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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 29 août 1996 - Vol. 35 N° 34

Vérification des engagements financiers du ministère de la Justice


Audition du sous-ministre de la Justice conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics


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Table des matières

Réponses déposées

Vérification des engagements financiers du ministère de la Justice

Audition du sous-ministre de la Justice conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics


Autres intervenants
M. Marcel Landry, président
M. Paul Bégin
M. Thomas J. Mulcair
M. Jean-Claude St-André
Mme Fatima Houda-Pepin
M. Mario Dumont
M. Normand Jutras
*M. Rodrigue Desmeules, ministère de la Justice
*M. Gaétan Lemoyne, idem
*M. Jean-K. Samson, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, messieurs, je déclare la séance ouverte. Je rappelle le mandat de la commission de procéder à la vérification des engagements financiers du ministère de la Justice contenus dans les listes des mois de novembre 1995 à juillet 1996 inclusivement.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Il n'y a pas de remplacements, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Alors, nous disposons d'une période de 2 h 30 min pour l'étude de ces engagements, soit de 10 heures à 12 h 30. Est-ce que l'ordre du jour est adopté?

Des voix: Adopté.


Réponses déposées

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Alors, je dépose les réponses obtenues aux questions laissées en suspens lors de la vérification du 11 décembre 1995. Ces réponses ont d'ailleurs été expédiées aux membres de la commission le 4 mars 1996.

Est-ce qu'il y a des demandes de renseignements supplémentaires sur des engagements vérifiés au cours des séances antérieures? Non? Ça va.


Vérification des engagements financiers du ministère de la Justice

Alors, nous allons maintenant entreprendre l'étude des engagements financiers du ministère de la Justice contenus dans les listes des mois de novembre 1995 à juillet 1996; au total, 62 engagements à vérifier. Nous pouvons procéder selon trois modes différents, soit appeler l'étude de chacun des engagements et permettre, à ce moment-là, l'échange sur l'engagement appelé, et, à la fin, déclarer l'engagement vérifié, ou que la question soit prise en note pour réponse ultérieure. L'option B, c'est d'appeler l'étude de la liste mois par mois et de demander aux membres d'identifier les engagements à vérifier dans la liste, permettre ces échanges sur les engagements et déclarer l'engagement vérifié, ou la question prise en note pour réponse ultérieure. Le troisième mode, c'est permettre, de consentement mutuel, des remarques préliminaires de la part du ministre et du porte-parole de l'opposition, permettre une discussion générale sur l'ensemble de la gestion administrative du ministère, et considérer en bloc que les engagements financiers des mois de novembre 1995 à juillet 1996 sont vérifiés.

Est-ce qu'il a une proposition? Donc, il y a trois procédures possibles: soit les engagements un par un, soit les engagements par liste mensuelle ou, troisièmement, une discussion générale.

M. Mulcair: M. le Président, si ma mémoire est fidèle, la dernière fois qu'on s'est livrés à cet exercice avec le ministre de la Justice, on les a pris mois par mois, puis, à l'intérieur de chaque mois, on posait quelques questions, souvent en ordre chronologique, et on avait tendance à adopter les mois après ça. Je pense que, vu que les documents sont séparés par mois, c'est peut-être la manière la plus simple de procéder.

M. Bégin: Il n'y a pas de problème. Et, si on veut revenir, M. le Président, il n'y a aucun problème, non plus, à...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, ça vous agrée?

M. Bégin: Oui.


Novembre 1995

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Donc, on va procéder ainsi. J'appelle donc l'étude des engagements financiers du mois de novembre 1995. Est-ce qu'il y a des questions sur les engagements financiers de novembre 1995?

M. Mulcair: Pour le mois de novembre, M. le Président?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui.

M. Mulcair: Oui. Pour ce qui concerne les numéros 1 et 3 prévus à la page 1 pour novembre 1995, on se rappelle tous que, l'automne dernier, justement M. le ministre de la Justice nous avait assuré qu'il y aurait des mesures prises en ce qui concerne la représentation par avocat et le paiement par le ministère de la Justice du Québec des avocats du Conseil de la magistrature et du juge qui fait l'objet de la plainte. On se souvient que, le 11 décembre, le ministre de la Justice a dit qu'il avait demandé qu'on prépare une révision de la politique de représentation devant les tribunaux. Il continue en disant: «C'est en voie d'élaboration, je sais que c'est assez avancé.» Et, encore au moment de la commission: «Je peux même vous dire [...] que, d'ici le 1er février – donc, c'était le 1er février de cette année, de 1996 – nous devrions avoir une politique nouvelle en cette matière.» On voudrait donc juste savoir qu'est-ce qui est arrivé avec cette promesse du ministre.

M. Bégin: Effectivement, nous avions déclaré, l'an passé, qu'on réviserait cette politique, et ça a été fait. Cependant, j'ai transmis à la magistrature, aux fins de consultation, les modifications qu'on proposait. Il y a eu une première information à l'effet qu'ils auraient besoin d'un peu plus de temps que ce qu'ils avaient escompté pour faire ça. Au moment où on se parle, je n'ai pas eu la réponse finale du Conseil de la magistrature à cet égard-là, mais j'attends bientôt, avec la reprise des activités judiciaires en septembre, donc dans quelques jours, justement une suite concrète à ça.

M. Mulcair: O.K. Concernant justement cette politique de représentation devant les tribunaux, M. le Président, on a eu l'occasion ensemble, lors de la session du printemps, de voir que M. Jean-Paul Beaulieu, le président de la Société d'habitation du Québec, s'était fait payer, pour une poursuite de nature purement personnelle, des avocats par le Trésor public, parce qu'il avait employé des avocats de l'État. Et le ministre a très candidement admis que ce n'était pas correct et qu'il lui avait demandé de cesser. Mais la question est de savoir quand est-ce que M. Jean-Paul Beaulieu va rembourser les sommes que représente le travail d'avocats auxquels il n'avait pas droit.

M. Bégin: Écoutez, nous n'avons pas émis de mandat, à la Justice, autorisant un avocat à travailler pour la personne dont vous venez de faire mention du nom et nous n'avons donc pas dû payer. En conséquence, je ne crois pas que nous ayons à demander un remboursement de sommes inexistantes.

M. Mulcair: Mais, M. le Président, je pense qu'on s'entend mal sur la définition d'argent public. Ce n'est pas parce qu'on utilise un permanent, payé sur une base de salaire par le gouvernement, qu'on est moins en train d'utiliser l'argent du public. M. Beaulieu a fait produire des procédures dans une poursuite, pour fins purement personnelles, dans un dossier. Il a utilisé, pour ce faire, des avocats à salaire de l'État. Le ministre, en réponse à des questions lors de la période des questions, avait eu le temps de vérifier. Il est revenu dans une réponse additionnelle et il nous a dit: C'est vrai et on l'a informé qu'il n'avait pas le droit d'utiliser des avocats du gouvernement pour cette fin-là.

Alors, on ne s'entend peut-être pas sur le sens d'une dépense publique, mais je soumets respectueusement à cette commission, M. le Président, et à mon collègue, le ministre de la Justice, que ce n'est pas moins de l'argent du public parce que c'est à salaire plutôt qu'à contrat. Alors, on est en matière justement de paiement des avocats pour des fins autres que professionnelles, pour des fins personnelles, et on voulait savoir si le ministre avait demandé que M. Beaulieu rembourse l'équivalent de la somme que représente le travail fait par les avocats de la SHQ.

M. Bégin: Ce que je peux répondre, M. le Président, c'est que, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, aucun avocat n'a été autorisé par le ministre de la Justice à travailler pour M. Beaulieu. Si M. Beaulieu a fait travailler quelqu'un d'un ministère, ce qui est à mon ignorance, il faudrait demander au ministre concerné ce qu'il entend faire ou ce qu'il a fait, ou ce qu'il voudrait faire. Mais, en ce qui nous concerne, tant et aussi longtemps que la question ne me vient pas, comme ministre de la Justice évidemment, je n'ai pas à être le chien de garde de ce qui se passe dans chacun des ministères. Je rends compte de ce qui s'est fait chez moi. Au ministère de la Justice, il n'y a pas eu d'émission de mandat ni de paiement d'honoraires à l'égard de M. Beaulieu – bonjour, madame – et, en conséquence, je ne peux pas dire ce qui s'est passé ailleurs. S'il y a des comptes à rendre quelque part, il faudra le demander à la personne concernée.

M. Mulcair: Bon, on prend bonne note que le ministre est en train de se réfugier un peu derrière une réponse assez bureaucratique. Il dit que, vu qu'il n'y a pas de colonne dans ses crédits qui traite spécifiquement de ça, ce n'est pas de sa responsabilité. Ça nous rappelle un peu les échanges qu'on pouvait avoir avec lui lorsqu'il nous disait, dans le dossier de l'aide juridique: Bien, si on sauve de l'argent au ministère de la Sécurité publique, ça ne m'intéresse pas parce que ce n'est pas dans mes livres à moi. C'est, encore une fois, à notre sens, M. le Président, le défaut de comprendre que l'argent du public, c'est l'argent du public. Ce dont le ministre ne se souvient évidemment pas, c'est d'avoir dit à l'Assemblée nationale, au mois de juin, que lui, le ministre de la Justice, avait informé Jean-Paul Beaulieu qu'il n'avait pas droit aux services d'un avocat payé par le gouvernement. Mais, puisque le ministre nous y invite, on va effectivement demander des comptes à d'autres...

M. Bégin: Ministres.

M. Mulcair: ...ministres, le cas échéant et on aura sans doute l'occasion de rappeler les deux, c'est-à-dire ce que le ministre nous a dit au mois de juin et ce qu'il vient de nous dire aujourd'hui.

Concernant la magistrature, on voudrait savoir, M. le Président, de la part du ministre, s'il entend donner suite à ce qu'il a annoncé au mois de juillet dernier en vue – et je le cite encore une fois – «de revoir en profondeur le mode de nomination, la formation et le traitement des plaintes relatives aux juges dès cet automne», donc dès maintenant. Et est-ce qu'il peut nous indiquer quelle sorte de consultation il entend faire à cet égard?

M. Bégin: Pour répondre à la première partie de la question, est-ce que j'ai l'intention de donner suite à ce que j'ai annoncé au moment où la décision a été rendue par le comité qui faisait rapport au Conseil canadien de la magistrature sur la conduite du juge Bienvenue, la réponse, c'est oui, j'ai l'intention de faire des consultations.

(10 h 20)

J'ai procédé à une réflexion préliminaire, à savoir quel serait le mode choisi pour le faire. Serait-ce en faisant une tournée de l'ensemble, par exemple, des barreaux de section pour connaître leur avis sur cette question? Parce que ça concerne évidemment les juges, mais ça concerne, à première vue, d'abord les avocats puisque ce sont eux qui, aujourd'hui, sont susceptibles d'être nommés et non pas ceux qui sont déjà nommés. Mais c'est une problématique globale qui concerne les tribunaux judiciaires, la Loi sur les tribunaux judiciaires. Donc, je suis encore à déterminer les paramètres exacts de cette consultation-là, mais il y a un travail qui se fait, sur le plan des fonctionnaires, pour le contenu de la consultation; la forme reste à être établie. Mais soyez assurés qu'au cours de l'automne il y aura une telle consultation.

Par ailleurs, c'est bien sûr que le départ du juge Poitras et l'arrivée, on le sait, hier, du juge Lemieux, le nouveau juge en chef, vont permettre justement que les personnes qui sont en autorité puissent être consultées et puissent donner leur point de vue. Alors, je pense qu'à l'automne on sera en position effectivement de consulter le Barreau, la magistrature, et je pense que le public doit également être consulté sur cette question-là.

M. Mulcair: Le public aussi. Bon. On en prend bonne note, M. le Président. Évidemment, je ne veux pas donner l'impression que le ministre doit s'être fait une idée avant d'avoir tenu les consultations, mais un des sujets qui reviennent assez souvent lorsque les gens commentent cette situation, c'est l'absence de ce que d'aucuns appellent des sanctions intermédiaires. Est-ce que le ministre a avancé sa propre réflexion là-dessus? C'est un problème délicat, mais est-ce que c'est vraiment quelque chose sur lequel il se fera une idée seulement au moment de la consultation ou est-ce qu'il a déjà cheminé lui-même sur cette question?

M. Bégin: Je connais différentes alternatives qui se sont présentées, et il y a actuellement des situations aussi qui sont différentes. Par exemple, en vertu de la loi fédérale en ce qui concerne les juges de la Cour supérieure, il n'y a qu'une possibilité, c'est de demander la destitution du juge, en suivant un processus qu'on connaît actuellement pour l'avoir vu agir avec le juge Bienvenue. C'est un processus extrêmement complexe qui ne permet qu'une seule voie: tout un, tout l'autre. Cependant, comme je l'ai dit à l'époque, le Conseil canadien de la magistrature a obtenu une opinion juridique à l'effet qu'il serait possible, probablement, au Conseil canadien de la magistrature d'arriver avec une sanction qui serait de la nature, par exemple, d'une réprimande. Mais on a dit: Ce n'est pas prévu. Friedland en parle dans son rapport.

D'autres personnes ont soulevé l'hypothèse de faire en sorte qu'il y ait quelque chose entre les deux, entre la réprimande, qui est prévue, elle, dans la Loi sur les tribunaux judiciaires à l'égard du Conseil de la magistrature québécois, et la destitution également. Donc, il y a les deux qui sont prévues dans la loi. Devrait-on en prévoir une intermédiaire? Et là qu'est-ce que c'est qu'on entend par une sanction intermédiaire? Est-ce que ça veut dire qu'un juge pourrait, par exemple, pour avoir eu une conduite qu'on jugerait répréhensible dans quelque domaine que ce soit, être suspendu pour six mois ou un an et pouvoir reprendre son travail par la suite? Est-ce que c'est ça, une sanction intermédiaire? Si oui, qu'est-ce que ça représente comme impact vis-à-vis du justiciable, vis-à-vis des collègues, vis-à-vis de l'ensemble de la magistrature?

Ou est-ce que c'est, une sanction intermédiaire, quelque chose qui ressemblerait, pour une personne, un juge, qui aurait des difficultés personnelles, que ce soit un divorce qui entraîne chez lui une perturbation importante, que ce soient des problèmes personnels, que ce soit de la boisson ou d'autres, on peut imaginer n'importe quoi... Est-ce qu'une sanction intermédiaire pourrait être qu'on lui demande, pendant un certain temps, de faire, par exemple, une cure de désintoxication, une cure de... bon, de rencontrer quelqu'un pour l'aider à solutionner ses propres problèmes pendant une certaine période? C'est cette autre possibilité qu'on peut regarder comme étant une sanction intermédiaire.

Donc, moi, j'ai regardé ce que pouvait être une sanction intermédiaire plutôt que de dire: Est-ce que je suis d'accord, compte tenu de tout ce qui se prévoit dans ce domaine-là, que ce soit de cette manière-là que ça se fasse? Donc, je n'ai pas d'idée arrêtée. Je dis qu'on doit se questionner sur cette question-là parce que beaucoup posent la question: Est-ce que c'est correct d'être pris, au fédéral, devant un seul choix légal et, au Québec, entre deux alternatives qui sont quand même, à la limite, deux extrêmes: la réprimande pour un geste qui est considéré par beaucoup de gens comme étant très grave, mais ne nécessitant pas la destitution... Des gens sont mal à l'aise vis-à-vis de ça. Alors, il faut qu'on parle de ça. Il y a les juges qui sont concernés, bien sûr, mais il y a le public, il y a le Barreau. Donc, il faut voir tout ça. Et il faut mettre l'éventail devant le monde pour qu'on entende ce qu'il a à dire là-dessus.

M. Mulcair: Si vous permettez, j'ai...

M. Bégin: Et ce n'est qu'une facette de ce que j'ai pensé faire au niveau de la consultation. Il y a le règlement sur le mode de nomination des juges. Il y a la composition du Conseil de la magistrature. Est-ce que les juges en chef, les juges en chef adjoints, est-ce que les présidents de cours municipales, est-ce que la Conférence des juges... Est-ce que le public est suffisamment représenté ou trop représenté? C'est un autre questionnement qu'il faut avoir. Donc, c'est l'occasion, je pense, de regarder à nouveau, 15 ans, peut-être, après un premier regard dans ce domaine-là, pour voir si on a toujours la bonne voie ou bien si on doit en changer.

M. Mulcair: Bien, j'apprécie le caractère complet de la réponse du ministre. Je tiens juste, M. le Président, à lui faire la suggestion suivante. Un peu comme dans le dossier de la déontologie au niveau des administrateurs de l'État, où on a eu l'occasion d'entendre l'Office des professions, mais on a vu qu'il n'avait peut-être pas été mis tellement à contribution, je me permets de suggérer que, peut-être, dans un des organismes qui relèvent de lui, qui est justement cet Office des professions, le ministre pourrait trouver des éléments de réponse intéressants.

Parce que effectivement lorsque vient le temps de décider d'une sanction disciplinaire, très souvent, dans le domaine médical, par exemple, on se rend compte que ce n'est pas approprié du tout d'envisager que la personne soit radiée, mais on se rend compte que la personne a peut-être besoin d'une formation additionnelle dans tel ou tel domaine. Ce sont des discrétions qui existent pour le bureau d'un ordre professionnel. Et, si on regarde, les situations qui se présentent, très souvent, sont un manque de sensibilité ou à la réalité cosmopolite de Québec et surtout de Montréal ou à la réalité concernant l'égalité des femmes et des hommes dans notre société. C'est une question d'âge, c'est une question de formation; on l'a vu très bien dans le cas du juge Bienvenue.

Peut-être que justement la possibilité d'ordonner la poursuite de cours, dans un cas comme celui-là, pourrait s'avérer intéressante. Il y a une vaste jurisprudence et expérience là-dedans parce que, très souvent, ces questions-là sont traitées par après par le Tribunal des professions, etc. Ça a souvent été analysé en profondeur et en détail. Ça risque d'être une source intéressante...

M. Bégin: Si vous me permettez, c'est pour ça que je pense que la consultation doit être ouverte et non pas limitée simplement soit au ministère de la Justice, soit à la magistrature ou encore au Barreau, mais, vraiment, qu'on ait tous les apports possibles intéressants. Et on est tous à peu près néophytes dans ce domaine-là, comme société. Ça ne fait pas longtemps qu'on s'interroge sur ce que doit être une sanction à l'égard de certaines personnes.

M. Mulcair: Non. Il y a 25 ans, lors de l'adoption du Code des professions, personne ne songeait à ce que quelqu'un puisse remettre en question le rôle totalement autonome d'un ordre professionnel. Pourtant, le rôle premier de l'Office, c'est de s'assurer que les ordres fassent leur travail de protection du public. Si les ordres ne le font pas, l'Office est là. Puis, si l'Office ne le fait pas, les politiciens sont là pour répondre...

M. Bégin: Et le ministre.

M. Mulcair: ...et le ministre.

L'autre exemple dans le domaine des professions, c'est justement la limitation de la pratique. Restons avec notre exemple. Si quelqu'un s'avère totalement incapable lorsqu'il s'agit de causes justement matrimoniales ou concernant le rôle des femmes, peu importe dans la société, on peut effectivement limiter la pratique. C'est une manière qui existe dans les professions de ne pas complètement exclure quelqu'un qui a toute la formation et l'expérience; la même chose pour les juges. Donc, c'est une suggestion qu'on se permet de faire au ministre et à ses proches collaboratrices et collaborateurs de vérifier cette jurisprudence et cette expérience auprès de l'Office et peut-être des ordres professionnels. Ça risque de fournir des éléments et des modèles assez intéressants.

Pour ce qui est de la question générale, aux numéros 1 et 3 pour novembre 1995, il faut toujours mettre des bémols quand on pose des questions comme ça, parce que François Aquin et Raynold Langlois sont vraiment deux illustres avocats dont personne ne va jamais remettre en question la compétence ni l'intégrité. Mais la question demeure néanmoins: Comment est-ce que les avocats, dans des causes comme celles-là, sont choisis? Est-ce que c'est le juge lui-même qui choisit son avocat, puis, après, c'est au ministère de le rembourser? Ou est-ce que le ministère a un mot à dire là-dedans? Ça marche comment?

M. Bégin: C'est une réponse ambivalente, en ce sens que, dans la loi, c'est prévu que c'est le ministère de la Justice qui, en bout de piste, désigne la personne pour agir et décide du montant de la rémunération, s'il dépasse le niveau de... Je crois que c'est 100 $, le tarif prévu. Donc, le Conseil du trésor, en bout de piste, va approuver ce dépassement des honoraires si jamais il est proposé par le ministre. Donc, ça, c'est ce qui est prévu comme tel.

(10 h 30)

Dans les faits, les choses se passent légèrement différemment. C'est que, avant même que le ministère ne soit informé, bien sûr, la personne concernée, elle, l'a été. Le juge, par hypothèse, par exemple, recevant une plainte, s'interroge immédiatement sur qui pourrait le mieux le défendre, sachant que, généralement, ils ont le droit de recevoir les services d'un avocat. Donc, très souvent, on reçoit une demande: Est-ce que vous pouvez nommer Me Untel qui a été recommandé ou demandé par le juge Untel qui a besoin des services d'un avocat? Alors, en principe, c'est beaucoup plus comme ça que ça se passe.

M. Mulcair: O.K.

M. Bégin: C'est plus une ratification. Est-ce qu'on devrait agir différemment? C'est un questionnement dans tout... Je vais regarder la question avec le règlement pour voir si on peut changer ça, si on doit changer ça ou laisser les choses telles quelles.

M. Mulcair: Dans les deux cas qu'on a devant nous, Me François Aquin et Me Raynold Langlois, est-ce qu'on peut savoir le tarif horaire auquel ils ont été rémunérés?

M. Bégin: Dans le cas de François Aquin, c'est 175 $, et Raynold Langlois est également à 175 $. Alors, rendu là, vous savez, 5 $ de plus ou de moins, bon.

M. Mulcair: Non, et on peut aussi faire le constat que c'est le prix du marché et peut-être en deçà du prix...

M. Bégin: C'est en dessous du prix du marché.

M. Mulcair: ...pour ces deux avocats-là.

M. Bégin: Oui, je peux le dire, parce que, personnellement, je chargeais plus cher que ça moi-même, sans prétendre à la réputation...

M. Mulcair: Ça, c'est au-dessus du prix du marché!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: La qualité était tellement grande que ce n'était pas cher!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Lorsqu'on est tout seul à évaluer le quantum meruit, peut-être...

M. Bégin: Non.

M. Mulcair: ...mais, maintenant, on est plusieurs à pouvoir le regarder.

M. Bégin: Mais mes clients le faisaient à tous les jours et ils ne se plaignaient pas. Et j'ai des clients que j'ai gardés 25 ans.

M. Mulcair: J'espère que vous ne les avez plus, là!

M. Bégin: Ils ont connu toutes les hausses de salaire. Non, non, non, je ne fais pas double emploi.

M. Mulcair: Location d'équipement informatique, à l'engagement 4. D'abord, même si je suis dans l'opposition, M. le Président, je dois dévoiler mes propres intérêts. De très nombreux membres de ma famille travaillent chez IBM, notamment dans Westmount– Saint-Louis.

M. Bégin: Qu'ils y travaillent, ce n'est pas grave. Sont-ils propriétaires de la compagnie?

M. Mulcair: Mais c'est très, très bien. Alors, je félicite le ministre, à l'engagement 4, de toujours faire affaire avec IBM et je souhaite qu'il le fasse beaucoup plus souvent. Parce que, vous savez, M. le Président, IBM fait plus d'affaires avec le gouvernement du Nouveau-Brunswick, chiffre brut, qu'avec le gouvernement du Québec, et pourtant, comme on sait, on a plusieurs fois la population du Nouveau-Brunswick. Et IBM investit très lourdement ici, au Québec; elle a des installations importantes à Bromont. Pourtant, chaque fois que les gros contrats viennent, surtout depuis que ce gouvernement est arrivé, ça va toujours à de petites compagnies dont personne n'avait entendu parler et, par pur hasard, toujours situées dans des comtés péquistes. Bah! c'est sans doute du hasard et basé, encore une fois, sur le mérite. Mais je me permets de faire cette «plug» pour IBM et de dire que, pour une compagnie qui investit autant au Québec, ils ne reçoivent pas leur juste part du gâteau.

M. St-André: Ça va peut-être vous valoir une invitation...

M. Bégin: Me permettez-vous?

M. St-André: ...à l'ouverture des Jeux olympiques.

M. Bégin: Je n'arrive pas... J'ai vérifié auprès de deux personnes pour savoir qui m'a dit, cette semaine, que IBM, dans les dernières années, avait vu le nombre de contrats accordés par le gouvernement du Québec diminuer sensiblement et qu'ils s'étaient déclarés très heureux d'avoir justement des contrats maintenant. Alors, vous pourrez dire aux membres de votre famille que ma famille s'occupe bien de la vôtre!

M. Mulcair: Au numéro 5, on trouve une référence... Oui, pardon, je m'excuse, on va finir, donc...

M. Bégin: À 5?

M. Mulcair: Non, on est correct pour novembre, pour le reste.

M. Bégin: O.K.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Alors, les engagements de novembre...

M. Bégin: Est-ce qu'on procède au fur et à mesure pour l'adoption? Novembre?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...sont vérifiés?

M. Mulcair: Oui, vérifié.

M. Bégin: O.K. Adopté.


Décembre

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, nous entreprenons maintenant les engagements de décembre 1995.

M. Mulcair: Adopté. Vérifié, pas de problème.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Vérifié.

M. Mulcair: Oui.


Janvier 1996

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, janvier 1996, il y a huit engagements.

(Consultation)

M. Mulcair: Oui. Alors, on est au numéro 5, SYGBEC.

M. Bégin: Excusez, j'ai été...

M. Mulcair: Au numéro 5 de janvier 1996.

M. Bégin: Computer Associates.

M. Mulcair: C'est le renouvellement... Est-ce que ça fait de nombreuses années que c'est Computer Associates qui s'occupe de ça?

M. Bégin: Ce que j'ai comme information, c'est que ces logiciels ont été achetés en 1985.

M. Mulcair: Ouf! des dinosaures.

M. Bégin: C'est pour ça qu'on est un peu limité, compte tenu de leur âge et de leur absence de renouvellement. Pendant 10 ans, on a gardé les mêmes.

M. Mulcair: Et les huit logiciels en question visent quelle partie des activités du ministère?

M. Bégin: Je peux vous donner leur nom, mais lesquels, je demanderais peut-être à M. Lemoyne... En fait, ils servent à l'ensemble des systèmes informatisés au ministère de la Justice pour gérer les banques d'information et développer diverses applications informatiques. Là, au-delà de ça, je ne suis pas en mesure de vous répondre. Peut-être que...

M. Desmeules (Rodrigue): C'est les bureaux d'enregistrement de tous les...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce que vous pourriez vous identifier, monsieur?

M. Desmeules (Rodrigue): Oui. Rodrigue Desmeules, sous-ministre associé à l'administration. Alors, c'est pour les bureaux d'enregistrement, particulièrement.

M. Mulcair: Mais, avec tous les changements qui sont survenus, M. le Président, avec le nouveau Code civil, ça m'étonne un peu, juste, sans connaître plus de détails, qu'on soit toujours en train de renouveler les mêmes contrats d'informatique pour des logiciels qui existent depuis au-delà de 10 ans. Dans ce domaine-là, plus de 10 ans, c'est vraiment des antiquités. Je m'explique mal qu'on soit en train encore de dépenser plus de 200 000 $ pour l'entretien de ces logiciels-là.

M. Desmeules (Rodrigue): Oui.

M. Mulcair: Ça fait quoi, là, concrètement?

M. Desmeules (Rodrigue): Oui. C'est bien évident qu'il faut comprendre que les différents systèmes... On parlait des bureaux d'enregistrement, mais également ces logiciels-là servent aussi pour la gestion de certains autres systèmes. Le ministère de la Justice a un centre de traitement qui est quand même important. Il y a près de 30 grands systèmes qui sont sur la plateforme centrale, et, quand on connaît le volume d'utilisation des systèmes vers la plateforme centrale, c'est quand même une plateforme centrale où on a une capacité de 116 000 000 d'informations par seconde. Alors, c'est quand même énorme.

M. Bégin: De 116 000 000?

M. Desmeules (Rodrigue): Il y a 116 000 000 d'informations/seconde au niveau des transactions. Alors, c'est quand même un volume important. Alors, les logiciels, bien sûr, énumérés ici, comme les logiciels qu'on a vus tantôt au premier engagement, là, les contrats d'IBM, sont vraiment des logiciels d'exploitation des systèmes, c'est-à-dire toute la gestion de l'intelligence des systèmes pour que l'ordinateur central soit capable de réacheminer, suite aux demandes d'informations des différents utilisateurs, toutes les informations qui sont pertinentes aux demandes d'informations.

Alors, quand on regarde le volume, ce sont des logiciels, bien sûr, qui servent à diverses applications dans le domaine de l'informatique. Alors, on pourrait les détailler. C'est évident que c'est très technique quand on l'explique. À titre d'exemple, si on dit: Le système MVS, à quoi il sert particulièrement? bon, bien, c'est pour la programmation, particulièrement. Alors, quand un utilisateur programme un besoin et dit: Moi, à partir de telle fonction, j'aimerais avoir telle sortie, c'est ce logiciel-là qui va servir à transférer la commande. Alors, c'est très technique. Quand vous me dites: Bon, il est surprenant qu'avec toutes les modifications... il reste que les besoins des utilisateurs demeurent, malgré les réformes qui sont faites, suite aux demandes des clients.

M. Mulcair: D'accord. Je vous remercie beaucoup pour cette réponse très complète, mais ce que je voulais, par ailleurs, essayer de savoir en la posant, c'est: Avec tous les changements qui sont survenus avec le nouveau système qui est en place ou, du moins, qu'on est en train d'essayer de mettre en place, est-ce que vous pouvez nous informer à savoir s'il y a des contrats d'ordre général qui sont en train d'être préparés pour que l'on refasse le système? C'est à ça que je faisais référence lorsque je disais que c'est un peu surprenant de voir qu'on renouvelait quelque chose qui était là 10 ans avant que le nouveau code soit mis en application.

M. Desmeules (Rodrigue): Quand on examine ces logiciels-ci, c'est effectivement pour la continuité. C'est pour des services, c'est pour des activités qui sont actuelles. Lorsqu'on regarde sur le plan du développement et des modifications qui pourraient être amenées en termes de coûts d'utilisation de logiciels en regard des nouveaux développements, évidemment il faut aller voir plus au niveau des clients du centre de traitement, qui sont les autres directions générales. Alors, vous posez là une question qui est une question d'opportunité ou de pertinence quant à des développements de systèmes nouveaux en regard des modifications.

M. Mulcair: Si je peux me permettre, juste sur le même sujet, je comprends que c'est assez détaillé, mais on est en train de faire une refonte du cadastre, à l'heure actuelle. Ça relève du ministère de la Justice et vous avez...

M. Bégin: Non, faites attention, là, c'est Énergie et Ressources.

M. Mulcair: O.K. Mais...

M. Bégin: Ça affecte, en partie, les bureaux de la publicité des droits...

M. Mulcair: D'enregistrement, c'est ça.

M. Bégin: ...mais c'est, d'abord, une mission d'Énergie et Ressources. Voilà!

(10 h 40)

M. Mulcair: La réponse de M. Desmeules, tantôt, M. le Président, nous indiquait qu'il fallait être sensible aux clientèles. C'est bien dit. Dans le cas du nouveau cadastre, effectivement il y a les bureaux de la publicité des droits qui doivent être tenus en ligne de compte là-dessus, mais aussi le travail justement d'une clientèle importante, c'est les arpenteurs-géomètres évidemment qui sont très contents de la manne que leur apporte...

M. Bégin: La réforme.

M. Mulcair: ...la réforme du cadastre. Tant mieux. Mais la question est de savoir: Est-ce que cette clientèle-là est en train de jouer un rôle important pour donner forme à tous ces nouveaux registres?

M. Bégin: Permettez-moi de vous donner une réponse qui va sembler, à première vue, un peu à côté, mais qui va se rattacher à tout ça en bout de piste. Il y a, bien sûr, le cadastre. Effectivement, depuis quelques années, il y a une réforme qui va s'échelonner, je pense, à moins qu'on accélère et ça demanderait beaucoup d'argent, sur une quinzaine d'années encore, pour réformer l'ensemble du cadastre. Donc, pour ceux et celles qui ne sont pas familiers, le cadastre, c'est la détermination dans l'espace de chaque terrain et de chaque bâtiment de manière à ce que quiconque le veut puisse le faire avec une référence précise pour connaître le titre de propriété. Aujourd'hui, avec les technologies modernes, les satellites, on est en mesure de localiser encore de manière beaucoup plus précise, et c'est par ces techniques – je n'irai pas plus loin – qu'on fonctionne dorénavant. C'est un travail de longue halène.

Jusqu'à aujourd'hui, le cadastre se retrouve à Énergie et Ressources, mais il sert de base à l'enregistrement des droits immobiliers, donc les titres de propriété, les hypothèques, etc., par les bureaux d'enregistrement. Donc, tous les cadastres se retrouvent là aussi, et c'est à l'égard de chacun des lots ainsi cadastrés que les inscriptions se font. Jusqu'à récemment, les inscriptions se faisaient évidemment manuellement, sauf, je pense, à Montréal où ils étaient informatisés, puis je n'en suis même pas certain. Donc, on faisait les inscriptions.

La réforme du Code civil a entraîné la loi d'application du Code civil, a entraîné l'entrée en vigueur et aussi, dans le cas – et je le dis sans chicaner personne – a entraîné une problématique sur le terrain dont on a déjà eu l'occasion de discuter, parce qu'un projet de loi a dû être adopté pour revenir un peu en arrière parce que le cheminement qui avait été choisi, encore une fois, sans blâmer personne, s'est avéré inapplicable dans les faits. C'était le résultat, le premier constat de ma tournée de l'ensemble des bureaux d'enregistrement quand j'ai été nommé ministre en septembre 1994.

Donc, on a procédé, d'abord, à l'adoption de la loi pour dire: Voici de quelle manière, temporairement, nous allons procéder et, par la suite, on va avoir une nouvelle approche. Nous sommes très près d'avoir la réponse à cette nouvelle façon de faire. On pense que, à la fin novembre, début décembre, on devrait être en mesure d'avoir cette façon de faire. Ce qui veut dire qu'on arrivera fort probablement avec un projet de loi pour dire de quelle manière, dorénavant, les droits seront inscrits.

Au même moment, il faut qu'on fasse un arrimage entre ce cadastre nouveau et les technologies modernes qu'on veut et qu'on pourra utiliser avec le système d'enregistrement. Et là est-ce que ce sera un dépôt ou un enregistrement? C'est ce qu'il reste à déterminer. Est-ce que ce seront des droits ou des titres? Ça reste à voir, mais on espère qu'en novembre on le saura. Et on devra, à mon point de vue, trouver l'harmonisation entre la réforme cadastrale et justement cette nouvelle façon de faire. Tout ça devra s'inscrire dans un processus moderne, je pense, de l'informatique et de l'utilisation des meilleurs moyens pour faire ça. On est à quelques mois d'un aboutissement important en ces matières.

Et la jonction – là, je ne suis pas le spécialiste; c'est l'avocat qui parle avec les connaissances que j'ai – au point de vue informatique, bien sûr, il va falloir que tout cet arrimage-là soit fait. Est-ce qu'il sera fait en deux temps séparés ou si, au même moment, un geste sera posé pour harmoniser ça? Je ne peux pas vous répondre. Mais ça s'en vient, c'est évident.

M. Mulcair: Merci beaucoup. Point n° 7, toujours en janvier 1996. On voit qu'il y a eu un contrat de services professionnels afin d'élaborer une proposition de structure organisationnelle ainsi qu'une stratégie d'implantation dans le cadre de la fusion des directions régionales de l'enregistrement et des services judiciaires du ministère de la Justice. Est-ce que le ministre peut nous dire clairement aujourd'hui si ce rapport recommandait l'implantation à Joliette plutôt qu'à Laval?

M. Bégin: Tout d'abord, il faut voir quel était l'objet du contrat qui a été accordé. C'est le Fonds des registres, c'est afin d'élaborer une structure organisationnelle. Donc, il y avait au ministère de la Justice différentes directions générales dont une était celle des services judiciaires et l'autre était celle des bureaux d'enregistrement. Historiquement, ces deux directions procédaient de manière séparée. Dans le cadre d'un processus de réorganisation et aussi de recherche d'épargnes qu'on pouvait faire dans le système, pour faire en sorte que l'équilibre budgétaire soit atteint dans les délais qu'on s'était fixés, il a été décidé qu'il y aurait fusion de ces deux directions générales, donc avec deux cultures – même si elles sont en milieu juridique – différentes, avec deux façons de faire très différentes.

Il a été jugé à propos – et le sous-ministre qui est ici, Me Gaétan Lemoyne, sera en mesure de compléter – de prendre un groupe-conseil avant d'implanter une telle chose. Je dois dire que ce groupe de travail a assez bien travaillé, parce que, modestement, on doit dire que le ministère, et en particulier la division de Me Gaétan Lemoyne, a gagné un prix de l'administration publique pour la manière extrêmement habile dont ça a été fait, et ça a été signalé récemment, je pense, au mois de juin. Alors, ils ont gagné un prix sur la façon de faire. C'est donc considéré, en matière d'administration publique, comme étant un modèle à suivre.

Bien sûr, tout ça a fait en sorte qu'on a prévu comment se faisaient intellectuellement les jonctions entre les deux directions générales et ça a été, dans le pointu, jusqu'à dire: Bon, une fois qu'on a pris nos décisions, de quelle façon on va procéder comme telle? Est-ce que ça sera à tel endroit ou à tel autre endroit? Et là il y a eu concours pour vérifier l'habileté de chacun et de chacune à agir et, finalement, il y a eu sélection de personnes et il y a eu des décisions qui ont été prises à l'égard de certains points de services.

Je rappelle, et ça a été dit dans l'échange que nous avons eu – comment ça s'appelle, une interpellation, là, celle qui se fait à 22 heures, là? – ...

Une voix: L'interpellation.

Une voix: Un débat de fin de séance.

M. Bégin: ...lors du débat de fin de séance qu'on avait eu sur cette question que venait de poser M. Mulcair, qu'il y a eu des décisions de prises de réduire le nombre de régions de 11 à six. C'était 11 en matière d'enregistrement, mais combien il y en avait...

Une voix: C'était 11 en matière de services judiciaires.

M. Bégin: Combien en enregistrement?

Une voix: Il y en avait trois.

M. Bégin: Bon. Il y avait donc 11 régions à la Direction des services judiciaires et trois régions au niveau de l'enregistrement. Donc, tout ça a amené, bien sûr, une transformation profonde, et M. le sous-ministre pourra dire combien il y a de personnes qui ont changé de place, à quel endroit ça a été localisé. Donc, je pense que, compte tenu de la grosse transformation qui a été faite, ça a été bien fait. Je le dis sans flagornerie, simplement comme tel, le concours le prouve. Mais également on a eu une réduction budgétaire, dans la première année, de 1 200 000 $ et, la deuxième année, de 5 200 000 $. L'objectif qui avait été fixé a été atteint sur le plan budgétaire.

Je crois que, compte tenu du nombre de personnes impliquées et des grosses transformations, ça s'est fait en douceur, harmonieusement. Je ne dis pas que tout le monde a été heureux et qu'il n'y a pas eu des pleurs à certains endroits, mais ce n'est certainement pas quelque chose qui s'est fait dans le désaccord total. Quant au reste, on arrive au choix, et je pense que, là-dessus, j'avais déjà répondu à mon collègue en interpellation, en fin de soirée.

M. Mulcair: Lors du débat de fin de séance...

M. Bégin: C'est ça.

M. Mulcair: ...effectivement, M. le Président, on avait discuté du sujet, mais la question d'aujourd'hui était de savoir...

M. Bégin: C'était le sujet. C'était le sujet.

M. Mulcair: ...si Le Groupe CFC de Montréal, Westmount–Saint-Louis, qui s'est fait attribuer la somme de 58 000 $ à même le Fonds des registres avait suggéré d'installer ça à Joliette plutôt qu'à Laval, et, malgré la réponse de 10 minutes du ministre, on n'est pas plus proche d'une réponse. Mais qu'il sache qu'un de ces jours on va pouvoir mettre la main sur ce contrat-là et on va savoir.

M. Bégin: Ça me fera plaisir.

M. Mulcair: Pour ce qui est de sa réponse, oui, effectivement, dans toute cette démarche-là, il faut, à mon sens, faire très attention de toujours dire correctement... Si on est là pour jouer constructivement notre rôle de critiques de l'opposition, c'est effectivement pour vérifier, mais c'est aussi pour le dire lorsque les choses se font, à notre sens, d'une manière correcte. Et, d'une manière générale, sauf l'exception à laquelle je reviendrai tantôt, c'est exactement là, avec ce genre de fusion, surtout avec les moyens dont on dispose aujourd'hui – on vient de parler d'informatique et tout ça – qu'il faut frapper en premier lorsqu'on veut sauver de l'argent.

(10 h 50)

Lorsqu'on compare ce que le ministre vient de faire là avec ce qui s'est fait, par exemple, dans le domaine de la santé et des services sociaux où la première chose qu'on fait, c'est qu'on coupe les services directement à la population parce qu'on n'est pas capable d'affronter les grandes centrales syndicales, on sait que le ministre est sur la bonne voie lorsqu'il vise plutôt des fusions administratives tantôt à l'intérieur du ministère, tantôt entre les palais de justice dans les différentes régions, et il a raison là-dessus.

Pour ce qui est de l'événement spécifique auquel je faisais référence, c'est-à-dire l'implantation à Joliette plutôt qu'à Laval, soyons aussi bons joueurs. Dans le palais de justice à Laval, les espaces sont encore là, les locaux sont vides. Saint-Jérôme, Laval, moins de 50 km, pas de problème avec les conventions collectives. Plutôt que de faire la chose logique, c'est-à-dire d'installer ça là où il y avait de la place et là où c'était prévu – parce que, dans les plans et devis originaux du palais de justice à Laval, des chambres sont prévues, j'ai les dessins, je les ai vus – là, on déménage à Joliette, on met les gens au «club MED». Ça chambarde, ça cause des bouleversements. Bien sûr, ça fait plaisir à Chevrette – il a failli manquer son usine de pneus – quelques jobs de plus au palais de justice. Tant mieux, mais ce n'est pas logique.

Ce n'est pas comme ça qu'on dépense l'argent du public. Ce n'est pas vrai que, lorsqu'on a un espace vide prévu à cette fin-là, on dépense de l'argent du public pour mettre des gens au «club MED» en plus, créer des jobs à une autre place et payer pour aménager des espaces, parce qu'il n'y en avait pas au palais de justice de Joliette. Ça, c'est un non-sens. Là, le ministre peut nous référer, M. le Président, tant qu'il voudra à notre débat de fin de séance, il n'y a pas eu plus de réponse logique lors du débat de fin de séance qu'il y en a aujourd'hui. C'est un non-sens. C'est un gaspillage pur, simple, objectivement prouvable des fonds publics. Il ne convaincra personne du contraire. Il ne convaincra certainement pas l'opposition officielle du contraire, et je sais très bien qu'il ne convaincra pas ses proches collaborateurs du contraire.

M. Bégin: Est-ce qu'une autre réponse pourrait vous convaincre? L'inauguration du palais de justice de Laval s'est faite longtemps avant que je sois le ministre de la Justice. Deuxièmement, vu la décision de demander la confection de plans et devis, et d'aller ensuite en appels d'offres pour la transformation radicale du palais de justice de Saint-Jérôme, vu que les locaux de Laval, quand je les ai visités, étaient vides et que la décision de transférer des dossiers de Saint-Jérôme à Laval, ce qui était demandé à cor et à cri par les gens de Laval depuis plusieurs années, n'avait pas été faite, j'essaie de comprendre pourquoi le gouvernement qui nous a précédés, qui avait toutes les hypothèses et toutes les données en main, et qui avait été là pendant 10 ans, qui avait pris les grosses décisions de construire un palais de justice à Laval, de construire un palais de justice à Saint-Jérôme, n'a pas pris cette décision de le transférer, si, comme vous le dites, les plans prévoyaient le transfert. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait?

Moi, on m'a dit qu'on n'osait pas, que le gouvernement du Parti libéral n'avait pas osé, malgré les efforts qui avaient été faits, les pressions qui avaient été faites pour faire ce transfert-là. Moi, j'ai l'impression que c'est peut-être le gouvernement précédent qui n'a pas pris ses décisions quand c'était le temps de les prendre et qu'il avait la capacité de les prendre. Et, aujourd'hui, c'est très facile de dire ça, alors que ceux qui sont là ont pris des décisions qui ne plaisent peut-être pas à ceux qui sont de Laval, mais ont pris les décisions qu'il fallait prendre. Et, peut-être, le reproche qu'on doit faire, c'est au gouvernement libéral de ne pas avoir pris ses décisions quand c'était le temps.

M. Mulcair: M. le Président, je pense que, de la même manière qu'on a dit au début que, dans ces choses-là, il faut être fair-play...

M. Bégin: C'est fair-play.

M. Mulcair: ...et le dire quand les choses sont faites correctement, comme on l'a dit tout à l'heure lors de la fusion, il faut comprendre que le palais de justice de Laval – le ministre vient de l'admettre – a encore des locaux vides.

M. Bégin: C'est vrai.

M. Mulcair: Il y a de l'espace là. Il n'y avait pas d'espace à Joliette. Ils ont dépensé des dizaines, des dizaines et des dizaines de milliers de dollars pour aménager des locaux et des espaces à Joliette. On a les preuves de ça.

Par ailleurs, pour ce qui est de Saint-Jérôme et du déménagement à Laval, comprenons-nous bien, la fusion pour laquelle on vient de féliciter le ministre n'a pas été prévue à l'époque, ça n'a pas été fait. Alors, la fusion est nouvelle. C'est une idée pour laquelle, en toute candeur, on dit bravo, c'est là où il faut sauver de l'argent avant de couper des services. Mais qu'on arrête de se tromper! Ce n'est pas normal de mettre des gens en disponibilité en les transférant à un endroit où, aux termes de leur convention collective, ils peuvent refuser. Vous savez que c'est comme ça depuis de très nombreuses années dans les conventions collectives avec les syndicats de la fonction publique. On peut exiger que vous soyez transféré. Mettons que votre bureau se trouve à Charlesbourg, puis qu'on vous déménage à Sainte-Foy, bien, même si ça fait plus ou moins votre affaire parce que ça va prendre une heure et quart de plus en autobus, tant pis, il faut que l'employeur, comme tout employeur, ait une certaine flexibilité.

L'employeur qui est le ministère de la Justice avait cette flexibilité avec ses employés qui étaient situés à Saint-Jérôme, parce que le palais de justice de Laval est situé sur l'autoroute des Laurentides; c'est à peine 15 minutes sur cette autoroute-là, c'est bien moins que 50 km. Les gens de Saint-Jérôme, on pouvait les déménager à Laval. Ça faisait d'une pierre deux coups: ça évitait de les mettre en disponibilité, parce que Joliette, c'est évidemment beaucoup plus que 50 km, et ça remplissait des espaces vides. Par la même occasion, presque un troisième coup, le palais de justice de Saint-Jérôme, qui est vraiment une installation désuète et, vraiment, qui a extrêmement besoin d'espace, se trouvait un peu libéré en termes d'espace par la même occasion.

Le ministre nous dit que le gouvernement antérieur n'a pas fait ci, n'a pas fait ça. Soit! Ce n'était pas prévu, la fusion, au moment de la construction du palais de justice à Laval. On a procédé, lors des 10 dernières années, à la création de deux nouveaux barreaux, le Barreau de Longueuil et le Barreau de Laval, avec les installations, l'infrastructure concomitante, c'est-à-dire un nouveau palais de justice à Longueuil, puis un nouveau palais de justice à Laval.

Et, tout en le félicitant objectivement, je lui dis: Bravo! c'est comme ça qu'on sauve de l'argent. On ne coupe pas les services à la population; on coupe dans la machine. Qui peut être en désaccord avec ça? Personne qui regarde ça objectivement ne va être en désaccord avec ça. Mais, là où on trouve que le ministre a manqué une excellente occasion de finir ça correctement, c'est lorsqu'il tente, par tous les moyens, de nous dire que ce n'était pas un problème. Il y a eu des mises en disponibilité, plusieurs. Ces gens-là ont utilisé leur convention collective pour refuser le déménagement à Joliette, comme c'est leur droit. Les locaux à Laval sont encore vides.

D'après les informations dont on dispose, c'étaient 35 000 $, dans un premier temps, à Joliette plus un autre appel qui a été fait. C'est des dizaines de milliers de dollars qui ont dû être dépensés à Joliette. Ça, c'est en plus de tous les frais inhérents, parce qu'il y a eu des déménagements, il y a eu des gens qui ont déménagé, tout le reste. En tout cas, c'est des frais, c'est une dépense inutile.

Alors, comme c'est son habitude, je suis sûr que le ministre va être capable de rationaliser pour lui-même...

M. Bégin: Et pour vous.

M. Mulcair: ...toute démarche qu'il entreprend, parce qu'il est toujours capable de se donner raison, de se réconforter avec ses propres explications pour lui-même. Mais toute personne raisonnable regardant ça de l'extérieur va dire: Mais non, ça n'a pas de sens, vous avez mis des gens en disponibilité, vous avez payé leurs salaires pendant qu'ils ne travaillaient pas. Ça a pris du temps, vous avez embauché d'autre monde, vous avez dû aménager d'autres locaux, il y a encore des locaux vides. Ça ne s'explique pas. Alors, c'est notre seul propos...

M. Bégin: M. le Président...

M. Mulcair: ...en ce qui concerne le déménagement, et on regrette que le ministre, qui a fait preuve justement de responsabilité vis-à-vis de l'argent public, essaie toujours de trouver une manière de se donner raison dans un dossier où il a tort.

M. Bégin: Alors, M. le Président, ce sera relativement facile de donner raison à mon collègue là-dessus parce que effectivement il n'y a eu aucune dépense qui a été faite encore. Alors, il n'y a pas eu de dépense. Je dois probablement avoir raison, parce qu'il dit qu'il y a eu des dizaines et des dizaines de milliers de dollars qui ont été dépensés; il n'y en a pas qui ont été dépensés à date pour le déménagement.

M. Mulcair: Ce n'est pas l'information dont on dispose.

M. Bégin: C'est celle dont je dispose, et mon sous-ministre est ici à côté de moi pour me le dire. D'autre part, les personnes qui ont exercé leur droit de ne pas aller à Saint-Jérôme ont retrouvé un emploi. Il y aura des aménagements qui seront faits à Joliette et les coûts seront égaux ou inférieurs à ce qu'ils coûtaient à Saint-Jérôme. Donc, il n'y aura pas de coûts relativement à ça.

Par ailleurs, en ce qui concerne le palais de justice de Laval, c'est vrai – je suis allé le voir en octobre 1994 – le bureau d'enregistrement était dans le palais de justice, il se trouve au palais de justice. Donc, la fusion n'a pas beaucoup de rapport avec ça; il était là sur place, physiquement. Le palais de justice est désert ou presque. Il y aura des décisions qui devront être prises, mais ça n'a rien à voir avec la question de si, oui ou non, on doit avoir le siège de la région à cet endroit-là.

(11 heures)

Alors, le palais de justice, c'est principalement non pas un lieu de gestion, mais c'est principalement un lieu de justice. C'est là où on rend justice. Donc, ce sont des salles de cour, des salles des pas perdus, ce sont des bureaux de juges, des bureaux de secrétaires, un greffe, essentiellement ça. Donc, ça devrait être utilisé et ne pas être ce que c'est actuellement, un gros éléphant blanc. Mais, ça, ça prendra un certain temps. Pardon?

M. Mulcair: Il est vert, M. le Président. Il n'est pas blanc, il est vert.

M. Bégin: Ah, c'est vrai! Il est vert. Avec le reflet de l'eau, il a l'air bleu.

M. Mulcair: C'eût été les péquistes qui l'auraient construit, ils l'auraient fait bleu, mais, nous, on est moins partisans, on l'a fait vert.

M. Bégin: Rouge, ce n'est pas beau. Une bâtisse rouge, ce n'est pas beau. C'est peut-être écologique, vert, mais rouge, ce n'est vraiment pas beau. Surtout avec l'étang qui est derrière... Pas l'étang, je ne suis vraiment pas gentil; c'est fait dans une ancienne carrière et il y a un lac à l'arrière. Il faut le voir, c'est très joli. Félicitations pour l'aspect architectural, c'est très bien. Mais il était vide, et on doit trouver une solution pour faire en sorte que ces locaux-là soient mieux utilisés. Mais la réponse, ce n'est pas par la direction régionale. Il y a combien d'employés à la direction régionale de la région? Quatre personnes. Alors, quatre personnes pour la direction régionale, je ne pense pas que ce soit énorme. Le vrai problème, et vous le savez, c'est: où passe la ligne du district judiciaire de Terrebonne?

M. Mulcair: C'est un autre aspect, M. le Président, et le ministre a entièrement raison là-dessus.

M. Bégin: C'est la première chose qui est arrivée. Quand je suis arrivé là-bas, on m'a dit: Ils n'ont pas voulu prendre de décision à cet égard-là; «ils» étant une référence aux personnes qui occupaient des fonctions politiques provinciales à cette époque. Alors, on prendra les bonnes décisions. Mais, en ce qui concerne la direction régionale, je pense que ce qui a été fait a été bien fait et n'a aucun rapport avec l'éléphant blanc du palais de justice de Laval.

M. Mulcair: D'abord, M. le Président, je trouve un peu durs les propos du ministre lorsqu'il parle d'un éléphant blanc. Au contraire, dans la grande région de Laval–Laurentides–Lanaudière, c'est un palais de justice qui est sous-utilisé. C'est pour ça qu'on s'étonne tellement d'entendre le ministre en train d'essayer de se donner raison...

M. Bégin: C'est ça, un éléphant blanc.

M. Mulcair: ...en train de dire que, dans la grande région Laval–Laurentides–Lanaudière, c'est à Lanaudière qu'ils vont installer une direction régionale plutôt qu'à Laval où il y a de la place. C'est une logique qui lui est propre et ça lui appartient de s'expliquer auprès de ses proches collaborateurs. Si lui se réconforte avec une telle explication, tant mieux; pour nous, c'est un non-sens.

Par contre, pour ce qui est de sa remarque à l'effet que la ligne est peut-être mal tirée lorsqu'on regarde la couronne nord et que, peut-être, le palais de justice de Saint-Jérôme pourrait mieux desservir ce qui est en propre la partie Laurentides et que la partie de ce qu'on appelle la couronne nord pourrait peut-être être ramenée à Laval, n'en déplaise à certains qui aiment bien voir les choses vraiment concrètement: oui, Laval, c'est telle affaire, c'est une région, puis ça ne couvre pas telle autre, je pense que, là, le ministre a raison.

Je pense qu'effectivement il y a une superbe installation qui est sous-utilisée à l'heure actuelle, et ça ne va pas toujours faire plaisir à un Barreau ni, peut-être, à tel hôtel de ville ou administration locale. Mais, in the grand scheme of things, le ministre a raison de regarder ça. Il va avoir mon appui là-dessus, n'en déplaise... Justement, localement, j'aurai peut-être quelques petites batailles à faire, mais il va avoir mon soutien là-dessus parce que c'est vraiment là, le problème.

Et, plutôt que de dépenser des sommes importantes à réfectionner Saint-Jérôme... Il y a des choses essentielles qu'il faut faire à Saint-Jérôme, on est tous d'accord là-dessus. Quiconque a déjà mis les pieds là-dedans peut le dire. J'ai eu l'expérience, dans ma propre famille, de voir mon père, qui était double amputé, porté par mon frère et un gardien de sécurité pour aller témoigner dans une cause au deuxième étage, parce qu'il n'y avait même pas d'ascenseur. C'est un non-sens de nos jours. Mais, pour ce qui est du palais de justice de Laval et de sa sous-utilisation, le ministre a raison, M. le Président.

C'est, encore une fois, un excellent exemple de ce qu'il faut faire pour sauver de l'argent, passer outre les guerres de clocher, les petites préoccupations locales et dire: Aïe! On va faire un petit peu de ménage là-dedans. Il y a du monde qui peut venir se faire desservir dans tel palais de justice; l'installation est là, elle est payée, elle est effectivement superbe, elle est sous-utilisée. Mais autant ça lui donne raison pour sa démarche, autant ça lui donne tort pour ce qu'il a fait avec le palais de justice de Joliette. He can try a way to get out of it as much as he wants, I don't think he's convinced anyone else, Mr. Chairman.

Pour ce qui est, donc, de janvier 1996, c'est tout pour nous, M. le Président.


Février

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, les engagements de janvier 1996 sont vérifiés. Février 1996. Nous avons quatre engagements pris au cours de février 1996.

M. Mulcair: Oui. Pour février 1996, pour le numéro 1, on voit une société qui s'appelle CTI Datacom, qu'on a déjà vue au numéro 14 de janvier 1996. Ça fait deux fois qu'on les voit, mais la première fois, en janvier 1996, on n'avait pas de questions parce que c'était un contrat par soumissions et ils avaient obtenu le contrat. Mais, cette fois-ci, c'est un contrat négocié. Est-ce qu'on peut nous expliquer pourquoi c'est négocié, cette fois-ci, plutôt que sur invitation?

M. Bégin: D'abord, il y a un besoin qui était... Je devrais peut-être, d'abord, commencer par donner une première réponse, là. Il s'agit d'équipements qui sont requis pour la visualisation et l'impression des reçus et des timbres pour les systèmes de contrôle des revenus.

M. Mulcair: Des revenus?

M. Bégin: Des revenus. Et, également, pour le transfert électronique au ministère du Revenu du Québec des données relatives aux ordonnances alimentaires rendues par la Cour supérieure. Vous savez qu'il y a eu des changements pour les pensions alimentaires: perception par le ministère du Revenu. Donc, c'est les liens qui sont faits là-dessus. Alors, c'est un besoin spécifique qui nécessitait un type particulier d'appareils, à savoir que chacun des écrans de visualisation qu'on voulait devait avoir un convertisseur de protocole intégré. Là, vous demanderez l'explication technique, je ne suis pas capable.

Seule la firme CTI Datacom inc. a soumissionné et a rencontré le défi technique. Je dois dire que ce contrat a été négocié par les Services gouvernementaux avec la firme CTI et non pas par le ministère. Il ne faut pas être surpris; en ces matières, c'est fréquemment le cas, parce que le Conseil du trésor a des politiques d'achat qui requièrent des ministères de travailler, dans certains domaines, avec des firmes, parce qu'il y a déjà des contrats généraux qui ont été convenus.

Là-dessus, peut-être que j'inviterais, je ne sais pas, M. Desmeules, si vous me permettez, à compléter l'information. Il va, sur le plan technique, être un peu plus précis.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. Desmeules.

M. Desmeules (Rodrigue): Oui. Alors, sur le plan technique, M. le Président, quand M. le ministre mentionnait que ces équipements étaient munis d'un convertisseur de protocole intégré, c'est que, pour l'émission des reçus, il faut absolument que, de l'écran à l'imprimante, il puisse y avoir le fameux protocole intégré qui convertit la transaction à l'écran et permet le transfert à l'imprimante pour l'impression du reçu. C'est vraiment des équipements très particuliers. D'ailleurs, la firme Datacom était le seul fournisseur de ce type d'équipements nécessaires dans nos sites pour ce type de transactions là. Et, je le répète, ça a été négocié par les Services gouvernementaux, effectivement.

M. Mulcair: Le point 4, toujours en février 1996, contrat de services professionnels afin de réaliser des activités de relations publiques dans le cadre de la fusion des directions générales de l'enregistrement et des services judiciaires du ministère de la Justice. Est-ce que le ministre peut nous dire si c'était pour préparer son débat de fin de séance sur le transfert à Joliette?

M. Bégin: Ha, ha, ha! Je vais demander, peut-être, à mon sous-ministre de répondre à la question spécifique, mais je peux répondre que ce n'était pas pour ça.

M. Mulcair: M. Lemoyne.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le sous-ministre, si vous voulez vous identifier en même temps.

M. Lemoyne (Gaétan): Gaétan Lemoyne, sous-ministre associé. Il s'agissait d'une entreprise d'importance, cette fusion-là, et les différentes lectures qu'on a faites pour savoir comment réaliser ça, ce qui avait été fait ailleurs, etc., nous amenaient toujours à un dénominateur commun qui était celui de l'importance des communications avec les employés, avec les partenaires du système pour bien réaliser l'opération. Au sein du ministère, on a une direction des communications qui est très restreinte et qui n'avait pas cette expertise-là de communications en termes organisationnels. Et, comme on ne l'avait pas, on a essayé de voir auprès de différentes entreprises comment ça se faisait, quelle sorte d'aide pouvait nous être apportée. Or, on a rencontré plusieurs entreprises à l'époque, et celle qui avait une certaine expertise dans ce domaine-là, parce qu'il y avait eu déjà des interventions dans le domaine de la santé, ça a été la firme Bazin, Larouche qui m'a soumis un projet qui me semblait intéressant.

Effectivement, ce que ça a permis, ça nous a aidés, en termes de démarche, à savoir, avec les employés, comment on s'y prend pour leur annoncer ces phénomènes-là. On a mis en place un bulletin qui a porté le nom d' Info-Fusion et qui a été distribué, au fur et à mesure qu'on avançait au niveau des travaux, à nos partenaires: la magistrature, les barreaux locaux, et ça a été distribué à tous les employés. À chaque fois qu'on avançait dans l'étape de la fusion – il y a eu six parutions – c'est cette firme-là qui nous aidait à faire la mise en pages, à indiquer le type d'information pour éviter des mouvements de panique, parce que les gens ne savaient pas ce qui s'en venait, etc. Ça a été ça, essentiellement, le travail qui nous a été fourni, plus la préparation d'une assemblée des cadres pour leur expliquer ce qui s'en venait et ce qui allait leur arriver.

(11 h 10)

M. Mulcair: Est-ce que c'est Bazin, Larouche qui vous a donné votre prix?

M. Lemoyne (Gaétan): Non, le prix qu'on a obtenu, ça a été le CCGP. Les conseillers en gestion de ressources humaines au gouvernement tiennent aux deux ans – je pense que c'est la troisième fois que les prix sont remis – un concours public, si on veut, au sein de l'administration publique. Cette année, il y a à peu près, je dirais, une quarantaine de candidatures qui ont été examinées par des comités de sélection mis sur pied par le CCGP. Le processus qu'on a utilisé pour réaliser cette fusion-là, la méthodologie utilisée où on a impliqué à la fois des cadres de notre organisation à différents niveaux...

Il y a eu un groupe de travail composé de cadres à l'intérieur de la machine qui s'est penché – c'était un groupe de travail mission et structure, qu'on l'appelait – pour redéfinir la mission, parce qu'on avait deux missions de deux secteurs d'activité différents. Alors, il y a une réflexion qui a été faite par des groupes internes. Il y avait un groupe sur les communications, parce que la firme Bazin avait besoin d'être conseillée aussi pour dire: Bien, vous faites quoi, vos gens, comment ils réagissent, etc.? On a eu différents groupes de travail, tous composés de gens de l'interne. Mais les firmes externes servaient à nous apporter le conseil expert dont on ne pouvait bénéficier au sein de la fonction publique.

Une fois la réalisation de la fusion assez bien amorcée, on a pris l'initiative de soumettre le dossier, qui a été examiné et effectivement on a reçu un prix comme... Il y avait plusieurs catégories, puis je pense que c'est celui de la réalisation 1995-1996 qui nous a été remis au mois de juin. C'était une séance qui était présidée par le président du Conseil du trésor.

M. Mulcair: Bien, écoutez, je pense que c'est, d'abord, très louable que vous ayez pu avoir des réalisations couronnées de cette manière-là et je vous félicite. Par ailleurs, on constate néanmoins qu'il y a une limite à ce que peuvent faire même des experts en communication, parce que ce sont les employés de Saint-Jérôme, comme vous le savez fort bien, qui sont allés auprès des journalistes pour expliquer le non-sens du déménagement à Joliette plutôt qu'à Laval. Alors, lorsqu'on communique quelque chose qui a du bon sens, you can make a certain road with that but, en dehors de ça, quand ça n'a pas de bon sens, comme le déménagement à Joliette plutôt qu'à Laval, bien, on a les résultats qu'on connaît. Tout le monde est d'accord là-dessus.

Alors, c'est tout pour février 1996, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, merci. M. le député de Chomedey, juste une boutade en passant. Je constate ceci à la lecture des engagements financiers: lorsqu'on parlait des petites entreprises dans les comtés péquistes, avez-vous remarqué le nombre d'engagements financiers qui touchent, entre autres, des comtés aussi péquistes que Westmount–Saint-Louis...

M. Mulcair: Ah, oui, oui, oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...et Jacques-Cartier?

M. Mulcair: Mais il faut comprendre aussi que Westmount–Saint-Louis englobe le centre-ville de Montréal.

M. Bégin: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, oui, oui. Alors, on vous retourne la boutade bien amicalement.

M. Mulcair: Les entreprises péquistes y sont installées; elles ne sont pas toutes dans Sainte-Marie– Saint-Jacques.


Mars

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, nous entreprenons les engagements financiers de mars 1996. Nous avons quatre engagements financiers.

M. Mulcair: Alors, on a, encore dans le domaine de l'informatique, une soixante d'imprimantes qui ont été achetées par le biais d'un contrat négocié.

M. Bégin: Quel engagement?

M. Mulcair: Pardon! Premier point.

M. Bégin: Le premier, O.K.

M. Mulcair: C'est Access Info-Tech. La dernière fois, le ministre nous avait expliqué, avec raison, que ça avait été fait centralement, mais, cette fois-ci, il n'y a pas une telle référence. D'après l'information qu'on a ici, ce n'est pas un contrat négocié par les Services gouvernementaux. Alors, je voulais juste savoir si le ministre pouvait nous expliquer pourquoi c'est négocié plutôt que par soumissions sur invitation et pourquoi une dérogation.

M. Bégin: L'indication n'est pas fournie, mais effectivement c'est encore négocié par les Services gouvernementaux.

M. Mulcair: Ah! d'accord.

Une voix: Nous aurion dû l'indiquer.

M. Bégin: C'est ça, c'est un manque dans l'information.

M. Mulcair: Donc, c'est juste un manque d'information dans la colonne de droite.

M. Bégin: Je ne l'ai pas ici, non plus, moi, effectivement.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): C'est indiqué comme code de référence en bas: le SAG, le Service des achats gouvernementaux.

M. Bégin: Excusez, je ne le vois pas, moi.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mais on a effectivement sur nos engagements...

M. Bégin: Ah! O.K.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...un code de référence qui nous donne...

M. Bégin: Je ne l'ai pas, moi.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...la signification de chacun.

M. Bégin: C'est probablement un oubli parce que, si on le retrouve là, on aurait dû l'avoir ici, effectivement.

M. Mulcair: Oui, mais ça se comprend.

M. Bégin: Non, moi, je ne l'ai pas. Je regarde là, puis je ne l'ai pas.

M. Desmeules (Rodrigue): M. le Président, je pourrais me permettre, pour compléter, peut-être, rapidement...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. Desmeules.

M. Desmeules (Rodrigue): Rodrigue Desmeules, sous-ministre associé à l'administration. Alors, effectivement, tantôt, on a vu l'achat des micros pour cette fonction-ci; là, maintenant, ce sont les imprimantes. Donc, ça a été exactement dans le même exercice, mais c'était deux types d'équipement différents. Cette fois-ci, ce sont les caisses, l'émission des reçus dont on a parlé à l'autre engagement préalable.

M. Mulcair: Donc, oui, vérifié.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ça va?

M. Mulcair: Oui.


Avril

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, mars est vérifié. Nous entreprenons maintenant les engagements du mois d'avril 1996. Alors, nous avons cinq engagements financiers en avril.

M. Mulcair: Oui. Point 4, M. le Président: contrat de services avec l'hôtel Loews Le Concorde afin de permettre la tenue d'une session intensive de formation pour tous les substituts du Procureur général concernant les derniers amendements apportés par le Parlement canadien au Code criminel canadien. D'abord, est-ce que le ministre est capable de nous dire si les 95 000 $, etc., c'est la salle? Est-ce que c'est toutes les chambres d'hôtel de tous les substituts? Ça comprend quoi, les 95 000 $?

M. Bégin: Ça comprends la location des chambres.

M. Mulcair: Des chambres d'hôtel?

M. Bégin: Oui. C'est 718 nuitées, les repas et pauses-café, la location de salles et d'équipement. Il y a eu 341 personnes présentes. Ce sont les substituts du Procureur de la couronne du Québec qui ont été convoqués à une séance, comme on le dit, intensive de formation, suite à des modifications importantes qui ont été apportées au Code criminel canadien en matière de sentence. Il a été jugé à propos de réunir tout le monde évidemment pour discuter de ces questions-là. C'est un programme de formation important que j'ai ici, que je pourrais remettre aux membres de la commission; je ne sais pas comment on appelle ça, le dépliant informatif ou le programme. Alors, ça s'intitule: «Session intensive de formation destinée à tous les substituts du Procureur général: le substitut et la sentence».

Alors, il y avait différents experts qui étaient là. Il y a eu des conférenciers, dont moi-même et mon collègue de la Sécurité publique à l'époque, sur le «sentencing». Il y a eu des experts qui ont été invités, des échanges qui ont été faits. Et il m'apparaît, moi, que c'est important qu'à l'occasion, justement en ces matières, les substituts du Procureur général, qui se retrouvent partout sur le territoire, aient l'occasion, au moment de changements importants, de s'entendre sur une façon de travailler, de procéder, d'être informés aussi. Alors, c'est évidemment quelque chose d'important.

Je voudrais souligner que le gouvernement a participé, mais que les substituts du Procureur général eux-mêmes de même que les chefs ont participé, ont contribué pour un montant de 30 000 $ au total pour la tenue de l'événement, ce qui m'apparaît être quand même assez important. Il y a eu 27 470 $ par les substituts et 3 300 $ par les chefs. Donc, c'est un événement important qui impliquait une dépense aussi importante, mais qui s'avère, à mon point de vue, extrêmement nécessaire au moment où des changements majeurs se profilent à l'horizon.

Peut-être que, là, c'était les substituts; à une autre occasion, ce sera au moment des changements concernant, par exemple, le projet de loi n° 7 qu'on a adopté. Il y aura peut-être lieu qu'à un certain moment aussi de la formation se donne. Et, soit dit en passant, j'ai profité de l'occasion d'une rencontre avec le bâtonnier – je ne peux pas vous le situer dans le temps, mais après notre rencontre – pour faire état de l'importance qu'on accordait, tous les deux, à la formation qui serait donnée sur ce projet de loi n° 7 pour que tout le monde soit prêt. Je lis ce matin – je ne sais pas si vous l'avez lu – dans La Presse , à l'occasion de la nomination de la juge Lemieux, le contenu du texte qui entoure sa nomination; vous verrez qu'elle fait référence d'une manière spécifique à ce projet de loi là et, de manière non spécifique, mais dans son contenu, oui, au désir d'accélérer énormément.

(11 h 20)

Vous vous rappelez cette notion que les juges contrôlent une fois la mise au rôle, mais que c'est les avocats qui ont le contrôle dans la partie du départ, la signification de l'action jusqu'à la mise en état du dossier, et qu'il serait important qu'on puisse jouer un rôle. Alors, je vois qu'on a rejoint à peu près tout le monde avec la même philosophie que nous avons eue au moment de l'étude de ce projet de loi là. Je pense que c'est intéressant.

M. Mulcair: Peut-être, M. le Président, à ce moment-là...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Au plan technique, vous aviez des documents à déposer, M. le ministre?

M. Bégin: Ah oui!


Document déposé

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, on va en accepter le dépôt.

M. Bégin: C'est, ici, le programme.

M. Mulcair: Oui, on aimerait bien en avoir une copie.

M. Bégin: C'est un document public; alors, je n'ai aucun problème à le remettre.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, on en accepte le dépôt. Alors, oui, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Peut-être, à ce moment-là, avant de retourner sur la formation donnée au Loews, on pourrait faire une oeuvre ensemble, avec le ministre, peut-être avec le bâtonnier et, qui sait, peut-être avec la nouvelle juge en chef, et ensemble écrire un petit billet pour notre ami Masson, au journal La Presse , qui trouve ahurissante l'adoption du projet de loi n° 7...

M. Bégin: Un aspect.

M. Mulcair: ...parce que ça inclut les poursuites pour diffamation.

M. Bégin: En diffamation, 762.

M. Mulcair: En anglais, on a une expression pour ça: «What's sauce for the goose is sauce for the gander». Alors, il semble être d'accord avec l'accélération de la justice pour tout le monde, sauf pour les journalistes. Moi, je vous avoue...

M. Bégin: C'est le commentaire que j'ai fait sur ce que Yves Boisvert a donné avant que Masson l'écrive. J'ai dit: C'est la première fois que j'entends quelqu'un se plaindre que la justice va trop rapidement.

M. Mulcair: Moi, quand j'ai lu ça, en tout cas, je me suis dit que, peut-être, on pourrait faire une première: le ministre de la Justice et le critique signent ensemble une petite note, l'invitant à regarder...

M. Bégin: Je ne peux pas refuser ça, j'accepte, immédiatement.

M. Mulcair: Avec plaisir alors.

Une voix: Ça arrive rarement.

M. Mulcair: ...l'invitant à regarder non seulement le fait que... Parce que, selon lui, personne n'a regardé ça; personne n'a vu ça passer. On a passé une journée ensemble avec le Barreau pour faire passer ça au peigne fin.

M. Bégin: J'ajoute que je ne voulais pas mettre l'accent là-dessus, mais c'est à la suggestion de la Cour d'appel, si je ne me trompe pas, que ça a été introduit comme ça...

M. Mulcair: Je sais.

M. Bégin: ...dans nos débats de janvier, parce qu'on cherchait de quelle façon on pouvait mettre de l'ordre dans différents aspects. Moi, je n'étais pas familier tellement avec 762, mais on voulait le bonifier. Alors, ce n'était pas tout à fait ma mécanique que j'ai développée; c'était une mécanique existante, mais où il y avait déjà eu une interprétation, en tout cas, pour le moins divergente. Il s'agissait de clarifier la chose. La magistrature, le Barreau est d'accord, l'opposition était d'accord, le gouvernement. Il m'apparaît, en tout cas, que ce n'était pas sorti de nulle part.

M. Mulcair: Where was your first hint. C'est ça, c'est intéressant. En tout cas, moi, quand j'ai lu ça, M. le Président... Je ne sais pas si vous nous suivez, mais c'est le rédacteur en chef, je crois, ou adjoint...

M. Bégin: Oui, adjoint.

M. Mulcair: ...du journal La Presse qui dit: C'est très bien qu'on accélère la justice, mais, attention, là, pas par requête au lieu d'action dans le cas de diffamation. Voyons donc! Soyons sérieux. Ça, c'est des choses qui prennent beaucoup plus de temps et d'analyse plus sérieuse, parce qu'il y a des journalistes en cause.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Alors, on nous excusera de ne pas le suivre nécessairement dans sa logique.

Pour ce qui est du Loews, quand même, malgré le fait que c'est dans le merveilleux comté de Jean-Talon...

M. Bégin: Oui, représenté par l'opposition à l'Assemblée nationale.

M. Mulcair: ...je me permets de signaler que, au pif, la moitié des substituts doivent être à Montréal même et probablement 60 % dans la grande région du Montréal métropolitain. Ça aurait peut-être été beaucoup moins cher de le faire à Montréal. Je connais les préjugés favorables du ministre, mais peut-être même que ça aurait fait du bien aux gens du ministère d'aller dans la grande ville pour une fois.

M. Bégin: Malheureusement, ce n'est pas moi qui ai choisi la localisation. Les sous-ministres ont beaucoup d'autonomie.

M. Mulcair: Et beaucoup d'autorité.

M. Bégin: Ça dépend.

Une voix: On va voir ça cet après-midi.

M. Mulcair: Ha, ha, ha! Mon proche collaborateur vient de dire: On va voir ça cet après-midi, en faisant référence à l'exercice en vertu de la loi 198 auquel on se livrera cet après-midi.

M. Bégin: Ah, ça va être mon sous-ministre. Il a hâte, il m'a dit ça hier. Il est venu me voir spécialement là-dessus.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce que vous avez d'autres questions sur les engagements?

M. Mulcair: Oui, sur le prochain item, le numéro 5, je voudrais juste en savoir un petit peu plus sur le but et la nature du mandat pour M. Campbell.

M. Bégin: Je vais vous dire honnêtement, ce sont des questions purement techniques. C'est des besoins qui sont, devant les tribunaux, d'avoir des personnes. J'avoue, là, ne pas être en mesure de vous donner... J'ai comme information ceci: Dans cette cause, un seul contrat fut octroyé au Dr Campbell pour l'ensemble du dossier. La rémunération de celui-ci a été établie sur une base horaire de 100 $, maximum 800 $ par jour; 70 $ de l'heure pour le temps consacré aux déplacements. Il était impossible de prévoir la durée pour laquelle les services du Dr Campbell étaient requis.

M. Mulcair: C'est dans quelle cause?

M. Bégin: Je ne peux pas vous le donner, je ne l'ai pas ici. Peut-être que mon sous-ministre pourrait y répondre de façon plus détaillée.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le sous-ministre, si vous voulez aussi vous identifier.

M. Bouchard (Michel): Merci, M. le Président. Michel Bouchard, sous-ministre en titre du ministère. Il s'agit essentiellement d'un contrat qui a été donné à un expert afin de l'amener à nous conseiller et à produire un rapport sur les séquelles et l'évaluation de témoins principaux dans une cause d'agression sexuelle. Il fallait faire expertiser nos témoins principaux avant de décider de porter des accusations et d'aller plus loin dans les accusations.

M. Mulcair: D'accord.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Autres questions?

M. Mulcair: Non, ça va.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ça va. Alors, les engagements d'avril 1996 sont vérifiés?

M. Mulcair: Vérifié.


Mai

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mai 1996. Nous avons trois engagements financiers.

M. Mulcair: Oui, celui qui nous intéresse, c'est le premier. Alors, encore une fois, c'est un contrat négocié: contrat de services professionnels d'interprètes-traducteurs oeuvrant dans les palais de justice, dont la somme des engagements annuels a totalisé 25 000 $ ou plus au cours de l'exercice 1995-1996. De quelle façon, est-ce que ces interprètes-traducteurs sont choisis?

M. Bégin: Ils sont dans un fichier au ministère, selon la région, selon la langue, selon la formation et l'expérience. Parce qu'il y a différents interprètes: on pense français-anglais, mais on pense aussi à Montréal en particulier avec la diversité des langues. Donc, il y a un fichier; on s'assure évidemment que la qualité des traductions est là, que les personnes sont véritablement aptes à le faire. Dans les causes de grands procès, bien, seulement ceux et celles qui ont vraiment beaucoup d'expérience sont choisis. Ensuite, bien sûr, il y a la disponibilité, parce qu'à l'impossible nul n'est tenu d'être présent à deux endroits à la fois. Donc, il y a des variations, mais il y a un petit nombre de personnes, à toutes fins pratiques, et elles sont choisies de manière, là, à tenir compte des besoins de chaque dossier. Je ne sais pas qui cependant opère au niveau de cette particularité

M. Lemoyne (Gaétan): Gaétan Lemoyne, sous-ministre associé aux services de justice. On travaille en étroite collaboration avec le service des communications du ministère, parce que, à l'occasion, quand les gens qui sont affectés à ces dossiers-là reviennent, si on a besoin d'interprètes additionnels, bien, on fait affaire avec eux. Parce qu'il y a les Services gouvernementaux aussi qui en ont à notre disposition. Alors, ça complète l'équipe.

M. Mulcair: Est-ce que le ministre de la Justice, qui est en même temps ministre responsable de l'application des lois professionnelles, peut assurer les membres de cette commission que son ministère ne traite qu'avec des membres de l'Ordre professionnel des traducteurs et interprètes?

M. Bégin: Je vois l'impact. Je vais demander la question à mon sous-ministre. Je ne connais pas les personnes spécifiquement. Je présume que tel est le cas, mais...

M. Mulcair: Est-ce qu'on peut nous faire la vérification et la confirmation plus tard?

M. Bégin: Oui, parce que, là, vraiment, c'est quelque chose d'extrêmement pointu.

M. Mulcair: Merci. La dernière question, toujours à propos de 1, bon, on voit qu'il y a une somme de presque 250 000 $.

M. Bégin: C'est un ensemble.

M. Mulcair: Oui, tout à fait. C'est une somme qui n'est pas du tout désordonnée par rapport aux besoins. Mais, lorsqu'on regarde ce que le juge Jean-Charles Coutu a eu à dire à cette commission, la semaine dernière, sur les besoins criants en matière de traduction pour les autochtones, on trouve qu'il y a peut-être un déséquilibre quelque part. Est-ce que le ministre est en mesure de nous dire si les besoins, les lacunes signalées par le juge Jean-Charles Coutu vont être adressés en quelque part et à brève échéance?

M. Bégin: Je dois vous dire que, lorsque j'ai fait une visite dans le Grand Nord avec le juge Coutu et le juge Dutil, j'ai assisté à un procès à Kangirsuk, village natal de Zebedee Nungak, qui était d'ailleurs présent à ce moment-là. J'ai été étonné d'entendre que le juge, le greffier, les deux avocats – j'oublie peut-être une personne – étaient d'expression française. Il y avait des Esquimaux, des Inuit qui étaient présents comme accusés. Entre autres, un des Inuit ne parlait que l'inuit. Il ne parlait pas d'autre langue; donc, il y avait un traducteur.

(11 h 30)

Et le phénomène auquel j'ai assisté pendant quelques heures m'a surpris parce que – j'en ai eu également à Kuujjuaq, par la suite, où le même phénomène s'est produit – tout le monde parlait anglais. L'accusé ne comprenait pas l'anglais, l'interprète faisait la traduction de l'anglais à l'inuktitut – je pense que c'est ça, la langue – et vice versa. Et tout se déroulait en anglais même si tout le monde qui était présent, les auxiliaires de justice, était francophone. Et, devant cette situation, j'ai demandé: Mais pourquoi, si la personne ne parle aucunement l'anglais, procède-t-on en anglais, alors que toutes les personnes qui sont là parlent français? Bien, on m'a dit: Il n'y a qu'une personne qui peut faire la traduction.

Bon, alors, j'ai dit: Écoutez, pourquoi vous n'en prenez pas d'autres? Entre autres, si ce n'est pas pertinent que la langue anglaise soit utilisée, pourquoi n'utilisez-vous pas le français plutôt que l'anglais? Vous êtes des francophones, vous êtes là en cour, siégeant officiellement. En principe, c'est la langue commune; pourquoi n'utilisez-vous pas un interprète qui soit français-inuit ou anglais-inuktitut? Et on m'a dit qu'on n'arrivait pas à les trouver. Je suis prêt à investir les sommes requises pour permettre à des gens de faire de la traduction, mais encore faut-il que, sur place, sur les lieux, on nous indique les personnes qui sont aptes à en faire. Il faut savoir qu'on est dans un milieu où la population est quand même très, très restreinte, hein? On parle d'une dizaine de milliers de personnes dispersées sur un immense territoire. Donc, ce n'est peut-être pas toujours évident qu'on ait des gens qui sont capables d'avoir les deux langues.

Par ailleurs, je dois vous dire que, contrairement à ce que dit le juge Coutu, il y a des efforts importants qui vont être faits. Il y a des décisions qui étaient prises, et qu'il connaissait d'ailleurs au moment où il a parlé, d'envoyer, par exemple, dans le Grand Nord, à partir du 1er septembre, donc dans quelques jours – la décision a été prise il y a longtemps – une équipe d'aide juridique là-bas, c'est-à-dire qu'il y aura un avocat de l'aide juridique qui siégera, et le personnel nécessaire au bon fonctionnement de l'aide juridique à partir du mois de septembre. En septembre, commencent des cours de formation convenus avec le président – je ne sais pas si c'est de Kativik – en tout cas, Zebedee Nungak, des cours de formation de personnes pour agir dans les cercles de justice qui sont prônés par le juge Coutu. Tout ça commence au mois de septembre et, si on est capable d'avoir des gens qui peuvent apprendre à être des traducteurs, ça me fera extrêmement plaisir de dégager les sommes requises pour le faire.

M. Mulcair: Bien, le juge Coutu ne demande pas mieux, et je réfère en cela le ministre à la recommandation 28 de son rapport où il supplie le gouvernement de mettre sur pied un programme sérieux et permanent de formation d'interprètes judiciaires pour les communautés autochtones. Il mentionne aussi que ça pourrait se faire en collaboration avec d'autres ministères, principalement ceux de la Sécurité publique et de l'Éducation.

M. Bégin: Bien, il faut comprendre qu'il ne s'agit pas d'un manque de volonté ni de deniers disponibles. Il faut que le milieu nous fournisse des personnes aptes à le faire, et ça, ce n'est pas évident et c'est ça qui manque.

M. Mulcair: En tout cas, une fois les sommes dégagées et le programme annoncé, pour un travail qui risque d'être relativement rémunérateur par rapport à bien d'autres et une occasion de parfaire son éducation, je soupçonne que les candidats ne manqueront pas.

M. Bégin: Je le souhaite.

M. Mulcair: C'est bon pour mai 1996, M. le Président.

M. Bégin: Je suis étonné que vous n'ayez pas posé... Sur 2 et 3...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Alors, Mme la députée de...

M. Bégin: ...je m'étais préparé des heures de temps pour dire que nous avions fait quelque chose d'extraordinaire pour donner des ordinateurs à l'ensemble de la magistrature, et on passe dessus. Ça me fait de la peine.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Avant d'adopter mai 1996...

M. Mulcair: Dès que j'ai vu que les ordinateurs venaient du comté de Louis-Hébert, je savais que c'était bon. Alors, je n'avais plus peur.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Avant de procéder à l'adoption de mai 1996, il y avait...

M. Mulcair: Oui, il y en avait une autre.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...Mme la députée de La Pinière qui avait une question. Alors, Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, tout d'abord, je voudrais vous saluer, M. le ministre, M. le sous-ministre et les collaborateurs. Sur l'engagement 1, je voudrais savoir si vous avez une idée des langues dans lesquelles on traduit et on interprète.

M. Bégin: Écoutez, j'ai vu, il y a quelques mois, une liste.

Mme Houda-Pepin: Est-ce que vous avez cette information?

M. Bégin: C'est impressionnant, le nombre de types de traductions qui ont eu cours. C'est à peu près dans toutes les langues. Dans les régions, c'est plus...

Mme Houda-Pepin: Dans toutes les langues. À Montréal, c'est dans toutes les langues, selon le besoin.

M. Bouchard (Michel): Y compris des dialectes.

Mme Houda-Pepin: Y compris les dialectes. Très bien. Je présume qu'il y a une banque de données des interprètes et des traducteurs.

M. Bégin: Oui, il y a un fichier qui existe. Oui.

Mme Houda-Pepin: C'est ça, il y a un fichier qui existe. Est-ce que les interprètes – surtout les interprètes – et les traducteurs sont tenus à un certain code d'éthique? Est-ce que le ministère a des critères de sélection?

M. Bégin: Peut-être que M. le sous-ministre, M. le Président, pourrait répondre à cette question.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le sous-ministre.

M. Lemoyne (Gaétan): Gaétan Lemoyne. J'ai justement demandé, il y a quelques secondes, à vérifier ces informations-là, de quelle manière le fichier est constitué, de quelle façon il est opéré, et je pourrais vous revenir avec la réponse dans quelques minutes, idéalement, si on peut me la fournir rapidement. C'est un processus qui fonctionne très bien, qui n'a jamais été remis en question. À ce stade-ci, je suis en mesure de vous dire qu'on travaille avec le ministère des Communications. Mais comment ça fonctionne de façon très précise, je ne voudrais pas vous induire en erreur pour l'instant, à moins que M. Bouchard...

M. Bouchard (Michel): Juste, avec la permission du président, pour compléter la réponse.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le sous-ministre.

M. Bouchard (Michel): Il faut vous préciser que l'interprète-traducteur, lorsqu'il s'apprête à agir dans un dossier, prête serment de traduire fidèlement les propos qu'il entend et qu'il doit traduire à l'attention des gens qui administrent la justice ainsi que des témoins. Et également, comme vous le comprendrez certainement, ces gens-là n'ont pas un travail à temps plein chez nous. Il peut arriver qu'il se passe beaucoup de mois avant qu'on ne sollicite les services d'un interprète parce que les causes ne nécessitent pas une traduction dans une langue ou un dialecte donné. Nous essayons d'obtenir que ces gens-là évidemment puissent non seulement nous assurer de leur crédibilité, mais également qu'ils effectuent un travail très professionnel, et ils font l'objet, vous le comprendrez, d'une évaluation non pas écrite nécessairement, mais d'une évaluation autant de la magistrature que des auxiliaires de la justice.

Après chaque dossier, les gens sont amenés, pas de façon formelle, à être évalués, et, lorsque l'individu, selon ce que les officiers de justice et la magistrature peuvent déduire de ses travaux, se conforme et fait un travail professionnel, on retient ses services pour d'autres dossiers. Mais il n'existe pas, je le crains, ce que j'appellerais d'examen d'entrée à la profession chez nous. On y va un peu avec des firmes qui sont spécialisées en la matière, mais on fait beaucoup confiance aux gens qu'on engage et qui prêtent serment pour effectuer un travail professionnel. Et je dois dire que, depuis 1978 que j'occupe dans le dossier, notamment en matière criminelle parce que c'est surtout là que les traducteurs sont les plus en demande, je n'ai jamais entendu de plaintes relativement à des traducteurs ou à des interprètes qui agiraient de façon incorrecte ou à la non-satisfaction des différents intervenants du système judiciaire.

Mme Houda-Pepin: Bien, moi, j'ai à l'esprit un cas précis qui a fait les manchettes, je pense, en 1993, celui du juge Alarie qui est passé devant le Conseil de la magistrature et dans lequel un interprète était impliqué parce que, en fait, c'est parti de là. Et on se rappellera que la dame en question s'était présentée dans une cour de justice, je pense à Longueuil, et qu'elle devait passer devant le juge, lequel juge était en train de traiter un autre dossier, une autre cause. Et il a demandé à l'avocat représentant la dame d'attendre dehors, puis ça a fait les manchettes comme quoi le juge Alarie aurait expulsé une dame parce qu'elle portait le foulard.

Et, en fait, moi, je suis allée faire une petite enquête pour savoir comment tout ça est parti, quelle en était l'origine. Et, en parlant à la dame qui était plaignante, en parlant au juge, en parlant à l'avocat de la dame et en parlant à l'interprète, j'ai réalisé, finalement, que c'est l'interprète qui était outré – ou peut-être qu'il n'a pas lui-même compris le message du juge – et qui a recommandé, en sortant de la salle, à la dame d'aller dans les médias, et lui-même a contacté un journaliste pour lui faire état de la situation.

Donc – parce que tout ça, on s'en rappelle, ça engage des fonds publics – si les gens étaient tenus à un certain comportement professionnel, je présume que ce genre de choses ne se produirait pas. Et, même si le système est à vos yeux totalement, disons, correct, il serait peut-être utile, parce que l'interprétariat, surtout dans la grande région de Montréal, c'est un service qui est constamment en demande, pour assurer la qualité – c'est très important aussi – de l'interprétariat et, en même temps, la confidentialité et le respect du code d'éthique... Donc, je vais attendre qu'on m'apporte les informations.

(11 h 40)

Par ailleurs, il y a quelques mois, nous avons reçu le Directeur général des élections, et j'ai eu le plaisir, moi-même, de le féliciter pour avoir traduit en 19 langues le pamphlet concernant le processus électoral, le processus référendaire, geste d'ailleurs qui lui a valu le prix interculturel du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles. Cependant, j'ai été très, très étonnée, mais non surprise, d'une certaine manière, par la réaction de la ministre de la Culture et du vice-premier ministre qui ont dit qu'on n'a pas à traduire dans les différentes langues. Alors, vous, en tant que ministre de la Justice offrant des services d'interprétariat et de traduction dans toutes les langues, je voudrais bien savoir – parce que je ne vous ai pas entendu – comment vous réagissez à ça. Est-ce que vous trouvez que le gouvernement doit offrir des services d'interprétariat, comme vous le faites, ou si vous devez vous aligner sur votre collègue, la ministre de la Culture?

M. Bégin: Je vais me limiter à ce qui me concerne. Nous sommes ici pour regarder les engagements financiers de mon ministère. Devant un tribunal, là où la liberté d'une personne est en cause, il est important, je crois, que l'on puisse faire en sorte que la personne accusée puisse comprendre ce qui se passe et être comprise dans les explications qu'elle a à fournir. Je ne porterai aucun jugement ni commentaire sur ce qui se passe ailleurs. Je pense qu'on est dans un domaine très précis, très particulier. Il y a la Charte qui s'applique. On est devant un tribunal, et je pense qu'on doit permettre ces choses-là, et ça, c'est indépendamment d'un débat linguistique qui puisse avoir cours, par ailleurs, dans d'autres domaines ou dans d'autres secteurs du secteur public.

Mais je pense que c'est propre, certainement, au système judiciaire, compte tenu du caractère particulier qu'on a, où une personne, par hypothèse, là – on est toujours devant ça – est entendue. Alors, que ce soit la personne accusée elle-même ou quelqu'un qui vient témoigner relativement à la conduite de l'accusé, à chaque fois, c'est la liberté d'une personne qui est en cause. Donc, on est dans une situation très particulière, et je pense que l'on doit continuer.

Et je pense aussi que ça doit exister dans tous les pays de la terre que, lorsqu'on est devant un tribunal, la personne puisse être entendue. Il m'apparaîtrait, moi, étonnant qu'on décide du sort d'une personne sans qu'elle puisse être entendue. Et ça, c'est une règle, pas propre au Québec, qu'on appelle une règle de justice naturelle. C'est la règle audi alteram partem: être entendu, entendre l'autre partie, mais entendre d'abord la partie. Et on le dit en latin, tout le monde. C'est donc un vieux principe qui transcende toutes les civilisations et toutes les époques. Alors, moi, je pense que c'est correct qu'on le fasse. Mais, si vous voulez m'amener à commenter les autres, vous n'aurez pas quelqu'un qui va vous répondre.

Mme Houda-Pepin: Mais vous avez déjà commenté de façon très éloquente en affirmant, en tout cas, le droit d'une personne à être entendue, évidemment dans sa langue, devant un tribunal. Il faut aussi dire: Si le tribunal est important, c'est aussi la même situation dans le domaine de la santé où, par exemple, pour la prévention du sida ou autrement, l'information doit cheminer de toute façon. Alors, c'est très bien. Je suis très satisfaite de la réponse et je suis très contente de voir que vous avez rappelé la Charte et la nécessité effectivement d'offrir des services.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Les engagements de mai 1996 sont donc vérifiés?

M. Mulcair: Vérifié.


Juin

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Nous vérifions maintenant les engagements de juin 1996.

M. Mulcair: L'item 1, M. le Président. Est-ce que le ministre peut nous indiquer le tarif horaire de Me Doray dans le dossier?

M. Bégin: Il n'est pas indiqué. Cependant, ce que j'ai comme information...

M. Mulcair: On pourra nous le fournir plus tard.

M. Bégin: Oui, oui. Ça a été accordé le 11 mai 1994. Donc, ça a été accordé avant que je ne sois ministre, mais je ne constate pas, ici, de... Je pourrais vous donner le montant des honoraires qu'il a été payé, mais je n'ai pas le tarif.

M. Mulcair: C'est peut-être moi qui ne me souviens pas; c'est peut-être une cause bien connue, mais ça ne me dit rien, à première vue, Georges Robert.

M. Bégin: C'est une action de 4 515 000 $ signifiée au Conseil de la magistrature...

M. Mulcair: Par...

M. Bégin: ...par un dénommé Georges Robert...

M. Mulcair: Qui est un...

M. Bégin: ...alléguant avoir été victime de fraude et d'injustice. Bon. Il y a encore un autre dossier qui est toujours actif, et là il faut faire attention: il est toujours actif, le dossier. Il a logé une plainte contre un juge de la Cour du Québec devant le Conseil de la magistrature. Cette plainte a été déclarée non fondée, et le plaignant réclame une copie de la recommandation du Conseil à l'égard...

M. Mulcair: L'accès à l'information.

M. Bégin: ...de la décision. C'est ça. Il s'est adressé à l'accès à l'information, qui a donné raison à M. Robert.

M. Mulcair: O.K.

M. Bégin: Présentement, le dossier est en appel et Me Doray représente le Conseil de la magistrature.

M. Mulcair: Dans le dossier d'accès à l'information.

M. Bégin: D'accès à l'information. Alors, on me signale que son tarif serait de 150 $ de l'heure.

M. Mulcair: Ça en fait des heures.

Une voix: En bas du marché.

M. Bégin: Bien, il faut comprendre que le dossier... J'ai ici 1994-1995. Donc, à partir du 11 mai 1994, puisque c'est la date où le mandat a été accordé, il y aurait eu, en 1994-1995, 97 115 $ et, en 1995-1996, 35 000 $, ce qui fait un total de 132 000 $ que l'on retrouve au montant total de l'engagement. Donc, c'est sur deux ans.

M. Mulcair: Évidemment, 1 000 heures dans un dossier ou tout près, c'est substantiel, on peut tous en convenir.

M. Bégin: Tout à fait.

M. Mulcair: Mais Me Doray est effectivement un expert fort reconnu dans le dossier de l'accès à l'information, représentant toujours justement le même côté, mais...

M. Bégin: Ça nous ramène – excusez-moi de vous interrompre – à ce que, tantôt, vous posiez comme question: Qui choisit la personne, l'avocat? C'est une recommandation du Conseil de la magistrature, dans ce cas-là, de prendre Me Doray.

M. Mulcair: Oui, puis je vous avoue que, si j'étais membre du Conseil de la magistrature, mon choix se serait probablement tourné vers Me Doray, ou un ou deux des quelques autres experts qui peuvent exister dans cette matière au Québec, et Me Doray en est un. Mais ça ouvre, M. le Président...

M. Bégin: C'est beaucoup d'heures.

M. Mulcair: ...sur un sujet fort complexe, mais que le ministre doit commencer à connaître après deux ans dans ses fonctions. C'est ce que j'appellerais, en anglais, les «nuisance law suits». Je ne connais pas la cause en question, mais une poursuite pour cinq millions et quelques cent mille et l'accès à l'information pendant 1 000 heures, j'en ai vu comme ça quand j'étais dans d'autres fonctions, auparavant, dans ma carrière. Je me souviens, à l'Office des professions du Québec, il y avait un dossier qui traînait depuis longtemps, et, fort de la collaboration formidable de l'ordre professionnel en question, la cause de cette pauvre personne-là qui avait des poursuites personnelles, toujours représentée par elle-même en personne devant les tribunaux – des causes qui tapissaient le plumitif depuis 15 ans – on l'a réglée. Ce pour quoi tout ça a pris naissance, ça avait été réglé.

La première chose qu'elle a faite, ça a été de commencer à poursuivre tous ceux qui avaient réglé le dossier, pour des poursuites personnelles. Je vous avoue que j'ai trouvé une solution tout à fait originale et, contre tous les avis de nos propres avocats, je n'ai pas répondu. Je n'ai comparu dans aucun des dossiers et je n'ai jamais eu de nouvelles. Mais la personne était rendue vraiment ferrée en matière de procédure civile. Je connaissais...

M. Bégin: Il y en a.

M. Mulcair: ...très, très peu d'avocats qui étaient aussi bons là-dedans. Mais il me semble que, quelque part, c'est peut-être le prix qu'il faut payer pour notre démocratie et notre système de justice. C'est que c'est tellement ouvert que même un «nutcase», quelqu'un qui... Je ne dis pas que c'est le cas de M. Robert; je ne le connais pas et je ne connais pas la cause. Mais, pour connaître ce genre de dossier où une personne peut complètement... Si je peux le dire comme une des personnes qui avaient regardé l'autre cause, c'est une personne qui s'est fait avaler par sa cause. Puis on ne sait jamais, parce que, souvent, dans le fond, il y a une réalité objective dans ces choses-là, mais ce qu'on n'arrive jamais à savoir, c'est: Est-ce que c'est les bibites de la personne qui la rendent incapable de sortir de la cause ou si c'est l'origine de la cause qui a causé les bibites chez la personne?

Mais, à un moment donné, je pense que, peut-être, très informellement, avec la magistrature, c'est un sujet qui pourrait délicatement être abordé. Peut-être, le juge Bienvenue, s'il n'est pas jeté dehors, pourrait être la personne qui s'occupe de toutes ces causes-là. C'est une suggestion que je me permets de faire. Mais il y aurait certainement une manière de désamorcer ces causes-là parce que ça prend, oserais-je dire, un temps fou aux tribunaux pour essayer de régler ces cas-là, et il y en a. Je suis persuadé que les officiers du ministère sont tous poursuivis de temps en temps pour des affaires. Le Protecteur du citoyen ramasse ces causes-là souvent, vraiment les causes où les gens se ramassent devant les tribunaux et poursuivent, et poursuivent, et poursuivent. Et ça vaut peut-être la peine... J'imagine que le ministre lui-même doit...

(11 h 50)

M. Bégin: J'ai déjà vu – et ça s'est développé peut-être plus au cours des dernières années – dans ma pratique des personnes qui deviennent ce qu'on appelle des abonnés du palais de justice. Je pense que ça devient un sport. Ça devient quelque chose qui est le fondement même de leur vie. Ça part généralement d'un dossier où il y a eu un succès, où il y avait vraiment, comme vous le disiez, une cause au fond de la chose et où il n'y a pas eu justice ou sentiment que justice a été rendue. Et là on part et, tout à coup, la personne est tout le temps devant la cour. J'en ai vu plaider, moi, devant la Cour d'appel. Certains deviennent effectivement de vrais experts. Je pense que les tribunaux ont appris à composer avec ça de manière assez habile. J'ai vu récemment un juge qui a enduré une journée de temps des élucubrations de tout genre.

M. Mulcair: Des hallucinations.

M. Bégin: J'utilise le mot «élucubrations». La personne avait dit: J'en ai jusqu'à 15 heures. Et, à 15 heures, le juge a dit: Vous parlez depuis 9 h 15; je vous ai écouté, je pense que vous avez eu l'occasion... Avez-vous encore quelque chose à ajouter? Et la personne, bien, rendue au bout de sa fusée, a parlé encore 10 minutes, et ça a été fini.

Mais je pense que les juges ont appris qu'il faut gérer ça de cette manière. Ce n'est pas toujours facile parce que le temps de la cour, le temps des autres justiciables est affecté par ça, mais c'est la façon la plus simple. Mais je pense qu'on ne guérira pas certaines personnes qui veulent et qui aiment plaider. Ce sont des avocats manqués. Ils trouvent là le centre de leur vie. J'en ai eu un client que j'ai revu, il y a à peu près trois semaines, par hasard. Il me l'a rappelé. Il avait son Code municipal, sa Loi sur les cités et villes, il avait le Code de procédure civile, le Code civil. Des fois, il avait des traits de génie, mais, d'autres fois, il dérapait à en virer complètement malade.

Il est allé en Cour d'appel trois fois. Il arrivait avec des caisses de documents. C'était infernal, puis, tout à coup, tu disais: Mais il est fou raide. Oups! tout à coup, regarde donc, ce n'est peut-être pas si pire. Alors, ce gars-là, il me l'a dit, lui, l'autre jour: Écoute, c'était un moyen beau sport! Là, je n'ai plus le temps, je suis à ma retraite puis je fais d'autre chose. Mais, pour lui, ça a été un sport. Alors, je pense qu'il faut prendre ça comme étant un incident dans l'ensemble. Ce qui m'inquiète plus, c'est les coûts certaines fois...

M. Mulcair: Eh oui, justement, on a devant nous une cause où un éminent juriste...

M. Bégin: Oui.

M. Mulcair: ...dans un domaine spécialisé a passé 1 000 heures. Je n'ai pas besoin qu'on me fasse un dessin. S'il a passé 1 000 heures là-dedans, c'est qu'il est face à quelqu'un qui a 1 000 heures à passer là-dessus, hein? Qu'on soit clair entre nous.

M. Bégin: Je ne parle pas de ce dossier-ci, mais il peut arriver que, dans certains cas, on assiste à des abus de procédure...

M. Mulcair: Ah oui!

M. Bégin: ...d'un bord ou de l'autre aussi, parce que notre client personnel n'est pas toujours celui qui est le plus raisonnable. Des fois, c'est notre propre client, et on n'est pas comme ça soi-même, qui nous amène à aller dans des voies qu'on ne voudrait pas... Mais, si le client paie, bon, si ce n'est pas fou, pourquoi pas?

M. Mulcair: Ha, ha, ha! Mais le client qui paie les 132 471,43 $ de Me Raymond Doray, en l'occurrence, c'est le contribuable, et c'est pour ça que je soulève la question à savoir s'il n'y a pas une manière de gérer ça pour qu'on n'arrive pas à des 1 000 heures dans des causes qui, de toute évidence, dérapent.

M. Bégin: Regardez, prenons un exemple qui est passé et qui a existé, bon, puis on portera le jugement qu'on voudra. La cause Ruffo a coûté 1 000 000 $ et plus. À quel moment quelqu'un qui est en autorité dit: J'arrête? Est-ce que c'est après 300 heures de préparation de mémoires devant la Cour suprême où, là, on dit: J'en ai assez, on est à 900 000 $, on ne va pas à 1 000 000 $ ou bien si on se rend au 1 030 000 $ ou au 1 150 000 $? C'est où qu'on tire la ligne? Comment fait-on pour apprécier de manière objective, honnête, franche...

M. Mulcair: Je suis complètement d'accord parce que, le jour où on le ferait, on se ferait «blaster» de ne pas laisser jouer la justice.

M. Bégin: Si quelqu'un a droit... Mettons qu'un juge est poursuivi personnellement. Il a le droit d'être représenté, il veut faire valoir un moyen préliminaire et il veut aller en appel d'une décision qu'il considère incorrecte. Qui va avoir le droit de dire: Ce n'est pas correct, ça? Alors, voilà quelque chose. Moi, j'ai beaucoup d'interrogations, mais je n'ai pas de réponses qui m'arrivent. Alors, peut-être qu'il faudrait repenser le mode pour dire que toute personne qui n'est pas dans l'exercice de sa fonction n'aurait pas droit à... Ou quelle est la définition? Jusqu'où ça doit aller? Est-ce qu'on l'offre tout le temps? Et là je parle du droit à l'avocat qui est accordé par nos législations, hein? Que ce soit la magistrature ou les fonctionnaires, ils ont droit d'être représentés, mais jusqu'où peuvent-ils aller? Peuvent-ils devenir le demandeur plutôt que le défenseur, par exemple, hein? C'est un exemple.

M. Mulcair: On est d'accord là-dessus...

M. Bégin: Bon, alors, tout ça...

M. Mulcair: ...tous les deux, qu'il n'a pas le droit de devenir le demandeur dans une cause civile personnelle.

M. Bégin: Mais comment faire ça? Non, je ne parlais pas au sens que vous le disiez. C'est un autre élément.

M. Mulcair: O.K.

M. Bégin: Quelqu'un est poursuivi, il est en défense, mais, tout à coup, dans la défense, par une demande reconventionnelle ou par des techniques, des tactiques, il devient celui qui, de toute façon, est en demande. En tout cas, je ne veux pas aller trop loin dans la façon de m'exprimer...

M. Mulcair: Qu'il le paie de sa poche.

M. Bégin: ...vous comprenez ce que je veux dire. Donc, jusqu'où on va permettre ces choses-là? C'est extrêmement délicat, et j'avoue franchement que je n'ai pas trouvé la réponse à date, même si la chose me préoccupe.

M. Mulcair: Merci pour ça. L'item 2, toujours au mois de juin 1996.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey...

M. Mulcair: Pardon!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...j'ai une autre question sur l'item 1.

Mme Houda-Pepin: Alors, comme l'item 1 porte sur le Conseil de la magistrature, est-ce qu'on peut connaître la proportion des femmes et des minorités sur le Conseil de la magistrature?

M. Bégin: Je vais être obligé de procéder de mémoire, mais je crois qu'il devrait y avoir quatre femmes. Trois, sûr; quatre, point d'interrogation. J'avoue ne pas m'être préparé à ça. Alors, il y a une personne, mais qui n'est pas une femme, qui est un homme, qui est des communautés culturelles, que j'ai nommée moi-même, Katif Gazzé; Hélène Lortie que j'ai nommée; il y a le juge Provost, je pense, qui est à... Il y a Huguette St-Louis qui, jusqu'à hier, était juge en chef adjointe à la chambre civile et qui, depuis hier, est juge en chef de la Cour du Québec. Alors, ça fait un, deux, trois, quatre. Ah! il y a Mme la juge Rivest que j'ai nommée également. Ça fait cinq sur 14. Oui, voilà. Et certaines personnes ne sont pas en nomination, donc il n'y a pas eu de remplacements.

Mme Houda-Pepin: Le Conseil de la magistrature a été appelé à intervenir, ces dernières années, dans des cas reliés à la Charte en ce qui concerne les femmes, entre autres. Pour le juge Bienvenue, on a vu, en tout cas, la réaction dans l'opinion publique. Il était question que le Conseil de la magistrature se remette à la formation des juges, qu'il organise des programmes de formation pour les juges justement pour les familiariser avec la Charte des droits, avec toutes les notions reliées à l'adaptation institutionnelle, notamment l'institution de la justice, avec la réalité pluraliste de la société. Qu'est-ce qui a été fait? Et est-ce qu'il y a un programme qui est en place ou qui va être mis en place à cet effet?

M. Bégin: Il y a déjà, depuis quelques années, au moins un juge qui est affecté, je pense, à 100 % à la formation de la magistrature. Je parle pour la Cour du Québec, là, on se comprend. Pour la Cour supérieure, c'est autre chose. Mais, au Québec, pour la Cour du Québec – c'est 290 juges de première instance – il y a des cours de formation qui ont lieu. Je ne pourrais pas vous donner le contenu exact, mais ça porte sur des matières semblables à celle qui est là.

Quand j'ai fait ma déclaration, au moment de ma décision dans l'affaire Bienvenue, j'ai parlé de formation et j'ai répondu, tout à l'heure, à mon collègue que j'envisageais évidemment de consulter justement la magistrature sur comment le faire. Dans le cadre de la réorganisation de la structure de la Cour du Québec, j'ai prévu qu'il y aurait effectivement des ressources additionnelles qui seraient accordées pour permettre une formation. Tout ça est, à ce stade-ci, au niveau de l'idée, mais pas encore de la réalisation en ce qui concerne les efforts du ministère lui-même.

Par le biais de la magistrature, il y a déjà des efforts qui vont être faits et on va donc redéfinir ensemble, parce que ça fait partie de la consultation, quelle formation on devrait faire. Est-ce qu'elle devrait être obligatoire, par exemple? Est-ce qu'elle devrait avoir lieu avant, selon un rythme prévu? Est-ce que ça doit s'arrimer, par exemple, à un congé sabbatique qui permettrait le ressourcement pendant une certaine période? C'est ce qui se passe en milieu universitaire, par exemple.

Alors, il y a beaucoup d'éléments qui sont sur la table qui vont porter là-dessus, mais ce n'est pas, au moment où on vous parle, prêt. J'avais prévu que ce serait à l'automne qui vient et j'envisageais qu'au printemps, probablement, on serait en mesure d'avoir une législation qui mettrait les morceaux en place à cet égard, y compris un autre élément, tant qu'à y être, qui porterait sur la composition du Conseil de la magistrature.

(12 heures)

C'est un secret que certaines personnes se sentent mal à l'aise vis-à-vis de la composition même du Conseil, des personnes qui sont dans le Conseil de la magistrature. M. Mulcair s'en rappellera, lorsqu'on a discuté de justice administrative, lors des auditions, entre autres, il y a certaines personnes qui nous ont dit: Est-ce qu'il est sain que le président du Conseil de la justice administrative soit la même personne qui soit le président du Tribunal? Je veux dire, président ou présidente du Tribunal.

Certains ont fait des remarques en disant que ce ne serait pas sain que ça soit ainsi. Ils ont référé au Conseil de la magistrature. D'autres ont dit spécifiquement du Conseil de la magistrature: Est-ce que c'est requis qu'il y ait autant de magistrats sur le Conseil comme tel, puisque le Conseil de la magistrature est appelé à se pencher sur la conduite de certains juges, entre autres? Est-ce que, ensuite, la formation qui est actuellement reliée au Conseil de la magistrature ne devrait pas être transférée au juge en autorité à la Cour, à la structure?

Il y a beaucoup de questions autour de ça, et c'est en voie d'élaboration, mais je ne peux pas aller plus loin que de vous dire qu'il y a une réflexion qui se fait là-dessus puis qui va avoir lieu au cours de l'automne. On me dit que le budget de formation est de près de 1 000 000 $ annuellement, actuellement.

Mme Houda-Pepin: Merci. J'ai fini, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui. Pour ce qui est du numéro 2, je voudrais juste avoir quelques indications sur les réaménagements qui ont été faits à la Cour d'appel de Montréal.

M. Bégin: C'est physiquement à la Cour d'appel, au dix-septième étage, là. C'est la construction d'une salle de photocopie, d'une salle d'entrevue à la bibliothèque du Barreau, le réaménagement de la salle de conférences et de la bibliothèque.

M. Mulcair: Merci. Maintenant, on arrive à l'item 3, puis je réfère le ministre à quelque chose qui est passé tout à l'heure. C'est déjà vérifié, mais juste à titre de référence. En janvier 1996, l'item 8 était un contrat par soumissions sur invitation, fichier – même chose qu'ici – pour des services de gardiennage à la Direction de l'état civil et là cinq soumissions ont été reçues variant de celle retenue à 11,66 $ l'heure à 13,85 $ l'heure. Ça, c'était au mois de janvier et, cette fois-ci, on a encore du gardiennage pour la surveillance des membres du jury, et c'est l'Agence de sécurité régionale, et ça, c'est pour des services dans la Montérégie. Le contrat est à Montréal, mais c'est pour des services donnés au palais de justice de la Montérégie.

M. Bégin: D'accord.

M. Mulcair: Cinq fournisseurs ont été invités et une soumission a été reçue. Et, cette fois-ci, c'est à 13,84 $ de l'heure, ce qui est assez élevé. Je me souviens, M. le Président, que, lorsqu'on a discuté de ce sujet-là la dernière fois avec le ministre, on lui a demandé comment ça se faisait que, dans un domaine où il y a un décret régissant les conditions de travail... Parce que, dans le domaine du gardiennage, tout comme dans plusieurs autres domaines au Québec, que ce soit le verre plat ou d'autres, il y a un décret régissant ça. Et je lui demandais, puis on n'avait pas la réponse ni l'un ni l'autre... La réponse m'est venue par après par plusieurs intervenants qui sont venus, dans ce dossier-là puis dans d'autres, nous expliquer ce qu'il en était.

Je me permets de le souligner au ministre non seulement comme ministre de la Justice, mais comme membre du Conseil des ministres puis comme personne qui se préoccupe sans doute de ces choses-là, sans partisanerie aucune, juste pour expliquer un peu comment ça se fait qu'on peut avoir de si grands écarts. La manière dont ça marche, c'est que ceux qui sont branchés comme il faut, avec des bonnes sources à la Société de l'assurance automobile du Québec et aux accidents du travail...

M. Bégin: La Commission des accidents... la CSST.

M. Mulcair: ... – c'est ça, la CSST – reçoivent des listes de personnes qui reçoivent des prestations à long terme de la SAAQ et de la CSST. Ces personnes-là, qui sont par ailleurs aptes au travail, se font souvent dire: Si vous travaillez, vous pouvez garder une partie des sommes. Vous continuerez à recevoir des prestations qui combleront jusqu'à... etc. En d'autres mots, dans une économie de marché libre, comme nous le rappelle votre homonyme...

M. Bégin: Bernard.

M. Mulcair: ...le ministre de l'Économie et des Finances, non seulement on s'ingère une première fois en édictant quels vont être les salaires payés dans un domaine où la concurrence devrait normalement être assez vive, parce que ce n'est pas de la main-d'oeuvre archi...

M. Bégin: Spécialisée.

M. Mulcair: ...spécialisée, on vient imposer un tarif horaire, et, par la suite, l'État joue un deuxième rôle là-dedans. J'invite, sans partisanerie...

M. Bégin: Ah oui!

M. Mulcair: ...le ministre a mettre son nez là-dedans. Il va voir qu'il y a plein de tours de passe-passe parce que ceux qui reçoivent ces listes-là et ces sources-là, ça devient du personnel subventionné pour eux autres, et c'est pour ça qu'ils peuvent soumissionner plus bas. C'est comme ça que ça marche dans ce milieu-là. Alors, à mon sens, c'est un problème dans notre économie et dans notre société, et ça vaut la peine de regarder ça.

M. Bégin: Moi, je veux prendre...

M. Mulcair: Et je laisse le ministre avec ça.

M. Bégin: Permettez-moi, là, de dire un commentaire. De un, je n'étais pas au courant du tout de ça. De deux, je suis bien heureux d'entendre ce que vous me dites. Ça ne vous offusquera pas que je procède à des vérifications...

M. Mulcair: Au contraire.

M. Bégin: ...pour m'assurer que tout ça est bien exact et, si tel est le cas, bien sûr, soyez assuré que j'aurai certainement un mot à dire là-dessus parce que, si je comprends bien votre exposé, ça revient à dire que certaines personnes bénéficiant de relations particulières peuvent, dans une région donnée, savoir à l'avance qu'elles auront un bassin x de personnes...

M. Mulcair: Exact.

M. Bégin: ...aptes à travailler pour elles et qu'elles auront à toutes fins pratiques une subvention. Donc, elles sont en mesure de bénéficier d'un avantage par rapport aux autres.

M. Mulcair: Et de couper le prix.

M. Bégin: Bon. O.K. Je comprends bien ce que vous voulez dire. Alors, je vais vérifier tout ça, et soyez assuré qu'il ne se passera pas une prochaine vérification des engagements de crédits sans qu'on ait au moins des réponses satisfaisantes.

M. Mulcair: Pour les items 3 et 4, à ma connaissance, M. le Président, c'est la première fois que je vois des services de gardiennage pour la surveillance des membres du jury. Est-ce que c'est nouveau qu'on fait ça ou si...

M. Bégin: Non.

M. Mulcair: ...c'est juste la première fois que, moi, je le vois passer?

M. Bégin: Non, il y a toujours eu de la surveillance. Mais on a un sous-ministre qui était aux affaires criminelles et pénales anciennement, mais qui est sous-ministre en titre. Donc, il est très familier avec le fait que, quand un jury délibère, il y a de la surveillance pour la confidentialité.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le sous-ministre.

M. Bouchard (Michel): Merci, M. le Président. M. le député, dans certains districts judiciaires, nous avons l'obligation, par nécessité, de procéder à ce genre d'appels d'offres et d'engagements à l'externe parce que le ministère de la Sécurité publique ne peut pas fournir les services de gardiennage pour les membres d'un jury en matière criminelle, qui, une fois qu'ils ont été choisis, comme vous le savez très bien, ne peuvent être mis en contact avec les parties au dossier ni avec la population en général, si ce n'est qu'ils peuvent retourner, lorsqu'ils ne sont pas séquestrés dès le début de la procédure, dans leur famille. Mais, au moment où ils reviennent devant le tribunal, le matin, pour entreprendre la journée d'audition jusqu'à leur libération en fin de soirée, ils sont accompagnés par des membres de la sécurité à la salle de délibérations, au restaurant pour éviter tout contact entre les familles, par exemple, des accusés ou des témoins et les jurés. Donc, ça se fait depuis que je pratique le droit criminel et ce n'est pas nouveau.

M. Mulcair: Merci beaucoup pour cette explication.

M. Bouchard (Michel): Ça se faisait avant que je pratique le droit criminel, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Ce n'est pas vos pratiques personnelles qui ont exigé l'imposition de ce gardiennage.

M. Bégin: Sa conduite était exemplaire, si je comprends bien.

M. Bouchard (Michel): Ils n'ont pas inventé le système lorsque je suis arrivé dans la profession.

M. Mulcair: D'accord. On peut passer à l'item 15.

M. Bégin: O.K.

M. Mulcair: O.K.

M. Bégin: Ah! c'est vrai qu'il y en a beaucoup.

M. Mulcair: Le ministre nous dit: Bon, subvention normée. Commission des services juridiques, on connaît. Maintenant, je veux bien comprendre que le ministre nous a dit, tout à l'heure, en réponse à une autre question, que, à partir donc de la semaine prochaine, il va y avoir en place un service d'aide juridique. Est-ce que c'est à Kuujjuaq?

M. Bégin: Je crois que c'est à Kuujjuaq, oui.

M. Mulcair: Donc, un permanent.

M. Bégin: Est-ce que c'est Kuujjuaq ou... On me dit qu'on est dans le processus de sélection de la personne qui sera là.

M. Mulcair: O.K.

M. Bégin: Donc, ce ne sera peut-être pas la première semaine de septembre qu'elle y sera. Donc, le temps... Mais je crois que c'est à Kuujjuaq. C'est à Kuujjuaq que la personne sera installée? Oui.

M. Mulcair: Et ça va être un permanent...

M. Bégin: Oui.

M. Mulcair: ...une personne qui sera là à temps plein?

M. Bégin: Oui, et qui va évidemment être itinérante parce que les communautés...

M. Mulcair: Oui, oui, tout à fait.

M. Bégin: ...sont tout autour de la péninsule.

M. Mulcair: Mais, bravo, ça répond à une des demandes importantes du juge Coutu. Espérons que...

M. Bégin: Qui était connue...

M. Mulcair: ...si ce n'est pas la première semaine de septembre, ce sera la deuxième, mais que ça ne va pas être le deuxième mois de 1997.

M. Bégin: ...de lui lorsqu'il a dit que rien n'avait été fait.

M. Mulcair: Oui. J'étais là quand il a dit que rien n'avait été fait et j'avais aussi pris la peine de vérifier avec les avocats qui travaillent dans le Grand Nord, et, eux aussi, ils m'ont dit que rien n'avait été fait. Et je vous ai entendu dire, tout à l'heure, que c'était le 1er septembre et je viens de voir Me Lemoyne venir, en courant, vous dire: Bien, ce n'est pas encore commencé...

M. Bégin: Le 8 septembre...

M. Mulcair: ...ce n'est pas fait.

M. Bégin: ...ou le 15.

M. Mulcair: Le 8 ou le 15, d'accord. Donnez-moi des dates.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Moi, j'aime toujours ça quand vous me donnez des dates parce que, dès que vous les passez...

M. Bégin: Ça vous permet de dire: Il a menti.

M. Mulcair: ...ça me permet de dire: Il a encore parlé en disant...

M. Bégin: Personne ne vous croit dans ce temps-là, par exemple.

M. Mulcair: ...des choses qui n'étaient pas la vérité. Parlant de ça...

M. Bégin: Mais personne ne vous croit, hein!

M. Mulcair: ...une autre date fatidique qui s'en vient: la date de déménagement du juge en chef de la Cour du Québec.

M. Bégin: Mais vous avez été distrait, M. Mulcair. Vous n'avez pas écouté ce que j'ai dit tout à l'heure, et c'est grave de votre part, parce que je vous ai annoncé...

M. Mulcair: Si j'écoutais tout ce que vous dites, ce serait grave. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Mais ça, c'est grave parce que, vous allez comprendre, j'ai dit, tout à l'heure, que la juge St-Louis avait été nommée hier juge en chef de la Cour du Québec, ce qui implique que le juge Fournier a démissionné comme juge en chef.

M. Mulcair: Vous avez raison. Ni moi ni les autres collaborateurs, ici, n'ont compris.

M. Bégin: J'ai dit ça, tout à l'heure, en parlant à Mme... et évidemment je tiens à souligner que c'est en raison...

M. Mulcair: C'est des raisons de santé.

M. Bégin: ...de son état de santé...

M. Mulcair: Oui.

(12 h 10)

M. Bégin: ...purement et simplement, et je pense que c'est bon de le dire. «Comme vous le savez, j'ai dû m'absenter pendant quelques semaines en raison de troubles pulmonaires sérieux. Des examens médicaux poussés font voir que ces problèmes sont irréversibles.»

M. Mulcair: Je suis très triste d'apprendre cette nouvelle.

M. Bégin: «Bien que mon état de santé me permette d'assurer la fonction de juge, il ne me permet cependant pas d'accomplir la lourde tâche de juge en chef de la Cour du Québec compte tenu de toutes les exigences de temps et de déplacement qu'elle exige. Je me vois donc dans l'obligation de vous aviser que je n'exercerai plus cette fonction à compter d'aujourd'hui», qui était hier. Et, hier, au Conseil des ministres, la juge St-Louis, qui était juge en chef adjointe à la chambre civile, a été nommée juge en chef.

M. Mulcair: Bien, je vous remercie d'avoir reporté cette nouvelle à notre attention parce que effectivement on était en train de travailler sur une...

M. Bégin: Je parle pour ne rien dire!

M. Mulcair: Vous ne parlez pas pour rien dire; vous parlez...

M. Bégin: Pour ne pas être entendu, en tout cas. Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Vous avez bien compris que la question allait revenir, et on souhaite, malgré toutes les discussions délicates, mais nécessaires autour de sa nomination et de son déplacement... Pour ma part et au nom de notre formation, je tiens juste à souhaiter à l'ex-juge en chef, même si la situation est celle que vous décrivez...

M. Bégin: Oui, définitivement.

M. Mulcair: ...qu'il puisse continuer dans ses autres fonctions. Et je souhaite que ça n'aille pas plus loin côté santé.

Pour ce qui est de l'item 17, maintenant, les CAVAC, dans les régions de Lanaudière, de Beauce, de Gaspésie, on demande depuis longtemps des centres d'aide. Est-ce qu'il y a du nouveau là-dessus? Ça, c'est en date de la fin du mois de juin. Vous vous souviendrez...

M. Bégin: Oui.

M. Mulcair: ...les journaux, notamment La Presse , ont titré: «Plaidoyer: victimes» et...

M. Bégin: Actuellement, il y a un montant relativement important qui est alloué. C'est 1 030 000 $, comme vous le voyez ici, qui se répartissent selon les 10 CAVAC que nous avons, à raison de 75 000 $ par CAVAC, à l'exception de celui de Montréal qui reçoit 90 000 $. Dans une période de restrictions budgétaires, il est assez difficile de penser, sans qu'on ne réaménage en profondeur certains services qu'on a, être capables de donner des sommes additionnelles.

Cependant, je dis qu'il y a une réflexion qui se fait actuellement pour voir de quelle façon on pourrait réaménager l'ensemble de l'aide que l'on fait aux victimes d'actes criminels, parce que les CAVAC sont évidemment des centres d'aide aux victimes d'actes criminels, en rappelant – ce n'est peut-être pas familier à tout le monde – qu'il y a l'indemnisation des victimes d'actes criminels, qui est un montant qui est versé pour indemniser une personne qui a subi une perte, qu'elle soit temporaire, permanente, partielle, totale, suite à un acte criminel, donc, l'indemnisation, et qu'il y a l'aide aux victimes d'actes criminels. Par exemple, une personne est appelée à témoigner devant la cour. Elle se présente au CAVAC le matin. On va pouvoir l'aider, dire: Bien, voici comment ça va se passer. Le juge va se comporter de telle manière, le procureur, de telle autre façon. Donc, on apporte un support psychologique, et non pas monétaire, à la personne.

Alors, c'est quelque chose que je calcule, personnellement, comme extrêmement important. Vous vous rappellerez que j'avais pris un engagement qui était de permettre, dans chaque point de services au Québec, d'avoir un endroit où la personne victime d'un acte criminel ou l'agressé puisse se présenter et recevoir l'aide de ces personnes. Ça a été fait, et c'est donc la jonction entre ces groupes-là et les palais de justice qui a été organisée. Mais je soumets que, malgré des gros efforts que nous avons faits, il faut trouver la manière de l'étendre dans les régions qui n'en ont pas, mais aussi, même, de bonifier tout ça. Mais, je le répète, 1 000 000 $, c'est beaucoup et, si on dit qu'il faut en remettre 500 000 $, où prend-on le 500 000 $?

M. Mulcair: O.K. Merci pour ça, mais je tiens juste à signaler au ministre et je crois... Certains députés l'ont reçu. Ça me surprendrait que le ministre... Oh! je m'excuse, M. le Président, avant qu'on n'aille plus loin, on vient de demander une copie de la lettre que le ministre a lue tantôt, mais elle n'a pas encore été déposée. La lettre de démission du juge en chef...

M. Bégin: Absolument, je l'ai ici. On pourra en faire photocopie.

M. Mulcair: ...Louis-Charles Fournier.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): S'il vous plaît. Alors, elle va être déposée.

M. Mulcair: Je vais vous lire, M. le Président, juste un extrait d'une lettre de Julie Clermont, directrice du CAVAC de Québec, adressée à mon collègue, Paul-Eugène Quirion, député de Beauce-Sud. «Nous prenons contact avec vous afin de vous sensibiliser à une avenue qui pourrait être fort intéressante en regard du financement des CAVAC. En effet, vous connaissez bien l'action des CAVAC dans votre région et vous êtes également au courant des problèmes de financement via le Fonds d'aide dont les entrées de fonds – les suramendes compensatoires – sont plafonnées depuis quelques années. Nous savons que des discussions sont en cours quant à l'utilisation éventuelle des produits de la criminalité saisis suite à une intervention policière.»

Donc, c'est la suggestion, finalement, qui est faite là. Est-ce que c'est une avenue que le ministre et ses collaborateurs explorent à l'heure actuelle?

M. Bégin: Je ne connais pas la lettre à laquelle vous faites référence.

M. Mulcair: À mon tour, ça me ferait plaisir de vous la donner.

M. Bégin: Remettez-la-moi. J'ai reçu de mes collègues, je dirais...


Document déposé

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Elle est déposée à la commission.

M. Bégin: ...principalement féminines, dont, je pense, ma collègue qui est ici, Céline Signori, une lettre allant dans ce sens-là. Je vous souligne que ma collègue de Vanier, Diane Barbeau, a, je pense, été la première qui a initié ce mouvement qui est extrêmement intéressant. Et je dois vous dire – puis c'est personnel à nos activités dans le parti – que, lors d'un caucus régional, elle a proposé que justement une partie des sommes aille à cette fin-là, et j'ai secondé sa proposition comme telle. Donc, je suis d'accord avec cette approche-là. Maintenant, il faut évidemment déterminer de quelle façon ce sera fait. Il y a des sommes x à percevoir. De quelle manière le fera-t-on? Qui en bénéficiera?

En principe, je trouve que c'est une approche intéressante. Cependant, il faut comprendre que le produit de la criminalité, c'est un crime un soi et c'est quelque chose d'extrêmement complexe. Il faut qu'on détermine tout ça, comment ça va être aménagé. Il faut qu'on ait les personnes. Et il n'y a pas seulement le ministère de la Justice qui est impliqué, mais il y a le ministère de la Sécurité publique. On peut penser aussi qu'il y aurait d'autres ministères, parce que, si on parle prévention, c'est une façon aussi, peut-être, d'utiliser les produits de la criminalité pour empêcher, autour des écoles, que des personnes soient là. C'est important. Si on utilise l'argent du crime pour empêcher que des jeunes ne soient amenés, peut-être, à la drogue ou à d'autres écarts, bien, évidemment, on va en bénéficier, et c'est une bonne utilisation.

Moi, je pense que, de façon générale... Et d'ailleurs le premier ministre avait déjà donné une indication, dans le discours inaugural, là-dessus, qui était basée sur les informations que je viens de vous donner concernant ce qui était pensé par plusieurs députés et par moi-même. Et je dois vous dire que je travaille là-dessus et que j'aurai quelque chose, bientôt, à annoncer.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Est-ce que vous avez fini? O.K. Si vous le permettez, je voudrais revenir à l'engagement 8 concernant le budget alloué au programme des conseillers parajudiciaires auprès des autochtones. Nous avons entendu le juge Coutu qui a plaidé éloquemment, verbalement, mais aussi par son rapport, en faveur d'une justice par et pour les autochtones. Le ministre s'était engagé à donner une suite assez rapide à ce rapport, et on est rendus, quand même, pas mal loin du mois de novembre, je pense, où le plan devait être...

M. Bégin: Non. C'est le moment où il a déposé son rapport.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Mais, immédiatement après, vous avez prévu, en tout cas, donner une suite.

M. Bégin: C'est ça, et je donne déjà suite en partie. Entre autres, je parlais de l'aide juridique, là, qui est apportée. Deuxièmement, il y a un programme de formation qui va commencer. Je vais être vague pour ne pas me faire piéger par votre collègue. Ha, ha, ha!

Mme Houda-Pepin: Non, mais ce n'est pas une question d'être vague; c'est une question d'être précis.

M. Bégin: Non, mais c'est vague pour ne pas donner de date, pour ne pas me faire dire que je n'ai pas respecté ma parole.

Mme Houda-Pepin: Pour l'ensemble du rapport, l'ensemble des recommandations, est-ce que...

M. Bégin: Oui, il y a une étude qui est faite depuis un certain temps, parce que vous comprenez, d'abord, que cette question-là des autochtones est extrêmement importante.

Mme Houda-Pepin: Et complexe, aussi.

M. Bégin: Écoutez, le juge Coutu a pris trois ans pour faire son enquête et bâtir son rapport. Et la raison pour laquelle ça a pris du temps, c'est parce que c'est une affaire extrêmement complexe. Il a pris le temps...

Mme Houda-Pepin: Il a également consulté les communautés autochtones.

M. Bégin: ...de consulter, il a vu les gens et tout ça. Cependant, une fois les recommandations faites, qui sont nombreuses, vous comprenez qu'un ministère, avant de dire oui à chaque chose, doit mesurer l'impact de chaque décision. Prendre une décision qui est populaire, qui est avantageuse, mais avoir une dépense de 5 000 000 $, si vous ne l'avez pas, c'est aussi irresponsable que de la refuser si vous devez l'accorder.

(12 h 20)

Alors, je pense qu'il faut mesurer les impacts budgétaires de chaque chose. Ce n'est pas chose facile, puisque, par hypothèse, nous sommes dans un domaine qui nous est particulièrement étranger. Il faut avoir été vivre quelques minutes dans le Grand Nord pour comprendre que tous nos schèmes de pensée sont tout à fait hors circuit quand on arrive là-bas. Il n'y a rien de commun. Il n'y a rien de pareil. Donc, c'est quand même nous qui devons dire comment on évalue chaque chose. Bien sûr que le juge Coutu a fait un travail, mais il faut quand même l'évaluer.

Alors, on a pris des choses qu'on pouvait relativement facilement mesurer et quantifier. Je vous en donne deux: les mesures de formation... Et ça, je le répète, ça a été fait avec M. Zebedee Nungak, hein, qui est le président de Kativik ou Nunavik, là – je ne sais plus lequel des deux organismes – et ça va carrément dans le sens demandé par le juge Coutu d'avoir des cercles de justice, des personnes qui vont aller dans ce sens-là. Mais, entre vous et moi, quand on a un Code criminel et un Code civil qui disent qu'on procède de telle façon et que, tout à coup, on se dit: Bon, maintenant, on va rendre la justice d'une manière tout à fait, je ne dirais pas illégale, mais tout à fait différente et en dehors de tous nos schèmes de pensée, de quelle façon ça fonctionne? Comment forme-t-on une personne pour devenir membre d'un cercle de justice? En tout cas, je vous pose la question. Si vous avez la réponse, j'apprécierais la recevoir, et par écrit, parce que ce n'est pas évident.

Alors, on fait ça, et donc ça prend un certain temps, j'en conviens, mais il faut le faire avec des ressources limitées. Il faut donc dégager des ressources pour les mettre là, alors qu'elles étaient ailleurs, et on n'en a pas beaucoup, vous le savez aussi. Donc, ce n'est pas évident. Alors, on avance, peut-être pas aussi vite que certains le désireraient, mais je rappelle que ça a pris trois ans pour bâtir un rapport. Alors, on va prendre le temps qu'il faut pour bien cibler nos dépenses et atteindre les meilleurs résultats possible, et j'espère effectivement être capable d'aller plus loin que ce qu'on a fait aujourd'hui, mais ça va prendre du temps.

Et, même si j'ai dit aujourd'hui que je suis d'accord pour faire telle chose, je ne l'ai pas prévue dans mon budget l'année dernière. Ça sera donc dans le budget qui viendra, peut-être, où je pourrai mettre les sommes, et ce budget-là sera disponible au moment où l'année financière commencera. Alors, on est quand même dans un terrain qui est vaste, immense, inconnu, et je pense qu'il faut qu'on aille lentement.

M. Mulcair: Mais, M. le Président, sur ce même sujet, je me permets juste de rappeler que non seulement on est dans une époque évidemment, tout le monde le sait, de ressources limitées, mais aussi faut-il savoir où on met nos priorités. Et, dans un autre domaine d'administration de la loi, une des collègues du ministre de la Justice, Mme Beaudoin, est en train de dépenser nettement plus que ce que le juge Coutu nous a dit être le coût, ici, pour réinstaurer le «vocabulary constabulary». Alors, la question...

M. Bégin: On dépense...

M. Mulcair: ...est vraiment de savoir...

M. Bégin: ...37 000 000 000 $ au Québec...

M. Mulcair: ...où on veut dépenser notre argent.

M. Bégin: On dépense 37 000 000 000 $ par année, au Québec, en matière d'administration générale. Je suis sûr que, pour former votre conseil, il y a toujours de l'argent. Mais il y en a pour chaque chose comme ça: il y a toujours de l'argent pour l'éducation, il y a toujours de l'argent pour la santé, il y a toujours de l'argent pour la justice...

M. Mulcair: Question de priorités.

M. Bégin: ...mais on ne peut pas tout faire.

M. Mulcair: Dites ça à Mme Beaudoin.

Mme Houda-Pepin: Bon. Quand même, je voudrais...

M. Bégin: Bien, elle a fait ce qu'elle croyait devoir être fait.

Mme Houda-Pepin: ...convenir avec vous d'un point: l'adaptation institutionnelle est un processus à long terme. Donc, quand on demande au système de justice de s'adapter à la réalité autochtone, de ce côté-là, on comprend ce que cela peut prendre. Cependant, tout est question de priorités. Je crois qu'il y a un élément très important dans le rapport du juge Coutu qu'il faudrait considérer, c'est le fait que les communautés autochtones elles-mêmes ne rejettent pas le système de justice québécois. Elles veulent l'adapter à leur réalité, et ça, c'est un atout parce que, généralement, quand on tombe sur des nations qui ne veulent rien savoir de nos institutions, c'est beaucoup plus difficile. Je pense que c'est très important de jouer sur ça parce que c'est très favorable...

M. Bégin: Votre commentaire est très pertinent. Il faut, comme je le disais tantôt, avoir vu comment ça se déroulait pour savoir que c'est important qu'ils ne la rejettent pas. Ce qui m'étonne, c'est que, compte tenu de ce que nous avons fait jusqu'à aujourd'hui – et là je nous mets tous dans le même bain – je ne comprends pas pourquoi il n'y a pas eu plus de questionnement, parce que c'est incroyable de voir comment ça procède. On arrive avec nos gros sabots dans des communautés qui vivent selon des méthodes tout à fait différentes, des communautés de 200 personnes qui vivent isolées 364 jours par année, quand ce n'est pas pendant deux ans. Ils ne comprennent pas notre système, et ça se fait d'une autre manière...

Mme Houda-Pepin: En fait, ils...

M. Bégin: ...mais ils le respectent. Mais j'ai eu le sentiment aussi, des fois, qu'ils ne comprenaient pas ce qui se passait devant eux.

Mme Houda-Pepin: Mais c'est normal. Tout ça relève de l'adaptation dont je vous ai parlé. Et il faut aussi dire qu'il y a des choses qui sont semblables, mais il y a des choses qui sont différentes.

M. Bégin: Beaucoup.

Mme Houda-Pepin: Donc, il faut travailler sur ce qui est commun et essayer d'amoindrir les différences au maximum pour que tout le monde se retrouve là-dedans.

Je vais très vite, M. le Président, car le temps passe. À l'engagement 10 concernant le contrat d'entretien du logiciel qui a été accordé à Computer Associates International inc., à New York – et je fais le lien avec l'item 13 qui a été également accordé à cette compagnie – pourquoi est-ce qu'on donne un contrat d'entretien du logiciel à une compagnie américaine? Est-ce que c'est parce qu'on n'a pas les compétences ici? Ça touche quand même un montant de 65 000 $.

M. Bégin: Je vais vous dire, ce qui m'étonne, c'est qu'on l'ait acheté en 1986, le système. La question, c'est: Pourquoi, en 1986, avons-nous acheté, à New York, un logiciel? Bon, je ne veux pas questionner, mais, une fois que nous l'avons acheté, il faut vivre avec. Comme disait votre collègue tout à l'heure, 10 ans en matière informatique, c'est passer de l'âge de la pierre, je ne sais pas, moi, au monde moderne. Mais, des fois, en cours de route, si on n'a pas fait certaines mutations, on se retrouve avec les systèmes qu'on a. On ne peut pas les remplacer, il faut donc les entretenir. Mais la dernière phrase, elle est là: C'est qu'il y a peu de gens qui peuvent le faire et, dans ce cas-ci, la Direction des ressources informationnelles a négocié directement avec la firme Computer Associates, car c'est la seule firme à faire l'entretien de ce logiciel. Il n'y a plus personne qui fait ça, il n'y a plus personne qui l'a. Alors, on est pris...

Mme Houda-Pepin: D'accord.

M. Bégin: ...lié de cette façon-là.

Mme Houda-Pepin: Alors, c'est l'explication, car je voulais savoir si c'était vraiment dans le contrat. Le fait qu'il ait été acheté en 1986 à New York, peut-être que c'était le système le plus performant à ce moment-là.

M. Bégin: Je ne tire pas de roches. Tirez-en pas. Ha, ha, ha!

Mme Houda-Pepin: Non, non. Moi, non plus.

M. Mulcair: M. le Président, une dernière question concernant l'item 22. L'item en question prévoit un contrat de services professionnels dans le domaine juridique afin de rédiger une opinion dans un dossier portant sur certaines questions relatives aux autochtones. Contrat confié à Me François Aquin qui est une personne, comme on l'a vu, qui reçoit bon nombre de contrats et de mandats du ministère. Est-ce que le ministre peut nous indiquer quand ce mandat a été confié à Me Aquin?

M. Bégin: La date: 12 juillet 1995.

M. Mulcair: Et quelle est la nature du mandat?

M. Bégin: Extrêmement importante. Il s'agissait de la question du statut d'agent de la paix des Peacekeepers de Kahnawake, qui était susceptible, à ce moment-là, d'être contesté devant les tribunaux à la suite d'une plainte privée, logée par un Mohawk contre les Peacekeepers. Donc, on comprend que c'est un autochtone contre les Peacekeepers mohawks pour arrestation illégale et voies de fait. Alors, il fallait savoir...

Et je souligne quelque chose de très particulier: dans ce cas-ci, c'est à la demande même du juge appelé à trancher ce dossier, qui a demandé au Procureur général de lui faire une opinion portant sur cette question-là du statut juridique des Peacekeepers. Je ne dévoilerai pas le contenu de cette opinion, vous en conviendrez, mais c'était sur cette question importante. Je vous rappelle que la plainte a été retirée. Donc, tout ça a disparu du décor comme tel, mais l'opinion fondamentale a été émise.

M. Mulcair: Bien, vous me pardonnerez juste d'essayer de comprendre le propos du ministre. Il a dit qu'il ne dévoilerait pas le contenu...

M. Bégin: Les opinions juridiques, on ne les dévoile pas.

M. Mulcair: ...mais, si c'est une opinion juridique qui a été fournie à un juge à la demande d'un juge...

M. Bégin: Non, elle n'a pas été fournie. Alors, M. le sous-ministre, si vous le permettez.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Un instant! Il y a un élément dont j'aimerais convenir. On a une limite temporelle.

M. Mulcair: On va le respecter. Juste une petite réponse.

M. Bégin: Non, non, on va prendre le temps qu'il faut pour répondre.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mais, si vous voulez, on peut mutuellement convenir de prendre quelques minutes.

M. Mulcair: Bien, juste pour avoir cette réponse-là.

M. Bégin: Oui, je pense qu'il faut qu'on donne une réponse.

M. Mulcair: J'aimerais bien comprendre, parce que, si ça été demandé par un juge et donné à un juge, je trouve que c'est du domaine public.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le sous-ministre.

M. Mulcair: Ça se fait tout seul.

(12 h 30)

M. Bouchard (Michel): Je vais m'y habituer, M. Mulcair. En fait, le ministre a déclaré, au début de sa réponse, qu'il s'agissait d'une plainte privée. Au départ, le Procureur général n'intervenait pas au dossier. Vu les moyens de droit ou le point de droit soulevé par une des parties dans cette affaire qui contestait la compétence aux agents de la paix de Kahnawake d'agir à titre d'agents de la paix, le juge a demandé au Procureur général d'intervenir au dossier et pas nécessairement de lui fournir une opinion, parce que le juge se forge lui-même ses propres opinions.

Mais il a demandé au Procureur général d'intervenir, et, pour intervenir, nous avons demandé Me Aquin, en raison de la complexité de l'affaire surtout, mais aussi parce que nous voulions avoir une deuxième opinion. Nous avions déjà, avec nos officiers, nos procureurs, émis une opinion, mais nous voulions également obtenir une deuxième opinion, comme ça nous arrive à l'occasion, très rarement. Et nous voulions obtenir cette opinion de la part de quelqu'un qui oeuvre dans le domaine privé donc pour que, si nous avions eu à tenir une position en tant que Procureur général, nous puissions faire valoir qu'elle provenait des avocats et d'un avocat chevronné également.

M. Mulcair: Merci beaucoup.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce que vous avez d'autres points?

M. Mulcair: Non, c'est bon.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, est-ce que les engagements financiers de juin sont vérifiés?

M. Mulcair: Vérifié.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Pour juillet, nous n'avions aucun engagement financier.

Alors, avant de terminer, j'aimerais, d'une part, remercier les membres de la commission, mais aussi remercier les gens du ministère de la Justice pour la diligence avec laquelle ils nous fournissent mensuellement les engagements financiers de même que la qualité de l'information fournie, de même que la diligence aussi à répondre à nos questions qu'on a pu poser antérieurement. Je tenais à le souligner parce que ce n'est pas toujours évident pour l'ensemble des ministères et organismes de nous le fournir rapidement, et, nous, comme parlementaires, il nous apparaît important de l'avoir assez rapidement. Même si on ne peut pas siéger très souvent, on a au moins la possibilité de suivre ce qui se passe. Alors, je tenais à vous remercier.

Alors, les engagements...

Une voix: Et on a un sous-ministre très heureux...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: On va voir ça cet après-midi...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Sur ce, nous suspendons nos travaux jusqu'à 14 heures cet après-midi. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

(Reprise à 14 h 12)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Nous allons maintenant débuter la séance de cet après-midi. Je rappelle le mandat de la commission: entendre le sous-ministre de la Justice conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics.

M. le secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements cet après-midi?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Beaulne (Marguerite-D'Youville) est remplacé par M. Morin (Nicolet-Yamaska).


Audition du sous-ministre de la Justice conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Au niveau du déroulement de la séance, habituellement, lorsque nous entendons les sous-ministres et présidents d'organismes, nous leur permettons d'abord une présentation orale suivie d'échanges avec les membres de l'Assemblée nationale. Alors, nous vous proposons ce mode de fonctionnement. Il est convenu que nous avons jusqu'à 18 heures, cet après-midi, pour poursuivre nos échanges. Rien ne nous oblige cependant à durer jusqu'à 18 heures, si les questions sont toutes répondues auparavant, mais nous avons donc quatre heures à notre disposition pour remplir notre mandat.

Alors, je demanderais à M. le sous-ministre Bouchard d'identifier, pour les fins du Journal des débats , les gens qui l'accompagnent et, lorsque certains collaborateurs ou collaboratrices auront à intervenir, je leur demanderais, d'entrée de jeu, de s'identifier aussi.


Exposé du sous-ministre, M. Michel Bouchard

M. Bouchard (Michel): Très bien.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, vous avez la parole, M. Bouchard.

M. Bouchard (Michel): Merci, M. le Président. Alors, mes premiers mots seront pour saluer les membres de cette commission. C'est une première, pour le sous-ministre de la Justice et les sous-ministres associés, de se conformer aux dispositions de la Loi sur l'imputabilité. J'aimerais d'abord, dans un premier temps, me présenter. Mon nom est Michel Bouchard, je suis sous-ministre de la Justice en titre depuis juin 1993, alors qu'on m'a demandé d'occuper les fonctions en titre par intérim; j'ai été confirmé dans ces fonctions en juin 1994. Auparavant, j'ai agi comme sous-ministre associé aux affaires criminelles pour le même ministère, de 1988 à 1993. Ma carrière s'est déroulée entièrement au sein de la fonction publique, au ministère de la Justice, où j'ai agi comme procureur de la couronne dans le district de Québec.

Je suis accompagné, cet après-midi, des membres du conseil de direction. J'aimerais d'abord présenter mon premier collaborateur au bureau du sous-ministre, Me Legendre, qui agit comme secrétaire du ministère, chef de cabinet; et, à ma droite, vous avez Me Jean-K. Samson, sous-ministre associé à la Direction des affaires législatives et juridiques. J'aurai l'occasion d'élaborer davantage, dans quelques instants, sur la mission et les responsabilités de cette direction générale.

J'ai également, à ma gauche, M. Rodrigue Desmeules, qui agit comme sous-ministre associé au personnel et à l'administration, et, à mon extrême gauche, Me Gaétan Lemoyne, qui agit comme sous-ministre associé aux services de justice qui regroupent maintenant les bureaux d'enregistrement. Il manque, cet après-midi, M. Mario Bilodeau, qui agit comme sous-ministre associé à la Direction des affaires criminelles et pénales, qui est actuellement retenu par un comité de gestion avec ses principaux collaborateurs.

Mes premiers mots seront d'abord – et peut-être que vous souffrirez d'un peu de scepticisme en entendant ces paroles – pour dire que nous sommes très heureux, mes collaborateurs et moi, d'être présents devant vous cet après-midi, et je le dis sincèrement. Vous savez, lorsqu'on reçoit, comme moi, une lettre au début de l'été pour nous aviser que cette commission veut entendre le sous-ministre de la Justice pour répondre de son administration, il s'installe une certaine insécurité chez l'individu, surtout si c'est une première.

Mais, au fil des semaines et en préparation de cette rencontre, nous réalisons que c'est une occasion assez extraordinaire non seulement de nous permettre de vous exposer nos visions de la façon dont nous entendons mener ce ministère, mais également de recueillir de la part des membres de cette commission des remarques qui feront en sorte que nous nous améliorerons dans notre fonctionnement et que nous serons plus à l'écoute des citoyens, parce que ces mêmes citoyens, souvent, interviennent auprès de vos bureaux ou de vous-mêmes pour rétablir des situations. Je pense que c'est une occasion assez importante et très valable de permettre aux fonctionnaires du ministère de pouvoir répondre à vos questionnements, mais également de vous exposer davantage le fonctionnement d'un ministère comme celui de la Justice.

On vous a remis quelques documents, ce qui va me permettre d'être assez bref dans ma présentation. On m'a dit qu'on pouvait disposer d'une vingtaine de minutes; j'utiliserai, au maximum, une dizaine de minutes et je sais très bien qu'il y en a déjà quelque deux minutes d'écoulées environ. Alors, ça sera très bref parce que vous avez devant vous de la documentation qui nous est apparue être importante. D'abord, le rapport annuel vous a été transmis, un extrait de la Loi sur le ministère de la Justice, le plan stratégique pour les deux dernières années ainsi qu'un document qui concerne le Comité ministériel sur l'organisation du travail. Nous n'avons pas voulu vous inonder de matériel et de statistiques. Par contre, si au hasard de votre préparation ou encore à l'expérience que nous vivrons cet après-midi, vous constatez qu'il manque des choses, nous nous engageons à vous les fournir, mais surtout à être encore mieux préparés pour les prochains exercices du même genre que nous pourrions tenir dans les prochains mois ou années.

Très rapidement, je vais vous rappeler la mission du ministère. Je ferai ensuite un survol très rapide des modifications structurelles et fonctionnelles, pour ensuite vous parler des efforts de rationalisation que nous avons dû rencontrer dans les derniers mois et années. Je vous présenterai, de façon un peu plus précise, comme je vous le disais, les missions des directions générales et vous ferai part de notre humble et courte... assez rapidement, de notre vision de ce que devrait être, au niveau administratif, le fonctionnement du ministère de la Justice.

Je vous rappelle juste que les informations sont plus complètes dans le rapport annuel aux pages 9 et suivantes. Vous connaissez d'abord la mission, les enjeux et les particularités du ministère de la Justice. Le ministre agit comme Procureur général et registraire du Québec; il est également le jurisconsulte du gouvernement, mais, surtout, il est responsable des autres fonctions d'ordre général non expressément attribuées à un autre ministre. Et ça va de la responsabilité qui lui incombe au niveau du Code civil à également de choses que j'ai découvertes moi-même dans les derniers mois: nous sommes responsables, par exemple, de la Loi sur le drapeau officiel, et tout ce qui n'est pas confié à un ministre l'est, en théorie, au ministre de la Justice, Procureur général.

Vous connaissez certainement mieux les fonctions quotidiennes du ministère dans l'administration de la justice, la gestion que nous devons faire d'un réseau assez étendu, notamment au niveau des bureaux de la publicité des droits. Nous assumons la représentation du gouvernement dans tous les dossiers devant les tribunaux en matière civile et également nous assumons la poursuite des infractions au Code criminel et aux lois pénales provinciales du Québec. En tout, il s'agit de l'application de 73 lois ou parties de lois et de 200 règlements auxquels nous devons apporter notre attention.

(14 h 20)

Vous le savez plus que nous, les défis sont de taille. Vous êtes appelés régulièrement à légiférer et donc à vous prononcer sur certaines réformes. Je vous rappelle que nous avons eu, parmi ces défis de taille, à revoir, en collaboration évidemment étroite avec le ministre de la Justice, la révision du système d'aide juridique dans les dernier mois; nous entreprenons maintenant la réforme des tribunaux administratifs. Il nous est confié également la responsabilité de procéder à l'examen de réformes dans d'autres secteurs qui concernent l'administration de la justice. Nous allons bientôt aussi présenter au gouvernement nos idées et nos réflexions sur ce que devraient être l'administration et la disposition des biens saisis et des produits de la criminalité.

Ce n'est qu'un aperçu peu exhaustif des travaux qui sont actuellement en chantier au ministère. Tous ces travaux s'effectuent dans un contexte assez particulier qui est, je pense, propre au fonctionnement du système judiciaire. Nous devons oeuvrer et être au soutien d'une entité, qui s'appelle la magistrature, qui, elle, est autonome dans l'administration de la justice. Juste pour vous donner un exemple, nous avons à gérer le personnel de soutien de ces mêmes magistrats au niveau administratif, mais nous n'avons pas à leur indiquer de quelle façon ils devront effectuer ce travail; cela incombe aux magistrats, aux juges.

Donc, nous oeuvrons dans un contexte particulier où nous n'avons également aucun contrôle sur les services à rendre. Le citoyen qui a besoin de justice s'adresse aux tribunaux et n'a pas à demander s'il y a de la place pour lui; nous devons lui en trouver. Nous ne fixons pas de quotas annuels où, passé tel chiffre, il ne nous sera plus possible de procéder à des mises en accusation en matière criminelle ou pénale; nous prenons les dossiers qui nous sont amenés. Tout ce fonctionnement doit se faire par le biais d'un réseau décentralisé dans tout près de 60 points de services au Québec et qui comprend tout près de 3 500 fonctionnaires, et employés permanents et occasionnels.

Nous avons dû vivre, comme tous les ministères et organismes, depuis quelques années, des modifications structurelles et fonctionnelles qui ont amené, par exemple, des résultats importants et nécessaires au niveau des compressions budgétaires. Les crédits autorisés du ministère de la Justice, qui étaient de 260 400 000 $ en 1994-1995, sont maintenant de 249 500 000 $ en 1996-1997, et je ne traite que des chiffres et des budgets qui ont trait aux secteurs relevant de la responsabilité du sous-ministre de la Justice. Ceci exclut donc les fonds spéciaux.

Depuis 1994-1995, nous avons connu une diminution de 4,2 % de l'enveloppe budgétaire et de 15 % de l'enveloppe des effectifs. La même loi qui nous amène devant vous cet après-midi prévoyait, à l'origine, une réduction des effectifs dans la fonction publique de l'ordre de 12 % pour le taux d'encadrement et de 20 % pour le taux de réduction des autres personnels. Nous avons non seulement rencontré ces objectifs, mais nous avons dû largement les dépasser pour rencontrer les compressions budgétaires qui nous affectaient.

En même temps, il nous a fallu modifier de façon importante la structure du ministère telle que nous la connaissions il y a trois ans. De six directions générales, nous sommes maintenant passés à quatre pour les besoins de fusion et de rendement, également pour une meilleure administration, selon nous, de la justice. Cinq organismes sont demeurés sous la responsabilité du ministère de la Justice depuis les modifications apportées par le gouvernement en début d'exercice du mandat du premier ministre. Ce sont la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, la Commission des services juridiques, l'Office des professions, le Fonds d'aide aux recours collectifs et la Société québécoise d'information juridique; s'est ajouté un organisme, sous la responsabilité du ministère de la Justice, qui est la Commission des affaires sociales.

Je vous précise cependant que le sous-ministre de la Justice peut difficilement répondre de l'administration de ces organismes que je viens de citer, puisqu'ils relèvent entièrement de l'autorité du ministre et non pas du sous-ministre de la Justice. Il me fera cependant plaisir de répondre, dans la mesure de mes moyens, à certaines questions, de prendre note de certaines questions que vous pourriez avoir et de demander, par le biais des responsables, de ces présidents d'organismes, de vous fournir les réponses. Je pense que vous aurez également l'occasion de les rencontrer, tout comme notre équipe cet après-midi.

Donc, brièvement, toutes ces décisions prises dans un contexte budgétaire difficile ont été rendues nécessaires, vous le comprendrez, mais l'accent – et ça a été important pour nous – a toujours été mis sur le maintien des services de première ligne à la clientèle. Nous avons dû innover – nous aurons l'occasion d'en parler, j'imagine, de façon plus particulière cet après-midi – nous avons dû introduire de nouveaux programmes au ministère de la Justice; nous avons dû, de façon plus exhaustive, mais de façon aussi très rapide, utiliser de nouvelles méthodes pour servir la population. Je fais référence, notamment, au programme de non-judiciarisation sur lequel je vous invite à poser des questions cet après-midi, puisque vous êtes susceptibles de voir les gens de vos comtés vous poser des questions. Le programme, qui a démarré l'an dernier, fonctionne très bien, mais est encore, à mon avis, peu connu de la population.

Nous avons dû instaurer des projets-pilotes tels la télécomparution dans certains palais de justice, notre objectif étant d'étendre la télécomparution dans tous les points de services le plus rapidement possible. Nous avons demandé et obtenu du législateur qu'il procède à des modifications au Code de procédure pénale pour permettre la signification des procédures par courrier ordinaire. Nous avons formulé les mêmes demandes au niveau de modifications au Code de procédure civile pour également permettre la signification par la poste ordinaire. Tout ça pour permettre des économies substantielles au niveau des coûts de justice. Nous avons aussi évidemment procédé à une rationalisation importante des espaces locatifs, des espaces administratifs du ministère. Les mesures qui ont été prises dans les derniers mois nous amèneront à des économies totalisant tout près de 1 300 000 $ pour les prochains mois.

Nous devons évidemment faire une gestion plus serrée des moyens qui sont mis à notre disposition. Tout en faisant une gestion plus serrée de ces ressources, nous avons l'impression que nous allons être encore plus performants dans certains secteurs d'activité où, raison d'État obligeant, compressions budgétaires et besoins de revenus le nécessitant, nous allons être plus performants dans la collecte des revenus que le gouvernement est en droit d'attendre, notamment au niveau de la perception des amendes où nous avons mis en vigueur des processus, dans les derniers mois, nous permettant d'être mieux outillés pour collecter les revenus dus au gouvernement.

Donc, dans les dernières minutes de cette présentation, je reviens sur chacune des directions générales, très brièvement. Je vous ai présenté, tout à l'heure, Me Samson. Me Samson est à la tête d'un effectif de 441 personnes. Il est responsable, plus particulièrement, d'une quinzaine de directions d'affaires juridiques présentes dans certains ministères et également de deux directions de contentieux, à Québec et à Montréal. Cette portion ou cet aspect de ses responsabilités, puisqu'il a hérité du fonctionnement de deux directions générales dans les derniers mois, fait qu'il est donc, vous le savez, à la tête de ce que j'appellerais le plus gros bureau d'avocats au pays, puisque la responsabilité de Me Samson s'étend à plus de 700 juristes au gouvernement, de façon directe et indirecte. Il est également celui qui a à voir, avec l'ancienne Direction des affaires législatives regroupée maintenant avec la Direction des affaires juridiques, à améliorer et à promouvoir la qualité et l'accessibilité des lois et des règlements émanant du ministère de la Justice et de l'ensemble des ministères.

Me Gaétan Lemoyne, à l'extrême gauche, est le grand patron des services judiciaires qui regroupent maintenant les bureaux d'enregistrement, tout le soutien à la magistrature et tout l'appareil nécessaire pour épauler les intervenants en matière d'administration de la justice dans les palais de justice. Pour l'aider dans sa gestion, il dispose de six directeurs régionaux. Me Lemoyne a été l'artisan, comme vous le savez, de la fusion de ces deux grandes directions générales qui forment maintenant une seule direction qui a dans ses rangs 2 008 personnes, ou postes, ou équivalents temps complet, ce qui exclut les 481 postes du Fonds des registres.

Me Bilodeau, qui, malheureusement, n'est pas présent, est à la tête de la Direction des affaires criminelles et pénales. Et 569 personnes oeuvrent dans cette direction générale qui, particulièrement, est responsable de la poursuite dans toutes les affaires criminelles et pénales en province. Les 569 effectifs se divisent en proportion à peu près égale entre procureurs de la couronne et personnel de soutien.

Me Desmeules, à qui on a demandé de procéder à la majeure partie des rationalisations effectuées au niveau, entre autres, des espaces locatifs, est le grand responsable, le grand argentier du ministère, celui à qui on se confie lorsqu'on a besoin de voir à des budgets pour certaines activités du ministère. Il est épaulé par des directions qui sont celles des ressources humaines, des directions financières, matérielles et informationnelles. En fait, il y a trois directions à l'intérieur de cette direction générale, pour un effectif total de 209 personnes.

(14 h 30)

Depuis le 1er avril 1996 – je terminerai là-dessus – l'effectif total du ministère comprend donc cinq postes d'administrateurs, qui sont presque tous devant vous parce qu'il en manque un, 168 postes d'encadrement et tout près de 3 560 postes de fonctionnaires. Au cours de l'exercice budgétaire 1995-1996, on a assisté à 172 départs, soit une proportion de 4 %, ce qui est la proportion la plus basse enregistrée au cours des cinq dernières années. Là, je vous parle uniquement des personnes qui sont parties volontairement, soit par retraite, soit par mutation, etc. Ce chiffre qui est bas, de 4 %, reflète bien la situation actuelle, c'est que les fonctionnaires hésitent à quitter dans le contexte de la rareté des ressources. Nous avons donc constaté ce phénomène dans les derniers mois.

Ce qui peut peut-être vous intéresser: parmi les personnes touchées par les mesures de rationalisation, de réduction d'effectifs – on parle beaucoup de postes retranchés, mais une bonne partie de ces postes-là étaient vacants – cinq personnes demeurent à être remplacées parmi les 26 qui ont été touchées par les mesures de réduction des effectifs en 1995-1996. Depuis le 1er avril 1996, 59 personnes, chez nous, ont été mutées à l'Office des ressources humaines. Vous constatez donc que le ministère de la Justice est en pleine mutation et devra faire appel de plus en plus à la responsabilité des justiciables et des intervenants de la justice. Et le partenariat, chez nous, sera de plus en plus une formule développée et utilisée.

J'aimerais terminer cette courte allocution en ne négligeant pas d'adresser mes remerciements à tous les employés du ministère de la Justice, à tous les fonctionnaires qui oeuvrent au ministère de la Justice, puisque tous ces efforts qui ont été faits dans les derniers mois et qui continuent à être faits l'ont été grâce à ces personnes qui oeuvrent, pour la plupart, depuis bon nombre d'années au ministère, qui ont, en fait, parce qu'ils sont les gens qui sont sur la première ligne, au service direct à la clientèle, à augmenter leur charge de travail et à répondre devant la population d'une saine administration de la justice. Et je pense que c'est mon devoir aujourd'hui de leur présenter non seulement les remerciements du conseil de direction du ministère, mais de souligner devant vous l'efficacité et le haut professionnalisme avec lesquels ils s'acquittent de leur tâche quotidiennement.

Alors, je vous remercie. Je suis à votre disposition ainsi que mes collaborateurs pour répondre à toutes les questions que vous voudrez bien aborder dans le cadre de cet exercice cet après-midi.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le sous-ministre. Alors, M. le porte-parole de l'opposition officielle.


Discussion générale

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je peux retourner les bons mots de M. Bouchard et lui souhaiter la bienvenue ainsi qu'à ses proches collaborateurs et à sa collaboratrice.

Je dois dire que je déplore l'absence de Me Mario Bilodeau. Je trouve tout à fait inadmissible son absence cet après-midi, surtout que la date était connue depuis un moment et que ce n'est pas parce qu'il est à Tombouctou, mais c'est parce qu'il est dans une réunion à caractère bureaucratique. Il est aussi très connu que les membres de l'opposition ont de vives inquiétudes avec le fait qu'un ancien avocat des Hell's Angels soit dans une position où c'est lui qui est le patron des procureurs de la couronne. On aurait eu certaines questions à lui poser à cet égard-là, mais évidemment, M. le Président, c'est Me Bouchard qui est le sous-chef du gouvernement et ces questions-là vont devoir s'adresser à lui.

Mais, pour notre part – on a déjà eu l'occasion de le dire très publiquement – on n'est pas persuadés que, sur les 17 000 avocats de la province de Québec, c'est le seul et unique individu qui pouvait correctement occuper cette fonction. Même si je ne mets aucunement en doute sa crédibilité ni sa compétence personnelle, je pense que parfois, en matière de justice, les perceptions sont au moins aussi importantes, et il y avait sans doute d'autres occupations qu'on pouvait trouver pour Me Bilodeau.

Par ailleurs, je dois aussi dire que c'est le deuxième exercice auquel cette commission se livre en deux jours avec un ministère ou un organisme et que c'est la deuxième fois que je constate avec énormément de regret qu'il n'y a pas une seule femme présente dans la haute direction, contrairement à la situation qui prévalait aussi récemment que le printemps 1994. Lorsque vous avez pris, M. Bouchard, votre fonction de sous-ministre, il y avait deux femmes sous-ministres au ministère de la Justice; aujourd'hui, il n'y en a aucune.

Et, à mon sens, avec la réalité que la majorité des diplômés en droit depuis plusieurs années maintenant sont des femmes, avec le fait que la magistrature commence à être bien représentative de cette réalité, je trouve vraiment regrettable et difficilement explicable qu'un ministère aussi important que le vôtre n'ait encore aucune femme. Je sais que ce n'est pas vous nécessairement qui êtes le seul à regarder ces choses-là, mais il me semble que ça fait partie de vos attributions de s'assurer que non seulement la lettre, mais l'esprit de la Charte des droits et libertés de la personne qui prévoit l'égalité justement soient respectés dans le ministère qui est appelé à appliquer cette loi de base dans notre société.

Je dois aussi, M. le Président, adresser mes remerciements à des gens qui nous ont aidés cet après-midi, parce que l'exercice auquel on participe cet après-midi, en vertu de la loi 198, est un exercice de collaboration de tous les élus, une manière justement de vérifier comment ça marche dans les différents ministères et organismes. C'est un exercice d'imputabilité. Ce caractère neutre de l'exercice est bien reflété par le fait que de la documentation a été préparée par Mmes Suzanne Langevin et Micheline Nadeau, de la Bibliothèque de l'Assemblée nationale, Service de la recherche. Les fiches synthèses sur les divers ministères et organismes, et, notamment, dans le cas qui nous occupe, le cas du ministère de la Justice, sont excellentes. C'est vraiment un très bon travail de recherche qui a été préparé à l'intention de l'ensemble des élus, et je tiens publiquement à les remercier pour leur très bon travail; ça nous est précieux, ça nous aide énormément dans le travail important qu'on est en train d'accomplir aujourd'hui.


Mise en oeuvre de la Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels

La première question, M. le Président, que j'avais pour Me Bouchard concerne une loi qui a été adoptée en décembre 1993 et qu'il connaît fort bien, c'est le projet de loi 106, Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Me Bouchard, je vous réfère à une note de service que vous avez écrite, le 16 mars 1994, en vue d'une réunion du conseil de direction sur le projet de mise en oeuvre de la loi. Dans la note que vous avez envoyée à vos proches collaborateurs au ministère, vous avez dit, en ce qui concerne les impacts, la chose suivante: «La réforme des programmes d'aide et d'indemnisation aura un impact important sur les coûts de ces programmes. Les modifications apportées au régime permettront de stabiliser les coûts des prestations versées aux victimes et de générer, dès la troisième année de mise en opération, des économies récurrentes. Tout retard dans la mise en oeuvre de la loi ne pourra que diminuer les économies qui pourraient totaliser près de 24 000 000 $ au cours des six premiers exercices. La mise en oeuvre de la loi permettra, par le paiement d'indemnités forfaitaires plutôt que de rentes, de freiner la croissance des coûts du régime», etc. Vous avez expliqué, par ailleurs, dans la même note, que «le ministère devrait procéder aux investissements nécessaires à la réalisation du projet. Les coûts d'implantation de la réforme, tels qu'illustrés, sont de l'ordre de 1 616 000 $ sur deux ans, dont 465 000 $ en 1994-1995.»

Est-ce que vous pouvez expliquer aux membres de la commission des institutions comment il se fait que ces importantes économies n'ont jamais pu être réalisées faute d'application du projet de loi 106 telle que prévue en 1994?

M. Bouchard (Michel): Merci, M. le Président. M. le député, vous référez à un document que je n'ai pas avec moi cet après-midi et vous en avez lu quelques extraits. J'aimerais vous dire que le projet de loi, qui est devenu maintenant loi, qui a été voté à l'Assemblée nationale en 1993 prévoyait une réforme de l'indemnisation des victimes d'actes criminels et prévoyait également, pour sa mise en application – pas à l'intérieur du corps de la loi, mais dans les faits – un travail important de modifications au niveau du système informatique et ça nécessite des budgets importants qui n'ont pu, jusqu'à maintenant, être identifiés au sein du ministère de la Justice.

Le ministre a eu l'occasion de répondre de cette question à quelques reprises dans le passé et de faire valoir que la mise en application de cette loi-là devait se faire lorsque toutes ces modifications auraient été terminées. Or, l'identification des budgets pouvant mener à la mise en application ayant été faite, il a été décidé, pour l'instant, de surseoir à la mise en application. Mais, entre-temps, il a été demandé aux fonctionnaires, à partir des informations non seulement contenues dans les rapports qui ont mené à l'adoption de ce projet de loi, mais à partir d'autres analyses, de revoir s'il n'y aurait pas lieu de mettre en application plus rapidement la loi, mais avec des modifications de nature à entraîner des économies budgétaires dans le contexte que nous connaissons actuellement. Et ce sont les raisons pourquoi jusqu'à maintenant, les mesures qui avaient été envisagées à l'époque n'ont pu être mises en application.

(14 h 40)

M. Mulcair: M. le Président, la loi 106 a été adoptée unanimement à l'Assemblée nationale, en décembre 1993. La loi vise à accroître les services à la population, à des clientèles vraiment vulnérables. Par exemple, auparavant, on regardait seulement la compensation pour les dommages, les torts physiques causés par un acte criminel. Là, on prévoyait, par exemple, une aide pour les séquelles, souvent tout aussi graves, d'ordre psychologique. Ça, c'est apporter une aide à la population, aux clientèles.

Me Bouchard, lorsque vous avez fait votre présentation d'ouverture, vous avez parlé beaucoup de compressions, vous avez parlé beaucoup de rationalisation. Mais je m'explique mal comment ça se fait qu'une loi dûment votée par l'ensemble des élus de l'Assemblée nationale fasse maintenant l'objet d'une décision d'ordre administratif. Et encore si on parlait juste d'une dépense sans autre aspect, même si je ne n'étais toujours pas en accord avec le fait que l'administration bloque l'application d'une loi, je comprendrais au moins qu'il y a une certaine logique dans la démarche. Je me dirais: Ils sont serrés budgétairement, ils ne peuvent pas. Mais c'est vous-même qui dites que ça coûte 1 600 000 $ pour la mettre en application et qu'on peut prévoir des économies de l'ordre de 24 000 000 $ sur six ans. Alors, là, c'est tout ce discours d'ouverture.

Je comprends que tous les ministères sont appelés à faire des efforts, puis vous m'avez entendu, ce matin, dire très clairement et honnêtement au ministre que, lorsqu'on procède à des fusions administratives, lorsqu'on procède à des économies dans la machine, dans l'appareil, et qu'on n'affecte pas les services à la population, de notre côté, on va toujours applaudir. On va dire bravo! C'est comme ça qu'on sauve de l'argent; ce n'est pas en coupant les services à la population.

Mais, ici, on a l'occasion rêvée de faire d'une pierre deux coups: et de sauver 24 000 000 $ sur six ans et de rendre un meilleur service à nos clientèles. Et je vous le dis, juste entre parenthèses: Vous n'avez pas dit un mot des clientèles dans votre discours d'ouverture. Vous nous avez parlé beaucoup de compressions et de rationalisation. Alors, je ne comprends pas, comme élu, comment ça se fait qu'une loi dûment votée fasse maintenant l'objet d'un tel arrêt, d'un tel freinage de l'appareil administratif. Essayez d'aller plus loin dans votre explication, parce que je ne la comprends toujours pas.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le sous-ministre.

M. Bouchard (Michel): Merci, M. le Président. M. le député, peut-être que je n'ai pas été assez insistant dans mes propos d'ouverture sur, comme vous dites, la clientèle, mais c'était dans un souci de ne pas prendre plus de temps qu'il n'en était requis pour une présentation d'un ministère que vous connaissez très bien, vous et vos collègues, et vous permettre de poser des questions. Mais j'avais en tête que nous avions quatre heures devant nous et que nous aurions amplement le temps de répondre à toutes les questions, y compris sur les aspects qui concernent les services à la clientèle au ministère de la Justice qui nous sont très importants.

La loi actuelle sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels est la meilleure loi au Canada et je dirais même en Amérique du Nord à l'égard des personnes qui sont victimes d'actes criminels. Donc, les victimes d'actes criminels, actuellement, au Québec, ne sont pas pénalisées comparativement aux victimes des autres provinces. Nos informations nous disent même que nous sommes encore plus performants que des États tels que la Californie et l'État de New York. C'est une chose.

La réforme de 1993 visait non seulement à améliorer encore cette loi-là, mais à obtenir une situation qui ferait en sorte que des économies pourraient être faites dans toute cette dynamique et cette préoccupation que nous avons à l'égard des victimes d'actes criminels. La loi a été votée par cette Assemblée, l'Assemblée nationale, en 1993. Nous devons voir maintenant à quel moment le gouvernement décidera de sa mise en application. Nous sommes, en tant que fonctionnaires et hauts fonctionnaires, à la disposition de la volonté gouvernementale qui a ses priorités. Nous sommes là pour conseiller le gouvernement.

Nous faisons, actuellement – et je puis en témoigner parce que je vois les commandes qui sont passées à l'appareil à ce sujet – des efforts importants pour non seulement amener l'implantation des dispositions qui ont été votées par l'Assemblée nationale le plus rapidement possible, mais également amener des dispositions qui seraient encore mieux que ce que nous avions pu imaginer en 1993, et c'est le travail que nous faisons actuellement.

M. Mulcair: Je suis sensible à votre dilemme. Mais, malgré le fait que cela dépend d'une volonté gouvernementale, n'y a-t-il pas quelque chose d'essentiel en jeu ici lorsque les parlementaires, les élus, le législateur édictent quelque chose et que la machine, après, ne le met pas en marche? Vous disiez, tout à l'heure, que vous êtes là pour conseiller le gouvernement. Est-ce que vous conseillez encore au gouvernement de mettre en application la loi 106? Est-ce que c'est votre conseil? Est-ce que c'est comme en 1994? Étant donné que ça aide mieux les clientèles et étant donné que ça peut produire des économies récurrentes, est-ce que vous suggérez au gouvernement de mettre en application la loi 106?

M. Bouchard (Michel): M. le député, comme haut fonctionnaire, ma responsabilité première va à conseiller le gouvernement dans la mise en application de mesures propres, dans le secteur qui nous concerne, à améliorer le traitement judiciaire et, dans ce cas-ci, des victimes au Québec. Mes conseils vont au gouvernement; c'est lui qui m'emploie et il est le seul autorisé à décider s'il peut dévoiler les conseils que je peux lui donner dans l'exercice de mes fonctions. Alors, je vous invite à vous adresser au ministre de la Justice pour obtenir la réponse à cette question.

Indépendamment de tout parti politique, ma loyauté va à l'égard de celui qui agit comme gouvernement au moment où on se parle. Et ces conseils que le haut fonctionnaire peut être amené à donner au gouvernement, au ministre en poste sont à l'attention du ministre. S'il veut les dévoiler, s'il veut répondre devant vous des suggestions qui lui sont faites par les fonctionnaires et les hauts fonctionnaires, libre à lui.

M. Mulcair: Vous avez dit, tout à l'heure, que, selon vous, le système qu'on a déjà au Québec – et donc je comprends par votre phrase la situation qui existait avant le projet de loi 106 – était déjà un des plus généreux. C'est une analyse qui est peut-être à faire, peut-être qu'une étude pourrait le démontrer. Mais, malgré votre point de vue que vous êtes là pour donner des conseils au gouvernement, si vous êtes ici aujourd'hui, c'est en vertu d'une loi également. En vertu de cette loi-là, vous êtes ici pour répondre de votre administration.

J'ai lu, tantôt, un extrait d'un document que vous avez vous-même produit qui dit: On peut sauver de l'argent. Alors, quand on fait, comme ce matin, l'exercice de regarder les engagements financiers, lorsqu'on fait la défense des crédits, on est là, nous, pour s'assurer que l'argent qu'on donne est bien dépensé, comme vous, et on est aussi là pour savoir quelles autres mesures on peut entreprendre pour sauver de l'argent. Je suis un peu surpris de vous entendre me donner une réponse aussi bureaucratique disant: Écoutez, moi, je suis employé du gouvernement, je suis là pour donner mes conseils au gouvernement. Je vous avoue que la loi telle qu'adoptée par l'Assemblée nationale, la loi 198, vous somme de venir ici vous expliquer auprès des élus. Vous me renvoyez la balle en disant: Si vous avez des questions à poser, posez-les au ministre. Je suis un peu surpris.

Ce que je vous ai demandé était relativement simple: Est-ce que votre point de vue de 1994 demeure valable? Est-ce qu'il y a eu une autre étude, entre-temps, qui dit: Bien non, il n'y aurait pas d'économies? Ou est-ce que c'est vraiment le fait qu'on n'a pas encore trouvé, comme vous l'avez dit... Vous aviez une belle formulation administrative, bureaucratique, tout à l'heure, pour dire: Les sommes, je ne sais pas pourquoi, n'ont pas été dégagées, les budgets, etc. Est-ce que c'est vraiment ça, le problème, qu'on n'a pas trouvé le 1 600 000 $ pour le démarrer? Et, si oui, nous, comme élus, on est là pour vous aider. Parce que, si le défaut de trouver 1 600 000 $ nous empêche de sauver 24 000 000 $ sur six ans, moi, je vous dis que c'est un simple problème de mathématiques, on va aller l'expliquer au ministre. Ce que je veux savoir de vous: Est-ce que, selon vous, ça demeure valable, ce que vous avez mis sur papier en 1994?

M. Bouchard (Michel): Ce que j'essaie d'exprimer, M. le député, peut-être de façon malhabile, c'est que j'ai la mission, une fois qu'un gouvernement décide de mettre en vigueur un projet de loi, de répondre de l'administration faite à l'égard de ce projet de loi. Tant que le projet de loi n'est pas en vigueur, il est difficile de me demander pourquoi je ne donne pas suite à un mémo écrit en 1994. Si, entre le moment où on se parle et la prochaine présence des hauts fonctionnaires du ministère devant vous, devant cette commission, le projet de loi est mis en vigueur, je pense qu'il sera approprié de demander au sous-ministre en poste de justifier de l'administration relativement à cette mise en vigueur, mais pas avant.

(14 h 50)

M. Mulcair: On peut passer à un prochain sujet, M. le Président, parce que je pense qu'on est arrivés à une impasse là-dessus. La question était pourtant très simple: Est-ce que le sous-ministre croyait encore ce qu'il avait mis sur papier en 1994? Mais, devant la situation qui se présente ici cet après-midi, on a ou le choix de «take out our Irish temper» ou de continuer avec d'autres sujets.


Dépenses effectuées par le juge en chef Louis-Charles Fournier

Parlons, M. le Président, maintenant, de l'ex-juge en chef Louis-Charles Fournier. Vous savez comme moi que, le 28 août, soit hier, le juge en chef Louis-Charles Fournier a remis sa démission pour raisons de santé. Mais ça ne change pas le fait que, au cours de l'année qui vient de s'écouler – parce que ça fait presque une année jour pour jour; si ma mémoire est bonne, il a été nommé le 31 août de l'année dernière – on a eu amplement d'occasions de parler à l'Assemblée nationale, et les journaux, les autres médias en ont fait largement écho, de ses comptes de dépenses. Les chiffres dont on dispose datent du mois de mars.

Ma question pour le sous-ministre, c'est: Est-ce qu'il peut nous dire quel est le total des dépenses effectuées à ce jour par le juge en chef Louis-Charles Fournier?

M. Bouchard (Michel): Je vais prendre note, s'il est permis, de la question, M. le député. Je n'ai pas avec moi de document qui pourrait répondre de façon précise à votre question. Je sais, pour avoir assisté à une séance, que le ministre, si ma mémoire est bonne, avait déposé un document qui était valable jusqu'à la période où il le déposait, c'est-à-dire au printemps dernier. Je n'ai pas avec moi, actuellement, ces chiffres qui viendraient ajouter, j'imagine, à la somme qui a été déposée, mais nous nous engageons à vous fournir ces renseignements-là dès que nous aurons le document en main.

M. Mulcair: Au cours du printemps, M. le Président, lors d'un échange en Chambre avec le ministre de la Justice, celui-ci, vérification faite, parce qu'on avait fait la défense des crédits, s'est rendu compte qu'effectivement il y avait un problème. Il est revenu et il avait utilisé à peu près ces termes, il a dit: Je n'aurais certainement jamais autorisé des dépenses que je considère comme étant nettement supérieures à ce que j'avais envisagé lorsque j'ai permis une certaine période de transition pour le juge en chef.

Notre interprétation de la loi... Surtout que la loi, avec l'article pour le déménagement du juge en chef et sa résidence à Québec, avait fait l'objet d'une attention très minutieuse et détaillée en commission parlementaire. Ça avait pris énormément de discussions pour convaincre l'opposition de l'opportunité de ce déménagement-là. Et on a finalement accédé au raisonnement du ministre, mais avec l'explication claire que, lors de l'adoption de la loi et de la nomination d'un nouveau juge en chef, aux termes stricts de cette nouvelle loi, sa résidence serait à Québec.

Le ministre a tenté de nous renvoyer au statu quo ante puis il nous a même référés à des articles de la loi qui prévoyaient jusqu'à un an de transition pour une personne qui changeait d'affectation. Mais on lui rappelait amicalement que ce n'était pas du tout la même situation ici. C'était une personne nommée en vertu d'une loi qui disposait très, très clairement que sa résidence était à Québec. Nous demeurons persuadés que c'est plus sérieux que ce que le ministre disait. Lui, il disait que c'était nettement supérieur à ce qu'il avait envisagé. Nous continuons à prétendre que ces dépenses-là étaient illégales.

Nous voulons savoir si le sous-ministre lui-même est responsable de regarder un peu les dépenses des autres juges. Qui est l'officier au sein du ministère de la Justice du Québec qui est responsable de vérifier les dépenses du juge en chef?

M. Bouchard (Michel): M. le député, j'aimerais préciser que le ministre est responsable, en vertu de la loi, de plusieurs secteurs d'activité reliés évidemment à l'administration de la justice et également il est amené, d'une certaine façon – et les mots que je vais utiliser ne sont peut-être pas les plus exacts – à être responsable un peu de ce qui concerne des secteurs d'activité de la magistrature. Notamment, il est amené à présenter des budgets au gouvernement pour les fins du Conseil de la magistrature, de formation, etc. Mais la magistrature, au Québec comme dans le reste du pays et, j'imagine, dans passablement de sociétés bien structurées, jouit d'une indépendance nécessaire et totale. Je peux imaginer des situations où le ministre de la Justice peut conférer avec un juge, un juge en chef de points ou de sujets tels que ceux que vous élaborez, de budgets de fonctionnement ou encore de frais de fonction. Il serait, à mon avis, inapproprié pour le sous-ministre de la Justice de poser ces questions-là à un juge en chef par souci d'indépendance de la magistrature.

Mais je sais que les frais de fonction des juges et du juge en chef font l'objet d'un traitement par des fonctionnaires du ministère de la Justice, ne serait-ce que pour émettre les chèques de remboursement lorsqu'il y a remboursement à effectuer. Il y a également des contrôles réguliers qui sont faits de façon plus spécifique par le Contrôleur des finances qui vient, à intervalles réguliers, comme il procède dans tous les ministères, vérifier les fonctionnements et les processus suivis pour l'émission de remboursements de frais de dépenses, etc., ou d'autres dépenses effectuées par le ministère. Le contrôle se fait, à ce moment-là, de façon plus spécifique par le Contrôleur des finances qui attire l'attention des hauts fonctionnaires sur des situations qui peuvent être irrégulières ou, tout au moins, à corriger.

Chez nous, nous avons effectivement des fonctionnaires qui sont appelés à voir les comptes de dépenses et à attirer l'attention, le cas échéant, sur des situations qui leur paraissent à être vérifiées ou revérifiées. Et, par la suite, le contact – ici, on parle plus spécifiquement de comptes de dépenses présentés par des juges ou des juges en chef – s'il y a matière à en référer à la personne qui réclame le compte, ça peut être difficilement d'autres personnes que le ministre qui s'adresse alors au juge en chef pour s'enquérir de la situation.

Personnellement, je n'ai pas vécu de situation où j'ai eu à critiquer, entre guillemets, ou à enquêter sur des frais de fonction ou des frais de déplacement d'un juge, en raison du principe de cette indépendance. Mais, dans notre système, il peut être permis pour un ministre de le faire. Je pense que je peux référer aux réponses qui ont été données, il y a quelques mois, par le ministre aux questions posées par vous-même sur la façon dont il a traité ce cas qui avait fait l'objet d'une certaine attention médiatique à l'époque.

M. Mulcair: Ce que vous êtes en train de me dire me préoccupe beaucoup parce que, si je comprends bien, et je vais relire attentivement les transcriptions de notre conversation à une date ultérieure, vous êtes en train de me dire qu'à l'intérieur d'un ministère dont vous êtes responsable – vous êtes le sous-ministre en titre – vous avez des fonctionnaires qui relèvent de vous, et que, s'ils détectent quelque chose qui est, selon votre terme à vous, une situation à vérifier, ils vont appeler l'attention non pas de leur supérieur immédiat, ou de leur supérieur hiérarchique, ou de vous ultimement, mais directement du ministre.

M. Bouchard (Michel): Non, je m'excuse.

M. Mulcair: Bien si, c'est ça que vous venez de dire parce que vous venez de nous dire que, sur le principe de l'indépendance judiciaire, vous n'allez pas regarder ça. Alors, moi, ce que je veux savoir, c'est: Quand le juge en chef Louis-Charles Fournier facturait deux fois la même nuit d'hôtel, lorsqu'il a facturé des dizaines et des dizaines de milliers de dollars en limousine Mercedes, lorsqu'il a fait toutes ces choses-là à très grands frais pour les contribuables, il n'y a aucune alarme qui a sonné dans le ministère dont vous êtes responsable, il n'y a aucune lumière rouge qui est en place dans votre structure, dans votre système d'administration et de gestion dans le ministère qui a permis d'attirer l'attention sur ces anomalies? Le ministre lui-même a dit que les dépenses étaient nettement, nettement supérieures à ce qu'il avait envisagé au moment de permettre une transition. Et je vous rappelle que, lors de la défense des crédits, le ministre avait dit: J'ai gentiment – c'était son terme encore une fois – rappelé au juge en chef qu'il devait déménager et que c'était pressant. Et ça, c'était déjà au mois de mars. Alors, on est au mois d'août, on vient d'avoir sa démission.

Mais, maintenant, on est en train de parler de vous, de votre administration du ministère dont vous êtes le sous-ministre. Et ce que vous êtes en train de nous admettre cet après-midi, c'est que, selon vous, parce qu'il s'agit des dépenses d'un juge, il n'y a aucun système de drapeau rouge, aucune manière de savoir qu'il y a un problème. Cette facture de limousine, au lieu d'être de 35 000 $ en date du mois de mars, pouvait être beaucoup plus jusqu'à la date d'aujourd'hui. Aucun drapeau rouge ne serait soulevé si c'était 70 000 $, si c'était 170 000 $? Ça n'irait pas à vous en vertu du principe de l'indépendance judiciaire. C'est ça que vous êtes en train de nous dire cet après-midi?

M. Bouchard (Michel): Je m'excuse encore une fois, M. le député, de l'imprécision avec laquelle j'ai répondu en premier lieu à votre question. Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit. J'ai dit que notre système, tel que nous le connaissons au Québec, notamment, comme dans le reste du pays, peut difficilement permettre que le sous-ministre de la Justice appelle le juge en chef pour discuter de ses frais de fonction ou de ses frais de déplacement. J'ai dit, peut-être de façon imprécise, qu'il revient au ministre de discuter de ces choses avec le juge en chef. Et, pour permettre au ministre d'avoir ce genre de conversation avec le juge en chef, il faut qu'il en soit informé.

Effectivement, dans le cas précis, des informations lui ont été transmises par la voie régulière, hiérarchique. Après l'examen de comptes, on a porté à l'attention du sous-ministre responsable des services judiciaires une situation qui, par la suite, a été portée à mon attention, et mon devoir était d'en référer au ministre qui, lui, par la suite, en a discuté, selon les propres déclarations qu'il a faites au printemps dernier, avec le juge en chef. Alors, c'est la façon qui a été suivie. Les alarmes auxquelles vous faites référence ont donc bien fonctionné, puisqu'une telle conversation ou des conversations se sont tenues entre le ministre et le juge en chef à cette époque.

(15 heures)

Je peux même, peut-être, devancer une autre de vos questions: Comment se fait-il que ça ait pris autant de temps à s'en apercevoir? Je vous dirai que, pour des raisons qui lui sont propres, j'imagine, et des activités qui prenaient beaucoup de son temps, il a été porté à ma connaissance que le juge en chef a pris quelque temps avant de nous acheminer des comptes. Entre le moment où il a été nommé juge en chef à la fin du mois d'août et le moment où les premiers commentaires de certains fonctionnaires ont été portés à l'attention du sous-ministre associé et à mon attention, il s'est passé quelques mois d'hiver et les comptes de M. le juge nous ont été acheminés en vrac, en bloc, pour une période qui s'étendait du début de son mandat jusqu'au moment où ces informations-là ont été portées à l'attention du ministre.

Alors, les lumières rouges ont fonctionné, suivant mon appréciation; le tout a été porté à l'attention du ministre, et il a eu la conversation ou les conversations qu'il avait à avoir avec le juge en chef et auxquelles le sous-ministre pouvait difficilement se mêler pour les raisons que je vous ai exprimées tout à l'heure.

M. Mulcair: Vous êtes en train de me dire qu'avant la défense des crédits du printemps dernier le ministre était déjà au courant qu'il y avait des dizaines de milliers de dollars dépensés en limousine. C'est ça que vous êtes en train de me dire?

M. Bouchard (Michel): Non, M. le député, ce n'est pas ce que je suis en train de vous dire. Je vous dis qu'au moment où on a porté à l'attention des fonctionnaires, des sous-ministres associés et du sous-ministre en titre certains aspects entourant la production de certains comptes nous avons porté le tout à l'attention du ministre qui a eu des entretiens avec le juge en chef. Je ne peux pas vous donner les dates, ni les moments, ni les heures, puisque je n'ai pas participé à ces rencontres.

M. Mulcair: Le fait qu'aux contribuables il avait été demandé de dépenser des dizaines de milliers de dollars pour une limousine Mercedes, à quel moment précis ça a été porté à l'attention du ministre? Je ne vous demande pas quand est-ce qu'il a eu sa conversation avec le juge en chef, l'ex-juge en chef, mais quand est-ce que ça a été porté à son attention, à lui, et dans quelles circonstances.

M. Bouchard (Michel): Si ma mémoire est bonne, M. le député, c'est au cours de l'hiver dernier, peu de temps, j'imagine – là, je fais appel à ma mémoire – avant la période des fêtes. De façon verbale, j'ai communiqué des informations au ministre suite à des informations verbales que j'avais reçues moi-même des fonctionnaires et du sous-ministre associé au moment où il a lui-même pris connaissance de certaines informations. Je sais qu'une rencontre s'est tenue entre le ministre et le juge en chef postérieurement au moment où j'en ai informé le ministre. Je ne sais pas quand, je ne sais pas où, mais je sais qu'une ou des rencontres – encore là, je n'y ai pas participé – se sont tenues et je ne sais pas ce dont on a discuté. Mais ces rencontres-là ont certainement permis au ministre d'être saisi, j'imagine, d'explications ou de plus de détails par le juge en chef. Et c'est suite à ces rencontres, encore une fois, qu'il a pu communiquer l'information qu'il vous a transmise à une date que je n'ai pas en mémoire.

M. Mulcair: Quelle est votre compréhension de la loi? Je vous en ai donné mon interprétation tantôt. Quelle est votre interprétation de la loi?

M. Bouchard (Michel): De quelle partie de la loi, M. le député?

M. Mulcair: La loi adoptée au cours du mois de juin 1995 et qui prévoit que le juge en chef a sa résidence à Québec; le lieu de résidence du juge en chef de la Cour du Québec est à Québec. Est-ce que, selon vous, en vertu de la loi, ayant suivi les travaux de la commission parlementaire... L'intention du législateur, on en parle, mais parfois on est là. Ça rappelle le bon vieux mot d'un juge en Angleterre qui avait dit un jour: «Ne glosez point le statut, c'est nous qui le fîmes.» Quelle est votre interprétation de la loi? Est-ce que le juge en chef disposait d'une période, par exemple, d'un an pour déménager? C'est quoi, votre interprétation comme avocat et comme sous-ministre de la Justice?

M. Bouchard (Michel): M. le député, mon interprétation de la loi ne peut pas être différente de l'interprétation de quiconque qui la lirait pourrait être amené à donner. La résidence du juge en chef de la Cour du Québec est à Québec.

M. Mulcair: Merci beaucoup.

M. Bouchard (Michel): Mais, maintenant, ce qui n'est pas dans la loi, c'est la façon dont ce transfert de résidence, s'il y a transfert de résidence, doit se dérouler. On réfère aux règles administratives. Les règles administratives, en l'occurrence, sont celles qui sont amenées pour gérer des cas de transfert de résidence lorsqu'il s'agit de hauts fonctionnaires ou de cadres supérieurs. Ces règles administratives peuvent faire l'objet évidemment, elles, d'une interprétation par les fonctionnaires, par les hauts fonctionnaires, et le rôle du Contrôleur des finances est de nous dire, à l'occasion: Vous avez mal interprété les règles administratives. Mais ce n'est pas dans la loi qu'on peut trouver les solutions à nos problèmes lorsqu'on cherche quelle interprétation on doit donner à – est-ce que la résidence du juge en chef est à telle place ou à telle place? la loi est claire: la résidence est à Québec – comment on effectue un transfert.

Dans le cas qui nous concerne, M. le juge en chef, si ma mémoire est bonne, a été nommé à ce poste un 31 août 1995 – je pense que même c'est exact, 31 août 1995 – et il demeurait, à l'époque, au moment de sa nomination, en dehors du district de Québec, donc en dehors de la résidence du juge en chef. Comme administrateur, je sais qu'il était humainement impossible de demander au juge en chef d'avoir une résidence qu'il devrait défrayer lui-même le 1er septembre. Comme on le fera avec n'importe qui d'autre à qui on demande d'exercer ses fonctions ailleurs que dans le district où il les occupe actuellement, on donne, de façon administrative, un délai pour permettre à l'individu, comme on dit en bon québécois, de se retourner de bord. Quand les délais nous apparaissent être un peu trop longs, on peut se permettre d'avoir, comme le ministre l'a fait, un conversation amicale avec le juge en chef. Je reprends ses termes.

M. Mulcair: Et de lui rappeler gentiment...

M. Bouchard (Michel): C'est ce qu'il a dit, je pense.

M. Mulcair: Oui, c'est exactement ce qu'il a dit. Mais je suis content de votre réponse parce que ça infirme justement l'autre interprétation qui était possible, comme quoi on pouvait faire référence à un juge qui change d'affectation, parce que expressio unius est exclusio alterius. Lorsque le législateur voulait prévoir un cas aux termes de la loi, il l'a fait. Il l'a dit, dans le cas d'un changement d'affectation. Dans le cas qui nous occupe, lorsque Louis-Charles Fournier a accepté d'être nommé juge en chef de la Cour du Québec, il savait que sa résidence devait être à Québec. Et c'est ça que je voulais établir.

Pour ce qui est des règles internes du ministère, je vous avoue que votre explication, tout en suscitant une certaine compassion de ma part parce que ce n'est pas facile, me laisse un peu froid quant à la manière de gérer les fonds publics. Parce qu'il est évident pour moi, peu importe l'interprétation qu'on fait, peu importe la gentillesse avec laquelle on demande à quelqu'un d'obtempérer à la loi, peu importent les autres choses, que, quand on commence à voir ces factures-là arriver, il doit y avoir un bouton de panique quelque part, il doit y avoir un recours quelque part. Juge, pas juge, personne n'est à l'abri. Les juges sont des êtres humains et, ici, il y a eu... Je comprends qu'on est face à une démission, à la veille justement de cet exercice d'imputabilité. C'est peut-être un hasard, peut-être pas, mais je vous avoue que...

M. Bouchard (Michel): M. le député, vous prêtez beaucoup de pouvoir au sous-ministre de la Justice de demander la démission d'un juge en chef la veille de sa comparution devant ce comité.

M. Mulcair: Vous vous prêtez beaucoup de pouvoir parce que les exercices d'aujourd'hui comprenaient deux choses: un, votre présence ici cet après-midi, mais aussi la présence du ministre ce matin. C'est surtout à ça que je faisais référence.

M. Bouchard (Michel): Bon.

M. Mulcair: Mais je dois vous dire qu'il y a pour moi une faille évidente dans notre système. Et je vous réfère à ce qu'avait dit, en 1993, le Vérificateur général du Québec: «Les frais de fonction et de déplacement réclamés par les juges démontrent que ces dépenses ne sont pas toujours engagées avec un souci d'économie. Nous avons réclamé au ministère la nécessité de s'assurer que les dépenses réclamées par les juges à titre de frais de fonction et de déplacement soient effectuées en conformité avec les directives du C.T. et avec un souci d'économie.» Je ne pense pas qu'on ait besoin d'être grand clerc pour comprendre que, pour payer deux hôtels pour la même nuit, il y a quelqu'un qui est passé vite sur ce passage dans le rapport du Vérificateur général de 1993.

Je pense aussi qu'il faut justement, si ce n'est pas encore le cas – et je vous soumets qu'avec les explications qu'on vient d'avoir c'est difficile d'arriver à une conclusion autre – instaurer un système qui permette d'éviter une situation comme celle-là. Parce que, vous ne le savez peut-être pas, mais les pressions qui ont été faites par le ministre dans ce dossier-là étaient extraordinaires. Les appels que j'ai reçus comme porte-parole de l'opposition officielle dans ce dossier-là venaient de toutes parts et de tous côtés. Aïe! C'est le juge en chef, il n'a pas le droit de faire ça; voyons donc, c'est l'institution qui est en cause! Je vous soumets respectueusement qu'une gestion adéquate aurait peut-être permis de déceler les problèmes bien avant que ça n'aille plus loin et que le respect de l'institution exige qu'on mette en place un système correct pour que tout le monde se sauve du genre de situation qu'on connaît depuis six mois dans ce dossier.

M. Bouchard (Michel): Est-ce que vous me permettez de répondre, M. le député?

M. Mulcair: Avec grand plaisir.

(15 h 10)

M. Bouchard (Michel): J'ai de la difficulté à saisir le reproche que vous formulez à l'administration et à son principal responsable, que je suis, dans cette situation. Je vous informe que, lorsque la situation a été connue des fonctionnaires qui procèdent aux vérifications des comptes de dépenses, ces fonctionnaires en ont ensuite informé leur supérieur, en l'occurrence le sous-ministre associé, qui a ensuite porté le tout à ma connaissance. Et mon devoir, par la suite, était de le porter à la connaissance du ministre, et il a fait ce qu'il vous a déjà déclaré avoir fait.

M. Mulcair: À quelle date précisément?

M. Bouchard (Michel): Je vous répète que nous n'avons pas, si ma mémoire est bonne... M. le sous-ministre associé, Gaétan Lemoyne, pourrait peut-être être plus précis là-dessus. Je me souviens de m'être informé de cette situation, et on m'a dit: Les comptes arrivent en vrac en raison de l'impossibilité – et ça, ce n'est pas non coutumier – qu'avait à cette époque le juge en chef de faire régulièrement ses comptes de dépenses, en raison de ses activités qui venaient d'être décuplées par le fait qu'il passait d'un poste de juge puîné à un poste de juge en chef. Là, on se situe à la période de l'automne 1995, début de l'hiver 1996. Lorsque, à la comptabilité, chez nous, on a pris connaissance de certaines dépenses, on en a informé les responsables ministériels qui, par la suite, ont porté le tout à l'attention des autorités politiques. Alors, ce que j'essaie d'exprimer, c'est que je ne pense pas que les fonctionnaires ont laissé accumuler des situations qu'ils ont considérées comme inhabituelles avant de nous en informer.

M. Mulcair: M. le sous-ministre, je tiens à vous assurer d'une chose, et vous et votre sous-ministre associé et surtout les fonctionnaires du ministère. Vous êtes assez expérimentés: une chose comme celle-là ne devient pas publique sans qu'il y ait quelqu'un qui ait été mis devant une situation qu'il trouvait inacceptable, d'après les informations dont, nous, on disposait. C'est qu'il y avait effectivement des gens très corrects chez vous, qui travaillaient très bien, qui, eux, avaient compris ce que voulait dire le Vérificateur général lorsqu'il a dit: «Nous avons rappelé au ministère la nécessité de s'assurer que les dépenses réclamées par les juges à titre de frais de fonction et de déplacement soient effectuées en conformité avec les directives du Conseil du trésor et avec un souci d'économie.» Il y a des gens chez vous qui ont compris ça. Ça, c'est vrai. Et il y a des gens chez vous qui ne les auraient pas payées, ces sommes-là. Le problème, c'est que les sommes ont été payées. Et ça, ce n'est certainement pas avec un souci d'économie ni en suivant les directives du Conseil du trésor.

Vous avez beau me rappeler le rôle du Contrôleur des finances là-dedans, mais il me semble que, comme sous-ministre en titre, comme officier d'État, vous avez vos responsabilités. Peu importe qu'il y ait des questions délicates là-dedans, quand ça n'a pas de bon sens, ça n'a pas de bon sens. Il ne faut pas avoir peur, à ce moment-là, d'exercer son autorité. Parce que vous vous rappelez, tantôt, vous nous avez dit: Oui, mais c'est le gouvernement ici et je ne peux pas vous dire ce que je pense de la loi 106 parce que je donne mes conseils au gouvernement. Mais, veux veux pas, dans un système de Parlement britannique, comme sous-ministre en titre d'un ministère aussi important que le vôtre, et tous les autres évidemment, dans une position comme la vôtre, vous avez une autorité légale et je devrais dire morale énorme.

Et je ne suis pas en train de vous imputer des motifs là-dedans. Moi aussi, je suis assez expérimenté dans ces choses-là. Je suis en train de comprendre... Je vois quelqu'un devant moi qui est très intègre, qui est en train d'essayer du mieux qu'il peut d'expliquer une situation qui s'explique très difficilement. C'est pour ça que vous avez autant de difficultés à l'expliquer, que vous ne voulez pas me donner des dates. Je comprends. Je ne pousserai pas plus fort là-dessus.

M. Bouchard (Michel): M. le député, j'aimerais vous préciser – et c'est peut-être ce qu'il faut démontrer immédiatement – sous mon serment d'office de haut fonctionnaire et surtout d'avocat, que je n'ai jamais demandé à un fonctionnaire de payer un montant qui n'était pas dû et on ne m'a jamais demandé de laisser passer un compte que j'estimais ne pas devoir être payé. Alors, je veux être bien clair avec vous: lorsqu'on a été informés de certaines irrégularités à l'intérieur de certains comptes, on a porté le tout à l'attention des personnes qui devaient en aviser le juge en chef pour lui permettre soit de corriger les comptes, s'il y avait lieu, soit d'expliquer pourquoi il y avait tels comptes. Et, j'imagine, dans la masse des documents qui ont dû être traités par les fonctionnaires...

Parce que, le juge en chef, ses responsabilités l'amènent à voyager passablement, surtout à la période où il a été nommé. Je vous répète qu'il a été nommé à la fin d'août 1995. Vous êtes avocat, vous connaissez tout le système qui veut que le juge en chef participe à plusieurs activités, la rentrée des tribunaux, etc. Il avait décidé, ce juge en chef – parce que je me rappelle qu'au cours de rencontres administratives avec lui il nous avait informés de son désir – de rencontrer le maximum de juges puînés au Québec. Il a voyagé énormément à travers le Québec au début de son mandat et il nous a expliqué qu'il n'avait pas fait ses comptes régulièrement.

Et, lorsque dans la masse de documents qui nous été présentés des fonctionnaires ont relevé certaines choses, ils ont porté à la connaissance du sous-ministre associé et de celui qui vous parle ces choses qui, par la suite, ont été portées à l'attention du ministre. Sur cette question, vous avez l'intégralité et l'entièreté de ce que je sais dans ce dossier. Quant au reste, n'ayant pas pu participer à des rencontres entre le ministre et le juge en chef, il m'est impossible de répondre plus précisément à certaines questions que vous pourriez avoir en tête.

M. Mulcair: M. le sous-ministre, je vous ai bien entendu et rien de ce que vous venez de dire ne change quoi que ce soit à ce que j'ai entendu tout à l'heure. Je tiens à vous dire que, lorsque vous parlez d'irrégularités, vous êtes juste en train de confirmer ce que, nous, on avait vu là-dedans depuis le début, dès qu'on avait été informés de ça. Mais aussi, si vous regardez attentivement ce que vous nous avez donné tantôt, malgré vos blancs de mémoire en ce qui concerne les dates précises auxquelles vous avez pu être informé des irrégularités, d'après ce que vous venez de nous dire tantôt – et ça va être dans les notes sténographiques de cette rencontre – il s'est passé au moins quelques mois pendant lesquels les irrégularités avaient été signalées et les comptes continuaient à être payés. Donc, il y a là un problème de gestion.

M. Bouchard (Michel): Je m'excuse encore, M. le député. Ce qu'on a porté à ma connaissance un peu avant les Fêtes, ce n'était pas précisément sur des comptes irréguliers, mais sur le fait que la résidence du juge en chef n'était pas, dans les faits, à Québec. J'ai rappelé au ministre... enfin, j'ai informé le ministre qu'il faudrait, lors d'une rencontre avec le juge en chef, qu'il soit traité de cette question avec lui, ce qu'il a fait. Mais, à l'époque où je me situe, à savoir au début de... pas au début de janvier, vers la fin... avant les Fêtes, quelque part comme la semaine qui précède Noël, on m'a informé de la problématique causée par le fait que la résidence n'était pas encore à Québec. Ce n'était pas à l'époque où on m'a informé de comptes irréguliers; c'est beaucoup plus tard. C'est quelque part à la fin de l'hiver, au début du printemps, qu'on a porté à mon attention, je pense, des comptes qui pouvaient faire l'objet d'un questionnement.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Autres questions, M. le député?

M. Mulcair: Oui. On va passer à un autre sujet, M. le Président, parce que, dans celui-là, je vais me faire un plaisir de lire très attentivement l'ensemble des réponses du sous-ministre. Étant donné que c'est une activité à laquelle les membres de cette commission vont pouvoir se livrer périodiquement, bien, on aura sans doute l'occasion de revenir là-dessus, parce que, de deux choses l'une: ou il y a eu une période pendant laquelle les comptes ont continué à être payés malgré des irrégularités ou ça prend neuf mois pour constater qu'il y a une irrégularité. Dans un cas comme dans l'autre, on n'est pas très tranquilles avec la manière dont les fonds publics sont gérés au ministère dans ce cas précis.

Mais j'aimerais passer maintenant...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui. M. le député de Chomedey, ça fait depuis 14 h 32 que je vous ai laissé la parole. J'ai aussi une autre demande d'intervention, tout de suite, de M. le député de Rivière-du-Loup, qui attend déjà depuis fort longtemps, et j'ai M. le député de Drummond. Alors, on pourra alterner, si vous le voulez. Alors, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. Je souhaite aussi la bienvenue, à mon tour, au sous-ministre de la Justice et à ses collaborateurs. J'ai un certain nombre de questions sur différents sujets, peut-être pas d'information interne sur le ministère de la Justice. Ce n'est pas que je ne connais pas, moi aussi, des gens honnêtes, mais peut-être parce que, notre parti n'ayant jamais fait de nominations dans les ministères, la rétroinformation revient moins vite.


Administration des sentences

Ma première question ne concerne pas directement le ministère de la Justice. Je sais que, souvent, au ministère de la Justice, on n'aime pas directement parler de ça, mais, pour moi, c'est fondamental: c'est l'administration des sentences, des peines qui sont prononcées par des juges qui relèvent du ministère de la Justice, par le ministère voisin, la Sécurité publique. Ça devient de plus en plus questionné; dans la région du Bas-du-Fleuve, un journal, un hebdo est en train de faire une série d'articles là-dessus. Il questionne les directeurs de prison.

(15 h 20)

Il n'y a plus de règles, là; un sixième des peines, ça n'existe plus. Ça déborde dans les prisons. Les gens rentrent le vendredi soir... Il y a deux, trois jeunes qui commettent des délits ou n'importe, on rentre dans la prison, on regarde, on prend la liste et on dit: Lesquels seraient les moins pires là-dedans? Peut-être lui, peut-être lui, peut-être lui. Ils ont un huitième, un neuvième, un dixième de leur peine, bonjour la visite, on en rentre d'autres. Il y a vraiment un problème dans l'administration des peines.

Je comprends que ce n'est pas sous l'autorité directe du ministère de la Justice. Le ministre de la Justice ne veut pas se mouiller là-dedans pour tout l'or au monde. Mais je veux savoir si vous avez des contacts, des réflexions en cours, si vous avez émis des avis, s'il y a une réaction du ministère de la Justice. Parce que ça va ensemble, ces deux ministères-là, puis les missions sont supposées être complémentaires, et, si des sentences ne sont pas administrées d'une façon sérieuse, bien, je veux dire, la crédibilité des juges... L'histoire qui circule à bien des endroits, c'est que le juge donne une sentence à un type le matin, puis, quand il va acheter une pinte de lait en revenant souper, il rencontre le même type au dépanneur. Quand des choses comme ça circulent dans le public, c'est la confiance dans la justice au sens large qui est touchée.

Alors, je veux savoir si vous avez émis des avis, si vous avez allumé des lumières rouges, pour reprendre l'expression, sur l'administration des sentences qui sont données par vos juges, finalement.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le sous-ministre.

M. Bouchard (Michel): Merci, M. le député. Vous avez raison de préciser que toute cette question de l'administration des sentences ne relève pas évidemment du ministre de la Justice depuis la création du ministère de la Sécurité publique qui est le ministère responsable de cette portion de l'administration de la justice. C'est sûr que nous avons, au ministère de la Justice, une préoccupation qui est au moins égale à celle que peuvent entretenir une bonne partie de la population et des gens bien informés sur la façon dont, à certains égards, les peines sont administrées.

Vous parlez à quelqu'un qui, alors que naïvement il commençait sa carrière de procureur de la couronne, avait mis beaucoup d'efforts dans la préparation de la plaidoirie sur sentence pour amener un trafiquant de stupéfiants à se voir imposer une peine d'emprisonnement de plusieurs mois. J'avais convaincu le tribunal après de longues plaidoiries et malgré des plaidoiries assez étoffées également de l'avocat de la défense, et, basé sur un rapport présentenciel, lui-même assez bien bâti, préparé par un agent de probation, j'avais obtenu du tribunal une sentence de neuf mois.

Après avoir mis à contribution un juge, un procureur de la couronne, un avocat de la défense et un officier de probation dans la détermination d'une peine de neuf mois, il me semblait, à moi, naïvement, que, bon, l'individu pourrait être amené à faire neuf mois. Mais il a utilisé son droit d'appel, droit que je lui reconnaissais à l'époque. Donc, j'ai dû aller préparer un mémoire sur sentence et également tenter de convaincre trois juges de la Cour d'appel de la justesse de la sentence imposée à la première instance. J'ai eu gain de cause en appel. Donc, ça faisait quatre juges qui avaient prononcé une sentence de neuf mois, plus un procureur de la couronne qui avait travaillé fort pour l'obtenir, plus un avocat de la défense qui avait travaillé fort pour que ça soit moins de neuf mois, puis un officier de probation. Tout ce monde-là avait travaillé très fort, en somme.

Le lendemain du jugement en Cour d'appel, de la décision de la Cour d'appel, je reçois d'un fonctionnaire du système carcéral un téléphone me demandant mon avis si l'individu pouvait être remis en liberté pour aller poursuivre ses études. Bon, je vous dis que c'était le lendemain d'une décision de la Cour d'appel. Ça ramène assez vite un jeune avocat sur terre de dire: Bien, on a tout fait ça, puis c'est quoi? Si je dis oui, l'individu sort demain matin et ça veut dire que les quatre juges, plus le procureur de la couronne, plus l'officier de probation, on n'avait rien à faire, en somme, que c'était un fonctionnaire du centre de détention qui décidait. J'ai appris par la suite, une fois mon premier étonnement passé, que, non, il y a des règles qui permettent à certains officiers responsables des centres de détention, pour des raisons humanitaires ou autres, de remettre en liberté des individus.

Ce long préambule m'amène à vous dire que, oui, nous pouvons être étonnés, certaines personnes même choquées, de voir que, malgré des sentences, des individus condamnés à deux ans de pénitencier, au bout de quelques mois, sont remis en liberté. Bon, je présume que les individus qui prennent ces décisions-là les prennent en toute bonne foi, en toute connaissance de cause et surtout le font parce que la loi leur permet de le faire ou que la réglementation leur permet de le faire. Ça ne change rien au système. On peut se poser beaucoup de questions. Comment se fait-il que les sentences ne sont pas purgées dans un délai minimum pour lequel elles sont imposées?

Vous avez fait référence, au début de votre questionnement, au un sixième. On a développé parmi le système carcéral... Et ce n'est pas unique au Québec. Mes rencontres avec mes collègues des autres provinces m'ont amené à comprendre qu'on vit les mêmes situations dans toutes les provinces. Les coûts d'incarcération sont extrêmement élevés et on cherche, parmi les officiers des pénitenciers et des prisons, à diminuer ces coûts. Ça les amène à trouver des alternatives à la détention entre quatre murs; ça les amène à faire confiance en la réhabilitation de l'individu; ça les amène à développer des programmes pour permettre à l'individu d'aller travailler le jour et de revenir coucher à la prison le soir; et ça les amène même à les laisser en liberté pour une longue période de temps, tout en les gardant sous surveillance.

C'est une question très complexe que vous avez raison de soulever, qui nous concerne, nous, comme membres amenés à voir à l'administration de la justice. Oui, nous avons de fréquentes conversations, les responsables au ministère de la Sécurité publique et les fonctionnaires qui sont mes collaborateurs et collaboratrices. Nous avons de longues conversations avec eux. Nous ne sommes pas toujours en accord avec la façon dont eux voient les choses, sauf que nous sommes au moins sensibles à leur problématique qui ressemble étrangement à la nôtre. L'État, dans toutes ses composantes, est à la recherche de fonds pour continuer à assurer les mêmes services qu'on assurait il y a 20 ans, et ça devient de plus en plus difficile pour les administrateurs de trouver ces fonds.

M. Dumont: Deux questions complémentaires reliées à ça, et je comprends bien votre réponse. Première question: Est-ce que vous êtes au courant qu'il est devenu à peu près pratique courante d'utiliser – moi, ça m'apparaît illégal, contraire à la loi, cette plus grande interprétation – le motif humanitaire pour manque de place? C'est-à-dire qu'il n'y a plus de place dans la prison. Le seul motif existant que la loi donne, c'est le motif humanitaire qui a été institué. L'intention du législateur, c'était de dire: Bien, coudon, si tu es en centre de détention puis que ta mère décède ou ton frère décède, tu vas partir trois jours, tu vas aller aux obsèques, etc. Ça, c'est la normalité des choses. Est-ce que vous reconnaissez, vous êtes au courant que, maintenant, c'est utilisé pour libérer les prisons, tout simplement? On utilise le motif humanitaire donc à mauvais escient, contrairement à la loi.

Et, deuxièmement, disons...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Rivière-du-Loup, loin de moi l'intention de vous empêcher de poser toutes les questions pertinentes à M. le sous-ministre de la Justice, mais, un peu comme il vous l'a souligné lui-même, ces questions-là s'adresseraient et seraient très pertinentes si nous étions avec le sous-ministre à la Sécurité publique.

M. Dumont: Je vais la...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Là, on peut lui poser des questions, mais, à ce moment-là...

M. Dumont: Non, mais je pense que...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...on brûle un peu notre temps de questions qui s'adressent au sous-ministre de la Justice pour des questions qui ne s'adresseraient pas normalement directement à lui. Donc, on peut avoir des opinions, mais on perd peut-être une partie du temps qui vous est imparti pour des questions que vous avez sûrement et qui s'adressent directement à lui.

M. Dumont: Oui. Donc, je vais la reformuler parce que je pense que, comme administrateur des lois du Québec, le sous-ministre de la Justice a un rôle là-dedans. La deuxième question, c'est: Depuis quelques années, concernant votre réponse à la première question où vous dites: On a des inquiétudes, etc., est-ce que vous avez l'impression qu'il y a un relâchement ou un resserrement au cours des deux dernières années, par exemple?

M. Bouchard (Michel): D'abord, je voudrais expliquer ce que j'entends par «inquiétudes». C'est parce que je lis les journaux et je vois des commentaires amenés par des personnes et, sans être au fait de toutes les situations bien particulières, je suis, comme n'importe quel membre de la population, préoccupé, inquiet lorsque je lis ce genre de situation. Je ne m'enquiers pas immédiatement auprès du sous-ministre de la Sécurité publique de la justesse d'une décision parce que ce n'est pas mon rôle, mais je peux difficilement, dans le cadre de ce forum, M. le député, vous donner une réponse qui constituerait une opinion juridique sur la légalité d'agissements que je n'ai pas moi-même à contrôler et qu'on ne m'a pas demandé de contrôler, ni à mes collaborateurs les plus proches.

Je sais que des règlements, des règles, des procédures administratives existent et, à moins qu'on amène au ministre de la Justice des faits qui le porteraient à prévenir son collègue de la Sécurité publique qu'on n'agit pas en dedans ou à l'intérieur des cadres légaux ou des cadres réglementaires, il m'est difficile, pour moi, même devant vous et avec la pertinence que peuvent avoir vos questions, de répondre, à titre d'avocat, sur la légalité de ce fonctionnement-là.


Perception automatique des pensions alimentaires

M. Dumont: Un tout autre sujet. On entendait parler, il y a quelques mois, suite à l'adoption du projet de loi sur la perception automatique des pensions alimentaires, de problèmes de délais, d'engorgement au ministère de la Justice, de la difficulté pour le ministère de la Justice de gérer cette loi-là et d'amener les collaborations nécessaires avec le ministère du Revenu pour que tout ça puisse s'harmoniser. Je voudrais savoir comment ça a évolué et comment... Quel est l'état des dossiers en attente à l'heure actuelle?

(15 h 30)

M. Bouchard (Michel): Je vous remercie de votre question, M. le député, puisque, au moment où on a véhiculé dans les médias qu'il y avait des problèmes importants d'engorgement, j'ai été très surpris parce que les rapports qui parvenaient à mon bureau étaient à l'effet que le fonctionnement s'était nettement amélioré et que des problèmes d'engorgement n'existaient pas à l'époque où la nouvelle a été véhiculée. Cette nouvelle a amené donc une rencontre que j'ai eue avec le sous-ministre, qui occupait les fonctions de sous-ministre du Revenu à l'époque, pour discuter de cet engorgement supposé. Les résultats de cette rencontre m'ont permis d'apprendre qu'il y avait probablement eu exagération non pas des médias qui ont rapporté la nouvelle, parce que les médias ont rapporté ce qu'on leur a dit, mais qu'il y avait eu exagération de la personne qui avait fourni les renseignements, par méconnaissance des remèdes qui avaient été apportés justement à ce fonctionnement.

Évidemment, vous savez que la responsabilité de la perception des amendes incombe en très grande et en majeure partie maintenant au ministère du Revenu, mais nous ne connaissons pas de problèmes d'engorgement, selon le ministère de la Justice, qui feraient obstacle au voeu du législateur d'amener une meilleure perception des pensions alimentaires. Le ministère du Revenu est en train de finaliser son développement informatique pour rendre ce système encore plus performant. Chez nous, nous avons encore une certaine responsabilité, pas dans la perception, mais, entre autres, dans le transfert des dossiers vers le ministère du Revenu, et il n'appert pas, chez nous, qu'on a des problèmes.

On vient de me communiquer une note, cependant. C'est que le ministère du Revenu, qui, comme je vous le disais il y a quelques minutes, est à compléter son système informatique, nous souligne ou s'enquiert auprès du ministère de la Justice du volume qui est susceptible d'être transféré pour fins de perception par eux parce qu'ils veulent savoir s'il y a risque que leur fonctionnement normal ne soit perturbé. Mais, au moment où on se parle, le système qui avait été prévu fonctionne et il n'y a pas d'engorgement, chez nous, qui nous empêcherait de répondre adéquatement à la clientèle au niveau de ces services de perception des pensions alimentaires.


Décentralisation des bureaux de la publicité des droits

M. Dumont: Merci. Autre question plus technique, c'est un dossier qui relève de votre ministère et qui traîne depuis un certain nombre de mois, presque d'années, c'est la question de la décentralisation des bureaux de la publicité des droits. Dans la volonté de décentralisation du gouvernement, il y avait différents volets, différents ministères qui étaient interpellés pour décentraliser de façon expérimentale – on va l'appeler comme ça – des espèces de projets-pilotes de décentralisation de différents services en région. La MRC de Rivière-du-Loup avait souhaité, comme tentative d'élément de décentralisation, avoir le bureau de la publicité des droits. Je pense que c'était le ministère des Affaires municipales qui, conjointement avec le ministère de la Justice, devait préparer ça. À un point, on disait: Il y a une toute petite technicalité, c'est que les districts judiciaires n'ont pas les mêmes délimitations que les MRC, mais ça ne devrait pas retarder, ça ne devrait pas être plus compliqué. Depuis ce temps-là, je ne sais pas si c'est à votre ministère qu'il y a un blocage dans ce dossier-là, je ne sais pas si c'est au ministère des Affaires municipales qu'il y a un blocage, mais j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Bouchard (Michel): M. le député, vous savez, quand il y a des problématiques qui sont soulevées auprès du ministère de la Justice – ça nous arrive à l'occasion, on sollicite notre expertise, nos conseils légaux – c'est d'être un mauvais avocat que de dire toujours aux clients qui sollicitent nos conseils: Oui, ça va aller; oui, c'est légal, etc. Il nous arrive de dire: Bien, ça ne marchera pas, ou: Ça ne peut pas marcher comme ça, ou: Non, vous ne pouvez pas marcher tant que vous n'aurez pas remédié à telle situation. Et la réaction normale humaine, c'est: Vous êtes toujours là pour nous empêcher de faire ce qu'on veut faire! On entend ça souvent. Des fois, il rentre des téléphones, chez nous: Comment ça se fait que c'est encore vous autres qui bloquez ce dossier-là? Bien, on ne le bloque pas; on fait juste attirer l'attention sur les difficultés d'ordre juridique qui vont se présenter si on ne signale pas ou, pour reprendre l'expression de M. le député de Chomedey, si on ne lève pas des drapeaux rouges.

Donc, oui, il y a des préoccupations chez nous qui sont soulevées par une telle activité qu'on préconise et à l'égard desquelles on est tout à fait dans la même compréhension qu'il y a lieu de rechercher des avenues nouvelles pour rendre les services à la clientèle, notamment dans ce secteur d'activité. Avec votre permission et avec celle du président de cette commission, je peux demander au sous-ministre responsable de cette question de vous fournir une réponse plus substantielle et plus à date, puisqu'il a eu à traiter justement de la problématique que vous soulevez dans votre question. Alors, si Me Lemoyne veut répondre à la question...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Me Lemoyne.

M. Lemoyne (Gaétan): Alors, effectivement, il apparaît, dans la politique de décentralisation gouvernementale, des projets-pilotes potentiels, notamment dans le domaine de la publicité des droits. Il y a d'autres matières aussi qui ont été identifiées, qui concernent la justice; je pense au transfert des petites créances et autres. On a été appelés, d'une part, à faire des représentations auprès des instances du ministère des Affaires municipales pour dire: Oui, ça pourrait se faire, mais ça ne peut pas se faire n'importe comment; ça doit se faire dans un contexte donné. On a parlé ce matin, au moment d'une autre audience de la commission, d'une problématique rattachée à la fusion des directions générales sur le plan administratif et, au moment où on était conviés à procéder à des projets-pilotes de cette nature-là, on était en plein processus de réorganisation administrative, d'une part.

D'autre part, à l'instance du ministère des Affaires municipales, on a rencontré toutes les MRC au Québec qui souhaitaient procéder à un projet-pilote, comme il avait été annoncé dans la programmation gouvernementale. Ce qui ressort de l'analyse qu'on fait et des échanges d'information qu'on a eus avec les MRC, c'est qu'il était prématuré à ce stade-ci, dans le contexte juridique et administratif actuel, qu'on puisse procéder à des expériences-pilotes qui soient satisfaisantes pour tout le monde. Il y avait l'aspect – vous l'avez souligné – des circonscriptions foncières qui n'étaient pas nécessairement adéquates en termes de division territoriale. Effectivement, ça peut se corriger plus ou moins rapidement au niveau de la législation. Mais, à l'égard de l'analyse qu'on en faisait sur le plan juridique, pour la sécurité des droits des citoyens qui enregistrent leurs droits, on pensait que le moment n'était pas approprié en regard de la disponibilité de l'expertise à la fois auprès des municipalités et, je pense, de l'incompréhension, entre guillemets, que pouvaient constituer ces mandats-là au niveau des projets-pilotes.

Alors, les discussions vont se poursuivre parce qu'il y a aussi d'autres, je dirais, incongruités rattachées à la mise en oeuvre de ce dossier-là sur le plan administratif. On est dans une espèce d'impasse qui devrait se régler dans les prochaines semaines ou les prochains mois pour débloquer éventuellement un projet-pilote. Je pense que les conditions de mise en oeuvre n'avaient pas été précisées; on est train d'en discuter et d'essayer de trouver des solutions de part et d'autre. Mais, à ce stade-ci, je dirais que le dossier est en cours d'évolution auprès à la fois des Affaires municipales, des MRC et du ministère de la Justice.

M. Dumont: En termes simples, il y a des difficultés, mais ça va se faire.

M. Lemoyne (Gaétan): On souhaite que ça puisse se faire. Est-ce qu'on va arriver éventuellement où... Il y a une volonté de le faire. Il m'est difficile de vous préciser un délai où ça va être réalisable, là, et de vous promettre que ça va être à telle date ou tel mois, à ce moment-ci.

M. Dumont: Il y a des volontés de toutes parts.

M. Lemoyne (Gaétan): Oui.


Affaire Guy Bertrand

M. Dumont: Dans ce temps-là, ça se fait. Dernière toute petite question fort simple: Dans l'affaire Bertrand, est-ce qu'il y a une facture à ce jour-ci pour le gouvernement du Québec, pour le ministère de la Justice?

M. Bouchard (Michel): Vous voulez savoir, M. le député, si, à date, on a eu à payer des comptes d'honoraires ou s'il nous a été acheminé des comptes d'honoraires pour défrayer justement les honoraires des avocats engagés par le gouvernement pour le représenter dans l'affaire. C'est bien ça, votre question?

M. Dumont: C'est en plein ça.

M. Bouchard (Michel): Bon. Alors, au moment où on se parle... On va avoir la réponse exacte, c'est-à-dire à date... On a toujours les réponses exactes, mais on ne les a pas toujours à date.

(Consultation)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): On les a jusqu'au mois de juillet, les engagements à date, ce matin.

M. Bouchard (Michel): Ce n'est pas dans les engagements de cette année, c'est-à-dire ceux dont on avait à répondre ce matin avec le ministre?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, oui.

M. Bouchard (Michel): O.K.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Les engagements 22 et 23 du mois de juillet...

M. Bouchard (Michel): Très bien. Alors, on me dit qu'on les a.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...du mois de juin.

M. Bouchard (Michel): O.K. Alors, vous savez certainement que ce dossier-là occupe des gens à l'emploi du ministère de la Justice, notamment ceux qu'on connaît dans le dossier, Me Jean-Yves Bernard, qui est du contentieux de Montréal, ainsi que Me Claude Bouchard, qui est du contentieux de Québec. Eux évidemment sont des avocats à temps plein chez nous. Donc, il n'y a aucune facture particulière en ce qui les concerne, à part les autres spécialistes, sous la direction de Me Samson, qui oeuvrent dans le ministère à rédiger certaines opinions.

(15 h 40)

Au moment où on se parle, la facture relativement à... coût total du dossier... Pas au moment où on se parle, au 30 juin 1996, donc il y a à peu près quelques semaines, au total, nous avons à rencontrer une facture de 103 290,89 $ pour les honoraires combinés de Mes Forest et Henri Brun, qui ne sont pas des avocats permanents du ministère de la Justice. Ces montants-là s'échelonnent sur deux années financières: 1995-1996 et 1996-1997.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ça va, M. le député de Rivière-du-Loup?

M. Dumont: Je reviendrai peut-être plus tard. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): O.K. M. le député de Drummond.


Délais provinciaux en matière civile

M. Jutras: Moi, M. le sous-ministre, je voudrais parler de la question des délais devant nos cours de justice. Quand je regarde le rapport 1994-1995, à la page 22, on y parle des délais provinciaux en matière civile. On parle des délais devant la Cour supérieure puis devant la Cour du Québec, et puis, étrangement, je n'y vois pas les délais devant la Cour d'appel, alors que l'on parle, dans une autre rubrique, des dossiers qui sont ouverts en Cour d'appel, Cour supérieure et Cour du Québec. Mais les délais, je ne sais pas si c'est inscrit ailleurs, là. Moi, je suis à la page 22.

M. Bouchard (Michel): Oui. Je remarque qu'au niveau des juridictions, à la Cour d'appel, on indique le nombre de dossiers, mais effectivement les délais devant la Cour d'appel ne sont pas mentionnés dans ces pages-là. Ma première réaction de gestionnaire serait de vous dire que nous ne disposons peut-être pas des données pour les computer, mais je m'engage à ce qu'on fasse les recherches pour vous les fournir, si nous les avons en dehors du cadre du rapport annuel, ce qui, à mon avis, serait étonnant. Nous avons peut-être un système nous permettant d'avoir un délai moyen d'appel des dossiers. Je suis à peu près persuadé que le juge en chef de la Cour d'appel est capable de fournir cette donnée-là. Il l'a certainement.

Pourquoi elle n'apparaît pas dans le rapport annuel? C'est une question à laquelle, dès ma sortie de cette réunion, je vais m'attaquer pour les produire. Mais nous avons certainement des statistiques, soit dans nos bureaux, soit au bureau du juge en chef, qui permettent d'évaluer la longueur que prend une cause une fois qu'elle est inscrite en appel jusqu'au moment où elle est entendue devant cette Cour. Le délai entre le moment où l'audition s'est tenue et le moment du jugement, c'est une autre paire de manches.

M. Jutras: Oui. Je me souviens qu'à l'automne 1994, lorsque – je ne me souviens plus du numéro du projet de loi – l'on a adopté des amendements au Code de procédure civile pour tenter d'abréger les délais devant la Cour d'appel, à ce moment-là, on parlait de délais de quatre ans à quatre ans et demi. On fait signe que oui, là. Je pense que c'était le cas à l'époque. Alors, moi, ce à quoi je voulais en venir, entre autres, c'est de savoir: Maintenant, ces délais-là sont de quel ordre?

M. Bouchard (Michel): Bon, j'ai la réponse, M. le député. Je l'ai trouvée en dehors du document qu'est le rapport annuel, mais je peux vous garantir que ces informations-là seront dans le prochain rapport annuel. Je les ai dans un document qu'on me fournit ici. Les délais moyens pour audition d'une prochaine cause devant la Cour d'appel, chambre civile, sont actuellement, au début de l'année 1996, de 1 300 jours, et la tendance est à la baisse, dans ce délai, depuis un an. Je vous répète qu'il s'agit des délais d'audition d'une cause devant la Cour d'appel en chambre civile. Les délais d'audition en matière criminelle sont beaucoup plus courts. Je ne les ai pas, mais, de connaissance, ils sont beaucoup plus courts.

M. Jutras: Et, quand vous me parlez de 1 300 jours, on parle de janvier 1996? C'est ça que vous me dites?

M. Bouchard (Michel): Le rapport que j'ai en main est daté du 8 mars 1996. C'est le dernier rapport, en date, qui m'a été fourni.

M. Jutras: Quand on parle de 1 300 jours, est-ce qu'on parle à partir de l'inscription en appel jusqu'à la journée d'audition ou si on parle du moment où le dossier est prêt à être entendu jusqu'à la journée d'audition?

M. Bouchard (Michel): C'est le délai entre le moment où la permission d'en appeler a été obtenue, où l'inscription en appel a été déposée, et le moment où les juges entendent le dossier en audition, donc la journée où l'affaire est débattue.

M. Jutras: Ah bon! Est-ce que vous avez des chiffres qui pourraient nous répartir ça, ce délai-là, autrement dit à partir de l'inscription jusqu'au moment où le dossier est prêt, puis que le dossier est prêt jusqu'à ce qu'il soit entendu?

M. Bouchard (Michel): Vous savez qu'en matière d'appel il incombe aux parties de produire des documents, des mémoires permettant de mettre le dossier en état d'être entendu devant la Cour d'appel. Les chiffres que je vous fournis sont évidemment entre le moment où la Cour d'appel émet la permission d'en appeler ou reçoit l'inscription en appel, lorsqu'il y a inscription, et le moment où ils entendent la cause. Sur ce qui cause ce délai moyen de 1 300 jours, il m'est impossible de vous fournir des détails parce qu'il y va de la rapidité avec laquelle les parties vont produire les documents nécessaires à l'audition de l'appel. Ça peut cependant... Ces délais-là peuvent être évidemment...

Et la Cour d'appel, depuis quelques mois, a adopté une procédure qui lui permet d'écarter du rôle des dossiers qui ne répondent pas assez rapidement aux exigences de production de mémoires, etc. C'est pour ça que je vous disais, il y a quelques minutes, que la tendance, depuis un an, est à la baisse, justement en raison des normes, des règles administratives que la Cour d'appel a imposées pour faire en sorte d'obliger les parties, les avocats à produire ces documents plus rapidement. Mais, dans les documents que j'ai en ma possession... En fait, devant la Cour d'appel, on ne tient pas de statistiques qui permettraient de dire qu'en moyenne les avocats prennent tant de temps à produire leurs mémoires. On ne comptabilise pas ça. Ce serait...

M. Jutras: Comme, à ce moment-là, ne sont pas comptabilisés les jours, à savoir à partir de quand le dossier est prêt à être entendu et le jour où il est entendu. On n'a pas cette division-là.

M. Bouchard (Michel): Non, je n'ai pas ces informations-là. On peut tenter d'obtenir, auprès des fonctionnaires, une réponse à: Est-ce que ce serait possible de les avoir? Parce que, bon, il n'y a pas autant de dossiers en appel qu'il y en a dans tous nos palais de justice, là. C'est peut-être un travail qui pourrait être fait rapidement, j'imagine. Me Samson me rappelait avec justesse, il y a quelques secondes, que les règles du Code de procédure prévoient des délais de rigueur et ils sont respectés, les délais, pour la production de mémoires. Donc, on peut penser que les avocats se sont disciplinés à présenter leurs documents dans les délais requis. La façon dont la Cour d'appel a agi depuis quelques mois, en rejetant les appels si on fait défaut de se conformer, est une bonne façon de les discipliner aussi.

M. Jutras: Oui, mais je pense que ce n'est pas juste là. S'il y a des délais, à mon avis, ils sont imputables, dans bien des cas effectivement, aux avocats qui tardent à produire leurs mémoires, en tout cas du temps de l'ancien système. Mais il y a des délais aussi qui sont imputables au temps que les juges prennent à entendre les dossiers, c'est-à-dire que, bon, le dossier est prêt, l'avocat attend son tour puis ça ne vient pas. Et on l'a, ça, devant la Cour supérieure, on le sait. À partir du moment où le certificat d'état de cause est produit puis que la cause est entendue, ça, ça va bien. Mais, en Cour d'appel, vous me dites que cette donnée-là n'est pas disponible.

M. Bouchard (Michel): Non. Je peux quand même vous répondre, M. le député, que le délai auquel vous référez, qui est celui qui s'écoule entre le moment où le dossier serait prêt à être entendu et le moment où il est entendu, donc, ce délai-là, à mon avis, est imputable non pas aux parties, mais à l'administration de la Cour elle-même. C'est justement ce délai auquel le juge en chef de la Cour d'appel s'est attaqué, dans les derniers mois, pour le réduire substantiellement. Pour l'aider dans cette manoeuvre de raccourcissement des délais, le ministère de la Justice a consenti des effectifs supplémentaires pour ramener le volume de dossiers en attente d'être auditionnés devant la Cour d'appel... Les ressources de recherchistes leur ont été fournies ainsi que le matériel informatique. Et je peux vous dire que, à la satisfaction du juge en chef de la Cour d'appel, l'ajout de ces ressources va nous permettre de connaître des délais beaucoup moins longs entre le moment où le dossier sera prêt, parce que les avocats auront accompli ce qu'ils avaient à accomplir comme procédure et boulot, et le moment où les juges seront prêts à les entendre.

Il faut se rappeler que la Cour d'appel est constituée, en fait, de 23 ou 24 juges – il y en a des surnuméraires à l'intérieur, mais le chiffre exact est de 23, je pense – qu'ils siègent dans deux districts, comme vous le savez, Québec et Montréal, et qu'ils ont à entendre des causes non seulement en matière civile, mais en matière criminelle et ces causes, ils leur donnent priorité. Nos statistiques, comparées à celles des autres provinces, nous amènent à constater qu'il y a beaucoup moins d'appels en matière criminelle logés devant notre Cour d'appel que comparativement aux autres provinces, toutes proportions gardées, mais qu'en matière civile... C'est l'inverse?

Une voix: On est en inversion.

M. Bouchard (Michel): Ce que je suis en train de dire était exact, mais on est en inversion avec ce qui se produit dans les autres provinces.

(15 h 50)

M. Jutras: J'aimerais, M. le sous-ministre, si vous pouviez vérifier et, si vous l'avez, la donnée, me la fournir, à savoir, devant la Cour d'appel, présentement, qu'est-ce qu'il en est, là, à partir du moment de l'inscription et... C'est-à-dire que, ça, je n'en ai même pas besoin parce que le Code de procédure civile le prévoit: il faut procéder à l'intérieur de tel délai, ce sont des délais de rigueur, et on est obligés de s'y soumettre. Mais, moi, ce que je veux savoir, c'est à partir du moment où le dossier est prêt et le moment où il est entendu. Si vous l'avez, la donnée, j'apprécierais que vous me la fournissiez.

M. Bouchard (Michel): Très bien, M. le député. Nous prenons note de votre question et de votre préoccupation, et nous allons vous la fournir ainsi qu'aux autres membres de cette commission dès que nous l'aurons obtenue, si elle existe. Si elle n'existe pas, nous tenterons de la développer.

M. Jutras: D'accord.

M. Bouchard (Michel): On me signale qu'on n'en a pas, de données, ce qui ne nous empêche pas d'essayer d'en obtenir pour le futur.

M. Jutras: Maintenant, toujours concernant les délais en matière civile, là, on les a pour la Cour supérieure et on les a pour la Cour du Québec. Par contre, c'est une donnée qui remonte au 31 décembre 1994. Est-ce qu'on sait ce qu'il en est maintenant des délais devant la Cour supérieure en matière civile?

M. Bouchard (Michel): Alors, référant toujours au même document qui m'a permis de répondre à votre question pour les délais en matière d'appel, chambre civile, je peux vous donner les chiffres, toujours au mois de mars 1996...

M. Jutras: Non, je ne veux pas en matière d'appel, là.

M. Bouchard (Michel): Non. En chambre civile, Cour supérieure.

M. Jutras: À la Cour supérieure.

M. Bouchard (Michel): Chambre civile.

M. Jutras: O.K.

M. Bouchard (Michel): Alors, pour la Cour supérieure, chambre civile, le délai moyen pour l'audition d'une prochaine cause est de 280 jours, et la tendance est à la baisse également. Pour la Cour du Québec, toujours chambre civile, ce délai est de 250 jours. C'est un délai qui, selon nos constatations, est à la baisse.

M. Jutras: En Cour du Québec, ça?

M. Bouchard (Michel): En Cour du Québec, chambre civile, délai moyen pour audition.

M. Jutras: Bien, au contraire, moi, je constate que c'est à la hausse, à ce moment-là, parce que...

M. Bouchard (Michel): À la baisse depuis la dernière production du rapport qu'on m'a donné, je m'excuse, et non pas, normalement, en référence à... C'est la tendance depuis un an. Vous référez au document du rapport annuel qui produit des chiffres pour 1994-1995. Le chiffre de 250, que je vous fournis, est un chiffre qui m'est soumis trois mois après la production d'un autre chiffre qui, lui, indiquait que le délai à la Cour du Québec, chambre civile, était plus élevé. Mais les chiffres que je vous donne maintenant, au 30 mars, vous pouvez, à l'aide du rapport annuel dont vous disposez, les comparer. La Cour du Québec, chambre civile, connaît un délai moyen pour l'audition d'une prochaine cause, au mois de mars, de 250 jours.

M. Jutras: C'est en mars 1996.

M. Bouchard (Michel): C'est ça.

M. Jutras: C'est parce que, dans le rapport qu'on a ici, c'est le rapport 1994-1995, on parle d'un délai de 210 jours.

M. Bouchard (Michel): C'est ça.

M. Jutras: Donc, la tendance...

M. Bouchard (Michel): Le délai de 2l0 jours, c'était en décembre 1994 et là, moi, je vous donne 250 jours pour mars 1996. Donc, il y a une augmentation entre ces deux dates-là.

M. Jutras: Donc, les délais sont plus longs.

M. Bouchard (Michel): Ils sont plus longs, mais je peux vous dire qu'ils étaient plus longs au début de 1996, puisqu'on me donne une tendance à la baisse, maintenant.

M. Jutras: La tendance est à l'intérieur de la même année.

M. Bouchard (Michel): C'est ça.

M. Jutras: C'est ça.

M. Bouchard (Michel): Aux petites créances, ce même délai est de 215 jours, toujours au mois de mars 1996, et, en matière criminelle, de 240 jours.

M. Jutras: Et, quand on regarde la Cour supérieure – je parle de matière civile, là – 280 jours, si je compare à 1994, encore là, ça veut dire qu'il n'y a pas eu d'amélioration, là, ça s'est maintenu de la même façon.

M. Bouchard (Michel): Exact.

M. Jutras: Et, d'un autre côté, ce qu'on constate...

M. Bouchard (Michel): M. le député, j'ai Me Lemoyne qui voudrait peut-être prendre la parole – c'est peut-être pour ajouter aux réponses – si le président le permet et si vous le permettez.

M. Jutras: Oui, oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui.

M. Lemoyne (Gaétan): Quand on prend les statistiques, vous avez des délais moyens et parfois ça peut être bien trompeur. Et, quand on regarde – malheureusement, je pensais avoir le dossier avec moi – région par région, matière par matière, la tendance, généralement, partout au Québec, est à la baisse. Mais vous pouvez arriver avec un point donné, par exemple Sept-Îles ou un autre endroit précis, qui fait que la statistique moyenne est complètement... Ça fausse complètement les chiffres qu'on vous donne aujourd'hui. Alors, c'est pour ça que, quand le sous-ministre vous disait que la tendance est à la baisse, il peut arriver qu'un point donné, ou deux, ou trois à travers tout le Québec font en sorte que ça fausse complètement, là.

Évidemment, si on les compare délai moyen par délai moyen, bien, il y a une constatation, des conclusions qu'on peut en tirer, mais, globalement, ce qu'il vous disait tantôt, c'est que la situation, depuis les deux dernières années, est à la baisse, majoritairement, partout, sauf des points donnés qui ont fait en sorte qu'il y a des endroits et des matières données où, oups! ça a augmenté et ça a complètement débalancé la moyenne des délais. Malheureusement, je ne peux pas vous fournir l'information. On pourra peut-être éventuellement vous la donner, mais c'est la lecture des informations, en termes de délais, qu'on faisait récemment.

M. Jutras: Je sais qu'on avait un problème sérieux, il y a quelque temps, à Montréal. Concernant Montréal, savez-vous où ils en sont rendus dans leurs délais?

M. Lemoyne (Gaétan): En matière...

M. Jutras: En matière civile.

M. Lemoyne (Gaétan): En matière civile, je vous dirais que, aux petites créances, les délais sont à l'intérieur d'un an alors qu'à un moment donné je sais que ça roulait à 18, 20 ou 24 mois, et ça a été régularisé. Pour le reste des matières civiles, il y a des mesures qui ont été prises également. De mémoire, je ne voudrais pas vous induire en erreur, mais je pense qu'il y a une diminution significative. Ça rencontre un peu ce que je vous disais tantôt. C'est que, à des endroits donnés où on était bien en avance en termes de délais, il y a eu des affectations de juges et des mesures qui ont été prises de traitement des dossiers pour accélérer, ce qui fait en sorte que, à Montréal en particulier, la tendance est à la baisse de façon importante.

M. Jutras: Mais vous ne savez pas ce qu'il en est présentement des délais.

M. Lemoyne (Gaétan): Je ne pourrais pas vous les donner. On pourrait vous les fournir très rapidement, cependant. Malheureusement, je n'ai pas le rapport statistique devant moi.

M. Jutras: J'aimerais ça aussi avoir cette donnée-là, présentement le délai d'audition à Montréal, ce qu'il est.

M. Lemoyne (Gaétan): Facilement.

M. Jutras: Est-ce que je peux continuer? Oui?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, on peut, sauf que j'avais l'intention de vous proposer que nous prenions environ 15 minutes de suspension de nos travaux pour quelques téléphones et, ensuite, que nous puissions poursuivre jusqu'à 18 heures. J'ai aussi des demandes d'intervention de M. le député de L'Assomption et de M. le député de Chomedey. Mais vous pouvez terminer. Vous avez, je pense, 16 minutes de faites.

M. Jutras: Ah bon. Alors, je continue tout de suite ou... Moi, ça m'est égal si vous voulez suspendre, je reviens tantôt. Alors...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ça vous convient?

M. Jutras: J'ai dit que ça m'était égal.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): O.K. Nous pouvons suspendre pour environ 15 minutes; ensuite, nous poursuivrons. Alors, nous reprendrons vers 16 h 12.

(Suspension de la séance à 15 h 57)

(Reprise à 16 h 19)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mesdames, messieurs, nous reprenons nos travaux. M. le député de Drummond, vous aviez la parole au moment où nous avons suspendu nos travaux. Si vous voulez poursuivre.


Diminution des activités judiciaires

M. Jutras: M. le sous-ministre, mes questions vont porter maintenant sur la diminution du volume d'affaires juridiques. Quand on regarde les chiffres de 1992, 1993, 1994 – et là je vous réfère à la page 21 du rapport annuel – on s'aperçoit qu'il y a une baisse substantielle du nombre de dossiers ouverts. Je regarde, à la Cour supérieure, au civil, de 1993 à 1994, c'est quasiment une baisse de 20 %; au civil, à la Cour du Québec, c'est pratiquement une baisse de 25 %. Ma première question, c'est de savoir: Est-ce que cette tendance-là à la baisse se continue? Et est-ce que vous avez les chiffres les plus récents, autant ceux de la fin de l'année 1995 que où on en est rendu en 1996? Pour le moment, j'aimerais ça si vous pouviez me répondre à ça.

(16 h 20)

M. Bouchard (Michel): M. le député, effectivement, on a connu, depuis les trois dernières années, en fait à partir de 1993, une diminution dans certains secteurs d'activité au niveau des cours de justice, que ce soit à la Cour supérieure ou à la Cour du Québec, tant en matière civile que criminelle. Par contre, les mêmes statistiques nous démontrent à certains égards une augmentation sensible au niveau de la Cour des petites créances.

Plusieurs facteurs jouent et permettent d'expliquer une baisse au niveau des activités, notamment en matière criminelle. On constate, depuis quelques années, une baisse du nombre de dossiers, mais on constate, dans le même souffle, que les dossiers sont moins nombreux, mais plus complexes. Nous faisons face, en matière criminelle, à des situations où la nature des crimes qui sont commis et dénoncés s'avère être plus complexe au niveau de la preuve qui doit en être faite. Ceci nous permet de croire que, bien qu'on dénote une diminution sensible, il y a une activité aussi lourde dans les salles d'audience en matière criminelle. En matière civile, que ce soit à la Cour du Québec ou à la Cour supérieure, il y a également des baisses, malgré que ces baisses-là ne sont pas toujours aussi évidentes d'une cour à l'autre et d'un terme à l'autre.

Je pourrais, pour le bénéfice des membres de la commission, déposer des documents qui sont préparés par le service des activités judiciaires chez nous, qui couvrent, pour chacune des chambres que l'on connaît au Québec, de 1994 à 1996, lesquels documents comportent des données annualisées de juin à mai et vous permettraient d'avoir une réponse assez complète à une partie de votre question qui est celle de savoir quels sont ces chiffres, d'une part.

Mais il faut faire bien attention en examinant ces données. Il y a des causes évidemment à ces évolutions dans les dossiers qui peuvent être, elles, expliquées en regard des nouvelles législations qui sont entrées en vigueur. Par exemple, en matière criminelle, on connaît une baisse du nombre d'enquêtes préliminaires parce que le gouvernement fédéral a passé des modifications au Code criminel qui font en sorte que la poursuite peut intenter des procédures qui sont poursuivables devant un magistrat ou un juge seul sans enquête préliminaire, alors qu'auparavant ce type d'accusation là amenait, dans presque tous les cas, le choix, par l'accusé ou son procureur, de la tenue d'une enquête préliminaire. Donc, il y a moins de causes qui se déroulent à l'intérieur de la procédure dite d'enquête préliminaire parce que des modifications ont été apportées.

En matière criminelle aussi, ce qui peut expliquer la diminution d'une partie des causes, c'est – en fait, il y a deux raisons majeures – la politique que nous avons instaurée depuis 1993 de transférer aux municipalités, aux cours municipales un plus grand nombre de dossiers pour leur permettre d'agir dans ces dossiers, en échange de quoi ces municipalités peuvent conserver les amendes. Alors, ces types de causes là que nous retrouvions naguère dans les salles d'audience des palais de justice se retrouvent maintenant dans les salles d'audience des cours municipales, donc ont libéré une partie des rôles, ce qui expliquerait, en partie, cette diminution du volume.

L'autre raison qui explique aussi cette diminution du volume en matière criminelle, c'est la politique de non-judiciarisation qui a été instaurée au début de l'année 1995 suite à une planification qui, elle, remontait à plusieurs années auparavant, où on avait pensé ce programme de non-judiciarisation là. On l'avait discuté avec différents intervenants du système judiciaire. Donc, depuis le 1er janvier 1995 ou presque, on intente moins de dossiers relativement à des accusations de moindre envergure ou à des délits de moindre envergure, de moindre gravité parce qu'on utilise le pouvoir discrétionnaire du procureur de la couronne de ne pas judiciariser le cas, mais d'envoyer une lettre d'avertissement à celui qu'on reconnaît être l'auteur du crime. Pour l'année 1995, tout près de 6 000 et quelques dossiers ont été évacués de cette façon du système judiciaire.

En matière civile, il y a des hausses. Alors, les documents que je vais vous transmettre peuvent vous permettre d'avoir les chiffres exacts là-dessus, et, avec la permission du président de la commission, je pourrais les déposer.


Documents déposés

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, j'accepte le dépôt.

M. Bouchard (Michel): Il y a peut-être une copie... Ma copie est soulignée à certains endroits. Peut-être que la copie de Me Lemoyne pourrait vous être...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci.

M. Bouchard (Michel): Et vous allez avoir, donc, les statistiques exactes permettant de répondre à votre question.

M. Jutras: Vous me dites que, en matière civile, il y a des hausses.

M. Bouchard (Michel): Certaines hausses.

M. Jutras: Alors, ça veut dire que la tendance s'est renversée.

M. Bouchard (Michel): Certaines hausses, notamment au niveau de la Cour des petites créances.

M. Jutras: Oui, mais, ça, ça s'explique. On a élevé la compétence, on a élevé la juridiction.

M. Bouchard (Michel): O.K. Alors, ça, c'est pour la Cour des petites créances. Je vais essayer de vous retracer, dans les documents, à quel endroit on a noté une hausse très légère en matière pénale. Ça, c'est différent. Je l'ai ici: en matière de délinquance, de protection et d'adoption, il y a eu une hausse légère, de juin 1995 à mai 1996, de 3 % comparativement à l'année précédente qui, elle, avait connu une hausse majeure de 20 % quant au nombre d'activités. Aussi, dans le même document qui va vous être remis dans quelques minutes, on fait état d'une hausse au niveau de la chambre de la jeunesse en matière d'adoption. C'est les seuls aspects, en matière civile, que je peux constater à la lecture des documents qui démontrent une hausse actuelle devant nos salles d'audience.

M. Jutras: En matière civile.

M. Bouchard (Michel): En matière civile, adoption, petites créances. Quand je dis matière civile: les petites créances et l'adoption, protection...

M. Jutras: Ah oui! Non, non, moi, je vous parle de civile, Cour du Québec.

M. Bouchard (Michel): Non.

M. Jutras: Non. Ça, il y a une baisse. Et la baisse se continue.

M. Bouchard (Michel): Oui, c'est ça. Exact.

M. Jutras: C'est ça? La baisse se continue?

M. Bouchard (Michel): Oui.

M. Jutras: Et même chose en Cour supérieure?

M. Bouchard (Michel): Oui.

M. Jutras: Oui. Est-ce que vous vous êtes penchés là-dessus? Avez-vous pu établir des causes?

M. Bouchard (Michel): Une des causes qu'on pourrait identifier, c'est que le contexte économique n'est pas propice à l'introduction de causes en cour comme on pouvait le connaître il y a quelques années. Les gens sont moins enclins à investir des sommes d'argent importantes alors que le contexte économique ne s'y prête pas. Il y a également des tarifs qui ont été haussés en matière civile qui font en sorte que les gens y pensent deux fois avant d'intenter un recours qui pourrait être risqué. Donc, c'est deux facteurs, chez nous, qui nous font croire qu'on a là les raisons qui amènent une diminution du volume à cet égard.

M. Jutras: Quand vous parlez de tarifs qui ont été haussés, vous parlez de timbres judiciaires puis de frais judiciaires?

M. Bouchard (Michel): Exact. Cette même diminution s'accompagne d'une hausse aux petites créances, et pas seulement parce que les modifications législatives ont permis à plus de gens de s'adresser à la Cour des petites créances, mais on nous explique fréquemment et on soupçonne que les gens diminuent le montant de leurs créances pour s'adresser à la Cour des petites créances plutôt que d'intenter leurs procédures judiciaires devant la Cour du Québec.

M. Jutras: Ça va.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. M. le député de Chomedey.


Démantèlement du service du contentieux de l'Environnement et de la Faune

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Le prochain sujet qu'on aimerait aborder avec le sous-ministre de la Justice est le démantèlement du service du contentieux au ministère de l'Environnement et de la Faune. Un bref rappel des faits. Le 7 juin 1996, le ministère, par la voix de Jean-Pierre Marcotte de la Direction générale des affaires juridiques, annonçait justement le démantèlement de la Direction des affaires juridiques du ministère de l'Environnement et de la Faune, et l'intention de concentrer les activités contentieuses aux directions générales du contentieux de Québec et de Montréal et de déférer au réseau des substituts du Procureur général la responsabilité des dossiers pénaux en matière environnementale.

Dans le journal Le Devoir , un des plus grands avocats experts en matière de droit environnemental au Québec, Me Michel Yergeau, a dit «estimer que cette décision nuirait aux intérêts de l'environnement et aurait pour effet de réduire à néant 20 ans d'expérience acquise dans ce domaine très particulier qu'est le droit de l'environnement». Le bâtonnier du Québec, dans une lettre du 2 juillet 1996, affirme que «cette décision est susceptible de provoquer la disparition de la spécialisation en droit de l'environnement», et je cite dans le texte le bâtonnier. Finalement, le président de l'Association des juristes de l'État, Luc Marchildon, a aussi écrit et il dit qu'il estime que «la cause de l'environnement ne saurait être servie adéquatement par les substituts du Procureur général déjà débordés».

Je me permets aussi de lire un extrait d'une lettre que Me Marchildon a fait parvenir au ministre de la Justice et qui, à mon sens, soulève un point extrêmement délicat. Mais c'est vraiment dit dans des termes très intéressants. Il dit: «Or, rappelons que, pour l'exercice 1994-1995, les amendes imposées en cette matière s'élèvent à quelque 1 400 000 $. Quel pourcentage de cette somme le gouvernement est-il prêt à sacrifier – c'est vraiment ça parce que, finalement, ces sommes ne rentreront pas – pour que le ministère de la Justice puisse régler ses propres équilibres budgétaires, enveloppes fermées obligent? Il s'agit là d'un autre des nombreux effets pervers qu'entraînera cette fâcheuse décision.»

(16 h 30)

Me Marchildon soulève aussi tout le problème – encore une fois, avec des termes bien choisis – de cette démarche qui consiste à envoyer les poursuites d'un ministère aussi important que le ministère de l'Environnement à un endroit centralisé. Et c'est un problème de conflits éventuels et de priorisation. Je le cite encore, M. le Président: «Toutefois, force est de constater, comme le fait d'ailleurs le Groupe de travail, que, pris à choisir entre accorder la priorité aux dossiers habituels – et importants – tels la femme victime de violence conjugale ou d'agression sexuelle, et l'infraction – simple – en matière d'environnement, il y a fort à parier [...] que le substitut ait tendance à mettre de côté le dossier d'infraction à la Loi sur la qualité de l'environnement.»

M. le Président, il a tout à fait raison, M. Marchildon, quand il dit ça. Vous vous souvenez sans doute, lorsqu'on a eu le débat sur la fusion de la Commission des droits de la personne et de la Commission de protection des droits de la jeunesse, qu'il y a beaucoup de gens qui s'inquiétaient qu'il n'y ait pas assez de ressources pour les droits de la jeunesse. Mais la tournure de ce débat démontrait qu'il y avait un autre problème. Tout le monde prenait ça tellement pour acquis, parce que c'est une évidence, que les droits d'un enfant dont la vie et la sécurité sont en danger doivent primer sur quelqu'un qui se plaint d'avoir, par exemple, été victime de harcèlement sexuel ou d'un problème de discrimination, parce que l'un est tellement gros et immédiat...

En anglais, on dit: «It just begs the question.» Ça repose toute la question. Est-ce que ça a du sens de mettre en parallèle ces deux intérêts-là ou est-ce qu'un ministère comme le ministère de l'Environnement ne devrait justement pas avoir à sa disposition son propre service de contentieux, de poursuite pour régler ces dossiers lui-même, et pas les mettre justement en compétition avec d'autres causes? Parce que la compétition – et je pense que l'analyse de Me Marchildon est excellente là-dessus – va faire gagner, j'espère, la poursuite en matière d'agression sexuelle, par exemple, pour reprendre un de ses exemples.

Alors, nous voilà devant une situation que tous les intervenants du milieu décrivent comme étant tout à fait inacceptable et risquant d'anéantir 20 ans d'expérience acquise en matière de droit de l'environnement. Alors, ma question pour le sous-ministre de la Justice, c'est: Est-ce qu'il y a quelqu'un qui a renversé cette décision depuis lors ou est-ce qu'on va aller de l'avant avec ce qui est proposé?

M. Bouchard (Michel): M. le député, vous référez à une situation qui effectivement a fait l'objet de questionnements importants de la part de certains intervenants; vous les avez nommés au début de votre question. Nous avons eu évidemment à répondre à ces gens qui ont, de façon correcte, je pense, posé la question: Est-ce qu'on ne s'en va pas vers un fonctionnement qui sera en deçà de ce à quoi on était habitués jusqu'à maintenant au niveau du traitement des dossiers d'environnement en matière pénale?

Je dois vous souligner que, dans la recherche de façons de faire... Et je disais, dans l'allocution au début de cette séance, qu'il nous fallait innover et qu'il nous fallait aussi rechercher des façons de faire en raison du contexte difficile auquel nous avons à faire face. Et, dans notre jargon de fonctionnaires, la rationalisation et les nouvelles façons de faire nous amènent à trouver de quelle façon on pourrait rendre les mêmes services auxquels nous avions habitué la population, tout en fonctionnant autrement en raison de ces budgets. Et, une fois qu'on a dit qu'on devait retrancher un certain pourcentage du budget d'un ministère, ceux qui ne sont pas préoccupés de façon quotidienne par les impacts de cette décision peuvent passer à autre chose, mais, nous, nous vivons avec des enveloppes budgétaires qui nous sont allouées et nous avons donc à faire en sorte que le service n'en souffre pas. Alors, nous avons à imaginer des façons de faire nouvelles.

Comme n'importe quel fonctionnaire, j'imagine, ou gestionnaire, nous préférerions avoir des budgets de développement plutôt que des budgets en décroissance. Notre responsabilité, et c'est pour ça que nous avons hérité de ces fonctions, c'est de trouver ces façons de faire nouvelles qui rencontrent les objectifs budgétaires d'un gouvernement et qui, à la fois, pénalisent le moins et, l'objectif n'étant pas de pénaliser le moins, qui ne pénalisent pas du tout la personne à qui les services doivent être rendus.

Nous avons, au sein du ministère de la Justice, un réseau diversifié et très compétent de procureurs de la couronne qui agissent dans toutes les régions du Québec. Nous avions également un contentieux de plaideurs en matière pénale en environnement très compétents qui, eux, étaient aussi amenés à voyager à travers le Québec pour plaider les causes émanant des enquêtes faites à l'Environnement. Dans la recherche de ces objectifs de compressions budgétaires, tout en trouvant la façon de pénaliser non seulement le moins le citoyen, mais également – parce que c'est aussi une des missions qu'on a – de sauver le plus possible d'emplois, nous avions imaginé des scénarios qui nous amèneraient à rencontrer ces deux objectifs: mettre le moins d'individus en disponibilité, les garder dans notre réseau de plaideurs au ministère de la Justice, parce que c'est ça qui constitue le gros des forces, à la Direction des affaires juridiques et législatives, des plaideurs et des juristes compétents, capables de s'acquitter de leurs mandats. Et nous avions donc à trouver des façons nouvelles d'opérer.

Vous connaissez autant que moi le rôle qu'a à jouer le plaideur en matière pénale et criminelle dans la province de Québec. Vous savez que ces gens-là sont quotidiennement devant les tribunaux et qu'ils utilisent la procédure, que ce soit la procédure pénale provinciale ou la procédure du Code criminel, pour établir la responsabilité de personnes qui ont commis des infractions, que ce soit en matière pénale style environnement ou en matière criminelle.

Nous avons imaginé, suite à des examens qui ont été faits et à ce que j'appellerais des études au ministère, une façon de faire qui ferait en sorte que les deux objectifs seraient rencontrés. Les éléments que nous avons pris en considération, dans cette prise de décision, visaient d'abord à tenir compte de la présence sur le territoire du réseau des substituts, qui est déjà implanté dans plusieurs points de services. Nous avions également comme souci le maintien d'un service de qualité auprès du ministère de l'Environnement et de la Faune. Alors, la nouvelle procédure que nous avons mise en place a été discutée avec ces gens au moment où nous l'avons imaginée et développée. Nous avions également à prendre en considération le maintien et le développement de l'expertise en droit de l'environnement, y compris dans le domaine des infractions pénales.

Nous avons, je pense, imaginé et mis en oeuvre un scénario qui répond à toutes ces préoccupations que nous avions, en plus de celles qui étaient inévitables: les économies suscitées par un partage des responsabilités, et je souligne, à l'attention du député de Chomedey, que cette réorganisation amène une économie budgétaire d'environ 300 000 $. Et, tous ces éléments pris en considération, nous avons donc avisé les gens concernés de la façon dont nous allions, pour l'avenir, opérer.

Si vous me le permettez, M. le député, si le président de cette commission le permet, je demanderais maintenant à celui qui est responsable de ces activités en matière d'environnement chez nous, au niveau des avocats plaideurs et des avocats qui oeuvrent en matière pénale, d'apporter plus d'éclairage encore dans ce qui a été à l'origine de sa décision et ce qui nous a amenés à la prendre, cette décision. Ce que le sous-ministre associé, Me Jean-K. Samson, va vous déclarer – je m'associe entièrement à ses propos – c'est comme si je vous répondais moi-même. Je n'ai pas l'intention, en lui demandant de prendre la parole, de venir expliquer une décision avec laquelle je n'étais pas en accord, au contraire. Lorsque le dossier m'a été présenté et qu'on l'a soupesé, les arguments m'ont convaincu.

Nous avons donc fait en sorte que la procédure qui est maintenant instaurée, qui sera instaurée puisse naître et puisse également nous amener à produire des services d'une aussi grande qualité, toujours, et Me Samson va vous l'expliquer, avec des gens qui demeurent en place. Parce que le contentieux n'a pas été démantelé, selon ce que vous dites parce que vous faites référence à ce qui vous a été écrit dans des lettres. Je pense qu'il y a là beaucoup d'incompréhension chez ceux qui pensent que le contentieux a été démantelé; Me Samson va vous apporter plus de précisions là-dessus. Je pense qu'il s'agissait là d'une décision responsable, de nature à faciliter le traitement des dossiers.

M. Mulcair: M. le Président, ça va nous faire plaisir d'entendre Me Samson qui est une personne avec une vaste expérience au ministère et qui a et qui mérite le plus grand respect de tous les gens avec qui il a eu à travailler, dont celui qui vous parle, au cours des dernières années. Mais je demanderais juste à Me Samson d'avoir la gentillesse d'assortir sa réponse et son explication de sa réaction à la situation concrète – parce que c'est bien beau d'avoir des idées et des choses sur papier – qui a prévalu lorsqu'on procédé, à l'Office de la protection du consommateur, à un réaménagement quasi identique à ce qui est proposé au ministère de l'Environnement et de la Faune et où on a vu une réduction de 59 % dans les poursuites pénales.

(16 h 40)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Me Samson.

M. Samson (Jean-K.): Jean Samson. Je hochais la tête, M. le Président, non pas pour le 59 %, parce que je l'ignore, mais je sais qu'il y a eu, à l'OPC, une baisse de poursuites pénales. La réorganisation à l'OPC et la réorganisation qu'on a mise en place au ministère de l'Environnement ne sont pas de même nature parce que la réorganisation de l'OPC touchait aussi et d'abord le domaine des enquêtes. Évidemment, sans enquête, pas de vérification; pas de vérification, pas d'inspection, pas de fait, pas de poursuite. Il y avait là un ensemble de réorganisation qui fait en sorte qu'on a recentré, sans doute, à l'OPC, les activités de façon différente.

Ici, il n'est pas question, au ministère de l'Environnement, de réaménagement des systèmes d'enquête de telle façon que l'on cible d'une façon ou de l'autre. Les réaménagements des services d'enquête du ministère de l'Environnement seront peut-être faits, je n'en sais rien, nous n'en sommes pas responsables. Mais l'objectif n'est pas de diminuer les enquêtes ou de diminuer les inspections et, donc, pas d'arriver en bout de piste avec une diminution de la mise en oeuvre des lois de l'environnement.

J'aimerais peut-être rappeler, M. le Président, si vous le permettez, la façon dont ça s'est déroulé. Parce que, comme le sous-ministre Bouchard le disait tout à l'heure, on parle beaucoup de démantèlement et on a parlé de démantèlement. Juste une simple réalité: le ministère de la Justice entretient actuellement, jusqu'à mardi, je crois, 32 juristes affectés au ministère de l'Environnement, donc 32 juristes spécialisés en droit de l'environnement, qui traitent les dossiers du ministère de l'Environnement. Si je regarde l'ensemble des directions d'affaires juridiques qui sont affectées auprès des ministères, c'est le double du nombre de juristes affectés aux autres, à quelque autre ministère que ce soit où on n'est pas spécialisé en matière contentieuse, donc nos deux contentieux ou le Revenu.

Après le démantèlement – vous m'excusez, parce que j'avoue que ce terme-là qualifie tellement mal l'opération que j'ai beaucoup de difficultés avec – après cette réorganisation, il y aura huit juristes affectés en moins au ministère de l'Environnement. Il y avait, au départ, huit juristes en droit pénal et trois juristes en droit civil. La réorganisation que nous avons envisagée est dans la continuité d'une orientation que nous avons prise depuis quelques années maintenant de spécialiser les juristes dans les habiletés professionnelles qu'ils maîtrisent le mieux. C'est pour ça que les matières contentieuses sont traitées dans des bureaux spécialisés en matière civile à Québec et à Montréal, et que les derniers transferts de matière civile ont été faits entre nos directions d'affaires juridiques au ministère des Transports, au ministère de l'Éducation, au ministère de la Sécurité du revenu au cours des 24 derniers mois et que le traitement que l'on fait maintenant des dossiers environnementaux est dans la foulée de cette orientation-là.

Globalement, notre organisation est ainsi faite que les matières contentieuses sont traitées par des spécialistes en matière contentieuse, soutenus par des spécialistes du domaine juridique dont il est question. C'est ainsi que tous les ministères sont desservis de cette façon-là par des spécialistes en contentieux soutenus par des spécialistes en matière de fond. Il va arriver la même chose en matière pénale, c'est-à-dire que les substituts du Procureur général spécialisés en matière pénale vont recevoir l'appui, lorsque nécessaire, comme en matière civile, des spécialistes du droit de l'environnement comme tels qui seront présents soit dans les services de contentieux civils, soit au siège du ministère de l'Environnement agissant pour le ministère de la Justice.

M. Mulcair: M. le Président, on remercie beaucoup Me Samson pour ses excellentes explications, mais je pense que ça laisse entière la question de savoir quel est l'avenir des poursuites justement dans les ministères sectoriels, si on continue dans cette voie-là. Il a donné quelques exemples lui-même où les choses vont être centralisées, l'ont déjà été au cours des 24 derniers mois. Mais je pense que l'exemple que je lui donnais tout à l'heure pour la protection du consommateur est un exemple qui vaut la peine d'être regardé un peu plus attentivement, pour l'exemple modèle qu'il représente.

Lorsque ces coupures-là ont été annoncées, que les chambardements importants à l'Office de la protection du consommateur ont été annoncés, moi-même, comme critique en matière de justice, et mon collègue, le député de Notre-Dame-de-Grâce, comme porte-parole en matière de protection du consommateur, avons souligné l'effet pervers possible de ces coupures-là en ce sens qu'une loi... Je pense que je vais me permettre, M. le Président, de citer une phrase du juge en chef Antonio Lamer, citée dans les journaux du samedi 27 juillet 1996: «Le règne du droit n'est pas un bien gratuit. Il requiert le concours des fonds publics dans une mesure qui puisse assurer la qualité de la justice et la confiance du public dans le système judiciaire.»

M. le Président, j'ajouterais que, dans un domaine comme la protection du consommateur, si on n'a pas – je ne veux pas utiliser un terme cru – la menace suffisante d'une poursuite, non seulement on ne va pas avoir un effet dissuasif sur les marchands croches, mais les marchands honnêtes vont commencer à dire: Pourquoi, moi, je dépense plus que lui et je retire moins que lui, parce qu'il fait des annonces sur des rabais qui ne sont pas vraiment des rabais puis il n'y a plus personne qui checke puis il n'y a plus de poursuites? Pourquoi est-ce que je me fatigue à faire ça? Le fait est que, comme dans la population en général, la vaste majorité des marchands sont des gens honnêtes. Mais l'effet de répression de l'autorité publique, du ministère public doit toujours être là. La menace – pour le dire, encore une fois, avec ce terme assez primaire – doit toujours être là; sinon, on va commencer à voir les problèmes pervers, les effets déplorables dénoncés et prédits même par le juge en chef Antonio Lamer.

Je pense, M. le Président, que, comme parlementaires, c'est notre devoir, dans un exercice comme celui d'aujourd'hui, de vraiment songer à ces problèmes-là et à ces questions-là, et de se dire: Ça va où, cette affaire-là? Je comprends la nécessité d'ajuster et de rationaliser administrativement, mais je ne pouvais pas m'empêcher de sourire, tantôt, quand j'entendais mon collègue, le député de Drummond, souffler le mot «réorganisation» pour le substituer à la place de «démantèlement». Ça me rappelait un autre exercice de cette nature-là auquel s'est livré le ministre de la Justice lorsqu'il a dit que les augmentations de revenu des juges, ce n'étaient pas des augmentations, c'étaient des ajustements, même si les ajustements, c'étaient des augmentations. George Orwell ne pouvait pas faire mieux.

Et, parlant de revenus, est-ce qu'un jour on va faire la même chose donc avec le contentieux du ministère du Revenu? Est-ce qu'on va oser faire ça, dire: Écoutez, every body out of the pool, on va tous vous mettre à la même place? Est-ce qu'on irait jusque-là? Je ne penserais pas. Parce que je pense que les intérêts supérieurs de l'État en matière justement de perception du revenu ne vous permettront jamais de le faire. Et je me permets de suggérer que le corpus de lois qu'on a au Québec, si on veut qu'il soit respecté, mérite qu'on soupèse très attentivement ce genre de changement là. Ce n'est pas un petit réaménagement ou une réorganisation administrative; c'est quelque chose de fondamental qu'on est en train de faire.

Pour avoir déjà dirigé un organisme moi-même, dont les avocats ne relevaient pas du ministère de la Justice, à chaque fois qu'on sentait un tentacule de la Justice arriver comme ça, tac! nos avocats étaient très contents de ne pas relever de la Justice parce qu'ils avaient la capacité de gérer leurs dossiers eux-mêmes à l'interne. Et on voit justement cette tendance à l'«encroachment» du ministère de la Justice qui peut toujours se plaider en termes de rationalisation des dépenses.

Mais autant, dans certains domaines, lors de la création de la Direction générale des affaires législatives en 1978, l'idée était qu'on allait centraliser la rédaction des lois, que les gens allaient donner un peu des «drafting instructions» pour la préparation des projets de loi dans les ministères sectoriels, on s'est vite rendu compte que ça ne pouvait pas être ça et la direction générale en question a été gonflée au-delà de 100 personnes, au début des années quatre-vingt. Mais ça a été réduit graduellement. Ça offre maintenant un excellent service de soutien et de conseil, mais chaque ministère prépare un peu ses lois; c'est tamisé un peu là-bas, puis au Comité de législation. C'est une meilleure façon de procéder.

(16 h 50)

À mon sens, on est en train de faire une erreur avec ce qu'on fait ici maintenant. On est en train de perdre cette expertise-là et une certaine autonomie qui est vraiment nécessaire. Chaque ministère doit pouvoir développer ses politiques, doit pouvoir décider que, dans tel ou tel domaine, on va mettre l'accent, cette année. Puis je vous l'avoue bien sincèrement, entre la personne qui fait du «poaching», du braconnage trois jours avant la saison puis mettre un deuxième procureur de la couronne parce qu'on a des crimes contre la personne à Montréal, j'espère que la réponse est simple. Si vous mettez les deux en concurrence, c'est évident où la ressource va être appliquée.

C'est pour ça qu'il me semble qu'on n'a peut-être pas bien soupesé tous les avantages et inconvénients de cette démarche-là. Parce qu'il va y avoir concurrence, à un moment donné, et avec raison, si vous mettez tout ça dans le même panier. Sinon, quelqu'un va vous reprocher de ne pas avoir des valeurs humaines et de ne pas vous occuper du citoyen. Mais le citoyen, on s'occupe de lui avec un ensemble de lois votées par l'Assemblée nationale. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de les mettre en concurrence directe comme ça.

On a besoin de plus de procureurs de la couronne pour faire le travail? Engageons-les. Une manière de recentraliser des services comme les services de gestion du personnel, les services de formation, les services de bibliothèque, d'archives, d'ordinateurs, pas de problème, mais de laisser à un autre ministère le soin de décider quelle cause va être poursuivie quand vous la mettez en concurrence avec des causes qui affectent la personne, il ne faut pas être grand clerc pour comprendre laquelle va prévaloir.

C'est pour ça que c'est vraiment l'effet à long terme de ces choses-là qu'il faut regarder. C'est pour ça que je me suis permis de vous donner l'exemple concret: la diminution de 59 % – prouvé, on l'a noir sur blanc – des poursuites à l'Office de la protection du consommateur. C'est l'effet d'entraînement. Une fois que les gens savent qu'il n'y a plus de policier pour savoir si on arrête au feu rouge, le bon citoyen, neuf fois sur 10, va s'arrêter au feu rouge quand même parce qu'il arrête au feu rouge pour ne pas blesser son voisin, mais l'autre, qui arrête seulement parce qu'il a peur d'un ticket, si on lui dit qu'il n'y plus de police, guess what? il va passer. C'est ça qui va se passer et, finalement, ceux qui s'arrêtent vont commencer à dire: Bien, finalement, si je m'arrête et je regarde vite, je suis prudent, je continue.

J'ai peur qu'on prenne pour acquis ce qu'on a bâti au cours de la dernière génération. Je comprends que les dépenses que les gouvernements ont faites au cours des dernières générations ont entraîné des déficits tels qu'il faut vraiment qu'on commence à couper, mais il me semble que l'administration de la justice mérite plus de soins et plus d'attention que ce qu'elle reçoit en ce moment, que tout le discours sur la diminution, la rationalisation, les coupures n'est pas contrebalancé par un souci approprié pour l'administration de cette justice-là.

L'application des lois, ça ne se fait pas tout seul, et l'exemple qu'on est en train de regarder cet après-midi, l'exemple soulevé par l'Association des juristes de l'État, n'est pas un exemple anodin. Parce que, si c'est à répétition, dans les autres ministères sectoriels, qu'on fait ça, on va vraiment avoir un problème au Québec, et je pense que personne ne le souhaite. It's the depth of a thousand cuts. C'est une petite coupe ici, une petite coupe ici, une petite coupe ici.

Moi, je me souviens d'un éditorial dans Le Devoir , ça ne faisait pas six ou huit mois que le gouvernement actuel était au pouvoir. Le titre de l'éditorial: «La justice ratatinée». C'était Gilles Lesage, et déjà il y avait une foule d'exemples qu'il avait donnés là-dedans. Je me permets de vous prier de faire attention et de vous soucier de ça quand vous regardez ces questions-là, de la même manière qu'on le fait avec le ministre. Ne pliez pas aussi facilement si vraiment c'est des choses essentielles qui vont passer par le côté.

Quand on apprend qu'on ne remplace pas les femmes procureurs de la couronne lorsqu'elles sont en congé de maternité, il y a, d'un côté, tout un problème social énorme parce que ça amène une pression indue de ne pas avoir d'enfant – ça a déjà été décrié et dénoncé dans les journaux – et, d'un autre côté, c'est une autre indication qu'on est en train de couper la pointe du fer de lance de la justice. L'application des lois, c'est la chose primordiale. C'est la dernière chose qu'on devrait être en train de couper.

J'ai donné, ce matin, l'exemple avec le ministre: la première chose que l'on coupe dans le domaine de la santé et des services sociaux, c'est le service direct à la population parce qu'on ne peut pas toucher à la machine. Ici, vous avez fait certains efforts, et je les ai louangés quand j'étais avec le ministre. J'ai été très honnête et très candide, quand je l'ai dit. Quand vous coupez dans l'administration sans affecter les services, c'est bon. Mais, ici, je ne suis pas convaincu qu'on est en train de couper dans l'administration sans couper les services, et je donne en exemple ce qui s'est passé en matière de protection du consommateur.

Et il faut avoir cette vision à long terme. Il faut que ça sensibilise votre analyse à chaque fois que vous regardez ces questions-là; sinon, dans cinq ans, dans un tas de domaines sectoriels, j'ai très peur qu'on soit en train de se mordre les doigts, qu'on soit en train de dire: Merde! on a vraiment manqué le bateau. Comment on va recréer les diverses expertises, comme l'expertise en matière de droit environnemental? En tout cas, on va le suivre avec beaucoup d'attention. J'espère avoir tort dans le dossier de l'environnement et de la faune. J'espère avoir tort. Mais l'exemple de la protection du consommateur me donne raison.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le sous-ministre.

M. Bouchard (Michel): M. le député de Chomedey, j'apprécierais, toujours avec votre permission, juste de relever quelques-unes de vos remarques et, ensuite, je vais demander à Me Samson de compléter les explications qu'il vous fournissait. Dans un premier temps, je dois vous dire que nous partageons tous votre préoccupation à l'égard des services à la clientèle et de la façon dont les dossiers sont traités. Eh oui, l'environnement, la protection de l'environnement, la répression que nous devons amener à l'égard des gens qui contreviennent aux lois concernant la protection de l'environnement, évidemment nous les partageons.

Nous avons également à vivre avec une situation budgétaire qui n'est pas propre au gouvernement du Québec et à la province de Québec. Cette situation se retrouve partout, au Canada d'abord et, j'imagine, dans plusieurs pays. Je pense que nous avons en tête toutes ces préoccupations lorsque nous prenons des décisions menant à la réduction non pas de services, mais de personnel en un endroit donné. Me Samson complétera tout à l'heure et vous expliquera, je pense, de façon beaucoup plus explicite que je ne puis le faire la façon dont nous pensons sincèrement que nous allons arriver à nous acquitter de cette lourde responsabilité en matière d'environnement.

L'autre remarque concerne votre allusion au non-remplacement des procureurs de la couronne qui nous quittent pour un congé de maternité. Je dois vous dire que ce n'est pas une décision automatique de ne pas pourvoir au remplacement des personnes qui nous quittent pour aller mettre des enfants au monde, lorsqu'elles agissent à titre de procureurs de la couronne. Nous faisons le remplacement dans le district lorsque le besoin s'en fait sentir, lorsque nous constatons qu'en raison de la longueur du congé ou du volume de dossiers dans un district le remplacement s'avère nécessaire. Il n'y a pas de directive interne, à ma connaissance, à la Direction des affaires criminelles et pénales, qui dit: Nous ne remplacerons plus, désormais, les procureurs de la couronne féminins qui nous quittent pour une période plus ou moins prolongée pour aller accoucher. Il n'y a pas de telle directive qui ferait en sorte qu'on ne pourvoirait pas au remplacement de ces personnes-là.

Il y a des districts où, après examen de la situation, après examen du volume de dossiers, après examen de la longueur du congé de maternité souhaité par la personne, nous allons, après des discussions avec le procureur-chef de la région, qui est l'administrateur, évaluer si le remplacement s'avère absolument nécessaire. Mais il n'y a pas, pour l'avenir, de ce genre de décision qui ferait en sorte que, quel que soit le nombre de procureurs de la couronne féminins qui auraient à nous quitter pour quelques mois, il y ait impossibilité de pourvoir à leur remplacement. Je voulais apporter cette précision.

Si vous le permettez, je demanderais à Me Samson de terminer les explications qu'il vous fournissait relativement... Parce que ça m'apparaît être important. Votre préoccupation, vous avez raison de la soulever, mais il est important qu'on puisse, nous, à notre tour, justifier de ces décisions et faire état des espoirs que l'on met dans cette réorganisation qui a été faite.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Me Samson.

M. Samson (Jean-K.): Merci, M. le Président. Simplement, peut-être, pour compléter, le député de Chomedey rappelait que, quand il n'y a pas de police, c'est très difficile de faire appliquer les lois. Si on regarde bien comment le fonctionnement d'une plainte pénale, en matière environnementale comme partout, mais en matière environnementale pour le cas qui nous occupe, est instauré, c'est quand même le suivant. La police, entre guillemets, ce sont les inspecteurs. Ce sont les personnes responsables, dans le champ, de constater les faits pour ensuite les rapporter aux avocats qui décident s'il y a matière à poursuite.

Alors, dans le système qui est mis en place, le système d'inspection est toujours la responsabilité du ministère de l'Environnement. Ils vont continuer de faire les opérations comme ils les faisaient et, j'espère, de les faire mieux toujours, comme nous tentons de faire mieux. Ce que nous mettons en place, c'est simplement que, une fois ces faits rapportés, l'analyse des faits et de la pertinence de porter des plaintes sera effectuée par nos juristes au ministère de l'Environnement et, ensuite, le dossier sera transféré en région, là où il sera plaidé, une fois préparé.

(17 heures)

Dans cette optique-là, je vous avoue très sincèrement – je pense que le président du syndicat en est bien conscient – que c'est une analyse de réorganisation que nous faisions depuis déjà deux ou trois ans et que nous mettions en place. Déjà, depuis deux ou trois ans, nous songions à cette façon de procéder, indépendamment des contraintes budgétaires. Ça nous apparaît, et ça m'apparaît très honnêtement, une meilleure façon de traiter les dossiers, une façon plus rationnelle de traiter les dossiers, qui s'avère plus économique et qui est meilleure en bout de piste, très honnêtement.

Vous faisiez allusion, tout à l'heure, à l'organisation d'autonomie de bureau versus l'organisation du ministère de la Justice. Je comprends très bien le besoin que l'on peut ressentir, dans une unité qui n'a pas une fonction gouvernementale ministérielle, d'être autonome. Dans ce sens-là d'ailleurs, on a procédé à des réorganisations qui font que nous ne fournissons plus directement des services à des unités qui sont autonomes complètement du gouvernement. À l'inverse, la coordination des activités juridiques requiert, à mon sens, une organisation qui est en même temps décentralisée, mais coordonnée pour s'assurer de la cohérence des actions juridiques gouvernementales. Ça répond strictement à cet objectif-là; notre organisation répond à cet objectif-là.

Et, dans la mesure où on a mis en place un réseau d'expertises très diversifiées dans tous les secteurs du droit, il nous est apparu et il m'apparaît toujours... Je suis toujours convaincu de la pertinence de spécialiser les avocats dans un secteur donné – en l'occurrence, évidemment ceux qui sont auprès des ministères se spécialisent dans le droit relatif à ce ministère d'abord et avant tout – et, en même temps, d'avoir une espèce d'organisation qui fait qu'on peut profiter des habiletés professionnelles particulières requises par des opérations données.

Vous faisiez allusion aux affaires législatives; je fais allusion au contentieux. Ce sont des habiletés professionnelles qui sont particulières, qui requièrent une connaissance de contenu juridique, mais qui requièrent des habiletés professionnelles. Nous tentons donc de développer les habiletés professionnelles particulières en les concentrant dans des matières contentieuses et législatives ou de conseil et, en même temps, en spécialisant le contenu juridique; d'où les hauts degrés de spécialisation qu'on a pu atteindre en droit de l'environnement en particulier, en droit constitutionnel, en droit administratif. Je n'ai pas à vous énumérer tous les secteurs que nous couvrons.

C'est un système d'organisation qui, par expérience et pour faire le tour des sous-ministres des ministères à peu près chaque année pour avoir une évaluation des services que nous rendons dans les différents ministères, satisfait les ministères, satisfait les clientèles, ce que j'appelle nos clientèles. En même temps qu'on agit comme ministre de la Justice coordonné, on agit aussi comme avocat-client auprès d'un client, et ça satisfait généralement les clientèles.

Je vous avoue qu'après explications et discussions auprès du ministère de l'Environnement, parce que le bruit qui a été fait autour a fait que les messages n'étaient pas peut-être pas aussi clairs qu'ils auraient dû l'être, les gens avec qui on a eu l'occasion de discuter déclarent, très honnêtement, comprendre la situation, comprendre le modèle d'organisation et sont à peu près rassurés. Il est évident qu'il y a un changement qui s'opère et, dans la mesure où il y a un changement, il y a un certain risque. À notre sens, on prend un risque pour mieux, très honnêtement.

L'autre difficulté qui est soulevée, c'est la disponibilité des procureurs de la couronne pour agir en matière pénale. Le choix auquel on fait allusion, c'est entre prendre un dossier de meurtre, s'occuper d'un dossier de meurtre ou de violence conjugale, par rapport à un sac de déchets en matière environnementale. C'était, très honnêtement, une plainte que l'on avait des différents ministères. Après avoir constaté ces plaintes avec mon collègue, le sous-ministre associé aux affaires criminelles et pénales, à l'époque, M. Bouchard, et maintenant M. Bilodeau, on a discuté de la situation. Le sous-ministre responsable a décidé de mettre en place une équipe responsable plus spécifiquement des aspects du droit pénal. Donc, il n'y a pas, en principe, concurrence entre la violence conjugale et le droit pénal québécois en matière de transport ou en matière d'environnement. Donc, il y a une spécialité en matière pénale et les gens ont à gérer ces dossiers-là en matière pénale.

J'avoue qu'évidemment, en matière environnementale, on n'a pas eu l'expérience, mais l'expérience qu'on a eue dans les autres secteurs montre que l'insatisfaction dont les gens faisaient montre, surtout en matière de rétroinformation, parce que les gens donnaient moins d'information, ou des insatisfactions de ce genre-là, est très nettement tombée. Alors, dans cette mesure-là, ce risque, parce que tout changement implique un risque, nous apparaît bien calculé par rapport à une augmentation – quant à nous, on croit à une augmentation – de la qualité des services.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Après Me Samson, j'inviterais maintenant M. le député de L'Assomption. M. le député de Chomedey, si vous avez d'autres questions, je vais vous réinscrire. J'ai aussi des demandes de M. le député de Rivière-du-Loup.


Nomination de Me Mario Bilodeau au poste de sous-ministre associé

M. St-André: Merci, M. le Président. Le député de Chomedey, tantôt, dans ses remarques préliminaires, a soulevé la nomination de Me Mario Bilodeau, entre autres, au poste de sous-ministre associé. Le député a manifesté l'intérêt de poser des questions au sous-ministre là-dessus et on n'est pas revenus sur la question. Cependant, j'aimerais ça entendre les explications, en tout cas, certaines explications du sous-ministre là-dessus.

Dans un premier temps, j'aimerais ça savoir s'il existe, avant de nommer un sous-ministre ou un haut fonctionnaire de l'État, une procédure de vérification afin de s'assurer qu'une personne a des... en fait, afin de s'assurer de son honnêteté, de sa probité et de son intégrité avant de procéder à une telle nomination. Bien sûr, pour moi, il ne s'agit pas de vous questionner sur la pertinence de cette nomination-là. La nomination relève du Conseil des ministres et il va de soi qu'il appartient au ministre de la défendre. Mais j'aimerais ça savoir s'il existe simplement un mécanisme qui permet de s'assurer de la probité, de l'honnêteté d'un candidat avant qu'il soit nommé à une fonction aussi importante.

M. Bouchard (Michel): Merci, M. le député. Bien humblement, je vais être obligé de vous répondre dans la mesure des informations que je détiens. J'ai été nommé en 1993 par le gouvernement d'alors et c'est une nomination... C'est un privilège du premier ministre de choisir les sous-ministres, vous le comprendrez. Je sais qu'il n'y a pas de concours auquel les gens intéressés au poste pourraient répondre. Il n'y a pas d'examen ou ce qu'on appelle des bancs de sélection de candidatures, comme on en voit dans d'autres sphères d'activité.

J'imagine, j'espère et je suis certain même qu'on examine en long et en large le passé de l'individu à qui on s'apprête à confier des responsabilités importantes. Si j'avais à choisir, je le ferais. Il s'agit d'un domaine, comme vous le savez, qui relève des emplois supérieurs au sein du Conseil exécutif. Ces gens-là pourraient être en mesure de vous répondre beaucoup plus explicitement si le sous-ministre responsable de ce secteur avait à venir répondre de son administration. Moi, ce que j'en sais, c'est ce que je viens de vous dire.

Les gens qui nous demandent d'occuper ces fonctions-là nous rencontrent évidemment et nous interrogent sur notre façon de voir les choses, mais il ne s'agit pas d'un concours auquel on a à compétitionner avec d'autres candidats ou candidates. Il y a peut-être un concours, mais on ne le sait pas. Il y a certainement d'autres candidats et candidates qui sont approchés, et les candidatures sont évaluées. J'imagine qu'on regarde beaucoup la carrière de l'individu. Dans mon cas, on a dû tenir compte du fait que j'étais dans la fonction publique depuis plusieurs années; donc, c'était plus facile pour eux de connaître l'individu à qui on décidait de confier ce mandat-là. J'espère avoir répondu entièrement à votre question.

Quant au reste, j'aimerais, si vous le permettez, même si vous ne m'invitez pas explicitement à le faire, réitérer ce que j'ai déjà eu l'occasion de déclarer lorsqu'on m'a demandé mes commentaires sur le fait que Me Bilodeau occupait les fonctions de sous-ministre associé aux affaires criminelles et pénales. Je connais Me Bilodeau depuis plusieurs années, puisqu'il occupait en défense alors que j'agissais à titre de procureur de la couronne à l'époque, dans les années 1975 à 1985, dans le district de Québec. Évidemment, avec la réponse que je vous ai donnée, vous savez que je n'ai pas eu à choisir, moi, Me Bilodeau; c'est une prérogative du gouvernement, du Conseil des ministres. Mais, lorsqu'on m'a annoncé que Me Bilodeau s'en venait agir comme sous-ministre associé aux affaires criminelles et pénales au ministère de la Justice, j'ai été ravi de voir qu'on avait demandé à une personne aussi compétente de venir occuper ces fonctions aussi très importantes.

(17 h 10)

Je connais Me Bilodeau, je vous l'ai dit, depuis plusieurs années. Je sais qu'il est une personne intègre; je sais que c'est un individu qui a à coeur le bon fonctionnement de l'administration de la justice au Québec. C'est vrai parce que sa carrière d'avocat l'a amené à représenter différentes personnes, différentes gens devant les tribunaux. Je sais qu'il était l'avocat, dans certains dossiers, d'individus associés à un groupe de motards. Je sais qu'il a certainement bien représenté ces gens-là, comme c'était son devoir de le faire, puisqu'on l'avait retenu comme avocat. Je sais aussi qu'il a représenté toutes sortes de gens non seulement en matière criminelle, mais qu'il a représenté beaucoup de gens dans d'autres domaines ou sphères d'activité du droit et, surtout, qu'il a été l'avocat principal et principalement mandaté par la Sûreté du Québec pour la représenter lors de l'enquête importante qui s'est tenue suite aux événements survenus à Oka.

Donc, vous avez là un individu qui, dans un premier temps de sa carrière, a représenté, parce qu'il était un criminaliste, des gens qui, j'imagine, avaient à répondre de leurs gestes devant les tribunaux criminels, mais également un individu, un avocat à qui on a fait confiance, et cette confiance-là provenait des milieux policiers du Québec et des dirigeants de la Sûreté du Québec. Et, de ce que j'en sais, on n'a pas eu à se plaindre de la façon dont il s'est acquitté de son mandat pour la Sûreté du Québec.

M. St-André: Ça me paraît très clair. J'aimerais poser une autre question sur le même sujet. Je veux demander au sous-ministre peut-être une opinion juridique. Dans notre système de droit, toute personne a le droit de se faire représenter, y compris les truands et les bandits. J'aimerais savoir si, en vertu de nos chartes de droits et libertés, on peut discriminer ou exclure quelqu'un parce qu'il a représenté des personnes douteuses ou qui ont commis des actes criminels.

M. Bouchard (Michel): Avec votre indulgence, M. le député, je vais vous dire qu'il est difficile... Je dirais même que je ne suis pas habilité à vous fournir une opinion juridique dans le forum que nous avons cet après-midi. Mais je peux vous dire, pour répondre à votre question, que je me sentirais très mal à l'aise de donner comme explication à quelqu'un qui postulerait un emploi, ou de répondre à quelqu'un d'autre qui s'informerait du pourquoi de ma décision, que je n'ai pas retenu sa candidature parce qu'il représentait, à une certaine époque, dans le cadre de ses fonctions, des personnes dont la réputation était peu enviable ou encore qu'on avait identifiées à des milieux criminels. Je pense que, si c'est la raison qui militait pour mon refus d'embaucher cette personne, je pourrais avoir des problèmes à expliquer cette décision-là sur cette base.


Faible représentation des femmes au sein du ministère

M. St-André: Je vous remercie beaucoup. Le député de Chomedey également a soulevé la question de la faible représentativité des femmes au sein de votre ministère, au niveau des cadres supérieurs. Est-ce que vous avez une explication là-dessus?

M. Bouchard (Michel): J'ai quelques statistiques qui peuvent nous permettre d'avoir un aperçu un peu plus global du taux de représentativité de la gent féminine au sein de notre organisation. Dès que je vais mettre la patte sur les chiffres, je vais vous en donner lecture. Nous n'avons, au niveau des administrateurs, donc les postes associés au sous-ministre, sous-ministre associé, aucune femme, c'est exact. D'ailleurs, nous en avons la preuve cet après-midi: il n'y a aucune femme d'assise à la table; nous avons quatre hommes. Au niveau des cadres supérieurs, nous avons 12 femmes et 42 hommes pour un pourcentage de 22,2 %. Au niveau des cadres juridiques, ce pourcentage est de 29 % et, au niveau des cadres intermédiaires, de 28,6 %. Au niveau des substituts en chef et chefs adjoints, ce pourcentage est de 16,1 %. Au niveau des procureurs de la couronne, notre pourcentage est de beaucoup supérieur, il atteint maintenant... 40 % des personnes qui occupent la fonction de procureur de la couronne sont des femmes.

Bon, pour répondre de façon plus explicite à votre question: Avez-vous une explication à nous donner? écoutez, je pense que les femmes graduellement se sont taillé une place de plus en plus importante au sein de l'appareil de l'État. Je pense que les nominations récentes, dans les dernières années, sont là pour le prouver. Il y a de plus en plus de femmes qui occupent des postes de cadres supérieurs ou des postes de responsabilité supérieure.

Personnellement, parce que c'est moi qui ai à donner cette réponse cet après-midi devant vous, il m'arrivait souvent de faire de la discrimination positive lorsque je faisais de l'engagement. Je vous dirai même franchement et publiquement – et je l'ai déjà dit à plusieurs personnes – que, lorsque j'avais à choisir des personnes pour occuper à titre de procureur de la couronne, à compétence égale, j'ai toujours privilégié la sélection d'une personne de sexe féminin pour différents motifs qui seraient pas mal long à vous expliquer, mais qui tournaient pas mal autour du fait qu'elles étaient très dévouées, très loyales et très déterminées dans leurs actions, et qu'elles accomplissaient un travail remarquable que, à l'aide de mon expérience, j'avais pu déceler.

Je pense qu'au niveau de l'administration supérieure la récente nomination par le premier ministre de six femmes aux postes de sous-ministres dans le dernier remaniement sous-ministériel indique, j'imagine, une préoccupation de l'État à cet égard, que je félicite. Je dois vous dire que, comme sous-ministre en titre du ministère de la Justice, voir arriver ces personnes-là au forum des sous-ministres me permet de croire que nous aurons une haute fonction publique québécoise de plus en plus performante et compétente. C'était une très grande satisfaction pour ceux déjà en place de voir arriver ces six nouvelles personnes là de sexe féminin.

Quant au reste, je pense que vous aurez, en tant que députés, amplement, j'imagine, l'opportunité de poser des questions à ceux qui procèdent aux nominations. C'est le plus loin que je peux aller cet après-midi.

M. St-André: Je vous remercie. Bien sûr, je veux également joindre ma voix à celle du député de Chomedey pour déplorer le fait qu'il n'y a pas beaucoup de femmes au niveau des sous-ministres, mais cependant je suis heureux de constater que, dans l'ensemble du ministère de la Justice, au niveau des cadres intermédiaires et des autres postes de direction, il semble y avoir un effort évident d'assurer la présence des femmes à ce niveau-là. Puis je suis convaincu qu'éventuellement, au niveau des sous-ministres, des sous-ministres associés, ça viendra également. Comme d'ailleurs vous l'avez souligné dans votre exposé, le premier ministre actuel a procédé à des nominations importantes à cet égard.

Maintenant, le député de Chomedey, qui, dans ses remarques préliminaires, a abordé la question de la représentativité des femmes au sein de votre ministère, j'ai peut-être mal compris, mais m'a semblé également évoquer que la Charte des droits et libertés de la personne ne serait peut-être pas appliquée lorsque vous faites de l'embauche. Est-ce que vous pouvez nous rassurer là-dessus?

M. Bouchard (Michel): Il faudrait peut-être, M. le député, demander au député de Chomedey de préciser sa préoccupation, parce que...

M. Mulcair: M. le Président, puisque effectivement la question s'adresse à moi, je vais me permettre d'intervenir en disant à quel point cela me fait plaisir de rencontrer... Il est venu pour la première fois la semaine dernière, mais il n'a pas parlé beaucoup lorsqu'on a rencontré le juge Coutu. Mais le député de L'Assomption aura amplement le temps de défendre son collègue, le ministre de la Justice, parce que justement il en a souvent besoin.

Par contre, ici, aujourd'hui, on se livre à un autre exercice qui est censé être non partisan. Alors, il peut bien relever mes remarques, et je suis flatté que, depuis les 15 minutes qu'il nous parle, chaque phrase ait commencé par: «Le député de Chomedey». Ça va. Je suis flatté que vous ayez porté autant d'attention à mes dires. Mais ce n'est pas parce qu'il est assis du même côté que les gens du ministère qu'il n'est pas censé être en train de se livrer au même exercice que nous aux termes de la loi 198, soit celui qui consiste à rendre imputables les hauts dirigeants de l'État vis-à-vis de leur gestion.

Alors, qu'il défende son collègue, le ministre de la Justice, c'est une chose, mais qu'il sente le besoin de courir à la rescousse des administrateurs d'État, peut-être qu'il n'a pas tout à fait compris l'objet de l'exercice d'aujourd'hui. Soit. Mais j'aurai amplement l'occasion, M. le Président, dès qu'il aura fini... et j'espère que c'est pour bientôt, parce que justement j'avais plusieurs autres sujets sur lesquels je voulais revenir. Et, s'il veut revenir sur chacune...

M. St-André: Le député de Chomedey m'a ouvert la porte.

M. Mulcair: ...de mes interventions, après 18 heures il peut le faire, mais la Chambre risque d'être vide.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mais, M. le député de Chomedey, je vous rappellerai que le député de L'Assomption avait la parole.

M. St-André: Je voudrais rassurer tout de suite le député de Chomedey: je pense que j'ai bien compris la nature de l'exercice aujourd'hui. D'ailleurs, dans ses remarques préliminaires puis tout au cours de la journée, il me semble qu'il y a beaucoup de questions qu'il a soulevées pour lesquelles il aurait dû s'adresser directement au ministre et non pas au sous-ministre. La question des nominations de sous-ministres, je l'ai évoqué tantôt, je l'ai souligné, ça relève du premier ministre; la question de Me Bilodeau, la même chose; le juge en chef Louis-Charles Fournier également. Le ministre a déjà répondu à ces questions-là. Et, tantôt, excusez-moi, passez-moi l'expression, mais le député de Chomedey a littéralement harcelé le sous-ministre sur cette question-là.

(17 h 20)

Or, je pense qu'au contraire du député de Chomedey j'ai très bien compris la nature de l'exercice, ici, aujourd'hui. Je l'invite plutôt à adresser ses questions au ministre de la Justice puis c'est un grand garçon, je lui fais confiance, il est parfaitement capable de répondre au député de Chomedey. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey, vous avez maintenant votre tour de parole.


Nomination de Me Mario Bilodeau au poste de sous-ministre associé (suite)

M. Mulcair: Oui, j'apprécie, M. le Président. Alors, justement pour ce qui est de la nomination de Me Mario Bilodeau, dans mes remarques d'ouverture d'aujourd'hui, j'ai dit déplorer son absence parce que justement on avait des questions à lui poser. Encore une fois, ce n'était pas parce qu'il était en train de s'occuper d'affaires urgentes en Tasmanie; c'est parce qu'il avait décidé de convoquer une réunion de ses propres bureaucrates le jour même où il était convoqué ici par cette commission parlementaire. Et on en prend bonne note.

Pour ce qui est du problème que cela peut provoquer, je pense que, encore une fois, le député de L'Assomption manque un peu de compréhension de comment les choses se font au sein de l'administration publique québécoise. Je vais tenter de l'éclairer un tant soit peu. Évidemment, les nominations des sous-ministres se font par le Conseil des ministres. Cependant, il ne comprend pas l'objet de notre question lorsqu'il dit: Est-ce que ce serait contre la Charte de tenir compte du fait que quelqu'un a déjà représenté des criminels avant de le nommer?

Comme je l'ai aussi dit dans mes remarques d'ouverture, M. le Président, il y a 17 000 membres du Barreau du Québec. J'aimerais bien savoir si le député de L'Assomption pourrait regarder droit dans les yeux les parents de ce jeune garçon tué par une bombe des Hell's Angels en leur disant que, nous, on a choisi la meilleure personne parmi les 17 000 avocats membres du Barreau du Québec pour représenter des intérêts publics et pour faire les poursuites contre les Hell's Angels et les autres éléments criminels de notre société. S'il me dit qu'il serait capable de faire ça, je comprendrais sa préoccupation vis-à-vis des chartes.

Quand j'ai parlé d'un problème de perception, c'était justement ça, de prendre quelqu'un qui a déjà représenté des éléments criminels et de le nommer non pas... On prend des illustres criminalistes puis on les nomme juges. Personne ne dit que ça fait de mauvais juges. Ce n'est pas ça, la préoccupation.

M. St-André: M. le Président, est-ce que vous me permettez de répondre?

M. Mulcair: M. le Président, je pense que j'ai la parole. Si le député a une question de règlement à soulever, qu'il nomme l'article du règlement; sinon, je pense que j'ai la parole.

Je pense qu'il faut comprendre que ce qui dérange beaucoup, pour citer les titres des journaux, dans la nomination de Me Bilodeau, ce n'est pas le fait qu'il a déjà travaillé dans ces milieux-là. Puis les associations d'avocats de la défense et même le Barreau sont déjà venus dire: Écoutez, ce n'est pas parce qu'une personne a déjà travaillé dans ces domaines-là qu'elle est inapte à faire ça puis le gouvernement peut faire ses nominations.

Mais c'est ici qu'en termes politiques on peut regarder ces questions et dire: Chaque fois qu'après que des agents de police de la GRC, de la Sûreté du Québec, de la police municipale de la Communauté urbaine de Montréal ont tous mis leur vie en danger la poursuite tombe à l'eau parce qu'il y a eu telle défaillance dans le système de cueillette des preuves, qu'il y a eu tel problème et puis que même les experts dans le milieu commencent à dire que ça en fait beaucoup de ces causes-là qui tombent à l'eau, bien, je dis, M. le Président, qu'il y a un problème de perception. Et le problème de perception est aggravé par le fait que la personne qui est le patron des procureurs de la couronne a déjà représenté des éléments qui sont en train d'être enquêtés.

Je ne dis pas que Me Bilodeau ne peut pas faire d'autres choses au sein du ministère. Je ne dis pas non plus qu'il ne pourrait pas utiliser sa vaste expérience en matière criminelle pour faire un bon travail dans d'autres domaines et que ça pourrait même servir au public. Tout ce que, nous, on dit, M. le Président – et c'est pour ça qu'on aurait bien voulu pouvoir lui poser la question aujourd'hui – c'est: Est-ce que c'est la seule et la meilleure personne pour occuper une fonction aussi délicate dans la situation dans laquelle on se trouve aujourd'hui?

Je vais vous donner deux exemples, M. le Président, en ce qui concerne Me Bilodeau, et ça va peut-être rendre la chose plus facile. «Le torchon brûle entre les policiers et la couronne depuis qu'un avocat de Québec, qui représentait souvent des motards, dont des membres des Hell's Angels, est responsable des poursuites pénales dans la province. Me Mario Bilodeau, un criminaliste très proche des hautes instances du Parti québécois, est sous-ministre adjoint de la Justice depuis un peu plus d'un an.» Ça, c'est un article de Michel Auger dans le Journal de Montréal .

Je vais vous donner un autre exemple, cette fois-ci, un article de Rodolphe Morissette, un des journalistes en matière de justice les plus expérimentés au Québec. Il parle d'«un geste gracieux de la couronne envers la caisse de Sherbrooke». Et ça, c'était dans un article du 9 mars 1995. C'est intéressant parce qu'il rappelle que l'avocat de deux personnes qui avaient déjà été trouvées par les tribunaux... qui avaient déjà reconnu le fait d'avoir préparé de faux documents dans une cause à Sherbrooke ont bénéficié justement d'un geste gracieux de la couronne, nolle prosequi; ils ont décidé de ne plus les poursuivre. Mais M. Morissette, dans son article, dit: «Rappelons que l'avocat d'Aubé et de Garant dans cette affaire était Me Conrad Chapdelaine, un militant péquiste actif dans la région de Sherbrooke qui avait été défait par la députée actuelle, Marie Malavoy, à l'investiture du parti avant le scrutin général de septembre.»

C'est pour ça que, dans ces matières-là, il faut vraiment pouvoir montrer patte blanche. C'est pour ça que, dans ces matières-là, il ne faut pas qu'il y ait l'ombre d'un doute sur l'intégrité des gens et pourquoi ils sont là. Parce que, si l'administration de la justice devient teintée par des préoccupations d'ordre partisan ou encore des préoccupations qui restent de notre carrière antérieure, eh bien, tout le monde qui regarde l'administration de la justice... Je viens de vous donner des exemples de certains observateurs de la scène politique et judiciaire qui s'inquiètent. C'est ça, le problème que ça va provoquer; ça risque de déconsidérer l'administration de la justice. C'est pour ça, M. le Président, qu'on aurait tant voulu avoir Me Bilodeau ici pour qu'il puisse répondre par lui-même. Il n'est pas là; alors, on soulève des questions puis on cite des experts en la matière.


Personnes acquittées figurant au plumitif des palais de justice

Pour ce qui est d'un autre dossier, M. le Président, en ce qui concerne le plumitif des palais de justice du Québec, en décembre 1995, le problème a été soulevé devant le Protecteur du citoyen. Rappelons qu'on a constaté que les gens qui avaient été accusés d'un crime, mais trouvés non coupables devant les tribunaux se faisaient quand même repérer dans les fichiers informatiques des palais de justice, information accessible à tout le monde, y compris aux compagnies qui font des études de crédit et qui sont souvent consultées par les employeurs potentiels. Le cas concernait une personne qui était expert-comptable de profession et qui avait un tas de difficultés à obtenir un emploi jusqu'à temps qu'elle comprenne la difficulté. Parce qu'un employeur a fini par lui dire que son problème était le fait que le fichier, le plumitif en question faisait toujours référence à des poursuites contre lui, même s'il a été complètement blanchi dans cette affaire-là.

Lorsque j'ai questionné le ministre en Chambre là-dessus à plusieurs reprises, il a dit que c'était la faute du fédéral. Quand ce n'est pas la faute de la température qui crée le chômage, c'est la faute du fédéral qui ne s'occupe pas des fichiers. Mais, de notre côté, on croyait plutôt qu'il y avait quand même une certaine obligation de la part du ministre de la Justice du Québec pour ce qui est des palais de justice du Québec.

On essaie de comprendre pourquoi, avec une présomption d'innocence qui existe au sein de la Charte des droits et libertés de la personne, on a encore ce problème qui, rappelons-le, a été signalé dès 1993. Donc, ce n'est pas une question d'un individu, ce n'est pas quelque chose qui est soulevé spontanément comme ça, ce n'est pas quelque chose qui date d'hier. Il y a d'autres gouvernements, sans doute, qui ont eu l'occasion de regarder ça. Mais, maintenant que la question est sur la table, est-ce que le sous-ministre de la Justice peut nous dire si, oui ou non, pour lui, c'est possible d'effacer les noms de ces gens-là des plumitifs, des registres qui sont contenus dans les ordinateurs des palais de justice du Québec?

M. Bouchard (Michel): M. le député, je dois immédiatement vous informer que je devrai être très prudent dans la réponse que je vais vous fournir parce que...

M. Mulcair: Vous avez été tellement prudent tout l'après-midi, ça ne pourrait guère l'être plus.

M. Bouchard (Michel): C'est pour ça, M. le député, qu'on apprécie mes services.

Il y a actuellement devant le tribunal des dossiers qui traitent de cette question et qui pourraient faire en sorte de dénouer l'impasse dans laquelle on se trouve. Je vais quand même vous signaler que nous avons cette préoccupation, au ministère de la Justice, que vous avez énoncée depuis quelques minutes. Nous l'avions évidemment depuis quelques années, puisque je me rappelle avoir écrit à mon collègue sous-ministre adjoint au fédéral, en octobre 1990 ainsi qu'en février 1992, pour lui souligner la nécessité d'amener des modifications législatives qui étaient de leur ressort afin de régler cette question qui, à mon avis, doit être une fois pour toutes bien évacuée de nos préoccupations futures.

(17 h 30)

Parce que je suis entièrement d'accord avec vous qu'un individu qui bénéficie d'un pardon peut se voir blanchi, entre guillemets, au niveau d'un dossier judiciaire et celui qui se voit blanchi par les tribunaux judiciaires pour toutes sortes de raisons, y compris l'acquittement et y compris l'abandon des procédures, se voit dans une situation qui, on peut le juger ou l'apprécier, est plus pénalisante pour lui, puisqu'on a accès à des informations qui sont à l'effet qu'on a déjà, à l'égard de cet individu, pris des procédures. Et, bien souvent, l'information ne donne pas toute l'information. Justement, on ne dit pas qu'il y a eu, pour tel motif, acquittement. Il est arrivé que des tribunaux, des juges ont dit: Je vous acquitte, monsieur, honorablement. Et, dans le jargon procédurier criminel et pénal, ça veut dire: On n'aurait peut-être pas dû porter l'accusation parce qu'il n'y avait rien, il n'y avait pas une once de preuve.

Alors, votre préoccupation est importante. Notre analyse du dossier nous amène à penser que la solutionner, cette problématique, à l'aide d'une directive administrative nous place dans une position qui peut être contestable. Je n'irai pas jusqu'à vous donner le fin fond de notre argumentation juridique là-dessus, mais on pense que la solution véritable passe par un amendement aux lois fédérales concernées, entre autres à la Loi sur le casier judiciaire. Nous avons donc fait nôtres les préoccupations que vous soulevez ainsi que celles soulevées par le Protecteur du citoyen et nous avons l'intention de revenir à la charge auprès des autorités fédérales pour que, de leur côté, en amenant des modifications législatives, toute la problématique soit solutionnée de cette façon.

Je vous rappelle que mes interventions de 1990 et celles de 1992 ont été suivies, par la suite, d'une intervention du ministre actuel de la Justice, le 26 mars 1996, à l'attention de son collègue, M. Allan Rock, et que nous avons enfin soulevé cette discussion à la dernière réunion fédérale-provinciale-territoriale des ministres responsables de la Justice les 9 et 10 mai dernier, alors qu'encore une fois le ministre de la Justice a demandé à son collègue d'agir dans ce sens. Nous avons donc là une action qui remonte à plusieurs années et qui fait état de notre préoccupation. Nous avons aussi, comme je vous le disais au début de cette réponse, une situation juridique créée par le dépôt de plaintes et de recours devant les tribunaux dont les auditions sont fixées pour le 30 septembre prochain, et nous...

M. Mulcair: Est-ce que c'est une affaire civile? C'est quelle sorte de...

M. Bouchard (Michel): C'est une requête en recours collectif devant la Cour supérieure, qui est déposée dans le district de Trois-Rivières. La question soulevée permettrait, si la Cour désire se prononcer... Bien, la Cour va certainement se prononcer. Mais, si la Cour désirait se prononcer sur la possibilité qui existe d'émettre des directives administratives, à ce moment-là, nous nous sentirions plus confortables pour procéder à de telles directives. Au cas contraire, si la Cour confirme nos appréhensions à l'effet qu'il y a nécessité d'une intervention législative au niveau du fédéral, nous saurons, à ce moment-là, appuyés, forts d'un jugement de notre Cour supérieure, revenir de nouveau devant le gouvernement fédéral pour procéder à de tels amendements.

Mais, en conclusion, oui, nous avons l'intention d'apporter un remède le plus rapidement possible à cette situation qui cause une iniquité parmi les gens qui ont eu affaire un jour aux tribunaux et qui s'en voient blanchis, alors que celui qui a été trouvé coupable, mais qui, après un certain délai prévu à la loi, peut obtenir son pardon se voit dans une situation plus avantageuse.

M. Mulcair: M. le Président, juste pour clore là-dessus – je trouve ça difficile à suivre – dans le 23e rapport annuel du Protecteur du citoyen, celui qui couvrait 1992-1993, à la page 83, on lit ce qui suit sous le titre «Le droit de disparaître»: «Des personnes ont porté à notre attention le fait qu'en dépit de leur acquittement par le tribunal, le plumitif des palais de justice – du Québec, sous l'égide de votre ministère – continuait à indiquer qu'elles avaient été mises en accusation. Or, le plumitif, c'est-à-dire le registre informatisé des dossiers des tribunaux, est d'accès public et ces gens considéraient que la mention de leur nom pouvait nuire à leur réputation.» Je viens de donner un exemple où c'était le cas. «Ces citoyens ont invoqué, au surplus – comme M. le sous-ministre vient de le mentionner, M. le Président – que le nom des personnes condamnées ayant obtenu un pardon de la cour ne figurait plus au registre, tandis qu'une procédure équivalente n'existait pas pour les cas d'acquittement. À la suite de notre intervention – c'est le Protecteur du citoyen qui parle – le ministère envisage d'émettre une directive visant à corriger cette situation.»

Alors, est-ce que le sous-ministre est en train de nous dire que, pour lui, la loi exige le maintien d'un registre, d'un plumitif où les noms des gens mis en accusation, mais acquittés doivent figurer? Et, si oui, peut-il nous dire en vertu de quelle disposition législative du fédéral il fonde son appréhension? Nous, on n'a pas été capables de la trouver.

M. Bouchard (Michel): Je vous réfère, notamment, à la Loi sur le casier judiciaire, qui est une loi fédérale, et au fait qu'au Québec les cours que nous connaissons sont des cours d'archives et que, pour l'administration, il serait inadéquat, selon notre analyse juridique, d'intervenir dans le sens souhaité par le député de Chomedey sans être appuyés par une disposition législative habilitante.

Je vous rappelle la prudence que je veux amener dans mes propos parce que nous avons à débattre de ces questions devant les tribunaux. Lorsque vous référez au document du Protecteur du citoyen, c'est exact, à l'époque où... Parce que je pense que je n'étais pas en fonction au moment où ce rapport-là a été écrit, et les données qui ont servi à la confection du rapport qui ont été écrites ne concernaient pas une correspondance que j'aurais pu échanger avec le Protecteur du citoyen ou quelqu'un qui relevait alors de ma juridiction. Mais je sais, pour avoir pris connaissance du dossier par la suite, que notre intention, c'était d'examiner, comme on le dit dans le document du Protecteur du citoyen, la possibilité d'émettre une directive.

Nous avons fait, au niveau des services juridiques du ministère, une analyse de la possibilité que nous avions d'intervenir à l'aide d'une directive, et ça nous a amenés à émettre les propos que je viens de vous énoncer: nous considérons qu'il y a là une situation juridique qui ne nous permet pas totalement de croire que nous serions justifiés de le faire et que l'amendement législatif qui incombe au Procureur général du Canada est nécessaire. Il s'agit donc d'une analyse juridique de notre part. C'est la situation que nous avons décidé d'adopter, celle d'obtenir cet amendement par les autorités fédérales. Mais je vous signale encore qu'il y a des débats devant les tribunaux et peut-être que la solution va nous être indiquée par le tribunal qui aura à se prononcer sur la question dans les prochaines semaines, auquel cas nous agirons.

M. Mulcair: Et, juste pour compléter là-dessus, cet amendement nécessaire, selon vous, est un amendement à la Loi sur le casier judiciaire. C'est ça?

M. Bouchard (Michel): Oui.

M. Mulcair: Merci. À quel article?

M. Bouchard (Michel): Article 6.

M. Mulcair: Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce que vous avez d'autres questions?

M. Mulcair: Oui, mais on peut alterner. Je peux revenir après.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Drummond ou M. le député de L'Assomption, est-ce que vous avez d'autres questions? Alors, très bien, vous pouvez poursuivre, M. le député de Chomedey.


Suites à donner au rapport du juge Jean-Charles Coutu sur la justice en milieu autochtone

M. Mulcair: Oui, merci, M. le Président. En matière du droit des autochtones, la semaine dernière – vous étiez là, M. le Président, c'était vous qui présidiez notre rencontre – on avait le plaisir d'entendre le juge Jean-Charles Coutu qui était là pour nous donner son interprétation et des explications sur son rapport important. J'ai noté, avec un certain regret, qu'il n'y avait aucun membre de la direction ni aucun de leurs officiers du ministère de la Justice qui était présent à cette présentation-là. Bien sûr, c'était à l'intention des membres de la commission, mais il y avait d'autres intéressés dans la salle, et je regrettais beaucoup ce manque d'intérêt. D'ailleurs, une des choses que reprochait M. le juge Coutu à l'égard du ministère, c'était son manque d'intérêt pour les dossiers autochtones.

D'ailleurs, je me souviens d'une de ses phrases, et ça chevauche bien avec la conversation qu'on vient d'avoir parce qu'il disait qu'au ministère de la Justice on veut toujours que les choses soient blindées. C'était son expression. Vous vous souvenez, M. le Président? Ils veulent toujours que les choses soient blindées. Parfois, ils s'inventent des peurs. Ils ont peur d'avoir peur. Avec l'explication qu'on vient d'avoir sur l'article 6 de la Loi sur le casier judiciaire, je vous avoue que, dans un dossier qui n'a rien à voir avec les autochtones, je viens de comprendre beaucoup mieux le propos du juge Coutu, parce que c'est vraiment s'inventer des peurs.

Avec une Charte des droits et libertés de la personne qui confirme la présomption d'innocence, aucune loi ne doit être interprétée comme allant à l'encontre de la Charte. Quand on dit que, peut-être, on a l'obligation de garder un registre indiquant qu'une personne a déjà été accusée, même si elle n'est pas reconnue coupable, au contraire, son innocence n'est que confirmée, puisque ce n'est pas vrai, c'est faux, même, de dire «trouvée non coupable». On est tous non coupables. On est présumés innocents. Le tribunal le confirme lorsque la poursuite fait défaut de rencontrer son obligation de faire une preuve hors de tout doute raisonnable sur tous les éléments de l'infraction. Eh bien, quel bel exemple pour illustrer le propos de M. Coutu!

La question – on en a abordé une ou deux, de ces questions-là, avec le ministre ce matin: J'aimerais savoir, à l'intérieur du ministère, à l'heure actuelle, quels sont les projets, quels sont les plans qui sont mis en place pour donner suite au rapport Coutu. On a eu un exemple, ce matin, d'un avocat de l'aide juridique à Kuujjuaq. Est-ce qu'il y a d'autres choses qui sont en chantier pour tenter de donner suite à ce rapport-là?

(17 h 40)

M. Bouchard (Michel): M. le député, avec votre permission, j'aimerais juste compléter la réponse précédente que je vous ai donnée en vous indiquant que, selon notre perception, il s'agirait d'un amendement à être amené à la Loi sur le casier judiciaire. C'est bien sûr que le fédéral pourrait aussi amender le Code criminel pour introduire des dispositions qui viseraient, de façon plus spécifique, cette situation-là que l'on connaît, à savoir de retrancher des dossiers informatisés notamment ces informations-là. Donc, il a la liberté soit d'y aller par la Loi sur le casier judiciaire ou par le Code criminel, mais en innovant dans des dispositions nouvelles. Donc, c'est son choix, à lui.

Pour revenir de façon plus explicite maintenant à votre question: Que se fait-il actuellement au ministère de la Justice en regard des suites à donner au rapport Coutu? comme avait l'occasion de vous le souligner le ministre ce matin, suite au dépôt de son rapport, nous avons commandé à nos analystes et à nos experts des analyses d'impact sur chacune des recommandations contenues au rapport. Comme vous le savez, ces recommandations étaient au nombre de près d'une cinquantaine. Nous avons donc analysé quel en serait le coût d'implantation et dans quel délai on pourrait, de façon réaliste, leur donner suite.

Je dois vous dire que, actuellement, il se fait quand même des choses intéressantes au niveau de l'administration de la justice dans le Grand Nord et dans les communautés autochtones les plus éloignées. Nous avons une équipe de procureurs de la couronne qui sillonnent cette partie de la province et qui font en sorte d'assurer le traitement des dossiers en matière criminelle et pénale. Ils sont évidemment accompagnés, dans le traitement de ces dossiers, par des procureurs de la Commission des services juridiques qui, eux autres aussi, sont appelés à desservir la clientèle qui se situe dans ces limites territoriales de la province. Nous investissons, bon an, mal an, à date, tout près de 2 500 000 $ dans ce qu'on appelle la cour itinérante auprès des communautés autochtones les plus éloignées.

Au cours des dernières années, toujours dans l'esprit de la démarche qui accompagnait les travaux de M. le juge Coutu, nous n'avons pas attendu la production de son rapport pour amener des correctifs à certaines situations qu'il dénonce dans son rapport et qu'il nous dénonçait bien évidemment avant la production de son rapport, puisque ces travaux avaient été commandés par le gouvernement en 1992. Donc, on avait confié au juge Coutu le mandat d'aller voir ce qui se faisait dans les communautés autochtones et, surtout, comment on pourrait y administrer la justice de façon différente.

Je dois souligner à l'attention des membres de cette commission que le juge Coutu est allé recueillir, parmi les communautés autochtones concernées, leurs sentiments à l'égard de ce qui avait déjà été fait au ministère de la Justice, c'est-à-dire une réflexion importante et très minutieuse de ce que devrait être le traitement judiciaire en milieu autochtone. M. le juge Coutu est allé, à l'aide des travaux qui avaient été initiés en 1988 au ministère de la Justice, leur demander quel modèle de justice complémentaire ces communautés étaient prêtes à adopter sur la base de ce qui avait été examiné et proposé par le ministère de la Justice dès 1988. Donc, il faut bien comprendre que M. le juge Coutu, en recevant son mandat, allait tester auprès des communautés autochtones la réceptivité à nos propositions qui émanaient du ministère de la Justice depuis 1988.

Ceci étant dit, lorsqu'il nous a produit son rapport en 1995, nous avons donc immédiatement décortiqué chacune des recommandations. Les analystes se sont mis à la tâche d'évaluer le montant budgétaire requis pour y donner suite advenant que la communauté choisirait tel modèle complémentaire. Donc, nous avons évalué les coûts reliés à l'implantation de ces mesures. Entre-temps, nous avons eu des rencontres avec des gens qui, au même titre que M. le juge Coutu, ont eu à travailler dans ce milieu pour avoir leur perception à eux de la façon dont on pourrait remédier aux lacunes importantes soulignées par M. le juge Coutu dans son rapport.

Nous avons donc finalisé les études d'impact en regard de chacune des recommandations. Nous avons évidemment constaté que le coût d'implantation de ces mesures était assez important et, au moment où ces coûts nous étaient connus de façon plus précise, nous avons... Il nous reste donc maintenant à identifier, parmi les disponibilités budgétaires qui vont s'ouvrir à compter du 1er avril prochain pour le ministère de la Justice, quels montants peuvent être ponctionnés pour introduire une bonne partie des mesures proposées par l'honorable Coutu dans son document.

Nous avons également pris les devants à l'égard de certaines de ces mesures, même si nous n'avons pas en main, au moment où je vous parle, les budgets, parce que, comme vous le savez, le cycle budgétaire gouvernemental prévoit que les budgets qui pourraient être consacrés à l'administration de la justice en milieu autochtone nous seront disponibles à partir du prochain exercice financier. Nous vivons dans un contexte d'enveloppe fermée, de choix budgétaires qui ont été faits il y a plusieurs mois, qui ont été faits à peu près à la même période que nous connaissons aujourd'hui, mais en 1994-1995. Donc, il nous est impossible, pour l'instant, de dégager plus de sommes jusqu'au 1er avril prochain.

Mais, comme je le disais et comme le ministre le disait ce matin, nous avons l'intention, dans les prochaines semaines, de finaliser la formation d'autochtones pour les amener à agir à titre de juges de paix, qu'on appelle juges de paix autochtones à pouvoirs étendus, ce qui permettrait à certains individus faisant l'objet d'accusations dans ces régions éloignées de comparaître plus rapidement et de voir leur sort être décidé plus rapidement par des gens sur place. Mais vous comprendrez, M. le député, parce que vous êtes avocat et que vous connaissez la façon dont l'administration de la justice doit se dérouler, ce que j'appellerais l'efficacité avec laquelle on doit agir et la crédibilité avec laquelle on doit agir, qu'administrer la justice en milieu autochtone, c'est complètement différent de ce qu'on connaît dans le Sud.

Je m'explique. Il est facile d'administrer la justice dans le Sud lorsque les moyens mis à notre disposition – je ne parle pas uniquement de moyens budgétaires – les moyens mis à la disposition des intervenants leur permettent de prononcer des décisions susceptibles de régler rapidement un conflit qui s'est déclaré. Par exemple, vous faites comparaître un individu dans n'importe quelle municipalité au Québec située au sud et vous pouvez lui interdire d'entrer en communication avec la victime qui s'est plainte de certains agissements, vous pouvez lui interdire de communiquer directement ou indirectement avec elle, vous pouvez aussi lui interdire de séjourner à tel endroit. Et, s'il ne se conforme pas à cette décision judiciaire, il est possible, par la suite, de le ramener devant le tribunal.

Dans ces régions éloignées où la population, des fois, ne dépasse pas les 500 ou 600 personnes, où ces gens sont souvent apparentés entre eux et sont surtout très voisins – ils sont éloignés de nous, mais, entre eux, ils sont très rapprochés parce que les communautés sont petites – demander à un juge de paix autochtone de prononcer à l'égard de son voisin une décision importante, par exemple, lui interdisant de rencontrer l'autre individu qui demeure à quelques pieds de lui, et demander à cet individu de prononcer un nombre incalculable de décisions de cette nature à toutes les semaines risque de placer cet individu dans une position extrêmement difficile pour la poursuite de ses activités normales dans la communauté.

Donc, nous cherchons des solutions qui feraient en sorte que les juges de paix autochtones puissent agir non seulement dans leur communauté, mais surtout dans des communautés un peu plus éloignées pour leur permettre de rentrer chez eux, à la maison, et de vivre en toute quiétude une vie normale de citoyens qui ont des responsabilités à prendre, des décisions à prendre, mais qui le font d'une façon qui s'apparente le plus à la manière dont le font nos juges de paix dans le Sud. Alors, il s'agit d'une matière très complexe. Les difficultés que nous découvrons à chaque fois que nous voulons implanter un système surgissent continuellement pas en raison du milieu dans lequel vivent ces gens-là, mais en raison des distances et de la promiscuité qui est obligatoire dans ces endroits vu la nature, la façon dont ils vivent et les endroits éloignés où ils vivent. Mais, pour l'instant, je vous dis que les efforts sont mis là-dedans.

Et je comprends, moi, l'impatience de M. le juge Coutu. C'est un individu qui a consacré presque toute sa carrière au traitement des dossiers en milieu autochtone. Lors de sa déclaration, je vous le dis bien franchement et bien candidement, M. le député de Chomedey, j'étais insatisfait de l'appréciation qu'il en faisait. Mais, après que le sable se fut ramené au niveau du sol, je me dis: Bien, je comprends sa déception, il voudrait qu'on agisse plus vite, il voudrait qu'on fasse plus.

(17 h 50)

Mais je lui réponds, par l'entremise de votre question et de la réponse que je suis amené à fournir: Oui, nous travaillons. Je ne sais pas si nous serons en mesure de répondre à toutes les recommandations du rapport Coutu rapidement, mais nous nous sommes attaqués à cette façon de rendre la justice en milieu autochtone depuis les débuts. Peut-être qu'on est trop blindés, mais on ne nous reprochera jamais d'avoir agi sans toute connaissance de cause. Vous-même, étant un avocat, le meilleur conseil que vous pouvez donner à votre client, c'est: Laisse-moi au moins le temps de cerner toute la situation avant de te conseiller. Alors, c'est la même chose pour nos fonctionnaires. Ils veulent être sûrs qu'on ne fera pas d'erreur.

Moi, j'ai rencontré des juges autres que le juge Coutu dans les dernières semaines, et certains juges qui ont à oeuvrer en matière autochtone pensent que les modèles évoqués par notre planification que nous avons faite en 1988, tels que véhiculés par le juge Coutu, ne s'appliquent pas à toutes les communautés autochtones et qu'il faut demander si c'est bien ce qu'elles veulent avant de l'implanter de force et, encore une fois, de se faire dire: Vous, les gens du Sud, vous nous imposez un modèle complémentaire de justice, mais ce n'est pas ce qu'on voulait.

M. Mulcair: Je comprends très bien le propos...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le sous-ministre. Un instant, M. le député de Chomedey. Il y aurait peut-être une remarque en termes de fonctionnement qu'on a à la commission, ici, que j'aimerais porter à votre attention. Tout à l'heure, on a souligné l'absence d'un sous-ministre associé. Or, au sens de la loi sur l'imputabilité, c'est le sous-ministre qui est appelé devant la commission et c'est dans le mandat de la commission d'entendre, et elle doit l'entendre au moins une fois par an, le sous-ministre ou le dirigeant d'organisme. Et, en ce sens-là, c'est par courtoisie, dans le fond, que le sous-ministre peut s'adjoindre les personnes de son choix pour l'accompagner lors de cette audition devant la commission. Alors, en ce sens-là, malgré les remarques que nous faisions tout à l'heure, en cette Chambre, en cette enceinte, sur l'absence de l'une ou l'autre des personnes, dans le fond, il n'y a pas de faute du côté de la personne de ne pas être ici. Ça, je tiens à le souligner.

M. Mulcair: M. le Président, avec respect, c'est votre appréciation. Si, moi, je trouve une faute, c'est mon appréciation. Et je ne partage pas votre point de vue.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey, vous pourriez souhaiter rencontrer quelqu'un et le questionner, et c'est votre droit très légitime. Cependant, la loi sur l'imputabilité n'oblige pas tous les gens d'un ministère à venir comparaître; c'est le sous-ministre qui, lui, est imputable, d'une part.

M. Mulcair: Tout à fait. Et, par contre, tous les sous-ministres adjoints et associés sont là, sauf un. Et, par pur hasard – bien que je croie de moins en moins au hasard dans ces trucs-là; c'est un peu comme la démission, hier, du juge en chef Louis-Charles Fournier – le seul qui n'est pas venu de toute cette gang-là, c'est celui qui a eu son nom mentionné à quelques reprises à l'Assemblée nationale et dans les journaux. Moi, je n'ai pas vu M. Lemoyne, M. Desmeules, M. Bouchard, M. Samson...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui.

M. Mulcair: ...soulevés autrement, mais M. Bilodeau, oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey, de la même façon qu'à l'Assemblée nationale on ne peut imputer des motifs envers des collègues, on ne peut le faire non plus en commission, imputer des motifs à l'une ou l'autre des personnes qu'on souhaiterait rencontrer.

M. Mulcair: Ah non! Je pense que vous venez de l'inventer, celle-là, parce que ce n'est nulle part dans notre règlement. C'est vrai que je ne peux rien dire de méchant contre mon brillant et talentueux collègue de L'Assomption. Par contre, si je veux dire que Me Mario Bilodeau aurait dû être là et que c'est vraiment quelqu'un de pas correct d'avoir trouvé un prétexte pour ne pas être là, je peux dire tout ce que je veux parce que ce n'est pas dans notre règlement; c'est vis-à-vis de mes collègues élus. C'est intéressant parce que, ici, si je veux dire des trucs contre Me Bilodeau, je peux dire tout ce que je veux, j'ai une immunité parlementaire; si je rentre dans le corridor, je dois faire plus attention vis-à-vis de Me Bilodeau. Ici, je dois faire très attention vis-à-vis de mes collègues de Drummond et de L'Assomption, mais, dans le corridor, je peux dire tout ce que je veux. C'est intéressant, n'est-ce pas?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): D'autre part...

Une voix: Il faut reconnaître que le député de Chomedey a un point.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): D'autre part, M. le député de Chomedey, j'aimerais aussi vous souligner que, lors de la séance de travail de la commission de la semaine dernière avec l'honorable juge Coutu, c'était un mandat d'initiative de la commission des institutions que de le recevoir directement. Nous n'avions pas non plus, à cette commission, convoqué le sous-ministre de la Justice ou qui que ce soit d'autre.

M. Mulcair: Je l'ai dit, par ailleurs, mais j'étais surpris de l'absence des gens du ministère. Et j'allais me permettre de lire une certaine citation du juge Coutu, mais le temps presse trop et je vois que, de toute façon, ça a déjà été porté à l'attention du sous-ministre. J'ai l'impression que, même s'ils n'étaient pas là, il y avait peut-être un perroquet ou deux qui étaient ouverts.

Très vite, j'aimerais poser une ou deux questions en terminant, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui. Et je sais que le député de Drummond avait...


Version anglaise des Règlements refondus du Québec

M. Mulcair: Très vite, des questions très techniques. Règlements. À l'heure actuelle, on peut acheter, sous forme de disquettes, les Règlements refondus du Québec. Je les ai commandés cette semaine; je voulais les Règlements refondus du Québec, c'est-à-dire les deux versions qui sont les Règlements refondus du Québec, et je me suis fait répondre que ça n'existait pas en langue anglaise. À mon sens, ça va à l'encontre du jugement de la Cour suprême dans le renvoi sur le Manitoba et dans Blaikie II. Qu'en pensez-vous, M. le sous-ministre en titre?

M. Bouchard (Michel): Je vais demander à mon sous-ministre responsable de la situation de nous expliquer ce qu'il en pense.

M. Samson (Jean-K.): Comme vous le savez, il n'y a pas eu de refonte officielle des règlements depuis 1982, 1981, quelque part comme ça. Donc, la refonte dont on parle ici est une mise à jour administrative. Les disquettes que vous commandez, vous les commandez...

M. Mulcair: À 1 900 $ et quelques, oui.

M. Samson (Jean-K.): ...auprès de l'Éditeur officiel...

M. Mulcair: Exact.

M. Samson (Jean-K.): ...et ce n'est pas l'oeuvre du ministère de la Justice. Au ministère de la Justice, on a procédé à la mise en forme, là, la mise à jour des règlements en vue d'une éventuelle refonte et, au fur et à mesure que tout est prêt, on le met en ligne chez SOQUIJ. Donc, vous pouvez l'avoir au prix de votre abonnement chez SOQUIJ gratuitement...

M. Mulcair: Oui, je suis d'accord avec ça. Mais ma question visait surtout...

M. Samson (Jean-K.): ...à jour, et l'anglais-français.

M. Mulcair: Que ce soit par le Queen's printer – parce que, dans les autres provinces, c'est le Queen's printer, au Manitoba par exemple – l'obligation est constitutionnelle de publier dans les deux langues les lois. Alors, à mon sens, on manque à cette obligation constitutionnelle si on est juste en train de publier une version dans une langue.

M. Samson (Jean-K.): Là, c'est moi qui ai fait une erreur: vous ne pouvez pas l'obtenir auprès de l'Éditeur officiel, mais vous pouvez l'obtenir auprès des Publications du Québec.

M. Mulcair: Oui, oui, c'est ça; ça a changé de nom.

M. Samson (Jean-K.): Ils ne sont pas édités par l'Éditeur officiel; ils sont mis en vente par Les Publications du Québec et ce n'est pas une version officielle. Donc, il n'y a pas ce problème-là. Mais le problème de l'existence d'une mise à jour en français et en anglais, on en est bien conscients. On les met à jour progressivement et, au fur et à mesure, là, on reprend l'anglais et on le remet à jour. Vous les aurez à jour en anglais et en français très bientôt.


Application de la Charte des droits et libertés de la personne

M. Mulcair: Dernière petite question. Aux termes du réaménagement dont vous avez parlé au début de votre présentation, vous avez expliqué qu'un certain nombre d'organismes ne relèvent plus du ministère et puis même que certains qui relèvent du ministre ne relèvent pas de vous en tant que sous-ministre de la Justice. Mais, juste techniquement, il y a un mystère dans ce réaménagement que j'aimerais bien que vous m'expliquiez. Aux termes de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, c'est écrit en toutes lettres là-dedans que l'application de cette Charte relève du ministre de la Justice, n'est-ce pas? Là, on a un ministre des Relations avec les citoyens qui est chargé j'allais dire de l'application, mais on n'applique pas une commission... En tout cas, he's in charge of la Commission des droits de la personne. Comment ça va marcher, cette bébelle-là?

M. Bouchard (Michel): Le ministre des Relations avec les citoyens responsable peut demander des comptes à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, on s'entend bien, à l'organisme tel quel.

M. Mulcair: O.K.

M. Bouchard (Michel): Mais le ministre demeure responsable du Tribunal des droits de la personne...

M. Mulcair: Oui.

M. Bouchard (Michel): ...et de l'application de la Charte au niveau des tribunaux.

M. Mulcair: Mais, s'il y a une modification à apporter à la Charte, ça va passer par le ministre de la Justice parce qu'il est responsable de son application.

M. Bouchard (Michel): C'est notre compréhension.

M. Mulcair: C'est pour ça qu'ils apprécient vos services, parce que vous êtes capable de donner des réponses comme ça.

M. Bouchard (Michel): C'est notre compréhension.

M. Mulcair: Oh! I'm going to end with letting him score a point. C'est tout, M. le Président.

M. Bouchard (Michel): Les ministres apprécient qu'on ne réponde pas trop vite à leurs questions et qu'on y réfléchisse.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Drummond.

M. Jutras: Oui, bien, moi, rapidement, peut-être que je voudrais revenir sur la question de Mario Bilodeau. Dans un sens, c'est malheureux, oui, qu'il ne soit pas ici, on a beaucoup parlé de lui. Mais qu'on mette en doute la pertinence de sa nomination en raison de ses anciens clients, moi, je trouve ça bien malheureux. Comme disent les jeunes, selon moi, ç'a pas rapport, ça n'a aucun rapport, parce que, s'il fallait suivre un raisonnement comme ça, ça veut dire qu'il n'y a aucun criminaliste qui pourrait accéder à la magistrature comme aucun criminaliste ne pourrait accéder à quelque fonction que ce soit dans l'appareil judiciaire. Mais je pense que le chat est sorti du sac, finalement, quand on a fait référence aux allégeances péquistes, semble-t-il. Je ne sais pas si c'est le cas, je ne sais pas ce qu'il en est de ses allégeances; en tout cas, on a même mêlé Me Chapdelaine à ça. Alors, je pense que c'est ça qui fatigue le député de Chomedey. Finalement, la partisanerie est peut-être plus du côté du député de Chomedey que du côté du député de L'Assomption. Finalement, la vérité a fini par sortir.


Rémunération des juges de la Cour du Québec

Moi, je veux juste savoir une rapide question: Où en sont les négociations avec les juges de la Cour du Québec quant à leur rémunération et aussi à la question de leur fonds de pension? Je ne veux pas des secrets d'État et le secret de négociations, mais où est-ce que c'en est rendu?

M. Bouchard (Michel): Bon, à l'étape où je pense que le ministre...

Une voix: ...

Mme Bouchard (Michel): Non, non.

Des voix: Ha, ha, ha!

(18 heures)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le sous-ministre, vous avez la parole.

M. Bouchard (Michel): À l'étape où le ministre en a fait rapport la dernière fois qu'il a été interrogé là-dessus. Mais je dois vous dire, si vous permettez, M. le député, qu'il ne s'agit pas de négociations, parce qu'on ne négocie pas avec les magistrats; on discute et le ministre, ensuite, se fait le porteur d'un dossier auprès des autorités gouvernementales.

Nous avons fait savoir... Je dis «nous avons», le ministère de la Justice a fait savoir aux juges de la Cour du Québec, il y a de ça plusieurs mois, dans une lettre adressée au président de la Conférence des juges de la Cour du Québec, que le gouvernement ne pouvait se rendre aux recommandations du rapport du comité triennal qui avait fait des propositions à l'égard des émoluments ou des augmentations salariales. Je dois vous souligner que cette réponse-là, parce que j'étais là avant septembre 1994, avait été formulée, avait été donnée par le ministre d'alors aux juges de la Cour du Québec à l'effet que, bon, vu la situation au Québec, toutes considérations faites, on ne pouvait, dans l'état actuel des finances publiques ou pour toute autre raison, augmenter les juges de la façon dont le recommandait le rapport du comité triennal.

Donc, nous avons maintenu vis-à-vis de la Cour du Québec cette même réponse depuis au moins le printemps dernier, si ma mémoire est bonne. Cependant, il se fait des examens au ministère sur d'autres aspects des conditions de travail des juges qui ne concernent pas la rémunération ou les émoluments en argent. Nous examinons certains aspects de leurs conditions de travail, entre autres les congés parentaux ainsi que les congés avec traitement pour fins de formation. Nous entreprendrons sous peu un examen de toute la question des fonds de pension, de l'âge de la retraite – c'est un questionnement que le ministre a en tête – etc., mais ces aspects du dossier sont à l'état embryonnaire.

Alors, la réponse que je puis vous donner, c'est que, pour l'instant, c'est la même situation que celle évoquée par le ministre il y a plusieurs mois. Nous avons des rencontres avec la Conférence des juges, je ne dirais pas de façon régulière, mais à quelques reprises durant l'année, où ils nous font des représentations et nous allons donc poursuivre ces discussions avec les gens de la Cour du Québec. Je peux même vous dire qu'on a une rencontre demain avec la Conférence des juges de la Cour du Québec. Il y a un ordre du jour qui ne traite pas que de ça, mais on pense qu'on va être amenés à en discuter un peu. Mais il ne s'agit non pas de négociations, mais de discussions.

M. Jutras: Alors, comment vous avez dit ça: On ne négocie pas avec les juges? De ce que je comprends, vous vous faites des représentations les uns aux autres.

M. Bouchard (Michel): C'est-à-dire qu'ils nous font valoir leur point de vue; le ministre, lui...

M. Mulcair: Mais, si ce ne sont pas des augmentations, ça va être des ajustements.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Messieurs, si vous n'avez pas d'autres questions, comme il passe maintenant 18 heures, je voudrais vous remercier. Je voudrais remercier Mme et MM. du ministère, aussi du sous-ministériat à la Justice, de leur disponibilité. Sur ce, nous ajournons notre séance sine die.

(Fin de la séance à 18 h 3)


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