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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 6 juin 1996 - Vol. 35 N° 26

Consultations particulières dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi n° 20 - Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique


Étude détaillée du projet de loi n° 20 - Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique


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Table des matières

Consultations particulières dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi n° 20 – Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique

Étude détaillée du projet de loi n° 20 – Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique


Autres intervenants
M. Marcel Landry, président
M. Jean-Guy Paré, président suppléant
M. Paul Bégin
M. John Ciaccia
M. Roger Paquin
M. André Boulerice
M. David Payne
M. Normand Jutras
M. Michel Morin
M. Henri-François Gautrin
M. Joseph Facal
*M. Jacques Meunier, bureau du Protecteur du citoyen
*M. Stephen Fineberg, AADCQ
*M. Bertrand Loiselle, idem
*M. Luc Marchildon, AJE
*M. François Fortier, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Onze heures vingt-deux minutes)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mesdames, messieurs, nous allons débuter la séance. Je rappelle le mandat de la commission: procéder à des consultations particulières dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements ce matin?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Houda-Pépin (La Pinière) est remplacée par M. Gautrin (Verdun) et M. Lefebvre (Frontenac) par M. Kelley (Jacques-Cartier).


Consultations particulières dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi n° 20

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Alors, à l'ordre du jour, nous recevons ce matin le Protecteur du citoyen et, ensuite, l'Association des avocats et avocates en droit carcéral du Québec. Nous suspendrons nos travaux jusqu'à 15 heures et, à 15 heures, nous entendrons l'Association des juristes de l'État. Ensuite, suspension de nos travaux à 16 heures.

Alors, nous recevons donc, ce matin, le Protecteur du citoyen.

M. Bégin: M. le Président, vous avez parlé de suspension à 16 heures, mais on continue les travaux à 16 heures.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Effectivement.

M. Bégin: Ah! O.K. Il manquait ce petit membre de phrase.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Nous suspendons les travaux au niveau des audiences, ensuite nous procédons à l'étude détaillée.

M. Bégin: Parfait.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, nous recevons donc le Protecteur du citoyen, Me Jacques Meunier, adjoint au Protecteur du citoyen. Me Meunier, vous disposez d'une période de 20 minutes pour votre présentation, laquelle sera suivie d'échanges avec nos groupes parlementaires.


Protecteur du citoyen

M. Meunier (Jacques): Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais, au nom du Protecteur du citoyen, vous remercier de l'invitation que vous nous avez faite de participer à vos travaux. Le Protecteur du citoyen vous prie de bien vouloir excuser son absence. Les nombreuses convocations que nous recevons ces jours-ci nous obligent à partager la fonction.

Dans un premier temps, il nous fait évidemment plaisir de souligner qu'il nous semble avoir été avantageux que le ministère de la Justice ressorte sa planche à dessin et revoie le projet de loi 87 qui avait fait l'objet de commentaires l'an dernier.

En juin dernier, les commentaires du Protecteur du citoyen avaient été centrés principalement sur trois problèmes qui existaient alors depuis déjà trop longtemps, et qui malheureusement existent toujours, mais que le projet de loi, pour une bonne partie du moins, cherche à régler. D'abord, le sort des trop nombreux citoyens et citoyennes non admissibles à l'aide juridique et pourtant financièrement incapables d'accéder à la justice sur un pied d'égalité. Deuxièmement, les besoins des citoyens et des citoyennes, même les plus démunis, en matière de justice administrative. Troisièmement, la nécessité de réformes afin de faciliter l'accès des citoyens et des citoyennes à la connaissance de leurs droits et à la juste solution de leurs litiges, notamment dans leur relation avec les ministères et les organismes gouvernementaux.

Sur ce dernier point, le Protecteur du citoyen estime que le ministre de la Justice, jurisconsulte du gouvernement, a un rôle extrêmement important à jouer en faveur d'une plus grande transparence des activités de l'État, de la connaissance et de la reconnaissance des droits des citoyens et citoyennes et de la lutte à la judiciarisation indue des litiges. Des efforts accrus et constants à cet égard, à l'échelle gouvernementale, contribueraient à une plus grande justice dans les services publics et à une diminution appréciable des besoins de services juridiques coûteux, tant pour l'État que pour les justiciables.

Ceci dit, c'est évidemment avec satisfaction que nous avons constaté que, dans la rédaction de la nouvelle version de votre réforme de l'aide juridique, c'est-à-dire de la réforme présentée par le projet de loi, par le ministre de la Justice, il a été tenu compte d'un bon nombre des commentaires et propositions que, avec plusieurs autres intervenants, le Protecteur du citoyen vous avait soumis, notamment en ce qui concerne l'information, l'assistance et la représentation en matière de droit administratif et l'extension de l'admissibilité au régime en faveur d'un plus grand nombre de justiciables peu fortunés.

Nous conservons cependant une certaine inquiétude quant à la portée réelle des innovations et améliorations du projet de loi devant le fait que, avec des objectifs de compressions budgétaires de l'ordre de ceux qui liaient le ministre de la Justice en juin dernier, vous puissiez maintenant présenter un projet de loi qui offre un éventail élargi de services à un plus grand nombre de bénéficiaires. L'existence de budgets réduits, fermés et de très larges pouvoirs réglementaires pourraient, en fin d'exercice, affecter substantiellement cette portée.

Cette mention de très larges pouvoirs réglementaires me mène à m'arrêter quelques instants sur le processus législatif de plus en plus à la mode qui consiste à présenter des projets de loi du genre squelette, le ou vers la date limite en vertu du règlement de l'Assemblée, alors que la chair qui permettrait d'en apprécier la véritable physionomie est toujours à venir sous la forme de règlements que tous réclament à hauts cris.

Dans le présent cas, par exemple, alors que le projet de loi n° 20 qui a pour objet une réforme fondamentale de la Loi sur l'aide juridique a été présenté à l'Assemblée nationale le 15 mai pour adoption, dans l'avalanche des projets de mai, alors que nous sommes convoqués pour participer à votre étude du projet de loi... Ce n'est qu'hier après-midi, plus précisément à 16 h 9, que le Protecteur du citoyen a reçu du ministère de la Justice un projet de règlement confidentiel sur l'aide juridique. Étant personnellement retenu à l'extérieur hier, ce n'est que ce matin que j'ai pu en prendre connaissance et je vous prie de bien vouloir m'en excuser, mais je me refuserai de le commenter.

Dans le projet de loi n° 20, le pouvoir habilitant le gouvernement et, dans certains cas plus exceptionnels, la Commission à légiférer par délégation est énoncé à l'article 80 de la Loi sur l'aide juridique. Cet article 80 énonce au-delà de 20 pouvoirs fondamentaux à l'application du régime d'aide juridique. Dans le projet de loi n° 20, l'article 42, qui... Excusez-moi. Tantôt je parlais, en fait, du pouvoir habilitant qui est dans la loi. Maintenant, dans le projet de loi n° 20, l'article 42 qui confère avant tout de nouveaux pouvoirs réglementaires s'étend sur cinq pages. C'est peut-être un record qu'il faudra enregistrer au Livre Guinness. Ces pouvoirs réglementaires transforment la plupart des principaux pouvoirs existants et en créent une quinzaine d'autres. À peu près tous les éléments constitutifs d'aide juridique seront définis par règlement du gouvernement: quelles seront les personnes financièrement admissibles au régime; dans quel cas; à quelle condition et dans quelle mesure; quelle sera, le cas échéant, la contribution financière que l'on exigera d'eux; quels sera le sens et la portée des termes et expressions utilisés dans la loi; quels services seront exclus; quels professionnels seront habilités à les fournir.

N'est-il pas plutôt paradoxal que, comme parlementaires, vous acceptiez d'étudier article par article, même avec l'aide d'une consultation particulière, un projet de loi majeur dont la portée réelle vous est inconnue et l'est tout autant pour les intervenants qui s'y intéressent? Projet qui, au surplus, prévoit que cette portée, par dérogation à la Loi sur les règlements, pourra être définie par le gouvernement 15 jours après qu'elle aura été rendue publique à la Gazette officielle . Qui donc aura la possibilité d'examiner ces projets de règlement? Qui donc aura la possibilité de les commenter utilement? Et, tout aussi important, où sont les parlementaires qui seront aptes à voter, en pleine connaissance de la portée du projet, le projet de loi que vous étudiez présentement? L'Assemblée nationale qui, trop souvent, reçoit des projets de loi sans les projets de règlement qui les compléteraient ne devrait-elle pas adopter une règle à l'effet que, sauf circonstance tout à fait exceptionnelle, un projet de loi ne puisse être étudié article par article que 15 jours après que les projets de règlement qui en assureront l'application auront été rendus publics? Sans être parfaite, une telle règle n'aurait-elle pas pour effet de valoriser le processus législatif tout en rendant plus justifiables et acceptables des dérogations à la Loi sur les règlements qui ont tendance à se multiplier?

(11 h 30)

Depuis plusieurs années, loi après loi, le Protecteur du citoyen dénonce les projets de loi squelettes présentés à la dernière heure et les constantes dérogations à la Loi sur les règlements adoptée en 1986.

Le ministre de la Justice, président du Comité de législation et responsable de...

Une voix: Non.

M. Mulcair: C'est le seul ministre de la Justice de l'histoire qui n'est pas le président du Comité de législation.

M. Meunier (Jacques): Bon, membre du Comité de législation.

M. Bégin: Ça fait beaucoup de peine...

M. Mulcair: C'est le député de «Holiette»...

M. Bégin: ...au député de Chomedey. Il en pleure pour moi.

M. Mulcair: C'est le petit député de «Holiette». C'est un dropout du séminaire de Papineauville qui s'occupe de ça.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): C'est très bien, messieurs...

M. Bégin: Je vous remercie, d'ailleurs.

M. Meunier (Jacques): Alors, je m'excuse, je croyais qu'en janvier le tout avait été changé.

M. Bégin: Non, non.

M. Mulcair: Normalement, oui, quand on connaît le droit.

M. Meunier (Jacques): Mais membre quand même du Comité de législation, mais surtout ministre responsable de l'application de la Loi sur les règlements. Pourrait-il expliquer à ses collègues de l'Assemblée et à l'ensemble des intéressés comment il entend assurer l'application de cette Loi sur les règlements qui a précisément été adoptée en vu d'institutionnaliser un processus uniforme d'adoption et d'entrée en vigueur des règlements; processus qui, dans des préoccupations démocratiques, inclut de larges ouvertures à la participation du public et même la possibilité, pour l'Assemblée nationale, de désavouer un règlement ou l'une de ses dispositions?

Cette loi contient évidemment des exceptions pour tenir compte d'impératifs résultant de l'urgence de certaines situations. Mais pourquoi donc notamment pour les règlements fondamentaux et non seulement modificatifs? L'exception gratuite devient-elle trop souvent la règle? C'est une question très sérieuse sur laquelle le Protecteur du citoyen n'a eu de cesse de revenir, et il est certain que nous insisterons constamment là-dessus parce qu'il met en cause le processus législatif et les valeurs démocratiques qui y sont associées.

Toujours en matière réglementaire, on aura noté que plusieurs dispositions du projet de loi accordent au gouvernement le pouvoir de modifier substantiellement la loi. Ainsi, l'article 52.1, proposé par l'article 24, accorde notamment au gouvernement le pouvoir de déterminer les services qui, compte tenu des impératifs de bonne administration des fonds publics d'aide juridique, seront dispensés exclusivement soit par les professionnels d'un centre d'aide juridique, soit par ceux du secteur privé. Un règlement d'exclusivité peut également porter sur des secteurs d'activité.

De même, en vertu du paragraphe b.2 de l'article 80, proposé par l'article 42 du projet, le gouvernement pourra définir les termes et expressions utilisés dans la présente loi ou en préciser la portée. Ainsi, par une disposition réglementaire, le gouvernement pourrait – j'ai noté que dans le projet qui a été transmis il n'en est pas question, mais il pourrait quand même le faire – restreindre la portée de la notion de tribunal apparaissant à l'article 3 de la loi, diminuant d'autant l'étendue des services prévus par celle-ci. Et je pense particulièrement à tout le volet du secteur des tribunaux administratifs.

Selon l'article 53 du projet, le ministre de la Justice pourra conclure avec le Barreau du Québec ou la Chambre des notaires des ententes dont les règles prévaudront sur celles de la loi. À moins que l'Assemblée nationale estime devoir renoncer à son rôle premier en matière de législation, n'y aurait-il pas lieu, si de tels pouvoirs doivent être accordés, qu'ils ne puissent être exercés sans que les projets d'entente ou de règlement amenuisant les services prévus par la loi ou en écartant les règles aient été rendus publics et soumis à l'examen d'une commission parlementaire?

Je m'arrêterai maintenant à quelques commentaires plus spécifiques. L'article 3.1, proposé par l'article 5, décrit ainsi le nouvel objet de la Loi sur l'aide juridique: «Le régime d'aide juridique institué par la présente loi a pour objet de permettre aux personnes financièrement admissibles – et on sait qu'elles sont déterminées par règlement – de bénéficier, dans la mesure prévue par la présente loi et les règlements, de services juridiques.» Il va sans dire qu'on est ici bien loin des notions d'aide juridique et de personnes économiquement défavorisées de la loi actuelle que supprime le projet de loi.

Puisque, dès l'article 3.2, le projet établit comme premier principe de gestion et de prestation des services juridiques «l'importance qu'il y a d'assurer aux personnes financièrement admissibles les services juridiques dont ils ont besoin», un tel énoncé ne devrait-il pas être intégré à l'objet de la loi comme valeur fondamentale?

Maintenant, l'article 4.5, proposé par l'article 6, limite considérablement les cas où une personne poursuivie par procédure sommaire ou en vertu du Code de procédure pénale pourra bénéficier de l'aide juridique. Puisqu'il existera un tarif applicable aux services juridiques rendus dans les cas d'exception, ne serait-il pas envisageable que toute personne financièrement admissible au régime puisse au moins bénéficier de ce tarif si, malgré qu'on lui refuse les services de l'aide juridique, elle estime quand même devoir se faire assister d'un avocat? En d'autres mots, tant en matière pénale qu'en toute autre matière où des services juridiques seront refusés à des personnes financièrement admissibles, n'y aurait-il pas lieu que le tarif d'aide juridique puisse s'appliquer lorsque, malgré tout, un justiciable estime avoir besoin de services et pourrait peut-être en assumer le coût au tarif du régime?

En fermant la porte à certains services, le projet de loi semble présumer que ces services sont essentiellement un luxe réservé aux plus fortunés. Et nous avons de bonnes raisons de penser que les avocats, dans l'ensemble, accepteraient de rendre des services à ces personnes-là au tarif établi par l'aide juridique plutôt que d'être privés même de représenter ces gens-là qui pourraient avoir besoin de services.

L'article 4.8, proposé par le même article 6, exclut l'aide juridique pour toute affaire en matière de diffamation ou de libelle en demande seulement. Cette disposition nous est apparue paradoxale, parce qu'il nous semble falloir en conclure que le droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation, affirmé par l'article 4 de la Charte des droits et libertés de la personne, et le droit d'obtenir réparation en cas d'atteinte illicite à un tel droit sont le privilège de riches.

Cette question se pose avec d'autant plus de pertinence lorsqu'à la lecture de l'article 4.13, proposé par l'article 6, on constate que même si le fait de refuser l'aide juridique, dans un tel cas et dans tous ceux que visent les articles 4.8 et 4.12, avait pour effet de causer un tort irréparable à une personne financièrement admissible au régime, le comité administratif de la Commission des services juridiques ne pourrait faire exception à la loi.

L'existence d'une probabilité de tort irréparable rend tout à fait paradoxale une telle disposition. On se retrouve ici très loin de, et je cite ici la disposition de l'article 3.2, «l'importance qu'il y a d'assurer aux personnes financièrement admissibles les services juridiques dont ils ont besoin».

Le deuxième paragraphe de l'article 27 supprime la proposition introductive du deuxième alinéa de l'article 62 actuel de la loi. Ceci aura pour effet de permettre l'imposition de frais pour l'étude d'une demande d'aide juridique. Comme le Protecteur du citoyen le soulignait en juin dernier, l'imposition de frais modérateurs, dans le contexte d'une loi destinée à aider juridiquement des personnes économiquement défavorisées, risque d'éloigner injustement certains justiciables de la possibilité de connaître et de faire valoir leurs droits.

Enfin, en ce qui concerne la règle de l'article 85, proposé par l'article 46 du projet, à l'effet que «la Commission et les centres d'aide juridique ne peuvent faire des dépenses ou assumer des obligations dont les montants dépassent, dans un exercice financier, les sommes dont ils disposent pour cet exercice», il s'agit évidemment là d'un principe de base d'une saine administration des fonds publics. Cependant, compte tenu, d'une part, des restrictions budgétaires et, d'autre part, de l'étendue apparente des services et de l'accroissement de la clientèle, on peut facilement prévoir que les budgets pourraient être épuisés avant même la fin d'un exercice.

Cette règle de l'article 85, aussi logique soit-elle, pourrait donc avoir pour conséquence de priver certains justiciables, dans diverses régions, de services auxquels ils auraient eu droit si leurs besoins s'étaient manifestés plus tôt ou dans une autre région du Québec. Des torts irréparables pourront ainsi être causés, notamment en matières criminelle et pénale à des personnes abandonnées à elles-mêmes.

Il nous avait semblé que l'énoncé de principe et l'adoption de nombreuses règles visant à la gestion efficace et cohérente des services et des ressources devraient suffire à permettre d'éviter les abus, tout en assurant aux moins nantis l'accessibilité la plus complète à la justice dans l'égalité.

Le Protecteur du citoyen ose espérer que ces quelques commentaires, peut-être quelque peu fouettards, contribueront à la sauvegarde de nos processus démocratiques et, dans le présent cas, à parfaire la réforme de l'aide juridique attendue depuis si longtemps.

Je vous remercie.

(11 h 40)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, Me Meunier. Alors, j'ai une mise au point technique à faire avant de donner la parole.

Il y a une annonce de remplacement qui a été omise à l'ouverture de la séance, elle nous a été signifié, juste au moment où Me Meunier entreprenait sa présentation. Alors, je demanderais à M. le secrétaire de nous les annoncer.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Il s'agit de Mme Signori (Blainville) qui est remplacée par M. Morin (Nicolet-Yamaska) et de Mme Simard (La Prairie) qui est remplacée par M. Beaumier (Champlain).

Une voix: ...

M. Mulcair: Elle peut être ici et ailleurs, ça on le sait. Ça s'appelle le don d'ubiquité.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ça va. Alors, M. le ministre.

M. Bégin: Alors, merci infiniment, M. Meunier, pour votre présentation. Je reviendrai sur la question des publications de règlements, mais, avant d'arriver là, j'aimerais d'abord vous informer de quelques éléments et discuter avec vous concernant le libellé, entre autres, de 4.8. Je veux vous faire remarquer que c'est la reproduction intégrale de l'article 2 d'un des règlements, qui est maintenant incorporé à la loi puisque le règlement est abrogé. Il y a une petite modification, c'est qu'on a ajouté: Lors d'une élection ou d'un référendum, pour ajuster par rapport à l'ancien règlement qui avait été adopté antérieurement à ces modifications-là. Donc, on introduit dans la loi ce qui était dans le règlement parce qu'on l'a supprimé.

M. Meunier (Jacques): Oui, mais parce que vous prenez la décision que c'est bon.

M. Bégin: Non, non, tout ce que je veux mentionner, c'est qu'on n'a pas changé la nature de cet article-là, il était dans la loi.

M. Meunier (Jacques): Vous avez quand même eu l'occasion de vous reposer les questions et de juger qu'il fallait le maintenir.

M. Bégin: Oui, c'est un fait. C'est exact.

M. Meunier (Jacques): Ce que l'on commente.

M. Bégin: D'accord. Deuxièmement, vous avez soulevé, concernant l'article 94, les ententes là... J'ai mentionné au Barreau et à d'autres personnes, hier, que si le troisième alinéa posait problème quant à son interprétation – et je suis prêt à admettre qu'il peut le faire – on va tout simplement le supprimer ou le réécrire, de telle sorte que tout le monde entende bien, de la même façon qu'on avait l'intention de dire les choses. Alors, comme il y a une distance importante entre l'objectif visé et la compréhension des gens, ce sera modifié en conséquence.

Je reviens maintenant sur une question que vous avez soulevée, je ne suis pas sûr de l'avoir comprise. Elle m'est apparue intéressante mais comportait aussi à la fois un piège. Vous avez dit – et là vous me corrigez si je me trompe – que pour les personnes qui ne sont plus admissibles, soit pour les poursuites sommaires, soit pour les poursuites pénales...

M. Meunier (Jacques): C'est-à-dire à celles à qui des services ne peuvent être accordés étant donné le projet.

M. Bégin: En vertu de la nouvelle disposition. Vous avez dit, si j'ai compris: Pourquoi ne permet-on pas qu'ils aient à payer le même coût que le coût du service et que ce service leur soit donné? Alors, ça, c'est la question, et j'ajoute une inquiétude: Est-ce que ça ne voudrait pas dire qu'à ce moment-là ce sera toujours, dans ces cas-là, un avocat du réseau qui accordera le service plutôt que de leur laisser le libre choix? C'est la question, là, comme je la conçois.

M. Meunier (Jacques): Que ce soit toujours un avocat du réseau qui rende le service...

M. Bégin: Mais dans les faits.

M. Meunier (Jacques): Dans les faits, je dois dire que ce n'est pas nécessairement ce qui nous dérangerait le plus à partir du moment où le service peut être accordé, parce que notre principale préoccupation, c'est le justiciable qui, autrement, serait considéré financièrement admissible à l'aide juridique mais à qui on refuse le service. Alors, ce justiciable, quel est son choix? Il a tout simplement le choix de se présenter devant le juge tout seul, avec tous les risques que ça comporte, alors que, parfois, il pourrait peut-être envisager – surtout que maintenant on étend le service à des personnes qui seront appelées à fournir une certaine contribution pour pouvoir avoir ces services-là, – de retenir les services d'un avocat, et l'avocat pourrait, à ce moment-là, accepter d'être payé suivant le tarif de l'aide juridique.

M. Bégin: Le sens de la proposition – excusez-moi, c'est parce que je veux bien la saisir – c'est de faire en sorte que, en fait, la personne dans cette situation n'ait à payer que ce qui est actuellement le tarif à l'aide juridique. Donc, si elle allait voir un avocat de pratique privée, il faudrait que l'avocat accepte d'être payé, mettons, je donne un chiffre, 124 $, parce que c'est le prix que l'aide juridique donnerait dans un tel cas. C'est ça?

M. Meunier (Jacques): C'est ça.

M. Bégin: Est-ce que ça ne sous-tend pas que, dans le fond, on craint que dans la pratique privée les coûts soient plus élevés? Est-ce qu'il n'y a pas ça un peu derrière?

M. Meunier (Jacques): Bien, c'est-à-dire que c'est une réalité. C'est une réalité. Je pense que vous-même qui êtes avocat et ministre de la Justice savez très bien que le Barreau vous dira à tous les jours que le tarif de l'aide juridique ne correspond pas à la réalité des bureaux d'avocats.

M. Bégin: Trop bas. Ha, ha, ha! Ça, c'est vrai. Alors, ce serait ça, votre idée.

M. Meunier (Jacques): C'est-à-dire que c'est une idée que je mets de l'avant en disant: Bien, voici, il y a peut-être une possibilité par ça d'ouvrir une certaine porte à ce que des gens puissent bénéficier de services juridiques, quitte à les assumer, mais en sachant très bien que ça ne leur coûtera pas les yeux de la tête.

M. Bégin: Vous comprenez que je trouve l'idée assez intéressante. Cependant, malheureusement, on ne le savait pas, mais j'aurais apprécié avoir le regard du Barreau sur cette proposition-là.

M. Meunier (Jacques): Bon, sur ça, évidemment, je ne connais pas la position du Barreau. Mais j'ai présumé, jusqu'à un certain point, que les avocats, dans l'ensemble, vont préférer pouvoir rendre des services à un tarif réduit plutôt que de ne pas les rendre du tout. Pendant ce temps-là, qui sera le bénéficiaire de l'ensemble? C'est le justiciable qui, lui, aurait besoin de services juridiques.

M. Bégin: Je comprends. En tout cas, je trouve que c'est un point de vue qui n'a été énoncé par personne à date, qui soulève une question très intéressante. Sans être en mesure de vous donner une réponse immédiate, il est certain que, d'ici à ce qu'on ait adopté le projet de loi, j'aurai une réponse à cette question-là.

Je reviendrais avec ce qui a été quand même l'essence même de vos commentaires – et je pense que ça vous revient de les faire – c'est la question des règlements. J'ai compris et j'ai retenu un membre de phrase qui faisait mon bonheur, et je vous le retourne: «On n'a eu de cesse de rappeler...» Donc, je comprends, par cette remarque, que ce n'est pas d'aujourd'hui que ça origine, c'est un vieux problème.

M. Meunier (Jacques): C'est entendu. C'est entendu.

M. Bégin: Je voudrais vous faire remarquer cependant, d'une part, qu'un article du règlement, que l'on retrouve actuellement à la page 28 – oui, c'est ça, l'article 42, dernier alinéa – faisait état que, malgré l'article 11, cet article-là, ce paragraphe-là, va être abrogé et remplacé par un règlement du gouvernement qui, lui, suivra toutes les règles de publication ordinaire. Donc, c'est une primeur, si vous voulez, que je vous donne, en disant qu'il y aura un papillon à cet égard-là.

Quant aux autres dispositions que l'on retrouve à l'article 59, alinéas 1, 2 et 3, tout d'abord vous remarquez sans doute que c'est le premier règlement qui est en...

M. Meunier (Jacques): Oui, mais c'est justement, c'est là la question.

M. Bégin: Et, deuxièmement, le premier règlement, c'est... Le but, en fait, d'un règlement est de le publier, c'est de le faire connaître et de faire en sorte qu'on puisse réagir à ce règlement-là, et, généralement, c'est pour dire qu'on est plus ou moins d'accord avec le contenu. C'est le but du processus. Quand c'est en cours, au cours des années, après que, dans une loi, on eut donné un pouvoir habilitant, au cours des années, un règlement, tout à coup, est adopté, et pris, et publié, bon, si on ne respecte pas les délais, je pense qu'à ce moment-là on pose un problème sérieux à des gens.

Inversement, cependant, lorsque le premier règlement est adopté et qu'il a eu la chance ou l'opportunité... Et je ne vous réfère pas à votre expérience que vous avez mentionnée tout à l'heure d'avoir reçu hier le projet de règlement. Mais, d'ici à ce que la loi soit adoptée, d'ici à ce qu'il soit publié, il y aura eu énormément de consultations. Parce que, déjà, ce règlement-là était sensiblement connu, la loi était sensiblement connue depuis un an: les groupes ont été rencontrés, le Barreau a passé de nombreuses heures de rencontres avec des gens de mon ministère, des gens de la Coalition ont également eu l'opportunité – et on a eu des témoignages hier à cet effet-là – de discuter et de connaître le contenu de ça. Alors, l'objectif est d'informer, et cet objectif-là est généralement rempli, dans ces cas-là, par le processus que je viens de décrire, qui peut être variable dans d'autres lois. C'est pour ça que, dans ces cas-là, moi, comme ministre responsable de l'application de la Loi sur les règlements et aussi comme vice-président... Et, là, ça va peiner encore une fois le député de Chomedey. Je m'excuse auprès de vous de dire que je ne meurs pas de savoir que je suis le vice-président et non pas le président du Comité de législation. Et je profite de l'occasion pour lui dire que, même, je trouve ça bien que ce soit comme ça, parce qu'on se trouve avec la situation suivante: le président, si c'est le même personnage que le ministre de la Justice, c'est lui tout seul qui résout les problèmes puisqu'il reçoit de l'information à la fois du secrétariat du Comité de législation en tant que président et qu'il reçoit des commentaires de son ministère en tant que ministre responsable. Ce qui fait qu'il a deux informations, mais il est le seul à tenir cette information-là, alors qu'avec la mécanique du président qui n'est pas le ministre de la Justice il a son information, donc il a un point de vue, le ministre de la Justice, de ses fonctionnaires, reçoit un autre point de vue, ce qui permet au Comité de législation d'avoir deux visions des choses. Et je crois que c'est avantageux.

(11 h 50)

Alors, voilà, M. le député de Chomedey, de quoi vous réconforter ou vous conforter sur ce qui se passe. Et je dois vous dire que je n'en fais pas de boutons. Mais, vous, vous semblez avoir un problème avec cette histoire.

M. Mulcair: M. le Président, puisque je suis directement interpellé, j'aimerais juste, brièvement, intervenir à ce point-ci, si vous pouvez me reconnaître mon droit de parole.

M. Bégin: Non, je pense qu'il n'y a pas de problème de règlement là-dessus.

M. Mulcair: M. le Président, là, je viens d'être interpellé deux fois par le ministre.

M. Bégin: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Alors, ça me ferait très plaisir de pouvoir...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey, un instant, vous aurez...

M. Mulcair: ...lui dire que, même si, lui, il se croit, aucun de ses proches collaborateurs ne le croit et que...

M. Bégin: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de...

M. Mulcair: ...pour quelqu'un que ça ne dérange pas, je trouve qu'il trouve que c'est nécessaire de venir se défendre là-dessus bien souvent. Ha, ha, ha!

M. Bégin: Non, mais, là, vu le nombre de reprises où le député le mentionne, ça me fait plaisir de lui dire que ça fonctionne bien. Alors, il saura, parce que c'est la première fois que je le lui dis en public, que j'apprécie cette chose-là.

Donc, je continue à l'effet que, lorsque c'est le premier règlement et que les circonstances que je viens de décrire se produisent, il m'apparaît que c'est différent et qu'en conséquence l'objectif visé par la publication est rencontré, et ça permet de réduire quand même... et c'est le cas dans ce cas-ci. Lorsque le règlement est publié, il entre plus rapidement en vigueur et ça permet d'arriver plus rapidement au but qu'on fixe par l'adoption d'une loi et d'un règlement, c'est-à-dire sa vie réelle sur le terrain.

M. Meunier (Jacques): Est-ce que je pourrais juste commenter sur ça?

M. Bégin: Oui, allez.

M. Meunier (Jacques): Je comprends bien votre argument, mais, quand je regarde le document qui nous a été transmis en fin d'après-midi hier, il porte la date du 28 mai. C'est donc dire que le projet de règlement n'avait pas de forme vraiment, vraiment définitive propre à consultation bien, bien avant cette date-là. Alors, même si vous dites qu'il y a eu des consultations au cours de la dernière année et tout, il n'en reste pas moins que le projet de règlement qui a le plus de chance de devenir la loi déléguée comme telle, il est encore peut-être même au four.

M. Bégin: Non, mais je pense que ce que vous dites est très juste. Mais, effectivement, quand on regarde ce projet-là – et je pense que c'est important qu'on puisse dire ça – l'an passé, il y a un an, à peu près à la même date, on avait un projet de loi avec un projet de règlement. Des représentations ont été faites à l'effet de reprendre le travail et j'ai formé, vous le savez, un comité de travail là-dessus, le comité Schabas, qui a fait des recommandations et où les groupes ont pu être entendus. Alors, on est dans le cadre d'un processus évolutif. Les gens font des représentations, ce qui a un effet sur le projet de loi.

Le projet de loi, évidemment, l'application doit être prévue soit dans la loi ou dans le règlement. Si c'est dans le règlement, le règlement suit le changement et, au fur et à mesure qu'on avance dans la consultation, oui, ça entraîne des changements législatifs, mais ça entraîne, en parallèle, des changements au règlement.

Moi, que le règlement porte cette date-là, je pourrais peut-être vous en donner cinq autres qui portent des dates antérieures, parce qu'ils sont le reflet de l'état de la législation à ce moment-là. Ce qui compte, c'est que tout le monde soit bien informé et que... Par exemple, le 28 mai, il y a eu des rencontres, les gens ont étudié le projet de règlement. C'était marqué «projet», bien sûr, parce qu'il n'est pas officiel et, deuxièmement, c'est qu'on doit saisir l'Assemblée nationale, quand il y a une loi, d'abord et avant tout. Donc, tout le reste n'est que sous forme de projet.

Alors, moi, je ne suis pas du tout étonné que ça soit ainsi. Avant que je ne sois arrivé au ministère, les documents n'étaient pas datés – en passant – et j'ai exigé que, dorénavant, tous les documents soient datés pour qu'on puisse retracer, justement, à quel moment ces choses se sont faites, mais pas parce que ça nuit, parce que c'est simplement un révélateur d'un moment dans le temps. Et il y aura un projet de règlement plus complet qui va être déposé aujourd'hui et, pour moi, il y en aura un autre qui va être déposé après parce qu'il va y avoir des modifications qui vont être apportées au projet de loi qui dépendent, ces amendements-là, de remarques et de commentaires qui sont faits séance tenante. Je ne crois pas que je doive me priver de la possibilité de dire, par exemple: Je supprime l'article 94, ça a un effet dans l'article untel parce que je l'ai modifié ou que je l'ai transformé. Je ne vois pas de problème à changer.

M. Meunier (Jacques): Mais, là, vous m'amenez à revenir sur la disposition qui prévoit une prépublication de 15 jours, en vertu de la loi, pour le règlement, quand même le premier règlement comme tel. Parce qu'il va de soi que, si vous communiquez aux intéressés le projet de règlement présentement et que la loi est éventuellement adoptée, puis que, là, vous prépubliez un projet de règlement, il y a peut-être de bonnes chances que la même substance se retrouve comme telle. Mais, quand même, il va falloir aussi que les gens aient la possibilité de recevoir la Gazette chez eux, qu'ils aient la possibilité de regarder attentivement. Puis Dieu sait que ce n'est pas banal, ça. Ça implique, en fait, des pairages avec la Loi sur l'aide financière aux étudiants, la Loi sur la sécurité du revenu. Il y a beaucoup de choses, en fait, à examiner dans une projet de règlement comme ça. Et, après ça, à l'intérieur de 15 jours, être en mesure d'avoir examiné tout ça, de faire des commentaires utiles. Je vous avoue que ce n'est pas nécessairement une tâche très facile.

Mais j'insiste quand même pour dire que le sens de mes commentaires ne portent pas uniquement sur ça, ils portent aussi sur le fait que des lois que j'ai qualifiées de squelettes sont déposées, quand même, dans des délais à la limite. Par exemple, dans le cas présent, ça a été déposé le 15 mai, c'est-à-dire à la date limite pour adoption avant l'ajournement de la Saint-Jean-Baptiste. Bon, si on n'a pas les règlements, au moment où on reçoit ce projet-là, bien, évidemment, parmi les nombreux autres projets qui sont déposés, c'est très difficile pour les intéressés – et au premier plan, je pense, en fait, pour les parlementaires, qui ont énormément d'autres projets sur lesquels ils doivent travailler – de se faire une idée de la portée réelle du projet. Et c'est ce sur quoi on insiste au niveau de valoriser, en fait, le processus démocratique de la législation.

M. Bégin: Sur un autre sujet, vous avez mentionné... Et, là encore, je ne suis pas sûr d'avoir saisi. Quand vous avez parlé de l'article 27, je retrace...

M. Meunier (Jacques): 27?

M. Bégin: Oui, vous dites, le deuxième paragraphe de l'article 27 du projet de loi, bien sûr, supprime la proposition introductive du deuxième alinéa de l'article 62 de la loi actuelle.

M. Meunier (Jacques): Article 62 de la loi actuelle.

M. Bégin: Je regarde, et je ne vois pas l'effet que vous y voyez, parce que, enlevez «après que la vraisemblance du droit ou, selon le cas...», la substance n'est absolument pas changée.

M. Meunier (Jacques): On dit: «Après que la vraisemblance du droit ou, selon le cas, le besoin d'un service juridique ait été établi, cette personne est tenue d'acquitter, pour l'étude de sa demande, des frais au montant fixé», etc. Là, si vous supprimez le premier bout de phrase, ça veut dire que des frais modérateurs peuvent être établis pour l'examen de la vraisemblance du droit. C'est comme ça que je le lis, moi.

M. Bégin: Je comprends votre idée. Plutôt que de dire, c'est seulement si votre vraisemblance de droit est établie que, là, vous avez droit à payer, mettons, un ticket. Parce que ce que j'ai retenu de...

M. Meunier (Jacques): Oui, c'est ça. Parce que, autrement dit, si vous me dites que ça ne change rien, pourquoi l'enlever?

M. Bégin: Souvent, dans l'étude de texte, on s'aperçoit qu'il y a des membres de phrase qui ne sont pas nécessairement pertinents, puis surtout que l'établissement de la vraisemblance du droit peut être plus ou moins, et ce sont des circonstances automatiques.

Mais je comprends de votre remarque que vous dites: En enlevant ça, c'est qu'on peut – dans votre esprit – charger un ticket modérateur uniquement pour commencer à regarder le dossier...

M. Meunier (Jacques): Exactement.

M. Bégin: ...alors qu'actuellement, pour être capable de le charger, il faut d'abord avoir dit: Monsieur, madame, oui, vous avez droit à, maintenant, pour aller plus loin, cependant, vous devez payer une contribution de temps.

M. Meunier (Jacques): Ce qui ne se fait pas, quand même, présentement.

M. Bégin: Je comprends et je vais regarder ça de près. Je suis sûr que l'opposition va s'en charger aussi maintenant que vous avez soulevé le problème.

Je crois que ça fait l'ensemble. Je retiens aussi principalement de vos remarques générales que vous considérez qu'il y a eu de nombreux changements heureux, en ce qui vous concerne. C'est votre commentaire de la page 2, à l'effet que des suggestions que vous aviez faites l'an dernier... Non? Pas content? Vous trouvez ça décevant: Vous avez tenu compte d'un bon nombre des commentaires et propositions que, avec plusieurs autres, vous aviez soulignés?

M. Meunier (Jacques): Et nous insistons particulièrement sous l'angle, en fait, de la partie contributoire qui permet d'assurer des services juridiques à un plus grand nombre de personnes. Pour nous, c'était très important, parce que de s'arrêter au seuil qui semblait devoir être établi avait tout simplement pour effet de laisser à eux-mêmes une foule de personnes.

M. Bégin: Donc, je comprends que vous considérez que le volet contributoire, avec l'augmentation aussi du volet gratuit, c'est une amélioration.

M. Meunier (Jacques): C'est un pas en avant.

M. Bégin: Bon. Merci. Est-ce que mes collègues, peut-être... Ça va?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le député de Chomedey.

(12 heures)

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, c'est toujours un plaisir d'accueillir Me Meunier, qui vient souvent devant cette commission, pour présenter le point de vue du Protecteur du citoyen. C'est toujours très utile pour nos travaux et pour faire avancer la législation ici au Québec. Et on a eu un excellent exemple encore ce matin.

Outre les nombreux problèmes que vous venez de soulever – vous en avez discuté de plusieurs dans votre présentation et lors de votre échange avec le ministre – il y a une chose qui reste quand même, Me Meunier, je pense qu'en ce qui concerne le règlement vous avez été extrêmement pertinent dans vos remarques quand vous avez dit que c'était encore au four. Mon collègue, le député de Jacques-Cartier, m'a rappelé l'expression anglaise équivalente, qui est «it's half-baked». Ça veut dire... Et c'est vraiment ça, hein? C'est la même métaphore, ou presque, et ça dit à quel point, justement, on est en train de discuter de quelque chose qui est vraiment un peu insaisissable. On n'a pas vraiment quelque chose de solide en main.

Par ailleurs, outre les pièges que vous avez vus dans la manière de rédiger la loi et les différents paradoxes que vous avez soulevés, il y a un aspect particulier sur lequel j'aimerais vous entendre. Il y a une chose que je trouve particulièrement importante pour nous, élus parlementaires, dans l'expérience du Protecteur du citoyen, et c'est justement parce que vous avez eu, comme institution... et M. Jacoby lui-même est là depuis, quoi, bientôt 10 ans, je crois?

M. Meunier (Jacques): Ça fait huit ans.

M. Mulcair: Huit ans. Il a donc lui-même vu énormément de cas. Vous êtes là depuis de nombreuses années. Mais l'institution même existe depuis au-delà de 20 ans, et c'est cette richesse d'expérience, ce qu'on appelle en anglais «institutional memory», c'est le fait d'avoir déjà vu ces affaires-là passer avant.

Je vous cite en exemple votre rapport extrêmement important sur l'introduction de la carte-soleil avec photo. Ça, c'est une expérience non pas tant sur l'opportunité sociale ou politique d'introduire la carte avec photo, mais c'était vraiment une analyse sobre, mais très sévère et très critique, d'une manière de faire des choses au plan de la quincaillerie, au plan de l'intendance, au plan de la machine, de la structure bureaucratique, qui était un rappel à l'ordre, pas pour un gouvernement, pas pour un côté de la Chambre, pour l'ensemble des élus, en disant: Écoutez, là, c'est bien beau, mais ne commencez pas à avoir des idées de chambarder les choses sans avoir vraiment fait une analyse de comment, tout ça, ça va être mis en pratique.

L'année dernière, Mme Blackburn a introduit une nouvelle loi sur la perception des pensions alimentaires. Ça a rallié, avec raison, l'ensemble des parlementaires, mais on a émis certaines réserves, certains bémols au début de l'analyse du projet de loi. On a dit: Ouf! Attention, là! C'est lourd, ce que vous êtes en train de proposer là. Le but est plus que noble. On est tous d'accord avec le but recherché, il faut qu'une personne qui paie une pension alimentaire, qui est obligée de payer une pension alimentaire le fasse, mais est-ce que vous êtes sûre que la machine va pouvoir vous suivre? On a eu la triste réalité de la bouche du député de Portneuf, le ministre délégué, «junior minister», pour le Revenu, qui a été obligé de venir en Chambre pour admettre que, notamment pour l'exécution des jugements outre Québec, ça ne fonctionnait strictement pas. Malgré toutes les meilleures intentions du monde, ça arrive, ça.

Et, donc, c'est à cette expérience que je fais appel, Me Meunier, en vous demandant si, pour vous, l'application de dizaines, sinon de centaines de milliers de nouveaux cas avec volet contributoire, détermination d'un revenu net qui n'est pas le même revenu net que sur les rapports d'impôts, examen dans chaque dossier, avec des termes extrêmement flous – est-ce qu'il y a une grande probabilité de ci, est-ce qu'il y a une forte probabilité de l'autre, est-ce que le règlement proposé dans un dossier civil est raisonnable, etc. – toutes ces analyses préalables et a posteriori – I'm having trouble with my latin this morning – est-ce que tout ce travail-là ne risque pas de coûter aussi cher que l'argent que le ministre vise à épargner ici? Est-ce qu'on n'est pas en train de créer un monstre bureaucratique, dans l'expérience du Protecteur du citoyen?

M. Meunier (Jacques): Vous auriez pu ajouter aux exemples que vous avez donnés, notamment le cas du directeur de l'état civil. C'est sûr que...

M. Mulcair: Un bon exemple.

M. Meunier (Jacques): C'est sûr que le Protecteur du citoyen est toujours préoccupé de comment sera vécue, pour les citoyens, l'application d'un nouveau règlement ou d'une nouvelle loi. Dans le cas présent, il est certain que nous avons, comme, je présume, beaucoup de gens dans la population, très hâte que le système, que le régime d'aide juridique s'améliore et que des portes soient ouvertes pour qu'il y ait plus de bénéficiaires. Je l'ai dit, je n'ai pas eu vraiment l'occasion d'examiner le règlement, alors, il m'est difficile d'évaluer les difficultés d'application qui pourront se présenter avec de nouvelles notions, ou des notions qui sont peut-être divergentes de notions déjà définies en vertu d'autres lois ou autrement. Notre espoir pourrait venir, entre autres, de l'expérience de la Commission des services juridiques dans ce domaine-là, avec cette clientèle-là. Et on ne peut qu'espérer que la prudence à laquelle on a appelé le ministre de la Justice et le gouvernement sur d'autres dossiers les inspirera au moment de définir exactement les règles d'application des dispositions du règlement qu'ils se seront donné. Comme je l'ai dit, n'ayant pas eu l'occasion d'examiner en détail, de voir toutes les difficultés qui peuvent être associées à ce projet de règlement là, je ne peux pas commenter plus abondamment.

M. Mulcair: Me Meunier, sans regarder le règlement, parce que vous l'avez très bien dit au départ, vous n'avez pas vraiment eu le temps de l'analyser, permettez-moi de regarder avec vous un certain nombre d'articles de la loi. L'article 4.11 est un bon exemple: «En toute matière autre que criminelle ou pénale – donc, on est dans le civil, ou autre – l'aide juridique peut être refusée [...] en tout état de cause, lorsque, en considérant l'ensemble des circonstances et en envisageant la question du point de vue du rapport habituel entre un avocat et son client – première condition, c'est un fonctionnaire qui va être en train de déterminer, s'ingérer dans la relation entre l'avocat et son client, et qui va, lui, l'envisager comme lui l'envisagerait, qu'il soit ou non avocat, ce fonctionnaire, de ce point de vue là, de l'avocat et du client. Inquiétant – l'affaire ou le recours n'apparaît pas fondé – vous savez comme moi que ce sont souvent les causes qui n'apparaissent pas fondées qui finissent par être gagnées, parce que c'est souvent, justement, des gens qui ont du mal à exprimer le problème qu'ils ont qui ont le plus besoin d'un avocat et d'avoir quelqu'un de leur bord – compte tenu notamment de l'un ou l'autre des facteurs suivants...» Et on peut passer tout de suite au cinquième: «la personne qui demande l'aide ou qui en bénéficie refuse, sans motif valable, une proposition raisonnable de règlement de l'affaire.» Alors, prenons un exemple: poursuite en dommages pour 15 000 $ par une personne admissible, une offre de règlement des assureurs de l'autre partie pour 3 000 $ – c'est en train de coûter de l'argent à l'État – l'agent qui analyse le dossier dit: Je trouve ça raisonnable parce que, après tout, vous êtes prestataire du bien-être social; 3 000 $, c'est assez. Et la personne dit: Mais non, l'évaluation qu'on a faite avec notre avocat, c'était 15 000 $, puis, 3 000 $, je trouve ça trop bas. Il va y avoir une fonctionnaire qui va dire: On est au mois de février, il n'y a plus d'enveloppe, on trouve que, donc, le critère de raisonnabilité vient de prendre de l'ampleur, c'est nous qui allons décider ça. «Out», pas d'aide juridique si tu n'acceptes pas le règlement.

Est-ce que vous trouvez, dans un premier temps, que tous ces facteurs ne contribuent pas à alourdir la machinerie de l'administration de l'aide juridique et que, deuxièmement, dans l'exemple que je viens de vous donner, ça exerce une pression indue sur l'individu qui aurait normalement voulu faire valoir ses droits?

M. Meunier (Jacques): D'abord, il y a peut-être une question que je me poserais après vous avoir entendu. Moi, je me suis interrogé, à savoir si le recours en dommages existait. L'article 4.7 ne me semble pas inclure le recours en dommages, sauf si on se trouve dans des circonstances tout à fait exceptionnelles...

(12 h 10)

M. Mulcair: C'est ça, ça peut...

M. Meunier (Jacques): ...comme, par exemple, si les moyens de subsistance d'une personne sont en jeu, ou des choses comme ça, parce que c'est une demande d'argent, c'est... En tout cas, moi, je pense. D'autre part, il est sûr que, comme pour l'application de toute loi, il faut faire confiance aux gens qui vont les appliquer. Et c'est là qu'il sera très important que des directives, des orientations, des guides d'application généreux soient donnés par la Commission des services juridiques à sa clientèle, notamment dans leurs relations avec des justiciables qui ont de la difficulté à s'exprimer, qui ont de la difficulté à exposer leurs problèmes. Je pense que l'expérience passée de la Commission des services juridiques démontre que, dans l'ensemble, les avocats qui travaillent là ont fait preuve régulièrement, en fait, d'ouverture vis-à-vis de ces gens-là. Et c'est très difficile de préjuger que les gens n'écouteront pas ou que les gens seront fermés ou que les gens appliqueront ça très étroitement. Ce qui fait que l'avenir, la pratique elle-même dira comment ça pourra s'appliquer.

D'autre part, il ne nous apparaît pas déraisonnable que des dispositions de la loi prévoient certains moyens d'éviter que les fonds publics servent à des causes inutiles, des causes frivoles ou des entêtements, en fait, de clients. Il faut que quelqu'un l'apprécie, il faut que quelqu'un en juge, mais il faut que ça se fasse selon une discrétion intelligente, et généreuse, autant que possible, dans l'esprit du régime.

M. Mulcair: On apprécie tous votre réponse, et je pense que... La question visait, dans un premier temps, surtout à savoir si, sur la base d'expérience du Protecteur du citoyen, vous aviez, outre la gentille lettre que vous avez fait parvenir à la commission, fait une évaluation, même sommaire, des coûts, comme le Barreau l'a fait pour nous, comme d'autres groupes ont pu le faire, si, basé sur votre vaste expérience de l'appareil administratif, vous avez procédé, même sommairement, à la moindre évaluation des coûts que pouvait engendrer ce système qui exige la gestion de centaines de milliers de nouveaux dossiers, vu le volet contributoire. Et je dois comprendre, par votre dernière réponse à notre dernière question, que, non, vous n'avez procédé à aucune analyse de la sorte.

M. Meunier (Jacques): Non, parce que nous n'avons pas les données qui nous permettraient de le faire et, disons, les circonstances ne nous ont certainement pas permis de nous aventurer sur ce terrain-là.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. Meunier. C'est tout de notre côté, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, il vous reste une minute.

M. Bégin: M. Meunier, sur l'action en dommages, tantôt, je pense que, quand on est en demande, l'article 69 actuel continue de s'appliquer et on ne peut pas, vous le savez, utiliser ça. En défense, je pense qu'il y a certainement le paragraphe 9° de l'article 4.7...

M. Meunier (Jacques): Oui.

M. Bégin: ...qui est... Donc, je pense que, là-dessus, il ne faut pas s'inquiéter, le mot «dommage» n'est pas mentionné spécifiquement. Mais, quand on est en demande, on ne peut pas, et c'est la loi actuelle, puis, quand on est en défense, c'est définitivement le paragraphe 9° qui va couvrir tous ces cas-là.

M. Meunier (Jacques): Je l'avais compris comme ça, c'est d'ailleurs pourquoi il n'en est pas question dans notre commentaire.

M. Bégin: O.K. Parfait. Alors, merci infiniment, M. Meunier.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, merci, Me Meunier.

J'inviterais maintenant Me Stephen Fineberg, président de l'Association des avocats et avocates en droit carcéral du Québec.

Alors, messieurs, nous allons reprendre nos travaux. Me Fineberg, si vous voulez aussi présenter la personne qui vous accompagne. Vous disposez d'une période de 20 minutes pour votre exposé, lequel sera suivi d'échanges avec les groupes parlementaires.


Association des avocats et avocates en droit carcéral du Québec (AADCQ)

M. Fineberg (Stephen): Merci beaucoup, M. le Président. Je m'appelle Me Steve Fineberg, de Montréal. Je vous présente mon collègue, Me Bertrand Loiselle, également de Montréal. On est membres de l'Association des avocats et avocates en droit carcéral du Québec. J'aimerais d'abord vous remercier pour l'invitation. Je comprends que ce n'est pas le monde entier qui est invité, qui est convoqué, et on l'apprécie. Je ne sais pas ce qu'on va dire au juste, parce que le bureau du Protecteur du citoyen a déjà dit tout ce qu'on voulait dire. On peut dire qu'on est d'accord avec une forte majorité de ses commentaires.

Mais je vais vous présenter l'Association en quelques mots. Ça varie, mais on est une trentaine d'avocats au Québec qui sont spécialisés en droit carcéral. On ne prétend pas qu'on représente tout le monde qui travaille en droit carcéral, mais je pense bien que je peux prétendre qu'on est la seule voix organisée, structurée, dans le champ, dans notre matière. On existe depuis quatre ans maintenant, et tous les membres sont spécialisés en droit carcéral. Il y en a qui ne sont pas en carcéral à temps plein, mais ils sont spécialisés. J'aimerais vous exposer brièvement ce que c'est, le droit carcéral, parce que je sais que les députés, ils ont des expériences, des formations diverses, et j'aimerais juste vous expliquer en quelques mots ce que c'est, le droit carcéral.

C'est une forme de droit, c'est une branche de droit administratif qui existe au Canada depuis, disons, 1970, plus ou moins. C'est un champ de pratique qui s'est développé au Canada 10 ans après les États-Unis. C'est un champ de pratique généré par le mouvement des droits civils aux États-Unis et ailleurs. On pourrait dire que c'est un produit des années soixante.

Alors, le droit carcéral n'est pas le droit criminel. Il faut faire la distinction. Il y a bien des citoyens, des citoyennes qui ne comprennent pas que les avocats en droit carcéral ne font pas la défense des personnes qui sont innocentes et accusées d'une offense, d'un délit. On s'occupe de ces gens-là après la condamnation, normalement après que le criminaliste sera déjà sorti du portrait. Ce qu'on fait, normalement, c'est qu'on représente les détenus des établissements provinciaux et fédéraux sur une base légale. On les représente devant les diverses instances administratives et aussi quasi judiciaires et judiciaires. À titre d'exemple, on est souvent à la cour disciplinaire, à l'intérieur des murs. On représente très souvent les détenus devant les deux commissions de libération conditionnelle, à savoir la Commission québécoise dans les établissements provinciaux et la Commission nationale des libérations conditionnelles dans les établissements fédéraux.

Les détenus, souvent, s'adressent aux avocats quand ils sont transférés dans un niveau de sécurité supérieur. Très, très souvent, les détenus se plaignent des transferts basés sur des informations confidentielles qu'ils ne peuvent pas voir, alors, ils ont de la misère à se défendre contre. Ils se plaignent des problèmes de soins médicaux. Parce qu'un détenu n'a pas le droit de choisir son propre médecin, il est obligé de composer avec le médecin qui est envoyé par le service correctionnel, provincial ou fédéral. Souvent, les détenus ne sont pas très contents des résultats, ou ils n'ont pas confiance dans le professionnel qui est envoyé. Les détenus ont des problèmes aussi avec les décisions des autorités carcérales qui les placent en ségrégation contre leur volonté, avec des décisions qui coupent leurs visites, des décisions qui les transfèrent ailleurs, toute une gamme de décisions administratives qui contrôlent la vie du détenu.

(12 h 20)

Et on trouve que les détenus sont très, très mal placés pour se défendre seuls. Il y a plusieurs explications pour ça. Il y a un fort pourcentage des détenus qui sont, sinon complètement analphabètes, pas bien éduqués, alors, ils ont de la misère à composer avec toutes les lois, les règlements, les politiques internes qui contrôlent leur destin. Ils n'ont pas accès aux outils dont les avocats se servent, par exemple les bibliothèques, les livres en droit, les ordinateurs. Ils ont des problèmes aussi à cause des conditions de détention en général. Il y a beaucoup de conflits, beaucoup de tensions dans les établissements, tout ce qui rend la tâche très difficile pour un détenu qui veut se défendre contre les décisions des autorités carcérales. Aussi le fait que le détenu qui se défend est mal vu par les autorités carcérales. Alors, il y a plusieurs raisons pour lesquelles les détenus ont vraiment besoin d'aide. Et les avocats en droit carcéral se voient comme des travailleurs en droit social. On travaille en droit social. Mon collègue va prendre la relève.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien, Me Fineberg. Alors, Me Loiselle.

M. Loiselle (Bertrand): Oui, merci. Il y a une relation évidente à faire entre l'aide juridique et la condition de la population carcérale. Comme Me Fineberg vient de dire, effectivement, la population carcérale, d'une façon objective, n'a pas accès aux mêmes moyens de défense et d'organisation que les citoyens et les citoyennes. Et, dans ce sens-là, le fait que l'aide juridique, surtout depuis ces dernières années, accorde aux détenus la possibilité d'être représentés ou assistés par des avocats et des avocates, on peut dire que, de façon générale, à cause de l'aide juridique, la condition des détenus au niveau de leur capacité de défense et d'organisation s'est effectivement améliorée.

Pour parler plus du penchant fédéral, au niveau des législations fédérales, le droit pour les personnes incarcérées d'être représentées ou assistées est reconnu. Cependant, dans les faits, 99,9 % de la population carcérale n'a pas les moyens de se payer un avocat ou une avocate. Alors, dans les faits, même si les lois fédérales accordent aux détenus le droit d'aller à la cour disciplinaire ou à la Commission des libérations conditionnelles avec un avocat ou une avocate, dans les faits, c'est quasiment plus la Loi sur l'aide juridique qui fait qu'effectivement les détenus vont être assistés ou non. Dans ce sens-là, au niveau de la condition d'incarcération des personnes, l'aide juridique est effectivement une chose incontournable.

Et, pour nous, dans la mesure où aujourd'hui on veut venir vous dire notre opinion, on en a deux à vous présenter. D'abord, d'une façon globale, on veut vous dire qu'on est membres de la Coalition pour le maintien des services de l'aide juridique. On est membres de cette coalition-là qui existe depuis un an, et on adhère à la grande majorité des critiques qui ont été faites par les groupes qui sont venus devant vous hier. Et dans ce sens-là, d'après nous, s'il y a des modifications qui ne sont pas faites, substantielles, au projet de loi, pour nous, on juge qu'il est inacceptable, le projet de loi, tel qu'il est actuellement. Parce que les clients qu'on représente, effectivement, en plus d'être incarcérés, sans pouvoir vous fournir d'études sociologiques récentes et complètes de la population carcérale, de notre expérience, on peut vous dire que c'est effectivement généralement les personnes les plus démunies de la société. C'est des gens sur l'aide sociale, leur famille, etc. Ils sont touchés par différentes facettes des coupures dans les programmes sociaux et dans la réforme de l'aide juridique. Alors, c'est notre position de façon globale.

Au niveau spécifique concernant le droit carcéral, on va vous avouer que c'est difficile pour nous de nous prononcer parce qu'on a de la difficulté à savoir quelle est l'intention exacte du législateur par rapport au droit carcéral dans la réforme. On l'a lue et on l'a relue, tant l'an dernier que cette année. On déplore que cette année, même si ça fait longtemps qu'on parle d'une réforme de l'aide juridique, ça fait juste une semaine ou deux qu'on l'a, donc quelques jours avant l'adoption, ce que, effectivement, on déplore; on ne peut pas faire un débat de fond sur, précisément, le projet de loi. Mais, quand même, malgré ça, on a quand même bien lu et on n'est pas capable de savoir clairement quelle est l'intention du ministre ou du gouvernement. On a eu accès à des tableaux qui précisent au niveau des chiffres quelle pourrait être l'évaluation monétaire des coupures suite au projet de loi, et on parle d'environ 700 000 $ de coupures sur trois ans au niveau du droit carcéral. Le ministre pourra effectivement nous corriger.

Le budget de l'aide juridique, sans avoir les chiffres précis de cette année, c'est quand même un tout petit budget. On parle de 3 000 000 $, à peu près, quelque chose comme ça, c'est vraiment un tout petit budget. Alors, si, effectivement, on parle de couper 100 000 $, 200 000 $ selon les années, on peut dire: Ne chialez pas trop, ce n'est pas beaucoup. C'est quand même une proportion énorme pour nous. Et, pour nous, des coupures en droit carcéral, même si c'est des tout petits chiffres, les conséquences sont effectivement énormes en termes concrets de droit pour les gens, au bout de la ligne. Donc, avec les chiffres, on voit que le gouvernement veut couper en droit carcéral.

Maintenant, quand on regarde le projet de loi, spécifiquement l'article 4.7 de la réforme, on peut se sentir complètement inclus ou complètement exclus. C'est très difficile pour nous. C'est plus des questionnements qu'une position par rapport spécifiquement au droit carcéral, on est obligés de vous l'avouer comme ça.

M. Fineberg (Stephen): J'aimerais vous expliquer nos inquiétudes, s'il vous plaît.

À l'article 3 de la loi actuelle, on voit que le mot «tribunal» est défini comme une instance quasi judiciaire ou judiciaire, et ça cause un problème particulier pour le droit carcéral, parce qu'il y a beaucoup de forums en droit carcéral qui ne sont pas bien définis comme quasi judiciaires ou judiciaires. Il est très difficile de savoir quelles sont les instances qui sont purement administratives, quelles sont les instances qui sont quasi judiciaires. Mais, selon la loi que le gouvernement propose, tout ce qui n'est pas quasi judiciaire ou judiciaire serait éliminé, serait complètement exclu de la discussion. Et on ne peut pas savoir quelles sont les instances en droit carcéral qui seraient administratives, qui seraient quasi judiciaires, selon le gouvernement ou selon la Commission des services juridiques. On ne peut même pas savoir. Alors, nous voici la veille de l'adoption de la loi qui va contrôler notre champ de pratique à partir d'ici, et on ne peut même pas savoir vraiment quelles sont les intentions, c'est quoi l'arrière-pensée du législateur ou de la Commission des services juridiques. Alors, on est complètement perdus; on ne sait même pas sur quoi on commente aujourd'hui.

Mais on a des grosses inquiétudes à cause de l'article 3 parce que, quand on regarde l'article 4.7 du projet de loi, on voit que, pour que l'affaire soit couverte, il faut que ce soit une affaire dont «un tribunal est ou sera saisi». Et c'est une distinction que vous savez très bien parce qu'elle est écrite dans votre projet de loi, après, j'en suis convaincu, beaucoup de réflexion: «un tribunal est ou sera saisi». Et selon l'article 3 de la loi actuelle, qui ne serait pas modifié, un tribunal n'est jamais une instance administrative. Alors, si on passe au paragraphe de 4.7, où réside le seul espoir du droit carcéral de survivre, même si on fait abstraction, pour l'instant, du langage problématique des paragraphes 8° et 9° de l'article 4.7, c'est déjà perdu. Il y a beaucoup d'instances qui sont déjà perdues à cause du mot «tribunal» dans l'article 4.7.

Si, pour l'instant, on met de côté la question des instances qui sont administratives plutôt que quasi judiciaires, on a des commentaires à faire, d'autres commentaires à faire sur les deux paragraphes 8° et 9°. Au paragraphe 8°, on lit que l'aide juridique va toujours couvrir une affaire qui porte une atteinte grave à la liberté de l'individu. Pour être plus précis – et il ne faut pas oublier que, pour l'instant, on met de côté l'autre question du tribunal – pour transmettre un message clair à la Commission des services juridiques qui va décider d'émettre ou de refuser les mandats d'aide juridique, on estime que le paragraphe devrait se lire: «une atteinte grave à la liberté, incluant la liberté résiduelle», parce que la jurisprudence en droit carcéral parle très, très souvent de la liberté résiduelle. Pour nous autres, c'est tout à fait clair que la notion de la liberté comprend également la liberté résiduelle, qui est en jeu dans moult décisions carcérales. On ne sait pas si ce sera aussi clair pour la Commission des services juridiques qui va gérer la boîte. Ça, ce serait la précision principale qu'on aimerait apporter à l'article 8°.

(12 h 30)

Alors, en soi, on n'est pas très déçus du libellé de l'article 8°. On n'est pas très déçus. Le problème qui se pose, c'est toujours la définition du tribunal. Je ne sais pas si le gouvernement est en mesure aujourd'hui d'annoncer clairement devant tout le monde quelles sont les instances qui, selon lui, constituent des instances administratives plutôt que quasi judiciaires. J'aimerais bien le savoir. Mais on a des inquiétudes.

Il n'y a même pas une indication dans votre projet de loi que les audiences devant la Commission d'examen seraient toujours couvertes. La Commission d'examen du Québec est un forum peut-être quasi judiciaire, peut-être pas, peut-être purement administratif, on ne peut pas savoir, qui rencontre les personnes qui sont incarcérées à la suite d'un acquittement pour des problèmes mentaux, pour des troubles mentaux. Autrement, à l'origine, elle s'appelait le «mandat du lieutenant-gouverneur». Le nom a changé dans le Code criminel, mais le statut existe toujours.

Ces gens-là, il est évident qu'ils ont un besoin aigu de la représentation d'un avocat devant la Commission d'examen qui va décider s'ils sortent de l'institut Pinel, par exemple, ou d'autres établissements psychiatriques, s'ils sortent ou s'ils restent. Et, s'ils sortent, sous quelles conditions et à quelle vitesse. Il est évident qu'il y a des gens dans cette situation-là qui sont complètement perdus, qui sont mêlés pour des raisons psychiatriques, qui ont besoin d'un avocat. Est-ce que c'est clair pour vous autres que les audiences devant la Commission d'examen sont à l'abri des coupures? Que la Commission d'examen est couverte par les termes de l'article 4.7? Dans mon esprit, ce n'est pas évident. Et on va apprendre seulement après l'adoption de la loi et selon le fonctionnement de la Commission des services juridiques si ces audiences sont couvertes ou non, si ces gens-là sont protégés ou non. Une situation qui n'est pas acceptable.

Alors, on partage avec le Protecteur du citoyen l'argument que les députés devraient assumer leurs propres responsabilités. Ils devraient adopter et faire adopter une loi qui est claire, une loi qui prend des positions plutôt que transférer la tâche à d'autres personnes, aux fonctionnaires. Je pense que je vais arrêter là. Merci beaucoup.

Mais, je m'excuse, on pourrait aussi commenter l'article 24 de votre projet de loi, un article déjà commenté par le Protecteur du citoyen. Tout brièvement. C'est un article qui porte atteinte au système mixte. On a de grosses inquiétudes, encore une fois, à cause de cet article-là. Pour nous autres, le système mixte est très important. Le libre choix de l'avocat est primordial. Et on sait qu'on n'est pas seuls à cet égard-là. Mais l'article 24 va permettre au gouvernement, même sans soulever des circonstances exceptionnelles, d'écarter le système mixte, d'écarter le libre choix de l'avocat. Impensable, selon nous. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, Me Fineberg, Me Loiselle. Je passerais maintenant la parole à M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: Merci, Me Fineberg et Me Loiselle. D'abord, je veux vous remercier, au nom de la commission, de nous avoir effectivement instruits sur le type de travail que vous faites, pour ceux et celles qui ne sont pas avocats, d'abord, et, deuxièmement, même pour ceux qui sont avocats et qui n'ont jamais travaillé en droit administratif, ce n'est pas évident. J'ai eu la chance, une peu, de travailler en droit administratif, donc j'ai assez rapidement saisi les questions, mais ce n'est pas évident pour tout le monde. Donc, merci de nous avoir éclairés là-dessus.

Deuxièmement, prenons à partir de la fin. L'article 24, déjà, avec le Barreau, nous avons eu l'occasion de discuter, et de même qu'avec d'autres groupes, et j'ai annoncé qu'il y aurait des modifications qui seraient apportées concernant ça, entre autres pour faire en sorte que, entre autres au deuxième alinéa, ça ne soit pas la Commission, mais que ça soit le gouvernement qui puisse adopter les règlements. Et il y aura probablement une réécriture de ce texte-là. Et, déjà, on a convenu avec le Barreau qu'on s'entendrait sur sa teneur.

Vous avez parlé de ce qui s'appelait la Commission d'examen. On est informés que, après avoir rencontré les membres de la Commission, la Cour d'appel a déjà qualifié cette Commission de tribunal administratif et, en conséquence, nous sommes d'avis qu'en vertu du septième ou huitième alinéa de 4.7 il sera couvert dans chacun des cas.

En ce qui concerne la liberté résiduelle, je comprends le concept de la manière suivante: quelqu'un est déjà en prison, bien sûr, et, compte tenu de sa conduite en prison, on décide de l'envoyer au trou. Je ne sais pas si c'est un bon exemple. Est-ce que cette liberté dont vous parlez, c'est ça qui est en cause dans ce cas-ci? Le fait que cette personne soit envoyée au trou, elle perd, en fait, si je comprends bien, en tout cas, la liberté résiduelle qu'elle possédait. Est-ce que c'est ce concept-là que vous énoncez?

Mme Fineberg (Stephen): Oui, c'est exact, M. le ministre. Il y a des décisions de la Cour suprême, plusieurs décisions de la Cour suprême, et aussi des décisions de la Cour d'appel fédérale qui confirment que, les gens qui rentrent en prison, ils possèdent toujours une liberté résiduelle, ils ne perdent pas tous leurs privilèges, leurs droits, leurs libertés. Et la Cour suprême a déjà qualifié un placement en ségrégation comme une incarcération dans une prison dans une prison. Il y a aussi un établissement de sécurité supermaximale au Québec – ça, c'est le seul dans le système fédéral du pays – et cet établissement-là constitue, selon la Cour suprême, une prison dans une prison. Alors, si la personne se trouve déjà en maximum: mettons qu'il rentre dans le système, il purge une longue sentence, alors, il est obligé de séjourner pendant la première année, mettons, dans une maximum pour faire ses preuves. S'il lui arrive quelque chose, si, pour une raison ou une autre, et souvent sur la foi d'informations qui demeurent confidentielles, il se trouve transféré dans le supermaximum, selon la cour, il est maintenant dans une prison dans une prison. Alors, il est possible de contester. C'est un droit que les détenus ont gagné à travers les années, parce qu'il n'était pas évident au début. Il y avait bien des cours qui ne voulaient pas reconnaître que ces gens-là, les individus qui se trouvent dans le supermaximum ou qui sont placés en ségrégation, ils ont perdu quelque chose d'important, mais la Cour suprême a maintenant reconnu clairement que ça constitue une perte de liberté.

M. Bégin: Vous avez mentionné... Bon, pour la liberté résiduelle, bien sûr, mais est-ce que vous ne pensez pas... En tout cas, moi, pour un, c'est sûr que la technique législative ne peut pas être celle qui consiste à énumérer l'ensemble des situations possibles et imaginables et à dire: On est dans le livre de recettes, on est à la case 27 ou 42, en conséquence, on est couverts. Mais notre technique législative vise à faire en sorte, par des concepts que l'on retrouve, par exemple dans ce cas-ci, au paragraphe 8° et au paragraphe 9° de l'article 4.7, de couvrir un ensemble de situations. Et l'article 3... Et il y a le mot, là, que l'on retrouve surtout à la fin du paragraphe 8°, quand on dit «notamment une mesure de garde ou de détention», donc qui constitue un élargissement, en principe.

Et quand on connaît l'article 3, et je pense que la définition de ce qu'est un tribunal... L'article 3 de la loi de l'aide juridique est là depuis, à ma connaissance, le début. Je présume qu'on a tous, en tout cas, à l'égard de cet article-là, une notion assez claire de ce que c'est qu'un tribunal par opposition à ce qui n'en est pas un, surtout lorsqu'on dit que ça comprend un organisme qui exerce une fonction judiciaire ou quasi judiciaire. Donc, c'est des concepts qui ont été véhiculés depuis des années et des années. Je pense que, là-dessus, on s'entend, quand le mot «tribunal» est utilisé, on sait ce qu'il veut dire. Bien sûr que tout n'est pas parfait et, dans certaines circonstances, il y a des organismes qui ont des volets soit purement administratifs, d'autres qui sont purement judiciaires; des fois, on a un mélange de tout ça. Je conviens avec vous que tout n'est pas parfait, mais généralement, on est en mesure de répondre assez adéquatement. Je comprends ce que vous me dites, mais il me semble que 8° et 9° répondent à vos inquiétudes.

(12 h 40)

M. Fineberg (Stephen): Mais, M. le ministre, pour répondre à votre position, voici notre expérience de l'aide juridique. La Commission des services juridiques, à travers les années, a éliminé bien des instances qui étaient couvertes auparavant. Alors, il y a certaines corporations d'aide juridique, pas dans toutes les villes, mais certaines corporations qui refusent, depuis une couple d'années, d'émettre un mandat pour contester un transfert dans un autre établissement. Pourquoi? Parce qu'il s'agit d'une décision purement administrative.

Alors, M. le ministre, vous avez dit que ça fait déjà 10 années d'expérience qu'on a de cet article-là. C'est justement le problème, on a de l'expérience, et c'est pourquoi on a de grosses inquiétudes. Et je suis convaincu que la Commission des services juridiques va se montrer dans l'avenir moins généreuse qu'auparavant à cause des raisons budgétaires. Et je comprends que, pour des raisons budgétaires, il faut absolument agir, il faut faire quelque chose, mais sur la base des principes ou sur la base du hasard... Les membres de cette commission-ci ne peuvent pas savoir – c'est ce que je vous soumets respectueusement – ce que la Commission des services juridiques va faire avec les diverses instances à partir d'ici, mais on peut savoir ce que la Commission des services juridiques a déjà fait. La Commission, sans aucune consultation, a pris des décisions tout à fait arbitraires pour décider que certaines choses ne sont plus couvertes.

J'aimerais vous donner un exemple d'une décision qu'on ne peut plus attaquer aujourd'hui à cause du libellé de la loi jumelé avec l'esprit de la Commission des services juridiques. Alors, il y a un arrêt de la Cour fédérale qui s'appelle Grabowsky. L'individu en question, un détenu au pénitencier Leclerc, dans le temps, dans les années quatre-vingt, se voit privé de ses biens, ses effets personnels. Alors, il fait des plaintes, aucun succès, il fait des griefs adressés aux Services correctionnels Canada, aucun résultat. Finalement, il est obligé de prendre un avocat sur un mandat de l'aide juridique et de s'adresser à la Cour fédérale, et voici les résultats: le juge de la Cour fédérale ordonne aux Services correctionnels de redonner les effets personnels au détenu, qui étaient entreposés au pénitencier. Et le juge dit, et je répète ses mots: «Tant de chinoiseries pour priver un détenu de ses effets personnels, je n'arrive pas... quelque chose que je n'ai jamais vu, j'ai de la misère à le croire.» Ainsi est le jugement de la Cour fédérale. Et le détenu en question, il a pu ravoir ses effets personnels grâce à son mandat de l'aide juridique; ça a pris l'intervention de la Cour fédérale.

Tout ça pour dire que les Services correctionnels sont méchants à ce point-là dans certaines situations, pas dans toutes les situations, mais il arrive des fois, on en a la preuve, on a des décisions de la cour qu'on ne va pas avoir dans l'avenir, j'imagine, parce que le détenu en question ne serait plus en mesure, même, de faire les plaintes auprès des forums administratifs. Et, tant qu'on n'a pas épuisé les moyens internes, il est impossible d'aller à la cour. La couronne fédérale plaide systématiquement qu'on ne peut plus aller à la Cour supérieure, on a un habeas corpus, on ne peut plus aller à la Cour fédérale en certiorari avant d'avoir épuisé les recours internes. Les détenus ne pourront plus épuiser les recours internes parce qu'ils n'auront plus des mandats de l'aide juridique.

Ça, c'est un exemple de l'impact de l'article 3, qui existe toujours. Et à partir d'ici, avec les contraintes budgétaires... Et vous n'avez plus le contrôle, les députés n'auront plus le contrôle de la chose, c'est la Commission des services juridiques qui va éliminer toutes sortes de choses à gauche et à droite, même sans votre permission, parce que votre permission est donnée dans le projet de loi, à l'article 3.

M. Bégin: Je voudrais revenir, avant de terminer, sur la liberté résiduelle. Je pense qu'on pourrait effectivement tenter d'inscrire dans le texte cette notion-là. Je vous avoue cependant que je ne sais pas quelle forme exacte elle pourrait revêtir, mais on me dit qu'effectivement c'était l'intention de le couvrir. Puis vous l'interprétez comme n'étant pas inclus, alors, il s'agira d'une question de libellé, d'arriver à trouver cette formule qui éclaircira cette question-là pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté. Quelle forme cela revêtira-t-il? Point d'interrogation, mais ils vont travailler à trouver une solution.

M. Fineberg (Stephen): Mais, si on prend l'exemple que nous avons partagé, la Commission d'examen, s'il est exact que la Cour d'appel a déjà qualifié la Commission d'examen comme un tribunal administratif, selon l'article 3 je vois mal comment la Commission des services juridiques va permettre aux gens, à l'institut Pinel, d'avoir les services d'un avocat. Je le vois mal, parce que l'article 3 dit, noir sur blanc: Il faut qu'un tribunal soit saisi. Un tribunal, ça veut dire une instance qui n'est pas administrative, qui est quasi judiciaire ou judiciaire. Alors, voyez-vous, les gens qui sont psychiatrisés, ils vont faire face à la Commission d'examen seuls...

M. Bégin: Oui, mais, là...

M. Fineberg (Stephen): ...si la Commission d'examen met en application dans l'avenir la loi qu'on va adopter.

M. Bégin: En tout cas, je vous dis que j'ai l'information provenant, me dit-on, de la Commission d'examen elle-même, qu'elle a été qualifiée comme telle. Là, après ça, vous savez, je peux difficilement dire que ce n'est pas exact. Maintenant, si vous m'apportez une preuve à l'effet que ce n'est pas exact, bien, là, on reverra, mais, pour le moment, l'information que j'ai, dont je dispose, c'est que c'est un tribunal défini au sens de l'article 3. Après ça...

M. Fineberg (Stephen): Ah! je m'excuse, j'avais mal compris.

M. Bégin: Oui?

M. Loiselle (Bertrand): Il y a une autre petite chose...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Me Loiselle, oui.

M. Loiselle (Bertrand): Je m'excuse, M. le ministre, il y a une autre petite chose par rapport à la Commission d'examen, c'est que vous dites que c'est probablement couvert par le paragraphe 7°, mais le paragraphe 7° parle d'instance administrative dans le cadre d'un «programme de prestations ou d'indemnités désigné par règlement», et la Commission d'examen, à ma connaissance, ce n'est pas tellement une histoire de prestations, d'indemnités. Alors, effectivement, à ce paragraphe-là, on parle d'instance administrative qui va être couverte par l'aide juridique, mais c'est une question de liberté, ce n'est pas une question de prestations parce que, à l'article 4.10, on aurait pu être couvert en termes d'instance administrative.

M. Bégin: Quel paragraphe?

M. Loiselle (Bertrand): 4.7, 7°.

M. Bégin: 4.7, oui.

M. Loiselle (Bertrand): Vous disiez tantôt que la Commission d'examen pourrait être couverte via ça, via 4.7, 7°.

M. Bégin: Je pense que c'est plutôt le paragraphe 8°, il faut regarder aussi le paragraphe 8°.

M. Loiselle (Bertrand): La Commission d'examen, bon. Deux petites choses, s'il vous plaît, M. le ministre, rapidement.

M. Bégin: Oui.

M. Loiselle (Bertrand): Pour ce qui est de l'importance de clarifier la loi, si vous nous dites que vous voulez le faire concernant les libertés résiduelles, ça nous réjouit, mais l'importance de clarifier, c'est important comme message à la Commission des services juridiques, parce que l'exemple que disait Me Fineberg concernant les biens personnels, ce qu'il a oublié d'ajouter, c'est que la Commission des services juridiques n'émet plus de mandat pour ce genre de grief là. Le cas qui a été gagné à la Cour fédérale sur les biens personnels pour les détenus de Leclerc, l'aide juridique ne paie plus ça aujourd'hui, même si ça a déjà été reconnu, gagné. Alors, la Commission des services juridiques diminue le nombre de mandats en droit carcéral actuellement. Alors, si le projet de loi n'est pas clair, on pense que la Commission va continuer dans le sens de réduire les mandats. Et, dans ce sens-là, s'il vous plaît, je vous repose la question. Il y avait, avec votre communiqué de presse, à la mi-mai, une indication dans les tableaux qu'il y aurait des coupures, sur trois ans, de 700 000 $ en matière carcérale; alors, c'est donc qu'il va y en avoir, des coupures. On «peut-u» savoir sur quels mandats, en... C'est quoi, ça?

M. Bégin: Bien, les mandats, je ne pourrais pas les définir chacun. Comme j'ai dit, même si je comprends le concept, je n'ai pas une pratique concrète de chacune des choses, mais ce qui est purement de l'administratif, c'est-à-dire qui n'a pas des impacts sur la liberté en tant que telle... Je ne pourrais pas vous décrire les cas, mais ça serait ça qui ne serait pas couvert.

M. Fineberg (Stephen): Est-ce que je peux vous soumettre un exemple?

M. Bégin: Je ne serai peut-être pas capable de vous donner la réponse spécifique, je ne suis pas un spécialiste de chacun des morceaux.

M. Fineberg (Stephen): Oui, ça, c'est le problème parce que, à cause du libellé de la loi, on se trouve dans cette situation-là. On se pose la question pour chacune de ces instances-là. À titre d'exemple, la cour disciplinaire des pénitenciers, la loi correctionnelle, maintenant, le statut confirme noir sur blanc qu'on a le droit d'être représenté par un avocat. Enfin, la loi le reconnaît clairement: en tout ce qui concerne une accusation grave, on a le droit d'être représenté par un avocat. Est-ce que le gouvernement va assurer que la Commission des services juridiques, dans l'avenir, va toujours permettre aux détenus d'avoir les services d'un avocat pour une telle affaire, maintenant que c'est confirmé dans la loi? Dans la loi fédérale, c'est ça.

(12 h 50)

M. Bégin: Mais, ce que vous soulevez, c'est le droit à l'avocat. Il y a le droit à l'avocat comme tel, il y a le droit à l'avocat gratuitement, il y a aussi le fait que vous soyez devant, ou non, un tribunal. Il y a des éléments différents, et tout n'est pas égal. Le droit à un avocat devant un tribunal, je pense, dans certaines accusations graves, vous avez le droit à un avocat, mais ça ne dit pas un avocat gratuit, par exemple, à chaque fois. C'est ça qu'il faut comprendre. Je n'ai pas vu de décision de la Cour suprême parce que le droit premier, le concept, nous, on parle d'aide juridique, mais le concept premier que l'on veut défendre, c'est qu'on a le droit d'être représenté par un avocat, par opposition à dire: Vous ne pouvez pas être représenté, vous n'avez pas le droit de prétendre... être amené devant un tribunal sans qu'il y ait la possibilité d'avoir un avocat, ce qui est un problème de fond et une des premières libertés. La deuxième, c'est: Est-ce qu'on a droit à un avocat gratuitement? Là, c'est une autre question. Et, là-dessus, que je sache, il n'y a pas de décision de la Cour suprême à l'effet que ça comprend l'un et l'autre. Ce que l'on a, c'est des décisions, et, je pense, le député de Chomedey en faisait état, des décisions qui disent: Dans certaines circonstances, une personne est absolument incapable de se représenter. Ce n'est pas une question d'être gratuit ou pas, c'est une question d'être capable de se représenter dans certaines circonstances, compte tenu de son état mental ou de son incapacité, même, à comprendre de quoi elle est accusée. Et, à ce moment-là, on dit: Vous avez droit à un avocat. Mais je pense qu'il faut faire la distinction parce que, à date, à ce que je sache, la Cour suprême n'a jamais imposé l'avocat gratuitement. C'est ça, la nuance.

M. Loiselle (Bertrand): Rapidement, M. le ministre. Vous avez raison, la Cour suprême n'a jamais dit ça, mais la différence entre la population civile et la population incarcérée, c'est que, effectivement, si on enlève l'aide juridique, dans les faits, on enlève le droit à l'avocat. Les détenus n'ont pas de sous. C'est analphabète, l'immense majorité. Il n'y a pas de bibliothèque, à part d'avoir des «J'ai lu», là.

M. Bégin: Des?

M. Loiselle (Bertrand): Des romans. À la bibliothèque de la...

M. Bégin: Ah! «J'ai lu».

M. Loiselle (Bertrand): La plus grosse prison au Québec, c'est Cowansville. Les seuls bouquins de droit qui sont à Cowansville, c'est deux, trois études légales d'avocats de Montréal qui ont donné les bouquins de droit qui sont à l'établissement de Cowansville. Sinon, ils n'en ont pas. Alors, dans les faits, effectivement, c'est différent d'avoir droit à un avocat puis d'avoir droit à un avocat gratuit. C'est deux choses différentes. Mais dans les faits, au niveau de la population carcérale, si vous coupez un, vous coupez l'autre. Et c'est ça qui est notre inquiétude aujourd'hui. C'est que, effectivement, pour des économies de 200 000 $, ça va avoir un impact disproportionné au niveau des droits concrets, réels de milliers de personnes. Merci.

M. Fineberg (Stephen): Dans le même sens, aujourd'hui, on ne peut même pas savoir, nous qui pratiquons en droit carcéral, si, après l'adoption du projet de loi, les détenus auront les services d'un avocat sur une base d'aide juridique pour faire appel contre les décisions de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Les possibilités d'appel, elles sont confirmées dans la loi. Dans la loi, on lit qu'on peut déposer un appel pour le motif suivant: parce que la Commission a violé un principe de justice fondamentale. Est-ce que c'est le détenu seul qui va décider s'il y avait une violation d'un principe de justice fondamentale à cause que la Commission a commis une erreur de droit en rendant sa décision, à cause du fait que la Commission a fondé sa décision sur des renseignements erronés ou incomplets, ou la Commission a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou omis de l'exercer? Est-ce que c'est le citoyen ordinaire qui va faire un tel appel, qui va monter son mémoire à la division d'appel à Ottawa? Ils ne sont pas capables. Le citoyen ordinaire n'est pas capable. On ne sait pas, on n'a aucune indication dans le projet de loi que ce sera couvert par votre Commission des services juridiques, à cause de l'article 3, la définition, et l'article 4.7 qui dit qu'il faut que ce soit un tribunal.

M. Bégin: Pour moi, il ne fait aucun doute qu'un appel devant... La Commission nationale des libérations conditionnelles est un tribunal devant lequel on a le droit à un avocat de l'aide juridique. Il m'apparaît que poser la question, c'est y trouver une réponse. C'est peut-être dans d'autres domaines où c'est moins précis, où je ne serais pas nécessairement en mesure de vous répondre spécifiquement parce que je n'ai pas assez de connaissances personnelles pour porter un jugement, mais il y a des personnes qui sont en mesure de le faire. Mais je pense que, quand on est devant la Commission des libérations conditionnelles, en appel, pour moi, ça ne pose même pas de question. Oui, ça correspond à la définition. C'est pour ça que je disais tantôt que ces concepts ont été, quand même, traités depuis longtemps. Le mot «tribunal» est là depuis le début. Je pense que, sans avoir moi-même pratiqué, je peux dire que c'est pas mal connu dans le milieu. Il y a toujours, c'est ça qui est le droit, ces marges dans chaque domaine où ce n'est pas toujours clair. Et c'est ça, l'avantage, c'est qu'on peut les plaider et faire changer les barrières pour dire: Bien, ce qui n'était pas clair hier devient clair aujourd'hui, et telle place, ce n'est plus une frontière, c'est plus loin qu'elle se trouve. C'est ça, le sens du droit.

M. Fineberg (Stephen): Je vous remercie pour votre intervention. Je vous invite à commenter aussi la Commission des libérations conditionnelles, première instance, ça veut dire les audiences devant la Commission.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président. Alors, je pense que, sur ces questions fort techniques, les deux praticiens qu'on a avec nous aujourd'hui nous ont vraiment apporté de l'eau au moulin, et j'espère que le ministre, comme il l'a fait avec les autres groupes, va donner suite.

Je vous ai entendu, tout à l'heure, parler justement du fait qu'on était rendu à un point où même – Me Fineberg le mentionnait – le droit à l'habeas corpus était mis en péril et annonçait que... On approche, là. C'est le 15 juin, l'anniversaire de la signature de la Magna Carta à Runnymede, en 1215. C'est assez étonnant d'être aujourd'hui, en 1996, devant l'Assemblée nationale du Québec, qui, à juste titre, se vante d'être une des plus anciennes institutions parlementaires qui est en place d'une manière continue dans le monde entier, c'est assez étonnant qu'on soit obligé de venir ici plaider, expliquer des choses aussi simples, aussi fondamentales, et le fait qu'on est en train de risquer de les perdre.

Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'entendre le ministre en période des questions aujourd'hui, mais après avoir passé une journée complète à entendre sept groupes qui variaient du Barreau à la CSN en passant par des centres communautaires juridiques, tout le monde est venu lui dire que sa loi n'avait pas de bon sens. Lui, il est capable de se lever et dire: Pfft! Pas de problème là. Tout va bien. Tout le monde est... Ça va super bien. Les gens sont venus me flatter tellement que c'était bon. Mon collègue, le député de Mont-Royal et doyen de cette Assemblée nationale, m'a interpellé après, et dit: Vraiment, c'est à se demander si Bégin était assis à la même commission parlementaire que nous autres.

J'espère que, dans votre cas, on n'aura pas à se faire les mêmes commentaires, parce que c'est vraiment fondamental, ce que vous êtes en train de soulever pour nous autres. On retient notamment le fait que vous étiez en train de nous dire que la loi, dans sa forme, telle que présentée, est inacceptable. Et, ça, vous faites, en cela, écho, encore une fois, à l'ensemble des groupes venus.

Le ministre est capable, comme on dit en anglais, le ministre est toujours capable «to find the diamond in the rough». À travers tout le mémoire du Protecteur du citoyen, il a réussi à trouver un bout de phrase qui faisait son affaire. C'est un peu comme un naufragé qui marche sur une plage et cherche un objet qui brille un tant soit peu pour qu'il puisse attirer l'attention sur lui-même. C'est la deuxième tentative échouée du ministre de la Justice de présenter une loi en matière d'aide juridique. Et ce qui est assez incroyable, c'est qu'on l'entend nous dire, à presque tous les groupes: Ah! oui, oui, oui, on va faire quelque chose pour ci. Ah! oui, oui, oui, on va faire quelque chose pour ça, et ce, en commençant l'étude article par article dans précisément trois heures.

J'ai une admiration sans bornes, et ceci dit avec toute la sincérité du monde, j'ai une admiration sans bornes pour le talent, le dévouement et le bon travail des gens de la Direction générale des affaires législatives du ministère de la Justice, mais je pense qu'il y a des limites. Il ne faut pas charrier. Il ne faut pas faire semblant qu'on va répondre en trois heures à ce que vous venez dire, à ce que le Protecteur du citoyen a dit ce matin et à ce que tous les autres groupes ont dit tantôt, puis à ce qu'un autre groupe va dire cet après-midi. Ça défie toute logique. Et, vraiment, on comprend à quel point le seul et unique moteur, le seul engin qui «drive» le «choo-choo train» de Pinocchio, c'est l'argent.

M. Fineberg (Stephen): Oui.

M. Mulcair: C'est le seul désir de sauver les dizaines de millions de dollars qui ont été commandés par le président du Conseil du trésor. Puis on comprend, encore une fois, pourquoi André Boisclair, le ministre des Relations, a dit en commission parlementaire sur les crédits: Une chance que l'Office de la protection du consommateur relève de moi – c'est-à-dire de lui, le ministre des Relations maintenant – et pas du ministre de la Justice. Au moins, maintenant, ça va être protégé un peu.

Malheureusement, dans le cas qui nous occupe, l'aide juridique, ça, ça relève inéluctablement du ministère de la Justice, et c'est à lui à faire son travail maintenant. Mais, ce qui n'est pas plausible... On sait qu'il a une capacité sans bornes de prévarication. On l'a vu, surtout avec le projet de loi n° 130, où il avait fait une promesse formelle au Barreau qu'ils auraient un mois et demi ou deux mois pour étudier la loi d'application, et ça ne l'a pas dérangé, il l'a déposée le matin même. Tu sais, pour lui, ça, ce n'est même pas mentir, ça, c'est autre chose, complètement au-delà, que personne d'autre n'est capable de comprendre.

(13 heures)

Mais c'est intéressant parce que, quand on l'entend parler, par exemple avec le Protecteur du citoyen, on est porté à croire qu'il se croit. Et c'est ça qui est tellement dangereux, parce que le fondement même du système de justice, le droit d'être entendu, ce qui comprend le droit d'être représenté par un avocat, ça, tous les experts sont d'accord avec ça, que ce soit Patrice Garant, Louis Borgeat, René Dussault, tout le monde est d'accord avec ça: audi alteram partem inclut le droit de représentation par avocat... Et comme vous le dites si bien, Me Fineberg, quand on n'a pas d'argent, quand on est en prison, bien, c'est évident que ça va être un avocat gratuit dont on va avoir besoin pour faire valoir ses droits pour ce que vous avez appelé tantôt ce qui nous reste... Il faut quand même que les lois soient appliquées parce que, sinon... Le citoyen démuni, qui déjà va être à la merci de l'appareil de l'État, va sans doute avoir des pressions indues pour plaider coupable parce que, sinon, il ne va pas avoir d'avocat. Dans les affaires du chapitre XXVII du Code criminel, on sait tous qu'il est en train de l'enlever. Il va y avoir des pressions indues, l'Association des avocats de la défense est venue nous le dire hier. Imaginez ce que ça fait quand tu es en dedans. En tout cas...

Je ne peux, au nom de l'opposition officielle, que vous remercier, vous remercier sincèrement d'avoir, avec clarté, avec conviction et sur la base d'une expérience réelle dans un milieu qui, de toute évidence, est méconnu des gens au ministère de la Justice et surtout du ministre de la Justice, je vous remercie, au nom de l'opposition officielle, d'avoir fait votre présentation aujourd'hui, d'avoir porté ces faits à notre attention. Et on espère que le ministre va tenir bon sur son engagement, mais, malheureusement, le passé de ce ministre étant malheureusement le garant de l'avenir, on doit vous dire que, même s'il ne tient pas sa parole, on va être là pour faire tout ce qu'on peut pour faire en sorte qu'il tienne parole. Merci beaucoup.

M. Bégin: Ça respecte le règlement, j'imagine, M. le Président?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Messieurs... Un instant.

M. Bégin: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey, je dois vous rappeler une autre fois qu'on ne peut prêter de motifs indignes à un député ou refuser d'accepter sa parole, ni se servir non plus d'un langage injurieux ou blessant à l'adresse de qui que ce soit. Or, vous avez parlé de la capacité de prévarication du ministre et accusé le ministre de ne pas tenir sa parole, et, ça, je vous demande respectueusement de retirer ces paroles.

M. Mulcair: Je croyais que la capacité de prévarication... oui, si c'est un accroc, il n'y a pas de problème, mais on a fait la démonstration je ne sais plus combien de fois que le ministre a menti au Barreau quand il a dit qu'ils auraient l'avant-projet de loi, pour le n° 130, un mois et demi ou deux mois avant. Alors, ce n'est pas nous qui sommes le problème, c'est le ministre qui ment qui est le problème. Mais, si ça peut faciliter les travaux de cette commission, je les retire aussi, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien.

M. Paquin: J'imagine que ça inclut aussi l'idée de mentir et le mot «mentir», n'est-ce pas?

M. Mulcair: Ah oui! Oui, oui, définitivement.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, mesdames, messieurs, nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 3)

(Reprise à 15 h 10)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, très bien, nous allons reprendre nos travaux. Oui, M. le ministre.

M. Bégin: M. le Président, j'aurais, si vous me permettez, une question de règlement. Ce matin, à l'Assemblée, suite à une question posée par mon collègue de Chomedey, j'ai répondu à l'effet que le Barreau, de même que Mme Brassard du groupe COPHAN, se déclareraient favorables au projet, compte tenu des rencontres que nous avions eues, des observations qu'ils avaient faites hier et des déclarations qui avaient été faites. Quelqu'un lui a parlé à mon cabinet...

M. Mulcair: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, mais un instant, est-ce que... Je vais finir d'entendre ce qu'il a à dire, puis après...

M. Mulcair: Mais j'aimerais bien savoir sur quel article va le ministre pour commencer à parler, en commission parlementaire, de ce qu'il a raconté en Chambre aujourd'hui. Est-ce qu'il peut au moins nous informer de quel article du règlement il s'agit?

M. Bégin: M. le Président, j'ai demandé une question de règlement. Je soumets qu'il y a eu des communications de Mme Lemieux, aujourd'hui, suite à sa déclaration, et je...

M. Mulcair: M. le Président, je m'excuse, on ne peut juste dire: Question de règlement et commencer un débat sans dire quel article on invoque pour faire sa question de règlement.

M. Bégin: M. le Président, une question de règlement, c'est basé sur...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Un instant. Alors, je vais devoir vous entendre pour pouvoir porter jugement si c'est effectivement une question de règlement.

M. Bégin: M. le Président, je disais donc que des membres de mon cabinet ont eu des communications téléphoniques de la part de Mme Brassard à l'effet que, suite à la déclaration que j'ai faite en Chambre, elle considérait qu'il y avait peut-être eu méprise et que c'était, dans le format actuel de la chose...

M. Mulcair: Non, excusez-moi, M. le Président...

M. Bégin: ...il a été question de la forme actuelle de la chose et...

M. Mulcair: ...il y a une question importante de règlement en jeu, ici, puis le ministre est en train de faire ce qu'il n'a pas le droit de faire directement et il le fait indirectement.

M. Bégin: ...qu'elle ne pouvait pas déclarer, dans la forme actuelle du règlement...

M. Mulcair: Il est en train de plaider indirectement ce qu'il veut mettre devant cette commission...

M. Bégin: M. le Président...

M. Mulcair: ...et il ne nous a pas du tout donné un seul article de règlement...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey, j'ai donné la parole au ministre et je veux...

M. Mulcair: M. le Président, sur quel article vous vous basez?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): L'article 71.

M. Mulcair: Qui dit quoi?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): C'est un fait personnel. M. le ministre évoque des choses qu'il a déclarées en Chambre ce matin.

M. Mulcair: M. le Président, c'est absolument incroyable! S'il a un fait personnel... Ce n'est pas lui qui a été attaqué, donc 71 n'a aucun rapport. Si le ministre veut s'en aller sur le 212, je vais lui donner un coup de main; vu qu'il ne connaît pas le règlement, je vais l'aider. C'est l'article 212 pour un propos mal compris ou déformé. Si le ministre a quelque chose à dire sur ce qui s'est dit en Chambre, c'est en Chambre que ça se règle, pas devant cette commission parlementaire. C'est l'enfance de l'art, M. le Président. Voyons donc!

M. Bégin: M. le Président, les propos...

M. Mulcair: On a eu cette expérience avec vous l'autre jour quand vous lui avez redonné la parole sans que ça ait du bon sens, parce que c'était deux fois de suite du même côté de la Chambre.

M. Bégin: M. le Président, les propos dont je parle ont été des propos tenus en cette commission, ici.

M. Mulcair: C'est absolument inacceptable de laisser le ministre faire indirectement ce qu'il n'a strictement pas le droit de faire directement.

M. Bégin: M. le Président, ce sont des propos qui ont été entendus ici hier.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de... Un instant, M. le ministre.

M. Bégin: Oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey, lorsqu'une personne a la parole, c'est la moindre des choses que de laisser la personne compléter son intervention et, s'il viole le règlement, vous y faites appel, au règlement.

M. Mulcair: M. le Président, c'est précisément ce que je suis en train de faire. Je vous dis que la règle première d'un appel au règlement, c'est que la personne qui invoque le règlement – et vous le savez aussi bien que moi – doit, dans un premier temps, dire de quel article il s'agit pour que, justement, on puisse suivre. Vous le savez aussi bien que moi. Il ne connaît pas le règlement, il ne sait pas citer un seul article. Ce n'est pas grave, on l'aide. On lui dit: Si c'est un 212, c'est en Chambre que ça se règle; vous lui dites: 71. On vous dit que ça n'a rien à voir avec 71. C'est lui-même qui s'est embourbé en Chambre. S'il y a des choses à corriger sur son attitude ou sur ses paroles en Chambre, qu'il corrige là-haut, mais pas ici. Voyons donc!

Les règles, par ailleurs, M. le Président, sont aussi claires que c'est sur le fait même, c'est immédiatement après l'intervention ayant donné lieu à ça. Il ne peut pas utiliser cette commission parlementaire pour tenter de défaire ce qu'il a fait ce matin.

M. Bégin: M. le Président, il y a des propos qui ont été tenus ici hier qui ont été mal interprétés. J'en ai été informé, et je profite de la première occasion pour le mentionner ici.

M. Mulcair: Quoi! M. le Président, c'est ridicule ce que le ministre est en train de dire.

M. Bégin: Alors, M. le Président, je mentionnais que...

M. Mulcair: Ce n'est pas ses propos qui ont été déformés, c'est lui qui a déformé les propos de la présidente de la COPHAN.

M. Bégin: Avec la modification proposée au projet de loi, il serait possible...

M. Mulcair: C'est ridicule!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Bon, un instant!

M. Bégin: ...de comprendre que Mme Beauregard serait d'accord avec le projet et les amendements qui étaient apportés. Il y en a plusieurs qui ont été donnés hier lorsqu'elle était ici et, entre autres, il y a d'autres projets aussi, des projets d'amendement, qui ont été mentionnés, qui étaient l'objet de propos de la Coalition. Par exemple, l'article 94 qui mentionnait la modification des règlements – c'est l'article 24 qui modifie l'article 94 – les modifications qui peuvent être apportées en vertu de 52, un par la commission et l'autre par le ministre. Donc, une série d'amendements qui seraient apportés. Ce que j'ai déclaré, c'est que Mme Beauregard se déclarerait favorable dans la mesure où ces amendements étaient apportés. Comme hier j'ai mentionné à cette commission que les amendements seraient apportés, c'est dans ce sens-là, M. le Président, que j'ai déclaré qu'elle serait favorable. De la même manière que le Barreau qui était ici, qui a fait des représentations nombreuses, à qui j'ai donné des assurances à l'effet que des amendements seraient apportés pour tenir compte de leurs représentations. Entre autres, je prends un point qui est important, celui de donner la création d'un comité de suivi en matière pénale et criminelle, qui constitue des modifications...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre, vous m'avez demandé la parole...

M. Bégin: Oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...pour un fait personnel. Vous pouvez effectivement l'invoquer en Chambre, si vous voulez le corriger. Maintenant, vous devez le faire immédiatement après l'intervention qui l'a suscité, d'une part, en fonction de 212. Et un fait personnel, effectivement, même s'il n'y a pas violation de droit mais qu'on veut rectifier certains faits, on peut l'invoquer, mais c'est effectivement en Chambre.

Maintenant, ceci étant dit, M. le député de Chomedey, vous aviez demandé la parole. Ensuite, M. le député de Saint-Jean.

M. Mulcair: Oui, merci beaucoup, M. le Président. Alors, dans un premier temps, je tiens à dire que j'apprécie la clarté de votre propos, mais vous comprenez comme moi notre malaise avec un ministre de la Justice qui, ne connaissant pas son règlement, arrive et dit: M. le Président, question de règlement. Il commence à pérorer pendant sept minutes pour obtenir exactement ce qu'il voulait obtenir sans citer un seul article du règlement. C'est pour ça, M. le Président, que votre rôle est si important.

L'interprétation que vous venez de donner est tout à fait exacte. Nous sommes ici pour vous aider dans votre travail, vous le savez bien. C'est un travail délicat parce qu'on est face à un ministre qui n'est pas toujours très à l'aise avec la vérité. Mais quand il vient ici et qu'il nous dit qu'il a une question de règlement...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey...

M. Mulcair: Oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): On ne peut dire indirectement ce qu'on ne peut dire directement...

M. Mulcair: Non, je comprends ça.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...et vos allusions par rapport à l'aisance du ministre avec la vérité m'apparaissent une violation du règlement. Alors, vous ne pouvez violer indirectement, à travers des nuances, un règlement.

M. Mulcair: Je vous ai compris, ce matin, lorsque vous m'avez dit que, quand je dis clairement que le ministre avait menti, j'avais peut-être dépassé d'un millimètre la ligne, mais de dire que le ministre est mal à l'aise avec la vérité, si vous trouvez ça aussi problématique, je vais faire encore plus attention.

Mais revenons à nos oignons, M. le Président. Les articles 71 et 212 auraient pu être invoqués, il est vrai. Ça n'a rien à voir avec un fait personnel, c'est lui-même qui a fait défaut de relater d'une manière conforme à la réalité et à la vérité les propos tenus par une représentante d'un organisme qui s'occupe de la défense des personnes handicapées. Est-ce que ça va jusque-là, M. le Président?

M. Bégin: Incomplet.

M. Mulcair: Alors, ce que nous disons, c'est que le ministre vient, cet après-midi, par son intervention soi-disant sur une question de règlement et en prenant sept minutes du temps de cette commission... Il n'a jamais plaidé sur un article parce qu'il ne connaît pas les articles du règlement, il a tout simplement commencé tout de suite à essayer de mettre sur la table une explication que, la transcription aidant, on va peut-être réussir à comprendre. Mais disons que son premier jet était loin d'être clair.

Vous avez raison, s'il a quelque chose à dire sur ce qu'il a dit en Chambre, c'est en Chambre que ça va se régler. Et on espère maintenant qu'on peut écouter nos invités qui nous attendent bientôt depuis 20 minutes.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ces mises au point étant faites, nous accueillons donc Me Luc Marchildon et Me François Fortier.

(15 h 20)

Alors, bienvenue, messieurs. Vous disposez d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre exposé, lequel exposé sera suivi d'échanges avec les groupes parlementaires.


Association des juristes de l'État (AJE)

M. Marchildon (Luc): Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, M. le ministre de la Justice, distingués membres de la commission des institutions, en premier lieu, je tiens à vous remercier, au nom des membres de l'Association des juristes de l'État et en mon nom, de l'occasion que vous nous donnez de faire nos représentations sur le projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique. Comme mentionné précédemment par le président, je suis accompagné aujourd'hui de notre vice-président, Me François Fortier, et je suis Luc Marchildon, président de l'Association des juristes de l'État.

D'abord, les fleurs. En tant qu'acteur et témoin privilégié du système judiciaire, et plus particulièrement en matière de justice administrative, nos membres sont à même de constater toute l'importance que constitue l'aide juridique pour les plus démunis de la société. C'est pourquoi nous nous réjouissons du fait que le ministre tient compte des représentations qui lui ont été faites et prévoit dans ce projet de loi des mécanismes d'information, d'assistance et de représentation en matière de droit administratif.

Au-delà du rôle traditionnel de représentation qu'accomplissent les avocats agissant pour des clients admissibles à l'aide juridique, nous sommes heureux de constater que le projet de loi conserve un des éléments clés de l'aide juridique, soit les fonctions d'information et de conseil que l'on retrouve aux articles 32.1 et 32.2. Ainsi le citoyen mieux informé sera-t-il en mesure d'intervenir plus efficacement et en temps opportun auprès de l'administration, ce qui évitera en bout de ligne de nombreux litiges coûteux, tant pour l'État que pour le citoyen. Voilà un exemple d'une dépense, en services publics, susceptible de susciter des économies ailleurs dans le fonctionnement de l'administration. Ce n'est malheureusement pas toujours le cas, et nous y reviendrons.

À l'instar de notre ordre professionnel, l'Association des juristes de l'État constate avec bonheur que le ministre de la Justice a tenu compte des demandes faisant en sorte que, contrairement au projet de loi 87, l'aide juridique continue à être un droit reconnu par l'État. Deuxièmement, les antécédents judiciaires ne sont plus un motif d'exclusion aux bénéfices du régime. Troisièmement, on maintient une importante couverture en matière de droit social et administratif et, enfin, il y aura une plus grande accessibilité à l'aide juridique.

Toutefois, contrairement au Barreau, nous n'aurions pas fait de la mixité du régime une aussi grande priorité. Si la réforme du régime d'aide juridique ne devait répondre qu'aux seuls impératifs budgétaires de l'État, il nous semble que le ministre aurait bien pu prévoir une «permanentisation», voire même une privatisation du régime. C'est du moins la conclusion à laquelle on peut en venir à la lecture d'une étude sur cette question qui proviendrait de la Commission des services juridiques. Mais le ministre a fait un choix politique qu'il faut respecter et qui laisse entendre que les questions budgétaires n'étaient pas ses seules préoccupations dans la mise en place du nouveau régime d'aide juridique.

Maintenant, le pot. Au-delà de bons choix qui feront en sorte d'accorder des bénéfices importants aux justiciables tout en permettant des économies dans le fonctionnement de l'appareil étatique – le maintien des services en matière d'information juridique en est un bon exemple – il y en a d'autres qui, au contraire, surtaxeront le fonctionnement de l'appareil judiciaire. Songeons entre autres au problème de l'itinérance. En effet, ils sont nombreux ces itinérants à comparaître devant les tribunaux alors que pour plusieurs d'entre eux ce sont de soins dont ils auraient eu besoin. Pourtant, le ministre de la Justice n'est pas le premier concerné quant aux causes du phénomène de l'itinérance et des moyens à mettre en place pour y apporter une solution; ce sont pourtant les budgets dont il a la responsabilité qui écoperont en bout de ligne et les services qui relèvent de lui qui en souffriront. Nous faisons cette petite digression pour reprocher au gouvernement, à tous les gouvernements, leur politique à courte vue qui évite de tenir compte des effets d'une décision sur l'ensemble.

Mais revenons à notre sujet premier. Le principal reproche que nous faisons à ce projet de loi, c'est que nous y retrouvons trop de dispositions accordant un pouvoir réglementaire susceptible même de changer du tout au tout le sens de la loi d'abord adoptée par le législateur. Je n'insisterai pas, d'autres en ont déjà abondamment parlé avant nous. Qu'il suffise de dire que nous trouvons dangereuse pour la démocratie une disposition comme le troisième alinéa de l'article 94 enlevant à nos parlementaires le contrôle ultime sur le sens à donner à une loi.

Enfin, nous nous posons aussi certaines questions: Qu'arrivera-t-il si, en cours d'exercice, les budgets de l'aide juridique deviennent épuisés? Qu'arrivera-t-il alors des justiciables qui sont en droit de s'attendre à recevoir des services en matière juridique?

En conclusion, selon nous, il s'agit d'un projet de loi qui trouve un juste équilibre entre les besoins les plus importants en matière de justice pour les plus démunis et les moyens de l'État, c'est-à-dire nous tous. Le projet de loi reconnaît comme un droit l'accès à l'aide juridique, en étend l'accessibilité. Bien que pour les raisons mentionnées précédemment il faille en modifier de nombreuses dispositions et tout en reconnaissant que les moyens de l'État ont amené le gouvernement à faire des compromis, nous constatons avec satisfaction qu'une bonne voie à été prise. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, Me Marchildon. Alors, j'inviterai M. le ministre... Est-ce que vous aviez, Me Fortier, d'autres éléments à ajouter tout de suite?

M. Fortier (François): Non, non.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Merci. Alors, M. le ministre.

M. Bégin: Merci infiniment, M. Marchildon et Me Fortier, de vos commentaires. Je considère que ce que vous dites relativement d'abord aux améliorations, c'est évidemment quelque chose qui fait plaisir à entendre. Mais, cependant, ce que vous dites concernant l'article 94 ne m'apparaît pas non plus – malgré ce que vous avez qualifié comme étant un pot – quelque chose qui soit si terrible, puisque... Je ne sais pas si vous avez pu assister à chacune des interventions, mais le Barreau était présent ici hier, on a parlé de cet article 94. Il y avait également un autre groupe qui était là – je ne sais plus si c'est l'ATTAQ ou un autre – parlant de cet article-là, et j'ai mentionné que nous pourrions, et que nous le ferions effectivement, retirer... Le premier coup j'ai mentionné retirer purement et simplement cet article; j'ai mentionné, par la suite, compte tenu de l'objectif visé, qu'on pourrait le formuler autrement. Est-ce que vous pensez qu'il s'agit là d'une amélioration qui rendrait vos commentaires, un peu comme je mentionnais pour Mme Brassard... le projet de loi acceptable?

M. Marchildon (Luc): Il faudrait aussi, effectivement, comme le mentionne mon collègue, M. le ministre, connaître un peu auparavant la nature des amendements proposés.

M. Bégin: Sur 94?

M. Marchildon (Luc): Sur 94 en particulier. Tel que libellé à l'heure actuelle, c'est vraiment inquiétant puisque, effectivement, je pense qu'il y a un risque d'usurper le rôle du législateur. Et par conséquent, si vous y apportiez des modifications qui feraient en sorte qu'on baliserait correctement les pouvoirs réglementaires envisagés, je pense, à ce moment-là, M. le ministre, qu'il se pourrait effectivement que nous puissions reconnaître qu'il s'agit d'une modification acceptable. Mais il faudrait voir effectivement le sens que vous avez l'intention d'y donner.

M. Bégin: L'objectif premier en introduisant cette disposition était de faire en sorte que la Chambre des notaires, et ensuite le Barreau, mais principalement la Chambre des notaires qui avait fait une proposition spécifique de mettre une somme de 3 000 000 $ annuellement à la disposition des personnes qui ont besoin d'un notaire pour qu'elles puissent bénéficier de l'équivalent de l'aide juridique... Donc, de mettre cette somme à la disposition de la population. Et le but de l'entente était d'habiliter, bien sûr, le ministre, le gouvernement, à faire une telle entente, pour être capable de faire bénéficier. Et je comprends que plusieurs ont fait des remarques. Vous-mêmes, vous en faites aussi. Mais, si le sens de cet objectif transcendait le texte, seriez-vous d'accord pour qu'on garde cette disposition ou bien avez-vous une formulation qui serait plus heureuse?

M. Marchildon (Luc): Écoutez, M. le ministre, disons que, pour l'instant, ce que nous lisons nous inquiète énormément. On comprend qu'on ne peut vous imputer de mauvaises intentions diaboliques ou autres. Cependant, M. le ministre...

M. Mulcair: ...

M. Bégin: Ha, ha, ha! Faites-vous-en pas, le député de Chomedey va tout avoir ça.

M. Marchildon (Luc): Cependant, M. le ministre, vous n'êtes pas là éternellement, d'autres vous suivront...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre. Un instant, Me Marchildon.

M. Marchildon (Luc): Oui, je m'excuse.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre, vous ne pouvez, vous non plus, imputer des motifs indignes au député de Chomedey.

M. Bégin: Vous avez tout à fait raison, M. le Président. Cependant, je faisais juste donner écho au signe qu'il faisait vis-à-vis de sa poitrine pour indiquer lui-même. Alors, j'ai peut-être exprimé trop verbalement ce qui était manifesté par les signes.

(15 h 30)

M. Marchildon (Luc): Mais au-delà des intentions sournoises qu'on pourrait imputer à qui que ce soit, je pense que, comme règle de fonctionnement, il faut reconnaître qu'il revient, en premier lieu, au législateur d'adopter les lois. Or, telle que libellée, cette disposition permettrait carrément de contourner l'économie générale de la loi et je pense que, ça, c'est malsain. Alors, si vous me dites aujourd'hui, M. le ministre, que vous avez l'intention d'y apporter des balises qui feraient en sorte qu'on ne pourrait contourner, comme cela, l'intention première du législateur, en adoptant cette loi, je dis: Très bien, mais, à ce moment-là, permettez-moi d'examiner la disposition.

M. Bégin: Je comprends que vous dites que tel quel, actuellement, c'est évident que ça ne reflète pas, il faut que ce soit changé. Je suis entièrement d'accord avec vous. On va faire en sorte qu'on retrouve le sens premier. Alors, je comprends que, compte tenu de l'ensemble de ces remarques... Est-ce qu'il y avait un autre point, peut-être, que vous avez soulevé, une critique que j'oublie?

M. Marchildon (Luc): Bien, il y a la critique générale, aussi, des politiques à courte vue des gouvernants, en ce sens que, vous savez, quand on prend une décision en pensant, disons, faire certaines économies pour un budget particulier... Par exemple, je fais référence, ici, au cas de l'itinérance où vous avez plusieurs, parmi eux, ex-psychiatrisés. Malheureusement, si ces gens-là n'ont pas reçu l'ensemble des soins qui auraient pu faire en sorte qu'ils auraient été guéris, bien, en coupant les soins pour ces gens-là, ils se retrouvent dans la rue, itinérants, puis les itinérants, bien, mon Dieu, se font souvent, comme on dit communément, embarquer par la police et se ramassent devant les tribunaux. Donc, ça, ce sont des exemples de budgets qui ont un effet, disons, négatif sur une autre fonction gouvernementale.

Un autre exemple qui me vient spontanément à l'idée, dans votre propre ministère, M. le ministre, certaines amendes demeurent imperçues parce que vous n'avez pas à votre disposition suffisamment de budget, sans doute, pour pouvoir demander à vos fonctionnaires de percevoir, de façon efficace, ces amendes impayées. Aussi, il y a peut-être peu d'intérêt, pour les autorités du ministère, à affecter des ressources à ça, puisque ce n'est pas le ministère lui-même qui bénéficie des budgets en question. Donc, les sommes vont au fonds consolidé et, à ce moment-là... Ce que je dis, finalement, dans mon discours, M. le ministre, c'est qu'il serait temps, et grand temps, que la main gauche regarde ce que fait la main droite, au sens large.

M. Bégin: Ça fait plaisir d'entendre ça parce que des mesures très précises sont en voie d'être mises en place pour, effectivement, faire en sorte que les amendes soient vraiment perçues et que, même si ce n'est pas directement le ministère de la Justice qui en touche les bénéfices, l'État puisse l'avoir. Soyez assuré que l'accumulation de vieux, vieux, vieux dossiers va cesser. Ça va prendre certainement plus d'une année pour y arriver parce qu'il faut arrêter l'accroissement de la courbe, mais il faut la faire fléchir vers le bas. Mais, effectivement, des budgets spéciaux ont été obtenus sur cette base-là, pour faire en sorte qu'on cesse d'accumuler des retards. Mais je comprends le sens de votre message: que toute décision a un effet pas nécessairement immédiat ou direct dans l'environnement, mais ça peut avoir des effets ailleurs. La santé peut en avoir sur la justice, la justice peut en avoir des fois sur la santé, et votre exemple de l'itinérance va dans ce sens-là. Alors, merci infiniment pour votre témoignage.

M. Marchildon (Luc): Je vous en prie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je tiens tout simplement à remercier beaucoup Me Marchildon et son proche collaborateur d'être ici avec nous aujourd'hui. Je remercie Me Marchildon pour la clarté et l'honnêteté de ses réponses. Ça ne doit pas toujours être facile.

C'est vraiment votre dernière réponse qui m'a frappé le plus parce que ça fait écho à... Je ne sais pas si vous l'avez vu, mais Claire L'Heureux-Dubé, juge à la Cour suprême, hier, a prononcé une conférence dans l'Ouest canadien, vraiment exactement au même effet que votre intervention. Elle a dit que c'est vraiment ce genre de coupure, à courte vue... On se dit: Ce n'est pas grave, on peut couper dans la justice comme dans tous les autres domaines puis ça n'a pas de répercussion. Et c'est faux. Elle rappelle, justement, qu'il y a des bases dans notre société, puis une des bases, c'est qu'on a le droit d'être entendu, lorsqu'on est accusé, par exemple, et que, selon toutes les personnes qui ont réfléchi à la question, ce droit d'être entendu comprend le droit d'être représenté par un avocat, lorsqu'on est indigent, lorsqu'on n'a pas les moyens de se le payer.

Votre remarque aussi concernant le fait qu'il était grandement temps que la main gauche regarde ce que fait la main droite tombe vraiment à point nommé dans le présent dossier. Le printemps dernier, lors du premier échec du ministre de la Justice dans le dossier de l'aide juridique, il y avait eu une étude par un professeur d'économique de l'Université de Montréal, du nom de Yves Rabeau. L'étude de M. Rabeau démontrait qu'on pouvait escompter des économies de plusieurs dizaines de millions de dollars juste en procédant à plusieurs rationalisations, notamment d'ordre administratif. Un des endroits où il trouvait qu'il y avait le plus d'argent à économiser pour l'État – l'État dans un sens large – était en ce qui concerne, par exemple, l'organisation des tribunaux, pour que les policiers ne soient pas payés inutilement pour être là, pour attendre les procès.

Je me souviens, on questionnait le ministre là-dessus, ici, dans cette Chambre, puis il nous avait répondu à l'époque: Oui, mais ça ne m'intéresse pas. Moi, j'ai une commande du Trésor de sauver tant de millions au ministère de la Justice. Puis cet argent-là, ça va être sauvé au ministère de la Sécurité publique, c'est Ménard qui va en bénéficier, donc, ça ne m'intéresse pas comme solution. Ça ne m'aide pas, avec la commande qui a été passée par le Trésor. C'était incroyable. Et on avait vraiment fait exactement le même argument que vous êtes en train de faire aujourd'hui. Voyons donc! Ça se regarde ensemble, ça. Quand un ministre de la Justice dit qu'on ne va pas demander de peine d'emprisonnement, est-ce que c'est vraiment par souci d'être plus indulgent dans le système malgré les lois à l'effet contraire ou si c'est parce que, justement, il ne veut pas mettre les ressources nécessaires pour une bonne application des lois ou une application complète des lois?

Votre exemple des amendes impayées était bien choisi également et je vous remercie de nous l'avoir fourni. Vous pouvez être sûr qu'on a bien retenu le message qui était contenu là-dedans.

Pour ce qui est des coûts de ce système-là, on aurait voulu, de notre côté, savoir si, sur la base de votre expérience, vous avez quelque chose, quelques exemples, quelques précédents que vous pouvez partager avec nous autres concernant les coûts prévisibles de l'administration de ce système-là. Je vous renvoie à votre exemple concernant la perception des amendes. C'est beau, on fait des lois; on dit qu'il y a des amendes; les tribunaux les imposent; puis, si on ne les collecte pas, bien, c'est comme si c'était une dette impayée. C'est ce que le Vérificateur général a reproché au gouvernement, hier, il a dit qu'il y avait 250 000 000 $ – non, même plus que ça – qu'on n'était pas allé collecter jusqu'à date. Est-ce que, selon vous, les coûts d'administration d'un tel régime, avec participation: un 100 $, un 800 $, déterminer si la cause a telle probabilité ou telle raisonnabilité, déterminer c'était quoi, le revenu net de la personne... Est-ce que ça, tout ça, ça ne risque pas de coûter énormément cher? D'après le Barreau, oui. Est-ce que vous partagez l'analyse du Barreau?

M. Marchildon (Luc): M. le député, j'ai bien entendu les représentations qui ont été faites par nos confrères du Barreau, hier après-midi, et en particulier, là, ce à quoi vous faites référence relativement aux coûts et au fonctionnement du système de perception de la contribution qui sera requise pour certaines personnes qui dépassent le seuil d'admissibilité à la gratuité complète. Cependant, je vous avoue que l'Association des juristes de l'État n'a aucune étude sur la question, et nous ne sommes vraiment pas en mesure d'accorder ou de dénier le crédit à donner aux remarques du bâtonnier.

M. Mulcair: Excellent. Je vous remercie. Je vais vous poser une autre question. J'ai pris bonne note de la remarque que vous venez de faire à l'instant, et j'ai trouvé ça très correct, votre réponse. Vous avez dit: On ne dispose d'aucune étude. Mais, avec votre expérience dans l'appareil administratif, est-ce qu'il est correct pour moi de présumer que ce que vous dites là, c'est que, pour un tel dossier, il faut absolument faire une étude valable des coûts avant de pouvoir affirmer que ça va sauver tant, il faut faire une étude valable pour déterminer quels vont être les coûts d'administration d'un tel régime?

M. Marchildon (Luc): Effectivement, comme me le mentionne à l'oreille mon collègue, ça vaut pour tous les programmes, M. le député, à mon humble avis. Honnêtement, si on n'est pas en mesure de faire une évaluation au préalable avant d'instaurer un nouveau régime administratif, je pense que, là encore, on risque de faire comme ce que j'ai mentionné précédemment: la main gauche fera quelque chose sans que ne soit au courant la main droite. J'ose croire qu'on a procédé à de telles études, dans le cas présent, et qu'on s'est bien enquis, disons, du bon fonctionnement du régime. Je fais confiance au ministre de la Justice à cet égard.

(15 h 40)

M. Mulcair: On a aussi eu l'occasion de vous entendre, Me Marchildon, à propos du projet de loi n° 130...

M. Marchildon (Luc): Oui, auparavant.

M. Mulcair: ...qui intéressait au plus haut point vos membres, la réforme des tribunaux administratifs. Vous avez fait une excellente présentation à ce propos. J'aurais voulu savoir si votre propos concernant le manque de disponibilité de l'ensemble de la réglementation et, notamment, sa fragilité, du fait que les pouvoirs réglementaires s'étendant sur cinq pages et allant jusqu'à dire qu'on peut, par règlement, définir les termes de la loi... Vous dites: Bien, par voie réglementaire, on peut changer du tout au tout, du jour au lendemain. Je pense que vous avez raison là-dessus.

Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais, dans le projet de loi n° 130, au mois de février, le ministre de la Justice avait promis qu'il donnerait un mois et demi ou deux mois aux gens pour étudier la loi d'application, et jeudi dernier, il y a une semaine exactement, quand on a commencé l'étude du projet de loi n° 130, croyez-le ou non, le matin même, il nous est arrivé avec la loi d'application de 643 articles. Et ce n'est même pas un projet de loi ou un avant-projet de loi, c'est un document de travail. Alors, j'aurais juste voulu savoir si votre remarque concernant la fragilité d'un tel exercice, en l'absence de l'ensemble de la réglementation, s'applique également dans un cas comme celui du projet de loi n° 130, lorsqu'on reçoit, à la dernière minute, un document de travail d'une telle ampleur et qu'on nous demande de nous pencher sur la loi sans pouvoir regarder simultanément ou, du moins, d'une manière concomitante.

M. Marchildon (Luc): M. le député, je dois vous avouer que, comme mode de fonctionnement, je reprocherai à quelque gouvernement que ce soit une pratique faisant en sorte qu'on ne puisse comprendre la portée véritable et l'intention véritable du législateur à moins de prendre connaissance des règlements. Alors, dans un tel contexte, il m'apparaît essentiel, pour que le législateur puisse prendre une décision bien éclairée, de posséder tous les instruments qui feront en sorte que la loi prendra un sens ou un autre, selon le cas.

M. Mulcair: Bien, on ne saurait être plus en accord avec vous. On tient vraiment à vous remercier pour un apport précieux aux travaux de cette commission. Merci beaucoup.

M. Marchildon (Luc): Je vous en prie, M. le député.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, Me Fortier.

M. Fortier (François): Je voulais juste être sûr que M. Mulcair n'a pas mal interprété les propos du président de l'Association, mon collègue, dans la question des budgets qui sont alloués à l'aide juridique. Il ne faut quand même pas... En tout cas, si vous l'interprétez de la façon suivante, c'est une erreur: on ne considère pas que les sommes allouées à l'aide juridique sont insuffisantes. J'ai lu le report, dans les journaux, de ce que l'honorable juge Claire L'Heureux-Dubé a mentionné: C'est exact de dire, bon, on peut couper à tel endroit et on ne se rend pas compte, des fois, là il y a un lien, des impacts. Mais, je veux dire, quand on regarde, aujourd'hui, les mises à pied, quand on regarde le régime de santé, le régime des médicaments, etc., vous comprendrez que l'Association ne peut pas venir dire ici qu'il n'y a pas assez d'argent pour l'aide juridique. Ça, il faut que ce soit clair. Ça, c'est notre position: on ne trouve pas qu'il devrait s'injecter d'autre argent. On aurait privilégié, pour sauver d'autre argent, effectivement, comme on l'a dit tout à l'heure, la «permanentisation» parce que, selon certaines études, c'était l'avenue qui était la moins dispendieuse. Mais sûrement pas à l'époque d'aujourd'hui, quand on coupe dans tout, de mettre plus d'argent pour la défense des droits; ça devient une subvention à la pratique privée, ce que le gouvernement semble vouloir retirer dans les autres secteurs d'activité. Alors, sur ce point-là, je voulais clarifier ça.

Si vous me permettez, je voudrais peut-être répondre à M. le ministre sur l'article 94 dont il a été question, au début. L'amendement que vous nous avez proposé, sans nous le proposer, à savoir... en donnant l'exemple du notariat qui voudrait investir 3 000 000 $ dans les frais juridiques, ça nous laisse supposer qu'à un moment donné le Barreau va vouloir, lui aussi, avec peut-être 10 000 000 $, lui, et, là, on ne sait pas où il va le prendre, l'argent, probablement dans nos poches, aussi, comme avocats ou comme Association...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fortier (François): ...et on ne sait pas où ça s'en va. Je veux réitérer fermement ce qu'on a dit au départ: C'est que, tel que libellé et même retouché, ça ne nous satisfait pas, ça. C'est sûr que ça ne peut pas nous satisfaire parce qu'on ne peut pas... Si on vous voit aller, on vous prêterait de mauvaises intentions. Alors, comme on ne vous voit pas aller, on ne sait pas où vous voulez aller.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fortier (François): Alors, je voulais revenir sur ces deux points-là. Un autre point, en terminant, M. Mulcair, c'est sûr que le paquet de réglementations, de pouvoirs réglementaires qu'il y a là-dedans fait en sorte, en fait, que ce n'est plus des règlements, c'est une loi. C'est clair, c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup trop. On comprend la spécificité des domaines qui fait que le législateur, de plus en plus, va laisser à l'exécutif le soin de faire les règlements, mais, à un moment donné, c'est rendu que c'est seulement un canevas, la loi, et que c'est les règlements qui décident de tout. Ce n'est pas ce qui est prévu dans nos régimes parlementaires, où la loi est suprême. Je pense qu'avec trop de règlements la loi n'est plus suprême et ces exercices-là de commissions parlementaires risquent de devenir peu utiles si la réglementation n'arrive pas au même moment ou, si on a le temps de se présenter dessus, il va falloir en faire une deuxième chaque fois. Je veux dire, on ne peut pas exactement savoir qu'est-ce qui se passe, il y a trop de réglementations et les dispositions habilitantes sont trop larges. On ne peut pas savoir exactement jusqu'où ils vont pouvoir aller, etc.

Alors, je voulais insister sur ces trois points-là.

M. Mulcair: Oui. Alors, M. Fortier, merci pour cette clarification. Vous avez raison, on n'avait jamais soulevé cette question. Mais j'aurais voulu, à ce moment-là, vu que vous l'avez soulevée, concernant le financement... M. Marchildon, dans votre fonction de président de l'Association des juristes de l'État, est-ce que vous êtes en mesure de nous dire... On a bien entendu votre proche collaborateur, M. Fortier, nous dire que ce n'était pas son propos que le gouvernement ne mettait pas assez d'argent dans l'aide juridique, mais ce que le ministre est en train de faire ici, c'est de couper énormément dans l'aide juridique. Alors, est-ce que l'Association des juristes de l'État est en train de nous dire qu'elle était d'accord pour garder les budgets de l'aide juridique parce qu'elle les considérait suffisants ou est-ce que l'Association est en train de nous dire qu'elle est d'accord avec la coupure? C'est deux choses vraiment différentes et c'est mon tour de vouloir clarifier votre propos.

M. Marchildon (Luc): Ce que nous disons, M. le député, c'est que nous reconnaissons que le ministre a dû faire des choix politiques et nous reconnaissons que ces choix politiques, à notre avis, sont un compromis équitable et juste pour accorder une gamme de services dans les secteurs les plus criants, si vous voulez, en matière de services juridiques à une clientèle des plus démunies. Bien sûr, si ce n'était que de Luc Marchildon, on étendrait à la classe moyenne aussi des services de nature d'aide juridique, la classe moyenne qui a beaucoup de difficultés, par les temps qui courent, à joindre les deux bouts. Sauf que, lorsqu'on reconnaît que les moyens de l'État sont limités, on reconnaît, nous, de notre côté, que le ministre, et le gouvernement, a dû faire des compromis et bien sûr que, dans ce cas-ci, les services en matière de conviction, de poursuite sommaire sont sérieusement atteints. Il faudrait être aveugle pour ne pas le reconnaître. Nous le constatons, mais nous constatons aussi que l'État a des moyens qui sont limités et qu'il faut faire certains choix politiques.

M. Mulcair: Oui, on est tous d'accord.

M. Marchildon (Luc): Je pense, comme je l'ai dit, M. Mulcair, que, tel que libellé et avec certains avantages supplémentaires qu'il n'y avait pas auparavant, c'est-à-dire une accessibilité accrue aux services juridiques les plus essentiels, nous sommes, dans ce contexte-là, assez favorables au projet de loi qui est présenté par le gouvernement.

M. Mulcair: Mais, selon vous, une des autres choses qu'on aurait pu faire, c'est votre analyse, c'est d'avoir plus de permanence. Ça aurait été une manière...

M. Marchildon (Luc): Bien, voici. Comme je l'ai mentionné, un des choix politiques qu'aurait pu faire le gouvernement si la question budgétaire n'avait été que sa seule préoccupation, il aurait pu effectivement soit «permanentiser» le régime ou encore voire même le privatiser parce que, selon les documents que nous avons à notre disposition, l'un ou l'autre aurait coûté moins cher que le régime mixte actuel. Alors, c'est pour ça que nous croyons que, si, pour le ministre de la Justice et pour le gouvernement, la question budgétaire avait été la seule préoccupation, nous aurions pu aujourd'hui, peut-être, nous retrouver en commission parlementaire en train d'étudier un projet de loi qui vise à «permanentiser» ou encore à privatiser au complet le régime.

(15 h 50)

M. Mulcair: L'Association des avocats de la défense est venue en commission parlementaire et a exprimé son inquiétude face à la situation suivante: il est prévu que, s'il y a peu de probabilités d'emprisonnement, on ne pourra pas bénéficier d'un avocat de l'aide juridique. Deux modèles ont été donnés. Vous étiez là pour l'exemple du vice-président du Barreau, M. Francoeur, en provenance de Baie-Comeau, quand il a dit que peu importe ce que le procureur de la couronne met sur son papier, dans son district judiciaire, ça arrive qu'on va mettre une peine d'emprisonnement quand même. Moi, pour ma part, je trouve ça bien inquiétant parce que la personne n'aurait pas été défendue, aurait été sous l'impression qu'elle plaidait coupable et qu'il n'y avait pas de peine d'emprisonnement, et elle va être mise en prison.

Il y a plus. Il y a le fait que c'est le juge, justement, qui a toujours cette discrétion-là et pas les fonctionnaires. On est vraiment en train de jouer dans les forces vives de notre système de justice. Tout à l'heure, vous avez parlé d'arbitrage. Est-ce que, selon vous, un résultat qui va faire en sorte, par exemple, que, dans des voies de fait simples, il n'y aura pas d'avocat et, donc, c'est la victime qui va être contre-interrogée par son agresseur, est-ce que, selon vous, c'est le genre d'arbitrage qu'il fallait faire ici? Est-ce que vous partagez la préoccupation de l'Association des avocats de la défense que le fait de dire: Plaide coupable, et on te dit qu'on ne demanderait pas d'emprisonnement, ce qui ne veut pas dire que tu n'auras pas d'emprisonnement, mais plaide coupable, va exercer une pression sur les accusés de plaider coupables parce qu'ils savent qu'autrement ils n'ont pas, au moins, la promesse du procureur de la couronne de ne pas demander de peine d'emprisonnement? Eux autres, ça les inquiète. Ils disent que, selon eux, ça joue dans la présomption d'innocence, présomption qui nous est garantie en vertu de nos règles constitutionnelles, ici, au Canada et au Québec. Est-ce que, pour vous, c'est une préoccupation ou, pour vous, vous êtes toujours confortables avec les choix, les arbitrages politiques qui ont été faits à cet égard-là?

M. Marchildon (Luc): Alors, M. le député, je dois vous dire que je suis tout à fait en accord avec l'ensemble de mes confrères et consoeurs et vous-même, d'ailleurs, je vous ai entendu à cet égard, je suis d'accord pour dire qu'effectivement, lorsque... mon Dieu, ça vient de m'échapper, l'idée... mon Dieu... Je suis d'accord pour dire qu'effectivement le... Je m'excuse, je suis désolé...

Une voix: Ça va revenir.

M. Marchildon (Luc): En tout cas, chose certaine, c'est que bien sûr qu'effectivement, les poursuites sommaires n'étant pas couvertes à l'heure actuelle, c'est dommage, sauf que lorsqu'on fait référence aux dispositions du projet de loi qui font en sorte qu'en cas de probabilité d'emprisonnement un prévenu, un défendeur, aura le droit aux services d'un avocat de l'aide juridique, qu'il soit de la pratique privée ou de la permanence... Ma lecture, M. le député, de la disposition me laisse croire que l'interprétation la plus juste de cette disposition fait en sorte qu'on doit tenir compte de l'ensemble des éléments factuels qui entourent une situation et qui doivent être tenus en ligne de compte pour déterminer si, oui ou non, des services d'aide juridique seront prodigués.

Par conséquent, à titre d'exemple, si l'accusé a des antécédents judiciaires en semblable matière, c'est un des facteurs dont on devra tenir compte pour prodiguer ou non l'aide juridique. Un autre facteur dont on devra tenir compte, c'est, effectivement, la pratique judiciaire. Alors, c'est là que me revient l'idée qui m'a échappé. Évidemment, comme tous les autres confrères et consoeurs et comme vous aussi, je suis d'accord pour dire que le seul et unique maître à bord, dans cette question, c'est le tribunal, le juge qui siège, et c'est lui seul qui aura à décider si, oui ou non, il y aura emprisonnement. Cependant, les facteurs à tenir en compte sont la situation factuelle relativement à l'accusé, la situation factuelle du crime lui-même, si, oui ou non, c'est la pratique judiciaire, dans un district X,Y ou Z, de condamner à une peine d'emprisonnement lorsqu'il y a cas de récidive, etc.

Alors, si vous me demandiez un avis juridique sur la question, M. le député, je serais enclin à vous dire que c'est l'ensemble de ces facteurs dont on devra tenir compte pour déterminer l'admissibilité d'un bénéficiaire.

M. Mulcair: C'est un excellent avis. Par ailleurs, quand je lis, par exemple, l'article 4.9, je me réfère plutôt à la première partie de votre réponse, lorsque vous dites que c'est vraiment au tribunal de décider ces choses-là. Je vous avoue que, pour ma part, je suis quelque peu choqué de voir un ministre de la Justice présenter un projet de loi dans lequel il prétend que c'est un fonctionnaire, peu importe l'analyse juridique qu'il peut faire, qui va décider à la place du tribunal s'il y a ou non probabilité d'emprisonnement.

L'article 4.9, rappelons-le, traite d'une accusation d'outrage au tribunal. S'il est un domaine où c'est le tribunal, et le tribunal seul, qui décide comment il prend certaines choses qu'il a vues, l'attitude de la personne qui était là, pour comprendre combien d'avertissements ou de manières de faire qui ont été servis, bien, à mon sens, 4.9 sape un des fondements de notre système juridique, c'est-à-dire l'indépendance judiciaire. On est vraiment en train de jouer là-dedans parce que... ou on est en train d'envoyer un signal au juge. On ne l'a pas donné à un avocat. Ça veut dire que, nous, ministre public, ministre de la Justice responsable de l'application des lois, on vous envoie le signal que, dans cette cause-là, on ne trouverait pas ça normal que vous donniez une peine d'emprisonnement. C'est une opinion qui est donnée au juge à ce moment-là, c'est une influence indue sur le travail et l'indépendance judiciaire. Ou on est en train de lui donner un avocat, auquel cas on est en train, peut-être, de donner le signal contraire.

Je vous remercie encore une fois pour vos interventions. Ce fut très agréable d'échanger avec vous cet après-midi.

M. Marchildon (Luc): Merci, M. le député. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, messieurs, nous vous remercions de votre présentation et des échanges. Sur ce, nous suspendons nos travaux pour 10 minutes et nous reprendons à 16 h 7.

(Suspension de la séance à 15 h 57)

(Reprise à 16 h 15)


Étude détaillée du projet de loi n° 20

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Si vous voulez prendre place. Nous en sommes maintenant rendus à l'étude détaillée, article par article, du projet de loi n° 20. Alors, j'appellerais l'article 1. Est-ce qu'il y a des commentaires sur l'article 1?

M. Bégin: Alors, comme vous pouvez le voir, M. le Président, il s'agit simplement de changer l'intitulé de la section I pour marquer maintenant «Interprétation». Alors, je pense que ça se passe de commentaires.

M. Mulcair: De notre côté, on aimerait bien en faire, M. le Président. On s'attendait à ce que le ministre fasse des remarques préliminaires. S'il se désiste, on va faire les nôtres tout de suite.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Allez-y.


Remarques préliminaires


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: M. le Président, on se souvient tous que cela fait plus d'un an que cette Assemblée nationale est saisie de ce qui est censé être une réforme de l'aide juridique, mais qui est, ni plus ni moins, une autre façon d'enlever de l'argent des contribuables. Lorsqu'on réduit l'apport du gouvernement dans un système comme l'aide juridique, c'est évident que cet argent-là doit sortir de quelque part. On a eu l'occasion de faire l'analogie avec l'astuce du ministre de la Santé et des Services sociaux qui est en train d'aller chercher 196 000 000 $ de plus dans les poches des contribuables dans le domaine de l'assurance-médicaments. À l'instar, justement, de son collègue, le ministre de la Santé et des Services sociaux, le ministre de la Justice est en train de nous dire: Mais voyons donc! C'est un bon coup que je suis en train de faire parce que je suis en train d'étendre la couverture à plus de personnes. Ça, c'est indéniable, M. le Président, que, si on demande aux gens de verser de l'argent, et malgré le fait que c'est moins d'argent, il y aura plus de gens couverts. Ça, personne ne peut le nier. Cependant, M. le Président, il faut regarder ça comme un ensemble, et le résultat de cet ensemble, M. le Président, c'est le fait qu'il y aura des dizaines de millions de dollars de moins qui seront mis dans le système d'aide juridique.

Et le résultat concret de ça, M. le Président, c'est quoi? C'est un système qui va être régi par une loi et, comme l'Association des juristes de l'État vient de le dire, c'est une loi qui est, en fait, changeable à la guise du gouvernement parce que les pouvoirs réglementaires sont tellement étendus que c'est une loi à l'intérieur de la loi, et il y a même des règlements qui peuvent changer la loi. Mais on est avec une loi qui est à ce point floue et imprécise qu'il y aura énormément de discrétion laissée aux bureaucrates et aux fonctionnaires qui vont être appelés à l'administrer.

Le résultat de ça, M. le Président, et combiné avec le fait qu'il y aura dorénavant des enveloppes fermées, c'est qu'il y a des gens qui vont être privés d'un droit fondamental. Et c'est ironique d'être ici, dans la commission des institutions, où on discute de ces questions-là, ces questions ayant trait à la justice, à notre société, une société bâtie sur les lois, c'est ironique, dis-je, de constater que c'est ici même que le ministre de la Justice vient présenter un projet de loi où, à défaut d'avoir défendu correctement les intérêts de son ministère, il est obligé de sabrer dans des services directs à la population encore une fois.

Mais ce n'est pas n'importe quel service dont il s'agit, M. le Président, et on n'est pas en train de regarder l'ensemble de la loi comme ne contenant aucun élément valable. Ce qu'on est en train de dire, cependant, c'est que c'est inadmissible, dans une société comme la nôtre, d'exercer une pression indue sur les individus pour qu'ils plaident coupables. Et pourtant, M. le Président, c'est ce que l'Association des avocats de la défense est venue nous expliquer, exemples à l'appui. C'est ça, un des résultats non souhaitables, un des résultats, à notre sens, illégaux du projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique. Il y a, bien sûr, plus. Il y a le fait que le projet de loi, tel que libellé, va à l'encontre du principe de l'indépendance judiciaire. Ça aussi, c'est important, M. le Président, parce que ça fait, encore une fois, partie des piliers de notre système de justice ici, au Québec et au Canada.

(16 h 20)

Alors, on entreprend aujourd'hui l'étude article par article du projet de loi n° 20 avec beaucoup de regrets que le ministre de la Justice du Québec n'ait pas jugé bon de suivre les recommandations dans le rapport Rabeau, beaucoup de regrets que le ministre de la Justice n'ait pas enlevé ses atteintes à l'indépendance judiciaire, à la présomption d'innocence, qui ont déjà été si vertement critiquées, et surtout, M. le Président, perplexes d'être face à un collègue qui, suite à des audiences d'hier, était capable de dire aujourd'hui en Chambre vraiment le contraire de ce que les groupes étaient venus dire, et pas juste un ou deux, comme il a tenté de le dire tantôt. On est vraiment surpris. On félicite le ministre pour son optimisme et sa capacité de trouver un bon côté, mais ça me rappelle un peu l'expérience qu'on a vécue avec lui, avec le projet de loi n° 130. Les groupes se sont suivis pour critiquer vertement la manière de procéder, ce n'était pas correct, on avait exemple après exemple. Tout le monde disait qu'ils étaient d'accord avec l'idée même de faire du ménage dans le dossier du droit administratif, et la conclusion du ministre à cet égard-là a été de dire: Bien, au cours des deux dernières semaines, on a entendu un paquet de groupes venir ici dire qu'ils étaient d'accord avec la réforme. Ce n'est pas ça que les groupes avaient dit avec le projet de loi n° 130, et ce n'est pas plus ce que les groupes ont eu à dire avec le projet de loi n° 20, qui, rappelons-le, est la deuxième tentative, par ce ministre, de rendre l'argent qu'il a promis au Conseil du trésor.

Dans mon échange avec Me Marchildon, le président de l'Association des juristes de l'État, on a eu l'occasion de rappeler les propos récents de Mme la juge Claire L'Heureux-Dubé, de la Cour suprême du Canada, et c'était un rappel vraiment pertinent de sa part, où elle nous a dit: Écoutez, faites attention quand vous sabrez dans des domaines comme ça, dans le domaine de la justice. Vous êtes vraiment en train de jouer avec les forces vives d'une société démocratique comme la nôtre, et ne le faites pas à la légère.

Alors, une des choses que l'on va demander, évidemment, au ministre, et ça aussi, ça sort de notre conversation avec l'Association des juristes de l'État, M. le Président, c'est: Quelles sont les études sur lesquelles il se base pour dire que ça va donner cette économie-là? Le président, Me Marchildon, nous a dit: Bien, écoutez, M. le député, j'espère que ça s'applique dans tous les domaines. Avant qu'on puisse procéder avec quelque chose comme ça, il faut absolument avoir des études balisées, validées, soutenant la thèse comme quoi ça va sauver de l'argent. Mais on a aussi entendu, vous étiez là, M. le Président, on a entendu le Barreau dire: Minute, là! Si vous y pensez bien, le cauchemar administratif et bureaucratique qu'ils sont en train d'ériger ici risque de coûter autant, sinon plus, que tout ce qu'on est en train de prétendre sauver.

Alors, je suis sûr que le ministre ne fera pas comme il a fait l'année dernière à deux ou trois reprises, arriver ici et dire: Non, je n'ai aucune étude, non, aucune analyse, non, aucune recherche. Moi, je suis persuadé que ça va marcher de même. J'espère qu'on n'est pas encore face à un exemple de ce genre-là. J'espère qu'une étude validée, de préférence externe, par des experts, existe et que le ministre va être en mesure d'expliquer aux membres de cette commission et à l'ensemble de l'Assemblée nationale qu'effectivement les coupures que l'on voit ici, c'est l'alpha et l'oméga et qu'il n'y aura pas des sommes importantes du budget restant de l'aide juridique qui vont devoir être consacrées non pas à des services directs à la population mais à la génération de plus de paperasse et à l'embauche de plus de personnes qui ne feront d'autres choses que de tenter d'interpréter les nombreuses dispositions floues du projet de loi n° 20, et de tenter de faire une évaluation de cette nouvelle patente de revenu net qui n'est pas le revenu net que tous les comptables connaissent, et de tenter d'apprendre à faire le slalom à travers tous les poteaux qui sont là-dedans, tous les pièges qui sont là-dedans, qui semblent avoir été mis en place bien plus pour entraver l'accès à la justice que pour l'accélérer et le permettre.

Alors, M. le Président, ceci étant dit, on vous dit qu'on est prêts à procéder à l'étude du projet de loi, en rappelant à notre collègue, le ministre de la Justice, qu'à chaque fois qu'il a été capable de démontrer qu'il y allait de l'intérêt du public ses lois ont eu non seulement la vie facile pour leur adoption mais une aide et un soutien constants de la part de l'opposition officielle. Mais l'autre côté de cette médaille, M. le Président, c'est: lorsque quelque chose est si carrément à l'encontre de l'intérêt du public que l'est le projet de loi n° 20, là aussi on va faire notre travail de parlementaires avec toute la diligence et l'attention requises. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le député de Châteauguay.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Oui, peut-être juste quelques remarques, M. le Président. J'ai pu assister à un certain nombre de présentations de groupes et j'ai eu l'occasion d'avoir un rapport de ce que d'autres groupes ont dit. Simplement pour mentionner, d'entrée de jeu, à l'égard du projet de loi, que ce n'est pas la première fois, évidemment, qu'on est en commission des institutions pour voir et analyser un projet de loi du ministre de la Justice. Je voudrais souligner que, comme la plupart des projets de loi... Enfin, je ne sais pas s'il y aurait un cas d'exception à la règle, à ce qui est devenu la règle pour les projets de loi du ministre de la Justice... J'ai été étonné de constater que ses pièces législatives sont déposées avec toujours des immenses coquilles. Lorsque les groupes viennent défiler devant nous et s'étonnent d'un libellé d'un texte, ils nous disent... Notamment, M. le Président, l'article qui fait référence à une entente entre le ministre et le Barreau ou la Chambre des notaires, qui permet, selon le libellé de l'article lui-même – et ce n'est pas juste nous qui le disons, les groupes qui sont venus – qui permettait – je dis «permettait» parce que le ministre a convenu que ça avait été mal écrit – d'aller à l'encontre de la loi de manière indirecte. Ça a été soulevé, et le ministre nous a dit, comme il le dit souvent: Ah bien! ça, écoutez, on n'avait pas vu ça comme ça. C'est peut-être écrit un peu trop vite, on va le corriger.

D'une part – j'ai comme une réaction en deux temps face à ça – je salue l'ouverture d'esprit qui permet d'éviter que des erreurs manifestes soient commises et que ça cause des problèmes majeurs, je salue l'ouverture, puis deuxième temps de réaction, je m'étonne qu'on nous dépose des pièces législatives... Je veux dire, la réforme de l'aide juridique, ce n'est pas d'hier qu'on en parle, ce n'est pas d'hier que c'est dans les cartons du ministère, ce n'est pas d'hier, j'imagine, que c'est dans les réflexions du ministre, et on arrive avec une disposition qui, étonnamment... Le ministre disait: Ah oui! ça, on ne voulait pas dire ça. S'il n'y en avait qu'un cas, M. le Président! Évidemment, toutes les pièces législatives du ministre sont présentées comme ça. Si ce n'était qu'un article par projet de loi, passe encore!

Il y a un autre groupe qui est venu nous parler de cette clause, de cet article qui venait dire que certains individus deviendraient inadmissibles du fait de leur adhésion à un groupe, à un organisme voué à la défense de droits. Un groupe vient nous voir ici, puis il dit: Ça n'a pas d'allure, ça n'a pas de bon sens. Puis le ministre nous dit: Ah oui! Ça a été écrit un petit peu trop vite, cette disposition-là, ce n'est pas ça qu'on... Encore une fois, tu sais, c'est... Bravo! de reconnaître qu'on a fait une erreur, mais, quand l'erreur devient systématique, on a un problème. Et dans le cadre de l'étude qu'on va faire article par article de ce projet de loi, M. le Président, j'espère que le ministre pourra faire preuve de la même ouverture d'esprit pour corriger le tir à l'égard de dispositions qui sont, à leur face même, lorsque le ministre en a pris connaissance – j'ose espérer, pas pour la première fois – lorsque les groupes qui se sont présentés ici hier les ont soulevés, ces articles-là... J'imagine qu'il va livrer la marchandise comme dans tous les cas où il a dit: Oui, oui, ça, on fera des amendements là-dessus pour répondre aux souhaits des intervenants.

(16 h 30)

J'espère qu'il va aussi être à l'écoute de ce que, de ce côté-ci, on va plaider, et notamment ce qui a été, je pense, très justement et avec forte motivation exprimé par notre collègue de Chomedey, qui, de façon générale, a mis en lumière l'espèce, je dirais, de technique d'écran de fumée qui existe avec la présentation de ce projet de loi... Le ministre va être d'accord avec moi, j'en suis persuadé, parce qu'il a exposé cette technique en Chambre aujourd'hui même. Il a expliqué un peu comment il voyait son projet de loi, et c'est véritablement un écran de fumée parce qu'il essaie de dire que son projet de loi est une amélioration de la situation. Vous savez, je serais plutôt porté à lui donner raison si tout le monde pensait comme lui, si, à notre lecture à nous, on était les seuls qui voyaient que ce n'est pas ça, qui avions des doutes face à son assertion. Mais les gens qui viennent ici, l'un après l'autre – et on aura l'occasion en faisant l'étude article par article de reprendre ce qu'ils ont dit – viennent nous dire que ça va à l'encontre du principe même, du fondement de l'aide juridique, qu'on enlève des services du panier de services et qu'on ne peut pas se péter les bretelles de dire qu'on va améliorer l'affaire quand, finalement, les gens n'ont même pas le droit au recours. Lorsqu'on vient dire qu'avec la mesure contributoire on augmente le bassin de personnes qui peuvent bénéficier d'un panier de services diminué, mais qu'après ça on entend les gens nous dire: Vous savez, cette contribution, elle est impossible à faire, c'est bien évident qu'on est en train... Et malheureusement, la voie qui est choisie, c'est de créer un écart encore plus grand entre ceux qui ont la possibilité, qui devraient avoir la possibilité de présenter leur cause, de défendre leurs droits, entre ceux qui en ont les moyens et ceux qui n'en ont pas les moyens. On a abondamment fait état de l'exemple du cas où il faudrait investir en mesures contributoires pour avoir droit à cette... Je ne sais plus si on appelle ça encore l'aide juridique quand tu es rendu, finalement, à négocier les honoraires en vertu de la mesure contributoire. Quand ça représente un mois de salaire, le douzième de ton revenu annuel, ça pose des problèmes.

Il y a des problèmes, mon collègue de Chomedey en parlait tantôt, au niveau de l'étude d'impact de la mesure et de l'ensemble, non seulement au niveau de la gestion des mesures contributoires – dont on ne sait pas trop combien ça va coûter, mais on sait que ça va coûter pas mal cher; c'est ce qu'on sait, c'est ce que les gens sont venus nous dire – non seulement à ce niveau-là mais au niveau de l'incidence à la non-représentation. Le Barreau en a fait état hier, M. le Président. On n'a pas toujours le temps d'aller en profondeur, mais ce qui serait intéressant là-dessus... Mon collègue en a parlé, mais j'aimerais que le ministre puisse nous dire qu'il a analysé cette situation-là parce que, s'il ne l'a pas analysée, ma foi, non seulement il n'est pas à l'écoute des gens... Ce qui n'est pas étonnant, parce qu'il nous dit que le Barreau est d'accord avec lui, alors que j'étais là hier quand le Barreau a dit: Ce projet de loi là, dans cet état là, jamais. Il faut que ce soit changé. Alors, le ministre nous dit qu'il appuie le projet de loi. Je m'excuse. Je m'excuse. Ils ont bien mentionné qu'il devait y avoir des modifications à ce projet de loi là. Et mon collègue tente de voir, dans la présentation d'un groupe qui vient dire «Il faut que ce soit changé», un appui à une pièce. Je m'excuse, mais, s'il faut que ce soit changé, on ne peut pas dire qu'on appuie ça dans cet état-là. Il doit y avoir des changements.

Et notamment, M. le Président, dans les changements, il faut penser aux aspects coûts, puisque toute la logique de cette pièce législative ne tient à rien d'autre. Le ministre l'a d'ailleurs déjà dit – saluons la franchise – qu'il s'agit pour lui non pas d'attribuer, ou de donner, ou de faciliter l'accès à des droits ou de donner de nouveaux droits, il s'agit de faire une économie. Bon. C'est ça qu'il faut faire. Sur le dos de qui? Vous le savez comme moi pour avoir entendu les gens qui sont venus: de ceux qui ont le moins de moyens. Bon. Ce n'est pas nouveau, ça rentre dans la politique générale du gouvernement actuel.

Cela dit, comment peut-on présenter une pièce où on décide qu'on veut aller chercher de l'argent sans avoir évalué combien ça va nous coûter pour aller chercher cet argent? J'en ai pour exemple ce que le Barreau du Québec nous disait, donc, sur la non-représentation, sur le fait que les gens n'auront plus la possibilité... On donnait l'exemple de la Cour municipale, de certaines causes plus ou moins célèbres où les gens se représentant seuls paralysaient les travaux, engendrant des coûts. Je ne parle pas de tous les autres, je parle juste de celui-là, M. le Président. Est-ce qu'on sait combien ça va coûter? Est-ce qu'on sait quelle est l'addition de sommes d'argent que la société va devoir mettre dans ce service qu'est la justice en raison d'une pièce législative qui vise à essayer d'éviter d'en mettre dedans? Et je vous parle d'études d'impact avec en tête cette facilité que le gouvernement actuel a de toujours critiquer le gouvernement fédéral lorsqu'il ne fait pas une étude d'impact. Et c'est avec tant d'émotions et tant de... C'est enthousiaste, puis ça déchire sa chemise, puis, mon Dieu! il faut des études d'impact, puis on ne respecte pas les citoyens. C'est de toute beauté à voir quand on s'aperçoit que, lorsque c'est à eux le tour de faire les études d'impact, M. le Président, il n'en est pas question. Là, on n'y a pas pensé. Là, ça ne vaut pas la peine. Puis fiez-vous à nous, on va vous faire un tableau, on va vous montrer un tableau, puis croyez-nous.

On commence à avoir de la difficulté, M. le Président, à croire. On commence à avoir de la difficulté, d'abord à cause de ces deux poids, deux mesures, ou, dans un cas, on déchire notre chemise pour les études d'impact, avec oh! combien de bonne foi. On veut absolument que les gens disent: Ah bien! au moins, eux autres, ils nous protègent. Mais, dans le fond, on le voit bien, c'est juste un show, ça, M. le Président. C'est juste de la poudre aux yeux parce que, lorsque vient le temps de procéder... Et c'est majeur, hein, dans un projet de loi qui vise à faire une économie, déguisé sous un projet de loi qui en donnerait plus aux citoyens, mais, dans le fond, leur en retire, qu'on ne fasse pas une étude d'impact alors que les gens viennent nous voir pour dire: Attention, au niveau de l'administration de cette affaire-là, vous n'avez pas évalué combien est-ce que vous allez enlever aux Québécois de leurs poches, puis vous n'avez pas non plus évalué quelles sont les conséquences, l'effet domino d'amener des citoyens de plus en plus nombreux, sans représentation, devant les tribunaux, paralysant les tribunaux.

Alors, je le dis aussi platement, on ne peut pas – je termine là-dessus, M. le Président – faire croire, vouloir faire croire à la population que le but du projet de loi, c'est d'aider les gens, qu'il y en ait de plus en plus qui soient admissibles. Tu sais, c'est comme dire à quelqu'un: On va donner des autos à tout le monde, mais ça va être impossible pour tout le monde d'avoir de l'essence. Tu sais, tu vas faire quoi avec un droit que tu ne peux pas mettre en vigueur, que tu ne peux pas exercer? Tu as beau dire: Il va y en avoir 10 000 000 de Québécois, 200 000 000 de Québécois qui vont avoir le droit à l'aide juridique, mais, dans les faits, ils n'ont pas les moyens de se payer ce droit-là. C'est ça qui arrive.

Alors, on a un peu de difficulté avec la méthode du ministre, d'une part, de nous présenter des pièces où, à sa face même, à la première analyse des groupes qui viennent, il est obligé d'admettre qu'il doit y avoir des changements, et la deuxième approche, qui est de ne pas oser la vérité, la transparence, que le premier ministre avait pourtant indiquée comme étant la ligne de conduite que ce gouvernement aurait. Oser, M. le Président. Bien, le ministre va pouvoir profiter de l'étude article par article de ce projet de loi là pour oser nous dire vraiment là où il loge, et j'espère qu'à la fin nous serons, des deux côtés de cette commission, capables de dire aux Québécois: Voilà quelle était vraiment la réelle intention du ministre. Et je pense, M. le Président, que ce sera la position qu'a déjà exposée mon collègue de Chomedey que les Québécois vont voir. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de Châteauguay. M. le député de l'Acadie.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je voulais également, au niveau des remarques préliminaires, faire certaines remarques par rapport au projet de loi n° 20 avant que ne commence l'étude du projet de loi article par article.

J'ai eu l'occasion, M. le Président, d'assister à la présentation qui nous a été faite de la part de plusieurs groupes. J'ai malheureusement dû m'absenter pour quelques mémoires, mais j'ai vu la très grande majorité des mémoires qui ont été présentés au cours des deux derniers jours. Et je vous avoue, dans un premier temps, que je suis extrêmement surpris de voir la compréhension que le ministre a de la façon dont les gens sont venus faire des représentations.

(16 h 40)

D'abord, juste une première remarque. Vous savez, dans le cas du projet de loi n° 130 qu'on a étudié il y a quelques jours, l'opposition a été obligée de se battre avec le ministre pour que le ministre accepte de faire venir des groupes puis de les entendre. Alors, c'est l'opposition qui a forcé le ministre, essentiellement, sur le projet de loi n° 130, à faire venir des groupes avant qu'on commence à regarder le projet de loi d'une façon plus près. Alors, d'un autre côté, dans le cas du projet de loi n° 20, le ministre a pris la décision, disons, de faire venir les groupes, puis on a assisté au cours des deux dernières journées aux présentations qui nous ont été faites. Et quand les gens viennent en commission parlementaire, je pense que le ministre les entend, mais il ne les comprend pas. Essentiellement, le ministre nous dit depuis hier, à différentes reprises, que les gens viennent appuyer son projet de loi, alors que d'une façon très évidente ce n'est pas le message que les gens ont envoyé. Le ministre les a peut-être entendus, mais il ne les a sûrement pas compris parce que c'est tout le contraire qui est arrivé au cours des derniers jours. Les gens viennent nous dire que le projet de loi, actuellement, est inacceptable. Donc, c'est inquiétant, M. le Président, de voir que le ministre a deux attitudes: ou il fait tout pour essayer d'éviter de rencontrer des groupes pour écouter leurs représentations ou, quand il est forcé de le faire, bien, il n'en tire pas les conclusions qui s'imposent et il tourne autour en supposant que les gens viennent appuyer le projet de loi, alors que c'est exactement le contraire qui s'est produit d'une façon très évidente au cours des deux derniers jours. Alors, c'était une première remarque que je voulais faire, M. le Président, sur l'attitude du ministre concernant les représentations qui nous ont été faites.

L'autre point que je voulais faire remarquer aussi, c'est le fait qu'on est dans un contexte assez particulier. On a rarement vu un gouvernement qui, depuis quelques mois, s'acharne – je dis bien «s'acharne», et j'utilise le terme sciemment – sur les plus démunis de la société. Et, ça, c'est surprenant. Je vois mon collègue, le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, qui a une conscience sociale – je le connais bien, depuis plusieurs années – assez développée. Il doit se sentir particulièrement malheureux actuellement de vivre dans un parti qui nous critiquait il y a quelques années quand on avait imposé un 2 $ par ordonnance. Alors, dans ce temps-là, M. le Président, l'opposition s'était élevée et avait hurlé.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Bordeleau: C'était effrayant, c'était terrible. Qu'est-ce que le gouvernement a fait depuis qu'il est au pouvoir et depuis qu'il a commencé à légiférer, c'est-à-dire dans les derniers mois, parce qu'avant ça il «référendait». Il ne légiférait pas, il «référendait». Alors, qu'est-ce qu'il a fait? En peu de temps, bien, il a réussi à fermer neuf hôpitaux dans la région de Montréal. C'est très bien pour le service à la population.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Bordeleau: Il a réussi à frapper sur les personnes âgées à tour de bras avec l'assurance-médicaments qui est à l'étude présentement. Nous, on avait prévu 2 $ l'ordonnance, et c'était un drame. Et eux ils sont en train de faire en sorte que les personnes âgées vont avoir à payer de 700 $ à 1 000 $ par année, à peu près, pour leurs médicaments avec le système d'assurance-médicaments qu'ils vont mettre en place, comparativement à la situation actuelle, qui était celle que, nous, on avait mise en place, un maximum de 100 $ par année. Alors, les personnes âgées, M. le Président, dans notre société, ce n'est pas les personnes les plus riches.

Troisièmement, couper dans les services aux étudiants. On est en train de faire une razzia en règle dans le domaine de l'éducation, alors qu'on déplore, et à juste titre, et l'opposition le déplorait il y a quelques années également, encore là à juste titre, le problème du décrochage scolaire dans la région de Montréal et aussi dans l'ensemble de la province. On est en train de couper. Et où ça va se faire sentir, les résultats de ces coupures-là? Dans les services aux étudiants. Alors, ça n'aura évidemment aucun effet positif pour améliorer le problème du décrochage scolaire.

Quatrièmement, on coupe dans l'aide sociale, et là, M. le Président, on coupe dans l'aide aux plus démunis de notre société. Quand on est rendus à retirer de l'aide sociale, c'est parce qu'on est dans le trouble. Et on coupe dans l'aide sociale. Et, maintenant, qu'est-ce qu'on vient faire? On vient couper dans l'aide juridique pour la catégorie de concitoyens et de concitoyennes qui ont le moins de moyens, d'où la raison pour laquelle ils font appel à l'aide juridique.

Alors, essentiellement, M. le Président, ce gouvernement-là, depuis même pas un an, a réussi à frapper à tour de bras sur la catégorie de gens les plus démunis, les plus faibles dans notre société. Et c'est dans ce contexte-là qu'on doit, je pense, placer le projet de loi n° 20. Alors, c'est assez inquiétant, et je vous avoue très mal comprendre comment ce gouvernement ou ce parti, de façon plus précise, qui est un parti social-démocrate, en est rendu là aujourd'hui. Et c'est hier, je pense, qu'une dame qui nous faisait une présentation parlait d'un parti de droite et faisait référence aux gens qui sont les plus à droite aux États-Unis pour qualifier l'attitude actuelle du gouvernement péquiste.

M. Boulerice: C'est exagéré...

M. Bordeleau: Il y avait beaucoup de vrai, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

Alors, je pense que c'est malheureux de se retrouver dans la situation où on est. Et je ne dis pas, si on allait toucher les gens qui ont les moyens d'absorber ces coups-là, mais ce n'est pas le cas, on touche les plus faibles de la société, ceux qui sont à l'aide sociale, ceux qui ont besoin d'aide juridique pour assurer leur intégrité vis-à-vis des tribunaux, les étudiants qui ont besoin d'aide, dans le milieu scolaire, pour les remettre sur le chemin et leur permettre de se donner une formation qui va les amener à pouvoir se débrouiller dans la vie. Au niveau des services de santé, assurance-médicaments, hôpitaux, on touche la population des personnes âgées, surtout. Alors, je pense, c'est un point que je voulais mentionner, disons, pour mieux situer le contexte dans lequel on se trouve.

Maintenant, le projet de loi n° 20, qu'est-ce qu'on peut en dire? Essentiellement, je disais tout à l'heure que le projet avait pour effet de couper dans les services. On va restreindre les services. Le ministre nous a fait part à plusieurs reprises du fait qu'on améliorait, ou on étendait, ou on élargissait l'accessibilité à l'aide juridique. M. le Président, c'est ridicule. Il ne faut pas rire du monde. Quand le ministre prétend qu'il améliore l'accessibilité, mais que, pour avoir accès à l'aide juridique, une personne qui gagne 12 000 $ par année va devoir payer 800 $, presque l'équivalent d'un mois de salaire, c'est la meilleure façon de faire en sorte que les gens n'aient pas accès à l'aide juridique parce qu'ils n'auront pas les moyens de se le payer, le 800 $ qui leur permettrait ensuite de pouvoir être aidés. Donc, on ne favorise pas, on a compliqué, on a complexifié et on a restreint l'accès à l'aide juridique.

Quel est l'objectif réel de cette opération, de cette opération de coupure dans l'accessibilité et dans la couverture des services? C'est essentiellement une opération qui vise à économiser, économiser de l'argent. Là-dessus, on comprend bien la situation actuelle difficile, mais on économise de l'argent sur le dos des plus faibles, sur le dos de ceux qui sont les plus mal placés dans notre société actuellement. C'est sur le dos de ces personnes-là qu'on va aller chercher les économies que le gouvernement veut aller chercher. Il y a quand même, M. le Président, un minimum de décence qu'on devrait avoir dans une société démocratique comme la nôtre.

Alors, on se retrouve avec un projet de loi qui est mal ficelé, où on a essentiellement une grande partie de ce qui va encadrer l'application de la loi qui est non définie, ou qui va être définie dans des règlements, ou qui pourra être changée à la volonté du gouvernement, sans même qu'on ait un mot à dire au niveau de l'étendue, comme ça a été très bien démontré au niveau de l'étendue des services ou au niveau de l'accession de certaines catégories de personnes à certains services qui sont offerts par l'aide juridique. On se retrouve également avec une loi qui, en plus d'être mal définie au niveau législatif comme tel et être sujette aux règles d'application qu'on retrouvera dans des règlements – et ça n'a pas le caractère, évidemment, aussi solide que la loi elle-même – on se retrouve avec une loi qui va, de toute évidence, être très complexe à gérer, et le Barreau nous a dit que ça coûterait plusieurs millions. Alors, de fait, les économies que le ministre pense qu'il va faire, le Barreau nous a dit qu'il avait énormément de doutes qu'il les fasse, parce que ça va coûter ça en frais de gestion additionnels pour gérer toute la question du volet contributoire et des catégories admissibles des personnes à ce niveau-là.

(16 h 50)

Alors, M. le Président, on a un projet de loi qui est indécent au plan social, qui est mal fait, qui risque d'amener par la suite beaucoup d'improvisation au niveau de l'application, parce qu'on a vu qu'il y a toutes sortes de jugements qui devront être posés. Et certaines personnes qui sont venues nous présenter des mémoires nous ont très bien démontré qu'elles avaient de la misère à comprendre ce qu'il y avait actuellement dans le projet de loi. Elles ne réussissaient pas à comprendre la signification du projet de loi.

Alors il y aura, évidemment, aussi beaucoup d'incohérence au niveau de l'application de cette loi-là, une incohérence qui pourra faire en sorte, comme ça nous a été mentionné, que certaines personnes, dans certains milieux, avec certains fonctionnaires qui les recevront, seront admissibles alors que ça sera l'inverse dans un autre milieu ou à la suite de l'accueil par une autre personne, parce que c'est très vague, l'application de cette loi-là.

Je veux également, M. le Président, souligner un dernier point. Quand le ministre prétend qu'on est venu lui dire que ça avait bien du bon sens... Et souvent il se rabat sur le fait qu'il compare le projet de loi n° 20. Il dit: Oui, mais le projet de loi n° 20, il est meilleur que le 87.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Bordeleau: Je pense, M. le Président, qu'on peut faire ce petit jeu là longtemps. On peut mettre des choses intermédiaires, mais je pense que ce n'est pas au 87 qu'il faut comparer le projet de loi n° 20. Il faut comparer l'impact du projet de loi n° 20 à la situation actuelle, et non pas à celle qui était désastreuse et qui nous avait été présentée l'an dernier. Comme ça, tout est relatif. Il peut y avoir des améliorations, mais ce que les gens sont venus nous dire, c'est qu'il n'y en a pas, d'amélioration, par rapport à la situation actuelle, loin de là. Au contraire, on se retrouve avec un projet de loi qui va affecter encore plus fortement les gens qui sont les plus mal placés pour absorber ces coûts-là.

Il y a eu un communiqué de presse, M. le Président, qui a été émis hier, le cinq – c'était exactement hier – au moment où le projet de loi est disponible et que les règlements qui nous ont été quand même présentés très tardivement étaient, hier, disponibles pour les gens qui étaient intéressés par la question. Et je pense que le communiqué de presse qui a été émis hier traduit très bien la position des personnes qui sont venues présenter des mémoires ou qui sont autour des groupes qui sont venus présenter des mémoires, et ça ne va pas du tout dans le sens de ce que prétend le ministre quand le ministre nous dit qu'il ressent, lui, un appui à son projet de loi.

Je voudrais juste vous lire quelques extraits. D'abord, c'est un communiqué de presse qui a été émis hier par la Coalition pour le maintien des services de l'aide juridique. C'est qui, ça, la Coalition pour le maintien des services juridiques? Je pense que c'est important de peut-être signaler rapidement qui se trouve impliqué là-dedans, parce que ça va donner l'ampleur et l'étendue des personnes ou des groupes qui sont carrément contre le projet de loi n° 20: la Ligue des droits et libertés, les personnes assistées sociales, les syndicats, des avocats – je ne nommerai pas chaque groupe, je vais vous donner globalement les personnes – les retraités, les services juridiques communautaires, les personnes handicapées, les familles monoparentales, les travailleurs et travailleuses accidentés, l'archevêché de Montréal par le biais de l'Office des oeuvres et pastorale sociale, les coopératives d'économie familiale, les comités de logement, les étudiants, les maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale. Il y a du monde, M. le Président, en arrière de la Coalition, ici. Ce n'est pas un petit groupe, là, quand ces gens-là se prononcent. C'est toutes ces catégories de personnes là qui sont les plus affectées ou qui vont être les plus affectées éventuellement.

Alors, qu'est-ce que ces gens-là nous ont dit dans le communiqué de presse qu'ils ont émis hier? Le nouveau projet de loi n° 20 ne saurait être adopté dans sa forme actuelle. Il ne répond pas à leurs attentes et il suscite de nombreuses inquiétudes quant à la défense des droits des plus démunis. C'est ça, la conclusion. Ce n'est pas celle que le ministre a essayé de nous faire croire ce matin au moment de la période de questions. Comment est-ce qu'ils le voient, le projet de loi? La couverture des services pourra être réduite sans que l'Assemblée nationale en soit saisie par le biais des changements dans les règlements, réduction importante de la couverture en droit civil, exclusion de la majorité des infractions criminelles lorsqu'elles seront poursuivies par voie de déclaration sommaire de culpabilité – on a vu que c'était quand même un phénomène très largement répandu – augmentation des seuils d'admissibilité moins généreuse que dans le projet précédent. Et là on parle du 87. Le projet précédent, c'est le 87. Moins généreuse que dans le projet précédent. C'est l'avis des personnes que je vous ai mentionnées. Aucune augmentation n'est prévue pour les personnes seules. Et les personnes seules, c'est globalement surtout les personnes âgées. On dit que les personnes âgées, pensons aux personnes seules, auront à débourser de 400 $ à 800 $ dans le volet contributoire si elles gagnent entre 10 000 $ et 12 000 $. Débourser de 400 $ à 800 $ sur des revenus de 10 000 $ à 12 000 $, est-ce que c'est sérieux, ça, M. le Président, de demander à des gens et de prétendre qu'on les aide au niveau de ce projet de loi là, leur demander de débourser un mois de salaire? Je ne dis pas, quand on a 100 000 $, on peut en débourser peut-être un bon montant, puis il nous en reste encore pas mal pour vivre, mais, quand on a 10 000 $ pour vivre, se payer un loyer, payer sa nourriture puis payer ses médicaments, éventuellement, parce que ça s'en vient, on lui demande, à ce moment-là, de payer 800 $ pour avoir accès à l'aide juridique. M. le Président, quand on dit que c'est indécent, c'est effectivement indécent.

Bon. On parle de la notion, du concept de budget, du budget fermé qui était dans le projet de loi 87 et qui demeure dans le projet de loi n° 20. Budget fermé. Qu'est-ce qui va arriver, M. le Président, quand il n'y en aura plus? On va dire aux personnes: Bien, écoutez, vous repasserez, le budget est défoncé? Est-ce qu'on dirait ça, à l'aide sociale? Le budget de l'aide sociale, c'est de valeur, vous arrivez trop tard, il n'en reste plus. Ici, on touche à la question de l'intégrité des personnes et au respect des individus face à la justice. Et on sait que la justice, dans notre société, c'est une institution fondamentale, et tout individu doit avoir la possibilité de pouvoir se défendre ou être défendu adéquatement quand il est mis en cause, au même titre que, dans notre société, les gens doivent avoir accès à des soins de santé quand ils sont malades ou à l'aide sociale quand ils sont absolument démunis. C'est aussi fondamental.

Alors, la conclusion qu'on tire à la fin du communiqué de presse: Le projet de loi ne doit pas être adopté dans sa forme actuelle. C'est très clair. Or, quand le ministre prétend que, lui, il voit des appuis, bien, je pense que le ministre, il entend peut-être les gens qui viennent, mais il ne les comprend pas. Alors, je termine là-dessus, M. le Président, au niveau de mes remarques préliminaires.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le député de Jacques-Cartier.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Moi, je vais aussi ajouter ma voix à l'étonnement de l'exercice de gymnastique intellectuelle du ministre, ce matin, afin d'essayer à tout prix de trouver de bonnes nouvelles dans les présentations qui ont été faites. Moi, j'ai entendu les sept groupes hier, et sept groupes sur sept ont dit que le projet de loi était inacceptable. Alors, je ne vois pas, dans ça, comment le ministre peut essayer de trouver une bonne nouvelle. C'est peut-être encore plus surprenant parce que ce n'est pas le premier essai du ministre, mais c'est le deuxième essai du ministre. L'année passée, il a déposé le projet de loi 87. Le préfet de l'école, à l'époque, M. Parizeau, a donné une mauvaise note sur cet exercice, on a recommencé. Alors, l'élève arrive encore une fois devant cette commission avec un deuxième essai, et c'est le projet de loi n° 20. En tout cas, on voit la note, la première note qui a été livrée par les personnes qui sont venues témoigner hier et aujourd'hui.

Et, comme je l'ai dit hier, c'est clair que le projet de loi est inacceptable. Le ministre essaie toujours de trouver, dans sa forme actuelle, qu'est-ce que la loi est, et se fait dire qu'il faut refaire ça davantage. Alors, «turn down and learn», je ne sais pas trop, mais peut-être qu'il faut reconsidérer ça encore une fois, parce que ce qu'on a devant nous, dans le groupe... Et, comme je l'ai avoué, certainement que je suis moins familier avec comment ça fonctionne dans le quotidien, sur le terrain, mais le groupe des 27 personnes qui font partie de la Coalition sont des personnes qui travaillent avec ce système, cette loi, en tout temps. Comme mon collègue de l'Acadie l'a mentionné, ce sont les familles monoparentales, ce sont les personnes handicapées, ce sont les accidentés du travail, ce sont les retraités, ce sont les personnes qui travaillent dans le domaine carcéral, ce sont les avocats de l'aide juridique, les syndiqués. Alors, c'est vraiment les personnes, jour après jour, qui ont une expérience directe avec tout ça, et elles disent que la loi n'est pas bonne.

(17 heures)

Alors, c'est beau, pour le ministre, de trouver quelque part un paragraphe, un bout de phrase qui a été dit, pour l'encourager, mais le constat que j'ai fait comme membre de cette commission, les deux derniers jours, c'est qu'on a de sérieux problèmes avec le projet de loi n° 20. Et je comprends mal comment on peut arriver à toute autre conclusion. Et j'ajoute à ça, M. le Président, la remarque qui a été faite, que, de plus en plus, les projets de loi sont des squelettes, les projets de loi sont des choses qui sont très difficiles à comprendre. Et il y a très peu de tangible, de concret dans le fonctionnement.

Alors, on a vu le témoignage du Protecteur du citoyen, aujourd'hui, entre autres, qui a déploré le fait que le jus, les choses qui sont très intéressantes, on ne peut pas en discuter dans notre discussion article par article, parce que c'est dans le projet de règlement sur l'aide juridique. C'est dans le projet de règlement qu'est le vrai débat qu'on peut avoir. Si on regarde l'article 37 du projet de règlement, quelles lois sont couvertes, quelles lois sont exclues, moi, je pense que c'est très important. Si on veut ajouter 5 000, 6 000, 100 000 personnes maintenant couvertes à moindre coût, c'est évident qu'on va couper d'une façon drastique dans le panier des services; ça ne peut pas être autrement. La simple logique indique que, si on couvre un autre demi-million de citoyens, il faut couper d'une façon très dramatique.

Il y a quelques cas qui ont été soulevés par des groupes qui ont témoigné, la Régie du logement, entre autres, c'était les personnes qui sont dans les déclarations sommaires de culpabilité. En tout cas, on a essayé de voir les clientèles qui seraient exclues maintenant, mais, dans le projet de loi, on n'a pas eu vraiment l'occasion de regarder ça comme il faut parce que, dans le projet de loi, la seule chose qu'on va faire, c'est de reconnaître le pouvoir réglementaire du ministre de faire des annonces dans la Gazette officielle des mauvaises nouvelles. Parce que, de plus en plus, la Gazette officielle s'est transformée en lieu privilégié par ce gouvernement pour annoncer les mauvaises nouvelles, soit pour l'aide sociale, soit dans la façon dont ils ont attaqué les services de garde en milieu scolaire, soit dans la façon dont ils ont coupé d'une façon dramatique les exonérations et l'aide financière aux familles à faible revenu, à revenu modeste. On trouve tout ça, pas dans les grandes conférences de presse, même pas dans un projet de loi qui est devant l'Assemblée nationale, mais c'est toujours, comme je l'ai dit, dans la Gazette officielle des mauvaises nouvelles.

Encore une fois, qu'est-ce qu'on va faire avec le projet de loi n° 20? On va priver les membres de cette commission et de cette Assemblée du débat sur: Quelles sont les lois couvertes? Parce que ça va devenir le pouvoir du ministre. Alors, à ce moment, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles est couverte. Mais si, un jour, pour des raisons de compressions budgétaires ou autres, le ministre décide que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ne sera plus couverte, il va juste aller dans la prépublication, dans la Gazette officielle des mauvaises nouvelles, et on va l'enlever, sans avoir de débat ici sur l'impact sur le milieu, sans donner l'occasion aux membres de la Coalition, aux groupes communautaires, aux experts, aux personnes qui travaillent sur le terrain, jour après jour, de venir témoigner ici de l'impact d'une décision comme ça.

Qu'est-ce qu'on va faire, dans la loi n° 20? Le ministre aura l'occasion, comme je l'ai dit, de demander à ses légistes de préparer un règlement, et on va changer ça sans débat. Et ça va être le devoir, à ce moment-là, de l'opposition, à la période de questions ou autrement, d'essayer d'attirer l'attention et de provoquer un débat social sur les décisions qui sont prises par le ministre dans la Gazette officielle .

Également, toute la notion des barèmes, ce n'est pas dans la loi; c'est le ministre qui fixe les barèmes. Et ça, c'est très important parce qu'on a soulevé la question des seuils qu'on trouve dans la Régie des rentes, des personnes qui... La dame qui est venue, du Regroupement des personnes handicapées, a indiqué certains problèmes entre l'aide qui est accordée par certains programmes gouvernementaux, l'arrimage entre ça et les seuils qui sont dans le projet de règlement.

Comme j'ai dit, on a le projet de règlement, mais ce n'est pas devant la commission. Ce qui est devant la commission, c'est toujours le projet de loi n° 20, et on ne peut pas avoir de débat. Et je pense que l'imputabilité, le devoir des parlementaires d'avoir un droit de regard sur tout ça, on va perdre ça dans le projet de loi n° 20. Alors, comme parlementaire, je trouve ça regrettable.

Moi, j'ai dit à la Chambre, au moment du débat sur le principe, surtout l'article 4 dans son ensemble, qu'il y a beaucoup d'expressions très difficiles à comprendre et voir c'est quoi, l'impact précis. Et, moi, j'ai questionné plusieurs des groupes, surtout sur l'article 4.11. Mon collègue m'a dit qu'il a fait le même exercice. Parce qu'il y a beaucoup d'expressions qu'on trouve dans l'article 4.11... On ne voit pas comment on va décider c'est quoi, un motif valable, c'est quoi une proposition raisonnable. Est-ce que les coûts sont déraisonnables? Un recours qui a vraisemblablement très peu de chances de succès... Ce sont tous des termes qui sont très arbitraires, à mon avis. Et ça va donner un pouvoir discrétionnaire important à un fonctionnaire et non à l'avocat du client de décider pour tout motif: peut-être que c'est la fin de l'année; peut-être qu'il y a des exigences budgétaires qui disent que, dans le district de Montréal, on a presque épuisé notre budget. Je regarde le dossier d'un individu, je dis: Ça, c'est une «long shot». Moi, je pense franchement qu'il y aura très peu de succès ou peut-être que les coûts seront déraisonnables. Mais, comme un des groupes a indiqué, peut-être les coûts seront déraisonnables pour un dossier, mais, si le dossier est semblable pour une trentaine ou une cinquantaine, ou une centaine d'individus, la décision pourrait avoir un rayonnement, établir un précédent.

Et, comme je dis, dans le passé, dans toute la distinction entre les pouvoirs de nos provinces et le gouvernement fédéral, une des causes les plus importantes a été axée sur une table de billard, à la fin du XIXe siècle. Et qui avait le pouvoir de donner le permis pour une table de billard? Alors, on peut dire, au bout de la ligne: Est-ce que ça vaut la peine d'aller à Londres pour clarifier la Constitution canadienne juste pour une petite question comme: Quel gouvernement peut percevoir l'argent pour une table de billard? Mais les conséquences, la portée de la décision était assez importante. On a fait l'effort, on a fait l'exercice d'aller à Londres pour plaider la cause de la table de billard de M. Hodge, si ma mémoire est bonne. Alors, c'est difficile à dire.

Mais j'ai beaucoup de craintes. J'ai posé des questions. On n'a aucune indication. Qui va décider? Un des groupes, hier, a soulevé le dossier de quelqu'un: l'aide juridique a refusé la cause, c'est allé devant la Cour suprême et la personne a gagné. Alors, je pense que, dans tout l'article 4.11, il y a beaucoup de choses qui sont très imprécises, arbitraires. Et ce n'est pas clair qui va trancher, ce n'est pas clair qui va prendre les décisions. Et un individu, un citoyen qui aurait de la misère à comprendre toutes nos lois, tous nos systèmes judiciaires et tout ça, qui se sent lésé dans ses droits, il sera à la merci d'un fonctionnaire qui va regarder ça, qui va regarder l'argent qu'il reste dans son budget annuel et qui va dire: Malheureusement, je pense que vous avez très peu de chances de succès. Et, comme je l'ai dit, je ne vois pas comment on peut évaluer ça.

Il y a également toute la question de la présomption des décisions des juges dans le sens que nous avons regardé, à l'article 4.9, entre autres, où on parle d'outrage au tribunal: «...il est probable, si cette personne était condamnée pour cet outrage, qu'il en résulterait pour elle [...] une peine d'emprisonnement...» C'est très difficile. C'est le juge qui doit décider. Et les juges sont des êtres humains, alors, des fois, ils prennent des décisions qu'on peut prédire. Mais il y a d'autres journées où, peut-être, ils ont regardé les travaux de l'Assemblée nationale tard la nuit. Alors, tôt le matin, ils sont moins de bonne humeur. Alors, ils sont peut-être un petit peu plus sévères, après ça. Ce sont toutes des choses qui arrivent dans la vraie vie. Alors, quand on regarde, il y a plusieurs endroits, surtout à l'article 4, où il y a une certaine présomption: Comment le juge va décider d'une cause? Et, encore une fois, pour moi, ça pose des problèmes pour la défense des droits des personnes qui sont démunies.

(17 h 10)

Alors pour toutes ces raisons, on va regarder ça article par article. Mais les choses qui me frappent à première vue, c'est: première chose, les imprécisions qui existent dans la loi, également, le fait que le jeu, la vraie chose intéressante, on va trouver ça dans le règlement et non dans le projet de loi. Et c'est de ça, comme parlementaires, qu'il faut nous préoccuper, c'est: Comment ça va fonctionner? Parce que, avant tout, je pense qu'il faut être pragmatique, il faut être pratique. On peut avoir une belle déclaration de principe, on peut avoir d'autres déclarations, mais, avant tout, on aimerait savoir: Est-ce que ce projet de loi va améliorer la qualité de la vie? Est-ce que ça va aider les citoyens démunis de notre société à faire défendre leurs droits? Et c'est très difficile, dans le projet de loi, dans son état actuel, de faire une vérification. Mais les personnes qui travaillent sur le terrain, les personnes qui ont un vécu quotidien dans tout ça s'opposent à ce projet de loi. Et je pense que le ministre a tout intérêt à tenir compte des mémoires des témoins que nous avons écoutés, ces deux derniers jours, et également des commentaires que ces 27 groupes ont formulés dans un communiqué de presse, hier.

Il y a grande opposition, il y a des problèmes avec ce projet de loi, et c'est vraiment... Je ne comprends pas, comme je l'ai dit, la gymnastique intellectuelle du ministre de prétendre qu'il y a des bonnes nouvelles dans les témoignages que nous avons entendus. Au contraire, les témoignages que nous avons entendus, c'est une preuve qu'il y a beaucoup de problèmes avec le projet de loi n° 20. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Ces remarques introductives étant faites, j'appelle maintenant l'article 1.


Étude détaillée


Interprétation

M. Bégin: M. le Président, l'article 1 est relativement simple. Il s'agit de changer l'intitulé de la section I. Alors, je pense que ça se dispense de commentaires additionnels.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui. Je suis content, M. le Président, que le ministre ait qualifié l'article lorsqu'il a dit que c'était relativement simple.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Of course, to the untrained eye, section I of Bill 20, An Act to amend the Legal Aid Act, might appear simple.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: However, accustomed as we are to being very careful with the words of the Minister and with everything he says, let's be very careful...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: ...with what we're actually doing here.

L'article 1 du projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique, prévoit, M. le Président, que l'intitulé de la section I de la Loi sur l'aide juridique serait remplacé par le mot «Interprétation». Qu'est-ce que l'on trouve, à l'heure actuelle, à l'entête de cette même section dans la loi? On trouve le mot «Définitions». Or, on pourrait être porté à croire qu'il y a quelque chose de nouveau qui se passe ici parce qu'il doit y avoir des modifications qui font en sorte que le mot «Définitions» est remplacé par le mot «Interprétation».

Cependant, vérification faite, l'article en question et la section en question vont continuer à ne contenir que les définitions. Alors, qu'est-ce qui se passe ici? Qu'est-ce qui se cache derrière l'intention du ministre, lorsqu'il nous dit, comme ça, qu'il va changer le mot «Définitions» par le mot «Interprétation»? Je crois que mon collègue de Jacques-Cartier l'a très bien cerné tout à l'heure, il a bien anticipé la démarche du ministre parce qu'il a dit que c'est, en fait, dans les règlements que va se faire l'interprétation de la loi. Et on comprend tout de suite que c'est une tentative de leurrer la population que de dire que c'est la section I qui va être l'interprétation, alors que ça ne prévoit que les définitions. Oui, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): On ne peut prêter de motif...

M. Mulcair: Vous avez tout à fait raison.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Donc...

M. Mulcair: C'eût été une tentative si ça avait été fait intentionnellement. Vous avez raison, je ne devrais pas prêter des intentions. Ç'aurait pu induire le public en erreur, M. le Président, que de changer ce titre-là. C'est pour ça qu'on s'y oppose. Parce que l'article en question et la section en question qui contient l'article ne contiennent que des définitions. Alors, pourquoi changer le titre? Sans, d'aucune manière, prêter d'intention, M. le Président, qu'il nous soit permis de nous interroger sérieusement là-dessus. Un train, comme on dit, peut en cacher un autre – sans prêter d'intention.

Alors, on a entendu de très nombreux groupes ici, aujourd'hui. Et je me rappelle particulièrement des propos de Me Fineberg qui était venu nous dire: Écoutez, en matière de droit carcéral, on a un énorme problème, on est en train d'enlever énormément de couverture. Et on parle des plus démunis de la société. Ce sont vraiment des gens qui sont déjà à l'intérieur du système et, donc, les gens qui sont les plus vulnérables. Mon collègue, le député de Jacques-Cartier, l'a rappelé tantôt, c'est dans les règlements que la loi va se jouer. De très nombreux groupes qui sont venus ici aujourd'hui et hier ont dit exactement la même chose.

Alors, M. le Président, ça nous rappelle l'échange devant les Law Lords, dans «Rumpole of the Bailey», when, after giving a rather long but very articulate explanation, the judge looked down and said: Counsel, I have been listening to you for four hours and I feel no wiser. And, of course, counsel responded: No, my Lord, but infinitely better informed. I dare say, Mr. Chairman, that, once we are finished with our colleagues across the table, even though they will be, in fact, no wiser, we do hope that they will be better informed.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Alors, un peu à l'instar de ce qu'on a vu avec le projet de loi n° 130, M. le Président, le ministre est en train de nous arriver, à la dernière minute, avec un projet de règlement... Et moi, je me souviens des propos de Me Meunier, du bureau du Protecteur du citoyen, aujourd'hui. Il était assez acerbe en commentant l'explication du ministre, qui a dit: Bien, vous savez, ça circule depuis un an, ce projet de règlement, puis... Il lui a carrément répondu: Oui, mais c'est encore en train de cuire, cette affaire-là. Et, si c'est si évident que ça, comment ça se fait qu'on a eu ça le jour même où on a commencé à entendre en commission parlementaire? Je pense que sa réaction était particulièrement à propos, M. le Président.

Mais c'est là-dedans que ça va se jouer et dans d'autres règlements. Et il y a un renversement complet du principe de ce qui existait auparavant. Jusqu'alors, le principe général de l'aide juridique, c'est que tout est couvert, à moins que ce soit exclu. Dorénavant, tout est exclu, à moins que ce soit couvert; on renverse complètement le principe de l'aide juridique. Et c'est pour ça que la nomenclature des couvertures qui est contenue, tantôt dans des annexes à ce projet de règlement, tantôt à d'autres endroits, va être si importante.

On a eu des échanges intéressants. Il y avait des gens qui disaient: La Régie du logement, ce n'est plus inclus, sauf des cas extrêmes, etc. Les gens avaient vraiment des interprétations fort différentes de ce qui pouvait être visé. On a même entendu, M. le Président, un groupe arriver hier et nous expliquer que, comble d'ironie, malgré le fait que le ministre avait un an pour corriger cette lacune, le projet de loi, à leur point de vue, faisait toujours défaut de respecter l'entente de la Baie James, entente négociée, rappelons-le, par mon collègue, le député de Mont-Royal.

Alors, M. le Président, quand on entend des groupes venir en série nous expliquer que la loi elle-même ne peut pas être interprétée, ne peut pas être lue en l'absence de ses textes d'application, qui sont toujours sous forme de projet et appelés à être changés à tout moment, vous comprenez, j'en suis persuadé, notre réticence à avaler la modification proposée par le ministre. Parce qu'il tente de nous faire croire que, dorénavant, la section I de la Loi sur l'aide juridique prévoit l'interprétation. Or, je crois qu'on a tous été persuadés par la démonstration de mon collègue, le député de Jacques-Cartier, et de mes autres collègues, que ce n'est pas vrai. Ce n'est pas ça, ce n'est pas la section I qui nous aide dans l'interprétation et qui prévoit et fournit l'interprétation possible de la loi; ce sont les règlements et les autres textes d'application.

Quand on a entendu Me Fineberg nous parler des lacunes en matière de droit carcéral, M. le Président, je vous avoue que c'était assez émouvant. Il a même utilisé un terme que j'ai trouvé personnellement bouleversant, il parlait de liberté. Il expliquait que, lorsque la liberté des gens était en cause, on pouvait avoir de l'aide juridique. Mais il a dû parler d'un terme que je n'avais jamais entendu, de liberté résiduelle, qui est un terme de l'art dans le milieu du droit carcéral, qui signifie: la personne qui est à l'intérieur du système carcéral bénéficie quand même de certains reliquats ou résidus de liberté. Et, par exemple, lorsqu'on lui met une peine plus sévère ou une incarcération isolée, à ce moment-là, on peut parler d'une perte de liberté résiduelle. Et c'est un autre bel exemple où le projet de loi, même un an plus tard, a été très mal attaché.

(17 h 20)

Et ces mêmes personnes qui nous ont parlé du droit carcéral, sont allées jusqu'à nous mentionner que le droit même à une de nos requêtes extraordinaires les plus anciennes qui sont les requêtes pour un «writ of habeas corpus» qui est prévu aux articles 38, 39 et 40, en fait, si on les lit tous ensemble, de la Magna Carta de 1215, même ce droit fondamental là, selon eux, est actuellement mis en cause, ce qui est assez étonnant. On est ici, à l'Assemblée nationale, au mois de juin. On suit des groupes, très souvent, dans le corridor, et les guides qui les accompagnent en train d'expliquer à nos nombreux visiteurs que le Québec bénéficie d'une des plus anciennes institutions parlementaires du monde occidental. Et qu'on soit ici, en commission des institutions en train de porter atteinte à des droits aussi fondamentaux et que cette loi-là soit présentée par un ministre de la Justice, on s'étonne, de ce côté de la Chambre, M. le Président.

It should be borne in mind that next week, on June 15th, it will be the anniversary of the signing of the Magna Carta, in 1215. And, as Mr Fineberg, an extraordinarily articulate lawyer who works in penal law, who works within the penitentiary system, said, rights as fundamental as the right to obtain a writ of habeas corpus before the courts are now being put into doubt and would be exacerbated by the approach being taken by this Government.

It's worth bearing in mind what sections 38, 39 and 40 of the Magna Carta state, Mr. Chairman. Of course, as we all recall, 38 provides that no bailiff shall, in the future, put anyone on trial upon his own bare word without reliable witnesses produced for this purpose. «Bare word», interesting choice of terms. I'm sure the Minister thought of that a lot today, as he reflected upon his statement in the House, this morning.

39 provides that: No free man shall be arrested, or imprisoned, or disseised, or outlawed, or exiled, or in any way victimized, neither will We attack him, or send anyone to attack him, except by the lawful judgment of his peers, or by the law of the land.

And finally, as we all recall, 40 provides: To no one will We sell, to no one will We refuse or delay right or justice. It's interesting when you look at clause 40 of the Magna Carta: To no one will We sell, to no one will We refuse or delay right or justice. 1215, Mr. Chairman...

Une voix: Il était là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: ...well over 700 years ago, Mr. Chairman. And what do we have here before us? We have a minister presenting legislation that will deny both right and justice, contrary to some of the most fundamental tenants of our legal system. We all know as well, as many learned authors have pointed out, people such as René Dussault and Louis Borgeat, and indeed Patrice Garant, whom the minister likes to cite in matters of administrative law, they all agree that the first great principle of administrative justice, of fairness, which is audi alteram partem – the other side must be heard – is the right to be heard, one of those great principles of natural justice. It's agreed that it embodies the right to an attorney. And the right to be heard includes the right to have the law explained to you in a way that you can understand, when you cannot afford it on your own.

So, in this regard, Mr. Speaker, and we don't want to belabor the point, because there is so much else that we have to say about this statute, but we did feel that it was important, right from the beginning, to state that, in our opinion, it is incorrect to change the title of Division I of the Legal Aid Act and replace it with the word «Interpretation», because, as we've been able to demonstrate, the actual interpretation of the statute is going to take place outside the statute. It's going to take place in the halls of the Government bureaucracy, where people will be drafting regulations. The gnomes of Québec City will be deciding what actual services are provided to the population.

And you can all be sure that, with the closed budgets, the closed envelops, as they're called here, in Québec City, loose interpretations that are possible will become very tight, after eight or nine months of any fiscal year, as the money starts to dry up. And that's when we will really see problems of interpretation, problems of application. And that's why we would have by far preferred, Mr. Chairman, that this statute, the Legal Aid Act, remains as it is now with the word «Definitions», because that's all that Division I of the Legal Aid Act provides; it's definitions.

C'est tout ce que la section I de la Loi sur l'aide juridique prévoit, M. le Président, ce sont des définitions. Alors, nous sommes contre l'idée de changer l'intitulé de cette partie de la loi. Et nous allons voter contre l'article 1 du projet de loi n° 20, pour cette raison. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. D'autres interventions? Est-ce que l'article 1 est adopté?

M. Mulcair: Sur division.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Article 2.

M. Bégin: Alors, M. le Président, comme vous le voyez, il y a quelques paragraphes dans cet article. Le premier vise à supprimer, dans le paragraphe a, ce qui est actuellement: «"bénéficiaire": une personne économiquement défavorisée». Il s'agit de l'enlever, tout simplement, parce que, comme on le verra plus loin, il y a un redéploiement des concepts et, à ce moment-ci, on n'a pas besoin d'utiliser les mots «économiquement défavorisée». On verra plus loin qu'on utilise un autre vocabulaire, un autre vocable. Alors, c'est la raison pour laquelle, à ce stade-ci, on l'enlèverait pour, plus tard, quand on verra l'article 4, parler de «financièrement admissibles» et non plus d'«économiquement défavorisées». Alors, il s'agit, à ce stade-ci, au niveau des définitions et de l'interprétation, de changer ces mots-là qui deviennent inutiles quand on arrivera à l'article 4.1. C'est tout.

M. Mulcair: Je suis sûr que ça ne vous surprendra pas, M. le Président, d'apprendre que l'opposition officielle a des réticences devant cette rédaction-là.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ça m'étonne.

M. Mulcair: L'article 2 du projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique, dispose, pour le premier paragraphe, comme suit: L'article 1 de cette loi est modifié:

1° par la suppression, dans la première ligne du paragraphe a des mots «économiquement défavorisée».

Section II of Bill 20, An Act to amend the Legal Aid Act, provides as follows: Section 1 of the said Act is amended

(1) by replacing the words «an economically underprivileged» in the first line of paragraph a by the word «a».

As the Minister correctly pointed out, Mr. Chairman, there will be an attempt in further paragraphs to replace the current terminology of «économiquement défavorisées» with something else. But, before we get there, j'aimerais juste m'assurer qu'on est sur la même longueur d'onde sur la manière de procéder, M. le Président. Aux termes de notre règlement, on est en train de discuter du premier paragraphe de l'article 2. C'est ça?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Voilà.

M. Mulcair: D'accord. Alors, le premier paragraphe de l'article 2 est tel que je viens de le lire et, comme le ministre l'a annoncé tantôt, ça viserait éventuellement, lu avec d'autres dispositions que l'on discutera plus tard, à remplacer le terme «économiquement défavorisées» par le terme «financièrement admissibles à l'aide juridique».

Ça, c'est très intéressant, M. le Président, parce que, dans un premier temps, on se rappelle que le régime actuel prévoit qu'une personne économiquement défavorisée, une personne qui ne peut pas se permettre un avocat va se voir nommer un avocat qui sera rémunéré par l'État. Parce que, si on regarde l'énorme poids, l'énorme machine bureaucratique et judiciaire dont dispose l'État pour faire appliquer ses lois, il est tout à fait normal qu'une personne accusée qui ne dispose pas des moyens pour se payer une personne qui peut la conseiller correctement sur le sens de la loi, ses droits et obligations puisse avoir accès à ça. C'est de ça qu'il s'agit, depuis toujours, lorsqu'on parle d'aide juridique.

Quand on dit que le ministre est en train de dénaturer le sens du régime même de l'aide juridique, ce n'est pas juste nous qui le disons, M. le Président. On a vu défiler un bon nombre de groupes qui sont venus dire des mots exactement à l'effet similaire. On est en train de dire qu'effectivement on enlève le droit à la représentation par un avocat et on le remplace par un système qui est de la nature d'une assurance. Et on va prétendre que, malgré le fait qu'on enlève des dizaines de millions de dollars du système, on est en train de faire quelque chose qui est nouveau et amélioré pour le public, M. le Président.

(17 h 30)

Alors, la notion qui viendrait éventuellement remplacer le terme «économiquement défavorisée» est sans doute choisie pour tenter de donner raison au ministre. Étant donné qu'aucun des groupes ou individus qui ont lu la loi ne sont capables de donner raison au ministre, il faut bien qu'il ait raison de temps en temps quand il est capable de le faire. Alors, il tente de changer, par un tour de passe-passe, puis une simple question de jeu de mots, de changement de mots, la réalité de ce qu'il est en train de faire.

Les termes ainsi employés, «financièrement admissibles à l'aide juridique», renvoient à l'ensemble du régime, régime qui va exiger, par exemple, qu'une personne qui travaille même à temps partiel au salaire minimum, il lui serait demandé une contribution, une taxe déguisée équivalente à environ un mois de salaire. Le leader de l'opposition a eu l'occasion de le mentionner encore en Chambre aujourd'hui, il a même utilisé le terme «une franchise», ce que d'aucuns appellent un déductible. Et c'est exactement le bon terme. Avant d'avoir le droit à un avocat, on va être obligé de casquer des centaines et des centaines et des centaines de dollars.

Alors, c'est normal que le ministre soit gêné de continuer à employer le terme «économiquement défavorisée», parce que ça serait difficile d'être plus économiquement défavorisé que de travailler à temps partiel au salaire minimum. Mais, même travaillant à temps partiel au salaire minimum, on n'est plus couvert. Alors, le ministre de la Justice du Québec utilise une tactique utilisée, dans un premier temps, à très bon escient par les caractères de George Orwell. On a eu l'occasion de parler au ministre, cette semaine, de «Big Brother», en référence au roman «1984» du célèbre auteur. Mais, dans ce même roman, il y avait un ministère, au gouvernement, qui était chargé de changer les mots...

M. Bégin: Ce n'est pas «1994»?

M. Mulcair: Non, c'est «1984», M. le ministre.

M. Kelley: Non, il a raison, «1984».

M. Mulcair: See, Mr. Speaker...

M. Bégin: Pour une fois.

M. Kelley: Il a déjà changé d'idée.

M. Mulcair: ...not wiser, but better informed. You see. It's going in slowly but surely. He now knows the correct title of George Orwell's novel.

Il y avait un ministère...

M. Kelley: «1948», le titre...

M. Mulcair: That's right.

M. Kelley: ...il a juste changé les deux derniers numéros de l'année 1948, après la Deuxième Guerre mondiale.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, dans ce même roman, il y avait effectivement un ministère qui était chargé de masquer la vérité, de changer la réalité. Et la meilleure manière de le faire qu'ils avaient trouvée, c'était de changer la terminologie; ils changeaient les mots. Ils changeaient les mots, puis ils disaient que, s'ils mettaient d'autres mots là-dessus, les gens vont finir par croire que la réalité n'était pas telle qu'elle était. Et on vous soumet respectueusement, M. le Président, que c'est un peu le genre d'exercice que l'on retrouve au paragraphe premier de l'article 2.

Les gens économiquement défavorisés devraient toujours pouvoir bénéficier de l'aide juridique. Dans notre société, on a décidé depuis longtemps qu'on allait fixer un salaire horaire minimum industriel garanti pour qu'il y ait un minimum d'équité sociale dans notre société. Cette somme, à l'heure actuelle, est de 6,45 $ de l'heure. Si quelqu'un travaille 40 heures par semaine à 6,45 $ de l'heure et travaille 52 semaines, savez-vous quoi, M. le Président? Cette personne ne serait jamais admissible à l'aide juridique, même avec le célèbre volet contributoire dont se vante le ministre. Alors, on comprend pourquoi on veut enlever les mots «économiquement défavorisée», parce qu'on ne couvrirait pas les gens économiquement défavorisés avec la loi telle que rédigée. On ne peut donc, en conséquence, M. le Président, que s'inscrire en faux contre cette tentative du ministre et dire que, nous, on aime appeler les choses par leur nom et qu'on n'accepte pas la modification telle que proposée. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Merci, M. le Président. Je dois avouer que la participation à nos travaux permet toujours d'apprendre un bon nombre de choses et à entendre mon collègue de Chomedey, on découvre toujours un tas de nouvelles choses.

Je suis donc très heureux de participer à nos travaux et je voudrais juste abonder dans le même sens que mon collègue de Chomedey. D'abord, pour exposer ou partager un commentaire qui me vient à l'esprit en regardant le changement d'expression. Ça me faisait penser à ce que certains ont dit à propos de la fermeture des hôpitaux, que le meilleur moyen que le gouvernement avait choisi pour éviter de régler les problèmes de délais d'attente ou de débordement d'urgence, c'était de fermer les hôpitaux. Dans ce cas-ci, le meilleur moyen pour essayer d'éviter de voir qu'il existe quelque chose comme des personnes qui sont économiquement défavorisées, on biffe l'expression. Alors, là, on a une façon d'éviter de voir, de s'attarder à la réalité. Je pense que c'est déplorable de procéder de cette façon-là. On est aussi bien de regarder les choses en face – ça me revient encore à l'esprit – oser, oser regarder les choses en face et dire: Je vais agir pour répondre à tel type de problème.

Dans ce cas-là, je pense qu'on essaie d'éviter de voir le problème en changeant des mots. Tout simplement. Si on regarde le changement d'expression: personnes économiquement défavorisées, qu'est-ce que ça fait? On pense à la personne, on essaie de voir l'admissibilité en fonction de l'individu, de la personne, de l'état de cette personne-là, son environnement quotidien, comment elle vit tous les jours. Si on change ça par une autre expression, qui est une personne financièrement admissible, là, on n'est pas dans la description de la personne; là, on s'est éloigné de l'individu; on s'est éloigné de la personne qui avait droit, jusqu'à ce projet de loi là, à l'aide juridique – qui avait des droits, devrais-je dire – là, on s'en va dans le champ du gouvernement, de la machine, de la bureaucratie. Parce que, là, on ne s'attarde plus à savoir si cette personne vit de façon difficile, qu'elle n'est pas favorisée, quel est son état. Non, ce n'est pas ça qu'on dit, on dit: Les gens qui sont admissibles, c'est sûr que la machine va décider, peu importe qui ils sont, dans quel état ils sont, de quelle nature sont leurs problèmes alors que la philosophie de base de l'aide juridique, c'est de s'attarder, de se préoccuper des personnes en fonction de leur situation et non pas en fonction de la situation de la machine. On dit que, ces temps-ci, du côté du gouvernement, on essaie de nous faire croire que l'ensemble des actions du gouvernement visent la machine, l'administration, mais que les personnes ne seront pas touchées.

Certains vont dire qu'on répète un peu trop souvent les mêmes choses, mais on s'aperçoit que c'est le gouvernement qui répète les mêmes patterns d'action, M. le Président. Dans ce cas-ci, encore une fois, est-ce qu'on peut avoir un plus bel exemple? Sur une modification qui... On peut nous la passer comme ça, si on veut changer l'expression, ce n'est pas grave, ne vous intéressez pas trop à ça, pourtant, on vient de voir là une action, un geste. On demande de le faire passer par le législatif, et nous en sommes là. Alors, on va commencer à compter et à parler. Quand c'est l'exécutif qui bouge, c'est l'exécutif qui bouge, mais, là, le législatif, c'est nous. Nos collègues, en face, ils ont quelque chose à dire, ce n'est pas le cabinet, ce n'est pas au «bunker» que ça se passe, c'est ici. Et, là, on a la possibilité de dire: Les actions vont suivre les paroles. Alors, tout le monde est concerné. Est-ce qu'on ne doit pas poser des gestes en fonction des propos, des engagements, des convictions qu'on a essayé de faire croire qu'on aurait? Si c'est vrai que les personnes ne sont pas touchées, pourquoi on va aller du côté de la machine? Pourquoi on va transposer ça du côté de la machine? Je dois vous avouer que je trouve ça particulièrement dommageable. Je pense que ça a été soulevé par le Protecteur du citoyen, qui a vu d'ailleurs, dans ce mouvement de comprendre l'admissibilité en fonction de la nature, de l'état des gens et de l'amener vers une décision bureaucratique de la machine sans rapport avec la nature des gens... Parce que c'est ça qu'on fait. Quand on vient dire qu'on supprime, qu'on n'a plus besoin de tenir compte de l'état de la personne, on est en train d'ouvrir la possibilité, pour le gouvernement, de jouer à sa guise avec ces facteurs d'admissibilité. C'est lui qui va décider, peu importe quelle est la nature, quelle est la situation de la personne.

(17 h 40)

Alors, je ne veux pas m'attarder plus que ça, simplement de dire, de passer le message à tous nos collègues. Ici, en commission, c'est intéressant de constater que nous avons la possibilité, le législateur, d'aider le gouvernement lorsqu'il présente des pièces législatives. On est là pour aider et, dans ce cas-ci, on est là pour aider le gouvernement à agir dans le sens des engagements qu'il contracte. Malheureusement, assez souvent, on s'aperçoit que les actions ne suivent pas. Là, on a un beau cas où on peut utiliser, poser des gestes en fonction des mots et des propos que l'on tient.

Alors, simplement pour dire qu'il est peut-être plus important, intéressant de penser et de garder comme concept, dans une loi comme celle qui concerne l'aide juridique, de s'intéresser, de garder le concept de personne, quelle est sa situation, combien cette personne est au coeur d'une loi sur l'aide juridique. Ce n'est pas la machine qui est au coeur d'une loi sur l'aide juridique, ce n'est pas le ministre de la Justice qui est le coeur d'une loi sur l'aide juridique, ce sont les gens, M. le Président, ce sont les citoyens pour qui, nous, nous travaillons. Et je suis persuadé, à bien y repenser, qu'on va sûrement, du côté ministériel, partager la vision que nous avons de laisser l'individu, la personne au coeur d'une loi comme celle de l'aide juridique. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de Châteauguay.

Alors, M. le député de Jacques-Cartier, je vais vous donner la parole, mais, malheureusement, je dois vous mentionner que vous ne pourrez pas utiliser complètement votre 20 minutes avant la suspension puisqu'il ne nous en reste malheureusement que 16.

M. Kelley: Je n'avais aucunement l'intention de... Seize, alors je vais juste parler plus vite.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ou 17 si vous préférez. Donc, vous en aurez 17 à votre disposition.

M. Kelley: Je pense qu'il y a quelque chose de très important qui demande ce changement, c'est un exercice d'un genre maquillage. Je sais que le ministre a déjà une certaine expérience dans le maquillage. Plus tôt cette année, on a camouflé une augmentation des salaires des juges parce que c'était un ajustement, et on a parlé longuement que les ajustements qui donnaient plus d'argent aux juges n'étaient pas une augmentation de salaire. Alors, il faut toujours faire attention aux mots.

Je suis prêt à dire que, même, peut-être, «économiquement défavorisée», c'est une expression assez laide qui essaie de peut-être sucrer la pilule. On parle des personnes qui sont pauvres. Il faut faire que l'objectif de notre aide juridique est de venir aider des personnes qui sont pauvres. Alors, déjà, «économiquement défavorisée», c'est moins beau, mais on veut camoufler ça complètement.

Je pense que c'est important si on prend en considération ce que la clinique juridique de Pointe-Saint-Charles et Petite Bourgogne a dit: Qu'est-ce qu'on est en train de faire avec le changement des définitions ou des interprétations dans ce projet de loi? C'est de transformer l'aide juridique en un genre de privilège. Alors, c'est juste certaines personnes de notre société qui auront le privilège d'avoir accès à l'aide juridique au lieu de vraiment... Comme je l'ai dit, c'est les personnes pauvres et c'est l'État qui leur vient en aide pour défendre leurs droits avec tout un changement de perspective, d'optique qui est derrière ce changement. Je comprends pourquoi le gouvernement doit essayer de changer les choses, parce qu'il faut toujours prendre ça en référence avec le texte principal de ce gouvernement, ce printemps, qui était le discours inaugural et le dépôt des crédits, à la fin du mois de mars, à l'Assemblée nationale. Le nouveau chef et le premier ministre a dit que les coupures de ce gouvernement vont être dans l'administration et les services aux citoyens ne seront pas touchés.

Ça, c'est la réalité qu'il faut camoufler, parce que je pense que tout le monde est conscient, autour de cette table, que ce qu'on est en train de faire ici, c'est de couper dans les paniers de services. Si on coupe des services, les citoyens seront touchés automatiquement, alors, il faut essayer de camoufler tout ça. Ce n'est plus un service qu'on donne aux personnes démunies de notre société, on va tout remplacer ça par quelque chose qui est beaucoup plus correct: les personnes qui sont financièrement admissibles à l'aide juridique. Alors, c'est comme un privilège, il y a certaines personnes de notre société qui sont admissibles; d'autres qui ne le sont pas. Et nous sommes en train d'éloigner la loi qui est devant nous de son objectif que d'aider les personnes démunies, c'est d'aider les personnes de notre société qui ont besoin d'une certaine assistance pour défendre leurs droits, de faciliter l'accès aux tribunaux.

Alors, c'est vraiment un changement majeur, dans le sens qu'on veut camoufler un petit peu les victimes des compressions ou des coupures dans le panier de services de l'aide juridique. Alors, «économiquement défavorisée», la connotation, on parle des personnes qui sont pauvres, des personnes auxquelles l'État doit venir en aide, à mon avis. Vu qu'on va couper dans les services à cette clientèle, on va les remplacer par quelque chose de beaucoup plus ambigu: «financièrement admissibles à l'aide juridique». Alors, il n'y a aucune référence à leur statut économique. Mais c'est effectivement leur statut économique qui a amené l'État, en 1972, à accorder une aide, à accorder un coup de main à cette clientèle. Alors, c'est vraiment tout un changement quand on voit, dans le premier alinéa de l'article 2, abandonner cette notion du pourquoi l'État a mis en place l'aide juridique. C'est évident que nous avons mis en place l'aide juridique pour aider les personnes qui sont économiquement défavorisées, mais parce que ce gouvernement – pas uniquement ici, mon collègue de l'Acadie a mentionné ça tantôt, mais en plusieurs domaines – pour une raison que je ne comprends pas, a ciblé des personnes à faibles revenus, à revenus modestes pour payer leur lutte contre le déficit. On a vu ça dans les services de garde, l'aide aux parents dans les services de garde; nous avons vu ça pour l'aide sociale, les primes pour le logement qui ont été coupées la semaine passée, toute une longue liste de compressions dans les milieux défavorisés des commissions scolaires, toute une série de mesures qui sont prises contre, comme on dit en anglais, le «working poor», contre les personnes qui travaillent à revenus très faibles, à salaire très faible, qui sont les cibles de plus en plus des gestes qui sont posés par ce gouvernement.

Alors, je comprends qu'ils ont tout intérêt d'essayer de maquiller ça. Alors, «économiquement défavorisée»; on ne veut pas dire que ça serait les personnes qu'on va couper dans le panier de services, les personnes économiquement défavorisées, parce que ce sont des gens pauvres. C'est évident. Et on ne veut pas avoir une évidence dans tout ça, on va camoufler tout ça. Alors, on coupe pour les personnes financièrement admissibles à l'aide juridique; ça, c'est beaucoup plus correct. On peut couper dans ce monde-là parce qu'il n'y a aucune référence, on a vidé le sens même du pourquoi nous avons mis en place un régime d'aide juridique.

Je suis prêt à dire que, peut-être, «économiquement défavorisée», ce n'est pas la meilleure façon d'identifier cette clientèle, mais je pense que – c'est très important parce qu'on parle dans nos définitions qui sont devenues, si j'ai bien compris, ou vont devenir nos interprétations – dans notre interprétation de la loi, il faut rappeler pourquoi nous avons mis en place un système d'aide juridique. C'était d'aider les personnes au bas de l'échelle, c'était d'aider les personnes qui ont... Parce que, si on est pauvre, dans notre société, on peut dire qu'il y a probablement beaucoup d'autres caractéristiques qui vont avec. Ce sont des personnes sous scolarisées, règle générale; ce sont des personnes, trop souvent, qui sont des analphabètes. Alors, c'est ça, les personnes qui sont économiquement défavorisées, elles sont plus qu'économiquement défavorisées, elles sont trop souvent socialement défavorisées. Ce sont des personnes de familles éclatées, des personnes qui ont beaucoup de misère à trouver un emploi. Alors, ça, c'est le monde; ça, c'est la réalité; c'est ce pourquoi nous avons mis en place un système d'aide juridique.

(17 h 50)

Alors, je pense qu'il faut identifier ça. Si ça devient maintenant une des clauses d'interprétation dans la loi, il faut bien dire que ce n'est pas uniquement juste quelques citoyens qui sont financièrement admissibles, sans référence au pourquoi. Ils sont financièrement admissibles, effectivement, parce qu'ils sont économiquement défavorisés, ils sont pauvres, ils sont à faibles revenus. Je ne sais pas quelle expression on veut mettre, mais il faut, si ça devient une clause d'interprétation, avoir une référence au pourquoi de cette loi. Et le pourquoi de cette loi, M. le Président, c'est qu'il faut venir en aide à cette clientèle.

Je veux également appuyer le point que mon collègue de Chomedey a appuyé aussi, qu'il y a beaucoup de monde qui est économiquement défavorisé, qui n'est pas couvert, ni avec une contribution, les fameuses participations, tarifs, contributions, en tout cas, la grande liste des choses qui ne sont pas des taxes...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Jacques-Cartier, pour éclairer ma lanterne, est-ce que le concept «économiquement défavorisée» qu'on utilisait au préalable, selon vous, amenait, compte tenu des seuils existants, l'ensemble des personnes économiquement défavorisées à avoir accès à l'aide juridique?

M. Kelley: Non, non, mais au moins il y a une référence au pourquoi. Je comprends que ce n'est pas tout le monde qui est économiquement défavorisé. On ne peut pas avoir une définition absolue que jusqu'à 14 499 $ on est économiquement défavorisé et à 15 000 $, tout d'un coup, on est dans une autre classe. Alors, il y a toujours des zones grises, et j'en suis très conscient. Alors, on ne peut jamais tracer la ligne. Nous avons abordé cette question, hier, concernant les seuils qui sont dans le projet de règlement. Alors, on ne peut jamais avoir ces mêmes notions de classe dans notre société: Qui est la classe moyenne? Ça commence où? Ça se termine où? C'est quoi la haute bourgeoisie? Il y a beaucoup d'expressions sociologiques, on ne peut jamais avoir une définition parfaite. Mais, moi, je pense que, au moins, «économiquement défavorisée» fait une référence à des situations, dans notre société, qu'on veut corriger, parce que c'est le pourquoi d'un régime d'aide juridique. On veut aider quelqu'un, on veut venir en aide à quelqu'un. Il faut avoir une référence à l'objectif de ce projet, de cette loi. Et je pense qu'on va vider ça, c'est devenu une clause interprétative. Alors, on va vider ça, si on remplace ça par le monde qui est simplement financièrement admissible à l'aide juridique. Moi, je pense qu'on perd quelque chose en faisant ce changement. Et le pourquoi, soit, comme mon collègue de Chomedey a dit, on ne veut pas tenir compte du fait que quelqu'un qui travaille 40 heures/semaine pour 6,45 $ de l'heure n'est pas admissible, ni de façon contributoire. On gagne trop d'argent, au salaire minimum. Alors, il faut être à temps partiel. Il faut être des personnes qui sont sur les autres formes de rentes ou de revenus, parce que même quelqu'un qui travaille 40 heures par semaine n'est pas admissible. Peut-être que c'est ça le fait qu'on veut camoufler ou peut-être c'est le fait que, au même moment, avec ce projet de loi, oui, je conviens avec le ministre qu'il y a plus de monde qui sera couvert, mais on va couper d'une façon drastique dans des services. Il faut le faire pour arriver à un coût moindre au bout de la ligne. Alors, le panier doit devenir beaucoup plus petit pour compenser du fait qu'on va permettre l'accès à 600 000 personnes de plus, ou 500 000 personnes de plus.

Alors, c'est pourquoi je pense qu'on a tout intérêt à garder dans nos clauses interprétatives du projet de loi n° 20 certaines notions de on fait ça pour quoi et pour qui. Et je pense qu'une référence... Au moins, «économiquement défavorisée», va nous guider dans l'interprétation de la loi, dans le pourquoi nous avons fait ça. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Si vous me permettez, une question, M. le député de Jacques-Cartier. Compte tenu des éléments de réponse que vous m'avez fournis à l'effet que quelqu'un qui était financièrement défavorisé ou économiquement défavorisé n'avait pas nécessairement, au préalable, accès à l'aide juridique et compte tenu de ce que vous soulevez là, est-ce que la notion d'économiquement favorisé ne doit pas être qualifiée par le fait qu'il soit admissible à l'aide juridique, compte tenu qu'on ne couvre pas l'ensemble des situations ou l'ensemble des gens? Même avec les seuils actuels, et surtout avec les seuils actuels, il y a effectivement des personnes économiquement défavorisées, très objectivement, qui ne sont pas financièrement admissibles à l'aide juridique.

M. Kelley: Mais, comme je l'ai dit, on ne peut jamais définir l'ensemble. Alors, au moins on peut dire qu'on prend la couche la plus basse et, dans notre moyenne et les moyennes de nos finances publiques, on essaie de couvrir à la fois le nombre de personnes et à la fois le panier de services de ces personnes. On ne peut jamais avoir une définition parfaite. Et le seuil, du moment qu'on trace une ligne, on cause des problèmes. Mais je pense que c'est très important de faire référence que c'est un effort fait par l'État aux personnes au bas de l'échelle. Je pense qu'on va vider ça en disant uniquement que c'est les personnes admissibles. C'est vraiment de transformer notre effort pour aider les personnes au bas de l'échelle dans un exercice, un privilège qu'on accorde à certains citoyens, selon les règlements et les humeurs du ministre et de la Gazette officielle des mauvaises nouvelles.

Une voix: C'est ça. C'est bien dit.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Il reste deux minutes, M. le Président. Alors, je pense que je préfère attendre peut-être après, à 20 heures, étant donné que deux minutes, on n'aura pas le temps.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Sur ce, je suspends les travaux jusqu'à 20 heures précisément.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise à 20 h 9)

Le Président (M. Paré): Mesdames, messieurs, on reprend la séance. Nous sommes à l'article 2, au premier paragraphe. La parole est à M. Bordeleau, député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je voulais revenir un peu, suite aux interventions qui ont été faites par mes collègues à la fin de la séance de cet après-midi, sur la signification, au fond, du nouveau texte qui est proposé pour remplacer le texte actuel au niveau de l'article 1.

D'abord, M. le Président, je pense que mes collègues, cet après-midi, ont essayé de faire ressortir un changement de perspective qui se dessine dans les mots qui sont utilisés. Et ça va plus loin, comme on l'a démontré cet après-midi, que tout simplement un changement de mots. En arrière du fait qu'on modifie la phraséologie du texte, on voit quand même des intentions qui ne sont pas d'ailleurs notées seulement par l'opposition comme on l'a fait cet après-midi, mais qui ont été notées également par certaines personnes qui sont venues présenter des mémoires.

(20 h 10)

Alors, je veux revenir à l'item a de l'article 1 actuel qui se lit comme suit présentement: On définit le bénéficiaire comme «une personne économiquement défavorisée qui reçoit l'aide juridique». Alors, je veux juste rappeler ce qui a été mentionné cet après-midi. Quand on parle d'une personne économiquement défavorisée, la connotation que ça a, c'est le fait qu'on colle au vécu de la personne et ce que la personne vit, c'est qu'elle est défavorisée sur le plan économique. C'est ça, sa réalité à elle. Ce n'est pas des mots, ça, c'est une réalité vécue par les individus qui font appel à l'aide juridique. Alors, quand on regarde le texte – et je répète – «"bénéficiaire": une personne économiquement défavorisée qui reçoit l'aide juridique», le changement qu'on nous propose, c'est d'enlever «économiquement défavorisée». Alors, le texte va se lire: «"bénéficiaire: une personne qui reçoit l'aide juridique». Vous avouerez, M. le Président, que c'est pas mal plus succinct, plus simple, plus abstrait et que ça colle pas mal moins à la réalité des gens qui vivent le recours à l'aide juridique; «une personne qui reçoit l'aide juridique», je vous avoue que ça fait froid et...

M. Bégin: M. le Président...

Le Président (M. Paré): Oui.

M. Bégin: Je m'excuse. Je ne veux pas interrompre mon collègue, mais il me semblait qu'on était rendu à l'article 2 et non pas à l'article 1.

M. Bordeleau: Oui, à l'article...

Le Président (M. Paré): Dans le premier paragraphe, M. le ministre.

M. Bordeleau: ...2...

M. Mulcair: Premier paragraphe de l'article 2.

M. Bégin: Ah oui!

Le Président (M. Paré): Continuez.

M. Bégin: Excusez-moi.

M. Bordeleau: Vous pourriez relire, M. le ministre, votre...

Le Président (M. Paré): Continuez, M. le député de l'Acadie. Poursuivez.

M. Bordeleau: Oui. Alors, je pense que la réaction du ministre nous démontre qu'il faut continuer parce que je pense qu'il n'a pas saisi encore la portée de...

M. Mulcair: On peut retourner à l'article 1, si ça peut l'aider à saisir le contexte.

Le Président (M. Paré): On est rendu à l'article 2, paragraphe 1°.

M. Bordeleau: Tout simplement, ce que je veux démontrer, c'est qu'il y a une mentalité en arrière de ce changement-là qui est malsaine. On prend quelque chose qui est chargé émotivement, qui correspond à la réalité des individus, et on enlève et on va arriver avec une phrase qui est banale, qui est simple, qui ne veut rien dire: un bénéficiaire, c'est une personne qui reçoit l'aide juridique. Point final.

Toute la connotation d'économiquement défavorisé, ce qui est, au fond, l'objectif même de la Loi sur l'aide juridique... C'est une préoccupation pour les personnes économiquement défavorisées au niveau de leur accès à la justice et, là, on élimine ça complètement pour arriver avec quelque chose... Ce que ça laisse comme impression, et ça a été reflété aussi par les gens qui sont venus nous présenter leur point de vue, qu'on décèle, dans cette façon-là d'apporter des modifications, une vision qui est bureaucratique. Ça, on va remplacer ça par une autre expression... au paragraphe b: «financièrement admissibles à l'aide juridique». Ça, c'est une définition administrative: «financièrement admissibles». En fonction de critères, de salaire, la personne devient admissible. Et la clé, c'est: Est-ce qu'elle est financièrement admissible ou non? Ça, c'est une préoccupation d'administrateur, une préoccupation de bureaucrate, alors que dans l'autre formulation qu'on avait ça collait à la réalité des gens qui sont dans le besoin.

Alors, on voit un changement et ce changement-là a été noté, entre autres, particulièrement par les Services juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles et Petite Bourgogne. Ils sont venus nous dire, eux autres, comment ils la vivent, l'aide juridique. Ils ne la vivent pas dans des bureaux. Ils ne la vivent pas dans des lois, dans des règlements. Ils la vivent sur le terrain. Et sur le terrain, la réalité, c'est qu'il y a des gens qui n'ont pas d'argent et qui sont pris avec des problèmes juridiques. Et la loi qui leur permet de répondre à ces besoins-là, c'est une loi qui vise à aider les personnes économiquement défavorisées. C'est ça, la réalité. Là, on balaie ça du revers de la main. On enlève «économiquement défavorisées». On remplace ça par «financièrement admissibles», notion très administrative, très bureaucratique.

Je pense qu'on voit... Cette préoccupation-là, je pense... Cet après-midi, j'ai mentionné un peu le contexte dans lequel on se retrouve depuis un an avec toutes les coupures que le gouvernement actuel fait. Je pense que ça se reflète bien encore ici, d'une façon très particulière, dans l'utilisation des mots. On se retrouve avec un gouvernement qui a pour objectif prioritaire l'administration, une vision administrative de la société et une vision budgétaire de la société. C'est ce qui prime actuellement dans le gouvernement. La vision sociale des besoins de la société, c'est secondaire. Et on le voit, on le voit clairement.

Administrativement, budgétairement, qu'est-ce qu'on fait? On coupe l'aide sociale, les hôpitaux. On fait payer les gens pour l'assurance-médicaments. On coupe dans les services de garderie pour les jeunes familles. On coupe dans l'aide juridique. On perd de vue les besoins des gens pour se centrer sur des préoccupations strictement administratives et budgétaires. Là, on devient... On parle de financièrement admissible. Économiquement défavorisé, ça, ça n'existe pas dans le monde. Ça, on élimine ça complètement. Alors, c'est ça qu'on fait actuellement, dans ce projet de loi, et ça correspond parfaitement à ce qu'on voit depuis un certain nombre de mois au niveau de la mentalité des actions gouvernementales actuelles. Je vous avoue que c'est décevant et c'est inquiétant aussi.

Il y a un autre point. Cet après-midi, j'écoutais mes collègues intervenir sur le même sujet où ils faisaient ressortir ce changement-là qui est un changement de sens et d'esprit, là, quand même important. Je rappelle ici que les gens des Services communautaires juridiques Pointe-Sainte-Charles disaient qu'on changeait complètement l'orientation fondamentale du projet de loi. Alors... Oui, je disais que cet après-midi j'écoutais les gens qui faisaient des représentations là-dessus et, à un moment donné, je me suis pris à penser que le ministre était peut-être tellement mal à l'aise avec l'utilisation des mots «économiquement défavorisées», peut-être qu'il se sentait difficilement capable de continuer à entériner ces mots-là, quand on pense qu'une personne seule va avoir accès à l'aide juridique sans volet contributoire si elle a un revenu maximum de 8 870 $. Une famille, un adulte et un enfant, famille monoparentale, on sait les difficultés que vivent les familles monoparentales – c'est le cas typique, là, un adulte et un enfant – va avoir accès à l'aide juridique gratuite si cette famille-là d'un adulte et un enfant gagne 12 500 $ et moins. Je vous avoue qu'à 8 800 $ et à 12 500 $, là, quand on traverse le dollar suivant, là on n'est pas riche. À un moment donné, j'ai pensé que le ministre commençait peut-être à réaliser ce point-là et qu'il était peut-être assez mal à l'aise de continuer à prétendre que c'était un projet de loi qui visait à aider les gens économiquement défavorisés, qu'il avait peut-être senti le besoin de l'enlever et de remplacer ça par une notion administrative, celle de «financièrement admissibles». Mais ça aurait, en tout cas... Si c'était ça, la réalité, c'est que ça aurait permis de penser, en tout cas, que le ministre avait quand même une certaine vision sociale, une certaine conscience des conséquences du projet de loi qu'il a déposé, le projet de loi n° 20. Mais, en bout de ligne, M. le Président, je suis revenu à la réalité et j'ai pensé que ce n'était sûrement pas ça, son objectif, et que c'était tout simplement de faire comme il fait depuis un certain temps, d'aborder ces questions-là de façon strictement budgétaire et administrative. Son objectif premier, connu de tout le monde, c'est d'économiser 16 000 000 $. C'est ça, l'objectif.

Pensez-vous, M. le Président, qu'on aurait eu une réforme ou qu'elle arriverait dans les conditions où on nous l'apporte présentement si le ministre n'avait pas eu une commande de sauver 16 000 000 $? Pensez-vous que la réforme de la santé, au niveau des hôpitaux, elle serait arrivée aussi rapidement s'il n'y avait pas eu une commande de sauver une couple de 100 000 000 $? Que la réforme sur l'aide-médicaments arriverait aussi vite si on n'avait pas besoin de sauver 196 000 000 $? Écoutez, c'est ça, l'objectif premier. Il faut en être conscient. Et les gens ne sont pas dupes. Les gens qui sont venus nous faire des représentations l'ont bien compris. C'est ça, l'objectif du ministre. Et ça, ça prime, pour ce gouvernement-là, sur les véritables besoins des citoyens. Les gens économiquement défavorisés, ce n'est pas quelque chose qui a la priorité sur comment on définit «financièrement admissibles», notion purement bureaucratique.

Alors, c'étaient, M. le Président, les remarques que je voulais faire sur l'article 2 et, dans ce sens-là, j'appuie complètement les autres représentations qui ont été faites par mes collègues cet après-midi. Je vous remercie.

(20 h 20)

Le Président (M. Paré): Merci, M. le député de l'Acadie. La parole est à vous, M. le député de Bonaventure.

M. Landry (Bonaventure): Merci, M. le Président. Alors, je voulais intervenir sur cette notion de personnes «économiquement défavorisées». Compte tenu d'une certaine façon que je pense qu'on doit présider une commission, voilà pourquoi j'ai choisi de céder la présidence pour observer la stricte neutralité de la présidence, pour bien distinguer les fonctions.

M. Mulcair: On va vous nommer Directeur général des élections.

M. Landry (Bonaventure): Ha, ha, ha! Je n'en demande pas tant.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Bonaventure): Je préfère, M. le député de Chomedey, être député. Ha, ha, ha!

Le concept d'économiquement défavorisé qui existe dans la loi, selon moi, m'apparaît, M. le Président, être de la fausse représentation, et depuis fort longtemps. J'ai précédemment questionné, entre autres, le député de Jacques-Cartier, cet après-midi, à titre de président, pour savoir, de sa part, quel était son concept de personne économiquement défavorisée et qu'est-ce que ça ajoutait de plus à la réalité de l'aide juridique, le concept «économiquement défavorisée» plutôt que «financièrement admissibles»?

Dans la réalité, pour avoir siégé pendant sept ans à une corporation, à un centre communautaire juridique, Bas-Saint-Laurent–Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, et pour avoir connu, à de nombreuses reprises, un processus de représentations de groupes populaires et d'organismes communautaires auprès du précédent gouvernement, des démarches pour faire ajuster les critères d'admissibilité à l'aide juridique, essentiellement, M. le Président, le constat que j'ai fait comme administrateur dans un centre communautaire juridique, c'est qu'à part les personnes sur l'aide sociale ou des personnes sans aucun revenu, parce qu'on a, effectivement, dans notre société, des gens qui se ramassent dans cette situation-là, ayant épuisé leurs prestations d'assurance-chômage, étant sans emploi et n'étant pas immédiatement admissibles à l'aide sociale, se ramassent dans une espèce de no man's land...

Alors, le concept d'économiquement défavorisé, qu'on défend avec une suprême ardeur chez nos voisins d'en face, m'apparaît – et je ne les accuse surtout pas – être une fausse représentation parce que, depuis plus d'une dizaine d'années, ça ne correspond plus à la réalité des gens économiquement défavorisés. Les seuils d'admissibilité avec lesquels on a vécu sont, selon moi, ridicules. Voilà pourquoi je pense... Parce que la clientèle de l'aide juridique, en quelque sorte, s'est rapetissée comme une peau de chagrin, au cours de la dernière décennie, pas par une prospérité économique extraordinaire, par une absence d'ajustements à la réalité des gens démunis dans notre société.

J'ai l'impression – et loin de moi, M. le Président, l'intention de vouloir prêter de mauvaises intentions à mes voisins d'en face – qu'une bonne mornifle électorale a eu un effet tonifiant sur la résurgence d'une certaine conscience sociale...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Bonaventure): ...par rapport aux gens démunis...

Une voix: C'est tout nouveau...

M. Landry (Bonaventure): ...après des années de «boubou macoutisme» envers les défavorisés.

M. Mulcair: M. le Président, question de règlement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: On a eu, hier, la leçon du président de l'Assemblée nationale quand on parlait des coupures Bouchard. Il fallait appeler les gens par leur nom. Même s'il n'est plus avec nous, M. Bourassa était quand même un premier ministre et je pense que c'est tout aussi...

Une voix: Boubou...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: ...regrettable d'entendre...

M. Landry (Bonaventure): M. le...

M. Mulcair: ...mon collègue...

Une voix: C'est qui, les boubous macoutes?

M. Mulcair: ...utiliser ce terme-là.

Le Président (M. Paré): M. le député de Chomedey...

M. Landry (Bonaventure): M. le Président, je tiens à souligner que ce qu'on appelait le «boubou macoutisme» n'était absolument pas lié à l'ancien premier ministre, mais était lié à un style d'intervention qui référait à des méthodes un peu répressives qu'Haïti avait vécues.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Non. M. le Président, ça, c'étaient plutôt les tontons macoutes...

M. Landry (Bonaventure): Et, en ce sens-là...

M. Mulcair: ...et le député le sait pertinemment bien.

Le Président (M. Paré): Vous n'avez pas à interpeller...

M. Landry (Bonaventure): Mais ça n'avait rien à...

Le Président (M. Paré): M. le député de Bonaventure, vous n'avez pas à interpeller un ancien parlementaire.

M. Landry (Bonaventure): Ni un ancien parlementaire, M. le Président...

Le Président (M. Paré): Donc, continuez votre intervention.

M. Landry (Bonaventure): ...et surtout pas le parlementaire que j'ai devant moi, ni aucun. Et s'il y avait une référence, dans le «bou», à quelqu'un, ce n'était surtout pas l'ancien premier ministre du Québec. Rappelez-vous qui était responsable de cette politique. Ça ne référait pas au personnage, mais à un mode d'intervention où on voulait...

M. Mulcair: J'accepte, M. le Président, les explications de mon collègue...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: ...et je lui rappelle gentiment que «bout», b-o-u-t, «bou», b-o-u, se retrouve aussi dans Bouchard. Alors, je vais le retenir. La prochaine fois que je serai en Chambre, si je parle du «boubou macoutisme», ça va être en référence à Lucien Bouchard. Je l'attends au tournant.

M. Landry (Bonaventure): Mais je dirai honnêtement, M. le Président, à mon collègue de Chomedey que c'est comme en envoyer une pelletée dans le ventilateur. C'est toujours dangereux de l'envoyer comme ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Bonaventure): L'aide juridique, donc...

M. Mulcair: Je regrette beaucoup si mon collègue est maintenant couvert pour avoir envoyé cette pelletée dans le ventilateur, parce que, effectivement, ça vient de lui être retourné.

M. Landry (Bonaventure): Ce que je tiens à souligner...

Le Président (M. Paré): Messieurs!

M. Landry (Bonaventure): Ce que je tiens à souligner à mon collègue de Chomedey, M. le Président, c'est que, malgré certaines critiques formulées par les gens qu'on a entendus, que j'ai entendus avec beaucoup d'attention, et, je pense, tous les gens de la commission ont entendu les gens qu'on a invités ici avec beaucoup d'attention, on doit prendre acte qu'il y a plus de 600 000 personnes qui vont être admissibles à l'aide juridique de plus qu'il n'y en avait. Je comprends que certains services comme tels puissent être limités dans la carte d'accès, comme on dit, aux services, mais il y a, effectivement, une clientèle plus large sur des causes très fréquentes pour des gens défavorisés. Je comprends qu'il y a certains aspects qui sont malheureusement dans un contexte budgétaire difficile. Et je pense que le député de Chomedey, le député de Jacques-Cartier l'a souligné correctement, le député de l'Acadie aussi l'a situé, le député de Châteauguay aussi, en cette Assemblée, ils ont souligné cette situation-là. N'empêche que, malgré ces difficultés économiques et ces difficultés budgétaires, cet assainissement nécessaire des finances publiques, on donne accès à une base de services juridiques plus large.

Évidemment, comme un social-démocrate convaincu, M. le Président, je souhaite qu'on puisse offrir la plus large gamme possible de services aux gens démunis de notre société. Mais de dire qu'on bafoue les droits des personnes les plus démunies, je trouve ça complètement erroné. Je ne prête pas de mauvaises intentions. Je constate que c'est profondément erroné parce que je sais que des gens vont avoir accès à des services d'aide juridique. J'écoutais notre ami de Jacques-Cartier nous expliquer que c'est très difficile de faire une ligne exacte entre qu'est-ce que c'est, une personne économiquement défavorisée, puis qui ne l'est plus. Ce n'est pas un saut à tel chiffre magique, mais ça s'inscrit dans la logique même des choses et de la vie dans une espèce de continuum. Dans le fond, même si je sais qu'à une certaine époque... Ce concept d'une contribution progressive en fonction du revenu, je pense qu'on donne accès, par ce biais-là, à des gens qui, autrement, n'auraient pas accès à l'aide juridique si on procédait d'une façon arbitraire, par exemple, en disant: À tel niveau de revenus, on a accès, et, 0,05 $ au-dessus de ce seuil-là, on n'a absolument plus accès à l'aide juridique. Alors, je pense qu'il y a une règle de progressivité. J'espère que, la situation économique s'améliorant dans les prochaines années, cette situation-là nous permettra d'améliorer le sort des plus démunis de notre société. Je suis très sensible à ça, étant député d'un comté qui est assez fortement défavorisé au plan économique. Alors, cette préoccupation-là, je tenais à la porter à votre attention.

(20 h 30)

Maintenant, sans prêter aucune mauvaise intention, M. le Président, à mes collègues d'en face, je trouve toujours qu'il est parfois suspect, même si ce n'est absolument pas volontaire, d'avoir soudainement une espèce de greffe subite de virginité sociale ou une solidarité angélique tout d'un coup par rapport aux plus démunis, alors que, pendant les années où l'économie tournait au mieux au Québec, on a oublié, justement, ces démunis-là. C'est sûr que des périodes difficiles, ça nous amène – et, ça, j'en conviens – à peut-être un plus grand serrage de coudes, à une plus grande solidarité, mais il ne faut jamais oublier ce qui s'est passé avant nous, M. le Président. Alors, sur ce, j'arrête mon intervention.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le député de Bonaventure. En alternance, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Je vous avoue, M. le Président, qu'à force de regarder pendant des heures et des heures les admirables collègues en face, qui, je sais, sont dotés d'une intelligence tout à fait extraordinaire, mais qui, malheureusement, pour des raisons stratégiques, sont relégués au silence et qui doivent rester là un peu comme des plantes vertes... Ils consomment une certaine quantité d'espace, une certaine quantité d'oxygène, mais il n'y a rien d'autre. Je vous avoue que j'ai trouvé ça très rafraîchissant d'entendre le député de Bonaventure, que je connais par ailleurs, il a effectivement une conscience sociale développée et il comprend, et je crois que c'est pour ça qu'il tenait absolument à prendre la parole sur cette importante question.

Je vous avoue que, quant à l'idée de parler d'une greffe subite de solidarité sociale, il a partagé un peu avec nous une partie de son propre background et ses propres expériences comme avocat. Ayant déjà eu à plaider moi-même des causes pour des clients sur l'aide juridique, je dois vous dire que je sais de première main de quoi il est en train de parler. Et je pense que, même si on ne se connaît pas tous assez des deux bords, vous n'avez qu'à regarder un peu le background de ceux qui vous ont parlé aujourd'hui et vous risquez de vous rendre compte que c'est encore un exemple d'une des ironies de notre système ici, au Québec, le fait que ce sont surtout des questions d'ordre constitutionnel qui nous divisent et pas nécessairement notre vision de la société au sens plus large. En d'autres mots, M. le Président, comme on dit en anglais: «There are large "L" liberals and small "l" liberals, and quite clearly the Member for Bonaventure is a small "l" liberal.»

Je dois par ailleurs dire que le député a raison dans son analyse lorsqu'il dit que le problème, c'est que la terminologie «économiquement défavorisées» ne colle plus à la réalité. Je le suis là-dessus. Il dit que les seuils sont ridiculement bas, soit. Il nous invite aussi à regarder ce qui s'est passé. Je vous avoue que c'est un exercice que je trouve un peu futile parce que, en 1996, commencer à dire que l'un a eu tort en 1982 quand c'était le Parti québécois, ou l'autre a eu tort en 1985 quand c'était les libéraux qui étaient revenus, je trouve que c'est un exercice un peu pénible. Et je vous avoue, on a une expression en anglais: «Two wrongs don't make a right». Je me permettrai de la traduire librement: «Deux fois tort ne donnent pas raison». Et, en 1982, on se souvient que le Parti québécois avait changé la loi et, dorénavant, au lieu de laisser à la Commission le soin d'ajuster au coût de la vie, c'était devenu quelque chose qui se faisait par législation. Il y a eu une couple d'augmentations, mais, effectivement, depuis plus de 10 ans, c'est gelé et ça ne correspond plus parce que les 10 ans en question contiennent plusieurs années avec une assez bonne inflation. Et, donc, ça ne colle plus.

Mais je pense que, même si je peux donner raison à mon collègue de Bonaventure sur un certain nombre de points, je dois aussi lui dire que, lorsqu'il dit qu'une partie de notre analyse est erronée, je pense aussi qu'il faut regarder ce qui s'est dit et comment le ministre a tenté de vendre sa salade. Alors, je vais me permettre de lui citer textuellement la page 1418 des débats de l'Assemblée nationale, du 29 mai 1996. Je vais vous citer une phrase... deux, pardon, deux phrases, un petit paragraphe du ministre de la Justice du Québec: «De même, grâce au volet avec contribution, plusieurs travailleurs au salaire minimum et un plus grand nombre d'aînés qui reçoivent le supplément du revenu garanti deviendraient admissibles à l'aide juridique alors qu'ils ne le sont pas actuellement. C'est donc toute une nouvelle clientèle qui s'ajouterait et qui, contre une contribution raisonnable, pourrait désormais bénéficier de services juridiques qu'elle n'avait pas les moyens financiers de se payer jusqu'à présent.»

Voilà pour le discours. Maintenant, pour la réalité. Une personne, un travailleur au salaire minimum gagne 13 416 $ par année. Même avec cette contribution maximum de 800 $, une personne seule a le droit de gagner un maximum de 12 640 $. Donc, ce que nous insistons pour dire depuis le début, c'est qu'il est erroné, pour reprendre son terme – je ne dirai pas «faux» pour ne pas prêter de mauvaises intentions – il est erroné d'affirmer, comme le ministre l'a fait à la page 1418 des débats de l'Assemblée nationale, du 29 mai 1996, qu'un travailleur au salaire minimum va pouvoir en bénéficier, parce que ce travailleur-là n'a le droit ni au volet gratuit ni au volet avec contribution, à moins, bien sûr, d'être rendu sur le chômage ou d'être rendu sur le bien-être. Ça peut avoir été un travailleur au salaire minimum.

Par ailleurs, je ferais remarquer à mon collègue de Bonaventure qu'il y a une autre règle qui est changée là-dedans: on ne regarde plus la situation de la personne sur une base x, tant par année, on réfère à ses revenus dans l'année précédant son dernier rapport d'impôts, et la situation a pu radicalement changer. On a entendu les gens du centre des services juridiques de Petite Bourgogne, «Little Burgundy and Pointe St. Charles», qui sont venus ici et ils nous ont expliqué que ça ne colle pas à la réalité, une telle approche. On l'a déjà vu; pour toute personne qui a déjà travaillé dans ce domaine-là, on sait que, dans le domaine des prêts et bourses scolaires, c'est un des plus gros problèmes: on réfère toujours à l'année financière dernière, on demande combien les parents ont gagné. C'était le dernier rapport d'impôts. Souvent, ça réfère à une situation absolument pas en rapport avec ce que les gens vivent au moment de faire la demande. Et c'est la même chose ici. Aussi, les représentants du centre de Petite Bourgogne et de Pointe-Saint-Charles nous ont rappelé qu'il y avait plusieurs personnes, donc, qui venaient devant eux et qui n'allaient pas être admissibles avec les nouvelles règles parce que la marge de manoeuvre dont elles disposent à l'heure actuelle, ce qu'elles appelaient leur pouvoir discrétionnaire, est en train d'être radicalement réduit par ce projet de loi. Ça, c'est pour la partie de la situation du ministre qui parle du salaire minimum.

La deuxième partie de sa phrase, et c'est tout dans la même phrase: «et un plus grand nombre d'aînés qui reçoivent le supplément de revenu garanti deviendraient admissibles». Intéressant, M. le Président, et je suis sûr que le député de Bonaventure l'a remarqué aussi, comme nous, que, lorsque l'Association québécoise des retraités et pré-retraités est venue devant cette commission parlementaire hier, les représentantes ont fait les mentions suivantes: que l'augmentation des seuils est moins généreuse que le projet de loi 87 qui a terminé sur le récif; l'augmentation des seuils est là, mais c'est pour diminuer les services; il y a une augmentation des seuils, mais seulement pour les familles, et on sait que les personnes âgées sont souvent des personnes qui vivent seules; que, selon elles, l'accès à la justice est un droit fondamental; que l'exclusion des poursuites sommaires cause un préjudice grave aux aînés victimes de violence, parce que l'agresseur pourrait contre-interroger la victime, un autre élément qui a été soulevé au printemps dernier et qu'on s'étonne de continuer de voir dans le projet de loi du ministre de la Justice. Une citation directe, peut-être, aiderait à situer le contexte des aînés en «contredistinction» avec ce que le ministre affirmait le 29 mai: «On oublie le déficit humain que vont provoquer les réformes du gouvernement». Et, finalement, ça touche les aînés et les plus démunis.

(20 h 40)

Vous voyez, M. le Président, ce ne sont pas des gens avec une greffe subite de solidarité sociale qui ont dit ça, ce sont les représentantes d'un groupe d'aînés. Alors, comment est-ce que le député de Bonaventure, M. le Président, peut se sentir à l'aise avec les affirmations faites par le ministre de la Justice le 29 mai, lorsqu'il a dit que les travailleurs au salaire minimum et les aînés allaient être les grands bénéficiaires de sa soi-disant réforme d'aide juridique? Ça ne colle pas à ce que fait réellement le projet de loi. Alors, c'est bien beau de dire qu'on a l'intention de faire quelque chose, c'est autre chose de le réaliser.

Je ferais aussi remarquer, M. le Président, au député de Bonaventure que, dans un communiqué de presse d'aujourd'hui, à 14 h 51, le ministre Perreault, le ministre de la Sécurité publique, a fait une révélation très intéressante, et je cite: «Le ministre de la Sécurité publique, Robert Perreault, soutient que les chiffres que le Vérificateur général a rendus publics concernant la conduite avec facultés affaiblies ne sont pas exacts. Dans son rapport annuel déposé hier, le Vérificateur général, Guy Breton, soutenait qu'en 1994 le tiers des personnes accusées de conduite avec facultés affaiblies avaient été acquittées. Il attribuait cette situation à un manque d'experts pour aider les policiers dans ces cas. Le ministre Perreault soutient que ces chiffres ne sont pas les bons. Selon lui, 9 000 des 10 000 personnes accusées en 1994 ont plaidé coupable; des 1 000 autres, 600 ont été trouvées coupables. Le ministre Perreault explique que le ministre de la Justice n'a pas fourni les bons chiffres au Vérificateur.»

Ça, c'est intéressant, M. le Président, d'avoir un communiqué de presse du ministre de la Sécurité publique qui informe tout le monde que le ministre de la Justice ne fournit pas les bons chiffres au Vérificateur général. C'est très intéressant, parce que ça nous renvoie à ce que je lisais tantôt, ça nous renvoie aux affirmations de ce même ministre de la Justice, faites devant l'Assemblée nationale. On a déjà eu plusieurs rappels à l'ordre aujourd'hui, M. le Président, concernant la manière de qualifier ce que fait le ministre lorsqu'il dit le contraire de la vérité. On a vu qu'il fallait faire très attention parce que, même si on peut faire la démonstration que le ministre dit le contraire de la vérité, si on utilise le mot pour le décrire, ça peut nous causer des ennuis sur le plan parlementaire. Ce qui est intéressant parce que, lui, il a le droit de dire le contraire de la vérité, mais, nous, on n'a pas le droit de dire la vérité, c'est-à-dire utiliser le mot qui décrit bien le fait qu'il dit le contraire de la vérité. C'est très intéressant. Cependant, je peux aller dans le corridor et utiliser le bon mot pour décrire ce que le ministre fait lorsqu'il dit le contraire de la vérité, mais je ne peux pas le dire ici. Lui, il peut venir ici et dire le contraire de la vérité, mais on n'a pas le droit de faire autrement que, par des manières très polies, expliquer que ce n'est pas conforme à la réalité. Et c'est ce qu'on vient de faire, M. le Président, et c'est très intéressant, parce qu'un de ses collègues au Conseil des ministres a dit la même chose aujourd'hui. Le ministre Perreault explique que le ministre de la Justice n'a pas fourni les bons chiffres au Vérificateur. Très intéressant.

Alors, quand est-ce qu'il fournit les bons chiffres, M. le Président? Il ne les a pas fournis en Chambre. En Chambre, il est allé dire à tous les autres parlementaires et au public québécois que ça allait régler le problème d'accès à l'aide juridique pour le travailleur au salaire minimum. On vient de faire la démonstration que c'est le contraire de la vérité, M. le Président.

Le Président (M. Paré): En terminant...

M. Mulcair: Oui.

Le Président (M. Paré): ...M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: C'est également contraire à la vérité d'affirmer que c'est bon pour les aînés; un aîné qui vit seul, il n'y a rien qui change.

Alors, on aura sans doute, au cours de la soirée qui est devant nous, amplement l'occasion de faire plusieurs autres démonstrations de cette sorte, mais je ne peux m'empêcher de citer, en terminant, un autre de ses collègues, qui est l'actuel ministre des Relations, qui a dit, à la défense des crédits, que c'était une bonne chose que l'Office de la protection du consommateur ne relève plus du ministre de la Justice parce que ça n'allait plus pouvoir faire son travail; c'est une bonne chose, lui, il allait le défendre. Et on a vu l'année dernière qu'un ministre qui est seulement préoccupé par une commande du Trésor, qui ne regarde pas les effets de cette commande-là, est un ministre qui va faire des coupures sans mesurer le résultat prévisible, ni en termes du coût de l'administration d'un nouveau régime comme celui-ci ni en termes du coût social.

Et on va sans doute avoir l'occasion de demander au ministre s'il a fait des études sérieuses de l'impact administratif et bureaucratique de cette modification-là, mais, quand son propre collègue explique qu'il ne fournit pas les bons chiffres au Vérificateur général de la province de Québec, on est un peu inquiets de savoir si, dans cette commission, on va être capables d'avoir les bons chiffres.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le député. Du côté ministériel, y a-t-il d'autres interventions?

M. Bégin: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Paré): M. le ministre.

M. Bégin: Je voudrais tout d'abord remercier mon collègue, le député de Bonaventure, pour son intervention. Je pense qu'il a dit des choses extrêmement importantes et correctes, et qui correspondent aussi aux objectifs que l'on vise, tout au moins de ce côté-ci de la table. L'intervention de mon collègue, le député de Chomedey, me permet peut-être de lui donner des chiffres concrets qui vont lui permettre de comprendre que ce que j'ai dit en Chambre correspond exactement à la réalité. Et, si vous me permettez, j'aimerais citer une série de chiffres, avec des exemples très précis, pour qu'on comprenne.

Tout d'abord, bien sûr que toute personne actuellement sur les prestations de la sécurité du revenu était et continuera d'être éligible à l'aide juridique...

Une voix: Gratuitement.

M. Bégin: Oui, gratuitement. Bien sûr, c'est à peu près la seule chose qu'il y a de similaire, parce qu'après ça on s'éloigne, et sensiblement, de ce qui existe actuellement. À titre d'exemple, on parle du travailleur au salaire minimum. Je pense qu'aujourd'hui travailler 32 heures ou 35 heures est considéré comme étant un travail à temps plein; je ne pense pas me tromper en disant ça. Alors, j'ai fait des petits calculs pour illustrer mon propos, basé sur 37 heures. C'est déjà un peu mieux que 32 ou 35. Trente-sept heures à 6,45 $, qui est le taux du salaire minimum, multiplié, évidemment, par 52 semaines, ça me donne un revenu de 12 409 $. Alors, je me permets, à partir de cette hypothèse... Retenez le chiffre de 12 409 $, et regardons ce qui est la situation actuelle et ce qui arrivera dans le futur.

Pour une personne seule: à 12 409 $, actuellement, elle n'a pas droit, d'aucune manière, à l'aide juridique, rien; si on regarde maintenant avec le projet de loi, la personne aura droit à l'aide juridique avec une contribution, et là elle est au maximum, une contribution de 800 $. Pour un couple, toujours la même hypothèse, actuellement, il n'a pas droit à l'aide juridique, d'aucune manière; il aura droit à l'aide juridique dans le cadre du volet contributoire, mais avec un versement d'une somme de 100 $. Un couple avec un enfant, actuellement, n'a pas droit à l'aide juridique avec ce salaire-là; il aura droit, à l'avenir, à l'aide juridique gratuitement. Couple avec deux enfants: actuellement, et c'est le seul cas, à la marge, il a droit à l'aide juridique actuellement; bien sûr qu'il aura droit aussi à l'aide juridique gratuitement. Famille monoparentale avec un enfant: actuellement, n'a pas droit à l'aide juridique; dorénavant, aura droit à l'aide juridique gratuitement. Famille monoparentale avec deux enfants: actuellement, n'a pas droit à l'aide juridique; aura droit gratuitement à l'aide juridique. Et pour reprendre l'exemple dont parlait mon collègue cet après-midi, le travailleur à temps partiel, avec le salaire minimum, disant qu'il n'avait pas droit à l'aide juridique, bien, j'ai pris quelqu'un qui travaillait 25 heures par semaine. Je considère qu'avec 25 heures c'est un travail à temps partiel, mais c'est quand même quelqu'un qui travaille pas mal. À 6,45 $ l'heure, multiplié par 52 semaines, ça lui donne un revenu de 8 385 $. Bien, partout – seul, monoparental, toutes les catégories – il a droit à l'aide juridique gratuitement dorénavant. Je pense que, quand on voit ça, on comprend que, oui, effectivement, je l'ai dit en Chambre, il y aurait beaucoup plus de personnes qui auraient droit à l'aide juridique gratuite, d'autres avec le volet contributoire, mais que ça se distancie de manière très sensible par rapport à ce qui existait auparavant.

Si je prends actuellement une personne âgée qui bénéficie du supplément du revenu garanti, donc sa rente plus le supplément, si elle vit seule, elle reçoit 10 370 $; actuellement et, bien sûr, avec le barème de 8 870 $, elle n'a pas droit à l'aide juridique; actuellement, avec le volet contributoire, si elle contribue 400 $, elle aura droit à tous les avantages de l'aide juridique. Un couple dans la même situation fait un revenu de 16 807 $. Le couple, actuellement, est plafonné à 10 900 $, n'a pas droit, d'aucune manière, à l'aide juridique; bien, dans le cas actuel, il y aura une contribution de 700 $, mais il aura droit à tous les avantages de l'aide juridique. C'est le maximum, le 700 $, on se comprend. Si le coût du service est de 300 $, bien, il paiera 300 $.

(20 h 50)

Et on a compris cet après-midi le témoignage d'une personne qui nous a dit: Bien sûr, il est bien clair que c'est des tarifs qui sont inférieurs à ce qui se paie dans la pratique privée, puisque les prix sont beaucoup plus élevés. Et, ça, pour la personne, c'était évident. Donc, cette personne-là paiera un montant inférieur.

Une personne handicapée bénéficiant d'une rente d'invalidité de la Régie des rentes du Québec, actuellement, à un revenu de 10 450 $ présentement, ne peut d'aucune manière, de quelque manière que ce soit, bénéficier de l'aide juridique. Avec le nouveau régime, avec une contribution de 400 $ maximum, et inférieure si le coût du service est inférieur, donc, elle aura droit à l'aide juridique.

M. le Président, je pense que, quand on a ces chiffres-là – et je vais les faire imprimer sous une forme un peu plus lisible, pour tout le monde – on comprend que j'avais raison de dire en Chambre ce qu'il en était. J'ai distribué, après la présentation du projet de loi en Chambre, un tableau intitulé «Barèmes d'admissibilité à l'aide juridique: volet gratuit et volet avec contribution», tableau que l'on retrouve ici et qu'on peut montrer à grande échelle. On peut voir là-dedans l'ensemble des propositions. Alors, quelqu'un qui veut regarder est en mesure, dans toutes les hypothèses, de voir exactement ce qui arrive et est en mesure de se rendre compte que les barèmes ont augmenté sensiblement au point que, actuellement, 650 000 personnes, dont 125 000 au volet gratuit, de plus bénéficieront de l'aide juridique, et 525 000 moyennant une contribution s'échelonnant de 100 $ à 800 $. Ce qui fait qu'aujourd'hui, au moment où on se parle, 1 100 000 personnes peuvent bénéficier des services d'aide juridique, alors que, dorénavant, ça sera 1 700 000 personnes qui pourront en bénéficier.

M. le Président, quand on regarde ces chiffres-là et qu'on les compare à ce qui existait auparavant, je pense qu'on peut dire que j'ai dit en Chambre des choses extrêmement intéressantes et exactes. Alors, le reste... Bien sûr qu'on peut imaginer un scénario où une personne travaille 60 heures par semaine. Bien sûr qu'on n'arrivera pas dans les chiffres. Mais je ne crois pas, honnêtement, que ce soit le propos de notre commission de regarder les cas exceptionnels, mais plutôt de regarder ce qui arrive dans la vraie vie. Et ce que je viens de montrer, c'est la vraie vie, et on voit que beaucoup de personnes bénéficieront effectivement de l'aide juridique, et c'est le but de l'opération.

Alors, M. le Président, même si on est au niveau d'un article qui a plus ou moins d'importance avec l'ensemble de la problématique, compte tenu des interventions de mon collègue, député de Bonaventure, et de ce que le député de Chomedey a dit après, je crois que ça valait la peine de donner ces chiffres-là pour le bénéfice de tout le monde et des travaux de la commission. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le ministre. S'il n'y a pas d'autre intervention sur le paragraphe 1°, je passerais au paragraphe 2°.

M. Bégin: Est-ce qu'on l'adopte...

Le Président (M. Paré): Est-ce qu'on l'adopte après ou...

M. Bégin: Je ne sais pas, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Un ou l'autre est possible.

M. Bégin: Ah! O.K.

Le Président (M. Paré): On peut passer au paragraphe 2°. La parole est au député de Chomedey.

M. Mulcair: Avec respect, M. le Président, ça serait peut-être plus prudent de les adopter un par un. On ne sait jamais, si par hasard il y en avait un avec lequel on serait d'accord.

Le Président (M. Paré): C'est bien. Le paragraphe 1° est-il adopté?

M. Mulcair: Vote nominal, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Je demanderais au secrétaire de procéder.

Le Secrétaire: Alors, pour ou contre le paragraphe 1°.

M. Bégin (Louis-Hébert)?

M. Bégin: Pour.

Le Secrétaire: M. Payne (Vachon)?

M. Payne: Pour.

Le Secrétaire: M. Landry (Bonaventure)?

M. Landry (Bonaventure): Pour.

Le Secrétaire: M. Jutras (Drummond)?

M. Jutras: Pour.

Le Secrétaire: M. Morin (Nicolet-Yamaska)?

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Pour.

Le Secrétaire: M. Paré (Lotbinière)?

Le Président (M. Paré): Pour.

Le Secrétaire: M. Mulcair (Chomedey)?

M. Mulcair: Contre.

Le Secrétaire: M. Kelley (Jacques-Cartier)?

M. Kelley: Contre.

Le Président (M. Paré): Le paragraphe 1° est adopté.

Paragraphe 2°. M. le député de...

M. Bégin: M. le Président.

Le Président (M. Paré): Oui.

M. Bégin: Une brève présentation. Vous avez deux éléments dans ce paragraphe: d'une part, de remplacer le mot «corporation» par les mots «personne morale», et les mots «économiquement défavorisées» par les mots «financièrement admissibles à l'aide juridique». En ce qui concerne le mot «corporation», il s'agit d'une harmonisation avec le Code civil. Le mot «corporation» a été remplacé dorénavant dans nos lois par les mots «personne morale», alors il s'agit de profiter des circonstances pour harmoniser nos lois, et nous le faisons régulièrement. Quant aux mots «économiquement défavorisées», nous venons d'adopter un paragraphe où nous avons supprimé ces mots en expliquant que ceci sera dorénavant remplacé par «financièrement admissibles» que nous retrouverons aux articles 4.1, 4.2 – nouveaux – de l'article 6. J'ai donné tout à l'heure les explications, nous avons parlé longuement, alors, je pense qu'on peut passer à l'adoption de ce paragraphe.

Le Président (M. Paré): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: He should be so lucky!

M. le Président, je pense que c'est tout à fait approprié de remplacer le mot «corporation» par le terme «personne morale», on est d'accord avec ça. Peut-être qu'on pourrait faire une motion pour scinder le paragraphe 2° de l'article 2, parce qu'on est d'accord avec la première partie, mais, malheureusement, dans la deuxième partie, voilà, on retombe dans les problèmes puis on va être obligés de commenter quelque peu à cet égard, M. le Président, les chiffres fournis par notre collègue, le ministre de la Justice, tantôt.

Le ministre, de la même manière qu'il a réussi à se donner une très bonne note sur son projet de loi suite à sa compréhension de tout ce qui s'est dit en commission parlementaire, a réussi, encore une fois, par le biais de ses exagérations et de sa trop grande envie de trouver une manière de se donner raison... Il vient, dans ses dernières remarques, vraiment d'anéantir toute son argumentation sur l'intérêt des barèmes qu'il est en train de présenter. Il est allé jusqu'à dire, M. le Président, que notre propos ne s'appliquait qu'aux gens... et je le cite, et ça va être dans les transcriptions: les gens qui travaillent 60 heures/semaine. Évidemment, M. le Président, vous n'avez jamais entendu personne, de ce côté-ci, parler de 60 heures par semaine. Et il a dit qu'il fallait rester dans le vrai monde. Mais le ministre est toujours très sélectif lorsqu'il décide quels exemples constituent le vrai monde, car, M. le Président, le ministre a décidé que 37 heures par semaine, ça, c'était temps plein, au salaire minimum, et il a procédé avec cet exemple-là, à nous dire que, dans le volet avec contribution, une personne qui travaillait 37 heures par semaine gagnait 12 409 $, et, donc, avec une contribution de 800 $, parce que cette personne-là se retrouve entre le 700 $, qui est à 12 169 $, et le 800 $, qui est le maximum, à 12 640 $, donc, cette personne-là paie 800 $, net, clair, de ses poches, pas déductibles d'impôts, déjà taxés, pour avoir droit d'être défendue dans une cause devant les tribunaux, par exemple. Je ferais remarquer tout de suite au ministre que la personne qui gagne 12 409 $ par année, c'est une hypothèse que je fais, mais elle va peut-être avoir un peu de mal à trouver un 800 $ de «spare» qui traîne quelque part.

Mais, ce qui est d'autant plus remarquable avec l'optimisme du ministre et sa manière tout à fait extraordinaire de se donner raison, c'est que, si on prend une personne qui gagne... oh! un autre chiffre tiré des airs, disons qui travaille 38 heures par semaine, tout d'un coup, cette personne n'est admissible ni avec la partie volet gratuit ni avec contribution. Vous voyez, M. le Président, comment le ministre est sélectif? Alors, c'est vrai, et c'est un autre exemple de cette tendance merveilleuse du ministre de toujours ajouter un mot ou un terme pour qualifier.

Mon collègue, le député de Jacques-Cartier, nous a rappelé le bon souvenir de cet extraordinaire communiqué de presse du ministre sur les augmentations qu'il a données aux juges. Il a dit: Oui, leurs salaires sont maintenant plus élevés, mais ce n'est pas des augmentations, c'est des ajustements parce que, avant, ils étaient plus nombreux à recevoir plus, maintenant, ils sont moins nombreux, puis même si la masse a augmenté, ce n'est pas vrai, ce que Le Devoir vient de dire en première page. C'était extraordinaire, et ça a failli marcher. Ça a failli marcher. Et, vraiment, chapeau! jusqu'à un certain point dans ce genre de démarche, parce que ça prouve que le ministre a certains talents. Alors, c'est toujours bien de pouvoir le constater, parce que ce n'est définitivement ni en Chambre ni lorsqu'il fait des appels au règlement qu'on est capables d'apprécier ses talents.

Cet après-midi, le ministre s'est assis à 15 heures, lorsque la commission a commencé, il a ouvert la bouche en disant: «Question de règlement», puis il a commencé à parler. Pas d'article, pas de référence à une idée des règlements – parce qu'il n'a aucune idée du règlement – et il commence à parler. Il cite la formule magique. La baguette magique, pour emprunter l'image du premier ministre désigné, c'est: On dit: «Question de règlement». Alors, pouf! on arrive: Question de règlement, aucun lien avec le règlement lui-même, aucune référence à un numéro d'article, il arrive, il va en faire un, il parle. Ce n'est vraiment pas là qu'il a du talent, M. le Président.

(21 heures)

En Chambre, on a aussi vu... Lorsqu'il s'agit de la législation, il nous a déjà dit qu'il ne lisait pas les lois sur lesquelles il vote. Aveu assez gênant pour un ministre de la Justice, vous ne trouvez pas? Dans l'affaire Rita Dionne-Marsolais, il a été obligé de dire: Bien, si vous pensez qu'on lit les lois avant de les voter... Il siège sur le Comité de législation. Une chance qu'il n'est pas le président, ça aussi, on l'a appris aujourd'hui, mais il siège quand même sur le Comité de législation. Il voit toutes les lois bien avant les autres députés ou ministres, puis il arrive en Chambre, puis sans la moindre gêne il dit: Je ne lis pas les lois avant de les voter, voyons donc! Vous pensez qu'on lit les lois avant de les voter? Alors, ce n'est pas là non plus qu'on peut nécessairement apprécier ses grands talents.

Mais, quand il fait un communiqué de presse pour dire que, lorsqu'on hausse les salaires des juges, ce n'est pas une augmentation, c'est un ajustement, on appelle ça, en anglais, «a diamond in the rough». On se dit: Il y a quelque chose là. Si on enlève tout ce qui revient lorsque le ventilateur du député de Bonaventure est mis en marche, on trouve quelque chose. Vraiment, c'est un talent de désinformation, c'est assez extraordinaire. Et c'est exactement ce qu'il vient de faire avec son exemple. Je l'invite, je souhaite qu'il mette son exemple de la personne à 37 heures, parce que, ça, c'est le nouveau nombre d'heures, d'après le ministre de la Justice du Québec, c'est à 37 qu'on s'arrête parce qu'on vient de lui montrer qu'à 38 on n'est plus admissible, même en payant 800 $. Alors, c'est ça, de la désinformation, M. le Président. C'est ça, quand il se lève en Chambre et, attention, il faut bien regarder les mots: De même, grâce au volet avec contribution, plusieurs travailleurs au salaire minimum... Vous voyez? Astucieux. Il n'a pas dit: les travailleurs au salaire minimum, ou: un travailleur au salaire minimum, ou: le travailleur au salaire minimum. Il a dit: plusieurs.

Alors, ça va s'appeler dorénavant l'horaire Bégin parce que, le lundi, on va travailler huit heures, le mardi, on va travailler huit heures, le mercredi, on va travailler huit heures, le jeudi, on va travailler huit heures et, le vendredi, on n'a pas besoin de travailler huit heures, on fait cinq heures. C'est bien, ça. Alors, ça fait 37 heures parce que, si on travaille six heures le vendredi, oups! on n'est plus admissible à l'aide juridique et le ministre va se lever et dire: Bien non, je vous avais dit que c'étaient plusieurs travailleurs au salaire minimum, ce n'étaient pas tous, voyons donc. Il faut suivre le barème Bégin.

J'espère juste que le ministre va donner cette gentille explication avec le nouveau document qu'il s'apprête à pondre, que, nous, on va se faire un plaisir de distribuer à tous les gens de la Coalition. Eux, ils vont pouvoir dire: Vraiment, on comprend pourquoi, pendant un an, ça a tourné en rond et pourquoi il est arrivé avec un projet de loi qu'il tente de vendre comme étant une version nouvelle et améliorée. Comme un nouveau savon, vous savez. C'est le même savon, mais on change un peu la boîte puis on met: nouveau et amélioré, dessus. C'est ce que le ministre essaie de faire avec ça: nouveau et amélioré. Mais, malheureusement, tout ce qu'il lave plus blanc, c'est les tentatives de blanchissage du ministre parce que, à 38 heures, et à plus forte raison, M. le Président, à 40 heures, on n'est aucunement admissible à l'aide juridique.

Le ministre a fait un autre aveu tantôt, il a parlé des gens sur la sécurité du revenu. Ça, c'est intéressant parce que c'est, je crois, un autre exemple d'un désincitatif au travail. Pourquoi, en effet, est-ce que la personne qui travaille au salaire minimum – et elles sont très nombreuses dans notre société – pourquoi est-ce que cette personne-là, justement, se donnerait la peine? C'est une autre chose, que la personne sur la sécurité du revenu, le ministre vient de le dire, c'est une autre chose que cette personne-là ait toujours, en toute circonstance, gratuitement, toujours... Il l'a dit: Tout le monde sur la sécurité du revenu est toujours, en toute circonstance, admissible à l'aide juridique illimitée, gratuite. À un moment donné, les gens font des calculs. Ce n'est pas pour dire que les gens sur le bien-être social vivent bien. Ce n'est pas pour dire qu'ils sont heureux. Ce n'est pas pour dire qu'ils ne veulent pas travailler. Ce n'est pas pour dire que c'est leur faute. Mais c'est une réalité. À un moment donné, si tu mets tout ça ensemble, tu es en train de regarder une situation où tu décourages les gens de retourner au travail. Je ne suis pas convaincu que le ministre de la Justice du Québec, celui-là même à qui le ministre de la Sécurité publique du Québec a été obligé de dire, cet après-midi, qu'il avait fourni les mauvais chiffres au Vérificateur général... Les termes exacts de M. Perreault étaient... Le ministre Perreault a expliqué gentiment au ministre que le ministère de la Justice n'avait pas fourni les bons chiffres au Vérificateur. Quels chiffres va-t-il nous fournir pour nous dire ça va coûter combien, son nouveau système, M. le Président? Quels chiffres va-t-il fournir aux gens? Bien, il va leur dire: Ne travaillez pas plus de 37 heures par semaine au salaire minimum si vous voulez avoir la moindre chance d'avoir de l'aide juridique, parce que je viens de fermer la porte sur le discrétionnaire qui existait auparavant. Assez étonnant, M. le Président, et assez décevant.

Mais puisqu'on a déjà eu l'occasion d'expliquer en long et en large pourquoi, à notre point de vue, c'est une erreur de changer les mots sans changer le fond, puisque le ministre a déjà fait le changement au paragraphe 1°, c'est la fin de notre intervention sur le paragraphe 2°.

Le Président (M. Paré): Merci. M. le ministre. Ça va? Est-ce que j'appelle le paragraphe 2°?

M. Bégin: Adopté.

Le Président (M. Paré): Adopté.

M. Mulcair: Sur division.

Le Président (M. Paré): Sur division. Paragraphe 3°. M. le ministre.

M. Bégin: Alors, il s'agit de supprimer ce qui est la définition de l'«aide juridique» comme telle, qui n'est plus nécessaire compte tenu de ce que nous retrouvons maintenant aux articles 4, 4.1 et 4.2 amendés par l'article 6 du projet de loi.

Le Président (M. Paré): Paragraphe 3°.

M. Mulcair: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Paré): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui. Comme le ministre de la Justice vient justement de le dire, il est en train, par ce geste, vraiment de concrétiser et d'illustrer le point sur lequel les groupes communautaires qui sont venus défiler devant cette commission parlementaire avaient raison de dire que la nature même de la couverture de l'aide juridique et la nature même de la philosophie de l'aide juridique venaient d'être radicalement changées.

Rappelons un peu ce que l'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidenté-e-s du Québec nous a dit lorsqu'elle est venue ici. Leur premier point a été de nous dire que le projet de loi n° 20 modifiait radicalement la philosophie de l'aide juridique. Ils ont ajouté qu'avec la mise en place d'un volet contributoire on remplace l'aide juridique par un privilège sous réserve de l'admissibilité. Ils ont ajouté que le fait d'abandonner l'approche actuelle était un gros problème et que ça consistait à réduire le panier de services, et c'était en cela leur plus gros problème à l'égard du projet de loi. Ils ont mentionné par ailleurs que la couverture en matière de droit administratif et social était tout à fait insuffisante et que c'est justement parce qu'il n'y a pas eu d'augmentation des seuils depuis 1985 qu'il ne faut pas couper dans l'aide juridique.

Le but du projet n'est qu'une coupure budgétaire, ce que le ministre de la Justice se doit de refuser lorsqu'on parle d'accès à la justice. Ça, c'est un point très important, M. le Président, et on ne le dira jamais assez. Mme le juge L'Heureux-Dubé, de la Cour suprême du Canada, l'a rappelé, dans une importante allocution, hier, dans l'Ouest canadien, et c'est un point qui a été soulevé par tous les auteurs qui ont regardé la question.

Quand on parle de droit à la représentation par avocat, on est en train de toucher à ce qu'il y a de plus fondamental dans notre système de justice. Il y a différentes règles en justice naturelle. Deux des plus importantes sont: Audi alteram partem, il faut entendre les deux côtés; et: Nemo judex in causa sua. Ça veut dire: On n'a pas le droit d'avoir un intérêt ou un conflit lorsqu'on juge, on ne peut pas être juge dans sa propre cause. L'accès à la justice fait partie de cette première règle importante de justice naturelle. Car, lorsqu'on dit qu'une partie a le droit d'être entendue, on dit par la même occasion qu'elle a le droit d'expliquer, selon les règles et selon les formes, sa défense dans un cas criminel, pour rester avec cet exemple-là pour l'instant. Et si on dit à une personne qu'elle n'a plus le droit d'être représentée par un avocat parce qu'elle a fait l'erreur de travailler 38 heures par semaine au lieu de 37, au salaire minimum, on est en train de lui enlever ce droit fondamental d'être entendue. On est en train de lui enlever non seulement ça, M. le Président – et ce serait déjà assez sérieux et grave si c'était ça – mais le projet de loi offre, de la même manière qu'il y a des désincitatifs au travail là-dedans, le projet de loi offre des problèmes, aussi, au niveau du droit d'être présumé innocent et de l'indépendance judiciaire.

(21 h 10)

Pour ce qui est du premier point, si une personne se fait offrir par un procureur de la couronne la possibilité, pour le procureur de la couronne, de ne pas demander de peine d'emprisonnement, on vient de mettre une pression indue sur cette personne parce qu'elle n'est plus en train de regarder son innocence ou sa culpabilité, elle est en train de regarder un résultat, car, si, aux termes de la loi, le procureur de la couronne ne demande pas de peine d'emprisonnement, la personne n'est plus admissible à l'aide juridique. Elle est dans une fâcheuse position parce que, ou elle va être obligée de prendre des ressources, probablement inexistantes, pour tenter de se faire défendre par un avocat, de son propre argent, ou elle va être obligée de plaider coupable. Ça, c'est ce que l'Association des avocats de la défense de Montréal a déploré, lorsqu'elle est venue faire sa présentation ici, en commission parlementaire.

Pour ce qui est de notre deuxième point, le fait que ça vient s'ingérer dans l'indépendance judiciaire – même si ça fait rire le ministre, je pense que c'est un point important – l'indépendance judiciaire est aussi un des piliers, un des fondements, une des assises de notre système judiciaire et ça se reflète, justement, dans ce deuxième grand principe de justice naturelle, car lorsqu'on dit: On ne peut pas être juge dans sa propre cause, on est en train de renvoyer à cette grande idée qu'il ne faut jamais que la personne se présente devant un décideur qui est entaché quant à son impartialité et son indépendance.

Alors, qu'est-ce qu'on est en train de faire ici? Bien, on est en train d'envoyer, par le procureur de la couronne, une sorte de directive, parce que le procureur de la couronne représentant le ministère public est en train de dire: Moi qui travaille pour le ministre de la Justice, je vous dis que cette personne-là ne devrait pas recevoir de peine d'emprisonnement. Le juge peut ne pas être d'accord avec ça. M. Francoeur, le vice-président du Barreau du Québec, nous a donné cet exemple-là. Il nous a parlé de la situation qui prévaut dans son district judiciaire de Baie-Comeau. Il nous a expliqué qu'à Baie-Comeau, pour ce qui est des vols à l'étalage, une deuxième infraction attire nécessairement une condamnation à un temps de prison de quelques jours, peu importe que le procureur de la couronne ait signé un petit papier disant qu'il ne demanderait pas de peine d'emprisonnement. Donc, ça, c'est le juge qui exerce son autorité, mais où est la justice, là-dedans, pour la personne qui a accepté le «deal»? Ça fait un peu «plea bargaining»: tu sauves un peu de temps à la société et de l'argent à la cour, et tout ça, et qu'est-ce qu'on va faire en échange? Bien, on ne demandera pas de peine d'emprisonnement, mais vous allez être reconnu coupable. Là, il se ramasse en cour, pas d'avocat, condamné et mis en prison. Ce n'est pas une théorie, ce n'est pas une idée qu'on se fait. Ce n'est pas nous autres qui avons apporté l'exemple, c'est le vice-président du Barreau du Québec, l'ordre professionnel des avocats, qui existe pour une seule raison: protéger le public.

Le ministre de la Justice, après un an, nous revient avec ça? C'est ça, le meilleur travail qu'il est capable de faire? Nous ramener ça? Ça a été «blasté» par tout le monde l'année dernière, ça a été décrié par tout le monde, au cours des deux derniers jours, puis il revient avec ça. On disait, tantôt, qu'on avait parfois du mal à trouver des choses positives chez le ministre, mais cet entêtement doit certainement lui servir en bien à l'occasion. Malheureusement, pour un parlementaire, pour un ministre de la Justice, ça fait plutôt dur de revenir avec des affaires comme ça, qui ne respectent pas des principes aussi fondamentaux que ceux que je viens d'énumérer, qui font preuve d'une méconnaissance totale de la nécessité de préserver l'indépendance judiciaire. Et ça augure très, très mal, M. le Président, pour le projet de loi n° 130, constituant le Tribunal administratif du Québec. Si c'est ça, son idée d'indépendance, imaginez quelle sorte de directive va swigner à partir du ministère au pauvre juge administratif. Imaginez quelle sorte d'ingérence il va y avoir avec ça. Ça fait peur. Comme membre du Barreau, je vous avoue que je suis fortement inquiet quand je vois une telle attitude de la part d'un ministre de la Justice.

Alors, qu'est-ce qui s'est passé pendant cette année au cours de laquelle le ministre a pu remettre sur le métier son fameux projet? Première tentative, il est allé chercher le brillant et talentueux William Schabas, de l'Université du Québec à Montréal. William Schabas, il y a deux semaines, vient d'avoir sa récompense. Il vient d'être nommé, il fait partie des nombreuses nominations partisanes du gouvernement. Il vient d'avoir sa récompense, là: il vient d'être nommé à la Commission des droits de la personne... une de celles-là, je pense que c'était celle-là. Lui, il est content, maintenant, il a eu ce qu'il voulait. Mais qu'est-ce qu'il nous a donné en retour? Il nous a donné un rapport sur lequel on a tiré à boulets rouges, notamment le Barreau et toutes les personnes qui l'ont regardé. Ils ont dit: Ça n'a pas de bon sens, il n'y a aucune analyse là-dedans. Il n'y a aucune structure de pensée là-dedans. Le mot exact employé par la plupart des gens qui ont commenté ça publiquement, c'était de la «démagogie». Le ministre trouve ça bon. Il nous l'a dit, à la défense des crédits. Il trouvait le rapport vraiment bon. Bien oui, parce que ça lui disait ce qu'il avait envie d'entendre. Mais tous les gens qui l'ont lu ont dit que c'était de la démagogie. Et le député de Drummond le sait, il a parlé avec le Barreau là-dessus, comme moi. Ils ont dit: Ça n'a pas de bon sens. Il n'avait pas plus envie que moi de pitcher un 800 $ là-dedans et c'était une des conclusions les plus illuminées du rapport Schabas. Alors, le rapport Schabas, que le Barreau et tous les observateurs initiés à la question ont décrié comme étant de la démagogie, le ministre était content avec ça. Il a essayé de faire un petit bout de chemin avec, mais il s'est bien rendu compte que ça ne valait pas grand-chose.

Et, tout au cours du printemps, on avait des ballons d'essai. On allait tout privatiser. On allait tout étatiser. Les journalistes nous appelaient, M. le Président, ils voulaient savoir quelle était notre réaction aux plus récentes rumeurs. Même si, comme tout politicien qui se respecte, j'ai toujours bien hâte qu'on me pose des questions sur mon opinion sur les choses, celui-là, je l'ai évité comme la peste parce que je savais que c'étaient des ballons d'essai. Je savais que même les attachés de presse, au ministère, qui font les communiqués de presse du ministre disant qu'une augmentation de salaire pour les juges, ce n'est pas une augmentation; même si ça hausse les salaires, c'est des ajustements, c'est les mêmes personnes qui soutenaient ça...

M. Bégin: M. le Président, on m'enlève la seule qualité que vous m'avez attribuée tantôt: c'était moi qui faisais les communiqués de presse sur le salaire des juges. Là, il est en train de dire que c'est les employés du ministère. Je trouve que je perds mon rang vite, M. le Président.

M. Mulcair: Je n'aurais jamais voulu porter atteinte à la capacité personnelle de désinformation du ministre, M. le Président, parce que sa capacité est importante. Mais on a remarqué quand même. Depuis Noël, il doit y avoir quelqu'un de nouveau dans son entourage, quelqu'un... peut-être une Jeanne-Françoise Lisée, je n'en sais rien, mais il y a quelqu'un chez lui qui est en train de préparer des papiers qui sont assez stupéfiants, merci.

Une voix: ...

M. Mulcair: Oui, le ministre lui-même, après ça, avec tous ses talents, effectivement, il fait un excellent travail de les présenter, de les circuler et de les défendre. Mais, pour ce qui est de la personne, j'ai hâte de la rencontrer au moins un jour. Peut-être qu'elle donnerait des cours, peut-être qu'elle changerait de bord dès que le premier ministre désigné ferait la bonne chose et déclencherait des élections et on va pouvoir mettre le ministre de ce côté-ci, en opposition, parce qu'elle est talentueuse. Vraiment, ce n'est pas toujours très honorable, mais...

M. Bégin: Je vais gagner mes élections.

M. Mulcair: ...elle est très talentueuse.

Toujours est-il, M. le Président, qu'en supprimant le paragraphe c, on se retrouve en plein coeur des difficultés à venir. Même si le ministre nous renvoie aux autres articles, qui vont venir ajouter un article 4.1, etc., où on va venir parler un petit peu plus, justement, de ce par quoi on remplace l'actuel système, je pense qu'il ne faut jamais perdre de vue le fait que des groupes aussi importants que l'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidenté-e-s du Québec sont venus nous dire que le but du projet n'est qu'une coupure budgétaire, ce que le ministre de la Justice se doit de refuser lorsqu'on parle d'accès à la justice.

Ils ont aussi fait une remarque très intéressante, et on a eu l'occasion d'en faire écho à une couple de reprises: Que le revenu annuel ne reflétait pas nécessairement la situation réelle, ponctuelle du bénéficiaire. Et, avec le volet contributoire, on n'est pas en train d'injecter de l'argent dans l'aide juridique, mais de couper. Et, ça, M. le Président, ça, à travers tous les communiqués de presse que va faire le ministre, à travers tous les barèmes qu'il va publier, après toutes les injonctions qu'il va donner pour garder les travailleurs au salaire minimum à 37 heures, à travers tout ça, M. le Président, c'est la chose la plus importante qu'il ne faut jamais perdre de vue, «it's a money grab»; c'est une manière détournée d'aller chercher des dizaines de millions de dollars dans les poches des citoyens. Et, évidemment, il s'agit de dizaines de millions de dollars qu'on est en train d'aller chercher dans les poches des citoyens les plus défavorisés. C'est ça qui est vraiment regrettable avec l'approche du ministre.

(21 h 20)

On comprend que, lorsque le ministre a vu son collègue, le ministre de la Santé et des Services sociaux, en train de faire cette explication dans le domaine de l'assurance-médicaments, il s'est dit: Hé! je suis dans le trouble avec l'aide juridique depuis un an. Regarde comment il vient de faire ça. Il vient d'aller chercher 196 000 000 $. Je n'ai qu'à faire la même chose. Alors, il refait son affaire. Il nous arrive avec le projet de loi n° 20. Il se lève en Chambre. Il crie victoire. Il dit: J'aide plus de monde et j'enlève des dizaines de millions de dollars. Et, là: Hé! c'est bon, ça. Les gens au salaire minimum vont être couverts. On regarde ça... Mais ce qu'on était en train de lui montrer tantôt, c'est qu'une personne qui travaille 38 heures par semaine n'est d'aucune manière admissible à l'aide juridique. Alors, on a la nouvelle règle Bégin que temps complet égale 37 heures et qu'à 38 heures ce n'est pas correct. À 38 heures – oui, c'est ça – tu n'es plus admissible à l'aide juridique. C'est ça, la règle que le ministre vient d'inventer. Et on attend, on attend ses chiffres. Si seulement il pouvait nous les fournir aujourd'hui même, on serait très contents. Je sûr que les gens de la Coalition se feraient un devoir de les faire circuler auprès des autres intervenants.

Évidemment, M. le Président, on a beaucoup à dire sur cet article-là. Plusieurs de mes collègues piaffent d'impatience d'intervenir là-dessus. Je garderais le reste de temps de mon intervention pour leur permettre aussi de parler.

Le Président (M. Paré): Merci. M. le député de Bonaventure.

M. Landry (Bonaventure): Très brièvement, M. le Président, je n'utiliserai pas 20 minutes. J'écoute attentivement, depuis deux jours, notre collègue de Chomedey intervenir en relation avec ce projet de loi n° 20. J'ai la conviction profonde que le député de Chomedey est très sincère dans son approche, mais en même temps le député de Chomedey manie, de façon tout à fait inconsciente, M. le Président, le sophisme avec un art consommé. Il nous parle de la personne un peu comme un état généralisé. La personne qui, selon lui, a 12 409 $, qui va se voir charger 800 $, selon lui. Un peu comme si c'était le cas général. Or, c'est beaucoup de gens à faibles revenus. Non seulement ils ont de faibles revenus, mais ils ont aussi des responsabilités familiales, ces femmes monoparentales, ces pères monoparentaux aussi qu'on voit de plus en plus dans notre société, des gens à faibles revenus, des gens à l'aide sociale ou travailleurs saisonniers, travailleuses saisonnières mal pris. Et lui, tout d'un coup, il découvre qu'à 800 $ ces gens-là ne seront pas justiciables parce qu'ils n'auront jamais les moyens.

Il fut, à une époque, un proche conseiller du précédent gouvernement puisqu'il était président de l'Office des professions, poste très prestigieux au demeurant... Quand est-ce que M. le député de Chomedey est allé faire des représentations au nom de ces martyrs et de ces malheureux, ces sacrifiés de la justice? Actuellement, peut-être que certaines personnes, malheureusement, gagnant juste, dépassant les seuils, ne seront pas admissibles. Peut-être que la formule contributoire va finalement rendre, à la limite – et ce sera définitivement malheureux – des gens non admissibles à l'aide juridique. Sauf qu'il y a une notion de progressivité. Notre collègue de Jacques-Cartier nous a fait une démonstration, je pense, assez éloquente, cet après-midi, sur la difficulté, à un moment donné, d'arriver à établir clairement des frontières, disons des catégorisations, donc une notion, à un moment donné, un certain phénomène de progressivité dans ces concepts-là.

La même chose lorsqu'on parle de gens défavorisés. Il y a peut-être, malheureusement, oui, des personnes seules qui n'auront pas accès à l'aide juridique ou bien qui vont se trouver juste à un niveau supérieur au seuil d'accès, mais je connais un paquet de personnes défavorisées, au Québec, qui gagnent plus que le salaire minimum, aussi, et qui étaient absolument exclues de l'accès à l'aide juridique, mais qui maintenant, des gens avec des situations familiales, un ou deux enfants, trois enfants, quatre enfants, des pères et des mères de famille, vont avoir dorénavant accès à l'aide juridique et qui n'y avaient pas accès autrement. Alors, je trouve ça un peu gros qu'on nous assomme systématiquement des mêmes images. Je veux dire, M. le Président, je ne suis pas brillant, mais il y a longtemps que j'ai compris un certain nombre de choses. Je pense que notre ministre a compris depuis longtemps aussi qu'on n'a pas un projet de loi parfait. Et je dois dire, mais je ne suis pas sûr que le député de Verdun ait, un seul jour, M. le Président, et sans lui prêter de mauvaises intentions – ce n'est surtout pas de l'ordre de l'intention – ait un jour compris que même le régime antérieur qu'on avait à l'aide juridique n'était pas parfait non plus, désespoir! Pour y avoir oeuvré bénévolement comme administrateur, on excluait systématiquement plein de gens dans la misère. Alors, je crois qu'il faut prendre l'évolution d'un système et amener des correctifs au fur et à mesure. Dans plein de choses, en politique, on ne fait pas la perfection, mais il faut viser au moins à faire le maximum possible. Si on travaille dans cette perspective-là, je pense qu'on peut bonifier un régime.

L'autre élément – et ça, ça m'agace toujours souverainement, M. le Président – lorsqu'on parle de notre premier ministre en l'appelant le premier ministre désigné, je dois rappeler à nos collègues d'en face qu'il a été un premier ministre désigné mais choisi et que leur chef, malheureusement, qui fut premier ministre désigné, fut aussi battu.

Une voix: Et choisi.

M. Landry (Bonaventure): Il n'a pas été choisi, il a été battu. Il a été choisi par son parti, il a été... Alors, jusqu'à preuve du contraire, il ne faudrait pas trop faire les gorges chaudes. Je pense que ce sont, au demeurant, des gens responsables, ces chefs-là, et qu'ils ont droit à une juste considération, sans propos mesquins ni railleurs. Merci, M. le Président.

Le Président (M.Paré): Merci, M. le député de Bonaventure. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. Juste...

M. Bégin: Est-ce qu'on pourrait prendre un petit cinq minutes... avec la permission de nos collègues...

Le Président (M. Paré): Est-ce qu'il y a consentement?

M. Gautrin: Bien sûr.

Le Président (M. Paré): Consentement? Cinq minutes? Suspension. Cinq minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 29)

(Reprise à 21 h 39)

Le Président (M. Paré): On continue notre séance. M. le ministre.

M. Bégin: Oui, juste une seconde, juste le temps...

Le Président (M. Paré): La parole était au député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. Malheureusement, je n'ai pas pu entendre mon collègue de Bonaventure, sa première intervention, j'étais pris en Chambre pour parler sur le projet de loi n° 116.

Juste une couple de choses pour mettre fin... Je comprends très bien qu'il y a toujours le problème de tracer une ligne dans le sable. Mais, moi, de mémoire, la dernière fois que j'ai travaillé au salaire minimum – heureusement, ça fait... – je travaillais 37,5 heures par semaine, de 9 heures à 12 heures et de 13 heures à 16 h 30, qui est une semaine, je pense, plus ou moins standard. Je pense qu'une semaine de 37 heures, c'est très difficile à faire, parce qu'une demi-heure de moins à faire...

(21 h 40)

Une voix: ...

M. Kelley: En tout cas, oui, je...

M. Mulcair: Il chargeait 37 heures et demie.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Kelley: En tout cas, c'était sept heures et demie de travail par jour. Je pense que c'est une journée assez moyenne. Si on fait ça, on arrive juste à 63 $ en bas du dernier barème. Si cette personne, par exemple, elle offre de faire un petit peu d'«overtime» en fin de semaine pour faire l'inventaire, il ne peut pas le faire ou arriver à la dixième heure d'«overtime», il va briser le barème, et tout ça. Je pense qu'un point plus important pour cette personne, c'est qu'elle est un peu plus admissible au programme qu'elle ne l'était auparavant. Mais, quand même, trouver 800 $, ce n'est pas évident. Et de dire: Oui, on a des personnes... C'est 8 870 $ sur le beau tableau, pour être... Le volet gratuit demeure 8 870 $, il n'y a aucun changement pour une certaine catégorie. Mais arrivé aux personnes qui travaillent 35 ou 37 heures par semaine, 37,5 heures par semaine, on arrive aux limites, le seuil. Alors, je pense que c'est un problème. Il y aura toujours un problème parce que, au moment où on trace une ligne, il y aura toujours des cas. Mais c'est dommage, je pense. Ça va poser un problème parce que nos barèmes sont si près de ce qu'on peut gagner si on travaille une semaine moyenne au salaire minimum. Alors, ça risque toujours d'être kif-kif entre les personnes qui travaillent au salaire minimum, et tout ça.

Moi, je veux revenir sur ce troisième alinéa. Et ça rejoint le point que j'ai essayé de faire avant le souper. Je pense que c'est encore plus important, avec le changement que le ministre a proposé, de dire qu'on parle d'une section d'interprétation au lieu de définition. Alors, c'est le ministre lui-même qui a changé la nature de cette section de la loi. Et ce qu'on biffe ici, c'est la notion de l'aide juridique. C'est un projet de loi sur l'aide juridique, alors, dans la première section d'interprétation, je pense que c'est de toute importance pour le législateur d'indiquer une certaine connaissance, une connotation de c'est quoi les mots «aide juridique».

On lit dans la loi existante – en passant, à mon collègue de Bonaventure, c'est une loi adoptée par le gouvernement libéral en 1972. Alors, l'engagement du Parti libéral envers les personnes qui sont économiquement défavorisées ne date pas d'hier – on voit que c'est des principes qui sont importants: «Tout avantage accordé en vertu de la présente loi à une personne économiquement défavorisée, ayant pour objet de lui faciliter l'accès aux tribunaux, aux services professionnels d'un avocat ou d'un notaire et à l'information nécessaire sur ses droits et obligations.» Je pense que c'est très important. C'est le pourquoi de la loi. Et je ne comprends pas. L'article qui est devant nous maintenant, c'est de le supprimer. C'est de dire que ce n'est pas ça qu'on veut faire. Et je trouve ça, honnêtement, curieux. Surtout parce que le ministre a dit qu'on est maintenant dans une section d'interprétation. C'est les outils pour essayer – les fonctionnaires du ministère de la Justice, les personnes qui travaillent dans le réseau d'aide juridique – de mieux comprendre la loi.

Alors, on veut quoi? On ne veut pas donner à des personnes l'information nécessaire sur les droits et les obligations? On ne veut pas informer ces personnes? C'est ça qu'on veut chercher dans la proposition qui est ici? On ne veut pas faciliter l'accès aux tribunaux? On est contre ça? On ne veut pas faciliter l'accès aux services professionnels d'un avocat ou d'un notaire? Est-ce que c'est ça le but cherché en supprimant cet article? Je ne comprends pas, honnêtement, M. le Président. Je regarde ça et, si on est dans les clauses d'interprétation, je pense qu'on a tout avantage à indiquer, comme législateurs, ce qu'on aimerait faire: pourquoi nous avons ce régime, pourquoi on avance cette loi. C'est effectivement parce que, après – je comprends la logique du ministre – dans l'article 4, on va venir avec des balises expliquer plus expressément ce qu'on veut dire par tout ça. Mais, au niveau des interprétations, le pourquoi de tout ça, je pense qu'on a tout avantage à rester ou... On peut travailler de la façon que c'est formulé, mais on a tout intérêt d'introduire, dès le départ, la notion de l'aide juridique, parce que le titre demeure, à ma connaissance: Loi sur l'aide juridique. Alors pourquoi ne pas annoncer nos couleurs dès le départ? C'est quoi l'aide juridique? C'est quoi le but recherché par le législateur en mettant ce projet de loi, en adoptant ce projet de loi? Alors, je ne comprends pas la logique. Honnêtement, je ne comprends pas pourquoi il faut supprimer ce paragraphe, parce que, je pense, ce n'est pas trop engageant pour le ministre et ça donne une indication de ce pourquoi nous avons mis ce régime en place.

Et ça fait partie, on pense, à la fois de ce que les groupes ont dit hier, notamment le groupe de Pointe-Saint-Charles et Petite Bourgogne et également l'Assemblée des travailleurs accidentés. C'est comme si, derrière tout ça, on voulait transformer ce système en un genre de privilège, parce que la notion «financièrement admissibles» est beaucoup neutre, anodine. Alors, ça enlève toute la notion du genre engagement social. Ça enlève, à mon avis, un petit peu le pourquoi de la loi, qui est de dire qu'on veut – et je conviens avec mon collègue, le député de Bonaventure, c'est toujours difficile de tracer la ligne – venir en aide à une certaine couche de notre société, dans la mesure du possible, avec les ressources financières qui sont disponibles.

Mais le but recherché... Et une autre notion peut-être plus proactive dans tout ça aussi, parce que, comme je l'ai expliqué avant le souper, «économiquement défavorisées», ce n'est pas uniquement un problème ou une personne qui a des démêlés avec la justice, ça fait souvent partie de plusieurs autres. Les avocats et les personnes qui sont appelés à travailler avec l'aide juridique sont souvent également des personnes impliquées dans la formation des adultes, impliquées avec les analphabètes, impliquées avec d'autres problèmes, peut-être des problèmes de violence conjugale, parce que, souvent, c'est un syndrome. Si on est pauvre dans notre société, souvent, pas tout le temps, il y a des tendances, il y a des statistiques qui démontrent que ça fait partie de tout un noyau de problèmes sociaux qui vont ensemble.

Alors, dans la loi, ce n'était pas uniquement d'avoir des avocats pour aller travailler sur des causes d'aide juridique, mais il y avait également cette notion plus proactive qui veut que nos services professionnels, les talents de nos avocats, nos notaires et d'autres personnes soient mis en application pour essayer d'adresser plusieurs des problématiques de ce syndrome des personnes qui doivent demeurer dans des conditions économiques défavorisées. Alors, je pense qu'en éliminant ça du premier article, l'article d'interprétation dans la loi refondue un jour, on mine un petit peu le sens de la loi.

Alors, comme je l'ai dit, j'aimerais savoir pourquoi il faut l'enlever. Moi, je dis, surtout si c'est dans les articles d'interprétation – parce que j'imagine que le changement proposé ici va être incorporé dans la loi – qu'on a tout avantage à dire qu'il y avait cette notion, en 1972, d'un genre d'engagement social, qu'il n'y avait pas juste un autre programme où il y a des personnes admissibles ou non, qui est très neutre, qui est très anodin, il y a une notion plus proactive dans tout ça de dire qu'il faut mettre à la disponibilité des outils pour les citoyens défavorisés, l'information, dans un sens plus large de leurs droits et de leurs obligations. Parce que c'est vraiment de mettre à leur disposition un genre d'outil: ils peuvent peut-être améliorer leur sort, ils peuvent s'impliquer davantage dans la société québécoise, améliorer leur condition économique, et tout ça. Il y avait vraiment presque un «mission statement», si vous voulez, une notion que l'aide juridique fait partie d'un effort d'un certain rattrapage social dans certains milieux.

Alors, c'était le souhait. Comme je l'ai dit, on est toujours dans les clauses d'interprétation, ce n'est pas une clause, ici, qui engage les fonds, et tout ça. Alors, je me demande pourquoi on veut vider le premier article de cette notion d'engagement social. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. M. le ministre. Non? M. le député de l'Acadie.

(21 h 50)

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je veux également intervenir sur l'alinéa 3° de l'article 2 où on fait référence à la suppression du paragraphe c de l'article 1 du texte actuel. D'abord, juste souligner que, cet après-midi, on a eu l'occasion de parler sur la question du changement à la définition du bénéficiaire où on a fait disparaître la notion d'économiquement défavorisé. Et, là, maintenant, on ne change pas, on supprime complètement la définition de l'aide juridique.

Comme le disait mon collègue, le député de Jacques-Cartier, à l'entrée même du projet de loi, il y avait des principes qui étaient clairement définis et des principes qui étaient formulés d'une façon telle qu'on comprenait la philosophie qui sous-tendait le projet de loi quand ça a été présenté en 1972: on visait des personnes économiquement défavorisées et on avait un autre principe qui était de fournir l'aide juridique. Qu'est-ce que c'était, à ce moment-là, l'aide juridique? C'était très bien défini: «Tout avantage accordé en vertu de la présente loi à une personne économiquement défavorisée – on réintégrait la notion, ici, qui précisait carrément à quel genre de personne on s'adressait – ayant pour objet de lui faciliter l'accès aux tribunaux, aux services professionnels d'un avocat ou d'un notaire et à l'information nécessaire sur ses droits et obligations.» Alors, on voit ici qu'on avait un principe, un principe clairement établi, une politique qui avait du sens, qui était généreuse et qui permettait de couvrir une bonne étendue de services. Et, ça, c'était dans la loi qui avait été votée à ce moment-là et qui est encore en vigueur. Au moment même où on pouvait commencer à lire la loi étaient inscrits là des principes aussi fondamentaux que pour qui et quoi. Là, tout à l'heure, on a supprimé tout le sens qu'avait la notion du bénéficiaire dans le cadre de l'aide juridique. On l'a complètement désincarnée pour en faire une notion strictement administrative. Et, là, on fait disparaître le fait de ce qu'est l'aide juridique, quels sont les principes de base, la politique qui sous-tend l'objectif qui était visé. Alors, il me semble, M. le Président, qu'on est en train d'élaborer un projet de loi, le projet de loi n° 20, qui va devenir un outil strictement administratif avec des critères qu'on va retrouver d'ailleurs dans les règlements et qui n'a pas de principe.

Il y a peut-être une différence, je pense, qu'il faut faire aussi au niveau du parallèle entre 1972 et 1996. En 1972, M. le Président, on avait établi des besoins, on avait établi des principes et, ensuite, on avait joint les ressources nécessaires pour remplir et respecter les principes qu'on s'était fixés. Là, en 1996, on fait le contraire: on fixe les ressources disponibles, puis, ensuite, on ajuste les principes, on les limite: on limite la notion d'économiquement défavorisé – on l'a vu tout à l'heure, on en a discuté – on rétrécit ça d'un bord, on ajoute des volets contributoires, on limite l'aide juridique. On avait un principe qui était très clair, qui était très large, «lui faciliter l'accès aux tribunaux, aux services professionnels d'un avocat ou d'un notaire et à l'information nécessaire sur ses droits et obligations»; là, on enlève ça – et, ça, c'était inscrit dans la loi à ce moment-là, c'était important – et, je dirais, on va arranger ça dans les règlements. Au fur et à mesure des besoins, on pourra facilement faire des modifications, publier ça discrètement dans la Gazette officielle , dans un décret, et les changements seront apportés. Alors, on va jouer sur, éventuellement, les besoins et surtout selon les ressources disponibles, les besoins d'économie qui devront être faits. On va ajuster l'étendue des services dans les règlements. Alors, on change la nature du projet de loi de façon très, très sérieuse, on élimine le coeur même. L'essence du projet de loi qui était dans l'article 1, on l'élimine complètement.

Je pense que, pour bien comprendre la signification de la suppression de l'alinéa c de l'article 1, il faut regarder quel est le sens de l'article 4.7.7°, parce que c'est là qu'est le coeur de toute la question des tribunaux administratifs. On dit: «lorsqu'il s'agit d'un recours formé devant un tribunal contre une décision administrative d'un ministère ou d'un organisme gouvernemental prise dans le cadre d'un programme de prestations ou d'indemnités désigné par règlement». Alors, on ne met plus dans la loi ce qu'on couvre. Et c'est très clair là. Les autres alinéas, disons que c'est un peu plus clair, on fixe des lois précises. Mais, à l'alinéa 7°, on dit que tout ça sera désigné par règlement. Quand on regarde les règlements qu'on nous a remis en date du 28 mai, on a: «Les programmes de prestations ou d'indemnités dans le cadre desquels l'aide juridique est accordée dans la mesure prévue au paragraphe 7° de l'article 4.7 et au paragraphe 2° de l'article 4.10 de la loi sont ceux établis par les lois suivantes.» Alors, on les fixe. Quand on voudra faire des changements, on en enlèvera, puis on les republiera dans la Gazette officielle , puis ça sera alors possible, si on veut, d'atteindre certains autres objectifs d'économie sur le dos des gens qui étaient au coeur même de l'aide juridique, c'est-à-dire les gens économiquement défavorisés.

Alors, c'est assez spécial qu'on fasse disparaître, au premier article du projet de loi, ce qui avait le plus de sens et ce qui était le plus évident au niveau de l'ordre des principes, au niveau de l'ordre des objectifs sociaux qu'on voulait atteindre. On fait disparaître carrément le sens du mot «bénéficiaire» et on fait disparaître carrément ce que ça veut dire l'aide juridique.

Essentiellement, ce que ça va vouloir dire, l'aide juridique, à l'avenir, ça sera les règlements que le ministre aura décidé de faire, puis ça pourra varier d'une année à l'autre, ça pourra varier selon les besoins, ça pourra être ajusté selon les disponibilités financières. Alors, vous conviendrez, M. le Président, que, au lieu de partir de principes, d'objectifs et de se donner des moyens ensuite pour les atteindre, le processus qu'on est en train de prendre cette année est plutôt l'inverse. On a fixé, au ministre, des économies à faire – c'est ce qui s'est passé en réalité – et le ministre a pris son enveloppe et, de là, a organisé les principes, les objectifs, puis les a plus ou moins limités, contraints, pour arriver à atteindre l'objectif financier. Alors, c'est ça qu'on est en train de faire. C'est tellement évident que tout va se définir dans la réglementation puis tout pourra s'ajuster à des périodes plus ou moins rapprochées que la définition du principe qui était dans l'article 1, au point c, devient pratiquement caduque. Ce n'est plus vrai, ça, qu'on peut le garder tel qu'il est là: «Tout avantage accordé en vertu de la présente loi à une personne économiquement défavorisée, ayant pour objet de lui faciliter l'accès aux tribunaux, aux services professionnels d'un avocat ou d'un notaire et à l'information sur ses droits et obligations.» C'est tellement pas vrai que le ministre sent probablement l'obligation de l'enlever. Parce que ça va être beaucoup moins que ça, ça va être arrangé, comme je vous l'ai dit, dans les règlements, on en mettra plus ou moins, selon que l'on a de l'argent. C'est comme ça qu'on définit l'aide juridique. Alors, c'est une façon qui, à mon avis, est très loin des objectifs sociaux qu'on devrait prendre en considération, auxquels on devrait accorder une priorité. C'est peut-être ce qui justifie qu'on est en train de l'enlever et que le ministre nous propose de le supprimer carrément, parce que la générosité qu'il y avait dans l'énoncé est tellement bafouée ou limitée par le projet de loi n° 20 et par la réglementation qui y est associée que ça n'a plus de sens. Alors, c'est la raison pour laquelle, je pense, le ministre veut le faire disparaître. Ça va exactement dans le même sens que ce qu'on a vu précédemment quand on parlait du bénéficiaire. On avait quelque chose de clair: «"bénéficiaire": personne économiquement défavorisée». Là, ce n'est plus ça, c'est la personne financièrement admissible. Quand le ministre nous dit que, oui, mais ça élargit le bassin de personnes qui peuvent être admissibles, je pense que, quand on dépasse les maximums pour avoir droit à de l'aide gratuite, ce que ça fait tout simplement, ce n'est plus de l'aide juridique, c'est que ça reconnaît l'admissibilité de certaines personnes à payer pour avoir de l'aide juridique. C'est ça que ça reconnaît: l'admissibilité de certaines catégories de personnes à payer. Et c'est ce qu'on appelle l'aide juridique.

(22 heures)

Alors, quand on parle de l'élargissement, bien, c'est peut-être un élargissement plus virtuel que réel, alors que ce n'est plus la même notion que celle qui existait avant, où les gens défavorisés avaient accès gratuitement à des services d'aide juridique. Là, ce n'est pas ça. Puis on n'est pas dans une zone où on parle plus de richesse, là. Quand on gagne, je ne sais pas, moi, environ 20 000 $ à quatre personnes dans la famille, puis il faut payer le loyer, il faut payer la nourriture, il faut payer l'habillement, puis tout ça, on est loin de la richesse. Et le 24 000 $, on paie 800 $. Ça, c'est dans le cas... Je ne vois pas le tableau, là, mais je pense que c'est deux adultes, deux enfants.

Alors, M. le Président, c'étaient les remarques que je voulais faire concernant la suppression du paragraphe c. Moi, je trouve ça déplorable qu'on fasse disparaître la notion qu'on retrouvait au point c, qui était une notion qui mettait en évidence des principes de base qu'on cherchait à réaliser par la Loi sur l'aide juridique. On est en train de faire disparaître ça pour tout simplement se donner des règles administratives qui détermineront les personnes qui deviendront admissibles. Parce qu'on pourra jouer éventuellement sur les seuils aussi. Les seuils qui sont là, ils sont dans la réglementation. Alors, on pourra les changer quand on voudra. On jouera sur qui est plus ou moins admissible. Ça, ça variera dans le temps, et l'étendue des services variera dans le temps également. Alors, on est loin de la générosité des principes qui étaient présents au moment où notre gouvernement a mis en place la loi de l'aide juridique. Je termine là-dessus, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le député. M. le député de Bonaventure.

M. Landry (Bonaventure): Très rapidement, M. le Président. Je n'oserais...

M. Mulcair: ...

M. Landry (Bonaventure): Oui, évidemment. Puis je comprends le député de Chomedey de vouloir accélérer le tempo, et je suis d'accord avec lui. Ceci étant dit, je ne voudrais surtout pas accuser le vice-président de notre commission et député de l'Acadie de ne pas dire la vérité, parce que ça ne se dit pas. Ou des tournures. Je peux cependant dire, M. le Président – et preuve à l'appui – que M. le député de l'Acadie omet certaines vérités.

M. Mulcair: C'est ça, la différence entre «the truth, the whole truth and nothing but the truth».

M. Landry (Bonaventure): Parce que...

M. Mulcair: Mais il dit «nothing but the truth».

M. Landry (Bonaventure): ...lorsque M. le député parle des barèmes et de la tarification, ce qu'il oublie de dire, c'est que, partant de la situation actuelle, des barèmes actuels... Je regarde la situation d'un couple avec deux enfants. Comme on dit, dans la moyenne des familles québécoises, on n'est pas loin de là. Ou deux enfants ou plus aussi. Puis, ça, on rencontre ça aussi, des familles plus nombreuses, même dans les milieux défavorisés aussi. Or, pour l'accès entièrement gratuit, le seuil monte de 4 720 $. Certes, on va me dire que c'est des pinottes, mais, si c'étaient des pinottes, pourquoi ne l'a-t-on pas rajusté périodiquement depuis 11 ans?

Deuxième élément, le volet avec contribution. Ce qu'on oublie de dire... Et, ça, c'est l'oubli, en particulier, que mon collègue de l'Acadie faisait par rapport à la vérité. Sachant qu'il est en politique depuis quand même 11 ans, si je ne m'abuse...

M. Bordeleau: Sept ans.

M. Landry (Bonaventure): Sept ans. Ah! Je m'excuse. J'avais l'impression que ça faisait plus longtemps. C'est quand même une bonne période, vous l'admettrez. Avec le volet avec contribution, il y a une augmentation du seuil d'admissibilité de 12 158 $ par rapport à 800 $ de contribution. J'ai de la misère à croire, moi, qu'on ne rendra pas admissible à la justice un plus grand nombre de gens et que c'est une injustice flagrante que de les rendre admissibles à l'aide juridique, même s'ils devaient payer 800 $, parce que tous ceux qui sont compris entre 12 780 $ maintenant, dans la famille, et 24 938 $, actuellement ils sont complètement exclus. Moi, je pense qu'en termes de social-démocratie et en termes d'une plus grande accessibilité à la justice on fait un pas en avant. Alors, ça, je pense que c'est important.

L'autre élément, M. le Président. J'ai écouté les savantes démonstrations de mes collègues avec beaucoup d'intérêt nous parler du paragraphe c, qu'on échappait le principe puis qu'on balançait l'objet de l'aide juridique. S'ils avaient, au préalable, lu la loi, ou peut-être l'ont-ils lue puis oubliée entre-temps aussi, bien, à l'article 5, on parle, à la section I.1, l'objet et les principes, la définition de 3.1 situe exactement. Alors, une loi, dans le fond – je ne suis pas juriste, moi, je suis sociologue de formation – il me semble...

M. Bordeleau: Je suis psychologue de formation.

M. Landry (Bonaventure): Ah bon! On a trafiqué, donc, dans à peu près les mêmes zones, des sciences humaines, des sciences sociales. Mais, globalement, une loi, elle se comprend par son ensemble aussi. C'est différentes composantes, et on a resitué ce qu'était l'aide juridique à son objet et à ses principes. Voilà. Merci.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le député de Bonaventure. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Non. Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Paré): M. le ministre.

M. Bégin: Par la fin de son intervention, le député de Bonaventure a supprimé pas mal le sens de mon intervention, puisque je voulais rappeler au député de l'Acadie que ce qu'il déplorait se retrouvait dorénavant – et j'avais pris des notes – les principes et les objectifs qui étaient supprimés, qui étaient à la perte totale, se retrouvent exactement dans un titre, à la section I.1, «Objet et principes: Le régime d'aide juridique institué par la présente loi a pour objet de permettre aux personnes financièrement admissibles de bénéficier, dans la mesure prévue par la présente loi et les règlements, de services juridiques.» On a évidemment aussi 3.2 et, pour compléter, il faut aller aussi à l'article 6 qui introduit l'article 4 ainsi que les articles 4.1 et 4.2, qui parlent d'admissibilité financière. Bien sûr que, quand on enlève des choses, il faut les remplacer par d'autres. Mais, comme on étudie article par article, il ne faut pas oublier – je l'avais d'ailleurs rappelé, au moment de la brève introduction que j'ai faite – que ces articles-là étaient remplacés par d'autres que l'on retrouvait un peu plus loin. C'est exactement ce qui se produit. Donc, j'inviterais peut-être le député à regarder attentivement, parce que, comme disait mon collègue de Bonaventure, la loi est un ensemble et, au minimum, on a essayé d'être cohérent et de retrouver l'essentiel de ce qui était nécessaire pour un projet de loi, dans le projet de loi. Alors, je pense qu'on a l'occasion de voir que ce n'est pas un oubli, ce n'est pas une suppression, c'est un remplacement par des concepts nouveaux.

Par exemple, si on prend l'article 4.2: «Est financièrement admissible à l'aide juridique, moyennant le versement par le bénéficiaire d'une contribution...», bien, si on veut introduire un volet avec contribution, bien sûr qu'il faut introduire un article. Alors, tout ça a été fait, remanié, pour tenir compte des nouveaux concepts. C'est pour ça qu'on ne se retrouve peut-être pas avec les mêmes mots, mais on retrouve les mêmes concepts globaux dans différents articles. Voilà.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le ministre. J'appellerais le paragraphe 3°.

M. Mulcair: Sur division.

Le Président (M. Paré): Adopté sur division. Paragraphe 4°. Quelques explications, M. le ministre?

M. Bégin: Oui, M. le Président. Il s'agit de remplacer les paragraphes e et f, que l'on retrouve actuellement à l'article 1, qui visent à définir ce qu'est un «centre régional d'aide juridique», pour le remplacer par une autre appellation; même chose pour «centre d'aide juridique» ou «centre», qui devient un centre régional d'aide juridique ou un centre local. Alors, il s'agit de réharmoniser, comme je le mentionnais déjà précédemment, ce qui est dans la loi actuelle. C'est tout.

Alors, vous voyez qu'il s'agit de faire de nouveaux concepts et de les remplacer par d'autres, mais ce n'est pas plus que cela.

Le Président (M. Paré): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Adopté.

(22 h 10)

Le Président (M. Paré): Adopté. Paragraphe 5°.

M. Bégin: M. le Président, ce que je viens de mentionner pour le paragraphe 4° s'applique très bien...

Le Président (M. Paré): Concordance.

M. Bégin: Non, ce n'est pas nécessairement de la concordance. Il s'agit de remplacer «une corporation régionale» par «un centre régional». Et, au paragraphe 6°, c'est «une corporation régionale», encore une fois, par «un centre régional». C'est le même amendement.

Le Président (M. Paré): Le paragraphe 5° est-il adopté?

M. Mulcair: Adopté.

Le Président (M. Paré): Paragraphe 6°.

M. Bégin: Le paragraphe 6°, c'est exactement au même effet que le paragraphe 5°, sauf qu'il vise un paragraphe différent de l'article 1. L'un était g, l'autre est h.

Le Président (M. Paré): Le paragraphe 6° est-il adopté?

M. Mulcair: Adopté.

Le Président (M. Paré): L'article 2 est adopté?

M. Bégin: Adopté.

M. Mulcair: Sur division.

Le Président (M. Paré): Sur division. Article 3. M. le ministre.

M. Bégin: L'article 3 vise à introduire un article 1.1 à la loi actuelle et précise le concept de conjoint. Compte tenu que, selon le projet de règlement, l'admissibilité financière sera fonction de la situation financière du requérant et de son conjoint et, dans certains cas, de la situation financière d'autres membres de la famille, il est essentiel d'introduire cette interprétation dans les dispositions de la loi... Pardon. Il faut absolument identifier les composantes de cette famille, si on veut être capable d'en tenir compte. Donc, on retrouve, par cette définition ou cette interprétation, les composantes de ce que c'est, des conjoints, et qui fait partie de la famille, que l'on retrouvera à l'article 1.2 qui dit: Une famille est formée de... Et, là, on rejoint à nouveau les concepts d'enfant, de conjoint, de parent.

Le Président (M. Paré): Merci. Nouvel article 1.1.

M. Mulcair: Oui, M. le Président. C'est assez étrange pour nous d'être obligés de discuter du sujet de la définition de «conjoint» avec le ministre de la Justice, après que le ministre eut déclaré publiquement – et c'était dans les journaux, voilà quelques semaines – qu'il y avait un comité d'experts qui se penchait sur cette même question et que le rapport était attendu incessamment, sous peu.

Comment, en effet, ajouter à la confusion qui existe déjà? Et on va, par le biais d'exemples, montrer à quel point c'est non seulement un ajout à la confusion, mais ça produit des bizarreries, ce qu'il est en train de proposer ici. Dans un article intitulé: C'est quoi, un conjoint?, dans le Journal de Québec du 29 mai, Norman Delisle dit: «Le ministre de la Justice, Paul Bégin, a mandaté un comité spécial d'experts pour analyser la multitude de définitions de "conjoint" qui existe dans les lois du Québec. Le rapport de ce comité est attendu sous peu, a indiqué hier le ministre devant la commission parlementaire qui étudiait un projet de loi sur les droits de la personne.»

Ça, M. le Président, c'était le projet de loi n° 133. Et, ça, c'est une loi qui vient de franchir l'étape de la deuxième lecture, hier. C'était assez intéressant. Il y avait unanimité sur l'adoption de ce projet de loi qui prévoyait l'élimination de certains chapitres de discrimination permise auparavant, notamment à l'égard de la grossesse, des personnes handicapées et des homosexuels. L'orientation sexuelle était l'interdiction qu'on enlevait pour, notamment, les plans de pension et les contrats d'assurance.

Mais on a été obligés de discuter de ce sujet-là avec le ministre et on lui a apporté les documents qui émanaient d'un comité qui avait déjà regardé la question. On trouve au Québec, à l'heure actuelle, environ une douzaine de différentes définitions dans différentes lois sectorielles de c'est quoi, un conjoint. On a été obligés de rappeler au ministre qu'il était aussi responsable du Code civil et que, dans un système civiliste, les questions de base, comme celles concernant l'état civil et le mariage, sont réglées à l'intérieur du Code civil et pas dans des lois sectorielles, pas d'une manière ponctuelle, pas d'une manière hétéroclite, mais d'une manière ordonnée, suite à une bonne analyse de la situation.

Le ministre a dit, dans la même interview, il est cité en train de dire: «Il y a des impacts financiers à cette reconnaissance et on veut les connaître avant d'agir.» Pour ce qui est des impacts financiers dans le projet de loi n° 133, on était supposés avoir le plaisir d'entendre la Régie des rentes du Québec. Ils se sont fait débrancher leur machine par une main demeurée occulte depuis, puis on n'a jamais réussi à savoir pourquoi la Régie des rentes du Québec s'est laissée influencer comme ça. Parce que ça aurait été intéressant de connaître les impacts financiers là et dans d'autres domaines.

Mais, ici, M. le Président, et on est dans l'article 3, on est au premier paragraphe, évidemment, 1.1, où on dit: «Sont des conjoints:

«1° les époux qui cohabitent;

«2° les personnes vivant maritalement qui sont les père et mère d'un même enfant;

«3° les personnes majeures qui vivent maritalement et qui, à un moment donné, ont cohabité pendant une période d'au moins un an.»

Alors, se retrouverait, par exemple, dans ce paragraphe 3°, un couple dont la femme a un enfant par une relation antérieure, mais, maintenant, ces deux personnes-là vivent ensemble depuis au moins un an. Donc, ils deviennent conjoints au sens du nouveau 1.1 proposé par l'article 3 du projet de loi n° 20. Bon.

Contrairement à presque tous les autres exemples qu'on aurait eu à étudier de la notion de «conjoint» dans presque toutes les autres lois, où le fait de devenir conjoint ouvrait droit à des prestations de l'État, que ce soit à la Régie des rentes, justement, que ce soit à la Société de l'assurance automobile, à la Régie de l'assurance-maladie, c'était accréditif de droits, le fait de devenir conjoint, donc c'était un statut qu'on cherchait, ici, d'une manière assez intéressante – et je regrette que le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques ne soit pas là, mais j'ai déjà eu l'occasion de le mentionner lorsqu'on avait étudié le projet de loi n° 133 – une des ironies de la situation, c'est que – et même le premier ministre désigné l'a dit, aujourd'hui, que même lui fait des erreurs, alors ça veut dire qu'on fait tous des erreurs aussi – sauf erreur, M. le Président, le fait de dire ici «les époux qui cohabitent», au paragraphe 1° de 1.1, ça, c'est relativement facile, ça, c'est un homme et une femme mariés au sens du Code civil ou qui ont été mariés selon un rite reconnu, etc.

Deuxièmement, «les personnes vivant maritalement qui sont les père et mère d'un même enfant», relativement facile. Même si on ne connaissait pas trop bien le sens de l'expression «vivant maritalement», du moment qu'on dit que ça doit être le père et la mère d'un même enfant, on commence à avoir un peu le dessin.

Troisièmement, «les personnes majeures qui vivent maritalement et qui, à un moment donné, ont cohabité pendant une période d'au moins un an». Avec le 2°, on a compris un peu plus le sens de «vivant maritalement» et on comprend ici, donc, que sont exclus, pour les fins de cette définition, les couples où les deux personnes seraient du même sexe. Alors, prenons les chiffres. On n'a pas les moyens du gouvernement, sinon je vous aurais fait de beaux tableaux rouges, mais... Essayez de convaincre notre Lucien national de tenir cette élection dont il nous menace, puis, là, ça va se régler bien vite.

M. Bégin: Il ne faudrait pas, vous ne serez plus là, personne.

Une voix: No kidding!

M. Mulcair: No kidding! And I tell you, Fabre is going to be the first one to jump.

Si on regarde les chiffres, M. le Président, à l'heure actuelle, une personne seule qui gagne plus de 8 870 $ par année n'est absolument pas admissible au volet gratuit, mais, entre 700 $ et 12 640 $, peut payer entre 100 $ et 800 $ pour sa contribution, et elle deviendrait admissible. Cela veut donc dire que deux personnes, un homme et une femme, qui vivent ensemble maritalement depuis plus d'un an et qui gagnent chacune 12 000 $ par année, elles se rendent à 24 000 $. Individuellement, elles auraient été admissibles à un barème maximal du volet avec contribution, elles auraient donc été admissibles. Mais, une fois qu'on met les deux salaires ensemble, elles sont rendues à 24 000 $ et c'est un couple qui n'a pas d'enfant: Inadmissible ni au barème avec volet gratuit ni aux barèmes maximaux du volet avec contribution. On se comprend?

(22 h 20)

Même situation: deux hommes, ou encore deux femmes, bien entendu, qui vivent ensemble depuis deux ou trois ans, qui deviennent admissibles à toutes sortes de prestations, à la RAMQ, pensions, SAAQ, toutes sortes d'autres choses, la douzaine, la quinzaine de lois sociales qu'on a au Québec, qui accordaient déjà certains droits et, dorénavant, avec la loi n° 133 qu'on va adopter, il y a toutes sortes d'autres chefs de discrimination qui vont disparaître pour les contrats d'assurance, les pensions privées... Ces personnes-là accèdent à cette égalité dans leurs droits, à cet égard-là, mais ici, vu la définition, on ne mettra jamais leurs salaires ensemble pour fins de la détermination de l'admissibilité à l'aide juridique. C'est intéressant. On est en train, donc, de dire qu'il va y avoir une discrimination, mais, cette fois-ci... Puis, comme je dis, peut-être que le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques dirait que ce n'est peut-être pas plus mal que ça arrive, de temps en temps, dans l'autre sens.

Mais, étant donné qu'on était sur un élan d'égalité avec les lois du ministre, il voulait réduire et éliminer la discrimination, je trouve, M. le Président, que ça manque de cohérence que de proposer une telle définition qui risque de produire le résultat qu'on vient de donner. En d'autres mots, le couple gai, qui vit ensemble depuis deux ans, se trouve avantagé par rapport au couple hétérosexuel qui vit ensemble depuis deux ans. C'est notre lecture de la disposition. On va avoir l'occasion de l'apprécier sans doute dans l'analyse du ministre, mais c'est notre compréhension.

Il y a d'autres anomalies, là, plusieurs autres qui surgissent, à la lecture de ce projet. Peut-être le ministre accepterait-il de nous donner son évaluation de notre impression et nous dire s'il la partage ou s'il y a une erreur dans notre manière de voir les choses?

Le Président (M. Paré): M. le ministre.

M. Bégin: Je suis très heureux de l'opportunité qui m'est offerte de parler sur ce point-là parce que, effectivement, on a un exemple évident, ici, de la problématique qui a été soulevée par la définition du mot «conjoint».

Lorsque j'ai mentionné, il y a une semaine, aux phrases qui ont été rapportées par M. Delisle dans son article, effectivement, je disais qu'incessamment on aurait un rapport. Malheureusement, nous sommes une semaine plus tard et je ne l'ai toujours pas. Mais ça reste toujours incessamment que je le recevrai. On a un comité qui a travaillé pour tenir compte de l'ensemble de la question des impacts d'une définition du mot «conjoint». Là, on a un exemple typique, effectivement, où une définition x fait en sorte que ce seraient les conjoints homosexuels qui seraient avantagés par rapport à un conjoint, homme, femme, hétérosexuel, parce que, compte tenu de cette définition qu'ils vivent maritalement, ce qui implique, selon les concepts actuels, l'homme et la femme, on doit comptabiliser séparément en ce qui concerne un couple hétérosexuel, puisqu'ils ne peuvent pas être tenus en compte comme étant des conjoints vivant maritalement, ce qui fait que, dans ce cas-ci, il y aura une distinction de fait, et vous devez la prendre... Oui?

M. Landry (Bonaventure): Pas hétérosexuel, homosexuel, dans ce cas-là.

M. Bégin: Mais, là, je faisais la nuance qu'il y a une différence entre les couples vivant... des couples homosexuels et les couples hétérosexuels. Dans ce cas-ci, on peut voir que l'interprétation qui peut être donnée du texte fait en sorte que deux personnes de même sexe, vivant ensemble, ne seront pas considérées comme étant des conjoints et pourront, de fait, être considérées comme une personne vivant seule.

Alors, vous voyez qu'effectivement cette question de la définition de «conjoint», dans certaines lois, joue de manière positive ou, dans certaines circonstances, de manière négative. C'est la raison pour laquelle il était opportun de faire examiner cette question, pour voir quel était l'impact global de chacune de ces définitions-là pour s'assurer qu'on obtienne bien un résultat qui soit, dans tous les cas, celui qu'on veut bien avoir.

Je reprendrais l'exemple que vous donniez concernant les personnes qui sont un couple hétérosexuel et qui sont défavorisées. Parce que, dans la réalité des choses, en matière matrimoniale, par exemple, la personne qui va se présenter à l'aide juridique pour demander un divorce, vous comprenez bien qu'on ne considérera pas le revenu des deux personnes comme étant le revenu de la personne qui vient demander le divorce. Ce sera les revenus de cette personne-là et, généralement, comme, dans la très grande majorité des cas, c'est l'épouse et comme, encore aujourd'hui, c'est plus fréquent que les femmes ne travaillent pas, que les hommes, généralement, donc, la femme bénéficiera de l'aide juridique puisqu'elle sera considérée comme étant sans revenu et, donc, aura droit à l'aide juridique.

Alors, vous voyez que ces questions-là sont extrêmement complexes. Le fait de ne pas avoir reçu et de n'avoir pu prendre de décision... le rapport que nous attendons depuis assez longtemps déjà, mais que j'ai dû remettre sur pied le comité parce qu'il avait cessé complètement d'opérer depuis un an et demi, quand je suis arrivé... alors, tout ça fait que, demain ou un jour prochain, on aura à prendre des décisions. Mais, au moment où on se parle, malheureusement, on n'a pas les éléments requis pour être en mesure de trancher la question. C'est pourquoi on a une définition qui va dans le sens des définitions que l'on retrouve dans les lois sectorielles depuis de très nombreuses années.

M. Mulcair: Mais, M. le Président, il est...

Le Président (M. Paré): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui. Pardon. Merci, M. le Président. On trouve absolument inconcevable que le même ministre qui a présenté en deuxième lecture, hier, à l'Assemblée nationale, le projet de loi n° 133 pour éliminer la possibilité de faire de la discrimination soit en train aujourd'hui d'admettre que l'article 1.1 constitue une discrimination à l'égard des couples hétérosexuels par rapport à un couple homosexuel. Parce que, dans le cas du couple homosexuel, on ne mettrait pas les salaires ensemble pour déterminer l'admissibilité à l'aide juridique alors que, dans le cas du couple hétérosexuel, on va les mettre ensemble et ils auront moins droit à l'aide juridique que le couple homosexuel. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Le ministre a beau nous dire que c'est extrêmement compliqué, on lui concède le point, c'est extrêmement compliqué. Mais ce qui est d'autant plus compliqué à comprendre, c'est comment est-ce qu'un ministre de la Justice peut arriver ici, en commission parlementaire, après avoir...

J'ai entendu mon collègue de Bonaventure tantôt, en regardant les gens de notre côté de la table, parler d'une greffe subite de solidarité sociale. Mais si vous aviez été là pour entendre les romans-fleuves du ministre quand il parlait de l'égalité, et il ne faut pas de discrimination, et tout ça, vous auriez compris que les greffes marchent peut-être des deux bords à l'occasion. Ça se discute en haut, peut-être qu'on devrait tous y aller; ça discute de transplantations. Mais un peu plus sérieusement, M. le Président, c'est absolument incroyable d'entendre le ministre de la Justice du Québec arriver ici et nous dire que, parce que c'est compliqué, il nous propose quelque chose qui est exactement l'opposé de ce qu'il a adopté et proposé la semaine dernière. Ça, je pense que, comme discours d'un gouvernement, c'est assez aberrant. C'est vraiment... C'est plus qu'incohérent, M. le Président. Je suis carrément embarrassé pour le ministre de la Justice du Québec. Il a eu le temps de regarder ça, on discute de ça depuis une demi-heure maintenant. Il ne nous a pas proposé de modifications. Sa seule réplique, son seul point de repli, c'est: C'est donc bien compliqué, cette affaire-là! Puis? C'est lui qui est en charge de ça, M. le Président, ce n'est pas quelqu'un d'autre.

Alors, j'imagine que la réponse, ça va être une des trois réponses qu'on donne du côté gouvernemental: 1° vous avez fait pareil; 2° c'est la faute du fédéral; 3° – c'est la nouvelle – c'est bien compliqué, cette affaire-là, je ne sais pas quoi faire. Ça, là, M. le Président, c'est incroyable! Non, M. le Président, ce n'est la faute de personne d'autre, sauf du ministre de l'incohérence, du ministre de la contradiction, du ministre qui est devant nous, le ministre de la Justice du Québec, qui présente un projet de loi qui contredit carrément ce qu'il a amené en commission parlementaire voilà deux semaines. C'est incroyable! Et je suis convaincu que ses collègues sont tout aussi gênés que nous autres. Comment justifier ça? Comment est-ce que le ministre va aller expliquer ça? En tout cas, j'ai hâte, quand il va nous sortir ses beaux posters, de voir la réponse qu'il va donner quand les gens vont lui demander: Écoutez, M. le ministre, le député de Chomedey nous dit qu'il y a un avantage là-dedans: Si tu es un couple homosexuel, tu es bien avantagé par rapport à un couple hétérosexuel. Dites-nous que ce n'est pas vrai. Il va dire: Non, non. C'est bien vrai. C'est trop compliqué. Je n'ai rien trouvé de mieux à faire que ça, même si ça contredit complètement mon autre loi. Ça, c'est incroyable, M. le Président, incroyable.

(22 h 30)

Et, encore, si c'était isolé, M. le Président. L'analyse d'un projet de loi, l'analyse d'une intervention législative se fait dans un contexte, de la manière qu'on interprète une loi dans un contexte. On n'ouvre pas à l'article 41, puis on lit 41 puis on est capable de comprendre. Il faut voir si les termes sont définis ailleurs, il faut voir s'il y a des termes là-dedans qui reviennent et qu'il y a un sens qui est donné. Ici, on est toujours dans la partie que le ministre a changée pour l'appeler dorénavant la partie «Interprétation». Il est en train de donner l'interprétation qu'on vient de mentionner au mot «conjoint», une interprétation qui crée la discrimination, cette fois-ci à l'égard des couples hétérosexuels. Inconcevable! Ça ne se peut pas qu'il soit en train de faire ça. Et il y a d'autres incohérences là-dedans. Il y a d'autres endroits où ça va jouer un petit peu plus dans un sens, un petit peu plus dans d'autres. La personne seule, est-ce que...

M. le Président, le ministre a eu un an pour nettoyer son projet de loi. Je sais que le ministre trouve ça difficile, mais le ministre est entouré de gens brillants qui peuvent faire le travail pour lui s'il ne peut pas le faire, s'il le trouve trop compliqué. Je suis sûr que, les gens qui l'accompagnent, eux avaient des idées. Je suis sûr qu'il y a quelqu'un au ministère de la Justice qui lui a dit: Patron, «watch out», tu es cité dans les journaux, là, dernièrement, en train de dire que tu as un comité, que, tout ça, ça va se régler. Je suis sûr que quelqu'un lui a dit: Patron, fais attention, tu vas te faire «blaster».

Vous savez, M. le Président, mon collègue le député de Bonaventure, même si on est face à face, parfois, on dit, j'espère des deux côtés, des choses que tout le monde peut accepter, et il nous renvoyait à une certaine réalité de la loi et de son expérience. Et je pense que, même si on est tous capables de comprendre que, dans un dossier comme celui-ci l'opposition officielle est en train d'apporter toute l'attention requise à un projet de loi que, nous, on trouve effectivement fondamentalement vicié, on va utiliser les pouvoirs que ce Parlement nous accorde pour s'assurer que vous comprenez dans tous les détails nécessaires notre point de vue là-dessus. Je pense, M. le Président, qu'ici tout observateur objectif externe est capable de comprendre que le ministre de la Justice du Québec vient de faire une gaffe monumentale. Il vient de se contredire à l'intérieur d'une semaine. Il vient de se contredire à l'intérieur de 24 heures parce que, si ma mémoire est bonne, c'était à peu près à cette heure-ci hier soir que j'ai dû monter en Chambre pour parler sur le n° 133, pour dire à quel point j'étais fier, heureux de pouvoir participer à cette élimination d'un chef de discrimination à l'égard des couples gais. Qu'est-ce que le ministre nous présente ce soir, à la même heure? Une discrimination à l'égard des couples hétérosexuels. «Hello, what is wrong with this picture?» D'où ça sort, cette affaire-là? Il a beau nous faire un tableau, mais, tableau! expliquons-nous ça. C'est quoi? Ça ne se peut pas, M. le Président. Il sait que ça ne se peut pas.

En tout cas, j'ai hâte de voir les explications qu'il va donner à Gilles Proulx là-dessus. J'ai hâte de voir l'explication qu'il va donner à son chum, André Arthur, là-dessus. Parce que je suis sûr que le «jogging partner» du ministre dans son comté va être aussi surpris que nous autres. Il va être aussi surpris que nous autres d'apprendre que le ministre propose une discrimination dans sa loi, qui, vraiment, contredit carrément tout le discours du ministre sur le n° 133, qui est une loi qui a franchi l'étape de la deuxième lecture hier soir, avec une autre belle et émotive présentation de la part du député de Sainte-Marie–Saint-Jacques. On aura plus à dire sur cet article-là, mais pour l'instant je vais laisser la parole à mes collègues, M. le Président.

Le Président (M. Paré): M. le ministre? Partie ministérielle? M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. Moi, j'ai aussi des questions. J'ai appris l'étonnement de mon collègue de Chomedey sur un certain aspect de ça, mais j'aimerais savoir pourquoi, dans les alinéas 2° et 3°, on fait uniquement référence aux personnes vivant maritalement qui sont les père et mère d'un même enfant. Est-ce que c'est obligatoire de faire... Dans une ère de toutes les familles recomposées, et tout ça, pourquoi uniquement spécifier les père et mère d'un même enfant? C'est juste une question d'information. Pourquoi ne pas inclure toutes les familles recomposées? Si un père et une mère qui ont des enfants vivent ensemble, je pense que c'est l'essentiel, et je ne comprends pas. Et, quand je vois la version anglaise, ça ne m'aide pas non plus, «because»...

M. Bégin: ...troisième paragraphe.

M. Kelley: Mais c'est quoi, la distinction...

M. Bégin: Ce n'est pas les père et...

M. Kelley: ...entre 2° et 3° et...

M. Bégin: 2°, c'est les père et mère qui sont «father and mother», alors que les autres, c'est les personnes majeures, donc qui ne sont pas les pères et les mères, qui sont deux personnes qui vivent ensemble, mais de sexe opposé. Alors, votre famille reconstituée se retrouve au paragraphe 3°.

M. Kelley: Mais pourquoi la distinction du paragraphe 2°? Si c'est un père et une mère, qu'il ont des enfants ensemble et pas...

M. Bégin: Parce que...

M. Kelley: Je ne comprends pas le besoin de mettre ça dans la loi.

M. Bégin: La partie importante, c'est les père et mère. On sait qu'ils sont vraiment les père et mère, donc qui vivent ensemble, on dit qu'ils sont des conjoints; ça va de soi, le père et la mère du même enfant sont des conjoints. Mais, entre personnes majeures qui vivent ensemble, ce n'est pas nécessairement le père et la mère des enfants. Et, d'autre part, on a besoin d'un concept de temps pour éviter qu'on ait des conjoints qui durent trois jours parce que, là, on aurait...

M. Kelley: Ça, je le comprends.

M. Bégin: Alors, c'est pour ça.

M. Kelley: Mais pourquoi la référence à un même enfant? Les personnes vivant maritalement, qui sont les père et mère.

M. Bégin: Bien, je peux être le père d'un enfant, vous pouvez être le père... mettons qu'une femme peut être la mère d'un enfant, mais ce n'est pas le même enfant, alors, ils sont... C'est donc le père et la mère du même enfant. C'est par opposition à des parents qui ont un enfant séparément, mais qui se retrouvent dans le troisième paragraphe parce qu'ils ne sont pas les parents du même enfant. Ils se retrouvent au troisième paragraphe. C'est pour couvrir l'ensemble des cas.

M. Kelley: Mais je ne vois pas...

M. Bégin: Parce que...

M. Kelley: ...pourquoi pas juste les personnes majeures qui vivent maritalement et qui, à un moment donné, ont cohabité pendant une période d'au moins un an?

M. Bégin: C'est que des pères et des mères, le lendemain de leur mariage, sont considérés comme étant les pères et les mères et n'ont pas besoin de la période d'un an.

M. Kelley: Non, parce que je peux être marié sans être père ou mère.

M. Bégin: Oui, mais vous pouvez être père et mère après trois jours de mariage, parce que vous avez pu avoir vos enfants avant d'être mariés, et, si vous avez trois jours où vous avez été mariés ensemble et que vous en faites la preuve, vous n'avez plus besoin...

M. Kelley: Mais, si...

M. Bégin: ...du délai d'un an. C'est toute une série d'hypothèses. Écoutez, je ne suis pas un expert dans le domaine, là, mais je sais que c'est rédigé pour tenir compte de l'ensemble des circonstances où on veut introduire les gens dans le régime et faire en sorte que ceux qui ne doivent pas rentrer dans le régime n'entrent pas par des failles ou des lacunes dans le texte. Alors, pour des personnes qui vivent ensemble maritalement, mais qui ne sont pas les père et mère du même enfant, on demande un an. On aurait pu marquer deux ans, on aurait pu marquer six mois. Mais, pour les père et mère du même enfant, on n'exige pas de temps parce que...

M. Kelley: O.K. Oui.

M. Bégin: ...c'est automatique. C'est juste ça.

M. Kelley: Alors, vraiment, le deuxième alinéa est conçu pour un couple non marié...

M. Bégin: Marié...

Une voix: Non marié.

M. Bégin: Bien, qui peuvent être non mariés, mais qui peuvent être mariés.

M. Kelley: Non, parce que...

M. Bégin: Ils peuvent être mariés ou non mariés.

M. Kelley: On a plusieurs concepts ici: conjoints, époux.

M. Bégin: Oui.

M. Kelley: Époux et mariés...

M. Bégin: Exact.

M. Kelley: ...deux définitions?

M. Bégin: C'est vrai.

M. Kelley: Et alors, époux, mariés...

M. Bégin: Dans le 1°.

M. Kelley: ...du moment que je suis marié avec mon épouse, je suis couvert par 1°.

M. Bégin: C'est ça. Ou 2°.

M. Kelley: Si, par hasard...

M. Bégin: Père et mère, mais pas mariés, c'est 2°.

M. Kelley: ...il faut travailler vite...

M. Bégin: Ha, ha, ha!

M. Kelley: ...mais mettons qu'on a réussi à avoir un enfant en moins d'un an de cohabitation, on est couverts, à ce moment, par le deuxième alinéa. Tout de suite le coup de foudre, et tout ça, et il y a un enfant qui arrive très rapidement sur la scène, avant de faire leur période d'un an.

M. Bégin: Non, mais ils peuvent vivre ensemble à partir du septième mois...

M. Kelley: Oui, oui.

M. Bégin: ...de grossesse.

M. Kelley: Oui, exact.

M. Bégin: Donc, ça veut dire que, deux mois après...

M. Kelley: Alors, ils sont couverts par le 2°.

M. Bégin: ...ils sont déjà couverts.

M. Kelley: O.K. C'est juste parce qu'il y a beaucoup de concepts...

M. Bégin: C'est vrai.

M. Kelley: ...époux, personnes vivant maritalement. C'est quoi, le concept «personne majeure»?

M. Bégin: Dix-huit ans et plus.

M. Kelley: Dix-huit ans et plus. Et pas plus jeune?

M. Bégin: Ce n'est pas majeur.

M. Kelley: Mais est-ce que les personnes en bas de 18 ans peuvent vivre maritalement?

M. Bégin: Bien sûr. On peut se marier à 14 ans... 16 ans ou 14 ans, je ne me rappelle pas l'âge exact.

M. Kelley: Mais ils sont où?

(22 h 40)

M. Bordeleau: Ils ne sont pas couverts, là-dedans, à ce moment-là?

M. Kelley: Alors, ils sont exclus?

M. Bégin: Pardon? Excusez-moi. On m'a donné l'information que c'était 16 ans maintenant.

M. Kelley: Comme père d'un enfant de 14 ans, je suis heureux avec 16. Merci beaucoup pour cette précision. Ha, ha, ha!

M. Bégin: Vous aviez peur pour votre garçon ou votre fille? Ha, ha, ha!

M. Kelley: J'ai au moins un an. Mais, alors, quelqu'un qui vit maritalement à partir de 16 ans n'est pas couvert avant 18 ans, si j'ai bien compris. Pourquoi?

M. Bégin: Compte tenu de la formulation du troisième paragraphe.

M. Kelley: Pourquoi?

M. Bégin: Pourquoi?

M. Bordeleau: Il n'a pas accès à l'aide juridique?

M. Bégin: Hein?

M. Bordeleau: Il n'a pas accès.

M. Kelley: Je sais que ce n'est pas des milliers de cas, mais...

Une voix: C'est quoi, la question?

M. Bégin: Quand tu es mineur, que tu vis maritalement, tu n'as pas le droit à l'aide juridique? Il faudrait qu'on lise... Mettons: «les personnes qui vivent maritalement et qui, à un moment donné, ont cohabité pendant une période d'au moins un an», ce qui devrait couvrir, à ce moment-là, les personnes mineures.

Une voix: Le paragraphe deux aussi, ça peut être deux mineurs?

M. Bégin: Non, c'est les personnes vivant ensemble.

Une voix: Oui, mais ça peut être deux mineurs.

M. Bégin: Alors, les personnes qui ne sont pas mariées, qui vivent ensemble et qui sont les père et mère d'un même enfant, oui, ils vont être considérés, à ce moment-là, dans le deuxième paragraphe.

M. Kelley: Mais sans enfant?

M. Bégin: Sans enfant, là, non.

M. Kelley: Pourquoi? Mettons un homme de 30 ans qui se marie avec quelqu'un de 16 ans.

M. Bégin: On va considérer qu'ils ne sont pas des conjoints pour les fins de l'aide juridique s'ils ont 16 ans tous les deux et qu'ils vivent ensemble mais qu'ils n'ont pas d'enfant.

M. Bordeleau: Un de 16 puis un de 25, qu'est-ce qui se passe?

M. Bégin: Ha, ha, ha! Bien, ils ne rencontreraient pas la condition. À moins d'être père et mère du même enfant.

M. Kelley: C'est juste que la section semble être un petit peu... Pourquoi cette discrimination? Un couple, pour une raison ou une autre, commence à vivre ensemble à 16 ans. À 17 ans et demi, ils ont un démêlé avec la justice, ils ont abandonné leur foyer, ils n'ont pas beaucoup d'argent, ils ont un problème et ils ont besoin d'avoir accès à un avocat. À 17 ans et demi, ils ont... Je sais, ce n'est pas une énorme quantité de causes, mais ça peut arriver et je ne vois pas...

M. Bégin: Écoutez. Vous permettez? On dit à 1.2: «Une famille – je ne sais pas si c'est la réponse formelle – est formée: 3° des conjoints sans enfant.» Et là on n'a pas de terminologie spécifique. Alors, à ce moment-là...

M. Kelley: Mais, conjoint, où est-ce que je peux... Les personnes mineures ne peuvent pas être des conjoints, sauf s'ils sont mariés, dans l'article 1.1.

M. Bégin: À ce moment-là, il va être considéré comme vivant seul, et le revenu seul d'une des personnes sera considéré, non pas celui des deux. C'est une disposition qui les favorise.

M. Kelley: Pourquoi?

M. Bégin: Parce que, s'ils ont un revenu, il va être considéré séparément. Alors, ça va être nécessairement moindre que la somme des deux, et là ils seraient...

M. Kelley: Il y a un avantage s'ils sont en couple.

M. Bégin: ...un couple. C'est ça.

M. Kelley: Mais ils ne peuvent pas être un couple. Mettons qu'un des deux travaille à 12 000 $, ils sont admissibles gratuitement comme couple, mais à 12 000 $ il doit payer le 800 $, si j'ai bien compris.

M. Bordeleau: C'est ça. Oui, oui.

M. Bégin: On me donne comme explication que, dans aucune des lois au Québec actuellement – je prends ce qu'on me donne comme information – on ne prévoit... L'hypothèse dont on discute n'est pas couverte par les dispositions où on utilise la définition du mot «conjoint» pour le bénéfice d'une prestation ou d'un autre avantage.

M. Kelley: Drôle de réponse. Je trouve toute cette section... Est-ce que c'est nécessaire d'être aussi compliqué dans la définition d'un couple? Surtout si le ministre a déjà un groupe de travail qui se penche sur la question, est-ce qu'on attend...

M. Bégin: Attendez un peu. J'ai peut-être un élément de réponse. Le mineur qui se marie, si je me rappelle bien mes concepts, devient un mineur émancipé et est considéré comme étant majeur.

M. Kelley: Parce que marié est couvert par «époux», mais, moi, je parle d'un couple qui cohabite pour plus de deux ans, ça arrive à 16 ans, ils décident de cohabiter ensemble, à 17 ans et demi ils ont un démêlé avec la justice, ils ne sont pas admissibles.

M. Bégin: Il faudrait qu'ils attendent au moins un an. C'est-à-dire qu'ils ne seront pas admissibles à titre de couple, mais, à titre individuel, ils le sont.

M. Kelley: Ils ne sont pas admissibles comme couple, vous avez raison, mais il y a des circonstances où peut-être...

M. Bégin: Écoutez, ce n'est pas la perfection même, toutes les hypothèses les plus fines ne sont pas nécessairement énoncées, mais il est évident qu'une personne qui est un mineur, qui vit avec une autre personne a droit, à titre individuel, à l'aide juridique, alors ce n'est quand même pas un drame.

M. Kelley: Mais pourquoi «majeures»? Pourquoi on ne peut pas juste l'éliminer? «Les personnes qui vivent maritalement et qui, à un moment donné, ont cohabité pendant une période d'au moins un an.» Qu'est-ce que ça va changer dans la vie d'enlever le mot «majeures»? I'm not trying to be difficult, mais je ne comprends pas.

Le Président (M. Paré): Oui, M. le député de Bonaventure?

M. Landry (Bonaventure): Si vous me permettez une question là-dessus, M. le ministre, n'est-ce pas parce que quelqu'un qui est mineur, même s'il vit avec une autre personne, il est encore réputé à la charge de ses parents?

M. Kelley: Mais, si c'est une famille qui a éclaté... Parce qu'il y a beaucoup d'enfants, surtout dans la région de Montréal, qui ont abandonné leur famille et des fois ils s'installent dans des appartements à Montréal, alors, c'est possible. Comme j'ai dit au départ, je ne parle pas de milliers de cas, ça, c'est évident, mais, quand j'avais cet âge-là, j'ai connu des couples qui vivaient ensemble à 17 ans, qui, mettons, avaient un démêlé avec la justice, et vu qu'il y a un certain avantage à être considéré comme un couple, si un des deux travaillait à 12 000 $... Je ne vois pas pourquoi il faut insister sur le mot «majeures» dans la définition, mais, si quelqu'un peut m'expliquer ça, tant mieux.

Le Président (M. Paré): M. le ministre.

M. Bégin: Oui, c'est un point qui est technique et qui nécessite une lecture des articles pour être certain qu'on n'a pas la réponse dans un autre volet parce que... Vous avez, à 1.2: «Une famille est formée: 1° du père ou de la mère ou, dans les cas prévus par règlement, d'une autre personne qui y est désignée, ainsi que des enfants mineurs – donc, c'est formé, la famille, des enfants mineurs; notre hypothèse, c'est qu'on est en présence d'un enfant mineur; sans aller plus loin pour le moment, il peut être considéré comme étant dans la famille – avec qui ils cohabitent – donc, on pourrait avoir des gens mineurs qui vivent ensemble, mais qui cohabitent avec le père ou la mère et qui seraient donc considérés, jusqu'à présent, comme étant de la famille – et qui ne sont ni mariés – alors, c'est notre cas – ni père ou mère d'un enfant – donc, ça serait ces cas-là; jusqu'à maintenant, ils sont considérés comme étant partie de la famille – et des enfants majeurs qui fréquentent, au sens du règlement, un établissement d'enseignement et qui ne sont ni le conjoint d'une personne, ni père ou mère d'un enfant.»

Donc, théoriquement, l'exemple que vous donnez, je pense, de deux mineurs qui vivent ensemble, qui ne sont pas mariés, qui ne sont pas père et mère d'un enfant, mais qui demeurent chez le père ou la mère d'un des deux seraient considérés comme faisant partie de la famille de ce père ou de cette mère.

M. Kelley: Ça, c'est différent encore.

M. Bégin: Je sais, mais pour vous dire que, quand on a une hypothèse...

M. Kelley: Ce n'est pas la même chose.

M. Bégin: Je sais que ce n'est pas pareil. Ce que je veux vous dire, c'est que ces mêmes personnes, prises par l'autre bout de la lorgnette, seraient membres d'une famille. Et, quand on regarde l'admissibilité financière, on tient compte de ces critères. Regardez, si on va à 4.1, on dit: «Est financièrement admissible à l'aide juridique gratuite toute personne qui démontre que ses revenus nets, ses liquidités et ses autres actifs nets, tels que déterminés par les règlements et, selon ce que prévoient les règlements, ceux de sa famille n'excèdent pas les niveau et valeur d'admissibilité financière gratuite déterminés par règlement.»

Donc, pour les fins de l'admissibilité financière, le fait d'être ce que nous discutons ferait en sorte qu'on devrait considérer le revenu de la famille, donc du père ou de la mère d'un des deux mineurs vivant ensemble. Alors, ce qu'on a voulu, c'est faire le rattachement de ces personnes-là, dans cette hypothèse-là, à la famille.

(22 h 50)

M. Kelley: Même s'ils sont des «runaways». Parce qu'il y a beaucoup d'enfants à Montréal, en bas de 18 ans, qui vivent indépendamment de leur famille.

M. Bégin: C'est exact.

M. Kelley: Et selon... Comme j'ai dit, ce n'est pas...

M. Bégin: Ils y auront droit individuellement.

M. Kelley: Mais ça peut arriver qu'il travaille à 12 000 $, elle ne travaille pas, mais ils sont un couple. Autre que le mot «majeures» qu'on a ici, ils sont un couple qui a un appartement, qui vit ensemble pendant un an. Ils ont un problème avec la justice et ça va lui coûter, le gars, 800 $ au lieu d'être gratuit parce qu'ils ne sont pas considérés comme un couple.

M. Bégin: Pas nécessairement, parce que la personne qui gagne 12 000 $...

M. Kelley: Si c'est lui qui a besoin d'un avocat.

M. Bégin: Si c'est lui qui a besoin d'un avocat, à ce moment-là, vous avez raison. L'autre partie n'aura pas besoin de payer quoi que ce soit...

M. Kelley: Non, non, ça...

M. Bégin: ...elle aura l'aide juridique gratuite. Peut-être que vous mettez en évidence un aspect, là, qui est couvert, mais d'une manière que l'on ne désirerait peut-être pas.

M. Kelley: Parce qu'il y a un nombre trop élevé d'enfants...

M. Bégin: Mineurs?

M. Kelley: ...mineurs, à Montréal, qui vivent d'une façon indépendante.

M. Bégin: Qui vivent au sens...

M. Kelley: Je ne sais pas si c'est 10 000 ou 15 000, mais c'est un nombre important. Selon... c'est quoi? Father John, le Bon Dieu dans la rue, les chiffres qu'il a donnés, et tout ça, ça existe. Et je ne vois pas, si on efface le mot «majeures», qu'est-ce que ça va changer dans le projet de loi. Je ne comprends pas la résistance à la notion de juste biffer le mot «majeures».

M. Bégin: Écoutez, je pense que vous soulevez une question intéressante. Je ne suis pas sûr d'être capable de répondre instantanément, mais on peut avancer...

M. Kelley: Si on peut prendre ça en note.

M. Bégin: ...et, s'il y a quelque chose là... Parce que vous voyez, par le travail que mes conseillers en arrière de moi sont en train de faire...

M. Kelley: Non, non. Mais si on peut soulever ça...

M. Bégin: ...ce n'est pas simple, mais on va regarder. Le but n'est pas de punir quiconque là-dedans, il s'agit de bien couvrir et d'atteindre l'objectif visé. Mais je ne vois pas qu'est-ce qui nous empêcherait d'atteindre ce résultat que vous venez de décrire.

Le Président (M. Paré): Êtes-vous d'accord qu'on suspende le nouvel article 1.1, paragraphes 1°, 2°, 3°?

M. Kelley: Si je peux aussi juste ajouter, à l'alinéa 2°, en anglais, «one and the same child», je trouve ça exagéré. Je pense qu'on peut éliminer... juste «the same child». Si on peut regarder ça au même plan, je trouve «one and the same child» excessif. The same child is the same child.

M. Bégin: En tout cas, je regarde ici, si vous me permettez, M. le député, le chapitre S-3.1.1, la Loi sur la sécurité du revenu, où on retrouve une définition de conjoint: «3° les personnes majeures qui vivent maritalement et qui, à un moment donné, ont cohabité pendant une période d'au moins un an». C'est mot à mot ce que nous avons là.

M. Kelley: Oui. Alors, on va aller à la commission des affaires sociales et corriger celui-là aussi. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Non, mais vous comprenez qu'il est quand même important qu'il y ait une réponse entre les deux lois...

M. Kelley: Oui, mais, si j'ai bien compris...

M. Bégin: ...parce que, en vertu...

M. Kelley: ...c'est votre groupe qui supposait, parce que...

M. Bégin: Il faut considérer que, lorsqu'ils sont sur l'aide sociale, ils ont automatiquement droit à l'aide juridique. Puis là ce n'est pas une question de revenus, c'est une question: vous êtes sur l'aide sociale, vous y avez droit. Donc, c'est important qu'il y ait un rapport – je cherchais le mot – de concordance entre les deux lois. Et, à cet égard-là, je pense qu'on le voit très clairement là. Je l'ai sous les yeux.

M. Kelley: En tout cas, moi, je veux juste... Il y a des personnes qui risquent d'être exclues inutilement par la formulation qui est devant nous ce soir. Comme je le dis, il y en a un grand nombre à Montréal. Malheureusement, avec l'éclatement de la famille, et tout ça, ça devient de plus en plus courant.

Le Président (M. Paré): Ça va, M. le député?

M. Kelley: C'est quoi, notre décision sur...

Le Président (M. Paré): Suspension de...

M. Bégin: Non, ce que je veux, M. le Président... Compte tenu de la présence d'une disposition tout à fait identique dans la Loi sur la sécurité du revenu, que cet article-là, donc, est en concordance parfaite et que, d'autre part, les personnes qui sont sur la sécurité du revenu ont le droit automatique à être couvertes par l'aide juridique, je pense qu'on doit garder le texte tel qu'il est là.

Le Président (M. Paré): M. le député de Bonaventure.

M. Landry (Bonaventure): Oui. Il y a un élément intéressant que M. le député soulevait, mais, selon moi, je ne suis pas un spécialiste du droit, comme je le disais tout à l'heure, mais, pour des gens d'âge mineur, les parents gardent une responsabilité, même s'ils ne vivent pas sous le même toit. On garde cette responsabilité-là comme parent. On la garde même s'ils sont majeurs et aux études, par exemple. En ce sens-là, s'ils sont dans cette situation-là, même s'ils ne vivent pas avec les parents, les parents ont une obligation. Et, si les parents n'ont pas les moyens qui, en quelque sorte, les qualifient à l'aide juridique, ils se trouvent, par conséquent, couverts. En tout cas, c'est ce que j'en comprends, moi, mais peut-être que mon raisonnement n'est pas bon.

M. Kelley: Mais je comprends ça...

Le Président (M. Paré): M. le député de...

M. Kelley: Jacques-Cartier.

Le Président (M. Paré): Oui.

M. Kelley: Je veux revenir sur ça, parce qu'avec l'éclatement, oui, c'est bien beau, mais, souvent, après une famille éclatée, même les enfants qui viennent de banlieues aisées se trouvent dans la rue, et le lien est rompu avec la famille, en bas de 18 ans. Alors, on peut le dire légalement, mais il y a beaucoup d'enfants dans la région de Montréal, que je connais, qui vivent d'une façon autonome de leurs parents en bas de 18 ans.

Alors, on peut dire qu'en principe... Mais, si le père a dit «Je ne veux rien savoir», et l'enfant est pris avec un démêlé avec la justice, c'est un autre argument de plus qu'il a besoin de l'aide juridique pour faire appliquer le droit parental de son père. Mais, comme je le dis, quand, carrément, il y a des... Je ne sais pas si le député de Bonaventure est au courant, mais il y a les adeptes de «tough love», l'idée qu'on porte une accusation criminelle contre votre enfant, puis c'est vraiment le «law and order» imposé à l'intérieur du foyer, et c'est la mode aux États-Unis dans une certaine école de pensée sur comment élever une famille. Et ça existe, et l'enfant est dépourvu. C'est beau de dire qu'en principe ils sont couverts par notre Code civil et les obligations parentales, mais la réalité des choses: nos familles, trop souvent, éclatent au Québec. Si un jeune de 17... Je ne veux pas m'éterniser sur ça, M. le ministre, mais je ne veux pas... Je connais des couples. Quand j'avais 17 ans, j'ai connu des couples qui étaient dans mon exemple, un des deux travaillait à très faibles revenus, et je trouve ça regrettable qu'ils ne soient pas considérés comme un couple et qu'ils risquent d'être pénalisés par les barèmes à cause de ça parce que, malheureusement, on a des couples qui ont 17 ans dans notre société.

M. Bégin: Il y a des effets qui sont défavorables, mais, dans d'autres circonstances, c'est favorable. Je comprends que, dans certains cas, ça puisse arriver, mais je crois que, dans l'ensemble, toute chose étant prise en compte, on devrait garder ce concept de la concordance entre les deux dispositions, et la personne qui sera mineure sera traitée individuellement et, généralement, ça lui sera profitable. Il y aura certainement des cas où ce que vous dites est exact, mais, dans la très grande majorité des cas, ça va les favoriser.

M. Kelley: En tout cas, je trouve le manque d'imagination pour corriger ça ce soir regrettable.

Le Président (M. Paré): M. le député de l'Acadie.

(23 heures)

M. Bordeleau: Oui, en fait, il y a deux questions que je veux poser, des clarifications, là. Sur le même article, le 3°, juste une information. On dit: «les personnes majeures qui vivent maritalement et qui, à un moment donné, ont cohabité pendant une période d'au moins un an». Ça veut dire... «ont cohabité», ça pourrait être dans le passé; ils pourraient avoir cohabité un an, s'être laissés, avoir été séparés durant cinq, six ans, puis ils reviennent ensemble. Là, ils sont considérés immédiatement comme conjoints?

M. Bégin: Non, mais ce sont des gens qui vivent à ce moment-là maritalement au moment où on fait la demande, ils sont donc ensemble, et qui ont vécu...

M. Bordeleau: Ce que je veux dire, M. le ministre, c'est qu'ils ont vécu avec une personne durant un an, ils se séparent durant cinq ans, ils reviennent, ça fait un mois qu'ils sont ensemble. Ça ne fait pas un an, mais ils ont cohabité dans le passé durant un an. Est-ce qu'ils sont...

M. Bégin: Oui. Moi, je pense que oui. Mais le cas... Le sens premier du texte, c'est: qui vivent présentement comme mari et femme.

M. Bordeleau: Pourquoi on ne dit pas, dans ce cas-là, «qui cohabitent»?

M. Bégin: C'est parce que, s'ils cohabitent pendant un an, ça ne se dit pas. Alors, il y a deux concepts, c'est: qui vivent ensemble maritalement et qui ont vécu. Et généralement, dans 99,999 % des cas, c'est que c'est immédiatement avant ce moment-là, qu'ils vivent ensemble, qu'ils cohabitent. Bien sûr qu'il y a des cas où on va dire «qui vivent aujourd'hui maritalement et qui ont vécu il y a deux ans ensemble». Donc, une reprise. Ils vont être aussi couverts. Mais on voit tout de suite que c'est peut-être plus facile à établir que ces gens-là vivent maritalement et qu'ils ont eu l'intention de le faire, puisqu'ils ont déjà vécu ensemble. Mais le cas général, c'est les personnes qui vivent ensemble au moment où ils font leur demande et qui ont cohabité généralement dans l'année qui précède.

M. Bordeleau: Non, mais c'est parce que vous dites, M. le ministre, que ça vise surtout, l'esprit, des personnes qui restent ensemble depuis un an.

M. Bégin: C'est ça.

M. Bordeleau: Pourquoi on ne dit pas «qui cohabitent depuis au moins un an» plutôt que «ont cohabité»? Ça répondrait à ce que vous mentionnez. En fait, je veux juste clarifier.

Peut-être que l'autre... Peut-être qu'on doit l'accepter tel qu'il est là, aussi, parce qu'on veut couvrir aussi les cas qui ont déjà cohabité, qui se sont séparés et qui sont revenus ensemble depuis deux semaines. Est-ce que c'est ça qu'on veut? Si c'est ce que vous dites, à ce moment-là, on pourrait dire «qui cohabitent depuis au moins un an».

M. Bégin: Oui, mais il faut que vous ayez cette cohabitation pendant une période d'au moins un an, pas des petits bouts.

M. Bordeleau: Non, non, depuis un an, pas par petits bouts, là, «qui cohabitent depuis un an».

Le Président (M. Paré): M. le député de Bonaventure.

M. Landry (Bonaventure): Tel que dit là, ça couvre plus large.

M. Bordeleau: C'est ça que je dis. Qu'est-ce qu'on veut couvrir? Est-ce qu'on veut couvrir des gens qui restent ensemble depuis un an ou, si des gens qui ont déjà resté ensemble dans le passé une année...

M. Bégin: Les deux.

M. Bordeleau: Les deux?

M. Bégin: C'est ça. Mais il faut qu'ils vivent maritalement à ce moment-là.

M. Bordeleau: O.K. C'est sûr. C'est juste sur la question de l'année qu'est la question.

M. Landry (Bonaventure): Tel que formulé, ça en couvre pas mal plus large.

M. Bordeleau: Non, non, c'est ça. Ça couvre plus large tel que c'est là, mais je veux juste savoir si c'est ça qu'on veut, au fond, ou si on veut couvrir les personnes qui restent ensemble depuis un an.

Alors, vous dites que vous voulez couvrir les deux, ceux qui ont déjà vécu un an dans le passé...

M. Bégin: ...et qui vivent maritalement au moment où ils sont là.

M. Bordeleau: Oui. O.K. L'autre question que je voulais vous poser, c'est dans le document du Protecteur du citoyen. Non, ce n'est pas dans le document du Protecteur du citoyen.

M. Bégin: On va le retrouver.

M. Bordeleau: Non, ce n'est pas dans ce document-là. C'est un autre document de travail. C'est que je me demande... Tout à l'heure, on parlait de discrimination pour les couples homosexuels au niveau financier, discrimination positive. Pardon?

M. Bégin: Qui arrivait à une discrimination positive dans ce cas-là. Oui.

M. Bordeleau: Bon. Est-ce qu'il n'y a pas aussi un autre type de discrimination? Tel que c'est formulé là, c'est de la discrimination qui dit qu'en utilisant le terme «maritalement» on exclut les conjoints de même sexe, ce que la Commission des droits de la personne du Québec a jugé contraire à la Charte québécoise des droits. En utilisant, dans la Loi sur l'aide juridique, «maritalement», on fait une autre discrimination tout simplement et qui n'a rien à voir avec l'aspect financier.

M. Bégin: On fait des distinctions qui ne sont pas nécessairement des discriminations, parce qu'on peut choisir de couvrir certains cas sans que ce soit une discrimination. On a le droit de faire des distinctions dans les lois. Ce ne sont pas nécessairement des discriminations.

M. Bordeleau: Mais on exclut, à ce moment-là, les couples homosexuels comme admissibles.

M. Bégin: Non, non. Je répondais de façon générale. Faites attention dans l'utilisation du vocabulaire. Quand on dit «les personnes en haut de 12 000 $ cessent d'avoir droit à», c'est une distinction entre les gens qui gagnent moins et les gens qui gagnent plus que le montant, mais ce n'est pas nécessairement de la discrimination.

M. Bordeleau: On élimine ici une catégorie.

M. Bégin: C'est-à-dire qu'on dit qu'on offre le bénéfice aux personnes de 0 $ à, mettons, 8 870 $ pour les personnes seules. À 8 890 $, c'est l'ancienne loi, les personnes n'avaient plus le service. C'est une distinction qui fait en sorte que l'un bénéficie du service, l'autre pas, mais ce n'est pas nécessairement une discrimination. Il faut faire attention dans l'utilisation des concepts.

M. Bordeleau: O.K. Mais vous ne considérez pas, de la façon dont c'est défini ici, un couple homosexuel comme des conjoints?

M. Bégin: Excusez?

M. Bordeleau: Vous ne considérez pas ici, dans le 1.1, le couple homosexuel comme des conjoints, de la façon dont vous le définissez ici?

M. Bégin: Non. Ils bénéficient individuellement, dans la mesure, comme d'autres, où ils se qualifient. Si vous le prenez sous l'angle de homosexuels, à ce moment-là, ils ne sont pas considérés comme étant bénéficiaires à ce titre-là, mais ils le sont à titre individuel.

M. Bordeleau: Oui, ça, je comprends. O.K. Ça va.

Le Président (M. Paré): Ça va. Est-ce qu'on est prêt à adopter le nouvel article 1.1, paragraphes 1°, 2°, 3°?

M. Mulcair: M. le Président.

Le Président (M. Paré): Oui, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui. J'aurais une proposition à faire à mon collègue le ministre de la Justice, parce qu'effectivement il vient de nous dire qu'il trouvait ça très compliqué. Nous, on serait prêts à surseoir à l'ensemble de l'article 3 parce que, comme vous le savez, on peut... Au moment où on se parle, ce n'est pas sur le 1.1 au total qu'on va voter, c'est sur le 1.1, premier paragraphe. Comme vous le savez comme moi, aux termes de notre règlement, on peut le scinder en autant de paragraphes qu'il y a ici. Ce n'est pas juste le 1.1 qui fait l'objet du vote. Alors, on peut faire le 1.1, et on commencerait à nouveau la discussion parce que, sur le 1.1, il n'est pas question pour nous de laisser le ministre y aller avant qu'il ait eu le temps de s'enquérir auprès de gens qui trouvent ça un peu moins compliqué que lui.

Alors, la proposition qu'on ferait est la suivante, M. le Président, c'est que, avant de voter sur le 1.1, premier paragraphe, on veut que le ministre réfléchisse à la proposition suivante: On sursoit à l'étude de l'article 3 jusqu'à ce que le ministre ait eu le temps de l'étudier un petit peu plus, et on peut revenir là-dessus, et on procède tout de suite avec l'article 4. Ça ressemble un peu à ce que disait hier notre collègue le député de Bonaventure quand il demandait s'il n'y avait pas certains articles qui... Non, je m'excuse, c'était le député de Saint-Jean qui était en train de présider à ce moment-là, et c'est lui qui avait dit: Écoutez, est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de commencer à regarder certains articles?

Moi, je vous avoue, M. le Président, qu'à la place du ministre... C'est un maudit bon «deal». Je l'accepterais si j'étais lui parce que je pense qu'il vient de se faire donner, par moi-même, par mon collègue le député de Jacques-Cartier et par mon collègue le député de l'Acadie, suffisamment d'exemples. On a vu vraiment un nid d'abeille d'activités derrière le ministre, surtout avec le dernier exemple de mon collègue le député de Jacques-Cartier. Je pense qu'il est assez évident qu'il y a des exemples, qu'il y a des situations qui n'ont pas, malheureusement, pu faire l'objet de toute l'attention nécessaire de la part du ministre. Et, après tout, comme il le dit si bien, c'est compliqué. Mais on fait cette proposition-là dans le but d'accélérer le processus d'étude de ce projet de loi parce que, sinon, il va sans dire qu'on va être obligés de continuer, par le biais d'exemples, de confirmer ce que le ministre a dit lui-même tantôt, que c'est bien compliqué. Alors, on aimerait entendre le ministre là-dessus. On décidera par après si on doit continuer à discuter en profondeur de tous ces articles pour que tous les exemples et toutes les anomalies ressortent clairement pour tout le monde.

Le Président (M. Paré): O.K. M. le député de Chomedey, votre...

M. Bégin: Alors, M. le Président, si la proposition consistait à dire: Voici l'amendement que je propose afin de bonifier telle chose parce que telle hypothèse n'est pas couverte, je pourrais toujours comprendre. Mais ce que j'entends, c'est: Après avoir discuté des sujets qui étaient là, avoir constaté que certaines personnes dans certaines situations n'étaient pas couvertes... Par exemple, un cas bien simple qui n'a pas été élaboré, mais deux personnes qui vivent ensemble depuis deux mois, elles ne sont pas couvertes. On pourrait prétendre qu'elles devraient l'être et que ça serait suffisant. Mais, après avoir discuté de ça et avoir vu l'ensemble des situations, je suis d'avis qu'on doit conserver les articles comme ils sont là. Je comprends que le député de Chomedey ne serait pas satisfait, lui, que l'on vote ces articles-là de cette façon-là, mais je pense que ce n'est pas parce qu'on ne comprend pas, c'est parce que, après avoir discuté, on trouve que ce qui est là atteint les objectifs que nous nous étions fixés et que, toutes choses étant dites, on est prêts à l'adopter tel qu'il est là.

(23 h 10)

Si le député conçoit qu'il faille absolument attendre strictement pour attendre, parce que la réflexion est faite, bien, à ce moment-là, on perd notre temps à vouloir le suspendre. Je comprends que sa démarche sera, à ce moment-là, de dire: Parce qu'on ne me donne pas ce que je demande, bien, je vais simplement utiliser du temps pour utiliser du temps. Je pense qu'on avance ni dans l'une ni dans l'autre des solutions, parce que, après réflexion, demain, je reviendrai avec les textes qui sont là, donc on n'aura rien gagné. Effectivement, je pense qu'il y a eu des cas intéressants soulevés par les députés de l'opposition, je ne le nie pas, il y avait dans ces matières des questions importantes. Mais la discussion ayant eu lieu, après avoir analysé et tenu compte des circonstances, je pense qu'on doit garder le texte tel qu'il est là.

Bien sûr que le député de Chomedey, étant peut-être un jour ministre, pourra dire: Moi, ce n'est pas comme ça que je le conçois, je vais aller un peu plus loin. Mais ce n'est pas parce que ce n'est pas ça que le texte n'est pas nécessairement la volonté que nous avions. Alors, moi, je pense, M. le Président, que nous devrions voter ce texte-là, même s'il n'est pas tout à fait au goût du député de Chomedey. Ça reflète la volonté gouvernementale, et nous sommes prêts à l'adopter après une discussion franche et honnête.

Le Président (M. Paré): Autre intervention?

M. Mulcair: M. le Président.

Le Président (M. Paré): M. le député de Chomedey, votre temps est écoulé.

M. Mulcair: Oui, très courte intervention. Vu qu'il s'agit d'adopter le premier paragraphe de 1.1, ça risque de surprendre le ministre, mais c'est difficile d'être en désaccord avec le fait que les époux qui cohabitent sont des conjoints. Alors, non seulement celui-là n'est pas compliqué, on va voter pour, les problèmes viennent plus tard et, évidemment, toute la discussion va pouvoir continuer sur le deuxième et le troisième.

Contrairement aux motifs que le ministre a tenté de nous imputer, M. le Président, je pense qu'on a voté plus souvent avec le ministre que contre jusqu'à date dans ce projet de loi. Il n'a qu'à faire la supputation des votes pour s'en rendre compte. On s'apprête à voter avec lui encore sur le premier paragraphe. Mais il peut imputer tous les motifs qu'il veut, c'est lui qui est incohérent et c'est lui qui a dû avouer qu'il ne comprenait pas.

M. Bégin: M. le Président...

Le Président (M. Paré): Oui, M. le ministre.

M. Bégin: ...ce n'est pas pour interrompre le député...

M. Mulcair: Mais c'est pour le faire quand même.

M. Bégin: ... – non – même si son temps est expiré, ça ne me fait rien de l'entendre, je pense qu'on l'a entendu et on va avoir encore l'occasion de l'entendre. Ce que je souligne par rapport au texte qui est là, c'est qu'il y a eu des représentations par le député de Jacques-Cartier qui étaient extrêmement intéressantes. Je pense qu'on a échangé valablement et, momentanément, il y a des questions qui étaient assez pointues et qui posaient des problèmes... après avoir vu, avec les collaborateurs derrière, que, dans le fond, ce qui était là était correspondant à la volonté que nous avions. On peut penser, et vous pouvez penser, que, à ma place, vous prendriez peut-être une position différente. Cependant, je crois que ce qui est là couvre la majorité des cas que l'on veut couvrir. Je le répète, on pourrait penser qu'au lieu de mettre «ayant cohabité pendant une période d'au moins un an» on aurait pu mettre «six mois», peut-être, mais ça ne change pas que le texte qui est là correspond à ce que nous voulons, c'est-à-dire un an.

Alors, je pense, M. le Président, que, de bonne foi, on a étudié l'ensemble des trois propositions qui sont là, y compris même, à toutes fins pratiques, le 1.2. En conséquence, nous sommes prêts à voter. Mais, si le député veut absolument prendre son temps de parole sur chacun des alinéas, je ne peux rien y faire, c'est son droit. Nous sommes ici pour travailler, faire avancer les choses, mais je crois sincèrement que, dans ce cas-ci, nous avons fait ce que nous avions à faire, de part et d'autre d'ailleurs.

M. Mulcair: M. le Président, toujours dans le même esprit de collaboration, je tiens juste à dire à mon collègue le ministre de la Justice que, de notre point de vue, le problème n'est pas tellement ce que, nous, on aurait fait si on était à sa place, le problème, c'est que lui, assis à cette place, fait des choses différentes d'une semaine à l'autre, et c'est pour ça qu'il a des problèmes avec son projet de loi.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le député. Maintenant, j'appelle l'article 1.1.

M. Mulcair: Le premier paragraphe de 1.1.

Le Président (M. Paré): Les trois paragraphes.

M. Mulcair: Ah! Non, non, pas du tout. Les trois sont scindables.

Le Président (M. Paré): Les paragraphes 1°, 2° et 3°.

M. Mulcair: Non, pas du tout, M. le Président, avec respect, je pense que vous devriez consulter le secrétaire de...

Le Président (M. Paré): On peut voter 1°, 2° ou 3, oui, je sais bien, c'est ce qui... On peut faire un ou l'autre.

M. Mulcair: Pardon?

Le Président (M. Paré): On peut faire un ou l'autre.

M. Mulcair: Oui, mais, nous, on est en train de vous dire que c'est scindé, on va voter le premier.

Le Président (M. Paré): O.K. Donc, nouvel article 1.1, paragraphe 1°, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

M. Mulcair: Vous voyez? Ça marche bien.

Le Président (M. Paré): Adopté. Nouvel article 1.1, paragraphe 2°.

M. Mulcair: On va maintenant parler sur le paragraphe 2°.

Le Président (M. Paré): Mais il ne vous reste plus de droit de parole sur le 1.1.

M. Mulcair: Ah! Non, non, avec respect, M. le Président, j'ai le même temps de parole de 20 minutes sur 1.1, premier paragraphe, 1.1, deuxième paragraphe, et 1.1, troisième paragraphe. C'est le sens très clair de notre règlement. Je vous invite à lire ce que le secrétaire de la commission vient de vous donner.

Le Président (M. Paré): Non, exactement, c'est ce qu'il vient de me dire. Il vient de me dire le contraire de ce que vous me dites. «Le temps de parole de 20 minutes dont disposent les membres de la commission vaut pour chaque article...

M. Mulcair: Oui, ou... Continuez.

Le Président (M. Paré): ...alinéa ou paragraphe d'un projet de loi...

M. Mulcair: Et voilà!

Le Président (M. Paré): ...chaque amendement ou sous-amendement ou chaque article qu'on propose de modifier ou d'ajouter dans une loi existante.»

M. Mulcair: Voilà! Alors, là...

Le Président (M. Paré): C'est ce cas-là.

M. Mulcair: ...on est dans un alinéa ou un paragraphe.

Le Président (M. Paré): Non, on est présentement dans un article qu'on propose de modifier ou d'ajouter dans une loi existante.

M. Mulcair: Ah! Non, avec respect, M. le Président, 1.1 est effectivement un article – d'accord? – 1.1.1° est un alinéa. C'est autre chose, c'est un paragraphe, puis on a le droit de discuter et de le voter séparément, que ce soit à l'intérieur d'un nouvel article ou une disposition séparée...

Le Président (M. Paré): Non, c'est un nouvel article qu'on veut ajouter à une loi existante.

M. Mulcair: Tout à fait. Il n'y a aucun problème.

Le Président (M. Paré): Oui, il y a un problème.

M. Mulcair: Mais chaque alinéa a le droit d'être débattu séparément. Ça a toujours été ça, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Bien non!

M. Mulcair: Bien oui! Ha, ha, ha!

Le Président (M. Paré): Bien non! C'est la troisième...

M. Mulcair: Mais oui, M. le Président, ça a toujours été. Ha, ha, ha! Je vous invite à prendre quelques secondes pour consulter le secrétaire de la commission qui, je suis sûr, va pouvoir vous aider avec ça.

Le Président (M. Paré): C'est ce qu'il me dit.

M. Mulcair: Non, ça me surprendrait beaucoup.

Le Président (M. Paré): Chaque article qu'on propose de modifier ou d'ajouter dans une loi existante. C'est un nouvel article. Donc, c'est une loi existante...

M. Mulcair: Oui.

Le Président (M. Paré): ...dont on fait un nouvel article.

M. Mulcair: C'est que chaque alinéa ou chaque paragraphe doit être discuté différemment et on a le droit à 20 minutes.

Le Président (M. Paré): C'est un projet de loi.

M. Mulcair: On a le droit à 20 minutes sur chaque article et chaque paragraphe, chaque alinéa.

(Consultation)

Le Président (M. Paré): Donc, on est sur un nouvel article d'une loi existante.

M. Mulcair: Oui, effectivement.

Le Président (M. Paré): Mais vous l'avez là, à 245.

M. Mulcair: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Paré): O.K. On va suspendre une minute.

(Suspension de la séance à 23 h 17)

(Reprise à 23 h 19)

Le Président (M. Paré): M. le député de Chomedey, est-ce que vous avez...

M. Mulcair: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Est-ce que vous êtes d'accord maintenant pour écouter la décision?

M. Mulcair: Bien sûr, et je vous assure qu'on est tout ouïe de notre côté de la table, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Donc, on reconnaît que le nouvel article 1.1...

M. Mulcair: Oui.

Le Président (M. Paré): ...est un article d'une loi déjà existante.

M. Mulcair: Oui.

Le Président (M. Paré): Donc, à 245...

M. Mulcair: Pardon, on reconnaît que le 1.1 est un nouvel article dans une loi déjà existante.

Le Président (M. Paré): C'est ça.

M. Mulcair: On est tout à fait d'accord avec vous là-dessus.

Le Président (M. Paré): Donc, votre temps de parole, votre 20 minutes s'applique sur le 1.1.

M. Mulcair: Avec respect, M. le Président, on va lire l'article 245 ensemble.

Le Président (M. Paré): Oui. Mais...

(23 h 20)

M. Mulcair: Et je veux juste m'assurer... Non, vous venez de lire un bout de l'article 245, je veux juste m'assurer que je trouve l'endroit que vous étiez en train de citer. «Le temps de parole de 20 minutes dont disposent les membres de la commission vaut pour chaque article, alinéa ou paragraphe d'un projet de loi, chaque amendement ou sous-amendement ou chaque article qu'on propose de modifier ou d'ajouter dans une loi existante.» D'accord?

M. Bégin: «Qu'on propose de modifier ou...

M. Mulcair: Je suis en train de parler...

M. Bégin: ...d'ajouter dans une loi existante».

M. Mulcair: ...d'un alinéa du projet de loi...

M. Bégin: C'est ça.

M. Mulcair: ...l'alinéa deuxième du paragraphe 1.1 de la Loi sur l'aide juridique ajouté par l'article 3 du projet de loi n° 20. Même si on doit accepter votre décision, je vous soumets respectueusement que ce n'est pas ça, la jurisprudence qui a été appliquée dans cette commission au cours des deux dernières années. Mon collègue le député de Jacques-Cartier m'informe que ce n'est pas la jurisprudence qui a été appliquée non plus dans la commission des affaires sociales.

M. Bégin: C'est ce que le règlement dit, par exemple.

Le Président (M. Paré): C'est le règlement qui dit ça. Donc, il y a trois occurrences, ça peut être...

M. Mulcair: M. le Président...

Le Président (M. Paré): ...a, b ou c. Maintenant, c'est c, c'est une...

M. Mulcair: ...comme on est en train de le voir, tous les règlements, comme toutes les lois, sont susceptibles de différentes interprétations, et je me plie à la vôtre. Je me permets juste de vous dire que la jurisprudence établie dans cette commission et dans les autres commissions est tout autre. Maintenant...

Le Président (M. Paré): Je vous remercie.

M. Bordeleau: M. le Président...

Le Président (M. Paré): Oui.

M. Bordeleau: ...je n'avais pas utilisé mon temps complètement tout à l'heure. Alors...

M. Mulcair: C'était sur le premier. Ah! Non, non, non, tant pis, le vote a eu lieu!

(Consultation)

Le Président (M. Paré): O.K. Bon, écoutez, je peux rappeler le cas 245/2, donc la jurisprudence, 13 décembre 1994, par M. Sylvain Simard, c'est quelqu'un qu'on connaît: étude détaillée justement, temps de parole, alinéa, article modifié ou ajouté dans une loi existante.

«Contexte: À l'étape de l'étude détaillée du projet de loi 41, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales, lors de l'étude d'un article qui propose de remplacer un article d'une loi existante par deux articles, un député de l'opposition officielle s'interroge quant au temps de parole dont dispose chaque membre de la commission pour l'étude de cet article. Dans les faits, cet article propose, d'une part, de modifier un article d'une loi existante et, d'autre part, d'ajouter dans une loi existante un nouvel article.

«Question: Quels sont les temps de parole dont dispose chaque membre de la commission pour l'étude de cet article?

«Décision: En vertu de l'article 245 du règlement, chaque membre dispose d'un temps de parole de 20 minutes pour l'étude de l'alinéa. Chaque membre dispose également d'un temps de parole de 20 minutes pour l'étude de l'article qui propose de modifier un article d'une loi existante et de 20 minutes pour l'étude de l'article – donc, c'est la concurrence, un, deux ou trois – que le ministre propose d'ajouter à la loi existante.»

M. Mulcair: Oui, alors, vous avez utilisé la conjonction «et». Ils ont 20 minutes sur l'alinéa et 20 minutes sur l'article. C'est exactement ce qu'on est en train de plaider. Je me souviens de cette décision de Sylvain Simard.

Le Président (M. Paré): Il n'y a pas d'alinéa, il y a 1.1 puis 1.2. Donc, vous allez avoir 20 minutes, c'est bien sûr, pour 1.2.

M. Mulcair: Non, avec respect, M. le Président, cette décision vient d'infirmer votre interprétation.

Le Président (M. Paré): Non, du tout, c'est...

M. Mulcair: Oui, j'étais là. Vous n'avez qu'à sortir les transcriptions, je me souviens pertinemment bien, c'est exactement le contraire.

M. Bégin: Et M. Major était là aussi. Nous étions ici, c'est le premier projet de loi qu'on a étudié.

M. Mulcair: M. le Président, maintenant, on se retrouve devant une fâcheuse situation parce qu'on vient de voter sur 1.1, premier alinéa. On vient de prendre le vote.

Le Président (M. Paré): Le droit de vote et le temps de parole, c'est deux choses différentes.

M. Mulcair: D'accord. Donc, on a voté sur le 1.1, premier paragraphe, et mon collègue le député de l'Acadie dispose encore de 15 minutes pour continuer à parler sur le 1.1. C'est bien ça?

Le Président (M. Paré): Pas de 15 minutes, là, mais...

M. Mulcair: Bien, le temps qu'il lui reste, ça ne doit pas être loin de ça.

M. Bégin: Une fois que le vote a été entrepris...

Le Président (M. Paré): Oui, il reste du temps.

M. Mulcair: Il lui reste combien de temps?

Le Président (M. Paré): Quatorze minutes.

M. Mulcair: O.K.

M. Bégin: M. le Président, lorsque le vote est commencé, je ne crois pas qu'on puisse, maintenant, invoquer du temps qui est écoulé. C'est des choses différentes, le temps et le vote. Mais, une fois que le vote est entrepris, on continue le vote jusqu'à temps qu'il soit terminé. Alors, sur le 1.1, il peut y avoir des votes distincts comme de dire qu'ils vont voter pour le premier, voter contre le deuxième et pour le troisième, mais il n'a plus de temps de parole une fois que le vote est entrepris.

M. Mulcair: M. le Président.

M. Bégin: Il avait l'opportunité...

Le Président (M. Paré): Non, je ne l'ai pas mis aux voix, je l'ai mis un par un.

M. Bégin: Bien, c'est ça, mettre aux voix. Le vote, c'est ça. Alors, le temps de parole de chacun, on lui a offert, s'il voulait parler. On a dit: On est prêts à voter. Nous sommes à voter. Le vote, on peut le faire par alinéa, mais ça ne donne plus droit d'ajouter un temps de parole.

M. Mulcair: M. le Président, quand j'ai dit que vous étiez dans une fâcheuse situation, je pense que le ministre vient de la compliquer davantage car...

Le Président (M. Paré): O.K. M. le député de Chomedey, je reconnais le député de l'Acadie.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président.

M. Bordeleau: Alors, merci, M. le Président. Alors, je pense que ce qu'ont démontré, au fond, les commentaires qu'on a faits au ministre sur le 1.1, c'est la complexité des situations. La proposition que mon collègue le député de Chomedey a faite était, à mon avis, une proposition qui était, disons, faite de bonne foi et sans aucune intention de vouloir ralentir les travaux de la commission, au contraire. Je pense que, quand on définit, ici, un des critères qui est important... Quand on parle des conjoints, quand on regarde les différents seuils d'admissibilité qui sont différents selon les situations de conjoints ou d'individus, on touche à une dimension importante du projet de loi sur l'aide juridique.

Alors, mon collègue le député de Jacques-Cartier a analysé avec le ministre plusieurs situations qui existent dans la réalité. Quand on connaît la réalité de Montréal et du centre-ville plus particulièrement, on voit très bien que, tous les cas qu'il a mentionnés, ce n'est pas des cas abstraits, c'est des cas qu'on retrouve quotidiennement, malheureusement, à Montréal. Essentiellement, ce qu'on aurait souhaité, comme l'a proposé de bonne foi mon collègue le député de Chomedey, c'est que le ministre prenne peut-être le temps d'aller vérifier avec les gens de son ministère et les gens qui peuvent le conseiller à ce niveau-là s'il n'y a pas moyen d'améliorer la définition, ici, du terme «conjoints», de façon à répondre mieux à la réalité. Parce que le troisième alinéa pose un problème majeur. On a parlé, tout à l'heure, de la question de notion de majeur, on a parlé de la notion de marital, la notion de vivre maritalement, on a parlé de la notion de «ont cohabité» par rapport à «cohabitent depuis». Alors, c'est toutes des réalités très différentes. Les deux premiers posent moins problème, mais le troisième, je pense qu'il y a beaucoup d'interrogations qui concernent des cas sérieux.

Je pense que ce qu'on aurait souhaité, c'est qu'on suspende cet article-là et que le ministre puisse aller vérifier. De toute façon, on a du travail, on pourrait continuer sur les autres articles et, éventuellement, revenir à cet article-là quand le ministre aura un éclairage complémentaire et qu'il pourra, peut-être, répondre aux interrogations, entre autres, du député de Jacques-Cartier de façon plus spécifique.

Alors, j'avoue que je comprends mal l'empressement du ministre à ce qu'on vote immédiatement sur cet article-là ce soir. Ce n'est pas le dernier article du projet de loi, on a encore du travail à faire. On pourrait y revenir dans une séance ultérieure pour voter. Si le ministre, après avoir consulté, bon, peut nous expliquer que les interrogations qu'a soulevées le député de Jacques-Cartier sont mieux cernées tel que ça l'est actuellement que ça pourrait l'être avec une autre formulation, je pense que, à ce moment-là, on sera en mesure de prendre une décision. Mais, présentement, je ne vois pas pourquoi, là, il faudrait se brusquer pour voter immédiatement, alors qu'il y a quand même pas mal, là, de flou autour de cette notion-là, et particulièrement du troisième alinéa.

Alors, dans ce sens-là, je ne sais pas si le ministre est prêt à reconsidérer sa position de tout à l'heure, sinon, si le ministre continue à vouloir aborder l'étude du projet de loi de la même façon qu'il l'a fait à date, je vais présenter une motion, à ce moment-là, M. le Président. Alors, je ne sais pas si le ministre...

Le Président (M. Paré): Allez-y.

M. Bordeleau: Et je me réserve le droit de venir présenter la motion si le ministre continue à...

M. Bégin: M. le Président, je pense m'être exprimé assez clairement tout à l'heure. Après avoir consulté les gens qui m'accompagnent et qui sont les personnes que je consulte et que je consulterais, ce sont les mêmes personnes, elles m'accompagnent pour nous aider dans nos travaux, j'ai dit que, après avoir entendu les recommandations et les commentaires, nous étions prêts à voter le projet, le texte tel quel.

M. Bordeleau: O.K.

M. Bégin: Alors, je comprends que ça puisse ne pas satisfaire le député de l'Acadie, mais c'est la position que j'ai décrite tout à l'heure.

M. Bordeleau: Alors, dans ce cas-là, M. le Président...

Le Président (M. Paré): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: ...j'aurais une motion à présenter.

Le Président (M. Paré): Oui.

M. Bordeleau: Alors, la motion se lirait comme suit: Le projet de loi n° 20 est modifié en remplaçant, dans le troisième alinéa de l'article 1.1 ajouté par l'article 3, le mot «maritalement» par les mots «comme couple».

Le Président (M. Paré): Comme couple?

M. Bordeleau: Comme couple.

(Consultation)

M. Mulcair: M. le Président.

Le Président (M. Paré): ...discussion?

M. Mulcair: Oui, très brièvement. Je vais vous donner la motion, la proposition de motion.

(23 h 30)

Le Président (M. Paré): L'amendement?

M. Mulcair: Oui. Si ça peut aider à l'avancement de nos travaux, on serait prêt à voter sur le deuxième alinéa de 1.1 tout de suite, parce qu'on est pour. Et on peut concentrer tous nos efforts, donc, sur notre modification à 3°, après, parce qu'on a un nouveau temps de parole sur le troisième. Alors, on est prêt à voter... On est d'accord avec le 2°.

Le Président (M. Paré): À adopter l'article 2°?

M. Mulcair: Mais, si le ministre propose le 2°, on va l'adopter tout de suite. Et on passe tout de suite à la modification de 3°, puis on commence à parler sur le 3°.

Le Président (M. Paré): Je pense que M. le ministre l'a proposé tout à l'heure.

M. Mulcair: D'accord?

Le Président (M. Paré): Donc, le nouvel article 1, paragraphe 2°, est-il adopté?

M. Mulcair: Adopté.

Le Président (M. Paré): Adopté. Le nouvel article 1.1, paragraphe 3°. Amendement: Remplacer, dans le troisième alinéa de l'article 1.1, ajouté par l'article 3, le mot «maritalement» par les mots «comme couple».

M. Mulcair: M. le Président, évidemment...

Le Président (M. Paré): Sur l'amendement.

M. Mulcair: Oui, sur l'amendement, bien sûr. Vous aurez tout de suite compris que l'amendement vise très modestement à tenter d'éliminer la discrimination qui est présente dans la version proposée par le ministre. Rappelons – parce qu'on a de nouveaux joueurs et observateurs – pour le bénéfice de ceux qui viennent de se joindre à nous qu'aussi récemment qu'hier soir le ministre de la Justice du Québec a fait adopter en deuxième lecture, en Chambre, un projet de loi, le projet de loi n° 133, qui éliminait la discrimination basée sur l'orientation sexuelle. Et le ministre a dû admettre ici, à cette commission, ce soir, que l'article 1.1, ajouté par l'article 3 du projet de loi n° 20, contenait de la discrimination basée sur l'orientation sexuelle.

Alors, nous, on est habitué à ce genre de chose avec ce ministre de la Justice, mais je pense que ses collègues et ses proches collaborateurs commencent à s'étonner un peu. Et, effectivement, M. le Président, on a beaucoup à dire sur ce sujet-là. Et, un peu comme lui, on aimerait prendre le temps de regarder s'il n'y a pas d'autres modèles dans la longue nomenclature des définitions parfois disparates et hétéroclites qui existent de «conjoint». Mais, comme je le disais au départ, c'est une proposition faite vraiment en toute modestie, dans le but d'éliminer de la discrimination, ce qui était le but avoué du ministre, lorsqu'il a présenté le projet de loi n° 133.

Ceci étant dit, M. le Président, vu l'heure et vu l'avancement de nos travaux, on a réussi à voter ensemble neuf fois, ce soir, et, sur les neuf votes, la majorité des votes ont été pris à l'unanimité des membres de cette commission, ce qui est un autre excellent exemple de la collaboration qui règne des deux côtés de la table. Alors, je propose tout de suite, M. le Président, en vertu de l'article 165 de notre règlement, l'ajournement des travaux.

Le Président (M. Paré): O.K. L'article 165: «Ajournement des travaux. Un membre peut proposer que la commission ajourne ses travaux.» Ça a été le cas avec le député de Chomedey.

«Cette motion est mise aux voix sans amendement et elle ne peut être faite qu'une seule fois au cours d'une séance, sauf par le président ou un ministre membre de la commission. Elle ne peut être débattue, sauf qu'un représentant de chaque groupe parlementaire peut prononcer un discours de 10 minutes chacun.» M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président...

M. Landry (Bonaventure): M. le Président, je propose la mise aux voix immédiate.

M. Mulcair: M. le Président...

Le Président (M. Paré): Ce n'est pas recevable.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Si mon collègue le député de Bonaventure était en train de nous signaler qu'il accepte notre motion, évidemment, on accepterait, de notre côté, la mise aux voix immédiate.

Le Président (M. Paré): Est-ce que c'est le cas?

M. Mulcair: Si on a une indication claire du côté ministériel qu'il vote pour la résolution, on met fin à ça tout de suite. Pardon?

Des voix: ...

M. Mulcair: Alors, moi, M. le Président, avec le ministre de la Justice, ça me donne toujours l'occasion, une demande d'ajournement des travaux, de récapituler pour lui les événements de la journée et, en l'occurrence, les événements des derniers jours.

Rappelons, M. le Président, que nous sommes en train d'étudier le projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique, «Bill 20, An Act to amend the Legal Aid Act». Le but avoué de cette législation, au dire du gouvernement, c'est de rendre plus accessible l'aide juridique dans notre société. Toutefois, par de nombreux exemples, on a été à même de lui montrer les nombreuses failles, lacunes, erreurs et contradictions dans ce projet de loi, et ce, dès ses premiers articles.

Alors, en proposant cette motion d'ajournement au ministre et aux membres du côté ministériel, on visait tout simplement à éviter le prolongement du débat sur l'article 1.1, troisième alinéa, ajouté par l'article 3 du projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique. M. le Président, on a tous été à même de constater à quel point le ministre de la Justice manque de cohérence dans son approche de la législation, car il a proposé, pendant la même session et pour deuxième lecture, hier, une loi dont il se vantait, une loi qui visait à éliminer la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Quelle ne fut donc pas notre surprise, M. le Président, de constater que le ministre s'entêtait à vouloir faire adopter cet article-là dans sa forme actuelle, car ça contredisait le principe même du projet de loi n° 133, parce que, de l'aveu même du ministre de la Justice du Québec, ça réintroduisait dans une nouvelle législation, pendant la même session du même Parlement, une loi qui faisait exactement le contraire.

Alors, le ministre a été vraiment très ouvert avec nous. Il nous a confié qu'il trouvait ça compliqué. C'est honnête de sa part de nous avoir fait partager sa perplexité devant un sujet aussi complexe. Cependant, ce ne sont pas les gens de ce côté de la Chambre, M. le Président, qui ont annoncé dans les journaux, la semaine dernière, qu'il y avait un comité spécial d'experts qui se penchait sur cette question-là. Bien non, M. le Président. C'est lui-même, le ministre de la Justice, qui nous a dit qu'il y avait un comité spécial d'experts qui était en train d'analyser la notion de conjoint.

Qu'est-ce qu'on a, avec l'article 1.1, ajouté par l'article 3 du projet de loi 20, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique? What do we find in section 1.1 added by section 3 of Bill 20, An Act to amend the Legal Aid Act, Mr. Chairman? We find a flagrant contradiction with the statute that the Minister presented in the House during the very same term of the very same Parliament, a statute entitled Bill 133, which sought to amend the Charter of Rights and Freedoms of Québec to ensure that there would no longer be, in most social spheres, any possibility of discrimination based on sexual orientation.

What does section 1.1 added by section 3 of Bill 20, An Act to amend the Legal Aid Act, do, Mr. Chairman? Unfortunately, it reintroduces in the social sphere discrimination based on sexual orientation. Now, one could always say that, given the fact that most of this discrimination tended to go against homosexual couples, that turnabout is fair play. But I don't think that that's what anyone had in mind when we adopted Bill 133, Mr. Chairman. I think it was quite clear that we were dealing with a question of principle. Although the Minister has some difficulty dealing with the notion of principles, we are quite convinced that most of the people sitting with him on the other side of this table understand what we're trying to say. And that is that it would be totally incoherent for this Committee, with the same minister, during the same session of the same Parliament, to adopt legislation that so clearly contradicts, that is so diametrically opposed to the legislation that was presented and discussed as recently as last night, Mr. Chairman.

Last night, in this House, the honourable Member for Sainte-Marie–Saint-Jacques stood up and made a rousing, moving speech, as he often does on this subject, saying why it was important that we remove discrimination based on sexual orientation. I much regret that we weren't able to benefit from the bright lights of the Member for Sainte-Marie–Saint-Jacques tonight, but I can tell you right now that, to the extent possible, I will try to communicate with him tomorrow before this Committee reconvenes and try to explain to him the incoherence of the legislation being discussed and presented by the Minister, and defended by the Minister, Mr. Chairman.

(23 h 40)

Now, let's bear in mind that the Minister has been candid with us, tonight. He admitted quite clearly that this, for him, was too complicated; he told us that very clearly. And that must be the reason why he informed the House, not last month, not the months before, not the months before that, he informed us last week, Mr. Chairman, that he had constituted, indeed mandated a special committee of experts to give him advice on the notion of spouse. Unfortunately, he has'nt waited for that advice and he's stuck with the definition that he has got in this statute right now, a definition, of course, which, when analyzed, has shown itself to be severely warning, in terms of coherence, as regards to anything else that the Minister has presented in this House today.

Now, no one is ever going to accuse this minister of being overly zealous when it comes to coherence; we all agree with that. But, there are limits, Mr. Chairman. To show up in the House, one week, to talk to the journalists and to say: I'm eliminating discrimination based on sexual orientation and I will concentrate my efforts on a determination of a better definition of «spouse», and, then, to show up, the week after, and to attempt to push through this committee legislation that provides for discrimination on that very same ground is frankly galling.

We have a great deal of difficulty understanding what motivates the Minister in this regard. We're quite aware of the fact that most of the members of the Committee agree with us on this. We know that if it were not for the fact that their whip who was sitting in the chair at the end of the table, they'd all vote with us on this amendment. But, I guess that's why the whip gets sent down in cases like this. They know what's going to happen. I see that the Member of the National Assembly for Drummond is deep in thought, as he cogitates the inevitable. But I also remember another bill dealing with justice, last year, where the whip of the government's side came flying into the Red Room, like a Valkyrie, to inform the honourable deputy from Drummond that he'd better not vote again with the opposition, even though he agreed with us, and he knew we were right, and we were with the Bar Association on another bill that the same Minister of Justice was presenting. So, we do understand the presence of the whip of the Government who, by the way, has always been one of the most affable and congenial Members of this National Assembly, one person that I always had a great deal of pleasure dealing with, during my time at the Office des professions du Québec.

But I can also understand why some of my colleagues are somewhat discouraged to have to seat here and watch a minister of Justice present legislation that is so completely contradictory...

Le Président (M. Paré): En terminant, M. le...

M. Mulcair: Oui, en terminant, M. le Président. Pour nous, c'est une vive déception de se rendre compte que le ministre de la Justice du Québec est capable de lire un texte qui lui dit qu'il présente une loi pour enlever la discrimination basée sur l'orientation sexuelle, mais de constater qu'il ne comprend pas ce qu'il lit, parce que, la semaine d'après, il présente un projet de loi qui fait exactement le contraire. Et c'est pour ça, M. le Président, qu'on souhaite vivement que nos estimés collègues d'en face embarquent avec nous dans notre proposition pour arrêter les travaux de cette commission et ainsi marquer un temps d'arrêt, donner un certain temps de réflexion à tout le monde...

Le Président (M. Paré): Merci, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: ...et surtout que les gens partent réconfortés par le fait que, sur les neuf votes qui ont eu lieu jusqu'à date sur ce projet de loi, la majorité des fois le côté ministériel et l'honorable opposition ont été d'accord.

Le Président (M. Paré): O.K. Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Bégin: Prêt à voter, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Prêt à voter? On le met aux voix?

M. Mulcair: On veut un vote nominal, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Vote nominal. M. le secrétaire.

Le Secrétaire: Alors, pour ou contre la proposition, M. Mulcair (Chomedey)?

M. Mulcair: Ah, je suis pour la proposition.

Le Secrétaire: M. Kelley (Jacques-Cartier)?

M. Kelley: Pour.

Le Secrétaire: M. Bordeleau (Acadie)?

M. Bordeleau: Pour.

Le Secrétaire: M. Bégin (Louis-Hébert)?

M. Bégin: Contre.

Le Secrétaire: M. Payne (Vachon)?

M. Payne: Contre.

Le Secrétaire: M. Landry (Bonaventure)?

M. Landry (Bonaventure): Contre.

Le Secrétaire: M. Jutras (Drummond)?

M. Jutras: Contre.

Le Secrétaire: M. Morin (Nicolet-Yamaska)?

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Contre.

Le Secrétaire: M. Facal (Fabre)?

M. Facal: Contre.

Le Secrétaire: M. Paré (Lotbinière)?

Le Président (M. Paré): Contre.

Le Secrétaire: La motion est rejetée.

Le Président (M. Paré): Revenons à l'amendement.

M. Mulcair: Oui, bien sûr. Vous savez, M. le Président, notre déception que le ministre n'ait pas accepté notre invitation de marquer un temps d'arrêt et de se permettre de travailler toute la nuit avec son équipe pour essayer de bonifier son projet de loi est néanmoins tempérée parce que nous nous disons qu'on dispose encore de quelques minutes pour essayer de l'informer sur sa décision davantage, essayer de lui faire comprendre à quel point il a tort de présenter une loi sous forme de modification à la Loi sur l'aide juridique qui réintroduit dans notre législation une discrimination basée sur l'orientation sexuelle. Parce que je suis persuadé que, s'il avait vu ça avant, il n'aurait jamais présenté l'article 1.1 proposé par l'article 3 du projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique.

We are quite confident, Mr. Chairman, that had the minister thought this one through... We know that it's not the thing that he likes to do the most. But, you know, if he only listened a little bit more often, we try to help him, we really, really try to help him. The last time we were looking at 133, we gave an example to the Minister. And you know what that example was, Mr. Chairman? That example was section I.1 added by section 3 of the Act to amend the Legal Aid Act. We said to him: Mr. Minister, we agree with you, we're going to vote with you on 133, but there's a problem: we need a constant, we need a standardized definition of «spouse» where you live in a civil law system. We're supposed to have that in our Civil Code. It's one of the founding principles of our law. The Minister is in charge of the Civil Code. He knows that it should be in the Civil Code.

And, once we made our demonstration, he was very pleased to tell all the journalists present – and there were several articles in the newspapers, the next day; this was only last week, this is not from the archives, this is from last week – and announce that this great committee of special experts had been meeting regularly, and that it was going about to come up with something. But, Mr. Chairman, we were obliged to tell him, at the same time: Look, somebody else in your party has presented a bill that does just the opposite. He said: Who's that? We said: You! It's Bill 20. He said: No! We said: Yes, come and see.

So, on lui a montré. On lui a dit: Venez voir. L'article 3 du projet de loi n° 20, qui ajoute un nouvel article, 1.1, à la Loi sur l'aide juridique, prévoit une nouvelle définition de «conjoint», et c'est complètement contradictoire avec ce que vous cherchez à faire, votre but avoué, avec le projet de loi n° 133. Alors, qu'allez-vous faire? Il dit: Écoutez, on va discuter de ça le temps qu'on y arrive. Mais je ne sais pas ce qui s'est passé, parce que, ce soir, il a l'air tout étonné, il a l'air surpris de notre intervention. Et pourtant, M. le Président, ce n'est pas une surprise. On ne lui a pas parlé d'une autre loi. On ne lui a pas parlé d'un autre article. On lui a parlé de cette loi-là et de cet article-là.

Alors, comment expliquer une telle incohérence, M. le Président? Par le simple entêtement du ministre? Non. Ce serait faire injure à l'entêtement du ministre, parce que l'entêtement du ministre est tout sauf simple. L'entêtement du ministre est très compliqué, on a eu l'occasion de le voir à de nombreuses reprises, à tel point, M. le Président...

Un des moments mémorables, en commission parlementaire, avec le ministre: il avait accepté une de nos modifications, il était prêt à voter pour. Un de mes collègues tenait à peaufiner son explication, et le ministre a dit: Pour vous punir, je vais voter contre. Ça, c'est vraiment avoir des principes «straight». Ça s'est passé, M. le Président. C'est dans les archives de l'Assemblée nationale. C'était un moment vraiment mémorable.

Tout ça pour dire qu'effectivement son entêtement est tout sauf ordinaire; il est tout à fait extraordinaire. Mais, ici, son entêtement, ce n'est pas contre l'opposition. Son entêtement, c'est encore une fois contre lui-même. C'est lui qui a présenté le projet de loi n° 133. C'est lui qui a donné des discours vibrants et émouvants sur l'importance d'éliminer la discrimination basée sur l'orientation sexuelle. Et qu'est-ce qu'on a ici? Une discrimination basée sur l'orientation sexuelle. Ça augure très mal pour les travaux de cette commission parlementaire parce que, même si aujourd'hui ça a été extrêmement constructif, et on peut tous se féliciter du fait que la majorité des votes pris dans cette commission, aujourd'hui, ont été unanimes, je ne suis pas convaincu que la même unanimité va pouvoir continuer. Ça risque de ralentir, malheureusement, les travaux de cette commission, l'attitude du ministre. Et ce serait à regret, parce qu'il y a des choses sérieuses à discuter dans ce projet de loi là.

(23 h 50)

Mais, puisqu'il s'agit effectivement de donner effet à la loi, puisqu'on est en train de regarder l'interprétation de la loi... C'est vraiment de ça qu'il s'agit. Le ministre a tenu à modifier l'en-tête de l'article, alors, c'est vraiment de ça qu'il s'agit; c'est toute l'interprétation de la loi, c'est toute son application qui est en cause ici. C'est vraiment fondamental. Et si c'était une simple question d'arbitrage, comme le ministre a tenté vainement de l'expliquer tantôt, on aurait peut-être pu embarquer avec lui. Mais ce n'est pas ça. Ce n'est pas juste une question de dire: On va avoir telle définition ou telle autre.

L'interprétation d'un article d'un projet de loi, M. le Président, ne se fait pas dans un vide. L'interprétation d'un article d'un projet de loi se fait dans un contexte. Et le contexte, dans le cas qui nous occupe, c'est le contexte de la législature. Ici même, à l'Assemblée nationale du Québec, on a eu à étudier, comme je le mentionnais tantôt, aussi récemment qu'hier soir en deuxième lecture, le projet de loi n° 133 qui visait à éliminer la discrimination basée sur l'orientation sexuelle. C'est pour ça que notre modification à l'article 3° du nouvel article 1.1 ajouté par l'article 3 du projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique, viserait à remplacer le mot «maritalement» par les mots «comme couple». Et ça se lirait donc comme suit:

Cette loi est modifiée par l'insertion, après l'article 1, des articles suivants:

1.1 Sont des conjoints:

1° les époux qui cohabitent; alors, vous voyez, M. le Président, sur cette première partie de l'article, on n'a pas eu de problème. On a voté là-dessus, et il y a eu unanimité.

2° les personnes vivant maritalement qui sont les père et mère d'un même enfant; encore un fois, unanimité, consensus autour de la table, extraordinaire collaboration des deux côtés.

Mais c'est au troisième paragraphe que ça se gâte un peu, M. le Président, parce que le ministre aurait voulu que cette commission, contrairement à la Charte des droits, contrairement à ce qui est prévu dans la loi n° 133, contrairement à ses grands discours-fleuves, introduise un nouveau chef de discrimination basée sur l'orientation sexuelle. Et ça se lirait comme suit, si jamais on faisait l'erreur de l'adopter:

«3° les personnes majeures qui vivent maritalement et qui, à un moment donné, ont cohabité pendant une période d'au moins un an.» Ce seraient aussi des conjoints, si on retourne au paragraphe liminaire.

Nous proposons de modifier cet article de manière à prévoir que les personnes majeures qui vivent comme couple et qui, à un moment donné, ont cohabité pendant une période d'au moins un an... «Qui vivent comme couple», bon. Est-ce qu'il y a d'autres expressions qui auraient pu être utilisées? Peut-être. On vous a dit, M. le Président, que c'était une modification proposée en tout humilité, en toute modestie. Il risque d'y avoir effectivement, demain, d'autres manières de le dire. Mais, pour l'instant, on est obligé de travailler avec les moyens du bord et on a trouvé cette première formulation. Si jamais, par mégarde, nos amis d'en face devaient voter contre, je suis persuadé que les membres de l'opposition vont continuer, eux, à faire leur travail de parlementaires et à chercher le consensus en proposant d'autres modifications à cet article-là, afin d'éviter que le ministre se contredise.

Vraiment, ça, c'est l'esprit du parlementarisme, M. le Président. Vous voyez, on est en train d'essayer de sauver le ministre d'une contradiction et de l'incohérence. Parce qu'il avait raison, quand il a présenté le projet de loi n° 133, de vouloir éliminer un chef de discrimination basée sur l'orientation sexuelle.

J'ai d'autres collègues qui veulent sans doute dire quelque chose sur cet article-là. Et il serait important pour nous de garder un certain temps, avant de finir cet article 3. On aura sans doute l'occasion de revenir là-dessus demain, M. le Président.

Le Président (M. Paré): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Je pense – je veux ajouter ma voix à celle de mon collègue de Chomedey – qu'on a soulevé une série de problèmes, avec le troisième alinéa de 1.1. Et je pense que la clarification qu'on vient de mettre essaie d'éviter la discrimination. Et quand le ministre, dans sa réponse, tantôt, a dit qu'il a trouvé dans une autre loi la même formulation que la formulation qui est devant nous, donc, qu'on ne peut rien changer, de mémoire, quand nous avons étudié la loi n° 133, il y avait comme 16 définitions différentes de «conjoint», dans les lois québécoises. Alors, dire qu'on ne peut pas bonifier le texte de la définition qui est devant nous ce soir, à cause de l'existence d'un même libellé dans une autre loi, ne tient pas debout, parce qu'on a 16 modèles différents de définition de «conjoint» existants. Et, tant et aussi longtemps que le comité des sages n'a pas encore complété sa réflexion sur la notion de conjoint...

Je pense que nous avons travaillé, ce soir, à trouver une série de problèmes. Je pense que le problème majeur est le problème que l'amendement qui est sur la table essaie d'avoir un effet non discriminatoire, au troisième alinéa. Parce que nous avons regardé et adopté conformément à la Charte québécoise des droits et libertés, ou pris en considération le rapport de la loi n° 133 hier soir, et je trouve ça curieux que, 24 heures après cette adoption ou prise en considération du rapport, on est en train de confirmer, dans l'interprétation de la Loi sur l'aide juridique, une clause discriminatoire. Et, comme je dis, nous avons essayé.

Parce qu'on voit une série de problèmes... Moi, j'ai abordé la question des personnes majeures, qui est dans cette clause. Il y a également la question de... À un moment donné, on peut revenir regarder ça demain. Mais c'est une clause qui, je pense, mérite une réflexion, parce que, malgré le fait que, peut-être, on peut trouver... Je ne me rappelle pas. Est-ce que c'est la Loi sur l'aide sociale où le ministre a trouvé le même libellé? Malgré ça, si ce n'est pas bon, ce n'est pas bon, même si ça a été mis dans une autre loi antérieurement. Alors, je pense qu'on a tout intérêt...

Je pense que ce que nous avons essayé de faire, de ce côté de la table, ce soir, c'est de regarder les vraies situations – on a essayé de faire les choses concrètement – des situations où l'impact du troisième alinéa peut avoir des effets pervers. Et on a dit: On veut quelque chose qui est clair. On veut quelque chose qui rend l'esprit de la loi n° 133. Parce que c'est la même commission, souvent les mêmes membres de la commission qui ont regardé...

Il y a eu des audiences publiques sur 133. J'ai eu le plaisir de participer un petit peu à ces délibérations, ce printemps, une loi qui est devant l'Assemblée nationale pour la troisième lecture, maintenant. Mais qu'est-ce que ça vaut si, tout de suite après, on revient aux mêmes habitudes? On va prendre d'autres libellés qui ont des concepts qui sont discriminatoires. Et je pense qu'on a tout intérêt, à partir de la réflexion que nous avons faite sur le projet de loi n° 133, à changer nos habitudes, changer la façon de regarder ça...

Une voix: Oser!

M. Kelley: Et on a vu que ça peut avoir des impacts discriminatoires de ne pas prendre en considération les autres modèles de définition de «conjoint», et de ne pas faire une distinction basée sur l'orientation sexuelle. C'était l'esprit de la loi n° 133. Et je me demande pourquoi le même ministre qui a fait ça hier n'est pas prêt à regarder ce projet de loi et tout autre projet de loi dans l'esprit de la réflexion que nous avons faite sur le projet de loi n° 133.

Alors, je pense que la modification qui est proposée par mon collègue le député de l'Acadie va corriger la situation. Peut-être qu'après une nuit de réflexion les proches collaborateurs du ministre pourront revenir demain matin pour voir s'il y a des manières de bonifier ce troisième alinéa, parce que je pense que c'est toujours truffé de problèmes. Je vais réserver ma... continuer ça, parce qu'on arrive à minuit.

M. Mulcair: M. le Président, si le ministre veut continuer au-delà de l'heure impartie pour la Chambre, on est tous prêts à continuer.

Le Président (M. Paré): Est-ce qu'il y a consentement? Est-ce qu'il y a consentement?

(minuit)

Une voix: Pour continuer?

Le Président (M. Paré): Pour continuer.

Une voix: Ils ont l'air un peu fatigués.

M. Bégin: L'ordre de la Chambre est de terminer à minuit, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Donc, pas de consentement. Ajournement sine die. Bonne fin de soirée ou bonne nuit!

(Fin de la séance à 0 h 1)


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