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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le vendredi 21 novembre 1997 - Vol. 35 N° 101

Interpellation : La réforme électorale au Québec


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Table des matières

Journal des débats


(Dix heures)

Le Président (M. Laprise): Alors, je déclare la séance de la commission des institutions ouverte. Le mandat de la commission pour cette séance est de procéder à l'interpellation du député de Rivière-du-Loup adressée au ministre responsable de la Réforme électorale sur le sujet suivant: La réforme électorale au Québec.

Je demanderais donc au secrétaire d'annoncer les remplacements, s'il vous plaît.

Le Secrétaire: M. Paquin (Saint-Jean) est remplacé par M. Jutras (Drummond); Mme Papineau (Prévost) par M. Gagnon (Saguenay).

Le Président (M. Laprise): Je rappelle donc les règles de l'interpellation. Je vous rappelle brièvement le déroulement d'une séance d'interpellation. Dans un premier temps, le député qui a demandé l'interpellation, le député de Rivière-du-Loup, aura un temps de parole de 10 minutes suivi du ministre pour également 10 minutes. Par la suite, des périodes de cinq minutes seront allouées selon la séquence suivante: un député de l'opposition, le ministre, un député du groupe ministériel. Vingt minutes avant midi, j'accorderai un 10 minutes de conclusion au ministre suivi d'un temps équivalent au député de Rivière-du-Loup. Si un intervenant n'utilise pas totalement les périodes de cinq ou 10 minutes qui lui sont allouées, cela ne réduit pas pour autant la durée de l'interpellation. Et, finalement, le débat ne peut, à moins d'un consentement, dépasser 12 heures, quelle que soit l'heure du début des travaux de la commission. Sur ce, M. le député de Rivière-du-Loup, vous avez la parole pour 10 minutes.


Exposé du sujet


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. Depuis l'élection de 1994, l'Action démocratique du Québec et moi-même, à l'intérieur des travaux autant de l'Assemblée nationale que du comité consultatif sur la réforme électorale, on s'est positionné clairement en faveur d'une réforme électorale au Québec. Il y a eu des pas importants dans notre histoire, au Québec, de franchis, le dernier étant l'adoption de la loi sur le financement des partis politiques, vers la fin des années soixante-dix, la loi 2, mais, depuis ce temps-là, on a l'impression que ça a été davantage les modifications à la Loi électorale qui sont intervenues. Depuis ce temps-là, c'est beaucoup plus des reculs que des progrès en matière de réforme électorale, et à l'occasion de diverses opportunités qu'on a eu de présenter des propositions concrètes pour améliorer la Loi électorale, on a eu l'occasion d'en soumettre un certain nombre. Et je pense que c'est utile de les rappeler aujourd'hui: des élections à date fixe à tous les cinq ans; la tenue de référendums d'initiative populaire, comme ça se fait ailleurs, pour permettre à nos concitoyens de véritablement provoquer un débat d'idées sur un sujet et de forcer leur Parlement, qui appartient au peuple, à se prononcer là-dessus; procédure de rappel des élus; participation des citoyens au comité consultatif qui est là pour évaluer les possibilités de réforme électorale; mode de scrutin proportionnel, une idée qu'on a défendue à plusieurs reprises; l'élimination – appelons ça comme ça – de toute une série de privilèges qui, au fil des années, ont été ajoutés à l'intérieur de la Loi électorale à même les fonds publics, à même les taxes et les impôts des citoyens pour favoriser certains partis politiques.

C'est des idées qu'on a constamment essayé de ramener et on était en droit de s'attendre, je dois vous dire, M. le Président, que le gouvernement non pas retienne la totalité des suggestions de tout le monde, ce n'est pas ça dont il est question, mais que le gouvernement agisse, que le gouvernement s'attaque sérieusement à la réforme électorale. Et, quand je vous dis qu'on était en droit de s'attendre, il y a, je pense, des éléments très, très, très concrets, des discours des gens du gouvernement actuel qui pouvaient nous porter à le croire.

J'aimerais lire un extrait du programme du Parti québécois avant 1994 – ça pourra peut-être rafraîchir la mémoire à certains – un extrait qui en dit beaucoup sur ce qu'on vit aujourd'hui en 1997. Le programme du PQ disait: «Il nous faudra cependant agir rapidement en début de mandat, car une fois élus les députés peuvent en venir, naturellement, à développer un préjugé favorable pour le système qui les a favorisés. En conséquence, il conviendra de faire examiner et approuver, dès la première année de notre mandat, un projet de loi prévoyant une réforme du mode de scrutin fondé sur le principe de la proportionnelle compensatoire», etc.

On est bien loin de ça, M. le Président. Je vous le dis, on était en droit de s'attendre que le gouvernement fasse quelque chose. Le gouvernement du Parti québécois, à l'époque où le chef en était René Lévesque, était très avancé dans ses réflexions sur les améliorations de la démocratie. J'ai entre les mains copies de projets de loi qui étaient à toutes fins pratiques prêts et dont un visait, justement, à instaurer au Québec un mécanisme d'initiative populaire. Et aussi loin qu'en 1984 ces projets de loi là étaient prêts. On pouvait s'attendre que le gouvernement, en 1994, qui était réélu, allait remettre de l'avant ses idées d'amélioration de la démocratie, remettre de l'avant des idées qui améliorent la qualité de la vie démocratique des citoyens.


Documents déposés

J'aimerais, avec votre consentement, M. le Président, déposer ce document-là qui est un projet de loi à toutes fins pratiques prêt, qui date maintenant de 1984 et qui mettait en place pour le Québec, qui visait à mettre en place un mécanisme de référendum via l'initiative populaire. Même chose pour un projet de loi qui était aussi prêt sur un mode de scrutin proportionnel, et le gouvernement du Parti québécois, au milieu des années quatre-vingt, avait ça dans ses filières. On pouvait s'attendre qu'en étant réélu en 1994 avec les éléments de son programme, avec des projets de loi presque prêts dans ses filières, il passe à l'action. J'aimerais déposer aussi ce projet de loi là, M. le Président, avec votre consentement.

Dans le discours du trône, l'ancien premier ministre, M. Parizeau, disait: «Ce nouveau gouvernement prolongera l'action de démocratisation engagée par René Lévesque.» C'est quand même un langage, on peut parler de renflement du langage, mais c'était quand même ambitieux, «prolonger l'action de démocratisation engagée par René Lévesque».

Ça, c'était les promesses, c'était les projets, c'était ce qu'il y avait dans les filières qui nous amenaient, nous, à l'ADQ, très spontanément, à espérer. On se pensait en droit de s'attendre à ce que au moins quelque chose se fasse. Dans la pratique, il y a eu une réforme de la liste électorale pour l'informatiser, c'était une évidence à peu près pour tout le monde, sauf les libéraux qui nous proposent toujours le retour en arrière, mais pour l'ensemble des gens, dire: On va utiliser l'informatique pour faire la réforme électorale, c'était ce qu'on pourrait appeler un automatisme.

Mais, sur l'amélioration de la démocratie, de la qualité de la vie démocratique pour nos citoyens, il n'y a rien eu, M. le Président. Ce qu'on a eu, c'est d'abord une commission parlementaire où on à peu près noyé le poisson, une commission parlementaire qui s'est tenue il y a une couple d'années, qui n'a pas eu de suivi. C'est un comité consultatif où il y a des discussions, où ça se fait en vase clos, des représentants des partis politiques, des discussions interminables sur des points gros comme ça qui ne changent à peu près rien dans la démocratie et qui, dans bien des cas, sont autant des reculs que des avancements pour la démocratie. Nous autres, on a l'impression que ce n'est même plus à l'agenda.

La dernière année de mandat, automne 1997, on est rendu au 21 novembre, en dernière année du mandat, le gouvernement ne nous a pas annoncé qu'il avait des grandes intentions au niveau de la réforme électorale. On a l'impression que c'est un abandon de ses engagements. On a l'impression que c'est un abandon de cet objectif-là qui a toujours été très présent au Québec: l'amélioration de notre démocratie.

Je serais tenté, à ce chapitre-là, de citer... Dès 1991, Gilles Lesage disait... À ce moment-là, on parlait de la commission de représentation, mais je trouve que ce constat-là de Gilles Lesage, au début des années quatre-vingt-dix, en dit long sur la dynamique qui s'est installée, la dynamique dans laquelle malheureusement le gouvernement du Parti québécois s'est laissé engouffrer. Il disait Gilles Lesage: «Rien ne va plus. Le gouvernement – libéral à l'époque – et l'opposition péquiste s'entendent comme larrons en foire pour miner cette pièce capitale de l'héritage de René Lévesque.»

Quand le ministre responsable de la Réforme électorale, quand ça fait son affaire, l'héritage de René Lévesque, on s'enveloppe là-dedans, l'héritage démocratique, mais en pratique, quand vient le temps de poser des gestes, quand vient le temps d'entreprendre des actions audacieuses, quand vient le temps ne serait-ce que de réaliser le programme électoral pour lequel ils ont été élus, l'héritage démocratique, on ne le voit plus.

Alors, l'interpellation d'aujourd'hui, c'est bien simple, M. le Président, elle vient du fait qu'il n'y a rien au programme, que ce gouvernement-là est rendu à trois ans dans son mandat, dépassé, n'a pas entrepris d'action, n'a pas l'air d'avoir aucune forme d'idée sur comment il va réaliser son programme. Il avait promis d'agir dans la première année et il n'est même plus sûr d'agir dans la dernière année. Et je pense qu'il a des réponses à donner à la population. Il a des réponses à donner à tous ceux qui croient dans l'importance de la démocratie. Probablement qu'il aurait même des réponses à donner à tous ceux qui, à l'intérieur de son propre parti, depuis longtemps, espèrent des réformes démocratiques, un progrès.

Je serais tenté de poser la question, et il va peut-être réagir négativement à ça, mais: Le 12 septembre 1994, l'autre façon de gouverner en matière de démocratie, c'est quoi? Qu'est-ce qui le différencie, lui, de son prédécesseur, Marc-Yvan Côté, du point de vue des réformes démocratiques, de la volonté de faire avancer les moeurs démocratiques au Québec, de la volonté de prendre des points novateurs, de prendre exemple sur ce qui se fait ailleurs qui est novateur pour permettre à notre population d'avoir une meilleure loi électorale, pour permettre à notre population d'avoir les règles les plus justes possible d'expression de la démocratie, pour permettre que les opinions des citoyens soient les mieux représentées possible? Qu'est-ce qui les différencie?

(10 h 10)

Et surtout, je ne veux pas savoir, là, faire des comparaisons avec... Qu'est-ce qu'ils ont l'intention de faire? Il reste environ un an d'ici l'élection. Qu'est-ce qu'ils ont l'intention de faire concrètement pour démontrer à la population une intention de respecter leurs engagements? Est-ce qu'il pourrait nous faire une liste des pièces majeures? Je comprends qu'au comité consultatif il y a toutes sortes d'amendements très, très, très techniques, très pointus, des petites choses qu'on voudrait améliorer, qui changeraient une façon de faire, qui sauveraient quelques piastres ici ou qui en dépenseraient...

Non, mais, sur les choses majeures, les choses avec lesquelles il pourrait se présenter, lui, dans son comté, dans le comté de Joliette, à la prochaine élection puis dire à ses concitoyens: Voici des éléments majeurs de réforme démocratique qui sont le fruit de mon travail comme ministre et du travail de notre gouvernement, alors, c'est là-dessus que j'aimerais l'entendre pour savoir son échéancier pour réaliser ça d'ici la fin du mandat.

Le Président (M. Laprise): Je remercie le député de Rivière-du-Loup et je donne la parole au ministre de la Réforme électorale.


Exposé du ministre


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Merci à mes collègues, également, qui m'accompagnent ce matin pour pouvoir donner un certain éclairage au député de Rivière-du-Loup.

Et je partirai tout d'abord en le remerciant infiniment de nous convoquer ici et surtout de la position de son parti qui, à la page 33 de son mémoire du 16 mai 1996, ce n'est pas tellement loin, disait ceci: «À n'en point douter, notre Loi électorale sert d'exemple à travers le monde pour son sens élevée de la démocratie.» Donc, je voudrais l'en remercier beaucoup, je voudrais remercier l'ADQ de constater qu'on a la loi la plus démocratique et qu'elle sert de modèle à travers le monde.

Et je suis surpris, donc, du ton qu'a utilisé le député de Rivière-du-Loup d'entrée de jeu. C'est comme si notre Loi électorale était absolument nulle. Parce qu'il a quelques idées à la Preston Manning sur certains cas. C'est comme si la Loi électorale dont il vantait les mérites en commission parlementaire n'existait plus, ou n'existe pas.

Donc, je voudrais également citer un petit bout de Jean Allaire, en commission parlementaire, qui dénote bien qu'il avait compris le sens de nos lois démocratiques. M. Allaire disait: «Trouvons des solutions, à ce moment-là, et trouvons des solutions également à notre façon de procéder et à notre Loi électorale pour qu'elle conserve peut-être le championnat mondial d'une bonne loi.» Déjà, avec quelques améliorations, quelques retouches à peine, on a le championnat mondial d'une bonne loi dans le domaine démocratique. Ce n'est pas surprenant. Le DGE s'est promené à travers le monde, effectivement, pour expliquer nos lois démocratiques.

Et c'est ça, l'héritage de René Lévesque, dont le député de Rivière-du-Loup semble agacé parce qu'on s'en drape de temps à autre. Mais je dois vous avouez, j'aime pas mal mieux me draper d'un héritage de René Lévesque que de me draper d'un héritage de quelque autre chef politique auquel il a appartenu, lui-même, comme individu. C'est bien sûr que, s'il fait de l'autocongratulation parce qu'il est chef maintenant, ça, c'est son problème.

Ceci dit, moi, je vous dis qu'on a une très bonne Loi électorale. Qu'on ait des choses à changer? Oui, sans doute. D'ailleurs, le député de Rivière-du-Loup parlait d'élection à date fixe. Je vais laisser mes collègues – il y en a même un qui est avocat de profession qui va... les deux sont avocats de profession, effectivement, je suis entouré de deux avocats – donner un peu les difficultés majeures du contexte actuel en ce qui regarde l'élection à date fixe. Parce que j'en ai déjà parlé, moi aussi, de cela. En principe, je ne suis pas rébarbatif à cela, je n'ai jamais été, non plus, rébarbatif à cela. Mais on nous dit que, dans le régime actuel, et on développera tantôt, on pourra donner des cas de jurisprudence également qui ont eu lieu, pour démontrer qu'on n'est pas souverain, là. On ne peut pas changer tout tout seul. Puis j'aimerais ça que mes collègues développent là-dessus tantôt.

Également, je dois vous avouer qu'il y a des choses qui vont se clarifier par contre. Le député de Rivière-du-Loup me demandait: Qu'est-ce qu'on va faire? Dès la semaine prochaine, le Conseil des ministres d'ailleurs doit m'autoriser sur des sujets bien précis à procéder à la présentation de solutions à des problèmes qu'on vit dans le domaine de la Loi électorale suite au jugement, par exemple, Libman. C'est évident qu'il va y avoir des solutions d'apportées pour redonner vie aux articles sur le financement des partis politiques. On ne laissera sûrement pas ce jugement sans écho, et déjà il y a des scénarios plausibles qui sont mis sur papier et qui seront présentés au Conseil des ministres et probablement à la consultation publique.

Il y a également, sans doute... Et j'aimerais ça entendre le député de Rivière-du-Loup me dire qu'est-ce qu'il me répondra sur ma volonté d'en arriver à ce que les électeurs du Québec s'identifient lorsqu'ils iront voter. Je n'ai pas l'intention d'abandonner ce morceau, indépendamment du fait que le comité consultatif veuille ou pas. J'ai l'impression qu'on va s'y pencher, parce qu'il y a des pays drôlement démocratiques qui ont des cartes d'électeurs. Est-ce que l'identification de l'électeur, c'est une chose à laquelle il adhère? Si oui, j'ai hâte de voir ce qu'il va me répondre prochainement lorsqu'on lui en donnera l'opportunité. Est-ce qu'il est, par exemple, pour bonifier la liste électorale permanente? Est-ce que le jeune député de Rivière-du-Loup sera d'accord pour qu'on inscrive automatiquement, par exemple, les électeurs de 18 ans sur la liste, alors que, actuellement, la procédure, ce n'est pas cela? C'est des choses, sans doute, auxquelles il va adhérer, ce qui lui permettra, dans son prochain mémoire, de dire que la Loi électorale sert d'exemple à travers le monde, servira davantage. Parce que c'est un peu ça, on veut la bonifier non seulement par le comité consultatif – ça, il a probablement raison, ce n'est pas nécessairement exclusivement par le comité consultatif, il le sait très, très bien – mais, comme volonté politique, il y a des points majeurs sur lesquels il faut apporter des solutions, et à très court terme.

Et j'en prends à témoin toute la question du jugement Libman et de la cause pendante en regard de notre Loi électorale elle-même. Donc, les deux lois risquent d'être invalidées en ce qui regarde le financement, et on ne le laissera pas faire. Même, on pourrait dire: Les trois lois. Même dans les municipalités, à ce moment-là. De sorte qu'on va apporter des correctifs. Et je voudrais également apporter des correctifs – et je prendrai sans doute le temps de le faire, à part de ça – sur le financement à la fois du système des élections scolaires et municipales de façon peut-être plus serrée que c'est le cas présentement. Il y a plusieurs de mes collègues députés qui m'en parlent, et les mandats sont à se donner présentement pour véritablement donner suite à ces mandats-là, à ces cas-là bien précis, de sorte que, d'ici juin 1998, il y aura des morceaux majeurs qui vont venir amender la Loi électorale actuelle, qui vont venir réparer le gâchis de la tour de Pise, qui vont redonner force à l'héritage de M. Lévesque, qui vont régler sans doute l'identification des personnes, qui vont sans doute régler le financement des partis politiques ou des hommes ou des femmes politiques du scolaire et du municipal, qui vont améliorer le processus d'inscription à la liste électorale permanente. Vous me demandiez donc quelles étaient mes intentions. Voilà des morceaux majeurs sur lesquels on va se pencher aussi.

Quant aux référendums d'initiative populaire, c'est vrai que ça existe à peu près partout. Mais partout où ça a été inséré sans trop d'encadrement, ça a diminué la force démocratique. Parce que le pourcentage s'est mis à baisser quand on s'est mis à abuser de ces types de référendums. C'est à travers le monde, ça. On peut vouloir s'inspirer exclusivement de ce qui se fait ailleurs, mais on peut être assez original pour essayer de se donner une formule qui nous est propre aussi. Et c'est un peu ce qu'on cherche, nous, un modèle québécois de notre côté. On ne cherche pas à plagier ou à copier exclusivement ce qui se fait ailleurs. Il faut, tout en étant très sympathique à cette cause-là, lui garder une valeur réelle et non pas sombrer dans le ridicule des référendums à répétition sans que les gouvernements soient liés, etc. C'est une discussion de fond qu'il faut sur des thèmes comme celui-là.

Le rappel des élus, ça, c'est la proposition de Preston Manning. Je suis prêt à la regarder avec le député de Rivière-du-Loup, mais j'espère que c'est seulement sur ce point-là qu'il est d'accord avec Preston Manning et non pas dans son virage d'extrême droite.

Ensuite de ça, pour ce qui est des comtés orphelins, vous avez parlé d'une série de choses. Les comtés orphelins, vous vous rappellerez que c'est une discussion qu'on avait faite le député de Rivière-du-Loup et moi; on a réglé cette situation. Donc, il n'y a rien de fait. C'est drôle comme il ne voit que ce qu'il veut bien voir. Il a une tendance à être comme l'opposition officielle dans cette Chambre. C'est vrai qu'il vient de là.

(10 h 20)

La participation au comité consultatif du DGE. J'ai commencé effectivement à regarder la possibilité d'y inclure des citoyens, mais je crois que ça serait plutôt au niveau des mandats actuellement qu'il faudrait faire appel à l'extérieur. Parce que: Quelle est l'association des citoyens qui représenterait mieux les citoyens? Est-ce que c'est un universitaire? Mais il serait délégué par qui pour représenter les citoyens, etc.? Non, c'est des choses qu'on pourra rediscuter en commission parlementaire. Je suis ouvert à faire une discussion là-dessus.

Il y a d'autres sujets, mais, je m'excuse, le 10 minutes est déjà passé. C'est très intéressant, mais j'espère qu'il va me reposer une question où j'aurai la chance à nouveau ou de citer M. Allaire ou de citer M. Dumont sur les bienfaits et la noblesse de cette loi que nous avons, que nous chérissons et qui fait notre fierté, nous, de se draper, comme il dit si bien, de l'héritage de M. Lévesque. J'aime mieux me draper dans un héritage, qui fait l'envie sur le plan mondial, d'un homme qui a eu le courage politique de nous donner ces outils-là que de m'asseoir entre deux chaises et de ne pas savoir sur quelle je suis le plus confortable. Merci.

Le Président (M. Laprise): Je remercie donc M. le ministre responsable de la Réforme électorale et parlementaire pour son exposé, et je cède à nouveau la parole au député de Rivière-du-Loup.


Argumentation


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. Deux, trois réactions. D'abord, je suis inquiet de la réaction du ministre parce qu'il y a un danger à prendre pour acquis une chose comme la réforme électorale et la qualité de la vie démocratique du Québec. Il y a un danger à ce qu'un parti politique, parce que son chef, il y a 20 ans, a pris des mesures pour améliorer la vie démocratique, s'assoit sur ses lauriers puis dit: Nous, c'est notre héritage. On n'a plus besoin de faire grand-chose. Même, on a régressé sur...

Je vais répéter la citation de Gilles Lesage, qui est peut-être, au Québec, l'observateur le plus aguerri des réformes électorales, qui disait: «Rien ne va plus. Le gouvernement et l'opposition péquiste s'entendent comme larrons en foire pour miner cette pièce capitale de l'héritage de René Lévesque.» Il parlait d'une des pièces, il y en a eu d'autres. On ne peut pas prendre ça pour acquis. Il faut continuer sans cesse à améliorer les lois électorales. On ne peut pas se refermer dans une coquille et dire: C'est notre parti qui l'a faite, donc on est pur ad vitam aeternam. Je n'accepte pas ce raisonnement-là d'un parti qui maintenant refuse de continuer à pousser plus loin la réflexion sur ces questions-là, tout en reconnaissant que la Loi électorale québécoise, si on la compare avec d'autres dans le monde sur plusieurs aspects, est fort intéressante, mais sur d'autres aspects nécessite des réformes et des réformes majeures, parce que entre la loi de 1977 adoptée puis ce qui existe maintenant, suite à toutes les modifications qui sont intervenues entre-temps, bien, il y a une certaine marge, et pas un progrès démocratique, croyez-moi.

L'identification des électeurs, je suis heureux que le ministre soulève cette question-là. Nous, on est assez souples sur les méthodes d'identification des électeurs à condition qu'on n'engouffre pas de nouvel argent là-dedans, là. Des cartes, on est rendu qu'on a le portefeuille ça d'épais, on devrait être capables de s'arranger avec ça. Mais on va plus loin. Nous, on dit même – et ça se fait au gouvernement fédéral – que les gens sous serment, avec des officiers appropriés, puissent s'inscrire à la table. Donc, si, pour mille et une raisons, les personnes n'ont pas pu se faire inscrire sur la liste électorale, comme on en retrouve plusieurs... Le ministre le sait, des milliers de citoyens dans les récentes élections partielles ne sont pas inscrites sur la liste électorale le jour des élections. Les gens qui se présentent au bureau pensent qu'ils sont inscrits et que ça s'est fait automatiquement, puis ça n'était pas le cas et ils perdent leur droit de vote. On est même prêts à dire: Sous serment, les gens peuvent s'inscrire sur place puis, après coup, les vérifications... Le fédéral le fait, puis ça n'a posé aucun problème à la dernière élection fédérale. Et, s'il y a des personnes qui auraient utilisé ce mécanisme-là pour s'inscrire en double, on a toutes les mesures pour leur faire payer des amendes considérables, leur enlever leur droit de vote pour l'avenir, on a toutes le mesures qu'il faut. Alors, là-dessus, on est prêts à aller plus loin.

Mais je veux revenir sur la question du comité consultatif. Je suis heureux que le ministre dise: Bon, sur des mandats, faire intervenir des gens... Quels citoyens? On va partir d'un principe. La Loi électorale, ça n'appartient pas aux partis politiques. La Loi électorale, ça appartient au peuple. Alors, comment on peut s'être donné un mécanisme comme le comité consultatif où les questions de réforme électorale, les questions d'amélioration aux lois sur la démocratie au Québec sont l'affaire des partis politiques en vase clos? Je ne sais pas depuis combien de mois on est en discussion, à savoir: Est-ce que les procès-verbaux, ça pourrait être public, à moitié public? On «est-u» gênés de dire au public que là, nous autres, on ne veut pas changer cet aspect-là de la loi parce que ça nous donne un privilège puis là, si c'est inscrit dans le procès-verbal, peut-être que ça, ça aide... Ce n'est pas une façon, M. le Président, d'administrer les lois électorales qui appartiennent au peuple. C'est pour ça que nous... Je dirais que ce comité consultatif là, c'est le four crématoire des réformes électorales. C'est le plus bel endroit pour aller enterrer une réforme électorale parce que là, derrière des portes closes, tout le monde est là pour défendre ses intérêts de parti, puis toutes les propositions aux réformes électorales que, moi, j'ai vu amener là, c'est le plus bel endroit... En commission parlementaire, ah là tout le monde est pour la démocratie, mais, quand on est rendu derrière des portes closes au comité consultatif, c'est un bel endroit pour enterrer les réformes électorales.

Et c'est pour ça que, nous, on propose d'aller vers un office des électeurs, un véritable endroit où il y aura des représentants du public. Il y a toutes sortes de façons qu'on peut imaginer pour les choisir, mais des représentants du public pour deux grandes raisons. D'abord, pour bien camper que la loi appartient au peuple. La loi n'appartient pas aux partis politiques, la loi appartient au peuple. Et, deuxièmement, pour que les discussions, que les partis politiques ne puissent pas défendre des intérêts partisans, mais qu'on doive toujours garder l'oeil sur l'amélioration de la démocratie. Parce que, si les citoyens entendaient ce qui se passe présentement, M. le Président, ils ne trouveraient pas toujours ça rose.

Le Président (M. Laprise): Je remercie beaucoup le député de Rivière-du-Loup et je redonne la parole à M. le ministre responsable de la Réforme électorale pour une période de cinq minutes.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, d'abord je ne sais pas si le député de Rivière-du-Loup a mal compris ou il n'a pas écouté. J'ai commencé mon exposé en disant qu'on avait une très bonne loi – il la vantait lui-même et le président fondateur, M. Allaire, la vantait lui-même en commission parlementaire – et j'ai dit qu'il y avait place à amélioration de notre loi. Il n'a pas semblé capter ce bout-là. La preuve, c'est qu'on en a apportées, des améliorations, et on va en apporter d'autres, à part de ça. Et on va en apporter même si on sait que certains individus dans ce Parlement-ci sont contre. Je vous ai dit très clairement qu'on va donner suite au jugement de la Cour suprême, c'est clair, puis on va renforcer nos mécanismes démocratiques.

J'ai dit également que j'étais prêt à regarder l'inscription, en particulier sur la liste électorale, précisément pour qu'il y ait une automaticité d'inscription des jeunes de 18 ans. Il devrait s'en réjouir, je suis d'accord avec ça, et mon parti est d'accord avec ça. Nos jeunes, le comité des jeunes du parti est d'accord avec ça, et j'ai l'intention d'y donner suite, à part ça. J'ai parlé de l'identité, le voilà qui dit que ce n'est pas nécessaire que ça coûte cher. Je suis d'accord avec lui. Il y a moyen de trouver des mécanismes d'identification reliés à l'image sans qu'il en coûte cher effectivement. Je ne nie pas ça, c'est moi-même qui en ai parlé le premier en disant qu'il y avait le passeport qui existait, qu'il y avait une carte d'assurance-maladie qui existait puis qu'il y a le permis de conduire avec photo qui existe aussi. Je n'ai jamais dit que c'était une carte d'identité comme telle, sauf peut-être qu'un jour on pourrait, avec les techniques modernes, avoir une seule carte unique au Québec qui pourrait servir pour l'ensemble des besoins. En l'occurrence, le permis de conduire pourrait être dessus, la RAMQ, la Régie de l'assurance-maladie du Québec pourrait être dessus. Il y a la question du passeport. Bien ça, quand on sera souverain, on aura notre passeport.

Ensuite de ça, je voulais ajouter que, contrairement à ce que dit le député de Rivière-du-Loup, le comité consultatif, ce n'est pas si en cachette que ça, ce n'est pas si en cachette que ça. Il n'y a rien qui l'empêche... La preuve, c'est qu'il peut raconter tout ce qu'il veut. Il est libre de se lever en cette Chambre puis poser les questions qu'il veut. C'est un comité bien souvent pour corriger des anomalies. C'est vrai qu'il n'y a pas eu grands débats de fond là, c'est un fait. C'est plutôt des techniques où il y a consensus, puis il y a toujours eu une tradition où on légiférait par consensus dans le domaine électoral. Mais, sur des enjeux aussi profonds que le financement des partis politiques, consensus ou pas, on va légiférer. Ça, c'est une volonté politique d'un gouvernement. Sur le respect fondamental de ce droit démocratique de vote pour en arriver éventuellement à l'identification, c'est un droit fondamental ça, qu'il y ait consensus ou pas, il est libre à un gouvernement, effectivement, de présenter sa volonté politique et de la soumettre au Parlement. On verra ceux qui sont pour et ceux qui sont contre, mais ça, moi, je pense qu'on n'a pas de problème à vivre avec ça.

Au contraire, je vous dirai, M. le Président, que, lorsque Robert Burns avait présenté la loi sur la réforme électorale qui faisait suite aux engagements de M. Lévesque durant la campagne électorale de 1976, il n'y a pas grands parlementaires de ce côté-ci de la Chambre qui n'étaient pas heureux. On a toujours été heureux. Il y en a qui étaient contre en fusil, je comprends, parce qu'ils avaient nagé dans ce genre de financement préalable que vous aviez connu. Après ça, ils ont commencé à dire que la loi était bonne parce que, s'ils avaient continué à dire que la loi n'était pas bonne – parce qu'ils l'avaient combattue pendant je ne sais pas combien de temps – ils auraient commencé à avoir l'air fou parce que les citoyens, en général, trouvaient que cette loi-là était bonne, qu'il était temps que ça se fasse, que ça avait du bons sens. Donc, ils ont commencé à dire qu'elle était bonne. Ils disent tous qu'elle est bonne, puis, quand on arrive avec une amélioration substantielle, de fond...

(10 h 30)

On m'a fait passer – le député de Rivière-du-Loup peut en témoigner – je ne sais pas combien d'heures... Il a assisté à un bon nombre de ces heures-là en commission quand on a établi la liste électorale permanente. Il y en a qui sont forts au niveau des discours – je n'attaque pas nécessairement le député de Rivière-du-Loup quand je dis ça – il y en a qui ont été très forts au niveau des discours puis qui ont lutté contre des améliorations concrètes et tangibles. Et, s'il avait fallu que je marche exclusivement par consensus et unanimité du comité consultatif, on n'aurait jamais passé à la liste électorale permanente. On n'aurait probablement pas de chances de la bonifier parce qu'ils n'en voulaient pas. Donc, je pense qu'on va le faire, pas à la vitesse qu'on aimerait le faire, mais on va améliorer cette loi-là qui fait la fierté des Québécois.

Le Président (M. Laprise): Je remercie beaucoup M. le ministre et je cède la parole au député ministériel, le député de Saguenay, pour cinq minutes.


M. Gabriel-Yvan Gagnon

M. Gagnon: Merci, M. le Président. On vient de se demander comment améliorer la démocratie. On entend en même temps, au soutien de ce questionnement, des propos qui nous indiquent que la démocratie québécoise serait, selon eux, selon ces interpellants, une démocratie malade. On nous indique qu'il faut redonner aux gens la confiance envers le système électoral, mais, en même temps, les mêmes personnes viennent nous rappeler aussi qu'on a le championnat mondial au niveau de la meilleure législation en cette matière. Il y a un problème de cohérence aussi dans cette approche. Je pense qu'il faut aussi cependant rassurer et il faut préserver les acquis que nous avons.

Comment redonner cette confiance à laquelle il fait référence? Je pense que, s'il y a un doute, ce n'est pas à l'égard du processus électoral. Parce que les doutes qui ont pu être exprimés concernent plutôt la capacité d'élus à livrer la marchandise ou ce que l'on a comme désabusement auquel il est fait référence, c'est l'héritage politique que nous avons tous comme société à l'effet que la marchandise, à l'occasion, n'est pas livrée.

Ce qu'il faut plutôt constater, lorsqu'on dit qu'il faut restaurer la confiance des citoyens envers les élus... La solution qui est proposée doit être aussi en lien avec les constats qui sont faits. Moi, je crois que la restauration de la confiance envers les élus passe d'abord par des politiciens qui respectent leurs promesses, des politiciens qui assument leurs responsabilités, qui ont le courage et la détermination de leurs convictions, des personnes capables de reconnaître que le contexte évolue aussi. Il faut être, je pense, pragmatique et non dogmatique en ces matières.

Je pense qu'il faut aussi observer que ce qui nuit à la confiance des citoyens à l'égard des élus, c'est beaucoup plus les tristes cirques auxquels on peut assister en cette Chambre, à l'occasion, qui affligent la réputation qu'on peut avoir; également, aussi, l'inconfort que peut représenter une certaine ligne de parti. Mais la restauration de la confiance, de la crédibilité des élus passe beaucoup plus par l'atteinte des objectifs qui ont été fixés, des engagements qui sont pris.

On nous propose des référendums d'initiative populaire pour restaurer la confiance envers les élus. Cette approche comporte en même temps un aveu ou une tendance à la déresponsabilisation des élus alors qu'on veut restaurer cette confiance. Est-ce que ça va nous conduire, par la banalisation de référendums, à cette déresponsabilisation? Je pense qu'il faut s'y arrêter. Je crois que cette solution peut aller à l'encontre de l'objectif poursuivi.

Est-ce qu'on demande que l'État soit dirigé selon des humeurs d'électorats qui peuvent répondre à des constats faits ou à des opinions émises suite à un travail médiatique qui peut être fait par différents groupes de pression? Réduire le rôle d'élu à celui d'un haut-parleur et non pas comme quelqu'un qui est en mesure de prendre des décisions à la lumière des faits qui lui sont connus? Je pense que les gens veulent avoir aussi des dirigeants qui sont à la fois avisés, éclairés et qui sont en mesure d'y aller, à partir de leur propre expérience, de solutions qui sont très pratiques.

Y aller sous l'approche de référendums d'initiative populaire, est-ce que ce serait plutôt aller sur la vague de carriéristes et non pas de personnes qui désirent changer des choses de façon plus courageuse? On le voit dans le contexte que l'on connaît. Les endroits où il y a des référendums d'initiative populaire, est-ce que ça a amélioré la démocratie? Est-ce que ces États se portent mieux? Je pense que ces questions-là, on a pu le constater... On reprendra.

Le Président (M. Laprise): Je remercie le député du Saguenay. Je redonne la parole au député de Rivière-du-Loup, pour une autre période de cinq minutes.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. D'abord, vous comprendrez mon étonnement. Je suis convaincu que le ministre partage le même étonnement d'entendre le député de Saguenay faire un lien entre l'initiative populaire et le carriérisme. Il est probablement le premier de tous les biographes, de tous les collaborateurs, et même de tous les adversaires de René Lévesque... Je pense que personne n'a fait un tel parallèle. C'est un peu renversant de l'entendre parler en ces termes-là parce que probablement, au Québec, celui qui s'est fait le premier porte-parole sérieux de la notion d'initiative populaire, c'était René Lévesque. Et, à preuve, les documents que j'ai déposés, des projets de loi qui étaient sur les planches à dessin du gouvernement qu'il présidait comme premier ministre, qui viennent finalement répondre un peu à tous les questionnements.

D'ailleurs, je me demande quelle sorte de questionnement auquel on assiste, M. le Président? Parce que, là, le député de Saguenay et le ministre nous font de la dissertation philosophique. On se croirait dans un colloque d'une chaire universitaire où on parle d'un nouveau sujet pour la première fois; puis là des peut-être, puis des conséquences potentielles sur les relations entre ceci et cela. Ils sont au gouvernement. C'est leur programme. C'est des choses sur lesquelles ils ont déjà travaillé. C'est des choses sur lesquelles ils ont déjà écrit. C'est des choses sur lesquelles ils ont demandé au peuple de les élire.

La proportionnelle compensatoire, est-ce qu'il faut que je relise la citation de leur propre programme: «Il nous faudra cependant agir rapidement, en début de mandat, car, une fois élus, les députés peuvent en venir naturellement à développer un préjugé favorable pour le système qui les a favorisés. En conséquence, il conviendra de faire examiner et approuver, dès la première année de notre mandat, un projet de loi prévoyant une réforme du mode de scrutin fondé sur le principe de la proportionnelle compensatoire.» Ils se sont fait élire en disant ça au peuple. Trois ans plus tard, là, ils sont dans le peut-être, dans des réflexions philosophiques, ils se cherchent des raisons, puis là ils sont en Chambre comme si tout ça tombait du ciel, qu'ils en entendaient parler pour la première fois. Mais qu'est-ce qu'ils font au gouvernement? Qu'est-ce qu'ils font au gouvernement?

Contrairement à ce que le ministre a dit tout à l'heure, ce n'est pas vrai qu'on prend des exemples seulement sur ce qui se passe ailleurs et qu'on s'inspire de ce qui se fait ailleurs. Oui, il faut s'inspirer de ce qui se fait ailleurs mais, dans les propositions sur l'initiative populaire, sur la proportionnelle compensatoire, on s'inspire aussi de projets de loi qui ont déjà existé, qui ont été préparés par des Québécois, pour des Québécois, qui existent sur papier et qui, on devrait l'espérer, pourraient donner un peu d'oxygène au gouvernement dans ses efforts de réforme démocratique.

Mais on ne peut pas faire autrement, M. le Président, que de s'inquiéter de leur volonté d'agir dans la mesure où, trois ans après leurs élections, trois ans après avoir été élus par le peuple avec des engagements écrits, là, ils commencent à se poser des questions: Ouais! On «devrait-u» faire ça? On «devrait-u» aller dans cette direction-là?

On est assez loin des propos de leur chef, en 1994, dans son discours du trône, leur chef de l'époque qui disait: Mon gouvernement va dire ce qu'il pense. Mon gouvernement va faire ce qu'il dit. Et mon gouvernement va tenir ses promesses.

(10 h 40)

Mais non. Non seulement ils ne tiennent pas leurs promesses, mais ils ne s'en souviennent même plus. Ils dissertent de la philosophie sur leurs propres promesses électorales, trois ans plus tard. Alors, c'est le triste spectacle auquel on assiste aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, plutôt que de voir un gouvernement qui entreprend des actions pour mettre de l'avant ses propositions.

Alors, j'ose espérer que le ministre va essayer de rétablir la situation puis nous va dire que, sur ce sujet-là, il a l'intention d'agir. Peut-être que le député de Saguenay, à ce moment-là, défend des intérêts de comté et qu'il a peur qu'il y ait un référendum d'initiative populaire sur la construction d'un pont sur la rivière Saguenay, puis que c'est ça qui le biaise dans le débat puis que le ministre de la Réforme électorale va venir corriger le tir. J'ose espérer que c'est ce qui va se produire.

Mais je dois vous dire que, sur ces questions-là, il y a beaucoup de travail de fait. La seule chose qui manque à l'heure actuelle, c'est un gouvernement avec de la volonté politique. C'est un gouvernement qui sait où il s'en va puis qui veut agir. Arrêtez d'en parler et puis passez à l'action, et défendez des principes démocratiques qui sont importants, principes démocratiques d'ailleurs qui, on l'espère, existent encore. On va peut-être le savoir cette semaine avec la décision du Conseil des ministres. Je pense qu'avec le jugement de la Cour suprême qui a été rendu, si jamais ils utilisaient la clause «nonobstant» sur un jugement comme celui-là, on pourrait là aussi se questionner sur leurs principes démocratiques.

Le Président (M. Laprise): Alors, je remercie le député de Rivière-du-Loup, puis je redonne la parole au ministre de la Réforme électorale pour cinq minutes.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Je viens bien de comprendre, de la bouche du député de Rivière-du-Loup, qu'il n'est pas pour la protection de nos lois démocratiques qu'il vantait comme étant les meilleures au monde puis qu'il laisserait défaire ça par une Constitution canadienne? Est-ce que c'est bien ça?

Si c'est ça, M. le Président, qu'il ne vienne pas parler en faveur des lois démocratiques qui pourraient être démantelées en tout temps par une loi fédérale, alors que c'est dans cette même Constitution et dans le respect de la Constitution canadienne qu'on utiliserait le mot «nonobstant». C'est son maître à penser, M. Trudeau, qui avait fait ça. Et ça a été utilisé par son parti auquel il a appartenu pendant de nombreuses années. Il n'y a jamais un gouvernement qui a utilisé autant la clause «nonobstant» que le Parti libéral du Québec, soit dit en passant, dans ses législations.

Je ne vous dis pas que ce sera ça qui va être retenu, mais c'est un des scénarios plausibles qui sera débattu par les citoyens, soyez sans crainte. Et je ne vois pas en quoi c'est antidémocratique quand, supposément... Est-ce que la Constitution canadienne est antidémocratique? Moi, j'en suis profondément convaincu, mais je suis surpris de voir que le député de Rivière-du-Loup ne croit pas à ses bienfaits, lui qui émane d'une formation politique qui a utilisé le mot «nonobstant» je ne sais pas combien de fois. Et M. Ryan – le très rigoureux M. Ryan – à l'époque, l'a utilisé lui-même, rappelez-vous.

Ceci dit, je voudrais revenir aux référendums d'initiative populaire. C'est vrai que ça existe aux États-Unis. Et on est rendu qu'on a à peine 20 % de la population qui participe aux référendums quand c'est utilisé sans encadrement. Est-ce qu'on pourrait permettre, par exemple, un pourcentage puis qu'une seule région au Québec puisse déclancher un mandat d'initiative? Il va falloir qu'on trouve véritablement des mécanismes d'encadrement. Je ne vous dis pas qu'on le rejette. Il y a moyen, je crois, effectivement, de trouver des solutions là-dessus.

Quant à la liste électorale, j'y reviens. Ça fait 20 ans. On a parlé pendant 20 ans d'une liste permanente sans jamais la faire. Nous, on a eu le courage de la faire. C'est clair qu'il y a des imperfections au départ. Je ne nierai jamais cela. Mais je «peux-tu» vous dire que c'est quand même voté; ça va faire économiser je ne sais pas combien de dizaines de millions aux municipalités, au monde scolaire, au gouvernement comme tel. On payait des recensements annuels, rappelez-vous, puis ça créait des problèmes. En 1972, là, on votait... Ça coûtait bon an mal an entre 15 000 000 $ et 20 000 000 $.

On a dit: Bon, il y a des techniques modernes; on va entrer dans la modernité. Et ça a pris du temps, entrer dans la modernité. Rappelez-vous le député de Laurier-Dorion, rappelez-vous le député de Chomedey, rappelez-vous la députée de La Pinière, le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui sont venus nous faire des discours, ce qu'on appelle des filibusters, qui sont venus parler pour rien dire pendant des 20 minutes sur des sujets sans parler du sujet, qui ont tenu des 80 heures, je pense, de l'autre côté, en tout, à dégobiller sur le projet de loi, alors que l'objectif, c'était de sauver des argents, puis de rentrer dans la modernité, puis de se donner une technique moderne. On va continuer à le faire, envers et contre tous, là-dessus, je vous le dis tout de suite.

Et c'est le propre d'un gouvernement, on a été élu pour gouverner. On va présenter notre volonté politique très prochainement, je le dis d'avance sur la réintroduction... ou la revalidation de nos clauses sur le financement des partis politiques et on verra les scénarios qui seront proposés. On va, sans doute, parler d'identité des électeurs, on va sans doute parler du financement et resserrer le financement politique, que ce soit scolaire, municipal. Et, si on est capable d'améliorer même au niveau national, on va le faire. Et on va également s'interroger pour une meilleur inscription à la liste électorale.

Voilà des thèmes nouveaux sur lesquels on va se pencher. Puis il y en aura bien d'autres. Je sais qu'il y a déjà un consensus sur quelques points, là, au comité consultatif. Je ne me rappelle même pas les derniers, ils sont minces, me dit-on, mais on verra. Ceci ajouté au point majeur que je viens de présenter, je pense que ça fait un menu, peut-être pas à la vitesse que le député de Rivière-du-Loup voudrait, mais je pense cependant que ça ajoute des cartes maîtresses à notre loi qu'il considère déjà comme la meilleure au monde. Et ça, c'est valable.

Le Président (M. Laprise): Je remercie beaucoup M. le ministre de la Réforme électorale. Alors, je suspends maintenant les travaux pour quelques minutes.

Une voix: On pourrait avoir deux interventions.

Le Président (M. Laprise): Deux interventions. Alors, je redonne la parole au député de Saguenay.


M. Gabriel-Yvan Gagnon

M. Gagnon: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Laprise): Pour un cinq minutes.

M. Gagnon: Merci. Je pense qu'il faut remettre les choses dans leur perspective, là. Que nous dit l'opposition là-dessus sur les référendums d'initiative populaire? C'est dans le contexte de restaurer la confiance envers les élus. Qu'est-ce qu'on vise? Est-ce que c'est la restauration de la confiance envers les élus? Les expériences connues, qu'on regarde des endroits où il existe de semblables mécanismes, aux États-Unis... Est-ce que la confiance à l'égard des politiciens américains est pour autant restaurée avec la présence de référendums d'initiative populaire? On nous présente l'objectif visé, disent-ils, par le référendum d'initiative populaire: la restauration de la confiance envers les élus.

Ça fait que, s'il faut donner un sens aux mots, je pense qu'il n'est pas question de disserter sur quoi que ce soit: Est-ce que le mécanisme proposé atteint l'objectif poursuivi? C'est ça, la question. À ce niveau-là, on peut cependant trouver la piste intéressante, mais elle a besoin d'être balisée. Par des initiatives populaires, entend-on banaliser l'outil référendaire? Est-ce qu'on ne devrait pas plutôt le réserver pour des actions plus importantes pour l'ensemble de la collectivité québécoise? C'est à ça qu'on devrait plutôt s'arrêter. Et un des travers ou un effet pervers avec lequel on devrait composer: Est-ce que nous devrions, comme élus, être à la remorque de groupes de pression? Ça fait partie du débat, et c'est loin d'être philosophique, c'est éminemment pratique. On a vu avec ce qui s'est passé suite au jugement concernant l'affaire Libman, il y a des conséquences majeures.

(10 h 50)

Je voudrais revenir sur la question du mode de scrutin proportionnel. D'abord, il faut resituer les choses. L'Action démocratique, oui, parle maintenant de ce mode, mais c'est dans le paysage politique depuis plusieurs décennies. Moi, je crois aussi que c'est une très bonne idée de l'introduire avec le mode compensatoire. Notre formation politique, nous avons fait une réflexion aussi là-dessus, et je pense qu'il faut y arriver. Cependant, quand on fait un changement aussi majeur, il faut quand même observer qu'une grande partie de notre population n'est pas nécessairement en accord avec cette proposition. On doit donc, je le pense, l'introduire mais d'abord s'assurer que ça reflète un consensus au sein de la population. Il y a eu des études qui ont été faites sur les différents modes de scrutin proportionnel, et on peut constater, je pense à celle de M. André Bernard, qui avait été produite dans le cadre des études électorales sur les systèmes parlementaires et les modes de scrutin, qu'il y a, là aussi, des imperfections, certains effets qui ont besoin d'être contrés ou balisés. Avant d'en arriver à une telle proposition, je pense qu'on a besoin d'en parler davantage et de vérifier quels mécanismes nous devons mettre en place pour nous assurer qu'un tel mode puisse répondre véritablement aux objectifs qui sont poursuivis. Je le répète, il y a des effets, à l'occasion, qui peuvent être paradoxaux, et ça a été constaté même avec ce mode de scrutin.

On le constate, on viendrait changer une caractéristique du système électoral à laquelle les gens se sont identifiés. Je pense que, avant d'y toucher, nous devons nous assurer que la proposition soit bien attachée au niveau de la population pour qu'elle permette d'atteindre les objectifs qui sont poursuivis. Et je pense que, au lendemain du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman, il ne faut pas donner l'impression à la population qu'on joue avec nos institutions démocratiques sans qu'elle soit consultée. On a besoin de faire ces arrimages, et, là-dessus, je pense qu'il a le mérite de remettre ce sujet à l'ordre du jour, et on aurait avantage à progresser avec cette proposition. Merci.

Le Président (M. Laprise): M. le député de Saguenay, je vous remercie de votre intervention et je redonne la parole au député de Rivière-du-Loup pour une autre période de cinq minutes.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. Je me contenterai de dire que le député de Saguenay est en train de prouver qu'il n'y avait peut-être pas tant de bonnes choses que ça dans le programme du PQ. Mais il y avait au moins une prophétie qui était juste. Quand on disait: Il faut agir en début de mandat sinon les députés peuvent en venir naturellement à développer un préjugé favorable pour le système qui les a favorisés, il y avait au moins une prophétie qui était juste.

Je veux revenir sur la réaction du ministre parce qu'il m'a inquiété tout à l'heure. La Loi électorale – je pense qu'on s'entend – c'était une des lois fondamentales, puis, à partir du moment où on vit en démocratie, ce n'est pas loin d'être la loi fondamentale. Il y a la Constitution puis, juste après, il y a la Loi électorale. Je serais surpris, mal à l'aise, inquiet que cette loi-là puisse être amendée, travaillée sous le couvert d'une clause «nonobstant» qui s'appliquerait. On a une Charte québécoise des droits et libertés, il y a une Charte canadienne des droits et libertés, et les deux, je pense, n'ayant jamais été contestées du point de vue de la défense des droits et libertés fondamentales qui y sont nommés, le jugement de la Cour suprême sur cette question-là, contrairement à ce que le ministre dit, n'est pas catastrophique.

D'abord, le jugement de la Cour suprême, il vient dire que la loi sur le financement des partis politiques, le contrôle des dépenses électorales, c'est bien correct. La Cour suprême, elle a dit ça. Elle dit: Le «free-for-all», on reconnaît que le Québec s'est donné une loi, il a encadré ses dépenses, il a mis des limites là-dessus, puis c'est correct, ça. Il a dit: Sur un aspect, ça brime certaines formes de liberté d'expression, liberté d'association, que des groupes, pour exprimer leur point de vue, soient obligés de se joindre un parapluie. Il dit: Il faudrait revérifier d'autres mécanismes pour contrôler les dépenses de ces gens-là, pour pas que ces gens-là puissent dépenser de l'argent tous azimuts. Puis on suggère la Cour suprême. Je suis convaincu que le ministre a des gens, autour de lui, le Directeur des élections peut nous fournir des suggestions pour trouver des mécanismes parce que, moi, je suis le premier, ma première réaction, ça a été de dire: Il ne faut pas s'en aller vers le laisser-aller total, le «free-for-all» en mauvais français. Il faut qu'il y ait toujours un bon encadrement de la façon dont on dépense. Mais il me semble qu'appliquer le «nonobstant» là-dessus ça serait une erreur de jugement, compte tenu des possibilités offertes par le jugement de la Cour suprême, compte tenu que ce jugement-là reconnaît – et je le répète – que la Loi électorale, c'est bien correct. Il faut encadrer les dépenses, puis tout le monde semble d'accord avec ça.


Document déposé

Je serais peut-être enclin à déposer l'avis de la Commission juridique de l'ADQ sur la question si ça peut éclairer les gens sur l'ensemble de la position qu'on a défendue là-dessus. Alors, j'en fais le dépôt.

Parce qu'une des choses que la Cour suprême dit, c'est: L'argent a un lien avec la liberté d'expression. S'il y a un groupe qui peut dépenser plus d'argent ou qui obtient plus d'argent, ça a un impact sur la liberté d'expression. Or, on aurait espéré que le gouvernement, plutôt que de se rebuter par rapport à ces réflexions-là, utilise ces réflexions-là pour continuer à améliorer sa Loi électorale. Parce que si c'est vrai, et je pense que c'est le cas, que la liberté d'expression du point de vue financier devient biaisée, je veux dire que ce n'est pas la même liberté d'expression selon l'argent que tu as à y mettre, et qu'à partir du moment où des fonds publics servent à donner à certains partis politiques contrairement à d'autres des avances de fonds, de dire: Les travailleurs d'élection, les représentants dans le poll pour tel et tel parti vont être payés à même les taxes des contribuables mais pas pour d'autres, peut-être que là aussi on joue dans la liberté d'expression. Moi, j'aurais espéré que le gouvernement et le ministre passent à travers le jugement de la Cour suprême avec davantage d'ouverture d'esprit puis s'en servent pour continuer à améliorer la Loi électorale du Québec. Parce que je pense que sur certains de ces aspects-là, il y a de la marge pour de l'amélioration et qu'il y a même des suggestions là-dedans qui méritent d'être entendues, d'être examinées attentivement.

Le Président (M. Laprise): Alors, je remercie le député de Rivière-du-Loup et je suspends la séance environ cinq à six minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 57)

(Reprise à 11 h 21)

Le Président (M. Laprise): Alors, la commission reprend ses travaux. Je cède la parole au député de Rivière-du-Loup, cinq minutes.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. Alors, on en était, au moment de suspendre, à faire le lien entre le jugement de la Cour suprême, qui est intervenu dans l'affaire Libman, et d'autres aspects de la Loi électorale. Or, si on se souvient où on en était rendus, les éléments de la Loi électorale qui, à l'heure actuelle, dans le cadre qu'on connaît présentement donnent à certains partis politiques par rapport à d'autres des privilèges – je pense qu'il faut les appeler comme ça – on peut se demander: Est-ce que le gouvernement ne devrait pas, à la place de se rebuter devant le jugement de la Cour suprême, dire: On va appliquer le «nonobstant»? Entreprendre une série de réflexions, d'abord pour éviter d'avoir recours à la clause «nonobstant», mais, deuxièmement, pour voir comment les mises en garde qui nous viennent des tribunaux concernant des aspects de la loi sur les consultations populaires mais aussi de la Loi électorale indirectement, comment on pourrait améliorer ces aspects-là. Comment on pourrait profiter de l'opportunité de réflexion qui nous est offerte, comme c'est fait dans l'avis de la Commission juridique de l'ADQ que j'ai déposé? Comment on pourrait en profiter pour améliorer nos lois électorales? Parce qu'il faut toujours se placer, en matière de réforme électorale, dans la peau des citoyens.

Et c'est notre rôle, je l'ai dit concernant le comité consultatif. Moi, si je suis mal à l'aise avec le comité consultatif puis si je souhaite qu'on aille vers un office des électeurs puis qu'on en fasse une table véritablement où on va parler de réforme électorale du point de vue de l'intérêt de la population, c'est parce que je suis profondément convaincu que la Loi électorale, ça n'appartient pas aux partis politiques, ça appartient au peuple. Les partis politiques sont des utilisateurs de la Loi électorale. On travaille avec la Loi électorale, on peut faire des recommandations concernant la Loi électorale si on voit que certains de ses aspects sont incorrects ou peuvent être améliorés, mais on ne peut jamais s'enlever de l'esprit que la Loi électorale, c'est ce qui permet d'opérer notre démocratie. La démocratie, c'est le pouvoir du peuple, donc la Loi électorale appartient au peuple.

Et, quand un tribunal vient nous dire que la Loi électorale brime certaines des libertés fondamentales de la population, on ne peut pas rejeter ça du revers de la main. Ce n'est pas vrai. Il faut le prendre en considération, surtout quand c'est un jugement qui est nuancé. Surtout quand c'est un jugement qui vient dire finalement: Mais il y a plein d'aspects de votre Loi électorale au Québec... C'est bien correct, c'est très correct de contrôler les dépenses mais dire, par contre: Il faut être prudents, il ne faut pas que l'argent... Et là je reprends d'ailleurs... La Cour suprême dit des choses qui ne sont pas loin des termes de la réaction du ministre de la Réforme électorale qui a réagi au jugement lui-même. Il disait: On ne veut pas que ce soit l'argent qui contrôle les consultations populaires, on ne veut pas que les référendums et les élections deviennent une affaire d'argent. Bien moi, M. le Président, je suis d'accord avec son affirmation.

Par contre, le jour où une élection partielle ou générale est déclenchée, le parti auquel il appartient s'est voté une loi qui fait qu'il y a de l'argent qui est déposé dans le compte de banque la première journée. Puis ça, ce n'est pas offert à tous les partis politiques. On prend les taxes des citoyens puis on dit: Certains partis vont avoir tels privilèges, ils vont avoir la première journée une avance de fonds, on va leur avancer des fonds. C'est que, de la part d'un gouvernement puis de la part d'un ministre qui nous dit: On ne veut pas que ce soit l'argent qui mène les campagnes, on trouve que, quand c'est lui le principal intéressé, l'argent, il ne crache pas là-dessus. Alors, c'est une réflexion – je vais y revenir plus tard – qui, à mon avis, va devoir se faire. C'est une réflexion qu'il va falloir poursuivre sur la façon dont le financement qui découle de nos lois électorales est distribué à même les taxes et les impôts des contribuables.

Une voix: ...

Le Président (M. Laprise): M. le député de Rivière-du-Loup pour un autre cinq minutes.

M. Chevrette: ...un autre cinq minutes parce que c'est de ma faute.

Le Président (M. Laprise): Un autre cinq minutes.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Bon, je vais reprendre d'abord un autre aspect. J'avais conclu sur cette dimension-là. L'autre aspect que je vais toucher, à ce moment-ci, c'est... Le ministre nous parle de réformes électorales qui s'en viennent. Il y a un certain nombre des propositions... Parce que tout à l'heure il nous a dit que le comité consultatif était très à l'aise avec le fait que soient rendus publics les travaux ou certains travaux du comité consultatif. Je veux mettre le doigt sur certaines des propositions qui sont amenées au comité consultatif, sur lesquelles on a mis notre opposition. Puis il dit que, sur certaines choses, il va procéder malgré l'absence de consentement. Et je veux dire en Chambre, dire publiquement pourquoi l'ADQ, par exemple, sur certaines propositions, ne peut pas donner son consentement. Parce qu'il y a des propositions de réforme électorale qui sont sur la table et qui sont, à mon oeil, des reculs pour la démocratie.

Quand on me parle de donner aux députés qui sont en place le droit de voter dans un comté, même s'ils n'habitent pas là, exemple, il y a des gens, au comité consultatif, qui souhaiteraient qu'il y ait des gens qui puissent... J'ai le procès-verbal entre les mains qui nous cite une réunion du printemps passé où les représentants du Parti libéral et du Parti québécois se sont montrés favorables à une proposition qui permettrait au candidat sortant de choisir de voter dans la circonscription où il se présente au lieu de son domicile. Bon là je comprends que le gouvernement est pris avec le cas de la députée de La Prairie, mais là est-ce qu'on va justifier ça a posteriori? Est-ce qu'on va revenir amender des choses par après pour essayer d'effacer des erreurs qui ont été faites après?

Deuxièmement, c'est quoi, cette affaire-là que quelqu'un, parce qu'il a été élu la dernière fois... Moi, là, quand on dissout la Chambre, le député de Rivière-du-Loup, je me représente en élection, je suis au même titre que les autres candidats. Selon quel principe démocratique on me donnerait, à moi, un privilège qui n'existe pas pour les autres citoyens, qui n'existe pas pour les candidats des autres partis, qui n'existerait pas pour un candidat indépendant, pour un citoyen qui déciderait de se présenter? Alors, j'ai hâte d'entendre le ministre. Peut-être qu'il est... À voir ses réactions, son non-verbal, il a l'air d'avoir reculé sur cette proposition-là.

Moi, je suis obligé de me fier au procès-verbal, mais, sur ce genre de question là, c'est évident que les éléments de réformes électorales que, nous, on va appuyer, c'est ceux qui enlèvent des privilèges, qui amènent une meilleure égalité des chances et ceux qui améliorent la démocratie du point de vue de notre population, mais sûrement pas adopter des lois qui viennent justifier des cas comme celui de la députée de La Prairie, qui viennent justifier des privilèges supplémentaires qui pourraient être donnés à certains. Je comprends que c'est une idée qui a été probablement poussée particulièrement fort par le Parti libéral parce que, je pense, dans les récentes élections partielles, si je ne me trompe pas, ils avaient trois parachutés sur quatre, ça fait que là ils veulent essayer de se racheter puis avoir au moins un certain nombre de candidats qui ont le droit de vote. Pour se faire filmer en train de voter, il faut au moins en avoir quelques-uns qui ont le droit de vote dans le comté où ils se présentent. Mais ça, ce n'est pas le problème. Si le Parti libéral n'est pas capable de trouver de candidat qui habite dans le comté où il se présente, qu'est-ce que vous voulez? Ce n'est pas le problème des citoyens du Québec. Puis, quand les citoyens espèrent une réforme électorale, quand les citoyens veulent que leur gouvernement se lance dans une réforme électorale, ils veulent plus de démocratie, pas plus de privilèges, pas plus d'exceptions, pas plus d'avantages donnés aux uns et aux autres. Ce n'est sûrement pas ça.

(11 h 30)

Alors, quand je disais que je voudrais qu'on ait un comité consultatif avec de la participation des citoyens, je ne veux pas que ça se discute en vase clos, la réforme électorale. Quand l'ADQ, dans son mémoire en commission parlementaire, dit que le comité consultatif dans sa forme actuelle, il faut que ça disparaisse, il faut qu'on arrive vers un comité à participation du publique, qu'on arrive avec un comité ouvert où les travaux vont se faire de façon ouverte, c'est parce que ce genre de propositions là, les discussions là-dessus n'iraient pas loin, je pense, s'il y avait des représentants du public, s'il y avait des gens de la population qui voyaient le genre d'arguments qui peuvent être invoqués par des partis politiques pour défendre des propositions aussi surprenantes du point de vue démocratique. Alors, c'est ça. L'idée d'ouvrir, l'idée de rendre accessible au public tout ce qui se fait concernant la réforme électorale, c'est pour rehausser les standards démocratiques des propositions qui vont s'y faire.

Le Président (M. Laprise): Alors, je remercie beaucoup le député de Rivière-du-Loup et je donne la parole à M. le ministre de la Réforme électorale pour un cinq minutes.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Même pas. Ça va être 30 secondes pour donner la chance à mon collègue de Drummond. Je comprends que le chef de l'ADQ et député de Rivière-du-Loup avait sans doute des bonnes raisons d'avoir manqué les deux derniers comités consultatifs, je ne nie pas ça, mais au dernier comité consultatif j'ai déclaré, moi, personnellement, que je n'étais pas d'accord avec ça non plus, et ça ne peut donc pas faire l'objet d'un consensus pour être amené dans la loi. Je me suis carrément opposé à cela.

Effectivement, moi, je crois que dans la mesure du possible il est possible qu'il ne trouve pas de candidats dans certaines circonscriptions électorales, y compris que le chef de l'ADQ aura probablement à faire face à ce problème-là, comme il a eu à y faire face dans Drummond à la dernière élection, en y envoyant un parachuté. Mais ce que je veux dire, règle générale, moi, je suis d'accord avec le fait qu'on vote dans sa circonscription électorale et qu'on ne change pas la notion de domicile principal qui est dans la loi. Soyez assurés de ça.

Le Président (M. Laprise): Je vous remercie beaucoup, M. le ministre, et je cède la parole au député de Drummond.


M. Normand Jutras

M. Jutras: Merci, M. le Président. Moi, je voudrais revenir à ce que le député de Rivière-du-Loup disait quand on a commencé la présente interpellation, où il a dit, finalement, que notre démocratie est malade et que les contribuables ont perdu confiance dans leurs élus, et il semble imputer la responsabilité de ça à notre système électoral.

Moi, je pense qu'on ne peut pas dire n'importe quoi, puis il faut faire attention à ce qu'on dit. S'il y a une chose en quoi les Québécois et les Québécoises ont confiance, c'est bien leur système électoral, et la raison pour laquelle ils ont confiance dans leur système électoral, c'est que notre système il est très bon, il est excellent. Moi, je peux dire avec fierté, et je suis intimement convaincu de ça, que, le Québec, on est un exemple de démocratie à travers le monde.

Si les gens ont un problème de crédibilité envers leurs politiciens, je ne pense pas que ça tienne à notre Loi électorale qui est une des meilleures au monde, je le répète. Ça tient à autres choses, ça tient au comportement, entre autres, qu'ont certains élus. Ça tient à ce que certains élus disent, ça tient à certaines façons d'administrer.

Je donne un exemple. La façon dont le gouvernement libéral précédent a administré au cours des cinq dernières années, de 1990 à 1995, où il a accumulé déficit sur déficit, où il a atteint un déficit record de 5 900 000 000 $, où il annonçait, par exemple, un déficit de 3 000 000 000 $, puis il atteignait un déficit de 4 000 000 000 $, qui n'a jamais été capable d'entrer dans la cible budgétaire qu'il se fixait, ça, moi je pense que, principalement, c'est ça qui mine la confiance des Québécois envers leurs élus, des élus qui disent quelque chose et qui ne respectent pas leurs engagements. C'est ça qui mine beaucoup plus la crédibilité que ce que prétend le député de Rivière-du-Loup.

Autre chose, aussi, à mon avis, qui mine la crédibilité, c'est le discours même du député de Rivière-du-Loup. Et là je vous réfère, M. le Président, au mémoire de l'ADQ, du 16 mars 1996, qui avait été déposé devant la commission des institutions, où dans un même mémoire il nous dit: «Notre démocratie est malade.» Je réfère à la page 3. Il nous dit: «Les Québécois ont perdu confiance dans une proportion sans précédent envers leurs institutions et leurs élus.» Et, par la suite, ce qu'il nous dit dans le même mémoire, il nous dit que, et là je réfère à la page 33: «À n'en point douter, notre Loi électorale sert d'exemple à travers le monde pour son sens élevé de la démocratie.» Ça aussi, ça mine la crédibilité des politiciens parce que les gens qui entendent ça, ils disent: Bien, le député de Rivière-du-Loup, là, c'est quoi sa pensée? Est-ce que sa pensée est à la page 3, où il dit que notre système est malade, ou elle est à la page 33, où il dit qu'au contraire notre système sert d'exemple à travers le monde pour son sens élevé de la démocratie?

Moi, je pense que c'est ça, c'est une façon de parler comme ça qui mine la crédibilité des Québécois envers leurs élus. Et je l'invite à plus de prudence dans ses propos parce que, si on demande aux Québécois s'ils ont confiance en leur système électoral, ils vont vous dire: Oui, c'est certain.

Alors, quand ils entendent le député de Rivière-du-Loup qui tient des propos qui sont tout à fait exagérés, comme il vient de faire, ça, je pense que ça mine beaucoup plus notre crédibilité à nous, les politiciens, quand on dit oui à une page et qu'on dit non à la page suivante ou quand on tient des propos qui ne sont pas fondés. Puis, même, je l'invite à la prudence, parce que je l'entends parler, quand on sait à quel point présentement, les Québécois, nous sommes attaqués sur la question de la démocratie, alors que je considère qu'on est un exemple. Notre loi sur les référendums en est un exemple. Notre loi sur le financement des partis politiques en est un exemple. Quand on voit un Stéphane Dion, à Ottawa, qui veut nous donner un exemple de démocratie, bien, je dis que le député de Rivière-du-Loup, il se rend complice d'un Stéphane Dion en voulant miner notre système démocratique, et c'est ça qui fait... Et je trouve ça déplorable, et ça, ça n'a aucun sens de tenir des propos comme ça. Stéphane Dion pourra venir nous donner une leçon de démocratie quand, à Ottawa, ils auront adopté une loi sur le financement des partis politiques, comme on a fait, et quand ils respecteront notre loi sur les référendums, sur les consultations populaires plutôt que ce qu'ils ont fait au dernier référendum: ne pas respecter notre loi, dépenser de façon inconsidérée pendant le référendum.

J'invite le député de Rivière-du-Loup, à moins qu'il ne soit rendu de ce côté-là, à ne pas se ranger du côté des Stéphane Dion et des Jean Chrétien qui veulent miner notre démocratie et qui veulent prétendre que les Québécois, on n'est pas des démocrates alors qu'on est un exemple, à travers le monde, de démocratie.

Le Président (M. Laprise): Je remercie beaucoup le député de Drummond. Je cède à nouveau la parole au député de Rivière-du-Loup, pour une période de cinq minutes.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. Un des sujets sur lesquels je n'ai pas encore eu de réactions, c'est celui de l'échéancier. On a entendu les députés essayer de démontrer que, parce qu'on veut améliorer la loi, il faudrait dire que tout est à terre, il n'y a plus de démocratie. Je pense que ce qu'on a au Québec... On vit dans une démocratie, l'ADQ n'a jamais nié ça. Puis on a une loi, sur un certain nombre d'aspects, qui effectivement est bien organisée, mais il y a des aspects de cette loi-là qui sont encore à améliorer, où on peut aller plus loin. Mais il y a d'autres aspects de cette loi-là qui ont été, dans les dernières années, entre autres en 1989, pour plusieurs, complètement morpionnés, pour parler en bon français. On a pris puis on a transformé des bons principes en privilèges accordés à des partis.

J'écoute les réactions depuis tout à l'heure. Bon, on dit: Oui, on va faire une réforme électorale, on va faire ce qu'on est obligé de faire à cause du jugement de la Cour suprême. On ne sait pas encore trop comment est-ce qu'ils vont s'y prendre. On nous dit: La liste électorale permanente nous cause certains problèmes, on va amener les ajustements. Mais en aucune façon on nous donne des indications précises, claires sur un échéancier pour les réaliser. Je le rappelle, c'est un programme électoral. C'est spectaculaire de voir des gens qui se sont engagés à faire des choses, qui, à l'élection, ont mis des choses dans leur programme, puis aujourd'hui ils parlent de ça comme si on était – je l'ai dit tout à l'heure – dans une chaire universitaire. On est en train de réfléchir, on se pose des questions, on n'est pas sûrs. Bien, s'il y avait des questions à se poser, il fallait les poser avant de mettre ça dans le programme.

S'ils pensent que, la réforme électorale, ce n'est pas nécessaire parce que tout est parfait, puis notre démocratie est merveilleuse, puis que 100 % des citoyens en sont satisfaits, puis qu'il n'y a plus rien à améliorer, comme c'est le cas de leurs discours, mais là il fallait qu'ils le disent quand c'était le temps. Qu'ils disent à l'élection: Nous, le PQ, un vote pour nous, ne pensez pas que la réforme électorale, ça nous intéresse. Si vous votez pour le PQ, vous votez pour un parti qui est hautement satisfait, qui est en admiration totale devant les lois électorales, puis que les privilèges qui sont donnés à des partis là-dedans, on va protéger ça parce que c'est bon pour nous autres, puis on est bien contents de ça, puis que des améliorations démocratiques, si vous voulez ça, votez pour les autres. Nous autres, on n'en veut pas. Si c'était ça, il fallait le dire.

Aujourd'hui, ils nous tiennent ce discours-là. On n'a pas besoin d'en faire des améliorations démocratiques, on a une loi, c'est merveilleux. Tout est parfait. Bien, si c'est ça, il fallait le dire à l'élection. Non! À l'élection, ils ont reconnu, dans leur programme, qu'il y avait des améliorations, il fallait aller plus loin. Ils ont même dit: Il va falloir le faire vite dans le mandat parce que, si on ne le fait pas vite dans le mandat, on est en train de devenir un vieux parti, le PQ, et plus on va aller dans le mandat, plus on va devenir confortables, plus on va dormir sur nos lauriers, puis on va...

(11 h 40)

Ils avaient reconnu ça dans leur programme que les députés allaient développer un préjugé bien favorable à un système qui les a favorisés puis dire: Bien, regardez bien, on va profiter de ce système-là; on va le garder comme ça; les réformes, on va en parler puis on va soumettre des études; puis on va renvoyer les réformes à plus tard.

S'ils ont été élus, c'est pour réaliser un programme, c'est pour faire des choses. Puis là il leur reste une année dans leur mandat. Puis le ministre nous a parlé – ça fait 1 h 40 min qu'on est en interpellation – puis, à aucun moment, il nous a donné des indications claires quant à la réalisation de son programme. À aucun moment, il nous a donné des indications claires quant à sa volonté de procéder à une véritable réforme électorale au Québec. À aucun moment, il nous a dit qu'il allait donner suite à la commission parlementaire qui s'est tenue, où des groupes ont pris la peine de venir à l'Assemblée nationale nous parler des améliorations qu'ils voulaient voir à notre système démocratique.

C'est un peu décevant. J'ose espérer que l'interpellation va avoir au moins permis au ministre de se rafraîchir la mémoire sur ses engagements, sur le programme de son parti, sur le passé de son parti, les choses qui ont déjà été déposées, les projets qui ont déjà été mis sur la table, puis qu'ils vont véritablement poser des gestes concrets pour rétablir certains éléments de nos lois démocratiques.


Conclusions

Le Président (M. Laprise): Alors, je remercie M. le député de Rivière-du-Loup. Et je demande le député de Drummond pour une période de 10 minutes, en termes de conclusion, s'il vous plaît. Et M. le député de Rivière-du-Loup reviendra pour un autre 10 minutes.


M. Normand Jutras

M. Jutras: Oui. Bien, je vous remercie, M. le Président. Moi, je voudrais revenir sur une idée à laquelle a fait référence le député de Rivière-du-Loup et que l'on retrouve aussi dans le mémoire, toujours, qui a été déposé par l'ADQ à la commission des institutions en 1996, qui est les élections à date fixe.

C'est sûr que c'est une idée qui peut être intéressante. On ne nie pas ça. Remarquez que, là, on n'invente pas la roue quand on commence à parler d'élections à date fixe; on l'a déjà, en partie, dans notre système. On sait qu'on a des élections à date fixe, entre autres au niveau municipal au Québec, le premier dimanche de novembre. À chaque année, il y a des élections municipales. Alors, c'est déjà, en partie, dans le système. Là, notre collègue de Rivière-du-Loup voudrait qu'on instaure ça au niveau provincial. Et je lisais le mémoire de l'Action démocratique du Québec, qui est son parti, pour les arguments qui justifient ça. Et les arguments, par contre, je dirais qu'ils laissent à désirer.

Il nous dit, entre autres, et je réfère à la page 5: «Quand on sait qu'un gouvernement vient d'être élu, la machine repart lentement.» Mais ça, même s'il y a des élections à date fixe, ça va être la même affaire. La machine va repartir lentement. C'est toujours le cas. Il y a des nouvelles nominations; les gens entrent en poste puis, le temps de se familiariser, bien, ça prend un certain temps. Il nous dit: «Quand les élections approchent, la machine ralentit aussi.» Bien, ça aussi, même si on a des élections à date fixe, la machine va ralentir, parce qu'on va voir venir l'échéance électorale. Et, forcément, quel que soit le gouvernement, ça ralentit quand l'échéance vient.

Mais, ce que je trouve étrange, par contre, et spécial dans ce mémoire-là, et là je réfère à la page 6, et je pense qu'il faut le lire: «Enfin, des élections à date fixe permettraient d'établir une équité entre les différentes formations politiques. En effet, si, pendant cinq ans, le gouvernement avait le temps voulu pour gouverner, les partis d'opposition auraient le temps nécessaire pour renouveler leur discours et pousser leur réflexion politique sans la menace de la tenue d'une élection générale précipitée.» Alors là, c'est spécial. Ça veut dire que ce qui motive l'Action démocratique pour avoir, entre autres, des élections à date fixe, c'est de dire: Bien là, nous autres, il faut qu'on puisse se préparer.

Alors, il y a juste quelques minutes, le député de Rivière-du-Loup disait: La Loi électorale, elle n'appartient pas aux partis, ce n'est pas une question partisane, la Loi électorale, elle appartient au peuple. Mais, là, quand on lit ça à la page 6 de leur mémoire, ce que l'on constate c'est que, la Loi électorale, ils veulent s'en servir à des fins partisanes. Ils veulent que ça soit à date fixe parce que, pendant ce temps-là, ils vont avoir le temps de faire leur programme. Alors, M. le Président, encore là, ça revient à ce que je disais tantôt: situation contradictoire où on dit, dans un premier temps, que la Loi électorale appartient au peuple et, dans un autre temps, cinq minutes après, on constate qu'on veut s'en servir à des fins partisanes. Spécial comme argumentation.

Mais le problème sérieux qu'il y a, M. le Président – et je ne sais pas si le député de Rivière-du-Loup en est conscient – c'est qu'on perdrait quand même un avantage avec le système tel qu'on a présentement de pouvoir déclencher des élections n'importe quand. Et l'avantage que l'on perdrait, c'est le suivant. C'est qu'à un moment donné il peut survenir des circonstances où un appel au peuple s'impose avant l'échéance. Alors, s'il fallait qu'on ait des élections à date fixe, ça voudrait dire qu'on ne pourrait pas se prévaloir de cette prérogative que le gouvernement a. Et je donne comme exemple: Si on assistait à un coup de force constitutionnel au Québec, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, à ce moment-là, qu'on aille consulter le peuple pour voir ce qu'il en pense? Alors, si on suit le raisonnement du député de Rivière-du-Loup, ça veut dire que cette prérogative-là, qui existe et qu'il faut garder, parce que, moi, ça, ça m'apparaît important, ça veut dire qu'on perdrait cette prérogative qu'on a présentement. Alors, c'est pour ça que, effectivement, s'il y a des avantages dans les élections à date fixe – le principal avantage, c'est de dire: Bon, on connaît l'échéance, on sait qu'elle est à telle date et on s'enligne là-dessus – mais on s'aperçoit qu'il y a quand même des inconvénients.

Et il y a un autre inconvénient majeur, M. le Président, et là il faut référer à nos notions de droit constitutionnel. C'est que, si on veut amender la Constitution puis en venir à des élections à date fixe, ça veut dire que, là, c'est les pouvoirs du lieutenant-gouverneur que l'on va affecter. Et, pour affecter les pouvoirs du lieutenant-gouverneur, il faut, à ce moment-là, amender la Constitution canadienne. Et ce que ça implique, M. le Président, à ce moment-là... Ça veut dire que, dans un cas comme ça, là, et c'est ce que la Constitution canadienne prévoit, ça va nous prendre le consentement du Sénat, des gens qui sont non élus, qui sont nommés pour des considérations que l'on connaît et souvent des conditions de reconnaissance et de remerciement, alors ça va nous prendre le consentement du Sénat, ça va nous prendre le consentement du gouvernement fédéral et ça va nous prendre, M. le Président, en plus de ça, le consentement de chacune des Assemblées législatives canadiennes, du Canada, de chacune des provinces.

Et je me base, M. le Président, pour dire ça, je veux vous référer, entre autres, à la Loi constitutionnelle de 1982 et à l'article 41a, où on dit: «Toute modification à la Constitution du Canada portant sur les questions suivantes se fait par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l'Assemblée législative de chaque province» et, entre autres, dans le cas de «la charge de Reine, celle de gouverneur général et celle de lieutenant-gouverneur». Et là on peut dire: Oui, mais le lieutenant-gouverneur, son rôle n'est que symbolique, mais la Constitution canadienne, ce n'est pas ce qu'elle dit. Elle dit, entre autres, que le lieutenant-gouverneur convoque l'Assemblée nationale, l'article 82, il la dissout, l'article 85, il proroge les sessions, il nomme les membres du cabinet, l'article 63, il sanctionne les projets de loi, l'article 90, et doit recommander tous les projets de loi financiers portant affectation de deniers publics. Alors, on s'aperçoit que ça nous crée un problème très sérieux.

Là, je reviens à l'argument qu'on peut nous servir: Oui, mais le rôle du lieutenant-gouverneur n'est que symbolique et le lieutenant-gouverneur doit se soumettre à ce que le gouvernement lui dit. Bien, ce n'est pas si évident que ça, M. le Président, et je veux vous référer, entre autres, à une opinion qui est donnée par le constitutionnaliste Beaudoin, qui est maintenant sénateur, qui donne un exemple qui est arrivé dans les années 1926 où, à un moment donné, même si le premier ministre avait demandé au gouverneur général de dissoudre la Chambre et de convoquer des élections, le gouverneur général, à l'époque, sous Mackenzie King, avait refusé de le faire et avait appelé un autre, soit Meighen, pour agir comme premier ministre. Alors, c'est donc un problème sérieux auquel on fait face, d'autant plus...

De toute façon, M. le Président, ce qui est certain, même si l'opinion qui devait prévaloir est à l'effet que la tâche du lieutenant-gouverneur, elle est tout à fait symbolique, ce qui est certain, c'est qu'il va falloir modifier la Constitution pour faire ça. Et est-ce que le député de Rivière-du-Loup serait d'accord avec le fait qu'il va falloir aller demander le consentement du gouvernement fédéral d'Ottawa, du Sénat et des 10 Législatures de chacune des provinces? Peut-être que lui est d'accord avec ça, d'aller faire une génuflexion à chacun de ces endroits-là, mais je suis convaincu, par exemple, que les Québécois ne sont pas prêts à faire une telle démarche. Alors, l'idée, elle est séduisante, mais elle présente certains inconvénients.

(11 h 50)

Par ailleurs, M. le Président, j'ai de la difficulté à suivre le député de Rivière-du-Loup quand il nous parle du jugement Libman de la Cour suprême. Et il a l'air à se féliciter, lui, de ce jugement-là, mais je me demande s'il en comprend réellement la portée. Ce jugement-là, qui vient d'être rendu en octobre dernier, représente d'énormes conséquences pour notre système démocratique, et, alors qu'on a les meilleures lois – je le répète, on a les meilleures lois – je ne dis pas qu'il n'y a pas lieu de les améliorer, par exemple, mais, alors qu'on a un excellent système, la Cour suprême vient de rendre un jugement, et puis je vais reprendre l'expression de l'ex-Directeur général des élections, Pierre-F. Côté, qui dit: On vient d'ouvrir une boîte de Pandore. Quand, entre autres, la Cour suprême veut permettre à des tiers qui ne peuvent pas s'affilier aux comités nationaux de dépenser, entre autres, dépenser... On suggère 1 000 $, mais ce n'est pas clair dans le jugement. Alors, est-ce que 1 000 $, ça ne serait pas assez ou ça serait trop? On ne le sait même pas.

Mais là, si on commence à permettre à des tiers, M. le Président, et sans limites, de dépenser 1 000 $, moi, je regarde dans un comté comme le mien, dans Drummond, où il y a 47 000 électeurs, si, par exemple, il y a une vingtaine de personnes qui y mettent chacune 1 000 $ et qui dépensent ainsi 20 000 $, même si la Cour suprême dit: Ils ne pourront pas mettre cet argent-là ensemble, ils ne pourront pas mettre leurs ressources ensemble, ça peut avoir énormément d'influence sur un scrutin, M. le Président. Et je pense qu'on est en train, malheureusement, avec ce système-là que proposerait la Cour suprême, de réintroduire l'ancien système qu'on avait, à savoir qu'un vote, c'était 1 $. Tandis que nous, en démocratie, ce qu'on dit, c'est: Un électeur, un vote, et non pas que ça soit les mieux nantis dans notre société qui mènent le scrutin. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Laprise): Je vous remercie, M. le député de Drummond, et je redonne la parole au député de Rivière-du-Loup pour une période de 10 minutes en conclusion. M. le député.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. D'abord, vous me permettrez de renouveler, vraiment, mon inquiétude quant à la capacité d'arriver, avec ce gouvernement-là, à une réforme électorale. On vient d'entendre dans ses remarques de conclusion le porte-parole du gouvernement péquiste défendre de toutes sortes d'argument le fait qu'il n'y a pas de réforme électorale. Il s'accroche même à la reine pour dire qu'il n'y aura pas de réforme électorale. Il en devient monarchiste tant ils veulent protéger les lois existantes.

Et je veux conclure sur les vraies raisons qui font que ce gouvernement-là n'est pas prêt à rouvrir en profondeur la Loi électorale. Et il les a nommées lui-même, les vraies raisons. Il a dit: On ne veut pas que ça devienne un vote un dollar ou un dollar un vote. Ça, c'est parfois vrai, mais parfois moins vrai dans le cas du gouvernement. Et ils savent très bien que rouvrir la loi signifierait qu'ils seraient obligés de s'attaquer à un certain nombre de privilèges qui sont dans la loi. Et c'est là-dessus que je veux conclure, M. le Président.

Quand les citoyens vont voter aux élections provinciales, il y à la table deux officiers, le scrutateur et le greffier, qui administrent le vote. Il y a deux travailleurs partisans qui sont là pour noter qui va voter, surveiller au nom des partis politiques, qui sont payés. Il y a deux travailleurs partisans. Il peut y avoir trois, quatre, cinq partis ou candidats indépendants représentés, mais il y en a deux à la table qui sont payés par l'État. Donc, l'électeur qui va voter pour un parti autre que le deux qui sont payés, en d'autres termes, à même ses taxes il paie quelqu'un à la table. Il s'en va voter puis il paie quelqu'un pour travailler contre lui. Il dit: Moi, là, je suis un électeur, je m'en vais voter, mais mes taxes sont en train de me servir à perdre mes élections, puis à des gens qui sont devant moi assis à la table du vote puis qui travaillent pour faire sortir le vote, puis envoyer les relevés, puis tout ça, à même les fonds publics, à même mes taxes, pour travailler contre moi.

3 600 000 $ pour payer des représentants aux polls pour des partis qui ont décidé de s'accorder des privilèges. Des avances de fonds! C'est quand même génial que des gens aient suffisamment la conviction que la Loi électorale leur appartient comme parti. Pour deux partis, là, on va se donner une avance de fonds au lieu de se donner le trouble de campagnes de financement au début de la campagne. Le jour où l'élection va être déclenchée, là, il y a deux partis, deux candidats: l'argent dans le compte de banque direct. On met ça dans la Loi électorale. Ça, c'est tout à fait démocratique. On prend les fonds publics, on dit: Tiens, avance de fonds, on met ça dans le compte de banque. C'est bien moins de trouble.

Ça, ça veut dire que, le jour où l'élection est déclenchée, c'est à peu près 1 500 000 $ par parti qui arrivent dans les comptes de banque dans les 125 comtés. Pouh! Ça, le député de Drummond s'accroche à la reine, mais il oublie de s'accrocher à des réalités concrètes de choses de notre démocratie qui mériteraient d'être revues.

Les remboursements assurés. Comment on arrive à des remboursements assurés, c'est-à-dire que pour certains candidats ou partis qui se présentent à l'élection, eux autres sont sûrs d'avoir leur remboursement? Peu importe le score. Dans Rivière-du-Loup, à la dernière élection, le candidat libéral a eu 16%, 17 %, il n'a pas eu son 20 %. Mais, parce qu'il était libéral – la loi prévoit qu'eux autres étaient là avant – il a le droit au remboursement. Même s'il n'a pas le pourcentage requis, le remboursement est automatique pour ces gens-là.

Les vraies raisons qui sont derrière ça ont été mentionnées au comité consultatif sur la réforme électorale. Quand on a parlé d'abolir les critères de remboursement basé sur les élections, il y a quatre ans: «Les représentants du Parti québécois sont en désaccord avec l'abolition du remboursement en fonction des résultats des élections précédentes parce que cette disposition enlève un poids aux candidats et leur permet de se concentrer sur la campagne électorale.» Les candidats des autres partis, eux autres, ils n'ont pas besoin de se concentrer sur la campagne électorale. Eux autres, là, ils vont courir après leur financement, puis tout ça, mais, pour deux partis, il faut qu'ils puissent se concentrer sur la campagne électorale puis qu'ils aient des avances de fonds.

Je parlais tantôt pour deux partis qui ont leurs représentants payés aux polls. C'est suave la déclaration des représentants du Parti libéral au comité consultatif: «Bien que cette proposition – et là, je prononce bien, parce que vous ne le croirez pas, M. le Président – soit jugée plus équitable – de plus payer, parce que, nous autres, on ne veut pas les mêmes privilèges, on veut faire sauter ces privilèges-là pour tout le monde, pour ne pas que ça existe – bien que cette proposition soit jugée plus équitable, les membres de ce parti – le Parti libéral – proposent de maintenir le statu quo, notamment parce que cette proposition rendrait difficile le recrutement de représentants aux tables.» O.K., parce que ces deux partis-là ont peur de ne pas être capables de trouver de bénévoles pour aller faire leur travail d'élection, on va dire: On va aller le piger dans les fonds publics, l'argent qu'il faut pour les payer. Ça, c'est moins équitable, mais, si on n'a pas ça, on va être mal pris, nous autres là, les deux partis.

Jamais personne n'a réussi, M. le Président, à expliquer les fondements démocratiques de mesures comme ça dans notre loi. Jamais personne n'a expliqué les fondements... Comment pour le peuple, pour les voteurs, pour notre population, payeurs de taxes, c'est bon de prendre les taxes pour aller biaiser le vote d'une façon aussi grave? Et l'ancien Directeur général des élections, M. Pierre-F. Côté, dans un de ses rapports, avait été très, très dur à l'endroit de ces aspects-là de loi. Puis, comme on l'a dit, il était un défenseur de la loi en général, mais ça ne l'empêchait pas d'en critiquer certains aspects. Il disait: «Tout ce que j'ai voulu faire lors de ma conférence de presse annuelle sur les états financiers des partis politiques, c'était de provoquer une réflexion sur les avantages financiers dont disposent les principaux partis politiques et sur une certaine inégalité qui m'apparaît exister entre les grands partis et les tiers partis qui voudraient émerger.»

Cette réflexion-là, malheureusement je pense que ça a été un échec s'il voulait la provoquer. Parce qu'on a vu aujourd'hui qu'il n'y a aucune réflexion qui a été faite du côté du gouvernement. Il va plus loin. «La question – et c'est Pierre-F. Côté qui parle – n'est pas de savoir si ces fonds sont distribués légalement, c'est dans la loi, mais si ce pouvoir ne constitue pas un avantage exagéré, pour un député en place, sur les autres candidats lors d'élections générales. Je m'interrogeais sur l'équité de cette façon de procéder en regard de la Charte des droits et libertés. Aujourd'hui, je constate que l'ensemble de l'aide financière, y compris les programmes, semble favoriser les grands partis politiques représentés à l'Assemblée nationale. Il faut sérieusement se demander quel impact cela produit sur les tiers partis et sur la possibilité de chances égales pour tout électeur – parce que, lui, il pense aux électeurs – qui veut briguer les suffrages de façon comparable à tout autre. Est-ce équitable?» Poser la question, c'est y répondre.»

Je comprends du gouvernement qu'il ne veut pas rouvrir la Loi électorale. On prétexte des réflexions. Là, c'est rendu qu'on prétexte pour une raison... En passant, le raisonnement du député de Drummond est totalement invalide. Il n'y a rien qui empêcherait de se donner, au Québec, une loi où on dit: Les élections sont à date fixe aux cinq ans, mais on va quand même aller dire salut au lieutenant-gouverneur la veille de les déclencher, puis c'est une tradition qui serait appliquée chez nous et qui ne requerrait pas d'amendement constitutionnel. Quand on est rendu qu'on s'accroche au lieutenant-gouverneur, au gouverneur général, la reine, tout le bataclan pour dire: On ne réformera pas l'élection. C'est parce qu'on n'a pas bien, bien le goût de se lancer dedans.

Moi, je pense que la vraie raison, c'est que, si on ouvre la Loi électorale, on sait qu'on est obligé de toucher à certains des privilèges. Puis une des premières choses que j'ai évoquée, dans l'interpellation, c'est un élément du programme du PQ. Je le répète une quatrième fois: «Les députés peuvent en venir naturellement à développer un préjugé favorable pour le système qui les a favorisé.» Alors, même si on a été élu pour améliorer les choses, pour améliorer un système, on a l'impression qu'il y a des gens à l'heure actuelle au gouvernement, au Parti québécois, qui deviennent confortables dans un système qui les favorise. Et c'est, du point de vue de la population, je reviens avec ça... Je vais prendre un exemple. On ne peut pas prendre toutes les élections, mais une partielle: le comté de Pointe-aux-Trembles, la dernière élection partielle qu'il y a eu, là. Dépenses des candidats: Candidat de l'ADQ, 23 000 $; candidat du Parti libéral, 29 000 $; candidat du PQ, 48 000 $. Le candidat de l'ADQ a dépensé 23 000 $. Des 20 $, puis des 50 $, puis des 10 $, puis des 2 $, il a fallu qu'il en ramasse pour 23 000 $, le plein montant. Du côté du PQ, pour dépenser 48 000 $, il a fallu qu'il ramasse 24 000 $ dont 13 000 $ a été versé sous forme d'avance de fonds; puis au Parti libéral, pour dépenser 29 000 $ ou 30 000 $, il a fallu qu'il en ramasse 15 000 $. En d'autres termes, en allant chercher en contributions, en dons, en petits dons, 28 000 $ de moins, le Parti libéral, grâce aux taxes et aux impôts des contribuables, a pu dépenser plus d'argent.

(12 heures)

Alors, il faut le voir du point de vue de la population. Comment un voteur peut accepter qu'on prenne ses taxes pour aller biaiser la démocratie d'une façon qui n'est absolument pas proportionnelle? On ne s'est pas demandé... Le Parti libéral, le remboursement, c'est automatique. On ne s'est pas demandé... Il y aurait eu 2 % du vote qu'ils auraient eu les mêmes remboursements et les mêmes droits. C'est des privilèges qui sont dans la loi et qui ne dépendent pas du résultat de l'élection.

Je ne suis pas en train de dire qu'on ne peut pas avoir un financement public des partis, comme ça existe, proportionnel au vote, qui assure une justice. Il y a des mécanismes dans la loi qui assurent ça: qu'il y ait une redistribution d'un certain financement public. Puis les principes de René Lévesque là-dessus étaient très corrects d'assurer une certaine indépendance des partis par rapport aux compagnies. C'est très correct. Mais des privilèges aussi complets que ceux-là, ce n'est pas acceptable, et j'ai l'impression que, quand on parle de démocratie, autant ici à l'Assemblée qu'au comité consultatif on fait à peu près rire de nous autres. Une volonté réelle d'améliorer la démocratie, il n'y en a pas.

Et je vous annonce, je l'annonce à tout le monde en même temps, que l'ADQ a l'intention d'intensifier ses démarches. On va talonner le gouvernement par plusieurs moyens d'ici l'élection, parce qu'on a l'intention qu'à la prochaine élection on ait pu arrêter l'octroi de privilèges qui sont aussi inacceptables pour la population que pour n'importe quel citoyen, au Québec, qui songe à se porter candidat pour un parti ou candidat indépendant, qui songe à faire exercer ses droits démocratiques pour le bien de sa population. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Laprise): Je remercie beaucoup le député de Rivière-du-Loup pour son exposé de même que je remercie les députés ministériels et tous les collaborateurs que nous avons eus ce matin. Alors, la commission des institutions, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 12 h 2)


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