensemble de rapports sur réception, traitement des signalements, évaluation, et vous avez d'autres critères, qui sont peut-être des critères normatifs, pour toute la prise en charge de l'enfant et la révision de sa situation. Je dois vous avouer qu'aujourd'hui on a toujours des listes d'attente.

(12 heures)

Mme Bleau: Mais les listes d'attente, si j'ai bien... Bon. À plusieurs occasions, j'ai eu à me plaindre des listes d'attente parce que les gens appelaient dans nos bureaux de comté... Et je suis certaine que, pour les autres députés, c'est la même chose.

Ce qu'on m'a dit dernièrement, c'est qu'il y en a encore, des listes d'attente, mais c'est moins épouvantable, entre guillemets, qu'il y a deux ou trois ans, entre autres.

M. Saville (Kevin): Oui. Je voudrais... les derniers chiffres que nous avons, juste pour vous donner une idée. Le 22 avril de cette année, en attente d'évaluation, il y avait 1124 cas ou situations. Cette même semaine, nous avons reçu, au niveau des différentes directions de la protection de la jeunesse, 448 autres situations et, en attente de l'application des mesures, 394, donc presque 400 enfants en attente. Donc, ils ont passé le processus.

Ce que je veux souligner, parce que j'essaie de répondre aux deux questions en même temps...

Une voix: C'est difficile.

Le Président (M. Parent): Allez! Allez! Allez! Je vous admire. Je vous admire, si vous pouvez faire ça.

M. Saville (Kevin): Juste pour vous dire, madame, qu'un enfant qui s'adresse à nous, si on croit que sa situation doit être retenue par le directeur, on intervient immédiatement. Je peux vous assurer qu'à chaque fois qu'on croit qu'un enfant doit être protégé le directeur de la protection de la jeunesse nous répond rapidement.

Pour répondre à la question de monsieur sur si on saisit ou pas, dans la nouvelle procédure pour la réception et le traitement des signalements, c'est clairement dit: Si les droits d'un enfant qui s'adresse à nous sont manifestement lésés – manifestement – on demande le correctif et, si le correctif n'est pas amené, on prend les moyens légaux à notre disposition. Le fait est, M. le député, que nous n'avons pas eu à saisir le tribunal dans des cas particuliers. Ça, c'est les faits. Par ailleurs, on demeure très préoccupés par la résolution du problème général. Et, ça, la Commission a fait des études, a fait des recommandations, mais, à un moment donné, c'est au-delà de nos pouvoirs. Ça prend une intervention plus globale de la part des personnes qui détiennent le pouvoir de planifier et d'évaluer des services pour amener une solution plus permanente.

Mme Bleau: Moi, je peux, en tout cas... Mon jugement, là, ce n'est peut-être pas le même que celui de mon confrère de l'autre côté de la table, mais je pense que ce n'est pas dans l'intérêt des enfants de judiciariser leur cas à tout propos et à tout venant. Des expériences devant la cour, pour un jeune enfant ou même un adolescent, ce n'est pas toujours drôle. Je pense que le fait d'essayer d'apporter d'autres solutions avant de les amener devant la cour, c'est drôlement souhaitable, en tout cas, à mon avis.

Le Président (M. Parent): Merci beaucoup de votre témoignage, Mme la députée de Groulx. M. le président...

Une voix: Une bonne grand-mère qui parle.

Le Président (M. Parent): Observez. Observez.

M. Trudel: ...observation d'échanges avec Mme la députée, là-dessus, tout en constatant la déjudiciarisation comme processus souhaitable. Mon opinion, M. le Président...

Le Président (M. Parent): Je vous écoute.

M. Trudel: ...c'est qu'en matière de droits il n'y a pas de cas général. C'est tous des cas particuliers. C'est toujours un individu qui est lésé, qui est en lésion de droits ou qui est en demande de protection. Je comprends qu'on doit peut-être aller vers les méthodes les plus douces, mais, quand il y a une question d'un enfant qui est en danger et qui a besoin de mesures de protection, il ne faut pas être vertueux, il ne faut pas être pour la tarte aux pommes et, un, deux, «peace and love», cha-cha-cha, là! C'est: On a des pouvoirs de saisie d'un tribunal, et c'est toujours des cas particuliers, c'est toujours des questions de droits. C'est une observation que je fais suite à votre remarque, à laquelle je contribue.

Le Président (M. Parent): Ceci étant dit, nous allons suspendre pour quelques instants. On va revenir, M. le président.

M. Saville (Kevin): Un dernier point.

Le Président (M. Parent): Une dernière intervention, rapidement.

M. Saville (Kevin): Un dernier mot.

Le Président (M. Parent): Allez.

M. Saville (Kevin): M. le député, je voudrais juste vous dire que la Commission ne parle pas de phénomènes, on parle d'enfants. Le concept de phénomène, c'est dans nos études et dans nos recherches, mais je partage votre préoccupation que nous intervenons pour les enfants. Mais la Commission n'aura pas les moyens de prendre chacun des dossiers en liste d'attente et d'intervenir devant les tribunaux pour chacun de ces enfants, même si on faisait une demande générale à tous les DPJ et qu'on répétait au gouvernement qu'on trouve ça inacceptable. Donc, je sais que c'est un problème important. La Commission partage votre préoccupation, mais on n'a pas trouvé non plus, à date, une solution pour résoudre ce problème dans son ensemble.

Le Président (M. Parent): Alors, je vous remercie. On aura l'occasion d'y revenir cet après-midi. Nous allons suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 5)

(Reprise à 12 h 8)


Auditions

Le Président (M. Parent): La commission reprend ses travaux. J'invite Me Jacoby, le Protecteur du citoyen du Québec, à prendre place à la table en avant. J'invite les membres de la commission aussi à prendre place. Nous allons poursuivre nos travaux, tel que prévu, en tâchant de respecter le plus possible notre horaire. Pour l'information des membres de la commission qui n'étaient peut-être pas au courant, la commission des institutions a invité le Protecteur du citoyen à venir nous faire part de ses réflexions concernant la Commission de protection des droits de la jeunesse. Alors, tout le monde sait... Je ne vous dérange pas, toujours? Si je vous dérange, il faut me le dire. Madame, si je vous dérange, il faut me le dire. Certain? Je ne vous dérange pas? D'accord. Merci.

Alors, je m'excuse, M. le Protecteur du citoyen. J'étais après expliquer aux membres de cette commission qu'en vertu de votre pouvoir général de surveillance vous vous êtes penché plus particulièrement sur le rôle de la Commission de protection des droits de la jeunesse, dans votre rapport 1991-1992. Alors, les membres de la commission ont exprimé le désir d'aller chercher chez vous une expertise et plus d'explications concernant les remarques que vous aviez faites sur cette Commission. Alors, je reconnaîtrai le premier intervenant qui demandera la parole, en l'occurrence, le vice-président de cette commission, M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue.

Une voix: ...

Le Président (M. Parent): Oui, oui, oui. Vous avez des remarques à faire, je pense, M. le Protecteur du citoyen.


Protecteur du citoyen

M. Jacoby (Daniel): Je voudrais vous présenter, à ma droite...

Le Président (M. Parent): La personne qui vous accompagne.

M. Jacoby (Daniel): ...Me Lucie Lavoie, qui est responsable du secteur, notamment.

Le Président (M. Parent): Me Lucie Lavoie. Me Lavoie, soyez la bienvenue. Il nous fait plaisir de vous voir devant nous.

Allez, Me Jacoby. Ça va? Il y a deux façons de procéder. Me Jacoby peut peut-être nous synthétiser ses remarques qu'il a faites concernant le dossier qui nous implique ou le porte-parole de l'Opposition interroger Me Jacoby. Moi, je n'ai pas d'objection, là. Il n'y a pas de formule retenue d'une façon toute particulière.

(12 h 10)

M. Trudel: ...

Le Président (M. Parent): Étant donné que je veux dire encore devant Me Jacoby ce que j'ai dit devant les intervenants, que vous êtes le responsable de cette commission pour en avoir été l'instigateur, je vous laisse la parole.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Oui, vous le savez, dans les nombreux échanges que nous avons eus autour de l'exercice, de la réalisation de votre mandat en vertu de l'article 294 du règlement, j'ai demandé à ce qu'on puisse avoir cette période d'échanges avec le Protecteur du citoyen et j'ai mentionné quelques éléments de la motivation que j'avais, en tout cas, de demander au Protecteur de venir échanger avec nous. Il vaut la peine encore de le rappeler, parce que le Protecteur note, dans son rapport, dans ses rapports annuels, 1990-1991, quatre plaintes, 1991-1992, 13 plaintes, et ça va jusqu'à 32 plaintes, si ma mémoire est fidèle, 32 plaintes. Surtout en 1993-1994, le Protecteur note, dans son rapport, que 40 % de ces plaintes étaient fondées, eu égard aux interventions, au travail de la Commission de protection des droits de la jeunesse. C'est alarmant pour moi. Je ne sais pas pour les autres, mais, pour moi, c'est alarmant.

En 1991-1992, le Protecteur, dans son rapport à l'Assemblée nationale, a jugé bon, également, de faire des remarques particulières sur le travail de la Commission. Et je souligne, et c'est là-dessus que j'aimerais d'abord vous entendre: «Le Protecteur du citoyen souhaite vivement que ces études fassent l'objet d'une analyse rigoureuse et qu'elles donnent lieu à une prise de conscience collective et à des actions concrètes», parlant du rapport Jasmin et du rapport Bouchard sur la Loi sur la protection de la jeunesse.

Plus loin, vous disiez, M. le Protecteur: «Plusieurs des observations qui s'y trouvent – dans ces deux rapports – rejoignent la perception du Protecteur du citoyen...» Et, comme j'ai eu l'occasion de le mentionner au début de la commission, ce matin, puisque vous partagez un certain nombre de... vous partagez les observations, en particulier, du rapport Jasmin, bien là, ça me rend deux fois plus inquiet. Quand le Protecteur du citoyen est inquiet de ce qui est dit dans le rapport de la commission Jasmin, là, mon inquiétude se double. «...en ce qui concerne – et je cite – le manque de clarté des règles et de la procédure lors des enquêtes de l'organisme. Nous partageons la volonté de l'auteur du rapport de voir publiées les décisions de la Commission – on en a parlé un peu ce matin – une telle pratique aurait pour avantage de clarifier les interventions de celle-ci et d'augmenter le suivi de ses recommandations.»

Par ailleurs: «À maintes reprises, le Protecteur du citoyen – je cite toujours votre rapport 1991-1992 – a rappelé le caractère indispensable d'indépendance d'un organisme de protection des droits.» Vaste programme, s'il en est. Mais, puisque vous avez jugé bon de le mentionner nommément dans votre rapport, on ne peut pas passer ça sous silence et vous demander des explications plus approfondies là-dessus.

Plus loin, je note – et je terminerai là-dessus, M. le Président – sous un titre de chapitre qui était «Des éclaircissements sur l'intervention de la Commission», vous disiez: «Toutefois, au cours de l'étude de ce cas – d'un cas que vous avez soulevé – nous avons appris que les problèmes de trois autres jeunes, hébergés au même endroit – parce qu'il y a une question d'hébergement d'un jeune – avaient déjà suscité, peu de temps auparavant, des demandes identiques de la part de la Commission et que les interventions étaient demeurées sans résultat. Ces faits nous ont semblé troublants et traduisent, selon nous, la négligence de l'organisme à obtenir et à étudier une politique déterminante alors même que des manquements précis avaient causé des injustices.» C'est en matière de protection des droits des enfants. On a une commission spécifique chargée de faire respecter ça et le Protecteur nous dit donc qu'il y eu négligence de l'organisme à obtenir et à étudier.

Finalement, vous concluiez en disant: «Dès lors, nous avons conclu que le jeune – la question – qui avait été le point de départ de nos recherches se trouvait doublement lésé: une première fois, tel que l'avait déclaré la Commission, par le centre d'accueil, et une deuxième fois par la Commission elle-même qui l'avait laissé, en toute connaissance de cause, dans une situation à risques.»

M. le Protecteur du citoyen, pouvez-vous nous dire comment vous avez été amené à être saisi des plaintes, eu égard au fonctionnement de la Commission? Quels sont les examens auxquels vous avez procédé? Quelles sont les principales conclusions? Et est-ce qu'il y a du travail qui se poursuit au Protecteur du citoyen, compte tenu qu'en 1992-1993 vous avez mentionné dans le rapport à l'Assemblée nationale que 42 % des plaintes, eu égard au fonctionnement de la Commission, étaient des plaintes fondées? J'aimerais ça que vous nous donniez le tableau, là-dessus. Nous aurons un certain nombre de... En tout cas, pour ma part, j'aurai un certain nombre de questions plus spécifiques après, M. le Président.

Le Président (M. Parent): Merci, M. le député. Avant de reconnaître M. Jacoby, je voudrais le remercier d'avoir répondu à l'invitation de cette commission pour nous aider à mieux cheminer dans le dossier qui nous importe. Je pense que votre expertise et l'expérience que vous avez acquise dans ce domaine seront d'un support précieux aux membres de cette commission. Encore une fois, merci. Nous vous écoutons.

M. Jacoby (Daniel): Merci. Pour rappeler strictement le mandat du Protecteur du citoyen, je pense que c'est important, le Protecteur du citoyen a un mandat sur 105 ministères et organismes du gouvernement, incluant des organismes dits de protection comme la Commission de protection des droits de la jeunesse. À l'occasion, nous recevons des plaintes ou des demandes d'information en regard de la Commission de protection des droits de la jeunesse.

Ce que nous avons pu constater sur une période de sept ans, c'est-à-dire depuis l'époque où j'ai été nommé Protecteur du citoyen – c'est peut-être subjectif, mais je prends un point de départ quelque part – jusqu'en 1992-1993, en moyenne, bon an, mal an, nous recevions quatre plaintes par année sur la Commission de protection des droits de la jeunesse, à l'époque le Comité de protection de la jeunesse. Les plaintes fondées, c'est-à-dire les plaintes qui, après notre enquête, nous apparaissaient justifiées, se situaient au taux de 20 % de l'ensemble, c'est-à-dire qu'en moyenne, sur quatre plaintes qui nous étaient acheminées par des requérants, par des parties, il y en avait une qui s'avérait fondée.

Il y a eu des changements, à partir de 1992-1993, où on a assisté à un plus grand nombre de demandes, que ce soit des demandes d'enquête ou des demandes de renseignement. Effectivement, pour l'année 1992-1993, nous avons reçu 27 demandes d'enquête et, là-dessus, nous avons décidé qu'il y en avait 21 de recevables, c'est-à-dire pour lesquelles nous pouvions intervenir directement ou indirectement. Nous en avons référé quelques-unes à la Commission, parce qu'il nous arrive, un peu à l'instar de ce que fait la Commission, que des gens s'adressent à nous directement, sans passer par la Commission, alors qu'ils ne sont pas satisfaits de la décision de la Commission. Évidemment, notre rôle, c'est non pas de nous substituer aux organismes, mais de faire en sorte que les gens s'adressent aux bonnes personnes et que les personnes répondent aux bonnes gens.

Donc, sur l'ensemble, on en a référé quelques-unes, et nous avons traité finalement, cette année 1992-1993, une quinzaine de plaintes. Cette année-là, il y en a eu six de fondées, sur un total de 15, ce qui nous amène, en termes purement statistiques, à un taux de plaintes fondées de 42 % pour cette année-là.

(12 h 20)

Pour l'année qui vient de s'écouler, enfin, l'exercice financier qui vient de se terminer au 31 mars, nous avons regardé ce qui s'est passé du côté de la Commission et, ce que l'on constate, c'est qu'il y a, pour l'année 1993-1994, une diminution dans le nombre de plaintes. Nous avons eu, en 1993-1994, 17 demandes d'enquête et, là-dessus, nous avons décidé qu'il y en avait 12 de recevables. Nous en avons traité 11 et, sur les 11 que nous avons traitées, deux nous sont apparues fondées. Donc, ce que l'on peut constater, c'est qu'il y a eu, je crois, une année, en termes statistiques, là, je pense – on peut faire dire beaucoup de choses aux chiffres – l'année 1992-1993, non seulement il y a eu une augmentation assez substantielle des plaintes, mais aussi un taux de plaintes fondées plus élevé que d'habitude et, pour l'année suivante, ça semble être redescendu à un taux un peu plus normal, en termes de plaintes fondées, en tout cas.

Mme Bleau: Est-ce qu'on peut savoir, M. Jacoby, quand vous parlez de deux plaintes fondées dont vous avez eu à vous occuper, les plaintes portaient sur quoi, précisément?

M. Jacoby (Daniel): Entre autres, bon... Les plaintes, ça peut être... Vous voulez voir le genre de plaintes que l'on a?

Mme Bleau: Oui.

M. Jacoby (Daniel): Alors, il y a des plaintes qui concernent le suivi des décisions ou des recommandations de la Commission. Ça, c'est un type de plaintes que nous recevons à l'occasion. Et ce dont nous parlions, en 1991-1992, dans notre rapport, un cas particulier, c'était un cas où nous avons considéré que la Commission n'avait pas opéré le suivi de ses recommandations par rapport à un centre particulier.

Dans d'autres cas, il s'agit de personnes qui ne sont pas satisfaites de la décision qui est prise par la Commission ou qui se plaignent du processus. Par exemple, nous avons eu un cas, l'année dernière, où l'une des parties s'est plainte du fait que la Commission a décidé de ne pas tenir une enquête sans avoir consulté le requérant. Et on s'est plaint que la règle audi alteram partem ne s'est pas appliquée. Là-dessus, nous avons donné raison au requérant. Ça peut être aussi des plaintes de délai. C'est un peu tout ça, un peu comme ce qu'on trouve, d'une manière générale, dans tous les secteurs gouvernementaux sur lesquels nous avons compétence.

Mme Bleau: Dans ces cas-là, M. Jacoby, est-ce que vous intervenez directement auprès de la Commission pour que l'avis soit changé s'ils ne sont pas satisfaits de l'avis, les décisions, le suivi? Qu'est-ce que vous faites, au juste?

M. Jacoby (Daniel): Ce que nous faisons, c'est qu'une fois que le mal, entre guillemets, a pu être fait, dans certains cas... Par exemple, si c'est une plainte de délai, on ne peut pas réparer le délai, il est là. Mais notre intervention fait en sorte que le processus... Évidemment, quand nous intervenons auprès de la Commission, dans des cas particuliers, le processus est accéléré par la Commission. Nous, quand la décision a déjà été rendue par la Commission, ce n'est pas facile de rétablir la... À l'occasion de chaque plainte individuelle, nous avons l'occasion, mes collaborateurs et mes collaboratrices ont l'occasion de rencontrer le personnel de la Commission et de lui faire état des difficultés que nous voyons. Et, chaque fois que nous mettons le doigt sur un problème, en même temps nous indiquons à la Commission qu'il y aurait des changements à apporter en termes de processus, de façons de faire. Finalement... Quand le rapport Jasmin, première version, enfin, le rapport Jasmin, la première étude est sortie, nous étions d'accord sur plusieurs symptômes, sur une partie du diagnostic du rapport Jasmin, à savoir qu'il y avait une certaine lourdeur dans le fonctionnement de la Commission et, aussi, peut-être un manque de clarté ou de transparence dans les règles de procédure au niveau des interventions et des enquêtes.

Mme Bleau: Quand on parle de quatre plaintes, en moyenne, puis un quart de fondées, puis qu'on parle de 20 % ou d'un peu plus haut, là, en 1992-1993...

M. Jacoby (Daniel): Oui.

Mme Bleau: En somme, une plainte sera toujours de trop. Ça, en regard des enfants, c'est toujours trop. Mais si on parle d'un 20 % ou d'un 40 %, le nombre n'étant pas tellement énorme, le pourcentage paraît beaucoup plus grand, dans ces cas-là, qu'il ne serait sur un nombre beaucoup plus grand de plaintes...

M. Jacoby (Daniel): Mais ça...

Mme Bleau: ...en termes de pourcentage, là.

M. Jacoby (Daniel): Non. Je vais essayer de répondre à votre question de la manière suivante. Si on prend un point de comparaison – mais ce n'est qu'un indicateur – disons que, bon an, mal an, quand je fais la moyenne des plaintes fondées à l'échelle du gouvernement, à l'échelle de l'ensemble des administrations sur lesquelles nous avons compétence, ça se situe autour de 30 %. C'est une moyenne qui, comme toute moyenne, est déformée par les extrêmes, bien sûr. Mais ce que je peux dire, ce que je peux constater, c'est que, lorsque la Commission, dans une année, a un nombre de plaintes fondées qui fait en sorte qu'elle a 20 % en moyenne de plaintes fondées, quel que soit le nombre de...

Mme Bleau: Le nombre.

M. Jacoby (Daniel): ...plaintes fondées, elle est en bas de la moyenne. D'accord? Par contre, l'année où elle a 42 % de plaintes fondées, elle est au-dessus de la moyenne.

Mme Bleau: De la moyenne.

M. Jacoby (Daniel): Bon. Maintenant, le nombre de plaintes, il faut prendre garde parce que... Le nombre de plaintes, il faut toujours le regarder en fonction des enquêtes de la Commission. Moi, les interventions que je fais, c'est toujours par rapport à des enquêtes de la Commission. Or, si l'on sort les chiffres de la Commission lorsqu'elle a fait véritablement des enquêtes – je ne parle pas de la conciliation – il est évident que la proportion d'interventions que je fais est relativement grande par rapport au nombre d'enquêtes qui sont faites, parce que ça nous donne des taux de 0,5 %. Alors, si la Commission a fait, dans une année, par exemple, 250 enquêtes réelles et que, moi, j'ai 20 plaintes, ça fait quand même une proportion qui est... Mais, tout ceci, ce ne sont que des chiffres et des statistiques. Moi, je ne suis pas de ceux qui pensent qu'avec juste des statistiques, là, on peut porter un jugement sur la qualité du travail. Ce que je peux, moi, observer sur du court terme, c'est des fluctuations, un peu comme le dollar qui varie, là. Des fluctuations. Une année, disons que c'est pire que les autres années.

M. Trudel: M. le Président, précisément par rapport au fonctionnement de la Commission et, donc, les plaintes recevables que vous avez analysées... Alors, là, je voudrais regarder, M. le Protecteur du citoyen, si vous permettez, cet élément précis de votre rapport 1991-1992 où vous indiquez, à la page 124 de votre rapport... Vous aviez été amené à être saisi d'une décision à l'effet qu'un adolescent, hébergé en centre d'accueil, y avait été lésé de ses droits. Ça, c'est le cas qui vous avait été soumis. Partant de là, vous dites qu'il y a d'autres cas semblables qui vous ont été révélés par la suite, et là vous dites: «Ces faits nous ont semblé troublants et traduisent, selon nous, la négligence de l'organisme à obtenir et à étudier une politique déterminante alors même que des manquements précis avaient causé des injustices.» Bon. Mais encore?

M. Jacoby (Daniel): Alors, le cas auquel on réfère et pour lequel, évidemment, vous comprendrez que, pour des raisons de confidentialité...

M. Trudel: Oui. Ça va.

(12 h 30)

M. Jacoby (Daniel): ...je ne peux pas nommer les personnes ni le centre, même si plusieurs peuvent penser à un centre particulier. Il reste que nous avions été saisis de la situation d'un jeune, en 1991, qui se plaignait du fait qu'il avait été lésé dans ses droits, dans un centre, notamment parce qu'il avait été mis en réclusion de nombreuses heures et en isolement dans un pavillon particulier. À l'occasion de notre intervention – nous étions en 1991 – nous avons réalisé que la Commission était déjà intervenue, à l'été 1988, auprès de ce centre en rapport avec des jeunes qui avaient les mêmes problématiques, c'est-à-dire qui se plaignaient du fait qu'il y avait un abus dans les pratiques du centre au niveau de l'isolement et de la réclusion. Notre enquête nous a permis de réaliser que, finalement, on s'est retrouvé avec trois jeunes dont les dossiers ont été amenés à la Commission sur une période de trois ans et que la Commission était intervenue en 1988, à l'été 1988, pour demander aux dirigeants du centre d'accueil quelles étaient leurs politiques en matière de réclusion, de retrait et d'isolement, à cause d'un cas particulier dont la Commission avait été saisie. Or, il ne s'est rien passé. Nous avons découvert qu'un an plus tard il y a eu un rappel, en juin 1989. Pourtant, on parlait... Nous, on considérait ça grave parce qu'on parle de réclusion.

Donc, la Commission demande les politiques du centre et rien ne se passe. Un an plus tard, cette Commission fait un rappel et un nouveau cas se présente à la Commission, ce qui fait en sorte que la Commission, encore une fois, redemande, cette fois-ci en février 1990 – donc, presque deux ans plus tard – cette politique du centre en regard de la réclusion. Et, nous, on se retrouve avec un dossier en 1991.

Alors, on s'est dit: Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans ce dossier particulier. Je ne veux pas porter un jugement général. Mais, dans ce dossier particulier, ça nous donne vraiment l'impression qu'il y a un problème sérieux, en ce sens que ce sont des jeunes qui sont mis en réclusion, à tort ou à raison – ça, c'est un autre problème, là. Ils se plaignent. On veut savoir quelles sont les politiques du centre. La Commission fait des recommandations, fait des demandes et n'assure pas le suivi dans ses demandes. Et il y a trois jeunes qui passent par ce centre-là. Finalement, on s'est dit: Il y a un manque de suivi. Donc, il y a un problème de fonctionnement. Est-ce qu'il y avait un problème de volonté? Ça, c'est autre chose, mais il y a certainement un problème dans les processus. Parce que si on est un organisme de recommandations, comme, par exemple, le Protecteur du citoyen, si on n'assure pas un suivi rapide dans nos recommandations, il va sans dire que les ministères ont tendance à oublier nos affaires. Je présume que, dans le réseau social, quand la Commission n'assure pas le suivi de certaines demandes, on ne va pas courir et s'enfarger dans les portes pour répondre à la Commission.

Alors, ceci dit, on s'est dit: C'est extrêmement grave parce que ça met en cause, quand même, la situation du jeune dans des centres sécuritaires et dans des isolements et peut-être... Indépendamment du fond de la question, si la Commission demande la politique, c'est parce que son intention – on doit le présumer – c'est d'analyser cette politique du centre et, éventuellement, d'apporter ou de proposer des corrections à la politique si elle est trop arbitraire ou trop discrétionnaire. Alors, c'est ce cas précis dont nous parlons dans le rapport annuel de 1991-1992.

M. Trudel: M. le Protecteur du citoyen, loin de moi la volonté de vouloir généraliser, mais je note quand même qu'eu égard au cas analysé vous en arrivez à la conclusion, de la façon dont la Commission avait travaillé – je dis bien sur ce cas-là et je respecte le contexte – ça vous avait amené à constater qu'il y avait eu une deuxième lésion des droits du jeune concerné parce que la Commission avait laissé, en toute connaissance de cause, le jeune dans une situation à risques. Bon. Et, là, ça fait référence précisément à ce que vous venez de mentionner, c'est-à-dire qu'au niveau du type d'intervention dit de conciliation, bien, il y a des risques, là-dedans, que les droits soient lésés et qu'on soit en matière d'absence de protection et de mesures de protection.

Est-ce que, M. le Protecteur, vous avez été amené à intervenir auprès de la Commission et à la Commission de protection des droits de la jeunesse? Et qu'est-ce que vous avez examiné, si tant est que c'est le cas, en matière de fonctionnement de la Commission? Parce que vous venez de mentionner ça aussi, que, d'évidence, il y a un manque de suivi. Parce que si on dit: La politique prise par la Direction de la protection de la jeunesse ou par le centre en particulier, on vous demande de nous éclaircir ça puis on vous donne 30 jours, bien, pendant ces 30 jours, il y a des risques d'intervention, il y a des risques de lésions de droits évidentes. Et là, comme on constate que la Commission, par ailleurs, n'intervient jamais au tribunal, en saisie de lésion de droits – on l'a fait éclaircir tantôt – qu'est-ce que vous avez regardé, à l'intérieur de la Commission, qui vous a amené à cette conclusion-là?

M. Jacoby (Daniel): Je voudrais...

Le Président (M. Parent): M. le Protecteur du citoyen.

M. Jacoby (Daniel): Merci, M. le Président... à la décharge de la Commission, vous dire... Il faut resituer ces dossiers dans un contexte très particulier. Dans les cas auxquels je fais référence, la Commission est intervenue sur les cas individuels. Elle a conclu qu'il y avait abus de la part du centre. Ça, je pense que la Commission, là-dessus, a agi sur un plan individuel. Sauf qu'on peut bien comprendre que, le jour où on demande – et on remonte à 1988 – la politique, c'est pour faire en sorte que des situations comme ça ne se reproduisent pas. Dans les trois cas, la Commission, si je me rappelle bien, a conclu qu'il y avait eu abus. Mais, pendant ce temps-là, on a négligé de demander cette politique. Peut-être que si, on avait forcé le centre à donner la politique en temps opportun, on serait intervenus tout de suite au niveau systémique et fait modifier les politiques du centre, ce qui fait que d'autres cas ne se seraient probablement pas produits. Alors, pour moi, bien sûr qu'il faut distinguer les cas individuels de l'approche systémique, mais l'approche systémique est extrêmement importante. Parce que, quand on fait l'approche systémique, c'est pour éviter que des cas comme ça ne se reproduisent.

Le Président (M. Parent): Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Depuis votre rapport, justement, ce cas-là, est-ce que vous avez regardé ou constaté que la Commission a fait un certain travail pour corriger la situation? Vous, quand vous présentez une plainte dont vous constatez la légitimité, vous la présentez à la Commission, est-ce que, ensuite, vous faites un suivi pour voir s'il y a des correctifs qui ont été apportés?

M. Jacoby (Daniel): Oui, absolument. Nous intervenons auprès du personnel de la Commission et nous faisons nos recommandations. Je peux dire qu'au niveau des suivis, aujourd'hui, la situation semble s'être rétablie avec, évidemment, la lorgnette que je peux avoir. Le suivi semble s'être... Le problème que nous avons, actuellement, ou le problème que nous avons identifié, particulièrement depuis un an et demi, deux ans, c'est tout le processus d'enquête qui nous apparaît comme étant beaucoup trop lourd. Là-dessus, j'entendais le président, tout à l'heure, nous dire qu'ils avaient l'intention, à la Commission, de simplifier les choses, de les rendre plus transparentes, d'adopter un règlement. Moi, j'ai une seule chose à dire à la Commission: Il ne faut pas tomber dans le piège de réglementer une bureaucratisation des interventions parce que, là, ça va être pire que jamais.

Le mode de fonctionnement de la Commission au niveau des enquêtes m'apparaît extrêmement lourd, quelles qu'en soient les raisons. Peut-être que ça a été fait pour s'assurer qu'on ne fait pas d'enquête pour rien ou des choses comme ça. Mais il n'en demeure pas moins que le processus est extrêmement lourd. Moi, je dis qu'à partir du moment où nous avons des processus bureaucratiques ça n'a pas pour effet de protéger les personnes. Un des cas que nous avons analysés en 1992, c'est justement le cas où on remettait en question... Je vais vous donner un exemple pratique, sans nommer de noms. Et je pense que, la Commission, nous l'avons sensibilisée, à cette époque-là, et encore plus généralement au mois de mars, lorsque nous l'avons rencontrée. C'est que, dans un dossier particulier où je ne parlerai ni de la région ni du centre... Je ne parlerai pas de la région, mettons. Il n'en demeure pas moins que la date de la plainte à la Commission, c'était le 7 juillet 1989. On est au 7 juillet 1989. Le 19 juillet 1989, une conseillère, un conseiller, une personne-conseil à la Commission fait un rapport préliminaire. Parce que, le système d'enquête, il y a d'abord une espèce de vérification, une proposition d'enquête. Cette proposition d'enquête est ensuite étudiée par un comité d'examen des plaintes, qui est encore une organisation interne de la Commission, dont le mandat est d'aviser le président, de recommander au président de tenir ou de ne pas tenir une enquête. On est rendus au 24 août 1989.

(12 h 40)

Ensuite, la Commission transmet sa décision de tenir enquête le 14 septembre. Transmission de la décision de tenir enquête le 14 septembre au DPJ et au plaignant. Le 6, c'est-à-dire en juin 1990, c'est-à-dire neuf mois après la transmission de la décision de tenir l'enquête, il y a une lettre du plaignant au directeur de la Commission où ce plaignant se plaint du fait que l'enquête n'a pas encore commencé. Ce même mois, le directeur répond: Nous n'avons pas commencé, faute de personnel. Et l'enquête n'a commencé que le 31 mai 1991. Donc, la plainte a été portée le 7 juillet 1989; l'enquête a débuté le 31 mai 1991. Mais, là, ce n'est pas tout. L'enquête, elle est faite par un collaborateur, un membre du personnel de la Commission qui, véritablement, monte la preuve. Le premier dossier qui avait été monté, à l'origine, c'est pour indiquer s'il y avait des motifs raisonnables et probables de croire qu'une enquête doit être tenue, ce qui permet au président de décider si, oui ou non, il y a enquête. Alors, là, il y a une deuxième enquête qui se fait. On ramasse des preuves. Il y a un premier rapport qui est fait, il y a un deuxième rapport qui est fait puis, ensuite, c'est soumis à un comité des enquêtes qui est formé de trois commissaires. Et, là, on est rendu en novembre 1991. En février 1992, la Commission de protection des droits de la jeunesse transmet sa décision au DPJ et donne 30 jours pour répondre; ensuite, on est rendu au mois de mars pour le suivi et ainsi de suite. Finalement, toute cette opération s'est échelonnée sur deux ans et demi.

À travers ce cas, nous nous sommes dit: Il y a un problème de processus; il y a, selon moi, une bureaucratisation qui pourrait certainement être améliorée. C'est ce qui fait qu'aussi il y a peut-être des intervenants qui disent ou qui peuvent avoir la perception que la Commission, elle ne se bouge pas, elle ne semble pas manifester de volonté. Je ne veux pas porter de jugement là-dessus, mais je dis qu'il y a un processus de traitement des plaintes qui mérite d'être repensé.

Le Président (M. Parent): M. le député de Hull, oui.

M. LeSage: Merci, M. le Président. M. le Protecteur, comme vous le savez, en 1993, il n'y a aucun des dossiers qui a été porté devant les tribunaux par la Commission. On peut donc présumer que la Commission a des mécanismes qui font en sorte qu'on règle les dossiers avant de les amener devant les tribunaux. Parce qu'elle a le pouvoir de les amener devant les tribunaux. Est-ce que vous croyez que le Commission devrait maintenir encore ce pouvoir de porter devant les tribunaux certains cas qui ne peuvent être réglés?

Le Président (M. Parent): M. le Protecteur du citoyen, sentez-vous bien libre d'émettre une opinion sur...

M. Jacoby (Daniel): Ah oui, je me sens... Merci, M. le Président. Je me sens encore libre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Parent): J'aime le mot «encore», M. le Protecteur du citoyen.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Il avait des visions...

Une voix: On ne vous a pas invité comme juge, mais bien comme conseiller.

Une voix: Il faut dire que...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jacoby (Daniel): Comme Protecteur du citoyen, M. le Président, je dois dire que j'ai toujours favorisé les alternatives à la résolution judiciaire des conflits et des différends. Je pense que le recours au tribunal doit être le recours ultime, lorsqu'on a épuisé tous les moyens dans un délai raisonnable. Donc, le recours au tribunal, véritablement, pour moi, doit être un recours – tout à fait dans la lignée du rapport Macdonald qui a été préparé à la demande du ministère de la Justice et tout ça – ce que j'appelle, moi, de la justice douce. Mécanisme de conciliation, mécanisme de médiation, mécanisme d'arbitrage, selon moi, ce sont des mécanismes qui sont beaucoup plus à la portée des citoyens et qui donnent souvent plus de résultats que les décisions judiciaires, parce qu'à l'occasion des conciliations et des médiations on fait de la pédagogie avec les intervenants, on leur explique le pourquoi. On ne fait pas subir une décision et je trouve ça extrêmement important pour changer des valeurs dans les organisations.

Maintenant, la question, c'est: Lorsqu'un organisme comme la Commission ou d'autres au gouvernement ont à la fois des pouvoirs d'enquête et de recommandation et des pouvoirs soit de s'adresser aux tribunaux, soit d'agir comme des tribunaux administratifs, des pouvoirs quasi judiciaires, comment se fait l'équilibre dans tout ça? Moi, je pourrais vous dire que, si on compare avec différents organismes du gouvernement, beaucoup d'organismes du gouvernement ont des pouvoirs d'enquête et de recommandation. Par exemple, la Commission d'accès à l'information a un pouvoir d'enquête et de recommandation, mais, en même temps, elle peut se transformer en tribunal et rendre des décisions. Dans le cas de la Commission de protection des droits de la jeunesse, elle ne se transforme pas en tribunal, mais elle saisit le tribunal lorsqu'il y a un refus de la part du réseau d'obtempérer à ses recommandations. Mais je dis que c'est vraiment le recours ultime. Il faut vraiment être mal pris. Par contre, je dirai qu'à l'intérieur de ça on est en matière de protection des jeunes. Je pense qu'il est important de contexter le champ d'intervention de la Commission parce qu'on est quand même, en domaine de protection de la jeunesse, l'avenir de notre société. La question, c'est de savoir combien de temps on doit attendre avant de saisir le tribunal. Et, là, je pense qu'il serait important, que ce soit la Commission ou tout autre organisme qui se retrouverait dans cette situation, d'avoir des critères assez clairs et non pas fonctionner, comme je le vois très souvent dans les administrations, suivant les moments, suivant les pressions qui sont faites, d'une manière qui est tout à fait faite de bonne foi mais, des fois, on ne sait pas pourquoi, dans certains cas, on va devant le tribunal plus rapidement que d'autres.

Je pense qu'il est important, autant pour la transparence de la Commission que pour la protection de toutes les parties, et je n'inclus pas seulement les enfants mais également les intervenants dans le réseau – parce qu'il faut dire que le réseau des DPJ n'est pas là pour faire du mal aux enfants, ils peuvent prendre des mauvaises décisions, c'est sûr que ça arrive – mais, dans l'intérêt de tous, il faut, selon moi, qu'un organisme qui a un pouvoir de saisir le tribunal se donne des règles très claires. Quand est-ce que je saisis le tribunal? Des règles claires qui sont, bien sûr, connues de tous et appréciées suivant les circonstances. Pour moi, ça m'apparaît important, autrement on prête le flanc à la critique et on risque de verser dans l'arbitraire. Donc, c'est une question de dosage, mais il y a certainement des critères très précis pour lesquels la Commission pourrait développer son recours au tribunal.

Le Président (M. Parent): Merci, M. le Protecteur du citoyen. M. le député d'Anjou.

M. LeSage: M. le Président...

Le Président (M. Parent): Sur le même sujet, M. le député?

M. LeSage: Oui. J'allais enchaîner, M. le Président, avec...

Le Président (M. Parent): Enchaînez.

M. LeSage: ...une autre question parce que le Protecteur a dit que, comme recours ultime... Mais, justement, comme recours ultime devant les tribunaux, est-ce que vous croyez que c'est encore à l'avantage du jeune que de procéder de cette façon et de, justement, y aller, devant le tribunal? Est-ce que c'est à l'avantage des jeunes?

M. Jacoby (Daniel): Vous savez, la question que vous soulevez, c'est un débat plus général de savoir si tous les procès sont à l'avantage de la victime. On peut poser la question par rapport à la violence conjugale, aux victimes de violence et tout ça.

De manière générale, ma perception de la judiciarisation, c'est que, malheureusement, ça risque de stigmatiser des personnes, particulièrement des personnes qui sont peut-être dans un état où elles sont plus réceptives à la victimisation ou à la stigmatisation des jeunes. C'est évident qu'il faudrait, dans la mesure du possible, éviter le recours au tribunal. Mais, une fois que j'ai dit ça, si j'ai un centre qui n'obtempère pas à une recommandation, si j'ai un DPJ qui ne suit pas ma recommandation, qui ne veut rien faire et qui s'assoit sur ses lauriers, que me reste-t-il comme pouvoir? Au Protecteur du citoyen, on a une autre dynamique. C'est très différent, peut-être qu'une façon d'éviter les tribunaux, ce serait de donner à la Commission un pouvoir très clair de recourir à l'opinion publique. À ce moment-là, ça évite des recours aux tribunaux. De toute façon, on n'a pas le pouvoir d'aller devant les tribunaux, mais je pense qu'on n'en a pas besoin. Ceci dit, je pense que je ne peux pas vous donner exactement où est la démarcation, mais je vous dis que dans la mesure du possible, quand je dis que c'est le recours ultime, il faut vraiment qu'on soit très mal pris pour en arriver là suivant certains critères. D'un autre côté, devant l'inaction d'un centre, devant l'inaction d'un DPJ ou de quelqu'un de son personnel, après rappel et rappel, je pense que...

(12 h 50)

Il y a aussi d'autres façons de se parler. À l'intérieur du gouvernement, il faut penser que tout ce beau monde là, ça travaille pour le même État. Et tout ce même État se retrouve au Conseil des ministres avec des ministres, un ministre qui est responsable du réseau de la santé et des services sociaux, avec des sous-ministres qui sont responsables de toutes les catégories et typologies à l'intérieur, et puis un ministre de la Justice. Il y aurait aussi, je pense, la possibilité, dans certains cas... et je peux vous dire que ça peut marcher parce que j'ai déjà été sous-ministre de la Justice, il y a moyen de se parler, aussi. Je comprends qu'il y a l'autonomie et tout ça, mais je pense qu'il peut y avoir aussi une dynamique politique, au sein du gouvernement, pour faire en sorte qu'il y ait des dossiers qui se règlent. Dans le fond, ce n'est pas deux gouvernements étrangers, là, qui sont en train de se parler, c'est le même gouvernement, c'est la même clientèle, les mêmes jeunes, les institutions; il y a une partie juridiction Justice, une partie juridiction Santé et Services sociaux. Alors, ça aussi, mais, ça, c'est ce que j'appellerais de la dynamique vraiment informelle, mais ça peut se faire, aussi. C'est un autre moyen d'éviter des situations comme ça.

Le Président (M. Parent): D'autres questions, M. le député de Hull?

M. LeSage: Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Parent): Merci. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, quant à moi, je pense que je ne peux être plus en accord avec Me Jacoby quant à la démarche qui doit être utilisée par la Commission de protection des droits de la jeunesse, c'est-à-dire que, dans la mesure du possible, moi aussi, je pense qu'il faut absolument éviter le recours judiciaire, judiciariser des cas qui impliquent des jeunes. Ça, quant à moi, c'est tout à fait souhaitable et je pense que, dans ce sens-là, il n'y a pas de problème. Cependant, je pense qu'il est très important, même essentiel que la Commission de protection des droits de la jeunesse conserve ce recours d'intervention ou de pouvoir, finalement, intervenir agressivement devant un tribunal justement pour créer un certain rapport de force, parce qu'elle est en conflit, quand même, la Commission de protection des droits de la jeunesse, avec certains intervenants, comme avec le DPJ. Ça, je peux dire qu'on le sent dans plusieurs régions où c'est en conflit. Il y a un rapport de force qui est difficile à créer; même, des fois, on se demande de quel côté il s'est crée. Donc, je pense que c'est important et que c'est vital que la Commission de protection des droits de la jeunesse conserve cette arme, finalement, quitte à ne pas l'utiliser, comme on pourrait dire que ce serait même souhaitable qu'elle ne l'utilise presque jamais. En tout cas, quant à moi, je pense que c'est tout à fait essentiel. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi, quant à ça?

M. Jacoby (Daniel): Ah! bien oui. Je n'ai pas proposé l'abolition de...

M. Bélanger: Non, non. Je comprends.

M. Jacoby (Daniel): ...cette mécanique. Mais ce que je me dis, c'est, quand même... c'est comme un plasteur sur une jambe de bois, comme dirait Bossuet, parce que s'il faut, pour tenir en haleine et pour faire marcher une région, avoir toujours la menace du tribunal, je veux dire, il y a un problème quelque part. Il y a peut-être du monde qui ne veut pas se parler, il y a peut-être du monde qui ne veut pas écouter, il y a peut-être du monde... Il faudrait peut-être avoir des états généraux dans une région par rapport à un réseau, je ne sais pas, moi. Et on ne sait pas quelle région, mais il y a des choses qui se passent, là...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jacoby (Daniel): Il y a peut-être des personnes qui ont leur vision à elles de la notion de protection de la jeunesse, et qui ne fait pas nécessairement l'affaire de l'ensemble du réseau, pas plus que l'affaire de la Commission. Je pense que, comme êtres humains et comme responsables d'organismes qui sont là, comme le DPJ, les centres et la Commission et les ministères, il va falloir qu'on se parle, au-delà des chasses gardées. Moi, je dis qu'il y a un problème de dialogue fondamental, quand je regarde les statistiques de la Commission par rapport à des régions que je ne nommerai pas. Bien oui, il y a un problème, c'est sûr, là, et ce n'est pas d'hier. Alors, ce que je veux dire, c'est ça. C'est bon que ce soit là, mais, pour moi, ce n'est pas ça, le problème de fond. Il y a peut-être des choses graves qui se passent, je ne le sais pas, mais la Commission est peut-être saisie, elle, des signalements, elle n'est peut-être pas saisie de toutes les plaintes. Il y a peut-être des choses très graves qui se passent, la Commission n'est pas saisie, on n'en est pas saisis, et tout ça parce qu'il y a des politiques qui sont développées ou appliquées de la manière x ou y dans telle ou telle région. Alors, donc, il faut aller au fond des choses.

Le Président (M. Parent): Allez, M. le député, oui.

M. Bélanger: Quant au rôle de la Commission de protection des droits de la jeunesse, j'aimerais avoir votre opinion, Me Jacoby, là-dessus, à savoir: Est-ce que vous ne pensez pas que la Commission devrait, des fois, être perçue comme pouvant être critique de l'action gouvernementale, c'est-à-dire pouvoir intervenir publiquement, pouvoir montrer son désaccord relativement à certaines... ou à des traitements de dossiers en général, vous savez, un peu comme vous l'êtes vous-même relativement à certaines commissions, à certaines politiques gouvernementales? Vous ne pensez pas que ce serait important qu'on sente ça? Justement, M. Saville avait, à ce moment-là, bien fait état que les différents commissaires étaient indépendants, autonomes. Ils pouvaient agir, finalement, selon... Ils avaient toute la latitude pour agir. Donc, normalement, personnellement, moi, je m'attendrais que la Commission, justement, à un moment donné, puisse être critique, puisse dire: Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Vous ne pensez pas qu'il serait souhaitable qu'on sente ça? Parce que personnellement, la perception que j'ai, on ne le sent pas, ça.

Le Président (M. Parent): Êtes-vous d'accord avec ça?

M. Bélanger: Il va répondre.

Le Président (M. Parent): Allez, M. le Protecteur du citoyen.

M. Jacoby (Daniel): Bien, là, vous me posez une question. Je suis comme en conflit d'intérêts, mettons, parce que, moi, je trouve ça extrêmement pratique d'avoir, expressément, dans la loi, le pouvoir de recourir à l'opinion publique. Et puis, il ne faut pas en abuser non plus, mais c'est efficace, en général. Mais, ça, c'est quand j'ai épuisé tous les moyens. Bon.

Ceci dit, je... C'est difficile pour moi, parce qu'elle a déjà d'autres mécanismes que le recours au tribunal; le recours au tribunal est déjà public en soi, et ainsi de suite. Moi, je suis convaincu d'une chose, c'est que... Je peux vous donner, là... Je pense tout haut. O.K.? Dans mon esprit, c'est qu'il n'est pas facile, pour un organisme de l'État, de contrôler d'autres organismes de l'État parce que tout le monde se dit: Après tout, qu'est-ce que tu fais là? On est tous des employés publics. De quoi tu te mêles? Moi, je le vis tous les jours, comme Protecteur du citoyen. Ce n'est pas facile. Parce qu'en vertu de quelle autorité, en vertu de quel pouvoir? Peut-être que le Protecteur du citoyen est indépendant de l'Exécutif parce qu'il relève de l'Assemblée nationale. C'est un plus. Peut-être. Peut-être que si on donnait un coup de barre et transformait la Commission en ombudsman parlementaire ou l'équivalent de, là, si on donnait... si on sortait la Commission... Je vais vous donner une autre approche – je pense tout haut – si on sortait la Commission de la tutelle d'un ministère et qu'on la faisait directement relever de l'Assemblée nationale, là, je pense qu'elle aurait les coudées beaucoup plus franches que le fait d'être sous la tutelle et le budget d'un ministère. Ce serait une autre approche à examiner.

M. Trudel: Est-ce que c'est à ça que vous faisiez allusion, dans votre rapport 1991-1992, en disant: «À maintes reprises, le Protecteur a rappelé le caractère indispensable d'indépendance d'un organisme de protection des droits»? Donc, vous avez constaté qu'il n'était pas indépendant.

M. Jacoby (Daniel): C'est extrêmement difficile pour un organisme – même si c'est un organisme de protection des droits des citoyens et des citoyennes – qu'il s'agisse de la Commission des droits de la personne, de la Commission de protection des droits de la jeunesse, de l'Office de la protection du consommateur, tous ces organismes sont quand même dans ce que j'appelle le pouvoir exécutif. Bon. Et quand on est des organismes de contrôle et de surveillance d'autres émanations du pouvoir exécutif, comme le réseau social, c'est bien difficile de penser qu'on a la complète marge de manoeuvre dans nos rapports avec le pouvoir exécutif. Ça, je vous le dis non seulement comme Protecteur du citoyen, mais aussi parce que j'ai vu les choses, comment elles se passaient en termes de dynamique lorsque j'étais sous-ministre de la Justice et que j'avais non pas sous mon autorité, mais pas plus qu'administrative, la Commission de protection des droits de la jeunesse. Je peux vous dire que c'est évident – et je le constate, aujourd'hui, comme Protecteur – on n'a pas toute l'indépendance et la marge de manoeuvre que l'on peut avoir si on relève du Parlement. Ça, c'est bien clair.

Le Président (M. Parent): Merci, M. le Protecteur du citoyen. Allez, M. le député.

M. Trudel: Là, vous nous livrez un bon nombre d'éléments pour notre réflexion. Mais, là, je vais revenir sur un des éléments très précis de votre intervention, M. le Protecteur. Vous nous avez décrit, tantôt, la lourdeur de la procédure d'enquête. Et là – c'est moi qui pose le jugement, là, je ne le ferai pas mettre dans votre bouche – c'est là qu'à mon avis se situe le plus grand danger de lésion de droits. Là, vous l'avez constaté, ça. Est-ce que vous suivez la situation? Est-ce que vous observez? Est-ce que... Qu'est-ce que vous faites, comme Protecteur du citoyen, à l'égard de cette situation qui m'apparaît très grave?

(13 heures)

M. Jacoby (Daniel): Alors, au mois de mars de cette année, mes collaborateurs et mes collaboratrices ont rencontré... Me Lavoie a rencontré la vice-présidence et d'autres membres du personnel de la Commission. On a fait un tour de table sur les problématiques que nous avions pu déceler l'année passée, notamment la lourdeur du processus d'enquête. On nous a dit qu'on avait l'intention de simplifier les choses. Mais il était certain que, moi, comme Protecteur du citoyen, maintenant, à partir de maintenant, depuis le mois de mars qu'on nous a dit ça, je vais voir si, dans les faits, ça se concrétise, qu'on allège le processus d'enquête. Parce que c'est un processus d'enquête qui a plusieurs étapes. Et c'est ça qui m'apparaît la chose la plus irritante et contre-productive. Je suis convaincu, mais je ne suis pas là... Tout ce que je peux dire, c'est qu'il existe des mécanismes d'enquête, dans l'administration, qui font en sorte qu'on n'a pas à faire du dédoublement d'enquête, finalement. Vous savez, dans un premier temps, aller vérifier si on a des motifs probables et raisonnables de croire qu'une enquête doit être tenue, dans un deuxième temps, monter un dossier pour la Commission pour lui dire: Voici ce qu'on vous recommande. Après ça, la Commission dit oui ou demande un complément d'enquête et, si on dit oui, là, le personnel de la Commission repart non plus pour vérifier les motifs raisonnables et probables de croire qu'une enquête doit être tenue, mais pour monter une preuve. Après ça, c'est repassé par un comité d'examen des plaintes qui est formé des commissaires et tout ça. Il me semble que, là-dedans, il y a ce que le Conseil du trésor appellerait moyen d'obtenir des gains de productivité.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Parent): Alors, merci, M. le Protecteur du citoyen. Je vais permettre une autre intervention au député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue; après ça, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 16 heures. M. le député de Rouyn-Noranda– Témiscamingue.

M. Trudel: Je remercie la présidence et le président de sa générosité habituelle, pour dépasser un peu notre temps.

Le Président (M. Parent): Encore.

M. Trudel: Pour les fleurs, on reviendra. À cet égard-là toujours, M. le Protecteur, vous faites essentiellement le même travail, le Protecteur du citoyen. Vous traitez, si je ne me trompe pas, une quinzaine de mille plaintes par année.

M. Jacoby (Daniel): C'est là que nous...

M. Trudel: Recevez?

M. Jacoby (Daniel): Non, non. Nous avons reçu, pour l'année qui vient de se terminer, 27 000 demandes, dont à peu près 24 000 demandes d'enquête. Là-dessus, nous avons amorcé 11 000 enquêtes. Alors, bon an, mal an, ça nous amène à une moyenne de 11 000 interventions dans une année.

M. Trudel: J'ai déjà fait la comparaison, je vous l'ai dit, ce matin, à l'ouverture, avec un budget d'à peu près 5 000 000 $.

M. Jacoby (Daniel): Un peu moins de 5 000 000 $.

M. Trudel: Vous croyez donc – je fais exprès pour induire la réponse – qu'il y a moyen d'en faire pas mal plus avec 3 500 000 $ à une Commission qui a comme seul objet une loi et un mandat de protection des droits. Écoutez, on est à 3 500 000 $ de budget pour traiter.

Le Président (M. Parent): Je pense, M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue, que ce n'est pas au Protecteur du citoyen à juger du budget qui est accordé à la Commission. Je pense qu'il est ici pour nous donner son expertise sur les points. Je ne pense pas que ce soit sur l'administration que l'on ait à interroger le Protecteur du citoyen, surtout qu'on lui a demandé: Seriez-vous assez gentil et généreux pour venir nous aider dans l'étude qui nous préoccupe, sans lui demander de faire la gérance d'une autre commission.

M. Trudel: Objection retenue. On va dire que c'est un commentaire du député de Rouyn-Noranda– Témiscamingue.

Le Président (M. Parent): Nous allons conclure rapidement.

M. Trudel: Je vais conclure rapidement en remerciant, pour ma part, le Protecteur du citoyen de l'éclairage supplémentaire qu'il nous donne aujourd'hui, toujours eu égard à ce que nous sommes à examiner, c'est-à-dire: Les droits des enfants au Québec sont-ils efficacement protégés avec l'ensemble des mécanismes que nous avons mis sur pied? Et est-ce qu'il y a des recommandations que nous pourrions faire aux instances concernées pour améliorer ce processus-là, suite à notre analyse, à l'examen? Je vous dis, là-dessus, que nous aurons l'occasion, évidemment, M. le Président, de revenir cet après-midi entendre encore la Commission. Nous allons examiner, quant à moi, les activités et la gestion à l'intérieur de la Commission de protection des droits de la jeunesse, toujours avec le même objectif de répondre efficacement en matière de protection des droits de la jeunesse au Québec. Je regrette, par ailleurs, que nous n'ayons pas eu le temps de comparer ce qui se passe ailleurs dans d'autres provinces, dans d'autres pays, parce que je sais, pour avoir lu un certain nombre de vos écrits et de vos publications, qu'il y a moyen aussi de faire autrement, d'une façon efficace, par rapport à la situation que nous vivons actuellement. En tout cas, c'est le cas d'autres provinces et d'autres pays à travers le monde, avec plus d'efficacité. Merci.

Le Président (M. Parent): Alors, sur ce, Mmes et MM. les membres de cette commission, M. Jacoby, nous suspendons nos travaux jusqu'après la période des affaires courantes, aux environs de 16 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 5)

(Reprise à 16 h 11)

Le Président (M. Parent): Alors, la commission des institutions poursuit son travail débuté ce matin. Je rappelle le mandat de cette commission, à savoir de procéder à l'audition de la Commission de protection des droits de la jeunesse dans le cadre de l'examen de son mandat, de vérifier aussi ses orientations, ses activités et sa gestion.

Alors, je vous rappelle que, dans le cadre des responsabilités des commissions permanentes, nous avons aussi la responsabilité et l'obligation de surveiller les organismes qui dépendent de notre commission. Notre commission avait décidé que, cette année, nous porterions une attention tout à fait spéciale à la Commission de protection des droits de la jeunesse. À cet effet, nous avons invité des gens pour nous aider à cheminer dans ce dossier et tâcher de nous aider, tous ensemble, à bonifier, à améliorer ou à mieux connaître, s'il y a lieu, cette Commission. À cet effet, nous avons invité M. Claude Bilodeau, directeur général de l'Association des centres jeunesse du Québec, qui a généreusement répondu à notre invitation.

Alors, M. Bilodeau, je vous invite à nous présenter les gens qui vous accompagnent, et on me dit que vous avez une introduction, une présentation à faire; et, après ça, on échangera. On va être obligés, un peu, de rogner sur le temps de tout le monde parce qu'on s'attend à avoir un vote vers 17 h 45, 17 h 50, 17 h 55. Ça peut aller jusque-là, en autant que ce soit avant 18 heures. Alors, on va tâcher non pas d'expédier notre travail, mais de le faire d'une façon plus efficace, peut-être, dans le meilleur temps possible.

Alors, M. Bilodeau, encore une fois, bienvenue et merci. Présentez-nous les gens qui sont avec vous, et nous vous écoutons.


Association des centres jeunesse du Québec

M. Paquin (Guy): M. le Président, si vous permettez, je vais faire la présentation. Mon nom est Guy Paquin, je suis vice-président de l'Association des centres jeunesse du Québec.

Le Président (M. Parent): Bonjour, M. Paquin.

M. Paquin (Guy): Bonjour. Je suis aussi président des Centres jeunesse de Québec. J'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent: M. Bilodeau, qui est directeur général de l'Association; M. Guymond Cliche, à mon extrême droite, qui est directeur général des Centres jeunesse Mauricie–Bois-Francs; et, à ma gauche, M. Alfred Couture, qui est directeur de la protection de la jeunesse aux Centres jeunesse de Québec.

Le Président (M. Parent): M. Couture. Alors, messieurs, soyez les bienvenus, et nous vous écoutons religieusement.

M. Paquin (Guy): Si vous le permettez, comme c'est la première fois, depuis sa création officielle, que notre association fait une présentation en commission parlementaire, vous me permettrez d'expliquer brièvement ce qu'est notre association et les membres qu'elle représente.

Depuis la réforme des services sociaux et plus particulièrement depuis avril 1993, dans chacune des régions du Québec, les établissements publics qui ont pour mission de fournir des services psychosociaux ou de réadaptation aux jeunes en difficulté et à leur famille sont regroupés sous une seule et même administration qu'on appelle les centres jeunesse. Ces centres jeunesse regroupent donc dans chaque région le centre de protection de l'enfance et de la jeunesse, les centres de réadaptation pour jeunes en difficulté d'adaptation et les centres de réadaptation pour mères en difficulté d'adaptation. Avec tous ces noms et les abréviations utilisées habituellement dans le réseau, vous comprendrez pourquoi nous avons choisi le vocable «centres jeunesse»: afin de simplifier.

Sur l'ensemble du territoire québécois, ce sont 63 établissements et près de 8000 intervenantes et intervenants qui viennent en aide à chaque année à plus de 80 000 jeunes en difficulté et à leur famille, principalement sous l'angle de la Loi sur la protection de la jeunesse et de la Loi sur les jeunes contrevenants. L'Association regroupe l'ensemble des centres jeunesse et constitue pour eux un forum et un lieu de concertation tant dans la distribution des services aux jeunes que dans la promotion et la défense des besoins et des intérêts des jeunes et de leur famille.

J'arrête là, M. le Président, et je laisse M. Bilodeau, notre directeur général, vous expliquer plus précisément la raison de notre présence devant cette commission.

Le Président (M. Parent): Merci, monsieur. M. Bilodeau, nous vous écoutons.

M. Bilodeau (Claude): Merci, M. le Président. Alors, tel que vous voyez, compte tenu de qui nous sommes et du rôle que la Commission de protection des droits joue à notre égard, la décision de venir témoigner était délicate, sauf que l'ensemble des membres que je représente a souhaité qu'on soit entendus aujourd'hui.

Pourquoi nous sommes ici aujourd'hui? Dès le début de la mise en application de la Loi sur la protection de la jeunesse, en janvier 1979, il existe des difficultés importantes et persistantes dans les relations entre la Commission de protection des droits, d'une part, et les centres jeunesse, et particulièrement les directeurs de la protection de la jeunesse, d'autre part. Ces difficultés sont plus ou moins aiguës ou importantes selon les régions, mais on peut dire qu'elles sont généralisées et que, depuis les deux à trois dernières années, elles se sont accentuées. Elles originent, selon nous, de la façon dont la Commission de protection des droits interprète les mandats qui lui sont confiés par la Loi de la protection et s'en acquitte, de certaines orientations qu'elle préconise, des activités principales et des attitudes de certains de ses enquêteurs ou conseillers. On pourrait penser que notre réseau ne tolère pas d'être questionné. Cependant, il serait faux de penser cela lorsque l'on considère l'ensemble des moyens pris dans le passé, avec parfois la Commission de protection des droits, pour solutionner la situation et le malaise généralisé qui persiste.

Au chapitre II de son rapport «La protection de la jeunesse... plus qu'une loi», le groupe de travail présidé par le juge Jasmin fait aussi allusion à certaines difficultés. Alors, le rapport dit: «D'autre part, des personnes et des organismes rencontrés par notre groupe de travail déplorent l'existence de nombreuses lacunes dans la façon dont la Commission traite les plaintes qui lui sont soumises.» Alors, nous sommes d'avis qu'il faut mettre un terme à ces difficultés importantes et persistantes, et c'est pourquoi nous nous présentons devant vous, aujourd'hui, dans le cadre d'une commission comme la vôtre qui se propose d'examiner le mandat de la Commission de protection et la façon dont il s'actualise. Nous sommes persuadés, dans ce contexte, d'être un interlocuteur pertinent.

Nous ne souhaitons d'aucune manière que nos propos soient perçus par vous comme une lutte de fonctionnaires, car ce n'est nullement cela dont il s'agit. Aussi, nous tenterons d'apporter des commentaires courts et précis pour enrichir votre réflexion. Nous soulignerons un certain nombre de points positifs et particulièrement les bons coups effectués par la Commission de protection des droits, de son propre chef ou en association avec d'autre partenaires. Mais il est clair que notre objectif premier, aujourd'hui, est de faire ressortir les difficultés que nous avons dans nos rapports avec la Commission afin de pouvoir y apporter des solutions.

Permettez-nous une courte réflexion – avec tout le respect que je vous dois, je sais que vous n'êtes pas toujours familiers avec les réalités que cela recouvre sur le terrain – pour jeter un regard sur ce que vous examinez aujourd'hui. Je me dois de me servir encore une fois du rapport Jasmin pour vous présenter un des éléments qu'il traite lorsqu'il parle de la difficulté de l'intervention sociale.

Le rapport dit: «L'intervention se fait très souvent dans un contexte de crise. L'intervenant social gère non pas des biens ou des services, mais il gère des risques, le risque du danger pour l'enfant, le risque de sa propre décision, quand ce n'est pas le risque pour sa propre personne. Les intervenants sont continuellement exposés à la souffrance, à la misère, à la violence et parfois à l'horreur. Qu'ils interviennent dans une perspective d'aide ne les empêche pas d'être témoins des réalités parmi les plus cruelles qui soient dans notre société. Ils sont au coeur des drames humains. Ils doivent se rappeler que leur intervention est ponctuelle dans l'histoire d'un enfant porteur d'un passé relationnel et pour lequel on a besoin de ménager l'avenir.»

(16 h 20)

Quoi qu'il fasse, pour nous l'intervenant aura toujours, pour quelqu'un, tort. «Il y aura presque toujours quelqu'un en désaccord et la tentation est grande de remettre à l'intervenant la responsabilité de la faille, celle du parent, celle de la famille, celle du système, en fait celle de la part d'inhumanité présente en chacun de nous. On est toujours heureux de s'en remettre aux intervenants envoyés au front. Les personnes autorisées par le directeur de la protection de la jeunesse sont porteuses de mauvaises nouvelles, et beaucoup sont tentés de tirer sur les messagers. Pourtant, peu de gens sont amenés à prendre des décisions aussi importantes de façon aussi rapide et dans un contexte aussi inquiétant de problématiques multiples touchant autant les parents que les enfants.» Fin de la citation.

Devant cette réalité complexe, nous pensons et il nous semble que tous doivent conjuguer les efforts, et tous les partenaires, pour présenter une approche nuancée et particulièrement rigoureuse dans le domaine de la protection des enfants et du respect de leurs droits.

Au chapitre II de la Loi sur la protection de la jeunesse, le législateur énonce un certain nombre de principes généraux et énumère des droits que cette loi reconnaît à l'enfant. À ces droits correspondent un certain nombre de devoirs ou de responsabilités qui en découlent pour les professionnels qui interviennent auprès des jeunes dans cette loi. Notre association, ainsi que les centres jeunesse et les DPJ qu'elle représente, souscrit entièrement et sans équivoque à ce qui est énoncé à ce chapitre. Bien plus, nous affirmons que ces principes et ces droits, conjugués à la notion d'intérêt de l'enfant, teintent chacune des interventions que nous effectuons auprès des enfants en besoin de protection et de leurs parents.

Reconnaître des droits, c'est une chose. Il faut aussi s'assurer que dans la pratique ces droits sont respectés. Pour ce faire, il faut qu'il y ait un mécanisme quelconque qui pourra en assurer le respect. D'entrée de jeu, nous reconnaissons la nécessité qu'il existe un tel mécanisme et nous sommes d'accord qu'il joue son rôle auprès de nos intervenants. C'est une partie du mandat qui est dévolu à la Commission de protection des droits, et nos commentaires ne remettront pas en question la légitimité de ce mandat mais plutôt la façon dont la Commission de protection s'en acquitte, certaines orientations qu'elle préconise et qui nous semblent, selon nous, questionnables, certaines activités qui en découlent et les attitudes de ceux et celles qui les effectuent.

En regard des mandats, nos griefs relativement à la façon dont la Commission de protection des droits joue son rôle sont les suivants: nous croyons qu'elle va parfois trop loin dans des domaines qui certes relèvent de son mandat mais qui n'en constituent qu'une partie, notamment relativement aux plaintes qui lui sont transmises ou aux situations dans lesquelles elle se saisit elle-même. Nous pensons, d'autre part, qu'elle n'en fait pas assez dans d'autres domaines tout aussi importants et qui relèvent strictement de son mandat, en particulier les programmes d'information, les études et les recommandations qu'elle peut faire aux divers ministres.

Un des objets d'enquête les plus souvent invoqués par la Commission de protection, c'est l'«inadéquacité» des services sociaux, d'éducation ou de santé dispensés à l'enfant. L'«inadéquacité» des services est souvent évoquée, mais il nous semble que la Commission passe régulièrement sous silence la deuxième partie de l'article de la loi de la protection qui fait référence à ce concept et qui ajoute, compte tenu de l'organisation, des ressources, des établissements ou des organismes du milieu scolaire qui dispensent ces services.

Comme le souligne le rapport Jasmin, la très grande majorité des enquêtes de la Commission de la protection a porté, jusqu'à maintenant, majoritairement sur les interventions des services sociaux, situation normale, étant donné le rôle majeur que jouent les directeurs de la protection de la jeunesse dans le cadre de ces lois. Pourtant, son mandat ne l'empêche pas, au contraire, à notre avis, d'intervenir en regard des failles et des violations de droits importantes qui peuvent se retrouver dans d'autres systèmes, notamment le système judiciaire avec, à titre d'exemple, ses délais complètement inadmissibles.

D'autres champs où nous souhaiterions voir intervenir la Commission de protection des droits, qui nous apparaissent dans la ligne de ses mandats, c'est des enquêtes plus générales lorsqu'il y a allégation d'abus pour des groupes d'enfants, notamment dans les abus sexuels institutionnels, et on a eu plusieurs exemples dans le passé. Récemment, on apprenait par les journaux que 16 jeunes avaient été mis à la porte d'une commission scolaire et qu'aucune autre commission ne voulait les accepter. Il nous semble qu'il y a là matière à enquêter. Également, toute la question de la scolarisation, du phénomène des sectes à travers la province.

D'une autre part, il nous semble que la Commission de la protection en fait trop peu, à notre avis, relativement à ses responsabilités de dispenser de l'information sur les droits, de faire ou faire effectuer des recherches ou des études et de faire des recommandations à certains ministres. Nous soulignerons plus loin des initiatives heureuses que la Commission de protection a eues relativement au développement d'outils, mais il nous semble que, depuis quelques années, il s'en fait fort peu dans ce domaine.

Enfin, en regard des recommandations au ministre que l'on retrouve dans presque tous les rapports annuels de la Commission de protection des droits, nous souhaiterions que la Commission de protection publie davantage d'avis ou de recommandations bien documentés, bien étoffés et qu'elle les publie ou les diffuse avec tout le caractère formel et public que méritent de tels documents. Et, pour exercer ce mandat, il nous apparaît essentiel que la Commission de protection puisse procéder en partenariat. En effet, si l'enquête sur les allégations de lésion de droits dans le cas d'un enfant appelle un droit de réserve certain, il nous apparaît que, dans le cadre de recommandations plus larges, la Commission aurait avantage à s'associer les autres partenaires et à contribuer à jouer un rôle dans l'atteinte tant de consensus d'orientation générale que de consensus sur la façon d'interpréter la loi de la protection et les nuances d'application qui en découlent. La Commission doit pouvoir partager et voir discutée sa propre vision et sa compréhension de la loi et des principes qui la guident.

Au niveau des orientations que prend la Commission de protection des droits, nous déplorons certaines orientations qui se dessinent ou se manifestent à travers les actions qu'elle pose, les opinions qu'elle émet ou les recommandations qu'elle fait. Permettez-nous d'en énumérer un certain nombre, juste pour illustrer notre pensée. Il n'est pas rare que, dans les recommandations de la Commission à partir de l'étude d'un dossier d'un enfant, la Commission de protection s'aventure dans les champs d'action ou des domaines de compétence qui ne sont pas les siens, à notre avis. Ainsi, par exemple, la Commission demandera au DPJ, directeur de la protection de la jeunesse, ou à l'établissement de lui déposer des politiques internes soit sur des politiques sur la supervision de personnel, sur des éléments de preuve à l'effet que le DPJ a effectivement informé ses gens, sur des éléments de formation, etc., ou elle ordonnera au directeur général de l'établissement de faire ou de refaire l'évaluation d'une famille d'accueil pour enfants. Pour nous, on se demande au nom du respect de quels droits la Commission croit qu'elle peut ordonner de telles choses.

La Commission de protection, suite à une enquête relativement au transport sécuritaire, pourra demander le dépôt d'une copie de contrat de service liant le transporteur au centre jeunesse, etc., tout cela relatif à une enquête. Il nous apparaît que, si la Commission de protection souhaite soulever d'autres éléments dans la délivrance des services ou le système, elle doit prendre d'autres moyens qu'à travers les recommandations reliées à un cas d'enfant.

La lettre de la loi en regard de l'esprit de la philosophie. Il nous semble que la Commission de protection des droits fait de la LPJ, de la loi de la protection de la jeunesse, une lecture trop légaliste et trop rigide. En d'autres mots, nous croyons qu'elle s'attache à la lettre de cette loi, laissant parfois de côté l'esprit et la philosophie générale qui s'en dégagent. Les différences trop marquées soulignées par le rapport Jasmin entre ce qu'on appelle le concept de protection prôné par la Commission et celui mis de l'avant par les DPJ illustrent partiellement nos propos. Alors que les DPJ s'appliquent à circonscrire le plus possible ce concept en gardant à l'intervention de protection son caractère exceptionnel et en misant le plus possible sur le respect de l'autorité parentale et le maintien de l'enfant dans son milieu, la Commission de protection des droits se révèle, quant à elle, beaucoup plus interventionniste, à notre point de vue, tant dans la nature des interventions prônées que dans leur durée. À ne voir l'intervention de protection qu'à travers la lunette des droits de l'enfant, peut-être y a-t-il danger que le champ de vision devienne très restreint et empêche de considérer les aspects qui relèvent davantage de l'esprit et de la philosophie générale de l'intervention.

Les droits de l'enfant et leurs intérêts. L'angle de prise de la Commission, c'est le respect des droits reconnus aux enfants dans le cadre de la loi de la protection. C'est une valeur importante, à n'en pas douter, mais ce n'est pas la seule et unique valeur dont il faille tenir compte. L'article 3 de la loi de la protection le précise: «Les décisions prises en vertu de la présente loi doivent l'être dans l'intérêt de l'enfant et dans le respect de ses droits.» Le plus souvent, ces deux valeurs, intérêt et respect des droits, vont de pair, mais il arrive que l'intérêt de l'enfant puisse commander que l'on restreigne, temporairement du moins, l'exercice de tel ou tel droit. Par exemple, il est reconnu que l'enfant a droit de demeurer chez lui, mais il peut arriver parfois que, pour son intérêt, on doive le déplacer, le sortir de chez lui et le placer temporairement. C'est un exemple de: parfois, l'intérêt semble s'opposer au droit.

(16 h 30)

Changer le système par le biais des droits et à travers un cas. Il est arrivé souvent, dans des analyses et des recommandations en regard d'un cas, que la Commission, au-delà de la décision que les droits pouvaient être lésés ou non, donnait une série de recommandations où, pour nous, il nous apparaissait clair qu'à travers un cas elle souhaitait viser autre chose, soit dans le domaine de la distribution de services ou de la façon de faire. Il nous apparaît, à ce niveau-là, que ces mécanismes-là ne devraient pas être choisis et que ça devrait être plus par des moyens officiels autres qu'on s'attaque à ça.

Il arrive que, suite à une enquête, la CPDJ ordonne à un DPJ ou à un établissement de donner préséance à l'enfant qui fait l'objet d'un enquête. C'est peut-être strictement correct et conforme à la lettre de la loi, mais est-ce juste pour les autres enfants qui sont en liste d'attente? Est-ce la façon de faire... aux contraintes administratives et financières? Est-ce ainsi que doivent être gérés les systèmes de services? Est-ce qu'une commission d'enquête, après l'étude d'un cas, peut ainsi décréter que ce cas doit avoir préséance sur les autres? Que dirait-on d'une commission qui ordonnerait à un chirurgien d'opérer tel patient plutôt que tel autre alors que c'est une décision qui relève de l'aspect médical? L'angle des lésions de droits en relation avec l'absence de ressources ne doit pas être passé sous silence, mais, selon nous, appelle de la part de la Commission des modalités d'actions différentes.

Le point le plus délicat, pour nous, mais le plus irritant sur le terrain: les activités et les attitudes des enquêteurs. Notre propos n'est pas de viser l'ensemble, mais le problème est assez important, et un peu partout dans les régions, pour que nous devions le mentionner. Nos griefs, à ce chapitre, sont nombreux et méritent qu'on s'y attarde quelque peu, notamment sur les méthodes d'enquête. D'une part, les processus sont souvent ambigus et il s'y glisse certains vices de procédure, voire certains manques d'éthique, à notre avis, et en voici quelques exemples.

Dans plusieurs dossiers, souvent l'enquêteur va déformer les propos des intervenants lorsqu'il les a rencontrés. Alors, il y a plusieurs éléments où, par exemple, un travailleur social ou une personne autorisée par le DPJ va donner ses activités et en faire la démonstration et qu'on va retrouver, dans l'enquête, plus loin, que ce volet-là a été soit légèrement transformé ou soit biaisé. Il y a aussi, dans des dossiers, des jugements globaux qui sont inexacts et pour nous inacceptables. Je note un exemple. On dit, dans un rapport: Cet intervenant était temporairement affecté à une équipe spéciale responsable de réduire la liste d'attente des cas en évaluation. Jusque-là, ça va. Et on ajoute: Et elle avait comme mandat de fermer le plus de dossiers possible, ce qui est des jugements de valeur complètement, pour nous, hors de la réalité. L'autre volet, c'est qu'on pourrait questionner, dans un rapport, la compétence, pour traiter des abus sexuels, d'un intervenant, alors que le même intervenant avait au moins suivi 600 heures de formation en relation avec cette problématique.

Bref, à la lecture de nombreux dossiers, il ressort que les enquêteurs manifestent une certaine méfiance à l'endroit des intervenants sociaux. Les membres du personnel de la DPJ ou les personnes autorisées n'apparaissent pas tout à fait crédibles. On ne présume pas de leur bonne foi, on fouille minutieusement les dossiers à la recherche de failles qui pourraient conduire à la conclusion de lésion de droits. Selon les mots employés pas certains intervenants, les enquêteurs donnent souvent l'impression qu'ils vont à la pêche. L'approche concertée nécessaire pour rechercher la solution dans la question du respect des droits et de la correction de situations, dans les cas où c'est fondé, se transforme, dans ces cas-là, dans une approche très défensive de la part des intervenants.

Un dernier cas qui veut illustrer notre pensée: il en va de même des interprétations et des avis que donne la Commission, l'assemblée des commissaires, dans des décisions d'enquête. Je donne un exemple. Récemment, dans une enquête de la Commission, il était reproché au directeur de la protection de la jeunesse de n'avoir pas complété l'évaluation d'un signalement d'abus sexuel dans le cas d'un jeune de 17 ans et 11 mois qui avait quitté la famille d'accueil présumément abusive depuis deux ans et demi. De plus, le jeune, interpellé suite à l'enquête de la Commission, ne voulait pas aller plus loin. Dans cette situation, le DPJ responsable de ce dossier a clairement expliqué à la Commission les raisons pour lesquelles il maintenait sa décision de ne pas aller plus loin, à savoir: la famille d'accueil en question n'est plus accréditée, le jeune n'y habite plus depuis deux ans, il ne veut plus poursuivre davantage.

La réponse de la Commission, suite à cette explication des plus transparentes, à notre avis, et des plus fondées au point de vue clinique, a été de dire que les commissaires ne partageaient pas notre avis, et elle tenait à rappeler que le lien des DPJ avec les citoyens est juridique et non social, d'où la nécessité de s'en tenir à la loi, tel que prescrit. En d'autres mots, le jeune n'est plus en danger, aucun autre jeune n'est en danger, la chose remonte à deux ans et demi, mais le DPJ doit compléter l'évaluation de ce signalement parce que la loi le prescrit. Alors, est-ce la vérité absolue à laquelle il faut se plier?

Y a-t-il du positif? Oui. Nous avons souligné, au départ, vouloir se centrer d'abord sur les difficultés. Cependant, avant de tirer nos conclusions générales sur les réflexions qui nous sont soumises, nous souhaitons souligner certaines réalisations de la Commission. Soulignons d'abord que, malgré les difficultés dont nous avons fait état relativement au processus d'enquête et des attitudes de certains enquêteurs, nous reconnaissons la nécessité et les effets bénéfiques de ce processus d'enquête. Il arrive, en effet, que l'intervention clinique ou les attitudes de certains des intervenants professionnels ne soient pas conformes. Une enquête bien menée nous permettra de corriger rapidement ces carences et surtout de prévenir qu'elles ne se répètent auprès d'autres enfants ou d'autres parents.

Au-delà du processus d'enquête, il y a eu récemment les rapports produits sur L'Escale, à Montréal, un rapport produit sur la Rive-Sud, qui étaient, selon nous, des efforts majeurs pour à la fois chercher le respect de la protection des droits des enfants et amorcer, en concertation avec les partenaires, des solutions à long terme. Signalons aussi la brochure «Signaler, c'est déjà protéger», sous l'angle de l'information, et les programmes de vérification de droits. Alors, c'est des programmes de surveillance du respect des droits qui étaient mis en place sous le mandat du deuxième président et qui avaient l'avantage de cibler, pour une année donnée, sur quels droits spécifiques la Commission entendait porter des efforts. Un tel ciblage permettait également à nos cadres et à nos intervenants de porter leur attention sur le respect de ces mêmes droits. Avec plus de concertation, il y aurait lieu d'améliorer à moyen et long terme plusieurs choses si la Commission pouvait continuer ce programme en concertation avec l'ensemble des partenaires. La loi annotée est un autre exemple de réalisation importante pour la Commission de protection des droits de la jeunesse.

En conclusion, la tenue de cette commission parlementaire constitue un moment de questionnement et de réflexion dont il faut tirer le meilleur parti possible. Pour nous, nous l'avons affirmé au début de cet exposé, les centres jeunesse croient à la nécessité d'un mécanisme de surveillance pour assurer le respect des droits de l'enfant, et c'est dans cet esprit que nous sommes ici pour l'améliorer et aussi améliorer l'intérêt de l'enfant.

Le législateur a choisi, il y a plusieurs années, le mécanisme d'une commission de protection des droits de l'enfant. Pour ce faire, à une époque donnée, depuis ces années, il y a eu plusieurs changements dans notre réseau. La réalité s'est transformée. Il est apparu plusieurs autres mécanismes dont le Protecteur du citoyen, la Commission des droits de la personne du Québec, le commissaire aux plaintes, mécanisme institué par la nouvelle Loi sur les services de santé et les services sociaux, la procédure d'examen des plaintes des usagers décrite au chapitre III de la même loi: chaque établissement doit avoir une procédure de plaintes approuvée par son conseil et il y a des droits d'appel à la régie régionale.

D'autre part, les conseils d'administration, dans leur nouveau rôle, se doivent d'assurer la qualité et l'accessibilité des services. Dans ce nouveau contexte, on pense qu'il faudrait repréciser davantage pour mieux coordonner l'ensemble de ces mandats qui visent un peu toutes les mêmes données.

Ce que nous souhaitons, M. le Président, c'est la chose suivante: à l'instar des DPJ, il nous apparaît que le mandat de la Commission est très délicat, et, plus un mandat est délicat, plus il concerne des enfants, des parents ou des professionnels ou des institutions, plus il nous semble que le processus avec lequel on exerce nos mandats doit être rigoureux et transparent. Dans ce contexte, nous souhaitons que soient reprécisés les mandats de la CPDJ et que soit mieux circonscrit leur champ d'application. En regard du processus d'enquête, nous souhaitons plus de rigueur, sans parler de réglementation, de transparence de la grille d'analyse et de partage avec les acteurs de la grille d'analyse de l'exercice des droits. On souhaite l'établissement d'un code d'éthique pour les enquêteurs, une formation particulière de façon à retrouver une plus grande homogénéité et une plus grande transparence dans l'ensemble des régions du Québec.

(16 h 40)

Finalement, quant au volet avis au ministre, enquête globale et publication, nous souhaitons que ces activités reprennent et qu'elles se fassent en partenariat et que la Commission devienne un facilitateur pour réussir à ce que soit amélioré, au-delà du cas à cas, l'ensemble des systèmes et des processus venant en aide aux enfants.

Le Président (M. Parent): ...inviter à conclure.

M. Bilodeau (Claude): J'ai fini, M. le Président.

Le Président (M. Parent): Ah! On ne s'est jamais si bien entendus!

M. Bilodeau (Claude): «C'est-u» bien!

Le Président (M. Parent): Ce qui arrive, c'est qu'il y a un vote qui n'était pas prévu, qui peut nous arriver vers 15 h 50; on va être obligés de quitter. Alors, on va être obligés de raccourcir un peu la période d'échanges avec les membres de la commission de façon à ce que je puisse entendre le président de l'autre Commission, pour laquelle nous sommes ici, au moins pendant une heure. Alors, est-ce qu'il y a des intervenants? M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Bon. D'abord, on va vous remercier de vous présenter ici aujourd'hui. Ouais, on comprend assez facilement, là, la délicatesse de votre position, parce que vous êtes les automobilistes qui se font poser des «tickets» par la police. Alors, ça pose...

Une voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Parent): On n'est jamais heureux.

M. Trudel: Hein? On n'est jamais très heureux et, le moins qu'on puisse dire, c'est que ce n'est pas l'amour tendre entre la police et ceux qui ont à administrer directement les services de protection de la jeunesse. La commission, ici, quant à moi, n'est pas chargée d'identifier lequel est plus coupable qu'un autre. J'entendais la députée de Groulx dire: Et les enfants, et les enfants, et les enfants, et les enfants, là-dedans? C'est précisément ce qui doit être uniquement, mais uniquement notre préoccupation, en termes de mandat et d'exercice du mandat de la Commission.

Alors, écoutez, vous reprenez ce que Jasmin nous dit. C'est qu'il y a un dysfonctionnement entre la Commission chargée de faire respecter ultimement les droits et le réseau qui est chargé prioritairement de dispenser ces services, d'administrer ces services aux enfants qui, suite à des signalements, ont obtenu ou qui doivent obtenir des mesures de protection. Bon.

Particulièrement à certains chapitres, vous avez dit, tantôt – je vais employer les mots que j'ai perçus, là, je ne les mets pas dans votre bouche – mais vous avez perçu que la Commission fait ça de façon cavalière, auprès des intervenants dans le réseau jeunesse, et vous avez même dit que certaines personnes étaient chargées, à la Commission de protection des droits – si j'ai bien compris – de la jeunesse, d'intervenir pour faire diminuer le plus rapidement possible les listes d'attente. Est-ce que c'est ça que vous avez dit? Pouvez-vous préciser?

Le Président (M. Parent): M. Bilodeau.

M. Bilodeau (Claude): J'ai dit que, dans un des rapports de la Commission de protection des droits, un des enquêteurs, dans son rapport, dit que l'intervenant social travaillait dans le cadre d'une équipe spéciale pour baisser la liste d'attente – ça, ça va bien – et qu'il était chargé de fermer le plus de dossiers possible. Ça, ça nous apparaissait un jugement de valeur complètement inacceptable.

M. Trudel: Et chargé de fermer le plus de dossiers possible?

M. Bilodeau (Claude): Oui. Ça veut dire que l'important, c'est de baisser la liste d'attente; donc, fermons des dossiers, indépendamment de...

M. Trudel: Bien, c'est ce que je dis.

M. Bilodeau (Claude): Ha, ha, ha!

M. Trudel: Écoutez, c'est assez gros, là.

Le Président (M. Parent): Si on comprend bien, c'est l'opinion d'une personne.

M. Bilodeau (Claude): C'était l'opinion de l'enquêteur.

Le Président (M. Parent): Merci. C'était la mise au point que je voulais faire. Ce n'était pas une politique, c'est l'opinion d'une personne.

M. Bilodeau (Claude): Non, non.

Le Président (M. Parent): D'accord.

M. Bilodeau (Claude): Je vous mentionnais que c'était écrit dans un rapport.

M. Trudel: O.K. Mais vous avez vu ça comme... Ah! Bon. Vous avez vu ça dans un rapport. Bon.

M. Bilodeau (Claude): Je voulais illustrer par là que, quand on parle de certains enquêteurs, et à travers la province il y a eu assez d'éléments pour être capable de nous revenir, il y a plusieurs, pas toutes, perles comme ça qui nous apparaissent dépasser ce que j'appelle la rigueur d'un enquêteur de centrer sur les faits et je voulais illustrer la question des jugements globaux sur les intervenants.

M. Trudel: O.K. Par ailleurs, toujours dans l'analyse de vos rapports et du travail de la Commission de protection, vous avez parlé des délais. Est-ce que, vous autres, de votre côté, vous estimez que les délais qu'on a devant les tribunaux, ce sont des occasions assez fréquentes de lésion de droits des enfants? Vous l'observez, puisque vous êtes en première ligne, très clairement. C'est à vous autres, le signalement, en premier; la Commission est chargée de vous surveiller. On peut revenir, là, sur le rôle du surveillant, de l'agissant, mais est-ce que vous estimez que les délais qui sont impartis en protection de la jeunesse – votre opinion – ça cause des lésions de droits, je dirais, de façon à être remarquées?

Le Président (M. Parent): M. Bilodeau.

M. Bilodeau (Claude): Tout délai, oui, cause une lésion de droits, que ce soient des délais dus au système social ou dus au système judiciaire. Vous m'avez parlé particulièrement du système judiciaire. Dans le domaine social, lorsqu'il y a enquête puis allégation de lésion de droits, je pense que la Commission de protection peut conclure à juste titre à une lésion de droits s'il y a des délais indus en relation avec ce que la loi prescrit.

Ce qu'on disait, c'est qu'au niveau judiciaire il y a des délais, là aussi, qui nous apparaissent d'une façon un peu inadmissible, puis je donne un exemple. Si vous avez un procès qui doit être cité – puis on est dans des situations importantes – puis si deux avocats disent: Bien, écoutez, M. le juge, on n'a pas de date avant trois mois, il y a quelque chose là qui ne va pas. On pense, nous, que la Commission peut voir ça souvent et pourrait cibler, effectivement, qu'elle ne peut pas intervenir sur le fond, mais qu'elle peut demander à être entendue en disant: Écoutez, s'il n'y a personne en relation avec cet enfant-là, vu les délais que ça cause, bien, faites-vous remplacer, ou nommez un confrère ou quelque chose, mais que ça procède. Il y a, dans le domaine judiciaire, dans l'ensemble des régions, des délais importants là aussi – là aussi – et qui portent préjudice aux enfants et aux adolescents. Pour nous, c'est clair.

M. Trudel: Enfin, on aura à apprécier cela aussi, cette opinion que vous avez de l'observation des faits quant aux délais qui sont impartis.

Le Président (M. Parent): Ça va. Maintenant, sur un autre sujet, je vais reconnaître Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Comme le disait mon collègue, je pense que tout ce qui importe aux membres de la commission, en écoutant tous et chacun aujourd'hui, c'est de faire le plus vite possible mais surtout le mieux possible pour les enfants. C'est notre première préoccupation.

Moi, j'ai retenu, parmi bien d'autres choses dans votre présentation, que vous ne blâmez pas mais que vous avez à redire sur la Commission lorsqu'elle demande à voir les règlements ou les programmes d'une maison où sont placés les enfants. Je pense que c'est son devoir de le faire, de un. Et, de deux, c'est encore plus un devoir lorsqu'elle a reçu une plainte, à un moment donné, sur certaines choses qui auraient pu se passer dans une maison ou dans une autre. Alors, pourquoi trouvez-vous un petit peu indues les enquêtes de la Commission sur ce sujet-là, entre autres?

M. Bilodeau (Claude): Je vais vous donner un exemple. Si, par exemple, la Commission enquête pour des allégations qu'il y aurait eu lésion de droits, à savoir que la personne autorisée par le directeur de la protection de la jeunesse devait poser tel geste, selon une ordonnance, puis qu'elle ne l'avait pas posé au moment où ça devait se dérouler, là ça va. Alors, la Commission fait enquête puis demande au directeur de la protection de la jeunesse de corriger la situation et les moyens qu'il entend prendre. Bon. Alors, tu dis: Oui, on va corriger la situation. On va rappeler que, bon, etc. Alors, la Commission peut ne pas être satisfaite de ça et dire: Bien, donnez-nous la politique de supervision de l'ensemble des centres des services sociaux à Montréal. Alors, ça, c'est une tout autre chose.

Un, on explique tranquillement qu'il n'y a pas une seule politique pour gérer l'ensemble des services, parce qu'il y a différentes façons, que la supervision se déroule dans la fonction même des cadres de premier niveau, qui sont à la fois des intervenants cliniques, bon, etc. Mais il n'y a pas, comme telle, une politique au sens où... Bon. Alors, on nous demande de la produire dans 30 jours. Bien, ça, ça suppose que, quand tu fais ça, tu viens de vouloir axer les énergies d'un établissement pour faire produire ça, aller au conseil d'administration, parce que... Bon. C'est tout un monde qui touche directement, à notre avis, la gestion d'établissements.

Et, si on pense qu'il y a, dans des établissements ou ailleurs, des éléments moindres, on dit: Ce n'est pas à travers la correction d'un cas, mais il y a peut-être d'autres mécanismes, notamment en mettant les choses sur la table, de rencontres, de voir, etc. On a des interlocuteurs, au niveau du ministère, chez les sous-ministres. Donc, il y a d'autres moyens de corriger si on pense qu'il y a des lacunes générales, et on pense que ce n'est pas à travers l'allégation d'un cas, les recommandations pour corriger ce cas-là, qu'on donne ouverture à aller, après ça, un peu partout pour corriger indirectement ce qu'on ne fait pas directement. C'est ça qu'on veut dire, madame.

(16 h 50)

Mme Bleau: Il y a une autre allégation. Vous demandiez, et je pense que vous avez tous les droits de le faire, à la Commission de faire certaines recommandations ou de, entre autres, peut-être critiquer, à certains moments, soit le ministère de la Justice, soit le ministère de la Santé et des Services sociaux. Je dois vous dire que ça se fait déjà. Il y a eu des recommandations qui ont été faites, il y a des remarques qui ont été faites, autant au ministère de la Justice, à l'heure actuelle, et nous en avons les preuves, que dans d'autres ministères. Alors, ça se fait déjà. Je dois vous assurer de ça, là, que ça se fait déjà de la part de la Commission.

Le Président (M. Parent): Monsieur.

M. Bilodeau (Claude): Nous sommes conscients, puis on l'a mentionné, que dans les rapports annuels il y a des formes de recommandations. Ce qu'on dit, c'est qu'on souhaite que ça soit davantage, qu'ils insistent davantage sur cette mission-là, qu'ils soient davantage publics, qu'ils soient davantage étoffés sous l'angle de... qu'ils impliquent beaucoup plus les partenaires pour réussir vraiment à faire un mouvement pour transformer des choses. Puis on ne dit pas qu'ils ne sont pas corrects, là. On dit: On souhaiterait que ça soit accentué davantage, d'une part, que ce soit avec l'ensemble des partenaires concernés, qu'ils soient social, sécurité publique, judiciaire, s'il faut, pour étoffer des recommandations au ministre, les rendre publiques et essayer de mettre sur la table des problèmes importants. On souhaite qu'ils le fassent davantage. C'est ce qu'on disait.

Le Président (M. Parent): Merci, Mme la députée. M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue.

M. Trudel: M. Bilodeau et les gens qui vous accompagnent, écoutez, il y a très certainement un fort groupe de situations – je n'ose pas dire «problèmes» – qui se retrouvent au niveau du processus d'enquête. Le Protecteur nous en a parlé ce matin, vous en parlez sous d'autres facettes, on aura l'occasion de réentendre, nous, ici, de la commission, les représentants de la Commission pour s'enquérir de cela. Mais comment vous pensez qu'on devrait procéder pour réviser ce processus d'enquête là pour en arriver à ce que la Commission réalise quand même de la meilleure façon, je dirais, son mandat, à l'article 23, pour les enfants? Je montre la députée de Groulx parce que c'est une belle expression qu'elle emploie: On est toujours pour les enfants, on travaille toujours pour le droit des enfants.

Alors, écoutez, si c'est ça, pas si c'est ça, mais, si c'est un exemple et si c'est un élément important dans le dysfonctionnement, parce que, là, moi, je ne peux pas constater autre chose que du dysfonctionnement, comment on devrait procéder, à votre avis, pour en arriver à réviser et que ça puisse déboucher sur... Vous avez employé le mot «concertation»; je vous trouve bien optimiste, après votre diagnostic. Mais il faut y arriver, on n'a pas le choix. On n'a pas le choix, on va y arriver. On est tous des Québécois puis on est tous au service des enfants. Vous autres, comme la Commission, comme l'intervenant sur le terrain, vous êtes tous au service des enfants, en pareille matière. Comment on va y arriver? Comment on peut en arriver à une concertation qui fasse que le processus d'enquête soit... – on a les règles de l'«équitabilité», les règles de transparence, les règles de justice naturelle – et qu'on en arrive à procéder de façon correcte, je dirais?

Le Président (M. Parent): Avez-vous une idée sur ça, M. Bilodeau?

M. Bilodeau (Claude): Oui, monsieur.

Le Président (M. Parent): On vous écoute.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bilodeau (Claude): Sous l'angle de la...

Le Président (M. Parent): Le contraire m'aurait surpris.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bilodeau (Claude): Puis, même si je n'en avais pas, il faut que j'en trouve une.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Parent): Ce ne serait pas une méchante idée.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bilodeau (Claude): Sous l'angle de la concertation, même s'il y a des mandats réservés à la Commission, comme il y a des mandats ou des missions réservés à un ensemble d'institutions au Québec, je pense que, sous l'angle du mandat réservé, il faut que la discussion soit ouverte à l'ensemble des partenaires intéressés par ce champ-là, de façon à être capable de partager les différences de points de vue pour en arriver à une forme de... Tout le monde est d'accord avec la question du respect des droits, tout le monde est d'accord qu'il ne faut pas avoir des moyens pour bien le pister, tout le monde est d'accord pour ne pas que les enfants en paient... Alors, tout le monde est d'accord. C'est donc une question de moyens. Alors, je pense qu'on doit d'abord et avant tout être capable de faire plus de choses ensemble, d'une part.

Sous l'angle de la rigueur, quand on en parlait, ce qu'on veut dire, nous, c'est que le directeur de la protection de la jeunesse doit évaluer des situations délicates, puis il est chargé de protéger l'enfant qui est en danger. Il doit le faire à travers des règles très précises, selon la loi. Il ne peut pas prendre le processus d'enquête qu'il veut. Il doit partir des faits allégués, il ne peut travailler autre chose que vérifier: Les faits «sont-u» exacts, oui ou non? S'ils sont exacts, ça va lui permettre de dire: Sécurité compromise ou pas. Si le fait n'est pas exact, même s'il y a d'autres besoins, il ne peut pas conclure à ça. Bon. Et, si on se rend au tribunal, devant le juge du Tribunal de la jeunesse, il va examiner les faits, la rigueur des interventions qu'on a eues, et on a eu toutes sortes d'études à travers le Québec – Harvey et compagnie – pour bien cibler, pour bien orchestrer le contexte de l'évaluation, le temps que ça prend, les choses que tu vérifies, et tu ne pars pas avec une évaluation... Bon. Il y a une rigueur. Alors, ce qu'on souhaite, nous, c'est que, vis-à-vis des méthodes d'enquête de la Commission, sans la réglementer, on la rende rigoureuse au sens de comment on vérifie, qu'est-ce qu'on vérifie, pourquoi, jusqu'où on ne va pas, quels moyens on prend, et que ce soit connu, dit, etc., et que ce soit un petit peu partagé avec l'ensemble des gens, les règles du jeu. Après ça, la Commission, dans le cas à cas, elle est maître d'oeuvre. Ça, on en convient.

Le Président (M. Parent): Oui. Une dernière intervention?

M. Trudel: Oui. Il est évident, aussi, il m'apparaît évident que c'est difficile pour vous autres lorsque la Commission vous dit: Nous voulons un redressement, puis on veut des résultats en dedans de 30 jours, 60 jours, 90 jours, hein, parce que ça impose des délais très précis, des objectifs de résultats... Et, encore une fois, là, ça peut vous apparaître difficile, au nom des droits des enfants, mais vous savez qu'il y a aussi une école de pensée, puis là je n'apprends rien à personne en disant qu'il y a beaucoup des concernés qui disent qu'il y a beaucoup trop de «deals» entre les directeurs de la protection de la jeunesse et la Commission sur les délais, que, bon, au bout de 30 jours, on dit: Ah! Je n'ai pas pu donner suite. Ah! Bien, O.K., je vais me reprendre. Je vais continuer, puis je vais faire mon possible. Il n'est pas question de «possible», en pareille matière, vous vous en rendez bien compte. On est en matière de droits et de lésion de droits.

Est-ce que vous jugez, de votre côté encore, que la Commission est abusive, au niveau des délais à respecter, pour les mesures à prendre par la Direction de la protection de la jeunesse et qu'elle est trop sévère ou pas assez sévère quant aux délais fixés, quant aux mesures de redressement, aux mesures à prendre vis-à-vis des cas précis? Parce que, là, ce matin – je termine là-dessus – le Protecteur... On va revenir avec la Commission tantôt, là, en tout cas j'annonce que je vais revenir là-dessus si vous ne le savez pas, sur la longueur des délais, parce que là le restant devient de la théorie lorsque ça se passe pendant 90 jours, l'enquête et les informations à prendre sur les faits. Pendant tout ce temps-là, il peut y avoir des droits qui sont lésés.

M. Bilodeau (Claude): Sous l'angle des cas actifs, il y a une allégation de lésion de droits qui se passe maintenant pour un enfant donné, et je vous dirais que 30 jours, c'est trop long. Ha, ha, ha! Dès que c'est signalé, dès que c'est mentionné, on n'attend pas. Dès qu'on a une allégation de lésion de droits et qu'on est avisé que la Commission va enquêter, on n'attend pas qu'elle ait fini son... Il faut aviser maintenant. Et, ça, je vous disais: Il y a eu, des fois, dans le passé, une concertation très rapide pour que tu corriges la situation. Ça, c'est clair. Tu la corriges «here and now». Celle-là, c'est évident, et, ça, c'est toujours trop long, quel que soit le délai, parce que ce n'est pas acceptable.

Lorsqu'on parle d'un cas qui s'est passé et qui n'est plus actif, c'est-à-dire qu'il y a eu une allégation de lésion de droits mais qui s'est passée il y a six mois – ça n'existe plus, bon, etc. – la Commission va enquêter, va poursuivre l'enquête, va demander des choses, etc. Là, on parle de choses différentes, O.K.? On parle de choses différentes parce que, pour l'enfant, c'est corrigé, ça n'existe plus, même si la Commission doit quand même continuer son enquête, etc. Alors, quand on parle de délai de 30 jours, 60 ou 90, quand il s'agit d'un enfant, je vous dirais que c'est immédiat, et il faut que ce soit immédiat.

Là où ça devient compliqué, c'est si c'est dû à des manques de ressources ou des listes d'attente. Bien, là, ça va varier, et, ça, c'est plus complexe. Mais, là-dessus, on va s'entendre rapidement, la Commission ne pourrait pas accepter que, sous prétexte qu'on a une liste d'attente, un enfant ne soit pas desservi, comme un juge ne peut pas l'accepter. Il peut peut-être le comprendre, mais il ne devrait pas l'accepter, parce que, le jour où tu comprends le système, bien, c'est l'enfant qui paie pour. Bon. Sauf que, là, il y a des limites à ce qui est physiquement possible.

Ce qui est compliqué, pour nous, c'est quand on nous demande une politique dans les 30 jours qui vient transformer toute la boîte. Bien, là, c'est une autre affaire. Alors, ça, là-dessus, oui. Mais, sous l'angle d'un enfant dont les droits sont compromis maintenant, le délai, il serait toujours trop long, et là-dessus il n'y a pas de... Il faut que ce soit corrigé maintenant quand c'est possible de le corriger maintenant.

Le Président (M. Parent): Merci. M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue.

(17 heures)

M. Trudel: En terminant, votre association, les représentants des DPJ, est-ce que vous êtes disponibles pour de la collaboration pour l'établissement, ou le rétablissement ou la définition d'un processus d'enquête qui aurait les objectifs dont vous mentionniez les qualités il y a quelques minutes? Et est-ce que vous êtes prêts à collaborer sur ce que vous suggérez aussi, sur le code d'éthique pour les enquêteurs de la Commission de protection des droits? Parce qu'il m'apparaît que, encore une fois, ces choses-là vont devoir se faire en concertation et à l'intérieur des responsabilités de la Commission de protection. Encore là, il y a peut-être des bouts où vous n'aimerez pas ça, là. Mais il faut que vous soyez dans le circuit et il m'apparaît, actuellement, que le moins qu'on puisse dire, c'est que le circuit n'amène pas du courant continu. Il y a plutôt de l'alternatif et du discontinu. Est-ce que vous êtes prêts à cela?

M. Bilodeau (Claude): Je dois vous dire que nous sommes prêts. Nous sommes toujours prêts à collaborer et on va souhaiter que ça se fasse avec l'ensemble des acteurs qu'on vous disait tantôt, c'est-à-dire autant la justice, le social, l'éducation, la sécurité publique, tous les acteurs concernés. Il nous apparaît... Oui, on est à la disposition de tout mécanisme qui voudrait améliorer ça, parce que l'objectif, il est très correct. Oui, on est prêts à ça...

Le Président (M. Parent): Merci.

M. Bilodeau (Claude): ...et je pense qu'on peut parler au nom de l'ensemble des centres jeunesse.

Le Président (M. Parent): Sur ce, M. Bilodeau, M. Paquin, M. Cliche, nous vous remercions de votre collaboration.

Nous allons suspendre quelques minutes pour accueillir pour une deuxième fois la Commission de protection.

(Suspension de la séance à 17 h 1)

(Reprise à 17 h 3)

Le Président (M. Parent): Alors, la commission des institutions va poursuivre ses travaux et j'invite les membres de la Commission de protection des droits de la jeunesse à prendre place sur les banquettes prévues à cet effet. Je vous resouhaite la bienvenue, après vous avoir perdus pendant quelques heures.

Alors, M. le président, nous avions interrompu, vers midi, la période d'échanges avec les membres de cette commission pour entendre le Protecteur du citoyen, nous venons d'entendre M. Claude Bilodeau, directeur de l'Association des centres jeunesse, et j'imagine que vous avez beaucoup de choses à nous dire. Alors, comme premier intervenant, je vous reconnais, M. le président, pour m'expliquer des situations, probablement, qui nous ont été mentionnées, qui nous ont été indiquées par les gens qui vous ont précédé. Les membres de la commission sont à l'écoute.


Exposé du président de la Commission de protection des droits de la jeunesse


M. Kevin Saville (suite)

M. Saville (Kevin): Merci, M. le Président. Je crois que les différentes présentations que vous avez entendues aujourd'hui reflètent et confirment un petit peu ce que je vous ai mentionné ce matin dans ma présentation. Je ne voulais pas faire l'histoire de la Commission, ce matin, sauf que, dans la perspective de s'assurer et d'assurer les membres de cette commission que la Commission a été ouverte et sensible aux critiques, aux perceptions, aux observations qui lui ont été présentées, je vous rappelle que dans peu de temps – et là il faut qu'on retourne en 1991 – la Commission a revu, de un, sa structure administrative afin d'assurer une meilleure organisation des services et un meilleur contrôle de ses services. De deux, je vous ai dit que la Commission a revu aussi ses politiques et procédures en matière de réception et de traitement des demandes d'intervention ainsi que les différentes façon d'agir de la Commission.

J'ai partagé avec vous la grande ouverture de notre Commission à mettre tous ses documents et toutes ses façons de faire à la disposition de tout intervenant afin de s'assurer qu'on puisse améliorer, et ce, d'une façon continuelle, le fonctionnement de la Commission en regard du respect des droits des enfants. Je crois que ça a été assez bien démontré, aujourd'hui, que la Commission se retrouve au centre de deux forces contraires, l'une considérant ses interventions comme intrusives et l'autre jugeant qu'elle manque de cran dans ses démarches. Bien qu'elles puissent sembler contradictoires, ça fait partie de notre réalité, ça fait partie de nos défis.

Comme le Protecteur du citoyen l'a mentionné dans sa présentation aujourd'hui, un mandat de surveillance n'est jamais facile à exercer. C'est exigeant, ça commande une grande rigueur et une très grande transparence, et nous comprenons très bien qu'un mandat de surveillance est toujours désagréable pour celui qui est surveillé. Mais, compte tenu de nos réalités, je crois que ce type d'exercice s'inscrit dans les pratiques de notre société afin de s'assurer que les droits de nos citoyens sont respectés.

À ma façon, ce matin, à ma propre façon, je vous ai expliqué que, depuis mon arrivée, nous avons aussi ressenti ce malaise généralisé dans les rapports. C'était pour ça que je voulais que la Commission s'engage à un certain nombre d'initiatives afin de s'assurer qu'on puisse sortir de ce malaise, avoir une compréhension claire et nette de la Commission, de son mandat, de son rôle et de sa façon de travailler.

Je souhaiterais vous dire, mais de la façon la plus précise possible, que ce revirement, le virage, le tournant que je vous ai annoncé ce matin, que nous avons fait depuis deux ans et demi, n'était pas facile, mais, je vous l'ai dit, très nécessaire. Vous avez vu combien, des fois, les gens ont de la difficulté à se situer vis-à-vis de notre mandat, de notre façon d'exercer notre mandat et les difficultés. La seule façon d'en sortir, et j'en suis convaincu et les membres aussi, c'est qu'il faut partager davantage, il faut être plus clair.

(17 h 10)

Si je vous réfère au document que nous avons déposé avant de venir ici ce matin, vous allez retrouver en annexe les documents auxquels je fais référence, donc de nouvelles politiques et directives pour contrôler les activités de la Commission. Dans ce document, vous allez voir que le changement qu'on amène à la Commission, au niveau de ses façons de faire, est quand même considérable. Exemple: afin de corriger une situation actuelle dans une situation où les droits d'un enfant sont manifestement lésés – ça veut dire, pour la Commission, qu'il n'y a pas lieu de faire enquête – la directive est très claire et très précise: il faut que le dossier soit présenté immédiatement, qu'à l'intérieur de 24 heures il y ait une intervention et que la situation soit corrigée par la suite.

Vous avez aussi entendu certains commentaires sur les enquêtes de la Commission. La Commission partage, comme on l'a dit ce matin, l'importance d'être plus rigoureux dans notre démarche, et nous avons offert la possibilité de réglementer cette pratique. Vous savez, l'adoption d'un règlement est constituée d'un processus de consultation que le gouvernement peut amener avant qu'un tel règlement soit adopté. Il pourrait servir d'outil pour s'assurer que ce qui est présenté soit acceptable pour tous les intervenants.

Je voudrais vous dire aussi que, au niveau de la Commission, quand j'y suis arrivé – et là je partage ce que M. Bilodeau a dit – j'ai trouvé aussi que la Commission faisait trop d'enquêtes, mais des enquêtes qui sont devenues des études de système. Une de nos constatations a été de dire: Une enquête porte sur la situation d'un enfant. C'est actuel, c'est ses droits qui sont en cause, puis on ne veut pas tourner une enquête sur un enfant en une étude d'un système parce que, si on fait ça, deux ans après avoir amorcé l'enquête, on sera toujours à étudier, à régler la situation de l'enfant, tandis que l'enfant, lui, a besoin d'une réponse immédiatement ou dans les meilleurs délais.

Et j'aimerais apporter une nuance. Quand un enfant est dans une situation de compromission puis quand nous croyons que ses droits sont lésés ou ont été lésés, je ne partage... ou je nuancerais ce que j'ai entendu cet après-midi. Pour un enfant qui est dans une situation de lésion de droits, où ses droits ont été lésés, il faut agir aussi avec diligence parce qu'il est toujours pris en charge par l'État, et on ne veut pas que cet enfant ne soit pas protégé dans ses intérêts et dans le respect de ses droits. Donc, peu importe que ses droits soient lésés ou aient été lésés, c'est un enfant pris en charge par l'État. Il faut intervenir avec diligence afin de s'assurer que cet enfant reçoit les services auxquels il a droit.

Donc, vous allez le voir, dans les nouvelles politiques que nous avons présentées, il n'y en a pas, d'étude de système, au niveau de nos enquêtes, présentement. C'est fini. Il n'y en a pas. C'est un enfant, c'est son droit, et c'est tout. Et le mandat, maintenant, n'est pas donné par le président, le mandat est donné, maintenant, par un banc de membres et ce mandat est revu par le même banc de membres, parce que, vous le savez, on s'est dit, ce matin, que la loi compose un groupe de trois membres ou plus pour réaliser les enquêtes. Donc, juste de différencier, comme je vous l'ai dit, des habitudes à la Commission, de faire la distinction entre une enquête qui porte sur la situation d'un enfant et ses droits et une étude de système qui porte sur d'autres questions et un ensemble de considérations, est une amélioration que je crois importante mais difficile à amener à la Commission, étant donné les pratiques. Mais on a réalisé ce changement.

Si vous regardez dans le même document que nous avons déposé, je vous ai présenté notre stratégie pour les trois prochaines années. Parce que, de un, il faut vivre avec les compressions, mais, de deux, il faut assurer d'une meilleure façon le mandat de la Commission. Et, dans cette présentation, je vous démontre qu'avec le travail et la collaboration des membres et des professionnels de la Commission on peut aller de 15 % à 20 % de nos ressources allouées à des études et des recherches à 40 %, et ce, dans un contexte de compressions budgétaires, tout en relevant notre défi d'intervention immédiate. C'est faisable. Ça ne sera pas facile et, à certains moments, ça pourrait être même pénible pour une organisation. Mais c'est faisable.

Notre priorité, et la priorité des DPJ, et la priorité des DJ et la priorité de tous les intervenants, ce sont les enfants. Tout le monde s'entend là-dessus. Derrière cet objectif qui est noble, je crois qu'on peut trouver une façon d'améliorer tant le fonctionnement de la Commission que ses relations entre elle et les mises en cause dans l'intérêt de l'enfant et dans le respect de ses droits.

J'aimerais maintenant, M. le Président, répondre à certaines affirmations ou observations que j'ai entendues aujourd'hui. Dans un premier temps, j'aimerais amener une certaine clarification sur une question de budget qui nous a été présentée ce matin. Ce que j'ai dit dans mon discours, c'est qu'il y a eu une ponction de postes à la Commission et que cette ponction a eu un effet important, et cet effet important se fait ressentir aujourd'hui. Et, ça, c'est vrai. De 1982 à aujourd'hui, nous avons passé de 76 personnes, à la Commission, à 55, et les compressions à l'intérieur de la loi 198 vont nous imposer davantage. Par ailleurs, il faut bien comprendre qu'il y a d'autres coûts qui se maintiennent ou qui augmentent: salaires des professionnels, maintenir un ensemble de 12 bureaux régionaux. Ça, c'est des coûts aussi qui augmentent. Mais, sur la ponction et sur la réduction de nos effectifs, ça, c'est une réalité, pour la Commission, à laquelle il faut faire face. Mais je ne voulais surtout pas donner l'impression que la Commission n'est pas prête à faire sa contribution pour relever le défi de la réalité économique et pour contribuer à s'assurer qu'on assure et qu'on maintient notre mandat tout en faisant face à cette réalité.

J'ai entendu, cet après-midi, certaines remarques et j'aimerais juste les nuancer. La Commission, elle, elle est bien au courant que l'article 8 de la Loi sur la protection de la jeunesse et l'article 11.1 accordent un droit avec une condition très importante: «compte tenu de l'organisation et des ressources». Mais les tribunaux ont déjà fait de la jurisprudence sur cette question, et ce que ça veut dire, c'est: compte tenu de l'organisation et des ressources, vous avez à répondre aux besoins des enfants. Donc, je ne voudrais pas que le contenu de l'organisation et des ressources soit vu comme une explication ou une permission pour ne pas répondre à nos enfants.

(17 h 20)

J'ai entendu dire que la Commission devrait intervenir au niveau du système judiciaire. Nous l'avons déjà fait. Pas une étude de l'ensemble; nous avons fait une étude ponctuelle dans un dossier sur les délais dans une région judiciaire de Québec. Mais j'aimerais vous dire aussi qu'on siège sur le comité aviseur, sur le groupe de recherche mis de l'avant par le ministre de la Justice pour améliorer le fonctionnement des tribunaux de la jeunesse, suite à la recommandation du groupe de travail de M. Jasmin. Donc, on a fait aussi une contribution à ce niveau-là. De plus, nous avons eu l'occasion, avec le groupe Jasmin, de lui parler de cette demande qu'on s'intéresse davantage au niveau des délais judiciaires, et la Commission a demandé, si c'est la volonté du groupe de travail que nous intervenions davantage dans le domaine, que ce soit rendu explicite dans notre mandat, avec des pouvoirs qui nous permettront... Si c'est juste au niveau d'études et de recommandations au ministère de la Justice, ça sera une chose. Mais on aimerait savoir exactement ce que les gens attendent de la Commission dans ce champ d'activité.

Les gens nous ont félicités pour le travail que nous avons fait au niveau de notre étude de L'Escale et de notre étude du Transit. Parlant d'enfants, saviez-vous c'est quoi, Le Transit? Le Transit, mesdames et messieurs, est une chambre; si on est chanceux, un quart, peut-être, de la salle, la moitié de la salle. C'est un lieu de transition. Les enfants rentrent dans le lieu de transition pour aller soit dans un centre de réadaptation ou pour être détenus avant ou après comparution. C'est ça, Le Transit. C'est un beau nom, mais c'est une salle.

La Commission est intervenue dans ce dossier de deux façons. La première façon dont on est intervenus dans ce dossier, c'est que nous avons sorti des enfants de ce lieu et qu'on l'a dit clairement: Ça, ce n'est pas un lieu d'hébergement. Deuxièmement, on a fait une étude, une grande étude, et on est conscients que les gens ont collaboré à notre étude. J'aimerais vous dire, plusieurs mois après que nous avons rencontré les gens responsables de la planification et évaluation des ressources, que ça soit au ministère, à la régie régionale, dans des regroupements, plusieurs mois après avoir soumis nos recommandations, plusieurs mois après avoir demandé qu'on arrête de gérer des situations d'une façon de crise et qu'on fasse une planification raisonnable, depuis les trois ou quatre dernières semaines, on fait des interventions correctrices et immédiates parce qu'il y a toujours des enfants placés dans cette unité, deux jours, trois jours, six jours. C'est inacceptable.

La Commission a aussi entendu, aujourd'hui, que nous devrions faire du travail au niveau des sectes. Je voudrais juste vous confirmer que la Commission a fait une contribution importante au niveau des études de sectes, et nous avons collaboré à la réalisation d'un projet de protocole dans ce sens-là. La Commission a collaboré au niveau de l'information sur les droits, puis elle a l'intention de continuer. Nous avons aussi entendu, aujourd'hui, qu'on souhaiterait que les avis et les études de la Commission soient publics. Je vous ai confirmé ce matin que nous avons l'intention de rendre nos avis plus publics et de prendre position d'une façon plus claire et plus nette au niveau du respect des droits des enfants.

Mme la députée a questionné sur l'ingérence de la Commission. C'est notre réalité, madame. D'une certaine façon, ce que nous voulons faire, maintenant, avant même de parler de politique, c'est de parler de l'enfant, de sa situation, de son droit. On verra les politiques dans des études et dans des conversations et autres choses. Mais notre préoccupation constante et première sera toujours l'enfant.

Les gens nous ont parlé de nos évaluations de certaines familles d'accueil. Je peux vous dire que la Commission est intervenue et a recommandé la réévaluation de certaines familles d'accueil. Et la Commission ne ferait aucune excuse pour l'avoir fait, étant donné les informations mises à notre disposition. Si les gens pensent que la Commission est trop légaliste, j'aimerais vous dire, comme président de cette Commission, avec deux ans et demi d'expérience, maintenant, que j'ai énormément de difficulté à comprendre qu'après tant d'années d'application de cette loi on est toujours en train de discuter des droits des enfants. Je vous l'ai rappelé ce matin, on n'a pas une charte de droits dans la Loi sur la protection de la jeunesse ou dans la Loi sur les jeunes contrevenants. Il y a un travail important à réaliser sur l'intégration de la pensée des droits dans la pratique sociale. Ça n'a pas été fait encore, il faut travailler davantage, puis il faut réaliser ce travail.

On a aussi parlé des listes d'attente. C'est revenu sur la table. Je peux vous dire qu'avec les nouvelles façons de faire une intervention correctrice immédiate sera réalisée, comme je vous l'ai mentionné, dans les heures qui suivent la demande. Je vous ai aussi dit que la Commission, elle est prête à étudier, collaborer et regarder comment on peut arriver à régler ce problème. Mais j'aimerais aussi vous dire, en étant un citoyen nommé à la présidence de cette Commission – perspective de simple citoyen – que le ministère des affaires sociales a un service de planification et d'évaluation, que les régies régionales ont la responsabilité, maintenant, de planifier et organiser les ressources sur leur territoire, qu'il y a des spécialistes en planification au niveau des regroupements. Toutes ces ressources, toute cette expertise n'ont pas pu encore régler le problème de listes d'attente. Mais, pourtant, on questionne la Commission sur notre contribution. Je suis fier de notre contribution.

En ce qui concerne...

Le Président (M. Parent): M. le président, je vais vous inviter, peut-être...

M. Saville (Kevin): Oui.

Le Président (M. Parent): ...en quatre, cinq minutes, à conclure de façon à ce qu'on puisse continuer à échanger.

M. Saville (Kevin): Ça me fera plaisir, M. le Président.

Le Président (M. Parent): Vous m'aviez mentionné, tout à l'heure, qu'environ une demi-heure, vous en aviez probablement assez.

M. Saville (Kevin): C'est bien.

Le Président (M. Parent): Allez-y encore pour cinq, six minutes.

M. Saville (Kevin): Oui.

Le Président (M. Parent): Après ça, on va procéder à la période d'échanges avec les membres de la commission.

M. Saville (Kevin): Je voudrais, en terminant, vous dire et vous démontrer, par les paroles que nous avons partagées avec vous aujourd'hui, que la Commission, elle est ouverte aux critiques et elle n'est pas sur la défensive, que la Commission a déjà entrepris énormément de travail pour faire un virage important et se mettre à jour, et on est prêts à continuer dans la même voie, que, oui, on a fait beaucoup en deux ans et demi et que, oui, il y a quelqu'un qui a dit: Mais vous avez un agenda plein pour les années à venir. Je suis tout à fait d'accord, sauf que les enfants ne peuvent pas attendre. Donc, nous, on est obligés, comme responsables, d'aller de l'avant.

M. le Président, la Commission est ouverte à toute collaboration, elle va continuer de l'être. La Commission, comme je vous l'ai mentionné ce matin, amorce, comme M. Bilodeau le sait, un certain nombre de rencontres avec la magistrature, avec la conférence des D.G., avec les DPJ, avec les avocats de l'aide juridique, avec les avocats en pratique privée. Nous allons faire le tour de tous ces regroupements, cette année, afin de s'assurer que notre mandat et nos rôles sont bien compris, mais aussi de recevoir de tous ces gens leur opinion, leurs critiques et de collaborer avec vous pour faire de la Commission la meilleure Commission de protection des droits de la jeunesse qu'on peut avoir au Québec. C'est mon engagement, c'est l'engagement que je vous ai mentionné d'une façon détaillée ce matin, c'est l'engagement des membres que vous avez devant vous aujourd'hui, c'est l'engagement du personnel que j'ai derrière moi. Nous allons respecter notre engagement, et je vous assure que nous allons toujours avoir une ouverture afin de s'assurer que les gens puissent s'adresser à nous et puissent avoir une écoute attentive, et aussi que nous allons toujours pouvoir améliorer notre façon de faire des choses dans l'intérêt des enfants et dans le respect des droits.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent): C'est moi qui vous remercie, M. Saville, et je reconnais Mme la députée de Groulx.


Discussion générale (suite)


Confidentialité des dossiers

Mme Bleau: Bon. Alors, je pense que vos affirmations de cet après-midi répondent, en tout cas, en partie et assez bien aux inquiétudes que les membres de la commission pouvaient avoir au sujet de la Commission.

J'ai quand même, ce matin, retenu une chose qui m'avait frappée et qui me questionne: c'est la confidentialité. Vous en avez parlé un peu ce matin en disant que vous prépariez des choses, là, pour assurer la confidentialité. Pour moi, je pense que, s'il y a un cas, un jeune sur lequel quelqu'un peut questionner le restant de ses jours ou, en tout cas, pendant un grand laps de temps, ça peut être dangereux pour son futur. Je me demandais quels travaux vous faites à ce sujet-là.

(17 h 30)

M. Saville (Kevin): M. le Président...

Le Président (M. Parent): Allez, monsieur.

M. Saville (Kevin): ...j'ai demandé à notre Direction des affaires juridiques de nous préparer un avis juridique sur toute la question de la confidentialité des informations à la Commission ainsi que sur le traitement et l'utilisation de ces informations. Étant donné notre intérêt à devenir plus publics, il va falloir que nous ayons un contrôle rigoureux sur l'utilisation des informations de telle nature. Donc, cet avis est maintenant terminé, madame, et les membres en ont pris connaissance au début du printemps. Fin de l'hiver, début du printemps.

Cet avis sera traduit dans une politique et, par la suite, des procédures pour chacun de nos services. Pour vous donner un exemple très clair de l'impact, déjà, que nous avons eu... Et, encore, je rejoins des paroles qui ont été amenées à la commission aujourd'hui. Notre Commission n'a pas un droit de regard sur toute information dans le dossier d'un enfant. C'est du voyeurisme. C'est ce que je considère. Quand quelqu'un nous demande d'intervenir dans cette situation, on devrait avoir accès à toute information pertinente et nécessaire pour rendre une bonne décision. Et c'est une question de jugement. Mais ce n'est pas nécessaire d'aller chercher tout le temps toute information concernant l'enfant, toute information concernant ses parents. Ce n'est pas toujours nécessaire. Je ne le nie pas, mais ce que je peux vous dire, c'est que j'ai été préoccupé par une certaine – je cherche un mot – disons, flexibilité dans cette démarche. Et nous avons décidé de recentrer la pratique afin de nous assurer que les informations sont confidentielles.

De plus, étant donné qu'on souhaiterait éventuellement compiler certaines informations et les diffuser, il faut que, dès le début de notre processus et non pas la fin, on ait cette sensibilité et cette préoccupation. Donc, ça va amener, Mme la députée, un changement majeur dans la façon dont la Commission va travailler.

Mme Bleau: Juste une autre question. Après ça, je te laisse... Je vous laisse, M. le député.

J'ai ouï dire que certains enfants sous la protection de la jeunesse sont placés dans des institutions avec d'autres enfants qui sont des contrevenants. Est-ce que vous ne croyez pas, à ce moment-là, qu'il peut être nuisible pour ces enfants d'être en contact avec des contrevenants?

Le Président (M. Parent): M. le président.

M. Saville (Kevin): Je dirai comme M. Jacoby ce matin, c'est une large question, c'est une grande question.

Le Président (M. Parent): Prenez tout l'espace dont vous avez besoin.

M. Saville (Kevin): O.K. Vous posez une question, madame, sur la mixité de la clientèle entre les jeunes en protection et les jeunes contrevenants. Les recherches qui ont été effectuées par la Commission démontrent qu'il y a différents types de jeunes avec différents types de problèmes, puis c'est très difficile, des fois, de faire les liens entre un enfant en protection et un jeune contrevenant. Des fois, les sources du problème sont différentes. La Commission a déjà dit que la mixité de la clientèle doit être gérée d'une façon très rigoureuse. Si la Commission est prête à admettre une certaine mixité de la clientèle, il y a d'autres clients et, surtout, ceux qui sont en garde fermée, où la Commission a énormément de difficultés à croire que ces enfants seront placés avec les jeunes en protection.

Mme Bleau: Est-ce que vous avez un mot à dire dans ces dossiers-là pour justement que les enfants, selon le cas... Ça pourrait leur être nuisible d'être avec des contrevenants. Est-ce que vous avez votre mot à dire dans...

M. Saville (Kevin): Nous travaillons avec un groupe qui touche la question d'une façon indirecte parce qu'il y a un groupe du ministère, nous autres et d'autres personnes qui regardons toute la notion d'encadrement intensif. Étant donné que tous nos jeunes sont traités dans nos centres d'accueil, nos centres de réhabilitation, nous avons participé activement à ce groupe. Mais, comme je vous ai dit, c'est un débat très complexe auquel il n'y a pas nécessairement une réponse facile, Mme la députée.

Le Président (M. Parent): Ça va, Mme la députée? M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Donc, un bon nombre d'observations nous ont été faites pendant toute la journée avec un certain nombre de précisions. Je répète ce que j'ai dit ce matin et je vais parodier mon collègue, Richard... pas mon collègue, mais notre chanteur, Richard Desjardins, qui vient de l'Abitibi-Témiscamingue: Je me rends compte que, l'avenir, c'est pour plus tard.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Parent): Il y a de grandes chances.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: C'est-à-dire que je constate effectivement et nous aurons, comme membres de la commission, à analyser, quant à moi, le travail qui s'est fait, qui s'est effectué au cours des 10 dernières années et si nous avons un certain nombre de recommandations pour les années à venir. Et je pense qu'il faudra en faire, un certain nombre de recommandations, pour améliorer davantage la situation. Eh bien, on aura à poser un certain nombre de gestes.


Administration de la Commission

J'aimerais m'intéresser maintenant un tout petit peu au fonctionnement interne et à l'administration de la Commission. Je voyais dans votre rapport 1992-1993 que les commissaires de la Commission se sont réunis à six reprises. Ça veut dire que l'ensemble des membres de la Commission se sont vus tous ensemble six fois pendant l'année pour administrer la Commission de protection des droits de la jeunesse. C'est ça? Non?

M. Saville (Kevin): Non.

Le Président (M. Parent): Allez, monsieur.

M. Saville (Kevin): Dans la Loi sur la protection de la jeunesse, M. le député, la gestion quotidienne relève du président de la Commission. L'assemblée plénière est composée des 14 membres et est responsable pour les grandes orientations de la Commission, établir ses priorités au niveau du type d'interventions qu'on fait, du type de positions qu'on prend. Donc, l'assemblée plénière est certainement responsable de tout le contenu qui sort de la Commission et la gestion quotidienne, le côté administratif relève du président.

M. Trudel: À qui vous répondez de votre administration comme commission gouvernementale?

M. Saville (Kevin): Je dois comprendre que, depuis l'adoption de la loi 198, M. le député, je réponds à vous.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Saville (Kevin): Oui, j'ai fait inclure quelques articles.

M. Trudel: Et que tout le monde se le tienne pour dit, ça va s'amplifier. Non, mais sur l'administration quotidienne?

M. Saville (Kevin): L'administration...

M. Trudel: Pas quotidienne, mais l'administration générale de la Commission, parce qu'il m'apparaît qu'il y a un problème. Peut-être que j'ai mal saisi, effectivement, et c'est l'occasion d'avoir des précisions, que les commissaires font office de membres du conseil d'administration en même temps qu'ils sont commissaires.

M. Saville (Kevin): On n'utilise pas «conseil d'administration» parce que je crois que ça pourrait vous induire en erreur, étant donné que les membres sont appelés sur convocation seulement, sauf le président et la vice-présidente. L'administration courante, tel que... Ça, c'est les mots exacts dans la loi, «l'administration courante» relève du président de la Commission, parce que, vous savez, nous répondons à la structure gouvernementale, donc nous suivons toutes les politiques gouvernementales, on est soumis à toutes les directives du Conseil du trésor, à toutes les directives du Conseil exécutif, je veux dire, on fait partie de l'appareil gouvernemental. Donc, comme président d'organisme, je dois m'assurer que toutes ces politiques, toutes les façons de faire du gouvernement sont respectées.

Notre assemblée plénière est responsable afin de s'assurer que, premièrement, il y a révision des décisions qui sont prises par le président quand je décide de ne pas tenir une enquête. Cette assemblée est aussi responsable pour regarder et réviser des décisions de terminer une enquête. Dans ces deux situations, c'est parce qu'il y a des droits de citoyens qui sont en cause. Finalement, elle doit être responsable des grandes orientations de la Commission.

M. Trudel: Et c'est au ministère de la Justice que vous répondez de votre administration puisque vos crédits viennent du ministère de la Justice?

(17 h 40)

M. Saville (Kevin): Non. Comme vous le savez, le ministre de la Justice est le ministre tutelle de la Commission. Donc, étant donné que la Commission est indépendante et autonome, le ministre de la Justice est tenu au courant de ce que la Commission fait pour être capable de répondre à l'Assemblée nationale pour nous, mais ce n'est pas un rapport de gestion ou d'administration. Nous avons une enveloppe différente du programme justice, mais nous recevons du ministère de la Justice, comme d'autres organismes, comme la Commission des droits de la personne, des services de soutien et des services administratifs parce que, si on avait, avec le peu d'employés qu'on a, à assumer toutes ces responsabilités, on ne pourrait jamais le faire.

Le Président (M. Parent): Votre enveloppe budgétaire, est-ce qu'elle vient du ministère de la Justice ou du Conseil du trésor directement?

M. Saville (Kevin): On la reçoit directement du Conseil du trésor, M. le Président.

Le Président (M. Parent): Merci.

M. Trudel: Directement du Conseil du trésor?

M. Saville (Kevin): Mme la vice-présidente.

Le Président (M. Parent): Mme la vice-présidente, nous vous écoutons.

M. Trudel: Mon collègue étudie les crédits de la Justice puis il a vu vos crédits.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Parent): Je vais commencer à m'inquiéter, là. Je n'avais pas vu ça. Alors, madame...

Mme Giroux (Céline): Giroux.

Le Président (M. Parent): Mme Giroux, Céline.

Mme Giroux (Céline): Nous sommes rattachés au ministère de la Justice. Donc, le ministère de la Justice a plusieurs programmes. Nous faisons partie du programme 3, comme la Commission des droits de la personne, etc. Par contre, notre enveloppe budgétaire est séparée de celle du ministère de la Justice. Elle est envoyée, comme information, directement au ministère de la Justice. Nous la recevons parce qu'elle est acheminée par le ministère, mais complètement indépendamment du ministère de la Justice. Nous avons nos propres budgets et nous les gérons à notre façon.

M. Trudel: Madame, c'est juste pour établir la comparaison. C'est que le Protecteur du citoyen, par exemple, lui, c'est via l'Assemblée nationale. Ce n'est pas un ministère. Ça ne dépend pas politiquement, administrativement d'un ministère, bon, pour faire la comparaison.

Le Président (M. Parent): Merci.


Processus d'enquête

M. Trudel: Le fameux processus de plainte, là, bon... Là, c'est le paquet. On parle de ça depuis ce matin, et ça cause un bon nombre de problèmes. J'ai cru comprendre, dans mes petites enquêtes personnelles, après 23 h 30 le soir, quand il me reste du temps, que vous aviez défini un processus à l'interne d'une vingtaine d'étapes pour le processus d'enquête à la Commission. Là, vous êtes en train de réviser ce processus-là. À quel moment vous pensez en arriver à terminer cette révision-là et, éventuellement, à adopter des règles ou un règlement à l'intérieur de la Commission et les publier largement? Est-ce que vous avez un programme de travail?

M. Saville (Kevin): M. le Président...

Le Président (M. Parent): Monsieur.

M. Saville (Kevin): M. le député, c'est déjà fait. Depuis le 17 janvier de cette année, il y a de nouvelles directives appliquées à la Commission afin de nous assurer que nous puissions répondre plus rapidement aux demandes qui sont faites à la Commission, et c'est là que je vous parle de certains changements au niveau de l'intervention correctrice immédiate. Ça, c'est une première innovation, à la Commission. Ça veut dire... Je vous donne un exemple que je...

M. Trudel: Ça va être assez rapide. Est-ce que c'est ce qui apparaît à la page... la directive 2, ça, dans le cahier que vous avez déposé?

M. Saville (Kevin): Dans quel document? Je vais vous le confirmer, M. le député.

M. Trudel: Ça s'appelle... C'est parce que ce n'est pas paginé, dans les annexes, là.

M. Saville (Kevin): Quelle page, M. le député?

M. Trudel: L'annexe 16, page 64.

M. Saville (Kevin): 64?

M. Trudel: Vous dites: Cette directive... Vous parlez du 17 janvier 1994, là, lorsque...

M. Saville (Kevin): On est à «Actions dans le domaine de l'application».

M. Trudel: Est-ce que c'est ça?

M. Saville (Kevin): La présente directive vise les directions lorsque la Commission décide de poser une intervention correctrice immédiate. Ça, c'est la directive qui concerne l'intervention correctrice immédiate.

M. Trudel: Alors, ce n'est pas le processus d'enquête dont nous parlions il y a quelques secondes.

M. Saville (Kevin): Ce n'est pas le processus d'enquête. Le processus d'enquête, M. le député, vous l'avez, et je vais vous le trouver.

M. Trudel: Ce n'est pas un reproche que je fais.

M. Saville (Kevin): Non, non. Je voudrais vous...

M. Trudel: C'est parce qu'on l'a reçu hier soir.

M. Saville (Kevin): Oui. Si vous voulez aller, M. le député, aux pages 24 et 25, je crois, dans votre document... pages 23 et 24 dans votre document, M. le député... Excusez-moi, 24 et 25.

(Consultation)

M. Trudel: Bon. Écoutez, on va procéder à l'analyse. Je vais vous dire, on va... Pour ma part, je vais regarder ça attentivement, ce cheminement d'une demande d'intervention concernant la situation d'un enfant. C'est ça, le cheminement d'une demande d'intervention concernant la situation des enfants et ce que renferme le processus d'enquête. Là-dessus, est-ce que vous estimez, pour l'instant, que les intervenants qui sont dans le même champ que vous, que la Commission dans ce secteur-là, comme, par exemple, les centres jeunesse, les Directions de la protection de la jeunesse... Est-ce que, à votre avis, ils sont pleinement en accord et satisfaits – et c'est une évaluation personnelle, on n'a pas à la prendre suivant leur degré de satisfaction ou pas – et est-ce que vous estimez qu'ils vont être ou qu'ils sont satisfaits de ce processus-là?

M. Saville (Kevin): Moi, je crois, M. le député, qu'ils vont être satisfaits du fait que c'est écrit et que c'est diffusé et qu'ils l'ont en main. Donc, à tout moment, ils vont bien comprendre comment la Commission intervient et à quelle étape d'intervention elle est rendue. Ça, je crois que ce sera quand même une amélioration importante. Deuxièmement, je vais rencontrer tous les D.G., la conférence des directeurs généraux de l'association, ainsi que les DPJ. Quand je vous ai mentionné ce matin que nous allons entreprendre un processus d'amélioration continue, je veux embarquer, m'engager à revoir avec eux, d'une façon constante, l'application de ces directives. Si elles deviennent trop lourdes, trop bureaucratiques, etc., nous allons les changer. Donc, il faut amorcer un travail dans ce sens.

Je dois vous dire que ma plus grande préoccupation est la satisfaction du client qui est le jeune devant nous. Ça, c'est ma grande préoccupation, comme président de la Commission. Et je peux vous dire que c'est une amélioration importante, d'être capable comme Commission, comme organisme de répondre à un enfant à l'intérieur d'une période très restreinte. Donc, je crois que, oui, il y aura un certain niveau d'intérêt et je dirais même de satisfaction de la part des personnes d'avoir en main ces politiques, mais je suis aussi très préoccupé par la satisfaction de nos clients.

Le Président (M. Parent): M. le député.

M. Trudel: Vous avez parlé d'un virage assez important.

M. Saville (Kevin): Un?

M. Trudel: Un virage assez important de votre point de vue à partir de 1991-1992, au moment de votre nomination. Je vais vous poser une question qui est très subjective. Je n'en espère pas moins une réponse aussi subjective. Comment vous estimez le climat de travail à la Commission?

M. Saville (Kevin): Pardon? Je n'ai pas compris.

M. Trudel: Comment vous estimez le climat de travail? Comment vous jugez, maintenant, le climat de travail à la Commission de protection des droits de la jeunesse, l'ensemble de votre équipe? Puisque vous avez parlé vous-même d'un virage important au sein de la Commission. C'est quoi, votre évaluation rapide, maintenant, votre perception du climat dans votre boîte?

M. Saville (Kevin): Je peux vous dire que nous avons amené un changement en profondeur, à la Commission. Nous avons changé beaucoup d'habitudes, à la Commission, et de façons de faire. Donc, la première réaction à ce changement était naturelle: Où est-ce qu'on s'en va? Qu'est-ce que ça va nous amener comme résultats? Donc, il y avait une certaine insécurité, stress et tension, qui est naturelle dans tout le processus de changement. Je dirais maintenant que les choses commencent à se replacer. Mais je dois vous dire que, tout ça, c'est réalisé depuis le 17 janvier dernier. Donc, les choses commencent à s'installer parce qu'il faut qu'on stabilise les nouvelles structures, les nouvelles façons de faire. Et il faut, autant, que je m'engage, envers l'extérieur, à revoir nos façons de faire. J'ai une préoccupation et un engagement vis-à-vis des employés à les rencontrer régulièrement, à revoir qu'est-ce qui se passe à la Commission et à amener les changements quand ils en demandent. Nous avons créé, juste pour ce point-là, M. le député, cette année, la fin de l'année dernière, le Comité ministériel sur les relations professionnelles qui permet à la Commission de rencontrer les professionnels, d'une façon régulière, d'en parler, d'en discuter avec eux et de s'assurer qu'on puisse être à l'écoute. Donc, il y a une écoute et, quand on entend qu'il y a des problèmes, des obstacles, des difficultés, on essaie de répondre le plus adéquatement et le plus rapidement possible. Donc, je dirais que ça va assez bien, compte tenu des circonstances dans lesquelles on s'est trouvé et du travail qu'on avait à faire.

(17 h 50)

Le Président (M. Parent): M. le député.

M. Trudel: Vous cristallisez beaucoup, donc, autour de l'adoption de cette nouvelle procédure d'enquête le 17 janvier 1994. Donc, là, évidemment, on ne peut pas mesurer l'ampleur du virage, puis l'effectif, mais les résultats qui vont être donnés.


Intervention du Protecteur du citoyen

Est-ce que vous estimez que le regard du Protecteur du citoyen sur votre administration, votre fonctionnement et votre processus d'enquête – oui, c'est ça – est justifié, était justifiable? Le regard du Protecteur du citoyen... Est-ce que ce que le Protecteur du citoyen a fait et continue de faire vous apparaît opportun quant au travail, quant au processus de décision qui s'est déroulé, qui se déroule à la Commission de protection des droits de la jeunesse?

Le Président (M. Parent): M. le président.

M. Saville (Kevin): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent): J'ai hâte d'entendre votre réponse.

M. Saville (Kevin): J'ai rencontré le Protecteur du citoyen la première fois de mon mandat quand il m'a informé de la situation sur laquelle il a élaboré longuement ce midi, ce matin. Et on a eu beaucoup de discussions, tant au niveau de nos professionnels et de la vice-présidence que de moi, personnellement, avec M. Jacoby. Je dois vous dire que M. Jacoby nous a alertés et m'a alerté d'une certaine situation importante. Et je crois que la Commission, avec la collaboration des professionnels, a été ouverte aux critiques, puis a dit: Il faut qu'on change ce système.

Moi, je peux vous dire que je n'accepterai pas et je ne crois pas que les membres vont accepter de répéter de telles expériences. Je ne vous nie pas, aucunement, qu'il n'y a pas des dossiers qui ont été amorcés, qu'on est en train de finaliser. Mais nos objectifs pour les nouveaux dossiers depuis janvier, c'est de réduire les délais d'une façon importante.

Donc, si vous voulez me poser la question: Est-ce que l'intervention du Protecteur du citoyen a été positive? je dirai oui, mais, comme tout surveillé, je ne crois pas que j'ai nécessairement apprécié l'intervention.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: C'est l'arroseur arrosé; il n'aime pas être arrosé.

M. Saville (Kevin): Disons que je crois que tout le monde dans l'appareil gouvernemental doit jouer son rôle et assumer ses responsabilités.

M. Trudel: Tout à fait. S'il y en a qui le savent, c'est bien les députés parce qu'ils sont à peu près 40 000 à nous surveiller, dans nos cas à nous autres.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Et on a une évaluation formelle, stricte, à tous les quatre ans. Des fois, cinq ans. Et le jugement est implacable, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Parent): Et, sur ce, revenons à nos moutons.


Modifications à apporter à la loi

M. Trudel: Sur ce, revenons à nos moutons. Est-ce qu'il y a des articles de – je vais appeler ça la loi constitutive, on s'entend – la Loi sur la protection de la jeunesse qui vous empêchent de réaliser ce que le Protecteur du citoyen fait en termes de déclarations publiques? Je sais qu'il n'y a pas d'article explicite pour vous permettre d'utiliser les médias et les déclarations publiques, les informations publiques comme méthode d'intervention. Est-ce que vous croyez que la loi vous le permet, par ailleurs, dans sa rédaction actuelle?

Le Président (M. Parent): Allez.

M. Saville (Kevin): Notre point de vue sur cette question, c'est qu'il n'y a pas de disposition qui nous empêche... Ça pourrait être une amélioration si on avait une reconnaissance plus explicite d'une telle responsabilité, mais je dois vous dire, M. le député, que j'ai pensé que votre question aurait été: Y a-t-il des modifications législatives qui pourraient vous aider à améliorer le fonctionnement de votre Commission?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: J'ai votre liste.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Parent): Il ne dit pas toujours ce qu'il pense.

M. Saville (Kevin): Et, si c'était ça, votre question...

M. Trudel: Bien là, c'est-à-dire, répondez à la mienne en premier; après ça, vous répondrez...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Saville (Kevin): Pour répondre, je crois que, si c'était plus explicite dans la loi, ce serait plus facile, sûrement. Mais il n'y a rien qui nous empêche... Et la Commission a déjà participé à des conférences de presse. On a déjà fait des... La semaine prochaine, je vais faire une conférence de presse avec le Conseil permanent de la jeunesse. Donc, il n'y a rien qui nous empêche de faire des déclarations, dans la mesure où on respecte la confidentialité des informations que nous avons à la Commission. Est-ce que vous avez cette deuxième question, M. le député?

M. Trudel: J'ai pris connaissance de votre liste de modifications législatives dont la Commission souhaiterait qu'elle soit adoptée. Pourriez-vous en faire l'énumération rapide?

M. Saville (Kevin): Je souhaiterais juste cerner, M. le député, un changement qui est, pour la Commission, très important. De la façon que nous voulons que la Commission procède, les prises de position et les orientations de la Commission, donc l'assemblée plénière, doivent être applicables rapidement dans les bureaux régionaux. Par exemple, la Commission a pris position dernièrement sur l'isolement dans les chambres sécuritaires dans les centres de réadaptation. La Commission a pris une position claire sur l'article 10 concernant l'application des mesures disciplinaires. Étant donné l'état actuel du droit, les professionnels sont obligés de se référer au président ou à la vice-présidente pour avoir un mandat d'agir. C'est quand même une amélioration, je peux vous dire, parce que cette prise de position permet aux professionnels... Mais la Commission est très consciente aussi que, si on pouvait avoir un vrai pouvoir de délégation, minimalement étudier la possibilité d'avoir un vrai pouvoir de délégation entre l'assemblée plénière des membres, la présidence, la vice-présidence et les professionnels, ça pourrait nous permettre d'agir davantage en s'assurant que les prises de position de la Commission sont claires, précises, diffusées. Et, par la suite, on demande aux professionnels de voir à leur application. Ça pourrait, je dirais, alléger d'une façon considérable le travail que nous avons à faire sur le terrain à la Commission.

M. Trudel: Si vous pouviez déléguer votre pouvoir de décision d'enquête ou pas?

M. Saville (Kevin): Non, pas sur l'enquête. Mais sur la possibilité de dire que quand la Commission prend position sur une question... Par exemple, elle décide clairement que les communications confidentielles d'un enfant, tel que reconnu à la loi, ça veut dire x, y, z, pour ça, mais, à ce moment-là, d'autoriser nos intervenants de terrain à voir à leur application. Donc, un enfant qui appelle à la Commission et qui dit: Mon droit à de l'information, à la communication confidentielle n'est pas respecté. Et ça dépend du niveau parce qu'il faut quand même avoir un contrôle. Mais, une question comme ça est simple. La prise de position de la Commission, elle est claire. Ça nous permettra d'intervenir rapidement et non pas toujours avoir à utiliser une mécanique qui est quand même, des fois, très lourde. En tout cas, on étudie cette question avec d'autres changements législatifs. On attend le rapport de M. Jasmin, comme vous le savez, qui doit, comme vous dites, faire des observations supplémentaires sur la Commission. Nous ne jugeons pas opportun de les faire maintenant parce qu'on croit que ce serait irrespectueux du travail de ce groupe de travail. Ils ont quand même à se prononcer sur la Commission. Mais, suite à ça, nous voulons entamer des discussions avec le ministère de la Justice et, par la suite, avec d'autres instances afin de regarder certains changements législatifs qui pourraient alléger, d'une certaine façon, le fonctionnement de la Commission et nous permettre de travailler davantage.

Le Président (M. Parent): M. le président, ceci met fin à nos travaux. Mme Giroux, M. Saville, Mme Fournier, M. Godbout, tous les membres de cette commission, mesdames et messieurs et tous ceux et celles qui ont participé de près ou de loin à cet exercice, je vous dis merci et la commission des institutions... Pardon?

M. Trudel: M. le Président, je voudrais, à mon tour, au nom de l'Opposition, d'abord vous remercier pour votre travail à la présidence et pour votre collaboration constante au cours de la préparation et du déroulement des travaux aujourd'hui, remercier les gens de la commission. Je suis sévère parce que vous avez un travail difficile à faire. Il faut être sévère avec les gens qui ont un travail très difficile à réaliser et qui n'est pas facile, j'en conviens, parce que vous êtes souvent dans des situations complexes et entre deux. Et je n'arrêterai pas d'être sévère, je vous en passe un papier là-dessus. La même chose pour ceux qui ont à intervenir auprès des enfants, quant à moi.

(18 heures)

Mais je m'en voudrais de ne pas terminer les travaux d'aujourd'hui sans souligner à nouveau ce que vous avez fait comme ouverture, ce matin, le travail d'une personne qui a fait beaucoup d'interventions et qui a fait beaucoup pour la cause des enfants au Québec, Mme Camille Lussier, qui a été agente de recherche chez vous et qui a été avec nous encore toute la journée et dont on connaît tout le travail. En assurant aussi tous les membres de votre Commission que nous allons toujours être prêts à collaborer pour l'amélioration, l'efficacité au nom du droit des enfants, et des actions difficiles, parfois, qu'il faut poser pour que ces mesures de protection ou que les droits des enfants soient respectés, au Québec. Quant à nous, bien, moi, j'aurai un certain nombre de recommandations en séance de travail que, je l'espère, nous aurons l'occasion de discuter bientôt. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent): Merci, M. le député. Sur ce, la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 1)