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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 27 novembre 1997 - Vol. 35 N° 102

Étude détaillée du projet de loi n° 151 - Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires


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Table des matières

Journal des débats


(Vingt heures cinq minutes)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Nous allons débuter nos travaux. Je rappelle le mandat de la commission: procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 151, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires. M. le secrétaire, nous avons des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président, M. St-André (L'Assomption) est remplacé par M. Jutras (Drummond) et M.Ciaccia (Mont-Royal) par M. Kelley (Jacques-Cartier).

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Alors, j'inviterais maintenant M. le ministre à nous faire part de ses remarques préliminaires.


Remarques préliminaires


M. Serge Ménard

M. Ménard: Alors, M. le Président, le projet de loi n° 151, qui modifie la Loi sur les tribunaux judiciaires, a été présenté à l'Assemblée nationale par mon prédécesseur le député de Louis-Hébert et actuel ministre de l'Environnement le 13 juin 1997, et le principe en a été adopté le 19 juin 1997.

Ce projet de loi en est aujourd'hui à l'étape de son étude détaillée par la commission des institutions. Il comporte deux objets: premièrement, la réduction du nombre de postes de juge de la Cour du Québec et, deuxièmement, le mode de nomination du secrétaire du Conseil de la magistrature.

Je voudrais, M. le Président, faire quelques remarques préliminaires sur chacun de ces points. D'abord, sur la réduction du nombre de postes de juge à la Cour du Québec. Comme vous le savez, l'article 85 de la Loi sur les tribunaux judiciaires fixe à 290 le nombre de juges à la Cour du Québec. Or, au cours des dernières années, on a constaté une diminution du volume des activités à cette Cour, aussi bien en matières criminelles que civiles, ainsi qu'à la Chambre de la jeunesse.

Cette situation est attribuable à divers facteurs. En premier lieu, plusieurs réformes ont été apportées au Code criminel par le législateur fédéral. Ainsi, le projet de loi C-142 de 1994, devenu le chapitre 44 des lois de 1994, permet désormais de poursuivre par voie sommaire les infractions qui étaient auparavant poursuivies comme actes criminels. Cela a eu pour effet de réduire le temps d'audience en éliminant de nombreuses enquêtes préliminaires.

En outre, les nouvelles règles de divulgation de la preuve introduites au Code criminel ont eu pour effet de généraliser l'échange d'informations entre la poursuite et la défense et de réduire ainsi les débats devant les tribunaux.

Je veux souligner, de plus, que le ministère de la Justice applique depuis 1995 une politique de non-judiciarisation de certains dossiers lorsqu'il s'agit d'infractions relativement mineures. Cette politique entraîne une réduction dans le nombre total de dossiers judiciarisés.

Quant aux poursuites pénales pour les infractions aux lois du Québec, les effets positifs de la réforme introduite par le Code de procédure pénale ont commencé à se faire sentir. La réduction du niveau des activités devrait se maintenir, à la Cour du Québec, au cours des prochaines années, lorsque d'autres réformes apportées récemment auront pleinement produit leurs effets. Par exemple, la nouvelle procédure accélérée introduite au Code de procédure civile ou encore la réforme de l'aide juridique qui, par la tarification forfaitaire payable aux avocats, devrait entraîner une réduction du nombre de séances des tribunaux, notamment à la Cour du Québec.

On voit donc, M. le Président, que la baisse du volume des activités à la Cour du Québec justifie une réduction du nombre de postes de juge à cette Cour. C'est pourquoi le projet de loi propose de fixer le nombre de postes de juge à au plus 270.

Je tiens à souligner, M. le Président, que les autorités de la Cour du Québec ont été consultées et qu'elles étaient d'avis que cette réduction ne compromettra pas la qualité de la justice rendue à la Cour du Québec.

La réduction du nombre de postes de juge se fera graduellement, au fur et à mesure que des postes deviendront vacants, notamment par admission à la retraite. Actuellement, 14 de ces postes sont vacants.

Je voudrais signaler, M. le Président, que je présenterai un amendement qui permettrait au gouvernement de combler tout poste de juge de la Cour du Québec jusqu'à ce que le nombre total de juges de cette Cour soit progressivement réduit de 277 à 270 juges, au fil des admissions à la retraite. Ces dispositions transitoires permettraient de répondre aux besoins particuliers de la Cour en certaines régions.

(20 h 10)

Enfin, je voudrais insister sur le fait que la réduction du nombre de postes de juge ne compromettra pas la qualité de la justice rendue à cette Cour, puisque les autorités de la Cour ont procédé à une réorganisation de ses activités qui lui a permis d'accroître sont efficacité.

Parlons maintenant du secrétaire du Conseil de la magistrature. L'autre modification proposée par le projet de loi concerne le secrétaire du Conseil de la magistrature. Comme vous le savez, le projet de loi modifie le mode de nomination du secrétaire de ce Conseil. Actuellement, ce poste est occupé par un juge de la Cour du Québec et son mandat est de trois ans. Or, les fonctions rattachées à ce poste ne nécessitent pas qu'elles soient exercées par un juge, alors qu'il y aurait un avantage certain, compte tenu de la diminution des postes, à ce que ce juge puisse exercer exclusivement ses fonctions judiciaires.

Le projet de loi n° 151 propose donc une solution qui régularisera la situation. Tel qu'il est présenté actuellement, il prévoit que le secrétaire serait dorénavant nommé suivant la Loi sur la fonction publique. Il serait choisi par le gouvernement parmi les avocats qui exercent leur profession depuis au moins 10 ans. Au cours de l'été et de l'automne, des consultations ont été menées auprès des autorités du Conseil de la magistrature. Et je présenterai un amendement lors de l'étude détaillée afin de tenir compte des commentaires reçus. L'amendement prévoit que le secrétaire du Conseil serait nommé par le président du Conseil de la magistrature, c'est-à-dire la juge en chef de la Cour du Québec, pour un mandat de cinq ans, parmi les avocats ayant au moins 10 ans d'expérience et qui sont membres de la fonction publique. Les amendements que j'entends présenter visent à bonifier le projet de loi et à tenir compte des préoccupations de la magistrature.

Telles sont donc, M. le Président, les quelques remarques préliminaires qu'il me paraissait important de faire avant que nous procédions à l'étude détaillée du projet de loi n° 151. Je vous remercie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le ministre. Alors, j'inviterais maintenant M. le porte-parole de l'opposition officielle et député de Chomedey. Vingt minutes.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, c'est la première fois que j'ai l'occasion de travailler sur un projet de loi avec mon collègue et voisin de comté, député de Laval-des-Rapides et nouveau ministre de la Justice. Alors, je tiens, dans un premier temps, à lui souhaiter la bienvenue et le féliciter pour sa nomination à cette importante fonction. J'espère qu'on aura l'occasion de travailler en étroite collaboration sur ces projets de loi, toujours dans le meilleur intérêt de la population, car, M. le Président, à chaque fois que ça y allait de l'intérêt du public, l'opposition s'est ralliée aux propositions formulées par le gouvernement. Et ça vient comme une surprise pour beaucoup de gens quand je leur dis que la majorité des lois proposées par son prédécesseur, le député de Louis-Hébert, ont été adoptées à l'unanimité, avec l'appui de l'opposition. Parce que les gens ont plutôt tendance à se souvenir des fois où on n'était pas d'accord avec le gouvernement.

Je dois dire, M. le Président, que le ministre, n'ayant pas accédé à notre invitation de parler avant la présentation de ce soir, nous n'avons pas pu échanger là-dessus. C'est dommage, parce que souvent, lorsqu'on peut déblayer un peu le terrain informellement avant, bien, ça évite de faire tout ce qu'on va être obligé de faire de 20 heures à minuit ce soir.

Dans un premier temps, je tiens à dire que nous sommes passablement déçus d'apprendre que la seule modification que le ministre a l'intention de proposer concerne la question de la nomination du secrétaire au Conseil de la magistrature. Toujours est-il, M. le Président, je m'empresse de le dire, que nous sommes ravis de la suggestion qu'il fait à cet égard-là. On ne veut pas que ça soit interprété comme étant un refus de la modification ou notre désaccord à cet égard-là, loin de là! C'est vraiment, à notre point de vue, une excellente manière de régler le problème. Ce qui était prévu auparavant pouvait vraiment être interprété comme étant une ingérence tout à fait inopportune de l'exécutif ou du législatif dans le judiciaire, c'était inopportun. Et d'ailleurs, quand j'ai appris – parce que j'ai été consulté là-dessus – qui était la personne pressentie pour aller occuper ce poste-là et les raisons pour lesquelles on l'envoyait, j'étais outré de la manoeuvre, et je suis ravi que l'actuel ministre de la Justice, après consultations, comme il vient de nous le mentionner, nous informe qu'il va nous proposer des modifications à cet égard-là. C'est très important.

Mais, M. le Président, ça serait de la folie d'aborder des questions d'organisation et, incidemment, de rémunération à la Cour du Québec – parce que c'est de ça qu'il s'agit, qu'on soit clair – sans accéder au jugement de la Cour suprême rendu le 18 septembre 1997 dans un important renvoi concernant la rémunération des juges. Dans ce jugement, la Cour suprême vient nous dire qu'il est obligatoire de mettre en place un mécanisme d'évaluation de la rémunération des juges. Et personne ne peut éviter ce résultat-là. C'est ce que le jugement dit. À notre point de vue, il faut créer une commission pour évaluer le salaire qui va être versé aux juges de la Cour du Québec. Et, à notre point de vue, il faut absolument que les résultats soient exécutoires – en anglais, on dirait «binding» – pour la bonne et simple raison que ça fait trop d'années que les juges de la Cour du Québec ne sont pas rémunérés de la manière qu'ils devraient l'être. Ça fait trop d'années qu'il y a une sorte de yo-yo: il y a des propositions, il y a des commissions, il y a des comités et il y a des études, puis, finalement, il n'y a rien au bout du compte.

Quand j'ai dit, tantôt, que le projet de loi n° 151 traitait directement de la rémunération, c'est pour la raison suivante. Vous souviendrez comme moi, M. le Président, lorsqu'on était en commission parlementaire plénière, l'année dernière, sur les fameuses coupures de 6 % au gouvernement, nous avons, j'ai – j'utilise souvent le «nous» pour parler de l'opposition – en l'occurrence, c'était votre humble serviteur qui a demandé au président du Conseil du trésor s'il avait pris avis du Procureur général sur la légalité de la proposition de diminution de 6 % dans le salaire des juges. La question l'a pris un peu de court: Non, il n'avait même pas posé la question. Le Procureur général a commencé à s'immiscer un peu dans le débat et, ce qu'il en est sorti, c'était effectivement le fait que personne n'avait regardé cette question-là sous l'angle juridique. Ce qui nous a forcé à conclure – et c'était facile de le constater – que l'inclusion des juges n'avait pas fait l'objet de la moindre analyse au plan juridique pour une bonne et simple raison: c'était une mesure purement populiste. C'était une mesure qui visait à éviter la critique au sein de la population et dans les syndicats de la fonction publique, des endroits où on disait qu'on allait effectuer une coupure de 6 %.

On sait ce qui s'en est suivi. Il y a une catégorie, principalement, de personnes qui a été coupée de 6 %: ce sont les députés. Il y a eu quelques autres groupes, si je ne m'abuse, de cadres, aussi, qui pouvaient avoir été inclus là-dedans, et les sous-ministres. Mais, d'une manière très, très générale, les syndiqués de la fonction publique et du domaine parapublic, comme les hôpitaux, le domaine scolaire, n'ont pas eu à subir ces coupures-là parce qu'il y a eu des ententes de faites pour des préretraites, des retraites anticipées et une réduction dans les effectifs. Dans le domaine municipal, on sait tous que ça fait l'objet de discussions très animées depuis l'été pour savoir comment on pourrait parvenir à sauver ces sommes-là, les sommes équivalentes. C'est ça qui a été décidé, dans la masse des dépenses au sein du gouvernement.

Donc, M. le Président, pour reprendre, la coupure, ici, la réduction de 290 à 270 juges à la Cour du Québec n'avait au départ rien à voir avec une augmentation dans l'efficacité de la Cour du Québec, avec une réduction de volume à la Cour du Québec, avec des procédures accélérées à la Cour du Québec. Ça n'avait rien à voir avec aucun de ces sujets-là et ça avait tout à voir avec un «gun» pointé sur la tempe des juges de la Cour du Québec, disant: Tu négocies une réduction ou on te coupe ta paie. La Cour suprême est venue dire, le 18 septembre 1997, qu'une telle attitude est complètement illégale au Canada. L'indépendance judiciaire exige justement que les juges soient à l'abri de ce genre de marchandage de leur prestation d'emploi. Le jugement est nuancé, le jugement est pondéré. Le jugement explique, par exemple, que ce n'est pas exclu de toute possibilité que, dans le cadre d'une réduction – vous me passez l'expression anglaise – «across the board» dans une province, pour des raisons inévitables, ça se pourrait que les juges soient inclus là-dedans. Mais c'est loin d'être le cas ici.

(20 h 20)

Le ministre est en train de venir, ce soir, nous repelleter le projet de loi n° 151. Comme il l'a dit si bien, ça a été présenté par son prédécesseur. Mais il est en train de manquer une excellente occasion de montrer qu'il va faire plus dans cette Assemblée nationale que de continuer à rouler les mêmes vieilles affaires qui ont été présentées par son prédécesseur. Malgré les excuses, nonobstant les prétextes et les motifs qu'il peut invoquer ce soir, il sait aussi bien que nous-autres que la seule et unique raison pour cette réduction des effectifs à la Cour du Québec, c'est pour sauver de l'argent, point à la ligne. C'est tout. Rien d'autre.

Par ailleurs, M. le Président, je m'étonne de voir un avocat criminaliste d'expérience comme le député de Laval-des-Rapides venir ce soir et avoir la témérité de plaider comme motif pour cette réduction une politique – ce n'est pas notre terme, c'est le tien – de non-judiciarisation et la réduction concomitante du nombre de dossiers à la Cour du Québec.

M. le Président, nous sommes tous des élus, nous sommes tous des parlementaires. Nous édictons des lois souverainement à l'intérieur des sphères de juridiction d'une province au Canada. Nous avons des domaines de compétence, nos lois doivent être respectées. Quelle serait la réaction des gens autour de cette table si on votait une loi sur l'ivresse au volant et les peines conséquentes et que, à cause d'une pénurie d'experts pour faire les prises de sang ou les tests d'ivressomètre, à cause d'une pénurie dans les prisons, à cause d'une pénurie devant les tribunaux, les fonctionnaires décidaient, malgré la volonté clairement exprimée de l'Assemblée nationale, les fonctionnaires prenaient sur eux-mêmes de ne plus appliquer cette loi-là? C'est ça, la soi-disant politique de non-judiciarisation qu'évoque le ministre de la Justice et Procureur général de la province de Québec.

Cette soi-disant politique de non-judiciarisation est une fiction, M. le Président. C'est une fiction qui permet à des milliers de personnes qui sont appréhendées dans la perpétration d'infractions, comme le vol à l'étalage, qui sont normalement passibles des peines votées par les élus, et c'est une politique inventée par des fonctionnaires qui sont venus court-circuiter non seulement le rôle du Parlement, mais les fondements mêmes d'une société démocratique.

Si on veut changer une loi, c'est ici que ça se passe. Vous l'avez vu avec nous, M. le Président, quand on a entendu le président d'une importante régie venir en commission parlementaire nous dire que la loi sur l'accès et la vie privée, il ne l'appliquait pas. Non, je m'excuse, ce n'était pas dans la commission des institutions – je siège sur deux de ce temps-ci – c'était dans la commission de la culture. On a vécu ça. Il a dit: Oui, mais c'est trop compliqué, on ne va pas l'appliquer. Puis le président de la Commission d'accès de répondre; Ah! Vous savez, on a donné une interprétation particulière. Il faut se le faire dire, ça, quand on est en train de regarder la loi pour savoir si elle a besoin d'être révisée. C'est la loi qui s'applique, n'en déplaise aux fonctionnaires. C'est la loi qui s'applique, tellement que, dans les juridictions qui comprennent ces choses-là, comme aux États-Unis, quand l'exécutif ne fournit pas les fonds nécessaires pour appliquer les lois, c'est-à-dire pas suffisamment de prisons, si le législateur a indiqué des peines de prison, pas suffisamment de travailleurs dans les tribunaux, ils peuvent, eux, se faire taxer, accuser et condamner pour outrage au tribunal.

Ici, au Québec, ce qu'on a vu depuis trois ans, c'est des coupures dans plusieurs domaines. Dans le domaine de la santé, c'est immédiatement apparent lorsqu'il y a des coupures. Vous savez si votre voisin ou votre proche parent ne peut pas se faire opérer. J'ai vu très récemment des cas où des gens qui souffraient de cataractes se faisaient remettre leur opération jusqu'au mois de juin 1999, en se faisant dire par les médecins qu'il y avait de fortes chances qu'ils soient légalement aveugles avant qu'on puisse les opérer. Ça, c'est les coupures dans le domaine de la santé, ça se fait sentir tout de suite. Les coupures dans d'autres domaines sont plus lentes à se faire ressentir dans la population, et c'est le cas des coupures dans le domaine de la justice. Avec une phrase anodine, le ministre arrive en commission parlementaire un jeudi soir, il dit: On a une politique de non-judiciarisation qui fait en sorte qu'il y a une baisse de volume à la Cour du Québec. Vous savez ce que c'est, en langage ordinaire, ça, M. le Président? On ne fait plus notre job, on ne poursuit pas en fonction de la loi, on poursuit en fonction de la bonne volonté et le bon vouloir des fonctionnaires. Et c'est comme ça qu'on va sauver de l'argent. C'est ça que ça veut dire, M. le Président. Si le gouvernement voulait, par voie législative, ici au Québec, en négociant avec le palier fédéral qui est responsable constitutionnellement du dossier criminel au Canada, pas de problème! On l'appuierait même si c'était mesuré, pondéré, si ça avait du bon sens.

But it was invented from whole cloth, Mr. Chairman, this so-called procedure for non judicializing the criminal files in cases such as shoplifting. It's a pure invention of the bureaucracy. It never went before Parliament in Ottawa. It never came before the National Assembly, here, in Québec City. It's something that was invented by bureaucrats because they were told that it was time to stop filling up prisons. They were told that it was time to stop spending money on trials. They were told that there were no longer gonna be enough Crown prosecutors because all the Crown prosecutors are prosecuting tax cases for Minister Landry.

That's what's happening in the Province of Québec. We can no longer apply the laws that are adopted here, in the National Assembly, Mr. Chairman. And we're not going along with it. We're not accepting what the Minister is telling us tonight. We're not gonna play the game of pretending that a reduction of 20 judges in the Québec Court has anything at all to do with increased efficiency. The reduction that is proposed is purely a cost-saving measure, nothing else. There is absolutely no intention on the part of the Government to do anything but save money with this.

And it's a shame that a minister who said to us in the House last week that he was going to respect the Supreme Court, because his predecessor was on the record – in fact, he was being prosecuted before the Bar... There was a complaint before the Bar because he said he didn't have to obey the Courts, and our code of ethics says that we have to maintain and uphold the courts and their dignity. This Justice Minister was on the record, quite to the contrary, saying that he was going to respect the Supreme Court of Canada.

So it's the first thing we have. We have Bill 151, an excellent occasion to come forward and be honest with both sides of the House and say: Look, we have to save money in the field of justice as well. We're gonna chop 20 judges from the Québec Court. We think we can cover it this, that and the other way. And, by the way, since there was a serious admonition from the Supreme Court of Canada on September 18th, 1997 – just a few weeks ago, two months ago, barely – we're gonna follow that admonition, we're gonna present amendments and we're gonna talk to the Opposition about it and we'll make sure we get the thing through.

Well, there was no talk with the Opposition, Mr. Chairman. There was no attempt to coordinate with us or discuss with us even though there was an opening from us to them in that regard. And so, what we have before us tonight is a bill that in its present form is completely unacceptable, it fails to take into account what the Supreme Court asked on September 18th, 1997 – that, in and of itself, is completely unacceptable – it fails, on the part of this Government, to show what its intentions are to avoid the type of problem that caused the Supreme Court decision for Québec.

There's no way we should have to wait till the spring. And I'll put the following to the Minister as an offer that we think would probably help this bill get through – otherwise, there are a lot of groups that are gonna have to be heard before it can possibly move forward. We will make the following proposition to the Government, that if they want to take the time with their close collaborators to come up with some amendments to Bill 151 that will allow them to respect the Supreme Court decision, we will ensure speedy passage of Bill 151.

If we can avoid the type of blackmail that we saw in the threat to cut the 6 %, if we can avoid having all our cases imperiled, jeopardized because of the fact that the Supreme Court has already ruled that our way of doing things in Québec is not the way that it has to be done under the Constitution, well, if we can avoid those problems, we will.

And we're saying this, Mr. Chairman, on the public record because we were unable to talk with or to deal with our colleague, the new Minister of Justice, the new Attorney General, before tonight's meeting, but we're saying it on the public record so that he'll know we're serious.

We're willing to undertake tonight... to assure very speedy passage of Bill 151 if he is willing to undertake to work with his close advisors, with the Opposition if he so chooses, but he understands the result we're after: to ensure the respect of the judgement of the Supreme Court of September 18th.

And I'll just end our opening remarks by saying that it is important that the Minister look at the precedents that exist elsewhere, that he reads the recent report concerning The independence of Provincial Court judges, a public trust , prepared for the Canadian Association of Provincial Court Judges by Douglas Schmeiser and Howard McConnell.

(20 h 30)

J'invite le ministre à prendre connaissance d'un important document récent qui s'intitule L'indépendance des juges des cours provinciales, un gage commun , préparé à l'intention de l'Association canadienne des juges des cours provinciales par Douglas Schmeiser et Howard McConnell. Je l'invite également à prendre connaissance de ce qui existe dans les autres provinces, notamment en Ontario, où je peux lui citer le chapitre XII, partie 1, du Court of Justice Statute Law , Court of Justice Act , où, en annexe, on retrouve une convention-cadre. Ça contient des instructions très pertinentes pour lui et pour ses proches collaborateurs.

Je le réfère, par ailleurs, au Draft uniform model process , qui a été préparé par les juges des cours provinciales du Canada en date d'octobre 1997. Je le réfère aussi à ce qui s'est fait dans la province de la Saskatchewan en anticipant le jugement de la Cour suprême.

Deux autres choses auxquelles on va le référer, M. le Président, c'est le Rapport et recommandations du comité consultatif chargé d'étudier la rémunération, le régime de retraire et autres avantages sociaux des membres de la Cour du Québec , présenté au ministre de la Justice du Québec en date du 1er août 1993. Ce document est signé par Charles-Albert Poissant et Me Claudette Tessier-Couture et M. Pierre Paquet – il connaît bien le document – et je me permets, en terminant, une dernière référence, de le référer aux débats en Chambre, au mois de juin 1978, lors des premiers mandats de sa formation politique, ce qui va un peu à l'instar de ce qu'on a vu en Chambre cet après-midi, voir qu'il y a un discours lorsqu'ils sont pleins d'idéaux et un autre lorsqu'ils sont face à des impératifs budgétaires, ce qui semble être la seule chose qui guide ce gouvernement depuis maintenant trois ans. Merci, M. le Président. C'est tout pour mes remarques préliminaires.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Je céderai maintenant la parole à M. le député de Frontenac.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. M. le Président, le nouveau ministre et député de Laval-des-Rapides, il passera à l'histoire pour deux raisons principales. On se souviendra qu'il a été ministre de la Sécurité publique, et c'est à sa suggestion qu'on a décidé, au gouvernement élu en septembre 1994, de procéder sans aucune évaluation sérieuse à la fermeture de cinq centres de détention au Québec en tentant de faire croire, à l'époque, au Québec – et on attend toujours! – qu'il y aurait un accompagnement à la fermeture des centres de détention, à savoir une nouvelle politique en matière, M. le Président, de répression du crime, en matière, aussi, d'exécution des sentences.

C'était ce qu'on appelait, ce qu'on appelle encore le virage carcéral. Alors, tout ce qu'on a connu à date du virage carcéral, M. le Président, c'est la fermeture de cinq centres de détention et l'élimination – les chiffres là-dessus ne sont pas clairs, il y a de la confusion, on peut, semble-t-il, s'entendre sur l'élimination – d'environ 80 places dans nos centres de détention. Mais, en même temps, cette décision du gouvernement de fermer des centres de détention et de transférer des places dans les centres de détention qui restaient encore en opération, qui restaient toujours ouverts, c'est-à-dire 18 sur 23, on a procédé doublement, on a doublé les cellules, de sorte qu'on invoque maintenant comme cause de liberté temporaire le surpeuplement, l'obligation pour des détenus de se retrouver deux par cellule. C'est une espèce de paradoxe. On pose des gestes qu'on considère subséquemment comme étant inacceptables. On invoque sa propre turpitude.

On a vécu au cours des dernières semaines, M. le Président, des débats, autant à l'Assemblée nationale que partout au Québec, qui invitent le gouvernement à réfléchir sur la situation dans les centres de détention partout au Québec. Le nouveau ministre de la Justice propose maintenant... C'est une drôle de situation, M. le Président, il propose, c'est à lui que reviendra... Parce que, même si l'opposition... J'écoutais tout à l'heure mon collègue de Chomedey indiquer au gouvernement, à son ministre, que si on voulait écouter l'opposition, si le ministre veut bien, également, écouter ceux et celles qui l'entourent, on pourrait peut-être arriver à quelque chose d'intelligent et d'acceptable en regard du projet de loi n° 151. Sinon, le ministre, après avoir fermé les centres de détention, sera celui qui aura diminué le nombre de juges de 290 à 270, par attrition. Ça ne sera pas d'un coup sec, là; Par attrition, au fur et à mesure que les juges seront admis à la retraite ou cesseront d'exercer leur charge de juge.

Le seul motif qui milite en faveur d'une telle décision, c'est strictement une question de budget – c'est ce que disait mon collègue de Chomedey – tout comme la fermeture des centres de détention, le virage carcéral se limite strictement à une question de récupération de plus ou moins 14, 15 ou 16 000 000 $.

Ce qui me choque dans cette démarche-là, c'est que ça s'inscrit dans le message, contredit de façon absolument spectaculaire par le Vérificateur général, dans le message qu'envoie le gouvernement du Québec qu'on va atteindre le déficit zéro. Et c'est hier que le Vérificateur général, M. Breton, a dit à tous les Québécois et à toutes les Québécoises que ce n'était pas vrai, que le gouvernement avait mis en place toutes sortes d'astuces tentant de faire croire aux Québécois qu'on se dirigeait vers le déficit zéro, alors que ce n'est pas le cas.

Dans cette démarche qui vise à diminuer de 290 à 270 juges, c'est la conséquence de la décision que le gouvernement dit avoir prise de diminuer la rémunération des juges, alors que ce n'est pas vrai. Ce n'est pas du tout ce qui s'est passé. Nos collègues d'en face, dans leurs régions respectives, tentent de faire croire à leur population que tous les Québécois ont été mis à contribution dans l'atteinte de l'objectif déficit zéro, et, entre autres, les juges. On tente de faire croire aux Québécois et aux Québécoises que les juges ont subi une compression de 6 % dans leur salaire. Ce n'est pas vrai. C'est la masse salariale mise à la disposition de l'ensemble des juges pour, évidemment, leur rémunération, toutes les dépenses afférentes, c'est la masse globale qui a été diminuée et non pas le salaire, la rémunération de chacun des juges que l'on retrouve à l'intérieur des différentes juridictions de la Cour du Québec.

Mon collègue de Chomedey disait tout à l'heure qu'au moment où on tente de faire croire aux Québécois que les juges ont été diminués il y aurait lieu non seulement de dire aux Québécois: On n'a pas diminué les juges, on n'a pas diminué la rémunération, le salaire des juges, mais: Il faudrait plutôt évaluer s'il n'y a pas lieu de les augmenter. Ce n'est pas ça qu'on fait, M. le Président.

En matière de justice comme en matière de sécurité publique, ce gouvernement-là, quotidiennement, fait de la petite politique. Aucun respect – et la preuve est faite, M. le Président. Et on finit par se faire rattraper lorsqu'on joue avec les institutions. On finit par se faire rattraper. Le ministre de la Justice en est un bel exemple. Il se fait rattraper, lui, par ses dossiers qui traînent dans ses placards depuis trois ans, puis, au fur et à mesure qu'on évolue dans le temps, ces dossiers-là lui arrivent en pleine face. Qu'est-ce que vous voulez? Il va devoir vivre avec, et il se prépare à vivre d'autres lendemains extrêmement douloureux.

(20 h 40)

Il faut se souvenir de la sortie – et je ne voudrais pas, M. le Président, empiéter sur le débat à venir – lorsque le ministre a commenté publiquement la décision du juge Carrier, bien, il s'est retrouvé après à peine deux ou trois semaines – ça faisait à peine deux ou trois semaines qu'il était Procureur général et ministre de la Justice – puis il se retrouvait avec une mise en demeure l'obligeant à se rétracter. Évidemment, jamais, d'aucune façon, je ne penserai que le ministre est de mauvaise foi, mais il est extrêmement imprudent, et on en a eu un autre exemple également cet après-midi, ou ce matin, dans le débat extrêmement préoccupant que l'on vit actuellement au Québec: la vente de renseignements confidentiels, avec la complicité de membres du gouvernement, complicité pas nécessairement voulue, mais à tout le moins passive.

M. le Président...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Frontenac...

M. Lefebvre: Oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...un instant. Je vous rappellerais d'être prudent...

M. Lefebvre: Je suis très prudent, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...sur l'utilisation de certaines expressions, compte tenu qu'on ne peut faire indirectement ce qu'on ne peut faire directement, à savoir, à l'article 35.5, attaquer la conduite d'un député, si ce n'est...

M. Lefebvre: Je n'ai d'aucune façon, M. le Président, attaqué la conduite du ministre à date. J'ai dit qu'il avait fait preuve d'imprudence en regard des commentaires qu'il a faits à l'égard du juge Carrier, et la meilleure preuve, M. le Président, c'est que le ministre est coincé avec une mise en demeure qui lui a été adressée par ce citoyen du Québec qu'est le juge Carrier. Je ne suis pas allé plus loin que ça.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mais vous êtes allé ailleurs, et si je vous dis...

M. Lefebvre: Ah! oui, oui, absolument...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Je vous rappelle...

M. Lefebvre: ...vous avez raison, M. le Président, j'ai parlé de la complicité à tout le moins passive du gouvernement en regard du débat de la vente des renseignements confidentiels.

M. Ménard: Disons que le délai a été long avant que ça sorte.

M. Lefebvre: Non, j'ai dit «passif», vous relirez, M. le ministre. Dans certains cas, c'est de la complicité active, dans d'autres cas, c'est de la complicité passive.

M. Ménard: On a eu le temps d'ouvrir les livres et puis de trouver l'article et puis de vous le signaler.

M. Lefebvre: Non, non, vous relirez ce que j'ai dit, M. le ministre.

M. Ménard: Je connais vos trucs.

M. Lefebvre: M. le Président, la justice, la sécurité publique sont des missions fondamentales qu'une société démocratique comme la nôtre a à respecter, puis ça, c'est dans le quotidien, à tous les jours, M. le Président.

Je me souviens d'avoir entendu l'ex-ministre de la Justice, le député de Louis-Hébert, dire qu'on souhaitait que la justice – puis ça, on est d'accord là-dessus – soit rapide et expéditive. Comment concilier une telle volonté avec la décision qu'on nous propose avec le projet de loi n° 151, M. le Président, de diminuer de 290 à 270 juges?

On nous dira peut-être que la criminalité a diminué au Québec. Là-dessus également, M. le Président, on ne s'entend pas. Il y a de la diminution quant à certaines catégories de crimes puis il y a de l'augmentation quant à d'autres catégories de crimes. Je pense que, de façon générale, on est capables, M. le Président, de démontrer, du côté de l'opposition, qu'au niveau du crime violent il n'y a pas de diminution; et ça contredit, ce constat-là, M. le Président, la décision, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, de procéder à la fermeture de centres de détention, d'éliminer des places, de vivre la situation suivante: les sentences des juges ne sont pas exécutées, les sentences des juges, M. le Président, sont interprétées par le pouvoir administratif.

Ce sont les juges de la Cour du Québec, dans un premier temps... Il faut reculer pas tellement loin dans le temps, il y a à peine 12, 14 ou 15 mois, ce sont les juges de la Cour du Québec qui se sont exprimés publiquement en disant: Nos sentences ne sont pas respectées, ça crée un malaise extrêmement préoccupant au niveau de la magistrature. La semaine dernière, il y a une dizaine de jour, ce sont les juges de la Cour d'appel qui ont clairement... Et c'est assez exceptionnel que les juges de la Cour d'appel, jusqu'à un certain point, sortent de leur devoir de réserve pour dire au pouvoir politique: Vous faites fausse route, vous nous placez dans une situation où, tout à l'heure, et c'est presque ce qu'on vit présentement – ce sont les juges de la Cour d'appel qui parlent – tout à l'heure, M. le Président, on sera placé dans la situation où on ne pourra plus protéger la société, ce qui est notre responsabilité.

C'est ça, le malaise, c'est ça, la situation créée par la décision du gouvernement de tenter de faire croire aux Québécois qu'il y avait un virage carcéral alors que ce n'était pas le cas. Comment expliquer la décision du gouvernement, par son ministre de la Justice, d'ajouter à cette situation extrêmement problématique ce qu'on nous propose dans le projet de loi n° 151 sinon pour compléter sa manoeuvre, à laquelle j'ai fait référence tout à l'heure, de tenter de faire croire aux Québécois que les juges ont été diminués dans leur rémunération, ce qui fait... Ça, c'est extrêmement dommageable, une attitude politique comme celle-là, ça fait populaire, au niveau de la masse en général, que d'être capable de dire: Vous savez, les juges, on les a mis au pas puis on les a diminués.

On s'attaque à ce qu'il y a de plus précieux pour la protection des droits fondamentaux de notre société, le pouvoir judiciaire, puis pas à l'appareil, aux juges! On utilise, M. le Président, les juges pour passer un message politique qui, au surplus, est faux! Qui, au surplus, est faux! On dit: On a diminué le salaire des juges, ce qui est faux!

M. le Président, on a diminué la masse salariale mise à la disposition des juges. La faute est double; la faute est double. Et c'est le nouveau ministre de la Justice qui a la responsabilité de piloter le dossier puis de faire croire ça aux Québécois. Il doit se sentir mal à l'aise un peu. Ou je dis, moi: On m'a passé la commande, je l'exécute aveuglément.

Ce n'est pas ça, M. le Président, un ministre de la Justice, ce n'est pas ça, un Procureur général. Le ministre de la Justice puis le Procureur général a l'obligation puis il a la responsabilité d'agir dans ce sens-là, M. le Président, il a l'obligation de protéger la société. Il a l'obligation, dans certaines circonstances et plus souvent qu'autrement, de protéger la collectivité contre le pouvoir politique qu'il côtoie à tous les jours, ses propres collègues. C'est ça, la responsabilité d'un Procureur général puis d'un ministre de la Justice, M. le Président.

C'est encore plus exigeant, plus contraignant, quant au respect des principes de base, être ministre de la Justice ou Procureur général, M. le Président, ça l'est encore plus que d'être ministre de la Sécurité publique.

Moi, j'espère que le ministre nous convaincra de la justification de la proposition contenue dans le projet de loi n° 151, sinon, M. le Président, je devrai conclure qu'avant même de commencer à exercer cette lourde tâche, ministre de la Justice et Procureur général, je devrai conclure qu'il a abdiqué avant même de commencer. Il a abdiqué face aux commandes du premier ministre, d'abord.

Vous savez, parce que techniquement ça passe par le Trésor et les Finances, nous, du côté de l'opposition, M. le Président, règle générale, on se dit: Le ministre Untel s'est écrasé devant le Trésor, s'est écrasé devant le ministre des Finances, mais on sait très bien que et le ministre des Finances et le président du Conseil du trésor sont tous les deux à genoux devant le premier ministre. Alors, nécessairement, conséquemment, le ministre de la Justice exécute les commandes du premier ministre, peut-être par personnes interposées que sont le Trésor puis le ministre des Finances, M. le Président.

Ça, ça m'inquiète, j'espère me tromper, j'espère que le ministre de la Justice nous expliquera que la proposition de diminuer de 290 à 270 juges, étalé sur je ne sais pas combien d'années, j'espère que le ministre va pouvoir nous convaincre que c'est plausible, que ça se justifie puis que d'aucune façon, M. le Président, d'aucune façon ça n'affaiblira la magistrature dans son ensemble. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le député de Jacques-Cartier.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais faire quelques remarques préliminaires sur le projet de loi n° 151, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires.

(20 h 50)

Je pense que je vais diviser mes commentaires en deux. Mes premiers commentaires sont peut-être de l'ordre un petit peu plus général, mais l'expérience de base de tout député, c'est son expérience dans le bureau de comté. Je pense que c'est où on voit nos concitoyens, les personnes qu'on est appelé à représenter ici, à Québec, et on voit les problèmes qu'elles doivent vivre quotidiennement. Une des choses que j'ai constatées comme député, c'est, de plus en plus, l'appauvrissement de notre système judiciaire. Et le résultat, le phénomène le plus tangible de tout ça, c'est évidemment la question des délais auxquels les contribuables doivent être confrontés pour voir un juge, pour avoir une audience, pour avoir le temps pour peut-être défendre leurs droits. On vit ça...

Je sais que ce n'est pas la Cour du Québec, mais, d'une façon plus générale, surtout pour les familles, les questions de divorce, qui sont souvent compliquées, mais les listes d'attente juste pour avoir les ordonnances ou les jugements, les décisions entérinés, on a déjà le problème que nous avons signalé à maintes reprises quant à toute la question de la perception des pensions alimentaires, où, moi, il y a quatre semaines, j'avais un couple – ou un ex-couple – dans mon bureau... Lui, il était prêt à verser sur place le chèque pour la pension alimentaire à son ex-épouse. Mais on ne peut pas faire ça comme ça! C'est trop logique! Il y avait une entente. C'était un divorce plus ou moins à l'amiable. Mais il faut traverser le système, que nous avons mis en place, de perception de la pension alimentaire. Alors, ça prend quatre mois pour que les chèques partent de l'ex-conjoint, traversent le système du ministère du Revenu pour entrer dans les mains de l'ex-conjointe. C'est ça, le progrès que nous avons fait! Le monsieur était prêt à signer devant moi, comme témoin. Il a dit: M. le député, je vous appelle à être mon témoin. Prenez le chèque; je veux verser ça à mon ex-conjointe tout de suite. J'ai dit: Malheureusement, ça ne marche pas comme ça. Il faut traverser le système. Je sais qu'on est en train de modifier ça légèrement. Mais ça, c'est le système. C'est lent. Mais c'est également lent de changer un jugement.

J'avais un autre père et son garçon dans mon bureau il y a un mois. C'est un garçon de 16 ans qui a décidé qu'il préfère rester avec son père au lieu d'avec sa mère. Le père doit payer 150 $ par semaine à la mère pour la pension alimentaire du garçon. Au lieu de changer le jugement, il est allé à la Cour. Il y a des délais, les attentes; il a commencé au mois de juillet. Ils n'ont pas réussi encore à avoir accès à un juge pour changer le jugement.

Alors, il a, comme revenu total, 600 $ par mois; il doit verser 200 $ par mois à son ex-conjointe, y compris 600 $ par mois pour le garçon qui est maintenant avec lui. Mais ça prend six, sept, huit mois pour changer le jugement. Alors, il est condamné à la fois à payer les frais pour l'alimentation de son enfant, les frais d'école de son enfant. Moi, je suis allé parler au cabinet de la ministre déléguée au Revenu: il n'y a rien qu'on peut faire; il faut changer le jugement. Pour le faire, il faut avoir accès à un juge, et, de plus en plus, c'est difficile de faire ça, au Québec, M. le Président.

Alors, quand je vois qu'une des choses qui sont dans le projet de loi ici va rendre l'accès aux juges plus difficile et que, en conséquence, les attentes vont être encore plus importantes, je dis que je trouve ça troublant, et je sais que le divorce et la Cour supérieure, c'est une autre chose, mais le principe demeure le même: que de plus en plus les députés vont être appelés à recevoir dans leur bureau des personnes qui cherchent la justice, qui cherchent accès à un juge, qui ont un droit qui est lésé; ils n'ont pas accès.

Alors, je pense que c'est troublant. Je commence avec ces remarques préliminaires qui traitent surtout du droit familial, et je pense que je ne suis pas unique, parmi les députés, eux qui ont vécu des problèmes similaires. Le système est lent. Le système ne comprend pas les besoins des familles. Qu'est-ce qu'on va faire ce soir? C'est juste allonger un petit peu plus les lignes d'attente. On va rendre l'accès à la justice encore plus difficile. Ça, c'est déjà troublant, déjà troublant.

Mais, d'une autre façon, j'ai vécu encore plus directement, dans mon comté, les compressions de la Cour du Québec, avec la fermeture du Tribunal de la justice, qui était une division de la Cour du Québec à Pointe-Claire.

Une voix: Le Tribunal de la jeunesse.

M. Kelley: Le Tribunal de la jeunesse à Pointe-Claire était fermé. C'est une cour qui a été établie en 1969. Ça fonctionnait bien.

Une voix: Oui.

M. Kelley: Il n'y avait pas de problème.

Une voix: Non.

M. Kelley: On avait l'implication des communautés avoisinantes, les CLSC, les commissions scolaires, la police, le WMCA, qui avait des cours de... pour les jeunes en difficulté depuis des années – un programme de... qui a été fondé, entre autres, par notre collègue le député de Nelligan il y a 25 ans. Alors, ça, c'est les programmes qui marchent bien dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal. Il y avait une cour, il y avait un comité de la justice, autour, des citoyens impliqués dans les questions des difficultés de nos jeunes contrevenants. Tout ça fonctionne bien. Alors, le prédécesseur, le député de Louis-Hébert, est venu, au mois de septembre, mettre la hache dans tout ça. Parce qu'il nous a dit, à l'époque, que le loyer était trop cher. Et c'est ça, la parole du ministre de la Justice de l'époque: Le loyer est trop cher!

Et qu'est-ce que nous avons fait? Nous avons consulté notre communauté, comme députés responsables, et nous avons trouvé que les 12 municipalités étaient toutes prêtes à adopter les résolutions d'appui pour la cour de la jeunesse dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal. Les trois commissions scolaires ont été prêtes à adopter les résolutions d'appui, les deux CLSC étaient prêts à adopter les motions d'appui, le WMCA, le Directeur de la protection de la jeunesse, officieusement, parce que nos policiers n'ont pas le droit de commenter sur un dossier politique, m'ont dit à maintes reprises que leur préférence, c'est de témoigner dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, ça fait leur affaire. Et, en plus, les maires étaient prêts à aller plus loin. Au-delà de juste dire qu'on veut appuyer la présence de la Cour chez nous, le maire de Dorval, avec l'appui de ses collègues, a dit: On va aménager notre cour municipale pour loger une cour de la jeunesse. Parce que, à côté de la cour municipale, il y avait l'ancien poste de police 13, mais, avec le réaménagement de la police de Montréal et le focus sur une police communautaire, il y avait de la place disponible.

Alors, il y a des cellules, il y a des petits bureaux fermés pour que le client rencontre son avocat, on avait tout. Et la ville de Dorval était prête à louer ça au gouvernement du Québec plus ou moins pour le coût du chauffage et de l'électricité: 1 000 $ par mois, 12 000 $ par année. Alors, c'est presque un cadeau. Qu'une municipalité, malgré toutes les compressions que le ministre des Affaires municipales... malgré que le ministre vient d'envoyer une facture de 3 200 000 $ à la ville de Dorval pour la réforme, entre guillemets, de la fiscalité municipale, Dorval, avec l'appui de ses collègues, a dit: Ça, c'est une ressource, ça, c'est un noyau assez important pour les personnes qui veulent travailler auprès des jeunes contrevenants, les jeunes en difficulté dans notre communauté. On trouve que c'est très important, après 30 ans d'expérience dans notre communauté, de garder ça chez nous. Et on n'a pas d'intérêt à envoyer nos jeunes contrevenants dans le centre ville.

J'imagine que l'édifice sur la rue Bellechasse est très beau, c'est très intéressant, et tout ça. Mais on avait l'expérience de faire les services chez nous; c'est plus facile pour les jeunes qui ont des difficultés, l'accès est plus facile pour les familles. Et je pense que, avant tout, c'est eux-autres qui sont au coeur du problème. Que c'est plus facile pour le procureur de la couronne de travailler sur la rue Bellechasse, peut-être. Ça m'intéresse beaucoup moins, honnêtement, M. le Président, que pour quelques personnes qui sont sur le... J'ai parlé à quelqu'un, cette semaine, qui a un bureau sur la rue Bellechasse et qui travaille avec les jeunes contrevenants; c'est plus facile pour elle de travailler au centre-ville. Peut-être, M. le Président. Ça ne m'intéresse pas beaucoup. Mais, moi, je parle au nom des communautés, moi, je parle au nom des familles en difficulté, moi, je parle au nom des jeunes contrevenants. Et leur préférence est claire: Ils veulent que la cour de la jeunesse reste dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal.

(21 heures)

Alors, nous avons dit... Et, le maire de Dorval, je veux le féliciter publiquement, le maire Yeomans a tout fait. Il est allé essayer de rencontrer le prédécesseur de ce ministre de la Justice, deux, trois fois. Des fois, au dernier moment, le député de Louis-Hébert a dû annuler la rencontre. Mais, après maintes reprises, enfin, le ministère de la Justice a envoyé un architecte, au mois de mai, pour regarder l'édifice, qui est une cour déjà, M. le Président. Moi, je ne parle pas d'une ruine, d'un ancien édifice, loin de ça. C'est la cour municipale de Dorval, qui siège à toutes les semaines déjà, mais à temps partiel. Alors, il y a la possibilité d'aménager le temps avec le tribunal de la justice, les deux peuvent utiliser la même place, chez nous, dans notre communauté.

Alors, un architecte est venu voir les sites au mois de mai. Au mois de juin, pas de nouvelles. Nous avons questionné le député de Louis-Hébert, et pas de nouvelles. Mois de juillet, mois d'août, à ce moment, il y a eu un remaniement. Alors, nous avons dit: Peut-être qu'avec un nouveau ministre on va être plus chanceux. Au moins, peut-être qu'il peut venir visiter le site, peut-être qu'au moins il peut venir voir ce qui se passe chez nous, voir que c'est quelque chose qui marche, que la communauté est prête à faire les aménagements nécessaires pour réduire les coûts, pour le ministre. Mais il n'est même pas venu visiter. Quel manque de respect, M. le Président, quelle mauvaise foi! Il ne veut rien savoir. Il a annoncé, cette semaine, qu'il ne peut pas rouvrir la décision...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Jacques-Cartier, il y a des mots que vous ne pouvez utiliser et qui mettent directement en cause la conduite d'un collègue. Alors, lorsque vous dites «quelle mauvaise foi», vous violez le règlement. Je vous demanderais de le retirer.

M. Kelley: Ma compréhension des choses, M. le Président, il y a l'offre, il y a des municipalités qui veulent fournir un partenariat, et ça prend une bonne volonté des deux côtés pour faire progresser un dossier.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Jacques-Cartier, ce que je vous ai souligné là, c'est une violation du règlement. Je ne vous demande pas de me l'expliquer autrement, je vous demande d'abord de retirer les mots.

M. Kelley: Oui, je vais retirer ça, mais je vais quand même continuer de questionner le fait...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, ça, vous pouvez.

M. Kelley: ...que le ministre n'a pas jugé bon de venir voir les personnes, voir le maire de Dorval. Il a écrit une lettre sans connaissance de cause, sans visiter les lieux, sans voir avec les représentants municipaux de l'Ouest-de-l'Île de Montréal si on peut aménager la Cour autrement. S'il y a quand même des problèmes de coûts, la ville de Dorval est toujours prête à négocier et est toujours prête à regarder le problème.

J'ai vu encore une fois, hier soir, le maire de Dorval, Peter Yeomans. Il est prêt à s'asseoir avec le ministre, prêt à regarder de nouveau. Parce que, dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, on pense avant tout que c'est le service aux familles, aux jeunes qui ont des problèmes qui est prioritaire. Mais non, c'est... Et, moi, je me rappelle toujours, j'ai été frappé quand j'ai parlé à l'ancien directeur de cabinet de l'ancien ministre, il a dit: On ne peut pas faire ça, M. le député, parce que, moi, je dois valoriser mon équipement. C'est-à-dire qu'il y a ce beau palais maintenant sur la rue Bellechasse, alors il faut valoriser son équipement. Moi, je n'ai aucun intérêt dans ça, M. le Président.

Honnêtement, moi, je pense que c'est les personnes. On parle des jeunes qui sont en difficulté, des familles qui sont en difficulté, pour moi, ça, c'est la priorité. Et l'équipement du ministère de la Justice, je n'ai aucun intérêt dans ça. Nous n'avons pas exigé une cour chromée, on n'a pas besoin de plantes vertes, on n'a pas besoin de choses comme ça. On veut quelque chose de fonctionnel, on veut quelque chose près de chez nous, on veut quelque chose où nos policiers... Il faut souligner les efforts que la police de Montréal a faits. On a maintenant toute cette approche communautaire, on prend les grands postes de police, on les a divisés en petits postes de police. Pourquoi? Pour rapprocher la justice de la population. Oui, ça coûte un petit peu plus cher, et, oui, il y a des aménagements qu'ils ont faits, mais, au bout de la ligne, la notion est d'avoir la justice plus près de la population.

Mais qu'est-ce que le ministère de la Justice est en train de faire? Le contraire. Ils ont dit: Malgré le fait que la Cour fonctionne, malgré un effort et une volonté de la communauté de la préserver ici, on va mettre la hache dans ça pour valoriser notre équipement. J'ai mon voyage, M. le Président, honnêtement! Et vous m'avez dit que je n'ai pas le droit de questionner la volonté. Mais je regarde le fait dans ce dossier et je me demande: Est-ce qu'il y avait un intérêt dans ce gouvernement et dans ce ministère à trouver une solution alternative? Et je dois questionner ça, parce que, malgré une visite d'une heure d'un fonctionnaire qui est venu voir le site... Et, comme je dis, comment il peut dire, avec une cour qui fonctionne, qui était un poste de police tout récemment – comme je dis, on ne parle pas d'une ruine – de dire, sans explications, qu'il y a 420 000 $ de rénovations qu'il faut faire? Ce n'est pas vrai. J'ai vu ça à l'oeil. Oui, si on veut, je ne sais pas, mettre du chrome, mettre des objets d'art, on peut dépenser 420 000 $, mais on n'a pas besoin de ça. Et le ministre regarde ça uniquement sous le volet de ses dépenses à lui. Et peut-être que c'est légèrement plus cher d'envoyer les procureurs de la couronne dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, mais ça va diminuer les coûts pour tous les autres intervenants.

Pour les policiers qui travaillent dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, c'est nettement plus facile pour eux autres d'aller témoigner sur place au lieu de prendre leur voiture, soit d'être remplacés par quelqu'un d'autre à temps supplémentaire pour aller là, à la ville-centre, trouver une place où stationner, attendre pour avoir la chance de témoigner dans une cour. C'était beaucoup plus efficace pour la police dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal.

Pour les travailleurs sociaux, qui ont des bureaux dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, c'est nettement plus efficace pour eux autres aussi d'avoir une cour sur place. Mais, à cause de cette volonté hautement bureaucratique de valoriser son équipement, le ministre ne veut rien savoir, ne veut même pas rencontrer le maire de Dorval pour en discuter, il met la hache dans tout ça, s'en lave les mains et va valoriser son équipement.

Alors, si c'est ça, l'accès à la justice, si c'est ça, l'accès à la population, qu'est-ce que je peux dire de plus? Mais je pense que c'est une décision regrettable. Comme j'ai dit, j'ai les résolutions adoptées par tous les intervenants dans ma communauté, qui disent qu'on veut conserver ce Tribunal de la jeunesse. C'est très important chez nous, et, un jour, ce gouvernement va comprendre ça. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres remarques préliminaires? M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Non, mais, M. le Président, j'ai hésité un tout petit peu par souci d'alternance, évidemment, à savoir si les députés ministériels...

M. Mulcair: Ont quelque chose à dire.

M. Copeman: ...avaient quelque chose à dire sur le sujet...

Une voix: Vous allez nous répondre, là.

M. Copeman: ...C'est pour ça que j'ai hésité un tout petit peu, mais, semble-t-il, les députés ministériels n'ont pas grand chose à faire sur une telle mesure, M. le Président.

Moi, j'ai effectivement quelques remarques préliminaires sur le projet de loi n° 151, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires. M. le Président, vous savez peut-être, à cause des débats antérieurs qu'on a eus à cette commission, que je ne suis pas avocat.

M. Kelley: Bravo!

M. Copeman: Oui, comme mon collègue le député de Jacques Cartier dit: Bravo! Moi, je pense que...

M. Lefebvre: On ne peut pas avoir rien que des défauts, hein!

M. Copeman: ...dans une législature comme la nôtre, si on avait plus de personnes qui n'étaient pas des avocats, on adopterait des meilleures lois, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: ...ça, j'y crois, M. le Président. J'y crois sincèrement. Non, j'y crois sincèrement, parce que...

Une voix: ...

M. Copeman: Ouais, bien, je m'en fous, là. Je comprends mes deux éminents collègues, ici, qui sont des avocats, mais, moi, je parle... C'est des exceptions à la régle, évidemment. Mais je parle de façon globale. Sur 125 députés à l'Assemblée nationale, M. le Président, je crois que, de temps en temps, les avocats perdent de vue la situation globale, ne voient pas nécessairement la forêt à cause des arbres. Et c'est ma perception. Je l'ai partagée déjà avec des collègues de ce côté de la table...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce...

M. Copeman: Oui?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...je pense qu'on ne peut attaquer la conduite d'un député, mais on ne peut pas non plus attaquer, en quelque sorte, la conduite d'un groupe de députés, par extension, fussent-ils avocats.

M. Mulcair: M. le Président, question de règlement sur votre interprétation. J'aimerais juste vous rassurer – parce que, vous non plus, vous n'êtes pas avocat – que ça ne m'offusque pas du tout, l'échange libre des idées. Et, même si je ne partage pas le point de vue de mon collègue le député de Notre-Dame-de-Grâce, je défendrai toujours son droit de l'exprimer.

Par ailleurs, M. le Président, je trouve qu'il n'a pas complètement tort lorsqu'il dit que ce ne sont pas que des avocats qui font des bonnes lois. Au contraire, le gros bon sens, l'expérience dans plusieurs domaines de la vie, c'est ça qui fait un bon Parlement.

Quand j'ai entendu le Procureur général, aujourd'hui, dire à une journaliste que la raison pour laquelle la ministre déléguée au Revenu avait mal répondu en Chambre, c'est parce qu'elle n'était pas avocate, bien, là, je me suis rendu compte qu'il y avait une certaine vantardise et un certain caractère présomptueux chez le député de Laval-des-Rapides, qui donnent raison à mon collègue le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey, ce n'est pas parce que vous n'avez pas le droit de parole automatique...

M. Mulcair: Mais, M. le Président, vous m'avez reconnu sur la question de règlement.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, mais vous n'êtes plus sur la question de règlement.

M. Mulcair: Ah, O.K.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, vous ne pouvez le faire non plus, monsieur.

(21 h 10)

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mulcair: Attends, demain soir, minuit, tu vas...

M. Copeman: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Et, autant que possible, je vous inviterais à centrer vos remarques préliminaires sur le projet de loi en cours.

M. Copeman: Tout à fait. J'y arrive, M. le Président. Inquiétez-vous pas.

M. Ménard: ...exceptionnel.

M. Mulcair: ...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Un peu de discipline, s'il vous plaît. Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Oui, merci, M. le Président. Et je ne veux d'aucune façon que mes commentaires soient interprétés comme une attaque sur la conduite d'un député en particulier, ou même d'un groupe de députés, M. le Président. Tous les groupes de notre société ont leur utilité et font une contribution sur le plan politique, professionnel, et ainsi de suite.

M. le Président, la question qui est devant nous, et là j'amène simplement l'expérience ou les points de vue d'un, on dirait, en anglais, «a layman». Hein, M. le Président? C'était le but de mes remarques, de dire: Je n'ai pas d'expertise trop poussée dans les lois; je n'ai pas eu de démêlées avec la justice à date, alors je n'ai pas pu traverser un cheminement à l'intérieur des cours. Heureusement! Mais, M. le Président, il y a plusieurs choses que je pense, comme représentant ici, à l'Assemblée nationale, qu'on sait intuitivement.

M. le Président, le rôle des juges est incontournable dans notre société, un rôle clé dans le maintien de l'ordre dans une société organisée. Je n'aime pas le terme «civilisée», mais, dans n'importe quelle société organisée, ça nous prend un système de justice, ça nous prend des juges, des avocats pour assurer – assurer – le bon fonctionnement d'une société à l'intérieur des règles judiciaires et selon la justice naturelle, et pour assurer également la protection de l'individu. Que ce soit au niveau de la protection personnelle, que ce soit au niveau de la protection de nos biens, comme individus.

Alors, il est très clair qu'un système judiciaire est au coeur même de la capacité d'une société organisée à vivre en commun, en paix, et à progresser, même, je dirais. À l'intérieur de ce système judiciaire, évidemment, les juges jouent un rôle clé. Et là où, comme «layman», j'ai énormément de difficultés à suivre l'argumentation et les gestes de ce gouvernement, c'est quand on propose de diminuer le nombre de juges dans une cour aussi importante que la Cour du Québec.

J'ai cru comprendre, M. le Président, que c'est le résultat, semble-t-il, d'une déjudiciarisation de notre système de justice qui...

Une voix: ...

M. Copeman: Pardon? Je l'ai mal compris? Bon, peut-être que le ministre peut m'éclairer, d'abord.

M. Ménard: Non. J'ai donné le cahier à M. Roux. Vous pouvez juste lire la page...

M. Copeman: Oui.

M. Ménard: ...sous l'article 1.

M. Copeman: Oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, veuillez continuer, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Alors, si le rationnel n'est pas à cause du fait qu'on a...

M. Ménard: Ils n'ont pas ça?

M. Copeman: Non, on n'a pas ça, nous autres.

M. Ménard: Je vous les donnerez tout à l'heure. Il y a cinq raisons.

M. Copeman: Pardon?

M. Ménard: Il y a cinq raisons.

M. Copeman: Cinq raisons, qu'on n'a pas, nous autres.

M. Ménard: Je les avais données tout à l'heure, dans mes remarques préliminaires. Mais, en tant que... vous auriez besoin de moins d'information. J'imagine que vous n'étiez pas là, c'est pour ça?

M. Copeman: Oui, effectivement, je suis arrivé légèrement en retard, M. le Président...

M. Ménard: Pas légèrement, beaucoup.

M. Copeman: ...même beaucoup.

M. Ménard: Oui, beaucoup.

M. Copeman: Même si le ministre sait que...

M. Ménard: C'était à 20 heures.

M. Copeman: Même si le ministre sait qu'il n'a pas le droit de signaler l'absence d'un député autour de la table, hein?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Effectivement.

M. Copeman: Hein, M. le Président?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Un peu de... Messieurs!

M. Copeman: M. le Président, je suis convaincu que vous étiez à la veille de rappeler le ministre à l'ordre pour avoir enfreint nos règlements et signalé l'absence d'un député. J'étais convaincu, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): J'ai d'ailleurs signalé, sans nommer qui que ce soit, ni le ministre, ni le député de Chomedey. Mais ils ont effectivement procédé à une interruption dans votre allocution, alors je vous invite à poursuivre vos remarques préliminaires.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Réduire le nombre de juges m'apparaît, M. le Président, comme un geste aberrant, irresponsable. Aberrant et irresponsable.

M. le Président, j'imagine que ça doit suivre un peu la logique de ce gouvernement; on dirait, en anglais, «do more with less». C'est un peu la même attitude que ce gouvernement a ailleurs, dans d'autres domaines.

M. Ménard: «Do better with less».

M. Copeman: Pardon?

M. Ménard: «Do better with less».

M. Copeman: «Better or more».

M. Ménard: «Better».

M. Copeman: More efficiently.

M. Ménard: Right.

M. Copeman: Right. So, I guess, according to the Minister, Mr. Chairman, we're going to be more efficient with fewer judges.

M. Ménard: Right.

M. Copeman: This is a very intriguing concept, Mr. Chairman, because...

Une voix: ...were not working before.

M. Ménard: We are lucky to have judges who think the same.

M. Copeman: That's very possible, Mr. Chairman, but I unfortunately don't know the attitude of the Conseil de la magistrature or others...

M. Ménard: I'll tell you.

M. Copeman: ...in this... If the Minister wants to go ahead now, Mr. Chairman... If the Minister is trying to be helpful, and I am sure he is...

M. Lefebvre: Le ministre est indiscipliné, ça n'a pas de bon sens!

M. Copeman: No, no! But, Mr. Chairman, if the Minister is trying to be helpful, I'd be very pleased to stop here and listen to the Minister for a few moments to help me in my...

M. Mulcair: Mr. Chairman, point of order.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: The Minister is constantly interrupting my colleague the MNA for NDG, but if, on the other hand, the Minister actually – which would surprise us a great deal – has something to propose that's constructive, especially if it's an answer to our invitation before to answer the Supreme Court admonition in its September judgment, we're more than willing to give him the floor, as long as my colleague the MNA for NDG is allowed to continue his peroration afterwards.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le député de Chomedey, je reviens à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je maintiens votre droit de parole, mais, au préalable, je vais faire une réponse à la question de règlement que me pose M. le député de Chomedey.

D'abord, on peut effectivement, lorsque M. le député de Notre-Dame-de-Grâce aura terminé ses remarques préliminaires, modifier notre fonctionnement, mais nous sommes à une étape de remarques préliminaires. Alors, si effectivement on voulait avoir un échange moins formel, nous pourrons effectivement, suite à certaines questions ou à certains questionnements, je devrais dire, que vous avez soulevés, si vous voulez, avant de passer à l'étape suivante qui est celle de motions préliminaires, entendre certaines réponses du ministre de la Justice, nous pourrons ainsi procéder, si tel est le voeu des membres de cette commission.

Ceci étant dit, je redonne la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce, mais je demande à ce qu'on ne l'interrompe pas.

M. Mulcair: Je veux juste comprendre. Vous dites qu'il doit finir ses remarques préliminaires, qu'on ne peut pas procéder à cet échange informel pendant ses remarques préliminaires?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Non.

M. Mulcair: Quitte à ce qu'il revienne après?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Non, parce que...

M. Mulcair: Même d'un commun accord des deux côtés?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...les remarques préliminaires sont une étape, et, même, à certaines questions, le ministre m'a demandé tout à l'heure, en aparté, s'il pouvait répondre. Non, l'étape des remarques préliminaires, c'est...

M. Mulcair: D'accord.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...chacun fait ses remarques préliminaires et, ensuite, on peut convenir pour la suite des choses, s'il y a des réponses ou des précisions à donner, mais, à ce moment-là, on modifiera après les remarques préliminaires.

Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je vous redonne la parole.

M. Copeman: Merci, M. le Président. J'écoutais attentivement cet échange. J'ai une observation simple: je suis de passage ici, à la commission des institutions. Je trouve que vous travaillez de façon très formelle. J'ai assisté à d'autres commissions parlementaires où on a pu faciliter un échange entre le ministre et d'autres députés, des députés ministériels ou dans l'opposition, même au niveau de la remarque préliminaire.

Mais on ne peut évidemment pas questionner votre décision, M. le Président, mais je ne suis pas convaincu que ça fait progresser énormément nos travaux. En tout cas.

M. le Président, je disais que je suis personnellement loin d'être convaincu et, si le ministre est capable de me convaincre dans le courant de nos travaux, au cours des heures et des heures et des heures qui vont suivre, je serais très content d'être convaincu par le ministre du bien-fondé de ces gestes.

(21 h 20)

At face value, Mr. Chairman, à sa face même, je trouve difficile de comprendre comment on va, comme le ministre a dit, faire mieux avec moins. Pas moins avec moins. Pas plus avec moins, mais mieux avec moins. Ça ressemble, quant à moi, M. le Président, à d'autres domaines que je connais un peu mieux, comme le domaine de la santé, le virage ambulatoire, le mythe des lits, la santé mentale, la question de l'aide sociale, où, semble-t-il, si on accepte l'argumentation du gouvernement, on fait mieux avec moins; certains témoignages, au contraire, M. le Président... Mais, quand même, on pourrait explorer cette possibilité-là.

Mais, M. le Président, j'ai cru comprendre que la Cour du Québec est un composé important dans notre système judiciaire. Mon estimé collègue le député de Chomedey m'avait dit qu'un très haut pourcentage du volume judiciaire est traité dans la Cour du Québec. On peut penser à des voies de fait simples, des convictions sommaires, le vol en bas de 2 000 $, même des infractions sommaires, toute la question du tribunal de la justice, dont mon collègue le député de Jacques-Cartier a parlé, la loi pénale du Québec. M. le Président, on parle d'une cour qui est extrêmement importante pour, comme je l'ai dit, l'organisation d'une société et pour la protection des individus.

J'ai beaucoup de difficultés à comprendre comment, en diminuant le nombre des juges, ça va nous permettre de faire mieux. Parce que, si on pousse cet argument à sa limite, là, c'est une indication que pendant x nombre d'années 20 juges de la Cour du Québec étaient un effet nuisible au bon fonctionnement de la Cour du Québec. Si le ministre dit: on va faire mieux avec moins, ça veut dire que la présence des 20 juges qui sont là présentement, c'est nuisible. J'ai un peu de misère à comprendre comment on arrive à cette logique, qu'en éliminant, même par attrition – et je comprends le concept d'attrition – une vingtaine de juges, ça va améliorer les choses. J'ai beaucoup de difficultés à croire ça. Et il va falloir, avant que notre formation politique considère être en accord avec ce projet de loi, que cette démonstration soit faite d'une façon complètement non équivoque, avec aucun doute raisonnable qu'il y a possibilité qu'il y ait d'autres impacts... que de travailler mieux et de faire mieux avec 20 juges de moins.

M. le Président, mon collègue député de Jacques-Cartier a, je pense, très bien illustré ce qui est arrivé et ce qui arrive présentement dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal en ce qui concerne le Tribunal de la jeunesse. Et le ministre de la Justice d'alors était assez franc pour dire que c'est surtout une question de coûts. Moi, je dois soupçonner, M. le Président – et c'est une thèse, malgré les protestations contraires du ministre de la Justice – je ne peux que soupçonner qu'un tel geste est basé sur des critères assez vraisemblables, celui de la décision de fermer la cour de la jeunesse dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, surtout une question de coûts, d'économie.

M. le Président, jusqu'au mois d'avril de cette année, j'étais également responsable pour ma formation politique de toute la question de la protection du consommateur. Et ce débat, cette explication que vient de donner le ministre de la Justice à l'effet qu'on va faire mieux avec moins ressemble étrangement au même raisonnement que son prédécesseur avait utilisé quand il a sabré dans le budget de l'Office de la protection du consommateur. Je ne sais pas si les mots sont exactement pareils, mais la logique était pareille, M. le Président. Je me souviens des débats, ici, en cette commission même, lors de l'étude des crédits d'il y a deux ans où le ministre a mis la hache dans notre système de protection du consommateur. Et son raisonnement était très clair. Il nous a dit: C'est pour faire mieux que je mets la hache dans notre système de protection des consommateurs au Québec. C'est pour faire mieux que je sabre 30 % des effectifs et du budget de l'Office de la protection du consommateur. Il avait dit exactement la même chose: C'est pour mieux travailler qu'on fait ça. Il y a un à-côté, là, qui faisait en sorte que le gouvernement sauvait des dizaines de milliers d'argent, même des centaines de milliers d'argent. Mais, ça, c'est autre chose. Ça, ce n'était pas l'objectif du ministre de la Justice d'alors. Mais le même raisonnement, sabrer un million de l'Office de la protection du consommateur pour travailler mieux... c'est exactement le même raisonnement.

Et, au bout d'un an, qu'est-ce qu'on a vu? Qu'est-ce qu'on a vu après un an? Le ministre nous arrive avec: Regardez, le nombre de plaintes a diminué, le nombre d'enquêtes a diminué, le nombre de réponses à des demandes de renseignements a diminué. Et c'est comme si, d'une année à l'autre, les Québécois, on n'avait pas besoin de notre système de protection du consommateur. Mais, pour nous, c'était tellement clair. Pour les groupes d'associations de consommateurs, c'était tellement clair que le nombre d'enquêtes avait diminué, le nombre de poursuites avait diminué, le nombre de références à des renseignements a diminué parce que les effectifs n'étaient plus là, parce que le budget n'était plus là.

Alors, j'ai excessivement de difficultés, basé sur des situations qui ne sont pas peut-être exactement pareilles, M. le Président, mais qui se ressemblent tellement, depuis ma courte carrière en politique, que je suis très méfiant, très méfiant des ministres du gouvernement actuel qui nous arrivent avec des plans de sabrer ici, réduire le nombre de personnes ici, le nombre de lits dans les hôpitaux... Le mythe des lits! Si j'entends ça une autre fois, M. le Président, de notre très cher ministre de la Santé, là je pense que je vais vraiment avoir besoin d'être soigné.

M. Lefebvre: Ha, ha, ha! Ce n'est pas possible, au Québec!

M. Copeman: Parce que c'est épouvantable comment on peut réagir à cette expression: «le mythe des lits». Il suffit juste, M. le Président, d'avoir eu dans nos familles, dans nos familles proches ou autre, une expérience avec le système de santé pour savoir que le besoin d'un lit n'est pas un mythe, que c'est réel.

M. le Président, le besoin des juges, j'imagine, ce n'est pas un mythe non plus. Ça doit être réel. On doit avoir besoin des juges, au Québec! Et je ne peux pas concevoir, au moment où on se parle, qu'on a besoin de 20 juges de moins dans la Cour du Québec pour mieux travailler. Très méfiant de cette explication, M. le Président, extrêmement méfiant! Et le ministre va tenter de nous convaincre, il va peut-être amener des études qui démontrent, ici et là...

Possible, M. le Président, on verra, possible, on a du temps devant nous. On va prendre le temps nécessaire pour comprendre l'argumentation du ministre, la portée du projet de loi, les impacts. J'imagine que le ministre va nous dire: Ça ne rallongera pas, il n'y aura pas de délais indus dans notre système de justice à cause de ça, 20 juges de moins. Qu'il le démontre, qu'il le démontre hors de tout doute raisonnable, puis on verra, M. le Président. J'ai des doutes.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Oui, M. le député de Frontenac. Alors, si nous voulons procéder.

(21 h 30)

M. Lefebvre: Motion, M. le Président, motion en vertu de l'article 244 de notre règlement.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le député de Frontenac.


Motion proposant d'entendre le Barreau du Québec

M. Lefebvre: M. le Président, la motion que je propose à l'attention de mes collègues se lit comme suit:

«Que, conformément au deuxième alinéa de article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, la commission des institutions, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 151, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires, tienne des consultations particulières relativement à ce projet de loi et qu'à cette fin elle entende le Barreau du Québec.»

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le député de Frontenac, vous disposez d'une période de 30 minutes.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: M. le Président, j'ai sous les yeux ici un document qui est public, qui ne circule évidemment pas dans tous les dépanneurs du Québec, parce que ça n'intéresse pas nécessairement, même si ça concerne tous les citoyens et citoyennes du Québec, ça ne les intéresse pas nécessairement d'avoir les détails du document et même de l'essentiel, d'ailleurs, sauf que le débat qu'on ouvre ce soir pourra, j'espère, peut-être sensibiliser nos concitoyens et concitoyennes à ce que propose le projet de loi n° 151. L'entente à laquelle je fais référence, M. le Président, c'est celle intervenue entre le ministère de la Justice et la Cour du Québec, représentée par son juge en chef associé, l'honorable Rémi Bouchard.

L'entente en question a été signée en juin 1997. Le ministre de la Justice actuellement en poste n'était pas, on le sait, à la Justice à ce moment-là. Entente relative à la réduction des dépenses de la Cour du Québec . Et j'y ai fait indirectement référence tout à l'heure dans mes remarques préliminaires, lorsque j'ai mentionné que la communauté des juges, la magistrature du Québec, avait été appelée à participer à la politique du gouvernement, politique, encore une fois, je le rappelle, M. le Président, discutée avec beaucoup d'à-propos par le Vérificateur général pas plus tard qu'hier. La magistrature a été appelée à participer à cette obsession du gouvernement de laisser croire aux Québécois qu'on allait atteindre le déficit zéro. Et c'est dit textuellement, ce à quoi je fais référence, au dernier sous-paragraphe du paragraphe 4 du document que j'ai sous les yeux: «L'entente constitue également l'apport de la Cour du Québec à l'objectif de compressions budgétaires du ministère.»

M. le Président, sans vouloir, évidemment, parler au nom de la magistrature, j'oserais dire que c'est le couteau sur la gorge que l'ensemble des juges, représentés par le juge en chef associé, l'honorable Rémi Bouchard, a accepté cette entente signée en juin dernier. Il ne faut pas avoir suivi beaucoup, beaucoup l'activité judiciaire au Québec pour conclure que ce n'est pas de gaieté de coeur que les juges ont accepté de collaborer, entre guillemets, avec le gouvernement, lorsque depuis des années on entend les juges intervenir de toutes sortes de façons pour réclamer des améliorations à leurs conditions de travail, des améliorations au système judiciaire, pour que la justice soit rendue avec plus de rapidité, que la justice soit moins lente, que la justice soit moins dispendieuse pour le justiciable au Québec.

Quand on impose, à toutes fins pratiques, cette entente-là aux juges, il faut avoir... Et, je me répète, je ne veux d'aucune façon interpréter la position non exprimée, non connue de la magistrature en regard de ce document-là, de cette entente-là. Cependant, il y aurait grand intérêt à entendre le Barreau du Québec, qui, à chaque fois... Puis ça, je suis convaincu, M. le Président, que le ministre de la Justice va en convenir. Je suis certain qu'il va en convenir: on ne peut pas évaluer le contenu du projet de loi n° 151 sans se priver de l'éclairage du Barreau du Québec. Moi, j'aimerais que le Barreau du Québec m'éclaire sur certaines dispositions de l'entente dont je viens de parler.

«Attendu que la Cour du Québec...» Je saute les trois premiers attendus, M. le Président, parce que je considère effectivement que le Barreau du Québec n'a pas à se prononcer sur, entre autres, l'attendu numéro 3: «Attendu que la Cour du Québec entend participer à l'effort collectif»; ça, le Barreau du Québec n'a pas, je pense, à se prononcer là-dessus. Cependant, lorsqu'on lit ceci: «Attendu que la Cour du Québec a procédé à une réorganisation de ses activités qui lui a permis d'accroître son efficacité et son efficience», bien, ça, ce n'est pas parce que c'est écrit qu'il faut le prendre pour acquis. Et s'il y a un interpellé qui peut nous éclairer, un intervenant qui peut nous dire si c'est vrai un petit peu, ce n'est pas vrai du tout ou c'est en voie de se produire ou de se réaliser peut-être partiellement, c'est bien le Barreau du Québec. Est-ce que la Cour du Québec est plus efficace? Est-ce que la Cour du Québec fonctionne mieux en 1997, tout à l'heure en 1998? Et, si oui, depuis quand? Et, si oui, de quelle façon, surtout, ça se manifeste? Et on apprendra peut-être, avec le Barreau du Québec, que ce n'est pas ça qui se passe, que ce n'est pas du tout le cas. Que la Cour du Québec n'est pas plus efficace aujourd'hui qu'elle l'était il y a deux ans.

On a besoin d'entendre le Barreau du Québec – je me répète – qui est un interlocuteur très concerné et qui est capable de nous éclairer. C'est l'organisme, au Québec, le plus habilité à éclairer les parlementaires de cette commission sur la situation de notre système judiciaire actuellement au Québec, en ce qui a trait évidemment à la Cour du Québec particulièrement. Est-ce que, lorsque le gouvernement, par son ministre de la Justice, dit, dans le document que j'ai sous les yeux: «Attendu que le ministère modernise le système de justice», bien, j'aimerais, moi, que le Barreau me dise si c'est oui. Est-ce qu'on est en processus de moderniser présentement le système de justice? Et, si oui, de quelle façon? Est-ce que, si c'est le cas, c'est vraiment sérieux, la tâche que le ministère de la Justice se serait donnée de moderniser le système de la justice au cours des trois dernières années? Parlons de ce qui se passe depuis septembre 1994. Est-ce que c'est réel? Est-ce que c'est vrai? Ça veut dire quoi, moderniser le système de justice? Est-ce qu'on est en voie de le faire? Est-ce qu'on a réalisé des choses vraies, sérieuses, concluantes, au cours des trois dernières années?

En quoi consistent les moyens technologiques plus performants que la Cour du Québec s'est donnés au cours des dernières années? On le sait, M. le Président, il y a eu des expériences. Puis ça, évidemment, je ne veux pas reprocher à l'ex-ministre de la justice et député de Louis-Hébert d'avoir tenté l'expérience. Le ministre de la Justice actuel pourra peut-être nous donner des détails sur l'évolution du dossier de la comparution par vidéo. Ça a été évalué, ça a été tenté. Je me souviens que, au moment où l'expérience a été faite, ça s'était avéré quelque chose de pas trop, trop concluant. Alors, en quoi les moyens technologiques dont se serait dotée la Cour du Québec auraient modernisé le système, auraient amélioré le sort des justiciables, et quels sont, justement, ces moyens de technologie qu'on aurait mis en place au cours des dernières années?

(21 h 40)

L'attendu qui m'apparaît le plus questionnable, dans le document que j'ai sous les yeux, mon collègue de Jacques-Cartier y a fait référence, j'en ai parlé moi aussi, M. le Président, mes deux collègues de Chomedey et de Notre-Dame-de-Grâce y ont fait référence: «Attendu que le ministère et la Cour du Québec constatent une baisse de volume des activités judiciaires...» Le Barreau a des statistiques, le Barreau, M. le Président, a une opinion à nous donner là-dessus. Est-ce que la diminution des activités judiciaires, s'il y a lieu, justifie la décision qu'ont prise, pour des considérations strictement financières, pécuniaires et budgétaires, le gouvernement et son ministre de la Justice de diminuer de 290 à 270 le nombre de juges à la Cour du Québec? Est-ce que la baisse du volume des activités judiciaires, M. le Président, est une réalité qu'on a vécue au cours des dernières années, et ça se serait stabilisé, ou si c'est toujours en progression? Moi, je veux entendre le Barreau là-dessus, de quelle façon ça se constate.

M. Kelley: Oui.

M. Copeman: Très logique.

M. Mulcair: Excellent.

M. Copeman: Adopté.

M. Lefebvre: M. le Président, le député de Notre-Dame-de-Grâce a dit quelque chose...

Une voix: ...

M. Mulcair: M. le Président, question de règlement. Je viens d'entendre une autre interruption de la part de mon collègue le député de Laval-des-Rapides, mais si...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Et vous en avez fait une aussi.

M. Mulcair: S'il veut bien...

M. Ménard: C'est contagieux, ça.

M. Mulcair: Si c'est pour nous dire qu'il veut entendre le Barreau... Parce que ça va être sa première démarche, ça serait de votre contre la proposition d'entendre le Barreau. Sinon... Mais, s'il est prêt à nous dire qu'il veut entendre le Barreau, on arrête tout de suite, on procède au vote.

M. Ménard: Moi, je suis prêt à voter là-dessus, sur cette motion, tout de suite.

M. Mulcair: Est-ce que vous êtes pour la motion? C'est ça, la question.

M. Ménard: Mettez-vous au vote et vous allez savoir comment on vote.

M. Mulcair: Vraiment, ses interventions en commission ne sont guère plus reluisantes que ses interventions en Chambre, M. le Président.

Une voix: Bien là, là...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, le député de Notre-Dame-de-Grâce...

M. Ménard: ...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): C'est le député de Frontenac qui a le droit de parole.

M. Lefebvre: Le député de Notre-Dame-de-Grâce, tout à l'heure, a dit quelque chose qui est donc vrai, M. le Président. On décide d'éliminer 20 juges et, en même temps, on dit: On peut le faire parce que l'activité criminelle diminue, il y a moins d'activités judiciaires; on peut le faire parce qu'on en a moins besoin. Parce qu'on décide d'éliminer 20 juges, on conclut que c'est faisable, c'est automatique, il n'y a pas de problème; tu sais, une espèce de fiction qu'on a utilisée également en matière de santé, qu'on a utilisée également – je l'ai mentionné tout à l'heure – en matière d'activités carcérales.

On dit qu'on le fait parce qu'on est justifié de le faire parce qu'il y a une baisse de clientèle. Boum! On n'en fait pas la preuve, on s'en va avec ça, et les députés péquistes qui entourent les ministres, qui applaudissent la bouche grande ouverte, qui répètent ça dans leurs comtés respectifs jusqu'à temps qu'ils se fassent ramasser pas à peu près. Là ils reviennent à Québec et ils se parlent entre eux autres et ils disent: Sais-tu, ce que le ministre a dit, ce n'est pas vrai; je me suis fait dire ça toute la fin de semaine. C'est comme ça qu'ils fonctionnent, M. le Président!

Mais là ça commence à craquer de partout: en matière de santé, en matière de justice. Même dans le réseau routier, on essaie de faire croire qu'au Québec qu'on n'a plus besoin de couches d'usure; aux Québécois, on dit ça aux Québécois. On diminue les budgets de voirie. On essaie de faire croire aux Québécois qu'on crée de l'activité économiques dans nos régions respectives. On essaie de faire croire aux Québécois, M. le Président, qu'on a des programmes... Oui, j'y arrive, M. le ministre, ce ne sera pas long.

M. Ménard: ...

M. Lefebvre: Je fais un parallèle. Non, non. Si vous avez une question de règlement à soulever, faites-le, là. On essaie de faire croire aux Québécois, M. le Président, qu'on crée de l'emploi, alors qu'on a éliminé les programmes.

Ceci étant dit, le ministre de la Justice, député de Laval-des-Rapides, a une belle occasion, lui, de rétablir les ponts avec le Barreau du Québec. Son prédécesseur... Non, non.

M. Ménard: Ils sont parfaitement rétablis.

M. Mulcair: Parfaitement rétablis? Bien...

M. Lefebvre: Alors, on va le réaliser. M. le Président, voulez-vous demander au ministre d'arrêter de m'interrompre? Ce n'est pas parce que ça me dérange bien gros en termes d'efficacité, parce que je l'entends ronronner et... S'il a des choses pertinentes à dire, qu'il m'interrompe en soulevant une question de règlement et on pourra la débattre. Sinon...

M. le Président, le député de Louis-Hébert...

M. Ménard: Faites preuve de pertinence.

M. Lefebvre: Le député de Louis-Hébert est probablement le ministre de la Justice qui, au cours des 50 dernières années, a été ce qu'il y a de plus désastreux quant à la relation avec le Barreau du Québec et également la Chambre des notaires. Tous les groupes qui se sont donné comme mission et qui ont comme mission de défendre la justice au Québec ont été agressés d'une façon ou de l'autre par le député de Louis-Hébert.

Le député de Laval-des-Rapides, lui, a une belle occasion de rétablir les ponts, comme je le disais tout à l'heure, avec le Barreau du Québec. Il a à date, depuis qu'il est en fonction, j'imagine, discuté avec le bâtonnier, avec le Barreau, avec les hautes instances du Barreau; c'est plus ou moins public. Moi, je ne le sais pas où il en est avec le Barreau du Québec. Il nous dira probablement tout à l'heure: Ça va mieux, on se parle, je suis plus gentil, je suis plus intelligent, je suis plus correct que le député de Louis-Hébert. Le Barreau du Québec, il me trouve fin, moi, puis il m'aime beaucoup puis il n'aimait pas l'autre. C'est réglé.

Bien, si c'est le cas, si le député de Laval-des-Rapides, ministre de la Justice, a sinon rétabli les ponts avec le Barreau au moins le désir de le faire, il a la première occasion – on lui offre, là – je pense, réelle, réelle de le faire, c'est d'accepter la proposition que l'on fait dans cette motion d'entendre le Barreau du Québec pour connaître l'opinion du Barreau non seulement sur le contenu de l'entente à laquelle j'ai fait référence tout à l'heure, mais sur tout ce qu'il y a de connexe, d'accessoire et en même temps très important – ce n'est pas parce qu'on dit «accessoire» que ça ne veut pas dire que c'est négligeable – sur tout ce qui sous-tend, M. le Président, la proposition contenue dans le projet de loi n° 151.

Est-ce que, M. le Président, le Barreau du Québec est d'accord avec cette décision de diminuer de 290 à 270 le nombre de juges? Est-ce que le Barreau du Québec considère que c'est justifié de le faire actuellement? Est-ce que le Barreau du Québec est d'accord avec les raisons qui justifient cette décision-là et qui apparaissent, quant à l'essentiel, dans le document auquel j'ai fait référence tout à l'heure? Et, particulièrement et principalement, des raisons d'ordre budgétaire.

(21 h 50)

Le gouvernement a eu au moins la franchise de le dire, que l'objectif des compressions budgétaires du ministère de la Justice, c'est ce qui est essentiellement et uniquement – M. le Président, si on sait lire un petit peu entre les lignes, là – c'est uniquement ce qui justifie cette décision-là, ce qui sous-tend la décision. Est-ce que le Barreau du Québec, qui est au premier chef le gardien objectif des droits collectifs, des droits individuels des Québécois et des Québécoises, est-ce que le Barreau du Québec est d'accord avec cet argument du gouvernement de diminuer de 290 à 270, pour des questions d'ordre budgétaire? Est-ce que le Barreau du Québec a des arguments auxquels les collègues de cette commission n'auraient pas pensé, M. le Président?

Le Barreau du Québec – puis, moi, je ne suis pas mal à l'aise de le dire – est sûrement mieux éclairé que, moi, je le suis. Le Barreau du Québec vit le quotidien de l'évolution de la justice au Québec, de notre système judiciaire, que ce soit l'activité que l'on vit à l'intérieur de la Cour du Québec ou des autres juridictions fédérales, Cour supérieure, Cour d'appel. Le Barreau du Québec est mieux qualifié que le ministre lui-même, M. le Président. Sûrement mieux qualifié que les membres de cette commission pour nous dire si ça a du bons sens ou si ça n'en a pas. Le Barreau du Québec est mieux placé que quiconque pour nous dire quelle sera la conséquence à court et à moyen terme de cette décision contenue dans le projet de loi n° 151.

M. le Président, j'espère que le ministre... Et, dans ce sens-là, moi, je serais prêt, puis je suis convaincu que mon collègue de Chomedey va souscrire à ma suggestion, je serais prêt, M. le Président, si le ministre m'indiquait, là, tout de suite, que ça a du sens, à tout le moins qu'on l'évalue, qu'on évalue, M. le Président, cette suggestion d'entendre le Barreau du Québec... Si le ministre nous disait: Je ne suis peut-être pas encore tout à fait convaincu, mais donnez moi quelques heures, je vais y penser. Je vais y penser, on reviendra demain matin, ou on va suspendre jusqu'à 23 h 55, M. le Président, puis, à 23 h 55 – il est 22 h 50 – le ministre pourrait nous donner sa décision, si ça a du sens, la proposition de l'opposition, puis on va entendre le Barreau du Québec. Il me semble que le ministre de la Justice, le nouveau ministre de la Justice a...

Et, dans ce sens-là, il devrait nous remercier. On fait oeuvre utile. C'est ça, une opposition constructive, c'est ça, surtout lorsqu'on parle de justice. Puis combien de fois j'ai entendu le député de Chomedey, combien de fois je l'ai dit moi-même, que, en matière de justice, cette coutume, j'oserais même dire «cette règle fondamentale du consensus» a été brisée à de multiples reprises par le gouvernement du Parti québécois élu en septembre 1994. On a, M. le Président, vécu l'horreur de modifications à des pièces législatives d'une extrême importance arrachées par le gouvernement avec la motion de clôture. On a vécu ça, nous autres.

Dans notre système parlementaire, M. le Président, bulldozer l'Assemblée nationale – nécessairement l'opposition – dans des législations qui touchent l'administration de la justice, c'est grave, c'est questionnable, et le nouveau ministre de la Justice, lui, a l'occasion de rétablir l'équilibre. Il a l'occasion de se démarquer puis d'indiquer aux Québécois puis aux Québécoises, d'envoyer un message clair au Barreau du Québec pour leur dire: Écoutez, à date, je suis allé vous faire deux, trois beaux petits discours, je suis allé vous saluer, je suis allé vous rencontrer, vous m'avez indiqué que j'aurais ma chance parce que j'arrive. Alors, il a une belle occasion de passer de la parole aux actes, de ne pas faire ce que tous les membres du cabinet dont il est membre depuis septembre 1994, tous ses collègues font depuis septembre 1994, dire une chose puis faire le contraire.

Lui, M. le Président, on lui donne une première occasion, puis elle n'est pas négligeable. Puis, s'il nous dit non, nous autres, on va avertir le Barreau. Voyez-vous, Mmes et MM. du Barreau, vous n'êtes pas mieux organisés – peut-être même pire – que ce vous aviez avant, le député de Louis-Hébert. On va leur dire. On a proposé, on a pris le temps de l'expliquer, parce qu'il y a d'autres de mes collègues, à moins que le ministre me dise: Adopté, puis on est d'accord... Sinon, il y a d'autres de mes collègues qui vont intervenir sur cette motion-là. Si le ministre dit: Non. Nous autres, on va dire au Barreau: Ce n'est pas mieux, c'est pire. C'est plus conciliant en apparence, mais guère mieux au niveau de décisions concrètes. Le ministre de la Justice ne veut pas entendre le Barreau, le ministre de la Justice ne veut pas se donner la chance d'écouter l'opinion du bâtonnier du Québec, M. le Président, sur la pertinence, la justification de diminuer de 290 à 270 le nombre de juges à la Cour du Québec.

Alors, M. le Président, je conclus en disant: Avant qu'un autre de mes collègues intervienne, je consentirais, sans, évidemment, que ça enlève aucun droit à aucun de mes collègues, à moins que le député de Chomedey, également, me dise que je fais fausse route, moi, je consentirais à ce que le ministre de la Justice nous dise, en 30 secondes: Je suis d'accord, la motion est adoptée, et on passera à autre chose.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Frontenac, vous avez terminé votre intervention?

M. Lefebvre: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. M. le ministre.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Je crois que la demande est totalement inutile. L'entente a quand même un certain temps, elle date du mois de juin. Je ne sais pas la date exacte, mais... Pardon? Elle date du 4 juin. Il y a eu un communiqué de presse émis par la juge en chef le 5 juin; le Barreau n'a aucunement réagi. Si vous aviez voulu être éclairé par le Barreau, comme vous nous l'avez dit, vous auriez pu les appeler, je suis convaincu qu'ils se seraient fait un plaisir de vous éclairer et de vous communiquer leur position, parce que...

M. Lefebvre: Ce n'est pas nous autres qui avons besoin d'être éclairés, c'est vous.

M. Ménard: J'utilise vos termes. Quant à moi, je suis sûr qu'ils sont d'accord, qu'ils constatent les nombreux faits sur lesquels nous nous basons pour croire que cette décision n'affectera aucunement la qualité de la justice au Québec, et je ne vois pas l'utilité de déranger le Barreau pour le faire venir ici. Je m'aperçois que vous avez toutes les tactiques d'un filibuster. Vous pouvez continuer, je ne comprends pas pourquoi.

M. Mulcair: M. le Président, je n'arrive pas à croire que le député de Laval-des-Rapides ait pu employer un terme aussi évidemment antiparlementaire. Il nous impute des motifs indignes, il vient de nous dire qu'il se fait taxer d'un filibuster.

M. Ménard: Je n'ai pas dit «taxer», je m'excuse, vous avez mal compris.

M. Mulcair: C'est épouvantable.

M. Ménard: Peut-être ai-je un mauvais accent pour parler ma langue, mais, non, je n'ai pas dit «taxer».

M. Mulcair: Il a employé le terme «filibuster», M. le Président.

M. Ménard: J'ai employé «tactique», j'ai dit «tactique».

M. Mulcair: Il le sait très bien. Tactique de filibuster.

M. Ménard: Vous employez toutes les tactiques de filibuster.

M. Mulcair: C'est antiparlementaire, M. le Président, il nous impute des motifs indignes.

M. Ménard: Je crois qu'effectivement un filibuster est une...

M. Mulcair: On est des parlementaires qui tentent de faire notre travail.

M. Ménard: ...technique qui devrait être antiparlementaire, et je pense sérieusement...

M. Mulcair: M. le Président, j'ai soulevé une question de règlement...

M. Ménard: ...qu'un de ces jours on devrait...

M. Mulcair: ...il a employé le terme «filibuster», et je vous invite à le ramener à l'ordre tout de suite, s'il vous plaît.

M. Ménard: Mais, c'est assez évident, voyons donc, on n'est pas encore rendu à l'article 1 puis ça fait deux heures qu'on est ici.

M. Lefebvre: Tu n'as rien vu encore, là!

M. Ménard: On a cinq pages de lues.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le ministre...

M. Ménard: D'ailleurs, je ne le comprends pas. Oui?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Je vous invite à poursuivre, mais sans imputer de motifs ou de conduite indigne à nos collègues.

M. Ménard: Je n'impute pas de motifs, je constate, il me semble que c'est une évidence, sur les sujets qu'ils ont traités, enfin, peut-être que l'évidence n'est pas permise ici.

M. Mulcair: Sur la question de règlement, M. le Président. M. le Président...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le député de Chomedey.

M. Ménard: Allez-y donc! Ça va vous aider dans vos tactiques.

M. Mulcair: ...votre livre des précédents contient maints et maints exemples où le terme «filibuster» a été déclaré antiparlementaire, ça impute des motifs indignes, car, tant qu'on reste à l'intérieur du règlement, c'est évident que nous sommes en train de tenter, dans les circonstances si pénibles qu'elles sont parce qu'on a un ministre qui, de toute évidence, n'écoute pas, il interrompt constamment, mais on tente de faire valoir notre point de vue, on est à l'étape des motions préliminaires. Mon collègue le député de Frontenac, dans une brillante et vibrante plaidoirie, vient de convaincre la plupart des gens d'en face, je vois la députée de Prévost qui est convaincue...

M. Ménard: J'approuve, bravo! Brillant, vibrant!

M. Mulcair: ...la députée de Blainville qui est convaincue, mais le ministre n'est toujours pas convaincu. Mais c'est absolument inadmissible pour lui d'avoir employé le terme «filibuster», et nous demandons que vous lui demandiez de le retirer, M. le Président.

M. Ménard: «C'est-u» antiparlementaire, «filibuster»?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le ministre, c'est effectivement antiparlementaire.

M. Ménard: C'est vrai qu'un filibuster ça détruit les parlements, ça détruit la réputation des parlementaires, un filibuster, et ça ne devrait pas être permis. Il devrait y avoir des citoyens ici pour écouter puis ils vous diraient ce qu'ils en pensent.

Mme Houda-Pepin: ...règlement.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre...

M. Ménard: C'est correct, je ne l'utiliserai plus, sauf dans le contexte où je dis qu'effectivement je suis convaincu que les filibusters détruisent la réputation des parlementaires.

M. Mulcair: M. le Président, de toute évidence, vous allez avoir à faire face...

M. Ménard: Ils donnent l'impression qu'on...

M. Mulcair: ...à ce que vous avez déjà connu avec son prédécesseur, à ce que vous avez déjà eu l'occasion d'appeler la délinquance à répétition, et vous allez être obligé de le ramener à l'ordre aussi souvent que l'autre.

M. Ménard: Je suis absolument convaincu, M. le Président, que, quand je dis que les filibusters détruisent la réputation des parlementaires, je ne dis rien qui ne soit pas parlementaire. Au contraire, je montre que j'ai une préoccupation pour convaincre la population que nous étudions les lois avec sérieux ici.

M. Mulcair: Ce sont seulement les gens qui ne peuvent pas accepter le fait que, lorsque les élus mettent une opposition en place, c'est pour tenter, même avec un gouvernement comme celui-ci, de le garder honnête en lui posant des questions. Mais, puisque ce ministre est incapable de répondre à nos questions, on tire les conclusions qui s'imposent, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Ménard: C'est le genre d'arguments qui qualifie plus ceux qui les posent, ceux qui les disent que ceux à qui ils sont destinés!

Bon, alors, je crois inutile cette motion parce que le Barreau aurait eu le temps de réagir s'il avait voulu réagir. Il s'agit d'un problème relativement simple. Je comprends mal l'opposition de prendre tant de temps à une chose, je crois, d'autant plus que j'avais beaucoup de choses à leur annoncer.

(22 heures)

Mais, peut-être, allons au fait plutôt que... C'est vrai que je n'ai pas l'habitude d'être insulté de cette façon-là! Il faudrait peut-être que je me rappelle Alphonse Allais qui disait: «Le char de vos insultes glisse sur le rail de mon indifférence.» Mais ça dure deux heures. Mais allons directement aux choses sérieuses. D'abord, vous ne m'avez jamais invité à vous rencontrer. L'auriez-vous fait, j'y serais probablement allé. Deuxièmement, vous voulez qu'on amende ce texte de loi...

M. Mulcair: M. le Président, est-ce que le ministre est... Question de règlement, M. le Président. Est-ce que le ministre est en train de...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce que c'est une question de règlement vraiment cette fois-ci?

M. Mulcair: Tout à fait, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Laquelle?

M. Mulcair: Le règlement qui exige qu'un député s'adresse à la présidence, parce qu'il vient de dire: Vous m'avez invité à vous rencontrer. Donc, je dois présumer qu'il parle d'une rencontre entre vous et lui, à moins qu'il soit en train de s'adresser à moi, auquel cas il enfreint le règlement. Et vous devrez le ramener à l'ordre et lui demander de s'adresser à la présidence.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le ministre, pour respecter le règlement, vous pouvez vous adresser à moi.

M. Ménard: Vous avez raison. Ça va. Alors, le député de Chomedey dit qu'il m'a invité à le rencontrer, je n'ai jamais reçu telle invitation. L'aurais-je fait, j'y serais probablement allé. Et nous aurions pu parler effectivement de la sagesse de traiter de la question des rémunérations des juges en même temps que du projet de loi n° 151. D'autres ont pensé que c'était une bonne idée; personnellement, je pense que ça n'en n'était pas une, il était préférable de séparer les deux choses.

M. le député Chomedey semble très bien connaître, par les citations qu'il donne, les procédures parlementaires d'ailleurs; j'imagine qu'il doit connaître un peu aussi le fonctionnement du gouvernement du Québec. Quels que soient les partis politiques, d'ailleurs, qui occupent le pouvoir, il doit bien savoir qu'il y a un certain nombre d'étapes qu'un projet de loi doit passer avant qu'on puisse le diffuser. Il me reste une étape à franchir avant d'être prêt à montrer à l'opposition les intentions du gouvernement qui, je pense, devraient devenir les intentions de la Chambre, de l'Assemblée nationale, pour respecter le jugement du 18 septembre 1997.

Je signale que toute critique, d'ailleurs, qui est faite sur l'inconstitutionnalité de ce que nous aurions fait avant, où l'indépendance des juges est quand même... Je vois que le député de Chomedey semble avoir lu et assez bien connaître le jugement de la Cour suprême du Canada. Il aura sans doute remarqué qu'il est basé sur le préambule de la Constitution et non sur la Charte, de sorte que, s'il y a eu illégalité, cette illégalité n'est apparue qu'au bout de 130 ans!

Alors, de toute façon, pour le moment, puisque nous en sommes sur la motion, j'aurais bien des choses à dire, c'est évident. J'attendais qu'on commencer à attaquer sérieusement. C'est la première fois que je fais face à une pareille attitude. J'ai passé plusieurs projets de loi où il y avait une attitude de franche collaboration et, je pense, une attitude qui honorait les parlementaires. Moi-même, j'ai été dans l'opposition, et nous collaborions vraiment à améliorer les projets de loi qu'il y avait là.

Je voudrais bien qu'on commence à en discuter, si c'est possible, améliorer un projet aussi simple et avec lequel la magistrature est d'accord. Et je ne crois pas que la magistrature se soit fait mettre le couteau sous la gorge, c'est une expression qui, pour le moins, est exagérée. Si je ne me sens pas sanguinolent, quant à moi, je ne crois pas que j'ai été égorgé, pas plus que le député de Chomedey, pourtant nous avons tous les deux subi une diminution de notre revenu de 6 %. Alors, si c'est ça que vous appelez mettre le couteau sur la gorge de la magistrature, nous sommes tous des égorgés ici, tous ceux qui ont le droit de vote, puisque les seuls au Québec qui ont subi une diminution de 6 % de leur salaire, ce sont les députés et les ministres. À tel point d'ailleurs que le premier ministre gagne aujourd'hui moins cher qu'un juge de la Cour du Québec.

Donc, bon, enfin, moi, j'ai hâte de commencer à discuter, à donner les raisons. D'ailleurs, je n'en ai pas donné qu'une, vous imaginez qu'il n'y en a qu'une, mais vous n'êtes pas d'accord avec votre collègue de Notre-Dame-de-Grâce, qui en voit une autre, lui; lui aussi communique.

Je vous rappelle – j'ai pris la peine d'avoir des notes écrites – ce que je disais: cette situation est attribuable à divers facteurs, non pas un seul. Alors, si vous voulez, on pourrait en parler et attaquer l'étude de l'article 1, et on n'a pas besoin de l'opinion du Barreau, qu'on peut parfaitement supposer. Le Barreau, généralement, réagit plus rapidement que cela, il a pu réagir depuis le 5 juin 1997, il n'a pas réagi. Ce n'est pas aux avocats que j'apprendrai que Qui ne dit mot consent , n'est-ce pas? Une maxime juridique, surtout dans un domaine aussi sensible! C'est parce que c'est une évidence qu'on peut actuellement faire dans ce domaine mieux avec moins et qu'il est par conséquent important que nous sachions – et les premiers concernés, c'est-à-dire la magistrature, sont également de cet avis – que nous pouvons faire mieux avec moins. C'est ce qu'ils ont écrit, c'est ce qu'ils ont diffusé. Ils n'avaient pas le couteau sous la gorge pour diffuser de pareils propos.

M. Mulcair: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Un instant. Mme la députée de...

Une voix: ...question de règlement.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ah, si c'est une question de règlement.

M. Mulcair: Question de règlement. Deux questions de règlement, en fait, M. le Président. Dans un premier temps, je vais soulever une question pour me permettre de resituer des propos qui ont été déformés. Donc, je le fais immédiatement après son intervention, aux termes de notre règlement, et, dans un deuxième temps, je vais solliciter le consentement de mon collègue pour lui poser une question suite à son intervention.

Dans un premier temps, en ce qui concerne les propos qui ont été déformés, le député de Laval-des-Rapides et ministre de la Justice dit que je ne l'avais invité à le rencontrer. Je tiens à lui rappeler amicalement que, peu de temps après sa nomination, lors d'une rencontre du CDRL, c'est-à-dire le Conseil de développement régional de Laval, on a eu l'occasion d'échanger et je lui ai dit que, jusqu'à un événement dont je ne parlerai pas ici, j'avais l'habitude de rencontrer et de discuter avec son prédécesseur et que je trouvais que c'était une excellente manière de préparer le terrain pour les projets de loi. C'est une invitation que je lui ai alors formulée. C'est vrai que je ne l'ai pas invité à me rencontrer.

Ce que j'ai fait, par contre, c'est que je l'ai invité à discuter avec moi des projets de loi avant que ça arrive en commission parlementaire, et c'est une invitation dont il se souvient sans doute, et que j'ai bel et bien formulée et qu'il a choisi – c'est son droit le plus strict – mais il a choisi de ne pas l'accepter.

Deuxièmement, M. le Président, j'aimerais savoir si le député de Laval-des-Rapides accepterait de répondre à une question de notre part.

M. Ménard: D'abord, je croyais que cette invitation concernait les projets de loi que je présenterais moi-même. Ce n'est pas un projet de loi que j'ai présenté moi-même, mais un projet de loi qui avait déjà été accepté par l'Assemblée nationale. Mais, enfin, je n'en ai pas d'autres, mais, s'il y en a d'autres, certainement. J'ai même délégué quelqu'un pour vous envoyer les documents pour que vous ayez...

M. Mulcair: Hier, oui, hier.

M. Ménard: Bien oui, certainement. Vous les avez eus avant moi, alors...

M. Mulcair: M. le Président, pour ce qui est de l'acceptation par l'Assemblée nationale, point de clarification pour mon collègue le député de Laval-des-Rapide, je tiens à lui dire que, nous, on a voté contre l'adoption du principe de ce projet de loi là. S'il avait vérifié ça, il aurait pu en être informé assez rapidement. On était aussi contre au printemps...

M. Ménard: Oui, ça, je...

M. Mulcair: ...qu'on est contre maintenant, pour les mêmes raisons. Nous, on le savait, et le jugement de la Cour suprême est venu le confirmer. Le ministre, est-ce qu'il accepte de répondre à notre question, pour la deuxième question de règlement?

M. Ménard: Mais posez toujours, oui.

M. Mulcair: Ce que nous voulons savoir du ministre, c'est: Pourquoi, lorsqu'il rencontre les juges, peu de temps après sa nomination, il dit: J'espère juste que le jugement de la Cour suprême va être assez clair que ça va pouvoir dépolitiser la question de vos salaires une fois pour toutes, puis, maintenant qu'on a l'occasion en or pour régler ça – en or...

M. Ménard: Bien oui.

M. Mulcair: ...il dit qu'il manque une étape pour préparer son projet de loi pour se conformer au jugement de la Cour suprême...

M. Ménard: Ce n'est pas ça que j'ai dit.

M. Mulcair: ...il manque une occasion en or. C'est facile de l'intégrer ici. Vous vous souvenez, M. le Président, on a fait, avec la loi sur la médiation, et c'était votre décision... Je me souviens de vous avoir posé la question, vous vous souvenez, la loi sur la médiation familiale? La députée de Blainville se souvient aussi, quand le ministre de la Justice d'alors est arrivé avec un paquet d'amendements qui a vraiment changé la loi... Puis, juste par curiosité, parce que je me suis souvent fait opposer, comme argument à des propositions d'amendement: Écoutez, vous ne pouvez pas proposer un amendement qui va à l'encontre du principe du projet de loi. Puis je me souviens de vous avoir posé la question, j'ai dit: Moi, je suis ravi. Ça correspond à toutes nos grandes préoccupations, et vous m'avez répondu: Non, non. Si les deux côtés sont d'accord, on peut faire un tel amendement. Youpi! On ne demande pas mieux!

Ce qu'on dit au député de Laval-des-Rapides et ministre de la Justice et Procureur général et ministre responsable de l'application des lois professionnelles, c'est ceci: S'il est sérieux qu'il veut travailler avec l'opposition, s'il est sérieux qu'il veut hausser la cote des parlementaires, bien, qu'il obéisse au jugement de la Cour suprême. Ça ne prend pas grand chose...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Monsieur...

M. Mulcair: Il n'a qu'à le présenter... Est-ce que le ministre de la Justice...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de...

M. Ménard: Je suis prêt à répondre.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...Chomedey, j'aurais une petite remarque à vous faire sur les propos que vous me disiez tenir...

M. Mulcair: Oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ce n'est pas automatique qu'on puisse, d'un commun accord, faire une motion qui va à l'encontre du principe.

M. Mulcair: Pas si ça va impliquer la dépense immédiate de sommes publiques, vous avez raison.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Non.

M. Mulcair: Autrement, on peut faire à peu près ce qu'on veut.

(22 h 10)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): On ne peut pas aller à l'encontre du principe même, quand même, voté par la Chambre. Je tenais à vous amener cette précision-là.

M. Mulcair: Du principe même, non. C'est sûr. Cependant, le principe même du projet de loi sur la médiation familiale était la médiation obligatoire, et on en a fait la médiation facultative. Dans le texte même, je vous l'avais lu! J'ai dit: Écoutez, moi, je veux bien, mais c'est écrit: «médiation obligatoire préalable», et on avait fait «médiation facultative préalable». Il y avait eu une rencontre d'information. Moi, ça ne me dérangeait pas. Le point étant...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mais le principe de médiation demeurait.

M. Mulcair: Exactement. C'est flexible. Est-ce qu'on peut s'entendre là-dessus?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il y a effectivement...

M. Mulcair: On est dans le cadre...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Les amendements sont là, effectivement, pour modifier, ajouter, enlever des éléments au projet de loi, mais on ne peut pas aller à l'encontre même du principe d'un projet de loi.

M. Mulcair: ...d'un projet de loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires. Il n'y a rien dans ce projet de loi là qui nous empêche de le faire.

M. Ménard: Est-ce qu'il voulait que je réponde à sa question? Parce que je suis prêt à répondre à votre question.

M. Mulcair: Oui, oui. Je veux bien qu'il réponde à la question. C'est bien, ils écoutent maintenant!

M. Ménard: C'est vrai, ce que j'ai dit, et je soutiens encore que c'est une cause très importante qui permet de déjudiciariser le processus de décider de la rémunération des juges. D'ailleurs, sur ce point, je pense que cette Assemblée nationale, au cours de son histoire, a été exemplaire et a cherché plusieurs moyens de dépolitiser la rémunération des juges. L'une des raisons, par exemple, pour lesquelles – je l'ai découvert – la rémunération des juges n'a pas été augmentée depuis plusieurs années, c'est parce qu'un des moyens qu'on avait trouvés de la dépolitiser, c'était d'attacher la rémunération des juges à celle des députés. Mais, hélas, ayant fait preuve, nous, d'une très grande retenue quant à nos émoluments, les juges ont eu les mêmes augmentations que nous, c'est-à-dire rien depuis 1992. Là-dessus, je vous signale quand même que votre parti était au pouvoir pendant deux de ces années.

Mais, justement, si c'est un projet de loi important, je ne vois pas pourquoi on ne le traite pas en soi. C'est ce que j'ai pensé. La première réaction de gens autour de moi, c'était, effectivement, de l'inclure dans le projet de loi n° 151. Parce que je trouve que c'est justement une projet de loi important qui peut marquer une étape même historique dans la magistrature. Je crois qu'il était préférable d'en faire une étude en soi et de régler ces questions relativement simples où il y a accord de la magistrature. La deuxième, il s'agit de permettre que le secrétaire soit un avocat à part, et rapidement. Je ne m'attendais pas à ce que l'on prenne tant de temps pour une chose aussi simple.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: On a déjà exprimé notre accord sur les changements à propos du secrétaire. On attend de les voir par écrit. Mais, verbalement, sans les avoir scrutés à la loupe, le principe était déjà bon, surtout que les juges étaient d'accord. Le ministre va sans doute nous déposer leur avis là-dessus puis il n'y aura pas de problème.

Pour ce qui est du premier point, M. le Président, juste pour tenter de faire avancer nos travaux... On est quand même à l'étape préliminaire, alors, avec votre indulgence, vu qu'il y a échange constructif de part et d'autre, on va poursuivre. Nous reformulons notre invitation qu'on a faite au ministre tantôt, et nous le disons très clairement, comme on dit en anglais, «on the public record». Nous lui disons ceci: Nous n'aimons pas la réduction de juges, mais nous sommes prêts à voter en faveur de cette réduction si on élimine, pour l'avenir, la possibilité que la perception soit que les juges, qui doivent jouir d'une très grande autonomie et indépendance, soient dans une sorte de situation de négoce ou de troc. On ne veut plus en entendre parler. On est prêt, à ce moment-là, à dire clairement... Moi, je dis, comme porte-parole en matière de justice, que je vais faire une recommandation positive à notre caucus, et je n'ai aucune raison de croire que ça ne va pas être accepté: d'accepter la diminution à condition qu'on règle ce problème-là. Ce n'est pas si sorcier que ça! Tous les exemples existent. J'ai lu les titres des exemples pour le ministre tantôt. S'il veut notre collaboration dans un cadre informel, on est prêt à aller le rencontrer, rencontrer ses légistes, donner notre point de vue là-dessus; on peut revenir dans une semaine, ça va être adopté en une heure. Ça va dans l'intérêt du public de régler cette question-là et de se conformer au jugement de la Cour suprême.

Ce que nous n'admettrons pas, et ça va être une longue soirée ce soir et une longue soirée demain soir, et toutes les autres soirées qu'ils vont l'appeler, jusqu'à ce qu'il nous force à l'adopter par guillotine. Ça va être pour nous absolument inadmissible de voir cette réduction arriver sans qu'on ait répondu au jugement de la Cour suprême. On ne comprend pas. Si les proches conseillers du ministre sont du même avis que l'opposition là-dessus, c'est que l'idée n'est pas si farfelue que ça. S'ils y ont déjà pensé, c'est qu'ils y ont déjà travaillé. Le travail prendrait, maximum, à deux ou trois, là, cinq heures, pour pondre quelque chose de correct. On va le regarder ensemble puis on va pouvoir l'adopter relativement vite. Il n'y a rien qui nous empêche de faire ça, M. le Président.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Moi, je ne suis pas doctrinaire, mais je trouve que nous donnerions collectivement exactement le message que vous ne voulez pas donner, c'est-à-dire que la réduction du nombre de juges, en la plaçant en parallèle avec les nouvelles dispositions sur leur rémunération, serait comme une confirmation de négociations qui, comme vous le savez, ont été déclarées contraires à la Constitution par la Cour suprême du Canada. Cette entente a été obtenue avant la... D'ailleurs, les rencontres avec la magistrature pour leur demander quelle sorte d'efforts, de quelle façon ils pouvaient participer à l'effort collectif du Québec, dans la situation des finances publiques qui n'est pas particulière au Québec mais qui est particulière en Occident et dont la Cour suprême se montre très consciente, n'est-ce pas, dans le jugement que vous avez...

M. Mulcair: M. le Président, je veux juste demander au ministre...

M. Ménard: Laissez-moi terminer. Je pense que vous avez beaucoup parlé ce soir et que vous avez dit beaucoup de choses que...

M. Mulcair: Adressez-vous à la présidence.

M. Ménard: ...ou, M. le Président, en tout cas. Je pense que le député de Chomedey a beaucoup parlé ce soir et a dit beaucoup de choses qu'il va probablement regretter. Je ne le dis pas... En tout cas, j'ai l'impression parfois qu'il cherchait absolument à me provoquer, mais peut-être que je me suis trompé. Mais il me semble que, justement...

M. Copeman: M. le Président...

M. Ménard: ...mettre en parallèle...

M. Copeman: ...question de règlement. Est-ce que je suis reconnu sur la question de règlement, M. le Président?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Quand le ministre dit qu'il pense que le député de Chomedey cherche à provoquer, il impute des motifs indignes au député de Chomedey. C'est très clair.

M. Ménard: Oui, oui, mais je dis que je me trompe peut-être. J'espère me tromper, mais je suis senti provoqué. Voilà ce que je voulais dire.

M. Mulcair: C'est l'existence même de l'opposition qui provoque le ministre, mais il s'habituera à nous, M. le Président.

M. Ménard: Non, non, ce n'est pas l'existence même. Au contraire, j'ai eu des collaborations exemplaires. D'ailleurs, la députée de Brossard...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): La Pinière.

M. Ménard: ...de La Pinière...

Mme Houda-Pepin: De La Pinière, M. le Président. Est-ce que le ministre peut me nommer par mon comté?

(22 h 20)

M. Ménard: ...a participé à des discussions fort constructives sur les projets de loi, et je n'ai jamais eu à... Elle s'est aperçu que j'ai toujours respecté l'opposition, comme d'ailleurs la fonction de député en général, comme ministre. Puis je n'ai jamais voulu imposer autre chose que ce dont je suis convaincu et que j'estime avoir le devoir de garder. Mais, justement, il me semble que, revenons au fond du problème, mettre en parallèle dans un même projet de loi la diminution des juges et leur rémunération, n'est-ce pas confirmer qu'il y a là une espèce de marchandage? Pourquoi la Cour suprême dit-elle, – je suis convaincu que le député de Chomedey semble avoir lu le jugement avec attention – que jamais les juges ne devraient négocier? C'est pour une question de perception des citoyens, ce n'est pas une perception de l'indépendance de la magistrature, c'est pour que les citoyens ne pensent pas que les juges ont obtenu quelque chose du gouvernement et qu'ils se sentent redevables au gouvernement. Voilà! Je pense que c'est l'essence du raisonnement de la Cour suprême sur ce sujet.

Donc, il ne faut pas augmenter cette perception mais, bien au contraire, je pense, diviser les deux choses. D'autant plus que, très honnêtement, les deux choses ont été divisées. Si le député de Chomedey a fait ses devoirs, comme il les fait habituellement, il a sûrement dans ses carnets le communiqué de presse qui a été émis par la juge en chef. Il peut constater – et cela, c'est avant même le jugement de la Cour suprême du Canada – comment elle présentait le fait que la Cour, oui, pouvait fonctionner mieux avec moins de juges, étant donné un certain nombre de facteurs qu'elle exposait. Elle se disait que: «Tout au long des discussions, la magistrature a eu comme préoccupation de préserver le principe de l'indépendance judiciaire qui garantit aux citoyens et aux citoyennes une justice impartiale dans les conflits qui les opposent à l'État.»

J'espère que le député de Chomedey ne veut pas s'opposer à ce... Il pourrait réfléchir aux motivations que je lui donne et non pas penser que je veux le faire de cette façon parce que c'est de la façon différente que voulait l'opposition.

M. Mulcair: M. le Président.

M. Ménard: Et je crois sincèrement que nous donnerions exactement la perception que la Cour suprême veut éviter lorsqu'elle dit que la magistrature ne doit pas négocier. Il est préférable d'avoir deux projets de loi différents. Et le projet de loi qui traiterait de la rémunération des juges est un projet de loi historique qui n'a pas besoin de se faire colorer de quelque façon que ce soit par des dispositions qui diminueraient le nombre de juges, d'autant plus que ça aussi, bien que dans un autre niveau, c'est historique. Parce que je crois que c'est la première fois que nous diminuerions le nombre de juges depuis même l'existence du Bas-Canada.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député...

M. Mulcair: Oui, juste pour continuer dans la même veine.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...juste un instant, M. le député de Chomedey! C'est parce que vous interveniez sur une question de règlement au départ, et Mme la députée de La Pinière... Mais, si Mme la députée de La Pinière est d'accord, on pourrait vous laisser poursuivre l'échange, et je garde votre droit de parole en réserve.

Mme Houda-Pepin: Oui. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, très bien, M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président, tout en remerciant mon collègue le député de Laval-des-Rapides. Mon collègue le député de Laval-des-Rapides évoque des problèmes de perception. Ça, c'est très subjectif, comme le mot l'indique si bien. À mon point de vue, objectivement, l'existence même de l'entente relative à la réduction des dépenses qui est venue contrecarrer la réduction de 6 % de salaire proposée, ce sont des faits objectifs. Mais, même si je ne partage pas le point de vue, si je peux dire, la perception du ministre, je vais l'accepter. Je vais l'accepter et je ne le discuterai pas, si son point, c'est que, vraiment... Et c'est ça que j'ai retenu, il l'a répété à plusieurs reprises, il a trouvé ça gênant, au point de vue perception, que ce soit dans le même projet de loi. Soit. Même si... «honourable people can disagree honourably», on n'est pas d'accord sur le sens du jugement de la Cour suprême là-dessus; ça, ce n'est pas le fond du problème.

Si le ministre est en train de nous dire qu'il lui manque une petite vis ou deux pour attacher son affaire, pour présenter son projet de loi historique sur la commission qui doit être créée pour se conformer au jugement de la Cour suprême, moi, je lui offre la même collaboration que j'offrais tantôt pour l'intégrer dans ce projet de loi, à condition qu'on travaille les deux ensemble; moi, ça ne me dérange pas du tout, ça.

Alors je lui réitère la même offre que tout à l'heure, de faciliter, de tout faire pour faciliter le passage de 151. Il n'y aura aucune résistance de notre part, à condition qu'on puisse voir cheminer en même temps le projet de loi qui donne suite au jugement de la Cour suprême. Si on peut faire les deux en même temps, je peux lui garantir que notre formation politique verra d'un très bon oeil, justement, de faire cheminer les deux d'ici les Fêtes. Parce que, avec la permission des deux côtés de la Chambre, il peut aisément venir aussi tôt que demain ou au début de la semaine prochaine – on est toujours au mois de novembre – présenter son projet de loi; on aura amplement le temps de l'étudier ici. Puis, comme je lui ai dit, pour le 151, c'est déjà réglé. Si c'est ça qu'il veut, que ce soit dans deux projet de lois distincts, c'est ça le voeu qu'il vient d'exprimer, nous, on est prêts à exaucer son voeu. S'il veut, bien, ce soir, on arrêterait ça là, on reviendrait aussitôt qu'on aurait le projet de loi puis on étudierait les deux en série ou en même temps, peu importe. Mais ça va se faire à très brève échéance parce que, comme je viens de le lui garantir à plusieurs reprises d'une manière très publique, le 151, c'est, à notre point de vue, quelque chose avec quoi on est prêt à vivre, à condition de répondre correctement au jugement de la Cour suprême.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le ministre.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Bien, M. le Président, le temps des sessions, on s'aperçoit, coudon... doit être dépensé à essayer de voter des lois, de les améliorer, sans doute. Je ne vois pas en quoi... Je croyais que le député de Chomedey avait compris. Mais je peux peut-être être plus clair.

Le jugement a été rendu le 18 septembre, en Cour suprême. Il faut quand même le temps... Le jugement ne nous donne pas le choix sur certaines choses, puis il nous donne le choix sur certaines autres, n'est-ce pas? Sûrement que le député de Chomedey a constaté ça. Alors, il faut quand même le temps de bâtir le régime, d'écrire le projet de loi, d'étudier les options que nous laisse la Cour suprême, de consulter la magistrature, de consulter la Conférence des juges.

Ensuite, une fois qu'on s'est fait à une idée, comme n'importe quel autre projet de loi important, au fur et à mesure qu'on avance, on voit qu'il y a des amendements, des raffinements à lui apporter. Une fois qu'on resoumet ça aux gens que l'on consulte – pas tel quel, mais on leur fait état de l'évolution de notre pensée – on voit si on peut trouver à améliorer le projet de loi que nous avons à l'esprit et qui n'est pas... Et, pendant tout ce temps-là, il n'est pas bon de diffuser les projets de loi que nous avons. Cela ne fait que jeter de la confusion dans le public, quand le projets de loi sortent. Ils ne se souviennent plus quel est, au juste, le projet de loi, par rapport au premier projet que nous avions à l'esprit.

Puis, ensuite, une fois qu'on s'est fixé, au ministère, il faut que ça traverse l'étape de comités ministériels, qui doivent l'étudier, de reconsultation parfois. Il faut que ça aille au Conseil du trésor parce qu'il y a des conséquences financières, il faut que ça aille au Conseil des ministres, il faut que ca aille au Comité de législation. Alors, j'ai traversé presque toutes ces étapes. Il m'en reste une dernière, qui devrait être traversée au début de la semaine prochaine, et c'est après que je peux soumettre le projet à l'opposition.

En attendant, pourquoi ne terminons-nous pas le travail entrepris au cours de la dernière session et qui concerne le nombre de juges, sur lequel, comme vous l'avez dit, les gens honorables peuvent diverger d'opinion de façon honorable. Mais, justement, exprimons nos divergences d'opinion. On n'est pas obligé de passer par toutes sortes d'exemples qui, en toute honnêteté, m'apparaissent très peu pertinents au débat et qui risquent que de nous embarquer sur des divisions beaucoup plus générales. Par exemple, je pourrais vous répondre, sur les lits d'hôpitaux, le rapport du Vérificateur général. Je trouve ça totalement inutile, par rapport au fait de discuter: Est-ce que, avec 268 juges – parce que, effectivement, c'est ça que l'entente visait – on peut rendre, au Québec, dans les circonstances actuelles une justice aussi bonne que celle que nous rendions il y a, par exemple, un an ou deux avec même pas 290, parce que déjà il n'y en avait que 277, puis actuellement on est à 276. Je ne vois pas.

Ça me donne l'impression... Vous souvenez, vous êtes sûrement, quoique plus jeune que moi, assez vieux pour vous souvenir de la guerre du Viêt-nam. Et, quand elle devait se terminer, les longues négociations qu'il y a eu sur la forme de la table, hein? Moi, la seule raison pour laquelle je veux étudier ce projet de loi tout de suite, c'est parce qu'on est prêt à l'étudier maintenant, qu'il est déjà là. Et on étudiera celui que vous voulez étudier après. Parce qu'il est prêt, il sera prêt, là. Et puis, vous voudrez l'examiner, sans doute, vous ne voudrez pas qu'on l'étudie tout de suite après que je vous l'aurai remis. Parce que je comptais vous donner quand même quelques jours pour, vous même, l'examiner. Mais vous reconnaissez que c'est important qu'il soit passé avant les Fêtes.

(22 h 30)

Et, en plus, je vais vous dire un petit secret, j'en ai un autre ici que je veux vous soumettre, qui est important pour Montréal et qu'il faudrait qu'il soit passé avant les Fêtes. Encore là, j'ai besoin de le raffiner avant de vous le soumettre. Alors, puisque notre temps est limité, d'ici les Fêtes, procédons au projet de loi qui est prêt. Et je vois que vous êtes absolument prêts, mais vraiment fin prêts à présenter tous vos arguments pour exprimer nos différences.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Juste, là-dessus, très brièvement, M. le Président, pour que mon collègue situe bien notre intervention et qu'il comprenne pourquoi on y tient. Je l'ai entendu cet après-midi dire à des journalistes: Vous savez, une loi, il faut regarder le contexte. Une intervention législative doit aussi se comprendre dans un contexte.

Quand mes collègues parlent du Tribunal de la jeunesse dans l'ouest de Montréal, par exemple, quand ils parlent de lits d'hôpitaux ou du rapport du Vérificateur général, c'est un contexte politique, administratif, économique. Nous sommes dans le même contexte administratif, économique et politique avec ce projet de loi n° 151.

Nous disons, par contre, que nous sommes prêts à nous ranger du côté du gouvernement, avec son projet de loi n° 151, s'il enlève, pour l'avenir, le problème qui a provoqué la proposition de diminution. C'est ça qu'on lui dit. Montrez-nous ce que vous êtes prêts à faire pour que ça ne se reproduise plus et on va vous donner votre projet de loi n° 151. C'est ça qu'on lui propose ce soir. Si le ministre veut prendre le temps d'aller voir ça avec ses proches collaborateurs, s'il veut voir qu'est-ce qu'il peut nous amener au début de la semaine prochaine, notre offre ne saurait être plus claire. Notre offre est pour une collaboration rapide et une adoption rapide des deux projets de loi, 151, tel que le ministre a proposé de le modifier – ça ne prendrait pas une heure, vous le savez aussi bien que moi...

M. Ménard: Bien, c'est ce que je pensais, oui.

M. Mulcair: ...et son projet de loi, pour se conformer au jugement de la Cour suprême. Mais le ministre l'a dit tantôt, c'est vrai, ça fait seulement 21 ans depuis que j'ai fini mon cours de droit, lui, ça fait un petit peu plus. Par contre, j'ai quand même assez d'expérience pour savoir qu'on ne donne pas à l'autre partie ce qu'il veut avec une promesse que «the check is in the mail» hein! Ça, c'est hors de question pour nous autres, ce soir, demain soir, lundi soir, mardi soir, d'aller à l'article premier du projet de loi n° 151, parce qu'il n'y a rien qui nous dit que l'autre projet de loi va être déposé.

Alors, si mon collègue est sérieux – et je n'ai aucune raison de douter qu'il l'est – qu'on suspende pour ce soir, qu'il nous revienne lundi ou demain avec un «draft» qu'on peut commencer déjà à regarder avec son sous-ministre et avec ses proches collaborateurs. On s'assurerait qu'on la même compréhension du jugement de la Cour suprême – on a donné quelques indications tantôt de notre interprétation – puis, envoie donc, on met les deux dans le régime! Et, quoiqu'il en soit, M. le Président, je termine là-dessus, il n'y aurait strictement rien qui nous empêche de ramener 151 la semaine prochaine, si jamais il y a une chicane sur l'autre. Je ne vois pas pourquoi il y en aurait. Il a déjà franchi toutes les étapes. Si des gens aussi sérieux que son sous-ministre et ses gens en matière de législation l'ont déjà regardé, je ne pense pas que ça devrait poser des grands problèmes.


M. Serge Ménard

M. Ménard: M. le Président, avec votre permission, une dernière chose sur le jugement de la Cour suprême. Deux cent soixante pages, je comprends parfaitement qu'il y ait peu de gens dans cette salle qui l'aient lu! Je crois que le député de Chomedey en est un, j'en suis un, mais – peut-être ne l'avez-vous pas lu – pour ceux qui l'ont lu, il est évident que le contexte dans lequel le député croit qu'il a été fait – parce que je crois que, là-dessus, il est partiellement en erreur, mais c'est un contexte de négociation, je crois, auquel il réfère, honnêtement mais en étant dans l'erreur – ce contexte ne peut plus se présenter.

Le jugement de la Cour suprême est absolument clair. Il dit clairement que le fait que les juges négocient... ils ne peuvent en aucune façon négocier avec le pouvoir exécutif. Comment penser que les juges du Québec se mettraient à négocier avec le pouvoir exécutif quand la Cour suprême l'a dit aussi clairement? Ça, c'est pour les juges, d'une part, parce que, deuxièmement, comment penser aussi que l'exécutif le fera?

Donc, ça, il n'y a aucune espèce de danger. Le contexte dans lequel le député de Chomedey croit être celui où se serait élaborée cette entente... parce que, moi, d'après les informations que j'ai, ce n'est pas dans ce contexte-là qu'elle s'est élaborée. C'est quand on a été voir les juges et qu'on voit ce que l'on peut faire pour participer, comme il dit, à l'effort collectif nécessaire que justifie l'état des finances publiques actuel. Et les juges ont commencé à y penser, puis tout le monde a commencé à penser à comment on peut faire, effectivement, aussi bien et même mieux avec moins. Parce que, dans le domaine de la justice, vous savez, on peut faire beaucoup de choses; plus on nous donne de l'argent, plus on peut en faire, puis des fois on peut en dépenser beaucoup. C'est un peu comme ici, hein! On peut dépenser beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps à faire peu de choses, alors que, si on n'en avait moins, on réussirait à faire les mêmes choses et probablement mieux.

M. Paquin: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le député.

Motion d'ajournement du débat

M. Paquin: ...parce que, depuis un certain moment, on essaie de voir si on pourrait introduire un nouveau principe au projet de loi, ce qui est une alternative qui est évoquée par le député de Chomedey, et donc, ça réfère au règlement 197; l'autre option étant de voir s'il n'y a pas un autre projet de loi qui va couvrir ce volet-là ultérieurement, ce qui est aussi couvert par 197. Alors, je voudrais simplement vous dire que la jurisprudence indique – et notamment, vous l'avez dans le nouveau cahier de jurisprudence, au numéro 197-23 – qu'un amendement ne peut ajouter un nouveau principe. Alors, on discute, dans ce projet de loi, d'un principe qui a été adopté en Chambre, et on ne saurait, en commission, en introduire un nouveau; et, même en Chambre, il n'est pas possible, même à l'intérieur d'une motion, d'ajouter un principe.

Deuxièmement, si ce n'est le cas, l'alternative dans laquelle on se trouve dans la discussion, c'est d'aborder une question ultérieure. Or, dans Beauchesne, on nous donne que non seulement faire allusion à un débat sur un sujet étranger ou souligner l'absence ou la présence d'un député, tout ça, dans le même règlement qu'on applique actuellement, le point d stipule très clairement qu'on ne peut anticiper sur la discussion d'une motion qui doit être étudiée plus tard. Donc, nous sommes dans une situation, à ce moment-ci, M. le Président, où l'alternative qui nous est présentée n'est recevable ni d'un côté ni de l'autre et, en conséquence, nous devons continuer le débat, et je pense que c'est sur une question de confiance mutuelle qu'on doit le faire.

Donc, ou bien on continue la discussion sur l'amendement, ou bien, si le ministre et le critique de l'opposition veulent prendre un temps pour discuter des enjeux qui viennent, sur une base mutuelle, on pourrait faire une pause. Mais le débat qui a cours actuellement, M. le Président, est stérile et n'est pas conforme au libellé et à l'esprit de l'article 197.

M. Mulcair: M. le Président, sur l'intervention du député de Saint-Jean, je propose qu'on arrête, qu'on suspende nos travaux pour quelque temps pour que je puisse discuter avec mon collègue le député de Laval-des-Rapides.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, si vous me permettez, avant de suspendre les travaux et sans empêcher cette proposition-là d'être examinée par les gens, il y a un aspect... Et là, je ne suis pas juriste, mais je vais plutôt faire référence à d'autres connaissances que j'ai qui sont plus de l'ordre de la sociologie. Le problème qu'on pose ce soir au niveau... Bon, d'une part, il y a un jugement; je ne l'ai pas lu de long en large, mais j'ai pris connaissance de certaines parties de ce jugement, et on est carrément dans un dossier où on travaille... et Dieu sait si, en politique, nous travaillons souvent avec des questions de perception.

Mais, lorsqu'on regarde le processus de rémunération de nos juges et lorsqu'on regarde, d'autre part, le nombre dont on a besoin pour bien faire régner la justice au Québec, il m'apparaît – en tout cas, en termes perceptuels, je ne suis pas avocat, je le dis au départ – mais, sur le plan strictement perceptuel, il m'apparaîtrait que ça ressemble à du troc, l'un pour l'autre, que de les mettre ensemble, alors que ça doit être examiné, selon moi, de façon spécifique, chacune.

(22 h 40)

D'une part, des règles et un processus de rémunération qui consacrent, en quelque sorte, un processus d'indépendance du judiciaire par rapport à l'exécutif, ça, c'est une chose; d'autre part, le processus de dotation du nombre de personnes dont nous avons besoin pour remplir ces fonctions-là; de sorte qu'ils ne soient pas, au moins au plan perceptuel, entremêlés, les deux. Je pense que c'est cet aspect-là que je soumets à votre attention et à votre réflexion.

Oui, théoriquement et sur le plan strictement, disons, pratique, je ne pense pas que ce serait une hérésie que de mettre les deux choses ensemble. Mais, sur le plan perceptuel, par exemple, ça peut avoir l'effet contraire à ce qu'on souhaite, justement. En ce sens-là, je pense qu'il faudrait l'examiner avant de procéder à une intégration ou à une modification d'un projet pour tout intégrer ensemble.

M. Mulcair: M. le Président, votre point, en fait, rejoint pas mal celui du député de Saint-Jean. Je ne saurais être plus en accord avec vous, que les deux, à leur face même, paraissent des sujets vraiment différents. Je pense qu'on a réussi tantôt à démontrer la raison pour laquelle on trouvait que, dans le contexte actuel, il était important de s'assurer que ça soit sur le plan d'une loi individuelle, intégrée, ce qui aurait été un premier souhait. Mais, pour des raisons techniques, c'est peut-être mieux d'en avoir un deuxième; on était prêts à proposer à nos amis d'en face de trouver une manière d'aménager ça.

Mais je reviens à ce que je disais tantôt. Le député de Saint-Jean a formulé un souhait. Je pense que, sur le plan technique, il a probablement raison. Ce serait peut-être mieux qu'on suspende quelques instants et que mon collègue le député de Laval-des-Rapides et moi-même, on tente de discuter en dehors du cadre formel de cette commission parlementaire.

M. Paquin: À défaut de s'entendre, on continuera...

M. Mulcair: Sur la motion qui est sur la table.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Sur ce, mesdames, messieurs, nous allons suspendre nos travaux.

(Suspension de la séance à 22 h 42)

(Reprise à 22 h 58)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Nous reprenons nos travaux. M. le ministre.

M. Ménard: Alors, M. le Président, après discussion avec le député de Chomedey, nous allons vous suggérer d'ajourner et de reprendre ce débat-là dès que j'aurai présenté au député de Chomedey le projet de loi sur la commission, concernant la rémunération des juges.

M. Mulcair: Très bien.

Mise aux voix

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, ça convient aux membres de cette commission? Alors, sur ce, mesdames, messieurs, nous allons ajourner nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 22 h 59)


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