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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 11 septembre 1996 - Vol. 35 N° 36

Audition du président de la Régie des alcools, des courses et des jeux conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics


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Table des matières

Journal des débats


(Dix heures huit minutes)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, puisque les gens qui doivent être ici ce matin sont tous arrivés maintenant, je déclare la séance ouverte et je rappelle le mandat de la commission: d'entendre le président de la Régie des alcools, des courses et des jeux conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics.

M. le secrétaire, est-ce que voudriez annoncer les remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Facal (Fabre) est remplacé par M. Côté (La Peltrie); M. Ciaccia (Mont-Royal) par M. Brodeur (Shefford); M. Fournier (Châteauguay) par M. Bissonnet (Jeanne-Mance); et M. Mulcair (Chomedey) par M. Cusano (Viau).

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien, merci. Comme ordre du jour, nous avons l'audition de la Régie des alcools, des courses et des jeux. Alors, ce que je vous proposerais comme déroulement, c'est qu'on entende, dans un premier temps, M. K.-Laflamme, d'abord, nous présenter l'équipe de gens qui l'accompagnent et nous faire sa présentation dans le cadre de cette audition. Ensuite, nous pourrions procéder sous forme d'échanges en essayant le plus possible de partager le temps entre les membres de cette commission. Habituellement, nous ne nous en tenons pas à des règles très strictes sur le partage du temps. Je favorise plutôt un ordre de questions assez libre en essayant, évidemment, de partager le temps pour que tous les membres de la commission qui ont des questions à poser puissent le faire.

(10 h 10)

Alors, si ça vous agrée, nous pourrions procéder ainsi. Ça va? Alors, Me Laflamme, je vous inviterais donc, dans un premier temps, à présenter l'équipe de gens qui vous accompagnent. Ensuite, nous entendrons vos propos.


Exposé du président-directeur général de la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ)


M. Ghislain K.-Laflamme

M. K.-Laflamme (Ghislain): Parfait. Merci, M. le Président, membres de la commission. Il nous fait plaisir, la Régie, de se retrouver ici aujourd'hui pour avoir l'occasion de jeter un éclairage sur la Régie des alcools, des courses et des jeux. Je suis accompagné pour cet événement du vice-président substitut au président, Me Richard Roy, qui a une longue expérience dans les courses et qui, par voie de conséquence, est notre spécialiste à la Régie. J'ai la secrétaire générale de la Régie à ma gauche, Mme Carole Robitaille, dont le champ de responsabilités est principalement les communications et les relations publiques, en plus d'être l'archiviste gardienne officielle des dossiers de la Régie. Derrière moi, j'ai le directeur général adjoint, M. René Lafontaine, qui est responsable de l'administration globale du budget de la Régie et, par voie de conséquence, de faire en sorte qu'on reste à l'intérieur des sommes d'argent que le budget nous alloue à chaque année. Je suis accompagné, également, pour la période concernée, de Me Natalie Lejeune, qui était directrice des Services juridiques à la Régie, responsable du développement de la législation, en particulier de la réglementation et du traitement des dossiers, et de Me Nicole Filion, qui est responsable, pour la période concernée, du contrôle des fabricants de boissons alcooliques. Alors, comme c'est un sujet qui a été abondamment traité par le Vérificateur général, sa présence nous sera fort utile.

Cela étant dit, je vais vous commenter, je pense, plus brièvement que le cahier qu'on vous a distribué pourrait le laisser savoir. Si vous avez en main ce petit document, c'est à partir de celui-ci que je ferai les commentaires de présentation de la Régie.

Il s'agit d'une régie bien particulière. Lors de la commission parlementaire qui étudiait, en 1993, la loi qui l'a établie, l'un des députés l'avait qualifiée, pour être un peu facétieux, mais en même temps descriptif, de régie des vices, puisqu'on se trouvait à regrouper l'alcool, les jeux sous toutes leurs formes de même que les courses.

Alors, le document que vous avez fait une présentation du mandat de la Régie de la façon la plus spécifique possible. C'est à la page 3, et je vais me permettre de lire ce mandat, puisque c'est autour de cet énoncé que les responsabilités de la Régie peuvent être évaluées.

Alors, cette Régie est chargée de l'administration de la Loi sur les courses, et, quand on parle de la Loi sur les courses, on pense aux salons de pari qui se sont développés au Québec depuis deux ans et aux hippodromes.

On est chargé de la Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils d'amusement. Alors, sous cette loi se retrouvent entre autres les bingos, les tirages, les concours publicitaires, les arcades, bref, se retrouvent toutes ces activités où il y a des échanges d'argent avec une idée de hasard.

On est également chargé de l'application de la Loi sur les permis d'alcool. Alors, la Loi sur les permis d'alcool, ça couvre les bars, les épiceries, les restaurants. Ça couvre tous les endroits où se vendent des boissons alcooliques au détail, mais ça couvre aussi des activités sociales qui créent un certain intérêt, comme le contrôle des spectacles et des danseuses nues et du «lap dancing» dans les établissements.

On est chargé, également, de l'application de la section III la Loi sur la Société des alcools du Québec, et cette section couvre la législation et la réglementation qui en découlent concernant les permis de fabricants industriels comme des brasseurs comme Molson ou des fabricants de boissons alcooliques comme Seagram, pour faire image, de même que le secteur des fabricants artisans, encore une fois pour faire image, comme L'Orpailleur. Et ce secteur a connu, cet été, des modifications importantes par l'adoption de la loi n° 44.

La Régie surveille également l'application des règlements qui sont relatifs aux systèmes de loterie des casinos d'État et aux loteries vidéo édictés en vertu de la Loi sur la Société des loteries du Québec. Alors, le rôle de la Régie, face à l'organisation qu'on appelle Loto-Québec, qui a des filiales, est de faire en sorte que les contrats qui sont accordés soient vérifiés par la Régie pour voir s'ils sont conformes à la réglementation et, par la suite, pour vérifier, à l'intérieur du casino, le maintien de l'intégrité des systèmes qui ont été autorisés.

Au niveau des systèmes de loterie vidéo – ce sont ces appareils qui ont tant fait parler d'eux récemment et qui sont installés un petit peu partout au Québec – le rôle de la Régie est d'émettre des licences aux fabricants pour qu'ils soient autorisés à en vendre au Québec, de vérifier les prototypes ou les programmes des appareils qui sont mis en service au Québec, de leur accoler une certification et de délivrer des licences à tous les endroits où les appareils de loterie vidéo peuvent être légalement utilisés. Donc, le rôle de la Régie, dans le système d'appareils de loterie vidéo, est extrêmement important.

Enfin, la loi a voulu que la Régie soit non seulement un organisme de contrôle, mais aussi un organisme de pensée, et, en vertu de l'article 2 de la loi qui nous régit, la Régie doit fournir au ministre de la Sécurité publique des avis sur toute question concernant les impacts sociaux et les mesures de sécurité que peuvent nécessiter les activités que la Régie gère et elle peut faire des consultations publiques à cette fin. Donc, la Régie, de temps à autre, sur des sujets d'intérêt public, tient des consultations de nature générale.

Pour la réalisation de sa mission, la Régie exerce ses fonctions en émettant des permis, des licences, en les suspendant, en les révoquant, et je vous fais grâce de la lecture de toute la panoplie de licences que la Régie doit émettre. On est également chargé de déterminer les conditions rattachées à ces permis et licences, et cela se fait généralement par l'adoption de règles ou par l'adoption de règlements qui sont ensuite entérinés par le Conseil des ministres.

La Régie surveille les courses de chevaux, l'élevage et l'entraînement des chevaux, l'exploitation des salles de pari sur les courses de chevaux et, si le gouvernement l'autorise, toute autre course. Jusqu'à maintenant, les mots «toute autre course» ne sont qu'une expression dans la loi; il n'y en a pas d'autres qui ont été autorisées que les courses de chevaux.

On doit surveiller les concours publicitaires, tous ces concours qu'on retrouve un petit peu partout et qui font miroiter mer et monde à des gens qui achètent tel ou tel produit. On est chargé de faire en sorte que ces concours soient exacts et que les personnes qui y participent aient une chance réelle de gagner ce qui est proposé, et que nous puissions entendre leurs plaintes si besoin est, si des gens ne sont pas satisfaits.

On doit veiller à la protection et à la sécurité du public lors des activités régies par la Loi sur les courses ou la loi sur les loteries. Cette protection est une protection à l'encontre, encore une fois, de la tricherie ou d'autres activités qui peuvent mettre en cause la sécurité des gens.

Enfin, dans cette énumération, il y a le rôle de contrôle de la publicité et des programmes éducatifs en matière de boissons alcooliques. Ça se traduit de la façon suivante. Tous les messages publicitaires se rapportant à des boissons alcooliques, au Québec, doivent être préalablement autorisés par la Régie. Le système qu'on a, c'est qu'on fait une autorisation préalable plutôt que d'être obligé, a posteriori, de rappeler ou de reprendre des messages qui auraient déjà été diffusés et qui, s'ils étaient inexacts ou faisant appel à des mineurs, auraient déjà causé un problème. Donc, le régime qu'on a au Québec, c'est que les messages sur les boissons alcooliques doivent être préalablement autorisés par la Régie en fonction d'un règlement qui spécifie ce que ces messages ne doivent pas contenir. En même temps, on est chargé de faire en sorte que les gens qui bénéficient d'une publicité commerciale dans le domaine des boissons alcooliques versent des montants à des oeuvres pour prévenir les effets nocifs de l'abus d'alcool.

(10 h 20)

On peut donc voir par l'énoncé des principes ci-haut d'intérêt public et de tranquillité publique que la Régie est chargée de la protection des citoyens soit contre les tricheries, soit dans leur environnement physique: contrôle du bruit, drogue, boissons frelatées, contrôle des spectacles, personnes mineures, etc.

Aussi, par l'énoncé de ce mandat, la Régie est chargée de la protection d'importants revenus destinés à l'État, revenus perçus soit par l'entremise de sociétés d'État comme la Société des alcools, la Société des loteries vidéo, la Société des casinos ou par le ministère du Revenu. Par ce mandat, on peut donc constater que la Régie n'est pas un tribunal administratif ordinaire. C'est avant tout un organisme multifonctionnel, à vocations multiples. C'est un organisme de régulation et de contrôle avec, subsidiairement, des fonctions quasi judiciaires, dont la première mission est de régler rapidement des problèmes sociaux. Elle applique cinq lois et près de 40 règlements.

Cette Régie a une origine lointaine. Elle a été établie en 1993, mais sa source réelle date de l'été 1985, lorsque le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal a entrepris des saisies d'appareils qui s'appelaient à l'époque «vidéopokers» et que certaines personnes avaient dénoncés comme étant illégaux. Ces appareils étaient immatriculés et mis en service suite à un règlement que la Régie des loteries d'alors était chargée d'appliquer. Après bien des péripéties judiciaires, la Cour suprême, en 1991, a constaté que ce genre d'appareil vidéopoker était en réalité un système de loterie complètement illégal dans la façon dont la Régie des loteries d'alors l'exploitait. En conséquence, le gouvernement, en prise de connaissance de ce jugement de la Cour suprême, a abrogé, en avril 1992, le règlement sur les appareils qu'on appelait de catégorie A, se trouve à avoir abandonné ainsi 14 000 000 $ qui étaient des entrées d'argent provenant de l'immatriculation de ces appareils, et une réflexion s'est accentuée au niveau gouvernemental sur la place au Québec du jeu, du «gambling», au sens anglais du mot.

Et, comme à l'époque on pensait à l'ouverture de casinos d'État, ça a été l'occasion d'une remise en question de la notion de jeu au Québec, et, dans la réflexion gouvernementale, cette notion de jeu recouvrait tout naturellement l'hypothèse d'ouverture de casinos, les hippodromes, dans lesquels il y avait déjà du jeu moyennant considérations et, inévitablement, les autres responsabilités de la Régie des loteries comme les bingos, comme les tirages, mais aussi l'interrogation à savoir ce qu'on fait avec ces appareils de catégorie A, ces vidéopokers, bref ces appareils qui venaient d'être déclarés illégaux par une décision de la Cour d'appel du Québec confirmée par la Cour suprême. L'examen des lois nous amène à constater que les appareils pouvaient être utilisés, mais dans le cadre d'une exploitation gouvernementale, et ce contexte-là a alimenté le réflexion autour des casinos et de la place qu'un réseau d'appareils de loterie vidéo légaux pouvait avoir au Québec.

Cette réflexion s'est concrétisée par l'adoption, en juin 1993, de la loi 84 qui a créé la Régie des alcools, des courses et des jeux, fusionnant la Régie des permis d'alcools avec la Régie des loteries et, quelques mois plus tard, une partie de la Commission des courses du Québec. Donc, la Régie que vous êtes appelés à examiner aujourd'hui est une régie qui date de trois ans à peine et qui est bâtie sur les structures de trois autres organismes et, possiblement, d'un quatrième qui aurait pu être créé s'il n'y avait pas eu cette fusion d'un secteur qui n'existait pas pour contrôler les casinos d'État qui, évidemment, n'existaient pas et les appareils de loterie vidéo.

Donc, en juillet 1993, la Régie s'est mise à fonctionner à partir de la nouvelle loi, à se donner une structure, à se donner des priorités et à procéder à l'exécution des décisions que le gouvernement avait prises. Parmi les priorités qui ont été attribuées à la Régie, il y avait évidemment celle de valider les opérations faites en vue de l'ouverture du Casino de Montréal en octobre 1993 – donc, ça a été notre première priorité – et, en même temps, de mettre en place les structures voulues avec Loto-Québec pour instaurer le système d'appareils de loterie vidéo gouvernemental qui avait été décidé en juin 1993.

À travers tout ça, évidemment, la Régie avait des préoccupations de nature structurelle, de nature administrative. La Régie devait arriver à intégrer les trois régies, et l'intégration de trois régies supposait des décisions de fond quant aux divers systèmes informatiques qui n'étaient pas compatibles les uns avec les autres, quant aux diverses lois qui n'avaient pas toutes été conçues dans le même esprit, dans les divers processus administratifs et, inévitablement, puisque c'est une contrainte de l'époque dans laquelle on vit, d'arriver à réaliser des économies importantes par l'effet de cette fusion. Alors, parallèlement, nous traitions de l'intégration des systèmes informatiques, de l'intégration des systèmes administratifs, des procédés administratifs. Nous sommes à réviser l'ensemble de la réglementation – j'ai mentionné 40 règlements, cinq lois – et, en même temps, il fallait assurer que l'ouverture des casinos se fasse conformément à la loi, que l'implantation des appareils de loterie vidéo se fasse, évidemment, conformément à la loi malgré la résistance des gens qui se considéraient évincés d'un réseau qu'ils avaient utilisé pendant bon nombre d'années.

(10 h 30)

Alors, dans les faits saillants, ce sont les diverses péripéties de ces événements: donc, 1993, l'ouverture du Casino; les auditions pour donner des licences de fabricants d'appareils de loterie vidéo; des opérations policières qui se sont déroulées en même temps pour la saisie d'appareils vus comme illégaux; l'ouverture du Casino de Charlevoix en juin 1994; l'émission de la première licence de salle de pari pour les courses de chevaux à Granby en juin 1994; et, en janvier 1995, pour donner au gouvernement un moyen plus efficace d'arriver à trancher définitivement la question des appareils de loterie vidéo illégaux, adoption de la loi 50 qui rendait passibles d'une suspension de permis d'alcool ceux qui toléraient dans leur établissement des appareils illégaux.

Et, en mai 1995, une opération de récupération de fonds – une opération assez majeure – a été lancée par la Régie, avec l'aide des divers corps policiers, pour faire en sorte que tous les appareils d'amusement qui devaient être immatriculés le soient, parce que, au cours des années qui avaient précédé, un certain manque de coercition avait fait en sorte que beaucoup de possesseurs d'appareils d'amusement dans les arcades, et tout ça ne les avaient pas immatriculés. Alors, avec les corps de police, on a procédé à une remise à jour des dossiers à ce sujet-là.

Et, pour aider à la rentabilisation des hippodromes, en décembre 1995, on a adopté le projet de loi n° 114 qui a permis l'installation d'un grand nombre d'appareils de loterie vidéo dans les hippodromes de Montréal, de Québec et de Trois-Rivières.

Et, en mars 1995, il y a eu l'ouverture du Casino de Hull et, tout récemment, en juin dernier, l'adoption du projet de loi n° 13 pour permettre une conservation et, par voie de conséquence aussi, une destruction plus économique des boissons alcooliques illégales qui ont été saisies et des appareils de loterie vidéo illégaux saisis.

Et, enfin, pour donner aux producteurs artisans québécois dans le domaine du vin et d'autres boissons qui sont reliées... l'adoption de la loi n° 44 qui permet maintenant à ces producteurs québécois de vendre leurs produits directement dans les restaurants québécois sans avoir à transiter par la Société des alcools à condition que ces boissons soient autorisées par la Régie, par un autocollant et un cahier d'inventaires qui nous permet de suivre où vont les boissons alcooliques, parce que ces modifications avaient pour objet d'encourager, évidemment, les artisans québécois, mais non pas de créer une possibilité de commerce parallèle. Alors, la bonne entente qui a régné entre les deux a fait que c'est entré en vigueur tout simplement, tout facilement dans les premières semaines de juillet.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le président...

M. K.-Laflamme (Ghislain): Oui.


Discussion générale

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...ça fait déjà, en fait, 20 minutes. Vous pourrez éventuellement élaborer sur d'autres informations que vous voulez nous communiquer. Alors, on procéderait, à partir de maintenant, à des échanges avec les membres de la commission. Je vous remercie de cette présentation du mandat de la RACJ, mais aussi de son cheminement historique. Alors, M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Je voudrais saluer M. le président-directeur général de la Régie, M. Laflamme, M. le vice-président et ceux et celles qui accompagnent Me Laflamme.

Nous avons encore, ce matin, l'occasion de profiter – et j'ai eu l'occasion de le dire il y a une dizaine de jours – de la démarche qui a été mise en place par le député de Verdun il y a quelques années et qui amené l'Assemblée nationale à adopter la loi 198, Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics. C'est grâce à l'acharnement du député de Verdun – toujours député de Verdun, député libéral à l'Assemblée nationale – que nous pouvons maintenant questionner les hauts fonctionnaires de l'État du Québec, et, ce matin, évidemment, tout le monde s'entend pour reconnaître que la Régie dirigée par Me Laflamme, la Régie des alcools, des courses et des jeux, est un organisme d'une extrême importance à l'intérieur de toute l'activité économique québécoise.

Je veux tout de suite indiquer, M. le Président, aux membres de la commission des institutions la conclusion à laquelle on arrive du côté de l'opposition: c'est que, la Régie, essentiellement, elle est carrément débordée, et c'est ce que je vais tenter de démontrer en faisant état de différents événements que l'on vit depuis quelques années. La Régie est débordée dans l'obligation qu'elle a de remplir une mission extrêmement – je l'ai dit tout à l'heure – importante, mais en même temps complexe. La Régie, elle est débordée parce qu'elle n'a pas les fonds suffisants, qu'elle n'a pas les effectifs suffisants et aussi, M. le Président, peut-être que son mandat... Et ça tient peut-être à la confusion à laquelle a fait référence le Vérificateur général, qui tient toujours suite au regroupement des trois entités que sont les alcools, les courses et les jeux. Alors, le Vérificateur général a indiqué aux membres de la commission que l'intégration des trois organismes qui a été mise en place en 1993 n'était pas encore assimilée. Autrement dit, il y a encore des problèmes énormes de gestion à l'intérieur de la Régie. Mais, ceci étant dit, il y a beaucoup d'autres problèmes auxquels est confrontée la Régie.

Je voudrais rappeler aux membres de la commission le discours du premier ministre, M. Bouchard, le 25 mars 1996, lors du discours inaugural. Je veux lire un passage du premier ministre qui disait ceci: «Les seuls qui ont des raisons d'être de mauvaise humeur, partout au Québec, sont les contrebandiers et les trafiquants, et nous avons l'intention que leur état d'esprit s'aggrave encore dans leurs réseaux.» Alors, il y a plein de Québécois, à l'époque – puis ce n'est pas tellement tellement loin, ça – qui croyaient que le nouveau premier ministre aurait non seulement un discours, mais qu'il passerait également à l'action. Voici qu'on a réalisé, les membres de l'Assemblée nationale, des deux côtés de la Chambre, M. le Président... Il y a des députés péquistes qui commencent à réaliser que le nouveau premier ministre est capable de faire des grands discours, est capable de faire des grands exposés, mais qu'il est absolument incapable de prendre aucune décision, et ça se vérifie dans le quotidien, présentement.

Et qu'est-ce qui s'est passé depuis que le premier ministre a dit que, à partir du 25 mars, les contrebandiers puis les trafiquants avaient à s'inquiéter? Bien, on a eu les combats extrêmes à Kanesatake, où, pendant des semaines et des semaines, les résidents de Kanesatake, les autochtones, ont défié le gouvernement du Québec, ont défié les tribunaux, ont défié la police et où ils ont tenu un événement carrément illégal à la face de toute l'Amérique. Voici que des événements interdits ailleurs aux États-Unis se sont tenus au Québec avec l'approbation du gouvernement – combats extrêmes de Kahnawake; pas Kanesatake, Kahnawake. On le sait, M. le Président, un juge de la Cour supérieure a reproché très sévèrement au ministre de la Sécurité publique et au premier ministre du Québec d'avoir négligé de demander purement et simplement l'interdiction de l'événement. Le juge de la Cour supérieure a dit carrément: Si vous m'aviez demandé d'interdire l'événement, je l'aurais fait.

Alors, les trafiquants puis les contrebandiers de l'extérieur du Québec, parce qu'on est venu tenir un événement illégal, le sachant illégal et avec une complicité, jusqu'à un certain point – puis je n'hésite pas à le dire – du gouvernement du Québec... Il y a eu depuis, également, et ça a été...

Une voix: ...

M. Lefebvre: Oui, oui, vous parlerez quand ce sera votre temps. Il y a eu, M. le Président, à répétition, des absences illégales des centres de détention qui ont été relevées par plusieurs intervenants au Québec. Absences illégales. Au moment où on procède à la fermeture de centres de détention, où on réduit les places dans nos centres de détention du Québec de 10 %, pour être capable de procéder à l'opération, on permet des libérations temporaires illégales.

Est-ce qu'il y a eu d'autres événements depuis le 25 mars, alors que le premier ministre servait un avertissement solennel aux bandits du Québec, aux contrebandiers du Québec, aux trafiquants du Québec? Est-ce qu'il s'est passé autre chose? Oui, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Frontenac...

M. Lefebvre: Oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...j'aimerais vous rappeler, quand même, la question de la pertinence. On est ici aujourd'hui...

M. Lefebvre: Bien oui, j'y arrive.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...pour examiner les dossiers...

M. Boulerice: ...c'est de toute évidence.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...et l'administration, la gestion administrative de la RACJ.

M. Lefebvre: Non. On est ici, M. le Président, pour questionner la Régie...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mais la question...

M. Lefebvre: ...dans l'exécution de son mandat.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...de la gestion des centres de détention ne relève pas de...

(10 h 40)

M. Lefebvre: Non, je fais un parallèle, M. le Président. Vous savez très bien que les parallèles que l'on fait, autant en commission qu'à l'Assemblée nationale, sont considérés comme étant acceptables, corrects et pertinents. Alors, je fais un parallèle pour arriver à quelque chose qui concerne évidemment la Régie au premier chef: la contrebande. La contrebande, je pense que, là-dessus, c'est assez pertinent. Mais je voulais, avant, justement, d'arriver à la contrebande, compléter mon introduction en disant que l'illégalité au Québec, l'illégalité publique... On continue à défier ouvertement le gouvernement du Québec, les tribunaux et les lois lorsqu'on décide de tenir, sans autorisation d'aucune sorte, un casino illégal à Kahnawake il y a une dizaine de jours. On a tenu un combat extrême considéré comme illégal au sens du Code criminel. Alors, imaginez-vous qu'on n'a pas trop, trop d'hésitation à y aller avec les casinos illégaux. Ça continue malgré les mises en garde du très honorable premier ministre.


Mesures pour contrer la contrebande d'alcool

La contrebande, M. le Président. Le contrôle de la contrebande, les démarches que l'on doit faire au Québec pour qu'on puisse arrêter le phénomène de la contrebande des boissons alcooliques, ça relève, évidemment, directement de la mission, du mandat de la Régie qui est devant nous ce matin. Je veux rappeler que, à la page 3 du document que M. le président a remis aux membres de la commission, on indique très clairement que la Régie exerce notamment les fonctions suivantes: «1° délivrer, suspendre ou révoquer les permis de détaillants et de fabricants de boissons alcooliques [...]; 2° établir les conditions rattachées à ces permis et licences et en contrôler l'exploitation.» Le moins que l'on puisse dire, c'est que la Régie en est absolument incapable, et ça m'apparaît être un des mandats, une des fonctions les plus importantes de la Régie que de contrôler le commerce de la boisson au Québec. Il m'apparaît carrément que la Régie est incapable de remplir cette mission-là.

Lorsqu'on a interrogé le Vérificateur général, il y a quelques jours, on a, avec M. Breton, tenté d'établir, de quantifier les sommes d'argent détournées à l'État du Québec lorsqu'on parle de la contrebande des alcools. On a tenté également d'établir combien d'emplois étaient touchés au niveau de la Société des alcools du Québec à cause du phénomène de la contrebande, et M. Breton, de façon très correcte, nous a indiqué qu'il était, lui, incapable de quantifier ça autant au niveau des sommes d'argent impliquées que des emplois touchés également. Mais on sait que ces chiffres n'ont pas été contredits.

Il y a quelques mois, en mars, avril, on a indiqué que la contrebande au Québec coûtait plus ou moins 250 000 000 $ de taxes à l'État du Québec. Ces chiffres n'ont pas été contredits. La FTQ ajoutait à peu près à la même époque que plus ou moins 1 200 emplois ont été perdus au cours des 10 dernières années à cause du phénomène de la contrebande, que, à Montréal, entre autres – et le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques qui vociférait tout à l'heure, il va avoir l'occasion de nous dire s'il est d'accord ou pas – ...

M. Boulerice: ...vociférer, M. le Président, là. Qu'il se calme. On peut lui fournir les valiums.

M. Lefebvre: ...l'alcool illégal coule à flots. Alors, j'imagine que le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques pourra nous renseigner à savoir si c'est vrai ou faux que l'alcool illégal coule à flots à Montréal.

M. Boulerice: C'est faux. Ciaccia ne peut pas avoir vu ça parce qu'ils étaient masqués quand il a négocié avec les bandits armés. Mais...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Alors, M. le Président, le moins que l'on puisse dire, c'est que le constat que je viens de faire ne peut pas être contredit parce que je répète ce que d'autres intervenants ont rendu public comme constat. Je me base sur des données – pour celles qui pouvaient l'être – vérifiées, et le moins que l'on puisse dire, c'est que la Régie est incapable de remplir l'importante mission que le gouvernement lui a confiée. Alors, je demande à M. le président... Et je conclus, tout en lui posant une question très générale, que mon commentaire ne se veut pas, sur l'essentiel, une critique de la Régie. Mais je constate, cependant, comme plein d'intervenants, comme plein de parlementaires qu'il y a un problème majeur de situations illégales tolérées au Québec, de situations illégales qui devraient être contrôlées dans certains cas, entre autres la contrebande, par la Régie des alcools, des courses et des jeux, et que la Régie, jusqu'à un certain point, elle est complice dans son inaction. Dans son incapacité de remplir sa mission, elle est la complice du gouvernement, de son premier ministre qui a fait plein de blabla en mars, mais qui, à date, comme dans plein d'autres dossiers d'ailleurs, n'est pas capable de prendre la moindre décision. Il n'est pas capable de prendre la moindre décision.

Le premier ministre et son gouvernement sont même incapables, M. le Président, de prendre des décisions qui s'inscriraient tout simplement dans une démarche d'ordre juridique et judiciaire, pas des décisions politiques. Lorsqu'on a à décider si on prendra les moyens qu'il faut pour interdire un événement illégal comme le combat extrême, à titre d'exemple, tout ce qu'on a à faire c'est de dire: On prend les moyens qu'il faut pour que la loi soit respectée. Ce n'est pas une grosse décision politique à prendre, ça. La décision politique qu'on a prise, c'est un paradoxe incroyable. On a pris la décision politique de ne rien faire et d'accepter béatement que la loi ne soit pas respectée, tout comme on le fait dans le dossier de la contrebande.

Alors, je demande à M. le président si la Régie n'est pas complice, ce que je ne crois pas, là... Est-ce qu'il faut arriver à la conclusion que la Régie des alcools, des courses et des jeux est placée dans une situation telle parce qu'elle n'a pas les effectifs, parce qu'elle n'a pas les budgets, parce que son mandat, globalement, est trop gros? Est-ce que, M. le Président de la commission, je peux savoir du président de la Régie comment il reçoit tous ces commentaires que je lui fais, à lui et à ceux et celles qui l'accompagnent et quels sont, en conclusion, les moyens qu'entend prendre la Régie pour mettre de l'ordre? Et, entre autres – puis je conclus sur le dossier de la contrebande – le Vérificateur général nous disait qu'il était d'accord avec moi que les acteurs impliqués dans le dossier de la contrebande sont les suivants: la Sûreté du Québec, le ministère du Revenu, la Régie – votre Régie, M. le président – la Société des alcools du Québec, le gouvernement fédéral. De tous ces acteurs, selon M. Breton, le Vérificateur général, celui qui devrait être le leader, c'est la Régie des alcools, des courses et des jeux. Alors, je demande à M. le président ce qui va se passer au cours des prochains mois pour mettre de l'ordre au Québec et qu'on respecte la loi, essentiellement.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le président.

M. K.-Laflamme (Ghislain): La contrebande de boissons alcooliques est évidemment un problème éminemment important mais, en même temps, éminemment complexe. En terminant l'exposé, le député de Frontenac a mentionné qu'il y avait plusieurs intervenants là-dedans, comme la Sûreté du Québec, la police de la communauté urbaine, le ministère du Revenu, le gouvernement fédéral, et il faut ajouter aussi les gardes-frontières, les gardes-côtes et tout le personnel policier qui est sur le terrain pour surveiller ce qui se passe.

(10 h 50)

Je crois, en effet, que la Régie a un rôle extrêmement déterminant à jouer dans la lutte contre la contrebande. Si on veut comprendre le contexte dans lequel la Régie peut agir, il faut placer aussi la contrebande dans son propre contexte. S'il y a des contrebandiers, c'est qu'il y a aussi des clients pour ces contrebandiers. Ces clients sont de deux types: il y a les simples citoyens et il y a les commerces. En ce qui concerne les commerces, les commerces qui sont intéressés à la contrebande de boissons alcooliques sont évidemment des établissements qui détiennent des permis d'alcool et qui, pour économiser sur l'achat de boissons ou pour ne pas faire figurer à leurs inventaires des boissons alcooliques achetées, s'en procurent de façon illégale. Sur ces gens, la Régie a une prise directe et a une prise assez radicale, et j'énoncerai des chiffres tout à l'heure quant à notre intervention là-dedans. Ça, c'est une partie.

Lorsque la Régie s'intéresse à l'alcool et lorsqu'on qualifie l'alcool comme étant de l'alcool de contrebande, on restreint déjà le débat. La Régie s'intéresse à l'alcool de provenance illégale, et la provenance illégale peut être aussi simple qu'une taverne qui s'en va acheter sa bière à l'épicerie pour ne pas la déclarer dans ses inventaires et ne pas avoir à payer d'impôts là-dessus. Ça peut être la même chose pour un bar qui s'approvisionne comme simple citoyen à une succursale de la Société des alcools du Québec, entre ces boissons dans son établissement, fait du transvidage dans des bouteilles timbrées et économise ainsi beaucoup d'argent parce que ces sommes-là n'aboutissent pas dans l'inventaire, et, par voie de conséquence, l'impôt n'est pas payé.

La Régie tient des rencontres avec les intervenants de divers niveaux, dont les forces de police, dont le ministère du Revenu, dont le ministère des Finances pour déterminer les actions les plus efficaces possible pour empêcher la circulation des boissons de provenance illégale. Dans les établissements, la Régie a des protocoles d'entente qui ont été ravivés suite à la fusion pour pouvoir intégrer les actions policières à plusieurs niveaux, qui ont amené, suite à une mesure que le gouvernement a évidemment prise, la loi 50, des suspensions de permis d'alcool à l'égard de tous ceux qui utiliseraient des boissons illégales. Donc, en janvier 1995, la loi 50, qui avait été proposée par suite d'une concertation de la Régie avec les divers partenaires, a amené une disposition qui rend passibles d'une suspension ou d'une révocation de permis les gens qui utilisent des boissons illégales, et, au cours de l'année qui s'est écoulée après l'adoption de cette loi, il y a eu un nombre extrêmement grand de visites par les corps policiers qui se sont faites dans les établissements.

Le cahier que j'ai mis entre vos mains comporte des statistiques. Pour vous donner un ordre de grandeur, il y a 32 000 établissements au Québec où peuvent se vendre légalement des boissons alcooliques, et les corps de police de la Communauté urbaine de Montréal, la Sûreté du Québec et d'autres corps qui ont des protocoles avec la Régie ont fait des visites, ont constaté qu'il y avait des boissons illégales et ils ont réussi à constater qu'il y avait des boissons illégales malgré la difficulté, grâce à une collaboration avec la Société des alcools qui, les gens le savent maintenant, a mis des marqueurs dans certains types de boisson pour que, à l'analyse chimique, on puisse savoir s'il s'agit d'alcool de provenance légale ou de provenance illégale. Donc, cette concertation des corps policiers, de la Sûreté du Québec, du ministère du Revenu, du ministère des Finances et de la Régie a amené, en cours d'année, des convocations devant la Régie pour examiner s'il y a lieu de suspendre ou pas les permis d'alcool, et près de 800 permis ont été, à un titre ou l'autre, suspendus durant cette période-là à cause de l'utilisation d'alcool de provenance illégale.

Des budgets ont été attribués pour engager au service juridique du personnel additionnel afin de traiter ces dossiers, et nous sommes à même de constater, par l'augmentation des ventes de la Société des alcools, que ces mesures ont apporté des conséquences bénéfiques à l'égard de la consommation d'alcool à partir de débits où il y a des permis d'alcool. De ce côté-là, tout ce que je peux dire, c'est que les mesures qui sont prises vont continuer à s'accentuer, et la crédibilité qui va s'établir au niveau des détenteurs de permis d'alcool face au fait qu'ils vont perdre leur permis s'ils utilisent des boissons de provenance illégale diminue déjà l'impact sur la contrebande et le commerce de boissons alcooliques.

Cependant, au niveau de la consommation de boisson de contrebande par le simple citoyen, la Régie n'a aucune prise sur ces gens. Lorsqu'un camion arrive sur le terrain d'un centre d'achats, ouvre ses portes aux gens qui sont à l'arrière et offre une Tia Maria ou un Grand Marnier à moitié prix, évidemment, la Régie ne peut que déplorer cette situation et, lors de réunions avec les forces policières, dire qu'il devrait y avoir une augmentation de la surveillance de ces endroits où il y a des ventes illégales. Il n'y a personne qui imagine, non plus, que la Régie va aller sur tous les sites possibles où des boissons illégales peuvent être vendues pour interdire ça. C'est le travail policier qui doit se faire, mais la plus grande difficulté pour les policiers et, bref, pour tous ceux qui sont préoccupés par la contrebande d'alcool, c'est la surveillance des frontières, et la Régie n'a pas de rôle sur la surveillance des frontières, et les entrées de boissons illégales ne se produisent pas dans un contexte qui permette à la Régie de faire quelque intervention que ce soit.

Donc, pour résumer la position de la Régie face à l'utilisation de boissons illégales, la Régie se sent en effet, comme le dit le Vérificateur général, chargée de faire de la coordination à l'intérieur des divers organismes qui peuvent avoir une influence quelconque sur la contrainte de l'usage de boissons de contrebande ou de boissons illégales, mais la Régie se sait aussi démunie face au phénomène de contrebande qui se produit aux frontières et à la surveillance des frontières. Nous continuons avec nos partenaires, qui sont ceux qu'on a énumérés tout à l'heure, à essayer d'être plus inventifs que les contrebandiers, mais nous agissons dans une contrainte normale de démocratie, alors qu'eux, puisque ce sont des illégaux, n'acceptent aucune contrainte et, évidemment, ne passent pas leur contrebande par les routes qu'on souhaiterait les voir employer, n'utilisent pas les cours d'eau qu'on souhaiterait les voir employer et ne vont généralement pas toujours tomber dans les pièges que les forces de police leur tendent pour les attraper.

Lorsqu'on mentionne 250 000 000 $ comme évasion fiscale, il s'agit – évidemment, je sais que le député de Frontenac, ayant été ministre de la Justice, le sait bien, on ne peut pas mesurer avec précision les quantités de choses criminelles que les criminels font parce qu'ils ne nous font pas de rapports statistiques et ne nous donnent pas l'ampleur de leurs activités – d'une évaluation qui couvrirait les pertes à la fois du gouvernement québécois et du gouvernement fédéral là-dedans, et nous sommes tous sensibles à la nécessité de réduire ces activités qui sont illégales avec la coordination de toutes les forces policières. Mais je pense que l'adoption de la loi 50, qui oblige la Régie à suspendre un permis d'alcool lorsque des boissons illégales ont été utilisées, est un pas extrêmement déterminant face à toutes les mesures d'évasion que les divers détenteurs de permis faisaient devant la Régie pour éviter la suspension de leur permis.

(11 heures)

Donc, je résume. La Régie est en effet un pivot dans la lutte contre l'usage de boissons illégales. La Régie se coordonne avec les corps policiers avec lesquels elle a un protocole. Elle pousse plus loin que la simple coordination, il y a des rencontres de stratégie, de développement stratégique là-dedans, et, en plus, grâce aux outils que la loi donne, la Régie retire de façon massive des permis d'alcool aussitôt que les policiers peuvent alimenter le service juridique de la Régie avec des dossiers bien montés et déterminants.

Enfin, pour accentuer notre intervention là-dedans, la Sûreté du Québec a accepté de détacher un agent de liaison qui est installé au bureau de la Régie même, en permanence, si bien que la coordination, au lieu de se faire à la semaine ou au mois, se fait d'heure en heure par la présence de cette personne sur les lieux. Nous avons également un agent de liaison avec la police de la communauté urbaine qui a le même rôle et nous sommes à développer des systèmes informatiques avec tous ces intervenants pour pouvoir réagir à l'instant plutôt que dans la semaine ou le mois donné.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le président. M. le député de La Peltrie.


Délais dans le traitement des dossiers relatifs à la contrebande d'alcool

M. Côté: Merci, M. le Président. Alors, bonjour, M. le président-directeur général de la Régie ainsi que votre équipe. Dans votre préambule et aussi dans le rapport du Vérificateur général, on a fait beaucoup mention – puis vous en faites beaucoup mention également – des contrôles qui sont en place. Bon, je pense qu'il y a une nécessité là, mais, malgré tous ces contrôles – parce qu'il y a aussi des protocoles d'entente avec les corps policiers, la Sûreté du Québec – il semble quand même, selon le rapport du Vérificateur général, que la contrebande d'alcool fait perdre environ 250 000 000 $ au gouvernement. Et puis la non-application, souvent, qu'on voit des amendes fait perdre aussi... Dans la seule direction générale de Québec, on estime à environ 900 000 $ de pertes... des amendes qui n'ont pas été collectées, au fond. O.K.?

Et aussi il y a tous les délais qui existent entre le moment de l'infraction et la remise du dossier à la Régie. Là, il semble y avoir un délai d'environ cinq mois qui peut exister. Ça peut aller jusqu'à cinq mois, puis, par la suite, la Régie, à partir du moment où elle a le dossier en main, il peut s'écouler encore environ, peut-être, un quatre mois également avant qu'une décision soit prise. Comment expliquer, aujourd'hui, avec les moyens de communication qui sont à notre disposition, ce genre de délai ou encore ce manque, aussi, de cohérence qu'il semble y avoir entre la Régie et les corps policiers? J'aimerais vous entendre un peu sur ce fait-là.

M. K.-Laflamme (Ghislain): J'aimerais, en vous répondant, faire d'abord une remarque préliminaire quant au rapport du Vérificateur général. Le Vérificateur général est venu à la Régie et a passé en revue les systèmes dans l'état où ils se trouvaient au moment où le Vérificateur est venu. Donc, le rapport date déjà. Et, entre le moment où le Vérificateur général commence son étude et le moment où il la termine, il y a déjà, évidemment, des choses qui se passent. C'est pour ça que, à l'intérieur du rapport, il demande nos commentaires et qu'ils sont publiés là-dedans pour qualifier un peu l'ensemble des observations qui ont été faites.

La Régie, l'ai-je mentionné, n'a que trois ans d'âge. N'ayant que trois ans d'âge, elle est en train de se structurer, de se bâtir, de se faire, de s'agencer quasiment sur une base quotidienne. Les études de structuration et d'examen de systèmes sont coûteuses. Nous avons été heureux d'avoir les gens du Vérificateur général chez nous qui, même si ce n'était pas leur mandat et si ce n'était pas leur obligation, nous ont aidés dans l'identification des difficultés structurelles qu'on trouvait là-dedans.

Donc, le travail du Vérificateur général, le rapport du Vérificateur général a fait un constat à un moment donné, nous a permis de réaliser un certain nombre de problèmes qu'on devait, de toute façon, analyser nous-mêmes et régler nous-mêmes et ce rapport, donc, nous a servi à modifier la situation. Les modifications coûtent en termes de temps, en termes de priorités, en termes de ressources et en termes d'argent. Si nous voulions qualifier la Régie d'aujourd'hui, le 11 septembre 1996, la qualification du Vérificateur général au 11 septembre ne serait pas celle du mois d'avril ou de l'année dernière parce que beaucoup de changements sont intervenus, et, parmi les changements qui sont intervenus, il y a eu, entre autres, celui que je mentionnais tout à l'heure: l'arrivée à la Régie d'un agent de liaison avec la Sûreté du Québec pour qu'on soit en relation instantanée, comme vous le mentionniez, pour couper les délais. Il n'y a aucune espèce de raison que, avec les moyens électroniques qu'on a aujourd'hui, qu'on ait à attendre et qu'on ait à utiliser du courrier papier pour avoir des précisions. Il y a eu aussi des développements informatiques avec les corps policiers pour mieux cerner les besoins d'information qu'on a.

Cependant, on reste toujours pris avec deux contraintes. La suspension d'un permis est un processus quasi judiciaire, et c'est normal qu'il en soit ainsi. Donc, le détenteur du permis va se défendre contre les allégations qui sont faites à son endroit. Il faut donc que la preuve que les policiers nous apportent soit une preuve de nature à convaincre les régisseurs sous un processus quasi judiciaire qu'il y a vraiment infraction, et ça, dans la loi il y a des délais qui sont inhérents: il faut qu'il y ait un avis de convocation qui soit envoyé au moins 15 jours à l'avance; il y a un délai d'audition qui varie en fonction de la disponibilité des avocats, en fonction de la complexité de la preuve, en fonction de la disponibilité des parties, et, après que la preuve a été entendue, il faut, évidemment, que les régisseurs, qui sont comme des juges, délibèrent et rendent une décision.

Nous avons essayé de restreindre ces délais-là, mais nous ne pouvons aller au-delà d'une compression qui deviendrait incompatible avec l'administration de la justice. Ce sur quoi nous travaillons plutôt est de diminuer le temps entre la constatation de l'infraction par le policier et la transmission du dossier à la Régie, et, là, vous l'avez mentionné, il y a cinq mois à récupérer. C'est là-dessus que nous essayons d'amener une compression, et la présence de ces agents de liaison a pour but de restreindre, diminuer ces délais pour que le délai de convocation soit encore crédible, pour que la personne qui a fait une infraction se rende compte qu'il y a évidemment relation entre son infraction et la convocation devant la Régie. Alors, c'est là qu'on veut restreindre les délais.


Coopération entre la Régie et les corps policiers

M. Côté: Est-ce qu'il existe un plan d'action au niveau des interventions ou au niveau des inspections et des visites dans les établissements en cohérence avec les corps policiers? Si un établissement, par exemple, a déjà perdu son permis ou encore s'il y a une très grande variation soit dans les achats ou dans les ventes, est-ce qu'il y a des établissements qui sont ciblés d'avance? Est-ce qu'il y a un plan d'intervention qui est déjà en place? Est-ce qu'il y a des objectifs qui sont à atteindre, au fond?

M. K.-Laflamme (Ghislain): Votre question est tout à fait à propos, puis ma réponse va avoir l'air hésitante pour la raison suivante: puisqu'on est un organisme quasi judiciaire, on doit donner les apparences d'impartialité, les apparences d'indépendance et, surtout, les apparences de ne pas harceler des citoyens. Donc, si je vous répondais affirmativement que la Régie a un plan pour aller vérifier les établissements de telle municipalité, particulièrement de tel type, et qu'on intervienne à l'encontre de ces établissements-là, on dirait que la Régie est préjugée.

(11 h 10)

La façon dont nous procédons est différente. Comme on l'a mentionné tout à l'heure, on a beaucoup d'intervenants: la Sûreté du Québec, Revenu, Finances, police de la communauté urbaine, ministère de la Justice, les affaires pénales, et tout ça. Ce qu'on fait, on fait une réunion au cours de laquelle on énonce à tous ces participants les problèmes identifiés et on leur demande, dans leur sphère d'activité, d'arriver à prendre les mesures nécessaires pour contrer ces difficultés.

Donc, le poste de la Sûreté du Québec de Chandler, si on veut référer à celui-là en particulier, connaît les établissements sur son territoire, connaît les problèmes sur son territoire, et on lui demande de ne pas nous communiquer les établissements problèmes autrement que par l'entremise d'une plainte pour que nous ne soyons pas tentés de pointer tel ou tel établissement. Donc, la surveillance de l'importance d'intervention sur le territoire se fait par les policiers eux-mêmes, mais à l'intérieur d'orientations générales qu'on leur donne pour qu'ils puissent intervenir à l'égard des boissons alcooliques illégales, à l'égard des appareils de loterie vidéo illégaux, à l'égard des spectacles inadmissibles dans un endroit public, à l'égard de la présence de drogues, à l'égard du bruit, à l'égard de tout ça.

Pour conclure, la Régie ne cible pas des établissements. La Régie cible des problèmes, et c'est les partenaires qui arrivent à actualiser ça. En particulier, la Société des alcools du Québec, le ministère du Revenu et la Sûreté du Québec examinent les courbes de vente des divers établissements. Si un établissement achetait pour, je ne sais pas, 100 000 $ pendant une période donnée et que, tout à coup, ça tombe à 50 000 $ ou à des chiffres qui attirent notre attention, la Société des alcools et le ministère du Revenu, avec la Sûreté du Québec vont intervenir, et, là, le dossier va nous revenir après que l'intervention aura été faite.

M. Côté: Alors, vous semblez déjà avoir pris des mesures, je pense, depuis que le rapport du Vérificateur a été rendu public. Mais j'ai un tableau, ici, dans le rapport du Vérificateur, justement en termes de visites. Bon, c'est classé par municipalité: a, b, c, d, e, f, g, h. À titre d'exemple, la municipalité a, le nombre d'établissements – je pense que c'est Québec – c'est 1 665, et puis il y a 10 %... Il y a eu 162 visites dans 1 665 établissements, donc 10 %, alors que, dans la municipalité h – je crois que c'est Saint-Camille – il y a 43 établissements, c'est-à-dire 43 permis, et il y a eu 135 visites, donc 314 % de visites.

Alors, il me semble, moi, que, dans la région de Québec, il devrait y avoir beaucoup plus de visites par rapport à Saint-Camille qui en a seulement 44. Donc, on mobilise les forces de surveillance dans des endroits beaucoup moins importants, au fond. Est-ce que c'est ça que ça veut dire? J'ai de la misère à m'expliquer ça. J'aimerais avoir une explication.

M. K.-Laflamme (Ghislain): Moi aussi, lorsque j'ai vu le tableau, je me suis dit: Diable! Qu'est-ce que ce tableau peut bien vouloir dire? À sa face même, c'est un scandale. Lorsqu'on l'examine et qu'on en tire des explications, on se rend compte que, lorsqu'on parle de municipalité, on parle plutôt de poste de la Sûreté installé dans telle municipalité, parce que, si on les identifie, et vous allez voir entre autres a,b,c – je pense que ça a été mentionné, je peux mentionner le nom – c, c'est Sainte-Julie, et Sainte-Julie c'est entre Saint-Hyacinthe et, bon, Montréal. Si vous regardez Sainte-Julie: 857 établissements, vous vous dites: Diable! Ils ont compté toutes les maisons qu'il y avait dans ce coin-là pour dire qu'il y a 857 établissements à Sainte-Julie, alors que ça ne représente pas Sainte-Julie, ça représente le district du poste de police de la Sûreté du Québec à Sainte-Julie. Donc, ça s'étend beaucoup. Une fois qu'on comprend ça, les municipalités deviennent un petit peu plus relatives.

Ce tableau ne contient que les statistiques qui se trouvaient dans l'ordinateur de la Régie au moment où la vérification du Vérificateur général s'est faite. Tous les postes ne sont pas informatisés au même degré. Tous les postes ne rapportent pas de la même façon les visites, et vous comprendrez que, si on prend Saint-Camille, le dernier, où il y a 43 établissements, très peu d'établissements, alors, si on ne définit pas – et c'est ce qu'on est en train de faire – ce que c'est qu'une visite, on est appelé à comptabiliser toutes les fois où un agent de la Sûreté du Québec entre prendre un café dans l'établissement et qu'il jette un coup d'oeil sur le permis et sur les boissons, tout naturellement. Alors, moins il y a d'établissements, plus le même établissement finit par être compté bien des fois, et il ne s'agit pas nécessairement d'une visite de fond en comble. Donc, nous sommes en train, avec la Sûreté du Québec, entre autres, d'arriver à déterminer ce que c'est qu'une visite pour les fins de comptabilisation statistique.

Deuxième chose, c'est que la Régie n'est pas tributaire que de la Sûreté du Québec dans l'analyse des lieux d'intervention. On a des protocoles avec la ville de Sherbrooke, avec la ville de Gatineau, avec la ville de Chicoutimi, évidemment avec Montréal, mais tous les corps de police ont quand même la possibilité de faire des interventions dans tous les débits d'alcool et d'appuyer les plaintes que les citoyens ont à faire contre certains débits d'alcool. Ça se fait sur une base routinière, mais ce n'est pas comptabilisé dans le même type de statistiques que celui qui a servi à faire le tableau. Donc, on se trouve à avoir une couverture aussi de ce côté-là. Et, en même temps, les visites, dans le contexte de ce que je mentionnais au début, sont déterminées par des grands paramètres qu'on donne à la Sûreté ou aux autres forces de police. Alors, les endroits qui sont sujets à plus de difficultés vont probablement faire l'objet de plus de visites et les endroits où il y a moins de problèmes vont probablement faire l'objet de moins de visites.

Pour conclure sur ce tableau, je pense qu'on peut le prendre comme un déclencheur de réflexion, mais non pas comme une image de la surveillance réelle des débits dans ces secteurs-là. Et nous sommes vraiment à tout réviser ça, parce que, comme je vous dis, si on le lit comme ça, votre réaction est tout à fait naturelle. C'est un scandale de voir que certains endroits sont presque harcelés, puisqu'il y a 368 % de visites, alors que d'autres ne sont qu'à 11 %.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le président de la Régie. M. le député de Jeanne-Mance.


Réglementation des bingos

M. Bissonnet: ...M. le président, M. Ghislain K.-Laflamme, ainsi que les membres de la Régie qui vous accompagnent. Beaucoup d'organismes sans but lucratif qui oeuvrent dans les loisirs, dans les sports, dans les maisons de jeunes, dans les organismes communautaires subissent des coupures gouvernementales, des coupures dans les municipalités. Tous les membres de l'Assemblée nationale avaient un budget que vous connaissez tous, le budget pour le support au bénévolat. Là, encore, il y a des coupures. Alors, ces organismes sans but lucratif ont une entrée, et ils vont dans les bingos. Il y a quatre ou cinq ans, les organismes... Bien, je vais en prendre un dans mon comté pour citer un exemple. On a un réseau d'entraide qui donne du service à domicile aux personnes âgées, qui est très efficace. Il y a quatre ou cinq ans, le bingo à chaque semaine leur donnait des revenus annuels d'à peu près de l'ordre de 40 000 $ à 50 000 $. Aujourd'hui, ils n'en font plus de bingo. Ils ont laissé ça parce que, des fois, ils perdaient de l'argent.

Alors, je suis informé que, depuis deux ans, la Régie travaille à l'établissement de nouvelles règles pour réglementer le bingo. Il est bien évident que, dans la région métropolitaine – et le député de Sainte-Marie– Saint-Jacques peut en convenir – il y a peut-être beaucoup de salles, trop de salles, et le maximum des prix qui sont donnés, c'est 3 500 $ dans les salles de bingo. Mais, dans les réserves indiennes, eux autres, ils montent, ça fait qu'il s'organise le dimanche, dans la région métropolitaine, des autobus qui vont un peu partout jouer au bingo dans les réserves indiennes parce que les montants des tirages sont plus alléchants. Ma première question, c'est: Où en êtes-vous dans l'étude pour soit un moratoire sur le nombre de salles... D'après ceux qui oeuvrent dans les bingos, il y a trop de salles, il y a trop de bingos, donc les revenus qu'ils anticipent sont plus difficiles à obtenir.

(11 h 20)

Autre question: Êtes-vous au courant que Loto-Québec – est-ce qu'elle a un mandat de chez vous? – est en train, actuellement, d'étudier la possibilité d'avoir des bingos satellites, ce qui est très populaire aux États-Unis? Ils sont en train d'étudier ça, mais je me demande s'ils ont un mandat, parce que c'est vous autres, la Régie, qui êtes le maître d'oeuvre dans les bingos, et, selon les informations que j'ai de très bonne source, actuellement, Loto-Québec fait des enquêtes pour se lancer dans les bingos satellites, ce qui va tuer tous les organismes sans but lucratif qui vont chercher, actuellement, les revenus pour mieux opérer dans leur organisme sans but lucratif. Alors, je voudrais savoir de quelle façon Loto-Québec, actuellement, travaille sur un dossier pour implanter des bingos satellites au Québec.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le président.

M. K.-Laflamme (Ghislain): Je vais répondre à la deuxième question en premier. Je suis au courant que Loto-Québec fait des études et je dois dire que c'est dans le mandat de Loto-Québec de faire des études pour améliorer sa propre rentabilité. Donc, Loto-Québec est toujours en train de faire des études pour ses changements de jeux, pour ses améliorations de rentabilité, pour ses modifications à un secteur donné. Les études que Loto-Québec fait, elle les fait à son propre compte à ce moment-ci, dans le sens que ça fait partie de ses pratiques d'étudier tout ça. Nous n'avons pas été mis à contribution, et, comme vous le mentionnez, c'est la Régie, par la Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils d'amusement, qui a cette responsabilité-là et c'est le ministre de la Sécurité publique qui a la responsabilité de piloter des règlements ou des modifications à la loi. Donc, si Loto-Québec fait des études, ces études devront, pour être mises en application dans un champ qui est déjà couvert par une législation ou pour une réglementation, être approuvées par le gouvernement ou, plus loin, par l'Assemblée nationale même, s'il y a des changements à la loi. Donc, voilà pour les études que Loto-Québec mène.

Les études que la Régie mène sont d'un autre ordre, dans le sens que la Régie des alcools, des courses et des jeux est l'héritière de la Régie des loteries, donc des pratiques qui se sont développées dans le domaine du bingo pendant de nombreuses années. Le bingo avait été conçu pour être un appoint social à des bonnes causes et non pas pour être une industrie. Au fil des années se sont ouvertes des salles, comme on dit dans notre jargon, «commerciales» et qui, par certains aspects, parfois, donnent l'impression d'être une industrie, dans le sens que la salle semble rapporter à son propriétaire sans que le bingo rapporte à l'oeuvre pour laquelle le bingo a été autorisé. Bon. Ça a été la problématique avec laquelle la Régie a commencé son étude, et, à l'époque, en 1993-1994, nous avons, je pense, été plus généreux dans l'octroi de licences de bingo que la situation économique d'aujourd'hui le permet. En conséquence, nous avons, depuis l'année dernière, décrété un moratoire sur l'octroi de toute licence qui entraînerait l'ouverture d'une nouvelle salle. Ce qu'on fait, donc, c'est qu'actuellement on émet des licences, mais uniquement en remplacement de bingos qui disparaissent ou pour se trouver dans un milieu où ça n'entraîne pas l'ouverture d'une nouvelle salle, j'entends, commerciale. Évidemment, chaque individu qui est propriétaire de sa salle est traité d'une façon différente.

Comme fond de scène, nous avons tenu une consultation publique en 1994, au cours de laquelle nous avons reçu une soixantaine de mémoires de plusieurs centaines d'organismes qui s'étaient groupés pour présenter un mémoire. Nous avons dépouillé ce mémoire, nous en avons présenté un rapport au ministre de la Sécurité publique en janvier 1995, qui nous a demandé de remettre nos conclusions en consultation. Donc, en mai 1995, il y a eu une nouvelle consultation auprès de ceux qui nous avaient fait des représentations, et nous avons pu préparer un projet de loi avec une problématique qui a été présentée dans la région de Montréal, entre autres à l'examen des usagers possibles, à Saint-Pierre-Apôtre, au mois d'août 1995. Des correctifs nous ont été proposés, et nous avons réexaminé le document à partir des correctifs proposés.

Entre-temps, une guerre de prix s'est déclenchée dans la région de Montréal au niveau des cartes de bingo. Des gens nous dénonçaient le fait qu'il y avait une concurrence illégale qui se faisait de ce côté-là. Nous avons tenu à nouveau des consultations auprès de presque 500, 600 organismes en janvier et février pour voir quel pouvait être l'équilibre qui devait être établi dans ce secteur-là avec l'accord des gens du milieu. Par directive, on a stabilisé le prix des cartes à jouer, mais, en même temps, les gens nous ont réitéré que les prémisses qu'on avait utilisées à la base étaient bonnes, et on a préparé un projet de loi qui est actuellement entre les mains du ministère de la Sécurité publique qui en fera état, possiblement, à la session d'automne.

Une voix: Est-ce que vous pourriez me...

M. Lefebvre: S'ils en parlent au premier ministre, il ne se passera rien.

M. Boulerice: S'ils en ont parlé à Boulerice, ça va passer.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bissonnet: Vous parlez comme ministre de Sainte-Marie, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): À l'ordre, messieurs!

Une voix: J'ai plus confiance en toi, André, que...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Jeanne-Mance, vous aviez une autre question au préalable.

M. Bissonnet: Juste une petite question, oui. L'ordre de grandeur de tous les organismes sans but lucratif qui vous présentent à chaque année un bilan de leurs activités avec les bingos, quel est le montant? Je ne sais pas si vous pouvez me donner ce chiffre-là, le montant qui est le profit qui est réalisé par les organismes sans but lucratif. Évidemment, ils louent une salle, il faut qu'ils paient la salle. Ils vendent des cartes, il faut qu'ils paient les prix. Ça donne quoi comme image, le montant que tous ces organismes-là vont chercher dans une année par rapport à la dépense qui est effectuée?

M. K.-Laflamme (Ghislain): Nos études nous montrent que le chiffre d'affaires... C'est un terme un peu vague, là, mais il se joue à peu près 200 000 000 $ dans le domaine du bingo. À travers ça, vous le savez, il y a des règles qui font qu'ils doivent avoir au moins 15 % de profit et que leurs dépenses ne doivent pas dépasser 20 %, et tout ça. Lorsqu'on se met à tout décanter ces choses-là, on arrive à un ordre de grandeur de 35 000 000 $ à 40 000 000 $ qui retournent aux oeuvres. Le reste se dirige dans des locations de salles, dans des frais d'administration divers, de l'achat de papier et, surtout, la remise de prix à ceux qui jouent au bingo et qui ne joueraient pas s'il n'y avait pas un retour qui était intéressant.

M. Bissonnet: On me dit que, dans plusieurs salles commerciales de ces bingos-là, ils ont des nouvelles machines distributrices – vous allez partir à rire – de toutous, je ne sais pas si vous êtes au courant, et que, pour ces machines distributrices là, ils n'ont pas de permis. Ce sont des machines qui sont illégales. C'est parce que, évidemment, il y en a dans les centres d'achats aussi. Il y en a un peu partout. C'est des machines qui sont dans toutes les salles de bingo. Alors, les personnes qui vont au bingo, en même temps, jouent dans ces machines-là, et ils n'ont pas de permis, à ce que je sache, pour opérer ces machines qu'ils appellent des «machines à toutous».

M. K.-Laflamme (Ghislain): Oui, les machines à toutous.

M. Bissonnet: Moi, je ne les ai pas vues, mais on m'a parlé de ça.

M. K.-Laflamme (Ghislain): J'en ai entendu parler. Ça fait sourire quand on voit des machines à toutous là-dedans, mais ce problème particulier fait partie de la révision du Règlement sur les appareils d'amusement, parce que, vous savez, il y avait, comme appareils d'amusement, les appareils de catégorie A qu'on a remplacés par un réseau de loterie vidéo gouvernementale, mais il y a des appareils de catégories B, C et D, et ce genre d'appareils se trouve dans la zone grise, à la marge parce que, en principe, ce seraient des appareils destinés à l'usage des enfants, mais, en pratique, ça devient une petite loterie en soi, et on peut remplacer inévitablement un toutou par une Rolls Royce si jamais on voulait y mettre de la mauvaise volonté. Donc, cet aspect particulier est en train d'être examiné en vue d'une modification de la réglementation sur les appareils d'amusement.

M. Bissonnet: O.K. Les loteries de type Nevada...

M. K.-Laflamme (Ghislain): Des gratteux?

M. Bissonnet: Vous savez, je remplace votre député de Pointe-aux-Trembles, puis il étudiait ça.

Une voix: Oh oui!

M. K.-Laflamme (Ghislain): Ha, ha, ha!

(11 h 30)

M. Bissonnet: Alors, quand il est parti, il m'a demandé de prendre sa place.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bissonnet: Il a dit: Ça prend un gars du peuple pour s'occuper de ça. Ça fait que j'ai dit: O.K., on va s'en occuper.

Une voix: On est d'accord. Ha, ha, ha!

M. Bissonnet: Les loteries de type Nevada, ça, ça existe un peu partout dans les autres provinces puis aux États-Unis. Au Québec, quels sont les résultats de ces loteries-là? Comment ça fonctionne, ça? Parce que, ici, vous l'avez remarqué, personne ne connaît ça. Vous ne connaissez pas ça, hein? Pouvez-vous nous expliquer comment ça fonctionne puis ça va à qui les profits de ça? De quelle façon ils procèdent pour vendre ces billets-là? Ce sont des billets de loterie...

M. K.-Laflamme (Ghislain): Comme c'est un sujet bien particulier, Me Roy aura été chargé de se pencher, lui aussi...

M. Bissonnet: O.K.

M. K.-Laflamme (Ghislain): ...sur les Nevada. Il va vous fournir l'explication technique.

M. Bissonnet: Juste pour nous expliquer rapidement, là.

M. Roy (Richard): C'est parce que, évidemment, en Ontario, c'est beaucoup employé. On a même fait une visite en Ontario, et, dans les salles de bingo, il y en a beaucoup qui sont intéressés à ça parce que c'est un simple gratteux. C'est à peu près comme quand on va au dépanneur, on gratte. Mais, ici, au Québec, dans les grandes salles commerciales, ce n'est pas pratiqué, puis on semble dire que les propriétaires de salles ne sont pas tellement intéressés à ça. On voit ça plus en campagne; il y en a. Et, où on se sert du Nevada, on se fait des soirées de 200 $ seulement avec les billets de Nevada. Mais les organismes devraient plus le pratiquer dans des salles. Mais on a même vu... Dans un endroit où on a arrêté ça, c'est que le propriétaire de salle défendait même, dans le bail, de vendre des billets de Nevada parce que, lui, il avait une concession de billets de Loto-Québec à l'entrée de la salle. Ce n'est pas tellement favorisé à Québec, mais il y a beaucoup d'argent à aller chercher dans les billets de Nevada.

M. Bissonnet: Si je comprends bien, l'organisme sans but lucratif qui a un permis de la Régie...

M. Roy (Richard): Oui, c'est lui qui a le permis.

M. Bissonnet: ...qui organise un bingo pour aller chercher des fonds peut...

M. Roy (Richard): Oui.

M. Bissonnet: ...à l'intérieur de son permis, vendre des Nevada. Ça, c'est des gratteux. C'est tout identifié par la Régie, c'est contrôlé, et puis j'imagine que, sur une carte, il y a tant de gagnants, puis...

M. Roy (Richard): Oui, ils peuvent gagner tant d'argent.

M. Bissonnet: Oui. Mais, à ce moment-là, eux autres qui organisent leurs bingos, qui louent des salles ont des restrictions des propriétaires de salles.

M. Roy (Richard): C'est arrivé à certains endroits. Ils étaient...

M. Bissonnet: Mais le permis est à qui? Il est à l'organisme sans but lucratif. Quand l'organisme sans but lucratif loue une salle, évidemment, il a les privilèges d'un propriétaire parce qu'il a loué sa salle. Et, là, je pense que, à ce niveau-là, il y a peut-être des difficultés, comme vous le mentionnez.

M. Roy (Richard): Oui, mais, vous avez raison, l'organisme qui a loué le local pour ce soir-là, c'est lui qui a la licence, puis il a le droit de l'opérer.

M. Bissonnet: O.K.

M. Roy (Richard): Et il y a eu des études en Ontario. Dernièrement, on a même eu quelqu'un qui nous a présenté une étude parce qu'il veut l'amplifier ici, au Québec, le billet de Nevada, où c'est très rentable en Ontario.

M. Bissonnet: Juste sur ma petite question, au début, sur le 3 500 $ de maximum. Dans les réserves indiennes, ils offrent plus de prix, plus que 3 500 $. Quelles démarches que vous faites dans ces affaires-là?

M. K.-Laflamme (Ghislain): Bon, au niveau des réserves indiennes – évidemment, il y en a plus d'une soixantaine à travers le Québec. On ne parle, en général, que de deux, trois qui reviennent continuellement – ils sont traités comme n'importe quel autre secteur du territoire du Québec, sauf à certains endroits où, en vertu de l'article 34 de la Loi sur les loteries, ils ont un protocole d'entente avec le gouvernement pour pouvoir mener leur propre bingo. Mashteuiatsh en est un bon exemple au Lac-Saint-Jean. Lorsqu'on a affaire aux réserves que tous ont à l'esprit, on demande à la Sûreté du Québec d'exercer une surveillance dans le cadre de ses pouvoirs parce que les gens qui participent à une activité illégale sont complices de l'activité illégale, et des accusations pénales peuvent être portées à l'encontre de ceux qui s'en vont participer à ces bingos illégaux, à ces casinos illégaux, à ces événements illégaux, et la Régie, après avoir dénoncé, lorsque des informations nous sont portées, ces situations au corps policier, n'a pas d'autre recours, parce qu'on ne peut pas retirer des licences qu'ils n'ont pas. On ne peut pas retirer des permis qu'on ne leur a pas donnés. En conséquence, c'est la voie pénale qui est la seule qui reste ouverte, c'est-à-dire qui porte des infractions contre les organisateurs du bingo ou du casino et contre les gens qui ont participé à une activité illégale.

M. Bissonnet: Dans les consultations que vous avez eues avec les organismes sans but lucratif, est-ce qu'il y a des organismes qui, quant au plafond de 3 500 $, vous ont fait des revendications pour que ça soit porté... ou si c'est possible, à la Régie, de donner des permis, occasionnellement, à certains organismes pour qu'ils aient un plafond plus élevé dans le but d'attirer plus de clientèle, pour attirer la clientèle qui va dans les réserves indiennes?

M. K.-Laflamme (Ghislain): Dans les représentations qu'on a eues quant aux prix, la très grande majorité des gens nous ont dit: Ne modifiez pas le plafond des prix, pour une raison simple, c'est que, si on fait un...

M. Bissonnet: Ils font moins de profits.

M. K.-Laflamme (Ghislain): ...bingo à 10 000 $, il faut qu'il rentre au moins 10 000 $ dans la salle pour qu'on puisse le donner, et on a constaté – les gens qui parlent – que, lorsqu'il y a un bingo à 5 000 $ – parce qu'on peut autoriser un bingo à 5 000 $ quand deux organismes se mettent ensemble – les bingos environnants sont généralement perdants la journée, la soirée ou les quelques jours qui précèdent ou qui suivent ces bingos-là. Et, évidemment, lorsque se déroule un bingo à 35 000 $ dans une réserve indienne, tous les gens environnants se plaignent de ça. Certains nous disent: Augmentez le plafond pour pouvoir être compétitif à l'égard de ces bingos illégaux. Je pense qu'il devrait y avoir, plutôt, une solution à apporter aux bingos illégaux que de dérentabiliser l'ensemble des petits bingos en créant des prix très importants.

Donc, la majorité des intervenants nous ont dit: Déjà avec les plafonds qu'on a actuellement et les difficultés économiques qui se rencontrent, les joueurs ne peuvent, dans la plupart des milieux, miser guère plus que 18 $ à 22 $ le soir. Si vous augmentez le coût des prix, vous diminuez notre rentabilité.

M. Bissonnet: Merci beaucoup, M. Laflamme.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le président. Merci, M. le député de Jeanne-Mance. M. le député de Drummond.

M. Jutras: Je pense que M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques avait une question qui avait rapport aux bingos. On peut peut-être vider cette question-là avant.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Boulerice: Non, ça va. M. Laflamme l'a dit, effectivement, il y a très forte probabilité du dépôt d'un projet de loi en Chambre relativement aux bingos avec une orientation qui, j'en suis persuadé, va savoir vous plaire.

M. Lefebvre: On verra.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Alors...

M. Boulerice: Votre scepticisme est de bon aloi. Je le comprends, je l'ai pratiqué quand j'étais dans l'opposition.

M. Lefebvre: Ha, ha, ha! Mais il ne s'agit pas d'avoir des lois, il s'agit de les faire respecter. On a le Code criminel, on est encore au Canada puis on ne le fait pas respecter.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le...

M. Boulerice: Ça, je suis entièrement d'accord.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Messieurs...

M. Boulerice: C'est pour ça, d'ailleurs...

M. Lefebvre: Vous êtes d'accord avec ce que je viens de dire. Merci. Ha, ha, ha!

M. Boulerice: ...que j'ai violemment réprouvé que, à l'époque, votre collègue M. Ciaccia soit allé négocier avec des bandits armés et masqués.

M. Jutras: Signer des ententes et...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Drummond.


Nouvelle tarification pour les permis d'alcool

M. Jutras: Oui. Alors, M. le Président, moi, je veux faire référence au rapport du Vérificateur général de cette année où, entre autres, on suggérait des améliorations à la structure tarifaire pour les permis, entre autres les permis de boisson, où on voit que, au pied carré ou par tête de pipe, il y a des inégalités importantes qui se produisent. Le Vérificateur général nous a dit qu'une nouvelle réglementation s'en venait à ce sujet-là. Alors, ce que je voudrais savoir, c'est: C'est prévu pour quand? Et quel sera l'esprit de cette nouvelle réglementation?

M. K.-Laflamme (Ghislain): Une partie de la tarification nouvelle est en vigueur depuis le 1er avril 1996 – elle a entraîné une augmentation du coût des permis qui étaient délivrés – et une autre partie va entrer en vigueur le 1er octobre 1996, c'est-à-dire très prochainement, et cet aspect de la tarification touche surtout les fabricants industriels de boissons alcooliques où les permis vont passer d'un modeste droit de 1 000 $ à un moins modeste de 5 000 $ – pour donner un exemple de la philosophie – avec un tempérament qui va être lié au volume de boissons alcooliques vendues. Donc, il y a une partie qui est entrée en vigueur en avril; une autre partie en octobre prochain.

(11 h 40)

M. Jutras: Alors donc, quand vous parlez du volume, ça veut dire que ce sera en fonction de ce que le détenteur de permis vend, des profits, somme toute, qu'il en retire.

M. K.-Laflamme (Ghislain): Oui, tout à fait.

M. Jutras: Maintenant, aussi toujours référant au rapport du Vérificateur général, le Vérificateur général parlait de la perception des droits annuels, bon, puis des gens qui ne renouvellent pas leur permis à temps. Et il y a une pénalité dans un cas comme ça. Les gens doivent payer un droit additionnel. Et il y a des renouvellements de permis, bon, qui se font en retard, et le Vérificateur général disait qu'il y avait une perte de revenus. Il l'évaluait à au moins 150 000 $ par année pour ce qui est des permis en retard, puis quand on ne comptabilisait pas les journées où la personne, somme toute, avait opéré sans permis. Il y avait ça. Alors donc, là-dessus, je voudrais savoir où vous en êtes rendu.

Et, deuxièmement, il était question, aussi, dans le rapport du Vérificateur général, finalement, de détenteurs de permis qui opèrent jusqu'à 64 jours sans permis et, en quelque sorte, impunément, sans pénalité, sans amende. Alors, ça m'apparaît vraiment une situation qui est assez aberrante. Est-ce que là-dessus aussi vous avez pris des mesures? Puis où est-ce qu'on en est rendu?

M. K.-Laflamme (Ghislain): On est face à un énoncé qui est tout à fait exact de la part du Vérificateur général, mais qui est vraiment très difficile à modifier. Et j'ai employé le mot «modifier» plutôt que «corriger» pour la raison suivante: quelqu'un est détenteur d'un permis de bar ou d'épicerie dont l'échéance arrive au 1er février. Nous avons envoyé antérieurement deux avis pour lui demander de payer les droits qui sont dus. À la date du 1er février, aucun paiement n'est entré. Nous faisons, évidemment, part du fait que la malle pourrait être tardive et on lui laisse un certain nombre de jours, quatre, cinq jours, avant que le dossier soit remis à des régisseurs pour constater que le paiement n'a pas été fait. Une décision constatant la révocation de plein droit du permis est alors faite et l'avis de la décision des régisseurs est envoyé à l'établissement. L'établissement, en recevant cet avis, a deux réactions possibles: la première, c'est qu'il ne s'occupe pas de nous et, la deuxième, c'est qu'il prend panique en se disant: Mon permis vient d'être révoqué, qu'est-ce qui s'est passé? Et, là, il constate que ou il était serré dans ses finances le mois précédent puis il a retardé son paiement ou, inévitablement, sa «waitress» en chef a mis la lettre au panier. Ça, ça nous arrive extrêmement souvent comme excuse. Ha, ha, ha!

M. Jutras: Eux autres, ce n'est pas de la faute de la secrétaire, c'est de la faute de la waitress.

M. K.-Laflamme (Ghislain): Eh oui! Évidemment. Alors, s'il réagit dans les 30 jours de la décision de la Régie, il a droit, en payant ses droits, de réobtenir un permis, mais, vous voyez, on est peut-être rendu au 1er mars, à ce moment-là, ou au 15 mars, selon. Et ce que le Vérificateur comptabilise comme revenus perdus, ce sont les revenus entre le 1er février, où la date d'exigibilité du paiement s'est passée, et, mettons, le 15 mars ou la date où le paiement s'est effectivement fait.

À l'époque, lorsqu'on a eu à prendre des décisions là-dessus, on s'est demandé: Est-ce qu'on exige des droits rétroactifs au 1er février? Parce que, actuellement, ce que dénonce le Vérificateur général, c'est que nos droits arrivent au 15 mars et qu'on ne couvre pas la période entre les deux. Au ministère de la Justice, la Direction des affaires pénales nous a dit: Ne faites pas ça. Ne couvrez pas la rétroactivité parce que, effectivement, il n'y avait pas de permis valide à ce moment-là. Il y a pu y avoir des infractions qui ont été dressées contre cet établissement par des forces policières, d'abord d'avoir exploité sans permis, entre autres, ce qui est la chose la plus fréquente, et, si, vous, par rétroactivité, couvrez cet aspect-là, nous, l'infraction pénale tombe et on a des problèmes devant les tribunaux, alors que c'est vrai qu'il a exploité sans permis.

Donc, on en est là. Ce qu'on a fait avec la Direction des affaires pénales, c'est qu'on a essayé de restreindre – et c'est là-dedans qu'on travaille – le délai le plus possible pour éviter d'avoir à couvrir une infraction par de la rétroactivité. On ne fait pas de rétroactivité, mais, pour éviter que l'individu exploite sans permis, bien, on essaye de réagir rapidement.

Il y en a d'autres qui ne s'occupent pas de nous parce que l'établissement est fermé et que ça ne les excite pas du tout de recevoir un avis de révocation, et, des fois, ça va jusqu'à la dernière journée du 30 jours, puis, là, ils se disent: Oui, mais c'est probablement important de reprendre notre permis parce que, si on veut reprendre nos activités, on n'aura pas besoin de faire publier ça dans les journaux, et tout ça. Et, là, le délai est plus long, mais appliquer la rétroactivité deviendrait encore plus odieux parce que l'établissement est fermé, effectivement fermé. Donc, c'est un problème réel que dénonce le Vérificateur général et dont la solution en équité est difficile à apporter.

De plus, en tout respect pour les argents des contribuables, 150 000 $ sur des entrées de fonds de 32 000 000 $, c'est relativement modeste pour les correctifs qui auraient à être apportés si on voulait à la fois pallier aux problèmes que le ministère de la Justice nous soulève et aux difficultés opérationnelles qu'on peut rencontrer. À ça se joint la somme de 52 $ de pénalité qui représente pour nous, par un calcul qui a été fait ailleurs, 26 000 $. Nous voulons corriger, mais simplement le salaire d'un informaticien pour se pencher là-dessus va être supérieur aux sommes qui sont en cause, et nous avons mis la correction dans la problématique de la révision globale des systèmes informatiques de la Régie.

M. Jutras: Je peux comprendre, M. le président, que vous ne voulez pas donner de permis rétroactif parce que ça pourrait couvrir une infraction, de sorte que la personne ne pourrait pas être poursuivie ou, à tout le moins, si elle l'était, elle serait acquittée, bon, parce qu'on lui donne un permis rétroactif. Par contre, le Vérificateur général dit par ailleurs que, dans bien des cas, il n'y a pas de plaintes qui sont portées pour avoir exploité un établissement de boisson sans permis, parce que le détenteur n'a pas de permis durant ce temps-là. Alors, dans un cas, on ne veut pas couvrir par la rétroactivité, mais, d'un autre côté, on ne poursuit pas non plus dans bien des cas. Alors, ça veut dire que, là, la perte n'est pas juste de 150 000 $, elle est aussi pour toutes ces infractions-là qui ne sont pas portées.

M. K.-Laflamme (Ghislain): Elle est au niveau de l'amende qui n'est pas perçue parce qu'il n'y a pas d'infractions qui sont faites.

M. Jutras: C'est ça.

M. K.-Laflamme (Ghislain): Vous avez demandé quels correctifs on veut apporter. Ça fait partie des correctifs à apporter qui sont coûteux. Le correctif de vérifier dans la banque des infractions à traiter du ministère de la Justice à savoir s'il en existe, effectivement, une infraction pour la période concernée, ça fait partie des sujets sur lesquels on se penche pour voir comment on peut apporter un correctif qui soit moins coûteux que la perte qu'on déplore.

M. Jutras: Mais, quand la personne, comme ça, se trouve à opérer sans permis, on pense que... Prenons le cas d'un individu, d'un détenteur qui continue. Est-ce que vous autres, systématiquement, à ce moment-là, vous envoyez un avis au corps policier de cette ville-là? Disons que ça se passe à Saint-Hyacinthe. Est-ce que vous envoyez un avis à Saint-Hyacinthe en disant: Bien, là, ce permis-là, il est révoqué, on vous en avise, faites des vérifications?

M. K.-Laflamme (Ghislain): Toutes les décisions des régisseurs révoquant des permis sont informatisées et communiquées aux corps policiers par un lien informatique, mais, en plus, on envoie une copie papier aux corps policiers avec lesquels on a des protocoles – la Sûreté du Québec, la police de la communauté urbaine, et tout ça – pour qu'ils sachent que le permis est révoqué.


Service d'inspection affecté à la détection et à l'éducation

M. Jutras: O.K. Maintenant, lorsque nous avons rencontré le Vérificateur général, la discussion est allée assez loin, et, parce que, bon, on voyait qu'il y avait des problèmes de... On l'a mentionné tantôt, il y a plusieurs intervenants dans votre domaine: il y a la Sûreté du Québec; il y a vous autres, la Régie; il y a plusieurs corps policiers municipaux. Et on a même évoqué la possibilité – je voudrais savoir ce que vous en pensez – que, peut-être, vous ayez vous autres mêmes, en quelque sorte, votre propre police qu'on a appelée la... On en a discuté comme ça, on s'est posé la question, et ma question, c'est de savoir: Est-ce qu'à la Régie vous avez déjà étudié cette possibilité-là et qu'est-ce que vous en pensez de ça? Est-ce que ça vous apparaît trop coûteux, trop onéreux ou il y a une avenue intéressante là?

(11 h 50)

M. K.-Laflamme (Ghislain): Évidemment, je pense que, le mot que vous cherchiez, c'était l'ancienne «police des liqueurs».

M. Jutras: Oui, c'est ça. On a utilisé, effectivement, l'expression, cette journée-là, la «police des liqueurs».

M. K.-Laflamme (Ghislain): La police des liqueurs.

M. Jutras: Du temps de la Commission des liqueurs.

M. K.-Laflamme (Ghislain): Oui. Alors, on a étudié, en effet, cet aspect-là et on a pris des décisions face aux études qui ont été faites. La Régie des permis d'alcool, qui est une composante de la Régie des alcools, des courses et des jeux, résultait du remplacement de la Commission de contrôle des permis d'alcool. La Commission de contrôle des permis d'alcool, qui a eu cours entre 1971 et 1980, avait une cinquantaine d'inspecteurs. Cette cinquantaine d'inspecteurs – 30 à Montréal, 20 à Québec, 30 sur le district de Montréal et 20 sur le district de Québec – fonctionnaient de la façon suivante, en fonction des conventions collectives: ils partaient du bureau de Québec ou de Montréal vers 9 heures, le matin, arrivaient sur leur lieu de travail, à Chicoutimi ou à Matagami, en fin d'après-midi. Ils ne travaillaient pas en soirée. Ils commençaient à visiter les épiceries le mardi matin et ils revenaient le vendredi matin, laissant les bars et tous ces endroits-là sans inspection entre leurs heures de travail conventionnées, et autres.

On est arrivé, à cette époque-là, à la conclusion que ce n'était pas rentable. Non seulement ce n'était pas rentable, mais c'était même contre-productif. On donnait l'impression qu'on avait une force d'inspection qui n'était pas utilisée. Alors, on a décidé de la remplacer par des policiers qui, eux, couvrent le territoire 24 heures par jour, sept jours par semaine et, en plus, offrent une garantie de vertu par la rotation d'un poste à l'autre, alors que nos inspecteurs, il y en avait qui avaient... J'en avais un qui avait 43 ans de service. Il était rentré au service du gouvernement relativement jeune et connaissait, évidemment, tous les établissements et il y était fort bien reçu, si vous me passez l'euphémisme, pour dire que son travail était fort peu utile pour la Régie. Bon. On les a remplacés par des corps policiers, et ça a donné des résultats de crédibilité importants et de coercition dans le milieu très efficaces.

Maintenant qu'on a la Régie des alcools, des courses et des jeux, donc à s'occuper des courses, à s'occuper des bingos et à s'occuper de toutes sortes de choses, on en vient à la conclusion qu'il peut être onéreux, en temps normal, d'envoyer un policier pour constater qu'un crieur, au bingo, n'a pas parlé assez fort et que le papier était maculé au moment où ça lui a été donné – et je ne veux pas minimiser les problèmes sur lesquels on est appelé à se pencher, mais, vous voyez, il y en a qui sont fort modestes. Ha, ha, ha! – ou pour vérifier d'autres activités.

Alors, on est en train de se doter d'un inspectorat d'appoint pas pour remplacer les corps policiers, mais pour faire de la détection, pour faire de l'éducation et pour faire de la mise en garde. Alors, c'est le développement qu'on fait. On en a déjà cinq qui sont à notre service. Si ces inspecteurs, qui sont tous des anciens policiers, pour la plupart, constatent qu'il s'agit de la commission d'une infraction pénale importante ou d'un acte criminel, ils remettent le dossier au corps de police sur le territoire duquel l'infraction se produit, et c'est les corps policiers qui poursuivent l'enquête pénale. Ou si, par ailleurs, ils décèlent une activité répétitive, les corps policiers sont informés pour qu'ils prennent la relève et qu'ils fassent le suivi et qu'ils prennent les poursuites voulues. Donc, ce que la Régie se donne actuellement, ce n'est pas un service de police parallèle, c'est un service d'inspection d'appoint pour éviter des coups, pour éviter que les policiers soient mis à contribution dans des causes qui n'en valent pas la dépense.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le député de l'Acadie.


Plainte à la Régie concernant L'Octogone, discothèque du quartier Ahuntsic

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je veux d'abord vous souhaiter la bienvenue, M. Laflamme, et à vos collaborateurs et collaboratrices. Depuis ce matin, on discute de façon générale, un peu, les mandats et les responsabilités de la Régie. Moi, j'aimerais peut-être aborder un point plus particulier, mais qui a aussi des incidences peut-être plus généralisables, dans le sens où ce cas-là, qui est un cas particulier, existe probablement aussi dans d'autres milieux, et peut-être que le fait de nous permettre de voir ce que la Régie peut faire exactement, ce qu'elle a fait et ce qu'elle peut faire va permettre de comprendre aussi, en même temps, d'une façon plus large, quand on est aux prises avec ce type de problème là, comment on peut le régler et quel est le pouvoir de la Régie à ce niveau-là.

Ce dont je voudrais vous parler, M. président, c'est le cas de L'Octogone. Alors, peut-être juste situer un petit peu le dossier pour le bénéfice des autres collègues qui sont ici. Bon, le dossier de L'Octogone, c'est un dossier qui existe depuis de très nombreuses années dans mon comté, malheureusement et, essentiellement, c'est que, dans le quartier Ahuntsic, il y avait un café qui existait il y a 40, 50 ans sur le bord de la Rivière-des-Prairies, alors qu'il n'y avait rien de développé autour. C'était un petit café qui était installé là, et, à ce moment-là, ce café-là a eu des permis d'opérer. Au fur et à mesure que les années ont passé, bien, évidemment, le quartier Ahuntsic s'est développé et c'est devenu essentiellement un quartier résidentiel. Et, évidemment, sur le long de la Rivière-des-Prairies, c'est des résidences de luxe qui se trouvent là et, au sud du boulevard Gouin, bien, là, c'est des résidences plus régulières, mais c'est un quartier essentiellement résidentiel.

L'évolution qu'a connu ce fameux café, c'est que, avec les années, bien, c'est devenu populaire. C'est devenu un endroit pour les jeunes. On y a ajouté une marina. C'est devenu un genre de discothèque, et, là, on en est rendu où, le soir, il 700, 800, 1 000 personnes là-dedans. Les gens viennent en bateau à moteur par la Rivière-des-Prairies, rentrent là. Évidemment, il se vend de la boisson, et c'est rendu, à la suite de toute cette évolution-là, invivable. Les gens sont absolument désespérés, et, comme je vous dis, c'est invivable. Il faut y aller pour le croire et le voir.

Qu'est-ce qui se passe concrètement? C'est, imaginez, dans un quartier résidentiel, puis on peut faire un rayon autour d'à peu près 1 km. Il n'y a pas un dépanneur, il n'y pas un restaurant. C'est absolument résidentiel. Alors, dans ce rayon-là, les automobiles arrivent. Bon, il y a un stationnement, mais ça stationne sur les rues avoisinantes. Ça va à L'Octogone, ça veille jusqu'à, je ne sais pas, 2 h 00, 3 h 00 du matin. Ça sort de là – c'est généralement une clientèle assez jeune – ça crie sur les rues, il y a un bruit énorme. On casse les antennes d'automobile, on brise les autos. On est malade sur les gazons. C'est l'enfer! Et ça, les gens vivent ça à tous les soirs.

Alors, je pense que ce problème-là a été porté à votre connaissance il y a déjà quelques années. J'étais intervenu, et, juste à ce moment-là, la Régie avait fait des auditions, et, si je me souviens bien – en tout cas, je vais vous donner les faits. J'aimerais que, s'il y a des choses qui ne sont pas exactes, vous les corrigiez avant de répondre aux autres questions – avait suspendu le permis. Bon, le groupe en question a engagé un avocat, ils ont fait des poursuites judiciaires et la cour a obligé la Régie à remettre le permis en qualifiant, je pense, la décision de la Régie de trop radicale. Alors, la Régie a été obligée de remettre le permis à l'opérateur et avait fixé, à ce moment-là, certaines limites, des obligations en termes d'heures, de nombre de personnes, d'utilisation de la terrasse extérieure.

Bon, une première question là-dessus, c'est que j'aimerais que vous me disiez si ces limites-là qui avaient été fixées ont été respectées. Moi, l'information que j'ai, c'est que ça n'a pas été respecté par la suite. Alors, ça, ça a été une étape qui a été faite. Maintenant, il y a à peu près un an, je pense, la ville de Montréal est allée à la Régie, a fait des représentations également dans ce dossier-là, et, actuellement, ça serait en cour. J'aimerais savoir exactement quelles sont les représentations que la ville a faites, ce que la ville a demandé à la Régie, où la Régie en est actuellement dans l'analyse du dossier et à quel moment, disons, elle prévoit qu'une décision sera rendue dans cette histoire-là.

Je me rappelle qu'il y a eu, je pense, une pétition d'à peu près 800 noms qui a été déposée – des gens qui vivent dans l'environnement immédiat – à la Régie confirmant que cette situation-là n'est pas tenable et je vous assure qu'il y a souvent des menaces qui ont été faites. Des gens ont dit: Écoutez, là, c'est invivable. Nous, ce qu'on va faire, c'est qu'on va prendre une batte de baseball, puis on va s'installer sur la rue, puis le premier qui va passer en avant puis qui va crier, il va manger un méchant coup de batte de baseball. Alors, c'est à tous les soirs. Surtout l'été, quand les gens sont obligés de dormir les fenêtres ouvertes, c'est absolument invivable. Alors, j'aimerais savoir où on en est actuellement dans ce dossier-là, et, si les faits que je vous ai rapportés pour résumer un peu le dossier sont inexacts, j'aimerais que vous apportiez les corrections nécessaires.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le président.

(12 heures)

M. K.-Laflamme (Ghislain): Ma réponse va malheureusement être courte pour L'Octogone parce que, à ce moment précis ils sont en audition devant deux régisseurs à la Régie, à Montréal. Je pense que, toute la semaine, le cas est en audition. Donc, ça devient un peu sub judice, et tout commentaire de ma part serait inapproprié dans un contexte semblable.

Cependant, la situation globale que vous décrivez illustre une situation courante de l'intervention de la Régie dans le domaine de l'exploitation des permis d'alcool. C'est vraiment la notion de tranquillité publique qui est mise en cause autour de ça, et les citoyens ont, en vertu de l'article 86 de la Loi sur les permis d'alcool, le droit de demander à la Régie d'intervenir, d'examiner si le permis est exploité conformément à la loi et si les troubles qui lui sont reprochés sont acceptables ou inacceptables. Et, en général, les pouvoirs de la Régie l'entraînent à rendre une décision ordonnant des correctifs, et, dans la majorité des cas, lorsque des correctifs sont acceptés, le problème se règle à la satisfaction de tout le monde. Et, si des correctifs ne sont pas possibles, la Régie, dans sa jurisprudence, conclut que, généralement, ce ne sont pas les citoyens qui sont à la mauvaise place, mais l'établissement qui n'est pas au bon endroit, et on ne demande pas aux citoyens de déménager pour laisser la paix à l'établissement, mais plutôt on fait savoir, par la suspension ou la révocation d'un permis, qu'il n'est plus acceptable dans le tissu dans lequel il est exploité.

Quant à L'Octogone, les régisseurs entendront et entendent la preuve et rendront une décision dans un processus que je ne pourrai pas commenter plus à ce moment-ci.

M. Bordeleau: Actuellement, l'audition devant la Régie, ça a été fait à la demande de la ville de Montréal, celle-ci, là, présentement? Est-ce que c'est exact?

M. K.-Laflamme (Ghislain): La ville n'est qu'une intervenante là-dedans.

M. Bordeleau: Elle est une intervenante.

M. K.-Laflamme (Ghislain): C'est les citoyens qui ont porté plainte.

M. Bordeleau: Qui reviennent à la Régie suite aux décisions judiciaires qui ont été portées vis-à-vis de la remise du permis, puis tout ça.

M. K.-Laflamme (Ghislain): Et aux événements postérieurs à la décision judiciaire.

M. Bordeleau: O.K. Est-ce que vous pouvez nous confirmer actuellement si, oui ou non, les limites qui avaient été imposées au moment où vous avez été forcés de remettre le permis d'opération ont été respectées ou non?

M. K.-Laflamme (Ghislain): Je ne peux pas vous le commenter.

M. Bordeleau: Vous ne pouvez pas le confirmer. O.K.

M. K.-Laflamme (Ghislain): Même pas le commenter.

M. Bordeleau: Bon. Pour comprendre un peu ce qui s'est passé dans ce dossier-là, qu'est-ce qui se passe au niveau d'un permis? On avait un café qui existait il y a 40 ans, 50 ans, et, à un moment donné, ça devient une discothèque, un endroit où il y a une marina, il y a une terrasse. Il y a 1 000 personnes qui sont là-dedans. Est-ce que le permis qui avait été donné à l'origine, sur lequel les gens prétendent avoir des droits acquis, a été modifié par la Régie ou ça s'est fait tout simplement, c'est le même permis qui existait à l'origine? Et la raison pour laquelle je vous pose cette question-là, c'est que ça me semble être très différent d'avoir un permis pour opérer un café, quand même, qui est relativement limité et qui était, à ce moment-là, dans un espace complètement vacant et de se retrouver, quelques dizaines d'années plus tard, avec une discothèque et une marina, puis tout ça. Est-ce que la Régie a une action à poser là-dedans sur les modifications, l'étendue du permis?

M. K.-Laflamme (Ghislain): Si on prend un nouvel établissement, évidemment, c'est plus facile parce que, à ce moment-là, il y a publication dans un journal circulant localement disant qu'un tel veut ouvrir un bar à tel endroit, et les citoyens peuvent s'opposer dès ce moment-là. La structure des permis d'alcool est la suivante. Il y a un permis de base, mettons un bar, qui permet la consommation de boissons alcooliques à l'intérieur de l'établissement avec accompagnement de musique, si on veut, mais diffusée par la radio ou par un système de son ordinaire. Ça, ça ne prend pas d'autorisation particulière.

Mais, si on veut transformer ça en discothèque, avec orchestre, spectacle ou autre chose de cette nature, ça prend une autorisation qu'on dit de spectacle, et cette demande d'autorisation est publiée dans les journaux. Les citoyens peuvent s'opposer à ce que la Régie délivre cette autorisation de spectacle. C'est généralement la cause principale d'opposition. Si des citoyens s'opposent pour de bonnes raisons, on refuse, évidemment, l'autorisation, et, là, ils n'ont pas le droit d'avoir d'activités de spectacle qui créent, comme ça, des troubles à la tranquillité publique.

Cependant, si un bar a un permis, disons, depuis toujours – toujours, ce n'est évidemment pas vrai, mais, disons une vingtaine d'années – il y a un permis de bar avec spectacles qui n'a pas fait l'objet d'opposition à l'époque parce que, le genre de spectacle qu'on voulait y présenter, c'était un ménestrel qui jouait sur son instrument ou c'était un chanteur de charme qui ne dérangeait personne, cette même autorisation de spectacle...

Une voix: Tino Rossi.

M. K.-Laflamme (Ghislain): ... – ha, ha, ha! – donne droit à tout genre de spectacles. Donc, il peut remplacer le chanteur de charme par Iron Maiden dans son milieu, puis la différence est perceptible de façon immédiate.

M. Bordeleau: Mais est-ce que, dans le cas de L'Octogone, il y a eu des modifications au permis, à votre connaissance, au fil des ans?

M. K.-Laflamme (Ghislain): Je ne connais pas assez le dossier pour vous le dire. Je pourrais demander au service juridique de vous formuler une analyse de ce dossier-là en dehors de l'audition.

M. Bordeleau: O.K. J'apprécierais recevoir l'information. Est-ce qu'il y a eu, récemment, une modification au permis? Récemment, je parle de l'automne dernier. Est-ce qu'il y a eu une modification l'automne dernier?

M. K.-Laflamme (Ghislain): Je ne connais pas assez le dossier.

M. Bordeleau: Vous ne le savez pas présentement?

M. K.-Laflamme (Ghislain): Non, je ne connais pas le dossier. Mais le service juridique vérifiera et il pourra vous fournir l'information spécifique à cet établissement.

M. Bordeleau: C'est parce que, ce qu'on me mentionne, c'est que, actuellement, il semblerait – je ne sais pas si ça a été par le service des incendies, ou tout ça – qu'on aurait reconnu une capacité acceptable, puis je ne sais pas qui. Est-ce que, au niveau des permis, vous fixez une capacité? Alors, je ne sais pas si c'est la Régie ou si c'est les services...

M. K.-Laflamme (Ghislain): On le fixe avec le service des incendies.

M. Bordeleau: Bon. Il semblerait que, récemment, on a fixé une capacité de 1 368 personnes. Ça commence à faire pas mal de monde dans le contexte que je vous ai décrit tout à l'heure, et je pense que les gens, comme je l'ai mentionné, sont... Puis je ne comprends pas exactement si, il y a quelques années, la Régie est arrivée à la conclusion qu'on suspendait le permis, parce que les preuves qui avaient été démontrées à la Régie étaient suffisamment éloquentes pour suspendre le permis. Bon, je comprends qu'il y a une intervention judiciaire, par la suite, qui vous a obligés à remettre le permis, mais comment vous pouvez en arriver, quelques années après, dans le même contexte, à accroître la capacité de cet établissement-là, alors que c'était déjà suffisamment problématique pour que vous annuliez le permis complètement il y a quelques années? Alors, c'est ça que j'ai de la misère à saisir, si c'est le cas, exactement, comment la Régie a pu en arriver à une conclusion comme ça.

L'autre point que je veux juste vous signaler... Évidemment, je pense que ça va être démontré suffisamment au moment de l'audition qui est en cours, mais, dans les limites qui ont été fixées à l'origine, au moment où vous avez été forcés de remettre le permis, je me souviens qu'il y avait, entre autres... une des choses, c'est que l'opérateur ne pouvait pas vendre de boisson sur la terrasse passé 23 heures ou passé minuit. Ce que les gens font, ils rentrent en dedans, ils achètent leur boisson puis ils sortent ensuite s'asseoir dehors. Alors, ça devient... J'espère, en tout cas, grandement qu'il y aura une solution qui va être apportée à cette histoire-là. Je comprends que la Régie a été obligée, évidemment, de respecter des procédures judiciaires et des décisions judiciaires, mais je veux juste... C'est sous votre responsabilité, la question des permis d'opération, mais cette situation-là est absolument intenable. Ça n'a aucun sens. Ce n'est pas quelques familles qui demeurent autour. Il y a des centaines de familles qui demeurent autour. Il n'y a pas un terrain vacant. C'est construit complètement. Il y a cette institution-là qui est située là, et, moi, je ne veux pas me faire un oiseau de malheur, mais il peut y avoir toutes sortes d'événements, des événements de violence. Il y a des menaces qui ont été faites de sacrer le feu là-dedans. Il peut y avoir toutes sortes d'événements, et je pense qu'il faut absolument qu'on trouve une solution.

D'ailleurs, je pense que, là-dessus, j'avais eu la collaboration complète de la Régie au moment où on a porté le dossier à votre attention, il y a quelques années. Alors, j'espère qu'une solution va être apportée à ça parce que ça n'a plus de sens. Il faut qu'il se passe quelque chose. Si ce n'est pas du côté de la Régie, bien, il faudra voir si la ville a des pouvoirs. Il me semble – en tout cas, j'ai eu l'occasion d'en discuter avec le maire, avec des conseillers – que la ville, là-dessus, a quand même des pouvoirs relativement restreints, et peut-être que le pouvoir le plus sérieux, c'est le permis d'opérer, le permis de boisson, parce que c'est ça qui pose problème. Si c'était un restaurant, je ne sais pas, moi, de classe, le problème ne se poserait pas pareil, mais, là, c'est ce genre de permis là qui fait qu'on se retrouve avec une discothèque de 1 300 personnes, une marina. Ça devient infernal. Alors, je porte à votre attention, M. le directeur général, ce dossier-là, et, en tout cas, le fait de voir comment vous pouvez traiter ça, ça va peut-être donner de l'information aux collègues si, éventuellement, ils avaient le même genre de difficultés, parce que ça n'existe pas seulement là, mais, là, c'est à un point d'acuité extrême.

(12 h 10)

M. K.-Laflamme (Ghislain): C'est le genre de cas pour lesquels la Régie existe. Vous avez peut-être à l'esprit le Café Campus qui a défrayé la chronique pendant un bout de temps.

M. Bordeleau: Oui, c'est ça.

M. K.-Laflamme (Ghislain): La Régie a fini par régler le problème. Je souhaite, là-dedans, que le problème se règle sans pouvoir, évidemment, puisqu'il y a une audition en cause, vous commenter le déroulement de cette audition.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le député de Marguerite-D'Youville.


Modifications à la loi quant à l'intervention de la Régie face aux infractions commises par les fabricants de boissons alcooliques

M. Beaulne: Oui. Merci, M. le Président. Comme vous le savez peut-être, depuis un certain temps, notre commission, ici, se penche sur un projet de loi sur la justice administrative. On a tenu des auditions, et, lors d'une de ces auditions, les représentants de l'association des fabricants de boissons alcooliques sont venus dire leur malaise de relever non pas nécessairement de la Régie, mais de relever du même groupe qui impose des sanctions et supervise l'application des permis dans les débits de boisson, ainsi de suite. Alors, le point de vue qu'ils nous ont fait valoir, c'est que ce n'est pas tout à fait la même chose de porter un jugement ou d'imposer des sanctions à une industrie, par rapport à quelqu'un qui ne respecterait pas des règlements de permis de boisson: servir à des mineurs, ou à des heures indues, ou les genres de choses qui se passent chez mon collègue. Alors, leur demande était à l'effet de relever soit d'une division spécialisée à l'intérieur de la Régie, soit d'une instance différente, spécialisée pour traiter ces questions-là avec des gens qui connaissent et qui peuvent évaluer l'implication de poser des sanctions ou d'obliger les fabricants à se soumettre à certaines exigences. Alors, dans un premier temps, j'aimerais savoir votre réaction à ces propositions-là.

M. K.-Laflamme (Ghislain): J'en ai pris connaissance, en effet, lorsqu'elles vous ont été formulées, et ça nous a un petit peu surpris parce que, évidemment, on traite avec les fabricants depuis de nombreuses années, depuis, entre autres, 1991, quand la juridiction est passée du ministre de l'Industrie et du Commerce à la Régie des permis d'alcool d'alors. Ce qu'on nous reproche, essentiellement, c'est que nous ne soyons pas, apparemment, équipés pour mesurer les impacts de nature commerciale face, mettons, à la révocation d'un permis de fabricant ou à la suspension d'un permis de fabricant. Sans vouloir viser une entreprise en particulier, prenons Molson. Supposons qu'on ferme l'établissement pendant un mois ou deux, on va créer une perturbation sociale au-delà de l'infraction apparente qui pourrait être commise.

Depuis ce temps, on a, au service juridique et au service des fabricants, philosophé autour de ça pour voir si des modifications ne pourraient pas être apportées à la loi quant à l'intervention de la Régie face aux infractions qui pourraient être reprochées, pour avoir ce que, en jargon juridique, on peut appeler une gradation des sentences et ne pas imposer des décisions qui soient disproportionnées aux infractions. Et, dans un projet de loi qui ne sera probablement pas déposé cet automne, mais qui est en formulation, on a à l'esprit cet aspect-là d'avoir à trouver des particularités d'intervention à l'égard des fabricants, probablement autour des correctifs à apporter pour éviter ça. Et le service des fabricants est de plus en plus, évidemment, expérimenté dans ce domaine-là, et je pense que les fabricants n'auront plus à reformuler une observation de cette nature-là.

M. Beaulne: Donc, si je comprends bien, jusqu'à un certain point, vous êtes d'accord pour qu'on traite différemment ceux qui sont dans l'industrie de la fabrication des boissons alcooliques par rapport à des propriétaires de débits de boisson qui doivent se soumettre à certaines exigences.

M. K.-Laflamme (Ghislain): Oui, parce que les troubles, si on peut les appeler troubles, sont de natures complètement différentes. Vous avez entendu les troubles énoncés par M. Bordeleau. Ça serait tout à fait exceptionnel qu'un fabricant arrive à troubler la tranquillité publique comme la description en a été faite tout à l'heure. Donc, les infractions qu'on peut trouver au niveau d'un fabricant sont de plusieurs ordres. L'un des ordres les plus fréquemment énoncés, c'est celui de vendre des boissons en dehors du circuit de la Société des alcools. C'est souvent des entrepôts qui se vident la nuit, et, le matin, oh! surprise! les stocks ont changé de place, et on n'est plus capable de les repérer. Et il y a une gradation à faire là-dedans. Si c'était aussi des infractions de ne pas fabriquer des produits en fonction des impératifs de santé publique que, nous autres, on est chargés de surveiller, l'intervention doit être aussi différente.

Alors, on est en train de penser à doser ça d'une façon différente, mais, évidemment, la suspension et la révocation resteraient comme des choses ultimes, je pense. Précisément, des établissements qui mettraient en marché des boissons impropres à la consommation humaine, on n'a pas le choix là-dedans. Mais, actuellement, on parle de suspension et on parle de révocation. On parle de correctifs. Il y a une palette plus large qui devrait être prévue, et on y réfléchit.


Émission des permis pour les salons de pari

M. Beaulne: D'accord. J'ai une autre question: Depuis un certain temps se répandent les franchises des salons de pari – j'en ai un dans ma ville, là – et puis, souvent, ça suscite une certaine controverse. C'est l'hippodrome de Montréal qui détient le contrôle de ça. Vous, comme régie, avez-vous un mot à dire là-dedans? Quelle est votre autorité sur ce genre d'activité?

M. K.-Laflamme (Ghislain): Notre autorité, je dirais, est presque absolue, dans le sens qu'ils ne peuvent pas exploiter un salon de pari sans avoir d'abord obtenu une licence de nous, mais on le fait dans un contexte bien particulier, et je demanderais à Me Roy, qui est précisément notre spécialiste des courses et qui a entendu la plupart sinon toutes les demandes de salons de pari, de qualifier ma réponse à votre question.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Me Roy.

M. Roy (Richard): Tout d'abord, il y a eu un débat au niveau du gouvernement fédéral là-dedans parce que, au début, les gens voulaient que ça soit donné, disons, au bar lui-même, mais les hippodromes ont fait des représentations auprès du gouvernement fédéral pour que ce soit l'hippodrome qui détienne la licence au lieu que ce soit le bar. Donc, si l'hippodrome veut installer un salon de pari à Sherbrooke, bien, c'est l'hippodrome qui nous demande la licence de salle de pari et il fait un bail avec, disons, l'hôtel Le Baron de Sherbrooke ou un autre hôtel, à Granby, dans lequel bail il y a des ententes qui se prennent concernant les revenus. Disons que les frais d'entrée vont aller au propriétaire du bar ainsi que les revenus de nourriture et de boisson. Et, au début, on ne donnait pas de pourcentage sur le pari mutuel, et, de plus en plus, l'hippodrome donne un pourcentage sur ce qui se gage dans le salon de pari. Et le pari mutuel est surveillé par Agriculture Canada, et c'est une «pool» commune avec l'hippodrome et le salon de pari, c'est-à-dire que les «pools» s'additionnent. Il n'y a pas une «pool» séparée pour ce qui est du salon de pari.

M. Beaulne: Et sur l'attribution des franchises, avez-vous un mot à dire ou si c'est un processus qui est complètement en dehors de votre autorité?

(12 h 20)

M. Roy (Richard): Bien, c'est-à-dire que c'est plutôt un contrat privé, compte tenu que c'est l'hippodrome qui doit demander la licence de salle de pari. C'est que, s'ils veulent en installer un à Blainville ou à Granby, il y a un bar qui les approche ou eux autres approchent un propriétaire d'hôtel pour s'installer à cet endroit-là, mais on fait quand même publier la demande de salle de pari et, s'il y a des oppositions quelconques, par exemple, comme M. Bordeleau le disait tantôt, si des citoyens pensent que ça peut déranger, cette salle de pari là, on peut faire opposition à la demande à ce moment-là. Mais disons que, pour le choix de décider si ça va être l'hôtel Untel ou l'autre hôtel dans une ville donnée, bien, c'est l'hippodrome et c'est surtout un contrat privé qui intervient.

M. Beaulne: Et, pour ces octrois de franchises là, même si l'octroi de la franchise relève de l'hippodrome, je suppose qu'il y a des règles qui doivent s'appliquer. Ce n'est pas donné arbitrairement, ça. Est-ce qu'il y a des appels d'offres? Normalement, il y a des choses comme ça.

M. Roy (Richard): Non. Il n'y a pas d'appels d'offres puis il n'y a pas de règle exigeant des appels d'offres dans ce cas-là parce que, en réalité, ça a été interprété comme des contrats intervenant entre des privés. Il n'y a pas de règle exigeant des appels d'offres.

M. Beaulne: C'est surprenant.

Une voix: Il y en a combien?

M. Roy (Richard): Actuellement, il y a 19 salons de pari puis il y en a un autre en demande.

M. K.-Laflamme (Ghislain): Je peux qualifier en disant que, en principe, les hippodromes sont privés. Ce ne sont pas des hippodromes gouvernementaux. J'ai dit «en principe», là, et je pense que le mot est très important aujourd'hui avec ce qui s'est passé là-dedans. Mais les règles, pour le salon de pari, ont été établies à partir de l'idée que l'Hippodrome de Québec, l'Hippodrome de Trois-Rivières, de Montréal ou de Connaught Park étaient des hippodromes privés et pouvaient contracter avec d'autres personnes pour établir des salons de pari. Et il est possible que les règles changent bien prochainement.

M. Beaulne: L'hippodrome de Montréal, à ma connaissance, le gouvernement est associé à ça. On ne peut pas qualifier ça d'entreprise privée.

M. K.-Laflamme (Ghislain): C'est pour ça que je dis «en principe». Alors, au moment où les règles ont été adoptées, c'était Blue Bonnets, et, maintenant qu'il y a eu des accords différents qui sont intervenus, le gouvernement s'est trouvé en partie impliqué là-dedans parce que l'administration de l'hippodrome de Montréal se fait par la SPICC, et la SPICC, la Société de promotion de l'industrie des courses de chevaux, avait un conseil d'administration qui impliquait les gens de l'industrie des éleveurs de chevaux, les propriétaires, et tout ça. Mais je crois important de dire que ces règles sont toutes en révision actuellement.

M. Beaulne: Je vous remercie.


Croisement des fichiers informatiques des organismes de contrôle

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Si vous me permettez, M. le président de la Régie, dans le rapport du Vérificateur général, d'une part, en regard du mandat de coordination, aussi, avec les autres organismes de contrôle impliqués, on soulignait le manque d'information et on le soulignait aussi ce problème-là lorsqu'on a abordé la question de la publicité des boissons alcooliques. Donc, à plusieurs reprises on a souligné, en fait, un manque d'information de gestion. Je comprends lorsque vous nous dites que c'est un organisme qui, dans sa triple vocation, a trois ans. Donc, il y a des choses qui sont en élaboration. Depuis cette visite-là, où en êtes-vous rendus là-dessus? Entre autres, je pense à toute la question du croisement des informations et de la mise à jour des informations entre organismes de contrôle.

M. K.-Laflamme (Ghislain): C'est un problème assez fondamental que de parler d'information de gestion parce que, effectivement, c'est comme ça qu'on est capable d'élaborer des plans et de voir si la réalisation de ces plans-là s'est faite en comparant les informations qu'il y a à l'intérieur. Les systèmes informatisés que la Régie administre actuellement sont plus des systèmes de statistique que des systèmes de gestion, et, pour glisser de l'information de gestion à travers ça, il faut modifier ces systèmes. À l'origine, on avait pensé – on était ambitieux – remplacer ces trois systèmes par un nouveau système, un quatrième qui, lui, représenterait l'idéal et qui découlerait de notre plan directeur. Évidemment, on est dans les années quatre-vingt-dix, on n'est plus dans les années soixante-dix, et l'idéal, dans les systèmes de gestion, c'est de pouvoir faire du neuf avec du vieux.

Donc, on nous a ramenés à des portions plus raisonnables en disant: Essayez d'adapter vos systèmes progressivement pour que les coûts soient le moins élevés possible et que vous ayez quand même un système approprié. C'est là-dedans qu'on travaille. On est en train de remplacer le système Wang qui fait sourire tous ceux qui entendent dire qu'on en a encore un chez nous parce que, semble-t-il, c'est un système de musée. À un moment donné, on a pensé, étant dans le milieu des loteries, à faire payer les gens pour venir visiter notre système informatique parce qu'il a l'air suffisamment caduque pour être intéressant, mais on n'est pas allé jusque-là, et ce qu'on fait, c'est qu'on le remplace bloc par bloc.

Celui des courses était performant parce qu'il était tout jeune, et je pense que, de ce côté-là, il n'y a pas de difficulté. Il fonctionne bien. Celui des permis d'alcool datait de 1987 dans sa conception et est en train aussi d'être remplacé. Donc, vous avez raison de souligner qu'on est en transformation constante. On a une série d'informaticiens, chez nous, qui sont sans cesse en train de changer les systèmes et on devrait aboutir, avant la prochaine visite du Vérificateur général, à un système de gestion ultra-performant et qui va rencontrer les besoins de nos partenaires. Précisément, on a des liens qu'on doit créer avec le MAPAQ pour faire des échanges au niveau des déclarations de récoltes de raisin et de tout produit de matière première pour les artisans. On a des liens à créer et à renforcer avec le ministère du Revenu, avec la Société des alcools, avec la Sûreté du Québec, avec la police de la communauté urbaine et avec tous les autres, et ces systèmes-là sont en pleine transformation.


Protocoles d'entente avec les corps policiers

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Maintenant, du côté des protocoles avec les corps policiers, on soulignait qu'il y en avait un avec la Sûreté du Québec, mais que, avec les autres, il y avait, en tout cas, une imprécision, dans le fond, dans les commandes ou dans les attentes de la RACJ. Est-ce que cet aspect-là des protocoles a été précisé et développé?

M. K.-Laflamme (Ghislain): Avec la police de la communauté urbaine, entre autres, puisque ça représente plus du tiers de la population québécoise, on a fait une révision et on est en discussion pour modifier ce protocole dans son application, parce que, dans ses principes, il n'y a rien à modifier. On a les pouvoirs réciproques qu'on souhaitait. Ce qu'on aimerait plutôt – parce que les protocoles qu'on a c'est avec Chicoutimi, c'est avec Sherbrooke, c'est avec Gatineau. Ce sont de belles villes, mais ce sont relativement des endroits circonscrits – c'est étendre des protocoles avec d'autres municipalités, et, tant qu'à développer un système de coordination avec trois municipalités, il serait plus avantageux de le développer avec un plus grand nombre de municipalités sans que les frais soient beaucoup plus élevés. Cependant, on n'est pas en prospection. C'est aux municipalités à nous approcher plutôt que l'inverse, et le fait que je le mentionne ici démontre qu'on est ouvert à qui que ce soit voudrait développer des protocoles avec nous.

(12 h 30)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. En 1989, à l'occasion d'un bingo illégal, à Kahnawake – illégal parce que pas sanctionné par la Régie – 28 joueurs sur 29 avaient été arrêtés. On avait procédé à l'arrestation de 28 joueurs sur 29, et, subséquemment, les 28 joueurs en question ont été condamnés suite à des plaidoyers de culpabilité. Des événements absolument semblables – alors, on était en 1989; sous le gouvernement Parizeau, autre façon de procéder, M. le Président – en septembre 1995, avant l'arrivée du premier ministre actuel, à Kanesatake, sur 81 personnes qui étaient présentes, arrêtées par la Sûreté du Québec, il y a eu, en tout et partout, 11 condamnations. Soixante-dix personnes ont été libérées. Arrive le premier ministre actuel qui dit: C'est encore trop, et les seuls qui ont raison d'être de mauvaise humeur partout au Québec sont les contrevenants et les trafiquants. Le premier ministre actuel a trouvé, lui, que c'était encore trop. Les contrevenants, les trafiquants, les illégaux, les criminels sont malheureux. On va arrêter de les poursuivre. Le gouvernement libéral était trop sévère: 28 sur 29. Mon prédécesseur, M. Parizeau: 11 sur 81. C'est encore trop. Ils sont malheureux, alors, moi, je ne poursuivrai plus.

Et c'est ce qui arrive depuis l'arrivée du nouveau premier ministre. À Kanesatake – on va arriver aux casinos, M. le Président, si vous vous inquiétez sur la pertinence, puis à une question à M. le président de la Régie – on se souviendra que, en juillet 1995, l'ex-ministre de la Sécurité publique avait fait un spectacle extraordinaire, avait procédé à la destruction de la preuve, puis on attend les poursuites toujours. Il y a trois semaines – ça, c'est, évidemment, Kanesatake sur des réserves – plus ou moins, à Rimouski, au Québec – pas sur les réserves; il y a une distinction dans la tête du gouvernement actuel entre les réserves, au niveau de l'application de la justice, puis le reste du Québec – on a procédé à la saisie de plans de marijuana, et, le jour même, on a procédé à des arrestations, et, le lendemain, procédure de sommation, comparution devant la cour. À Kanesatake, on attend toujours, M. le Président.

Le combat extrême, j'en ai parlé tout à l'heure, sur une réserve, aucune poursuite sauf les combattants. Les promoteurs de l'événement, les responsables de l'événement, selon les informations publiques, sont des autochtones. Aucune poursuite, à date. Les seuls qui ont été poursuivis sont ceux qui ont eu les claques sur le nez. Ceux qui ont ramassé la grosse caisse, qui se sont enfuis aux États-Unis ou qui demeurent sur des réserves n'ont été aucunement dérangés. Aucune poursuite, à date.

M. le Président, arrive – et, évidemment, lorsqu'un gouvernement fait preuve d'un laxisme semblable, c'est une invitation ouverte aux citoyens de défier l'autorité, de défier la loi – il y a quelques jours, à la fête du Travail, un casino illégal qui a opéré. Non seulement on a manifesté l'intention de tenir un casino illégal, on l'a fait à Kahnawake, et, au moment où on se parle, six demandes... Puis, selon les informations qu'on aurait, c'est assez bizarre, on opère et, subséquemment, on décide d'adresser une demande pour six événements semblables, semble-t-il, à la Régie.

M. le Président, je veux rappeler à M. le président de la Régie qu'il a, en février 1996, publiquement indiqué les pouvoirs qu'avait la Régie de sanctionner, d'autoriser le commerce de l'alcool partout au Québec, y compris sur les réserves. C'était sous le gouvernement Parizeau. Je veux aussi rappeler à M. le président et à ceux et celles qui sont ici ce matin que la Cour suprême a carrément nié aux Indiens, aux autochtones le droit d'exploiter sans permis des jeux de hasard. J'arrive donc au casino. Est-ce que le président de la Régie a l'intention, tout comme il l'a fait sous le gouvernement Parizeau, à l'occasion d'un débat sur la possibilité de vendre de l'alcool sur les réserves... Le président avait, évidemment, suivi le débat à l'Assemblée nationale, un questionnement de l'opposition où on avait qualifié le ministre de la Sécurité publique du temps de trop mou, de pas assez sévère, de complice quant à de l'illégalité publique. Le président de la Régie, Me Laflamme, avait carrément, clairement rappelé au gouvernement, parce que, lorsque le président de la Régie s'adresse...

M. Boulerice: M. le Président, question de règlement.

M. Lefebvre: C'est quoi ça? Ça fait mal?

M. Boulerice: L'honorable député – je dis honorable parce que c'est une tradition parlementaire. Vous comprendrez que je ne souscris pas à...

M. Lefebvre: Venant de vous, j'aime mieux ne pas l'entendre, «honorable», parce que je serais associé à vous, puis ça, je n'y tiens pas du tout, M. le Président. Je suis très heureux que, venant du député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, on ne soit pas considéré comme étant du même type de parlementaire. Alors, s'il vous plaît, ne me qualifiez pas d'honorable. Venant de vous, ce serait une insulte.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Boulerice: Mon grand-père, un parlementaire, m'a appris, très jeune, en me disant: Je ne me suis jamais intéressé aux imbéciles, et ce n'est pas aujourd'hui que je vais commencer. Alors, vous comprendrez que je ne vais pas commenter la phrase précédente.

M. Lefebvre: Question de règlement. Le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, qui s'amuse avec sa petite machine depuis 10 heures ce matin, qui n'écoute à peu près pas ce qu'on dit, est-ce qu'il ne pourrait pas continuer à jouer avec sa petite bebelle puis laisser les membres de l'Assemblée, d'un côté comme de l'autre, questionner M. le président de la Régie, M. le Président?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): MM. les députés, vous vous enlignez sur des terrains qui sont plutôt mouvants en termes de respect des règlements qui doivent guider nos travaux. Vous maniez l'insulte – et, respectivement, M. le député de Frontenac et M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques – et le sarcasme, et ça ne rehausse d'aucune façon le niveau de discussion qui, normalement, doit avoir lieu en ces lieux. M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Boulerice: Le but de cette commission n'est-il pas d'agir en fonction d'une loi qui est attribuée à un député de la formation politique du député de Frontenac, pour laquelle, d'ailleurs, nous avons voté, si ma mémoire est bonne, et qui vise à recevoir les présidents et dirigeants d'organismes de l'État en fonction de leur imputabilité? À venir jusqu'à date, ça ne porte que très peu sur le mandat de la Régie de la façon dont c'est exécuté. Ce n'est qu'une charge petite du député envers le gouvernement, etc., les allusions au premier ministre, et j'en passe, et j'en passe, et j'en passe. S'il est en manque pour la période de questions, M. le Président, il faudrait peut-être lui rappeler que, la deuxième semaine d'octobre, nous siégerons. Ils auront tout l'avantage de poser des questions s'ils en ont. Mais, d'ici ce temps-là, je ne crois pas qu'il respecte l'idée et le principe de ce qu'on devrait faire aujourd'hui, ici.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Un instant, M. le député de Frontenac...

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que je peux répondre à l'argumentation?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...ces propos s'adressaient d'abord à moi. Alors, vous me permettrez de faire un rappel que le mandat de la commission est d'examiner la gestion administrative de la RACJ et que c'est spécifiquement ce mandat-là qu'on a à faire aujourd'hui. Et, d'ailleurs, M. le député de Frontenac, je vous rappellerai à cet égard que c'est une loi que votre gouvernement, à l'époque, a votée.

M. Lefebvre: M. le Président. Oui?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): On doit donc entendre le président de l'organisme sur la gestion administrative de l'organisme qu'il préside puis, on le spécifiait d'ailleurs dans la loi, à la lumière, notamment, des rapports du Vérificateur général et du Protecteur du citoyen en référence à l'article 8 de la loi 198. Alors, j'aimerais que, pour les 20 minutes qui nous restent, M. le député de Frontenac, vous puissiez utiliser à bon escient le temps qui vous est imparti pour faire ce travail.

M. Lefebvre: Que ça dérange mes amis d'en face et peut-être même vous également...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Non, ça ne me dérange pas, mais...

M. Lefebvre: ...je pourrais le comprendre parce que vous êtes un membre de la formation gouvernementale...

M. Boulerice: M. le Président, question de règlement.

M. Lefebvre: Non, non, c'est très correct ce que je veux dire. Laissez-moi parler, là.

M. Boulerice: Question de règlement, M. le Président.

(12 h 40)

M. Lefebvre: Non, M. le Président. La présidence d'une commission, qu'elle soit représentée par un député ministériel ou un député de l'opposition, a droit de donner son point de vue, puis c'est très bien. Autrement dit, la partialité, elle n'est pas mur à mur à l'intérieur d'une commission parlementaire, puis ce n'est pas vous qui l'avez décidé ni moi. C'est la règle. Je pourrais comprendre, à la rigueur, que je puisse tenir des propos qui agacent la présidence, en l'occurrence vous ou un autre membre de l'Assemblée nationale. Ceci étant dit, la loi 198, Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics, permet à une commission comme la nôtre et à toutes les autres commissions de questionner les responsables des organismes sur la façon avec laquelle ils remplissent leur mandat qui leur est dévolu par la loi, et, évidemment, si le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques s'était donné la peine de lire le document qui nous a été remis par M. le président de la Régie, il aurait tout de suite constaté, à la page 4, que je suis en plein dans le sujet, en plein dans la pertinence depuis le début de mon questionnement et de mes commentaires. Que le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, ça le dérange, ça démontre strictement et seulement que je dis des vérités, sinon il serait resté coi, il n'aurait pas dit un mot. «On peut voir, par l'énoncé des principes d'intérêt public et de tranquillité publique, que la Régie est chargée de la protection des citoyens contre les tricheries, soit dans leur environnement physique...» Mon collègue Bordeleau en a abondamment parlé tout à l'heure.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): De l'Acadie.

M. Lefebvre: De l'Acadie. «Aussi, par l'énoncé de ce mandat, la Régie est chargée de la protection d'importants revenus destinés à l'État». M. le président Laflamme, tout à l'heure, a indiqué très clairement – puis il l'interprétait tout simplement dans d'autres mots – que la Régie a la responsabilité de protéger la sécurité publique, l'intérêt public, la tranquillité publique, M. le Président. C'est la Régie qui a la responsabilité de surveiller les activités qui tournent autour des alcools, des bingos, des casinos, le jeu et ainsi de suite. Alors, ma question à M. le président après avoir rappelé ce qui s'était passé au cours des dernières années sous le gouvernement libéral, le gouvernement Parizeau, le gouvernement Bouchard, puis j'y arrivais lorsque j'ai été interrompu par l'honorable député de Sainte-Marie– Saint-Jacques... Vous avez, M. le président, rappelé publiquement... Et, lorsque vous intervenez publiquement, vous, comme d'autres de vos collègues responsables d'organismes, vous vous adressez à la population en général, mais également à votre gouvernement dont vous dépendez. Que ce soit un gouvernement péquiste, libéral ou de l'Union nationale, je le comprends très bien, mais il y a aussi la loi, le mandat qui vous est confié, qui va au-delà du gouvernement dont vous êtes issu, parce que, à chaque gouvernement, c'est un nouveau mandat qu'on vous confie, M. le président, à vous et à votre Régie.


Pouvoirs et responsabilités de la Régie quant à la délivrance de permis de casino

Vous avez rappelé, le 3 février 1996, que la Régie des alcools, des courses et des jeux était la seule autorisée à émettre des permis d'alcool sur le territoire autochtone. Je voudrais savoir du président s'il a l'intention de rappeler publiquement non seulement au gouvernement dans le dossier des casinos de fin de semaine... Pour se comprendre, pour bien savoir de quoi on parle, est-ce que la Régie, par son président, a l'intention de rappeler au gouvernement, si ce n'est pas déjà fait, et également de dire publiquement quelle est la responsabilité de la Régie, d'indiquer très clairement que les six demandes adressées à la Régie doivent être traitées d'abord et avant tout par la Régie des alcools et non pas par le pouvoir politique et, entre autres, par le ministre responsable des Affaires autochtones, M. le député de Joliette qui, publiquement, a dit – je suis d'accord avec ce qu'il a dit: Pas question, toutefois, de négocier dans l'illégalité? C'est bien. Je suis d'accord avec cet énoncé du ministre Chevrette.

Ceci étant dit, quelle est la position de la Régie en regard des demandes, s'il y a lieu? Il semble qu'il y a eu six demandes d'adressées pour des casinos de fin de semaine. Alors, ma question: Est-ce qu'il y a eu des demandes, oui ou non? Comment la Régie entend-elle traiter ces demandes? Quelle est la relation entre la Régie et le pouvoir politique en regard de ces demandes et qu'a l'intention de faire publiquement la Régie quant à la mise en garde, quant au rappel aux citoyens du Québec partout où ils se trouvent qu'il ne peut y avoir d'événement de telle nature? Il y en a déjà eu un il y a une dizaine de jours. Il n'a pas été sanctionné. Comment entend procéder M. le président de la Régie qui a – M. le Président, je termine là-dessus – plus que le gouvernement du Québec... parce que c'est la loi qui contraint la Régie. C'est la loi qui oblige la Régie à protéger la tranquillité publique de tous les citoyens et de toutes les citoyennes du Québec. Alors, qu'entend faire – c'est essentiellement ma question – la Régie et son président face à ces demandes?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le président de la Régie.

M. K.-Laflamme (Ghislain): En ce qui concerne les demandes, à ma connaissance – et, pour être bien certain, je vais vérifier auprès des autres – ...

(Consultation)

M. K.-Laflamme (Ghislain): ...nous n'avons pas reçu de demandes de casinos que, dans notre jargon, on appelle «casinos forains», là. C'est...

M. Lefebvre: Oui, oui.

M. K.-Laflamme (Ghislain): ...des casinos de fin de semaine.

M. Lefebvre: Temporaires, si on veut, M. le président.

M. K.-Laflamme (Ghislain): Temporaire. Alors, la Régie n'a pas reçu de demandes de casino forain. Et, pour cadrer ma réponse dans le contexte des autochtones, j'entends bien – parce qu'on a peut-être reçu des demandes de casino forain de quelqu'un d'autre – ...

M. Lefebvre: Sur les réserves, M. le président.

M. K.-Laflamme (Ghislain): ...sur les réserves, on n'a pas de demandes de casino forain. Si on recevait des demandes de licences de casino forain, on procéderait comme on le fait d'habitude, on procède par audition publique. On invite le requérant à venir s'expliquer devant deux régisseurs pour qu'on soit assuré que non seulement le casino va fonctionner avec une licence dans un contexte légal, mais également que des précautions sont prises pour empêcher des tricheries à l'intérieur du casino, que le déroulement de l'événement soit encadré par la Sûreté du Québec, que des rapports nous soient transmis et que la crédibilité des personnes qui font exécuter le bingo soit vérifiée. Donc, ça, c'est le processus.

M. Lefebvre: Est-ce que, M. le président, c'est à la connaissance du président de la Régie que, au moment où on se parle, des membres du gouvernement, ministres ou députés, discutent avec des dirigeants de bandes autochtones la possibilité de tenue de casinos forains?

M. K.-Laflamme (Ghislain): Pas à ma connaissance.

M. Lefebvre: Et, si oui, parce que, publiquement, on a des informations que ça pourrait être possible, est-ce que le président de la Régie des alcools, des courses et des jeux a l'intention de rappeler publiquement, comme il l'a fait en février 1996 dans le dossier de la vente d'alcool, quelles sont les règles qui s'appliquent, que c'est la Régie qui a la responsabilité d'évaluer si les événements respectent les conditions de la loi et que le pouvoir politique n'a d'aucune façon... Et je devrais peut-être commencer par cette question-là: Est-ce que le président est d'accord avec moi que le pouvoir politique ne peut tasser la Régie, suppléer au pouvoir de la Régie et à la responsabilité de la Régie?

M. K.-Laflamme (Ghislain): La situation est complexe dans la délivrance d'une licence de casino forain. On le sait – je ne veux pas avoir l'air de reculer trop loin – toute loterie est interdite en vertu du Code criminel, sauf ce qui est permis, et c'est permis par dérogation.

M. Lefebvre: C'est ça.

M. K.-Laflamme (Ghislain): C'est spécifique. Au niveau des casinos qu'on dit temporaires ou qu'on dit forains, c'est des casinos qui ont été conçus pour les fins de l'agriculture. La première analyse qui se fait, c'est par le ministère de l'Agriculture qui regarde si le requérant d'une licence de casino forain a des intérêts dans le domaine du développement de l'agriculture, et, lorsque le ministère de l'Agriculture vient à la conclusion qu'il y en a, la demande est transmise à la Régie et traitée à partir de ça. Donc, sur le plan, d'abord, de l'opportunité, c'est le ministère de l'Agriculture qui s'y penche. Le gouvernement, d'après la loi actuelle, d'après les règlements actuels, n'a pas le pouvoir, lui-même, de délivrer des licences de casino forain. Il faut que ça passe par la Régie. Évidemment...

M. Lefebvre: M. le président, je m'excuse. C'est parce que c'est une question très précise.

M. K.-Laflamme (Ghislain): Oui.

M. Lefebvre: N'est-il pas vrai, M. le président – je m'adresse au président de la Régie – que le gouvernement, par ses ministres, un, ou deux, ou trois ministres, ne peut discuter directement avec des dirigeants autochtones de la possibilité de tenir des casinos forains parce que c'est la Régie qui, au premier chef, est concernée, doit recevoir la demande, doit l'évaluer et doit l'autoriser ou pas? Est-ce que le président est d'accord avec cette analyse? Le pouvoir politique ne peut tasser la Régie.

(12 h 50)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il y a peut-être, si vous me permettez, M. le député de Frontenac et M. le président de la Régie, un élément d'information là-dessus. Les demandes de casinos qui ont été formulées sous forme de projets à date, ce ne sont pas nécessairement tous des casinos forains. Je pense que c'était important d'en faire la distinction.

M. Lefebvre: Mais, moi, c'est sur le principe, là.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, mais je pense qu'il fallait aussi distinguer, parce que le casino forain, que je connais un peu plus à cause de mes fonctions antérieures...

M. Lefebvre: D'accord.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...a une portée de support à des organismes agricoles, alors que la démarche qui a été entreprise par certaines communautés autochtones, dont une de chez moi, ça ne portait pas, au départ, sur un casino forain comme tel, mais carrément un principe d'un casino. Bon, ceci étant dit, M. le président de la Régie.

M. Lefebvre: Ma question, M. le Président, au président de la Régie: N'est-il pas vrai que c'est la Régie qui doit, plutôt que le pouvoir politique, recevoir la demande, évaluer la demande et, oui ou non, autoriser l'événement? C'est ça, ma question très précise.

M. K.-Laflamme (Ghislain): S'il s'agit – et la précision à apporter est importante – d'un casino forain, c'est de juridiction exclusive de la Régie. Cependant, le gouvernement a le droit de mettre sur pied des casinos par décret, comme le Casino de Montréal, comme le Casino de Hull, comme le Casino de Charlevoix, qui sont exploités par le gouvernement.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Parce qu'il nous reste cinq minutes, je ne veux pas interrompre le président de la Régie. C'est pour bien saisir ma question. La tenue du casino, fin de semaine du travail, à Kahnawake, était illégale. On s'entend? S'il y a, du côté d'autres bandes autochtones, l'intention de tenir, comme la rumeur publique l'indique, des casinos semblables, est-ce que le président est d'accord avec moi que c'est la Régie qui doit, exclusivement, recevoir la demande, évaluer la demande et autoriser ou non l'événement, et non pas le pouvoir politique? C'est ça, ma question.

M. K.-Laflamme (Ghislain): La réponse la plus claire que je peux donner, c'est que, dans la législation actuelle, seule la Régie peut délivrer une licence de casino, à moins que ce soit un casino d'État.

M. Lefebvre: L'article 25 de la loi.

M. K.-Laflamme (Ghislain): C'est ça, à moins que ce soit un casino d'État. Et on ne parle pas de casino d'État dans cette situation-là.

M. Lefebvre: Et le pouvoir politique ne peut, évidemment – on s'entend là-dessus, M. le président, je pose la question – modifier la réponse que vous venez de donner au moment où on se parle?

M. K.-Laflamme (Ghislain): Le pouvoir politique peut donner des casinos ponctuels, comme il l'a fait avec le Carnaval de Québec, avec le centre Maurice-Richard, et tout ça. Le gouvernement peut, par décret, octroyer aussi des casinos.

M. Lefebvre: Mais pas...

M. K.-Laflamme (Ghislain): Mais pas le type de casino forain auquel on fait référence.

M. Lefebvre: Voilà. Et est-ce que vous avez l'intention, M. le président, de rappeler publiquement au gouvernement ces règles, comme vous l'aviez fait en février 1996, dans le cadre de la discussion relativement à la vente d'alcool sur les réserves? Est-ce que vous avez l'intention de le rappeler publiquement au gouvernement?

M. K.-Laflamme (Ghislain): Non seulement on a l'intention, mais on le fait. À chaque fois que des informations sont portées à notre connaissance, la Régie émet un communiqué dans lequel on rappelle que c'est la Régie qui a juridiction et qu'il n'y a pas de permis ou de licence qui ont été délivrés, et que les gens qui participent à ça participent à une activité illégale et, par voie de conséquence, sont susceptibles de faire saisir leurs gains et de se faire accuser. Cependant, les journaux ne reprennent pas toujours avec l'ampleur qu'on souhaiterait les communiqués qu'on émet. Mais c'est notre démarche.

M. Lefebvre: Est-ce que vous avez l'intention de le faire, dans le cas précis qui nous occupe, au cours des prochains jours?

M. K.-Laflamme (Ghislain): Oui.

M. Lefebvre: Vous allez le faire.

M. K.-Laflamme (Ghislain): Comme on l'a fait il y a une dizaine de jours, quand ça a été porté à notre...

M. Lefebvre: Vous allez...

M. K.-Laflamme (Ghislain): Oui.

M. Lefebvre: Ça ne sera pas long. Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ça va, est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Lefebvre: Peut-être une dernière petite question, M. le Président: Le Vérificateur général nous a indiqué – c'est une question assez technique – que la tarification – comment s'appelle le mot précis – au niveau des permis de la Régie... La structure tarifaire, le député de Drummond en a dit un mot tout à l'heure, mais il y a une recommandation très précise qui vous a été faite par le Vérificateur général. Est-ce que vous avez l'intention d'y donner suite...

M. K.-Laflamme (Ghislain): Oui.

M. Lefebvre: ...de moderniser la structure tarifaire?

M. K.-Laflamme (Ghislain): Oui. Et on a augmenté les tarifs, mais une philosophie nouvelle autour des permis va suivre la redéfinition des permis. Comme il est de notoriété publique, on doit fusionner nos cinq lois et réduire nos 40 règlements. On va repenser aux permis dans ce contexte-là et, par voie de conséquence, on va redistribuer le fardeau fiscal d'une façon possiblement légèrement différente.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Lefebvre: J'ai fini.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, mesdames, messieurs, je tiens à vous remercier. M. le président de la Régie, mesdames, messieurs qui l'accompagnent, messieurs les membres, aussi, de cette commission et employés, je tiens à vous remercier de cet exercice qu'on a fait ce matin en regard de la gestion administrative de la Régie des alcools, des courses et des jeux, et nous ajournons nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 56)


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