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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 25 septembre 1996 - Vol. 35 N° 40

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative


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Table des matières

Auditions

Remarques finales


Autres intervenants
M. Roger Paquin, président
M. Jean-Marc Fournier
M. Roger Lefebvre
*M. Richard Lassonde, Société en commandite Gaz Métropolitain
*M. Ghislain Dufour, CPQ
*M. Bernard Cliche, idem
*M. Robert Borduas, idem
*M. Denis Savard, AIAPQ
*Mme Anne-Marie Beaudoin, idem
*M. Jacques Gauthier, idem
*Mme Maya Raic, ACAPQ
*Mme Lucie Dufresne, CSJ
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Paquin): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des institutions commence sa séance. Elle vise à procéder à une consultation générale et à tenir des auditions publiques dans le cadre de l'avant-projet de loi intitulé Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Williams (Nelligan) remplace M. Ciaccia (Mont-Royal).

Le Président (M. Paquin): Merci. Alors, aujourd'hui, nous allons, ce matin, recevoir des représentants de Gaz Métropolitain, par la suite du Conseil du patronat du Québec. Nous suspendrons à 12 heures et reprendrons nos travaux à 15 heures, alors que nous recevrons l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec et un dernier groupe, à 16 heures, la Commission des services juridiques. Ce sera suivi, donc, des remarques finales et de l'ajournement.

Alors, nos invités ont déjà pris place. Il s'agit de M. Lassonde, vice-président des services juridiques, qui est accompagné de Me Jocelyn B. Allard, conseiller juridique. C'est bien cela?

M. Lassonde (Richard): C'est bien ça.

Le Président (M. Paquin): Alors, M. Lassonde, la parole est à vous pour une vingtaine de minutes. Par la suite, il y a une quarantaine de minutes qui est répartie de façon égale, de manière à ce qu'on puisse poser des questions pour vous aider à compléter votre pensée. Alors, la parole est à vous.


Auditions


Société en commandite Gaz Métropolitain

M. Lassonde (Richard): Alors, merci, M. le Président. Peut-être, d'abord, on voudrait remercier la commission de nous avoir invités à présenter notre mémoire. Il s'agit d'un projet de loi d'envergure, d'une réforme d'envergure. On va cependant, nous, se limiter à parler des dispositions de l'avant-projet de loi qui nous concernent plus directement, c'est-à-dire qui affectent les droits, les obligations puis les opérations de Gaz Métropolitain. Comme vous le savez, Gaz Métropolitain, c'est un distributeur de gaz, le plus important au Québec, qui est assujetti à la réglementation par la Régie du gaz naturel, en vertu de la Loi sur la Régie du gaz naturel.

On va attirer votre attention sur les dispositions de l'avant-projet de loi qui concernent essentiellement trois sujets. Le premier sujet, c'est l'abrogation du pouvoir de décider d'un litige, pouvoir qu'a présentement la Régie du gaz naturel, et le remplacement par un nouveau recours ou un droit qui est donné, autant aux distributeurs qu'aux consommateurs, de demander l'intervention de la Régie du gaz naturel pour tenter de régler un différend portant sur l'application d'un tarif et des autres conditions de prestation de services par le distributeur. Donc, l'article pertinent dans l'avant-projet de loi, c'est l'article 534, qui introduit un nouvel article 39 dans la Loi sur la Régie du gaz naturel. Cet article-là est important pour nous. Ça, c'est notre premier sujet.

(10 h 10)

Le deuxième sujet, on va traiter des dispositions qui concernent les différends avec les municipalités sur les conditions d'implantation de nos infrastructures de distribution à l'intérieur de l'emprise des voies publiques des municipalités. Et, le troisième sujet, on va parler du droit, que devraient avoir le distributeur, le consommateur et toute personne incidemment affectée par une décision de la Régie, de contester la décision de la Régie du gaz naturel devant le nouveau Tribunal administratif du Québec.

Peut-être juste un commentaire préliminaire pour introduire mon premier sujet, c'est-à-dire qu'on a abrogé les pouvoirs qu'avait la Régie de trancher les litiges entre le distributeur et les consommateurs à l'exclusion de tout tribunal. Je voudrais vous dire que ça nous apparaît tout à fait conforme avec l'esprit du rapport Garant et de la Loi sur la justice administrative parce qu'on ne peut pas vouloir à la fois déjudiciariser le processus devant la Régie et continuer d'en faire, entre guillemets, le tribunal de dernière instance des litiges entre le consommateur et le distributeur.

Je ne veux pas m'attarder aux problèmes qui sont réglés, puisque c'est déjà prévu dans l'avant-projet de loi que ces pouvoirs-là sont abrogés. J'ajouterai cependant que nous avons actuellement certains problèmes dus au fait que la Régie agisse comme tribunal des litiges. Je dirais même que, indépendamment du sort de cette réforme de la Loi sur la justice administrative ou de la Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative, je pense qu'il serait important d'envisager de modifier la Loi sur la Régie du gaz naturel. Je le dis dans l'hypothèse où la réforme ne serait pas mise en vigueur, ce qui ne semble pas être l'orientation, mais je tenais à le préciser. Je pourrai élaborer si vous avez des questions, peut-être, tantôt, mais disons que je considère que l'avant-projet de loi a réglé ce problème-là pour nous.

Alors, parlons d'abord de la nouveauté. C'est que la Régie va pouvoir... c'est-à-dire qu'un distributeur ou un consommateur va pouvoir demander à la Régie de tenter de régler un différend qui porte essentiellement sur les mêmes sujets que ce dont traite la Loi sur la Régie du gaz naturel actuellement, c'est-à-dire un différend, si vous vous référez à l'article 39, sur l'application d'un tarif ou de toute autre condition de fourniture, de transport, de livraison du gaz naturel et de prestation d'un service.

Alors, notre première réaction quand on a vu ça, le pouvoir de tenter de régler un différend, on s'est demandé ce que c'était, ça, ce pouvoir-là. Je pense bien qu'on est justifié de conclure qu'on entend faire intervenir la Régie comme le médiateur des différends entre le distributeur et le consommateur. Il y a peut-être une analogie à faire ou on s'est peut-être inspiré d'une structure qui existe déjà au niveau de l'électricité. Il y a une loi qui s'appelle la Loi concernant l'examen des plaintes des clients des distributeurs d'électricité où vous avez le commissaire aux plaintes, qui entend les plaintes des consommateurs sur l'exécution des stipulations de l'abonnement du client à l'électricité. Je pense qu'il y a un rapprochement à faire entre être le médiateur des différends et être le commissaire aux plaintes en matière d'électricité.

On doit vous souligner que, contrairement au commissaire aux plaintes en matière d'électricité, ce qui est proposé dans l'avant-projet de loi, c'est-à-dire que la Régie agisse comme médiateur des différends, c'est un pouvoir qu'on donne à la Régie qui est beaucoup plus large que les pouvoirs qu'a actuellement le commissaire aux plaintes, parce que les différends dont on parle dans l'avant-projet de loi, ça touche tous les consommateurs. Ce n'est pas restreint aux consommateurs résidentiels comme c'est le cas pour le commissaire aux plaintes.

Alors, l'avant-projet de loi introduit, on en conclut, l'équivalent d'un commissaire aux plaintes, dans le domaine de la distribution du gaz naturel, avec des pouvoirs plus vastes qui englobent tous les différends entre des consommateurs et le distributeur de gaz naturel. Je pense qu'il faut se demander s'il est nécessaire d'avoir l'équivalent d'un commissaire aux plaintes ou d'un médiateur des différends au niveau de la distribution du gaz naturel. Vous pourriez me dire – et ce serait une réaction normale: Il y en a déjà un au niveau de la distribution d'électricité, pourquoi est-ce qu'il n'y en aurait pas un au niveau de la distribution du gaz naturel? Mais je pense que, pour répondre vraiment à cette interrogation, il faut comparer la situation. Il faut se demander si la situation du consommateur de gaz naturel se compare vraiment avec la situation du consommateur d'électricité.

On peut comprendre que, dans le domaine de la distribution d'électricité, les relations entre le consommateur et Hydro-Québec sont celles d'une relation d'un citoyen presque vis-à-vis de l'État, puisque Hydro-Québec, c'est une société d'État. On sait que presque tous les citoyens sont des consommateurs d'électricité qu'on pourrait qualifier de consommateurs captifs de la société d'État. Alors, on voit le rôle du commissaire aux plaintes un peu comme le rôle de l'ombudsman vis-à-vis d'Hydro-Québec.

Alors, il faut se poser la question: Est-ce que c'est le cas du consommateur de gaz naturel vis-à-vis de Gaz Métropolitain? Il ne faut pas oublier que Gaz Métropolitain est quand même une société privée. Gaz Métropolitain, on a un monopole de distribution sur un territoire donné, c'est vrai, mais nos clients ont des alternatives énergétiques. On est en concurrence avec les autres formes d'énergie. On ne peut pas dire qu'il y a des clients totalement captifs du gaz naturel comme c'est le cas pour l'électricité.

Alors, il nous semble que ce n'est pas nécessairement parce qu'il y a un commissaire aux plaintes au niveau de la distribution de l'électricité qu'il faut avoir une institution équivalente, un médiateur des différends, au niveau de la distribution du gaz naturel. On pense, au contraire, qu'on n'a pas vraiment besoin de cette institution-là, et je vous explique pourquoi.

D'abord, il y a en place, d'après nous, tous les outils nécessaires pour le traitement adéquat des différends entre Gaz Métropolitain et les consommateurs, ses clients. On a un service à la clientèle qui, comme toute entreprise privée, est soucieux de la qualité du service à ses clients. On a une procédure corporative de traitement des plaintes des clients. Il faut savoir aussi que la Régie a déjà un pouvoir de surveillance sur nos opérations, en vertu de l'article 19.2 de la Loi sur la Régie du gaz naturel, et que la Régie, en exerçant ce pouvoir de surveillance là, peut notamment contrôler la qualité de services qu'on offre à nos clients, voir si on met suffisamment de ressources pour le traitement des plaintes des clients.

Notre expérience, c'est que les petits consommateurs peuvent s'adresser à la Cour des petites créances. On a du personnel qui est affecté à ça puis ça va très bien. Beaucoup de différends avec les clients concernent le mesurage du gaz. Mesurer le gaz, techniquement, ce n'est pas une affaire facile. Il y a déjà des lois et des règlements en place pour régler ces questions-là d'une façon administrative et assez simple.

Alors, c'est les raisons, que je vous soumets respectueusement, qui font que nous pensons que ce n'est pas nécessaire d'avoir cette institution de médiation des différends. Si, toutefois, vous jugiez, pour quelque raison que ce soit, de proposer qu'on ait cette procédure de médiation des différends au niveau de la distribution du gaz au Québec, il faudrait que l'avant-projet de loi soit modifié sous deux aspects.

Premièrement, il faudrait que ce soit, comme dans le cas de l'électricité, limité aux clients résidentiels, d'après nous, puis il ne faudrait pas que ces pouvoirs de faire la médiation des différends, d'intervenir comme médiateur des différends soient confiés à la Régie du gaz naturel, puis je vous explique pourquoi.

Il faut réaliser qu'un différend entre un distributeur de gaz puis un consommateur, ça peut avoir des implications financières. Ça peut avoir d'autant plus d'implications financières s'il y a des précédents qui sont créés à l'occasion de ces différends-là. Régler un différend dans tel sens, ça a des implications financières. Ne pas le régler dans le sens des recommandations du médiateur, ça aussi, ça peut avoir des conséquences financières.

Il faut penser qu'on est dans un processus de régulation économique où le distributeur, régulièrement, doit se présenter devant la Régie du gaz naturel pour justifier ses coûts, ses dépenses, ses investissements, le rendement auquel il a droit. Alors, dans le cadre de la régulation économique, Gaz Métropolitain doit justifier devant la Régie du gaz naturel ses coûts, notamment ceux qui pourraient découler d'un différend et, pire que ça, ceux qui pourraient découler du fait qu'on n'a pas suivi la recommandation du médiateur qui serait la même personne, la Régie du gaz naturel, et il peut y avoir des implications au niveau des coûts.

(10 h 20)

Alors, on se dit que, si on doit justifier, dans le cadre du processus de régulation économique, nos coûts devant une personne qui s'est déjà fait une idée, notamment au niveau des différends, sur l'orientation qui devrait être prise, je pense que vous placez la Régie dans la situation de perdre son... Bien, ça pourrait même aller jusqu'à perdre son impartialité, du moins perdre son apparence d'impartialité. Si nous avons jugé opportun de ne pas régler un différend pour des raisons qu'on considérait valables et qu'on a plutôt, je ne sais pas... on peut aller jusqu'à la Cour suprême dans un procès avec des gros clients puis qu'il en résulte des coûts, c'est un peu gênant de se présenter devant la même personne, puis cette personne-là doit, dans le cadre du processus de régulation économique, en toute impartialité, juger de l'opportunité de ces coûts-là. La Régie est mal placée parce qu'elle s'est déjà fait une idée en tant que médiateur du différend.

Je pense que c'est peut-être le message le plus important que je veux vous laisser. Il y a matière à conflit d'intérêts. Puis comment voulez-vous que la Régie décide, en toute impartialité, de coûts qui peuvent être la conséquence du traitement de certains différends, alors qu'elle s'est déjà prononcée comme médiateur des différends?

Alors, si vous revenez à l'analogie que je faisais tantôt avec le commissaire aux plaintes, Hydro-Québec se présente devant le commissaire aux plaintes et, j'imagine, la plupart du temps, dans la plupart des cas, Hydro-Québec va probablement suivre les recommandations du commissaire aux plaintes. Mais, dans d'autres cas, je sais pertinemment que, pour des raisons juridiques, ils ne vont pas suivre les recommandations du commissaire aux plaintes. Mais il faut noter qu'Hydro-Québec ne se présente pas devant la même personne, le même organisme pour faire approuver ses tarifs. C'est l'Assemblée nationale qui approuve les tarifs d'Hydro-Québec. Alors, il n'y a pas, au niveau de l'intervention du commissaire aux plaintes, ce danger de conflit. Il n'y a pas un tel conflit.

Alors, sur ça, en conclusion, je vous dirai que, si vous recommandez de mettre en place une procédure de médiation en matière de différends entre le distributeur et les consommateurs, alors il ne faudrait pas que la médiation soit faite par la Régie mais par une personne indépendante de la Régie, afin, comme je l'ai dit, de respecter le droit du distributeur et même du consommateur, dans un processus qui a toute apparence d'impartialité à ce niveau-là.

Et il faudrait aussi limiter cette possibilité d'avoir recours au médiateur des différends aux petits clients résidentiels parce que c'est à peu près les seuls qui pourraient avoir quelque avantage d'un recours additionnel. Sinon, ça va être un recours qui va être lourd et coûteux s'il faut que tous les clients puissent, dans un premier temps, passer par la médiation. Évidemment, tous ces coûts-là, c'est les consommateurs de gaz qui les paient. Alors, je pense que ce n'est pas nécessaire et que ça pourrait s'avérer coûteux. Ça, c'était nos commentaires sur le premier sujet.

Le deuxième sujet, c'est les différends entre les municipalités puis le distributeur sur les conditions d'implantation des infrastructures du distributeur. Vous savez qu'en vertu de la loi actuelle et même en vertu de l'article 58 de la loi actuelle sur la Régie du gaz naturel et de l'article 58.1 qu'on veut introduire par l'avant-projet de loi – c'est l'article 538 de l'avant-projet de loi qui introduit un nouvel article 58.1 dans la Loi sur la Régie du gaz naturel – on a enlevé le pouvoir qu'a la Régie de trancher un litige entre une municipalité et le distributeur sur ses conditions d'implantation. Peut-être que c'était, lorsqu'on... Le mot «litige», j'imagine qu'on a dit: On veut déjudiciariser, on ne veut plus que la Régie soit le tribunal des litiges. Mais, au niveau de la fixation des normes, des conditions d'implantation des infrastructures dans les municipalités, il faut que vous réalisiez que la Régie, à ce moment-là, n'exerce pas un pouvoir juridictionnel, comme il est mentionné dans le rapport Garant.

On souscrit au rapport Garant, incidemment, puis à la loi n° 130. Je trouve que c'est excellent. Il y a eu un travail considérable de fait, puis je pense que c'est excellent, la distinction qui est faite entre les pouvoirs administratifs, les fonctions administratives et les fonctions juridictionnelles. Mais sachez que, quand la Régie du gaz naturel fixe les conditions d'implantation des infrastructures dans une municipalité, elle n'agit pas comme un tribunal ou elle n'exerce pas des pouvoirs juridictionnels; elle fixe la norme. Dans ces conditions-là, il faut que quelqu'un décide. Et ce qui est proposé présentement dans l'avant-projet de loi, c'est: On maintient l'article 58, on enlève l'article 19.4 de la Loi sur la Régie du gaz naturel, on maintient l'article qui dit qu'un distributeur a le droit d'implanter dans l'emprise des voies publiques ses tuyaux, conduits et autres appareils, mais on ajoute l'article 58.1 qui dit qu'en cas de désaccord entre la ville l'une ou l'autre des parties peut demander à la Régie d'intervenir pour tenter de régler un différend.

Mais là ces pouvoirs-là sont insuffisants, parce que la Régie ne doit pas juste tenter de régler un différend, il faut que quelqu'un décide. Et les problèmes qu'on vit avec ça, c'est des problèmes bien terre à terre, c'est le cas de le dire, c'est des problèmes très concrets. Quand on installe des tuyaux dans une ville, on a besoin d'une tranchée large comme ça, et puis, dans certains cas, les villes veulent nous faire faire de la rénovation urbaine et repaver toute la rue. En tout cas, c'est des demandes légitimes, mais il faut que quelqu'un tranche ces questions techniques, fixe les normes, et puis, encore là, ça a des conséquences financières sur le distributeur, sur les coûts d'implantation des infrastructures.

Alors, nous, ce qu'on propose, c'est qu'on ne peut pas... Comme la Régie va devoir fixer les normes, bien, je ne pense pas qu'il soit opportun que la Régie, dans un premier temps, agisse comme médiateur du différend. Parce que ce n'est pas de la médiation que ça va prendre, ça va prendre une décision. Alors, nous recommandons à la commission de maintenir les pouvoirs actuels de la Régie, qui fixe les conditions d'implantation des infrastructures municipales lorsqu'il y a un désaccord avec les municipalités. Et on ajoute, évidemment, étant donné que ces décisions-là vont porter atteinte autant aux droits du distributeur que de la municipalité, qu'elles devraient être assorties d'un droit de contester cette décision-là devant le Tribunal administratif du Québec.

Ce qui m'amène à mon dernier sujet, justement, le droit...

Le Président (M. Paquin): En une minute, s'il vous plaît.

M. Lassonde (Richard): Mon Dieu! Oui, je vais accélérer.

Le Président (M. Paquin): En tout cas, on pourrait étirer un petit peu, mais très peu, parce qu'on a besoin de la période de questions.

M. Lassonde (Richard): Bon, très bien. Alors, ce qu'on dit essentiellement, c'est que d'autres organismes, comme la Régie, ont ce genre... Il y a appel, pas appel mais droit de demander la révision, de contester devant le Tribunal administratif du Québec. Il semble que, dans l'avant-projet de loi ou dans la Loi sur la justice administrative, on avait déjà prévu un article dans la Loi sur la Régie du gaz naturel, parce que, si vous regardez la loi n° 130, au niveau des pouvoirs de la section économique, qu'on appelle, je pense, du Tribunal administratif du Québec, on dit que ça entend les recours en vertu de l'article 26.1 de la Loi sur la Régie du gaz naturel. Sauf que, quand j'ai regardé l'avant-projet de loi d'application, je n'ai pas vu cet article 26, ça n'introduit pas cet article 26.

En tout cas, tout ceci pour dire qu'il semblait y avoir une volonté, dans la loi n° 130, d'ajouter ce recours-là. On ne le retrouve pas. Je me dis que c'est un recours qui est tout à fait justifié, d'abord parce que, si on regarde en Ontario, la Commission de l'énergie de l'Ontario – c'est l'équivalent de notre Régie du gaz naturel – il y a non seulement un droit d'appel des décisions, pour les questions de droit, devant la cour divisionnaire, mais la Commission de l'Ontario peut même poser des questions de droit à la cour divisionnaire. Et vous savez qu'en pratique la Régie est appelée non seulement à interpréter sa propre loi dans le cadre du processus de régulation économique, mais à interpréter d'autres lois: zonage, Loi sur la concurrence, questions de preuve, de procédure. Donc, la Régie est appelée, à l'occasion, à rendre des décisions en droit.

Et puis, nous, on est tout à fait d'accord, comme je l'ai dit tantôt, avec l'objectif de déjudiciariser, c'est-à-dire que c'est des questions avant tout techniques qu'il y a devant la Régie. Que ce soit des spécialistes, des non-juristes qui soient là, on est tout à fait d'accord avec ça. Mais, inévitablement, ils vont devoir se prononcer sur des questions de droit, et je pense qu'il serait opportun qu'il y ait un droit de contester ces décisions-là devant le Tribunal administratif du Québec, qui verrait à ce qu'il n'y ait pas des mauvais courants de jurisprudence sur des questions... pas techniques là, sur des questions de droit et aussi peut-être voir... C'est un tribunal qui recevrait des demandes de différents organismes, qui verrait à assurer même une certaine cohérence au niveau des principes de régulation économique.

Il y a aussi un autre argument qui justifie le...

Le Président (M. Paquin): En deux mots, peut-être.

M. Lassonde (Richard): Oui, oui. Ça va être très court, M. le Président. Je m'excuse.

La Régie a l'équivalent, vous savez, d'un pouvoir de confiscation de nos dépenses, de nos investissements. C'est important, ça porte atteinte à nos droits. Alors, pour ces raisons-là, je pense que le droit de révision devant le Tribunal administratif du Québec serait justifié.

Je m'excuse d'avoir été long et je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Paquin): Alors, du côté du groupe parlementaire formant le gouvernement, quelqu'un désire poser des questions, à ce moment-ci? M. le ministre.

(10 h 30)

M. Bégin: Merci, Mes Lassonde et Allard. Alors, Me Lassonde, c'est une question qui est assez technique et pas familière, généralement, aux gens qui sont ici, autour de la table. Pour reprendre à partir de votre dernier point, est-ce que je me trompe en disant qu'il y aurait trois volets qu'on peut regarder: l'élaboration du tarif, l'application du tarif et l'installation des ouvrages? En matière d'élaboration de tarif– et là je vérifie avec vous – il ne serait pas question d'avoir un appel dans ce domaine-là. Ce serait le rôle qui revient à la Régie; elle le décide et elle l'applique, mais ça se fait avec le gouvernement, si j'ai compris votre remarque de tout à l'heure.

Mais, quant à l'application du tarif, une fois qu'il a été fixé, et aussi à l'arbitrage entre la municipalité et le distributeur quant à la localisation ou à la manière de faire, là, vous nous dites: Il serait important qu'on puisse en appeler devant le TAQ, et vous l'aviez compris à la lecture de la section V du projet de loi, qui parle, si je peux trouver ma page... la section des affaires économiques, Annexe V... On parlait, je pense – je l'avais repéré tout à l'heure, mais je ne le retrouve pas – de 25, de l'article 26.1 de la Loi sur la Régie du gaz naturel, c'est ça? Vous aviez compris de ça qu'il y aurait appel en matière d'application de tarif et d'installation d'ouvrages, c'est ça?

M. Lassonde (Richard): C'est ça, oui.

M. Bégin: Bon, et vous ne le retrouvez pas dans le projet de loi.

M. Lassonde (Richard): C'est bien ça.

M. Bégin: Alors, je pense que, effectivement, ce serait sage de le réintroduire. Ça avait échappé peut-être aux légistes, mais l'intention était claire et il va falloir le réintroduire.

Quant à l'élaboration du tarif, est-ce que je me trompe en disant que ça s'élabore par la Régie, mais aussi soumis au gouvernement en commission, non?

M. Lassonde (Richard): Non, pas du tout. Non, non, au niveau du processus de fixation des tarifs ou d'élaboration des tarifs, c'est une décision finale et actuellement sans appel de la Régie. Et, pour élaborer des tarifs, la Régie doit porter un jugement de valeur sur l'à-propos de nos dépenses, de nos investissements, doit fixer le rendement qu'elle considère juste et raisonnable sur nos investissements. Alors, c'est un processus assez complexe, chaque année, là.

Quand je référais à l'importance d'avoir un droit de révision, c'est parce que je pense que... Je ne faisais pas de distinction. Ça devrait être un droit pas de demander une révision, mais de contester les décisions de la Régie. Je pense que c'est l'expression qui est employée un peu partout dans la loi, le droit de contester...

M. Bégin: Même pour l'élaboration du tarif?

M. Lassonde (Richard): Même pour l'élaboration du tarif, parce qu'à cette occasion-là se posent des questions de droit, souvent, des questions de... On a vu des audiences complexes, dans le domaine, par exemple, de l'élaboration du tarif pour la cogénération, qui ont posé toutes sortes de problèmes, même en vertu de la loi fédérale sur la concurrence, etc.

Donc, ce n'est pas couramment une cour de justice, la Régie, mais il se pose, à l'occasion, des problèmes de droit complexes, et je me dis: On devrait avoir le droit de pouvoir contester ces décisions-là, mais pas sur des questions techniques, là. Je présume que le nouveau Tribunal administratif du Québec va élaborer sa propre jurisprudence, ou bien vous allez changer le libellé de la loi, puis vous allez dire, comme en Ontario: Ce n'est pas des questions de droit. On ne va pas en appel à la cour divisionnaire d'une décision de la Commission de l'énergie de l'Ontario parce qu'on n'est pas satisfait du taux de rendement que la Régie nous a accordé, ou parce qu'on n'est pas satisfait du taux des tarifs au niveau résidentiel, ou quoi que ce soit. Là n'est pas mon propos.

Mais, quand on dit: Le processus de régulation économique est relativement assez complexe et ça peut toucher à toutes sortes de questions de droit connexes, à ce moment-là, on devrait avoir la possibilité, à l'instar d'autres décisions, là, d'autres organismes, d'aller contester ces décisions-là. Mais, dans mon esprit, c'est toujours pour des questions de droit, pas pour demander au Tribunal administratif de refaire le même travail que des spécialistes qu'on a déjà nommés là, à la Régie.

M. Bégin: À cet égard, nous avons entendu la Conférence des juges qui faisait état qu'ils ne voulaient pas que les décisions du type qu'on discute présentement, qui portent sur l'opportunité, sur l'intérêt public, ce soit soumis à un appel. Est-ce que je comprends que c'est ça que vous dites d'une autre manière?

M. Lassonde (Richard): Je suis tout à fait d'accord avec ça.

M. Bégin: Sur la question du droit, là, il serait possible, mais, sur les questions de l'opportunité et les questions d'intérêt public, là, il ne devrait pas y avoir appel...

M. Lassonde (Richard): Je suis tout à fait d'accord avec...

M. Bégin: ...et vous rejoignez ces gens-là.

M. Lassonde (Richard): Tout à fait, M. le ministre, je suis tout à fait d'accord avec cette position-là. C'est pour ça qu'on a des tribunaux spécialisés, avec des spécialistes. Et, pour avoir des spécialistes, ce n'est pas nécessairement des juristes qui sont des spécialistes dans toutes ces questions-là. Donc, en toute humilité, c'est très bien que ce soit comme ça, mais, comme je vous le dis, plus souvent qu'autrement, il y a des problèmes de droit qui se soulèvent, des questions de droit importantes, et, chacun sa spécialité, ça devrait être soumis au Tribunal administratif du Québec où on va retrouver des juristes, comme ça se fait d'ailleurs en Ontario.

Le Président (M. Paquin): D'autres questions, M. le ministre?

M. Bégin: Cet appel dont vous parlez, vous allez au TAQ là, au Tribunal administratif du Québec?

M. Lassonde (Richard): C'est ça. Je pense que, dans le projet de loi, on n'appelle pas ça... ce n'est pas un appel; partout, il y a l'appellation de «droit de contester la décision». J'imagine que le Tribunal va devoir... Je pense qu'il va y avoir comme une espèce de permission, là, le Tribunal va devoir décider. Si on arrive avec des questions, justement, qui sont des questions d'intérêt public ou d'opportunité, probablement que le Tribunal va refuser d'entendre ces contestations-là, mais, s'il y a des questions de droit, le Tribunal devrait les entendre.

M. Bégin: Et, advenant qu'un tel appel soit accordé – je l'appelle «appel devant le tribunal» – ...

M. Lassonde (Richard): C'est correct, oui.

M. Bégin: ...est-ce que vous considérez que ça doit se terminer là ou s'il doit y avoir un appel de cette décision?

M. Lassonde (Richard): Bien, ce qui est prévu présentement, à moins que je ne me trompe, dans la loi n° 130, c'est un appel qui se termine au niveau du Tribunal administratif. Nous, on se satisferait de ça. De toute façon, ce serait une nette amélioration parce que vous savez que le recours en évocation... On a un recours en évocation, mais c'est un recours qui est très difficile.

M. Bégin: Vous m'avez devancé d'une question. Ha, ha, ha!

M. Lassonde (Richard): Oui, bon. C'est un recours non seulement difficile, restreint, même s'il y a des courants de jurisprudence qui commencent à se développer en disant qu'on peut peut-être aller en évocation lorsqu'un tribunal spécialisé est justement sorti du champ de sa spécialisation, puis qu'il s'est mis à interpréter le Code civil, puis qu'il a interprété ça d'une autre façon, mais ce n'est pas encore bien assis, cette jurisprudence-là. Et un recours en évocation, c'est extrêmement limité. Si vous regardez les rapports de jurisprudence, vous ne verrez pas beaucoup Gaz Métropolitain requérant, en évocation, des décisions de la Régie, pour des raisons que je n'ai pas besoin d'expliquer.

M. Bégin: Je vous remercie, Me Lassonde.

Le Président (M. Paquin): D'autres députés de la même formation désirent poser des questions? Alors, du côté du groupe parlementaire formant l'opposition?

M. Mulcair: Oui.

Le Président (M. Paquin): M. le critique, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, Me Lassonde, Me Allard, bienvenue et merci beaucoup pour votre présentation extrêmement serrée et qui couvrait vraiment bien les points qui vous préoccupaient. Je suis très content de constater l'ouverture du ministre à l'égard de plusieurs de vos sujets de préoccupation, et on partage sa réaction.

La seule chose qui m'intrigue un peu, c'est le processus. Bien sûr, on est en consultation, alors ça peut être un moment pour venir faire sa réaction, mais ça m'intrigue parce que, effectivement, il n'y a pas 342 distributeurs de gaz naturel au Québec. Je suis intrigué que ce soit ici que cette question-là soit débattue. Est-ce qu'on vous a contactés en cours de route, lors de l'élaboration des textes internes? Est-ce qu'on a appelé à Gaz Métropolitain pour savoir, même informellement: Écoutez, qu'est-ce que vous pensez, est-ce que telle chose devrait être appelable, c'est quoi votre vécu là-dedans? Est-ce qu'on vous a parlé en cours de route?

M. Lassonde (Richard): Moi, personnellement, je n'ai pas eu de communication avant que la loi d'application... Je n'ai pas été consulté au niveau de ces modifications-là. Je dois vous dire qu'il y a aussi, sur les planches à dessin du ministère de l'Énergie, un projet de loi sur la régie de l'énergie, et des questions semblables se sont posées à ce niveau-là. Et là on a eu des séances de travail avec les gens pas du ministère de la Justice, mais des gens du ministère de l'Énergie, parce qu'on travaille sur un projet de loi sur la régie de l'énergie, et puis la même question se posait: Est-ce qu'on va laisser la régie de l'énergie trancher des litiges, et tout ça? Alors, on a pu faire des représentations à ce moment-là au ministère de l'Énergie, mais pas pour ce que j'ai lu... J'ai lu ça comme tout le monde, moi.

M. Mulcair: Est-ce que ça va exiger, donc, une consultation soutenue avec les gens au ministère de l'Énergie pour s'assurer que la main gauche sache ce que la main droite est en train de faire? Est-ce qu'on n'est pas en train de poser des gestes ici qui rendraient caducs certains aspects du travail qui est en cours ou si c'est vraiment deux idées différentes qui se complètent bien?

(10 h 40)

M. Lassonde (Richard): Bien, je pense que c'était prioritaire. Il y a déjà la loi... C'est une grande réforme, ça, la réforme des tribunaux administratifs, la Loi sur la justice administrative. Je pense qu'il fallait, d'après moi, régler cette question de réforme des tribunaux administratifs d'abord, et, après ça, ça devient beaucoup plus simple de former... Si le gouvernement décide d'établir une nouvelle régie de l'énergie et de fusionner cette nouvelle régie là et la Régie du gaz naturel, bien, je pense que la démarche est correcte. Il faut d'abord régler la question de la réforme des tribunaux administratifs, et puis, après ça, ça va aller de soi. Ce dont on parle ce matin, ça devrait se refléter également dans la loi sur la régie de l'énergie s'il y a une telle régie.

M. Mulcair: En tout cas, M. le Président, tout ce que j'ajouterais, c'est que, dans mon expérience personnelle et professionnelle, j'ai eu l'occasion de me rendre compte que Gaz métropolitain est ce qu'on pourrait appeler un bon citoyen corporatif, même s'il s'agit d'une société en nom collectif ou de... Non, c'est une société en commandite, hein...

M. Lassonde (Richard): Oui, oui.

M. Mulcair: ...si ma mémoire est bonne. Enfin, on peut quand même utiliser la...

M. Lassonde (Richard): Disons que le public est...

M. Mulcair: ...notion de «corporatif». Et je dois vous dire que c'est un gros bon sens qui semble – c'est ma perception et mon expérience – prévaloir à votre réaction et à vos décisions dans ces matières-là, lorsqu'il y a des problèmes d'évaluation ou de ce qui a été facturé, des choses comme ça. Et continuez à appliquer et à utiliser ce gros bon sens. Je pense que c'est comme ça qu'on rend le meilleur service à la population. Et la tendance qu'on a à systématiser et à formaliser les plaintes est une chose régulière, constante et presque attendue dans notre société et dans notre législation d'aujourd'hui, mais je suis de moins en moins convaincu que ce soit la manière la plus efficace et la meilleure pour assurer la satisfaction du public. Alors, merci beaucoup pour votre présence aujourd'hui.

M. Lassonde (Richard): Merci.

Le Président (M. Paquin): Est-ce qu'un autre député de l'opposition désire poser une question à ce moment-ci? Alors, M. le ministre.

M. Bégin: Juste une remarque. Effectivement, les consultations ne se sont pas faites avec Gaz métropolitain, qui est une entreprise privée, mais via, par exemple, le ministère de l'Énergie, des richesses naturelles, qui s'occupe de cette question-là, comme l'a si bien dit Me Lassonde. Alors, tout ça se fait par le biais du canal normal pour l'État, c'est-à-dire de communiquer avec son alter ego ou son égal dans la fonction publique, mais pas directement avec l'entreprise privée que représente Gaz métropolitain. Et, au Comité de législation, toute cette harmonisation-là doit se faire et se fera évidemment quand on aura adopté les projets de loi.

Le Président (M. Paquin): Compte tenu que vous avez été un peu écourté et qu'il nous reste un peu de temps, est-ce que vous désirez ajouter quelque chose?

M. Lassonde (Richard): Non. J'ai fait le tour, pas mal, des quelques sujets qui nous préoccupaient. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Paquin): Alors, Me Allard et Me Lassonde, nous vous remercions...

M. Bégin: Merci.

Le Président (M. Paquin): ...et la commission va suspendre ses travaux jusqu'à 11 heures, puisque nos prochains invités ont été conviés pour 11 heures et qu'ils ne sont pas déjà présents.

(Suspension de la séance à 10 h 43)

(Reprise à 11 h 4)

Le Président (M. Paquin): S'il vous plaît! La commission des institutions reprend ses travaux qui visent à procéder à une consultation générale et à tenir des auditions publiques dans le cadre de l'avant-projet de loi intitulé Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative.

Nos prochains invités sont le Conseil du patronat. Alors, j'inviterais M. Ghislain Dufour à présenter les personnes qui l'accompagnent. Vous aurez ensuite un 20 minutes pour présenter votre point de vue; par la suite, une période de 40 minutes sera répartie équitablement entre les deux formations politiques de façon à vous poser des questions et à vous aider à compléter votre pensée.

Alors, M. Dufour, si vous voulez bien commencer.


Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Dufour (Ghislain): Alors, merci, M. le Président. Mes deux collègues: à ma gauche, Me Robert Borduas, qui est directeur des services juridiques au Conseil du patronat, et, à ma droite, Me Bernard Cliche, du bureau Flynn, Rivard.

Alors, merci, M. le Président. Je vais lire notre mémoire, surtout pour les fins du Journal des débats . Comme c'est un mémoire qui est un peu technique, ça se résume d'ailleurs généralement assez mal.

On dit qu'en décembre 1995, dans le cadre de la réforme des tribunaux administratifs annoncée le 18 mai 1995, le ministre de la Justice déposait le projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative. Nous venions subséquemment en commission parlementaire, en février 1996, commenter ce projet.

Vous vous rappelez que certains éléments du projet de loi n° 130 furent accueillis favorablement par le Conseil du patronat. Qu'il suffise de mentionner, entre autres, l'instauration de mécanismes structurés de sélection et de nomination des membres des tribunaux administratifs et la création, surtout, d'un conseil de la justice administrative dont le rôle serait d'assurer une certaine surveillance des membres du nouveau Tribunal administratif du Québec. En fait, rappelons-nous, M. le Président, que nous avions donné notre accord à la loi n° 130 et, en ce qui nous concerne, nous maintenons toujours notre accord avec la loi n° 130.

D'autres éléments, par contre, ont suscité notre désaccord. C'est le cas de cette proposition visant à placer la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, la CALP actuelle, ou tout autre organisme qui pourrait éventuellement lui succéder, sous la juridiction du nouveau Tribunal administratif du Québec.

Compte tenu de notre participation active à la recherche de solutions efficaces en matière de réforme de la justice administrative, et plus particulièrement en matière de santé et de sécurité du travail et d'indemnisation des lésions professionnelles, nous désirons maintenant soumettre quelques commentaires sur l'avant-projet de loi de juin, celui qu'on appelle la loi n° 131.

Donc, dans le présent mémoire, on fait quelques commentaires sur la problématique telle qu'elle se présente encore actuellement, et nous traitons ensuite, de façon plus particulière, de certaines dispositions relatives au régime de santé et de sécurité.

D'abord, certains commentaires sur la problématique actuelle. Et on sent le besoin d'y revenir suite, notamment, à la prise de position du Barreau qui, dans son dernier numéro, critique la loi n° 130, retire même son appui, et un des éléments apportés par le Barreau, c'est justement le fait qu'il y a eu cette lettre du ministre de la Justice du mois de juin qui disait sortir la CALP de la juridiction du Tribunal, je vais y revenir d'ailleurs. Donc, pour nous, ça nous apparaît important de revenir sur la démarche que l'on avait faite à l'époque.

On le mentionnait dans notre mémoire de février 1996, on l'avait mentionné lors des auditions sur le rapport Garant, en mars 1995, nous sommes en total désaccord avec la création d'une section des lésions professionnelles au sein du nouveau Tribunal administratif du Québec compte tenu, notamment, de la spécificité du régime de santé et de sécurité du travail.

Nous avons toujours opté en faveur de la proposition formulée dans le rapport Durand qui prône l'abolition des bureaux de révision paritaires de la CSST et la création d'une commission paritaire des lésions professionnelles. Ce rapport Durand, qui a été modifié, qui a été bonifié je ne sais plus combien de fois au conseil d'administration de la CSST, est beaucoup plus conforme à la culture québécoise en matière de santé et de sécurité du travail et, je le répète, sous réserve d'une dissidence, il a obtenu l'aval du conseil d'administration de la CSST.

Cette proposition, que nous avons maintes fois défendue tant auprès du ministre de la Justice qu'auprès de l'opposition, est conforme au principe selon lequel toute instance décisionnelle unique en matière de lésions professionnelles, dont les décisions seraient sans appel, doit refléter la particularité du régime québécois de santé et de sécurité, dont le paritarisme.

On cite d'ailleurs – c'est toujours pour les fins de ce débat qui continue avec la position nouvelle du Barreau – le professeur Ouellette de l'Université de Montréal qui avait souscrit à cette position du paritarisme. Je vous rappelle cet extrait d'une lettre qu'il écrivait au président de la CSST, Pierre Shedleur, en 1995, et je cite: «Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que le paritarisme quasi judiciaire dans l'application des lois sociales a subi avec succès l'épreuve du temps et que c'est la structure utilisée dans la majorité – huit – des provinces du Canada, dans les tribunaux administratifs d'appel en matière de lésions professionnelles.»

(11 h 10)

Et il ajoutait: «Le paritarisme dans les tribunaux administratifs offre l'avantage d'équilibrer, de compléter, par le gros bon sens, la vision généralement formaliste ou théorique du président juriste et donne l'assurance à chacune des parties qu'il se trouve, au sein du panel, au moins un membre qui est sensible à ses intérêts et à ses problèmes, qui est en mesure de bien comprendre et dans lequel elles peuvent se retrouver.»

Dans notre mémoire de février 1996 – parce que c'est la dernière fois qu'on a eu l'occasion de parler de ce dossier-là – on ajoutait que la question du paritarisme intégral, à tous les niveaux, est propre au régime québécois de la santé et sécurité du travail et qu'il serait tout à fait inéquitable que toutes les structures de la CSST, du conseil d'administration aux divers comités de ce conseil, en passant par les associations sectorielles de santé et de sécurité ou l'Institut de recherche, reposent sur le paritarisme, alors que celui-ci serait banni en matière d'adjudication administrative.

C'est le problème que l'on avait, je pense, bien campé, et voilà pourquoi nous avons reçu une lettre du ministre de la Justice, que nous reproduisons d'ailleurs en annexe à notre mémoire, le 10 juin 1996, dont je vous cite un extrait: «Comme vous le savez, le projet de loi n° 130 sur la justice administrative se proposait d'intégrer la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles au sein du Tribunal administratif du Québec créé par le projet de loi. L'opportunité de conserver une division des lésions professionnelles à ce Tribunal a été revue. La CALP sera – et on l'a souligné dans notre mémoire – exclue du Tribunal administratif du Québec, et le ministre présentera des amendements en conséquence.

Cette décision du ministre de la Justice d'exclure la CALP du Tribunal administratif du Québec nous agrée parfaitement. Toutefois, M. le Président, comme les amendements annoncés par le ministre de la Justice pour concrétiser cette décision n'ont toujours pas été déposés et que plusieurs questions demeurent en suspens, nous restons sur notre appétit.

Les dispositions du projet de loi n° 130 concernant, par exemple, la nomination et la sélection des membres des tribunaux administratifs, la durée et le renouvellement de leur mandat, leur rémunération, leurs autres conditions de travail, seront-elles applicables aux membres de la CPLP?

Bien que, comme nous l'avons déjà dit, nous soyons favorables à l'instauration de mécanismes structurés de sélection et de nomination des membres des tribunaux administratifs, qui est un point majeur de la loi n° 130 et auquel nous avons donné notre accord, nous croyons que des règles différentes devraient être appliquées à la CPLP, tout au moins en ce qui concerne les représentants patronaux et syndicaux qui en seront membres. On pourrait assujettir les présidents membres de la commission aux règles de la loi n° 130, mais un véritable paritarisme comme celui que nous proposons ne saurait être soumis à ces règles, et la question que l'on pose à cette commission: Quelles sont les intentions véritables du législateur à cet égard?

Nous regardons ensuite un certain nombre de questions de façon particulière. Je n'ai pas le goût nécessairement de les reprendre pour laisser plus de temps à la discussion. De toute façon, c'est très technique et vous avez tout lu ça. Pour l'essentiel, c'est que, nous, on regarde le projet de loi n° 131 en se disant: Bien, il y a encore, dans le projet de loi n° 131, un paquet d'affaires qui découlent du projet de loi n° 130 non amendé, et, comme on n'est pas satisfaits du projet de loi n° 130 non amendé, bien, évidemment ça nous pose les mêmes problèmes avec le projet de loi n° 131.

Il y a peut-être le petit d, M. le Président, de nos commentaires particuliers, qui doit être souligné. Nous constatons que l'avant-projet de loi est muet quant aux dispositions transitoires. Il aurait été fort opportun que le ministre de la Justice fasse connaître ces dispositions transitoires en même temps que les règles de concordance. Parce que, là, on a un problème. Le projet de loi n° 130 fait combien d'articles? Combien, Bernard?

M. Cliche (Bernard): 188.

M. Dufour (Ghislain): 188? Bon. Ou à peu près. La loi d'application en fait 500, 600. La loi de concordance doit en faire combien? Ça devient difficile, là, pour les non-juristes de regarder tout ça, puis c'est un commentaire.

La conclusion. Le ministre de la Justice a pris une excellente décision en annonçant l'exclusion de la CALP du Tribunal administratif du Québec créé en vertu du projet de loi n° 130. Nous attendons avec impatience les amendements promis au projet de loi n° 130 qui viendront confirmer cette décision et évidemment la correspondance avec le projet de loi n° 131. Nous souhaitons également que toute référence à l'intégration de la CALP au Tribunal administratif soit supprimée dans les deux lois.

Nous demandons finalement que soient discutées et clairement définies les règles qui régiront une nouvelle commission paritaire des lésions professionnelles placée, quant à nous, sous la responsabilité du ministère du Travail. Si l'autonomie de cette dernière n'est pas garantie, tout au moins en ce qui concerne la nomination des représentants patronaux et syndicaux qui y siégeront... Parce qu'on l'a dit tout à l'heure, en ce qui concerne les présidents, les commissaires vont être tout à fait d'accord avec les règles dont vous conviendrez ici, mais pour les autres, si ça doit passer sous un schéma qui relève du ministère de la Justice, pour nous, la question ne serait pas résolue, et elle ne serait pas résolue non plus pour la CSST, pour la FTQ, qui vous a envoyé un mémoire hier et qui reprend exactement la même argumentation que nous, et pour tous ceux qui sont conjointement solidaires de cette proposition-là, qu'il s'agisse de la CEQ, de la CSD, de l'AMEQ, etc.

Alors, c'est surtout là-dessus, M. le Président, que nous aimerions débattre. Et, si j'ai pris un peu de temps au départ sur nos raisons voulant que la CALP ne soit pas intégrée au niveau du Tribunal administratif, ce n'est pas pour vous, parlementaires, vous nous avez déjà entendus bien des fois en parler, c'est beaucoup plus pour le Journal des débats , rejoignant ainsi indirectement le Barreau.

Le Président (M. Paquin): Alors, merci, M. Dufour. Du côté du groupe parlementaire formant le gouvernement, M. le ministre.

M. Bégin: Alors, merci, M. Dufour, Me Borduas et Me Cliche. J'aimerais peut-être faire un petit rappel, pour répondre ou, en tout cas, engager le dialogue avec vous, parce qu'il y a des événements qui se sont produits depuis qu'on s'est vu la dernière fois et peut-être n'en êtes-vous pas au courant encore.

Mais, permettez-moi avant, pour les fins du Journal des débats , vous avez utilisé le chiffre 131 pour parler de l'avant-projet de loi. Je pense qu'il faudrait qu'on indique que ce n'est pas le projet de loi n° 131 parce que c'est la loi sur l'éthique qui est le projet de loi n° 131, mais dire plutôt que c'est l'avant-projet de loi, lui. Ce n'est pas grave, mais pour éviter qu'il y ait une confusion dans le Journal des débats , si vous me permettez de faire cette remarque-là.

Deuxièmement, au mois de juin, au même moment où vous receviez la lettre à laquelle vous avez fait allusion dans votre mémoire, la commission a siégé sur le projet de loi n° 130. Nous avons adopté cinq articles, si ma mémoire est fidèle, les articles 1, 2, 3 et 5, puis on a adopté l'article 13 qui crée un tribunal, le TAQ, et l'article 16 qui crée quatre sections et, en fait, qui enlève une section qui était celle sur les lésions professionnelles. Alors ça, ça a été adopté au mois de juin. À l'époque, l'opposition, si ma souvenance était bonne, avait été d'accord sur cette disposition.

Par la suite, au mois de septembre, il y a eu une autre commission parlementaire qui a porté sur le projet de loi n° 130 lui-même, et nous avons adopté, ensemble, après avoir discuté de toutes les propositions d'amendement que j'avais apportées suite aux auditions antérieures et à un travail qui avait été effectué durant l'été, une série de modifications au projet de loi n° 130, de sorte qu'on a adopté, pour les fins de la commission, les articles 52 jusqu'à la fin, je pense que c'est 188, sauf l'article 121. Alors, déjà, ce travail a été fait durant le mois de septembre; on a adopté ça gardant ouverts les articles 4 à 52 sous réserve de l'adoption de 13 et de 16.

Donc, il y a un travail considérable qui a été fait à date. Non, mais c'est déjà adopté en commission.

M. Dufour (Ghislain): Ça va bien. Ça va bien.

M. Bégin: Ça va bien.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Et plus que ça, même des articles dont je viens de parler et qui n'ont pas encore été adoptés, les amendements à ces articles-là, eux, ont été adoptés. Donc, de sorte qu'on a fait un travail pas mal considérable ensemble depuis le début de l'été.

(11 h 20)

Bien sûr que ça nous ramène au débat du mois de juin. Au mois de juin, il aurait été possible, en modifiant la loi n° 130, de régler les problèmes que vous soulevez, mais, comme certains ne voulaient pas qu'on procède à l'étude du projet de loi n° 130 tant qu'on n'avait pas étudié l'avant-projet de loi sur la loi d'application, bien, on n'a pas pu faire ce que vous avez mentionné. D'autre part, c'est sûr qu'on ne peut pas modifier la loi d'application tant qu'on n'a pas touché aux principes, à la loi elle-même n° 130. Donc, en tout cas, c'était la question. Je pense qu'on avait raison de dire qu'il fallait d'abord adopter les principes, puis, après ça, l'avant-projet de loi sur la loi d'application. Mais ceci, c'est passé, c'est fait, mais on voit les problèmes que ça soulève, que vous rappelez aujourd'hui. On va être en...

M. Dufour (Ghislain): Mais si vous me permettez...

M. Bégin: Oui?

M. Dufour (Ghislain): Si vous me permettez. Quand vous avez annoncé la commission parlementaire où, nous, il faut préparer notre mémoire avec un dépôt qui est très fixe dans le temps, vous n'aviez pas siégé encore en septembre.

M. Bégin: Non, c'est exact, non.

M. Dufour (Ghislain): Bon.

M. Bégin: C'est pour ça que je mets les notes, parce qu'il est évident que vous n'avez peut-être pas été au courant de ça. C'est pour qu'on se comprenne bien dans notre démarche. Ça m'amène à conclure en disant: Les amendements dont vous venez de parler, bien, ils seront adoptés au moment de l'adoption du projet de loi n° 130 quant à certains; d'autres ne relèvent pas de ma compétence. Si on doit modifier d'autres lois pour arriver à former une commission – vous l'avez, la CPLP, là – une commission paritaire des lésions professionnelles – je pense que c'est ça? – bien, là, évidemment, ce n'est pas dans le cadre actuel qu'on va le faire. Ce sera dans une autre loi qu'un de mes collègues, éventuellement, pourrait être appelé à déposer.

Ce que je vous annonce, c'est que, la semaine prochaine, là, on devrait siéger sur le projet de loi n° 130 à nouveau, y revenir, parce qu'on aura terminé ces travaux-ci, le reprendre et donner suite à tout ce que nous avons entendu sur l'avant-projet de loi.

Ce qui m'amène à dire que vous avez soulevé, en fin de votre mémoire, les dispositions transitoires. Effectivement, il n'y en a pas, dans l'avant-projet de loi, qui ont été déposées. Mais il faut savoir que c'est un avant-projet de loi, hein? Ce n'est pas le projet de loi comme tel, final. Alors, après ce qu'on a entendu, on sera en mesure de compléter peut-être un 50, 60, 70 articles additionnels, peut-être plus, pour tenir compte des lois, enlever ci, mettre ça et tenir compte, en fait, de nos travaux. On va ajouter les dispositions transitoires, et, quand ce sera le temps de les adopter, il y aura encore possibilité d'entendre des personnes, parce que sur ça, en particulier, on n'aura entendu personne, sauf celles qui, de leur propre initiative, nous ont fait des suggestions, et, si je me rappelle bien, il y en a deux qui en ont fait dans les derniers jours.

Alors, je pense que ça couvre l'ensemble de ce que vous avez abordé dans votre mémoire. Il y a des amendements qui vont être apportés pour tenir compte de ça, mais quand on étudiera le projet de loi n° 130. Deuxièmement, les mesures transitoires viendront plus tard. Troisièmement, certaines dispositions ne nous concernent plus, maintenant que nous avons retiré la CALP de la cinquième section... en tout cas, on en a enlevé une. Ça ne nous concerne plus directement en tant que commission parlementaire. Ça viendra à d'autres. Je ne sais pas si j'ai oublié quelque chose? Je pense que j'ai couvert ce que je voulais mentionner là-dessus.

M. Dufour (Ghislain): Bon, merci pour cette précision quant au processus à ce jour, ce qui confirme qu'on a quand même raison de soulever toutes les questions qu'on pose, parce qu'ils n'ont pas été déposés, ces amendements-là.

Deux questions au ministre. La première, c'est que, nonobstant les désaccords qui pourraient s'exprimer autour de la loi n° 131, qui est le n° 130, la loi d'application...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dufour (Ghislain): ...est-ce que la lettre du 10 juin, M. le ministre, vous nous en confirmez toujours les assises...

M. Bégin: Je ne peux pas avoir été plus loin pour le confirmer que de faire adopter l'article 16.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Plus que ça, là, je ne suis pas capable.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Non, mais vous comprenez?

M. Dufour (Ghislain): Merci pour la première. La deuxième. La deuxième, qui est fondamentale aussi... Vous avez raison de dire que c'est une autre loi qui prendra soin de la création de la CPLP. Bon. C'est le ministère du Travail qui va piloter ça, j'imagine; je n'ai aucune idée. Il y aura là un Tribunal administratif qui sera formé de trois représentants: un commissaire et deux assesseurs. C'est ça, toute la trame, là, qui a été débattue ici, en cette commission, pour le volet des lésions professionnelles.

Allez-vous, comme ministre de la Justice, demander une participation quelconque – et, si oui, vous me la définirez – à la nomination, d'une part, des commissaires et, d'autre part, des représentants des parties?

M. Bégin: Vous savez, on peut penser, parce qu'un ministre est responsable de l'application d'une loi, qu'il a un rôle extraordinairement important à jouer à l'égard de cet organisme-là. Mais, dans le vécu quotidien, il n'y a à peu près pas de relation qui s'exerce. Je suis responsable de la CALP, je suis responsable de la CAS, et je peux vous dire qu'en deux ans j'ai eu un contact avec chacun des deux présidents pour les rencontrer, leur parler de façon générale, et ça a été les seuls contacts qui ont eu lieu. Et je pense que là-dessus je ne suis pas différent des autres. Donc, pour moi, l'importance de l'influence est relativement modeste.

Deuxièmement, je n'ai pas réfléchi formellement à la question: Est-ce que le ministre, compte tenu du type d'organisme qui sera créé là – parce que, moi, personnellement, ce n'est pas moi qui l'ai créé, ce que vous vous demandez, là – est-ce que ça nécessitera, pour garder la plus grande indépendance, qu'on prévoie une mécanique ou une responsabilité autre que le ministre du Travail, par exemple? C'est une question qui devra être débattue en commission pour savoir si, oui ou non, il faut le faire de telle façon ou de telle autre.

Je ne prétends pas que je devrai rédiger le texte de ce que sera ce futur organisme là. Ce n'est pas de ma juridiction. Tant que c'était dans le TAQ, bien là je le savais; mais, en dehors, bien, ce sera d'autres personnes. Les choses, donc, dépendront des circonstances qui se présenteront. Mais je pense qu'il est prématuré pour moi de dire ce que ce sera parce que ce n'est pas moi qui vais m'en occuper.

M. Dufour (Ghislain): O.K. Mais vous aurez à faire le débat en commission parlementaire sur la création de ce nouvel organisme, et le débat pourra être difficile. Et je mets immédiatement sur la table notre position. Si le ministre, le ministère de la Justice veut garder un certain contrôle, entre guillemets, sur la nomination des commissaires, donc des employés de l'État, qui siégeront à l'intérieur de cette nouvelle structure, on le dit dans notre mémoire, on n'a pas de problème avec ça. Qu'il y ait une norme au Québec pour la nomination de ces commissaires-là qui soit la même, qui soit gérée par le ministère de la Justice, aucun problème sur les nominations, les renominations, bon, en tout cas, la structure qui est déjà dans la loi n° 130, quitte à ce que cette structure-là soit bonifiée.

Le message qu'on vous passe, c'est qu'on demande au ministère de la Justice de ne pas se mêler des «P», les «P» étant les représentants patronaux ou syndicats.

M. Bégin: M. Dufour.

M. Dufour (Ghislain): Et je le passe au ministère, pas au ministre. Ha, ha, ha!

M. Bégin: M. Dufour, je peux vous rassurer d'avance parce que déjà le règlement qui a été soumis comme projet pour discussion prévoit exactement ce que vous dites. Alors, avant même qu'on enlève la CALP de la juridiction du TAQ, cette mécanique-là prévoyait ce que vous désirez. Je ne vois pas pourquoi on reviendrait sur nos pas en disant: On a perdu la juridiction sur la CALP, mais on va prendre contrôle ou juridiction sur la nomination des personnes. Je pense que la mécanique qui est prévue, de mémoire, à l'article 25 du règlement répond d'avance à votre crainte.

M. Dufour (Ghislain): Vous parlez de quoi, là?

M. Bégin: C'est le règlement concernant le mode de sélection des personnes siégeant au TAQ. Je dis que cette mécanique-là, si elle devait s'appliquer, déjà répond à l'avance à votre interrogation. Parce que, dans les faits, là, c'est le ministre responsable de l'application de la loi sectorielle qui était chargé de faire la recommandation au Conseil des ministres à partir des personnes sélectionnées.

Je pense que c'est important qu'on y revienne. La mécanique prévue dans le projet de règlement – dans le temps, c'était le TAQ, là – c'était qu'il y avait des représentants nommés sur un comité de sélection après publication d'un avis dans le journal qu'il y aurait un concours. Il y avait donc un représentant du côté patronal, dans le cas en question, un représentant du côté syndical, une personne qui agissait comme président de l'organisme et, dans ce cas particulier, il y avait également quelqu'un qui venait des emplois supérieurs. Il y avait donc audition des gens, recommandation d'un certain nombre de personnes jugées aptes à être nommées là. Cette liste-là était remise au ministre responsable de la loi sectorielle. Dans votre cas, c'était, évidemment, le ministre du Travail. Donc, c'est lui qui était porteur de cette recommandation-là. Alors, je me dis: C'était déjà dans le projet de règlement, donc pas de raison d'être inquiet.

Cependant, est-ce que ça s'appliquera à la future nomination des membres de votre comité? Ça, on n'a pas résolu ça personne, là. Mais je vous dis que, moi, personnellement, ma volonté, ma façon de voir les choses, elle était exprimée dans l'article 25.

M. Dufour (Ghislain): Merci.

(11 h 30)

Le Président (M. Paquin): Autres questions du côté ministériel? Alors, du côté du groupe parlementaire formant l'opposition, M. le critique et député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Dufour, Me Cliche, Me Borduas, bienvenue et merci pour votre présentation. J'étais, un peu comme mon collègue le ministre de la Justice, surpris d'entendre vos remontrances vis-à-vis d'un article qu'on avait déjà adopté et qui donnait suite à votre demande, surtout que cette adoption même nous avait valu – et je parle de ce côté-ci de la table – une certaine réaction, d'une part, dans un média parlementaire ici, à Québec, d'avoir peut-être été trop rapides dans l'adoption de cet article-là, et ça m'a valu personnellement une rebuffade de la part de la CSN, qui trouvait qu'on n'avait pas tenu assez le fort.

Par ailleurs, comme le ministre vous l'a très correctement dit, la question des nominations et reconductions a déjà fait l'objet d'une analyse très serrée et d'une présentation assez élaborée dans le projet de règlement, et, de notre côté, je peux vous assurer qu'on va tenir à l'esprit votre préoccupation concernant les nominations dans ce domaine tout à fait particulier.

Je voulais vous demander... Vous faites référence à plusieurs reprises, dans votre présentation, aux transcriptions qui sont contenues dans les délibérations écrites de cette commission parlementaire et vous mentionnez que vous vouliez un peu répondre au Barreau qui, très récemment, dans un éditorial, avait parlé de la CALP. Alors, je pense qu'on peut aussi vous comprendre plus facilement, lorsque le Barreau est toujours en train d'écrire sur cet aspect-là comme étant d'actualité, de répondre aussi de la même manière. Je pense que le Conseil du patronat donne en quelque sorte raison au Barreau lorsque le Barreau dit que c'est un roman-feuilleton, l'évolution du projet de loi n° 130, de l'avant-projet de loi d'application, le règlement de nomination, et on peut vous comprendre d'avoir manqué un épisode là-dedans. Mais je tiens à vous assurer que ce que le ministre a dit tantôt est tout à fait exact.

M. Dufour (Ghislain): Nous aussi, on était en vacances.

M. Mulcair: Comment?

M. Dufour (Ghislain): Nous aussi, on était en vacances.

M. Mulcair: Bien, pas nous. Vous voyez, nous, on a siégé depuis le mois d'août ici, la commission des institutions, presque toutes les semaines.

Je voulais vous demander si vous étiez au courant du fait, M. Dufour, que le 18 octobre se tiendrait à l'Université de Montréal un important colloque sur le projet de loi n° 130 et, si oui, si vous aviez à l'idée peut-être d'y participer.

M. Dufour (Ghislain): Organisé par qui?

M. Mulcair: C'est organisé par le Barreau du Québec. Il y aura...

M. Borduas (Robert): Le Barreau.

M. Dufour (Ghislain): Oui. Robert... Les avocats sont au courant.

M. Mulcair: Ils sont au courant de celui-là. Peut-être qu'ils peuvent nous dire s'ils ont...

Des voix: Ha, ha, ha! Oh!

M. Mulcair: ...l'intention de participer, et, si oui, ce serait... Bien, en tout cas, si vous n'avez pas encore fait votre idée là-dessus, ça risque d'être intéressant parce que, effectivement, ces questions-là, soulevées dans l'éditorial du Barreau dont vous parlez, vont être soulevées sans aucun doute.

Vous mentionniez ici, et c'était très intéressant, la lettre adressée à M. Shedleur par le professeur Ouellette. J'ai trouvé ça fort intéressant et j'ai beaucoup apprécié votre recherche là-dessus, le fait que vous ayez porté ce détail important à notre intention. Mais je pense que ça pourrait être très instructif pour tout le monde que vous apportiez votre éclairage à ce colloque du 18, parce que nous allons être là pour nous renseigner le plus possible sur les fondements de certaines objections qui continuent à être formulées à l'égard d'un projet de loi que nous continuons à appuyer dans ses grandes lignes.

M. Dufour (Ghislain): Que le Parti libéral continue...

M. Mulcair: D'appuyer dans ses grandes lignes...

M. Dufour (Ghislain): Bon. On en...

M. Mulcair: ...le projet de loi n° 130.

M. Dufour (Ghislain): Je pense que c'est ce que j'ai voulu préciser: on n'est pas le seul groupe à appuyer la loi n° 130; je sais que l'opposition appuie le projet de loi n° 130 dans ses grands principes. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de modifications à apporter; ça, on est d'accord avec vous. Mais c'est parce que, nous, on est en contact constant avec des membres du Barreau, comme vous pouvez bien l'imaginer, et certains jouent ce désaccord actuel. Mais, nous, on ne changera pas d'idée. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas bien négocié, peut-être, certains tarifs qu'on va se chicaner sur la loi n° 130. Je veux dire, on n'est pas dans ce débat-là, nous autres, là.

M. Mulcair: M. Dufour, je vais me permettre d'intervenir à cet égard. Je ne partage pas du tout, mais alors pas du tout votre analyse, sauf tout le respect que je vous dois. C'est vraiment imputer des motifs à un ordre professionnel qui est là pour assurer la protection du public que de faire ce lien-là.

Si vous avez effectivement lu l'éditorial du Barreau de cette semaine, vous constatez qu'il soulève ça dans les termes exacts qui ont déjà été employés par le Barreau en formulant sa critique à l'égard du projet de loi n° 130. Alors, de la même manière que je viens de vous dire que l'opposition officielle maintient sa position favorable au projet de loi n° 130 parce que, effectivement, dans ses grands principes, il mérite d'être appuyé, autant nous demeurons persuadés qu'il y a certains aspects qui méritent une réflexion particulière et une attention particulière. Et je trouve ça, à mon sens, vraiment regrettable de vous entendre imputer des motifs comme ça au Barreau du Québec. Il n'y a rien dans le dossier public et rien dans mes discussions privées avec le Barreau qui me permette d'arriver à la même conclusion à laquelle vous arrivez là. Et je dois vous dire que, pour avoir déjà présidé l'Office des professions pendant six ans, j'étais très surpris de vous entendre dire ça parce que la protection du public est vraiment la première chose.

M. Dufour (Ghislain): M. le Président, on n'en discutera pas longtemps. Autant je reconnais que M. Mulcair a droit à ses opinions, autant j'ai droit aux miennes. On peut faire des analyses très différentes. Nous aussi, on est en contact avec des gens du Barreau. Et donnez-moi deux motifs qui seraient autres? Quand on parle de Cour d'appel, quand on parle des nominations des commissaires après cinq ans, c'était déjà dans le projet de loi, ça. Qu'est-ce qui s'est passé depuis le mois de juin pour que le Barreau retire son accord avec le projet de loi?

M. Mulcair: Bien, à mon sens, M. Dufour, c'est relativement simple à comprendre. Le Barreau du Québec avait formulé ses objections à l'égard de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, à l'égard d'un manque d'appel à la Cour du Québec. Dans la plupart des cas, c'est ça qui est exprimé par le Barreau, et également concernant les problèmes de nomination et de reconduction et les problèmes que cela risque de poser en matière d'indépendance et d'autonomie.

Alors, c'est une chose de les avoir toujours soulevées, maintenant que le projet de loi avance sans que ces trois conditions-là aient été rencontrées, c'est, à mon sens, assez conséquent avec leur propre position que de retirer leur appui si ces trois questions-là ne sont pas adressées dans un sens qui les satisfait. Mais, de là à imputer des motifs et à faire un lien avec une négociation du tarif d'aide juridique, il y a un saut que... À moins que vous ayez des preuves pour étayer votre position, je me trouve assez surpris de vous entendre, quelqu'un de votre expérience, faire une affirmation du genre.

M. Dufour (Ghislain): Je ne fais pas d'affirmation, M. le Président. J'ai tout simplement dit qu'il y avait probablement certains motifs, dont celui-là. Parce que celui sur la Cour d'appel, celui sur la nomination des commissaires, ça ne peut pas être un motif. Ils ont déjà dit oui au projet de loi n° 130, alors que la possibilité d'appel à la Cour d'appel n'y était pas, puis la nomination des commissaires, on savait déjà la procédure. Qu'est-ce qui s'est passé depuis? Je suis un observateur de l'extérieur, et, nous, compte tenu de ce qui s'est passé, on continue de dire oui au projet de loi n° 130. C'est rien que ça. Il ne faut pas en faire un plat, là.

M. Mulcair: Bien, je n'en fais pas un plat, M. Dufour, mais je me sentirais irresponsable...

M. Dufour (Ghislain): Est-ce que vous auriez d'autres questions à nous poser?

M. Mulcair: Non, M. Dufour. Vous n'allez pas me dire quelle question je vais vous poser, avec respect.

M. Dufour (Ghislain): Non, mais je suis libre d'y répondre.

M. Mulcair: Oui, effectivement. Mais, je prends très mal le fait que vous tentez de me dire que ça suffit, que j'ai assez parlé de ça. C'est vous qui avez soulevé la question, et, comme parlementaire responsable, je suis absolument dans mes droits de vous demander si vous avez des preuves pour étayer ou pour soutenir votre position.

M. Dufour (Ghislain): Non, je n'ai pas de preuves.

M. Mulcair: Donc, c'était, comme j'ai dit, une affirmation qui était sans fondement. Merci beaucoup.

M. Dufour (Ghislain): C'est une opinion, et, même si je ne suis pas un parlementaire, j'ai droit à mes opinions.

M. Mulcair: Oui, vous avez droit à vos opinions. Mais vous n'avez pas le droit de tenter de stopper un membre de ce gouvernement et de cette commission de continuer à poser des questions, malgré votre position importante.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Oui. Merci, M. le Président. Si on parlait tantôt de roman-feuilleton, je vais me permettre de nous projeter en avant parce que, lorsqu'on parle du rapport Durand, j'ai l'impression que le roman ne se terminera pas avec l'adoption éventuelle, si tant est qu'elle arrive, du projet de loi et de la loi d'application.

Il y a des épisodes qu'on peut manquer, mais il y en a toujours à venir. Et j'ai compris du ministre tantôt que le fait d'avoir mis à l'écart l'éventuelle commission paritaire des lésions professionnelles, c'est-à-dire, d'abord, de ne pas l'avoir incluse dans le tribunal, la suite des événements pour l'implantation du rapport Durand – si j'ai compris ce qu'il a dit – ne relevait pas de lui et ne relevait pas de la Justice. Je ne suis pas convaincu que l'ensemble des gens qui forment son ministère sont au courant de cette prise de position. Je suis surpris, en tout cas, de comprendre que ce serait à une autre commission qu'on va discuter de ça et que la Justice n'aura rien à voir dans l'éventuelle commission paritaire des lésions professionnelles. En tout cas, pour moi, c'est une nouveauté.

(11 h 40)

Ce qui m'amène à vous poser la question – puisque je suis bien convaincu que, depuis que le rapport Durand existe, le processus qui est enclenché par les gens de la CSST, du conseil d'administration, était de parler autant à la Justice qu'au ministère du Travail et antérieurement au ministre de l'Emploi – j'aimerais savoir où en est rendu le dossier du rapport Durand, l'implantation du rapport Durand. Et donc, face au ministère du Travail – parce que, là, je comprends que la Justice n'est pas concernée par ça dans le gouvernement, alors vous avez donc sûrement des rencontres avec le ministre du Travail – comment voit-il l'avenir de cette commission paritaire des lésions professionnelles?

M. Dufour (Ghislain): Ce que j'en sais à ce moment-ci, c'est que la CSST en est au niveau du Comité de législation en train de préparer ce projet de loi là. Il fallait d'abord la décision prise par le ministre de la Justice au mois de juin, et il y avait déjà un projet sur la table.

Ce que j'en sais du président de la CSST à qui on pose la question tous les mois à l'occasion du C.A., c'est que, maintenant que cette orientation-là est prise, il chemine avec le Comité de législation. Comme c'est un projet qui est souhaité pour le plus tôt possible parce qu'il y a des coûts énormes, hein, dans le bureau de révision puis la CALP, là – si on peut enlever une instance, financièrement, si je m'en rappelle bien, c'est 25 000 000 $ qu'on sauve, quelque chose comme ça – il semblerait, mais ce n'est pas moi qui vais faire la programmation législative de l'automne, que, si c'est clairement identifié vis-à-vis de 130 et 131 que ce n'est plus ici, il pourrait y avoir un avant-projet de loi à l'automne. C'est ce que, nous, on sait.

M. Fournier: Bien, en ce moment, de toute façon, ce que vous savez, c'est que c'est dans un processus de rédaction d'un projet de loi. M. Shedleur est directement impliqué dans le processus, et donc vous avez une ouverture au ministère du Travail d'aller de l'avant avec la réforme qui était proposée par le rapport Durand.

M. Dufour (Ghislain): C'est exact, sauf qu'il y a peut-être un petit point, M. Fournier, que je veux mentionner. C'est que la CSST, jamais, jamais ne nous donne des avant-projets de loi ou des articles de projets de loi, etc., parce qu'ils nous servent toujours le même argument: c'est le législateur qui a le droit de prendre connaissance le premier de ces documents-là. Alors, on n'en voit jamais la couleur. Puis, on en a un autre qui est très important, celui sur la tarification, là, la phase II de la tarif, qui devrait venir à l'automne aussi, dont on n'a jamais vu un paragraphe.

M. Fournier: Mais, sans avoir vu de paragraphes, vous savez donc qu'il y a une intention d'aller de l'avant.

M. Dufour (Ghislain): Oui, oui.

M. Fournier: Et vous comprenez, j'imagine, comme moi maintenant que ce sera sous l'entière responsabilité du ministère du Travail et plus du ministère de la Justice.

M. Dufour (Ghislain): J'ai compris la même chose suite à la question que j'ai posée au ministre.

M. Fournier: On verra si la suite des événements lui donne raison.

Le Président (M. Paquin): Alors, M. le ministre.

M. Bégin: Je voulais juste rappeler, dans l'échange tout à l'heure qui a eu lieu, que peut-être que le représentant, le député de Chomedey devrait lire Le Soleil de ce matin ou aurait dû écouter les nouvelles hier concernant les actions qui ont été posées par le Barreau relativement à ses tarifs, et il pourrait peut-être comprendre les remarques que vient de faire M. Dufour.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président. J'ai eu l'occasion de remarquer ce qui est écrit dans le journal. J'ai aussi été en mesure de constater que le Barreau du Québec et la Chambre des notaires sont les deux seuls ordres professionnels qui ont fait l'objet d'une intervention du genre de la part de l'Office des professions du Québec depuis que l'actuel ministre de la Justice est responsable de l'Office des professions du Québec.

Et je crois que, avant toute chose, ça démontre à quel point le gouvernement a toujours eu raison de faire en sorte que l'Office des professions du Québec relève du ministre responsable de l'Enseignement supérieur et non pas d'un ministre sectoriel, parce que le ministre de la Justice se trouve, en quelque sorte, dans la même position de conflit d'intérêts que le serait un ministre de la Santé et des Services sociaux qui serait responsable de l'application des lois professionnelles parce que ça l'opposerait fatalement aux infirmières, aux médecins, etc., et aux autres personnes qui sont ses employés à l'intérieur du ministère de la Santé et des Services sociaux et de ses organismes et institutions.

De la même manière, M. le Président, c'est assez étonnant de constater que, sur 43 ordres professionnels, les deux seuls qui ont reçu l'opprobre de l'Office des professions depuis que le ministre de la Justice, pour la première fois de l'histoire, est le ministre responsable de lois professionnelles, c'est les deux professions juridiques. C'est assez étonnant ça. Ce n'est pas du hasard, M. le Président. Et ça démontre à quel point il est dangereux de laisser cette situation telle qu'elle est parce que ça laisse planer un doute raisonnable sur l'objectivité et l'indépendance, l'autonomie de l'Office des professions, puisque c'est notre sujet, justement, c'est l'autonomie des gens qui sont des décideurs dans ces organismes-là. Je trouve que c'est une bonne chose que le ministre ait soulevé ça, parce qu'il a l'air très content de son appui en une page et quart. Ça, c'est l'analyse, l'alpha et l'oméga de l'analyse de l'Office des professions du Québec, c'est une petite lettre d'une page et quart adressée au ministre, que le ministre savait très bien qui s'en venait parce que le terme même de la lettre dit: On est en communication avec le ministre là-dessus.

Alors, c'est sûr que le ministre peut se réjouir du fait qu'il a réussi, en quelque sorte, à se monter sur ses grands chevaux et dire: Voyez, c'est des méchants corporatistes. Et pourtant, si on a suivi tout le dossier de l'aide juridique, comme dans d'autres dossiers, on peut s'apercevoir que c'est effectivement dangereux d'imputer des motifs, parce qu'on se rend compte que, dans le dossier qui nous occupe, le Barreau tient le même discours depuis le début, a les mêmes objections. Ne les voyant pas dans le projet de loi, il dit: On ne peut pas l'appliquer, vous n'avez pas retenu ces trois éléments-là. Alors, le ministre semble être content que, dans le dossier de l'aide juridique, il puisse y faire référence par rapport à aujourd'hui. Moi, je vous dis, M. le Président, que c'est normal que l'on réagisse si on risque de poser des gestes qui vont compromettre l'intérêt du public, car un ordre professionnel existe effectivement pour assurer la protection du public et non pas pour faire la promotion des intérêts socioéconomiques de ses membres, contrairement à un syndicat. Ça, ça va jusque-là.

Mais de la même manière que le Conseil du patronat arrive devant cette commission des institutions pour faire valoir ses points de vue, le Barreau fait de même. Et ce que je trouve regrettable, c'est que la rhétorique vient de monter d'un cran et demi aujourd'hui parce que, de la même manière que le ministre l'a déjà dit la semaine dernière, le Conseil du patronat est arrivé, par son directeur général, aujourd'hui, et nous a fait part d'une analyse semblable. Et je demande toujours la même chose dans ces choses-là – peut-être que je ne m'appelle pas Thomas pour rien – je demande qu'on m'apporte des preuves, qu'on me prouve que c'est vrai, que c'est des vils intérêts corporatistes qui animent le Barreau là-dedans. Mais je n'ai pas cette preuve jusqu'à date, et, dans le monde dans lequel j'ai été formé, on présume que la personne est innocente jusqu'à preuve du contraire.

Le Président (M. Paquin): Oui, M. le ministre.

M. Bégin: Je veux dire au député de Chomedey que je ne suis pas content, je suis profondément troublé – c'est tout à fait différent – par ce qui se produit, que le président de l'Office des professions se sente obligé d'intervenir à l'égard du Barreau comme il l'a fait dans sa lettre. Et je pense que le président de l'Office des professions a un rôle majeur à jouer dans notre société, et il le joue, puis il ne joue pas sous la dictée de personne, pas plus du ministre de la Justice responsable de l'application des lois professionnelles qu'anciennement le président de l'Office recevait sa dictée du ministre de l'Éducation qui était responsable, du temps que le député de Chomedey était président de l'Office.

Et, par ailleurs, à ce que je sache, concernant les notaires, c'est uniquement le président de l'Office qui a joué un rôle. Le ministre, cependant, est toujours informé de ce qui se passe, de la manière que, effectivement, j'ai été informé par la lecture de la lettre du contenu de ce qu'il disait à l'ordre professionnel. Et vous savez très bien qu'il est tout à fait d'usage que le ministre responsable, de quelque ministère soit-il, mais qui est responsable de l'application des lois professionnelles, soit informé de ce qui se passe entre le président de l'Office et un ordre professionnel ou des membres d'ordre professionnel. Donc, je pense qu'on a raison d'être profondément troublé que l'on soit rendu là. Et, moi, j'aurais préféré qu'il n'existe pas de telles situations, M. le député, plutôt que de dire... comme vous m'imputez l'intention d'être heureux de ce qui se passe.

M. Mulcair: M. le Président, j'ai noté avec beaucoup d'intérêt la distinction que le ministre vient de faire entre la situation ayant prévalu lors de la rédaction du rapport concernant la Chambre des notaires et celle qui existe pour le Barreau. Il a lui-même fait une distinction importante disant que c'était juste le président de l'Office qui était impliqué...

M. Bégin: Dans ce cas-ci.

M. Mulcair: ...lorsqu'il s'agissait de la Chambre des notaires...

M. Bégin: Dans ce cas-ci aussi.

(11 h 50)

M. Mulcair: ...et que, dans ce cas-ci, c'est autre chose qui s'est passé. Et il a commencé à reculer...

Une voix: Non, non.

M. Mulcair: ...au fur et à mesure qu'il parlait et qu'il nous donnait son explication. Il est assez évident que le lien entre les propos du ministre et la lettre du président de l'Office, à notre point de vue, c'est cousu de fil blanc, c'est téléguidé. Et c'est vraiment ouvert à la discussion pour savoir comment il se fait que, sur 43 ordres professionnels... «it strains credulity, Mr. Chairman», de croire que, sur 43 ordres professionnels, les deux seuls qui ont fait l'objet de ce genre d'intervention de la part de l'Office des professions, depuis que le ministre de la Justice du Québec est responsable de l'Office, les deux seuls qui ont reçu ce genre de remontrances sont les ordres professionnels juridiques, à savoir la Chambre des notaires et le Barreau du Québec.

Le Président (M. Paquin): Alors, je pense que les propos que nous tenons actuellement sont pertinents, puisqu'ils se rapportent à l'objet. Cependant, il ne nous reste que quelques minutes pour profiter de l'expertise de nos invités. Alors, je vais leur permettre peut-être de compléter un peu d'information. M. Dufour.

M. Dufour (Ghislain): Oui, ce n'est pas une expertise. Moi, j'ai bien aimé l'intervention de Me Fournier qui nous a ramenés dans l'objet de notre débat. Moi, j'en fais beaucoup, de commissions parlementaires, M. le Président. Je suis déçu de celle-ci parce que j'ai l'impression que les opinions ne seraient pas acceptées par certains parlementaires. C'est malheureux, mais c'est comme ça que ça se passe dans la vie. Chacun doit souvent émettre des opinions.

M. Mulcair me demande sur quoi je m'appuie. Je m'appuie tout simplement sur un article du Soleil que vous avez vu. Mais surtout le Barreau est furieux de la décision toute récente du ministre de décréter les tarifs d'aide juridique et le titre, c'était: «Le Barreau retire son appui à la loi n° 130.» Alors, vous comme moi, on se forme des opinions à partir des médias, à partir des débats publics, et voilà pourquoi, moi, j'ai donné cette opinion. Et j'ose espérer que le débat entre le Barreau, l'opposition et le ministre de la Justice dans ce projet de loi là ne nous atteindra pas. On ne veut pas être là-dedans. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Il reste deux minutes du côté de l'opposition, cinq minutes du côté gouvernemental. Est-ce qu'il reste des questions?

M. Mulcair: Oui, merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Nonobstant la déception que vient d'exprimer le directeur général du Conseil du patronat, on tient à exprimer notre disponibilité constante si lui ou ses proches collaborateurs, notamment ses conseillers juridiques, désirent savoir l'état d'avancement des travaux avant qu'ils se présentent en commission parlementaire. Peut-être que ça éviterait une certaine difficulté comme celle qu'on a connue ce matin. Alors, on tient juste, en toute amitié, à exprimer à nouveau notre constante collaboration et disponibilité.

M. Dufour (Ghislain): Mais là-dessus, M. le Président, là-dessus, je dois dire que, si l'opposition était plus en contact avec nous, ça aiderait, mais ce que je veux dire, c'est que, quand il y a un avis dans la Gazette officielle pour un mémoire, on prend l'état des travaux, quand on bâtit notre mémoire, où il est. Alors, je veux dire, celle-là non plus je ne la prends pas. Je veux dire, il faut quand même que vous voyiez que, nous, on n'est pas des parlementaires. On répond à une demande qui est faite, un avis officiel du Secrétariat des commissions de présenter un mémoire sur l'état de la situation à ce moment-là. Alors, je regrette, ça se reproduira encore parce que c'est ça, la vraie vie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Du côté ministériel, quelqu'un d'autre?

Alors, ça complète nos travaux pour ce matin. Merci beaucoup à Mes Cliche et Borduas ainsi qu'à M. Dufour, et nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 11 h 54)

(Reprise à 15 h 5)

Le Président (M. Paquin): La commission des institutions reprend ses travaux visant à procéder à une consultation générale et à tenir des auditions publiques dans le cadre de l'avant-projet de loi intitulé Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative.

Cet après-midi, nous recevons deux groupes: le premier, l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec, avec Mme Anne-Marie Beaudoin, conseillère principale à la direction générale, qui est accompagnée d'autres personnes que je la prierais de présenter. Ah! c'est monsieur.


Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec (AIAPQ) et Association des courtiers d'assurances de la province de Québec (ACAPQ)

M. Savard (Denis): M. le Président, mon nom est Denis Savard. Je suis président du conseil d'administration de l'Association des intermédiaires en assurance de personnes.

M. le Président, M. le ministre, distingués membres de la commission, j'aimerais vous présenter... Oui?

Le Président (M. Paquin): Oui, c'est ça. Il y aurait les présentations. Après ça, je vous donnerai les règles du jeu.

M. Savard (Denis): Ah, bon, O.K. Je vais vous présenter immédiatement les personnes qui m'accompagnent: la directrice générale de l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec, Mme Maya Raic, qui est à ma gauche; ensuite, à mon extrême droite, vous avez Me Marie-Hélène Lajoie, qui est directrice de la protection du public à l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec; à ma droite, Me Anne-Marie Beaudoin, qui est conseillère principale à la direction générale de l'AIAPQ, et, à mon extrême gauche, Me Jacques Gauthier, qui agit comme procureur du Comité de surveillance et du public au sein de l'AIAPQ.

Le Président (M. Paquin): Merci beaucoup. Alors, vous allez d'abord disposer d'une vingtaine de minutes pour faire votre présentation. Par la suite, une quarantaine de minutes seront réparties entre les deux formations de manière à ce qu'on puisse poser des questions et vous permettre de compléter votre propos. Alors, la parole est à vous.

M. Savard (Denis): Merci. Nous vous remercions de l'opportunité qui nous est faite de vous présenter nos commentaires et de vous faire part de nos recommandations à l'égard de certaines dispositions de l'avant-projet de loi concernant la Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative.

Les associations que nous représentons, toutes deux ont été mandatées par le législateur, dans le cadre de la Loi sur les intermédiaires de marché, pour assurer la protection du public par le maintien de la discipline de leurs membres. Dans un premier temps, je vais laisser la parole à Mme Raic qui va vous présenter le rôle que joue l'ACAPQ, l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec.

Le Président (M. Paquin): Mme Raic.

Mme Raic (Maya): M. le Président, j'espère que tout le monde m'entend. Je pense que je vais m'approcher. Alors, je suis directrice générale de l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec. C'est une association professionnelle qui a plus de 80 ans d'existence. Depuis déjà 1963, le législateur nous a confié la protection du public au même titre qu'un ordre professionnel au Québec. Depuis maintenant 1989, nous sommes régis par la Loi sur les intermédiaires de marché. Nous encadrons nos professionnels courtiers d'assurances; nous définissons nos règles de déontologie. Alors, l'encadrement suppose aussi la surveillance et la discipline de nos membres. Nous émettons également les titres professionnels et nous faisons de la formation continue.

Nous avons 5 300 courtiers qui sont membres de notre Association. Évidemment, c'est une adhésion obligatoire comme tous les ordres professionnels au Québec.

C'est à peu près tout ce que j'ai à vous dire, je pense bien, parce que je ne voudrais pas répéter ce que je sais que mon collègue, Me Savard, va répéter ou va vous dire à propos de l'Association des intermédiaires en assurance de personnes qui, par ailleurs, est notre Association soeur.

(15 h 10)

M. Savard (Denis): Merci, Mme Raic. L'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec a été créée, elle, le 1er octobre 1989. Elle est une association à adhésion obligatoire qui regroupe près de 13 000 membres actifs au Québec, agents et courtiers en assurance de personnes. Elle est le prolongement juridique, cette Association, de l'Association provinciale des assureurs-vie du Québec qui, elle, avait été constituée en 1964 et qui avait été agréée alors par l'Inspecteur général des institutions financières, pour des fins de certification et de déontologie.

La mission de l'Association est de protéger le patrimoine financier du consommateur québécois par l'intermédiaire de conseillers professionnels accrédités, qualifiés pour lui offrir des services financiers intégrant l'assurance de personnes et répondant ainsi à l'ensemble de ses besoins.

Conformément aux responsabilités et aux prérogatives que lui a confiées le législateur, l'AIAPQ vise principalement deux objectifs. Le premier est la protection du public; deuxièmement, le dynamisme, l'efficacité et l'intégrité de ses membres et de la profession qu'ils exercent.

À l'instar des ordres professionnels, l'Association est chargée d'assurer la protection du public. Elle a donc mis sur pied, à cet effet, une structure de surveillance et de discipline, ainsi que d'inspection professionnelle, afin de veiller à l'application stricte des règles d'éthique qui régissent la profession. Elle est également autorisée à octroyer des titres professionnels et à voir à la formation continue de ses membres.

Je dois maintenant vous indiquer que nos commentaires sont inspirés d'une réflexion commune que nous avons faite avec l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec, dont la loi constitutive, la Loi sur le courtage immobilier, s'apparente grandement à la Loi sur les intermédiaires de marché qui régit nos deux associations. Les représentants de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec nous ont d'ailleurs exposé leurs commentaires hier matin.

Dans leur mémoire, nos associations, tout comme l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec, mettent en lumière l'existence de deux processus d'appel en droit professionnel et proposent au gouvernement d'harmoniser la procédure régissant l'appel des décisions rendues par les comités de discipline des associations avec celle énoncée au Code des professions.

J'aimerais maintenant demander à Me Beaudoin de vous exposer plus précisément le cadre juridique applicable aux activités disciplinaires de nos associations respectives, ainsi que nos recommandations conjointes à l'égard de l'avant-projet de loi d'application de la justice administrative. Me Beaudoin.

Le Président (M. Paquin): Me Beaudoin.

Mme Beaudoin (Anne-Marie): Merci. M. le Président, M. le ministre. L'entrée en vigueur de la Loi sur les intermédiaires de marché, en 1989, et de la Loi sur le courtage immobilier, en 1991, marquait l'établissement d'un système parallèle à celui du système professionnel en place. En effet, ces nouvelles législations donnaient à des associations professionnelles une vocation tout à fait semblable à celle des ordres professionnels, en leur accordant des pouvoirs comparables en matière de réglementation, d'inspection, de surveillance et de discipline. Pour ce faire, la Loi sur les intermédiaires de marché prévoit, à son chapitre VI intitulé Discipline des intermédiaires de marché en assurance, la constitution d'un comité de surveillance et d'un comité de discipline au sein de chacune des associations.

Le comité de surveillance s'est vu confier un rôle tout à fait semblable à celui d'un syndic. Il a pour mandat, suite à une demande ou à sa propre initiative, d'examiner la conduite des intermédiaires de marché en assurance, d'enquêter sur toute question se rapportant à leur discipline et, s'il y a lieu, de porter plainte devant le comité de discipline.

Quant au comité de discipline, son rôle est de disposer des plaintes disciplinaires et, s'il y a lieu, de sévir. Ce comité est composé d'un président, qui doit être un avocat nommé par le ministre des Finances, et de deux autres personnes qui sont des professionnels du même secteur d'activité. Non seulement son mandat et sa composition s'apparentent-ils aux autres comités de discipline au sein des ordres professionnels, mais l'article 159 de la Loi sur les intermédiaires de marché prévoit spécifiquement un renvoi aux dispositions du Code des professions relativement à l'introduction et à l'instruction des plaintes ainsi qu'aux décisions et sanctions rendues par un comité de discipline, compte tenu, bien sûr, des adaptations nécessaires.

Cette référence et l'économie générale de la loi et des instances disciplinaires qu'elle y prévoit consacrent donc, pour nous, l'existence d'un système parallèle en droit professionnel québécois. Cependant, l'appel des décisions du comité de discipline n'est pas prévu au Tribunal des professions, mais plutôt à la Cour du Québec, conformément à l'article 366 de la Loi sur les assurances. En fait, ce renvoi constitue un vestige du précédent encadrement juridique des agents et courtiers d'assurances, qui était prévu dans la Loi même sur les assurances. Ce renvoi législatif soulève plusieurs difficultés d'application parce qu'il n'a pas été prévu pour les fins d'un appel d'une décision d'un comité de discipline. Même si la référence à cette procédure d'appel prévoit la possibilité d'y apporter les adaptations nécessaires, les dispositions actuelles sont susceptibles de créer de la confusion.

En effet, la procédure d'appel édictée par les articles 366 et suivants de la Loi sur les assurances visait, à l'origine, les décisions prises par l'Inspecteur général des institutions financières en matière de délivrance ou d'annulation de permis à des agents ou à des assureurs. Cette procédure d'appel d'une décision administrative n'est aucunement adaptée aux particularités du droit disciplinaire, tel que prévu en droit professionnel québécois.

Les associations craignent que le maintien de systèmes parallèles n'établisse une disparité dans l'application des règles propres au droit disciplinaire, puisqu'il existe deux instances différentes pour entendre l'appel des décisions des comités de discipline, soit le Tribunal des professions et la Cour du Québec. Le manque d'uniformité, d'homogénéité en matière d'appel des décisions disciplinaires risque d'affecter négativement la crédibilité des deux systèmes.

Or, le législateur propose, à l'article 273 de l'avant-projet de loi, de maintenir cette disparité en introduisant spécifiquement ces dispositions inappropriées dans la Loi sur les intermédiaires de marché. Pire encore, la situation est aggravée, puisqu'il reproduit les dispositions de la Loi sur les assurances sans y intégrer au préalable les adaptations nécessaires. En effet, lorsque le législateur cesse de rédiger par référence, il doit, par le fait même, intégrer les adaptations nécessaires au préalable pour assurer aux justiciables que les nouvelles dispositions soient cohérentes dans le nouveau contexte où elles sont importées. Dans le cas de l'avant-projet de loi, cette adaptation aux spécificités d'une décision disciplinaire n'a pas été effectuée.

Plutôt que de créer une nouvelle procédure d'appel, nous suggérons au législateur de suivre l'une des recommandations du rapport Garant, préparé en octobre 1994, qui proposait que les appels des décisions prises par les organismes prenant des décisions juridictionnelles de première instance en matière de déontologie et de discipline soient regroupés pour être entendus par le Tribunal des professions, dont la désignation pourrait même être modifiée. Les associations recommandent donc que l'appel des décisions disciplinaires de leurs comités devrait être entendu par le Tribunal des professions, qui possède déjà une expertise propre au droit disciplinaire.

Le Tribunal des professions est une division de la Cour du Québec qui siège par banc de trois juges qui sont spécialisés non seulement en droit disciplinaire, mais également en droit administratif. Pour cette raison, ils sont familiers avec la révision judiciaire des décisions d'un comité de discipline. Il nous semble naturel de leur confier l'appel des décisions des comités de discipline des associations.

Par ailleurs, la Loi sur les intermédiaires de marché de même que la Loi sur le courtage immobilier font déjà référence au Code des professions en ce qui concerne le processus disciplinaire de première instance. Dans cette foulée, il serait logique et opportun que le législateur envisage d'intégrer à la loi, plus précisément à l'article 160 que l'avant-projet de loi se propose de modifier, un renvoi au Code des professions concernant le droit d'appel.

À défaut d'élargir la juridiction du Tribunal des professions, le législateur pourrait maintenir un appel à la Cour du Québec mais se référer, pour la conduite et la procédure, aux autres dispositions du Code des professions relatives au droit d'appel. De cette façon, le législateur éviterait de créer une nouvelle procédure d'appel spécifique dans la Loi sur les intermédiaires de marché.

Dans l'éventualité où le gouvernement opterait pour le maintien de deux processus en droit professionnel, il nous apparaît impératif que la procédure d'appel qui est proposée dans l'avant-projet de loi soit modifiée et adaptée aux appels de décisions disciplinaires et de clarifier les cinq éléments suivants: premièrement, qu'il s'agit bien d'un appel sur dossier et non d'un procès de novo; deuxièmement, qu'il y a appel de plein droit selon les conditions d'ouverture prévues à l'article 164 du Code des professions; troisièmement, que l'appel suspend l'exécution de la décision de première instance; quatrièmement, que l'instance en appel puisse, s'il y a lieu, modifier la décision de première instance pour rendre la décision qui aurait dû, à son jugement, être prise; et, cinquièmement, que cette juridiction d'appel ne soit pas soumise au pouvoir de surveillance de la Cour du Québec, sauf à l'égard d'une question de compétence, tout comme l'est le Tribunal des professions.

(15 h 20)

Enfin, les associations proposent au gouvernement d'inclure un droit d'en appeler, devant le Tribunal administratif du Québec, d'une décision rendue par l'Inspecteur général des institutions financières, dans le cadre de son pouvoir de surveillance à l'égard des associations elles-mêmes.

En terminant, nous vous remercions du temps accordé pour exprimer nos commentaires à l'occasion du dépôt de cet avant-projet de loi.


Documents déposés

Le Président (M. Paquin): Alors, merci bien. Avant de passer à la période de questions, je voudrais recevoir le dépôt de documents: d'abord un document intitulé «On ne joue pas avec la vie!» de l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec; par la même Association, un deuxième document, «Demande d'enquête sur le remplacement»; par la CEQ, un document qui a la cote 19M et qui est un mémoire sur l'avant-projet de loi; quatrièmement, une lettre du 24 septembre 1996 adressée au secrétaire de la commission par la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec; et, enfin, cinquièmement, une lettre adressée par la Fédération des commissions scolaires du Québec au secrétaire de cette commission. Alors, du côté ministériel, M. le ministre.

M. Bégin: Oui. Alors, merci infiniment pour votre présentation. On a un sentiment de déjà vu, puisque, hier, des collègues avec qui vous avez dit, d'ailleurs, avoir travaillé pour la préparation de votre mémoire étaient présents – et je vois derrière vous quelqu'un qui est, je crois, directeur général – et ont témoigné dans le sens que vous l'avez fait. Donc, ça ne servirait à rien de reprendre toute la problématique.

Je disais à vos collègues hier que, oui, je pense qu'il était correct de transférer de la Cour du Québec à la Cour du Québec, mais au Tribunal des professions, les questions disciplinaires. Également, les cinq conditions d'appel que vous avez énoncées m'apparaissaient, de façon générale, très correctes et, en conséquence, j'acceptais. Et mon collègue, je ne veux pas parler pour lui, mais il était entièrement d'accord avec l'approche que nous avions, qu'il ne sert à rien de vouloir créer une jurisprudence nouvelle, alors qu'il y en a déjà une et qu'elle est bien faite. De façon générale, les gens en sont satisfaits. Donc, je vais tout de suite me dire d'accord avec ce que vous avez mentionné.

Reste un dernier point que vous avez soulevé en fin de votre mémoire, qui n'a pas été discuté hier, c'est l'appel d'une décision de l'Inspecteur général des institutions financières au Tribunal administratif du Québec. J'aimerais que vous précisiez un peu dans quel contexte vous situez cette demande-là, parce qu'elle est nouvelle, d'abord. Et, deuxièmement, je voudrais voir quelle est la logique qui vous amène à demander un tel appel.

Mme Beaudoin (Anne-Marie): C'est parce que...

M. Bégin: Est-ce qu'elle repose – excusez – sur des situations vécues ou que vous anticipez?

Mme Beaudoin (Anne-Marie): Ce sont, je dirais, des situations théoriques pour le moment et nous espérons qu'elles le demeurent. Je vous explique rapidement le système prévu par la Loi sur les intermédiaires de marché. C'est que les associations qui ont été créées et les différents organismes sont sous la supervision générale de l'Inspecteur général des institutions financières, qui a, à cet égard, un pouvoir semblable à celui de l'Office des professions. Et c'est un pouvoir qui apparaît, par ailleurs, plus étendu, un pouvoir d'ordonnance que peut rendre l'Inspecteur général si jamais l'un des organismes dévie de sa mission ou pose des gestes qui seraient contraires aux dispositions de la loi.

Dans ce contexte-là, donc, l'Inspecteur général peut, selon une certaine procédure, ordonner aux associations de mettre fin à certaines actions qui seraient contraires à la loi. Et, dans ce contexte-là, la Loi sur la justice administrative ou l'avant-projet de loi sur la loi d'application – je ne me souviens plus – modifie la Loi sur les intermédiaires de marché de façon à ce que, au lieu que l'Association doive s'expliquer devant l'Inspecteur général, qu'elle doive le faire en personne, maintenant c'est uniquement un échange de correspondances qui se fait.

Et, bien sûr, comme, selon les principes de justice naturelle, on ne peut pas réviser ses propres décisions, nous croyons que ce serait au Tribunal administratif du Québec d'entendre l'appel des organismes ou des associations qui ne seraient pas satisfaites ou qui ne seraient pas heureuses d'avoir reçu une ordonnance de l'Inspecteur général. Mais je peux vous confirmer que ça n'a jamais été le cas dans les sept dernières années de l'Association des intermédiaires et non plus pour l'Association des courtiers d'assurances.

M. Bégin: Bien, c'est intéressant, la question que vous soulevez, parce que vous faites le parallélisme avec le président ou la présidente de l'Office des professions qui n'a pas d'appel au-dessus de lui ou de l'organisme – à moins que je ne me trompe, mais je ne crois pas – en aucune circonstance. Et là, tout à coup, du côté de l'Inspecteur général, vous voulez qu'il y ait cette mécanique-là. Le parallélisme dont on parlait tantôt serait rompu, là...

Mme Beaudoin (Anne-Marie): Oui.

M. Bégin: ...en faveur d'une nouvelle disposition qui ne reposerait pas sur un besoin exprimé de manière concrète.

Mme Beaudoin (Anne-Marie): La différence, je la situerais au niveau du fait que l'Office des professions, son président lui-même ne peut pas, je pense, rendre d'ordonnance comme telle. Il doit se référer au ministre pour le faire et il conseille le ministre en ce sens, tandis que l'Inspecteur général est lui-même investi de ce pouvoir-là. Et, dans la mesure où on ne peut pas réviser sa propre décision et dans la mesure où la loi d'application mentionne que désormais il n'y a plus ce processus d'échange, de similiaudition que la Loi sur les intermédiaires de marché prévoyait, bien, on dit: Si, maintenant, c'est juste un échange de correspondance, on aimerait avoir...

M. Bégin: Est-ce que le texte va aussi loin que ça, exclut les rencontres?

Mme Beaudoin (Anne-Marie): Oui. Bien, enfin, on parle d'échange de correspondance plutôt que de rencontres. Je peux vérifier...

M. Bégin: J'apprécierais, parce que ma compréhension était que c'était encore possible de fonctionner de la même façon qu'antérieurement.

Mme Beaudoin (Anne-Marie): Me Gauthier va aller en complément.

M. Gauthier (Jacques): La terminologie a changé, si vous me permettez.

M. Bégin: Oui. Ça, c'est vrai.

M. Gauthier (Jacques): On parlait initialement d'audition...

M. Bégin: Ah!

M. Gauthier (Jacques): ...ou de droit d'être entendu pour ensuite changer la terminologie pour le droit de communiquer son point de vue. Alors, ça n'exclut pas les rencontres. Ce que ça fait, c'est que, si l'Inspecteur décidait d'un processus plus limité où une rencontre n'est pas appropriée selon lui, bien, il n'y en aurait pas, et il pourrait dire: Bien, j'ai quand même respecté la loi quant au droit de faire connaître votre point de vue. Et c'est pour ça qu'on dit: Avec des paramètres ou une obligation d'entendre les parties aussi limités, donnez au moins un droit d'appel, et l'endroit approprié serait le Tribunal administratif.

M. Bégin: Ce que vous dites, c'est qu'avant on agissait, pour utiliser l'ancienne expression, de façon quasi judiciaire. On a voulu que maintenant il agisse de façon équitable. Actuellement, les règles prévues aux articles 2 à 7, ce n'est pas tout à fait les mêmes règles, mais c'est quand même des règles qui sont différentes de simplement un échange de correspondance.

M. Gauthier (Jacques): Oui, puis on pense qu'à ce moment-là, s'il n'y a pas de droit d'appel, non pas que l'Inspecteur général se trompera dans tous les cas, là, mais on se dit...

M. Bégin: Ha, ha, ha!

M. Gauthier (Jacques): C'est quand même sérieux, là. Lorsqu'on parle de l'exercice d'un pouvoir de surveillance, c'est dans un contexte où on voudra comme association, comme quasi ordre professionnel vraiment avoir l'opportunité complète de faire la démonstration que la décision de l'Inspecteur n'était peut-être pas justifiée. Et, à ce moment-là, on pense que le droit d'appel est absolument nécessaire. Maintenant, c'est théorique, bien sûr.

M. Bégin: O.K. Donc, actuellement, il n'y a pas d'appel. Par contre, on... C'est quoi, l'expression utilisée? Vous dites: doit entendre...

M. Gauthier (Jacques): Il y a un droit d'être entendu, là.

M. Bégin: D'être entendu. Bon. Mais vous n'avez pas eu connaissance qu'en aucun temps il y a eu un recours en évocation qui a été pris suite à une décision qui aurait pu être prise?

M. Gauthier (Jacques): Non, parce qu'il n'y a jamais eu de décision prise par l'Inspecteur général; il n'y a jamais eu de situation où il a cru que les associations devaient faire l'objet de son pouvoir de surveillance et d'ordonnance.

M. Bégin: Mais il n'y a pas déjà eu une vieille cause concernant la faillite d'une compagnie ici, à Québec, qui était sous la surveillance de l'Inspecteur général des institutions financières? C'est curieux, mais ça... Il y avait une compagnie qui avait une charte depuis 1800, une des plus vieilles chartes au Québec.

Mme Beaudoin (Anne-Marie): C'était peut-être en vertu de la Loi sur les assurances mais non en vertu de la Loi sur les intermédiaires de marché. Enfin...

M. Bégin: C'était une compagnie, effectivement, qui faisait l'assurance de la caution et c'était une très vieille charte. C'était une compagnie qui était ici, à Québec.

M. Gauthier (Jacques): Ce n'est pas La Souveraine?

M. Bégin: Ça va me revenir. C'est un ancien dossier de mon bureau, c'est pour ça que je m'en rappelle. Ça me revient, là. Mais il me semble qu'il y avait eu justement un litige avec l'Inspecteur général des institutions financières.

M. Gauthier (Jacques): Peut-être entre la compagnie et l'Inspecteur général, mais ce sont, à ce moment-là, en vertu de pouvoirs qui lui sont dévolus aux termes de la Loi sur les assurances et non de la...

M. Bégin: C'est possible. O.K. En tout cas, je comprends mieux la problématique que vous soulevez. Je n'ai pas fait le tour spécialement là-dessus. J'aimerais bien voir ce que l'Inspecteur général ou la ministre responsable auraient à dire, mais je vais certainement regarder le point de vue que vous soulevez pour voir s'il n'y aurait pas lieu d'ouvrir un appel devant le Tribunal administratif du Québec. Merci.

Le Président (M. Paquin): Est-ce qu'un autre député du côté ministériel a des questions à ce moment-ci? Alors, du côté de l'opposition, M. le critique et député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Me Savard, Me Lajoie, Me Gauthier, Me Beaudoin, Mme Raic, bienvenue et merci pour votre présentation ici, cet après-midi. Le ministre a tout à fait raison lorsqu'il dit que, d'une manière générale, sur ces questions-là, on est sur la même longueur d'onde et il a aussi raison de rappeler qu'on a eu l'occasion récemment d'entendre vos vis-à-vis dans le domaine immobilier faire une présentation qui soulevait bon nombre des mêmes points.

(15 h 30)

C'est intéressant parce qu'il a soulevé aussi la question que j'allais soulever: essayer de saisir et de comprendre votre troisième suggestion, à la page 15 de votre mémoire, et vous l'avez bien expliquée, bien que j'ajouterais une chose, que, pour moi, le TAQ, et surtout là, même si on parle parfois d'une entreprise ou d'un détenteur de permis d'une manière générale, une association comme celle-là devant le Tribunal administratif du Québec, à mon sens, ça risque de causer un problème d'approche, parce que, si on parle souvent des relations entre l'individu, le citoyen et l'État, ça vient un peu dénaturer. Mais ça n'enlève pas votre problème.

Je dois aussi vous dire, comme j'ai eu l'occasion de le dire à vos collègues, vos vis-à-vis du domaine de l'immobilier – je crois que c'était hier – qu'à mon point de vue, si les intermédiaires de marché, et les courtiers d'assurances, etc., et les structures législatives qui les encadrent sont à ce point similaires à ce qu'on réglemente aux termes du Code des professions que l'on veuille même calquer le Code des professions, comme vous venez de le dire si bien, la logique veut qu'on les intègre aux termes du Code des professions. C'était ma position quand j'étais le président de l'Office des professions. C'est un fait public qui fait partie de la petite histoire de l'Office qu'à l'époque, avec M. Jean-Marie Bouchard, si ma mémoire est bonne, on n'était pas du tout sur la même longueur d'onde, à ce moment-là. Lui, il trouvait que c'étaient non seulement les institutions qui devraient relever de l'Inspecteur général, mais en même temps les professions qui travaillent là-dedans.

Notre crainte à l'Office à l'époque, c'était qu'on assistait à la création d'une sorte de monde de réglementation professionnelle parallèle. Et je pense que le meilleur exemple de ça surgit au moment de l'analyse du Tribunal administratif du Québec, parce que, même si on peut faire un renvoi même évolutif aux dispositions du Code, ça n'empêche pas qu'on va commencer, si on devait suivre cette logique-là, à développer deux tendances jurisprudentielles à deux sites différents, et ça risque de causer en soi des problèmes. Ce problème-là a été soulevé dès les premières audiences, même avant qu'on ait le projet de loi n° 130, par des profs d'université, par des gens qui étaient vraiment ferrés dans le domaine, qui ont dit: Ouf! faites attention. Puis parfois ce qui est une réaction de gens initiés, comme à l'Office à l'époque, devient réalité et facile à comprendre lorsqu'on essaie de donner un cadre concret, comme avec le projet de loi et son projet de loi d'application.

Alors, oui, on réitère notre appui à votre demande d'avoir un seul endroit où on va dire le droit en matière disciplinaire. Par ailleurs, moi, je dis: Pourquoi des demi-mesures? Si on veut régler les problèmes d'harmonisation, les problèmes de systèmes parallèles, le problème d'homogénéité, de manque d'uniformité que vous avez soulevés, il n'y a pas une meilleure manière de le faire qu'en intégrant ces professions-là, au sens très correct du terme, même si elles ne sont pas à l'intérieur du Code à l'heure actuelle, à l'intérieur du Code; c'est là où il y a l'expertise aussi pour le faire. Parce que, si on est en train de parler de l'expertise dans les tribunaux, on peut aussi parler d'une expertise d'une trentaine d'années en matière de réglementation professionnelle. Alors, c'est intéressant de peut-être finir, plutôt que de constamment avoir les problèmes qui vont surgir dans d'autres endroits... Je pense aux comités d'examen des plaintes qui ont été ajoutés pour les ordres professionnels à la suite des problèmes qu'on avait connus, notamment avec le Collège des médecins, qui fonctionnent bien mais qui n'existent pas chez vous parce que ça ne fait pas partie du renvoi. Et pourtant le jour où il va y avoir un problème dans le public, quelqu'un va dire: Comment ça se fait qu'ils ont arrangé ça avec le Code des professions puis qu'ils ne l'ont pas arrangé avec les autres qui sont censés être à ce point similaires?

Tout ça pour vous dire que je pense que le ministre a déjà fait preuve d'initiative et de courage lorsqu'il a intégré les huissiers au Code des professions, puis j'ai eu l'occasion de le dire en Chambre que les huissiers étaient mûrs pour intégrer le Code des professions, nonobstant certaines objections de ceux qui sont déjà en place. Il y a une résistance prévisible, saine et tout à fait normale par ceux qui sont là, de vouloir restreindre le nombre de membership dans le club, hein, ça, c'est tout à fait ça, le mot «professionnalisme» signale certaines choses. Mais je pense que le ministre a dit: Écoutez, la structure est là, ça se cadre bien avec ce que font les huissiers, je vais proposer une loi qui va les intégrer. Puis il a joui de notre appui et la loi a été adoptée très, très vite.

Je pense que c'est la même chose ici. Si on regarde bien le problème, on se rend compte que tout ce que vous soulevez en rapport avec le Tribunal administratif du Québec est réglé si on réfère au Code des professions, même le problème de savoir s'il y a appel ou pas d'une décision éventuelle de l'Inspecteur général, parce que la situation que vous venez de décrire à l'égard d'un ordre professionnel, puis le ministre, c'est ça qui va s'appliquer à vous autres aussi. Alors, tout ça pour vous dire qu'on est d'accord avec vous, que vous avez notre appui là-dedans et que le ministre peut compter sur notre aide et notre collaboration s'il décide d'aller dans ce sens-là après les consultations d'usage.

Mme Raic (Maya): Si vous me permettez, je voudrais juste...

Le Président (M. Paquin): Mme Raic.

Mme Raic (Maya): ...oui, vous dire que nous sommes parfaitement d'accord avec les propos que vous venez d'énoncer, et c'est une dynamique que nous présentons actuellement dans le cadre d'une autre commission parlementaire, celle du budget et de l'administration, qui touche la révision de la Loi sur les intermédiaires de marché. Et, pour l'ACAPQ, l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec, nous avons présenté un mémoire et une révision de la loi, article par article, qui fait que l'Association a tous les attributs d'un ordre professionnel, avec le comité de révision des plaintes, le syndic et toute la structure qui est prévue actuellement dans les ordres professionnels. Idéalement, je suis parfaitement d'accord avec vous, ce serait beaucoup plus simple si les intermédiaires de marché se constituaient en ordre professionnel.

Je vous inviterais, en ce sens, à faire les mêmes représentations, de part et d'autre de la Chambre, ailleurs. Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Non, mais juste pour compléter là-dessus, M. le Président, si vous me permettez.

Quand on était avec vos vis-à-vis dans le domaine immobilier, ils ont dit que, oui, ils en voyaient l'intérêt, mais ils étaient aussi très candides avec nous; ils ont dit que leur consultation interne n'était pas arrêtée là-dessus. Alors, ça, c'était aussi très clair. Ils étaient très corrects et ils ont dit... Moi, j'ai eu l'impression, et ce n'était pas plus, que les gens qui étaient là étaient plutôt favorables mais qu'il y avait, pour des motifs que j'ignore, certaines résistances à l'interne. Et quoi qu'il en soit, votre propos est très clair pour nous cet après-midi.

Je termine, M. le Président, en réitérant notre offre de collaboration.

Le Président (M. Paquin): Est-ce qu'un autre député...

M. Savard (Denis): Il n'y a pas plus de résistance du côté de l'Association des intermédiaires en assurance de personnes.

M. Bégin: Bien, je pense qu'on n'a pas voulu se prononcer parce qu'on n'avait pas le mandat de le dire hier, mais j'ai eu un sentiment semblable à celui du député de Chomedey, que les gens étaient favorables, mais il faudrait qu'ils le disent officiellement.

Une voix: Le bébé est mûr.

M. Mulcair: Oui, c'est ça.

M. Bégin: Merci beaucoup.

Le Président (M. Paquin): Est-ce que d'autres députés veulent poser des questions à ce moment?

M. Lefebvre: M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Oui, alors, M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le ministre, si vous permettez. Ha, ha, ha! L'absence de suspension de l'exécution de la décision s'il y a appel dont vous parlez dans votre mémoire à la page 9, vous faites référence évidemment à l'article 160.4 qui est introduit, là, par 273 et vous en traitez longuement, puisque ça couvre plus ou moins deux pages dans votre mémoire. Je ne sais pas si ces dispositions-là ont été discutées avec l'Association des courtiers hier, sinon j'aimerais, moi, que vous résumiez peut-être vos appréhensions, vos inquiétudes exprimées aux pages 9 et 10 de votre mémoire. Parce que c'est assez important, ça, l'exécution ou non en attendant l'appel d'une décision. L'exécution de la décision de première instance, si elle est suspendue ou si elle n'est pas suspendue, ça a des conséquences majeures, dépendamment de ce qui sera ultimement décidé par le ministre. Alors, je voudrais vous entendre là-dessus.

M. Savard (Denis): J'inviterais Me Gauthier à répondre.

M. Gauthier (Jacques): Oui. C'est un bel exemple de la confusion jurisprudentielle qui peut être créée, et chez les avocats aussi, lorsque, dans la législation, on fait de la législation par référence en référant à deux autres lois. Or, d'une part, la Loi sur les intermédiaires de marché dit: Tout ce qui régit l'instruction de la plainte, les décisions, les sanctions est régi par le Code des professions, et on dit: Par ailleurs, l'appel est régi par la Loi sur les assurances, le chapitre de l'appel de la Loi sur les assurances. Or, quand on regarde la section du Code qui inclut les décisions et sanctions, à l'heure actuelle, il y a une disposition du Code des professions qui dit: Pendant le délai d'appel, l'exécution de la décision est suspendue. Et, si on regarde le premier article du chapitre de l'appel de la Loi sur les assurances qui, lui aussi, est intégré par référence, eh bien, on dit: L'appel ne suspend pas l'exécution de la décision de première instance, ce qui, en théorie, nous place dans une situation où pendant le délai d'appel l'exécution est suspendue et une fois que l'appel est formé l'exécution peut avoir lieu. C'est un non-sens complet. On est allés devant la Cour d'appel du Québec...

M. Lefebvre: C'est plus que de la confusion, c'est de la contradiction.

M. Gauthier (Jacques): Complète. Et on est allés devant la Cour d'appel du Québec qui a bien sûr compris et rectifié le tir. Il reste une confusion assez grande. J'ai encore deux inscriptions en appel qui sont arrivées avec des demandes de sursis de la part d'avocats qui regardent les deux dispositions tout à fait divergentes de la loi, et qui ne connaissent pas nécessairement cette jurisprudence de la Cour d'appel, et qui se pensent obligés de faire une demande de sursis devant la Cour parce qu'ils pensent que leur client va être suspendu dès l'expiration du délai d'appel.

Alors, ce qu'on dit, c'est qu'il ne faut certainement pas importer cette divergence-là dans la nouvelle législation.

(15 h 40)

M. Lefebvre: Et 160.4, dans ce sens-là, n'est pas clair.

M. Gauthier (Jacques): Non.

M. Lefebvre: Vous suggérez au ministre d'être plus précis. C'est ce que vous dites à la page 10: «À défaut de suivre cette recommandation...» D'ailleurs, je remarque qu'à plusieurs reprises, dans votre mémoire, vous dites au ministre: «À défaut de suivre notre recommandation...» Vous semblez prendre pour acquis qu'il ne vous écoutera pas souvent...

M. Gauthier (Jacques): Non.

M. Lefebvre: ...parce que vous avez toujours une sous-recommandation.

M. Bégin: Ça, c'est ce que le député pense.

M. Lefebvre: Vous le connaissez. Vous le connaissez presque autant qu'on peut le connaître.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gauthier (Jacques): Vous savez, c'est parce que, quand on vient devant la commission parlementaire de la justice, on présume qu'il y a beaucoup d'avocats, alors on se sent...

M. Lefebvre: Ha, ha, ha!

M. Gauthier (Jacques): ...autorisés à faire des arguments subsidiaires.

M. Bégin: Un exemple parfait de taponnage.

M. Lefebvre: Oui, mais vous savez...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: ...Me Gauthier, vous avez déjà plaidé, quand vous dites au juge: Acquittez mon client, mais à défaut de l'acquitter ne le sentenciez pas trop fort...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: ...vous risquez de vous faire sentencier et d'être trouvé coupable.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Gauthier (Jacques): Mais ce n'est pas une admission de culpabilité.

M. Lefebvre: Non?

M. Gauthier (Jacques): Mais, par ailleurs, la solution la plus simple, de fait, c'est de faire appliquer le Code des professions du début à la fin du processus, et, comme ça, on règle tout problème et toute confusion.

M. Lefebvre: C'est ce que vous dites dans vos pages 9 et 10. Moi, je vous ai très bien compris, mon collègue de Chomedey également.

M. Bégin: Qui m'avait compris.

M. Lefebvre: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Merci.

M. Gauthier (Jacques): Merci beaucoup à tous les parlementaires.

Le Président (M. Paquin): Est-ce qu'un député de la formation gouvernementale a des questions à ce moment-ci? Alors, pas d'autres questions? Merci beaucoup, Mmes Beaudoin et Raic, ainsi que Mes Lajoie, Savard et Gauthier.

(Consultation)

Le Président (M. Paquin): Alors, nous allons maintenant entendre la Commission des services juridiques. Mme Lucie Dufresne, avocate, du Service de la recherche. Alors, si vous voulez prendre place. Alors, bonjour, Mme Dufresne.


Commission des services juridiques (CSJ)

Mme Dufresne (Lucie): Bonjour, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Alors, comme convenu entre nous, vous allez pouvoir faire votre exposé. À 16 heures, nous aurons la nécessité de suspendre pour un cinq minutes puis nous reviendrons avec une période de questions par la suite.

Mme Dufresne (Lucie): Parfait.

Le Président (M. Paquin): Alors, la parole est à vous.

Mme Dufresne (Lucie): Alors, en tout premier lieu, je vais excuser l'absence de Me Lorrain. Me Lorrain ne peut être présent avec nous. Vous savez sans doute que l'aide juridique vit des heures importantes, puisque demain, c'est la réforme qui prend place, et Me Lorrain devait rester pour mettre les derniers ajustements en place et préparer une conférence de presse afin d'annoncer la réforme qui, comme vous le savez, commence demain. Mon collègue aussi, Christian Baillargeon, qui avait été annoncé, a malheureusement été retenu à la cour. Alors, j'ai été désignée volontaire pour venir seule devant vous.

Comme vous le savez, l'aide juridique travaille pour les démunis, elle travaille pour la représentation devant des cours de justice de personnes qui sont défavorisées, et souvent nous sommes appelés à représenter ces personnes devant des tribunaux administratifs. C'est pourquoi, à plusieurs reprises, nous nous sommes présentés devant la commission, soit sur le rapport Garant, soit sur le projet de loi n° 130, pour mentionner notre position.

Notre mémoire est assez succinct mais comporte des éléments qui nous tiennent à coeur. Le premier, évidemment, c'est l'absence de certaines lois sociales dont, entre autres, la fameuse Loi sur la sécurité du revenu. Vous savez que la Loi sur la sécurité du revenu, pour les tribunaux administratifs, principalement la Commission des affaires sociales, c'est une loi qui amène énormément d'auditions de causes devant la Commission des affaires sociales, plus de 50 %. Et son absence dans l'avant-projet de loi nous a amenés à nous questionner si les modifications qui vont y être apportées vont être similaires à certaines lois.

Mais là où on a un problème, c'est qu'on a vu le travail énorme qui avait été fait au niveau de l'avant-projet de loi, travail qui a modifié des lois de façon à l'harmoniser avec le projet de loi n° 130 dans le vocabulaire, mais travail aussi qui a parfois changé des délais; entre autres, dans la Loi sur l'assurance automobile, on a modifié le délai de 60 à 45 jours, ou, dans certaines autres lois, on a même modifié ce qu'était une plainte et comment elle pouvait se dérouler, entre autres dans la Loi sur l'instruction publique. Alors, le questionnement que nous avons par rapport aux lois sociales, et plus particulièrement à la Loi sur la sécurité du revenu, est le suivant: Quelles vont être vraiment les modifications qui seront apportées à la sécurité du revenu? Est-ce que ça va être un aménagement? Est-ce qu'on va changer des termes pour enlever toutes les notions d'audition de parties, etc., pour ramener ça à présenter des observations ou est-ce qu'il va y avoir des modifications plus importantes? Dans le fond, ce qu'on voudrait vous dire, c'est que, nous, on est vraiment des spécialistes de ce que c'est la sécurité du revenu au niveau d'une loi, et d'une loi qui intervient auprès des démunis, et, lorsque les modifications seront connues, on aimerait être consultés au niveau de ces modifications de façon à nous rassurer par rapport à la représentation de nos clients, qui nous tient à coeur.

C'est sûr que, pour nous, à l'aide juridique, compte tenu de la modification apportée à la Loi sur l'aide juridique, on continue à maintenir notre droit de représenter nos clients dans des demandes de révision. C'est l'article 4.10 de la Loi sur l'aide juridique, qui va rentrer en vigueur demain, qui nous le permet. Alors, c'est pourquoi, nous, on maintient donc cet intérêt de connaître quels seront les bureaux de révision des lois sociales. De quelle façon ça va se faire? De quelle façon ça va se modifier?

On a eu des problèmes avec l'avant-projet de loi et on les a mentionnés dans notre rapport. C'est difficile, pour nous, de comprendre pourquoi il y a deux sortes de modifications. Il y a une modification qui s'harmonise avec le vocabulaire de la loi n° 130. On retrouve «présenter des observations», on enlève la notion de partie, on parle de demandeur, de personne visée, de personne concernée. On enlève tous les mots qui ont affaire à des greffes pour parler de siège social, etc. Donc, tout l'encadrement judiciaire est modifié pour être retiré de certaines lois. Avec ça – on l'avait déjà dit lors de notre présentation du projet de loi n° 130 – on n'a pas de difficulté; que les bureaux de révision cessent d'avoir une allure quasi judiciaire, ça ne nous pose pas de problème.

Mais là où on a des problèmes avec la façon dont l'avant-projet de loi est libellé, c'est que dans certaines lois – et je vous l'ai dit tout à l'heure, par exemple l'assurance automobile – on modifie des délais; dans d'autres, on modifie ce que c'est qu'une plainte. On trouve que c'est trop large pour une loi d'application. On trouve que, à ce moment-là, ça devient trop compliqué pour un citoyen ordinaire, les citoyens qu'on représente, de savoir où on en est rendus au niveau de la justice et des lois telles qu'elles sont rédigées. Si on modifie, par exemple, la Loi sur l'instruction publique, comme vous avez l'intention de la modifier dans l'avant-projet de loi, c'est une modification qui est beaucoup plus importante que celle qu'on peut s'attendre d'une loi d'application. Et ça nous inquiète, nous, une façon de faire qui finalement appelle plutôt les parties à regarder toutes les lois qui s'en viennent. Parce que tout peut, à ce moment-là, être modifié dans n'importe quelle loi. C'est un commentaire plus général, dans le fond, ce qu'on voulait vous faire, que simplement sur l'avant-projet de loi.

(15 h 50)

Sur la notion de quasi judiciaire, qui est supprimée dans toutes les lois qui sont mentionnées dans l'avant-projet de loi, je pense qu'il y a eu des discussions, hier, qui m'ont été rapportées, avec la Commission des droits de la personne sur, entre autres, l'article 113 de l'avant-projet de loi qui visait à modifier l'article 56 de la Charte des droits et libertés, où je pense qu'on va ramener, peut-être, la notion du quasi judiciaire. Mais, dans l'avant-projet de loi, vous modifiez aussi une loi qui me tient à coeur, qui est la Loi sur l'aide juridique, vous modifiez notre notion de tribunal en enlevant encore là la notion de quasi judiciaire. Et, pour nous, c'est extrêmement important, la notion de tribunal, parce que, comme vous le savez, la couverture des services juridiques requiert, à l'article 4.7 de la Loi sur l'aide juridique, que le service soit devant un tribunal, est ou sera devant un tribunal. Si vous modifiez la notion de tribunal et que vous enlevez la notion de quasi judiciaire pour la Loi sur l'aide juridique, on a le problème suivant: Qu'adviendra-t-il de nos demandes qui sont logées devant la Régie du logement? Parce que la Régie du logement, est-ce que c'est un tribunal exerçant une fonction juridictionnelle? Pour nous, ce n'est pas évident.

Ce qui est un exercice de fonction juridictionnelle, c'est prévu dans le projet de loi n° 130 et c'est toujours la relation de l'administré face à l'administration, exercice juridictionnel. Mais, dans les cas où l'administré se débat avec un autre administré, c'est-à-dire le citoyen envers le citoyen, le meilleur exemple étant la Régie du logement, est-ce qu'on maintient la notion du quasi judiciaire? Parce que la Régie du logement était reconnue comme un tribunal quasi judiciaire. Est-ce qu'on le maintient ou est-ce qu'on ne le maintient pas? Et le fait qu'on enlève, à l'article 3 de la Loi sur l'aide juridique – c'est l'article 22 de l'avant-projet de loi qui le fait – cette notion de quasi judiciaire, est-ce qu'on vient restreindre, au sens de l'article 4.7 de la Loi sur l'aide juridique, la notion de tribunal? Et, à ce moment-là, on ne pourrait pas intervenir pour nos clients devant la Régie du logement lorsqu'ils seraient victimes d'une éviction?

Je ne le sais pas, ça pose un problème. On n'a pas de certitude. Il y a toute une discussion actuellement entre différents juristes. Certains disent que ça ne change rien, d'autres disent que ça change quelque chose. Mais vous savez tous aussi bien que moi que, dès qu'on change quelque chose et que la situation n'est pas claire, ça amène à tout le moins des débats devant la cour, débats qui peuvent être compliqués et contradictoires et qui, pour notre clientèle, seront faits à leur détriment.

Alors, c'est tous ces questionnements-là qui nous interrogent. Parce qu'on parle, bon, on dit: On modifie l'article 113 de l'avant-projet de loi, 56 ne sera plus modifié comme il est annoncé, et on modifie aussi la modification qui avait été apportée à l'article de la Commission d'accès à l'information sur le sens de «tribunal». Ce qu'on vous demanderait, c'est qu'on aimerait embarquer dans le train puis que, nous aussi, notre article 3 de la Loi sur l'aide juridique soit modifié de façon à maintenir la notion traditionnelle de tribunal, pour ne pas être obligé de l'interpréter et surtout pas au détriment de notre clientèle.

On s'est aussi permis quelques remarques sur l'harmonisation des délais. On s'est dit que la Loi sur la justice administrative était peut-être le bon moment d'harmoniser les délais, au moins au niveau des lois sociales. C'est sûr que la justice administrative couvre un large champ, beaucoup, beaucoup, beaucoup de lois. Mais, au moins au niveau des lois sociales, on s'est dit qu'il y avait peut-être lieu, à ce moment-ci, d'harmoniser les délais de façon à ce qu'ils soient tous similaires. Parce que le but principal – et ce n'est pas à vous que je devrais le dire, mais je vais me permettre de le répéter – de cette justice, c'est de la rendre accessible aux gens, de la rendre simple, de la rendre compréhensible. C'est un peu, je crois, le but qui était recherché quand on voulait regrouper différentes juridictions sous le couvert du Tribunal administratif du Québec. Alors, si on continue à avoir 18 façons d'intervenir puis 18 délais, des 10 jours, des 45 jours, des 30 jours, des 60 jours, on a oublié comme un élément. On en a réussi d'autres, mais on aurait oublié celui-là. Et, pour notre part à nous, on vous demanderait d'en tenir compte.

Et finalement on s'est permis quelques petits commentaires supplémentaires sur la façon dont étaient rédigés les papillons, et principalement sur les articles 4 à 7. On a des problèmes, surtout avec l'article 6 dans le projet de loi sur la justice administrative. Sur la dispense d'obligation qui est prévue à l'article 6, deuxième paragraphe, où on dit que l'administration va être dispensée des obligations préalables, c'est les obligations de 2, là, agir – on suppose – équitablement, de 4, agir avec diligence, etc., et de 5, là, l'entente et écouter les représentations. Et on dit qu'elle va être dispensée lorsque «la décision est prise en réponse à une demande de l'administré concernant une indemnité ou une prestation et que la loi l'autorise à la réviser». C'est sûr que ça, c'est notre clientèle qui fait des demandes d'indemnité et des demandes de prestation, généralement. Et on s'interroge pourquoi, à ce moment-là, il y aurait une dispense de l'autorité administrative des obligations des articles précédents. D'abord, quelle est sa dispense, quelle est sa teneur, quelle est sa limite? Parce qu'il y a peut-être juste une chose qui est dispensée, mais ce n'est pas clair. Peut-être qu'on est dispensés d'aviser, et c'est un peu logique, à ce moment-là, si on est dispensés d'aviser compte tenu que la personne a été avisée puis nous demande une nouvelle réponse. Là, ça serait compréhensible. Mais, dans la manière dont c'est libellé, on a l'impression que c'est le devoir d'agir équitablement, c'est la diligence, la bonne foi, etc., dont on est dispensés. Alors, ça, on aimerait que ça soit précisé, que, s'il y a une chose logique, comme le fait d'aviser l'individu... On n'avise pas un individu qui nous avise. Ça, ça va. Mais, au moins, que ça soit précisé.

Il y a une autre chose dans le libellé de l'article 6 qui nous questionne, c'est le fait que, dans ce libellé, où il y a déjà une dispense d'agir selon les obligations préalables, on prévoie l'attitude qu'on doit avoir en révision et en réexamen, et c'est le deuxième alinéa de l'article 6 qui le prévoit. Alors, nous, on se dit: Les révisions et les réexamens devraient être traités individuellement. Ils devraient faire l'objet d'un article, ils ne devraient pas prêter à interprétation, surtout dans le cadre d'un article où il y a une dispense des obligations préalables. Alors, c'est ce qu'on recommande.

Aussi, on s'est beaucoup questionnés. Quand on était venus sur la loi n° 130, on vous avait mentionné qu'on se questionnait sur l'indépendance des membres du Tribunal administratif et sur le renouvellement de leur mandat. On s'est permis de vous reposer les mêmes questions, parce que ça nous inquiète le fait qu'il n'y ait pas d'encadrement dans le renouvellement du mandat et le fait qu'il n'y ait pas non plus de possibilité pour le membre de requestionner la décision qui va être prise et qui le concerne. Nous, on suggère toujours que ce soit le Conseil de la justice administrative qui intervienne.

On a toujours autant de problèmes avec l'article 79, sur le fait qu'il y ait un code de déontologie particulier pour des assesseurs et des conciliateurs, les conciliateurs et assesseurs de la section des lésions professionnelles. Ça, on ne comprend pas pourquoi eux auraient un code de déontologie particulier.

À l'article 95 du projet de loi n° 130 que vous avez modifié dans les papillons, vous parlez de dépens et que les personnes pourraient être dispensées par règlement. Nous, ce qu'on aimerait, c'est que notre clientèle soit dispensée par la loi de l'obligation de payer des tarifs, des honoraires et des dépens, non pas qu'il n'y ait pas de dépens du tout devant le Tribunal administratif du Québec, mais qu'il n'y en ait pas pour les démunis, pour les personnes qui sont sur la sécurité du revenu, ou les accidents de travail, ou la Régie des rentes.

Avec l'article 109, vous modifiez la notion du délai d'agir: un motif sérieux et légitime au lieu d'un motif raisonnable ou d'une incapacité d'agir. Or, quand une personne fait le défaut de présenter dans les temps sa demande, elle devra exposer des motifs sérieux et légitimes. Nous, ce qu'on vous dit, c'est que «des motifs sérieux et légitimes», c'est une nouveauté de vocabulaire et qu'en utilisant une nouveauté de vocabulaire – parce que les termes habituels, c'est «incapacité d'agir» ou «motifs raisonnables» – vous remettez en marche toute l'évaluation jurisprudentielle qui est faite à date sur ces motifs-là et qui est bien connue par les avocats, pour être de nouveau requestionnés sur ce que c'est qu'un motif sérieux et légitime.

Évidemment, à l'article 113, on vous demande, compte tenu de notre première demande, que tous les délais soient harmonisés.

L'article 121, qui fait l'objet des recours d'urgence, ceux qui doivent être instruits d'urgence, on vous suggère d'en rajouter deux. Le premier, c'est pour les personnes qui vont être coupées à la sécurité du revenu. On demande donc, pour une personne qui a perdu jusqu'à 50 % des prestations de sécurité du revenu, que son dossier soit traité de façon urgente, parce qu'elle est dans une situation d'urgence. Et on vous suggère aussi que toute ordonnance rendue dans le cadre de la loi, de l'article 110 du projet de loi n° 130, c'est-à-dire que les causes qui auront été considérées comme des urgences et qui auront amené une suspension de décision doivent être considérées comme des matières urgentes au niveau de l'article 121, puisqu'il s'agit pour certains cas d'être entendus rapidement, même s'il y a une suspension, puisque, par exemple, pour les prestataires de la sécurité du revenu qui auraient eu une suspension de décision et qui se seraient vu de nouveau réinstallés dans leur droit à la sécurité du revenu, cette décision amène pour eux un endettement si jamais la décision leur est défavorable.

On demande, encore une fois, que les coûts d'expertise de l'administré, lorsque la demande est accueillie en tout ou en partie, soient couverts ou soient payés, compensés par l'administration et on demande aussi qu'il y ait possibilité d'enregistrement, de prise en note sténographique de certaines auditions devant le Tribunal administratif du Québec, de façon à permettre des recours devant la Cour supérieure sur le pouvoir de surveillance.

(16 heures)

Alors, c'est en gros notre mémoire et nos représentations. Je vous remercie de m'avoir écoutée.

Le Président (M. Paquin): Merci, Me Dufresne. La commission suspend ses travaux pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 1)

(Reprise à 16 h 11)

Le Président (M. Paquin): La commission reprend ses travaux. Nous recevons Me Lucie Dufresne de la Commission des services juridiques. L'exposé est complet, à ce moment-ci...

Mme Dufresne (Lucie): Oui, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): ...et nous passons à la période de questions. Du côté du groupe politique formant le gouvernement, quelqu'un veut poser des questions? M. le ministre.

M. Bégin: Alors, je vous remercie, Me Dufresne, pour votre présentation. Je dois vous dire, cependant, que vous avez déçu quelqu'un ici énormément, non pas à cause de votre prestation, mais parce que vous remplacez quelqu'un. M. le député de Chomedey s'était pratiqué ce matin avec quelqu'un d'autre, et il attendait votre président avec une hâte fébrile...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: ...et il avait le goût de rompre des lances, si vous me permettez cette expression, avec le président. Mais il n'a pas l'air d'être malheureux de ce que je dis, avez-vous remarqué? Il n'a pas l'air malheureux du tout de ce que je dis. Alors, c'est dans ce sens-là que je dis que vous avez déçu mon collègue.

Mme Dufresne (Lucie): Je comprends que ce n'est pas moi qui ai déçu, c'est mon président qui aurait dû venir.

M. Bégin: C'est ça.

Mme Dufresne (Lucie): Je lui ferai le message.

Le Président (M. Paquin): Je dois dire que j'aurais aimé saluer mon prédécesseur aussi. Pierre Lorrain a été député de Saint-Jean. Il était le douzième, je suis le quatorzième, alors j'aurais eu plaisir à le saluer.

Mme Dufresne (Lucie): Oui.

M. Lefebvre: D'autant plus que vous êtes de la même étiquette politique.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Bien oui. C'est bien connu, hein?

Une voix: Pour moi, il n'a pas lu les annales politiques.

M. Bégin: Mais ça explique peut-être pourquoi...

M. Lefebvre: J'apprécierais que vous lui apportiez les galées.

M. Bégin: C'est parce que je soupçonne que le député de Chomedey voulait parler avec lui à cause de ça. Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: M. le Président, question de directive.

Le Président (M. Paquin): Oui.

M. Lefebvre: Vous ne m'aviez pas donné le droit de parole. J'espère que je suis quand même enregistré. Oui?

Le Président (M. Paquin): Oui. Ha, ha, ha!

M. Bégin: Non, moi, je demande que ce soit rayé du Journal des débats . Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Oui, oui, je le suis, je le suis, alors j'en suis heureux.

Le Président (M. Paquin): Alors, c'est très bien. Donc, on travaille dans la bonne humeur, c'est excellent. M. le ministre, si vous voulez poursuivre.

M. Bégin: Alors, madame, effectivement, vous soulevez, dans votre mémoire, quelques points qui m'intéressent particulièrement, entre autres le fait que certaines lois sociales ne soient pas abordées. Et vous avez raison. Elles vont l'être dans le projet de loi. Vous comprenez que c'est un avant-projet de loi. Tout n'a pas été complètement terminé. On voulait avoir un document qui permettait une consultation. Je pense que le cadre général est donné pour l'ensemble des lois qui sont là. Celles qui restent vont suivre à peu près le même cheminement. Donc, on peut anticiper d'avance pas mal ce qui va arriver.

Vous avez soulevé une question que je pensais avoir bien comprise, quand vous avez parlé des délais, en disant qu'on avait peut-être une approche qui était de transformer les lois sans qu'on sache trop bien de quoi il s'agissait. J'avais compris ça, et, tout à coup, vous êtes revenue avec le désir qu'on ait une modification des délais pour les rendre uniformes, ce que je comprends aussi, mais c'est l'un par rapport à l'autre que je comprends moins bien.

Hier ou avant-hier, quelqu'un nous disait qu'effectivement on avait... Je pense que c'est la Commission des droits de la personne qui faisait ressortir que, dans cinq lois différentes, on avait des délais différents. Et j'ai dit: Je suis content que vous me l'ayez montré, parce qu'on ne se rend pas toujours compte de ces choses-là. Mais, effectivement, un des objectifs fondamentaux de la réforme de la justice administrative, c'est de faire en sorte que le citoyen s'y retrouve et, entre autres choses, qu'il sache les délais. Et, actuellement, c'est un fouillis, alors que le projet de loi devrait amener à une certaine uniformité lorsque c'est nécessaire. Et je pense que ça l'est fréquemment.

Donc, là-dessus, je vous comprends bien, et, oui, il y a un mandat qui a été donné de vérifier que chacune des lois soit scrutée pour être certain que, à moins de raisons vraiment extraordinaires qu'on devra me justifier, on garde un délai uniforme partout, par exemple sur un appel ou sur un acte qui doit être posé qui est analogue dans chacune des lois.

Mais je comprends mal votre remarque, ceci étant dit, par rapport au fait qu'on avait modifié les délais puis que c'était dur de vous retrouver. J'avoue que j'ai de la difficulté à réconcilier vos deux points.

Mme Dufresne (Lucie): Est-ce que je peux le faire?

M. Bégin: Oui, c'est pour ça que je vous pose la question.

Mme Dufresne (Lucie): Alors, ce qu'on constate dans l'avant-projet de loi, c'est qu'il y a plusieurs délais, et j'en cite un. Au niveau de l'harmonisation des délais, vous avez modifié, dans les articles 26 à 45 de la Loi sur l'assurance automobile, vous changez le délai de 60 à 45 jours. On ne comprend pas pourquoi. Dans la même loi, il y a un 45 jours puis un 60 jours. Nous, on n'a pas d'objection à ce que l'ensemble...

M. Bégin: Il y a quelqu'un qui veut me l'expliquer, mais je pense que vous avez raison, il faut qu'on l'explique, hein, nous autres mêmes. Ha, ha, ha!

Mme Dufresne (Lucie): Ha, ha, ha! Non, mais ce qu'on a comme position peut vous sembler divergent, mais, dans le fond, c'est la même chose. On vous dit: Ne touchez pas aux délais ou, si vous y touchez, mettez-les tous semblables. Laissez-les comme on les connaît, c'est un moindre mal – et c'est sûr qu'il y a 36 000 délais, mais au moins on les connaît, on est habitués avec – ou bien, donc, ramenez-nous ça à une uniformisation des délais, ce qui nous paraîtrait raisonnable.

M. Bégin: Il faut dire que je vous comprends mieux et je suis d'accord avec vous...

Mme Dufresne (Lucie): Oui.

M. Bégin: ...que, tant qu'à y toucher, touchons-y comme il le faut, faisons-le correctement. Et c'était un des objectifs de la réforme. J'avoue qu'il y a beaucoup de données à tenir en compte, mais ce n'est pas une explication pour arrêter là. L'objectif d'une commission parlementaire est d'entendre ce que vous venez de nous dire. Effectivement, là, vous nous pointez du doigt quelque chose qui doit être corrigé. Et je suis content que vous le fassiez dans les termes que vous le faites.

Vous vous êtes avancée également sur la question de «quasi judiciaire». Vous avez renoncé à soulever la question de la Charte, puisque vous saviez évidemment que c'était réglé. Reste l'utilisation de l'expression «quasi judiciaire». Je dois vous dire cependant que, parmi les groupes qui ont parlé de cette question de «quasi judiciaire» – je voudrais parler du Protecteur du citoyen, on a eu l'ANCAI, il y a eu des individus, Me Pierre Lemieux – plusieurs ont, semble-t-il, compris l'idée qu'on avait de remplacer le concept de «fonction quasi judiciaire» par celui de «fonction juridictionnelle». Et, bon, j'ai accepté de ne pas l'introduire même si Me Lemieux, lui... «C'est-u» Lemieux ou le... C'est le Protecteur du citoyen qui était prêt à garder le mot «juridictionnelle», même à modifier la Charte pour ça. C'est le Protecteur du citoyen. Oui, en tout cas, ce qui compte, c'est que quelqu'un était prêt à dire: Oui, modifiez la Charte en remplaçant «quasi judiciaire» par «juridictionnelle», seulement, sans les autres aspects, là.

Mme Dufresne (Lucie): Oui.

M. Bégin: Là, tout à coup, vous voulez réintroduire ce concept de «quasi judiciaire». Je comprends ce que vous me dites, mais est-ce qu'il ne serait pas avantageux que, tant qu'à y être, dans une loi qui est englobante, on ait un seul terme et qu'on fonctionne avec lui, celui de «juridictionnelle»?

Mme Dufresne (Lucie): Oui, c'est logique, mais là, présentement, «juridictionnelle», il nous pose le problème suivant: «juridictionnelle», c'est une nouveauté, à moins que je me trompe, dans notre vocabulaire juridique. La Cour suprême y avait fait référence dans deux causes qui vous ont été citées. On le retrouve très bien à la Loi sur la justice administrative. Et, nous, «juridictionnelle» dans tout le cadre de la relation administré-administration, ça ne nous pose pas de problème. C'est pour ça que, quand on était venus, en février, sur le projet de loi n° 130, toujours dans le cadre administration-administré, que le Tribunal administratif du Québec soit quasi judiciaire ou qu'il soit juridictionnel, nous, on était capables de vivre avec ça.

Là où on a des problèmes, c'est quand vous modifiez notre article 3 pour enlever «quasi judiciaire» et mettre «juridictionnelles», alors que la seule connaissance qu'on a présentement... Je sais qu'il y a un débat de juristes à l'heure actuelle sur... Est-ce que c'est pareil comme «quasi judiciaire»? Est-ce que c'est différent de «quasi judiciaire»? Bon, je sais qu'il y en a un. Mais, nous, on n'a pas de certitude à l'effet que la notion de juridictionnel va aussi couvrir des tribunaux comme la Régie du logement. Si on avait cette certitude que «juridictionnelle» égale Régie du logement, égale Commission d'accès à l'information lorsque les deux citoyens sont devant la Commission, si on avait cette certitude-là, que ça s'appelle «juridictionnelle» ou «quasi judiciaire», ça ne nous poserait pas de problème. Mais c'est là où, nous, on s'interroge. On se dit: Mais qu'est-ce qui va se passer... Est-ce que vous préférez que je suspende?

M. Bégin: C'est parce que j'ai passé une petite commande entre les deux, là...

Mme Dufresne (Lucie): O.K. Qu'est-ce qui va se passer...

M. Bégin: ...de me donner l'article 8.

Mme Dufresne (Lucie): ...avec notre fameuse Régie du logement? C'est vraiment l'inquiétude qu'on a. Parce que la Régie du logement... On comprend le Tribunal administratif du Québec et on s'est fait dire aussi ce matin, lors d'une conversation avec le légiste Me Pelletier, que la CALP ne serait pas dans le Tribunal administratif du Québec, qu'elle serait complètement retirée du Tribunal administratif du Québec. Mais on comprend que le Tribunal administratif du Québec ou la CALP va aider des organismes à fonction juridictionnelle, enfin à moins qu'il y ait une modification au niveau de la CALP sur son organisation. Mais la CALP, c'est un organisme... Mais ça, ça ne nous pose pas de problème parce que la relation est claire, c'est l'administré, l'administration.

M. Bégin: Est-ce que vous trouvez que ça concorde avec l'article 8?

Mme Dufresne (Lucie): Mais là où ce n'est pas clair, c'est la Régie du logement.

M. Bégin: Oui, mais est-ce que «juridictionnelle», pour vous, ne correspond pas à cet autre volet? Il y a celui de l'article 8 qui couvre, bien sûr, ce que vous venez de décrire, compte tenu de la définition qu'on retrouve à l'article 8. Mais la Régie du logement, c'est juridictionnel. Ça oppose deux parties et quelqu'un tranche le litige.

Mme Dufresne (Lucie): Oui.

M. Bégin: Et, dans mon langage à moi, elle est couverte par «juridictionnelle», la Régie du logement.

Mme Dufresne (Lucie): Oui, mais, quand vous modifiez notre article 3, vous dites: «...une personne ou un organisme de l'ordre administratif lorsqu'il exerce des fonctions juridictionnelles.» Alors, ça, c'est le libellé de l'article 8 du projet de loi n° 130. C'est ça, l'ordre administratif exerçant des fonctions juridictionnelles.

M. Bégin: Relisez-le tout haut, là. Excusez. Pouvez-vous reprendre, s'il vous plaît?

(16 h 20)

Mme Dufresne (Lucie): À l'article 3 de notre loi, la Loi sur l'aide juridique, vous enlevez «comprend tout organisme qui exerce une compétence judiciaire ou quasi judiciaire» et vous modifiez pour dire «inclut, outre un tribunal judiciaire, une personne ou un organisme de l'ordre administratif lorsqu'il exerce des fonctions juridictionnelles». Le libellé exact de l'article 8.

M. Bégin: Oui, mais...

Mme Dufresne (Lucie): Alors, quand on a ça, on se pose la question...

M. Bégin: Mais la Régie du logement, est-ce que ce n'est pas de l'ordre administratif?

Mme Dufresne (Lucie): Cette définition-là, on la retrouve seulement à 8. Ça, c'est du nouveau.

M. Bégin: Non, non. Mais c'est de l'ordre administratif?

Mme Dufresne (Lucie): Oui, c'est de l'ordre administratif.

M. Bégin: Deuxièmement, une fonction juridictionnelle, c'est quoi? C'est trancher un litige entre deux parties, selon une procédure que l'on connaît qui est – pour reprendre l'ancien jargon – quasi judiciaire.

Mme Dufresne (Lucie): Oui, mais vous avez eu des gens compétents, certainement plus compétents que moi...

M. Bégin: Pas là-dessus.

Mme Dufresne (Lucie): ...qui sont venus vous expliquer toute la question, le problème du lis inter partes, de la défense des droits, etc. Nous, quand on lit ça, on se dit: La Régie du logement, oui, c'est un tribunal administratif quasi judiciaire. Sa vocation est reconnue. Il n'y a pas de problème actuellement. Mais est-ce que c'est... Puisque ça ne répond pas carrément à la définition de l'article 8 qui, elle, a toute été fondée dans la relation de l'administré et de l'administration...

M. Bégin: Mais pourquoi limitez-vous le sens de «juridictionnelle» à la définition de l'article 8? Pourquoi ça ne comprendrait pas...

Mme Dufresne (Lucie): Mais je la retrouve où, la notion de «juridictionnelle» à part ça, à part deux décisions de la Cour suprême...

M. Bégin: Bien, c'est déjà pas si mal, deux décisions de la Cour suprême...

Mme Dufresne (Lucie): ...qui y font une référence?

M. Bégin: ...et une décision de la Cour d'appel, en 1994. Je trouve ça pas pire, moi.

Mme Dufresne (Lucie): Oui, ce n'est pas pire, mais «quasi judiciaire», je le trouve dans beaucoup, beaucoup de décisions de la Cour suprême...

M. Bégin: Oui, mais...

Mme Dufresne (Lucie): ...et je sais à quoi m'en tenir.

M. Bégin: Oui, mais vous savez que beaucoup sont venus nous dire, et des experts, que le concept de «quasi judiciaire» n'était pas si précis, et tout le monde se référait à Coopers & Lybrand et nous disait, en même temps, que chacun – c'est un peu comme une auberge espagnole – y trouvait son compte. C'est un concept, oui, qu'on connaît, mais c'est un concept qui a aussi son côté très vague.

Donc, je ne suis pas tout à fait cette distinction que vous voulez absolument faire. Et il me semble que «juridictionnelle» couvre votre Régie du logement et permettra, à l'avenir, d'avoir un terme convenu pour tout le monde et qui va couvrir ce concept-là.

Mme Dufresne (Lucie): Même si c'est écrit «de l'ordre administratif», est-ce que...

M. Bégin: Oui.

Mme Dufresne (Lucie): Ce n'est pas «juridictionnelle» qui est écrit, hein? C'est «un organisme de l'ordre administratif lorsqu'il exerce des fonctions juridictionnelles».

M. Bégin: Exerçant une fonction juridictionnelle.

Mme Dufresne (Lucie): Oui.

M. Bégin: Oui, mais chaque mot a son poids.

Mme Dufresne (Lucie): Écoutez, moi, personnellement, et les gens avec qui j'ai fait le mémoire, on n'en est pas certains. On n'a pas de certitude que ça l'exclut complètement, la Régie du logement. Sauf qu'on a une certitude, c'est que c'est un flou juridique et, comme...

M. Bégin: Mais, pour les fins de notre discussion...

Mme Dufresne (Lucie): ...c'est un flou juridique pour nous, c'est questionnable parce que ça nous ramène peut-être devant un débat possible devant différentes cours qui vont peut-être confirmer ce que vous me dites tout de suite en partant, et on aura réglé le problème.

M. Bégin: Pour les fins de notre discussion, la Régie du logement va continuer a être couverte par l'aide juridique.

Mme Dufresne (Lucie): Oui.

M. Bégin: Et votre inquiétude va disparaître. Il va rester un débat théorique, comme vous dites, mais, d'après moi, la Régie du logement va être couverte en vertu de l'aide juridique, avec la définition qu'il y a là. Et, quant aux autres, bien, vous dites qu'il n'y a pas de problème. Je pense bien qu'il n'y en aura pas non plus. La CALP, la CAS, on sait que tout ça est couvert.

Mme Dufresne (Lucie): Non, la CALP, la CAS et les autres... Chaque fois que la fonction est administré-administration, pour nous, on n'en voit pas de problème. Pour nous, c'est clair, c'est même préparé par le projet de loi n° 130.

M. Bégin: C'est juste avec la Régie du logement que vous avez un problème?

Mme Dufresne (Lucie): Et la Commission d'accès à l'information, par exemple, lorsqu'elle décide entre deux citoyens, dans le cadre de son volet sur la loi sur les renseignements...

M. Bégin: Privés.

Mme Dufresne (Lucie): ...privés, oui...

M. Bégin: Oui.

Mme Dufresne (Lucie): ...et d'autres tribunaux. Mais, nous, c'est ces deux-là qu'on a ciblés, qui sont des tribunaux de l'ordre administratif mais qui ont une intervention entre les citoyens. Parce que les autres, ceux qui ont des interventions administration-administré, c'est sûr, pour nous, ça ne pose pas de problème.

M. Bégin: Dans notre compréhension, ils sont couverts par le concept de «juridictionnelle».

Mme Dufresne (Lucie): Est-ce que ça veut dire que, finalement, notre définition de «tribunal» va être harmonisée avec celle qui va être modifiée à l'article 56 de la Charte des droits et l'article de la Commission d'accès à l'information?

M. Bégin: Je voudrais être sûr de bien comprendre. Voulez-vous reprendre?

Mme Dufresne (Lucie): On me dit que la Commission d'accès à l'information, que, la Charte des droits, à l'article 56, vous auriez annoncé hier, c'est ce qu'on m'a dit...

M. Bégin: Ce qu'on a dit hier, c'est que l'article 56, toutes les modifications sont retirées, donc ça disparaît. Il y avait l'article 29.1 où on parlait de la notion de tribunal. Nous avons mentionné que, d'après nous, l'article 9 permettait de couvrir l'accès aux documents de tous les organismes qui n'étaient pas juridictionnels, mais qui étaient administratifs...

Mme Dufresne (Lucie): Oui.

M. Bégin: ...et qu'il pouvait y avoir accès. Mais, comme il semblait y avoir un doute, un questionnement, puis que ce n'était pas essentiel, on a dit: Écoutez, on va régler le problème, c'est enlevé. Donc, on renonce à l'article 29.1. Je ne sais pas... C'est 113 qui touchait l'article 29.1.

Mme Dufresne (Lucie): L'article 113, c'était 56 de la Charte et 29.1, c'était de la loi sur l'accès à l'information, c'est à l'article 2, où vous modifiez les mots «quasi judiciaire» pour le mot «juridictionnelle».

M. Bégin: Excusez. Voilà! À l'article 2.

Mme Dufresne (Lucie): Et ça, les deux, ces deux articles-là seraient retirés?

M. Bégin: Pardon?

Mme Dufresne (Lucie): Ces deux articles-là seraient retirés?

M. Bégin: Oui.

Mme Dufresne (Lucie): Donc, ils se liraient comme ils se sont lus, en gardant le terme «quasi judiciaire».

M. Bégin: Exact.

Mme Dufresne (Lucie): Mais qu'est-ce qui empêche que nous, par exemple, au niveau de l'article 3 de notre loi, on garde cette notion de «quasi judiciaire», quitte à introduire la...

M. Bégin: Ce que j'ai dit hier, c'est qu'il semblait y avoir un problème fondamental de société pour garder, dans 29.1... J'avoue avoir dit que j'étais prêt à y renoncer parce que je n'y croyais pas, moi, qu'il y avait un problème. Je ne pensais pas qu'il y en avait un problème. Mais j'ai dit: Si c'est si grave que ça, on va le régler. Je n'en vois pas la nécessité personnellement.

Mme Dufresne (Lucie): Est-ce qu'il est possible d'enlever les premiers mots de la modification pour garder «juridictionnelle», comme vous faisiez à 29.1? Si, à notre article, vous enleviez «une personne ou un organisme de l'ordre administratif lorsqu'il exerce des fonctions juridictionnelles»... Est-ce qu'il est possible qu'on enlève la notion d'ordre administratif? Parce que, moi, c'est cette partie-là qui m'embête. Qu'on enlève «quasi judiciaire» et qu'on mette «juridictionnelle», «tribunal exerçant une fonction judiciaire ou une fonction juridictionnelle», je pense que, là, nous, on va vivre assez bien avec ça.

M. Bégin: Écoutez, je ne m'engage pas à le faire, mais je m'engage à regarder, et je pense qu'il y a peut-être quelque chose d'intéressant dans ce que vous soulevez là. Et je ne voudrais pas me commettre aujourd'hui sans...

Mme Dufresne (Lucie): Oui, oui.

M. Bégin: ...avoir vérifié tous les aspects de la question.

Mme Dufresne (Lucie): C'est bien.

M. Bégin: Mais je suis prêt à m'engager à regarder ces choses-là. D'accord?

Mme Dufresne (Lucie): Je vous remercie.

M. Bégin: Je n'ai pas d'autre question. Je ne sais pas si mes collègues...

Le Président (M. Paquin): Est-ce qu'un autre député de la formation ministérielle a des questions, à ce moment-ci? Alors, du côté de l'opposition, M. le critique.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, je tiens à remercier sincèrement Me Dufresne pour cette excellente présentation. Et, malgré le bon mot de mon collègue le ministre de la Justice au début, au contraire, on a gagné au change parce que jamais on n'aurait eu des explications aussi claires si M. Lorrain avait été là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Et il aurait sans doute été obligé de faire appel à vos services, et ce serait vous qu'on aurait entendue, de toute façon.

M. Bégin: Mais, M. le Président, il n'est pas là pour se défendre. Vous ne devriez pas permettre une telle attaque.

M. Mulcair: Ah! C'est peut-être une manière de s'assurer qu'il soit là la prochaine fois.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Ça fait rigoler le ministre.

M. Mulcair: En tout cas. Mais, Mme Dufresne, un peu plus sérieusement, je pense que, avec les exemples que vous avez donnés en matière d'éviction et en matière de sécurité du revenu pour ce qui est de l'urgence, vous nous avez donné quelques cas concrets, dans le domaine où vous êtes spécialiste, où l'avant-projet de loi mériterait d'être étudié un petit peu plus et peaufiné. Et on est très contents parce que c'est effectivement la raison principale d'une commission comme celle-ci. Ça nous permet de nous ressourcer auprès de personnes comme vous. Vous le connaissez, votre domaine. L'exemple des élections est un excellent exemple, surtout qu'on sait qu'on a coupé des pans entiers de couverture d'aide juridique dans le domaine du logement. Alors, c'est important de conserver ce qu'on a et de s'assurer que c'est clair.

Vous soulevez, à cet égard-là, les préoccupations qui ont été exprimées par bon nombre d'intervenants devant cette commission parlementaire. Et j'écoutais bien les réponses du ministre et je suis persuadé qu'on va étudier ça attentivement pour s'assurer que la couverture soit possible. Parce que c'est une chose de dire qu'on a une mission, comme la Commission des services juridiques, mais c'est autre chose de pouvoir dépenser de l'argent du public sans autorisation. Puis, si l'autorisation n'est pas claire, le risque, à l'autre bout, c'est de se faire rabrouer par ceux qui sont là pour contrôler les dépenses de l'État. Alors, message reçu de notre côté de la table et on va veiller à ça en attendant l'arrivée d'un projet de loi qui tiendrait compte de l'ensemble de ces remarques.

(16 h 30)

Pour ce qui est de l'article 121, je suis content que vous ayez fait vos observations concernant les choses qui doivent être entendues d'urgence. Et, en fait, dans le projet de loi lui-même, c'était un des articles qu'on avait intentionnellement mis en veilleuse parce qu'on se doutait qu'il y avait d'autres exemples qui allaient sortir. Puis je vous remercie beaucoup, pour ceux pour qui vous travaillez, d'avoir apporté ces exemples-là à notre attention.

À la fin de tout, la question de savoir si, en enlevant la référence à la Charte des droits, la modification à la Charte, on règle tous les problèmes d'imprécision, ou d'ambiguïté, ou encore de conflits possibles entre la «common law», la notion de «quasi judiciaire», l'introduction de cette nouvelle notion de «juridictionnelle» ou encore d'«administratif», ce n'est pas encore clair. Il y a beaucoup de choses qui doivent être clarifiées sur la base du cas par cas.

Le seul objectif, c'est de toujours s'assurer que le citoyen ne perd jamais de droits au change, et c'est ce que nous allons essayer de vérifier quand viendra le temps de faire l'article par article dans la loi d'application, chaque fois qu'on va qualifier, peut-être, quelque chose d'administratif, si c'est en train d'enlever des droits par rapport à la situation existante. On va faire la même démarche que ce que vous avez fait dans votre domaine et on va la faire attentivement.

Juste en terminant, je voulais vous demander si vous étiez au courant de la tenue d'un colloque à l'Université de Montréal, le 18 octobre. Est-ce que vous savez si vous ou quelqu'un d'autre de la Commission risque d'y participer pour justement améliorer notre compréhension de ça?

Mme Dufresne (Lucie): Je sais que je me suis inscrite et que certains autres avocats de l'aide juridique se sont inscrits, puisqu'ils s'intéressent à la question.

M. Mulcair: Good. Good.

Mme Dufresne (Lucie): Oui. On s'intéresse à la justice administrative et au colloque, certainement.

M. Mulcair: Oui. Ça risque au moins de créer un consensus autour de certaines de ces notions extrêmement complexes. Vous avez donné de très bons exemples cet après-midi. Je suis très content de savoir que vous avez pu vous inscrire et je vais être là aussi, j'ai l'impression, parce que je pense qu'on a tous des choses à apprendre là-dessus.

Mme Dufresne (Lucie): Ça va être certainement intéressant, oui.

M. Mulcair: C'est tout de notre côté de la table, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Merci. Est-ce qu'un autre député a des questions à ce moment-ci? Alors, peut-être quelques propos de clôture.

Mme Dufresne (Lucie): J'ai oublié de vous dire notre position par rapport au fait que la CALP ne sera pas considérée comme un tribunal ou incluse dans le Tribunal administratif du Québec. Or, nous, on tient quand même à le déplorer parce que, nous, c'est un tribunal où on va souvent et pour lequel on représente beaucoup de gens, et on déplore le fait que la CALP ne soit pas introduite dans le Tribunal administratif du Québec et regroupée avec lui. Je vous remercie de l'attention que vous avez apportée et je vais attendre avec impatience les modifications qui seront apportées à la loi et aux avant-projets de loi. Bonne soirée.

Le Président (M. Paquin): Merci beaucoup, Me Dufresne. Nous en sommes maintenant à la période des remarques finales. Il y a une demi-heure de prévue à cette fin dont 15 minutes pour chaque formation, en commençant par l'opposition. Est-ce que vous désirez prendre la parole à ce moment-ci, M. le député de Chomedey?


Remarques finales


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Oui, M. le Président. Nos remarques n'exigeront certainement pas 15 minutes. On a eu l'occasion, lors des différentes interventions et échanges, de faire remarquer à quel point la présente commission parlementaire est une suite logique de toutes les autres démarches qui ont été entreprises jusqu'à date. C'est un processus qui vaut la peine parce que, au fur et à mesure qu'on entend les experts et les gens habitués dans chaque milieu et dans chaque domaine, on se rend compte qu'il y a des petits ajustements qui doivent avoir lieu. Le ministre a sagement décidé de se ranger à nos arguments en ce qui concerne la modification à la Charte, mais, comme on vient d'entendre Me Dufresne le dire, il y a des choses qui méritent encore qu'on les regarde en détail, et le colloque prévu pour le 18 octobre à l'Université de Montréal risque d'aider tout le monde à cet égard-là.

Depuis le début, M. le Président, on a eu quelques préoccupations majeures qui sont interreliées, tantôt dans le projet de loi d'application, tantôt dans le projet de loi lui-même. On peut penser aux appels. Il y a plusieurs intervenants qui s'inquiétaient du manque d'appels.

De notre côté, depuis le début, on disait qu'une des choses qui étaient les plus difficiles à saisir, c'est pourquoi on n'avait pas un appel dans certains domaines à la Cour du Québec. Et le seul endroit où on va mettre des limites et interpréter la bonne manière de faire pour le nouveau Tribunal administratif du Québec, ça va être à la Cour supérieure du Québec, tous des juges nommés par le pouvoir fédéral, parce que c'est par voie d'évocation. Et, s'il s'agit d'une nouvelle institution que le ministère de la Justice du Québec et le Parlement du Québec veulent mettre en place, on trouve quelque peu ironique que ce soit l'actuel gouvernement qui soit en train de faire en sorte que le seul endroit où ces questions-là vont être débattues, c'est lors d'éventuelles demandes d'évocation à la Cour supérieure.

Pour ce qui est des nominations, on a entendu plusieurs remarques et observations jusqu'à date. Je pense qu'on arrive avec un système qui, dans le cadre de l'ancienne manière de faire en droit administratif, aurait pu rencontrer les garanties demandées, parce que la Cour suprême a toujours admis qu'on n'était pas obligé d'accorder le même degré d'autonomie et d'indépendance aux tribunaux administratifs que ce qu'on donnait aux tribunaux de droit commun.

Par contre, on demeure persuadé qu'il faut regarder attentivement cette question si on ne veut pas voir basculer tout ce Tribunal administratif du Québec à la première occasion par quelqu'un qui viendrait plaider – et c'est notre prétention depuis le début qu'il faut regarder ça attentivement – avec succès que le fait de créer une telle structure uniformisée où on regroupe tout ce monde-là nécessite une garantie plus large que ce qui est prévu pour une commission ou un «board», çà ou là, en vertu d'une loi sectorielle quelconque. C'est un danger qu'on réitère, et on trouve qu'il n'a pas encore été réglé d'une manière claire et satisfaisante.

Il demeure aussi, à notre sens, M. le Président, une sorte de problème de ce qu'on pourrait appeler de compatibilité entre les articles 1 à 12 et l'article 23 de la Charte, parce que, même si on retire la modification, on a eu l'occasion, lors de nos échanges, de soulever le problème potentiel où la «common law» et ses règles seraient évacuées par ces articles liminaires du projet de loi. Et, à ce moment-là, on pourrait, dans certaines lois sectorielles, diminuer les droits des citoyens.

Par exemple, à l'article 5, troisième alinéa, on modifie en quelque sorte la «common law» et, en concordance, les droits sectoriels, puis on remplace le droit d'être entendu par le droit de présenter des observations dans certains cas, qui, à notre sens, risque d'être problématique parce qu'un jour la question va se poser: Mais c'est lesquelles qui s'appliquent: les garanties procédurales prévues aux termes de la loi ou celles prévues aux termes de la Charte et de son interprétation? On a eu des exemples intéressants dans le domaine du camionnage et de l'autobus, où on avait un droit à une audition et d'être entendu, et c'est remplacé par des observations.

À l'article 22 de la Loi sur la Commission municipale, c'est un peu la même chose. Et il y en a d'autres qui en ont déjà fait la remarque, il ne faut pas que le ministère puisse se retrouver dans une situation de rendre des décisions qui peuvent s'avérer injustes, juste parce que le cadre lui-même est plus uniforme et peut-être plus humain. Ce n'est pas de cette manière-là qu'on va améliorer le résultat pour le citoyen.

Comme plusieurs l'ont fait remarquer, on est en train de sortir de cette commission parlementaire pas trop certain sur les enjeux complets, c'est-à-dire la notion de «quasi judiciaire», son remplacement par «juridictionnelle» a été réglé, mais les conséquences de tout ça ne sont pas encore tout à fait claires. Et, je reviens à ce qu'on disait tantôt, le colloque du 18 octobre, qui va réunir bon nombre d'experts, et d'universitaires, et de praticiens dans le domaine, risque de donner à tous les membres de cette commission une certaine «insight», une certaine indication du sens dans lequel il faut aller.

Alors, on attend avec impatience les suites de ces travaux-là. On attend aussi la conférence qui doit avoir lieu le 18, parce qu'on réitère ce qu'on dit depuis le début, c'est qu'on est d'accord avec le principe et qu'on est aussi persuadé qu'avec les adoptions qu'on a déjà faites dans le projet de loi n° 130, avec le processus très instructif qu'on vient de faire pour le projet de loi d'application, on est sur le bon chemin de mettre quelque chose en place. Le tout, c'est de s'assurer qu'on ne met pas quelque chose en place qui risque ou d'enlever ou d'amoindrir les droits des citoyens, ou de mettre en place des structures qui risquent de sauter si elles sont contestées devant les tribunaux, en se basant, notamment, sur la Charte et la décision de la Cour suprême dans Valente.

Alors, c'est tout de notre côté, M. le Président, et on continue à offrir notre collaboration dans cet important dossier.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. le député de Chomedey. Alors, pour la formation gouvernementale, une quinzaine de minutes à vous partager. M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Oui. Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais remercier madame, pour la Commission des services juridiques, pour la présentation de leur mémoire. Je voudrais également remercier tous les membres de cette commission, de même que ceux et celles qui ont travaillé à nous soutenir pendant nos travaux. Nous avons, je pense, accompli un travail assez important, depuis trois semaines environ, à étudier l'avant-projet de loi sur la justice administrative.

(16 h 40)

Je dirais que, dans l'ensemble, au départ, il y avait une question fondamentale qui était soulevée et qui avait trait à l'avant-projet de loi, c'était celle des modifications à la Charte. Ça a fait l'objet de discussions dans la plupart des mémoires, sauf certains qui étaient un petit peu plus techniques, mais fondamentalement c'est la question qui est revenue le plus souvent. Et je pense qu'on a pris le temps de regarder cette question-là, de la soupeser. Et finalement j'ai pris la décision que vous connaissez et que j'ai annoncée hier à l'effet que je retirerais l'article 113, qui avait pour objet de modifier la Charte. Je pense que fondamentalement le débat a eu lieu, et il s'est fait sur toutes ses facettes, et je pense que c'était utile qu'on ait ce débat-là.

Je rappelle aussi que nous étions en présence d'un avant-projet de loi. Il ne prétendait pas régler tous les problèmes. Je disais tout à l'heure, lorsque vous présentiez votre mémoire, que tout n'était pas là, que plusieurs lois étaient manquantes, mais que le cadre général était bien tracé et qu'il serait possible d'agir très rapidement pour transformer cet avant-projet de loi en projet de loi. Le but même de l'exercice, c'est justement d'entendre les représentations des gens pour souligner – et c'est ce qui arrive la plupart du temps – les faiblesses et non pas les forces, puisque l'objectif est de le critiquer. Très souvent, on a entendu plusieurs groupes dire: Nous sommes entièrement d'accord avec la justice administrative telle que proposée, mais voici comment nous ne sommes pas d'accord avec telle affaire, et là passer une heure à discuter de ces points-là. C'est toujours un petit peu difficile à prendre, dans le sens qu'on dit: Bien, mon Dieu! est-ce qu'il y a quelque chose de bon en fin de compte? Mais, quand on retient le but de l'exercice, c'est tout à fait correct.

Donc, je remercie, moi, tous ceux et celles qui sont venus ici nous dire à quel degré ils étaient en désaccord avec tel ou tel point, des suggestions qu'ils ont faites, et, très souvent, ils ont apporté des choses extrêmement positives. Je vous réfère simplement à ce qui a été dit cet après-midi avec l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec et le groupe d'hier. Ils sont venus nous proposer des choses qui m'apparaissaient évidentes et qui vont améliorer sensiblement le projet de loi, en plus de poser d'autres problèmes que nous aurons à résoudre sur des actions futures.

Donc, on tiendra compte de tout ça au moment du projet de loi, parce que, là, on passera au projet de loi. Et j'espère passer rapidement au projet de loi sur la Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative et procéder rapidement, aussi, à l'étude du projet de loi n° 130, parce que j'ai retenu de l'ensemble des travaux que la plupart ont hâte que, une fois les amendements et les modifications apportés, on passe à l'adoption de ce projet de loi là, parce qu'on sent l'urgence d'agir. D'ailleurs, plusieurs nous ont dit – et je pensais, entre autres, à la Conférence des juges administratifs – qu'ils avaient déjà commencé à appliquer certaines des dispositions dans leur propre fonctionnement, parce qu'ils sont d'accord avec le processus. Et ils sont en train de muter considérablement, au niveau de leur fonctionnement, en tenant compte du projet de loi, ce qui est déjà énorme, mais ils ont hâte que ça soit inscrit formellement dans une loi.

Je parlais de points de vue importants qui avaient été soumis. Cette question du parallélisme entre le droit, le Code des professions et les intermédiaires de marché, en tout cas, moi, je trouve que c'est une question extrêmement importante. On devrait la repositionner. Je sais qu'il y a une commission parlementaire qui siège en même temps là-dessus. Je ne connais pas, malheureusement, je le soumets, toute la problématique qui est sous-jacente à leur affaire, mais je vais certainement agir rapidement pour savoir ce qu'il en est. Et j'invite mon collègue, qui, jusqu'à date, a collaboré considérablement sur ces deux projets de loi, compte tenu de son expertise particulière et compte tenu aussi qu'il a été un des intervenants au moment de cette discussion-là, en 1989, 1990, à nous offrir sa collaboration et ses lumières, parce que c'est extrêmement intéressant. Je ne dis pas d'avance que je serai d'accord, mais au moins regarder cette question-là ensemble.

Bon. Je pense que ça fait le tour pas mal de la question. Il y aura donc un projet de loi d'application. Il y aura également continuation de l'étude du projet de loi n° 130. Mon collègue a référé à plusieurs reprises au colloque, au forum sur la justice administrative. Grosso modo, ce forum envisage de discuter de quelques points. C'est les points les plus importants: les modes de nomination, le statut du Tribunal, mais surtout un des volets qui devient maintenant un peu périmé, là, c'est les modifications à la Charte des droits et libertés. Donc, tout ce volet-là est évacué. Le statut du Tribunal, on le connaît sensiblement, puisqu'on a décidé de le créer. On sait qui il est, on sait ce qu'il comportera.

Moi, je pense que le colloque aura certainement un intérêt, mais je ne crois pas qu'il soit le fin mot ou le mot final de ces questions-là. Je crois qu'on aura l'occasion ici, en commission, de discuter à fond des dernières modifications qu'on devrait apporter, parce que, fondamentalement, je crois que les groupes s'entendent, y compris l'opposition... Et je ne veux pas la faire parler contrairement à ce qu'elle pense, mais je crois que, fondamentalement, elle est d'accord avec le projet de loi, et tout le monde désire qu'il soit adopté rapidement et qu'on puisse passer à son application.

Et je pense que, là-dessus – puis je le dis comme je le pense – c'est un travail collectif des membres de cette commission, l'opposition et nous, c'est un travail collectif au sens que d'autres avant nous ont travaillé considérablement. Il y a eu plusieurs rapports et il me semble que c'est le temps qu'on mette une signature au bas, en disant: Enfin! C'est fait, mettons-le en application et passons, tout le monde, à quelque chose d'autre. Parce que ça fait trop longtemps qu'on en parle, il faut qu'on mette un terme à cette question-là. Et, là-dessus, on aura une oeuvre commune, une oeuvre où ce n'est pas seulement une personne qui pourra dire: Voici le projet que j'ai avancé. Mais c'est un projet collectif de 25 ans qu'on aura mené à terme, et ça, ce n'est pas souvent qu'ensemble on a l'occasion de le faire.

C'est pour ça que, moi, j'espère qu'on va pouvoir continuer à collaborer, à être critique quand c'est le temps d'être critique, mais à être d'accord quand c'est le temps d'être d'accord et à passer au-dessus des partis, comme on l'a fait, je pense, à date, là, assez bien. Il y a eu des bonnes discussions, mais je pense qu'on est capables de terminer notre travail rapidement et efficacement.

En tout cas, j'invite tout le monde, bientôt. Tous les membres de cette commission vont devenir des spécialistes de la justice administrative. On a entendu je ne sais plus combien d'heures de temps, mais on doit avoir au moins 60 heures de faites ensemble. Ceux qui ne sont pas des avocats vont le devenir puis vont au moins connaître l'application concrète de cette loi-là.

Alors, j'ai hâte qu'on passe à d'autres projets de loi importants. Merci à tout le monde et à très bientôt.

Le Président (M. Paquin): Est-ce que d'autres membres de cette commission désirent s'exprimer à ce moment-ci?

Alors, la présidence voudrait souligner la qualité des témoignages et des mémoires que nous avons reçus, également remercier les membres de la commission, d'un côté comme de l'autre, pour avoir eu une excellente attitude et simplifié le travail du président.

Et, enfin, compte tenu que nous avons terminé la consultation générale, les auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative, la commission des institutions ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 16 h 48)


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