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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le mercredi 14 décembre 1994 - Vol. 34 N° 4

Étude détaillée du projet de loi n° 41 - Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales


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Table des matières

Code de procédure civile


Intervenants
M. Sylvain Simard, président
M. Paul Bégin
M. Russell Copeman
M. Christos Sirros
M. Thomas J. Mulcair
M. Lawrence Bergman
M. Henri-François Gautrin
M. Guy Lelièvre
M. Normand Jutras
Mme Céline Signori
M. André Boulerice
M. Robert Perreault
M. Camille Laurin
Mme Margaret F. Delisle

Journal des débats


(Onze heures trente minutes)

Le Président (M. Simard): La séance est ouverte. Je rappelle le mandat de la commission, qui est de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi 41, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales.

M. le secrétaire, pouvez-vous annoncer les remplacements, s'il vous plaît.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Ciaccia (Mont-Royal) est remplacé par M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce); M. Fournier (Châteauguay), par M. Gautrin (Verdun); M. Lefebvre (Frontenac), par M. Bergman (D'Arcy-McGee).

Le Président (M. Simard): Ce sont les remplacements annoncés, mais qui ne se sont pas nécessairement matérialisés. Bienvenue, M. Bergman, dans nos travaux; ça nous fait plaisir de vous avoir avec nous, M. Bergman, député de D'Arcy-McGee.


Code de procédure civile


Moyens de se pourvoir contre les jugements


De l'appel (suite)

Alors, nous en étions à l'étude du paragraphe 505.1 de l'article 7 de la loi 41, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales. Un certain nombre de membres de la commission avaient exercé, en tout ou partiellement, leur droit de parole. Je pense, entre autres – quand je parle de partiellement – notamment, aux minutes qui restent à quelques-uns d'entre vous et qui sont très limitées. Mais d'autres n'ont pas exercé encore leur droit de parole. Donc, j'écouterai, à partir de maintenant, les intervenants sur 505.1. M. Copeman, député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Si ma lecture et du projet de loi et du Code de procédure civile actuel est exacte, dans un premier temps, je pose une question au ministre. L'article 7 du projet de loi, qui touche l'article 505.1: Est-ce que 505.1 remplace l'article 503.3 du Code de procédure civile actuel?

M. Bégin: Non, M. le Président.

M. Copeman: O.K. Alors, ce n'est pas du tout les mêmes dispositions. Parce qu'il me semblait, M. le Président, que...

M. Bégin: M. le Président, 503.3 a été remplacé par l'article 5, qui remplaçait les articles 503.1, 503.2 et 503.3 par un nouvel article 503.1. Ce n'est pas l'article 7 qui le fait.

M. Copeman: O.K. En fin de compte, pour ne pas tomber trop dans les techniques – parce que je ne veux pas me trouver dans une bataille technique avec le ministre de la Justice, qui a beaucoup plus d'expérience que moi dans le Code de procédure civile – ce que je cherche, M. le Président, à savoir... Parce que je pense que mon collègue, hier, le député de Verdun, a soulevé qu'il y a, dans le Code de procédure civile actuel, la possibilité d'une entente entre les deux parties pour prolonger les délais, en dehors des délais prévus par le Code. Et je cherche dans le Code de procédure civile ce mécanisme, qui est là présentement, actuellement, pour que deux parties puissent s'entendre et prolonger les délais. Alors, si le ministre peut me référer.

M. Bégin: L'article 503.3, l'ancien, que vous trouvez en marge de l'article 5, dans le document que je vous ai remis.

M. Copeman: L'article 503?

M. Bégin: L'article 503.3.

M. Copeman: Mais c'est exactement ça que j'ai demandé, M. le Président.

M. Bégin: Vous m'avez demandé si l'article 7 abrogeait ou remplaçait cet article-là. Je vous ai répondu: Non, c'est l'article 5 qui le fait.

M. Copeman: O.K. Mais l'article 505.1 qui est là, dans votre projet de loi...

Le Président (M. Simard): L'article 7.

M. Copeman: Oui, oui, tout à fait. Puis c'est ça...

Le Président (M. Simard): Je veux qu'on soit tous au même endroit.

M. Copeman: ...qu'on étudie présentement. Il est devenu nécessaire à cause de l'abrogation du 505.3.

M. Bégin: L'article 505.1 aurait pu être mis ailleurs et n'aurait rien changé quant à sa portée.

M. Copeman: Non, non.

M. Bégin: Il est placé là, mais il aurait pu être ailleurs.

M. Copeman: O.K. Mais ce que j'essaie de faire, M. le Président, c'est de comparer les procédures actuelles. C'est ça, mon but, monsieur. Ce n'est pas de tomber dans les pièges où on place des articles de loi.

M. Bégin: Non, non, mais écoutez. L'ancien texte prévoyait que, dans certains cas, des procureurs pouvaient, compte tenu des délais qui étaient existants, obtenir un consentement pour des délais différents.

M. Copeman: Oui.

M. Bégin: Cependant, anciennement jusqu'à aujourd'hui, ou jusqu'à demain, il n'y avait pas perte du droit au bout de 120 jours comme au bout de 90 jours. Et c'est pour ça que, ayant abrogé l'ancienne mécanique, il faut maintenant prévoir un concept global. Donc, cet article qui se retrouve à 505.1 aurait pu être placé après 503.1, je pense. Oui, il aurait pu être un 503.2.

M. Copeman: Je comprends parfaitement, M. le Président, et, encore une fois, je ne veux pas trop en discuter, où on l'a placé, parce que ce n'est pas mon intention. Mon intention était de comparer le mécanisme actuel jusqu'à aujourd'hui, ou demain, ou après-demain, avec les nouvelles propositions du ministre de la Justice.

Et, si j'ai bien lu la procédure actuelle, un délai peut être accordé par le greffe du tribunal. Est-ce que je me trompe? Parce que, si je lis l'article 503.3 actuel, on dit: «Malgré les articles 503.1 et 503.2, le greffier de la Cour d'appel ne peut délivrer un certificat attestant que l'appel est déserté, lorsque les parties ou leurs procureurs ont déposé au greffe du tribunal un consentement signé par eux et fixant un autre délai pour la production du mémoire.» Tandis que, ce qu'on lit dans... Non, je me trompe, le ministre me...

M. Bégin: Exact, vous vous trompez. Antérieurement, lorsqu'une partie voulait faire rejeter l'appel pour défaut de produire le mémoire en temps légal, elle présentait une requête à la Cour et un juge émettait une ordonnance à cet effet. Et on voyait, dans le deuxième alinéa de l'article 503.1, que vous trouvez en marge de l'article 5 du cahier que vous avez, on disait, à ce moment-là, qu'il «constate le défaut et délivre un certificat».

Dans le 503.3, on disait que le greffier ne pouvait pas attester que l'appel était déserté, lorsque les parties avaient déposé un consentement signé par elles et fixant un autre délai pour la production du mémoire. Donc, si on essaie de se mettre dans cette logique et de l'incorporer dans le nouveau texte de loi, on n'arrivera jamais à se comprendre.

M. Copeman: O.K.

M. Bégin: Il faut voir ça comme étant deux systèmes indépendants et différents l'un de l'autre.

M. Copeman: O.K. Alors, juste pour m'assurer que j'ai bien compris. Le 505.1, «Un juge de la Cour d'appel peut, sur requête...» – et, là, j'insiste sur les mots «un juge de la Cour» – est-ce que l'intervention d'un juge de la Cour d'appel était nécessaire pour prolonger le délai dans le Code de procédure civile actuel?

M. Bégin: On aurait pu prévoir une mécanique différente, mais la raison pour laquelle on demande l'autorisation d'un juge, c'est que c'est la Cour d'appel qui va être en mesure, par le biais d'un juge, de déterminer si, vraiment, les parties, malgré leur consentement, doivent ou ne doivent pas avoir une prolongation de délai. Donc, malgré le consentement des parties à se donner des délais plus longs, le juge peut dire: Non, je m'excuse, c'est beaucoup trop long, la justice requiert que vous alliez plus vite, et, en conséquence, on raccourcit, de telle manière et de telle manière, les délais. Alors, l'intervention du juge est très importante.

M. Copeman: Ça, je comprends, dans le sens de 505.1, qu'on insiste sur l'intervention du juge; ça, je le comprends. Ça, au moins, je suis capable de saisir ça. Mais, ce que j'ai demandé au ministre, c'est que, dans le Code de procédure civile actuel, est-ce que l'intervention du juge est nécessaire pour prolonger les délais fixés dans la loi?

M. Bégin: Tant et aussi longtemps qu'une requête n'était pas présentée à la Cour d'appel pour demander de faire rejeter l'appel vu le défaut de produire le mémoire dans le temps voulu, comme c'était l'avocat de la partie adverse qui finissait la procédure, les parties pouvaient convenir entre elles, sans autorisation de la Cour, d'autres délais. Mais, aujourd'hui, comme la mécanique est beaucoup plus péremptoire, il faut – sinon, la mécanique va jouer – qu'il y ait consentement entre les parties, mais aussi que la Cour adhère à cette chose-là. Donc, on était – je vous le répète – dans une mécanique avec un esprit différent. Alors, c'est pour ça qu'on ne peut pas se référer de l'un à l'autre.

M. Copeman: Mais, vu qu'on est dans un esprit différent, une mécanique différente, effectivement, c'est un nouvel élément que le ministre ajoute: la nécessité d'avoir un juge de la Cour d'appel pour statuer sur la pertinence ou l'opportunité de prolonger un délai.

M. Bégin: C'est ça. Les parties ne pourront pas convenir librement de prolonger indéfiniment les délais; elles devront obtenir l'autorisation de la Cour. Et, si elles ne l'ont pas, la mécanique va jouer péremptoirement et, en conséquence, les parties vont perdre leur droit.

M. Copeman: Cette nouvelle mécanique, M. le Président, est-ce que le ministre peut m'assurer qu'elle n'est pas trop lourde dans son fonctionnement? Là, je fais référence un peu aux paroles – je pense, hier, M. le Président – du ministre, qui disait, en réponse à une question d'un de mes collègues, que le fait que deux parties soient rendues à la Cour d'appel indique déjà qu'elles sont de parti pris dans leur cause. Et, à moins que je ne me trompe, il me semble que le ministre a dit, hier, que c'est très rare que deux parties vont arriver à obtenir leur consentement à une cause devant la Cour d'appel.

Ce que j'essaie de savoir, là, c'est: Est-ce que le ministre peut m'assurer que le nouveau mécanisme qui ajoute l'élément de l'approbation d'un juge de la Cour d'appel n'est pas lourd, comparativement aux solutions envisagées ailleurs dans le Code?

(11 h 40)

M. Bégin: Ce que j'ai dit hier, c'est que, normalement, comme notre système est un système où il y a contestation, les parties, à moins d'avoir de très bonnes raisons de s'entendre, ne conviendront pas de prolonger les délais. Cependant, inversement, dans des cas – et je faisais référence au cas de la MIUF, où le jugement, entre autres, a au-delà de 1 000 pages et où on a eu un procès pendant un an – il est facile de concevoir que, au-delà de toutes les divergences que les parties peuvent avoir, l'une et l'autre des deux parties vont certainement être consentantes pour présenter une requête à un juge de la Cour pour dire: Voici, M. le juge, la situation. Est-ce que vous croyez qu'on a raison de s'entendre pour des délais différents? Et je suis persuadé que, dans un tel cas, la Cour, ou un juge de la Cour, quel qu'il soit, va dire oui.

M. Copeman: M. le Président, on gravite un peu autour de ma question, qui était: Est-ce que le ministre peut m'assurer que sa procédure, prévue dans 505.1, qui est l'ajout d'un nouvel élément d'une décision d'un juge de la Cour d'appel, n'est pas trop lourde, face à l'ampleur prétendue du problème des délais devant la Cour?

M. Bégin: Je crois exactement l'inverse.

M. Copeman: Très bien. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. La parole est maintenant demandée par M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Il me semble que, dans l'article 7, on retrouve le même genre de difficulté qui avait été soulevée dans l'article 5, quant aux possibilités que pourrait avoir un... Je disais que, à l'article 7...

Le Président (M. Simard): Je voulais vous rappeler, M. le député de Laurier-Dorion, que nous sommes à 505.1 et que nous ne discutons pas de l'ensemble de l'article 1. Je suis certain que vous vous limiterez à cela.

M. Sirros: Tout à fait. Mais je pense que, à l'article qu'on discute, on retrouve le même genre de problématique qui est soulevée et qu'on a déjà rencontrée au préalable, je pense, à l'article 5, c'est-à-dire, on rend les situations plus sévères, et ça pourrait causer, donc, des possibilités à des justiciables... C'est ça, toute la question de la soupape.

Alors, est-ce que je pourrais, pour mon bénéfice à moi, demander au ministre de voir s'il n'y a pas autre chose que ce qui a déjà été prévu, c'est-à-dire, encore une fois, si jamais... La soupape qui existe, c'est que le justiciable pourrait éventuellement avoir recours à des procédures contre son avocat. C'est ça?

M. Bégin: Non, la soupape est pour permettre que la justice puisse s'exercer dans un contexte raisonnable, c'est-à-dire que les auxiliaires, les avocats puissent avoir le temps suffisant pour bien préparer et bien représenter leurs clients respectifs. Quant au reste, on n'est pas dans le cadre de savoir s'ils perdront leur droit. Parce que, par hypothèse, cette situation vise à éviter, justement, que des personnes perdent leur droit.

M. Sirros: D'accord.

Le Président (M. Simard): M. le député de Chomedey, à qui il reste 2 min 30 s. Je vous ai coupé dans votre élan, M. le député.

M. Mulcair: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice, en regard du texte qui est devant nous, le 505.1. Hier, M. le Président, le ministre de la Justice nous invitait à nous assurer d'avoir bien saisi les différentes nuances du document de la Cour d'appel du Québec, de mars 1994, dont il a fait tenir copie aux membres de cette commission, et, encore une fois, je le remercie.

Maintenant, ma question est la suivante. Aux pages 25 et suivantes du document en question, on voit que les juges de la Cour d'appel ont fait un travail assidu pour nous présenter des données concrètes sur lesquelles pouvaient se fonder leurs interventions. Il mentionne, par exemple, que les juges de la Cour d'appel disposent annuellement de quelque 1 200 arrêts dans les causes au fond et qu'ils sont saisis de 7 000 requêtes, faisant en sorte que chaque juge participe, en moyenne, par année, à 175 arrêts dans les causes au fond en plus d'être saisi de 500 dossiers de requêtes.

Est-ce que le ministre pourrait renseigner les membres de cette commission sur les effets concrets, prévisibles, mesurés, suite aux analyses et études internes qui auraient peut-être pu être commandées dans son ministère sur les chiffres de 175 arrêts dans les causes au fond et de 500 dossiers de requêtes?

M. Bégin: M. le Président, le nombre de causes qui pourront faire l'objet d'une requête, en vertu de l'article 505.1, dépendra des causes qui arriveront et des situations qui se présenteront. On peut faire de la futurologie, mais on sait que ça sera relativement limité dans le temps. Et, dès que la Cour d'appel aura été saisie de deux ou trois requêtes, que je qualifierais de farfelues pour les fins de la discussion, et que le juge aura refusé péremptoirement d'accorder la requête, les avocats comprendront qu'il ne sert à rien de se présenter devant la Cour pour obtenir de tels délais.

Le Président (M. Simard): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui, merci, M. le Président. Alors, je comprends, encore une fois, que nous sommes face à une absence de mesures, d'études objectives vérifiables, externes, nous permettant de saisir l'impact possible de cette disposition. Je trouve que les juges de la Cour d'appel ont, effectivement, mis énormément de temps et de travail à nous fournir des recommandations, et c'est dommage qu'on ne puisse pas leur répondre d'une manière plus adéquate.

Mon autre question est pour le ministre de la Justice, et ça concerne également le document émanant des juges de la Cour d'appel. Est-ce que le ministre de la Justice peut nous dire si la suggestion, faite à la page 74, sur la mise en place d'un programme de règlement va être suivie et, si oui, quand?

M. Bégin: Le bruit m'a empêché d'entendre la fin de votre question, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui...

Le Président (M. Simard): J'accorderai la répétition sans compter son temps parce qu'il lui en reste très peu.

M. Bégin: Oui, oui, d'accord. Non, ce n'est pas une tactique, c'est une question que je n'ai pas entendue.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. La question était la suivante, M. le ministre de la Justice. À la page 74 du même document, les juges de la Cour d'appel nous expliquent qu'il a souvent été question de la mise en place d'un programme de règlement, mais que jamais on ne leur donnait les effectifs ou les ressources nécessaires. Ma question était de savoir si vous avez conçu la mise en place d'un tel système dans vos travaux de concertation et, si oui, quand vous prévoyez le mettre en place ou, du moins, fournir les ressources nécessaires pour sa mise en place.

M. Bégin: M. le Président, il y a eu d'abord une première démarche qui a été faite – qui est en cours, d'ailleurs – de vérifier l'état des dossiers et de communiquer avec les procureurs pour savoir quelle en est la nature et s'il n'y a pas moyen de faire entendre ces causes-là simultanément. Donc, il y a un travail qui se fait actuellement et qui va porter des fruits.

Et, d'autre part, sur la mécanique des règlements des conflits autrement que par adjudication devant la Cour, nous discuterons des volets qui ne sont pas traités dans le projet de loi actuel au comité tripartite, pour voir s'il y a lieu de donner suite, dans un avenir rapproché, à ces suggestions de la Cour.

M. Mulcair: Il me reste peut-être le temps pour une dernière petite question?

Le Président (M. Simard): Non, il ne vous reste pas de temps. Il ne vous reste aucun temps, je m'excuse.

M. Mulcair: Ah! bien, on attendra pour le prochain article, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Je suis sûr que vous reprendrez très bientôt. Alors, est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci beaucoup. En lisant l'article au premier alinéa – le mot «peut» – je me demande si c'était l'intention de la Législature d'employer le mot «peut» ou le mot «doit». Est-ce que c'est une obligation d'accorder ce délai ou est-ce que ce n'est pas une obligation? Est-ce qu'on emploie le mot «peut» ou «doit»?

M. Bégin: Évidemment, pas question de mettre le mot «doit» là. Il peut le faire s'il veut obtenir son délai. Mais on ne peut pas mettre le verbe «doit».

M. Bergman: Non, mais la question que je vous pose, M. le ministre... Vous avez, ici, dans le texte: «Un juge de la Cour d'appel peut...» Alors, le mot «peut» donne une latitude qu'il ne doit pas le donner; si on prend le mot «doit», alors, c'est obligation pour le juge d'accorder le délai. Est-ce que c'est votre opinion que le juge doit le donner ou que le juge peut le donner?

M. Bégin: Non, le juge peut le donner. Et, comme j'ai mentionné dans une réponse antérieure, je considère que les juges de la Cour d'appel ont la capacité, le jugement pour rendre des jugements qui tiennent compte de tous les événements, et, dans certains cas, d'accorder la requête, dans d'autres cas, de la refuser...

M. Bergman: Mais, il me semble que si...

M. Bégin: ...dans d'autres cas, de modifier la demande.

Le Président (M. Simard): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Excusez. Il me semble que, si on se donne le trouble de s'inspirer de cet article, on doit donner l'obligation au juge d'accorder le délai et le mot «doit» doit apparaître au lieu du mot «peut».

M. Bégin: L'idée n'est pas de dire que la Cour doit l'accorder. Le juge doit exercer son jugement et sa discrétion pour rendre la décision. Et c'est justement ce que nous voulons, parce que nous croyons que les juges de la Cour d'appel sont capables de discerner les cas où ils doivent l'accorder et les cas où ils ne doivent pas l'accorder.

M. Bergman: Alors, si on va avec le mot «peut», est-ce qu'on peut faire un peu allusion si c'est à son avis personnel, ou si c'est en vertu du contexte, le cas en question, ou si c'est en vertu des règles de procédure, ou si c'est en vertu de la jurisprudence que le juge peut décider? Quels sont vos points de référence que le juge doit suivre, dans ce cas?

(11 h 50)

M. Bégin: Le juge doit exercer sa discrétion et considérer l'intérêt de la justice, l'intérêt des justiciables, les délais devant la Cour d'appel. En somme, c'est la discrétion judiciaire par sa nature même.

M. Bergman: Si je continue dans l'article sur le même alinéa, «sur requête produite avant l'expiration du délai», la requête produite par qui? Est-ce qu'on ne doit pas indiquer par qui la requête doit être produite?

M. Bégin: «Sur requête produite [...] avec le consentement de l'appelant et de l'intimé». Alors, c'est par l'un ou l'autre, ou l'un et l'autre, mais certainement pas par la Cour.

M. Bergman: Mais est-ce que ça ne doit pas être inscrit dans l'article, quelle personne doit produire la requête?

M. Bégin: Les deux seules personnes...

M. Bergman: Il me semble qu'il y a...

M. Bégin: ...indiquées sont l'appelant et l'intimé; elles doivent consentir. Alors, il est évident qu'il devra y avoir concertation et présentation commune de la requête.

M. Bergman: Alors, si on continue dans l'article, vous avez la phrase: «avec le consentement de l'appelant et de l'intimé». En Cour, avant, quand je vous ai demandé si le juge avait la latitude, vous avez dit que c'est...

M. Bégin: Avait?

M. Bergman: Je vous ai demandé si le juge a la latitude pour donner...

M. Bégin: Oui.

M. Bergman: ...le délai, et j'ai demandé si on laisse le mot «peut». Vous avez dit que c'est la latitude du juge pour donner son jugement. Mais, dans le troisième alinéa, vous avez: «avec le consentement de l'appelant et de l'intimé». Alors, en fait, les deux parties peuvent retirer l'avis du juge, si vous demandez le consentement des deux parties. Alors, je pense que vous avez, dans cet article, une contradiction entre les pouvoirs du juge et les pouvoirs des parties dans la cause.

M. Bégin: La prémisse, c'est qu'il y a eu, d'abord, consentement des deux parties. S'il n'y a pas de consentement, il ne peut pas y avoir de requête, donc nous ne sommes pas dans l'hypothèse prévue par cet article. Inversement, si les parties ont convenu d'une chose de consentement, elles peuvent présenter une requête, et, à ce moment-là, le juge a compétence pour donner suite ou pas – et de la manière qu'il le juge à propos – à la requête des parties.

M. Bergman: Mais est-ce que ce n'est pas contre le... Si c'est dans l'intérêt d'une des parties d'avoir le délai, c'est certain que ce n'est pas dans l'intérêt de l'autre partie. Alors, pourquoi est-ce qu'on a le mot «et»? Est-ce que ça ne doit pas être avec le consentement de l'appelant «ou» de l'intimé?

M. Bégin: J'ai déjà répondu à cette question tout à l'heure, à une question qui a été posée par votre collègue.

M. Bergman: Est-ce que je peux savoir la réponse?

Le Président (M. Simard): Le problème qui se pose ici – tout le monde en est bien conscient, M. le député de D'Arcy-McGee – c'est que les remplacements à cette commission font en sorte que les questions qui ont été posées, parfois une ou deux fois, maintenant sont reposées et que le ministre décide, à un moment, de ne plus donner, pour la troisième fois, une réponse à la même question. Vous l'en excuserez.

M. Bergman: Je comprends. Je comprends. Je viens à la fin de l'article; vous avez les mots «un autre délai». «Autre délai», ça veut dire quel type de délai, M. le ministre?

M. Bégin: Un autre délai que celui qui est prévu par la loi: 120 jours et 90 jours.

M. Bergman: Alors, il a le choix des deux délais?

M. Bégin: Non, il a le choix de donner d'autres délais, pour chacune des parties, que ceux qui sont mentionnés. Pour l'appelant, il peut donner un délai autre que 120 jours; pour l'intimé, un délai autre que 90 jours.

M. Bergman: Et est-ce que l'article limite qu'on peut demander le délai une deuxième fois?

M. Bégin: Non.

M. Bergman: Mais est-ce que c'est prévu dans l'article ou est-ce qu'on doit le prévoir?

M. Bégin: Non, mais je réfère à nouveau à une réponse que j'ai donnée hier: l'article 9 et l'article 523, deuxième alinéa.

M. Bergman: Merci.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député de Laurier-Dorion faisait quelques signes.

M. Sirros: Je veux reprendre un des éléments qui ont été soulevés par le député de D'Arcy-McGee concernant le pouvoir discrétionnaire des juges. On convient tous que les juges sont là pour juger, mais ça ne serait pas la première fois que le législateur pourrait donner quelques indications quant aux motifs sur lesquels le juge pourrait baser sa décision. Est-ce qu'on a examiné la possibilité d'indiquer un genre de «notamment», par exemple, qui permettrait d'identifier dans quel genre de circonstances le juge peut... Il n'est quand même pas le bon Dieu, comme a dit un de nos collègues en Chambre. Donc, tout en convenant que les juges sont effectivement là pour juger, est-ce que cette possibilité-là a été examinée, au niveau de l'utilisation du «notamment»?

M. Bégin: Les mots utilisés au premier alinéa de l'article 505, avant-dernière ligne – «qui, à moins de circonstances exceptionnelles inhérentes à la nature de la cause» – on voit bien le cadre dans lequel cette autorisation, qui est celle de 30 jours, mais qui est également celle d'un autre délai, est. Autrement dit, c'est qu'on doit être dans une situation telle qu'il apparaît évident à la Cour que d'autres délais doivent être accordés. Au-delà de ça, je pense qu'on doit laisser à ceux qui sont chargés, à celles qui sont chargées de l'administration de la justice – au premier chef, les juges de la Cour d'appel – l'appréciation des délais qui doivent être accordés.

M. Sirros: Ce que je comprends, en lisant l'article, c'est que les circonstances exceptionnelles inhérentes à la nature de la cause permettraient au juge d'extensionner au-delà des 30 jours le délai qu'il pourrait accorder.

M. Bégin: Pas dans le cadre du premier alinéa de l'article 505. Cependant, avec le consentement des parties, en vertu de 505.1, encore dans le même contexte, on pourrait le faire, pour un délai plus long que 30 jours.

Il faut comprendre que, dans le premier alinéa de 505, c'est une des parties qui peut demander, pour elle-même, une prolongation, mais elle ne peut pas excéder 30 jours. Dans le cas de 505.1, c'est les deux parties qui disent, de consentement: Nous n'aurons ni un ni l'autre des délais suffisants; donnez-nous l'autorisation.

M. Sirros: Ce qui n'arrivera pratiquement jamais.

M. Bégin: Ah! très fréquemment. Je vous donne un cas très évident, encore une fois: la MIUF. C'est un cas parfait, très clair où, justement, la Cour va très bien voir que ce n'est pas suffisant. Mais, si vous arrivez pour dire que vous allez demander à votre confrère – parce que vous n'avez pas eu le temps de faire votre mémoire en temps voulu – de prolonger, il va vous dire non. Et, à supposer qu'il vous dise oui, quand ils vont arriver, de consentement, devant le juge, le juge va dire: Messieurs, je m'excuse, je ne collabore pas à ce genre d'exercice et je rejette la requête.

M. Sirros: D'accord.

Le Président (M. Simard): Une minute ou deux.

M. Bégin: Le temps de nous dire bonjour!

Le Président (M. Simard): Est-ce que d'autres intervenants veulent se faire entendre? Alors, ça nous aurait beaucoup manqué, M. Gautrin. Nous vous écoutons.

M. Bégin: Il ne sait pas résister.

Le Président (M. Simard): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Non, non. Je pense que j'ai clairement exprimé mon point de vue, hier. Mais, est-ce que le ministre... Je m'excuse d'être en retard, un peu, aux travaux de cette commission. Entre le pluriel, entre «factums» et «facta», la nuit vous a-t-elle porté conseil?

M. Bégin: Ayant terminé à minuit et n'ayant commencé à travailler que ce matin, je n'ai pas la réponse. Peut-être qu'on l'a derrière moi, mais je ne l'ai pas, moi.

M. Gautrin: Ah, peut-être, d'aucuns, oui! La réponse, ça nous intéresse énormément. Ha, ha, ha! Avant de pouvoir...

M. Bégin: Vous voyez l'efficacité de ce ministère, maintenant que nous sommes là.

Le Président (M. Simard): Mme la députée de La Pinière vous a reproché de ne pas avoir travaillé davantage. M. le député de Verdun, nous vous écoutons.

M. Gautrin: Mais, M. le Président, avant de pouvoir intervenir, j'attendais justement la réponse du ministre. Ma question est extrêmement importante.

M. Bégin: Alors, la réponse est à l'effet que les deux sont bons. Si on applique les règles latines, «facta»; si on applique les règles qui ont été suivies jusqu'à présent et que l'on retrouve actuellement dans le Code de procédure civile, «factums», u-m-s, est également bon.

M. Gautrin: Mais vous avez, je...

M. Bégin: À l'article 507, qui est déjà dans le Code, on le retrouve au... Non, mais je voulais avoir une réponse complète, là.

M. Gautrin: Non, non, mais est-ce que vous me permettez...

M. Bégin: On le retrouve à l'article 507.

M. Gautrin: M. le Président, je...

Le Président (M. Simard): Voulez-vous attendre que la réponse soit complète, M. le député de Verdun?

M. Bégin: «Les mémoires doivent être préparés en la manière prévue par les règles de pratique.» «The factums», c'est u-m-s.

M. Gautrin: Alors, M. le Président, je crois... Si vous me permettez... Non, non, vous faites référence, actuellement... C'est la version... Ce que vous venez de lire, actuellement, avec «factums», u-m-s, ça, je savais que, en français, on pouvait l'utiliser.

M. Bégin: En anglais, c'est le texte anglais.

M. Gautrin: Ah! C'est le texte anglais?

M. Bégin: Oui, oui.

M. Gautrin: Alors, vous venez de me le citer en français.

M. Bégin: Je l'ai lu: «the factums».

Une voix: C'est français.

M. Bégin: Là, je l'ai peut-être prononcé à la française, mais...

Le Président (M. Simard): «The factums».

M. Bégin: C'est comme audi alteram partem, quand il est lu par un anglophone...

M. Gautrin: Non, non, je m'excuse...

M. Bégin: ...et par un francophone, il n'a pas le même accent.

M. Gautrin: ...vous venez de lire la copie anglaise du texte. C'est...

Le Président (M. Simard): À l'ordre! Je m'excuse, là, le ministre lisait la copie anglaise du texte, en réponse à votre question. Il vient de confirmer que c'est la copie anglaise du texte. Votre prochaine question, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Bien, M. le Président, c'est parce que j'avais mal entendu. J'avais cru qu'il s'exprimait en français, à ce moment-là.

M. Bégin: Je parle mal l'anglais.

M. Gautrin: Non, non, mais... O.K. Non, non, c'est...

M. Bégin: Surtout quand c'est un mot latin.

M. Gautrin: Non, non, mais ce n'est pas seulement le mot, c'était la phrase sur laquelle je voulais voir, et c'est l'article 407...

Le Président (M. Simard): Si vous voulez bien arrêter ces dialogues, s'il vous plaît. D'autres interventions?

M. Gautrin: Écoutez, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Est-ce que l'article... Pardon? Vous voulez prendre la parole?

M. Gautrin: Vous suggérez d'autres interventions, je crois que j'avais la parole.

(12 heures)

Le Président (M. Simard): Je vais vérifier le temps qu'il vous reste, parce que, là, ici, je voudrais vérifier avec le secrétaire. Vous avez remplacé, hier, M. Ciaccia. Aujourd'hui, vous remplacez M. Fournier, donc vous héritez de ce qui restait du temps de parole de M. Fournier. Avant votre dernière intervention, il lui restait 17 min 35 s, c'est donc dire que vous avez devant vous 14 minutes pour éclairer cette assemblée.

M. Bégin: Heureusement.

M. Gautrin: Merci. Mais je ne les prendrai pas, M. le Président, parce que – comme vous savez à quel point nous voulons ici être efficaces...

Le Président (M. Simard): Expéditifs, presque.

M. Gautrin: ...et expéditifs – je pense qu'on a fait le tour de la question. Je voudrais simplement poser la dernière. Je n'ai pas noté l'article du Code de procédure en anglais, 507 en anglais, troisième alinéa. Est-ce que vous me permettez une petite vérification?

Une voix: ...

M. Gautrin: En effet. Alors, je vois l'intérêt de cela, M. le Président, et je vois qu'on peut être prêts à voter.

M. Mulcair: Exactement.

M. Bégin: M. le Président, ils se déclarent prêts à voter.

Le Président (M. Simard): Alors, est-ce que l'article 505...

M. Gautrin: Une fois qu'on dit ça, prenez-le.

Le Président (M. Simard): Je suis tellement étonné.

M. Gautrin: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): Est-ce que l'article 505.1 est adopté?

Une voix: Non, sur division.

M. Bégin: Adopté.

Des voix: Sur division.

M. Gautrin: Sur division.

Le Président (M. Simard): Sur division. Et maintenant, nous sommes prêts à voter sur l'ensemble de l'article 7, déjà. Je n'ose y croire!

M. Mulcair: Nous sommes prêts également. Mais j'ai, pour la présidence, une petite question. Ayant scindé le vote en deux comme ça, comme vous vous souviendrez, hier, on s'est rangés du côté des arguments et des explications du ministre de la Justice, surtout qu'il a vu la lumière, et il a accepté au moins une de nos modifications, et ça, c'était pour le 505. Mais on a voté pour. Là, le 505.1, pour les raisons qu'on vient de donner en détail, on est contre. Mais, là, qu'est-ce qu'on va faire avec le vote sur l'article 7?

Le Président (M. Simard): M. le député de Chomedey...

M. Mulcair: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Simard): ...je rappelle ma décision antérieure sur l'attribution des temps de parole et qui vaudra pour les votes, débat sur l'article dans son ensemble, débat sur l'article 500, débat sur l'article 505.1 et vote article par article, vote sur l'ensemble. Nous en sommes au vote sur l'ensemble.

M. Mulcair: D'accord.

Le Président (M. Simard): Ce n'est pas discutable. Est-ce que l'article 7 dans son ensemble est adopté?

M. Bégin: Adopté.

M. Mulcair: Vote nominal, s'il vous plaît. On est contre.

Le Président (M. Simard): Vous êtes contre.

Le Secrétaire: M. Bégin...

Le Président (M. Simard): Vous êtes divisés.

Le Secrétaire: ...pour ou contre l'article 7?

M. Bégin: M. le Président... Pardon?

Le Secrétaire: Pour ou contre l'article 7?

M. Bégin: Ah! c'est un vote? Pour.

Le Secrétaire: M. Lelièvre?

M. Lelièvre: Pour.

Le Secrétaire: M. Jutras?

M. Jutras: Pour.

Le Secrétaire: Mme Signori?

Une voix: Pour.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Signori: Il me semblait qu'on avait voté, non?

Le Secrétaire: M. Boulerice?

M. Boulerice: Fatima nous l'a dit: Pauvre Canada! Oui.

Le Secrétaire: M. Perreault?

M. Perreault: Pour.

Le Secrétaire: M. Laurin?

M. Laurin: Pour.

Le Secrétaire: M. Simard?

Le Président (M. Simard): Pour.

Le Secrétaire: M. Gautrin?

M. Gautrin: Contre.

Le Secrétaire: M. Copeman?

M. Copeman: Contre.

Le Secrétaire: M. Mulcair?

M. Mulcair: Contre.

Le Secrétaire: M. Bergman?

M. Bergman: Contre.

Le Secrétaire: M. Sirros?

M. Sirros: Contre.

Le Secrétaire: Mme Delisle?

Mme Delisle: Contre.

Le Président (M. Simard): Avec enthousiasme.

Le Secrétaire: 8 pour, 6 contre.

Le Président (M. Simard): Alors, nous passons à l'article 8 du projet de loi 41.

Une voix: M. le Président, je pense qu'on peut signaler notre célérité.

Le Président (M. Simard): Oui, oui, c'est presque trop vite, là.

M. Bégin: M. le Président, ce Code est modifié par l'insertion, après l'article 522, du suivant:

«522.1 La Cour d'appel ou l'un de ses juges peut ordonner, aux conditions qu'il estime appropriées, de suspendre l'exécution d'un jugement de cette cour, sur demande d'une partie qui démontre son intention de présenter une demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême du Canada.»

M. le Président, aussi surprenant que la chose puisse paraître, et il n'y avait pas, dans le Code de procédure civile ni dans la Loi sur la Cour suprême du Canada, jusqu'à tout à fait récemment – et ce n'est pas encore adopté – de disposition qui permettait à un justiciable de savoir ce qui arriverait de l'exécution d'un jugement en appel, alors qu'il avait l'intention de présenter une demande d'autorisation d'en appeler de cette décision-là. Il y a et il y avait un vide juridique, et la modification vise à permettre que la Cour d'appel puisse, lorsqu'une partie démontre son intention réelle de présenter une demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême du Canada... Donc, là, si une personne fait une telle représentation, elle peut également demander de suspendre l'exécution du jugement de la Cour d'appel jusqu'à ce que, évidemment, soit l'autorisation de la Cour suprême ait été accordée ou qu'elle ait été refusée, et, si elle est accordée, évidemment, d'aller plus loin dans le temps jusqu'à ce que le jugement final soit rendu. Alors, voilà, il s'agit de faire en sorte qu'on ne se retrouve pas dans la situation suivante: un jugement est exécutoire, mais, d'autre part, une partie veut aller en appel sans que la formulation n'ait été réglée.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: M. le Président, l'article 522.1, qu'on ajoute, finalement, et qui fait référence à l'article 522, qui se lit comme suit: «Le jugement est mis à exécution, tant pour le principal que pour les dépens, par la cour de première instance, à laquelle le dossier doit être renvoyé, s'il n'y a appel à la Cour suprême du Canada.» «Par la cour de première instance, à laquelle le dossier doit être renvoyé», c'est donc la Cour d'appel, c'est ça, M. le ministre?

M. Bégin: Oui.

Mme Delisle: Oui. Bon. Si on lit le libellé de 522.1, qui dit que «la Cour d'appel ou l'un de ses juges peut ordonner, aux conditions qu'il estime appropriées, de suspendre l'exécution d'un jugement de cette cour, sur demande d'une partie qui démontre son intention de présenter une demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême du Canada», bon, je m'interroge sur le fait... Est-ce qu'on cause préjudice, finalement, à l'autre partie, à la partie en faveur de qui le jugement aurait été rendu par la cour de première instance? Et, si le juge peut accorder une suspension d'exécution de jugement – c'est nouveau dans la loi, ça, là – est-ce qu'on a pensé au préjudice qu'on pourrait peut-être causer à l'autre partie, qui ne demande pas d'être entendue devant la Cour suprême du Canada?

M. Bégin: M. le Président, quelques éléments à cet égard. Prenons, a priori, qu'il s'agit d'une requête visant à faire cesser un usage non conforme à un règlement de zonage, construction ou lotissement, entre autres, ordonnant, comme conclusion, la démolition d'un bâtiment. D'autre part, imaginons le scénario suivant. Ce jugement par la Cour d'appel a été rendu fin mai, début juin. La Cour suprême ne siégeant pas durant l'été et les délais ne comptant pas, mais, par contre, le temps passant, et l'appel n'étant pas autorisé par la Cour suprême – par hypothèse, puisqu'elle ne siège pas et qu'elle ne pourra siéger vraisemblablement qu'en septembre, octobre, et qu'elle pourra prendre, en plus, un délai pour rendre sa décision – il pourrait arriver que l'exécution du jugement se fasse avant que l'appel ne soit accordé et avant que l'article 522 ne puisse entrer en fonction, de telle sorte qu'on aurait une construction qui serait démolie, et peut-être que la Cour suprême pourrait dire: Nous accordons l'autorisation d'en appeler, de telle sorte qu'on se retrouverait avec une situation impossible.

Alors, c'est ce que vise l'article 522, comprenant que les derniers mots «s'il n'y a appel à la Cour suprême du Canada»... Or, l'appel n'est pas de plano, c'est un appel qui est autorisé par la Cour. Il n'existe pas tant et aussi longtemps qu'il n'est pas autorisé. Donc, par hypothèse, si la Cour suprême prenait cinq mois pour autoriser l'appel, il y aurait cinq mois pendant lesquels l'exécution du jugement à la Cour d'appel pourrait être faite et au préjudice des droits d'une personne qui, éventuellement, obtiendrait une autorisation en Cour suprême. Alors, voilà le motif qui justifie la présence de l'article 522.1.

Mme Delisle: O.K. Une autre question, M. le ministre. Est-ce que, dans la loi, il est prévu qu'un juge d'une autre instance puisse ordonner la non-exécution du jugement?

M. Bégin: On peut avoir deux mécaniques différentes. On peut avoir le jugement de la Cour supérieure, par exemple, qui dit que ce jugement ne sera pas exécutoire, malgré les dispositions du Code de procédure civile qui prévoient qu'il sera exécutoire nonobstant l'appel, pour des raisons qu'il jugerait à propos; comme il peut arriver qu'on demande à la Cour d'appel de suspendre l'exécution d'un jugement parce qu'on demande, par exemple, un sursis qui va équivaloir à la non-exécution malgré appel, compte tenu de l'appel dans ce cas-ci. Alors, on peut donner l'autorisation. Il s'agit que le législateur le fasse, qu'il la donne soit à la Cour supérieure, soit à la Cour d'appel. Mais il est évident que la Législature ne pourrait pas donner, je pense, cette compétence – et, là-dessus, je fais une réserve sur ce dernier volet que je devrais faire vérifier par les constitutionnalistes – à la Cour suprême, c'est plutôt le Parlement fédéral qui pourrait donner ce pouvoir à la Cour suprême.

(12 h 10)

Par contre, l'administration de la justice étant de juridiction provinciale, on peut penser qu'il serait possible. Mais il est certain que la Législature peut le donner à la Cour d'appel qui a rendu sa décision. Et on peut facilement concevoir qu'une partie qui aura un jugement qui lui sera défavorable et qui aura l'intention d'aller en Cour suprême se présentera rapidement devant la Cour d'appel, qui connaîtra déjà très bien le contexte et qui sera en mesure de dire: Oui, je devrais, compte tenu du sérieux des arguments soulevés, ne pas permettre l'exécution immédiate.

Mme Delisle: M. le Président, j'aurais une autre question pour clarifier ma pensée là-dessus. Se pourrait-il, M. le ministre – je ne connais évidemment pas la loi, je l'ai bien spécifié hier, donc c'est pour mon éclairage personnel dans le cadre de ces débats – qu'un juge de la Cour suprême du Canada puisse, avant même... Est-ce que la Cour suprême du Canada, avant même d'avoir pris sa décision d'entendre ou pas la cause – si on veut bien prendre l'exemple que vous avez pris tout à l'heure – pourrait, elle, prendre une décision quant à l'exécution du jugement?

M. Bégin: Actuellement, en vertu de la Loi sur la Cour suprême du Canada, depuis le 1er février 1992, lorsqu'un avis d'appel ou de requête pour autorisation d'en appeler a été déposé, un juge de la Cour suprême pourrait donner cette autorisation-là également.

Mme Delisle: Alors, comment peut-on concilier actuellement l'introduction de l'article 522.1, qui dit que «la Cour d'appel ou l'un de ses juges peut ordonner, aux conditions qu'il estime appropriées, de suspendre l'exécution d'un jugement de cette cour, sur demande d'une partie qui démontre son intention de présenter une demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême du Canada»... Comment peut-on concilier cet article de loi qui viendrait donner le pouvoir à un juge de la Cour d'appel de suspendre l'exécution d'un jugement, alors que cette même partie qui demande la suspension de l'exécution d'un jugement pourrait faire cette même demande, en vertu de l'explication que vous venez de me donner, à la Cour suprême du Canada, pour suspendre également... Ou la partie adverse pourrait faire ça.

M. Bégin: Je reprends l'exemple...

Mme Delisle: Je n'ai peut-être pas compris, là, mais...

M. Bégin: Je reprends l'exemple – et ce n'est pas une chose évidente en soi, là, j'en conviens – de tout à l'heure. Il pourrait arriver que la Cour suprême, qui ne siège pas durant l'été, ne puisse pas, par hypothèse, fonctionner, donc ne puisse pas faire jouer la mécanique qu'elle a prévue dans ses règles propres. D'autre part, le législateur québécois peut vouloir donner à la Cour d'appel ce pouvoir d'autorisation là – et je ne dis pas que c'est la seule considération – ne serait-ce qu'à cause de la proximité du forum, par opposition au forum de la Cour suprême du Canada, qui se trouve à Ottawa, alors que la Cour d'appel siège à Québec et à Montréal. Donc, on peut le faire.

D'autre part, on peut juger à propos de soumettre au juge qui a entendu la cause en Cour d'appel, ou à un des juges, ou à la cour qui l'a entendue, parce qu'elle vient de rendre une décision, la possibilité d'accorder une telle requête. Alors, c'est un choix qui favorise le justiciable, qui éviterait normalement des coûts au justiciable et qui éviterait de se retrouver dans un vide juridique à cause de la période où la Cour suprême ne siège pas, ce qui n'est pas le cas de la Cour d'appel du Québec.

Mme Delisle: M. le Président, à supposer qu'on prenne un autre exemple et que cette fois-ci, cet exemple-là, ça ne se retrouve pas en plein été, au moment où la Cour suprême ne siège pas. Prenons le même exemple de tout à l'heure, mais mettons-le en plein hiver. Si j'ai bien compris, actuellement, depuis 1992, la Cour suprême du Canada, un juge de la Cour suprême du Canada pourrait – c'est la réponse que vous m'avez donnée tout à l'heure – avant même que la Cour suprême ait statué sur la recevabilité ou pas de la cause devant la Cour suprême, décider de suspendre l'exécution du jugement. Ça, j'ai bien compris ça, là?

M. Bégin: C'est ça.

Mme Delisle: On est en plein hiver, là.

M. Bégin: C'est exact.

Mme Delisle: On introduit un article de loi qui vient dire qu'un juge de la Cour d'appel peut faire la même chose. D'accord? J'ai bien compris ça, là?

M. Bégin: Il y a un petit bout, là..

Mme Delisle: Le juge de la Cour d'appel peut suspendre, s'il y a demande d'une des parties de se présenter devant la Cour suprême, l'exécution d'un jugement.

M. Bégin: Dès que...

Mme Delisle: Est-ce que j'ai bien compris ça, là?

M. Bégin: Bien, ici, il y a des nuances à apporter, parce que ce n'est pas tout à fait exact.

Mme Delisle: O.K.

M. Bégin: Dès qu'une partie a déposé une requête pour permission d'en appeler en Cour suprême, la partie qui présente sa requête peut demander à un juge de la Cour suprême de suspendre. Premier volet. Cependant, dans la même hypothèse, une personne qui a l'intention de présenter sa requête...

Mme Delisle: ...peut le faire à la Cour d'appel...

M. Bégin: ...qui est extrêmement exigeante au niveau de la Cour suprême – pourrait présenter une requête à un juge de la Cour d'appel du Québec, en disant: J'ai l'intention de présenter une requête devant la Cour suprême du Canada pour permission d'en appeler du jugement que vous avez rendu; je vous demanderais, compte tenu de mon sérieux et de mon intention de le faire, de m'accorder le sursis de l'exécution du jugement. Et le juge de la Cour d'appel pourrait accorder ça. Alors, il n'y a pas incompatibilité. Il y a souplesse et augmentation des possibilités pour un requérant de choisir le forum qui lui conviendra le plus, compte tenu des circonstances de la cause, de temps, de lieu, etc., qui prévaudront dans son dossier. Alors, c'est une addition qui est faite, c'est un ajout. Il y a une plus grande souplesse pour le justiciable et un moindre coût, la plupart du temps, pour lui.

Mme Delisle: Je voudrais pousser mon raisonnement plus loin, toujours dans la perspective où on veut s'assurer que le justiciable est bien servi par le législateur. Une situation aussi loufoque que le justiciable fasse une demande aux deux cours et que l'une d'elles dise: Je suspends, et que l'autre dise: Je ne suspends pas. Est-ce que c'est possible qu'on se retrouve – pardonnez mon exemple ou mon hypothèse – avec une situation... ou bien est-ce que les pouvoirs sont bien délimités? Est-ce que je suis trop extrémiste dans mon exemple? Est-ce que je vais trop loin? Est-ce que j'exagère?

M. Bégin: Écoutez, on peut imaginer que quelqu'un fasse un scénario comme ça. Mais, si vous avez obtenu devant la Cour d'appel votre autorisation, vous n'irez pas faire une démarche additionnelle devant la Cour suprême, et vice versa, il me semble. À la limite, on pourrait imaginer un scénario où, vu qu'on attend trop longtemps la décision de la Cour d'appel, on va se permettre d'en faire une seconde. J'avoue honnêtement que, théoriquement, c'est possible, mais ceci m'apparaît très contraire au bon sens de la part d'un avocat et d'une partie qui aurait à payer des frais considérables pour obtenir ce que vous venez de mentionner. Mais, théoriquement, c'est une hypothèse qui peut se faire.

Mme Delisle: Est-ce que l'hypothèse suivante pourrait être possible: une des parties s'adresse à la Cour d'appel pour suspension du jugement et l'autre partie...

M. Bégin: Non.

Mme Delisle: ...signifie...

M. Bégin: Non.

Mme Delisle: Non?

M. Bégin: Non. Là, c'est incompatible. Quelqu'un qui a eu un jugement en sa faveur n'ira certainement pas demander à la Cour, ou d'appel ou suprême, de surseoir à l'exécution de son jugement. Là, son intérêt, lui, c'est d'avoir la possibilité de l'exécuter. C'est seulement celui qui a perdu qui va faire ça.

Mme Delisle: O.K. Ça va aller, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Merci, Mme la députée de Jean-Talon. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Oups! j'ai changé de place.

À plusieurs reprises...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Voilà! Et voilà!

Une voix: C'est le même gars, par exemple.

M. Copeman: Oui, oui. À plusieurs reprises, en demandant les motifs derrière les propositions d'amendements apportés par le ministre de la Justice dans son projet de loi, le ministre s'est fié sur l'étude de la Cour d'appel et les recommandations du Barreau du Québec. Ma question au ministre va dans le même sens: D'où émane cet amendement au Code de procédure civile? Pour être cohérent, pour moi, ça vient de la Cour d'appel, du même document que le ministre cite souvent. Est-ce que ça émane du document du Barreau du Québec? Parce que j'avoue, M. le Président, après que j'ai suivi un peu les conseils du ministre de la Justice hier, et j'ai fouillé tout partout dans le document de la Cour d'appel et dans les recommandations du Barreau du Québec pour essayer de comprendre et mieux saisir le texte et les recommandations... Alors, est-ce que cette recommandation, cet amendement au projet de loi émane du document de la Cour d'appel ou des recommandations du Barreau du Québec?

(12 h 20)

M. Bégin: Pardon, excusez-moi. Ceci n'émane pas d'une recommandation de la Cour d'appel, mais plutôt de la boîte du ministère de la Justice, aux Affaires constitutionnelles, qui nous a demandé d'amender la loi dans ce sens. Ça a été soumis à la consultation de la magistrature – et, ça, ça comprend la Cour d'appel, la Cour supérieure, la Cour du Québec, par leur juge en chef – et ça a été soumis au Barreau par l'intermédiaire de la bâtonnière, et ils se sont déclarés en accord avec une telle chose. De sorte que, pour une fois, ça vient de l'intérieur de la boîte et ça a été appuyé par les autres. Alors, voilà.

M. Copeman: M. le Président, je trouve ça très intéressant, les propos du ministre de la Justice là-dessus. Nous sommes, je pense, à la recherche, tous, d'une saine balance entre les droits des justiciables et le bon fonctionnement de plusieurs niveaux de cour. Hier, le ministre de la Justice a indiqué à cette commission – à 16 h 35, j'ai les galées d'hier – que plusieurs groupes intéressés par les amendements se disent d'accord, et je cite: «Je trouve – ce sont les mots du ministre, et je le cite – déplorable que les justiciables, que le Barreau, que la magistrature, en particulier la Cour d'appel, et, en plus, le juge en chef Michaud, qui vient d'être nommé à la Cour d'appel par le premier ministre du Canada, s'est dit d'accord en totalité avec le contenu du projet de loi.» Fin de la citation. Ça, c'est les galées d'hier.

Je trouve, pour ouvrir une parenthèse, intéressant que le ministre ait constaté, de la part des justiciables, que nous sommes d'accord avec la totalité... Je ne sais pas d'où ça vient, cette constatation du ministre. Je comprends peut-être que le Barreau du Québec, que la Cour d'appel, etc., mais le ministre a parlé au nom des justiciables, en prétendant que nous sommes d'accord en totalité avec le contenu du projet de loi.

Je soulève ça, M. le Président, parce que nous avons reçu, comme le ministre doit être au courant, j'en suis convaincu, une lettre du Protecteur du citoyen du Québec, qui, lui, parle, selon sa lettre: «Après examen du projet de loi 41 que vous présentiez à l'Assemblée nationale, le 5 courant, je souhaiterais porter à votre attention quelques commentaires – je continue à citer – qui ont – et je mets de l'emphase – pour principal objet la protection des droits des justiciables.» Alors, peut-être que le ministre conviendra avec moi que le Protecteur du citoyen, lui aussi, s'exprime au nom des justiciables du Québec.

Dans la page 3 de sa lettre, le Protecteur du citoyen, un fonctionnaire qui a une longue carrière avec le gouvernement du Québec, un ancien sous-ministre de la Justice au Québec, soulève certaines réserves quant à l'application de l'article 8, et je fais référence à ces réserves, M. le Président. Il indique que, «en vertu de l'article 65.1 de la Loi sur la Cour suprême, une partie qui a déposé l'avis de la demande d'autorisation d'appel peut demander à la Cour suprême ou à l'un de ses juges le sursis d'exécution d'un tel jugement objet de la demande». Alors, selon le Protecteur du citoyen du Québec, si j'ai bien saisi à date, si j'ai bien saisi ses propos, seulement un juge de la Cour suprême peut ordonner un sursis d'exécution d'un tel jugement qui fait l'objet de la demande devant la Cour.

Le Protecteur du citoyen continue à poser certaines questions sur le bien-fondé de cet article 522.1, mais il soulève un autre point intéressant, M. le Président, en disant, effectivement, qu'il y a un projet de loi C-42 qui est présentement à l'étude devant un comité du Sénat canadien et qui vise notamment un amendement, de modifier la Loi sur la Cour suprême dans le même sens que le ministre propose. Là, on se trouve devant une situation peut-être délicate. Je ne suis pas constitutionnaliste, je ne suis pas avocat. Mais on a, devant le Sénat canadien et le Parlement du Canada, une proposition qui va dans le même sens, mais qui n'est pas encore adoptée et qui n'a pas encore force de loi, et là on arrive avec un projet de loi de l'Assemblée nationale qui propose de faire la même chose, mais peut-être trop tôt dans le processus. Et, effectivement, M. le Président, le Protecteur du citoyen soulève la possibilité de retarder l'entrée en vigueur de cet article de la loi, dans sa lettre, pour s'assurer, M. le Président, qu'on n'embarque pas dans un litige constitutionnel que personne ne souhaite, M. le Président. Personne ne souhaite encore un autre niveau de litige constitutionnel au Canada et au Québec. Je pense que ce n'est pas dans l'intérêt des justiciables de le faire. Alors, je demande au ministre si ce ne serait pas peut-être opportun, considérant les propos du Protecteur du citoyen, de retarder l'entrée en vigueur de cet article de loi proposé par le ministre.

Le Président (M. Simard): M. le ministre.

M. Bégin: M. le Président, comme je l'avais mentionné aux membres de la commission, il y a eu un amendement en 1992, et on en fait état, j'ai donné les explications à la députée de Jean-Talon tout à l'heure, et je vois qu'elle opine favorablement, que ça a été satisfaisant comme explications. En ce qui concerne, et nous avions tous la lettre du Protecteur du citoyen, qui mentionnait qu'effectivement un projet de loi était à l'étude à la Chambre des communes... Je vous souligne qu'en vertu de l'article 96.1 de la Loi constitutionnelle de 1867 la procédure civile devant les tribunaux est de juridiction du Québec. Et nous croyons que le Québec doit exercer sa juridiction en cette matière en adoptant l'article 8 sous étude aujourd'hui. Le reste de la lettre de M. Jacoby dit sensiblement qu'il y a effectivement un problème, puisque d'autres tentent également de colmater le trou.

Donc, au niveau de la justification de l'article, il me semble qu'on a là une preuve évidente qu'il y a un problème à résoudre. D'autre part, comme c'est de la compétence du Québec en matière de procédure, il nous apparaît tout à fait légitime et correct de le faire, et il m'apparaîtrait que, ayant tranché le litige en ce qui concerne le Québec pour cette autorisation d'appeler, il faudra peut-être que le gouvernement fédéral restreigne l'application de sa disposition qu'il envisageait et qu'il envisage d'adopter à d'autres provinces où, peut-être, ce problème-là se retrouve. Mais, en ce qui concerne le Québec, le problème sera résolu, et on aura assumé et exercé notre compétence prévue par la Constitution de 1867.

M. Copeman: Alors, je peux en conclure, M. le Président, que le ministre n'est pas tout à fait d'accord ou ne partage pas, je devrais dire peut-être, les craintes soulevées par le Protecteur du citoyen du Québec quant à l'applicabilité ou la mise en vigueur de cet article de loi. Est-ce que je peux comprendre qu'il ne partage pas l'opinion du Protecteur du citoyen à cet égard?

M. Bégin: Je ne la partage pas. D'autre part, je veux juste mentionner que j'ai mentionné l'article 96, mais c'est 91, paragraphe 16, je m'excuse.

M. Copeman: Ça va, j'en suis convaincu.

Le Président (M. Simard): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce ne s'en était pas trop aperçu.

M. Copeman: Non, pas trop, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: J'imagine que ça peut éclairer d'autres membres de cette commission. Très bien, M. le Président, je réserve le temps qui me reste, si nécessaire. Merci.

(12 h 30)

Le Président (M. Simard): D'autres commentaires sur l'article 8, 522.1? M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Encore, je présume que le ministre laisse le mot «peut», avec la discrétion au juge, dans l'article et je me demande l'utilité des mots «aux conditions qu'il estime appropriées» et pourquoi, dans cet article, vous avez mis ces mots mais que, dans l'article précédent, pour étudier, vous n'avez pas mis ces mots. Alors, quelle est la différence et est-ce qu'il y a des conditions spéciales que vous entendez faire appliquer ici et que vous n'entendiez pas faire appliquer dans l'autre article?

M. Bégin: La situation est extrêmement différente. Dans le premier article, c'est: Le juge peut, lorsqu'il est saisi d'une demande conjointe, accorder totalement ou en partie ou refuser ce qui lui est demandé. Dans le cas actuel, nous sommes dans l'hypothèse où une personne détient une créance, qui est un jugement qui lui est favorable, et où une autre personne dit: Suspendez l'exécution de cette créance à mon avantage.

Alors, pour balancer les droits des parties, on laisse à la Cour l'appréciation de savoir si ça doit être fait, cette suspension, sans conditions – parce qu'il n'y a pas de préjudice pour l'autre partie – ou avec des conditions. Et on peut facilement imaginer, par exemple, le dépôt d'un cautionnement qui pourrait être fait, une garantie de cette nature, pour s'assurer que ce n'est pas une manière d'éviter l'exécution réelle, en matière d'argent par exemple, l'exécution du jugement. Donc, selon les circonstances de chacune des causes, le juge pourra moduler sa décision. Je pense que c'est là où la discrétion et le jugement d'un juge doivent s'exercer.

M. Bergman: Mais il semble que la même situation existe dans l'article précédent, et je pense qu'en ajoutant les mots ici vous ajoutez une explication qui peut être différente de l'autre. Ou on met les mots dans les deux articles ou on les ôte ici afin d'éviter une interprétation qui est... Moi, je ne peux pas voir la différence; ou on laisse la latitude au juge ou on ne la laisse pas au juge. Si on la laisse au juge, pourquoi on ajoute les mots «aux conditions qu'il estime appropriées»? Je pense que le projet doit avoir séniorité et, à mon avis, peut-être qu'il y avait quelqu'un de différent qui a travaillé sur cet article et sur l'autre article, et c'est la raison pour laquelle on voit des mots différents à des places différentes.

M. Bégin: Avec tout le respect que je dois au député de D'Arcy-McGee, ce n'est pas mon opinion.

M. Bergman: Excusez?

M. Bégin: Avec tout le respect que je vous dois, je ne partage pas ce que vous venez de dire.

M. Bergman: Je ne suis pas d'accord et je laisse mon désaccord avec ça.

Si on va plus loin dans l'article, on voit qu'on a le droit de suspendre l'exécution du jugement «sur demande d'une partie qui démontre son intention de présenter une demande». C'est quoi, l'interprétation du mot «interprétation» que vous allez accorder ici?

M. Bégin: Du mot?

M. Bergman: «Interprétation». Dans l'alinéa 4.

M. Bégin: Pas «interprétation», «intention».

M. Bergman: L'intention signifie quoi? Une partie qui démontre une intention, ça signifie quoi, à votre avis?

M. Bégin: Le juge pourra apprécier cette intention. Si l'avocat ou l'avocate qui se présente devant le juge dit: J'ai l'intention, le juge pourra le croire comme il pourra dire: J'aimerais avoir une preuve plus tangible, par exemple, est-ce que votre avis d'appel est rédigé, est-ce que vous avez fait une recherche, avez-vous d'abord un mandat de votre client? Des choses semblables. Et c'est le rôle fondamental d'un juge et c'est la confiance que nous manifestons dans nos tribunaux qui fait en sorte qu'on dit: La partie devra démontrer. Démontrer implique la notion de faire une preuve ou de convaincre. Donc, s'il ne convainc pas, malgré l'argumentation, il ne l'aura pas; s'il convainc, même s'il a une argumentation qui est faible, il l'aura.

M. Bergman: Il semble qu'on donne une manière facile de nuire aux droits des créanciers. C'est facile, quand on représente un client, de donner l'intention, et, si l'avocat est de bonne foi, le juge doit accepter cette intention. Une intention, c'est très facile à démontrer quand on représente un client, et je pense qu'on nuit indûment aux droits des créanciers ici.

M. Bégin: L'avocat peut peut-être tenter sa chance, mais le juge exerce son jugement, et la présomption que j'ai à l'esprit constamment, c'est que les juges sont des gens très, très portés sur le jugement.

M. Bergman: On le laisse ouvert pour beaucoup d'interprétations du côté du juge...

M. Bégin: Le jugement ici...

M. Bergman: ...et on le laisse ouvert pour beaucoup de...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Je parlais du jugement qu'on exerce dans son esprit. Avoir du jugement.

Des voix: ...

Le Président (M. Simard): S'il vous plaît!

M. Bergman: Pour quel bout de temps est-ce qu'on peut montrer cette intention aux juges? Encore une fois, si on a l'intention de procéder à la Cour suprême, pour quel bout de temps?

M. Bégin: Ce sera à la Cour d'appel et au juge d'exercer ce jugement-là et de dire: Je l'accepte ou je ne l'accepte pas. Les juges sont là pour ça.

M. Bergman: Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Alors, si je comprends bien la situation, il y avait un vide juridique que à la fois le Québec et le gouvernement fédéral ont réalisé. Le Québec, en présentant l'article, la modification, l'ajout au Code de procédure civile par l'article 522.1, essaie de combler ce vide. Le gouvernement fédéral, par le projet de loi 42, qui est actuellement à l'étude en commission, si je ne m'abuse, au Sénat, essaie aussi de combler ce vide. Le ministre, et je n'ai malheureusement pas noté l'article de la Constitution canadienne qu'il citait, prétend que – l'article 91.16 – le cas est clair: la juridiction en matière de procédure civile appartient au Québec.

M. Bégin: En matière civile.

M. Gautrin: O.K. Laissez-moi continuer quand même l'hypothèse. Comme dans toutes choses, il y a parfois des gens qui divergent lorsqu'on interprète des lois. Ce qui arrive, c'est que, si, à l'heure actuelle, le gouvernement fédéral va de l'avant avec le projet de loi 42 sans exclusion du Québec, on aura deux articles de loi, en termes de procédure, qui pourraient être identiques, mais qui pourraient être différents, qui prétendraient s'appliquer, l'un et l'autre, aux citoyens québécois. Alors, ma question est la suivante: Lorsqu'on a une telle situation – on aurait donc deux procédures, peut-être différentes, où chacun des niveaux de gouvernement prétendrait qu'elle s'applique à ses citoyens – comment trancher? Si je ne m'abuse, à moins que le ministre ne m'indique le contraire, c'est la Cour suprême qui aurait à trancher, oui ou non, sur quel article ou quel mode doit s'appliquer...

Imaginons, je reprends le scénario, parce qu'il faut... Je le reprends pour le ministre. À l'heure actuelle, votre interprétation, ou l'interprétation du gouvernement du Québec – et je vais même dire traditionnellement des gouvernements du Québec, d'accord – c'est l'interprétation que 91.16 réserve clairement la pratique de la procédure aux provinces. Dans le vide juridique qui était créé, vous introduisez un article: 522.1. Le gouvernement fédéral, actuellement, introduit le projet de loi 42, qui a des chances de devenir loi. Qu'adviendra-t-il, à l'heure actuelle, si les deux niveaux de gouvernement passent, chacun suivant leur procédure, leur loi, et les justiciables se trouvent avec deux modes quant à l'appel à la Cour suprême? Est-ce que, dans un cas comme dans l'autre, on va demander à la Cour suprême de trancher sur quelle est la procédure qui doit s'appliquer? C'est ça qui serait la...

(12 h 40)

M. Bégin: Votre question est assez hypothétique. Elle présume que le Québec, ayant adopté une disposition, règle un problème et que le fédéral adoptera une procédure analogue, d'une part. D'autre part, elle présume également qu'il y aura conflit, et, comme j'ai déjà répondu à la députée de Jean-Talon tout à l'heure, lorsqu'une partie aura obtenu l'autorisation qui est le sursis, ou la non-exécution immédiate du jugement, elle se sera satisfaite. Je ne vois donc pas beaucoup d'hypothèses possibles où ce conflit pourrait exister. Et, afin d'être correct à l'égard de la commission, les numéros, peut-être, ne sont pas importants, mais quand même, je lis: «Dans chaque province la législature pourra exclusivement faire des lois relatives aux matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessus énumérés, savoir:

«13. La propriété et les droits civils dans la province;

«14. L'administration de la justice de la province, y compris la création, le maintien et l'organisation de tribunaux de justice pour la province, ayant juridiction civile et criminelle, y compris la procédure en matières civiles dans ces tribunaux.» Voilà. Alors, c'est 92.14.

M. Gautrin: Alors, écoutez, pour les fins de la transcription, je pense qu'on pourra corriger tous les numéros et avoir à chaque fois 92.14. On n'en discutera pas longtemps...

Mais je reviens quand même. Excusez-moi, M. le ministre, ce n'est pas seulement purement hypothétique. Je pense que vous l'avez reconnu tout à l'heure, il y a actuellement à l'étude, au Parlement canadien, un projet de loi, appelé le projet de loi 42, qui couvre une situation analogue. Est-ce qu'il ne peut pas arriver une possibilité que le gouvernement canadien adopte le projet de loi 42? Vous allez dire: On ne peut pas présumer, évidemment, de ce que la Chambre va faire, pas plus qu'on ne peut présumer que la Chambre va adopter le projet de loi 45.

M. Bégin: Voilà.

M. Gautrin: Je suis bien d'accord avec vous. Mais on est donc en train, lorsqu'on étudie un projet de loi, de voir quels sont les effets d'un tel projet de loi advenant certaines situations. Alors, je reprends mon hypothèse, M. le Président. Imaginons, à l'heure actuelle, ce qui est très probable, à savoir que ce Parlement finisse, après les brillantes explications du ministre, par adopter, ici, en commission, d'ici quelques jours ou d'ici quelques mois, le projet de loi 41, et que, de la même manière, le Parlement fédéral adopte, peut-être avec une célérité analogue, le projet de loi 42. C'est une hypothèse que vous acceptez avec moi, qui a une certaine probabilité. Qu'est-ce qui arrive, à ce moment-là, si on a deux projets de loi qui sont non identiques et potentiellement contradictoires? Est-ce qu'il n'y a pas lieu d'essayer de négocier, d'harmoniser les deux législations, comme ça se fait fréquemment? En matière, par exemple, de mesures fiscales, il est fréquent et courant qu'on harmonise les législations entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial. Alors, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, ici, d'essayer rapidement d'arriver à une harmonisation entre les deux projets de loi pour éviter que les citoyens – parce que, dans le fond, c'est bien beau, ce qu'on fait ici – n'aient pas à se perdre dans des dédales juridiques?

M. Bégin: Les députés de l'opposition ont fait référence, à plusieurs reprises, à la lettre du Protecteur du citoyen.

M. Gautrin: Je ne l'ai pas fait, moi.

M. Bégin: Il y aurait avantage à relire le troisième paragraphe de la page 3, qui se lit comme suit: «Un projet de loi est présentement à l'étude devant un comité du Sénat canadien et vise notamment à modifier la Loi sur la Cour suprême afin d'accorder juridiction concurrente à un juge de la Cour suprême et à un juge de la Cour d'appel d'où origine la décision contestée, d'ordonner le sursis...» Alors, la loi fédérale envisage même de prévoir cette concurrence. Alors, je crois qu'on devrait se satisfaire des réponses qui ont été données à ce moment-ci et référer à la lettre du Protecteur du citoyen, qui nous dit que ce sera possible.

M. Gautrin: Le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous avez une intervention?

M. Copeman: Oui.

M. Gautrin: Alors, M. le Président, je réserve mon temps, après, et je passerai la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce, qui a une intervention probablement extrêmement brillante à faire.

Le Président (M. Simard): Vous ne lui passerez pas la parole, mais je le ferai moi-même.

M. Gautrin: Merci, excusez-moi. Mais je réserve mon temps parce que je n'ai pas terminé d'interroger le ministre sur cet important problème que je n'ai pas encore compris.

Le Président (M. Simard): La commission sera très heureuse de vous entendre à nouveau, M. le député de Verdun. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Un peu dans le même sens que les commentaires de mon collègue, le député de Verdun, et que mes commentaires précédents. Je réfère à la lettre du Protecteur du citoyen que le ministre a citée. Il a lu le troisième paragraphe. Moi, je lis le quatrième paragraphe de la même lettre: «Dans l'état actuel de la Loi sur la Cour suprême, un litige pourrait donc survenir quant à la portée dans le temps d'une ordonnance rendue en vertu de l'article 522.1 proposé par l'article 8.»

M. le Président, je reviens un peu au questionnement de tantôt. M. le ministre a affirmé devant cette commission, hier, qu'il y avait plusieurs groupes d'accord avec la totalité de son projet de loi. Et qui est d'accord en totalité avec le contenu du projet de loi, selon le ministre? Le Barreau, la magistrature et les justiciables. Je le cite, M. le Président. M. le ministre de la Justice prétend – il l'a prétendu hier, en tout cas – que les justiciables se disent d'accord en totalité avec le contenu du projet de loi. Peut-être que les paroles du ministre ont été trop larges, hier, quand il a affirmé que les justiciables étaient d'accord. Parce que, M. le Président, et j'insiste un peu là-dessus...

M. Gautrin: Et futur ministre.

M. Copeman: ...à ma connaissance, le seul individu ou groupe qui parle – je ne dirais pas principalement – pour... Le Protecteur du citoyen, je pense qu'il parle principalement pour la protection des droits des justiciables. Je conviens avec le ministre que le Barreau est là également, en partie – en partie, M. le ministre – pour défendre les droits des justiciables, mais ils sont également là pour défendre les intérêts de leurs membres. Je conviens avec le ministre que, en partie, le Barreau est là pour faire ça, la Cour d'appel également.

Mais la seule – selon moi, en tout cas, M. le Président – instance, ou le seul groupe, ou la seule personne qui vise uniquement la protection des droits des citoyens – qui se trouve à être le Protecteur du citoyen du Québec, ancien sous-ministre en titre de la Justice – prétend qu'il y a une difficulté énorme avec l'article 8. Et – je fais un lien un peu connexe – moi, comme porte-parole de l'opposition en matière de protection du consommateur, et non pas critique en matière de justice, pas avocat de formation, je suis moins intéressé par les mécanismes de justice dans le but d'accélérer afin de pallier à une situation qui touche principalement des avocats de la Cour d'appel. Moi, ce qui m'intéresse le plus, M. le Président, c'est le droit des justiciables. Je conviens avec le ministre qu'en accélérant le processus ça va améliorer l'accès à la justice. Je ne le nie pas du tout. Mais, le Protecteur du citoyen, le ministre a dit qu'il n'était pas d'accord avec son analyse. Mais est-ce que le ministre peut convenir avec moi que, avec le Protecteur du citoyen qui ne partage pas cette vue de la pertinence de l'article 8 du projet de loi maintenant, il y a une certaine incohérence quand il dit que les justiciables et tout le monde sont d'accord avec la totalité du projet de loi?

(12 h 50)

M. Bégin: M. le Président, le Protecteur du citoyen nous réfère à la date d'entrée en vigueur. C'est à cet égard qu'il fait des observations. Il est possible qu'il le fasse. Cependant, nous ne partageons pas ce point de vue là sur la question technique de l'entrée en vigueur.

Quant au reste, sur la représentation des contribuables, je référerais à l'article 23 du Code des professions, qui se lit comme suit, et notre collègue qui est là, le député de Chomedey, devrait en convenir: «Constitution des corporations. Chaque corporation a pour principale fonction d'assurer la protection du public. À cette fin, elle doit notamment contrôler l'exercice de la profession par ses membres.» Donc, on voit bien que c'est en fonction d'assurer la protection du public. Alors, je comprends que, quand le Barreau s'exprime, il est censé, et c'est son devoir, exprimer le point de vue du public, et ça rejoint vos remarques concernant les justiciables. Je pense que ceci répond à votre argumentation concernant le Protecteur du citoyen et sur la question du public.

M. Copeman: M. le Président, le ministre a dit «censé» et peut-être que c'est là qu'on diverge d'opinion. Dans les mots du ministre, il est censé protéger les droits des justiciables.

M. Bégin: Non.

M. Copeman: Ça, c'est les paroles du ministre.

M. Bégin: La loi.

M. Copeman: Oui, oui, je comprends.

M. Bégin: L'article 23, je l'ai cité au long.

M. Copeman: O.K., mais, là où peut-être on partage une opinion, c'est le mot «censé». Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. La parole est maintenant au député de Verdun.

M. Gautrin: Je reprends donc à l'endroit où j'avais laissé et je reviens donc sur mon interrogation. Je ne fais pas référence à la lettre du Protecteur du citoyen, je reviens donc toujours sur le point suivant: Ne serait-il pas préférable qu'il y ait harmonisation, avant que l'on promulgue ce projet de loi, entre les deux législatures, la Législature provinciale et le Parlement fédéral, de manière qu'on n'ait pas une situation d'imbroglio entre les deux?

M. Bégin: M. le Président, je réfère les membres de la commission à la Loi sur la Cour suprême, article 66, paragraphe 2: «Lorsque la juridiction inférieure est une cour d'appel et que l'exécution a déjà été suspendue, le sursis reste en vigueur sans autre formalité jusqu'à ce que la Cour ait tranché l'appel.» Voilà.

M. Gautrin: Merci. Alors, si le sursis d'exécution n'est pas accordé par la cour inférieure, la Cour suprême pourrait l'accorder. Donc, à ce moment-ci...

M. Bégin: S'il y a juridictions concurrentes.

M. Gautrin: Si les juridictions sont concurrentes. Est-ce que vous ne pensez pas sérieusement qu'il n'est pas préférable, au lieu d'avoir cette espèce de double mécanisme, c'est-à-dire lorsque vous n'auriez pas réussi à avoir le sursis d'appel au niveau de la Cour d'appel, que vous disiez: On recommence à la Cour suprême, parce qu'on se dit qu'il y a juridiction concurrente? Ne serait-il pas mieux, au contraire, d'éviter qu'il y ait concurrence de juridiction, même si, dans votre analyse, compte tenu de votre lecture de l'article 92.14 – je pense que je le cite correctement maintenant – de la Constitution, vous ne pensez pas qu'il y a concurrence de juridiction? Ne serait-il pas plus sage de suspendre l'application d'un tel article ou de tâcher d'harmoniser les deux démarches, alors que, entre vous et moi, il n'y a pas non plus urgence? Ça fait combien de temps qu'on vit avec ce trou? Ça fait plusieurs dizaines d'années, j'imagine, que le trou existe. Alors, brutalement, tout le monde veut le combler. Mais on a quand même pu fonctionner pendant un certain temps avec ce trou-là. Alors, ce n'est pas la fin du monde, le monde n'arrêtera pas de tourner parce qu'on va retarder le complément du trou pendant un court... Ce n'est pas parlementaire?

Le Président (M. Simard): Ça va encore.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Il s'agit de quel trou, c'est ça?

Le Président (M. Simard): Ça va encore.

M. Gautrin: Alors que je reste dans les marges...

Le Président (M. Simard): Ne vous y enfoncez point.

M. Gautrin: Oui, je sais, c'est boueux peut-être et bourbeux. Enfin, écoutez, il n'y aurait pas panique en la demeure si on ne retardait que de quelques mois, et ça permettrait une meilleure harmonisation.

M. Bégin: Pour des raisons que j'ai déjà mentionnées à plusieurs reprises, je ne partage pas le point de vue du député de Verdun.

M. Gautrin: Vous pensez qu'il y avait panique en la demeure, alors qu'il n'y en a pas eu pendant 40 ans ou 50 ans? Bon. Écoutez, on ne partage pas le même point de vue. J'aurais probablement encore du temps pour intervenir, mais je voudrais laisser le député de Chomedey pour m'éclairer. Je suis toujours très éclairé par ses interventions.

Le Président (M. Simard): Cet aveu est d'une candeur charmante, et nous allons maintenant écouter le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. On aurait beaucoup à dire et même beaucoup plus à dire sur cet article 8 du projet de loi 41, mais, dans le but d'accélérer les travaux, si le ministre de la Justice était disposé, notamment, à tenir compte de la suggestion formulée par le Protecteur du citoyen, même si on n'a pas eu l'occasion, à notre grand regret, de pouvoir entendre le Protecteur du citoyen ici, on pourrait peut-être faire un bout de chemin.

Vous savez, le ministre nous réfère, depuis hier, au document émanant de la Cour d'appel du Québec, daté de mars 1994, et intitulé «La Cour d'appel du Québec et le problème des délais: Projet de solutions proposé par les membres de la cour». On y retrouve une intéressante indication de la vision des juges de la Cour d'appel sur cette question, notamment aux pages 66 et suivantes, lorsqu'ils nous parlent des jugements des instances inférieures. Ils nous mentionnent que ces jugements devraient tous être exécutoires, nonobstant appel. On pourrait donc s'imaginer des situations où on pourrait avoir un conflit éventuel entre une telle décision et la décision de la Cour suprême, bien que la Cour suprême, exerçant sa juridiction qui existe également, aurait toujours le loisir d'arriver à une conclusion différente de celle des juges de la Cour d'appel, à qui on pourrait, j'imagine, dans l'hypothèse du ministre, demander de suspendre une décision – même en matière d'injonction – qu'ils viennent de rendre.

Quoi qu'il en soit, M. le Président, notre position est qu'il faut que, effectivement, le Québec exerce sa pleine compétence en matière constitutionnelle, notamment à l'égard de la procédure civile et de tous les autres domaines qui relèvent de sa compétence. Nous serons donc prêts à donner notre accord et demander même de procéder au vote à l'article 8 du projet de loi 41, qui ajoute l'article 522.1, à condition que l'on accepte, de l'autre côté, une modification qui proposerait tout simplement de prévoir que l'entrée en vigueur de l'article 8 se ferait par proclamation, ce qui permettrait au ministre de la Justice d'informer ses collègues que les travaux de conciliation et de concertation, dont il nous a déjà entretenus, avec son homologue fédéral, M. Allan Rock, bien, aussitôt qu'il nous informerait que c'est propice, que la législation fédérale entre en vigueur, il pourrait proclamer l'entrée en vigueur de la disposition. Cela nous éviterait peut-être, M. le Président, de longs débats sur cet article 8. C'est donc une proposition de modification que nous faisons à cet effet à l'honorable ministre de la Justice.

Une voix: Un point d'ordre.

Le Président (M. Simard): Un instant, sur la recevabilité. Si je le comprends bien, à ce moment-ci, il s'agit d'une suggestion et non pas d'un amendement, puisque ce ne serait pas de la nature d'un amendement.

M. Gautrin: L'amendement pourrait être fait, éventuellement, à l'article 15, lorsqu'on arrivera à l'article 15.

Une voix: Oui.

M. Gautrin: Ce que nous pourrons faire, d'ailleurs, lorsqu'on sera rendus à cet article.

Le Président (M. Simard): M. le ministre.

M. Bégin: Je voudrais faire remarquer au député de Chomedey que, quand la Cour d'appel parle de tribunal inférieur, elle parle de la Cour supérieure, et la possibilité de conflit auquel il réfère n'existe pas, puisqu'il n'y aura pas de sursis d'une décision de la Cour supérieure face à la décision éventuelle de la Cour suprême. Donc, il n'y aura pas de conflit là-dessus. En ce qui concerne le reste, le sursis ou l'exécution provisoire nonobstant appel, je souligne que l'on en discutera à l'article 9, qui est l'article suivant.

En ce qui concerne la non-entrée en vigueur, j'ai deux réponses à fournir. D'une part, je crois qu'on pourrait s'adresser, si l'opposition le croit utile, au fédéral pour lui demander de suspendre l'entrée en vigueur de sa disposition, de ne pas l'adopter dans sa forme actuelle si on croit qu'elle est conflictuelle ou, encore, de la rendre applicable si, comme je le crois, elle n'est pas conflictuelle, mais elle est concurrente, comme le dit si bien le Protecteur du citoyen dans sa note.

Quant au reste, jusqu'à présent, l'opposition ayant utilisé tous ses droits de parole pendant les 20 minutes sur chacun des paragraphes à nombre de commissions, je ne vois pas le gain que nous pourrions faire, quant à l'accélération des travaux, d'accéder à une telle demande. Alors, je pense que nous avons la possibilité d'adopter cette proposition et je pense que nous allons le faire.

Le Président (M. Simard): Alors, j'en conclus, j'imagine que nous avons entendu la même chose, qu'il y a...

M. Sirros: M. le Président, juste pour faire remarquer au ministre...

Le Président (M. Simard): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: ...qu'il aurait peut-être avantage à reconsidérer l'offre qui lui est faite par mon collègue, d'une part, ce n'est pas vrai que tous les parlementaires ont exercé leur droit de parole de 20 minutes sur l'article 8. Il n'est encore pas vrai que tous les parlementaires ont exercé leur option d'offrir des amendements sur l'article 8 et, donc, de parler sur ça. Et je pense que l'offre qui est faite va directement dans le sens d'éviter des dédoublements et des conflits. Ce serait un geste de bonne volonté de la part du ministre de démontrer qu'il y a, en dépit de tous les autres aspects qui peuvent animer son gouvernement, une certaine volonté de vouloir harmoniser les juridictions, pour que ce soit au bénéfice du citoyen. On ne voit pas, en tant que membres de la commission, en quoi ça pourrait être dommageable qu'un citoyen puisse avoir la possibilité de recourir aussi à la Cour suprême pour demander un sursis d'exécution d'un jugement de la Cour d'appel du Québec, si ça pouvait être dans l'intérêt éventuel. Et, dans ce sens-là, la possibilité d'harmoniser, par la parole donnée du ministre qu'à l'article 15 il changerait la mise en application de l'article 8 de la loi, selon le décret, dépendant de ce qui arrive de l'autre côté, nous éviterait probablement de longs débats, M. le Président.

Le Président (M. Simard): M. le député de Laurier-Dorion, je pense que le ministre ne pourra pas répondre, puisque nous suspendons maintenant notre séance sine die.

M. Sirros: Par consentement...

Le Président (M. Simard): Nous ajournons sine die.

M. Sirros: On lui permettra, par consentement, M. le Président, s'il voulait bien répondre. Comme ça, on pourra même voter avant...

Le Président (M. Simard): S'il y a consentement unanime, nous pouvons poursuivre.

M. Bégin: Je suis prêt à répondre, M. le Président.

M. Sirros: Pour avoir la réponse du ministre.

Le Président (M. Simard): Il y a consentement. Nous pouvons poursuivre jusqu'à...

Une voix: Deux minutes.

M. Sirros: Le temps d'avoir la réponse du ministre.

M. Gautrin: Jusqu'à 13 h 2, jusqu'à la fin de la réponse du ministre.

Le Président (M. Simard): Jusqu'à la fin de la réponse du ministre. Poursuivons.

M. Bégin: M. le Président, il s'agit d'une compétence du Québec, et je n'ai pas l'intention, pour gagner quelques minutes, de renoncer à l'exercice des compétences du Québec. Et, en conséquence, je pense que la meilleure façon pour gagner du temps, pour l'opposition – qui a eu l'occasion de poser les questions, de très nombreuses questions...

M. Sirros: Si le ministre veut en faire une question de principe...

M. Bégin: ...de faire expliciter le projet de loi – ça serait d'accepter de voter immédiatement sur la proposition telle que formulée par l'article 8. Ce que j'invite la commission à faire.

M. Sirros: On constate l'entêtement habituel du Parti québécois. Ça va.

Le Président (M. Simard): Je suspends, après cette réponse, nos débats sine die. Ajourné.

(Fin de la séance à 13 h 3)


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