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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le mardi 13 juin 1995 - Vol. 34 N° 52

Étude détaillée du projet de loi n° 81 - Loi modifiant la Loi sur les cours municipales, la Loi sur les tribunaux judiciaires et diverses dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats


(Vingt heures vingt et une minutes)

Le Président (M. Simard): La séance est ouverte. Je rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 81, Loi modifiant la Loi sur les cours municipales, la Loi sur les tribunaux judiciaires et diverses dispositions législatives. M. le secrétaire, veuillez annoncer les remplacements.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Lefebvre (Frontenac) est remplacé par M. Quirion (Beauce-Sud); et M. Sirros (Laurier-Dorion) par M. Gautrin (Verdun).

Le Président (M. Simard): Merci. Alors, j'invite, dans un premier temps, le ministre à faire ses remarques préliminaires sur son projet de loi.


Remarques préliminaires


M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. Le projet de loi modifiant la Loi sur les cours municipales, la Loi sur les tribunaux judiciaires et diverses dispositions législatives, dont le principe a été adopté jeudi, le 8 juin, de la semaine dernière, est déféré devant la présente commission pour son étude article par article. Permettez-moi, avant de procéder ainsi à l'étude, de rappeler les principes qui le sous-tendent.

Essentiellement, il propose, dans un premier temps, d'étendre la compétence des cours municipales en matière pénale à l'égard des personnes âgées de moins de 18 ans. Dans un deuxième temps, il propose diverses modifications à la Loi sur les tribunaux judiciaires. Ces modifications visent principalement à permettre une meilleure coordination des activités de la Cour et à favoriser ainsi une plus grande efficacité dans l'expédition de ses affaires.

Quant au premier volet, soit celui relatif à la compétence des cours municipales, je rappellerais simplement que celles-ci ont déjà compétence pour connaître des poursuites relatives à des infractions dites municipales et certaines autres pour lesquelles certaines dispositions de la loi leur reconnaissent cette compétence. Celle-ci ne s'exerce toutefois qu'à l'égard des adultes. Il s'agit donc, compte tenu de la nature des infractions impliquées, de permettre aux cours municipales d'exercer leur compétence également à l'égard des mineurs. Je citerai ici, à titre d'exemple, les infractions que crée le Code de la sécurité routière. En effet, il s'agit ici d'infractions bénignes dont la plupart sont traitées sans comparution devant le tribunal. Elles ne sont pas davantage liées à une question de protection de l'enfance et, de ce fait, ne requièrent pas d'être saisies par le tribunal spécialisé qu'est la chambre de la jeunesse de la Cour du Québec. Il m'apparaît essentiel, au contraire, de s'assurer que l'expertise qui s'est développée au cours des ans à la chambre de la jeunesse soit mise pleinement à profit dans les cas pour lesquels elle importe.

Quant au deuxième volet, relatif à la réorganisation de la Cour du Québec, permettez-moi de préciser d'emblée que les modifications qu'elle implique à la Loi sur les tribunaux judiciaires répondent aux attentes formulées par les juges de la Cour du Québec. Ceux-ci ont en effet formulé le souhait d'exercer leurs activités, mais dans un cadre simplifié. Le projet propose donc d'alléger la structure hiérarchique de la Cour en favorisant une relation directe entre le juge en chef et les juges puînés.

En bref, les principales modifications consistent: à supprimer les divisions régionales de Montréal et de Québec; à ne maintenir, en conséquence, qu'un seul poste de juge en chef associé; à réduire le nombre de juges en chef adjoints à trois, soit un pour chacune des chambres de la Cour; à orienter les fonctions des juges en chef adjoints davantage vers la fonction de conseil ou d'expert selon la matière de la chambre à laquelle ils sont nommés; à désigner 10 juges coordonnateurs pour assister le juge en chef, notamment dans l'établissement du programme de travail des juges selon les districts judiciaires dont ils auront la responsabilité; à désigner des juges coordonnateurs adjoints auprès des juges coordonnateurs dont le volume des activités l'exige; et enfin à privilégier la formation complémentaire des juges.

Voilà, M. le Président, les grandes lignes du projet de loi 81, que je voulais rappeler. Je termine en souhaitant que l'étude des articles puisse se faire en toute sérénité et célérité. J'invite les membres de cette commission à partager et à réaliser cet objectif. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Ça tombe bien. Nous allons écouter maintenant le porte-parole de l'opposition, M. le député de Chomedey.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, il me fait plaisir de formuler quelques brefs commentaires préliminaires sur le projet de loi 81, Loi modifiant la Loi sur les cours municipales, la Loi sur les tribunaux judiciaires et diverses dispositions législatives, Bill 81, An Act to amend the Act respecting municipal courts, the Courts of Justice Act and various legislative provisions.

M. le Président, le ministre vient de nous passer brièvement en revue les principaux aspects de ce projet de loi, et, d'une manière générale, je vais lui dire que notre réaction première face à toute dépense publique, surtout à un moment où son ministère est en train de couper dans les services qui affectent le plus directement la population, c'est toujours de se demander en quoi ça profite à la population de faire des changements et des dépenses comme ce qui est prévu ici.

Donc, à l'égard du déménagement du juge en chef de la Cour du Québec de Montréal à Québec, on se souviendra que, lors de l'étude des crédits du ministère de la Justice, il nous a indiqué qu'il y avait des dépenses reliées à cette nouvelle affectation, à ce déménagement, qu'il y avait effectivement du personnel qui changerait de ville et qu'il y aurait, évidemment, avec ça, des bureaux et des choses à aménager. Donc, il y aurait des coûts additionnels pour le contribuable, et il n'était pas capable de nous dire en quoi ça profiterait à l'ensemble de la population du Québec. On avait la nette impression, et le ministre l'a vraiment avoué, l'autre soir, en Chambre, qu'on était face à quelque chose qui était plutôt symbolique. C'était important pour le ministre et pour sa formation politique de démontrer clairement leur affection pour la ville de Québec. Sans doute, après avoir perdu Les Nordiques, M. le Président, que ça leur faisait plaisir de faire venir le Conseil de la magistrature, peut-être pour les grandes occasions où ils vont pouvoir prêter le costume de Badaboum au juge en chef pour les partys au 1080, avenue des Braves.

Toujours est-il, M. le Président, que, avant de donner notre aval à une dépense de l'argent du contribuable pour quelque chose de purement symbolique, on se serait attendus à ce que le ministre nous dise que, non, ça allait au-delà de ça, qu'il y avait des raisons, des motifs, des raisons qui vont vraiment de l'intérêt de l'ensemble de la population, puis, jusqu'à ce jour, on ne les a pas entendues, ces raisons-là, M. le Président.

Ça, c'est pour ce qui est du déménagement du juge en chef de la Cour du Québec, mais c'est encore plus inquiétant à l'égard du déménagement du Conseil de la magistrature de Montréal à Québec. Rappelons que, d'après les seuls chiffres dont nous disposons, environ 80 % des causes entendues par le Conseil de la magistrature originent de Montréal. C'est le chiffre que, nous, on utilise depuis le début, qui a été à maintes reprises rapporté. Peut-être que le ministre a un chiffre plus exact, mais c'est le chiffre que nous utilisons comme point de départ dans nos délibérations là-dessus.

Ceci étant le cas, encore une fois, M. le Président, on se demande pourquoi non seulement imposer des dépenses additionnelles à l'État, mais surtout imposer des dépenses additionnelles aux gens qui veulent que leur cas soit traité par le Conseil de la magistrature, qui, rappelons-le, est là pour s'assurer que les gens qui ont une plainte à l'égard du système judiciaire, notamment le traitement de la part d'un juge, bien, que cette cause puisse être entendue et, le cas échéant, sanctionnée, disciplinée par l'organisme en question. C'est une tâche délicate et une tâche importante, et ça exige, évidemment, une représentation par avocat dans de très nombreux cas. Alors, on est en train non seulement de parler des dépenses de l'État dans le cas qui nous occupe, mais, bien entendu, des dépenses relatives qui seront encourues, engagées par les plaignants en question. Ils vont être obligés d'aller de Montréal à Québec dans, encore une fois, selon nos chiffres, 80 % des cas.

Le ministre a beau nous dire, comme il l'a déjà dit en boutade, bien, qu'il a mesuré, que la distance entre Québec et Montréal, c'est la même distance qu'entre Montréal et Québec, on lui reconnaît ses grandes capacités comme géographe, mais on n'est pas persuadés que le calcul demeure le même lorsque, quatre fois sur cinq, les gens vont être obligés de se déplacer au lieu d'une fois sur cinq à l'heure actuelle. C'est un simple calcul mathématique basé sur les dépenses à prévoir dans ces cas-là.

Au-delà de ces considérations purement monétaires et d'ordre assez froid, comptable, je dois dire qu'on est aussi un peu inquiets de l'attitude qu'affiche le ministre à l'égard de la magistrature et de son traitement de ce dossier-là. Comme d'habitude, le ministre dit, dans un premier temps, qu'il a parlé avec tout le monde, que tout le monde est d'accord avec lui. C'est exactement la même chose qu'il nous a dite dans l'aide juridique. Voyez, on a aujourd'hui 70 groupes communautaires qui sont contre. Alors, on commence à se demander si le ministre n'est pas un peu optimiste lorsqu'il nous décrit les mouvements qui sous-tendent et qui soutiennent et qui appuient l'ensemble de ses interventions devant la Chambre et devant ses commissions.

(20 h 30)

Mais ici, le ministre, ses premières explications qu'il a données lorsqu'il a été cité dans les journaux, voilà deux mois environ, à propos de cette proposition, il disait: Bien, c'est normal. Québec, c'est une capitale, et on va déménager, donc, les juges, le Conseil de la magistrature, le juge en chef, on déménage tout ça à Québec. Ça aurait une certaine logique si on était en train de parler d'éléments de la fonction publique, de l'administration, du secteur public qui est contrôlé effectivement, et à bon escient, par le gouvernement, mais ce n'est pas de ça qu'il s'agit. Il faut avoir beaucoup plus de doigté, beaucoup plus de subtilité lorsqu'on traite de ces questions-là et que ça affecte la magistrature. Le résultat peut être obtenu mais, encore une fois, il faut, en tant que ministre de la Justice, en tant que gardien du Grand Sceau... Je ne suis pas en train de faire défaut et de référer à un député autrement que par son nom, je tiens à vous rassurer, M. le Président, mais c'est le Grand Sceau qui est symbolique de la division des pouvoirs dans notre société, et le ministre de la Justice en est le gardien. C'est lui qui doit afficher la plus grande prudence à l'égard de cette importante institution qu'il représente. C'est pour ça qu'on est quelque peu inquiets de l'entendre parler de ça comme s'il s'agissait tout simplement du déménagement d'un organisme qui relève du ministère de la Faune. Ce n'est pas de ça qu'il s'agit, il s'agit de la magistrature. Et, avant de le traiter comme s'il s'agissait d'un autre élément du gouvernement, je pense qu'il faut vraiment marquer un temps d'arrêt et faire toutes les consultations qui s'imposent.

À propos de ces consultations, M. le Président, le ministre nous a rassurés, comme je le mentionnais tout à l'heure, en disant qu'il avait procédé, comme d'habitude, à un ensemble de consultations et qu'absolument tout le monde était d'accord avec ça. On va avoir l'occasion de le dire un petit peu plus en détail tout à l'heure, mais disons juste que l'actuel juge en chef de la Cour du Québec a exprimé son désaccord pour ce qui est du déménagement du Conseil de la magistrature; son terme exact, c'est qu'il a dit que ce n'était probablement pas très opportun. Et il rappelait que le Conseil regroupait un certain nombre de membres, dont la plupart étaient de la région de Montréal, et qu'il fallait se réunir assez souvent, etc. Alors, voilà un intervenant important qui est contre ce déménagement du Conseil de la magistrature, et c'est pour ça que, nous, on continue à dire qu'il faut faire très, très attention avant de procéder à ce déménagement-là. On n'est pas en train de déménager un élément d'un ministère, on n'est pas en train de déménager un organisme qui relève directement de l'État, on est en train de traiter avec un autre pouvoir qui, constitutionnellement, fait partie, justement, de notre gouvernement, au sens propre. Et, à notre sens, on a manqué de délicatesse à l'égard de ces importants collaborateurs de notre gouvernement que sont les magistrats en procédant de la sorte.

Aussi, M. le Président, le projet de loi 81 propose, comme le ministre l'a dit tantôt, de permettre dorénavant à la cour municipale d'entendre certaines affaires qui relèvent, à l'heure actuelle, exclusivement de la division de la jeunesse de la Cour du Québec. Il faut dire que l'idée en soi n'est pas mauvaise, parce que, parfois, effectivement, il s'agit de choses qui sont relativement mineures, et il y aurait un accès accru pour ces jeunes contrevenants là si eux et leur famille pouvaient, justement, accéder à un point un peu plus proche. Mais, à notre sens, le projet de loi, tout en étant intéressant pour les motifs que je viens d'évoquer, fait défaut de ne pas assurer ou de ne pas prévoir, plutôt, des garanties suffisantes en ce qui concerne la vie privée de ces jeunes-là. Je ne sais pas si vous avez déjà eu l'occasion de le faire dans votre coin, M. le Président, mais, pour quiconque a déjà assisté à une séance de la cour municipale, ou comme participant, ou comme avocat, ou comme témoin, on sait très bien que c'est souvent quasiment la fête du village: tout le monde s'y retrouve, les gens qui prennent un certain intérêt à ces choses-là s'y retrouvent même régulièrement; c'est plus intéressant que ce qui se retrouve à la télé, souvent. Et, dans un tel contexte où les garanties qui existent, à l'heure actuelle, pour les jeunes contrevenants ne seront plus là, on est en droit de se poser des questions sérieuses sur l'opportunité de procéder comme ça ou, du moins, et on aura l'occasion de le proposer au ministre, de proposer certains aménagements de son projet de loi qui viseraient à accroître ces garanties et à assurer leur respect.

Alors, voilà, en quelques mots, les remarques préliminaires que j'avais à formuler à l'égard du projet de loi 81, M. le Président, et je ne sais pas s'il y a d'autres membres de ma formation qui désirent s'exprimer. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): M. le député de Châteauguay.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Je vais donc faire quelques remarques sur le projet de loi 81 – c'est à mon tour – pour noter, M. le Président, peut-être... Je pense que c'est peut-être utile de le faire d'entrée de jeu. Lorsqu'on fait les remarques préliminaires d'un projet de loi, avant de commencer à regarder chacun des articles, il est peut-être approprié de regarder le contexte, en fait, toute la scène, si on veut, qui entoure l'étude de ce projet de loi là, de voir les premières réactions, comment on a réagi à ce projet de loi là, à l'annonce du ministre qui a été faite et ce que les intervenants en ont dit, et voir un peu comment tout ça s'inscrit.

Je vais prendre, à titre d'exemple, M. le Président... Avant de regarder le fond, regarder peut-être les premières réactions, là. En regardant les premières réactions, on va parler du fond, mais ce que je veux faire ressortir de ces réactions, M. le Président, c'est la façon dont a été élaboré, amené le projet. Est-ce qu'il est... parce qu'il faut toujours un peu se poser cette question-là lorsque le législateur, le gouvernement décide d'apporter un projet de loi: Est-ce qu'il répond à une préoccupation du milieu? Est-ce qu'il répond à une demande? Est-ce qu'il est connecté, branché sur le milieu? Est-ce que le milieu a été consulté? Des fois, on peut se dire que la consultation n'est pas nécessaire dans la mesure où le projet de loi est l'aboutissement d'une demande. Lorsqu'on s'aperçoit qu'il ne l'est pas, l'aboutissement d'une demande, alors, il faut dire: Est-ce qu'on a consulté?

Le 18 avril dernier on apprenait, M. le Président, dans La Presse , et je vais citer un passage seulement – c'est le juge en chef, là, Albert Gobeil. On dit ceci, et je cite: «"Le ministre Bégin m'a demandé si, à mon avis, il était possible que le juge en chef et le juge en chef associé siègent à Québec; j'ai répondu oui, parce que, effectivement, il est possible de le faire. Mais plusieurs de mes collègues me font savoir que c'est une décision qui ne fait pas que des heureux", a dit hier le juge en chef de la Cour du Québec, Albert Gobeil, qui quittera ses fonctions le 31 août.» Et on continue un peu plus loin, M. le Président, dans le texte: «"Ce avec quoi j'ai plus de difficultés, c'est avec le déménagement du Conseil de la magistrature, qu'on veut aussi amener à Québec", confie le juge Gobeil.» Et il dit: «La plupart des événements se passent dans la région de Montréal. C'est évidemment très pratique de s'y trouver». On ne peut pas le contredire là-dessus. Et il conclut: «J'ai fait savoir au ministre que je n'étais pas d'accord avec cette décision, pour laquelle nous n'avons pas été consultés. Il me semble qu'on devrait à tout le moins attendre de voir comment fonctionne la nouvelle organisation de la Cour avant de faire déménager le Conseil de la magistrature, et de toutes manières, il me semble préférable de ne pas l'effectuer.»

Je ne sais pas si le ministre voudra réagir tantôt à cet avis. Peut-être que j'ai manqué des consultations postérieures, qui ont pu intervenir après le 18 avril, où le juge en chef de la Cour du Québec a pu changer d'opinion, mais une chose est sûre, avec les informations que je détiens, je peux m'interroger sur les consultations, s'il y en a eu, et sur le type de consultations. Est-ce qu'on est en face d'un autre cas comme celui de la commission des institutions à laquelle nous avons déjà assisté, M. le Président, pas plus tard que la semaine dernière, avec le projet de fusion de la Commission des droits de la personne et de la Commission de protection des droits de la jeunesse, où on a demandé l'avis au Barreau sur un amendement au projet de loi et puis, une fois qu'ils sont partis d'ici, on a changé ça, on a apporté de nouveaux amendements? On les a consultés pour la frime, finalement. Et, là, on s'aperçoit que le juge en chef nous dit: Le ministre m'a demandé mon avis. Moi, je considère que c'était donc une consultation, mais simplement à savoir si le juge en chef et le juge en chef associé pouvaient siéger à Québec, et pas sur le Conseil de la magistrature. Alors, je m'étonne qu'on continue à faire des consultations comme celle-là.

Donc, le décor qui accompagne ce projet de loi, M. le Président, c'est un problème de consultation, problème de consultation qui peut se retrouver peut-être aussi au sein même du caucus ministériel, M. le Président. Le 25 mai dernier, et puis je suis sûr que le ministre voudra me donner des informations tantôt, on apprenait dans Le Devoir , sous la signature de Pierre O'Neil, qu'à l'occasion du Conseil national du Parti québécois qui se tenait le samedi suivant... On nous disait: «...l'Association péquiste du comté de Gouin, qui demande au gouvernement de surseoir au déménagement à Québec du bureau du juge en chef de la Cour du Québec et du Conseil de la magistrature.» Et on nous dit que le député de Gouin va faire connaître sa position au Conseil national. Alors, je suis persuadé que le ministre pourra nous renseigner à savoir si le député de Gouin a appuyé son exécutif ou s'il a appuyé le ministre.

(20 h 40)

M. Bégin: Ça a été retiré par résolution.

M. Fournier: Alors, l'exécutif a retiré sa motion. On voit comment ça se passe, M. le Président. Dans les conseils nationaux du Parti québécois, on fait des pressions pour que l'exécutif retire ses propositions. Belle façon de faire de la consultation: le bâillon. C'est quelque chose qu'on connaît, M. le Président. D'ailleurs, en ce moment, ce soir, en Chambre, c'est le bâillon sur la Loi électorale. On voit le bâillon de l'exécutif du PQ, qui a été obligé de retirer, semble-t-il, ce que le ministre nous dit, la motion qui avait été déposée et qui demandait au gouvernement de surseoir au déménagement. C'est ce que la nouvelle nous apprenait. Encore une fois, on voit le type de consultation qui est le décor qui accompagne le projet de loi 81.

Maintenant, sur le fond lui-même, Gilles Lesage, le 21 avril, posait la question suivante, et je cite un seul passage: «Sauf que le gros du boulot judiciaire, dit-il – les quatre cinquièmes en fait – se passe dans la région montréalaise, d'où originent également les deux tiers des plaintes contre la magistrature. La question surgit donc naturellement: ces transferts amélioreront-ils vraiment l'administration, et la justice s'en trouvera-t-elle mieux servie, plus efficace et moins coûteuse?» Alors, on se pose la question: En quoi il y aura ou quels sont les impacts économiques ou les impacts sociaux? Quels sont, finalement, la motivation, les buts visés par ce projet de loi?

Jean-V. Dufresne nous disait: Alors que la Commission nationale sur l'avenir du Québec plaide pour la décentralisation, voici que le gouvernement fait justement le contraire en essayant de ramener à Québec. Pour tout dire, transférer le siège de la magistrature à Québec est une décision essentiellement politique. Elle n'est pas étrangère à cette mythologie du pays à bâtir qui alimente la campagne référendaire. On est, M. le Président, dans le symbolique.

Où sont, quels sont les buts? Qu'est-ce qu'on cherche à atteindre vraiment? Où sont les économies? Où est l'efficacité qui sera ajoutée par ce projet de loi? Pourquoi, M. le Président, est-ce qu'on n'écoute pas le juge Gobeil qui dit que, comme la grande région de Montréal est responsable de 80 % du volume d'activité judiciaire... On se pose la question: Quelle est la logique derrière le déménagement? Comment on va, par cette nouvelle façon de faire, par ce déménagement, ni plus ni moins, là, aider l'accès à la justice puis on va régler les problèmes d'engorgement, les problèmes de délais? Il y avait des préoccupations, M. le Président, dans le domaine de la Justice, d'accès au tribunaux, qui sont fondamentales. Pourquoi on décide d'aller sur une mesure symbolique? Est-ce que Jean-V. Dufresne a raison? Est-ce que c'est vraiment la motivation derrière le projet de loi 81 de faire dans la mythologie du pays à bâtir qui alimente la campagne référendaire? Pourquoi utiliser ou soulever, dans ce projet de loi, simplement l'outillage du Clan Panneton – juste du déménagement – sans savoir vraiment ce que ça va donner dans les faits, M. le Président, à quoi ça va servir? On a une incompréhension totale des effets qui doivent être recherchés dans le domaine de la justice. Est-ce que ça fait partie de la mythologie ou est-ce que c'est, peut-être, M. le Président, des relents ou l'influence du ministre de l'Éducation sur le ministre de la Justice? Finalement, on gère un ministère en fonction de territoires qu'on occupe et qu'on représente. Peut-être que c'est ça, aussi.

Moi, je n'ai rien contre des ministres qui jouent leur rôle de député puis qui s'occupent de leur coin. Je trouve ça... C'est un des principes qui nous gouvernent, c'est la façon dont on fonctionne, mais le ministre doit se souvenir qu'il est le ministre de l'ensemble du Québec et pas simplement d'une région ou d'un comté. Et, dans ce cas-ci, je dois vous avouer qu'on ne sait pas trop comment catégoriser le ministre de la Justice. Est-ce qu'il fait dans le symbolique pour essayer de jouer le jeu référendaire ou bien s'il fait dans le territorial, un peu de la façon que le ministre de l'Éducation mène son ministère, ce qui soulève, évidemment, de la part de l'ensemble des régions du Québec ignorées, mises de côté, une contestation, une inquiétude sur les lendemains, sur ce qui vient après? Si c'est ça, le jugement, si c'est ça, le point de départ qui amène l'action qui suit, il n'y a pas lieu de s'étonner que les gens, un peu partout, soient inquiets.

Encore une fois, lorsque le juge en chef de la Cour du Québec est aussi catégorique dans ses propos, il me semble qu'on devrait porter une attention à ça. Enfin, probablement que le ministre pourra nous donner des précisions. Comme il nous en a donné sur le Conseil national du Parti québécois, il pourra nous donner des précisions sur la façon qu'il interprète les propos du juge en chef. Probablement qu'il a déjà eu d'autres conversations par la suite et qu'il pourrait nous indiquer que le juge en chef a retiré ses propos; c'est peut-être ce qu'il va nous dire, on verra. Il reste que ce qu'on a sous la main comme information, M. le Président, c'est que le juge en chef trouve que ce n'est pas le geste qu'il faut poser.

Quand on connaît l'ensemble de la problématique dans le domaine de la justice, qui a été abordée, entre autres, M. le Président, à l'occasion du débat sur l'aide juridique, qui a été abordée dans le débat sur la fusion des commissions – la Commission des droits de la personne, la Commission de protection des droits de la jeunesse – où on apprenait, entre autres, que les services d'information juridique qui permettent aux gens de savoir quels sont leurs droits... On a entendu, la semaine dernière, que cette information-là n'était plus accessible. Moi, je me pose des questions sur le bien-fondé d'amener un projet de loi comme le projet de loi 81, qui ne pose pas les bonnes questions, qui ne résout pas, qui ne tente pas d'apporter une réponse. Et, jusqu'à un certain point, vous savez, le symbolique, en même temps, c'est facile de faire un projet de loi pour faire du symbolique, hein, ce n'est pas ce qu'il y a de plus compliqué. Quand on n'a pas à se préoccuper des vrais problèmes qui concernent un secteur dont un ministre s'occupe, ça va. Et, lorsqu'on regarde la suite de pièces législatives qui ont été déposées devant l'Assemblée nationale et que nous avons à étudier, en ce moment, dans tous les secteurs – dans tous les secteurs, M. le Président, même dans le domaine de l'agriculture, il y a plein de dispositions – on dirait que c'est fait à la sauvette.

Et on se demande si la machine était vraiment prête à nous apporter des pièces législatives pour cette période-ci, M. le Président. Je me demande si la machine n'était pas plutôt dirigée, orientée vers une campagne référendaire. Selon les engagements du gouvernement lors de l'élection du 12 septembre dernier, il avait été prévu que ça se ferait dans les huit à 10 mois, donc à cette période-ci, M. le Président, et on avait orienté toute la préparation dans chacun des ministères. Vous vous souviendrez que les ministres ont fait des commissions régionales, ont fait des tournées, pas dans le cadre de leur secteur, comme ministres, des domaines qu'ils s'occupent, mais sur le dossier référendaire, parce que ça s'en venait à ce moment-ci. Bon. Il y a eu un problème dans l'engrenage, là, et puis il y avait un os, disait-on, dans l'engrenage, et puis, là, bien, il fallait montrer que ça gouvernait. Et on arrive avec des projets de loi comme ceux-là qui ne sont pas en relation avec les intéressés, qui ne concernent pas les réels problèmes auxquels sont confrontés l'ensemble des Québécois et des Québécoises dans le domaine de la justice.

(20 h 50)

Pourquoi est-ce qu'on choisit de faire ça, à l'encontre... Et, ça, on revient au fond, on revient au fond, M. le Président. «La grande région de Montréal est responsable de 80 % du volume d'activité judiciaire au Québec. Certains juges se demandent donc quelle est, du point de vue administratif, la logique derrière ce déménagement.» Peut-être qu'il y en a une, logique, qui ne nous a pas encore été communiquée. Vous savez, dans une autre pièce législative, la 83, M. le Président, on nous dit que c'est bien bon, c'est juste parce qu'on a oublié de la communiquer comme il le faut. Bon. On nous dit: Dans le domaine de la santé, c'est un problème de communication. Peut-être qu'ici aussi le gouvernement éprouve un problème de communication, et le ministre va s'assurer dès ce soir de partager cette logique, une logique qui soutient comment, du point de vue administratif, 80 % des dossiers provenant de Montréal, il vaut mieux les déplacer ailleurs.

Remarquez, moi, je cherche. Je me suis posé la question et j'ai cherché à lire aussi, M. le Président. Lorsqu'on vient en commission des institutions pour discuter d'un projet de loi, on essaie de regarder la pièce qui nous est présentée, l'ensemble des remarques qui ont été faites pour comprendre le contexte général, comme je le disais au début, M. le Président. Je suis persuadé que le ministre a fait la même chose. Je suis persuadé, puis qu'il va nous répondre comment il peut réagir à ces propos qui ont été tenus par des éditorialistes, des chroniqueurs et la personne la plus directement concernée. C'est impossible d'être plus concerné que le juge en chef de la Cour du Québec. Impossible. Et il ne comprend pas. Il ne sait pas c'est quoi, la logique. Il dit même qu'il vaudrait mieux ne pas le faire.

Alors, M. le Président, je ne veux pas abuser du temps de cette commission. Je ne prendrai pas tout le temps qui m'est attribué pour mes remarques préliminaires, mais je tiens encore une fois à souligner que le ministre a tout un fardeau, quand on voit l'ensemble des personnes qui se sont prononcées sur son projet de loi, qui est d'apparence banale, M. le Président. Ce n'est pas, là, une pièce législative, là, phénoménale. Mais, déjà, avec une pièce comme celle-là, on a réussi à faire un peu l'unanimité contre le ministre. Alors, il va falloir que le ministre nous explique le bien-fondé, sa logique, qu'il la communique comme il faut et qu'il ne tombe pas dans les travers de son collègue à la Santé, qu'il nous communique comme il faut ce qu'il cherche vraiment, ce qu'il y a au-delà de la symbolique, ce qu'il y a au-delà de... À Québec, il y a l'exécutif, le législatif; bien, là, il va y avoir le judiciaire. Il faudrait aller un petit peu plus loin que ça, M. le Président, là.

Je suis sûr que le ministre va faire un petit effort ce soir. Il va communiquer avec nous la logique fondamentale, quelles sont les économies, quels sont les impacts au niveau économique, les impacts sociaux, quelle est la réceptivité à laquelle on peut s'attendre une fois que c'est bien communiqué avec le milieu. Et c'est avec beaucoup d'attention que je vais attendre les réponses du ministre. Et, sur ce, M. le Président, je mets un terme à mes remarques préliminaires.

Le Président (M. Simard): Vous n'avez effectivement pas pris tout votre temps, je vous en remercie. Il vous restait toute une minute.

M. Fournier: Pas tout de suite, monsieur. Peut-être que je pourrai intervenir.

Le Président (M. Simard): M. le député de Mont-Royal.


M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Oui. Merci, M. le Président. Nous commençons l'étude article par article du projet de loi 81, Loi modifiant la Loi sur les cours municipales, la Loi sur les tribunaux judiciaires et diverses dispositions législatives. M. le Président, quand nous examinons ce projet de loi, nous voyons qu'il y a des changements dans la structure des cours municipales, dans les structures des tribunaux, dans le sens que certains organismes sont déplacés de Montréal à Québec.

Vous savez, M. le Président, j'ai participé à plusieurs projets de loi où il y avait des changements de structures administratives, par exemple dans le projet de loi sur les Affaires internationales, et, à ce moment, nous avions à décider quelle partie du ministère devait être sensiblement à Québec et s'il y avait des parties qui pouvaient être ou devraient être à Montréal. Et nous sommes venus à la conclusion qu'évidemment le siège social du ministère devait être à Québec mais qu'il y avait tellement d'activités, certaines activités dans le domaine international, spécialement dans le domaine des affaires, des gens d'affaires, des entreprises qui avaient lieu à Montréal que nous avons jugé bon d'instituer une présence de ce ministère à Montréal, pour répondre aux besoins qu'exigeaient la population de Montréal et les activités du ministère.

Si, M. le Président, on peut adopter une telle approche dans un projet de loi qui est vraiment administratif, qui ne touche pas les droits fondamentaux de la population... Tu sais, les Affaires internationales, il y a plusieurs endroits où ça n'existe même pas, ce ministère-là. On l'a institué ici parce que c'était important pour nous, dans nos moeurs, nos traditions, les activités, notre identité, les aspects culturels, tout le reste, c'était important pour nous. Et, dans un tel projet de loi qui ne touche pas les droits fondamentaux, on a jugé bon de répondre à certains besoins que Montréal avait et que Québec avait. Mais, dans un projet de loi aussi fondamental que la justice, les tribunaux, notre système judiciaire, la question qu'on peut se poser, M. le Président: Est-ce qu'on peut être aussi arbitraire que semble l'être ce projet de loi ci pour chambarder, faire des changements qui ne sont pas acceptés, même... Écoutez, c'est très sérieux quand on dit que le juge en chef... Le juge en chef est au-dessus de toute partisanerie, discussion politique. Lui, il regarde à l'administration de la justice, aux droits fondamentaux des citoyens. Et, quand lui émet une certaine réserve sur des aspects du projet de loi, M. le Président, franchement, je crois que le gouvernement devrait, en toute conscience et en responsabilité, accepter de revoir et de répondre aux préoccupations qui sont émises par un personnage comme le juge en chef. Ce n'est pas le Parti libéral, ce n'est pas un chef d'un parti politique, ce n'est pas un président d'une organisation, c'est le juge en chef.

Et, vous savez, on doit prêcher par l'exemple, M. le Président. On demande à nos concitoyens de respecter nos lois, d'avoir un respect pour la magistrature. Quand la magistrature se prononce, c'est en toute objectivité et nous devons non seulement écouter, mais respecter. Quel exemple pensez-vous que le gouvernement donne à la population quand le gouvernement, qui doit encore prêcher par l'exemple et donner l'exemple du respect de la magistrature, dit: Écoutez, le juge en chef, là, ce n'est pas important, c'est moi qui vais décider. Avez-vous pensé à ce que le ministre a pensé, M. le Président, aux conséquences d'un tel geste sur l'administration de la justice, sur le respect que la population, l'individu doit avoir pour l'administration de la justice, pour la magistrature? Quand le gouvernement ne peut pas respecter la magistrature, je pense que ça va être difficile de donner l'exemple et de dire à ses citoyens: Vous devez la respecter. Moi, j'ai mes règles à moi, mais vous pouvez la respecter.

Le projet de loi, M. le Président, soulève beaucoup de questions, beaucoup d'inquiétudes. Tu sais, on ne veut pas aller aussi loin que de dire: Est-ce que vous voulez punir Montréal? Est-ce que vous voulez faire fi de Montréal? Parce que ce sont des juridictions, ce sont des activités qui appartiennent à Montréal. C'est là où il y a l'action, c'est là où ces activités se produisent, et on a la responsabilité. Et, maintenant, vous dites non. Question, je ne sais pas, symbolique, question de ne pas respecter le voeu de la population, de ne pas respecter l'administration de la justice.

M. le Président, je crois que ça va au-delà de dire que c'est le Parti libéral ou l'opposition. Je pense qu'il y a des principes beaucoup plus fondamentaux qui sont en jeu. Savez-vous, des fois, on pense que ce n'est pas important. On a une certaine raison pour un projet de loi. On y inclut un certain contenu. Des fois, est-ce qu'on évalue les conséquences non seulement sur ceux qui sont affectés, comme le Conseil de la magistrature, mais sur la population qui voit ce conflit entre le gouvernement et le juge en chef? Ça pose des questions.

(21 heures)

Oublions, là, que vous voulez punir Montréal. Oublions que vous n'avez pas de respect... Quand même, le maire de Montréal, il se fait bafouer à gauche, à droite et tout ça. Oublions ça pour le moment, on parle de la magistrature. Ce n'est pas une personne élue, c'est quelqu'un qui est nommé en toute objectivité pour prendre les décisions, au-dessus de toute partisanerie politique, d'interpréter nos lois. Nous avons, M. le Président, un système de lois qui fait vraiment l'envie du monde entier. Je vous le dis, M. le Président. On dit souvent que notre Loi électorale fait l'envie, mais même notre projet de loi. Combien de gens d'autres pays sont venus étudier ici? Pourquoi? Parce que nous avons la base du Code civil qui est la base du code Napoléon. Nous avons, dans notre droit commercial, notre droit pénal, la «common law». Nous faisons comme un genre de contenu qui prend les deux systèmes légaux, les deux principaux systèmes légaux du monde, et nous l'avons ici, au Québec. Alors, nous devons respecter, nous devons, dans nos lois, donner suite à ce respect et à une certaine dignité. Je crois, M. le Président, que le gouvernement a un devoir, ici, de prendre en considération les opinions, les voeux de la magistrature, du juge en chef, et de ne pas donner ce mauvais exemple de dire: Nous allons aller à l'encontre de la volonté de la magistrature.

Si un juge émettait un jugement, vous ne penseriez jamais de dire... Écoutez, on ne peut pas, le gouvernement ne peut pas faire d'interférence et changer ce jugement. C'est quelque chose qui a une objectivité, qui respecte la loi. On respecte la magistrature. C'est la même chose, M. le Président, avec ce que vous faites ici. Je suis très surpris que le gouvernement, que le ministre adopte ce genre d'attitude. Il y a beaucoup de choses qui pourraient être faites si vous voulez faire d'une façon symbolique, mais, au moins, obtenez le consentement des administrateurs de la justice, du juge en chef, pour que ça puisse se faire dans un consensus et pour que ça se fasse dans le respect des lois et dans le respect de l'opinion de ceux qui sont responsables d'administrer et de rendre jugement sur nos lois. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Mont-Royal. M. le ministre.

M. Bégin: Je n'ai pas d'autres commentaires. Je serais prêt à procéder à l'étude article par article.

Le Président (M. Simard): Merci.


Motion proposant que le ministre dépose la partie accessible du mémoire au Conseil des ministres relatif au projet de loi

M. Mulcair: M. le Président, avant de débuter nos travaux, j'aimerais présenter une motion préliminaire qui viserait à faire en sorte que la commission des institutions exprime le souhait qu'avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 81, Loi modifiant la Loi sur les cours municipales, la Loi sur les tribunaux judiciaires et diverses dispositions législatives, le ministre dépose, avec la permission du président, la partie accessible du mémoire au Conseil des ministres relatif audit projet de loi. Afin d'accélérer nos travaux et de vous aider dans vos délibérations sur la recevabilité, je vous réfère à une décision de votre collègue, la députée de Vanier, qui siégeait comme présidente de la commission de l'éducation cet après-midi, qui était favorable à une motion identique.

Le Président (M. Simard): Alors, voilà une demande que je vais lire: «Que la commission des institutions exprime le souhait qu'avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 81, Loi modifiant la Loi sur les cours municipales, la Loi sur les tribunaux judiciaires et diverses dispositions législatives, le ministre dépose, avec la permission du président, la partie accessible du mémoire au Conseil des ministres relatif audit projet de loi.» Sur la recevabilité, est-ce que vous voulez vous exprimer?

M. Mulcair: Je pense, M. le Président, que la référence à la jurisprudence, toute fraîche, à la commission de l'éducation devrait suffire. Je suis sûr que vous êtes aussi soucieux que nous de bâtir une jurisprudence parlementaire cohérente. Votre collègue, la députée de Vanier, comme je l'ai mentionné tantôt, n'a pas eu d'hésitation à déclarer une motion identique recevable.

Le Président (M. Simard): Et vous, ou quelqu'un d'autre, sur la recevabilité.

M. Bégin: M. le Président, je n'ai pas grand-chose à dire sur la recevabilité, je ne connais pas de précédent à cet égard, mais il m'apparaît que, normalement, les documents qui sont accessibles au public auraient pu être demandés en tout temps, connaissant la règle. Je pense que la loi d'accès, s'il y avait des réticences, existe à cette fin-là. Alors, M. le Président, je pense que ça a été rendu, en temps utile, public. Je ne vois pas l'avantage qu'on aurait à prendre connaissance des documents qui ont été déposés au Conseil des ministres et qui sont disponibles au public selon les règles usuelles. Je ne crois pas qu'on ait à déposer ça devant les commissions parlementaires.

Le Président (M. Simard): Suspension de deux minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 6)

(Reprise à 21 h 9)

Le Président (M. Simard): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la motion recevable, encore que j'aie quelques soupçons, enfin, quelques doutes sur l'aspect, dans la rédaction, d'«avant d'entreprendre» qui pourrait, effectivement, aller à l'encontre de l'ordre de la Chambre. Mais, pour fins d'accélération de nos travaux, on ne fera pas de maniérisme juridique.

Alors, maintenant, donc, ce n'est pas parce que je l'ai déclarée recevable qu'elle sera reçue. Elle sera donc maintenant passée aux voix, et c'est la commission qui décidera si nous l'acceptons ou pas.

M. Mulcair: Mais on peut quand même en débattre.

Le Président (M. Simard): Ah! mais j'entends bien que vous en débattiez. Alors, M. le député de Chomedey, sur la motion.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Le 16 mai 1995, devant cette commission, vous vous souviendrez sans doute que, lors d'un échange entre le ministre de la Justice et mon collègue, le député de D'Arcy-McGee – il s'agissait, à l'époque, d'un débat sur le projet de loi créant le nouvel Ordre des huissiers – mon collègue de D'Arcy-McGee avait demandé au ministre s'il pouvait justement nous faire copie de la partie accessible de son mémoire au Conseil des ministres. Et de répondre le ministre, après consultation avec ses proches collaborateurs... Il avait expliqué que, d'après les informations dont il disposait, lorsque la formation politique dont je fais partie était au pouvoir, c'était son habitude de ne pas donner ces documents-là aisément et, effectivement, de référer les gens à la Commission d'accès à l'information. Mais, a enchaîné le ministre – lors de cet échange du 16 mai 1995 – il n'y aura pas un poids, une mesure, que, lui – et ça, je le cite en disant cela, ce sont ses termes exacts – il n'allait pas exiger que, nous, on passe à travers ces différents cerceaux là. Dans un geste magnanime, il a proposé de nous donner derechef la partie des mémoires au Conseil des ministres, pour ces projets de loi, qui concernait... qui était donc accessible au public.

(21 h 10)

Cet après-midi, M. le Président – et c'est pour ça que j'ai été capable de vous référer à la décision de votre collègue de Vanier – on a fait une demande semblable au ministre, et il nous a informés que rien, dans son mémoire, n'était accessible au public, et ce, malgré le fait qu'une de ses proches collaboratrices nous avait très bien indiqué le contraire quelque temps avant.

Quoi qu'il en soit, ce soir, on réitère cette demande, cette fois-ci, bien entendu, non pas à propos du projet de loi portant sur la réforme du Code des professions, dont il a été question à la commission de l'éducation cet après-midi, mais bien... Comme vous l'avez bien compris par notre motion, il s'agit du projet de loi 81 modifiant la Loi sur les cours municipales, la Loi sur les tribunaux judiciaires et diverses dispositions législatives.

Alors, bien entendu, si le ministre accède à notre demande d'obtenir la partie accessible au public, non seulement il sera en train de respecter son engagement formulé le 16 mai, mais il sera aussi en train, évidemment, d'accélérer les travaux de cette commission, parce qu'on pourrait sans doute prendre une pause appropriée pour aller étudier le mémoire en question. Et, d'autant mieux renseignés sur les tenants et aboutissants du projet du ministre, on pourrait jauger l'opportunité de poursuivre avec nos autres interventions, que ce soit sous forme de motions ou sous forme de modifications, parce qu'on aurait peut-être une appréciation un peu plus juste.

Jusqu'à date, on a réussi, à travers les journaux, à glaner quelques indications quant aux réelles intentions du ministre, mais jamais suffisamment précises, à notre point de vue, M. le Président. Lorsqu'on regarde la vive réaction provoquée, notamment dans la communauté montréalaise, par ce projet, en ce qui concerne notamment le déménagement du juge en chef de la Cour du Québec à Québec et le déménagement du Conseil de la magistrature, on se dit que ce serait intéressant de voir quelle sorte d'argumentation un ministre de la région de la capitale a utilisée au Conseil des ministres pour séduire et pour convaincre ses collègues dont un grand nombre proviennent de la région de Montréal. Vous savez, M. le Président, sur ce projet de déménagement, on a un tas d'intervenants qui se sont déjà prononcés là-dessus, notamment la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. On a les journaux, les éditorialistes qui ont eu une énorme quantité de choses à dire là-dessus. Évidemment, les éditorialistes de la région de la capitale souhaitaient, pour leur part, que tout ça se fasse rapidement et qu'on déménage plus de choses.

Je pense que ça vaut la peine de rappeler quelques paroles qui ont été tenues à cet égard. On cite le juge en chef Gobeil sur le déménagement du Conseil de la magistrature, puis il dit ceci: «Ce avec quoi j'ai plus de difficultés, c'est avec le déménagement du Conseil de la magistrature, qu'on veut aussi amener à Québec», confiait le juge Gobeil au journal La Presse , et il disait qu'il avait fait savoir au ministre qu'il n'était pas d'accord avec cette décision pour laquelle il n'avait pas été consulté. Ça, c'est important aussi, M. le Président, de savoir que le juge en chef de la Cour du Québec n'a pas été consulté sur ce déménagement-là, puis, une fois qu'il l'a appris, bien, il n'était pas d'accord avec ça.

Le journal The Gazette aussi cite le juge Bernard Tellier, que tous connaissent comme étant un juge d'une extraordinaire compétence et qui est le secrétaire administratif du Conseil de la magistrature. Il disait: «I do not see any major point, a major issue that could make that decision a good decision.» Pour traduire librement, M. le Président: Je ne vois pas quelque point majeur, quelque question majeure qui pourrait faire en sorte que cette décision devienne une bonne décision, de dire le juge Bernard Tellier, secrétaire administratif du Conseil de la magistrature.

C'est intéressant de rappeler ces citations et ces passages, M. le Président, parce que ça situe le tout dans un contexte. Nous, justement dans le but de mieux apprécier, de mieux saisir toutes les nuances de ce contexte qui a amené le ministre à présenter un projet de loi qui va voir le gouvernement dépenser de l'argent public pour quelque chose qui non seulement est symbolique dans un cas, mais, dans l'autre, n'a pas fait l'objet d'une consultation correcte et qui est même opposé par le juge en chef de la Cour du Québec, bien, nous espérons que le ministre va accéder à notre demande et que cette commission va juger opportun, en même temps que le ministre, de voter en faveur de la recevabilité de notre motion, et que notre souhait sera exaucé, si je peux m'exprimer ainsi, et que le ministre va nous donner, dès ce soir, la partie accessible au public du mémoire qu'il a transmis au Conseil des ministres.

Je dirais que l'article dans Le Devoir, sous la plume de Gilles Lesage, en disait justement long sur la situation vraiment anormale qui est amenée par ce projet de loi et qui s'explique vraiment difficilement à sa simple lecture. Il dit: «...le gros du boulot judiciaire – les quatre cinquièmes en fait – se passe dans la région montréalaise, d'où originent également les deux tiers des plaintes contre la magistrature.» C'est le point qui a été soulevé tantôt par mon collègue de Châteauguay. Donc, M. Lesage dit: «La question surgit donc naturellement: Ces transferts amélioreront-ils vraiment l'administration...»

Le Président (M. Simard): M. le député, à la motion.

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président. Je finis la phrase: «...et la justice s'en trouverait-elle mieux servie, plus efficace et moins coûteuse?» Alors, ça, c'est le genre de question fondamentale que, nous, on se pose en regard du projet de loi 81. Et, lorsqu'on dit que toute décision de cette nature-là, d'appuyer ou non un projet de loi, se prend dans un contexte, c'est justement la raison pour laquelle on veut saisir toute l'importance que le ministre a accordée au projet de loi 81 et comprendre les explications qu'il a fournies à ses collègues au Conseil des ministres.

C'est pour ça qu'en ayant accès à cette partie de son mémoire accessible au public, justement, on pourrait soupeser et étudier sous tous leurs angles ces importants arguments qu'il a fait valoir pour sans doute infléchir la volonté de ses collègues, qui proviennent, pour un grand nombre, de la région de Montréal, et pour les convaincre de l'opportunité de dépenser l'argent des payeurs de taxes sur quelque chose qui est non seulement symbolique dans un cas, mais carrément improductif dans l'autre. C'est pour ça que nous sommes d'accord lorsque M. Lesage, du Devoir , dit qu'effectivement, si ce n'est pas dans l'intérêt du public, s'il n'y a pas une raison, un motif qui peut être cité, c'est difficile de comprendre comment on peut être pour. Et ça, c'est un éditorialiste d'un journal, bien entendu, de la métropole. Alors, ses motifs peuvent être suspects. Alors, on ne demande pas mieux que de connaître toute la subtilité de l'information contenue dans la partie accessible au public du mémoire du ministre. Et, sans doute que, comme ses collègues de Montréal, on en saura plus. Sachant que le juge en chef est contre ça et les autres personnes impliquées dans le Conseil de la magistrature, je ne suis pas sûr qu'il va réussir à nous convaincre comme il a réussi à le faire avec ses collègues, mais qui sait? Et ça pourrait peut-être, justement, comme vous le dites si bien, M. le Président, accélérer les travaux de cette commission.

(21 h 20)

Alors, on voit souvent que le ministre nous dit qu'il a consulté. Peut-être que la partie accessible au public parle de ça. Si c'est des consultations qui ont eu lieu avec des groupes, pourquoi ne pas en parler? Pourquoi ce serait dans la partie confidentielle de son mémoire au Conseil des ministres? À ce moment-là, on va savoir qui il a consulté. Le ministre a peut-être eu des réponses écrites. Il a peut-être eu des comptes rendus de ces réunions-là. Est-ce qu'on en parle dans son mémoire? On a hâte de le savoir, M. le Président.

Enquiring minds want to know, Mr. Chairman. C'est pour cette raison que nous insistons sur le grand intérêt qu'ont les membres de notre formation politique de connaître le contenu de cette partie accessible au public du mémoire adressé au Conseil des ministres par le ministre lui-même.

Je terminerai mon intervention là-dessus parce que, comme vous, je suis toujours soucieux du temps qu'on passe sur ces questions préliminaires. Mais, dans le journal La Presse , Pierre Gravel, dans un très important éditorial, disait ceci: «On s'explique mal, par contre – ou peut-être au contraire trop bien – cette idée de forcer le juge en chef du Québec à résider dans la capitale. Et encore moins d'y déménager le Conseil de la magistrature, quand 80 % des activités judiciaires sont à Montréal. Sans tomber dans une stérile querelle de clochers entre les deux villes, on ne peut que penser aux frais de voyage et de séjour qu'une telle mesure entraînera au moment où on gratte les fonds de tiroirs pour réduire le déficit.» C'est ce que le ministre est en train de faire avec les économies de bouts de chandelles qu'il fait dans le domaine de la Cour des petites créances. Il sauve 400 000 $ en évacuant l'un des aspects les plus intéressants de la Cour des petites créances: la perception et l'exécution des jugements. Ici, il est en train de dépenser une somme sans doute supérieure à ça pour faire plaisir à qui? Bien, sans doute aux gens de la capitale qui y voient une question symbolique importante.

Le premier ministre l'a dit, dans une interview avec le Los Angeles Time , M. le Président: Dorénavant, tout est stratégie, tout est tactique. Aïe! il y a sans doute une stratégie là-dedans. Peut-être que le ministre Le Hir a fait une étude là-dessus, sur les déménagements, et on pourrait... En voilà un autre à qui on pourrait prêter l'uniforme de Badaboum, M. le Président. Ce serait bon. Ça deviendrait le ministre...

Le Président (M. Simard): Je vous rappelle à l'ordre, monsieur...

M. Mulcair: Oui, M. le Président. À cette heure tardive, parfois...

Le Président (M. Simard): Il est encore tôt, là.

M. Mulcair: ...on se laisse échapper avec des...

Le Président (M. Simard): Vous nous aviez annoncé une conclusion.

M. Mulcair: C'est une heure tardive pour le mardi 13, M. le Président, mais il ne faut pas oublier qu'il nous reste tout le reste de notre temps de la séance.

Mais oui, effectivement, M. le Président, je pense qu'il est important de clore là-dessus et de résumer en exprimant au ministre notre vif souhait de connaître, de fond en comble, sa pensée qui a présidé à l'élaboration de ce projet de loi, pensée qui serait sans doute bien étayée dans la partie accessible au public de son mémoire au Conseil des ministres. On vibre d'envie d'en prendre connaissance, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Il y avait belette vibrante. Ha, ha, ha!

M. le député de Mont-Royal semble intéressé aussi à faire connaître son point de vue.


M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Alors, M. le Président, dans tous les mémoires au Conseil des ministres, à moins que ce ne soit un sujet qui est tellement sensible et qui a tellement d'incidence sur le public, il y a toujours une partie confidentielle, et je le comprends, mais il y a une partie qui est accessible au public. Je ne peux pas concevoir qu'un projet de loi ou un mémoire au Conseil des ministres, qui prévoit que le prochain juge en chef sera dans la capitale plutôt qu'à Montréal, qui rapatrie le siège du Conseil de la magistrature, qui supprime les deux divisions régionales de la cour pour n'en faire qu'une seule, qui fait passer le nombre de juges en chef associés de deux à un... Je ne peux pas concevoir que tous ces éléments-là et toutes les raisons pour justifier tous les aspects du projet de loi soient tous confidentiels. Ce n'est pas un projet de loi... Qu'est-ce qui peut avoir tant de choses qui sont secrètes? Il doit sûrement... Ça ne se peut pas qu'il n'y ait pas des aspects qui sont accessibles au public.

Je ne voudrais pas venir à la conclusion que... Est-ce que le ministre veut vraiment faire adopter son projet de loi ou bien s'il veut nous donner des excuses pour retarder pour ne pas qu'il soit adopté? Parce que la chose la plus simple pour le ministre, ce serait de dire oui, si c'est accessible au public.

M. Bégin: Est-ce que le député nous engage à commencer l'étude article par article?

M. Ciaccia: Bien, après, si vous nous dites: Oui, on rend accessible...

M. Bégin: Vous commencez immédiatement l'étude article par article?

M. Ciaccia: ...la partie du mémoire...

M. Bégin: Est-ce que c'est ça? Vous commencez l'étude article par article?

M. Ciaccia: Mais non. On va finir cette motion-là.

M. Bégin: Ah!

M. Ciaccia: Ça va réduire... Peut-être. Je ne dis pas, peut-être qu'il peut y avoir d'autres... Mais, si vous êtes aussi... Si vous coopérez dans les choses qui sont vraiment simples, de rendre accessible... On ne demande pas l'impossible.

M. Bégin: ...du temps. C'est ça?

M. Ciaccia: Non, non, je ne veux pas de temps. Si vous dites... On va arrêter de discuter là-dessus si vous dites: Oui, on va rendre accessible la partie qui est accessible au public. On fait partie du public, il me semble, nous autres aussi. Celle qui est accessible au public, on va vous la rendre publique. On va arrêter de parler tout de suite sur cette motion-là.

M. Bégin: Et on va commencer article par article?

M. Ciaccia: Bien, écoutez, peut-être qu'on a d'autres...

M. Bégin: Ah! bon, bon, bon.

M. Ciaccia: Bien oui, mais c'est...

M. Bégin: On va entendre vos motions.

M. Ciaccia: Mais l'autre n'a rien à faire. Supposons qu'il y a une autre motion, ça n'a rien à faire avec celle-ci. Si nos motions sont aussi simples et aussi transparentes que celle-ci, je suis persuadé que vous allez dire oui à toutes. Je ne comprends pas la logique: parce qu'il pense qu'on va avoir une autre motion, il dit non à celle-ci.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Parce qu'il pense qu'il va y avoir une autre motion, il dit non à celle-ci. Bien, on peut être ici pendant un an avec cette logique-là. Je ne la comprends pas, cette logique-là, moi.

On ne demande pas l'impossible. On dit: Donnez-nous la partie accessible au public. Oui, fini, on va aller au prochain item. Puis je peux vous assurer que, si on a d'autres motions – c'est notre porte-parole qui va décider ça – je vous garantis, M. le ministre, qu'elles vont être aussi raisonnables que...

M. Bégin: Avez-vous besoin de deux minutes pour vous consulter?

M. Ciaccia: Non, non. Peut-être que vous auriez besoin d'aller consulter vos collègues, dire: Est-ce que je peux rendre accessible au public la partie qui est accessible au public?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Voulez-vous aller consulter vos collègues? On va arrêter et on va vous en donner la chance.

M. Bégin: C'est déjà tout fait.

M. Ciaccia: J'ai de la difficulté à comprendre. Je suis allé dans ton comté durant l'élection. On s'est bien entendus. Tu sais...

Le Président (M. Simard): Veuillez vous adresser à la présidence, M. le député.

M. Ciaccia: La partie accessible au public, ça ne peut pas être secret. Si on vous demandait ici: Rendez-nous publique la partie confidentielle, bien, là, vous auriez vraiment quelque chose à dire. Non. On n'abuse pas de ça. On dit: Sûrement, dans toute la restructuration proposée suite au rapport du comité, il doit y avoir des aspects de ça que tout le monde a le droit de connaître, que vous-même avez mis... dont vos fonctionnaires, votre sous-ministre ont dit: Cette partie-là est accessible au public; cette partie-là est confidentielle. Je vous le dis, M. le Président, je ne suis pas persuadé que le ministre veuille que ce projet de loi soit adopté. Je pense qu'il cherche des excuses, il fait une obstruction systématique à nos motions.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Oui! Des motions simples, claires, transparentes. Quand j'ai vu cette motion-là, je ne la croyais pas. J'ai dit: Voyons, Tom, tu ne feras pas une motion de même, le ministre va te la donner tout de suite. Va lui parler, il va te la donner. Il y a quelque chose qui m'échappe. Je comprends qu'il y a certains aspects, mais je ne peux pas comprendre que vous pourriez refuser de nous rendre publics les aspects qui sont accessibles à tout le public. Parce qu'il y a beaucoup d'aspects du projet de loi qui, certainement, ne posent aucun problème. Vous savez, dans tout projet de loi, il y a des aspects contentieux, il y a des aspects qu'on questionne, mais il y en a d'autres avec lesquels, même nous, nous serons d'accord. Alors, ces aspects-là, je suis certain que vous les avez étalés dans votre mémoire au Conseil des ministres et que vous avez dit: Celui-ci, on a seulement rendu... on a donné les faits au rapport du comité; d'autres qui sont un peu plus, peut-être, contentieux... Pourquoi vous n'avez pas accepté l'avis du juge en chef, ça, peut-être, je pense que c'est confidentiel et sûrement que, dans votre mémoire, ça doit être confidentiel. On ne demande pas de le voir. On le questionne, on dit que ça n'a pas de sens, mais on ne demande pas de le voir.

(21 h 30)

Mais les autres aspects: pourquoi deux juges, un juge, un juge en chef, changer de local, déménagement de certains aspects de la pratique administrative... Ça nous éviterait de faire des motions et d'essayer de vous convaincre parce que, nous aussi, on a le même intérêt que vous à essayer de voir le plus efficacement possible, de voir comment on peut passer le plus vite possible à l'étude du projet de loi, à accepter les aspects qui ne font pas de dispute, à questionner et à essayer d'avoir des réponses sur ceux qui sont un peu plus douteux. Parce que, si tout le monde... M. le Président, s'il y avait eu consensus de la magistrature, la consultation, et que tout le milieu légal, judiciaire était d'accord, pensez-vous qu'on serait ici, ce soir, à vous poser des questions? Pas du tout. Non, non.

M. Jutras: Oui, nous serions là quand même.

M. Ciaccia: Écoutez, là, il y a une limite. Il y a une limite à l'intelligence de tout le monde, là. Ça faciliterait beaucoup la tâche si tout le milieu avait été d'accord et qu'il y avait eu un consensus, et ça faciliterait beaucoup plus la tâche si vous nous rendiez accessible l'aspect du mémoire qui est accessible au public.

Alors, M. le Président, c'est difficile d'essayer de faire comprendre, des fois... Ce n'est pas parce qu'on est dans l'opposition que vous êtes obligé de dire non toujours.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Non, vous savez... Oui, il y a des choses... Supposons que je vous demande: Quelle heure est-il? Bien, vous pourriez dire 21 h 30. Vous n'avez pas besoin de dire: Vous êtes dans l'opposition, je ne vous le dis pas. C'est des choses normales...

Le Président (M. Simard): Il vous reste deux minutes, M. le député.

M. Ciaccia: ...rationnelles, M. le Président, je crois, et c'est tout à fait... Franchement, là, demandez ça à quelqu'un qui ne fait pas de la politique, qui n'est pas ici. On lui dit: On veut l'aspect qui est accessible au public; on demande ça. Il dit: Oui, il y a un aspect accessible, mais, non, je ne veux pas vous le rendre accessible.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Et on n'est pas dans un zoo, ici.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Franchement! M. le Président, j'espère que le ministre va reconsidérer et faciliter un peu la tâche de la commission, la rendre plus facile. Si vous collaborez, bien, nous aussi, on va collaborer; mais, si vous refusez absolument de nous donner toute l'information, bien, on est obligés de faire de telles motions et de parler et d'essayer de vous convaincre.

Le Président (M. Simard): M. le député de Borduas.


M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau (Borduas): M. le Président, le député de Mont-Royal, que je connais depuis des années et que j'aime bien, vient de nous rappeler qu'on n'est pas dans un zoo. C'est vrai qu'on n'est pas dans un zoo, mais, dans le fond, il ne faut pas jouer sur les espèces de paraître artificielles, là. On est dans une dynamique parlementaire. De deux choses l'une: Vous acceptez de travailler constructivement à l'adoption ou à la bonification du projet de loi, ou vous utilisez ce projet de loi là dans une stratégie très légitime de blocage que l'opposition veut faire de l'appareil législatif ou du menu législatif gouvernemental parce que vous avez choisi d'utiliser les règles parlementaires qui sont à votre disposition et qui sont prévues dans le règlement pour vous opposer, pour pouvoir marquer un certain nombre de points politiques.

Ça, s'il y avait le public ici, s'il y avait la télévision ici, les gens comprendraient ça. Ils comprendraient qu'au-delà du zoo il y a une partie politique et un jeu politique qui est intrinsèque au parlementarisme, parce que c'est une arène de combat. Chacun a son arsenal pour, finalement, arriver à ses fins. Les fins du gouvernement, c'est de faire adopter des lois et de gouverner; et les fins de l'opposition, c'est de s'opposer et d'essayer, finalement, de marquer des points à l'égard de ça.

Bon, ceci étant dit, si vous êtes de bonne foi, ça ne prend pas une grande motion et des grands discours pour parler au ministre et lui demander si la partie publique d'un mémoire peut être rendue publique. Ça peut même se régler à l'extérieur de la commission; ça prend trois minutes puis ça se règle.

Mais, au-delà de ça, dans le fond, ce que le ministre vous a dit, c'est que, si vous voulez passer directement au projet de loi et qu'on prenne un temps – et vous prendrez le temps que vous voudrez – pour discuter sur le fond des choses, si on a à passer des heures ensemble, peut-être que ce serait plus intéressant pour tout le monde de passer sur le fond des choses que sur des motions accessoires. Donc, si on a du temps à passer, bien, passez-le sur ça. Et, si vous avez d'autres motions, mettez-les donc sur la table tout de suite.

Ce que les citoyens nous reprochent actuellement, c'est quoi? C'est l'utilisation abusive des règles parlementaires qui font en sorte que, finalement, vous êtes obligés de faire ce que vous faites, et ça fait des années et des années que, de part et d'autre... Je veux dire, le système parlementaire fonctionne comme il fonctionne. On peut continuer à faire le cirque ce soir. Je vais continuer à faire mes papiers qui n'ont aucun rapport, finalement, avec l'objet de la commission, ce soir, qui est l'étude du projet de loi qui est devant nous, ou on peut passer à l'étude détaillée du projet de loi en faisant un travail constructif, positif et, à la limite, si vous avez choisi de bloquer le projet de loi ou de ralentir parce que vous avez une stratégie fort légitime ailleurs, au moins qu'on utilise le temps sur le fond des choses plutôt que sur ce genre de discours.

Ça vous permet simplement de développer vos habiletés, mais qui sont déjà connues, M. le député de Mont-Royal, de parleur, de bon parleur, de bon parlementaire. Le député de Chomedey, on le connaissait moins, mais, finalement, on pourrait dire qu'il a appris vite. Dans le fond, je pense qu'il avait un talent inné pour ce type d'exercice oratoire comme avocat et comme quelqu'un qui a pratiqué des professions avec des postes importants. Je crois qu'il avait déjà cette habileté-là; le député de Châteauguay également. Alors, vous n'avez pas besoin de nous faire la démonstration et on n'a pas besoin de se faire la démonstration ensemble que vous êtes capables de parler pour parler longtemps. On sait ça. On a appris ça depuis neuf mois. On vous a vus aller. Ça fait qu'on peut continuer à faire le show pour la galerie, sauf qu'il n'y a pas de journalistes ici. Il y a le Journal des débats ; un jour quelqu'un lira ce qu'on fait ce soir.

À la fin de l'exercice, nos deux leaders, de part et d'autre, feront un bilan de la session parlementaire. Vous voulez marquer quoi, comme points? Que le gouvernement n'a pas passé toute sa législation, qu'on a eu tel ou tel aspect négatif? Très bien, mais, nous, on essayera de marquer des points en disant qu'on a passé telle et telle loi. Au bout du compte, qu'est-ce qu'on aura fait avancer en faisant ça? Pas grand-chose.

À l'extérieur de cette table et combien de fois, de part et d'autre, d'une façon non partisane, on se dit que ça n'a aucun bon sens, que c'est complètement absurde, ce fonctionnement-là? Mais, à chaque fois qu'on se retrouve placés dans la dynamique, on continue de la perpétuer. Alors, qu'est-ce que vous faites ce soir? Vous la perpétuez? C'est votre choix. On peut faire ce jeu aussi. Mais, si vous voulez qu'on rende public ce document-là, acceptez l'offre du ministre. On passe à autre chose. On passe à l'étude détaillée. Et, si vous voulez prendre du temps, prenons-le sur les articles de fond.

Le Président (M. Simard): M. le député de Châteauguay.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Je voulais intervenir sur la motion. J'interviens sur la motion, mais je suis content de pouvoir intervenir après le député de Borduas qui semble ne pas saisir la raison pour laquelle l'Opposition dépose cette motion, surtout lorsqu'il revient avec la proposition que le ministre a faite.

Il faut comprendre que, lorsqu'on fait une motion – le député de Borduas avait bien compris – quand tu demandes au ministre – mon collègue de Mont-Royal l'a dit tantôt: Puis-je avoir la partie accessible? Il te la donne. Ça se règle aussi rapidement que ça. Il n'y a pas moyen de faire de motion là-dessus. Et, lorsqu'on s'aperçoit qu'on est obligés de faire une motion, qu'on est obligés d'argumenter pour faire comprendre notre point de vue... Et Dieu sait qu'on l'a essayé dans d'autres projets de loi, M. le Président! On a argumenté, argumenté et, finalement, on a eu des amendements. Alors, on voit bien que l'Opposition réussit parfois à marquer des points. Il est à espérer que, dans ce cas-ci, on va aussi réussir à convaincre.

Mais, lorsqu'on fait une motion comme celle-ci, M. le Président, c'est parce qu'on a soulevé, dans les remarques préliminaires, qu'il n'y avait pas de logique dans le projet de loi. On l'a établi. Pas l'Opposition, les juges, les premiers intéressés par ça, se demandent où est la logique. Alors, comme première mesure dans notre quête d'information pour comprendre le sens du projet de loi, on dit: Donnez-nous donc la partie accessible du mémoire; on va saisir là-dedans peut-être des informations. Encore une fois, ça ne veut pas dire qu'on a la science infuse, qu'on détient la vérité absolue; on cherche à comprendre.

On se doute bien, M. le Président, que le gouvernement, qui coûte assez cher aux contribuables québécois, s'il décide de déposer une pièce législative, c'est parce qu'il doit avoir une idée, il doit avoir une raison, il doit avoir des motivations, il doit avoir un but. Il doit avoir quelque chose qui est utile pour les Québécois, autre que le symbole. C'est ça qu'on se dit. Mais là on pose des questions, on cherche, on regarde partout, on ne voit nulle part piste de motivation économique, sociale, de rentabilité ou d'efficacité. Ce qu'on voit, c'est de la symbolique. Alors, évidemment, on pose des questions.

Dans notre recherche, on se dit que peut-être que, dans le mémoire au Conseil des ministres – mon collègue de Chomedey l'a bien soulevé tantôt – lorsque le ministre de la Justice l'a présenté, il a bien dû y avoir une argumentation pour dire: Écoute donc, qu'est-ce que tu cherches vraiment avec ce projet de loi? Ils ont dû en discuter comme, nous, on se pose la question, comme les commentateurs, les éditorialistes, les juges se posent la question. Ils ont dû, eux aussi, se poser la question. Le ministre est arrivé et, pour répondre à ces questions-là, il dépose un mémoire. Alors, on se dit: On va regarder la partie accessible du mémoire; ce qui est loin d'être une demande abusive, c'est tout à fait démocratique. D'ailleurs, on est bien persuadés que les gens de l'autre côté ont dû la voir, eux, la partie accessible du mémoire.

(21 h 40)

Nous demander de renoncer à nos droits, de ne faire aucune motion, de ne plus rien dire... Mais on ne sait même pas ce qu'il y a dans la partie accessible. Commençons par voir si elle répond à nos questions, cette partie accessible. Commençons par voir si elle nous donne une piste, un élément, un début de logique qui amènerait à soutenir la position du ministre. Ce n'est pas une offre qu'il nous fait, hein? Je vais vous donner la partie accessible qui, par ailleurs, est accessible, mais ne vous est pas accessible à vous. Il y a un peu d'arbitraire, de discrimination, là, une accessibilité relative, pour dire le moins. Et en échange de quoi? Imaginez-vous, il faudrait qu'on brade nos droits, qu'on refuse de jouer notre rôle parce que, M. le Président, l'opposition officielle, là, elle n'est pas là pour jouer à l'autruche et se mettre la tête dans le sable et dire: Ah! on va vous laisser aller, on va vous laisser passer. On est là pour poser des questions, faire écho, M. le Président, aux questions qui sont posées partout ailleurs.

Le député de Borduas soulève des points excessivement importants et intéressants avec lesquels, sur un bon nombre de cas, je peux être en accord. Mais encore faut-il comprendre que, lorsque nous sommes dans l'opposition, nous avons un rôle à jouer. Et je peux comprendre que, lorsqu'on est au pouvoir, on puisse dire: L'opposition ne dépose pas les motions que j'aurais déposées ou ne pose pas les questions que j'aurais posées ou se demande quelle est la logique du ministre alors qu'elle devrait donc laisser le ministre en paix, il a le droit de déposer ses projets de loi.

Bon. Ils peuvent, eux, avoir leurs interrogations, leur perception, leur façon de voir les choses. Mais, notre système, il est bien fait à cet égard-là, il permet d'avoir une autre vision, un autre angle d'analyse. Et l'angle qu'on prend, nous, M. le Président, c'est d'être à l'écoute, non pas du Conseil des ministres, être à l'écoute de la population, être à l'écoute du système, des gens qui sont concernés, lire avec attention les analyses qui sont faites dans les médias.

Je ne reprendrai pas le texte que je lisais tantôt. On a fait référence à Gilles Lesage, M. le Président, dans son texte dans Le Devoir , qui pose des questions: En quoi les transferts vont-ils améliorer l'administration? En quoi la justice va-t-elle être mieux servie? En quoi la justice sera-t-elle plus efficace? En quoi la justice sera-t-elle moins coûteuse? Ça doit être dans la partie accessible du mémoire au Conseil des ministres. C'est la réponse à ces questions-là. Gilles Lesage, M. le Président, il ne la lui a pas demandée, au ministre, la partie accessible. On la demande; si on l'a, on va la lui faire parvenir, et peut-être qu'il va être capable de répondre à ces questions.

Mais Gilles Lesage poursuit, M. le Président, et il termine son texte comme ceci: «Sinon – sinon, si on n'a pas les informations – sous prétexte de donner à Québec le statut qui lui revient – et là il y a des nouvelles questions qu'il soulève qui sont bien moins intéressantes, M. le Président – ne donne-t-on pas prise surtout à une fringale de gloriole aussi vaine que dispendieuse? Après l'université de Lévis concoctée par le ministre Jean Garon, le nombril de la Justice sera-t-il ramené à Sillery–Sainte-Foy, en attendant que le ministre Jean Rochon déménage la Santé et les Services sociaux à Charlesbourg? Et Québec un pur joyau de trou de beigne!» C'est ce que dit Gilles Lesage.

Je n'aime pas ces questions-là, M. le Président, je n'aime pas le ton qui est abordé là-dedans, parce que ce sont, en fin de compte, les citoyens qui lisent ça qui perdent la reconnaissance face à leurs gouvernants. Il devrait normalement y avoir des réponses qui sont données quand on regarde un projet de loi et que, à sa face même, le juge en chef – je ne reprendrai pas les propos, vous les avez entendus plus d'une fois; il me semble que ça doit être convaincant – l'ensemble des gens viennent dire: Écoutez, la logique n'est pas apparente, on se pose des questions, et, si vous ne répondez pas à ces questions-là, nous allons être obligés de nous en poser d'autres, questions, qui sont finalement sur la crédibilité, la raison d'être, sur la nature du gouvernant plus que sur la nature des actions du gouvernant. Et ça, M. le Président, je le rappelle, c'est dangereux.

Alors, de nous demander de nous taire, de nous refuser à d'autres... Peut-être qu'il n'y en aurait pas d'autres, motions, demandes, revendications; peut-être que la partie accessible, encore une fois, du mémoire pourrait nous permettre de répondre à l'ensemble de nos questions, qui sait? Peut-être, je ne le sais pas, je ne l'ai pas vue, je ne l'ai pas lue. On l'a demandée, on nous l'a refusée, à nous, parlementaires. Imaginez-vous, on est législateurs, le gouvernement nous cache la partie accessible au public. Incroyable! En tout cas, c'est comme ça que ça marche, semble-t-il, maintenant, c'est la nouvelle façon de gouverner.

Alors, peut-être que, si on avait ce document, on n'aurait plus de motions. Donc, la position du ministre me semble intenable, surtout qu'elle nous met dans une position où c'est abdiquer notre rôle, M. le Président, nous donner pieds et mains liées au ministre de la Justice, et ça, ce n'est pas servir la démocratie. Je le rappelle, on a un rôle à jouer. Alors, pour répondre à une logique qui n'est pas apparente dans les mesures, pour qu'on puisse comprendre le raisonnement, par souci de transparence, M. le Président... Le ministre de la Justice l'avait sur les lèvres, le mot «transparence», parce qu'il sait très bien que, dans son gouvernement, on l'utilise de façon abusive, ce mot, sans démontrer, dans les actions, qu'on met en pratique ce principe de transparence, M. le Président.

La transparence, c'est d'abord de tout mettre en place, lorsqu'on dépose une pièce législative, pour que les gens qui ont à discuter, à comprendre, à rechercher, à bonifier le projet de loi, aient tout en main pour ce faire. C'est à se demander si le ministre de la Justice saisit bien ce que nous avons à faire en commission parlementaire: nous avons à nous enquérir des raisons des projets de loi, parfois à les bonifier.

J'ai assisté, ici, M. le Président, à une séance de la commission des institutions sur le projet de la fusion de la Commission des droits de la personne et de la Commission de protection des droits de la jeunesse, et je peux vous dire quelque chose, M. le Président: Il y a eu une amélioration. Est-elle complète? Je ne veux pas me prononcer là-dessus, mais il y a eu une amélioration face à ce qui était une catastrophe qui nous était présentée. Il y a eu, en commission, une amélioration, une bonification. Comment c'est arrivé? Je vois, M. le Président, que vous faites mention d'un des membres, entre autres, de l'équipe ministérielle; je voudrais vous rappeler que ce sont des membres des deux côtés, M. le Président, et du côté ministériel et de l'opposition, qui sont intervenus comme de vrais législateurs qui veulent poser des questions, qui recherchent, pour les citoyens, la meilleure solution. Et, à cet égard-là, le ministre, dans une certaine mesure, a accepté. On se demande s'il ne se sent pas mal à l'aise d'avoir accepté ce que les gens disaient, n'ayant pas toute la vérité, là. Bien, maintenant, il veut reprendre le contrôle, redémontrer que c'est lui qui est bien en selle, puis il voudrait refuser qu'on bonifie, qu'on améliore, qu'on recherche, dans son projet de loi... Vous m'indiquez qu'il me reste quelques minutes.

Le Président (M. Simard): Votre temps est écoulé, je m'excuse.

M. Fournier: Que le temps est écoulé? En terminant, M. le Président, je voulais simplement mentionner que la partie accessible du mémoire au Conseil des ministres devrait normalement nous être accessible dès ce moment-ci pour qu'on puisse compléter nos travaux le plus rapidement possible, M. le Président, et qu'on puisse parfaire ce projet de loi, s'il y a lieu de le parfaire, ou, tout au moins, de faire partager nos positions au ministre là-dessus dans une meilleure compréhension pour l'ensemble des participants à cette commission, et je vous en remercie.

Le Président (M. Simard): Alors, y a-t-il d'autres demandes d'intervention?

M. Mulcair: ...M. le Président, pour...

Le Président (M. Simard): Je vais vérifier le temps qu'il vous reste.

M. Mulcair: Ah non, pas sur cette première motion, non, non!

Le Président (M. Simard): Pardon?

M. Mulcair: Non, ça va, M. le Président. On va procéder au vote sur cette première motion.


Mise aux voix

Le Président (M. Simard): Est-ce que la motion est adoptée?

M. Mulcair: Vote nominal, s'il vous plaît, M. le Président.

Le Président (M. Simard): M. le secrétaire, veuillez appeler le vote nominal.

Le Secrétaire: Alors, pour ou contre la motion, M. Mulcair (Chomedey)?

M. Mulcair: Pour.

Le Secrétaire: M. Quirion (Beauce-Sud)?

M. Quirion: Pour.

Le Secrétaire: M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: En faveur.

Le Secrétaire: M. Fournier (Châteauguay)?

M. Fournier: Pour.

Le Secrétaire: M. Bégin (Louis-Hébert)?

M. Bégin: Contre.

Le Secrétaire: M. Jutras (Drummond)?

M. Jutras: Contre.

Le Secrétaire: M. Charbonneau (Borduas)?

M. Charbonneau (Borduas): J'haïs ça, M. le Président. Je voterai contre même si je suis pour.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau (Borduas): Ça n'a pas de bon sens. Vous voulez jouer le jeu, on va le jouer.

Le Secrétaire: M. Payne (Vachon)?

M. Payne: Je suis contre.

Le Secrétaire: M. Beaulne (Marguerite-D'Youville)?

M. Beaulne: Contre.

Le Secrétaire: M. Simard (Richelieu)?

Le Président (M. Simard): Sans réticence, contre.

Le Secrétaire: Quatre pour, 6 contre. Motion rejetée.

Le Président (M. Simard): Quatre pour, 6 contre. La motion est rejetée. Article 1.


Motion proposant d'entendre le Conseil de la magistrature du Québec

M. Mulcair: Bien, M. le Président, avant de procéder avec l'article 1, on aurait une motion préliminaire à proposer à cette commission. Cette motion serait: «Que, conformément à l'article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, la commission des institutions tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 81, Loi modifiant la Loi sur les cours municipales, la Loi sur les tribunaux judiciaires et diverses dispositions législatives, des consultations particulières sur tous les articles du projet de loi et qu'à cette fin elle entende le Conseil de la magistrature du Québec.»

M. Bégin: M. le Président, j'aurais des représentations sur la recevabilité...

Le Président (M. Simard): Je vais d'abord demander au proposeur de faire ses commentaires sur la recevabilité. Vous pourrez ensuite...


Débat sur la recevabilité

M. Mulcair: À notre sens, M. le Président, et on ne recommencera pas à repasser toutes les citations qu'on vous a faites tantôt, on a vu que c'est le déménagement du Conseil de la magistrature qui a provoqué le plus vif questionnement dans les milieux concernés à Montréal, parmi les éditorialistes, parmi la communauté judiciaire. Et...

Le Président (M. Simard): Sur la recevabilité.

(21 h 50)

M. Mulcair: C'est ça. Et à notre sens, donc, il serait tout à fait souhaitable et indiqué pour cette commission de pouvoir entendre le Conseil de la magistrature. Et, à notre sens, c'est recevable parce qu'il s'agit effectivement d'un groupe qui pourrait aider les travaux de cette commission.

Le Président (M. Simard): M. le ministre, sur la forme, sur la recevabilité.

M. Bégin: Oui, M. le Président. Nous sommes en présence d'une demande très particulière qui met en cause un principe fondamental dans notre société, qui est celui de la séparation des pouvoirs. Je ne crois pas qu'on puisse convoquer, devant cette commission, les représentants de la magistrature, que ce soit le juge en chef ou, encore, le Conseil de la magistrature, ce qui irait à l'encontre de ce principe fondamental d'une société démocratique qui a séparation des pouvoirs. Les membres, par le processus d'une commission parlementaire, il s'agit de questionner et d'interroger. Et on le sait, tout le monde, pour l'avoir vécu à plusieurs reprises, on passe 20 minutes ou 30 minutes ou 10 minutes, selon les règles, pour questionner les membres de la magistrature ou les personnes qui sont là. Et je pense qu'on doit respecter cette règle. Et sans que j'aie pu, évidemment, leur demander, je pense être un porte-parole raisonnable de la magistrature en faisant cette motion de rejet de la proposition qui est faite.

Le Président (M. Simard): J'entendrai encore, de part et d'autre, une intervention sur la recevabilité. Si je n'entends rien à ma gauche, je demande à ma droite.

M. Mulcair: Bien, selon l'alternance... Je vais, très brièvement, juste réagir. Je trouve que c'est intéressant ce que le ministre a dit tantôt et, pour référence future, on aura l'occasion de le lui répéter, mais, dans la mesure où le projet de loi propose le déménagement de ce Conseil de la magistrature là qui est composé non seulement de juges, mais, évidemment, il y a d'autres personnes qui sont là-dessus. Il y a des membres du public, il y a des avocats. Ça pourrait effectivement éclaircir les membres de cette commission. Et la motion en tant que telle, je vois difficilement ce qu'on pourrait dire de plus sur sa recevabilité. C'est comme tout autre groupe qu'une commission parlementaire désire entendre.

Le Président (M. Simard): Une intervention à ma droite? Non. Alors, suspension pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 52)

(Reprise à 22 h 2)

Le Président (M. Simard): À l'ordre, s'il vous plaît!


Décision du président sur la recevabilité

Alors, sur la recevabilité, je vous rappelle que la recevabilité concerne la forme d'une motion. Il s'agit bien ici d'une invitation. Cette invitation peut évidemment être refusée par le Conseil de la magistrature, et la commission peut toujours refuser, elle, par son vote sur la motion, d'y donner suite. Quant au principe, évoqué par le ministre, de la séparation des pouvoirs, bien qu'il nous invite à la prudence, nous savons que nous pouvons convoquer ici un membre du gouvernement qui n'est pas de notre pouvoir – qui est de l'exécutif. Alors, c'est, je pense, un jugement délicat à ce moment-ci, mais c'est certainement un argument qu'on peut plaider dans une discussion sur le fond des choses, mais pas sur la forme. Alors, je juge donc que cet amendement est recevable, et j'invite maintenant à la discussion sur cette proposition.


Débat sur la motion


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, comme nous l'avons vu par les différentes interventions de ce côté de la table, ce soir, et par certaines citations que nous avons lues à partir des éditoriaux, c'est cet aspect-là du déménagement du Conseil de la magistrature qui semble, pour bon nombre d'intervenants, causer le plus de problèmes dans le projet de loi 81. Alors, avant d'entreprendre l'étude article par article de celui-ci, il nous semble, effectivement, qu'il pourrait être fort pertinent, voire même instructif, de connaître l'avis du Conseil de la magistrature du Québec. Vous savez, M. le Président, c'est assez rare de voir des intervenants aussi disparates que la Chambre de commerce du Montréal métropolitain intervenir sur un projet de loi concernant les cours municipales et la Loi sur les tribunaux judiciaires. Bien, c'est encore une prouesse qu'a réussie le ministre de la Justice du Québec avec le projet de loi 81, parce qu'il a réussi, effectivement, à provoquer ce genre de réaction là. Le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, M. Genoni, s'est prononcé sur cette question dans un communiqué de presse qu'il a émis le 20 avril 1995. Et, dans ce document, M. Genoni exprime le vif regret de la Chambre, dont il est président, à l'égard d'une intervention projetée...

Le Président (M. Simard): M. le député de Chomedey...

M. Mulcair: Oui.

Le Président (M. Simard): ...dans l'argumentation et les discussions article par article sur la pertinence de ce déménagement, certainement que vous aurez l'occasion de ressortir ce témoignage, mais nous en sommes au Conseil de la magistrature, auquel n'appartient pas M. Genoni, à ce que je sache.

M. Mulcair: Non, vous avez tout à fait raison, mais, comme toute motion se discute dans un contexte, j'étais en train, avec patience, de bâtir la fondation de mon argumentation à venir sur la pertinence de recevoir notre motion, et je vous invite à suivre quelque peu, justement, ce travail de construction de cette fondation. Et, si vous jugez, toujours à votre discrétion, que je m'égare quelque peu de la motion...

Le Président (M. Simard): Je vous ramènerai dans le droit chemin.

M. Mulcair: ...je suis confiant, justement, que vous me ramènerez dans le droit chemin et, comme il me fait toujours plaisir de le faire, M. le Président, je me plierai à votre décision à cet égard.

M. Payne: ...

M. Mulcair: Oui, c'est intéressant ce que le député de Vachon est en train de soulever là, parce qu'il est en train de... Effectivement, il mélange un peu ses métaphores...

Le Président (M. Simard): S'il vous plaît! Revenons. À l'ordre! Pas d'intervention.

M. Mulcair: Ah! d'accord. M. le Président, j'étais en train de répondre à un député de votre formation politique, et je trouvais...

M. Payne: C'est pour faciliter la...

Le Président (M. Simard): M. le député de Vachon, je vous ramène à l'ordre, et j'invite le député de Chomedey à poursuivre sa démonstration.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, effectivement, l'à-propos de l'intervention de M. Genoni, vous l'auriez vite deviné, concerne les inquiétudes des gens dans la grande région de Montréal, dans la métropole du Québec, à l'égard de ce qui est proposé de faire par le projet de loi 81: déménager, entre autres, le Conseil de la magistrature de Montréal à Québec. Comme je le disais, ça fait partie d'un ensemble de réactions, et M. Genoni est en train de dire qu'il fait partie de ceux qui ne voient rien dans le projet de loi 81 qui puisse justifier ce déménagement. Et, de ce côté-ci de la Chambre, M. le Président, on est persuadés que le Conseil de la magistrature, puis ses représentants sans doute... On n'aura pas besoin d'entendre tous les membres du Conseil de la magistrature, mais certainement un échantillonnage correct de ses porte-parole pourrait venir ici et accepterait sans doute de venir expliquer, comme certains de ses membres l'ont déjà fait, bien, leurs propres préoccupations et peut-être même donner conseil au ministre de la Justice et aux autres membres de cette commission. C'est pour ça qu'on appelle ça des motions préliminaires, M. le Président.

Avant même d'entrer dans le vif du sujet, on propose des gens, des noms de personnes qui pourraient sans doute, forts de leur expérience, venir informer, dans le sens propre, donner une forme au processus décisionnel devant cette commission parlementaire. Et un des premiers groupes auxquels on a pensé, c'était effectivement le Conseil de la magistrature. Et je suis sûr, M. le Président, que vous êtes d'accord avec nous, que, puisque c'est de cet organisme-là qu'il s'agit ici, peut-être qu'ils pourront venir ici, en commission parlementaire des institutions, et nous dire: Oh! non, vous savez, M. Genoni, de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, se trompe. Il n'y a pas de problème; on ne vide pas la métropole parce qu'on déménage le Conseil de la magistrature à Québec. Ça se peut. Mais, nous, on s'en doute...

Et je vous dis en passant, M. le Président, vous l'avez sans doute remarqué, qu'aussi récemment que jeudi dernier M. Genoni a récidivé avec un long article dans la page des opinions du grand journal La Presse . Il parle du Conseil de la magistrature, lui aussi, encore une fois, le 8 juin, et il dit: Ça n'a aucun bon sens, il n'y a pas de raison. Alors, nous, on se dit: Quoi de mieux que d'interpeller les principaux intéressés? Ces juges, ces membres du public, ces avocats qui en font partie pourront justement jeter plein de lumière sur les délibérations de cette commission.

Le fait qu'il y ait des membres du public, M. le Président, à ce Conseil de la magistrature est fort intéressant. C'est une émulation de ce qui existe, justement, au sein des corporations professionnelles. Et c'est une tâche un peu similaire à laquelle ils sont conviés, ces membres du Conseil de la magistrature: discipliner des personnes importantes dans notre société, qui sont les juges, qui bénéficient, justement, d'une certaine immunité et qui ont un pouvoir qui doit demeurer séparé. C'est pour ça que c'est avec énormément de respect pour eux que l'on propose cette motion qui vise, justement, à leur donner l'occasion de venir expliquer tout ça à l'ensemble des membres de la commission des institutions.

(22 h 10)

Les éditorialistes qui ont eu à commenter la chose ont dit qu'effectivement il y avait peu ou pas de rationalisation possible pour un tel déménagement. Et j'étais quelque peu surpris, mais en même temps soulagé, d'entendre le ministre tout à l'heure nous dire qu'il voyait même un possible accroc au principe de l'indépendance judiciaire dans le simple fait de proposer de rencontrer les membres du Conseil de la magistrature. Parce que je vois que le fait de se rencontrer régulièrement sur ces importants dossiers là, d'échanger nos points de vue et de l'information, ça commence à faire de l'effet. Parce que la première fois que j'ai parlé de ça avec le ministre, il m'a regardé avec des grands yeux, d'un air de dire: Mais, vraiment, vous débarquez d'où avec cette notion-là, que ça peut être un accroc à la notion de l'indépendance judiciaire? Je vois que l'idée a fait du chemin puis, effectivement, les membres de la magistrature ne peuvent pas être contraints de comparaître devant cette commission.

Mais on invite des gens, on est polis ici, M. le Président. On n'envoie pas un huissier assigner un document exigeant la comparution d'un magistrat, pas plus qu'on le ferait avec le Protecteur du citoyen. Mais le Protecteur du citoyen aussi jouit d'une indépendance certaine dans ses interventions. Il est nommé par la Chambre, mais il vient très souvent apporter des éléments de réflexion intéressants pour l'ensemble de la commission. Et c'est précisément ce que nous souhaitons, de la part du Conseil de la magistrature, en formulant notre motion qui exprime le souhait que cette commission invite le Conseil de la magistrature à venir ici, à la commission des institutions, partager les fruits de sa vaste expérience en matière d'organisation des tribunaux avec l'ensemble de ses membres.

Vous savez, M. le Président, c'est assez rare de voir, justement, un ministre de la Justice proposer une dépense des sommes publiques, de l'argent du trésor, pour quelque chose que tous... Tous les intervenants qu'on a cités ce soir sont contre ce déménagement-là, parce qu'il n'y a aucune raison de le faire, ne serait-ce que, justement, les motifs d'ordre émotionnel, les motifs d'ordre symbolique que le ministre a évoqués.

Bernard Tellier, qui est un des membres du Conseil et, en fait, son secrétaire administratif, qui serait sans doute une des premières personnes à se précipiter, à parcourir le chemin entre Montréal et Québec pour illuminer les membres de cette commission, a dit qu'il n'entrevoyait pas quelle pouvait être la question majeure qui pourrait faire en sorte que cette décision-là, cette décision contenue dans le projet de loi 81, Loi modifiant la Loi sur les cours municipales, la Loi sur les tribunaux judiciaires et diverses dispositions législatives, Bill 81, An Act to amend the Act respecting municipal courts, the Courts of Justice Act and various legislative provisions... Il ne trouvait pas, même théoriquement, quelle pouvait être la raison majeure, la question majeure qui pouvait faire en sorte que ce déménagement-là aurait du bon sens. Ça, c'est intéressant. Ça, c'est quelqu'un qui est membre de ce Conseil de la magistrature. Et, nous, on désire les entendre. Et je suis sûr qu'il y a des membres de l'autre côté aussi qui désirent les entendre, parce que je vois tout l'intérêt qu'ils portent aux travaux de cette commission, et c'est avec raison, parce qu'on discute d'un sujet important. Québec serait la deuxième ville en importance pour la population, je les comprendrais un peu mieux. Mais vous savez, M. le Président, comme moi, que c'est Laval, la deuxième ville en importance, du côté population, dans la province de Québec.

M. Charbonneau (Borduas): Vous êtes chauvin.

M. Mulcair: Eh oui! chauvin, comme dit le député de Borduas. C'est avec fierté que je mentionne que Laval a une population de 345 000 personnes.

Des voix: ...

M. Mulcair: Et la ville de Québec, la ville de Québec, malgré le fait que ce soit la capitale administrative et politique... Eh bien! il n'y a pas de raison d'amener une fonction justement judiciaire, qui doit demeurer séparée, si 80 % des causes entendues devant cette commission émanent de la grande région de Montréal, voyons donc! Ça aurait effectivement, M. le Président, beaucoup plus de bon sens... Et je suis sûr que c'est ça que les membres du Conseil de la magistrature vont nous dire si on les invite ici.

Le Président (M. Simard): C'est un amendement que vous nous annoncez?

M. Mulcair: Ah! on est en train de le travailler, je le travaille fort avec le reste du caucus libéral de Laval. En tout cas, il y a une bonne chose: dans le caucus libéral de Laval, il y a toujours l'unanimité, M. le Président, on n'a jamais de chicane. Mais je ne suis pas sûr que le poids des quatre députés péquistes de Laval suffirait pour infléchir la volonté du ministre à cet égard. Mais ça aurait peut-être plus de sens, M. le Président, parce que vous savez que, malgré le fait qu'on paie 5 % des impôts de la province de Québec, à Laval, il y a juste 1 % des infrastructures du Québec qui existent à Laval. On aurait peut-être pu commencer avec le Conseil de la magistrature...

M. Bégin: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: ...mais on vise plus haut, on espère le métro et un deuxième hôpital.

M. Bégin: ...

M. Mulcair: Mais, M. le Président, je ne voudrais pas, par les interventions du ministre, être trop éloigné de notre propos qui est l'idée impérieuse, nécessaire d'inviter le Conseil de la magistrature, pas à Laval, pas à Chomedey, pas à L'Abord-à-Plouffe, à Québec, l'inviter à Québec. Et, malgré les propos vraiment très durs qui ont été tenus par un des éditorialistes, Québec est effectivement une superbe ville; ce n'est pas un nombril, j'ai trouvé ça vraiment regrettable, de dire ça, dans l'éditorial du Devoir , de Gilles Lesage. Mais, M. le Président, tout en étant une belle ville, c'est quand même la capitale administrative et politique, et le ministre a tant raison lorsqu'il dit qu'il faut respecter la séparation des pouvoirs, qu'il ne faut pas mélanger les choses. C'est pour ça qu'on s'étonne de sa volonté ferme et inébranlable, comme d'habitude. Ça, au moins, il faut rendre à César... He has this Zen-like ability to stay with the same idea. And, on that score, Mr. Speaker, Mr. Chairman, I am often impressed.

Mais, M. le Président, vous savez, dans un des articles sur la Cour du Québec, il y a une photo, maintes fois reprise, du ministre de la Justice avec un coq en arrière...

M. Bégin: ...

M. Mulcair: Oui, on le voit souvent. Et, vous savez, la semaine dernière, le coq a crié une fois; c'était la lettre du délégué régional de la Côte-Nord, qui a crié une fois. Aujourd'hui, c'est la ministre de la Sécurité du revenu. Qu'attend-il? Ça va être qui le troisième qui va venir lui dire: Aïe! ça n'a pas de bon sens? Est-ce que ça va être, effectivement, le député de Gouin qui va dire: Aïe! ça suffit de vider Montréal, si vous n'avez pas de raison de le faire; il faut respecter justement l'indépendance judiciaire? Et peut-être qu'il y a une lettre qui traîne quelque part qu'un de nos proches collaborateurs va pouvoir nous faire parvenir. Je vois que le ministre commence à s'inquiéter du courrier. Mais je tiens à le rassurer, pour aujourd'hui au moins, on n'aura pas d'autres lettres. Mais il reste encore 1 h 43 min à la journée puis il y a toujours demain.

Sur le point qui nous intéresse au plus haut point, M. le Président, l'impérieuse nécessité d'entendre le Conseil de la magistrature, de notre côté de la table, on est convaincus que ces gens-là, par leur expérience, par leur expertise, sauront bien informer les décisions de cette commission et sauront nous dire si, effectivement, il y a des motifs qui nous ont échappé. Peut-être que, eux, ils savent ce qu'il y a dans la partie accessible au public du mémoire du ministre de la Justice, parce que, nous, on ne le sait pas. Nous, on ne fait pas partie du public, pour le ministre, mais peut-être que les membres du Conseil de la magistrature en font partie. Ça aussi, on pourrait le savoir si on les invite et s'ils acceptent de venir.

Mais, avant d'arriver là, il faut bien qu'une majorité des membres de cette commission accepte notre invitation de formuler le souhait, auprès des membres du Conseil de la magistrature, qu'ils se présentent ici, devant la commission des institutions de l'Assemblée nationale, où tous pourront discuter de sujets importants comme la séparation des pouvoirs, comme les dépenses inutiles de sommes publiques pour des motifs de symbolisme à une époque où tout est stratégie, tout est tactique, selon les paroles du premier ministre. Alors, de notre côté, loin de nous l'idée de faire de la stratégie avec des questions aussi importantes. Nous, on désire aller au fond des choses. Nous, on désire savoir ce qu'il en est vraiment. Où mieux commencer qu'avec les principaux intéressés, les membres de la magistrature, les membres du Barreau, les membres du public qui constituent cet important organisme dans l'administration de la justice qu'est le Conseil de la magistrature?

Ces gens-là, M. le Président, tous les jours de la semaine, dans les diverses causes dont ils sont responsables, entendent des questions importantes venant du public, et c'est de ça qu'on parle lorsqu'on parle d'expérience. Vous savez, quand quelqu'un est aux prises avec une difficulté dans l'administration de la justice, il faut qu'il ait une confiance absolue dans l'indépendance, l'autonomie et l'objectivité de l'appareil judiciaire. Et les rares fois que quelqu'un va se sentir brimé par l'appareil judiciaire, par les agissements ou les propos d'un juge, eh bien, évidemment, il faut qu'il ait un recours. Le Protecteur du citoyen l'a souvent dit, il faut avoir des recours, des mécanismes pour pouvoir répondre à ces interrogations du public. Et, lorsqu'il s'agit de ces éléments importants dans notre société qui sont ou les corporations professionnelles ou les membres de la magistrature, bien, on a tendance à créer ces structures-là avec une certaine autonomie, où les choses peuvent être traitées à distance, sans trop d'ingérence des autres parties, mais toujours en assurant une participation, un oeil vigilant du public, par exemple, en nommant des membres du public sur ces importants conseils là. C'est de ça qu'ils vont pouvoir nous parler lorsqu'ils viendront ici.

(22 h 20)

Le genre de causes dont il s'agit. Depuis le début, M. le Président, on cite le chiffre de 80 % comme la meilleure indication dont nous disposons comme indication des causes qui sont en provenance de Montréal. Est-ce que c'est 70 %? Est-ce que c'est 83 %? Nous, on ne le sait pas, mais les membres du Conseil de la magistrature, eux, ils le savent, et c'est pour ça qu'on veut les entendre. Ils vont pouvoir apporter toutes leurs statistiques, le nombre de causes en provenance de Montréal, le nombre de causes en provenance de L'Abord-à-Plouffe, le nombre de causes en provenance du comté du député de Borduas. Ils vont pouvoir nous dire tout ça. Puis on va faire une sorte d'échantillonnage parmi les membres de cette commission, puis on va savoir si les gens préfèrent aller à Montréal pour ces causes-là, si c'est plus proche et plus commode, ou si c'est Québec. Parce que ce n'est pas juste les causes en provenance de... Quelqu'un de Saint-Jérôme, par exemple, préfère naturellement aller à Montréal. Il préférerait davantage aller à Laval, s'il avait le choix. Mais il n'a pas le choix, il doit passer par-dessus Laval pour aller à Montréal pour l'entendre. Mais c'est quand même plus commode pour lui d'aller à Montréal. Oui.

Alors, M. le Président, vous l'aurez bien compris, vous l'avez bien deviné, vous l'avez bien compris, de ce côté de la Chambre, on est persuadés que c'est en entendant les membres du Conseil de la magistrature qu'on pourra prendre la meilleure décision possible sur le projet de loi 81, Loi modifiant la Loi sur les cours municipales, la Loi sur les tribunaux judiciaires et diverses dispositions législatives, Bill 81, An Act to Amend the Act respecting municipal courts, the Courts of Justice Act and various legislative provisions.

Là-dessus, M. le Président, je céderai la parole à un de mes augustes collègues qui ont sans doute aussi des choses très importantes à dire sur cette motion visant à nous permettre d'entendre le Conseil de la magistrature. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Alors, vous ne céderez la parole à personne, mais je vais la donner au ministre de la Justice.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. Il est 22 h 25 et ça fait déjà deux heures et demie que nous passons à ce que je considère une perte de temps par rapport à l'objectif principal d'une commission, qui est d'étudier article par article un projet de loi. Je suis certain que le Conseil de la magistrature et les magistrats qui ont travaillé pendant une couple d'années à proposer éventuellement aux législateurs des modifications à apporter à la structure et au fonctionnement de la Cour du Québec vont apprécier beaucoup les commentaires qui peuvent être très drôles, mais qui sont très peu édifiants quand on regarde l'objectif qu'on a.

M. le Président, on est ici pour travailler sérieusement. La magistrature, sachant que la loi arrivait à échéance, c'est-à-dire les sept ans depuis 1988, a pris la peine de se réunir, a pris la peine de consulter les membres, a pris la peine de produire des documents pour faire au ministère de la Justice, qui est le ministère responsable, des suggestions pour modifier la loi concernant la magistrature. Ils savaient que ce projet de loi devait être adopté avant le mois de juin pour être en vigueur, puisque – si on ne le sait pas – la loi arrive à terme au mois d'août 1995, par le biais de nominations qu'il faut faire à différents postes de juges: le juge en chef, le juge en chef associé, les adjoints, les coordonnateurs, et que, si ce n'est pas fait, tout le travail de réflexion qu'ils ont fait afin d'améliorer le fonctionnement de la Cour sera mis à néant. Et c'est à ça que concourt actuellement l'opposition par ses motions purement dilatoires et inutiles qui visent à faire venir ici, devant cette commission, la magistrature, qui – ils le savent, puis, s'ils ne le savent pas, ils devraient le savoir – n'est pas ici pour venir passer des commentaires devant les législateurs. Parce que la notion de séparation des pouvoirs peut peut-être être acceptable au niveau de la recevabilité, mais est inacceptable au niveau du principe que la magistrature vienne parader devant le législatif...

M. Mulcair: M. le Président, question de règlement. Il y a deux éléments. Je voulais laisser le ministre terminer, là...

M. Bégin: M. le Président, j'ai la parole.

Le Président (M. Simard): Question de règlement, mais de quel règlement?

M. Mulcair: L'article 212, dans un premier temps, propos incompris ou transformés. Dans un deuxième temps, à mon sens, M. le Président, le ministre est en train de mettre en cause votre décision de nous laisser débattre de la motion.

Le Président (M. Simard): Sur l'article 212, c'est après la fin de l'intervention du ministre que vous pourrez intervenir.

M. Mulcair: D'accord.

Le Président (M. Simard): Sur les propos du ministre, ils ne portaient pas sur la recevabilité, mais sur le fond. Poursuivez, M. le ministre.

M. Bégin: Alors, M. le Président, nous venons d'assister à une nouvelle manoeuvre pour essayer de ralentir le débat. Mais je réitère qu'il est inacceptable qu'on veuille faire comparaître le Conseil de la magistrature, qui est évidemment composé majoritairement de juges, pour venir les questionner devant une commission parlementaire.

Je comprends maintenant, lorsque j'ai été nommé ministre, que les juges m'aient dit: Mon Dou!, c'est extraordinaire, on peut enfin parler au ministre; d'autre part, on peut le rencontrer, on peut faire valoir nos représentations. J'ai compris que ça n'avait pas été possible... C'est peut-être par manque de considération – je vais prendre un mot léger, de considération – de l'ancien gouvernement à l'égard de la magistrature, qui se reflète dans la requête qu'on vient de voir ici. M. le Président, au mois de décembre, nous avons passé 29 heures pour étudier un projet de loi sur le Code de procédure civile...

M. Mulcair: M. le Président, question de règlement.

M. Bégin: M. le Président...

M. Mulcair: C'est une question de pertinence, là. Si le ministre veut nous ramener dans les débats des autres projets de loi qu'on a faits jusqu'à date, nous, on est plus que prêts à en faire autant, mais, à notre sens, ce n'est pas pertinent au débat sous étude, au projet de loi sous étude.

Le Président (M. Simard): Alors, continuez, M. le ministre.

M. Bégin: Je sens que les arguments portent, M. le Président. Je suis incapable de poursuivre. L'interruption systématique du député de Chomedey indique à quel point il est impressionné, et il le devrait, d'ailleurs, et il a raison de l'être, par l'argumentation que je fais.

M. le Président, nous sommes ici pour étudier un projet de loi proposé par la magistrature dans son essence principale, c'est-à-dire le fonctionnement de la Cour. Je comprends qu'on puisse avoir certaines réticences ou même des oppositions à certaines dispositions, mais, pour ça, il faudrait qu'on les rencontre en étudiant les articles les uns après les autres. Mais, à ce stade-ci, on est purement et simplement dans du gaspillage de temps. Et la preuve encore en est que, avant même qu'on ait demandé alternativement le droit de parole, on s'offre la parole du côté de l'opposition pour faire entendre les personnes, pour utiliser le temps de 20 minutes et les additionner. On l'a vu à trois reprises à date, et ça continue là-dessus. M. le Président, je trouve ça incorrect. Je respecte le rôle que l'opposition a à faire dans notre système parlementaire. J'ai endossé ce que me disait tantôt mon collègue de Borduas concernant certaines situations. Mais, là, je trouve que le vase déborde et qu'on devrait, de l'autre côté, comprendre qu'au-delà de la stratégie il y a des choses essentielles, et celle-là est importante.

Les tribunaux judiciaires, à mon point de vue, c'est quelque chose qui est au-delà d'une certaine partisanerie et d'une certaine complaisance. Parce que ce qu'on a aujourd'hui, ce n'est pas des opinions qui sont émises par des personnes, c'est des haut-parleurs. C'est drôle, c'est curieux, dans d'autres pays on dit aux gens que les journalistes ne font que rapporter ce que les politiciens font. Ici, c'est l'inverse. On a des politiciens qui ne font que parler de ce que les journalistes ont à dire, comme s'ils n'avaient pas d'idée personnelle à émettre mais qu'ils avaient besoin tout le temps d'avoir un éditorial ou d'avoir un article écrit par quelqu'un pour avoir une idée. M. le Président, j'aimerais les entendre dire des choses de leur cru et qui ne soient pas autre chose que de dire: M. le Président, j'aimerais faire une motion pour gagner trois fois 20 minutes ou trois fois 60 minutes, quelles que soient les paroles que je dise, quelles que soient celles que mon collègue ait pu dire avant. Tout ce que je veux, c'est gagner du temps.

M. le Président, je demande à l'opposition de cesser ces démarches, et je ne le fais pas pour moi-même, je le fais pour la magistrature, qui attend que ce projet de loi soit adopté, pour être en mesure de fonctionner de façon moderne. Et, s'ils n'ont pas compris le sens de la démarche... Je fais remarquer qu'ils m'ont demandé de supprimer les deux divisions régionales qu'il y avait pour ne faire qu'une seule division, qu'il n'y ait qu'un juge en chef et un juge en chef associé et qu'ils fonctionnent avec des juges adjoints. Mais, pour ça, il faut que le projet de loi passe. Si ce n'est pas ça, on aurait des nominations, M. le Président, qui seraient faites en fonction de la loi actuelle et qui, évidemment, ne correspondraient pas du tout, au-delà du choix qui pourrait être fait, à ce que les juges demandent, parce qu'ils sont les mieux placés pour déterminer ce qu'on doit faire pour faire bien fonctionner le système judiciaire au Québec.

M. le Président, je pourrais en dire long encore, mais je pense que j'ai dit très clairement que je trouve ça déplorable, et j'invoque, au nom de la magistrature, que l'opposition fonctionne avec l'adoption du projet de loi et qu'elle cesse ses démarches purement dilatoires.

Le Président (M. Simard): Sur l'article 212, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui. Bien, enfin, M. le Président, vous comprendrez qu'avec les paroles du ministre... Et j'ai bien voulu le laisser terminer, mais c'est, enfin, en vertu des articles 212 et 35.6° à la fois... Parce que non seulement les propos ont été déformés, mais, avec ses dernières paroles, il a imputé des motifs indignes. Je vais être très bref parce que c'est ce que le règlement nous invite à faire, M. le Président.

Dans un premier temps, si le ministre acceptait d'enlever de son projet de loi le déménagement du Conseil de la magistrature, tout ce qui concerne l'aspect purement technique de l'organisation des tribunaux, on le lui donnerait en un clin d'oeil. Ce qui dérange le ministre, M. le Président, ce n'est pas le fait que l'opposition soit en train de faire une analyse détaillée de ces questions-là, c'est le fait que, justement, l'ensemble des intervenants, dont des membres du Conseil de la magistrature, sont contre le déménagement et se sont prononcés publiquement contre. Aux États-Unis, il y a un terme pour ce que le ministre est en train de faire, ça s'appelle du «pork barrelling». Vous savez ce que c'est, du «pork barrelling», M. le Président?

Le Président (M. Simard): Toujours sur 212?

(22 h 30)

M. Mulcair: Oui, oui, tout à fait, et les commentaires brefs qui me sont permis aux termes de 212, et c'est mon dernier propos... «Pork barelling», c'est lorsqu'un ministre, aux États-Unis, un membre du Congrès, présente un projet de loi qui a un but louable et qu'il «slip» là-dedans, à la fin, un petit quelque chose qui est d'intérêt purement local. C'est la même chose ici. En se déchirant la chemise au nom de la magistrature, le ministre est en train de nous dire: Ne regarde plus le reste de ce que j'ai «gossé» là-dedans, je t'ai mis là-dedans une affaire qui concerne strictement la ville de Québec pour une affaire symbolique. Ne regarde plus ça. Arrête de me poser des questions gênantes là-dessus, je commence à être embarrassé. Tu es en train de montrer, justement, que c'est une passe que j'ai faite là.

Le projet de loi organise les tribunaux, on est d'accord avec ça, on va le lui donner en 15 minutes. Mais qu'il retire le déménagement du Conseil de la magistrature, à ce moment-là...

M. Lelièvre: M. le Président...

Le Président (M. Simard): Oui, vous n'avez même pas besoin de la poser, là, j'interrompts les propos du député de Chomedey qui est sorti depuis longtemps...

M. Lelièvre: Le député de Chomedey doit s'adresser à la présidence et non pas pointer du doigt le ministre comme il l'a fait depuis cinq minutes.

Le Président (M. Simard): Mais il n'y a pas que ça, c'est qu'il est en train d'argumenter sur le fond, complètement en dehors depuis longtemps de l'article 212. Alors, nous poursuivons nos débats. Je donnerai la parole, maintenant, au député de Châteauguay.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Il y a tant à dire, M. le Président, sur cette motion et sur les propos qui ont été dits tantôt. Je n'aurai évidemment pas suffisamment de temps et je ne voudrais pas prendre tout le temps qui m'est accordé pour passer tous les messages que j'ai à passer après ce que j'ai entendu. Je pense que mon collègue de Chomedey, dans cette dernière intervention, a été on ne peut plus clair, et je pense que le ministre pourra réfléchir aux propos du député de Chomedey. Peut-être qu'il pourra relire la transcription, y penser. Avec l'argumentation qu'il soulevait tantôt, j'ai l'impression que, s'il portait une attention particulière à ce que mon collègue de Chomedey a dit tantôt, il trouverait une réponse. Et, dans les propos que mon collègue de Chomedey a tenus, il voit là le sens véritable que doit avoir une opposition. C'est à ça que ça sert, l'opposition, M. le Président. Ça sert à éviter qu'il n'y en ait qu'un qui ait la vérité et qui l'impose.

Il nous dit, M. le Président, le ministre de la Justice nous dit... Il s'étonne de voir des politiciens, dit-il, qui font écho à ce qui se dit ailleurs que dans la bulle de cet hôtel du parlement. Il s'étonne que les politiciens soient à l'écoute de ce qui se passe, qu'on lise les journaux et qu'on rappelle les questions qui sont soulevées. Je m'étonne de son étonnement, M. le Président. Je m'inquiète. Il nous a parlé tantôt de l'opposition qui faisait des manoeuvres, et je peux lui mentionner qu'il peut assister, en Chambre, à la période de questions, à bon nombre de manoeuvres qui viennent de son côté, et j'espère qu'il pourra en parler à son caucus, M. le Président. Les manoeuvres, on assiste à ça assez régulièrement, nous, de l'opposition, des manoeuvres dilatoires et des interruptions de discours, de discussions et de questions qui sont posées.

Il parlait de la partisanerie, M. le Président. Le ministre de la Justice a parlé de la partisanerie.

Le Président (M. Simard): Ça ne vous fait rien de revenir à la motion, M. le député?

M. Fournier: Oh! je reviens directement...

Le Président (M. Simard): Immédiatement, s'il vous plaît.

M. Fournier: ...aux propos qui ont été tenus par le ministre, et qui ont, semble-t-il, été tenus à l'égard de cette motion. Et c'est le ministre qui parlait de la partisanerie de cette motion, M. le Président, parce qu'il invoquait le fait que le Conseil de la magistrature était la fondation ou l'appui à ce projet de loi, M. le Président. C'est ce qu'il nous dit, mais le député de Chomedey a bien mis en lumière qu'il y avait un élément dans ce projet de loi... Ce n'est pas... On ne demande pas la destruction du projet de loi, on demande un correctif, M. le Président, qui met en lumière... Le correctif, c'est la faille du ministre sur son projet de loi lorsqu'il dit que c'est le Conseil de la magistrature qui le demande, qui pousse pour l'avoir. Et il nous dit, M. le Président: Il y a urgence.

À ce que je sache, c'est à peu près en avril que ce projet de loi a été déposé. Certes, nous sommes en juin et il y aurait peut-être eu lieu que nous discutions de ce projet de loi, M. le Président, avant. Peut-être. Mais de nous invoquer qu'il arrive là un terme qui va tout chambarder, ou bien on peut se poser des questions sur la pertinence d'avoir retardé la tenue d'une séance d'étude sur ce projet de loi, ou bien on peut se dire: Le ministre va peut-être comprendre qu'en écoutant les propos de mes collègues il est possible d'apporter des correctifs à son projet de loi, ce qui va lui permettre de rencontrer l'échéance du mois d'août, mais dans le sens voulu par le Conseil de la magistrature. C'est lui-même qui dit que c'est le Conseil qui le demande.

Nous, nous faisons, dans cette motion, M. le Président, une demande pour que le Conseil de la magistrature puisse venir nous parler, et on va nous dire que cette demande est insensée? M. le Président, d'un côté, nous avons le ministre de la Justice, qui, il y a quelques minutes à peine, ici, devant nous, devant vous, M. le Président, nous a dit que c'était le Conseil de la magistrature qui voulait ce projet de loi... C'est ce qu'il nous dit.

Je m'excuse de reprendre des propos, mais, puisque c'est sur la motion, je suis obligé de vous parler, M. le Président, du juge en chef de la Cour du Québec, Albert Gobeil. Là, je rappelle... Le ministre nous dit que le Conseil de la magistrature veut ce projet de loi. Et le juge Gobeil dit: «J'ai fait savoir au ministre que je n'étais pas d'accord avec cette décision.» La décision, c'est le déménagement du Conseil de la magistrature pour l'amener à Québec. À ce que je sache, c'est dans le projet de loi. Il vient de nous dire que le Conseil de la magistrature le veut. On a la preuve, M. le Président... Il va nous dire qu'on lit les journaux. Bien oui! Bien oui! On nous empêche d'entendre les gens, puis, là, on ne veut même pas qu'on entende leurs propos puis qu'on fasse écho à ces propos-là. Qu'est-ce qu'on veut? Une opposition qui se tait? Un aveuglement volontaire? Il n'en est pas question, M. le Président. On a un rôle à jouer puis on va le jouer jusqu'au bout, puis le ministre va entendre ce qu'on dit. Puis, si ça le perturbe, bien, il sera perturbé, mais, le lendemain, il se ressaisira puis il donnera un projet de loi que le monde veut. Le juge Gobeil, il dit: «Il me semble qu'on devrait à tout le moins attendre de voir comment fonctionne la nouvelle organisation de la cour avant de faire déménager le Conseil de la magistrature, et de toutes manières, il me semble préférable de ne pas l'effectuer».

Dans mes remarques préliminaires, M. le Président, tantôt, je m'en souviens, j'ai dit: Écoutez, le juge Gobeil a dit ça, c'était le 18 avril. Peut-être que, depuis ce temps-là, il a changé ses propos. Peut-être que, depuis ce temps-là, le Conseil de la magistrature veut débouler à Québec. Peut-être qu'ils veulent venir s'installer ici puis qu'ils ont trouvé des raisons économiques, des raisons sociales, qu'il y a une plus grande efficacité. Peut-être que, depuis le 18 avril, ça a changé. J'ai demandé au ministre: Est-ce qu'il y a eu des modifications? En quoi la situation a changé? Et il dit, M. le Président, sur cette motion: Le Conseil de la magistrature veut ce projet de loi là. Je lui dis: Il manque un élément. Ou bien donc le Conseil de la magistrature veut tout le projet de loi sauf cet élément-là, à ce moment-là, c'est le député de Chomedey qui aurait raison, pas le ministre de la Justice; ou bien le Conseil de la magistrature a révisé ses positions depuis le 18 avril. Rien de plus simple pour le ministre que de nous dire, de nous faire état de ce revirement de situation. Qu'il nous explique en quoi, à partir de quelle étude, avec quelles retombées le Conseil de la magistrature aurait décidé de changer d'idée.

Bernard Tellier, juge, secrétaire administratif du Conseil de la magistrature, justement, dont on parle: «It is a funny deal because most of the activities are centered here, in Montréal, adding that Council members were not consulted before the bill was introduced.» Là, si je comprends bien, le Conseil de la magistrature pousse, demande, sollicite ce projet de loi là, puis, en même temps, il dit qu'il n'a pas été consulté sur le projet de loi qu'il pousse. Là, j'ai un problème, M. le Président. J'ai un gros, gros problème de compréhension, ou bien donc le ministre de la Justice ne me dit pas tout quand il dit que le Conseil de la magistrature pousse ce projet de loi là. Il a déchiré sa chemise, M. le Président, tantôt, puis je dois vous avouer, je l'écoutais puis je me disais: Bien, coudon, si c'était vrai, peut-être qu'il faudrait qu'on réfléchisse, il a peut-être raison. Mais il manque un élément pour lui donner un peu de bonne foi, là, à son raisonnement. Il manque un élément.

S'il me dit que le Conseil de la magistrature appuie le projet de loi, puis si le Conseil de la magistrature me dit qu'il est contre un élément du projet de loi, le ministre «peut-u» comprendre qu'il y a un élément de son projet de loi que le Conseil de la magistrature ne veut pas? Et, nous, on veut entendre le Conseil de la magistrature pour que, un, on voie si, nous, ce qu'on a compris était vrai, mais, deux, qu'il convainque le ministre, M. le Président, parce que, nous, ça a l'air qu'on est dérangeants. Ça a l'air que ce n'est pas bien, bien important, ce qu'on dit.

(22 h 40)

Il dit: Ils se mettent à plusieurs pour répéter les mêmes choses. On se met à plusieurs pour répéter... On essaie de le convaincre, on essaie de lui faire voir la lumière, on essaie de lui faire voir ce qu'il y a l'autre bord des murs. Il n'y a pas juste son ministère, là, hein, des petits murs. Il faut sortir dehors, il faut aller voir le monde. Surtout quand on nous dit que c'est le Conseil de la magistrature qui veut l'entendre. Aïe! qu'on les voie. Il nous dit qu'il les consulte. Il nous dit: Je les ai consultés. Puis, eux autres, ils disent: Bien, ce n'est pas vrai. On n'a pas été consultés là-dessus.

Le Président (M. Simard): En conclusion, M. le député.

M. Fournier: Alors, je termine, M. le Président. Je veux bien jouer le jeu du déchirage de chemise puis dire: Aïe! on va essayer de jouer que, la démocratie, les gens se reconnaissent plus là-dedans. Puis le parlementarisme, c'est problématique. L'opposition, vous prenez du temps, vous ne nous laissez pas passer nos projets de loi. Mais, essentiellement, il faut dire toute la vérité, tous les éléments qu'on a à tenir en compte. Et, dans ce cas-ci, le ministre de la Justice a omis un élément: le Conseil de la magistrature n'appuie pas un des éléments de son projet de loi. C'est clair. C'est net. Il ne l'a pas encore avoué. Et, tant qu'il ne se l'avouera pas à lui-même, il ne sera pas à l'écoute de l'opposition.

Il nous dit, M. le Président, qu'on abuse de notre temps. Mais on n'abuse pas, on insiste, on est persévérants, on est tenaces. C'est dans l'intérêt des Québécois et des Québécoises, du Conseil de la magistrature qu'on le fait, et le ministre devra s'ouvrir les horizons un peu et accepter qu'il y ait, à l'extérieur de ces murs, des gens qui parlent et qui ne disent pas tout à fait la même chose que lui. Il faudra qu'il en tienne compte. D'où le sens de notre motion, M. le Président, que l'on puisse entendre – et je termine là-dessus – le Conseil de la magistrature pour savoir vraiment où toutes les consultations ont été faites. Et, en terminant, une réponse qui aurait certainement pu nous être donnée si on avait eu les...

Le Président (M. Simard): Votre temps est écoulé, M. le député.

M. Fournier: ...parties accessibles du mémoire, M. le Président...

Le Président (M. Simard): Vous nous aviez annoncé que vous ne prendriez pas tout votre temps...

M. Fournier: ...au Conseil des ministres.

Le Président (M. Simard): ...et vous avez pris deux minutes supplémentaires. Et, comme je vous le disais...

M. Fournier: Merci beaucoup, M. le Président, de votre diligence.

Le Président (M. Simard): ...ce matin, vous n'êtes pas un homme de 10 minutes mais de 20 minutes.

M. Fournier: C'est ça. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): M. le député de Mont-Royal.


M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Alors, merci. C'est 10 ou 20 qu'on a?

M. Fournier: C'est 10. Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: C'est 10. Alors, merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Ce n'est pas du 100 mètres.

Une voix: C'est un coureur de fond.

M. Ciaccia: M. le Président, la motion que nous avons devant nous, d'entendre le Conseil de la magistrature du Québec... Vous savez, je voudrais faire un point suite aux remarques du ministre. C'est bien facile d'accuser l'opposition de ne pas être de bonne foi, de faire des mesures dilatoires, mais je pense que le ministre devrait réaliser qu'il est possible – qu'il est possible – que l'opposition ait des gros problèmes avec certains aspects de ce projet de loi, et les règles démocratiques, M. le Président, nous donnent les moyens de faire valoir au ministre les problèmes que nous avons avec ce projet de loi.

Nous respectons les règlements, et je demanderais au ministre de respecter notre respect des règlements. Ce n'est pas parce qu'on fait des motions qui touchent... Avant de discuter article par article, on ne discute pas le projet de loi. Les motions, ça fait partie du projet de loi. De vouloir entendre le Conseil de la magistrature, quand on sait le travail que ce Conseil fait... On a fait référence au fait que 80 % des plaintes sont à Montréal. Ça facilite à ceux qui doivent avoir accès... Savez-vous, ça va être beaucoup plus difficile pour quelqu'un à Montréal de porter plainte à Québec.

Le ministre ne réalise-t-il pas... Et pourquoi? Pourquoi le déménagement du Conseil de la magistrature quand le juge Gobeil lui-même dit: «Ce avec quoi j'ai plus de difficultés, c'est avec le déménagement du Conseil de la magistrature, qu'on veut aussi amener à Québec»? Le député de...

M. Fournier: Châteauguay.

M. Ciaccia: ...Châteauguay a presque pris le ministre en flagrant délit. Le ministre a dit que le Conseil de la magistrature était d'accord. Tout ce que nous lisons, toutes les informations que nous avons, c'est qu'il n'est pas d'accord pour déménager à Québec.

Si on peut rédiger et essayer de faire adopter un projet de loi sur le Conseil de la magistrature pour le déménager de Montréal à Québec, je ne pense pas qu'on puisse vraiment invoquer la séparation des pouvoirs pour ne pas discuter et ne pas inviter le Conseil de la magistrature. Parce que, s'il y a vraiment la séparation des pouvoirs, on ne devrait pas toucher le Conseil de la magistrature. La séparation des pouvoirs: eux autres restent là, nous autres on est ici et puis on ne les touche pas. Cette séparation, jusqu'où va-t-elle? Et je crois que ça serait montrer un peu de bonne foi de la part du ministre, qui montrerait que, vraiment, lui, il n'a rien à cacher. Peut-être que le Conseil va refuser de venir, mais, au moins, on pourrait faire la lumière sur les contradictions flagrantes entre les propos du ministre et les informations que nous avons sur la réaction des membres du Conseil de la magistrature, qui n'ont pas été consultés et dont le juge en chef semble être en désaccord total avec l'aspect du projet de loi qui oblige le Conseil à déménager à Québec.

M. le Président, vous savez, quand le ministre parle de la façon qu'il parle sur l'utilisation de notre droit de parole, je ne voudrais pas rappeler au ministre que c'est seulement dans des dictatures qu'on restreint le droit de parole. Mais, dans un système démocratique, M. le Président, c'est la chose la plus élémentaire, pourvu qu'on respecte le règlement. C'est pour ça que, quand on fait une motion, elle doit être recevable. Mais, une fois qu'elle l'est, recevable, on a le droit de prendre le temps voulu pour essayer de convaincre le ministre. Et le but de ça, c'est d'essayer de faire réfléchir le ministre, parce que, si on ne parle pas des sujets, là, sur lesquels on est en désaccord, je ne pense pas qu'on accomplisse nos responsabilités comme opposition, et, certainement, on ne reflète pas ce que semblent être les vues, le point de vue, l'opinion du Conseil de la magistrature, qui va être affecté.

Et aussi, tu sais, il y a quelque chose qui va au-delà de juste dire: Bien, on va déménager le Conseil. C'est toute une philosophie, c'est tout un travail, c'est toute une base juridique qu'on affecte, M. le Président. Les 80 % de personnes qui utilisent les services du Conseil, qui sont situées à Montréal, est-ce qu'on les prive de leurs recours? Est-ce qu'on réduit leur accès – je le crois – à un organisme qui est essentiel et important pour le bon déroulement des droits de la population? Ça, c'est une base philosophique et juridique, et je crois qu'on a le devoir de le soulever, et ça serait des questions à demander au Conseil. Est-ce qu'on ne pourrait pas demander aux membres du Conseil: Si vous déménagez à Québec, quel impact ça va avoir sur vos travaux? Quel impact ça peut avoir sur ceux qui ont recours à vos services? Quel impact ça peut avoir sur le nombre de plaintes qui sont portées à l'attention du Conseil de la magistrature? Je crois que ce sont des questions élémentaires, des questions raisonnables. Et, si le ministre a besoin vraiment de certains aspects du projet de loi, on peut discuter des aspects qui sont acceptables à la bonne administration de la justice et des aspects qui sont questionnables, qui sont... De notre côté, on dit que c'est symbolique, pas nécessaire, contre les décisions ou la volonté de ceux qui sont affectés.

C'est vrai, pour administrer, si vous parlez... On soulève certains aspects du projet de loi qui sont essentiels, pour qu'on les ait avant le 15 août, parce que c'est la bonne administration de la justice. Je vais vous assurer, à moins qu'on me démontre le contraire, que de déménager le Conseil de Montréal à Québec, ce n'est pas ça qui va donner une meilleure administration de la justice; ça peut être l'inverse. Ça peut être l'inverse en «déprivant» certaines personnes qui ont accès plus facilement au Conseil, là, d'un accès facile au Conseil de la magistrature.

(22 h 50)

M. le Président, je crois que le ministre devrait accepter d'inviter le Conseil. On va le discuter avec toute prudence. Comme vous l'avez mentionné, avec la séparation des pouvoirs, il y a certaines choses qu'on ne pourrait pas discuter avec eux. Il faut être très prudents, mais au moins voir le déroulement de leurs travaux, voir les plaintes qui sont portées à l'attention du Conseil, les décisions qui sont prises. Est-ce qu'ils seront affectés défavorablement, ceux qui ont besoin de cet outil, ceux qui ont besoin de cet organisme, ceux qui portent plainte?

Je crois, M. le Président, que c'est tout à fait normal. Et ce n'est pas une question de retarder, parce que, des fois, retarder a ses raisons. Si on veut retarder certains aspects du projet de loi, c'est parce que nous avons des bonnes raisons; ce n'est pas parce qu'on ne veut pas que la justice soit bien administrée. Au contraire. Si on veut retarder certains aspects de ce projet de loi, c'est parce qu'on a intérêt à une meilleure administration de la justice, une meilleure protection du citoyen, qu'il soit moins isolé, qu'il soit plus près de l'organisme duquel il dépend.

Alors, M. le Président, vous m'avez demandé de conclure. Je ne veux pas abuser de mon temps, je vais respecter votre décision. On espère que le ministre, même s'il ne rend pas accessibles les informations qui sont accessibles au public, il pourrait rendre accessible le Conseil à cette commission parlementaire. Merci.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Mont-Royal. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?


Mise aux voix

Est-ce que la motion est adoptée?

M. Mulcair: Vote nominal, s'il vous plaît, M. le Président.

Le Président (M. Simard): M. le secrétaire, veuillez appeler le vote nominal.

Le Secrétaire: Alors, pour ou contre la motion, M. Mulcair (Chomedey)?

M. Mulcair: Pour.

Le Secrétaire: M. Quirion (Beauce-Sud)?

M. Quirion: Pour.

Le Secrétaire: M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Pour.

Le Secrétaire: M. Fournier (Châteauguay)?

M. Fournier: Pour.

Le Secrétaire: M. Bégin (Louis-Hébert)?

M. Bégin: Contre.

Le Secrétaire: M. Charbonneau (Borduas)?

M. Charbonneau (Borduas): Contre.

Le Secrétaire: M. Lelièvre (Gaspé)?

M. Lelièvre: Contre.

Le Secrétaire: M. Beaulne (Marguerite-D'Youville)?

M. Beaulne: Contre.

Le Secrétaire: M. Simard (Richelieu)?

Le Président (M. Simard): Contre.

Le Secrétaire: Rejeté. Quatre pour, 5 contre.

Le Président (M. Simard): Rejeté, 4 pour, 5 contre.

Alors, nous passons à l'article 1 du projet de loi.


Motion proposant d'entendre la Commission de protection des droits de la jeunesse

M. Mulcair: Avant de faire cela, M. le Président, de notre côté, on aimerait proposer une motion qui vise un autre aspect du projet de loi, et la motion se lit comme suit: «Que, conformément à l'article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, la commission des institutions tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 81, Loi modifiant la Loi sur les cours municipales, la Loi sur les tribunaux judiciaires et diverses dispositions législatives, des consultations particulières sur tous les articles du projet de loi et qu'à cette fin elle entende la Commission de protection des droits de la jeunesse.»

Le Président (M. Simard): Alors, à sa face même, cette proposition, à moins qu'on veuille argumenter, est, dans sa forme, recevable. Alors, nous devons maintenant en disposer. Une demi-heure pour les porte-parole des deux côtés, 10 minutes à chaque intervention. Nous vous écoutons, M. le député de Chomedey.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Évidemment, cette motion, comme les autres, se discute dans un contexte et...

M. Bégin: M. le Président, question de règlement. Je me pose une question: compte tenu des travaux de cette commission qui a adopté article par article la fusion de la Commission des droits de la personne avec la Commission de protection des droits de la jeunesse, est-ce que nous sommes toujours capables d'entendre la Commission de protection des droits de la jeunesse?

Le Président (M. Simard): Elle existe toujours tant qu'elle n'a pas été adoptée en troisième lecture. Alors, M. le ministre...

M. Bégin: Merci, M. le Président.

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): Je crois que c'était plutôt une remarque facétieuse. M. le député de Chomedey, veuillez poursuivre.

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président. Alors, ces motions-là visant à bonifier et à améliorer les travaux de cette commission se situent bien entendu dans un contexte. On a entendu le ministre, tout à l'heure, faire référence au contexte large dans lequel ça se discutait...

M. Bégin: J'écoute.

M. Mulcair: ...et je pense qu'une partie importante du contexte de notre délibération sur cette motion et l'engagement qu'avait entrepris le ministre, le 16 mai 1995, de nous fournir au fur et à mesure les parties disponibles au public de ses divers mémoires, ces discussions-là se tiennent justement dans un contexte, et, de part et d'autre, il y a différents engagements qu'ils font. Et c'est pour ça que j'ai été un peu surpris que, même lorsqu'on lui a demandé de donner suite à son engagement – qui est dûment enregistré dans les procès-verbaux de cette commission – bien, le ministre non seulement omette de donner suite, mais, même à notre demande, dise non.

Maintenant, M. le Président, nous sommes en train de discuter d'un autre aspect du projet de loi 81. Cette fois-ci, il s'agit non pas du déménagement d'une partie des fonctions des tribunaux de Montréal à Québec, il s'agit d'un autre aspect très important. Le ministre a dit avec justesse tout à l'heure que le projet de loi 81 va faciliter l'accès à la justice pour certains jeunes contrevenants en augmentant, si vous me passez l'expression, le nombre de points de service pour ces jeunes contrevenants lorsqu'il y a eu un accroc à la loi. Ce que nous cherchons à faire par notre motion qui vise à faire entendre la Commission de protection des droits de la jeunesse, nous voulons, par excès de prudence, nous assurer que ce déménagement possible des causes de ce qui est à l'heure actuelle un lieu étanche, qui est la division du Tribunal de la jeunesse de la Cour du Québec, vers quelque chose qui est beaucoup plus ouvert au public, beaucoup plus apte à être entendu par les gens, on veut s'assurer que les gens qui ont développé une vaste expertise en matière de protection des droits de la jeunesse, soit la Commission de protection des droits de la jeunesse, puissent être entendus.

Vous savez, M. le Président, on a eu l'exemple tantôt d'une série de propositions dont le ministre nous a parlé, et, tout comme lui, on souhaite ardemment que les aspects du projet de loi 81 qui concernent l'organisation des travaux des tribunaux puissent être adoptés dans les meilleurs délais, puis on continue à lui offrir toute notre collaboration à cet égard. Et, connaissant le vif intérêt que porte le ministre à ces questions de protection des droits de la jeunesse, pour l'avoir entendu parler si éloquemment là-dessus lors de l'étude du projet de loi 79 récemment, on est convaincus que le ministre désire, lui aussi, connaître l'avis de la Commission de protection des droits de la jeunesse.

Encore, M. le Président, il se peut, justement, que la partie du mémoire accessible au public contienne des éléments de réponse à notre question. Mais, puisque le ministre... Pour ne pas imputer de motifs, je vais me contenter de dire que le ministre a tout simplement oublié son engagement, formulé devant cette commission le 16 mai, de nous fournir, sur une base régulière, sans qu'on ait à en faire la demande, ces divers aspects accessibles au public des mémoires concernant ses projets de loi. Bien, on est tenus de formuler la demande que vous avez devant vous, M. le Président, et que vous venez de juger admissible.

La motion vise donc à permettre à cette commission d'entendre les représentants et les personnes responsables compétentes de la Commission de protection des droits de la jeunesse sur l'article premier du projet de loi, qui modifie l'article 30 de la Loi sur les cours municipales par le remplacement des mots «de la compétence exclusive de cette cour à l'égard des personnes âgées de moins de 18 ans» par les mots «du deuxième alinéa». Et on ajouterait ceci: «La Cour peut exercer toute compétence en matière pénale que lui reconnaît la loi également à l'égard d'une personne âgée de moins de 18 ans, si celle-ci n'est pas dans la situation décrite à l'article 88 du Code de procédure pénale (C-25.1). Le juge municipal renvoie en outre la cause devant un juge de la Cour du Québec lorsque l'intérêt de cette personne le justifie.»

Alors, on voit tout de suite, M. le Président, une référence à l'intérêt de cette personne âgée de moins de 18 ans, cette jeune personne qui a donc une série de règles qui lui sont applicables et qui visent justement à assurer, entre autres, le respect de sa vie privée et le respect de certains droits qui ne sont pas accordés aux contrevenants adultes.

(23 heures)

Section 30 of the Act respecting municipal courts, Mr. Chairman, would be amended by section 1 of Bill 81 and we would add a new notion that would say that, by changing the existing provisions, «the Court – the municipal court – may exercise any jurisdiction in penal matters recognized by law as a jurisdiction of the Court – the Court of Québec – in respect of a person under 18 years of age if the person is not in the situation described in article 88 of the Code of Penal Procedure (chapter C-25.1)». It goes on to provide, Mr. Chairman... «The municipal judge shall, furthermore, refer the case to a judge of the Court of Québec where the interest of the person warrants it.»

Alors, vous voyez, M. le Président, on est en plein coeur de notre motion visant à entendre la Commission de protection des droits de la jeunesse, parce que nous désirons savoir s'ils sont d'accord avec cette proposition-là ou s'ils ont des réserves là-dessus. On pourrait, évidemment, par la même occasion se faire informer si, oui ou non, cette Commission, qui relève du ministre de la Justice, a bel et bien été consultée. Pour l'instant, nous ne le savons pas. Et on aurait pu éviter peut-être une partie de nos démarches de ce soir et on aurait pu répondre beaucoup plus tôt à nos interrogations si on avait accepté, justement, de nous fournir la partie du mémoire au Conseil des ministres qui concerne le projet de loi 81 et qui était jugée accessible, justement, au public. Mais, comme mon collègue, le député de Mont-Royal, a eu l'occasion de le dire, il me semble que, même ça, même ça, ça poserait problème et on a de la difficulté à le comprendre, M. le Président, on a de la difficulté à le comprendre en soi et pour les raisons évoquées par le député de Mont-Royal, qui est, rappelons-le, le doyen de l'Assemblée nationale.

Et notre étonnement est d'autant plus grand, M. le Président, que, le 16 mai, devant cette même commission, celle où on siège ce soir, la commission des institutions du Parlement du Québec, bien, le ministre avait dit que, lui, il avait une autre façon de gouverner. Contrairement à ce qu'il trouvait une situation reprochable qui prévalait lorsque le gouvernement précédent était au pouvoir, la difficulté que rencontrait l'opposition à cette époque-là était chose du passé, selon le ministre, parce qu'il s'était engagé formellement à nous donner ces éléments-là. Maintenant, il veut qu'on commence à sauter à travers un tas de cerceaux pour obtenir, à travers la Commission d'accès à l'information, les informations qu'on lui a demandées tantôt et qu'il a refusé de nous donner.

M. le Président, ça nous désole d'être obligés de recourir à cette motion pour pouvoir savoir, même, si la Commission de protection des droits de la jeunesse a été consultée. Peut-être que le mémoire l'aurait indiqué, et puis on ne serait pas en train de discuter. Mais, en l'absence de cette information, en l'absence d'avoir eu une suite donnée à l'engagement du ministre, du 16 mai, bien, on n'a guère le choix, M. le Président, on doit demander à ce que cette commission puisse entendre la Commission de protection des droits de la jeunesse pour se rassurer à l'égard de ce changement-là. Est-ce que l'intérêt de la personne âgée de moins de 18 ans, qui est mentionné à la dernière phrase du deuxième alinéa, qui serait ajouté à l'article 30 de la Loi sur les cours municipales... Est-ce que cette seule mention suffit? Est-ce que c'est une mention qui a été souhaitée, qui est placée là à la demande de la Commission de protection des droits de la jeunesse? Peut-être. Mais on l'ignore. Et c'est seulement en entendant cette même Commission que nous allons pouvoir avoir une réponse satisfaisante à notre question.

Il est normal que les membres de cette commission puissent s'enquérir auprès des autorités, des organismes qui sont chargés par les lois adoptées par notre Assemblée nationale de regarder ces questions-là, et nous demandons, encore une fois, au ministre soit de donner suite à son engagement du 16 mai soit de nous donner son accord pour entendre la Commission de protection des droits de la jeunesse. Ce sont des questions de société qu'on se pose, M. le Président, des questions fort importantes, et je suis persuadé que le ministre, s'il ne connaît pas déjà la réponse pour avoir déjà consulté la Commission de protection des droits de la jeunesse dans ce dossier-là, va pouvoir, lui aussi, profiter d'une telle consultation.

M. le Président, on va être, au cours des prochains jours, appelés à étudier en détail les articles de ce projet de loi. Et, avant d'entreprendre ce travail-là, de notre côté de la Chambre, on dit au ministre: Prenez le temps qu'il faut; invitons les personnes compétentes, qui sont les représentants de la Commission de protection des droits de la jeunesse, invitons-les ici, devant cette commission, et ils vont pouvoir bien nous renseigner sur tous les tenants et aboutissants de cette modification proposée à l'article premier du projet de loi 81.

En l'absence d'une telle information, notre décision risque de porter atteinte aux droits qui sont garantis aux jeunes personnes dans notre société, personnes à qui, effectivement, on a toujours réservé un traitement différent devant les tribunaux. Le ministre a fait référence, tantôt, aux travaux de cette commission qui seront bientôt amenés en Chambre, travaux concernant le projet de loi 79 visant la fusion de la Commission des droits de la personne et cette même Commission de protection des droits de la jeunesse. Tout au long des débats qui ont eu lieu devant cette commission, plusieurs membres de la commission, dont des membres du côté ministériel, se sont inquiétés de l'effet possible, sur les droits de la jeunesse, de cette fusion. Et il y a eu bon nombre de modifications qui ont été apportées et qui ont eu pour effet, tous en conviennent, de bonifier le projet de loi du ministre. Mais le projet de loi portant sur la fusion des deux organismes a pu être bonifié parce que le ministre a écouté. Le ministre a compris qu'avec les observations fort pertinentes des deux côtés de la Chambre il se devait de se ranger aux arguments de tout le monde.

Force nous est de constater, M. le Président, que, pour ce qui est de cet important changement qui est opéré aux termes de l'article premier du projet de loi 81, on y fait un changement qui mérite la même attention. On se doit de connaître l'avis de la Commission de protection des droits de la jeunesse. Et quelle meilleure preuve pourrait nous fournir le ministre de son intention de continuer de se fier sur l'expertise et l'expérience et de respecter le mandat de la Commission de protection des droits de la jeunesse, peu importe sa nouvelle incarnation éventuelle si la Chambre procède à l'adoption du projet de loi portant sur la fusion des deux organismes que nous venons de mentionner? Ce sont des questions sérieuses qui sont posées à cet égard-là, M. le Président.

Si on a toujours reconnu, dans cette Chambre et dans cette Assemblée, la différence qui doit exister dans le traitement des personnes mineures, il ne faut pas procéder à la légère avec une modification qui va faire en sorte que, dans bon nombre de cas, même si ce n'est pas pour les plus graves infractions, tous les membres de leur voisinage immédiat, tous les membres de leur groupe d'appartenance, dans leurs écoles, vont pouvoir savoir qu'il y a eu accroc à la loi de leur part et qu'ils sont traînés devant les tribunaux. On est quelque peu rassurés par la présence de la dernière phrase du paragraphe deuxième ajouté par l'article premier et qui prévoit que «le juge municipal renvoie en outre la cause devant un juge de la Cour du Québec lorsque l'intérêt de cette personne le justifie». Mais est-ce que c'est suffisant comme ça? On se permet de poser des questions à cet égard.

Et, avant d'aller plus loin, avant de prendre une décision définitive sur le sort que l'on réservera à l'article 1, eh bien, des deux côtés de la Chambre, on aurait tout intérêt à rencontrer puis à entendre les personnes compétentes et expérimentées qui sont les membres de la Commission de protection des droits de la jeunesse. Évidemment, M. le Président, notre souhait, si jamais ça devait être réalisé après l'adoption du projet de loi 79... Évidemment, on comprend bien qu'il faudrait, compte tenu des adaptations de circonstance, parler dorénavant de cette nouvelle Commission créée par ce projet de loi là. Mais je pense que, si on accepte assez vite cette motion... On a déjà eu l'occasion de le voir lors de l'étude du projet de loi 79, non seulement la Commission peut être entendue relativement à brève échéance, mais on a réussi même à faire venir les trois ex-présidents de la Commission de protection des droits de la jeunesse, ce qui nous a vraiment permis de connaître leur avis sur le projet de réforme et de fusion que proposait le ministre, et ça a permis aussi d'apporter des changements importants.

(23 h 10)

Alors, autour de cette table, on a beaucoup de gens qui ont exprimé leur vif intérêt pour ces questions concernant les jeunes contrevenants, lors de l'étude du projet de loi 79. Et, malgré toute la bonne volonté, tout l'intérêt et toute l'expérience dans des questions connexes, il y a très peu d'expertises pour répondre à la question technique, à savoir si cette référence quelque peu laconique qui se retrouve in fine dans l'article premier, «lorsque l'intérêt de cette personne le justifie», ça suffit pour garantir et pour protéger ces droits qui, tous en conviennent, doivent être protégés et qui méritent qu'on s'y arrête.

Alors, M. le Président, de notre côté, on est persuadés de la pertinence de la motion qui vise à entendre la Commission de protection des droits de la jeunesse. On veut s'assurer que les jeunes continuent à bénéficier d'un statut spécial aux termes de notre législation. Et, même si le nom de la commission en question est appelé à changer lors de l'adoption éventuelle du projet de loi 79, je me permets de souligner que, lorsqu'on parle d'une commission de protection des droits de la jeunesse, on est en train de signaler clairement qu'on vit dans un système de droit qui reconnaît que ce n'est pas juste une question de tutelle ou une question de contrôle des jeunes au nom de la société. On a un système qui reconnaît que les jeunes personnes ont des droits et que notre système de loi est là pour s'assurer de leur respect.

Alors, une des choses qu'on a toujours reconnues aux jeunes personnes, c'est le respect de leur vie privée et le fait que les impairs commis lorsqu'ils étaient jeunes, en bas de l'âge de 18 ans, toujours mineurs, d'une manière générale, sauf exception, ça ne devait pas être connu dans leur milieu. Ils avaient le droit d'être traités par un système qui leur reconnaissait le droit... reconnaissait le fait qu'à cet âge-là on pouvait commettre des impairs. Et je sais que le ministre est d'accord avec nous, parce que je l'ai déjà entendu parler là-dessus en commission parlementaire et je l'ai entendu en parler publiquement. Il a fait référence aux autres provinces canadiennes, où on avait tendance à vouloir serrer la vis davantage à l'égard des jeunes contrevenants et il s'est inscrit en faux contre cette tendance, et j'abonde dans le même sens que le ministre là-dessus. J'ai eu l'occasion de le dire en commission parlementaire, ça me fait plaisir de le réitérer ce soir, le ministre a raison lorsqu'il s'inscrit en faux à l'encontre de cette tendance qui est si souvent exhibée dans les autres provinces, tendance voulant que l'on soit plus sévère avec les jeunes contrevenants. Et, pour des raisons d'expéditivité politique, eh bien, dans d'autres provinces, on se dit: Si on peut «scorer» un peu de points avec ça, on va être plus sévère.

C'est pour ça qu'on est persuadés que, cette fois-ci, le ministre va entendre raison et qu'il va être d'accord avec notre motion. On est sûrs que, ayant déjà eu l'occasion de se prononcer sur cette importante question de la protection des droits de la jeunesse, ayant déjà eu l'occasion de dire en commission parlementaire et de dire au grand public, par le biais des journaux, à quel point il tenait au respect de ces valeurs qui sont reflétées dans nos lois visant à protéger les droits et l'intérêt de la jeunesse, bien, je suis convaincu que le ministre, lui aussi, veut entendre la Commission de protection des droits de la jeunesse sur cet article premier du projet de loi 81, à moins, bien sûr, qu'il les ait déjà entendus puis que ce soit indiqué dans la partie accessible au public de son mémoire au Conseil des ministres, auquel cas il pourrait peut-être partager avec nous les fruits de cette consultation.

Mais on a aussi eu l'occasion de démontrer tout à l'heure que le ministre pouvait quelquefois être très optimiste dans l'interprétation qu'il faisait des résultats de ses consultations. Tantôt, il nous redisait que tous les juges voulaient ces modifications sur l'organisation des tribunaux, et on est d'accord avec lui là-dessus. Puis, nous aussi, on est d'accord avec les parties du projet de loi 81 qui visent à accroître l'accessibilité à la justice, qui visent à rendre plus simple l'administration de la justice au Québec, et on lui a dit tantôt qu'on était prêts à voter pour ces dispositions-là tout de suite. Mais on lui disait aussi, M. le Président, de faire attention de ne pas mélanger ce qui était d'un intérêt purement local et qui n'avait rien à voir avec une bonne administration de la justice, et qui, comme mon collègue de Mont-Royal le faisait si pertinemment remarquer tantôt, a, au contraire, tendance à alourdir l'administration de la justice et à l'éloigner physiquement du peuple. Bien, qu'il ne confonde pas ces deux choses-là.

De la même manière, ici, M. le Président, on invite le ministre à entendre raison et à se ranger de notre côté. On lui a dit à quel point on partageait sa préoccupation pour le respect des droits de la jeunesse. J'espère qu'il va nous dire qu'il comprend notre cri du coeur visant à s'assurer que le projet de loi 81 garantit le plein respect de ces droits de la jeunesse et que le dernier alinéa, la dernière phrase du dernier alinéa de l'article premier constitue une garantie suffisante; sinon, évidemment, lors de l'étude article par article du projet de loi 81, on va avoir l'occasion, avec le ministre, de regarder d'autres hypothèses, d'autres scénarios qui pourront sans doute bonifier sa proposition de loi. Mais, pour l'instant, M. le Président, on est avec une motion qui vise à nous faire bénéficier de toute l'expertise, de toute l'expérience de la Commission de protection des droits de la jeunesse en ces matières. Et on espère que le ministre va entendre raison et qu'il va nous comprendre lorsqu'on dit qu'on a tout intérêt, avant de procéder à l'étude article par article, à entendre cette Commission qui possède toute l'expertise et toute l'expérience nécessaires. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Chomedey. M. le député de Mont-Royal.


M. John Ciaccia

M. Ciaccia: M. le Président, nous faisons face à un vrai problème, dans le projet de loi, en ce qui concerne les jeunes. La situation actuelle, c'est qu'il y a une chambre de la jeunesse à la Cour du Québec. Alors, il y a toute une philosophie, toutes des traditions, des expertises qui ont été créées, et il y a une raison pour traiter les jeunes d'une façon différente des adultes et ne pas les amener devant les mêmes tribunaux. Il y a nombre de raisons, je n'irai pas dans toutes les raisons qui sont invoquées. C'est une philosophie, c'est une approche qui n'a pas encore été changée ou reniée, question que ça peut être traumatisant pour un jeune d'aller devant un tribunal, devant un juge. Il y a même certains juges, à la chambre de la jeunesse à la Cour du Québec, qui ont développé... La juge Andrée Ruffo, qui a des expertises particulières. Ce n'est pas la même chose que d'envoyer un jeune devant un juge de la cour municipale. Peut-être que les expertises sont un peu différentes. Dans les billets de stationnement puis les règlements municipaux, ce n'est pas tout à fait la même chose que d'assujettir ce jeune à ce genre de pratique ou de manque d'expertise. Alors, je pense qu'il faudrait vraiment voir la réaction et avoir l'opinion de la Commission de protection des droits de la jeunesse, voir quelle est leur réaction à ce changement.

Le projet de loi prévoit, par exemple, que le juge municipal... c'est vrai que le juge municipal peut renvoyer la cause devant un juge de la Cour du Québec lorsque l'intérêt de cette personne le justifie. Si le juge, premièrement, n'a pas la même expertise que quelqu'un de la cour de la jeunesse, comment, lui, il va pouvoir décider si l'intérêt du jeune le justifie ou non? C'est comme dans tout autre secteur: quelqu'un qui est un expert dans le droit commercial se verrait mal commencer à faire des jugements ou de la pratique dans le droit pénal, et vice versa. Alors, vous avez tout cet aspect-là, en plus de l'aspect jeunesse. Vous voulez prendre le jeune, vous dites: Bon, allez-vous-en devant les tribunaux. Bien, il me semble que, ça, ça existait, tu sais, au XIXe siècle ou au début du XXe siècle. On a changé ça. Là, on retourne... On va les traiter comme on les traitait en 1890. Est-ce que c'est ça, la philosophie de ce projet de loi là? Est-ce que c'est ça qu'on veut faire: on veut mettre de côté tous les changements, les améliorations, la philosophie qu'on a amenés dans nos lois? Ils ont dit: Non, maintenant, là, c'est fini, allez-vous-en devant la cour municipale, oubliez les pratiques, les expertises, la philosophie, les problèmes différents... différemment comme on les voit. Il me semble, M. le Président, que ça mériterait d'avoir la réaction et le point de vue de la Commission de protection des droits de la jeunesse.

(23 h 20)

Si on a créé cette Commission, même si, maintenant, les responsabilités vont être encore là, c'est parce qu'on a réalisé, comme société, que la jeunesse avait certains éléments, certaines protections. On devrait avoir une approche, certaines règles et certaines approches différentes de celles que nous avons avec les adultes. Si on a jugé bon de faire cette Commission, si on a jugé bon d'avoir certaines règles différentes pour les jeunes de celles que nous avons pour les adultes... Soudainement de dire: Bien non, maintenant, on va changer la loi, on va prévoir que certaines infractions pénales commises par des personnes âgées de moins de 18 ans puissent dorénavant être intentées devant une cour municipale, c'est... Quelles infractions? Quel sera l'effet? Quelles seront les conséquences? Je pense, M. le Président, que ça vaut vraiment la peine... Vous avez raison, M. le Président, je ne veux pas faire trop de bruit pour changer...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: ...réveiller le ministre, parce que ça pourrait être... peut-être qu'il changerait d'idée. Mais non, en mettant du sérieux là-dedans... Vraiment, c'est grave. Ça peut être grave. Quand vous dites: Ce n'est pas comme une... On ne fait pas affaire ici avec une loi du marché. Tu sais, une loi du marché, on dit: On «va-tu» donner une subvention de 1 000 000 $, 500 000 $? Ça, ça a moins d'effet.

Ici, on parle de la jeunesse et on parle d'assujettir les jeunes aux mêmes règles, devant les cours municipales, que les adultes. On change essentiellement un aspect très fondamental de notre approche envers les jeunes. Il me semble, M. le Président, que ce n'est pas trop demander que la Commission de protection des droits de la jeunesse puisse se prononcer, qu'on puisse avoir son avis, voir si certaines infractions pénales qui sont incluses dans la loi... Est-ce que c'est suffisant, est-ce que ça ne va pas trop loin? Est-ce qu'il faut baliser le droit d'un juge de la Cour du Québec lorsque l'intérêt de cette personne le justifie? Est-ce qu'il faut aller un peu plus loin et encadrer, donner des raisons pour que, vraiment, l'intérêt de la personne soit protégé, sans que ce soit... que ça demeure strictement à la discrétion d'un juge? Parce qu'il peut y avoir des abus, des abus de droit. Et c'est important, M. le Président. Il y avait même le grand juriste Ripert, grand juriste français, qui a écrit son oeuvre magistrale sur l'abus des droits et qui voyait que, même si on avait un certain droit, il pouvait y avoir un abus. Alors, ça, c'est exactement le cas, ici, de la Cour du Québec, le juge qui peut, lui, arbitrairement décider, oui ou non, que l'intérêt de la personne le justifie. Peut-être qu'il faudrait, ce serait plus prudent, dans l'intérêt du jeune concerné ou de la jeune concernée, avoir une meilleure protection que de laisser ça à un spécialiste des billets de stationnement et des règlements municipaux.

Alors, M. le Président, je crois, je pense que ce serait décent d'entendre la Commission de protection des droits de la jeunesse, d'avoir son point de vue, de lui poser certaines questions, d'avoir ses réactions. Est-ce que ce n'est pas le bout de l'iceberg, ici, de dire: Vous allez à la cour municipale... si on peut permettre ça, bien, les autres, vous allez à la Cour du Québec, tous les tribunaux pénaux. Alors, on ne fera plus la distinction entre jeunes et adultes. Est-ce que c'est le commencement? Parce que, une fois que vous faites le précédent, vous créez le précédent d'aller plus loin, c'est très facile. C'est maintenant qu'il faut l'étudier. C'est maintenant qu'il faut voir si on est en mesure de prendre cette décision ou non. Alors, M. le Président, je crois que c'est très important. Et, si, vraiment, ce n'est pas juste en paroles qu'on veut protéger les jeunes, mais en actes spécifiques, bien, je pense qu'on devrait entendre la Commission et voir son point de vue sur cet aspect du projet de loi.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Mont-Royal. Vous avez éveillé beaucoup d'intérêt des deux côtés de la Chambre. Je pensais que le député de Beauce-Sud voulait prendre la parole, mais c'est le député de Châteauguay.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Je vais intervenir sur cette motion qui, sans doute, a attiré l'attention de nos collègues, députés et ministres, parce qu'elle met en lumière un des éléments que nous avons soulevés depuis le début des travaux et des remarques préliminaires que nous avons faites, à savoir qu'il était impossible pour nous de connaître les impacts sociaux ou les impacts économiques que ce projet de loi pouvait comporter. Et ce qui est soulevé ici... Des impacts autres que symboliques, M. le Président, ça, on l'a vu avec le déménagement.

Mais, parmi les impacts sociaux, il y a une question qui est soulevée ici et qui a trait à l'article 1 et qui concerne donc la jeunesse. Mes collègues ont parlé avec beaucoup d'à-propos sur la pertinence d'entendre la Commission de protection des droits de la jeunesse, et j'ai hâte de voir, M. le Président, lorsqu'on va mettre cette motion aux voix, quels sont ceux qui vont nous dire qu'il est inapproprié d'entendre la Commission de protection des droits de la jeunesse venir nous parler de l'expertise de la chambre de la jeunesse, des conséquences de la phraséologie utilisée à l'article 1. M. le Président, je vous le dis le plus clairement possible, on peut être intéressés par la solution de permettre l'établissement d'une juridiction pénale pour les moins de 18 ans en cour municipale, parce que ça favorise l'accès à la justice, et on peut trouver là un élément positif. Ça ne veut pas dire qu'on se ferme les yeux. Ça ne veut pas dire qu'on arrête là la constatation, la réflexion. On dit: Ah! il y a une piste.

Une voix: Il ne faut pas se fermer les yeux.

M. Fournier: Il y a une piste. Il ne faut pas se fermer les yeux. Il ne faut jamais se fermer les yeux, M. le Président. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: ...

M. Fournier: C'est bien. Je suis sûr que je vais être entendu. Alors, M. le Président, il y a donc un élément qui est intéressant; favoriser l'accès à la justice, tout le monde est pour ça. Si on fait le cumul des projets de loi du ministre, par exemple celui de l'aide juridique, on peut se demander si, oui, on ne va pas finir par bloquer l'accès qu'on essaie de débloquer. Mais, bon, je vais essayer de rester dans le projet de loi qui est sur la table en ce moment. Et ce que je veux dire, c'est que, donc, d'établir une juridiction pénale pour les moins de 18 ans en cour municipale peut favoriser l'accès à la justice.

(23 h 30)

Cependant, M. le Président, on doit en même temps, et mes collègues l'ont dit, se demander, d'une part: Que fait-on de l'expertise développée à la chambre de la jeunesse depuis 25 ans? On a pris des traditions, des philosophies. Je pense que le mot «philosophie» était probablement le mot le plus approprié pour expliquer ou qualifier l'expertise de la chambre de la jeunesse. Et ce serait, ma foi, fondamental, M. le Président, pour l'étude de ce projet de loi que la Commission de protection des droits de la jeunesse vienne nous informer sur les conséquences d'un transfert. Le ministre sans doute, toujours attentif à nos propos, pourrait nous dire que l'article 1 va aussi faire en sorte que la Cour du Québec pourrait continuer d'exercer une juridiction pénale, ça va de soi. Ceci étant, mes collègues ont soulevé, M. le Président, que les paramètres qui nous disent ceci: «Le juge municipal renvoie en outre la cause devant un juge de la Cour du Québec lorsque l'intérêt de cette personne le justifie», on établit que les paramètres n'étaient peut-être pas assez bien définis. C'est une question qui est soulevée, M. le Président, ce n'est pas un jugement qu'on porte ici. Avant d'entreprendre l'étude de chacun des articles de ce projet de loi, il est important d'avoir le plus d'informations possible. C'est comme ça qu'on peut porter le meilleur jugement. Porter un jugement alors qu'on n'a pas des informations, c'est dangereux. On nous invite, semble-t-il, là, en nous refusant... Enfin, je ne veux pas présumer, parce qu'il est bien possible que le parti ministériel vote en faveur de cette motion; il est bien, bien possible. S'il advenait qu'il vote contre, par exemple, M. le Président, il faudrait comprendre qu'on nous refuse et qu'il se refuse, ce qui est bien pire, que nous nous refusons donc tous...

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: De l'autre côté.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: ...

Le Président (M. Simard): Il reste encore trois pronoms.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier: Je vais suspendre mon temps, M. le Président. Donc, nous nous refusons de saisir...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Il ne faudrait pas que les rires soient pris sur ton temps.

Le Président (M. Simard): Les rires ne sont pas pris sur son temps, j'en avise.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Continue à rire jusqu'à minuit.

M. Fournier: Alors, M. le Président, j'allais donc dire que nous nous refusions de saisir l'ensemble des informations, d'avoir le portrait le plus complet pour porter un jugement valable, et ça ne peut se faire qu'en entendant des experts que l'on connaît, là, qui sont d'ailleurs venus ici il n'y a pas longtemps, qui peuvent revenir. Je suis persuadé, d'ailleurs, lorsqu'ils auront connaissance de la motion qui a été déposée, qu'ils seront déçus s'il advenait que la commission refuse de les entendre. Qu'ils sachent, M. le Président, que, de ce côté-ci, nous militons avec ferveur. Et c'est pourquoi le député de Chomedey a parlé d'abondance tantôt et avec...

M. Bégin: Avec conviction.

M. Fournier: Oui, le ministre était à l'écoute, je le vois, puisqu'il qualifie lui-même de «avec conviction». Ha, ha, ha! Avec conviction et passion.

M. Bégin: Ils vont être très déçus, quand... Mais on ne le leur dira pas.

M. Fournier: Mais, M. le Président, voilà une remarque qui va bien au ministre. Nous, nous favorisons la transparence et nous voulons que la Commission de protection des droits de la jeunesse sache que nous sommes intéressés à l'entendre. Mais, avant de parler de cette Commission, parlons entre nous, parlons de l'intérêt que nous avons tous à les entendre, à ce qu'ils viennent nous dire, d'une part, la conséquence, l'effet de l'établissement de la juridiction pénale pour les moins de 18 ans; ça nous intéresse. C'est important de voir les conséquences. Qu'ils viennent nous dire comment eux voient les paramètres définis qui permettent au juge municipal le renvoi de la cause. Est-ce que c'est suffisant? C'est eux qui vont pouvoir nous informer de cela, M. le Président.

Mais, encore une fois, on a l'impression qu'on se dirige vers ça, encore quelques minutes pour convaincre, mais on se dirige vers ça: vers un refus comme on a eu tantôt, un refus de nous rendre accessible la partie du mémoire accessible, un refus – c'est des indices qu'on a – de la consultation d'organismes voués, M. le Président, enfin, spécialisés, conçus pour ça, payés pour ça, experts là-dedans, qui sont là comme conseils. Pourquoi nous refuserions-nous le privilège d'entendre leur point de vue? Ont-ils été consultés?

M. Mulcair: On ne le sait pas.

M. Fournier: Une disposition comme celle-là... Mon député... M. le Président...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier: ...notre porte-parole, le député de Chomedey, nous dit qu'il ne le sait pas. S'il ne le sait pas, alors que je suis persuadé qu'il l'a demandé au ministre de la Justice, c'est qu'on s'est même refusé de lui répondre. Mais ça me semble tellement évident qu'il faille, lorsqu'on dépose des projets de loi, faire les bonnes consultations là-dessus. On a parlé tantôt du Conseil de la magistrature, on a vu qu'il y avait une différence entre les propos du Conseil et les propos du ministre. Là, on a la Commission de protection des droits de la jeunesse, qui est l'organisme le mieux placé pour discuter de ces choses, pour nous faire part, M. le Président... une dernière minute, pour vraiment faire comprendre au ministre que c'est primordial.

L'esprit du règlement qui encadre nos travaux, M. le Président, vise à ce que, lorsque le législateur... Et, lorsque cette commission – et c'est vous, M. le Président, qui allez faire rapport. Lorsque vous allez faire rapport, M. le Président, en Chambre, de nos travaux, c'est avec fierté que vous allez dire: Cette commission a fait et a vu toute la lumière, ne s'est fermé aucune porte. J'ai hâte de vous voir déposer le rapport de cette séance, M. le Président...

Une voix: Pas moi.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): C'était votre conclusion, M. le député? Ce fut bien essayé.

M. Bégin: Le projet de loi est adopté?


Mise aux voix

Le Président (M. Simard): Alors, nous passons la motion aux voix. Est-ce qu'elle est adoptée?

M. Mulcair: Vote nominal, M. le Président.

Le Président (M. Simard): M. le secrétaire, veuillez appeler le vote nominal.

Le Secrétaire: M. Mulcair (Chomedey)?

M. Mulcair: Pour.

Le Secrétaire: M. Quirion (Beauce-Sud)?

M. Quirion: Pour.

Le Président (M. Simard): Vous l'avez réveillé pour ça.

Le Secrétaire: M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Pour.

Le Secrétaire: M. Fournier (Châteauguay)?

M. Fournier: Pour.

Le Secrétaire: M. Bégin (Louis-Hébert)?

M. Bégin: Contre.

Le Secrétaire: M. Jutras (Drummond)?

M. Jutras: Contre.

Le Secrétaire: M. Charbonneau (Borduas)?

M. Charbonneau (Borduas): Contre.

Le Secrétaire: M. Payne (Vachon)?

M. Payne: Contre.

Le Secrétaire: M. Lelièvre (Gaspé)?

M. Lelièvre: Contre.

Le Secrétaire: M. Beaulne (Marguerite-D'Youville)?

M. Beaulne: Contre.

Le Secrétaire: M. Simard (Richelieu)?

Le Président (M. Simard): Contre.

La motion est à rejeter, 4 pour et 6 contre... 7 contre, pardon, je n'avais pas compté le député de Vachon que je ne voyais pas.

M. Mulcair: Avec raison, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Payne: Il me reste encore quelques privilèges en cette Chambre, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Payne: Je ne les invoque pas pour le moment, mais...

Le Président (M. Simard): Nous repassons, nous retournons, enfin, peut-être irons-nous, devrais-je dire, à l'étude de l'article 1. M. le député de Mont-Royal, qui s'empresse d'aller à l'article 1 sans doute.


Motion proposant d'entendre la Ville de Montréal

M. Ciaccia: Je voudrais présenter la motion suivante: «Que, conformément...

Le Président (M. Simard): C'est une surprise, ça.

M. Ciaccia: ...à l'article – c'est la première fois que je présente une motion, M. le Président, je n'ai pas abusé – 244 du règlement de l'Assemblée nationale, la commission des institutions tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 81, Loi modifiant la Loi sur les cours municipales, la Loi sur les tribunaux judiciaires et diverses dispositions législatives, des consultations particulières sur tous les articles du projet de loi et qu'à cette fin elle entende la Ville de Montréal.»

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: ...

Le Président (M. Simard): Mais c'est pour cette motion-là.

M. Ciaccia: Moi, je suis raisonnable.

Une voix: C'est parce qu'ils sont ici, là.

Le Président (M. Simard): Il veut en profiter, s'ils sont là. Alors, à sa face même, je pense, sans débat, vous me l'accorderez, cette motion est recevable. Et nous allons écouter, dans un premier temps, le proposeur, le député de Mont-Royal, qui, malheureusement, n'aura pas toute sa demi-heure ce soir, à moins qu'unanimement nous accordions une prolongation pour...


M. John Ciaccia

M. Ciaccia: M. le Président, pour montrer ma bonne foi et que ce n'est pas une motion pour retarder les travaux, même si j'avais une demi-heure, je ne la prendrais pas.

Le Président (M. Simard): On nous a déjà dit ça deux fois ce soir et on l'a prise.

M. Ciaccia: Parce que... Et je vais vous dire pourquoi, M. le Président, je veux montrer que ce n'est pas une motion pour retarder les travaux. Si le ministre m'indique qu'il est prêt à accepter cette motion, le maire de Montréal est ici, nous pourrions l'entendre immédiatement, ça ne retardera pas les travaux, et on pourrait immédiatement...

Une voix: Il va être deux fois plus déprimé...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: ...mettre fin à la discussion sur la motion et entendre le maire.

M. le Président, il est clair que la ville de Montréal est affectée par ce projet de loi. Même si on se réfère aux journalistes, n'en déplaise au ministre, il y a eu beaucoup de commentaires qui ont été faits et des inquiétudes et des préoccupations sur le rôle de Montréal. Qu'est-ce qui arrive à Montréal, l'avenir de Montréal, avec toute une série de mesures que le gouvernement entreprend? Et, au coeur d'une de ces mesures-là, c'est ce projet de loi où on déménage des aspects, je dirais, importants, en termes d'une métropole. Montréal est la métropole. Et, quand vous dites que vous changez le conseil de législature, vous changez les structures, vous aurez le juge en chef qui sera dorénavant à Québec, juste le Conseil de la magistrature, en soi, a des répercussions assez importantes. Et quel message ça envoie non seulement aux résidents de Montréal, mais au monde entier?

(23 h 40)

Le maire de Montréal serait en mesure de nous éclairer...

M. Bégin: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: ...sur les conséquences de ce projet de loi.

M. Charbonneau (Borduas): Vous avez dit «le monde entier».

M. Ciaccia: Non, non, le maire de Montréal...

M. Charbonneau (Borduas): ...le message au monde entier.

M. Ciaccia: Bien oui.

M. Charbonneau (Borduas): Ah bon!

M. Ciaccia: Bien, Montréal, c'est une ville internationale.

M. Charbonneau (Borduas): Oui, oui, oui.

M. Ciaccia: C'est une ville internationale. C'est, dirais-je, la ville internationale du Canada.

Une voix: ...

M. Ciaccia: Et nous avons toujours été très actifs pour faire la promotion de Montréal comme ville internationale. Je n'ai pas besoin, M. le Président, de faire la liste de toutes les organisations internationales qui sont à Montréal.

Une voix: ...

M. Ciaccia: Non, je ne veux pas parce que je ne veux pas me faire accuser de faire des mesures dilatoires. Mais, quand on dit «la magistrature», la magistrature a un rôle, un symbole. On ne parle pas ici d'aspect économique. Ce n'est pas parce qu'une quinzaine de juges vont déménager à Québec... Ce n'est pas l'aspect économique qui est important ici, c'est le symbole. C'est le message qu'on envoie.

D'un côté – parce que c'est un peu contradictoire, M. le Président – on veut faire la promotion de la ville comme métropole, et on dit au monde entier: Venez à Montréal. Venez vous installer ici. On veut des investissements. On veut des organisations internationales. On a réussi à maintenir l'OACI à Montréal avec un nouveau bureau-chef. Tous les ambassadeurs du monde entier, 172 pays, se trouvent à Montréal, à l'OACI. Alors, ces gens-là voient ce qu'on fait. Ils voient ce que le gouvernement du Québec fait. Quel message envoyez-vous aux 172 représentants des pays étrangers, les ambassadeurs qui siègent à l'OACI, de dire: La magistrature... Parce que la magistrature, que ce soit ici, que ce soit dans d'autres pays, c'est un élément important d'une société, et vous la prenez et vous déménagez des aspects importants de Montréal à Québec.

Alors, M. le Président, vous savez, c'est vrai qu'il est tard dans la soirée et que, peut-être, on peut prendre à la légère certaines des représentations que nous faisons, mais, si vous réfléchissez sur ce que nous disons, vous allez voir qu'il y a des répercussions. Les gestes qu'un gouvernement pose ont des conséquences, des conséquences non seulement sur les citoyens, des conséquences sur la perception que le monde a, va avoir de Montréal et de son rôle comme métropole et comme ville internationale. Parce qu'on ne peut pas dire: Bien oui, Montréal va être une ville internationale, mais on va envoyer telle chose à Québec; on va envoyer une autre affaire à tel endroit, on va démembrer Montréal. Ça serait très, très important d'avoir la présence du maire...

M. Charbonneau (Borduas): M. le député de Mont-Royal, si vous me permettez? Est-ce que vous avez dit «démembrer Montréal»?

M. Ciaccia: Oui.

M. Charbonneau (Borduas): Ah bon!.

M. Ciaccia: Ce n'est pas correct, ça?

M. Charbonneau (Borduas): Non, c'est juste pour être sûr que je vous avais...

M. Ciaccia: Moi, je trouve que ce n'est pas correct aussi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Je suis content que vous soyez d'accord avec moi.

M. Charbonneau (Borduas): Démembrer Montréal.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Non, mais ça serait bon, M. le Président, d'avoir le maire... Le maire est ici. On pourrait même, M. le Président, se limiter au temps de questions du maire. On ne prendra... On n'abusera pas de notre temps. Il ne reste pas beaucoup de temps ce soir. On pourrait prendre quelques minutes pour avoir sa réaction. Je pense que, nous, on n'a rien à cacher. Ça ne nous ferait rien du tout de lui poser des questions. Je suis bien certain que le ministre aussi aurait l'occasion de poser ses questions au maire de Montréal pour savoir ce qu'il pense de ce projet de loi, en termes de conséquences, d'effets que ça peut avoir sur la ville, sur la perception de la ville et sur tout l'ensemble de la ville, comme métropole et comme ville internationale.

Alors, M. le Président, je ne prendrais pas tout le temps. Je vais donner l'opportunité au ministre peut-être de démontrer un peu sa bonne foi. On va tendre la main vers le ministre pour qu'il puisse accepter... Après tout, ce ne sont pas... Comme lui-même le dit, je ne veux pas entendre tous les maires, même si la charte de la ville de Québec est affectée, la charte de la ville de Montréal, seulement le maire de la métropole. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): M. le député de Châteauguay.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. À mon tour, je voudrais intervenir sur la possibilité d'entendre la Ville de Montréal. Tantôt, le député de Borduas se demandait pourquoi mon collègue de Mont-Royal s'inquiétait des possibilités qu'un premier geste avec d'autres gestes qui suivent puissent amener à affecter le statut – démembrer disait-il – de la ville de Montréal. Je regardais lorsqu'il disait...

M. Ciaccia: Il trouve ça très sérieux.

M. Fournier: Je suis sûr que le député de Borduas comprend et partage les inquiétudes du député de Mont-Royal, comme de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain qui disait, de l'annonce du déménagement du Conseil de la magistrature à Québec...

Je m'arrête. Je fais une petite pause, M. le Président, pour simplement vous dire que je sais que le ministre de la Justice pourra lire les articles qui font état du fait que le Conseil de la magistrature n'appuie pas le déménagement à Québec malgré que le ministre de la Justice nous dise que le Conseil de la magistrature appuie le projet de loi. Il y a quelque chose qui ne marche pas. C'est écrit dans les journaux. M. le Président, le ministre de la Justice pourra les lire. Sinon, demain, nous nous engageons à les répéter.

Ceci étant, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, le ministre ne m'en voudra pas de regarder et de constater ce qu'elle dit: L'annonce du déménagement du Conseil de la magistrature à Québec ne doit pas être le premier d'une série de gestes qui auraient pour effet de vider progressivement Montréal de sa substance. Quand le député de Mont-Royal parlait de démembrer, il faisait écho à ce que bon nombre d'observateurs ont déjà dit, M. le Président. Et le député de Borduas pouvait donc être bien avisé de partager les propos du député de Mont-Royal.

Le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain ajoutait ceci, M. le Président, qui est au coeur de la motion qui est ici devant nous pour entendre la Ville de Montréal: Selon quelle logique, disait-il, le gouvernement du Québec – je ne sais pas si vous avez remarqué, M. le Président, il y a plusieurs personnes, plusieurs commentateurs, plusieurs analystes qui se posent toujours la même question: Où est la logique du projet de loi? Juste noter ça et je continue – qui se dit favorable au développement des régions pourrait envisager de priver Montréal des outils essentiels pour jouer efficacement son rôle de métropole? Ça, M. le Président, c'était le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain qui s'inquiète et qui met en relation le fait qu'on a un gouvernement qui se targue de parler de décentralisation, de régionalisation... et qui pose la question. Je ne me fais que l'écho de ce qu'on entend.

Assez étrangement, on pouvait retrouver, dans les pages du Journal de Québec , sous la plume de Jean-V. Dufresne, une idée identique; donc, ce n'est pas un écho solitaire. Ce n'est pas une voix dans le désert, unique, qui parlait. Non, ce sont plusieurs groupes qui pensent la même chose, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Le Journal de Québec ou Le Journal de Montréal ?

M. Fournier: C'est dans Le Journal de Québec , M. le Président. Je pense que la chronique est aussi publiée dans Le Journal de Montréal , cela va de soi. Elle est dans les deux journaux, possiblement, mais ce que je regarde vient du Journal de Québec . Il dit ceci: Alors que la Commission nationale sur l'avenir du Québec plaide pour la décentralisation, voici que le gouvernement fait justement le contraire. Il disait ça à propos du projet de loi sur lequel nous sommes en train de débattre, M. le Président, le projet de loi 81.

(23 h 50)

Alors, mon collègue de Mont-Royal demande, propose à cette commission que nous puissions entendre la Ville de Montréal pour qu'elle nous dise comment elle perçoit ce projet de loi. À certains égards, ce projet de loi la concerne. J'oserais poser une question. On me dira qu'elle est répétitive, mais j'ose la poser quand même: A-t-on consulté la Ville de Montréal? J'ai des inquiétudes quant à la réponse, M. le Président. J'ai l'impression qu'on n'a pas dû la consulter fort, fort. Le ministre est avec nous, M. le Président. Au moment où je prononce ces paroles, le ministre est avec nous. S'il y a là une personne qui a consulté, c'est le ministre, et, d'un simple signe de la tête, il pourrait m'indiquer s'il y a eu une telle consultation. Je ne peux malheureusement pas saisir...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier: ...la gestuelle de la tête et la direction de la tête du ministre pour tirer des conclusions.

M. Charbonneau (Borduas): Le langage des signes, vous ne le connaissez pas?

M. Fournier: Bien, pas ces signes-là, non, pas l'immuabilité. Alors, M. le Président, voilà...

M. Bégin: Ce n'est pas accessible au public, cette partie-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier: Non, je vais retenir mes propos, M. le Président. Je vais essayer de rester dans le cadre de la motion, parce que c'est la ligne de conduite que je me suis donnée comme parlementaire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier: Alors, M. le Président, je suis sûr que, si le ministre... Disons que je vais être obligé de tirer des conclusions, M. le Président, on ne m'en donne pas le choix, malheureusement. Si le ministre avait consulté, il se serait empressé de nous le dire. Partant de cette prémisse, je comprends donc, de son silence et de sa retenue au niveau de la gestuelle de sa tête, faciale, M. le Président, qu'il n'a pas consulté, et ça m'inquiète. Ça m'inquiète qu'il se soit refusé à la consultation.

D'où vient la source de ce projet de loi, M. le Président? Quelle est la source de ce projet de loi? Le ministre de la Justice vient de bouger, il vient de nous indiquer que c'était lui, M. le Président, et je suis fier. Il nous reste encore quelques minutes avant la fin de la séance et le voilà tout actif au sein de cette commission.

M. Bégin: Je parlais de M. Ryan, le doigt.

M. Fournier: Ah! M. Ryan. Écoutez, moi, je suis persuadé, M. le Président, que, si ce projet de loi avait été amené par, disons, M. Ryan, il aurait certainement été attentif à nos propos, à nos suggestions. Il aurait accepté. J'ai des collègues, M. le Président, qui sont avec moi, qui ont bien connu M. Ryan – mieux que moi, je dois l'avouer, oui – qui aurait consulté et qui, s'il était ici au sein de notre commission, voterait pour cette motion.

M. Bégin: ...M. Ciaccia à Rome pour consulter.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier: J'ai malheureusement manqué quelques propos du ministre, mais je peux bien lui donner la parole, M. le Président, et revenir par la suite.

M. Bégin: C'est tout. C'est dit.

M. Fournier: Tout est dit.

Le Président (M. Simard): Poursuivez, M. le député.

M. Fournier: Alors, M. le Président, comme je le disais tantôt, d'entrée de jeu, je ne veux pas prendre tout le temps qui m'est accordé par le règlement pour parler...

M. Ciaccia: Ha, ha, ha! Il aurait donné sa bénédiction.

M. Fournier: Mon collègue de Mont-Royal parle de la bénédiction que M. Ryan aurait donnée à cette motion, et je pense qu'il a bien raison. Fondamentalement, lorsqu'il y a un geste... Je disais, tantôt, on parlait du premier d'une série de gestes – on est dans une deuxième série de gestes – qui aurait pour effet de vider progressivement Montréal de sa substance. C'est ce qu'on entend dans la région de Montréal. Il aurait été bon d'entendre la Ville de Montréal venir nous dire: Bien peut-être, non, il n'y a pas de danger, il n'y a pas de problème. J'en ai discuté avec le ministre de la Justice, j'en ai discuté avec le gouvernement. Nous sommes toujours sur la même longueur d'onde avec le gouvernement. On sait qu'en ce moment le maire de Montréal est en grande discussion avec le gouvernement, et il pourrait certainement nous dire que ces consultations sont permanentes. Bon, peut-être qu'il nous dirait qu'il n'y a pas de problème, mais, mon Dieu, il faudrait qu'on le sache.

Comment peut-on nous demander d'entamer l'étude d'un projet de loi, M. le Président, dans le noir, en nous refusant d'entendre les gens, en nous refusant de voir quelle est la perception?

M. Charbonneau (Borduas): M. le Président, notre collègue se trompe, on n'est pas dans le noir. Même s'il est minuit, on fait ça en pleine clarté.

Le Président (M. Simard): Même s'il est minuit, M. le député de Châteauguay, veuillez conclure. Il vous reste quelques secondes.

M. Fournier: Comme vous voyez, M. le Président, je ne déroge pas à ma règle de conduite...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier: ...je vais parler sur la motion pour essayer de convaincre jusqu'au bout. Il faut que nous puissions entendre tous les intervenants touchés par le projet de loi. C'était vrai tantôt pour la Commission de protection des droits de la jeunesse, c'est vrai ici pour la Ville de Montréal. Pourquoi faut-il que le gouvernement fasse de l'aveuglement volontaire? Que le gouvernement se refuse de savoir ce que les gens pensent, ferme les portes de ce parlement, ferme les fenêtres de ce parlement et n'écoute pas ce que le peuple dit, M. le Président?

Le Président (M. Simard): Alors, le président, lui, dit que c'est terminé.

M. Fournier: Et je vous remercie, M. le Président.

Une voix: Ah, Dieu merci!

Le Président (M. Simard): Juste en terminant, il nous reste quelques secondes, je pense qu'on ne peut pas voter puisque... à moins que le député de Chomedey...

M. Mulcair: Non, on va reporter, on va continuer à en débattre...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: ...à la prochaine séance.

Le Président (M. Simard): C'est bien ce que je croyais. À ce moment-ci, avant d'ajourner, simplement un commentaire qui reflète les propos du député de Borduas ce soir, j'espère que tout le monde est très fier de l'usage qu'il fait de la démocratie en cette Chambre.

Les travaux sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 23 h 57)


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